Avant-propos
De son origine à son état actuel, la critique des œuvres d’art accuse dans son
développement deux tendances divergentes, dont on peut aujourd’hui constater
l’antagonisme. Il convient de ne plus confondre des travaux aussi différents que la
chronique d’un journal sur le livre du jour, les notes bibliographiques d’une revue, les
feuilletons qui racontent le Salon ou les pièces de la semaine, et certaines études, par
exemple, de M. Taine, un chapitre de Roodbu sur la peinture, les recherches de
Posnettbv sur
la littérature de clan, de Parker sur l’origine des sentiments que nous associons à
certaines couleurs, de Rentonbw et de Bainbx sur les formes du style. Tandis que les écrits de la première sorte
s’attachent, en effet, à critiquer, à juger, à prononcer catégoriquement sur la valeur de
tel ou tel ouvrage, livre, drame, tableau, symphonie, ceux de la seconde poursuivent,
comme on sait, un tout autre but, tendent à déduire des caractères particuliers de
l’œuvre, soit certains principes d’esthétique, soit l’existence chez son auteur d’un
certain mécanisme cérébral, soit une condition définie de l’ensemble social dans lequel
elle est née, à expliquer par des lois organiques ou historiques les émotions qu’elle
suscite et les idées qu’elle exprime. Rien de moins semblable que l’examen d’un poème en
vue de le trouver bon ou mauvais, besogne presque judiciaire et communication
confidentielle qui consiste, en beaucoup de périphrases, à porter des arrêts et à avouer
des préférences, ou l’analyse de ce poème en quête de renseignements esthétiques,
psychologiques, sociologiques, travail de science pure, où l’on s’applique à démêler des
causes sous des faits, des lois sous des phénomènes étudiés sans partialité et sans choix.
Le premier de ces genres peut conserver son appellation primitive puisqu’il est tout
d’appréciation ; quant au second, il serait bon qu’on se mît à le désigner par un vocable
propre ; celui d’esthopsychologie
by pourrait convenir à un
ordre de recherches où les œuvres d’art sont considérées comme les indices de l’âme des
artistes et de l’âme des peuples ; mais ce mot est incommode, disgracieux ; nous nous
excusons de l’employer parfois et nous le remplacerons le plus souvent par le terme
critique scientifique que nous opposons à critique littéraire dans un sens à préciser.
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