Critique de l’Histoire des Girondins (4e partie)
« Tant que les révolutions ne sont pas achevées, l’instinct du peuple pousse à la république ; car il sent que toute autre main que la sienne est trop faible pour imprimer l’impulsion qu’il faut aux choses. Le peuple ne se fie pas, et il a raison, à un pouvoir irresponsable, perpétuel et héréditaire, pour faire ce que commandent des époques de création. Il veut faire ses affaires lui-même. Sa dictature lui paraît indispensable pour sauver la nation. Or la dictature organisée du peuple, qu’est-ce autre chose que la république ? Il ne peut remettre ses pouvoirs qu’après que toutes les crises sont passées, et que l’œuvre révolutionnaire est incontestée, complète et consolidée. Alors il peut reprendre la monarchie et lui dire de nouveau : “Règne au nom des idées que je t’ai faites ! ” « L’Assemblée constituante fut donc aveugle et faible de ne pas donner la république pour instrument naturel à la Révolution. Mirabeau, Bailly, La Fayette, Sieyès, Barnave, Talleyrand, Lameth, agissaient en cela en philosophes, et non en grands politiques. L’événement l’a prouvé. Ils crurent la Révolution achevée aussitôt qu’elle fut écrite ; ils crurent la monarchie convertie aussitôt qu’elle eut juré la constitution. La Révolution n’était que commencée, et le serment de la royauté à la Révolution était aussi vain que le serment de la Révolution à la royauté. Ces deux éléments ne pouvaient s’assimiler qu’après un intervalle d’un siècle. Cet intervalle, c’était la république. Un peuple ne passe pas en un jour, ni même en cinquante ans, de l’action révolutionnaire au repos monarchique. C’est pour l’avoir oublié à l’heure où il fallait s’en souvenir, que la crise a été si terrible et qu’elle nous agite encore. Si la Révolution qui se poursuit toujours avait eu son gouvernement propre et naturel, la république, cette république eût été moins tumultueuse et moins inquiète que nos cinq tentatives de monarchie. La nature des temps où nous avons vécu proteste contre la forme traditionnelle du pouvoir. À une époque de mouvement, un gouvernement de mouvement, voilà la loi ! « L’Assemblée nationale, dit-on, n’en avait pas le droit : elle avait juré la monarchie et reconnu Louis XVI ; elle ne pouvait le détrôner sans crime ! L’objection est puérile, si elle vient d’esprits qui ne croient pas à la possession des peuples par les dynasties. L’Assemblée constituante, dès son début, avait proclamé le droit inaliénable des peuples et la légitimité des insurrections nécessaires. Le serment du Jeu de Paume ne consistait qu’à jurer désobéissance au roi et fidélité à la nation. L’Assemblée avait ensuite proclamé Louis XVI roi des Français. Si elle se reconnaissait le pouvoir de le proclamer roi, elle se reconnaissait par là même le droit de le proclamer simple citoyen. La déchéance pour cause d’utilité nationale et d’utilité du genre humain était évidemment dans ses principes. Que fait-elle cependant ? Elle laisse Louis XVI roi ou elle le refait roi, non par respect pour l’institution, mais par pitié pour sa personne et par attendrissement pour une auguste décadence. Voilà le vrai. Elle craignait le sacrilège, et elle se précipite dans l’anarchie. C’était clément, beau, généreux ; Louis XVI méritait bien du peuple. Qui peut flétrir une magnanime condescendance ? Avant le départ du roi pour Varennes, le droit absolu de la nation ne fut qu’une fiction abstraite, un summum jus de l’Assemblée. La royauté de Louis XVI resta le fait respectable et respecté. Encore une fois, c’était bien fait. « Mais il vint un moment, et ce moment fut celui de la fuite du roi, sortant du royaume, protestant contre la volonté nationale, et allant chercher l’appui de l’armée et l’intervention étrangère, où l’Assemblée rentrait dans le droit rigoureux de disposer du pouvoir déserté. Trois partis s’offraient à elle : déclarer la déchéance et proclamer le gouvernement républicain ; proclamer la suspension temporaire de la royauté, et gouverner en son nom, pendant son éclipse morale ; enfin restaurer à l’instant la royauté. « L’Assemblée choisit le pire. Elle craignit d’être dure, et elle fut cruelle ; car, en conservant au roi le rang suprême, elle le condamna au supplice de la colère et du dédain de son peuple. Elle le couronna de soupçons et d’outrages. Elle le cloua au trône, pour que le trône fût l’instrument de ses tortures et enfin de sa mort. « Des deux autres partis à prendre, le premier était le plus logique et le plus absolu : proclamer la déchéance et la république. « La république, si elle eût été alors légalement établie par l’Assemblée dans son droit et dans sa force, aurait été tout autre que la république qui fut perfidement et atrocement arrachée, neuf mois après, par l’insurrection du 10 août. Elle aurait eu, sans doute, les agitations inséparables de l’enfantement d’un ordre nouveau. Elle n’aurait pas échappé aux désordres inévitables dans un pays de premier mouvement, passionné par la grandeur même de ses dangers. Mais elle serait née d’une loi, au lieu d’être née d’une sédition ; d’un droit, au lieu d’une violence ; d’une délibération, au lieu d’une insurrection. Cela seul changeait les conditions sinistres de son existence et de son avenir. Elle devait être remuante, elle pouvait rester pure. « Voyez combien le seul fait de sa proclamation légale et réfléchie changeait tout. Le 10 août n’avait pas lieu ; les perfidies et la tyrannie de la commune de Paris, le massacre des gardes, l’assaut du palais, la fuite du roi à l’Assemblée, les outrages dont il y fut abreuvé, enfin son emprisonnement au Temple, étaient écartés. La république n’aurait pas tué un roi, une reine, un enfant innocent, une princesse vertueuse. Elle n’aurait pas eu les massacres de septembre, ces Saint-Barthélemy du peuple qui tachent à jamais les langes de la liberté. Elle ne se serait pas baptisée dans le sang de trois cent mille victimes. Elle n’aurait pas mis dans la main du tribunal révolutionnaire la hache du peuple, avec laquelle il immola toute une génération pour faire place à une idée. Elle n’aurait pas eu le 31 mai. Les Girondins, arrivés purs au pouvoir, auraient eu bien plus de force pour combattre la démagogie. La république, instituée de sang-froid, aurait bien autrement intimidé l’Europe qu’une émeute légitimée par le meurtre et les assassinats. La guerre pouvait être évitée, ou, si la guerre était inévitable, elle eût été plus unanime et plus triomphante. Nos généraux n’auraient pas été massacrés par leurs soldats aux cris de trahison. L’esprit des peuples aurait combattu avec nous, et l’horreur de nos journées d’août, de septembre et de janvier, n’aurait pas repoussé de nos drapeaux les peuples attirés par nos doctrines. Voilà comment un seul changement, à l’origine de la république, changeait le sort de la Révolution. »
« L’orgueil de ce monde aristocratique qui la voyait sans la compter pesait sur son âme. Une société où elle n’avait pas son rang lui semblait mal faite. C’était moins de l’envie que de la justice révoltée en elle. Les êtres supérieurs ont leur place marquée par Dieu, et tout ce qui les en écarte leur semble une usurpation. Ils trouvent la société souvent inverse de la nature ; ils se vengent en la méprisant. De là la haine du génie contre la puissance. Le génie rêve un ordre de choses où les rangs seraient assignés par la nature et la vertu. Ils le sont presque toujours par la naissance, cette faveur aveugle de la destinée. Il y a peu de grandes âmes qui ne sentent en naissant la persécution de la fortune, et qui ne commencent par une révolte intérieure contre la société. Elles ne s’apaisent qu’en se décourageant. D’autres se résignent, par une compréhension plus haute, à la place que Dieu leur assigne. Servir humblement le monde est encore plus beau que le dominer. Mais c’est là le comble de la vertu. La religion y conduit en un jour, la philosophie n’y conduit que par une longue vie, par le malheur et par la mort. Il y a des jours où la plus haute place du monde, c’est un échafaud. »
« L’Assemblée suspendit sa séance à une heure du matin. La famille royale était restée jusque-là dans la loge du Logographe. Dieu seul peut mesurer la durée des quatorze heures de cette séance dans l’âme du roi, de la reine, de Madame Élisabeth et de leurs enfants. La soudaineté de la chute, l’incertitude prolongée, les vicissitudes de crainte et d’espérance, la bataille qui se livrait aux portes et dont ils étaient le prix sans même voir les combattants, les coups de canon, la fusillade retentissant dans leur cœur, s’éloignant, se rapprochant, s’éloignant de nouveau comme l’espérance qui joue avec le moment, la pensée des dangers de leurs amis abandonnés au château, le sombre avenir que chaque minute creusait devant eux sans en apercevoir le fond, l’impossibilité d’agir et de se remuer au moment où toutes les pensées poussent l’homme à l’agitation, la gêne de s’entretenir même entre eux, l’attitude impassible que le soin de leur dignité leur commandait, la crainte, la joie, le désespoir, l’attendrissement, et, pour dernier supplice, le regard de leurs ennemis fixé constamment sur leurs visages pour y surprendre un crime dans une émotion ou s’y repaître de leur angoisse, tout fit de ces heures éternelles la véritable agonie de la royauté. La chute fut longue, profonde, terrible, du trône à l’échafaud. Nulle part elle ne fut plus sentie que là. C’est le premier coup qui brise, les autres ne font que tuer. « Si l’on ajoute à ces tortures de l’âme les tortures du corps de cette malheureuse famille, jetée, après une nuit d’insomnie, dans cette espèce de cachot ; l’air brûlant exhalé par une foule de trois ou quatre mille personnes, s’engouffrant dans la loge, et intercepté dans le couloir par la foule extérieure qui l’engorgeait ; la soif, l’étouffement, la sueur ruisselante, la tendresse réciproque des membres de cette famille multipliant dans chacun d’eux les souffrances de tous, on comprendra que cette journée eût dû assouvir à elle seule une vengeance accumulée par quatorze siècles. « Le prince, accoudé sur le devant de la loge comme un homme qui assiste à un grand spectacle, semblait déjà familiarisé avec sa situation. Il faisait des observations judicieuses et désintéressées sur les circonstances, sur les motions, sur les votes, qui prouvaient un complet détachement de lui-même. Il parlait de lui comme d’un roi qui aurait vécu mille ans auparavant ; il jugeait les actes du peuple envers lui comme il aurait jugé les actes de Cromwell et du long parlement envers Charles Ier. La puissance de résignation qu’il possédait lui donnait cette puissance d’impartialité, sous le fer même du parti qui le sacrifiait. Il adressait souvent la parole à demi-voix aux députés les plus rapprochés de lui et qu’il connaissait, entre autres à Calon, inspecteur de la salle, à Coustard et à Vergniaud. Il entendit sans changer de couleur, de regard, d’attitude, les invectives lancées contre lui et le décret de sa déchéance. La chute de sa couronne ne donna pas un mouvement à sa tête. On vit même une joie secrète luire sur ses traits à travers la gravité et la tristesse du moment. Il respira fortement, comme si un grand fardeau eût été soulevé de son âme. L’empire pour lui était un devoir plus qu’un orgueil. En le détrônant on le soulageait.
« Madame Élisabeth, insensible à la catastrophe politique, ne cherchait qu’à répandre un peu de sérénité dans cette ombre. La triste condoléance de son sourire, la profondeur d’affection qui brillait dans ses yeux à travers ses larmes, ouvraient au roi et à la reine un coin de ciel intérieur où les regards se reposaient confidentiellement de tant de trouble. Une seule âme qui aime, un seul accent qui plaint, compensent la haine et l’injure de tout un peuple : elle était la pitié visible et présente à côté du supplice. « La reine avait été soutenue au commencement par l’espérance de la défaite de l’insurrection. Émue comme un héros au bruit du canon, intrépide contre les vociférations des pétitionnaires et des tribunes, son regard les bravait, sa lèvre dédaigneuse les couvrait de mépris ; elle se tournait sans cesse, avec des regards d’intelligence, vers les officiers de sa garde, qui remplissaient le fond de la loge et le couloir, pour leur demander des nouvelles du château, des Suisses, des forces qui leur restaient, de la situation des personnes chères qu’elle avait laissées aux Tuileries et surtout de la princesse de Lamballe, son amie. Elle avait appris en frémissant d’indignation, mais sans pâlir, le massacre de Suleau dans la cour des Feuillants, les cris de rage des assassins, les fusillades des bataillons aux portes de l’Assemblée, les assauts tumultueux du peuple pour forcer l’entrée du couloir et venir l’immoler elle-même. Tant que le combat avait duré, elle en avait eu l’agitation et l’élan. Aux derniers coups de canon, aux cris de victoire du peuple, à la vue de ses écrins, de ses bijoux, de ses portefeuilles, de ses secrets étalés et profanés sous ses yeux comme les dépouilles de sa personne et de son cœur, elle était tombée dans un abattement immobile, mais toujours fier. Elle dévorait sa défaite, elle ne l’acceptait pas comme le roi. Son rang faisait partie d’elle-même ; en déchoir, c’était mourir. Le décret de suspension, prononcé par Vergniaud, avait été un coup de hache sur sa tête. Elle ferma un moment les yeux et parut se recueillir dans son humiliation ; puis l’orgueil de son infortune brilla sur son front comme un autre diadème. Elle recueillit toute sa force pour s’élever, par le mépris des coups, au-dessus de ses ennemis ; elle ne les sentit plus que dans les autres. »Nous demandons à tout lecteur de bonne foi si la pitié manque à l’infortune et si le respect manque à la catastrophe dans un tel tableau ? Est-ce démoraliser le peuple que lui peindre ainsi ses victimes, et que lui arracher des larmes sur les victoires mêmes que ses tribuns remportent en son nom ?
« Danton voulut trois choses : la première, secouer le peuple et le compromettre tellement dans la cause de la Révolution, qu’il ne pût plus reculer et qu’il se précipitât aux frontières, tout souillé du sang des royalistes, sans autre espérance que la victoire ou la mort ; la seconde, porter la terreur dans l’âme des royalistes, des aristocrates et du clergé ; enfin, la troisième, intimider les Girondins, qui commençaient à murmurer de la tyrannie de la commune, et montrer à ces âmes faibles que, s’ils ne se faisaient pas les instruments du peuple, ils en pourraient bien être les victimes. « Danton fut surtout poussé au meurtre par une cause plus personnelle et moins théorique : son caractère. Il avait la réputation de l’énergie, il en eut l’orgueil. Il voulut la déployer dans une mesure qui étonnât ses amis et ses ennemis. Il prit le crime pour du génie. Il méprisa ceux qui s’arrêtaient devant quelque chose, même devant l’assassinat en masse. Il s’admira dans son dédain de remords. Il consentit à être le phénomène de l’emportement révolutionnaire. Il y eut de la vanité dans son forfait. Il crut que son acte, en se justifiant par l’intention et par le lointain, perdrait de son caractère ; que son nom grandirait quand il serait en perspective, et qu’il serait le colosse de la Révolution. Il se trompait. Plus les crimes politiques s’éloignent des passions qui les font commettre, plus ils baissent et pâlissent devant la postérité. L’histoire est la conscience du genre humain. Le cri de cette conscience sera la condamnation de Danton. On a dit qu’il sauva la patrie et la Révolution par ces meurtres, et que nos victoires sont leur excuse. On se trompe comme il s’est trompé. Un peuple qu’on aurait besoin d’enivrer de sang pour le pousser à défendre sa patrie serait un peuple de scélérats et non un peuple de héros. L’héroïsme est le contraire de l’assassinat. »Voilà cependant le livre qu’on a appelé une flatterie à l’immoralité démocratique ! Que dites-vous de plus et qu’ai-je dit de moins que vous, hommes de bien de tous les partis ? En morale, il n’y a pas de partis, il n’y a qu’une conscience. La mienne me reproche d’avoir peut-être trop porté sur un seul homme le crime anonyme des massacres de septembre. J’ai été en cela plus dramatique que juste, je le dis à la postérité.
« Le duc de Chartres était le fils aîné du duc d’Orléans. Né dans le berceau même de la liberté, nourri de patriotisme par son père, il n’avait pas eu à faire son choix entre les opinions. Son éducation avait fait ce choix pour lui. Il avait respiré la Révolution, mais il ne l’avait pas respirée au Palais-Royal, foyer des désordres domestiques et des plans politiques de son père. Son adolescence s’était écoulée studieuse et pure dans les retraites de Belle-Chasse et de Passy, où madame de Genlis gouvernait l’éducation des princes de la famille d’Orléans. Jamais femme ne confondit si bien en elle l’intrigue et la vertu, et n’associa une situation plus suspecte à des préceptes plus austères. Odieuse à la mère, favorite du père, mentor des enfants, à la fois démocrate et amie du prince, ses élèves sortirent de ses leçons pétris de la double argile du prince et du citoyen. Elle façonna leur âme sur la sienne. Elle leur donna beaucoup de lumières, beaucoup de principes, beaucoup de calcul. « Le duc de Chartres s’était fait accepter des anciens soldats comme prince, des nouveaux comme patriote, de tous comme camarade. Son intrépidité était raisonnée. Elle ne l’emportait pas, il la guidait. Elle lui laissait la lumière du coup d’œil et le sang-froid du commandement. Il allait au feu sans presser et sans ralentir le pas. Son ardeur n’était pas de l’élan, mais de la volonté. Elle était réfléchie comme un calcul et grave comme un devoir. Sa taille était élevée, sa stature solide, sa tenue sévère. L’élévation du front, le bleu de l’œil, l’ovale du visage, l’épaisseur majestueuse mais un peu lourde du menton, rappelaient en lui le Bourbon et faisaient souvenir du trône. Le cou souvent incliné, l’attitude modeste du corps, la bouche un peu pendante aux deux extrémités, le coup d’œil adroit, le sourire caressant, le geste gracieux, la parole facile, rappelaient le fils d’un complaisant de la multitude et faisaient souvenir du peuple. Sa familiarité, martiale avec l’officier, soldatesque avec les soldats, patriotique avec les citoyens, lui faisait pardonner son rang. Mais, sous l’extérieur d’un soldat du peuple, on apercevait au fond de son regard une arrière-pensée de prince du sang. Il se livrait à tous les accidents d’une révolution avec cet abandon complet mais habile d’un esprit consommé. On eût dit qu’il savait d’avance que les événements brisent ceux qui leur résistent, mais que les révolutions, comme les vagues, rapportent souvent les hommes où elles les ont pris. Bien faire ce que la circonstance indiquait, en se fiant du reste à l’avenir et à son rang, était toute sa politique. Machiavel ne l’eût pas mieux conseillé que sa nature. Son étoile ne l’éclairait jamais qu’à quelques pas devant lui. Il ne lui demandait ni plus de lumière, ni plus d’éclat. Son ambition se bornait à savoir attendre. Sa providence était le temps ; né pour disparaître dans les grandes convulsions de son pays, pour survivre aux crises, pour déjouer les partis déjà fatigués, pour satisfaire et pour amortir les révolutions. À travers sa bravoure, son enthousiasme exalté pour la patrie, on craignait d’entrevoir en perspective un trône relevé sur les débris et par les mains d’une république. Ce pressentiment, qui précède les hautes destinées et les grands noms, semblait révéler de loin à l’armée que de tous les hommes qui s’agitaient alors dans la Révolution celui-là pouvait être un jour le plus utile ou le plus fatal à la liberté. « Dumouriez, qui avait entrevu le jeune duc de Chartres à l’armée de Luckner, l’observa attentivement dans cette occasion, fut frappé de son sang-froid et de sa lucidité dans l’action, pressentit une force dans cette jeunesse, et résolut de se l’attacher. »
« L’extérieur de Marat révélait son âme. Petit, maigre, osseux, son corps paraissait incendié par un foyer intérieur. Des taches de bile et de sang marquaient sa peau. Ses yeux, quoique proéminents et pleins d’insolence, paraissaient souffrir de l’éblouissement du grand jour. Sa bouche, largement fendue, comme pour lancer l’injure, avait le pli habituel du dédain. Il connaissait la mauvaise opinion qu’on avait de lui et semblait la braver. Il portait la tête haute et un peu penchée à gauche, comme dans le défi. L’ensemble de sa figure, vue de loin et éclairée d’en haut, avait de l’éclat et de la force, mais du désordre. Tous les traits divergeaient comme la pensée. C’était le contraire de la figure de Robespierre, convergente et concentrée comme un système : l’une, méditation constante ; l’autre, explosion continue. À l’inverse de Robespierre, qui affectait la propreté et l’élégance, Marat affectait la trivialité et la saleté du costume. Des souliers sans boucles, des semelles de clous, un pantalon d’étoffe grossière et taché de boue, la veste courte des artisans, la chemise ouverte sur la poitrine, laissant à nu les muscles du cou ; les mains épaisses, le poing fermé, les cheveux gras sans cesse labourés par ses doigts : il voulait que sa personne fût l’enseigne vivante de son système social. »Les Girondins essayent de reporter sur Marat toute la responsabilité des journées de septembre. Quelques-uns d’entre eux se refusent à pallier ce crime sur le nom de Danton pour se ménager une force
« Non, s’écrie l’intrépide Guadet en se retirant de la conférence ; tout, excepté l’impunité, aux égorgeurs et à leurs complices ! Une république pure ou la mort ! C’est le combat que nous devons livrer. »(C’est celui que nous avons livré et gagné nous-même un demi-siècle plus tard, et que les amis de la liberté honnête, la seule liberté, livreront toujours dans des occasions semblables, s’ils veulent réconcilier la vertu et la liberté dans le gouvernement des masses.)
« Un des exécuteurs, prenant la tête du supplicié par les cheveux, la montra au peuple et aspergea de sang les bords de l’échafaud. Des fédérés et des républicains fanatiques montèrent sur les planches, trempèrent les pointes de leurs sabres et les lances de leurs piques dans le sang, et les brandirent vers le ciel en poussant le cri de : “Vive la République ! ” L’horreur de cet acte étouffa le même cri sur les lèvres du peuple. L’acclamation ressembla plutôt à un immense sanglot. Les salves de l’artillerie allèrent apprendre aux faubourgs les plus lointains que la royauté était suppliciée avec le roi. La foule s’écoula en silence. On emporta les restes de Louis XVI dans un tombereau couvert au cimetière de la Madeleine, et on jeta de la chaux dans la fosse, pour que les ossements consumés de la victime de la Révolution ne devinssent pas un jour les reliques du royalisme. Les rues se vidèrent. Des bandes de fédérés armés parcoururent les quartiers de Paris en annonçant la mort du tyran et en chantant le sanguinaire refrain de la Marseillaise. Aucun enthousiasme ne leur répondit, la ville resta muette. Le peuple ne confondait pas un supplice avec une victoire. La consternation était rentrée avec la liberté dans la demeure des citoyens. Le corps du roi n’était pas encore refroidi sur l’échafaud que le peuple doutait de l’acte qu’il venait d’accomplir, et se demandait, avec une anxiété voisine du remords, si le sang qu’il venait de répandre était une tache sur la gloire de la France ou le sceau de la liberté. La conscience des républicains eux-mêmes se troubla devant cet échafaud. La mort du roi laissait un problème à débattre à la nation. « Cinquante-trois ans se sont écoulés depuis ce jour ; ce problème agite encore la conscience du genre humain et partage l’histoire elle-même en deux partis : crime ou stoïcisme, selon le point de vue où l’on se place pour le considérer, cet acte est un parricide aux yeux des uns ; il est aux yeux des autres un acte politique qui écrivit avec le sang d’un roi les droits du peuple, qui devait rendre la royauté et la France à jamais irréconciliables, et qui, ne laissant à la France compromise d’autre alternative que de subir la vengeance des despotes ou de les vaincre, condamnait la nation à la victoire par l’énormité de l’outrage et par l’impossibilité du pardon. « Quant à nous, qui devons justice et pitié à la victime, mais qui devons aussi justice aux juges, nous nous demandons, en finissant ce mélancolique récit, ce qu’il faut accuser, ce qu’il faut absoudre du roi, de ses juges, de la nation ou de la destinée. Et si l’on peut rester impartial quand on est attendri, nous posons en ces termes dans notre âme la redoutable question qui fait hésiter l’histoire, douter la justice, trembler l’humanité :
« La nation avait-elle le droit de juger en tribunal légal et régulier Louis XVI ? Non : car pour être juge il faut être impartial et désintéressé, et la nation n’était ni l’un ni l’autre. Dans ce combat terrible, mais inévitable, que se livraient, sous le nom de révolution, la royauté et la liberté pour l’asservissement ou l’émancipation des citoyens, Louis XVI personnifiait le trône, la nation personnifiait la liberté. Ce n’était pas leur faute, c’était leur nature. Les tentatives de transaction étaient vaines. Les natures se combattaient en dépit des volontés. Entre ces deux adversaires, le roi et le peuple, dont par instinct l’un devait vouloir retenir, l’autre arracher les droits de la nation, il n’y avait d’autre tribunal que le combat, d’autre juge que la victoire. Nous ne prétendons pas dire par ces paroles qu’il n’y eût pas au-dessus des deux partis une moralité de la cause et des actes qui juge la victoire elle-même. Cette justice ne périt jamais dans l’éclipse des lois et dans la ruine des empires ; seulement elle n’a pas de tribunal où elle puisse citer légalement ses accusés ; elle est la justice qui n’a ni juges institués ni lois écrites, mais qui prononce ses arrêts dans la conscience, et dont le code est l’équité. « Louis XVI ne pouvait être jugé en politique ni en équité que par un procès d’État. « La nation avait-elle le droit de le juger ainsi ? La nation avait certes la faculté de modifier la forme extérieure de sa souveraineté, de niveler son aristocratie, de salarier son Église, d’abaisser ou même de supprimer son trône pour régner elle-même par ses propres magistratures. Or, du moment que la nation avait le droit de combattre et de s’affranchir, elle avait le droit de surveiller et de consolider les résultats de sa victoire. Si donc Louis XVI, roi trop récemment dépossédé de la toute-puissance, roi à qui toute restitution du pouvoir au peuple devait paraître déchéance, roi mal satisfait de la part de règne qui lui restait, aspirant à reconquérir l’autre part, tiraillé d’un côté par une assemblée usurpatrice, tiraillé de l’autre par une reine inquiète, par une noblesse humiliée, par un clergé qui faisait intervenir le ciel dans sa cause, par une émigration implacable, par ses frères courant en son nom par toute l’Europe pour chercher des ennemis à la Révolution ; si Louis XVI, roi, paraissait à la nation une conspiration vivante contre sa liberté, si la nation le soupçonnait de trop regretter dans son âme le pouvoir suprême, de faire trébucher volontairement la nouvelle constitution pour profiter de ses chutes, de conduire la liberté dans des pièges, de se réjouir de l’anarchie, de désarmer la patrie, de lui souhaiter secrètement des revers, de correspondre avec ses ennemis, la nation avait le droit de le citer jusque sur son trône, de l’en faire descendre, de l’appeler à sa barre et de le déposer au nom de sa propre dictature et de son propre salut. Si la nation n’avait pas eu ce droit, le droit de trahir impunément les peuples eût donc été dans la constitution nouvelle une des prérogatives des rois ! »
« Nous venons de voir qu’aucune loi ne pouvait être appliquée au roi, et que, ses juges étant ses ennemis, son jugement ne pouvait être légal, mais une grande mesure d’État dont l’équité seule devait débattre les motifs et dicter l’arrêt. Que disait l’équité, et quelle peine pouvait-elle prononcer, si le vainqueur a le droit d’appliquer une peine au vaincu ? « Louis XVI, dégradé de la royauté, désarmé et prisonnier, coupable peut-être dans la lettre, était-il coupable dans l’esprit, si l’on considère la contrainte morale et physique de sa déplorable situation ? Était-ce un tyran ? Non. Un oppresseur du peuple ? Non. Un fauteur de l’aristocratie ? Non. Un ennemi de la liberté ? Non. Tout son règne protestait, depuis son avènement au trône, de la tendance philosophique de son esprit et des instincts populaires de son cœur à prémunir la royauté contre les tentations du despotisme, à faire monter les lois sur le trône, à demander des conseils à la nation, à faire régner par lui et en lui les droits et les intérêts du peuple. Prince révolutionnaire, il avait appelé lui-même la Révolution à son secours. Il avait voulu lui donner beaucoup ; elle avait voulu arracher davantage : de là la lutte. « Cependant tout n’était pas politiquement irréprochable du côté du roi dans cette lutte. L’incohérence et le repentir des mesures trahissaient la faiblesse et avaient souvent servi de prétexte aux violences et aux attentats du peuple. Ainsi Louis XVI avait convoqué les états généraux ; et voulant trop tard circonscrire le droit de délibération, l’insurrection morale du serment du Jeu de Paume lui avait forcé la main. Il avait voulu intimider l’Assemblée constituante par un rassemblement de troupes à Versailles, et le peuple de Paris avait pris la Bastille et embauché les gardes-françaises. Il avait pensé à éloigner le siège de l’Assemblée nationale de la capitale, et la populace de Paris avait marché sur Versailles, forcé son palais, massacré ses gardes, emprisonné sa famille aux Tuileries. Il avait tenté de s’enfuir au milieu de son armée et peut-être d’une armée étrangère, et la nation l’avait ramené enchaîné au trône et lui avait imposé la constitution de 91. Il avait parlementé avec l’émigration et les rois, ses vengeurs, et la populace de Paris avait fait le 20 juin. Pour obéir à sa conscience, il avait refusé sa sanction à des lois commandées par la volonté du peuple, et les Girondins unis aux Jacobins avaient fait le 10 août. Selon l’esprit dans lequel on envisageait les vicissitudes de son règne, depuis le commencement de la Révolution, il y avait de quoi l’accuser ou de quoi le plaindre. Il n’était ni tout à fait innocent, ni tout à fait coupable ; il était surtout malheureux ! Si le peuple pouvait lui reprocher des faiblesses et des dissimulations, il pouvait, lui roi, reprocher de cruelles violences au peuple. L’action et la réaction, le coup et le contrecoup s’étaient succédé de part et d’autre avec une telle rapidité, comme dans une mêlée, qu’il était difficile de dire qui avait frappé le premier. Les fautes étaient réciproques, les ombrages mutuels. Qui donc avait le droit de condamner l’autre et de lui dire avec justice et impartialité : “Tu mourras ? ” Aucun des deux. Le roi ne pouvait pas plus, en cas de victoire, juger le peuple, que le peuple ne pouvait légalement juger le roi. Il n’y avait point là de justiciable ; il y avait un vaincu, voilà tout. Le procès légal était une hypocrisie de justice, la hache seule était logique. Robespierre l’avait dit. Mais la hache après le combat et frappant un homme désarmé, au nom de ses ennemis, qu’est-elle dans toutes les langues ? Un meurtre de sang-froid, sans excuse du moment qu’il est sans nécessité, en un mot une immolation.
« Déposer Louis XVI, le bannir du sol national ou l’y retenir dans l’impuissance de conspirer et de nuire, voilà ce que commandaient aux conventionnels le salut de la république, la sûreté de la Révolution. L’immolation d’un homme captif et désarmé n’était qu’une concession à la colère ou une concession à la peur. Vengeance ici, lâcheté là, cruauté partout. Immoler un vaincu cinq mois après la victoire, ce vaincu fût-il coupable, ce vaincu fût-il dangereux, était un acte sans pitié. La pitié n’est pas un vain mot parmi les hommes. Elle est un instinct qui avertit la force d’amollir sa main à la proportion de la faiblesse et de l’adversité des victimes. Elle est une justice généreuse du cœur humain, plus clairvoyante au fond et plus infaillible que la justice inflexible de l’esprit. Aussi tous les peuples en ont-ils fait une vertu. Si l’absence de toute pitié est un crime dans le despotisme, pourquoi donc serait-ce une vertu dans les républiques ? Le vice et la vertu changent-ils de nom en changeant de parti ? Les peuples sont-ils dispensés d’être magnanimes ? Il n’y a que leurs ennemis qui oseraient le prétendre, car ils voudraient les déshonorer. Leur force même leur commande plus de générosité qu’à leurs tyrans !
« Enfin le meurtre du roi, comme mesure de salut public, était-il nécessaire ? Nous demanderions d’abord si ce meurtre était juste, car rien d’injuste en soi ne peut être nécessaire à la cause des nations. Ce qui fait le droit, la beauté et la sainteté de la cause des peuples, c’est la parfaite moralité de leurs actes. S’ils abdiquent la justice, ils n’ont plus de drapeaux. Ils ne sont que des affranchis du despotisme imitant tous les vices de leurs maîtres. La vie ou la mort de Louis XVI, détrôné ou prisonnier, ne pesait pas le poids d’une baïonnette de plus ou de moins dans la balance des destinées de la république. Son sang était une déclaration de guerre plus certaine que sa déposition. Sa mort était, certes, un prétexte d’hostilités plus spécieux que sa captivité, dans les conseils diplomatiques des cours ennemies de la Révolution. Prince épuisé et dépopularisé par quatre ans de lutte inégale avec la nation, livré vingt fois à la merci du peuple, sans crédit sur les soldats ; caractère dont on avait si souvent sondé la témérité et l’indécision, descendu d’humiliation en humiliation et degré par degré du haut de son trône dans la prison, Louis XVI était l’unique prince de sa race à qui il ne fût pas possible de songer à régner. Dehors, il était décrédité par ses concessions ; dedans, il eût été l’otage patient et inoffensif de la république, l’ornement de son triomphe, la preuve vivante de sa magnanimité. Sa mort, au contraire, aliénait de la cause française cette partie immense des populations qui ne juge les événements humains que par le cœur. La nature humaine est pathétique ; la république l’oublia, elle donna à la royauté le prestige du martyre, à la liberté le stigmate de la vengeance. Elle prépara ainsi une réaction contre la cause républicaine, et mit du côté de la royauté la sensibilité, l’intérêt, les larmes d’une partie des peuples. Qui peut nier que l’attendrissement sur le sort de Louis XVI et de sa famille n’ait été pour beaucoup dans le retour vers la royauté quelques années après. Les causes perdues ont des retours dont il ne faut souvent chercher les motifs que dans le sang des victimes odieusement immolées par la cause opposée. Le sentiment public, une fois ému d’une iniquité, ne se repose que quand il s’est, pour ainsi dire absous par quelque réparation éclatante et inattendue. Il y eut du sang de Louis XVI dans tous les traités que les puissances de l’Europe passèrent entre elles pour incriminer et étouffer la république ; il y eut du sang de Louis XVI dans l’huile qui sacra Napoléon si peu de temps après les serments à la liberté ; il y eut du sang de Louis XVI dans l’enthousiasme monarchique qui raviva en France le retour des Bourbons à la restauration ; il y en eut même en 1830 dans la répulsion au nom de la république, qui jeta la nation indécise entre les bras d’une autre dynastie. Ce sont les républicains qui doivent le plus déplorer ce sang, car c’est sur leur cause qu’il est retombé sans cesse, et c’est ce sang qui leur a coûté la république !
« Quant aux juges, Dieu lit seul dans la conscience des individus. L’histoire ne lit que dans la conscience des partis. L’intention seule fait le crime ou l’explication de pareils actes. Les uns votèrent par une puissante conviction de la nécessité de supprimer le signe vivant de la royauté en abolissant la royauté elle-même ; les autres par un défi aux rois de l’Europe, qui ne les croiraient pas, selon eux, assez républicains tant qu’ils n’auraient pas supplicié un roi ; ceux-ci, pour donner aux peuples asservis un signal et un exemple qui leur communiquassent l’audace de secouer la superstition des rois ; ceux-là par une ferme persuasion des trahisons de Louis XVI, que la presse et la tribune des clubs leur dépeignaient, depuis le commencement de la Révolution, comme un conspirateur ; quelques-uns par impatience des dangers de la patrie, quelques autres, comme les Girondins, à regret et par rivalité d’ambition, à qui donnerait le gage le plus irrécusable à la république ; d’autres par cet entraînement qui emporte les faibles âmes dans le courant des assemblées publiques ; d’autres par cette lâcheté qui surprend tout à coup le cœur et qui fait abandonner la vie d’autrui comme on abandonne sa propre vie ; un grand nombre enfin votèrent la mort avec réflexion, par un fanatisme qui ne se faisait illusion ni sur l’insuffisance des crimes, ni sur l’irrégularité des formes, ni sur la cruauté de la peine, ni même sur le compte qu’en demanderait la postérité à leur mémoire, mais qui crurent la liberté assez sainte pour justifier par sa fondation ce qui manquait à la justice de leur vote, et assez implacable pour lui immoler leur propre pitié !
« Tous se trompèrent. Cependant l’histoire, même en accusant, ne peut méconnaître, au milieu de toutes les conséquences politiques, contraires à l’équité, cruelles pour le sentiment et fatales à la liberté du supplice de Louis XVI, qu’il n’y eût une sinistre puissance dans cet échafaud. Ce fut la puissance des partis désespérés et des résolutions sans retour. Ce supplice vouait la France à la vengeance des trônes, et donnait ainsi cruellement à la république la force convulsive des nations : la force du désespoir. L’Europe l’entendit ; la France répondit. Les transactions, les indécisions, les négociations cessèrent ; et la Mort, tenant la hache régicide d’une main et le drapeau tricolore de l’autre, fut prise seule pour négociateur et pour juge entre la monarchie et la république, entre l’esclavage et la liberté, entre le passé et l’avenir des nations. »