Strada, José de (1821-1902)
Le Dogme social (1861). — Séparation des pouvoirs
spirituel et temporel (1869). — Lettres à M. E. de Girardin
(1863). — Essai d’un Ultimum Organum (1865). — Philosophie méthodique (1867). — L’Europe sauvée et la
Fédération (1868). — L’Épopée humaine : La Mort des Dieux
(1866) ; la Mêlée des races (1874) ; la Genèse
universelle (1890) ; le Premier Pontife (1890) ; les Races (1890) ; Premier cycle des civilisations :
Sardanapale (1891) ; Deuxième cycle de la civilisation :
Jésus (1899). — Charlemagne (1893). — La
Pallas des peuples (1893). — Abeylar (1894). — La Loi de l’histoire (1894). — Jeanne d’Arc (1895). — Borgia (1896). — Jésus et l’Ère de la science
(1896). — Philippe le Bel (1896). — Don Juan
(1897). — Pascal et Descartes (1897). — Rabelais
(1897). — La Religion de la science et l’Esprit pur (1897). — Ultimum Organum (1897).
Un prodigieux savant, un immense penseur, un incomparable poète vient de surgir
au déclin de notre siècle pour l’illustrer magnifiquement et le résumer dans des
tendances caractéristiques et des impairissables conquêtes. J. de Strada, hier encore inconnu,
et génie entrant aujourd’hui vivant dans l’immortalité, nous offre les premiers
fragments d’une œuvre géante, d’une épopée colossale qui sera pour notre pays le
pendant de l’œuvre de Dante
pour l’Italie du xive
siècle, avec cette différence
que la Divine comédie a seulement quinze mille vers, tandis que
l’Épopée humaine en a déjà cent mille et en aura quatre fois
autant. Nous doutions-nous, au milieu des agitations stériles de notre vie
artificielle et tourmentée, qu’un homme , isolé depuis plus de
quarante années dans le silence et la méditation, avait su élever un monument qui,
par sa splendeur et sa vérité, domine la mêlée de nos passions, de nos luttes et
de nos médiocrités tapageuses, comme les Pyramides surplombent de leur hauteur
écrasante les sables mouvants et les simouns du désert ?
Cinq volumes de science pure, quatre volumes de science sociale, quinze volumes
de poésie, telle est l’œuvre publiée de Strada, notoirement inconnue du
public. Pourquoi ces ténèbres sur ce nom ? M. Strada est d’une autre époque :
travailleur acharné, comme Zola, il n’a pas, comme ce dernier, l’intuition de l’humanité future,
il se contente de croire en la science, divinité de l’Erreur ; il est naturaliste
métaphysique !
L’Épopée humaine, de M. Strada, évolue en trois cycles ;
chaque cycle réclame trois tomes ; chaque tome absorbe 11 574 mauvais vers ; nous
en sommes au tome XI ; ci : 127 314 alexandrins. L’œuvre sera complète en 190 971
(lisez cent quatre-vingt-dix mille neuf cent soixante et onze vers), et alors
M. Strada en sera pour sa
crampe, car son Épopée est d’une médiocrité qui surprend de la
part de l’auteur jadis estimé de l’Ultimum Organum. La
réputation d’un bon philosophe s’écroule dans le ridicule. M. Strada, comme poète, est bien
au-dessous des légendaires qui travaillaient pour des papillotes abolies.
Presque sur la même ligne que Leconte de Lisle,
je ne vois qu’un seul poète : J. de Strada. Mais J. de Strada n’atteindra pas à la gloire dont vous parlez, à la
gloire imminente. Son front, qu’il n’incline point, n’est pas fait pour recevoir
le laurier des mains de ceux qui le tressent en couronnes. Il ne commandera pas
non plus au respect, parce qu’il ne sut pas — ou ne voulut pas — donner à son art
la forme impeccable devant laquelle s’agenouillent si dévotement les jeunes, qui
sont de si charmants et de si vains poètes. Et, pourtant, quel étrange et quel
puissant génie que celui de l’auteur
de l’Épopée humaine
!
J. de Strada, comme
Leconte de
Lisle, est un témoin qui raconte le passé et qui
communique aux faits un peu du phosphore que son génie lui a mis aux doigts, de ce
phosphore dont parle Joubert. Aujourd’hui, se disputant la palme de gloire, je ne vois
que des glorioleux. Voyez-vous, je crois à un interrègne. Le sceptre que Victor Hugo et Leconte de Lisle
ont laissé tomber, personne ne le ramassera : il serait trop lourd à porter. L’Art
va se traîner, image fidèle de notre décadente époque, jusqu’au réveil.
Devons-nous aborder à la légère le nouveau volume de M. Strada ? dire que nous l’avons
mal lu et, aussitôt, pour nous justifier de cette apparente négligence, qu’il
dévoile une absence de style et de tact poétique que nous serions en droit
d’exiger d’un poète ? Mais M. Strada est un
philosophe et un historien, et l’examen d’une telle épopée est au-dessus de notre
compétence.
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