(1888) Recherches cliniques et thérapeutiques sur l'épilepsie, l'hystérie et l'idiotie : Compte-rendu du service des enfants idiots, épileptiques et arriérés de Bicêtre pendant l'année 1887
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(1888) Recherches cliniques et thérapeutiques sur l'épilepsie, l'hystérie et l'idiotie : Compte-rendu du service des enfants idiots, épileptiques et arriérés de Bicêtre pendant l'année 1887

RECHERCHES

SUR

L'ÉPILEPSIE, L'HYSTÉRIE

ET

L'IDIOTIE

PUBLICATIONS DYPRERPS MÉDICAL

RECHERCHES ,/

CLINIQUES ET THERAPEUTIQUES

SUR

L'ÉPILEPSIE, L'HYSTÉRIE

ET

L'IDIOTIE

COMPTE RENDU DU SERVICE DES ÉPILEPTIQUES

ET DES ENFANTS IDIOTS ET ARRIÉRÉS DE L1CÊTRE

PENDANT L'ANNÉE 1887

PAR

BOURNEVILL E

MÉDECIN DE BICÈTRE

SOLLIER, PILLIET, RAOULT

INTERNES DU SERVICE

ET

Le Dr BRICON !

CONSERVATEUR DU MUSÉE .

Volume VIII avec 27 figures dans le texte.

PARIS

Aux Bureaux du PROGRÈS MÉDICAL

tA, rue des Carmes, 14

E. LECROSIIER et BABE

L'DIIAIIIES-ÉDITEURS

Place de l'Écolo-de-Médecine

1888

PREMIÈRE PARTIE

Historique. - Statistique.

La nouvelle section.

BOURNEVILLE, 1887.

PREMIERE PARTIE.

Histoire du service pendant l'année 1887.

Le pavillon d'isolement pour les mala-

dies contagieuses de la nouvelle section.

I.

SITUATION DU SERVICE. - ENSEIGNEMENT PRIMAIRE.

A la date du 1 février 1887, nous avons quitté la sec-

tion des épileptiques adultes et dans le précédent

Compte-rendu, nous avons indiqué ce qu'ils avaient

présenté d'intéressant. Nous n'avons donc qu'à nous

occuper de la section des enfants. Nous rappellerons

qu'ils sont divisés en trois groupes : 1° les enfants'

idiots, gâteux, épileptiques ou non, mais invalides;

- 2° les enfants idiots, gâteux ou non gâteux, épi-

leptiques ou non, mais valides ; - 3° les enfants

propres, valides, imbéciles, arriérés, épileptiques et

hystériques ou non.

I. Enfants idiots, gâteux, épileptiques ou non,

mais INVALIDES.-Ils se subdivisent en deux catégories :

la première est composée d'enfants gâteux invalides,

dont la plupart sont susceptibles d'amélioration; l'autre,

d'enfants tout à fait incurables ou d'enfants atteints

d'épilepsie ou de méningo-encéphalitc, devenus gâteux

sous l'influence des accès ou des poussées congestives.

IV

ENFANTS IDIOTS, GATEUX, INVALIDES.

Ces derniers ne peuvent plus être que l'objet de soins

hygiéniques. Les premiers sont exercés à se tenir sur les

jambes à l'aide des barres parallèles (Fig. 1), à marcher,

soit en les tenant sous les bras ou à la main, soit au

charriot. On essaie de les rendre propres en les pla-

çant, à des heures régulières sur les sièges d'aisances

et de leur apprendre à se servir de leurs mains pour

manger. Nous avons essayé de guérir la bave qu'on

observe chez un grand nombre d'entre eux, en leur

faisant tenir entre les lèvres des petits bâtons de dia-

mètre variable, afin d'exciter la contractilité du muscle

orbiculaire des lèvres. Au 31 décembre 1887, il y avait

dans ce groupe 13 enfants ne marchant pas du tout et 7

enfants commençant à marcher avec le secours d'un

aide. Dès que ces enfants marchent seuls, ils sont en-

voyés à la petite école.

En dehors des instants trop courts durant lesquels ils

sont exercés à marcher, ces enfants restent assis sur de

petits fauteuils percés d'un large trou au-dessous duquel

Fig. 1. - Barres parallèles. - Elles peuvent être relevées ou abaissées suivant

1 la taille des enfants, rapprochées ou écartées suivant la largeur du corps.

ENFANTS IDIOTS, GATEUX. INVALIDES. V

est placé un vase en faïence que l'on fait glisser dans

une rainure. Ces fauteuils sont revêtus d'un coussin

circulaire (Fig. 2 et 3).

II. Enfants idiots, gâteux ou non, épileptiques ou

non, valides.- Ces enfants fréquentent la petite école

P,y. 2 et 3. - Fauteuil de gâteux.

1·'i. 4. - Escabeau servant à apprendre aux enfants à monter les escul (1'8

et 11 saute ?

VI . PETITE ÉCOLE.

confiée exclusivement à des femmes. 179 y ont été ins-

crits dans l'année. Sur ce nombre, 11 sont décédés ;

Fig. 5. - Ce; solides ont pour but u'aprr ? l1L\coJ aux enf.iius : en premier lien, 1\

reconnaître les cônes, cylindres, pyramides, sphères, etc. Il y a trois spécimens

de chaque solide. En second lieu, on apprend aux enfants à distinguer le,

différences de volume des cônes, cylindres, etc. (le plus gros, le plus petit, le

moyen).

PETITE ÉCOLE. VII

4 sont sortis définitivement ; 2 ont été transférés. Tous

les enfants sont exercés à la petite gymnastique (sys-

tème Pichery) ; 136 exécutent les mouvements plus ou

moins bien ; 14 pren-

nent part en outre aux

exercices de la grande

gymnastique ; 28 se

servent de la cuiller

seulement ; 69 de la

cuiller et de la four-

chette ; 55 se servent

de la cuiller, de la

fourchette et du cou-

teau ; 5 enfants gâteux

sont devenus pro-

pres (1) , grâce au

procédé employé qui

consiste à les placer

sur les sièges d'aisan-

ces que nous avons dé-

crits (2), à des heures

régulières : au lever,

au coucher, après cha-

que repas ; 27 enfants

de la petite école vont

aux ateliers une demi-

heure par jour (menui-

sier, 1 ; cordonniers,

3 ; rempaillcurs, 2 ;

Fig. fi. - Tableau dans lequel sont sculptés

des creux figurant un carré, un rectangle,

un losange, etc. L'enfant applique des

figures mobiles sur les figures en creux.

vannicrs, 4; tailleurs, 17). Les leçons de choses, les

promenades avec interrogations, l'éducation des sens

et en premier lieu du sens du toucher, forment la base,

de l'enseignement. Nous avons donné dans les précé-

cents Comptes rendus des renseignements détaillés sur

(1) Unna..., Whal ..., Uliaret ... Pigeo .. et Gauli...

(2) Voir Compte rendu pour l'année 1880, p. \I; - iSS5,

p. XXXVI.

VIII ENFANTS IMBÉCILES, ÉPILEPTIQUES, ETC.

le matériel scolaire de l'école et nous n'y reviendrons

plus aujourd'hui. Les (Fig. 4, 5 et 6) complètent sur

quelques points les explications que nous avons données.

III. Enfants propres et valides, imbéciles arriérés,

instables, épileptiques et hystériques ou non. Grande

école. - La population de cette école était le 1er jan-

vier 1887, de 150, et le 31 décembre, de 147. Le per-

sonnel enseignant est resté le même; M. Boutillier, en

témoignage de ses bons services a reçu une mention

honorable de la Préfecture de la Seine. A notre arrivée

dans le service, doux vieillards étaient chargés de don-

ner des leçons de danse et des leçons d'escrime. Sans

avoir un grand enthousiasme pour cet enseignement,

nous avons cru devoir le conserver. L'ancien maître

d'armes étant mort le 17 septembre 1886, il a été rem-

placé le 1" février 1887 par un sous-officier du fort de

Bicêtre, M. Crèze. Nous avons toujours le regret de ne

pas avoir un personnel enseignant plus complet et de

bons garçons de classe qui devraient être des auxiliaires

intelligents et dévoués des instituteurs. Aussi, devons-

nous maintenir les réclamations que nous avons faites

l'an dernier (p. VII). L'augmentation de la population

rend de plus en plus nécessaire la nomination d'un

troisième instituteur et d'un maître jardinier.

L'enseignement a toujours pour base les leçons de

choses, soit à la classe même, soit dans les jardins de

la section, soit dans le champ des céréales et des

plantes fourragères, ou dans le petit bois qui a été

prolongé derrière l'infirmerie. Nous avons fait niveler

et labourer le terrain où doivent être élevés les quatre

derniers pavillons , et nous y avons fait semer par

bandes : du seigle, du blé, du maïs, de l'orge, de l'es-

courgeon, de l'avoine, de la luzerne, du sainfoin, de la

vesce, du pavot, de l'oeillette, du lin, du chanvre, du

millet, du sarazin, etc... Les enfants y sont conduits par

PROMENADES ET DISTRACTIONS. IX

séries, assistent aux différentes opérations du labourage,

des semailles et de la récolte : maîtres et maîtresses leur

donnent des explications et leur posent des questions sur

tout ce qui se fait devant eux.

La matériel scolaire comprend la plupart des objets

employés à la petite école, et ceux qui sont d'un usage or-

dinaire. Nous avons essayé la méthode phono-mimique

de M. Grosselin, pour l'enseignement de la lecture. Des

consoles ont été placées dans les angles de chaque

classe pour recevoir des plantes et des arbustes, ainsi

que cela existait depuis 1881 dans la petite école.

Promenades et distractions. - Les enfants de la

grande école et ceux de la petite école qui sont propres

ont continué à faire sous la conduite de leurs maîtres

et de leurs maîtresses de nombreuses promenades, soit

dans les environs de l'hospice ou à Paris même : nous

mentionnerons seulement les promenades multiples au

Jardin des Plantes, au Luxembourg, au Palais de l'In-

dustrie, aux fêtes des environs, à la foire de la place

de la Nation, au parc de Montsouris, à l'expositon des

Arts décoratifs, au Jardin d'Acclimatation, etc. (1). Les

maitres et les maitresses en profitent pour l'enseigne-

ment des enfants. Jamais, et nous tenons à le répéter,

ces promenades, même dans des lieux très fréquentés,

n'ont donné lieu à des accidents capables d'attirer sérieu-

sement l'attention et de troublorla tranquillité publique.

Mentionnons enfin les distractions diverses, commu-

nes à tous les enfants valides : distribution de jouets

(1 er janvier), de beignets et de gâteaux; les déguise-

ments du Mardi-Gras ; les séances de lanterne magique,

(1) Nous devons remercier M. I. Geoffroy Saint-IIilaire, direc-

teur du Jardin d'Acclimatation et notre ami M. le Dr Yves Renard,

sous-directeur, de l'obligeance qu'ils mettent chaque année à nous

donner des cartes pour les enfants de Bicêtrc et de la Salpêtrière.

Nous devons également des remerciments à M. A. Proust qui nous

donne tous les ans l'autorisation de faire visiter aux enfants

l'exposition des Arts décoratifs.

X VISITES. CONGES.

de projections et de prestidigitation dans le gymnase, le

concert des frères Lionnet ; la distribution des prix ;

ajoutons enfin que 29 enfants ont pris part au Concours

de gymnastique à Saint-Mandé.

Visites, permissions de sortie, congés. - Les en-

fants ont reçu 7.916 visites. Les visiteurs ont été au

nombre de 10.745. Voici maintenant la statistique des

permissions de sortie et des congés :

BAINS ET HYDROTHÉRAPIE. XI

aux enfants de Bicêtre et de la Salpêtrière. Les résultats

obtenus, grâce à son zèle et à son savoir, justifient

pleinement la création de ce service.

Bains et hydrothérapie. - Les bains et les douches,

joints à l'emploi des bromures, surtout de l'élixir poly-

hromuré de Yvon et du bromure de camphre du Dr Clin

ont fait la base du traitement pendant l'année.

XII VISITES DU SERVICE.

Pauvvel; Dr Oscar Bloch, deCopenhague; -Bureau,

professeur au muséum d'histoire naturelle; - Dr Car-

rier, de Lyon ; - Dr Catsaras, professeur agrégé à la

Faculté de médecine d'Athènes ; - Dr A. Clopat ;

Dr Collard, de Liège; - La Commission du Conseil

général de la Seine, composée de MM. Baulard, Cusset,

Levraud, Paillot, Petrot et Rousselle ; La Commission

de surveillance, M. le Préfet et le M. directeur général

de l'Assistance publique; -- Dr Christian, médecin de

Charenton; - Dr Ed. Estrées, de Bruxelles ; - M. Din-

geon, architecte; - Dr Doutrebente, médecin direc-

teur de l'Asile de Blois; - Dr Drouineau, de la Ro-

chelle ; - Dr Dubois, conseiller municipal de Paris; -

Dr du Mesnil ; - M. Durranc, rédacteur au journal

La Justice ; - le Dr Eperon, de Lausanne; - le Dr

Evrard, d'Epernay; - M. Fallières, ministre de l'Inté-

rieur ; - le De \V. Fliess ; - M. Foubert, inspecteur

des Ecoles primaires de la Seine ; - le Dr Gambier, de

Bordeaux; M. Guen, membre du Conseil de surveil-

lance des asiles de la Force; - le Dr Gildo Passerini,

de Turin ; - Dr Glorieux; - Dr Hawey Littelejohn;

- Dr Hjalmer Neiglick; - M. Hoschain, économe de

l'hôpital de Saint-Germain-en-Laye ; - M. Issaurat,

professeur ; - M. Jacques, président du Conseil géné-

ral de la Seine ; - M"° Klumpke ; - Dr Laboubée ;

le Dr Lallier, médecin de l'hôpital Saint-Louis ; - le

Dr Lange, de Copenhague; - l-T. Leclère, chef du

bureau des aliénés à la Préfecture de la Seine ; le

Dr P. Legendre ; - le Dr Legroux; -le Dr Lemoine,

médecin-adjoint à. l'asile d'Armentières; -M. Louvard,

chef de bureau à la Préfecture de la Seine ; - le D' A.

Lubimoff, de Moscou ; - le Dr Lupianez, de Sévillo ;

- D' Mabille, médecin- directeur de l'asile de Lafont ;

- le Dr P. Marie ; - moi. Mathé frères, députés; le

Dr Maunoury ,de Chartres ; - le Dr Mercier ; - le D`' A .

Meunier; -le Dr Michel; - M. Monod, directeur do

l'Assistance publique au ministère de l'Intérieur ; - le

MALADIES ÉPIDEMIQUES. XIII

Dr Jaudi (île de Malte); - le Dr Negel, de Jassi; -

M. Périnelle, ancien conseiller municipal, rédacteur au

Mot d'Ordre; - le Dr Peterson Hudson, médecin de

River State Hospital for the Insane. - M. Peyron,

directeur général de l'Assistance publique de Paris ;

- le Dr N.-G. Philis : - le professeur Pitres;

M. Poisson, aide-naturaliste au Muséum ; - le D' Raf-

fegeau ; M. Rendu, rédacteur à la Petite République

française ; - le Dr Reulos; - M. Rissler, maire du

Vlle arrondissement, membre du Conseil de surveil-

lance de l'Assistance publique; - le Dr Ch. Roy ; - Le

Dr R. Sanndby ; - le Dr Schweich ; - le Dr Sevestre;

- le Dr Schumann Leclerq ; - M. Souter, membre

du Conseil de surveillance des Asiles de la Force;

- Tavernier, rédacteur à la République française;

- M. Thullier, membre du Conseil de surveillance

de l'Assistance publique; - le Dr Thijssen ; - le

Dr Tufferi, d'Athènes ; - le Dr Veralda, directeur de

l'asile de Valdiri; - le Dr Wulgren ; - le Dr P. Winge

(de Christiania) et M"° S. K. Wortz, docteur en méde-

cine et chef de service dans un asile russe. Si nous

citons ces visites, c'est parce qu'elles montrent que l'on

commence à s'intéresser d'une manière sérieuse de

l'assistance et de l'éducation des enfants idiots et

arriérés.

Maladies épidémiques. - A peine le pavillon d'iso-

lement était-il terminé, qu'il nous a rendu des services

pour nos enfants atteints de maladies contagieuses.

Nous avons eu deux cas de varioloïde en mars, et deux

en juin. A la fin du mois de mars, s'est produit un

premier cas de rougeole, qui a été le point de départ t

d'une véritable épidémie : treize cas en avril ; onze cas

en mai; trois en juin; six décès (voir le tableau, p. XX).

- En septembre, quatre enfants ont été atteints de

scarlatine, tous ont guéri ; - En août, nous avons eu

un cas de fièvre typhoïde.

XIV MUSÉE PATHOLOGIQUE.

Musée pathologique. - Le Musée, placé sous la di-

rection de notre ami le Dr P. BmcoN, s'est enrichi de

nombreuses pièces, ainsi que le montre le tableau com-

paratif suivant :

ENSEIGNEMENT PROFESSIONNEL. XV

Bien quo suffisante pour le moment, répéterons-nous,

l'installation du Musée devra être transformée ultérieu-

rement. Il faudra en profiter pour organiser un service

scientifique convenable à l'hospice de Bicêtre. A cet

égard, nous ne pouvons que reproduire ce que nous di-

sions en 1885 : « Nous pensons qu'il conviendrait de

choisir un emplacement pou éloigné de l'infirmerie gé-

nérale et de la division des aliénés, et d'y construire le

service des morts et des autopsies, le musée, les labo-

ratoires, l'atelier de photographie et de moulage. Cet

emplacement existe... »

H.

ENSEIGNEMENT PROFESSIONNEL.

Durant toute l'année 1887, cet enseignement a été

dirigé par MM. Leroy, pour la menuiserie; - Alêne,

pour la couture ; - Bénard, pour la serrurerie.

Nous avons eu le regret de perdre, le 3 avril, M. Marchai,

chargé de l'atelier de vannerie et de rempaillage de

chaises. Durant sa maladie, il a été remplacé par un

administré, M. Capey, et le 12 avril par M. Baudey.

D'une façon générale nous n'avons eu qu'à nous louer

de leur concours : le tableau suivant met d'ailleurs en

évidence les résultats obtenus.

Xi ENSEIGNEMENT PROFESSIONNEL.

Les cinq maîtres sont payés à raison de 6 fr. 50 par

jour, soit une dépense annuelle de 11.862 fr. 50. Cette

somme déduite du produit du travail des enfants

(18.107 fr. 40) donne un excédent de 6.244 fr. 90. En

1885, l'excédent avait été de 4.241 fr. L'année 1886 i

donné 1.747 fr. de plus que l'année 1885. L'année 1887 a

donné 257 fr.40 de plus que l'année 1886. L'évaluation

du travail des enfants est faite par l'inspecteur du ser-

vice d'architecture et d'après le tarif de la Ville pour

la menuiserie et la serrurerie ; par M. l'économe de

l'hospice, d'après les tarifs du Magasin central, pour la

couture, la vannerie et le rempaillage de chaises, et

d'après le tarif de la Société anonyme pour la cordon-

nerie.

Ainsi que le montrent ces chiffres, le travail des en-

fants, non seulement couvre la dépense occasionnée par

le salaire de leurs maîtres, mais encore il couvrira

bientôt l'intérêt du capital engagé dans la construction

des ateliers. C'est là d'ailleurs, à nos yeux, une considé-

ration secondaire, il en sera de même aux yeux de toutes

les personnes sérieuses qui s'occupent avec un esprit

un peu généreux des questions d'assistance. En effet,

l'enseignement professionnel rend des services d'un

ordre bien autrement supérieur. Il permet de donner à

un certain nombre d'enfants un métier qui, à leur sortie,

les mettra en mesure de gagner leur vie. Quelques-uns

ont déjà quitté l'hospice et sont placés; d'autres le seront

aussitôt que les circonstances le permettront. Il nous

aide à donner à un plus grand nombre d'enfants le moyen

d'atténuer, dans une proportion variable, les sacrifices

que. la Société s'impose pour eux. Précisons par un

exemple : Nous avons à l'atelier de couture 22 hémi-

plégiques, c'est-à-dire des malheureux condamnés

presque certainement à passer toute leur existence à

l'hospice. 5 sont déjà de bons tailleurs, la plupart des

autres le deviendront. Autrefois, ils ne savaient rien

faire; maintenant, grâce à l'enseignement qu'ils reçoi-

ENSEIGNEMENT PROFESSIONNEL. XVII

vent, une fois passés aux adultes, s'ils ont encore des

accès, ou passés dans les divisions de l'hospice, s'ils

n'en ont plus, ils pourront travailler à l'atelier commun

de la maison et leur travail compensera en partie, et

pendant de longues années, les dépenses de leur en-

tretien, en même temps qu'il leur fournira quelques

ressources personnelles.

Nous rappellerons encore que chaque année, l'habil-

lement et la chaussure des enfants sont notablement

améliorés et l'amélioration sera encore plus grande

quand nous aurons enfin obtenu que le maître tailleur

fasse la coupe des effets d'habillements] et que chaque

enfant ait son trousseau.

Le tableau suivant fait voir que le nombre des enfants

qui profitent de cet enseignement est allé en progressant

depuis sept ans.

xVm Wl'A"I'i8T'iÜ.

deux séries : une du matin, une 'du soir 'et, afin'que

l'enseignement soit à peu près égal pour 'tous, tant à

l'école qu'à l'atelier, la série du matin/dàhs'Ih

première semaitle dum.tlis, devient la série du soir durant

la seconde semaine.

Les jeunes 'travailleurs reçoivent toits les'samedis'des

récompenses variant de 10 à 40 centimes ét'ilfitv9ls`'tlis

posent les jours de promenades. A cet effet, l'Adminis-

tration a mis chaque semaine iule somie'dè '15'fr. la

disposition des chefs d'atelier (1).

Nous laissons les enfants choisir eux-mêmes alitant

que possible leur métier. Nous dirigeons de préférence

les plus intelligents vers les ateliers de'menuiserie et de

serrurerie et les plus faibles vers l'atelier de vannerie

et le rempaillage. Quant aux hémiplégiques, ils sont

naturellement dirigés sur l'atelier de' couture. Le plus

souvent, quand il s'agit des enfants idiots, les- séances

d'atelier ne dépassent pas une demi-heure au début.

Puis, progressivement, nous augmentons la durée de

leur travail manuel.

III.

STATISTIQUE. - MOUVEMENT DE LA POPULATION.

Le le' janvier 1887, la section contenait 47.') malades

ainsi répartis : 150 adultes épileptiques (78 aliénés et

., (1) Dans le courant de,l'année, l'atelier de coulure a .été pourvu

d'une machine à coudre et plusieurs enfants savent déjà s'en servir.

MOUVEMENT- .D-E LA POPULATION. XIX

72 réputés non aliénés) et 325 enfants (épileptiques,

hystériques, idiots, arriérés, -instables, pervers, etc.).

A partir du 1" février, nous avons cessé d'avoir la

direction des épileptiques adultes (3° section) et;nous

n'avons plus été chargé que du service des enfants

(4e section) (1).

Nous ne nous occuperons donc que du mouvement : de

la population des enfants en 1887 :

XX DÉCÈS.

.\ N1.1 DÍ\I1ÎOE'. qu

3XIV ' DÉCÈS.

X.Xvi DÉCÈS. 1

'P'AVÏLLON d'isolement. XXXI

adjoint, SI. Boyer, aidé d'un professeur de chant,

M. Peny, d'un professeur de gymnastique, lI. Goy ; de

trois administrés de l'hospice, faisant fonction de moni-

teurs et de 4 garçons de classe; b) Petite école : de

Mlle Blanche Agnus, surveillante ; lI"`5 Berthe Langlet

et A, BôliaüZ, sous-surveillantes, Mllc Feret, suppléante ;

- 3° peur le sërmce hospitalier : de M. Agnus, sur-

véiilarit, de M. Siégel, sotis-surveillànt ; dé 112 ? 'JôiIiÓt,

sous-surveillante de l'infirmerie et du bâtiment des

gâteux invalides; de \-7 ? Bié, suppléante; de 27 infir-

miers de 'jour et de nuit ; de 24 infirmières de jour et de

nuit; d'un baigneur (suppléant)'; 'd'Un barbier et d'un

portier.

IV.

LA NOUVELLE SECTION. OUVERTURE DU PAVILLON

D'ISOLEMENT POUR LES MALADIES CONTAGIEUSES.

Nous avons donné dans le Compte rendu de 1886

(p. xxxIII-XL) une description détaillée, accompagnée de

figures, du pavillon d'isolement. Il a été officiellement

ouvert à la fin du mois de mars 1887, et, presque aussi-

tôt, il nous a rendu des services, car nous avons eu plu-

sieurs cas de varioloïde et une petite épidémie defougéole.

Nous y avons mis ensuite douze enfants atteints de la

teigne. Comme ces enfants étaient valides, il était né-

cessaire de les occuper une partie de la journée' et de ne

pas' les laisser séjourner dans leurs salles qu'ils auraient

très lü'omptement détériorées. Nous avons' fait appro-

prier le sous-sol-rez-de-chaussée (1) ; nous, y avons fait

descendre les enfants ; là ils prennent leurs repas- et' on

leur fait l'école. Le reste du temps, on les pl"Ó'àlèl1'e' dà'rrs

(1) Ce sous-sol, éclairé par des fenêtres de 1 m. 51 sur 0 m. 99,

a une hauteur do 2 m. 75.

XXXII continuation DE la SECTION.

les jardins et les cours de rétablissement, en profitant

d'ailleurs de cette circonstance pour leur donner des

leçons de choses.

Une autre installation a été opérée, celle du Cabinet

médical et du magasin d'habillement dans le sous-sol-

rez-de-chaussée du quatrième pavillon de dortoirs.

Telle qu'elle se trouvait, après la construction du pa-

villon d'isolement, la section était loin d'être complète :

il manquait encore le quartier des cellules et quatre pa-

villons de deux dortoirs chacun, c'est-à-dire pour 160

lits. Ayant été averti que le règlement des comptes des

constructions terminées se solderait par un reliquat

disponible, contrairement à ce qui a lieu d'habitude,

nous avons essayé de faire achever promptement ce rè-

glement. Mais bientôt, nous avons reconnu qu'il faudrait

encore attendre longtemps. C'est alors que nous avons

insisté auprès de l'Administration pour qu'elle s'occupât

de la continuation de la section. Au commencement de

juillet, M. Peyron, directeur de l'Assistance publique,

nous a demandé de lui faire connaître les arguments sur

lesquels se fondaitnotre demande. Quelques jours après,

nous lui avons adressé la lettre suivante.

Paris, 14 juillet 1887.

Monsieur le Directeur,

Vous avez eu l'obligeance, dont je vous sais infiniment gré,

de me faire demander un exposé des raisons qui plaident en

faveur de l'érection du pavillon des cellules de la section des

enfants et de la construction d'un pavillon ai usage de cor-

toir. Je vais vous les donner en commençant par les cellules.

Vous n'ignorez pas que parmi les enfants, il en est un nom-

bre considérable atteints d'épilepsie, sujets par conséquent à

des périodes d'excitation ma)na(/ue; qu'il en est d'autres,

en très petit nombre, atteints de folie, se présentant sous les

mêmes formes que chez l'adulte : mélancolie, manie, etc. Les

uns et les autres ont besoin d'être isolés momentanément.

Beaucoup d'autres ont des poussées impulsives sous l'in-

fluence desquelles ils sont violents, dangereux, battent et

leurs camarades et leurs infirmiers, brisent les carreaux, les

CONTINUATION DE LA SECTION. XXXIII

portes, déchirent leurs vêtements. Eux aussi ont besoin d'être

isolés durant quelques heures ou quelques jours. ,

Enfin, il arrive aussi que des enfants se sauvent ou ont com-

mis plus ou moins sciemment un acte répréhensible (onanisme

à deux, injures, vol, etc.). En pareil cas, l'isolement est encore

nécessaire.

Que fait-on aujourd'hui ? que convient-il de faire ?

Dans les circonstances que je viens d'énumérer, il faut :

1° recourir à la camisole, puisqu'il n'y a pas de cellules, ce

qui est tout à fait déplorable ; Ou bien emprunter une

cellule il l'une des autres sections, ce qui offre des inconvé-

nients nombreux et ne peut se faire que le jour, les cellules

étant occupées la nuit par des malades qui, le jour, se pro-

mènent dans leur préau ; parfois il n'y a pas de cellule libre ;

toujours les infirmiers des cellules sont mécontents d'avoir à

répondre de malades étrangers à leur section; 3° ou bien, 1

enfin, les envoyer à la Sûreté au milieu de malades très dan-

gereux. Dans les deux cas, il y a mélange des enfants avec

les adultes, ce qui est contraire à tous les règlements qui ré-

gissent les asiles, aux instructions ministérielles, etc. Durant

longtemps, j'avais remarqué que quelques enfants acceptaient

volontiers d'aller à la Sûreté et que la crainte d'y être envoyé

était de moins en moins grande. J'ai fini par apprendre que les

malades leur donnaient du tabac, du café,'etc. De telle sorte,

que l'effet que j'attendais de l'isolement était nul. Bien que ces

inconvénients aient diminué, je n'ose pas dire, disparu, il n'en

est pas moins regrettable de mettre les enfants dans un tel

quartier, confondus avec des aliénés criminels ou avec les

aliénés les plus violents, les plus excités, les plus dangereux ;

d'où des accidents possibles. - n

Et puis, les enfants savent que là aussi, il n'y a souvent pas

de place libre ; qu'on est obligé do remettre la punition au

lendemain et cette circonstance diminue encore la^crainte, qui

devrait être salutaire, d'aller à la Sûreté.

Tels sont les motifs qui plaident énergiquement à l'appui de

la construction rapide du pavillon des cellules. Cette construc-

tion d'ailleurs réaliserait complètement le plan tel qu'il a été

tracé, en un mot la section serait pourvue de tous ses organes :

1° Services de jour : réfectoires, écolo, ateliers; - 20 hôpital

proprement dit : infirmerie; - pavillon d'isolement pour les

malades contagieux ; pavillon de cellules pour les malades

agités ou indisciplinés;- 3° service des gâteux ; 4° enfin ser-

vice de nuit, c'est-à-dire dortoirs. Il existe actuellement t

4 pavillons do chacun 2 dortoirs, comprenant 1GO lits. La sec-

tion, lorsqu'elle sera complète, en aura huit. II reste donc 'i

Bourneville, 1887. ?

XXXIV CONTINUATION DE LA SECTION.

pavillons de dortoirs à construire; leur construction est-elle

urgente ? Vous allez en juger.

J'ai, aujourd'hui, 330 malades ; ce nombre est parfaitement

suffisant pour m'occuper, vous n'en doutez pas et personnelle-

ment, comme chef de service, je puis fonctionner ainsi, sauf

une réserve, pendant longtemps. Mais ces 330 malades ne sont

pas tous dans la section, 63 sont dans la section des épileptiques

adultes (service de M. Féro) et 24 dans deux des ateliers, soit

87 malades, c'est-à-dire plus qu'il n'en faut pour occuper deux

pavillons. Or, je voudrais bien avoir les ateliers; j'en ai un

besoin urgent aujourd'hui que la population est de 330 enfants.

D'un autre côté, la construction de nouveaux pavillons per-

mettrait de débarrasser les dortoirs de la 3" section, de les

donner aux épileptiques adultes, ce qui rendrait un grand ser-

vice au bureau des aliénés.

Donc, pour dégager le service de M. Féré, pour dégager

mes ateliers, il faudrait de suite deux pavillons de 2 dortoirs

et encore resterait-il 7 malades. Ce n'est pas tout : il y a, à

l'heure actuelle, 39 enfants du sexe masculin au Bureau d'ad-

mission de l'Asile clinique (Sainte-Anne), soit pour eux un

3e pavillon. Il est évident que si l'on connaissait dans la presse

la situation abominable du Bureau d'admission, il y aurait un

blâme rigoureux et justifié contre l'administration. Si le ser-

vice des aliénés était sous votre direction, comme cela devrait

être, connaissant la situation, sachant la lourde responsabilité

qui pèserait sur vous, il y a longtemps que vous auriez fait

achever la section des enfants. Ce n'est plus le médecin chef

de service qui parle, c'est l'homme soucieux du bien-être

des malades, désireux de voir l'Assistance publique de Paris

faire son devoir et donner l'exemple du fonctionnement le plus

parfait.

Donc, l'achèvement de la section s'impose, si l'on no con-

sulte que l'intérêt des malades et le fonctionnement régulier

du service des aliénés. Reste la possibilité. A vous de voir si

vous devez demander le tout ou une partie.

Veuillez agréer, etc.

Le 21 juillet, M. Peyron introduisait au Conseil de

surveillance le projet de construction des cellules, d'un

pavillon pour 40 lits, et de deux préaux couverts. Ce

Conseil nomma une commission qui lut son rapport à la

séance du 29 juillet (1). Le jour même, M. Peyron en-

(1) Procès verbal du Conseil de surveillance, 29 juillet, p. 7h.

PROTESTATION DE M. DESPI%ÉS. XXXV

voya le dossier de l'affaire à M. le Préfet de la Seine,

qui l'introduisit aussitôt au Conseil municipal dont la

session touchait à sa fin. Nous intervînmes immédiate-

ment auprès de nos anciens collègues et amis, pour qu'ils

apportassent autant d'empressement à émettre un avis

en faveur de la continuation d'un projet émané du

Conseil municipal, que le Conseil de surveillance,

naguère hostile à ce projet, en avait apporté lui-même.

Un règlement d'ordre du jour rendit nos démarches

infructueuses.

Dans la discussion sur le budget de l'Assistance pu-

blique qui a eu lieu le '27 décembre au Conseil municipal,

M. A. Després a jugé utile, à propos de cette interven-

tion, de nous mettre en cause et, suivant son habitude,

il s'est lancé dans des accusations absolument fausses.

Voici les extraits du procès verbal qui se rapportent à

cet incident :

M. Després... Et, Messieurs, le désordre dans l'administration

est encore bien plus grand que ne le peuvent supposer la plupart

d'entre nous. A la fin de la session de juillet, il s'est passé un fait

extrêmement étrange et que je ne puis pas ne pas vous signaler. Il

s'agissait, a la dernière séance d'une session, de faire passer une

dépense. Une personne étrangère au Conseil vint demander à

M. Navarre de rapporter d'urgence un rapport...

M. STRAUSS. - Je demande la parole sur cet incident. Dites le

nom , M. Després. Vous voulez, n'est-ce pas, parler de M. Bourne-

ville ? Eh bien, M. Bourneville avait parfaitement le droit de nous

proposer la création à laquelle vous faites allusion.

M. DESPRËS. Je continue, Messieurs. Il s'agissait donc de

faire ex abrupto un rapport à la tribune. Or, le dossier ne com-

prenait qu'une pièce, le projet de délibération. Le reste était dans

les bureaux de l'Assistance publique. Et alors se passe ce fait

extraordinaire, contraire à toutes les formes administratives, et qui

vous prouvera combien M. le directeur de l'Assistance publique

est un prisonnier. (Exclamations).

M. Navarre, rap ? Vous savez fort bien, M. Després, que

ce que demandait M. Bourneville n'a pas été réalisé.

M. Strauss. - Je répondrai à M. Després.

M. DespréS. - Tant que vous voudrez. Je ne cherche que la

vérité, Il faut que le Conseil sache comment, sans la rectitude très

louable de M. Navarre, une affaire eut été rapportée sans aucun

respect des formalités ordinaires.

XXXVI CONTINUATION DE LA SECTION.

M. Si'RAUSS. C'est là, pour M. Navarre, un compliment com-

promettant.

M. Després. Donc, le rapport allait être fait au Conseil sans

avoir été délibéré par la 8e Commission. C'est alors que, je le

répète, M.'Navarre s'est montré d'une correction irréprochable. Il

a dit : la Commission n'en a pas discuté, je n'ai pas le dossier, je

ne rapporterai pas. Que fit M. Bourneville ? Il se rendit à l'Assis-

tance publique, prit le dossier et l'apporta au Conseil, directement.

'Bruit).

l. LE DIRECTEUR DE l'Assistance PUBLIQUE.- C'EST inexact.

M. DESPRÉS. - Je comprends votre observation. Tout mauvais

cas est niable. Quoi qu'il en soit, ce dossier qui était si pressé n'a

pas encore été rapporté.

M. PATENNE. - N'apportez à la tribune que des faits sérieux.

M. DESPRÉS. Je dis que M. le directeur de l'Assistance publi-

que n'est pas libre, il est à la merci d'autres personnes ; et c'est le

secret du déficit.

M. JOFFRIN. Malheureusement, M. Robinet n'est plus, comme

vous le prétendiez, directeur de l'Assistance publique.

M. DESPRÉS. Je n'ai plus qu'un mot à vous dire sur les secours

à domicile. (Ah ! Ah ! ). - J'aurais fini depuis longtemps si je n'avais

pas été interrompu si souvent

Répondant à M. Després sur le point particulier qui nous

intéresse, M. Peyron a rétabli les faits dans les termes suivants :

M. LE Directeur DE l'Assistance PUBLIQUE. - .. Un autre

détail doit être écarté : c'est celui relatif à la continuation des tra-

vaux à l'hospice de Bicêlrc. Le mémoire a été présenté par le

directeur de l'Assistance publique au visa de M. le Préfet de la

Seine. M. le Préfet de la Seine l'a introduit au Conseil municipal

dans les formes ordinaires et j'affirme qu'il n'a été dérogé en cette

affaire à aucune des règles usitées pour l'introduction de cette

affaire qui, je l'espère, sera bientôt rapportée, car il y a un progrès

urgent à réaliser.

J'aborde la laïcisation

Il s'agissait, comme on le voit, du projet relatif à la con-

tinuation de la section des enfants à Bicêtre. Ce proj et, examiné

avec soin par le Conseil de surveillance, a été introduit ré-

gulièrement le 28 juillet au Conseil municipal, comme nous

l'avons dit plus haut. C'est alors aussi que, profitant de nos

bonnes relations avec nos anciens collègues et usant d'un

droit qui appartient à tous les citoyens, nous avons commis

le crime d'aller à l'Hôte1-dc- Ville et de demander à nos amis

d'insister auprès de M Navarre, secrétaire de la Commis-

sion de l'Assistance publique et remplaçant en quelque

sorte le président de la Commission, M. le Dp Robinet, mort

trois jours auparavant, non pas pour qu'il fit le rapport sur le

continuation DE la section. xxxvii

champ, mais pour qu'il le soumit la Commission et le fit

inscrire à l'ordre du jour de la séance du 30 juillet qui était

la dernière. S'il s'était agi d'une affaire nouvelle, nous nous

serions bien gardé d'intervenir, mais il s'agissait de la con-

tinuation d'une affaire votée par le Conseil et sur laquelle il

avait déjà été appelé à voter quatre fois. Enfin, en notre

qualité de membre de la Commission de surveillance des asiles

de la Seine, connaissant les graves inconvénients qui résultent

de l'encombrement du bureau d'admission de l'Asile clinique

par les enfants idiots et arriérés et par suite l'urgence des nou-

velles constructions, nous avons cru de notre devoir de hâter

la décision. Il est vrai quo M. Navarre n'a voulu entendre ni

nos raisons ni celles de ses collègues, très au courant de l'af-

faire et n'ayant aucun doute sur son incontestable urgence. Ce

refus de M. Navarre a eu pour conséquence d'empêcher là

construction des cellules et d'un pavillon de dortoirs qui serait

aujourd'hui à peu près terminée et de maintenir des enfants six

mois de plus à l'Asile clinique où ils coûtent près de moitié plus

cher qu'à Bicêtre. La discussion du budget des aliénés qui a eu

lieu au Conseil général le 28 et le 30 décembre, montre que

nous n'exagérions en rien l'urgence des travaux dont il s'agit.

Voici comment s'exprime I.A, PTItoT dans son rapport sur le

budget de l'Asile cliniquo (Ste-Anne) :

L'encombrement du Bureau d'admission provenait alors, comme

aujourd'hui d'ailleurs, pour sa plus grande part, de la présence des

enfants, dont le nombre augmente chaque année. Ce nombre était,

en moyenne, de 30 en 1885 et en 1 SSG ; la moyenne s'est élevée à

48 dans les quatre premiers mois de 1887. Le 26 mai, au moment

où le directeur de l'Asile écrivait son rapport, le service comptait

53 enfants (27 garçons et 26 filles); au mois d'octobre dernier, on a

compté jusqu'à 65 enfants.

Bien des fois, le Conseil, la Commission de surveillance, la Di-

rection, le médecin chef du service se sont plaints de ce déplorable

état de choses ; cet Asile n'étant nullement disposé pour recevoir

des enfants, que l'on est réduit à tenir en trop grand nombre dans

de petites pièces qui ne sont nullement appropriées à cet usage. La

dangereuse promiscuité de ces pauvres enfants gâteux ou idiots

avec des adultes aliénés, sollicités par les plus mauvais instincts,

l'absence de dortoirs à laquelle on supplée par des matelas posés à

terre dans les salles qui servent dans le jour de salles de réunion;

le manque de personnel, attaché à d'autres services et obligé d'a-

jouter celui-ci à ses charges normales, tout proteste contre cette

situation

Mais l'encombrement eut été tolérable dans ces quartiers; les

enfants n'auraient pas été, en attendant, mêlés aux aliénés les plus

dangereux. On aurait, en outre, conclu à la nécessité absolue de

terminer rapidement les quatre pavillons de Bicêtre. En encom-

XXXVIII continuation DE la section.

brant la Salpêtrière, on aurait vu qu'il était indispensable d'agran-

dir la section actuelle et de créer une section nouvelle pour les

filles, qui ont le droit, de la part du Conseil, à la même sollicitude

que les garçons.

Le Conseil doit terminer sans retard l'oeuvre commencée. Ce

qu'il a fait jusqu'ici, comme nous l'avons constaté dans notre visite,

lui vaut, ajuste titre, les éloges de tous. II y a quelques mois, c'é-

le ministre de l'intérieur qui était forcé de rendre justico aux

élus de la Ville et du Département.

a Je viens disait-il, de visiter dans tous les détails, ce bel éta-

blissement, qui fait honneur à tous : A M. le D'' Bourneville, qui

en a conçu la pensée et surveillé l'exécution ; à la ville de Paris,

dont les représentants ont dépensé presque sans compter ; - à

l'Assistance publique et à l'architecte auquel j'adressais tout à

l'heure mes félicitations et à qui je tiens à les renouveler publique-

ment. »

Le président du Conseil général, M. Jacques, ajoutait, de son

côté :

« Sans fausse modestie, je déclare que le Conseil général a vrai-

ment mérité l'hommage qu'on lui a rendu ; mais je tiens à ajouter

que dans les réformes accomplies dans l'Assistance publique, que,

dans l'oeuvre admirable qui s'est réalisée ici, M. Bourneville, mon

ancien collègue, a joué un rôle prépondérant et a droit, par con-

sé(ILient, à une grande part d'honneur. n

Dans la discussion du rapport général du service des aliénés,

M. Ii0U5SELLE, président de la Commission, a proclamé la né-

cessité de l'assistance des enfants idiots, arriérés et épileptiques :

« Les services de Bicêtre, dit-il, créés par notre ancien collègue,

M. le Dr Bourneville, sont à cet égard un modèle d'aménagement

et d'organisation. Un traitement naturel et nouveau, qui commence

par de simples mouvements, et finit par l'école et l'atelier, éveille

et redresse peu à peu ces corps et ces intelligences infirmes, leur

donne graduellement tout le développement dont ils sont suscep-

tibles et parvient à les rendre quelquefois utiles et toujours moins

à charge il la société et à eux-mêmes. »

L'administration par l'organe de M. Roux, directeur des

affaires départementales, insiste aussi sur l'urgence d'une

solution :

M. LE Directeur des affaires départementales. Je

tiens d'abord à m'associer à l'hommage rendu au docteur Robinet,

qui n'a jamais oessed'etro mon ami, bien qu'il fût mon contradicteur

habituel, et dont les travaux nous ont été fort uliles. Quant à la

situation des enfants att bureau d'admission, je suis, comme

M. Rousselle, navré du son état. Mais, si vous voulez accepter

continuation DE la section. XXXIX

les propositions de M. le Directeur de l'Assistance publique (1),

les choses changeront. Vous pouvez décider le complément d'ins-

tallation de Bicôlrc. Alors vous aurez un système complet

M. Després. - Coûteux.

M. l'IPEUAUD. Utile, surtout.

Toutes ces citations mettent à néant les violentes attaques

dirigées contre nous par M. A. Després. Ces attaques ont eu un

heureux résultat : elles ont hâté la solution que nous désirions.

En effet, dans sa séance du 30 décembre (2', sur le rapport de

M. Piperaud, le Conseil municipal a voté le projet comprenant

la construction du pavillon des cellules, d'un pavillon de

dortoirs (40 lits) et des deux préaux couverts de la nouvelle

section des enfants de Bicêtre.

(1) M. Roux fait allusion au projet qui nous vaut les attaques

de M. Desprès.

(2) Hospice de Bicêtre. - Continuation du quartier des

enfants idiots et épileptiques (M. Piperaud, rapporteur).

Le Conseil, Vu le mémoire, en date du 29 juillet 1887, par lequel

M. le Préfet de la Seine lui soumet, pour avis, une demande de

M. le directeur do l'Assistance publique tendant à l'approbation

d'un projet de travaux concernant la continuation du quartier des

enfants idiots et épileptiques à l'hospice de Bicêtre, ledit projet

comprenant la construction d'un pavillon disposé en cellules, d'un

bâtiment à usage de dortoirs et de deux préaux couverts ; Vu le

p ]an d'ensemble; Vu les plans et les devis des travaux projetés

s'élevant, avant rabais, à la somme de 337,312 fr. 53 c., imprévus

et frais de direction compris ; Vu l'avis du Conseil de surveillance

de l'Assistance publique, en date du 29 juillet 1887, est d'avis :

4 D'approuver les plans et devis susvisés, comprenant la cons-

traction d'un pavillon disposé en cellules, d'un bâtiment à usage

de dortoirs et de deux préaux couverls, dans le quartier des en-

fants idiots et épileptiques à l'hospice de Bicêtre ;

2° D'imputer la dépense, évaluée à trois cent trente-sept mille

trois cent douze francs cinquante-trois centimes (337,312 fr. 53 c.),

sur la subvention municipale extraordinaire de 1,500,000 francs

allouée au budget hospitalier do 1887 et à provenir des fonds

d'emprunt;

3° De mettre en adjudication publique, aux clauses et conditions

des cahiers des charges ordinaires de l'Administration de l'Assis-

tance publique, les ouvrages de terrasse et maçonnerie, de cou-

verture et plomberie, de menuiserie et de serrurerie ; de confier

aux adjudicataires de l'entretien, aux clauses et conditions de leurs

marchés respectifs, les ouvrages de charpente, de peinture et vi-

trerie, de pavage et asphalte, de fumisterie et de canalisation pour

le gaz ; enfin, de traiter à l'amiable pour le dallage en grés cérame,

à raison de la spécialité du travail.

XL L ASSISTANCE DES ENFANTS IDIOTS.

Nous n'aurions pas insisté sur l'intervention do M. Després

dans une question qu'il ne connaît pas du tout, si elle ne nous

avait fourni l'occasion de mettre sous les yeux de nos lecteurs

des documents qui prouvent que le Conseil municipal do Paris,

le Conseil général de la Seine, l'Administration ont parfaite-

ment compris la nécessité d'QI'ganisersérieusement l'Assistance

publique de la catégorie la plus importante des enfants ré-

putés incurables. Nous espérons aussi que l'exemple donné

par le département de la Seine sera suivi et que ceux de nos

lecteurs qui font partie des Conseils élus trouveront dans les

citations qui précèdent des arguments en faveur de la création

d'asiles interdépartementaux pour les enfants idiots, arrié-

rés, épileptiques, etc.

Dans le cours de l'année 1888, les nouvelles cellules

nous permettront de faire cesser tous les graves incon-

vénients qui résultent de l'envoi des enfants à la Sûreté

et la construction d'un nouveau pavillon nous donnera

le moyen d'enlever les 23 lits, placés aujourd'hui dans

deux ateliers, ce qui nous mettra à même de compléter

l'enseignement professionnel et de dégager enfin clans

une certaine mesure, le Bureau d'admission de l'Asile

clinique.

V.

DE L'ASSISTANCE DES ENFANTS IDIOTS ET ÉPILEPTIQUES

EN FRANCE.

A maintes reprises, nous avons insisté sur la néces-

sité d'organiser en France l'assistance des enfants

idiots et épileptiques des deux sexes (1) - A propos

d'un passage d'une lettre qui nous a été adressé le 30

mars 1887, par M. A. Després, nous avons été amené,

pour nous défendre, à revenir sur les conditions déplo-

(1)Voir entre autres : Compte rendu de l'année t88. p. i,\v :

Compte rendu de l'année 1885, p. lu.

ASSISTANCE DES ENFANTS IDIOTS. XLI

rables dans lesquelles se trouvaient à l'hospice de Bi-

cêtre, les malades de cette catégorie, à justifier encore

une fois de plus la construction de la nouvelle section

et à plaider la cause de ces malheureux déshérités. Nous

allons reproduire ici le passage de la lettre de M. Des-

près (1), relatif au service des enfants, et notre réponse.

« M. Bourneville qui s'est taillé à l'hospice de Bicêtre, grâce (sic)

aux votes du Conseil municipal et à la bienveillance de l'adminis-

tration, un service monumental qui coûte (sic) des millons (sic),

et qui ! (sic) n'aurait jamais obtenu sil n'avait pas été conseiller

municipal, pourrait se contenter ce me semble de ce privilège

excessif, et il devrait, en verité, laisser les autres hopitaux et leurs

services tranquilles, »

M. Després nous fournissant l'occasion d'exposer de-

vant le public médical l'historique de la création de la

section des Enfants à l'hospice de Bicêtre, nous allons

en profiter. Le faisant, nous serons utile à la cause que

nous avons déjà soutenue et, en même temps, nous

montrerons une fois de plus avec quel sans-gêne

M. Després défigure les faits que, en sa qualité de

Conseiller municipal de Paris et de Conseiller général

de la Seine, il est en mesure de connaître très exacte-

ment dans tous leurs détails. Ces détails les voici :

Au mois de novembre 1877, la 3e Commission du Con-

seil général, frappée de l'état hideux dans lequel se trou-

vaient les enfants de Bicêtre, nous chargea, en notre

qualité de rapporteur du budget du service des aliénés

de proposer au Conseil la création d'une section spé-

ciale pour les enfants. Ce voeu fut adopté et renvoyé à

l'Administration de l'Assistance publique. Au mois de

novembre de l'année 1878, à la suite d'une nouvelle

visite qui avait permis de constater que la situation était

encore plus grave qu'on no l'avait pensé et, en présence

(1) La lettre de M. Després a été publiée in extenso dans le

Progrès médical, 1887, 2" série, Tome V, p. 293. Elle concernait

surtout la laïcisation. Celle seconde partie de notre réponse a

paru dans le 7 mai (Ibid., p. 37t ! ).

XLII ASSISTANCE DES ENFANTS ÉPILEPTIQUES.

de l'inertie de l'Assistance publique, nos collègues de la

Commission nous invitèrent à insister de nouveau et très

énergiquement pour qu'on remédiât à une situation qui

était tout simplement une honte pour la Ville de Paris.

En effet, une même salle, renfermant un tiers de lits en

trop, servait : 1° d'infirmerie pour les enfants atteints

de maladies intercurrentes (angines, pleurésies, pneu-

monie, etc., etc.) ou d'affections chirurgicales (plaies,

etc.) ; - 2° d'infirmerie pour les enfants atteints de ma-

ladies contagieuses aiguës (croup, rougeole, scarla-

tine, etc.) ou chroniques (teignes, ophlhalmies, etc.);

- 3° de dortoir, de réfectoire et de salle de

réunion pour les enfants idiots gâteux invalides, c'est-

à-dire ne marchant pas. Enfin, c'était dans cette même

salle qu'on les mettait, en cas d'agitation, attachés à des

poteaux, sur des chaises ou dans leurs lits. Tous les

médecins et tous les conseillers qui visitaient cette es-

pèce de dépotoir, en sortaient écoeurés. C'est pour cela

que, au Conseil municipal et au Conseil général, on a

placé en tête du programme des réformes de l'Assis-

tance publique des enfants, la création d'urgence d'une

nouvelle section à Bicêtre. Nulle part ailleurs l'on ob-

servait un spectacle aussi navrant (1).

A cette époque, nous n'étions pas médecin de Bicêtre

et rien n'autorisait à penser que nous serions chargé du

futur service. Mais M. Herohl ayant rétabli le concours

pour les places de médecins aliénistes de Bicêtre et de

la Salpêtrière (2), à la suite du décès de M. Berthier,

nous avons concouru, et, malgré les amis cléricaux de

(1) Voici ce qu'écrivait M. le Directeur de l'Assistance publique

de cette époque, M. 111&ring, dans son rapport au Préfet de la

Seine : « En résumé, sous le rapport matériel et sous le rapport mo-

ral, le service actuel des enfants idiots et épileptiques doit être

irrévocablement condamné, et il convient, sans plus tarder, de

porter remède à un état de choses qui compromet le bien-être de

toute une population si intéressante par ses souffrances, par ses

misères et par son âge. »

(2) Arrêté du 3 mars 1879.

HISTORIQUE DE LA NOUVELLE SECTION. XLIII

M. Després, qui nous reprochaient la création des Ecoles

d'infirmières et la laïcisation des hôpitaux, nous avons

été l'un des deux élus (juin 1879). Notre collègue, M. J.

Voisin, nommé le premier, choisit la deuxième section

(aliénés adultes) et nous laissa la troisième, comprenant

les épileptiques adultes et les enfants.

Comme on le voit, ce sont des circonstances tout à

fait inattendues qui nous ont placé à la tête du service

des enfants, et nous ont mis à même de réaliser, en les

complétant, les réformes réclamées dès 1858 par notre

vénéré maître, M. Delasiauve, et successivement par

nos prédécesseurs, MM. A. Voisin et J. Falret.

L'Administration, durant ce temps, s'était décidée à se

conformer aux voeux du Conseil municipal et du Conseil

général en présentant à son Conseil de surveillance un

projet de création d'une section pour les enfants. L'au-

teur du projet, M. Brelet - que M. Després connaît in-

timement - avait imaginé un bâtiment de quatre

étages (pour des épileptiques, des paralytiques, des en-

fants ne marchant pas ! ) et son bâtiment ne contenait

que 120 lits alors que la population des enfants était de

130, qu'il y avait à l'Administration de nombreuses

demandes que devait connaître M. Brelet et que leCon-

seil avait demandé une section pour 200 enfants au

moins, afin de ne plus être obligé de transférer ces en-

fants dans les asiles de province. Dans cette circons-

tance, une fois de plus, M. Brelet avait montré son in-

suffisance comme administrateur et son mépris pour les

décisions du Conseil municipal.

Le projet Brelet, modifié sur nos indications (octobre

1879) par notre ami le D'Il. Thulié, fut approuvé par le

Conseil de surveillance et introduit le 18 avril 1880 au

Conseil municipal. Nous fûmes chargés du rapport.

Notre responsabilité était doublement engagée. Comme

médecin du service, comme conseiller-rapporteur, nous

avions le devoir de faire un examen complet. Une étude

quotidienne, attentive, des besoins des enfants, les ren-

XLIV HISTORIQUE DE LA NOUVELLE SECTION.

seignements recueillis sur les asiles analogues de l'é-

tranger, nos visites à deux asiles anglais (arlswood et

Clapton) nous amenèrent à proposer au Conseil de faire

rejeter le projet de l'Administration et à lui soumettre

un nouveau projet.

Lorsque nous eûmes réuni tous nos matériaux, fait

un programme des conditions que devait réaliser la

nouvelle section, nous nous mimes officiellement en

rapport avec MM. Imard, inspecteur général de l'As-

sistance publique, Gallois, architecte de Bicêtre et le

directeur de l'établissement, M. Ventujol. Nous eûmes

la satisfaction de les voir adopter entièrement nos

idées. M. Gallois fit un schéma du plan général, dressa

les plans et devis détaillés des ateliers pour l'enseigne-

ment professionnel. Le Conseil de surveillance, puis le

Conseil municipal adoptèrent le plan général, en prin-

cipe, et décidèrent la conslruction des ateliers qui, com-

mencée en octobre, était achevée en août 1883.

Puis, M. Imard fit le programme détaillé de l'ensem-

ble de la section; M. Gallois fit les plans et les devis de

tous les bâtiments. Le tout fut soumis au Conseil de sur-

veillance. C'est à partir de là que nous trouvâmes du

côté de l'Administration des résistances que nous avons

eu toutes les peines du monde à vaincre. M. Brelet ne

nous pardonnait pas d'avoir substitué notre projet au

sien. Aussi est-ce grâce à lui que l'Administration in-

troduisit au Conseil municipal ce projet sans indiquer

quels étaient les crédits qui devaient faire face aux dé-

penses : C'était un excellent moyen de tout faire échouer.

Nous parvinmes à déjouer cette manoeuvre, après des

démarches que nous avons exposées ailleurs (1), en fai-

sant prélever une partie de la dépense sur la subvention

desix millions votée àla fin de 1882 et en nous mettant

d'accord avec M. le préfet Oustry pour demander au

(1) Compte rendu du service des Epileptiques et enfants di

Bicêtre, 1882, 1883, 1884.

HISTORIQUE DE LA NOUVELLE SECTION. XLV

Conseil municipal une nouvelle subvention extraordi-

naire de 600,000 fr.

Enfin, le 29 juin 1883, quelques jours avant de quit-

ter le Conseil municipal, nous fîmes adopter les conclu-

sions de notre rapport ; le crédit voté, qui était de

1.560.261 francs était destiné à la construction des ré-

fectoires, des écoles, des bains, de deuxpavillonsàusage

de dortoirs, du bâtiment des idiots gâteux, invalides et

enfin de l'infirmerie. L'adjudication donna un rabais

considérable qui permit de construire deux nouveaux

pavillons de 40 lits chacun et, de plus, le pavillon d'iso-

lement pour les maladies contagieuses (1).

Non seulement la dépense n'a pas atteint ix mil-

lions comme l'a répété M. Després , - non seulement

les crédits n'ont pas été dépassés, ainsi qu'il l'avançait

si injustement, mais encore nous avons l'espoir que, les

comptes réglés,surle crédit voté par le Conseil municipal,

c'est-à-dire sur 1.560.000 fr., il y aura un reliquat pro-

bablement suffisant pour la construction du pavillon

des cellules. -

Depuis le mois d'octobre 1883, époque où ont com-

mencé les travaux, jusqu'à la fin (octobre 1885)

nous n'avons rencontré que des résistances du côté de

l'Administration. Nous en avons retracé l'histoire dans

nos Comptes rendus annuels de Bicêtre, et M. Després

pourra y trouver preuve sur preuve que la bienveil-

lance de l'Administration n'a cessé de nous faire dé-

faut. Elle n'a rien à revendiquer dans la section de Bi-

cêtre ; cette création est due au Conseil municipal et ce

sont MM. Floquet, Oustry, Poubelle et Bourgeois, qui,

par leur intervention fréquente, ont forcé l'ancienne

Administration à marcher, à exécuter les travaux avec

une rapidité que M. Brelet qualifiait de scandaleuse.

(1) Nous avons publié la description de ce pavillon dans le der-

nier Compte rendu, p. XXXIV.

XLVI NÉCESSITÉ DE L ASSISTANCE DES ENFANTS IDIOTS.

Comme nous l'avons vu, la nouvelle section était des-

tinée à remédier à une situation déplorable et, avant le

rejet du projet Brelet, tout le monde était d'accord pour

en reconnaître l'urgence. Ce n'est pas tout, le projet était

destiné à faire face à des besoins qui ne sont guère

connus que des médecins des hôpitaux d'enfants, des

conseillers municipaux et des administrateurs, en nom-

bre trop rares, qui observent les misères sociales. En

d'autres termes, il était conçu pour hospitaliser les en-

fants dits incurables. Lorsque nous avons proposé

400 lits, on craignait que ce chiffre ne fut exagéré. Or, à

l'heure actuelle, tous les bâtiments sont occupés et, en

outre, il y a ailleurs, dans la section des adultes, entre

autres plus de 80 enfants ; il y en a une vingtaine au

Bureau d'admission de l'asile Ste-Anne, confondus avec

les adultes, couchant le soir sur des matelas disposés

sur le parquet des dortoirs, dans les couloirs même et

chaque semaine, par suite de l'encombrement, le direc-

teur de l'Asile clinique (Ste-Anne) refuse de recevoir de

nouveaux enfants.

D'où il suit qu'il reste encore beaucoup à faire pour

compléter l'assistance des enfants incurables à Paris et

dans le département de la Seine. C'estpour cela que nous

n'avons cessé de réclamer l'agrandissement de la section

des enfants à la Salpêtrière ou la création d'une nouvelle

section. Cette réforme, il y a quelques années, eût été

facile et peu coûteuse. L'indifférence, l'insouciance de

l'ancienne administration, par ses atermoiements pour

ne pas employer une expression à la fois plus sévère et

plus juste, l'a rendue, au contraire, très dispen-

dieuse (1)

La Société doit l'assistance à tous ces malheureux

enfants pour eux d'abord, pour elle ensuite. Et comme

ces enfants sont les plus déshérités parmi les enfants, à

(1) Plus tard il conviendra de créer dans le département de la

Seine un asile pour les idiots adultes des deux sexes.

NÉCESSITÉ DE L'ASSISTANCE DES ENFANTS IDIOTS. RLVI(

moins qu'elle n'en décide la destruction, elle doit les

assister et, les assistant, elle doit le faire dans les con-

ditions exigées par la science. Cette assistance ne peut

se faire à domicile - comme pour les vieillards, la-

quelle devrait être beaucoup plus étendue, - mais par

l'hospitalisation. Ces enfants, en effet, à la maison, im-

mobilisent un membre actif de la famille pour les soi-

gner ; ils sont l'occasion d'impressions pénibles, dou-

loureuses, pouvant avoir de graves conséquences pour

la mère si elle redevient enceinte; ils sont dangereux

pour leurs frères ou leurs soeurs en raison de leurs im-

pulsions maladives, de leur dépravation, de leurs

instincts pervers. Enfin ils doivent être hospitalisés

parce que le traitement et l'éducation qui leur sont

nécessaires ne peuvent être donnés à domicile, et ne

peuvent être convenablement organisés que dans des

établissements spéciaux. Les résultats sérieux, obtenus

dans les asiles de l'étranger, principalement parl'appli-

cation des idées, de la méthode d'un de nos compa-

triotes, Séguin, font un devoir aux administrateurs

français et aux Conseils élus, d'organiser enfin cette

assistance dans tout le pays.

Le Conseil général de la Seine et le Conseil muni-

cipal l'ont compris; il ne leur reste plus qu'à com-

pléter leur oeuvre. Malheureusement, il n'en est pas de

même en province et il est indispensable que le Gou-

vernement se préoccupe sérieusement de l'Assistance

des enfants incurables dans les départements; il faut

qu'il donne des instructions en ce sens à ses préfets,

afin que ceux-ci indiquent aux Conseils généraux la

nécessité d'étudier cette question, de combler cette

lacune de notre organisation hospitalière si défectueuse

à tant d'égards (1) et les amènent à la création d'asiles

'intercléparlementaux pour le.,enfants idiots, épilepti-

ques, paralytiques et pervers.

(1) Voir entre autres les articles du Progrès sur l'hospilali-

sation des vénériens.

XLVIII VISITE DE M. I.1LIIliItI;S A LA SECTION DES ENFANTS.

Il ne nous reste plus en terminant ce trop long article

qu'à remercier M. A. Després de nous avoir fourni l'oc-

casion d'appeler une fois de plus l'attention sur une

réforme dont tous les hommes sérieux comprennent

l'importance sociale et l'intérêt au point de vue hospi-

talier.

Quelques mois plus tard, M. Fallières, alors ministre

de l'Intérieur, nous ayant fait l'honneur de venir visi-

ter notre service, nous avons pensé que nousavions le de-

voird'en profiter pour revenir de nouveau sur l'urgence

de cette réforme. Dans ce but, nous avons fait coïn-

cider avec cette visite la distribution des prix aux en-

fants idiots et épileptiques, ce qui nous a permis de lui

exposer toutes les raisons qui militent en faveur de leur

hospitalisation. Malgré sa longue étendue, nous allons

reproduire la relation de cette visite, telle qu'elle a pa-

rue dans le Progrès médical (1) et les discours qui ont

été prononcés à cette occasion.

Le mardi 23 août, M Fallières, Ministre de l'Intérieur,

accompagné de M. Monod, directeur de l'Assistance publiquo

au ministère de l'Intérieur, s'est rendu à Bicêtre, afin devisiter

la nouvelle section consacrée aux enfants. Il a été reçu par

M. Peyron, directeur de l'Assistance publique de Paris,

M. Adancourt, économe, remplaçant le directeur de l'hospice

etM. Bourneville, médecin du service. Parmi les notabilités pré-

sentes nous citerons : MM. Jacques, président du Conseil gé-

néral de la Seine, Curé, Chassaing, conseillers municipaux,

Lévêque, conseiller général, le Dr Reulos, conseiller d'arron-

dissement, MM. Vialla et Collinet, maire et adjointde Gentilly,

Emile Ferry, membre du Conseil de surveillance, Imard,

inspecteur de l'Assistance publique, les D" Delasiauve, Char-

pentier, Quesneville, Taule, Laboubée; MM. Mourlan et Vaillant,

chefs do division, Gallois, architecte, et Guary, ingénieur do

l'Assistance publique, M. Péphau, directeur des sourds-muets,

Labouyerie, directeur des Incurables, le commandant du fort,

M. Lanet, MM. les internes en médecine et les employés delà

Maison.

(1) 2e Série, Tome VI, no 36, p. 186.

DISTRIBUTION DES PRIX. - XLJX

M. Bourneville a d'abord conduit le Ministre au Musée pa-

thologique : il a montré les photographies des malades

prises iL l'entrée ou quand il survient des changements soit en

bien soit en mal, les moulages en plâtres faits après décès,

l'album des cerveaux, les cahiers d'observations des malades

décédés, les comptes rendus imprimés chaque année, etc.

En se rendant de là à la section, M. Peyron a montré à M. le

Ministre, la plaque commémorative, posée récemment en

l'honneur de Pussin, sur l'ordre de M. Poubelle, préfet de la

Seine. Ensuite M. Bourneville a fait visiter successivement :

les ateliers, les réfectoires, la petite école comprenant la salle

du traitement du gâtisme et des leçons de toilette, la petite

gymnastique, la salle des leçons de choses, la salle de lec-

ture, etc. ; la grande école, les bains, les dortoirs, les bâti-

ments des gâteux invalides, l'infirmerie et le pavillon des

gâteux. En revenant, il a fait voir le bois et les jardins où il a

tout organisé au point de vue de l'enseignement par les leçons

de choses.

« Après cette visite, dit le Gil Blas, M. le Ministre a assisté

dans la cour principale à des exercices de gymnastique exécutés

avec beaucoup d'ensemble et de précision par les enfants. Il a a

été convié ensuite par M. Bourneville à présider la distribu-

tion des prix aux enfants. Quoique n'ayant pas été prévenu de

cette solennité, M. Fallières a accepté de très bonne grâce

l'offre du médecin de la section. La distribution a eu lieu dans

la salle du gymnase élégamment décorée de drapeaux et

d'écussons. »

M. PEYRON a ouvert la séance par l'allocution suivante :

Monsieur le Ministre, ,

Permettez-moi de vous exprimer ma plus profonde reconnais-

sance pour la grande sollicitude que vous avez témoignée à ces en-

fants, à leurs parents et à tout le personnel de la maison. Nous

garderons un souvenir ineffaçable de cette visite ; ce sera pour

nous tous, à tous les degrés, plus qu'un souvenir, un encourage-

ment.

Espérons que vous-même n'oublierez pas votre passage à

Bicêtre, et que des spectacles qui ont frappé vos yeux, il en est un

que je voudrais voir fixe dans voire mémoire, c'est celui du

dévouement merveilleux de ces femmes attentives, dévouées près

de ces enfants, et souvent de quels enfants ! Encore un mot. C'est

pour le Directeur de l'Assistance publique un grand honneur de

saluer ici le représentant de la République qui l'a toujours honoré

d'une bienveillance particulière et auquel je suis attaché depuis si

longtemps par le respect et l'affection la plus sincère.

Bourneville, 1887. ?

L ASSISTANCE DES ENFANTS IDIOTS.

Ensuite M. Fallières a donné la parole à M. Bourneville,

qui s'est exprimé en ces termes :

Monsieur le Ministre,

C'est de grand coeur que je vous remercie d'avoir réalisé aujour-

d'hui la promesse que vous m'avez faite au commencement de

juillet de venir visiter la nouvelle section de Bicêtre consacrée aux

Enfants arriérés et épileptiques.

Durant la longue visite que vous venez de faire, vous avez bien

voulu écouter tous les détails que je vous ai donnés sur l'organisa-

tion et le fonctionnement très compliqué de ce service. Bien que ce

soit peut-être beaucoup d'exigence de ma part et augmenter la

fatigue de cette laborieuse journée, permettez-moi, avant qu'on ne

procède à la distribution des prix dont vous avez accepté avec tant

d'amabilité la présidence, de retenir encore pendant quelques ins-

tants votre attention et de soumettre à vous et à nos invités quel-

ques considérations sur l'assistance et le traitement des enfants

réunis sous vos yeux. Je le ferai aussi brièvement que possible.

Mesdames, Messieurs,

' L'assistance de ces enfants remonte déjà loin. En effet, dès les

premiers temps de l'Hôpital général, dont Bicêtre et la Salpêtrière

composaient les deux principaux établissements, on avait hospita-

lisé un certain nombre d'entre eux. Depuis cette époque, on a

continué à en recevoir une partie à Bicêtre, à la Salpêtrière et

aussi à l'ancien hospice des Incurables de la rue de Sèvres.

A part les essais généreux, mais sans résultat sérieux, de Itard

(1801), de Félix Voisin et de Belhomme, on peut dire que,

jusqu'en 1838, l'assistance se bornait à des soins tout à faits ma-

tériels.

C'est à l'un de nos compatriotes, Edouard Seguin, que l'huma-

nité est redevable de la méthode de traitement et d'éducation des

enfants déshérités sous le rapport de l'intelligence. Après avoir

commencé l'application de sa méthode avec Itard, puis avec

Esquirol (1), ensuite seul. soit dans son école de la rue Pigalle,

soit à l'hospice des Incurables {i81), Seguin fut nommé à la suite

d'un rapport d'Orfila au Conseil général des hospices, instituteur

des Enfants de Bicêtre - auxquels furent ajoutés une vingtaine

d'enfants de l'hospice des Incurables - par un arrêté préfec-

toral en date du 9 novembre 1842. Seguin prit possession de son

poste le 27 novembre suivant et, ici même, dans des conditions

déplorables, « placé entre des rivalités acharnées et au milieu d'im-

possibilités de toute nature (2) 1, il appliqua sa méthode jusqu'au

() Résumé de ce que nous avons fait pendant if mois.

Esquirol et Seguin, 1831'.

(y Seguin.- Trait., llyp. et Educa.1. des idiots, p. 324 ; Paris,

1846,

ASSISTANCE DES ENFANTS IDIOTS. LI

21 décembre 1843, époque où, à la suite de dénonciations infâmes,

on lui imposa sa démission.

Déjà Seguin avait publié trois mémoires qui avaient attiré l'at-

tention (1838, 1839, 1841). En 1842, le Dr Guggcnbühl fondait pour

les crétins un établissement-école sur l'Abendberg, en Suisse, et,

vers la môme époque, M. Saegert (de Berlin) qui s'occupait déjà

de l'éducation des sourds-muets, étendait ses efforts à l'éducation

dcs enfants arriérés. Quatre ans plus tard, Seguin publiait son ad-

mirable livre intitulé : Traitement moral, hygiène et éducation

des idiots.' Mors se produisit - non pas en France, hélas !

mais à l'étranger, un véritable mouvement pour l'amélioration

de cette classe de malheureux déshérités (1). Une école fut créée à

Leipzig; Mrs. Plumbe, Conolly, Andrew, Rend, en Angleterre,

témoins de ce que faisait Seguin, connaissant ses écrits, provo-

quèrent, par leur propagande la création d'une petite école à Bath,

puis à Highgate en 1848, ensuite à Colchester. En même temps,

Wilbur fondait en Amérique le premier asile pour les faibles d'es-

prit, inspiré et guidé comme il l'a hautement reconnu lui-même,

par les travaux de notre éminent compatriote, devenu plus tard

son ami (2).

A partir de 1850, les institutions pour les enfants faibles d'esprit

se sont considérablement multipliées .. à l'étranger. En 1877, on

en comptait 13 dans la Grande Bretagne, 28 en Allemagne, 4 en

Suisse, 3 en Suède, 11 aux Etats-Unis (3). Depuis dix ans, le nom-

bre de ces institutions a encore augmenté dans tous ces pays.

Quant à nous, voici quelle était notre situation en 1874, d'après le

rapport des inspecteurs généraux publié en 1877 : Les seuls asiles

qui aient des quartiers d'enfants; ont-ils écrit, sont, pour les

garçons : Armentièrcs, Bicêtre, Clermont (Oise), rains, ;liaréville,

Prémontré, Quatre-Marcs, aint-t111tan ; - pour les filles : la

Salpêtrière, et, pour les deux sexes : Evreux, J\1ontcleyçrg'ues,

Montpellier (4). » Nous devons ajouter que, sauf à Bicêtre et à la

Salpêtrière, le nombre des enfants hospitalisés dans chicLiiidecÀs

prétendus quartiers d'enfants est assez restreint. Les inspecteurs

citent, par exemple, l'asile de Fains. Eh bien ! l'an dernier, nous

y avons vu 5 petites filles et 5 petits garçons, non pas isolés dans

un quartier spécial, mais mêlés aux malades adultes. A Maréville,

nous avons trouvé 14 idiots dans une petite salle, et, dans le quar-

tier des femmes, une dizaine d'idiotes. Quant au traitement, qu'il

s'agisse de Fains ou de Maréville, nous n'en dirons rien : il n'exislc

pas.

Il en est de même à l'asile de Clermont (Oise), ainsi que nous

l'avons constaté, il y a quelques mois, avec nos amis Sigismond

(1) Langdon Down. - On some of the mental affections of

childhood ancl l'oulh. London, 1887, p. 3.

1 ? In Memo1'Y of Edouard Seguin, p. 28. "

(3) Irelan<l. - On Idiocy and Imbecillity. Dondon, 1877.

(1) Happ., gén. sur le service des aliénés en 1874, p. 92.

LU ASSISTANCE DES ENFANTS IDIOTS.

Lacroix et Bricon. Dans la plupart des asiles, on trouve quelques

enfants mêlés aux adultes, au nombre de dix, quinze ou vingt pour

les deux sexes (nous avons vu sept ou huit garçons et autant de

filles à l'asile de Chàlons-sur-Marne, au mois de septembre der-

nier). Les hôpitaux-hospices de province reçoivent aussi parfois

quelques-uns de ces déshérités. Partout, d'ailleurs, soit dans les

asiles, soit dans les hospices, on se borne à leur donner des soins

matériels.

On ne se douterait certes pas, en présence d'une telle situation,

qu'on est dans la patrie de l'homme qui a créé le traitement et l'é-

ducation des idiots, - de l'homme dont l'enseignement est adopté

dans la plupart des asiles-écoles d'Angleterre, d'Allemagne et des

Etats-Unis. Tous ont leur origine directe ou indirecte, dans les

travaux de Séguin, « le fondateur et le père de ce grand mouve-

ment philanthropique, » pour employer les expressions du Dr Geor-

ges Brown (1). t Sans Seguin, ajoute-t-il, des milliers d'enfants se-

raient encore des idiots bavants, qui, maintenant, grâce à ses

travaux, sont relevés à l'état d'homme et sont rendus heureux dans

les asiles créés pour eux. »

On est en droit de s'étonner que des créations faites en aussi grand

nombre à l'étranger n'aient pas excité l'Administration de notre pays,-

et, en particulier, l'Assistance publique de Paris. L'étonnement

redouble lorsqu'on se souvient du mémoire si éloquent adressé en

1859 à cette Administrationpar notre vénéré maître, M. Delasiauve.

Ses revendications persistantes n'ont abouti à aucun résultat : rien

ne lui fut accordé. Ce n'est que depuis dix ans que la question de

l'assistance et du traitement des enfants idiots a été reprise en

France par le Conseil général de la Seine et le Conseil municipal

de Paris. Des améliorations ont été introduites dans le quartier des

enfants de la Salpétrière ; la colonie annexe de l'asile de Vaucluse

a été fondée ; enfin, on a construit une grande partie de la section

de Bicêtre. C'est beaucoup, si l'on compare la situation actuelle au

passé; c'est encore peu, si l'on veut assurer une assistance com-

plète à tous les enfants arriérés, paralytiques et épileptiques du

département de la Seine.

Certaines personnes se sont étonnées de voir le Conseil muni-

cipal consacrer un crédit important (1,560,000 fr.), à la création

dans cet hospice d'une section pour des enfants réputés incurables,

et, à ce propos, on a même posé la question de savoir s'il était

bien nécessaire d'assister, et surtout d'hospitaliser celte catégorie

d'enfants. Cetto question était naturelle dans la bouche de gens

peu au courant des choses de l'Assistance et absolument igno-

rants des résultats remarquables qu'on est en droit d'attendre

d'un traitement et d'une éducation appropriés.

Eh ! bien, lors même qu'il ne serait pas possible d'élever un

grand nombre de ces malheureux enfants à la dignité d'homme,

de leur donner une instruction suffisante, de leur apprendre un

métier les mettant en mesure de gagner leur vie, il faudrait quand

il.) In Memory of Edouard Seguin, p. 42.

ASSISTANCE DES ENFANTS IDIOTS. LUI

même les assister et l'assistance ne doit pas se limiter à telle ou

telle catégorie, elle doit les embrasser toutes. Nombreuses sont

les raisons que l'on peut invoquer à l'appui de cette opinion.

Il est un principe qui doit toujours guider en matière d'assis-

tance : c'est qu'on doit assister les malheureux le plus près pos-

sible de leur domicile et toutes les fois que cela se peut, à domicile.

A notre avis, conforme à celui de tous les hommes qui se sont

occupés sérieusement de cette question et ont voulu substituer à

l'aumône età lacharitéune assistance vraiment républicaine, il ne

faut recourir à l'hôpital ou à l'hospice, que si l'assistance à do-

micile ne peut pas être faite utilement. L'hospitalisation est indis-

pensable quand le malheureux, par la nature de sa maladie ou

de ses infirmités exige, pour être convenablement soigné, la pré-

sence constante de l'un des membres de la famille, lequel se

trouve immobilisé et ne peut plus contribuer aux charges de la

communauté. Tel est le cas des enfants désignés sous le terme

générique d'incurables, comprenant surtout les idiots, les imbé-

ciles, les arriérés, les paralytiques, les épileptiques, les hys-

tériques, les enfants atteints de perversion des instincts ou de

folie morale.

La présence de ces pauvres êtres dans la famille où, d'ailleurs

ils ne peuvent recevoir aucune instruction, ni suivre aucun traite-

ment efficace, est une source de graves inconvénients, engendrant

une situation morale des plus pénibles et occasionnant une lourde

charge.

Il est commun d'observer de ces enfants qui dès les premiers

jours de leur naissance, poussent presque sans arrêts et surtout

la nuit des cris aigus, empêchant père, mère, frères et soeurs de

reposer. Et cependant.le lendemain-il faut que le père retourne à

son travail, que la mère vaque aux soins du ménage.

Ce n'est pas tout. Les voisins se plaignent, de là des querelles

qui aboutissent généralement à un congé, aux embarras et aux dé-

penses d'un déménagement. Il y a ici des parents qui, pour des

cas semblables, ont été dans l'obligation de déménager, une fois

deux fois chaque année, jusqu'à l'admission de leurs enfants à

Bicêtre ou à la Salpêtrière.

Sans vouloir exagérer l'importance des impressions maternel-

les durant la grossesse, il est certain que la vue constante de ces

enfants difformes, sous le rapport physique et intellectuel, peut,

parfois, avoir une action sur le produit d'une nouvelle conception.

Dans tous les cas, il est une autre influence qui, elle, est incontes-

table : c'est l'influence exercée par l'aspect de ces enfants sur

leurs frères et soeurs. Voici, à l'appui, ce que nous disait la mère

d'un petit idiot : « Nous avons deux jumeaux âgés de 19 mois qui

commencent à prendre ses manières, à se balancer, à se cogner la

tête comme lui. Sans cela, ajoutait-elle, si je ne craignais pour les

deux derniers, je le garderais à la maison. »

A côté de ces enfants idiots au dernier degré, il en est un grand

nombre d'autres, imbéciles ou arriérés, qu'on ne peut garder dans

les écoles de la ville parce qu'ils sont incapablesde suivre les exer-

cices des autres enfants et que leurs tics, leur insuffisance mentale

LIV ASSISTANCE DES ENFANTS IDIOTS.

rendent la risée de leurs camarades qui souvent même les brutali-

sent ; ou bien ils troublent la classe par leur instabilité, leur be-

soin de mouvement, leurs contorsions, leurs crises convulsives ; on

les punit, on les met dans un coin, dans la cour : ils prennent l'é-

cole en dégoût, deviennent irritables et les maîtres sont obligés de

les congédier définitivement. Beaucoup vagabondent ou se sau-

vent sans motif de la maison paternelle, servent d'instruments it de

plus habiles, qui les poussent à des actes repréhensiblcs. On les

arrête, parfois on les condamne. Ces fugues, ces arrestations, ces

condamnations, sont uno cause permanente de démarches, do per-

tes do temps, d'inquiétudes et de douleurs pour les familles.

Puis, viennent des enfants, plus ou moins débiles au point de vue

intellectuel, quelquefois mémo bien doués sous ce rapport, mais

atteints de perversion des instincts : voleurs, monteurs, onanistes,

pédérastes, incendiaires, destructeurs, homicides, empoison-

neurs, etc. Nous avons reçu récemment un enfant tigé do 9 ans,

dont les parents ont du réclamer d'urgence l'admission, parcoqu'il

avait l'idée fixe do « saigner sa petite soeur. ') Les garçons se livrent

soit sur leurs soeurs, soit sur les petites filles du voisinage, à des

pratiques déplorables. Les petites filles de celte catégorie attirent

les garçons, pervertissent leurs compagnes, servent à assouvir les

désirs de gens sans scrupules. Sont-elles pubères, elles deviennent

enceintes, produisent des enfants que la société doit nécessaire-

ment assister après avoir refusé do protéger et d'aider la mère,

qu'on se décide tardivement à interner, à un âge où toute chance

d'amendement a, sinon tout à fait disparu, au moins grandement

diminué.

Htuin, nous citerons les enfants affectés de maladies convul-

sivos : l'hystérie et 1`épilepsie.. Lorsque les crises sont rares, les

instituteurs conservent ces enfants ; mais la plupart, et avec raison,

les refusent; ils sont alors plus ou moins abandonnés dans la rue.

S'ils ont 12, 13, 14 ans ou au-dessus, les parents essaient do les

mettre en apprentissage : dès qu'une crise est constatée l'enfant est

congédié. Et de nouveaux essais aboutissent aux mêmes échecs. Il

importe aussi de se souvenir que si les convulsions n'ont en

somme de conséquences graves que pour les malades, elles sont

souvent précédées ou suivies de troubles intellectuels, d'impul-

sions les poussant à des tentatives do suicide ou d'homicide qui

les rendent très dangeroux pour la sécurité publique.

Nous pourrions rapporter do nombreux faits et en citer d'exception-

nellement graves, recueillis par nous soit à Paris, soit on province;

nous pourrions relever ceux qu'enregistrent a chaque instant les

journaux politiques, Nous nous bornerons à citer l'expérience et

l'opinondo M. Delasiauve : « J'ai, dit-il, durant huit ans, exercé en

province. Dans l'étroit cercle de quelques communes, je n'ai pas ren-

contré moins d'une dizaine des parias dont il s'agit. Tous vaguaient

dans les rues ou les champs, sans que les parents on oussont cure.

Doux idiotes, à ma connaissance, devinrent enceintes. Uno

troisième, soupçonnée de l'être, succomba on six heures it des

symptômes que, tacitement, j'attribuai (les substances abortives.

Parmi les hommes, trois frayaient dans les églises, attirés par le

ASSISTANCE DES ENFANTS IDIOTS. LV

chant et le bruit des cloches. L'un d'eux accompagnait aussi les

convois, s'apitoyant ou larmoyant avec les parents qui pleuraient.

Un quatrième tua d'un coup de fourche un de ses voisins ; un

cinquième alluma deux incendies. Des gamins qui se plaisent à

agacer ces pauvres êtres, sont souvent victimes de leurs impru-

dentes taquineries. »

Toutes ces raisons nous paraissent démontrer d'une façon irré-

futable, la nécessité de l'assistance des enfants dont nous venons

de parler. Il s'agit là d'une grosse question, car leur nombre peut

être évalué à environ 40,000 pour toute la France (1). Qu'y art-vil

à faire ? ? Nous allons le dire tout à l'heure.

Mes enfants,

Vous profitez des sacrifices faits pour vous par la ville de

Paris, par le Conseil municipal, à qui vous devez votre bien-être,

votre instruction primaire et professionnelle, par l'Administration

de l'Assistance publique qui, depuis qu'elle est dirigée par 1\1. Peyron,.

s'intéresse sérieusement à vous. Il faut encore faire davantage ; il

faut que vous suiviez toujours nos conseils, que vous écoutiez

attentivement les leçons de vos maîtres et de vos maîtresses, à l'a-

telier, aussi bien qu'a l'école ; il faut vous montrer bons et secou-

rables les uns envers les autres ; il faut résister à vos impulsions et

corriger vos mauvaises habitudes. Si vous faites cela, chaque

année, nous rendrons à la Société un nombre de plus en plus

grand de jeunes gens instruits, bons ouvriers, capables de gagner

leur vie par le travail ; chaque année aussi, nous pourrons faire

passer un plus grand nombre d'entre vous, qui ne peuvent, à cause

de leurs infirmités physiques, être envoyés au dehors, dans les di-

visions de l'hospice, où ils jouiront d'une liberté relative et pour-

ront s'occuper utilement dans les ateliers des adultes, diminuant

ainsi, dans une proportion variable, les charges que s'impose

l'Assistance pour eux.

En travaillant bien, en nous fournissant de meilleurs résultats,

vous rendrez encore un plus grand service. En voyant vos progrès,

en constatant que, par un traitement, une hygiène et une éducation

méthodiques, il est possible d'améliorer presque tous les enfants

atteints de maladies nerveuses, d'en guérir complètement un cer-

tain nombre, vous donnerez aux médecins et aux administrateurs

qui viennent ici et auxquels je fais visiter minutieusement votre

service, quelque fatigue et quelque temps qu'il m'en coûtent, vous

leur donnerez, disons-nous, des arguments puissants pour défen-

dre dans leur pays la cause des malheureux enfants frappés comme

vous dans leur intelligence. Et aujourd'hui, à moi-même, vous

m'avez permis de plaider efficacement, je l'espère, auprès de M. le

Ministre de l'intérieur, la cause de tous les enfants arriérés, con-

vulsifs ou réputés incurables, disséminés dans tous les départe-

ments.

( Dans leur rapport de 1877, les inspecteurs généraux évaluaient

le chiffre it 30.000.

LVI DISCOURS DE M. FALLIÈRES.

Puisse ce que M. le Ministre a vu aujourd'hui à Bicêtre lui ins-

pirer l'idée d'organiser dans toute la France, l'Assistance publique

pour ces enfants, d'en faire une obligation légale et de créer des

asiles départementaux ou inler-départemenlaux, semblables

à votre section. En le faisant, il accomplirait une réforme sociale

qui ferait honneur à lui et à la République !

M. le Ministre a prononcé le discours suivant :

« Mes enfants, mesdames, messieurs,

c Je ne m'attendais pas à l'honneur de me trouver devant

une si nombreuse société et de présider à cette distribution de

prix. J'en voudrais presque à M. le Dr Bourneville de m'avoir

ménagé cette trahison, si je n'avais pas tant à m'en féliciter. Il

nous disait, en terminant sa brillante allocution, que le gou-

vernement de la République devait se préoccuper plus que

tout autre du sort des déshérités, qu'il se fait un devoir et un

honneur d'aller aux petits et aux humbles et d'essayer par ses

efforts constants, d'en faire sinon des citoyens actifs, du moins

des hommes utiles. Il m'est déjà arrivé de présider des distri-

butions de prix; mais dans aucune je n'ai ressenti une émotion

aussi vive que celle que je ressens en ce moment et dont je

veux vous faire part.

« Je viens de visiter, dans tous les détails, ce bel établisse-

ment, qui fait honneur à tous : A M. le Dr Bourneville, qui

en a conçu la pensée et surveillé l'exécution ; à la ville de

Paris, dont les représentants ont dépensé presque sans comp-

ter, à l'Assistance publique et à l'architecte, auquel j'adressais

tout à l'heure mes félicitations, et à qui je tiens à les renou-

veler publiquement.

« Lorsque j'ai parcouru ces salles avec M. le Dr Bourneville,

avec M. le directeur général, avec M. le directeur de Bicêtre

et avec tous ceux qui vous sont attachés, je m'étais promis de

vous dire, en vous quittant, ma satisfaction, et j'oserai même

ajouter mon admiration, et combien il m'est doux d'adresser

des félicitations sincères à tous ceux qui concourent à l'éclat

de ce magnifique établissement, au directeur, aux instituteurs,

au professeur de gymnastique, à vos surveillantes laïques,

femmes modestes dont lo dévouement est à la hauteur de la

mission qu'on veut bien leur confier.

. Une des sollicitudes de chaque jour du gouvernement est

de se demander si cette assistance, qui date de '17S\J, a été suf-

fisamment développée. Pour cela, il faut un effort, et cet ef-

fort nous le demanderons aux départements, aux conseils gé-

néraux, aux préfets, aux municipalités, porekuadé que lorsque

DISCOURS DE M. FALLIÈRES. LVII

nous aurons réussi, sinon tout à fait, du moins en partie, nous

aurons fait une couvre républicaine, oeuvre sociale, l'oeuvre

que vous faites ici, Monsieur le Dr Bourneville, en consacrant

ce que vous avez de mieux, votre dévouement, le meilleur de

votre temps, comme ces internes dont vous me faisiez l'éloge

tout à l'heure, en me disant : c'est le dévouement même.

» Je vois ici des prix, et si, commeje vous l'ai dit, M. Bour-

neville ne m'avait pas trahi, j'aurais apporté les miens ; mais

je les enverrai demain (1) et je vous prierai, monsieur la direc-

teur, de vouloir bien les donner dans chaque division à ceux

que vous considérez comme les plus méritants.

« Je n'oublierai pas ce que j'ai vu aujourd'hui, et j'en ferai

mon profit, comme homme, comme père de famille, comme

citoyen, comme ministre d'un gouvernement qui doit tendre

la main aux pauvres, aux humbles, à ceux qui souffrent, à qui-

conque a le droit d'avoir une place au soleil. »

Ce discours été accueilli par d'unanimes applaudissements.

L'un des enfants, Ygonel, qui a remporté le prix d'honneur, est

alors monté sur l'estrade et a lu, au nom de tous ses camara-

des, le compliment suivant qui, « par la délicatesse touchante

de sa forme, a vivement ému tous les assistants. »

Monsieur le Ministre,

En me donnant par leurs suffrages le prix d'honneur de l'école,

mes camarades m'ont choisi pour venir saluer au milieu d'eux celui

qui n'a pas craint de se soustraire un moment aux durs labeurs de

ses hautes fonctions, et de venir assister à notre petite fête.

Laissez-moi donc, Monsieur le Ministre, au nom de tous mes amis,

vous souhaiter la bienvenue et vous remercier de nous avoir

témoigné par votre visite le bienveillant intérêt que vous nous

porte ? Cette marque de sympathie nous est d'autant plus sensible,

que, plus que tout autre, nous avons besoin de sentir qu'on ne nous

oublie pas, et que, si notre mal nous isole pour un temps de la

société, la société ne nous a pas abandonnés.

Du reste, que nous manquc-t-il ici, et qu'uv,ns-notts à envier

aux enfants du dehors ? Grâce aux soins infatigables de M. le

Dr Bourneville, le temps que nous passons à Bicêtre est loin d'être

perdu : on nous apprend un métier, qui plus tard nous permettra

de vivre, on fait ou on continue notre éducation et notre instruc-

tion ; on nous conduit toutes les fêtes avoisinantes,et les grands

jardins de Paris nous voyant souvent dans leurs bosquets.

(1) M. le Ministre a tenu sa promesse et, dès le lendemain, il a

envoyé quatre beaux volumes qui ont été remis aux enfants les plus

méritants par M. Imard, inspecteur, le mardi 30 août. '

LVIII - DISCOURS DE M. JACQUES.

Aussi, Monsieur le Ministre, ne soyez pas jaloux, si je me tourne

un moment vers M. le Dr Bourneville, pour le remercier aujour-

d'hui publiquement de tout le bien qu'il nous fait. Grâce à lui,

beaucoup d'entre nous pourront un jour quitter Bicêtre et reprendre

leur rang dans la société. Nous serions des ingrats si nous oublions

dans nos témoignages de reconnaissance, M. le Directeur général,

dont la constante sollicitude augmente tous les ans et nous fait

trouver moins long le séjour dans cet établissement hospitalier.

Merci encore une fois, Monsieur le Ministre, merci au nom de

mes camarades de l'honneur que vous nous avez fait; merci au

nom de tous nos parents.

M. Fallières a répondu ainsi qu'il suit :

Mes enfants,

« C'est avec plaisir que je vois que les leçons qu'on vous donne

ici ne sont pas perdues. Le meilleur moyen de prouver votre

reconnaissance, c'est de répéter les paroles que votre camarade

vient de prononcer. Ne soyez pas jaloux, disait-il en se tournant

vers M. Bourneville, : non, je ne suis pas jaloux, je suis heureux

au contraire de m'associer à ce témoignage de reconnaissance

en affirmant que nous avons à faire, non pas seulement à un

homme de coeur, serviable, mais à un homme de mérite,

véritable bienfaiteur de l'humanité, et, avant de quitter cette

enceinte, je tiens une seconde fois, M. le Docteur, à vous

témoigner ma reconnaissance. »

Il a été ensuite procédé à la distribution des récompenses.

Puis, avant de clore la séance, M. Jacques, qui avait pris au

fauteuil de la présidence la place de M. Fallières, obligé de se

retirer avant la fin, a prononcé les paroles suivantes :

Mes enfants,

Je profite de l'occasion qui m'a placé au fauteuil de la présidence

de celte fête pour me donner la parole... Rassurez-vous,je n'ai pas

préparé de discours ; mais je ne puis lever brusquement la séance

sans prendre acte dès éloges adressés au Conseil général de la

Seine et sans remercier les orateurs qui se sont si cordialement

exprimés à son égard... Eh bien ! sans fausse modestie, je déclare

que le Conseil général a vraiment mérite l'hommage qu'on lui a

rendu ; mais je tiens à ajouter que dans les réformes accomplies dans

l'Assistance publique, que dans l'oeuvre admirable qui s'est réalisée

ici, M. Bourneville, mon ancien collègue, a joué un rôle prépon-

dérant, et adroit par conséquent à une grande pari d'honneur

Il est certaines améliorations, Messieurs, qui sont longues à se

produire parce qu'il faut deux choses à un homme d'initiative

pour les faire aboutir devant une assemblée délibérante .' être

reconnu comme très compétent sur la matière toute spéciale qu'il

DISCOURS DE M. JACQUES. LIX

traite et savoir par son caractère inspirer à tous une confiance

absolue.

Un état de choses lamentable subsistait à Bicêtre, comme il

subsiste encore ailleurs : Bourneville est élu conseiller, il fait

connaître l'étendue du mal, il déclare qu'on peut y remédier et le

Conseil général et le Conseil municipal, animés d'un même senti-

ment démocratique, s'émeuvent et n'hésitent pas il consentir les

sacrifices d'argent qu'il faut faire : la cause était gagnée et la pé-

riode réformatrice s'est ouverte

Eh bien ! Messieurs, un jour j'ai craint de voir la mar-

che progressive vers l'état de choses merveilleux que vous venez

de constater, se ralentir; c'est au moment où les électeurs

ont envoyé Bourneville à la Chambre des députés. Fort heureu-

sement, il n'en a rien été et je tiens à bien le féliciter et à bien le

remercier : c'est un grand exemple à retenir : Bourneville a assez

donné à la politique pour être un excellent mandataire, mais il n'a

pas cessé de se consacrer à l'une de ses oeuvres de prédilection et

il est demeuré le savant médecin et l'excellent philanthrope dont

je m'honorerai toujours d'avoir été le collègue !

Il est un homme dont je dois associer le nom à Bourneville,c'est

celui du Dr Robinet, que je ne cesserai de regretter. Robinet a con-

tinué avec concours de plusieurs collègues de faire progresser

les questions d'Assistance. Et pour que les résultats obtenus par

le Conseil municipal portent des fruits, je me permets d'exprimer le

voeu que les Conseils généraux envoient des délégués visiter Bi-

cêtre. S'ils le font, je suis convaincu que le spectacle auquel ils

assisteront produira la conviction dans les esprits même prévenus

et que bientôt la question de l'assistance des enfants arriérés sera

résolue dans toute la France.

Je termine, mes enfants, en vous engageant à vous montrer très

reconnaissants envers tous ceux qui coopèrent à faire de vous,

non pas des hommes brillants, mais des hommes utiles dont une

république démocratique doit avoir àcceur d'augmenter le nombre.

Ces bonnes paroles ont été accueillies par les applaudisse-

ments de tout l'auditoire. La séance a été levée et au moment

où les assistants se sont retirés, les enfants ont entonné la

Marseillaise avec beaucoup d'entrain.

Nous espérons que cette visite aura d'heureux résul-

tats et que M. Fallières se souviendra de ce qu'il a vu,

lorsque, à propos de la discussion de la nouvelle loi sur

les aliénés, il sera question de l'assistance des idiots et

des épileptiques et de la création, pour eux, d'asiles dé-

partementaux et inter-départementaux.

DEUXIÈME PARTIE

Clinique.

I.

De l'Epilepsie procursive;

Par BOURNEVILLE et P. BRICON.

Sous le nom d'rPILBPSIG PROCURSIVE (Epilepsia pro-

cursiva des anciens auteurs), nous nous proposons

d'étudier une forme particulière de l'épilepsie, dont

les accès, au lieu de présenter les phases habituelles,

sont constitués par une course ou propulsion rapide

en ligne directe dans l'axe horizontal du corps, ou

avec rotation à grands cercles, d'une durée ne dépas-

sant jamais celle d'un accès épileptique ordinaire, ne

s'accompagnant pas le plus souvent de chute et n'étant

pas suivi de coma, mais se compliquant d'une con-

gestion très forte de la face.

Cette forme de l'épilepsie, dont on trouve des exem-

ples assez nombreux, surtout dans les auteurs anciens,

a été décrite sous des noms très divers et parfois con-

fondue avec la chorée ou d'autres affections nerveuses.

Nous verrons plus tard, quand nous traiterons de

l'anatomie pathologique, qu'elle semble devoir être

classée parmi les épilepsies symptomatiques d'une

Bourneville, -I8SS7. 1

2 DE L'ÉPILEPSIE PROCURSIVE.

lésion encéphalique qui paraît à peu près constante

déjà macroscopiquement.

Dans une première partie nous traiterons de l'épi-

lepsie procursive proprement dite, c'est-à-dire des cas

où la course constitue d'abord à elle seule l'accès épi-

leptique; nous aurons en effet à citer des faits qui

prouvent que l'acte procursif peut, plus lard, être suivi

d'un accès ordinaire ou disparaître complètement pour

faire place à l'épilepsie vulgaire. Celle succession

possible des phénomènes cliniques explique pour-

quoi les auteurs ont considéré la procursion tantôt

comme un vertige, tantôt comme un accès complet

ou incomplet. Les faits qui nous sont personnels

nous permettent de nous ranger plutôt à l'opinion des

médecins qui considèrent ces accidents comme des

accès incomplets. - Ce n'est pas à dire pour cela

que le vertige^, ne puisse jamais être accompagné de

mouvements automatiques ; l'absence elle-même peul

consister en un simple acte automatique, mais alors

on n'a nullement affaire à une procursion véri-

table, mouvement précipité de peu de durée, auto-

matique si l'on veut, mais caractérisée par une course

remplaçant les périodes tonique et clonique de l'accès

ordinaire.

Pour compléter l'étude de l'épilepsie procursive

nous étudierons ensuite les actes automatiques, à carac-

tères plus ou moins procursifs, qui accompagnent le

vertige et l'aura, ou qui sont consécutifs à l'accès; nous

diviserons donc notre sujet de la manière suivante :

' Perle de connaissance, avec sensation de tournoiement, accompa-

gnée ou non de quelques phénomènes convulsifs (le peu de durée et

d'intensité.

DE L'ÉPILEPSIE PROCURSIVE. 3

I. Historique. II. Epilepsie procursive propre-

ment dite, ou accès épileptiques essentiellement consti-

tués par la course. - III. Epilepsie avec aura ]Jl'ocw'-

sive, soit que celle-ci ait dès l'abord été isolée, soit

qu'après avoir été suivie d'un accès épileptique ordi-

naire, elle ait enfin disparu totalement. - IV. Epi-

lepsie avec procursion consécutive. - V. Vertiges pro-

ciirsifs et automatisme . - VI. Anatomie pathologique.

- VII. Pronostic et diagnostic. - VIII. Considérations

générales sur la Physiologie et l'Etiologie des mouve-

ments procursifs. - IX. Traitement.

I. Historique.

L'épilepsie procursive, quoique peu commune, a

déjà été signalée depuis longtemps; nous avons pu,

en effet, en relever un certain nombre d'exemples

dans les auteurs de notre siècle et des siècles pré-

cédents. D'abord décrite sous le nom d'epilepsiap1'Ocllr-

siva, puis sous celui de chorca procursive seu festinans,

elle est enfin classée par les auteurs de la première

moitié de ce siècle parmi les chorées, genre vague où

entraient et entrent encore un grand nombre de

névroses; confondue alors souvent avec la paralysie

agitante, on en trouve encore des observations publiées

sous les noms de chorea circumrntatoria, rotatoria,

circumambulatoria,saltatoria, etc. Les mouvements invo-

lontaires de Wicke, la musculation irrésistible de Roth,

les impulsions systématisées de Jaccoud, les spasmes

coordonnés' de Romberg, etc., etc., sont tous des termes

' Les deux observations que Romberg a relatées en entier dans son

Traité sont deux cas d'hystérie.

4 DE L'ÉPILEPSIE PROCURSIVE.

de classification basée sur un ou plusieurs symptômes

isolés embrassant également en partie l'ancienne épi-

lepsie procursive. C'est à Thomas Eraste', à notre con-

naissance, qu'est due la première observation se rap-

portant réellement à cette forme d'épilepsie.

Observation I. - Début de l'épilepsie si la suite d'une chute.

- Tournoiement, puis course; parfois accès ordinaire.

J'ai guéri, dit-il, l'année passée, un adolescent qui, étant

tombé d'une hauteur considérable et s'étant meurtri la tempe,

était sujet, depuis cette époque, à des accès d'épilepsie, pendant

lesquels il tournait rapidement sur lui-même trois ou quatre

fois, puis se précipitait involontairement en avant, si l'on ne

l'en empêchait. Avant de tomber, ce qui arrivait du reste très

rarement, il se frottait rapidement le visage avec les mains.

En revenant à lui, il ne savait rien de ce qui s'était passé.

Eraste en ces quelques lignes a retracé le tableau

exact de l'épilepsie procursive : course en avant, par-

fois suivie de chute consécutive; frottement de la

face, etc. Ajoutons qu'ici, la phase propulsive était pré-

cédée d'une rotation.

Nous empruntons l'observation suivante à Bootius 2.

Il en fait précéder l'exposé de quelques réflexions

judicieuses qu'il nous semble bon de rappeler. « Plu-

sieurs médecins, dit-il, ont déjà noté que les épilep-

tiques ne tombaient pas toujours dans les accès, que

quelques-uns restaient debout, que d'autres s'as-

seyaient, ou bien encore exécutaient soit des mouve-

1 Comitis ttonlani vicenlini noui medicorum. censoris quinque librorutn

de morbus nnper editorttnm vira analome : itzgqal nttclla artis mcdiae capela

aecuralissime declanantter a Thoma Erasto, philosoplio et modico. l3asill¡e,

MDXXCI, pars II, p. 195.

- Bootius. - Obscrvaliones rnedicic de afleclibus omissis. Lonilini, 1619.

De epilepsilÎ Lrocursiod, caput vi. ·

DE l'épilepsie PROCURSIVE. 5

ments de manège, soit des mouvements irréguliers. Il

nous paraît intéressant de rapprocher de ces cas ce

que nous avons observé sur un enfant de douze ans. »

OBSERVATION II. - Enfant de douze ans. Accès procursifs. -

Courses accompagnées d'abolition de la vue et de l'intelligence.

Chaque fois que cet enfant était pris d'un accès, il courait

droit devant lui et ne s'arrêtait que s'il rencontrait un obstacle

pouvant l'empêcher de poursuivre sa course et sur lequel il

se précipitait avec impétuosité. Ni l'eau, ni le feu, ni les préci-

pices ne pouvaient le faire dévier de sa route; on ne l'en pré-

servait qu'en le retenant, car, durant ces accès il ne voyait ni

ne comprenait. Il est fort probable que si ces accès se fussent

produits en plaine où une plus grande étendue de terrain lui

eùt permis de courir assez longtemps, il n'aurait pu tomber à

terre de toute la durée de l'accès. Mais ce point n'a pu être

élucidé par nous, car le malade, toujours retenu dans une en-

ceinte, ne pouvait être pris d'accès qu'à la maison ou dans des

cours.

Dans le cas de Boolius comme dans celui d'Eraste,

on ne peut douter qu'il ne s'agisse d'un malade atteint

d'épilepsie procursive; mais quoique plus longue que

la précédente cette observation est moins complète que

celle d'Eraste. On ne saurait classer parmi les cas

d'épilepsie procursive, comme l'ont fait ce temps-ci

quelques auteurs, l'observation publiée par Tulpius'.

Il s'agit en effet d'un malade qui courait jour et nuit,'

si rapidement et avec des mouvements du corps si

ininterrompus que la sueur lui coulait de partout; le

besoin du sommeil seul l'arrêtait. Il est probable qu'il

ne s'agit là ni d'épilepsie procursive ni de chorée,

mais bien de paralysie agitante.

1 TulpillS, - Obsel'v, 11Zcd. AmslCl'dam, 1612.... ?

6 . DE l'épilepsie PROCURSIVE.

Dans sa Pratique de médecine spéciale, Etmúller1 divise

l'épilepsie en trois degrés : le premier comprend

l'absence et le vertige ; le second comprend les cas dans

lesquels le « corps est tourmenté par diverses secousses,

sans la perte du sentiment et de la raison- ou avec

quelque dépravation de ces facultés »; puis l'auteur

ajoute qu'il y a quelques exemples de cette variété

d'épilepsie dans la Pathologie du cerveau de Willis,

dans la Pratique de Rivière, dans les Epi 1res deTimeus,

dans les Histoires de Salmuth, etc. De ce genre est

« l'épilepsie dont parle Bootius {Traité des affections

omises, ch. vi) d'un malade qui courait durant tout le

paroxysme (voir p. 57); et l'épilepsie d'un homme des

environs de Leipsick qui ne faisait que pirouetter du-

rant le paroxysme ».

Paulfini ~ cite le cas d'un enfant de cinq ans qui

ne tombait pas au moment de l'accès, mais courait peur

lutum et aquam. Le même auteur avait publié en

1687 une observation qui rentre peut-être dans le cadre

de l'épilepsie procursive.

Observation III. - Course suivie le plus souvent de chute.

Course après l'accès.

, Un enfant norvégien (on ne dit pas son âge) courait devant

lui environ trente pas, et s'il tombait, ce qui lui arrivait sou-

vent, il se relevait et continuait à courir; puis il s'appuyait

, Etmûller. - Pratique de médecine spéciale de Michel l'Imicller sur

1.(;s maladies propres des hommes, des femmes et des petits enfants, etc.

Lyon, 1G91" thèse XXIII, de l'Epilepsie, p. 531. - Nous n'avons pu con-

sulter quelques.-uns ries auteurs cités par Etmüller, mais dans la Pratique

de Rivière, édition française de Lyon, 1692, nous n'avons rien trouvé

se rapportant à l'épilepsie procursive. - .

'Paullini. - Ephemerid. t. Curios.. dn. 3, ann. 3, obscrv, 181,

1696, p. 313. 1

de l'épilepsie PROCURSIVE. 7

contre un mur, ou bien, si l'accès le prenait dans la rue, dans

la campagne, il s'arrêtait tout à coup, immobile comme une

statue. Au bout d'une heure, il tombait à terre, s'il n'était pas

soutenu, poussait de profonds soupirs, versait des larmes et

s'endormait. Pendant son sommeil, il transpirait beaucoup ; à

son réveil, il se levait de fort bonne humeur, comme si rien ne

s'était passé.

D'après Itard ', Nicolas Becker aurait publié dans

les Ephémérides des curieux de la nature le cas d' « une

jeune fille qui, à la suite d'une peur causée par un orage,

était forcée, durant ses accès, bien que maîtresse de ses

sens, de courir le long des murs de sa chambre ».

Brescon, dans son Traité ~ fait une simple allusion

au sujet qui nous occupe : « Il y a cependant, dit-il,

des auteurs, dont l'un en a vu qui ne tombaient pas,

un autre qui restaient debout, d'autres enfin qui cou-

raient. »

Welsch 3 ne donne dans sa thèse aucune observa-

tion nouvelle d'épilepsie procursive, mais cite un cas

qui aurait été rapporté, d'après un autre auteur, par

Bootius et qui ne figure pas dans l'ouvrage de ce mé-

decin que nous avons consulté : « A l'épilepsie associée

à des phénomènes extraordinaires, se rattache aussi

Yepilepsia cursoria, dans laquelle les malades courent

d'ordinaire jusqu'à ce qu'ils tombent à terre. L'auteur

cité par Bootius nous en fournit un exemple; il s'a-

git d'un ouvrier forgeron qui, pris d'accès, se mita

courir comme un (ou) se précipita hors de l'atelier et

mourut ( ? ). »

1 ? )/t0) ! c)'. Kalur. curiosor., déc. I, observ. 71. Citation empruntée

au travail de ! tard.

2 Brescon (Pierre). - Traité de l'épilepsie avec sa description, ses diffé-

rences, ses causes, etc., 1 vol. in-S. Bordeaux, 1742, p. 2.

' Welsch. De<-;))7c/M ! <t. lena, 1719, p. 2(i-27.

8 de l'épilepsie PROCURSIVE.

Les cas de Sauvages ' et de Gaubius, de Thilenius, de

Wichmann, cités comme exemples de musculation in-

volontaire ou de spasmes coordonnés, nous paraissent

se rapporter plutôt à la paralysie agitante qu'à l'épi-

lepsie procursive : tous ces malades étaient âgés de

plus de cinquante ans. Les cas de J. Franck8 et de

J. Berne ne sont pas assez détaillés pour que l'on

puisse aussi les ranger parmi les observations d'épilepsie

procursive. Le cas de Sagar est plus difficile à inter-

préter : « Vidi, dit-il, Virum vindobense ultra 50 annos

natum qui invitus cucurrit, nec capax erat direc-

tionem mutandi vel deviandi obstacula qui simulptya-

tismo laboravit. » Caillau5 a rapporté en 1797 le fait

suivant :

Observation IV. Course, puis chute.

Un citoyen, âgé de soixante-cinq ans, ne marchait pas, il

courait, ayant l'air d'un homme qu'on poursuit et qu'on force

à courir; sa démarche était égale, quoique précipitée, élevant

ses jambes alternativement d'une manière assez uniforme. Ce

mouvement singulier, qu'il est impossible de bien caracté-

riser, se prolongea durant tout l'intervalle qui existe entre

3-4 arbres de la plantation de Fourny. Ce citoyen arrêta enfin

sa course; mais, dans ce moment, il tomba au pied d'un arbre; il

1 Ces cas se trouvent rapportés sur le nom de Scelotyrbe festinans,

danse de Saint-Guy précipitée.

1 J. Franck. - Traite de Pathologie interne, trad. de Bayle. Paris,

1.838, t. 111, p. 336. - L'auteur dit en note avoir vu plusieurs fois des

cas semblables à celui de Bootius. - Dans la note suivante, il cite un

enfant de onze ans qui tournait en rond avant de tomber. - Voir aussi

à l'article Chorée, p. 82î, l'observation rapportée à la note 29.

3 Bernt. - Afonographia sancli Vili. Prague, 1810, p. 25.

1 Sagar. - Systema nzorborum symptonzalicunz. Vindobenrc, 1763,

pars II, p. 121.

' Caillan. - Journal de santé et d'histoire naturelle, par le citoyen

Capelle. Bordeaux, vol. I, p. 118, an V.

DE l'épilepsie procursive, 9

n'en résulta d'autre blessure qu'une légère excoriation à la

joue droite.

Deux spectateurs l'aidèrent sur-le-champ à se relever et à se

traîner vers un des sièges de cette promenade; je m'approchai

de lui et, lorsqu'il eut repris ses sens, je lui fis plusieurs ques-

tions, auxquelles il répondit avec beaucoup de netteté et de juge-

ment. Il m'apprit qu'il n'avait éprouvé la première invasion

de cette maladie, sur un grand chemin, que quelque temps

après avoir été guéri de douleurs rhumatismales, qu'il en avait

déjà ressenti plusieurs accès, que dans le moment de l'inva-

sion il éprouvait une violente démangeaison de prendre sa course,

qu'Une pouvait retenir celle ardeur, et qu'une chute terminait

toujours cet accès. Il demeura un quart d'heure assis, un

citoyen l'aida ensuite à se conduire chez lui ; je le suivis jus-

qu'au bout de la rue Sainte-Catherine ; il s'arrêtait de temps en

temps pour s'appuyer contre la muraille; le désir de précipiter

ses pas ne l'aiguillonna point une seconde fois, car il pouvait à

peine se trainer vers sa demeure.

Dans ce cas, il semble difficile de déterminer si l'on

avait affaire à une aura procursive ou à un véritable

accès d'épilepsie procursive, car l'auteur se borne à

dire que la course se terminait par une chute, sans

indiquer si, au moment de la chute il y avait ou non

des convulsions. La description des phénomènes pré-

sentés par le malade ne laisse du reste aucun doute

sur la nature épileptique de l'affection.

Au commencement de notresiècle, Hufeland publiait

dans son Journal une nouvelle observation d'épilepsie

procursive.

Observation V. Accès spasmodiques à dix ans, guéris en

peu de jours. - .1'ouveaax accès à treize ans : nonchalance;

inappétence, difficulté de la parole; - course, parfois saut,

sans perte de connaissance. - Traitement par les sels de zinc.

C. D..., ûôé de treize ans, d'une santé assez bonne, s'étant

' Journal de Ihç/'cland, juin 1811, vol. XXXII, p. 88.

Io DE l'épilepsie procursive.

refroidi à l'âge de dix ans, avait été attaqué d'accès spas1ll1)..

diques qui avaient été guéris en peu de jours. Depuis deux

mois et demi environ, il était retombé malade. On remarqua

d'abord chez lui de l'indifférence pour toutes choses et une si

grande nonchalance qu'il lui répugnait do faire ce qu'il aimait

le mieux. Cet état ne dura pas longtemps.

L'appétit disparut, la parole devenait quelquefois inintelli-

gible, quelquefois il était incapable de prononcer certains mots.

On observa des contractions de la face; au moindre effort pour

les comprimer survenaient des mouvements involontaires de

la mâchoire inférieure, des tressaillements dans le bras droit

et dans le côté gauche du corps. La maladie s'exacerba ainsi de

jour en jour, jusqu'à ce qu'elle occupât tout le corps. Lorsque

l'enfant entra à l'hôpital, elle se caractérisait ainsi :

Regard fixe, timidité, grimaces, mouvement anormal des

mâchoires et de la langue ; quelquefois parole embrouillée ou

même impossible. Balancement de la tète, tressaillement des

muscles du cou, et mouvements involontaires, anormaux, de-

tout le corps, en sorte que le malade ne pouvait rester quel-

ques minutes seulement en repos, quelque effort qu'il fit.

Souvent il était obligé de courir rapidement d'une place à une

autre, sans pouvoir se retenir, d'autres fois de sauter. Il savait

parfaitement ce qu'il faisait, et il pouvait de même se rappeler

le passé. Toutes les fonctions étaient d'ailleurs peu troublées,

à l'exception de l'appétit.

Depuis le commencement jusqu'à la fin du traitement, le

malade ne reçut que du zinc, d'abord l'oxyde de zinc, ;i centi-

grammes trois fois par jour; puis, au bout de trois jours, la

même dose une seule fois par jour. Aucune amélioration ne se

faisant remarquer au bout de deux jours, on augmenta la dose,

qu'on porta progressivement jusqu'à 40 centigrammes :

l'amélioration fut sensible. Après quinze jours de traitement,

les mouvements involontaires avaient entièrement disparu; il

ne restait plus qu'un peu de difficulté à mouvoir le bras

gauche et un peu de bégaiement. La dose fut portée à 80 cen-

tigrammes, mais il éprouva des malaises qui forcèrent à redes-

cendre à 60 centigrammes. Au bout de huit jours, l'état du

bras s'était aussi amélioré : il ne restait plus que le bégaiement.

On remplaça alors le zinc pur par le sulfure de zinc, 10 centi-

grammes par jour en solution aqueuse, à doses ascendantes.

Arrivé à 30 centigrammes par jour, cinq semaines après le

de l'épilepsie PROCURSIVE. -Il i

commencement du traitement, le malade fut parfaitement

guéri.

Cette observation paraît plutôt appartenir à un cas

de chorée; seuls la course et le saut ne s'accordent pas

avec les phénomènes ordinaires de la chorée et sont

susceptibles d'être rattachés à l'épilepsie procursive.

Il est difficile de se prononcer et le doute est légitime.

Quelques années après cette publication, Lau' consi-

gnait dans le même recueil le fait ci-après.

Observation VI. - Enfant de quinze ans. - Courses.

Henri S..., âgé de quinze ans, a souffert pendant la denti-

tion de spasmes, d'éruption à la tète, de vers, et surtout de

scrofules. Les glandes abcédèrent, à l'âge six ans, guérirent

très lentement et laissèrent au cou d'assez grandes cicatrices.

A dix ans, il fut pris d'une fièvre nerveuse; à quatorze ans, à

l'exception des vers, sa santé était assez bonne; mais exposé

aux intempéries des saisons, il se plaignait de douleurs dans

les membres, auxquelles une fièvre se joignit plus tard , les

douleurs dans les membres cessèrent, et il se crut parfaitement

guéri. La maladie avait en effet disparu, mais pour revenir

huit jours après, sous une forme dangereuse, sous celle de

spasmes dans le bras et dans le pied gauche, légers d'abord,

plus violents ensuite, en sorte que, le 18 février 1822, il fut

obligé d'entrer à l'institut clinique de Berlin. Voici quel était

son état :

Taille élancée, air de santé, mouvements précipités et

anxieux, pouls petit, contracté, spasmodique ; respiration un

peu embarrassée; parole bégayante, incompréhensible, à peine

perceptible ; le malade ne pouvait tenir en repos la langue qui

lui sortait de la bouche ; mais il était obligé de la remuer invo-

lontairement de droite à gauche, en avant, en arrière ; le bras

et le pied du côté gauche ne discontinuaient non plus de re-

muer. Voulait-il prendre quelque objet avec la main, c'était

toujours par un mouvement circulaire qu'il y parvenait, et s'il

' Latl. - Ifufela,nd's Journal, vol. L, vu, décembre, p. 61, 1S23.

12 DE l'épilepsie procursive.

le tenait pendant quelque temps, il le laissait bientôt échapper

involontairement. En marchant, il décrivait toujours un arc

avec le pied gauche, tournant le poing en dehors, et, debout,

il lui était absolument impossible de le tenir en repos ; il ne

cessait de l'agiter. Au dire de la mère, ces mouvements con-

vulsifs étaient par moments si violents, que le bras était sur-

tout violemment soulevé, puis retombait, absolument comme

pour atteindre un objet élevé. Dans cet état, le globe gaucho

de l'oeil, disait-elle, roulait dans son orbite, agité d'un mouve-

ment convulsif, la tète se penchait du côté gauche, le malade

courait du haut en bas de l'escalier el remontait à pas 1res

précipités, ne pouvant, dans sa hâte, régler ses mouvements.

Si on le maintenait fortement, les mouvements se changeaient

en tressaillements, et le malade était en proie à une grande

agitation anxieuse. Cet étal, du reste, n'était accompagné

d'aucune espèce de malaise; le malade riait, était sobre de

paroles, mais il possédait sa connaissance. Au bout d'un quart

d'heure ou d'une demi-heure de paroxysmes, les mouvements

convulsifs s'affaiblissaient et ils finissaient par se changer en

simples tressaillements des muscles du bras et du pied du côté

souffrant. Ce tressaillement ne le quittait jamais cependant,

non plus que le tremblement de la langue, et la parole était

toujours incompréhensible. Toutes les autres fonctions étaient

normales, et les muscles du coté droit parfaitement soumis à

la volonté.

L'intelligence et la mémoire étaient très faibles chez ce

jeune homme. Le rhumatisme supprimé fut regardé comme la

cause de la maladie. On administra l'extrait d'aconit et de

gayac comme sudorifique sous la forme de poudre, après avoir

administré d'abord un laxatif de calomel et jalap et un élec-

litaiî,p anthelmintiquc. Le malade ne rendit pas de vers ; le

sudorifique fut continué, depuis le 21 février jusqu'au 20 mars,

à doses ascendantes ; il parut un exanthème miliaire et des

furoncles au bras et au dos, et la guérison s'ensuivit.

Cette observation, qui se rapproche delà précédente,

nous paraît concerner un cas de chorée avec accidents

procursifs concomitants. Nous l'aurions même écartée

s'il ne nous avait paru intéressant de la mettre en

regard de celle d'llut'eliiid et de montrer combien il

DE l'épilepsie PROCURSIVE. 13

est parfois difficile, par suite de renseignements incom-

plets, et d'un examen insuffisamment prolongé, de

porter un diagnostic précis.

Les Archives générales de médecine ont inséré en

1825 un travail très intéressant d'Itard' contenant un

très grand nombre d'observations. Parmi elles, deux

peuvent se rapporter à l'épilepsie procursive.

Observation VII. - A cinquante ans, course sans perte de con-

naissance; abattement, sueur et sécrétion abondante d'urine

consécutifs. Nouveaux accès procursifs.

Un homme de cinquante ans était en voyage et venait de

quitter sa chaise de poste pour faire quelques minutes d'exer-

cice à pied, quand, tout à coup, il sentit que le mouvement de

ses jambes s'accélérait malgré sa volonté et que ce mouvement

rapide, qui l'entraînait droit devant lui, l'écartait de la direc-

tion du chemin qui faisait un détour en cet endroit, et se

trouvait d'un côté bordé de précipices. La terreur que lui cau-

sait un mouvement si extraordinaire et le danger visible qu'y

ajoutaient les localités le frappaient vivement; il voyait bien,

ainsi qu'il le racontait lui-mème, fort plaisamment, qu'il cou-

rait à sa perte; mais, poussé par une force supérieure à sa

volonté, il ne pouvait ni s'arrêter, ni se détourner, ni se jeter par

terre, ainsi qu'il en eut successivement l'idée. Heureusement

qu'après avoir franchi diagonalement la partie tournante du

chemin à quelques pouces du précipice, il se trouvait en suivant t

toujours la mème direction courir parallèlement à la route, ce

qu'il aurait pu faire sans danger pendant plusieurs minutes.

Mais presque aussitôt, l'accès, après avoir duré à peu près deux

minutes en tout, se termina sans autre circonstance notable

qu'un grand sentiment de faiblesse, une sueur générale et une

sécrétion abondante d'urine. Quelques heures après, il n'éprou-

vait plus le moindre ressentiment.

Deux nouveaux accès, peu de temps après, à un intervalle

de quelques semaines, lui survinrent dans les promenades

' Itard. Mémoire sur quelques fonctions involontaires des appareils

de la locomotion, de la préhension et de la voix. (Archives générales de

médecine, 1825, 3' année, t. VIII, p. 385--i07.)

11- DE l'épilepsie PROCURSIVE.

publiques; il resta, malgré l'usage des sangsues (tous les mois

douze au fondement); des bains de gélatine, de ventouses sèches

le long de l'épine, de la valériane en poudre à la dose de deux

gros par jour, dans le même état, conservant toutes ses forces

et ses facultés mentales.

Observation VIII. - Homme de soixante ans, sujet depuis

quelque temps à des vertiges. - Course sans perle de connais-

sance. - Hébétude consécutive; trois jours après, embarras de

la parole. - Mort le sixième, jour après deux nouvelles attaques

convulsives.

M. de la F., âgé de soixante ans environ, ayant le cou assez

court, mais peu d'embonpoint et le visage peu coloré, m'entre-

tint, dans un diner, fort au long, de bourdonnements d'oreille,

d'élourdissmenls auxquels il était sujet depuis quelque temps.

Huit ou dix jours après cet entretien, par une température très

froide à l'ombre et brûlante au soleil (c'était en mai 1819),

ayant passé quelque temps aux Tuileries, immobile et exposé

au soleil sous les fenêtres du roi, il fut pris d'un de ces étour-

dissements qu'il éprouvait depuis quelque temps. Il cherche à

le dissiper en se dirigeant vers un banc pour y reposer quel-

ques instants. Remis incomplètement de cette indisposition, il

se lève pour quitter le jardin et rentrer chez lui. Mais, après

avoir fait quelques pas pour gagner doucement la grande allée,

il s'aperçoit que sa marche s'accélère malgré lui et qu'il lui est

impossible, soit de la ralentir, soit de la diriger ou de s'arrêter.

Ainsi poussé devant lui, plutôt courant que marchant, avec la

parfaite connaissance de son état, du danger immédiat qu'il

lui faisait courir, et de la curieuse attention dont il était

devenu l'objet ; il était parvenu non loin du grand bassin où il

se serait infailliblement jeté, s'il n'eùt été reconnu par un de

ses amis attiré par la foule dont il commençait à être suivi.

Cet ami vint à lui, le saisit dans ses bras, le conduisit avec

beaucoup de peine sur une chaise, et, après quelques moments,

dans une voiture de place. Arrivé chez lui, le malade put,

quoique fort lentement, monter à son appartement, diriger

à sa volonté le mouvement des jambes, mais qu'il sentait et

qu'on voyait manifestement être faibles et tremblantes. Il lui

restait aussi beaucoup d'abattement moral ou plutôt de cette

torpeur stupide qui succède aux violents accès d'épilepsie. Elle

était dissipée le lendemain. Le troisième jour, la parole s'em-

DE l'épilepsie procursive. ,15

barrassa; le sixième, le malade succomba après deux courtes

attaques de convulsions. Le cadavre ne fut point ouvert.

Serres' parle, à propos des maladies de la protubé-

rance, de deux hommes observés l'un en 1822,

l'autre en 1825, qui, « au moment de l'attaque

ressentirent une douleur des plus vives, poussèrent

des cris et coururent devant eux comme pour éviter

un grand danger. Ils tombèrent au bout de cent pas

environ. Chez tous les deux, la tendance à se porter

en avant avait été spontanée. A l'autopsie, chez tous

les deux aussi, on constata que la protubérance avait

été détruite dans toute sa profondeur ».

Les trois cas de Toulmouche2 cités par Roth dans

son chapitre sur la Musculation irrésistible, ne nous

paraissent pas se rapporter à l'épilepsie procursive et

nous les laissons de côté. Semmola3 a relaté, en 1834,

sous le nom d'epilepsia dromica et trochaica, l'histoire

d'un malade atteint d'épilepsie procursive.

Observation IX. - Début des accès procursifs à onze ans. -

A um. - Courses en ligne droite avec perle de connaissance.

- Transformation de ces accès en accès ordinaires.

Un jeune homme de vingt-six ans, né de parents sains,

d'une constitution très irritable, fut attaqué dans sa onzième

année, d'une forme particulière de convulsions, dont les accès

avaient lieu tant le jour que la nuit. Il poussait des cris vio-

lents et perdait subitement connaissance. Puis il se mettait

à courir en ligne droite devant lui avec une rapidité incroyable,

' Serres. - Anatomie comparée du cerveau, t. II, p. G3,. Paris, 1828.

" Toutmouchc. Mémoires de l'Académie de médecine. 1833, vol. Il,

p. 371.

3 Scmmola. - Sopra due mallalie non anC01'a descl'itta (c'est du moins

ce que croyait l'auteur). Napoli, 1831, p. G. Nous n'avons pu trouver

celte brochure ; mais 1101h, puis Berger ont publié l'observation com-

plète.

G de l'épilepsie PROCURSIVE..

ne se détournant ni à droite ni à gauche, et ne se laissant

arrêter par aucun obstacle, à moins qu'il ne fût insurmon-

table. Il arrivait quelquefois que, saisi d'un paroxysme au pied

de l'escalier, il montait en ligne droite avec une rapidité

incompréhensible. Si on ne l'arrêtait pas, il courait ainsi pen-

dant quelques secondes à la distance de vingt ou trente pas.

Alors il restait tout à coup tranquille, la connaissance lui

revenait; son visage se colorait d'un rouge vif, il ne se rappe-

lait pas de ce qui s'était passé, seulement il prétendait avoir

ressenti, peu de temps avant la perte de connaissance, une

bouffée de chaleur lui montant des pieds à la tête, le long de

la colonne vertébrale.

Pendant sept ans, les accès se renouvelèrent une ou deux

fois par jour à des intervalles irréguliers, après quoi la mala-

die changea de forme. Au début de l'accès, le malade tombait

à terre, se roulait en ligne droite dix ou douze pas autour de

son axe longitudinal, au milieu de cris continuels et avec perte

complète de la connaissance. Le malade n'est pas encore guéri.

Les paroxysmes de cette dernière forme reviennent plus fré-

quemment la nuit, et il se passe peu de jours sans qu'ils se

renouvellent. Tous les médicaments employés ont échoué..

Cette observation, des plus intéressantes, peut être

approchée de celle de Grand... (voir t. XIII, p. 323) :

même course rapide en ligne droite, même fréquence

des accès, puis même transformation de l'épilepsie pro-

cursive en épilepsie ordinaire, enfin même insuccès

des divers traitements employés 1.

Nous devons citer maintenant une observation de

Bérard aîné 2, concernant un malade atteint de phéno-

1 Le professeur Semmola, dans une lettre qu'il nous adressa ce sujet

le 28 mai 1882, parait ignorer complètement la publication que fit son

père de cette affection. « J'ai fait allusion, dit-il, dans une leçon cli-

nique, à cette espèce d'épilepsie propulsive, en soutenant qu'il n'y avait

pas lieu de considérer cette l'orme clinique comme appartenant t'epi-

lepsie. »

2 Bérard aîné, citation d'Olivier d'Angers, Traité des maladies de la

moelle épinière, t. Il, p. 113. Paris, 1847.

DE l'épilepsie PROCURSIVE. 17

mènes procursifs ayant précédé de cinq heures le décès.

L'autopsie qui l'accompagne en fait surtout l'intérêt.

Observation X. - Course, puis chute avec perte de connais-

sance. - Hémorrhagie ? ·olccbéraratielle.

Un homme étant à travailler se plaint tout à coup d'un bour-

donnement d'oreilles. Quelques instants après, une douleur

vive lui arrache des cris, il se met à courir comme pour échap-

peser au danger qui le menace, tombe bientôt, et présente les

symptômes qui suivent : perte complète de connaissance;

immobilité sans dilatation des pupilles, qui sont égaies en

diamètre; immobilité du globe de l'oeil; bouche entr'ouverte,

et sans torsion apparente; quelques mouvements dans la

langue sans déviation permanente de sa pointe. Mouvements

respiratoires fréquents, irréguliers, par moments stertoreux.

Les ailes du nez se contractent convulsivement avec les mus-

cles de la respiration. Deux fois il y a eu éternuement violent,

pendant lequel le malade, qui était couché sur le dos, s'est

courbé en avant. Les membres sont dans un état de roideur

qu'on peut surmonter assez facilement. Cette contraction, pen-

dant laquelle les bras sont contournés dans la rotation en

dedans et les pouces fortement fléchis, n'est pas entièrement

permanente. La contraction des muscles du cou n'est pas non

plus assez énergique pour empêcher la tête d'obéir aux lois de

la pesanteur. Les seuls signes de la sensibilité générale furent

un mouvement convulsif du bras droit au moment où l'on

pinça la peau de ce membre, et un mouvement semblable au

moment où l'on incisa les téguments en pratiquant une sai-

gnée. Le malade succomba cinq heures après l'invasion des

premiers accidents, et ne fut pas observé pendant les deux

dernières heures. - A l'examen du cadavre, on trouva la pro-

tubérance cérébrale changée en une poche remplie de sang en

partie coagulé et mêlé à quelques débris de substance nerveuse

ramollie et colorée par ce liquide.

De cette observation, nous ne retiendrons, pour

l'instant que, les phénomènes procursifs qui paraissent

avoir été occasionnés par ) ? o ? 7 ? e ? 'o/Me/'aM'< ? //c;

nous aurons lieu plus tard, au chapitre de l'Anatomie

Bourneville, 1887. 2

18 DE L'Ér¡LEPSIE PROCURSIVE.

pathologique, de revenir sur ce cas et de l'interpréter.

En 1855, M. llloynier' dans sa thèse inaugurale, donne

une observation d'une malade épileptique présentant

une aura procursive.

Observation XI. - Fille âgée de dix-sept ans. - Mère et

tante maternelle épileptiques. - Vertiges et mouvements

convulsifs dès l'enfance, puis accès. - Aura procursive .

Chorée.

B... (Louise-Laurence), née à Paris, âgée de dix-sept ans.

Ayant perdu sa mère à l'âge d'un an et demi, a été élevée par

les soeurs de Notre-Dame. On nous raconte que déjà elle avait

des mouvements nerveux dans les lèvres ; dès sa plus tendre

enfance, elle a eu des étourdissements ; on fut obligé de la

placer à l'Enfant-Jésus ; là, ses étourdissements ou plutôt ses

vertiges ont augmenté ; elle perdait connaissance, poussait de

grands cris, mais c'est à cette époque que les personnes qui pre-

naient soin de cette jeune fille font remonter ce qu'elles appel-

lent le grand mal. L'enfant pousse un cri aigu, perd connais-

sance, s'agite un instant, puis ses membres deviennent le

siège de fortes secousses. Ces accès ont une certaine intensité;

avant qu'elle fût réglée, elle n'avait ses attaques qu'une fois

par mois ; elles se renouvelaient pendant deux ou trois jours ;

mais depuis que ses règles sont établies, les attaques sont plus

fréquentes ; d'abord tous les huit jours, puis une, deux ou

trois fois par semaine ; enfin, depuis deux mois, c'est-à-dire

depuis l'apparition d'accidents choréiques qui constituen

aujourd'hui l'élément dominant de la maladie, ses accès sr f

montrent tous les jours ou même plusieurs fois par jour. LP

malade dit qu'elle est prévenue de la prochaine arrivée d'una

attaque par un sentiment irrésistible qui la pousse à courir ; elle ?

fait alors plusieurs fois le tour de la salle, pousse des cris,

comme si elle cherchait à éviter un danger, ou comme si elle

était poursuivie. Elle ne peut nous expliquer les sensations

qu'elle éprouve dans ces moments. Toujours est-il que cette

sorte d'aura est un avertissement pour les personnes qui la

surveillent et qui peuvent ainsi se rendre auprès d'elle afin de

prévenir une chute qui pourrait être dangereuse. Ces acci-

1 lloynier. - De la chorée, observ. IV, p. 27, t8o.

DE l'épilepsie PROCURSIVE. 19

dents d'ailleurs surviennent sans cause occasionnelle. Après

l'accès, elle éprouve du malaise et de la courbature.

Depuis deux mois, une nouvelle affection s'est montrée. Le

8 décembre 1850, la jeune B..., après une nuit assez tranquille

s'est réveillée agitée par un tremblement choréique occupant plus

spécialement certaines parties du corps. Pendant les jours qui

ont précédé cet accident, elle a eu très souvent ses accès, ses

idées étaient troublées, elle travaillait moins bien que d'habi-

tude. La journée du 7 décembre s'était passée sans rien de

remarquable ; la nuit avait été calme ; il son réveil, la malade

s'est trouvée toute drôle (c'est son expression), son bras gauche

ne pouvait rien saisir avec précision, tous les mouvements

étaient irréguliers, involontaires ; au dire de la malade, le

membre gauche était refroidi, surtout les doigts ; ce qu'il y a

de certain, c'est qu'elle éprouvait dans ce membre une sensa-

tion de froid.

Les secousses se sont étendues rapidement à tout le côté

gauche de la face et du corps ; pendant huit à dix jours, les

accidents se sont bornés là ; puis la jambe droite a été prise,

enfin le bras et tout le côté droit ont été agités à leur tour ;

mais les accidents ont été toujours plus intenses du côté gauche

que du côté droit. Et maintenant encore (trois mois après le

début) on constate une différence entre les accidents des deux

côtés du corps. La maladie a fait de rapides progrès; tous les

membres sont agités de mouvements désordonnés, tous les

muscles sont le siège de contractions irrégulières ; la marche

est gênée, difficile, saccadée ; aussi la malade reste-t-elle ordi-

nairement assise ; les mains saisissent les objets avec diffi-

culté. Si on se fait serrer la main par la malade, on sent

qu'elle ne le peut pas faire d'une manière uniforme ; les mou-

vements sont saccadés ; par moments, les doigts n'obéissant

plus du tout à la volonté, elle ne peut pas serrer du tout ; la

parole est brève, saccadée, quelquefois impossible; les lèvres,

les paupières, la face, en un mot, sont toujours grimaçantes ; i

les fonctions de nutrition se font bien ; cependant la maigreur

est extrême.

Il n'y a rien de régulier dans la marche de la chorée ; cer-

tains jours, la malade est tranquille; dans d'autres, elle est

très agitée, cela sans cause appréciable. Les accès d'épilepsie

n'ont aucune influence sur la danse de Saint-Guy et récipro-

quement. Depuis l'apparition de la chorée, l'épilepsie ne s'est

20 DE L'ÉPILEPSIE PROCURSIVE.

en rien modifiée ; la menstruation a été supprimée, malgré

toute espèce de remède depuis deux époques.

L'épilepsie et peut-être la chorée trouvent chez cette enfant

une cause dans l'hérédité. Sa mère était épileptique, et, au

rapport d'une de ses tantes, elle aurait eu des mouvements ir-

réguliers des muscles de la face et des membres. Une de ses

tantes, du côté de sa mère, a eu aussi des attaques d'épilepsie.

Quant aux causes de la chorée, M. Bastion, à qui est due

l'observation, se demande si elles tiennent aux accès plus fré-

quents d'épilepsie, à la suppression des règles ; ou si la diffi-

culté de la menstruation serait au contraire causée par ce

nouvel élément morbide ; ou si tous ces accidents ne sont là

que comme coïncidence. - Tous les traitements ont échoué

contre l'épilepsie et aussi contre la chorée. A la fin de l'année

1851, la jeune fille n'avait encore éprouvé aucune amélio-

ration.

L'épilepsie s'accompagna ici de chorée qui ne survint

que longtemps après le début des accès épileptiques.

Cette observation nous fournit un bel exemple d'accès

précédés d'une aura procursive.-Le cas suivant a été

publié par Romberg' dans son Traité des maladies

nerveuses.

Observation XII. - Homme de soixante-onze ans. - Cépha-

lalgies et vertiges. - Hémiplégie gauche. - Accès jJ¡'OCW'-

sifs de plus en plus fréquentes; mort. - flémorrlaageé de

la capsule interne avec irruption dans le ventricule latéral

gauche.

Un homme de soixante-onze ans, qui avait souffert aupara-

vant de maux de tête et de vertiges ; et qui, déjà une fois, était

tombé sans connaissance au milieu de la rue, éprouva au mois

de juillet 1836 une nouvelle attaque de paralysie du côté gauche

de la face avecpertedusentimentde la jambe gauche, et, bientôt

après, il ressentit une grande propension du corps ri se précipi-

ter en avant. Pour mieux l'observer, le docteur Friedheim

* Romber. Lehrbuch der Ncrvenkrankeiten der ltfellsc/¡cn; Der

Lelirc der <)7 ? V('M)'o.«'n, p. G30, Schwimlclbeweguugera mit Imyuls

nach der Llingcnaxe. I, Nach Vorn. Uerlin, 1857.

DE l'épilepsie PROCURSIVE. 21

l'accompagnait souvent à la promenade. Ils marchaient paisi-

blement l'un à côté de l'autre pendant cinq ou dix minutes,

puis le malade hâtait tout à coup le pas, et il finissait par être

saisi d'un si violent accès de rrnh2clsion qu'il fallait s'empresser

de le saisir et le contenir avec force.

Dans les derniers mois de sa vie, le malade eut des accès

beaucoup plus fréquents, même en se promenant dans la

chambre, et il raconta, ce que ses parents confirmèrent, que si

au moment où il perdait l'équilibre, il voulait saisir un objet

pour se retenir, comme par exemple un arbre, il devait encore

tourner involontairement deux ou trois fois autour après l'avoir

saisi. Il mourut le 24 mars 1837.

Autopsie. - A l'examen du cerveau fait par M. Henle, on

trouva la substance cérébrale solide, compacte, gorgée de sang,

et dans le ventricule latéral gauche, un épanchement assez

considérable d'un sang noir, coagulé, qui avait pénétré de

l'hémisphère voisin par une déchirure pratiquée entre les cou-

ches optiques et les corps striés. Le corps strié droit présentait

une excavation longitudinale étroite, revêtue d'une membrane

brun foncé et entourée de substance cérébrale un peu dure.

Le réseau vasculaire à la base du cerveau était en grande par-

tie incrusté.

Ce cas, comme le précédent, est surtout intéressant

en raison de l'autopsie qui l'accompagne. Nous cite-

rons encore, parmi les observations parues dans la

première moitié de notre siècle, c'est-à-dire durant

une période où l'on considérait les accidents que

nous étudions comme appartenant à la chorée, le cas

de Salgues (de Dijon)'.

Observation XIII. Début à trois ans et demi. -Accès pro-

cursifs fréquents et quotidiens. - Traitements divers.

Une petite tille de trois ans et demi, à la suite d'une vive

frayeur, fut frappée des accidents propres à la chorée. A neuf

' Salues. - Revue médico-chirurgicale de Paris, 1827, p. 168.

22 DE l'épilepsie PROCURSIVE.

ans, cette maladie n'avait point cessé. Elle n'avait été suspen-

due, pendant cette période de plus de cinq ans, que pendant six

mois, suspension, d'ailleurs, dont la cause est restée inconnue.

La chorée de cette enfant était généralement caractérisée par

des mouvements précipités qui l'entraînaient violemment à cou-

rir, la malade ne s'arrêtait que lorsque ses jambes se croisant,

rendaient ainsi toute locomotion impossible. Alors elle se

renversait fortement en arrière, puis en avant, imitant parfai-

tement l'inclinaison que donnent au torse l'opistothonos et

l'emprosthotonos. Ces phénomènes morbides se présentaient

sous la forme de courts accès, revenant un grand nombre de

fois dans la journée, et dans l'intervalle desquelles les membres

étaient souvent un peu agités.

Cette affection avait été combattue jusqu'alors à l'aide de la

valériane, de l'oxyde de zinc, de quelques purgatifs, et des bains

froids; le tout en vain. Lorsque la jeune malade entra à l'hô-

pital de Dijon, on tenta derechef l'oxyde de zinc ri dose per-

tu·bat·ice, puis les a/fusions froides dans toute la longueur du

rachis ; puis les bains de .Cartes, secondés de frictions narco-

tiques et éthérées sur l'épine dorsale; le tout sans succès. Deux

forts purgatifs, répétés coup sur coup, ne réussirent pas mieux.

Enfin, en désespoir de cause, M. Saignes eut recours à l'émé-

tique ri haute dose; chaque jour, pendant huit jours, l'enfant

prit trente centigrammes détartre stibié en potion. La pre-

mière dose décida une très forte perturbation avec vomisse-

ments et diarrhée abondante. Les autres, parfaitement tolé-

rées, ne produisirent aucun effet apparent, si ce n'est de

l'anorexie et la cessation complète de tous les accidents carac-

téristiques de la chorée. Le quatrième jour de cette médication

on posa dix sangsues sur les parties latérales du cou, dans le

but de détruire une légère hypérémie encéphalique. Le résultat

en fut bon, et, finalement, la malade est aujourd'hui parfaite-

ment guérie.

Les phénomènes observés ne permettent pas de con-

clure avec l'auteur que sa malade était atteinte de

chorée. La longue durée de la maladie, les accès pro-

cursifs fréquents, les accidents lélanifoI'1l1es qui les

accompagnaient, la rémission même observée, etc.,

DE l'épilepsie PROCURSIVE. 23

parlent en faveur de l'épilepsie procursive. Nous ajou-

terons qu'il serait téméraire de croire avec Salgues à

la guérison de sa malade ; l'observation sous ce rap-

port est absolument incomplète.

Nous ne pouvons que mentionner l'observation de

Roth; l'auteur n'a pas observé sérieusement le malade

qu'il n'a jamais interrogé et qu'il avait eu seulement

l'occasion de voir dans la rue. Sa description d'ailleurs

écourtée ne permet guère d'en tirer des conclusions

certaines.

Dans la seconde moitié de ce siècle, les phénomènes

procursifs sont de nouveau considérés par tous les

auteurs comme relevant de l'épilepsie. Voici d'abord

un cas de Trousseau'.

Observation XIV.

Il s'agit d'un architecte de Paris, qui, épileptique depuis

longtemps, ne craint pas de monter sur les échafaudages les

plus élevés des maisons en construction. Il n'ignore point

cependant que ses accès se sont déclarés souvent alors qu'il

marchait ainsi sur des planches étroites, situées à une assez

grande hauteur. Jamais il ne lui est arrivé d'accident. Au

moment de sa crise, on le voit courir précipitamment sur les

échafaudages, prononçant ou plutôt criant son nom d'une

voix haute et brève. Un quart de minute après, il reprend son

travail, se remet à parler à ses ouvriers, à leur donner ses

ordres; mais si on ne le lui disait, il n'aurait aucune idée de

l'acte singulier auquel il vient de se livrer.

Ce cas appartient incontestablement à l'épilepsie

procursive; il est généralement considéré par les au-

teurs modernes comme étant le premier exemple connu

' Trousseau. - Clinique médicale de l'Hôtel-Dielt..ie édition, 1873,

t. 11, épilepsie, p. 112.

'24 DE l'épilepsie PROCURSIVE.

de cette forme de l'épilepsie. M. Hammond relate

deux observations dans son Traité.

Observation XV. - Accès ordinaires d'épilepsie. Accès

procursifs accompagnés parfois de sauts ou de rotation et

d'un cri inarticulé particulier.

J. IL ? atteint d'épilepsie, vint me consulter dans l'été de

1869. Les accès habituels étaient parfaitement développés,

mais dans deux circonstances ils présentèrent un tout autre

caractère. Une première fois on le vit, pendant qu'il surveillait

ses ouvriers, porter la main à la tête et prendre ensuite subite-

ment sa course vers une haie, au-dessus de laquelle il sauta avec

légèreté.. Après avoir franchi cet obstacle, il se trouva dans

l'arrière-cour d'une maison voisine de la sienne, il y prit un

bâton et frappa avec violence à la porte et aux fenêtres. Tan-

dis qu'il se livrait à ce singulier exercice, il fut surpris par

plusieurs hommes, saisi et maintenu malgré les efforts déses-

pérés qu'il fit pour se dégager. Il était encore entre leurs mains

quand il revint à lui, mais il ne se souvenait de rien de ce qui

s'était passé après qu'il avait porté les mains à sa tête; ce geste

avait été provoqué, suivant lui, par une douleur violente, ac-

compagnée de vertige. La durée de cet accès n'avait pas dépassé

trois minutes.

Dans une autre circonstance, il avait été pris de douleurs et

de vertige, pendant qu'il était en train de payer une note à un

marchand de charbon. Il se précipita dans la rue et commença

à tourner rapidement sur lui-même. Il fut saisi et maintenu

jusqu'à ce qu'il reprit sa connaissance. Cette attaque dura en-

viron quatre minutes.

Outre cet accès, il en eut un autre semblable dans mon ca-

binet de consultation. Il devint subitement très pâle, son regard

fixe, et ses pupilles oscillèrent. 11 se leva soudain de sa chaise,

saisit un instant le rebord de la cheminée, et puis se mit à

courir en tous sens dans mon cabinet en agitant les bras, et

en poussant un cri inarticulé tout particulier. Je me gardai

bien de l'arrêter dans sa course précipitée, et en moins de deux

minutes il se calma. Pendant toute la durée de cet accès, sa

1 Hammond. Traité des maladies nerveuses; traduction française,

1876, p. 785.

DE L'ÉPILEPSIE PROCURSIVE. 25 z

face était pâle, et à la fin les pupilles étaient dilatées. Il ne se

rappelait rien de ce qui était survenu après qu'il s'était levé

de sa chaise, mais il se souvenait cependant avoir été pris

de vertige à ce moment-là.

Dans ce cas, le malade avait des accès ordinaires et

des accès procursifs, ceux-ci accompagnés parfois de

sauts et de mouvements rotatoires, tous phénomènes

qui se trouvent parfois associés dans ces sortes d'accès.

Le cri inarticulé sur lequel l'auteur ne s'appesantit

pas pourrait pent-être être attribué, comme chez

Grand..., malade dont nous rapportons l'histoire plus

loin, à un tremblement des lèvres. (OBS. XVII, p. 27.)

Observation XVI. - Epilepsie procursive sans accès ordinaires.

Courses inconscientes.

Dans un autre cas, il s'agissait d'une petite fille amenée à

ma clinique de l'hôpital Bellevue pendant l'été de 1869. Elle

venait de faire une chute et s'était violemment contusionné le

crâne contre un tas de vieille ferraille. A la suite de cet acci-

dent, les os de la voûte crânienne furent atteints de nécrose

et une partie de la table externe fut éliminée par exfoliation.

Les parents nous racontèrent que, pendant qu'elle était à

l'école, elle se dressait subitement sur ses pieds et faisait plu-

sieurs fois le tour de la classe. Elle n'avait pas sa connaissance

et semblait absolument insensible à tout ce qui se passait

autour d'elle. Dès que l'accès était passé, elle retournait à sa

place. La durée de l'attaque n'excédait pas une minute et il n'y

avait ni excitation ni délire.

Cette seconde observation de M. Hammond est un

cas d'épilepsie procursive pure; il aurait été intéres-

sant de suivre cette malade, d'avoir une description

plus précise des caractères de l'accès et de savoir si

ses accès se seraient par la suite modifiés.

26 DE l'épilepsie PROCURSIVE.

Dans son article sur l'épilepsie 1, M. Nothnagel, après

avoir fait remarquer que « quelquefois les convulsions

manquent entièrement et sont remplacées par des

mouvements ambulatoires et des courses », cite briève-

ment un cas d'épilepsie procursive : « J'ai eu moi-

même, dit-il, en traitement un malade chez lequel, au

lieu des paroxysmes ordinaires, on notait des accès

qui commençaient et finissaient par une course dans

la chambre dont le malade n'avait pas conscience. Je

ne puis m'empêcher d'exprimer que dans ces cas, il ne

s'agit pas d'une épilepsie idiopathique, mais d'une

forme sympathique qui reconnaît pour cause de gros-

sières lésions anatomiques du cerveau. »

Nous aurons lieu de citer plus loin, aux chapitres

III, IV, VI et VII, un certain nombre d'autres observa-

tions qui, selon nous, ne se rapportent qu'indirectement

à l'épilepsie procursive2 , telles sont, entre autres, quel-

ques-unes de celles publiées parO. Berger dans sa thèse

sur la Pathologie des états épileptoïdes, ce ! le plus récente

suivie d'autopsie, et que M. Meschede a insérée dans

les Archives de Virchow (1880). - Nous aurons éga-

lement à parler incidemment sans nous y arrêter lon-

1 Nothnagel. - Epilepsie und Eklampsie. (ilaiidbiich der spe-

ciellen Pathologie und Terapie de Ziemssai, Bd. \lI, 1877.-Kranklzoilen

der Nervensgstems, 4, 2.) Unregelmdssige Formai der An/'dlle, p. 241.

' La quatrième observation de Cheneau, que J111. Sandras et Bourgui-

gnon classent parmi les vertiges épileptiques, et qu'ils rapprochent des

observations d'itard, n'appartient pas au groupe de l'épilepsie procur-

sive ; il s'agit là d'un épileptique ordinaire. (Sandras et Bourguignon.

Traité pratique des maladies nerveuses, 2' édit., t. 1, p. 278, 18G0.

- Cheneau. Recherches sur le traitement des maladies nerveuses, 18t4,

p. 32.)

DE L'ÉPILEPSIE PROCURSIVE, 27

guement de quelques autres phénomènes impulsifs,

mouvements de manège, mouvements de rotation,

observés également sur des sujets épileptiques, actes

difficiles encore à classer et qui ne pourront l'être qu'à

la suite d'une longue série d'observations suffisamment

prolongées et appuyées sur de nombreuses autopsies.

Peut-être y aurait-il lieu d'admettre ici d'autres formes

d'épilepsie, par exemple, l'épilepsie rotatoire, etc.

Il. EPILEPSIE PROCURSIVE PROPREMENT DITE.

L'historique qui précède a pu déjà donner une idée

de ce que nous entendons par épilepsie procursive.

Nous allons maintenant donner quelques exemples

de cette maladie; les descriptions que nous placerons

sous les yeux de nos lecteurs leur permettront de se

rendre un compte plus exact de cette forme d'épilepsie.

Le premier exemple concerne un malade atteint déjà

depuis longtemps de nombreux accès épileptiques : quo-

tidiens à type procursif.

Observation XVII. Epilepsie PROCURSIVE.

Père neurasthénique, sujet à des céphalalgies. - Grand'mère

paternelle morte apoplectique {hémiplégie gauche), neuras-

thénique, migraineuse, tl'emblement cho1'éi(01'1ne de la tête vers

trente ans. - Deux oncles peu intelligents. - Aïeule mater-

nelle aliénée. - Demi-frère mort de méningite. - Sam1'

morte phtisique.

Peurs de un ci, quatre ans.- Début des accès procursifs et treize ans.

- Perversité des instincts. - Héméralopie. - Cauchemars.

- Aura. - Description des vertiges et des accès. - Rixes,

évasions et vols nOI1l{¡1'eux.- Onanisme.- Pédérastie.- Der-

nière évasion : vagabondage, tentative de vol. - Arrestation.

28 DE l'épilepsie PROCURSIVR.

- Condamnation à un an et un jour d'emprisonnement.

Démarches nombreuses faites auprès du préfet de police, du

ministre de la justice, du ministre de l'intérieur, du pré-

sident de la République, du procureur général, pour faire

sortir le malade de prison.- Insuccès complet. - Réintégra-

tion dans le service à l'expiration de sa peine. -- Traitement : .'

Hydrothérapie, aimant, nitrate de pilocarpine.

Grand... (Charles), né le 20 novembre 1860, est entré à

Bicètre le 2 mai 1881 (service de M. BOURNEVILLE).

Antécédents (Renseignements fournis par sa mère et son grand-

père paternel . (6 mai 1881.) - Père, quarante-huit ans, cor-

donnier, de petite taille, « faible de tète », se tourmente

pour les choses les plus insignifiantes, n'a pas de carac-

tère, jouit d'une bonne santé ; il aurait eu, de l'âge de

treize ou quatorze ans à quarante-six ans, des maux de

tête fréquents et violents accompagnés de bourdonnements

d'oreilles, mais sans vomissements, ni vision colorée; il n'est

ni colérique, ni alcoolique. [Père, soixante-dix-sept ans,

homme de peine ; pas d'excès de boisson, pas de migraine. -

Mère, morte à l'âge de soixante-dix-neuf ans, en douze jours,

d'une attaque d'apoplexie avec hémiplégie gauche ; elle aurait

été très nerveuse, très impressionnable : impatiences, colères,

migraines (céphalalgie violente avec vomissements glaireux) ;

tremblement de toute la tête vers trente ans augmentant par

les émotions. Deux frères : l'un est bien portant; l'autre tremble

des mains (cinquante ans)', pas d'excès de boisson; tous deux

sont médiocrement intelligents ; pas d'enfants. Pas d'aliénés,

pas d'épileptiques, pas de difformes, pas de suicides, pas de

criminels dans la famille.]

Mère, cinquante-six ans, brune, de taille moyenne, bien por-

tante, ni migraineuse, ni nerveuse, mariée une première fois

à dix-sept ans et demi, a eu cinq enfants : un a été tué à Sedan;

deux sont morts, l'un d'une méningite avec convulsions, l'autre

à la naissance : les deux autres sont bien portants; remariée à

vingt-septans. [Père, quatre-vingt-cinq ans, cordonnier, « n'aja-

mais vu un médecin»; pas d'excès de boisson. - Mère, quatre-

vingt-cinq ans, femme de ménage, bien portante 2. Deux

' C'est l'aîné, il n'est que frère de mère ; né avant le mariage.

* Elle est morte en juin 1882, de bronchite avec dyspnée.

DE l'épilepsie PROCURSIVE. 29

frères morts l'un écrasé par une voiture (aurait eu des mani-

festations strumeuses), et l'autre, peintre en bâtiments, de

cachexie saturnine avec catharre pulmonaire (il avait un

eczéma) ; tous deux ont laissé des enfants bien portants.

Sa grand mère paternelle aurait été aliénée (admise à la Sal-

pêtrière, il y a environ cinquante ans, elle aurait guéri). Pas

d'autres aliénés, etc., dans la famille.] Pas da consanguinité.

Deux enfants du second mariage : 1° Fille, morte à vingt-

deux ans de la poitrine ; 2° notre malade.

Grossesse bonne, pas de traumatisme, pas d'alcoolisme

(lors de la première grossesse du premier lit, elle avait sou-

vent envie de boire du cognac). Accouchement naturel, rapide,

à terme. Rien d'anormal à la naissance. Élevé en nourrice au

sein, Grand... a été repris à onze mois, il était alors maigre et

chétif, ne marchait ni ne parlait, on ne sait s'il avait eu des con-

vulsions, la nourrice n'ayant donné aucun renseignement, Peu

après on s'est aperçu que l'enfant avait des « peurs » : il criait

la nuit, on le trouvait avec les yeux grands ouverts ; on le pre-

nait, il cachait sa tète «dans mon estomac D. Rassuré au bout

de cinq minutes on le recouchait et il s'endormait. Les peurs

se sont reproduites jusqu'à quatre ou cinq ans presque

toutes les nuits. Il a marché et parlé à seize mois, a été pro-

pre à la même époque. Vers quatre ou cinq ans, les peurs ont t

disparu ; on l'a envoyé à l'école où il apprenait passablement;

la mémoire était assez bonne; il était doux et affectueux, mais

très turbulent; il n'était pas colérique; lesommeil était devenu

tranquille (ni secousses, ni absences, ni cris). Vers treize ans,

on s'aperçut que, tout d'un coup, en travaillant, il devenait

« rouge, rouge pourpre, les yeux étaient injectés de sang, il se

levait, courait dans la chambre » ; si la crise avait lieu dans la

rue, il courait alors « très vite » tout droit jusqu'à ce que ce

fût fini ; il s'arrêtait tout court », revenait à lui, et était

« tout honteux » .

Au début, Grand... avait une crise tous les huit jours, puis

de trois en trois jours, enfin tous les jours; ces crises se-

raient les mêmes qu'aujourd'hui ; le malade ne tombe pas; il

ne prévient pas ; il dit cependant qu'il sent venir. Pas de cri.

Quand les crises ont lieu dans la nuit, il se débat dans le lit,

semble donner des coups ; pas de stertor, pas de miction in-

volontaire ; pas de folie. L'intelligence et la mémoire n'au-

30 de l'épilepsie PROCURSIVE.

raient pas diminué. Il ne serait pas devenu irascible, aurait

conservé les sentiments affectifs. Il travaillait à la cordonnerie

chez ses parents. Pas de fièvres éruptives, pas d'accidents

strumeux. a A mon idée », dit la mère, « l'enfant aurait eu

une peur avec la nourrice, puisque mes autres enfants n'ont

jamais rien eu. »

A seize ans de complicité avec quelques-uns de ses camara-

des, il vole les bijoux de sa mère et de sa soeur et les vend.

- Déjà, du reste, peu après le début de ses accès, mis en ap-

prentissage chez un ébéniste, il en était renvoyé après cinq à

six mois, pour paresse, vol et vagabondage ; son patron l'avait

repris jusqu'à trois fois.

Etant chez son père, il se fait arrêter à diverses reprises

pour bris de carreaux, de glaces, vol de pommes de terre fri-

tes, etc. Son père l'a fait renfermer deux fois (un mois chaque

fois), à la petite Roquette. Trois fois il a fait perdre à son

père sa place de concierge.

A seize ans, il est mis à la colonie de Mettray, où il reste

quatre ans. - Repris par son père qui essaie en vain de le

faire travailler avec lui de son métier de cordonnier, il entre

ensuite à la Charité où il reste six semaines et de là est en-

voyé à Bicètre.

Etat actuel (il niai 188 1). - Tête ovale, symétrique; la

région occipitale est modérément développée ; les bosses pa-

riétales, les apophyses mastoïdes ne sont pas proéminentes;

les cheveux sont bruns, abondants.

DE l'épilepsie PROCURSIVE. 31

bouche mesure cent. 5 ; les lèvres sont minces, normales;

le menton est rond.

Le cou, assez large, a 33 centimètres. - Le thorax est sy-

métrique, normal ; les muscles pectoraux sont bien dessinés.

- L'abdomen est souple ; le foie, la rate n'offrent rien de

particulier.

Organes génitaux : la verge est très développée ; le gland

est découvert . Les testicules sont normaux. Poils noirs assez

abondants au pénil. Les ganglions inguinaux des deux côtés

sont légèrement hypcrdrophiés; manustupration'.

Les membres supérieurs sont bien conformés, velus. Sur la

face antérieure de chaque avant-bras, se voit un tatouage bleu

représentant une ancre. Cicatrices de vaccin.

Les membres inférieurs sont bien développés et velus. Sur

les orteils, cicatrices provenant d'engelures. A la partie ex-

terne du genou gauche, cicatrice un peu déprimée, lisse,

blanche, entourée d'un cercle brunâtre (un centimètre de dia-

mètre) ; une autre cicatrice plus petite, plus déprimée, au

tiers supérieur et externe de la jambe gauche ; une cicatrice

de même nature au-dessous du mollet droit, à la partie pos-

téro-interne ; le malade dit que ces diverses cicatrices pro-

viendraient <t d'un mal qui lui serait venu » il y a quelques

années (furoncles ? ). - Le réflexe tendineux est très peu dé-

veloppé.

Tube digestif, digest¡'on. - Les arcades dentaires sont ré-

gulières ; la dentition est normale (deux dents cariées) ; la

voûte palatine est profonde; la langue, le voile du palais, la

luette, les amygdales, le pharynx sont normaux. - Les fonc-

tions digestives sont normales; les selles sont volontaires. -

Respiration et circulation : Rien de particulier à noter.

P. 60 ; R. 24.

Sensibilité générale et spéciale : normales. Au dire du malade

il aurait été, il y a cinq ans, atteint d'une héméralopie pas-

sagère qui ne se produisait qu'à la tombée de la nuit, et cela

1 Examen des organes génitaux du 27 mai 1885 : Poils noirs abon-

dants remontant, en diminuant jusqu'à l'ombilic et descendant jusque

sur les cuisses ; bourses pendantes surtout à gauche ; testicules de la

grosseur d'une petite noix. - Verge bien développée (circonférence :

neuf et demi, longueur : 10). -Gland en partie découvert, découvrable.

- Méat légèrement étroit. - Poils abondants à l'anus.

32 DE l'épilepsie PROCURSIVE.

pendant trois ou quatre jours de suite; elle disparaissait

alors quelque temps pour reparaître ensuite. - Le dyna-

momètre donne à droite cinquante-sept et à gauche quarante-

cinq.

Les facultés intellectuelles paraissent assez bien conservées ;

Grand... est très peureux dès que la nuit est venue; un soir,

étant seul et ayant entendu un chat, il a voulu se jeter par la

fenêtre. Il a quelquefois des cauchemars ; dans la nuit du sept

au huit décembre, on l'a entendu appeler tout haut; «Maman ! 1

papa ! »

ÂMra. Le malade semble avoir une aura ; il dit ressentir

un engourdissement qui, partant de l'extrémité du pied droit,

occuperait la face externe et dorsale de celui-ci, gagnerait la

partie latérale du thorax, la moitié droite de la face, enfin la

tête. Pas d'hallucinations de la vue, pas de phosphènes. Gran-

did... ne ressentirait rien du côté du membre supérieur; la

durée de cette aura serait très brève. Avant l'accès, il s'é-

crierait parfois : « Oh ! la ! la la ! » Il tombe aussi sans être pré-

venu.

Description d'un vertige. - Le malade, occupé ou non,

s'arrête tout à coup, porte la main droite à la joue du même

côté qui présente quelques mouvements cloniques et qu'il

frotte à différentes reprises. Il revient il lui presque de suite ;

interrogé, il dit que ce n'est qu'un vertige et qu'il a ressenti

un engourdissement de la joue droite.

Description d'un accès. - Les accès sont 'ainsi caractérisés :

le plus souvent, après avoir présenté les phénomènes de l'aura

décrits plus haut, sans cri initial, il se met à courir tout droit

devant lui si l'espace est assez vaste ; si l'accès a lieu dans la

salle ou dans la cour, il fait deux ou trois tours rapidement ;

la face est fortement congestionnée, sans cyanose. Tout en

courant, il secoue la tète, se frotte la joue droite et quelquefois

les deux côtés de la face avec les mains ; en même temps, il

fait entendre une espèce de bourdonnement produit par le

tremblement des lèvres. Il évite généralement les obstacles qui

peuvent se trouver sur son passage (le malade prétend voir

trouble pendant l'accès), mais parfois il s'accroche avec les

mains aux objets qu'il rencontre, et, en ce cas, s'il ne les a

saisis que d'une main, il s'enroule en quelque sorte au-

tour d'eux. Il ne tombe jamais. Aussitô arrêté, ce qui a lieu

DE l'épilepsie procursive. 33

brusquement, il paraît étonné, se remet de suite et continue

ce qu'il était en train de faire.

S'il est assis, il se lève, court et revient souvent à sa place

tout en courant et sans avoir eu connaissance de ce qui vient

de se passer. Le 4 décembre 1881, Grandid... étant sorti

et se trouvant en omnibus, en sort subitement en courant

et revient. Dans la même journée, étant à table chez ses pa-

rents, il se lève, se met à courir, sort et va s'accrocher des

deux mains aux deux roues de derrière d'un fiacre en marche.

S'il est au lit, quelquefois on observe les phénomènes que

nous venons de décrire, mais parfois l'accès se trouve modifié ;

le malade ne se lève pas; on n'observe pas de période tonique,

mais seulement de grands mouvements de rotation incomplète

qui portent le corps de droite à gauche et de gauche à droite,

les deux mains appliquées devant la face et la frottant. Ces

mouvements de rotation peuvent être accompagnés de sauts

de tout le corps, ou remplacés par ceux-ci. Dans ces derniers

temps, il lui est arrivé, mais rarement, d'uriner sous lui pen-

dant les accès.

Dans un accès auquel nous avons assisté, le 6 décembre

1 R81, le malade étant couché, nous avons noté de grands mou-

vements étendus à droite ; le côté gauche était peu secoué;

Grandid..., faisait un demi-tour de droite à gauche, puis de

gauche à droite. Pendant la durée (cinquante secondes) de cet

accès, il émettait un son se rapprochant du mot « ouc », répété

fréquemment. Les pupilles, examinées aussitôt l'accès terminé,

étaient légèrement dilatées, le pouls battait 8' ; mais presque

aussitôt le pouls et les pupilles sont revenus à leur état

normal. ,

Les accès semblent dans ces derniers temps s'être quelque

peu modifiés; ainsi il arrive maintenant plus fréquemment

que Grandid... se lève de son lit dans ses accès; aussi doit-on

l'y maintenir attaché. - Les accès sont principalement noc-

turnes.

13 juillet. - Le malade a été renvoyé de la cordonnerie;

le chef d'atelier prétend qu'il gaspille la marchandise par mé-

chanceté; qu'il vole divers petits objets, est insolent, pares-

seux, passe son temps à faire des niches aux autres malades ;

qu'enfin il a fait manger à Ar..., malade vorace, des boulettes

de viande mêlées à des matières fécales.

27 août. - Hier Grandid... a dérobé une chaîne d'acier au

BOURNEVILLE, 1887. 3

34 DE L'ÉPILEPSIE PROCURSIVE.

malade Mart ? et, comme celui-ci la réclamait, il lui a donné

une « pile ». - Hydrothérapie à partir d'aujourd'hui. -

12 octobre. - Rixe avec un autre malade.

20. - Traitement par l'aimant en fer à cheval (une heure

chaque matin).

1er novembre. - Suppression des douches. L'aimant en fer

à cheval, appliqué d'abord sur le vertex, est maintenant ap-

pliqué sur la nuque (en contact).

4. - Grandid... prétend que depuis près d'un mois il avait

des vertiges presque continuels, mais que depuis une semaine

ils sont devenus assez rares.

15 décembre. - Suppression du traitement par l'aimant l.

31. - Le malade est renvoyé de l'atelier pour vol, faux et

attentats à la pudeur.

1882. 30 janvier. - Angine simple.

ler février. - Injection hypodermique de 0 gr. 005 de ni-

trate de pilocarpine.

7. - Injection de 0 gr. 01 de nitrate de pilocarpine.

23. - Injection de 0 gr. 015.

3 mars. - Cessation des injections sous-cutanées. Julep,

avec 0 gr.25 de nitrate de pilocarpine. - il' avril. - Hydro-

thérapie. Julep avec 0 gr. 03. - 15 mai. - Julep avec

0 gr. 04. - 1" Juin. - Julep avec 0 gr. 02. - 12. - Julep

avec 0 gr. 03.

13 juin. - Dimanche, G... est sorti avec son grand-père

paternel, administré de Bicêtre, et sous prétexte d'aller chez le

marchand de tabac, il s'est sauvé; il est rentré seul le soir à Bi-

cêtre, vers 9 heures. - Hier (12 juin) il s'est sauvé de l'hospice

en escaladant les murs de la buanderie et du marais. Une fois

dans les champs il aurait vendu la veste de la maison. Evadé à

midi il n'est allé à la maison de son père que vers minuit; il

s'y est blotti derrière une porte, mais son père prévenu par

un locataire l'a fait rentrer chez lui. - Ramené ce matin,

on l'envoie à la Sûreté.

20. - Julep avec 0 gr. 0'a centigr. de nitrate de pilocarpine.

4 Cette première partie de l'observation a déjà paru sous le titre d'É-

pilepsie procursive dans la thèse de l'un de nous. P. Bricon. - Du trahi-

tement de l'épilepsie. {Hydrothérapie, arsenicaux, magnétisme minéral,

de sels pilocarpine.) Paris 1882, p. 225.

DE l'épilepsie PROCURSIVE. 35

4 juillet. - Nouvelle rixe avec un malade à la suite de la-

quelle il injurie le sous-surveillant.

6. - Il sort de la Sûreté pour rentrer dans le service.

15 août. - Julep avec 0 gr. 06 centigr. de nitrate de pilo-

carpine. Bien que le tableau des vertiges ne mentionne pas

de vertiges, il en aurait eu souvent de fugaces.

i" décembre. - Suppression du traitement parla pilocarpine

et l'hydrothérapie.

1883. 6 février (mardi-gras). - Dans l'intention de s'éva-

vader il avait revêtu ses habits de sortie en les déguisant par

ceux de l'hospice, mais le pantalon de ville étant plus long

que celui de l'asile l'a trahi. Envoyé à la Sûreté, il a été trouvé

porteur de quatorze francs provenant non de son travail,

mais probablement soit de vols (on signale depuis quelque

temps ladisparition de porte-monnaies dans le service), soit de

vente de tabac aux enfants.

On apprend en outre que récemment, lors d'uue sortie avec

son grand-père, il l'a abandonné pour aller au cirque, puis

avec une femme, du moins à ce qu'il dit; il est envoyé à la

Sûreté. - Il est remonté dans le service le 13 février.

7 mars. - Un vol d'argent et de friandises, accompli de

complicité avec deux de ses camarades, nécessite son renvoi à

la Sûreté.

25 - Tous les mois son grand-père le conduit chez son

père, ou parfois chez d'autres parents. Il est rare que dans

ces sorties il ne fasse pas quelque mauvais tour; c'est ainsi que

dernièrement il aurait volé un lapin.

9 avril. - Traitement hydrothérapique.

27 avril. - Description d'un accès. Le malade était assis sur

une chaise dans notre cabinet; il se lève tout d'un coup, se

précipite en courant par la porte jusqu'à l'extrémité de la

cour qui mesure environ 66 mètres; arrivé contre le mur, il

frappe vigoureusement des mains, se retourne brusquement

et reprend sa course en sens inverse; puis, après avoir sauté

par-dessus un banc, vient se buter contre la cloison de la ga-

lerie de l'école; il se couche alors sur un banc. La physiono-

mie est hébétée, la face pâle, les pupilles contractées. Durant

la course, il se frictionnait l'épaule droite avec la main droite.

On le fait rentrer dans le cabinet; pendant quelques instants,

la face est pâle et la physionomie hébétée.

36 DE l'épilepsie procursive.

Il parait ne pas s'être rendu compte de l'accès qu'il vient

d'avoir. La nuit dernière il aurait eu un accès, dans lequel il

serait tombé du lit, d'où une contusion assez forte du coude.

28. A la Sûreté, Grandid... a eu plusieurs accès dans le

préau. Au dire des gardiens, il pousse d'abord une sorte de

grognement sourd, puis court dans le préau qu'il parcourt plu-

sieurs fois en sautant par-dessus les couronnes qui y sont

étendues'; il bute enfin contre la grille qu'il saisit et s'affaisse.

Durée totale : 2 minutes environ. '

- Au chauffoir, les accès présentent les caractères suivants :

début par une sorte de bourdonnement; il se frappe les coudes

et la tête sur la table; on dirait, qu'il bat la caisse avec son coude,

puis, après 2 minutes environ, il se lève, se précipite dans le

jardin, bousculant parfois les personnes qui se trouvent sur

son passage, mais le plus souvent évitant les obstacles; après

2 ou 3 tours du jardin, il s'arrête. Ni bave, ni écume, ni incon-

tinence d'urine.

Autre variété d'accès. Mêmes mouvements des bras et de la

tête; il se laisse alors tomber de son banc, se roule sans cri,

pendant une minute environ, se relève et se sauve. - Si on le

maintient, on constate une rigidité générale, l'absence de

secousses cloniques, puis la résolution accompagnée de sou-

pirs, sans bave, ni stertor ou évacuation involontaire.il ne lui

reste à la suite de l'accès qu'un peu de fatigue.

1°° mai. - Le malade se trouvant à l'infirmerie des enfants

fait entendre subitement uue sorte de grognement sourd, sa

casquette tombe à terre ; il se précipite vers le bout de la salle,

frappe des deux mains contre le mur, se retourne brusquement,

reprend sa course vers l'autre extrémité de la salle, frappe la

cloison, se retourne de nouveau, revient en courant au mur

d'entrée en évitant les obstacles (colonnes, chaises, etc.), refait

encore trois fois toute la longueur de la salle, puis s'arrête tout

stupéfait, hébété, la face pâle, les pupilles à peu près normales;

un peu d'anhélation, très léger stertor, sueurs autour des

lèvres; il ne revient complètement à lui qu'au bout de deux

minutes.

5. - Description d'accès. En descendant de l'infirmerie,

1 Les malades de la Sûreté s'occupent surtout : 1 fabriquer des cou-

ronnes pour les distributions de prix.

DE ¡ : ÉPILEPSIE PROCURSIVE. 37

Grandid.... est pris dans la cour des enfants d'un accès dont

on ne voit pas le début ; il se met à courir dans la cour en

poussant le grognement qui lui est habituel; arrivé à l'extré-

mité, il saisit les barreaux de la grille, se retourne brusquement

et reprend sa course. La figure est rouge, vultueuse; le malade

bave un peu; de la main droite il se frictionne la joue et l'é-

paule droites ; arrivé àl'autre bout de la cour, il saisit la barre

de la rampe de l'escalier, se retourne dans l'escalier qu'il monte

rapidement, se met à courir dans la rampe qui est située au

dehors de la cour des enfants, fait environ 15 mètres, puis il

semble éprouver quelque difficulté à se tenir sur les jambes,

trébuche à plusieurs reprises sans tomber, accroche enfin un

barreau et s'arrête. La face est pâle, les pupilles contractées ;

il reste debout, ne répond pas aux questions, prend des mains :

des enfants sa casquette tombée pendant la course. Une

demi-minute après environ il s'assied sur le rebord en

pierre et à la demande de ce qu'il a eu, il répond qu'il n'en sait

rien.

2 juillet. - Dans un accès, Grandid ... fait deux fois en cou-

rant le chemin du cabinet au fond de la cour (66 mètres).

Avant l'accès, le pouls était à 72, la respiration à 2 ? après l'ac-

cès, on compte 100 pulsations et 24 inspirations. Les pupilles

égales et petites n'ont subi aucune modification.

12. - 11 sort de la Sûreté pour rentrer dans le service.

6 août. - A 8 heures du soir, alors qu'il était auprès de son

lit, se préparant à se coucher, Grand.... est pris d'un accès : il

se dirige en courant vers la porte vitrée, éloignée d'une dizaine

de mètres de son lit, dont il enfonce le carreau inférieur avec

le bras droit; il se fait une plaie transversale de 4 centimètres

à la face antérieure de l'avant-bras. Il tournait à ce moment le

dos à la salle. Le veilleur qui l'a saisi en arrière ne sait dire si

Grand.... semblait se disposer à revenir, en courant, sur ses

pas, selon son habitude lorsqu'il rencontre un obstacle. L'accès

aurait été de suite arrêté.

15 octobre. - Vol de porte-monnaie. - On l'envoie à la

Sûreté. - Cessation du traitement hydrothérapique.

9 novembre. - Anthrax de la face postérieure de l'avant-

bras.

1884. 3 janvier. - On apprend qu'au début de son séjour à

la Sûreté il couchait dans le dortoir du préau, et qu'il en pro-

38 DE l'épilepsie PROCURSIVE.

fitait pour se livrer à des actes de sodomie avec un autre ma-

lade. - On le fait rentrer dans la section.

8. - Évasion. Grand.... s'est sauvé par la grille de la cour

des épileptiques située près de l'église, puis par la cour du

puits; enfin il a grimpé sur le toit de l'atelier du tapissier et

sauté sur le chemin des médecins qui longe l'hospice intérieu-

rement.

9 janvier. - Le malade, rentré hier, raconte qu'après son

évasion il s'est rendu à Paris, a couché dans un hôtel et que

le lendemain soir, ayant dépensé les trois francs qu'il possé-

dait, il est allé chez son père qui l'a ramené à l'hospice. - Il

est envoyé à la Sûreté d'où il sort le t2 janvier.

15 janvier. - Il est renvoyé à la Sûreté pour de nouveaux

méfaits.

1er avril. Traitement hydrolhérapique.

7 avril.-Vol d'un caleçon qu'il essaie de vendre à un malade

de la Sûreté. - Le surveillant ayant confisqué le caleçon, il

s'ensuit une scène violente pendant laquelle Grand... profère

les injures les plus grossières et essaie d'ameuter les autres

malades.

2 mai. - Il est envoyé de la Sûreté dans le service.

19 juin. - Evasion avec un de ses camarades.

22.- Ramené à l'hospice par son frère ', il dit que son cama-

rade et lui se sont sauvés en franchissant le mur du Marais

(jardin maraîcher de l'hospice). Ils se sont rendus aux Bati-

gnolles, s'arrêtant en route chez un marchand de vin et sur

les boulevards extérieurs avec deux filles publiques avec les-

quelles ils ont eu des rapports. Grand.... aurait ensuite aban-

donné son compagnon devant le cirque Fernando, à cause de

sa mauvaise tenue, dit-il, qui attirait l'attention des passants.

Il se trouvait en possession de quinze francs, provenant,

selon toute probabilité, d'un vol commis le même jour par une

singulière coïncidence à l'égard d'un autre malade. 11 aurait

couché seul à son hôtel habituel. Le 20 au matin il a rencon-

tré un ancien malade de l'hospice avec lequel il a passé la

journée, puis la nuit, et la journée du lendemain. Le soir de

ce second jour, l'hôtelier ayant refusé de recevoir Grand....,

celui-ci est allé coucher dans un terrain vague de l'avenue de

' Frère d'un premier lit, Agé de 35 ans, qui l'a fait arrêter,

DE L'ÉPILEPSIE PROCURSIVE. 39

Clichy où les sergents de ville l'ont arrêté, puis conduit au

poste où dans un accès il s'est contusionné les deux coudes.-

On l'envoie à la Sûreté.

1 1 octobre. - Il rentre de la Sûreté dans le service.

28 décembre. - Sa conduite nécessite de nouveau son envoi

à la Sûreté.

1885. 16 mars. - On le fait sortir delà Sûreté pour rentrer

dans le service.

4 mai. - Evasion par l'atelier de cordonnerie. - Le i mai, le

malade est défalqué ; le 23, Grand... estréintégré à Bicètre. Il

prétend que s'il s'est évadé de nouveau, il faut en accuser ses

parents qui ne viennent pas le voir : « Ça m'a monté la tête

et je me suis sauvé. » Il se serait sauvé de la cordonnerie en

sautant sur le toit de l'atelier des ébénistes, dépendant de la

tapisserie, puis de là sur le chemin des médecins. Il possédait

seize francs provenant d'économies ( ? ? ). Il s'est présenté chez

Godillot pour avoir de l'ouvrage; il a couché deuxjours dans le

même hôtel, puis le troisième il a envoyé un camarade s'infor-

mer si sa mère demeurait toujours au même endroit : une

voisine l'a fait monter et a prévenu son père; il a été envoyé à

l'infirmerie du dépôt, puis de là à Sainte-Anne où il est resté

dix-neuf jours. - Il est envoyé à la Sûreté.

27 juillet. - Embarras gastrique.

19 octobre. - Evasion. Le malade s'est évadé cette nuit de

la Sûreté avec un de ses camarades; on ne s'en est aperçu que

ce matin en trouvant dans le lit des mannequins formés de

traversins, d'oreillers, de sabots et de bonnets de coton (un

des coins de leur dortoir servait de dépôt de literie ! ). - On

pense que l'évasion a eu lieu de la façon suivante : lorsque

l'infirmier chargé de la fermeture des barreaux extérieurs est

allé pour faire sa besogne, ils se seraient glissés derrière lui,

puis cachés derrière le bâtiment des bains qui fait saillie dans

le préau; l'infirmier revenu à l'intérieur, ayant trouvé comme

d'habitude le paquet d'habits déposé en dehors des cellules et

correspondant à chaque lit, a fermé la porte du dortoir sans y

entrer.- Quanta Grand... et à son compagnon, aussitôt qu'ils

ont vu que tout était tranquille, ils auraient grimpé sur le mur

qui sépare le préau des bains de celui de la Sûreté au moyen

d'une ratissoir de jardin auquel étaient attachés des bandes et

des torchons (Grand... avait conservé lesbandcsdont on enve-

40 DE l'épilepsie PROCURSLVE.

loppait une de ses jambes contusionnée). - Une fois montés

sur le premier mur, ils ont escaladé le mur extérieur de la

même façon. - Dans la cour extérieure qui entoure la Sûreté,

ils ont profité d'une échelle laissée là imprudemment par l'en-

trepreneur de maçonnerie et ont pénétré dans la cour du

gymnase auprès de l'office du réfectoire de la grande école.

Ils ont enfin sauté par-dessus le mur de la section des enfants

entre le gymnase et le réfectoire de la petite école, en s'aidant

d'un instrument aratoire'.

Huit mois après cette évasion, le 17 juin 1886, une lettre

de Grandid... à son grand-père, administré de l'hospice de

Bicètre, nous apprenait que notre malade se trouvait à la

Maison centrale de Gaillon.

Aussitôt nous avons écrit au directeur de cette prison qui

nous a appris, par une lettre en date du 30 juin 188G, que

notre malade avait été condamné le 27 octobre 1885 à un an

et. un jour d'emprisonnement par le tribunal de la Seine,

pour vagabondage et tentative de vol; que, d'abord écroué à

la Maison centrale de Poissy, il en avait été extrait le 12 jan-

vier 1886, et transféré à l'infirmerie de Gaillon après avoir

été reconnu atteint d'épilepsie. -

Une lettre de .AI. le Dr Boularan, médecin du quartier

spécial d'aliénés de la Maison centrale de Gaillon, nous

apprenait en môme temps que du 12 janvier au 25 août

Grandid... avait eu 711 accès dont 6 45 de nuit et 96 de jour;

le maximum dans une nuit aurait été de 33. Les accès

duraient ordinairement de 3 : ) secondes à une minute, rare-

ment de 5 à 12 minutes ( ? ).

Le 24 août 1886 l'un de nous adressait à M. Gragnon, préfet

de police, la lettre suivante, relatant ce qui avait déjà été tenté

pour enlever le malade à la prison et réparer une erreur

judiciaire regrettable.

' 11 est certain que si l'infirmier avait mieux fait son service, il serait

entré dans le dortoir pour s'assurer que tous les malades étaient réelle-

ment couchés, qu'il aurait dû s'assurer de visu des accès qu'il dit avoir

entendus. Cet infirmier a été congédié immédiatement. Nous avons,

du reste, depuis longtemps signalé le recrutement défectueux du per-

sonnel des infirmiers, que l'on prend souvent sans renseignements suffi-

sants et que l'on garde même parfois si leur casier judiciaire n'est pas

trop chargé.

DE l'épilepsie PROCURSIVE. 41

Monsieur LE Préfet,

A la lin de juin, j'apprenais qu'un de mes malades, le nommé

Grand..., évadé de mon service le 19 octobre -183 : i, avait été arrêté

quelques jours après et condamné à un an et un jour de prison

pour vagabondage et tenlative de vol (7 octobre). Au commen-

cement de juillet, j'ai eu l'honneur de porter à votre connaissance

cette condamnation prononcée contre un malade, au sujet duquel

je vous ai adressé conformément à la loi et aux règlements un

certificat indiquant la nécessité de sa réintégration dans la sec-

tion, le signalant comme dangereux, kleptomane, pédéraste, etc.

L'annonce de ce fait si irrégulier vous frappa vivement; vous

m'avez promis de faire rechercher sur qui devait en tomber la

responsabilité. Vous n'avez pas perdu l'affaire de vue et quelques

jours plus tard, j'ai reçu la visite d'un de vos employés qui m'a

montré : 1° que Grand... avait été arrêté et condamné sous le nom

d'Auch... Louis (c'est le nom de l'un des malades de la section,

ami et complice de Gr...) ; - 2° que deux ou trois jours après sa

condamnation, Grand... avait décliné ses noms, prénoms,etc.; -

3° que malgré ces renseignements et bien qu'ii ait avoué s'être

évadé de Bicêtre, il n'en a pas moins été dirigé sur la prison de

Poissy d'abord, sur celle de Gaillon ensuite à cause de sa maladie;

que la condamnation n'en a pas moins été maintenue et que fort

probablement le casier judiciaire d'Auch... porte une cou-

damnation.

J'ai chargé votre employé, qui ne paraissait pas se rendre un

compte exact de la gravité des faits, de vous prier, conformément

d'ailleurs à la promesse que vous m'en aviez faite, de faire prendre

d'urgence toutes les mesures nécessaires pour réparer les erreurs

commises et faire réintégrer Grand... dans le service. Plus de

six semaines se sont écoulées et rien ne parait avoir été fait. C'est

pourquoi, Monsieur le Préfet, je viens insister de nouveau aujour-

d'hui pour hâter une solution favorable.

Veuillez agréer, etc.

M. Gragnon répondit qu'à la date du 13 juillet il avait

signalé au ministre de la justice la grave erreur qui avait été

commise. C'est alors (fin août) que l'un de nous envoya à

M. Demôle, ministre de la justice, la copie de la lettre ci-

dessus, en insistant sur la nécessité d'annuler le jugement,

et de faire réintégrer le malade à Bicètre.

Le 4 octobre suivant, c'est-à-dire plus d'un mois après la

première lettre à M. Demôle, et huit jours après une nouvelle

lettre au même ministre, en l'absence de toute réponse, l'un

de nous adressa à M. Grévy la requète suivante :

42 DE l'épilepsie PROCURSIVE.

Monsieur le Président, - .

Je viens signaler à votre haute justice un fait, à mon avis, très

grave et qui, comme vous le verrez, mérite d'attirer très sérieuse-

ment votre attention.

Un malade aliéné, Grand ? fCharles), appartenant à mon service

de Bicêtre, s'est évadé de la Sûreté où je l'avais envoyé par

punition le 19 octobre ils85. Aussitôt, j'ai fait un certificalcousta-

tant que Gr... était atteint d'épilepsie procursive, avec perversion

des instincts, kleptomanie, etc.; mentionné ses évasions multi-

ples, et signalé la nécessité de sa réintégration.

Ce certificat a été envoyé immédiatement à la préfecture de

police. Le 23 octobre, Grand... était arrêté pour vagabondage et

tentative de vol, et, de ce fait, condamné le 27 du même mois à

un an et un jour de prison sous le nom d'un malade de Bicêtre

Auch... (Louis). Quelques jours après, il faisait connaître son nom

véritable et avouait s'être évadé de Bicêtre; malgré cela, il fut

envoyé à la prison centrale de Poissy, d'où en janvier 1886, à

cause de ses fréquents accès d'épilepsie, il fut dirigé sur la prison

de Gaillon et mis dans le quartier des criminels aliénés.

A différentes reprises, je m'étais informé si Grandid... avait été

retrouvé, et s'il ne se trouvait pas au Bureau d'admission de l'Asile

Saint-Anne où passent tous les aliénés de la Seine. Toujours la

réponse fut négative. Le 20 juin dernier, le grand-père de Gran-

did..., vieillard hospitalisé à Bicêtre, me communiquait une lettre

de son petit-fils apprenant qu'il était à la prison de Gaillon.

Quelques jours après, j'eus l'occasion de voir) ! , le Préfet de po-

lice et de lui exposer le fait : il le trouva très regrettable et me

promit de prendre les mesures nécessaires pour que le malade Gr...

fut extrait de la prison de Gaillon et réintégré à Bicêtre.

N'entendant parler de rien, le 28 août j'écrivis une lettre à

M. le Préfet de police, qui me répondit le lendemain qu'il avait

signalé l'affaire, le 43 juillet, à M. le Ministre de la justice et qu'il

attendait sa réponse.

Je résolus d'écrire fin août à M. le Ministre de la justice, espé-

rant hâter la solution et faire cesser promptement la détention

du malade. Un mois s'étant écoulé sans réponse, mois de vacances

il est vrai, par une lettre en date du 29 septembre, je rappelai

à M. le Ministre de la justice ma précédente lettre ; voilà bientôt

huit jours de cela et ma seconde lettre n'a pas été plus heureuse

que la première. C'est pourquoi, Monsieur le Président, je me suis

à faire appel à votre puissante intervention et à votre esprit de

justice.

J'ai la conviction que, vous aussi, vous considérez comme très

regrettable la condamnation d'un malade aliéné, et comme plus

DE L'ÉPILEPSIE PROCURSIVE. 43

regrettable encore son maintien en prison à partir du jour où

l'erreur a été reconnue.

Veuillez agréer, etc.

Le 9 octobre 1886, le directeur des affaires criminelles au

ministère de la justice répondit qu'il avait, à la date du

8 septembre, prié le Ministre de l'intérieur de prendre les

mesures nécessaires pour assurer, en ce qui le concernait, le

règlement de l'affaire Grandid... et que, à la même date, il

avait invité le procureur général à faire rectifier, s'il y avait

lieu, la condamnation prononcée contre Grandid...

Les 12 et 13 octobre, l'un de nous écrivait à M. Sarrien,

ministre de l'intérieur, et à M. le procureur général en leur

rappelant les faits que nous avons relatés plus haut. - Le

16 octobre, M. Sarrien déclarait qu'il n'avait aucune connais-

sance de cette affaire et promettait s'en occuper d'urgence.

18 octobre. - Nouvelle lettre au Préfet de police dont nous

extrayons le passage suivant :

« Je vous serais bien obligé, écrivait l'un de nous, si vous pouviez

rappeler cette affaire à M. le Ministre de l'intérieur et examiner

ce que vous avez à faire à la sortie prochaine de ce malade qui, en

dépit de votre bonne volonté pour réparer une erreur, et en dépit

de mon intervention auprès du Ministre de la justice, du Ministre

de l'intérieur, du Président de la République et du procureur

général, n'aura pas moins subi une année d'emprisonnement. »

Le 30 octobre, deux jours après l'expiration de la peine à

laquelle avait été condamné Grandid..., M. le Ministre de l'inté-

rieur nous avisa que des instructions avaient été données pour

que le malade fut transféré à l'infirmerie du dépôt ( ? ), afin d'y être

l'objet d'un examen médical ( ! ) et ensuite dirigé sur un asile.

3 novembre. - Grandid... est enfin réintégré à l'hospice de

Bicêtre, sixjours après l'expiration de sa peine.

9 décembre. - Il est envoyé pour 8 jours en cellule pour

avoir voulu aider un hystéro-épileptique, Cah..., à s'évader.

1887. Presque tous les accès de Grandid... sont actuellement

nocturnes; il a, en outre, quelques accès ordinaires exclusive-

ment nocturnes etse mord fréquemment la langue. - Deux ou

trois fois par jour il a des étourdissements dans lesquels il voit

trouble, distingue les objets qui se trouvent devant lui, mais

sans les reconnaître. Les accès diurnes débutent par une course

de 2 à 3 mètres, puis il se roule à terre pendant 3 à 4 mi-

nutes environ, se relève seul en revenant complètement à lui. i.

de l'épilepsie PROCURSIVE. I

1882. Juin. - Poids : 47 kil. j 100. Taille : jm,49. '

1883. Janvier. - Poids : 47 kil. ;;00. Taille : 1m,49.

- Juin. - Poids : 48 kil. 300. Taille : lm, : i0.

. 1884. Mars. - Poids : 49 kil. 200. Taille : 4,30.

158. Janvier. - Poids : 49 kil. 500. Taille : l ? 30.

1886. Novembre. - Poids : 50 kil. Taille : lm, : i0.

Réflexions. - Chez Grand..., le premier accès pro-

cursif s'est produit à treize ans sans prodromes pro-

chains, ni cause déterminante connue. Ces accès,

devenus rapidement quotidiens, consistaient en une

course suivant la ligne droite, accompagnée d'une forte

injection de la face, en général, sans aura, ni cri, ni

chute, ni période tonique. La période clonique semblait

remplacée par la course; le retour à la connaissance,

sans coma, ni bave, ni urination involontaire, se fai-

sait promptement.

Ces accès, répétés plusieurs fois par jour, ne pro-

duisirent aucune diminution de la mémoire, mais la

perversion des instincts, dont Grand... a donné déjà

tant de preuves, pourrait bien leur être attribuée; il y

a là tout au moins une coïncidence. - Nous attire-

rons encore l'attention sur l'héméralopie et la diminu-

tion du réflexe rotulien. 11 Bicêtre, nous avons cons-

taté chez Grand... des accidents épileptiques divers :

1° Des vertiges non procursifs pendant lesquels le

malade porte la main droite à la joue correspondante

qu'il frotte à diverses reprises et qui est agitée de

quelques mouvements cloniques;

2° Des accès se présentant sous deux formes. a) Les

accès de la première forme sont ou non précédés d'aura;

ni cri; - ni chute; - congestion de la face, mais

sans cyanose; - course accompagnée de tremblement

bilatéral de la tète et d'un bourdonnement résultant

46 DE L'ÉPILEPSIE PROCURSIVE.

du tremblement labial; - frottement de l'une ou

des deux joues; - retour subit à la connaissance.

La course se produit en ligne droite ou parfois cir-

culaire (à grands arcs de cercle), avec tendance à

l'enroulement autour de l'axe vertical d'un obstacle

rencontré. Le malade semble ne pas avoir connais-

sance de l'accès.

b) Si le malade est couché, il lui arrive le plus souvent

de ne pas se lever. - La période tonique manque

comme ci-dessus, mais la course - qui semble cor-

respondre chez lui à la période clonique - est rem-

placée par de grands mouvements de rotation incom-

plète de droite à gauche et de gauche à droite; le côté

droit est plus agité. Ces mouvements sont accompagnés

du même bourdonnement labial, du même frottement

des joues. Les pupilles qui sont dilatées et le pouls

qui est accéléré à la fin de l'accès, reviennent presque

aussitôt à leur état normal.

Cette variété d'accès, paraît-il, se rapproche de

l'accès ordinaire : cette ressemblance est encore rendue

plus probable par ce fait que, parfois, quoique rare-

ment, Grand... urinerait sous lui pendant les accès de

ce genre, s'affaisserait après la course ; par le fait aussi

que la course peut être précédée ou suivie d'une sorte

de tapotement des mains, des coudes ou des pieds et

sur le caractère duquel nous aurons à revenir.

Plus tard, on note chez le malade des accès ainsi

constitués : tapotement des bras et de la tête, chute

du banc sur lequel il se trouve assis; - roulement à

terre, course, résolution, sans bave, ni stertor ou

évacuation. Le maintien du malade produit une rigi-

dité générale sans secousses cloniques.

DE l'épilepsie PROCURSIVE. 47

Dans les derniers temps, on remarque que certains

accès purement procursifs sont suivis d'une hébétude

plus prononcée, d'un très léger stertor, de sueurs

labiales et que quelques-uns s'accompagnent de bave.

Il semble donc, nous le répétons, que les accès pro-

cursifs de Grand... aient une tendance à se trans-

former progressivement en accès ordinaires.

Actuellement Grand... n'aurait plus que des accès

procursifs presque exclusivement nocturnes, mais, de

plus, dans ces derniers mois, on a noté l'apparition

d'accès ordinaires (cri, périodes tonique et clonique,

bave, morsure de la langue, etc.); ceux-ci, encore peu

nombreux, sont exclusivement nocturnes.

Il est une autre partie de l'histoire du malade qui

a certainement assez attiré l'attention du lecteur pour

qu'il soit superflu d'y insister : nous voulons parler

de son arrestation, de sa condamnation et de son

maintien en prison. Ce fait montre une fois de plus

combien il est difficile de faire réparer une erreur

administrative et judiciaire.

Observation XVIII. - EPILEPSIE PROCURSIVE;

EPILEPSIE partielle.

Père, peintre en bâtiment. - Grand-père paternel, excès de

boisson; - grand'mère paternelle, paralytique. - Grand-

père maternel, mort apoplectique. - Arrière-grand'mère

paternelle, morte apoplectique; arrière-grand-père maternel,

mort aliéné. - Frère, convulsions; - frère, convulsions et

affaiblissement paralytique du côté droit.

Premières convulsions à dix mois. - Convulsions à chaque

poussée dentaire jusqu'à quatre ans. - Peur à onze ans ;

premiers accès huit jours plus tard; convulsions limitées à

48 de l'épilepsie procursive.

gauche. - Excès de boisson. - Deux tentatives de suicide.

- Début des vertiges en S 83. - Description des accès.

Val... (Arthur), né le o janvier 181¡r, est entré le 16 décembre

1884 à l'hospice de Bicêtre (service de M. BOURNEVILLE).

Renseignements fournis par sa mère (16 novembre 1885).

Père, quarante-neuf ans et demi, enfant naturel, peintre en

bâtiments, n'a fait aucune maladie depuis son mariage, à l'âge

de vingt-cinq ans; - pas de coliques, ni de paralysie satur-

nine ; -il est sobre, bien portant, mais un peu emporté. -

[Père, mécanicien, a disparu depuis la guerre de 1870-71 ; il

était un peu « ours » et faisait quelques excès de boisson (vin).

- Mère, maîtresse d'hôtel meublé, morte paralysée à l'âge de

quarante-neuf ans; elle était obèse. Pas d'aliénés, pas d'épi-

leptiques, ni d'autres paralytiques, etc., dans la famille.]

Mère, quarante-quatre ans, châtaine, bien portante, d'abord

fleuriste, puis raccommodeuse de peaux de lapins pour fourrures;

elle n'est pas migraineuse, mais a parfois des maux de tète;

sans être sujette d'ordinaire aux syncopes, elle en a toutefois

éprouvé durant les premiers mois de ses grossesses, mais sans

perte absolue de connaissance. [Père, homme de peine au che-

min defer, sobre, mortà soixante-neuf ans d'une attaque d'apo-

plexie en quarante-huit heures. - Mère, soixante-cinq ans,

sobre, bien portante. - Grand-père paternel, pas de détails.

Grand'mère paternelle, sobre, morte à soixante-quinze ans

d'une attaque d'apoplexie terminale précédée de deux ou trois

autres ; la première avait été suivie d'une hémiplégie droite.

- Grand-père maternel, employé droguiste, sobre ; devenu

aliéné, il s'est jeté par la fenêtre d'un troisième étage et s'est

tué; il avait quarante-cinq ans. - Grand'mère maternelle,

morte d'une fluxion de poitrine, à l'âge de quatre-vingt-cinq

ans. - Trois frères : deux sont morts, l'un d'une fluxion de

poitrine ( ? ) à l'âge de six mois, l'autre « d'un foie volumi-

neux ( ? ) » à douze ans; le troisième, bien portant, a eu, de

femmes différentes, quatre enfants bien portants qui ont

une bonne santé. - Trois soeul's : deux sont mortes, l'une à

quatre mois, on ne sait de quoi, l'autre, à neuf ans d'une

fièvre typhoïde ; la dernière est en bonne santé. Pas d'autres

aliénés, suicidés, etc., dansla famille.] - Pas de consanguinité.

DE l'épilepsie PROCURSIVE. : 49

Douze enfants et trois fausses couches. ' - ' .

1° Garçon, mort à trois mois, en nourrice; « des hernies( ? )»-

il avait les bourses grosses comme le poing ; 2° fille.,

vingt-quatre ans, bien portante, a eu une fille morte de coque-

luche ; - 3° notre malade;. 4° garçon, vingt-un ans è't

demi, intelligent, peintre en bâtiments, a eu, àun an, la cholé-

rine durant le cours de laquelle éclatèrent des convulsions

pendant quinze minutes qui laissèrent à leur suite une dé-

formation des pieds; à sept ans, nouvelles convulsions durant une

journée qui auraient corrigé la malformation des pieds ( ? ).

5° fausse couche à quatre mois, attribuée à un effort; - 6° fille

intelligente, morte à dix-huit mois d'un a chaud et froid ( ? ) »

7° garçon, intelligent, mort à trois ans du croup ; 8° fille, morte

à vingt-six jours, du croup ( ? ); - 9° fausse couche de deux

mois ; -10° garçon, onze ans, intelligent, a eu à dix' mois des

convulsions avec hémiplégie droite consécutive; ce côté est resté

plus faible, et la jambe droite est plus courte que la gauche ;

iln'a parlé qu'à sept ans; 11° garçon intelligent, mort à

trois ans de la coqueluche ; - 120 fille morte à dix mois, on

ne sait de quoi; - 13e fausse couche de deux mois; z- 140 e.t

15° grossesse double : au deuxième mois elle aurait rendu

un germe dont le sexe n'aurait pas été déterminé ; puis sept

mois après, fille, née à terme, forte ; celle-ci a quatre ans,

est bien portante. ' '

Notre malade. - Conception et grossesse, rien de particu-

lier. - Accouchement à terme, naturel, après cinq jours de

douleurs (sans que la tête soit restée engagée longtemps),

sans chloroforme. A la naissance, circulaire autour du cou,

sans cyanose ; cri immédiat. - Elevé au sein par sa mère,

il a été sevré à treize mois (alors que sa mère était enceinte de

quatre mois et demi) : « Il a tété sur l'autre. » - Première

dent à quatre mois, il en avait trois à huit mois. - Jusqu'à

dix mois il était comme les autres enfants ; c'est alors qu'il eut

ses premières convulsions internes, dit-on, lors de l'éruption

d'une molaire ; ces convulsions se répétèrent jusqu'à quatre

ans à chaque nouvelle éruption de molaire, mais alors on

^constata du tétanisme des membres, sans secousses.. ..

Vall... a marché à dix-huit mois, tandis que ses autres

frères et soeurs ont marché de dix à douze mois ; il était gros

et fort. - 11 aurait commencé à parler vers huit à dix mois;

Bourneville, 1887. 4

50 DE l'épilepsie PROCURS1'E.

parole courante dans le cours de la seconde année ' ; il était

propre à dix mois.

Mis à l'asile à un an, puis à l'école, il apprenait bien et ob-

tenait des prix. - A onze ans, un jour de mi-carême, étant

descendu dans la rue, malgré sa mère, il s'est associé aux

jeux d'autres enfants ; l'un d'eux ayant brisé un carreau, tous

s'enfuirent. Resté seul, il fut arrêté, conduit au poste, où il

est resté deux heures, puis au commissariat ; il fut relâché

après six heures d'emprisonnement. L'enfant aurait eu très

peur, et à sa sortie, il était encore tout hagard.-Il devint alors

peureux, sans éprouver aucun phénomène nerveux pré-

curseur du premier accès. Celui-ci eut lieu trois semaines après,

en jouant, sans aura, perte de connaissance, chute et accès

avec mouvements cloniques des bras. Le deuxième accès eut

lieu un mois plus tard.

Il est entré une première fois à Bicêtre le ! F mars 1878 ; il

tombait alors une ou deux fois par mois. Le 27 juin de la même

année, on le retirait de l'hospice sans motif. - De seize ans

à sa deuxième entrée, en octobre 1884 (21 ans), les accès ont

augmenté et en 1884, il avait de sept à huit accès par mois ;

le maximum des accès, en vingt-quatre heures, a été de cinq ;

le plus long intervalle entre deux accès, deux jours. Les

accès étaient surtout diurnes, mais aussi nocturnes. - Trois

à quatre fois par mois il éprouvait des vertiges ; leur début re-

monte au mois d'août 1883. - On croit que les accès ont

augmenté de fréquence à la suite de quelques excès de vin

que des commerçants du quartier lui faisaient boire en récom-

pense de courses ou de commissions.

Val... n'aurait jamais eu d'aura; il tourne la tète à gauche en

poussant un cri rauque et en ouvrant la bouche ; chute, perte

de connaissance, rigidité, convulsions du côté gauche seule-

ment, ni stertor, ni écume, ni urination involontaire. - Il se

blesse souvent au menton et à la tète, se mord la langue

presque à chaque accès. - Après un sommeil de une à deux

heures, il se réveille sans se souvenir de ce qu'il vient d'é-

prouver. Il n'aurait jamais eu d'excitation maniaque, ni

d'hallucinations, mais on a noté des idées tristes et, à deux

reprises, il a tenté de se suicider : une première fois, il y a cinq

1 Tous ses frères et soeurs ont parlé de bonne heure ; la dernière par-

lait très bien à un an.

DE l'épilepsie PROCURSIVE. 51

ans, en essayant de se jeter par la fenêtre, tentative suivie

d'un accès ; une seconde fois, l'année suivante, avec un cou-

teau que sa mère lui arracha des mains ; elle se blessa l'index

et le médius. A la vue du sang, il resta comme anéanti, mais

n'eut pas d'accès.

Les accès avec propulsion, considérés comme des vertiges,

ont débuté en août 1883. Revenant du marché avec sa mère, il

s'est mis tout à coup, sans rien dire, à courir à une distance

d'environ 100 mètres; puis, se retournant, il est revenu à son

point de départ toujours courant ; la face était pâle, livide; il

se remit à parler après quelques instants. - Trois jours après

cette première course, se trouvant à la barrière de Montreuil,

avec sa grand'mère maternelle, il se mit à courir, ayant sa

soeur, âgée de 2 ans, dans les bras ; sa grand'mère put l'ar-

rêter, le coller contre un mur, lui enlever l'enfant, il n'en

continua pas moins ensuite il courir. - A la maison, il cou-

rait dans la chambre ; sa mère le saisissait violemment, le

couchait sur un canapé et l'y maintenait fortement jusqu'à la

fin de la crise. Parfois il renversait la table, une chaise et

. passait par-dessus. On ne sait dire si, en revenant, il suivait

exactement la même ligne, ni si, comme à Bicêtre, il se garait

des personnes ou des objets. Ces accès procursifs n'étaient pas

précédés d'aura. - En 1883-1884, il avait deux à trois de ces

accès par mois ; une seule fois, il eut plusieurs accès dans

la même journée (six le 11 juillet de cette année).

En septembre 1884, il aété pris, après un de ces accès, d'une

agitation choréiformes des extrémités supérieures et inférieures,

de la tête; la parole était saccadée ; cet état a duré une demi-

heure. - Les mêmes mouvements choréiformes se sont

reproduits quelques jours après, mais sans être précédés d'accès

ou de vertiges; ils durèrent trois quarts d'heure sans perte de

connaissance.

La mémoire a diminué depuis deux ans ; le caractère n'a

pas changé, Vall... est affectueux, n'a pas de mauvais ins-

tincts et ne s'est jamais livré à des actes de violence.

Il a été traité à diverses reprises par le bromure de potas-

sium. Il a été vacciné, a eu la rougeole à l'âge de deux ans,

mais n'a eu aucune autre maladie éruptive ou infectieuse, ni

otite, ni ophthalmie, ni vers, etc Il serait sujet à transpirer

des pieds et aurait un durillon sous le pied. Pas d'onanisme,

pas de rapports sexuels.

;l2' DE l'épilepsie PROCURSIVE.

Durant l'interrogatoire de sa mère, comme il attendait des

vant le cabinet, assis sur un banc, il se lève subitement, se'

met à courir jusqu'au coin de la grille, puis entre celle-ci et la

première rangée d'arbres (30 mètres environ) ; arrivé au cin-

quième arbre, il se retourne et revient au premier en cou-

rant ; ; là il est saisi et maintenu par un infirmier, et, quelques

secondes après, tout, était terminé.

Etat actuel. - Crâne symétrique, dolicocéphale, avec mé-

plat pariéto-occipital ; les bosses frontales et pariétales sont'

également peu accentuées, les cheveux bruns ; - les oreilles

bien ourlées sont bien conformées, leur lobule, normal, est-

adhérent dans les deux tiers supérieurs.

DE l'épilepsie PROCURSIVE. 53

facile; tremblement fibrillaii'e de la langue' assez marqué]

pas de tremblement labial. i ,

Cou : .circonférence : 36. - Tronc, normalement conformé;

Appareil circulatoire (Pouls, 80 à 88), respiratoire (t6), dit

gestif et urinaire normaux. z

Puberté. - Moustaches et barbe de couleur châtaine peu

fournies. - Poils assez développés aux aisselles et à l'anus ;

pénil recouvert de nombreux poils châtains remontant

jusqu'à l'omblic. - Verge, méat, scrotum, testicules (de la

grosseur d'une noix), normaux. - Pénis : circonférence et

longueur : 9 centimètres ' . Gland découvert; onanisme rare'

Les organes des sens ne présentent rien de particulier ?

Dynamomètre : à droite et à gauche, 30. ,

L'intelligence n'est plus ce qu'elle était en 1878; à cette

époque elle était ouverte; V... travaillait facilement, savait lire

et écrire. Actuellement il ne sait la date de sa naissance, il

ignore dans quel mois, à quelle date nous sommes, il indique

cependant exactement le nom du jour. Il est utilisé au

balayage des cours, besogne dont il s'acquitte aussi mal qu'il

répond. ?

Aura. - Le malade avant les accès ordinaires et les accès

procursifs éprouverait, sous la plante du pied gauche, un

chatouillement qui remonterait jusqu'au pli de l'aine, mais'

il est difficile, en raison de l'état intellectuel de. V..., de lui

faire préciser la marche exacte de cette sensation.. On peut

seulement savoir qu'au niveau de la lèvre supérieure gauche,

il ressent de temps à autre un fourmillement qui disparait

par la compression. Toujours est-il qu'il parait pouvoir'

empêcher l'accès soit par une pression digitale du gros orteil,

soit par une pression circulaire au-dessus du cou de pied

L'aura semble du reste être d'assez longue durée, et se pro-

duit aussi bien pour les accès procursifs que pour les autres.

Description d'un accès. - Le malade, assis sur une chaise à

l'infirmerie, se lève tout d'un coup et se met à courir assez vite

jusqu'à la cloison (trente mètres);- il fait deux fois le tour du

poêle et revient à son point de départ. - On l'assied sur un

' Il va de soi que ce chiffre n'est qu'approximatif et qu'il peut varier

dans une certaine mesure par suite de la constitution vasculaire de

l'organe.

5-4 DE l'épilepsie PROCURSIVE.

fauteuil; aussitôt le membre inférieur gauche est pris de mou-

vements rapides du pied tapant le sol (160 tapotements à la

minute) qui durent de 6 à 10 minutes. - Le malade ne ré-

pond pas aux questions, puis après 2 à 3 minutes, tandis qu'il

essayait de défaire son bas (automatisme), il tombe en arrière

sans connaissance, les yeux ouverts, fixes, les pupilles moyen-

nement dilatées, le bras gauche un peu raide, le bras droit

presque souple ; il se produit ensuite quelques mouvements clo-

niques dans les deux bras, mais surtout dans le gauche. Il rede-

vient immobile et au bout de quelques instants est repris de

quelques secousses cloniques; puis immobilité (10 h. 16). La

face n'a pas changé de couleur; Val... reste hébété pendant 2 à

3 minutes, parlant avec peine, puis reprend son pied déchaussé

pour montrer son durillon.

A 10 h. 19, trépidation légère de la jambe gauche, puis du

bras gauche et enfin du bras droit ; ces trépidations de la jambe

gauche cessent momentanément, et l'agitation du bras gau-

che s'arrête quelques secondes après celles du bras droit ;

la jambe gauche est alors reprise de trépidation. La face est un

peu chaude.

A 10 h. 22, le malade dit : « Il n'y a que de ce côté-là que

j'ai le mal que j'ai, » et à ce moment l'agitation recommence

dans la jambe et le bras gauches ; la face devient très rouge.

- A 10 h. 24, trépidation légère de la jambe gauche.

D'habitude la crise durait moins longtemps et en général,

aussitôt après la course terminée, il vient se placer dans le lit

de camp, s'endort pendant une dizaine de minutes et se remet

ensuite à son ouvrage. - Parfois, pendant les mouvements de

trépidation, il demande son couteau pour s'ouvrir le ventre et

dit : « Je veux voir mon père avant de mourir. »

1885. 28 février - Ecchymose sous-conjonctivale de l'angle

externe de l'oeil gauche à la suite d'un accès. - l1 ! Jdl'otlté-

rapie.

1886. 8 novembre. - Inflammation du durillon du pied

gauche. - Le durillon est enlevé.

1887. 25 janvier. - Vall... est pris d'un accès. Il ressent t

un engourdissement du pied gauche, cherche à empêcher l'accès

au moyen de la compression de l'orteil ; à ce moment il répon-

dait encore aux questions, puis après s'être incliné à gauche,

il tombe lentement en arrière sans cri. La face est légère-

ment congestionnée. Les secousses débutent par le bras droit

DE L'ÉPILEPSIE PROCURSIVE.

55

qui parait plus secoué d'abord, puis par les extrémités gauches;

la résolution arrive rapidement; les pupilles égales sont légè-

rement dilatées ; ni bave, ni stertor, ni évacuation involontaire.

La résolution est encore suivie de quelques secousses cloniques

du côté gauche que le malade accuse être le siège de son

mal; pendant toutela durée de l'accès (12 secondes) il semble

conserver sa connaissance.

Peu après, le malade, hébété, est pris d'un tremblement gé-

néral; il s'incline en arrière, puis la jambe gauche est agitée de

secousses cloniques; de la main droite il se comprime le gros

orteil, et cela sans lâcher une cigarette qu'il tient de la main

gauche. Après une compression de trois secondes tout est ter-

miné. Les pupilles sont dilatées.

56 DE' L'ÉPILEPSIE PROCURSIVE.

Il s'écoule quelques minutes, puis Vall... est pris d'une sorte

de - mouvement automatique- qui le porte à gauche et en avan t,

mais ayant glissé alors sur le carreau, il tombe sans lâcher sa ci-

garette, toujours tenue delà main gauche; le bras droit est agité

de mouvements assez étendus. - Relevé, il est pris dans la po-

sition debout de secousses de tout le corps, les membres infé-

rieurs fléchissent un peu, mais les pieds ne quittent pas le sol ;

la face est pâle, les pupilles sont légèrement dilatées. - Nou-

velles secousses généralisées à tout le corps, le malade se

frappe de la main gauche la cuisse gauche, puis survient un

tapotement du talon du pied gauche, la pointe du pied res-

tant fixe, suivie d'une inclinaison à gauche ; face pâle, pupilles

légèrement dilatées, puis soupir ; durée, 39 secondes. Le

regard ;est vague, la physionomie hébétée. - Va ! )... est pris

encore à plusieurs reprises de nouvelles secousses et d'une sorte

de tremblement fibrillaire avec tapotement du talon gauche.

Réflexions. - Vall... a eu son premier accès trois

semaines après une émotion vive occasionnée par un

emprisonnement de quelques heures, il avait onze

ans. Jusqu'à t'age de vingt ans les accès auraient eu

le caractère des accès d'épilepsie ordinaire, sauf

que les secousses cloniques ne se produisaient que du

côté gauche.

C'est alors que l'on vit s'adjoindre aux accè, ordi-

naires des accès procursifs; la course avait lieu en ligne

droite, était accompagnée de pâleur de la face. Un an

après le début de ces accès procursifs ValL.. eut à la

suite de deux d'entre eux une agitation choréiforme

des membres etde la tête, la première fois d'une durée

d'une demie-heure, la seconde de trois quarts d'heure.

Depuis son entrée à l'hospice nous avons observé des

mouvements de trépidation, survenus en dehors de

tout accès, et se rapprochant, selon nous, beaucoup

plus de l'épilepsie spinale que de la chorée.

Les facultés intellectuelles ont décliné à partir de

DE l'épilepsie PROCURSI'E. 57

1878 ; cette déchéance paraît être due exclusivement

à l'accroissement progressif du nombre des accès or-

dinaires.

On ne saurait dire si l'extirpation du durillon du

pied gauche a eu une influence sur le nombre des

accès , quoique à première vue ceux-ci aient été

moins fréquents en novembre et décembre 1886,

mais il peut n'y avoir dans ce fait qu'une de ces

nombreuses coïncidences si fréquentes dans l'évolu-

tion symptomatique des affections chroniques, et en

particulier de l'épilepsie.

Chez Vall..., on ne peut s'empêcher de faire un

rapprochement entre les symptômes particuliers à son

aura et ceux qu'on observe si fréquemment dans l'aura

de l'épilepsie jacksonienne. De même que dans celle-ci,

cette aura périphérique peut être provoquée par l'exci-

tation de zones épileptogènes et peut de même être

interrompue par certaines manoeuvres locales '.

Il est beaucoup plus difficile que chez Grand..., de

bien déterminer si, chez Vall..., nous avons affaire à

un accès ou à un vertige procursif; cependant le fait

qu'en général le malade à la suite de ces actes pro-

cursifs va de lui-même se placer dans le lit de camp

et s'y endort pendant une dizaine de minutes semble

plutôt devoir les faire assimiler à un accès.

Le tableau suivant résume les caractères principaux

des trois manifestations de l'épilepsie observées chez

ce malade.

1 Par certains caractères Vall... semble se rattacher à l'hystérie;

- - on peut du reste observer l'épilepsie et l'hystérie chez le même ma-

lade. L'un de nous en a publié un cas.

58 DE l'épilepsie PROCURSIVE.

DE l'épilepsie PROCURSIVE. 59

Consanguinité : le père et le mère du malade étaient cousins

germains et portaient le même nom.

Deux enfants : 1° un mort mort-né ;

2° Notre malade. Né à terme, élevé au sein par sa mère. Pen-

dant la première et la deuxième année, il a eu plusieurs fois

des convulsions ; n'a pas été en retard pour la parole, la marche

et la propreté. De cinq à douze ans, il a été en classe; pendant

ce temps, il n'a pas été malade, se développait, apprenait bien.

A douze ans, il a été placé chez un architecte; celui-ci s'est

aperçu que l'enfant avait des absences, mais il paraît qu'alors,

elles étaient peu fréquentes. A quatorze ans, il est entré

au chemin de fer comme dessinateur; là les absences ont

été remplacées par des vertiges qui sont devenus tellement

nombreux qu'il a été forcé de donner sa démission au bout

de deux ans. Ensuite son père l'a gardé chez lui, où il a

continué à dessiner, les absences ont persisté, on avait été

obligé de placer près de lui un homme pour le garder parce

qu'il lui arrivait souvent de s'échapper en courant et qu'une

fois l'accès passé, il ne savait plus où il était et ne se souvenait

de rien; il fallait le reconduire chez lui. Il lui a échappé une

fois, et ce n'est que deux jours plus tard qu'il a été reconnu à

Bercy par un ami de sa famille : il n'avait pu indiquer son

adresse. - On s'apercevait de l'arrivée de la crise procursive

parce que ses yeux changeaient, devenaient hagards, que la

face palissait et qu'il balbutiait. Durant ses courses, il ne

semblait rien entendre, évitait les obstacles et parfois faisait

entendre une sorte de bourdonnement. A la fin de la course,

la face était tout à fait décomposée et, quelquefois, on enten-

dait une sorte de ronflement passager, et on observait un peu

de bave, mais jamais d'écume ni d'évacuation involontaire. Le

regard restait égaré durant quelques instants. Le malade était

long à se remettre, s'assoupissait pendant deux heures au

moins. La mémoire était obscurcie pendant une journée et

même davantage.

Si l'accès prenait le malade dans la chambre, il ne cassait

pas les objets. On parvenait assez bien à le maintenir sans

provoquer de violence. - La nuit, on le maintenait sur son

lit avec des sangles. - Dans la rue, il ne s'est jamais blessé.

- Le plus souvent, même après l'apparition des accès ordi-

naires, les accès procnrsifs étaient isolés; quelquefois, un

accès convulsif venait arrêter brusquement la course.

60 DE l'épilepsie PROCURSIVE.

Outre ses accès procursifs, Car... avait des accès rotatifs :

tantôt il décrivait des cercles à court rayon, qui se terminaient

souvent par un accès coiiviiisif ordinaire; lantôt il décrivait

des cercles irréguliers à grand rayon, évitant les personnes,

les arbres, etc. Son père ne saurait dire si la rotation s'opérait

toujours dans le même sens et quel il était. A l'époque de sa

sortie du chemin de fer (dix-huit ans), il a eu ses premiers

accès, il tombait comme une masse, était roide, avait des.

mouvements convulsifs pendant un instant et de l'écume buccale.

Pas d'incontinence d'urine à la suite des accès. Après les grands

accès il cherchait aussi ci s'échapper, pendant une heure ou

deux il fallait le surveiller. Revenu à lui, il ne se souvenait de

rien, se plaignait de mal de tête et restait sombre pendant une

heure ou deux. D'habitude, rien ne faisait présager l'arrivée de

l'accès; quelquefois cependant, Car... avait plusieurs petits mou-

vements nerveux. Peu à peu les accès sont devenus de plus en

plus nombreux. Vers l'âge de vingt-six ans, il a eu 48 accès

dans la nuit, suivis d'une rémission de trois mois. Toujours les

accès ont été plus fréquents la nuit. Les vertiges ont diminué

en même temps que les accès augmentaient, mais les courses

persistaient encore après l'admission. Il a travaillé seule-

ment jusqu'à vingt-cinq ans. Les facultés intellectuelles ont

décliné peu à peu; néanmoins, quand il est entré à Bicêtre

(trente-huit ans), il causait encore un peu, lisait le journal, etc.

Voici comment a été provoqué son internement : Étant sorti

aux environs de sa demeure avec une tante, il s'est mis subi-

tement à courir, et si vite que sa tante n'a pu le rejoindre;

puis il a été pris d'un accès ordinaire. Les sergents de ville

ont essayé de le maintenir, lui ont froissé les poignets. L'accès

fini, comme il ne pouvait donner aucun renseignement, il a été

conduit au poste puis au dépôt de la préfecture de police, de

là à Sainte-Anne et enfin à Bicêtre'.

1879. 6 octobre. - Bromure de potassium : 5 gr.

1880. 28 juin. - Bromure de camphre : 3 gr.

3 septembre. C... prend 8 gr. de bromure de camphre

depuis le commencement du mois de juin. Suspendu jusqu'au

6 septembre.

' Nous avons revu le père de Car... le 13 août 1887. Il nous a confir-

mé, en les complétant, tous les détails qui précèdent. Il a aujourd'hui

quatre-vingts ans, est tout à fait valide et possède encore ses facultés.

dis l'épilepsie procuRSive. 61

4 septembre. - Purgatif. = 6. 3 capsules de bromure de

camphre. - 10. 4 capsules. - 15. 5.. capsules. 25.

6 capsules. 30. 8 capsules.

26 décembre. - Suppression du bromure de camphre. Trai-

tement par le bromure de potassium : 4 gr. jusqu'au 3 janvier;

G gr. jusqu'au 15 janvier ; 8 gr. jusqu'au 30 janvier. '

1881. 30 avril. - Suppression du bromure de potassium.

2 mai. - Traitement hydrothérapique. - Mémoire confuse,

sait ses nom et prénoms, ignore le jour, le mois et l'année ;

il dit être à Bicètre depuis sa naissance ou depuis deux ans ;

il s'habille seul, mais très lentement; est encore propre.

14 octobre. - Suppression du traitement hydrothérapique.

Le malade est en démence ; ce n'est qu'avec la plus grande

difficulté qu'on est arrivé à lui faire prendre les douches. - Il

est encore propre, mange seul, mais on est obligé de l'aider

à s'habiller.

1882. Avril. - Un essaie inutilement de le soumettre à

niveau au traitement hydrothérapique.

1883. 3 décembre. - Car... se rappelle son nom, ignore les

dates, ignore où il est, dit qu'il est avec des serruriers. - On

constate une paralysie incomplète de la face ; le sillon naso-

labial droit est effacé, la commissure labiale gauche est tirée à

gauche; pas de déviation, ni de tremblements de la langue.

Parole libre ; pupilles égales, normales. Il court après ses

accès.

1884. 2 juillet. - Parfois Car... s'habille ou se déshabille

seul, mais le plus souvent il faut l'habiller. Il mange seul,

mais ne se sert pas du couteau ; il se lave mal. Pas de trem-

blement des lèvres, ni de la langue ; il ne répond que par

quelques mots incohérents.

1885. 9 janvier. - Il est maintenant incapable de s'habil-

ler et de se déshabiller seul. - Langage incohérent; on ne

peut lui faire dire son nom.

31 décembre. - Le malade urine au lit toutes les nuits, il

est quelquefois grand galeux. Léger embarras de sa parole;

pas de tremblement des lèvres et de la langue.

62 de l'épilepsie PROCURSIVE.

188G. - Novembre. Le malade est dans le même état,

allant et venant comme d'habitude.

3 décembre. - Car... s'alite; l'appétit avait diminué depuis

deux ou trois jours ; mais il ne se plaignait de rien, on avait

remarqué qu'il maigrissait, qu'il fléchissait sur les jambes.

9 décembre. - La température à 30°, le soir du 7 descend

progressivement à 34° (9 heures du soir). Hier il a encore

mangé comme d'habitude et le matin il voulait encore se lever,

puis il est tombé dans le coma et a succombé.

Description d'un accès (3 octobre 1886). - Le malade pousse

un bourdonnement rauque et tombe lentement en avant sans

se blesser. Le corps étant entièrement étendu à terre sur l'ab-

domen, les bras s'écartent lentement du tronc jusqu'à angle

droit; les jambes s'écartent également de 50 centimètres envi-

ron de la ligne médiane. Pas d'urination, ni de défécation', ni

de morsure de la langue.

Le ronflement est fort, pas d'écume; la main gauche reste

contracturée pendant environ vingt minutes après l'accès. La

durée de l'accès est d'environ trois minutes ; le malade se lève

et continue sa promenade interrompue.

Durant les années précédentes, on a souvent constaté la

course consécutive aux accès, Car... courait droit devant lui

après s'être levé d'un bond.

Selon une note de l'infirmier du chauffoir, ce malade, avant

de tomber, tourne plusieurs fois sur lui-même en poussant un

cri prolongé; puis se baisse doucement sur le côté gauche

jusqu'à ce qu'il touche la terre où il s'allonge la face tournée

sur le terrain. Alors il devient raide, la figure grimace, elle

est pourpre. -Lorsque l'accès est passé, il fait allerles jambes

à droite et à gauche, les ramènent sur la poitrine trois ou

quatre fois, puis se relève, tourne encore, se met à marcher

vite, court même quelquefois, mais avec la démarche d'un

homme ivre. Voici le tableau des accès :

1 Il gâte parfois dans ses accès et se livre quelquefois à des actes de

violence après les crises.

64 de I : ÉPI¡'PS1E PROCURS¡YE.

DE l'épilepsie PRCCUItSIVE. 65

sans entraîner de substance grise, si ce n'est au niveau du pli

pariétal supérieur. Pas de lésions en foyer. - Ventricule laté-

ral, couche optique, corps strié, corne d'Ammon, etc., rien de

particulier.

Hémisphère droit. - La scissure de Sylvius est normale; le

sillon de Rolando est très profond, sinueux.-La scissure perpen-

diczclaiz·e externe, également très profonde, va se jeter dans la

scissure interpariétale. - Le Lobule orbilazire présente des

scissures et des circonvolutions normales.

Face convexe. - Lobe frontal. - En avant de la circonvo-

lution frontale ascendante, il existe une scissure profonde,

parallèle, partant du bord interne de l'hémisphère interrompue

par deux plis de passage allant de la seconde circonvolution

frontale à la frontale ascendante, puis se continuant en des-

sous de ceux-ci jusqu'à la scissure de Sylvius; elle sépare ici le

pied de la troisième frontale de la circonvolution frontale

ascendante. - La scissure frontale inférieure est très irrégu-

lière, interrompue par des plis de passage se rendant de la

deuxième à la troisième frontale; elle communique largement

à sa partie postérieure avec la scissure frontale supérieure,

séparant ainsi le tiers postérieur de la deuxième frontale de

ses deux tiers antérieurs. - La scissure frontale supérieure

est profonde surtout en arrière. - La première circonvolution

frontale, bien conformée, large, est dédoublée dans sa partie

médiocre. - La deuxième circonvolution frontale, également

large, est irrégulière, s'insère par deux plis de passage à

niveau et parallèles à la circonvolution frontale ascendante;

elle envoie deux plis de passage à la troisième circonvolution

frontale, qui est également de même irrégulière, comme

tassée; quoiqu'elle soit peu développée, son V médian pré-

sente des traces de dédoublement, ou plutôt une scissure mé-

diane partant de sa pointe dans la scissure de Sylvius; cette

partie médiane se trouve inférieurement située à un demi-cen-

timètre environ au-dessus du pied de la circonvolution. Dans

son ensemble, le lobe frontal parait normal et très bien déve-

loppé dans sa partie postérieure, mais en avant, quoique très

plissé, il semble ramassé sur lui-même, et le sillon de Rolando

se trouve par suite plus rapproché de l'extrémité antérieure

que de l'extrémité postérieure.

Les circonvolutions frontale et pariétale ascendantes sont bien

développées, sinueuses, normales. - Le lobule pai,iélal.siioé-

Bournevillk, 1 SS i. 5

66 DE l'épilepsie PROCURSIVE.

rieur est moyennement développé; il envoie à son extrémité

inférieure et antérieure un pli de passage étroit au lobule

pariétal inférieur qui est bien conformé, très plissé. La scissure

interpariétale forme en arrière de la pariétale ascendante une

scissure parallèle complète ; elle est interrompue au commen-

cement de sa courbe par le pli de passage signalé plus haut,

puis se poursuit dans le sillon occipital supérieur jusqu'au

sillon transverse. - Le pli courbe est assez développé, sinueux.

- Le lobe occipital est bien conformé.

Lobe temporal. - La première circonvolution temporale est

normalement confirmée avec deux circonvolutions temporales

transverses se rendant au fond de la scissure de Sylvius. - La

scissure parallèle est très profonde, elle se prolonge jusqu'à la

scissure interpariétale en divisant le sommet du pli courbe. -

La deuxième circonvolution temporale, le deuxième sillon tem-

poral et la troisième circonvolution temporale sont bien déve-

loppés et ne percutent pas d'anomalies. Il existe un sillon pré-

occipital complet qui partant de l'incisure préoccipitale va se

terminer à 5 mill. de la scissure interpariétale en face de la

scissure perpendiculaire externe, dont il est séparé par un pli

de passage, allant du pli courbe au lobe occipital. Ce sillon

délimite nettement le lobe temporal du lobe occipital. -Le

lobule de l'inszzla ne possède que deux digitations qui sont bien

développées, larges et subdivisées.

Face interne. -Lobe temporo-occipital. -Les circonvolutions

et les deux scissures temporo-occipitales sont bien dévelop-

pées : au tiers antérieur existe une scissure profonde divisant

transversalement tout le lobe.

Lobe frontal. - La scissure calloso-marginale semble pren-

dre son origine au centre même du lobule paracentral par

deux branches, une oblique postérieure, une verticale anté-

rieure. Ces deux branches très profondes et atteignant le

rebord interhémisphérique ne sont pour l'antérieur que l'exa-

gération du sillon médian paracentral prolongé en haut et

en bas. La scissure fronlo-pariélale interne est ici constituée

par la branche oblique postérieure. La scissure calloso-margi-

nale ne possède pas de prolongement postérieur et ne fournit

pas d'incisure préovalaire; celle-ci est seulement indiquée par

une très légère dépression. La première circonvolution frontale

interne est bien développée, normale, très découpée ; elle

envoie vers son milieu un pli de passage maigre, à niveau, à la

DE l'épilepsie PROCURSIVE. 67

circonvolution du corps calleux. Le lobule paracentral, bien

développé, est mal délimité en avant et en arrière. -Le lobule

quadrilatère, large, a un pli do passage parieto-limbique anté-

rieur, complètement isolé par une scissure verticale profonde

atteignant presque la circonvolution du corps calleux. Il existe

aussi un pli pariéto-limbique postérieur mal délimité en avant

par la scissure sous-pariétale qui est très irrégulière. - La

scissure perpendiculaire interne, très profonde, se prolonge jus-

qu'au niveau du bourrelet du corps calleux. La circonvolution

du corps calleux, la fissure calcarine, le coin, le corps calleux,

ne présentent rien de particulier.

Hémisphère gauche. - Légère vascularisation de la pie-mère

qui s'enlève facilement. Ventricule latéral, corps strié, etc.,

normaux. La scissure de Sylvius, normale, envoie trois ra-

meaux antérieurs ascendants. - Le sillon de Rolando, très si-

nueux, profond, se termine dans la scissure de Sylvius à 3 ou

4 mill. environ du lobule de l'insula. - La scissure perpendi-

culaire externe n'est constituée que par une simple encoche

d'un centimètre environ; elle est séparée de la scissure inter-

pariétale par un pli de passage à niveau, reliant le lobe occi-

pital au lobule pariétal supérieur. - Le lobule orbitaire est

bien conformé.

a). Face convexe. - On trouve en avant de la circonvo-

lution frontale ascendante une scissure parallèle frontale in-

terrompue à sa partie médiane par deux plis d'insertion de la

deuxième circonvolution frontale. - La scissure frontale infé-

rieure sinueuse, est interrompue par un pli de passage allant

de la deuxième circonvolution frontale au cap de la troisième.

La scissure frontale supérieure est légèrement sinueuse, cou-

pée à son extrémité antérieure par un pli de passage venant

de la première circonvolution frontale qui est assez bien

conformée, un peu maigre à son extrémité antérieure et s'in-

sère à la frontale ascendante par un pli sinueux et grêle. -

La deuxième circonvolution frontale très développée dans sa

moitié postérieure, l'est peu dans sa moitié antérieure. - La

troisième circonvolution frontale possède un pied grêle; son

cap est subdivisé en trois parties par les deux rameaux anté-

rieurs ascendants supplémentaires de la scissure de Sylvius,

mais ces parties réunies ne donnent pas un volume 'plus

grand que celui d'un cap ordinaire bien conformé.

Les circonvolutions frontale et pariétale ascendantes sont

68 DE l'épilepsie PROCURSIVE.

hien développées, normales. - Le lobule pariétal supérieur,

régulier, est peu volumineux; en effet la scissure interpariétale

présente une courbe très accentuée qui remonte à un centi-

mètre de la scissure interhémisphérique; le lobule pariétal

inférieur est sinueux, très découpé, très développé au détriment

du lobule pariétal supérieur. - Le pli courbe est assez gros

également. - La scissure interpariétale forme en arrière de la

pariétale ascendante une scissure parallèle presque complète.

Elle se continue en arrière avec la scissure occipitale supé-

rieure au delà de la scissure occipitale transverse. - Le lobe

occipital est bien conformé; mais la scissure occipitale trans-

verse n'existe que dans sa partie supérieure; en dessous de la

scissure interpariétale continuée elle est interrompue par un

pli de passage se dirigeant vers la deuxième circonvolution

occipitale. A un centimètre en avant du pôle occipital se trouve

une scissure transverse assez profonde allant de la scissure

interhémisphérique à la deuxième scissure occipitale.

Lobe temporal. - La première circonvolution temporale

assez bien développée, sinueuse, envoie à son quart antérieur

un pli de passage à niveau, grêle, à la deuxième circonvolution

temporale qui, elle, est très développée et pousse trois plis de

passage à niveau à la troisième assez bien développée. Il existe

quatre circonvolutions transverses temporales se rendant au

fond de la scissure de Sylvius. La scissure parallèle, profonde,

sinueuse, a un trajet très étendu par suite de la hauteur du pli

courbe; en avant d'elle et parallèlement il existe une autre

scissure empiétant d'un centimètre sur la première circonvo-

lution temporale et se terminant dans le lobule pariétal infé-

rieur à 3 millimètres environ de la scissure interpariétale ; à sa

partie médiane une scissure transverse assez profonde la met

en communication avec la scissure parallèle. Il existe un sillon

préoccipital complet, qui, partant de l'incisure préoccipitale,

profonde, va rejoindre la scissure parallèle au niveau de sa

courbe et isole ainsi nettement le lobe occipital. Le lobule de

l'insula n'a que deux digitations principales.

b. Face interne.-Lobe temporo-occipital. Les circonvolutions

sont bien développées; elles sont toutefois un peu en retrait

sur un espace d'un centimètre au niveau de l'incisure préocci-

pitale. Les scissures sont irrégulières, sectionnées par de nom-

breux plis de passage; une scissure oblique fait communiquer

la première scissure temporo-occipitale avec la seconde.

DE l'épilepsie PROCURSIVE. 69

Lobe frontal. - La scissure calloso-marginale est irrégulière,

semblese perdreenavantdanslacirconvolution du corps calleux ;

elle communique, d'une part, avec la scissure sous-pariétale et

d'autre part avec un sillon vertical profond médian du lobule

paracentral à la partie inférieure de la scissure fronto-pariétale

interne ; à ce niveau, on trouve un pli de passage profond qui,

devenu plus bas à niveau, interrompt en allant à la circonvolu-

tion du corps calleux la continuité de la scissure calloso-mar-

ginale. - La première circonvolution frontale interne est très

développée, découpée par de nombreux sillons verticaux; elle

envoie vers sa partie médiane un pli de passage à niveau à la

circonvolution du corps calleux; en avant de ce pli se trouve

une scissure parallèle au corps calleux qui semble être la con-

tinuation normale isolée de la scissure calloso-marginale dont

nous avons signalé un autre prolongement de 3 centimètres

environ dans la circonvolution du corps calleux qui est assez

bien développé. - Le lobule paracentral bien développé envoie

à sa partie inféro-antérieure un pli de passage assez gros à ni-

veau, à la première circonvolution frontale interne.- Le lobule

quadrilatère, large, possède un pli de passage pariéto-limbique

postérieur, séparé du reste du lobule par une scissure profondes

contournant la scissure interhémisphérique et se terminantdans

le lobule pariétal supérieur à un demi-centimètre de la scissure

interpariétale. - La scissure sous-pariétale est très irrégulière.

- La scissure perpendiculaire interne, très profonde, très large

et subdivisée à son origine, se prolonge jusqu'au bourrelet du

corps calleux. -La fissure calcarine, le coin, la cÍ1'volution de

l'hippocampe, le corps calleux ne présentent rien de particulier.

Cette observation est très intéressante et elle peut

se résumer en ces points : 1° absences; - 2° ver-

tiges ; - 3° accès procursifs parfaitement caractéristi-

ques et accès rotatifs ; - 4° accès ordinaires précédés

rarement de phénomènes de procursion et souvent

de phénomènes de rotation; - 5° persistance, con-

curremment et pendant plusieurs années, des vertiges,

des accès procursifs et des accès ordinaires; 6° ensuite

disparition des accès procursifs, augmentation des

accès ordinaires et des vertiges, déterminant enfin la

70 . DE L'ÉPILEPSIE PROCUR1VI ?

démence. Le tableau des accès comprenant une période

de treize ans mérite aussi de fixer l'attention.

III. Epilepsie avec aura procursive.

Nous distinguerons les malades qui, sans avoir eu,

du moins à notre connaissance, des accès procursifs

isolés, ont des accès précédés d'une course, de ceux

qui, atteints auparavant d'épilepsie procursive isolée

antérieure, ont encore des phénomènes procursifs

constituant alors une sorte d'aura de l'accès ordinaire.

Ces malades doivent-ils être considérés comme at-

teints d'une des formes de l'épilepsie procursive, en

présentent-ils les lésions anatomiques jusqu'ici consta-

tées ? C'est un point sur lequel il nous est impossible

de nous prononcer pour l'instant, nos documents étant

insuffisants. Ces auras procursives peuvent encore être

rapprochées des actes automatiques préépileptiques

et n'en sont peut-être qu'une exagération.

Observation XX. - Epilepsie. - Père, hémiplégie droite

Mère nerveuse ; - grand-père maternel, mort ci quatre-vingt

et un ans d'une pneumonie ; - grand'mère maternelle morte

à quatre-vingts ans d'une hémiplégie droite. Asphyxie à la

naissance; convulsions ri dix-huit mois,. - parole et marche

tardives; - rougeole; - ophthalmie. - Premier accès ci

dix-sept ans; - vertiges; - aura procursive ; - violences.

Jan.... (François-Ferdinand), né le 2 juillet 1815, est entré

le 16 décembre 1884 à l31ctre. (Service de M. 13ouRVSVII.L>·;.)

Renseignements fournis par sa mère (1) décembre 1885). -

Père, fabricant de chapeaux, intelligent, fort, de taille

moyenne, très sobre ; marié à l'âge de trente ans, est mort à

cinquante-deux ans, des suites d'une hémorrhagie cérébrale ( ? )

(hémiplégie droite avec aphasie, intelligence conservée) qui

avait été précédée pendant trois ans de violentes céphalalgies.

[Père, fabricant de chapeaux, mort à trente et un ans. Mère,

DE l'épilepsie PROCURSIVE. 71 Il

morte à soixante-dix ans, sans qu'on puisse dire de quelle

maladie. Pas de renseignements sur les grands-parents, et

renseignements confus sur les collatéraux ? Pas d'épileptiques,

de difformes, de criminels, de suicides, etc., dans la famille.]

Mère, soixante-quatorze ans et demi, coloriste; elle est très

impressionnable, éprouve parfois, à la suite de chagrins, des

serrements de gorge avec claquements des dents. Elle est

de taille moyenne, maigre, porte une moustache qui a toujours

été très fournie, même dès sa jeunesse ; bien réglée, elle s'est

mariée à vingt-six ans, et n'a jamais été malade. - [Père,

mort à quatre-vingt-un ans d'une pneumonie. Mère, morte à

quatre-vingts ans des suites d'une hémiplégie droite survenue

quatre ans auparavant ; elle était vive, impressionnable, mais

n'a jamais eu d'attaques nerveuses. - On n'a aucuns rensei-

gements sur les grands-parents. Pas d'épileptiques, etc., dans

la famille.] - Pas de consanguinité.

Cinq enfants, quatre fausses couches (à 6, 4, et 3 mois) :

1° fille, modiste, bien portante, intelligente, pas de convul-

sion ; 2° garçon, né avant terme, mort en nourrice à l'âge

d'un mois ; 3° notre malade ; 4" fille, onze ans, im-

pressionnable, tumeur fibreuse de l'utérus, pas de convulsions;

- 5° garçon, mort à l'âge de six ans et demi, on ne sait de

quoi. Il vomissait depuis longtemps. - Pas de convulsions.

Notre malade. - Lors de la conception, le mari faisait de

mauvaises affaires, souffrait de céphalalgies avec étourdisse-

ments. - Grossesse bonne, sauf les chagrins occasionnés par

le mauvais état de leurs affaires. - Accouchement à terme,

rapide. - Asphyxie à la naissance. Elevé en nourrice au

sein et au biberon (lait de chèvre). - Première dent à cinq

mois. A dix-huit mois, étant encore en nourrice, il aurait

eu, à diverses reprises, des convulsions assez graves pour

qu'un instant on le crût mort. Il a marché et a été propre à

deux ans ; il n'a parlé assez bien qu'à trois ans. Vers quatre

ans, rougeole. - A huit ans, oplathalnaie grave (taie sur l'oeil

droit), pas d'autres maladies, sauf des furoncles.

Il a fréquenté l'école de sept à dix-sept ans; il a appris à

lire et à écrire, mais toujours l'intelligence a été peu dévelop-

pée ; il était joueur, taquin; aimant à vagabonder avec d'autres

enfants, mais n'a commis aucun acte répréhcnsible. - D'un

caractère très emporté, il aurait battu sa mère si l'on ne s'y

était opposé. - Il a été mis en apprentissage, comme relieur,

72 DE l'épilepsie PRCCURSIVL.

à dix-sept ans chez un patron avec lequel il buvait de l'absin-

the. Il y est resté un an. - C'est à cette époque que s'est

déclaré le premier accès ; il venait de prendre de l'absinthe.

Les accès assez rapprochés (tous les huit jours) ont d'abord été

nocturnes. -- Les accès se sont ensuite rapprochés, éclataient

aussi bien de jour que de nuit, mais surtout à la suite de con- .

trariétés ou d'émotion. - On n'aurait noté de vertiges et de

secousses ( ? ) que depuis l'âge de vingt ans.

Actuellement l'accès présente les caractères suivants : il est

précédé d'une sorte de fatigue, ou bien le malade éprouve un

besoin irrésistible de s'en aller, de courir; il lui est arrivé

quelquefois de descendre ainsi cinq étages avant d'aller tomber

ensuite dans la cour; il pâlit, tombe comme une masse sans

cri initial. Périodes tonique et clonique'. - Pas d'écume.

- Coma. Pas de troubles intellectuels à la suite des

accès. Voici la marche des accès :

DE l'épilepsie PROCURSIVE. 73

Pas d'accès ni de vertiges eu 1887.

74 DE l'épilepsie PROCURSIVE.

Mère, quarante ans, sans profession, n'a eu ni migraine, ni

dartres; elle est très impressionnable, a quelquefois des fai-

blesses et même des pertes de connaissance. - [Père, cordon-

nier, alcoolique, a succombé à une affection génito-urinaire.

- Mère morte d'accidents pulmonaires sans aveir jamais eu

d'affection nerveuse. Un frère bien portant, un autre mort de

la poitrine, une saur morte subitement d'un anévrysme à

trente-trois ans. Ni aliénés, ni épileptiques, ni suicides, etc.,

dans la famille]. - Pas de consanguinité.

Deux enfants : 1° un mort de scrofules à quatre ans sans

avoir eu de convulsions : il était très intelligent :

2° Notre malade. - Sa mère fit deux chutes pendant sa

grossesse : la première fois elle tomba sur le ventre, avecperle

de connaissance ; la deuxième fois elle tomba dans une cave,

elle était au troisième ou sixième mois de sa grossesse. Elle eut

aussi des scènes de colère à éprouver de son mari, ce qui lui

était d'autant plus sensible qu'elle avait été gâtée chez ses pa-

rents. Le développement du ventre pendant sa grossesse était

tel qu'on soupçonnait une grossesse gémellaire. Accouchement

à terme, laborieux, mais naturel. Il y eut issue d'une grande

quantité d'eau. Elevé au sein par une nourrice jusqu'à quatre

ou cinq mois, par une autre durant un mois, enfin élevé

au biberon avec du lait de chèvre. Ce qui frappa chez l'en-

fant ce fut le développement exagéré de la tête. Il a commencé

à marcher à trois ans, à parler à cinq ans répétant ce que

l'on disait; il n'a jamais été intelligent.

C'est à trois ans qu'il eut son premier accès convulsif : tout

d'un coup il quitta la main de sa mère, fut précipité en avant

comme s'il courait et tomba en proie à des convulsions. Pen-

dant plusieurs années il courait en hurlant à chaque crise et se

levait si l'accès le prenait lorsqu'il était couché'. Il avait en-

core ses courses en avant à son entrée à l31cctre. On ne sait pas

exactement à quelle époque elles ont disparu; dans les accès

de ces dernières années il poussait des cris violents, se tordait,

devenait de toutes les couleurs, il écumait peu, ne se mordait

pas la langue. Ses accès étaient plutôt diurnes que nocturnes.

- Pas de folie, ni de kleptomanie, ni de pyromanic ; il aimait à

' Selon une note prise par M. Delasiauve le 10 août 1812, a sa mère

affirme qu'il était hydrocéphale dans sa jeunesse, qu'il a eu de nom-

breuses et violentes convulsions jusqu'à Lie six ans ».

DE l'épilepsie PROCURSIVE. 75

arracher les fleurs des arbres. - Pas d'onanisme, pas de pro-

pension génitale; il gâte quelquefois dans ses accès.

Affectueux pour ses parents, il n'est pas violent. L'intelli-

gence ne s'est jamais développée, il n'a pu apprendre que ses

lettres, ne savait pas compter spontanément ; il répondaitassez

mal aux questions qu'on lui posait, ne disant que oui ou non,

et encore il fallait insister ; alors il répétait ce qu'il avait en-

tendu. - Il n'a jamais eu de gourme, ni aucune maladie, si

ce n'est une carie vertébrale pour laquelle il a été soigné à

l'hôpital des Enfants malades et qui a laissé des cicatrices.

1879. 17 octobre. -Le malade ne s'est couché que le 17 oc-

tobre. -Le 10 on n'avait rien remarqué de particulier, il allait

et venait, se promenait (de préférence dans les endroits soli-

taires), et cela comme d'habitude, il mangeait au réfectoire;

on n'avait pas observé qu'il eut moins d'appétit. Dans la nuit

du 16 au 17, le veilleur avait noté un peu d'oppression; néan-

moins, le malade s'était levé spontanément, avait pris suivant

une vieille habitude une tablette de chocolat et était descendu

dans la cour ; c'est là que le surveillant, auquel le veilleur avait

signalé le malade, le vit, constata qu'il était souffrant et l'en-

voya à l'infirmerie. Le malade ne s'était plaint et ne se plain-

gnait de rien, il ne pouvait d'ailleurs donner aucun renseigne-

ment, en raison de son état d'imbécillité. - Durant l'examen,

pas de parole, pas de toux ou toux incomplète. L'auscultation

dénote des râles sibilants et ronflants mêlés de quelques râles

sous-crépitants disséminés dans les deuxpoumons. La percussion

donne à droite une submatité remontant assez haut et dimi-

nuant à mesure que l'on s'élève et se confondant en bas avec la

matité du foie sans donner une ligne de séparation nette entre

la percussion du foie et du poumon. Rien d'anormal au coeur.

La matité du foie remonte un peu haut et descend à deux tra-

vers de doigts des fausses côtes. La palpation du foie au-dessous

des fausses côtes droites confirme ce renseignement. - Pas

d'augmentation apparente de la rate. T. R. 3S°, ? . - Soir :

oppression extrême, lèvres bleuâtres, cyanosées. - Vingt ven-

touses sur la poitrine calment un peu l'oppression. T.IL 3Do,6.

18. - On remarque du mucus nasal et palpébral en assez

grande quantité. La paupière supérieure droite est rosée et

gonflée. P. petit régulier à J3(i ; R. à 66. - T. R. 31ls,1. -

Soir : 39",2. Traitement : 60 ventouses sèches; ipécastibié ;

potion avec infusion d'ipéca et rhum.

DE L'ÉPILEPSIE PROCURSIVE. 77

19. - L'oppression est constante, pas d'accès de dyspnée ;

cependant elle est plus marquée le soir. Râles sous-crépitants,

sibilants et ronflants des deux côtés dans toute la hauteur. -

40 ventouses sèches en arrière. Vésicatoire en avant. P. 120;

T. R. 38°,8.

20. - Le malade est un peu plus éveillé; montre sa langue

qui est humide. - A l'auscultation, râles variés, mais surtout

râles sibilants, quelques râles sous-crépitants à la base du pou-

mon droit. Garde-robe régulière, ne gâte pas. P. 120; R. 40;

T. R. 38°. - Soir : h0°.

21. - C... a pris du potage, du lait, un oeuf. - Une garde-

robe liquide. Muguet. P. petit, irrégulier, à 120; R. à 48; T.

R. 38°,8. - La face et les traits sont altérés ; cyanose des lè-

vres et des conjonctives, mort l'après-midi à une heure.

Autopsie, le 23 octobre 1879. - Thorax. Poumon gauche.

Très adhérent au thorax et au diaphragme, pas de liquide dans

la plèvre. Injection très prononcée des bronches. Congestion

du poumon avec un peu d'oedème à la partie postérieure du

lobe inférieur. - Poumon droit. Adhérence telle qu'il faut en-

lever la plèvre pariétale pour sortir le poumon du thorax. La

plèvre a près de 2 millimètres d'épaisseur. Ontrouveune pleu-

résine enkystée siégeant en avant dans les deux tiers inférieurs

de la poitrine, refoulant le coeur un peu à gauche et en bas,

abaissant le foie et s'étendant seulement latéralement. La poche

semble séparée incomplètement en deux autres : 1° la gauche

plus petite ayant un prolongement infundibuliforme vers le

diaphragme, la paroi de la poche est amincie ; 2° la droite

plus profonde se prolonge vers la base de la poitrine jusqu'à

l'hypochondre. - Le poumon droit refoulé en arrière occupe

toute la cavité droite du thorax; il est très congestionné sur-

tout à sa partie postérieure. L'épanchement siégeait principa-

lement dans la partie antérieure et médiane de la plèvre

diaphragmàtique et était de nature purulente. - Coeur. Hyper-

trophie du ventricule gauche (330 gr.); quelques caillots

fibrineux dans le ventricule droit. Quelques taches laiteuses sur

la valvule tricuspide et la mitrale. Pas de sclérose. Quelques

plaques athéromateuses de l'aorte.

Abdomen. - Estomac. Rien d'anormal. - Rate. Volumi-

neuse (290 gr.); tissu ferme, congestionné. - Foie. Assez vo-

lumineux (1 ,6.iO gr.), non congestionné. - Reins. Très volumi-

neux et très congestionnés (260 gr.) ; le droit présente un petit

78 DE L'ÉPILEPSIE PROCURSIVE.

kyste de la grosseur d'un pois et une cicatrice très foncée ré-

sultant d'un autre kyste.

Crâne. - Epaisseur normale en avant, un peu augmentée

en arrière. - Encéphale (,l .(;00 gr.). ? ie-zczèoe, un peu con-

gestionnée à la base surtout, un peu adhérente aux lobes

frontaux. - Artères et organes de la base, rien de particulier.

- Le cerveau a une longueur de 20 centim. et une hauteur de

1 centim. - L'hémisphère cérébral gauche pèse dix grammes

de moins que l'autre. La décortication de la pie-mère, un peu

épaissie, transparente, est facile.

Les circonvolutions sont assez développées, les sillons pro-

fonds. Sur la face interne de la première frontale on découvre

une portion de la circonvolution qui est indurée, blanche, for-

mant un léger relief; mème hypertrophie sur la partie posté-

rieure du lobe carré.

Autres foyers ou mieux îlots de sclérose formant tumeurs à

l'origine de la circonvolution du corps calleux, au-dessous du

précédent sur la circonvolution frontale; sur la face convexe

de la deuxième frontale à sa racine, à la partie la plus posté-

rieure et la plus élevée de la scissure de Sylvius, Disula, gan-

glions centraux, corne d'Ammon, rien. Sur le ventricule latéral

non dilaté il existe de petits noyaux scléreux de la membrane

ventriculaire.

Hémisphère droit.- Pie-mère comme de l'autre côté. On note

des foyers d'induration avec hypertrophie à la partie antérieure

de la face interne de la portion horizontale de la première fion-

tale ; - sur la circonvolution du corps calleux immédiatement

en avant de la couche optique; - sur le pli qui va de la cir-

convolution du corps calleux à la première frontale (face

interne); - sur la partie inférieure et interne du coin (face

convexe de l'hémisphère). Mêmes noyaux dans le ventricule

latéral droit. - Cervelet et isthme, 200 gr.

L'attention n'ayant pas à cette époque été attirée

sur les lésions possibles du cervelet dans cette forme

d'épilepsie, cet organe n'a été l'objet que d'un examen

superficiel, fait qui dénote une fois de plus l'utilité,

non seulement de faire les autopsies aussi complètes

que possible, mais de noter aussi l'absence de lésions.

Notons seulement le poids un peu élevé de cet organe.

DE l'épilepsie PROCURSIVE. 79

Le poids moyen est, en effet, chez l'homme adulte de

143 gr. pour le cervelet, 23 gr. pour l'isthme et 8 gr.

pour le bulbe, soit 173 gr. pour l'ensemble de ces

organes. Rappelons que l'encéphale pesait 1,600 gr.,

poids élevé, dû peut-être aux îlots de sclérose tubéreuse 1.

Chez Caill..., il semble, d'après les renseignements

peu précis que nous avons reproduits plus haut, que

l'accès ait dès le début, puis pendant de longues

années, été précédé de procursion; l'accès n'aurait

jamais été limité à l'acte procursif seul. - Quoique

cette forme d'accès diffère de celle dont nous avons

rapporté précédemment des observations, nous devons

noter la transformation progressive des accès avec

aura procursive en accès vulgaires. On sait, du reste,

que les épileptiques à aura voient le plus souvent

cette aura disparaître après un temps plus ou moins

long et que fréquemment l'aura n'est signalée que

lors des premiers accès.

IV. Epilepsie POST-PROCUIiSIVE.

Les phénomènes post-procursifs, et ici nous n'enten-

dons pas parler des actes automatiques (marche, etc.),

observés fréquemment après les accès, sont relati-

vement peu communs. Nous devons à l'obligeance de

M. Cullerre, médecin-directeur de l'asile de La Roche-

sur-Yon, l'observation suivante :

Observation XXII. - Fièvres intermittentes. - Attaques

éclamptiques à l'âge de six mois. - Petit mal consécutif. -

Accès caractérisés par une impulsion irrésistible à courir. -

1 Cette observation de sclérose tubéreuse s'ajoute 1 celles que nous avons

précédemment publiées.

80 DE l'épilepsie PROCURSIVE.

Plus lard, grands accès incomplets suivis de la même impul-

sion. - Imbécillité avec mauvais instincts.

G... (Marie-Léontine), âgée de dix ans, est admise à l'asile

de La Roche-sur-Yon, le 15 mai 1880, avec le certificat sui-

vant : « Idiotie congénitale, est une cause de préoccupation

tant sur le rapport moral vis-à-vis des enfants de son âge

que sous le rapport des dégâts matériels dont elle se rend

journellement coupable. » Voici les renseignements fournis

sur ma demande par le médecin traitant : " Elle est née de

père et de mère bien portants, non parents. Du côté paternel

aussi bien que du côté maternel, il n'y a aucune trace d'héré-

dité morbide; ses ancêtres sont morts à l'extrême vieillesse.

Une soeur ainée, bien portante et intelligente ; sa mère est

morte quelque temps après sa naissance, à la suite d'accidents

puerpéraux. En 1870, étant âgée de six mois, elle fut prise de

phénomènes éclamptiformes à la suite d'accès de fièvre inter-

mittente ; combattus par le sulfate de quinine, les accidents

diminuèrent de fréquence, d'intensité, mais le paludisme s'in-

vétéra ; l'on vit chaque mois se renouveler pendant plusieurs

années, presque à jour fixe, ces accès convulsifs. L'intelligence

s'obscurcissait peu à peu et la raison ne se développa pas. »

Nous ne savons quelle foi il convient d'ajouter à cette étiolo-

gie ; nous devons remarquer toutefois qu'en Vendée, en ma-

tière d'idiotie, l'intoxication alcoolique du père au moment de

la conception doit toujours être soupçonnée.

Mai 1880. - Cette enfant, grande, assez bien développée,

sans difformité appréciable, présente un certain degré de mi-

cl'océphalie. Le front est bas, la voûte palatine très ogivale en

avant est au contraire étalée en arrière. Kérato-conjonctivite

scrofuleuse à répétition. Elle s'exprime bien sans défaut de

langue. Elle sait épeler, mais n'a jamais pu apprendre à lire;

elle a une notion nette des couleurs. C'est une imbécile bien

plutôt qu'une idiote. On relève chez elle une grande tendance

aux actes instinctifs, au vol, à la méchanceté, elle se plait à

faire des niches aux personnes qui l'entourent.

Avril 1881. - On commence à constater chez elle des phé-

nomènes épileptiformes jusqu'ici inobservés. En voici la

description sommaire : elle pâlit subitement, puis se met à

marcher droit devant elle. Quand elle rencontre une porte,

elle frappe, ou regarde par la serrure; si il ce moment on

DE l'épilepsie PROCURSIVE. 81

l'interroge, elle répond en général qu'elle se livre à tel ou tel

de ses actes journaliers. Au bout de quelques secondes, elle

revient à elle sans se souvenir de ce qui vient de se passer.

Elle urine parfois au lit.

22. Elle a uu de ses vertiges habituels pendant la prome-

nade. Soudain, elle rebrousse chemin vers l'asile. Interro-

gée, elle répond qu'elle veut s'en retourner.

limai. - Elle a eu ce matin une petite crise; elle s'est

déshabillée, s'est mise au lit, puis s'est affaissée sans avoir de

convulsions. :

2ï. - Nouveau vertige ce matin; elle a couru jusqu'au

fond de la salle. Aussitôt l'accès s'est terminé.

23 juin. - Ses accès revêtent parfois une forme nouvelle,

elle reste assise sur sa chaise, a quelques contorsions de la

face, et frappe avec violence le sol de ses talons, semblant

ainsi piétiner sur place. Quand elle reprend connaissance,

elle a quelques moments d'égarement.

26. - Prise d'un accès à la chapelle, elle se met à courir,

rentre au quartier, monte les escaliers jusqu'au grenier et la

crise se termine. Une lacune existe ici dans mes notes. Elles

reprennent en 1880.

188G. 29 novembre. - Actuellement, l'accès débute par une

chute sur le dos, sans cri, sans aura, sans écume à la

bouche. Quelques mouvements convulsifs de la tête et des

bras, qui manquent parfois; grande pâleur, urination involon-

taire. Au bout de quelques secondes, elle se relève avec viva-

cité, jette autour d'elle des regards égarés, puis soudain

prend sa course, allant droit devant elle, ne s' arrêtant que quand

elle rencontre un obstacle. Tantôt elle s'enfuit jusqu'au bout

du jardin, tantôt elle enfile un escalier et ne s'arrête qu'à la

porte du grenier, etc.

A ce moment il lui arrive de s'endormir quelques instants.

Quand elle revient à elle, ne comprenant pas ce qui vient

de lui arriver, elle cherche à s'expliquer sa présence dans ce

lieu inusité par quelque besogne à accomplir. '

Alors, bien que ce ne soit pas l'heure, elle descend les

ustensiles de ménage ou les bassins de garde-robe, etc. Elle

urine quelquefois au lit.

Elle a considérablement grandi depuis son entrée à l'asile.

Elle est réglée depuis deux ans d'une façon régulière. Son

intelligence ne s'est pas développée dans les mêmes propor-

f3ouaNSVrr.r, 1887. 6

8 DE L'I3PIL1';PSIE PROCURSIVE.

tions. On n'a pu lui apprendre à lire ; les religieuses préten-

dent cependant qu'elle est douée d'une certaine mémoire et

qu'elle a pu apprendre le catéchisme. Elle a appris à coudre

et à tricoter, mais est incapable de conduire seule un tricot.

Santé physique en général satisfaisante, les kératites ont

disparu. - Taille lra,00.

Déformation de la face; saillie de la fosse frontale droite; la

joue de ce côté est plus étalée et plus saillante. Voûte palatine

ogivale. Dents à peu près régulières. Voici les mensurations

de la tête :

DE l'épilepsie trocursive. 81

années, puis nous voyons apparaître ces sortes de

tapotements sur place dont nous avons parlé pré-

cédemment à propos de Vall... (Obs. Il) et enfin les

accès présentent le type vulgaire, mais sont suivis

d'une course soudaine et précipitée. Les phénomènes

automatiques proprement dits que présente également

cette malade ne sont observés qu'à la suite du sommeil

dans lequel il tombe après l'acte procursif.

Observation XXIII. - Père tourneur en cuivre, alcoolique.

Grand-père et oncle paternels alcooliques et phtisiques. -

Mère, névralgies. - Grand-père maternel, apoplectique.

Oncle maternel, délire aigu.-Grand-oncle maternel, imbécile.

Vertiges procursifs à trois ans et demi. - Premier accès

à huit ans. - Accès suivis de course. - Caractère violent.

- Onanisme. - Affaiblissement des facultés intellectuelles.

- Mort en état de mal.

Alép... (Auguste), né le 24 mars 1872, est entré à Bicêtre

(service de M. Bourneville), le 13 février 1882 et y est dé-

cédé le G juin 1883.

Renseignements fournis par sa mère (27 février 1882).

Père, trente-six ans, tourneur en cuivre, a quitté sa femme

il y a trois mois, il fait de nombreux excès de boisson (absinthe,

vin, eau-de-vie, etc.). Lorsqu'il a bu, il est très méchant, vio-

lent, a battu sa femme plusieurs fois. Marié à vingt-quatre ans,

il a toujours bu beaucoup, même dès le début du mariage.

Caractère doux à l'état normal. Pas de migraines, pas de ma-

ladies de peau. Il travaillait peu; établi tourneur, il a tout bu

et sa femme a dû se placer comme domestique. [Père mort de

la poitrine à trente-huit ans, tourneur en cuivre, quelques excès

de boisson. - Mère, soixante ans, n'a jamais été malade, pas

d'accidents nerveux. - Trois frères ; un poitrinaire, faisait des

excès de boisson; il aurait été condamné pour vol d'une chaise

un jour de débauche, il était marié et courait les femmes. Un

deuxième a été tué en mai 1871 (fédéré), il buvait aussi et au-

rait eu des hémoptysies ? ]

Mère, trente ans, travaillait aux champs avant le mariage;

actuellement elle est domestique ; châtaine foncée, très impres-

84 DE L'ÉPILEPSIE PROCURSIVE.

sionnable, très colérique, elle l'est devenue de plus en plus

par les ennuis que lui a causé son mari. - Intelligente, phy-

sionomie régulière assez agréable, n'a jamais eu que des né-

vralgies violentes. [Père, laboureur, sobre, mort à cinquante-

neuf ans, d'une attaque d'apoplexie foudroyante en dix-neuf

heures. - Mère, soixante-quatorze ans, bien portante, n'est

pas en enfance, travaille encore un peu aux champs, pas

d'attaques de nerfs, a souvent le sang à la tête. - Quatre

frères, l'un est mort en huit jours, d'accidents cérébraux con-

sécutifs, à la peur des Prussiens qui avaient dégainé sur sa

femme. « Ça lui bouillait dans sa tète, il se sauvait de son lit,

il avait le transport. » (Délire aigu.) Les trois autres sont

bien portants; un est marié, a quatre enfants en bonne santé

et n'ayant pas eu d'accidents nerveux. - Les deux derniers

frères ne sont pas mariés. - Un oncle paternel est mort très

vieux (soixante-seize ans),'et a toujours été « bonasse, imbé-

cile ». Pas d'épileptiques, pas de difformes, etc.]

Pas de consanguinité.

Trois enfants : 1° Garçon mort-né durant la guerre; bien

conformé; il était énorme et pesait bien dix livres; - 2° Notre

malade; - 3° Garçon, huit ans, bien portant, intelligent,

apprend bien, pas de convulsions.

Nol1'e malade.- Conception. -Pas dcrapports hahituels dans

les ivresses. « Une pensait qu'àdormiret il était quatre ou cinq

jours sans me toucher, car il était malade, vomissait toutverLn-

Grossesse, beaucoup de contrariétés et de fortes colères « parce

que mon mari, n'était jamais chez nous», ni coups, ni chutes,

ni compression. l'as de peurs, sauf celles que lui occasionnait

son mari quand il rentrait ivre. - Pas d'alcoolisme. - Accou-

chement naturel, à terme, sans chloroforme. A la nais-

sance pas d'asphyxie ; il était chétif, mignon. Elevé au sein,

en province, jusqu'à dix-sept mois, repris alors, il n'avait pas

eu de convulsions, était bien venant quoique chétif. Il a mar-

ché à dix mois, a parlé à dix-sept mois, a été propre vers

deux ans. - A trois ans on a repris son frère de nourrice.

C'est à ce moment que notre malade est devenu drôle, il sem-

blait jaloux de son frère et le battait quelquefois en cachette.

- Vers trois ans et demi il a eu des vertiges qu'on appelait un

grand tic nerveux.

« Le regard se portait en haut, puis au bout de quelques ins-

lanis, reniant se levait et courait, il n'aimait pas qu'on lui

DE l'épilepsie PROCURSIVE. 85

parlât dans ces moments-là. Il avait peur; sitôt que ça allait le

prendre, il devenait d'abord très pâle, puis rouge après. Ces

accidents venaient irrégulièrement quelquefois deux fois par

jour et parfois il était cinq à six jours sans rien. Conduit plu-

sieurs fois aux Enfants-Malades et à l'hôpital Trousseau on lui

a donné des bains, de la tisane et du sirop antiscorbutique,

niais pas de bromure de potassium.

Vers août 1880, sans que les vertiges soient devenus plus

fréquents, Alép... a eu souvent des accès; voici comment on

décrit le premier : Etant debout, on s'aperçut que sa figure

grimaçait, qu'il était pâle, qu'il allait tomber; sa mère l'a pris

sur elle, tout le corps était roide également des deux côtés,

pas de secousses, pas d'écume, mais un peu de ronflement; il

est revenu à lui de suite et s'est mis à courir dans la chambre.

Le deuxième accès est venu huit jours après. Ils sont allés en

se rapprochant depuis septembre 1881. - Maximum des accès

en 24 heures, 3. Le plus long intervalle entre deux accès a été

huit jours. Accès à peu près également diurnes et nocturnes.

Persistance des vertiges.

Jamais Alép... n'a prévenu de l'arrivée de ses crises. On a

remarqué qu'il devenait sombre aux approches de l'accès;

quelquefois il portait la main au creux de l'estomac et disait :

ça va me prendre. Parfois, eut euh ! euh ! Rigidité, secousses

cloniques qui sont survenues seulement, il y a six mois. Peu

de ronflement; pas d'écume; plusieurs fois urination invo-

lontaire et défécation. '

Après les accès il veut se sauver, il a la parole embarrassée,

on dirait qu'il va devenir paralysé. Pas de morsure de la

langue. -- Pas de folie consécutive. - Le caractère a toujours

été violent, il est resté le môme.

Depuis l'âge de trois ans, l'enfant est allé en classe et n'a

jamais rien appris; il connaît seulement ces lettres, La, be,

bi, etc. Quand il y avait un répit après des accès, il apprenait,

puis après les accès il oubliait. On l'a renvoyé de l'école depuis

le début de ses accès.

Pas de kleptomanie, ni de pyromanie. On pense qu'il se

touche un peu depuis longtemps même dès son retour de 1/0Ul'-

ricc.

Croûtes dans les cheveux ; glandes cervicales dont l'une ab-

cédée ; pas d'ophthalmies, pas d'otites ; pas d'engelures ni de

dartres. On ne croit pas qu'il ait eu la rougeole; il semblerait

86 DE l'épilepsie PROCURSIVE.

avoir eu la rubéole ? Coqueluche pendant six semaines. Enfin

il aurait eu de temps en temps des fièvres éphémères.

Ni succion, ni balancement. Digestion régulière, selle quo-

tidienne, pas de rumination ni de salacité.

Alép... est peu caressant, très turbulent; il paraissait très

intelligent jusqu'à trois ans.. On attribue la maladie aux ennuis

et aux chagrins de la grossesse. L'enfant dit qu'il a eu peur

d'un mouton.

DE l'épilepsie PROCURSIVE. 87

le coma à 5 heures du matin, et meurt à 10 heures du matin.

Traitement : Eau-de-vie allemande, sangsues. T. R. à

5 heures du matin, 38°, à 10 h. 1/2 38°,8.

Autopsie (7 juin 1883). Thorax. Coeur normal (130 gr.),

rien dans le péricarde. Poumons congestionnés vers le

bord, surnageant. (P. droit. z gr. ; p. gauche, 210 gr.)

Abdomen. - Foie normal (800 gr.), un peu de péri-hépatite

ancienne. Rien dans la vésicule. - Reins normaux (droit,

80 gr.; gauche, 70 gr.). - Rate (70 gr.). - Rien dans l'esto-

mac, l'intestin, la vessie.

Tête. ? Cuir chevelu assez épais. - Os du crâne de consis-

tance ordinaire. Base du crâne symétrique. - Liquide cé-

phalo-rachidien en quantité normale. -Encéphale volumineux

(H50 gr.). Les différents organes de la base du cerveau sont

symétriques (artères, nerfs, etc.), pourtant le tubercule mamil-

lairegaucheetlepédoncule cérébral du même côté sont un peu

plus petits. - Pie-mère congestionnée également dans toute

son étendue; adhérente par place à la substance cérébrale,

elle s'enlève assez difficilement quoique assez épaisse. Hémis-

phères cérébraux égaux, substance très molle. Cervelet et

isthme (Do gr.) ne présentent rien d'anormal. Hémisphères

cérébelleux égaux.

Hémisphère gauche, face convexe. - La- première circonvolu-

tion frontale sinueuse, double en avant, sans pli de passage,

s'insère de niveau sur la frontale ascendante; la deuxième

circonvolution frontale, très volumineuse, dédoublée à sa par-

tie moyenne où elle est très large, s'insère de niveau sur la

circonvolution frontale ascendante. La troisième circonvolu--

tion frontale sinueuse. possède une insertion de niveau; pas

de plis de passage, sillons assez profonds entourant les cir-

convolutions, sillons secondaires peu profonds. La frontale

ascendante, sinueuse, est assez large. Le sillon de Rolando est

profond. - La pariétale ascendante, plus épaisse que la

frontale ascendante, est volumineuse. - Le pli pariétal infé-

rieur est assez plissé. - Le pli pariétal supérieur est volumi-

neux comme dédoublé. Le pli courbe, irrégulier, assez si-

nueux, envoie un prolongement très gros à bipartie postérieure

du pli pariétal supérieur. - Le lobe occipital, assez plissé, est

très volumineux. Longueur de l'extrémité antérieure du lobe

frontal à la partie moyenne de la face postérieure de la pa-

riétale ascendante, 12 centimètres. Longueur de ce dernier

88 DE l'épilepsie procursive.

point à l'extrémité postérieure du lobe occipital, 11 centi-

mètres et demi '.

Le lobule de l'insula a 3 digitations doubles.

La première circonvolution temporale, très sinueuse, envoie

un prolongement très volumineux au pli pariétal inférieur au

pied de la scissure de Sylvius; elle a également en avant un

pli de passage la reliant à la deuxième circonvolution tempo-

1'ale, sinueuse à sa partie confondue, à la troisième par de

nombreux plis. ,

Face interne. - La première circonvolution frontale est vo-

lumineuse avec des sillons tout à fait superficiels se confon-

dant en arrière avec le lobe paracentral. Le sillon calloso-

marginal est peu profond. - Le lobule paracentral est séparé

du lobe quadrilatère par un sillon profond avec un sillon cen-

tral-oblique de bas en haut et d'arrière en avant. - Le lobe

quadrilatère, très long (7 centimètres à sa partie moyenne),

est plissé et possède des sillons superficiels. Le coin et le lobe

occipital sont composés de petites circonvolutions. La cil'con-

volution de l'hippocampe est lisse 2.

Hémisphère droit. - a). Face convexe. La première circon-

volution frontale est sinueuse, plissée, dédoublée incomplète-

ment en avant; insertion de niveau; pas de plis de passage. La

deuxième circonvolution frontale très volumineuse, mais surtout

dans les deux tiers postérieurs, envoie un pli de passageàla troi-

sième circonvolution frontale, s'insère par 2 insertions de ni-

veau. La troisième circonvolution frontale assez courte s'insère

aussi de niveau. - En avant sur le lobe frontal les sillons

sont peu profonds, ils le sont beaucoup en arrière. - La

circonvolution frontale assez sinueuse, assez volumineuse, est

séparée en haut presque complètement par un sillon trans-

versal situé entre l'insertion de la première frontale et l'inser-

tion supérieure de la deuxième frontale, Le sillon de Rolando

est assez peu profond. La circonvolution pariétale ascendante

est volumineuse avec des sillons transversaux, les uns super-

ficiels, l'un assez profond : on dirait des pavés irréguliers en-

tassés les uns sur les autres. Le sillon qui sépare la pariétale

1 Comme on le voit, les parties postérieures du cerveau étaient relati-

vement très développées.

= Au moment de ce dernier examen fait le 21 septembre 1881, les

masses centrales et la paroi ventriculaire sont très irrégulières, ce qui est

dû probablement au séjour dans une solution insuffisante.

DE l'épilepsie PROCURSIVE. 89

ascendante du pli pariétal inférieur est très profond. Le pli

pariétal supérieur est sinueux, envoie deux plis de passage à

la pariétale ascendante et un en arrière. Le sillon situé en

arrière du lobe paracentral est très accusé La scissure paral-

lèle est également très prononcée; elle se divise en deux par-

ties embrassant une circonvolution quadrangulaire qui envoie

un pli de passage vers le lobe occipital et en reçoit un du pli

pariétal inférieur. Le lobe occipital est assez plissé et volumi-

neux. Les digitations du lobule de l'insula sont assez mar-

quées. La première circonvolution temporale, volumineuse,

sinueuse, envoie deux prolongements dans le fond de la scis-

sure de Sylvius '. ,

b). Face interne. La première circonvolution frontale, très

volumineuse en partie dédoublée sur toute sa longueur par un

sillon assez superficiel, se confond en arrière avec le lobule

paracentral qui est très irrégulier, incomplètement séparé

du lobe quadrilatère, tandis qu'à droite la séparation est

très marquée. Le sillon calloso-marginal est peu profond. La

circonvolution du corps calleux, lisse, offre, en arrière du lobe

pariétal, le renflement normal qui fait défaut à gauche. Le

lobe quadrilatère, un peu irrégulier, mesure qualre centimètres

et demi. En arrière de lui existe un sillon assez profond dans

lequel existe une petite circonvolution qui semble plutôt se

rattacher au coin. - Le coin et le lobe occipital peu sinueux

sont assez développés. - Les masses centrales des deux côtés

n'offrent rien de particulier.

Cette observation que nous avons classée dans l'épi-

lepsie post-procursive aurait également pu trouver place

parmi les cas de vertiges procursifs . Il n'est pas dou-

teux en effet qu'ici, d'après les renseignements fournis

sur les vertiges, nous n'ayons eu affaire à de véri-

tables vertiges procursifs. Nous noterons encore leur

disparition totale pendant la dernière année de la vie

du malade.

' Les deuxième et troisième circonvolutions temporales, ainsi qne la

circonvolution de l'hippocampe, unt été en partie détruites par le défaut

de surveillance des pièces déposées à l'amphithéâtre.

90 DE l'épilepsie PROCURSIVE.

V. VERTIGES PROCURSIFS.

Nous avons déjà vu dans les observations précé-

dentes des malades présenter concurremment avec des

accès de type procursif divers des accidents procursifs

dont quelques-uns semblent se rapprocher des verti-

ges. La distinction entre l'accès procursif et le vertige

procursif est souvent fort difficile à établir. Il faut au

surplus se rappeler que la plupart des divisions sont pu-

rement artificielles, que si elles sont nécessaires pour la

compréhension et l'exposé des phénomènes observés,

il ne s'ensuit pas qu'on puisse y adapter chaque cas

particulier. Leurs frontières sont fort mal délimitées.

N'observe-t-on pas, du reste, fort souvent une gradua-

tion symptomatique entre les différents actes épilep-

tiques, de l'absence à l'accès le plus franc, d'où la

difficulté de classer certains phénomènes considérés

différemment selon les auteurs.

Nous avons dit que dans certains cas nous considé-

rions l'acte procursif comme constituant un accès in-

complet, mais il s'agit alors dé malades chez lesquels

on constate la transformation graduelle des accès pro-

cursifs en accès d'épilepsie ordinaire qui, plus tard,

persistent seuls. Il n'en est pas de même pour ceux où

l'accident procursif n'apparaît que longtemps après le

début de l'épilepsie et chez lesquels il paraît être un

accident isolé indépendant de l'accès. Tel est le cas du

malade qui fait l'objet de l'observation suivante :

Observation XXIV.- Père, múrt phthisique. Mère migrai-

neuse de l'âge de six ans à la ménopause. - Grand'mère

maternelle, migraineuse. - Une tante et trois oncles mater-

DE L'ÉPILEPSIE PItOCUIiSIVE. 91

nels migraineux. - Cinq frères morts jeunes de convulsions.

- En(ant adultérin.

Convulsions et dix mois. - Début à sept ans à la suite

d'une peur. - Diminution rapide des facultés intellec-

tuelles. - Vertige procursif isolé en 1886.

Niv... (Louis-Georges), né le 20 mai 1861, est entré à Bi-

cêtre le 15 mai 1877 (service de M. Bourneville).

Renseignements fournis par la mère. - Père naturel, plom-

bier zingueur, pas d'accidents saturnins, sobre, mort de

phthisie l'âge de quarante-deux ans. [Père et mère, soeurs

et frères bien portants. - Pas d'épileptiques, pas de suicides,

etc., dans la famille.]

Mère, soixante-deux ans, marchande des quatre saisons;

migraineuse dès l'âge de six ans ; les migraines ont disparu à la

ménopause; a eu une pleurésie et une pneumonie, mais est

actuellement bien portante. [Père, pas de détails. - Mère,

migraineuse, morte du choléra. - Une soew' et trois frères

migraineux, morts on ne sait de quoi. Pas d'épileptiques, etc.,

dans la famille.] - Pas de consanguinité.

Neuf enfants. - De son mari, une fille. - De son amant

les six premiers enfants sont morts jeunes à la suite de con-

vulsions ; un autre est mort également jeune d'une fracture de

la colonne vertébrale. Notre malade est né treize mois avant

le décès du père. Grossesse, bonne. - Accouchement, normal.

- Pas d'asphyxie à la naissance. - Bien venant, il a marché

et parlé de bonne heure. A dix mois, il eut des convulsions

sans cause connue et sans troubles physiques et intellectuels

consécutifs. Il était intelligent, allait à l'école où il apprenait

bien. A sept ans, un ivrogne l'a enlevé et porté sur sa tête, il

eut peur. Trois jours après, étant à table, il tape dans son

assiette avec les mains, puis la tête tombe dans l'assiette et il

a un accès. Les accès se répétèrent ensuite fréquemment, au

nombre parfois de neufàdix par jour; on nota de temps à autre

sans cri, des intervalles de trois à quatre jours, et une fois seu-

lement de trois ou quatre mois. Les accès avaient lieu avec ou

avec ou sans aura. Jamais on n'avait noté de course avant ou

après. Les facultés intellectuelles ont rapidement diminué. -

On avait essayé de lui apprendre le métier de bijoutiersurdeuil.

Description d'un accès (1882). Le malade était assis dans un

fauteuil, on entend un cri étouffé, on s'aperçoit qu'il a glissé à

côté du fauteuil, puis. par un autre mouvement brusque sous

le lit. Les membres inférieurs sont écartés, les membres su-

92 de l'épilepsie procursive.

périeurs allongés le long du thorax; il y a de la raideur des

deux côtés. On dégage les jambes de dessous le lit. A ce mo-

ment, la tête se met dans l'extension, la bouche s'ouvre, tout

le corps devient rigide. Cette période de rigidité ne dure que

quelques secondes, et, comme on le voit, elle a été précédée

d'une phase d'un genre particulier. Puis secousses tétani-

formes de la face et des membres.

Période clonique. - 1° La face se tourne à droite, le bras et

la jambe correspondant sont animés de convulsions cloniques

qui se répètent quatre ou cinq fois ; 2° la face se tourne à

gauche, et alors les membres du côté gauche sont pris de con-

vulsions cloniques à leur tour. Durant cette période, le visage

s'est congestionné; les yeux étaient convulsés en haut directe-

ment, d'abord à droite, puis enfin à gauche.

Période de stertor. - Décomposition de la face qui devient

d'une pâleur bleuâtre, livide, résolution complète, écume non

sanglante et abondante. Cette dernière période dure longtemps

et aboutit à un sommeil profond qui permet de prendre la

température du malade sans qu'il réagisse. T. R., 3îo 9 1/2.

Pas de miction involontaire. Au bout d'un quart d'heure

environ, il se réveille et, faisant allusion à son accès, il dit que

ce n'est pas vrai.

Ce malade est d'habitude violent, plusieurs fois, on a retrouvé

sur lui des effets appartenant il d'autres. L'an dernier, on a dû

le faire remonter parce qu'il avait souffleté sa soeur au parloir.

1885. 3 mars. - La mémoire est assez bien conservée; la

parole est libre. Le malade est sujet à des périodes d'excitalz*o ? ? ,

violente après les accès. Dynamomètre à droite : 3 ! ); à gauche :

46. - Traitement : capsules de bromure de camphre.

1886. Janvier. - La mémoire est médiocre; le malade est

dans un état de semi-démence. Dynamomètre à droite : 30; à

gauche : 40. - Le malade se roule pendant les accès.

1 C'juillet. Le traitement par les capsules de bromure de

camphre est supprimé.

1887. Janviers Description d'un vertige procursif. Le ma-

lade, se trouvant au chauffoir se met tout à coup à courir l'es-

pace de sept mètres, puis va se jeter sur le matelas où il se

roule, en se grattant en même temps la tète, pendant trente

secondes environ ; il se relève ensuite et se met à se promener

comme si rien ne lui était arrivé. Il ne se souvient pas de son

vertige. - On aurait noté, dans ces derniers temps, plusieurs

accès et vertiges précédés de course ou de marche.

94 DE l'épilepsie procursive.

DE PROCURSIVE. 93

notable amélioration survenue dans ces derniers mois

chez ce malade, amélioration qui s'est encore accent

tuée en 1877, mais ce n'est là que pure hypothèse.

Rappelons de plus que ce malade avait des accès

accompagnés de tournoiement.

VI. - Automatisme.

Nous avons cru intéressant de rapprocher de l'épilep-

sie procursive et des actes procursifs les phénomènes

automatiques que l'on observe si fréquemment chez cer-

tains épileptiques. Nous rejetons, du reste, toute as-

similation étiologique avec la procursion; l'automa-

tisme n'est, en effet, que la répétition inconsciente

d'actes simples accomplis quotidiennement' par le ma-

lade. Il se voit le plus souvent à la suite de vertiges

ou d'accès aigus; cette forme est la plus fréquente, et

beaucoup d'auteurs n'admettent même que l'auto-

matisme post-épileptique.

Nous citerons, dès l'abord, quelques cas d'auto-

matisme que nous avons eu l'occasion de relever chez

nos malades de Bicêtre.

I. - Automatisme simple. - L'automatisme simple

revêt souvent une importance considérable en méde-

cine légale; on comprend en effet à combien d'inter-

prétations peut donner lieu, par exemple, l'acte de se

' Disons toutefois que certains épileptiques peuvent exécuter des actes

n'ayant aucun rapport avec leurs habitudes; tel est le cas de la malade

de Herpin qui paraissait imiter un joueur de guitare, quoique n'ayant

jamais terni cet instrument.

96 de l'épilepsie PROCURSIVE.

déshabiller accompli par un épileptique selon le lieu

où il se passe, et les circonstances qui t'accofn-

pagnent. Herpin, Gowers, etc., en citent de nombreux

exemples. Herpin' rapporte qu'une cantatrice se mit

tout à coup à se déshabiller dans son cabinet; Gowers',

cite un professeur de musique qui, en donnant une

leçon à une demoiselle, eut un accident épileptique si

léger que son élève ne s'en aperçut pas et qui, aussitôt

après, commença à se déshabiller. Il dut abandonner

sa profession. On attribua cet acte à toute autre cause

que la maladie. Une interprétation tout aussi erronée

peut résulter d'actes accomplis par des épileptiques

s'appropriant des objets ne leur appartenant pas, ou

s'introduisant inconsciemment dans des propriétés pri-

vées. L'automatisme ambulatoire, du reste très fré-

tuent, s'observe non seulement à la suite de vertiges

et d'accès, mais constitue encore une des formes les

plus communes de l'épilepsie larvée.

Observation XXV. - Grand'mère paternelle morte d'apo-

plexie. - Grand-père maternel alcoolique. - Premier accès

ci onze ans précédé de vomissements alimentaires et bilieux

comme les suivants. - Pas d'aura. - Etourdissements. -

Accès de colère. - Tentative de suicide. - Hypospadias.

Etat de mal (novembre 1884). - Automatisme. - Mort en

état de mal (1 86). J.

Autopsie. - Atrophie et aspect chagriné de différentes

. circonvolutions. - Atrophie cérébelleuse. - Anomalies des

circonvolutions et des scissures cérébrales.

Gr... (Martial-Auguste), né le 21 mai 1867, est entré le

30 novembre 1884 à Bicêtre (service de M. Bourneville) et y

est décédé le 12 mars '1886.

' Herpin. - Des accès incomplets d'épilepsie. Paris, l8fiî, p. '13 ?

- Gowers. De l'épilepsie, Ira". Carrier. Paris, '1883, p. 585.

DE (.lil'If,CP.1G PROCUI251VG. 97

Renseignements fournis par sa mère (8 novembre z1884). --

Père, tailleur, assez grand, très sobre, calme, mort à cinquante

ans, il y a un mois, probablement d'une tumeur du bassin.

[Père, mort des suites d'un refroidissement ( ? ) en trois jours ;

tisserand, sobre. - Mère, morte à soixante-douze ans, d'une

attaque d'apoplexie. - Pas de détails sur les grands-parents.

- Pas d'aliénés, pas d'épileptiques, d'idiots, de difformes, de

suicidés, ni de criminels dans la famille.]

Mère, quarante-quatre ans, couturière, brune, de taille

plutôt petite, impressionnable, assez colère, assez intelligente.

[Père, mort en 1871, de la varioloïde, menuisier. Excès de

boisson. - Mère, bien portante, soixante-six ans, sobre. -

Grand-père et Grand'mère paternels pas de détails. - Grand-

père maternel, mort d'une tumeur abdominale à soixante-cinq

ans, sobre. - GI'and'mèl'e maternelle, morte de vieillesse il

quatre-vingt-sept ans. - Pas d'aliénés, etc., dans la famille.]

Deux enfants etune fausse couche : 1° notre malade ; 20 fausse

couche à deux mois et demi ; 3° garçon, cinq ans, intelligent,

n'a pas eu de convulsions.

Notre malade. A la conception qui a eu lieu peu de jours

après le mariage, elle était bien portante ainsi que son mari;

ni émotions, ni discussions. - Grossesse bonne, pas de trau-

matisme, pas de peurs, pas d'alccolisme. - Accouchement à

terme, naturel. A la naissance, pas d'asphyxie, bel enfant,

fort. - Elevé au sein par une cousine. - A deux ans et demi

lorsque sa mère l'a repris, il avait toutes ses dents. De bonne

heure, il marchait, parlait bien, était intelligent. - Sa santé

a été bonne jusqu'à onze ans; jamais de convulsions.

A onze ans, la nuit, indigestion ( ? ) à la suite de laquelle il

s'est mis à crier, il se détendre, a les nerfs étaient roides ( ? ) ;

c'était un accès comme ceux qu'il a, mais moins forts ». A

dater de cette époque, il a eu des étourdissements qui reve-

naient toutes les deux semaines, tous les mois et de plus

des accès.

Le second accès est venu un mois après le premier. Durant

les six premiers mois, il a eu un accès mensuel et chaque fois

l'accès était précédé de vomissements alimentaires et bilieux.

De onze ans et demi à douze ans, il n'aurait eu qu'un accès

de deux en deux mois ; il suivait alors le catéchisme pour sa

première communion, ce qui fait que sa mère attribue cette

diminution des accès à une « permission de Dieu » . Durant cette

BOUU : OEVILLE, 1887. 7

98 de l'épilepsie procursive.

année, l'intelligence n'avait pas diminué, il apprenait assez

bien ; allait à l'école. Jamais d'aura. De douze à treize ans,

situation passable, point d'aggravation. - A quatorze ans, on

a cessé de l'envoyer à l'école. Il tombait environ trois fois par

mois. A quinze ans et demi, il est allé en Prusse (en pleine

campagne, dans la famille de sa mère). Il y est resté deux mois;

il a eu peur, il aurait eu beaucoup d'accès; on l'a ramené

parce qu'il s'ennuyait. - Les accès ont alors augmenté pro-

gressivement et depuis le mois de mai 1884 ils sont de plus

en plus fréquents. En 1883, il avait un accès par semaine.

Depuis mai 1884, il a eu en outreplusieurs séries. Le maximum

des accès, cette année, en vingt-quatre heures, a été de sept

et le plus long intervalle a été de trois jours. - Accès diurnes

et surtout nocturnes.- Depuis deux ans, les étourdissements

qui ont débuté, ainsi que nous l'avons vu, aussitôt après les

accès, sont devenus plus nombreux; ils ont encore augmenté

depuis mai 1884.

On a noté en outre depuis un an des accès de colère contre

sa mère qu'il prenait par les cheveux, contre son petit frère

(cinq ans), contre les objets qu'il cassait. Un jour, une dame

voyant qu'il se révoltait contre sa mère, l'a souffleté ; alors,

de rage, il a pris un couteau et s'en est donné un coup dans

la région précordiale (hémorrhagie assez abondante). Ceci se

passait à la fin de septembre.

L'intelligence a diminué progressivement depuis deux ans.

Pas de folie avant les accès; parfois il avait la manie de s'en

aller; c'est ainsi qu'il a été arrêté à Vincennes, puis rue de

Varennes. Pas de violences après les accès, pas d'halluci-

nations. - Sommeil bon, il s'endormait souvent après les

accès. Pas de cauchemars ; pas de secousses, pas de fièvre,

pas de peurs.

Il a eu beaucoup de vers étant jeune. Pas d'onanisme. Pas

de traumatisme. Un ne sait à quoi attribuer sa maladie. Trai-

tement : Bromure de potassium ; iodure de fer, etc. - Il n'a

pas eu la rougeole ni la scarlatine ; pas de varioloïde. Coque-

luche à sept ans.

Etal actuel {décembre z1884.). - Tète un pou écrasée dans

son ensemble. - Crâne régulier; prédominance des parties

occipitales; bosse occipitale cependant peu saillante; bosses

pariétales également. Front bas, étroit. La bosse frontale

droite est peut-être un peu plus saillante que la gauche.

DE L'ÉPILEPSIE PROCURSIVE. 99

100 DE l'épilepsie PROCURSIVE.

orifices dont nous venons de parler est de H millim., l'orifice

anormal occupe les deux tiers supérieurs du pénis.

Etat mental. - Affectueux, il dit quelquefois au garçon : « Je

vous aime », et cherche parfois àl'embrasser; dit : « Je voudrais

bien voir ma mère. » Caractère très doux, très obéissant. Il sait

le nom des objets usuels. Les premiers jours de son séjour ici, il

voulait écrire à Jeanne d'Arc. On lui a présenté un tableau noir,

et il n'a tracé que des lignes informes. - Après les accès, ou

les vertiges, qui sont plus fréquents, il reste hébété pendant

environ un quart d'heure. Ce matin encore quoique très fatigué,

il s'intéressait à ce qui passait autour de lui ; il a dit distincte-

ment : « J'ai soif.» La parole est assez correcte, mais d'une façon

particulière; il ouvre de grands yeux ou plisse le front; quand

il va parler, il semble faire un effort pour ressaisir la notion

dont il va faire usage. Il a tout à fait l'air d'un dément.

Quand il demande quelque chose, par exemple à manger, il

est très tenace, et réitère plusieurs fois sa demande. Il ne

refuse jamais de faire ce qu'on lui ordonne.

Mo lili té. - Avant ses séries d'accès, le malade marchait, en

chancelant un peu, se servait bien de ses bras, mangeait pro-

prement avec la cuiller et la fourchette. Sensibilité générale

et spéciale normales.

Nutrition. - Il redemande très souvent à manger, ne mange

cependant pas gloutonnement. - Mastication normale; il

gâte la nuit seulement.

Description des accès. - Cri étranglé, se produisant parfois

à la fin de la période tonique. - Chute tantôt en arrière, tantôt

en avant. - Rigidité générale, égale. - Quelques secousses

cloniques. - Stertor, un peu d'écume. Parfois, il se mord les

lèvres et la langue ; il urine sous lui toutes les fois qu'il a de

forts accès. Sommeil consécutif. Actes automatiques : il bou-

tonne et déboutonne ses habits.

Description des vertiges. - Quelquefois cri étranglé, et c'est

fini ; il a un brouillard devant les yeux, clignotement des pau-

pières ; durée : quelques secondes. On n'a remarqué ni pâleur,

ni chute; il lâche les objets.

18884. si novembre. - Soir : T. R. z. - 6 nov. - Dans

la nuit, le malade a eu vingt-deux accès ; dans la journée, il en

a eu trois, et de 7 à 8 heures du soir, douze. On lui a appliqué,

dès le début, six sangsues aux apophyses mastoïdes, des sina-

pismes aux cuisses ; dans la journée, il a pris 30 grammes d'eau-

. DE L'ÉPILEPSIE PROCURSIVE. 101

de-vie allemande. Le soir, le pouls étant vibrant et rapide, on

a pratiqué une saignée de 300 grammes. - Le malade a eu

trois accès pendant les préparatifs de la saignée.

T. R. Matin : 39°,2. Soir : 390.-(9 heures du soir), 38°,9,

de suite après la saignée.- Minuit : T. R. 39 ? 3.

7.-De 9 à 10 heures du soir : douze accès ; trois de minuit à

une heure; cinq de 3 à 6 heures. Matin : T. R. 40°,8 ; - Soir :

38°,6. - Pas de nouveaux accès.

La sensibilité cutanée avait disparu, le réflexe tendineux

rotulien était conservé sauf de suite après les accès. Aujour-

d'hui, le malade est agité, prononce des paroles incohérentes,

cherche à se lever. Le pouls est moins fort, plus rapide. La

sensibilité cutanée est revenue. - Pupilles étroites, égales,

sensibles. Traitement : lotions vinaigrées, eau-de-vie alle-

mande, sinapismes, sulfate de quinine.

Fig. 1.

102 DE L'ÉPILEPSIE PROCURSIVE. z

8. - Pas d'accès. - T. R. 38°,S; - Soir : 380,6. '

9. T. R. 38 ? 3. - Soir : 380.

10. T. R. 38",2. Soir : 38°.

'11. - T. R. 38°,2. - Snir : 3ï°,8.

z13. - T.R. 37",8. Soir : 37°,6. (Fig. 1.)

13. - T. R. 38°, ? . - Soir : 38°. -Le malade a eu quelques

vertiges, mais pas d'accès; - il a bon appétit; la soif est tou-

jours vive.

14. - T. R. 3ï°,8. -Soir : 31°,G. - Gr... s'est levé aujour-

d'hui.

la au 19. - La température normale s'abaisse progressive-

ment jusqu'à 36,8. - Le 17 et jours suivants, le malade a

demandé à aller à l'école, ou chez ses parents, le tout en

pleurant. - 6 6 Décembre : Série d'accès (7 de jour et de nuit).

1885. - Pendant le cours de l'année, la déchéance intellec-

tuelle s'est accentuée ainsi que le montrent les notes de l'école

et son écriture. La parole est un peu traînante ; tremblement

de la pointe de la langue. En décembre, on constate un léger

tremblement de la langue et des lèvres, de l'embarras de la

parole. - La mémoire est nulle. La miction est involontaire

depuis trois mois; parfois défécation également involontaire.

Cyanose très prononcée des mains. Il a été soumis au traite-

ment par l'élixi¡' polyúl'01nlU'ú.

1886. 9 mars. - Le matin, quand on l'apporte à l'infirme-

rie, il avait eu 3 accès et était sans connaissance. Il a eu son

premier accès à l'infirmerie à 10 heures; à partir de là, les

accès sont survenus à un quart d'heure d'intervalle, sans re-

tour de la connaissance.

11 h. 50. - Le malade est dans le décubitus dorsal, dans le

coma avec stertor, la face est un peu rouge, les pupilles sont

dilatées. Le pouls est très rapide, incomptable. Les mouvements

respiratoires sont rapides, mais réguliers.

1° accès. - Subitement le malade tourne la tête vers la

droite, les yeux sont fortement portés de ce côté, puis il reporte

la tête à gauche; la face rougit, la contracture devient générale;

le cou est en extension ; le tronc raidi se dresse à moitié; les

membres supérieurs sont contractures dans la flexion; le pouce

est dans la main, les doigts fléchis; les membres supérieurs

sont en extension forcée. Tout le corps est ensuite agité de

mouvements rapides. Le membre inférieur gauche se relève il

une distance de 20 ou 50 centimètres du plan du lit; la jambe

droite reste horizontale. La tète se reporte à gauche. Les con-

DE L'ÉPILEPSIE PROCURSIVE. 103

vulsions continuent. La face devient cyanosée. La contracture

est plus marquée à droite : une écume peu abondante, mais

épaisse, non sanguinolente, vient sur les lèvres. Durée de l'ac-

cès, 2 minutes. Après l'accès, coma et stertor. L'infirmier

raconte qu'au début du 9° accès le malade a poussé un cri. Ce

cri ne s'est pas renouvelé jusqu'à présent. T. R. 39°.

16° accès. - En tout semblable au précédent. Pas de cri

initial, mais un bruit étouffé. Au début de l'accès, la tête et les

yeux sont fortement portés à gauche, puis à droite; la mâ-

choire inférieure en abaissement forcé, avec un mouvement

latéral qui la porte fortement à gauche, puis à droite... Durée :

une minute. Le malade a uriné sous lui. T. R. immédiatement

après l'accès, 39,5.

6e accès. - Rien de nouveau. Durée moindre (40 secondes).

T. prise sous l'aisselle pendant l'accès : u0°,4. Pouls, après

Fig. 2. - 0, '1'. une demi-heure après la mort; H,'l'. une heure après.

104 -il DE l'épilepsie PROCURS1VE.

l'accès, petit, incomptable. Sueurs abondantes. - Traitement :

lotions vinaigrées, sinapismes, sangsues à l'anus.

44° accès. - Période tonique très écourtée. Rien de particu-

lier, sauf une cyanose localisée, dès le début de l'accès, à la

main et au poignet droits. Les sangsues n'ont pas pris à l'anus;

on en mettra cinq à chaque apophyse mastoïde.

10 mars. - Gr... n'a eu que deux accès la nuit dernière ; il

reconnaît un peu ce matin l'infirmière. T. R. 38°, 8. P. fréquent,

faible, dépressible, face vultueuse ; respiration courte et gênée,

avec ronchus s'étendant à distance. Il y a eu en tout 47 accès.

Traitement : 60 ventouses ; Jul. acétate d'ammoniaque ; quin-

quina, etc. - Soir : T. R. 40°.

11. T. R. 39 ? Soir : T. R. 39°,6.

Depuis le 9 mars ni accès, ni secousses. Après les ventouses

les symptômes d'asphyxie ont momentanément diminué, puis

ilsont reparu plus intenses. L'affaiblissement fait des progrès.

12. - T. Il. 41 ? r matin et soir. Symptômes de conges-

tion méningitiquc. Le malade meurt à 7 h. 45 du matin. T. ft.

immédiatement après la mort : 4'lo, ; une demi-heure

après : 41°; - une heure après : 39 ? 3. (Fig. 2).

DE l'épilepsie PROCURSIVE. 105

ion de l'épilepsie procursive.

plète, prenant son origine dans la scissure de Sylvius et se ter-

minant à 2 millim. de la scissure interhémisphérique. -La

première circonvolution frontale très sinueuse, fortement dé-

coupée dans tous les sens et bien développée, envoie deux plis

de passage à la seconde circonvolution frontale qui interrom-

pont il continuité de la première scissure frontale qui est si-

nueuse et profonde. - La deuxième circonvolution frontale est

également bien développée, très découpée; à sa partie médiane

se trouve un sillon profond allant de la première scissure fron-

tale au sommet de la partie triangulaire de la troisième circon-

volution frontale, ce sillon est bordé au niveau de la deuxième

scissure frontale de deux plis de passage à niveau qui inter-

rompent la continuité de la deuxième scissure en reliant les

parties antérieure et postérieure du cap à la seconde circon-

volution frontale. La troisième circonvolution frontale paraît

assez bien dévc)oppée.La circonvolution frontale ascendante,

sinueuse, est bien conformée. - La circonvolution pariétale

ascendante, également sinueuse, est un peu grêle.

Lobe pariétal. Les lobules pariétaux supérieur et inférieur

ne présentent pas d'autres particularités que celles résultant

du trajet de la scissure interpariétale ci-dessus décrite. - Le

pli courbe est volumineux et relié la deuxième circonvolution

temporale par un pli de passage à niveau. Le lobe occipital

n'offre pas d'anomalies, mais ses circonvolutions sont un peu

maigres.

Lobe temporal. - La première (¡¡'convolution temporale peu

développée possède des circonvolutions temporales transverses

très peu développées. La scissure parallèle, interrompue vers le

milieu de son parcours par un pli de passage profond, envoie

en avant de celle-ci un sillon profond qui divise entièrement

la première circonvolution temporale; de ce même point part

obliquement une autre incisure moins profonde qui se ter-

mine à l'incisure préoccipitale, après avoir divisé la seconde

circonvolution temporale qui est bien développée. La deuxième

scissure temporale est très irrégulière et tronçonnée. - On ne

saurait distinguer de troisième circonvolution temporale, qui, ici

se trouverait confondue avec la seconde.

Face interne. Lobe temporo-occipital. - La première scis-

sure lempor9-0CCI]JÏtale est irrégulière, divisée en tronçons

dont l'un envoie un sillon à la deuxième scissure Lerrapornocci-

pitale à travers la première circonvolution temporo-occipilale

DE l'épilepsie PROCURSIVE, 107

qui, quoique bien développée est par suite très irrégulière et

mal délimitée du lobe temporal. Toutes les parties situées à

l'entour de l'incisure préoccipitale, mais surtout en arrière,

soit sur la face convexe, soit sur la face interne, soit un peu en

retrait et chagrinées. - La deuxième scissure et la deuxième

circonvolution lempú1"o-occipitales paraissent assez bien con-

formées, toutefois la partie médiane de la circonvolution est

légèrement en retrait et chagrinée. La circonvolution fron-

tale interne est bien développée, très sillonnée. Le lobule para-

central est très développé, bien isolé des circonvolutions envi-

ronnantes ; il présente un sillon médian transversal. - La

scissure calloso-marginale est sinueuse et va se perdre sur la

face convexe à deux centimètres en avant de la scissure inter-

hémisphérique. La circonvolution du corps calleux ne pré-

sente rien de particulier, mais à sa partie la plus postérieure

au niveau du bourrelet du corps calleux, elle est un peu en

retrait. - Le lobule quadrilatère, moins bien développé, est

divisé par un sillon vertical, aboutissant à la scissure sous-

pariétale, il n'existe qu'un pli de passage pariéto-limbique

postérieur. - Le coin, la scissure perpendiculaire interne,

la fissure calcarine ne présentent aucune anomalie. - Le

corps calleux, le corps strié, la couche optique paraissent nor-

maux. Il en est de môme du lobule de l'insula.

Hémisphère droit. - La scissure du Sylvius se termine dans

le pli pariétal inférieur où elle atteint presque la scissure in-

terpariétale ; à l'endroit où elle pénètre dans le pli pariétal in-

férieur, on trouve un petit pli de passage un peu en retrait qui

isole sa partie pariétale; il existe deux rameaux antérieurs as-

cendants, l'un situé entre l'opercule et la circonvolution fron-

tale ascendante va se jeter dans le sillon précentral inférieur,

l'autre situé entre l'opercule et la partie triangulaire de

la troisième circonvolution va se perdre dans la deuxième

scissure frontale. - Le sillon de Rolando, très profond, a la

forme d'un S. -- La scissure perpendiculaire externe n'atteint

pas la scissure interpariétale dont elle est séparée parmi pli de

passage il niveau allant du pli pariétal supérieur au lobe occi-

pital. - La scissure interpariétale est très irrégulière, forme

en arrière de la circonvolution pariétale ascendante une scis-

sure parallèle presque complète, mais peu profonde à sa. par-

tie inférieure; elle envoie un peu au-dessus de son coude uu

sillon horizontal profond qui divise presque entièrement la

108 DE l'épilepsie PROCURSIVE.

pariétale ascendante en deux parties, une supérieure, et une

inférieure; à un centimètre en arrière de son coude, son trajet

est interrompu par un pli de passage à niveau allant de la

partie postérieure du pli pariétal supérieur au pli courbe; plus

loin la scissure interpariétale va se terminer dans le premier

sillon occipital. Le lobule01'bitalÎ'e est bien développé, normal.

Face convexe. Lobe frontal. - En avant de la circonvolution

frontale ascendante, on trouve une scissure parallèle qui n'est

interrompue que par un pli de passage un peu en retrait, allant de

la deuxième circonvolution frontale à la frontale ascendante.

- La première circonvolution frontale qui est bien développée,

très sillonnée, envoie à son tiers antérieur un pli de passage

à niveau, grêle, à la deuxième circonvolution frontale qui est

bien développée, maistrèsirré,'ulière; celle-ci est très sillonnée;

à son tiers antérieur, elle est divisée par un sillon profond qui

longe la face antérieure du pli de passage ci-dessus et fait

communiquer entre elles la première et la deuxième circonvo-

lution frontale ; à un centimètre et demi environ plus en ar-

rière on trouve un autre sillon profond qui, après cire descendu

d'abord verticalement dans la deuxième frontale, marche en-

suite parallèlement à elle vers son milieu et va se jeter dans la

scissure parallèle frontale, en formant ainsi un dédoublement

de la partie postérieure de la deuxième circonvolution fron-

tale. - Un pli de passage légèrement en retrait, allant de la

partie supérieure de l'opercule à la deuxième frontale, inter-

rompt la continuité de la deuxième scissure frontale à sa partie

la plus postérieure. - La troisième circonvolution frontale est

bien développée, mais irrégulière; on y trouve encore à sa partie

la plus antérieure un pli de passage se rendant à la deuxième

circonvolution frontale. - La circonvolution frontale ascen-

dante, sinueuse, est déprimée à son centre qui est très grêle et

surplombé par la circonvolution pariétale ascendante bien

développée à sa moitié inférieure, mais plus grêle que de cou-

tume à sa moitié supérieure.

Lobe pariétal. - Le pli pariétal supérieur, bien développé

dans ses deux tiers antérieurs, est maigre dans son tiers posté-

rieur isolé du reste du lobule par un rameau ascendant de la

scissure interpariétale, rameau qui, après avoir contourné la

scissure interhémisphérique, se termine sur la face interne. -

Le lobule pariétal inférieur, bien développé, est isolé du pli

courbe, également bien développé, par un sillon descendant se

DE l'épilepsie PROCURSIVE. <09

rendant de la scissure interpariétale, à la scissure parallèle. -

La presque totalité du lobule pariétal inférieur, surtout dans

sa partie postéro-inférieure, est chagrinée; il en est de même

du pli courbe, mais à un degré moins prononcé.

Le lobe occipital est assez volumineux ; mais ses deuxième

et troisième circonvolutions sont un peu chagrinées.

Lobe temporal. - La première circonvolution temporale est

bien développée, présente des circonvolutions temporales

transverses semblables à celles de gauche. La scissure paral-

lèle, très profonde, se divise à son extrémité postérieure en

deux rameaux, l'un antérieur qui se perd dans le pli pariétal

inférieur, l'autre postérieur qui, après avoir pénétré dans la

portion postérieure de la seconde circonvolution temporale, est

coiffé par le pli courbe.-La deuxième circonvolution temporale

est bien développée et chagrinée dans sa moitié postérieure.

- La deuxième scissure temporale est irrégulière, tronçonnée,

mais on peut à la rigueur, surtout postérieurement, distinguer

une troisième circonvolution temporale également un peu cha-

grinée et légèrement en retrait vers l'incisure préoccipitale.

Face interne. Lobe temporo-occipilal. - La première scis-

sure tcmporo-occipitale est assez profonde, sinueuse. La pre-

mière et la deuxième circonvolutions temporo-occipitales sont

bien développées. - La deuxième scissure temporo-occipitale

est profonde.

La circonvolution frontale interne, bien conformée, est très

sillonnée. - Le lobule paracentral, bien développé, a la forme

d'une bourse dont l'ouverture siégerait au niveau de la scis-

sure calloso-marginale qui est normale ; un pli de passage à

niveau, maigre, relie la partie inféro-antérieure du lobule

paracentral à la circonvolution frontale interne. - Le lobe

quadrilatère est petit, maigre, possède un petit pli pariéto-

limbique postérieur. - Le coin, la scissure perpendiculaire

interne, la fissure calcarine ne présentent pas d'anomalies. -

Le corps calleux, le corps strié, la couche optique n'offrent

rien de particulier. - Il en est de même du lobule de l'insula.

Le malade Gr. a présenté des actes automatiques ne

se dill·érenciant guère de ceux qu'on observe ordinai-

rement chez les épileptiques; mais l'on a noté, en

110 - DE" l'épilepsie PROCURSIVE.

outre, des phénomènes rotatuires qui se rencontrent

également assez souvent chez certains épileptiques',

soit d'une façon à peu près constante, soit à de rares

intervalles et sur la nature desquels il est encore dif-

ficile de se prononcer. Les lésions portent surtout sur

l'hémisphère cérébral droit dont certaines circonvolu-

tions des lobes pariétaux et temporal offrent un cer-

tain degré d'atrophie et un aspect chagriné.

L'hémisphère cérébelleux gauche était atrophié et

pesait 15 grammes de moins que le droit. Les phéno-

mènes rotatoires présentés par le malade auraient été

sous la dépendance de cette lésion; mais nous ne sau-

rions lui attribuer de même les actes automatiques

simples que nous avons signalés; ajoutons toutefois,

qu'avant son entrée à Bicêtre, Gr... avait la manie de

s'en aller, qu'il a été retrouvé dans différents endroits

de Paris, mais nous ignorons s'il était procursif.

Les circonvolutions et les scissures cérébrales étaient

très anormales; à gauche la scissure perpendiculaire

externe, en se prolongeant jusqu'à l'incisure préocci-

pitale, isolait, comme chez le singe, les lobes pariétaux

et temporal du lobe occipital.

Bien que cela nous écarte un peu de notre sujet, il

est un point de l'histoire de ce malade que nous ne

pouvons laisser passer sans attirer sur lui l'attention

de nos lecteurs : il s'agit des deux états de mal qu'il

a eus en 1884 et en 1886. Dans les deux cas, la tena-

pérature centrale a suivi la marche régulière signalée

souvent par l'un de nous (tîg. 21 et 22). Le premier tracé

4 « One of my patients ahvays liopped round thc room before lie

fell in a fit. » (Gowers, On Epilepsy, p. 121.)

de l'épilepsie procursive 111

montre la marche de la température dans un état de

mal qui se termine par la guérison; le second nous

donne la marche de la température dans un cas d'état

de mal aboutissant à la mort, avec les deux sommets

classiques, l'un correspondant à la fin de la période

convulsive, l'autre correspondant à la période ménin-

gotique terminale.

Observation XXVI. Mère, nerveuse. - Grand'mère maternelle,

attaques de nerfs, somnambulisme, migraines.

Conception par viol. - Grande différence d'âge entre les père

et mère. - Premières convulsions ci six mois. - De quinze mois ci

quatre ans, vertiges. - Premier accès à sept anus. - .Débilité

mentale. - Idées mélancoliques après les accès. Excitation

maniaque. - Onanisme. - Hydrothérapie et bromure de so-

dium. - Kyste hydatique du foie : Ponction ; guérison.

Led... (Charles), né le 13 murs 1863, estentréle 4 mai à Bicêtre

(service de M. Bourneville;.

Led.. n'a que des accès de nuit ; après l'accès, il cherche ci faire

son lit, parcourt la salle, puis va se coucher dans le premier lit venu.

Observation XXVII. - Pas d'antécédents héréditaires. Incon-

tinence nocturne intermittente d'urine. - Epilepsie, attribuée ci

des coups qu'il aurait reçus d'une employée de son père.

Jarr..., né le 20 mars 1876. Ce malade' a des vertiges diurnes

accompagnés de marche. - Après les accès nocturnes il se lève

parfois, va embrasser son père inconsciemment et se recouche.

Observation XXVIII. - Père mort d'un cancer de la langue.

Cousine germaine du côté maternel, hystérique. - Deux frères

morts de méningite. - Asphyxie à la naissance - Marche et

parole ci quatre ans. - Convulsions à treize mois. - Incontinence

nocturne d'urine jusqu'à seize ans. - Onanisme des l'enfance.

Intelligence peu développée. - Sodomie. - Inversion du sens

, génital. - Début de l'épilepsie non précisé. - Parfois aura. -

. Hallucinations après l'accès. - Hernie inguinale gauche.

Gib... (ArLhur-philiberL), né le 22 décembre d850, est entré le

2 septembre 1885, à Bicêtre (service de M. Bourneville). '

' C'est là une des causes les plus fréquentes des maladies de l'encé-

phale qui produisent l'idiotie, et sur laquelle nous avons souvent appelé

l'attention (B.). .

11 ? DE l'épilepsie PROCURSIVE.

Ce malade accomplit des actes automatiques après ses accès..

Avant de tomber, il fait trois ou quatre pas en tournant. Après

l'accès, pendant vingt minutes environ, il cherche sous les tables,

les armoires, de prétendus rats et des souris.

Observation XXIX. - Père douteux. - Mère débauchée. - Début

des accès à quatre ans. - Chute dans la Seine. -- Roulement,

automatisme. - Etourdissements précédant les accès. - Ona-

nisme. - Kleptomanie, gloutonnerie, herbivore. - Clastomanie,

fugues. - Ingestion exagérée de boudin; retour des aliments, in-

troduction dans les voies respiratoires. -11101't.

Autopsie : Oesophage, larynx, bronches remplis de boudin; esto-

mac plein; thymus persistant. - Atrophie des lobes occipitaux. -

Hémisphère droit 20 gr. de moins que le gauche.

Fauc... (Léon), né le 44 juillet 1870; est entré le 17 juillet 1885

à Bicêtre (service de M. Bourneville) et y est décédé le 2 dé-

cembre f 883. - Ce malade se déchire, se déboutonne, retire son

pantalon, le laisse tomber, prend sa verge, se touche et souvent

s'endort.

Observation XXX. - Grand'mère paternelle, névralgies. - Tendance

aux congestions dans la famille paternelle. - Oncle paternel,

mort de convulsions. - Tante paternelle, attaques de nerfs et

insuffisance intellectuelle. - Grand'mère maternelle et deux

oncles maternels, suicide. - Trois morts subites dans la famille

maternelle. - Un frère, une soeur, une cousine germaine, morts

de convulsions. '

Premières convulsions à six semaines portant exclusivement

sur le côté droit et prédominant au bras. - Vertiges (deux ans

et demi à six ans). - Premiers accès ti six ans. - Onanisme. -

Hémiplégie droite. - Imbécillité. - blicrocéphalic.

Lacro... (Henri), né le 5 avril 1866, est entré le 14 juillet 1882,

à Bicêtre (service de M. Bourneville).

Après les accès, Lacro... déchire régulièrement ses draps et ses

effets.

Observation XXXI. - Epilepsie. - Légère déchéance intellectuelle.

Automatisme.

Jaco... (Adolphe-Henri), né le 8 janvier 1864, est entré, le

31 mai 1877, à Bicêtre (service de M. Bourneville).

Jaco..., à la suite de ses accès, se déshabille complètement,

cherche à se coucher dans le lit de camp, comme si c'était un véri-

table lit.

DE l'épilepsie PROCURSIVE. 11

OBSERVATION la\Il. -Père, mort phtlcisique. - Un frère, mort de

convulsions.- Un autre : hémiplégie gauche non infantile.- Peur

pendant la grossesse. - Accouchement huit jours après. - Con-

vulsions de six semaines ci trois ans. - Puis accès convulsifs. -

Aura médiate. - Soubresauts. - Pyromanie. - Excitation ma-

niaque. - Violences. - Tléinori-hoides. - Diminution des facul-

tés intellectuelles. - Hydrothérapie.

Pla... (François-Dominique), né le 2 janvier 189, est entré le

15 janvier 4815 à Bicêtre (service de M. Bourneville).

Aussitôt l'accès terminé, P1... saisit les colonnes de la salle du

chaulfoir, cherche à les ébranler; il prend ensuite les matelas du

lit de camp, simule l'acte de faire un lit.

Avant son entrée à Bicêtre, on avait constaté qu'après les accès,

PI... cherchait à sortir, il fallait le maintenir, le surveiller.

Observation XXXIII. - Père mort phthisique. - Un oncle paternel

phthisique. - Un autre épileptique. - Mère migraineuse.

Grand'mère maternelle hystérique. - Une tante maternelle

phthisique. - Soeur, morte de convulsions. - Gémellarité.

Premières convulsions ci treize mois. - Début des accès à vingt-

deux ans. - Diminution des facultés intellectuelles. - Ona-

nisme. - Automatisme.

Louq... (Paul-Denis), né le 29 novembre 1850, est entré le

2G novembre 1881 à Bicêtre (service de M. BOURNEVILLE),

Ce malade cherche après l'accès, pendant dix minutes, à ouvrir

toutes les portes avec n'importe quel objet qui lui tombe sous la

main. Il cherche souvent aussi à se déshabiller.

Etant encore chez sa mère,. Louq... accomplissait des actes

automatiques : il voulait s'en aller : « Oh ! ça y est, disait-il, je veux

aller travailler. » Il se déboutonnait, cherchait dans ses poches,

commençait à se déshabiller. Quelques jours avant son entrée à

Bicêtre, il se serait, après un vertige, déshabillé dans la rue Cardi-

nal-Lemoine ; il accrochait ses habits. On l'a reconduit chez lui

(rue Hollin) et on l'a couché sans qu'il s'en doutât. Au bout de

quelques minutes, il revint à lui.

Observation XXXIV. Mère, nerveuse, inconduite, migraineuse,

morte p/t</tM ? t<t ? Cousin germain idiot. - Frères, morts de con-

vulsions. - Premiers accès à douze ans. Aura nasale. - Au-

tomatisme post-épileptiqtte.

Dog... (Jacques), né le 3 janvier 4365, est entré le ,12 2 août 1880 à

Bicêtre (service de M. Bourneville).

BOUHNEVILLK, ii3î. i

114 DE l'épilepsie PROCURSIVE.

Ce malade, dont l'un de nous a déjà publié l'observation*, pré-

sente de l'automatisme à la suite de ses accès : il se lève, l'air

égaré, traverse toute la salle de l'infirmerie, va à un lit vide,

essaie de l'ouvrir parle pied, finit enfin par relever le drap et se

couche sous la couverture. Il répond à peine aux questions et par

monosyllabes : a Je ne sais, mon lit, etc., » puis il s'endort paisi-

blement. C'est sous cet aspect que nous avons observé chez ce

malade l'automatisme à la suite d'un accès le 8 février 1882.

Observation XXXV. - Père diabétique. - Grand'mère paternelle

phthisique. - Mère hystérique. - Deux cousins germains de la

mère du côté paternel, épileptiques. - Vertiges ci dix-huit mois,

accès à six ans. - Phénomènes cataleptiques. - Aura. - Folie et

courses consécutives. - Pyromanie et kleptomanie. - Mort dans

un accès. ·

De Buss... (Gaston-Emile), né le 5 mai 1859, est entré le

16 mars 1874 à Bicêtre (service de M. BOURNEV1LLE) et y est décédé

le 8 septembre 4883.

Aw'l1 ? Au début il s'écriait : «Maman, bobo», il se plaignait que

ça lui piquait dans la tête et dans le nez. Il accourait vers sa

mère chez laquelle il ne s'est jamais blessé. Dans son sommeil il

appelait également : « Maman, bobo », poussait un cri très fort ;

rigidité générale, secousses cloniques. Pas d'écume; morsure rare

de la langue. Après les accès, sommeil d'une demi-heure. Quel-

quefois folie consécutive : il criait, gesticulait, courait dans la

chambre, dans l'avenue (à Saint-Mandé), voulait tuer sa mère

parce qu'elle ne voulait pas lui laisser faire tout ce qu'il voulait.

Il voulait se jeter par la fenêtre pour la même raison. Ces

« furies » ne duraient que quelques minutes. Il a mis une fois le

feu dans la salle à manger où il s'était enfermé.

II. Automatisme professionnel. - Les actes auto-

matiques professionnels sont presque aussi fréquents

que les précédents, mais leur importance en médecine

légale est bien moindre.

Observation XXXVI. - Mère, morte d'un cancer du sein. -

Début de l'épilepsie vers l'age de trente-quatre ans.

Crél... (Félix), né le 12 octobre 1825, est entré le 25 mars 1886,

à Bicêtre (service de M. Bourneville).

' Bricon (P.). - Du traitement de l'épilepsie; Paris, 1882, obs. X,

p. 97.

DE L'ÉPILEPSIE procursive. Ho

Nous avons ici affaire à un cas d'automatisme professionnel; ce

malade est tailleur : après l'accès il fait le simulacre de coudre au

moins pendant dix minutes.

Observation XXXVII. Père alcoolique, céphalalgique, rhumatisant,

mort d'apoplexie ainsi qu'un oncle paternel. - Un petit-cousin

paternel, imbécile. - Alcoolisme. - Premier accès à vingt-neuf

ans.- Vertiges. - Aura médiate au début. - Diminution de la

mémoire.- Périodes de mélancolie et d'agitation.- Rhumatismes.

- Automatisme.

Ru... (Louis-Pierre), né le 26 avil 1842, est entré le 23 décembre

1880 à Bicêtre (service de M. Bourneville).

Ce malade est occupé à la buanderie; il a présenté de l'automa-

tisme professionnel observé durant un vertige. 11 était en train de

plier du linge, il pâlit, se lève sans mot dire, prend un drap, le

plie seul, répond machinalement aux questions qu'on lui adresse ;

la face devient pourpre, et le malade se dirige vers le bassin,

prend du linge et une brosse et se met à frotter pendant vingt

minutes tout à fait automatiquement. Revenu à lui, il est tout

étonné de se trouver là et dit aux personnes qui l'environnent :

«Mon Dieu, que c'est bête d'avoir cette maladie ! où suis.je ? »

11 se remet ensuite paisiblement à son travail. Chez lui Bu...

accomplissait parfois, avant l'accès, des actes automatiques. S'il

était en train de manger, il remuait sa cuiller, écartait son

assiette, chiffonnait avec les mains, faisait mouvoir sa langue

entre les dents.

Observation XXXVIII. - Aura. Diminution des facultés

intellectuelles. - Onanisme.

Tixi... (Victor-Jules), né le 21 juin 1862, est entré le 24 mars

1878, à Bicêtre (service de M. Bourneville).

C'est encore un exemple d'automatisme professionnel. Ce malade

travaille au marais. Après un des accès observés, il se met à se

promener dans le réfectoire et fait le simulacre pendant huit

minutes de semer des pois ou d'autres graines.

III. Automatisme précédant l'accès. - L'automa-

tisme préépileptique est assez rare ; on en trouve ce-

pendant quelques exemples dans les auteurs. Tels sont,

par exemple, les cas suivants publiés par Herpin1.

* Herpin. - Loc. cit., p. 122.

H6 6 DE l'épilepsie PROCURSIVE.

- Une couturière, qui essayait une robe à une dame, répète à

plusieurs reprises la courte phrase qu'elle prononçait au moment

de perdre connaissance ; elle s'assied, l'oeil hagard, elle baise le

verre d'eau qu'on lui présente, se raidit de tous les membres, et

l'attaque se complète.

- Le fils d'un médecin, pris à table un jour devant son père, jette

au loin le verre dont il buvait le contenu au moment de perdre

connaissance ; une autre fois, saisi au milieu d'un jeu, dans la

cour d'un lycée, il entre sans tunique dans une classe qui n'était

pas la sienne, insulte un maître d'étude, puis se roidit et tombe.

- Le neveu d'un autre médecin, étant à table et mangeant, en

présence de son oncle, se lève brusquement et, par des mouvements

désordonnés, mais non convulsifs, renverse les objets qui étaient

devant lui ; bientôt, flexion de la tête en avant, lèvres avancées,

aucun cri; on le retient dans sa chute, contraction générale, figure

pourpre.

A ces cas nous ajouterons les suivauts, observés

chez des malades du service de Bicêtre :

Observation XXXIX. - Père alcoolique. - Mère phthisique. - Soeurs

et pères malformés et convulsifs. - Hydrocéphalie légère. -

Epilepsie consécutive (huit ans). - Aura stomacale et rotatoire ;

alcoolisme. - Vagabondage. - Déchéance intellectuelle. - Trai-

tements divers.- Hydrothérapie et Bromure de nickel, sans succès.

Mot.. (Charles), né le 7 décembre 1865, est entré le 24 septembre

1882, à Bicêtre (service de M. Bourneville).

Il s'agit dans ce cas de mouvements automatiques précédant

immédiatement l'accès. - Mor.... se frotte la tête et marche en

disant : « Oh ! j'ai mal à la tête, je vais tomber. »

Observation XL. - Père alcoolique, colérique, eczémateux, mort

phthisique. Grand-père maternel alcoolique. Frère mort de

convulsions. Autre frère, convulsions et tumeurs blanches. -

Première dent ci sept mois; parole ci un cacz, marche à quinze mois.

- Coqueluche à deux ans et demi, puis fièvre typhoïde et pneu-

monic.-Rougeole à quatre azs.-Accidcnts cérébraux ci deux ans.

- Scarlatine, premier accès à dix ans. - Accès surtout noc-

turnes. - Kleptomanie. - Sauts et courses, congestion, ménin-

gitique, déchéance intellectuelle, onanisme. - Automatisme.

Bromure d'arsenic, aimant, nitrate de pilocarpine.

Del... (Léon-Jules), né le 19 décembre 186'J, est entré le 10 mars

DE l'épilepsie PROCURSIVE. 117

1881, à Bicêtre (service de M. BOURNEVILLE) et y est décédé le

15 avril 1885.

L'observation de ce malade a déjà été publiée par l'un de nous'. '.

Il s'agit dans ce cas d'automatisme préépileptique. Qu'il soit endormi

dans son lit ou sur une chaise, il se lève d'un bond; il a peur,

semble regarder un point fixe en l'air, les bras en avant, il va à

reculons, comme pour fuir un danger, profère des cris étouffés,

une fois on l'a entendu dire : « Ils sont deux »; une autre fois, il

tapait sur son oreiller à coups de poings, disant : « Je le tue » ;

d'autres fois, il dit : « Ça y est » ; durée : deux minutes ; mais si

à la suite, il y a des convulsions, cela dure plus longtemps; il

s'affaisse, les yeux se tournent, les membres se raidissent, puis il

a des secousses, de l'écume; il ne se mord pas la langue, mais

urine quelquefois sous lui; enfin il se rendort.

Observation XLI. -Mère hystérique, intelligence peu développée.-

Grand'mère maternelle, mélancolie, idées de persécution. - Né

avant terme : convulsions à vingt-deux mois, début de l'épilepsie à

trois ans. - Au1'a. - Etat de mal. - Déchéance intellectuelle. -

Violences. - Délire postépileptique. - Kleptomanie, automa-

tisme. - Dilatation pupillaire droite. - Embarras de la parole.

- Etat de mal. - Mort.

Autopsie. Persistance du thymus-, épiploon de Il1VésiCItIe biliaire.-

Persistance oblique du trou de Rotai. - Légère induration du bord

libre d'une valvule mitrale. - Méningo-encéphalite.

Vissi... (Alexandre-Rapbaël-Georges), né le 30 décembre 1868,

est entré le 13 mars 1885, à Bicêtre (service de M. BouaNFmLtE),

et y est décédé le 19 avril 1885.

Nous avons affaire ici à un cas d'automatisme préépileptique.

Tout d'un coup Viss... se levait, marchait ou non et donnait de

violents coups de pieds, ou de violents coups de mains; tantôt

dans le vide, tantôt sur les personnes; un jour, la première fois

qu'on a remarqué ces accidents, il a donné un violent coup de

main sur l'épaule de sa mère. - Jamais il n'a frappé son père;

il lui disait : « Papa attache-moi ! » Dans ses mouvements, les objets

étaient brisés.

A Bicêtre, le malade n'avertissait pas, mais on assure que avant

ses accès, il courait une vingtaine de pas, donnait un soufflet à la

personne qui se trouvait devant lui et tombait en accès; la main

' Bricon. - Du traitement de l'épilepsie, 1882, p. 91.

1 Nous avons eu l'occasion d'observer souvent la persistance du

thymus, même chez des adultes; nous consacrerons prochainement à ce

sujet une note.

118 DE l'épilepsie PROCURSIVE.

ouverte, il frappait où il pouvait; l'infirmier qui nous renseigne

aurait été frappé deux fois.

Les divers auteurs qui ont traité de l'épilepsie ont,

pour la plupart, parlé de l'automatisme, souvent, il

est vrai, en termes fort concis. On trouve disséminées

dans les journaux et les recueils de médecine des

observations de malades atteints d'épilepsie accompa-

gnée d'automatisme '.

Dans sa thèse sur la Pathologie des états épileptoïdes,

O. Berger 2 établit un rapprochement entre une de ses

observations et celle publiée antérieurement par Sem-

mola, qui se rapporte à l'épilepsie procursive propre-

ment dite. Nous n'y voyons, pour notre part, qu'un de

ces cas d'automatisme si fréquemment observés chez

les épileptiques. Nous croyons toutefois utile de le

rapporter entièrement, laissant au lecteur le soin de

juger en dernier ressort.

Observation XLII. - Mère morte maniaque. - Signes

légers de dégénérescence. - Début à vingt-deux ans. - Ver-

tiges. - Accès procursifs. - Morsure de la langue. -

Irritabilité très prononcée. Déchéance intellectuelle assez

710 table.

Johann S..., vingt-sept ans, messager postal, ancien con-

ducteur de chemin de fer, est un individu pâle, un peu chétif.

' Nous n'avons pas la prétention de relater ici toutes les observations

d'automatisme publiés par les auteurs; il nous faudrait citer presque

tous les médecins qui se sont occupés de l'épilepsie; nous rappellerons

seulement que c'est peut-être à lJerpin que nous sommes redevables du

plus grand nombre d'observations de ce genre. (Loc. cit., p. 144, 153,

làî, 155, 156, 158, 159, 186, 193, 195, 199). - Voir encore pour l'auto-

matisme les observations de Stevens et C. H. Hughes (The Aliellist and

Neurologist, avril 1880, analyse dans Archives de Neurologie, t. I, p. 318),

d'Altlraus (Bril. med. Journal, 1886), de A. Robertson (I3rit. med. Jour-

nal, 21 avril 1887), de Gowers, p. 185, 186, 187, 188), etc., etc.

2 O. Berger. - Zur Pathologie der epileptoîrlen Zustande nach 25 Beo-

6acluugerz der Kgl. Charité zu Berlin. - Inaugural. Dissertation. Ber-

lin, 1867. Observ. I, p. 2L

DE l'épilepsie PROCURSIVE. 119

Son père vit encore, sa mère est morte maniaque à l'âge de

quarante ans. Frères et soeurs bien portants. J... S... n'aurait

été atteint d'aucune maladie en dehors de l'épilepsie. La tète,

par rapport au corps, est fortement développée; le crâne est

aussi plus développé ; le crâne est de même plus développé que

la face. Le front étroit est très proéminent ; une crête assez

marquée indique très manifestement la suture bi-frontale. Au

toucher, on constate que la tête est très sensible dans toutes

ses parties. Les oreilles sont longues et larges, les organes

génitaux sont bien développés. Les poumons, le coeur, les

organes abdominaux sont normaux. Le malade, les yeux

fermés et les pieds rapprochés l'un de l'autre, a quelque peine

à se tenir debout ; après une demi-minute de station debout,

il risque de tomber en arrière et ressent encore de la gêne

motrice même après avoir ouvert les yeux. Veut-il tourner sur

son axe ? il tombe bientôt en arrière; la chute est plus rapide

s'il essaie de tourner à gauche. On ne note pas de troubles de

la sensibilité et de la motilité. Le malade présente une hyper-

esthésie généralisée à tout le corps, et un examen répété

menace de produire une chute. Le fond de l'oeil est très

pigmenté, les veines sont très dilatées, les pupilles sont nor-

males.

Le malade eut son premier accès, il y a cinq ans, sans

cause connue. Sans aura préalable, il fut pris d'un vertige et

tomba évanoui. Les accès se repétèrent ensuite chaque se-

maine de deux à trois fois ; à leur suite, le malade ne revenait

à lui qu'après un assez long temps. Depuis son entrée à

l'hôpital, J. S... a eu deux ou trois accès par jour, leur durée

est de deux à trois minutes. Après l'accès, le pouls radial est

intermittent, tout à fait arythmique, modérément plein et

facilement compressible. D'ordinaire, une forte pulsation est

suivie d'une plus longue pose, puis viennent trois ou quatre

pulsations à de courts intervalles. Le coeur n'est hypertrophié

dans aucun de ses diamètres, les tons sont purs.

Les accès sont tantôt légers, tantôt forts. Dans le premier

cas, ils se présentent sous la forme vertigineuse : pâleur de la

face, chute sans mouvements convulsifs. Le pouls est accéléré

et le malade reste à la suite hébété pendant quelques minu-

tes ; il regarde autour de lui d'un air étonné, ne répond pas

aux questions ; toutefois, il revient complètement à lui peu de

temps après.

120 DE l'épilepsie PROCURSIVE.

Les accès ont parfois un tout autre caractère ; en voici un

exemple : Le malade essayait de tirer un tiroir droit à lui, lors-

qu'il pâlit subitement ; la tête s'incline en avant, puis alors il

commence à décrire, avec assez de lenteur, de petits cercles de

droite à gauche ; au troisième tour, il tombe en arrière. Au-

devant de la bouche quelque peu entr'ouverte se trouve une

petite quantité d'écume non sanguinolente. Les yeux sont

directement dirigés en bas, les pupilles moyennement dilatées ;

les extrémités sont, comme à l'ordinaire, en demi-flexion ; on

ne constate ni secousses cloniques, ni secousses toniques.

Après une à une minute et demie environ, le malade complè-

tement hébété se relève, déchire ses effets, ramène vivement

son pantalon jusqu'au-dessus des genoux, ne répond à aucune

question. Un quart après il est à peu près complètement

revenu à lui ; il répond d'une façon assez juste aux questions,

mais d'un ton quelque peu criard. - Ces sortes d'accès alter-

nent irrégulièrement avec les crises vertigineuses décrites

plus haut. 0 Z)

Etat psychique. - Dans les premiers temps de son séjour à

la Charité le malade ne présentait qu'un léger degré d'affaiblis-

sement intellectuel ; il travaillait avec assez de zèle, était d'une

politesse exagérée. Mais peu à peu il devint très irritable,

cherchant dispute pour la moindre cause. Il était excité, cir-

culait avec rapidité dans les salles, menaçait et injuriait si

l'on n'exécutait pas ses volontés, et même si l'on s'y

soumettait. Il expliquait d'une voix criarde et en gesticulant

vivement sa maladie au médecin, demandait à ne plus suivre

de traitement « pour se chercher son droit dehors ». En par-

lant au médecin, les mains, toujours en mouvement, sont

placées devant lui ; il prononce tous les mots avec une into-

nation spéciale et forte; il discourt pendant quelques minutes,

d'une voix criarde et animée, de toutes choses, même de

celles qui lui sont tout à fait indifférentes. L'affaiblissement

des facultés intellectuelles s'est enfin accru au point que le

malade ne saisit plus bien le sens des questions un peu

longues.

Il s'agit ici d'actes automatiques précédant l'accès

suivis de mouvements rotatoires, mais l'on ne saurait

assimiler ces actes à l'épilepsie procursive proprement

de l'épilepsie procursive. 121

dite, dont ils diffèrent de tous points. - Dans le

même travail Oscar Berger rapporte plus loin quel-

ques cas d'épilepsie accompagnés de phénomènes mo-

teurs que nous ne croyons pas utile de rapporter ici ;

nous y renvoyons le lecteur.

Il nous resterait à donner l'explication physiolo-

gique de l'automatisme, nous aimons mieux nous

abstenir de toute hypothèse nouvelle. Nous rappel-

lerons seulement qu'Anstie, Thompson, Dikson,

Hughlings Jakson, etc., ont attribué l'automatisme

à l'épuisement des centres cérébraux supérieurs par

la décharge, et à la perte temporaire du contrôle que

ces derniers devraient exercer sur les centres com-

plexes qui se trouvent juste au-dessous d'eux et

agissent, par conséquent, d'une façon automatique

et insubordonnée.

Vits Anatomie pathologique.

Le nombre des autopsies de malades atteints d'épi-

lepsie procursive ou d'accidents procursifs est assez

restreint, soit parce que les cas en sont peu nombreux,

soit parce que la transformation parfois complète de

l'épilepsie procursive en épilepsie commune ne per-

met pas souvent, faute de renseignements suffisants,

de porter un diagnostic rétrospectif. Nous avons déjà

parlé incidemment des lésions rencontrées à l'autopsie

de malades dont nous avons rapporté l'observation;

voici maintenant un cas d'épilepsie procursive pro-

prement dite, observé assez longuement et suivi

122 DE l'épilepsie PROCURSIVE.

d'autopsie ayant montré, outre des lésions cérébrales

plus ou moins disséminées, une lésion cérébelleuse

à laquelle il nous semble possible de rattacher les

phénomènes procursifs observés pendant la vie.

Observation XLIII. - Tante paternelle sc ! 'o/Me : fsf.37e;'e migrai-

neuse. - Grand-père maternel alcoolique. - Grand'mère mater-

nclle morte phthisique.

Vertiges à cinq ans. - Accès procursifs avec aura à sept ans.

Déchéance intellectuelle à partir d douze ans. Rougeole à

quatre ans. - Nitrate de pilocarpine; - curare. - Démence ; -

grincement de dents. - Gâtisme; affaiblissement progressif; "

état de mal. - Pyo-pneumo-thorax consécutif. - Mort.

AUTOPSIE. - Ganglions iléo-coecaux calcifiés; - 1Jyo-pncumo

thorax ; péricardite purulente; athéi-orrie de l'espace sous-aortique.

- Tuberculose pulmonaire crétacée.

Quelques adhérences pie-mériennes ; atrophie et sclérose du

lobe cérébelleux gauche; -inégalité de poids entre les hémisphères

cérébraux et entre les hémisphères cérébelleux.

Duch... (Pierre-Nicolas), né le 26 février 1861, est entré le

18 décembre 1876 à Bicêtre (service de M. Bourneville) et y est

décédé le 16 septembre 1885.

Renseignements fournis par le père et lamère (7 septembre 1885).

- Père, cinquante-neuf ans, cocher, assez corpulent, aurait eu

en 1867 une « fièvre cérébrale o 1 ; n'aurait jamais fait d'excès de

boisson ; pas de migraines, pas de maux de tête, épistaxis fré-

quentes vers l'âge de douze ans. - [Père, journalier, mort à l'âge

de soixante et onze ans, on ne sait de quoi. - Mère morte de

vieillesse ( ? ) à l'âge de soixante-dix ans environ; elle était sujette

à des maux de tôle. - Une soett1', soixante-quatre ans, abcès

scrofuleux. - Frère, mort à soixante-deux ans environ, a eu deux

enfants très bien portants. D'autres soeurs sont mortes l'une de

la coqueluche et l'autre d'une affection qu'on ne peut préciser;

celle-ci a laissé des enfants bien portants. - Pas d'aliénés, pas

d'épileptiques, pas de suicides, etc., dans la famille.]

Mère, soixante ans, assez grande, brune, fait son ménage,

' Début par un tremblement, pas de délire.

DE l'épilepsie PROCURSIVE. 123

tenait un garni avant la guerre ; toujours bien portante, ni

migraineuse, ni nerveuse ; elle a eu, il y a deux ans, un abcès à

la jambe droite avec fistule. [Père, enfant naturel, mort alcoolique,

à l'âge de soixante ans environ. -Mère morte à trente-cinq ans de

bronchite. - Pas d'aliénés, pas d'épileptiques, pas de suicides, etc.,

dans la famille.] - Pas de consanguinité..

Notre maMe.Grossesse bonne. Accouchement normal, à terme,

sans chloroforme. L'enfant était bien conformé, il a été nourri

au sein par sa mère jusqu'à deux ans ; il a commencé à parler

de bonne heure; il parlait convenablement et marchait bien à

dix-huit mois ; plus tard on le mit à l'école où il apprenait bien.

Il n'aurait jamais eu de convulsions. Les vertiges auraient débuté

dès l'âge de cinq ans. Les parents nous les décrivent de la ma-

nière suivante : « Ça venait comme un étouffement, il cherchait à

respirer, la face se décomposait, ça ne débordait pas. » « Ma

femme le prenait, ça passait. » Les vertiges se montraient sans

aura, environ tous les huit jours; s'il marchait, il s'arrêtait tout

d'un coup.

Les premiers accès se seraient montrés vers sept ans. Duch...

prévenait alors en disant : « Papa, maman »; il criait, puis courait.

La procursion était très courte, quelques mètres, jusqu'à ce qu'il

trouvât un objet ou une personne à qui s'accrocher; s'il ne trou-

vait rien, il tombait. 11 était comme poussé violemment et la pro-

cursion n'était pas une simple marche. Les accès survenus, les

vertiges ont disparu en grande partie, quelquefois cependant « la

crise ne débordait pas. ? ; s'il s'accrochait à quelque chose il pous-

sait un soupir et c'était fini quand on arrivait à temps pour lui

frapper entre les deux épaules.

Les accès ont augmenté progressivement ; ils revenaient d'abord

toutes les trois semaines, puis tous les quinze jours. Vers douze

ans la mémoire a commencé à faiblir ; il tombait alors fréquem-

ment de nuit et de jour jusqu'à cinq fois dans les mêmes vingt-

quatre heures (tête à gauche, ronflement, bave) '.

Avant les accès il devenait méchant, coléreux. - A son entrée

à Bicêtre la parole se bornait aux mots : « Merde, sale vache. » Il

crachait au visage des gens sans être en colère.

Rougeole vers trois ans, puis beaucoup de dartres. - Fracture

de la jambe droite à huit ans (chute d'une charrette).

Etat actuel (21 mai 1883). -- Tête carrée, symétrique, sans

' Il est très diflicile d'obtenir des renseignements bien précis, le père

et la mère étant d'une intelligence au-dessous de la moyenne. De plus

la mère parle mal le français.

124 DE l'épilepsie PROCURSIVE.

proéminence de l'occipital qui. est surmonté par un méplat médian

et régulier ; les bosses pariétales et frontales sont peu dévelop-

pées, les apophyses mastoïdes sont assez développées, régulières,

symétriques et de même volume de chaque côté. - Cheveux châ-

tain foncé ; cicatrices de 4 à 5 centimètres à gauche à l'union

du pariétal et de l'occipital, une autre plus petite vers la partie

médiane et s'étendant à gauche à la partie supérieure de l'occi-

pital. - Front peu développé (avec nombreuses rides transver-

sales), fortement déprimé latéralement; ces dépressions régulières,

symétriques, partent environ d'un à un et demi centimètre dubord

interne du sourcil; de ce fait les arcades sourcillères paraissent

proéminentes. Cicatrice oblique de haut en bas partant de la

partie médiane au niveau de la suture fronto-pariétale gauche.

DE l'épilepsie PROCURSIVE. -123

Cou : 36 centimètres. - Respiration normale. - Pouls 60. -

Digestion bonne. Duch... est grand gâteux, mais généralement

sans diarrhée, il mange avec voracité, malproprement avec ses

doigts. - Circulation, rien de particulier. - Musculature du tronc

et de l'abdomen bien développée.

Organes génitaux bien développés ; prépuce assez long, recou-

vrant en partie le gland. Testicules bien conformés, le droit est

un peu plus élevé que le gauche. Le malade paraît se masturber

pendant l'examen ; il se frotte le gland par un mouvement circu-

laire du pouce et de l'index 1.

Les extrémités supérieures et inférieures sont bien développées ;

les mains et les pieds sont cyanosés, froids. - Sur les bras, cica-

trices de vaccin ; trois cicatrices sur le dos du pied gauche : une

près de la rotule à gauche. - Périonyxis de l'orteil médian droit;

sur le 4° orteil gauche, légère ulcération croûteuse; plusieurs

cicatrices dont quatre surtout sont assez larges, à la face externe

et au quart supérieur de la cuisse droite. Le tissu cicatriciel est

ferme, assez dur; une, la plus antérieure, est nummulaire, à centre

un peu déprimé, lisse, blanche, à bords légèrement plissés en-

tourés d'un cercle brunâtre ; elle est mince et non adhérente.

Cicatrices de même nature, violacées au-dessous du grand tro-

chanter gauche; cicatrices multiples du dos à droite et gauche

et aussi sur les apophyses épineuses, qui sont proéminentes. -

Cicatrices multiples des deux fesses; quelques petites cicatrices

sur les coudes ; et quelques autres cicatrices ailleurs, entre autres

sur les doigts.

Les sens sont difficiles à examiner vu l'état de démence com-

plète du malade; l'ammoniaque le fait tousser, mais il ne se dé-

tourne que lentement. 11 mange avec assez de facilité le sucre, le

sel et la coloquinte ; puis il rouvre la bouche pour en redemander ;

- la sensibilité à la douleur parait bien conservée, quoique

perçue avec assez de lenteur. Parole nulle.

i 1S84. - Organes génitaux. - Poils rouges au pénil ; verge bien déve-

loppée ; gland découvert; méat étroit, rouge, sa base droite est excoriée;

bourses pendantes : testicules normaux. El-vtlième sur la verge et surtout

les bourses. Onanisme.

DE L'ÉPILEPSIE PROCURSIVE. 127

'ils DE l'épilepsie PROCURSIVE.

- On ne peut le faire parler, ni lui faire tirer la langue. il

mange seul, mais avec les mains.

20 décembre. -Pupilles égales, un peu dilatées; parfois grince-

ment de dents, ou encore il ouvre et ferme alternativement la

bouche.

1885. 17 juillet. Démence complète. Gâtisme. Il faut le

faire manger, l'habiller, le déshabiller. - Il bave etsnce. Pupilles

égales. - Pas de tremblement de la langue. Aucune parole;

il ne se rend nullement compte de ce qu'on lui fait; on essaye

de lui remettre sa pantoufle, il regarde de tous côtés et ne cède

pas. Pour le faire avancer il faut le tirer par les bras.

Attitude. - Corps incliné en avant, les bras un peu écartés du

tronc, les avant-bras à angle droit transversalement.

5 septembre. - Soir : T. R. 37°,8.

6. - Dans la journée, 7 accès; vers midi, il a poussé des cris

pendant une heure, et a refusé de manger. Dans la nuit du 5

au 6 septembre, 5 accès et cris renouvelés. - T. R. 38°,4. -

Soir : 40°.

7. Le matin, 3 accès coup sur coup (durée : demi-heure), il

n'a pas repris connaissance à la suite. Aucune évacuation, malgré

un lavement purgatif. - A onze heures, deux nouveaux accès.

Duch... est resté toute la journée dans un état de prostration

complète. - T. R. 38°,8. - Soir : 39°,8.

8. - Pas d'accès nouveaux, pouls fort, plein, 120. - Sueurs

abondantes, évacuation involontaire d'urine; il n'est pas allé

à la selle depuis le 5; il n'a rien pris, il faut lui ouvrir la

bouche pour lui faire avaler quelques gouttes de lait. - Dents à

demi serrées, bouche sèche. Il ne vomit pas. Le ventre est excavé,

rétracté, indolent à la pression. - Respiration à 42, entrecoupée

de gémissements, pas de toux.A la perwssion, résistance augmen-

tée au doigt; respiration un peu obscure, pas de souffle, ni de

râles ; gémissements transmis il l'oreille, résolution des membres.

Lait, purgatif, vésicatoire à la base du poumon droit, injections

d'éther. T. R. 37°,3. - Soir : 39°,2.

9. - Mieux très notable. - P. 72. - R. encore un peu préci-

pitée. - Evacuations abondantes. - Etat de somnolence d'où

il sort facilement. - T. R. 38°,8. - Soir : 39°.

10. - T. R. 38°,4. - Soir : 39°,6.

f1. - T. R. 39°. - Soir : 39°,6. - Purgatifs.

12.- Le mieux, 'lui avait continué jusqu'àhiermatin - le malade

avait pris du lait et du bouillon et n'avait pas eu d'accès- n'a pas

persisté. L'abattement a beaucoup augmenté dans l'après-midi ;

plaintes entrecoupées. Face pâle; nez, lèvres et extrémités froides

et cyanosées. - Yeux excavés, respiration plus fréquente, la

bouche ouverte. - Pas de paralysie des membres, mais résolution

DE L'ÉPILEPSIE PROCURSIVE. 129

complète. Le pouls est faible et les bruits du coeur sont sourds. -

Constipation. - Ventre excavé. - Vessie en demi-replétion. -

Peau chaude et sèche. Raies méningitiques étroites, mais persis-

tantes. (Lavement, potion de Todd, vésicatoire.)

Du côté de l'appareil respiratoire mêmes signes que précédem-

ment et, de plus, râles, assez fins à la base du poumon gauche et

en avant à droite. T. R. 39°,2. - Soir : 39°,8.

13. T. R. 40°,0. - Soir : 41°.

14. - T. R. 39°,6. - Soir : 41°.

15. - Même état avec des alternatives de mieux relatif et d'ag-

gravation. T. 41°,4, ce malin. Respiration fréquente, courte ;

gémissements continuels ; abattement plus prononcé. Bouche

sèche, pâteuse. Duch... prend bien le lait et la potion de Todd,

moins bien le bouillon. Constipation opiniâtre. 40 ventouses

sèches. - Lavement purgatif. - Potion de Todd et lait. Soir :

T. R. 42°. Le malade meurt le 16 septembre à une heure du

matin. Température après la mort : 43°,2.

Autopsie (17 septembre 1885). - Rigidité cadavérique en partie

disparue; coloration verdâtre de l'abdomen et de la partie infé-

rieure du thorax. Amaigrissement assez prononcé, musculature

sèche; tissu cellulo-adipeux peu abondant. - A l'ouverture de

l'abdomen on constate : 1° que le foie est repoussé à droite, que

son lobe gaucho atteint tout juste la ligne médiane, que son bord

antérieur ne descend pas jusqu'au rebord costal; 2° que le dia-

phragme remonte à droite jusqu'au bord supérieur de la quatrième

côte ; qu'il est refoulé en bas vers la cavité abdominale et forme

une voussure fluctuante qui se trouve au niveau du rebord costal.

L'intestin grêle est congestionné, recouvert par les colons, surtout

le colon transverse, qui sont dilatés par des gaz. Le grand épi-

ploon, non adhérent, descend normalement. - Pas de liquide

anormal dans la cavité abdominale. Sur le mésentère on trouve

trois ganglions iléo-coecaux complètement calcifiés. - L'estomac

n'est pas dilaté, la vessie rétractée est vide. - L'ouverture sous

l'eau d'un espace intercostal laisse dégager de nombreuses bulles

de gaz.

Thorax. - A l'ouverture du thorax, on constate à gauche que

le poumon, refoulé latéralement et en arrière, laisse entre lui et

les parois une grande cavité recouverte de pseudo-membranes

purulentes et contenant deux verres environ de pus. - Le ven-

tricule gauche est refoulé à droite. - Le péricarde est recouvert sur

sa moitié gauche de pseudo-membranes. - Le poumon gauche est

adhérent, latéralement en arrière et en bas. - Le poumon droit

est adhérent en haut et en arrière dans presque toute son éten-

due. - Coeur en systole (2 ! 5 gr.). Il existe un peu de liquide

rougeâtre dans la cavité péricardique. La pointe du coeur est

Boukneville, 1887. 9

130 DE l'épilepsie PROCURSIVE.

formée par le ventricule gauche surtout. Le ventricule gauche

est un peu dilaté. Quelques plaques d'athérome dans l'espace

sous-aortique ; léger épaississement de l'endocarde sous l'orifice

aortique; myocarde pâle, trou de Botal obturé. - Poumon gauche

(550 gr.). Les adhérences se détachent facilement sans résistance;

au sommet il existe une cicatrice ancienne et quelques tubercules

crétacés. Il n'existe pas d'autres tubercules et on ne découvre pas

de perforation. - Le poumon droit (¡¡titi gr.) présente également

au sommet une grande cicatrice, des tubercules crétacés et montre

quelques petites cavernules.

Abdomen. - Le foie (420 gr.) est hypérémié. - La vésicule

biliaire, l'estomac, le pancréas, les uretères, les capsules surrénales,

les intestins et les testicules sont sains. Le canal cholédoque est

perméable. - Rate (85 gr.) un peu molle, capsule plissée. - Rein

gauche (85 gr.), lobule, hypérémié (étoiles de Vehreyen), se décor-

tique bien ; la substance corticale est un peu jaunâtre par places.

- Le rein droit (55 gr.) a le même aspect que le gauche.

Tête. - Voûte et base du crâne symétriques. - A l'ouverture du

crâne il s'écoule une grande quantité de liquide céphalo-rachidien.

- Les artères de la base sont symétriques ; toutefois, la cérébrale

postérieure paraît un peu plus volumineuse à droite. - Les tuber-

cules mamillaires sont symétriques. - La pic-mère cérébrale est

très notablement hypérémiée; elle a une coloration rouge diffuse

sur la face externe et offre un léger épaississement sur les bords de

la scissure interhémisphérique. A part quelques légères adhé-

rences entre les deux lobes frontaux (face interne), la décortication

est facile. - Le pédoncule cérébral gauche parait plus petit que

le droit; il en est de même de la partie correspondante de la

protubérance . 11 n'existe aucune différence de volume entre les

deux moitiés du bulbe. - La pyramide droite est moins large et

moins proéminente que la gauche. - L'olive droite est également

moins proéminente et éraflée.

Le lobe cérébelleux droit arrive au niveau de la partie postérieure

du lobe occipital, mais le lobe cérébelleux gauche est en retrait de

près de 3 centimètres; il est manifestement atrophié. Ses lamelles

sont plus blanches ; leur consistance n'est pas notablement plus

grande qu'à droite ; toutefois, en passant le doigta leursurface, on

a nettement la sensation de crêtes successives ; en avant sur le

bord circonférentiel, cette consistance est bien plus grande ; les

lamelles y sont rigides et d'une face à l'autre, en pressant, on a

la notion d'une induration résistante mais diffuse et non circons-

crite. Les pédoncules cérébelleux ont leur consistance normale.

On ne constate pas de lésions macroscopiques des hémisphères

cérébraux. Les ventricules latéraux et les cornes d'Ammon n'offrent

rien de particulier.

DE l'épilepsie PROCURSIVE. 131

Encéphale, 1,300 gr. L'hémisphère cérébral droit pèse 25 gr.

de plus que le gauche. Cervelet, protubérance et bulbe, 140 gr.

Hémisphère cérébelleux droit, 65 gr. ; hémisphère cérébelleux gauche,

35 gr.

Cerveau. Hémisphère droit. - La scissure de Sylvius s'arrête à

quelques millimèlres en arrière de la pariétale ascendante; elle

envoie deux rameaux ascendants antérieurs, l'un entre le pied de

la troisième circonvolution fronlale et la circonvolution frontale

ascendante, l'autre entre le pied et la partie triangulaire de la

troisième circonvolution frontale ascendante. - Le sillon de Ro-

lando, sinueux, profond, se termine au fond de la scissure de

Sylvius; il fournit vers son quart inférieur un pli antéro-inférieur

qui va se perdre dans le pied de la circonvolution frontale ascen-

dante. - La scissure perpendiculaire externe, dont les deux lèvres

sont très écartées au niveau de la grande scissure interhémisphé-

rique et sur un parcours de deux centimètres sur la face convexe,

va rejoindre la partie postérieure de la scissure interpariétale et

par son intermédiaire le sillon occipital transverse. - La scissure

interpariétale forme en arrière de la circonvolution pariétale

ascendante une scissure parallèle complète qui, à son quart supé-

rieur, envoie un rameau postérieur oblique de bas en haut divisant

entièrement le lobule pariétal supérieur ; avant d'arriver à la

scissure perpendiculaire externe, la scissure interpariétale est

interrompue par un pli de passage à niveau allant de l'extrémité

postérieure du lobule pariétal supérieur à la circonvolution de

passage qui réunit le pli courbe aux deuxième et troisième cir-

convolutions occipitales. - Le lobule orbitaire est bien conformé.

Face convexe. Lobe frontal. - Il existe une scissure parallèle

frontale complète, empiétant en haut sur la face interne et se

perdant en bas au fond de la scissure de Sylvius. - La première

frontale, dédoublée dans son tiers postérieur, présente également

des indices de dédoublement sur les autres parties; elle est bien

développée et comme renflée vers son extrémité antérieure. -

La première scissure frontale est sinueuse et profonde. - La

deuxième circonvolution frontale est volumineuse surtout à sa partie

postérieure; elle s'insère à la frontale ascendante par un petit

pli de passage très en retrait qui n'interrompt la continuité de la

scissure parallèle frontale que dans sa profondeur ; elle envoie en

avant deux plis de passage à niveau à la troisième circonvolution

frontale; l'un se continue directement avec la partie médiane de

la portion triangulaire. - La deuxième scissure frontale est inter-

rompue en avant par ces deux plis de passage. - La troisième

circonvolution frontale est bien développée. - La frontale ascendante

est assez grosse ; trois sillons transversaux antéro-postérieurs la

divisent presque entièrement, l'un même, médian, atteint son

132 DE l'épilepsie PROCURSIVE.

bord postérieur ; il semble en ce cas que la deuxième circonvo-

lution frontale ait eu tendance à se continuer à travers les

circonvolutions ascendantes, fait que l'on observe quelquefois. -

La pariétale ascendante est volumineuse et normalement con-

formée.

Les plis pariétaux, sont assez bien développés, très découpés;

il en est de même du pli courbe. - Le lobe occipital est bien déve-

loppé, mais les scissures et les circonvolutions sont irrégulières.

Lobe temporal. - La première temporale sinueuse, un peu

maigre, possède des circonvolutions temporales transverses peu

développées. La scissure parallèle, sinueuse, profonde, communique

à la base du lobe pariétal par deux sillons transverses avec la

deuxième scissure temporale qui semble se terminer dans le pli

courbe par un rameau parallèle à la terminaison de la première

scissure temporale. La seconde temporale assez bien développée est

sinueuse ainsi que la troisième temporale qui est bien conformée.

Face interne. Lobe tcmporo-occipital. - Les première et deuxième

circonvolutions temporo-occipitales sont normales. - La cironvo-

lution frontale interne est bien développée ainsi que le lobule para-

central. - La scissure calloso-marginalc est sinueuse, profonde. Le

lobule quadrilatère très développé est très découpé et présente un

pli pariéto-limbique antérieur et un pli parié to-1 imbique postérieur.

La scissure perpendiculaire interne, très profonde, va se terminer

un peu au-dessous du bourrelet du corps calleux. Le coin, la

fissure calcarone, le corps calleux, le corps strié, la couche optique,

paraissent normaux.

,Hémisphère gauche. - La scissure de Sylvius se divise à la

partie postérieure de la circonvolution pariétale ascendante en

deux rameaux, l'un ascendant, et l'autre descendant, ayant chacun

un trajet de deux centimètres environ, durant lequel ils séparent

la pariétale ascendante et la première circonvolution temporale

du pli pariétal inférieur. Le rameau ascendant antérieur traverse

entièrement la troisième frontale et contribue à former une sorte

de scissure précentrale en se continuant avec un sillon supérieur

qui divise presque entièrement la deuxième circonvolution fron-

tale. - Le sillon de Rolando est très profond, assez sinueux.

La scissure perpendiculaire externe, très profonde, est interrompue

au niveau de la scissure interpariétale par un pli de passage à

niveau reliant le pli pariétal supérieur au lobe occipital. - La

scissure interpariélale ne possède qu'un petit rameau descendant

en arrière de la pariétale ascendante, mais elle a un rameau

ascendant très profond formant encoche sur la scissure interhé-

misphérique. A quelques millimètres au delà de son coude, elle

fournit un rameau descendant à travers le lobule pariétal infé-

rieur qu'il divise entièrement en atteignant la partie moyenne

du rameau descendant de la scissure de Sylvius ; - elle

DE l'épilepsie PROCURSIVE. 133

fournit également au même niveau un rameau ascendant oblique

d'avant en arrière à travers le lobule pariétal supérieur ; elle

continue son chemin jusqu'au sillon occipital transverse.

Le lobule orbitaire est normal, très développé.

Face convexe. - Lobe frontal. - En avant de la frontale ascen-

dante et parallèlement à elle sur sa moitié supérieure, on trouve

une scissure profonde empiétant en haut sur la face interne et

communiquant avec la première scissure frontale ; elle se termine

en bas en séparant presque entièrement la deuxième circonvolu-

tion de la frontale ascendante en s'entre-croisant avec la scissure

précentrale inférieure dont il a déjà été parlé et qui se trouve plus

en avant. La première frontale, assez bien développée, reçoit vers

son quart antérieur un gros pli de passage au niveau de la deuxième

frontale qui est très large, sinueuse, très sillonnée et s'insère par

un pli de passage à niveau, à la frontale ascendante ; à son

extrémité la plus antérieure, elle reçoit un pli de passage à niveau

de la troisième frontale qui est bien développée, mais irrégulière,

son pied se confond avec celui de la frontale ascendante. Les

deux scissures frontales supérieure et inférieure sont sinueuses,

profondes. La frontale ascendante est assez maigre surtout vers

sa partie moyenne ; la pariétale ascendante est grosse, sinueuse,

reliée à son tiers inférieur au pli pariétal inférieur par un pli de

passage à niveau.

Lobe pariétal. - Les lobules pariétaux supérieur et inférieur, le

pli courbe sont volumineux, mais irréguliers par suite de nom-

breux sillons qui les découpent.

Le lobe occipital, dont lés circonvolutions paraissent un peu

grêles, est également très sillonné ; il est, pour ainsi dire, isolé

des parties environnantes par une scissure irrégulière, sinueuse,

qui prolonge le sillon transverse occipital jusque vers l'incisure

préoccipitale.

Lobe temporal. - La première temporale plissée envoie un pli

de passage à niveau à la partie la plus postérieure du lobule pa-

riétal inférieur et un autre pli de passage à niveau à la deuxième

temporale qui interrompt vers son quart antérieur la continuité

de la scissure parallèle, sinueuse, profonde, assez normale. Les

1 einl)o ? ,o-1) (trié tales transverses sont peu marquées. La deuxième

et la troisième temporales sont assez bien développées, irrégulières,

très découpées. La deuxième scissure temporale est interrompue

postérieurement par un pli de passage à niveau allant de la

deuxième à la troisième temporale. Un sillon profond réunit la

scissure parallèle à la première scissure temporo-occipitale.

Face interne. - Lobe temporo-occipital. - Les première et

deuxième circonvolutions lentporo-occipitales sont bien dévelop-

pées, mais un peu chagrinées. Les scissures sont [profondes et

sinueuses.

134 DE l'épilepsie PROCURSIVE.

La circonvolution frontale interne est bien développée, reçoit à

son quart postérieur un petit pli de passage presque à niveau de la

circonvolution du corps calleux qui, elle, est peu développée, cha-

grincée, comme atrophiée; la partie la plus antérieure de la cir-

convolution frontale interne et dans sa partie moyenne, sa moitié

inférieure présentent également le même aspect, mais à un degré

moins prononcé. - La scissure calloso-marginale est sinueuse, très

profonde, envoie de nombreux sillons transversaux à la circonvo-

lution frontale interne. Le lobule quadrilatère est moins bien dé-

veloppé, un peu grêle, comme un peu atrophié; il possède un

pli pariéto-limbique antérieur long, s'insérant obliquement à la

circonvolution du corps calleux vers le sommet du triangle para-

central. Il existe également un pli pariéto-timbique postérieur.

La scissure perpendiculaire interne est très profonde. Le corps

calleux est peut-être un peu moins développé que normalement.

Le coin, la fissure la couche optique, le corps strié ne

présentent rien de particulier.

La pyramide antérieure et l'olive droite sont atrophiées.

La moelle ne présente à l'oeil nu aucune altération.

Duch... a d'abord été un épileptique procursif dont t

les accès se sont progressivement transformés en accès

vulgaires. Il a succombé à un pyo-pneumo-tllOl'a.x et à

une péricardie purulente, qui se sont développés à la

suite d'un état de ni-,il '.

L'hémisphère cérébral droit ne présente que quelques

anomalies de peu d'importance, soit au point de vue

de ses circonvolutions, soit au point de vue de ses

scissures. On peut le considérer comme normal.

L'hémisphère cérébral gauche, qui pèse 25 grammes

de moins que le droit, est dans son ensemble un peu

plus irrégulier; mais en outre nous y notons la gra-

cilité de la partie moyenne de la circonvolution frontale

ascendante, du lobe occipital, l'état chagriné des pre-

' Nous ferons remarquer que Duch... a eu pendant les deux premières

années de sa maladie des vertiges sans phénomènes procursifs; la pro-

cursion n'a débuté qu'avec les accès, et par suite, dans le cas particulier,

oh peut considérer les accidents procursifs comme constituant des accès

incomplets.

DE l'épilepsie PROCURSIVE. '135

mière et deuxième circonvolutions occipito-temporales,

des parties antérieure, moyenne et inférieure de la

circonvolution frontale interne, de la circonvolution du

corps calleux, la gracilité du lunule quadrilatère et du

corps calleux.

La lésion la plus importante et paraissant la plus

ancienne est celle que l'on constate sur le cervelet. -

L'hémisphère cérébelleux gauche est atrophié, sclérosé

et pèse 30 grammes de moins que le droit, soit près

de moitié [hémisphère cérébelleux droit, 65 grammes,

gauche 35 grammes). - C'est là incontestablement la

lésion initiale, la plus prononcée de toutes celles obser-

vées sur l'encéphale de Duch... '.

Nous rapprocherons de l'observation précédente

une autre observation suivie également d'autopsie; le

malade n'avait présenté que très tardivement des acci-

dents procursifs; aussi le cervelet ne semble-t-il que

très légèrement atteint; les lésions principales trou-

vées à la nécropsie étaient l'atrophie cérébrale et la

lnéJ/il1go-encéplwlite.

Observation XL1V. - Atrophie cérébrale. - Hémiplégie gauche.

Débilité mentale et épilepsie.

Père et grand-père paternel alcooliques. - Grand-père maternel

paralytique et alcoolique. - Frère mort de convulsions. - Accou-

chement laborieux ; circulaires du cordon. A deux <M cortuul-

sions limitées au côté gauche avec hémiplégie gauche. - Accès

d'épilepsie procursive à douze ans. - Affaiblissement intellectuel,

augmentation de la paralysie, céphalalgie avec vomissements. -

Gâtisme. - Augmentation du nombre des accès. - Mort dans un

accès.

Autopsie : Congestion et cedème pulmonaires. Persistance du

trou de Botal. - Rate supplémentaire . - Thymus persistant. -

' Notons en passant la tuberculose crétacée et les cicatrices pulmo-

naires.

136 DE L'EPILEPSIE PROCURSIVE.

Adhérences de la dure-mère. - Atrophie du cerveau et surtout de

l'hémisphère droit. - Epaississement et oedème de la pie-mère. -

Anomalies artérielles. - Hydrocéphalie légère. - Atrophie du

pédoncule cérébral droit, de la moitié droite de la protubérance, de

la pyramide et de l'olive droites. - Dégénération secondaire de la

moelle.

Maisonh... (Désiré-Auguste), né le 1er juillet 1868, est entré à

Bicêtre le 15 mars 1882 (service de M. BOURNEVILLE) et y est

décédé le l" avril 1885.

Renseignements fournis par sa mère (28 mars 1882). - Père,

quarante-sept ans, travaillait aux champs autrefois ; depuis cinq

ans il est ouvrier dans une fabrique de produits chimiques ; il

fume un peu depuis la guerre; il est colère et fait des excès de

boisson : il rentre deux ou trois fois par mois ivre (vin, un peu

d'eau-de-vie); pas de migraines, pas de dartres, etc. [Père, maçon,

bien portant, nombreux excès de boisson. Mère, bien portante,

ainsi qu'un frère, une saur (deux enfants), une autre (sept

enfants). Pas d'aliénés, d'épileptiques, etc., dans la famille.]

Mère, quarante et un ans, journalière aux champs, peu intelli-

gente, taille ordinaire; pas de migraines, pas d'antécédents

nerveux, etc. [Père, homme de peine au chemin de fer, mort au

bout d'un an ; nombreux excès de boisson. - Mère, pas de détails;

elle est morte de la poitrine, dit-on, peu de temps après la nais-

sance de la personne qui nous renseigne. - Grands-parents

paternels et grand'mère maternelle, pas de renseignements. -

Grand-père maternel, mort à quatre-vingt-huit ans, on ne sait de

quoi. - Un frère mort à trente-trois ans ; on croit qu'un des

amants de sa femme l'a «jeté à l'eau »; il se portait bien ; ses

quatre enfants sont vivants et en bonne santé. - Une soeur (deux

enfants), rien de particulier. Pas d'aliénés, etc.] - Pas de consan-

guinité. '

Huit enfants : 1° garçon, mort à trois semaines de convulsions ;

- 2° garçon, mort à quatre mois, en nourrice, on ne sait de

quoi ; - 3° fille, mort-née ; - 4° notre malade; - 5° fille, morte

à cinq mois, de la variole; 6° et 7° deux filles, huit ans et neuf

ans, bien portantes, pas de convulsions, intelligentes; - 8° garçon,

seize mois, bien portant, rien de particulier ; tous ces enfants

sont bien conformés. - Deux fausses couches à cinq et à trois

mois.

Notre malade. - Rien de particulier à la conception ; pas de

rapports sexuels durant l'ivresse alcoolique du père. - Grossesse :

au sixième mois, émotion vive de la mère causée par la vue d'at-

taques d'hystérie d'une de ses patronnes. - Accouchement à terme,

naturel. - A la naissance la tête serait restée trois quarts d'heure

DE l'épilepsie PROCURSIVE. 137

au passage et, de plus, l'enfant avait des circulaires du cordon

autour du cou (ce qui était déjà arrivé pour la plupart de ses

frères et soeurs) ; malgré cela, il n'y aurait pas eu de cyanose. -

Elevé au sein par sa mère jusqu'à seize mois. A six mois il aurait

été soigné pour des accidents cérébraux qui ont duré deux mois,

sans convulsions, ni paralysie. - Première dent à huit mois. Il a

parlé a un an, n mat-

ché qu'à trois ans et n'a

été complètementpropre

qu'à cinq ans.

A deux ans, il ne dif-

férait pas beaucoup des

autres enfants. A celte

époque, convulsions sans

prodromes qui n'ont

duré qu'un quart d'heure

et n'ont porté que sur

le côté gauche. Le jour

même, on a constaté que

le bras gauche était pa-

ralysé et que l'enfant

remuait moins bien la

jambe correspondante.

Dans les premiers temps,

il ne pouvait porter la

main à la bouche ; ce

mouvement n'est devenu

possible qu'au bout de

cinq ou six mois. Les

jambes sont toujours res-

tées faibles, surtout la

gauche qu'il traîne en-

core ; les genoux se co-

gnaient l'un contre l'au-

tre dès qu'il a commencé

à marcher. En même

temps, l'intelligence a

diminue d une laçon notable. Il a commence alors a se plaindre

de douleurs frontales s'accompagnant de vomissements et revenant

deux fois par mois; ces sortes de migraines seraient encore plus

intenses depuis la fin de 1880. -A la même époque, il aurait eu

encore la vue très affaiblie au point de ne pouvoir distinguer une

épingle.

Vers la fin de 1880, c'est-à-dire vers l'âge de douze ans, Maisonh...

a eu des crises singulières : étant assis, il se levait tout à coup, cou-

rait comme un fou dans la chambre, se cognant aux personnes qui se

Fig. 3.

138 DE l'épilepsie PROCURSIVE.

trouvaient devant lui, puis il revenait s'asseoir; il pâlissait et les

mouvements du coeur étaient tumultueux. Rien ne l'avertissait de

l'approche de ces crises ; il ne tombait pas, mais parfois urinait

dans sa culotte. Ces crises qui se montraient au début deux ou

trois fois par semaine sont devenues de plus en plus fréquentes,

mais elles ont toujours été exclusivement diurnes : le maximum

par jour était de cinq ou six. Le sommeil était bon. Jamais de

grands accès. Depuis l'apparition de ces crises, l'intelligence a

encore diminué et la paralysie a augmenté; l'enfant a aussi

commencé à bégayer.' - A deux ans et demi, rougeole, quelques

croûtes dans les cheveux, quelques manifestations scrofuleuses,

quelques ascarides. - Onanisme invétéré surtout la nuit. - Bron-

chite à six ans.

1882. 17 mars. - A son entrée, on constate que Maisonh...

marche avec difficulté et s'affaisse souvent sur lui-même. - Le

côté gauche est plus faible que le droit. Il parle, mais en trem-

blant beaucoup; il sait épeler, sait encore écrire, mais illisible-

ment ; il connaît les chiffres. L'enfant mange assez proprement;

il ne gâte pas, se nettoie seul, cire lui-même ses souliers ; il ne

sait pas très bien se vêtir. (Fig. 3).

30 mars. - Conjonctivite. - Affaiblissement des membres infé-

rieurs si prononcé que la station debout est impossible.

24 mai. - Maisonh... sort de l'infirmerie et retourne à la petite

école. On constate que ses facultés intellectuelles ont encore baissé,

qu'il ne peut plus du tout écrire et qu'il ne répond que très diffici-

lement à ce qu'on lui demande.

12 juillet. - Maisonh... peut se tenir sur ses jambes, mais la

marche est titubante et il tomberait si on ne l'aidait. L'affaiblis-

sement porte du reste sur les deux côtés. Il ne peut pas remon-

ter seul sur son lit. Les deux jambes sont roides, surtout la gauche.

- Gâtisme complet. Durant l'examen il produit presque sans cesse

un bruit sec avec les lèvres.

6 octobre. - Eruption papuleuse sur les deux fesses. - Petite

ulcération recouverte de croûtes au niveau de la commissure

droite.

1883. 7 juillet. - Dentition : mâchoire supérieure : douze dents

saines, mais mal rangées et atrophiées ; les incisives sont coniques

ou tendent à le devenir. - Mâchoire inférieure : douze dents, les

quatre incisives sont atrophiées et présentent le type conique. Arti-

culation défectueuse ; les six dents antérieures de la mâchoire

inférieure viennent se placer en avant des supèrieures. Voûte

palatine et gencives normales.

28 décembre. - Amélioration très notable qui permet de le ren-

voyer à la petite école. La parole est très limitée, il ne dit que

DE L EPILEPSIE PROCURSIVE.

139

quelques mots ; il n'aurait, du reste, jamais prononcé de phrases

complètes depuis son entrée à l'hospice. Pas d'onanisme. Durant

tout le temps de la miction, il pousse des cris.

1884. 18 juillet. Augmentation considérable du nombre des accès.

La marche est redevenue impossible et n'est possible qu'à la condi

tion qu'on le sou-

tienne des deux cô-

tés. Il s'avance alors

en soulevant lour-

dement les pieds et

en frappant le sol;

le tronc est incliné

à gauche et les

deux genoux co-

gnent l'un contre

l'autre, les pieds

étant notablement

écartés, au con-

traire. Légère iné-

galité pupillaire et

blépharite ciliaire.

- Pas de tremble-

ment de la langue

ni des lèvres.

Parole réduite au

mot« merde qu'il

prononce et répète

avant ses accès. Il

sourit quand on le

fait marcher, al-

longe la langue

quand on le lui de-

mande et recon-

nait encore ses pa-

rents.

13 décembre. -

Marche de plus en

plus difficile.

1885. Juillet. - Etat actuel. - Tète bien développée, bosses

frontales saillantes, bosses pariétales peu marquées; protubérance

occipitale en relief. - Front large, bombé, saillant. Yeux nor-

maux, iris bleu ; nez petit, bouche, 4 centimètres, lèvres moyenne-

ment épaisses; oreilles bien développées, détachées; lobule semi-

adhérent.

Fig. 4.

140 DE L'ÉPILEPSIE PROCURSIVE.

DE L'ÉPILEPSIE PROCURSIVE. 141

142 DE L'ÉPILEPSIE PROCURSIVE.

sillons. Par suite de la déviation du tronc basilaire vers la gauche,

l'artère cérébrale postérieure droite est plus longue que la gauche.

La communiquante postérieure est filiforme ainsi que la cérébrale

antérieure du même côté. - Le pédoncule cérébral droit paraît

plus étroit que le gauche. La pyramide droite est réduite à un

tractus d'une largeur de 2 à 3 millimètres. - L'olive droite est

plus longue et plus large d'un tiers que la gauche. Les nerfs cl'd-

niens paraissent normaux.

Cervelet, bulbe et protubérance, 150 gr. Les ventricules latéraux

contiennent une certaine quantité de liquide et sont dilatés. La

moitié gauche de la moelle paraît atrophiée et le cordon latéral de

ce côté est un peu grisâtre sur toute sa longueur. '

Hémisphère gauche. La scissure de Sylvius laisse voir entre ses

deux lèvres le lobule de l'insula; ses rameaux antérieurs sont irré-

guliers. Le sillon de Rolando est assez profond et très sinueux. La

scissure perpendiculaire externe est séparée de la scissure interpa-

riétale par un pli de passage à niveau allant du lobule pariétal

supérieur au lobe occipital. La scissure interpariétale, qui forme

en arrière de la pariétale ascendante une scissure parallèle

presque complète, se prolongejusque dans le lit du premier sillon

occipital et envoie deux rameaux descendants, l'un en avant,

l'autre en arrière du pli courbe; un peu au-dessous de la partie

moyenne de la circonvolution pariétale ascendante elle fournit

un rameau transversal qui va se jeter dans le sillon de Rolando.

Le lobe orbitairc est formé de circonvolutions grêles, atteintes

pour la plupart de méningo-encéphalite surtout prononcée vers l'in-

cisure en Il. Face convexe. -- Lobe frontal. - En avant de la fron-

tale ascendante, il existe une scissure parallèle frontale presque

complète, interrompue seulement au niveau de la scissure inter-

hémisphérique par un pli d'insertion de la première frontale et

vers son tiers supérieur par un pli d'insertion de la deuxième

frontale à sa moitié inférieure; elle est parallèle à une autre

scissure transversale située à un centimètre en avant, qui commu-

nique d'une part avec la deuxième scissure frontale, d'autre part

avec elle-même et divise en bas le pied de la troisième circonvo-

lution frontale.

La première frontale, peu développée, envoie trois plis de pas-

sage à niveau à la seconde ; sa moitié postérieure est atteinte de

méningo-encéplcalite. - La première scissure frontale, sinueuse,

assez profonde, est interrompue par les plis de passage ci-dessus

indiqués et communique avec la scissure parallèle frontale. La

deuxième fronlale, qui est le siège de méningo-encéphalite en quel-

ques points de ses parties moyenne et postérieure, est très plissée,

très découpée et irrégulière; elle projette deux plis de passage à

niveau à la partie triangulaire de la troisième frontale. - La

DE l'épilepsie PROCURSIVE. 04

deuxième scissure frontale, très irrégulière, scindée en plusieurs

tronçons, présente une partie moyenne isolée allant rejoindre

par un rameau descendant la scissure de Sylvius à la pointe du

cap de la troisième frontale; celle-ci, moyennement développée,

présente également, surtout sur son pied, des traces de méningo-

encéphalite, mais moins prononcée que sur les première et

deuxième frontales. - La frontale ascendante est grêle; on trouve

sur presque toute sa surface des traces de méningo-encéphalite. La

pariétale ascendante est moins grêle, atteinte aussi de méningo-

encéphalite, surtout à son tiers supérieur, mais à un degré moins

prononcé. Lobe pariétal. Le lobule pariétal supérieur peu volumi-

neux est envahi par ia méningo-encéphalile dans ses deux tiers

antérieurs; le lobule pariétal inférieur très maigre, présente ainsi

que le pli courbe, plus développé des traces de méningo-encépha-

lite disséminée; un pli de passage à niveau relie le pli courbe à la

première circonvolution occipitale. Le lobe occipital est plutôt

petit; la méningo-encéphalite y est peu accentuée.

Lobe temporal. - Les première et deuxième temporales présen-

tent des lésions de méningo-encéphalite sur presque toute leur

étendue; la première envoie deux plis de passage à niveau à la

seconde. - La première scissure temporale communique d'une

part avec la scissure de Sylvius par un sillon profond et oblique

qui longe le bord supérieur d'une circonvolution transverse

temlJo¡'o-pa1'iétale bien développée; d'autre part, avec la deuxième

scissure temporale qui est sinueuse, irrégulière, interrompue par

des plis de passage à niveau allant de la deuxième à la troisième

temporale qui est très découpée.

Face interne. - Lobe temporo-occipital. La méningo-encéphalite

atteint principalement toute l'extrémité antérieure du lobe tem-

poral et s'étend jusqu'au de-là de la partie moyenne de la

deuxième circonvolution temporo-oceipitale; celle-ci envoie des

plis de passage à niveau à lapremière circonvolution temporo-occi-

pitale, ces deux circonvolutions sont assez bien développées en

arrière, plus maigres en avant.

La circonvolution frontale interne est assez bien développée, sauf

dans son quart antérieur où la méningo-encéphalite est très pro-

noncée. - La scissure calloso-marginale ne présente rien de parti-

culier. - La circonvolution du corps calleux est atteinte à un degré

moins prononcé de m6uingo-encéphalile sur toute son étendue. -

Le lobule paracentral, relativement assez gros, parait peu lésé,

sauf dans sa partie la plus postérieure. - Le lobule quadrilatère

possède une scissure sous-pariétale en H, dont la branche anté-

rieure est reliée à la scissure calloso-marginale par un petit sillon

horizontal; il existe un pli pariéto-limbique postérieur. - La scis-

sure perpendiculaire interne est très profonde. Le coin parait un

144 DE L'ÉPILEPSIE procursive.

peu grêle dans sa partie supérieure. - La fissure calcarine, la

couche optique, le lobule de l'insula n'offrent rien à noter. - Le

corps calleux, surtout dans son tiers antérieur, le corps strié, vers

sa partie postérieure, paraissent atrophiés.

Hémisphère droit. - La scissure de Sylvius laisse à découvert le

lobule de l'insula dont les circonvolutions sont un peu jaunâtres;

elle envoie deux rameaux ascendants antérieurs allant se jeter

dans la deuxième scissure frontale et isolant ainsi complètement

le pied de la troisième circonvolution frontale du cap et de la cir-

convolution frontale ascendante. - Le sillon de Rolando, sinueux,

communique en avant par un sillon profond avec la première

scissure frontale et en arrière vers son tiers inférieur avec la scis-

sure interpariétale par un sillon moins profond que le précédent.

La scissure perpendiculaire externe est séparée de la scissure inter-

pariétale par un pli de passage à niveau se rendant du lobule

pariétal supérieur au lobule occipital. - La scissure perpendiculaire

externe forme, en arrière de la pariétale ascendante, une scissure

parallèle complète débordant sur la face interne; en bas elle est

isolée de la pariétale ascendante par un pli de passage à niveau

contourné, allant de celle-ci au pli pariétal inférieur, au delà de

son coude elle est interrompue par un pli de passage transversal

atrophié, se rendant du pli pariétal supérieur au pli courbe ; plus

loin, elle va se confondre avec le sillon occipital transverse.

Le lobule orbitaire est atteint de méningo-encéphalite dans toute

sa moitié interne et postérieure; les circonvolutions de toute sa

moitié antérieure sont en retrait, vermiformes et atrophiés.

Face convexe. - Lobe frontal. Il existe une scissure parallèle

frontale interrompue seulement vers son quart supérieur par un

pli de passage à niveau atrophié, allant de la deuxième frontale à

la frontale ascendante. La première frontale s'insère à la frontale

ascendante par deux plis de passage à niveau, atrophiés, vermi-

formes; elle est complètement atrophiée, vermiforme, dans ses

parties posrieure et tantéérieure, dans sa partie moyenne, il existe

seulement deux Ilots non atrophiés. - La première scissure fron-

tale sinueuse communique en arrière avec le sillon de Rolando

par le sillon déjà décrit; au tiers antérieur on y rencontre un pli

de passage étroit, atrophié et au tiers postérieur un autre pli de

passage profond. La deuxième frontale s'insère à la frontale ascen-

dante par un pli de passage courbe, atrophié; elle est atrophiée,

vermiforme, sauf à sa partie moyenne où se rencontrent des traces

de méningo-encéphalite ; en avant elle envoie deux plis de passage

à niveau, atrophiés, à la troisième frontale; sur les parties anté-

rieures des première et deuxième frontales, l'atrophie est beaucoup

plus prononcée que sur les parties postérieures. - La deuxième

scissure frontale, profonde, sinueuse postérieurement est inter-

DE l'épilepsie PROCURSIVE. '17

rompue en avant par un des plis de passage dont il vient d'être

question. La troisième frontale, dont le pied et la moitié du cap

sont relativement assez développés, avec quelques traces d'adhé-

rences, est atrophiée dans sa moitié antérieure, mais c'est surtout

la moitié antérieure du cap qui est atteinte. - Les frontale et pariétale

ascendantes sont atrophiées dans leur moitié supérieure, la pre-

mière plus que la seconde.

Lobe pariétal. - Le pli pariétal supérieur est tout à fait atrophié,

vermiforme, sauf sur une surface d'un peu moins d'un centimètre

carré qui présente toutefois une couleur un peu ocreuse et forme

son extrémité postérieure. Le pli pariétal inférieur et le pli courbe

sont relativement assez bien développés ; sur le dernier on

remarque quelques traces d'adhérences ; la coloration de la

substance cérébrale parait à peu près normale. '

Le lobe occipital, sans être manifestement atrophié, offre cepen-

dant une coloration légèrement ocreuse, surtout dans sa partie

supérieure. -

Lobe temporal. - Les trois circonvolutions temporales sont assez

bien développées, sinueuses. La deuxième envoie à la troisième

deux plis de passage à niveau; sur la moitié antérieure de la

première et sur toute la deuxième, on constate de la méningo-

encéphalite. Les scissures ne présentent pas d'anomalies dignes

d'être notées.

Face interne. - Lobe temporo-occipital. - La première circonvo-

lution tempoz·o-occipitala un pou jaunâtre, légèrement en retrait

vers l'incisure préoccipitale, pousse deux plis de passage à niveau

grêles à la troisième circonvolution temporale. - La deuxième

temporo-occipilale, plus jaunâtre que la précédente, est assez

développée, elle envoie un pli de passage à niveau à la première

vers son tiers antérieur. Les scissures sont assez profondes,

inlerrrompues par les plis de passage ci-dessus.

La circonvolution frontale interne est atrophiée dans presque toute

son étendue ; le lobule paracentral l'est également, mais à un

degré un peu moins prononcé. La scissure calloso-marginale est

peu profonde, ses bords sont écartés dans sa partie moyenne.

- - La circonvolution du corps calleux est atrophiée dans sa moitié

antérieure, vermiforme vers son pôle frontal ; il en est de même

du corps calleux. La corne antérieure du ventricule latéral est dilatée.

Le lobule quadrilatère est atrophié, vermiforme dans sa moitié

antérieure ; il existe un pli pariéto-limbique antérieur et un pos-

térieur ; la scissure sons-pariétale a la forme d'un ? La scissure

perpendiculaire interne est très large ; le coin parait relativement

assez bien développé ; la fissure calcarone est normale.

Le corps strié est atrophié ; la couche optique semble à peu près

normale, elle a cependant une teinte jaunâtre, à sa surface qui

est très légèrement bosselée.

BOURNEVILLE, 1887. 10

1M de l'épilepsie rr;ocu2sr-r.

Examen iiistologique, par M. Pilliet interne du service. Cer-

veau et bulbe durcis dans l'alcool. Moelle durcie dans le liquide

de Muller.

Cerveau droit. - Portions alrophiées. - Substance grise. Ces

membranes n'ont pas enlevé des portions de substance cérébrale

en se détachant; la première couche de la substance grise est

confondue avec la seconde; elle présente, comme cette dernière,

une néoformation considérable, les capillaires apparaissent sur les

coupes, étoilés, arqués, formant un réseau serré. L'organe lym-

phatique est rempli de cellules rondes; autour d'elles existe un

espace clair dû au retrait qu'a subi la pièce dans l'alcool. Sur

des points où la lésion est plus avancée, il existe autour de ce

vaisseau vasculaire serré des fibrilles conjonctives en plus ou

moins grande épaisseur ; plus loin, la lésion est plus avancée

encore. Ces fibrilles conjonctives forment un véritable tissu fibroïde e

de sclérose qui tranche vivement par son aspect sur le tissu névro-

glique ambiant. Ainsi sont constituées des bandes scléreuses

larges et plates, occupant et remplaçant la deuxième couche

de la substance grise, celle des petites cellules pyramidales. Ces

bandes ne sont pas pures, mais contiennent un certain nombre

d'amas névrogliques et de cellules nerveuses arrondies, granu-

leuses et pigmentées; elles empiètent sur la substance grise des

deux couches qui les contiennent par des bandes conjonctives qui

suivent les trajets des vaisseaux; elles ont par conséquent un

bord dentelé et festonné. Au niveau de ces points, la première

couche de substance grise est épaissie, fibrillaire et chargée de

noyaux. La troisième couche, celle des grandes cellules, ne pré-

sente que des séries de cellules petites, à fins noyaux sphériques,

noyés sans ordre apparent dans une trame névroglique granuleuse.

Mais la vascularisation exagérée des couches corticales

moyennes et la formation de bandes de tissu scléreux par pla-

ques dans la même région ne sont que les deux premiers degrés

de l'altération. Sur d'autres points, entre les mailles du tissu con-

jonctif ainsi formé, se crée des vides qui étaient remplis par un

liquide à l'état frais. On a sous les yeux des cavités aréolaires.

irrégulières, cloisonnées par des travées conjonctives épaisses et

par de fines trabécules, le long desquelles sont dispersées de

grosses cellules irrégulières à protoplasma irrégulier. L'aspect

ressemble beaucoup sur les coupes à celui du grand épiploon

réticulé de certains rongeurs. En même temps la couche corti-

cale qui recouvre ce tissu aréolaire s'amincit et n'est plus qu'un

simple feuillet et les cavités s'agrandissent au point de former un

tissu aréolaire visible à l'oeil nu. Ces lésions expliquent l'état cha-

griné qui résulte de l'effondrement des couches moyennes de la

substance grise et l'état kystique, aréolaire qu'on observe, beau-

coup plus prononcé d'ailleurs dans d'autres cas d'idiotie.

de l'épilepsie PROCURSIVE. 147

Au-dessous de ces points très lésés, il n'existe plus de grandes

cellules nerveuses, mais on en rencontre tout à côté par amas

abondants; elles sont seulement groupées sans ordre apparent, au

lieu d'être disposées en séries verticales comme à l'état normal.

Les couches suivantes de la substance grise et la substance

blanche sont chargées de petites cellules rondes. On y voit, en

grande abondance des blocs volumineux, réfringents, irréguliers,

comme formés de la fusion de plusieurs boules. Malgré le séjour

des pièces dans l'alcool, ce bloc se colore en noir intense par

l'acide osmique sur les coupes laissées vingt-quatre heures dans ce

réactif.

Lobe occipital droit en dehors delà lésion. - Vaisseaux nombreux,

vascularisés, à cavité large, avec infiltration des gaines.Pourtant la

sériation verticale des éléments nerveux à laquelle nous attachons

une grande importance est conservée sur la plupart des points.

Si ce n'est dans la couche la plus profonde de la substance grise

où elle est morcelée par le réseau vasculaire. A ce point, ainsi que

dans la substance blanche, nombreux corps granuleux et blocs

graisseux semblables à ceux que nous venons d'indiquer.

Cervelet du calé droit. Cellules de Purkinje assez nombreuses.

Couche externe et couche des myélocytes normales. On retrouve

un certain nombre des gros blocs graisseux qui paraissent dus

à l'action de l'alcool sur la pièce.

Cerveau. Hémisphère gauche. - Il existe dans le lobe frontal

une vascularisalion très développée avec diminution de nombre et

de volume des cellules nerveuses qui ont perdu leur sériation

dans les points examinés. Nombreux corps granuleux dans la

substance blanche. Dans le lobe occipital, on retrouve, à côté de

points normaux dans l'écorce, des taches de désintégration au

début. - Les coupes du cervelet droit, examinées comparative-

ment avec celles du côté gauche n'ont pas paru présenter de

différence sensible. - Les coupes du bulbe à la portion inférieure

du quatrième ventricule, au-dessous des olives montrent d'abord

des lésions peri-vasculaires très marquées, surtout du côté

gauche. Diminution comparative du volume des noyaux. Du même

côté, dans la moelle cervicale, les cornes antérieures sont petites

mais avec leurs cellules bien nettes, de même les cordons anté-

rieurs. Ilots de tissu scléreux de dégénérescence descendante, en

dehors de la corne supérieure du côté gauche. Celte corne parait

un peu plus volumineuse que celle du côté opposé. Dans cet îlot

à contours diffus un certain nombre de tubes nerveux persistent.

En résumé, les lésions du bulbe et de la moelle sont consécu-

tives ainsi que celles de la couronne de Reil.

Les lésions de l'écorce sont surtout marquées au niveau de la

deuxième couche de la substance grise et on peut leur distinguer

- 148 DE l'épilepsie procursive.

trois étapes : 10 prolifération vasculaire; 2° sclérose et atrophie

des cellules nerveuses; 3° formation des cavités.

Ces lésions forment aussi à la surface des hémisphères un cer-

tain nombre de taches diffuses semblables à celles qu'on trouve

dans la plupart des cerveaux d'idiots.

Ce malade a eu des accidents cérébraux dès l'âge de

six mois sans convulsions, ni paralysie ; mais à deux

ans il eût des convulsions qui n'ont porté que sur le côté

gauche dont on constate aussitôt la paralysie qui per-

sista d'une façon plus ou moins complète et s'atténua

plus tard de manière à permettre quoique incomplè-

tement la marche. Ces symptômes : prédominance des

convulsions et paralysie du côté gauche sont en rap-

port avec les lésions trouvées à l'autopsie, qui étaient

en effet plus prononcées sur l' hémisphère cérébral droit

et atteignaient surtout les centres moteurs des membres.

C'est aussi à la suite de ces convulsions que l'intelli-

gence a diminué et que survint de la céphalalgie

frontale accompagnée de vomissements, puis d'affai-

blissement de la vue. Ce n'est que vers l'âge de douze

ans qu'apparurent les premiers accès procursifs. La

parésie qui avait succédé à la paralysie augmenta ;

l'affaiblissement intellectuel s'accentua et l'on constata

du bégaiement.

La paralysie d'abord limitée à gauche, puis amé-

liorée, reparaît et envahit aussi le côté droit; la

parole, peu développée, se limita de plus en plus, ce

qui est en rapport avec les lésions relevées à l'autopsie

qui nous a montré que la troisième circonvolution fron-

tale est plus atteinte à gauche qu'el droite.

L'autopsie nous a fait voir une atrophie de 1'11érni-

sphère cérébral droit qui pèse 50 grammes de moins

que le gauche; aussi le cerveau ne recouvrait-il le

DE l'épilepsie PROCURSIVE. 149 9

cervelet qu'en partie , le laissant complètement à

découvert sur la partie médiane. La pie-mère est

oedématiée, l'artère communicante postérieure et l'ar-

tère cérébrale antérieure gauches sont filiformes; le

pédoncule cérébral et la pyramide du côté droit sont

atrophiés. Contrairement à la règle, ce n'est pas l'olive

droite qui est atrophiée, mais la gauche. Les ventri-

cules latéraux sont dilatés (Hydrocéphalie consécutive).

La moitié gauche de la moelle est atrophiée.

Nous ne reviendrons pas sur les lésions rencontrées

sur les circonvolutions cérébrales; elles ont été décrites

plus haut; nous rappellerons seulement qu'outre l'a-

trophie ou la gracilité de certaines circonvolutions,

nous avons surtout constaté de la îzéî212qo-eîiccl)hcilite,

plus prononcée à droite au niveau des centres moteurs.

Le cervelet est moins atteint que les hémisphères

cérébraux ; ce n'est du reste que tardivement, vers

1880, qu'apparurent les premiers phénomènes pro-

cursifs. Lors de l'autopsie, le poids du cervelet, de

l'isthme et du bulbe était de 150 grammes. Malheu-

reusement ces diverses parties de l'encéphale n'ont

pas été pesées isolément; notre attention n'ayant pas

encore à cette époque été attirée sur le cervelet.

Toutefois il existait une légère atrophie portant sur

leur ensemble, puisque le poids moyen de ces organes

est d'environ 172 grammes. Les deux hémisphères

cérébelleux étaient sensiblement égaux, toutefois le

gauche paraissait un peu plus petit.

C'est aussi lors de l'apparition des premiers phéno-

mènes procursifs que l'on nota la diminution de la

vue ; nous ne pouvons affirmer dans notre cas si ce

symptôme doit être attribué à une lésion cérébelleuse,

150 DE l'épilepsie PROCURSIVE.

vu l'étendue et la dissémination des lésions rencon-

trées à l'autopsie, mais nous croyons devoir rappeler

que l'amaurose est un des symptômes le plus fré-

quemment noté dans les cas d'affection cérébelleuse.

Parmi les autres symptômes pouvant être rattachés

à une lésion cérébelleuse nous signalerons encore la

tilubation.

- Des deux observations qui précèdent, relatives à des

malades atteints l'un d'épilepsie procursive, pouvant

être rattachée à une lésion du cervelet, et l'autre d'ac-

cidents procursifs tardifs nous rapprocherons une

observation de M. Meschede1. Toutefois nous devons

faire remarquer que cette observation diffère un peu

des nôtres au point de vue clinique, car les accidents

procursifs qui précédaient et suivaient l'accès avaient

une durée beaucoup plus longue et ne semblent pas

avoir constitué à proprement parler des accès.

Ot3snv.To : v LVI. - Epilepsie avec idées religieuses extatiques

mouvement de manège forcé de gauche à droite. - Démarche va-

cillante, impossibilité d'exécution de mouvements (fonctions) com-

plaqués. - Altitude de la tête quelquefois penchée en arrière. -

Parole lente, le plus souvent tremblée. - Sensation intercurrente

de chaleur brûlante dans le corps. Fréquentes attaques d'hypé-

rérnie aiguë pulmonaire. - Durée de l'épilepsie : au moins huit

uns. - Mort à quarante ans.

Autopsie. - Etat trouble de la pie-mère de la convexité. -

Adhérence de la corne droite postérieure. - Sclérose et atro-

phie de l'hémisphère droit du cervelet. - Etat cartilagineux du

corps dentelé du cervelet. - Induration des deux olives.

0,Pvlètric et hépatisation des poumons.

Johann Iluth, évangéliste non marié, auparavant berger, admis

en 1833 pour épilepsie à l'hôpital de Schwetz, transféré plus Lard

. lleschede. - Ein Fait von Epilepsie mil Zwangs-llewegu11gen und

Zwangsvorstellungen und Sclérose einer K7e ? t ! ')-M ? eM)oe;'e. (Vir-

chow's Archiv, 1880, p. (j(j9.¡ ,

de PITOCURSIVLI. loi

pour troubles mentaux à l'asile d'aliénés. Observé de 1857 à sa

mort (1800). Pas de renseignements sur les causes et le dévelop-

pement de la maladie. Les accès étaient relativement peu fréquents

(2 à 5 par mois), en deux ans il eut 100 accès dont 91 diurnes.

Rarement plus d'un accès en vingt-quatre heures; - en deux ans

et demi, 1 fois seulement le maximum des accès a été de 2 par

jour. Le plus long espace entre les accès a été de vingt-sept à

vingt-huit jours. Dans le cours de l'année 1859, 3a accès; 12 diur-

nes, 23 nocturnes. Parfois, vomissements et céphalalgie consé-

cutifs.

Quelques jours avant ou après un accès, il présentait parfois

des phénomènes de locomotion involontaire se répétant d'une façon

déterminée, consistant : 1» soit en une course de côté et d'autres,

d'une durée quelcluefois d'une heure, ou d'une marche d'un pas

rapide dans le corridor; - 2° soit en mouvements de manège,

c'est-à-dire locomotion en cercles de gauche à droite; - 3° soit

même en rotation dans l'axe longitudinal (en attitude debout),

également de gauche à droite. Ces mouvements duraient souvent

une heure ; si l'on cherchait à les arrêter, J. [luth s'emportait s'il

était interrogé, prétendant qu' « on ne devait pas l'arrêter,

qu'il courait pour délivrer le monde ». Ces mouvements circulaires

étaient limités en étendue, environ six pieds de diamètre. La

marche était quelquefois chancelante sans paralysie. La tête et la

nuque étaient quelque peu inclinées en arrière. La parole peu cou-

lante, hésitante et irrégulière nécessitait souvent un certain effort

convulsif; parfois, au début, on constatait une répétition des mots

avec accompagnement brusque d'un tremblement extraordinaire

de l'intonation. L'articulation se faisait cependant très convena-

blement, mais avec un trainement très prononcé de quelques

mots ou de quelques syllabes.

Le malade était maladroit, lourd, incapable d'exécuter un tra-

vail soigné. Il eut de nombreuses attaques d'hyperhémie pulmo-

naire aiguë qui mirent souvent sa vie en danger (saignée du bras

ou scarification à la tête); c'est à une attaque do ce genre que

succomba le malade. ,

M. Meschede s'étend ensuite sur l'état intellectuel du malade

tombé presque en démence et sujet à des périodes d'excitation ma-

niaquc, accompagnées d'idées religieuses résultant de sa profession.

A l'autopsie, on constata une sclérose atrophigue de hémisphère

cérébelleux droit, l'adhérence de la orne postérieure du ventricule

latéral droit à l'ergot de Morand et une certaine induration des

(Icitx olives. - L'hémisphère cérébelleux gauche et la corne posté-

rieure du ventricule latéral gauche ne présentaient aucune ano-

malie. - La sclérose cérébelleuse droite était plus prononcée sur

le corps rhomboïdal réduit à la grosseur d'un noyau de prune et

d'une dureté cartilagineuse.

152 DE l'épilepsie PROCURSIVE.

Nous ne retiendrons de l'examen du cerveau que les faits sui-

vants : la dure-mère au niveau du frontal et des pariétaux était

adhérente; la pie-mère de la convexité avait un aspect laiteux,

était quelque peu épaissie, non adhérente.

Les poumons étaient oedématiés, emphysémateux à leur bord;

le lobe inférieur droit présentait une hépatisalion rouge. Le cocu)',

en surcharge graisseuse, était légèrement hypertrophié.

- Dans le cas de Meschede, les symptômes observés

sont en rapport avec la lésion cérébelleuse rencontrée

à l'autopsie, locomotion involontaire, rotation, dé-

marche chancelante, bégaiement et tremblement de la

parole.

Les phénomènes procursifs diffèrent quelque peu de

ceux que nous avons observés chez nos malades,

toutefois l'absence d'antécédents nous empêche d'é-

tablir une comparaison exacte entre ce cas et les

nôtres.

Parmi les observations anciennes que nous avons

publiées dans notre historique on trouva à l'autopsie,

dans deux cas, des lésions profondes de la protubé-

rance et, dans un autre cas, une lésion du corps strié;

dans ces trois cas il s'agissait de vastes foyers d'hé-

morrhagie ; la difficulté dans ces circonstances de bien

localiser la lésion, son retentissement sur les organes

environnants ne permettent pas de discuter avec fruit

ces observations.

Anatomiquement parlant, il semble donc, d'après les

quelques rares autopsies pratiquées jusqu'à ce jour,

que dans l'épilepsie procursive, les accidents procur-

sifs, certains mouvements de manège, de rotation,

sont liés à une lésion cérébelleuse'. Celle-ci peut

' « Les impulsions rectilignes ou selon l'axe qui peuvent être repro-

duites expérimentalement par la section ou l'irritation de certains points

DE L'ÉPILEPSIE PROCURSIVE. HJ3

être tantôt primitive, tantôt secondaire, ce qui explique

l'apparition précoce ou tardive des phénomènes pro-

cursifs.

En 1869, MM. Luys et A. Voisin ont attiré l'at-

tention sur les lésions du cervelet et de ses pédon-

cules chez les épileptiques; ils attribuaient à ces lésions

un rôle important dans les phénomènes convulsifs,

assertion du reste discutable, car la lésion cérébelleuse

était associée à d'autres lésions encéphaliques; aucun

de leurs malades n'est signalé comme ayant présenté

des accidents procursifs, mais il est à noter que tous

étaient atteints d'épilepsie depuis l'enfance, et qu'il

est possible que les accès procursifs disparus depuis

longtemps aient été omis dans les commémoratifs

fournis par les parents, soit qu'ils les aient ou-

bliés, soit que le médecin n'ait pas provoqué d'expli-

cations précises sur les caractères des accès aux

différentes périodes de la maladie.

En ce qui concerne l'anatomie pathologique, les

détails contenus dans les observations anciennes sont

loin d'être suffisants. Il est à désirer que, à l'avenir,

dans les cas d'épilepsie procursive, on procède à un

examen minutieux, non seulement du cerveau, mais

encore et surtout du cervelet qui, très souvent, n'est

l'objet que d'un examen sommaire.

de l'encéphale sont liées il des lésions du cerveau et l'on constate dans

l'intervalle des accès de locomotion d'autres symptômes on rapport avec

la maladie encéphalique. » (Jaccoud. - Leçons de clinique médicale de

Lariboisière, Paris, 1873, p. 170.)

' Luys et A. Voisin. - Contribution il l'anatomie pathologique du ccr-

velet, du bulbe et des corps striés dans l'épilepsie. (Archives générales de

médecine, décembre 1869.)

154 DE l'épilepsie procursive.

VIII. - Pronostic, diagnostic, etc.

Le pronostic de l'épilepsie procursive proprement

dite est toujours grave. Aux accès procursifs succèdent,

en général, au bout d'un temps plus ou moins long,

des accès à type commun; la marche est alors celle de

l'épilepsie commune. Il semble toutefois que les acci-

dents procursifs ont beaucoup moins d'influence sur

)'état intellectuel de ces malades; tant qu'ils existent

seuls, l'intelligence paraît, en effet, peu atteinte et la

mémoire semble bien conservée.

La marche et la durée sont celles de l'épilepsie ordi-

naire et par conséquent sont très variables.

Le diagnostic nous paraît facile. Les accidents pro-

cursifs, vertiges ou accès, diffèrent de la chorée et des

différentes affections à type saltatoire par la perte de

connaissance, ou une obnubilation profonde des

facultés intellectuelles, par le long intervalle qui

sépare les accidents, par la perte du souvenir de l'ac-

cident, etc. C'est à tort que Rilliet et Barthez ratta-

chent l'épilepsie procursive à la grande chorée : la

substitution des accès d'épilepsie ordinaire aux accès

d'épilepsie procursive, nous le répétons, démontre la

nature comitiale de la maladie 1. '

On observe souvent chez les hystériques, à la fin

des séries d'attaques surtout, des accidents procursifs,

1 Ces auteurs ont confondu encore sous le nom de grande chorée des

cas évidents d'hystérie : tels sont entre autres les cas de Dewar con-

cernant cinq enfants de la même famille (épidémie d'hystérie) . -

(Itilliet et Barthez. Traité pratique et clinique des maladies des enfants;

2° édition, t. 11, p. : Jï8, Paris, 1861.)

DE r : ÉrJr.ErIE rrWCURS1VE. Ion

un besoin de courir, mais ces accidents ne consti-

tuent qu'un épisode de l'attaque et ne la composent

pas tout entière, comme dans l'épilepsie procursive.

IX. - Considérations générales SUR la physiologie

ET L'ÉTIOLOGIE DES MOUVEMENTS PROCURSIFS.

La plupart des physiologistes s'accordent à faire

jouer au cervelet un rôle dans la locomotion, la seule

des fonctions qu'on lui a attribuée dont nous ayons

à nous occuper à l'occasion de l'épilepsie procursive.

Disons de suite que la propriété de coordonner les

mouvements paraît devoir être exclusivement réservée

à son lobe moyen. Or, nous avons vu que, chez

Duch... (Obs. LIV), le lobe moyen du cervelet était en

partie atrophié.

Parmi les phénomènes les plus constants observés

à la suite des lésions ou des excitations expérimentales

du cervelet, nous citerons les mouvements de rotation

et le tremblement. Chez les pigeons, Mitchell et

Richardson auraient observé, suivant la durée de la

réfrigération par la rhigolène, un mouvement en avant,

puis plus tard un mouvement de recul'.

Pour certains auteurs, les phénomènes observés

seraient des phénomènes d'entraînement, des impulsions

irrésistibles qu'ils rattachent à des troubles de l'inner-

vation cérébelleuse. C'est ainsi que M. Luys admet

l'action sthénique du cervelet dans tout effet volon-

taire ou involontaire.

1 ' D'après lleallnis, Nouveaux éléments de Physiologie humaine, ln édi-

tion, 181(i, p. llllln,

156 DE l'épilepsie PROCURSIVE.

« Les phénomènes étranges d'impulsions irrésistibles que pré-

sentent certains sujets qui sont invinciblement entraînés, soit à

courir en avant (ScélolYl'bc fcstinans), soit à accomplir une série de

mouvements involontaires de la tête, du tronc ou d'un des mem-

bres, etc. (chorées roicaloircs, chol'écs vibratoires) trahissent, écrit-il, 1,

dans l'ordre des faits pathologiques, leur parenté avec ceux que

j'ai signalés à propos des troubles' de l'innervation cérébelleuse;

on ne peut s'empêcher de reconnaître, en effet, que les tendances

procursives présentées par certains sujets, les mouvements rota-

toires accomplis par d'autres, ne sont en définitive que la répéti-

tion, chez l'homme, des mouvements d'cnlraîncment latéral, des

mouvements de rotation, des impulsions procursives variées, provo-

quées artificiellement chez les animaux, lorsqu'on vient à inté-

resser un point quelconque de la sphère où se dissémine l'influx

cérébelleux périphérique » »

M. Nothnagel n'admet, au contraire, aucune liaison

entre les lésions cérébelleuses et l'épilepsie2.

« Les accès épilepliformes, dit-il, réclament encore quelques

mots. Ils ne peuvent revendiquer aucune espèce de signification

diagnostique au profit d'une lésion du cervelet ; cela va de soi lors-

qu'on envisage leur présence dans diverses affections cérébrales.

Cependant, lorsqu'on veut faire la part de leur fréquence assez

grande dans l'atrophie cérébelleuse, c'est-à-dire dans une lésion

qui ne restreint pas l'espace de la cavité splanchnique, il semble-

rait Ék priori qu'il y ait lieu, ajuste titre, de se demander si les

accès n'auraient pas quelque rapport direct avec le cervelet. La

réponse négative nous parait incontestable. Ils sont absents dans

toute autre affection de déficit du cervelet; on a parfois dans l'atro-

phie cérébelleuse trouvé la protubérance et le bulbe concurrem-

ment intéressés et, à part cela, nous savons que tels accès peuvent

aussi affecter une fréquence insolite dans les affections du système

nerveux central les plus diverses dénuées d'action sur l'aire des

cavités, sans que pour cela on relie « l'épilepsie » alors observée à

la zone locale atteinte. Je ne vois nulle part jusqu'ici les éléments

d'une démonstration relative à l'origine de ces accès épilepti-

formes dans le cervelet lésé; bien au contraire, les attaques pro-

viennent toujours de la protubérance ou de la moelle allongée,

soit que les parties se trouvent directement comprimées par une

lésion restreignant l'espace ambiant, soit qu'il s'agisse d'étals

1 Luys. - Recherches sur le système nerveux cérébro-spinal. Paris,

1865, p. 616.

1 N'olina.-el. - Traité clinique du diagnostic des maladies de l'encé-

phale basé sur l'étude des localisations. Traduction Kéraval, 1885, p. 56.

DE L'ÉPILEPSIE PROCURSIVE. un

d'hypcrémie ou d'anémie de ces organes, soit enfin qu'on ait

affaire à une épilepsie provoquée « secondaire » (dans le sens que

nous avons attaché à ce mot autre part), le cervelet servant de

facteur intermédiaire (épilepsie symptomatique réflexe)1.

Pour M. Ilitzig'2, « les mouvements irrésistibles sont

tous, dès l'origine, des mouvements volontaires qui

prennent un caractère irrésistible de par le fonction-

nement à faux de diverses parties de l'organe. C'est

ainsi qu'il peut se produire des mouvements en appa-

rence irrésistibles quand l'individu s'illusionne sur sa

situation dans l'espace. »

Les mouvements de rotation ont été également obser-

vés à la suite des lésions des pédoncules cérébelleux.

- M. 13elliomme, dans un mémoire sur le tournis, lu à l'Académie

de médecine en 1833, cite l'observation d'une demoiselle qui, à

l'âge de quarante-sept ans, eut, à la suite d'une commotion

morale violente, des crises nerveuses avec besoin de tourner. De

nouvelles émotions ramenèrent de nouvelles crises, qui bientôt

se répétèrent spontanément quatre ou cinq fois dans la journée,

puis jusqu'à vingt fois. Ces crises s'accompagnaient d'un mouve-

ment de rotation de droite à gauche, mais quelquefois aussi de

gauche à droite, qui s'opérait de la manière suivante; la malade

étant assise roulait sur son siège avec une grande rapidité pen-

dant un temps plus ou moins long. Ces mouvements de rotation,

qui, pendant longtemps furent la caractéristique des crises; s'éloi-

gnèrent à mesure que la maladie fit des progrès : la déglutition

devint difficile, l'intelligence s'altéra de plus en plus, et la malade

mourut huit ans après le début de son affection.

' Si on laisse de côté les accès procursifs et que l'on n'envisage que les

accès à type commun qui les accompagnent ou leur succèdent, l'on peut

admettre, en ellet, avec Nothnagel, que ces derniers sont dus à la lésion

secondaire de la protubérance ou de la moelle allongée; c'est ainsi que

chez Duch... l'hémisphère cérébral gauche, le pédoncule cérébral

gauche et la moitié correspondante cle la protubérance étaient légère-

ment atrophiés ainsi que la pyramide et l'olive droites. - Chez Car...

la moitié gauche de la protubérance était plus petite droite. -

Chez Maisonh..., le pédoncule cérébral droit, la pyramide et l'olive

droite sont atrophiés, ainsi qu'à la moitié gauche de la moelle.

2 IX' congrès des >1CIlI'%gistcs et aliénistes de l'Allemagne du Sud-

Ouest, séance du 16 juillet 1881. (Archives de Neurologie, n" 25, vol. IX,

1885, p. 99.)

- lij8 DE 1,'ÉrlI.EPRIE PROCURSIVE.

L'autopsie montra, sur les côtés de la gouttière basilaire, deux

saillies osseuses du volume d'une petite noisette, ayant l'appa-

rence d'exosloses; la gouttière basilaire était évidemment rétrécis;

l'exostose de gauche était un peu plus grosse que celle du côté

droit, et toutes deux étaient rugueuses comme les points osseux

qui servent d'insertiou aux muscles. Le cerveau n'avait point

d'autre lésion que l'atrophie des nerfs optiques, une diminution

notable du volume de la protubérance annulaire, mais surtout

une dépression sensible, principalement à gauche, sur chacun

des pédoncules du cervelet, au point correspondant aux exostoses

signalées à la gouttière basilaire 1.

Les lésions cérébelleuses s'accompagnent de dégé-

nérations secondaires, particulièrement de la protu-

bérance, lésions secondaires auxquelles peut être

attribué le remplacement des mouvements procursifs

par des accès type d'épilepsie. Aussi croyons-nous utile

de dire quelques mots de la physiologie de la protu-

bérance des pédoncules cérébraux et du corps strié.

On sait que la galvanisation de la protubérance

produit des convulsions épileptiformes et que la lésion

d'un pédoncule cérébral produit un mouvement de

manège du côté opposé à la lésion. « Dans ce mouve-

ment de manège, l'animal décrit un cercle de rayon

variable, et le cercle parcouru serait d'autant plus

petit que la lésion se rapproche davantage du bord

antérieur de la protubérance et qu'elle atteint un plus

grand nombre de fibres - = r> (Beaunis). Dans trois cas de

lésion de la partie supérieure et externe du pédoncule

cérébral, le même auteur a constaté des mouvements

de rotation sur l'axe.

lllagendie admettait dans les corps striés un centre

dont l'excitation déterminait chez les animaux un

, llesnet. - Des mouvements circulaires (Archives générales, mai SS'2)'

, lie nunis. Nouveaux éléments de physiologie /;)<fn;«t ? l" édition,

p. S)9t). Paris. 1 Í¡¡.

DE L'ÉPILEPSIE PROCURSIVE. loi)

mouvement de recul ; après leur ablation, il y aurait

une impulsion irrésistible poussant le corps en avant,

impulsion qui serait due à l'action du cervelet que ne

contrebalance plus l'action de recul du corps strié. -

Richardson et llitchel ont vu des mouvements en

avant très marqués par le refroidissement des corps

striés (Beaunis).

Nous savons, d'un autre côté, qu'on a observé chez

le chien, après l'ablation complète du noyau caudé, un

mouvement de manège fort particulier (Carville et

Dure ! ) et que Nothnagel a admis dans le corps strié

chez le lapin un nodus c1l1'sorius dont l'excitation pro-

duisait un mouvement de course irrésistible.

D'autres auteurs, entre autres M. Steiner, attribuent

les mouvements irrésistibles à un défaut d'asymétrie

de l'innervation t. '

Les lésions cérébelleuses peuvent être latentes,

mais elles s'accompagnent souvent de phénomènes

variables, inconstants, parfois transitoires, sans qu'il

soit le plus fréquemment possible d'établir un dia-

gnostic précis ou d'en déterminer exactement la loca-

lisation, par suite des rapports intimes du cervelet

avec les organes du voisinage et à cause des actions

à distance possibles sur les autres parties de l'encé-

phale. - Aussi la symptomatologie des lésions céré-

belleuses et la physiologie pathologique du cervelet

sont-elles encore entourées d'une très grande obscu-

rité. Nous ne croyons pas que nos observations soient

à l'abri de toute critique sous ces divers rapports, car

les lésions rencontrées à l'autopsie n'étaient pas stric-

tement localisées à une partie du cervelet, et elles

' Archives de Neurologie, 1885. t. IX, p. 99.

160 DE 1,'ÉPILEPSIE PROCURSIVE.

sont, par suite, susceptibles d'interprétations variées;

toutefois, nous avons été frappés, surtout dans l'ob-

servation de Duch..., de la coïncidence de la lésion

cérébelleuse paraissant primitive, avec les phénomènes

procursifs observés à une certaine période de l'affec-

tion de ce malade , de l'étendue de cette lésion

cérébelleuse et de sa plus grande ancienneté par

rapport aux autres lésions rencontrées à l'autopsie.

L'interprétation des phénomènes observés pendant

la vie et leur relation avec la physiologie du cervelet

encore si indéterminée nous semble d'autant plus

difficile que les altérations du cervelet peuvent facile-

ment retentir sur les organes du voisinage (bulbe,

moelle, protubérance, etc.) avec lesquels cet organe

a des connexions si intimes. Des observations ulté-

rieures peuvent seules confirmer ou infirmer l'hypo-

thèse de la relation possible entre l'épilepsie procur-

sive et une lésion cérébelleuse.

Etiologie. - Nous ne connaissons rien de l'étiologie

de l'épilepsie procursive. D'après nos observations,

nous pouvons seulement dire que la lésion encépha-

lique semble débuter dès l'enfance.

X. Traitement.

Lés traitements les plus divers employés contre les

accès procursifs sont jusqu'ici restés inefficaces, seuls

les accès consécutifs d'épilepsie classique paraissent

justiciables d'un traitement amenant parfois une amé-

lioration passagère dans l'état du malade.

il.

Deux Cas d'Athétose double

avec imbécillité;

par BOURNEVILLE et PILLIET.

Les deux observations sur lesquelles nous allons appeler

l'attention ont trait à une maladie nerveuse encore peu con-

nue et dont le diagnostic précis nous paraît offrir quelque dif-

ficulté.

Observation I. - Deux frères ont eu des convulsions dans l'enfance.

- Frère probablement épileptique. - Emotion de la mère, trois

semaines avant l'accouchement, et tremblement consécutif. -

Parésie et tremblement du malade dès sa première enfance. -

Placé en hospice à huit ans. - Difficultés de la marche et chutes

par exagération des mouvements des jambes. - Difficulté de man-

ger et de boire due aux mouvements désordonnés des membres

supérieurs. - Contorsions du tronc, du cou, des muscles de la

face; signes plus marqués du côté droit. - Parole scandée et

embarrassée. Mouvements rares au repos; exagérés par la plus

légère émotion. - Santé générale satisfaisante; caractère pué-

ril, mémoire bonne. - Onanisme ; atrophie du testicule gauche. -

Dévotion.- Pèlerinage à Lourdes. Amélioration lente des mouve-

ments sous l'influence de l'hydrothérapie et de la marche avec le

chariot. - Transfert du malade aux vieillards; continuation de

l'amélioration.

Dernoed... (Nicolas), né à Paris le 1" mai 1847, est entré à l'lios-

pice de Bicêtre (service de M. 130URNEVILLE), le 23 janvier 1882.

Bourneville, 1887. 11 i

J 6z DEUX cas d'athétose double avec imbécillité.

Renseignements fournis par sa SOE ! I1' (22 février 1882). -Père,

intelligent, d'un caractère doux, a été trente-quatre ans cocher

à la compagnie générale, est mort à soixante-six ans d'une lion-

chite chronique ; il était grand, fort; on assure qu'il ne fumait pas

et ne faisait pas d'excès de boisson. Quelques douleurs rhumatis-

maies ; pas de maladies de peau, pas de migraines. [Père, maître

d'école en Hollande, pas de détails, - ni sur la mère. - Deux

frères : l'un est maître d'école, bien portant, et a une fille en

bonne santé; un fils est mort de la petite vérole; - l'autre frère

est mort à soixante ans, on ne sait de quoi. - Deux soeurs bien

portantes : l'une a trois filles, l'autre a trois filles et un garçon,

également en bonne santé. Dans la famille, pas d'aliénés, d'épi-

leptiques, de choréiques, ni de difformes; pas de suicidés, ni de

criminels.]

Mère, soixante ans, journalière, faisait des ménages; asthma-

tique, pas de maladies de peau, ni d'attaques; n'est pas nerveuse,

aucun excès. [Père, mort on ne sait de quoi. - Mère, morte en

couches à vingt-sept ans, pas de détails. - Un frère bien portant,

sans enfants. Trois soeurs bien portantes, l'une a trois enfants

en bonne santé.- Pas d'aliénés, d'idiots, d'épileptiques, etc.]

Pas de consanguinité (père hollandais, mère lorraine).

8 enfants : 1° un mort-né;- 2° un, mort à trois ans, du choléra,

avec convulsions; - 3° notre malade;- 4° garçon, trente-un ans,

aurait eu une fois des convulsions dans l'enfance, est bien portant,

pas de chorée, marié, a eu deux enfants qui sont morts l'un d'une

lluxion de poitrine, l'autre de cholérine, mais sans convulsions;

- 5° garçon mort à vingt-deux ans et demi d'hémoptysies succes-

sives, pas de convulsions, pas de chorée; - 6° garçon, mort à

vingt-deux ans d'un refroidissement après avoir été vingt mois

malade (phthisie); pas de chorée ni de convulsions; - 70 fille,

celle qui nous renseigne; brune, intelligente, figure régulière et

agréable, non mariée ; bien portante, pas de migraines, de cho-

rée, de convulsions; - 8° garçon, vingt-un ans, bien portant, in-

telligent, pas de chorée ni de convulsions; mais, depuis trois ans,

il serait sujet à de petits accidents cérébraux que l'on décrit ainsi :

yeux fixes, perte de connaissance, parfois rigidité; écume san-

glante, ronflement. Quelques mouvements de la tête, mais ne se

débat pas. 11 aurait eu deus crises la semaine dernière; il n'en

avait pas eu depuis trois mois (épilepsie 2 ).

Notre malade. - Grossesse bonne; pourtant, à huit mois, la

mère a été émotionnée parla mort de son second enfant. Elle au-

rait été prise d'un tremblement qui a duré trois semaines, jusqu'à

l'accouchement. - Celui-ci a eu lieu à terme, naturellement, sans

chloroforme. On pense que l'enfant est resté lontemps au pas-

sage : « ses accouchements étaient longs»; on ne saurait dire

DEUX CAS D'ATHÉTOSE DOUBLE AVEC IMBÉCILLITÉ. 163

s'il était asphyxié. Elevé au sein par sa mère, sevré à vingt-huit

mois. Le tremblement aurait été remarqué de suite et serait de nais-

stance. « Dès le premier jour, il a tremblé et il a emporté le trem-

blement de notre mère. » Il n'a jamais marché à la maison, c Aus-

sitôt qu'il était debout il tombait. » Envoyé à la campagne à cinq

ans, il y est resté jusqu'à son entrée à Bicêtre pour la première

fois à huit ans et demi environ. Il fut ensuite transféré à Rhodez,

en 1864, de Rhodez à St-Lizier où il est resté jusqu'en 1882, épo-

que où il fut ramené à Bicêtre sur les instances de sa famille.

il parlé « en bégayant », vers deux ans; il a été propre de bonne

heure; on ne croit pas qu'il ait eu d'otites ni d'ophthalmies, ni

de fièvres éruptives, ou de maladies d'enfant, du moins chez ses

parents. - On attribue sa maladie à l'émotion et au tremblement

survenus à la fin de la grossesse. « Ma mère a senti un choc en

elle, et a senti l'enfant remuer. »

Sur la période de 1857 à 1864, nous avons quelques renseigne-

ments très curieux parce qu'ils confirment les détails donnés par

la famille et nous permettent, en comparant les symptômes à deux

époques très éloignées (1857 et 1887) de bien mettre en relief

l'amélioration survenue dans l'état du malade. Le certificat de

M. Lasègue est ainsi conçu : Idiotie, paralysie, épilepsie probable.

- Le certificat de quinzaine, signé de M. Delasiauve, porte :

Chorée, imbécillité ; pas de crises épileptiques. Voici, d'autre part ,

les notes recueillies par notre vénéré maitre (18a7-1864) :

« Cet enfant, d'une force médiocre, a un fond d'intelligence ; il

répond à quelques questions en bredouillant. Le certificat de

police mentionne l'idiotie avec accès épileptiques présumés. Cette

dernière affection parait douteuse; les mouvements irréguliers

dépendraient plutôt d'un état chloréique. L'enfant ne peut, seul,

se soutenir sur les jambes ; s'il marche ou remue les bras, il ne peut

prendre une direction fixe. La prononciation a le même caractère.

Au repos, les phénomènes sont moins sensibles, mais ils existent

à un certain degré... »

Nous relevons ensuite les notes ci-après : a 4857. Novembre :

Ophlhalmic. - 188. Décembre : Malgré les exercices discontinués

trop tôt, on ne note que peu d'amélioration. - 1859. Avril :

Fièvre scarlatineuse, puis traitement par la liqueur arsenicale de

Fowler. En septembre, ophthcthnie. - 18G1. Décembre : L'exercice

de la poulie lui donne de la force ; il se soutient un peu mieux sur

les jambes et fait un pas en avant. - 1862. Juin : Les yeux vont

beaucoup mieux; l'exercice lui a rendu un peu d'agilité. No-

veznbre : Oplithalmie à droite. - 1863. mai Facilités pour le calcul

qui ne sont pas les mêmes pour la lecture ; marche moins difficile.

- 1864. Février : Il épèl(eL récite la Cigale et la Fourmi. Juin :

Oreillons ; ophthalmies palpébrales fréquentes. - 1864. Juillet :

164 DEUX CAS D'ATHÉTOSE DOUBLE AVEC IMBÉCILLITÉ.

Prurigo généralisé. Transféré le 18 septembre à l'asile de Rhodez. »

Le malade assure qu'à son départ il ne marchait pas encore seul,

qu'il restait tout le temps assis sur un petit fauteuil, que c'est à

Rhodez qu'il a commencé tl111al'chcl' seul. Nous insistons dès mainte-

nant sur ce fait qui a une grande valeur au point de vue du dia-

gnostic et nous reprenons la suite de l'observation depuis l'époque

où le malade est revenu dans le service.

1882.9 ma1'S,- Reyacciné avec succès (une pustule au bras droit).

16 août. - Etat actuel. Poids, zip kilogr. 80. - Tête assez forte.

Pas da saillie de la région occipitale, aplatissement de la région

comprise entre le vertex et l'occipital; bosses pariétales moyenne-

ment saillantes. Front assez élevé, légèrement fuyant, étroit.

Arcades sourcilières légèrement déprimées.

DEUX CAS D'ATHÉTOSE DOUBLE AVEC IMBÉCILLITÉ. 16t.

les avant-bras un peu fléchis, les doigts en mouvement. Le corps

se tortille, les genoux se touchent, le pied ne repose que sur sa

partie antérieure; les talons sont fortement relevés, la pointe du

pied droit se dirige un peu en dedans. Il arrive à suivre assez bien

la ligne droite, mais parfois il est entraîné malgré lui de côté, et

tombe très souvent. La marche est plus difficile quand on le re-

garde. « Çà m'é--mo ? tionne é-nor ? mément. » Il descend les

escaliers en se tenant fortement à la rampe. Dans la cour, il mar-

che à l'aide d'un chariot. Il assure que la nuit, s'il n'y a pas de

lumière, il est moins solide et ne peut marcher sans son chariot.

Quand Dern... mange, il saisit brusquement les bouchées de

pain préparées par l'infirmier; ses doigts les serrent énergique-

ment. Lorsqu'il porte le pain à sa bouche, la bouche vient en

avant et la tête s'incline, l'avant-bras est relevé également et décrit

des oscillations. Quand Dern... veut prendre sa fourchette,

les doigts s'écartent complètement, puis les quatre derniers l'em-

poignent violemment, le pouce restant en dehors et ne formant

pas crochet; parfois le pouce et l'index se détachent de la four-

chette et exécutent des mouvements. Quand il a saisi le morceau

de viande avec la fourchette, par une sorte de mouvement de

bascule il appuie fortement sur la table l'avant-bras et le rebord

cubital de la main, et la tête vient au-devant de la bouchée en

exécutant de nombreuses oscillations. Parfois, mais rarement, il

se pique la bouche. De préférence il se sert de la main gauche

pour prendre son pain, et les mouvements d'élévation de l'avant-

bras et d'abaissement de la tête sont alors moins marqués que si !

se sert du bras droit.

1883. Janvier -.Poids, 49 kilogr. 80.-Juillet : Poids, 48 kilogr.

1884. Janvier : Poids, 48 kilogr. 20.-Juillet : Poids, 47 kilogr. 40.

3 novembre. - A deux heures de l'après-midi, le malade étant

debout contre son lit, s'est senti tout à coup défaillir, et s'est

plaint d'une douleur vive dans le flanc droit. Face pâle, sueurs

froides sur la figure et le corps,, cou gonflé, pouls faible, lent, ré-

gulier (60 p.). Mouvements respiratoires réguliers (20), soulevant

les joues. Pupilles égales, contractions musculaires faibles, mais

pas de paralysie. T. 38°,2. Le malade a gardé toute sa connais-

sance.

4 novembre. - Appétit, soif vive, constipation. T. R. 37°, 8. -

Hier, à deux heures et demie le malade a vomi : il avait, parait-il,

mangé une quantité considérable de pruneaux. Après les vomisse-

ments il a été soulagé.

l8S;i. Janvier : Poids, 47 kilogr. 511.- Juillet : Poids, 49 kilogr. 20.

Notes Sommeil bou, il s'endort assez lente-

ment : « Deux... ou trois... heures... après que... je suis au lit. »

Jamais de cauchemars.

166 DEUX CAS D'ATHÉTOSE DOUBLE AVEC IMBÉCILLITÉ.

Fonctions digestives bonnes; mastication passable, pas de vo-

missements. Selles quotidiennes; il peut aller seul aux cabinets,

se déshabiller et se rhabiller, mais tout cela se fait très lentement

en raison des mouvements choréiformes. Urination normale.

Moustaches châtaines, peu fournies; favoris et barbe très four-

nis, cheveux noirs assez abondants, sauf sur les tempes; sourcils

bruns très épais.

Organes génitaux. - Poils assez abondants au pénil ; bourses

pendantes, plus adroite qu'à gauche, verge volumineuse; lon-

gueur 10 c. 1/2, circonférence 9 1/2. Pigmentation assez pronon-

cée. Gland en partie découvert, découvrable; méat normal. Le

testicule droit est du volume d'une noix moyenne, double du

gauche qui est seulement de la grosseur d'une grosse olive. Poils

assez abondants à l'anus. - Onanisme de quinze à dix-huit ans.

Il affirme qu'il a cessé depuis et qu'il n'a jamais eu de rapports

sexuels. « Il y a vingt-huit ans et demi que je suis enfermé,

dit-il. »

Mémoire bonne : Der. se rappelle avoir vu l'un de nous à l'asile

de Rhodez, en 1880, « un dimanche », ce qui est exact.

Parole. -La prononciation rappelle celle d'un enfant « rai

trente-six ans... et demi... ma mère... demeure... rue... de Meaux

..... la Villette... La voix est nasonnée et gutturale. Les lèvres

sont presque toujours en mouvement. Parfois la phrase se conti-

nue sans arrêts : « A Rhodez, j'avais une liberté relative... on me

laissait sortir avec un commissionnaire... malade lui-même.» La

parole est scandée par des mouvements. Il peut allonger la langue

et la maintenir quelque tempshors la bouche. Il n'y a pas de trem-

blement, mais parfois une petite trémulation de la base à la pointe,

et vice versa. Rire niais. - Motililé spasmodique, avec plissement

de la face. - Assis, il reste relativement tranquille ; cependant

la jambe droite est parfois soulevée, le genou vient buter contre

l'autre. La jambe gauche parait rester immobile. Il repose ses

mains sur ses genoux et conserve assez longtemps cette position;

parfois, cependant, il a des mouvements des doigts et du bras droit.

C'est ce bras qui est le plus faible - ainsi que la jambe correspon-

dante - et qui présente les mouvements choréiques les plus accusés.

Le malade peut se rhabiller, boucler sa ceinture, se boutonner,

mais lentement. Pour boire, il rapproche les deux mains, les

doigts très largement espacés, et avec des mouvements d'athé-

those. Une' fois le vase saisi violemment, il abaisse la tête qui vient

ainsi au-devant du verre, puis il la relève aussitôt en buvant.

Sensibilité. - Elle est conservée sur tout le corps; toutefois le

contact, le chatouillement, le chaud et le froid semblent être plus

vivement perçus à gauche qu'à droite, au tronc, aux membres et

à la face ?

DEUX CAS D'ATHÉTOSE DOUBLE AVEC IMBÉCILLITÉ. 16î

La vue est bonne. La vision monoculaire paraît un peu trouble

pour l'oeil gauche ( ? ). Les pupilles sont égales, moyennement dila-

tées, contractiles; le réflexe à la et le réflexe d'accommoda-

tion sont conservés sans être exagérés; le malade distingue net-

tement toutes les couleurs; pas de nystagmus ; pas de diplopie; pas

de myopie. - L'ouie est bonne des deux côtés : il entend le tic

tac d'une montre à 40 ou 50 c. de l'oreille. - Dern... ne sait pas

le nom des odeurs, mais il distingue les agréables des désagréables.

- Goût normal.

Les réflexions, le langage sont un peu puérils. - D... est très

poli, très reconnaissant de ce qu'on fait pour lui. Il se promène

toute la journée dans son chariot. Jamais de vertiges.

1886. Janvier : Poids, 49 kilogr. 40; taille, im, 58.

19 noK<.Nicolas, qui est très pieux, est parti le 16 en pèlerinage

pour Lourdes. Il a été conduit à la gare d'Orléans par son ami

Marson..., ancien malade épileptique, guéri et passé dans les divi-

sions de l'hospice, qui disait : « Nicolas est si dévot qu'on lui

ferait croire que des vessies sont des lanternes, il reviendra comme

il est parti. » Les soins matériels du voyage paraissent avoir été

assez bien entendus, à part ce fait que les pèlerins, au sortir de

la piscine, étaient obligés de se rhabiller mouillés. A son retour,

Dern... a prétendu se trouver mieux portant et plus ingambe, ce

que ses camarades contestent... et avec raison.

1er octobre.-Depuis qu'il est passé aux vieillards1, il s'exerce

beaucoup plus librement, plus longuement et plus régulièrement

que quand il était dans la section, parce que son dortoir est au

rez-de-chaussée et qu'il n'est pas obligé de descendre un escalier.

Il arrive à faire de longues courses dans Paris, mais, le plus sou-

vent, avec quelqu'un qui pousse son chariot. Il est plus vigou-

reux ; mais ses mouvements chloréiformes sont les mêmes. Quand

on le rencontre il soulève sa casquette avec un mouvement sac-

cadé tout spécial. - Traitement : continue l'hydrothérapie ; pluie

et jet pendant dix secondes, puis jet en éventail pendant quinze

secondes; exercices du chariot.

22 novembre. Le malade a continué régulièrement les douches;

il dit que son tremblement diminue et qu'il ne se sabre plus autant

en mangeant. Suspension des douches.

1887. Au commencement de cette année, Dern... était dans

un état satisfaisant au point de vue de la santé générale; mais les

mouvements spasmodiques persistaient presque aussi intenses. Voici

les résultats de notre dernier examen :

' Ce passage a eu lieu le 9 novembre 1885. La conduite de D... a

toujours été régulière et nous n'avons pas il regretter d'avoir provoqué

cette mesure.

168 DEUX CAS .D'ATHÉTOSE DOUBLE AVEC IMBÉCILLITÉ.

Le malade étant assis a la tête un peu tendue en arrière, les bras

allongés, mais tenus par les mains appuyées sur le ventre ; les

cuisses rapprochées, les genoux en contact, les jambes rejetées de

côté. On note des mouvements des doigts de la main droite, des

épaules, de la tête et de la jambe droite. Ces mouvements sont

à certains jours beaucoup plus prononcés, plus fréquents que ce

matin.

La physionomie est un peu niaise et le malade a une tendance

très marquée à rii,e : « Parfois..., dit-il, je ne puis pas me... re-

tenir... alors, j'éclate. » Quand il rit, tous les muscles de la face

entrent en jeu d'une façon exagérée, la bouche s'ouvre large-

ment, les sillons naso-labiaux se creusent profondément, les plis

de la patte d'oie s'accusent fortement et les paupières se ferment

presque entièrement. t.

La parole est lente. Il semble qu'il soit obligé de faire un effort

pour parler : la lèvre supérieure a des. contorsions, elle s'avance

parfois, les commissures se tirent : on dirait qu'elle est raide.

Parfois aussi, il ouvre la bouche avant de parler. Lorsqu'il parle

- un peu à la manière des enfants - les sillons naso-labiaux se

creusent, les mots sont d'ordinaire scandés, séparés; quelquefois,

il prononce plusieurs mots de suite. Il ne s'agit pas là de bégaiement.

Dern... prononce toutes les syllabes simples, et cela nettement.

La langue ne sort jamais de la bouche involontairement. D...

peut la maintenir allongée, sans tremblement durant un assez

longtemps, la porter à gauche et à droite ou l'abaisser, mais il

ne peut l'élever. Il affirme qu'elle ne roidit pas, qu'elle lui obéit

et ne le gêne par aucun mouvement irrégulier.

, Plusieurs expériences ont été faites pour étudier la préhension

et les caractères des mouvements des bras dans cet acte. Quand le

malade veut saisir un verre, placé sur une table devant lui, les

membres supérieurs quittent leur position allongée sur le tronc,

s'écartent, s'élèvent et se rapprochent vers le but en exécutant

des mouvements choréiformes à large amplitude, tout en se diri-

geant vers le verre. Les doigts sont fortement écartés, les pouces

étendus. Le verre est saisi vigoureusement d'une part entre le

pouce et l'index de la main droite (les trois derniers doigts res-

tant écartés) et d'autre part les trois derniers doigts de la main

gauche (le pouce et l'index restant écartés). A partir du moment

où D... soulève le verre, il n'y a plus de grands mouvements

comme dans la première partie de l'acte, mais seulement de

petites oscillations. 11 est vrai de dire que, afin de diminuer la dis-

tance entre le verre et la bouche, la tête s'est avancée en oscillant.

Quand D... veut prendre une cuiller, la main droite décrit des

oscillations assez grandes, avec conservation de la direction du

mouvement, puis la cuiller étant saisie énergiquement, il la porte

à la bouche, le bras n'étant plus animé que de petites oscilla-

DEUX CAS D'ATHÉTOSE DOUBLE AVEC IMBÉCILLITÉ. il 69

lions. Les caractères des mouvements dans ces deux actes doivent

être retenus, car ils diffèrent de ceux qu'on observe soit dans la

chorée, soit dans la sclérose en plaques.

Quand le malade veut se lever de sa chaise, il garde les bras

allongés, les mains restent en contact, il penche le tronc en

avant, fait un effort considérable pour se mettre debout, effort

accompagné de mouvements athétosiques de la face et des doigts.

Dans la station verticale, la tête est animée de petites oscillations

le tronc se tient à peu près droit, mais les cuisses sont rappro-

chées, fléchies sur le bassin, et rapprochées de telle sorte que

les genoux sont en contact; les jambes très écartées sont fléchies.

Si la station verticale persiste - sans soutien - on observe

bientôt de petites secousses rappelant celles des pantins à ressort.

Dans la marche, D... porte le tronc un peu en arrière et incliné à

droite, la tête dans l'extension ; le bras droit est accolé au tronc,

l'avant-bras très écarté et. élevé; le bras gauche est également

appliqué le long du thorax et l'avant-bras dirigé en avant; dans

cette attitude, les avant-bras jouent le rôle d'un balancier afin de

maintenir l'équilibre. Quant aux membres inférieurs, ils conser-

vent leur même degré de flexion. Le pied droit n'appuie que sur

son tiers antérieur et sa pointe est tournée en dedans; le pied

gauche tourné en dehors, porte davantage et il semble que,

parfois, le talon touche le sol. Les jambes, surtout la droite sont

agitées de quelques mouvements choréiformes qui ne sont en

rien comparables aux mouvements de projection des ataxiques. La

seule analogie consiste en ce que les pieds se soulèvent plus que

de raison. Le malade a une légère tendance à s'écarter de la

ligne droite et sort quelquefois du tapis, large de 45 centimètres,

sur lequel nous le faisons marcher. Tout le corps est roide.

Dern.... dit qu'il ne peut pas se servir de canne à cause des mou-

vements de ses doigts. Tandis que seul, sans aucun secours, il ne

marche que lentement, dans son chariot, il peut marcher assez

vite et faire, comme nous l'avons déjà noté, de longues courses

dans les cours ou aux environs de l'hospice, et même loin dans

Paris, et cela sans grande fatigue.

Un nouvel examen des sens spéciaux confirme ce que nous avons

mentionné plus haut et montre qu'il n'y a pas de différence no-

table entre les deux côtés. Il en est de même de la sensibilité

générale qui parait plutôt un peu exagérée : « La moindre des

choses qu'on me touche, ça me fait sensation. » Et, de fait, le

moindre chatouillement, une piqûre légère, l'excitent et le font

rire bruyamment.

Le malade couché, on relève les particularités suivantes : La

moitié droite du thorax est un peu aplatie, surtout au-dessous

de l'omoplate ; la colonne dorsale est légèrement incurvée à gauche

et en avant, l'épaule gauche est arrondie et plus élevée que la

170 DEUX CAS D'ATHÉTOSE DOUBLE AVEC IMBÉCILLITÉ.

droite. - Les articulations sont un peu roides, mais s'assouplissent

après quelques mouvements. Elles ne sont le siège d'aucun cra-

quement.

La notion de position est conservée. - Il n'y a pas d'épilepsie

spinale. Le chatouillement de la plante des pieds produit des mou-

vements réflexes considérables. La recherche du réflexe rotulien est L

très difficile, car le malade contracte sans cesse ses muscles, et si,

pour y parvenir on essaie de distraire son attention, on exagère,

au contraire, la contraction des muscles. - Dern... peut toucher

avec ses pieds la main de l'observateur sans qu'il y ait erreur de

direction; il y a seulement quelques petits mouvements. 11 en est

de même si on lui fait porter l'un ou l'autre index sur son nez.

La force musculaire n'est nullement affaiblie. Il parvient, à fléchir

les jambes allongées lorsqu'on cherche à s'y opposer. Le dynamo-

mètre Mathieu fort donne pour la main droite 20 et 18 pour la

main gauche, résultat en contradiction avec l'examen.

Le malade étant levé, on le fait marcher pieds nus. On constate

alors que le talon gauche, qui avec les souliers paraissait quelque-

fois toucher le sol, reste élevé et que les orteils, surtout ceux du

pied droit, sont[animés.de mouvements d'athétose. Le signe de Rom-

berg n'existe pas : le malade se tient debout et marche aussi bien

les yeux bandés que lorsqu'il a les yeux ouverts. Il déclare mieux

marcher avec ses souliers que pieds nus.

Observation II. - Père très nerveux, sujet ci des accidents probable-

ment épileptiques (vertiges procursifs ? ) ; fréquents excès de bois-

sons. - Tante paternelle alcoolique el débauchée. - Grand-père

maternel, excès de boisson. - Oncle paternel et deux cousins ger-

mains maternels, convulsions. - Un frère, convulsions, arriére.

Deux soeurs mortes de méningite.

Conception durant l'ivresse. - Premières convulsions prolongées

à trois mois, secondes convulsions ci trois mois et demi. -

Gourmes, élisie, état paralytique, prédominant à droite. - Appa-

rition des grands mouvements spasmodiques ci l'occasion des

gestes et des mouvements spontanés. - Contractures avec les

mouvements provoqués. - Accès de colère. - Bave jusqu'à huit

ans. - Impossibilité de marcher, de s'habiller, de parler et de

manger seul jusqu'en 1880. - Gâtisme. - Prédominance des

mouvements du côté gauche, légèrement plus fort que le droit. - z

Insuccès de la médication arsenicale. - Susceptible d'éducation,

affectueux. - Exercices de marche; hydrothérapie. - Améliora-

lion progressive. - Il arrive ci manger, à marcher dans un chariot,

à dire quelques mots. - Guérison du gâtisme.

Lemaig... (Emile-Auguste), né le 18 novembre 1863, est entré à

Bicêtre le 16 octobre 1872.

DEUX CAS D'ATHÉTOSE DOUBLE AVEC IMBÉCILLITÉ. 171

Renseignements fournis par sa mère (24 avril 1882) - Père, char-

retier, mort en 1871 à la Pitié, à la suite d'une fracture de jambe

compliquée qui avait nécessité l'amputation. 11 était assez grand et

gros, faisait, dès l'époque de son ménage (trente etun ans), des excès

de boisson (vin, eau-de-vie). Il était tous les jours « un peu lancé»;

souvent la nuit, il se levait, sa femme lui ouvrait alors la porte,

parce qu'une fois il avait sauté par la fenêtre. Il jetait n'importe quel

habit sur lui et se sauvait en courant {vertige procursif ? ). Puis, au

bout de dix à quinze minutes, il revenait se recoucher sans rien

dire. Le lendemain, il ne se rappelait rien. Ceci lui serait arrivé

cinq à six fois; d'autres fois, sa femme est parvenue à le retenir.

Il était violent, disputeur. « Il m'a battu bien souvent et m'a fait

bien du mal ! » Douleurs de tête consécutives aux excès; pas de

migraines; pas de maladies de la peau; on ne sait s'il a eu la

syphilis; pas d'angines, d'ulcérations, etc.; il fumait très peu. Il n'a

pas eu d'autre maladie durant son mariage qu'une affection osseuse,

consécutive à sa fracture. Il n'avait pas d'attaque, mais était très

nerveux. 11 disait que son enfant (notre malade), lui avait emporté

sa maladie et qu'il était moins nerveux. [Père, garde champêtre,

est mort très âgé; on croit qu'il était sobre. - Mère, ménagère,

morte de vieillesse. - Deux frères : l'un est mort étant soldat,

d'un refroidissement, l'autre serait mort des suites d'une maladie

vénérienne. - Une soeur, fille publique, alcoolique, est morte de la

poitrine; elle aurait eu dans son pays, à quinze ans, un enfant qui

est venu mort; elle est ensuite venue à Paris « faire la noce; »

n'a pas eu d'autres enfants. - Un oncle est mort à Bicêtre aux

vieillards. Pas d'aliénés, d'épileptiques, etc., dans le reste de la

famille.]

Mire, quarante-sept ans, couturière, taille ordinaire, physio-

nomie indifférente, assez intelligente cependant. Elle a perdu son

père quand elle avait sept ans : « J'ai été menée à coups de pieds,

à coups de poings, chez l'un, chez l'autre, à la campagne où je gardais

les bestiaux. » Pas de convulsions dans son enfance, croit-elle.

Réglée it douze ou treize ans, mariée à vingt-six, ménopause à qua-

rante-six. Sujette depuis sept à huit ans à des douleurs de tête;

pas de migraines; pas d'attaques; n'est pas nerveuse. [Père, culti-

tivateur ; excès de boissons, mort à la suite d'une chute avec frac-

ture de côtes. - Mère, morte à soixante-huit ans, « après avoir

traîné » ; travaillait aux champs, était colère, n'avait pas d'at-

taques. - Grands-parents maternels devenus aveugles à la fin de

leur vie; du côté paternel, pas de renseignements. - Quatre frères

vivants et bien portants, qui ont eu deux, six, un et deux enfants,

sur la plupart desquels on n'a pas de renseignements. Pourtant

l'un de ceux qui sont à Paris est bien portant, mais a eu beaucoup

de convulsions étant jeune; il a deux enfants qui ont eu des con-

172 '2 DEUX CAS D'ATHÉTOSE DOUBLE AVEC IMBÉCILLITÉ.

vulsions répétées. - Une soeur, morte à son retour d'âge, n'avait

pas d'attaques. - Point d'épileptiques, d'aliénés, de criminels, etc.]

Pas de consanguinité. -Sept enfants : 1° notre malade; - 1° sar-

çon, dix-sept ans, cordonnier ; a eu des convulsions internes dans la

première enfance; puis, de trois à quatorze ans, des douleurs de

tête sans vomissements, pendant lesquels il devenait « rouge

comme un coq ». Intelligence médiocre : « il n'a pas trop de

débouchés»;-30 fille bien conformée, morte à deux mois «d'une

espèce de méningite, en quinze jours », avec convulsions internes ;

- 5°=arçon, treize ans; pas de convulsions; n'est pas fort; mais il

est intelligent et très vif; apprend bien;-5° garçon mort à trois

jours on ne sait de quoi, était né à terme; pas de convulsions; -

6° fille morte à quatre ans et demi de méningite, avec convulsions,

en quatorze jours; - 70 fille, morte du croup à trois ans.

Notre malade. Au moment de la conception, le mariage datait de

3 mois. Il est probable que le père était ivre, car il était surtout

porté aux rapports sexuels quand il avait bu. Au point de vue de

l'hérédité paternelle, il ne parait pas y avoir eu d'interposition;

« Bien que j'aie eu beaucoup de misères, dit la mère de l'enfant,

je n'ai eu que mon mari. » - Grossesse bonne, sauf quelques dis-

putes avec son mari à cause de ses excès. Pas de misère exagérée,

pas de coups, de peurs, pas d'alcoolisme. - Accouchement à terme,

naturel, sans chloroforme. - A la naissance, l'enfant avait trois

fois le cordon autour du cou; cependant on croit qu'il n'était

pas bleu; on ne l'a pas frotté. (Son second enfant avait un cir-

culaire du cordon autour du cou et était cyanose.) - Elevé au sein

par sa mère jusqu'à dix-hui mois. A trois ou quatre mois, premières

convulsions; jusque-là il était fort et paraissait bien venir. Les

convulsions portaient sur les yeux ; on ne peut rien dire des bras

ni des jambes. Ces convulsions ont duré huit à dix jours avec des

intervalles. Il écumait un peu; le ventre était flasque; « les boyaux

tombaient tellement il était faible ». Les secondes convulsions sont

venues environ quinze jours après; elles ressemblaient aux pre-

mières, venaient par intervalles, on ne peut rien dire de l'état

des membres. Il refusait le sein et était ce tombé en élisie ». De

six à dix mois, il était si faible qu'il était «comme un enfant mort».

A cetle dernière époque, il eut sur la tête des croûtes très abon-

dantes, « comme il n'y en a pas beaucoup ». Elles ont beaucoup

suppuré ; cela a duré jusqu'à treize mois. Il a eu au cou des

glandes qui ne se sont pas abcédées. Jamais d'ophtalmie ni d'otite.

« Cette gourme l'a sauvé, mais il est resté décharné comme un

vrai squelette jusqu'à trois ans. Je le cachais dans une pelisse

parce que je craignais qu'on m'accusât de ne pas le soigner.» »

On a essaye de le faire marcher, sans résultat; on lui donnait des

bains de lie de vin, de sel; *des bains dans de l'eau de tripes; on

DEUX CAS D'ATHÉTOSE DOUBLE AVEC IMBÉCILLITÉ. 173

le couchait sur la fougère, etc. Il a commencé vers neuf ans à se

traîner par terre, sur le côté gauche. Il se servait un peu de la

main gauche; par exemple, pour gratter la terre, creuser un trou.

La parole a toujours été absente, il cherchait à se faire comprendre

par signes, par des grognements. La mémoire est bonne; il suffit

qu'il voie une personne une fois pour se la rappeler, il affectionne

sa mère, ses frères; il est caressant. Avant l'entrée à l'hospice, il

était emporté, il fallait lui céder. 11 ne déchirait pas, n'était ni

gourmand ni voleur. Il a bavé jusqu'à sept ou huit ans au point

qu'il mouillait tout ce qu'il avait devant lui. Pas de succion, de

rumination, pas d'onanisme; sommeil bon, pas de cris nocturnes,

pas de douleurs de tête appréciables pour les parents. A partir

de l'âge de six mois, il n'aurait plus eu de convulsions.

Pas de vers; rougeole à cinq ans, pas d'autres lièvres; coque-

luche modérée vers huit ans et demi. Depuis son entrée à Bicêtre,

il n'aurait pas fait de grandes maladies. Il a toujours été sujet aux

engelures et en a eu également ici.

1881. 16 septembre. - Poids, 40 kilogr. 300. - Taille, 1m,45.

Cet enfant est gâteux et par conséquent en robe. On le fait man-

ger. Il passe d'habitude son temps couché ou assis sur un fau-

teuil. Parole et marche nulles. - Traitement : toniques; exercices

de marche; de plus, on le placera trois fois par jour sur le vase

pour le rendre propre.

31 juillet. - Poids, 41 kilogr. 20. - Taille, 1 ? 50.

1882. 1er juin. - Poids, 41 kilogr. 20. - Taille, lm,55. - Tnai-

tement : mêmes exercices que précédemment. Hydrothérapie du

1er juillet au 30 octobre : deux de ses camarades le maintiennent

sous la douche en le tenant par les hras. - Il s'est amélioré

surtout sous le rapport du gâtisme et a été mis en culotte au com-

mencement de l'année.

30juin.- Depuis : près de dix mois, il ne lui est arrivé que quelques

fois d'uriner dans sa culotte, et alors il en est très vexé. Amour-

propre assez développé, très affectueux. On l'exerce tous les jours

à marcher et il commence à y arriver en se tenant aux lits. Il est

allé au concert le 27, était très heureux, manifestait sa joie par

des « hou hou » et essayait d'applaudir. Dans le service, il joue

presque le rôle de gendarme et, par ses gestes et ses cris, attire

l'attention quand un enfant fait mal. Il mange seul, mais ne peut

se servir que de la cuiller qu'il tient de la main gauche. Montre

qu'il désire continuer les douches. '

Décembre. - Poids, 40 kilogr. 0. - Traitement : injections hypo-

dermiques de liqueur de Fowler. Cinq gouttes par jour (sol. à

10110. - 11 décembre, six gouttes. - 15 décembre, sept gouttes.

On augmente quotidiennement la dose et on arrive à onze gouttes

174 DEUX CAS D'ATHÉTOSE DOUBLE AVEC IMBÉCILLITÉ.

le 28 décembre. Pas de symptômes généraux, pas d'accidents

locaux, sauf de petites indurations avec la solution glycérinée.

1883. Janvier. Poids, 41 kilogr. 70 ; taille, 1m,35.

11 janvier. 4 gouttes de liqueur de Fowler. Ni accidents lo-

caux, ni accidents généraux. Les symptômes cboréiformes ne

paraissent aucunement modifiés.

16 février. - A la suite des injections, il s'est produit trois à

quatre noyaux sous-cutanés du volume d'une noisette, à la face

postérieure de l'épaule et à la naissance du bras gauche ; ils sont

indurés, douloureux et un peu rouges.

l"mat'.s. - Les injections ont été continuées à 20 gouttes depuis

le 11 février.

12 mars. - Suppression du traitement, qui n'a produit aucune

amélioration.

26 mai. - Dentition. Mâchoire supérieure, seize dents bien ran-

gées, saines; mâchoire inférieure, treize dents; manquent une

molaire droite, deux premières molaires gauches, une molaire

droite cariée. Articulations normales; voûte palatine profonde

et bien développée; gencives en bon état.

30 juin. - Poids, 39 kilogr. 60; taille, im,55. - Traitement :

Hydrothérapie du 4 mai au 10 novembre. Le malade est arrivé à

pouvoir marcher soutenu sous les bras ou en allant de lit en lit.

1884. Janvier. -Poids, 43 kilogr. 60. Taille, lm,35. Hydro-

thérapie du 4·' avril au 11 octobre, et exercices de marche.

le, juillet. - On le descend dans la cour tous les jours, il conti-

nue à être propre. Même état choréique. 11 continue à indiquer par

signes ce que les autres font, et avertit en cas d'accidents. Il avait

pris en affection nne personne du service et lui envoyait les

fleurs qu'on lui donnait.

Organes génitaux. - Au pénil, poils longs, roux et très fournis.

Verge petite, gland découvrable, méat normal, bourses pendantes,

testicules peu volumineux. Pas d'onanisme : il proteste énergique-

ment contre cette allégation : et dit non, non, avec des gestes

multipliés.

1884. 4 août. - Etat actuel. - Crâne ovoïde, régulier, parais-

sant symétrique.

DEUX CAS D'ATHÉTOSE DOUBLE AVEC IMBÉCILLITÉ. 175

Face ovale, régulière, symétrique. Front moyen, ni saillant, ni

fuyant. Arcades orbitaires assez proéminentes, surtout en dehors.

Nez droit, moyen, narines très écartées. Yeux très fendus, iris

gris bleuté, pupilles égales, contractiles ; cils et sourcils longs et

très .abondants, pas de lésions oculaires. Pas de nys(((grl1us.

- Oreilles grandes; bien détachées, peu ourlées; lobule non adhé-

rent. - Bouche moyenne, lèvres ordinaires.

Lemai.. contracte souvent sa lèvre supérieure de sorte qu'il

s'y forme des plis verticaux sur la ligne médiane et sur les côtés,

obliques en dehors et en haut. Parfois il rit bêtement, et pince sa

lèvre inférieure entre ses dents. Mâchoires régulières et symétriques.

Cou assez gros, sans rien de particulier.

Thorax large, bien conformé. Les creux sus et sous-claviculaires

sont très accusés. Pas de déformation du rachis. Boutons d'acné

en avant et sur les deux tiers supérieurs du dos.

Membres supérieurs assez bien conformés. L'épaule gauche des-

cend beaucoup plus que la droite.Demande-t-on à L... de donner

une poignée de main, il y arrive assez facilement de la main

gauche. Sa main et ses doigts se mettent alors dans l'extension

et l'abduction; et il ne peut rejoindre la main tendue qu'en im-

primant à la sienne de légères oscillations. Au repos, la main

étant dans l'extension, l'annulaire et le petit doigt sont légèrement

fléchis comme dans la rétraction palmaire. Il tend la main gau-

che le bras fortement tendu, ainsi que l'avant-bras. Quand on

écarte de force le pouce de la paume de la main où il est fléchi,

cette paume se tourne vers le sol, les doigts fortement étendus.

(Planches 111 el IV.)

Membres inférieurs Us sont égaux et n'offrent aucune défor-

mation.

Le malade étant couché sur son lit, l'attitude est la suivante :

les cuisses sont légèrement fléchies sur l'abdomen, les genoux

rapprochés, les jambes un peu fléchies sur les cuisses; les pointes

des pieds fortement portées en dedans se touchent. On ne peut

ramener les membres dans l'extension, même avec une certaine

force, à cause de la contracture musculaire. Les mouvements,

même communiqués, sont impossibles dans les articulations tibio-

tarsiennes. Les muscles postérieurs de la jambe sont contracturés.

Le second orteil est croisé sur le premier, qu'il déborde même en

dedans. Voici les mensurations des membres :

a) Membres supérieurs.

176 DEUX CAS D'ATHÉTOSE DOUBLE AVEC IMBÉCILLITÉ.

b) Membres inférieurs. u ? - ? n-

DEUX CAS D'ATHÉTOSE DOUBLE AVEC IMBÉCILLITÉ. 177

23 juillet. - Le malade est toujours doux et tranquille, d'un

bon caractère. Il continue plus fréquemment qu'autrefois à s'es-

sayer à marcher, soit en se tenant aux lits, soit en poussant le

dos d'un fauteuil devant lui. Dans ce cas, tous ses mouvements

sont exagérés et provoquent par tout son corps des mouvements

réflexes de la plus grande étendue. Quand il veut, par exemple,

lever la jambe, elle se plie à angle droit sur la cuisse qui se plie

elle-même à angle droit, ou même à angle aigu sur le bassin.

L'autre aussi se fléchit en même temps, ce qui rapetisse le malade

et lui donne une allure ramassée (PLANCHKS 111 et IV). Mais ce n'est

pas tout, les membres supérieurs qu'il étend pour se soutenir aux

objets voisins dessinent des mouvements très étendus, les avant-

bras se fléchissent sur les bras, les mains s'abattent, grandes ou-

vertes sur les barreaux des lits, en même temps le- tronc et le cou

se contournent et les plis de la face, autour de la bouche se tirent,

ce qui donne à Lemai.. un aspect grimaçant très marqué. Il rap-

pelle un peu, quand il essaye de marcher, un polichinelle dont on

tirerait tous les fils, de façon à mettre ses membres dans des atti-

tudes extrêmes. Au repos, nulle exagération des réflexes; parfois

nul mouvement; il reste accroupi dans son fauteuil, les membres

fléchis, les doigts fermés. Il comprend ce qu'on lui dit, fait remar-

quer par ses signes les irrégularités qui se commettent dans la

salle. 11 essaye de manger seul, avec une cuiller, mais à cause de

ses grands mouvements, il répand la moitié du potage. Il s'essaye

aussi avec la fourchette et réussit mieux à saisir la viande. Selles

régulières, volontaires, tous les malins. Il sait se faire comprendre

quand il a besoin d'assistance pour aller au bassin. On le fait

descendre tous les jours dans la cour où il marche à l'aide d'un

chariot. Sa mère a pu le prendre en congé pendant huit jours, ce

qui n'avaitjamais été possible auparavant.

le, août. - Poids, 40 kilogr. ; taille, 1m,55.

1887. {"janvier. - Poids : 40 kilogr. 200. - Taille : im,55.

Puberté. Moustaches blondes rousses, assez fournies, barbe

assez abondante; poils longs, moyennement abondants sous les

aisselles, rien au sternum ; trois ou quatre poils aux mamelons.

Bourses pendantes, testicules de la dimension d'une grosse noix

à droite, d'une petite à gauche. Poils roux, longs, raides, assez

abondants sur tout le pénil. Verge : circonférence, 8 centim.; lon-

gueur, 8 centim. 5. Gland un peu conique, méat normal. Poils

assez abondants sur les cuisses, aux fesses et à l'anus. Quelques

poils sur les reins; pas d'onanisme. Il ne gale plus déjà depuis

longtemps. - La miction et la défécation sont normales.

Le caractère de ce malade est toujours doux. Son rire ressemble

à un grognement. Sa parole se traduit toujours par des éclats de

BOURNEVILLE, 1887. 12

178 DEUX CAS D'ATHÉTOSE DOUBLE AVEC IMBÉCILLITÉ.

voix. Quand il vent parler, sa figure se contracte, se tord plus ou

moins sur le cou; il hésite comme un bègue et finit par lancer un ici

son ou un mot très bref. C'est ainsi qu'il dit : « Non, merci. Ah ! 1

merde. » Il comprend ce qu'on lui dit : « Où est ton nez ? » Il 11

répond : ce Là. » Il désigne parfaitement toutes les parties de son

corps. Il est aisé de voir que ce n'est pas un aphasique et que le

tétanisme des muscles vocaux qui se produit dès qu'il essaye de

proférer un son, est le grand obstacle à sa parole. Il mange géné-

ralement seul et assez proprement; mais, pour boire, il est indis-

pensable qu'on l'assiste. Il y a un progrès notable dans les mou-

vements des jambes; il essaye de s'habiller lui-même, dit :

« Attends » à l'infirmier qui veut l'aider. Les mouvements ont un

peu diminué d'amplitude, mais ont conservé ce caractère d'être

constants, à l'occasion de tout mouvement volontaire ou provoqué,

et de tendre à se généraliser, quel que soit le groupe musculaire

mis en jeu. Lem.... avance assez bien son chariot. Sa mère le fait

sortir tous les deux mois depuis qu'il est habitué au chariot. -

Il a pris des douches jusqu'au 31 octobre dernier. En raison de

l'amélioration considérable qui s'est produite, nous avons signé le

passage de ce malade dans l'une des divisions de l'hospice.

Un nouvel examen de Lem..., fait en même temps et compara-

tivement avec celui de Derno..., nous a permis de vérifier l'exacti-

tude de la description qui précède, et de la rendre plus précise à

quelques égards.

Assis, Lem... a les bras allongés sur le devant du tronc et tient

sa main droite avec la gauche; la jambe droite est croisée sur la

gauche. De temps en temps, on observe des contractions des

muscles des membres inférieurs qui sont soulevés, ainsi que les

épaules, des mouvements dans les doigts, des grimaces de la face :

la bouche paraît serrée, comme s'il y avait une contraction per-

manente des lèvres qui se plissent parfois; souvent, la bouche

se fronce et s'ouvre en cul de poule.

La physionomie offre tantôt une expression de niaiserie, tantôt

une sorte d'expression d'inquiétude. Lem.... rit très facilement,

pour la moindre chose; alors, tous les plis de la face sont très

prononcés; la bouche s'ouvre largement, les paupières se ferment

en partie et la patte d'oie se creuse, mais un peu moins que chez

Derno...

La parole, chez lui, est très limitée ; il dit : « Non, papa, maman,

merde, salope, couillon. n Il répèle devant nous, les trois premiers

mots; nous voulons lui faire répéter les autres, ce qui lecontrarie :

ses lèvres se serrent l'une contre l'autre, les commissures labiales

s'abaissent, le menton se plisse, les yeux s'ouvrent. Il paraît qu'il

en est ainsi chaque fois qu'il est contrarié. Lorsque Lem... parle,

DEUX CAS D'ATHÉTOSE DOUBLE AVEC IMBÉCILLITÉ. 179

la langue reste presque tout le temps contre le plancher buccal et

presque toujours, la bouche s'ouvre largement dès que le son est

sorti. Si on essaye de lui faire prononcer d'autres syllabes, il dit :

« la, ia. »

Il allonge la langue, mais il la maintient en appuyant sur elle

la lèvre supérieure; il ne peut la porter à gauche ou à droite, ni

en haut. La difficulté de la tenir allongée et libre est due peut-

être aux contractions énergiques des muscles de la face qui accom-

pagnent chaque effort. La langue ne tremble pas.

La préhension présente des particularités qui ont la plus grande

similitude avec celles que nous avons relevées chez Derno... Quand

Lem... veut prendre un verre, les membres supérieurs décrivent

de grands mouvements. Le bras droit s'élève, et la main se porte

à la hauteur de la tête et un peu en arrière, en même temps que

le tronc s'incline à droite et en arrière, le côté gauche se tournant

vers l'objet à saisir. Le bras gauche s'allonge et Lem... prend,

après avoir exécuté des mouvements choréiformes à amplitude

assez larges mais sans déviation du but, le bord du verre entre

le pouce et les autres doigts, puis il porte le verre à sa bouche.

Dans cette dernière phase de l'acte, les mouvements choréiformes

sont très peu prononcés tandis qu'ils l'étaient notablement dans la

première phase.

La préhension de la cuillère exige les mêmes préparatifs : éléva-

tion du bras droit, inclinaison du tronc, etc.; puis, il saisit la

cuillère avec des mouvements choréiformes qui la fontquelquefois

sauter sur place; celle-ci étant saisie, après quelques courtes

oscillations accompagnant le geste de la remplir, il la porte à la

bouche vivement et presque sans tremblement. Une fois l'act

exécuté une fois, il le répète ensuite plus facilement.

Dans l'acte de se lever de sa chaise, Lem... penche le tronc en

avant, étend fortement les bras dans la même direction ; les

cuisses sont rapprochées, les genoux collés, les jambes très écar-

tées, les muscles de la face se convulsent et semblent faire un

effort considérable absolument comme chez le malade de la pre-

mière observation.

Dans la marche, qui n'est possible qu'avec un aide, Lem... sou-

lève les pieds plus qu'il n'est nécessaire, appuie le pied gauche

sur l'avanl-pied et son bord externe; le pied droit, qui se soulève

plus haut que le gauche, appuie sur la pointe et le bord interne.

Chez Lem..., les caractères de la marche sont absolument sem-

blables à ceux que nous avons constatés chez Derno... avec cette

seule différence que la marche est beaucoup plus imparfaite.

Sous l'influence des émotions même légères les mouvements

des membres et du tronc et les grimaces de la face s'exagèrent à

un haut degré.

180 DEUX CAS D'ATHÉTOSE DOUBLE AVEC IMBÉCILLITÉ.

Les sens sont normaux. Lem... paraît connaître les couleurs, bien

qu'il ne puisse pas les nommer ; il n'y a pas de nystagmus, le

réflexe à la lumière et le réflexe d'accommodation sont intacts.

La sensibilité générale est conservée dans ses différents modes; la

sensibilité au chatouillement est moins exagérée que chez Derno...

- La sensibilité des muqueuses auriculaire, oculaire et nasale est

conservée, mais la sensibilité de la muqueuse palatine parait très

obtuse.

L'examen au lit permet de constater que le réflexe rotulien est

conservé des deux côtés, qu'il en est de même de la force muscu-

laire et de la direction des mouvements, même quand les yeux

sont fermés. Ajoutons que le malade a un sentiment exact de la

flexion et de l'extension des membres. - Au dynamomètre Mathieu

moyen, on trouve 5 des deux côtés.

Dans la marche à pieds nus, on constate de nouveau que les

pieds s'élèvent outre mesure, que les talons, surtout le droit, ne

touchent pas le sol et que les orteils sont animés de mouvements

d'athétose. La marche ne parait pas modifiée, lorsque les yeux

sont fermés.

Lem... comprend tout ce qu'on lui dit et se rend un compte

exact de tout ce qui se fait autour de lui ; il sait très bien dilîé-

rencier ce qui est bien de ce qui est mal, il a une bonne mémoire,

il est affectueux et très émotif.

Il nous faut maintenant faire ressortir l'analogie du début,

des symptômes et de la marche de la maladie dans nos deux

observations.

1° Les phénomènes d'athétose auraient été remarqués dès

les premiers jours de la naissance chez D... et ils auraient, par

conséquent, une origine intra-utérine; ils sont survenus vers le

milieu de la première année chez Lem... à la suite de convul-

sions (trois à six mois).

2° Les facultés intellectuelles se sont développées lentement

et sont toujours restées au-dessous de la moyenne, surtout

chez Lem... Sous ce rapport, ils rentrent l'un et l'autre dans

la catégorie des imbéciles. L'imbécillité est toutefois plus pro-

noncée chez Lem... que chez D... ; tous deux ont de la mémoire

et leur physionomie est niaise, mais nullement hébétée. - Ils

ont marché tardivement, et ce n'est qu'à force d'exercices

répétés qu'on est parvenu à ce résultat. Encore ne peuvent-ils

le faire que d'une manière imparfaite. Lem... ne s'avance que

DEUX CAS D'ATHÉTOSE DOUBLE AVEC IMBÉCILLITÉ. 181

soutenu des deux côtés ou à l'aide du chariot. A cet égard,

D... l'emporte notablement sur Lem..., car il lui est possible,

quoique très lentement et très péniblement, de marcher

seul.

La parole, réduite à quelques mots chez ce dernier, est, au

contraire, développée chez le premier qui est capable d'entre-

tenir une conversation. La voix est nasonnée, gutturale et la

parole est scandée; tous les deux sont obligés d'exercer un

effort avant de parler. La parole s'accompagne chez tous les

deux de contractions et de contorsions des lèvres auxquelles

prennent part d'autres muscles de la face.

Lorsqu'ils sont assis, on observe quelques mouvements des

membres, de la face ou de la tète. Ces mouvements augmen-

tcnt lorsqu'ils se mettent debout, ce qui exige une violente

contraction des muscles, les cuisses se rapprochent, les genoux

sont en contact, les jambes très écartées. Dans la marche les

membres inférieurs sont demi-fléchis, les cuisses toujours rap-

prochées ainsi que le genou et l'un des membres supérieurs est

élevé, servant en quelque sorte de balancier. Les pieds se sou-

lèvent parfois plus haut qu'il ne convient et ils ne reposent pas

en totalité sur le sol. La marche s'effectue à peu près en ligne

droite et se complique presque toujours de mouvements d'athé-

tose, qui sont très évidents aux orteils, lorsque les malades

marchent pieds nus, ce qu'ils déclarent moinsbien faire qu'avec

leurs souliers. La marche n'est pas modifiée par l'occlusion des

yeux.

La sensibilité générale, la sensibilité spéciale, la notion de

position, la direction des mouvements, la force musculaire sont

conservées. Il en est de même du réflexe à la lumière et du

réflexe d'accommodation.

Dans l'acte de la préhension (saisir une cuiller ou un verre et

les porter à la bouche), la main droite décrit des oscillations

assez grandes, avec conservation de la direction du mouve-

ment, l'objet est saisi énergiquement et porté presque sans

oscillations jusqu'à la bouche : en un mot, mouvements cho-

réiformes prononcés dans la première partie de l'acte (du point

de départ à la préhension de l'objet) et presque nuls dans la

seconde (du moment où l'objet est saisi jusqu'à son arrivée à

la bouche). Ni l'un ni l'autre de nos malades n'a de vertiges et

n'offre de nystagmus.

La marche de l'athétose double offre des caractères tout à fait

182 DEUX cas d'athétose DOUBLE avec imbécillité. z

particuliers. Sous l'influence des exercices musculaires, on

parvient d'abord à faire tenir les malades debout, puis à les

faire marcher en les soutenant sous les bras, enfin, on perfec-

tionne la marche à l'aide du chariot. Chez nos deux malades

nous avons eu recours, en outre, à l'hydrothérapie. 11 est cer-

tain aussi que chez des malades plus jeunes on obtiendrait

une amélioration beaucoup plus considérable en y adjoignant

la gymnastique. Les facultés intellectuelles peuvent être égale-

ment cultivées dans une mesure qui varie avec l'intensité dela

maladie, c'est-à-dire le degré d'imbécillité ou d'idiotie. En

résumé, il s'agit là d'une affection susceptible d'être modifiée

très avantageusement, mais non d'une maladie qui suit une

marche progressivement ascendante du début à la mort.

Les maladies qui paraissent se rapprocher le plus de l'athé-

tose double, sont la sclérose en plaques, l'ataxie locomotrice,

l'ataxie héréditaire et la chorée.

Dans la forme cérébro-spinale de la sclérose en plaques, on

observe des troubles de la vue : diplopie, amblyopie, nystagmus,

exagération des réflexes pupillaires sous l'influence de la

lumière, qui tous font défaut dans l'athétose double. Les ver-

tiges, fréquents dans la dernière maladie, sont absents dans la

seconde. Les troubles psychiques (hallucinations, délire mélan-

colique, etc.), l'affaiblissement des facultés intellectuelles, les

attaques apoplectiformes qui sont assez fréquentes dans la

sclérose en plaques, ne paraissent pas se rencontrer dans

l'athétose double.

Les troubles de la parole se ressemblent au premier abord.

Toutefois, un examen attentif fait bientôt reconnaître des

différences. Dans l'athétose double, l'émission des mots s'ac-

compagne de mouvements convulsifs des lèvres et des autres

muscles de la face qui n'existent pas, chez les malades atteints

de sclérose en plaques et tandis que les troubles de la parole

vont en s'aggravant dans la sclérose en plaques, ils restent

stationnaires dans l'athétose double. Nous croyons même que

chez des sujets jeunes et soumis à des exercices méthodiques,

ils pourraient s'atténuer dans une certaine mesure.

Les symptômes moteurs sont également très différents. Com-

parons, par exemple, l'acte de boire ou de porter une cuiller à

DEUX CAS D'ATHÉTOSE DOUBLE AVEC IMBÉCILLITÉ. 183

la bouche : à partir du début de l'acte, dans la sclérose en pla-

ques, le tremblement va sans cesse en augmentant et souvent

les malades ne peuvent atteindre le but. Chez nos malades,

au contraire, le tremblement parait moins accusé à partir de

l'instant où le verre est saisi, jusqu'à son arrivée à la bouche.

Enfin, le tremblement s'aggrave de plus en plus à mesure que

la sclérose en plaques fait des progrès, tandis qu'il reste le

même, ou peut diminuer chez les malades atteints d'athétose

double.

Dans la sclérose en plaques, on note au début une parésie

affectant une seule jambe, puis gagnant l'autre; plus tard une

paraplégie, qui peut s'améliorer au point de rendre la marche

possible, mais qui reparait après une rémission plus ou moins

longue, devient alors très prononcée et se complique de con-

tracture dans l'extension et souvent d'épilepsie spinale (para-

plégie spasmodique). Ces phénomènes paralytiques diffèrent

trop de ceux que nous avons consignés chez nos malades pour

qu'il soit nécessaire d'insister. Enfin, la marche des deux affec-

tions n'est pas la même; d'une façon générale, la sclérose en

plaques tend à s'aggraver de plus en plus pour aboutir, parfois

après des rémissions, à une issue fatale. Nous avons vu que

l'athétose double était au contraire susceptible d'un amende-

ment d'autant plus sérieux que le traitement était institué à

une époque plus rapprochée de la période d'invasion de la

maladie. Passons maintenant à la comparaison de l'athétose

double avec l'ataxie locomotrice.

Le début après vingt ans, les symptômes oculaires (diplopie,

strabisme, amaurose, induration grise, inégalité des pupilles),

les douleurs fulgurantes, les plaques anesthésiques ou hype-

resthésiques, la perte de notion de la position des membres et

de la résistance du sol, la difficulté ou l'impossibilité de se

tenir debout dans l'obscurité complète ou quand les yeux sont

fermés, qui caractérisent l'ataxie locomotrice manquent tous

dans l'athétose double.

L'incoordination motrice tabétique ne ressemble pas à l'in-

coordination athétosique : en ce qui concerne les membres

inférieurs, si l'athétosique et l'ataxique soulèvent les pieds

plus qu'il ne convient, l'athétosique ne projette pas brusque-

ment ses jambes de côté à l'instar d'un polichinelle et ne

s'écarte pas de la ligne droite comme l'ataxique. Quant à

184 DEUX CAS D'ATHÉTOSE DOUBLE AVEC IMBÉCILLITÉ.

l'incoordination motricedes membres supérieurs chez l'ataxique

elle se distingue de l'incoordination athétosique en ce que le

désordre moteur est de plus en plus marqué à mesure que

l'index, par exemple, se rapproche du nez, et que l'occlusion

des yeux l'exagère considérablement, tandis que chez l'athéto-

sique le tremblement ne va pas en s'accroissant du point de

départ au but, qui est toujours atteint et que l'occlusion des

yeux n'a pas d'influence.

On n'a pas encore observé, que nous sachions, dans l'athé-

tose les troubles viscéraux (crises gastriques, laryngées, néphré-

tiques, vésicales, parésie vésicale, cystite), les troubles trophi-

ques (arthropathies, fractures, atrophie musculaire, eschares)

qui compliquent si souvent l'ataxie locomotrice. Enfin la

marche des deux maladies ne présente aucune analogie.

Dans l'ataxie héréditaire, maladie de la puberté et non de

la première enfance, les troubles moteurs, qui ont le caractère

ataxique et ne s'observent, au moins durant longtemps, qu'à

l'occasion des mouvements, débutent par les jambes envahissent

plus tard les membres supérieurs et vont en augmentant progres-

sivement. La marche, peu modifiée il l'origine, devientde plus en

plus difficile; auboutd'un certain temps, la station debout et la

déambulation avec lesyeux fermés nesontplus possibles et enfin,

aux périodes les plus avancées, la force musculaire s'affaiblit et

les malades demeurent confinés au lit (paraplégie). Dans l'athé-

tose double, même au repos, on note des mouvements des

doigts, des orteils, de la face, etc. ; les désordres de la motilité

sont généralisés ; la marche s'améliore et n'est pas modifiée

par l'occlusion des yeux.

Les troubles de la parole qu'on remarque chez les athéto-

siques dès qu'ils commencent à parler ne se manifestent qu'un

temps assez long après l'apparition de l'incoordination motrice

chez les malades atteints d'ataxie héréditaire. On voit enfin se

produire, chez eux, des vertiges, du nystagmus etdes douleurs

fulgurantes, symptômes qui ne se montrent pas chez les athé-

tosiques. Disons enfin que l'évolution de l'ataxie héréditaire, si

elle est lente, n'en est pas moins fatalement progressive '.

1 Consulter sur ce sujet, Brousse : De l'ataxie héréditaire (maladie de

Friedreich), 1882. - Ch. Féré : Progrès médical, 1882. (Bibliographie

détaillée).- J.-M. Charcot : Gaz. des hôpitaux : , 188t, et Progrès médical,

1887, 2' série, t. V, p. 453, - Voir aussi dans les Archives de Neuro-

DEUX CAS D'ATHÉTOSE DOUBLE AVEC IMBÉCILLITÉ. 51,

Il ne nous reste plus qu'à établir le diagnostic différentiel

entre la chorée et l'athétose double. La chorée vulgaire est

exceptionnelle avant l'âge de six ans; le plus souvent, à l'ori-

gine, elle est limitée à une partie du corps, surtout au côté

gauche, elle se généralise ensuite plus ou moins rapidement;

dans l'athétose double le tremblement paraît atteindre son

maximum d'intensité et d'étendue dès le début.

A la période d'état, le churéique est agité par les mouve-

ments les plus désordonnés. Assis, il porte brusquement la

tête de tous côtés, grimace étrangement, ouvre ou ferme

convulsivement la bouche qui est tirée en divers sens, allonge

la langue malgré lui, fléchit et détend violemment les bras ou

les jambes et souvent glisse de sa chaise. La brusquerie et

l'étendue des mouvements du choréique, diffèrent tout à fait

des mouvements lents et circonscrits que l'on observe dans la

situation assise chez les athétosiques.

Debout ou dans la marche, l'agitation est encore plus pro-

noncée : le choréique fléchit subitement tantôt sur une jambe

tantôt sur l'autre; il est projeté de côté, en avant ou en arrière,

se cogne contre les objets environnants, se contusionne, soit

dans ses mouvements incohérents, contradictoires et illo-

giques, soit dans ses chutes répétées.

L'athétosique est en quelque sorte maître de sa langue, qu'il

ne mord pas, qu'il peut porter dans tous les sens et maintenir

hors de la bouche. Il n'en est pas de même du choréique, dont

la langue sort ou rentre, se porte à droite au lieu de se porter

à gauche quoiqu'il fasse pour la diriger, et qui est souvent

blessée par le rapprochement intempestif des mâchoires.

Dans les actes intentionnels du choréique, des gesticula-

tions violentes, contradictoires, troublent la direction générale

du mouvement et font manquer le but, tandis que chez l'athé-

tosique la direction générale du mouvement est conservée.

Les troubles cardiaques, la diatllèse rhumatismale, si com-

muns dans la chorée vulgaire, nous semblent manquer dans

l'athétose double. Enfin la chorée, sielle affaiblit un peu l'intelli-

gence des enfants ou des adolescents, qu'elle fait parfois revenir

[agie l'analyse ries travaux de Sclimid (t. I, p. 695), Gowers (t. IV, p. 90),

Hammond (t. V, p. 117), et l'observation de M. P. Blocq (t. XIII, p. 217);

le mémoire très intéressant de M. P. Marie sur la Sclérose en plaques chez

lus enfants (Revue de médecine) et enfin la thèse de M. de Souza : Estlldo

ctinico da atazia hededitariade Friedreich. Rio de Janeiro, IS88 (112 cas).

186 deux cas d'athétose double avec imbécillité.

en arrière, elle ne coexiste pas avec l'imbécillité ou l'idiotie.

La marche des deux maladies n'est pas non plus compa-

rable. Le tremblement reste à peu près toujours le même

chez l'athétosique; il offre, au contraire, des exacerbations et

des rémissions chez le choréique, présente une période d'ag-

gravation progressive, une période d'état, puis décroît avec

une plus ou moins grande rapidité.

La chorée l'hythmée, caractérisée aussi par des mouvements

involontaires, impulsifs, cadencés, se reproduisant suivant un

rhythme régulier, imitant certains mouvements d'expression,

tels que ceux de la danse, ou bien certains actes profession-

nels, comme les mouvements des rameurs ou des forgerons ',

et liée d'ordinaire à l'hystérie, diffère trop de l'athétose double

pour qu'il soit utile d'établir un parallèle minutieux entre les

deux affections.

Là se terminent les considérations que nous avons à pré-

senter à propos de nos deux malades. De nouvelles observa-

tions nous fourniront prochainement l'occasion de revenir sur

ce sujet encore peu connu 2.

1 Charcot. Leçons sur les maladies du système nerveux, t. I, p. 220,

et t. III, p. 216.

2 Consulter : Clay Shaw. On athelosis or imbecillit.1l with ataxia

(St Bw'l/¡otumew's /Jospital Reports, vol. IX, p. 1 : 50, 1873); Oulmont,

Etude clirtiqtte s7tr l'athétose, 1878; Clill'ort-Albutt (Med. Tuners allcl

Gazette, 1872); Pardon, British med. Journ., 1873; Kurella, Athe-

tose bilatérale (Centralblatt f. Ne)'t)e;t/tet7A ! t ? tf/<', Psychiatrie, se, juillet

1887, p. 366);-Ilic;tardière, thèse de Paris, 188üj- P. Blocq et E. Blin,

Note sur un cas d'athétose double (Iteoue de médecine, 1888, p. 10).

III.

De la Température centrale

dans l'épilepsie;

Par BOURNEVILLE.

Les recherches que nous avons entreprises autrefois' sur les

modifications de la température sous l'influence des accès iso-

lés d'épilepsie, des accès sériels et des accès subintrants, nous

avaient amené à poser un certain nombre de règles générales

dont notre maître M. Charcot avait pu constater l'exactitude

et qu'il avait rendues en quelque sorte classiques par son en-

seignement. Ces règles ont été contestées récemment par un

auteur allemand, M. Witkowski 2.

« De hautes températures, dit-il, s'observent assez souvent chez

les épileptiques dans des circonstances où, en dehors de la névrose,

on ne peut constater aucune autre cause de fièvre. C'est là un fait

qui, jusqu'à présent, a trouvé peu d'accès dans le bagage scienti-

fique général du médecin.

« Et cependant ce fait mérite qu'on y consacre toute son atten-

tion. Et cela non seulement parce que, le sachant, le médecin

devient capable d'interpréter, avec toute l'exactitude désirable,

bien des hyperthermies, demeurées jusque-là énigmatiques et par

suite d'en tirer des conclusions diagnostiques et thérapeutiques

légitimes, mais encore parce qu'il fournit des indications pronos-

tiques dont l'appréciation permet au praticien de prédire, en pré-

' Bulletin de la Société anatomique, mars 1869, p. 152. - Revue pho-

tographique des hôpitaux, 1869, p. 153, 161. - Etudes de thermométrie

clinique dans l'hémorrhagie cérébrale et dans quelques maladies de l'en-

céphale. Paris, 1870. - Eludes^clin. et thermométrique sur les maladies

du système nerveux, 1872-1873. - Recherches clin, et thérapeutiques sur

l'épilepsie et l'hystérie. Paris, 1876, p. 1 il 14 et 91 à 98, etc. - De l'Etat

de mal épileptique (thèse Leroy). Paris, 1880.

'berlines Klin. ¡Vochenschl'¡ft, n"' 43 et 44, oct. 1886.

188 DE la température centrale dans l'épilepsie.

sence de certains processus, avec toute la certitude et toute la cir-

conspeetionqu'exige la situationdevant le public. Aucun des traités

de pathologie, de neurologie, de psychiatrie parus, certes, en abon-

dante quantité, daus ces dernières années n'a traité la question et

d'une manière absolument satisfaisante... ' Si l'on a négligé ce sujet,

ajoute-t-il, la faute en est en partie probablement aux indications

exagérées des auteurs français et en particulier à l'école de Charcot,

prétendant que tout accès d'épilepsie parfait s'accompagne d'une

hyperthermie d'un degré centigrade et plus. Il y a longtemps que, de

concert avec d'autres, j'ai reconnu que cette assertion est erronée.

Comparées aux mensurations thermiques extrêmement nom-

breuses que, depuis des années, j'ai recueillies sans interruption,

les recherches de la Salpêtrière, fort clairsemées d'après les indi-

cations mêmes de Bourneville, ne sauraient entrer en ligne de

compte, et l'on doit rattacher à des conditions exceptionnelles ceux

des résultats qui pouvaient passer pour positifs, si tant est qu'on

soit aulorisé à donner ce nom à des formules représentant bien

moins la règle, la généralité des cas que l'on devait être tenté de

le conclure des argumentations de Bourneville. Or, non seulement

chaque accès pris individuellement n'exerce pénératementaucune

action sur la température du corps du patient, mais les séries

d'accès répétés, dont cependant les effets, devraient s'additionner,

peuvent évoluer sans déterminer de fièvre, surtout lorsque leur

chiffre n'est pas élevé et que le trouble de la connaissance n'estni

profond ni prolongé. Sans doute l'expérience enseigne que dans

les accès accumulés la température affecte la plupart du temps,

une allure proportionnelle à leur nombre. C'est ainsi qu'on

arrive, en prenant régulièrement et à plusieurs reprises la tem-

pérature à de courts intervalles de temps, à constater que d'accès

en accès la chaleur produite s'accroît avec une uniformité par-

faite d'environ deux à cinq dixièmes de degré. Mais il n'y a pas

là de rapport absolument nécessaire. Car, ainsi que nous venons

de le dire, dans d'autres petites séries d'accès la fièvre fait complè-

tement défaut ou bien, le nombre des accès étant faible, on cons-

tate une fièvre élevée tout à fait hors de proportion avec l'intensité

i M. Witkowski nous semble trop s'avancer sur ce point. En effet nous

pouvons citer, sans recherches laborieuses, un certain nombre de traités

dont les auteurs ont parlé de la température chez les épileptiques :

Seguin (E.). - Médical Thermometry. New-York, 1876, p. 226. Mosen-

thal. - Traité cliitiq. des mal. nerveuses, trad. Lubanski. Paris, 1877,

p. 533. - Laveran etTeissier. A'ot. e7<'H : . de pathol. et de clin. méd.,

1879, p. 63. -Aaenfeld et Huchard. Traite pratique des maladies du

système nerveux, 2e édit. Paris, 1883, p. 782. -- Gowers (W.-R.). --

De l'épilepsie et autres maladies convulsives chron., trad. Carrier. Paris,

1883, p. 168. - Grasset. - Traité prat. des maladies du sysl. nerv.,

3° édition. Montpellier et Paris, 1886, p. 1072; etc.

DE LA TEMPÉRATURE CENTRALE DANS L'ÉPILEPSIE. 189

des accès, fièvre qui peut mêmer accompagner un état purement

comateux radicalement dépourvu de phénomènes convulsifs res-

semblant à un accès, ou bien enfin la fièvre en question se sépare

nettement d'une façon bien déterminée, quant au moment auquel

elle survient, des accès d'épilepsie, s'installant quelques heures

ou quelques jours avant ou après les accidents convulsifs.

Après avoir affirmé que la « doctrine » de l'École de la Sal-

pêtrière « doit être tenue pour inexacte en tant que loi géné-

rale », M. Witkowski déclare qu'il va « rechercher les lois qui

commandent aux hyperthermies de l'épilepsie » :

« L'expérience, dit-il, nous apprend qu'abstraction faite na-

turellement des complications assez fréquentes, il ne survient

chez les épileptiques de fièvre notable que dans des circonstances

tout à fait déterminées et que cette fièvre se rattache à des règles

qu'il est possible dès maintenant de fixer avec une certitude suf-

fisante pour fournir du premier coup au jugement et à l'instruc-

tion du médecin des jalons solides... »

Nous nous bornons pour le moment à ces citations qui

indiquent nettement les idées de l'auteur se résumant en ceci :

les accès isolés d'épilepsie, les accès survenant par petites sé-

ries ne produisent pas une élévation de la température ; les

accès accumulés - que nous désignons en France sous le nom

d'Etat de mal- déterminent une élévation de la température

proportionnelle à leur nombre. Nous allons démontrer que

sur les deux premiers points les opinions de l'auteur sont

erronées et que sur le troisième il ne fait que confirmer la

loi que nous avons posée sur l'élévation considérable de la

température dans l'état de mal épileptique. Toutefois, avant

d'aborder l'exposé de faits observés avec soin, qu'il nous soit

permis d'exprimer le regret que M. Witkowski n'ait pas cité

les noms des auteurs qui « de concert » avec lui contestent

l'enseignement de la Salpêtrière, ni ceux qui ont contribué à

faire l'expérience que nous possédons aujourd'hui sur les

hyperthermies dans l'épilepsie et surtout qu'il n'ait pas fait

précéder ses assertions générales de quelques-unes « de ses

extrêmement nombreuses mensurations thermiques ».

I. DE LA TEMPÉRATURE DANS LES ACCÈS ISOLES D'ÉPILEPSIE.

Dans nos premiers travaux sur la température des épilep-

tiques (1869-1873), nous n'avions mentionné sur ce point parti-

culier qu'un petit nombre d'expériences : ce sont celles-là seu-

190 DE LA TEMPÉRATURE CENTRALE DANS L'ÉPILEPSIE.

lementque parait connaître M. Witkowski. Depuis, nous avons

consigné un grand nombre de renseignements thermométriques

concernant l'épilepsie soit dans nos publications personnelles,

soit dans celles de nos élèves 1. Il parait que M. Witkowski les

ignore. Si, dans ces dernières années, nous n'avons pas fait

connaître les faits que nous avons rassemblés, c'est qu'ils

confirmaient entièrement les données antérieures; c'est que

notre éminent maître M. Chariot est revenu maintes fois

dans ses leçons. Afin de donner une première satisfaction à

notre contradicteur, nous avons publié dans le Progrès Médical

(1886, nous 48 et 49) une série d'explorations thermométriques

faites sur 64 malades. Chez soixante d'entre eux, nous avons

observé une élévation de la température sous l'influence de

l'accès épileptique. Pouvant nous étendre ici plus longuement

sur ce sujet, qui relève de la neurologie, nous allons donner

un tableau résumant plus de 360 explorations faites sur cent

neuf autres malades. Après cela, M. Witkowski sera peut-être

satisfait. En tout cas, nos lecteurs verront qu'ils n'ont pas eu

tort d'accorder dans l'espèce, comme toujours, leur confiance

aux enseignements de l'École de la Salpêtrière.

DE LA TEMPÉRATURE CENTRALE DANS L'ÉPILEPSIE. 191

192 DE LA TEMPÉRATURE CENTRALE DANS 1,'ÉPILEPSIE.

DE LA TEMPÉRATURE CENTRALE DANS L'ÉPILEPSIE. 193

Chez vingt-sept malades nous avons noté des exceptions,

qui doivent être divisées en deux catégories : dans la pre-

mière, se rapportant à 14 malades, l'élévation de la tempé-

rature ne s'est produite qu'un quart d'heure après la fin de

l'accès,. - dans la seconde catégorie, n'embrassant que

13 malades, la température a offert plusieurs irrégularités

sur lesquelles nous reviendrons tout à l'heure. ZD

Voici d'abord le tableau des cas de la première catégorie :

194 DE LA TEMPÉRATURE CENTRALE DANS L'ÉPILEPSIE,

DE LA TEMPÉRATURE CENTRALE DANS L'ÉPILEPSIE. 195

rature a fourni des résultats semblables à ceux qui avaient

été précédemment obtenus, par exemple chez Kle..., Souto...

Faut-il considérer ces faits comme des exceptions ou seule-

ment, de môme que ceux du précédent tableau, comme des

irrégularités ? Nous inclinerions volontiers vers cette seconde

interprétation. Et ce qui nous y engage, c'est que chaque

fois que nous avons pris la température en dehors des accès, J

le matin et le soir, nous avons enregistré des températures

normales et, par conséquent inférieures aux températures

maxima consécutives aux crises convulsives, ainsi que le

montrent les notes de la colonne des observations.

En nous appuyant sur tous ces faits, nous sommes donc en

droit de maintenir nos conclusions anciennes : 1° les accès

isolés d'épilepsie augmentent la température centrale ; -

20 cette augmentation varie entre un dixième de degré et un

degré et demi, quelquefois davantage; elle est en moyenne de

5 à 6 dixièmes de degré'. 1.

1 Nous n'avons pu terminer ce travail dans le courant de l'année 1887.

Nous espérons pouvoir le faire prochainement et rapporter un certain

nombre de faits relatifs à la température dans les accès sériels d'épilepsie

et dans l'état de mal épileptique. Ils ne feront d'ailleurs que confirmer nos

conclusions anciennes. (Voir Compte rendu de Bicêtre pour 1886, p. 231

à 250.) En ce qui concerne l'état de mal, le lecteur trouvera aux pages

102 et 110 de ce Compte rendu une observation très intéressante avec deux

tracés thermométriques types. Nous devons signaler aussi une note

de M. le D' Lemoine, sur la Température dans les accès isolés d'épilepsie,

reposant sur 182 cas, qui viennent également il l'appui de nos conclu-

sions. (Progrès médical, 1888, t. VII; p. 81). '

ho ANOMALIES DES ORGANES GÉNITAUX.

IV.

Des anomalies des organes génitaux chez

les idiots et les épileptiques ;

Par BOURNEVILLE et SOLLIER.

En recherchant les anomalies des organes génitaux

que présentent les idiots avec ou sans épilepsie, nous

n'avons pas la prétention de signaler un fait nouveau et

que tous ceux qui se sont occupés des dégénérés con-

naissent bien. Mais avec quelle fréquence ces anomalies

se présentent-elles, quelles sont celles qui sont prédo-

minantes ? voilà ce qu'il nous a paru intéressant de re-

chercher. Nos observations, tout à fait personnelles,

ont porté sur 728 idiots ou épileptiques plus ou moins

imbéciles ou déments, du service des Enfants de Bicêtre.

Pour plus de simplicité, nous avons dressé les deux

tableaux ci-après, nous réservant de tirer ensuite les

conclusions qu'ils comportent. Dans le premier, nous

avons rangé les idiots, ayant atteint l'âge de la puberté;

dans le second, ceux au-dessous de cet âge, c'est-à-dire

13 ans environ. Dans chacun des deux, nous avons placé

les idiots d'abord, les épileptiques ensuite. Empressons-

nous de dire que l'époque que nous assignons à la pu-

berté est celle des individus normaux et n'est nullement

applicable à la plupart des idiots. Chez ceux-ci, en effet,

on observe très fréquemment un retard quelquefois

considérable dans leur évolution sexuelle. Ce retard de

la puberté pourrait presque figurer à côté des anomalies

des organes génitaux, mais il touche plus à la physiolo-

gie qu'à l'anatomie et nous voulons nous occuper ex-

clusivement ici de l'état anatomique de l'appareil sexuel

mâle chez les dégénérés.

197 PREMIER TABLEAU

a 107 bi" , DEUXIÈME TABLEAU ? I . -

VERGE EN BATTANT DE CLOCHE. 197

Suivant que l'anomalie est légère, ou, au contraire,

très marquée, nous nous sommes servis, dans nos ta-

bleaux, de petites lettres ou de majuscules. Quant aux

degrés d'atrophie que présente le testicule chez beau-

coup de ces sujets, nous avons été obligés de recourir à

des comparaisons approximatives, telles que des pois,

des noisettes, quoique ces comparaisons vulgaires ne

nous satisfassent qu'imparfaitement.

Nos recherches ont porté sur 728 sujets qui peuvent

être rangés dans les catégories suivantes :

A. Sujets au dessus de 13 ans.

198 HYPOSPADIAS.

dernière opinion, il faudrait avoir suivi dopuis leur jeu-

nesse ces enfants pour pouvoir l'affirmer.

Afin de se rendre compte de la fréquence considérable

des anomalies chez les idiots et les épileptiques, il est

nécessaire de connaître leur fréquence chez les indivi-

d us normalement conformés au point cle vue intellectuel.

Nous avons été forcés de nous en rapporter aux statisti-

ques fournies par les auteurs.

Nous n'avons pas trouvé signalé le degré de fréquence

du phimosis. Mais on sait que normalement la plupart

des enfants en présentent dans les premières années. Ce

n'est que lorsqu'il est très serré ou qu'il persiste après

la puberté qu'il peut être considéré comme une anoma-

lie. C'est dans ce cas seulement que nous l'avons noté et

il nous a paru beaucoup plus fréquent que chez les in-

dividus bien constitués.

L'hypospaclias se présente environ une fois sur trois

cents individus. Le varicocèle est rare avant dix ans;

son maximum de fréquence est de quinze il vingt-cinq

ans. D'après les recherches d'ilorteloup, on le rencontre-

rait 3 fois sur 1.000 et 858 fois du côté gauche.

T-'f/.N.

Fig. foi

ECTOPIE TESTICULAIRE ; PHIMOSIS. 199

L'atrophie congénitale est peu connue. Elle peut

disparaître au moment de la puberté et avec l'exercice

des fonctions génitales. Il sera intéressant d'observer oc

qui se passera chez nos jeunes sujets qui en présentent

lorsqu'ils arriveront à cette période (1).

Sur 1.000 individus, on en trouve en moyenne un

atteint d'ectopie unilatérale avec une fréquence à peu

près égale pour l'un et l'autre côté L'ectopie bilatérale

n'existe qu'une fois sur 10.000 individus. La plus fré-

quente de toutes les variétés est l'ectopie inguinale, 30

fois sur 44 cas ; puis viennent l'ectopie abdominale, l'ec-

topie cruro-scrotale, périnéale et crurale.

Nous n'avons pas rencontré, dans les classiques rien

qui ait rapport à la disposition que nous avons signalée

sous le nom de verge en battant de cloche, ou en

massue.

Pour donner immédiatement une idée de la fré-

quence extrême des anomalies de l'appareil génital mas-

culin chez nos sujets, disons tout de suite que sur les

728 individus examinés, 262 nous en ont présenté soit

isolées, soit associées à d'autres. Mais il serait insuffisant

de s'en tenir à ce chiffre quelque éloquent qu'il soit,

et nous pourrons tirer d'un examen plus approfondi

des anomalies qui se rencontrent dans les différentes

catégories de malades établies plus haut, certaines don-

nées intéressantes.

Si nous examinons la première catégorie composée de

172 idiots, imbéciles ou débiles, nous en rencontrons 55

frappés d'anomalies, soit 31,97 0/0, proportion véritable-

ment considérable. Au point de vue de leur fréquence

relative, nous trouvons : 19 phimosis, dont six sont

relativement peu serrés ; 6 hypospadias balaniques,

dont deux légers et 2 péniens j -10 atrophies testicu-

(1) Nous notons deux fois par an depuis plusieurs années les

changements qui surviennent chez nos malades au point de vue de

la puberté, du poids et de la laille (B.).

200 ANOMALIES DES ORGANES GÉNITAUX.

laires, cinq portant sur le testicule droit, cinq sur le

gauche ; - 7 atrophies doubles des testicules, dont

le volume variait de la grosseur d'un haricot à celui

d'une noisette ; - 3 ectopies du testicule droit dans

lesquelles il est permis de voir une véritable monorchi-

die, étant donné l'âge des sujets, et l'impossibilité de

sentir en quelque endroit que ce soit la glande séminale

et 2 du testicule gauche; - 10 ectopies doubles, dont

un cas où les testicules pouvaient descendre, mais

étaient ordinairement retenus à l'anneau inguinal ; -

un cas de hernie congénitale inguinale gauche et une

non congénitale; - enfin, quatre cas de verge en bat-

tant de cloche et 2 varicocèles gauches.

La proportion des anomalies de la seconde catégorie

de sujets est moins considérable, quoique encore fort

respectable, puisqu'elle atteint 22,22 0/0 (74 cas d'ano-

malies sur 333 sujets). Ces diverses anomalies se décom-

posent ainsi : 27 phimosis, dont neuf légers ; - six hy-

pospadias, dont 2 peu accusés ; - 21 varicocèles

gauches, un droit et 2 doubles ; ;- 13 atrophies testi-

culaires, dont huit à gauche et cinq à droite; - 9 atro-

phies bilatérales ; 5 ectopies doubles et 1 gauche;

- 3 unilatérales, dont deux gauches et une droite ; -

4 hernies inguinales droites; - un cas de varices de

la verge ; 2 cas de verge en massue.

Comme on le voit, les anomalies sont moins fréquentes

chez les épileptiques présentant plus ou moins de débi-

lité mentale ou d'imbécillité, mais en tous cas moins

profondément dégénérés dans l'ensemble que les idiots

de la première catégorie. Le phimosis y est en parti-

culier moins fréquent. L'atrophie testiculaire s'y ren-

contre aussi dans une bien moindre proportion; mais où

la différence s'accuse, c'est pour l'ectopie testiculaire

qui, au lieu de quinze fois, ne se présente plus que huit

fois, c'est-à-dire varie de 8,72 0/0 à 2,44 0/0, en

passant d'une catégorie à l'autre. Il est intéressant de

noter cette inégalité dans les aptitudes sexuelles aux

ANOMALIES DES ORGANES GÉNITAUX. 201

différents degrés de la dégénérescence physique et in-

tellectuelle, et il est à regretter, au point de vue social,

qu'elle ne soit pas moins atténuée encore chez les épi-

leptiques. Sans vouloir y attacher une grande impor-

tance, faisons remarquer cependant que le varicocèle

ne s'est guère rencontré que chez les épileptiques, où

sa proportion s'est élevée à 7,27 0/0, alors que chez les

individus normaux elle est, comme nous l'avons vu plus

haut, de 3 0/0 seulement. Nous ne croyons pas que dans

l'étiologie si variée qu'on invoque pour expliquer la pro-

duction du varicocèle, on ait jamais signalé cette parti-

cularité que la dégénérescence physique, sinon l'épi-

lepsie par elle-même, constitue une prédisposition à

acquérir cette infirmité.

Passons maintenant à nos malades de la troisième

catégorie, idiots, imbéciles et débiles sans épilepsie et

n'ayant pas encore atteint 13 ans. Sur 64 de ces jeunes

malades, 91 nous offrent les anomalies que nous venons

déjà de rencontrer, soit 55,40 0/0, c'est-à-dire plus de

la moitié sont mal conformés. En décomposant ces

chiffres, nous arrivons aux résultats suivants : 41 phi-

mosis, dont 4 légers ; 3 hypospadias peu acccusés j

3 atrophies test icula ires droites et 1 gauche; - 9 atro-

phies doubles; - 14 ectopies testiculaires unilaté-

J'ales, dont 6 à droite et 8 à gauche, et dans sept des-

quelles il était impossible de sentir nulle part le

testicule, 48 ectopies teslicwl21es bilatérales, dont 39

où on ne pouvait sentir les testicules; - deux cas de

verge en battant de cloche.

Remarquons le nombre considérable des ectopies tes-

ticulaires. Dans l'immense majorité des cas, on peut

même se demander s'il y a anorchidie véritable, ou

simplement cryptorchidie. Nous nous rattachons à cette

dernière idée et nous pensons qu'il y a ectopie abdomi-

nale et que dans beaucoup de cas, au moment de la

puberté, on verra descendre les testicules. Le cas du

n° 13 du 5*' tableau est bien fait pour nous engager à le

202 ANOMALIES DES ORGANES GÉNITAUX.

croire. En effet, ce malade qui, il y a deux ans présen-

tait une ectopie testiculaire double, n'a plus aujourd'hui

que le testicule droit qui soit encore retenu dans l'ab-

domen et il est probable qu'un jour ou l'autre il des-

cendra également dans les bourses. Ce serait donc à

tort qu'on jugerait, d'après les chiffres bruts fournis par

la première et la troisième catégorie, et pour saisir l'iné-

galité qui existe dans la proportion des anomalies chez

ces deux catégories de sujets qui ne diffèrent entre eux

que par leur âge, il suffit d'observer que ceux de la

première ont dépassé l'âge normal de la puberté, si tous

ne sont pas pour cela pubères, tandis que ceux de la

troisièmo ne l'ont pas encoro atteint et qu'il n'est pas

étonnant de rencontrer chez eux un retard de développe-

ment considérable, surtout pour des organes qui, nor-

malement, ne sont pas encore arrivés à leur complet

développement à cette époque.

Enfin, dans notre dernière catégorie, la proportion des

anomalies dépasse toutes les autres et atteint 67,79 0/0.

Sur 59 sujets atteints d'épilepsie avec idiotie ou imbé-

cillité, 40 présentent en effet des anomalies génitales,

qui, isolées ou associées, se divisent ainsi : 13 phimosis,

dont deux légers; 13 atrophies testiculaires doubles,

pour la plupart considérables, le testicule n'atteignant

que la grosseur d'un pois et 4 atrophies unilatérales ;

6 ectopies unilatérales, dont 5 à droite et 1 à gauche ;

15 ectopies doubles, dont 5 abdominales, les testicules

n'étant perçus nulle part; enfin, un cas de verge en

battant de cloche. Notons que deux fois le phimosis a

été produit par une adhérence complète du prépuce avec

le gland.

La moyenne de 67,79 0/0 que nous trouvons ici parait

en contradiction avec ce que nous disions plus haut, et

ce que les chiffres d'ailleurs indiquaient, à savoir que

les épileptiques présentant un certain degré de débilité

mentale, offraient moins d'anomalies que les idiots com-

plots sans épilepsie, parce qu'ils étaient moins dégénérés

que ces derniers. Dans la comparaison des deux der-

CONCLUSIONS. 203

nières catégories, nous observons le contraire. Nous

croyons que cette contradiction n'est qu'apparente, car

les choses, dans les deux cas, dans la deuxième et la

quatrième catégorie, ne sont pas comparables. En effet,

dans la première catégorie de nos sujets, la plupart sont

des sujets où l'épilepsie n'est apparue que vers l'âge

de 10 à 20 ans, et dont la faiblesse intellectuelle, quel-

quefois nulle ou peu marquée avant l'apparition des

accès, n'en a été que la conséquence. Au contraire, nos

épileptiques de la dernière catégorie ne leur sont en

aucune façon comparables. Loin d'avoir jamais présenté

un certain développement physique et intellectuel, en-

travé plus tard par les accès comitiaux, l'épilepsie est

venue les surprendre dès leur jeune âge, quelquefois

dans leur première année, et les a pour ainsi dire im-

mobilisés, ne se contentant plus comme dans le premier

cas, d'arrêter avant terme un développement com-

mencé, mais empêchant même ce développement de

prendre son essor. Si les premiers épileptiques sont

donc jusqu'à un certain point moins dégénérés que les

idiots complets sans épilepsie, au contraire, les jeunes

épileptiques de la dernière catégorie nous offrent le type

le plus complet des dégénérés avec arrêt de développe-

ment. Il n'est donc pas surprenant de rencontrer aussi

chez eux une proportion beaucoup plus forte d'anoma-

lies que chez tous les autres. Et maintenant que con-

clure de ce travail " ?

1° Tout d'abord ce fait qui saute aux yeux que les

idiots et les épileptiques débiles présentent, du côté de

leurs organes génitaux, des anomalies extrêmement

fréquentes, si on les compare avec ce qui se rencontre

chez les individus bien équilibrés.

2° Les épileptiques qui ne le sont devenus qu'à un

certain âge, et après avoir pu se développer déjà en

partie, présentent beaucoup moins d'anomalies que les

idiots simples. Leurs aptitudes génésiques paraissent

20 Í CONCLUSIONS.

être, malheureusement, moins atteintes aussi que chez

ces derniers, si l'on en juge par le moins grand nombre

cle cas de cryptorchidie.

3° L'atrophie testiculaire parait porter presque aussi

fréquemment à droite qu'à gauche, quoique un peu plus

de ce côté, ce qui confirme l'opinion générale des

auteurs.

4° La dégénérescence physique et intellectuelle pro-

duite par l'épilepsie semble avoir une influence réelle

sur la production du varicocèle, car les idiots sans épi-

lepsie n'en présentent pour ainsi dire pas.

5° Lorsque l'épilepsie surprend l'enfant dès le début

de la vie, elle produit dans tout son être un arrêt beau-

coup plus marqué du développement, que lorsqu'elle

survient dans l'adolescence, et cet arrêt de développe-

ment appréciable sur l'ensemble de l'individu, est des

plus caractérisés du côté des organes génitaux.

G° Les idiots, avec ou .sans épilepsie, présentent fré-

quemment une forme particulière de la verge, dite en

battant de cloche ou en massue. Cette forme n'est pas

acquise par la masturbation, certains des sujets qui la

présentent ne s'étant jamais livrés à l'onanisme.

On sait que les dégénérés supérieurs présentent assez

fréquemment aussi des anomalies génitales. Il serait

intéressant de savoir dans quelle proportion, on parti-

culier pour les anomalies qui les mettent dans l'im-

possibilité de se reproduire. Nous avons vu que chez

les épileptiques cette impossibilité était déjà bien moins

fréquente que chez les dégénérés inférieurs, et il est à

craindre que chez les dégénérés supérieurs les aptitudes

génésiques et reproductrices ne soient encore bien plus

souvent conservées. Cette question n'offre donc pas

seulement un simple intérêt de curiosité scientifique,

CONCLUSIONS. 205

mais plus encore peut être un intérêt social. Car il serait

à désirer à tous les points de vue que les individus

atteints de tares fatalement transmises et aggravées par

l'hérédité fussent incapables de se reproduire. En outre,

il serait certainement intéressant d'examiner ces sujets

sous le rapport des modifications fonctionnelles de

l'appareil génital.

D'après le Comple-rendn sur le service du recrutement de

l'armée pendant l'année 1SSG, le nombre des jeunes gens ad-

mis à participer au tirage, après rectification des tableaux de

recensement, s'est élevé à 306.854. Sur ce nombre, 299.270 so

sont présentés au Conseil de révision. 39.ïG0 jeunes gens ont

été exemptés comme impropres à tout service. 255 ont été

exemptés pour des vices de conformation des organes uri-

naines (1), 684 pour varicocèles, 753 pour hydrocèle et mala-

dies des testicules et 122 pour maladies des voies urinaires

autres que les précédentes. 1.6 Il atteints de vices de confor-

million des organes genilo-urinai¡'es ont été classés dans le

service auxiliaire.

Si l'on fait un bloc des 255 conscrits exemptés pour des

vices do conformation des organes génito-urinaires, des 584

exemptés pour varicocèles, et des 1511 conscrits classés dans

le service auxiliaire, on a le total de 2,550, soit sur les 299,270

conscrits (en chiffres ronds, 300,000), 85 pour 1,000 atteints de

vices de conformation des organes génito-urinaires. - Sur

nos 728 malades, nous en avons rencontré 262 atteints des mê-

mes vices de conformation, d'où il suit que chez les idiots et

les épileptiques réunis, la proportion des vices de conforma-

tion est quatre fois plus grande que sur la totalité des cons-

crits.

Voici maintenant, à titre de renseignement, le nombre des

cas de réforme pour des maladies du système nerveux ou les

autres vices de conformation : Strabisme, 286. - Sourds-

(1) L'Instruction du Conseil de santé des armées donne ré-

munération suivante de ces vices de conformation : « L'aLaencc

ou l'impe1'{o1'alion de Vurèlhre, 1'¡;Jlipadias et l'hYPo8)Jadias

qui ne permettent pas d'uriner sans se salir, ...l'hermaphrodisme...

la cirsocèle très considérable.

206 CAUSES DE RÉFORME.

muets de naissance, 368 ; -Bec de lièvre, 112 ; - Bégayement,

716 ; - Goitre, 842; - Pieds-bots et autres incurvations des

membres, 921 ; - Epilepsie, 593; - Convulsions, danse de St-

Guy, tremblements, catalepsie, /il ; - Crétinisme, idiotisme,

imbécillité, 1,378; - Aliénation mentale, monomanie, manie,

démence, 180 ; - Paralysie d'un ou de plusieurs membres,

193.

IMBÉCILLITÉ. 207 Î

V.

Imbécillité ; malformations congénitales des

deux mains et du pied gauche ; polysarcie ;

Par BOURNEVILLE et RAOCLT (1).

Nous avons eu l'occasion de rassembler soit à la

Salpêtrière, à Bicêtre ou aux Enfants-Malades, un

nombre assez considérable d'exemples de malforma-

tions des mains et des pieds qui doivent faire l'objet

d'un petit travail d'ensemble. Nous en détachons au-

jourd'hui une observation curieuse également à d'autres

titres.

OBSERVATION. - Père débauché, alcoolique. - Grand père

paternel alcoolique. - Oncle paternel aliéné et alcoolique.

Autre oncle paternel alcoolique. Cousin germain nerveux.

Mère : migraines, vitiligo.- Grand rnère maternelle hémi-

plégique. - Oncle paternel goitreux. - Cousine germaine

arriérée. - Enfant du siège.

Impression maternelle persistante du second mois à la fin

de la grossesse. - Parole et propreté tardives. -'Accès de

colère. - Sévices envers sa petite soeur. - Convulsions. -

Ctastomame. Débilité mentale prononcée. Malpropreté,

paresse, gourmandise, voracité. - Absence de pudeur.

Idées de mariage. - Polysarcie. - Strabisme, nystagmus,

myopie. - Malformations des doigts des deux mains et du

pied gauche. (Polydactylie).

Esn. Marie, âgée de 16 ans, demeurant avenue d'Italie, est

amenée à la consultation le 11 août 1887.

Renseignements fournis par sa mère. - Père, 43 ans, était

bien portant jusqu'en 1876, époque où a quitté sa femme.

(1) Extrait du Prodrès médical, 1887, t. VI, p. 198.

208 1,NIBÉClrLITÉ : ANTÉCÉDENTS HÉRÉDITAIRES.

Débauché, il ne rentrait depuis longtemps à la maison qu'à

des intervalles irréguliers, s'enivrait fréquemment, buvant

toutes sortes de liquides, entre autres de l'absinthe (il rentrait

ivre au moins une fois par semaine). Parfois il restait huit

jours absent de chez lui. Avant do se marier, à 28 ans, il

buvait déjà, mais sa femme pensait qu'il aurait perdu cette

habitude. Il a toujours été violent et emporté. Il a été d'abord

ouvrier chocolatier, puis infirmier à Bicêtre avant la guerre,

et ensuite à l'asile d'Evreux. A Bicêtre, il s'amusait boire

les potions qu'on ordonnait aux aliénés pour savoir l'effet que

cela produirait sur lui. Pas de migraines, pas de céphalalgies,

ni de névralgies, ou de rhumatismes; aucune affection cutanée.

[Père, scieur de pierres; mort d'excès de boisso2.-Mére, blan-

chisseuse, sobre, est morte aux Petits-Ménages aissyvcrs 1872.

- Un doses frères est mort aliéné à Bicêtre vers 1872; il buvait

beaucoup. Un autre frère est mort d'une affection pulmonaire,

il faisait aussi des excès de boisson, mais moins que les deux

autres. Un neveu, fils d'une de ses soeurs, âgé de 21 ans, a eu

l'hiver dernier une attaque nerveuse à la suite d'une discus-

sion avec son patron; il se débattait par terre, « était comme

un fou n ; cette crise a duré environ 15 minutes. Pas d'aliénés,

pas d'autres idiots, pas de déformations congénitales dans sa

famille].

Mère, 43 ans, - elle a deux mois de plus que son mari,

- femme de ménage et piqueuso de bottines, autrefois

domestique, est d'une taille moyenne, d'uno physionomie

assez régulière. Elle porte une éruption de vitiligo très mar-

quée sur le dos des mains et les avant-bras. Elle éprouve des

douleurs rhumatoides, erratiques dans les membres; elle a eu

des migraines, avant et depuis la puberté. Celles-ci ont di-

minué depuis un an, mais elles ont été remplacées par des

céphalalgies revenant plusieurs fois par mois et durant do un

à trois jours, sans s'accompagner de vomissements. Elle se

plaint en outre de gastralgies passagères. Elle n'a jamais ou

ni convulsions dans l'enfance, ni attaques de nerfs. Pas

d'enfants avant le mariage. Elle s'est mariée tard, parce'que a ce

n'était pas son idée ». Depuis sa séparation, elle n'a pas vu

d'homme parce que a ce sont des choses qui ne la tentent pas ».

[ Père mort du choléra, vers 185t, carrier dans les monta-

gnes, sobre. - Mère, morte hémiplégique. Un frère en bonne

santé porte un petit goitre ; il a une fille do 6 ans, bien con-

formée, mais en retard pour la parole; cette enfant comprend

bien tout, mais ne peut s'exprimer ; ce n'est pas du bégaiement.

Pas d'aliénés, pas de difformes, etc. Personne dans son pays no

se souvient d'avoir vu de déformations congénitales dans sa fa-

mille. Pas d'autres goitreux, pas de crétins.

IMBÉCILLITÉ : ANTÉCÉDENTS PERSONNELS. 209

Pas de consanguinité (la mère est de la Savoie (Latable, près

de Chambéry). - Deux enfants : 1° Notre malade, 2° une fille

morte à deux ans 1/2 du croup, elle était intelligente, parlait

très bien ; elle avait marché à 13 mois et avait été propre de

bonne heure.

Notre malade. Au moment de la conception, qui a eulieu

un mois après le mariage, au mois d'août 1870, la mère était

déjà contrariée de voir son mari boire. Ce dernier se mettait en

colère, cassait les carreaux, etc. La conception n'a pas eu lieu

durant l'ivresse : « Il n'y était pas porté dans ces moments-là. »

La grossesse a été assez bonne, sauf quelques douleurs dans le

bas-ventre et plusieurs chutes qu'elle attribue à ce qu'elle avait

comme une faiblesse subite dans les jambes; elle s'est trouvée

mal et a eu des lypothymies plusieurs fois par semaine, durant

les trois premiers mois. Pendant le siège, elle a eu beaucoup à

souffrir, au physique et au moral, de nombreuses discussions

avec son mari, et de fréquentes émotions dues au bruit du bom-

bardement, sans perte de connaissance. Ces émotions ont été

surtout vives à la fin de la grossesse.

La mère attribue les difformités que sa fille présente aux mains

et à un pied, à l'impression vive et persistante produite sur elle

par la vue d'une tortue, vers le second mois de la grossesse. La

première fois, elle la vit barbotant dans le ruisseau; elle ne

ressentit aucune impression à cette vue. Une autre fois, elle la

vit dans les cendres, chez le cordonnier, possesseur de la tor-

tue ; elle la regardait se nettoyer. Qu'est-ce que cette bête ?

dit-elle. « C'est une tortue, » lui répondit-on. En retournant

chez elle, elle fit la réflexion qu'étant enceinte elle ne devait rien

« regarder », et, en même temps, elle ressentit une faiblesse, qui

l'obligea de s'appuyer au mur. Ses jambes fléchissaient et tout

tournait autour d'elle. Ces phénomènes durèrent cinq minutes.

Elle assure avoir pensé tout le reste du temps de sa grossesse

à cette tortue, craignant que son enfant n'eût quelque chose.

Elle n'en rêvait pas la nuit.

L'accouchement s'est fait environ huit jours avant terme, na-

turellement, sans chloroforme. A la naissance, l'enfant était

forte, a crié tout de suite et n'avait aucun signe d'asphyxie.

Elevée au sein par sa mère, elle a été sevrée à quatorze mois.

Elle a marché à treize mois, a eu sa première dent à huit mois

et ses vingt dents vers deux ans. La parole a été lente à venir;

elle n'a parlé que vers deux à trois ans. Elle n'a été propre que

vers quatre à cinq ans. Vers trois ou quatre ans, on s'est aperçu

qu'elle n'était pas comme les autres enfants. Elle prenait sa

petite soeur, qui avait vingt-deux mois de moins qu'elle, et la

jetait par terre. Si sa mère la réprimandait, elle se vengeait

BOUftNEVILLE, 1887. 14

210 IMBÉCILLITÉ : ANTÉCÉDENTS PERSONNELS.

sur sa soeur ou sur les objets. Une fois, sa mère étant allée

voir, à l'hôpital, son mari, qui avait une jambe cassée, trouva,

en rentrant, toute la vaisselle cassée. La malade avait alors

deux ans et sa petite soeur une quinzaine de jours. Vers trois

ans et demi, convulsions, surtout pendant le sommeil : le nez,

la bouche, les yeux étaient agités de mouvements qui duraient

plusieurs minutes. Jamais de grandes convulsions, pas de pertes

do connaissance.

Marie Es... a toujours été volontaire, désobéissante, aimant à

contrarier sa mère; elle crie très fort, même dans la rue, atti-

rant l'attention des passants. Elle a de fréquents accès cle

colère, boulevorse tout, casse la vaisselle, quand il no lui plait

pas de la laver. Elle n'est pas soigneuse de sa personne, cllo

n'aime ni à se laver, ni à se peigner, sauf quand il s'agit do

sortir, par exemple pour venir à la consultation.

En dehors de cela, pour aller dans la rue, ça lui est égal

d'être propre; elle ne sait pas s'arranger ; elle mettrait par

exemple un chapeau, et en même temps des souliers non cirés.

Il faut que sa mère la nettoie comme un enfant, si elle veut

qu'elle soit propre.

Elle est allée à l'école jusqu'à 15 ans. Elle lit un peu, mais

non couramment, elle ne se rend pas compto de ce qu'elle lit.

Elle écrit, mais mal, ne sait pas faire les additions, et n'a jamais

pu apprendre à coudre. Elle a voulu aller dans uno fabrique de

corsets, avec une de ses amies; on l'a gardée une journée. Elle

voit clair, mais ne peut fixer, « ses yeux dansent » ; il lui faut

un quart d'heure pour enfiler une aiguille.

Jamais d'onanisme. Elle dit à tout le monde qu'elle va se

marier à un homme riche, à un rentier; d'autres fois, c'est à

un homme qui gagne 30 francs par mois (elle ne connait pas la

valeur des choses, et pour elle 30 fr. c'est beaucoup;. Les

voisins la taquinent. Il y a quelques jours, une jeune fille lui

a dit qu'elle lui volerait son mari, notre malade l'a menacée de

la battre ; l'autre a pris les devants, lui a donné des coups de

poing sur le nez ; elle est rentrée tout en sang. Quand on

l'onvoie en commission dans le voisinage, elle oublie de rentrer,

ne semblant pas avoir la notion du temps. C'est ainsi que, il y

a quelques jours, sa mère l'ayant envoyée chercher un seau

d'eau vers 4 h. et demie, à sept heures elle n'était pas rentrée

Elle était allée se promener avec uno fillette sur l'avenue

d'Italie, vers la place On se moque d'elle dans le quartier;

les gamins lui font faire dos commissions insolentes, igno-

bles ; si elle refuse, ils l'insultent. Ils ont cherché à l'attirer

sur les fortifications. Dans la maison, elle est l'occasion de

disputes avec la concierge, avec les voisins, soit parce qu'elle

pousse des cris aigus, soit parce que des gamins en envoient

IMBÉCILLITÉ : SYMPTÔMES. 211

d'autres la chercher. La mère ne pouvant l'utiliser pour le

ménage, ni pourletravail,lalaisse dormir tant qu'elle veut.Très

menteuse et très gourmande; elle mange avec sa mère, comme

cette dernière, puis s'il reste quolque chose, quand celle-ci a

le dos tourné, elle le dévore. Elle ne prend rien chez les au-

tres. Elle est très curieuse. Depuis deux mois surtout, son ca-

ractère est très difficile.

Son sommeil, qui est long, est très agité; elle gémit, parle

tout haut en rêvant ; ello a peur qu'on ne la tue, qu'on ne l'em-

mène. Elle a parfois des illusions d'optique au sujet des

objets qui l'entourent. - Elle a toujours eu un embonpoint

exagéré, surtout depuis deux ou trois ans. Elle a été réglée à

seize ans (octobre 1886) sans douleurs abdominales, mais avec

do la céphalalgie. Les règles sont venues tous les mois régu-

lièrement, sauf le mois dernier où elles ont avancé. Elle le dit

tout haut à tout le monde. « Vous dites que je suis une gosse,

je suis dans le sang jusqu'au cou. » Et, elle offre de le faire

voir. Elle n'a aucune retenue; elle se penche sans précaution,

laissant tout voir, mais toutefois, elle ne se retrousse pas. Elle

est fière depuis qu'elle a des seins. On la connaît dans le quar-

tier, aussi empêche-t-on les disputes entre elle et les gamins.

Il suffirait, dit sa mère,. que quelqu'un lui offre le mariage,

pour qu'elle se laisse emmener.

Si sa mère la gronde, elle se rebiffe, crie, lui dit qu'elle

l'embête, et l'injurie. Lorsque sa mère lui donne « une

giffte » elle lui en rend trois. Sans cause, elle se met à crier

comme une idiote, comme une folio. Toute la journée elle s'a-

muse ; si on l'envoie faire une commission, elle reste long-

temps ; elle aime à entendre dire des saletés, les répète, se

mélo aux conversations. Elle est insolente envers tout le

monde, menace de battre, crie.

Elle n'a jamais été arrêtée. Parfois, elle reste dehors, sans

se préoccuper de l'heure des repas; il lui est arrivé de sortir

le matin, de ne rentrer que le soir, sans avoir mangé ; alors

elle veut son café au lait du matin, son déjeuner de midi, son

diner et absorbe gloutonnement le tout. Si on rit d'elle par-

fois, lorsqu'elle mange avec voracité des pommes de terre

mal cuites, elle dit que c'est assez bon pour elle, et continue

de plus belle. Il lui arrive souvent de manger des pommes de

terre, ou des carottes crues et de les refuser quand on les lui

présente cuites. Etant toute petite, elle mâchait du charbon.

Elle a eu quelques croûtes dans les cheveux et une ophtalmie

double à deux ans qui a duré un mois. Ni otite, ni engelures, ni

dartres, Elle a eu un ganglion tuméfié qui s'est abcédé au ni-

veau du côté gauche du cou, et a laissé une petite cicatrice. Elle

aurait eu beaucoup d'oxyures. Souvent elle s'est coupée, pin·

212 DE5CIi1P1' ! OV DE LA MALADE.

cée dans les portes par sa bêtise. Elle pleurait tant qu'elle

voyait du sang, puis on ne pouvait plus lui maintenir de panse-

ment. Actuellement, au contraire, à la moindre piqûre, il lui

faut mettre un pansement. Maux de tête fréquents. Pas de si-

gnes d'hystérie.

Etat actuel. - Elle est très développée; le thorax et le

ventre sont très-volumineux pour son âge. Poids : 76 kilo-

grammes 500 ; taille de 1 mètre 515 millimètres.

Face volumineuse, symétrique, ovale. - Front bas (6 centi-

mètres et demi) ; aplatissement des régions temporales; ar-

cades soureillières peu saillantes. Cheveux - avec poux - ;

sourcils et cils blonds. - Yeux petits, bleus (la malade est

myope), nystagmus des deux côtés, rotatoire, plus marqué à

gauche qu'à droite. Léger strabisme interne de l'oeil gauche.

Pupilles égales, d'un contour un peu irrégulier. Apophyses

zygomatiques peu saillantes. Nez moyen, régulier. Bouche

petite, menton ovale. Voile du palais, langue, arcades dentaires,

normales. Mâchoires volumineuses. Oreilles allongées de haut

en bas, lobules volumineux, adhérents.

POLYDACTYLIE.

213

cette phalange double, divergent, et à leur extrémité anté-

rieure s'insère la deuxième phalange de chacun de ces doigts.

Ceux-ci sont moins volumineux que le petit doigt et sont

aplatis d'avant en arrière. Le tout forme une sorte de système

spécial, dû à la division du quatrième doigt normal, situé sur

un plan postérieur aux autres doigts, si bien qu'à la face pal-

maire, il existe un creux entre la base de ces deux doigts et

l'extrémité antérieure du quatrième métacarpien. Ce système

n'a que des mouvements antéro-postérieurs très-limités, qui

suivent ceux des troisième et cinquième doigts normaux,

lorsque la malade ouvre ou ferme la main ; mais chacun des

doigts de ce groupement n'a pas de mouvements propres. Le

petit doigt est uni au plus externe de ceux-ci par une mem-

brane de l'épaisseur du doigt, qui s'étend en avant jusqu'au

niveau do l'extrémité antérieure de la seconde phalange.

b) Main gauche. La pouce, l'index, le médius et l'annulaire

sont normaux. Au niveau du cinquième doigt, est un système e

de trois petits doigts accolés les uns aux autres (fig. S). Il n'y

a qu'un cinquième métacarpien, mais il son extrémité anté-

rieure s'insèrent les premières phalanges du doigt externe et

du doigt médian, qui sont indépendantes. Ces deux doigts pos-

sèdent chacun trois phalanges et un ongle; le premier est libre

en dehors, jusqu'à la commissure normale, entre lui et le qua-

trième doigt. Il est séparé du doigt médian en avant seulement

depuis la moitié antérieure de la deuxième phalange. Enfin le

doigt interne est accolé à la face interne de la deuxième pha-

lange du second, et possède un petit os libre, non articulé en

Fit 7.

Fig. 8.

214 polysarcie; myopie ; strabisme. '

arrière, où il se termino en pointe, ce doigt possède aussi un

ongle mais mal conformé. 'l'out ce système a des mouvements

de flexion et d'extension, d'adduction et d'abduction, mais

moins étendus que normalement; l'opposition avec le pouce se

fait d'une façon mal habile avec lo doigt externe. Le doigt ex-

terne et le médian ont quelques mouvements propres très peu

étendus.

L'abdomen est très volumineux; sa couche adipeuse est très

épaisse; l'ombilic est très profond.

Organes génitaux. Poils assez abondants sur le pénil, les

grandes lèvres, se continuant jusqu'à la partie la plus interne

des plis inguinaux, avec pigmentation de ces régions.

Les cuisses sont très volumineuses, ainsi que les jambes;

les mollets ont 43 cent. de circonférence.

Pieds. Pied droit normal. Pied gauche : Les quatre pre-

miers orteils sont normaux. Entre le quatrième et le cinquième,

à cheval sur ces derniers, est un orteil supplémentaire, situé

dans une sorte de logette entre la face externe de la seconde

phalange du quatrième, et la face interne' de celle du cin-

quième. Son extrémité antérieure ne dépasse pas l'extrémité

postérieure de la seconde phalange des orteils entre lesquels il

est situé; il a le volume d'une petite noisette et il renferme un

petit os, qui semble s'articuler avec le quatrième métatarsien,

et possède un petit onglo, déformé et écailleux, qui était,

paraît-il, pour la malade une cause de douleur, par suite de la

pression du soulier.

Sensibilité générale normale (toucher, température, etc.).

Réflexes normaux.- Vite : myopie très prononcée, la malade se

met à une distance de 16 cent. pour lire des lettres d'un 112 cent.,

et à 1 m. 37 pour pouvoir lire les grandes lettres d'un journal

ayant 3 cent. et quart de hauteur. Elle distingue bien toutes

les couleurs. Goût et odorat normaux. Dynamomètre

Mathieu (petit) : adroite 10, à gauche 42.

L'intelligence est faible, la malade comprend mal les ques-

tions qu'on lui pose et y répond à peine ou mal; parfois, elle

parle d'un autre sujet. Son langage, sa manière d'être, ses im-

patiences sont ceux d'un enfant.

Au point de vue mental, Marie Es... présente tous les

caractères de l'imbécillité, compliquée d'impulsions de

natures diverses, pouvant occasionner do sérieux incon-

vénients, soit pour les autres, soit pour elle-même. Bien

qu'elle ait fréquenté l'école jusqu'à l'âge de 15 ans, elle

impression maternelle ; alcoolisme. 215

n'a rien appris. Il est évident, pour nous, que si elle

avait été soumise à un traitement et à une éducation

méthodiques, elle eut pu être notablement améliorée à

tous les égards et même apprendre un métier. On en a

fait un être qui sera presque inutile pour le reste de ses

jours, car l'obésité dont elle est atteinte et qui, si elle

n'avait pas disparu sous l'influence de la gymnastique,

se serait en tout cas développée moins rapidement et à

un moindre degré, ne fera sans doute que s'accroître et

contribuera à rendre peu fructueux les essais que l'on

ferait aujourd'hui pour son amélioration intellectuelle.

Ce fait montre la nécessité d'assister, de traiter et

d'instruire de bonne heure les malades de ce genre.

L'obésité ou la polysarcie est loin d'être une com-

plication rare de l'imbécillité. M. Parrot en a publié un

cas intéressant dans la Revue photographique des

hôpitaux de Paris (1869, p. 21). L'un de nous en a vu

plusieurs exemples, soit en ville, soit à la Salpêtrière. Il

semblerait aussi que cette complication est surtout l'a-

panage des imbéciles du sexe féminin.

La myopie, le strabisme et le nystagmus sont dus

sans doute aux convulsions dont la malade a été at-

teinte à l'âge de trois ans.

Quant aux malformations des doigts et du pied

gauche, la description que nous en avons donnée plus

haut nous dispense d'entrer dans do nouveaux déve-

loppements. Dans l'opinion de la mère de la malade,

elles reconnaîtraient pour cause l'impression persis-

tante et prolongée qui a suivi la vue d'une tortue.

Nous la relevons sans vouloir y attacher plus d'impor-

tance qu'il ne conviont. L'alcoolisme héréditaire du

père, les antécédents nerveux du côté paternel aussi

bien que du côté maternel peuvent être invoqués à plus

juste titre. Les malformations des extrémités (poly-

dactylie et syndactylie), les malformations des organes

216 malformations des DÉGÉNÉRÉS.

génitaux (cryptorchidie, atrophie d'un testicule, phy-

mosis, hypospadias, etc.), sont en effet fréquentes en

pareil cas et nos malades de Bicêtre nous en fournis-

sent chaque jour la preuve. Mentionnons enfin que,

contrairement à ce que la plupart des auteurs ont si-

gnalé d'ailleurs avec raison, nous n'avons trouvé aucun

exemple de malformation analogue chez les ascendants

de cette jeune fille.

anatomie. 217

VI.

De l'épiploon cystico-colique (variétés du liga-

ment hépato-duodénal);

Par M. le D' p. nRico,-i.

Le ligament hépatico-duodénal, dépendance de l'épi-

ploon gastro-hépatique qu'il borde à droite, forme le

bord antérieur de l'hiatus de Winslow. Il unit le col de

la vésicule biliaire au duodénum, relié lui-même au

côlon transverse par un ligament épiploïque. A l'état

normal, ces ligaments ne forment qu'un léger relief à

la surface des organes qu'ils recouvrent. Il n'en est pas

toujours ainsi et ce relief, en s'accentuant de plus en

plus, devient repli et, en s'élevant du col au fond de la

vésicule biliaire, finit par former une sorte de mésentère

ou plutôt d'épiploon cystico-côlique (1).

Description. - Le péritoine, après avoir tapissé la

face convexe du foie, gagne le sillon transverse, mais,

en certain cas, au niveau de la vésicule biliaire, au lieu

de fournir à celle-ci une enveloppe plus ou moins com-

plète, il ne recouvre que ses faces latérales, et son fond

se replie à une distance variable de l'hiatus de Winslow,

parfois au niveau du fond de la vésicule, il constitue

ainsi un ligament hépatico-duodénal, ou plutôt hépa-

(1) Le grand et le petit épiploon paraissent parfois contribuer

également à la formation de l'épiploon cystico-côlique, mais il est

en ce cas difficile de distinguer inférieurement les limites exactes

des parties fournies par ces deux épiploons ; il semble qu'il y ait

eu véritable fusion.

218 ANATOMIE

tico-côlique comprenant non seulement dans son épais-

seur les vaisseaux biliaires et la veine porte, mais encore

la vésicule biliaire comprise alors entre deux feuillets

péritonéaux s'étendant do toute la hauteur de la fossette

de la vésicule biliaire au côlon transverse (Fig. 9).

Notons qu'il ne s'agit pas de ce pseudo-mésentère de

la vésicule déjà décrit par plusieurs auteurs et entre

autres par Ruysch. « Ruysch, écrit M. Paulet, a trouvé

la vésicule entièrement libre, n'adhérant pas au foie;

mais l'existence d'un mésocyste doit être considérée

comme tout à fait exceptionnelle chez l'homme, tandis

qu'elle est constante chez certaines espèces animales,

Fig. 9. C. Colon. - E. Epiploon cystico-cô ! ique. V. Vésicule

biliaire.- H. Hile du foie.

DE L'ÉPIPLOON CYSTICO-CÔLIQUE. 219

notamment chez le lapin (1). » Comme on le voit, il ne

s'agit nullement, en ce cas, du repli épiploïque qui relie

la vésicule au duodénum et au côlon. Ce pseudo-mésen-

tère est encore signalé dans l'Anatomie de Gruveilhier.

« La vésicule biliaire est maintenue, dit-il, dans sa si-

tuation par le péritoine, qui ne fait que passer au-des-

sous d'elle, chez le plus grand nombre des sujets; mais

(1) Dictionnaire encyclopédique des sciences médicales, pre-

mière série, 1876. - Poulet. Voies biliaires (anatomie, p. 299).

C'est par erreur que le lapin, tout au moins notre lapin domestique,

est signalé comme ayant un mésocyste; notre lapin domestique

possède au contrai une vésicule pour ainsi dire presque enclavée

dans le foie.

Fig. 10.-rC, Colon. -E Epiplo-cyslico-eùliquc.- V. V,Ucule biliaire-

- H. Hile de foie. - D. Duodénum.

220 ANATOMIE

qui, chez d'autres, lui forme une enveloppe presque

complète, de telle manière que la vésicule est unie au

foie à l'aide d'une sorte de mésentère. Dans ce dernier

cas, elle est pour ainsi dire détachée du foie, disposi-

tion que l'on rencontre chez quelques animaux.

On ne saurait dire, toutefois, ce qu'entend Cruveil-

hier (1) quand il dit ailleurs : « J'ai vu deux fois la vé-

sicule du fiel s'ouvrir dans le côlon», et, en note, « iln'est

pas rare de voir la vésicule du fiel entièrement unie à

la portion correspondante de l'arc du côlon, » et, plus

loin (p. 202), « quelquefois des adhérences accidentelles

ou normales l'unissent (la vésicule biliaire) au duodénum

et à l'arc du côlon. Ces rapports expliquent ? d'autre

part, le passage direct par perforation des calculs biliai-

res de la vésicule dans le duodénum, dans le côlon. »

Il semble toutefois que Cruveilhier ait réellement vu

le repli cystico-côlique, ce qui ne saurait nous étonner,

vu sa fréquence ; mais le texte est peu clair et le mot

d'adhérence autorise d'en douter. Il peut arriver que

l'on constate l'existence d'un épiploon cystico-côlique,

et, en même temps, celle d'un mésentère vésiculo-hé-

patique plus ou moins développé. C'est ainsi que sur une

de nos pièces (Frg. 10) on trouve un épiploon vésiculo-

côlique et des indices de mésentère vésiculo-hépatique.

Par contre, le fond de la vésicule, dans son tiers supé-

rieur, n'est pas adhérent au foie; il est recouvert par le

péritoine. Il a pu arriver que la position occupée dans le

ligament hépatico-côlique ait pu faire croire à l'existence

de ce pseudo-mésentère, car, dans le cas d'existence

d'épiploon vésiculo-biliaire glissant entre les deux feuil-

lets, va parfois se mettre en contact avec le côlon trans-

verse, formant alors deux triangles isocèles, accolés

inversement.

Enfin, il existe une troisième disposition assez rare :

(1) J. Cruveilhier. - Traité d'anatomie descriptive, 3e édition;

- Marc Sée et Cruveilhier fils, 1874, T. IL, p. 158.

DE L'ÉPIPLOON CYSTICO-CÔLIQUE. 221

l'extrémité droite du grand épiploon s'insère alors sur

le bord libre de l'épiploon cystico-côlique et atteint le

bord antéro-infériour du foie au niveau du fond de la

vésicule biliaire ; cette disposition est montrée dans une

des figures ci-jointe (Fig. 11). Dans ce cas, le côlon trans-

verse semble ne partir à droite que de lavésicule biliaire

et la fossette colique du foie fait défaut.

L'épiploon vésiculo-côlique est assez fréquent. Il n'a

certainement pas dû échapper à l'observation des ana-

tomistes et des anatomo-pathologistes ; aussi n'est-ce

que lorsque nous avons constaté que la plupart do nos

auteurs classiques n'en faisaient pas mention, que nous

Fin Il. -G. 10. Grand Epiploon ? C. Colon.-V. Vésicule biliaire.

- Il. Hile du foie. - F. Foie.

222 ANATOMIE

nous sommes décidés à rappeler de nouveau l'attention

sur ce repli (I). L'examen méthodique et complet de

cadavres provenant du service de M. Bourneville, nous

a permis de réunir en peu de temps, sur ce sujet, un

certain nombre d'observations. Sur 89 autopsies, nous

avons rencontré cette disposition à un degré plus ou

moins avancé, 21 fois; dans 8 cas, il s'agissait d'un repli

incomplet, variant de 1 centimètre à 3 ou 4 centimètres

de hauteur, l'existence d'un épiploon cystico-côlique,

n'a été constaté que 13 fois.

On peut rencontrer entre ces diverses dispositions,

tous les intermédiaires possibles.

Qu'on ne croie pas qu'il s'agisse de ces adhérences

pathologiques signalées par tous les auteurs; c'est par

elles que l'on explique généralement l'élimination des

calculs biliaires par la voie intestinale. Les adhérences

sont, du reste, rarement limitées à la région vésiculaire.

Le plus souvent, elles sont irrégulières, disséminées ;

l'hiatus de Winslow est alors parfois oblitéré. C'est

ainsi que nous avons rencontré un abcès limité à l'ar-

rière cavité clos épiploons (2). Dans les cas d'adhérences

(1) Depuis que notre attention a été attirée sur ce point, M. Bara-

ban a publié celte année, dans son articlesurlepéritoitte, les lignes

suivantes : Mentionnons que dans quelques cas le péritoine de

la face inférieure du foie fournil un polit méso de la vésicule biliaire

et que le col de cette dernière peut être rattachée au colon trans-

verse par un prolongement du grand épiploon. (Dictionnaire en-

cyclopédique des sciences médicales, 2 série, tome XXIII, pre-

mière partie, Baraban, art. Péritoine (anatomie descriptive, p. 255,

1887). Il semblé, en effet, que parfois le repli épiploique véaiculo-

côlique soit formé entièrement aux dépens du grand épiploon ; il

parait n'y avoir alors qu'un simple accolement facile a détruire, à

la face inférieure de la vésicule. En cocas, I'cpip]oon vésiculo-coli-

que est moins large et le plus souvent on retrouve sur sa face

gauche des parties non adhérentes simulant des anneaux ou des

orifices obliques ayant une grande ressemblance avec l'aspect que

représente le trou de Botal perméable obliquement.

12) Il s'agissait, dans ce caa, d'un abcès du lobe gaucho du foie,

ayant envahi l'arrière-cavité des épiploons. « Lorsque cet hiatus

vient pour une cause quelconque à s'oblitérer, il peut se faire dans

l'arrière cavité des épiploons un amas de sérosité qui constitue une

DE l'épiploon CvSTICO'CÔLIQUE 223

pathologiques, le pseudo-épiploon a un aspect irrégu-

lier ; il est peu développé ; la vésicule biliaire est très

rapprochée, sinon en contact direct avec le côlon ; d'au-

tre part, il peut arriver que l'on rencontre des adhéren-

ces aux alentours de la vésicule sans que ce fait exclue

l'existence d'un véritable épiploon cystico-côlique. Un

examen attentif peut seul démontrer la coexistence ou

non des deux choses.

Aucun de nos malades n'était atteint d'affection hépa-

tique de nature quelconque ; jamais chez eux le repli

n'a présenté le caractère de brides ou membranes de

nouvelle formation. L'examen des pièces conservées

dans le chloral le prouve suffisamment.

Nous n'aurions pas songé à tirer de l'oubli ce repli

épiploïque, s'il ne nous avait semblé que sa connaissance

importait dans les opérations sur la vésicule biliaire

(cholécystectomie et cholécystotomie) et parce qu'il ex-

pliquait pourquoi, dans certains cas, les calculs biliaires

peuvent être éliminés avec facilité par le côlon. C'est

pour eux un chemin tout tracé et, pour le calculeux qui

est possesseur de ce repli, une disposition heureuse qui

lui évite les plus dangereuses des complications (1).

sorte d'hydropisie enkystée toute spéciale. (Ialâainue. - Traité

d'anatomie chirurgicale, tome II, p. 30J, 1859). Je ne sais si un

fait semblable a jamais été observé. ri ('filiaux. - Traité d'ana-

tomie lopographique, 1879, p. 788.)

(t) Cette disposition peut expliquer, dans une certaine mesure,

pourquoi M. Thiriar lrouva un jour des calculs biliaires sous la

séreuse péritonéale, au voisinage du colon (voir daus les comptes

rendus de la Société de Chirurgie, 1887, l'analyse de l'obs. de

M. Thiriar et les remarques de M. Pozzi).

224 ASPHYXIE : HYPOTHERMIE.

VII.

Un cas d'asphyxie par strangulation : abaisse-

ment considérable de la température; gué-

rison ;

Par BOURNEVILLE.

A propos d'une note de M. Terrien sur les Phénomè-

nes consécutifs à deux tentatives de pendaison, pu-

bliée dans le n° 38 (t. VI) du Progrès médical de 1887,

nous avons rappelé l'observation suivante que nous

avons recueillie en 1869 pendant notre internat dans le

service de M. le professeur Hardy, à l'hôpital Saint-

Louis (1) et qu'il nous semble utile de reproduire ici.

N..., ouvrier doreur, âgé de 62 ans, quitta sa femme, avec

laquelle il avait gaiement déjeuné à midi, et retourna à son

atelier où il fut trouvé à une heure un quart pendu à l'aide

dune corde et ne présentant aucun signe de vie. La corde dont

il s'était servi avait environ deux centimètres de diamètre. Peu

après un médecin qu'on avait appelé saigna le malade et l'en-

voya à l'hôpital Saint-Louis où nous le vîmes immédiatement,

c'est-à-dire une heure après l'événement. Le pouls était per-

ceptible, à 84 ; la respiration était irrégulière, diaphragma-

tique ; la température rectale était de 34°, 1. L'insensibilité était

complète et la connaissance tout à fait abolie. La face était

cyanosée ; la peau uniformément froide. Les pupilles étaient

normales, égales et contractiles. Nous fîmes appliquer des

sinapismes sur les jambes, les cuisses et à la nuque, fric-

tionner le tronc avec de l'alcool camphré, en même temps que

nous faisions des inhalations d'ammoniaque, qui ne déter-

minèrent pas d'éternuement. L'électrisation des muscles du

(I) Cotte observation a été publiée dans The Lancer 1870, I,

p, 446.

ASPHYXIE ! HYPOTHERMIE. 225

thorax fut ensuite pratiquée. La respiration devint un peu plus

régulière, mais l'état général restait le même.

Deux heures après l'accident le pouls était à 72-76 et la tem-

pérature toujours à 34°, On continua les frictions et on mit

des ventouses sèches sur la poitrine et les membres inférieurs.

Trois heures après l'accident : P. 72 ; T. R. 3G°,8 ; respiration

plus régulière, quelques mouvements convulsifs des membres

supérieurs ; agitation. Traitement : Julep avec acétate d'am-

moniaque ; lavement purgatif, etc.

Cinq heures après, le pouls était à 80, la respiration ron-

flante à 18 ; la température rectale à 38°,4 ; la peau chaude.

Six heures après l'accident : le pouls était le même, la res-

piration à 20 et la température à 40°,3. La face était devenue

rouge, la chaleur de la peau avait augmenté et le malade

dormait. Pour diminuer la congestion on applique des cata-

plasmes sinapisés sur les cuisses et les mollets.

Huit heures après la tentative de pendaison : P. 9 ! ; R. 24;

T. ·R. 39°,6. Le malade repose tranquillement. Dix heures

après : P. 96; R. 24. T. R. 39°,t.

Le 28 septembre, à 9 heures du matin, c'est-à-dire 20 heures

après l'accident : P. 88 ; R. 20 ; T. R. 39°,3. Le malade a dormi

paisiblement depuis neuf heures du soir. Il était alors éveillé

et se plaignait d'un sentiment de pesanteur, la mémoire était

confuse, la respiration normale et les battements du coeur ré-

guliers. Dans la soirée (28 heures après la pendaison) : P. 76;

R. 20 ; T. R. 39°. Le malade avait eu trois selles abondantes. Il

avait parlé un peu ; il ne voulait pas dire pourquoi il s'était

pendu et n'avait aucun souvenir de ce qui lui était arrivé.

A partir de ce moment, l'amélioration fit des progrès ra-

pides. On observa toutefois une congestion du poumon droit

suivie d'un léger épanchement pleurétique qui nécessitèrent le

séjour à l'hôpital jusqu'au 7 octobre.

La particularité qu'il importe de relever dans cette

observation, c'estlamarcho de la température centrale.

Elle présente tout d'abord un abaissement considérable,

puis une élévation consécutive.

La température, une heure après la pendaison, était

descendue à 34°,1, soit environ 3°,4 au-dessous de la

température moyenne normale (37°,5). Ce n'est que trois

heures après que la température se relève pour atteindre

assez rapidement dix heures après l'accident, 40°, 3, soit

2°,S au-dessus de la température naturelle. Aussitôt la

BOURNEVIILE, 1887. 15

G ASPHYXIE : HYPOTHERMIE,

température a commencé à s'abaisser, non pas avec la

rapidité notée pour l'ascension, mais, au contraire, avec

lenteur. Elle s'est, en effet, maintenue au-dessus de 39°

pendant vingt-quatre heures, et cen'est que le troisième

jour, à dater de l'accident, qu'elle a descendu de 39° au

taux normal. Ces renseignements sur la température,

chez un pendu ramené à la vie, nous ont paru mériter

d'être connus.

DE LA DENTITION DES IDIOTS. 227 %

VIII.

De l'état de la dentition chez les enfants

idiots et arriérés ;

Par r, sacnren.

Quoique très fréquentes et très variées les anomalies

et les lésions dentaires chez les dégénérés ont été peu

étudiées, même-par les auteurs qui ont écrit des ouvra-

ges spéciaux sur les anomalies dentaires en général.

Cette question est pour la première fois traitée dans

deux mémoires anglais, celui de Ballard, paru en 1860

et celui de Langdon Down, paru en 1861. - Mais c'est

à M. Bourneville qu'on doit le travaille plus complet et

le plus précis qui ait été écrit jusqu'à présent sur ce

sujet, travail qui parut en 1862 et dans lequel l'auteur

signala la plupart des particularités remarquables que

présente la dentition des idiots. Mais si ces anomalies

sont connues d'une façon générale et regardées comme

très fréquentes, il s'en faut que leur fréquence absolue

et relative soit établie d'une façon rigoureuse, ni même

approximative. C'est le but que s'est surtout proposé

1\1 lUe Alice Sollicr, dans sa thèse de doctorat, faite sous

l'inspiration et dans le service de M. Bourneville, à

Bicêtre.'

Son travail repose sur l'étude détaillée de la dentition

de 100 idiots pris au hasard, et une description minu-

tieuse de toutes les dents est faite pour chacun d'eux <

On se représente facilement la somme de travail que

cela a dû demander. - Un assez grand nombre de

dessins que nous reproduisons en partie ici montrent

d'ailleurs mieux que tout ce qu'on pourrait dire la va-

228

DE LA DENTITION DES IDIOTS.

riété et la multiplicité des lésions et des anomalies qu'on

observe chez ces dégénérés inférieurs. - L'auteur a

pu ainsi établir une statistique précise. Mais ïtI ? Sollier

ne s'est pas bornée à cette besogne un peu aride et a

cherché, en outre, à élucider plusieurs points inté-

ressants qui se rattachent aux lésions dentaires, en

même temps qu'elle met en évidence certaines anoma-

lies qui semblent avoir échappé aux auteurs qui l'ont

précédée. Les figures 12, et 13, peuvent donner une

idée de la complexité des anomalies qu'on rencontre

chez les idiots.

D'une façon générale, l'idiotie avec ou sans épilepsie

prédispose aux arrêts de développement, aux anomalies

et aux lésions de l'appareil dentaire dans une propor-

tion qui n'est pas moindre de 91 °/0. Il est à remarquer

que l'idiotie congénitale ne parait pas avoir plus d'in-

fluence à cet égard que celle acquise pendant la pre-

mière dentition. C'est en effet presque exclusivement

la deuxième dentition qui est atteinte. Parfois même

on observe de la précocité de la première dentition

(13 ? ) et l'auteur cite l'observation d'un enfant qui

présentait une dent à la naissance, quoique atteint

d'idiotie congénitale. - Néanmoins le retard de la pre-

Fig. 12.

DE LA DENTITION DES IDIOTS. 229

mière dentition est plus commun et se rencontre environ

dans un 1/4 des cas, ce qui en somme n'est pas très

fréquent, si l'on songe combien souvent on rencontre

ce retard chez des enfants parfaitement normaux. Si la

première dentition peut être précoce dans son apparition,

il est par contre exceptionnel qu'elle présente la même

précocité dans sa chute qui est bien plutôt retardée. Du

reste, comme nous le disions tout à l'heure, les ano-

Fig. 13.

Fig. 14.

Fig. 15.

230 DE LA DENTITION DES IDIOTS.

malies portent surtout sur la deuxième dentition qui

présente dans plus du 1/3 des cas (36 0/0) un retard plus

ou moins marqué clans son apparition, retard plus fré-

quent d'ailleurs chez les idiots que chez les épileptiques

plus ou moins arriérés.

Le microdontisme est assez fréquent (14 ? ) et est

ordinairement associé à d'autres anomalies et en par-

ticulier au géantisme des molaires. {Fig. 14, 15, 16, 17),

- Le géantisme est un peu moins commun (11 ? ) et

porte surtout, ainsi que l'avait remarqué M. Bourneville,

sur les incisives médianes supérieures. (1 ? 7. 18). Il

semble y avoir entre ces deux anomalies une véritable

compensation et cela est d'autant plus probable que

dans certains cas on observe une fusion de deux dents.

Fig. 16.

rr ? m.

DE LA DENTITION DES IDIOTS. 231

Il n'y -a plus alors seulement compensation, et l'on

constate à côté d'une dent géante l'absence de la dent

voisine, circonstance qui explique à la fois la genèse du

géantisme et celle de l'absence de dents au moins dans

un certain nombre de cas. Cette absence de dents, en

dehors bien entendu du retard de la deuxième dentition

est relativement peu rare puisqu'on l'observe 11 fois

sur 100. Par contre les dents supplémentaires sont

absolument exceptionnelles (2 °/0). A côté de ces ano-

malies de volume se trouvent en grand nombre des ano-

malies de la forme générale des dents, consistant en

tubercules supplémentaires, en dentelures, etc., etc.,

qui se montrent dans plus de la moitié des cas (53 °/o)-

L'implantation est aussi très souvent irrégulière (34 ? )

Fig. 18.

- 1 ig. 19.

232 DE LA DENTITION DES IDIOTS.

(Fig. 19), mais les anomalies de siège sont rares ettou-

jours peu marquées (Fig. 20). - De toutes les irré-

gularités des dents, celles de leur direction sont le plus

souvent observées (80 °/0) et portent principalement sur

les incisives et les canines (Fig. 21).

Des anomalies, l'auteur passe aux lésions proprement

dites avec l'étude des érosions qui soulèvent une im-

portante question pathogénique. Suivant que les auteurs

ont observé dans tel ou tel milieu, ils ont émis des opi-

nions différentes. Trois théories ont cours sur la patho-

génie de l'érosion. La première est la doctrine éclampti-

que, défendue par M. Magitot et ses élèves. Pour eux,

les érosions seraient toujours dues à des convulsions,

et les convulsions entraîneraient toujours des érosions.

Fig. 20.

Flg. 21.

DE LA DENTITION DES IDIOTS. 2a3

La seconde opinion que défend Hutchinson les rattache

toujours à la syphilis héréditaire. Enfin le professeur

Fournier professe une opinion éclectique. C'est à elle

que Mme Sollier se rattache également, mais en partie

seulement, car elle va plus loin et, généralisant la ques-

tion, elle croit pouvoir affirmer que c'est avant tout la

dégénérescence, épilepsie, idiotie, syphilis, et même

sans convulsions, qui est la seule influence capable de

produire l'érosion. Du reste, les chiffres font facilement

justice de toutes les théories, et d'après les tableaux

très précis que l'auteur présente, on voit que dans le

tiers des cas seulement, les convulsions s'accompagnent

d'érosions, que souvent, d'autre part, il y a des érosions

sans qu'il y ait eu de convulsions, et il ressort que les

érosions sont plus fréquentes sans convulsions qu'après

convulsions. Quant à la théorie hérédo -syphilitique,

déjà fort contestée dans son absolutisme, il suffit de dire

que sur les cent idiots examinés, aucun n'était syphiliti-

que héréditaire, quoique un grand nombre présentât

des érosions. Mais ce n'est pas tout, et on observe sur

les dents deux autres genres de lésions, des sillons et

des crénelures. Les sillons sont toujours longitudinaux

et ne présentent aucune lésion de l'émail à leur niveau.

C'est simplement la persistance de ce qui existe au mo-

ment de l'éruption des dents. (Fig. 18 et 22). Jamais on

ne rencontre les sillons blancs transversaux que le pro-

fesseur Fournier a décrits dans la syphilis héréditaire.

Les sillons longitudinaux sont extrêmement fréquents,

Fig, 22.

234 4 DE LA DENTITION DES IDIOTS.

41 0/0, mais plus fréquentes encore sont les crénclures

(58 0/0). Ces dernières même ont ceci de particulier

qu'elles coïncident bien plus souvent que les érosions,

avec les convulsions ; mais on ne saurait davantage voir

entre ces deux choses une relation de cause à effet sans

s'exposer aux critiques que soulève la théorie éclampti-

que de l'érosion. Aussi l'auteur ne voit-elle là qu'un arrêt

cle développement produit par l'état de dégénérescence

de l'individu, que cette dégénérescence soit ou non le

fait de convulsions. Ces trois lésions : sillons, érosions,

crénelures se montrent d'ailleurs rarement isolées, et

sont très souvent associées. Tout le chapitre qui les

concerne est des plus intéressants et fait l'objet d'une

critique qui nousparaitpresqucirréfutable, basée qu'elle

est sur des faits précis et minutieusement observés.

L'auteur note, en outre, la défectuosité très fréquente

de l'articulation (43 0/0) ainsi que de la voûte palatine

(45 0/0). Quant il la carie et au tartre, bien que fréquents,

Fig. 23

Fig. 24.

DE LA DENTITION DES IDIOTS.

235

ce sont des lésions banales et qui ne se rattachent pas

particulièrement à l'idiotio.

M. Bourneville avait signalé autrefois une anomalie

des arcades dentaires, qui au lieu d'être elliptiques

étaient formées de trois lignes droites, une antérieuro

Fia. 8\

fit, 2;.

236 DE LA DENTITION DES IDIOTS.

et doux latérales. L'auteur en signale deux nouvelles

non encore décrites : la première, délicate à voir sur le

vivant et surtout appréciable sur des moulages, con-

siste dans une différence de niveau entre les branches

homologues de la mâchoire supérieure (Fig. 23 et 24).

La seconde consiste dans une sorte d'échancrure dont

les dessins ci-dessous donnent une excellente idée

(Fig. 25, 26 et 27).

A côté des résultats statistiques très consciencieux et

très précis auxquels est arrivé l'auteur, il y a donc

aussi dans ce travail un grand nombre de points nou-

veaux, originaux ou critiques, qui en font une oeuvre

intéressante et qui vient apporter un appoint sérieux à

l'histoire des dégénérescences dans l'espèce humaine.

Personne plus que son auteur, qui s'est dès long-

temps consacré à l'art dentaire en même temps qu'à l'é-

tude de la médecine, n'était du reste à même de mener à

bien un semblable sujet qui intéresse à la fois l'anthro-

pologiste, le médecin et le dentiste.

Fig. 27.

FOLIE DE l'adolescence. 237

IX.

Folie de l'adolescence. - Instabilité mentale.

- Idées vagues de persécution.- Succube;

Par BOURNEVILLE et SOLLIER.

Parmi les cas déjà assez nombreux de folie de l'en-

fance que nous avons observés, le suivant nous paraît

mériter, à des titres divers, l'attention du lecteur. Les

illusions génitales, accusées par le malade, ont joué

un rôle prédominant qui permet de les rapprocher de

celles qu'on observait autrefois chez certains démonia-

ques.

SOMMAIRE. - Tante paternelle : mauvaise conduite.

Grand'mère maternelle : emportée. Soeur morte de

méningite avec convulsions.- Colères dans l'enfance.

Caractère entêté, instabilité. - A 15 ans et demi, ona-

nisme.- Sommeil mauvais. - Paresse, négligence,

querelles fréquentes. - Accès de rire nocturnes et

diurnes, sans motif. - Idées de persécution, menaces.

accusations d'incorporation contre sa mère.

Plaintes au procureur de la République et au préfet de

police. - Hallucinations de l'ouïe, de la vue, de l'odo-

rat et de la sensibilité générale. - Accès d'excitation,

menaces et coups. - Disparition des idées d'incorpo-

ration. - Persistance ci' hallucinations de l'ouïe. Re-

fus de travail. - Alternatives de dépression et d'exci-

tation.- Evasion.- Réintégration - Renvoyé comme

guéri.

Gaug... (Georges), 17 ans, né le 12 mai 18G î, couvreur,

est entré à Bicêtre (service de M. Bourneville), le 9 juin

1884.

238 antécédents héréditaires.

Renseignements fournis par sa mère (21 juin 1884). -

Père, 49 ans, cordonnier, bien portant, marié à 31 ans, n'a

pas fait de maladie depuis lors. Caractère un peu vif; bon

ouvrier. Pas d'indice de maladie de peau ni de syphilis.

Pas de migraines ni de rhumatismes. Sobre. [Père mort à

73 ou 74 ans; on ne sait de quoi. Journalier aux champs.

Il s'était remarié et avait abandonné les enfants du pre-

mier lit, dont est le père de notre malade. Il n'était ni en

enfance, ni paralysé à sa mort. - Grands parents pater-

nels, morts âgés. - Grands parents maternels, pas de

détails. - Un frère bien portant, ainsi que ses deux en-

fants. - Une soeur en bonne santé, de même que ses deux

filles. Du second lit, il a un frère bien portant et une soeur

dont on n'a pas de nouvelles; elle se conduit mal et on ne

sait si elle vit encore. - Ni aliénés, ni épileptiques, ni pa-

ralytiques, ni suicidés, ni criminels, etc., etc., dans la fa-

mille.

Mère, 42 ans, travaille à la chaussure ; brune, assez in-

telligente. Physionomie régulière, mais un peu vulgaire.

Son fils lui ressemble. Pas de convulsions dans l'enfance.

Mariée à 23 ans, bien portante. Pas de migraines ; quel- *

quefois, mais rarement, des douleurs de tête. Pas de ma-

ladie de peau ni de rhumatisme. Caractère calme ; n'est

pas nerveuse. [Père, berger, mort à GO ans d'une fluxion de

poitrine, sobre, pas d'accidents nerveux. - Mère, G8 ans,

bien portante, pas nerveuse, mais emportée. - Grand père

paternel morttrès vieux, on ne sait de quoi.-Grand'mère

paternelle, pas de renseignements. - Grand père pater-

nel, pas de détails. Avait été seulement l'amant de la grand1

mère maternelle, laquelle est morte de vieillesse à 84 ans.

De deux frères, l'un est mort à 19 ans poitrinaire ; l'autre

est bien portant, ainsi que son fils. Une soeur est également

bien portante. Pas d'aliénés, d'épileptiques, de para-

lytiques, etc., etc., dans la famille. - Pas de consan.

guinité.

4 enfants : 1° notre malade; - 2° fille morte en nour-

rice, iL six semaines, d'athropsie, sans convulsions ;

3° fille morte iL 9 jours, de diarrhée avec vomissements,

sans convulsions; -4° fille morte à 4 ans, d'une méningite

consécutive à la coqueluche. Elle a eu des convulsions et

est restée huit jours sans connaissance.

antécédents personnels. 239

Notre malade. - La conception a eu lieu les premiers

jours du mariage dans de bonnes conditions physiques et

morales des deux côtés.- Pas d'émotions, pas de trauma-

tisme, pas d'excès pendant la grossesse, qui s'est seulement

accompagnée de fréquents vomissements. - L'accouche-

ment a eu lieu à terme, et s'est fait sans chloroforme ni

forceps, quoique laborieusement. Pas d'asphyxie à la nais-

sance, mais l'enfant était chétif, et « on aurait dit qu'il

souffrait. » - Il a été élevé au biberon avec du lait de va-

che, chez sa grand'mère, où il est resté jusqu'à 3 ans. Il

aurait eu de la diarrhée à 3 mois. Il a commencé à marcher

à un an et à parler à 13 mois. Il n'a guère été propre qu'à

2 ans 1/2, mais la grand'mère ne s'en préoccupait pas. A

aucune époque il n'a eu de convulsions. Les premières

dents ont paru à sept mois. - A4 ans 1/2, rougeole et

coqueluche légère; à diverses reprises diarrhée.- Depuis,

il n'eut aucune autre maladie. - Pas d'otite, de gourmes,

d'adénites, etc. Il présenta seulement quelques croûtes

d'impétigo à la face, et il eut « comme un grand feu dans

la bouche et à la joue gauche. »

Envoyé à l'asile des soeurs, il apprenait peu, était turbu-

lent et très joueur.- Entêté et méchant avec les autres en-

fants, il voulait les faire marcher, et avait parfois de fortes

colères. - Mis à l'école à 7 ans, il continua à être entêté,

mais apprit bien, eut toujours des prix, gagna une bourse

de 100 francs et fut admis à l'école Turgot. Il avait 13 ans,

mais n'entra pas à cette école, un parent ayant conseillé de

le placer dans le commerce d'exportation, où il resta jus-

qu'à 14 ans 1/2 (août 1880 à février 1882). - On était con-

tent de lui pour son travail, mais peu à peu son caractère

est devenu méchant, fier, entier. Il se croyait au-dessus

des autres, et ne voulait pas recevoir d'ordres. Son patron

l'a renvoyé en 1882, l'enfant se moquant de lui et refusant

do lui obéir. Il est alors rentré chez ses parents pendant

15 jours, durant lesquels on n'a rien remarqué de particu-

lier, ni douleurs de tête, ni onanisme. On l'a placé alors

dans une plomberie, où il faisait les recettes, les mémoi-

res, des métrés, etc. On en était satisfait ; mais peu à peu,

il s'est fâché avec les cinq employés de la maison dont il

n'acceptait aucune plaisanterie. Il était toujours entêté,

propro et coquet de sa tenue, et ses minuties lui attiraient

240 début DE la folie. '

les moqueries de ses camarades. Au bout de 18 mois son

patron l'a renvoyé, disant qu'il ne voulait pas de discus-

sions dans son bureau. Il avait alors 16 ans (juillet 1883).

Depuis 15 ans 1/2 sa mère avait remarqué des taches de

sperme sur ses draps. Se masturbait-il, ou avait-il des per-

tes nocturnes, on ne sait ? Il était assez grand déjà à cette

époque, ayant des poils au pénil, mais pas encore de barbe.

Il fut replacé peu après chez un autre plombier où il ga-

gnait 110 fr. par mois au bout de trois semaines. Mais il se

ralentit dans son travail; en août il eut de nombreuses

querelles dues à son entêtement, et en novembre son ca-

ractère était devenu encore plus mauvais, surtout à la

maison. On ne pouvait rien lui dire, et il envoyait prome-

ner sa mère pour le plus léger motif. Il continuait cepen-

dant à fréquenter l'école du soir.

Vers la fin de novembre, on remarqua qu'il avait les

yeux cernés et qu'il était parfois comme hébété, mais sans

douleurs de tête. Le sommeil était mauvais, plus court

que d'habitude, toutefois il ne se compliquait point decau-

chemars. G... devint paresseux et cessa d'aller à l'école du

soir. On ne pouvait plus le faire lever bien qu'il ne dormît

pas. Il ne refusait cependant pas de travailler; mais

son ancienne activité était remplacée par une tendance à

l'inertie. - De coquet qu'il était, il devenait paresseux

pour s'habiller. Il fallait lui demander vingt fois le plus

petit service d'intérieur avant de l'obtenir.

En janvier 1883, il s'est mis à rire au milieu de la nuit,

ce qui lui arrivait aussi quelquefois le soir en rentrant de

son travail. Une fois sa mère le surprit la tête dans ses

mains et riant comme un fou, mettant son mouchoir devant

sa bouche pour rire. Interrogé sur ses rires nocturnes, il

répondait par des raisons niaises ou pas du tout. Son père

est alors allé voir son patron et celui-ci lui a déclaré qu'on

ne pouvait plus rien en faire, qu'il ne faisait plus le tiers

do sa besogne. A l'atelier aussi, il était pris d'accès de rire.

Tout le monde disait qu'il était malade, qu'il était fou.

Repris par ses parents en février 1884, il présenta les

mêmes accès de rire, Un médecin lui prescrivit du bro-

mure de potassium et des bains sulfureux. Conduit à l'Asile

IDÉES de PERSÉCUTION. 241

clinique (Sainte-Anne), M. Magnan lui ordonna des dou-

ches qu'il prit régulièrement à Saint-Louis. Son père

essayait de le faire travailler à la maison : tantôt il acceptait,

tantôt il refusait. Une potion calmante avait rendu le som-

meil meilleur. Mais, au bout de quinze jours, il fut repris

de ses rires nocturnes. Bien que la mère de l'enfant eut

conseillé à son mari, en menant l'enfant à Sainte-Anne, de

signaler l'onanisme, il n'en dit rien à M. Magnan. On apprit

alors de son patron que souvent il se masturbait dans les

cabinets, surtout -vers novembre 1883, et dans son lit il y

avait moins de taches depuis ce moment. Reconduit à

Sainte-Anne, M. Magnan conseilla de l'envoyer à la cam-

pagne. On le conduisit à Argentan chez son oncle et son

beau grand-père. Celui-ci, maçon, l'emmenait avec lui tra-

vailler. Les accès de rire avaient disparu. Mais, au bout de

quatre semaines d'amélioration, il refusa de travailler,

allait se promener, ne lisait plus. Il avait acheté une glace

et se regardait dedans sans cesse. Une fois, il fit le tour de

la ville son parapluie ouvert, bien qu'il ne plut pas. Ses

parents écrivirent alors à son père qu'ils ne pouvaient plus

le garder et qu'il fallait venir le chercher. Il voulait de

l'argent pour vivre libre et indépendant, voulait aller faire

des « dessins à Ronfleur », disait que si on voulait l'em-

mener d'Argentan, il ferait un mauvais coup. Son père ré-

pondit qu'on le lui renvoyât, mais, ayant paru mieux à ce

moment, on le garda. Deux jours après, il retomba : il pré-

tendait que des gens l'électrisaient et qu'il fallait les faire

arrêter ; il ne parlait que du commissaire de police. Son

père fut de nouveau prévenu, et sa mère vint le chercher.

Mais il ne voulait pas revenir avec elle, disant que c'était

pour le mettre à Sainte-Anne. Il sauta au cou de sa mère

et voulut l'étrangler, et il resta coucher dehors, disant

« qu'il ne voulait pas coucher sous le même toit que sa

mère. » On le voyait se lever tout à coup, en gesticulant. A

8 heures, il revint chez son oncle, mais refusa de partir avec

sa mère. Il voulait qu'on arrêtât les gens qui l'électrisaient.

Tout à coup, pendant le déjeuner, il se mit à injurier sa

mère, l'appelant idiote, disant qu'elle était « une exploi-

teuse cle la nature u. a 1'u es une faiseuse d'idiots, tu es une

putain, je vais te botter. » - Il l'accusait d'avoir fait mourir

sa soeur, de vouloir le faire mourir aussi. Il a même essayé

Bourneville, 1887. 16

242 actes DE VIOLENCE.

de lui donner un coup de couteau et a menacé son oncle.

On a été obligé d'aller chercher les gendarmes qui lui ont

mis les menottes et l'ont enfermé au violon, clans une salle

de la tour dont son oncle est concierge. On l'a ensuite

conduit à l'hospice d'Argentan, d'où il a essayé de se sauver

le jour même. - Il voulait qu'on lui fasse des rentes. « Je

ne veux pas m'en aller d'ici, disait-il ; je veux les papiers

de magistrature en mains ; je veux quatre francs par jour

et vivre indépendant. » Il ne parlait pas d'incorporation (1).

Son père est alors venu à Argentan et lui a dit qu'on lui

ferait ses quatre francs par jour, mais qu'il fallait aller

signer des papiers a Paris : l'économe, les soeurs lui avaient

persuadé aussi qu'il le fallait.

En chemin de fer, il était comme en pleine santé, faisant

des remarques raisonnables. Arrivé à Paris, ses parents

eurent beaucoup de difficultés pour le placer, le commis-

saire de police n'ayant pas voulu voir les pièces de son

collègue d'Argentan... Gaug... coucha chez ses parents et

passa une assez bonne nuit. Le lendemain matin il alla

avec son père à l'Asile clinique. La consultation n'ayant

lieu que le lendemain, ils revinrent déjeuner à la mai-

son. Il déjeuna tranquillement, puis sortit à une heure

et demie et ne rentra que le soir à huit heures, ayant

cassé son parapluie, et disant qu'il venait des Invalides.

Comme il était en sueur, sa vottlitt l'essuyer, mais

il la repoussa. Il dînait tranquillement, quand tout à coup

il se leva de table et prit son paletot. « Où vas-tu ? lui

demanda son père ? » « Moi je ne couche pas ici, répondit-

il, donne-moi deux francs. » Sa mère faisant des obser-

vations et voulant le retenir, il lui dit : u Laisse-moi tran-

quille ou je t'étrangle. » Alors il se sauva malgré les efforts

de voisins pour l'en empêcher : « Pour ma sécurité, leur

criait-il, je me sauve de mes parents. » - Parents et

camarades ont couru après lui pendant quelque temps, et

découragés ont fini par le laisser. Il est allé coucher chez

un de ses cousins. A son arrivée chez celui-ci, il était tout

bouleversé, proférant des menaces contre ses parents. Sa

cousine, qui l'avait reçu, ne savait rien de co qu'il avait eu

(1) Les expressions relevées plus haut « une exploiteuse de la

nature » semblent indiquer que cotte idée le hantait déjà.

actes DE violence ; excitation. 243

dans ces derniers temps. Il lui raconta son voyage à

Argentan, et lui dit ensuite qu'il allait coucher du côté de

la Madeleine, qu'il casserait de belles glaces afin de faire

dépenser de l'argent à ses parents et de se faire arrêter

dans un grand quartier. Son cousin étant rentré, essaya

de lui faire entendre raison. Il se calma un peu et revint

avec son cousin prévenir ses parents qu'il coucherait chez

lui, répétant que pour sa sécurité il ne voulait pas coucher

chez ses père et mère. Le lendemain, son père alla le

chercher chez son cousin. Il était calme et le suivit d'abord;

mais, au bout d'un certain temps, il déclara ne pas vouloir

se rendre à la maison et entama une vive discussion avec

son père qui fit signe à un agent. Quand celui-ci voulut

l'arrêter, l'enfant essaya de le faire tomber. Il fut conduit

chez le commissaire de police, puis au dépôt, et do là à

Sainte-Anne, le 15 mai. Jamais chez lui il n'avait proféré

d'accusations relativement à la mort de sa petite soeur.

Celle-ci, qu'il paraissait aimer beaucoup, était morte quand

il avait à peine 9 ans. Après sa mort et jusqu'à sa maladie,

il n'en parlait jamais. On en était même surpris. Il n'en

était pas jaloux. '

On ne pense pas qu'il ait jamais eu de rapports sexuels.

Il ne semblait pas faire attention aux petites filles. A partir

de l'époque où il a quitté l'école il a cessé de voir ses ca-

marades ; il n'aimait ni jouer, ni rire. Il trouvait bêtes ceux

qui s'amusaient. Il était sombre, et son père lui disait : -.

« Mais, mon garçon, tu es plus vieux que moi. » On as-

sume que c'est quelques jours avant de partir à Argentan

qu'il s'est montré grossier envers sa mère. De là une dis-

pute avec son père qui lui a donné un soufflet dont il a es-

sayé de se venger. Il n'y avait jamais eu de scène sembla-

ble, et jamais il ne s'était révolté contre son père. On as-

sure que jamais il n'avait parlé d'incorporation avant son

entrée à Sainte-Anne, ci Etant à Argentan, dit sa mère, il

nous blâmait un jour, et dit à ses parents, « que son père

était un juif, et que moi j'étais une grosse vache. » - Sa

mère le visita plusieurs fois à Sainte-Anne. Le premier

jour il la reçut bien, mais une autre fois on a refusé de le lui

laisser voir parce qu'il était- très surexcité. L'interne de

M. Magnan aurait dit qu'on ne pouvait le garder à Sainte-

Anne parce qu'on n'avait pas là ce qu'il fallait pour le

244 état DU malade EN JUIN 1884..

maintenir et qu'on allait l'envoyer à Bicêtre. Le même in-

terne disait que le malade avait cassé des carreaux, battu

un enfant, et qu'il déchirait tout.

Notre malade aimait assez sa mère jusqu'à 12 ans ; il n'a

jamais aimé son père, qui le corrigeait quelquefois. Sa

mère assure ne l'avoir jamais frappé, tandis que son père

était exigeant pour ses leçons et très ambitieux pour lui,

disant qu'il ne voulait pas que son fils fût un ouvrier comme

lui. En septembre 1883, son second patron l'avait accusé

d'avoir fait une surlivraison dans sa première maison au

profit de la personne qui lui avait procuré la place. Il s'é-

tait vivement préoccupé de cette suspicion et sa mère se

demande si elle n'aurait pas été cause de la maladie ac-

tuelle.

Etat actuel. - Poids, 49 k. 200; taille, 1 °' 55. Crâne

régulier, très rond.

idées d'incorporation ; succube. 245

rieure du dos. Trois cicatrices de vaccine dont une très

grande à la partie postérieure de la région deltoidienne

droite. Cicatrice transversale sur le nez, consécutive à un

coup de pierre. - Légère adénite inguinale, surtout à

droite. Cheveux et sourcils bruns. Quelques poils bruns

sur les jambes.

La sensibilité générale est la même des deux côtés.-La

vue, l'ouïe, l'oclorat et le goût sont normaux.

Appareils respiratoire, circulatoire et cligestif, rien à

noter.

Voici maintenant les notes qui ont été recueillies sur

le malade pendant son séjour à l'hospice. On verra les

détails qu'il donne sur les rapports sexuels qu'il pré-

tendait avoir la nuit avec sa mère.

11 juin. Le malade donne quelques renseignements sur

sa maladie. Il dit avoir adressé une dénonciation au Pro-

cureur de la République, et qu'il en prépare une nouvelle

dont voici la copie :

A Monsieur le Procureur de la République,

J'ai l'honneur de vous confirmer la plainte que j'ai portée

contre mes parents, Antoine Gaug.... mon père et Célina B.Iz...

son épouse, ma mère, demeurant tous deux rue.... n° 26, chez

le commissaire de police de la rue Vicq-d'Azir, qui a dû vous

la faire transmettre par la préfecture de police de Paris.

Je suis toujours resté chez mes parents et n'ai jamais eu

aucune difficulté avec eux. J'ai toujours été dans les meilleurs

rapports avec toute ma famille. Je suis allé en classe jusqu'à

13 ans 1/2; il n'y a jamais eu de plaintes à former contre

moi. Voici le récit de la plainte que je viens vous confirmer et

je vous fais connaître en même temps mon transfert à Sainte-

Anne, rue Cabanis, et ensuite à l'hôpital de Santé de Bicêtre

où je ne suis que momentanément.

J'ai à me plaindre d'actions indécentes réellement revécu-

tées par ma mère de complicité avec mon père, la nuit pen-

dant mon sommeil, depuis âge de 14 ans 1/2. Mais jusqu'ici

je n'avais eu que des doutes et ces doutes m'étaient signalés

par des gestes reproduisant ceux de l'incorporation. Je n'ai

jamais pu m'en rendre compte absolument et maintes fois j'ai

voulu en faire la déclaration à mes parents. Je fis des remar-

ques de changement de couleur dans leur physionomie. Je

crus que je faisais erreur.

246 IDÉES IIYPO('HONDIITAQUES ; SUCCUBE,

Ce n'est que le 15 février dernier que j'en eus la preuve,

presque sans chercher à m'en rendre compte cette nuit là, et

voici comment. Je sentis une main me touchant la nuit pen-

dant mon sommeil, et une odeur m'éveillant, celle de la mor-

phine, et ensuite j'aperçus deux yeux briller dans l'ombre et

me contraignant à me rendormir. Je sentis quelque chose s'ap-

puyei' sur moi, je cherchai il me lever, j'étais attaché dans

mon lit, ma mère venait d'exercer sur moi l'incorporation.

Elle était étendue sur mon lit, les jambes sur mon ventre.

Une nouvelle odeur me suffoqua, celle de la morphine, et me

contraignit de nouveau it me rendormir. Le lendemain à mon

réveil, une nouvelle odeur encore détourna mes idées et je ne

pus encore m'en apercevoir volontairement.

J'étais alors employé chez M. M.... depuis neuf mois par

l'ordre de mes parents. Le 20 février je quittai ma place. J'en

ignore le motif, et cependant il leurdélivra un certificat attes-

tant ma bonne conduite. Ensuite, pour prétexte d'avoir une

maladie de nerfs, mes parents me conduisent à la consultation

du docteur Magnan, à l'asile Sainte-Anne, 1, rue Cabanis, lequel

docteur fit une ordonnance pour un traitement de quinze jours.

J'eus des doutes même en traitement des mêmes indécences

exercées par ma mère pendant mon sommeil. Nous retour-

nâmes à la consultation dudit docteur, une fois les quinze

jours écoulés. Il ordonna alors d'aller à la campagne et de

suivre le même traitement. Je fus en Normandie chez mon

oncle.

Ensuite je partis accompagné par mes parents à Paris,

et je leur déclarai que mon intention formelle était de porter

plainte contre eux. Je voulais aller porter plainte au commis-

saire de police. Le soir do notre arrivée mes parents me retin-

rent en me disant que j'allais recommencer à travailler, à me

chercher un nouveau patron. Je suis parti me promener, je

rentrai losoir. Je passai la nuit chez eux etla journée du lende-

main. Le soir j'allai trouver mon cousin D..., faubourg Saint-

Denis, pour lui demander un logement ; pour plus de sûreté

mon cousin voulut m'accompagner chez mes parents pour

leur en demander l'autorisation. Ils acceptèrent à la condition

de venir mo chercher le lendemain pour me conduire à la con-

sultation à Sainte-Anne, mon père vint en effet me chercher, et

il voulut me conduire chez nous.

En revenant du chemin do fer le 11 mai, nous avons passé

par l'infirmerie du dépôt et ensuite chez le commissaire do

police. Après avoir déjeuné le lendemain, je fis ma déclaration

au commissaire de police devant mon père ; je fus conduit au

dépôt et de là à Sainte-Anne. J'avais signalé au procureur de la

République, d'Argentan (Orne), la plainte que je voulais for-

hallucinations DE l'odorat. 247

mer contre mes parents, en lui ordonnant de vous en informer,

mais d'attendre mon retour à Paris. En le priant de vous infor-

mer que je vous demanderais une audience et qu'avant vous

feriez prendre à mon arrivée à Paris, le 9 mai dernier, des ren-

seignements aussitôt ma plainte portée au commissaire de

police et à l'infirmerie du dépôt. J'affirme que depuis l'âge de

z14 ans et demi, j'ai été soumis à ces actes indécents qui

n'avaient pour but que d'avancer la fin de mes jours, étant

poitrinaire, et que ma mère se livrait à ces actions que pour

affaiblir son système nerveux, étant atteinte d'une maladie de

nerfs qui pourrait avoir pour conséquence l'idiotisme. Je

l'ignorai complètement jusqu'au 15 février. Du reste le certifia

cat du docteur, ci-joint, vous mettra les preuves en mains. Je

viens donc vous demander une audience, de comparaître afin

de me faire rendre justice. Je crois utile de vous donner de

nouveau les noms des patrons chez lesquels j'ai été employé et

chez lesquels j'ai déclaré mes doutes plusieurs fois.

J'ai été employé chez M. P...., 5 bis, rue M...., où je suis

resté pendant dix-huit mois, et ensuite successivement chez

M. S...., 56 bis, rue L...., ou je fus employé pendant 18 mois et

chez M. M...,, 16, rue V...., où je fus employé neuf mois. Les

deux derniers m'ont délivré un certificat, certifiant ma bonne

conduite chez eux.

J'ose espérer, Monsieur, que vous daignerez agréer ma

demande, et que vous réserverez bon accueil à ma plainte à

laquelle je désirerais donner des suites immédiates. Car je me

trouve dans la nécessité de me faire rendre justice, devant

mourir dans quelques mois.

Veuillez agréer, Monsieur le Procureur de la République,

l'assurance de ma haute considération.

Achille GAUG....

à l'hôpital.

25 juin. Gaug... dort bien la nuit. Il n'a pas de voix, on

ne l'électrise pas ici comme à Sainte-Anne. Il reconnaissait

qu'on l'électrisait à Sainte-Anne, à ce que les gens qui

l'électrisaient changeaient de couleur. Il assure ne pas

avoir rêvé depuis son arrivée ici. Dans la journée, prétend-il,

il s'est entendu appelerparson nom sans voir les personnes

ni reconnaître la voix. Il n'a pas subi encore ici l'incorpo-

ralion. A Sainte-Anne, il ne l'a pas subie non plus. Chez

lui, avant l'incorporation, il sentait tout en dormant des

odeurs fines qu'il ne peut ni définir ni comparer. - Il n'a

248 idées d'incorporation.

pas, depuis son entrée à Bicêtre, d'hallucinations de la vue,

de l'odorat, ni du goût.

Il prétend no pas se masturber, mais on trouve cependant

sur sa chemise une large tache de sperme. Il raconte aux

autres enfants que chez lui, la nuit (jusqu'à cinq fois par

nuit), sa mère se mettait sur lui. Ça allait par gradations,

I, 3, 5. Parfois il y avait des intervalles de huit ou quinze

jours. Il n'éprouvait aucun plaisir, et sa mère s'incorporait

à lui pour calmer ses nerfs à clle. Son père était probable-

ment d'accord avec sa mère. De temps en temps il paraît

triste, se tient à l'écart des autres enfants, ne les recherche

pas, au contraire, et s'ennuie beaucoup. Les autres enfants

ne vont avec lui que pour se faire raconter l'incorporation.

Le 26 juin il écrit la lettre suivante :

A Monsieur le Procureur de la République.

Monsieur,

Vers le 15 mars dernier, j'étais à Argentan, chez mon oncle,

M. L..., envoyé par mes parents pour soigner une maladie

de nerfs. Les médecins de la préfecture de cette ville m'infor-

mèrent d'un fait que j'avais ignoré jusqu'ici et que je sus alors

que ma mère, de complicité avec mon père, exerçait l'incor-

poration sur moi la nuit pendant mon sommeil, depuis l'âge

de 14 ans 1/2. Je vous portai plainte par l'intermédiaire du

commissaire de police.

Vers le 8 mai, ma mère vint me chercher pour me ramener

à Paris. Je lui déclare alors co que je venais de faire justifier,

puis elle m'offrit de coucher sur les planches. Elle coucha

dans mon lit chez mon oncle. De peur d'être soumis aux

mêmes attentats, je ne voulus pas rester chez lui, et je dus

me résigner faute d'argent à passer la nuit dans la rue. Le

lendemain jo rentrai déjeuner. Toute la famille était rassem-

blée et, en mangeant, l'odeur de la morphine nous mit tous

en excitation. Ma grand'mère, sur l'ordre de ma mère, voulut

me faire faire des gestes, dans le but de m'exciter et d'occa-

sionner des troubles dans la famille. Tout le monde se mit à

se bousculer (cette dernière phrase fut prononcée par ma

grand'mère). Mon parrain et mon oncle en dernier lieu répé-

tèrent cette seconde phrase entre la parenthèse. Cette dernière

proposition leur fut soufflée d'abord par ma mère (ce sont ses

propres paroles). Elle s'électrisa d'abord seule, et répéta

dans l'oreille de chacun do nous ses locutions et fit tous les

signes, nous forçant tous do mouvements. J'affirme, comme

. idées DE persécution. ' 249

ma mère le dit elle même et tout haut, qu'elle ne faisait cela

que dans le but de prétendre devant mon père qui devait

arriver le lendemain, que j'étais un jeune homme dangereux.

Et quand j'eus dit : « allez chercher les gendarmes, elle ne

« voulut pas aller les chercher, et moi qui étais tout électrisé,

« je me mis à dire : « Si, on ira les chercher. » Mon oncle me

dit : « Tu as tort de faire peur à ta mère, » locution qui venait

de lui être soufflée dans l'oreille par ma mère. J'affirme que ces

troubles se sont produits par la morphine, et je crois utile de

vous signaler, ce que je fis remarquer à mon oncle L... , à

mon parrain Isidore B...., à ma grand'mère Ch. B...., et à ma

mère elle même. C'étaient des changements de couleur. Ils de-

venaient noirs, rouges et blancs. Ma mère déclara elle-même au

commissaire que c'était elle la directrice de tous ces troubles

involontaires. Je dis involontaires, et pour vous le prouver d'une

façon incontestable, je prends la liberté de vous dire que la

morphine est une odeur qui vous contraint à agir selon le

commandement et la volonté d'un seul esprit comme je vais

vous l'exposer plus loin.

Etant à table l'on me dit : « Si, fais le. » Ma grand'mère me

reprit alors par le bras (ordre de ma mère). Morphine, en me

disant : « montre-le comme ça à ta mère.» Je ne voulus le faire

et alors je devins rouge ; ma mère me dit de le faire, et mon

oncle se levant de table (morphine) me prit par le bras et me

mit le couteau à la main, en faisant des signes et des gestes.

Alors, je répliquai : « Nous sommes électrisés, quoique cela, je

no veux faire aucun geste menaçant. Seulement la morphine

me force à le faire. Je le fais dans le but unique (soufflé), de ne

pas me faire de mal, car je prétends que la morphine est la

seule, cause, et je déclare en outre que mes idées ne correspon-

dent nullement avec celles qu'on me donne en ce moment. »

On m'approuva tout d'abord.

Je ne fis pas, puis on me fit des signes en me disant. « fais le

exprès.» Alors, je le fis par la raison ci-dessus. La famille s'ef-

fraya, d'elle-même, se mit à dire à ma mère : « Tu n'es qu'une

méchante. Tu ne peux pas dire que c'est lui qui s'excite, c'est

la morphine » (cette dernière phrase était répétée intérieure-

ment par moi). J'approuvai. Je voulus encore qu'on allàt cher-

cher les gendarmes. Ma mère ne voulut point, la famille s'y

opposa, et leur fit la même déclaration. Nous étions toujours

électrisés, et l'on me souilla dans l'oreille : « dis que tu veux

être enfermé dans la tour s. Je ne voulus point avant l'arrivée

du commissaire.

Toute cette pantomime fut commandée par ma mère, aidée

par la morphine. Les gendarmes étaient aussi électrisés et

m'enfermèrent sur l'ordre de ma mère dans la tour. Au bout

250 IDÉES DE persécution.

d'une demi-heure, le commissaire vint. Je voulus être conduit

l'hôpital d'Argentan à mes frais. Après que je lui eus exposé

le fait, je vous priai d'ouvrir une enquête sur ce qui venait de

se passer. Je restai huit jours dans cet hôpital où je n'ai fait

aucun bruit. M. P...., médecin, délivra un certificat comme

par lequel j'étais atteint de monomanie.

Je déclare que ce certificat a été délivré à tort. Mes parents

vinrent tous deux à l'hôpital avec mon oncle, ma grand'mère

et ma marraine simultanément. J'ajoute qu'en sortant de cet

hôpital le 13 mai, mes parents se sont servis de la morphine

pour me conduire au chemin de foret que j'ai été détourné de

mon intention, qui était d'aller trouver le commissaire de

police. Car en venant à la gare, j'ai remarqué des changements

de couleur sur mon oncle, ma marraine et mes parents eux-

mêmes, et de temps; je crus qu'il neigeait (soufflé), puis qu'il

pleuvait (soufflé). Il faisait très beau. Les soeurs et les mili-

taires furent aussi électrisés et j'en conclus que je suis venu à

Paris par la morphine. Mes parents voulaient recommencer les

mêmes manoeuvres. Permettez-moi d'ajouter une phrase com-

plètement en dehors de mon discours, mais à laquelle j'attache

cependant une grande importance. Je vous le déclare franche-

ment, la morphine est un abus, et la justice en pareil cas ne

dispose pas des moyens de rendre la justice bonne, juste et

humanitaire et prend le côté de la liberté. Pour que la justiee

soit rendue humanitaire par la loi, il faut qu'elle entrave la

liberté dans une faible proportion. Donc, il n'y a pas d'huma-

nité, il n'y a pas de justice.

Ayant porté plainte contre mes parents à Paris et étant sur

le point d'aller en audience, je viens vous prier de me faire

connaître lo résultat de cette enquête afin que je puisse prou-

ver que ces faits sont involontaires et que la monomanio n'entre

pour rien dans cette affaire. Vous remerciant d'avance, veuillez

agréer, Monsieur le Procureur, l'assurance de ma haute consi-

dération.

Achille Gang

à l'hôpital de Bicêtre,

Bicêtre (Seine).

Le même jour, 26 juin, il adresse la lettre suivante :

A Monsieur le Préfet de Police.

Monsieur,

J'ai porté plainte il y a un mois contre mes parents, les

nommés Antoine G...., fermier, et Célina B...., son épouse, ma

mère demeurant rue 5... ? n° 26, en arrivant à Paris (je fus

hallucinations MULTIPLES. 251

envoyé à Sainte-Anne et ensuite à Bicêtre), j'avais à me plaindre

d'attentats à la pudeur commis par ma mère, de complicité

avec mon père, depuis l'âge de 14 ans l/2 ? Là je réclamai à mes

parents de me restituer tout ce qui m'appartenait chez eux.

Ils ne voulurent point et me déclarèrent qu'ils me le remet-

traient lorsque je leur réclamerais. J'ai déjà une montre en

argent avec chaîne et médaillon en argent et un couteau mon-

ture cuivre qui ont été expédiés par les soins du commissaire

de la ville d'Argentan (Orne) au mont de piété à Paris. Je

voudrais faire enlever tout ce qui est à moi chez mes parents,

consistant en livres, effets d'habillement et linge.

Je viens donc vous prier de faire prendre les mesures néces-

saires pour faire déposer en lieu sûr tous mes biens en at-

tendant une audience prochaine. Je désirerais si cela était pos-

sible assister à la reconnaissance pour éviter toute erreur ou

toute confusion.

Espérant que vous réserverez bon accueil à ma demande,

veuillez agréer, Monsieur le Préfet, toute l'assurance de ma

parfaite considération.

Achille G....,

à l'hôpital de Bicêtre,

Bicêtre (Seine).

On voit par la première de ces lettres que notre malade

était sujet à toutes sortes d'hallucinations, de la sensibilité

générale, de l'odorat, de l'ouïe, de la vue, et dans ce dernier

cas probablement, en outre, à de fausses interprétations.

Les deux lettres prouvent aussi en quelle aversion il avait

pris ses parents et surtout sa mère, qu'il accusait d'être son

incube.

24 juillet. Quoique le malade prétende qu'il ne se touche

pas, on trouve sur sa chemise de nombreuses taches de

sperme. Les fonctions digestives sont bonnes, sauf un peu

de constipation. Le sommeil est mauvais. Du moins, pré-

tend-il qu'il ne dort pas, mais il n'aurait pas de visions. Il

ne paraît pas avoir d'hallucinations de la vue ni de l'ouïe.

Il ne sent plus l'odeur de la morphine dont sa mère se

servait pour l'incorporation. Pas d'hallucinations du goût.

Pas d'idées de persécution.

2G juillet. Dans une lettre à ses parents datée de la

veille, il écrit : a Il paraît que j'ai de l'argent ici, mais je

demande à l'avoir. On veut me le voler, à ce que l'on me

252 hallucinations de l'ouïe.

répond. » Hier à la classe il a réclamé « ses 1.500 fr. »,

disant : « M. le Docteur me les a apportés. » Quand on lui

demande qui est-ce qui a voulu voler son argent, il répond :

« On dit ça dans la cour », et quand on lui demande quels

sont les enfants qui le lui disent, il répond u qu'il ne les

voit pas, qu'il les entend dans la cour. » On lui a fait

mettre le manchon pendant la nuit. Il menace de ne plus

travailler si l'on continue, et persiste à nier qu'il se mas-

turbe. Hier, en réclamant à la classe son argent, il s'est

excité peu à peu et on a dû le faire monter à l'infirmerie. Il

se livra à des gestes obscènes et proféra des injures contre

l'instituteur. Ce matin il eut un accès d'excitation contre

le sous-surveillant.

Si on le pousse à travailler, il dit qu'il a mal à la tête.

Interrogé à ce sujet, il répond qu'il n'a pas mal iL la tête.

Voici les deux lettres qu'il adresse à ses parents les 25

et 26 juillet, envers lesquels il témoigne des sentiments

plus affectueux que précédemment.

Paris, 25 juillet usus4.

Chers parents, je vais toujours la même chose. Le médecin

m'a ordonné des douches. On ne va pas en promenade. Il

paraît que j'ai de l'argent ici, mais je demande à l'avoir. On

veut me le voler à ce qu'on répond. J'ai besoin de sortir en

permission, car je m'ennuie dans Bicêtre. Je voulais vous écrire

plutôt, mais les uns et les autres vous en empêchent, et avec

toutes les difficultés qui se présentent je n'ai pu le faire. Si

vous voulez que je demande uno permission écrivez-moi par

retourdu courrier ctje vous dirai pour quand je l'aurai obtenue.

Alors vous m'apporterez mes effets le matin et je sortirai. Ou

demandez-la dimanche. Je voudrais bien aussi un carnet et un

crayon et un livre pour lire et écrire. Je vous souhaite une

bonne santé et vous embrasse de ont coeur.

Votre fils,

Achille G....

Bicêtre, le 26 juillet 1884.

Chers parents, le médecin ne voyant rien à faire qu'à me faire

prendre des douches, je crois qu'il est inutile que je reste ici.

Il parait que j'ai de l'argent ici. Alors je préfère aller à la cam-

pagne, plutôt que de rester ici, mal nourri, mal vêtu et embêté

FOLIE DE L'ADOLESCENCE. 253

par tous ces gens là. Quand vous viendrez faites-moi sortir,

je n'ai pas besoin de rester ici. Je n'y ai rien à faire.

Veuillez agréer, mes sentiments dévoués,

Achille G....

Je vous attends dimanche. Je voudrais bien vous parler.

Le même jour il adresse la lettre impérative suivante au

commissaire de police :

Monsieur le Commissaire de Police,

Je vous prescris de me faire savoir dans le plus bref délai, si

vous avez en dépôt une somme d'argent au nom de Gaug ?

Achille, âgé de 23 ans, né le 12 mai 1861, à Saint-Layer, que je

vous avais donnée le 15 mai dernier, ou qui vous aurait été

transmise par M. le commissaire d'Argentan (Orne). C'est moi

qui avais porté une plainte dernièrement. Je suis maintenant

résidant à Bicêtre, à l'hôpital.

Veuillez agréer, mes remerciements et recevoir l'assurance

de ma considération.

Achille Gau....

Je vous prierai, de la faire remettre à Bicêtre, la plus tôt

possible à moi-même. Les frais seront à ma charge en mandat-

poste.

A. G.

1" août. Môme état. On lui a mis le manchon tous les

soirs. Sa chemise n'est pius tachée, non plus que ses draps.

Il dort fortbien, contrairement à ce qu'il prétend. Il réclame

toujours son argent. Les 1,500 fr. se réduisent ce matin à

200 fr. -Il prétend que c'est de l'argent envoyé il son on-

cle d'Argentan pour lui, et il prend un air narquois quand

on l'interroge sur ce point. Il n'a pas commis de violences

ni eu d'accès de colère. Sa tenue est assez bonne. Il tra-

vaille assez bien il l'école et à l'atelier de tailleur.

16 aotU. Le dimanche 3 août ses parents sont venus le

voir. Il les a appelés ânes, et s'est plaint de la maison, de

la nourriture, du médecin. Le 10 août ses parents sont re-

venus. Il leur a reproché de ne pas le faire sortir alors que

lui leur avait fait gagner plus de : 3,0011 fr. Le 16 août sa mère

étant venue le voir, il arrive, se laisse embrasser par elle

mais l'embrasse à peine, et paraît peu touché de sa venue.

Il n'a plus écrit de lettres depuis le 26 juillet. Il est assez

obéissant à l'école et à l'atelier. Interrogé sur ses habitudes

254 périodes d'excitation.

d'onanisme, il nie énergiqucment. - Mais sa chemise

qu'il a depuis le 10, est maculée de nombreuses taches de

sperme. - Il dit qu'on lui a retiré le manchon depuis qua-

tre ou cinq jours, quoique aucun ordre n'ait été donné à

cet égard.

15 septembre. Le 13 septembre G... escalade une fenêtre

du gymnase à 2 heures de l'après midi et se dirige sur Pa-

ris, avec neuf sous en poche. Il arrive au Palais-Royal et

achète pour cinq sous de jambon et quatre sous de pain. Il

marche toute la nuit sans parler à personne, dit-il. Le

lendemain il reprend le chemin de Bicêtre et rentre parla

grande porte. Il dit s'être évadé parce qu'il avait besoin

d'air, ayant été privé de promenade le matin.

6 novembre. Depuis 10 jours, il refuse d'aller travailler

à l'atelier de tailleur. Quand son père lui parle de ses

anciennes idées, il détourne la conversation d'un air ironi-

que. Quant à l'onanisme, malgré ses dénégations, on trouve

encore de nombreuses taches sur sa chemise. On continue,

mais en vain, à lui mettre le manchon.

1885.t5 janvier. Examiné au point de vue de la puberté',

on constate : des moustaches naissantes et quelques poils

rares au menton et à la partie supérieure des joues. -

Poils noirs, frisés, très abondants au pénil. Verge longue,

grosse, assez fortement inclinée à gauche. Prépuce un peu

allongé, gland découvrahle, méat sensiblement porté en

arrière. Bourses pendantes, plus à gauche qu'à droite. Tes-

ticules égaux, de la grosseur d'une noix moyenne. Ona-

nisme reconnaissable à des taches de sperme sur la che-

mise. Le malade nie cependant qu'il se masturbe. Il ne sait

qui a fait ces taches, ne sait pas d'où ça vient. Il ne subit

plus l'incorporation cependant, et consent maintenant plus

facilement à voir son père et sa mère ot les reçoit bien. Il

embrasse sa mère, ce qu'il ne voulait pas faire auparavant.

Son sommeil est hon, et G... assure que personne ne vient

le tourmenter la nuit. Il travaille bien à l'école, mais de

temps en temps demande à cesser son travail parce que ça

le fatigue et qu'il a besoin de changer d'exercices intellec-

tuels. - Il dit maintenant qu'il n'a pas d'argent, et prétend

ne pas se rappeler qu'il en a réclamé. Si on le contrarie il

devient rapidement violent. - Il a toujours l'air pensif et

périodes d'excitation. 255

préoccupé, la tête penchée sur la poitrine. Il n'est pas com-

municatif, ne joue pas avec les autres, et le soir demande

de monter à l'infirmerie sous prétexte que le gaz lui fait

mal, mais c'est plutôt, pense-t-on, pour éviter de rester en

compagnie de ses camarades.- Comme traitement il con-

tinue les douches.

26 mars. Hier, au moment du dîner, un infirmier ayant

voulu lui faire une observation alors qu'il était très bruyant

et se disputait avec son voisin, reçut de lui un coup de

poing sur l'oeil gauche, assez violent pour produire une

large ecchymose sur la paupière inférieure.

31 octobre. Depuis une quinzaine de jours, après avoir

présenté de l'amélioration, il est redevenu excité. Il jette

des cailloux aux petits enfants, jamais aux grands ; marche

à grands pas dans la cour, s'arrête parfois tout d'un coup

en riant aux éclats, et il chante à tue-tête d'une voix per-

çante. Pas d'injures, pas de violences. Cependant il conti-

nue à travailler à l'école et à l'atelier.

Dimanche dernier 25, sa mère est venue le voir. Elle lui

avait promis de lui apporter une casquette. Comme elle ne

la lui apportait pas, il s'est mis en colère, est devenu d'une

pâleur extrême, disant : « Je veux ma casquette tout de

suite, » et levait le bras comme pour atteindre sa mère.

L'infirmier s'étant approché, il lui dit : « Je suis quelque

chose ici, je suis maître, je veux qu'on exécute mes ordres :

on ne m'empêchera pas de faire ce que je veux ; vous seriez

200 que je vous tuerais tous. » Sa mère partit, et il retourna

seul au gymnase. Au bout d'une demi-heure, il le quitta

brusquement et courut au bureau du surveillant pour avoir

sa casquette. L'infirmier ayant voulu l'arrêter, il lui donna

un coup dans le ventre. Une fois qu'il eut fait sa commis-

sion au surveillant, il lui dit : « Vous, vous aurez votre

affaire, je vous tirerai un coup de revolver. » Il est ensuite

remonté à l'infirmerie et s'est calmé. Depuis ce temps, il a

été calme et a bien travaillé à l'école et à l'atelier. Mais il

dit ne plus vouloir être tailleur, mais serrurier, et qu'il ne

veut plus rester ici et retourner à Sainte-Anne.

3 novembre . Il refuse d'aller travailler à l'atelier de

couture parce que ça lui fait mal aux doigts. Quoiqu'il ne

soit pas excité, il dit parfois que « si on l'embête il mettra

le feu. » D'autre part, le surveillant affirme qu'il aide très

256 mélancolie.

bien à faire toutes les corvées c avec une activité dévo-

rante. » On pense qu'il n'y a plus d'onanisme, et G... affirme

ne plus voir sa mère la nuit.

Les notes de l'école de cette époque constatent qu'il fait

bien seulement ce qui lui convient, mais qu'il n'aime pas

suivre la règle commune et que dans tous ses acles se ré-

vèle l'orgueil de son caractère. A la moindre contrariété,

il s'emporte violemment. - A l'atelier do couture, depuis

à peu près deux mois, il ne fait plus grand chose ; il gâche

aujourd'hui le travail qu'il faisait très bien il y a quelque

temps. Il n'y a plus moyen do rien lui montrer, il quitte

sans cesse l'atelier. Le chef lui ayant fait une fois une re-

montrance, il a été insolent envers lui et l'a même menacé.

Celui-ci déclare qu'il ne peut plus rien faire de lui.

En récréation, il ne joue pas avec les autres : il aime à

se promener seul en chantant à pleine voix, en sifflant ou

en riant. Parfois, il interrompt tout à coup sa promenade,

regarde dans le lointain et se met à courir. Il est extrême-

ment soigneux et même minutieux de sa personne.

12 novembre. Sa mère est venue le voir dimanche der-

nier. Il ne lui a plus parlé d'incorporation.

28 novembre. Hier il s'est évadé en profitant d'une porte

ouverte le long du chemin de ronde où travaillaient des

maçons, en se servant de l'échafaudage. Un gamin du pays

l'ayant vu sauter, l'a suivi jusqu'à Montrouge et l'a signalé

au premier sergent de ville qu'il a rencontré. Réintégré à

Bicêtre, il n'est pas retourné à l'atelier et s'occupe à faire

toutes les corvées dans le service. - On constate de nou-

veau des taches de sperme nombreuses sur sa chemise,

quoiqu'il prétende ne pas se toucher.- Il passe aux adultes,

en raison de son âge et de son développement physique.

1886. 29 mars. Il a encore essayé de s'évader il y a deux

jours, mais on l'a rattrape à une petite distance de l'hos-

pice. Il s'est laissé ramener sans difficulté, disant qu'il

voulait aller voir sa mère, qu'il s'ennuyait à Bicêtre. Il se

promène seul, mélancoliquement. Dansd'autt'es moments,

il présente une légère excitation, parle seul, gesticule,

s'agenouille, embrasse la terre et prie. Il cause sans suite

avec les infirmiers.- Quand on lui demande s'il y a encore

des incorporations, il rit et dit que non. - .Il travaille de

RÉFLEXIONS. 257

nouveau a l'atelier de couture où il se montre assez assidu

ainsi qu'à l'école. Il parait qu'il y a trois mois il aurait fait

des propositions de pédérastie passive à un autre malade.

Il affirme ne s'être jamais livré à cela dehors.

20 avril. On le surprend au moment où il escaladait la

grille pour se sauver.

2 juillet. Il ne cherche plus à se sauver, mais il aime

toujours à rester seul et ne joue pas avec les autres. - Son

sommeil est bon, dit-il. - Il n'aurait plus de visions ni

d'incorporations. Traitement : continuer l'hydrothérapie.

1887. 4 janvier. Il est allé huit jours en congé, pendant

lesquels il s'est bien comporté. Ses parents le trouvent

beaucoup mieux. Ils ont remarqué qu'il n'avait pas de

mémoire comme autrefois et qu'il riait encore beaucoup.

Il paraît moins sombre, moins sournois, et travaille bien.

- Il prétend ne plus se rappeler ses anciennes idées déli-

rantes et ne plus avoir d'hallucinations. - Il n'a pas non

plus d'idées de persécution.

21 avril. Le malade a été renvoyé comme guéri par

M. Féré, qui a pris possession du service des adultes le

ter février. Il paraît que ses parents refusaient de le re-

cevoir, et qu'il a fallu l'intervention du commissaire de

police.

I. - Nous n'avons à relever dans l'histoire de la

famille que la mort d'une soeur du malade, par le fait

d'une méningite accompagnée de convulsions.

II. - Jusqu'à 15 ans, le malade n'avait rien pré-

senté de particulier, sauf des colères de temps en temps,

un amour-propre exagéré, une irritabilité de caractère

et des tendances à la tristesse. A cette époque, il se

livra à l'onanisme. D'actif, il devint paresseux. Sa

tenue, soignée auparavant, devînt négligée. Peu après, il

fut pris d'accès de rires la nuit et le jour. Son sommeil

était agité. Ses mauvaises habitudes, ses accès de rire,

sa nonchalance au travail et même son refus de tra-

vailler, le firent renvoyer par son patron. A la suite

d'une accusation d'indélicatesse, qui ne paraît pas justi-

BOURNEVILLE, 1887. 17 i

258 mélancolie DES onanistes.

fiée, son caractère, déjà peu enjoué, s'assombrit davan-

tage (septembre 1883). Après une amélioration éphé-

mère, la situation s'aggrava. Il se livra à des excen-

tricités et fut pris d'idées de }JCJ'sécution; il proféra

des injures à l'adresse de ses parents, chercha à étran-

gler sa mère, la menaça de coups de couteau, l'accu-

cusa d'être «une exploiteuse de la nature. » C'est alors

que survinrent les idées d'incorporation qui le pous-

sèrent à se sauver de chez ses parents, afin d'échapper

à des rapports imaginaires avec sa mère. Nous devons

relever aussi les périodes d'excitation, dont la plus

violente semble s'être produite à l'Asile clinique. Du-

rant son séjour à Bicêtre, elles ont été assez légères. Ce

qui dominait chez lui, c'était la dépression mélancolique,

avec idée de persécution, hallucinations de la vue, de

l'ouïe, de l'odorat, et surtout les illusions génitales. Les

idées de persécution ont duré longtemps chez lui et ont

été même assez nettement systématisées durant

quelque temps.

III. -Chez Gaug...., les illusions génitales étaient

désagréables et se rattachaient à ses idées de persé-

cution ; c'est là un phénomène qu'on observe parfois

clans cette forme d'aliénation mentale. Mais, le plus sou-

vent, c'est à titre de complication - délire érotique-

plutôt que de véritable symptôme : les malades s'ima-

ginent que des amants spirituels (Jésus-Christ, le Saint-

Esprit, etc.) ou d'anciens amants ou des hommes qu'elles

ont vivement désirés sans jamais les posséder, viennent

la nuit habiter avec elles. Les idées d'incorporation,

chez Gaug..., sont comparables à celles qu'éprouvaient

les succubes d'autrefois. Notre malade a déclaré qu'il

lui était impossible de se lever pour échapper aux pré-

tendus rapports que sa mère avait avec lui. Semblable au

mari d'une sorcière dont parle Boguet (1), « il estoit en-

trappé par les jambes et ne pouvoit pas crier. »

(1) Discours exécrable des Sorciers, etc., 1606, ch. XVII.

MÉLANCOLIE DES ONANISTES. 259

Les malades atteints de délire religieux systématisé

ont souvent un délire érotique. Elles sont d'abord ani-

mées d'un amour mystique pour Jésus, pour le Saint-

Esprit, etc. ; bientôt ces idées s'accompagnent de sen-

sations physiques. Elles s'imaginent avoir des rapports

sexuels avec Jésus, être enceintes des oeuvres de leurs

amants- divins. Tout le monde sait que, quand ces ma-

lades ont une certaine instruction, leur langage et leurs

écrits expriment leurs idées délirantes dans les termes

les plus ardents et les plus voluptueux. Les mémoires

de sainte Thérèse, ceux qu'on attribue à Madeleine-

Marie Alacoque en fournissent entre autres une écla-

tante démonstration. On trouve ces mêmes désordres

intellectuels, ces mêmes sensations physiques chez les

hystériques, avec lesquelles les mystiques ont une res-

semblance si prononcée, quand ce n'est pas une iden-

tité complète. Elles diffèrent de ce que nous avons ob-

servé chez notre malade en ce sens que le délire produit

en général des sensations agréables. Cependant, chez

certaines hystériques, il en est de même que chez

Gaug... : telles sont celles qui s'imaginent être possé-

dées de nouveau par les individus qui ont tenté de les

avoir parla violence (1). Il en est aujourd'hui ainsi chez

l'une des hystériques les plus célèbres cle la Salpêtrière,

Geneviève X ? dont nous avons publié autrefois la très

intéressante histoire dans l'Iconographie (tome I, 1876,

p. 49, tome II, 1878, p. 202). C'est en 1875 qu'elle a

commencé à avoir des rapports imaginaires avec M. X ?

Pendant plusieurs années, elle était heureuse de ces

visites nocturnes. Il n'en est plus de même depuis deux

ou trois ans, et souvent elle no cède à son incube qu'à

la suite de menaces onde violences. Nous profitons de

l'occasion pour dire que cette hystérique, âgée main-

tenant de 46 ans, et que nous n'avons cessé de suivre

depuis sa sortie de la Salpêtrière, est toujours réglée et

(1) Voir Iconog. phot. de la Sa/pe/rtét-e, t.I,p. 125; t.II, p. 99.

260 MÉLANCOLIE DES ONANISTES.

que ses attaques ont une tendance à devenir plus rares.

IV. - Pour en revenir à Gaug..., nous dirons que

s'il fallait caractériser sa situation par un mot, il faudrait

le considérer comme ayant été atteint.de mélancolie et,

pour préciser encore davantage, de la mélancolie des

onanistes, décrite par les auteurs allemands. Notre

malade n'est ni un dégénéré héréditaire, ni un dégé-

néré simple, et c'est encore un motif qui nous fait rat-

tacher son aliénation mentale aux psycho-névroses pro-

prement dites, à la mélancolie, plutôt qu'à un délire

systématisé de persécution. Si nous ajoutons enfin que

l'amélioration s'est accusée de plus en plus à mesure

que, sous l'influence des douches, et grâce à une sur-

veillance attentive, les pratiques onanistes diminuaient,

on estimera que notre diagnostic est justifié.

THÈSE DE 1887.

SOLLIER (Alice). - De l'étal de la dentition chez les enfant-

idiots el arriérés. Thèse de Paris.

TABLE DES. MATIERES

PREMIERE PARTIE

Histoire du service pendant l'année 1887.

262 TABLE DES MATIÈRES.

TABLE DES'MATIÈRES. 263