(1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — S — Soulary, Joséphin (1815-1891) »
/ 1873
(1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — S — Soulary, Joséphin (1815-1891) »

Soulary, Joséphin (1815-1891)

[Bibliographie]

À travers champs, les Cinq Cordes du luth (1838). — Les Éphémères (1re série, 1846). — Les Éphémères (2e série, 1857). — Sonnets humoristiques (1858). — Les Figulines (1862). — Les Diables bleus (1870). — Pendant l’Invasion (1870). — La Chasse aux mouches d’or (1876). — Les Rimes ironiques (1877). — Un grand homme qui attend, comédie en 2 actes et en vers (1879). — La Lune rousse, comédie en 2 actes, en prose (1879). — Œuvres poétiques (1872-1883). — Promenades autour d’un tiroir (1886).

OPINIONS.

Léon de Wailly

M. Soulary a deux mérites à mes yeux, deux grands mérites, quoique négatifs : il n’est pas éloquent, et il n’est pas abondant. On s’est plaint, jadis, des avocats en politique : et en poésie, donc !… Dieu merci, les vers, chez lui, ne coulent pas de source. Ce qui coule de source, c’est de l’eau claire, et ses vers à lui sont nourris de pensées. Il n’est pas un mot qui n’ait sa valeur, qui, n’ait été soigneusement, curieusement cherché, mais presque toujours heureusement trouvé. M. Soulary est un fin ciseleur ; ce sera le Benvenuto Cellini du sonnet.

[Crépet. — Les Poètes français ().]

Sainte-Beuve

M. Soulary possède à merveille la langue poétique de la Renaissance, et, grâce à l’emploi d’un vocabulaire très large, mais toujours choisi, il a trouvé moyen de dire, en cette gêne du sonnet, tout ce qu’il sent, ce qu’il aime ou ce qu’il n’aime pas, tout ce qui lui passe par le cœur, l’esprit ou l’humeur, son impression de chaque jour, de chaque instant. Le plus souvent, ce sont de petits drames, de petites compositions achevées qui sont parvenues, on ne sait comment, à se loger dans cette fiole à étroite encolure. Il est difficile, dit-on vulgairement, de faire entrer Paris dans une bouteille. Eh bien, ce tour de force, le magicien Soulary l’accomplit, et il vous met en quatorze vers symétriquement contournés et strangulés des mondes de pensées, de passions, et des boutades ; le tout dans une stricte et parfaite mesure. Il a comparé très joliment cette opération difficile de mettre dans un sonnet un peu plus qu’il ne peut tenir, et sans pourtant le faire craquer, à cette difficulté de toilette bien connue des dames et qui consiste à passer une robe juste et collante. Comme Voiture qui fait un rondeau tout en disant qu’il n’en viendra jamais à bout, M. Soulary a fait son sonnet en commençant par dire : Je n’y entrerai pas !

Mais on conçoit pourtant, quand on voit ce travail et cette sueur pour entrer, que jamais les grands poètes de ce temps-ci n’aient fait de sonnets. Ceux de Musset sont irréguliers. Lamartine ni Hugo n’en ont fait d’aucune sorte, Vigny non plus. Les cygnes et les aigles, à vouloir entrer dans cette cage, y auraient cassé leurs ailes.

[Nouveaux lundis ().]

Saint-René Taillandier

Nous n’avons pas affaire à un imitateur de Lamartine ou de Victor Hugo ; rien ne le rattache non plus à l’école gauloise de Béranger, à l’école aristocratique d’Alfred de Vigny, à l’école humaine de Barbier ou de Brizeux. Le seul des maîtres chanteurs de nos jours avec lequel on puisse lui découvrir certaines affinités, c’est l’auteur de Rolla  ; mais que de métamorphoses ils ont subi, ces emprunts involontaires !… Un sonnet ! Oui, cette forme curieuse, bizarre, ce jouet charmant, mais qui n’est qu’un jouet, est le mode préféré, que dis-je ? le mode unique des inspirations de M. Joséphin Soulary. Benvenuto de la rime, il cisèle ses petites coupes dans le bois ou dans la pierre avec une dextérité merveilleuse. Voulez-vous une larme de la rosée du matin dans la coque de noix de Titania ? Aimez-vous mieux une goutte de fine essence, le philtre de l’ivresse, le breuvage de l’oubli, ou bien un peu de ce poison que distillent les joies d’ici-bas ? Voici des aiguières de tout prix : celles-ci sont faites avec les pierres dures que taillent si patiemment les mosaïstes de Florence, celles-là sont de chêne ou d’érable. Voulez-vous des médaillons de jeunes filles, tout un musée de figures, de figurines, de silhouettes ? Le magasin de l’orfèvre est richement pourvu.

[La Revue de Paris ().]

Paul Mariéton

Il est le seul de l’école dite « plastique » qui ne soit jamais tombé dans le convenu… Pour quiconque est las des rêveries fades et malsaines, des étrangetés creuses ou des sonorités romantiques, Soulary sera toujours le prince des sonnettistes et, en tous cas, l’un des plus puissants virtuoses de notre langue poétique.

[La Pléiade lyonnaise ().]