Villon, [François Cordeuil, surnommé] né à Paris en 1431.
Héros de la Poésie Françoise de son temps, il a les plus singulieres
                            conformités avec le Héros de notre Poésie actuelle. 
Même nom de baptême, nom également substitué à son
                            vrai nom de famille ; il a fait, comme lui, époque* dans notre Littérature ; l’un & l’autre
                            sont nés avec beaucoup d’esprit & de talent ; l’un &
                            l’autre ont ambitionné la Monarchie Littéraire, & la manie de
                            dominer leur a également suscité une foule d’ennemis ; tous deux
                            ont habité successivement l’Angleterre, la Hollande, l’Allemagne &
                            la Suisse ; tous deux ont été fêtés à la Cour des Rois, & tous
                            deux, par la suite des événemens, ont été forcés de vivre loin de leur
                            patrie. Nous ne suivrons pas davantage ce parallele. Venons à ce que M.
                            l’Abbé Goujet dit de Villon dans sa
                            Bibliotheque Françoise. « En plusieurs endroits de ses Ouvrages,
                                il est moins agréable que bouffon. Ses plaisanteries & sa gaieté
                                sont plus 
libres que la sagesse &
                                l’honnêteté ne le comportent, & souvent ses Vers décelent la
                                bassesse de ses inclinations, aussi bien que le déréglement de ses
                                mœurs ».
 Ne peut-on pas, d’après les autres détails de sa
                            vie, ajouter encore pour l’instruction des jeunes Poëtes, & les
                            prémunir contre les écarts de leur imagination, que Villon ne respecta dans ses Ecrits ni la Religion, ni le
                            Gouvernement, ni les personnes ; qu’il se permit sans honte les
                            injures les plus grossieres & les libelles les plus dangereux ;
                            qu’il avilit ses heureuses dispositions, & particuliérement le
                            talent de la plaisanterie, en se jouant de tout dans ses Vers, &
                            même de son honneur ; qu’enfin ces excès, après lui avoir ravi le
                            repos pendant sa vie, ont entiérement éclipsé sa gloire dans la
                            postérité ?
Nous ne parlerons pas des autres vices qui ont déshonoré sa conduite. On sait qu’après avoir épuisé l’indulgence de Louis XI, perdu les bonnes graces d’Edouard V, Roi d’Angleterre, il mourut en pays étranger, accablé de chagrins, déchiré de remords, & détesté de tous les honnêtes gens.
Nous lui donnons place dans cet Ouvrage, non parce qu’on nous a reproché de l’avoir omis [reproche très-mal fondé, puisqu’il est antérieur à François I.ABCD], mais parce qu’un caractere aussi étrange nous a paru propre à faite naître des réflexions, à effrayer par l’exemple, & à détacher de toute célébrité qui ne seroit pas fondée sur la raison, l’honnêteté & la vertu.