Section 11, que les beautez de l’execution ne rendent pas seules un poëme un bon ouvrage, comme elles rendent un tableau un ouvrage precieux
Il n’en est pas des poëtes, qui n’ont d’autre merite que celui d’exceller dans la versification, et qui ne sçavent pas nous dépeindre aucun objet capable de nous toucher ; mais qui, pour me servir de l’expression d’Horace, ne mettent sur le papier que des niaiseries harmonieuses, comme des peintres▶ dont je viens de parler. Le public ne fait jamais beaucoup de cas des ouvrages d’un poëte qui n’a pour tout talent que celui de réussir dans la mécanique de son art. On auroit tort cependant d’accuser le public de rigueur envers les poëtes et d’indulgence envers les ◀peintres▶. Il est tout autrement difficile d’être bon coloriste et dessinateur élegant, que grand arrangeur de mots et rimeur exact. D’ailleurs il n’est point d’imitation de la nature dans les compositions du simple versificateur, ou du moins, comme je l’exposerai plus au long dans la suite de cet ouvrage, il est bien difficile que des vers françois imitent assez-bien dans la prononciation le bruit que le sens de ces vers décrit, pour donner beaucoup de réputation au poëte qui ne sçauroit pas faire autre chose. La rime n’est pas l’imitation d’aucune beauté qui soit dans la nature : mais, comme je viens de le dire, il est d’une imitation précieuse des beautez de la nature dans les tableaux du ◀peintre▶ qui ne sçait que bien colorier.
Nous y retrouvons la chair des hommes, et nous reconnoissons dans ses païsages les differens effets de la lumiere et la couleur naturelle de tous les objets.
Dès que le erite principal des poëmes et des tableaux consiste à répresenter des objets capables de nous attacher et de nous toucher si nous les voïons veritablement, il est facile de concevoir combien le choix du sujet est important pour les ◀peintres et pour les poëtes. Ils ne peuvent le choisir trop interessant.