Faculté de théologie99 Le prêtre, bon ou mauvais, est toujours un sujet équivoque, un être suspendu entre le ciel et la terre, semblable à cette figure100 que le physicien fait monter ou descendre à discrétion, selon que la bulle d’air qu’elle contient est plus ou moins dilatée. Ligué tantôt avec le peuple contre le souverain, tantôt avec le souverain contre le peuple, il ne s’en tient guère à prier les dieux que quand il se soucie peu de la chose. Le peuple n’approuve guère que ce qui est bien ; le prêtre, au contraire, n’approuve guère que ce qui est mal. L’auguste de ses fonctions lui inspire un tel orgueil, qu’ici le vicaire de Saint-Roch est plus grand à ses propres yeux que le souverain : celui-ci ne fait que des nobles, des ducs, des ministres, des généraux ; qu’est-ce que cela pour celui qui fait des dieux ? A l’autel, le souverain fléchit le genou, et sa tête s’incline sous la main du prêtre, comme celle du moindre des esclaves ; tous sont égaux dans l’enceinte où il préside, l’église. Dans notre religion et la religion de Sa Majesté Impériale, le chef de la société vient se confesser et rougir des fautes qu’il a commises, et le prêtre l’absout ou le lie. Grandes, petites circonstances, affaires publiques, affaires domestiques, en tout il dispose ouvertement ou clandestinement des esprits, selon sa pusillanimité ou son audace. Son état l’incline à la dureté, à la profondeur et au secret. Si on lui demandait qu’est-ce qu’un roi ? et qu’il osât répondre franchement, il dirait : C’est mon ennemi on c’est mon licteur101 . Plus il est saint, plus il est redoutable. Le prêtre avili ne peut rien ; son avidité, son ambition, ses intrigues, ses mauvaises mœurs ont été plus nuisibles à la religion que tous les efforts de l’incrédulité. C’est la contradiction de sa conduite, de ses principes qui a enhardi à l’examen et au mépris de ceux-ci. S’il eût été le pacificateur des troubles populaires, le conciliateur des pères avec les enfants, des époux et des parents entre eux, le consolateur de l’affligé, le défenseur de l’opprimé, l’avocat du pauvre, quelque absurdes qu’aient été les dogmes d’une classe de citoyens aussi utiles, qui d’entre nous aurait osé les attaquer ? Le prêtre est intolérant et cruel ; la hache qui mit en pièces Agag 102 n’est jamais tombée de ses mains. Sa justice ou celle de Dieu, ou des livres inspirés, est celle des circonstances. Il n’y a point de vertus qu’il ne puisse flétrir, et point de forfaits qu’il ne puisse sanctifier ; il a des autorités pour et contre. Je ne hais point le prêtre. S’il est bon, je le respecte ; s’il est mauvais, je le méprise ou je le plains. Et si je le peins ici avec des couleurs effrayantes, c’est qu’il faut négliger les exceptions et le connaître tel qu’il est par état, pour l’instituer tel qu’il doit être ; je veux dire saint ou hypocrite. L’hypocrisie est une vertu sacerdotale ; car le plus pernicieux des scandales est celui que le prêtre donne. En Espagne, où le mérite conduit à l’épiscopat et la protection de l’évêque aux fonctions subalternes, le haut clergé est savant et respectable et le bas clergé ignorant et vil. En France, où c’est l’usage contraire, où le mérite obtient les dignités subalternes, et la naissance et la protection disposent des grandes places de l’Église, c’est le bas clergé qui est instruit et respecté. On peut considérer l’institution d’un prêtre sous trois points de vue généraux : les mœurs, les connaissances et les fonctions ; et les fonctions sous deux autres aspects : les fonctions publiques et les fonctions privées ou ce qui tient à sa vie domestique. Séparer le séminaire des écoles, c’est séparer la théorie de la pratique, c’est donner la préférence à la science sur les mœurs ; cependant il est évident qu’un prêtre, sinon ignorant, du moins très-médiocrement instruit, peut être un très-bon prêtre, et cela aussi facilement qu’un savant ecclésiastique peut être un très-mauvais ecclésiastique. Rien n’est moins important et si dangereux qu’un nombreux clergé. Je ne le veux ni pauvre ni riche. Le soulagement de l’indigent est le devoir commun des citoyens. L’administration des aumônes corrompit les chefs de la primitive Église. La partie la plus sérieuse de l’institution d’un prêtre est celle qui concerne les mœurs et le caractère qui lui conviennent. Chaque état a sa pantomime ; le maintien du prêtre doit être grave, son air réservé, sa figure imposante, ses mœurs austères. Celui qui se familiarise hors du temple n’est pas assez respecté dans le temple. J’entends par ses fonctions publiques, tout ce qui appartient à l’administration des sacrements, à la célébration des saints offices, aux cérémonies de l’Église, à la prédication et au chant. Par ses exercices privés, la prière, la méditation et les lectures. Ces occupations doivent marcher conjointement avec l’éducation scientifique et la suivre sans interruption. Si l’apprenti prêtre a fait son cours entier des arts, il saura le latin et le grec. La connaissance de la langue latine lui est indispensable ; celle de la langue grecque lui est encore moins nécessaire qu’au médecin. Pour l’hébreu ou la langue des livres saints, c’est un instrument du métier. Il faut donc instituer deux chaires d’hébreu, une pour l’enseignement de la langue, une autre pour l’explication littérale du texte original. L’enseignement de la théologie peut se renfermer dans la division qui suit : la science de l’Écriture sainte, la théologie dogmatique, la théologie morale et l’histoire ecclésiastique.
Faculté de théologie99 Le prêtre, bon ou mauvais, est toujours un sujet équivoque, un être suspendu entre le ciel et la terre, semblable à cette figure100 que le physicien fait monter ou descendre à discrétion, selon que la bulle d’air qu’elle contient est plus ou moins dilatée. Ligué tantôt avec le peuple contre le souverain, tantôt avec le souverain contre le peuple, il ne s’en tient guère à prier les dieux que quand il se soucie peu de la chose. Le peuple n’approuve guère que ce qui est bien ; le prêtre, au contraire, n’approuve guère que ce qui est mal. L’auguste de ses fonctions lui inspire un tel orgueil, qu’ici le vicaire de Saint-Roch est plus grand à ses propres yeux que le souverain : celui-ci ne fait que des nobles, des ducs, des ministres, des généraux ; qu’est-ce que cela pour celui qui fait des dieux ? A l’autel, le souverain fléchit le genou, et sa tête s’incline sous la main du prêtre, comme celle du moindre des esclaves ; tous sont égaux dans l’enceinte où il préside, l’église. Dans notre religion et la religion de Sa Majesté Impériale, le chef de la société vient se confesser et rougir des fautes qu’il a commises, et le prêtre l’absout ou le lie. Grandes, petites circonstances, affaires publiques, affaires domestiques, en tout il dispose ouvertement ou clandestinement des esprits, selon sa pusillanimité ou son audace. Son état l’incline à la dureté, à la profondeur et au secret. Si on lui demandait qu’est-ce qu’un roi ? et qu’il osât répondre franchement, il dirait : C’est mon ennemi on c’est mon licteur101 . Plus il est saint, plus il est redoutable. Le prêtre avili ne peut rien ; son avidité, son ambition, ses intrigues, ses mauvaises mœurs ont été plus nuisibles à la religion que tous les efforts de l’incrédulité. C’est la contradiction de sa conduite, de ses principes qui a enhardi à l’examen et au mépris de ceux-ci. S’il eût été le pacificateur des troubles populaires, le conciliateur des pères avec les enfants, des époux et des parents entre eux, le consolateur de l’affligé, le défenseur de l’opprimé, l’avocat du pauvre, quelque absurdes qu’aient été les dogmes d’une classe de citoyens aussi utiles, qui d’entre nous aurait osé les attaquer ? Le prêtre est intolérant et cruel ; la hache qui mit en pièces Agag 102 n’est jamais tombée de ses mains. Sa justice ou celle de Dieu, ou des livres inspirés, est celle des circonstances. Il n’y a point de vertus qu’il ne puisse flétrir, et point de forfaits qu’il ne puisse sanctifier ; il a des autorités pour et contre. Je ne hais point le prêtre. S’il est bon, je le respecte ; s’il est mauvais, je le méprise ou je le plains. Et si je le peins ici avec des couleurs effrayantes, c’est qu’il faut négliger les exceptions et le connaître tel qu’il est par état, pour l’instituer tel qu’il doit être ; je veux dire saint ou hypocrite. L’hypocrisie est une vertu sacerdotale ; car le plus pernicieux des scandales est celui que le prêtre donne. En Espagne, où le mérite conduit à l’épiscopat et la protection de l’évêque aux fonctions subalternes, le haut clergé est savant et respectable et le bas clergé ignorant et vil. En France, où c’est l’usage contraire, où le mérite obtient les dignités subalternes, et la naissance et la protection disposent des grandes places de l’Église, c’est le bas clergé qui est instruit et respecté. On peut considérer l’institution d’un prêtre sous trois points de vue généraux : les mœurs, les connaissances et les fonctions ; et les fonctions sous deux autres aspects : les fonctions publiques et les fonctions privées ou ce qui tient à sa vie domestique. Séparer le séminaire des écoles, c’est séparer la théorie de la pratique, c’est donner la préférence à la science sur les mœurs ; cependant il est évident qu’un prêtre, sinon ignorant, du moins très-médiocrement instruit, peut être un très-bon prêtre, et cela aussi facilement qu’un savant ecclésiastique peut être un très-mauvais ecclésiastique. Rien n’est moins important et si dangereux qu’un nombreux clergé. Je ne le veux ni pauvre ni riche. Le soulagement de l’indigent est le devoir commun des citoyens. L’administration des aumônes corrompit les chefs de la primitive Église. La partie la plus sérieuse de l’institution d’un prêtre est celle qui concerne les mœurs et le caractère qui lui conviennent. Chaque état a sa pantomime ; le maintien du prêtre doit être grave, son air réservé, sa figure imposante, ses mœurs austères. Celui qui se familiarise hors du temple n’est pas assez respecté dans le temple. J’entends par ses fonctions publiques, tout ce qui appartient à l’administration des sacrements, à la célébration des saints offices, aux cérémonies de l’Église, à la prédication et au chant. Par ses exercices privés, la prière, la méditation et les lectures. Ces occupations doivent marcher conjointement avec l’éducation scientifique et la suivre sans interruption. Si l’apprenti prêtre a fait son cours entier des arts, il saura le latin et le grec. La connaissance de la langue latine lui est indispensable ; celle de la langue grecque lui est encore moins nécessaire qu’au médecin. Pour l’hébreu ou la langue des livres saints, c’est un instrument du métier. Il faut donc instituer deux chaires d’hébreu, une pour l’enseignement de la langue, une autre pour l’explication littérale du texte original. L’enseignement de la théologie peut se renfermer dans la division qui suit : la science de l’Écriture sainte, la théologie dogmatique, la théologie morale et l’histoire ecclésiastique.