(1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Notes et éclaircissements. [Œuvres complètes, tome XII] »
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(1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Notes et éclaircissements. [Œuvres complètes, tome XII] »

Notes et éclaircissements. [Œuvres complètes, tome XII]

Note A, page 38. [IIe partie, liv. I, chap. 5]

« Les véritables philosophes n’auraient pas prétendu, comme l’auteur du Système de la Nature, que le jésuite Needham eût créé des anguilles, et que Dieu n’avait pu créer l’homme. Needham ne leur aurait pas paru philosophe, et l’auteur du Système de la Nature n’eût été regardé que comme un discoureur par l’empereur Marc-Aurèle. »

(Quest. encycl., tom. VI, art. Philosoph.)

Dans un autre endroit, combattant les athées, il dit, à propos des Sauvages qu’on croyait sans Dieu :

« Mais on peut insister, on peut dire : Ils vivent en société, et ils sont sans Dieu ; donc on peut vivre en société sans religion.

 » En ce cas, je répondrai que les loups vivent ainsi, et que ce n’est pas une société qu’un assemblage de barbares anthropophages, tels que vous les supposez : et je vous demanderai toujours si, quand vous avez prêté votre argent à quelqu’un de votre société, vous voudriez que ni votre débiteur, ni votre procureur, ni votre notaire, ni votre juge, ne crussent en Dieu ? »

(Ib., tom. II, art. Ath.)

Tout cet article sur l’athéisme mérite d’être par couru. En poétique, Voltaire montre le même mépris de toutes ces vaines théories qui troublent le monde. « Je n’aime pas le gouvernement de la canaille », répète-t-il en cent endroits. (Voyez les Lettres au roi de Prusse.) Ses plaisanteries sur les républiques populacières, son indignation contre les excès des peuples, tout enfin dans ses ouvrages prouve qu’il haïssait de bonne foi les charlatans de la philosophie.

C’est ici le lieu de mettre sous les yeux du lecteur un certain nombre de passages tirés de la correspondance de Voltaire, qui prouvent que je n’ai pas trop hasardé, lorsque j’ai dit qu’il haïssait secrètement les sophistes. Du moins l’on sera forcé de conclure (si on n’est pas convaincu) que, Voltaire ayant soutenu éternellement le pour et le contre, et varié sans cesse dans ses sentiments, son opinion en morale, en philosophie, et en religion, doit être comptée pour peu de chose.

Année 1766.

« Contre les philosophes et le philosophisme. Je n’ai rien de commun avec les philosophes modernes, que cette horreur pour le fanatisme intolérant. »

(Corresp. gén., tom. X, pag. 337.)

Année 1741.

« La supériorité qu’une physique sèche et abstraite a usurpée sur les belles-lettres commence à m’indigner. Nous avions, il y a cinquante ans, de bien plus grands hommes en physique et en géométrie qu’aujourd’hui, et à peine parlait-on d’eux. Les choses ont bien changé. J’ai aimé la physique tant qu’elle n’a point voulu dominer sur la poésie ; à présent qu’elle a écrasé tous les arts, je ne veux plus la regarder que comme un tyran de mauvaise compagnie. Je viendrai à Paris faire abjuration entre vos mains. Je ne veux plus d’autre étude que celle qui peut rendre la société plus agréable, et le déclin de la vie plus doux. On ne saurait parler physique un quart d’heure et s’entendre. On peut parler poésie, musique, histoire, littérature, tout le long du jour, etc. »

(Correspondance gén., tom. III, pag. 170.)

« Les mathématiques sont fort belles ; mais, hors une vingtaine de théorèmes utiles pour la mécanique et l’astronomie, le reste n’est qu’une curiosité fatigante. »

(Tom. IX, pag. 484.)

À Damilaville .

« J’entends par peuple la populace, qui n’a que ses bras pour vivre. Je doute que cet ordre de citoyens ait jamais le temps ni la capacité de s’instruire ; ils mourraient de faim avant de devenir philosophes. Il me paraît essentiel qu’il y ait des gueux ignorants. Si vous faisiez valoir comme moi une terre, et si vous aviez des charrues, vous seriez bien de mon avis. »

(Tom. X, pag. 396.)

 » J’ai lu quelque chose d’une antiquité dévoilée, ou plutôt très voilée. L’auteur commence par le déluge, et finit toujours par le chaos : j’aime mieux, mon cher confrère, un seul de vos contes que tout ce fatras.

(Tom. X, pag. 409.)

Année 1766.

« Je serais très fâché de l’avoir fait (le Christianisme dévoilé), non seulement comme académicien, mais comme philosophe, et encore plus comme citoyen. Il est entièrement opposé à mes principes. Ce livre conduit à l’athéisme, que je déteste. J’ai toujours regardé l’athéisme comme le plus grand égarement de la raison, parce qu’il est aussi ridicule de dire que l’arrangement du monde ne prouve pas un artisan suprême, qu’il serait impertinent de dire qu’une horloge ne prouve pas un horloger.

 » Je ne réprouve pas moins ce livre comme citoyen : l’auteur paraît trop ennemi des puissances. Des hommes qui penseraient comme lui ne formeraient qu’une anarchie.

 » Ma coutume est d’écrire sur la marge de mes livres ce que je pense d’eux : vous verrez, quand vous daignerez venir à Ferney, les marges du Christianisme dévoilé chargées de remarques, qui prouvent que l’auteur s’est trompé sur les faits les plus essentiels. »

(Correspondance gén., tom. XI, pag. 143.)

Année 1762. À Damilaville .

« Les frères doivent toujours respecter la morale et le trône. La morale est trop blessée dans le livre d’Helvétius, et le trône est trop peu respecté dans le livre qui lui est dédié. (Le despotisme oriental.)

» Il dit plus haut, en parlant de ce même ouvrage : On dira que l’auteur veut qu’on ne soit gouverné ni par Dieu, ni par les hommes.

(Tom. VIII, pag. 148.)

Année 1768. À M. de Villevieille .

« Mon cher marquis, il n’y a rien de bon dans l’athéisme. Ce système est fort mauvais dans le physique et dans le moral. Un honnête homme peut fort bien s’élever contre la superstition et contre le fanatisme ; il peut détester la persécution ; il rend service au genre humain s’il répand les principes de la tolérance : mais quel service peut-il rendre s’il répand l’athéisme ? Les hommes en seront-ils plus vertueux, pour ne pas reconnaître un Dieu qui ordonne la vertu ? Non, sans doute. Je veux que les princes et leurs ministres en reconnaissent un, et même un Dieu qui punisse et qui pardonne. Sans ce frein, je les regarderai comme des animaux féroces qui, à la vérité, ne me mangeront pas quand ils sortiront d’un long repas, et qu’ils digéreront doucement sur un canapé avec leurs maîtresses, mais qui certainement me mangeront, s’ils me rencontrent sous leurs griffes quand ils auront faim, et qui, après m’avoir mangé, ne croiront pas seulement avoir fait une mauvaise action. »

(Tom. XII, pag. 349)

Année 1749.

« Je ne suis point du tout de l’avis de Sanderson, qui nie un Dieu, parce qu’il est né aveugle. Je me trompe peut-être ; mais j’aurais, à sa place, reconnu un être très intelligent, qui m’aurait donné tant de suppléments de la vue ; et, en apercevant, par la pensée, des rapports infinis dans toutes les choses, j’aurais soupçonné un ouvrier infiniment habile. Il est fort impertinent de deviner qui il est et pourquoi il a fait tout ce qui existe ; mais il me paraît bien hardi de nier qu’il est. »

(Corresp. gén., tom. IV, pag. 14.)

Année 1753.

« Il me paraît absurde de faire dépendre l’existence de Dieu d’a plus b, divisé par z.

» Où en serait le genre humain, s’il fallait étudier la dynamique et l’astronomie pour connaître l’Être-Suprême ? Celui qui nous a créés tous doit être manifesté à tous, et les preuves les plus communes sont les meilleures, par la raison qu’elles sont les plus communes ; il ne faut que des yeux et point d’algèbre pour voir le jour. »

(Corresp. gén., tom. IV, pag. 463.)

« Mille principes se dérobent à nos recherches, parce que tous les secrets du Créateur ne sont pas faits pour nous. On a imaginé que la nature agit toujours par le chemin le plus court, qu’elle emploie le moins de force et la plus grande économie possible : mais que répondraient les partisans de cette opinion, à ceux qui leur feraient voir que nos bras exercent une force de près de cinquante livres pour lever un poids d’une seule livre ; que le cœur en exerce une immense pour exprimer une goutte de sang ; qu’une carpe fait des milliers d’œufs pour produire une ou deux carpes ; qu’un chêne donne un nombre innombrable de glands, qui souvent ne font pas naître un seul chêne ? Je crois toujours, comme je vous le mandais il y a longtemps, qu’il y a plus de profusion que d’économie dans la nature. »

(Tom. IV, pag. 463.)

Note B, page 42. [IIe partie, liv. II, chap. 1]

Comme la philosophie du jour loue précisément le polythéisme d’avoir fait cette séparation, et blâme le christianisme d’avoir uni les forces morales aux forces religieuses, je ne croyais pas que cette proposition pût être attaquée. Cependant un homme de beaucoup d’esprit et de goût, et à qui l’on doit toute déférence, a paru douter de l’assertion. Il m’a objecté la personnification des êtres moraux, comme la sagesse dans Minerve, etc.

Il me semble, sauf erreur, que les personniſications ne prouvent pas que la morale fût unie à la religion dans le polythéisme. Sans doute en adorant tous les vices divinisés, on adorait aussi les vertus ; mais le prêtre enseignait-il la morale dans les temples et chez les pauvres ? Son ministère consistait-il à consoler les malheureux par l’espoir d’une autre vie, à inviter le pauvre à la vertu, le riche à la charité ? Que s’il y avait quelque morale attachée au culte de la déesse de la Justice, de la Sagesse, cette morale n’était-elle pas presque absolument détruite, et surtout pour le peuple, par le culte des plus infâmes divinités ? Tout ce qu’on pourrait dire, c’est qu’il y avait quelques sentences gravées sur le frontispice et sur les murs des temples, et qu’en général le prêtre et le législateur recommandaient au peuple la crainte des dieux. Mais cela ne suffit pas pour prouver que la profession de la morale fût essentiellement liée au polythéisme, quand tout démontre au contraire qu’elle en était séparée.

Les moralités qu’on trouve dans Homère sont presque toujours indépendantes de l’action céleste ; c’est une simple réflexion que le poète fait sur l’événement qu’il raconte, ou la catastrophe qu’il décrit. S’il personnifie les remords, la colère divine, etc., s’il peint le coupable au Tartare et le juste aux Champs-Élysées, ce sont sans doute de belles fictions, mais qui ne constituent pas un code moral attaché au polythéisme comme l’Évangile l’est à la religion chrétienne. Ôtez l’Évangile à Jésus-Christ, et le christianisme n’existe plus ; enlevez aux anciens l’allégorie de Minerve, de Thémis, de Némésis, et le polythéisme existe encore. Il est certain, d’ailleurs, qu’un culte qui n’admet qu’un seul Dieu doit s’unir étroitement à la morale, parce qu’il est uni à la vérité, tandis qu’un culte qui reconnaît la pluralité des dieux, s’écarte nécessairement de la morale, en se rapprochant de l’erreur.

Quant à ceux qui font un crime au christianisme d’avoir ajouté la force morale à la force religieuse, ils trouveront ma réponse dans le dernier chapitre de cet ouvrage, où je montre qu’au défaut de l’esclavage antique, les peuples modernes doivent avoir un frein puissant dans leur religion.

Note C, page 142. [IIe partie, liv. III, chap. 6]

Voici quelques fragments que nous avons retenus de mémoire, et qui semblent être échappés à un poète grec, tant ils sont pleins du goût de l’antiquité.

Accours, jeune Chromis, je t’aime, et je suis belle,
Blanche comme Diane, et légère comme elle,
Comme elle grande et fière ; et les bergers, le soir,
Lorsque, les yeux baissés, je passe sans les voir,
Doutent si je me suis qu’une simple mortelle,.
Et, me suivant des yeux, disent : Comme elle est belle !
Néère, ne va point te confier aux flots,
De peur d’être déesse, et que les matelots
N’invoquent, au milieu de la tourmente amère,
La blanche Galatée et la blanche Néère.

Une autre idylle, intitulée le Malade, trop longue pour être citée, est pleine des beautés les plus touchantes. Le fragment qui suit est d’un genre différent, par la mélancolie dont il est empreint : on dirait que André Chénier, en le composant, avait un pressentiment de sa destinée.

Souvent las d’être esclave et de boire la lie,
De ce calice amer que l’on nomme la vie ;
Las du mépris des sots qui suit la pauvreté,
Je regarde la tombe, asile souhaité ;
Je souris à la mort volontaire et prochaine ;
Je me prie, en pleurant, d’oser rompre ma chaîne.
Le fer libérateur, qui perceroit mon sein,
Déjà frappe mes yeux et frémit sous ma main,
……………………………………………………
Et puis mon cœur s’écoute et s’ouvre à la faiblesse,
Mes parents, mes amis ; l’avenir, ma jeunesse,
Mes écrits imparfaits ; car à ses propres yeux.
L’homme sait se cacher d’un voile spécieux.
À quelque noir destin qu’elle soit asservie,
D’une étreinte invincible il embrasse la vie,
Et va chercher bien loin, plutôt que de mourir,
Quelque prétexte ami pour vivre et pour souffrir.
Il a souffert, il souffre : aveugle d’espérance,
Il se traîne au tombeau de souffrance en souffrance ;
Et la mort, de nos maux ce remède si doux,
Lui semble un nouveau mal, le plus cruel de tous.

Les écrits de ce jeune homme, ses connaissances variées, son courage, sa noble proposition à M. de Malesherbes, ses malheurs et sa mort, tout sert à répandre le plus vif intérêt sur sa mémoire. Il est remarquable que la France a perdu, sur la fin du dernier siècle, trois beaux talents à leur aurore : Malfilâtre, Gilbert et André Chénier ; les deux premiers sont morts de misère, le troisième a péri sur l’échafaud.

Note D, page 166. [IIe partie, liv. IV, chap. 1]

Nous ne voulons qu’éclaircir ce mot descriptif, afin qu’on ne l’interprète pas dans un sens différent de celui que nous lui donnons. Quelques personnes ont été choquées de notre assertion, faute d’avoir bien compris ce que nous voulions dire. Certainement les poètes de l’antiquité ont des morceaux descriptifs ; il serait absurde de le nier, surtout si l’on donne la plus grande extension à l’expression, et qu’on entende par là des descriptions de vêtements, de repas, d’armées, de cérémonies, etc. etc. ; mais ce genre de description est totalement différent du nôtre ; en général, les anciens ont peint les mœurs, nous peignons les choses : Virgile décrit la maison rustique, Théocrite les bergers, et Thomson les bois et les déserts. Quand les Grecs et les Latins ont dit quelques mots d’un paysage, ce n’a jamais été que pour y placer des personnages et faire rapidement un fond de tableau ; mais ils n’ont jamais représenté nuement, comme nous, les fleuves, les montagnes et les forêts : c’est tout ce que nous prétendons dire ici. Peut-être objectera-t-on que les anciens avaient raison de regarder la poésie descriptive comme l’objet accessoire, et non comme l’objet principal du tableau ; je le pense aussi, et l’on a fait de nos jours un étrange abus du genre descriptif ; mais il n’en est pas moins vrai que c’est un moyen de plus entre nos mains, et qu’il a étendu la sphère des images poétiques, sans nous priver de la peinture des mœurs et des passions, telle qu’elle existait pour les anciens.

Note E, page 176. [IIe partie, liv. IV, chap. 2]

Poésies sanskrites. Sacontala.

Écoutez, ô vous arbres de cette forêt sacrée ! écoutez, et pleurez le départ de Sacontala pour le palais de l’époux ! Sacontala, celle qui ne buvait point l’onde pure avant d’avoir arrosé vos tiges ; celle qui, par tendresse pour vous, ne détacha jamais une seule feuille de votre aimable verdure, quoique ses beaux cheveux en demandassent une guirlande ; celle qui mettait le plus grand de tous ses plaisirs dans cette saison qui entremêle de fleurs vos flexibles rameaux !

Chœur des Nymphes des bois .

Puissent toutes les prospérités accompagner ses pas ! puissent les brises légères disperser, pour ses délices, la poussière odorante des fleurs ! puissent les lacs d’une eau claire et verdoyante sous les feuilles du lotos, la rafraîchir dans sa marche ! puissent de doux ombrages. la défendre des rayons brûlants du soleil !

(Robertson’s Indie.)

Poésie erse.
Chant des bardes ; First Bard.

Night is dull and dark ; the clouds rest on the hills ; no star with green trembling beam : no moon looks from the sky. I hear the blast in the wood ; but I hear it distant far. The stream of the valley murmurs, but its murmur is sullen and sad. From the tree at the grave of the dead, the long-howling owl is heard. I see a dim form on the plain ! It is a ghost ! It fades, it flies. Some funeral shall pass this way. The meteor marks the path.

The distant dog is howling from the hut of the hill ; the stag lies on the mountain moss : the hind is at his side. She hears the wind in his branchy horns. She starts, but lies again.

The roe is in the clift of the rock. The heathcock’s head is beneath his wing. No beast, no bird is abroad, but the owl and the howling fox. She on a leaſless tree, he in a cloud on the hill.

Dark, panting, trembling, sad, the traveller has lost his way. Through shrubs, through thorns, he goes, along the gurgling rill ; he fears the rocks and the fen. He fears the ghost of night. The old tree groans to the blast. The falling branch resounds. The wind drives the withered burs, clung together, along the grass. It is the light tread of a ghost ! he trembles amidst the night.

Dark, dusky, howling is night, cloudy, windy and full of ghosts ! the dead are abroad ! my friends, receive me from the night.

(Ossian.)

Note F, page 208. [IIe partie, liv. IV, chap. 9]

IMITATION DE VOLTAIRE.

« Toi sur qui mon tyran prodigue ses bienfaits,
Soleil ! astre de feu, jour heureux que je hais,
Jour qui fais mon supplice, et dont mes yeux s’étonnent,
Toi qui sembles le dieu des cieux qui t’environnent,
Devant qui tout éclat disparoît et s’enfuit,
Qui fais pâlir le front des astres de la nuit ;
Image du Très-Haut qui régla ta carrière,
Hélas ! j’eusse autrefois éclipsé ta lumière !
Sur la voûte des cieux élevé plus que toi,
Le trône où tu t’assieds s’abaissoit devant moi ;
Je suis tombé : l’orgueil m’a plongé dans l’abîme.
Hélas ! je fus ingrat, c’est là mon plus grand crime.
J’osai me révolter contre mon Créateur :
C’est peu de me créer, il fut mon bienfaiteur.
Il m’aimoit ; j’ai forcé sa justice éternelle
D’appesantir son bras sur ma tête rebelle :
Je l’ai rendu barbare en sa sévérité ;
Il punit à jamais, et je l’ai mérité.
Mais si le repentir pouvoit obtenir grâce !…
Non, rien ne fléchira ma haine et mon audace ;
Non, je déteste un maître, et sans doute il vaut mieux
Régner dans les enfers qu’obéir dans les cieux. »

Note G, page 236. [IIe partie, liv. IV, chap. 15]

Le Dante a répandu quelques beaux traits dans son Purgatoire ; mais son imagination, si féconde dans les tourments de l’Enfer, n’a plus la même abondance quand il faut peindre des peines mêlées de quelques joies. Cependant cette aurore qu’il trouve au sortir du Tartare, cette lumière qu’il voit passer rapidement sur la mer, ont du vague et de la fraîcheur.

Dolce color d’oriental zafiro
Che s’accoglieva mel sereno aspetto
De l’aer puro infin’ al primo gero.

A gli occhi miei ricominciò diletto
Tosto che ai uscir fuor de l’aura morta ;
Che m’havea contristati gli occhi e’l petto.

Lo bel pianeta, ch’al amar conforte,
Faceva tutto rider l’oriente
Velando i pesci, ch’erano in sua scorta.

Mi vols’a man destra ; et posi mente
A l’altro polo, et vidi quattro stelle
Non viste mai fuor ch’a la prima gente.

Goder pareva’l ciel di lor fiammelle,
O settentrional vedovo sito,
Poi che privato se di mirar quelle.

Com’i de loro sguardo fui partito
Un poco me volgendo a l’altro polo
Là, onde’l carro gia era sparito.

Vidi presso di me un veglio solo
Degno di tanta reverentia in vista ;
Che piu non dee a prade alcun figliuolo.

Lunga la barba, et di pel bianco mista
Portava a suoi capeli simigliante,
De’ quai cadeva al petto doppia lista.

Li Raggi de le quatre luci sante
Fregiavan si la sua faccia di lume ;
Ch’io’l vedea come’l sol fosse davante.

……………………………………………
……………………………………………
……………………………………………

Venimmo poi in sublito diserto :
Che mai non vide navicar su acque
Huom, che di ritornar sie poscia esperto.

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……………………………………………
……………………………………………

Gia era’ sole a l’orizonte giunto.
Il cu’ meridian cerchio coverchia
Gierusalem col su’ piu alto punto ;

Et la notte, ch’ opposit’ e lui cerchia,
Uscia di Gange fuor con le biluance,
Che la caggion di man, quando soverchia ;

Si che le bianche et le vermiglie guance
Là, dov’t era, de la bell’ aurora
Per troppa etate divenivan rance.

Noi eravam lungh’ esso’l mare ancora,
Come gente, ch’ aspetta su camino ;
Che va col cuor, et col corpo dimora :

Et ecco, qual sul presso del mattino
Per li grossi vapor morte rosseggia
Giu nel ponente sovra’l suol marino :

Cotal m’apparue, sancor lo veggia,
Un lume per lo mar venir si ratto
Ch’ el muover su nessun volar parreggia ;

Del qual com’i un poco hebbi ritratto
L’occhio, per dimandar lo Duca mio,
Rividi’l piu lucente et maggior fatto.
Purgatorio di Danto, canto i et ii.

Note H, page 251. [IIe partie, liv. V, chap. 2]

Fragment du sermon de Bossuet sur le bonheur du ciel.

Si l’apôtre saint Paul a dit214 que les fidèles sont un spectacle au monde, aux anges et aux hommes, nous pouvons encore ajouter qu’ils sont un spectacle à Dieu même. Nous apprenons de Moïse que ce grand et sage architecte, diligent contemplateur de son propre ouvrage, à mesure qu’il bâtissait ce bel édifice du monde, en admirait toutes les parties215 : Vidit Deus lucem quod esset bona : « Dieu vit que la lumière était bonne » : qu’en ayant composé le tout, parce qu’en effet la beauté de l’architecture paraît dans le tout, et dans l’assemblage plus encore que dans les parties détachées, il avait encore enchéri et l’avait trouvé parfaitement beau216. Et erant valdè bona : et enfin, qu’il s’était contenté lui-même en considérant dans ses créatures les traits de sa sagesse et l’effusion de sa bonté. Mais comme le juste et l’homme de bien est le miracle de sa grâce et le chef-d’œuvre de sa main puissante, il est aussi le spectacle le plus agréable à ses yeux217 : Oculi Domini super justos : « Les yeux de Dieu, dit le saint psalmiste, sont attachés sur les justes », non seulement parce qu’il veille sur eux pour les protéger, mais encore parce qu’il aime à les regarder du plus haut des cieux comme le plus cher objet de ses complaisances218. « N’avez-vous point vu, dit-il, mon serviteur Job, comme il est droit et juste, et craignant Dieu, comme il évite le mal avec soin, et n’a point son semblable sur la terre ? »

Que le soldat est heureux qui combat ainsi sous les yeux de son capitaine et de son roi, à qui sa valeur invincible prépare un si beau spectacle ! Que si les justes sont le spectacle de Dieu, il veut aussi à son tour être leur spectacle : comme il se plaît à les voir, il veut aussi qu’ils le voient : il les ravit par la claire vue de son éternelle beauté, et leur montre à découvert sa vérité même dans une lumière si pure qu’elle dissipe toutes les ténèbres et tous les nuages.

………………………………………………………………………………………………

Mais, mes frères, ce n’est pas à moi de publier ces merveilles, pendant que le Saint-Esprit nous représente si vivement la joie triomphante de la céleste Jérusalem par la bouche du prophète Isaïe. « Je créerai, dit le Seigneur, un nouveau ciel et une nouvelle terre, et toutes les angoisses seront oubliées, et ne reviendront jamais : mais vous vous réjouirez, et votre âme nagera dans la joie durant toute l’éternité dans les choses que je crée pour votre bonheur : car je ferai que Jérusalem sera toute transportée d’allégresse, et que son peuple sera dans le ravissement : et moi-même je me réjouirai en Jérusalem, et je triompherai de joie dans la félicité de mon peuple219. »

Voilà de quelle manière le Saint-Esprit nous représente les joies de ses enfants bienheureux. Puis, se tournant à ceux qui sont sur la terre, à l’Église militante, il les invite ; en ces termes, à prendre part aux transports de la sainte et triomphante Jérusalem. « Réjouissez-vous, dit-il avec elle, ô vous qui l’aimez !, réjouissez-vous avec elle d’une grande joie, et sucez avec elle par une foi vive la mamelle de ses consolations divines, afin que vous abondiez en délices spirituelles, parce que le Seigneur a dit : Je ferai couler sur elle un fleuve de paix ; et ce torrent se débordera avec abondance : toutes les nations de la terre y auront part ; et avec la même tendresse qu’une mère caresse son enfant, ainsi je vous consolerai, dit le Seigneur220. »

Quel cœur serait insensible à ses divines tendresses ? Aspirons à ces joies célestes, qui seront d’autant plus touchantes qu’elles seront accompagnées d’un parfait repos, parce que nous ne les pourrons jamais perdre.

(Sermons de Bossuet, tom. III.)

Note I, page 262. [IIe partie, liv. V, chap. 2]

On sera bien aise de trouver ici le beau morceau de Bossuet sur saint Paul…

« Afin que vous compreniez quel est donc ce prédicateur, destiné par la Providence pour confondre la sagesse humaine, écoutez la description que j’en ai tirée de lui-même dans la première épître aux Corinthiens.

» Trois choses contribuent ordinairement à rendre un orateur agréable et efficace : la personne de celui qui parle, la beauté des choses qu’il traite, la manière ingénieuse dont il les explique : et la raison en est évidente ; car l’estime de l’orateur prépare une attention favorable, les belles choses nourrissent l’esprit, et l’adresse de les expliquer d’une manière qui plaise, les fait doucement entrer dans le cœur ; mais de la manière que se représente le prédicateur dont je parle, il est bien aisé de juger qu’il n’a aucun de ces avantages.

» Et premièrement, chrétiens, si vous regardez son extérieur, il avoue lui-même que sa mine n’est pas relevée221 : Præsentia corporis infirma ; et si vous considérez sa condition, il est méprisable, et réduit à gagner sa vie par l’exercice d’un art mécanique. De là vient qu’il dit aux Corinthiens : « J’ai été au milieu de vous avec beaucoup de crainte et d’infirmité222 » ; d’où il est aisé de comprendre combien sa personne était méprisable. Chrétiens, quel prédicateur pour convertir tant de nations !

» Mais peut-être que sa doctrine sera si plausible et si belle, qu’elle donnera du crédit à cet homme si méprisé. Non, il n’en est pas de la sorte : « Il ne sait, dit-il, autre chose que son maître crucifié223 : Non judicavi me scire aliquid inter vos, nisi Jesum Christum, et hunc crucifixum, c’est-à-dire qu’il ne sait rien que ce qui choque, que ce qui scandalise, que ce qui paraît folie et extravagance. Comment donc peut-il espérer que ses auditeurs soient persuadés ? Mais, grand Paul ! si la doctrine que vous annoncez est si étrange et si difficile, cherchez du moins des termes polis, couvrez des fleurs de la rhétorique cette face hideuse de votre Évangile, et adoucissez son austérité par les charmes de votre éloquence. À Dieu ne plaise, répond ce grand homme, que je mêle la sagesse humaine à la sagesse du Fils de Dieu ; c’est la volonté de mon maître, que mes paroles ne soient pas moins rudes, que ma doctrine paraît incroyable224 : Non in persuasibilibus humanæ sapientiæ verbis… Saint Paul rejette tous les artifices de la rhétorique. Son discours, bien loin de couler avec cette douceur agréable, avec cette égalité tempérée que nous admirons dans les orateurs, paraît inégal et sans suite à ceux qui ne l’ont pas assez pénétré ; et les délicats de la terre, qui ont, disent-ils, les oreilles fines, sont offensés de la dureté de son style irrégulier. Mais, mes frères, n’en rougissons pas. Le discours de l’Apôtre est simple, mais ses pensées sont toutes divines. S’il ignore la rhétorique, s’il méprise la philosophie, Jésus-Christ lui tient lieu de tout ; et son nom, qu’il a toujours à la bouche, ses mystères, qu’il traite si divinement, rendront sa simplicité toute-puissante. Il ira, cet ignorant dans l’art de bien dire, avec cette locution rude, avec cette phrase qui sent l’étranger, il ira en cette Grèce polie, la mère des philosophes et des orateurs ; et, malgré la résistance du monde, il y établira plus d’églises que Platon n’y a gagné de disciples par cette éloquence qu’on a crue divine. Il prêchera Jésus dans Athènes, et le plus savant de ses sénateurs passera de l’Aréopage en l’école de ce barbare. Il poussera encore plus loin ses conquêtes, il abattra aux pieds du Sauveur la majesté des faisceaux romains en la personne d’un proconsul, et il fera trembler dans leurs tribunaux les juges devant lesquels on le cite. Rome même entendra sa voix ; et un jour cette ville maîtresse se tiendra bien plus honorée d’une lettre du style de Paul adressée à ses citoyens, que de tant de fameuses harangues qu’elle a entendues de son Cicéron.

» Et d’où vient cela, chrétiens ? c’est que Paul a des moyens pour persuader, que la Grèce n’enseigne pas, et que Rome n’a pas appris. Une puissance surnaturelle, qui se plaît de relever ce que les superbes méprisent, s’est répandue et mêlée dans l’auguste simplicité de ses paroles. De là vient que nous admirons dans ses admirables épîtres une certaine vertu plus qu’humaine, qui persuade contre les règles, ou plutôt qui ne persuade pas tant qu’elle captive les entendements, qui ne flatte pas les oreilles, mais qui porte ses coups droit au cœur. De même qu’on voit un grand fleuve qui retient encore, coulant dans la plaine, cette force violente et impétueuse qu’il avait acquise aux montagnes d’où il tire son origine ; ainsi cette vertu céleste, qui est contenue dans les écrits de saint Paul, même dans cette simplicité de style, conserve toute la vigueur qu’elle apporte du ciel, d’où elle descend.

» C’est par cette vertu divine que la simplicité de l’Apôtre a assujetti toutes choses. Elle a renversé les idoles, établi à la croix de Jésus, persuadé à un million d’hommes de mourir pour en défendre la gloire : enfin, dans ses admirables épîtres elle a expliqué de si grands secrets, qu’on a vu les plus sublimes esprits, après s’être exercés longtemps dans les plus hautes spéculations où pouvait aller la philosophie, descendre de cette vaine hauteur où ils se croyaient élevés, pour apprendre à bégayer humblement dans l’école de Jésus-Christ, sous la discipline de Paul… »

Note K, page 310. [IIIe partie, liv. 1, chap. 4]

Voici le catalogue de Pline :

Peintres des trois grandes Écoles, Ionique, Sicyonienne et Attique.

Polygnote de Thasos peignit un guerrier avec son bouclier. Il peignit, de plus, le temple de Delphes, et le portique d’Athènes, en concurrence avec Mylon.

Apollodore d’Athènes. Un Prêtre en adoration. Ajax tout enflammé des feux de la foudre.

Zeuxis. Une Alcmène. Un dieu Pan. Une Pénélope. Un Jupiter assis sur son trône, et entouré des Dieux, qui sont debout. Hercule enfant, étouffant deux serpents, en présence d’Amphitryon et d’Alcmène qui pâlit d’effroi. Junon Sacinienne. Le Tableau des raisins. Une Hélène et un Marsyas.

Parrhasius. Le Rideau. Le Peuple d’Athènes personnifié. Le Thésée. Méléagre. Hercule et Persée. Le Grand-Prêtre de Cybèle. Une Nourrice crétoise avec son enfant. Un Philoctète. Un dieu Bacchus. Deux Enfants accompagnés de la Vertu. Un Pontife assisté d’un jeune garçon qui tient une boîte d’encens, et qui a une couronne de fleurs sur la tête. Un Coureur armé, courant dans la lice. Un autre Coureur armé, déposant ses armes à la fin de la course. Un Énée. Un Achille. Un Agamemnon. Un Ulysse. Un Ajax disputant à Ulysse l’armure d’Achille.

Timanthe. Sacrifice d’Iphigénie. Polyphème endormi, dont de petits Satyres mesurent le pouce avec un thyrse.

Pamphyle. Un Combat devant la ville de Phlius. Une Victoire des Athéniens. Ulysse dans son vaisseau.

Échion. Un Bacchus. La Tragédie et la Comédie personnifiées. Une Sémiramis. Une Vieille qui porte deux lampes devant une nouvelle mariée.

Apelles. Campaspe nue, sous les traits de Vénus Anadyomène. Le roi Antigone. Alexandre tenant un foudre. La Pompe de Mégabyse, pontife de Diane. Clitus partant pour la guerre, et prenant son casque des mains de son écuyer. Un Habron, ou homme efféminé. Un Ménandre, roi de Carie. Un Ancée. Un Gorgosthein le tragédien. Les Dioscures. Alexandre et la Victoire. Bellone enchaînée au char d’Alexandre. Un Héros nu. Un Cheval. Un Néoptolème combattant à cheval contre les Perses. Archéloüs avec sa femme et sa fille. Antigonus armé. Diane dansant avec de jeunes filles. Les trois tableaux connus sous le nom de l’Éclair, du Tonnerre et de la Foudre.

Aristide de Thèbes. Une Ville prise d’assaut, et pour sujet une Mère blessée et mourante. Bataille contre les Perses. Des Quadriges en course. Un Suppliant. Des Chasseurs avec leur gibier. Le Portrait du peintre Léontion. Biblis. Bacchus et Ariane. Un Tragédien accompagné d’un jeune garçon. Un Vieillard qui montre à un enfant à jouer de la lyre. Un Malade.

Protogène. Le Lialyssus. Un Satyre mourant d’amour. Un Cydippe. Un Tlépolème. Un Philisque méditant. Un Athlète. Le Roi Antigonus. La Mère d’Aristote. Un Alexandre. Un Pan.

Asclépiodore. Les douze grands Dieux.

Nicomaque. L’Enlèvement de Proserpine. Une Victoire s’élevant dans les airs sur un char. Un Ulysse. Un Apollon. Une Diane. Une Cybèle assise sur un lion. Des Bacchantes et des Satyres. La Scylla.

Philoxène d’Érétrie. La Bataille d’Alexandre contre Darius. Trois Silènes.

Genre grotesque et peinture à fresque.

Ici Pline parle de Pyréicus, qui peignit, dans une grande perfection, des boutiques de barbiers, de cordonniers, des ânes, etc. C’est l’École flamande. Il dit ensuite qu’Auguste fit représenter, sur les murs des palais et des temples, des paysages et des marines. Parmi les peintures à fresque de ce genre, la plus célèbre était connue sous le nom de Marachers. C’étaient des paysans à l’entrée d’un village, faisant prix avec des femmes pour les porter sur leurs épaules à travers une mare, etc. Ce sont les seuls paysages dont il soit fait mention dans l’antiquité, et encore n’était ce que des peintures à fresque. Nous reviendrons dans une autre note sur ce sujet.

Peinture encaustique.

Pausanias de Sicyone. L’Hémérésios, ou l’enfant. Glycère assise et couronnée de fleurs. Une Hécatombe.

Euphranor. Un Combat équestre. Les douze Dieux.

Thésée. Un Ulysse contrefaisant l’insensé. Un Guerrier remettant son épée dans le fourreau.

Cydias. Les Argonautes.

Antidotas. Le Champion armé du bouclier. Le Lutteur et le joueur de flûte.

Nicias Athénien. Une Forêt. Némée personnifiée.

Un Bacchus. L’Hyacinthe. Une Diane. Le Tombeau de Mégabyze. La Nécromancie d’Homère. Calypso. Io et Andromède. Alexandre. Calypso assise.

Athénion. Un Phylarque. Un Syngénicon. Un Achille déguisé en fille. Un Palefrenier avec un cheval.

Limonaque de Byzance. Ajax. Médée. Oreste. Iphigénie en Tauride. Un Lécythion, ou maître à voltiger. Une Famille noble. Une Gorgone.

Aristolaüs. Un Épaminondas. Un Périclès. Une Médée. La Vertu. Thésée. Le Peuple Athénien personnifié. Une Hécatombe.

Socrate. Les Filles d’Esculape, Hygie, Églé, Panacée, Laso. Œnos, ou le cordier fainéant.

Antiphile. L’Enfant soufflant le feu. Les Fileuses au fuseau. La Chasse du roi Ptolémée, et le Satyre aux aguets.

Aristophon. Ancée blessé par le sanglier de Calydon. Un Tableau allégorique de Priam et d’Ulysse.

Artemon. Danaé et les Corsaires. La reine Stratonice. Hercule et Déjanire. Hercule au mont Oéta. Laomédon.

Pline continue à nommer environ une quarantaine de peintres inférieurs, dont il ne cite que quelques tableaux.

Pline, liv. 35.

Nous n’avons à opposer à ce catalogue que celui que tous les lecteurs peuvent se procurer au Muséum. Nous observerons seulement que la plupart de ces tableaux antiques sont des portraits ou des tableaux d’histoire ; et que, pour être impartial, il ne faut mettre en parallèle avec des sujets chrétiens que les sujets mythologiques.

Note L, page 312. [IIIe partie, liv. I, chap. 4]

Le catalogue que Pline nous a laissé des tableaux de l’antiquité n’offre pas un seul tableau de paysage, si l’on en excepte les peintures à fresque. Il se peut faire que quelques-uns des tableaux des grands maîtres eussent un arbre, un rocher, un coin de vallon ou de forêt, un courant d’eau dans le second ou troisième plan ; mais cela ne constitue pas le paysage proprement dit, et tel que nous l’ont donné les le Lorrain et les Berghem.

Dans les antiquités d’Herculanum, on n’a rien trouvé qui pût porter à croire que l’ancienne École de peinture eût des paysagistes. On voit seulement, dans le Télèphe, une femme assise, couronnée de guirlandes, appuyée sur un panier rempli d’épis, de fruits et de fleurs. Hercule est vu par le dos, debout devant elle, et une biche allaite un enfant à ses pieds. Un Faune joue de la flûte dans l’éloignement, et une femme ailée fait le fond de la figure d’Hercule. Cette composition est gracieuse ; mais ce n’est pas là encore le véritable paysage, le paysage nu, et représentant seulement un accident de la nature.

Quoique Vitruve prétende qu’Anaxagore et Démocrite avaient parlé de la perspective en traitant de la scène grecque, on peut encore douter que les anciens connussent cette partie de l’art, sans laquelle toutefois il ne peut y avoir de paysage. Le dessin des sujets d’Herculanum est sec, et tient beaucoup de la sculpture et des bas-reliefs. Les ombres, d’un rouge mêlé de noir, sont également épaisses depuis le haut jusqu’au bas de la figure, et conséquemment ne font point fuir les objets. Les fruits même, les fleurs et les vases manquent de perspective, et le contour supérieur de ces derniers ne répond pas au même horizon que leur base. Enfin, tous ces sujets, tirés de la fable, que l’on trouve dans les ruines d’Herculanum, prouvent que la mythologie dérobait aux peintres le vrai paysage, comme elle cachait aux poètes la vraie nature.

Les voûtes des thermes de Titus, dont Raphaël étudia les peintures, ne représentaient que des personnages.

Quelques empereurs iconoclastes avaient permis de dessiner des fleurs et des oiseaux sur les murs des églises de Constantinople. Les Égyptiens, qui avaient la mythologie grecque et latine, avec beaucoup d’autres divinités, n’ont point su rendre la nature. Quelques-unes de leurs peintures que l’on voit encore sur les murailles de leurs temples, ne s’élèvent guère, pour la composition, au-delà du faire des Chinois.

Le Père Sicard, parlant d’un petit temple situé au milieu des grottes de la Thébaïde, dit :

« La voûte, les murailles, le dedans, le dehors, tout est peint, mais avec des couleurs si brillantes et si douces, qu’il faut les avoir vues pour le croire…

» Au côté droit, on voit un homme debout, avec une canne de chaque main, appuyé sur un crocodile, et une fille auprès de lui, ayant une canne à la main.

» On voit, à gauche de la porte, un homme pareillement debout, et appuyé sur un crocodile, tenant une épée de la main droite, et de la gauche une torche allumée. Au dedans du temple, des fleurs de toutes couleurs, des instruments de différents arts, et d’autres figures grotesques et emblématiques y sont dépeintes. On y voit aussi d’un autre côté une chasse, où tous les oiseaux qui aiment le Nil sont pris d’un seul coup de rets ; et de l’autre on y voit une pêche, où les poissons de cette rivière sont enveloppés dans un seul filet, etc. »

(Lett. édif., tom. V, pag. 144.)

Pour trouver des paysages chez les anciens, il faudrait avoir recours aux mosaïques ; encore ces paysages sont-ils tous historiés. La fameuse mosaïque du palais des princes Barberins à Palestrine représente dans sa partie supérieure un pays de montagnes, avec des chasseurs et des animaux : dans la partie inférieure, le Nil qui serpente autour de plusieurs petites îles. Des Égyptiens poursuivent des crocodiles ; des Égyptiennes sont couchées sous des berceaux ; une femme offre une palme à un guerrier, etc.

Il y a bien loin de tout cela aux paysages de Claude le Lorrain.

Note M, page 331. [IIIe partie, liv. II, chap. 1]

L’abbé Barthélemy trouva le prélat Baïardi occupé à répondre à des moines de Calabre, qui l’avaient consulté sur le système de Copernic. « Le prélat répondait longuement et savamment à leurs questions, exposait les lois de la gravitation, s’élevait contre l’imposture de nos sens, et finissait par conseiller aux moines de ne pas troubler les cendres de Copernic. » (Voyage en Italie.)