Saint-Aulaire, [François-Joseph de Beaupoil, Marquis de] de l’Académie Françoise, né dans le Limousin, mort à Paris en 1742, âgé de 98 ans.
Il a laissé peu de Poésies. La raison en est simple, il étoit déjà vieux lorsqu’il commença à donner l’essor à sa Muse. A quatre-vingt-dix ans il est rare qu’on fasse de bons Vers : la verve de nos meilleurs Poëtes étoit éteinte bien avant cet âge-là ; celle de nos Poëtes modernes expire plus jeune encore, & néanmoins les Vers de M. de Saint-Aulaire sont remplis de délicatesse, de facilité, & d’agrément. On peut donc le regarder comme une espece de prodige. Nous ne rapporterons pas le joli Im-promptu qu’il fit à Madame la Duchesse du Maine, qui l’appeloit son Apollon & lui demandoit un secret : La Divinité qui s’amuse, &c.
               Anacréon, moins vieux, dit M. de Voltaire, fit de moins jolies choses. Il ajoute : « Si les
                            Grecs avoient eu des Ecrivains tels que nos bons Auteurs, ils auroient
                            été encore plus vivans »
. L’observation n’est pas juste : il falloit
                            dire, que si l’on nous eût conservé toutes les Productions des Grecs
                            célebres, le nombre de leurs Ecrivains ne le céderoit certainement pas
                            au nombre des nôtres. Quel Recueil que celui des Poésies de Sapho, d’Alcée, d’Archiloque, d’Epiménide, de Mimnerme, d’Hipponax, de Lasus, de Corinne, de Théognis, de Sophron, d'Empedocle, de Bacchilidès, de Ménandre, de Méléagre, & de mille
                            autres, dont il ne nous reste que des fragmens ! Que deviendroient,
                            auprès de toutes ces richesses, les Productions des 
Marmontel, des Delaharpe, des Lemiere, des du
                                Rosoi, & de tous les Illustres, présentés par lambeaux dans
                                l’Almanach des Muses !