Paris, 8 janvier 1886.
I
HOMMAGE
Stéphane Mallarmé.
II
PARSIFAL
Paul Verlaine.
III
HYMEN
La Musique :
René Ghil.
IV
Stuart Merrill.
V
Charles Morice.
VI
Charles Vignier.
VII
SIEGFRIED-IDYLL
Programme
Teodor de Wysewa.
VIII
Edouard Dujardin.
Lohengrin est, sans contredit, l’œuvre la plus populaire de Wagner.
Plusieurs auteurs emploient volontiers l’expression de « drame musical » en parlant de
Tannhæuser et de Lohengrin ; cela est regrettable, car
une confusion d’idées en résulte. Wagner lui-même a toujours qualifié
Lohengrin d’opéra ; en 1851 pour la première fois, et à propos de
l’Anneau du Nibelung, il a dit : « Je n’écris plus d’opéras : ne
voulant pas inventer un nom arbitraire pour mes travaux, je les appelle des drames. »
(IV, 417) (Plus tard, Wagner a protesté énergiquement contre la dénomination de « drame
musical », qu’il trouve absurde, IX, 365.)
Depuis vingt-cinq ans, tous les théâtres d’Allemagne donnent Lohengrin,
et toujours il attire foule ; à Londres, depuis 1875, il en est de même ; on ne l’a pas
moins applaudi en Italie, en Espagne, en Portugal, en Bohême, en Hongrie, en Russie, en
Suède, en Danemark, en Amérique, en Australie (Kastner, Wagner-Kalender), en un mot
partout, excepté à Paris où jusqu’ici on n’a pas eu l’occasion de l’entendre. Et il a
été chanté en italien, en anglais, en français, sans que son succès en ait paru diminué.
Même les personnes les plus hostiles à l’ensemble de vues artistiques qu’on comprend
sous le nom de Wagnérisme, ou les plus ignorantes de ce système, même celles-là
admettent Lohengrin.
Il sera intéressant de rechercher quelles peuvent être les causes, de cette universelle
popularité. Pourquoi le même public qui ne s’enthousiasme que peu à peu pour
Tannhaeuser, point du tout pour le Hollandais Volant, et
qui reste hébété, consterné, après l’audition d’un des drames de la maturité du Maître,
pourquoi se délasse-t-il si délicieusement à l’audition de Lohengrin ? Il
est évident qu’il doit y avoir quelque chose de très spécial dans cette œuvre, quelque
ensemble de modalités qui la distingue des autres d’une manière fort marquée et point
superficielle. Nous trouverons, en effet, en allant droit à la source, en examinant la
genèse de Lohengrin, que cet ouvrage a été conçu et exécuté sous des
conditions très particulières, uniques dans la vie du Maître.
Après plusieurs cruelles années, années de faim et de désillusionnement, et juste au
moment où, dans le Hollandais Volant, Wagner reprochait au ciel de ne le
laisser ni mourir, ni trouver l’amour qui le sauvât (I, 21-24), à ce moment, une
transformation subite, presque fantastique, avait tout changé ; Wagner avait été appelé
à Dresde, son opéra Rienzi avait eu un grand succès ; une mort inopinée
avait permis de le nommer chef d’orchestre ; après la plus noire misère, il était
débarrassé de tous soucis, dans une position assurée, et, ce qui pour l’artiste était
bien plus, avec le plus beau théâtre de l’Allemagne à ses ordres pour réaliser toutes
ses inspirations (IV, 338). C’est dans ces conditions que Tannhaeuser fut
écrit. Pendant les deux années qu’il y consacra, Wagner se trouva dans un état de
surexcitation . Après les privations, il était maintenant « avide de
jouissances » ; les sensations, les aspirations, l’ambition, « l’ardent désir d’amour »,
emplissaient son cœur ; il était dans un état d’excitation voluptueuse et dévorante, qui
mettait sang et nerfs dans des transports fiévreux » ; son « être entier s’était consumé
dans cette création », à tel point, que « l’idée qu’une mort subite le surprendrait » et
l’empêcherait de terminer cette œuvre « puisée dans son cœur même », s’empara de lui et
le fit poursuivre son achèvement avec une ardeur redoublée (IV, 342-348 ; et Glasenapp,
Biogr. : I, 194). Ce qui caractérise Tannhaeuser, c’est que cette œuvre,
quoi qu’écrite « avec son propre sang », était destinée par Wagner de très bonne foi au
théâtre, qu’il en espérait même un grand succès (IV, 339) ; il ne soupçonnait guère que
c’était « son propre arrêt de mort » (IV, 344) qu’il signait ; bientôt il le sut. — Un
état d’épuisement physique et moral, de prostration, devait nécessairement suivre ;
aussi, la dernière note écrite, se hâta-t-il de prendre un congé. Il était malade, car
il consultait un médecin (IV, 352) ; il sentait la nécessité d’un repos intellectuel,
car il écrit à un ami, qu’il a l’intention de « faire le paresseux » pendant un an, et
il ajoute qu’il est convaincu, que pour qu’une œuvre dramatique soit vraiment forte et
originale, il faut « qu’elle soit le résultat d’un pas en avant dans la vie, d’une
nouvelle période dans le développement de l’artiste », et que « ceci ne peut être le cas
tous les six mois ». (Tappert, Biogr. 27).
Cette promesse, qu’il s’était faite, fut vite oubliée. Lohengrin, cette
figure qui lui était déjà apparue à Paris en même temps que celle de
Tannhaeuser, mais qui ne lui avait laissé qu’une « impression presque
désagréable » (IV, 353), s’empara de nouveau de sa fantaisie. L’esquisse du drame fut
tracée quelques semaines après l’achèvement de Tannhaeuser ; nous venons
de voir sous quelles conditions spéciales. Le travail ne put être repris qu’un an plus
tard, et la partition exigea une année et demie environ (Glasenapp, Tappert). D’été 1845
en été 1848, trois bien tristes années ! Plus tristes, peut-être, que les trois années à
Paris. Tannhaeuser fut représenté la première fois en automne 1845 ; le
théâtre s’était mis en grands frais, les décorations avaient en partie été commandées à
Paris, les principaux rôles étaient tenus par les meilleurs chanteurs de l’Allemagne.
L’attente était grande ; on était accouru même d’autres villes ; la déception fut
complète ; « le public quitta la salle consterné et mécontent ». (IV, 357). Très peu
soupçonnèrent la portée de l’œuvre et le génie de celui qui l’avait faite. — Ce fut pour
Wagner un coup terrible, presque mortel. Il se sentit « dans un état de complet
isolement », — pour lui « ces jours continrent le poids d’une vie entière » (IV, 357).
« L’illusion », comme il nous le dit, était détruite de fond en comble. Les écailles lui
tombèrent des yeux et, soudainement, il s’aperçut qu’il avait vécu jusqu’à ce jour dans
un rêve, qu’il était seul, qu’aucun lien n’existait entre le public pour lequel il
écrivait et lui, entre ce théâtre dont le dégoût couvait dans son cœur depuis le premier
jour de son entrée et le poète, le musicien, qui avait rêvé autre chose qu’un
« établissement pour l’exploitation de l’art » ; même les « serrements de mains de ses
amis » le laissaient sans consolation.
Mais ce qui compliquait la situation, c’est que sa position matérielle était gravement
compromise. Sa foi en son succès avait été si glorieusement certaine (IV, 339), qu’il
s’était lancé dans de folles dépenses, qu’il avait, par exemple, fait graver ses
partitions à ses propres frais. À la misère venaient donc s’ajouter les difficultés
pécuniaires, la dure nécessité de se plier à toutes les exigences de ce monde qu’il
méprisait, — les mille démarches à faire, humblement, auprès de tous les théâtres
allemands, pour faire recevoir l’un ou l’autre de ses opéras, souvent pour n’obtenir
qu’un refus, ou qu’une proposition humiliante (IV, 360). C’est à cette époque, Wagner
nous le dit, que « tout ce que, dans la vie moderne, nous qualifions d’art, cessa pour
lui d’exister ». (IV, 360). Depuis dix ans déjà, son idéal de l’œuvre d’art se formait
en lui, se dessinait de plus en plus clairement ; L’échec de Tannhaeuser
n’y était pour rien : mais jusqu’à ce jour, il avait pensé pouvoir y arriver
directement ; il croyait trouver dans notre théâtre l’instrument voulu pour la
réalisation de ce qu’il devait créer, et dans le public un large noyau de ce qu’il
appela plus tard « le peuple d’idéalistes ». Ces illusions s’effondrèrent. La
conséquence naturelle fut un retour sur lui-même ; repoussé, méconnu, humilié, il se
retira dans la solitude de sa propre âme. Mais le temps des grandes résolutions n’était
pas encore ; c’était l’heure de la lutte suprême. Pour la première et la seule fois,
Richard Wagner nous apparaît vacillant, se contredisant ; placé entre la nécessité de
subvenir à la vie quotidienne et la pratique d’un métier qu’il abhorre, entre la
possibilité de la renommée et le rêve d’une gloire inimaginable, il hésite. C’est que
cette nécessité, cette fatalité qui force les génies à marcher, presque malgré eux, dans
une voie déterminée, se faisait sentir, mais elle ne dominait pas encore, l’homme faible
n’était pas encore terrassé. Souvent, il « interpellait les cieux » et « doutait de sa
vocation » ; il sentait, « que dans la vie bourgeoise et artistique son existence était
sans raison d’être » ; un moment après, il ouvrait la partition de la neuvième symphonie
et « des sanglots de joie l’étouffaient », il ne doutait plus de sa mission (II, 69,
écrit en 1846). Son désespoir était souvent tel, que « de nouveau il tournait les yeux
vers Paris » (Tappert, Biogr. : 48) ; ou bien il allait à Berlin, faire répéter Rienzi,
qu’il aurait préféré qu’on ne donnât pas, et la seule fois de sa vie, il essaya par le
mensonge, la flatterie, l’hypocrisie, d’obtenir les bonnes grâces des personnes
influentes, ce qui eut peu de succès, puisqu’il ne savait pas assez bien mentir (1847, —
IV, 370). Son irritabilité, à cette époque, était excessive (Glasenapp, I, 247).
Tel était l’état d’âme de Wagner pendant qu’il écrivait Lohengrin. Cette
œuvre en porte l’empreinte ; elle est le fruit d’une lutte de principes qui se
contredisent. C’est en « se détournant du monde qui l’entourait » que Wagner conçut
Lohengrin, — en travaillant à la partition, « il se sentait comme dans
un oasis au milieu du désert », — notre « théâtre moderne n’existait plus pour lui »
(IV, 366 et 379), — l’idée de Bayreuth prenait forme (Tappert, Biogr. ; 83, lettre du 31
août 1847) ; et, cependant, Lohengrin était destiné au théâtre moderne,
et son succès était souhaité (IV, 370). En 1847, Wagner écrit à un ami : « je doute de
mes forces, bien plus que je ne me les exagère, et mes travaux actuels ne sont à mes
yeux que des essais pour voir si l’opéra est possible » (Glasenapp, I, 232). Voilà un
langage qu’on ne trouve chez Wagner ni avant ni après cette période.
« Lohengrin, dès le début (comme Tannhaeuser), était
destiné à être représenté sur nos théâtres ordinaires ». (Wagner : The Work and
Mission of my Life, 40). Et pourquoi transigeait-il ? — C’étaient les
nécessités matérielles de la vie qui l’y contraignaient. Il était forcé de gagner de
l’argent avec ses ouvrages et de « faire son possible pour assurer un succès extérieur,
quoiqu’intérieurement il y fût complètement indifférent » (IV, 370). Il en résulte que
Lohengrin est une œuvre, — la seule de Wagner— qui ne soit pas
entièrement sincère. Il l’a conçue pour lui-même, ses inspirations lui sont venues dans
des moments de désespoir, de détournement du monde, — et il l’a exécuté pour le théâtre
qu’il haïssait, et pour des applaudissements qu’il méprisait.
Souvent, Wagner a ressenti le besoin de s’expliquer à lui-même cet ouvrage ; ses
explications, les contradictions qu’elles renferment, l’étude approfondie de l’œuvre
telle que nous la possédons sur le théâtre, tout concourt pour nous démontrer que — du
point de vue qui nous occupe actuellement, celui de l’état d’âme du Maître pendant cette
période de la genèse de Lohengrin — c’est le doute qui caractérisa sa
pensée. Il doutait de tout, lui dont le trait essentiel fut la foi, lui qui jamais ne
dévia, qui ne se laissa détourner de sa voie toute d’affirmation et de divin espoir, ni
par la critique, ni par la misère, — ni par le succès ; et il nous dit à propos de
Lohengrîn : « Moi aussi, je me sentis invinciblement poussé à demander,
d’où viens-tu, et pourquoi ? et pendant longtemps le charme de mon art disparut devant
ces questions. » (VII, 163). — En 1850, Wagner « avait déjà presque complètement oublié
l’existence de son Lohengrin » ; il découvrit la partition par hasard
(IV, 414).
Nous ne pouvons entrer dans une analyse détaillée de l’œuvre, que nous devons supposer
connue. Nous ne voulons appeler l’attention que sur quelques points essentiels. Presque
toujours, dans ses , Wagner nomme le chevalier de Saint Graal le centre du
poëme ; c’est lui qui est poussé par un désir invincible, par le désir inexprimable
d’être aimé, à quitter la région éthérée de pureté absolue, dans laquelle il vit, pour
venir se mêler aux hommes, et pour trouver un cœur de femme qui se donne à lui, tout
entier et sans question (IV, 353-366). Quel chanteur d’opéra pouvait exprimer cela ?
quel public l’aurait compris ? Aussi Wagner nous montre-t-il sur le théâtre tout autre
chose que ce qu’il voyait dans son rêve. C’est Elsa, dont la vie et l’honneur sont
menacés, qui implore Dieu de lui accorder sa protection, et Lohengrin est envoyé par le
Graal pour la défendre. Wagner a plus tard lui-même avoué que « tout l’intérêt de ce
drame réside dans ce qui se passe dans le cœur d’Elsa » (VII, 163). En effet, l’action
dramatique tout entière se concentre autour de sa personne, et en dehors d’elle il n’y a
qu’Ortrud, sa rivale, qui soit vivante ; Lohengrin n’est guère qu’un spectateur. Au
premier acte il arrive, il déclare son amour ; au troisième, Elsa lui pose la question
défendue, et il part, tuant par ce fait celle qu’il avait été envoyé pour défendre. Le
vrai drame, l’évolution qui mène de la foi au doute, se passe en dehors de lui. Nulle
part Wagner ne nous permet de jeter un regard dans l’âme de Lohengrin, lui dont le
prodigieux art était de mettre à nu le cœur de l’homme et de dévoiler ses motifs à
lui-même inconnus. Il a écrit de belles pages sur ce Lohengrin ; à plusieurs reprises,
et toujours plus profondément, il a entrepris l’analyse psychologique de son héros ;
mais il faut bien admettre que dans le drame il n’y a rien de tout cela ; nous savons
maintenant pourquoi. Donc, contradiction entre ce que le Maître sentait, ce qui
l’inspirait pendant la création du drame, et ce qu’il écrivait, ce qu’il a mis sur la
scène.
Il en est de même pour la musique, Wagner a lui-même exposé quels progrès dans l’art de
la composition il avait faits de Tannhaeuser à
Lohengrin(IV, 394-399) ; mais nous ne pouvons admettre qu’avec de
nombreuses réserves, ce qui est devenu un dogme pour beaucoup de personnes, que « dans
Lohengrin un grand progrès est accompli, qui se fait sentir, à la fois
dans l’ordonnance des scènes, dans le langage poétique et dans la musique » (Noufflard :
R. Wagner, I, 219). Oui, il y a progrès dans Lohengrin,
mais c’est, en partie, le progrès de la vague descendante. La musique est moins inégale
que dans les deux opéras précédents ; elle est aussi moins originalement puissante que
certaines parties de ceux-ci, elle n’a pas ces soudaines échappées sur le drame que
montrent le Hollandais et Tannhaeuser. On trouvera
difficilement dans Lohengrin quelque chose qui, comme vérité et
caractérisation dramatiques, puisse être comparée aux doubles chœurs du troisième acte
du Hollandais, ou au commencement de la scène entre le Hollandais et
Senta au deuxième acte ; le motif même du Hollandais est dans le style de la troisième
période, — le récit de Tannhaeuser en approche singulièrement. Dans l’ordonnance de
certaines scènes de Lohengrin surtout dans les nombreux chœurs, il y a un
retour vers l’opéra aux dépens du drame. Il y a une lutte manifeste entre l’idéal,
l’intention du Maître et la nécessité de se plier à des conditions imposées. L’invention
mélodique dans Lohengrin est, en grande partie, celle de la mélodie
absolue (III, 311 ; IV, 212), se rapprochant de la mélodie italienne et contraire au
principe du motif musical dramatique ; ces formes peuvent se produire comme épisodes, —
tels le chant d’amour de Siegmund, les adieux de Wotan, — elles ne sauraient servir de
charpente à une construction symphonique, Wagner l’a démontré. Le second acte fait, en
partie, exception ; les thèmes énoncés dans l’ouverture forment la trame ; ceux
exprimant les motifs d’action d’Ortrud sont si puissamment « Beethovéniens », que,
divisés, intervertis, subdivisés (même réduits à deux notes), ils se prêtent aux plus
subtiles nuances, et impriment au tout le sceau de l’unité. C’est aussi l’acte le moins
apprécié et qui sur les meilleurs théâtres n’est servi qu’en lambeaux. Il est à noter
que cet acte a été composé le dernier ; Wagner fit d’abord le troisième tout entier,
ensuite le premier, en dernier lieu le second (Glasenapp ; Kastner) ; ceci était
contraire à toutes ses habitudes (Pohl : Musik. Woch., 1883, 337), et contraire à la
logique du développement des motifs. Ceux-ci, sauf l’exception mentionnée, ne sont,
essentiellement, que des « motifs de réminiscence », (voir l’étude détaillée de van
Santen Kolff, Musik. Woch., 1884). La musique contient donc aussi des contradictions,
même nombreuses ; si le charme incomparable des mélodies peut les faire oublier, elles
n’en existent pas moins. — Ainsi l’on trouve dans l’ensemble de l’œuvre, poème et
musique, ce que l’étude des conditions sous lesquelles elle a été composée laissait
prévoir : un conflit de tendances. C’est bien l’œuvre de l’homme qui doutait.
C’est dans ce doute, nous semble-t-il, que réside l’explication de la popularité de
Lohengrin. Tous les drames de Wagner, et ses autres opéras, sans
exception, sont des œuvres de foi ; il écrivit sans réserves, sans concessions ce qu’il
voulait ; ce qu’il voulait était l’entière réalisation d’une idée ; la formule de cette
idée est toujours une affirmation. La signification de Lohengrin est
vague ; ce qui s’en dégage nettement est une négation. Mais cette négation ne revêt pas
le caractère affirmatif d’une profonde conviction ; elle est ce que Wagner nommait le
« pessimisme absolu », (X, 326), celui « qui se contente de constater la nullité du
monde ». On abuse aujourd’hui du mot de pessimisme, qui, pour beaucoup de personnes, est
un terme d’opprobre sans signification précise, que d’autres appliquent indifféremment à
une théorie philosophique et à un état moral ; dans ce dernier sens, on peut qualifier
Lohengrin d’œuvre pessimiste, par excellence. — Or, la foi,
l’affirmation, exigent un effort ; affirmer est toujours créer ; le doute n’exige que
l’abstention d’une faculté. La majorité des hommes comprendra donc toujours plus
facilement le doute que la foi ; il est à la portée de presque toutes les intelligences.
Peu de gens se représentent clairement ce qui les a charmés dans
Lohengrin ; mais c’est ce doute, cette confession de faiblesse, cette
« constatation de la nullité du monde », sans réaction, sans recherche, sans déploiement
d’énergie, qui, caractérisant l’âme de celui qui écrivait et formant l’essence même de
l’œuvre, la pénètre de toutes parts, et fait que, instinctivement, chacun se sent dans
un milieu habituel, familier. Qui comprend Senta, Élisabeth, Brünnehilde, Kundry ? Qui
peut ne pas comprendre Elsa ? Ici, point de grandes passions, tout est à un diapason
modéré, et tout, très naturellement, vient se grouper autour de la femme, c’est la
créature faible qui, quoiqu’énigmatique, se ressemble toujours, et que tous connaissent.
Et Richard Wagner, le génie mâle, a, dans cette œuvre féminine, exprimé ces sentiments
si universels, — et son propre désespoir, et son « doute de lui-même », qui faisaient
qu’à ce moment il approchait du niveau commun de l’humanité, — dans une musique si
humaine, si mélodieuse ! Pas de combats avec les éléments, comme dans le
Hollandais Volant, ni de grands cris de passion, comme dans
Tannhaeuser ; sur le tout et à travers toutes les situations plane une
douce et rêveuse mélancolie. Qu’on se souvienne de l’affirmation virile de la foi dans
Parsifal, et du triomphe de l’amour dans la
Gœtterdaemmerung !
Si Wagner avait achevé son drame de négation, — négation absolue, mais mâle et
affirmative, — Jésus de Nazareth (IV, 404), qu’il avait commencé
immédiatement après Lohengrin, cette œuvre, certes, n’aurait pas été
populaire ! Lohengrin, œuvre d’un moment de faiblesse, de découragement,
de doute, — et dans laquelle ces sentiments très réels, très universellement humains,
ont trouvé l’expression musicale parfaitement adéquate, — est, par cela même, plus
accessible à tous.
Houston Stewart Chamberlain
Si l’on ouvre pour la première fois l’une ou l’autre de ces volumineuses partitions qui
s’appellent Tristan, les Maîtres chanteurs, l’Anneau du Nibelung ou
Parsifal, on considère d’abord avec étonnement, avec effroi même, ces pages
noires de notes, ces portées où grimace la silhouette inédite de traits compliqués et
bizarres, ce fouillis où s’entassent dièses, bémols, points, syncopes, tous les signes
enfin propres à traduire sur le papier la pensée du compositeur, signes d’autant plus
nombreux que la pensée est plus raffinée. La musique écrite a, si l’on peut dire, son
côté matériel, sa physionomie propre. Une page de Mozart avec ses contours fins et
délicats, son dessin pur, élégant, sa large ordonnance, qui donne comme l’illusion de
l’air et de la lumière, ressemble aussi peu que possible à une page de Wagner, où la
rencontre des lignes, la singularité des profils, la disposition tourmentée, semblent
plus faites pour traduire le chaos et la nuit. Il faut une certaine préparation pour
goûter le charme de ces accords étranges composés d’après des formules que ne donnent
pas les livres, de ces enchaînements imprévus et curieux qui sont le fond de l’harmonie
Wagnérienne.
L’étude approfondie de telles matières suffirait à remplir un volume tout entier ;
néanmoins quelques remarques peuvent être présentées à titre d’indications.
Si l’harmonie est une science fermée, c’est-à-dire une science où les règles, posées
une fois pour toutes, ont la valeur d’axiomes et ne sauraient être transgressées, Wagner
doit être regardé comme un pitoyable harmoniste ; si, au contraire, elle a le droit
d’étendre son domaine, et, sans gâter pour cela le plaisir exigé par l’oreille, de
s’enrichir de conquêtes nouvelles, Wagner offre en ses travaux une matière digne
d’intérêt. On pourrait montrer comment les modifications à apporter au rôle du récitatif
devaient avoir marqué le point de départ de sa réforme dramatique ; on montrerait de
même que les modifications à apporter au rôle de la basse pourraient bien avoir marqué
le point de départ de sa réforme harmonique ; il est certain, en effet, que l’histoire
de la basse est, par un côté, l’histoire de la musique, et qu’à chaque période de
transformation pour l’une correspond une période de transformation pour l’autre.
Au temps de Palestrina la basse constitue le chant ; c’est au registre le plus grave
qu’est confié l’intérêt principal, le mouvement de direction ; dans les célèbres motets
du Maître, écrits le plus souvent pour cinq voix, quatre parties servent
d’accompagnement à la cinquième, qui est… la basse. Jusqu’à Bach, l’usage se conserve
ainsi de ces morceaux dont l’auteur n’écrivait que la basse chiffrée, laissant à
l’interprète le soin de la réaliser. Déjà les partitions de Lulli et des compositeurs
contemporains témoignent du déplacement du chant ; la mélodie a passé aux violons et aux
flûtes, on prend donc la peine de la transcrire ; les parties intermédiaires continuent
à être négligées, et la basse chiffrée, acceptant la seconde place, prend le caractère
déterminé d’un accompagnement. L’évolution se poursuit en ce sens, et, un siècle plus
tard, les rôles sont distribués d’une façon précise qui ne souffre plus d’interversion ;
le chant se range décidément à l’aigu et l’accompagnement au grave. Il suffit de lire la
partie de violoncelle dans les trios de Haydn pour se rendre compte de sa nullité au
point de vue mélodique. Avec Mozart, avec Beethoven, avec tous les maîtres de ce siècle,
la basse conserve ses fonctions utilitaires ; placée à la base de l’édifice harmonique,
elle le soutient. Consultez tel ou tel morceau symphonique, la partie de contrebasse
vous précisera nettement les tonalités, vous aidera à deviner la série des modulations,
et souvent même les déterminera. Jusqu’ici le choix de la note qu’il convient de mettre
à la basse, en tant que note de basse, c’est-à-dire indépendamment des autres notes qui
entrent dans l’accord, avait une importance qui constituait une difficulté. C’est ce
joug que Wagner semble avoir délibérément secoué. Comme dans la mélodie italienne, il a
reconnu là « cette forme indigente et presque enfantine de l’art, dont les étroites
limites condamnent le compositeur de génie lui-même, qui embrasse cet art, à une
immobilité absolue ». De même qu’il veut que le récitatif ait « une signification
rythmique et mélodique et se relie d’une façon insensible à l’édifice plus vaste de la
mélodie proprement dite », de même qu’il entend que la musique dramatique forme « un
tout vaste et continu, empreint d’un style égal et pur », de même il s’efforce de ne
point distinguer entre le chant et l’accompagnement, de ne pas avoir des formules
spéciales pour l’un et des formules spéciales pour l’autre, et de les fondre ensemble de
telle sorte que l’orchestre soit relevé « de la position subalterne » où il était réduit
à jouer le rôle d’« une monstrueuse guitare ». L’intérêt ne réside plus seulement dans
la partie la plus élevée ou dans la plus basse ; à chacune est dévolu, autant que
possible, un rôle d’égale importance.
Il en résulte, au point de vue harmonique, un trouble apporté à nos habitudes
d’oreille ; de là aussi cette impression de vague, d’indéfini, qu’on ressent
généralement à la première audition d’une œuvre wagnérienne. Par exemple, le plus simple
de tous les accords, l’accord parfait, est le plus sévèrement, le plus systématiquement
écarté. Sa simplicité lui donne un sens très précis, et cette précision même, qui en
fait l’accord obligé de toute cadence finale, devient un obstacle à son emploi. La
cadence parfaite joue le rôle du point au bout d’une phrase. Or, la phrase de Wagner
commence avec l’acte et ne finit qu’avec lui, à bien peu d’exceptions près. Sans doute
le personnage en scène peut avoir à conclure un long discours ; dans ce cas, il aura
recours à la formule précitée ; mais, tandis qu’il fera avec la voix ce saut
caractéristique de la dominante à la tonique, l’orchestre, lui, qui selon la définition
de Wagner, « entretient le cours interrompu de la mélodie », l’orchestre ne portera pas
trace de cette cadence parfaite, et poursuivra sa route en modulant par une cadence
rompue, ou par l’introduction d’un accident quelconque, propre à modifier le sens
harmonique.
La haine des accords trop élémentaires conduit naturellement à l’amour des accords plus
riches et plus vagues. De là, la fréquence des prolongations, des retards, de tous les
artifices qui produisent les dissonances ; de là, l’altération continuelle des notes, et
en particulier de la dominante dans l’accord parfait, c’est-à-dire une prédilection
marquée pour les intervalles augmentés ou diminués ; de là, l’emploi presque immodéré
des accords de septièmes sur tonique et des pédales, moyens ingénieux pour fondre
ensemble les sons en apparence les plus discordants ; de là, la pratique de
l’enharmonie, et une facilité telle à se mouvoir entre divers tons, que parfois,
renonçant lui-même à définir la tonalité, il supprime à la clef tous les accidents… tout
en continuant à ne pas écrire en ut.
Si les compositeurs ont montré jusqu’ici dans l’usage de tels procédés plus de mesure
et plus de réserve, si leur musique garde en définitive une physionomie fort différente
de celle-ci, c’est qu’ils se soumettaient d’avance à des règles imposées par l’école,
Wagner, plus hardi, a essayé de s’y soustraire. Non seulement dans les parties
instrumentales, mais encore dans les parties vocales où la sévérité, comme il convient,
est plus de mise, il faut renoncer à relever les quintes de suite, les fausses
relations, les doublures de notes à résolution obligée, les mouvements fantaisistes qui
forcent à monter les notes qui doivent descendre et à descendre celles qui doivent
monter, etc., tous péchés qui déchaînaient jadis la colère des puristes comme Cherubini.
La musique n’est pas le langage de l’éternelle et absolue vérité ; plus qu’aucun autre
art, elle est fatalement soumise à l’instabilité du caprice, aux variations de la mode.
On se passionne pour un contour mélodique, comme on s’habitue à une formule harmonique ;
puis, avec le temps on se lasse de l’une et de l’autre ; le changement s’impose comme un
besoin, et chaque conquête nouvelle est marquée par le bris de quelque entrave.
Au seizième, au dix-septième siècle, le gros effort de la science musicale se portant
sur des compositions presque exclusivement vocales, la rigueur est extrême. Peu à peu la
polyphonie instrumentale desserre les liens. Le dix-huitième siècle, tout en maintenant
la pureté classique, tend vers la fin à s’émanciper. Depuis, le mouvement ne s’est pas
ralenti. Par l’enchevêtrement des parties, par la complication des dessins, par la
variété surprenante des timbres, l’oreille est sollicitée de telle sorte qu’elle reçoit
désormais une impression d’ensemble, une résultante de tous les bruits, et goûte
d’autant moins la pureté des principes qu’elle est moins à même de les discerner. Au
dix-neuvième siècle, la liberté sera donc devenue complète. Toute la question se borne à
savoir si « ces triples dissonances », qui choquaient si fort Berlioz, nous affectent
désagréablement ou non ; or l’étude des œuvres de Wagner nous révèle tout au contraire
que sa sensibilité était assez délicate pour offenser rarement la nôtre, et qu’en
définitive il aura réussi à charmer notre oreille et non à la blesser.
Albert Soubies et Charles Malherbe.
Petit calendrier de Bayreuth pour 1886 (1 vol, in-16, franco 2
frs).
L’Association Wagnérienne Universelle vient de publier (en allemand) son Bayreuther
Taschen-Kalender fur 1886, sous la direction du comte Ferdinand de Sporck et d’Oskar
Merz ; ainsi que le calendrier de l’année dernière (1885, Ière
année), c’est un petit volume de poche in-16, contenant des renseignements et des études
Wagnériennes : on y a joint cette fois un plan de la salle du théâtre de Bayreuth, avec
les numéros des places.
Les matières du calendrier de 1886 sont :
Une préface de Hans von Wolzogen (3 pages) ;
Puis, 1° un article sur le centenaire de Weber, par L. Schemann (3 pages) ;
2° calendrier, éphémérides, agenda pour 1886, avec un éclaircissement (4
pages) sur les noms germaniques par W. G. ;
3° étude de C. Glasenapp : Richard Wagner, — l’homme (24 pages) ;
4° les Représentations de Fête de 1886 à Bayreuth : — histoire du Théâtre
de Fête à Bayreuth (3 pages) ; étude sur le théâtre national allemand, par Hans von
Wolzogen (21 pages) ; sur Tristan et Isolde, par Wolfgang Golther (32
pages) ; sur Parsifal, par Arthur Seidl (36 pages) ; essai de programme
au prélude de Parsifal, par A. G. (4 pages) ;
5° les bourses de voyage aux Représentations de Fête, par F. Sch. (1
page) ;
6° l’Association Wagnérienne Universelle : comité central ; complément à
la liste de 1885 ; leçons ; table générale de la Revue de Bayreuth (Bayreuther
Blaetter) ;
7° la Fondation Richard Wagner pour le maintien des Représentations de
Fête : statuts et éclaircissements ;
8° bibliographie ;
9° table des matières de la première année du calendrier ; agenda,
insertions.
Revue Moderniste (numéro du 30 octobre).
Un intéressant article, signé Hip, sur « la condition des jeunes musiciens ».
La Valkyrie, version française de Victor Wilder
(partition piano et chant, in-8° à 20 francs ; livret in-16 à 2 francs ; chez Schott,
éditeur).
C’est la seconde traduction que publie M. Victor Wilder ; la troisième, très prochaine,
sera celle de Tristan. Nous avons en cette revue (numéro du 8 octobre,
page 257) expliqué le système de traduction suivi par M. Wilder, et dit combien utile et
admirable était cette œuvre de vulgarisation. La Valkyrie est
particulièrement réussie, elle est, certes, supérieure aux Maîtres
Chanteurs ; nous en citerons un des meilleurs passages :
(Acte III, scène dernière, « nicht straf ich dich erst… »)
Et un exemple des moins bons passages, où se voit le défaut (si fatalement nécessaire,
— et si excusable !) de cette traduction :
(Même scène : « Wollt ihr mich hœhnen ?… »)
L’idéalisation du théâtre, par Hans de Wolzogen(I volume de 113 pages,
en allemand).
Œuvre publiée par les Bayreuther Blaetter, et dont la Revue Wagnérienne donne
l’analyse.
ANVERS
BADEN-BADEN
BERLIN
BERNBOURG
BREME
BRISTOL
BRUNN
BRUNSWICK
CARLSRUHE
CASSEL
COLOGNE
DANZIG
DARMSTADT
DRESDE
FRANCFORT
DESSAU
DÜSSELDORF
GRAZ
HAMBOURG
HANOVRE
KŒNIGSBERG
LEIPZIG
LINZ
LIVERPOOL
: Rom. des Maitres Chanteurs (Lloyd).
LONDRES
MAGDEBOURG
MANNHEIN
METZ
MUNICH
PRAGUE
REVAL
ROTTERDAM
SALZBOURG
STRASBOURG
STUTTGART
TRIESTE
VIENNE
WEIMAR
YEOVIL
PARIS
ALTENBURG
BALE
BARMEN
BERLIN
BRÊME
BRUNN
: Lohengrin.
CASSEL
CHEMNITZ
DANZIG
DARMSTADT
DRESDE
GENÈVE
HAMBOURG
HANOVRE
KŒNIGSBERG
LINZ
LONDRES
MUNICH
NUREMBERG
PRAGUE
REICHENBERG
REVAL
ROTTERDAM
SCHWERIN
STETTIN
TREVISE
: Lohengrin.
TRIESTE
VIENNE
WEIMAR
WURZBOURG
ZURICH
LOHENGRIN À PARIS. — Au milieu des nouvelles contradictoires qui se succèdent chaque
jour, nous renonçons à tenir nos lecteurs au courant de la question des représentations
de Lohengrin à l’Opéra-Comique ; jusqu’au jour où sera prise une décision
absolument officielle, aucune présomption sérieuse ne peut être donnée… le plus probable
est que Lohengrin ne sera pas représenté.
ANGLETERRE. — C’est vraiment désespérant ! Voilà déjà trois mois que je n’ai pu rien
vous communiquer. Nous avons une foule de petits concerts bons, mauvais, et médiocres
mais on ne veut entendre vers Noël presque rien que le Messie ou les nouvelles cantates
produites à Birmingham. M. Franz Hueffer, rédacteur musical du « Times » est en train de
faire une tournée de conférences en province sur Wagner, Liszt et Berlioz. Mais c’est
non seulement l’ignorance qu’il aura à combattre ; mais aussi l’indifférence, ce qui est
bien plus difficile. Que nous importent Wagner, Liszt et Berlioz et tous ces autres
maîtres dont nous ne saurions prononcer les noms quand nous avons nos compositeurs à
nous, bien à nous, qui nous fournissent une musique que nous comprenons la première fois
que nous l’entendons ?
Louis N. Parker.
BERLIN. — La première représentation de Siegfried a été donnée le 8
décembre, Siegfried n’ayant jamais été joué à Berlin qu’avec les autres
parties de la Tétralogie, par des troupes de passage. Le rôle de Mime seul a été très
bien tenu ; exécution médiocre ; succès restreint.
DRESDE. — À l’époque des Fêtes de Bayreuth, le 4 août prochain, commencera au théâtre
de Dresde une représentation intégrale de l’Anneau du nibelung, sous la
direction du capellmeister Schuch.
LEIPZIG. — La maison native de Richard Wagner devant être démolie, le propriétaire a
promis de conserver la chambre où le Maître est né.
MANNHEIM. — On annonce la mort de M. Émil Heckel, qui fut l’un des premiers, des plus
dévoués et des plus influents Wagnéristes.
MUNICH. — L’Anneau du nibelung a de nouveau été joué par des artistes du
théâtre. Cette fois encore des Parisiens étaient là ; on remarquait, venue exprès, une
des plus enthousiastes et des plus dévouées Wagnéristes de Paris.
PRAGUE. — La première représentation des Maîtres chanteurs a été donnée
avec le plus grand succès au théâtre allemand. L’impressario Angelo Neumann organise des
représentations Wagnériennes, pour lesquelles sont établis des trains spéciaux en
Bohême.
NEW-YORK. — Les représentations Wagnériennes ont commencé le 23 au Métropolitain par
Lohengrin, sous la direction du capellmeister Anton Seidl, avec
Mesdames Seidl et Brandt et M. Stritt : quinze jours après la
Walkure.
VIENNE. — L’Anneau du nîbelung doit être joué prochainement, — mais sans
le Rheingold !…
ZURICH. — En janvier, Siegfried va être représenté pour la première
fois.
Avec ces pages se termine la première série annuelle de la Revue Wagnérienne. Nous
voudrions dire brièvement les raisons de ce que nous avons fait et de ce que nous
voulons faire.
Lorsque nous avons commencé la Revue Wagnérienne en février nous avons
voulu réaliser une double tâche : expliquer au public l’œuvre lyrique de Richard Wagner,
et à ceux qui déjà connaissaient et aimaient cette œuvre expliquer le génie entier du
Maître.
Mais nous avons pensé qu’il fallait insister d’abord sur cette seconde partie de notre
tâche : avant d’entreprendre une propagande Wagnérienne efficace, nous devions à ceux
qui déjà étaient des Wagnéristes présenter d’une façon très spéciale les conceptions
littéraires, philosophiques, religieuses, et esthétiques de Wagner.
Nous avons la confiance d’avoir réussi : les Wagnéristes français ont eu la curiosité
de ces œuvres prodigieuses ; ils savent que Wagner ne fut pas seulement un musicien
, mais qu’il fut encore et surtout le réformateur de l’art, le glorieux
initiateur, fondant ses théories artistiques sur les plus profondes notions
philosophiques.
Et maintenant nous pouvons plus aisément poursuivre l’œuvre de propagande que nous
avons entreprise. Notre revue s’adressera à tous ceux qui, épris de l’art et débarrassés
des grossiers préjugés traditionnels, doivent devenir des Wagnéristes.
Pour cette propagande, nous avons demandé la collaboration de ceux de nos écrivains que
le public connaît, aime et admire comme défenseurs de la cause Wagnérienne.
Nous publierons des études sur la vie, les drames, le système musical et dramatique de
Wagner.
L’œuvre du Maître s’est depuis longtemps imposée à l’admiration des peuples voisins :
notre Revue donnera une série de travaux sur le Wagnérisme en Allemagne, en Angleterre,
en Belgique, en Russie, en Italie, aux États-Unis.
Et nous tâcherons à ce que, faite dans une langue de lecture aisée, cette œuvre de
propagande Wagnérienne place enfin le Maître dans notre pays au juste rang qui lui
convient, à côté des maîtres classiques, Bach, Gluck, Beethoven.
Donc, pour nous aider dans notre tâche, nous faisons appel à l’aide de tous ceux qui,
Wagnéristes, ont à cœur la gloire et la propagation de l’œuvre Wagnérienne.
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