RECHERCHES
SUR
L'ÉPILEPSIE, L'HYSTÉRIE
ET
L'IDIOTIE
PUBLICATIONS DYPRERPS MÉDICAL
RECHERCHES ,/
CLINIQUES ET THERAPEUTIQUES
SUR
L'ÉPILEPSIE, L'HYSTÉRIE
ET
L'IDIOTIE
COMPTE RENDU DU SERVICE DES ÉPILEPTIQUES
ET DES ENFANTS IDIOTS ET ARRIÉRÉS DE L1CÊTRE
PENDANT L'ANNÉE 1887
PAR
BOURNEVILL E
MÉDECIN DE BICÈTRE
SOLLIER, PILLIET, RAOULT
INTERNES DU SERVICE
ET
Le Dr BRICON !
CONSERVATEUR DU MUSÉE .
Volume VIII avec 27 figures dans le texte.
PARIS
Aux Bureaux du PROGRÈS MÉDICAL
tA, rue des Carmes, 14
E. LECROSIIER et BABE
L'DIIAIIIES-ÉDITEURS
Place de l'Écolo-de-Médecine
1888
PREMIÈRE PARTIE
Historique. - Statistique.
La nouvelle section.
BOURNEVILLE, 1887.
PREMIERE PARTIE.
Histoire du service pendant l'année 1887.
Le pavillon d'isolement pour les mala-
dies contagieuses de la nouvelle section.
I.
SITUATION DU SERVICE. - ENSEIGNEMENT PRIMAIRE.
A la date du 1 février 1887, nous avons quitté la sec-
tion des épileptiques adultes et dans le précédent
Compte-rendu, nous avons indiqué ce qu'ils avaient
présenté d'intéressant. Nous n'avons donc qu'à nous
occuper de la section des enfants. Nous rappellerons
qu'ils sont divisés en trois groupes : 1° les enfants'
idiots, gâteux, épileptiques ou non, mais invalides;
- 2° les enfants idiots, gâteux ou non gâteux, épi-
leptiques ou non, mais valides ; - 3° les enfants
propres, valides, imbéciles, arriérés, épileptiques et
hystériques ou non.
I. Enfants idiots, gâteux, épileptiques ou non,
mais INVALIDES.-Ils se subdivisent en deux catégories :
la première est composée d'enfants gâteux invalides,
dont la plupart sont susceptibles d'amélioration; l'autre,
d'enfants tout à fait incurables ou d'enfants atteints
d'épilepsie ou de méningo-encéphalitc, devenus gâteux
sous l'influence des accès ou des poussées congestives.
IV
ENFANTS IDIOTS, GATEUX, INVALIDES.
Ces derniers ne peuvent plus être que l'objet de soins
hygiéniques. Les premiers sont exercés à se tenir sur les
jambes à l'aide des barres parallèles (Fig. 1), à marcher,
soit en les tenant sous les bras ou à la main, soit au
charriot. On essaie de les rendre propres en les pla-
çant, à des heures régulières sur les sièges d'aisances
et de leur apprendre à se servir de leurs mains pour
manger. Nous avons essayé de guérir la bave qu'on
observe chez un grand nombre d'entre eux, en leur
faisant tenir entre les lèvres des petits bâtons de dia-
mètre variable, afin d'exciter la contractilité du muscle
orbiculaire des lèvres. Au 31 décembre 1887, il y avait
dans ce groupe 13 enfants ne marchant pas du tout et 7
enfants commençant à marcher avec le secours d'un
aide. Dès que ces enfants marchent seuls, ils sont en-
voyés à la petite école.
En dehors des instants trop courts durant lesquels ils
sont exercés à marcher, ces enfants restent assis sur de
petits fauteuils percés d'un large trou au-dessous duquel
Fig. 1. - Barres parallèles. - Elles peuvent être relevées ou abaissées suivant
1 la taille des enfants, rapprochées ou écartées suivant la largeur du corps.
ENFANTS IDIOTS, GATEUX. INVALIDES. V
est placé un vase en faïence que l'on fait glisser dans
une rainure. Ces fauteuils sont revêtus d'un coussin
circulaire (Fig. 2 et 3).
II. Enfants idiots, gâteux ou non, épileptiques ou
non, valides.- Ces enfants fréquentent la petite école
P,y. 2 et 3. - Fauteuil de gâteux.
1·'i. 4. - Escabeau servant à apprendre aux enfants à monter les escul (1'8
et 11 saute ?
VI . PETITE ÉCOLE.
confiée exclusivement à des femmes. 179 y ont été ins-
crits dans l'année. Sur ce nombre, 11 sont décédés ;
Fig. 5. - Ce; solides ont pour but u'aprr ? l1L\coJ aux enf.iius : en premier lien, 1\
reconnaître les cônes, cylindres, pyramides, sphères, etc. Il y a trois spécimens
de chaque solide. En second lieu, on apprend aux enfants à distinguer le,
différences de volume des cônes, cylindres, etc. (le plus gros, le plus petit, le
moyen).
PETITE ÉCOLE. VII
4 sont sortis définitivement ; 2 ont été transférés. Tous
les enfants sont exercés à la petite gymnastique (sys-
tème Pichery) ; 136 exécutent les mouvements plus ou
moins bien ; 14 pren-
nent part en outre aux
exercices de la grande
gymnastique ; 28 se
servent de la cuiller
seulement ; 69 de la
cuiller et de la four-
chette ; 55 se servent
de la cuiller, de la
fourchette et du cou-
teau ; 5 enfants gâteux
sont devenus pro-
pres (1) , grâce au
procédé employé qui
consiste à les placer
sur les sièges d'aisan-
ces que nous avons dé-
crits (2), à des heures
régulières : au lever,
au coucher, après cha-
que repas ; 27 enfants
de la petite école vont
aux ateliers une demi-
heure par jour (menui-
sier, 1 ; cordonniers,
3 ; rempaillcurs, 2 ;
Fig. fi. - Tableau dans lequel sont sculptés
des creux figurant un carré, un rectangle,
un losange, etc. L'enfant applique des
figures mobiles sur les figures en creux.
vannicrs, 4; tailleurs, 17). Les leçons de choses, les
promenades avec interrogations, l'éducation des sens
et en premier lieu du sens du toucher, forment la base,
de l'enseignement. Nous avons donné dans les précé-
cents Comptes rendus des renseignements détaillés sur
(1) Unna..., Whal ..., Uliaret ... Pigeo .. et Gauli...
(2) Voir Compte rendu pour l'année 1880, p. \I; - iSS5,
p. XXXVI.
VIII ENFANTS IMBÉCILES, ÉPILEPTIQUES, ETC.
le matériel scolaire de l'école et nous n'y reviendrons
plus aujourd'hui. Les (Fig. 4, 5 et 6) complètent sur
quelques points les explications que nous avons données.
III. Enfants propres et valides, imbéciles arriérés,
instables, épileptiques et hystériques ou non. Grande
école. - La population de cette école était le 1er jan-
vier 1887, de 150, et le 31 décembre, de 147. Le per-
sonnel enseignant est resté le même; M. Boutillier, en
témoignage de ses bons services a reçu une mention
honorable de la Préfecture de la Seine. A notre arrivée
dans le service, doux vieillards étaient chargés de don-
ner des leçons de danse et des leçons d'escrime. Sans
avoir un grand enthousiasme pour cet enseignement,
nous avons cru devoir le conserver. L'ancien maître
d'armes étant mort le 17 septembre 1886, il a été rem-
placé le 1" février 1887 par un sous-officier du fort de
Bicêtre, M. Crèze. Nous avons toujours le regret de ne
pas avoir un personnel enseignant plus complet et de
bons garçons de classe qui devraient être des auxiliaires
intelligents et dévoués des instituteurs. Aussi, devons-
nous maintenir les réclamations que nous avons faites
l'an dernier (p. VII). L'augmentation de la population
rend de plus en plus nécessaire la nomination d'un
troisième instituteur et d'un maître jardinier.
L'enseignement a toujours pour base les leçons de
choses, soit à la classe même, soit dans les jardins de
la section, soit dans le champ des céréales et des
plantes fourragères, ou dans le petit bois qui a été
prolongé derrière l'infirmerie. Nous avons fait niveler
et labourer le terrain où doivent être élevés les quatre
derniers pavillons , et nous y avons fait semer par
bandes : du seigle, du blé, du maïs, de l'orge, de l'es-
courgeon, de l'avoine, de la luzerne, du sainfoin, de la
vesce, du pavot, de l'oeillette, du lin, du chanvre, du
millet, du sarazin, etc... Les enfants y sont conduits par
PROMENADES ET DISTRACTIONS. IX
séries, assistent aux différentes opérations du labourage,
des semailles et de la récolte : maîtres et maîtresses leur
donnent des explications et leur posent des questions sur
tout ce qui se fait devant eux.
La matériel scolaire comprend la plupart des objets
employés à la petite école, et ceux qui sont d'un usage or-
dinaire. Nous avons essayé la méthode phono-mimique
de M. Grosselin, pour l'enseignement de la lecture. Des
consoles ont été placées dans les angles de chaque
classe pour recevoir des plantes et des arbustes, ainsi
que cela existait depuis 1881 dans la petite école.
Promenades et distractions. - Les enfants de la
grande école et ceux de la petite école qui sont propres
ont continué à faire sous la conduite de leurs maîtres
et de leurs maîtresses de nombreuses promenades, soit
dans les environs de l'hospice ou à Paris même : nous
mentionnerons seulement les promenades multiples au
Jardin des Plantes, au Luxembourg, au Palais de l'In-
dustrie, aux fêtes des environs, à la foire de la place
de la Nation, au parc de Montsouris, à l'expositon des
Arts décoratifs, au Jardin d'Acclimatation, etc. (1). Les
maitres et les maitresses en profitent pour l'enseigne-
ment des enfants. Jamais, et nous tenons à le répéter,
ces promenades, même dans des lieux très fréquentés,
n'ont donné lieu à des accidents capables d'attirer sérieu-
sement l'attention et de troublorla tranquillité publique.
Mentionnons enfin les distractions diverses, commu-
nes à tous les enfants valides : distribution de jouets
(1 er janvier), de beignets et de gâteaux; les déguise-
ments du Mardi-Gras ; les séances de lanterne magique,
(1) Nous devons remercier M. I. Geoffroy Saint-IIilaire, direc-
teur du Jardin d'Acclimatation et notre ami M. le Dr Yves Renard,
sous-directeur, de l'obligeance qu'ils mettent chaque année à nous
donner des cartes pour les enfants de Bicêtrc et de la Salpêtrière.
Nous devons également des remerciments à M. A. Proust qui nous
donne tous les ans l'autorisation de faire visiter aux enfants
l'exposition des Arts décoratifs.
X VISITES. CONGES.
de projections et de prestidigitation dans le gymnase, le
concert des frères Lionnet ; la distribution des prix ;
ajoutons enfin que 29 enfants ont pris part au Concours
de gymnastique à Saint-Mandé.
Visites, permissions de sortie, congés. - Les en-
fants ont reçu 7.916 visites. Les visiteurs ont été au
nombre de 10.745. Voici maintenant la statistique des
permissions de sortie et des congés :
BAINS ET HYDROTHÉRAPIE. XI
aux enfants de Bicêtre et de la Salpêtrière. Les résultats
obtenus, grâce à son zèle et à son savoir, justifient
pleinement la création de ce service.
Bains et hydrothérapie. - Les bains et les douches,
joints à l'emploi des bromures, surtout de l'élixir poly-
hromuré de Yvon et du bromure de camphre du Dr Clin
ont fait la base du traitement pendant l'année.
XII VISITES DU SERVICE.
Pauvvel; Dr Oscar Bloch, deCopenhague; -Bureau,
professeur au muséum d'histoire naturelle; - Dr Car-
rier, de Lyon ; - Dr Catsaras, professeur agrégé à la
Faculté de médecine d'Athènes ; - Dr A. Clopat ;
Dr Collard, de Liège; - La Commission du Conseil
général de la Seine, composée de MM. Baulard, Cusset,
Levraud, Paillot, Petrot et Rousselle ; La Commission
de surveillance, M. le Préfet et le M. directeur général
de l'Assistance publique; -- Dr Christian, médecin de
Charenton; - Dr Ed. Estrées, de Bruxelles ; - M. Din-
geon, architecte; - Dr Doutrebente, médecin direc-
teur de l'Asile de Blois; - Dr Drouineau, de la Ro-
chelle ; - Dr Dubois, conseiller municipal de Paris; -
Dr du Mesnil ; - M. Durranc, rédacteur au journal
La Justice ; - le Dr Eperon, de Lausanne; - le Dr
Evrard, d'Epernay; - M. Fallières, ministre de l'Inté-
rieur ; - le De \V. Fliess ; - M. Foubert, inspecteur
des Ecoles primaires de la Seine ; - le Dr Gambier, de
Bordeaux; M. Guen, membre du Conseil de surveil-
lance des asiles de la Force; - le Dr Gildo Passerini,
de Turin ; - Dr Glorieux; - Dr Hawey Littelejohn;
- Dr Hjalmer Neiglick; - M. Hoschain, économe de
l'hôpital de Saint-Germain-en-Laye ; - M. Issaurat,
professeur ; - M. Jacques, président du Conseil géné-
ral de la Seine ; - M"° Klumpke ; - Dr Laboubée ;
le Dr Lallier, médecin de l'hôpital Saint-Louis ; - le
Dr Lange, de Copenhague; - l-T. Leclère, chef du
bureau des aliénés à la Préfecture de la Seine ; le
Dr P. Legendre ; - le Dr Legroux; -le Dr Lemoine,
médecin-adjoint à. l'asile d'Armentières; -M. Louvard,
chef de bureau à la Préfecture de la Seine ; - le D' A.
Lubimoff, de Moscou ; - le Dr Lupianez, de Sévillo ;
- D' Mabille, médecin- directeur de l'asile de Lafont ;
- le Dr P. Marie ; - moi. Mathé frères, députés; le
Dr Maunoury ,de Chartres ; - le Dr Mercier ; - le D`' A .
Meunier; -le Dr Michel; - M. Monod, directeur do
l'Assistance publique au ministère de l'Intérieur ; - le
MALADIES ÉPIDEMIQUES. XIII
Dr Jaudi (île de Malte); - le Dr Negel, de Jassi; -
M. Périnelle, ancien conseiller municipal, rédacteur au
Mot d'Ordre; - le Dr Peterson Hudson, médecin de
River State Hospital for the Insane. - M. Peyron,
directeur général de l'Assistance publique de Paris ;
- le Dr N.-G. Philis : - le professeur Pitres;
M. Poisson, aide-naturaliste au Muséum ; - le D' Raf-
fegeau ; M. Rendu, rédacteur à la Petite République
française ; - le Dr Reulos; - M. Rissler, maire du
Vlle arrondissement, membre du Conseil de surveil-
lance de l'Assistance publique; - le Dr Ch. Roy ; - Le
Dr R. Sanndby ; - le Dr Schweich ; - le Dr Sevestre;
- le Dr Schumann Leclerq ; - M. Souter, membre
du Conseil de surveillance des Asiles de la Force;
- Tavernier, rédacteur à la République française;
- M. Thullier, membre du Conseil de surveillance
de l'Assistance publique; - le Dr Thijssen ; - le
Dr Tufferi, d'Athènes ; - le Dr Veralda, directeur de
l'asile de Valdiri; - le Dr Wulgren ; - le Dr P. Winge
(de Christiania) et M"° S. K. Wortz, docteur en méde-
cine et chef de service dans un asile russe. Si nous
citons ces visites, c'est parce qu'elles montrent que l'on
commence à s'intéresser d'une manière sérieuse de
l'assistance et de l'éducation des enfants idiots et
arriérés.
Maladies épidémiques. - A peine le pavillon d'iso-
lement était-il terminé, qu'il nous a rendu des services
pour nos enfants atteints de maladies contagieuses.
Nous avons eu deux cas de varioloïde en mars, et deux
en juin. A la fin du mois de mars, s'est produit un
premier cas de rougeole, qui a été le point de départ t
d'une véritable épidémie : treize cas en avril ; onze cas
en mai; trois en juin; six décès (voir le tableau, p. XX).
- En septembre, quatre enfants ont été atteints de
scarlatine, tous ont guéri ; - En août, nous avons eu
un cas de fièvre typhoïde.
XIV MUSÉE PATHOLOGIQUE.
Musée pathologique. - Le Musée, placé sous la di-
rection de notre ami le Dr P. BmcoN, s'est enrichi de
nombreuses pièces, ainsi que le montre le tableau com-
paratif suivant :
ENSEIGNEMENT PROFESSIONNEL. XV
Bien quo suffisante pour le moment, répéterons-nous,
l'installation du Musée devra être transformée ultérieu-
rement. Il faudra en profiter pour organiser un service
scientifique convenable à l'hospice de Bicêtre. A cet
égard, nous ne pouvons que reproduire ce que nous di-
sions en 1885 : « Nous pensons qu'il conviendrait de
choisir un emplacement pou éloigné de l'infirmerie gé-
nérale et de la division des aliénés, et d'y construire le
service des morts et des autopsies, le musée, les labo-
ratoires, l'atelier de photographie et de moulage. Cet
emplacement existe... »
H.
ENSEIGNEMENT PROFESSIONNEL.
Durant toute l'année 1887, cet enseignement a été
dirigé par MM. Leroy, pour la menuiserie; - Alêne,
pour la couture ; - Bénard, pour la serrurerie.
Nous avons eu le regret de perdre, le 3 avril, M. Marchai,
chargé de l'atelier de vannerie et de rempaillage de
chaises. Durant sa maladie, il a été remplacé par un
administré, M. Capey, et le 12 avril par M. Baudey.
D'une façon générale nous n'avons eu qu'à nous louer
de leur concours : le tableau suivant met d'ailleurs en
évidence les résultats obtenus.
Xi ENSEIGNEMENT PROFESSIONNEL.
Les cinq maîtres sont payés à raison de 6 fr. 50 par
jour, soit une dépense annuelle de 11.862 fr. 50. Cette
somme déduite du produit du travail des enfants
(18.107 fr. 40) donne un excédent de 6.244 fr. 90. En
1885, l'excédent avait été de 4.241 fr. L'année 1886 i
donné 1.747 fr. de plus que l'année 1885. L'année 1887 a
donné 257 fr.40 de plus que l'année 1886. L'évaluation
du travail des enfants est faite par l'inspecteur du ser-
vice d'architecture et d'après le tarif de la Ville pour
la menuiserie et la serrurerie ; par M. l'économe de
l'hospice, d'après les tarifs du Magasin central, pour la
couture, la vannerie et le rempaillage de chaises, et
d'après le tarif de la Société anonyme pour la cordon-
nerie.
Ainsi que le montrent ces chiffres, le travail des en-
fants, non seulement couvre la dépense occasionnée par
le salaire de leurs maîtres, mais encore il couvrira
bientôt l'intérêt du capital engagé dans la construction
des ateliers. C'est là d'ailleurs, à nos yeux, une considé-
ration secondaire, il en sera de même aux yeux de toutes
les personnes sérieuses qui s'occupent avec un esprit
un peu généreux des questions d'assistance. En effet,
l'enseignement professionnel rend des services d'un
ordre bien autrement supérieur. Il permet de donner à
un certain nombre d'enfants un métier qui, à leur sortie,
les mettra en mesure de gagner leur vie. Quelques-uns
ont déjà quitté l'hospice et sont placés; d'autres le seront
aussitôt que les circonstances le permettront. Il nous
aide à donner à un plus grand nombre d'enfants le moyen
d'atténuer, dans une proportion variable, les sacrifices
que. la Société s'impose pour eux. Précisons par un
exemple : Nous avons à l'atelier de couture 22 hémi-
plégiques, c'est-à-dire des malheureux condamnés
presque certainement à passer toute leur existence à
l'hospice. 5 sont déjà de bons tailleurs, la plupart des
autres le deviendront. Autrefois, ils ne savaient rien
faire; maintenant, grâce à l'enseignement qu'ils reçoi-
ENSEIGNEMENT PROFESSIONNEL. XVII
vent, une fois passés aux adultes, s'ils ont encore des
accès, ou passés dans les divisions de l'hospice, s'ils
n'en ont plus, ils pourront travailler à l'atelier commun
de la maison et leur travail compensera en partie, et
pendant de longues années, les dépenses de leur en-
tretien, en même temps qu'il leur fournira quelques
ressources personnelles.
Nous rappellerons encore que chaque année, l'habil-
lement et la chaussure des enfants sont notablement
améliorés et l'amélioration sera encore plus grande
quand nous aurons enfin obtenu que le maître tailleur
fasse la coupe des effets d'habillements] et que chaque
enfant ait son trousseau.
Le tableau suivant fait voir que le nombre des enfants
qui profitent de cet enseignement est allé en progressant
depuis sept ans.
xVm Wl'A"I'i8T'iÜ.
deux séries : une du matin, une 'du soir 'et, afin'que
l'enseignement soit à peu près égal pour 'tous, tant à
l'école qu'à l'atelier, la série du matin/dàhs'Ih
première semaitle dum.tlis, devient la série du soir durant
la seconde semaine.
Les jeunes 'travailleurs reçoivent toits les'samedis'des
récompenses variant de 10 à 40 centimes ét'ilfitv9ls`'tlis
posent les jours de promenades. A cet effet, l'Adminis-
tration a mis chaque semaine iule somie'dè '15'fr. la
disposition des chefs d'atelier (1).
Nous laissons les enfants choisir eux-mêmes alitant
que possible leur métier. Nous dirigeons de préférence
les plus intelligents vers les ateliers de'menuiserie et de
serrurerie et les plus faibles vers l'atelier de vannerie
et le rempaillage. Quant aux hémiplégiques, ils sont
naturellement dirigés sur l'atelier de' couture. Le plus
souvent, quand il s'agit des enfants idiots, les- séances
d'atelier ne dépassent pas une demi-heure au début.
Puis, progressivement, nous augmentons la durée de
leur travail manuel.
III.
STATISTIQUE. - MOUVEMENT DE LA POPULATION.
Le le' janvier 1887, la section contenait 47.') malades
ainsi répartis : 150 adultes épileptiques (78 aliénés et
., (1) Dans le courant de,l'année, l'atelier de coulure a .été pourvu
d'une machine à coudre et plusieurs enfants savent déjà s'en servir.
MOUVEMENT- .D-E LA POPULATION. XIX
72 réputés non aliénés) et 325 enfants (épileptiques,
hystériques, idiots, arriérés, -instables, pervers, etc.).
A partir du 1" février, nous avons cessé d'avoir la
direction des épileptiques adultes (3° section) et;nous
n'avons plus été chargé que du service des enfants
(4e section) (1).
Nous ne nous occuperons donc que du mouvement : de
la population des enfants en 1887 :
XX DÉCÈS.
.\ N1.1 DÍ\I1ÎOE'. qu
3XIV ' DÉCÈS.
X.Xvi DÉCÈS. 1
'P'AVÏLLON d'isolement. XXXI
adjoint, SI. Boyer, aidé d'un professeur de chant,
M. Peny, d'un professeur de gymnastique, lI. Goy ; de
trois administrés de l'hospice, faisant fonction de moni-
teurs et de 4 garçons de classe; b) Petite école : de
Mlle Blanche Agnus, surveillante ; lI"`5 Berthe Langlet
et A, BôliaüZ, sous-surveillantes, Mllc Feret, suppléante ;
- 3° peur le sërmce hospitalier : de M. Agnus, sur-
véiilarit, de M. Siégel, sotis-surveillànt ; dé 112 ? 'JôiIiÓt,
sous-surveillante de l'infirmerie et du bâtiment des
gâteux invalides; de \-7 ? Bié, suppléante; de 27 infir-
miers de 'jour et de nuit ; de 24 infirmières de jour et de
nuit; d'un baigneur (suppléant)'; 'd'Un barbier et d'un
portier.
IV.
LA NOUVELLE SECTION. OUVERTURE DU PAVILLON
D'ISOLEMENT POUR LES MALADIES CONTAGIEUSES.
Nous avons donné dans le Compte rendu de 1886
(p. xxxIII-XL) une description détaillée, accompagnée de
figures, du pavillon d'isolement. Il a été officiellement
ouvert à la fin du mois de mars 1887, et, presque aussi-
tôt, il nous a rendu des services, car nous avons eu plu-
sieurs cas de varioloïde et une petite épidémie defougéole.
Nous y avons mis ensuite douze enfants atteints de la
teigne. Comme ces enfants étaient valides, il était né-
cessaire de les occuper une partie de la journée' et de ne
pas' les laisser séjourner dans leurs salles qu'ils auraient
très lü'omptement détériorées. Nous avons' fait appro-
prier le sous-sol-rez-de-chaussée (1) ; nous, y avons fait
descendre les enfants ; là ils prennent leurs repas- et' on
leur fait l'école. Le reste du temps, on les pl"Ó'àlèl1'e' dà'rrs
(1) Ce sous-sol, éclairé par des fenêtres de 1 m. 51 sur 0 m. 99,
a une hauteur do 2 m. 75.
XXXII continuation DE la SECTION.
les jardins et les cours de rétablissement, en profitant
d'ailleurs de cette circonstance pour leur donner des
leçons de choses.
Une autre installation a été opérée, celle du Cabinet
médical et du magasin d'habillement dans le sous-sol-
rez-de-chaussée du quatrième pavillon de dortoirs.
Telle qu'elle se trouvait, après la construction du pa-
villon d'isolement, la section était loin d'être complète :
il manquait encore le quartier des cellules et quatre pa-
villons de deux dortoirs chacun, c'est-à-dire pour 160
lits. Ayant été averti que le règlement des comptes des
constructions terminées se solderait par un reliquat
disponible, contrairement à ce qui a lieu d'habitude,
nous avons essayé de faire achever promptement ce rè-
glement. Mais bientôt, nous avons reconnu qu'il faudrait
encore attendre longtemps. C'est alors que nous avons
insisté auprès de l'Administration pour qu'elle s'occupât
de la continuation de la section. Au commencement de
juillet, M. Peyron, directeur de l'Assistance publique,
nous a demandé de lui faire connaître les arguments sur
lesquels se fondaitnotre demande. Quelques jours après,
nous lui avons adressé la lettre suivante.
Paris, 14 juillet 1887.
Monsieur le Directeur,
Vous avez eu l'obligeance, dont je vous sais infiniment gré,
de me faire demander un exposé des raisons qui plaident en
faveur de l'érection du pavillon des cellules de la section des
enfants et de la construction d'un pavillon ai usage de cor-
toir. Je vais vous les donner en commençant par les cellules.
Vous n'ignorez pas que parmi les enfants, il en est un nom-
bre considérable atteints d'épilepsie, sujets par conséquent à
des périodes d'excitation ma)na(/ue; qu'il en est d'autres,
en très petit nombre, atteints de folie, se présentant sous les
mêmes formes que chez l'adulte : mélancolie, manie, etc. Les
uns et les autres ont besoin d'être isolés momentanément.
Beaucoup d'autres ont des poussées impulsives sous l'in-
fluence desquelles ils sont violents, dangereux, battent et
leurs camarades et leurs infirmiers, brisent les carreaux, les
CONTINUATION DE LA SECTION. XXXIII
portes, déchirent leurs vêtements. Eux aussi ont besoin d'être
isolés durant quelques heures ou quelques jours. ,
Enfin, il arrive aussi que des enfants se sauvent ou ont com-
mis plus ou moins sciemment un acte répréhensible (onanisme
à deux, injures, vol, etc.). En pareil cas, l'isolement est encore
nécessaire.
Que fait-on aujourd'hui ? que convient-il de faire ?
Dans les circonstances que je viens d'énumérer, il faut :
1° recourir à la camisole, puisqu'il n'y a pas de cellules, ce
qui est tout à fait déplorable ; Ou bien emprunter une
cellule il l'une des autres sections, ce qui offre des inconvé-
nients nombreux et ne peut se faire que le jour, les cellules
étant occupées la nuit par des malades qui, le jour, se pro-
mènent dans leur préau ; parfois il n'y a pas de cellule libre ;
toujours les infirmiers des cellules sont mécontents d'avoir à
répondre de malades étrangers à leur section; 3° ou bien, 1
enfin, les envoyer à la Sûreté au milieu de malades très dan-
gereux. Dans les deux cas, il y a mélange des enfants avec
les adultes, ce qui est contraire à tous les règlements qui ré-
gissent les asiles, aux instructions ministérielles, etc. Durant
longtemps, j'avais remarqué que quelques enfants acceptaient
volontiers d'aller à la Sûreté et que la crainte d'y être envoyé
était de moins en moins grande. J'ai fini par apprendre que les
malades leur donnaient du tabac, du café,'etc. De telle sorte,
que l'effet que j'attendais de l'isolement était nul. Bien que ces
inconvénients aient diminué, je n'ose pas dire, disparu, il n'en
est pas moins regrettable de mettre les enfants dans un tel
quartier, confondus avec des aliénés criminels ou avec les
aliénés les plus violents, les plus excités, les plus dangereux ;
d'où des accidents possibles. - n
Et puis, les enfants savent que là aussi, il n'y a souvent pas
de place libre ; qu'on est obligé do remettre la punition au
lendemain et cette circonstance diminue encore la^crainte, qui
devrait être salutaire, d'aller à la Sûreté.
Tels sont les motifs qui plaident énergiquement à l'appui de
la construction rapide du pavillon des cellules. Cette construc-
tion d'ailleurs réaliserait complètement le plan tel qu'il a été
tracé, en un mot la section serait pourvue de tous ses organes :
1° Services de jour : réfectoires, écolo, ateliers; - 20 hôpital
proprement dit : infirmerie; - pavillon d'isolement pour les
malades contagieux ; pavillon de cellules pour les malades
agités ou indisciplinés;- 3° service des gâteux ; 4° enfin ser-
vice de nuit, c'est-à-dire dortoirs. Il existe actuellement t
4 pavillons do chacun 2 dortoirs, comprenant 1GO lits. La sec-
tion, lorsqu'elle sera complète, en aura huit. II reste donc 'i
Bourneville, 1887. ?
XXXIV CONTINUATION DE LA SECTION.
pavillons de dortoirs à construire; leur construction est-elle
urgente ? Vous allez en juger.
J'ai, aujourd'hui, 330 malades ; ce nombre est parfaitement
suffisant pour m'occuper, vous n'en doutez pas et personnelle-
ment, comme chef de service, je puis fonctionner ainsi, sauf
une réserve, pendant longtemps. Mais ces 330 malades ne sont
pas tous dans la section, 63 sont dans la section des épileptiques
adultes (service de M. Féro) et 24 dans deux des ateliers, soit
87 malades, c'est-à-dire plus qu'il n'en faut pour occuper deux
pavillons. Or, je voudrais bien avoir les ateliers; j'en ai un
besoin urgent aujourd'hui que la population est de 330 enfants.
D'un autre côté, la construction de nouveaux pavillons per-
mettrait de débarrasser les dortoirs de la 3" section, de les
donner aux épileptiques adultes, ce qui rendrait un grand ser-
vice au bureau des aliénés.
Donc, pour dégager le service de M. Féré, pour dégager
mes ateliers, il faudrait de suite deux pavillons de 2 dortoirs
et encore resterait-il 7 malades. Ce n'est pas tout : il y a, à
l'heure actuelle, 39 enfants du sexe masculin au Bureau d'ad-
mission de l'Asile clinique (Sainte-Anne), soit pour eux un
3e pavillon. Il est évident que si l'on connaissait dans la presse
la situation abominable du Bureau d'admission, il y aurait un
blâme rigoureux et justifié contre l'administration. Si le ser-
vice des aliénés était sous votre direction, comme cela devrait
être, connaissant la situation, sachant la lourde responsabilité
qui pèserait sur vous, il y a longtemps que vous auriez fait
achever la section des enfants. Ce n'est plus le médecin chef
de service qui parle, c'est l'homme soucieux du bien-être
des malades, désireux de voir l'Assistance publique de Paris
faire son devoir et donner l'exemple du fonctionnement le plus
parfait.
Donc, l'achèvement de la section s'impose, si l'on no con-
sulte que l'intérêt des malades et le fonctionnement régulier
du service des aliénés. Reste la possibilité. A vous de voir si
vous devez demander le tout ou une partie.
Veuillez agréer, etc.
Le 21 juillet, M. Peyron introduisait au Conseil de
surveillance le projet de construction des cellules, d'un
pavillon pour 40 lits, et de deux préaux couverts. Ce
Conseil nomma une commission qui lut son rapport à la
séance du 29 juillet (1). Le jour même, M. Peyron en-
(1) Procès verbal du Conseil de surveillance, 29 juillet, p. 7h.
PROTESTATION DE M. DESPI%ÉS. XXXV
voya le dossier de l'affaire à M. le Préfet de la Seine,
qui l'introduisit aussitôt au Conseil municipal dont la
session touchait à sa fin. Nous intervînmes immédiate-
ment auprès de nos anciens collègues et amis, pour qu'ils
apportassent autant d'empressement à émettre un avis
en faveur de la continuation d'un projet émané du
Conseil municipal, que le Conseil de surveillance,
naguère hostile à ce projet, en avait apporté lui-même.
Un règlement d'ordre du jour rendit nos démarches
infructueuses.
Dans la discussion sur le budget de l'Assistance pu-
blique qui a eu lieu le '27 décembre au Conseil municipal,
M. A. Després a jugé utile, à propos de cette interven-
tion, de nous mettre en cause et, suivant son habitude,
il s'est lancé dans des accusations absolument fausses.
Voici les extraits du procès verbal qui se rapportent à
cet incident :
M. Després... Et, Messieurs, le désordre dans l'administration
est encore bien plus grand que ne le peuvent supposer la plupart
d'entre nous. A la fin de la session de juillet, il s'est passé un fait
extrêmement étrange et que je ne puis pas ne pas vous signaler. Il
s'agissait, a la dernière séance d'une session, de faire passer une
dépense. Une personne étrangère au Conseil vint demander à
M. Navarre de rapporter d'urgence un rapport...
M. STRAUSS. - Je demande la parole sur cet incident. Dites le
nom , M. Després. Vous voulez, n'est-ce pas, parler de M. Bourne-
ville ? Eh bien, M. Bourneville avait parfaitement le droit de nous
proposer la création à laquelle vous faites allusion.
M. DESPRËS. Je continue, Messieurs. Il s'agissait donc de
faire ex abrupto un rapport à la tribune. Or, le dossier ne com-
prenait qu'une pièce, le projet de délibération. Le reste était dans
les bureaux de l'Assistance publique. Et alors se passe ce fait
extraordinaire, contraire à toutes les formes administratives, et qui
vous prouvera combien M. le directeur de l'Assistance publique
est un prisonnier. (Exclamations).
M. Navarre, rap ? Vous savez fort bien, M. Després, que
ce que demandait M. Bourneville n'a pas été réalisé.
M. Strauss. - Je répondrai à M. Després.
M. DespréS. - Tant que vous voudrez. Je ne cherche que la
vérité, Il faut que le Conseil sache comment, sans la rectitude très
louable de M. Navarre, une affaire eut été rapportée sans aucun
respect des formalités ordinaires.
XXXVI CONTINUATION DE LA SECTION.
M. Si'RAUSS. C'est là, pour M. Navarre, un compliment com-
promettant.
M. Després. Donc, le rapport allait être fait au Conseil sans
avoir été délibéré par la 8e Commission. C'est alors que, je le
répète, M.'Navarre s'est montré d'une correction irréprochable. Il
a dit : la Commission n'en a pas discuté, je n'ai pas le dossier, je
ne rapporterai pas. Que fit M. Bourneville ? Il se rendit à l'Assis-
tance publique, prit le dossier et l'apporta au Conseil, directement.
'Bruit).
l. LE DIRECTEUR DE l'Assistance PUBLIQUE.- C'EST inexact.
M. DESPRÉS. - Je comprends votre observation. Tout mauvais
cas est niable. Quoi qu'il en soit, ce dossier qui était si pressé n'a
pas encore été rapporté.
M. PATENNE. - N'apportez à la tribune que des faits sérieux.
M. DESPRÉS. Je dis que M. le directeur de l'Assistance publi-
que n'est pas libre, il est à la merci d'autres personnes ; et c'est le
secret du déficit.
M. JOFFRIN. Malheureusement, M. Robinet n'est plus, comme
vous le prétendiez, directeur de l'Assistance publique.
M. DESPRÉS. Je n'ai plus qu'un mot à vous dire sur les secours
à domicile. (Ah ! Ah ! ). - J'aurais fini depuis longtemps si je n'avais
pas été interrompu si souvent
Répondant à M. Després sur le point particulier qui nous
intéresse, M. Peyron a rétabli les faits dans les termes suivants :
M. LE Directeur DE l'Assistance PUBLIQUE. - .. Un autre
détail doit être écarté : c'est celui relatif à la continuation des tra-
vaux à l'hospice de Bicêlrc. Le mémoire a été présenté par le
directeur de l'Assistance publique au visa de M. le Préfet de la
Seine. M. le Préfet de la Seine l'a introduit au Conseil municipal
dans les formes ordinaires et j'affirme qu'il n'a été dérogé en cette
affaire à aucune des règles usitées pour l'introduction de cette
affaire qui, je l'espère, sera bientôt rapportée, car il y a un progrès
urgent à réaliser.
J'aborde la laïcisation
Il s'agissait, comme on le voit, du projet relatif à la con-
tinuation de la section des enfants à Bicêtre. Ce proj et, examiné
avec soin par le Conseil de surveillance, a été introduit ré-
gulièrement le 28 juillet au Conseil municipal, comme nous
l'avons dit plus haut. C'est alors aussi que, profitant de nos
bonnes relations avec nos anciens collègues et usant d'un
droit qui appartient à tous les citoyens, nous avons commis
le crime d'aller à l'Hôte1-dc- Ville et de demander à nos amis
d'insister auprès de M Navarre, secrétaire de la Commis-
sion de l'Assistance publique et remplaçant en quelque
sorte le président de la Commission, M. le Dp Robinet, mort
trois jours auparavant, non pas pour qu'il fit le rapport sur le
continuation DE la section. xxxvii
champ, mais pour qu'il le soumit la Commission et le fit
inscrire à l'ordre du jour de la séance du 30 juillet qui était
la dernière. S'il s'était agi d'une affaire nouvelle, nous nous
serions bien gardé d'intervenir, mais il s'agissait de la con-
tinuation d'une affaire votée par le Conseil et sur laquelle il
avait déjà été appelé à voter quatre fois. Enfin, en notre
qualité de membre de la Commission de surveillance des asiles
de la Seine, connaissant les graves inconvénients qui résultent
de l'encombrement du bureau d'admission de l'Asile clinique
par les enfants idiots et arriérés et par suite l'urgence des nou-
velles constructions, nous avons cru de notre devoir de hâter
la décision. Il est vrai quo M. Navarre n'a voulu entendre ni
nos raisons ni celles de ses collègues, très au courant de l'af-
faire et n'ayant aucun doute sur son incontestable urgence. Ce
refus de M. Navarre a eu pour conséquence d'empêcher là
construction des cellules et d'un pavillon de dortoirs qui serait
aujourd'hui à peu près terminée et de maintenir des enfants six
mois de plus à l'Asile clinique où ils coûtent près de moitié plus
cher qu'à Bicêtre. La discussion du budget des aliénés qui a eu
lieu au Conseil général le 28 et le 30 décembre, montre que
nous n'exagérions en rien l'urgence des travaux dont il s'agit.
Voici comment s'exprime I.A, PTItoT dans son rapport sur le
budget de l'Asile cliniquo (Ste-Anne) :
L'encombrement du Bureau d'admission provenait alors, comme
aujourd'hui d'ailleurs, pour sa plus grande part, de la présence des
enfants, dont le nombre augmente chaque année. Ce nombre était,
en moyenne, de 30 en 1885 et en 1 SSG ; la moyenne s'est élevée à
48 dans les quatre premiers mois de 1887. Le 26 mai, au moment
où le directeur de l'Asile écrivait son rapport, le service comptait
53 enfants (27 garçons et 26 filles); au mois d'octobre dernier, on a
compté jusqu'à 65 enfants.
Bien des fois, le Conseil, la Commission de surveillance, la Di-
rection, le médecin chef du service se sont plaints de ce déplorable
état de choses ; cet Asile n'étant nullement disposé pour recevoir
des enfants, que l'on est réduit à tenir en trop grand nombre dans
de petites pièces qui ne sont nullement appropriées à cet usage. La
dangereuse promiscuité de ces pauvres enfants gâteux ou idiots
avec des adultes aliénés, sollicités par les plus mauvais instincts,
l'absence de dortoirs à laquelle on supplée par des matelas posés à
terre dans les salles qui servent dans le jour de salles de réunion;
le manque de personnel, attaché à d'autres services et obligé d'a-
jouter celui-ci à ses charges normales, tout proteste contre cette
situation
Mais l'encombrement eut été tolérable dans ces quartiers; les
enfants n'auraient pas été, en attendant, mêlés aux aliénés les plus
dangereux. On aurait, en outre, conclu à la nécessité absolue de
terminer rapidement les quatre pavillons de Bicêtre. En encom-
XXXVIII continuation DE la section.
brant la Salpêtrière, on aurait vu qu'il était indispensable d'agran-
dir la section actuelle et de créer une section nouvelle pour les
filles, qui ont le droit, de la part du Conseil, à la même sollicitude
que les garçons.
Le Conseil doit terminer sans retard l'oeuvre commencée. Ce
qu'il a fait jusqu'ici, comme nous l'avons constaté dans notre visite,
lui vaut, ajuste titre, les éloges de tous. II y a quelques mois, c'é-
le ministre de l'intérieur qui était forcé de rendre justico aux
élus de la Ville et du Département.
a Je viens disait-il, de visiter dans tous les détails, ce bel éta-
blissement, qui fait honneur à tous : A M. le D'' Bourneville, qui
en a conçu la pensée et surveillé l'exécution ; à la ville de Paris,
dont les représentants ont dépensé presque sans compter ; - à
l'Assistance publique et à l'architecte auquel j'adressais tout à
l'heure mes félicitations et à qui je tiens à les renouveler publique-
ment. »
Le président du Conseil général, M. Jacques, ajoutait, de son
côté :
« Sans fausse modestie, je déclare que le Conseil général a vrai-
ment mérité l'hommage qu'on lui a rendu ; mais je tiens à ajouter
que dans les réformes accomplies dans l'Assistance publique, que,
dans l'oeuvre admirable qui s'est réalisée ici, M. Bourneville, mon
ancien collègue, a joué un rôle prépondérant et a droit, par con-
sé(ILient, à une grande part d'honneur. n
Dans la discussion du rapport général du service des aliénés,
M. Ii0U5SELLE, président de la Commission, a proclamé la né-
cessité de l'assistance des enfants idiots, arriérés et épileptiques :
« Les services de Bicêtre, dit-il, créés par notre ancien collègue,
M. le Dr Bourneville, sont à cet égard un modèle d'aménagement
et d'organisation. Un traitement naturel et nouveau, qui commence
par de simples mouvements, et finit par l'école et l'atelier, éveille
et redresse peu à peu ces corps et ces intelligences infirmes, leur
donne graduellement tout le développement dont ils sont suscep-
tibles et parvient à les rendre quelquefois utiles et toujours moins
à charge il la société et à eux-mêmes. »
L'administration par l'organe de M. Roux, directeur des
affaires départementales, insiste aussi sur l'urgence d'une
solution :
M. LE Directeur des affaires départementales. Je
tiens d'abord à m'associer à l'hommage rendu au docteur Robinet,
qui n'a jamais oessed'etro mon ami, bien qu'il fût mon contradicteur
habituel, et dont les travaux nous ont été fort uliles. Quant à la
situation des enfants att bureau d'admission, je suis, comme
M. Rousselle, navré du son état. Mais, si vous voulez accepter
continuation DE la section. XXXIX
les propositions de M. le Directeur de l'Assistance publique (1),
les choses changeront. Vous pouvez décider le complément d'ins-
tallation de Bicôlrc. Alors vous aurez un système complet
M. Després. - Coûteux.
M. l'IPEUAUD. Utile, surtout.
Toutes ces citations mettent à néant les violentes attaques
dirigées contre nous par M. A. Després. Ces attaques ont eu un
heureux résultat : elles ont hâté la solution que nous désirions.
En effet, dans sa séance du 30 décembre (2', sur le rapport de
M. Piperaud, le Conseil municipal a voté le projet comprenant
la construction du pavillon des cellules, d'un pavillon de
dortoirs (40 lits) et des deux préaux couverts de la nouvelle
section des enfants de Bicêtre.
(1) M. Roux fait allusion au projet qui nous vaut les attaques
de M. Desprès.
(2) Hospice de Bicêtre. - Continuation du quartier des
enfants idiots et épileptiques (M. Piperaud, rapporteur).
Le Conseil, Vu le mémoire, en date du 29 juillet 1887, par lequel
M. le Préfet de la Seine lui soumet, pour avis, une demande de
M. le directeur do l'Assistance publique tendant à l'approbation
d'un projet de travaux concernant la continuation du quartier des
enfants idiots et épileptiques à l'hospice de Bicêtre, ledit projet
comprenant la construction d'un pavillon disposé en cellules, d'un
bâtiment à usage de dortoirs et de deux préaux couverts ; Vu le
p ]an d'ensemble; Vu les plans et les devis des travaux projetés
s'élevant, avant rabais, à la somme de 337,312 fr. 53 c., imprévus
et frais de direction compris ; Vu l'avis du Conseil de surveillance
de l'Assistance publique, en date du 29 juillet 1887, est d'avis :
4 D'approuver les plans et devis susvisés, comprenant la cons-
traction d'un pavillon disposé en cellules, d'un bâtiment à usage
de dortoirs et de deux préaux couverls, dans le quartier des en-
fants idiots et épileptiques à l'hospice de Bicêtre ;
2° D'imputer la dépense, évaluée à trois cent trente-sept mille
trois cent douze francs cinquante-trois centimes (337,312 fr. 53 c.),
sur la subvention municipale extraordinaire de 1,500,000 francs
allouée au budget hospitalier do 1887 et à provenir des fonds
d'emprunt;
3° De mettre en adjudication publique, aux clauses et conditions
des cahiers des charges ordinaires de l'Administration de l'Assis-
tance publique, les ouvrages de terrasse et maçonnerie, de cou-
verture et plomberie, de menuiserie et de serrurerie ; de confier
aux adjudicataires de l'entretien, aux clauses et conditions de leurs
marchés respectifs, les ouvrages de charpente, de peinture et vi-
trerie, de pavage et asphalte, de fumisterie et de canalisation pour
le gaz ; enfin, de traiter à l'amiable pour le dallage en grés cérame,
à raison de la spécialité du travail.
XL L ASSISTANCE DES ENFANTS IDIOTS.
Nous n'aurions pas insisté sur l'intervention do M. Després
dans une question qu'il ne connaît pas du tout, si elle ne nous
avait fourni l'occasion de mettre sous les yeux de nos lecteurs
des documents qui prouvent que le Conseil municipal do Paris,
le Conseil général de la Seine, l'Administration ont parfaite-
ment compris la nécessité d'QI'ganisersérieusement l'Assistance
publique de la catégorie la plus importante des enfants ré-
putés incurables. Nous espérons aussi que l'exemple donné
par le département de la Seine sera suivi et que ceux de nos
lecteurs qui font partie des Conseils élus trouveront dans les
citations qui précèdent des arguments en faveur de la création
d'asiles interdépartementaux pour les enfants idiots, arrié-
rés, épileptiques, etc.
Dans le cours de l'année 1888, les nouvelles cellules
nous permettront de faire cesser tous les graves incon-
vénients qui résultent de l'envoi des enfants à la Sûreté
et la construction d'un nouveau pavillon nous donnera
le moyen d'enlever les 23 lits, placés aujourd'hui dans
deux ateliers, ce qui nous mettra à même de compléter
l'enseignement professionnel et de dégager enfin clans
une certaine mesure, le Bureau d'admission de l'Asile
clinique.
V.
DE L'ASSISTANCE DES ENFANTS IDIOTS ET ÉPILEPTIQUES
EN FRANCE.
A maintes reprises, nous avons insisté sur la néces-
sité d'organiser en France l'assistance des enfants
idiots et épileptiques des deux sexes (1) - A propos
d'un passage d'une lettre qui nous a été adressé le 30
mars 1887, par M. A. Després, nous avons été amené,
pour nous défendre, à revenir sur les conditions déplo-
(1)Voir entre autres : Compte rendu de l'année t88. p. i,\v :
Compte rendu de l'année 1885, p. lu.
ASSISTANCE DES ENFANTS IDIOTS. XLI
rables dans lesquelles se trouvaient à l'hospice de Bi-
cêtre, les malades de cette catégorie, à justifier encore
une fois de plus la construction de la nouvelle section
et à plaider la cause de ces malheureux déshérités. Nous
allons reproduire ici le passage de la lettre de M. Des-
près (1), relatif au service des enfants, et notre réponse.
« M. Bourneville qui s'est taillé à l'hospice de Bicêtre, grâce (sic)
aux votes du Conseil municipal et à la bienveillance de l'adminis-
tration, un service monumental qui coûte (sic) des millons (sic),
et qui ! (sic) n'aurait jamais obtenu sil n'avait pas été conseiller
municipal, pourrait se contenter ce me semble de ce privilège
excessif, et il devrait, en verité, laisser les autres hopitaux et leurs
services tranquilles, »
M. Després nous fournissant l'occasion d'exposer de-
vant le public médical l'historique de la création de la
section des Enfants à l'hospice de Bicêtre, nous allons
en profiter. Le faisant, nous serons utile à la cause que
nous avons déjà soutenue et, en même temps, nous
montrerons une fois de plus avec quel sans-gêne
M. Després défigure les faits que, en sa qualité de
Conseiller municipal de Paris et de Conseiller général
de la Seine, il est en mesure de connaître très exacte-
ment dans tous leurs détails. Ces détails les voici :
Au mois de novembre 1877, la 3e Commission du Con-
seil général, frappée de l'état hideux dans lequel se trou-
vaient les enfants de Bicêtre, nous chargea, en notre
qualité de rapporteur du budget du service des aliénés
de proposer au Conseil la création d'une section spé-
ciale pour les enfants. Ce voeu fut adopté et renvoyé à
l'Administration de l'Assistance publique. Au mois de
novembre de l'année 1878, à la suite d'une nouvelle
visite qui avait permis de constater que la situation était
encore plus grave qu'on no l'avait pensé et, en présence
(1) La lettre de M. Després a été publiée in extenso dans le
Progrès médical, 1887, 2" série, Tome V, p. 293. Elle concernait
surtout la laïcisation. Celle seconde partie de notre réponse a
paru dans le 7 mai (Ibid., p. 37t ! ).
XLII ASSISTANCE DES ENFANTS ÉPILEPTIQUES.
de l'inertie de l'Assistance publique, nos collègues de la
Commission nous invitèrent à insister de nouveau et très
énergiquement pour qu'on remédiât à une situation qui
était tout simplement une honte pour la Ville de Paris.
En effet, une même salle, renfermant un tiers de lits en
trop, servait : 1° d'infirmerie pour les enfants atteints
de maladies intercurrentes (angines, pleurésies, pneu-
monie, etc., etc.) ou d'affections chirurgicales (plaies,
etc.) ; - 2° d'infirmerie pour les enfants atteints de ma-
ladies contagieuses aiguës (croup, rougeole, scarla-
tine, etc.) ou chroniques (teignes, ophlhalmies, etc.);
- 3° de dortoir, de réfectoire et de salle de
réunion pour les enfants idiots gâteux invalides, c'est-
à-dire ne marchant pas. Enfin, c'était dans cette même
salle qu'on les mettait, en cas d'agitation, attachés à des
poteaux, sur des chaises ou dans leurs lits. Tous les
médecins et tous les conseillers qui visitaient cette es-
pèce de dépotoir, en sortaient écoeurés. C'est pour cela
que, au Conseil municipal et au Conseil général, on a
placé en tête du programme des réformes de l'Assis-
tance publique des enfants, la création d'urgence d'une
nouvelle section à Bicêtre. Nulle part ailleurs l'on ob-
servait un spectacle aussi navrant (1).
A cette époque, nous n'étions pas médecin de Bicêtre
et rien n'autorisait à penser que nous serions chargé du
futur service. Mais M. Herohl ayant rétabli le concours
pour les places de médecins aliénistes de Bicêtre et de
la Salpêtrière (2), à la suite du décès de M. Berthier,
nous avons concouru, et, malgré les amis cléricaux de
(1) Voici ce qu'écrivait M. le Directeur de l'Assistance publique
de cette époque, M. 111&ring, dans son rapport au Préfet de la
Seine : « En résumé, sous le rapport matériel et sous le rapport mo-
ral, le service actuel des enfants idiots et épileptiques doit être
irrévocablement condamné, et il convient, sans plus tarder, de
porter remède à un état de choses qui compromet le bien-être de
toute une population si intéressante par ses souffrances, par ses
misères et par son âge. »
(2) Arrêté du 3 mars 1879.
HISTORIQUE DE LA NOUVELLE SECTION. XLIII
M. Després, qui nous reprochaient la création des Ecoles
d'infirmières et la laïcisation des hôpitaux, nous avons
été l'un des deux élus (juin 1879). Notre collègue, M. J.
Voisin, nommé le premier, choisit la deuxième section
(aliénés adultes) et nous laissa la troisième, comprenant
les épileptiques adultes et les enfants.
Comme on le voit, ce sont des circonstances tout à
fait inattendues qui nous ont placé à la tête du service
des enfants, et nous ont mis à même de réaliser, en les
complétant, les réformes réclamées dès 1858 par notre
vénéré maître, M. Delasiauve, et successivement par
nos prédécesseurs, MM. A. Voisin et J. Falret.
L'Administration, durant ce temps, s'était décidée à se
conformer aux voeux du Conseil municipal et du Conseil
général en présentant à son Conseil de surveillance un
projet de création d'une section pour les enfants. L'au-
teur du projet, M. Brelet - que M. Després connaît in-
timement - avait imaginé un bâtiment de quatre
étages (pour des épileptiques, des paralytiques, des en-
fants ne marchant pas ! ) et son bâtiment ne contenait
que 120 lits alors que la population des enfants était de
130, qu'il y avait à l'Administration de nombreuses
demandes que devait connaître M. Brelet et que leCon-
seil avait demandé une section pour 200 enfants au
moins, afin de ne plus être obligé de transférer ces en-
fants dans les asiles de province. Dans cette circons-
tance, une fois de plus, M. Brelet avait montré son in-
suffisance comme administrateur et son mépris pour les
décisions du Conseil municipal.
Le projet Brelet, modifié sur nos indications (octobre
1879) par notre ami le D'Il. Thulié, fut approuvé par le
Conseil de surveillance et introduit le 18 avril 1880 au
Conseil municipal. Nous fûmes chargés du rapport.
Notre responsabilité était doublement engagée. Comme
médecin du service, comme conseiller-rapporteur, nous
avions le devoir de faire un examen complet. Une étude
quotidienne, attentive, des besoins des enfants, les ren-
XLIV HISTORIQUE DE LA NOUVELLE SECTION.
seignements recueillis sur les asiles analogues de l'é-
tranger, nos visites à deux asiles anglais (arlswood et
Clapton) nous amenèrent à proposer au Conseil de faire
rejeter le projet de l'Administration et à lui soumettre
un nouveau projet.
Lorsque nous eûmes réuni tous nos matériaux, fait
un programme des conditions que devait réaliser la
nouvelle section, nous nous mimes officiellement en
rapport avec MM. Imard, inspecteur général de l'As-
sistance publique, Gallois, architecte de Bicêtre et le
directeur de l'établissement, M. Ventujol. Nous eûmes
la satisfaction de les voir adopter entièrement nos
idées. M. Gallois fit un schéma du plan général, dressa
les plans et devis détaillés des ateliers pour l'enseigne-
ment professionnel. Le Conseil de surveillance, puis le
Conseil municipal adoptèrent le plan général, en prin-
cipe, et décidèrent la conslruction des ateliers qui, com-
mencée en octobre, était achevée en août 1883.
Puis, M. Imard fit le programme détaillé de l'ensem-
ble de la section; M. Gallois fit les plans et les devis de
tous les bâtiments. Le tout fut soumis au Conseil de sur-
veillance. C'est à partir de là que nous trouvâmes du
côté de l'Administration des résistances que nous avons
eu toutes les peines du monde à vaincre. M. Brelet ne
nous pardonnait pas d'avoir substitué notre projet au
sien. Aussi est-ce grâce à lui que l'Administration in-
troduisit au Conseil municipal ce projet sans indiquer
quels étaient les crédits qui devaient faire face aux dé-
penses : C'était un excellent moyen de tout faire échouer.
Nous parvinmes à déjouer cette manoeuvre, après des
démarches que nous avons exposées ailleurs (1), en fai-
sant prélever une partie de la dépense sur la subvention
desix millions votée àla fin de 1882 et en nous mettant
d'accord avec M. le préfet Oustry pour demander au
(1) Compte rendu du service des Epileptiques et enfants di
Bicêtre, 1882, 1883, 1884.
HISTORIQUE DE LA NOUVELLE SECTION. XLV
Conseil municipal une nouvelle subvention extraordi-
naire de 600,000 fr.
Enfin, le 29 juin 1883, quelques jours avant de quit-
ter le Conseil municipal, nous fîmes adopter les conclu-
sions de notre rapport ; le crédit voté, qui était de
1.560.261 francs était destiné à la construction des ré-
fectoires, des écoles, des bains, de deuxpavillonsàusage
de dortoirs, du bâtiment des idiots gâteux, invalides et
enfin de l'infirmerie. L'adjudication donna un rabais
considérable qui permit de construire deux nouveaux
pavillons de 40 lits chacun et, de plus, le pavillon d'iso-
lement pour les maladies contagieuses (1).
Non seulement la dépense n'a pas atteint ix mil-
lions comme l'a répété M. Després , - non seulement
les crédits n'ont pas été dépassés, ainsi qu'il l'avançait
si injustement, mais encore nous avons l'espoir que, les
comptes réglés,surle crédit voté par le Conseil municipal,
c'est-à-dire sur 1.560.000 fr., il y aura un reliquat pro-
bablement suffisant pour la construction du pavillon
des cellules. -
Depuis le mois d'octobre 1883, époque où ont com-
mencé les travaux, jusqu'à la fin (octobre 1885)
nous n'avons rencontré que des résistances du côté de
l'Administration. Nous en avons retracé l'histoire dans
nos Comptes rendus annuels de Bicêtre, et M. Després
pourra y trouver preuve sur preuve que la bienveil-
lance de l'Administration n'a cessé de nous faire dé-
faut. Elle n'a rien à revendiquer dans la section de Bi-
cêtre ; cette création est due au Conseil municipal et ce
sont MM. Floquet, Oustry, Poubelle et Bourgeois, qui,
par leur intervention fréquente, ont forcé l'ancienne
Administration à marcher, à exécuter les travaux avec
une rapidité que M. Brelet qualifiait de scandaleuse.
(1) Nous avons publié la description de ce pavillon dans le der-
nier Compte rendu, p. XXXIV.
XLVI NÉCESSITÉ DE L ASSISTANCE DES ENFANTS IDIOTS.
Comme nous l'avons vu, la nouvelle section était des-
tinée à remédier à une situation déplorable et, avant le
rejet du projet Brelet, tout le monde était d'accord pour
en reconnaître l'urgence. Ce n'est pas tout, le projet était
destiné à faire face à des besoins qui ne sont guère
connus que des médecins des hôpitaux d'enfants, des
conseillers municipaux et des administrateurs, en nom-
bre trop rares, qui observent les misères sociales. En
d'autres termes, il était conçu pour hospitaliser les en-
fants dits incurables. Lorsque nous avons proposé
400 lits, on craignait que ce chiffre ne fut exagéré. Or, à
l'heure actuelle, tous les bâtiments sont occupés et, en
outre, il y a ailleurs, dans la section des adultes, entre
autres plus de 80 enfants ; il y en a une vingtaine au
Bureau d'admission de l'asile Ste-Anne, confondus avec
les adultes, couchant le soir sur des matelas disposés
sur le parquet des dortoirs, dans les couloirs même et
chaque semaine, par suite de l'encombrement, le direc-
teur de l'Asile clinique (Ste-Anne) refuse de recevoir de
nouveaux enfants.
D'où il suit qu'il reste encore beaucoup à faire pour
compléter l'assistance des enfants incurables à Paris et
dans le département de la Seine. C'estpour cela que nous
n'avons cessé de réclamer l'agrandissement de la section
des enfants à la Salpêtrière ou la création d'une nouvelle
section. Cette réforme, il y a quelques années, eût été
facile et peu coûteuse. L'indifférence, l'insouciance de
l'ancienne administration, par ses atermoiements pour
ne pas employer une expression à la fois plus sévère et
plus juste, l'a rendue, au contraire, très dispen-
dieuse (1)
La Société doit l'assistance à tous ces malheureux
enfants pour eux d'abord, pour elle ensuite. Et comme
ces enfants sont les plus déshérités parmi les enfants, à
(1) Plus tard il conviendra de créer dans le département de la
Seine un asile pour les idiots adultes des deux sexes.
NÉCESSITÉ DE L'ASSISTANCE DES ENFANTS IDIOTS. RLVI(
moins qu'elle n'en décide la destruction, elle doit les
assister et, les assistant, elle doit le faire dans les con-
ditions exigées par la science. Cette assistance ne peut
se faire à domicile - comme pour les vieillards, la-
quelle devrait être beaucoup plus étendue, - mais par
l'hospitalisation. Ces enfants, en effet, à la maison, im-
mobilisent un membre actif de la famille pour les soi-
gner ; ils sont l'occasion d'impressions pénibles, dou-
loureuses, pouvant avoir de graves conséquences pour
la mère si elle redevient enceinte; ils sont dangereux
pour leurs frères ou leurs soeurs en raison de leurs im-
pulsions maladives, de leur dépravation, de leurs
instincts pervers. Enfin ils doivent être hospitalisés
parce que le traitement et l'éducation qui leur sont
nécessaires ne peuvent être donnés à domicile, et ne
peuvent être convenablement organisés que dans des
établissements spéciaux. Les résultats sérieux, obtenus
dans les asiles de l'étranger, principalement parl'appli-
cation des idées, de la méthode d'un de nos compa-
triotes, Séguin, font un devoir aux administrateurs
français et aux Conseils élus, d'organiser enfin cette
assistance dans tout le pays.
Le Conseil général de la Seine et le Conseil muni-
cipal l'ont compris; il ne leur reste plus qu'à com-
pléter leur oeuvre. Malheureusement, il n'en est pas de
même en province et il est indispensable que le Gou-
vernement se préoccupe sérieusement de l'Assistance
des enfants incurables dans les départements; il faut
qu'il donne des instructions en ce sens à ses préfets,
afin que ceux-ci indiquent aux Conseils généraux la
nécessité d'étudier cette question, de combler cette
lacune de notre organisation hospitalière si défectueuse
à tant d'égards (1) et les amènent à la création d'asiles
'intercléparlementaux pour le.,enfants idiots, épilepti-
ques, paralytiques et pervers.
(1) Voir entre autres les articles du Progrès sur l'hospilali-
sation des vénériens.
XLVIII VISITE DE M. I.1LIIliItI;S A LA SECTION DES ENFANTS.
Il ne nous reste plus en terminant ce trop long article
qu'à remercier M. A. Després de nous avoir fourni l'oc-
casion d'appeler une fois de plus l'attention sur une
réforme dont tous les hommes sérieux comprennent
l'importance sociale et l'intérêt au point de vue hospi-
talier.
Quelques mois plus tard, M. Fallières, alors ministre
de l'Intérieur, nous ayant fait l'honneur de venir visi-
ter notre service, nous avons pensé que nousavions le de-
voird'en profiter pour revenir de nouveau sur l'urgence
de cette réforme. Dans ce but, nous avons fait coïn-
cider avec cette visite la distribution des prix aux en-
fants idiots et épileptiques, ce qui nous a permis de lui
exposer toutes les raisons qui militent en faveur de leur
hospitalisation. Malgré sa longue étendue, nous allons
reproduire la relation de cette visite, telle qu'elle a pa-
rue dans le Progrès médical (1) et les discours qui ont
été prononcés à cette occasion.
Le mardi 23 août, M Fallières, Ministre de l'Intérieur,
accompagné de M. Monod, directeur de l'Assistance publiquo
au ministère de l'Intérieur, s'est rendu à Bicêtre, afin devisiter
la nouvelle section consacrée aux enfants. Il a été reçu par
M. Peyron, directeur de l'Assistance publique de Paris,
M. Adancourt, économe, remplaçant le directeur de l'hospice
etM. Bourneville, médecin du service. Parmi les notabilités pré-
sentes nous citerons : MM. Jacques, président du Conseil gé-
néral de la Seine, Curé, Chassaing, conseillers municipaux,
Lévêque, conseiller général, le Dr Reulos, conseiller d'arron-
dissement, MM. Vialla et Collinet, maire et adjointde Gentilly,
Emile Ferry, membre du Conseil de surveillance, Imard,
inspecteur de l'Assistance publique, les D" Delasiauve, Char-
pentier, Quesneville, Taule, Laboubée; MM. Mourlan et Vaillant,
chefs do division, Gallois, architecte, et Guary, ingénieur do
l'Assistance publique, M. Péphau, directeur des sourds-muets,
Labouyerie, directeur des Incurables, le commandant du fort,
M. Lanet, MM. les internes en médecine et les employés delà
Maison.
(1) 2e Série, Tome VI, no 36, p. 186.
DISTRIBUTION DES PRIX. - XLJX
M. Bourneville a d'abord conduit le Ministre au Musée pa-
thologique : il a montré les photographies des malades
prises iL l'entrée ou quand il survient des changements soit en
bien soit en mal, les moulages en plâtres faits après décès,
l'album des cerveaux, les cahiers d'observations des malades
décédés, les comptes rendus imprimés chaque année, etc.
En se rendant de là à la section, M. Peyron a montré à M. le
Ministre, la plaque commémorative, posée récemment en
l'honneur de Pussin, sur l'ordre de M. Poubelle, préfet de la
Seine. Ensuite M. Bourneville a fait visiter successivement :
les ateliers, les réfectoires, la petite école comprenant la salle
du traitement du gâtisme et des leçons de toilette, la petite
gymnastique, la salle des leçons de choses, la salle de lec-
ture, etc. ; la grande école, les bains, les dortoirs, les bâti-
ments des gâteux invalides, l'infirmerie et le pavillon des
gâteux. En revenant, il a fait voir le bois et les jardins où il a
tout organisé au point de vue de l'enseignement par les leçons
de choses.
« Après cette visite, dit le Gil Blas, M. le Ministre a assisté
dans la cour principale à des exercices de gymnastique exécutés
avec beaucoup d'ensemble et de précision par les enfants. Il a a
été convié ensuite par M. Bourneville à présider la distribu-
tion des prix aux enfants. Quoique n'ayant pas été prévenu de
cette solennité, M. Fallières a accepté de très bonne grâce
l'offre du médecin de la section. La distribution a eu lieu dans
la salle du gymnase élégamment décorée de drapeaux et
d'écussons. »
M. PEYRON a ouvert la séance par l'allocution suivante :
Monsieur le Ministre, ,
Permettez-moi de vous exprimer ma plus profonde reconnais-
sance pour la grande sollicitude que vous avez témoignée à ces en-
fants, à leurs parents et à tout le personnel de la maison. Nous
garderons un souvenir ineffaçable de cette visite ; ce sera pour
nous tous, à tous les degrés, plus qu'un souvenir, un encourage-
ment.
Espérons que vous-même n'oublierez pas votre passage à
Bicêtre, et que des spectacles qui ont frappé vos yeux, il en est un
que je voudrais voir fixe dans voire mémoire, c'est celui du
dévouement merveilleux de ces femmes attentives, dévouées près
de ces enfants, et souvent de quels enfants ! Encore un mot. C'est
pour le Directeur de l'Assistance publique un grand honneur de
saluer ici le représentant de la République qui l'a toujours honoré
d'une bienveillance particulière et auquel je suis attaché depuis si
longtemps par le respect et l'affection la plus sincère.
Bourneville, 1887. ?
L ASSISTANCE DES ENFANTS IDIOTS.
Ensuite M. Fallières a donné la parole à M. Bourneville,
qui s'est exprimé en ces termes :
Monsieur le Ministre,
C'est de grand coeur que je vous remercie d'avoir réalisé aujour-
d'hui la promesse que vous m'avez faite au commencement de
juillet de venir visiter la nouvelle section de Bicêtre consacrée aux
Enfants arriérés et épileptiques.
Durant la longue visite que vous venez de faire, vous avez bien
voulu écouter tous les détails que je vous ai donnés sur l'organisa-
tion et le fonctionnement très compliqué de ce service. Bien que ce
soit peut-être beaucoup d'exigence de ma part et augmenter la
fatigue de cette laborieuse journée, permettez-moi, avant qu'on ne
procède à la distribution des prix dont vous avez accepté avec tant
d'amabilité la présidence, de retenir encore pendant quelques ins-
tants votre attention et de soumettre à vous et à nos invités quel-
ques considérations sur l'assistance et le traitement des enfants
réunis sous vos yeux. Je le ferai aussi brièvement que possible.
Mesdames, Messieurs,
' L'assistance de ces enfants remonte déjà loin. En effet, dès les
premiers temps de l'Hôpital général, dont Bicêtre et la Salpêtrière
composaient les deux principaux établissements, on avait hospita-
lisé un certain nombre d'entre eux. Depuis cette époque, on a
continué à en recevoir une partie à Bicêtre, à la Salpêtrière et
aussi à l'ancien hospice des Incurables de la rue de Sèvres.
A part les essais généreux, mais sans résultat sérieux, de Itard
(1801), de Félix Voisin et de Belhomme, on peut dire que,
jusqu'en 1838, l'assistance se bornait à des soins tout à faits ma-
tériels.
C'est à l'un de nos compatriotes, Edouard Seguin, que l'huma-
nité est redevable de la méthode de traitement et d'éducation des
enfants déshérités sous le rapport de l'intelligence. Après avoir
commencé l'application de sa méthode avec Itard, puis avec
Esquirol (1), ensuite seul. soit dans son école de la rue Pigalle,
soit à l'hospice des Incurables {i81), Seguin fut nommé à la suite
d'un rapport d'Orfila au Conseil général des hospices, instituteur
des Enfants de Bicêtre - auxquels furent ajoutés une vingtaine
d'enfants de l'hospice des Incurables - par un arrêté préfec-
toral en date du 9 novembre 1842. Seguin prit possession de son
poste le 27 novembre suivant et, ici même, dans des conditions
déplorables, « placé entre des rivalités acharnées et au milieu d'im-
possibilités de toute nature (2) 1, il appliqua sa méthode jusqu'au
() Résumé de ce que nous avons fait pendant if mois.
Esquirol et Seguin, 1831'.
(y Seguin.- Trait., llyp. et Educa.1. des idiots, p. 324 ; Paris,
1846,
ASSISTANCE DES ENFANTS IDIOTS. LI
21 décembre 1843, époque où, à la suite de dénonciations infâmes,
on lui imposa sa démission.
Déjà Seguin avait publié trois mémoires qui avaient attiré l'at-
tention (1838, 1839, 1841). En 1842, le Dr Guggcnbühl fondait pour
les crétins un établissement-école sur l'Abendberg, en Suisse, et,
vers la môme époque, M. Saegert (de Berlin) qui s'occupait déjà
de l'éducation des sourds-muets, étendait ses efforts à l'éducation
dcs enfants arriérés. Quatre ans plus tard, Seguin publiait son ad-
mirable livre intitulé : Traitement moral, hygiène et éducation
des idiots.' Mors se produisit - non pas en France, hélas !
mais à l'étranger, un véritable mouvement pour l'amélioration
de cette classe de malheureux déshérités (1). Une école fut créée à
Leipzig; Mrs. Plumbe, Conolly, Andrew, Rend, en Angleterre,
témoins de ce que faisait Seguin, connaissant ses écrits, provo-
quèrent, par leur propagande la création d'une petite école à Bath,
puis à Highgate en 1848, ensuite à Colchester. En même temps,
Wilbur fondait en Amérique le premier asile pour les faibles d'es-
prit, inspiré et guidé comme il l'a hautement reconnu lui-même,
par les travaux de notre éminent compatriote, devenu plus tard
son ami (2).
A partir de 1850, les institutions pour les enfants faibles d'esprit
se sont considérablement multipliées .. à l'étranger. En 1877, on
en comptait 13 dans la Grande Bretagne, 28 en Allemagne, 4 en
Suisse, 3 en Suède, 11 aux Etats-Unis (3). Depuis dix ans, le nom-
bre de ces institutions a encore augmenté dans tous ces pays.
Quant à nous, voici quelle était notre situation en 1874, d'après le
rapport des inspecteurs généraux publié en 1877 : Les seuls asiles
qui aient des quartiers d'enfants; ont-ils écrit, sont, pour les
garçons : Armentièrcs, Bicêtre, Clermont (Oise), rains, ;liaréville,
Prémontré, Quatre-Marcs, aint-t111tan ; - pour les filles : la
Salpêtrière, et, pour les deux sexes : Evreux, J\1ontcleyçrg'ues,
Montpellier (4). » Nous devons ajouter que, sauf à Bicêtre et à la
Salpêtrière, le nombre des enfants hospitalisés dans chicLiiidecÀs
prétendus quartiers d'enfants est assez restreint. Les inspecteurs
citent, par exemple, l'asile de Fains. Eh bien ! l'an dernier, nous
y avons vu 5 petites filles et 5 petits garçons, non pas isolés dans
un quartier spécial, mais mêlés aux malades adultes. A Maréville,
nous avons trouvé 14 idiots dans une petite salle, et, dans le quar-
tier des femmes, une dizaine d'idiotes. Quant au traitement, qu'il
s'agisse de Fains ou de Maréville, nous n'en dirons rien : il n'exislc
pas.
Il en est de même à l'asile de Clermont (Oise), ainsi que nous
l'avons constaté, il y a quelques mois, avec nos amis Sigismond
(1) Langdon Down. - On some of the mental affections of
childhood ancl l'oulh. London, 1887, p. 3.
1 ? In Memo1'Y of Edouard Seguin, p. 28. "
(3) Irelan<l. - On Idiocy and Imbecillity. Dondon, 1877.
(1) Happ., gén. sur le service des aliénés en 1874, p. 92.
LU ASSISTANCE DES ENFANTS IDIOTS.
Lacroix et Bricon. Dans la plupart des asiles, on trouve quelques
enfants mêlés aux adultes, au nombre de dix, quinze ou vingt pour
les deux sexes (nous avons vu sept ou huit garçons et autant de
filles à l'asile de Chàlons-sur-Marne, au mois de septembre der-
nier). Les hôpitaux-hospices de province reçoivent aussi parfois
quelques-uns de ces déshérités. Partout, d'ailleurs, soit dans les
asiles, soit dans les hospices, on se borne à leur donner des soins
matériels.
On ne se douterait certes pas, en présence d'une telle situation,
qu'on est dans la patrie de l'homme qui a créé le traitement et l'é-
ducation des idiots, - de l'homme dont l'enseignement est adopté
dans la plupart des asiles-écoles d'Angleterre, d'Allemagne et des
Etats-Unis. Tous ont leur origine directe ou indirecte, dans les
travaux de Séguin, « le fondateur et le père de ce grand mouve-
ment philanthropique, » pour employer les expressions du Dr Geor-
ges Brown (1). t Sans Seguin, ajoute-t-il, des milliers d'enfants se-
raient encore des idiots bavants, qui, maintenant, grâce à ses
travaux, sont relevés à l'état d'homme et sont rendus heureux dans
les asiles créés pour eux. »
On est en droit de s'étonner que des créations faites en aussi grand
nombre à l'étranger n'aient pas excité l'Administration de notre pays,-
et, en particulier, l'Assistance publique de Paris. L'étonnement
redouble lorsqu'on se souvient du mémoire si éloquent adressé en
1859 à cette Administrationpar notre vénéré maître, M. Delasiauve.
Ses revendications persistantes n'ont abouti à aucun résultat : rien
ne lui fut accordé. Ce n'est que depuis dix ans que la question de
l'assistance et du traitement des enfants idiots a été reprise en
France par le Conseil général de la Seine et le Conseil municipal
de Paris. Des améliorations ont été introduites dans le quartier des
enfants de la Salpétrière ; la colonie annexe de l'asile de Vaucluse
a été fondée ; enfin, on a construit une grande partie de la section
de Bicêtre. C'est beaucoup, si l'on compare la situation actuelle au
passé; c'est encore peu, si l'on veut assurer une assistance com-
plète à tous les enfants arriérés, paralytiques et épileptiques du
département de la Seine.
Certaines personnes se sont étonnées de voir le Conseil muni-
cipal consacrer un crédit important (1,560,000 fr.), à la création
dans cet hospice d'une section pour des enfants réputés incurables,
et, à ce propos, on a même posé la question de savoir s'il était
bien nécessaire d'assister, et surtout d'hospitaliser celte catégorie
d'enfants. Cetto question était naturelle dans la bouche de gens
peu au courant des choses de l'Assistance et absolument igno-
rants des résultats remarquables qu'on est en droit d'attendre
d'un traitement et d'une éducation appropriés.
Eh ! bien, lors même qu'il ne serait pas possible d'élever un
grand nombre de ces malheureux enfants à la dignité d'homme,
de leur donner une instruction suffisante, de leur apprendre un
métier les mettant en mesure de gagner leur vie, il faudrait quand
il.) In Memory of Edouard Seguin, p. 42.
ASSISTANCE DES ENFANTS IDIOTS. LUI
même les assister et l'assistance ne doit pas se limiter à telle ou
telle catégorie, elle doit les embrasser toutes. Nombreuses sont
les raisons que l'on peut invoquer à l'appui de cette opinion.
Il est un principe qui doit toujours guider en matière d'assis-
tance : c'est qu'on doit assister les malheureux le plus près pos-
sible de leur domicile et toutes les fois que cela se peut, à domicile.
A notre avis, conforme à celui de tous les hommes qui se sont
occupés sérieusement de cette question et ont voulu substituer à
l'aumône età lacharitéune assistance vraiment républicaine, il ne
faut recourir à l'hôpital ou à l'hospice, que si l'assistance à do-
micile ne peut pas être faite utilement. L'hospitalisation est indis-
pensable quand le malheureux, par la nature de sa maladie ou
de ses infirmités exige, pour être convenablement soigné, la pré-
sence constante de l'un des membres de la famille, lequel se
trouve immobilisé et ne peut plus contribuer aux charges de la
communauté. Tel est le cas des enfants désignés sous le terme
générique d'incurables, comprenant surtout les idiots, les imbé-
ciles, les arriérés, les paralytiques, les épileptiques, les hys-
tériques, les enfants atteints de perversion des instincts ou de
folie morale.
La présence de ces pauvres êtres dans la famille où, d'ailleurs
ils ne peuvent recevoir aucune instruction, ni suivre aucun traite-
ment efficace, est une source de graves inconvénients, engendrant
une situation morale des plus pénibles et occasionnant une lourde
charge.
Il est commun d'observer de ces enfants qui dès les premiers
jours de leur naissance, poussent presque sans arrêts et surtout
la nuit des cris aigus, empêchant père, mère, frères et soeurs de
reposer. Et cependant.le lendemain-il faut que le père retourne à
son travail, que la mère vaque aux soins du ménage.
Ce n'est pas tout. Les voisins se plaignent, de là des querelles
qui aboutissent généralement à un congé, aux embarras et aux dé-
penses d'un déménagement. Il y a ici des parents qui, pour des
cas semblables, ont été dans l'obligation de déménager, une fois
deux fois chaque année, jusqu'à l'admission de leurs enfants à
Bicêtre ou à la Salpêtrière.
Sans vouloir exagérer l'importance des impressions maternel-
les durant la grossesse, il est certain que la vue constante de ces
enfants difformes, sous le rapport physique et intellectuel, peut,
parfois, avoir une action sur le produit d'une nouvelle conception.
Dans tous les cas, il est une autre influence qui, elle, est incontes-
table : c'est l'influence exercée par l'aspect de ces enfants sur
leurs frères et soeurs. Voici, à l'appui, ce que nous disait la mère
d'un petit idiot : « Nous avons deux jumeaux âgés de 19 mois qui
commencent à prendre ses manières, à se balancer, à se cogner la
tête comme lui. Sans cela, ajoutait-elle, si je ne craignais pour les
deux derniers, je le garderais à la maison. »
A côté de ces enfants idiots au dernier degré, il en est un grand
nombre d'autres, imbéciles ou arriérés, qu'on ne peut garder dans
les écoles de la ville parce qu'ils sont incapablesde suivre les exer-
cices des autres enfants et que leurs tics, leur insuffisance mentale
LIV ASSISTANCE DES ENFANTS IDIOTS.
rendent la risée de leurs camarades qui souvent même les brutali-
sent ; ou bien ils troublent la classe par leur instabilité, leur be-
soin de mouvement, leurs contorsions, leurs crises convulsives ; on
les punit, on les met dans un coin, dans la cour : ils prennent l'é-
cole en dégoût, deviennent irritables et les maîtres sont obligés de
les congédier définitivement. Beaucoup vagabondent ou se sau-
vent sans motif de la maison paternelle, servent d'instruments it de
plus habiles, qui les poussent à des actes repréhensiblcs. On les
arrête, parfois on les condamne. Ces fugues, ces arrestations, ces
condamnations, sont uno cause permanente de démarches, do per-
tes do temps, d'inquiétudes et de douleurs pour les familles.
Puis, viennent des enfants, plus ou moins débiles au point de vue
intellectuel, quelquefois mémo bien doués sous ce rapport, mais
atteints de perversion des instincts : voleurs, monteurs, onanistes,
pédérastes, incendiaires, destructeurs, homicides, empoison-
neurs, etc. Nous avons reçu récemment un enfant tigé do 9 ans,
dont les parents ont du réclamer d'urgence l'admission, parcoqu'il
avait l'idée fixe do « saigner sa petite soeur. ') Les garçons se livrent
soit sur leurs soeurs, soit sur les petites filles du voisinage, à des
pratiques déplorables. Les petites filles de celte catégorie attirent
les garçons, pervertissent leurs compagnes, servent à assouvir les
désirs de gens sans scrupules. Sont-elles pubères, elles deviennent
enceintes, produisent des enfants que la société doit nécessaire-
ment assister après avoir refusé do protéger et d'aider la mère,
qu'on se décide tardivement à interner, à un âge où toute chance
d'amendement a, sinon tout à fait disparu, au moins grandement
diminué.
Htuin, nous citerons les enfants affectés de maladies convul-
sivos : l'hystérie et 1`épilepsie.. Lorsque les crises sont rares, les
instituteurs conservent ces enfants ; mais la plupart, et avec raison,
les refusent; ils sont alors plus ou moins abandonnés dans la rue.
S'ils ont 12, 13, 14 ans ou au-dessus, les parents essaient do les
mettre en apprentissage : dès qu'une crise est constatée l'enfant est
congédié. Et de nouveaux essais aboutissent aux mêmes échecs. Il
importe aussi de se souvenir que si les convulsions n'ont en
somme de conséquences graves que pour les malades, elles sont
souvent précédées ou suivies de troubles intellectuels, d'impul-
sions les poussant à des tentatives do suicide ou d'homicide qui
les rendent très dangeroux pour la sécurité publique.
Nous pourrions rapporter do nombreux faits et en citer d'exception-
nellement graves, recueillis par nous soit à Paris, soit on province;
nous pourrions relever ceux qu'enregistrent a chaque instant les
journaux politiques, Nous nous bornerons à citer l'expérience et
l'opinondo M. Delasiauve : « J'ai, dit-il, durant huit ans, exercé en
province. Dans l'étroit cercle de quelques communes, je n'ai pas ren-
contré moins d'une dizaine des parias dont il s'agit. Tous vaguaient
dans les rues ou les champs, sans que les parents on oussont cure.
Doux idiotes, à ma connaissance, devinrent enceintes. Uno
troisième, soupçonnée de l'être, succomba on six heures it des
symptômes que, tacitement, j'attribuai (les substances abortives.
Parmi les hommes, trois frayaient dans les églises, attirés par le
ASSISTANCE DES ENFANTS IDIOTS. LV
chant et le bruit des cloches. L'un d'eux accompagnait aussi les
convois, s'apitoyant ou larmoyant avec les parents qui pleuraient.
Un quatrième tua d'un coup de fourche un de ses voisins ; un
cinquième alluma deux incendies. Des gamins qui se plaisent à
agacer ces pauvres êtres, sont souvent victimes de leurs impru-
dentes taquineries. »
Toutes ces raisons nous paraissent démontrer d'une façon irré-
futable, la nécessité de l'assistance des enfants dont nous venons
de parler. Il s'agit là d'une grosse question, car leur nombre peut
être évalué à environ 40,000 pour toute la France (1). Qu'y art-vil
à faire ? ? Nous allons le dire tout à l'heure.
Mes enfants,
Vous profitez des sacrifices faits pour vous par la ville de
Paris, par le Conseil municipal, à qui vous devez votre bien-être,
votre instruction primaire et professionnelle, par l'Administration
de l'Assistance publique qui, depuis qu'elle est dirigée par 1\1. Peyron,.
s'intéresse sérieusement à vous. Il faut encore faire davantage ; il
faut que vous suiviez toujours nos conseils, que vous écoutiez
attentivement les leçons de vos maîtres et de vos maîtresses, à l'a-
telier, aussi bien qu'a l'école ; il faut vous montrer bons et secou-
rables les uns envers les autres ; il faut résister à vos impulsions et
corriger vos mauvaises habitudes. Si vous faites cela, chaque
année, nous rendrons à la Société un nombre de plus en plus
grand de jeunes gens instruits, bons ouvriers, capables de gagner
leur vie par le travail ; chaque année aussi, nous pourrons faire
passer un plus grand nombre d'entre vous, qui ne peuvent, à cause
de leurs infirmités physiques, être envoyés au dehors, dans les di-
visions de l'hospice, où ils jouiront d'une liberté relative et pour-
ront s'occuper utilement dans les ateliers des adultes, diminuant
ainsi, dans une proportion variable, les charges que s'impose
l'Assistance pour eux.
En travaillant bien, en nous fournissant de meilleurs résultats,
vous rendrez encore un plus grand service. En voyant vos progrès,
en constatant que, par un traitement, une hygiène et une éducation
méthodiques, il est possible d'améliorer presque tous les enfants
atteints de maladies nerveuses, d'en guérir complètement un cer-
tain nombre, vous donnerez aux médecins et aux administrateurs
qui viennent ici et auxquels je fais visiter minutieusement votre
service, quelque fatigue et quelque temps qu'il m'en coûtent, vous
leur donnerez, disons-nous, des arguments puissants pour défen-
dre dans leur pays la cause des malheureux enfants frappés comme
vous dans leur intelligence. Et aujourd'hui, à moi-même, vous
m'avez permis de plaider efficacement, je l'espère, auprès de M. le
Ministre de l'intérieur, la cause de tous les enfants arriérés, con-
vulsifs ou réputés incurables, disséminés dans tous les départe-
ments.
( Dans leur rapport de 1877, les inspecteurs généraux évaluaient
le chiffre it 30.000.
LVI DISCOURS DE M. FALLIÈRES.
Puisse ce que M. le Ministre a vu aujourd'hui à Bicêtre lui ins-
pirer l'idée d'organiser dans toute la France, l'Assistance publique
pour ces enfants, d'en faire une obligation légale et de créer des
asiles départementaux ou inler-départemenlaux, semblables
à votre section. En le faisant, il accomplirait une réforme sociale
qui ferait honneur à lui et à la République !
M. le Ministre a prononcé le discours suivant :
« Mes enfants, mesdames, messieurs,
c Je ne m'attendais pas à l'honneur de me trouver devant
une si nombreuse société et de présider à cette distribution de
prix. J'en voudrais presque à M. le Dr Bourneville de m'avoir
ménagé cette trahison, si je n'avais pas tant à m'en féliciter. Il
nous disait, en terminant sa brillante allocution, que le gou-
vernement de la République devait se préoccuper plus que
tout autre du sort des déshérités, qu'il se fait un devoir et un
honneur d'aller aux petits et aux humbles et d'essayer par ses
efforts constants, d'en faire sinon des citoyens actifs, du moins
des hommes utiles. Il m'est déjà arrivé de présider des distri-
butions de prix; mais dans aucune je n'ai ressenti une émotion
aussi vive que celle que je ressens en ce moment et dont je
veux vous faire part.
« Je viens de visiter, dans tous les détails, ce bel établisse-
ment, qui fait honneur à tous : A M. le Dr Bourneville, qui
en a conçu la pensée et surveillé l'exécution ; à la ville de
Paris, dont les représentants ont dépensé presque sans comp-
ter, à l'Assistance publique et à l'architecte, auquel j'adressais
tout à l'heure mes félicitations, et à qui je tiens à les renou-
veler publiquement.
« Lorsque j'ai parcouru ces salles avec M. le Dr Bourneville,
avec M. le directeur général, avec M. le directeur de Bicêtre
et avec tous ceux qui vous sont attachés, je m'étais promis de
vous dire, en vous quittant, ma satisfaction, et j'oserai même
ajouter mon admiration, et combien il m'est doux d'adresser
des félicitations sincères à tous ceux qui concourent à l'éclat
de ce magnifique établissement, au directeur, aux instituteurs,
au professeur de gymnastique, à vos surveillantes laïques,
femmes modestes dont lo dévouement est à la hauteur de la
mission qu'on veut bien leur confier.
. Une des sollicitudes de chaque jour du gouvernement est
de se demander si cette assistance, qui date de '17S\J, a été suf-
fisamment développée. Pour cela, il faut un effort, et cet ef-
fort nous le demanderons aux départements, aux conseils gé-
néraux, aux préfets, aux municipalités, porekuadé que lorsque
DISCOURS DE M. FALLIÈRES. LVII
nous aurons réussi, sinon tout à fait, du moins en partie, nous
aurons fait une couvre républicaine, oeuvre sociale, l'oeuvre
que vous faites ici, Monsieur le Dr Bourneville, en consacrant
ce que vous avez de mieux, votre dévouement, le meilleur de
votre temps, comme ces internes dont vous me faisiez l'éloge
tout à l'heure, en me disant : c'est le dévouement même.
» Je vois ici des prix, et si, commeje vous l'ai dit, M. Bour-
neville ne m'avait pas trahi, j'aurais apporté les miens ; mais
je les enverrai demain (1) et je vous prierai, monsieur la direc-
teur, de vouloir bien les donner dans chaque division à ceux
que vous considérez comme les plus méritants.
« Je n'oublierai pas ce que j'ai vu aujourd'hui, et j'en ferai
mon profit, comme homme, comme père de famille, comme
citoyen, comme ministre d'un gouvernement qui doit tendre
la main aux pauvres, aux humbles, à ceux qui souffrent, à qui-
conque a le droit d'avoir une place au soleil. »
Ce discours été accueilli par d'unanimes applaudissements.
L'un des enfants, Ygonel, qui a remporté le prix d'honneur, est
alors monté sur l'estrade et a lu, au nom de tous ses camara-
des, le compliment suivant qui, « par la délicatesse touchante
de sa forme, a vivement ému tous les assistants. »
Monsieur le Ministre,
En me donnant par leurs suffrages le prix d'honneur de l'école,
mes camarades m'ont choisi pour venir saluer au milieu d'eux celui
qui n'a pas craint de se soustraire un moment aux durs labeurs de
ses hautes fonctions, et de venir assister à notre petite fête.
Laissez-moi donc, Monsieur le Ministre, au nom de tous mes amis,
vous souhaiter la bienvenue et vous remercier de nous avoir
témoigné par votre visite le bienveillant intérêt que vous nous
porte ? Cette marque de sympathie nous est d'autant plus sensible,
que, plus que tout autre, nous avons besoin de sentir qu'on ne nous
oublie pas, et que, si notre mal nous isole pour un temps de la
société, la société ne nous a pas abandonnés.
Du reste, que nous manquc-t-il ici, et qu'uv,ns-notts à envier
aux enfants du dehors ? Grâce aux soins infatigables de M. le
Dr Bourneville, le temps que nous passons à Bicêtre est loin d'être
perdu : on nous apprend un métier, qui plus tard nous permettra
de vivre, on fait ou on continue notre éducation et notre instruc-
tion ; on nous conduit toutes les fêtes avoisinantes,et les grands
jardins de Paris nous voyant souvent dans leurs bosquets.
(1) M. le Ministre a tenu sa promesse et, dès le lendemain, il a
envoyé quatre beaux volumes qui ont été remis aux enfants les plus
méritants par M. Imard, inspecteur, le mardi 30 août. '
LVIII - DISCOURS DE M. JACQUES.
Aussi, Monsieur le Ministre, ne soyez pas jaloux, si je me tourne
un moment vers M. le Dr Bourneville, pour le remercier aujour-
d'hui publiquement de tout le bien qu'il nous fait. Grâce à lui,
beaucoup d'entre nous pourront un jour quitter Bicêtre et reprendre
leur rang dans la société. Nous serions des ingrats si nous oublions
dans nos témoignages de reconnaissance, M. le Directeur général,
dont la constante sollicitude augmente tous les ans et nous fait
trouver moins long le séjour dans cet établissement hospitalier.
Merci encore une fois, Monsieur le Ministre, merci au nom de
mes camarades de l'honneur que vous nous avez fait; merci au
nom de tous nos parents.
M. Fallières a répondu ainsi qu'il suit :
Mes enfants,
« C'est avec plaisir que je vois que les leçons qu'on vous donne
ici ne sont pas perdues. Le meilleur moyen de prouver votre
reconnaissance, c'est de répéter les paroles que votre camarade
vient de prononcer. Ne soyez pas jaloux, disait-il en se tournant
vers M. Bourneville, : non, je ne suis pas jaloux, je suis heureux
au contraire de m'associer à ce témoignage de reconnaissance
en affirmant que nous avons à faire, non pas seulement à un
homme de coeur, serviable, mais à un homme de mérite,
véritable bienfaiteur de l'humanité, et, avant de quitter cette
enceinte, je tiens une seconde fois, M. le Docteur, à vous
témoigner ma reconnaissance. »
Il a été ensuite procédé à la distribution des récompenses.
Puis, avant de clore la séance, M. Jacques, qui avait pris au
fauteuil de la présidence la place de M. Fallières, obligé de se
retirer avant la fin, a prononcé les paroles suivantes :
Mes enfants,
Je profite de l'occasion qui m'a placé au fauteuil de la présidence
de celte fête pour me donner la parole... Rassurez-vous,je n'ai pas
préparé de discours ; mais je ne puis lever brusquement la séance
sans prendre acte dès éloges adressés au Conseil général de la
Seine et sans remercier les orateurs qui se sont si cordialement
exprimés à son égard... Eh bien ! sans fausse modestie, je déclare
que le Conseil général a vraiment mérite l'hommage qu'on lui a
rendu ; mais je tiens à ajouter que dans les réformes accomplies dans
l'Assistance publique, que dans l'oeuvre admirable qui s'est réalisée
ici, M. Bourneville, mon ancien collègue, a joué un rôle prépon-
dérant, et adroit par conséquent à une grande pari d'honneur
Il est certaines améliorations, Messieurs, qui sont longues à se
produire parce qu'il faut deux choses à un homme d'initiative
pour les faire aboutir devant une assemblée délibérante .' être
reconnu comme très compétent sur la matière toute spéciale qu'il
DISCOURS DE M. JACQUES. LIX
traite et savoir par son caractère inspirer à tous une confiance
absolue.
Un état de choses lamentable subsistait à Bicêtre, comme il
subsiste encore ailleurs : Bourneville est élu conseiller, il fait
connaître l'étendue du mal, il déclare qu'on peut y remédier et le
Conseil général et le Conseil municipal, animés d'un même senti-
ment démocratique, s'émeuvent et n'hésitent pas il consentir les
sacrifices d'argent qu'il faut faire : la cause était gagnée et la pé-
riode réformatrice s'est ouverte
Eh bien ! Messieurs, un jour j'ai craint de voir la mar-
che progressive vers l'état de choses merveilleux que vous venez
de constater, se ralentir; c'est au moment où les électeurs
ont envoyé Bourneville à la Chambre des députés. Fort heureu-
sement, il n'en a rien été et je tiens à bien le féliciter et à bien le
remercier : c'est un grand exemple à retenir : Bourneville a assez
donné à la politique pour être un excellent mandataire, mais il n'a
pas cessé de se consacrer à l'une de ses oeuvres de prédilection et
il est demeuré le savant médecin et l'excellent philanthrope dont
je m'honorerai toujours d'avoir été le collègue !
Il est un homme dont je dois associer le nom à Bourneville,c'est
celui du Dr Robinet, que je ne cesserai de regretter. Robinet a con-
tinué avec concours de plusieurs collègues de faire progresser
les questions d'Assistance. Et pour que les résultats obtenus par
le Conseil municipal portent des fruits, je me permets d'exprimer le
voeu que les Conseils généraux envoient des délégués visiter Bi-
cêtre. S'ils le font, je suis convaincu que le spectacle auquel ils
assisteront produira la conviction dans les esprits même prévenus
et que bientôt la question de l'assistance des enfants arriérés sera
résolue dans toute la France.
Je termine, mes enfants, en vous engageant à vous montrer très
reconnaissants envers tous ceux qui coopèrent à faire de vous,
non pas des hommes brillants, mais des hommes utiles dont une
république démocratique doit avoir àcceur d'augmenter le nombre.
Ces bonnes paroles ont été accueillies par les applaudisse-
ments de tout l'auditoire. La séance a été levée et au moment
où les assistants se sont retirés, les enfants ont entonné la
Marseillaise avec beaucoup d'entrain.
Nous espérons que cette visite aura d'heureux résul-
tats et que M. Fallières se souviendra de ce qu'il a vu,
lorsque, à propos de la discussion de la nouvelle loi sur
les aliénés, il sera question de l'assistance des idiots et
des épileptiques et de la création, pour eux, d'asiles dé-
partementaux et inter-départementaux.
DEUXIÈME PARTIE
Clinique.
I.
De l'Epilepsie procursive;
Par BOURNEVILLE et P. BRICON.
Sous le nom d'rPILBPSIG PROCURSIVE (Epilepsia pro-
cursiva des anciens auteurs), nous nous proposons
d'étudier une forme particulière de l'épilepsie, dont
les accès, au lieu de présenter les phases habituelles,
sont constitués par une course ou propulsion rapide
en ligne directe dans l'axe horizontal du corps, ou
avec rotation à grands cercles, d'une durée ne dépas-
sant jamais celle d'un accès épileptique ordinaire, ne
s'accompagnant pas le plus souvent de chute et n'étant
pas suivi de coma, mais se compliquant d'une con-
gestion très forte de la face.
Cette forme de l'épilepsie, dont on trouve des exem-
ples assez nombreux, surtout dans les auteurs anciens,
a été décrite sous des noms très divers et parfois con-
fondue avec la chorée ou d'autres affections nerveuses.
Nous verrons plus tard, quand nous traiterons de
l'anatomie pathologique, qu'elle semble devoir être
classée parmi les épilepsies symptomatiques d'une
Bourneville, -I8SS7. 1
2 DE L'ÉPILEPSIE PROCURSIVE.
lésion encéphalique qui paraît à peu près constante
déjà macroscopiquement.
Dans une première partie nous traiterons de l'épi-
lepsie procursive proprement dite, c'est-à-dire des cas
où la course constitue d'abord à elle seule l'accès épi-
leptique; nous aurons en effet à citer des faits qui
prouvent que l'acte procursif peut, plus lard, être suivi
d'un accès ordinaire ou disparaître complètement pour
faire place à l'épilepsie vulgaire. Celle succession
possible des phénomènes cliniques explique pour-
quoi les auteurs ont considéré la procursion tantôt
comme un vertige, tantôt comme un accès complet
ou incomplet. Les faits qui nous sont personnels
nous permettent de nous ranger plutôt à l'opinion des
médecins qui considèrent ces accidents comme des
accès incomplets. - Ce n'est pas à dire pour cela
que le vertige^, ne puisse jamais être accompagné de
mouvements automatiques ; l'absence elle-même peul
consister en un simple acte automatique, mais alors
on n'a nullement affaire à une procursion véri-
table, mouvement précipité de peu de durée, auto-
matique si l'on veut, mais caractérisée par une course
remplaçant les périodes tonique et clonique de l'accès
ordinaire.
Pour compléter l'étude de l'épilepsie procursive
nous étudierons ensuite les actes automatiques, à carac-
tères plus ou moins procursifs, qui accompagnent le
vertige et l'aura, ou qui sont consécutifs à l'accès; nous
diviserons donc notre sujet de la manière suivante :
' Perle de connaissance, avec sensation de tournoiement, accompa-
gnée ou non de quelques phénomènes convulsifs (le peu de durée et
d'intensité.
DE L'ÉPILEPSIE PROCURSIVE. 3
I. Historique. II. Epilepsie procursive propre-
ment dite, ou accès épileptiques essentiellement consti-
tués par la course. - III. Epilepsie avec aura ]Jl'ocw'-
sive, soit que celle-ci ait dès l'abord été isolée, soit
qu'après avoir été suivie d'un accès épileptique ordi-
naire, elle ait enfin disparu totalement. - IV. Epi-
lepsie avec procursion consécutive. - V. Vertiges pro-
ciirsifs et automatisme . - VI. Anatomie pathologique.
- VII. Pronostic et diagnostic. - VIII. Considérations
générales sur la Physiologie et l'Etiologie des mouve-
ments procursifs. - IX. Traitement.
I. Historique.
L'épilepsie procursive, quoique peu commune, a
déjà été signalée depuis longtemps; nous avons pu,
en effet, en relever un certain nombre d'exemples
dans les auteurs de notre siècle et des siècles pré-
cédents. D'abord décrite sous le nom d'epilepsiap1'Ocllr-
siva, puis sous celui de chorca procursive seu festinans,
elle est enfin classée par les auteurs de la première
moitié de ce siècle parmi les chorées, genre vague où
entraient et entrent encore un grand nombre de
névroses; confondue alors souvent avec la paralysie
agitante, on en trouve encore des observations publiées
sous les noms de chorea circumrntatoria, rotatoria,
circumambulatoria,saltatoria, etc. Les mouvements invo-
lontaires de Wicke, la musculation irrésistible de Roth,
les impulsions systématisées de Jaccoud, les spasmes
coordonnés' de Romberg, etc., etc., sont tous des termes
' Les deux observations que Romberg a relatées en entier dans son
Traité sont deux cas d'hystérie.
4 DE L'ÉPILEPSIE PROCURSIVE.
de classification basée sur un ou plusieurs symptômes
isolés embrassant également en partie l'ancienne épi-
lepsie procursive. C'est à Thomas Eraste', à notre con-
naissance, qu'est due la première observation se rap-
portant réellement à cette forme d'épilepsie.
Observation I. - Début de l'épilepsie si la suite d'une chute.
- Tournoiement, puis course; parfois accès ordinaire.
J'ai guéri, dit-il, l'année passée, un adolescent qui, étant
tombé d'une hauteur considérable et s'étant meurtri la tempe,
était sujet, depuis cette époque, à des accès d'épilepsie, pendant
lesquels il tournait rapidement sur lui-même trois ou quatre
fois, puis se précipitait involontairement en avant, si l'on ne
l'en empêchait. Avant de tomber, ce qui arrivait du reste très
rarement, il se frottait rapidement le visage avec les mains.
En revenant à lui, il ne savait rien de ce qui s'était passé.
Eraste en ces quelques lignes a retracé le tableau
exact de l'épilepsie procursive : course en avant, par-
fois suivie de chute consécutive; frottement de la
face, etc. Ajoutons qu'ici, la phase propulsive était pré-
cédée d'une rotation.
Nous empruntons l'observation suivante à Bootius 2.
Il en fait précéder l'exposé de quelques réflexions
judicieuses qu'il nous semble bon de rappeler. « Plu-
sieurs médecins, dit-il, ont déjà noté que les épilep-
tiques ne tombaient pas toujours dans les accès, que
quelques-uns restaient debout, que d'autres s'as-
seyaient, ou bien encore exécutaient soit des mouve-
1 Comitis ttonlani vicenlini noui medicorum. censoris quinque librorutn
de morbus nnper editorttnm vira analome : itzgqal nttclla artis mcdiae capela
aecuralissime declanantter a Thoma Erasto, philosoplio et modico. l3asill¡e,
MDXXCI, pars II, p. 195.
- Bootius. - Obscrvaliones rnedicic de afleclibus omissis. Lonilini, 1619.
De epilepsilÎ Lrocursiod, caput vi. ·
DE l'épilepsie PROCURSIVE. 5
ments de manège, soit des mouvements irréguliers. Il
nous paraît intéressant de rapprocher de ces cas ce
que nous avons observé sur un enfant de douze ans. »
OBSERVATION II. - Enfant de douze ans. Accès procursifs. -
Courses accompagnées d'abolition de la vue et de l'intelligence.
Chaque fois que cet enfant était pris d'un accès, il courait
droit devant lui et ne s'arrêtait que s'il rencontrait un obstacle
pouvant l'empêcher de poursuivre sa course et sur lequel il
se précipitait avec impétuosité. Ni l'eau, ni le feu, ni les préci-
pices ne pouvaient le faire dévier de sa route; on ne l'en pré-
servait qu'en le retenant, car, durant ces accès il ne voyait ni
ne comprenait. Il est fort probable que si ces accès se fussent
produits en plaine où une plus grande étendue de terrain lui
eùt permis de courir assez longtemps, il n'aurait pu tomber à
terre de toute la durée de l'accès. Mais ce point n'a pu être
élucidé par nous, car le malade, toujours retenu dans une en-
ceinte, ne pouvait être pris d'accès qu'à la maison ou dans des
cours.
Dans le cas de Boolius comme dans celui d'Eraste,
on ne peut douter qu'il ne s'agisse d'un malade atteint
d'épilepsie procursive; mais quoique plus longue que
la précédente cette observation est moins complète que
celle d'Eraste. On ne saurait classer parmi les cas
d'épilepsie procursive, comme l'ont fait ce temps-ci
quelques auteurs, l'observation publiée par Tulpius'.
Il s'agit en effet d'un malade qui courait jour et nuit,'
si rapidement et avec des mouvements du corps si
ininterrompus que la sueur lui coulait de partout; le
besoin du sommeil seul l'arrêtait. Il est probable qu'il
ne s'agit là ni d'épilepsie procursive ni de chorée,
mais bien de paralysie agitante.
1 TulpillS, - Obsel'v, 11Zcd. AmslCl'dam, 1612.... ?
6 . DE l'épilepsie PROCURSIVE.
Dans sa Pratique de médecine spéciale, Etmúller1 divise
l'épilepsie en trois degrés : le premier comprend
l'absence et le vertige ; le second comprend les cas dans
lesquels le « corps est tourmenté par diverses secousses,
sans la perte du sentiment et de la raison- ou avec
quelque dépravation de ces facultés »; puis l'auteur
ajoute qu'il y a quelques exemples de cette variété
d'épilepsie dans la Pathologie du cerveau de Willis,
dans la Pratique de Rivière, dans les Epi 1res deTimeus,
dans les Histoires de Salmuth, etc. De ce genre est
« l'épilepsie dont parle Bootius {Traité des affections
omises, ch. vi) d'un malade qui courait durant tout le
paroxysme (voir p. 57); et l'épilepsie d'un homme des
environs de Leipsick qui ne faisait que pirouetter du-
rant le paroxysme ».
Paulfini ~ cite le cas d'un enfant de cinq ans qui
ne tombait pas au moment de l'accès, mais courait peur
lutum et aquam. Le même auteur avait publié en
1687 une observation qui rentre peut-être dans le cadre
de l'épilepsie procursive.
Observation III. - Course suivie le plus souvent de chute.
Course après l'accès.
, Un enfant norvégien (on ne dit pas son âge) courait devant
lui environ trente pas, et s'il tombait, ce qui lui arrivait sou-
vent, il se relevait et continuait à courir; puis il s'appuyait
, Etmûller. - Pratique de médecine spéciale de Michel l'Imicller sur
1.(;s maladies propres des hommes, des femmes et des petits enfants, etc.
Lyon, 1G91" thèse XXIII, de l'Epilepsie, p. 531. - Nous n'avons pu con-
sulter quelques.-uns ries auteurs cités par Etmüller, mais dans la Pratique
de Rivière, édition française de Lyon, 1692, nous n'avons rien trouvé
se rapportant à l'épilepsie procursive. - .
'Paullini. - Ephemerid. t. Curios.. dn. 3, ann. 3, obscrv, 181,
1696, p. 313. 1
de l'épilepsie PROCURSIVE. 7
contre un mur, ou bien, si l'accès le prenait dans la rue, dans
la campagne, il s'arrêtait tout à coup, immobile comme une
statue. Au bout d'une heure, il tombait à terre, s'il n'était pas
soutenu, poussait de profonds soupirs, versait des larmes et
s'endormait. Pendant son sommeil, il transpirait beaucoup ; à
son réveil, il se levait de fort bonne humeur, comme si rien ne
s'était passé.
D'après Itard ', Nicolas Becker aurait publié dans
les Ephémérides des curieux de la nature le cas d' « une
jeune fille qui, à la suite d'une peur causée par un orage,
était forcée, durant ses accès, bien que maîtresse de ses
sens, de courir le long des murs de sa chambre ».
Brescon, dans son Traité ~ fait une simple allusion
au sujet qui nous occupe : « Il y a cependant, dit-il,
des auteurs, dont l'un en a vu qui ne tombaient pas,
un autre qui restaient debout, d'autres enfin qui cou-
raient. »
Welsch 3 ne donne dans sa thèse aucune observa-
tion nouvelle d'épilepsie procursive, mais cite un cas
qui aurait été rapporté, d'après un autre auteur, par
Bootius et qui ne figure pas dans l'ouvrage de ce mé-
decin que nous avons consulté : « A l'épilepsie associée
à des phénomènes extraordinaires, se rattache aussi
Yepilepsia cursoria, dans laquelle les malades courent
d'ordinaire jusqu'à ce qu'ils tombent à terre. L'auteur
cité par Bootius nous en fournit un exemple; il s'a-
git d'un ouvrier forgeron qui, pris d'accès, se mita
courir comme un (ou) se précipita hors de l'atelier et
mourut ( ? ). »
1 ? )/t0) ! c)'. Kalur. curiosor., déc. I, observ. 71. Citation empruntée
au travail de ! tard.
2 Brescon (Pierre). - Traité de l'épilepsie avec sa description, ses diffé-
rences, ses causes, etc., 1 vol. in-S. Bordeaux, 1742, p. 2.
' Welsch. De<-;))7c/M ! <t. lena, 1719, p. 2(i-27.
8 de l'épilepsie PROCURSIVE.
Les cas de Sauvages ' et de Gaubius, de Thilenius, de
Wichmann, cités comme exemples de musculation in-
volontaire ou de spasmes coordonnés, nous paraissent
se rapporter plutôt à la paralysie agitante qu'à l'épi-
lepsie procursive : tous ces malades étaient âgés de
plus de cinquante ans. Les cas de J. Franck8 et de
J. Berne ne sont pas assez détaillés pour que l'on
puisse aussi les ranger parmi les observations d'épilepsie
procursive. Le cas de Sagar est plus difficile à inter-
préter : « Vidi, dit-il, Virum vindobense ultra 50 annos
natum qui invitus cucurrit, nec capax erat direc-
tionem mutandi vel deviandi obstacula qui simulptya-
tismo laboravit. » Caillau5 a rapporté en 1797 le fait
suivant :
Observation IV. Course, puis chute.
Un citoyen, âgé de soixante-cinq ans, ne marchait pas, il
courait, ayant l'air d'un homme qu'on poursuit et qu'on force
à courir; sa démarche était égale, quoique précipitée, élevant
ses jambes alternativement d'une manière assez uniforme. Ce
mouvement singulier, qu'il est impossible de bien caracté-
riser, se prolongea durant tout l'intervalle qui existe entre
3-4 arbres de la plantation de Fourny. Ce citoyen arrêta enfin
sa course; mais, dans ce moment, il tomba au pied d'un arbre; il
1 Ces cas se trouvent rapportés sur le nom de Scelotyrbe festinans,
danse de Saint-Guy précipitée.
1 J. Franck. - Traite de Pathologie interne, trad. de Bayle. Paris,
1.838, t. 111, p. 336. - L'auteur dit en note avoir vu plusieurs fois des
cas semblables à celui de Bootius. - Dans la note suivante, il cite un
enfant de onze ans qui tournait en rond avant de tomber. - Voir aussi
à l'article Chorée, p. 82î, l'observation rapportée à la note 29.
3 Bernt. - Afonographia sancli Vili. Prague, 1810, p. 25.
1 Sagar. - Systema nzorborum symptonzalicunz. Vindobenrc, 1763,
pars II, p. 121.
' Caillan. - Journal de santé et d'histoire naturelle, par le citoyen
Capelle. Bordeaux, vol. I, p. 118, an V.
DE l'épilepsie procursive, 9
n'en résulta d'autre blessure qu'une légère excoriation à la
joue droite.
Deux spectateurs l'aidèrent sur-le-champ à se relever et à se
traîner vers un des sièges de cette promenade; je m'approchai
de lui et, lorsqu'il eut repris ses sens, je lui fis plusieurs ques-
tions, auxquelles il répondit avec beaucoup de netteté et de juge-
ment. Il m'apprit qu'il n'avait éprouvé la première invasion
de cette maladie, sur un grand chemin, que quelque temps
après avoir été guéri de douleurs rhumatismales, qu'il en avait
déjà ressenti plusieurs accès, que dans le moment de l'inva-
sion il éprouvait une violente démangeaison de prendre sa course,
qu'Une pouvait retenir celle ardeur, et qu'une chute terminait
toujours cet accès. Il demeura un quart d'heure assis, un
citoyen l'aida ensuite à se conduire chez lui ; je le suivis jus-
qu'au bout de la rue Sainte-Catherine ; il s'arrêtait de temps en
temps pour s'appuyer contre la muraille; le désir de précipiter
ses pas ne l'aiguillonna point une seconde fois, car il pouvait à
peine se trainer vers sa demeure.
Dans ce cas, il semble difficile de déterminer si l'on
avait affaire à une aura procursive ou à un véritable
accès d'épilepsie procursive, car l'auteur se borne à
dire que la course se terminait par une chute, sans
indiquer si, au moment de la chute il y avait ou non
des convulsions. La description des phénomènes pré-
sentés par le malade ne laisse du reste aucun doute
sur la nature épileptique de l'affection.
Au commencement de notresiècle, Hufeland publiait
dans son Journal une nouvelle observation d'épilepsie
procursive.
Observation V. Accès spasmodiques à dix ans, guéris en
peu de jours. - .1'ouveaax accès à treize ans : nonchalance;
inappétence, difficulté de la parole; - course, parfois saut,
sans perte de connaissance. - Traitement par les sels de zinc.
C. D..., ûôé de treize ans, d'une santé assez bonne, s'étant
' Journal de Ihç/'cland, juin 1811, vol. XXXII, p. 88.
Io DE l'épilepsie procursive.
refroidi à l'âge de dix ans, avait été attaqué d'accès spas1ll1)..
diques qui avaient été guéris en peu de jours. Depuis deux
mois et demi environ, il était retombé malade. On remarqua
d'abord chez lui de l'indifférence pour toutes choses et une si
grande nonchalance qu'il lui répugnait do faire ce qu'il aimait
le mieux. Cet état ne dura pas longtemps.
L'appétit disparut, la parole devenait quelquefois inintelli-
gible, quelquefois il était incapable de prononcer certains mots.
On observa des contractions de la face; au moindre effort pour
les comprimer survenaient des mouvements involontaires de
la mâchoire inférieure, des tressaillements dans le bras droit
et dans le côté gauche du corps. La maladie s'exacerba ainsi de
jour en jour, jusqu'à ce qu'elle occupât tout le corps. Lorsque
l'enfant entra à l'hôpital, elle se caractérisait ainsi :
Regard fixe, timidité, grimaces, mouvement anormal des
mâchoires et de la langue ; quelquefois parole embrouillée ou
même impossible. Balancement de la tète, tressaillement des
muscles du cou, et mouvements involontaires, anormaux, de-
tout le corps, en sorte que le malade ne pouvait rester quel-
ques minutes seulement en repos, quelque effort qu'il fit.
Souvent il était obligé de courir rapidement d'une place à une
autre, sans pouvoir se retenir, d'autres fois de sauter. Il savait
parfaitement ce qu'il faisait, et il pouvait de même se rappeler
le passé. Toutes les fonctions étaient d'ailleurs peu troublées,
à l'exception de l'appétit.
Depuis le commencement jusqu'à la fin du traitement, le
malade ne reçut que du zinc, d'abord l'oxyde de zinc, ;i centi-
grammes trois fois par jour; puis, au bout de trois jours, la
même dose une seule fois par jour. Aucune amélioration ne se
faisant remarquer au bout de deux jours, on augmenta la dose,
qu'on porta progressivement jusqu'à 40 centigrammes :
l'amélioration fut sensible. Après quinze jours de traitement,
les mouvements involontaires avaient entièrement disparu; il
ne restait plus qu'un peu de difficulté à mouvoir le bras
gauche et un peu de bégaiement. La dose fut portée à 80 cen-
tigrammes, mais il éprouva des malaises qui forcèrent à redes-
cendre à 60 centigrammes. Au bout de huit jours, l'état du
bras s'était aussi amélioré : il ne restait plus que le bégaiement.
On remplaça alors le zinc pur par le sulfure de zinc, 10 centi-
grammes par jour en solution aqueuse, à doses ascendantes.
Arrivé à 30 centigrammes par jour, cinq semaines après le
de l'épilepsie PROCURSIVE. -Il i
commencement du traitement, le malade fut parfaitement
guéri.
Cette observation paraît plutôt appartenir à un cas
de chorée; seuls la course et le saut ne s'accordent pas
avec les phénomènes ordinaires de la chorée et sont
susceptibles d'être rattachés à l'épilepsie procursive.
Il est difficile de se prononcer et le doute est légitime.
Quelques années après cette publication, Lau' consi-
gnait dans le même recueil le fait ci-après.
Observation VI. - Enfant de quinze ans. - Courses.
Henri S..., âgé de quinze ans, a souffert pendant la denti-
tion de spasmes, d'éruption à la tète, de vers, et surtout de
scrofules. Les glandes abcédèrent, à l'âge six ans, guérirent
très lentement et laissèrent au cou d'assez grandes cicatrices.
A dix ans, il fut pris d'une fièvre nerveuse; à quatorze ans, à
l'exception des vers, sa santé était assez bonne; mais exposé
aux intempéries des saisons, il se plaignait de douleurs dans
les membres, auxquelles une fièvre se joignit plus tard , les
douleurs dans les membres cessèrent, et il se crut parfaitement
guéri. La maladie avait en effet disparu, mais pour revenir
huit jours après, sous une forme dangereuse, sous celle de
spasmes dans le bras et dans le pied gauche, légers d'abord,
plus violents ensuite, en sorte que, le 18 février 1822, il fut
obligé d'entrer à l'institut clinique de Berlin. Voici quel était
son état :
Taille élancée, air de santé, mouvements précipités et
anxieux, pouls petit, contracté, spasmodique ; respiration un
peu embarrassée; parole bégayante, incompréhensible, à peine
perceptible ; le malade ne pouvait tenir en repos la langue qui
lui sortait de la bouche ; mais il était obligé de la remuer invo-
lontairement de droite à gauche, en avant, en arrière ; le bras
et le pied du côté gauche ne discontinuaient non plus de re-
muer. Voulait-il prendre quelque objet avec la main, c'était
toujours par un mouvement circulaire qu'il y parvenait, et s'il
' Latl. - Ifufela,nd's Journal, vol. L, vu, décembre, p. 61, 1S23.
12 DE l'épilepsie procursive.
le tenait pendant quelque temps, il le laissait bientôt échapper
involontairement. En marchant, il décrivait toujours un arc
avec le pied gauche, tournant le poing en dehors, et, debout,
il lui était absolument impossible de le tenir en repos ; il ne
cessait de l'agiter. Au dire de la mère, ces mouvements con-
vulsifs étaient par moments si violents, que le bras était sur-
tout violemment soulevé, puis retombait, absolument comme
pour atteindre un objet élevé. Dans cet état, le globe gaucho
de l'oeil, disait-elle, roulait dans son orbite, agité d'un mouve-
ment convulsif, la tète se penchait du côté gauche, le malade
courait du haut en bas de l'escalier el remontait à pas 1res
précipités, ne pouvant, dans sa hâte, régler ses mouvements.
Si on le maintenait fortement, les mouvements se changeaient
en tressaillements, et le malade était en proie à une grande
agitation anxieuse. Cet étal, du reste, n'était accompagné
d'aucune espèce de malaise; le malade riait, était sobre de
paroles, mais il possédait sa connaissance. Au bout d'un quart
d'heure ou d'une demi-heure de paroxysmes, les mouvements
convulsifs s'affaiblissaient et ils finissaient par se changer en
simples tressaillements des muscles du bras et du pied du côté
souffrant. Ce tressaillement ne le quittait jamais cependant,
non plus que le tremblement de la langue, et la parole était
toujours incompréhensible. Toutes les autres fonctions étaient
normales, et les muscles du coté droit parfaitement soumis à
la volonté.
L'intelligence et la mémoire étaient très faibles chez ce
jeune homme. Le rhumatisme supprimé fut regardé comme la
cause de la maladie. On administra l'extrait d'aconit et de
gayac comme sudorifique sous la forme de poudre, après avoir
administré d'abord un laxatif de calomel et jalap et un élec-
litaiî,p anthelmintiquc. Le malade ne rendit pas de vers ; le
sudorifique fut continué, depuis le 21 février jusqu'au 20 mars,
à doses ascendantes ; il parut un exanthème miliaire et des
furoncles au bras et au dos, et la guérison s'ensuivit.
Cette observation, qui se rapproche delà précédente,
nous paraît concerner un cas de chorée avec accidents
procursifs concomitants. Nous l'aurions même écartée
s'il ne nous avait paru intéressant de la mettre en
regard de celle d'llut'eliiid et de montrer combien il
DE l'épilepsie PROCURSIVE. 13
est parfois difficile, par suite de renseignements incom-
plets, et d'un examen insuffisamment prolongé, de
porter un diagnostic précis.
Les Archives générales de médecine ont inséré en
1825 un travail très intéressant d'Itard' contenant un
très grand nombre d'observations. Parmi elles, deux
peuvent se rapporter à l'épilepsie procursive.
Observation VII. - A cinquante ans, course sans perte de con-
naissance; abattement, sueur et sécrétion abondante d'urine
consécutifs. Nouveaux accès procursifs.
Un homme de cinquante ans était en voyage et venait de
quitter sa chaise de poste pour faire quelques minutes d'exer-
cice à pied, quand, tout à coup, il sentit que le mouvement de
ses jambes s'accélérait malgré sa volonté et que ce mouvement
rapide, qui l'entraînait droit devant lui, l'écartait de la direc-
tion du chemin qui faisait un détour en cet endroit, et se
trouvait d'un côté bordé de précipices. La terreur que lui cau-
sait un mouvement si extraordinaire et le danger visible qu'y
ajoutaient les localités le frappaient vivement; il voyait bien,
ainsi qu'il le racontait lui-mème, fort plaisamment, qu'il cou-
rait à sa perte; mais, poussé par une force supérieure à sa
volonté, il ne pouvait ni s'arrêter, ni se détourner, ni se jeter par
terre, ainsi qu'il en eut successivement l'idée. Heureusement
qu'après avoir franchi diagonalement la partie tournante du
chemin à quelques pouces du précipice, il se trouvait en suivant t
toujours la mème direction courir parallèlement à la route, ce
qu'il aurait pu faire sans danger pendant plusieurs minutes.
Mais presque aussitôt, l'accès, après avoir duré à peu près deux
minutes en tout, se termina sans autre circonstance notable
qu'un grand sentiment de faiblesse, une sueur générale et une
sécrétion abondante d'urine. Quelques heures après, il n'éprou-
vait plus le moindre ressentiment.
Deux nouveaux accès, peu de temps après, à un intervalle
de quelques semaines, lui survinrent dans les promenades
' Itard. Mémoire sur quelques fonctions involontaires des appareils
de la locomotion, de la préhension et de la voix. (Archives générales de
médecine, 1825, 3' année, t. VIII, p. 385--i07.)
11- DE l'épilepsie PROCURSIVE.
publiques; il resta, malgré l'usage des sangsues (tous les mois
douze au fondement); des bains de gélatine, de ventouses sèches
le long de l'épine, de la valériane en poudre à la dose de deux
gros par jour, dans le même état, conservant toutes ses forces
et ses facultés mentales.
Observation VIII. - Homme de soixante ans, sujet depuis
quelque temps à des vertiges. - Course sans perle de connais-
sance. - Hébétude consécutive; trois jours après, embarras de
la parole. - Mort le sixième, jour après deux nouvelles attaques
convulsives.
M. de la F., âgé de soixante ans environ, ayant le cou assez
court, mais peu d'embonpoint et le visage peu coloré, m'entre-
tint, dans un diner, fort au long, de bourdonnements d'oreille,
d'élourdissmenls auxquels il était sujet depuis quelque temps.
Huit ou dix jours après cet entretien, par une température très
froide à l'ombre et brûlante au soleil (c'était en mai 1819),
ayant passé quelque temps aux Tuileries, immobile et exposé
au soleil sous les fenêtres du roi, il fut pris d'un de ces étour-
dissements qu'il éprouvait depuis quelque temps. Il cherche à
le dissiper en se dirigeant vers un banc pour y reposer quel-
ques instants. Remis incomplètement de cette indisposition, il
se lève pour quitter le jardin et rentrer chez lui. Mais, après
avoir fait quelques pas pour gagner doucement la grande allée,
il s'aperçoit que sa marche s'accélère malgré lui et qu'il lui est
impossible, soit de la ralentir, soit de la diriger ou de s'arrêter.
Ainsi poussé devant lui, plutôt courant que marchant, avec la
parfaite connaissance de son état, du danger immédiat qu'il
lui faisait courir, et de la curieuse attention dont il était
devenu l'objet ; il était parvenu non loin du grand bassin où il
se serait infailliblement jeté, s'il n'eùt été reconnu par un de
ses amis attiré par la foule dont il commençait à être suivi.
Cet ami vint à lui, le saisit dans ses bras, le conduisit avec
beaucoup de peine sur une chaise, et, après quelques moments,
dans une voiture de place. Arrivé chez lui, le malade put,
quoique fort lentement, monter à son appartement, diriger
à sa volonté le mouvement des jambes, mais qu'il sentait et
qu'on voyait manifestement être faibles et tremblantes. Il lui
restait aussi beaucoup d'abattement moral ou plutôt de cette
torpeur stupide qui succède aux violents accès d'épilepsie. Elle
était dissipée le lendemain. Le troisième jour, la parole s'em-
DE l'épilepsie procursive. ,15
barrassa; le sixième, le malade succomba après deux courtes
attaques de convulsions. Le cadavre ne fut point ouvert.
Serres' parle, à propos des maladies de la protubé-
rance, de deux hommes observés l'un en 1822,
l'autre en 1825, qui, « au moment de l'attaque
ressentirent une douleur des plus vives, poussèrent
des cris et coururent devant eux comme pour éviter
un grand danger. Ils tombèrent au bout de cent pas
environ. Chez tous les deux, la tendance à se porter
en avant avait été spontanée. A l'autopsie, chez tous
les deux aussi, on constata que la protubérance avait
été détruite dans toute sa profondeur ».
Les trois cas de Toulmouche2 cités par Roth dans
son chapitre sur la Musculation irrésistible, ne nous
paraissent pas se rapporter à l'épilepsie procursive et
nous les laissons de côté. Semmola3 a relaté, en 1834,
sous le nom d'epilepsia dromica et trochaica, l'histoire
d'un malade atteint d'épilepsie procursive.
Observation IX. - Début des accès procursifs à onze ans. -
A um. - Courses en ligne droite avec perle de connaissance.
- Transformation de ces accès en accès ordinaires.
Un jeune homme de vingt-six ans, né de parents sains,
d'une constitution très irritable, fut attaqué dans sa onzième
année, d'une forme particulière de convulsions, dont les accès
avaient lieu tant le jour que la nuit. Il poussait des cris vio-
lents et perdait subitement connaissance. Puis il se mettait
à courir en ligne droite devant lui avec une rapidité incroyable,
' Serres. - Anatomie comparée du cerveau, t. II, p. G3,. Paris, 1828.
" Toutmouchc. Mémoires de l'Académie de médecine. 1833, vol. Il,
p. 371.
3 Scmmola. - Sopra due mallalie non anC01'a descl'itta (c'est du moins
ce que croyait l'auteur). Napoli, 1831, p. G. Nous n'avons pu trouver
celte brochure ; mais 1101h, puis Berger ont publié l'observation com-
plète.
G de l'épilepsie PROCURSIVE..
ne se détournant ni à droite ni à gauche, et ne se laissant
arrêter par aucun obstacle, à moins qu'il ne fût insurmon-
table. Il arrivait quelquefois que, saisi d'un paroxysme au pied
de l'escalier, il montait en ligne droite avec une rapidité
incompréhensible. Si on ne l'arrêtait pas, il courait ainsi pen-
dant quelques secondes à la distance de vingt ou trente pas.
Alors il restait tout à coup tranquille, la connaissance lui
revenait; son visage se colorait d'un rouge vif, il ne se rappe-
lait pas de ce qui s'était passé, seulement il prétendait avoir
ressenti, peu de temps avant la perte de connaissance, une
bouffée de chaleur lui montant des pieds à la tête, le long de
la colonne vertébrale.
Pendant sept ans, les accès se renouvelèrent une ou deux
fois par jour à des intervalles irréguliers, après quoi la mala-
die changea de forme. Au début de l'accès, le malade tombait
à terre, se roulait en ligne droite dix ou douze pas autour de
son axe longitudinal, au milieu de cris continuels et avec perte
complète de la connaissance. Le malade n'est pas encore guéri.
Les paroxysmes de cette dernière forme reviennent plus fré-
quemment la nuit, et il se passe peu de jours sans qu'ils se
renouvellent. Tous les médicaments employés ont échoué..
Cette observation, des plus intéressantes, peut être
approchée de celle de Grand... (voir t. XIII, p. 323) :
même course rapide en ligne droite, même fréquence
des accès, puis même transformation de l'épilepsie pro-
cursive en épilepsie ordinaire, enfin même insuccès
des divers traitements employés 1.
Nous devons citer maintenant une observation de
Bérard aîné 2, concernant un malade atteint de phéno-
1 Le professeur Semmola, dans une lettre qu'il nous adressa ce sujet
le 28 mai 1882, parait ignorer complètement la publication que fit son
père de cette affection. « J'ai fait allusion, dit-il, dans une leçon cli-
nique, à cette espèce d'épilepsie propulsive, en soutenant qu'il n'y avait
pas lieu de considérer cette l'orme clinique comme appartenant t'epi-
lepsie. »
2 Bérard aîné, citation d'Olivier d'Angers, Traité des maladies de la
moelle épinière, t. Il, p. 113. Paris, 1847.
DE l'épilepsie PROCURSIVE. 17
mènes procursifs ayant précédé de cinq heures le décès.
L'autopsie qui l'accompagne en fait surtout l'intérêt.
Observation X. - Course, puis chute avec perte de connais-
sance. - Hémorrhagie ? ·olccbéraratielle.
Un homme étant à travailler se plaint tout à coup d'un bour-
donnement d'oreilles. Quelques instants après, une douleur
vive lui arrache des cris, il se met à courir comme pour échap-
peser au danger qui le menace, tombe bientôt, et présente les
symptômes qui suivent : perte complète de connaissance;
immobilité sans dilatation des pupilles, qui sont égaies en
diamètre; immobilité du globe de l'oeil; bouche entr'ouverte,
et sans torsion apparente; quelques mouvements dans la
langue sans déviation permanente de sa pointe. Mouvements
respiratoires fréquents, irréguliers, par moments stertoreux.
Les ailes du nez se contractent convulsivement avec les mus-
cles de la respiration. Deux fois il y a eu éternuement violent,
pendant lequel le malade, qui était couché sur le dos, s'est
courbé en avant. Les membres sont dans un état de roideur
qu'on peut surmonter assez facilement. Cette contraction, pen-
dant laquelle les bras sont contournés dans la rotation en
dedans et les pouces fortement fléchis, n'est pas entièrement
permanente. La contraction des muscles du cou n'est pas non
plus assez énergique pour empêcher la tête d'obéir aux lois de
la pesanteur. Les seuls signes de la sensibilité générale furent
un mouvement convulsif du bras droit au moment où l'on
pinça la peau de ce membre, et un mouvement semblable au
moment où l'on incisa les téguments en pratiquant une sai-
gnée. Le malade succomba cinq heures après l'invasion des
premiers accidents, et ne fut pas observé pendant les deux
dernières heures. - A l'examen du cadavre, on trouva la pro-
tubérance cérébrale changée en une poche remplie de sang en
partie coagulé et mêlé à quelques débris de substance nerveuse
ramollie et colorée par ce liquide.
De cette observation, nous ne retiendrons, pour
l'instant que, les phénomènes procursifs qui paraissent
avoir été occasionnés par ) ? o ? 7 ? e ? 'o/Me/'aM'< ? //c;
nous aurons lieu plus tard, au chapitre de l'Anatomie
Bourneville, 1887. 2
18 DE L'Ér¡LEPSIE PROCURSIVE.
pathologique, de revenir sur ce cas et de l'interpréter.
En 1855, M. llloynier' dans sa thèse inaugurale, donne
une observation d'une malade épileptique présentant
une aura procursive.
Observation XI. - Fille âgée de dix-sept ans. - Mère et
tante maternelle épileptiques. - Vertiges et mouvements
convulsifs dès l'enfance, puis accès. - Aura procursive .
Chorée.
B... (Louise-Laurence), née à Paris, âgée de dix-sept ans.
Ayant perdu sa mère à l'âge d'un an et demi, a été élevée par
les soeurs de Notre-Dame. On nous raconte que déjà elle avait
des mouvements nerveux dans les lèvres ; dès sa plus tendre
enfance, elle a eu des étourdissements ; on fut obligé de la
placer à l'Enfant-Jésus ; là, ses étourdissements ou plutôt ses
vertiges ont augmenté ; elle perdait connaissance, poussait de
grands cris, mais c'est à cette époque que les personnes qui pre-
naient soin de cette jeune fille font remonter ce qu'elles appel-
lent le grand mal. L'enfant pousse un cri aigu, perd connais-
sance, s'agite un instant, puis ses membres deviennent le
siège de fortes secousses. Ces accès ont une certaine intensité;
avant qu'elle fût réglée, elle n'avait ses attaques qu'une fois
par mois ; elles se renouvelaient pendant deux ou trois jours ;
mais depuis que ses règles sont établies, les attaques sont plus
fréquentes ; d'abord tous les huit jours, puis une, deux ou
trois fois par semaine ; enfin, depuis deux mois, c'est-à-dire
depuis l'apparition d'accidents choréiques qui constituen
aujourd'hui l'élément dominant de la maladie, ses accès sr f
montrent tous les jours ou même plusieurs fois par jour. LP
malade dit qu'elle est prévenue de la prochaine arrivée d'una
attaque par un sentiment irrésistible qui la pousse à courir ; elle ?
fait alors plusieurs fois le tour de la salle, pousse des cris,
comme si elle cherchait à éviter un danger, ou comme si elle
était poursuivie. Elle ne peut nous expliquer les sensations
qu'elle éprouve dans ces moments. Toujours est-il que cette
sorte d'aura est un avertissement pour les personnes qui la
surveillent et qui peuvent ainsi se rendre auprès d'elle afin de
prévenir une chute qui pourrait être dangereuse. Ces acci-
1 lloynier. - De la chorée, observ. IV, p. 27, t8o.
DE l'épilepsie PROCURSIVE. 19
dents d'ailleurs surviennent sans cause occasionnelle. Après
l'accès, elle éprouve du malaise et de la courbature.
Depuis deux mois, une nouvelle affection s'est montrée. Le
8 décembre 1850, la jeune B..., après une nuit assez tranquille
s'est réveillée agitée par un tremblement choréique occupant plus
spécialement certaines parties du corps. Pendant les jours qui
ont précédé cet accident, elle a eu très souvent ses accès, ses
idées étaient troublées, elle travaillait moins bien que d'habi-
tude. La journée du 7 décembre s'était passée sans rien de
remarquable ; la nuit avait été calme ; il son réveil, la malade
s'est trouvée toute drôle (c'est son expression), son bras gauche
ne pouvait rien saisir avec précision, tous les mouvements
étaient irréguliers, involontaires ; au dire de la malade, le
membre gauche était refroidi, surtout les doigts ; ce qu'il y a
de certain, c'est qu'elle éprouvait dans ce membre une sensa-
tion de froid.
Les secousses se sont étendues rapidement à tout le côté
gauche de la face et du corps ; pendant huit à dix jours, les
accidents se sont bornés là ; puis la jambe droite a été prise,
enfin le bras et tout le côté droit ont été agités à leur tour ;
mais les accidents ont été toujours plus intenses du côté gauche
que du côté droit. Et maintenant encore (trois mois après le
début) on constate une différence entre les accidents des deux
côtés du corps. La maladie a fait de rapides progrès; tous les
membres sont agités de mouvements désordonnés, tous les
muscles sont le siège de contractions irrégulières ; la marche
est gênée, difficile, saccadée ; aussi la malade reste-t-elle ordi-
nairement assise ; les mains saisissent les objets avec diffi-
culté. Si on se fait serrer la main par la malade, on sent
qu'elle ne le peut pas faire d'une manière uniforme ; les mou-
vements sont saccadés ; par moments, les doigts n'obéissant
plus du tout à la volonté, elle ne peut pas serrer du tout ; la
parole est brève, saccadée, quelquefois impossible; les lèvres,
les paupières, la face, en un mot, sont toujours grimaçantes ; i
les fonctions de nutrition se font bien ; cependant la maigreur
est extrême.
Il n'y a rien de régulier dans la marche de la chorée ; cer-
tains jours, la malade est tranquille; dans d'autres, elle est
très agitée, cela sans cause appréciable. Les accès d'épilepsie
n'ont aucune influence sur la danse de Saint-Guy et récipro-
quement. Depuis l'apparition de la chorée, l'épilepsie ne s'est
20 DE L'ÉPILEPSIE PROCURSIVE.
en rien modifiée ; la menstruation a été supprimée, malgré
toute espèce de remède depuis deux époques.
L'épilepsie et peut-être la chorée trouvent chez cette enfant
une cause dans l'hérédité. Sa mère était épileptique, et, au
rapport d'une de ses tantes, elle aurait eu des mouvements ir-
réguliers des muscles de la face et des membres. Une de ses
tantes, du côté de sa mère, a eu aussi des attaques d'épilepsie.
Quant aux causes de la chorée, M. Bastion, à qui est due
l'observation, se demande si elles tiennent aux accès plus fré-
quents d'épilepsie, à la suppression des règles ; ou si la diffi-
culté de la menstruation serait au contraire causée par ce
nouvel élément morbide ; ou si tous ces accidents ne sont là
que comme coïncidence. - Tous les traitements ont échoué
contre l'épilepsie et aussi contre la chorée. A la fin de l'année
1851, la jeune fille n'avait encore éprouvé aucune amélio-
ration.
L'épilepsie s'accompagna ici de chorée qui ne survint
que longtemps après le début des accès épileptiques.
Cette observation nous fournit un bel exemple d'accès
précédés d'une aura procursive.-Le cas suivant a été
publié par Romberg' dans son Traité des maladies
nerveuses.
Observation XII. - Homme de soixante-onze ans. - Cépha-
lalgies et vertiges. - Hémiplégie gauche. - Accès jJ¡'OCW'-
sifs de plus en plus fréquentes; mort. - flémorrlaageé de
la capsule interne avec irruption dans le ventricule latéral
gauche.
Un homme de soixante-onze ans, qui avait souffert aupara-
vant de maux de tête et de vertiges ; et qui, déjà une fois, était
tombé sans connaissance au milieu de la rue, éprouva au mois
de juillet 1836 une nouvelle attaque de paralysie du côté gauche
de la face avecpertedusentimentde la jambe gauche, et, bientôt
après, il ressentit une grande propension du corps ri se précipi-
ter en avant. Pour mieux l'observer, le docteur Friedheim
* Romber. Lehrbuch der Ncrvenkrankeiten der ltfellsc/¡cn; Der
Lelirc der <)7 ? V('M)'o.«'n, p. G30, Schwimlclbeweguugera mit Imyuls
nach der Llingcnaxe. I, Nach Vorn. Uerlin, 1857.
DE l'épilepsie PROCURSIVE. 21
l'accompagnait souvent à la promenade. Ils marchaient paisi-
blement l'un à côté de l'autre pendant cinq ou dix minutes,
puis le malade hâtait tout à coup le pas, et il finissait par être
saisi d'un si violent accès de rrnh2clsion qu'il fallait s'empresser
de le saisir et le contenir avec force.
Dans les derniers mois de sa vie, le malade eut des accès
beaucoup plus fréquents, même en se promenant dans la
chambre, et il raconta, ce que ses parents confirmèrent, que si
au moment où il perdait l'équilibre, il voulait saisir un objet
pour se retenir, comme par exemple un arbre, il devait encore
tourner involontairement deux ou trois fois autour après l'avoir
saisi. Il mourut le 24 mars 1837.
Autopsie. - A l'examen du cerveau fait par M. Henle, on
trouva la substance cérébrale solide, compacte, gorgée de sang,
et dans le ventricule latéral gauche, un épanchement assez
considérable d'un sang noir, coagulé, qui avait pénétré de
l'hémisphère voisin par une déchirure pratiquée entre les cou-
ches optiques et les corps striés. Le corps strié droit présentait
une excavation longitudinale étroite, revêtue d'une membrane
brun foncé et entourée de substance cérébrale un peu dure.
Le réseau vasculaire à la base du cerveau était en grande par-
tie incrusté.
Ce cas, comme le précédent, est surtout intéressant
en raison de l'autopsie qui l'accompagne. Nous cite-
rons encore, parmi les observations parues dans la
première moitié de notre siècle, c'est-à-dire durant
une période où l'on considérait les accidents que
nous étudions comme appartenant à la chorée, le cas
de Salgues (de Dijon)'.
Observation XIII. Début à trois ans et demi. -Accès pro-
cursifs fréquents et quotidiens. - Traitements divers.
Une petite tille de trois ans et demi, à la suite d'une vive
frayeur, fut frappée des accidents propres à la chorée. A neuf
' Salues. - Revue médico-chirurgicale de Paris, 1827, p. 168.
22 DE l'épilepsie PROCURSIVE.
ans, cette maladie n'avait point cessé. Elle n'avait été suspen-
due, pendant cette période de plus de cinq ans, que pendant six
mois, suspension, d'ailleurs, dont la cause est restée inconnue.
La chorée de cette enfant était généralement caractérisée par
des mouvements précipités qui l'entraînaient violemment à cou-
rir, la malade ne s'arrêtait que lorsque ses jambes se croisant,
rendaient ainsi toute locomotion impossible. Alors elle se
renversait fortement en arrière, puis en avant, imitant parfai-
tement l'inclinaison que donnent au torse l'opistothonos et
l'emprosthotonos. Ces phénomènes morbides se présentaient
sous la forme de courts accès, revenant un grand nombre de
fois dans la journée, et dans l'intervalle desquelles les membres
étaient souvent un peu agités.
Cette affection avait été combattue jusqu'alors à l'aide de la
valériane, de l'oxyde de zinc, de quelques purgatifs, et des bains
froids; le tout en vain. Lorsque la jeune malade entra à l'hô-
pital de Dijon, on tenta derechef l'oxyde de zinc ri dose per-
tu·bat·ice, puis les a/fusions froides dans toute la longueur du
rachis ; puis les bains de .Cartes, secondés de frictions narco-
tiques et éthérées sur l'épine dorsale; le tout sans succès. Deux
forts purgatifs, répétés coup sur coup, ne réussirent pas mieux.
Enfin, en désespoir de cause, M. Saignes eut recours à l'émé-
tique ri haute dose; chaque jour, pendant huit jours, l'enfant
prit trente centigrammes détartre stibié en potion. La pre-
mière dose décida une très forte perturbation avec vomisse-
ments et diarrhée abondante. Les autres, parfaitement tolé-
rées, ne produisirent aucun effet apparent, si ce n'est de
l'anorexie et la cessation complète de tous les accidents carac-
téristiques de la chorée. Le quatrième jour de cette médication
on posa dix sangsues sur les parties latérales du cou, dans le
but de détruire une légère hypérémie encéphalique. Le résultat
en fut bon, et, finalement, la malade est aujourd'hui parfaite-
ment guérie.
Les phénomènes observés ne permettent pas de con-
clure avec l'auteur que sa malade était atteinte de
chorée. La longue durée de la maladie, les accès pro-
cursifs fréquents, les accidents lélanifoI'1l1es qui les
accompagnaient, la rémission même observée, etc.,
DE l'épilepsie PROCURSIVE. 23
parlent en faveur de l'épilepsie procursive. Nous ajou-
terons qu'il serait téméraire de croire avec Salgues à
la guérison de sa malade ; l'observation sous ce rap-
port est absolument incomplète.
Nous ne pouvons que mentionner l'observation de
Roth; l'auteur n'a pas observé sérieusement le malade
qu'il n'a jamais interrogé et qu'il avait eu seulement
l'occasion de voir dans la rue. Sa description d'ailleurs
écourtée ne permet guère d'en tirer des conclusions
certaines.
Dans la seconde moitié de ce siècle, les phénomènes
procursifs sont de nouveau considérés par tous les
auteurs comme relevant de l'épilepsie. Voici d'abord
un cas de Trousseau'.
Observation XIV.
Il s'agit d'un architecte de Paris, qui, épileptique depuis
longtemps, ne craint pas de monter sur les échafaudages les
plus élevés des maisons en construction. Il n'ignore point
cependant que ses accès se sont déclarés souvent alors qu'il
marchait ainsi sur des planches étroites, situées à une assez
grande hauteur. Jamais il ne lui est arrivé d'accident. Au
moment de sa crise, on le voit courir précipitamment sur les
échafaudages, prononçant ou plutôt criant son nom d'une
voix haute et brève. Un quart de minute après, il reprend son
travail, se remet à parler à ses ouvriers, à leur donner ses
ordres; mais si on ne le lui disait, il n'aurait aucune idée de
l'acte singulier auquel il vient de se livrer.
Ce cas appartient incontestablement à l'épilepsie
procursive; il est généralement considéré par les au-
teurs modernes comme étant le premier exemple connu
' Trousseau. - Clinique médicale de l'Hôtel-Dielt..ie édition, 1873,
t. 11, épilepsie, p. 112.
'24 DE l'épilepsie PROCURSIVE.
de cette forme de l'épilepsie. M. Hammond relate
deux observations dans son Traité.
Observation XV. - Accès ordinaires d'épilepsie. Accès
procursifs accompagnés parfois de sauts ou de rotation et
d'un cri inarticulé particulier.
J. IL ? atteint d'épilepsie, vint me consulter dans l'été de
1869. Les accès habituels étaient parfaitement développés,
mais dans deux circonstances ils présentèrent un tout autre
caractère. Une première fois on le vit, pendant qu'il surveillait
ses ouvriers, porter la main à la tête et prendre ensuite subite-
ment sa course vers une haie, au-dessus de laquelle il sauta avec
légèreté.. Après avoir franchi cet obstacle, il se trouva dans
l'arrière-cour d'une maison voisine de la sienne, il y prit un
bâton et frappa avec violence à la porte et aux fenêtres. Tan-
dis qu'il se livrait à ce singulier exercice, il fut surpris par
plusieurs hommes, saisi et maintenu malgré les efforts déses-
pérés qu'il fit pour se dégager. Il était encore entre leurs mains
quand il revint à lui, mais il ne se souvenait de rien de ce qui
s'était passé après qu'il avait porté les mains à sa tête; ce geste
avait été provoqué, suivant lui, par une douleur violente, ac-
compagnée de vertige. La durée de cet accès n'avait pas dépassé
trois minutes.
Dans une autre circonstance, il avait été pris de douleurs et
de vertige, pendant qu'il était en train de payer une note à un
marchand de charbon. Il se précipita dans la rue et commença
à tourner rapidement sur lui-même. Il fut saisi et maintenu
jusqu'à ce qu'il reprit sa connaissance. Cette attaque dura en-
viron quatre minutes.
Outre cet accès, il en eut un autre semblable dans mon ca-
binet de consultation. Il devint subitement très pâle, son regard
fixe, et ses pupilles oscillèrent. 11 se leva soudain de sa chaise,
saisit un instant le rebord de la cheminée, et puis se mit à
courir en tous sens dans mon cabinet en agitant les bras, et
en poussant un cri inarticulé tout particulier. Je me gardai
bien de l'arrêter dans sa course précipitée, et en moins de deux
minutes il se calma. Pendant toute la durée de cet accès, sa
1 Hammond. Traité des maladies nerveuses; traduction française,
1876, p. 785.
DE L'ÉPILEPSIE PROCURSIVE. 25 z
face était pâle, et à la fin les pupilles étaient dilatées. Il ne se
rappelait rien de ce qui était survenu après qu'il s'était levé
de sa chaise, mais il se souvenait cependant avoir été pris
de vertige à ce moment-là.
Dans ce cas, le malade avait des accès ordinaires et
des accès procursifs, ceux-ci accompagnés parfois de
sauts et de mouvements rotatoires, tous phénomènes
qui se trouvent parfois associés dans ces sortes d'accès.
Le cri inarticulé sur lequel l'auteur ne s'appesantit
pas pourrait pent-être être attribué, comme chez
Grand..., malade dont nous rapportons l'histoire plus
loin, à un tremblement des lèvres. (OBS. XVII, p. 27.)
Observation XVI. - Epilepsie procursive sans accès ordinaires.
Courses inconscientes.
Dans un autre cas, il s'agissait d'une petite fille amenée à
ma clinique de l'hôpital Bellevue pendant l'été de 1869. Elle
venait de faire une chute et s'était violemment contusionné le
crâne contre un tas de vieille ferraille. A la suite de cet acci-
dent, les os de la voûte crânienne furent atteints de nécrose
et une partie de la table externe fut éliminée par exfoliation.
Les parents nous racontèrent que, pendant qu'elle était à
l'école, elle se dressait subitement sur ses pieds et faisait plu-
sieurs fois le tour de la classe. Elle n'avait pas sa connaissance
et semblait absolument insensible à tout ce qui se passait
autour d'elle. Dès que l'accès était passé, elle retournait à sa
place. La durée de l'attaque n'excédait pas une minute et il n'y
avait ni excitation ni délire.
Cette seconde observation de M. Hammond est un
cas d'épilepsie procursive pure; il aurait été intéres-
sant de suivre cette malade, d'avoir une description
plus précise des caractères de l'accès et de savoir si
ses accès se seraient par la suite modifiés.
26 DE l'épilepsie PROCURSIVE.
Dans son article sur l'épilepsie 1, M. Nothnagel, après
avoir fait remarquer que « quelquefois les convulsions
manquent entièrement et sont remplacées par des
mouvements ambulatoires et des courses », cite briève-
ment un cas d'épilepsie procursive : « J'ai eu moi-
même, dit-il, en traitement un malade chez lequel, au
lieu des paroxysmes ordinaires, on notait des accès
qui commençaient et finissaient par une course dans
la chambre dont le malade n'avait pas conscience. Je
ne puis m'empêcher d'exprimer que dans ces cas, il ne
s'agit pas d'une épilepsie idiopathique, mais d'une
forme sympathique qui reconnaît pour cause de gros-
sières lésions anatomiques du cerveau. »
Nous aurons lieu de citer plus loin, aux chapitres
III, IV, VI et VII, un certain nombre d'autres observa-
tions qui, selon nous, ne se rapportent qu'indirectement
à l'épilepsie procursive2 , telles sont, entre autres, quel-
ques-unes de celles publiées parO. Berger dans sa thèse
sur la Pathologie des états épileptoïdes, ce ! le plus récente
suivie d'autopsie, et que M. Meschede a insérée dans
les Archives de Virchow (1880). - Nous aurons éga-
lement à parler incidemment sans nous y arrêter lon-
1 Nothnagel. - Epilepsie und Eklampsie. (ilaiidbiich der spe-
ciellen Pathologie und Terapie de Ziemssai, Bd. \lI, 1877.-Kranklzoilen
der Nervensgstems, 4, 2.) Unregelmdssige Formai der An/'dlle, p. 241.
' La quatrième observation de Cheneau, que J111. Sandras et Bourgui-
gnon classent parmi les vertiges épileptiques, et qu'ils rapprochent des
observations d'itard, n'appartient pas au groupe de l'épilepsie procur-
sive ; il s'agit là d'un épileptique ordinaire. (Sandras et Bourguignon.
Traité pratique des maladies nerveuses, 2' édit., t. 1, p. 278, 18G0.
- Cheneau. Recherches sur le traitement des maladies nerveuses, 18t4,
p. 32.)
DE L'ÉPILEPSIE PROCURSIVE, 27
guement de quelques autres phénomènes impulsifs,
mouvements de manège, mouvements de rotation,
observés également sur des sujets épileptiques, actes
difficiles encore à classer et qui ne pourront l'être qu'à
la suite d'une longue série d'observations suffisamment
prolongées et appuyées sur de nombreuses autopsies.
Peut-être y aurait-il lieu d'admettre ici d'autres formes
d'épilepsie, par exemple, l'épilepsie rotatoire, etc.
Il. EPILEPSIE PROCURSIVE PROPREMENT DITE.
L'historique qui précède a pu déjà donner une idée
de ce que nous entendons par épilepsie procursive.
Nous allons maintenant donner quelques exemples
de cette maladie; les descriptions que nous placerons
sous les yeux de nos lecteurs leur permettront de se
rendre un compte plus exact de cette forme d'épilepsie.
Le premier exemple concerne un malade atteint déjà
depuis longtemps de nombreux accès épileptiques : quo-
tidiens à type procursif.
Observation XVII. Epilepsie PROCURSIVE.
Père neurasthénique, sujet à des céphalalgies. - Grand'mère
paternelle morte apoplectique {hémiplégie gauche), neuras-
thénique, migraineuse, tl'emblement cho1'éi(01'1ne de la tête vers
trente ans. - Deux oncles peu intelligents. - Aïeule mater-
nelle aliénée. - Demi-frère mort de méningite. - Sam1'
morte phtisique.
Peurs de un ci, quatre ans.- Début des accès procursifs et treize ans.
- Perversité des instincts. - Héméralopie. - Cauchemars.
- Aura. - Description des vertiges et des accès. - Rixes,
évasions et vols nOI1l{¡1'eux.- Onanisme.- Pédérastie.- Der-
nière évasion : vagabondage, tentative de vol. - Arrestation.
28 DE l'épilepsie PROCURSIVR.
- Condamnation à un an et un jour d'emprisonnement.
Démarches nombreuses faites auprès du préfet de police, du
ministre de la justice, du ministre de l'intérieur, du pré-
sident de la République, du procureur général, pour faire
sortir le malade de prison.- Insuccès complet. - Réintégra-
tion dans le service à l'expiration de sa peine. -- Traitement : .'
Hydrothérapie, aimant, nitrate de pilocarpine.
Grand... (Charles), né le 20 novembre 1860, est entré à
Bicètre le 2 mai 1881 (service de M. BOURNEVILLE).
Antécédents (Renseignements fournis par sa mère et son grand-
père paternel . (6 mai 1881.) - Père, quarante-huit ans, cor-
donnier, de petite taille, « faible de tète », se tourmente
pour les choses les plus insignifiantes, n'a pas de carac-
tère, jouit d'une bonne santé ; il aurait eu, de l'âge de
treize ou quatorze ans à quarante-six ans, des maux de
tête fréquents et violents accompagnés de bourdonnements
d'oreilles, mais sans vomissements, ni vision colorée; il n'est
ni colérique, ni alcoolique. [Père, soixante-dix-sept ans,
homme de peine ; pas d'excès de boisson, pas de migraine. -
Mère, morte à l'âge de soixante-dix-neuf ans, en douze jours,
d'une attaque d'apoplexie avec hémiplégie gauche ; elle aurait
été très nerveuse, très impressionnable : impatiences, colères,
migraines (céphalalgie violente avec vomissements glaireux) ;
tremblement de toute la tête vers trente ans augmentant par
les émotions. Deux frères : l'un est bien portant; l'autre tremble
des mains (cinquante ans)', pas d'excès de boisson; tous deux
sont médiocrement intelligents ; pas d'enfants. Pas d'aliénés,
pas d'épileptiques, pas de difformes, pas de suicides, pas de
criminels dans la famille.]
Mère, cinquante-six ans, brune, de taille moyenne, bien por-
tante, ni migraineuse, ni nerveuse, mariée une première fois
à dix-sept ans et demi, a eu cinq enfants : un a été tué à Sedan;
deux sont morts, l'un d'une méningite avec convulsions, l'autre
à la naissance : les deux autres sont bien portants; remariée à
vingt-septans. [Père, quatre-vingt-cinq ans, cordonnier, « n'aja-
mais vu un médecin»; pas d'excès de boisson. - Mère, quatre-
vingt-cinq ans, femme de ménage, bien portante 2. Deux
' C'est l'aîné, il n'est que frère de mère ; né avant le mariage.
* Elle est morte en juin 1882, de bronchite avec dyspnée.
DE l'épilepsie PROCURSIVE. 29
frères morts l'un écrasé par une voiture (aurait eu des mani-
festations strumeuses), et l'autre, peintre en bâtiments, de
cachexie saturnine avec catharre pulmonaire (il avait un
eczéma) ; tous deux ont laissé des enfants bien portants.
Sa grand mère paternelle aurait été aliénée (admise à la Sal-
pêtrière, il y a environ cinquante ans, elle aurait guéri). Pas
d'autres aliénés, etc., dans la famille.] Pas da consanguinité.
Deux enfants du second mariage : 1° Fille, morte à vingt-
deux ans de la poitrine ; 2° notre malade.
Grossesse bonne, pas de traumatisme, pas d'alcoolisme
(lors de la première grossesse du premier lit, elle avait sou-
vent envie de boire du cognac). Accouchement naturel, rapide,
à terme. Rien d'anormal à la naissance. Élevé en nourrice au
sein, Grand... a été repris à onze mois, il était alors maigre et
chétif, ne marchait ni ne parlait, on ne sait s'il avait eu des con-
vulsions, la nourrice n'ayant donné aucun renseignement, Peu
après on s'est aperçu que l'enfant avait des « peurs » : il criait
la nuit, on le trouvait avec les yeux grands ouverts ; on le pre-
nait, il cachait sa tète «dans mon estomac D. Rassuré au bout
de cinq minutes on le recouchait et il s'endormait. Les peurs
se sont reproduites jusqu'à quatre ou cinq ans presque
toutes les nuits. Il a marché et parlé à seize mois, a été pro-
pre à la même époque. Vers quatre ou cinq ans, les peurs ont t
disparu ; on l'a envoyé à l'école où il apprenait passablement;
la mémoire était assez bonne; il était doux et affectueux, mais
très turbulent; il n'était pas colérique; lesommeil était devenu
tranquille (ni secousses, ni absences, ni cris). Vers treize ans,
on s'aperçut que, tout d'un coup, en travaillant, il devenait
« rouge, rouge pourpre, les yeux étaient injectés de sang, il se
levait, courait dans la chambre » ; si la crise avait lieu dans la
rue, il courait alors « très vite » tout droit jusqu'à ce que ce
fût fini ; il s'arrêtait tout court », revenait à lui, et était
« tout honteux » .
Au début, Grand... avait une crise tous les huit jours, puis
de trois en trois jours, enfin tous les jours; ces crises se-
raient les mêmes qu'aujourd'hui ; le malade ne tombe pas; il
ne prévient pas ; il dit cependant qu'il sent venir. Pas de cri.
Quand les crises ont lieu dans la nuit, il se débat dans le lit,
semble donner des coups ; pas de stertor, pas de miction in-
volontaire ; pas de folie. L'intelligence et la mémoire n'au-
30 de l'épilepsie PROCURSIVE.
raient pas diminué. Il ne serait pas devenu irascible, aurait
conservé les sentiments affectifs. Il travaillait à la cordonnerie
chez ses parents. Pas de fièvres éruptives, pas d'accidents
strumeux. a A mon idée », dit la mère, « l'enfant aurait eu
une peur avec la nourrice, puisque mes autres enfants n'ont
jamais rien eu. »
A seize ans de complicité avec quelques-uns de ses camara-
des, il vole les bijoux de sa mère et de sa soeur et les vend.
- Déjà, du reste, peu après le début de ses accès, mis en ap-
prentissage chez un ébéniste, il en était renvoyé après cinq à
six mois, pour paresse, vol et vagabondage ; son patron l'avait
repris jusqu'à trois fois.
Etant chez son père, il se fait arrêter à diverses reprises
pour bris de carreaux, de glaces, vol de pommes de terre fri-
tes, etc. Son père l'a fait renfermer deux fois (un mois chaque
fois), à la petite Roquette. Trois fois il a fait perdre à son
père sa place de concierge.
A seize ans, il est mis à la colonie de Mettray, où il reste
quatre ans. - Repris par son père qui essaie en vain de le
faire travailler avec lui de son métier de cordonnier, il entre
ensuite à la Charité où il reste six semaines et de là est en-
voyé à Bicètre.
Etat actuel (il niai 188 1). - Tête ovale, symétrique; la
région occipitale est modérément développée ; les bosses pa-
riétales, les apophyses mastoïdes ne sont pas proéminentes;
les cheveux sont bruns, abondants.
DE l'épilepsie PROCURSIVE. 31
bouche mesure cent. 5 ; les lèvres sont minces, normales;
le menton est rond.
Le cou, assez large, a 33 centimètres. - Le thorax est sy-
métrique, normal ; les muscles pectoraux sont bien dessinés.
- L'abdomen est souple ; le foie, la rate n'offrent rien de
particulier.
Organes génitaux : la verge est très développée ; le gland
est découvert . Les testicules sont normaux. Poils noirs assez
abondants au pénil. Les ganglions inguinaux des deux côtés
sont légèrement hypcrdrophiés; manustupration'.
Les membres supérieurs sont bien conformés, velus. Sur la
face antérieure de chaque avant-bras, se voit un tatouage bleu
représentant une ancre. Cicatrices de vaccin.
Les membres inférieurs sont bien développés et velus. Sur
les orteils, cicatrices provenant d'engelures. A la partie ex-
terne du genou gauche, cicatrice un peu déprimée, lisse,
blanche, entourée d'un cercle brunâtre (un centimètre de dia-
mètre) ; une autre cicatrice plus petite, plus déprimée, au
tiers supérieur et externe de la jambe gauche ; une cicatrice
de même nature au-dessous du mollet droit, à la partie pos-
téro-interne ; le malade dit que ces diverses cicatrices pro-
viendraient <t d'un mal qui lui serait venu » il y a quelques
années (furoncles ? ). - Le réflexe tendineux est très peu dé-
veloppé.
Tube digestif, digest¡'on. - Les arcades dentaires sont ré-
gulières ; la dentition est normale (deux dents cariées) ; la
voûte palatine est profonde; la langue, le voile du palais, la
luette, les amygdales, le pharynx sont normaux. - Les fonc-
tions digestives sont normales; les selles sont volontaires. -
Respiration et circulation : Rien de particulier à noter.
P. 60 ; R. 24.
Sensibilité générale et spéciale : normales. Au dire du malade
il aurait été, il y a cinq ans, atteint d'une héméralopie pas-
sagère qui ne se produisait qu'à la tombée de la nuit, et cela
1 Examen des organes génitaux du 27 mai 1885 : Poils noirs abon-
dants remontant, en diminuant jusqu'à l'ombilic et descendant jusque
sur les cuisses ; bourses pendantes surtout à gauche ; testicules de la
grosseur d'une petite noix. - Verge bien développée (circonférence :
neuf et demi, longueur : 10). -Gland en partie découvert, découvrable.
- Méat légèrement étroit. - Poils abondants à l'anus.
32 DE l'épilepsie PROCURSIVE.
pendant trois ou quatre jours de suite; elle disparaissait
alors quelque temps pour reparaître ensuite. - Le dyna-
momètre donne à droite cinquante-sept et à gauche quarante-
cinq.
Les facultés intellectuelles paraissent assez bien conservées ;
Grand... est très peureux dès que la nuit est venue; un soir,
étant seul et ayant entendu un chat, il a voulu se jeter par la
fenêtre. Il a quelquefois des cauchemars ; dans la nuit du sept
au huit décembre, on l'a entendu appeler tout haut; «Maman ! 1
papa ! »
ÂMra. Le malade semble avoir une aura ; il dit ressentir
un engourdissement qui, partant de l'extrémité du pied droit,
occuperait la face externe et dorsale de celui-ci, gagnerait la
partie latérale du thorax, la moitié droite de la face, enfin la
tête. Pas d'hallucinations de la vue, pas de phosphènes. Gran-
did... ne ressentirait rien du côté du membre supérieur; la
durée de cette aura serait très brève. Avant l'accès, il s'é-
crierait parfois : « Oh ! la ! la la ! » Il tombe aussi sans être pré-
venu.
Description d'un vertige. - Le malade, occupé ou non,
s'arrête tout à coup, porte la main droite à la joue du même
côté qui présente quelques mouvements cloniques et qu'il
frotte à différentes reprises. Il revient il lui presque de suite ;
interrogé, il dit que ce n'est qu'un vertige et qu'il a ressenti
un engourdissement de la joue droite.
Description d'un accès. - Les accès sont 'ainsi caractérisés :
le plus souvent, après avoir présenté les phénomènes de l'aura
décrits plus haut, sans cri initial, il se met à courir tout droit
devant lui si l'espace est assez vaste ; si l'accès a lieu dans la
salle ou dans la cour, il fait deux ou trois tours rapidement ;
la face est fortement congestionnée, sans cyanose. Tout en
courant, il secoue la tète, se frotte la joue droite et quelquefois
les deux côtés de la face avec les mains ; en même temps, il
fait entendre une espèce de bourdonnement produit par le
tremblement des lèvres. Il évite généralement les obstacles qui
peuvent se trouver sur son passage (le malade prétend voir
trouble pendant l'accès), mais parfois il s'accroche avec les
mains aux objets qu'il rencontre, et, en ce cas, s'il ne les a
saisis que d'une main, il s'enroule en quelque sorte au-
tour d'eux. Il ne tombe jamais. Aussitô arrêté, ce qui a lieu
DE l'épilepsie procursive. 33
brusquement, il paraît étonné, se remet de suite et continue
ce qu'il était en train de faire.
S'il est assis, il se lève, court et revient souvent à sa place
tout en courant et sans avoir eu connaissance de ce qui vient
de se passer. Le 4 décembre 1881, Grandid... étant sorti
et se trouvant en omnibus, en sort subitement en courant
et revient. Dans la même journée, étant à table chez ses pa-
rents, il se lève, se met à courir, sort et va s'accrocher des
deux mains aux deux roues de derrière d'un fiacre en marche.
S'il est au lit, quelquefois on observe les phénomènes que
nous venons de décrire, mais parfois l'accès se trouve modifié ;
le malade ne se lève pas; on n'observe pas de période tonique,
mais seulement de grands mouvements de rotation incomplète
qui portent le corps de droite à gauche et de gauche à droite,
les deux mains appliquées devant la face et la frottant. Ces
mouvements de rotation peuvent être accompagnés de sauts
de tout le corps, ou remplacés par ceux-ci. Dans ces derniers
temps, il lui est arrivé, mais rarement, d'uriner sous lui pen-
dant les accès.
Dans un accès auquel nous avons assisté, le 6 décembre
1 R81, le malade étant couché, nous avons noté de grands mou-
vements étendus à droite ; le côté gauche était peu secoué;
Grandid..., faisait un demi-tour de droite à gauche, puis de
gauche à droite. Pendant la durée (cinquante secondes) de cet
accès, il émettait un son se rapprochant du mot « ouc », répété
fréquemment. Les pupilles, examinées aussitôt l'accès terminé,
étaient légèrement dilatées, le pouls battait 8' ; mais presque
aussitôt le pouls et les pupilles sont revenus à leur état
normal. ,
Les accès semblent dans ces derniers temps s'être quelque
peu modifiés; ainsi il arrive maintenant plus fréquemment
que Grandid... se lève de son lit dans ses accès; aussi doit-on
l'y maintenir attaché. - Les accès sont principalement noc-
turnes.
13 juillet. - Le malade a été renvoyé de la cordonnerie;
le chef d'atelier prétend qu'il gaspille la marchandise par mé-
chanceté; qu'il vole divers petits objets, est insolent, pares-
seux, passe son temps à faire des niches aux autres malades ;
qu'enfin il a fait manger à Ar..., malade vorace, des boulettes
de viande mêlées à des matières fécales.
27 août. - Hier Grandid... a dérobé une chaîne d'acier au
BOURNEVILLE, 1887. 3
34 DE L'ÉPILEPSIE PROCURSIVE.
malade Mart ? et, comme celui-ci la réclamait, il lui a donné
une « pile ». - Hydrothérapie à partir d'aujourd'hui. -
12 octobre. - Rixe avec un autre malade.
20. - Traitement par l'aimant en fer à cheval (une heure
chaque matin).
1er novembre. - Suppression des douches. L'aimant en fer
à cheval, appliqué d'abord sur le vertex, est maintenant ap-
pliqué sur la nuque (en contact).
4. - Grandid... prétend que depuis près d'un mois il avait
des vertiges presque continuels, mais que depuis une semaine
ils sont devenus assez rares.
15 décembre. - Suppression du traitement par l'aimant l.
31. - Le malade est renvoyé de l'atelier pour vol, faux et
attentats à la pudeur.
1882. 30 janvier. - Angine simple.
ler février. - Injection hypodermique de 0 gr. 005 de ni-
trate de pilocarpine.
7. - Injection de 0 gr. 01 de nitrate de pilocarpine.
23. - Injection de 0 gr. 015.
3 mars. - Cessation des injections sous-cutanées. Julep,
avec 0 gr.25 de nitrate de pilocarpine. - il' avril. - Hydro-
thérapie. Julep avec 0 gr. 03. - 15 mai. - Julep avec
0 gr. 04. - 1" Juin. - Julep avec 0 gr. 02. - 12. - Julep
avec 0 gr. 03.
13 juin. - Dimanche, G... est sorti avec son grand-père
paternel, administré de Bicêtre, et sous prétexte d'aller chez le
marchand de tabac, il s'est sauvé; il est rentré seul le soir à Bi-
cêtre, vers 9 heures. - Hier (12 juin) il s'est sauvé de l'hospice
en escaladant les murs de la buanderie et du marais. Une fois
dans les champs il aurait vendu la veste de la maison. Evadé à
midi il n'est allé à la maison de son père que vers minuit; il
s'y est blotti derrière une porte, mais son père prévenu par
un locataire l'a fait rentrer chez lui. - Ramené ce matin,
on l'envoie à la Sûreté.
20. - Julep avec 0 gr. 0'a centigr. de nitrate de pilocarpine.
4 Cette première partie de l'observation a déjà paru sous le titre d'É-
pilepsie procursive dans la thèse de l'un de nous. P. Bricon. - Du trahi-
tement de l'épilepsie. {Hydrothérapie, arsenicaux, magnétisme minéral,
de sels pilocarpine.) Paris 1882, p. 225.
DE l'épilepsie PROCURSIVE. 35
4 juillet. - Nouvelle rixe avec un malade à la suite de la-
quelle il injurie le sous-surveillant.
6. - Il sort de la Sûreté pour rentrer dans le service.
15 août. - Julep avec 0 gr. 06 centigr. de nitrate de pilo-
carpine. Bien que le tableau des vertiges ne mentionne pas
de vertiges, il en aurait eu souvent de fugaces.
i" décembre. - Suppression du traitement parla pilocarpine
et l'hydrothérapie.
1883. 6 février (mardi-gras). - Dans l'intention de s'éva-
vader il avait revêtu ses habits de sortie en les déguisant par
ceux de l'hospice, mais le pantalon de ville étant plus long
que celui de l'asile l'a trahi. Envoyé à la Sûreté, il a été trouvé
porteur de quatorze francs provenant non de son travail,
mais probablement soit de vols (on signale depuis quelque
temps ladisparition de porte-monnaies dans le service), soit de
vente de tabac aux enfants.
On apprend en outre que récemment, lors d'uue sortie avec
son grand-père, il l'a abandonné pour aller au cirque, puis
avec une femme, du moins à ce qu'il dit; il est envoyé à la
Sûreté. - Il est remonté dans le service le 13 février.
7 mars. - Un vol d'argent et de friandises, accompli de
complicité avec deux de ses camarades, nécessite son renvoi à
la Sûreté.
25 - Tous les mois son grand-père le conduit chez son
père, ou parfois chez d'autres parents. Il est rare que dans
ces sorties il ne fasse pas quelque mauvais tour; c'est ainsi que
dernièrement il aurait volé un lapin.
9 avril. - Traitement hydrothérapique.
27 avril. - Description d'un accès. Le malade était assis sur
une chaise dans notre cabinet; il se lève tout d'un coup, se
précipite en courant par la porte jusqu'à l'extrémité de la
cour qui mesure environ 66 mètres; arrivé contre le mur, il
frappe vigoureusement des mains, se retourne brusquement
et reprend sa course en sens inverse; puis, après avoir sauté
par-dessus un banc, vient se buter contre la cloison de la ga-
lerie de l'école; il se couche alors sur un banc. La physiono-
mie est hébétée, la face pâle, les pupilles contractées. Durant
la course, il se frictionnait l'épaule droite avec la main droite.
On le fait rentrer dans le cabinet; pendant quelques instants,
la face est pâle et la physionomie hébétée.
36 DE l'épilepsie procursive.
Il parait ne pas s'être rendu compte de l'accès qu'il vient
d'avoir. La nuit dernière il aurait eu un accès, dans lequel il
serait tombé du lit, d'où une contusion assez forte du coude.
28. A la Sûreté, Grandid... a eu plusieurs accès dans le
préau. Au dire des gardiens, il pousse d'abord une sorte de
grognement sourd, puis court dans le préau qu'il parcourt plu-
sieurs fois en sautant par-dessus les couronnes qui y sont
étendues'; il bute enfin contre la grille qu'il saisit et s'affaisse.
Durée totale : 2 minutes environ. '
- Au chauffoir, les accès présentent les caractères suivants :
début par une sorte de bourdonnement; il se frappe les coudes
et la tête sur la table; on dirait, qu'il bat la caisse avec son coude,
puis, après 2 minutes environ, il se lève, se précipite dans le
jardin, bousculant parfois les personnes qui se trouvent sur
son passage, mais le plus souvent évitant les obstacles; après
2 ou 3 tours du jardin, il s'arrête. Ni bave, ni écume, ni incon-
tinence d'urine.
Autre variété d'accès. Mêmes mouvements des bras et de la
tête; il se laisse alors tomber de son banc, se roule sans cri,
pendant une minute environ, se relève et se sauve. - Si on le
maintient, on constate une rigidité générale, l'absence de
secousses cloniques, puis la résolution accompagnée de sou-
pirs, sans bave, ni stertor ou évacuation involontaire.il ne lui
reste à la suite de l'accès qu'un peu de fatigue.
1°° mai. - Le malade se trouvant à l'infirmerie des enfants
fait entendre subitement uue sorte de grognement sourd, sa
casquette tombe à terre ; il se précipite vers le bout de la salle,
frappe des deux mains contre le mur, se retourne brusquement,
reprend sa course vers l'autre extrémité de la salle, frappe la
cloison, se retourne de nouveau, revient en courant au mur
d'entrée en évitant les obstacles (colonnes, chaises, etc.), refait
encore trois fois toute la longueur de la salle, puis s'arrête tout
stupéfait, hébété, la face pâle, les pupilles à peu près normales;
un peu d'anhélation, très léger stertor, sueurs autour des
lèvres; il ne revient complètement à lui qu'au bout de deux
minutes.
5. - Description d'accès. En descendant de l'infirmerie,
1 Les malades de la Sûreté s'occupent surtout : 1 fabriquer des cou-
ronnes pour les distributions de prix.
DE ¡ : ÉPILEPSIE PROCURSIVE. 37
Grandid.... est pris dans la cour des enfants d'un accès dont
on ne voit pas le début ; il se met à courir dans la cour en
poussant le grognement qui lui est habituel; arrivé à l'extré-
mité, il saisit les barreaux de la grille, se retourne brusquement
et reprend sa course. La figure est rouge, vultueuse; le malade
bave un peu; de la main droite il se frictionne la joue et l'é-
paule droites ; arrivé àl'autre bout de la cour, il saisit la barre
de la rampe de l'escalier, se retourne dans l'escalier qu'il monte
rapidement, se met à courir dans la rampe qui est située au
dehors de la cour des enfants, fait environ 15 mètres, puis il
semble éprouver quelque difficulté à se tenir sur les jambes,
trébuche à plusieurs reprises sans tomber, accroche enfin un
barreau et s'arrête. La face est pâle, les pupilles contractées ;
il reste debout, ne répond pas aux questions, prend des mains :
des enfants sa casquette tombée pendant la course. Une
demi-minute après environ il s'assied sur le rebord en
pierre et à la demande de ce qu'il a eu, il répond qu'il n'en sait
rien.
2 juillet. - Dans un accès, Grandid ... fait deux fois en cou-
rant le chemin du cabinet au fond de la cour (66 mètres).
Avant l'accès, le pouls était à 72, la respiration à 2 ? après l'ac-
cès, on compte 100 pulsations et 24 inspirations. Les pupilles
égales et petites n'ont subi aucune modification.
12. - 11 sort de la Sûreté pour rentrer dans le service.
6 août. - A 8 heures du soir, alors qu'il était auprès de son
lit, se préparant à se coucher, Grand.... est pris d'un accès : il
se dirige en courant vers la porte vitrée, éloignée d'une dizaine
de mètres de son lit, dont il enfonce le carreau inférieur avec
le bras droit; il se fait une plaie transversale de 4 centimètres
à la face antérieure de l'avant-bras. Il tournait à ce moment le
dos à la salle. Le veilleur qui l'a saisi en arrière ne sait dire si
Grand.... semblait se disposer à revenir, en courant, sur ses
pas, selon son habitude lorsqu'il rencontre un obstacle. L'accès
aurait été de suite arrêté.
15 octobre. - Vol de porte-monnaie. - On l'envoie à la
Sûreté. - Cessation du traitement hydrothérapique.
9 novembre. - Anthrax de la face postérieure de l'avant-
bras.
1884. 3 janvier. - On apprend qu'au début de son séjour à
la Sûreté il couchait dans le dortoir du préau, et qu'il en pro-
38 DE l'épilepsie PROCURSIVE.
fitait pour se livrer à des actes de sodomie avec un autre ma-
lade. - On le fait rentrer dans la section.
8. - Évasion. Grand.... s'est sauvé par la grille de la cour
des épileptiques située près de l'église, puis par la cour du
puits; enfin il a grimpé sur le toit de l'atelier du tapissier et
sauté sur le chemin des médecins qui longe l'hospice intérieu-
rement.
9 janvier. - Le malade, rentré hier, raconte qu'après son
évasion il s'est rendu à Paris, a couché dans un hôtel et que
le lendemain soir, ayant dépensé les trois francs qu'il possé-
dait, il est allé chez son père qui l'a ramené à l'hospice. - Il
est envoyé à la Sûreté d'où il sort le t2 janvier.
15 janvier. - Il est renvoyé à la Sûreté pour de nouveaux
méfaits.
1er avril. Traitement hydrolhérapique.
7 avril.-Vol d'un caleçon qu'il essaie de vendre à un malade
de la Sûreté. - Le surveillant ayant confisqué le caleçon, il
s'ensuit une scène violente pendant laquelle Grand... profère
les injures les plus grossières et essaie d'ameuter les autres
malades.
2 mai. - Il est envoyé de la Sûreté dans le service.
19 juin. - Evasion avec un de ses camarades.
22.- Ramené à l'hospice par son frère ', il dit que son cama-
rade et lui se sont sauvés en franchissant le mur du Marais
(jardin maraîcher de l'hospice). Ils se sont rendus aux Bati-
gnolles, s'arrêtant en route chez un marchand de vin et sur
les boulevards extérieurs avec deux filles publiques avec les-
quelles ils ont eu des rapports. Grand.... aurait ensuite aban-
donné son compagnon devant le cirque Fernando, à cause de
sa mauvaise tenue, dit-il, qui attirait l'attention des passants.
Il se trouvait en possession de quinze francs, provenant,
selon toute probabilité, d'un vol commis le même jour par une
singulière coïncidence à l'égard d'un autre malade. 11 aurait
couché seul à son hôtel habituel. Le 20 au matin il a rencon-
tré un ancien malade de l'hospice avec lequel il a passé la
journée, puis la nuit, et la journée du lendemain. Le soir de
ce second jour, l'hôtelier ayant refusé de recevoir Grand....,
celui-ci est allé coucher dans un terrain vague de l'avenue de
' Frère d'un premier lit, Agé de 35 ans, qui l'a fait arrêter,
DE L'ÉPILEPSIE PROCURSIVE. 39
Clichy où les sergents de ville l'ont arrêté, puis conduit au
poste où dans un accès il s'est contusionné les deux coudes.-
On l'envoie à la Sûreté.
1 1 octobre. - Il rentre de la Sûreté dans le service.
28 décembre. - Sa conduite nécessite de nouveau son envoi
à la Sûreté.
1885. 16 mars. - On le fait sortir delà Sûreté pour rentrer
dans le service.
4 mai. - Evasion par l'atelier de cordonnerie. - Le i mai, le
malade est défalqué ; le 23, Grand... estréintégré à Bicètre. Il
prétend que s'il s'est évadé de nouveau, il faut en accuser ses
parents qui ne viennent pas le voir : « Ça m'a monté la tête
et je me suis sauvé. » Il se serait sauvé de la cordonnerie en
sautant sur le toit de l'atelier des ébénistes, dépendant de la
tapisserie, puis de là sur le chemin des médecins. Il possédait
seize francs provenant d'économies ( ? ? ). Il s'est présenté chez
Godillot pour avoir de l'ouvrage; il a couché deuxjours dans le
même hôtel, puis le troisième il a envoyé un camarade s'infor-
mer si sa mère demeurait toujours au même endroit : une
voisine l'a fait monter et a prévenu son père; il a été envoyé à
l'infirmerie du dépôt, puis de là à Sainte-Anne où il est resté
dix-neuf jours. - Il est envoyé à la Sûreté.
27 juillet. - Embarras gastrique.
19 octobre. - Evasion. Le malade s'est évadé cette nuit de
la Sûreté avec un de ses camarades; on ne s'en est aperçu que
ce matin en trouvant dans le lit des mannequins formés de
traversins, d'oreillers, de sabots et de bonnets de coton (un
des coins de leur dortoir servait de dépôt de literie ! ). - On
pense que l'évasion a eu lieu de la façon suivante : lorsque
l'infirmier chargé de la fermeture des barreaux extérieurs est
allé pour faire sa besogne, ils se seraient glissés derrière lui,
puis cachés derrière le bâtiment des bains qui fait saillie dans
le préau; l'infirmier revenu à l'intérieur, ayant trouvé comme
d'habitude le paquet d'habits déposé en dehors des cellules et
correspondant à chaque lit, a fermé la porte du dortoir sans y
entrer.- Quanta Grand... et à son compagnon, aussitôt qu'ils
ont vu que tout était tranquille, ils auraient grimpé sur le mur
qui sépare le préau des bains de celui de la Sûreté au moyen
d'une ratissoir de jardin auquel étaient attachés des bandes et
des torchons (Grand... avait conservé lesbandcsdont on enve-
40 DE l'épilepsie PROCURSLVE.
loppait une de ses jambes contusionnée). - Une fois montés
sur le premier mur, ils ont escaladé le mur extérieur de la
même façon. - Dans la cour extérieure qui entoure la Sûreté,
ils ont profité d'une échelle laissée là imprudemment par l'en-
trepreneur de maçonnerie et ont pénétré dans la cour du
gymnase auprès de l'office du réfectoire de la grande école.
Ils ont enfin sauté par-dessus le mur de la section des enfants
entre le gymnase et le réfectoire de la petite école, en s'aidant
d'un instrument aratoire'.
Huit mois après cette évasion, le 17 juin 1886, une lettre
de Grandid... à son grand-père, administré de l'hospice de
Bicètre, nous apprenait que notre malade se trouvait à la
Maison centrale de Gaillon.
Aussitôt nous avons écrit au directeur de cette prison qui
nous a appris, par une lettre en date du 30 juin 188G, que
notre malade avait été condamné le 27 octobre 1885 à un an
et. un jour d'emprisonnement par le tribunal de la Seine,
pour vagabondage et tentative de vol; que, d'abord écroué à
la Maison centrale de Poissy, il en avait été extrait le 12 jan-
vier 1886, et transféré à l'infirmerie de Gaillon après avoir
été reconnu atteint d'épilepsie. -
Une lettre de .AI. le Dr Boularan, médecin du quartier
spécial d'aliénés de la Maison centrale de Gaillon, nous
apprenait en môme temps que du 12 janvier au 25 août
Grandid... avait eu 711 accès dont 6 45 de nuit et 96 de jour;
le maximum dans une nuit aurait été de 33. Les accès
duraient ordinairement de 3 : ) secondes à une minute, rare-
ment de 5 à 12 minutes ( ? ).
Le 24 août 1886 l'un de nous adressait à M. Gragnon, préfet
de police, la lettre suivante, relatant ce qui avait déjà été tenté
pour enlever le malade à la prison et réparer une erreur
judiciaire regrettable.
' 11 est certain que si l'infirmier avait mieux fait son service, il serait
entré dans le dortoir pour s'assurer que tous les malades étaient réelle-
ment couchés, qu'il aurait dû s'assurer de visu des accès qu'il dit avoir
entendus. Cet infirmier a été congédié immédiatement. Nous avons,
du reste, depuis longtemps signalé le recrutement défectueux du per-
sonnel des infirmiers, que l'on prend souvent sans renseignements suffi-
sants et que l'on garde même parfois si leur casier judiciaire n'est pas
trop chargé.
DE l'épilepsie PROCURSIVE. 41
Monsieur LE Préfet,
A la lin de juin, j'apprenais qu'un de mes malades, le nommé
Grand..., évadé de mon service le 19 octobre -183 : i, avait été arrêté
quelques jours après et condamné à un an et un jour de prison
pour vagabondage et tenlative de vol (7 octobre). Au commen-
cement de juillet, j'ai eu l'honneur de porter à votre connaissance
cette condamnation prononcée contre un malade, au sujet duquel
je vous ai adressé conformément à la loi et aux règlements un
certificat indiquant la nécessité de sa réintégration dans la sec-
tion, le signalant comme dangereux, kleptomane, pédéraste, etc.
L'annonce de ce fait si irrégulier vous frappa vivement; vous
m'avez promis de faire rechercher sur qui devait en tomber la
responsabilité. Vous n'avez pas perdu l'affaire de vue et quelques
jours plus tard, j'ai reçu la visite d'un de vos employés qui m'a
montré : 1° que Grand... avait été arrêté et condamné sous le nom
d'Auch... Louis (c'est le nom de l'un des malades de la section,
ami et complice de Gr...) ; - 2° que deux ou trois jours après sa
condamnation, Grand... avait décliné ses noms, prénoms,etc.; -
3° que malgré ces renseignements et bien qu'ii ait avoué s'être
évadé de Bicêtre, il n'en a pas moins été dirigé sur la prison de
Poissy d'abord, sur celle de Gaillon ensuite à cause de sa maladie;
que la condamnation n'en a pas moins été maintenue et que fort
probablement le casier judiciaire d'Auch... porte une cou-
damnation.
J'ai chargé votre employé, qui ne paraissait pas se rendre un
compte exact de la gravité des faits, de vous prier, conformément
d'ailleurs à la promesse que vous m'en aviez faite, de faire prendre
d'urgence toutes les mesures nécessaires pour réparer les erreurs
commises et faire réintégrer Grand... dans le service. Plus de
six semaines se sont écoulées et rien ne parait avoir été fait. C'est
pourquoi, Monsieur le Préfet, je viens insister de nouveau aujour-
d'hui pour hâter une solution favorable.
Veuillez agréer, etc.
M. Gragnon répondit qu'à la date du 13 juillet il avait
signalé au ministre de la justice la grave erreur qui avait été
commise. C'est alors (fin août) que l'un de nous envoya à
M. Demôle, ministre de la justice, la copie de la lettre ci-
dessus, en insistant sur la nécessité d'annuler le jugement,
et de faire réintégrer le malade à Bicètre.
Le 4 octobre suivant, c'est-à-dire plus d'un mois après la
première lettre à M. Demôle, et huit jours après une nouvelle
lettre au même ministre, en l'absence de toute réponse, l'un
de nous adressa à M. Grévy la requète suivante :
42 DE l'épilepsie PROCURSIVE.
Monsieur le Président, - .
Je viens signaler à votre haute justice un fait, à mon avis, très
grave et qui, comme vous le verrez, mérite d'attirer très sérieuse-
ment votre attention.
Un malade aliéné, Grand ? fCharles), appartenant à mon service
de Bicêtre, s'est évadé de la Sûreté où je l'avais envoyé par
punition le 19 octobre ils85. Aussitôt, j'ai fait un certificalcousta-
tant que Gr... était atteint d'épilepsie procursive, avec perversion
des instincts, kleptomanie, etc.; mentionné ses évasions multi-
ples, et signalé la nécessité de sa réintégration.
Ce certificat a été envoyé immédiatement à la préfecture de
police. Le 23 octobre, Grand... était arrêté pour vagabondage et
tentative de vol, et, de ce fait, condamné le 27 du même mois à
un an et un jour de prison sous le nom d'un malade de Bicêtre
Auch... (Louis). Quelques jours après, il faisait connaître son nom
véritable et avouait s'être évadé de Bicêtre; malgré cela, il fut
envoyé à la prison centrale de Poissy, d'où en janvier 1886, à
cause de ses fréquents accès d'épilepsie, il fut dirigé sur la prison
de Gaillon et mis dans le quartier des criminels aliénés.
A différentes reprises, je m'étais informé si Grandid... avait été
retrouvé, et s'il ne se trouvait pas au Bureau d'admission de l'Asile
Saint-Anne où passent tous les aliénés de la Seine. Toujours la
réponse fut négative. Le 20 juin dernier, le grand-père de Gran-
did..., vieillard hospitalisé à Bicêtre, me communiquait une lettre
de son petit-fils apprenant qu'il était à la prison de Gaillon.
Quelques jours après, j'eus l'occasion de voir) ! , le Préfet de po-
lice et de lui exposer le fait : il le trouva très regrettable et me
promit de prendre les mesures nécessaires pour que le malade Gr...
fut extrait de la prison de Gaillon et réintégré à Bicêtre.
N'entendant parler de rien, le 28 août j'écrivis une lettre à
M. le Préfet de police, qui me répondit le lendemain qu'il avait
signalé l'affaire, le 43 juillet, à M. le Ministre de la justice et qu'il
attendait sa réponse.
Je résolus d'écrire fin août à M. le Ministre de la justice, espé-
rant hâter la solution et faire cesser promptement la détention
du malade. Un mois s'étant écoulé sans réponse, mois de vacances
il est vrai, par une lettre en date du 29 septembre, je rappelai
à M. le Ministre de la justice ma précédente lettre ; voilà bientôt
huit jours de cela et ma seconde lettre n'a pas été plus heureuse
que la première. C'est pourquoi, Monsieur le Président, je me suis
à faire appel à votre puissante intervention et à votre esprit de
justice.
J'ai la conviction que, vous aussi, vous considérez comme très
regrettable la condamnation d'un malade aliéné, et comme plus
DE L'ÉPILEPSIE PROCURSIVE. 43
regrettable encore son maintien en prison à partir du jour où
l'erreur a été reconnue.
Veuillez agréer, etc.
Le 9 octobre 1886, le directeur des affaires criminelles au
ministère de la justice répondit qu'il avait, à la date du
8 septembre, prié le Ministre de l'intérieur de prendre les
mesures nécessaires pour assurer, en ce qui le concernait, le
règlement de l'affaire Grandid... et que, à la même date, il
avait invité le procureur général à faire rectifier, s'il y avait
lieu, la condamnation prononcée contre Grandid...
Les 12 et 13 octobre, l'un de nous écrivait à M. Sarrien,
ministre de l'intérieur, et à M. le procureur général en leur
rappelant les faits que nous avons relatés plus haut. - Le
16 octobre, M. Sarrien déclarait qu'il n'avait aucune connais-
sance de cette affaire et promettait s'en occuper d'urgence.
18 octobre. - Nouvelle lettre au Préfet de police dont nous
extrayons le passage suivant :
« Je vous serais bien obligé, écrivait l'un de nous, si vous pouviez
rappeler cette affaire à M. le Ministre de l'intérieur et examiner
ce que vous avez à faire à la sortie prochaine de ce malade qui, en
dépit de votre bonne volonté pour réparer une erreur, et en dépit
de mon intervention auprès du Ministre de la justice, du Ministre
de l'intérieur, du Président de la République et du procureur
général, n'aura pas moins subi une année d'emprisonnement. »
Le 30 octobre, deux jours après l'expiration de la peine à
laquelle avait été condamné Grandid..., M. le Ministre de l'inté-
rieur nous avisa que des instructions avaient été données pour
que le malade fut transféré à l'infirmerie du dépôt ( ? ), afin d'y être
l'objet d'un examen médical ( ! ) et ensuite dirigé sur un asile.
3 novembre. - Grandid... est enfin réintégré à l'hospice de
Bicêtre, sixjours après l'expiration de sa peine.
9 décembre. - Il est envoyé pour 8 jours en cellule pour
avoir voulu aider un hystéro-épileptique, Cah..., à s'évader.
1887. Presque tous les accès de Grandid... sont actuellement
nocturnes; il a, en outre, quelques accès ordinaires exclusive-
ment nocturnes etse mord fréquemment la langue. - Deux ou
trois fois par jour il a des étourdissements dans lesquels il voit
trouble, distingue les objets qui se trouvent devant lui, mais
sans les reconnaître. Les accès diurnes débutent par une course
de 2 à 3 mètres, puis il se roule à terre pendant 3 à 4 mi-
nutes environ, se relève seul en revenant complètement à lui. i.
de l'épilepsie PROCURSIVE. I
1882. Juin. - Poids : 47 kil. j 100. Taille : jm,49. '
1883. Janvier. - Poids : 47 kil. ;;00. Taille : 1m,49.
- Juin. - Poids : 48 kil. 300. Taille : lm, : i0.
. 1884. Mars. - Poids : 49 kil. 200. Taille : 4,30.
158. Janvier. - Poids : 49 kil. 500. Taille : l ? 30.
1886. Novembre. - Poids : 50 kil. Taille : lm, : i0.
Réflexions. - Chez Grand..., le premier accès pro-
cursif s'est produit à treize ans sans prodromes pro-
chains, ni cause déterminante connue. Ces accès,
devenus rapidement quotidiens, consistaient en une
course suivant la ligne droite, accompagnée d'une forte
injection de la face, en général, sans aura, ni cri, ni
chute, ni période tonique. La période clonique semblait
remplacée par la course; le retour à la connaissance,
sans coma, ni bave, ni urination involontaire, se fai-
sait promptement.
Ces accès, répétés plusieurs fois par jour, ne pro-
duisirent aucune diminution de la mémoire, mais la
perversion des instincts, dont Grand... a donné déjà
tant de preuves, pourrait bien leur être attribuée; il y
a là tout au moins une coïncidence. - Nous attire-
rons encore l'attention sur l'héméralopie et la diminu-
tion du réflexe rotulien. 11 Bicêtre, nous avons cons-
taté chez Grand... des accidents épileptiques divers :
1° Des vertiges non procursifs pendant lesquels le
malade porte la main droite à la joue correspondante
qu'il frotte à diverses reprises et qui est agitée de
quelques mouvements cloniques;
2° Des accès se présentant sous deux formes. a) Les
accès de la première forme sont ou non précédés d'aura;
ni cri; - ni chute; - congestion de la face, mais
sans cyanose; - course accompagnée de tremblement
bilatéral de la tète et d'un bourdonnement résultant
46 DE L'ÉPILEPSIE PROCURSIVE.
du tremblement labial; - frottement de l'une ou
des deux joues; - retour subit à la connaissance.
La course se produit en ligne droite ou parfois cir-
culaire (à grands arcs de cercle), avec tendance à
l'enroulement autour de l'axe vertical d'un obstacle
rencontré. Le malade semble ne pas avoir connais-
sance de l'accès.
b) Si le malade est couché, il lui arrive le plus souvent
de ne pas se lever. - La période tonique manque
comme ci-dessus, mais la course - qui semble cor-
respondre chez lui à la période clonique - est rem-
placée par de grands mouvements de rotation incom-
plète de droite à gauche et de gauche à droite; le côté
droit est plus agité. Ces mouvements sont accompagnés
du même bourdonnement labial, du même frottement
des joues. Les pupilles qui sont dilatées et le pouls
qui est accéléré à la fin de l'accès, reviennent presque
aussitôt à leur état normal.
Cette variété d'accès, paraît-il, se rapproche de
l'accès ordinaire : cette ressemblance est encore rendue
plus probable par ce fait que, parfois, quoique rare-
ment, Grand... urinerait sous lui pendant les accès de
ce genre, s'affaisserait après la course ; par le fait aussi
que la course peut être précédée ou suivie d'une sorte
de tapotement des mains, des coudes ou des pieds et
sur le caractère duquel nous aurons à revenir.
Plus tard, on note chez le malade des accès ainsi
constitués : tapotement des bras et de la tête, chute
du banc sur lequel il se trouve assis; - roulement à
terre, course, résolution, sans bave, ni stertor ou
évacuation. Le maintien du malade produit une rigi-
dité générale sans secousses cloniques.
DE l'épilepsie PROCURSIVE. 47
Dans les derniers temps, on remarque que certains
accès purement procursifs sont suivis d'une hébétude
plus prononcée, d'un très léger stertor, de sueurs
labiales et que quelques-uns s'accompagnent de bave.
Il semble donc, nous le répétons, que les accès pro-
cursifs de Grand... aient une tendance à se trans-
former progressivement en accès ordinaires.
Actuellement Grand... n'aurait plus que des accès
procursifs presque exclusivement nocturnes, mais, de
plus, dans ces derniers mois, on a noté l'apparition
d'accès ordinaires (cri, périodes tonique et clonique,
bave, morsure de la langue, etc.); ceux-ci, encore peu
nombreux, sont exclusivement nocturnes.
Il est une autre partie de l'histoire du malade qui
a certainement assez attiré l'attention du lecteur pour
qu'il soit superflu d'y insister : nous voulons parler
de son arrestation, de sa condamnation et de son
maintien en prison. Ce fait montre une fois de plus
combien il est difficile de faire réparer une erreur
administrative et judiciaire.
Observation XVIII. - EPILEPSIE PROCURSIVE;
EPILEPSIE partielle.
Père, peintre en bâtiment. - Grand-père paternel, excès de
boisson; - grand'mère paternelle, paralytique. - Grand-
père maternel, mort apoplectique. - Arrière-grand'mère
paternelle, morte apoplectique; arrière-grand-père maternel,
mort aliéné. - Frère, convulsions; - frère, convulsions et
affaiblissement paralytique du côté droit.
Premières convulsions à dix mois. - Convulsions à chaque
poussée dentaire jusqu'à quatre ans. - Peur à onze ans ;
premiers accès huit jours plus tard; convulsions limitées à
48 de l'épilepsie procursive.
gauche. - Excès de boisson. - Deux tentatives de suicide.
- Début des vertiges en S 83. - Description des accès.
Val... (Arthur), né le o janvier 181¡r, est entré le 16 décembre
1884 à l'hospice de Bicêtre (service de M. BOURNEVILLE).
Renseignements fournis par sa mère (16 novembre 1885).
Père, quarante-neuf ans et demi, enfant naturel, peintre en
bâtiments, n'a fait aucune maladie depuis son mariage, à l'âge
de vingt-cinq ans; - pas de coliques, ni de paralysie satur-
nine ; -il est sobre, bien portant, mais un peu emporté. -
[Père, mécanicien, a disparu depuis la guerre de 1870-71 ; il
était un peu « ours » et faisait quelques excès de boisson (vin).
- Mère, maîtresse d'hôtel meublé, morte paralysée à l'âge de
quarante-neuf ans; elle était obèse. Pas d'aliénés, pas d'épi-
leptiques, ni d'autres paralytiques, etc., dans la famille.]
Mère, quarante-quatre ans, châtaine, bien portante, d'abord
fleuriste, puis raccommodeuse de peaux de lapins pour fourrures;
elle n'est pas migraineuse, mais a parfois des maux de tète;
sans être sujette d'ordinaire aux syncopes, elle en a toutefois
éprouvé durant les premiers mois de ses grossesses, mais sans
perte absolue de connaissance. [Père, homme de peine au che-
min defer, sobre, mortà soixante-neuf ans d'une attaque d'apo-
plexie en quarante-huit heures. - Mère, soixante-cinq ans,
sobre, bien portante. - Grand-père paternel, pas de détails.
Grand'mère paternelle, sobre, morte à soixante-quinze ans
d'une attaque d'apoplexie terminale précédée de deux ou trois
autres ; la première avait été suivie d'une hémiplégie droite.
- Grand-père maternel, employé droguiste, sobre ; devenu
aliéné, il s'est jeté par la fenêtre d'un troisième étage et s'est
tué; il avait quarante-cinq ans. - Grand'mère maternelle,
morte d'une fluxion de poitrine, à l'âge de quatre-vingt-cinq
ans. - Trois frères : deux sont morts, l'un d'une fluxion de
poitrine ( ? ) à l'âge de six mois, l'autre « d'un foie volumi-
neux ( ? ) » à douze ans; le troisième, bien portant, a eu, de
femmes différentes, quatre enfants bien portants qui ont
une bonne santé. - Trois soeul's : deux sont mortes, l'une à
quatre mois, on ne sait de quoi, l'autre, à neuf ans d'une
fièvre typhoïde ; la dernière est en bonne santé. Pas d'autres
aliénés, suicidés, etc., dansla famille.] - Pas de consanguinité.
DE l'épilepsie PROCURSIVE. : 49
Douze enfants et trois fausses couches. ' - ' .
1° Garçon, mort à trois mois, en nourrice; « des hernies( ? )»-
il avait les bourses grosses comme le poing ; 2° fille.,
vingt-quatre ans, bien portante, a eu une fille morte de coque-
luche ; - 3° notre malade;. 4° garçon, vingt-un ans è't
demi, intelligent, peintre en bâtiments, a eu, àun an, la cholé-
rine durant le cours de laquelle éclatèrent des convulsions
pendant quinze minutes qui laissèrent à leur suite une dé-
formation des pieds; à sept ans, nouvelles convulsions durant une
journée qui auraient corrigé la malformation des pieds ( ? ).
5° fausse couche à quatre mois, attribuée à un effort; - 6° fille
intelligente, morte à dix-huit mois d'un a chaud et froid ( ? ) »
7° garçon, intelligent, mort à trois ans du croup ; 8° fille, morte
à vingt-six jours, du croup ( ? ); - 9° fausse couche de deux
mois ; -10° garçon, onze ans, intelligent, a eu à dix' mois des
convulsions avec hémiplégie droite consécutive; ce côté est resté
plus faible, et la jambe droite est plus courte que la gauche ;
iln'a parlé qu'à sept ans; 11° garçon intelligent, mort à
trois ans de la coqueluche ; - 120 fille morte à dix mois, on
ne sait de quoi; - 13e fausse couche de deux mois; z- 140 e.t
15° grossesse double : au deuxième mois elle aurait rendu
un germe dont le sexe n'aurait pas été déterminé ; puis sept
mois après, fille, née à terme, forte ; celle-ci a quatre ans,
est bien portante. ' '
Notre malade. - Conception et grossesse, rien de particu-
lier. - Accouchement à terme, naturel, après cinq jours de
douleurs (sans que la tête soit restée engagée longtemps),
sans chloroforme. A la naissance, circulaire autour du cou,
sans cyanose ; cri immédiat. - Elevé au sein par sa mère,
il a été sevré à treize mois (alors que sa mère était enceinte de
quatre mois et demi) : « Il a tété sur l'autre. » - Première
dent à quatre mois, il en avait trois à huit mois. - Jusqu'à
dix mois il était comme les autres enfants ; c'est alors qu'il eut
ses premières convulsions internes, dit-on, lors de l'éruption
d'une molaire ; ces convulsions se répétèrent jusqu'à quatre
ans à chaque nouvelle éruption de molaire, mais alors on
^constata du tétanisme des membres, sans secousses.. ..
Vall... a marché à dix-huit mois, tandis que ses autres
frères et soeurs ont marché de dix à douze mois ; il était gros
et fort. - 11 aurait commencé à parler vers huit à dix mois;
Bourneville, 1887. 4
50 DE l'épilepsie PROCURS1'E.
parole courante dans le cours de la seconde année ' ; il était
propre à dix mois.
Mis à l'asile à un an, puis à l'école, il apprenait bien et ob-
tenait des prix. - A onze ans, un jour de mi-carême, étant
descendu dans la rue, malgré sa mère, il s'est associé aux
jeux d'autres enfants ; l'un d'eux ayant brisé un carreau, tous
s'enfuirent. Resté seul, il fut arrêté, conduit au poste, où il
est resté deux heures, puis au commissariat ; il fut relâché
après six heures d'emprisonnement. L'enfant aurait eu très
peur, et à sa sortie, il était encore tout hagard.-Il devint alors
peureux, sans éprouver aucun phénomène nerveux pré-
curseur du premier accès. Celui-ci eut lieu trois semaines après,
en jouant, sans aura, perte de connaissance, chute et accès
avec mouvements cloniques des bras. Le deuxième accès eut
lieu un mois plus tard.
Il est entré une première fois à Bicêtre le ! F mars 1878 ; il
tombait alors une ou deux fois par mois. Le 27 juin de la même
année, on le retirait de l'hospice sans motif. - De seize ans
à sa deuxième entrée, en octobre 1884 (21 ans), les accès ont
augmenté et en 1884, il avait de sept à huit accès par mois ;
le maximum des accès, en vingt-quatre heures, a été de cinq ;
le plus long intervalle entre deux accès, deux jours. Les
accès étaient surtout diurnes, mais aussi nocturnes. - Trois
à quatre fois par mois il éprouvait des vertiges ; leur début re-
monte au mois d'août 1883. - On croit que les accès ont
augmenté de fréquence à la suite de quelques excès de vin
que des commerçants du quartier lui faisaient boire en récom-
pense de courses ou de commissions.
Val... n'aurait jamais eu d'aura; il tourne la tète à gauche en
poussant un cri rauque et en ouvrant la bouche ; chute, perte
de connaissance, rigidité, convulsions du côté gauche seule-
ment, ni stertor, ni écume, ni urination involontaire. - Il se
blesse souvent au menton et à la tète, se mord la langue
presque à chaque accès. - Après un sommeil de une à deux
heures, il se réveille sans se souvenir de ce qu'il vient d'é-
prouver. Il n'aurait jamais eu d'excitation maniaque, ni
d'hallucinations, mais on a noté des idées tristes et, à deux
reprises, il a tenté de se suicider : une première fois, il y a cinq
1 Tous ses frères et soeurs ont parlé de bonne heure ; la dernière par-
lait très bien à un an.
DE l'épilepsie PROCURSIVE. 51
ans, en essayant de se jeter par la fenêtre, tentative suivie
d'un accès ; une seconde fois, l'année suivante, avec un cou-
teau que sa mère lui arracha des mains ; elle se blessa l'index
et le médius. A la vue du sang, il resta comme anéanti, mais
n'eut pas d'accès.
Les accès avec propulsion, considérés comme des vertiges,
ont débuté en août 1883. Revenant du marché avec sa mère, il
s'est mis tout à coup, sans rien dire, à courir à une distance
d'environ 100 mètres; puis, se retournant, il est revenu à son
point de départ toujours courant ; la face était pâle, livide; il
se remit à parler après quelques instants. - Trois jours après
cette première course, se trouvant à la barrière de Montreuil,
avec sa grand'mère maternelle, il se mit à courir, ayant sa
soeur, âgée de 2 ans, dans les bras ; sa grand'mère put l'ar-
rêter, le coller contre un mur, lui enlever l'enfant, il n'en
continua pas moins ensuite il courir. - A la maison, il cou-
rait dans la chambre ; sa mère le saisissait violemment, le
couchait sur un canapé et l'y maintenait fortement jusqu'à la
fin de la crise. Parfois il renversait la table, une chaise et
. passait par-dessus. On ne sait dire si, en revenant, il suivait
exactement la même ligne, ni si, comme à Bicêtre, il se garait
des personnes ou des objets. Ces accès procursifs n'étaient pas
précédés d'aura. - En 1883-1884, il avait deux à trois de ces
accès par mois ; une seule fois, il eut plusieurs accès dans
la même journée (six le 11 juillet de cette année).
En septembre 1884, il aété pris, après un de ces accès, d'une
agitation choréiformes des extrémités supérieures et inférieures,
de la tête; la parole était saccadée ; cet état a duré une demi-
heure. - Les mêmes mouvements choréiformes se sont
reproduits quelques jours après, mais sans être précédés d'accès
ou de vertiges; ils durèrent trois quarts d'heure sans perte de
connaissance.
La mémoire a diminué depuis deux ans ; le caractère n'a
pas changé, Vall... est affectueux, n'a pas de mauvais ins-
tincts et ne s'est jamais livré à des actes de violence.
Il a été traité à diverses reprises par le bromure de potas-
sium. Il a été vacciné, a eu la rougeole à l'âge de deux ans,
mais n'a eu aucune autre maladie éruptive ou infectieuse, ni
otite, ni ophthalmie, ni vers, etc Il serait sujet à transpirer
des pieds et aurait un durillon sous le pied. Pas d'onanisme,
pas de rapports sexuels.
;l2' DE l'épilepsie PROCURSIVE.
Durant l'interrogatoire de sa mère, comme il attendait des
vant le cabinet, assis sur un banc, il se lève subitement, se'
met à courir jusqu'au coin de la grille, puis entre celle-ci et la
première rangée d'arbres (30 mètres environ) ; arrivé au cin-
quième arbre, il se retourne et revient au premier en cou-
rant ; ; là il est saisi et maintenu par un infirmier, et, quelques
secondes après, tout, était terminé.
Etat actuel. - Crâne symétrique, dolicocéphale, avec mé-
plat pariéto-occipital ; les bosses frontales et pariétales sont'
également peu accentuées, les cheveux bruns ; - les oreilles
bien ourlées sont bien conformées, leur lobule, normal, est-
adhérent dans les deux tiers supérieurs.
DE l'épilepsie PROCURSIVE. 53
facile; tremblement fibrillaii'e de la langue' assez marqué]
pas de tremblement labial. i ,
Cou : .circonférence : 36. - Tronc, normalement conformé;
Appareil circulatoire (Pouls, 80 à 88), respiratoire (t6), dit
gestif et urinaire normaux. z
Puberté. - Moustaches et barbe de couleur châtaine peu
fournies. - Poils assez développés aux aisselles et à l'anus ;
pénil recouvert de nombreux poils châtains remontant
jusqu'à l'omblic. - Verge, méat, scrotum, testicules (de la
grosseur d'une noix), normaux. - Pénis : circonférence et
longueur : 9 centimètres ' . Gland découvert; onanisme rare'
Les organes des sens ne présentent rien de particulier ?
Dynamomètre : à droite et à gauche, 30. ,
L'intelligence n'est plus ce qu'elle était en 1878; à cette
époque elle était ouverte; V... travaillait facilement, savait lire
et écrire. Actuellement il ne sait la date de sa naissance, il
ignore dans quel mois, à quelle date nous sommes, il indique
cependant exactement le nom du jour. Il est utilisé au
balayage des cours, besogne dont il s'acquitte aussi mal qu'il
répond. ?
Aura. - Le malade avant les accès ordinaires et les accès
procursifs éprouverait, sous la plante du pied gauche, un
chatouillement qui remonterait jusqu'au pli de l'aine, mais'
il est difficile, en raison de l'état intellectuel de. V..., de lui
faire préciser la marche exacte de cette sensation.. On peut
seulement savoir qu'au niveau de la lèvre supérieure gauche,
il ressent de temps à autre un fourmillement qui disparait
par la compression. Toujours est-il qu'il parait pouvoir'
empêcher l'accès soit par une pression digitale du gros orteil,
soit par une pression circulaire au-dessus du cou de pied
L'aura semble du reste être d'assez longue durée, et se pro-
duit aussi bien pour les accès procursifs que pour les autres.
Description d'un accès. - Le malade, assis sur une chaise à
l'infirmerie, se lève tout d'un coup et se met à courir assez vite
jusqu'à la cloison (trente mètres);- il fait deux fois le tour du
poêle et revient à son point de départ. - On l'assied sur un
' Il va de soi que ce chiffre n'est qu'approximatif et qu'il peut varier
dans une certaine mesure par suite de la constitution vasculaire de
l'organe.
5-4 DE l'épilepsie PROCURSIVE.
fauteuil; aussitôt le membre inférieur gauche est pris de mou-
vements rapides du pied tapant le sol (160 tapotements à la
minute) qui durent de 6 à 10 minutes. - Le malade ne ré-
pond pas aux questions, puis après 2 à 3 minutes, tandis qu'il
essayait de défaire son bas (automatisme), il tombe en arrière
sans connaissance, les yeux ouverts, fixes, les pupilles moyen-
nement dilatées, le bras gauche un peu raide, le bras droit
presque souple ; il se produit ensuite quelques mouvements clo-
niques dans les deux bras, mais surtout dans le gauche. Il rede-
vient immobile et au bout de quelques instants est repris de
quelques secousses cloniques; puis immobilité (10 h. 16). La
face n'a pas changé de couleur; Val... reste hébété pendant 2 à
3 minutes, parlant avec peine, puis reprend son pied déchaussé
pour montrer son durillon.
A 10 h. 19, trépidation légère de la jambe gauche, puis du
bras gauche et enfin du bras droit ; ces trépidations de la jambe
gauche cessent momentanément, et l'agitation du bras gau-
che s'arrête quelques secondes après celles du bras droit ;
la jambe gauche est alors reprise de trépidation. La face est un
peu chaude.
A 10 h. 22, le malade dit : « Il n'y a que de ce côté-là que
j'ai le mal que j'ai, » et à ce moment l'agitation recommence
dans la jambe et le bras gauches ; la face devient très rouge.
- A 10 h. 24, trépidation légère de la jambe gauche.
D'habitude la crise durait moins longtemps et en général,
aussitôt après la course terminée, il vient se placer dans le lit
de camp, s'endort pendant une dizaine de minutes et se remet
ensuite à son ouvrage. - Parfois, pendant les mouvements de
trépidation, il demande son couteau pour s'ouvrir le ventre et
dit : « Je veux voir mon père avant de mourir. »
1885. 28 février - Ecchymose sous-conjonctivale de l'angle
externe de l'oeil gauche à la suite d'un accès. - l1 ! Jdl'otlté-
rapie.
1886. 8 novembre. - Inflammation du durillon du pied
gauche. - Le durillon est enlevé.
1887. 25 janvier. - Vall... est pris d'un accès. Il ressent t
un engourdissement du pied gauche, cherche à empêcher l'accès
au moyen de la compression de l'orteil ; à ce moment il répon-
dait encore aux questions, puis après s'être incliné à gauche,
il tombe lentement en arrière sans cri. La face est légère-
ment congestionnée. Les secousses débutent par le bras droit
DE L'ÉPILEPSIE PROCURSIVE.
55
qui parait plus secoué d'abord, puis par les extrémités gauches;
la résolution arrive rapidement; les pupilles égales sont légè-
rement dilatées ; ni bave, ni stertor, ni évacuation involontaire.
La résolution est encore suivie de quelques secousses cloniques
du côté gauche que le malade accuse être le siège de son
mal; pendant toutela durée de l'accès (12 secondes) il semble
conserver sa connaissance.
Peu après, le malade, hébété, est pris d'un tremblement gé-
néral; il s'incline en arrière, puis la jambe gauche est agitée de
secousses cloniques; de la main droite il se comprime le gros
orteil, et cela sans lâcher une cigarette qu'il tient de la main
gauche. Après une compression de trois secondes tout est ter-
miné. Les pupilles sont dilatées.
56 DE' L'ÉPILEPSIE PROCURSIVE.
Il s'écoule quelques minutes, puis Vall... est pris d'une sorte
de - mouvement automatique- qui le porte à gauche et en avan t,
mais ayant glissé alors sur le carreau, il tombe sans lâcher sa ci-
garette, toujours tenue delà main gauche; le bras droit est agité
de mouvements assez étendus. - Relevé, il est pris dans la po-
sition debout de secousses de tout le corps, les membres infé-
rieurs fléchissent un peu, mais les pieds ne quittent pas le sol ;
la face est pâle, les pupilles sont légèrement dilatées. - Nou-
velles secousses généralisées à tout le corps, le malade se
frappe de la main gauche la cuisse gauche, puis survient un
tapotement du talon du pied gauche, la pointe du pied res-
tant fixe, suivie d'une inclinaison à gauche ; face pâle, pupilles
légèrement dilatées, puis soupir ; durée, 39 secondes. Le
regard ;est vague, la physionomie hébétée. - Va ! )... est pris
encore à plusieurs reprises de nouvelles secousses et d'une sorte
de tremblement fibrillaire avec tapotement du talon gauche.
Réflexions. - Vall... a eu son premier accès trois
semaines après une émotion vive occasionnée par un
emprisonnement de quelques heures, il avait onze
ans. Jusqu'à t'age de vingt ans les accès auraient eu
le caractère des accès d'épilepsie ordinaire, sauf
que les secousses cloniques ne se produisaient que du
côté gauche.
C'est alors que l'on vit s'adjoindre aux accè, ordi-
naires des accès procursifs; la course avait lieu en ligne
droite, était accompagnée de pâleur de la face. Un an
après le début de ces accès procursifs ValL.. eut à la
suite de deux d'entre eux une agitation choréiforme
des membres etde la tête, la première fois d'une durée
d'une demie-heure, la seconde de trois quarts d'heure.
Depuis son entrée à l'hospice nous avons observé des
mouvements de trépidation, survenus en dehors de
tout accès, et se rapprochant, selon nous, beaucoup
plus de l'épilepsie spinale que de la chorée.
Les facultés intellectuelles ont décliné à partir de
DE l'épilepsie PROCURSI'E. 57
1878 ; cette déchéance paraît être due exclusivement
à l'accroissement progressif du nombre des accès or-
dinaires.
On ne saurait dire si l'extirpation du durillon du
pied gauche a eu une influence sur le nombre des
accès , quoique à première vue ceux-ci aient été
moins fréquents en novembre et décembre 1886,
mais il peut n'y avoir dans ce fait qu'une de ces
nombreuses coïncidences si fréquentes dans l'évolu-
tion symptomatique des affections chroniques, et en
particulier de l'épilepsie.
Chez Vall..., on ne peut s'empêcher de faire un
rapprochement entre les symptômes particuliers à son
aura et ceux qu'on observe si fréquemment dans l'aura
de l'épilepsie jacksonienne. De même que dans celle-ci,
cette aura périphérique peut être provoquée par l'exci-
tation de zones épileptogènes et peut de même être
interrompue par certaines manoeuvres locales '.
Il est beaucoup plus difficile que chez Grand..., de
bien déterminer si, chez Vall..., nous avons affaire à
un accès ou à un vertige procursif; cependant le fait
qu'en général le malade à la suite de ces actes pro-
cursifs va de lui-même se placer dans le lit de camp
et s'y endort pendant une dizaine de minutes semble
plutôt devoir les faire assimiler à un accès.
Le tableau suivant résume les caractères principaux
des trois manifestations de l'épilepsie observées chez
ce malade.
1 Par certains caractères Vall... semble se rattacher à l'hystérie;
- - on peut du reste observer l'épilepsie et l'hystérie chez le même ma-
lade. L'un de nous en a publié un cas.
58 DE l'épilepsie PROCURSIVE.
DE l'épilepsie PROCURSIVE. 59
Consanguinité : le père et le mère du malade étaient cousins
germains et portaient le même nom.
Deux enfants : 1° un mort mort-né ;
2° Notre malade. Né à terme, élevé au sein par sa mère. Pen-
dant la première et la deuxième année, il a eu plusieurs fois
des convulsions ; n'a pas été en retard pour la parole, la marche
et la propreté. De cinq à douze ans, il a été en classe; pendant
ce temps, il n'a pas été malade, se développait, apprenait bien.
A douze ans, il a été placé chez un architecte; celui-ci s'est
aperçu que l'enfant avait des absences, mais il paraît qu'alors,
elles étaient peu fréquentes. A quatorze ans, il est entré
au chemin de fer comme dessinateur; là les absences ont
été remplacées par des vertiges qui sont devenus tellement
nombreux qu'il a été forcé de donner sa démission au bout
de deux ans. Ensuite son père l'a gardé chez lui, où il a
continué à dessiner, les absences ont persisté, on avait été
obligé de placer près de lui un homme pour le garder parce
qu'il lui arrivait souvent de s'échapper en courant et qu'une
fois l'accès passé, il ne savait plus où il était et ne se souvenait
de rien; il fallait le reconduire chez lui. Il lui a échappé une
fois, et ce n'est que deux jours plus tard qu'il a été reconnu à
Bercy par un ami de sa famille : il n'avait pu indiquer son
adresse. - On s'apercevait de l'arrivée de la crise procursive
parce que ses yeux changeaient, devenaient hagards, que la
face palissait et qu'il balbutiait. Durant ses courses, il ne
semblait rien entendre, évitait les obstacles et parfois faisait
entendre une sorte de bourdonnement. A la fin de la course,
la face était tout à fait décomposée et, quelquefois, on enten-
dait une sorte de ronflement passager, et on observait un peu
de bave, mais jamais d'écume ni d'évacuation involontaire. Le
regard restait égaré durant quelques instants. Le malade était
long à se remettre, s'assoupissait pendant deux heures au
moins. La mémoire était obscurcie pendant une journée et
même davantage.
Si l'accès prenait le malade dans la chambre, il ne cassait
pas les objets. On parvenait assez bien à le maintenir sans
provoquer de violence. - La nuit, on le maintenait sur son
lit avec des sangles. - Dans la rue, il ne s'est jamais blessé.
- Le plus souvent, même après l'apparition des accès ordi-
naires, les accès procnrsifs étaient isolés; quelquefois, un
accès convulsif venait arrêter brusquement la course.
60 DE l'épilepsie PROCURSIVE.
Outre ses accès procursifs, Car... avait des accès rotatifs :
tantôt il décrivait des cercles à court rayon, qui se terminaient
souvent par un accès coiiviiisif ordinaire; lantôt il décrivait
des cercles irréguliers à grand rayon, évitant les personnes,
les arbres, etc. Son père ne saurait dire si la rotation s'opérait
toujours dans le même sens et quel il était. A l'époque de sa
sortie du chemin de fer (dix-huit ans), il a eu ses premiers
accès, il tombait comme une masse, était roide, avait des.
mouvements convulsifs pendant un instant et de l'écume buccale.
Pas d'incontinence d'urine à la suite des accès. Après les grands
accès il cherchait aussi ci s'échapper, pendant une heure ou
deux il fallait le surveiller. Revenu à lui, il ne se souvenait de
rien, se plaignait de mal de tête et restait sombre pendant une
heure ou deux. D'habitude, rien ne faisait présager l'arrivée de
l'accès; quelquefois cependant, Car... avait plusieurs petits mou-
vements nerveux. Peu à peu les accès sont devenus de plus en
plus nombreux. Vers l'âge de vingt-six ans, il a eu 48 accès
dans la nuit, suivis d'une rémission de trois mois. Toujours les
accès ont été plus fréquents la nuit. Les vertiges ont diminué
en même temps que les accès augmentaient, mais les courses
persistaient encore après l'admission. Il a travaillé seule-
ment jusqu'à vingt-cinq ans. Les facultés intellectuelles ont
décliné peu à peu; néanmoins, quand il est entré à Bicêtre
(trente-huit ans), il causait encore un peu, lisait le journal, etc.
Voici comment a été provoqué son internement : Étant sorti
aux environs de sa demeure avec une tante, il s'est mis subi-
tement à courir, et si vite que sa tante n'a pu le rejoindre;
puis il a été pris d'un accès ordinaire. Les sergents de ville
ont essayé de le maintenir, lui ont froissé les poignets. L'accès
fini, comme il ne pouvait donner aucun renseignement, il a été
conduit au poste puis au dépôt de la préfecture de police, de
là à Sainte-Anne et enfin à Bicêtre'.
1879. 6 octobre. - Bromure de potassium : 5 gr.
1880. 28 juin. - Bromure de camphre : 3 gr.
3 septembre. C... prend 8 gr. de bromure de camphre
depuis le commencement du mois de juin. Suspendu jusqu'au
6 septembre.
' Nous avons revu le père de Car... le 13 août 1887. Il nous a confir-
mé, en les complétant, tous les détails qui précèdent. Il a aujourd'hui
quatre-vingts ans, est tout à fait valide et possède encore ses facultés.
dis l'épilepsie procuRSive. 61
4 septembre. - Purgatif. = 6. 3 capsules de bromure de
camphre. - 10. 4 capsules. - 15. 5.. capsules. 25.
6 capsules. 30. 8 capsules.
26 décembre. - Suppression du bromure de camphre. Trai-
tement par le bromure de potassium : 4 gr. jusqu'au 3 janvier;
G gr. jusqu'au 15 janvier ; 8 gr. jusqu'au 30 janvier. '
1881. 30 avril. - Suppression du bromure de potassium.
2 mai. - Traitement hydrothérapique. - Mémoire confuse,
sait ses nom et prénoms, ignore le jour, le mois et l'année ;
il dit être à Bicètre depuis sa naissance ou depuis deux ans ;
il s'habille seul, mais très lentement; est encore propre.
14 octobre. - Suppression du traitement hydrothérapique.
Le malade est en démence ; ce n'est qu'avec la plus grande
difficulté qu'on est arrivé à lui faire prendre les douches. - Il
est encore propre, mange seul, mais on est obligé de l'aider
à s'habiller.
1882. Avril. - Un essaie inutilement de le soumettre à
niveau au traitement hydrothérapique.
1883. 3 décembre. - Car... se rappelle son nom, ignore les
dates, ignore où il est, dit qu'il est avec des serruriers. - On
constate une paralysie incomplète de la face ; le sillon naso-
labial droit est effacé, la commissure labiale gauche est tirée à
gauche; pas de déviation, ni de tremblements de la langue.
Parole libre ; pupilles égales, normales. Il court après ses
accès.
1884. 2 juillet. - Parfois Car... s'habille ou se déshabille
seul, mais le plus souvent il faut l'habiller. Il mange seul,
mais ne se sert pas du couteau ; il se lave mal. Pas de trem-
blement des lèvres, ni de la langue ; il ne répond que par
quelques mots incohérents.
1885. 9 janvier. - Il est maintenant incapable de s'habil-
ler et de se déshabiller seul. - Langage incohérent; on ne
peut lui faire dire son nom.
31 décembre. - Le malade urine au lit toutes les nuits, il
est quelquefois grand galeux. Léger embarras de sa parole;
pas de tremblement des lèvres et de la langue.
62 de l'épilepsie PROCURSIVE.
188G. - Novembre. Le malade est dans le même état,
allant et venant comme d'habitude.
3 décembre. - Car... s'alite; l'appétit avait diminué depuis
deux ou trois jours ; mais il ne se plaignait de rien, on avait
remarqué qu'il maigrissait, qu'il fléchissait sur les jambes.
9 décembre. - La température à 30°, le soir du 7 descend
progressivement à 34° (9 heures du soir). Hier il a encore
mangé comme d'habitude et le matin il voulait encore se lever,
puis il est tombé dans le coma et a succombé.
Description d'un accès (3 octobre 1886). - Le malade pousse
un bourdonnement rauque et tombe lentement en avant sans
se blesser. Le corps étant entièrement étendu à terre sur l'ab-
domen, les bras s'écartent lentement du tronc jusqu'à angle
droit; les jambes s'écartent également de 50 centimètres envi-
ron de la ligne médiane. Pas d'urination, ni de défécation', ni
de morsure de la langue.
Le ronflement est fort, pas d'écume; la main gauche reste
contracturée pendant environ vingt minutes après l'accès. La
durée de l'accès est d'environ trois minutes ; le malade se lève
et continue sa promenade interrompue.
Durant les années précédentes, on a souvent constaté la
course consécutive aux accès, Car... courait droit devant lui
après s'être levé d'un bond.
Selon une note de l'infirmier du chauffoir, ce malade, avant
de tomber, tourne plusieurs fois sur lui-même en poussant un
cri prolongé; puis se baisse doucement sur le côté gauche
jusqu'à ce qu'il touche la terre où il s'allonge la face tournée
sur le terrain. Alors il devient raide, la figure grimace, elle
est pourpre. -Lorsque l'accès est passé, il fait allerles jambes
à droite et à gauche, les ramènent sur la poitrine trois ou
quatre fois, puis se relève, tourne encore, se met à marcher
vite, court même quelquefois, mais avec la démarche d'un
homme ivre. Voici le tableau des accès :
1 Il gâte parfois dans ses accès et se livre quelquefois à des actes de
violence après les crises.
64 de I : ÉPI¡'PS1E PROCURS¡YE.
DE l'épilepsie PRCCUItSIVE. 65
sans entraîner de substance grise, si ce n'est au niveau du pli
pariétal supérieur. Pas de lésions en foyer. - Ventricule laté-
ral, couche optique, corps strié, corne d'Ammon, etc., rien de
particulier.
Hémisphère droit. - La scissure de Sylvius est normale; le
sillon de Rolando est très profond, sinueux.-La scissure perpen-
diczclaiz·e externe, également très profonde, va se jeter dans la
scissure interpariétale. - Le Lobule orbilazire présente des
scissures et des circonvolutions normales.
Face convexe. - Lobe frontal. - En avant de la circonvo-
lution frontale ascendante, il existe une scissure profonde,
parallèle, partant du bord interne de l'hémisphère interrompue
par deux plis de passage allant de la seconde circonvolution
frontale à la frontale ascendante, puis se continuant en des-
sous de ceux-ci jusqu'à la scissure de Sylvius; elle sépare ici le
pied de la troisième frontale de la circonvolution frontale
ascendante. - La scissure frontale inférieure est très irrégu-
lière, interrompue par des plis de passage se rendant de la
deuxième à la troisième frontale; elle communique largement
à sa partie postérieure avec la scissure frontale supérieure,
séparant ainsi le tiers postérieur de la deuxième frontale de
ses deux tiers antérieurs. - La scissure frontale supérieure
est profonde surtout en arrière. - La première circonvolution
frontale, bien conformée, large, est dédoublée dans sa partie
médiocre. - La deuxième circonvolution frontale, également
large, est irrégulière, s'insère par deux plis de passage à
niveau et parallèles à la circonvolution frontale ascendante;
elle envoie deux plis de passage à la troisième circonvolution
frontale, qui est également de même irrégulière, comme
tassée; quoiqu'elle soit peu développée, son V médian pré-
sente des traces de dédoublement, ou plutôt une scissure mé-
diane partant de sa pointe dans la scissure de Sylvius; cette
partie médiane se trouve inférieurement située à un demi-cen-
timètre environ au-dessus du pied de la circonvolution. Dans
son ensemble, le lobe frontal parait normal et très bien déve-
loppé dans sa partie postérieure, mais en avant, quoique très
plissé, il semble ramassé sur lui-même, et le sillon de Rolando
se trouve par suite plus rapproché de l'extrémité antérieure
que de l'extrémité postérieure.
Les circonvolutions frontale et pariétale ascendantes sont bien
développées, sinueuses, normales. - Le lobule pai,iélal.siioé-
Bournevillk, 1 SS i. 5
66 DE l'épilepsie PROCURSIVE.
rieur est moyennement développé; il envoie à son extrémité
inférieure et antérieure un pli de passage étroit au lobule
pariétal inférieur qui est bien conformé, très plissé. La scissure
interpariétale forme en arrière de la pariétale ascendante une
scissure parallèle complète ; elle est interrompue au commen-
cement de sa courbe par le pli de passage signalé plus haut,
puis se poursuit dans le sillon occipital supérieur jusqu'au
sillon transverse. - Le pli courbe est assez développé, sinueux.
- Le lobe occipital est bien conformé.
Lobe temporal. - La première circonvolution temporale est
normalement confirmée avec deux circonvolutions temporales
transverses se rendant au fond de la scissure de Sylvius. - La
scissure parallèle est très profonde, elle se prolonge jusqu'à la
scissure interpariétale en divisant le sommet du pli courbe. -
La deuxième circonvolution temporale, le deuxième sillon tem-
poral et la troisième circonvolution temporale sont bien déve-
loppés et ne percutent pas d'anomalies. Il existe un sillon pré-
occipital complet qui partant de l'incisure préoccipitale va se
terminer à 5 mill. de la scissure interpariétale en face de la
scissure perpendiculaire externe, dont il est séparé par un pli
de passage, allant du pli courbe au lobe occipital. Ce sillon
délimite nettement le lobe temporal du lobe occipital. -Le
lobule de l'inszzla ne possède que deux digitations qui sont bien
développées, larges et subdivisées.
Face interne. -Lobe temporo-occipital. -Les circonvolutions
et les deux scissures temporo-occipitales sont bien dévelop-
pées : au tiers antérieur existe une scissure profonde divisant
transversalement tout le lobe.
Lobe frontal. - La scissure calloso-marginale semble pren-
dre son origine au centre même du lobule paracentral par
deux branches, une oblique postérieure, une verticale anté-
rieure. Ces deux branches très profondes et atteignant le
rebord interhémisphérique ne sont pour l'antérieur que l'exa-
gération du sillon médian paracentral prolongé en haut et
en bas. La scissure fronlo-pariélale interne est ici constituée
par la branche oblique postérieure. La scissure calloso-margi-
nale ne possède pas de prolongement postérieur et ne fournit
pas d'incisure préovalaire; celle-ci est seulement indiquée par
une très légère dépression. La première circonvolution frontale
interne est bien développée, normale, très découpée ; elle
envoie vers son milieu un pli de passage maigre, à niveau, à la
DE l'épilepsie PROCURSIVE. 67
circonvolution du corps calleux. Le lobule paracentral, bien
développé, est mal délimité en avant et en arrière. -Le lobule
quadrilatère, large, a un pli do passage parieto-limbique anté-
rieur, complètement isolé par une scissure verticale profonde
atteignant presque la circonvolution du corps calleux. Il existe
aussi un pli pariéto-limbique postérieur mal délimité en avant
par la scissure sous-pariétale qui est très irrégulière. - La
scissure perpendiculaire interne, très profonde, se prolonge jus-
qu'au niveau du bourrelet du corps calleux. La circonvolution
du corps calleux, la fissure calcarine, le coin, le corps calleux,
ne présentent rien de particulier.
Hémisphère gauche. - Légère vascularisation de la pie-mère
qui s'enlève facilement. Ventricule latéral, corps strié, etc.,
normaux. La scissure de Sylvius, normale, envoie trois ra-
meaux antérieurs ascendants. - Le sillon de Rolando, très si-
nueux, profond, se termine dans la scissure de Sylvius à 3 ou
4 mill. environ du lobule de l'insula. - La scissure perpendi-
culaire externe n'est constituée que par une simple encoche
d'un centimètre environ; elle est séparée de la scissure inter-
pariétale par un pli de passage à niveau, reliant le lobe occi-
pital au lobule pariétal supérieur. - Le lobule orbitaire est
bien conformé.
a). Face convexe. - On trouve en avant de la circonvo-
lution frontale ascendante une scissure parallèle frontale in-
terrompue à sa partie médiane par deux plis d'insertion de la
deuxième circonvolution frontale. - La scissure frontale infé-
rieure sinueuse, est interrompue par un pli de passage allant
de la deuxième circonvolution frontale au cap de la troisième.
La scissure frontale supérieure est légèrement sinueuse, cou-
pée à son extrémité antérieure par un pli de passage venant
de la première circonvolution frontale qui est assez bien
conformée, un peu maigre à son extrémité antérieure et s'in-
sère à la frontale ascendante par un pli sinueux et grêle. -
La deuxième circonvolution frontale très développée dans sa
moitié postérieure, l'est peu dans sa moitié antérieure. - La
troisième circonvolution frontale possède un pied grêle; son
cap est subdivisé en trois parties par les deux rameaux anté-
rieurs ascendants supplémentaires de la scissure de Sylvius,
mais ces parties réunies ne donnent pas un volume 'plus
grand que celui d'un cap ordinaire bien conformé.
Les circonvolutions frontale et pariétale ascendantes sont
68 DE l'épilepsie PROCURSIVE.
hien développées, normales. - Le lobule pariétal supérieur,
régulier, est peu volumineux; en effet la scissure interpariétale
présente une courbe très accentuée qui remonte à un centi-
mètre de la scissure interhémisphérique; le lobule pariétal
inférieur est sinueux, très découpé, très développé au détriment
du lobule pariétal supérieur. - Le pli courbe est assez gros
également. - La scissure interpariétale forme en arrière de la
pariétale ascendante une scissure parallèle presque complète.
Elle se continue en arrière avec la scissure occipitale supé-
rieure au delà de la scissure occipitale transverse. - Le lobe
occipital est bien conformé; mais la scissure occipitale trans-
verse n'existe que dans sa partie supérieure; en dessous de la
scissure interpariétale continuée elle est interrompue par un
pli de passage se dirigeant vers la deuxième circonvolution
occipitale. A un centimètre en avant du pôle occipital se trouve
une scissure transverse assez profonde allant de la scissure
interhémisphérique à la deuxième scissure occipitale.
Lobe temporal. - La première circonvolution temporale
assez bien développée, sinueuse, envoie à son quart antérieur
un pli de passage à niveau, grêle, à la deuxième circonvolution
temporale qui, elle, est très développée et pousse trois plis de
passage à niveau à la troisième assez bien développée. Il existe
quatre circonvolutions transverses temporales se rendant au
fond de la scissure de Sylvius. La scissure parallèle, profonde,
sinueuse, a un trajet très étendu par suite de la hauteur du pli
courbe; en avant d'elle et parallèlement il existe une autre
scissure empiétant d'un centimètre sur la première circonvo-
lution temporale et se terminant dans le lobule pariétal infé-
rieur à 3 millimètres environ de la scissure interpariétale ; à sa
partie médiane une scissure transverse assez profonde la met
en communication avec la scissure parallèle. Il existe un sillon
préoccipital complet, qui, partant de l'incisure préoccipitale,
profonde, va rejoindre la scissure parallèle au niveau de sa
courbe et isole ainsi nettement le lobe occipital. Le lobule de
l'insula n'a que deux digitations principales.
b. Face interne.-Lobe temporo-occipital. Les circonvolutions
sont bien développées; elles sont toutefois un peu en retrait
sur un espace d'un centimètre au niveau de l'incisure préocci-
pitale. Les scissures sont irrégulières, sectionnées par de nom-
breux plis de passage; une scissure oblique fait communiquer
la première scissure temporo-occipitale avec la seconde.
DE l'épilepsie PROCURSIVE. 69
Lobe frontal. - La scissure calloso-marginale est irrégulière,
semblese perdreenavantdanslacirconvolution du corps calleux ;
elle communique, d'une part, avec la scissure sous-pariétale et
d'autre part avec un sillon vertical profond médian du lobule
paracentral à la partie inférieure de la scissure fronto-pariétale
interne ; à ce niveau, on trouve un pli de passage profond qui,
devenu plus bas à niveau, interrompt en allant à la circonvolu-
tion du corps calleux la continuité de la scissure calloso-mar-
ginale. - La première circonvolution frontale interne est très
développée, découpée par de nombreux sillons verticaux; elle
envoie vers sa partie médiane un pli de passage à niveau à la
circonvolution du corps calleux; en avant de ce pli se trouve
une scissure parallèle au corps calleux qui semble être la con-
tinuation normale isolée de la scissure calloso-marginale dont
nous avons signalé un autre prolongement de 3 centimètres
environ dans la circonvolution du corps calleux qui est assez
bien développé. - Le lobule paracentral bien développé envoie
à sa partie inféro-antérieure un pli de passage assez gros à ni-
veau, à la première circonvolution frontale interne.- Le lobule
quadrilatère, large, possède un pli de passage pariéto-limbique
postérieur, séparé du reste du lobule par une scissure profondes
contournant la scissure interhémisphérique et se terminantdans
le lobule pariétal supérieur à un demi-centimètre de la scissure
interpariétale. - La scissure sous-pariétale est très irrégulière.
- La scissure perpendiculaire interne, très profonde, très large
et subdivisée à son origine, se prolonge jusqu'au bourrelet du
corps calleux. -La fissure calcarine, le coin, la cÍ1'volution de
l'hippocampe, le corps calleux ne présentent rien de particulier.
Cette observation est très intéressante et elle peut
se résumer en ces points : 1° absences; - 2° ver-
tiges ; - 3° accès procursifs parfaitement caractéristi-
ques et accès rotatifs ; - 4° accès ordinaires précédés
rarement de phénomènes de procursion et souvent
de phénomènes de rotation; - 5° persistance, con-
curremment et pendant plusieurs années, des vertiges,
des accès procursifs et des accès ordinaires; 6° ensuite
disparition des accès procursifs, augmentation des
accès ordinaires et des vertiges, déterminant enfin la
70 . DE L'ÉPILEPSIE PROCUR1VI ?
démence. Le tableau des accès comprenant une période
de treize ans mérite aussi de fixer l'attention.
III. Epilepsie avec aura procursive.
Nous distinguerons les malades qui, sans avoir eu,
du moins à notre connaissance, des accès procursifs
isolés, ont des accès précédés d'une course, de ceux
qui, atteints auparavant d'épilepsie procursive isolée
antérieure, ont encore des phénomènes procursifs
constituant alors une sorte d'aura de l'accès ordinaire.
Ces malades doivent-ils être considérés comme at-
teints d'une des formes de l'épilepsie procursive, en
présentent-ils les lésions anatomiques jusqu'ici consta-
tées ? C'est un point sur lequel il nous est impossible
de nous prononcer pour l'instant, nos documents étant
insuffisants. Ces auras procursives peuvent encore être
rapprochées des actes automatiques préépileptiques
et n'en sont peut-être qu'une exagération.
Observation XX. - Epilepsie. - Père, hémiplégie droite
Mère nerveuse ; - grand-père maternel, mort ci quatre-vingt
et un ans d'une pneumonie ; - grand'mère maternelle morte
à quatre-vingts ans d'une hémiplégie droite. Asphyxie à la
naissance; convulsions ri dix-huit mois,. - parole et marche
tardives; - rougeole; - ophthalmie. - Premier accès ci
dix-sept ans; - vertiges; - aura procursive ; - violences.
Jan.... (François-Ferdinand), né le 2 juillet 1815, est entré
le 16 décembre 1884 à l31ctre. (Service de M. 13ouRVSVII.L>·;.)
Renseignements fournis par sa mère (1) décembre 1885). -
Père, fabricant de chapeaux, intelligent, fort, de taille
moyenne, très sobre ; marié à l'âge de trente ans, est mort à
cinquante-deux ans, des suites d'une hémorrhagie cérébrale ( ? )
(hémiplégie droite avec aphasie, intelligence conservée) qui
avait été précédée pendant trois ans de violentes céphalalgies.
[Père, fabricant de chapeaux, mort à trente et un ans. Mère,
DE l'épilepsie PROCURSIVE. 71 Il
morte à soixante-dix ans, sans qu'on puisse dire de quelle
maladie. Pas de renseignements sur les grands-parents, et
renseignements confus sur les collatéraux ? Pas d'épileptiques,
de difformes, de criminels, de suicides, etc., dans la famille.]
Mère, soixante-quatorze ans et demi, coloriste; elle est très
impressionnable, éprouve parfois, à la suite de chagrins, des
serrements de gorge avec claquements des dents. Elle est
de taille moyenne, maigre, porte une moustache qui a toujours
été très fournie, même dès sa jeunesse ; bien réglée, elle s'est
mariée à vingt-six ans, et n'a jamais été malade. - [Père,
mort à quatre-vingt-un ans d'une pneumonie. Mère, morte à
quatre-vingts ans des suites d'une hémiplégie droite survenue
quatre ans auparavant ; elle était vive, impressionnable, mais
n'a jamais eu d'attaques nerveuses. - On n'a aucuns rensei-
gements sur les grands-parents. Pas d'épileptiques, etc., dans
la famille.] - Pas de consanguinité.
Cinq enfants, quatre fausses couches (à 6, 4, et 3 mois) :
1° fille, modiste, bien portante, intelligente, pas de convul-
sion ; 2° garçon, né avant terme, mort en nourrice à l'âge
d'un mois ; 3° notre malade ; 4" fille, onze ans, im-
pressionnable, tumeur fibreuse de l'utérus, pas de convulsions;
- 5° garçon, mort à l'âge de six ans et demi, on ne sait de
quoi. Il vomissait depuis longtemps. - Pas de convulsions.
Notre malade. - Lors de la conception, le mari faisait de
mauvaises affaires, souffrait de céphalalgies avec étourdisse-
ments. - Grossesse bonne, sauf les chagrins occasionnés par
le mauvais état de leurs affaires. - Accouchement à terme,
rapide. - Asphyxie à la naissance. Elevé en nourrice au
sein et au biberon (lait de chèvre). - Première dent à cinq
mois. A dix-huit mois, étant encore en nourrice, il aurait
eu, à diverses reprises, des convulsions assez graves pour
qu'un instant on le crût mort. Il a marché et a été propre à
deux ans ; il n'a parlé assez bien qu'à trois ans. Vers quatre
ans, rougeole. - A huit ans, oplathalnaie grave (taie sur l'oeil
droit), pas d'autres maladies, sauf des furoncles.
Il a fréquenté l'école de sept à dix-sept ans; il a appris à
lire et à écrire, mais toujours l'intelligence a été peu dévelop-
pée ; il était joueur, taquin; aimant à vagabonder avec d'autres
enfants, mais n'a commis aucun acte répréhcnsible. - D'un
caractère très emporté, il aurait battu sa mère si l'on ne s'y
était opposé. - Il a été mis en apprentissage, comme relieur,
72 DE l'épilepsie PRCCURSIVL.
à dix-sept ans chez un patron avec lequel il buvait de l'absin-
the. Il y est resté un an. - C'est à cette époque que s'est
déclaré le premier accès ; il venait de prendre de l'absinthe.
Les accès assez rapprochés (tous les huit jours) ont d'abord été
nocturnes. -- Les accès se sont ensuite rapprochés, éclataient
aussi bien de jour que de nuit, mais surtout à la suite de con- .
trariétés ou d'émotion. - On n'aurait noté de vertiges et de
secousses ( ? ) que depuis l'âge de vingt ans.
Actuellement l'accès présente les caractères suivants : il est
précédé d'une sorte de fatigue, ou bien le malade éprouve un
besoin irrésistible de s'en aller, de courir; il lui est arrivé
quelquefois de descendre ainsi cinq étages avant d'aller tomber
ensuite dans la cour; il pâlit, tombe comme une masse sans
cri initial. Périodes tonique et clonique'. - Pas d'écume.
- Coma. Pas de troubles intellectuels à la suite des
accès. Voici la marche des accès :
DE l'épilepsie PROCURSIVE. 73
Pas d'accès ni de vertiges eu 1887.
74 DE l'épilepsie PROCURSIVE.
Mère, quarante ans, sans profession, n'a eu ni migraine, ni
dartres; elle est très impressionnable, a quelquefois des fai-
blesses et même des pertes de connaissance. - [Père, cordon-
nier, alcoolique, a succombé à une affection génito-urinaire.
- Mère morte d'accidents pulmonaires sans aveir jamais eu
d'affection nerveuse. Un frère bien portant, un autre mort de
la poitrine, une saur morte subitement d'un anévrysme à
trente-trois ans. Ni aliénés, ni épileptiques, ni suicides, etc.,
dans la famille]. - Pas de consanguinité.
Deux enfants : 1° un mort de scrofules à quatre ans sans
avoir eu de convulsions : il était très intelligent :
2° Notre malade. - Sa mère fit deux chutes pendant sa
grossesse : la première fois elle tomba sur le ventre, avecperle
de connaissance ; la deuxième fois elle tomba dans une cave,
elle était au troisième ou sixième mois de sa grossesse. Elle eut
aussi des scènes de colère à éprouver de son mari, ce qui lui
était d'autant plus sensible qu'elle avait été gâtée chez ses pa-
rents. Le développement du ventre pendant sa grossesse était
tel qu'on soupçonnait une grossesse gémellaire. Accouchement
à terme, laborieux, mais naturel. Il y eut issue d'une grande
quantité d'eau. Elevé au sein par une nourrice jusqu'à quatre
ou cinq mois, par une autre durant un mois, enfin élevé
au biberon avec du lait de chèvre. Ce qui frappa chez l'en-
fant ce fut le développement exagéré de la tête. Il a commencé
à marcher à trois ans, à parler à cinq ans répétant ce que
l'on disait; il n'a jamais été intelligent.
C'est à trois ans qu'il eut son premier accès convulsif : tout
d'un coup il quitta la main de sa mère, fut précipité en avant
comme s'il courait et tomba en proie à des convulsions. Pen-
dant plusieurs années il courait en hurlant à chaque crise et se
levait si l'accès le prenait lorsqu'il était couché'. Il avait en-
core ses courses en avant à son entrée à l31cctre. On ne sait pas
exactement à quelle époque elles ont disparu; dans les accès
de ces dernières années il poussait des cris violents, se tordait,
devenait de toutes les couleurs, il écumait peu, ne se mordait
pas la langue. Ses accès étaient plutôt diurnes que nocturnes.
- Pas de folie, ni de kleptomanie, ni de pyromanic ; il aimait à
' Selon une note prise par M. Delasiauve le 10 août 1812, a sa mère
affirme qu'il était hydrocéphale dans sa jeunesse, qu'il a eu de nom-
breuses et violentes convulsions jusqu'à Lie six ans ».
DE l'épilepsie PROCURSIVE. 75
arracher les fleurs des arbres. - Pas d'onanisme, pas de pro-
pension génitale; il gâte quelquefois dans ses accès.
Affectueux pour ses parents, il n'est pas violent. L'intelli-
gence ne s'est jamais développée, il n'a pu apprendre que ses
lettres, ne savait pas compter spontanément ; il répondaitassez
mal aux questions qu'on lui posait, ne disant que oui ou non,
et encore il fallait insister ; alors il répétait ce qu'il avait en-
tendu. - Il n'a jamais eu de gourme, ni aucune maladie, si
ce n'est une carie vertébrale pour laquelle il a été soigné à
l'hôpital des Enfants malades et qui a laissé des cicatrices.
1879. 17 octobre. -Le malade ne s'est couché que le 17 oc-
tobre. -Le 10 on n'avait rien remarqué de particulier, il allait
et venait, se promenait (de préférence dans les endroits soli-
taires), et cela comme d'habitude, il mangeait au réfectoire;
on n'avait pas observé qu'il eut moins d'appétit. Dans la nuit
du 16 au 17, le veilleur avait noté un peu d'oppression; néan-
moins, le malade s'était levé spontanément, avait pris suivant
une vieille habitude une tablette de chocolat et était descendu
dans la cour ; c'est là que le surveillant, auquel le veilleur avait
signalé le malade, le vit, constata qu'il était souffrant et l'en-
voya à l'infirmerie. Le malade ne s'était plaint et ne se plain-
gnait de rien, il ne pouvait d'ailleurs donner aucun renseigne-
ment, en raison de son état d'imbécillité. - Durant l'examen,
pas de parole, pas de toux ou toux incomplète. L'auscultation
dénote des râles sibilants et ronflants mêlés de quelques râles
sous-crépitants disséminés dans les deuxpoumons. La percussion
donne à droite une submatité remontant assez haut et dimi-
nuant à mesure que l'on s'élève et se confondant en bas avec la
matité du foie sans donner une ligne de séparation nette entre
la percussion du foie et du poumon. Rien d'anormal au coeur.
La matité du foie remonte un peu haut et descend à deux tra-
vers de doigts des fausses côtes. La palpation du foie au-dessous
des fausses côtes droites confirme ce renseignement. - Pas
d'augmentation apparente de la rate. T. R. 3S°, ? . - Soir :
oppression extrême, lèvres bleuâtres, cyanosées. - Vingt ven-
touses sur la poitrine calment un peu l'oppression. T.IL 3Do,6.
18. - On remarque du mucus nasal et palpébral en assez
grande quantité. La paupière supérieure droite est rosée et
gonflée. P. petit régulier à J3(i ; R. à 66. - T. R. 31ls,1. -
Soir : 39",2. Traitement : 60 ventouses sèches; ipécastibié ;
potion avec infusion d'ipéca et rhum.
DE L'ÉPILEPSIE PROCURSIVE. 77
19. - L'oppression est constante, pas d'accès de dyspnée ;
cependant elle est plus marquée le soir. Râles sous-crépitants,
sibilants et ronflants des deux côtés dans toute la hauteur. -
40 ventouses sèches en arrière. Vésicatoire en avant. P. 120;
T. R. 38°,8.
20. - Le malade est un peu plus éveillé; montre sa langue
qui est humide. - A l'auscultation, râles variés, mais surtout
râles sibilants, quelques râles sous-crépitants à la base du pou-
mon droit. Garde-robe régulière, ne gâte pas. P. 120; R. 40;
T. R. 38°. - Soir : h0°.
21. - C... a pris du potage, du lait, un oeuf. - Une garde-
robe liquide. Muguet. P. petit, irrégulier, à 120; R. à 48; T.
R. 38°,8. - La face et les traits sont altérés ; cyanose des lè-
vres et des conjonctives, mort l'après-midi à une heure.
Autopsie, le 23 octobre 1879. - Thorax. Poumon gauche.
Très adhérent au thorax et au diaphragme, pas de liquide dans
la plèvre. Injection très prononcée des bronches. Congestion
du poumon avec un peu d'oedème à la partie postérieure du
lobe inférieur. - Poumon droit. Adhérence telle qu'il faut en-
lever la plèvre pariétale pour sortir le poumon du thorax. La
plèvre a près de 2 millimètres d'épaisseur. Ontrouveune pleu-
résine enkystée siégeant en avant dans les deux tiers inférieurs
de la poitrine, refoulant le coeur un peu à gauche et en bas,
abaissant le foie et s'étendant seulement latéralement. La poche
semble séparée incomplètement en deux autres : 1° la gauche
plus petite ayant un prolongement infundibuliforme vers le
diaphragme, la paroi de la poche est amincie ; 2° la droite
plus profonde se prolonge vers la base de la poitrine jusqu'à
l'hypochondre. - Le poumon droit refoulé en arrière occupe
toute la cavité droite du thorax; il est très congestionné sur-
tout à sa partie postérieure. L'épanchement siégeait principa-
lement dans la partie antérieure et médiane de la plèvre
diaphragmàtique et était de nature purulente. - Coeur. Hyper-
trophie du ventricule gauche (330 gr.); quelques caillots
fibrineux dans le ventricule droit. Quelques taches laiteuses sur
la valvule tricuspide et la mitrale. Pas de sclérose. Quelques
plaques athéromateuses de l'aorte.
Abdomen. - Estomac. Rien d'anormal. - Rate. Volumi-
neuse (290 gr.); tissu ferme, congestionné. - Foie. Assez vo-
lumineux (1 ,6.iO gr.), non congestionné. - Reins. Très volumi-
neux et très congestionnés (260 gr.) ; le droit présente un petit
78 DE L'ÉPILEPSIE PROCURSIVE.
kyste de la grosseur d'un pois et une cicatrice très foncée ré-
sultant d'un autre kyste.
Crâne. - Epaisseur normale en avant, un peu augmentée
en arrière. - Encéphale (,l .(;00 gr.). ? ie-zczèoe, un peu con-
gestionnée à la base surtout, un peu adhérente aux lobes
frontaux. - Artères et organes de la base, rien de particulier.
- Le cerveau a une longueur de 20 centim. et une hauteur de
1 centim. - L'hémisphère cérébral gauche pèse dix grammes
de moins que l'autre. La décortication de la pie-mère, un peu
épaissie, transparente, est facile.
Les circonvolutions sont assez développées, les sillons pro-
fonds. Sur la face interne de la première frontale on découvre
une portion de la circonvolution qui est indurée, blanche, for-
mant un léger relief; mème hypertrophie sur la partie posté-
rieure du lobe carré.
Autres foyers ou mieux îlots de sclérose formant tumeurs à
l'origine de la circonvolution du corps calleux, au-dessous du
précédent sur la circonvolution frontale; sur la face convexe
de la deuxième frontale à sa racine, à la partie la plus posté-
rieure et la plus élevée de la scissure de Sylvius, Disula, gan-
glions centraux, corne d'Ammon, rien. Sur le ventricule latéral
non dilaté il existe de petits noyaux scléreux de la membrane
ventriculaire.
Hémisphère droit.- Pie-mère comme de l'autre côté. On note
des foyers d'induration avec hypertrophie à la partie antérieure
de la face interne de la portion horizontale de la première fion-
tale ; - sur la circonvolution du corps calleux immédiatement
en avant de la couche optique; - sur le pli qui va de la cir-
convolution du corps calleux à la première frontale (face
interne); - sur la partie inférieure et interne du coin (face
convexe de l'hémisphère). Mêmes noyaux dans le ventricule
latéral droit. - Cervelet et isthme, 200 gr.
L'attention n'ayant pas à cette époque été attirée
sur les lésions possibles du cervelet dans cette forme
d'épilepsie, cet organe n'a été l'objet que d'un examen
superficiel, fait qui dénote une fois de plus l'utilité,
non seulement de faire les autopsies aussi complètes
que possible, mais de noter aussi l'absence de lésions.
Notons seulement le poids un peu élevé de cet organe.
DE l'épilepsie PROCURSIVE. 79
Le poids moyen est, en effet, chez l'homme adulte de
143 gr. pour le cervelet, 23 gr. pour l'isthme et 8 gr.
pour le bulbe, soit 173 gr. pour l'ensemble de ces
organes. Rappelons que l'encéphale pesait 1,600 gr.,
poids élevé, dû peut-être aux îlots de sclérose tubéreuse 1.
Chez Caill..., il semble, d'après les renseignements
peu précis que nous avons reproduits plus haut, que
l'accès ait dès le début, puis pendant de longues
années, été précédé de procursion; l'accès n'aurait
jamais été limité à l'acte procursif seul. - Quoique
cette forme d'accès diffère de celle dont nous avons
rapporté précédemment des observations, nous devons
noter la transformation progressive des accès avec
aura procursive en accès vulgaires. On sait, du reste,
que les épileptiques à aura voient le plus souvent
cette aura disparaître après un temps plus ou moins
long et que fréquemment l'aura n'est signalée que
lors des premiers accès.
IV. Epilepsie POST-PROCUIiSIVE.
Les phénomènes post-procursifs, et ici nous n'enten-
dons pas parler des actes automatiques (marche, etc.),
observés fréquemment après les accès, sont relati-
vement peu communs. Nous devons à l'obligeance de
M. Cullerre, médecin-directeur de l'asile de La Roche-
sur-Yon, l'observation suivante :
Observation XXII. - Fièvres intermittentes. - Attaques
éclamptiques à l'âge de six mois. - Petit mal consécutif. -
Accès caractérisés par une impulsion irrésistible à courir. -
1 Cette observation de sclérose tubéreuse s'ajoute 1 celles que nous avons
précédemment publiées.
80 DE l'épilepsie PROCURSIVE.
Plus lard, grands accès incomplets suivis de la même impul-
sion. - Imbécillité avec mauvais instincts.
G... (Marie-Léontine), âgée de dix ans, est admise à l'asile
de La Roche-sur-Yon, le 15 mai 1880, avec le certificat sui-
vant : « Idiotie congénitale, est une cause de préoccupation
tant sur le rapport moral vis-à-vis des enfants de son âge
que sous le rapport des dégâts matériels dont elle se rend
journellement coupable. » Voici les renseignements fournis
sur ma demande par le médecin traitant : " Elle est née de
père et de mère bien portants, non parents. Du côté paternel
aussi bien que du côté maternel, il n'y a aucune trace d'héré-
dité morbide; ses ancêtres sont morts à l'extrême vieillesse.
Une soeur ainée, bien portante et intelligente ; sa mère est
morte quelque temps après sa naissance, à la suite d'accidents
puerpéraux. En 1870, étant âgée de six mois, elle fut prise de
phénomènes éclamptiformes à la suite d'accès de fièvre inter-
mittente ; combattus par le sulfate de quinine, les accidents
diminuèrent de fréquence, d'intensité, mais le paludisme s'in-
vétéra ; l'on vit chaque mois se renouveler pendant plusieurs
années, presque à jour fixe, ces accès convulsifs. L'intelligence
s'obscurcissait peu à peu et la raison ne se développa pas. »
Nous ne savons quelle foi il convient d'ajouter à cette étiolo-
gie ; nous devons remarquer toutefois qu'en Vendée, en ma-
tière d'idiotie, l'intoxication alcoolique du père au moment de
la conception doit toujours être soupçonnée.
Mai 1880. - Cette enfant, grande, assez bien développée,
sans difformité appréciable, présente un certain degré de mi-
cl'océphalie. Le front est bas, la voûte palatine très ogivale en
avant est au contraire étalée en arrière. Kérato-conjonctivite
scrofuleuse à répétition. Elle s'exprime bien sans défaut de
langue. Elle sait épeler, mais n'a jamais pu apprendre à lire;
elle a une notion nette des couleurs. C'est une imbécile bien
plutôt qu'une idiote. On relève chez elle une grande tendance
aux actes instinctifs, au vol, à la méchanceté, elle se plait à
faire des niches aux personnes qui l'entourent.
Avril 1881. - On commence à constater chez elle des phé-
nomènes épileptiformes jusqu'ici inobservés. En voici la
description sommaire : elle pâlit subitement, puis se met à
marcher droit devant elle. Quand elle rencontre une porte,
elle frappe, ou regarde par la serrure; si il ce moment on
DE l'épilepsie PROCURSIVE. 81
l'interroge, elle répond en général qu'elle se livre à tel ou tel
de ses actes journaliers. Au bout de quelques secondes, elle
revient à elle sans se souvenir de ce qui vient de se passer.
Elle urine parfois au lit.
22. Elle a uu de ses vertiges habituels pendant la prome-
nade. Soudain, elle rebrousse chemin vers l'asile. Interro-
gée, elle répond qu'elle veut s'en retourner.
limai. - Elle a eu ce matin une petite crise; elle s'est
déshabillée, s'est mise au lit, puis s'est affaissée sans avoir de
convulsions. :
2ï. - Nouveau vertige ce matin; elle a couru jusqu'au
fond de la salle. Aussitôt l'accès s'est terminé.
23 juin. - Ses accès revêtent parfois une forme nouvelle,
elle reste assise sur sa chaise, a quelques contorsions de la
face, et frappe avec violence le sol de ses talons, semblant
ainsi piétiner sur place. Quand elle reprend connaissance,
elle a quelques moments d'égarement.
26. - Prise d'un accès à la chapelle, elle se met à courir,
rentre au quartier, monte les escaliers jusqu'au grenier et la
crise se termine. Une lacune existe ici dans mes notes. Elles
reprennent en 1880.
188G. 29 novembre. - Actuellement, l'accès débute par une
chute sur le dos, sans cri, sans aura, sans écume à la
bouche. Quelques mouvements convulsifs de la tête et des
bras, qui manquent parfois; grande pâleur, urination involon-
taire. Au bout de quelques secondes, elle se relève avec viva-
cité, jette autour d'elle des regards égarés, puis soudain
prend sa course, allant droit devant elle, ne s' arrêtant que quand
elle rencontre un obstacle. Tantôt elle s'enfuit jusqu'au bout
du jardin, tantôt elle enfile un escalier et ne s'arrête qu'à la
porte du grenier, etc.
A ce moment il lui arrive de s'endormir quelques instants.
Quand elle revient à elle, ne comprenant pas ce qui vient
de lui arriver, elle cherche à s'expliquer sa présence dans ce
lieu inusité par quelque besogne à accomplir. '
Alors, bien que ce ne soit pas l'heure, elle descend les
ustensiles de ménage ou les bassins de garde-robe, etc. Elle
urine quelquefois au lit.
Elle a considérablement grandi depuis son entrée à l'asile.
Elle est réglée depuis deux ans d'une façon régulière. Son
intelligence ne s'est pas développée dans les mêmes propor-
f3ouaNSVrr.r, 1887. 6
8 DE L'I3PIL1';PSIE PROCURSIVE.
tions. On n'a pu lui apprendre à lire ; les religieuses préten-
dent cependant qu'elle est douée d'une certaine mémoire et
qu'elle a pu apprendre le catéchisme. Elle a appris à coudre
et à tricoter, mais est incapable de conduire seule un tricot.
Santé physique en général satisfaisante, les kératites ont
disparu. - Taille lra,00.
Déformation de la face; saillie de la fosse frontale droite; la
joue de ce côté est plus étalée et plus saillante. Voûte palatine
ogivale. Dents à peu près régulières. Voici les mensurations
de la tête :
DE l'épilepsie trocursive. 81
années, puis nous voyons apparaître ces sortes de
tapotements sur place dont nous avons parlé pré-
cédemment à propos de Vall... (Obs. Il) et enfin les
accès présentent le type vulgaire, mais sont suivis
d'une course soudaine et précipitée. Les phénomènes
automatiques proprement dits que présente également
cette malade ne sont observés qu'à la suite du sommeil
dans lequel il tombe après l'acte procursif.
Observation XXIII. - Père tourneur en cuivre, alcoolique.
Grand-père et oncle paternels alcooliques et phtisiques. -
Mère, névralgies. - Grand-père maternel, apoplectique.
Oncle maternel, délire aigu.-Grand-oncle maternel, imbécile.
Vertiges procursifs à trois ans et demi. - Premier accès
à huit ans. - Accès suivis de course. - Caractère violent.
- Onanisme. - Affaiblissement des facultés intellectuelles.
- Mort en état de mal.
Alép... (Auguste), né le 24 mars 1872, est entré à Bicêtre
(service de M. Bourneville), le 13 février 1882 et y est dé-
cédé le G juin 1883.
Renseignements fournis par sa mère (27 février 1882).
Père, trente-six ans, tourneur en cuivre, a quitté sa femme
il y a trois mois, il fait de nombreux excès de boisson (absinthe,
vin, eau-de-vie, etc.). Lorsqu'il a bu, il est très méchant, vio-
lent, a battu sa femme plusieurs fois. Marié à vingt-quatre ans,
il a toujours bu beaucoup, même dès le début du mariage.
Caractère doux à l'état normal. Pas de migraines, pas de ma-
ladies de peau. Il travaillait peu; établi tourneur, il a tout bu
et sa femme a dû se placer comme domestique. [Père mort de
la poitrine à trente-huit ans, tourneur en cuivre, quelques excès
de boisson. - Mère, soixante ans, n'a jamais été malade, pas
d'accidents nerveux. - Trois frères ; un poitrinaire, faisait des
excès de boisson; il aurait été condamné pour vol d'une chaise
un jour de débauche, il était marié et courait les femmes. Un
deuxième a été tué en mai 1871 (fédéré), il buvait aussi et au-
rait eu des hémoptysies ? ]
Mère, trente ans, travaillait aux champs avant le mariage;
actuellement elle est domestique ; châtaine foncée, très impres-
84 DE L'ÉPILEPSIE PROCURSIVE.
sionnable, très colérique, elle l'est devenue de plus en plus
par les ennuis que lui a causé son mari. - Intelligente, phy-
sionomie régulière assez agréable, n'a jamais eu que des né-
vralgies violentes. [Père, laboureur, sobre, mort à cinquante-
neuf ans, d'une attaque d'apoplexie foudroyante en dix-neuf
heures. - Mère, soixante-quatorze ans, bien portante, n'est
pas en enfance, travaille encore un peu aux champs, pas
d'attaques de nerfs, a souvent le sang à la tête. - Quatre
frères, l'un est mort en huit jours, d'accidents cérébraux con-
sécutifs, à la peur des Prussiens qui avaient dégainé sur sa
femme. « Ça lui bouillait dans sa tète, il se sauvait de son lit,
il avait le transport. » (Délire aigu.) Les trois autres sont
bien portants; un est marié, a quatre enfants en bonne santé
et n'ayant pas eu d'accidents nerveux. - Les deux derniers
frères ne sont pas mariés. - Un oncle paternel est mort très
vieux (soixante-seize ans),'et a toujours été « bonasse, imbé-
cile ». Pas d'épileptiques, pas de difformes, etc.]
Pas de consanguinité.
Trois enfants : 1° Garçon mort-né durant la guerre; bien
conformé; il était énorme et pesait bien dix livres; - 2° Notre
malade; - 3° Garçon, huit ans, bien portant, intelligent,
apprend bien, pas de convulsions.
Nol1'e malade.- Conception. -Pas dcrapports hahituels dans
les ivresses. « Une pensait qu'àdormiret il était quatre ou cinq
jours sans me toucher, car il était malade, vomissait toutverLn-
Grossesse, beaucoup de contrariétés et de fortes colères « parce
que mon mari, n'était jamais chez nous», ni coups, ni chutes,
ni compression. l'as de peurs, sauf celles que lui occasionnait
son mari quand il rentrait ivre. - Pas d'alcoolisme. - Accou-
chement naturel, à terme, sans chloroforme. A la nais-
sance pas d'asphyxie ; il était chétif, mignon. Elevé au sein,
en province, jusqu'à dix-sept mois, repris alors, il n'avait pas
eu de convulsions, était bien venant quoique chétif. Il a mar-
ché à dix mois, a parlé à dix-sept mois, a été propre vers
deux ans. - A trois ans on a repris son frère de nourrice.
C'est à ce moment que notre malade est devenu drôle, il sem-
blait jaloux de son frère et le battait quelquefois en cachette.
- Vers trois ans et demi il a eu des vertiges qu'on appelait un
grand tic nerveux.
« Le regard se portait en haut, puis au bout de quelques ins-
lanis, reniant se levait et courait, il n'aimait pas qu'on lui
DE l'épilepsie PROCURSIVE. 85
parlât dans ces moments-là. Il avait peur; sitôt que ça allait le
prendre, il devenait d'abord très pâle, puis rouge après. Ces
accidents venaient irrégulièrement quelquefois deux fois par
jour et parfois il était cinq à six jours sans rien. Conduit plu-
sieurs fois aux Enfants-Malades et à l'hôpital Trousseau on lui
a donné des bains, de la tisane et du sirop antiscorbutique,
niais pas de bromure de potassium.
Vers août 1880, sans que les vertiges soient devenus plus
fréquents, Alép... a eu souvent des accès; voici comment on
décrit le premier : Etant debout, on s'aperçut que sa figure
grimaçait, qu'il était pâle, qu'il allait tomber; sa mère l'a pris
sur elle, tout le corps était roide également des deux côtés,
pas de secousses, pas d'écume, mais un peu de ronflement; il
est revenu à lui de suite et s'est mis à courir dans la chambre.
Le deuxième accès est venu huit jours après. Ils sont allés en
se rapprochant depuis septembre 1881. - Maximum des accès
en 24 heures, 3. Le plus long intervalle entre deux accès a été
huit jours. Accès à peu près également diurnes et nocturnes.
Persistance des vertiges.
Jamais Alép... n'a prévenu de l'arrivée de ses crises. On a
remarqué qu'il devenait sombre aux approches de l'accès;
quelquefois il portait la main au creux de l'estomac et disait :
ça va me prendre. Parfois, eut euh ! euh ! Rigidité, secousses
cloniques qui sont survenues seulement, il y a six mois. Peu
de ronflement; pas d'écume; plusieurs fois urination invo-
lontaire et défécation. '
Après les accès il veut se sauver, il a la parole embarrassée,
on dirait qu'il va devenir paralysé. Pas de morsure de la
langue. -- Pas de folie consécutive. - Le caractère a toujours
été violent, il est resté le môme.
Depuis l'âge de trois ans, l'enfant est allé en classe et n'a
jamais rien appris; il connaît seulement ces lettres, La, be,
bi, etc. Quand il y avait un répit après des accès, il apprenait,
puis après les accès il oubliait. On l'a renvoyé de l'école depuis
le début de ses accès.
Pas de kleptomanie, ni de pyromanie. On pense qu'il se
touche un peu depuis longtemps même dès son retour de 1/0Ul'-
ricc.
Croûtes dans les cheveux ; glandes cervicales dont l'une ab-
cédée ; pas d'ophthalmies, pas d'otites ; pas d'engelures ni de
dartres. On ne croit pas qu'il ait eu la rougeole; il semblerait
86 DE l'épilepsie PROCURSIVE.
avoir eu la rubéole ? Coqueluche pendant six semaines. Enfin
il aurait eu de temps en temps des fièvres éphémères.
Ni succion, ni balancement. Digestion régulière, selle quo-
tidienne, pas de rumination ni de salacité.
Alép... est peu caressant, très turbulent; il paraissait très
intelligent jusqu'à trois ans.. On attribue la maladie aux ennuis
et aux chagrins de la grossesse. L'enfant dit qu'il a eu peur
d'un mouton.
DE l'épilepsie PROCURSIVE. 87
le coma à 5 heures du matin, et meurt à 10 heures du matin.
Traitement : Eau-de-vie allemande, sangsues. T. R. à
5 heures du matin, 38°, à 10 h. 1/2 38°,8.
Autopsie (7 juin 1883). Thorax. Coeur normal (130 gr.),
rien dans le péricarde. Poumons congestionnés vers le
bord, surnageant. (P. droit. z gr. ; p. gauche, 210 gr.)
Abdomen. - Foie normal (800 gr.), un peu de péri-hépatite
ancienne. Rien dans la vésicule. - Reins normaux (droit,
80 gr.; gauche, 70 gr.). - Rate (70 gr.). - Rien dans l'esto-
mac, l'intestin, la vessie.
Tête. ? Cuir chevelu assez épais. - Os du crâne de consis-
tance ordinaire. Base du crâne symétrique. - Liquide cé-
phalo-rachidien en quantité normale. -Encéphale volumineux
(H50 gr.). Les différents organes de la base du cerveau sont
symétriques (artères, nerfs, etc.), pourtant le tubercule mamil-
lairegaucheetlepédoncule cérébral du même côté sont un peu
plus petits. - Pie-mère congestionnée également dans toute
son étendue; adhérente par place à la substance cérébrale,
elle s'enlève assez difficilement quoique assez épaisse. Hémis-
phères cérébraux égaux, substance très molle. Cervelet et
isthme (Do gr.) ne présentent rien d'anormal. Hémisphères
cérébelleux égaux.
Hémisphère gauche, face convexe. - La- première circonvolu-
tion frontale sinueuse, double en avant, sans pli de passage,
s'insère de niveau sur la frontale ascendante; la deuxième
circonvolution frontale, très volumineuse, dédoublée à sa par-
tie moyenne où elle est très large, s'insère de niveau sur la
circonvolution frontale ascendante. La troisième circonvolu--
tion frontale sinueuse. possède une insertion de niveau; pas
de plis de passage, sillons assez profonds entourant les cir-
convolutions, sillons secondaires peu profonds. La frontale
ascendante, sinueuse, est assez large. Le sillon de Rolando est
profond. - La pariétale ascendante, plus épaisse que la
frontale ascendante, est volumineuse. - Le pli pariétal infé-
rieur est assez plissé. - Le pli pariétal supérieur est volumi-
neux comme dédoublé. Le pli courbe, irrégulier, assez si-
nueux, envoie un prolongement très gros à bipartie postérieure
du pli pariétal supérieur. - Le lobe occipital, assez plissé, est
très volumineux. Longueur de l'extrémité antérieure du lobe
frontal à la partie moyenne de la face postérieure de la pa-
riétale ascendante, 12 centimètres. Longueur de ce dernier
88 DE l'épilepsie procursive.
point à l'extrémité postérieure du lobe occipital, 11 centi-
mètres et demi '.
Le lobule de l'insula a 3 digitations doubles.
La première circonvolution temporale, très sinueuse, envoie
un prolongement très volumineux au pli pariétal inférieur au
pied de la scissure de Sylvius; elle a également en avant un
pli de passage la reliant à la deuxième circonvolution tempo-
1'ale, sinueuse à sa partie confondue, à la troisième par de
nombreux plis. ,
Face interne. - La première circonvolution frontale est vo-
lumineuse avec des sillons tout à fait superficiels se confon-
dant en arrière avec le lobe paracentral. Le sillon calloso-
marginal est peu profond. - Le lobule paracentral est séparé
du lobe quadrilatère par un sillon profond avec un sillon cen-
tral-oblique de bas en haut et d'arrière en avant. - Le lobe
quadrilatère, très long (7 centimètres à sa partie moyenne),
est plissé et possède des sillons superficiels. Le coin et le lobe
occipital sont composés de petites circonvolutions. La cil'con-
volution de l'hippocampe est lisse 2.
Hémisphère droit. - a). Face convexe. La première circon-
volution frontale est sinueuse, plissée, dédoublée incomplète-
ment en avant; insertion de niveau; pas de plis de passage. La
deuxième circonvolution frontale très volumineuse, mais surtout
dans les deux tiers postérieurs, envoie un pli de passageàla troi-
sième circonvolution frontale, s'insère par 2 insertions de ni-
veau. La troisième circonvolution frontale assez courte s'insère
aussi de niveau. - En avant sur le lobe frontal les sillons
sont peu profonds, ils le sont beaucoup en arrière. - La
circonvolution frontale assez sinueuse, assez volumineuse, est
séparée en haut presque complètement par un sillon trans-
versal situé entre l'insertion de la première frontale et l'inser-
tion supérieure de la deuxième frontale, Le sillon de Rolando
est assez peu profond. La circonvolution pariétale ascendante
est volumineuse avec des sillons transversaux, les uns super-
ficiels, l'un assez profond : on dirait des pavés irréguliers en-
tassés les uns sur les autres. Le sillon qui sépare la pariétale
1 Comme on le voit, les parties postérieures du cerveau étaient relati-
vement très développées.
= Au moment de ce dernier examen fait le 21 septembre 1881, les
masses centrales et la paroi ventriculaire sont très irrégulières, ce qui est
dû probablement au séjour dans une solution insuffisante.
DE l'épilepsie PROCURSIVE. 89
ascendante du pli pariétal inférieur est très profond. Le pli
pariétal supérieur est sinueux, envoie deux plis de passage à
la pariétale ascendante et un en arrière. Le sillon situé en
arrière du lobe paracentral est très accusé La scissure paral-
lèle est également très prononcée; elle se divise en deux par-
ties embrassant une circonvolution quadrangulaire qui envoie
un pli de passage vers le lobe occipital et en reçoit un du pli
pariétal inférieur. Le lobe occipital est assez plissé et volumi-
neux. Les digitations du lobule de l'insula sont assez mar-
quées. La première circonvolution temporale, volumineuse,
sinueuse, envoie deux prolongements dans le fond de la scis-
sure de Sylvius '. ,
b). Face interne. La première circonvolution frontale, très
volumineuse en partie dédoublée sur toute sa longueur par un
sillon assez superficiel, se confond en arrière avec le lobule
paracentral qui est très irrégulier, incomplètement séparé
du lobe quadrilatère, tandis qu'à droite la séparation est
très marquée. Le sillon calloso-marginal est peu profond. La
circonvolution du corps calleux, lisse, offre, en arrière du lobe
pariétal, le renflement normal qui fait défaut à gauche. Le
lobe quadrilatère, un peu irrégulier, mesure qualre centimètres
et demi. En arrière de lui existe un sillon assez profond dans
lequel existe une petite circonvolution qui semble plutôt se
rattacher au coin. - Le coin et le lobe occipital peu sinueux
sont assez développés. - Les masses centrales des deux côtés
n'offrent rien de particulier.
Cette observation que nous avons classée dans l'épi-
lepsie post-procursive aurait également pu trouver place
parmi les cas de vertiges procursifs . Il n'est pas dou-
teux en effet qu'ici, d'après les renseignements fournis
sur les vertiges, nous n'ayons eu affaire à de véri-
tables vertiges procursifs. Nous noterons encore leur
disparition totale pendant la dernière année de la vie
du malade.
' Les deuxième et troisième circonvolutions temporales, ainsi qne la
circonvolution de l'hippocampe, unt été en partie détruites par le défaut
de surveillance des pièces déposées à l'amphithéâtre.
90 DE l'épilepsie PROCURSIVE.
V. VERTIGES PROCURSIFS.
Nous avons déjà vu dans les observations précé-
dentes des malades présenter concurremment avec des
accès de type procursif divers des accidents procursifs
dont quelques-uns semblent se rapprocher des verti-
ges. La distinction entre l'accès procursif et le vertige
procursif est souvent fort difficile à établir. Il faut au
surplus se rappeler que la plupart des divisions sont pu-
rement artificielles, que si elles sont nécessaires pour la
compréhension et l'exposé des phénomènes observés,
il ne s'ensuit pas qu'on puisse y adapter chaque cas
particulier. Leurs frontières sont fort mal délimitées.
N'observe-t-on pas, du reste, fort souvent une gradua-
tion symptomatique entre les différents actes épilep-
tiques, de l'absence à l'accès le plus franc, d'où la
difficulté de classer certains phénomènes considérés
différemment selon les auteurs.
Nous avons dit que dans certains cas nous considé-
rions l'acte procursif comme constituant un accès in-
complet, mais il s'agit alors dé malades chez lesquels
on constate la transformation graduelle des accès pro-
cursifs en accès d'épilepsie ordinaire qui, plus tard,
persistent seuls. Il n'en est pas de même pour ceux où
l'accident procursif n'apparaît que longtemps après le
début de l'épilepsie et chez lesquels il paraît être un
accident isolé indépendant de l'accès. Tel est le cas du
malade qui fait l'objet de l'observation suivante :
Observation XXIV.- Père, múrt phthisique. Mère migrai-
neuse de l'âge de six ans à la ménopause. - Grand'mère
maternelle, migraineuse. - Une tante et trois oncles mater-
DE L'ÉPILEPSIE PItOCUIiSIVE. 91
nels migraineux. - Cinq frères morts jeunes de convulsions.
- En(ant adultérin.
Convulsions et dix mois. - Début à sept ans à la suite
d'une peur. - Diminution rapide des facultés intellec-
tuelles. - Vertige procursif isolé en 1886.
Niv... (Louis-Georges), né le 20 mai 1861, est entré à Bi-
cêtre le 15 mai 1877 (service de M. Bourneville).
Renseignements fournis par la mère. - Père naturel, plom-
bier zingueur, pas d'accidents saturnins, sobre, mort de
phthisie l'âge de quarante-deux ans. [Père et mère, soeurs
et frères bien portants. - Pas d'épileptiques, pas de suicides,
etc., dans la famille.]
Mère, soixante-deux ans, marchande des quatre saisons;
migraineuse dès l'âge de six ans ; les migraines ont disparu à la
ménopause; a eu une pleurésie et une pneumonie, mais est
actuellement bien portante. [Père, pas de détails. - Mère,
migraineuse, morte du choléra. - Une soew' et trois frères
migraineux, morts on ne sait de quoi. Pas d'épileptiques, etc.,
dans la famille.] - Pas de consanguinité.
Neuf enfants. - De son mari, une fille. - De son amant
les six premiers enfants sont morts jeunes à la suite de con-
vulsions ; un autre est mort également jeune d'une fracture de
la colonne vertébrale. Notre malade est né treize mois avant
le décès du père. Grossesse, bonne. - Accouchement, normal.
- Pas d'asphyxie à la naissance. - Bien venant, il a marché
et parlé de bonne heure. A dix mois, il eut des convulsions
sans cause connue et sans troubles physiques et intellectuels
consécutifs. Il était intelligent, allait à l'école où il apprenait
bien. A sept ans, un ivrogne l'a enlevé et porté sur sa tête, il
eut peur. Trois jours après, étant à table, il tape dans son
assiette avec les mains, puis la tête tombe dans l'assiette et il
a un accès. Les accès se répétèrent ensuite fréquemment, au
nombre parfois de neufàdix par jour; on nota de temps à autre
sans cri, des intervalles de trois à quatre jours, et une fois seu-
lement de trois ou quatre mois. Les accès avaient lieu avec ou
avec ou sans aura. Jamais on n'avait noté de course avant ou
après. Les facultés intellectuelles ont rapidement diminué. -
On avait essayé de lui apprendre le métier de bijoutiersurdeuil.
Description d'un accès (1882). Le malade était assis dans un
fauteuil, on entend un cri étouffé, on s'aperçoit qu'il a glissé à
côté du fauteuil, puis. par un autre mouvement brusque sous
le lit. Les membres inférieurs sont écartés, les membres su-
92 de l'épilepsie procursive.
périeurs allongés le long du thorax; il y a de la raideur des
deux côtés. On dégage les jambes de dessous le lit. A ce mo-
ment, la tête se met dans l'extension, la bouche s'ouvre, tout
le corps devient rigide. Cette période de rigidité ne dure que
quelques secondes, et, comme on le voit, elle a été précédée
d'une phase d'un genre particulier. Puis secousses tétani-
formes de la face et des membres.
Période clonique. - 1° La face se tourne à droite, le bras et
la jambe correspondant sont animés de convulsions cloniques
qui se répètent quatre ou cinq fois ; 2° la face se tourne à
gauche, et alors les membres du côté gauche sont pris de con-
vulsions cloniques à leur tour. Durant cette période, le visage
s'est congestionné; les yeux étaient convulsés en haut directe-
ment, d'abord à droite, puis enfin à gauche.
Période de stertor. - Décomposition de la face qui devient
d'une pâleur bleuâtre, livide, résolution complète, écume non
sanglante et abondante. Cette dernière période dure longtemps
et aboutit à un sommeil profond qui permet de prendre la
température du malade sans qu'il réagisse. T. R., 3îo 9 1/2.
Pas de miction involontaire. Au bout d'un quart d'heure
environ, il se réveille et, faisant allusion à son accès, il dit que
ce n'est pas vrai.
Ce malade est d'habitude violent, plusieurs fois, on a retrouvé
sur lui des effets appartenant il d'autres. L'an dernier, on a dû
le faire remonter parce qu'il avait souffleté sa soeur au parloir.
1885. 3 mars. - La mémoire est assez bien conservée; la
parole est libre. Le malade est sujet à des périodes d'excitalz*o ? ? ,
violente après les accès. Dynamomètre à droite : 3 ! ); à gauche :
46. - Traitement : capsules de bromure de camphre.
1886. Janvier. - La mémoire est médiocre; le malade est
dans un état de semi-démence. Dynamomètre à droite : 30; à
gauche : 40. - Le malade se roule pendant les accès.
1 C'juillet. Le traitement par les capsules de bromure de
camphre est supprimé.
1887. Janviers Description d'un vertige procursif. Le ma-
lade, se trouvant au chauffoir se met tout à coup à courir l'es-
pace de sept mètres, puis va se jeter sur le matelas où il se
roule, en se grattant en même temps la tète, pendant trente
secondes environ ; il se relève ensuite et se met à se promener
comme si rien ne lui était arrivé. Il ne se souvient pas de son
vertige. - On aurait noté, dans ces derniers temps, plusieurs
accès et vertiges précédés de course ou de marche.
94 DE l'épilepsie procursive.
DE PROCURSIVE. 93
notable amélioration survenue dans ces derniers mois
chez ce malade, amélioration qui s'est encore accent
tuée en 1877, mais ce n'est là que pure hypothèse.
Rappelons de plus que ce malade avait des accès
accompagnés de tournoiement.
VI. - Automatisme.
Nous avons cru intéressant de rapprocher de l'épilep-
sie procursive et des actes procursifs les phénomènes
automatiques que l'on observe si fréquemment chez cer-
tains épileptiques. Nous rejetons, du reste, toute as-
similation étiologique avec la procursion; l'automa-
tisme n'est, en effet, que la répétition inconsciente
d'actes simples accomplis quotidiennement' par le ma-
lade. Il se voit le plus souvent à la suite de vertiges
ou d'accès aigus; cette forme est la plus fréquente, et
beaucoup d'auteurs n'admettent même que l'auto-
matisme post-épileptique.
Nous citerons, dès l'abord, quelques cas d'auto-
matisme que nous avons eu l'occasion de relever chez
nos malades de Bicêtre.
I. - Automatisme simple. - L'automatisme simple
revêt souvent une importance considérable en méde-
cine légale; on comprend en effet à combien d'inter-
prétations peut donner lieu, par exemple, l'acte de se
' Disons toutefois que certains épileptiques peuvent exécuter des actes
n'ayant aucun rapport avec leurs habitudes; tel est le cas de la malade
de Herpin qui paraissait imiter un joueur de guitare, quoique n'ayant
jamais terni cet instrument.
96 de l'épilepsie PROCURSIVE.
déshabiller accompli par un épileptique selon le lieu
où il se passe, et les circonstances qui t'accofn-
pagnent. Herpin, Gowers, etc., en citent de nombreux
exemples. Herpin' rapporte qu'une cantatrice se mit
tout à coup à se déshabiller dans son cabinet; Gowers',
cite un professeur de musique qui, en donnant une
leçon à une demoiselle, eut un accident épileptique si
léger que son élève ne s'en aperçut pas et qui, aussitôt
après, commença à se déshabiller. Il dut abandonner
sa profession. On attribua cet acte à toute autre cause
que la maladie. Une interprétation tout aussi erronée
peut résulter d'actes accomplis par des épileptiques
s'appropriant des objets ne leur appartenant pas, ou
s'introduisant inconsciemment dans des propriétés pri-
vées. L'automatisme ambulatoire, du reste très fré-
tuent, s'observe non seulement à la suite de vertiges
et d'accès, mais constitue encore une des formes les
plus communes de l'épilepsie larvée.
Observation XXV. - Grand'mère paternelle morte d'apo-
plexie. - Grand-père maternel alcoolique. - Premier accès
ci onze ans précédé de vomissements alimentaires et bilieux
comme les suivants. - Pas d'aura. - Etourdissements. -
Accès de colère. - Tentative de suicide. - Hypospadias.
Etat de mal (novembre 1884). - Automatisme. - Mort en
état de mal (1 86). J.
Autopsie. - Atrophie et aspect chagriné de différentes
. circonvolutions. - Atrophie cérébelleuse. - Anomalies des
circonvolutions et des scissures cérébrales.
Gr... (Martial-Auguste), né le 21 mai 1867, est entré le
30 novembre 1884 à Bicêtre (service de M. Bourneville) et y
est décédé le 12 mars '1886.
' Herpin. - Des accès incomplets d'épilepsie. Paris, l8fiî, p. '13 ?
- Gowers. De l'épilepsie, Ira". Carrier. Paris, '1883, p. 585.
DE (.lil'If,CP.1G PROCUI251VG. 97
Renseignements fournis par sa mère (8 novembre z1884). --
Père, tailleur, assez grand, très sobre, calme, mort à cinquante
ans, il y a un mois, probablement d'une tumeur du bassin.
[Père, mort des suites d'un refroidissement ( ? ) en trois jours ;
tisserand, sobre. - Mère, morte à soixante-douze ans, d'une
attaque d'apoplexie. - Pas de détails sur les grands-parents.
- Pas d'aliénés, pas d'épileptiques, d'idiots, de difformes, de
suicidés, ni de criminels dans la famille.]
Mère, quarante-quatre ans, couturière, brune, de taille
plutôt petite, impressionnable, assez colère, assez intelligente.
[Père, mort en 1871, de la varioloïde, menuisier. Excès de
boisson. - Mère, bien portante, soixante-six ans, sobre. -
Grand-père et Grand'mère paternels pas de détails. - Grand-
père maternel, mort d'une tumeur abdominale à soixante-cinq
ans, sobre. - GI'and'mèl'e maternelle, morte de vieillesse il
quatre-vingt-sept ans. - Pas d'aliénés, etc., dans la famille.]
Deux enfants etune fausse couche : 1° notre malade ; 20 fausse
couche à deux mois et demi ; 3° garçon, cinq ans, intelligent,
n'a pas eu de convulsions.
Notre malade. A la conception qui a eu lieu peu de jours
après le mariage, elle était bien portante ainsi que son mari;
ni émotions, ni discussions. - Grossesse bonne, pas de trau-
matisme, pas de peurs, pas d'alccolisme. - Accouchement à
terme, naturel. A la naissance, pas d'asphyxie, bel enfant,
fort. - Elevé au sein par une cousine. - A deux ans et demi
lorsque sa mère l'a repris, il avait toutes ses dents. De bonne
heure, il marchait, parlait bien, était intelligent. - Sa santé
a été bonne jusqu'à onze ans; jamais de convulsions.
A onze ans, la nuit, indigestion ( ? ) à la suite de laquelle il
s'est mis à crier, il se détendre, a les nerfs étaient roides ( ? ) ;
c'était un accès comme ceux qu'il a, mais moins forts ». A
dater de cette époque, il a eu des étourdissements qui reve-
naient toutes les deux semaines, tous les mois et de plus
des accès.
Le second accès est venu un mois après le premier. Durant
les six premiers mois, il a eu un accès mensuel et chaque fois
l'accès était précédé de vomissements alimentaires et bilieux.
De onze ans et demi à douze ans, il n'aurait eu qu'un accès
de deux en deux mois ; il suivait alors le catéchisme pour sa
première communion, ce qui fait que sa mère attribue cette
diminution des accès à une « permission de Dieu » . Durant cette
BOUU : OEVILLE, 1887. 7
98 de l'épilepsie procursive.
année, l'intelligence n'avait pas diminué, il apprenait assez
bien ; allait à l'école. Jamais d'aura. De douze à treize ans,
situation passable, point d'aggravation. - A quatorze ans, on
a cessé de l'envoyer à l'école. Il tombait environ trois fois par
mois. A quinze ans et demi, il est allé en Prusse (en pleine
campagne, dans la famille de sa mère). Il y est resté deux mois;
il a eu peur, il aurait eu beaucoup d'accès; on l'a ramené
parce qu'il s'ennuyait. - Les accès ont alors augmenté pro-
gressivement et depuis le mois de mai 1884 ils sont de plus
en plus fréquents. En 1883, il avait un accès par semaine.
Depuis mai 1884, il a eu en outreplusieurs séries. Le maximum
des accès, cette année, en vingt-quatre heures, a été de sept
et le plus long intervalle a été de trois jours. - Accès diurnes
et surtout nocturnes.- Depuis deux ans, les étourdissements
qui ont débuté, ainsi que nous l'avons vu, aussitôt après les
accès, sont devenus plus nombreux; ils ont encore augmenté
depuis mai 1884.
On a noté en outre depuis un an des accès de colère contre
sa mère qu'il prenait par les cheveux, contre son petit frère
(cinq ans), contre les objets qu'il cassait. Un jour, une dame
voyant qu'il se révoltait contre sa mère, l'a souffleté ; alors,
de rage, il a pris un couteau et s'en est donné un coup dans
la région précordiale (hémorrhagie assez abondante). Ceci se
passait à la fin de septembre.
L'intelligence a diminué progressivement depuis deux ans.
Pas de folie avant les accès; parfois il avait la manie de s'en
aller; c'est ainsi qu'il a été arrêté à Vincennes, puis rue de
Varennes. Pas de violences après les accès, pas d'halluci-
nations. - Sommeil bon, il s'endormait souvent après les
accès. Pas de cauchemars ; pas de secousses, pas de fièvre,
pas de peurs.
Il a eu beaucoup de vers étant jeune. Pas d'onanisme. Pas
de traumatisme. Un ne sait à quoi attribuer sa maladie. Trai-
tement : Bromure de potassium ; iodure de fer, etc. - Il n'a
pas eu la rougeole ni la scarlatine ; pas de varioloïde. Coque-
luche à sept ans.
Etal actuel {décembre z1884.). - Tète un pou écrasée dans
son ensemble. - Crâne régulier; prédominance des parties
occipitales; bosse occipitale cependant peu saillante; bosses
pariétales également. Front bas, étroit. La bosse frontale
droite est peut-être un peu plus saillante que la gauche.
DE L'ÉPILEPSIE PROCURSIVE. 99
100 DE l'épilepsie PROCURSIVE.
orifices dont nous venons de parler est de H millim., l'orifice
anormal occupe les deux tiers supérieurs du pénis.
Etat mental. - Affectueux, il dit quelquefois au garçon : « Je
vous aime », et cherche parfois àl'embrasser; dit : « Je voudrais
bien voir ma mère. » Caractère très doux, très obéissant. Il sait
le nom des objets usuels. Les premiers jours de son séjour ici, il
voulait écrire à Jeanne d'Arc. On lui a présenté un tableau noir,
et il n'a tracé que des lignes informes. - Après les accès, ou
les vertiges, qui sont plus fréquents, il reste hébété pendant
environ un quart d'heure. Ce matin encore quoique très fatigué,
il s'intéressait à ce qui passait autour de lui ; il a dit distincte-
ment : « J'ai soif.» La parole est assez correcte, mais d'une façon
particulière; il ouvre de grands yeux ou plisse le front; quand
il va parler, il semble faire un effort pour ressaisir la notion
dont il va faire usage. Il a tout à fait l'air d'un dément.
Quand il demande quelque chose, par exemple à manger, il
est très tenace, et réitère plusieurs fois sa demande. Il ne
refuse jamais de faire ce qu'on lui ordonne.
Mo lili té. - Avant ses séries d'accès, le malade marchait, en
chancelant un peu, se servait bien de ses bras, mangeait pro-
prement avec la cuiller et la fourchette. Sensibilité générale
et spéciale normales.
Nutrition. - Il redemande très souvent à manger, ne mange
cependant pas gloutonnement. - Mastication normale; il
gâte la nuit seulement.
Description des accès. - Cri étranglé, se produisant parfois
à la fin de la période tonique. - Chute tantôt en arrière, tantôt
en avant. - Rigidité générale, égale. - Quelques secousses
cloniques. - Stertor, un peu d'écume. Parfois, il se mord les
lèvres et la langue ; il urine sous lui toutes les fois qu'il a de
forts accès. Sommeil consécutif. Actes automatiques : il bou-
tonne et déboutonne ses habits.
Description des vertiges. - Quelquefois cri étranglé, et c'est
fini ; il a un brouillard devant les yeux, clignotement des pau-
pières ; durée : quelques secondes. On n'a remarqué ni pâleur,
ni chute; il lâche les objets.
18884. si novembre. - Soir : T. R. z. - 6 nov. - Dans
la nuit, le malade a eu vingt-deux accès ; dans la journée, il en
a eu trois, et de 7 à 8 heures du soir, douze. On lui a appliqué,
dès le début, six sangsues aux apophyses mastoïdes, des sina-
pismes aux cuisses ; dans la journée, il a pris 30 grammes d'eau-
. DE L'ÉPILEPSIE PROCURSIVE. 101
de-vie allemande. Le soir, le pouls étant vibrant et rapide, on
a pratiqué une saignée de 300 grammes. - Le malade a eu
trois accès pendant les préparatifs de la saignée.
T. R. Matin : 39°,2. Soir : 390.-(9 heures du soir), 38°,9,
de suite après la saignée.- Minuit : T. R. 39 ? 3.
7.-De 9 à 10 heures du soir : douze accès ; trois de minuit à
une heure; cinq de 3 à 6 heures. Matin : T. R. 40°,8 ; - Soir :
38°,6. - Pas de nouveaux accès.
La sensibilité cutanée avait disparu, le réflexe tendineux
rotulien était conservé sauf de suite après les accès. Aujour-
d'hui, le malade est agité, prononce des paroles incohérentes,
cherche à se lever. Le pouls est moins fort, plus rapide. La
sensibilité cutanée est revenue. - Pupilles étroites, égales,
sensibles. Traitement : lotions vinaigrées, eau-de-vie alle-
mande, sinapismes, sulfate de quinine.
Fig. 1.
102 DE L'ÉPILEPSIE PROCURSIVE. z
8. - Pas d'accès. - T. R. 38°,S; - Soir : 380,6. '
9. T. R. 38 ? 3. - Soir : 380.
10. T. R. 38",2. Soir : 38°.
'11. - T. R. 38°,2. - Snir : 3ï°,8.
z13. - T.R. 37",8. Soir : 37°,6. (Fig. 1.)
13. - T. R. 38°, ? . - Soir : 38°. -Le malade a eu quelques
vertiges, mais pas d'accès; - il a bon appétit; la soif est tou-
jours vive.
14. - T. R. 3ï°,8. -Soir : 31°,G. - Gr... s'est levé aujour-
d'hui.
la au 19. - La température normale s'abaisse progressive-
ment jusqu'à 36,8. - Le 17 et jours suivants, le malade a
demandé à aller à l'école, ou chez ses parents, le tout en
pleurant. - 6 6 Décembre : Série d'accès (7 de jour et de nuit).
1885. - Pendant le cours de l'année, la déchéance intellec-
tuelle s'est accentuée ainsi que le montrent les notes de l'école
et son écriture. La parole est un peu traînante ; tremblement
de la pointe de la langue. En décembre, on constate un léger
tremblement de la langue et des lèvres, de l'embarras de la
parole. - La mémoire est nulle. La miction est involontaire
depuis trois mois; parfois défécation également involontaire.
Cyanose très prononcée des mains. Il a été soumis au traite-
ment par l'élixi¡' polyúl'01nlU'ú.
1886. 9 mars. - Le matin, quand on l'apporte à l'infirme-
rie, il avait eu 3 accès et était sans connaissance. Il a eu son
premier accès à l'infirmerie à 10 heures; à partir de là, les
accès sont survenus à un quart d'heure d'intervalle, sans re-
tour de la connaissance.
11 h. 50. - Le malade est dans le décubitus dorsal, dans le
coma avec stertor, la face est un peu rouge, les pupilles sont
dilatées. Le pouls est très rapide, incomptable. Les mouvements
respiratoires sont rapides, mais réguliers.
1° accès. - Subitement le malade tourne la tête vers la
droite, les yeux sont fortement portés de ce côté, puis il reporte
la tête à gauche; la face rougit, la contracture devient générale;
le cou est en extension ; le tronc raidi se dresse à moitié; les
membres supérieurs sont contractures dans la flexion; le pouce
est dans la main, les doigts fléchis; les membres supérieurs
sont en extension forcée. Tout le corps est ensuite agité de
mouvements rapides. Le membre inférieur gauche se relève il
une distance de 20 ou 50 centimètres du plan du lit; la jambe
droite reste horizontale. La tète se reporte à gauche. Les con-
DE L'ÉPILEPSIE PROCURSIVE. 103
vulsions continuent. La face devient cyanosée. La contracture
est plus marquée à droite : une écume peu abondante, mais
épaisse, non sanguinolente, vient sur les lèvres. Durée de l'ac-
cès, 2 minutes. Après l'accès, coma et stertor. L'infirmier
raconte qu'au début du 9° accès le malade a poussé un cri. Ce
cri ne s'est pas renouvelé jusqu'à présent. T. R. 39°.
16° accès. - En tout semblable au précédent. Pas de cri
initial, mais un bruit étouffé. Au début de l'accès, la tête et les
yeux sont fortement portés à gauche, puis à droite; la mâ-
choire inférieure en abaissement forcé, avec un mouvement
latéral qui la porte fortement à gauche, puis à droite... Durée :
une minute. Le malade a uriné sous lui. T. R. immédiatement
après l'accès, 39,5.
6e accès. - Rien de nouveau. Durée moindre (40 secondes).
T. prise sous l'aisselle pendant l'accès : u0°,4. Pouls, après
Fig. 2. - 0, '1'. une demi-heure après la mort; H,'l'. une heure après.
104 -il DE l'épilepsie PROCURS1VE.
l'accès, petit, incomptable. Sueurs abondantes. - Traitement :
lotions vinaigrées, sinapismes, sangsues à l'anus.
44° accès. - Période tonique très écourtée. Rien de particu-
lier, sauf une cyanose localisée, dès le début de l'accès, à la
main et au poignet droits. Les sangsues n'ont pas pris à l'anus;
on en mettra cinq à chaque apophyse mastoïde.
10 mars. - Gr... n'a eu que deux accès la nuit dernière ; il
reconnaît un peu ce matin l'infirmière. T. R. 38°, 8. P. fréquent,
faible, dépressible, face vultueuse ; respiration courte et gênée,
avec ronchus s'étendant à distance. Il y a eu en tout 47 accès.
Traitement : 60 ventouses ; Jul. acétate d'ammoniaque ; quin-
quina, etc. - Soir : T. R. 40°.
11. T. R. 39 ? Soir : T. R. 39°,6.
Depuis le 9 mars ni accès, ni secousses. Après les ventouses
les symptômes d'asphyxie ont momentanément diminué, puis
ilsont reparu plus intenses. L'affaiblissement fait des progrès.
12. - T. Il. 41 ? r matin et soir. Symptômes de conges-
tion méningitiquc. Le malade meurt à 7 h. 45 du matin. T. ft.
immédiatement après la mort : 4'lo, ; une demi-heure
après : 41°; - une heure après : 39 ? 3. (Fig. 2).
DE l'épilepsie PROCURSIVE. 105
ion de l'épilepsie procursive.
plète, prenant son origine dans la scissure de Sylvius et se ter-
minant à 2 millim. de la scissure interhémisphérique. -La
première circonvolution frontale très sinueuse, fortement dé-
coupée dans tous les sens et bien développée, envoie deux plis
de passage à la seconde circonvolution frontale qui interrom-
pont il continuité de la première scissure frontale qui est si-
nueuse et profonde. - La deuxième circonvolution frontale est
également bien développée, très découpée; à sa partie médiane
se trouve un sillon profond allant de la première scissure fron-
tale au sommet de la partie triangulaire de la troisième circon-
volution frontale, ce sillon est bordé au niveau de la deuxième
scissure frontale de deux plis de passage à niveau qui inter-
rompent la continuité de la deuxième scissure en reliant les
parties antérieure et postérieure du cap à la seconde circon-
volution frontale. La troisième circonvolution frontale paraît
assez bien dévc)oppée.La circonvolution frontale ascendante,
sinueuse, est bien conformée. - La circonvolution pariétale
ascendante, également sinueuse, est un peu grêle.
Lobe pariétal. Les lobules pariétaux supérieur et inférieur
ne présentent pas d'autres particularités que celles résultant
du trajet de la scissure interpariétale ci-dessus décrite. - Le
pli courbe est volumineux et relié la deuxième circonvolution
temporale par un pli de passage à niveau. Le lobe occipital
n'offre pas d'anomalies, mais ses circonvolutions sont un peu
maigres.
Lobe temporal. - La première (¡¡'convolution temporale peu
développée possède des circonvolutions temporales transverses
très peu développées. La scissure parallèle, interrompue vers le
milieu de son parcours par un pli de passage profond, envoie
en avant de celle-ci un sillon profond qui divise entièrement
la première circonvolution temporale; de ce même point part
obliquement une autre incisure moins profonde qui se ter-
mine à l'incisure préoccipitale, après avoir divisé la seconde
circonvolution temporale qui est bien développée. La deuxième
scissure temporale est très irrégulière et tronçonnée. - On ne
saurait distinguer de troisième circonvolution temporale, qui, ici
se trouverait confondue avec la seconde.
Face interne. Lobe temporo-occipital. - La première scis-
sure lempor9-0CCI]JÏtale est irrégulière, divisée en tronçons
dont l'un envoie un sillon à la deuxième scissure Lerrapornocci-
pitale à travers la première circonvolution temporo-occipilale
DE l'épilepsie PROCURSIVE, 107
qui, quoique bien développée est par suite très irrégulière et
mal délimitée du lobe temporal. Toutes les parties situées à
l'entour de l'incisure préoccipitale, mais surtout en arrière,
soit sur la face convexe, soit sur la face interne, soit un peu en
retrait et chagrinées. - La deuxième scissure et la deuxième
circonvolution lempú1"o-occipitales paraissent assez bien con-
formées, toutefois la partie médiane de la circonvolution est
légèrement en retrait et chagrinée. La circonvolution fron-
tale interne est bien développée, très sillonnée. Le lobule para-
central est très développé, bien isolé des circonvolutions envi-
ronnantes ; il présente un sillon médian transversal. - La
scissure calloso-marginale est sinueuse et va se perdre sur la
face convexe à deux centimètres en avant de la scissure inter-
hémisphérique. La circonvolution du corps calleux ne pré-
sente rien de particulier, mais à sa partie la plus postérieure
au niveau du bourrelet du corps calleux, elle est un peu en
retrait. - Le lobule quadrilatère, moins bien développé, est
divisé par un sillon vertical, aboutissant à la scissure sous-
pariétale, il n'existe qu'un pli de passage pariéto-limbique
postérieur. - Le coin, la scissure perpendiculaire interne,
la fissure calcarine ne présentent aucune anomalie. - Le
corps calleux, le corps strié, la couche optique paraissent nor-
maux. Il en est de môme du lobule de l'insula.
Hémisphère droit. - La scissure du Sylvius se termine dans
le pli pariétal inférieur où elle atteint presque la scissure in-
terpariétale ; à l'endroit où elle pénètre dans le pli pariétal in-
férieur, on trouve un petit pli de passage un peu en retrait qui
isole sa partie pariétale; il existe deux rameaux antérieurs as-
cendants, l'un situé entre l'opercule et la circonvolution fron-
tale ascendante va se jeter dans le sillon précentral inférieur,
l'autre situé entre l'opercule et la partie triangulaire de
la troisième circonvolution va se perdre dans la deuxième
scissure frontale. - Le sillon de Rolando, très profond, a la
forme d'un S. -- La scissure perpendiculaire externe n'atteint
pas la scissure interpariétale dont elle est séparée parmi pli de
passage il niveau allant du pli pariétal supérieur au lobe occi-
pital. - La scissure interpariétale est très irrégulière, forme
en arrière de la circonvolution pariétale ascendante une scis-
sure parallèle presque complète, mais peu profonde à sa. par-
tie inférieure; elle envoie un peu au-dessus de son coude uu
sillon horizontal profond qui divise presque entièrement la
108 DE l'épilepsie PROCURSIVE.
pariétale ascendante en deux parties, une supérieure, et une
inférieure; à un centimètre en arrière de son coude, son trajet
est interrompu par un pli de passage à niveau allant de la
partie postérieure du pli pariétal supérieur au pli courbe; plus
loin la scissure interpariétale va se terminer dans le premier
sillon occipital. Le lobule01'bitalÎ'e est bien développé, normal.
Face convexe. Lobe frontal. - En avant de la circonvolution
frontale ascendante, on trouve une scissure parallèle qui n'est
interrompue que par un pli de passage un peu en retrait, allant de
la deuxième circonvolution frontale à la frontale ascendante.
- La première circonvolution frontale qui est bien développée,
très sillonnée, envoie à son tiers antérieur un pli de passage
à niveau, grêle, à la deuxième circonvolution frontale qui est
bien développée, maistrèsirré,'ulière; celle-ci est très sillonnée;
à son tiers antérieur, elle est divisée par un sillon profond qui
longe la face antérieure du pli de passage ci-dessus et fait
communiquer entre elles la première et la deuxième circonvo-
lution frontale ; à un centimètre et demi environ plus en ar-
rière on trouve un autre sillon profond qui, après cire descendu
d'abord verticalement dans la deuxième frontale, marche en-
suite parallèlement à elle vers son milieu et va se jeter dans la
scissure parallèle frontale, en formant ainsi un dédoublement
de la partie postérieure de la deuxième circonvolution fron-
tale. - Un pli de passage légèrement en retrait, allant de la
partie supérieure de l'opercule à la deuxième frontale, inter-
rompt la continuité de la deuxième scissure frontale à sa partie
la plus postérieure. - La troisième circonvolution frontale est
bien développée, mais irrégulière; on y trouve encore à sa partie
la plus antérieure un pli de passage se rendant à la deuxième
circonvolution frontale. - La circonvolution frontale ascen-
dante, sinueuse, est déprimée à son centre qui est très grêle et
surplombé par la circonvolution pariétale ascendante bien
développée à sa moitié inférieure, mais plus grêle que de cou-
tume à sa moitié supérieure.
Lobe pariétal. - Le pli pariétal supérieur, bien développé
dans ses deux tiers antérieurs, est maigre dans son tiers posté-
rieur isolé du reste du lobule par un rameau ascendant de la
scissure interpariétale, rameau qui, après avoir contourné la
scissure interhémisphérique, se termine sur la face interne. -
Le lobule pariétal inférieur, bien développé, est isolé du pli
courbe, également bien développé, par un sillon descendant se
DE l'épilepsie PROCURSIVE. <09
rendant de la scissure interpariétale, à la scissure parallèle. -
La presque totalité du lobule pariétal inférieur, surtout dans
sa partie postéro-inférieure, est chagrinée; il en est de même
du pli courbe, mais à un degré moins prononcé.
Le lobe occipital est assez volumineux ; mais ses deuxième
et troisième circonvolutions sont un peu chagrinées.
Lobe temporal. - La première circonvolution temporale est
bien développée, présente des circonvolutions temporales
transverses semblables à celles de gauche. La scissure paral-
lèle, très profonde, se divise à son extrémité postérieure en
deux rameaux, l'un antérieur qui se perd dans le pli pariétal
inférieur, l'autre postérieur qui, après avoir pénétré dans la
portion postérieure de la seconde circonvolution temporale, est
coiffé par le pli courbe.-La deuxième circonvolution temporale
est bien développée et chagrinée dans sa moitié postérieure.
- La deuxième scissure temporale est irrégulière, tronçonnée,
mais on peut à la rigueur, surtout postérieurement, distinguer
une troisième circonvolution temporale également un peu cha-
grinée et légèrement en retrait vers l'incisure préoccipitale.
Face interne. Lobe temporo-occipilal. - La première scis-
sure tcmporo-occipitale est assez profonde, sinueuse. La pre-
mière et la deuxième circonvolutions temporo-occipitales sont
bien développées. - La deuxième scissure temporo-occipitale
est profonde.
La circonvolution frontale interne, bien conformée, est très
sillonnée. - Le lobule paracentral, bien développé, a la forme
d'une bourse dont l'ouverture siégerait au niveau de la scis-
sure calloso-marginale qui est normale ; un pli de passage à
niveau, maigre, relie la partie inféro-antérieure du lobule
paracentral à la circonvolution frontale interne. - Le lobe
quadrilatère est petit, maigre, possède un petit pli pariéto-
limbique postérieur. - Le coin, la scissure perpendiculaire
interne, la fissure calcarine ne présentent pas d'anomalies. -
Le corps calleux, le corps strié, la couche optique n'offrent
rien de particulier. - Il en est de même du lobule de l'insula.
Le malade Gr. a présenté des actes automatiques ne
se dill·érenciant guère de ceux qu'on observe ordinai-
rement chez les épileptiques; mais l'on a noté, en
110 - DE" l'épilepsie PROCURSIVE.
outre, des phénomènes rotatuires qui se rencontrent
également assez souvent chez certains épileptiques',
soit d'une façon à peu près constante, soit à de rares
intervalles et sur la nature desquels il est encore dif-
ficile de se prononcer. Les lésions portent surtout sur
l'hémisphère cérébral droit dont certaines circonvolu-
tions des lobes pariétaux et temporal offrent un cer-
tain degré d'atrophie et un aspect chagriné.
L'hémisphère cérébelleux gauche était atrophié et
pesait 15 grammes de moins que le droit. Les phéno-
mènes rotatoires présentés par le malade auraient été
sous la dépendance de cette lésion; mais nous ne sau-
rions lui attribuer de même les actes automatiques
simples que nous avons signalés; ajoutons toutefois,
qu'avant son entrée à Bicêtre, Gr... avait la manie de
s'en aller, qu'il a été retrouvé dans différents endroits
de Paris, mais nous ignorons s'il était procursif.
Les circonvolutions et les scissures cérébrales étaient
très anormales; à gauche la scissure perpendiculaire
externe, en se prolongeant jusqu'à l'incisure préocci-
pitale, isolait, comme chez le singe, les lobes pariétaux
et temporal du lobe occipital.
Bien que cela nous écarte un peu de notre sujet, il
est un point de l'histoire de ce malade que nous ne
pouvons laisser passer sans attirer sur lui l'attention
de nos lecteurs : il s'agit des deux états de mal qu'il
a eus en 1884 et en 1886. Dans les deux cas, la tena-
pérature centrale a suivi la marche régulière signalée
souvent par l'un de nous (tîg. 21 et 22). Le premier tracé
4 « One of my patients ahvays liopped round thc room before lie
fell in a fit. » (Gowers, On Epilepsy, p. 121.)
de l'épilepsie procursive 111
montre la marche de la température dans un état de
mal qui se termine par la guérison; le second nous
donne la marche de la température dans un cas d'état
de mal aboutissant à la mort, avec les deux sommets
classiques, l'un correspondant à la fin de la période
convulsive, l'autre correspondant à la période ménin-
gotique terminale.
Observation XXVI. Mère, nerveuse. - Grand'mère maternelle,
attaques de nerfs, somnambulisme, migraines.
Conception par viol. - Grande différence d'âge entre les père
et mère. - Premières convulsions ci six mois. - De quinze mois ci
quatre ans, vertiges. - Premier accès à sept anus. - .Débilité
mentale. - Idées mélancoliques après les accès. Excitation
maniaque. - Onanisme. - Hydrothérapie et bromure de so-
dium. - Kyste hydatique du foie : Ponction ; guérison.
Led... (Charles), né le 13 murs 1863, estentréle 4 mai à Bicêtre
(service de M. Bourneville;.
Led.. n'a que des accès de nuit ; après l'accès, il cherche ci faire
son lit, parcourt la salle, puis va se coucher dans le premier lit venu.
Observation XXVII. - Pas d'antécédents héréditaires. Incon-
tinence nocturne intermittente d'urine. - Epilepsie, attribuée ci
des coups qu'il aurait reçus d'une employée de son père.
Jarr..., né le 20 mars 1876. Ce malade' a des vertiges diurnes
accompagnés de marche. - Après les accès nocturnes il se lève
parfois, va embrasser son père inconsciemment et se recouche.
Observation XXVIII. - Père mort d'un cancer de la langue.
Cousine germaine du côté maternel, hystérique. - Deux frères
morts de méningite. - Asphyxie à la naissance - Marche et
parole ci quatre ans. - Convulsions à treize mois. - Incontinence
nocturne d'urine jusqu'à seize ans. - Onanisme des l'enfance.
Intelligence peu développée. - Sodomie. - Inversion du sens
, génital. - Début de l'épilepsie non précisé. - Parfois aura. -
. Hallucinations après l'accès. - Hernie inguinale gauche.
Gib... (ArLhur-philiberL), né le 22 décembre d850, est entré le
2 septembre 1885, à Bicêtre (service de M. Bourneville). '
' C'est là une des causes les plus fréquentes des maladies de l'encé-
phale qui produisent l'idiotie, et sur laquelle nous avons souvent appelé
l'attention (B.). .
11 ? DE l'épilepsie PROCURSIVE.
Ce malade accomplit des actes automatiques après ses accès..
Avant de tomber, il fait trois ou quatre pas en tournant. Après
l'accès, pendant vingt minutes environ, il cherche sous les tables,
les armoires, de prétendus rats et des souris.
Observation XXIX. - Père douteux. - Mère débauchée. - Début
des accès à quatre ans. - Chute dans la Seine. -- Roulement,
automatisme. - Etourdissements précédant les accès. - Ona-
nisme. - Kleptomanie, gloutonnerie, herbivore. - Clastomanie,
fugues. - Ingestion exagérée de boudin; retour des aliments, in-
troduction dans les voies respiratoires. -11101't.
Autopsie : Oesophage, larynx, bronches remplis de boudin; esto-
mac plein; thymus persistant. - Atrophie des lobes occipitaux. -
Hémisphère droit 20 gr. de moins que le gauche.
Fauc... (Léon), né le 44 juillet 1870; est entré le 17 juillet 1885
à Bicêtre (service de M. Bourneville) et y est décédé le 2 dé-
cembre f 883. - Ce malade se déchire, se déboutonne, retire son
pantalon, le laisse tomber, prend sa verge, se touche et souvent
s'endort.
Observation XXX. - Grand'mère paternelle, névralgies. - Tendance
aux congestions dans la famille paternelle. - Oncle paternel,
mort de convulsions. - Tante paternelle, attaques de nerfs et
insuffisance intellectuelle. - Grand'mère maternelle et deux
oncles maternels, suicide. - Trois morts subites dans la famille
maternelle. - Un frère, une soeur, une cousine germaine, morts
de convulsions. '
Premières convulsions à six semaines portant exclusivement
sur le côté droit et prédominant au bras. - Vertiges (deux ans
et demi à six ans). - Premiers accès ti six ans. - Onanisme. -
Hémiplégie droite. - Imbécillité. - blicrocéphalic.
Lacro... (Henri), né le 5 avril 1866, est entré le 14 juillet 1882,
à Bicêtre (service de M. Bourneville).
Après les accès, Lacro... déchire régulièrement ses draps et ses
effets.
Observation XXXI. - Epilepsie. - Légère déchéance intellectuelle.
Automatisme.
Jaco... (Adolphe-Henri), né le 8 janvier 1864, est entré, le
31 mai 1877, à Bicêtre (service de M. Bourneville).
Jaco..., à la suite de ses accès, se déshabille complètement,
cherche à se coucher dans le lit de camp, comme si c'était un véri-
table lit.
DE l'épilepsie PROCURSIVE. 11
OBSERVATION la\Il. -Père, mort phtlcisique. - Un frère, mort de
convulsions.- Un autre : hémiplégie gauche non infantile.- Peur
pendant la grossesse. - Accouchement huit jours après. - Con-
vulsions de six semaines ci trois ans. - Puis accès convulsifs. -
Aura médiate. - Soubresauts. - Pyromanie. - Excitation ma-
niaque. - Violences. - Tléinori-hoides. - Diminution des facul-
tés intellectuelles. - Hydrothérapie.
Pla... (François-Dominique), né le 2 janvier 189, est entré le
15 janvier 4815 à Bicêtre (service de M. Bourneville).
Aussitôt l'accès terminé, P1... saisit les colonnes de la salle du
chaulfoir, cherche à les ébranler; il prend ensuite les matelas du
lit de camp, simule l'acte de faire un lit.
Avant son entrée à Bicêtre, on avait constaté qu'après les accès,
PI... cherchait à sortir, il fallait le maintenir, le surveiller.
Observation XXXIII. - Père mort phthisique. - Un oncle paternel
phthisique. - Un autre épileptique. - Mère migraineuse.
Grand'mère maternelle hystérique. - Une tante maternelle
phthisique. - Soeur, morte de convulsions. - Gémellarité.
Premières convulsions ci treize mois. - Début des accès à vingt-
deux ans. - Diminution des facultés intellectuelles. - Ona-
nisme. - Automatisme.
Louq... (Paul-Denis), né le 29 novembre 1850, est entré le
2G novembre 1881 à Bicêtre (service de M. BOURNEVILLE),
Ce malade cherche après l'accès, pendant dix minutes, à ouvrir
toutes les portes avec n'importe quel objet qui lui tombe sous la
main. Il cherche souvent aussi à se déshabiller.
Etant encore chez sa mère,. Louq... accomplissait des actes
automatiques : il voulait s'en aller : « Oh ! ça y est, disait-il, je veux
aller travailler. » Il se déboutonnait, cherchait dans ses poches,
commençait à se déshabiller. Quelques jours avant son entrée à
Bicêtre, il se serait, après un vertige, déshabillé dans la rue Cardi-
nal-Lemoine ; il accrochait ses habits. On l'a reconduit chez lui
(rue Hollin) et on l'a couché sans qu'il s'en doutât. Au bout de
quelques minutes, il revint à lui.
Observation XXXIV. Mère, nerveuse, inconduite, migraineuse,
morte p/t</tM ? t<t ? Cousin germain idiot. - Frères, morts de con-
vulsions. - Premiers accès à douze ans. Aura nasale. - Au-
tomatisme post-épileptiqtte.
Dog... (Jacques), né le 3 janvier 4365, est entré le ,12 2 août 1880 à
Bicêtre (service de M. Bourneville).
BOUHNEVILLK, ii3î. i
114 DE l'épilepsie PROCURSIVE.
Ce malade, dont l'un de nous a déjà publié l'observation*, pré-
sente de l'automatisme à la suite de ses accès : il se lève, l'air
égaré, traverse toute la salle de l'infirmerie, va à un lit vide,
essaie de l'ouvrir parle pied, finit enfin par relever le drap et se
couche sous la couverture. Il répond à peine aux questions et par
monosyllabes : a Je ne sais, mon lit, etc., » puis il s'endort paisi-
blement. C'est sous cet aspect que nous avons observé chez ce
malade l'automatisme à la suite d'un accès le 8 février 1882.
Observation XXXV. - Père diabétique. - Grand'mère paternelle
phthisique. - Mère hystérique. - Deux cousins germains de la
mère du côté paternel, épileptiques. - Vertiges ci dix-huit mois,
accès à six ans. - Phénomènes cataleptiques. - Aura. - Folie et
courses consécutives. - Pyromanie et kleptomanie. - Mort dans
un accès. ·
De Buss... (Gaston-Emile), né le 5 mai 1859, est entré le
16 mars 1874 à Bicêtre (service de M. BOURNEV1LLE) et y est décédé
le 8 septembre 4883.
Aw'l1 ? Au début il s'écriait : «Maman, bobo», il se plaignait que
ça lui piquait dans la tête et dans le nez. Il accourait vers sa
mère chez laquelle il ne s'est jamais blessé. Dans son sommeil il
appelait également : « Maman, bobo », poussait un cri très fort ;
rigidité générale, secousses cloniques. Pas d'écume; morsure rare
de la langue. Après les accès, sommeil d'une demi-heure. Quel-
quefois folie consécutive : il criait, gesticulait, courait dans la
chambre, dans l'avenue (à Saint-Mandé), voulait tuer sa mère
parce qu'elle ne voulait pas lui laisser faire tout ce qu'il voulait.
Il voulait se jeter par la fenêtre pour la même raison. Ces
« furies » ne duraient que quelques minutes. Il a mis une fois le
feu dans la salle à manger où il s'était enfermé.
II. Automatisme professionnel. - Les actes auto-
matiques professionnels sont presque aussi fréquents
que les précédents, mais leur importance en médecine
légale est bien moindre.
Observation XXXVI. - Mère, morte d'un cancer du sein. -
Début de l'épilepsie vers l'age de trente-quatre ans.
Crél... (Félix), né le 12 octobre 1825, est entré le 25 mars 1886,
à Bicêtre (service de M. Bourneville).
' Bricon (P.). - Du traitement de l'épilepsie; Paris, 1882, obs. X,
p. 97.
DE L'ÉPILEPSIE procursive. Ho
Nous avons ici affaire à un cas d'automatisme professionnel; ce
malade est tailleur : après l'accès il fait le simulacre de coudre au
moins pendant dix minutes.
Observation XXXVII. Père alcoolique, céphalalgique, rhumatisant,
mort d'apoplexie ainsi qu'un oncle paternel. - Un petit-cousin
paternel, imbécile. - Alcoolisme. - Premier accès à vingt-neuf
ans.- Vertiges. - Aura médiate au début. - Diminution de la
mémoire.- Périodes de mélancolie et d'agitation.- Rhumatismes.
- Automatisme.
Ru... (Louis-Pierre), né le 26 avil 1842, est entré le 23 décembre
1880 à Bicêtre (service de M. Bourneville).
Ce malade est occupé à la buanderie; il a présenté de l'automa-
tisme professionnel observé durant un vertige. 11 était en train de
plier du linge, il pâlit, se lève sans mot dire, prend un drap, le
plie seul, répond machinalement aux questions qu'on lui adresse ;
la face devient pourpre, et le malade se dirige vers le bassin,
prend du linge et une brosse et se met à frotter pendant vingt
minutes tout à fait automatiquement. Revenu à lui, il est tout
étonné de se trouver là et dit aux personnes qui l'environnent :
«Mon Dieu, que c'est bête d'avoir cette maladie ! où suis.je ? »
11 se remet ensuite paisiblement à son travail. Chez lui Bu...
accomplissait parfois, avant l'accès, des actes automatiques. S'il
était en train de manger, il remuait sa cuiller, écartait son
assiette, chiffonnait avec les mains, faisait mouvoir sa langue
entre les dents.
Observation XXXVIII. - Aura. Diminution des facultés
intellectuelles. - Onanisme.
Tixi... (Victor-Jules), né le 21 juin 1862, est entré le 24 mars
1878, à Bicêtre (service de M. Bourneville).
C'est encore un exemple d'automatisme professionnel. Ce malade
travaille au marais. Après un des accès observés, il se met à se
promener dans le réfectoire et fait le simulacre pendant huit
minutes de semer des pois ou d'autres graines.
III. Automatisme précédant l'accès. - L'automa-
tisme préépileptique est assez rare ; on en trouve ce-
pendant quelques exemples dans les auteurs. Tels sont,
par exemple, les cas suivants publiés par Herpin1.
* Herpin. - Loc. cit., p. 122.
H6 6 DE l'épilepsie PROCURSIVE.
- Une couturière, qui essayait une robe à une dame, répète à
plusieurs reprises la courte phrase qu'elle prononçait au moment
de perdre connaissance ; elle s'assied, l'oeil hagard, elle baise le
verre d'eau qu'on lui présente, se raidit de tous les membres, et
l'attaque se complète.
- Le fils d'un médecin, pris à table un jour devant son père, jette
au loin le verre dont il buvait le contenu au moment de perdre
connaissance ; une autre fois, saisi au milieu d'un jeu, dans la
cour d'un lycée, il entre sans tunique dans une classe qui n'était
pas la sienne, insulte un maître d'étude, puis se roidit et tombe.
- Le neveu d'un autre médecin, étant à table et mangeant, en
présence de son oncle, se lève brusquement et, par des mouvements
désordonnés, mais non convulsifs, renverse les objets qui étaient
devant lui ; bientôt, flexion de la tête en avant, lèvres avancées,
aucun cri; on le retient dans sa chute, contraction générale, figure
pourpre.
A ces cas nous ajouterons les suivauts, observés
chez des malades du service de Bicêtre :
Observation XXXIX. - Père alcoolique. - Mère phthisique. - Soeurs
et pères malformés et convulsifs. - Hydrocéphalie légère. -
Epilepsie consécutive (huit ans). - Aura stomacale et rotatoire ;
alcoolisme. - Vagabondage. - Déchéance intellectuelle. - Trai-
tements divers.- Hydrothérapie et Bromure de nickel, sans succès.
Mot.. (Charles), né le 7 décembre 1865, est entré le 24 septembre
1882, à Bicêtre (service de M. Bourneville).
Il s'agit dans ce cas de mouvements automatiques précédant
immédiatement l'accès. - Mor.... se frotte la tête et marche en
disant : « Oh ! j'ai mal à la tête, je vais tomber. »
Observation XL. - Père alcoolique, colérique, eczémateux, mort
phthisique. Grand-père maternel alcoolique. Frère mort de
convulsions. Autre frère, convulsions et tumeurs blanches. -
Première dent ci sept mois; parole ci un cacz, marche à quinze mois.
- Coqueluche à deux ans et demi, puis fièvre typhoïde et pneu-
monic.-Rougeole à quatre azs.-Accidcnts cérébraux ci deux ans.
- Scarlatine, premier accès à dix ans. - Accès surtout noc-
turnes. - Kleptomanie. - Sauts et courses, congestion, ménin-
gitique, déchéance intellectuelle, onanisme. - Automatisme.
Bromure d'arsenic, aimant, nitrate de pilocarpine.
Del... (Léon-Jules), né le 19 décembre 186'J, est entré le 10 mars
DE l'épilepsie PROCURSIVE. 117
1881, à Bicêtre (service de M. BOURNEVILLE) et y est décédé le
15 avril 1885.
L'observation de ce malade a déjà été publiée par l'un de nous'. '.
Il s'agit dans ce cas d'automatisme préépileptique. Qu'il soit endormi
dans son lit ou sur une chaise, il se lève d'un bond; il a peur,
semble regarder un point fixe en l'air, les bras en avant, il va à
reculons, comme pour fuir un danger, profère des cris étouffés,
une fois on l'a entendu dire : « Ils sont deux »; une autre fois, il
tapait sur son oreiller à coups de poings, disant : « Je le tue » ;
d'autres fois, il dit : « Ça y est » ; durée : deux minutes ; mais si
à la suite, il y a des convulsions, cela dure plus longtemps; il
s'affaisse, les yeux se tournent, les membres se raidissent, puis il
a des secousses, de l'écume; il ne se mord pas la langue, mais
urine quelquefois sous lui; enfin il se rendort.
Observation XLI. -Mère hystérique, intelligence peu développée.-
Grand'mère maternelle, mélancolie, idées de persécution. - Né
avant terme : convulsions à vingt-deux mois, début de l'épilepsie à
trois ans. - Au1'a. - Etat de mal. - Déchéance intellectuelle. -
Violences. - Délire postépileptique. - Kleptomanie, automa-
tisme. - Dilatation pupillaire droite. - Embarras de la parole.
- Etat de mal. - Mort.
Autopsie. Persistance du thymus-, épiploon de Il1VésiCItIe biliaire.-
Persistance oblique du trou de Rotai. - Légère induration du bord
libre d'une valvule mitrale. - Méningo-encéphalite.
Vissi... (Alexandre-Rapbaël-Georges), né le 30 décembre 1868,
est entré le 13 mars 1885, à Bicêtre (service de M. BouaNFmLtE),
et y est décédé le 19 avril 1885.
Nous avons affaire ici à un cas d'automatisme préépileptique.
Tout d'un coup Viss... se levait, marchait ou non et donnait de
violents coups de pieds, ou de violents coups de mains; tantôt
dans le vide, tantôt sur les personnes; un jour, la première fois
qu'on a remarqué ces accidents, il a donné un violent coup de
main sur l'épaule de sa mère. - Jamais il n'a frappé son père;
il lui disait : « Papa attache-moi ! » Dans ses mouvements, les objets
étaient brisés.
A Bicêtre, le malade n'avertissait pas, mais on assure que avant
ses accès, il courait une vingtaine de pas, donnait un soufflet à la
personne qui se trouvait devant lui et tombait en accès; la main
' Bricon. - Du traitement de l'épilepsie, 1882, p. 91.
1 Nous avons eu l'occasion d'observer souvent la persistance du
thymus, même chez des adultes; nous consacrerons prochainement à ce
sujet une note.
118 DE l'épilepsie PROCURSIVE.
ouverte, il frappait où il pouvait; l'infirmier qui nous renseigne
aurait été frappé deux fois.
Les divers auteurs qui ont traité de l'épilepsie ont,
pour la plupart, parlé de l'automatisme, souvent, il
est vrai, en termes fort concis. On trouve disséminées
dans les journaux et les recueils de médecine des
observations de malades atteints d'épilepsie accompa-
gnée d'automatisme '.
Dans sa thèse sur la Pathologie des états épileptoïdes,
O. Berger 2 établit un rapprochement entre une de ses
observations et celle publiée antérieurement par Sem-
mola, qui se rapporte à l'épilepsie procursive propre-
ment dite. Nous n'y voyons, pour notre part, qu'un de
ces cas d'automatisme si fréquemment observés chez
les épileptiques. Nous croyons toutefois utile de le
rapporter entièrement, laissant au lecteur le soin de
juger en dernier ressort.
Observation XLII. - Mère morte maniaque. - Signes
légers de dégénérescence. - Début à vingt-deux ans. - Ver-
tiges. - Accès procursifs. - Morsure de la langue. -
Irritabilité très prononcée. Déchéance intellectuelle assez
710 table.
Johann S..., vingt-sept ans, messager postal, ancien con-
ducteur de chemin de fer, est un individu pâle, un peu chétif.
' Nous n'avons pas la prétention de relater ici toutes les observations
d'automatisme publiés par les auteurs; il nous faudrait citer presque
tous les médecins qui se sont occupés de l'épilepsie; nous rappellerons
seulement que c'est peut-être à lJerpin que nous sommes redevables du
plus grand nombre d'observations de ce genre. (Loc. cit., p. 144, 153,
làî, 155, 156, 158, 159, 186, 193, 195, 199). - Voir encore pour l'auto-
matisme les observations de Stevens et C. H. Hughes (The Aliellist and
Neurologist, avril 1880, analyse dans Archives de Neurologie, t. I, p. 318),
d'Altlraus (Bril. med. Journal, 1886), de A. Robertson (I3rit. med. Jour-
nal, 21 avril 1887), de Gowers, p. 185, 186, 187, 188), etc., etc.
2 O. Berger. - Zur Pathologie der epileptoîrlen Zustande nach 25 Beo-
6acluugerz der Kgl. Charité zu Berlin. - Inaugural. Dissertation. Ber-
lin, 1867. Observ. I, p. 2L
DE l'épilepsie PROCURSIVE. 119
Son père vit encore, sa mère est morte maniaque à l'âge de
quarante ans. Frères et soeurs bien portants. J... S... n'aurait
été atteint d'aucune maladie en dehors de l'épilepsie. La tète,
par rapport au corps, est fortement développée; le crâne est
aussi plus développé ; le crâne est de même plus développé que
la face. Le front étroit est très proéminent ; une crête assez
marquée indique très manifestement la suture bi-frontale. Au
toucher, on constate que la tête est très sensible dans toutes
ses parties. Les oreilles sont longues et larges, les organes
génitaux sont bien développés. Les poumons, le coeur, les
organes abdominaux sont normaux. Le malade, les yeux
fermés et les pieds rapprochés l'un de l'autre, a quelque peine
à se tenir debout ; après une demi-minute de station debout,
il risque de tomber en arrière et ressent encore de la gêne
motrice même après avoir ouvert les yeux. Veut-il tourner sur
son axe ? il tombe bientôt en arrière; la chute est plus rapide
s'il essaie de tourner à gauche. On ne note pas de troubles de
la sensibilité et de la motilité. Le malade présente une hyper-
esthésie généralisée à tout le corps, et un examen répété
menace de produire une chute. Le fond de l'oeil est très
pigmenté, les veines sont très dilatées, les pupilles sont nor-
males.
Le malade eut son premier accès, il y a cinq ans, sans
cause connue. Sans aura préalable, il fut pris d'un vertige et
tomba évanoui. Les accès se repétèrent ensuite chaque se-
maine de deux à trois fois ; à leur suite, le malade ne revenait
à lui qu'après un assez long temps. Depuis son entrée à
l'hôpital, J. S... a eu deux ou trois accès par jour, leur durée
est de deux à trois minutes. Après l'accès, le pouls radial est
intermittent, tout à fait arythmique, modérément plein et
facilement compressible. D'ordinaire, une forte pulsation est
suivie d'une plus longue pose, puis viennent trois ou quatre
pulsations à de courts intervalles. Le coeur n'est hypertrophié
dans aucun de ses diamètres, les tons sont purs.
Les accès sont tantôt légers, tantôt forts. Dans le premier
cas, ils se présentent sous la forme vertigineuse : pâleur de la
face, chute sans mouvements convulsifs. Le pouls est accéléré
et le malade reste à la suite hébété pendant quelques minu-
tes ; il regarde autour de lui d'un air étonné, ne répond pas
aux questions ; toutefois, il revient complètement à lui peu de
temps après.
120 DE l'épilepsie PROCURSIVE.
Les accès ont parfois un tout autre caractère ; en voici un
exemple : Le malade essayait de tirer un tiroir droit à lui, lors-
qu'il pâlit subitement ; la tête s'incline en avant, puis alors il
commence à décrire, avec assez de lenteur, de petits cercles de
droite à gauche ; au troisième tour, il tombe en arrière. Au-
devant de la bouche quelque peu entr'ouverte se trouve une
petite quantité d'écume non sanguinolente. Les yeux sont
directement dirigés en bas, les pupilles moyennement dilatées ;
les extrémités sont, comme à l'ordinaire, en demi-flexion ; on
ne constate ni secousses cloniques, ni secousses toniques.
Après une à une minute et demie environ, le malade complè-
tement hébété se relève, déchire ses effets, ramène vivement
son pantalon jusqu'au-dessus des genoux, ne répond à aucune
question. Un quart après il est à peu près complètement
revenu à lui ; il répond d'une façon assez juste aux questions,
mais d'un ton quelque peu criard. - Ces sortes d'accès alter-
nent irrégulièrement avec les crises vertigineuses décrites
plus haut. 0 Z)
Etat psychique. - Dans les premiers temps de son séjour à
la Charité le malade ne présentait qu'un léger degré d'affaiblis-
sement intellectuel ; il travaillait avec assez de zèle, était d'une
politesse exagérée. Mais peu à peu il devint très irritable,
cherchant dispute pour la moindre cause. Il était excité, cir-
culait avec rapidité dans les salles, menaçait et injuriait si
l'on n'exécutait pas ses volontés, et même si l'on s'y
soumettait. Il expliquait d'une voix criarde et en gesticulant
vivement sa maladie au médecin, demandait à ne plus suivre
de traitement « pour se chercher son droit dehors ». En par-
lant au médecin, les mains, toujours en mouvement, sont
placées devant lui ; il prononce tous les mots avec une into-
nation spéciale et forte; il discourt pendant quelques minutes,
d'une voix criarde et animée, de toutes choses, même de
celles qui lui sont tout à fait indifférentes. L'affaiblissement
des facultés intellectuelles s'est enfin accru au point que le
malade ne saisit plus bien le sens des questions un peu
longues.
Il s'agit ici d'actes automatiques précédant l'accès
suivis de mouvements rotatoires, mais l'on ne saurait
assimiler ces actes à l'épilepsie procursive proprement
de l'épilepsie procursive. 121
dite, dont ils diffèrent de tous points. - Dans le
même travail Oscar Berger rapporte plus loin quel-
ques cas d'épilepsie accompagnés de phénomènes mo-
teurs que nous ne croyons pas utile de rapporter ici ;
nous y renvoyons le lecteur.
Il nous resterait à donner l'explication physiolo-
gique de l'automatisme, nous aimons mieux nous
abstenir de toute hypothèse nouvelle. Nous rappel-
lerons seulement qu'Anstie, Thompson, Dikson,
Hughlings Jakson, etc., ont attribué l'automatisme
à l'épuisement des centres cérébraux supérieurs par
la décharge, et à la perte temporaire du contrôle que
ces derniers devraient exercer sur les centres com-
plexes qui se trouvent juste au-dessous d'eux et
agissent, par conséquent, d'une façon automatique
et insubordonnée.
Vits Anatomie pathologique.
Le nombre des autopsies de malades atteints d'épi-
lepsie procursive ou d'accidents procursifs est assez
restreint, soit parce que les cas en sont peu nombreux,
soit parce que la transformation parfois complète de
l'épilepsie procursive en épilepsie commune ne per-
met pas souvent, faute de renseignements suffisants,
de porter un diagnostic rétrospectif. Nous avons déjà
parlé incidemment des lésions rencontrées à l'autopsie
de malades dont nous avons rapporté l'observation;
voici maintenant un cas d'épilepsie procursive pro-
prement dite, observé assez longuement et suivi
122 DE l'épilepsie PROCURSIVE.
d'autopsie ayant montré, outre des lésions cérébrales
plus ou moins disséminées, une lésion cérébelleuse
à laquelle il nous semble possible de rattacher les
phénomènes procursifs observés pendant la vie.
Observation XLIII. - Tante paternelle sc ! 'o/Me : fsf.37e;'e migrai-
neuse. - Grand-père maternel alcoolique. - Grand'mère mater-
nclle morte phthisique.
Vertiges à cinq ans. - Accès procursifs avec aura à sept ans.
Déchéance intellectuelle à partir d douze ans. Rougeole à
quatre ans. - Nitrate de pilocarpine; - curare. - Démence ; -
grincement de dents. - Gâtisme; affaiblissement progressif; "
état de mal. - Pyo-pneumo-thorax consécutif. - Mort.
AUTOPSIE. - Ganglions iléo-coecaux calcifiés; - 1Jyo-pncumo
thorax ; péricardite purulente; athéi-orrie de l'espace sous-aortique.
- Tuberculose pulmonaire crétacée.
Quelques adhérences pie-mériennes ; atrophie et sclérose du
lobe cérébelleux gauche; -inégalité de poids entre les hémisphères
cérébraux et entre les hémisphères cérébelleux.
Duch... (Pierre-Nicolas), né le 26 février 1861, est entré le
18 décembre 1876 à Bicêtre (service de M. Bourneville) et y est
décédé le 16 septembre 1885.
Renseignements fournis par le père et lamère (7 septembre 1885).
- Père, cinquante-neuf ans, cocher, assez corpulent, aurait eu
en 1867 une « fièvre cérébrale o 1 ; n'aurait jamais fait d'excès de
boisson ; pas de migraines, pas de maux de tête, épistaxis fré-
quentes vers l'âge de douze ans. - [Père, journalier, mort à l'âge
de soixante et onze ans, on ne sait de quoi. - Mère morte de
vieillesse ( ? ) à l'âge de soixante-dix ans environ; elle était sujette
à des maux de tôle. - Une soett1', soixante-quatre ans, abcès
scrofuleux. - Frère, mort à soixante-deux ans environ, a eu deux
enfants très bien portants. D'autres soeurs sont mortes l'une de
la coqueluche et l'autre d'une affection qu'on ne peut préciser;
celle-ci a laissé des enfants bien portants. - Pas d'aliénés, pas
d'épileptiques, pas de suicides, etc., dans la famille.]
Mère, soixante ans, assez grande, brune, fait son ménage,
' Début par un tremblement, pas de délire.
DE l'épilepsie PROCURSIVE. 123
tenait un garni avant la guerre ; toujours bien portante, ni
migraineuse, ni nerveuse ; elle a eu, il y a deux ans, un abcès à
la jambe droite avec fistule. [Père, enfant naturel, mort alcoolique,
à l'âge de soixante ans environ. -Mère morte à trente-cinq ans de
bronchite. - Pas d'aliénés, pas d'épileptiques, pas de suicides, etc.,
dans la famille.] - Pas de consanguinité..
Notre maMe.Grossesse bonne. Accouchement normal, à terme,
sans chloroforme. L'enfant était bien conformé, il a été nourri
au sein par sa mère jusqu'à deux ans ; il a commencé à parler
de bonne heure; il parlait convenablement et marchait bien à
dix-huit mois ; plus tard on le mit à l'école où il apprenait bien.
Il n'aurait jamais eu de convulsions. Les vertiges auraient débuté
dès l'âge de cinq ans. Les parents nous les décrivent de la ma-
nière suivante : « Ça venait comme un étouffement, il cherchait à
respirer, la face se décomposait, ça ne débordait pas. » « Ma
femme le prenait, ça passait. » Les vertiges se montraient sans
aura, environ tous les huit jours; s'il marchait, il s'arrêtait tout
d'un coup.
Les premiers accès se seraient montrés vers sept ans. Duch...
prévenait alors en disant : « Papa, maman »; il criait, puis courait.
La procursion était très courte, quelques mètres, jusqu'à ce qu'il
trouvât un objet ou une personne à qui s'accrocher; s'il ne trou-
vait rien, il tombait. 11 était comme poussé violemment et la pro-
cursion n'était pas une simple marche. Les accès survenus, les
vertiges ont disparu en grande partie, quelquefois cependant « la
crise ne débordait pas. ? ; s'il s'accrochait à quelque chose il pous-
sait un soupir et c'était fini quand on arrivait à temps pour lui
frapper entre les deux épaules.
Les accès ont augmenté progressivement ; ils revenaient d'abord
toutes les trois semaines, puis tous les quinze jours. Vers douze
ans la mémoire a commencé à faiblir ; il tombait alors fréquem-
ment de nuit et de jour jusqu'à cinq fois dans les mêmes vingt-
quatre heures (tête à gauche, ronflement, bave) '.
Avant les accès il devenait méchant, coléreux. - A son entrée
à Bicêtre la parole se bornait aux mots : « Merde, sale vache. » Il
crachait au visage des gens sans être en colère.
Rougeole vers trois ans, puis beaucoup de dartres. - Fracture
de la jambe droite à huit ans (chute d'une charrette).
Etat actuel (21 mai 1883). -- Tête carrée, symétrique, sans
' Il est très diflicile d'obtenir des renseignements bien précis, le père
et la mère étant d'une intelligence au-dessous de la moyenne. De plus
la mère parle mal le français.
124 DE l'épilepsie PROCURSIVE.
proéminence de l'occipital qui. est surmonté par un méplat médian
et régulier ; les bosses pariétales et frontales sont peu dévelop-
pées, les apophyses mastoïdes sont assez développées, régulières,
symétriques et de même volume de chaque côté. - Cheveux châ-
tain foncé ; cicatrices de 4 à 5 centimètres à gauche à l'union
du pariétal et de l'occipital, une autre plus petite vers la partie
médiane et s'étendant à gauche à la partie supérieure de l'occi-
pital. - Front peu développé (avec nombreuses rides transver-
sales), fortement déprimé latéralement; ces dépressions régulières,
symétriques, partent environ d'un à un et demi centimètre dubord
interne du sourcil; de ce fait les arcades sourcillères paraissent
proéminentes. Cicatrice oblique de haut en bas partant de la
partie médiane au niveau de la suture fronto-pariétale gauche.
DE l'épilepsie PROCURSIVE. -123
Cou : 36 centimètres. - Respiration normale. - Pouls 60. -
Digestion bonne. Duch... est grand gâteux, mais généralement
sans diarrhée, il mange avec voracité, malproprement avec ses
doigts. - Circulation, rien de particulier. - Musculature du tronc
et de l'abdomen bien développée.
Organes génitaux bien développés ; prépuce assez long, recou-
vrant en partie le gland. Testicules bien conformés, le droit est
un peu plus élevé que le gauche. Le malade paraît se masturber
pendant l'examen ; il se frotte le gland par un mouvement circu-
laire du pouce et de l'index 1.
Les extrémités supérieures et inférieures sont bien développées ;
les mains et les pieds sont cyanosés, froids. - Sur les bras, cica-
trices de vaccin ; trois cicatrices sur le dos du pied gauche : une
près de la rotule à gauche. - Périonyxis de l'orteil médian droit;
sur le 4° orteil gauche, légère ulcération croûteuse; plusieurs
cicatrices dont quatre surtout sont assez larges, à la face externe
et au quart supérieur de la cuisse droite. Le tissu cicatriciel est
ferme, assez dur; une, la plus antérieure, est nummulaire, à centre
un peu déprimé, lisse, blanche, à bords légèrement plissés en-
tourés d'un cercle brunâtre ; elle est mince et non adhérente.
Cicatrices de même nature, violacées au-dessous du grand tro-
chanter gauche; cicatrices multiples du dos à droite et gauche
et aussi sur les apophyses épineuses, qui sont proéminentes. -
Cicatrices multiples des deux fesses; quelques petites cicatrices
sur les coudes ; et quelques autres cicatrices ailleurs, entre autres
sur les doigts.
Les sens sont difficiles à examiner vu l'état de démence com-
plète du malade; l'ammoniaque le fait tousser, mais il ne se dé-
tourne que lentement. 11 mange avec assez de facilité le sucre, le
sel et la coloquinte ; puis il rouvre la bouche pour en redemander ;
- la sensibilité à la douleur parait bien conservée, quoique
perçue avec assez de lenteur. Parole nulle.
i 1S84. - Organes génitaux. - Poils rouges au pénil ; verge bien déve-
loppée ; gland découvert; méat étroit, rouge, sa base droite est excoriée;
bourses pendantes : testicules normaux. El-vtlième sur la verge et surtout
les bourses. Onanisme.
DE L'ÉPILEPSIE PROCURSIVE. 127
'ils DE l'épilepsie PROCURSIVE.
- On ne peut le faire parler, ni lui faire tirer la langue. il
mange seul, mais avec les mains.
20 décembre. -Pupilles égales, un peu dilatées; parfois grince-
ment de dents, ou encore il ouvre et ferme alternativement la
bouche.
1885. 17 juillet. Démence complète. Gâtisme. Il faut le
faire manger, l'habiller, le déshabiller. - Il bave etsnce. Pupilles
égales. - Pas de tremblement de la langue. Aucune parole;
il ne se rend nullement compte de ce qu'on lui fait; on essaye
de lui remettre sa pantoufle, il regarde de tous côtés et ne cède
pas. Pour le faire avancer il faut le tirer par les bras.
Attitude. - Corps incliné en avant, les bras un peu écartés du
tronc, les avant-bras à angle droit transversalement.
5 septembre. - Soir : T. R. 37°,8.
6. - Dans la journée, 7 accès; vers midi, il a poussé des cris
pendant une heure, et a refusé de manger. Dans la nuit du 5
au 6 septembre, 5 accès et cris renouvelés. - T. R. 38°,4. -
Soir : 40°.
7. Le matin, 3 accès coup sur coup (durée : demi-heure), il
n'a pas repris connaissance à la suite. Aucune évacuation, malgré
un lavement purgatif. - A onze heures, deux nouveaux accès.
Duch... est resté toute la journée dans un état de prostration
complète. - T. R. 38°,8. - Soir : 39°,8.
8. - Pas d'accès nouveaux, pouls fort, plein, 120. - Sueurs
abondantes, évacuation involontaire d'urine; il n'est pas allé
à la selle depuis le 5; il n'a rien pris, il faut lui ouvrir la
bouche pour lui faire avaler quelques gouttes de lait. - Dents à
demi serrées, bouche sèche. Il ne vomit pas. Le ventre est excavé,
rétracté, indolent à la pression. - Respiration à 42, entrecoupée
de gémissements, pas de toux.A la perwssion, résistance augmen-
tée au doigt; respiration un peu obscure, pas de souffle, ni de
râles ; gémissements transmis il l'oreille, résolution des membres.
Lait, purgatif, vésicatoire à la base du poumon droit, injections
d'éther. T. R. 37°,3. - Soir : 39°,2.
9. - Mieux très notable. - P. 72. - R. encore un peu préci-
pitée. - Evacuations abondantes. - Etat de somnolence d'où
il sort facilement. - T. R. 38°,8. - Soir : 39°.
10. - T. R. 38°,4. - Soir : 39°,6.
f1. - T. R. 39°. - Soir : 39°,6. - Purgatifs.
12.- Le mieux, 'lui avait continué jusqu'àhiermatin - le malade
avait pris du lait et du bouillon et n'avait pas eu d'accès- n'a pas
persisté. L'abattement a beaucoup augmenté dans l'après-midi ;
plaintes entrecoupées. Face pâle; nez, lèvres et extrémités froides
et cyanosées. - Yeux excavés, respiration plus fréquente, la
bouche ouverte. - Pas de paralysie des membres, mais résolution
DE L'ÉPILEPSIE PROCURSIVE. 129
complète. Le pouls est faible et les bruits du coeur sont sourds. -
Constipation. - Ventre excavé. - Vessie en demi-replétion. -
Peau chaude et sèche. Raies méningitiques étroites, mais persis-
tantes. (Lavement, potion de Todd, vésicatoire.)
Du côté de l'appareil respiratoire mêmes signes que précédem-
ment et, de plus, râles, assez fins à la base du poumon gauche et
en avant à droite. T. R. 39°,2. - Soir : 39°,8.
13. T. R. 40°,0. - Soir : 41°.
14. - T. R. 39°,6. - Soir : 41°.
15. - Même état avec des alternatives de mieux relatif et d'ag-
gravation. T. 41°,4, ce malin. Respiration fréquente, courte ;
gémissements continuels ; abattement plus prononcé. Bouche
sèche, pâteuse. Duch... prend bien le lait et la potion de Todd,
moins bien le bouillon. Constipation opiniâtre. 40 ventouses
sèches. - Lavement purgatif. - Potion de Todd et lait. Soir :
T. R. 42°. Le malade meurt le 16 septembre à une heure du
matin. Température après la mort : 43°,2.
Autopsie (17 septembre 1885). - Rigidité cadavérique en partie
disparue; coloration verdâtre de l'abdomen et de la partie infé-
rieure du thorax. Amaigrissement assez prononcé, musculature
sèche; tissu cellulo-adipeux peu abondant. - A l'ouverture de
l'abdomen on constate : 1° que le foie est repoussé à droite, que
son lobe gaucho atteint tout juste la ligne médiane, que son bord
antérieur ne descend pas jusqu'au rebord costal; 2° que le dia-
phragme remonte à droite jusqu'au bord supérieur de la quatrième
côte ; qu'il est refoulé en bas vers la cavité abdominale et forme
une voussure fluctuante qui se trouve au niveau du rebord costal.
L'intestin grêle est congestionné, recouvert par les colons, surtout
le colon transverse, qui sont dilatés par des gaz. Le grand épi-
ploon, non adhérent, descend normalement. - Pas de liquide
anormal dans la cavité abdominale. Sur le mésentère on trouve
trois ganglions iléo-coecaux complètement calcifiés. - L'estomac
n'est pas dilaté, la vessie rétractée est vide. - L'ouverture sous
l'eau d'un espace intercostal laisse dégager de nombreuses bulles
de gaz.
Thorax. - A l'ouverture du thorax, on constate à gauche que
le poumon, refoulé latéralement et en arrière, laisse entre lui et
les parois une grande cavité recouverte de pseudo-membranes
purulentes et contenant deux verres environ de pus. - Le ven-
tricule gauche est refoulé à droite. - Le péricarde est recouvert sur
sa moitié gauche de pseudo-membranes. - Le poumon gauche est
adhérent, latéralement en arrière et en bas. - Le poumon droit
est adhérent en haut et en arrière dans presque toute son éten-
due. - Coeur en systole (2 ! 5 gr.). Il existe un peu de liquide
rougeâtre dans la cavité péricardique. La pointe du coeur est
Boukneville, 1887. 9
130 DE l'épilepsie PROCURSIVE.
formée par le ventricule gauche surtout. Le ventricule gauche
est un peu dilaté. Quelques plaques d'athérome dans l'espace
sous-aortique ; léger épaississement de l'endocarde sous l'orifice
aortique; myocarde pâle, trou de Botal obturé. - Poumon gauche
(550 gr.). Les adhérences se détachent facilement sans résistance;
au sommet il existe une cicatrice ancienne et quelques tubercules
crétacés. Il n'existe pas d'autres tubercules et on ne découvre pas
de perforation. - Le poumon droit (¡¡titi gr.) présente également
au sommet une grande cicatrice, des tubercules crétacés et montre
quelques petites cavernules.
Abdomen. - Le foie (420 gr.) est hypérémié. - La vésicule
biliaire, l'estomac, le pancréas, les uretères, les capsules surrénales,
les intestins et les testicules sont sains. Le canal cholédoque est
perméable. - Rate (85 gr.) un peu molle, capsule plissée. - Rein
gauche (85 gr.), lobule, hypérémié (étoiles de Vehreyen), se décor-
tique bien ; la substance corticale est un peu jaunâtre par places.
- Le rein droit (55 gr.) a le même aspect que le gauche.
Tête. - Voûte et base du crâne symétriques. - A l'ouverture du
crâne il s'écoule une grande quantité de liquide céphalo-rachidien.
- Les artères de la base sont symétriques ; toutefois, la cérébrale
postérieure paraît un peu plus volumineuse à droite. - Les tuber-
cules mamillaires sont symétriques. - La pic-mère cérébrale est
très notablement hypérémiée; elle a une coloration rouge diffuse
sur la face externe et offre un léger épaississement sur les bords de
la scissure interhémisphérique. A part quelques légères adhé-
rences entre les deux lobes frontaux (face interne), la décortication
est facile. - Le pédoncule cérébral gauche parait plus petit que
le droit; il en est de même de la partie correspondante de la
protubérance . 11 n'existe aucune différence de volume entre les
deux moitiés du bulbe. - La pyramide droite est moins large et
moins proéminente que la gauche. - L'olive droite est également
moins proéminente et éraflée.
Le lobe cérébelleux droit arrive au niveau de la partie postérieure
du lobe occipital, mais le lobe cérébelleux gauche est en retrait de
près de 3 centimètres; il est manifestement atrophié. Ses lamelles
sont plus blanches ; leur consistance n'est pas notablement plus
grande qu'à droite ; toutefois, en passant le doigta leursurface, on
a nettement la sensation de crêtes successives ; en avant sur le
bord circonférentiel, cette consistance est bien plus grande ; les
lamelles y sont rigides et d'une face à l'autre, en pressant, on a
la notion d'une induration résistante mais diffuse et non circons-
crite. Les pédoncules cérébelleux ont leur consistance normale.
On ne constate pas de lésions macroscopiques des hémisphères
cérébraux. Les ventricules latéraux et les cornes d'Ammon n'offrent
rien de particulier.
DE l'épilepsie PROCURSIVE. 131
Encéphale, 1,300 gr. L'hémisphère cérébral droit pèse 25 gr.
de plus que le gauche. Cervelet, protubérance et bulbe, 140 gr.
Hémisphère cérébelleux droit, 65 gr. ; hémisphère cérébelleux gauche,
35 gr.
Cerveau. Hémisphère droit. - La scissure de Sylvius s'arrête à
quelques millimèlres en arrière de la pariétale ascendante; elle
envoie deux rameaux ascendants antérieurs, l'un entre le pied de
la troisième circonvolution fronlale et la circonvolution frontale
ascendante, l'autre entre le pied et la partie triangulaire de la
troisième circonvolution frontale ascendante. - Le sillon de Ro-
lando, sinueux, profond, se termine au fond de la scissure de
Sylvius; il fournit vers son quart inférieur un pli antéro-inférieur
qui va se perdre dans le pied de la circonvolution frontale ascen-
dante. - La scissure perpendiculaire externe, dont les deux lèvres
sont très écartées au niveau de la grande scissure interhémisphé-
rique et sur un parcours de deux centimètres sur la face convexe,
va rejoindre la partie postérieure de la scissure interpariétale et
par son intermédiaire le sillon occipital transverse. - La scissure
interpariétale forme en arrière de la circonvolution pariétale
ascendante une scissure parallèle complète qui, à son quart supé-
rieur, envoie un rameau postérieur oblique de bas en haut divisant
entièrement le lobule pariétal supérieur ; avant d'arriver à la
scissure perpendiculaire externe, la scissure interpariétale est
interrompue par un pli de passage à niveau allant de l'extrémité
postérieure du lobule pariétal supérieur à la circonvolution de
passage qui réunit le pli courbe aux deuxième et troisième cir-
convolutions occipitales. - Le lobule orbitaire est bien conformé.
Face convexe. Lobe frontal. - Il existe une scissure parallèle
frontale complète, empiétant en haut sur la face interne et se
perdant en bas au fond de la scissure de Sylvius. - La première
frontale, dédoublée dans son tiers postérieur, présente également
des indices de dédoublement sur les autres parties; elle est bien
développée et comme renflée vers son extrémité antérieure. -
La première scissure frontale est sinueuse et profonde. - La
deuxième circonvolution frontale est volumineuse surtout à sa partie
postérieure; elle s'insère à la frontale ascendante par un petit
pli de passage très en retrait qui n'interrompt la continuité de la
scissure parallèle frontale que dans sa profondeur ; elle envoie en
avant deux plis de passage à niveau à la troisième circonvolution
frontale; l'un se continue directement avec la partie médiane de
la portion triangulaire. - La deuxième scissure frontale est inter-
rompue en avant par ces deux plis de passage. - La troisième
circonvolution frontale est bien développée. - La frontale ascendante
est assez grosse ; trois sillons transversaux antéro-postérieurs la
divisent presque entièrement, l'un même, médian, atteint son
132 DE l'épilepsie PROCURSIVE.
bord postérieur ; il semble en ce cas que la deuxième circonvo-
lution frontale ait eu tendance à se continuer à travers les
circonvolutions ascendantes, fait que l'on observe quelquefois. -
La pariétale ascendante est volumineuse et normalement con-
formée.
Les plis pariétaux, sont assez bien développés, très découpés;
il en est de même du pli courbe. - Le lobe occipital est bien déve-
loppé, mais les scissures et les circonvolutions sont irrégulières.
Lobe temporal. - La première temporale sinueuse, un peu
maigre, possède des circonvolutions temporales transverses peu
développées. La scissure parallèle, sinueuse, profonde, communique
à la base du lobe pariétal par deux sillons transverses avec la
deuxième scissure temporale qui semble se terminer dans le pli
courbe par un rameau parallèle à la terminaison de la première
scissure temporale. La seconde temporale assez bien développée est
sinueuse ainsi que la troisième temporale qui est bien conformée.
Face interne. Lobe tcmporo-occipital. - Les première et deuxième
circonvolutions temporo-occipitales sont normales. - La cironvo-
lution frontale interne est bien développée ainsi que le lobule para-
central. - La scissure calloso-marginalc est sinueuse, profonde. Le
lobule quadrilatère très développé est très découpé et présente un
pli pariéto-limbique antérieur et un pli parié to-1 imbique postérieur.
La scissure perpendiculaire interne, très profonde, va se terminer
un peu au-dessous du bourrelet du corps calleux. Le coin, la
fissure calcarone, le corps calleux, le corps strié, la couche optique,
paraissent normaux.
,Hémisphère gauche. - La scissure de Sylvius se divise à la
partie postérieure de la circonvolution pariétale ascendante en
deux rameaux, l'un ascendant, et l'autre descendant, ayant chacun
un trajet de deux centimètres environ, durant lequel ils séparent
la pariétale ascendante et la première circonvolution temporale
du pli pariétal inférieur. Le rameau ascendant antérieur traverse
entièrement la troisième frontale et contribue à former une sorte
de scissure précentrale en se continuant avec un sillon supérieur
qui divise presque entièrement la deuxième circonvolution fron-
tale. - Le sillon de Rolando est très profond, assez sinueux.
La scissure perpendiculaire externe, très profonde, est interrompue
au niveau de la scissure interpariétale par un pli de passage à
niveau reliant le pli pariétal supérieur au lobe occipital. - La
scissure interpariélale ne possède qu'un petit rameau descendant
en arrière de la pariétale ascendante, mais elle a un rameau
ascendant très profond formant encoche sur la scissure interhé-
misphérique. A quelques millimètres au delà de son coude, elle
fournit un rameau descendant à travers le lobule pariétal infé-
rieur qu'il divise entièrement en atteignant la partie moyenne
du rameau descendant de la scissure de Sylvius ; - elle
DE l'épilepsie PROCURSIVE. 133
fournit également au même niveau un rameau ascendant oblique
d'avant en arrière à travers le lobule pariétal supérieur ; elle
continue son chemin jusqu'au sillon occipital transverse.
Le lobule orbitaire est normal, très développé.
Face convexe. - Lobe frontal. - En avant de la frontale ascen-
dante et parallèlement à elle sur sa moitié supérieure, on trouve
une scissure profonde empiétant en haut sur la face interne et
communiquant avec la première scissure frontale ; elle se termine
en bas en séparant presque entièrement la deuxième circonvolu-
tion de la frontale ascendante en s'entre-croisant avec la scissure
précentrale inférieure dont il a déjà été parlé et qui se trouve plus
en avant. La première frontale, assez bien développée, reçoit vers
son quart antérieur un gros pli de passage au niveau de la deuxième
frontale qui est très large, sinueuse, très sillonnée et s'insère par
un pli de passage à niveau, à la frontale ascendante ; à son
extrémité la plus antérieure, elle reçoit un pli de passage à niveau
de la troisième frontale qui est bien développée, mais irrégulière,
son pied se confond avec celui de la frontale ascendante. Les
deux scissures frontales supérieure et inférieure sont sinueuses,
profondes. La frontale ascendante est assez maigre surtout vers
sa partie moyenne ; la pariétale ascendante est grosse, sinueuse,
reliée à son tiers inférieur au pli pariétal inférieur par un pli de
passage à niveau.
Lobe pariétal. - Les lobules pariétaux supérieur et inférieur, le
pli courbe sont volumineux, mais irréguliers par suite de nom-
breux sillons qui les découpent.
Le lobe occipital, dont lés circonvolutions paraissent un peu
grêles, est également très sillonné ; il est, pour ainsi dire, isolé
des parties environnantes par une scissure irrégulière, sinueuse,
qui prolonge le sillon transverse occipital jusque vers l'incisure
préoccipitale.
Lobe temporal. - La première temporale plissée envoie un pli
de passage à niveau à la partie la plus postérieure du lobule pa-
riétal inférieur et un autre pli de passage à niveau à la deuxième
temporale qui interrompt vers son quart antérieur la continuité
de la scissure parallèle, sinueuse, profonde, assez normale. Les
1 einl)o ? ,o-1) (trié tales transverses sont peu marquées. La deuxième
et la troisième temporales sont assez bien développées, irrégulières,
très découpées. La deuxième scissure temporale est interrompue
postérieurement par un pli de passage à niveau allant de la
deuxième à la troisième temporale. Un sillon profond réunit la
scissure parallèle à la première scissure temporo-occipitale.
Face interne. - Lobe temporo-occipital. - Les première et
deuxième circonvolutions lentporo-occipitales sont bien dévelop-
pées, mais un peu chagrinées. Les scissures sont [profondes et
sinueuses.
134 DE l'épilepsie PROCURSIVE.
La circonvolution frontale interne est bien développée, reçoit à
son quart postérieur un petit pli de passage presque à niveau de la
circonvolution du corps calleux qui, elle, est peu développée, cha-
grincée, comme atrophiée; la partie la plus antérieure de la cir-
convolution frontale interne et dans sa partie moyenne, sa moitié
inférieure présentent également le même aspect, mais à un degré
moins prononcé. - La scissure calloso-marginale est sinueuse, très
profonde, envoie de nombreux sillons transversaux à la circonvo-
lution frontale interne. Le lobule quadrilatère est moins bien dé-
veloppé, un peu grêle, comme un peu atrophié; il possède un
pli pariéto-limbique antérieur long, s'insérant obliquement à la
circonvolution du corps calleux vers le sommet du triangle para-
central. Il existe également un pli pariéto-timbique postérieur.
La scissure perpendiculaire interne est très profonde. Le corps
calleux est peut-être un peu moins développé que normalement.
Le coin, la fissure la couche optique, le corps strié ne
présentent rien de particulier.
La pyramide antérieure et l'olive droite sont atrophiées.
La moelle ne présente à l'oeil nu aucune altération.
Duch... a d'abord été un épileptique procursif dont t
les accès se sont progressivement transformés en accès
vulgaires. Il a succombé à un pyo-pneumo-tllOl'a.x et à
une péricardie purulente, qui se sont développés à la
suite d'un état de ni-,il '.
L'hémisphère cérébral droit ne présente que quelques
anomalies de peu d'importance, soit au point de vue
de ses circonvolutions, soit au point de vue de ses
scissures. On peut le considérer comme normal.
L'hémisphère cérébral gauche, qui pèse 25 grammes
de moins que le droit, est dans son ensemble un peu
plus irrégulier; mais en outre nous y notons la gra-
cilité de la partie moyenne de la circonvolution frontale
ascendante, du lobe occipital, l'état chagriné des pre-
' Nous ferons remarquer que Duch... a eu pendant les deux premières
années de sa maladie des vertiges sans phénomènes procursifs; la pro-
cursion n'a débuté qu'avec les accès, et par suite, dans le cas particulier,
oh peut considérer les accidents procursifs comme constituant des accès
incomplets.
DE l'épilepsie PROCURSIVE. '135
mière et deuxième circonvolutions occipito-temporales,
des parties antérieure, moyenne et inférieure de la
circonvolution frontale interne, de la circonvolution du
corps calleux, la gracilité du lunule quadrilatère et du
corps calleux.
La lésion la plus importante et paraissant la plus
ancienne est celle que l'on constate sur le cervelet. -
L'hémisphère cérébelleux gauche est atrophié, sclérosé
et pèse 30 grammes de moins que le droit, soit près
de moitié [hémisphère cérébelleux droit, 65 grammes,
gauche 35 grammes). - C'est là incontestablement la
lésion initiale, la plus prononcée de toutes celles obser-
vées sur l'encéphale de Duch... '.
Nous rapprocherons de l'observation précédente
une autre observation suivie également d'autopsie; le
malade n'avait présenté que très tardivement des acci-
dents procursifs; aussi le cervelet ne semble-t-il que
très légèrement atteint; les lésions principales trou-
vées à la nécropsie étaient l'atrophie cérébrale et la
lnéJ/il1go-encéplwlite.
Observation XL1V. - Atrophie cérébrale. - Hémiplégie gauche.
Débilité mentale et épilepsie.
Père et grand-père paternel alcooliques. - Grand-père maternel
paralytique et alcoolique. - Frère mort de convulsions. - Accou-
chement laborieux ; circulaires du cordon. A deux <M cortuul-
sions limitées au côté gauche avec hémiplégie gauche. - Accès
d'épilepsie procursive à douze ans. - Affaiblissement intellectuel,
augmentation de la paralysie, céphalalgie avec vomissements. -
Gâtisme. - Augmentation du nombre des accès. - Mort dans un
accès.
Autopsie : Congestion et cedème pulmonaires. Persistance du
trou de Botal. - Rate supplémentaire . - Thymus persistant. -
' Notons en passant la tuberculose crétacée et les cicatrices pulmo-
naires.
136 DE L'EPILEPSIE PROCURSIVE.
Adhérences de la dure-mère. - Atrophie du cerveau et surtout de
l'hémisphère droit. - Epaississement et oedème de la pie-mère. -
Anomalies artérielles. - Hydrocéphalie légère. - Atrophie du
pédoncule cérébral droit, de la moitié droite de la protubérance, de
la pyramide et de l'olive droites. - Dégénération secondaire de la
moelle.
Maisonh... (Désiré-Auguste), né le 1er juillet 1868, est entré à
Bicêtre le 15 mars 1882 (service de M. BOURNEVILLE) et y est
décédé le l" avril 1885.
Renseignements fournis par sa mère (28 mars 1882). - Père,
quarante-sept ans, travaillait aux champs autrefois ; depuis cinq
ans il est ouvrier dans une fabrique de produits chimiques ; il
fume un peu depuis la guerre; il est colère et fait des excès de
boisson : il rentre deux ou trois fois par mois ivre (vin, un peu
d'eau-de-vie); pas de migraines, pas de dartres, etc. [Père, maçon,
bien portant, nombreux excès de boisson. Mère, bien portante,
ainsi qu'un frère, une saur (deux enfants), une autre (sept
enfants). Pas d'aliénés, d'épileptiques, etc., dans la famille.]
Mère, quarante et un ans, journalière aux champs, peu intelli-
gente, taille ordinaire; pas de migraines, pas d'antécédents
nerveux, etc. [Père, homme de peine au chemin de fer, mort au
bout d'un an ; nombreux excès de boisson. - Mère, pas de détails;
elle est morte de la poitrine, dit-on, peu de temps après la nais-
sance de la personne qui nous renseigne. - Grands-parents
paternels et grand'mère maternelle, pas de renseignements. -
Grand-père maternel, mort à quatre-vingt-huit ans, on ne sait de
quoi. - Un frère mort à trente-trois ans ; on croit qu'un des
amants de sa femme l'a «jeté à l'eau »; il se portait bien ; ses
quatre enfants sont vivants et en bonne santé. - Une soeur (deux
enfants), rien de particulier. Pas d'aliénés, etc.] - Pas de consan-
guinité. '
Huit enfants : 1° garçon, mort à trois semaines de convulsions ;
- 2° garçon, mort à quatre mois, en nourrice, on ne sait de
quoi ; - 3° fille, mort-née ; - 4° notre malade; - 5° fille, morte
à cinq mois, de la variole; 6° et 7° deux filles, huit ans et neuf
ans, bien portantes, pas de convulsions, intelligentes; - 8° garçon,
seize mois, bien portant, rien de particulier ; tous ces enfants
sont bien conformés. - Deux fausses couches à cinq et à trois
mois.
Notre malade. - Rien de particulier à la conception ; pas de
rapports sexuels durant l'ivresse alcoolique du père. - Grossesse :
au sixième mois, émotion vive de la mère causée par la vue d'at-
taques d'hystérie d'une de ses patronnes. - Accouchement à terme,
naturel. - A la naissance la tête serait restée trois quarts d'heure
DE l'épilepsie PROCURSIVE. 137
au passage et, de plus, l'enfant avait des circulaires du cordon
autour du cou (ce qui était déjà arrivé pour la plupart de ses
frères et soeurs) ; malgré cela, il n'y aurait pas eu de cyanose. -
Elevé au sein par sa mère jusqu'à seize mois. A six mois il aurait
été soigné pour des accidents cérébraux qui ont duré deux mois,
sans convulsions, ni paralysie. - Première dent à huit mois. Il a
parlé a un an, n mat-
ché qu'à trois ans et n'a
été complètementpropre
qu'à cinq ans.
A deux ans, il ne dif-
férait pas beaucoup des
autres enfants. A celte
époque, convulsions sans
prodromes qui n'ont
duré qu'un quart d'heure
et n'ont porté que sur
le côté gauche. Le jour
même, on a constaté que
le bras gauche était pa-
ralysé et que l'enfant
remuait moins bien la
jambe correspondante.
Dans les premiers temps,
il ne pouvait porter la
main à la bouche ; ce
mouvement n'est devenu
possible qu'au bout de
cinq ou six mois. Les
jambes sont toujours res-
tées faibles, surtout la
gauche qu'il traîne en-
core ; les genoux se co-
gnaient l'un contre l'au-
tre dès qu'il a commencé
à marcher. En même
temps, l'intelligence a
diminue d une laçon notable. Il a commence alors a se plaindre
de douleurs frontales s'accompagnant de vomissements et revenant
deux fois par mois; ces sortes de migraines seraient encore plus
intenses depuis la fin de 1880. -A la même époque, il aurait eu
encore la vue très affaiblie au point de ne pouvoir distinguer une
épingle.
Vers la fin de 1880, c'est-à-dire vers l'âge de douze ans, Maisonh...
a eu des crises singulières : étant assis, il se levait tout à coup, cou-
rait comme un fou dans la chambre, se cognant aux personnes qui se
Fig. 3.
138 DE l'épilepsie PROCURSIVE.
trouvaient devant lui, puis il revenait s'asseoir; il pâlissait et les
mouvements du coeur étaient tumultueux. Rien ne l'avertissait de
l'approche de ces crises ; il ne tombait pas, mais parfois urinait
dans sa culotte. Ces crises qui se montraient au début deux ou
trois fois par semaine sont devenues de plus en plus fréquentes,
mais elles ont toujours été exclusivement diurnes : le maximum
par jour était de cinq ou six. Le sommeil était bon. Jamais de
grands accès. Depuis l'apparition de ces crises, l'intelligence a
encore diminué et la paralysie a augmenté; l'enfant a aussi
commencé à bégayer.' - A deux ans et demi, rougeole, quelques
croûtes dans les cheveux, quelques manifestations scrofuleuses,
quelques ascarides. - Onanisme invétéré surtout la nuit. - Bron-
chite à six ans.
1882. 17 mars. - A son entrée, on constate que Maisonh...
marche avec difficulté et s'affaisse souvent sur lui-même. - Le
côté gauche est plus faible que le droit. Il parle, mais en trem-
blant beaucoup; il sait épeler, sait encore écrire, mais illisible-
ment ; il connaît les chiffres. L'enfant mange assez proprement;
il ne gâte pas, se nettoie seul, cire lui-même ses souliers ; il ne
sait pas très bien se vêtir. (Fig. 3).
30 mars. - Conjonctivite. - Affaiblissement des membres infé-
rieurs si prononcé que la station debout est impossible.
24 mai. - Maisonh... sort de l'infirmerie et retourne à la petite
école. On constate que ses facultés intellectuelles ont encore baissé,
qu'il ne peut plus du tout écrire et qu'il ne répond que très diffici-
lement à ce qu'on lui demande.
12 juillet. - Maisonh... peut se tenir sur ses jambes, mais la
marche est titubante et il tomberait si on ne l'aidait. L'affaiblis-
sement porte du reste sur les deux côtés. Il ne peut pas remon-
ter seul sur son lit. Les deux jambes sont roides, surtout la gauche.
- Gâtisme complet. Durant l'examen il produit presque sans cesse
un bruit sec avec les lèvres.
6 octobre. - Eruption papuleuse sur les deux fesses. - Petite
ulcération recouverte de croûtes au niveau de la commissure
droite.
1883. 7 juillet. - Dentition : mâchoire supérieure : douze dents
saines, mais mal rangées et atrophiées ; les incisives sont coniques
ou tendent à le devenir. - Mâchoire inférieure : douze dents, les
quatre incisives sont atrophiées et présentent le type conique. Arti-
culation défectueuse ; les six dents antérieures de la mâchoire
inférieure viennent se placer en avant des supèrieures. Voûte
palatine et gencives normales.
28 décembre. - Amélioration très notable qui permet de le ren-
voyer à la petite école. La parole est très limitée, il ne dit que
DE L EPILEPSIE PROCURSIVE.
139
quelques mots ; il n'aurait, du reste, jamais prononcé de phrases
complètes depuis son entrée à l'hospice. Pas d'onanisme. Durant
tout le temps de la miction, il pousse des cris.
1884. 18 juillet. Augmentation considérable du nombre des accès.
La marche est redevenue impossible et n'est possible qu'à la condi
tion qu'on le sou-
tienne des deux cô-
tés. Il s'avance alors
en soulevant lour-
dement les pieds et
en frappant le sol;
le tronc est incliné
à gauche et les
deux genoux co-
gnent l'un contre
l'autre, les pieds
étant notablement
écartés, au con-
traire. Légère iné-
galité pupillaire et
blépharite ciliaire.
- Pas de tremble-
ment de la langue
ni des lèvres.
Parole réduite au
mot« merde qu'il
prononce et répète
avant ses accès. Il
sourit quand on le
fait marcher, al-
longe la langue
quand on le lui de-
mande et recon-
nait encore ses pa-
rents.
13 décembre. -
Marche de plus en
plus difficile.
1885. Juillet. - Etat actuel. - Tète bien développée, bosses
frontales saillantes, bosses pariétales peu marquées; protubérance
occipitale en relief. - Front large, bombé, saillant. Yeux nor-
maux, iris bleu ; nez petit, bouche, 4 centimètres, lèvres moyenne-
ment épaisses; oreilles bien développées, détachées; lobule semi-
adhérent.
Fig. 4.
140 DE L'ÉPILEPSIE PROCURSIVE.
DE L'ÉPILEPSIE PROCURSIVE. 141
142 DE L'ÉPILEPSIE PROCURSIVE.
sillons. Par suite de la déviation du tronc basilaire vers la gauche,
l'artère cérébrale postérieure droite est plus longue que la gauche.
La communiquante postérieure est filiforme ainsi que la cérébrale
antérieure du même côté. - Le pédoncule cérébral droit paraît
plus étroit que le gauche. La pyramide droite est réduite à un
tractus d'une largeur de 2 à 3 millimètres. - L'olive droite est
plus longue et plus large d'un tiers que la gauche. Les nerfs cl'd-
niens paraissent normaux.
Cervelet, bulbe et protubérance, 150 gr. Les ventricules latéraux
contiennent une certaine quantité de liquide et sont dilatés. La
moitié gauche de la moelle paraît atrophiée et le cordon latéral de
ce côté est un peu grisâtre sur toute sa longueur. '
Hémisphère gauche. La scissure de Sylvius laisse voir entre ses
deux lèvres le lobule de l'insula; ses rameaux antérieurs sont irré-
guliers. Le sillon de Rolando est assez profond et très sinueux. La
scissure perpendiculaire externe est séparée de la scissure interpa-
riétale par un pli de passage à niveau allant du lobule pariétal
supérieur au lobe occipital. La scissure interpariétale, qui forme
en arrière de la pariétale ascendante une scissure parallèle
presque complète, se prolongejusque dans le lit du premier sillon
occipital et envoie deux rameaux descendants, l'un en avant,
l'autre en arrière du pli courbe; un peu au-dessous de la partie
moyenne de la circonvolution pariétale ascendante elle fournit
un rameau transversal qui va se jeter dans le sillon de Rolando.
Le lobe orbitairc est formé de circonvolutions grêles, atteintes
pour la plupart de méningo-encéphalite surtout prononcée vers l'in-
cisure en Il. Face convexe. -- Lobe frontal. - En avant de la fron-
tale ascendante, il existe une scissure parallèle frontale presque
complète, interrompue seulement au niveau de la scissure inter-
hémisphérique par un pli d'insertion de la première frontale et
vers son tiers supérieur par un pli d'insertion de la deuxième
frontale à sa moitié inférieure; elle est parallèle à une autre
scissure transversale située à un centimètre en avant, qui commu-
nique d'une part avec la deuxième scissure frontale, d'autre part
avec elle-même et divise en bas le pied de la troisième circonvo-
lution frontale.
La première frontale, peu développée, envoie trois plis de pas-
sage à niveau à la seconde ; sa moitié postérieure est atteinte de
méningo-encéplcalite. - La première scissure frontale, sinueuse,
assez profonde, est interrompue par les plis de passage ci-dessus
indiqués et communique avec la scissure parallèle frontale. La
deuxième fronlale, qui est le siège de méningo-encéphalite en quel-
ques points de ses parties moyenne et postérieure, est très plissée,
très découpée et irrégulière; elle projette deux plis de passage à
niveau à la partie triangulaire de la troisième frontale. - La
DE l'épilepsie PROCURSIVE. 04
deuxième scissure frontale, très irrégulière, scindée en plusieurs
tronçons, présente une partie moyenne isolée allant rejoindre
par un rameau descendant la scissure de Sylvius à la pointe du
cap de la troisième frontale; celle-ci, moyennement développée,
présente également, surtout sur son pied, des traces de méningo-
encéphalite, mais moins prononcée que sur les première et
deuxième frontales. - La frontale ascendante est grêle; on trouve
sur presque toute sa surface des traces de méningo-encéphalite. La
pariétale ascendante est moins grêle, atteinte aussi de méningo-
encéphalite, surtout à son tiers supérieur, mais à un degré moins
prononcé. Lobe pariétal. Le lobule pariétal supérieur peu volumi-
neux est envahi par ia méningo-encéphalile dans ses deux tiers
antérieurs; le lobule pariétal inférieur très maigre, présente ainsi
que le pli courbe, plus développé des traces de méningo-encépha-
lite disséminée; un pli de passage à niveau relie le pli courbe à la
première circonvolution occipitale. Le lobe occipital est plutôt
petit; la méningo-encéphalite y est peu accentuée.
Lobe temporal. - Les première et deuxième temporales présen-
tent des lésions de méningo-encéphalite sur presque toute leur
étendue; la première envoie deux plis de passage à niveau à la
seconde. - La première scissure temporale communique d'une
part avec la scissure de Sylvius par un sillon profond et oblique
qui longe le bord supérieur d'une circonvolution transverse
temlJo¡'o-pa1'iétale bien développée; d'autre part, avec la deuxième
scissure temporale qui est sinueuse, irrégulière, interrompue par
des plis de passage à niveau allant de la deuxième à la troisième
temporale qui est très découpée.
Face interne. - Lobe temporo-occipital. La méningo-encéphalite
atteint principalement toute l'extrémité antérieure du lobe tem-
poral et s'étend jusqu'au de-là de la partie moyenne de la
deuxième circonvolution temporo-oceipitale; celle-ci envoie des
plis de passage à niveau à lapremière circonvolution temporo-occi-
pitale, ces deux circonvolutions sont assez bien développées en
arrière, plus maigres en avant.
La circonvolution frontale interne est assez bien développée, sauf
dans son quart antérieur où la méningo-encéphalite est très pro-
noncée. - La scissure calloso-marginale ne présente rien de parti-
culier. - La circonvolution du corps calleux est atteinte à un degré
moins prononcé de m6uingo-encéphalile sur toute son étendue. -
Le lobule paracentral, relativement assez gros, parait peu lésé,
sauf dans sa partie la plus postérieure. - Le lobule quadrilatère
possède une scissure sous-pariétale en H, dont la branche anté-
rieure est reliée à la scissure calloso-marginale par un petit sillon
horizontal; il existe un pli pariéto-limbique postérieur. - La scis-
sure perpendiculaire interne est très profonde. Le coin parait un
144 DE L'ÉPILEPSIE procursive.
peu grêle dans sa partie supérieure. - La fissure calcarine, la
couche optique, le lobule de l'insula n'offrent rien à noter. - Le
corps calleux, surtout dans son tiers antérieur, le corps strié, vers
sa partie postérieure, paraissent atrophiés.
Hémisphère droit. - La scissure de Sylvius laisse à découvert le
lobule de l'insula dont les circonvolutions sont un peu jaunâtres;
elle envoie deux rameaux ascendants antérieurs allant se jeter
dans la deuxième scissure frontale et isolant ainsi complètement
le pied de la troisième circonvolution frontale du cap et de la cir-
convolution frontale ascendante. - Le sillon de Rolando, sinueux,
communique en avant par un sillon profond avec la première
scissure frontale et en arrière vers son tiers inférieur avec la scis-
sure interpariétale par un sillon moins profond que le précédent.
La scissure perpendiculaire externe est séparée de la scissure inter-
pariétale par un pli de passage à niveau se rendant du lobule
pariétal supérieur au lobule occipital. - La scissure perpendiculaire
externe forme, en arrière de la pariétale ascendante, une scissure
parallèle complète débordant sur la face interne; en bas elle est
isolée de la pariétale ascendante par un pli de passage à niveau
contourné, allant de celle-ci au pli pariétal inférieur, au delà de
son coude elle est interrompue par un pli de passage transversal
atrophié, se rendant du pli pariétal supérieur au pli courbe ; plus
loin, elle va se confondre avec le sillon occipital transverse.
Le lobule orbitaire est atteint de méningo-encéphalite dans toute
sa moitié interne et postérieure; les circonvolutions de toute sa
moitié antérieure sont en retrait, vermiformes et atrophiés.
Face convexe. - Lobe frontal. Il existe une scissure parallèle
frontale interrompue seulement vers son quart supérieur par un
pli de passage à niveau atrophié, allant de la deuxième frontale à
la frontale ascendante. La première frontale s'insère à la frontale
ascendante par deux plis de passage à niveau, atrophiés, vermi-
formes; elle est complètement atrophiée, vermiforme, dans ses
parties posrieure et tantéérieure, dans sa partie moyenne, il existe
seulement deux Ilots non atrophiés. - La première scissure fron-
tale sinueuse communique en arrière avec le sillon de Rolando
par le sillon déjà décrit; au tiers antérieur on y rencontre un pli
de passage étroit, atrophié et au tiers postérieur un autre pli de
passage profond. La deuxième frontale s'insère à la frontale ascen-
dante par un pli de passage courbe, atrophié; elle est atrophiée,
vermiforme, sauf à sa partie moyenne où se rencontrent des traces
de méningo-encéphalite ; en avant elle envoie deux plis de passage
à niveau, atrophiés, à la troisième frontale; sur les parties anté-
rieures des première et deuxième frontales, l'atrophie est beaucoup
plus prononcée que sur les parties postérieures. - La deuxième
scissure frontale, profonde, sinueuse postérieurement est inter-
DE l'épilepsie PROCURSIVE. '17
rompue en avant par un des plis de passage dont il vient d'être
question. La troisième frontale, dont le pied et la moitié du cap
sont relativement assez développés, avec quelques traces d'adhé-
rences, est atrophiée dans sa moitié antérieure, mais c'est surtout
la moitié antérieure du cap qui est atteinte. - Les frontale et pariétale
ascendantes sont atrophiées dans leur moitié supérieure, la pre-
mière plus que la seconde.
Lobe pariétal. - Le pli pariétal supérieur est tout à fait atrophié,
vermiforme, sauf sur une surface d'un peu moins d'un centimètre
carré qui présente toutefois une couleur un peu ocreuse et forme
son extrémité postérieure. Le pli pariétal inférieur et le pli courbe
sont relativement assez bien développés ; sur le dernier on
remarque quelques traces d'adhérences ; la coloration de la
substance cérébrale parait à peu près normale. '
Le lobe occipital, sans être manifestement atrophié, offre cepen-
dant une coloration légèrement ocreuse, surtout dans sa partie
supérieure. -
Lobe temporal. - Les trois circonvolutions temporales sont assez
bien développées, sinueuses. La deuxième envoie à la troisième
deux plis de passage à niveau; sur la moitié antérieure de la
première et sur toute la deuxième, on constate de la méningo-
encéphalite. Les scissures ne présentent pas d'anomalies dignes
d'être notées.
Face interne. - Lobe temporo-occipital. - La première circonvo-
lution tempoz·o-occipitala un pou jaunâtre, légèrement en retrait
vers l'incisure préoccipitale, pousse deux plis de passage à niveau
grêles à la troisième circonvolution temporale. - La deuxième
temporo-occipilale, plus jaunâtre que la précédente, est assez
développée, elle envoie un pli de passage à niveau à la première
vers son tiers antérieur. Les scissures sont assez profondes,
inlerrrompues par les plis de passage ci-dessus.
La circonvolution frontale interne est atrophiée dans presque toute
son étendue ; le lobule paracentral l'est également, mais à un
degré un peu moins prononcé. La scissure calloso-marginale est
peu profonde, ses bords sont écartés dans sa partie moyenne.
- - La circonvolution du corps calleux est atrophiée dans sa moitié
antérieure, vermiforme vers son pôle frontal ; il en est de même
du corps calleux. La corne antérieure du ventricule latéral est dilatée.
Le lobule quadrilatère est atrophié, vermiforme dans sa moitié
antérieure ; il existe un pli pariéto-limbique antérieur et un pos-
térieur ; la scissure sons-pariétale a la forme d'un ? La scissure
perpendiculaire interne est très large ; le coin parait relativement
assez bien développé ; la fissure calcarone est normale.
Le corps strié est atrophié ; la couche optique semble à peu près
normale, elle a cependant une teinte jaunâtre, à sa surface qui
est très légèrement bosselée.
BOURNEVILLE, 1887. 10
1M de l'épilepsie rr;ocu2sr-r.
Examen iiistologique, par M. Pilliet interne du service. Cer-
veau et bulbe durcis dans l'alcool. Moelle durcie dans le liquide
de Muller.
Cerveau droit. - Portions alrophiées. - Substance grise. Ces
membranes n'ont pas enlevé des portions de substance cérébrale
en se détachant; la première couche de la substance grise est
confondue avec la seconde; elle présente, comme cette dernière,
une néoformation considérable, les capillaires apparaissent sur les
coupes, étoilés, arqués, formant un réseau serré. L'organe lym-
phatique est rempli de cellules rondes; autour d'elles existe un
espace clair dû au retrait qu'a subi la pièce dans l'alcool. Sur
des points où la lésion est plus avancée, il existe autour de ce
vaisseau vasculaire serré des fibrilles conjonctives en plus ou
moins grande épaisseur ; plus loin, la lésion est plus avancée
encore. Ces fibrilles conjonctives forment un véritable tissu fibroïde e
de sclérose qui tranche vivement par son aspect sur le tissu névro-
glique ambiant. Ainsi sont constituées des bandes scléreuses
larges et plates, occupant et remplaçant la deuxième couche
de la substance grise, celle des petites cellules pyramidales. Ces
bandes ne sont pas pures, mais contiennent un certain nombre
d'amas névrogliques et de cellules nerveuses arrondies, granu-
leuses et pigmentées; elles empiètent sur la substance grise des
deux couches qui les contiennent par des bandes conjonctives qui
suivent les trajets des vaisseaux; elles ont par conséquent un
bord dentelé et festonné. Au niveau de ces points, la première
couche de substance grise est épaissie, fibrillaire et chargée de
noyaux. La troisième couche, celle des grandes cellules, ne pré-
sente que des séries de cellules petites, à fins noyaux sphériques,
noyés sans ordre apparent dans une trame névroglique granuleuse.
Mais la vascularisation exagérée des couches corticales
moyennes et la formation de bandes de tissu scléreux par pla-
ques dans la même région ne sont que les deux premiers degrés
de l'altération. Sur d'autres points, entre les mailles du tissu con-
jonctif ainsi formé, se crée des vides qui étaient remplis par un
liquide à l'état frais. On a sous les yeux des cavités aréolaires.
irrégulières, cloisonnées par des travées conjonctives épaisses et
par de fines trabécules, le long desquelles sont dispersées de
grosses cellules irrégulières à protoplasma irrégulier. L'aspect
ressemble beaucoup sur les coupes à celui du grand épiploon
réticulé de certains rongeurs. En même temps la couche corti-
cale qui recouvre ce tissu aréolaire s'amincit et n'est plus qu'un
simple feuillet et les cavités s'agrandissent au point de former un
tissu aréolaire visible à l'oeil nu. Ces lésions expliquent l'état cha-
griné qui résulte de l'effondrement des couches moyennes de la
substance grise et l'état kystique, aréolaire qu'on observe, beau-
coup plus prononcé d'ailleurs dans d'autres cas d'idiotie.
de l'épilepsie PROCURSIVE. 147
Au-dessous de ces points très lésés, il n'existe plus de grandes
cellules nerveuses, mais on en rencontre tout à côté par amas
abondants; elles sont seulement groupées sans ordre apparent, au
lieu d'être disposées en séries verticales comme à l'état normal.
Les couches suivantes de la substance grise et la substance
blanche sont chargées de petites cellules rondes. On y voit, en
grande abondance des blocs volumineux, réfringents, irréguliers,
comme formés de la fusion de plusieurs boules. Malgré le séjour
des pièces dans l'alcool, ce bloc se colore en noir intense par
l'acide osmique sur les coupes laissées vingt-quatre heures dans ce
réactif.
Lobe occipital droit en dehors delà lésion. - Vaisseaux nombreux,
vascularisés, à cavité large, avec infiltration des gaines.Pourtant la
sériation verticale des éléments nerveux à laquelle nous attachons
une grande importance est conservée sur la plupart des points.
Si ce n'est dans la couche la plus profonde de la substance grise
où elle est morcelée par le réseau vasculaire. A ce point, ainsi que
dans la substance blanche, nombreux corps granuleux et blocs
graisseux semblables à ceux que nous venons d'indiquer.
Cervelet du calé droit. Cellules de Purkinje assez nombreuses.
Couche externe et couche des myélocytes normales. On retrouve
un certain nombre des gros blocs graisseux qui paraissent dus
à l'action de l'alcool sur la pièce.
Cerveau. Hémisphère gauche. - Il existe dans le lobe frontal
une vascularisalion très développée avec diminution de nombre et
de volume des cellules nerveuses qui ont perdu leur sériation
dans les points examinés. Nombreux corps granuleux dans la
substance blanche. Dans le lobe occipital, on retrouve, à côté de
points normaux dans l'écorce, des taches de désintégration au
début. - Les coupes du cervelet droit, examinées comparative-
ment avec celles du côté gauche n'ont pas paru présenter de
différence sensible. - Les coupes du bulbe à la portion inférieure
du quatrième ventricule, au-dessous des olives montrent d'abord
des lésions peri-vasculaires très marquées, surtout du côté
gauche. Diminution comparative du volume des noyaux. Du même
côté, dans la moelle cervicale, les cornes antérieures sont petites
mais avec leurs cellules bien nettes, de même les cordons anté-
rieurs. Ilots de tissu scléreux de dégénérescence descendante, en
dehors de la corne supérieure du côté gauche. Celte corne parait
un peu plus volumineuse que celle du côté opposé. Dans cet îlot
à contours diffus un certain nombre de tubes nerveux persistent.
En résumé, les lésions du bulbe et de la moelle sont consécu-
tives ainsi que celles de la couronne de Reil.
Les lésions de l'écorce sont surtout marquées au niveau de la
deuxième couche de la substance grise et on peut leur distinguer
- 148 DE l'épilepsie procursive.
trois étapes : 10 prolifération vasculaire; 2° sclérose et atrophie
des cellules nerveuses; 3° formation des cavités.
Ces lésions forment aussi à la surface des hémisphères un cer-
tain nombre de taches diffuses semblables à celles qu'on trouve
dans la plupart des cerveaux d'idiots.
Ce malade a eu des accidents cérébraux dès l'âge de
six mois sans convulsions, ni paralysie ; mais à deux
ans il eût des convulsions qui n'ont porté que sur le côté
gauche dont on constate aussitôt la paralysie qui per-
sista d'une façon plus ou moins complète et s'atténua
plus tard de manière à permettre quoique incomplè-
tement la marche. Ces symptômes : prédominance des
convulsions et paralysie du côté gauche sont en rap-
port avec les lésions trouvées à l'autopsie, qui étaient
en effet plus prononcées sur l' hémisphère cérébral droit
et atteignaient surtout les centres moteurs des membres.
C'est aussi à la suite de ces convulsions que l'intelli-
gence a diminué et que survint de la céphalalgie
frontale accompagnée de vomissements, puis d'affai-
blissement de la vue. Ce n'est que vers l'âge de douze
ans qu'apparurent les premiers accès procursifs. La
parésie qui avait succédé à la paralysie augmenta ;
l'affaiblissement intellectuel s'accentua et l'on constata
du bégaiement.
La paralysie d'abord limitée à gauche, puis amé-
liorée, reparaît et envahit aussi le côté droit; la
parole, peu développée, se limita de plus en plus, ce
qui est en rapport avec les lésions relevées à l'autopsie
qui nous a montré que la troisième circonvolution fron-
tale est plus atteinte à gauche qu'el droite.
L'autopsie nous a fait voir une atrophie de 1'11érni-
sphère cérébral droit qui pèse 50 grammes de moins
que le gauche; aussi le cerveau ne recouvrait-il le
DE l'épilepsie PROCURSIVE. 149 9
cervelet qu'en partie , le laissant complètement à
découvert sur la partie médiane. La pie-mère est
oedématiée, l'artère communicante postérieure et l'ar-
tère cérébrale antérieure gauches sont filiformes; le
pédoncule cérébral et la pyramide du côté droit sont
atrophiés. Contrairement à la règle, ce n'est pas l'olive
droite qui est atrophiée, mais la gauche. Les ventri-
cules latéraux sont dilatés (Hydrocéphalie consécutive).
La moitié gauche de la moelle est atrophiée.
Nous ne reviendrons pas sur les lésions rencontrées
sur les circonvolutions cérébrales; elles ont été décrites
plus haut; nous rappellerons seulement qu'outre l'a-
trophie ou la gracilité de certaines circonvolutions,
nous avons surtout constaté de la îzéî212qo-eîiccl)hcilite,
plus prononcée à droite au niveau des centres moteurs.
Le cervelet est moins atteint que les hémisphères
cérébraux ; ce n'est du reste que tardivement, vers
1880, qu'apparurent les premiers phénomènes pro-
cursifs. Lors de l'autopsie, le poids du cervelet, de
l'isthme et du bulbe était de 150 grammes. Malheu-
reusement ces diverses parties de l'encéphale n'ont
pas été pesées isolément; notre attention n'ayant pas
encore à cette époque été attirée sur le cervelet.
Toutefois il existait une légère atrophie portant sur
leur ensemble, puisque le poids moyen de ces organes
est d'environ 172 grammes. Les deux hémisphères
cérébelleux étaient sensiblement égaux, toutefois le
gauche paraissait un peu plus petit.
C'est aussi lors de l'apparition des premiers phéno-
mènes procursifs que l'on nota la diminution de la
vue ; nous ne pouvons affirmer dans notre cas si ce
symptôme doit être attribué à une lésion cérébelleuse,
150 DE l'épilepsie PROCURSIVE.
vu l'étendue et la dissémination des lésions rencon-
trées à l'autopsie, mais nous croyons devoir rappeler
que l'amaurose est un des symptômes le plus fré-
quemment noté dans les cas d'affection cérébelleuse.
Parmi les autres symptômes pouvant être rattachés
à une lésion cérébelleuse nous signalerons encore la
tilubation.
- Des deux observations qui précèdent, relatives à des
malades atteints l'un d'épilepsie procursive, pouvant
être rattachée à une lésion du cervelet, et l'autre d'ac-
cidents procursifs tardifs nous rapprocherons une
observation de M. Meschede1. Toutefois nous devons
faire remarquer que cette observation diffère un peu
des nôtres au point de vue clinique, car les accidents
procursifs qui précédaient et suivaient l'accès avaient
une durée beaucoup plus longue et ne semblent pas
avoir constitué à proprement parler des accès.
Ot3snv.To : v LVI. - Epilepsie avec idées religieuses extatiques
mouvement de manège forcé de gauche à droite. - Démarche va-
cillante, impossibilité d'exécution de mouvements (fonctions) com-
plaqués. - Altitude de la tête quelquefois penchée en arrière. -
Parole lente, le plus souvent tremblée. - Sensation intercurrente
de chaleur brûlante dans le corps. Fréquentes attaques d'hypé-
rérnie aiguë pulmonaire. - Durée de l'épilepsie : au moins huit
uns. - Mort à quarante ans.
Autopsie. - Etat trouble de la pie-mère de la convexité. -
Adhérence de la corne droite postérieure. - Sclérose et atro-
phie de l'hémisphère droit du cervelet. - Etat cartilagineux du
corps dentelé du cervelet. - Induration des deux olives.
0,Pvlètric et hépatisation des poumons.
Johann Iluth, évangéliste non marié, auparavant berger, admis
en 1833 pour épilepsie à l'hôpital de Schwetz, transféré plus Lard
. lleschede. - Ein Fait von Epilepsie mil Zwangs-llewegu11gen und
Zwangsvorstellungen und Sclérose einer K7e ? t ! ')-M ? eM)oe;'e. (Vir-
chow's Archiv, 1880, p. (j(j9.¡ ,
de PITOCURSIVLI. loi
pour troubles mentaux à l'asile d'aliénés. Observé de 1857 à sa
mort (1800). Pas de renseignements sur les causes et le dévelop-
pement de la maladie. Les accès étaient relativement peu fréquents
(2 à 5 par mois), en deux ans il eut 100 accès dont 91 diurnes.
Rarement plus d'un accès en vingt-quatre heures; - en deux ans
et demi, 1 fois seulement le maximum des accès a été de 2 par
jour. Le plus long espace entre les accès a été de vingt-sept à
vingt-huit jours. Dans le cours de l'année 1859, 3a accès; 12 diur-
nes, 23 nocturnes. Parfois, vomissements et céphalalgie consé-
cutifs.
Quelques jours avant ou après un accès, il présentait parfois
des phénomènes de locomotion involontaire se répétant d'une façon
déterminée, consistant : 1» soit en une course de côté et d'autres,
d'une durée quelcluefois d'une heure, ou d'une marche d'un pas
rapide dans le corridor; - 2° soit en mouvements de manège,
c'est-à-dire locomotion en cercles de gauche à droite; - 3° soit
même en rotation dans l'axe longitudinal (en attitude debout),
également de gauche à droite. Ces mouvements duraient souvent
une heure ; si l'on cherchait à les arrêter, J. [luth s'emportait s'il
était interrogé, prétendant qu' « on ne devait pas l'arrêter,
qu'il courait pour délivrer le monde ». Ces mouvements circulaires
étaient limités en étendue, environ six pieds de diamètre. La
marche était quelquefois chancelante sans paralysie. La tête et la
nuque étaient quelque peu inclinées en arrière. La parole peu cou-
lante, hésitante et irrégulière nécessitait souvent un certain effort
convulsif; parfois, au début, on constatait une répétition des mots
avec accompagnement brusque d'un tremblement extraordinaire
de l'intonation. L'articulation se faisait cependant très convena-
blement, mais avec un trainement très prononcé de quelques
mots ou de quelques syllabes.
Le malade était maladroit, lourd, incapable d'exécuter un tra-
vail soigné. Il eut de nombreuses attaques d'hyperhémie pulmo-
naire aiguë qui mirent souvent sa vie en danger (saignée du bras
ou scarification à la tête); c'est à une attaque do ce genre que
succomba le malade. ,
M. Meschede s'étend ensuite sur l'état intellectuel du malade
tombé presque en démence et sujet à des périodes d'excitation ma-
niaquc, accompagnées d'idées religieuses résultant de sa profession.
A l'autopsie, on constata une sclérose atrophigue de hémisphère
cérébelleux droit, l'adhérence de la orne postérieure du ventricule
latéral droit à l'ergot de Morand et une certaine induration des
(Icitx olives. - L'hémisphère cérébelleux gauche et la corne posté-
rieure du ventricule latéral gauche ne présentaient aucune ano-
malie. - La sclérose cérébelleuse droite était plus prononcée sur
le corps rhomboïdal réduit à la grosseur d'un noyau de prune et
d'une dureté cartilagineuse.
152 DE l'épilepsie PROCURSIVE.
Nous ne retiendrons de l'examen du cerveau que les faits sui-
vants : la dure-mère au niveau du frontal et des pariétaux était
adhérente; la pie-mère de la convexité avait un aspect laiteux,
était quelque peu épaissie, non adhérente.
Les poumons étaient oedématiés, emphysémateux à leur bord;
le lobe inférieur droit présentait une hépatisalion rouge. Le cocu)',
en surcharge graisseuse, était légèrement hypertrophié.
- Dans le cas de Meschede, les symptômes observés
sont en rapport avec la lésion cérébelleuse rencontrée
à l'autopsie, locomotion involontaire, rotation, dé-
marche chancelante, bégaiement et tremblement de la
parole.
Les phénomènes procursifs diffèrent quelque peu de
ceux que nous avons observés chez nos malades,
toutefois l'absence d'antécédents nous empêche d'é-
tablir une comparaison exacte entre ce cas et les
nôtres.
Parmi les observations anciennes que nous avons
publiées dans notre historique on trouva à l'autopsie,
dans deux cas, des lésions profondes de la protubé-
rance et, dans un autre cas, une lésion du corps strié;
dans ces trois cas il s'agissait de vastes foyers d'hé-
morrhagie ; la difficulté dans ces circonstances de bien
localiser la lésion, son retentissement sur les organes
environnants ne permettent pas de discuter avec fruit
ces observations.
Anatomiquement parlant, il semble donc, d'après les
quelques rares autopsies pratiquées jusqu'à ce jour,
que dans l'épilepsie procursive, les accidents procur-
sifs, certains mouvements de manège, de rotation,
sont liés à une lésion cérébelleuse'. Celle-ci peut
' « Les impulsions rectilignes ou selon l'axe qui peuvent être repro-
duites expérimentalement par la section ou l'irritation de certains points
DE L'ÉPILEPSIE PROCURSIVE. HJ3
être tantôt primitive, tantôt secondaire, ce qui explique
l'apparition précoce ou tardive des phénomènes pro-
cursifs.
En 1869, MM. Luys et A. Voisin ont attiré l'at-
tention sur les lésions du cervelet et de ses pédon-
cules chez les épileptiques; ils attribuaient à ces lésions
un rôle important dans les phénomènes convulsifs,
assertion du reste discutable, car la lésion cérébelleuse
était associée à d'autres lésions encéphaliques; aucun
de leurs malades n'est signalé comme ayant présenté
des accidents procursifs, mais il est à noter que tous
étaient atteints d'épilepsie depuis l'enfance, et qu'il
est possible que les accès procursifs disparus depuis
longtemps aient été omis dans les commémoratifs
fournis par les parents, soit qu'ils les aient ou-
bliés, soit que le médecin n'ait pas provoqué d'expli-
cations précises sur les caractères des accès aux
différentes périodes de la maladie.
En ce qui concerne l'anatomie pathologique, les
détails contenus dans les observations anciennes sont
loin d'être suffisants. Il est à désirer que, à l'avenir,
dans les cas d'épilepsie procursive, on procède à un
examen minutieux, non seulement du cerveau, mais
encore et surtout du cervelet qui, très souvent, n'est
l'objet que d'un examen sommaire.
de l'encéphale sont liées il des lésions du cerveau et l'on constate dans
l'intervalle des accès de locomotion d'autres symptômes on rapport avec
la maladie encéphalique. » (Jaccoud. - Leçons de clinique médicale de
Lariboisière, Paris, 1873, p. 170.)
' Luys et A. Voisin. - Contribution il l'anatomie pathologique du ccr-
velet, du bulbe et des corps striés dans l'épilepsie. (Archives générales de
médecine, décembre 1869.)
154 DE l'épilepsie procursive.
VIII. - Pronostic, diagnostic, etc.
Le pronostic de l'épilepsie procursive proprement
dite est toujours grave. Aux accès procursifs succèdent,
en général, au bout d'un temps plus ou moins long,
des accès à type commun; la marche est alors celle de
l'épilepsie commune. Il semble toutefois que les acci-
dents procursifs ont beaucoup moins d'influence sur
)'état intellectuel de ces malades; tant qu'ils existent
seuls, l'intelligence paraît, en effet, peu atteinte et la
mémoire semble bien conservée.
La marche et la durée sont celles de l'épilepsie ordi-
naire et par conséquent sont très variables.
Le diagnostic nous paraît facile. Les accidents pro-
cursifs, vertiges ou accès, diffèrent de la chorée et des
différentes affections à type saltatoire par la perte de
connaissance, ou une obnubilation profonde des
facultés intellectuelles, par le long intervalle qui
sépare les accidents, par la perte du souvenir de l'ac-
cident, etc. C'est à tort que Rilliet et Barthez ratta-
chent l'épilepsie procursive à la grande chorée : la
substitution des accès d'épilepsie ordinaire aux accès
d'épilepsie procursive, nous le répétons, démontre la
nature comitiale de la maladie 1. '
On observe souvent chez les hystériques, à la fin
des séries d'attaques surtout, des accidents procursifs,
1 Ces auteurs ont confondu encore sous le nom de grande chorée des
cas évidents d'hystérie : tels sont entre autres les cas de Dewar con-
cernant cinq enfants de la même famille (épidémie d'hystérie) . -
(Itilliet et Barthez. Traité pratique et clinique des maladies des enfants;
2° édition, t. 11, p. : Jï8, Paris, 1861.)
DE r : ÉrJr.ErIE rrWCURS1VE. Ion
un besoin de courir, mais ces accidents ne consti-
tuent qu'un épisode de l'attaque et ne la composent
pas tout entière, comme dans l'épilepsie procursive.
IX. - Considérations générales SUR la physiologie
ET L'ÉTIOLOGIE DES MOUVEMENTS PROCURSIFS.
La plupart des physiologistes s'accordent à faire
jouer au cervelet un rôle dans la locomotion, la seule
des fonctions qu'on lui a attribuée dont nous ayons
à nous occuper à l'occasion de l'épilepsie procursive.
Disons de suite que la propriété de coordonner les
mouvements paraît devoir être exclusivement réservée
à son lobe moyen. Or, nous avons vu que, chez
Duch... (Obs. LIV), le lobe moyen du cervelet était en
partie atrophié.
Parmi les phénomènes les plus constants observés
à la suite des lésions ou des excitations expérimentales
du cervelet, nous citerons les mouvements de rotation
et le tremblement. Chez les pigeons, Mitchell et
Richardson auraient observé, suivant la durée de la
réfrigération par la rhigolène, un mouvement en avant,
puis plus tard un mouvement de recul'.
Pour certains auteurs, les phénomènes observés
seraient des phénomènes d'entraînement, des impulsions
irrésistibles qu'ils rattachent à des troubles de l'inner-
vation cérébelleuse. C'est ainsi que M. Luys admet
l'action sthénique du cervelet dans tout effet volon-
taire ou involontaire.
1 ' D'après lleallnis, Nouveaux éléments de Physiologie humaine, ln édi-
tion, 181(i, p. llllln,
156 DE l'épilepsie PROCURSIVE.
« Les phénomènes étranges d'impulsions irrésistibles que pré-
sentent certains sujets qui sont invinciblement entraînés, soit à
courir en avant (ScélolYl'bc fcstinans), soit à accomplir une série de
mouvements involontaires de la tête, du tronc ou d'un des mem-
bres, etc. (chorées roicaloircs, chol'écs vibratoires) trahissent, écrit-il, 1,
dans l'ordre des faits pathologiques, leur parenté avec ceux que
j'ai signalés à propos des troubles' de l'innervation cérébelleuse;
on ne peut s'empêcher de reconnaître, en effet, que les tendances
procursives présentées par certains sujets, les mouvements rota-
toires accomplis par d'autres, ne sont en définitive que la répéti-
tion, chez l'homme, des mouvements d'cnlraîncment latéral, des
mouvements de rotation, des impulsions procursives variées, provo-
quées artificiellement chez les animaux, lorsqu'on vient à inté-
resser un point quelconque de la sphère où se dissémine l'influx
cérébelleux périphérique » »
M. Nothnagel n'admet, au contraire, aucune liaison
entre les lésions cérébelleuses et l'épilepsie2.
« Les accès épilepliformes, dit-il, réclament encore quelques
mots. Ils ne peuvent revendiquer aucune espèce de signification
diagnostique au profit d'une lésion du cervelet ; cela va de soi lors-
qu'on envisage leur présence dans diverses affections cérébrales.
Cependant, lorsqu'on veut faire la part de leur fréquence assez
grande dans l'atrophie cérébelleuse, c'est-à-dire dans une lésion
qui ne restreint pas l'espace de la cavité splanchnique, il semble-
rait Ék priori qu'il y ait lieu, ajuste titre, de se demander si les
accès n'auraient pas quelque rapport direct avec le cervelet. La
réponse négative nous parait incontestable. Ils sont absents dans
toute autre affection de déficit du cervelet; on a parfois dans l'atro-
phie cérébelleuse trouvé la protubérance et le bulbe concurrem-
ment intéressés et, à part cela, nous savons que tels accès peuvent
aussi affecter une fréquence insolite dans les affections du système
nerveux central les plus diverses dénuées d'action sur l'aire des
cavités, sans que pour cela on relie « l'épilepsie » alors observée à
la zone locale atteinte. Je ne vois nulle part jusqu'ici les éléments
d'une démonstration relative à l'origine de ces accès épilepti-
formes dans le cervelet lésé; bien au contraire, les attaques pro-
viennent toujours de la protubérance ou de la moelle allongée,
soit que les parties se trouvent directement comprimées par une
lésion restreignant l'espace ambiant, soit qu'il s'agisse d'étals
1 Luys. - Recherches sur le système nerveux cérébro-spinal. Paris,
1865, p. 616.
1 N'olina.-el. - Traité clinique du diagnostic des maladies de l'encé-
phale basé sur l'étude des localisations. Traduction Kéraval, 1885, p. 56.
DE L'ÉPILEPSIE PROCURSIVE. un
d'hypcrémie ou d'anémie de ces organes, soit enfin qu'on ait
affaire à une épilepsie provoquée « secondaire » (dans le sens que
nous avons attaché à ce mot autre part), le cervelet servant de
facteur intermédiaire (épilepsie symptomatique réflexe)1.
Pour M. Ilitzig'2, « les mouvements irrésistibles sont
tous, dès l'origine, des mouvements volontaires qui
prennent un caractère irrésistible de par le fonction-
nement à faux de diverses parties de l'organe. C'est
ainsi qu'il peut se produire des mouvements en appa-
rence irrésistibles quand l'individu s'illusionne sur sa
situation dans l'espace. »
Les mouvements de rotation ont été également obser-
vés à la suite des lésions des pédoncules cérébelleux.
- M. 13elliomme, dans un mémoire sur le tournis, lu à l'Académie
de médecine en 1833, cite l'observation d'une demoiselle qui, à
l'âge de quarante-sept ans, eut, à la suite d'une commotion
morale violente, des crises nerveuses avec besoin de tourner. De
nouvelles émotions ramenèrent de nouvelles crises, qui bientôt
se répétèrent spontanément quatre ou cinq fois dans la journée,
puis jusqu'à vingt fois. Ces crises s'accompagnaient d'un mouve-
ment de rotation de droite à gauche, mais quelquefois aussi de
gauche à droite, qui s'opérait de la manière suivante; la malade
étant assise roulait sur son siège avec une grande rapidité pen-
dant un temps plus ou moins long. Ces mouvements de rotation,
qui, pendant longtemps furent la caractéristique des crises; s'éloi-
gnèrent à mesure que la maladie fit des progrès : la déglutition
devint difficile, l'intelligence s'altéra de plus en plus, et la malade
mourut huit ans après le début de son affection.
' Si on laisse de côté les accès procursifs et que l'on n'envisage que les
accès à type commun qui les accompagnent ou leur succèdent, l'on peut
admettre, en ellet, avec Nothnagel, que ces derniers sont dus à la lésion
secondaire de la protubérance ou de la moelle allongée; c'est ainsi que
chez Duch... l'hémisphère cérébral gauche, le pédoncule cérébral
gauche et la moitié correspondante cle la protubérance étaient légère-
ment atrophiés ainsi que la pyramide et l'olive droites. - Chez Car...
la moitié gauche de la protubérance était plus petite droite. -
Chez Maisonh..., le pédoncule cérébral droit, la pyramide et l'olive
droite sont atrophiés, ainsi qu'à la moitié gauche de la moelle.
2 IX' congrès des >1CIlI'%gistcs et aliénistes de l'Allemagne du Sud-
Ouest, séance du 16 juillet 1881. (Archives de Neurologie, n" 25, vol. IX,
1885, p. 99.)
- lij8 DE 1,'ÉrlI.EPRIE PROCURSIVE.
L'autopsie montra, sur les côtés de la gouttière basilaire, deux
saillies osseuses du volume d'une petite noisette, ayant l'appa-
rence d'exosloses; la gouttière basilaire était évidemment rétrécis;
l'exostose de gauche était un peu plus grosse que celle du côté
droit, et toutes deux étaient rugueuses comme les points osseux
qui servent d'insertiou aux muscles. Le cerveau n'avait point
d'autre lésion que l'atrophie des nerfs optiques, une diminution
notable du volume de la protubérance annulaire, mais surtout
une dépression sensible, principalement à gauche, sur chacun
des pédoncules du cervelet, au point correspondant aux exostoses
signalées à la gouttière basilaire 1.
Les lésions cérébelleuses s'accompagnent de dégé-
nérations secondaires, particulièrement de la protu-
bérance, lésions secondaires auxquelles peut être
attribué le remplacement des mouvements procursifs
par des accès type d'épilepsie. Aussi croyons-nous utile
de dire quelques mots de la physiologie de la protu-
bérance des pédoncules cérébraux et du corps strié.
On sait que la galvanisation de la protubérance
produit des convulsions épileptiformes et que la lésion
d'un pédoncule cérébral produit un mouvement de
manège du côté opposé à la lésion. « Dans ce mouve-
ment de manège, l'animal décrit un cercle de rayon
variable, et le cercle parcouru serait d'autant plus
petit que la lésion se rapproche davantage du bord
antérieur de la protubérance et qu'elle atteint un plus
grand nombre de fibres - = r> (Beaunis). Dans trois cas de
lésion de la partie supérieure et externe du pédoncule
cérébral, le même auteur a constaté des mouvements
de rotation sur l'axe.
lllagendie admettait dans les corps striés un centre
dont l'excitation déterminait chez les animaux un
, llesnet. - Des mouvements circulaires (Archives générales, mai SS'2)'
, lie nunis. Nouveaux éléments de physiologie /;)<fn;«t ? l" édition,
p. S)9t). Paris. 1 Í¡¡.
DE L'ÉPILEPSIE PROCURSIVE. loi)
mouvement de recul ; après leur ablation, il y aurait
une impulsion irrésistible poussant le corps en avant,
impulsion qui serait due à l'action du cervelet que ne
contrebalance plus l'action de recul du corps strié. -
Richardson et llitchel ont vu des mouvements en
avant très marqués par le refroidissement des corps
striés (Beaunis).
Nous savons, d'un autre côté, qu'on a observé chez
le chien, après l'ablation complète du noyau caudé, un
mouvement de manège fort particulier (Carville et
Dure ! ) et que Nothnagel a admis dans le corps strié
chez le lapin un nodus c1l1'sorius dont l'excitation pro-
duisait un mouvement de course irrésistible.
D'autres auteurs, entre autres M. Steiner, attribuent
les mouvements irrésistibles à un défaut d'asymétrie
de l'innervation t. '
Les lésions cérébelleuses peuvent être latentes,
mais elles s'accompagnent souvent de phénomènes
variables, inconstants, parfois transitoires, sans qu'il
soit le plus fréquemment possible d'établir un dia-
gnostic précis ou d'en déterminer exactement la loca-
lisation, par suite des rapports intimes du cervelet
avec les organes du voisinage et à cause des actions
à distance possibles sur les autres parties de l'encé-
phale. - Aussi la symptomatologie des lésions céré-
belleuses et la physiologie pathologique du cervelet
sont-elles encore entourées d'une très grande obscu-
rité. Nous ne croyons pas que nos observations soient
à l'abri de toute critique sous ces divers rapports, car
les lésions rencontrées à l'autopsie n'étaient pas stric-
tement localisées à une partie du cervelet, et elles
' Archives de Neurologie, 1885. t. IX, p. 99.
160 DE 1,'ÉPILEPSIE PROCURSIVE.
sont, par suite, susceptibles d'interprétations variées;
toutefois, nous avons été frappés, surtout dans l'ob-
servation de Duch..., de la coïncidence de la lésion
cérébelleuse paraissant primitive, avec les phénomènes
procursifs observés à une certaine période de l'affec-
tion de ce malade , de l'étendue de cette lésion
cérébelleuse et de sa plus grande ancienneté par
rapport aux autres lésions rencontrées à l'autopsie.
L'interprétation des phénomènes observés pendant
la vie et leur relation avec la physiologie du cervelet
encore si indéterminée nous semble d'autant plus
difficile que les altérations du cervelet peuvent facile-
ment retentir sur les organes du voisinage (bulbe,
moelle, protubérance, etc.) avec lesquels cet organe
a des connexions si intimes. Des observations ulté-
rieures peuvent seules confirmer ou infirmer l'hypo-
thèse de la relation possible entre l'épilepsie procur-
sive et une lésion cérébelleuse.
Etiologie. - Nous ne connaissons rien de l'étiologie
de l'épilepsie procursive. D'après nos observations,
nous pouvons seulement dire que la lésion encépha-
lique semble débuter dès l'enfance.
X. Traitement.
Lés traitements les plus divers employés contre les
accès procursifs sont jusqu'ici restés inefficaces, seuls
les accès consécutifs d'épilepsie classique paraissent
justiciables d'un traitement amenant parfois une amé-
lioration passagère dans l'état du malade.
il.
Deux Cas d'Athétose double
avec imbécillité;
par BOURNEVILLE et PILLIET.
Les deux observations sur lesquelles nous allons appeler
l'attention ont trait à une maladie nerveuse encore peu con-
nue et dont le diagnostic précis nous paraît offrir quelque dif-
ficulté.
Observation I. - Deux frères ont eu des convulsions dans l'enfance.
- Frère probablement épileptique. - Emotion de la mère, trois
semaines avant l'accouchement, et tremblement consécutif. -
Parésie et tremblement du malade dès sa première enfance. -
Placé en hospice à huit ans. - Difficultés de la marche et chutes
par exagération des mouvements des jambes. - Difficulté de man-
ger et de boire due aux mouvements désordonnés des membres
supérieurs. - Contorsions du tronc, du cou, des muscles de la
face; signes plus marqués du côté droit. - Parole scandée et
embarrassée. Mouvements rares au repos; exagérés par la plus
légère émotion. - Santé générale satisfaisante; caractère pué-
ril, mémoire bonne. - Onanisme ; atrophie du testicule gauche. -
Dévotion.- Pèlerinage à Lourdes. Amélioration lente des mouve-
ments sous l'influence de l'hydrothérapie et de la marche avec le
chariot. - Transfert du malade aux vieillards; continuation de
l'amélioration.
Dernoed... (Nicolas), né à Paris le 1" mai 1847, est entré à l'lios-
pice de Bicêtre (service de M. 130URNEVILLE), le 23 janvier 1882.
Bourneville, 1887. 11 i
J 6z DEUX cas d'athétose double avec imbécillité.
Renseignements fournis par sa SOE ! I1' (22 février 1882). -Père,
intelligent, d'un caractère doux, a été trente-quatre ans cocher
à la compagnie générale, est mort à soixante-six ans d'une lion-
chite chronique ; il était grand, fort; on assure qu'il ne fumait pas
et ne faisait pas d'excès de boisson. Quelques douleurs rhumatis-
maies ; pas de maladies de peau, pas de migraines. [Père, maître
d'école en Hollande, pas de détails, - ni sur la mère. - Deux
frères : l'un est maître d'école, bien portant, et a une fille en
bonne santé; un fils est mort de la petite vérole; - l'autre frère
est mort à soixante ans, on ne sait de quoi. - Deux soeurs bien
portantes : l'une a trois filles, l'autre a trois filles et un garçon,
également en bonne santé. Dans la famille, pas d'aliénés, d'épi-
leptiques, de choréiques, ni de difformes; pas de suicidés, ni de
criminels.]
Mère, soixante ans, journalière, faisait des ménages; asthma-
tique, pas de maladies de peau, ni d'attaques; n'est pas nerveuse,
aucun excès. [Père, mort on ne sait de quoi. - Mère, morte en
couches à vingt-sept ans, pas de détails. - Un frère bien portant,
sans enfants. Trois soeurs bien portantes, l'une a trois enfants
en bonne santé.- Pas d'aliénés, d'idiots, d'épileptiques, etc.]
Pas de consanguinité (père hollandais, mère lorraine).
8 enfants : 1° un mort-né;- 2° un, mort à trois ans, du choléra,
avec convulsions; - 3° notre malade;- 4° garçon, trente-un ans,
aurait eu une fois des convulsions dans l'enfance, est bien portant,
pas de chorée, marié, a eu deux enfants qui sont morts l'un d'une
lluxion de poitrine, l'autre de cholérine, mais sans convulsions;
- 5° garçon mort à vingt-deux ans et demi d'hémoptysies succes-
sives, pas de convulsions, pas de chorée; - 6° garçon, mort à
vingt-deux ans d'un refroidissement après avoir été vingt mois
malade (phthisie); pas de chorée ni de convulsions; - 70 fille,
celle qui nous renseigne; brune, intelligente, figure régulière et
agréable, non mariée ; bien portante, pas de migraines, de cho-
rée, de convulsions; - 8° garçon, vingt-un ans, bien portant, in-
telligent, pas de chorée ni de convulsions; mais, depuis trois ans,
il serait sujet à de petits accidents cérébraux que l'on décrit ainsi :
yeux fixes, perte de connaissance, parfois rigidité; écume san-
glante, ronflement. Quelques mouvements de la tête, mais ne se
débat pas. 11 aurait eu deus crises la semaine dernière; il n'en
avait pas eu depuis trois mois (épilepsie 2 ).
Notre malade. - Grossesse bonne; pourtant, à huit mois, la
mère a été émotionnée parla mort de son second enfant. Elle au-
rait été prise d'un tremblement qui a duré trois semaines, jusqu'à
l'accouchement. - Celui-ci a eu lieu à terme, naturellement, sans
chloroforme. On pense que l'enfant est resté lontemps au pas-
sage : « ses accouchements étaient longs»; on ne saurait dire
DEUX CAS D'ATHÉTOSE DOUBLE AVEC IMBÉCILLITÉ. 163
s'il était asphyxié. Elevé au sein par sa mère, sevré à vingt-huit
mois. Le tremblement aurait été remarqué de suite et serait de nais-
stance. « Dès le premier jour, il a tremblé et il a emporté le trem-
blement de notre mère. » Il n'a jamais marché à la maison, c Aus-
sitôt qu'il était debout il tombait. » Envoyé à la campagne à cinq
ans, il y est resté jusqu'à son entrée à Bicêtre pour la première
fois à huit ans et demi environ. Il fut ensuite transféré à Rhodez,
en 1864, de Rhodez à St-Lizier où il est resté jusqu'en 1882, épo-
que où il fut ramené à Bicêtre sur les instances de sa famille.
il parlé « en bégayant », vers deux ans; il a été propre de bonne
heure; on ne croit pas qu'il ait eu d'otites ni d'ophthalmies, ni
de fièvres éruptives, ou de maladies d'enfant, du moins chez ses
parents. - On attribue sa maladie à l'émotion et au tremblement
survenus à la fin de la grossesse. « Ma mère a senti un choc en
elle, et a senti l'enfant remuer. »
Sur la période de 1857 à 1864, nous avons quelques renseigne-
ments très curieux parce qu'ils confirment les détails donnés par
la famille et nous permettent, en comparant les symptômes à deux
époques très éloignées (1857 et 1887) de bien mettre en relief
l'amélioration survenue dans l'état du malade. Le certificat de
M. Lasègue est ainsi conçu : Idiotie, paralysie, épilepsie probable.
- Le certificat de quinzaine, signé de M. Delasiauve, porte :
Chorée, imbécillité ; pas de crises épileptiques. Voici, d'autre part ,
les notes recueillies par notre vénéré maitre (18a7-1864) :
« Cet enfant, d'une force médiocre, a un fond d'intelligence ; il
répond à quelques questions en bredouillant. Le certificat de
police mentionne l'idiotie avec accès épileptiques présumés. Cette
dernière affection parait douteuse; les mouvements irréguliers
dépendraient plutôt d'un état chloréique. L'enfant ne peut, seul,
se soutenir sur les jambes ; s'il marche ou remue les bras, il ne peut
prendre une direction fixe. La prononciation a le même caractère.
Au repos, les phénomènes sont moins sensibles, mais ils existent
à un certain degré... »
Nous relevons ensuite les notes ci-après : a 4857. Novembre :
Ophlhalmic. - 188. Décembre : Malgré les exercices discontinués
trop tôt, on ne note que peu d'amélioration. - 1859. Avril :
Fièvre scarlatineuse, puis traitement par la liqueur arsenicale de
Fowler. En septembre, ophthcthnie. - 18G1. Décembre : L'exercice
de la poulie lui donne de la force ; il se soutient un peu mieux sur
les jambes et fait un pas en avant. - 1862. Juin : Les yeux vont
beaucoup mieux; l'exercice lui a rendu un peu d'agilité. No-
veznbre : Oplithalmie à droite. - 1863. mai Facilités pour le calcul
qui ne sont pas les mêmes pour la lecture ; marche moins difficile.
- 1864. Février : Il épèl(eL récite la Cigale et la Fourmi. Juin :
Oreillons ; ophthalmies palpébrales fréquentes. - 1864. Juillet :
164 DEUX CAS D'ATHÉTOSE DOUBLE AVEC IMBÉCILLITÉ.
Prurigo généralisé. Transféré le 18 septembre à l'asile de Rhodez. »
Le malade assure qu'à son départ il ne marchait pas encore seul,
qu'il restait tout le temps assis sur un petit fauteuil, que c'est à
Rhodez qu'il a commencé tl111al'chcl' seul. Nous insistons dès mainte-
nant sur ce fait qui a une grande valeur au point de vue du dia-
gnostic et nous reprenons la suite de l'observation depuis l'époque
où le malade est revenu dans le service.
1882.9 ma1'S,- Reyacciné avec succès (une pustule au bras droit).
16 août. - Etat actuel. Poids, zip kilogr. 80. - Tête assez forte.
Pas da saillie de la région occipitale, aplatissement de la région
comprise entre le vertex et l'occipital; bosses pariétales moyenne-
ment saillantes. Front assez élevé, légèrement fuyant, étroit.
Arcades sourcilières légèrement déprimées.
DEUX CAS D'ATHÉTOSE DOUBLE AVEC IMBÉCILLITÉ. 16t.
les avant-bras un peu fléchis, les doigts en mouvement. Le corps
se tortille, les genoux se touchent, le pied ne repose que sur sa
partie antérieure; les talons sont fortement relevés, la pointe du
pied droit se dirige un peu en dedans. Il arrive à suivre assez bien
la ligne droite, mais parfois il est entraîné malgré lui de côté, et
tombe très souvent. La marche est plus difficile quand on le re-
garde. « Çà m'é--mo ? tionne é-nor ? mément. » Il descend les
escaliers en se tenant fortement à la rampe. Dans la cour, il mar-
che à l'aide d'un chariot. Il assure que la nuit, s'il n'y a pas de
lumière, il est moins solide et ne peut marcher sans son chariot.
Quand Dern... mange, il saisit brusquement les bouchées de
pain préparées par l'infirmier; ses doigts les serrent énergique-
ment. Lorsqu'il porte le pain à sa bouche, la bouche vient en
avant et la tête s'incline, l'avant-bras est relevé également et décrit
des oscillations. Quand Dern... veut prendre sa fourchette,
les doigts s'écartent complètement, puis les quatre derniers l'em-
poignent violemment, le pouce restant en dehors et ne formant
pas crochet; parfois le pouce et l'index se détachent de la four-
chette et exécutent des mouvements. Quand il a saisi le morceau
de viande avec la fourchette, par une sorte de mouvement de
bascule il appuie fortement sur la table l'avant-bras et le rebord
cubital de la main, et la tête vient au-devant de la bouchée en
exécutant de nombreuses oscillations. Parfois, mais rarement, il
se pique la bouche. De préférence il se sert de la main gauche
pour prendre son pain, et les mouvements d'élévation de l'avant-
bras et d'abaissement de la tête sont alors moins marqués que si !
se sert du bras droit.
1883. Janvier -.Poids, 49 kilogr. 80.-Juillet : Poids, 48 kilogr.
1884. Janvier : Poids, 48 kilogr. 20.-Juillet : Poids, 47 kilogr. 40.
3 novembre. - A deux heures de l'après-midi, le malade étant
debout contre son lit, s'est senti tout à coup défaillir, et s'est
plaint d'une douleur vive dans le flanc droit. Face pâle, sueurs
froides sur la figure et le corps,, cou gonflé, pouls faible, lent, ré-
gulier (60 p.). Mouvements respiratoires réguliers (20), soulevant
les joues. Pupilles égales, contractions musculaires faibles, mais
pas de paralysie. T. 38°,2. Le malade a gardé toute sa connais-
sance.
4 novembre. - Appétit, soif vive, constipation. T. R. 37°, 8. -
Hier, à deux heures et demie le malade a vomi : il avait, parait-il,
mangé une quantité considérable de pruneaux. Après les vomisse-
ments il a été soulagé.
l8S;i. Janvier : Poids, 47 kilogr. 511.- Juillet : Poids, 49 kilogr. 20.
Notes Sommeil bou, il s'endort assez lente-
ment : « Deux... ou trois... heures... après que... je suis au lit. »
Jamais de cauchemars.
166 DEUX CAS D'ATHÉTOSE DOUBLE AVEC IMBÉCILLITÉ.
Fonctions digestives bonnes; mastication passable, pas de vo-
missements. Selles quotidiennes; il peut aller seul aux cabinets,
se déshabiller et se rhabiller, mais tout cela se fait très lentement
en raison des mouvements choréiformes. Urination normale.
Moustaches châtaines, peu fournies; favoris et barbe très four-
nis, cheveux noirs assez abondants, sauf sur les tempes; sourcils
bruns très épais.
Organes génitaux. - Poils assez abondants au pénil ; bourses
pendantes, plus adroite qu'à gauche, verge volumineuse; lon-
gueur 10 c. 1/2, circonférence 9 1/2. Pigmentation assez pronon-
cée. Gland en partie découvert, découvrable; méat normal. Le
testicule droit est du volume d'une noix moyenne, double du
gauche qui est seulement de la grosseur d'une grosse olive. Poils
assez abondants à l'anus. - Onanisme de quinze à dix-huit ans.
Il affirme qu'il a cessé depuis et qu'il n'a jamais eu de rapports
sexuels. « Il y a vingt-huit ans et demi que je suis enfermé,
dit-il. »
Mémoire bonne : Der. se rappelle avoir vu l'un de nous à l'asile
de Rhodez, en 1880, « un dimanche », ce qui est exact.
Parole. -La prononciation rappelle celle d'un enfant « rai
trente-six ans... et demi... ma mère... demeure... rue... de Meaux
..... la Villette... La voix est nasonnée et gutturale. Les lèvres
sont presque toujours en mouvement. Parfois la phrase se conti-
nue sans arrêts : « A Rhodez, j'avais une liberté relative... on me
laissait sortir avec un commissionnaire... malade lui-même.» La
parole est scandée par des mouvements. Il peut allonger la langue
et la maintenir quelque tempshors la bouche. Il n'y a pas de trem-
blement, mais parfois une petite trémulation de la base à la pointe,
et vice versa. Rire niais. - Motililé spasmodique, avec plissement
de la face. - Assis, il reste relativement tranquille ; cependant
la jambe droite est parfois soulevée, le genou vient buter contre
l'autre. La jambe gauche parait rester immobile. Il repose ses
mains sur ses genoux et conserve assez longtemps cette position;
parfois, cependant, il a des mouvements des doigts et du bras droit.
C'est ce bras qui est le plus faible - ainsi que la jambe correspon-
dante - et qui présente les mouvements choréiques les plus accusés.
Le malade peut se rhabiller, boucler sa ceinture, se boutonner,
mais lentement. Pour boire, il rapproche les deux mains, les
doigts très largement espacés, et avec des mouvements d'athé-
those. Une' fois le vase saisi violemment, il abaisse la tête qui vient
ainsi au-devant du verre, puis il la relève aussitôt en buvant.
Sensibilité. - Elle est conservée sur tout le corps; toutefois le
contact, le chatouillement, le chaud et le froid semblent être plus
vivement perçus à gauche qu'à droite, au tronc, aux membres et
à la face ?
DEUX CAS D'ATHÉTOSE DOUBLE AVEC IMBÉCILLITÉ. 16î
La vue est bonne. La vision monoculaire paraît un peu trouble
pour l'oeil gauche ( ? ). Les pupilles sont égales, moyennement dila-
tées, contractiles; le réflexe à la et le réflexe d'accommoda-
tion sont conservés sans être exagérés; le malade distingue net-
tement toutes les couleurs; pas de nystagmus ; pas de diplopie; pas
de myopie. - L'ouie est bonne des deux côtés : il entend le tic
tac d'une montre à 40 ou 50 c. de l'oreille. - Dern... ne sait pas
le nom des odeurs, mais il distingue les agréables des désagréables.
- Goût normal.
Les réflexions, le langage sont un peu puérils. - D... est très
poli, très reconnaissant de ce qu'on fait pour lui. Il se promène
toute la journée dans son chariot. Jamais de vertiges.
1886. Janvier : Poids, 49 kilogr. 40; taille, im, 58.
19 noK<.Nicolas, qui est très pieux, est parti le 16 en pèlerinage
pour Lourdes. Il a été conduit à la gare d'Orléans par son ami
Marson..., ancien malade épileptique, guéri et passé dans les divi-
sions de l'hospice, qui disait : « Nicolas est si dévot qu'on lui
ferait croire que des vessies sont des lanternes, il reviendra comme
il est parti. » Les soins matériels du voyage paraissent avoir été
assez bien entendus, à part ce fait que les pèlerins, au sortir de
la piscine, étaient obligés de se rhabiller mouillés. A son retour,
Dern... a prétendu se trouver mieux portant et plus ingambe, ce
que ses camarades contestent... et avec raison.
1er octobre.-Depuis qu'il est passé aux vieillards1, il s'exerce
beaucoup plus librement, plus longuement et plus régulièrement
que quand il était dans la section, parce que son dortoir est au
rez-de-chaussée et qu'il n'est pas obligé de descendre un escalier.
Il arrive à faire de longues courses dans Paris, mais, le plus sou-
vent, avec quelqu'un qui pousse son chariot. Il est plus vigou-
reux ; mais ses mouvements chloréiformes sont les mêmes. Quand
on le rencontre il soulève sa casquette avec un mouvement sac-
cadé tout spécial. - Traitement : continue l'hydrothérapie ; pluie
et jet pendant dix secondes, puis jet en éventail pendant quinze
secondes; exercices du chariot.
22 novembre. Le malade a continué régulièrement les douches;
il dit que son tremblement diminue et qu'il ne se sabre plus autant
en mangeant. Suspension des douches.
1887. Au commencement de cette année, Dern... était dans
un état satisfaisant au point de vue de la santé générale; mais les
mouvements spasmodiques persistaient presque aussi intenses. Voici
les résultats de notre dernier examen :
' Ce passage a eu lieu le 9 novembre 1885. La conduite de D... a
toujours été régulière et nous n'avons pas il regretter d'avoir provoqué
cette mesure.
168 DEUX CAS .D'ATHÉTOSE DOUBLE AVEC IMBÉCILLITÉ.
Le malade étant assis a la tête un peu tendue en arrière, les bras
allongés, mais tenus par les mains appuyées sur le ventre ; les
cuisses rapprochées, les genoux en contact, les jambes rejetées de
côté. On note des mouvements des doigts de la main droite, des
épaules, de la tête et de la jambe droite. Ces mouvements sont
à certains jours beaucoup plus prononcés, plus fréquents que ce
matin.
La physionomie est un peu niaise et le malade a une tendance
très marquée à rii,e : « Parfois..., dit-il, je ne puis pas me... re-
tenir... alors, j'éclate. » Quand il rit, tous les muscles de la face
entrent en jeu d'une façon exagérée, la bouche s'ouvre large-
ment, les sillons naso-labiaux se creusent profondément, les plis
de la patte d'oie s'accusent fortement et les paupières se ferment
presque entièrement. t.
La parole est lente. Il semble qu'il soit obligé de faire un effort
pour parler : la lèvre supérieure a des. contorsions, elle s'avance
parfois, les commissures se tirent : on dirait qu'elle est raide.
Parfois aussi, il ouvre la bouche avant de parler. Lorsqu'il parle
- un peu à la manière des enfants - les sillons naso-labiaux se
creusent, les mots sont d'ordinaire scandés, séparés; quelquefois,
il prononce plusieurs mots de suite. Il ne s'agit pas là de bégaiement.
Dern... prononce toutes les syllabes simples, et cela nettement.
La langue ne sort jamais de la bouche involontairement. D...
peut la maintenir allongée, sans tremblement durant un assez
longtemps, la porter à gauche et à droite ou l'abaisser, mais il
ne peut l'élever. Il affirme qu'elle ne roidit pas, qu'elle lui obéit
et ne le gêne par aucun mouvement irrégulier.
, Plusieurs expériences ont été faites pour étudier la préhension
et les caractères des mouvements des bras dans cet acte. Quand le
malade veut saisir un verre, placé sur une table devant lui, les
membres supérieurs quittent leur position allongée sur le tronc,
s'écartent, s'élèvent et se rapprochent vers le but en exécutant
des mouvements choréiformes à large amplitude, tout en se diri-
geant vers le verre. Les doigts sont fortement écartés, les pouces
étendus. Le verre est saisi vigoureusement d'une part entre le
pouce et l'index de la main droite (les trois derniers doigts res-
tant écartés) et d'autre part les trois derniers doigts de la main
gauche (le pouce et l'index restant écartés). A partir du moment
où D... soulève le verre, il n'y a plus de grands mouvements
comme dans la première partie de l'acte, mais seulement de
petites oscillations. 11 est vrai de dire que, afin de diminuer la dis-
tance entre le verre et la bouche, la tête s'est avancée en oscillant.
Quand D... veut prendre une cuiller, la main droite décrit des
oscillations assez grandes, avec conservation de la direction du
mouvement, puis la cuiller étant saisie énergiquement, il la porte
à la bouche, le bras n'étant plus animé que de petites oscilla-
DEUX CAS D'ATHÉTOSE DOUBLE AVEC IMBÉCILLITÉ. il 69
lions. Les caractères des mouvements dans ces deux actes doivent
être retenus, car ils diffèrent de ceux qu'on observe soit dans la
chorée, soit dans la sclérose en plaques.
Quand le malade veut se lever de sa chaise, il garde les bras
allongés, les mains restent en contact, il penche le tronc en
avant, fait un effort considérable pour se mettre debout, effort
accompagné de mouvements athétosiques de la face et des doigts.
Dans la station verticale, la tête est animée de petites oscillations
le tronc se tient à peu près droit, mais les cuisses sont rappro-
chées, fléchies sur le bassin, et rapprochées de telle sorte que
les genoux sont en contact; les jambes très écartées sont fléchies.
Si la station verticale persiste - sans soutien - on observe
bientôt de petites secousses rappelant celles des pantins à ressort.
Dans la marche, D... porte le tronc un peu en arrière et incliné à
droite, la tête dans l'extension ; le bras droit est accolé au tronc,
l'avant-bras très écarté et. élevé; le bras gauche est également
appliqué le long du thorax et l'avant-bras dirigé en avant; dans
cette attitude, les avant-bras jouent le rôle d'un balancier afin de
maintenir l'équilibre. Quant aux membres inférieurs, ils conser-
vent leur même degré de flexion. Le pied droit n'appuie que sur
son tiers antérieur et sa pointe est tournée en dedans; le pied
gauche tourné en dehors, porte davantage et il semble que,
parfois, le talon touche le sol. Les jambes, surtout la droite sont
agitées de quelques mouvements choréiformes qui ne sont en
rien comparables aux mouvements de projection des ataxiques. La
seule analogie consiste en ce que les pieds se soulèvent plus que
de raison. Le malade a une légère tendance à s'écarter de la
ligne droite et sort quelquefois du tapis, large de 45 centimètres,
sur lequel nous le faisons marcher. Tout le corps est roide.
Dern.... dit qu'il ne peut pas se servir de canne à cause des mou-
vements de ses doigts. Tandis que seul, sans aucun secours, il ne
marche que lentement, dans son chariot, il peut marcher assez
vite et faire, comme nous l'avons déjà noté, de longues courses
dans les cours ou aux environs de l'hospice, et même loin dans
Paris, et cela sans grande fatigue.
Un nouvel examen des sens spéciaux confirme ce que nous avons
mentionné plus haut et montre qu'il n'y a pas de différence no-
table entre les deux côtés. Il en est de même de la sensibilité
générale qui parait plutôt un peu exagérée : « La moindre des
choses qu'on me touche, ça me fait sensation. » Et, de fait, le
moindre chatouillement, une piqûre légère, l'excitent et le font
rire bruyamment.
Le malade couché, on relève les particularités suivantes : La
moitié droite du thorax est un peu aplatie, surtout au-dessous
de l'omoplate ; la colonne dorsale est légèrement incurvée à gauche
et en avant, l'épaule gauche est arrondie et plus élevée que la
170 DEUX CAS D'ATHÉTOSE DOUBLE AVEC IMBÉCILLITÉ.
droite. - Les articulations sont un peu roides, mais s'assouplissent
après quelques mouvements. Elles ne sont le siège d'aucun cra-
quement.
La notion de position est conservée. - Il n'y a pas d'épilepsie
spinale. Le chatouillement de la plante des pieds produit des mou-
vements réflexes considérables. La recherche du réflexe rotulien est L
très difficile, car le malade contracte sans cesse ses muscles, et si,
pour y parvenir on essaie de distraire son attention, on exagère,
au contraire, la contraction des muscles. - Dern... peut toucher
avec ses pieds la main de l'observateur sans qu'il y ait erreur de
direction; il y a seulement quelques petits mouvements. 11 en est
de même si on lui fait porter l'un ou l'autre index sur son nez.
La force musculaire n'est nullement affaiblie. Il parvient, à fléchir
les jambes allongées lorsqu'on cherche à s'y opposer. Le dynamo-
mètre Mathieu fort donne pour la main droite 20 et 18 pour la
main gauche, résultat en contradiction avec l'examen.
Le malade étant levé, on le fait marcher pieds nus. On constate
alors que le talon gauche, qui avec les souliers paraissait quelque-
fois toucher le sol, reste élevé et que les orteils, surtout ceux du
pied droit, sont[animés.de mouvements d'athétose. Le signe de Rom-
berg n'existe pas : le malade se tient debout et marche aussi bien
les yeux bandés que lorsqu'il a les yeux ouverts. Il déclare mieux
marcher avec ses souliers que pieds nus.
Observation II. - Père très nerveux, sujet ci des accidents probable-
ment épileptiques (vertiges procursifs ? ) ; fréquents excès de bois-
sons. - Tante paternelle alcoolique el débauchée. - Grand-père
maternel, excès de boisson. - Oncle paternel et deux cousins ger-
mains maternels, convulsions. - Un frère, convulsions, arriére.
Deux soeurs mortes de méningite.
Conception durant l'ivresse. - Premières convulsions prolongées
à trois mois, secondes convulsions ci trois mois et demi. -
Gourmes, élisie, état paralytique, prédominant à droite. - Appa-
rition des grands mouvements spasmodiques ci l'occasion des
gestes et des mouvements spontanés. - Contractures avec les
mouvements provoqués. - Accès de colère. - Bave jusqu'à huit
ans. - Impossibilité de marcher, de s'habiller, de parler et de
manger seul jusqu'en 1880. - Gâtisme. - Prédominance des
mouvements du côté gauche, légèrement plus fort que le droit. - z
Insuccès de la médication arsenicale. - Susceptible d'éducation,
affectueux. - Exercices de marche; hydrothérapie. - Améliora-
lion progressive. - Il arrive ci manger, à marcher dans un chariot,
à dire quelques mots. - Guérison du gâtisme.
Lemaig... (Emile-Auguste), né le 18 novembre 1863, est entré à
Bicêtre le 16 octobre 1872.
DEUX CAS D'ATHÉTOSE DOUBLE AVEC IMBÉCILLITÉ. 171
Renseignements fournis par sa mère (24 avril 1882) - Père, char-
retier, mort en 1871 à la Pitié, à la suite d'une fracture de jambe
compliquée qui avait nécessité l'amputation. 11 était assez grand et
gros, faisait, dès l'époque de son ménage (trente etun ans), des excès
de boisson (vin, eau-de-vie). Il était tous les jours « un peu lancé»;
souvent la nuit, il se levait, sa femme lui ouvrait alors la porte,
parce qu'une fois il avait sauté par la fenêtre. Il jetait n'importe quel
habit sur lui et se sauvait en courant {vertige procursif ? ). Puis, au
bout de dix à quinze minutes, il revenait se recoucher sans rien
dire. Le lendemain, il ne se rappelait rien. Ceci lui serait arrivé
cinq à six fois; d'autres fois, sa femme est parvenue à le retenir.
Il était violent, disputeur. « Il m'a battu bien souvent et m'a fait
bien du mal ! » Douleurs de tête consécutives aux excès; pas de
migraines; pas de maladies de la peau; on ne sait s'il a eu la
syphilis; pas d'angines, d'ulcérations, etc.; il fumait très peu. Il n'a
pas eu d'autre maladie durant son mariage qu'une affection osseuse,
consécutive à sa fracture. Il n'avait pas d'attaque, mais était très
nerveux. 11 disait que son enfant (notre malade), lui avait emporté
sa maladie et qu'il était moins nerveux. [Père, garde champêtre,
est mort très âgé; on croit qu'il était sobre. - Mère, ménagère,
morte de vieillesse. - Deux frères : l'un est mort étant soldat,
d'un refroidissement, l'autre serait mort des suites d'une maladie
vénérienne. - Une soeur, fille publique, alcoolique, est morte de la
poitrine; elle aurait eu dans son pays, à quinze ans, un enfant qui
est venu mort; elle est ensuite venue à Paris « faire la noce; »
n'a pas eu d'autres enfants. - Un oncle est mort à Bicêtre aux
vieillards. Pas d'aliénés, d'épileptiques, etc., dans le reste de la
famille.]
Mire, quarante-sept ans, couturière, taille ordinaire, physio-
nomie indifférente, assez intelligente cependant. Elle a perdu son
père quand elle avait sept ans : « J'ai été menée à coups de pieds,
à coups de poings, chez l'un, chez l'autre, à la campagne où je gardais
les bestiaux. » Pas de convulsions dans son enfance, croit-elle.
Réglée it douze ou treize ans, mariée à vingt-six, ménopause à qua-
rante-six. Sujette depuis sept à huit ans à des douleurs de tête;
pas de migraines; pas d'attaques; n'est pas nerveuse. [Père, culti-
tivateur ; excès de boissons, mort à la suite d'une chute avec frac-
ture de côtes. - Mère, morte à soixante-huit ans, « après avoir
traîné » ; travaillait aux champs, était colère, n'avait pas d'at-
taques. - Grands-parents maternels devenus aveugles à la fin de
leur vie; du côté paternel, pas de renseignements. - Quatre frères
vivants et bien portants, qui ont eu deux, six, un et deux enfants,
sur la plupart desquels on n'a pas de renseignements. Pourtant
l'un de ceux qui sont à Paris est bien portant, mais a eu beaucoup
de convulsions étant jeune; il a deux enfants qui ont eu des con-
172 '2 DEUX CAS D'ATHÉTOSE DOUBLE AVEC IMBÉCILLITÉ.
vulsions répétées. - Une soeur, morte à son retour d'âge, n'avait
pas d'attaques. - Point d'épileptiques, d'aliénés, de criminels, etc.]
Pas de consanguinité. -Sept enfants : 1° notre malade; - 1° sar-
çon, dix-sept ans, cordonnier ; a eu des convulsions internes dans la
première enfance; puis, de trois à quatorze ans, des douleurs de
tête sans vomissements, pendant lesquels il devenait « rouge
comme un coq ». Intelligence médiocre : « il n'a pas trop de
débouchés»;-30 fille bien conformée, morte à deux mois «d'une
espèce de méningite, en quinze jours », avec convulsions internes ;
- 5°=arçon, treize ans; pas de convulsions; n'est pas fort; mais il
est intelligent et très vif; apprend bien;-5° garçon mort à trois
jours on ne sait de quoi, était né à terme; pas de convulsions; -
6° fille morte à quatre ans et demi de méningite, avec convulsions,
en quatorze jours; - 70 fille, morte du croup à trois ans.
Notre malade. Au moment de la conception, le mariage datait de
3 mois. Il est probable que le père était ivre, car il était surtout
porté aux rapports sexuels quand il avait bu. Au point de vue de
l'hérédité paternelle, il ne parait pas y avoir eu d'interposition;
« Bien que j'aie eu beaucoup de misères, dit la mère de l'enfant,
je n'ai eu que mon mari. » - Grossesse bonne, sauf quelques dis-
putes avec son mari à cause de ses excès. Pas de misère exagérée,
pas de coups, de peurs, pas d'alcoolisme. - Accouchement à terme,
naturel, sans chloroforme. - A la naissance, l'enfant avait trois
fois le cordon autour du cou; cependant on croit qu'il n'était
pas bleu; on ne l'a pas frotté. (Son second enfant avait un cir-
culaire du cordon autour du cou et était cyanose.) - Elevé au sein
par sa mère jusqu'à dix-hui mois. A trois ou quatre mois, premières
convulsions; jusque-là il était fort et paraissait bien venir. Les
convulsions portaient sur les yeux ; on ne peut rien dire des bras
ni des jambes. Ces convulsions ont duré huit à dix jours avec des
intervalles. Il écumait un peu; le ventre était flasque; « les boyaux
tombaient tellement il était faible ». Les secondes convulsions sont
venues environ quinze jours après; elles ressemblaient aux pre-
mières, venaient par intervalles, on ne peut rien dire de l'état
des membres. Il refusait le sein et était ce tombé en élisie ». De
six à dix mois, il était si faible qu'il était «comme un enfant mort».
A cetle dernière époque, il eut sur la tête des croûtes très abon-
dantes, « comme il n'y en a pas beaucoup ». Elles ont beaucoup
suppuré ; cela a duré jusqu'à treize mois. Il a eu au cou des
glandes qui ne se sont pas abcédées. Jamais d'ophtalmie ni d'otite.
« Cette gourme l'a sauvé, mais il est resté décharné comme un
vrai squelette jusqu'à trois ans. Je le cachais dans une pelisse
parce que je craignais qu'on m'accusât de ne pas le soigner.» »
On a essaye de le faire marcher, sans résultat; on lui donnait des
bains de lie de vin, de sel; *des bains dans de l'eau de tripes; on
DEUX CAS D'ATHÉTOSE DOUBLE AVEC IMBÉCILLITÉ. 173
le couchait sur la fougère, etc. Il a commencé vers neuf ans à se
traîner par terre, sur le côté gauche. Il se servait un peu de la
main gauche; par exemple, pour gratter la terre, creuser un trou.
La parole a toujours été absente, il cherchait à se faire comprendre
par signes, par des grognements. La mémoire est bonne; il suffit
qu'il voie une personne une fois pour se la rappeler, il affectionne
sa mère, ses frères; il est caressant. Avant l'entrée à l'hospice, il
était emporté, il fallait lui céder. 11 ne déchirait pas, n'était ni
gourmand ni voleur. Il a bavé jusqu'à sept ou huit ans au point
qu'il mouillait tout ce qu'il avait devant lui. Pas de succion, de
rumination, pas d'onanisme; sommeil bon, pas de cris nocturnes,
pas de douleurs de tête appréciables pour les parents. A partir
de l'âge de six mois, il n'aurait plus eu de convulsions.
Pas de vers; rougeole à cinq ans, pas d'autres lièvres; coque-
luche modérée vers huit ans et demi. Depuis son entrée à Bicêtre,
il n'aurait pas fait de grandes maladies. Il a toujours été sujet aux
engelures et en a eu également ici.
1881. 16 septembre. - Poids, 40 kilogr. 300. - Taille, 1m,45.
Cet enfant est gâteux et par conséquent en robe. On le fait man-
ger. Il passe d'habitude son temps couché ou assis sur un fau-
teuil. Parole et marche nulles. - Traitement : toniques; exercices
de marche; de plus, on le placera trois fois par jour sur le vase
pour le rendre propre.
31 juillet. - Poids, 41 kilogr. 20. - Taille, 1 ? 50.
1882. 1er juin. - Poids, 41 kilogr. 20. - Taille, lm,55. - Tnai-
tement : mêmes exercices que précédemment. Hydrothérapie du
1er juillet au 30 octobre : deux de ses camarades le maintiennent
sous la douche en le tenant par les hras. - Il s'est amélioré
surtout sous le rapport du gâtisme et a été mis en culotte au com-
mencement de l'année.
30juin.- Depuis : près de dix mois, il ne lui est arrivé que quelques
fois d'uriner dans sa culotte, et alors il en est très vexé. Amour-
propre assez développé, très affectueux. On l'exerce tous les jours
à marcher et il commence à y arriver en se tenant aux lits. Il est
allé au concert le 27, était très heureux, manifestait sa joie par
des « hou hou » et essayait d'applaudir. Dans le service, il joue
presque le rôle de gendarme et, par ses gestes et ses cris, attire
l'attention quand un enfant fait mal. Il mange seul, mais ne peut
se servir que de la cuiller qu'il tient de la main gauche. Montre
qu'il désire continuer les douches. '
Décembre. - Poids, 40 kilogr. 0. - Traitement : injections hypo-
dermiques de liqueur de Fowler. Cinq gouttes par jour (sol. à
10110. - 11 décembre, six gouttes. - 15 décembre, sept gouttes.
On augmente quotidiennement la dose et on arrive à onze gouttes
174 DEUX CAS D'ATHÉTOSE DOUBLE AVEC IMBÉCILLITÉ.
le 28 décembre. Pas de symptômes généraux, pas d'accidents
locaux, sauf de petites indurations avec la solution glycérinée.
1883. Janvier. Poids, 41 kilogr. 70 ; taille, 1m,35.
11 janvier. 4 gouttes de liqueur de Fowler. Ni accidents lo-
caux, ni accidents généraux. Les symptômes cboréiformes ne
paraissent aucunement modifiés.
16 février. - A la suite des injections, il s'est produit trois à
quatre noyaux sous-cutanés du volume d'une noisette, à la face
postérieure de l'épaule et à la naissance du bras gauche ; ils sont
indurés, douloureux et un peu rouges.
l"mat'.s. - Les injections ont été continuées à 20 gouttes depuis
le 11 février.
12 mars. - Suppression du traitement, qui n'a produit aucune
amélioration.
26 mai. - Dentition. Mâchoire supérieure, seize dents bien ran-
gées, saines; mâchoire inférieure, treize dents; manquent une
molaire droite, deux premières molaires gauches, une molaire
droite cariée. Articulations normales; voûte palatine profonde
et bien développée; gencives en bon état.
30 juin. - Poids, 39 kilogr. 60; taille, im,55. - Traitement :
Hydrothérapie du 4 mai au 10 novembre. Le malade est arrivé à
pouvoir marcher soutenu sous les bras ou en allant de lit en lit.
1884. Janvier. -Poids, 43 kilogr. 60. Taille, lm,35. Hydro-
thérapie du 4·' avril au 11 octobre, et exercices de marche.
le, juillet. - On le descend dans la cour tous les jours, il conti-
nue à être propre. Même état choréique. 11 continue à indiquer par
signes ce que les autres font, et avertit en cas d'accidents. Il avait
pris en affection nne personne du service et lui envoyait les
fleurs qu'on lui donnait.
Organes génitaux. - Au pénil, poils longs, roux et très fournis.
Verge petite, gland découvrable, méat normal, bourses pendantes,
testicules peu volumineux. Pas d'onanisme : il proteste énergique-
ment contre cette allégation : et dit non, non, avec des gestes
multipliés.
1884. 4 août. - Etat actuel. - Crâne ovoïde, régulier, parais-
sant symétrique.
DEUX CAS D'ATHÉTOSE DOUBLE AVEC IMBÉCILLITÉ. 175
Face ovale, régulière, symétrique. Front moyen, ni saillant, ni
fuyant. Arcades orbitaires assez proéminentes, surtout en dehors.
Nez droit, moyen, narines très écartées. Yeux très fendus, iris
gris bleuté, pupilles égales, contractiles ; cils et sourcils longs et
très .abondants, pas de lésions oculaires. Pas de nys(((grl1us.
- Oreilles grandes; bien détachées, peu ourlées; lobule non adhé-
rent. - Bouche moyenne, lèvres ordinaires.
Lemai.. contracte souvent sa lèvre supérieure de sorte qu'il
s'y forme des plis verticaux sur la ligne médiane et sur les côtés,
obliques en dehors et en haut. Parfois il rit bêtement, et pince sa
lèvre inférieure entre ses dents. Mâchoires régulières et symétriques.
Cou assez gros, sans rien de particulier.
Thorax large, bien conformé. Les creux sus et sous-claviculaires
sont très accusés. Pas de déformation du rachis. Boutons d'acné
en avant et sur les deux tiers supérieurs du dos.
Membres supérieurs assez bien conformés. L'épaule gauche des-
cend beaucoup plus que la droite.Demande-t-on à L... de donner
une poignée de main, il y arrive assez facilement de la main
gauche. Sa main et ses doigts se mettent alors dans l'extension
et l'abduction; et il ne peut rejoindre la main tendue qu'en im-
primant à la sienne de légères oscillations. Au repos, la main
étant dans l'extension, l'annulaire et le petit doigt sont légèrement
fléchis comme dans la rétraction palmaire. Il tend la main gau-
che le bras fortement tendu, ainsi que l'avant-bras. Quand on
écarte de force le pouce de la paume de la main où il est fléchi,
cette paume se tourne vers le sol, les doigts fortement étendus.
(Planches 111 el IV.)
Membres inférieurs Us sont égaux et n'offrent aucune défor-
mation.
Le malade étant couché sur son lit, l'attitude est la suivante :
les cuisses sont légèrement fléchies sur l'abdomen, les genoux
rapprochés, les jambes un peu fléchies sur les cuisses; les pointes
des pieds fortement portées en dedans se touchent. On ne peut
ramener les membres dans l'extension, même avec une certaine
force, à cause de la contracture musculaire. Les mouvements,
même communiqués, sont impossibles dans les articulations tibio-
tarsiennes. Les muscles postérieurs de la jambe sont contracturés.
Le second orteil est croisé sur le premier, qu'il déborde même en
dedans. Voici les mensurations des membres :
a) Membres supérieurs.
176 DEUX CAS D'ATHÉTOSE DOUBLE AVEC IMBÉCILLITÉ.
b) Membres inférieurs. u ? - ? n-
DEUX CAS D'ATHÉTOSE DOUBLE AVEC IMBÉCILLITÉ. 177
23 juillet. - Le malade est toujours doux et tranquille, d'un
bon caractère. Il continue plus fréquemment qu'autrefois à s'es-
sayer à marcher, soit en se tenant aux lits, soit en poussant le
dos d'un fauteuil devant lui. Dans ce cas, tous ses mouvements
sont exagérés et provoquent par tout son corps des mouvements
réflexes de la plus grande étendue. Quand il veut, par exemple,
lever la jambe, elle se plie à angle droit sur la cuisse qui se plie
elle-même à angle droit, ou même à angle aigu sur le bassin.
L'autre aussi se fléchit en même temps, ce qui rapetisse le malade
et lui donne une allure ramassée (PLANCHKS 111 et IV). Mais ce n'est
pas tout, les membres supérieurs qu'il étend pour se soutenir aux
objets voisins dessinent des mouvements très étendus, les avant-
bras se fléchissent sur les bras, les mains s'abattent, grandes ou-
vertes sur les barreaux des lits, en même temps le- tronc et le cou
se contournent et les plis de la face, autour de la bouche se tirent,
ce qui donne à Lemai.. un aspect grimaçant très marqué. Il rap-
pelle un peu, quand il essaye de marcher, un polichinelle dont on
tirerait tous les fils, de façon à mettre ses membres dans des atti-
tudes extrêmes. Au repos, nulle exagération des réflexes; parfois
nul mouvement; il reste accroupi dans son fauteuil, les membres
fléchis, les doigts fermés. Il comprend ce qu'on lui dit, fait remar-
quer par ses signes les irrégularités qui se commettent dans la
salle. 11 essaye de manger seul, avec une cuiller, mais à cause de
ses grands mouvements, il répand la moitié du potage. Il s'essaye
aussi avec la fourchette et réussit mieux à saisir la viande. Selles
régulières, volontaires, tous les malins. Il sait se faire comprendre
quand il a besoin d'assistance pour aller au bassin. On le fait
descendre tous les jours dans la cour où il marche à l'aide d'un
chariot. Sa mère a pu le prendre en congé pendant huit jours, ce
qui n'avaitjamais été possible auparavant.
le, août. - Poids, 40 kilogr. ; taille, 1m,55.
1887. {"janvier. - Poids : 40 kilogr. 200. - Taille : im,55.
Puberté. Moustaches blondes rousses, assez fournies, barbe
assez abondante; poils longs, moyennement abondants sous les
aisselles, rien au sternum ; trois ou quatre poils aux mamelons.
Bourses pendantes, testicules de la dimension d'une grosse noix
à droite, d'une petite à gauche. Poils roux, longs, raides, assez
abondants sur tout le pénil. Verge : circonférence, 8 centim.; lon-
gueur, 8 centim. 5. Gland un peu conique, méat normal. Poils
assez abondants sur les cuisses, aux fesses et à l'anus. Quelques
poils sur les reins; pas d'onanisme. Il ne gale plus déjà depuis
longtemps. - La miction et la défécation sont normales.
Le caractère de ce malade est toujours doux. Son rire ressemble
à un grognement. Sa parole se traduit toujours par des éclats de
BOURNEVILLE, 1887. 12
178 DEUX CAS D'ATHÉTOSE DOUBLE AVEC IMBÉCILLITÉ.
voix. Quand il vent parler, sa figure se contracte, se tord plus ou
moins sur le cou; il hésite comme un bègue et finit par lancer un ici
son ou un mot très bref. C'est ainsi qu'il dit : « Non, merci. Ah ! 1
merde. » Il comprend ce qu'on lui dit : « Où est ton nez ? » Il 11
répond : ce Là. » Il désigne parfaitement toutes les parties de son
corps. Il est aisé de voir que ce n'est pas un aphasique et que le
tétanisme des muscles vocaux qui se produit dès qu'il essaye de
proférer un son, est le grand obstacle à sa parole. Il mange géné-
ralement seul et assez proprement; mais, pour boire, il est indis-
pensable qu'on l'assiste. Il y a un progrès notable dans les mou-
vements des jambes; il essaye de s'habiller lui-même, dit :
« Attends » à l'infirmier qui veut l'aider. Les mouvements ont un
peu diminué d'amplitude, mais ont conservé ce caractère d'être
constants, à l'occasion de tout mouvement volontaire ou provoqué,
et de tendre à se généraliser, quel que soit le groupe musculaire
mis en jeu. Lem.... avance assez bien son chariot. Sa mère le fait
sortir tous les deux mois depuis qu'il est habitué au chariot. -
Il a pris des douches jusqu'au 31 octobre dernier. En raison de
l'amélioration considérable qui s'est produite, nous avons signé le
passage de ce malade dans l'une des divisions de l'hospice.
Un nouvel examen de Lem..., fait en même temps et compara-
tivement avec celui de Derno..., nous a permis de vérifier l'exacti-
tude de la description qui précède, et de la rendre plus précise à
quelques égards.
Assis, Lem... a les bras allongés sur le devant du tronc et tient
sa main droite avec la gauche; la jambe droite est croisée sur la
gauche. De temps en temps, on observe des contractions des
muscles des membres inférieurs qui sont soulevés, ainsi que les
épaules, des mouvements dans les doigts, des grimaces de la face :
la bouche paraît serrée, comme s'il y avait une contraction per-
manente des lèvres qui se plissent parfois; souvent, la bouche
se fronce et s'ouvre en cul de poule.
La physionomie offre tantôt une expression de niaiserie, tantôt
une sorte d'expression d'inquiétude. Lem.... rit très facilement,
pour la moindre chose; alors, tous les plis de la face sont très
prononcés; la bouche s'ouvre largement, les paupières se ferment
en partie et la patte d'oie se creuse, mais un peu moins que chez
Derno...
La parole, chez lui, est très limitée ; il dit : « Non, papa, maman,
merde, salope, couillon. n Il répèle devant nous, les trois premiers
mots; nous voulons lui faire répéter les autres, ce qui lecontrarie :
ses lèvres se serrent l'une contre l'autre, les commissures labiales
s'abaissent, le menton se plisse, les yeux s'ouvrent. Il paraît qu'il
en est ainsi chaque fois qu'il est contrarié. Lorsque Lem... parle,
DEUX CAS D'ATHÉTOSE DOUBLE AVEC IMBÉCILLITÉ. 179
la langue reste presque tout le temps contre le plancher buccal et
presque toujours, la bouche s'ouvre largement dès que le son est
sorti. Si on essaye de lui faire prononcer d'autres syllabes, il dit :
« la, ia. »
Il allonge la langue, mais il la maintient en appuyant sur elle
la lèvre supérieure; il ne peut la porter à gauche ou à droite, ni
en haut. La difficulté de la tenir allongée et libre est due peut-
être aux contractions énergiques des muscles de la face qui accom-
pagnent chaque effort. La langue ne tremble pas.
La préhension présente des particularités qui ont la plus grande
similitude avec celles que nous avons relevées chez Derno... Quand
Lem... veut prendre un verre, les membres supérieurs décrivent
de grands mouvements. Le bras droit s'élève, et la main se porte
à la hauteur de la tête et un peu en arrière, en même temps que
le tronc s'incline à droite et en arrière, le côté gauche se tournant
vers l'objet à saisir. Le bras gauche s'allonge et Lem... prend,
après avoir exécuté des mouvements choréiformes à amplitude
assez larges mais sans déviation du but, le bord du verre entre
le pouce et les autres doigts, puis il porte le verre à sa bouche.
Dans cette dernière phase de l'acte, les mouvements choréiformes
sont très peu prononcés tandis qu'ils l'étaient notablement dans la
première phase.
La préhension de la cuillère exige les mêmes préparatifs : éléva-
tion du bras droit, inclinaison du tronc, etc.; puis, il saisit la
cuillère avec des mouvements choréiformes qui la fontquelquefois
sauter sur place; celle-ci étant saisie, après quelques courtes
oscillations accompagnant le geste de la remplir, il la porte à la
bouche vivement et presque sans tremblement. Une fois l'act
exécuté une fois, il le répète ensuite plus facilement.
Dans l'acte de se lever de sa chaise, Lem... penche le tronc en
avant, étend fortement les bras dans la même direction ; les
cuisses sont rapprochées, les genoux collés, les jambes très écar-
tées, les muscles de la face se convulsent et semblent faire un
effort considérable absolument comme chez le malade de la pre-
mière observation.
Dans la marche, qui n'est possible qu'avec un aide, Lem... sou-
lève les pieds plus qu'il n'est nécessaire, appuie le pied gauche
sur l'avanl-pied et son bord externe; le pied droit, qui se soulève
plus haut que le gauche, appuie sur la pointe et le bord interne.
Chez Lem..., les caractères de la marche sont absolument sem-
blables à ceux que nous avons constatés chez Derno... avec cette
seule différence que la marche est beaucoup plus imparfaite.
Sous l'influence des émotions même légères les mouvements
des membres et du tronc et les grimaces de la face s'exagèrent à
un haut degré.
180 DEUX CAS D'ATHÉTOSE DOUBLE AVEC IMBÉCILLITÉ.
Les sens sont normaux. Lem... paraît connaître les couleurs, bien
qu'il ne puisse pas les nommer ; il n'y a pas de nystagmus, le
réflexe à la lumière et le réflexe d'accommodation sont intacts.
La sensibilité générale est conservée dans ses différents modes; la
sensibilité au chatouillement est moins exagérée que chez Derno...
- La sensibilité des muqueuses auriculaire, oculaire et nasale est
conservée, mais la sensibilité de la muqueuse palatine parait très
obtuse.
L'examen au lit permet de constater que le réflexe rotulien est
conservé des deux côtés, qu'il en est de même de la force muscu-
laire et de la direction des mouvements, même quand les yeux
sont fermés. Ajoutons que le malade a un sentiment exact de la
flexion et de l'extension des membres. - Au dynamomètre Mathieu
moyen, on trouve 5 des deux côtés.
Dans la marche à pieds nus, on constate de nouveau que les
pieds s'élèvent outre mesure, que les talons, surtout le droit, ne
touchent pas le sol et que les orteils sont animés de mouvements
d'athétose. La marche ne parait pas modifiée, lorsque les yeux
sont fermés.
Lem... comprend tout ce qu'on lui dit et se rend un compte
exact de tout ce qui se fait autour de lui ; il sait très bien dilîé-
rencier ce qui est bien de ce qui est mal, il a une bonne mémoire,
il est affectueux et très émotif.
Il nous faut maintenant faire ressortir l'analogie du début,
des symptômes et de la marche de la maladie dans nos deux
observations.
1° Les phénomènes d'athétose auraient été remarqués dès
les premiers jours de la naissance chez D... et ils auraient, par
conséquent, une origine intra-utérine; ils sont survenus vers le
milieu de la première année chez Lem... à la suite de convul-
sions (trois à six mois).
2° Les facultés intellectuelles se sont développées lentement
et sont toujours restées au-dessous de la moyenne, surtout
chez Lem... Sous ce rapport, ils rentrent l'un et l'autre dans
la catégorie des imbéciles. L'imbécillité est toutefois plus pro-
noncée chez Lem... que chez D... ; tous deux ont de la mémoire
et leur physionomie est niaise, mais nullement hébétée. - Ils
ont marché tardivement, et ce n'est qu'à force d'exercices
répétés qu'on est parvenu à ce résultat. Encore ne peuvent-ils
le faire que d'une manière imparfaite. Lem... ne s'avance que
DEUX CAS D'ATHÉTOSE DOUBLE AVEC IMBÉCILLITÉ. 181
soutenu des deux côtés ou à l'aide du chariot. A cet égard,
D... l'emporte notablement sur Lem..., car il lui est possible,
quoique très lentement et très péniblement, de marcher
seul.
La parole, réduite à quelques mots chez ce dernier, est, au
contraire, développée chez le premier qui est capable d'entre-
tenir une conversation. La voix est nasonnée, gutturale et la
parole est scandée; tous les deux sont obligés d'exercer un
effort avant de parler. La parole s'accompagne chez tous les
deux de contractions et de contorsions des lèvres auxquelles
prennent part d'autres muscles de la face.
Lorsqu'ils sont assis, on observe quelques mouvements des
membres, de la face ou de la tète. Ces mouvements augmen-
tcnt lorsqu'ils se mettent debout, ce qui exige une violente
contraction des muscles, les cuisses se rapprochent, les genoux
sont en contact, les jambes très écartées. Dans la marche les
membres inférieurs sont demi-fléchis, les cuisses toujours rap-
prochées ainsi que le genou et l'un des membres supérieurs est
élevé, servant en quelque sorte de balancier. Les pieds se sou-
lèvent parfois plus haut qu'il ne convient et ils ne reposent pas
en totalité sur le sol. La marche s'effectue à peu près en ligne
droite et se complique presque toujours de mouvements d'athé-
tose, qui sont très évidents aux orteils, lorsque les malades
marchent pieds nus, ce qu'ils déclarent moinsbien faire qu'avec
leurs souliers. La marche n'est pas modifiée par l'occlusion des
yeux.
La sensibilité générale, la sensibilité spéciale, la notion de
position, la direction des mouvements, la force musculaire sont
conservées. Il en est de même du réflexe à la lumière et du
réflexe d'accommodation.
Dans l'acte de la préhension (saisir une cuiller ou un verre et
les porter à la bouche), la main droite décrit des oscillations
assez grandes, avec conservation de la direction du mouve-
ment, l'objet est saisi énergiquement et porté presque sans
oscillations jusqu'à la bouche : en un mot, mouvements cho-
réiformes prononcés dans la première partie de l'acte (du point
de départ à la préhension de l'objet) et presque nuls dans la
seconde (du moment où l'objet est saisi jusqu'à son arrivée à
la bouche). Ni l'un ni l'autre de nos malades n'a de vertiges et
n'offre de nystagmus.
La marche de l'athétose double offre des caractères tout à fait
182 DEUX cas d'athétose DOUBLE avec imbécillité. z
particuliers. Sous l'influence des exercices musculaires, on
parvient d'abord à faire tenir les malades debout, puis à les
faire marcher en les soutenant sous les bras, enfin, on perfec-
tionne la marche à l'aide du chariot. Chez nos deux malades
nous avons eu recours, en outre, à l'hydrothérapie. 11 est cer-
tain aussi que chez des malades plus jeunes on obtiendrait
une amélioration beaucoup plus considérable en y adjoignant
la gymnastique. Les facultés intellectuelles peuvent être égale-
ment cultivées dans une mesure qui varie avec l'intensité dela
maladie, c'est-à-dire le degré d'imbécillité ou d'idiotie. En
résumé, il s'agit là d'une affection susceptible d'être modifiée
très avantageusement, mais non d'une maladie qui suit une
marche progressivement ascendante du début à la mort.
Les maladies qui paraissent se rapprocher le plus de l'athé-
tose double, sont la sclérose en plaques, l'ataxie locomotrice,
l'ataxie héréditaire et la chorée.
Dans la forme cérébro-spinale de la sclérose en plaques, on
observe des troubles de la vue : diplopie, amblyopie, nystagmus,
exagération des réflexes pupillaires sous l'influence de la
lumière, qui tous font défaut dans l'athétose double. Les ver-
tiges, fréquents dans la dernière maladie, sont absents dans la
seconde. Les troubles psychiques (hallucinations, délire mélan-
colique, etc.), l'affaiblissement des facultés intellectuelles, les
attaques apoplectiformes qui sont assez fréquentes dans la
sclérose en plaques, ne paraissent pas se rencontrer dans
l'athétose double.
Les troubles de la parole se ressemblent au premier abord.
Toutefois, un examen attentif fait bientôt reconnaître des
différences. Dans l'athétose double, l'émission des mots s'ac-
compagne de mouvements convulsifs des lèvres et des autres
muscles de la face qui n'existent pas, chez les malades atteints
de sclérose en plaques et tandis que les troubles de la parole
vont en s'aggravant dans la sclérose en plaques, ils restent
stationnaires dans l'athétose double. Nous croyons même que
chez des sujets jeunes et soumis à des exercices méthodiques,
ils pourraient s'atténuer dans une certaine mesure.
Les symptômes moteurs sont également très différents. Com-
parons, par exemple, l'acte de boire ou de porter une cuiller à
DEUX CAS D'ATHÉTOSE DOUBLE AVEC IMBÉCILLITÉ. 183
la bouche : à partir du début de l'acte, dans la sclérose en pla-
ques, le tremblement va sans cesse en augmentant et souvent
les malades ne peuvent atteindre le but. Chez nos malades,
au contraire, le tremblement parait moins accusé à partir de
l'instant où le verre est saisi, jusqu'à son arrivée à la bouche.
Enfin, le tremblement s'aggrave de plus en plus à mesure que
la sclérose en plaques fait des progrès, tandis qu'il reste le
même, ou peut diminuer chez les malades atteints d'athétose
double.
Dans la sclérose en plaques, on note au début une parésie
affectant une seule jambe, puis gagnant l'autre; plus tard une
paraplégie, qui peut s'améliorer au point de rendre la marche
possible, mais qui reparait après une rémission plus ou moins
longue, devient alors très prononcée et se complique de con-
tracture dans l'extension et souvent d'épilepsie spinale (para-
plégie spasmodique). Ces phénomènes paralytiques diffèrent
trop de ceux que nous avons consignés chez nos malades pour
qu'il soit nécessaire d'insister. Enfin, la marche des deux affec-
tions n'est pas la même; d'une façon générale, la sclérose en
plaques tend à s'aggraver de plus en plus pour aboutir, parfois
après des rémissions, à une issue fatale. Nous avons vu que
l'athétose double était au contraire susceptible d'un amende-
ment d'autant plus sérieux que le traitement était institué à
une époque plus rapprochée de la période d'invasion de la
maladie. Passons maintenant à la comparaison de l'athétose
double avec l'ataxie locomotrice.
Le début après vingt ans, les symptômes oculaires (diplopie,
strabisme, amaurose, induration grise, inégalité des pupilles),
les douleurs fulgurantes, les plaques anesthésiques ou hype-
resthésiques, la perte de notion de la position des membres et
de la résistance du sol, la difficulté ou l'impossibilité de se
tenir debout dans l'obscurité complète ou quand les yeux sont
fermés, qui caractérisent l'ataxie locomotrice manquent tous
dans l'athétose double.
L'incoordination motrice tabétique ne ressemble pas à l'in-
coordination athétosique : en ce qui concerne les membres
inférieurs, si l'athétosique et l'ataxique soulèvent les pieds
plus qu'il ne convient, l'athétosique ne projette pas brusque-
ment ses jambes de côté à l'instar d'un polichinelle et ne
s'écarte pas de la ligne droite comme l'ataxique. Quant à
184 DEUX CAS D'ATHÉTOSE DOUBLE AVEC IMBÉCILLITÉ.
l'incoordination motricedes membres supérieurs chez l'ataxique
elle se distingue de l'incoordination athétosique en ce que le
désordre moteur est de plus en plus marqué à mesure que
l'index, par exemple, se rapproche du nez, et que l'occlusion
des yeux l'exagère considérablement, tandis que chez l'athéto-
sique le tremblement ne va pas en s'accroissant du point de
départ au but, qui est toujours atteint et que l'occlusion des
yeux n'a pas d'influence.
On n'a pas encore observé, que nous sachions, dans l'athé-
tose les troubles viscéraux (crises gastriques, laryngées, néphré-
tiques, vésicales, parésie vésicale, cystite), les troubles trophi-
ques (arthropathies, fractures, atrophie musculaire, eschares)
qui compliquent si souvent l'ataxie locomotrice. Enfin la
marche des deux maladies ne présente aucune analogie.
Dans l'ataxie héréditaire, maladie de la puberté et non de
la première enfance, les troubles moteurs, qui ont le caractère
ataxique et ne s'observent, au moins durant longtemps, qu'à
l'occasion des mouvements, débutent par les jambes envahissent
plus tard les membres supérieurs et vont en augmentant progres-
sivement. La marche, peu modifiée il l'origine, devientde plus en
plus difficile; auboutd'un certain temps, la station debout et la
déambulation avec lesyeux fermés nesontplus possibles et enfin,
aux périodes les plus avancées, la force musculaire s'affaiblit et
les malades demeurent confinés au lit (paraplégie). Dans l'athé-
tose double, même au repos, on note des mouvements des
doigts, des orteils, de la face, etc. ; les désordres de la motilité
sont généralisés ; la marche s'améliore et n'est pas modifiée
par l'occlusion des yeux.
Les troubles de la parole qu'on remarque chez les athéto-
siques dès qu'ils commencent à parler ne se manifestent qu'un
temps assez long après l'apparition de l'incoordination motrice
chez les malades atteints d'ataxie héréditaire. On voit enfin se
produire, chez eux, des vertiges, du nystagmus etdes douleurs
fulgurantes, symptômes qui ne se montrent pas chez les athé-
tosiques. Disons enfin que l'évolution de l'ataxie héréditaire, si
elle est lente, n'en est pas moins fatalement progressive '.
1 Consulter sur ce sujet, Brousse : De l'ataxie héréditaire (maladie de
Friedreich), 1882. - Ch. Féré : Progrès médical, 1882. (Bibliographie
détaillée).- J.-M. Charcot : Gaz. des hôpitaux : , 188t, et Progrès médical,
1887, 2' série, t. V, p. 453, - Voir aussi dans les Archives de Neuro-
DEUX CAS D'ATHÉTOSE DOUBLE AVEC IMBÉCILLITÉ. 51,
Il ne nous reste plus qu'à établir le diagnostic différentiel
entre la chorée et l'athétose double. La chorée vulgaire est
exceptionnelle avant l'âge de six ans; le plus souvent, à l'ori-
gine, elle est limitée à une partie du corps, surtout au côté
gauche, elle se généralise ensuite plus ou moins rapidement;
dans l'athétose double le tremblement paraît atteindre son
maximum d'intensité et d'étendue dès le début.
A la période d'état, le churéique est agité par les mouve-
ments les plus désordonnés. Assis, il porte brusquement la
tête de tous côtés, grimace étrangement, ouvre ou ferme
convulsivement la bouche qui est tirée en divers sens, allonge
la langue malgré lui, fléchit et détend violemment les bras ou
les jambes et souvent glisse de sa chaise. La brusquerie et
l'étendue des mouvements du choréique, diffèrent tout à fait
des mouvements lents et circonscrits que l'on observe dans la
situation assise chez les athétosiques.
Debout ou dans la marche, l'agitation est encore plus pro-
noncée : le choréique fléchit subitement tantôt sur une jambe
tantôt sur l'autre; il est projeté de côté, en avant ou en arrière,
se cogne contre les objets environnants, se contusionne, soit
dans ses mouvements incohérents, contradictoires et illo-
giques, soit dans ses chutes répétées.
L'athétosique est en quelque sorte maître de sa langue, qu'il
ne mord pas, qu'il peut porter dans tous les sens et maintenir
hors de la bouche. Il n'en est pas de même du choréique, dont
la langue sort ou rentre, se porte à droite au lieu de se porter
à gauche quoiqu'il fasse pour la diriger, et qui est souvent
blessée par le rapprochement intempestif des mâchoires.
Dans les actes intentionnels du choréique, des gesticula-
tions violentes, contradictoires, troublent la direction générale
du mouvement et font manquer le but, tandis que chez l'athé-
tosique la direction générale du mouvement est conservée.
Les troubles cardiaques, la diatllèse rhumatismale, si com-
muns dans la chorée vulgaire, nous semblent manquer dans
l'athétose double. Enfin la chorée, sielle affaiblit un peu l'intelli-
gence des enfants ou des adolescents, qu'elle fait parfois revenir
[agie l'analyse ries travaux de Sclimid (t. I, p. 695), Gowers (t. IV, p. 90),
Hammond (t. V, p. 117), et l'observation de M. P. Blocq (t. XIII, p. 217);
le mémoire très intéressant de M. P. Marie sur la Sclérose en plaques chez
lus enfants (Revue de médecine) et enfin la thèse de M. de Souza : Estlldo
ctinico da atazia hededitariade Friedreich. Rio de Janeiro, IS88 (112 cas).
186 deux cas d'athétose double avec imbécillité.
en arrière, elle ne coexiste pas avec l'imbécillité ou l'idiotie.
La marche des deux maladies n'est pas non plus compa-
rable. Le tremblement reste à peu près toujours le même
chez l'athétosique; il offre, au contraire, des exacerbations et
des rémissions chez le choréique, présente une période d'ag-
gravation progressive, une période d'état, puis décroît avec
une plus ou moins grande rapidité.
La chorée l'hythmée, caractérisée aussi par des mouvements
involontaires, impulsifs, cadencés, se reproduisant suivant un
rhythme régulier, imitant certains mouvements d'expression,
tels que ceux de la danse, ou bien certains actes profession-
nels, comme les mouvements des rameurs ou des forgerons ',
et liée d'ordinaire à l'hystérie, diffère trop de l'athétose double
pour qu'il soit utile d'établir un parallèle minutieux entre les
deux affections.
Là se terminent les considérations que nous avons à pré-
senter à propos de nos deux malades. De nouvelles observa-
tions nous fourniront prochainement l'occasion de revenir sur
ce sujet encore peu connu 2.
1 Charcot. Leçons sur les maladies du système nerveux, t. I, p. 220,
et t. III, p. 216.
2 Consulter : Clay Shaw. On athelosis or imbecillit.1l with ataxia
(St Bw'l/¡otumew's /Jospital Reports, vol. IX, p. 1 : 50, 1873); Oulmont,
Etude clirtiqtte s7tr l'athétose, 1878; Clill'ort-Albutt (Med. Tuners allcl
Gazette, 1872); Pardon, British med. Journ., 1873; Kurella, Athe-
tose bilatérale (Centralblatt f. Ne)'t)e;t/tet7A ! t ? tf/<', Psychiatrie, se, juillet
1887, p. 366);-Ilic;tardière, thèse de Paris, 188üj- P. Blocq et E. Blin,
Note sur un cas d'athétose double (Iteoue de médecine, 1888, p. 10).
III.
De la Température centrale
dans l'épilepsie;
Par BOURNEVILLE.
Les recherches que nous avons entreprises autrefois' sur les
modifications de la température sous l'influence des accès iso-
lés d'épilepsie, des accès sériels et des accès subintrants, nous
avaient amené à poser un certain nombre de règles générales
dont notre maître M. Charcot avait pu constater l'exactitude
et qu'il avait rendues en quelque sorte classiques par son en-
seignement. Ces règles ont été contestées récemment par un
auteur allemand, M. Witkowski 2.
« De hautes températures, dit-il, s'observent assez souvent chez
les épileptiques dans des circonstances où, en dehors de la névrose,
on ne peut constater aucune autre cause de fièvre. C'est là un fait
qui, jusqu'à présent, a trouvé peu d'accès dans le bagage scienti-
fique général du médecin.
« Et cependant ce fait mérite qu'on y consacre toute son atten-
tion. Et cela non seulement parce que, le sachant, le médecin
devient capable d'interpréter, avec toute l'exactitude désirable,
bien des hyperthermies, demeurées jusque-là énigmatiques et par
suite d'en tirer des conclusions diagnostiques et thérapeutiques
légitimes, mais encore parce qu'il fournit des indications pronos-
tiques dont l'appréciation permet au praticien de prédire, en pré-
' Bulletin de la Société anatomique, mars 1869, p. 152. - Revue pho-
tographique des hôpitaux, 1869, p. 153, 161. - Etudes de thermométrie
clinique dans l'hémorrhagie cérébrale et dans quelques maladies de l'en-
céphale. Paris, 1870. - Eludes^clin. et thermométrique sur les maladies
du système nerveux, 1872-1873. - Recherches clin, et thérapeutiques sur
l'épilepsie et l'hystérie. Paris, 1876, p. 1 il 14 et 91 à 98, etc. - De l'Etat
de mal épileptique (thèse Leroy). Paris, 1880.
'berlines Klin. ¡Vochenschl'¡ft, n"' 43 et 44, oct. 1886.
188 DE la température centrale dans l'épilepsie.
sence de certains processus, avec toute la certitude et toute la cir-
conspeetionqu'exige la situationdevant le public. Aucun des traités
de pathologie, de neurologie, de psychiatrie parus, certes, en abon-
dante quantité, daus ces dernières années n'a traité la question et
d'une manière absolument satisfaisante... ' Si l'on a négligé ce sujet,
ajoute-t-il, la faute en est en partie probablement aux indications
exagérées des auteurs français et en particulier à l'école de Charcot,
prétendant que tout accès d'épilepsie parfait s'accompagne d'une
hyperthermie d'un degré centigrade et plus. Il y a longtemps que, de
concert avec d'autres, j'ai reconnu que cette assertion est erronée.
Comparées aux mensurations thermiques extrêmement nom-
breuses que, depuis des années, j'ai recueillies sans interruption,
les recherches de la Salpêtrière, fort clairsemées d'après les indi-
cations mêmes de Bourneville, ne sauraient entrer en ligne de
compte, et l'on doit rattacher à des conditions exceptionnelles ceux
des résultats qui pouvaient passer pour positifs, si tant est qu'on
soit aulorisé à donner ce nom à des formules représentant bien
moins la règle, la généralité des cas que l'on devait être tenté de
le conclure des argumentations de Bourneville. Or, non seulement
chaque accès pris individuellement n'exerce pénératementaucune
action sur la température du corps du patient, mais les séries
d'accès répétés, dont cependant les effets, devraient s'additionner,
peuvent évoluer sans déterminer de fièvre, surtout lorsque leur
chiffre n'est pas élevé et que le trouble de la connaissance n'estni
profond ni prolongé. Sans doute l'expérience enseigne que dans
les accès accumulés la température affecte la plupart du temps,
une allure proportionnelle à leur nombre. C'est ainsi qu'on
arrive, en prenant régulièrement et à plusieurs reprises la tem-
pérature à de courts intervalles de temps, à constater que d'accès
en accès la chaleur produite s'accroît avec une uniformité par-
faite d'environ deux à cinq dixièmes de degré. Mais il n'y a pas
là de rapport absolument nécessaire. Car, ainsi que nous venons
de le dire, dans d'autres petites séries d'accès la fièvre fait complè-
tement défaut ou bien, le nombre des accès étant faible, on cons-
tate une fièvre élevée tout à fait hors de proportion avec l'intensité
i M. Witkowski nous semble trop s'avancer sur ce point. En effet nous
pouvons citer, sans recherches laborieuses, un certain nombre de traités
dont les auteurs ont parlé de la température chez les épileptiques :
Seguin (E.). - Médical Thermometry. New-York, 1876, p. 226. Mosen-
thal. - Traité cliitiq. des mal. nerveuses, trad. Lubanski. Paris, 1877,
p. 533. - Laveran etTeissier. A'ot. e7<'H : . de pathol. et de clin. méd.,
1879, p. 63. -Aaenfeld et Huchard. Traite pratique des maladies du
système nerveux, 2e édit. Paris, 1883, p. 782. -- Gowers (W.-R.). --
De l'épilepsie et autres maladies convulsives chron., trad. Carrier. Paris,
1883, p. 168. - Grasset. - Traité prat. des maladies du sysl. nerv.,
3° édition. Montpellier et Paris, 1886, p. 1072; etc.
DE LA TEMPÉRATURE CENTRALE DANS L'ÉPILEPSIE. 189
des accès, fièvre qui peut mêmer accompagner un état purement
comateux radicalement dépourvu de phénomènes convulsifs res-
semblant à un accès, ou bien enfin la fièvre en question se sépare
nettement d'une façon bien déterminée, quant au moment auquel
elle survient, des accès d'épilepsie, s'installant quelques heures
ou quelques jours avant ou après les accidents convulsifs.
Après avoir affirmé que la « doctrine » de l'École de la Sal-
pêtrière « doit être tenue pour inexacte en tant que loi géné-
rale », M. Witkowski déclare qu'il va « rechercher les lois qui
commandent aux hyperthermies de l'épilepsie » :
« L'expérience, dit-il, nous apprend qu'abstraction faite na-
turellement des complications assez fréquentes, il ne survient
chez les épileptiques de fièvre notable que dans des circonstances
tout à fait déterminées et que cette fièvre se rattache à des règles
qu'il est possible dès maintenant de fixer avec une certitude suf-
fisante pour fournir du premier coup au jugement et à l'instruc-
tion du médecin des jalons solides... »
Nous nous bornons pour le moment à ces citations qui
indiquent nettement les idées de l'auteur se résumant en ceci :
les accès isolés d'épilepsie, les accès survenant par petites sé-
ries ne produisent pas une élévation de la température ; les
accès accumulés - que nous désignons en France sous le nom
d'Etat de mal- déterminent une élévation de la température
proportionnelle à leur nombre. Nous allons démontrer que
sur les deux premiers points les opinions de l'auteur sont
erronées et que sur le troisième il ne fait que confirmer la
loi que nous avons posée sur l'élévation considérable de la
température dans l'état de mal épileptique. Toutefois, avant
d'aborder l'exposé de faits observés avec soin, qu'il nous soit
permis d'exprimer le regret que M. Witkowski n'ait pas cité
les noms des auteurs qui « de concert » avec lui contestent
l'enseignement de la Salpêtrière, ni ceux qui ont contribué à
faire l'expérience que nous possédons aujourd'hui sur les
hyperthermies dans l'épilepsie et surtout qu'il n'ait pas fait
précéder ses assertions générales de quelques-unes « de ses
extrêmement nombreuses mensurations thermiques ».
I. DE LA TEMPÉRATURE DANS LES ACCÈS ISOLES D'ÉPILEPSIE.
Dans nos premiers travaux sur la température des épilep-
tiques (1869-1873), nous n'avions mentionné sur ce point parti-
culier qu'un petit nombre d'expériences : ce sont celles-là seu-
190 DE LA TEMPÉRATURE CENTRALE DANS L'ÉPILEPSIE.
lementque parait connaître M. Witkowski. Depuis, nous avons
consigné un grand nombre de renseignements thermométriques
concernant l'épilepsie soit dans nos publications personnelles,
soit dans celles de nos élèves 1. Il parait que M. Witkowski les
ignore. Si, dans ces dernières années, nous n'avons pas fait
connaître les faits que nous avons rassemblés, c'est qu'ils
confirmaient entièrement les données antérieures; c'est que
notre éminent maître M. Chariot est revenu maintes fois
dans ses leçons. Afin de donner une première satisfaction à
notre contradicteur, nous avons publié dans le Progrès Médical
(1886, nous 48 et 49) une série d'explorations thermométriques
faites sur 64 malades. Chez soixante d'entre eux, nous avons
observé une élévation de la température sous l'influence de
l'accès épileptique. Pouvant nous étendre ici plus longuement
sur ce sujet, qui relève de la neurologie, nous allons donner
un tableau résumant plus de 360 explorations faites sur cent
neuf autres malades. Après cela, M. Witkowski sera peut-être
satisfait. En tout cas, nos lecteurs verront qu'ils n'ont pas eu
tort d'accorder dans l'espèce, comme toujours, leur confiance
aux enseignements de l'École de la Salpêtrière.
DE LA TEMPÉRATURE CENTRALE DANS L'ÉPILEPSIE. 191
192 DE LA TEMPÉRATURE CENTRALE DANS 1,'ÉPILEPSIE.
DE LA TEMPÉRATURE CENTRALE DANS L'ÉPILEPSIE. 193
Chez vingt-sept malades nous avons noté des exceptions,
qui doivent être divisées en deux catégories : dans la pre-
mière, se rapportant à 14 malades, l'élévation de la tempé-
rature ne s'est produite qu'un quart d'heure après la fin de
l'accès,. - dans la seconde catégorie, n'embrassant que
13 malades, la température a offert plusieurs irrégularités
sur lesquelles nous reviendrons tout à l'heure. ZD
Voici d'abord le tableau des cas de la première catégorie :
194 DE LA TEMPÉRATURE CENTRALE DANS L'ÉPILEPSIE,
DE LA TEMPÉRATURE CENTRALE DANS L'ÉPILEPSIE. 195
rature a fourni des résultats semblables à ceux qui avaient
été précédemment obtenus, par exemple chez Kle..., Souto...
Faut-il considérer ces faits comme des exceptions ou seule-
ment, de môme que ceux du précédent tableau, comme des
irrégularités ? Nous inclinerions volontiers vers cette seconde
interprétation. Et ce qui nous y engage, c'est que chaque
fois que nous avons pris la température en dehors des accès, J
le matin et le soir, nous avons enregistré des températures
normales et, par conséquent inférieures aux températures
maxima consécutives aux crises convulsives, ainsi que le
montrent les notes de la colonne des observations.
En nous appuyant sur tous ces faits, nous sommes donc en
droit de maintenir nos conclusions anciennes : 1° les accès
isolés d'épilepsie augmentent la température centrale ; -
20 cette augmentation varie entre un dixième de degré et un
degré et demi, quelquefois davantage; elle est en moyenne de
5 à 6 dixièmes de degré'. 1.
1 Nous n'avons pu terminer ce travail dans le courant de l'année 1887.
Nous espérons pouvoir le faire prochainement et rapporter un certain
nombre de faits relatifs à la température dans les accès sériels d'épilepsie
et dans l'état de mal épileptique. Ils ne feront d'ailleurs que confirmer nos
conclusions anciennes. (Voir Compte rendu de Bicêtre pour 1886, p. 231
à 250.) En ce qui concerne l'état de mal, le lecteur trouvera aux pages
102 et 110 de ce Compte rendu une observation très intéressante avec deux
tracés thermométriques types. Nous devons signaler aussi une note
de M. le D' Lemoine, sur la Température dans les accès isolés d'épilepsie,
reposant sur 182 cas, qui viennent également il l'appui de nos conclu-
sions. (Progrès médical, 1888, t. VII; p. 81). '
ho ANOMALIES DES ORGANES GÉNITAUX.
IV.
Des anomalies des organes génitaux chez
les idiots et les épileptiques ;
Par BOURNEVILLE et SOLLIER.
En recherchant les anomalies des organes génitaux
que présentent les idiots avec ou sans épilepsie, nous
n'avons pas la prétention de signaler un fait nouveau et
que tous ceux qui se sont occupés des dégénérés con-
naissent bien. Mais avec quelle fréquence ces anomalies
se présentent-elles, quelles sont celles qui sont prédo-
minantes ? voilà ce qu'il nous a paru intéressant de re-
chercher. Nos observations, tout à fait personnelles,
ont porté sur 728 idiots ou épileptiques plus ou moins
imbéciles ou déments, du service des Enfants de Bicêtre.
Pour plus de simplicité, nous avons dressé les deux
tableaux ci-après, nous réservant de tirer ensuite les
conclusions qu'ils comportent. Dans le premier, nous
avons rangé les idiots, ayant atteint l'âge de la puberté;
dans le second, ceux au-dessous de cet âge, c'est-à-dire
13 ans environ. Dans chacun des deux, nous avons placé
les idiots d'abord, les épileptiques ensuite. Empressons-
nous de dire que l'époque que nous assignons à la pu-
berté est celle des individus normaux et n'est nullement
applicable à la plupart des idiots. Chez ceux-ci, en effet,
on observe très fréquemment un retard quelquefois
considérable dans leur évolution sexuelle. Ce retard de
la puberté pourrait presque figurer à côté des anomalies
des organes génitaux, mais il touche plus à la physiolo-
gie qu'à l'anatomie et nous voulons nous occuper ex-
clusivement ici de l'état anatomique de l'appareil sexuel
mâle chez les dégénérés.
197 PREMIER TABLEAU
a 107 bi" , DEUXIÈME TABLEAU ? I . -
VERGE EN BATTANT DE CLOCHE. 197
Suivant que l'anomalie est légère, ou, au contraire,
très marquée, nous nous sommes servis, dans nos ta-
bleaux, de petites lettres ou de majuscules. Quant aux
degrés d'atrophie que présente le testicule chez beau-
coup de ces sujets, nous avons été obligés de recourir à
des comparaisons approximatives, telles que des pois,
des noisettes, quoique ces comparaisons vulgaires ne
nous satisfassent qu'imparfaitement.
Nos recherches ont porté sur 728 sujets qui peuvent
être rangés dans les catégories suivantes :
A. Sujets au dessus de 13 ans.
198 HYPOSPADIAS.
dernière opinion, il faudrait avoir suivi dopuis leur jeu-
nesse ces enfants pour pouvoir l'affirmer.
Afin de se rendre compte de la fréquence considérable
des anomalies chez les idiots et les épileptiques, il est
nécessaire de connaître leur fréquence chez les indivi-
d us normalement conformés au point cle vue intellectuel.
Nous avons été forcés de nous en rapporter aux statisti-
ques fournies par les auteurs.
Nous n'avons pas trouvé signalé le degré de fréquence
du phimosis. Mais on sait que normalement la plupart
des enfants en présentent dans les premières années. Ce
n'est que lorsqu'il est très serré ou qu'il persiste après
la puberté qu'il peut être considéré comme une anoma-
lie. C'est dans ce cas seulement que nous l'avons noté et
il nous a paru beaucoup plus fréquent que chez les in-
dividus bien constitués.
L'hypospaclias se présente environ une fois sur trois
cents individus. Le varicocèle est rare avant dix ans;
son maximum de fréquence est de quinze il vingt-cinq
ans. D'après les recherches d'ilorteloup, on le rencontre-
rait 3 fois sur 1.000 et 858 fois du côté gauche.
T-'f/.N.
Fig. foi
ECTOPIE TESTICULAIRE ; PHIMOSIS. 199
L'atrophie congénitale est peu connue. Elle peut
disparaître au moment de la puberté et avec l'exercice
des fonctions génitales. Il sera intéressant d'observer oc
qui se passera chez nos jeunes sujets qui en présentent
lorsqu'ils arriveront à cette période (1).
Sur 1.000 individus, on en trouve en moyenne un
atteint d'ectopie unilatérale avec une fréquence à peu
près égale pour l'un et l'autre côté L'ectopie bilatérale
n'existe qu'une fois sur 10.000 individus. La plus fré-
quente de toutes les variétés est l'ectopie inguinale, 30
fois sur 44 cas ; puis viennent l'ectopie abdominale, l'ec-
topie cruro-scrotale, périnéale et crurale.
Nous n'avons pas rencontré, dans les classiques rien
qui ait rapport à la disposition que nous avons signalée
sous le nom de verge en battant de cloche, ou en
massue.
Pour donner immédiatement une idée de la fré-
quence extrême des anomalies de l'appareil génital mas-
culin chez nos sujets, disons tout de suite que sur les
728 individus examinés, 262 nous en ont présenté soit
isolées, soit associées à d'autres. Mais il serait insuffisant
de s'en tenir à ce chiffre quelque éloquent qu'il soit,
et nous pourrons tirer d'un examen plus approfondi
des anomalies qui se rencontrent dans les différentes
catégories de malades établies plus haut, certaines don-
nées intéressantes.
Si nous examinons la première catégorie composée de
172 idiots, imbéciles ou débiles, nous en rencontrons 55
frappés d'anomalies, soit 31,97 0/0, proportion véritable-
ment considérable. Au point de vue de leur fréquence
relative, nous trouvons : 19 phimosis, dont six sont
relativement peu serrés ; 6 hypospadias balaniques,
dont deux légers et 2 péniens j -10 atrophies testicu-
(1) Nous notons deux fois par an depuis plusieurs années les
changements qui surviennent chez nos malades au point de vue de
la puberté, du poids et de la laille (B.).
200 ANOMALIES DES ORGANES GÉNITAUX.
laires, cinq portant sur le testicule droit, cinq sur le
gauche ; - 7 atrophies doubles des testicules, dont
le volume variait de la grosseur d'un haricot à celui
d'une noisette ; - 3 ectopies du testicule droit dans
lesquelles il est permis de voir une véritable monorchi-
die, étant donné l'âge des sujets, et l'impossibilité de
sentir en quelque endroit que ce soit la glande séminale
et 2 du testicule gauche; - 10 ectopies doubles, dont
un cas où les testicules pouvaient descendre, mais
étaient ordinairement retenus à l'anneau inguinal ; -
un cas de hernie congénitale inguinale gauche et une
non congénitale; - enfin, quatre cas de verge en bat-
tant de cloche et 2 varicocèles gauches.
La proportion des anomalies de la seconde catégorie
de sujets est moins considérable, quoique encore fort
respectable, puisqu'elle atteint 22,22 0/0 (74 cas d'ano-
malies sur 333 sujets). Ces diverses anomalies se décom-
posent ainsi : 27 phimosis, dont neuf légers ; - six hy-
pospadias, dont 2 peu accusés ; - 21 varicocèles
gauches, un droit et 2 doubles ; ;- 13 atrophies testi-
culaires, dont huit à gauche et cinq à droite; - 9 atro-
phies bilatérales ; 5 ectopies doubles et 1 gauche;
- 3 unilatérales, dont deux gauches et une droite ; -
4 hernies inguinales droites; - un cas de varices de
la verge ; 2 cas de verge en massue.
Comme on le voit, les anomalies sont moins fréquentes
chez les épileptiques présentant plus ou moins de débi-
lité mentale ou d'imbécillité, mais en tous cas moins
profondément dégénérés dans l'ensemble que les idiots
de la première catégorie. Le phimosis y est en parti-
culier moins fréquent. L'atrophie testiculaire s'y ren-
contre aussi dans une bien moindre proportion; mais où
la différence s'accuse, c'est pour l'ectopie testiculaire
qui, au lieu de quinze fois, ne se présente plus que huit
fois, c'est-à-dire varie de 8,72 0/0 à 2,44 0/0, en
passant d'une catégorie à l'autre. Il est intéressant de
noter cette inégalité dans les aptitudes sexuelles aux
ANOMALIES DES ORGANES GÉNITAUX. 201
différents degrés de la dégénérescence physique et in-
tellectuelle, et il est à regretter, au point de vue social,
qu'elle ne soit pas moins atténuée encore chez les épi-
leptiques. Sans vouloir y attacher une grande impor-
tance, faisons remarquer cependant que le varicocèle
ne s'est guère rencontré que chez les épileptiques, où
sa proportion s'est élevée à 7,27 0/0, alors que chez les
individus normaux elle est, comme nous l'avons vu plus
haut, de 3 0/0 seulement. Nous ne croyons pas que dans
l'étiologie si variée qu'on invoque pour expliquer la pro-
duction du varicocèle, on ait jamais signalé cette parti-
cularité que la dégénérescence physique, sinon l'épi-
lepsie par elle-même, constitue une prédisposition à
acquérir cette infirmité.
Passons maintenant à nos malades de la troisième
catégorie, idiots, imbéciles et débiles sans épilepsie et
n'ayant pas encore atteint 13 ans. Sur 64 de ces jeunes
malades, 91 nous offrent les anomalies que nous venons
déjà de rencontrer, soit 55,40 0/0, c'est-à-dire plus de
la moitié sont mal conformés. En décomposant ces
chiffres, nous arrivons aux résultats suivants : 41 phi-
mosis, dont 4 légers ; 3 hypospadias peu acccusés j
3 atrophies test icula ires droites et 1 gauche; - 9 atro-
phies doubles; - 14 ectopies testiculaires unilaté-
J'ales, dont 6 à droite et 8 à gauche, et dans sept des-
quelles il était impossible de sentir nulle part le
testicule, 48 ectopies teslicwl21es bilatérales, dont 39
où on ne pouvait sentir les testicules; - deux cas de
verge en battant de cloche.
Remarquons le nombre considérable des ectopies tes-
ticulaires. Dans l'immense majorité des cas, on peut
même se demander s'il y a anorchidie véritable, ou
simplement cryptorchidie. Nous nous rattachons à cette
dernière idée et nous pensons qu'il y a ectopie abdomi-
nale et que dans beaucoup de cas, au moment de la
puberté, on verra descendre les testicules. Le cas du
n° 13 du 5*' tableau est bien fait pour nous engager à le
202 ANOMALIES DES ORGANES GÉNITAUX.
croire. En effet, ce malade qui, il y a deux ans présen-
tait une ectopie testiculaire double, n'a plus aujourd'hui
que le testicule droit qui soit encore retenu dans l'ab-
domen et il est probable qu'un jour ou l'autre il des-
cendra également dans les bourses. Ce serait donc à
tort qu'on jugerait, d'après les chiffres bruts fournis par
la première et la troisième catégorie, et pour saisir l'iné-
galité qui existe dans la proportion des anomalies chez
ces deux catégories de sujets qui ne diffèrent entre eux
que par leur âge, il suffit d'observer que ceux de la
première ont dépassé l'âge normal de la puberté, si tous
ne sont pas pour cela pubères, tandis que ceux de la
troisièmo ne l'ont pas encoro atteint et qu'il n'est pas
étonnant de rencontrer chez eux un retard de développe-
ment considérable, surtout pour des organes qui, nor-
malement, ne sont pas encore arrivés à leur complet
développement à cette époque.
Enfin, dans notre dernière catégorie, la proportion des
anomalies dépasse toutes les autres et atteint 67,79 0/0.
Sur 59 sujets atteints d'épilepsie avec idiotie ou imbé-
cillité, 40 présentent en effet des anomalies génitales,
qui, isolées ou associées, se divisent ainsi : 13 phimosis,
dont deux légers; 13 atrophies testiculaires doubles,
pour la plupart considérables, le testicule n'atteignant
que la grosseur d'un pois et 4 atrophies unilatérales ;
6 ectopies unilatérales, dont 5 à droite et 1 à gauche ;
15 ectopies doubles, dont 5 abdominales, les testicules
n'étant perçus nulle part; enfin, un cas de verge en
battant de cloche. Notons que deux fois le phimosis a
été produit par une adhérence complète du prépuce avec
le gland.
La moyenne de 67,79 0/0 que nous trouvons ici parait
en contradiction avec ce que nous disions plus haut, et
ce que les chiffres d'ailleurs indiquaient, à savoir que
les épileptiques présentant un certain degré de débilité
mentale, offraient moins d'anomalies que les idiots com-
plots sans épilepsie, parce qu'ils étaient moins dégénérés
que ces derniers. Dans la comparaison des deux der-
CONCLUSIONS. 203
nières catégories, nous observons le contraire. Nous
croyons que cette contradiction n'est qu'apparente, car
les choses, dans les deux cas, dans la deuxième et la
quatrième catégorie, ne sont pas comparables. En effet,
dans la première catégorie de nos sujets, la plupart sont
des sujets où l'épilepsie n'est apparue que vers l'âge
de 10 à 20 ans, et dont la faiblesse intellectuelle, quel-
quefois nulle ou peu marquée avant l'apparition des
accès, n'en a été que la conséquence. Au contraire, nos
épileptiques de la dernière catégorie ne leur sont en
aucune façon comparables. Loin d'avoir jamais présenté
un certain développement physique et intellectuel, en-
travé plus tard par les accès comitiaux, l'épilepsie est
venue les surprendre dès leur jeune âge, quelquefois
dans leur première année, et les a pour ainsi dire im-
mobilisés, ne se contentant plus comme dans le premier
cas, d'arrêter avant terme un développement com-
mencé, mais empêchant même ce développement de
prendre son essor. Si les premiers épileptiques sont
donc jusqu'à un certain point moins dégénérés que les
idiots complets sans épilepsie, au contraire, les jeunes
épileptiques de la dernière catégorie nous offrent le type
le plus complet des dégénérés avec arrêt de développe-
ment. Il n'est donc pas surprenant de rencontrer aussi
chez eux une proportion beaucoup plus forte d'anoma-
lies que chez tous les autres. Et maintenant que con-
clure de ce travail " ?
1° Tout d'abord ce fait qui saute aux yeux que les
idiots et les épileptiques débiles présentent, du côté de
leurs organes génitaux, des anomalies extrêmement
fréquentes, si on les compare avec ce qui se rencontre
chez les individus bien équilibrés.
2° Les épileptiques qui ne le sont devenus qu'à un
certain âge, et après avoir pu se développer déjà en
partie, présentent beaucoup moins d'anomalies que les
idiots simples. Leurs aptitudes génésiques paraissent
20 Í CONCLUSIONS.
être, malheureusement, moins atteintes aussi que chez
ces derniers, si l'on en juge par le moins grand nombre
cle cas de cryptorchidie.
3° L'atrophie testiculaire parait porter presque aussi
fréquemment à droite qu'à gauche, quoique un peu plus
de ce côté, ce qui confirme l'opinion générale des
auteurs.
4° La dégénérescence physique et intellectuelle pro-
duite par l'épilepsie semble avoir une influence réelle
sur la production du varicocèle, car les idiots sans épi-
lepsie n'en présentent pour ainsi dire pas.
5° Lorsque l'épilepsie surprend l'enfant dès le début
de la vie, elle produit dans tout son être un arrêt beau-
coup plus marqué du développement, que lorsqu'elle
survient dans l'adolescence, et cet arrêt de développe-
ment appréciable sur l'ensemble de l'individu, est des
plus caractérisés du côté des organes génitaux.
G° Les idiots, avec ou .sans épilepsie, présentent fré-
quemment une forme particulière de la verge, dite en
battant de cloche ou en massue. Cette forme n'est pas
acquise par la masturbation, certains des sujets qui la
présentent ne s'étant jamais livrés à l'onanisme.
On sait que les dégénérés supérieurs présentent assez
fréquemment aussi des anomalies génitales. Il serait
intéressant de savoir dans quelle proportion, on parti-
culier pour les anomalies qui les mettent dans l'im-
possibilité de se reproduire. Nous avons vu que chez
les épileptiques cette impossibilité était déjà bien moins
fréquente que chez les dégénérés inférieurs, et il est à
craindre que chez les dégénérés supérieurs les aptitudes
génésiques et reproductrices ne soient encore bien plus
souvent conservées. Cette question n'offre donc pas
seulement un simple intérêt de curiosité scientifique,
CONCLUSIONS. 205
mais plus encore peut être un intérêt social. Car il serait
à désirer à tous les points de vue que les individus
atteints de tares fatalement transmises et aggravées par
l'hérédité fussent incapables de se reproduire. En outre,
il serait certainement intéressant d'examiner ces sujets
sous le rapport des modifications fonctionnelles de
l'appareil génital.
D'après le Comple-rendn sur le service du recrutement de
l'armée pendant l'année 1SSG, le nombre des jeunes gens ad-
mis à participer au tirage, après rectification des tableaux de
recensement, s'est élevé à 306.854. Sur ce nombre, 299.270 so
sont présentés au Conseil de révision. 39.ïG0 jeunes gens ont
été exemptés comme impropres à tout service. 255 ont été
exemptés pour des vices de conformation des organes uri-
naines (1), 684 pour varicocèles, 753 pour hydrocèle et mala-
dies des testicules et 122 pour maladies des voies urinaires
autres que les précédentes. 1.6 Il atteints de vices de confor-
million des organes genilo-urinai¡'es ont été classés dans le
service auxiliaire.
Si l'on fait un bloc des 255 conscrits exemptés pour des
vices do conformation des organes génito-urinaires, des 584
exemptés pour varicocèles, et des 1511 conscrits classés dans
le service auxiliaire, on a le total de 2,550, soit sur les 299,270
conscrits (en chiffres ronds, 300,000), 85 pour 1,000 atteints de
vices de conformation des organes génito-urinaires. - Sur
nos 728 malades, nous en avons rencontré 262 atteints des mê-
mes vices de conformation, d'où il suit que chez les idiots et
les épileptiques réunis, la proportion des vices de conforma-
tion est quatre fois plus grande que sur la totalité des cons-
crits.
Voici maintenant, à titre de renseignement, le nombre des
cas de réforme pour des maladies du système nerveux ou les
autres vices de conformation : Strabisme, 286. - Sourds-
(1) L'Instruction du Conseil de santé des armées donne ré-
munération suivante de ces vices de conformation : « L'aLaencc
ou l'impe1'{o1'alion de Vurèlhre, 1'¡;Jlipadias et l'hYPo8)Jadias
qui ne permettent pas d'uriner sans se salir, ...l'hermaphrodisme...
la cirsocèle très considérable.
206 CAUSES DE RÉFORME.
muets de naissance, 368 ; -Bec de lièvre, 112 ; - Bégayement,
716 ; - Goitre, 842; - Pieds-bots et autres incurvations des
membres, 921 ; - Epilepsie, 593; - Convulsions, danse de St-
Guy, tremblements, catalepsie, /il ; - Crétinisme, idiotisme,
imbécillité, 1,378; - Aliénation mentale, monomanie, manie,
démence, 180 ; - Paralysie d'un ou de plusieurs membres,
193.
IMBÉCILLITÉ. 207 Î
V.
Imbécillité ; malformations congénitales des
deux mains et du pied gauche ; polysarcie ;
Par BOURNEVILLE et RAOCLT (1).
Nous avons eu l'occasion de rassembler soit à la
Salpêtrière, à Bicêtre ou aux Enfants-Malades, un
nombre assez considérable d'exemples de malforma-
tions des mains et des pieds qui doivent faire l'objet
d'un petit travail d'ensemble. Nous en détachons au-
jourd'hui une observation curieuse également à d'autres
titres.
OBSERVATION. - Père débauché, alcoolique. - Grand père
paternel alcoolique. - Oncle paternel aliéné et alcoolique.
Autre oncle paternel alcoolique. Cousin germain nerveux.
Mère : migraines, vitiligo.- Grand rnère maternelle hémi-
plégique. - Oncle paternel goitreux. - Cousine germaine
arriérée. - Enfant du siège.
Impression maternelle persistante du second mois à la fin
de la grossesse. - Parole et propreté tardives. -'Accès de
colère. - Sévices envers sa petite soeur. - Convulsions. -
Ctastomame. Débilité mentale prononcée. Malpropreté,
paresse, gourmandise, voracité. - Absence de pudeur.
Idées de mariage. - Polysarcie. - Strabisme, nystagmus,
myopie. - Malformations des doigts des deux mains et du
pied gauche. (Polydactylie).
Esn. Marie, âgée de 16 ans, demeurant avenue d'Italie, est
amenée à la consultation le 11 août 1887.
Renseignements fournis par sa mère. - Père, 43 ans, était
bien portant jusqu'en 1876, époque où a quitté sa femme.
(1) Extrait du Prodrès médical, 1887, t. VI, p. 198.
208 1,NIBÉClrLITÉ : ANTÉCÉDENTS HÉRÉDITAIRES.
Débauché, il ne rentrait depuis longtemps à la maison qu'à
des intervalles irréguliers, s'enivrait fréquemment, buvant
toutes sortes de liquides, entre autres de l'absinthe (il rentrait
ivre au moins une fois par semaine). Parfois il restait huit
jours absent de chez lui. Avant do se marier, à 28 ans, il
buvait déjà, mais sa femme pensait qu'il aurait perdu cette
habitude. Il a toujours été violent et emporté. Il a été d'abord
ouvrier chocolatier, puis infirmier à Bicêtre avant la guerre,
et ensuite à l'asile d'Evreux. A Bicêtre, il s'amusait boire
les potions qu'on ordonnait aux aliénés pour savoir l'effet que
cela produirait sur lui. Pas de migraines, pas de céphalalgies,
ni de névralgies, ou de rhumatismes; aucune affection cutanée.
[Père, scieur de pierres; mort d'excès de boisso2.-Mére, blan-
chisseuse, sobre, est morte aux Petits-Ménages aissyvcrs 1872.
- Un doses frères est mort aliéné à Bicêtre vers 1872; il buvait
beaucoup. Un autre frère est mort d'une affection pulmonaire,
il faisait aussi des excès de boisson, mais moins que les deux
autres. Un neveu, fils d'une de ses soeurs, âgé de 21 ans, a eu
l'hiver dernier une attaque nerveuse à la suite d'une discus-
sion avec son patron; il se débattait par terre, « était comme
un fou n ; cette crise a duré environ 15 minutes. Pas d'aliénés,
pas d'autres idiots, pas de déformations congénitales dans sa
famille].
Mère, 43 ans, - elle a deux mois de plus que son mari,
- femme de ménage et piqueuso de bottines, autrefois
domestique, est d'une taille moyenne, d'uno physionomie
assez régulière. Elle porte une éruption de vitiligo très mar-
quée sur le dos des mains et les avant-bras. Elle éprouve des
douleurs rhumatoides, erratiques dans les membres; elle a eu
des migraines, avant et depuis la puberté. Celles-ci ont di-
minué depuis un an, mais elles ont été remplacées par des
céphalalgies revenant plusieurs fois par mois et durant do un
à trois jours, sans s'accompagner de vomissements. Elle se
plaint en outre de gastralgies passagères. Elle n'a jamais ou
ni convulsions dans l'enfance, ni attaques de nerfs. Pas
d'enfants avant le mariage. Elle s'est mariée tard, parce'que a ce
n'était pas son idée ». Depuis sa séparation, elle n'a pas vu
d'homme parce que a ce sont des choses qui ne la tentent pas ».
[ Père mort du choléra, vers 185t, carrier dans les monta-
gnes, sobre. - Mère, morte hémiplégique. Un frère en bonne
santé porte un petit goitre ; il a une fille do 6 ans, bien con-
formée, mais en retard pour la parole; cette enfant comprend
bien tout, mais ne peut s'exprimer ; ce n'est pas du bégaiement.
Pas d'aliénés, pas de difformes, etc. Personne dans son pays no
se souvient d'avoir vu de déformations congénitales dans sa fa-
mille. Pas d'autres goitreux, pas de crétins.
IMBÉCILLITÉ : ANTÉCÉDENTS PERSONNELS. 209
Pas de consanguinité (la mère est de la Savoie (Latable, près
de Chambéry). - Deux enfants : 1° Notre malade, 2° une fille
morte à deux ans 1/2 du croup, elle était intelligente, parlait
très bien ; elle avait marché à 13 mois et avait été propre de
bonne heure.
Notre malade. Au moment de la conception, qui a eulieu
un mois après le mariage, au mois d'août 1870, la mère était
déjà contrariée de voir son mari boire. Ce dernier se mettait en
colère, cassait les carreaux, etc. La conception n'a pas eu lieu
durant l'ivresse : « Il n'y était pas porté dans ces moments-là. »
La grossesse a été assez bonne, sauf quelques douleurs dans le
bas-ventre et plusieurs chutes qu'elle attribue à ce qu'elle avait
comme une faiblesse subite dans les jambes; elle s'est trouvée
mal et a eu des lypothymies plusieurs fois par semaine, durant
les trois premiers mois. Pendant le siège, elle a eu beaucoup à
souffrir, au physique et au moral, de nombreuses discussions
avec son mari, et de fréquentes émotions dues au bruit du bom-
bardement, sans perte de connaissance. Ces émotions ont été
surtout vives à la fin de la grossesse.
La mère attribue les difformités que sa fille présente aux mains
et à un pied, à l'impression vive et persistante produite sur elle
par la vue d'une tortue, vers le second mois de la grossesse. La
première fois, elle la vit barbotant dans le ruisseau; elle ne
ressentit aucune impression à cette vue. Une autre fois, elle la
vit dans les cendres, chez le cordonnier, possesseur de la tor-
tue ; elle la regardait se nettoyer. Qu'est-ce que cette bête ?
dit-elle. « C'est une tortue, » lui répondit-on. En retournant
chez elle, elle fit la réflexion qu'étant enceinte elle ne devait rien
« regarder », et, en même temps, elle ressentit une faiblesse, qui
l'obligea de s'appuyer au mur. Ses jambes fléchissaient et tout
tournait autour d'elle. Ces phénomènes durèrent cinq minutes.
Elle assure avoir pensé tout le reste du temps de sa grossesse
à cette tortue, craignant que son enfant n'eût quelque chose.
Elle n'en rêvait pas la nuit.
L'accouchement s'est fait environ huit jours avant terme, na-
turellement, sans chloroforme. A la naissance, l'enfant était
forte, a crié tout de suite et n'avait aucun signe d'asphyxie.
Elevée au sein par sa mère, elle a été sevrée à quatorze mois.
Elle a marché à treize mois, a eu sa première dent à huit mois
et ses vingt dents vers deux ans. La parole a été lente à venir;
elle n'a parlé que vers deux à trois ans. Elle n'a été propre que
vers quatre à cinq ans. Vers trois ou quatre ans, on s'est aperçu
qu'elle n'était pas comme les autres enfants. Elle prenait sa
petite soeur, qui avait vingt-deux mois de moins qu'elle, et la
jetait par terre. Si sa mère la réprimandait, elle se vengeait
BOUftNEVILLE, 1887. 14
210 IMBÉCILLITÉ : ANTÉCÉDENTS PERSONNELS.
sur sa soeur ou sur les objets. Une fois, sa mère étant allée
voir, à l'hôpital, son mari, qui avait une jambe cassée, trouva,
en rentrant, toute la vaisselle cassée. La malade avait alors
deux ans et sa petite soeur une quinzaine de jours. Vers trois
ans et demi, convulsions, surtout pendant le sommeil : le nez,
la bouche, les yeux étaient agités de mouvements qui duraient
plusieurs minutes. Jamais de grandes convulsions, pas de pertes
do connaissance.
Marie Es... a toujours été volontaire, désobéissante, aimant à
contrarier sa mère; elle crie très fort, même dans la rue, atti-
rant l'attention des passants. Elle a de fréquents accès cle
colère, boulevorse tout, casse la vaisselle, quand il no lui plait
pas de la laver. Elle n'est pas soigneuse de sa personne, cllo
n'aime ni à se laver, ni à se peigner, sauf quand il s'agit do
sortir, par exemple pour venir à la consultation.
En dehors de cela, pour aller dans la rue, ça lui est égal
d'être propre; elle ne sait pas s'arranger ; elle mettrait par
exemple un chapeau, et en même temps des souliers non cirés.
Il faut que sa mère la nettoie comme un enfant, si elle veut
qu'elle soit propre.
Elle est allée à l'école jusqu'à 15 ans. Elle lit un peu, mais
non couramment, elle ne se rend pas compto de ce qu'elle lit.
Elle écrit, mais mal, ne sait pas faire les additions, et n'a jamais
pu apprendre à coudre. Elle a voulu aller dans uno fabrique de
corsets, avec une de ses amies; on l'a gardée une journée. Elle
voit clair, mais ne peut fixer, « ses yeux dansent » ; il lui faut
un quart d'heure pour enfiler une aiguille.
Jamais d'onanisme. Elle dit à tout le monde qu'elle va se
marier à un homme riche, à un rentier; d'autres fois, c'est à
un homme qui gagne 30 francs par mois (elle ne connait pas la
valeur des choses, et pour elle 30 fr. c'est beaucoup;. Les
voisins la taquinent. Il y a quelques jours, une jeune fille lui
a dit qu'elle lui volerait son mari, notre malade l'a menacée de
la battre ; l'autre a pris les devants, lui a donné des coups de
poing sur le nez ; elle est rentrée tout en sang. Quand on
l'onvoie en commission dans le voisinage, elle oublie de rentrer,
ne semblant pas avoir la notion du temps. C'est ainsi que, il y
a quelques jours, sa mère l'ayant envoyée chercher un seau
d'eau vers 4 h. et demie, à sept heures elle n'était pas rentrée
Elle était allée se promener avec uno fillette sur l'avenue
d'Italie, vers la place On se moque d'elle dans le quartier;
les gamins lui font faire dos commissions insolentes, igno-
bles ; si elle refuse, ils l'insultent. Ils ont cherché à l'attirer
sur les fortifications. Dans la maison, elle est l'occasion de
disputes avec la concierge, avec les voisins, soit parce qu'elle
pousse des cris aigus, soit parce que des gamins en envoient
IMBÉCILLITÉ : SYMPTÔMES. 211
d'autres la chercher. La mère ne pouvant l'utiliser pour le
ménage, ni pourletravail,lalaisse dormir tant qu'elle veut.Très
menteuse et très gourmande; elle mange avec sa mère, comme
cette dernière, puis s'il reste quolque chose, quand celle-ci a
le dos tourné, elle le dévore. Elle ne prend rien chez les au-
tres. Elle est très curieuse. Depuis deux mois surtout, son ca-
ractère est très difficile.
Son sommeil, qui est long, est très agité; elle gémit, parle
tout haut en rêvant ; ello a peur qu'on ne la tue, qu'on ne l'em-
mène. Elle a parfois des illusions d'optique au sujet des
objets qui l'entourent. - Elle a toujours eu un embonpoint
exagéré, surtout depuis deux ou trois ans. Elle a été réglée à
seize ans (octobre 1886) sans douleurs abdominales, mais avec
do la céphalalgie. Les règles sont venues tous les mois régu-
lièrement, sauf le mois dernier où elles ont avancé. Elle le dit
tout haut à tout le monde. « Vous dites que je suis une gosse,
je suis dans le sang jusqu'au cou. » Et, elle offre de le faire
voir. Elle n'a aucune retenue; elle se penche sans précaution,
laissant tout voir, mais toutefois, elle ne se retrousse pas. Elle
est fière depuis qu'elle a des seins. On la connaît dans le quar-
tier, aussi empêche-t-on les disputes entre elle et les gamins.
Il suffirait, dit sa mère,. que quelqu'un lui offre le mariage,
pour qu'elle se laisse emmener.
Si sa mère la gronde, elle se rebiffe, crie, lui dit qu'elle
l'embête, et l'injurie. Lorsque sa mère lui donne « une
giffte » elle lui en rend trois. Sans cause, elle se met à crier
comme une idiote, comme une folio. Toute la journée elle s'a-
muse ; si on l'envoie faire une commission, elle reste long-
temps ; elle aime à entendre dire des saletés, les répète, se
mélo aux conversations. Elle est insolente envers tout le
monde, menace de battre, crie.
Elle n'a jamais été arrêtée. Parfois, elle reste dehors, sans
se préoccuper de l'heure des repas; il lui est arrivé de sortir
le matin, de ne rentrer que le soir, sans avoir mangé ; alors
elle veut son café au lait du matin, son déjeuner de midi, son
diner et absorbe gloutonnement le tout. Si on rit d'elle par-
fois, lorsqu'elle mange avec voracité des pommes de terre
mal cuites, elle dit que c'est assez bon pour elle, et continue
de plus belle. Il lui arrive souvent de manger des pommes de
terre, ou des carottes crues et de les refuser quand on les lui
présente cuites. Etant toute petite, elle mâchait du charbon.
Elle a eu quelques croûtes dans les cheveux et une ophtalmie
double à deux ans qui a duré un mois. Ni otite, ni engelures, ni
dartres, Elle a eu un ganglion tuméfié qui s'est abcédé au ni-
veau du côté gauche du cou, et a laissé une petite cicatrice. Elle
aurait eu beaucoup d'oxyures. Souvent elle s'est coupée, pin·
212 DE5CIi1P1' ! OV DE LA MALADE.
cée dans les portes par sa bêtise. Elle pleurait tant qu'elle
voyait du sang, puis on ne pouvait plus lui maintenir de panse-
ment. Actuellement, au contraire, à la moindre piqûre, il lui
faut mettre un pansement. Maux de tête fréquents. Pas de si-
gnes d'hystérie.
Etat actuel. - Elle est très développée; le thorax et le
ventre sont très-volumineux pour son âge. Poids : 76 kilo-
grammes 500 ; taille de 1 mètre 515 millimètres.
Face volumineuse, symétrique, ovale. - Front bas (6 centi-
mètres et demi) ; aplatissement des régions temporales; ar-
cades soureillières peu saillantes. Cheveux - avec poux - ;
sourcils et cils blonds. - Yeux petits, bleus (la malade est
myope), nystagmus des deux côtés, rotatoire, plus marqué à
gauche qu'à droite. Léger strabisme interne de l'oeil gauche.
Pupilles égales, d'un contour un peu irrégulier. Apophyses
zygomatiques peu saillantes. Nez moyen, régulier. Bouche
petite, menton ovale. Voile du palais, langue, arcades dentaires,
normales. Mâchoires volumineuses. Oreilles allongées de haut
en bas, lobules volumineux, adhérents.
POLYDACTYLIE.
213
cette phalange double, divergent, et à leur extrémité anté-
rieure s'insère la deuxième phalange de chacun de ces doigts.
Ceux-ci sont moins volumineux que le petit doigt et sont
aplatis d'avant en arrière. Le tout forme une sorte de système
spécial, dû à la division du quatrième doigt normal, situé sur
un plan postérieur aux autres doigts, si bien qu'à la face pal-
maire, il existe un creux entre la base de ces deux doigts et
l'extrémité antérieure du quatrième métacarpien. Ce système
n'a que des mouvements antéro-postérieurs très-limités, qui
suivent ceux des troisième et cinquième doigts normaux,
lorsque la malade ouvre ou ferme la main ; mais chacun des
doigts de ce groupement n'a pas de mouvements propres. Le
petit doigt est uni au plus externe de ceux-ci par une mem-
brane de l'épaisseur du doigt, qui s'étend en avant jusqu'au
niveau do l'extrémité antérieure de la seconde phalange.
b) Main gauche. La pouce, l'index, le médius et l'annulaire
sont normaux. Au niveau du cinquième doigt, est un système e
de trois petits doigts accolés les uns aux autres (fig. S). Il n'y
a qu'un cinquième métacarpien, mais il son extrémité anté-
rieure s'insèrent les premières phalanges du doigt externe et
du doigt médian, qui sont indépendantes. Ces deux doigts pos-
sèdent chacun trois phalanges et un ongle; le premier est libre
en dehors, jusqu'à la commissure normale, entre lui et le qua-
trième doigt. Il est séparé du doigt médian en avant seulement
depuis la moitié antérieure de la deuxième phalange. Enfin le
doigt interne est accolé à la face interne de la deuxième pha-
lange du second, et possède un petit os libre, non articulé en
Fit 7.
Fig. 8.
214 polysarcie; myopie ; strabisme. '
arrière, où il se termino en pointe, ce doigt possède aussi un
ongle mais mal conformé. 'l'out ce système a des mouvements
de flexion et d'extension, d'adduction et d'abduction, mais
moins étendus que normalement; l'opposition avec le pouce se
fait d'une façon mal habile avec lo doigt externe. Le doigt ex-
terne et le médian ont quelques mouvements propres très peu
étendus.
L'abdomen est très volumineux; sa couche adipeuse est très
épaisse; l'ombilic est très profond.
Organes génitaux. Poils assez abondants sur le pénil, les
grandes lèvres, se continuant jusqu'à la partie la plus interne
des plis inguinaux, avec pigmentation de ces régions.
Les cuisses sont très volumineuses, ainsi que les jambes;
les mollets ont 43 cent. de circonférence.
Pieds. Pied droit normal. Pied gauche : Les quatre pre-
miers orteils sont normaux. Entre le quatrième et le cinquième,
à cheval sur ces derniers, est un orteil supplémentaire, situé
dans une sorte de logette entre la face externe de la seconde
phalange du quatrième, et la face interne' de celle du cin-
quième. Son extrémité antérieure ne dépasse pas l'extrémité
postérieure de la seconde phalange des orteils entre lesquels il
est situé; il a le volume d'une petite noisette et il renferme un
petit os, qui semble s'articuler avec le quatrième métatarsien,
et possède un petit onglo, déformé et écailleux, qui était,
paraît-il, pour la malade une cause de douleur, par suite de la
pression du soulier.
Sensibilité générale normale (toucher, température, etc.).
Réflexes normaux.- Vite : myopie très prononcée, la malade se
met à une distance de 16 cent. pour lire des lettres d'un 112 cent.,
et à 1 m. 37 pour pouvoir lire les grandes lettres d'un journal
ayant 3 cent. et quart de hauteur. Elle distingue bien toutes
les couleurs. Goût et odorat normaux. Dynamomètre
Mathieu (petit) : adroite 10, à gauche 42.
L'intelligence est faible, la malade comprend mal les ques-
tions qu'on lui pose et y répond à peine ou mal; parfois, elle
parle d'un autre sujet. Son langage, sa manière d'être, ses im-
patiences sont ceux d'un enfant.
Au point de vue mental, Marie Es... présente tous les
caractères de l'imbécillité, compliquée d'impulsions de
natures diverses, pouvant occasionner do sérieux incon-
vénients, soit pour les autres, soit pour elle-même. Bien
qu'elle ait fréquenté l'école jusqu'à l'âge de 15 ans, elle
impression maternelle ; alcoolisme. 215
n'a rien appris. Il est évident, pour nous, que si elle
avait été soumise à un traitement et à une éducation
méthodiques, elle eut pu être notablement améliorée à
tous les égards et même apprendre un métier. On en a
fait un être qui sera presque inutile pour le reste de ses
jours, car l'obésité dont elle est atteinte et qui, si elle
n'avait pas disparu sous l'influence de la gymnastique,
se serait en tout cas développée moins rapidement et à
un moindre degré, ne fera sans doute que s'accroître et
contribuera à rendre peu fructueux les essais que l'on
ferait aujourd'hui pour son amélioration intellectuelle.
Ce fait montre la nécessité d'assister, de traiter et
d'instruire de bonne heure les malades de ce genre.
L'obésité ou la polysarcie est loin d'être une com-
plication rare de l'imbécillité. M. Parrot en a publié un
cas intéressant dans la Revue photographique des
hôpitaux de Paris (1869, p. 21). L'un de nous en a vu
plusieurs exemples, soit en ville, soit à la Salpêtrière. Il
semblerait aussi que cette complication est surtout l'a-
panage des imbéciles du sexe féminin.
La myopie, le strabisme et le nystagmus sont dus
sans doute aux convulsions dont la malade a été at-
teinte à l'âge de trois ans.
Quant aux malformations des doigts et du pied
gauche, la description que nous en avons donnée plus
haut nous dispense d'entrer dans do nouveaux déve-
loppements. Dans l'opinion de la mère de la malade,
elles reconnaîtraient pour cause l'impression persis-
tante et prolongée qui a suivi la vue d'une tortue.
Nous la relevons sans vouloir y attacher plus d'impor-
tance qu'il ne conviont. L'alcoolisme héréditaire du
père, les antécédents nerveux du côté paternel aussi
bien que du côté maternel peuvent être invoqués à plus
juste titre. Les malformations des extrémités (poly-
dactylie et syndactylie), les malformations des organes
216 malformations des DÉGÉNÉRÉS.
génitaux (cryptorchidie, atrophie d'un testicule, phy-
mosis, hypospadias, etc.), sont en effet fréquentes en
pareil cas et nos malades de Bicêtre nous en fournis-
sent chaque jour la preuve. Mentionnons enfin que,
contrairement à ce que la plupart des auteurs ont si-
gnalé d'ailleurs avec raison, nous n'avons trouvé aucun
exemple de malformation analogue chez les ascendants
de cette jeune fille.
anatomie. 217
VI.
De l'épiploon cystico-colique (variétés du liga-
ment hépato-duodénal);
Par M. le D' p. nRico,-i.
Le ligament hépatico-duodénal, dépendance de l'épi-
ploon gastro-hépatique qu'il borde à droite, forme le
bord antérieur de l'hiatus de Winslow. Il unit le col de
la vésicule biliaire au duodénum, relié lui-même au
côlon transverse par un ligament épiploïque. A l'état
normal, ces ligaments ne forment qu'un léger relief à
la surface des organes qu'ils recouvrent. Il n'en est pas
toujours ainsi et ce relief, en s'accentuant de plus en
plus, devient repli et, en s'élevant du col au fond de la
vésicule biliaire, finit par former une sorte de mésentère
ou plutôt d'épiploon cystico-côlique (1).
Description. - Le péritoine, après avoir tapissé la
face convexe du foie, gagne le sillon transverse, mais,
en certain cas, au niveau de la vésicule biliaire, au lieu
de fournir à celle-ci une enveloppe plus ou moins com-
plète, il ne recouvre que ses faces latérales, et son fond
se replie à une distance variable de l'hiatus de Winslow,
parfois au niveau du fond de la vésicule, il constitue
ainsi un ligament hépatico-duodénal, ou plutôt hépa-
(1) Le grand et le petit épiploon paraissent parfois contribuer
également à la formation de l'épiploon cystico-côlique, mais il est
en ce cas difficile de distinguer inférieurement les limites exactes
des parties fournies par ces deux épiploons ; il semble qu'il y ait
eu véritable fusion.
218 ANATOMIE
tico-côlique comprenant non seulement dans son épais-
seur les vaisseaux biliaires et la veine porte, mais encore
la vésicule biliaire comprise alors entre deux feuillets
péritonéaux s'étendant do toute la hauteur de la fossette
de la vésicule biliaire au côlon transverse (Fig. 9).
Notons qu'il ne s'agit pas de ce pseudo-mésentère de
la vésicule déjà décrit par plusieurs auteurs et entre
autres par Ruysch. « Ruysch, écrit M. Paulet, a trouvé
la vésicule entièrement libre, n'adhérant pas au foie;
mais l'existence d'un mésocyste doit être considérée
comme tout à fait exceptionnelle chez l'homme, tandis
qu'elle est constante chez certaines espèces animales,
Fig. 9. C. Colon. - E. Epiploon cystico-cô ! ique. V. Vésicule
biliaire.- H. Hile du foie.
DE L'ÉPIPLOON CYSTICO-CÔLIQUE. 219
notamment chez le lapin (1). » Comme on le voit, il ne
s'agit nullement, en ce cas, du repli épiploïque qui relie
la vésicule au duodénum et au côlon. Ce pseudo-mésen-
tère est encore signalé dans l'Anatomie de Gruveilhier.
« La vésicule biliaire est maintenue, dit-il, dans sa si-
tuation par le péritoine, qui ne fait que passer au-des-
sous d'elle, chez le plus grand nombre des sujets; mais
(1) Dictionnaire encyclopédique des sciences médicales, pre-
mière série, 1876. - Poulet. Voies biliaires (anatomie, p. 299).
C'est par erreur que le lapin, tout au moins notre lapin domestique,
est signalé comme ayant un mésocyste; notre lapin domestique
possède au contrai une vésicule pour ainsi dire presque enclavée
dans le foie.
Fig. 10.-rC, Colon. -E Epiplo-cyslico-eùliquc.- V. V,Ucule biliaire-
- H. Hile de foie. - D. Duodénum.
220 ANATOMIE
qui, chez d'autres, lui forme une enveloppe presque
complète, de telle manière que la vésicule est unie au
foie à l'aide d'une sorte de mésentère. Dans ce dernier
cas, elle est pour ainsi dire détachée du foie, disposi-
tion que l'on rencontre chez quelques animaux.
On ne saurait dire, toutefois, ce qu'entend Cruveil-
hier (1) quand il dit ailleurs : « J'ai vu deux fois la vé-
sicule du fiel s'ouvrir dans le côlon», et, en note, « iln'est
pas rare de voir la vésicule du fiel entièrement unie à
la portion correspondante de l'arc du côlon, » et, plus
loin (p. 202), « quelquefois des adhérences accidentelles
ou normales l'unissent (la vésicule biliaire) au duodénum
et à l'arc du côlon. Ces rapports expliquent ? d'autre
part, le passage direct par perforation des calculs biliai-
res de la vésicule dans le duodénum, dans le côlon. »
Il semble toutefois que Cruveilhier ait réellement vu
le repli cystico-côlique, ce qui ne saurait nous étonner,
vu sa fréquence ; mais le texte est peu clair et le mot
d'adhérence autorise d'en douter. Il peut arriver que
l'on constate l'existence d'un épiploon cystico-côlique,
et, en même temps, celle d'un mésentère vésiculo-hé-
patique plus ou moins développé. C'est ainsi que sur une
de nos pièces (Frg. 10) on trouve un épiploon vésiculo-
côlique et des indices de mésentère vésiculo-hépatique.
Par contre, le fond de la vésicule, dans son tiers supé-
rieur, n'est pas adhérent au foie; il est recouvert par le
péritoine. Il a pu arriver que la position occupée dans le
ligament hépatico-côlique ait pu faire croire à l'existence
de ce pseudo-mésentère, car, dans le cas d'existence
d'épiploon vésiculo-biliaire glissant entre les deux feuil-
lets, va parfois se mettre en contact avec le côlon trans-
verse, formant alors deux triangles isocèles, accolés
inversement.
Enfin, il existe une troisième disposition assez rare :
(1) J. Cruveilhier. - Traité d'anatomie descriptive, 3e édition;
- Marc Sée et Cruveilhier fils, 1874, T. IL, p. 158.
DE L'ÉPIPLOON CYSTICO-CÔLIQUE. 221
l'extrémité droite du grand épiploon s'insère alors sur
le bord libre de l'épiploon cystico-côlique et atteint le
bord antéro-infériour du foie au niveau du fond de la
vésicule biliaire ; cette disposition est montrée dans une
des figures ci-jointe (Fig. 11). Dans ce cas, le côlon trans-
verse semble ne partir à droite que de lavésicule biliaire
et la fossette colique du foie fait défaut.
L'épiploon vésiculo-côlique est assez fréquent. Il n'a
certainement pas dû échapper à l'observation des ana-
tomistes et des anatomo-pathologistes ; aussi n'est-ce
que lorsque nous avons constaté que la plupart do nos
auteurs classiques n'en faisaient pas mention, que nous
Fin Il. -G. 10. Grand Epiploon ? C. Colon.-V. Vésicule biliaire.
- Il. Hile du foie. - F. Foie.
222 ANATOMIE
nous sommes décidés à rappeler de nouveau l'attention
sur ce repli (I). L'examen méthodique et complet de
cadavres provenant du service de M. Bourneville, nous
a permis de réunir en peu de temps, sur ce sujet, un
certain nombre d'observations. Sur 89 autopsies, nous
avons rencontré cette disposition à un degré plus ou
moins avancé, 21 fois; dans 8 cas, il s'agissait d'un repli
incomplet, variant de 1 centimètre à 3 ou 4 centimètres
de hauteur, l'existence d'un épiploon cystico-côlique,
n'a été constaté que 13 fois.
On peut rencontrer entre ces diverses dispositions,
tous les intermédiaires possibles.
Qu'on ne croie pas qu'il s'agisse de ces adhérences
pathologiques signalées par tous les auteurs; c'est par
elles que l'on explique généralement l'élimination des
calculs biliaires par la voie intestinale. Les adhérences
sont, du reste, rarement limitées à la région vésiculaire.
Le plus souvent, elles sont irrégulières, disséminées ;
l'hiatus de Winslow est alors parfois oblitéré. C'est
ainsi que nous avons rencontré un abcès limité à l'ar-
rière cavité clos épiploons (2). Dans les cas d'adhérences
(1) Depuis que notre attention a été attirée sur ce point, M. Bara-
ban a publié celte année, dans son articlesurlepéritoitte, les lignes
suivantes : Mentionnons que dans quelques cas le péritoine de
la face inférieure du foie fournil un polit méso de la vésicule biliaire
et que le col de cette dernière peut être rattachée au colon trans-
verse par un prolongement du grand épiploon. (Dictionnaire en-
cyclopédique des sciences médicales, 2 série, tome XXIII, pre-
mière partie, Baraban, art. Péritoine (anatomie descriptive, p. 255,
1887). Il semblé, en effet, que parfois le repli épiploique véaiculo-
côlique soit formé entièrement aux dépens du grand épiploon ; il
parait n'y avoir alors qu'un simple accolement facile a détruire, à
la face inférieure de la vésicule. En cocas, I'cpip]oon vésiculo-coli-
que est moins large et le plus souvent on retrouve sur sa face
gauche des parties non adhérentes simulant des anneaux ou des
orifices obliques ayant une grande ressemblance avec l'aspect que
représente le trou de Botal perméable obliquement.
12) Il s'agissait, dans ce caa, d'un abcès du lobe gaucho du foie,
ayant envahi l'arrière-cavité des épiploons. « Lorsque cet hiatus
vient pour une cause quelconque à s'oblitérer, il peut se faire dans
l'arrière cavité des épiploons un amas de sérosité qui constitue une
DE l'épiploon CvSTICO'CÔLIQUE 223
pathologiques, le pseudo-épiploon a un aspect irrégu-
lier ; il est peu développé ; la vésicule biliaire est très
rapprochée, sinon en contact direct avec le côlon ; d'au-
tre part, il peut arriver que l'on rencontre des adhéren-
ces aux alentours de la vésicule sans que ce fait exclue
l'existence d'un véritable épiploon cystico-côlique. Un
examen attentif peut seul démontrer la coexistence ou
non des deux choses.
Aucun de nos malades n'était atteint d'affection hépa-
tique de nature quelconque ; jamais chez eux le repli
n'a présenté le caractère de brides ou membranes de
nouvelle formation. L'examen des pièces conservées
dans le chloral le prouve suffisamment.
Nous n'aurions pas songé à tirer de l'oubli ce repli
épiploïque, s'il ne nous avait semblé que sa connaissance
importait dans les opérations sur la vésicule biliaire
(cholécystectomie et cholécystotomie) et parce qu'il ex-
pliquait pourquoi, dans certains cas, les calculs biliaires
peuvent être éliminés avec facilité par le côlon. C'est
pour eux un chemin tout tracé et, pour le calculeux qui
est possesseur de ce repli, une disposition heureuse qui
lui évite les plus dangereuses des complications (1).
sorte d'hydropisie enkystée toute spéciale. (Ialâainue. - Traité
d'anatomie chirurgicale, tome II, p. 30J, 1859). Je ne sais si un
fait semblable a jamais été observé. ri ('filiaux. - Traité d'ana-
tomie lopographique, 1879, p. 788.)
(t) Cette disposition peut expliquer, dans une certaine mesure,
pourquoi M. Thiriar lrouva un jour des calculs biliaires sous la
séreuse péritonéale, au voisinage du colon (voir daus les comptes
rendus de la Société de Chirurgie, 1887, l'analyse de l'obs. de
M. Thiriar et les remarques de M. Pozzi).
224 ASPHYXIE : HYPOTHERMIE.
VII.
Un cas d'asphyxie par strangulation : abaisse-
ment considérable de la température; gué-
rison ;
Par BOURNEVILLE.
A propos d'une note de M. Terrien sur les Phénomè-
nes consécutifs à deux tentatives de pendaison, pu-
bliée dans le n° 38 (t. VI) du Progrès médical de 1887,
nous avons rappelé l'observation suivante que nous
avons recueillie en 1869 pendant notre internat dans le
service de M. le professeur Hardy, à l'hôpital Saint-
Louis (1) et qu'il nous semble utile de reproduire ici.
N..., ouvrier doreur, âgé de 62 ans, quitta sa femme, avec
laquelle il avait gaiement déjeuné à midi, et retourna à son
atelier où il fut trouvé à une heure un quart pendu à l'aide
dune corde et ne présentant aucun signe de vie. La corde dont
il s'était servi avait environ deux centimètres de diamètre. Peu
après un médecin qu'on avait appelé saigna le malade et l'en-
voya à l'hôpital Saint-Louis où nous le vîmes immédiatement,
c'est-à-dire une heure après l'événement. Le pouls était per-
ceptible, à 84 ; la respiration était irrégulière, diaphragma-
tique ; la température rectale était de 34°, 1. L'insensibilité était
complète et la connaissance tout à fait abolie. La face était
cyanosée ; la peau uniformément froide. Les pupilles étaient
normales, égales et contractiles. Nous fîmes appliquer des
sinapismes sur les jambes, les cuisses et à la nuque, fric-
tionner le tronc avec de l'alcool camphré, en même temps que
nous faisions des inhalations d'ammoniaque, qui ne déter-
minèrent pas d'éternuement. L'électrisation des muscles du
(I) Cotte observation a été publiée dans The Lancer 1870, I,
p, 446.
ASPHYXIE ! HYPOTHERMIE. 225
thorax fut ensuite pratiquée. La respiration devint un peu plus
régulière, mais l'état général restait le même.
Deux heures après l'accident le pouls était à 72-76 et la tem-
pérature toujours à 34°, On continua les frictions et on mit
des ventouses sèches sur la poitrine et les membres inférieurs.
Trois heures après l'accident : P. 72 ; T. R. 3G°,8 ; respiration
plus régulière, quelques mouvements convulsifs des membres
supérieurs ; agitation. Traitement : Julep avec acétate d'am-
moniaque ; lavement purgatif, etc.
Cinq heures après, le pouls était à 80, la respiration ron-
flante à 18 ; la température rectale à 38°,4 ; la peau chaude.
Six heures après l'accident : le pouls était le même, la res-
piration à 20 et la température à 40°,3. La face était devenue
rouge, la chaleur de la peau avait augmenté et le malade
dormait. Pour diminuer la congestion on applique des cata-
plasmes sinapisés sur les cuisses et les mollets.
Huit heures après la tentative de pendaison : P. 9 ! ; R. 24;
T. ·R. 39°,6. Le malade repose tranquillement. Dix heures
après : P. 96; R. 24. T. R. 39°,t.
Le 28 septembre, à 9 heures du matin, c'est-à-dire 20 heures
après l'accident : P. 88 ; R. 20 ; T. R. 39°,3. Le malade a dormi
paisiblement depuis neuf heures du soir. Il était alors éveillé
et se plaignait d'un sentiment de pesanteur, la mémoire était
confuse, la respiration normale et les battements du coeur ré-
guliers. Dans la soirée (28 heures après la pendaison) : P. 76;
R. 20 ; T. R. 39°. Le malade avait eu trois selles abondantes. Il
avait parlé un peu ; il ne voulait pas dire pourquoi il s'était
pendu et n'avait aucun souvenir de ce qui lui était arrivé.
A partir de ce moment, l'amélioration fit des progrès ra-
pides. On observa toutefois une congestion du poumon droit
suivie d'un léger épanchement pleurétique qui nécessitèrent le
séjour à l'hôpital jusqu'au 7 octobre.
La particularité qu'il importe de relever dans cette
observation, c'estlamarcho de la température centrale.
Elle présente tout d'abord un abaissement considérable,
puis une élévation consécutive.
La température, une heure après la pendaison, était
descendue à 34°,1, soit environ 3°,4 au-dessous de la
température moyenne normale (37°,5). Ce n'est que trois
heures après que la température se relève pour atteindre
assez rapidement dix heures après l'accident, 40°, 3, soit
2°,S au-dessus de la température naturelle. Aussitôt la
BOURNEVIILE, 1887. 15
G ASPHYXIE : HYPOTHERMIE,
température a commencé à s'abaisser, non pas avec la
rapidité notée pour l'ascension, mais, au contraire, avec
lenteur. Elle s'est, en effet, maintenue au-dessus de 39°
pendant vingt-quatre heures, et cen'est que le troisième
jour, à dater de l'accident, qu'elle a descendu de 39° au
taux normal. Ces renseignements sur la température,
chez un pendu ramené à la vie, nous ont paru mériter
d'être connus.
DE LA DENTITION DES IDIOTS. 227 %
VIII.
De l'état de la dentition chez les enfants
idiots et arriérés ;
Par r, sacnren.
Quoique très fréquentes et très variées les anomalies
et les lésions dentaires chez les dégénérés ont été peu
étudiées, même-par les auteurs qui ont écrit des ouvra-
ges spéciaux sur les anomalies dentaires en général.
Cette question est pour la première fois traitée dans
deux mémoires anglais, celui de Ballard, paru en 1860
et celui de Langdon Down, paru en 1861. - Mais c'est
à M. Bourneville qu'on doit le travaille plus complet et
le plus précis qui ait été écrit jusqu'à présent sur ce
sujet, travail qui parut en 1862 et dans lequel l'auteur
signala la plupart des particularités remarquables que
présente la dentition des idiots. Mais si ces anomalies
sont connues d'une façon générale et regardées comme
très fréquentes, il s'en faut que leur fréquence absolue
et relative soit établie d'une façon rigoureuse, ni même
approximative. C'est le but que s'est surtout proposé
1\1 lUe Alice Sollicr, dans sa thèse de doctorat, faite sous
l'inspiration et dans le service de M. Bourneville, à
Bicêtre.'
Son travail repose sur l'étude détaillée de la dentition
de 100 idiots pris au hasard, et une description minu-
tieuse de toutes les dents est faite pour chacun d'eux <
On se représente facilement la somme de travail que
cela a dû demander. - Un assez grand nombre de
dessins que nous reproduisons en partie ici montrent
d'ailleurs mieux que tout ce qu'on pourrait dire la va-
228
DE LA DENTITION DES IDIOTS.
riété et la multiplicité des lésions et des anomalies qu'on
observe chez ces dégénérés inférieurs. - L'auteur a
pu ainsi établir une statistique précise. Mais ïtI ? Sollier
ne s'est pas bornée à cette besogne un peu aride et a
cherché, en outre, à élucider plusieurs points inté-
ressants qui se rattachent aux lésions dentaires, en
même temps qu'elle met en évidence certaines anoma-
lies qui semblent avoir échappé aux auteurs qui l'ont
précédée. Les figures 12, et 13, peuvent donner une
idée de la complexité des anomalies qu'on rencontre
chez les idiots.
D'une façon générale, l'idiotie avec ou sans épilepsie
prédispose aux arrêts de développement, aux anomalies
et aux lésions de l'appareil dentaire dans une propor-
tion qui n'est pas moindre de 91 °/0. Il est à remarquer
que l'idiotie congénitale ne parait pas avoir plus d'in-
fluence à cet égard que celle acquise pendant la pre-
mière dentition. C'est en effet presque exclusivement
la deuxième dentition qui est atteinte. Parfois même
on observe de la précocité de la première dentition
(13 ? ) et l'auteur cite l'observation d'un enfant qui
présentait une dent à la naissance, quoique atteint
d'idiotie congénitale. - Néanmoins le retard de la pre-
Fig. 12.
DE LA DENTITION DES IDIOTS. 229
mière dentition est plus commun et se rencontre environ
dans un 1/4 des cas, ce qui en somme n'est pas très
fréquent, si l'on songe combien souvent on rencontre
ce retard chez des enfants parfaitement normaux. Si la
première dentition peut être précoce dans son apparition,
il est par contre exceptionnel qu'elle présente la même
précocité dans sa chute qui est bien plutôt retardée. Du
reste, comme nous le disions tout à l'heure, les ano-
Fig. 13.
Fig. 14.
Fig. 15.
230 DE LA DENTITION DES IDIOTS.
malies portent surtout sur la deuxième dentition qui
présente dans plus du 1/3 des cas (36 0/0) un retard plus
ou moins marqué clans son apparition, retard plus fré-
quent d'ailleurs chez les idiots que chez les épileptiques
plus ou moins arriérés.
Le microdontisme est assez fréquent (14 ? ) et est
ordinairement associé à d'autres anomalies et en par-
ticulier au géantisme des molaires. {Fig. 14, 15, 16, 17),
- Le géantisme est un peu moins commun (11 ? ) et
porte surtout, ainsi que l'avait remarqué M. Bourneville,
sur les incisives médianes supérieures. (1 ? 7. 18). Il
semble y avoir entre ces deux anomalies une véritable
compensation et cela est d'autant plus probable que
dans certains cas on observe une fusion de deux dents.
Fig. 16.
rr ? m.
DE LA DENTITION DES IDIOTS. 231
Il n'y -a plus alors seulement compensation, et l'on
constate à côté d'une dent géante l'absence de la dent
voisine, circonstance qui explique à la fois la genèse du
géantisme et celle de l'absence de dents au moins dans
un certain nombre de cas. Cette absence de dents, en
dehors bien entendu du retard de la deuxième dentition
est relativement peu rare puisqu'on l'observe 11 fois
sur 100. Par contre les dents supplémentaires sont
absolument exceptionnelles (2 °/0). A côté de ces ano-
malies de volume se trouvent en grand nombre des ano-
malies de la forme générale des dents, consistant en
tubercules supplémentaires, en dentelures, etc., etc.,
qui se montrent dans plus de la moitié des cas (53 °/o)-
L'implantation est aussi très souvent irrégulière (34 ? )
Fig. 18.
- 1 ig. 19.
232 DE LA DENTITION DES IDIOTS.
(Fig. 19), mais les anomalies de siège sont rares ettou-
jours peu marquées (Fig. 20). - De toutes les irré-
gularités des dents, celles de leur direction sont le plus
souvent observées (80 °/0) et portent principalement sur
les incisives et les canines (Fig. 21).
Des anomalies, l'auteur passe aux lésions proprement
dites avec l'étude des érosions qui soulèvent une im-
portante question pathogénique. Suivant que les auteurs
ont observé dans tel ou tel milieu, ils ont émis des opi-
nions différentes. Trois théories ont cours sur la patho-
génie de l'érosion. La première est la doctrine éclampti-
que, défendue par M. Magitot et ses élèves. Pour eux,
les érosions seraient toujours dues à des convulsions,
et les convulsions entraîneraient toujours des érosions.
Fig. 20.
Flg. 21.
DE LA DENTITION DES IDIOTS. 2a3
La seconde opinion que défend Hutchinson les rattache
toujours à la syphilis héréditaire. Enfin le professeur
Fournier professe une opinion éclectique. C'est à elle
que Mme Sollier se rattache également, mais en partie
seulement, car elle va plus loin et, généralisant la ques-
tion, elle croit pouvoir affirmer que c'est avant tout la
dégénérescence, épilepsie, idiotie, syphilis, et même
sans convulsions, qui est la seule influence capable de
produire l'érosion. Du reste, les chiffres font facilement
justice de toutes les théories, et d'après les tableaux
très précis que l'auteur présente, on voit que dans le
tiers des cas seulement, les convulsions s'accompagnent
d'érosions, que souvent, d'autre part, il y a des érosions
sans qu'il y ait eu de convulsions, et il ressort que les
érosions sont plus fréquentes sans convulsions qu'après
convulsions. Quant à la théorie hérédo -syphilitique,
déjà fort contestée dans son absolutisme, il suffit de dire
que sur les cent idiots examinés, aucun n'était syphiliti-
que héréditaire, quoique un grand nombre présentât
des érosions. Mais ce n'est pas tout, et on observe sur
les dents deux autres genres de lésions, des sillons et
des crénelures. Les sillons sont toujours longitudinaux
et ne présentent aucune lésion de l'émail à leur niveau.
C'est simplement la persistance de ce qui existe au mo-
ment de l'éruption des dents. (Fig. 18 et 22). Jamais on
ne rencontre les sillons blancs transversaux que le pro-
fesseur Fournier a décrits dans la syphilis héréditaire.
Les sillons longitudinaux sont extrêmement fréquents,
Fig, 22.
234 4 DE LA DENTITION DES IDIOTS.
41 0/0, mais plus fréquentes encore sont les crénclures
(58 0/0). Ces dernières même ont ceci de particulier
qu'elles coïncident bien plus souvent que les érosions,
avec les convulsions ; mais on ne saurait davantage voir
entre ces deux choses une relation de cause à effet sans
s'exposer aux critiques que soulève la théorie éclampti-
que de l'érosion. Aussi l'auteur ne voit-elle là qu'un arrêt
cle développement produit par l'état de dégénérescence
de l'individu, que cette dégénérescence soit ou non le
fait de convulsions. Ces trois lésions : sillons, érosions,
crénelures se montrent d'ailleurs rarement isolées, et
sont très souvent associées. Tout le chapitre qui les
concerne est des plus intéressants et fait l'objet d'une
critique qui nousparaitpresqucirréfutable, basée qu'elle
est sur des faits précis et minutieusement observés.
L'auteur note, en outre, la défectuosité très fréquente
de l'articulation (43 0/0) ainsi que de la voûte palatine
(45 0/0). Quant il la carie et au tartre, bien que fréquents,
Fig. 23
Fig. 24.
DE LA DENTITION DES IDIOTS.
235
ce sont des lésions banales et qui ne se rattachent pas
particulièrement à l'idiotio.
M. Bourneville avait signalé autrefois une anomalie
des arcades dentaires, qui au lieu d'être elliptiques
étaient formées de trois lignes droites, une antérieuro
Fia. 8\
fit, 2;.
236 DE LA DENTITION DES IDIOTS.
et doux latérales. L'auteur en signale deux nouvelles
non encore décrites : la première, délicate à voir sur le
vivant et surtout appréciable sur des moulages, con-
siste dans une différence de niveau entre les branches
homologues de la mâchoire supérieure (Fig. 23 et 24).
La seconde consiste dans une sorte d'échancrure dont
les dessins ci-dessous donnent une excellente idée
(Fig. 25, 26 et 27).
A côté des résultats statistiques très consciencieux et
très précis auxquels est arrivé l'auteur, il y a donc
aussi dans ce travail un grand nombre de points nou-
veaux, originaux ou critiques, qui en font une oeuvre
intéressante et qui vient apporter un appoint sérieux à
l'histoire des dégénérescences dans l'espèce humaine.
Personne plus que son auteur, qui s'est dès long-
temps consacré à l'art dentaire en même temps qu'à l'é-
tude de la médecine, n'était du reste à même de mener à
bien un semblable sujet qui intéresse à la fois l'anthro-
pologiste, le médecin et le dentiste.
Fig. 27.
FOLIE DE l'adolescence. 237
IX.
Folie de l'adolescence. - Instabilité mentale.
- Idées vagues de persécution.- Succube;
Par BOURNEVILLE et SOLLIER.
Parmi les cas déjà assez nombreux de folie de l'en-
fance que nous avons observés, le suivant nous paraît
mériter, à des titres divers, l'attention du lecteur. Les
illusions génitales, accusées par le malade, ont joué
un rôle prédominant qui permet de les rapprocher de
celles qu'on observait autrefois chez certains démonia-
ques.
SOMMAIRE. - Tante paternelle : mauvaise conduite.
Grand'mère maternelle : emportée. Soeur morte de
méningite avec convulsions.- Colères dans l'enfance.
Caractère entêté, instabilité. - A 15 ans et demi, ona-
nisme.- Sommeil mauvais. - Paresse, négligence,
querelles fréquentes. - Accès de rire nocturnes et
diurnes, sans motif. - Idées de persécution, menaces.
accusations d'incorporation contre sa mère.
Plaintes au procureur de la République et au préfet de
police. - Hallucinations de l'ouïe, de la vue, de l'odo-
rat et de la sensibilité générale. - Accès d'excitation,
menaces et coups. - Disparition des idées d'incorpo-
ration. - Persistance ci' hallucinations de l'ouïe. Re-
fus de travail. - Alternatives de dépression et d'exci-
tation.- Evasion.- Réintégration - Renvoyé comme
guéri.
Gaug... (Georges), 17 ans, né le 12 mai 18G î, couvreur,
est entré à Bicêtre (service de M. Bourneville), le 9 juin
1884.
238 antécédents héréditaires.
Renseignements fournis par sa mère (21 juin 1884). -
Père, 49 ans, cordonnier, bien portant, marié à 31 ans, n'a
pas fait de maladie depuis lors. Caractère un peu vif; bon
ouvrier. Pas d'indice de maladie de peau ni de syphilis.
Pas de migraines ni de rhumatismes. Sobre. [Père mort à
73 ou 74 ans; on ne sait de quoi. Journalier aux champs.
Il s'était remarié et avait abandonné les enfants du pre-
mier lit, dont est le père de notre malade. Il n'était ni en
enfance, ni paralysé à sa mort. - Grands parents pater-
nels, morts âgés. - Grands parents maternels, pas de
détails. - Un frère bien portant, ainsi que ses deux en-
fants. - Une soeur en bonne santé, de même que ses deux
filles. Du second lit, il a un frère bien portant et une soeur
dont on n'a pas de nouvelles; elle se conduit mal et on ne
sait si elle vit encore. - Ni aliénés, ni épileptiques, ni pa-
ralytiques, ni suicidés, ni criminels, etc., etc., dans la fa-
mille.
Mère, 42 ans, travaille à la chaussure ; brune, assez in-
telligente. Physionomie régulière, mais un peu vulgaire.
Son fils lui ressemble. Pas de convulsions dans l'enfance.
Mariée à 23 ans, bien portante. Pas de migraines ; quel- *
quefois, mais rarement, des douleurs de tête. Pas de ma-
ladie de peau ni de rhumatisme. Caractère calme ; n'est
pas nerveuse. [Père, berger, mort à GO ans d'une fluxion de
poitrine, sobre, pas d'accidents nerveux. - Mère, G8 ans,
bien portante, pas nerveuse, mais emportée. - Grand père
paternel morttrès vieux, on ne sait de quoi.-Grand'mère
paternelle, pas de renseignements. - Grand père pater-
nel, pas de détails. Avait été seulement l'amant de la grand1
mère maternelle, laquelle est morte de vieillesse à 84 ans.
De deux frères, l'un est mort à 19 ans poitrinaire ; l'autre
est bien portant, ainsi que son fils. Une soeur est également
bien portante. Pas d'aliénés, d'épileptiques, de para-
lytiques, etc., etc., dans la famille. - Pas de consan.
guinité.
4 enfants : 1° notre malade; - 2° fille morte en nour-
rice, iL six semaines, d'athropsie, sans convulsions ;
3° fille morte iL 9 jours, de diarrhée avec vomissements,
sans convulsions; -4° fille morte à 4 ans, d'une méningite
consécutive à la coqueluche. Elle a eu des convulsions et
est restée huit jours sans connaissance.
antécédents personnels. 239
Notre malade. - La conception a eu lieu les premiers
jours du mariage dans de bonnes conditions physiques et
morales des deux côtés.- Pas d'émotions, pas de trauma-
tisme, pas d'excès pendant la grossesse, qui s'est seulement
accompagnée de fréquents vomissements. - L'accouche-
ment a eu lieu à terme, et s'est fait sans chloroforme ni
forceps, quoique laborieusement. Pas d'asphyxie à la nais-
sance, mais l'enfant était chétif, et « on aurait dit qu'il
souffrait. » - Il a été élevé au biberon avec du lait de va-
che, chez sa grand'mère, où il est resté jusqu'à 3 ans. Il
aurait eu de la diarrhée à 3 mois. Il a commencé à marcher
à un an et à parler à 13 mois. Il n'a guère été propre qu'à
2 ans 1/2, mais la grand'mère ne s'en préoccupait pas. A
aucune époque il n'a eu de convulsions. Les premières
dents ont paru à sept mois. - A4 ans 1/2, rougeole et
coqueluche légère; à diverses reprises diarrhée.- Depuis,
il n'eut aucune autre maladie. - Pas d'otite, de gourmes,
d'adénites, etc. Il présenta seulement quelques croûtes
d'impétigo à la face, et il eut « comme un grand feu dans
la bouche et à la joue gauche. »
Envoyé à l'asile des soeurs, il apprenait peu, était turbu-
lent et très joueur.- Entêté et méchant avec les autres en-
fants, il voulait les faire marcher, et avait parfois de fortes
colères. - Mis à l'école à 7 ans, il continua à être entêté,
mais apprit bien, eut toujours des prix, gagna une bourse
de 100 francs et fut admis à l'école Turgot. Il avait 13 ans,
mais n'entra pas à cette école, un parent ayant conseillé de
le placer dans le commerce d'exportation, où il resta jus-
qu'à 14 ans 1/2 (août 1880 à février 1882). - On était con-
tent de lui pour son travail, mais peu à peu son caractère
est devenu méchant, fier, entier. Il se croyait au-dessus
des autres, et ne voulait pas recevoir d'ordres. Son patron
l'a renvoyé en 1882, l'enfant se moquant de lui et refusant
do lui obéir. Il est alors rentré chez ses parents pendant
15 jours, durant lesquels on n'a rien remarqué de particu-
lier, ni douleurs de tête, ni onanisme. On l'a placé alors
dans une plomberie, où il faisait les recettes, les mémoi-
res, des métrés, etc. On en était satisfait ; mais peu à peu,
il s'est fâché avec les cinq employés de la maison dont il
n'acceptait aucune plaisanterie. Il était toujours entêté,
propro et coquet de sa tenue, et ses minuties lui attiraient
240 début DE la folie. '
les moqueries de ses camarades. Au bout de 18 mois son
patron l'a renvoyé, disant qu'il ne voulait pas de discus-
sions dans son bureau. Il avait alors 16 ans (juillet 1883).
Depuis 15 ans 1/2 sa mère avait remarqué des taches de
sperme sur ses draps. Se masturbait-il, ou avait-il des per-
tes nocturnes, on ne sait ? Il était assez grand déjà à cette
époque, ayant des poils au pénil, mais pas encore de barbe.
Il fut replacé peu après chez un autre plombier où il ga-
gnait 110 fr. par mois au bout de trois semaines. Mais il se
ralentit dans son travail; en août il eut de nombreuses
querelles dues à son entêtement, et en novembre son ca-
ractère était devenu encore plus mauvais, surtout à la
maison. On ne pouvait rien lui dire, et il envoyait prome-
ner sa mère pour le plus léger motif. Il continuait cepen-
dant à fréquenter l'école du soir.
Vers la fin de novembre, on remarqua qu'il avait les
yeux cernés et qu'il était parfois comme hébété, mais sans
douleurs de tête. Le sommeil était mauvais, plus court
que d'habitude, toutefois il ne se compliquait point decau-
chemars. G... devint paresseux et cessa d'aller à l'école du
soir. On ne pouvait plus le faire lever bien qu'il ne dormît
pas. Il ne refusait cependant pas de travailler; mais
son ancienne activité était remplacée par une tendance à
l'inertie. - De coquet qu'il était, il devenait paresseux
pour s'habiller. Il fallait lui demander vingt fois le plus
petit service d'intérieur avant de l'obtenir.
En janvier 1883, il s'est mis à rire au milieu de la nuit,
ce qui lui arrivait aussi quelquefois le soir en rentrant de
son travail. Une fois sa mère le surprit la tête dans ses
mains et riant comme un fou, mettant son mouchoir devant
sa bouche pour rire. Interrogé sur ses rires nocturnes, il
répondait par des raisons niaises ou pas du tout. Son père
est alors allé voir son patron et celui-ci lui a déclaré qu'on
ne pouvait plus rien en faire, qu'il ne faisait plus le tiers
do sa besogne. A l'atelier aussi, il était pris d'accès de rire.
Tout le monde disait qu'il était malade, qu'il était fou.
Repris par ses parents en février 1884, il présenta les
mêmes accès de rire, Un médecin lui prescrivit du bro-
mure de potassium et des bains sulfureux. Conduit à l'Asile
IDÉES de PERSÉCUTION. 241
clinique (Sainte-Anne), M. Magnan lui ordonna des dou-
ches qu'il prit régulièrement à Saint-Louis. Son père
essayait de le faire travailler à la maison : tantôt il acceptait,
tantôt il refusait. Une potion calmante avait rendu le som-
meil meilleur. Mais, au bout de quinze jours, il fut repris
de ses rires nocturnes. Bien que la mère de l'enfant eut
conseillé à son mari, en menant l'enfant à Sainte-Anne, de
signaler l'onanisme, il n'en dit rien à M. Magnan. On apprit
alors de son patron que souvent il se masturbait dans les
cabinets, surtout -vers novembre 1883, et dans son lit il y
avait moins de taches depuis ce moment. Reconduit à
Sainte-Anne, M. Magnan conseilla de l'envoyer à la cam-
pagne. On le conduisit à Argentan chez son oncle et son
beau grand-père. Celui-ci, maçon, l'emmenait avec lui tra-
vailler. Les accès de rire avaient disparu. Mais, au bout de
quatre semaines d'amélioration, il refusa de travailler,
allait se promener, ne lisait plus. Il avait acheté une glace
et se regardait dedans sans cesse. Une fois, il fit le tour de
la ville son parapluie ouvert, bien qu'il ne plut pas. Ses
parents écrivirent alors à son père qu'ils ne pouvaient plus
le garder et qu'il fallait venir le chercher. Il voulait de
l'argent pour vivre libre et indépendant, voulait aller faire
des « dessins à Ronfleur », disait que si on voulait l'em-
mener d'Argentan, il ferait un mauvais coup. Son père ré-
pondit qu'on le lui renvoyât, mais, ayant paru mieux à ce
moment, on le garda. Deux jours après, il retomba : il pré-
tendait que des gens l'électrisaient et qu'il fallait les faire
arrêter ; il ne parlait que du commissaire de police. Son
père fut de nouveau prévenu, et sa mère vint le chercher.
Mais il ne voulait pas revenir avec elle, disant que c'était
pour le mettre à Sainte-Anne. Il sauta au cou de sa mère
et voulut l'étrangler, et il resta coucher dehors, disant
« qu'il ne voulait pas coucher sous le même toit que sa
mère. » On le voyait se lever tout à coup, en gesticulant. A
8 heures, il revint chez son oncle, mais refusa de partir avec
sa mère. Il voulait qu'on arrêtât les gens qui l'électrisaient.
Tout à coup, pendant le déjeuner, il se mit à injurier sa
mère, l'appelant idiote, disant qu'elle était « une exploi-
teuse cle la nature u. a 1'u es une faiseuse d'idiots, tu es une
putain, je vais te botter. » - Il l'accusait d'avoir fait mourir
sa soeur, de vouloir le faire mourir aussi. Il a même essayé
Bourneville, 1887. 16
242 actes DE VIOLENCE.
de lui donner un coup de couteau et a menacé son oncle.
On a été obligé d'aller chercher les gendarmes qui lui ont
mis les menottes et l'ont enfermé au violon, clans une salle
de la tour dont son oncle est concierge. On l'a ensuite
conduit à l'hospice d'Argentan, d'où il a essayé de se sauver
le jour même. - Il voulait qu'on lui fasse des rentes. « Je
ne veux pas m'en aller d'ici, disait-il ; je veux les papiers
de magistrature en mains ; je veux quatre francs par jour
et vivre indépendant. » Il ne parlait pas d'incorporation (1).
Son père est alors venu à Argentan et lui a dit qu'on lui
ferait ses quatre francs par jour, mais qu'il fallait aller
signer des papiers a Paris : l'économe, les soeurs lui avaient
persuadé aussi qu'il le fallait.
En chemin de fer, il était comme en pleine santé, faisant
des remarques raisonnables. Arrivé à Paris, ses parents
eurent beaucoup de difficultés pour le placer, le commis-
saire de police n'ayant pas voulu voir les pièces de son
collègue d'Argentan... Gaug... coucha chez ses parents et
passa une assez bonne nuit. Le lendemain matin il alla
avec son père à l'Asile clinique. La consultation n'ayant
lieu que le lendemain, ils revinrent déjeuner à la mai-
son. Il déjeuna tranquillement, puis sortit à une heure
et demie et ne rentra que le soir à huit heures, ayant
cassé son parapluie, et disant qu'il venait des Invalides.
Comme il était en sueur, sa vottlitt l'essuyer, mais
il la repoussa. Il dînait tranquillement, quand tout à coup
il se leva de table et prit son paletot. « Où vas-tu ? lui
demanda son père ? » « Moi je ne couche pas ici, répondit-
il, donne-moi deux francs. » Sa mère faisant des obser-
vations et voulant le retenir, il lui dit : u Laisse-moi tran-
quille ou je t'étrangle. » Alors il se sauva malgré les efforts
de voisins pour l'en empêcher : « Pour ma sécurité, leur
criait-il, je me sauve de mes parents. » - Parents et
camarades ont couru après lui pendant quelque temps, et
découragés ont fini par le laisser. Il est allé coucher chez
un de ses cousins. A son arrivée chez celui-ci, il était tout
bouleversé, proférant des menaces contre ses parents. Sa
cousine, qui l'avait reçu, ne savait rien de co qu'il avait eu
(1) Les expressions relevées plus haut « une exploiteuse de la
nature » semblent indiquer que cotte idée le hantait déjà.
actes DE violence ; excitation. 243
dans ces derniers temps. Il lui raconta son voyage à
Argentan, et lui dit ensuite qu'il allait coucher du côté de
la Madeleine, qu'il casserait de belles glaces afin de faire
dépenser de l'argent à ses parents et de se faire arrêter
dans un grand quartier. Son cousin étant rentré, essaya
de lui faire entendre raison. Il se calma un peu et revint
avec son cousin prévenir ses parents qu'il coucherait chez
lui, répétant que pour sa sécurité il ne voulait pas coucher
chez ses père et mère. Le lendemain, son père alla le
chercher chez son cousin. Il était calme et le suivit d'abord;
mais, au bout d'un certain temps, il déclara ne pas vouloir
se rendre à la maison et entama une vive discussion avec
son père qui fit signe à un agent. Quand celui-ci voulut
l'arrêter, l'enfant essaya de le faire tomber. Il fut conduit
chez le commissaire de police, puis au dépôt, et do là à
Sainte-Anne, le 15 mai. Jamais chez lui il n'avait proféré
d'accusations relativement à la mort de sa petite soeur.
Celle-ci, qu'il paraissait aimer beaucoup, était morte quand
il avait à peine 9 ans. Après sa mort et jusqu'à sa maladie,
il n'en parlait jamais. On en était même surpris. Il n'en
était pas jaloux. '
On ne pense pas qu'il ait jamais eu de rapports sexuels.
Il ne semblait pas faire attention aux petites filles. A partir
de l'époque où il a quitté l'école il a cessé de voir ses ca-
marades ; il n'aimait ni jouer, ni rire. Il trouvait bêtes ceux
qui s'amusaient. Il était sombre, et son père lui disait : -.
« Mais, mon garçon, tu es plus vieux que moi. » On as-
sume que c'est quelques jours avant de partir à Argentan
qu'il s'est montré grossier envers sa mère. De là une dis-
pute avec son père qui lui a donné un soufflet dont il a es-
sayé de se venger. Il n'y avait jamais eu de scène sembla-
ble, et jamais il ne s'était révolté contre son père. On as-
sure que jamais il n'avait parlé d'incorporation avant son
entrée à Sainte-Anne, ci Etant à Argentan, dit sa mère, il
nous blâmait un jour, et dit à ses parents, « que son père
était un juif, et que moi j'étais une grosse vache. » - Sa
mère le visita plusieurs fois à Sainte-Anne. Le premier
jour il la reçut bien, mais une autre fois on a refusé de le lui
laisser voir parce qu'il était- très surexcité. L'interne de
M. Magnan aurait dit qu'on ne pouvait le garder à Sainte-
Anne parce qu'on n'avait pas là ce qu'il fallait pour le
244 état DU malade EN JUIN 1884..
maintenir et qu'on allait l'envoyer à Bicêtre. Le même in-
terne disait que le malade avait cassé des carreaux, battu
un enfant, et qu'il déchirait tout.
Notre malade aimait assez sa mère jusqu'à 12 ans ; il n'a
jamais aimé son père, qui le corrigeait quelquefois. Sa
mère assure ne l'avoir jamais frappé, tandis que son père
était exigeant pour ses leçons et très ambitieux pour lui,
disant qu'il ne voulait pas que son fils fût un ouvrier comme
lui. En septembre 1883, son second patron l'avait accusé
d'avoir fait une surlivraison dans sa première maison au
profit de la personne qui lui avait procuré la place. Il s'é-
tait vivement préoccupé de cette suspicion et sa mère se
demande si elle n'aurait pas été cause de la maladie ac-
tuelle.
Etat actuel. - Poids, 49 k. 200; taille, 1 °' 55. Crâne
régulier, très rond.
idées d'incorporation ; succube. 245
rieure du dos. Trois cicatrices de vaccine dont une très
grande à la partie postérieure de la région deltoidienne
droite. Cicatrice transversale sur le nez, consécutive à un
coup de pierre. - Légère adénite inguinale, surtout à
droite. Cheveux et sourcils bruns. Quelques poils bruns
sur les jambes.
La sensibilité générale est la même des deux côtés.-La
vue, l'ouïe, l'oclorat et le goût sont normaux.
Appareils respiratoire, circulatoire et cligestif, rien à
noter.
Voici maintenant les notes qui ont été recueillies sur
le malade pendant son séjour à l'hospice. On verra les
détails qu'il donne sur les rapports sexuels qu'il pré-
tendait avoir la nuit avec sa mère.
11 juin. Le malade donne quelques renseignements sur
sa maladie. Il dit avoir adressé une dénonciation au Pro-
cureur de la République, et qu'il en prépare une nouvelle
dont voici la copie :
A Monsieur le Procureur de la République,
J'ai l'honneur de vous confirmer la plainte que j'ai portée
contre mes parents, Antoine Gaug.... mon père et Célina B.Iz...
son épouse, ma mère, demeurant tous deux rue.... n° 26, chez
le commissaire de police de la rue Vicq-d'Azir, qui a dû vous
la faire transmettre par la préfecture de police de Paris.
Je suis toujours resté chez mes parents et n'ai jamais eu
aucune difficulté avec eux. J'ai toujours été dans les meilleurs
rapports avec toute ma famille. Je suis allé en classe jusqu'à
13 ans 1/2; il n'y a jamais eu de plaintes à former contre
moi. Voici le récit de la plainte que je viens vous confirmer et
je vous fais connaître en même temps mon transfert à Sainte-
Anne, rue Cabanis, et ensuite à l'hôpital de Santé de Bicêtre
où je ne suis que momentanément.
J'ai à me plaindre d'actions indécentes réellement revécu-
tées par ma mère de complicité avec mon père, la nuit pen-
dant mon sommeil, depuis âge de 14 ans 1/2. Mais jusqu'ici
je n'avais eu que des doutes et ces doutes m'étaient signalés
par des gestes reproduisant ceux de l'incorporation. Je n'ai
jamais pu m'en rendre compte absolument et maintes fois j'ai
voulu en faire la déclaration à mes parents. Je fis des remar-
ques de changement de couleur dans leur physionomie. Je
crus que je faisais erreur.
246 IDÉES IIYPO('HONDIITAQUES ; SUCCUBE,
Ce n'est que le 15 février dernier que j'en eus la preuve,
presque sans chercher à m'en rendre compte cette nuit là, et
voici comment. Je sentis une main me touchant la nuit pen-
dant mon sommeil, et une odeur m'éveillant, celle de la mor-
phine, et ensuite j'aperçus deux yeux briller dans l'ombre et
me contraignant à me rendormir. Je sentis quelque chose s'ap-
puyei' sur moi, je cherchai il me lever, j'étais attaché dans
mon lit, ma mère venait d'exercer sur moi l'incorporation.
Elle était étendue sur mon lit, les jambes sur mon ventre.
Une nouvelle odeur me suffoqua, celle de la morphine, et me
contraignit de nouveau it me rendormir. Le lendemain à mon
réveil, une nouvelle odeur encore détourna mes idées et je ne
pus encore m'en apercevoir volontairement.
J'étais alors employé chez M. M.... depuis neuf mois par
l'ordre de mes parents. Le 20 février je quittai ma place. J'en
ignore le motif, et cependant il leurdélivra un certificat attes-
tant ma bonne conduite. Ensuite, pour prétexte d'avoir une
maladie de nerfs, mes parents me conduisent à la consultation
du docteur Magnan, à l'asile Sainte-Anne, 1, rue Cabanis, lequel
docteur fit une ordonnance pour un traitement de quinze jours.
J'eus des doutes même en traitement des mêmes indécences
exercées par ma mère pendant mon sommeil. Nous retour-
nâmes à la consultation dudit docteur, une fois les quinze
jours écoulés. Il ordonna alors d'aller à la campagne et de
suivre le même traitement. Je fus en Normandie chez mon
oncle.
Ensuite je partis accompagné par mes parents à Paris,
et je leur déclarai que mon intention formelle était de porter
plainte contre eux. Je voulais aller porter plainte au commis-
saire de police. Le soir do notre arrivée mes parents me retin-
rent en me disant que j'allais recommencer à travailler, à me
chercher un nouveau patron. Je suis parti me promener, je
rentrai losoir. Je passai la nuit chez eux etla journée du lende-
main. Le soir j'allai trouver mon cousin D..., faubourg Saint-
Denis, pour lui demander un logement ; pour plus de sûreté
mon cousin voulut m'accompagner chez mes parents pour
leur en demander l'autorisation. Ils acceptèrent à la condition
de venir mo chercher le lendemain pour me conduire à la con-
sultation à Sainte-Anne, mon père vint en effet me chercher, et
il voulut me conduire chez nous.
En revenant du chemin do fer le 11 mai, nous avons passé
par l'infirmerie du dépôt et ensuite chez le commissaire do
police. Après avoir déjeuné le lendemain, je fis ma déclaration
au commissaire de police devant mon père ; je fus conduit au
dépôt et de là à Sainte-Anne. J'avais signalé au procureur de la
République, d'Argentan (Orne), la plainte que je voulais for-
hallucinations DE l'odorat. 247
mer contre mes parents, en lui ordonnant de vous en informer,
mais d'attendre mon retour à Paris. En le priant de vous infor-
mer que je vous demanderais une audience et qu'avant vous
feriez prendre à mon arrivée à Paris, le 9 mai dernier, des ren-
seignements aussitôt ma plainte portée au commissaire de
police et à l'infirmerie du dépôt. J'affirme que depuis l'âge de
z14 ans et demi, j'ai été soumis à ces actes indécents qui
n'avaient pour but que d'avancer la fin de mes jours, étant
poitrinaire, et que ma mère se livrait à ces actions que pour
affaiblir son système nerveux, étant atteinte d'une maladie de
nerfs qui pourrait avoir pour conséquence l'idiotisme. Je
l'ignorai complètement jusqu'au 15 février. Du reste le certifia
cat du docteur, ci-joint, vous mettra les preuves en mains. Je
viens donc vous demander une audience, de comparaître afin
de me faire rendre justice. Je crois utile de vous donner de
nouveau les noms des patrons chez lesquels j'ai été employé et
chez lesquels j'ai déclaré mes doutes plusieurs fois.
J'ai été employé chez M. P...., 5 bis, rue M...., où je suis
resté pendant dix-huit mois, et ensuite successivement chez
M. S...., 56 bis, rue L...., ou je fus employé pendant 18 mois et
chez M. M...,, 16, rue V...., où je fus employé neuf mois. Les
deux derniers m'ont délivré un certificat, certifiant ma bonne
conduite chez eux.
J'ose espérer, Monsieur, que vous daignerez agréer ma
demande, et que vous réserverez bon accueil à ma plainte à
laquelle je désirerais donner des suites immédiates. Car je me
trouve dans la nécessité de me faire rendre justice, devant
mourir dans quelques mois.
Veuillez agréer, Monsieur le Procureur de la République,
l'assurance de ma haute considération.
Achille GAUG....
à l'hôpital.
25 juin. Gaug... dort bien la nuit. Il n'a pas de voix, on
ne l'électrise pas ici comme à Sainte-Anne. Il reconnaissait
qu'on l'électrisait à Sainte-Anne, à ce que les gens qui
l'électrisaient changeaient de couleur. Il assure ne pas
avoir rêvé depuis son arrivée ici. Dans la journée, prétend-il,
il s'est entendu appelerparson nom sans voir les personnes
ni reconnaître la voix. Il n'a pas subi encore ici l'incorpo-
ralion. A Sainte-Anne, il ne l'a pas subie non plus. Chez
lui, avant l'incorporation, il sentait tout en dormant des
odeurs fines qu'il ne peut ni définir ni comparer. - Il n'a
248 idées d'incorporation.
pas, depuis son entrée à Bicêtre, d'hallucinations de la vue,
de l'odorat, ni du goût.
Il prétend no pas se masturber, mais on trouve cependant
sur sa chemise une large tache de sperme. Il raconte aux
autres enfants que chez lui, la nuit (jusqu'à cinq fois par
nuit), sa mère se mettait sur lui. Ça allait par gradations,
I, 3, 5. Parfois il y avait des intervalles de huit ou quinze
jours. Il n'éprouvait aucun plaisir, et sa mère s'incorporait
à lui pour calmer ses nerfs à clle. Son père était probable-
ment d'accord avec sa mère. De temps en temps il paraît
triste, se tient à l'écart des autres enfants, ne les recherche
pas, au contraire, et s'ennuie beaucoup. Les autres enfants
ne vont avec lui que pour se faire raconter l'incorporation.
Le 26 juin il écrit la lettre suivante :
A Monsieur le Procureur de la République.
Monsieur,
Vers le 15 mars dernier, j'étais à Argentan, chez mon oncle,
M. L..., envoyé par mes parents pour soigner une maladie
de nerfs. Les médecins de la préfecture de cette ville m'infor-
mèrent d'un fait que j'avais ignoré jusqu'ici et que je sus alors
que ma mère, de complicité avec mon père, exerçait l'incor-
poration sur moi la nuit pendant mon sommeil, depuis l'âge
de 14 ans 1/2. Je vous portai plainte par l'intermédiaire du
commissaire de police.
Vers le 8 mai, ma mère vint me chercher pour me ramener
à Paris. Je lui déclare alors co que je venais de faire justifier,
puis elle m'offrit de coucher sur les planches. Elle coucha
dans mon lit chez mon oncle. De peur d'être soumis aux
mêmes attentats, je ne voulus pas rester chez lui, et je dus
me résigner faute d'argent à passer la nuit dans la rue. Le
lendemain jo rentrai déjeuner. Toute la famille était rassem-
blée et, en mangeant, l'odeur de la morphine nous mit tous
en excitation. Ma grand'mère, sur l'ordre de ma mère, voulut
me faire faire des gestes, dans le but de m'exciter et d'occa-
sionner des troubles dans la famille. Tout le monde se mit à
se bousculer (cette dernière phrase fut prononcée par ma
grand'mère). Mon parrain et mon oncle en dernier lieu répé-
tèrent cette seconde phrase entre la parenthèse. Cette dernière
proposition leur fut soufflée d'abord par ma mère (ce sont ses
propres paroles). Elle s'électrisa d'abord seule, et répéta
dans l'oreille de chacun do nous ses locutions et fit tous les
signes, nous forçant tous do mouvements. J'affirme, comme
. idées DE persécution. ' 249
ma mère le dit elle même et tout haut, qu'elle ne faisait cela
que dans le but de prétendre devant mon père qui devait
arriver le lendemain, que j'étais un jeune homme dangereux.
Et quand j'eus dit : « allez chercher les gendarmes, elle ne
« voulut pas aller les chercher, et moi qui étais tout électrisé,
« je me mis à dire : « Si, on ira les chercher. » Mon oncle me
dit : « Tu as tort de faire peur à ta mère, » locution qui venait
de lui être soufflée dans l'oreille par ma mère. J'affirme que ces
troubles se sont produits par la morphine, et je crois utile de
vous signaler, ce que je fis remarquer à mon oncle L... , à
mon parrain Isidore B...., à ma grand'mère Ch. B...., et à ma
mère elle même. C'étaient des changements de couleur. Ils de-
venaient noirs, rouges et blancs. Ma mère déclara elle-même au
commissaire que c'était elle la directrice de tous ces troubles
involontaires. Je dis involontaires, et pour vous le prouver d'une
façon incontestable, je prends la liberté de vous dire que la
morphine est une odeur qui vous contraint à agir selon le
commandement et la volonté d'un seul esprit comme je vais
vous l'exposer plus loin.
Etant à table l'on me dit : « Si, fais le. » Ma grand'mère me
reprit alors par le bras (ordre de ma mère). Morphine, en me
disant : « montre-le comme ça à ta mère.» Je ne voulus le faire
et alors je devins rouge ; ma mère me dit de le faire, et mon
oncle se levant de table (morphine) me prit par le bras et me
mit le couteau à la main, en faisant des signes et des gestes.
Alors, je répliquai : « Nous sommes électrisés, quoique cela, je
no veux faire aucun geste menaçant. Seulement la morphine
me force à le faire. Je le fais dans le but unique (soufflé), de ne
pas me faire de mal, car je prétends que la morphine est la
seule, cause, et je déclare en outre que mes idées ne correspon-
dent nullement avec celles qu'on me donne en ce moment. »
On m'approuva tout d'abord.
Je ne fis pas, puis on me fit des signes en me disant. « fais le
exprès.» Alors, je le fis par la raison ci-dessus. La famille s'ef-
fraya, d'elle-même, se mit à dire à ma mère : « Tu n'es qu'une
méchante. Tu ne peux pas dire que c'est lui qui s'excite, c'est
la morphine » (cette dernière phrase était répétée intérieure-
ment par moi). J'approuvai. Je voulus encore qu'on allàt cher-
cher les gendarmes. Ma mère ne voulut point, la famille s'y
opposa, et leur fit la même déclaration. Nous étions toujours
électrisés, et l'on me souilla dans l'oreille : « dis que tu veux
être enfermé dans la tour s. Je ne voulus point avant l'arrivée
du commissaire.
Toute cette pantomime fut commandée par ma mère, aidée
par la morphine. Les gendarmes étaient aussi électrisés et
m'enfermèrent sur l'ordre de ma mère dans la tour. Au bout
250 IDÉES DE persécution.
d'une demi-heure, le commissaire vint. Je voulus être conduit
l'hôpital d'Argentan à mes frais. Après que je lui eus exposé
le fait, je vous priai d'ouvrir une enquête sur ce qui venait de
se passer. Je restai huit jours dans cet hôpital où je n'ai fait
aucun bruit. M. P...., médecin, délivra un certificat comme
par lequel j'étais atteint de monomanie.
Je déclare que ce certificat a été délivré à tort. Mes parents
vinrent tous deux à l'hôpital avec mon oncle, ma grand'mère
et ma marraine simultanément. J'ajoute qu'en sortant de cet
hôpital le 13 mai, mes parents se sont servis de la morphine
pour me conduire au chemin de foret que j'ai été détourné de
mon intention, qui était d'aller trouver le commissaire de
police. Car en venant à la gare, j'ai remarqué des changements
de couleur sur mon oncle, ma marraine et mes parents eux-
mêmes, et de temps; je crus qu'il neigeait (soufflé), puis qu'il
pleuvait (soufflé). Il faisait très beau. Les soeurs et les mili-
taires furent aussi électrisés et j'en conclus que je suis venu à
Paris par la morphine. Mes parents voulaient recommencer les
mêmes manoeuvres. Permettez-moi d'ajouter une phrase com-
plètement en dehors de mon discours, mais à laquelle j'attache
cependant une grande importance. Je vous le déclare franche-
ment, la morphine est un abus, et la justice en pareil cas ne
dispose pas des moyens de rendre la justice bonne, juste et
humanitaire et prend le côté de la liberté. Pour que la justiee
soit rendue humanitaire par la loi, il faut qu'elle entrave la
liberté dans une faible proportion. Donc, il n'y a pas d'huma-
nité, il n'y a pas de justice.
Ayant porté plainte contre mes parents à Paris et étant sur
le point d'aller en audience, je viens vous prier de me faire
connaître lo résultat de cette enquête afin que je puisse prou-
ver que ces faits sont involontaires et que la monomanio n'entre
pour rien dans cette affaire. Vous remerciant d'avance, veuillez
agréer, Monsieur le Procureur, l'assurance de ma haute consi-
dération.
Achille Gang
à l'hôpital de Bicêtre,
Bicêtre (Seine).
Le même jour, 26 juin, il adresse la lettre suivante :
A Monsieur le Préfet de Police.
Monsieur,
J'ai porté plainte il y a un mois contre mes parents, les
nommés Antoine G...., fermier, et Célina B...., son épouse, ma
mère demeurant rue 5... ? n° 26, en arrivant à Paris (je fus
hallucinations MULTIPLES. 251
envoyé à Sainte-Anne et ensuite à Bicêtre), j'avais à me plaindre
d'attentats à la pudeur commis par ma mère, de complicité
avec mon père, depuis l'âge de 14 ans l/2 ? Là je réclamai à mes
parents de me restituer tout ce qui m'appartenait chez eux.
Ils ne voulurent point et me déclarèrent qu'ils me le remet-
traient lorsque je leur réclamerais. J'ai déjà une montre en
argent avec chaîne et médaillon en argent et un couteau mon-
ture cuivre qui ont été expédiés par les soins du commissaire
de la ville d'Argentan (Orne) au mont de piété à Paris. Je
voudrais faire enlever tout ce qui est à moi chez mes parents,
consistant en livres, effets d'habillement et linge.
Je viens donc vous prier de faire prendre les mesures néces-
saires pour faire déposer en lieu sûr tous mes biens en at-
tendant une audience prochaine. Je désirerais si cela était pos-
sible assister à la reconnaissance pour éviter toute erreur ou
toute confusion.
Espérant que vous réserverez bon accueil à ma demande,
veuillez agréer, Monsieur le Préfet, toute l'assurance de ma
parfaite considération.
Achille G....,
à l'hôpital de Bicêtre,
Bicêtre (Seine).
On voit par la première de ces lettres que notre malade
était sujet à toutes sortes d'hallucinations, de la sensibilité
générale, de l'odorat, de l'ouïe, de la vue, et dans ce dernier
cas probablement, en outre, à de fausses interprétations.
Les deux lettres prouvent aussi en quelle aversion il avait
pris ses parents et surtout sa mère, qu'il accusait d'être son
incube.
24 juillet. Quoique le malade prétende qu'il ne se touche
pas, on trouve sur sa chemise de nombreuses taches de
sperme. Les fonctions digestives sont bonnes, sauf un peu
de constipation. Le sommeil est mauvais. Du moins, pré-
tend-il qu'il ne dort pas, mais il n'aurait pas de visions. Il
ne paraît pas avoir d'hallucinations de la vue ni de l'ouïe.
Il ne sent plus l'odeur de la morphine dont sa mère se
servait pour l'incorporation. Pas d'hallucinations du goût.
Pas d'idées de persécution.
2G juillet. Dans une lettre à ses parents datée de la
veille, il écrit : a Il paraît que j'ai de l'argent ici, mais je
demande à l'avoir. On veut me le voler, à ce que l'on me
252 hallucinations de l'ouïe.
répond. » Hier à la classe il a réclamé « ses 1.500 fr. »,
disant : « M. le Docteur me les a apportés. » Quand on lui
demande qui est-ce qui a voulu voler son argent, il répond :
« On dit ça dans la cour », et quand on lui demande quels
sont les enfants qui le lui disent, il répond u qu'il ne les
voit pas, qu'il les entend dans la cour. » On lui a fait
mettre le manchon pendant la nuit. Il menace de ne plus
travailler si l'on continue, et persiste à nier qu'il se mas-
turbe. Hier, en réclamant à la classe son argent, il s'est
excité peu à peu et on a dû le faire monter à l'infirmerie. Il
se livra à des gestes obscènes et proféra des injures contre
l'instituteur. Ce matin il eut un accès d'excitation contre
le sous-surveillant.
Si on le pousse à travailler, il dit qu'il a mal à la tête.
Interrogé à ce sujet, il répond qu'il n'a pas mal iL la tête.
Voici les deux lettres qu'il adresse à ses parents les 25
et 26 juillet, envers lesquels il témoigne des sentiments
plus affectueux que précédemment.
Paris, 25 juillet usus4.
Chers parents, je vais toujours la même chose. Le médecin
m'a ordonné des douches. On ne va pas en promenade. Il
paraît que j'ai de l'argent ici, mais je demande à l'avoir. On
veut me le voler à ce qu'on répond. J'ai besoin de sortir en
permission, car je m'ennuie dans Bicêtre. Je voulais vous écrire
plutôt, mais les uns et les autres vous en empêchent, et avec
toutes les difficultés qui se présentent je n'ai pu le faire. Si
vous voulez que je demande uno permission écrivez-moi par
retourdu courrier ctje vous dirai pour quand je l'aurai obtenue.
Alors vous m'apporterez mes effets le matin et je sortirai. Ou
demandez-la dimanche. Je voudrais bien aussi un carnet et un
crayon et un livre pour lire et écrire. Je vous souhaite une
bonne santé et vous embrasse de ont coeur.
Votre fils,
Achille G....
Bicêtre, le 26 juillet 1884.
Chers parents, le médecin ne voyant rien à faire qu'à me faire
prendre des douches, je crois qu'il est inutile que je reste ici.
Il parait que j'ai de l'argent ici. Alors je préfère aller à la cam-
pagne, plutôt que de rester ici, mal nourri, mal vêtu et embêté
FOLIE DE L'ADOLESCENCE. 253
par tous ces gens là. Quand vous viendrez faites-moi sortir,
je n'ai pas besoin de rester ici. Je n'y ai rien à faire.
Veuillez agréer, mes sentiments dévoués,
Achille G....
Je vous attends dimanche. Je voudrais bien vous parler.
Le même jour il adresse la lettre impérative suivante au
commissaire de police :
Monsieur le Commissaire de Police,
Je vous prescris de me faire savoir dans le plus bref délai, si
vous avez en dépôt une somme d'argent au nom de Gaug ?
Achille, âgé de 23 ans, né le 12 mai 1861, à Saint-Layer, que je
vous avais donnée le 15 mai dernier, ou qui vous aurait été
transmise par M. le commissaire d'Argentan (Orne). C'est moi
qui avais porté une plainte dernièrement. Je suis maintenant
résidant à Bicêtre, à l'hôpital.
Veuillez agréer, mes remerciements et recevoir l'assurance
de ma considération.
Achille Gau....
Je vous prierai, de la faire remettre à Bicêtre, la plus tôt
possible à moi-même. Les frais seront à ma charge en mandat-
poste.
A. G.
1" août. Môme état. On lui a mis le manchon tous les
soirs. Sa chemise n'est pius tachée, non plus que ses draps.
Il dort fortbien, contrairement à ce qu'il prétend. Il réclame
toujours son argent. Les 1,500 fr. se réduisent ce matin à
200 fr. -Il prétend que c'est de l'argent envoyé il son on-
cle d'Argentan pour lui, et il prend un air narquois quand
on l'interroge sur ce point. Il n'a pas commis de violences
ni eu d'accès de colère. Sa tenue est assez bonne. Il tra-
vaille assez bien il l'école et à l'atelier de tailleur.
16 aotU. Le dimanche 3 août ses parents sont venus le
voir. Il les a appelés ânes, et s'est plaint de la maison, de
la nourriture, du médecin. Le 10 août ses parents sont re-
venus. Il leur a reproché de ne pas le faire sortir alors que
lui leur avait fait gagner plus de : 3,0011 fr. Le 16 août sa mère
étant venue le voir, il arrive, se laisse embrasser par elle
mais l'embrasse à peine, et paraît peu touché de sa venue.
Il n'a plus écrit de lettres depuis le 26 juillet. Il est assez
obéissant à l'école et à l'atelier. Interrogé sur ses habitudes
254 périodes d'excitation.
d'onanisme, il nie énergiqucment. - Mais sa chemise
qu'il a depuis le 10, est maculée de nombreuses taches de
sperme. - Il dit qu'on lui a retiré le manchon depuis qua-
tre ou cinq jours, quoique aucun ordre n'ait été donné à
cet égard.
15 septembre. Le 13 septembre G... escalade une fenêtre
du gymnase à 2 heures de l'après midi et se dirige sur Pa-
ris, avec neuf sous en poche. Il arrive au Palais-Royal et
achète pour cinq sous de jambon et quatre sous de pain. Il
marche toute la nuit sans parler à personne, dit-il. Le
lendemain il reprend le chemin de Bicêtre et rentre parla
grande porte. Il dit s'être évadé parce qu'il avait besoin
d'air, ayant été privé de promenade le matin.
6 novembre. Depuis 10 jours, il refuse d'aller travailler
à l'atelier de tailleur. Quand son père lui parle de ses
anciennes idées, il détourne la conversation d'un air ironi-
que. Quant à l'onanisme, malgré ses dénégations, on trouve
encore de nombreuses taches sur sa chemise. On continue,
mais en vain, à lui mettre le manchon.
1885.t5 janvier. Examiné au point de vue de la puberté',
on constate : des moustaches naissantes et quelques poils
rares au menton et à la partie supérieure des joues. -
Poils noirs, frisés, très abondants au pénil. Verge longue,
grosse, assez fortement inclinée à gauche. Prépuce un peu
allongé, gland découvrahle, méat sensiblement porté en
arrière. Bourses pendantes, plus à gauche qu'à droite. Tes-
ticules égaux, de la grosseur d'une noix moyenne. Ona-
nisme reconnaissable à des taches de sperme sur la che-
mise. Le malade nie cependant qu'il se masturbe. Il ne sait
qui a fait ces taches, ne sait pas d'où ça vient. Il ne subit
plus l'incorporation cependant, et consent maintenant plus
facilement à voir son père et sa mère ot les reçoit bien. Il
embrasse sa mère, ce qu'il ne voulait pas faire auparavant.
Son sommeil est hon, et G... assure que personne ne vient
le tourmenter la nuit. Il travaille bien à l'école, mais de
temps en temps demande à cesser son travail parce que ça
le fatigue et qu'il a besoin de changer d'exercices intellec-
tuels. - Il dit maintenant qu'il n'a pas d'argent, et prétend
ne pas se rappeler qu'il en a réclamé. Si on le contrarie il
devient rapidement violent. - Il a toujours l'air pensif et
périodes d'excitation. 255
préoccupé, la tête penchée sur la poitrine. Il n'est pas com-
municatif, ne joue pas avec les autres, et le soir demande
de monter à l'infirmerie sous prétexte que le gaz lui fait
mal, mais c'est plutôt, pense-t-on, pour éviter de rester en
compagnie de ses camarades.- Comme traitement il con-
tinue les douches.
26 mars. Hier, au moment du dîner, un infirmier ayant
voulu lui faire une observation alors qu'il était très bruyant
et se disputait avec son voisin, reçut de lui un coup de
poing sur l'oeil gauche, assez violent pour produire une
large ecchymose sur la paupière inférieure.
31 octobre. Depuis une quinzaine de jours, après avoir
présenté de l'amélioration, il est redevenu excité. Il jette
des cailloux aux petits enfants, jamais aux grands ; marche
à grands pas dans la cour, s'arrête parfois tout d'un coup
en riant aux éclats, et il chante à tue-tête d'une voix per-
çante. Pas d'injures, pas de violences. Cependant il conti-
nue à travailler à l'école et à l'atelier.
Dimanche dernier 25, sa mère est venue le voir. Elle lui
avait promis de lui apporter une casquette. Comme elle ne
la lui apportait pas, il s'est mis en colère, est devenu d'une
pâleur extrême, disant : « Je veux ma casquette tout de
suite, » et levait le bras comme pour atteindre sa mère.
L'infirmier s'étant approché, il lui dit : « Je suis quelque
chose ici, je suis maître, je veux qu'on exécute mes ordres :
on ne m'empêchera pas de faire ce que je veux ; vous seriez
200 que je vous tuerais tous. » Sa mère partit, et il retourna
seul au gymnase. Au bout d'une demi-heure, il le quitta
brusquement et courut au bureau du surveillant pour avoir
sa casquette. L'infirmier ayant voulu l'arrêter, il lui donna
un coup dans le ventre. Une fois qu'il eut fait sa commis-
sion au surveillant, il lui dit : « Vous, vous aurez votre
affaire, je vous tirerai un coup de revolver. » Il est ensuite
remonté à l'infirmerie et s'est calmé. Depuis ce temps, il a
été calme et a bien travaillé à l'école et à l'atelier. Mais il
dit ne plus vouloir être tailleur, mais serrurier, et qu'il ne
veut plus rester ici et retourner à Sainte-Anne.
3 novembre . Il refuse d'aller travailler à l'atelier de
couture parce que ça lui fait mal aux doigts. Quoiqu'il ne
soit pas excité, il dit parfois que « si on l'embête il mettra
le feu. » D'autre part, le surveillant affirme qu'il aide très
256 mélancolie.
bien à faire toutes les corvées c avec une activité dévo-
rante. » On pense qu'il n'y a plus d'onanisme, et G... affirme
ne plus voir sa mère la nuit.
Les notes de l'école de cette époque constatent qu'il fait
bien seulement ce qui lui convient, mais qu'il n'aime pas
suivre la règle commune et que dans tous ses acles se ré-
vèle l'orgueil de son caractère. A la moindre contrariété,
il s'emporte violemment. - A l'atelier do couture, depuis
à peu près deux mois, il ne fait plus grand chose ; il gâche
aujourd'hui le travail qu'il faisait très bien il y a quelque
temps. Il n'y a plus moyen do rien lui montrer, il quitte
sans cesse l'atelier. Le chef lui ayant fait une fois une re-
montrance, il a été insolent envers lui et l'a même menacé.
Celui-ci déclare qu'il ne peut plus rien faire de lui.
En récréation, il ne joue pas avec les autres : il aime à
se promener seul en chantant à pleine voix, en sifflant ou
en riant. Parfois, il interrompt tout à coup sa promenade,
regarde dans le lointain et se met à courir. Il est extrême-
ment soigneux et même minutieux de sa personne.
12 novembre. Sa mère est venue le voir dimanche der-
nier. Il ne lui a plus parlé d'incorporation.
28 novembre. Hier il s'est évadé en profitant d'une porte
ouverte le long du chemin de ronde où travaillaient des
maçons, en se servant de l'échafaudage. Un gamin du pays
l'ayant vu sauter, l'a suivi jusqu'à Montrouge et l'a signalé
au premier sergent de ville qu'il a rencontré. Réintégré à
Bicêtre, il n'est pas retourné à l'atelier et s'occupe à faire
toutes les corvées dans le service. - On constate de nou-
veau des taches de sperme nombreuses sur sa chemise,
quoiqu'il prétende ne pas se toucher.- Il passe aux adultes,
en raison de son âge et de son développement physique.
1886. 29 mars. Il a encore essayé de s'évader il y a deux
jours, mais on l'a rattrape à une petite distance de l'hos-
pice. Il s'est laissé ramener sans difficulté, disant qu'il
voulait aller voir sa mère, qu'il s'ennuyait à Bicêtre. Il se
promène seul, mélancoliquement. Dansd'autt'es moments,
il présente une légère excitation, parle seul, gesticule,
s'agenouille, embrasse la terre et prie. Il cause sans suite
avec les infirmiers.- Quand on lui demande s'il y a encore
des incorporations, il rit et dit que non. - .Il travaille de
RÉFLEXIONS. 257
nouveau a l'atelier de couture où il se montre assez assidu
ainsi qu'à l'école. Il parait qu'il y a trois mois il aurait fait
des propositions de pédérastie passive à un autre malade.
Il affirme ne s'être jamais livré à cela dehors.
20 avril. On le surprend au moment où il escaladait la
grille pour se sauver.
2 juillet. Il ne cherche plus à se sauver, mais il aime
toujours à rester seul et ne joue pas avec les autres. - Son
sommeil est bon, dit-il. - Il n'aurait plus de visions ni
d'incorporations. Traitement : continuer l'hydrothérapie.
1887. 4 janvier. Il est allé huit jours en congé, pendant
lesquels il s'est bien comporté. Ses parents le trouvent
beaucoup mieux. Ils ont remarqué qu'il n'avait pas de
mémoire comme autrefois et qu'il riait encore beaucoup.
Il paraît moins sombre, moins sournois, et travaille bien.
- Il prétend ne plus se rappeler ses anciennes idées déli-
rantes et ne plus avoir d'hallucinations. - Il n'a pas non
plus d'idées de persécution.
21 avril. Le malade a été renvoyé comme guéri par
M. Féré, qui a pris possession du service des adultes le
ter février. Il paraît que ses parents refusaient de le re-
cevoir, et qu'il a fallu l'intervention du commissaire de
police.
I. - Nous n'avons à relever dans l'histoire de la
famille que la mort d'une soeur du malade, par le fait
d'une méningite accompagnée de convulsions.
II. - Jusqu'à 15 ans, le malade n'avait rien pré-
senté de particulier, sauf des colères de temps en temps,
un amour-propre exagéré, une irritabilité de caractère
et des tendances à la tristesse. A cette époque, il se
livra à l'onanisme. D'actif, il devint paresseux. Sa
tenue, soignée auparavant, devînt négligée. Peu après, il
fut pris d'accès de rires la nuit et le jour. Son sommeil
était agité. Ses mauvaises habitudes, ses accès de rire,
sa nonchalance au travail et même son refus de tra-
vailler, le firent renvoyer par son patron. A la suite
d'une accusation d'indélicatesse, qui ne paraît pas justi-
BOURNEVILLE, 1887. 17 i
258 mélancolie DES onanistes.
fiée, son caractère, déjà peu enjoué, s'assombrit davan-
tage (septembre 1883). Après une amélioration éphé-
mère, la situation s'aggrava. Il se livra à des excen-
tricités et fut pris d'idées de }JCJ'sécution; il proféra
des injures à l'adresse de ses parents, chercha à étran-
gler sa mère, la menaça de coups de couteau, l'accu-
cusa d'être «une exploiteuse de la nature. » C'est alors
que survinrent les idées d'incorporation qui le pous-
sèrent à se sauver de chez ses parents, afin d'échapper
à des rapports imaginaires avec sa mère. Nous devons
relever aussi les périodes d'excitation, dont la plus
violente semble s'être produite à l'Asile clinique. Du-
rant son séjour à Bicêtre, elles ont été assez légères. Ce
qui dominait chez lui, c'était la dépression mélancolique,
avec idée de persécution, hallucinations de la vue, de
l'ouïe, de l'odorat, et surtout les illusions génitales. Les
idées de persécution ont duré longtemps chez lui et ont
été même assez nettement systématisées durant
quelque temps.
III. -Chez Gaug...., les illusions génitales étaient
désagréables et se rattachaient à ses idées de persé-
cution ; c'est là un phénomène qu'on observe parfois
clans cette forme d'aliénation mentale. Mais, le plus sou-
vent, c'est à titre de complication - délire érotique-
plutôt que de véritable symptôme : les malades s'ima-
ginent que des amants spirituels (Jésus-Christ, le Saint-
Esprit, etc.) ou d'anciens amants ou des hommes qu'elles
ont vivement désirés sans jamais les posséder, viennent
la nuit habiter avec elles. Les idées d'incorporation,
chez Gaug..., sont comparables à celles qu'éprouvaient
les succubes d'autrefois. Notre malade a déclaré qu'il
lui était impossible de se lever pour échapper aux pré-
tendus rapports que sa mère avait avec lui. Semblable au
mari d'une sorcière dont parle Boguet (1), « il estoit en-
trappé par les jambes et ne pouvoit pas crier. »
(1) Discours exécrable des Sorciers, etc., 1606, ch. XVII.
MÉLANCOLIE DES ONANISTES. 259
Les malades atteints de délire religieux systématisé
ont souvent un délire érotique. Elles sont d'abord ani-
mées d'un amour mystique pour Jésus, pour le Saint-
Esprit, etc. ; bientôt ces idées s'accompagnent de sen-
sations physiques. Elles s'imaginent avoir des rapports
sexuels avec Jésus, être enceintes des oeuvres de leurs
amants- divins. Tout le monde sait que, quand ces ma-
lades ont une certaine instruction, leur langage et leurs
écrits expriment leurs idées délirantes dans les termes
les plus ardents et les plus voluptueux. Les mémoires
de sainte Thérèse, ceux qu'on attribue à Madeleine-
Marie Alacoque en fournissent entre autres une écla-
tante démonstration. On trouve ces mêmes désordres
intellectuels, ces mêmes sensations physiques chez les
hystériques, avec lesquelles les mystiques ont une res-
semblance si prononcée, quand ce n'est pas une iden-
tité complète. Elles diffèrent de ce que nous avons ob-
servé chez notre malade en ce sens que le délire produit
en général des sensations agréables. Cependant, chez
certaines hystériques, il en est de même que chez
Gaug... : telles sont celles qui s'imaginent être possé-
dées de nouveau par les individus qui ont tenté de les
avoir parla violence (1). Il en est aujourd'hui ainsi chez
l'une des hystériques les plus célèbres cle la Salpêtrière,
Geneviève X ? dont nous avons publié autrefois la très
intéressante histoire dans l'Iconographie (tome I, 1876,
p. 49, tome II, 1878, p. 202). C'est en 1875 qu'elle a
commencé à avoir des rapports imaginaires avec M. X ?
Pendant plusieurs années, elle était heureuse de ces
visites nocturnes. Il n'en est plus de même depuis deux
ou trois ans, et souvent elle no cède à son incube qu'à
la suite de menaces onde violences. Nous profitons de
l'occasion pour dire que cette hystérique, âgée main-
tenant de 46 ans, et que nous n'avons cessé de suivre
depuis sa sortie de la Salpêtrière, est toujours réglée et
(1) Voir Iconog. phot. de la Sa/pe/rtét-e, t.I,p. 125; t.II, p. 99.
260 MÉLANCOLIE DES ONANISTES.
que ses attaques ont une tendance à devenir plus rares.
IV. - Pour en revenir à Gaug..., nous dirons que
s'il fallait caractériser sa situation par un mot, il faudrait
le considérer comme ayant été atteint.de mélancolie et,
pour préciser encore davantage, de la mélancolie des
onanistes, décrite par les auteurs allemands. Notre
malade n'est ni un dégénéré héréditaire, ni un dégé-
néré simple, et c'est encore un motif qui nous fait rat-
tacher son aliénation mentale aux psycho-névroses pro-
prement dites, à la mélancolie, plutôt qu'à un délire
systématisé de persécution. Si nous ajoutons enfin que
l'amélioration s'est accusée de plus en plus à mesure
que, sous l'influence des douches, et grâce à une sur-
veillance attentive, les pratiques onanistes diminuaient,
on estimera que notre diagnostic est justifié.
THÈSE DE 1887.
SOLLIER (Alice). - De l'étal de la dentition chez les enfant-
idiots el arriérés. Thèse de Paris.
TABLE DES. MATIERES
PREMIERE PARTIE
Histoire du service pendant l'année 1887.
262 TABLE DES MATIÈRES.
TABLE DES'MATIÈRES. 263