RECHERCHES
SUR
L'ÉPILEPSIE, L'HYSTÉRIE
ET
L'IDIOTIE
PUBLICATIONS DU PROGRÈS MÉDICAL
RECHERCHES
CLINIQUES ET THÉRAPEUTIQUES
SUR
L'ÉPILEPSIE, L'HYSTÉRIE
ET
L'IDIOTIE
COMPTE RENDU DU SERVICE DES ÉPILEPTIQUES
ET DES ENFANTS IDIOTS ET ARRIÉRÉS DE BICÊTRE
PENDANT L'ANNÉE 1886
PAR
BOURNEVILLE
MÉDECIN DE BinÈTRE
ISCH-WALL, BAUl41(xAI3,TEN, PILLIET, COURBARIEN
INTERNES DU SERVICE
ET
Le Dr BRICON
CONSERVATEUR DU MUSÉE
Volume VII avec 3 pions, 25 figures et 5 planche
PARIS
AUX BUREAUX DU
PROGRÈS MÉDICAL
14, rue des Carmes, 14
A. DELAHAYE & E. LECROSNIER
ÉDITEURS
Place de l'Ecole de Médecine.
1887
PREMIERE PARTIE
Historique. Statistique.
La nouvelle section.
Séparation des adultes et des enfants.
BOURNEVILLE. 4856.
PREMIÈRE PARTIE
Histoire du service pendant l'année 1886. »
Le pavillon d'isolement pour les mala-
dies contagieuses de la nouvelle section.
I.
SITUATION DU SERVICE. - ENSEIGNEMENT PRIMAIRE.
Durant toute l'année 1886 et jusqu'au 1 er février 1887,
la troisième section de la division des aliénés, dont nous
avions la direction, comprenait comme les années pré-
cédentes : 1° les épileptiques adultes ;- 2° les enfants
atteints de maladies nerveuses. Les premiers se divi-
sent en épileptiques réputés aliénés, la charge du
.département, placés par l'intermédiaire du Bureau
d'admission de l'Asile clinique (Sainte-Anne) et en épi-
septiques dits non aliénés à la charge de la Ville de
Paris et internés par les soins de l'Assistance publique.
Les seconds, les enfants, comprennent trois catégo-
ries principales : 1° les enfants idiots, gâteux, épi-
leptiques ou non, mais invalides; 2° les enfants
idiots, gâteux ou non gâteux, épileptiques ou non,
mais valides; 3° les enfants propres, valides, im-
béciles, arriérés, épileptiques et hystériques ou non.
. Laissant de côté, pour le moment, tout ce qui a trait
IV V IDIOTS GATEUX INVALIDES.
aux épileptiques adultes et à leur séparation des enfants,
nous y reviendrons plus loin (p. lLIV), nous allons
exposer tous les faits relatifs au fonctionnement de la
partie du service consacrée aux enfants. Ils ont occupé
et occuperont encore : 1° deux dortoirs des anciens
bâtiments (40 lits et 18 lits); 2° deux des ateliers du
bâtiment des ateliers (23 lits); - 3° Dans la nouvelle
section : a) quatre pavillons dortoirs (160 lits); b) le bâ-
timent des gâteux (80 lits); c) l'infirmerie (24 lits).
I. Les enfants de la première catégorie se subdivi-
sent en deux groupes : le premier, composé d'enfants
gâteux invalides, dont la plupart sont susceptibles
d'amélioration; l'autre, d'enfants tout à fait incurables
ou d'enfants atteints d'épilepsie ou de méningo-encé-
phalite devenus gâteux sous l'influence des accès ou des
poussées congestives qui en sont la conséquence. Ces
derniers ne peuvent plus être que l'objet de soins hygié-
niques. Quant aux premiers, on leur apprend à se tenir
sur les jambes à l'aide des barres parallèles, à marcher
soit en lès tenant sous les bras ou à la main, soit au
charriot ; on essaie de les rendre propres en les pla-
çant, à des heures régulières, sur les sièges d'aisances
et de leur apprendre à se servir de leurs mains pour
manger, etc. Au 31 décembre 1886, il y avait dans ce
groupe 16 enfants ne marchant pas du tout et 4 enfants
commençant à marcher avec le secours d'un aide. Aus-
sitôt que ces enfants marchent seuls ils sont envoyés à
la petite école.
Les enfants idiots, gâteux invalides, en dehors des
instants trop courts durant lesquels ils sont exercés à
marcher, restent assis sur de petits fauteuils percés
d'un large trou au-dessous duquel nous avions fait au-
trefois disposer une plaque métallique sur laquelle
était placé un vase en faïence destiné à recevoir les dé-
jections. Dans le cours de l'année, nous avons rem-
placé 14 des anciens fauteuils par 14 fauteuils en fer,
IDIOTS GATEUX VALIDES. PETITE ÉCOLE. V
fermés sur les côtés et agencés, pour le reste, comme
les anciens.
IL Enfants idiots, gâteux ou non, épileptiques ou
non, valides.-Ces enfants fréquentent la petite école,
confiée exclusivement à des femmes. 164 y ont été
inscrits dans l'année. Sur ce nombre, 2 sont passés aux
adultes, 7 sont décédés, 4 sont sortis définitivement.
Aucun n'est passé à la grande école; 6 ont été transfé-
rés. Sur les 150 restant à la petite école le 31 décem-
bre : 48 mangent avec la cuillère; 61 avec la cuillère
et la fourchette; 41 se servent de la cuillère, de la four-
chette et du couteau.
8 enfants suivent les exercices de la grande gym-
nastique ; 142 les exercices de la gymnastique Pi-
chery ; trois enfants gâteux sont devenus tout à fait pro-
pres ; un certain nombre d'enfants sont améliorés sous
ce rapport, sans pouvoir encore être mis en pantalon.
Le matériel scolaire s'est enrichi de différents objets
destinés à l'éducation des sens et, en premier lieu, du
sens du toucher : 1° de planchettes en bois de 6 cen-
timètres de largeur sur 10 centimètres de hauteur et
d'une épaisseur variable : 5, 10, 15, 20, 25 et 30 milli-
mètres, destinées à être saisies entre le pouce et les
autres doigts; 2° de petits cylindres en bois de
6 centimètres de longueur et d'un diamètre variable :
5, 10, 15, 20, 25 et 30 millimètres, destinés à être pris
à pleine main; 3° De sphères en bois de diamètre
également décroissant : 5, 10, 15, 20, 25 et 30 milli-
mètres, destinées à être prises soit à pleine main, soit
avec l'extrémité des doigts. Ces différents objets per-
mettent en même temps d'enseigner aux enfants à faire
la différence entre le degré d'épaisseur et de volume de
ces objets ; un escabeau de 5 marches, ayant pour
but d'apprendre aux enfants à monter les escaliers et à
sauter, etc. Sept enfants de la petite école sont ap-
prentis tailleurs et un est apprenti cordonnier.
VI IMBÉCILES; ARRIÉRÉS; ÉPILEPTIQUES. GRANDE ÉCOLE.
Pour développer le sens de l'ouïe nous nous servons.
depuis plusieurs années de sonnettes de timbre diffé-
rent ; pour l'éducation de l'odorat de flacons contenant
des teintures odoriférantes diverses et, en été, des
fleurs; - pour l'éducation du goût, du sel, du sucre,
des poudres amères, etc.
Citons encore de grands cartons alphabétiques,
composés de lettres de 12 centimètres de hauteur, les
voyelles en rouge,les consonnes en noir, et des cartons
de gros chiffres, les chiffres pairs en rouge, les in-
pairs en noir.
III. Enfants propres et valides, imbéciles, arriérés,
instables, épileptiques et hystériques ou non. -
Grande école. La population de cette école était de
140 le 1er janvier 1886 et de 150 le 31 décembre. Nos
réclamations réitérées au sujet de l'amélioration de
l'enseignement ont enfin obtenu satisfaction. M. le Dr
Peyron, directeur de l'Assistance publique, nous a en-
voyé le 1e mars un instituteur adjoint, M. Boyer, ba-
chelier ès lettres, et auparavant maître répétiteur au
lycée Saint-Louis (1). De plus, le maître de gymnas-
tique, M. Goy, qui venait en quelque sorte comme l'em-
ployé du professeur de gymnastique dans les hôpitaux,
M. Laisné a été, sur notre demande, nommé professeur
de gymnastique à l'Ecole des enfants de Bicêtre et les
leçons, qui n'avaient lieu que tous les deux jours, se font
maintenant quotidiennement.
Le personnel de l'école est donc devenu moins in-
suffisant et, à la rigueur, pour le moment, la situation
serait passable, si nous avions des garçons de classe-
intelligents, actifs et ne changeant pas à chaque instant.
Malheureusement il est loin d'en être ainsi et leur rôle-
(1)Sur les conseils judicieux de M. le Directeur de l'Assistance
publique, M. Boyer a subi l'examen pour l'obtention du brevet
élémentaire et a été reçu.
PROMENADES ET DISTRACTIONS. VU
se borne à surveiller les enfants, à prendre soin d'eux
dans leurs accès, à les nettoyer, etc., mais ils ne con-
courent que d'une manière presque nulle à l'enseigne-
ment. Peut-être parviendrons-nous un jour à les fixer
et à en faire d'utiles auxiliaires, si l'Administration
consent à accroître leur traitement sur place.
Malgré ces conditions défectueuses, nous obtenons
des résultats encourageants, grâce au zèle et au dévoue-
ment de l'instituteur, M. Boutillier qui s'efforce d'entrer
de plus en plus dans nos vues en recourant beaucoup
plus à l'enseignement par les leçons de choses, sui-
vant nos indications sans cesse renouvelées, soit à l'école
même, soit dans les jardins de la section organisés en
vue de cet enseignement, soit dans les promenades bi-
hebdomadaires (1). Enfin, pour perfectionner cet en-
seignement, M. Gallois, l'architecte si dévoué de Bicêtre,
a procédé dans le gymnase aux installations nécessaires
pour les projections à la lumière oxydrique.
Le 7natériel s'est enrichi de tous les objets que nous
avons énumérés en parlant de la petite école. De plus,
l'enseignement de la géographie qui, depuis longtemps,
avait pour point de départ le plan de Bicêtre, la com-
mune de Gentilly, le canton de Villejuif et l'arron-
dissement de Sceaux, a été complété par le plan de
l'Ecole et le plan de la Section, éléments du plan de
Bicêtre.
Promenades et distractions, a) Adultes. - Grâce à
une importante innovation sur laquelle nous revien-
drons plus loin, les promenades des épileptiques
adultes ont été beaucoup plus nombreuses que les
années précédentes. En voici l'énumération qui, croyons-
nous, paraîtra très instructive aux yeux des personnes
compétentes : .
(1) M. Boutillier, déjà pourvu du brevet de capacité, a passé
avec succès l'examen pour le certificat d'aptitude pédagogique.
VIII PROMENADES ET DISTRACTIONS.
Auril : la promenades dans les cours et les jardins de l'hos-
pice ; une en dehors, avec 38 malades.
,liai : 10 promenades dans la maison ; 4 aux environs, ü, 2, 3,
4 kilomètres (avec 23, lui2, 67, et 37 malades).
Juin : 5 dans les cours; 6 aux environs, dont l'une au parc
de Montsouris.
Juillet : 3 dans la maison et 4 au dehors. - Août : 7 et 7.
Septembre : 9 dans l'hospice et 2 aux environs. Octobre : 4
et 3.
Novembre : 4 au dehors avec 50 à 62 malades chaque fois. -
Décembre : 2 promenades au dehors (50 et 40 malades).
Enfin, en janvier 1887, il a été fait trois promenades dans les
environs.
Nous devons ajouter que tous les adultes assistent une
fois par semaine au concert dirigé par M. Peny, le maître
de chant des enfants; qu'une partie des adultes,
beaucoup plus restreinte que nous ne l'aurions voulu
(19 à 28) ont suivi les leçons de l'un des instituteurs
des enfants, qui vient faire l'école pendant une heure,
cinq fois par semaine. Ces cours ont lieu dans la petite
bibliothèque dont nous avons parlé dans nos précé-
dents comptes rendus.
b) Enfants. Les enfants de la grande école et ceux
de la petite école, qui sont propres, ont fait, sous la
conduite de leurs maîtres et de leurs maîtresses, de
nombreuses promenades, soit dans les environs de
l'hospice ou de Paris, ou à Paris même : nous mention-
nerons seulement les promenades multiples au Jardin-
des- Plantes, au Luxembourg, au Palais de l'Industrie,
à la foire de la place de la Nation, au Jardin d'Acclima-
tation (1), etc., etc.
Jamais, et nous tenons à le répéter, ces promenades,
(II Nous devons remercier M I. Geoffroy-St-Ililaire, directeur
du Jardin d'acclimatation et notre ami M. le Dr Yves Menard,
sous-directeur, de l'obligeance qu'ils mettent chaque année à nous
donner des cartes prour les enfants de Bicêtre et de la Salpe-
trière.
VISITES, PERMISSIONS DE SORTIE. IX
même dans les lieux très fréquentés, n'ont donné lieu
à des accidents capables d'attirer sérieusement l'atten-
tion et de troubler la tranquillité publique. Cette ré-
flexion s'applique également aux promenades des
adultes.
c) Enfants de la petite école. Tous les idiots va-
lides et propres, c'est-à-dire en pantalon, ont parti-
cipé, comme nous venons de le dire, à la plupart (les
promenades de leurs camarades de la grande école ;
mais tous ceux qui marchent ont fait de fréquentes
promenades dans les jardins de la section, dans les
cours et les jardins de l'hospice, aux environs de l'éta-
hlissement, etc. Les hémiplégiques participent aux
longues promenades, tantôt marchant, tantôt montées
dans une grande voiture, construite exprès pour eux (1).
Citons enfin les distractions diverses, communes à
tous les enfants valides : distribution de jouets (Ier jan-
vier), de beignets et de gâteaux, et les déguisements
(carnaval), les séances de lanterne magique et de pro-
jections, dans le gymnase, et surtout le concert que
MM. Lionnet frères organisent chaque année avec un
zèle et un dévouement au-dessus de tout éloge (2).
Visites, permissions de sortie, congés. Les ma-
lades adultes ont reçu 2.966 visites et les enfants 7.139,.
Les visiteurs ont été au nombre de 12.092. Voici main-
tenant la statistique des permissions de sortie ët ? d 's ?
congés : \ iï '-
(1) Voir Compte rendu de Bicêtre pour 1883, p. XXIII. \1.
(') Voici le nom des artistes qui ont si gracieusement prêter
leur concours à MM. Lionnet : M1"8 Mole-Truffier et ]\Ille Che
valier (de TOpéra- Comique) ; NI-' Desclauzas (du Gymnase) '-
Mlle Magdeleine Godard, violoniste; - M. et Mme Rivière- (des
Folies Bergères); - MM. Truffier (de la Comédie - Française) ;
Auguez et Lallier (de l'Opéra) ; Fougère et Lubert (de l'Opéra-
Comique); M. Legrand et son fils; )J. Lermotle, organiste.
x CONGÉS. REVACCINATIONS.
SERVICE DENTAIRE. BAINS ET HYDROTHÉRAPIE. M
que, avons-nous ressassé, devrait être suivie dans tous
les services hospitaliers. On diminuerait ainsi le champ
laissé, par une insouciance regrettable, aux épidémies
de variole, et on rendrait peut-être inutile la construc-
tion coûteuse d'un ou de plusieurs hôpitaux de vario-
leux. L'Administration de l'Assistance publique devrait
mieux comprendre que si elle a le devoir de secourir les
malades de chaque jour, elle a non moins le devoir de
s'efforcer de prévenir les maladies. Il est vrai qu'il
s'agit là d'une question d'hygiène, science encore peu
connue au chef-lieu de l'Assistance publique. » Il est
bien à craindre que nos réflexions passent inaperçues
et qu'on ne préfère suivre les conseils de ceux qui
poussent à la création d'hôpitaux que seuls l'ignorance,
l'incurie et des intérêts particuliers rendent nécessaires.
Les vaccinations ou revaccinations (vaccin de génisse),
ont été au nombre de 64.
Service dentaire. Notre ami le Dr CI;uT, ancien
interne des hôpitaux, continue ses visites bi-mensuelles
aux enfants de Bicêtre et de la Salpêtrière. Les résul-
tats obtenus, grâce à son zèle et à son savoir, justifient
pleinement la création de ce service.
Bains et hydrothérapie. Les bains et les douches
ont été donnés aux enfants dans le nouveau service et
dans l'ancienne section aux adultes.
XII VISITES DU SERVICE.
Soit, au total, 23.646 bains et 3G-888 douches, sans
compter 5.847 bains do pieds aux enfants (1). Le
traitement hydrothérapique, seul ou combiné avec le
bromure de potassium, l'élixir polybromuré ou parfois
d'autres agents médicamenteux, commence le 1° avril
et finit le le novembre ; mais, dans l'intervalle, nous le
continuons pour tous les malades qui y consentent :
c'est ainsi qu'il a été donné en janvier, février et mars,
par exemple, 102, 146 et 165 douches aux adultes ;
161, 127 et 155 aux enfants (2).
Visites du service. En 1886, la nouvelle section
a. été visitée par MM. les D'S Aigre, Alaber.y (Jose), Anker
Prado Bamussen, Aya, Balestre (de Nice), Bambas
(d'Athènes), Basora, Bobeuf, Bonnefoy, Casler Baldivin,
Dekhtereff, Delasiauve, Denombré et deux médecins
espagnols ; Du Mesnil, Farabeuf, Ferrera, Gérente, mé-
decin-directeur de l'asile d'Alger ; Gombault, médecin
des hôpitaux; Gregorio, Hall, Jakouveho, Kardine,
Mairet (de Montpellier), P. Marie, Moll, Ovion, Phoelipe,
Alb. Regnard, inspecteur général ; Paul Regnard, Rey-
naud, Rouma Ridgeray Barker et trois médecins de
l'Amérique espagnole ; Seguin fils (de New-York), Sola,
Staidrer-Zun, Susini, Taule, Topinard, etc.
Sous la conduite de leurs maîtres, M. le Dr Richard,
professeur d'hygiène au Val-de-Grâce et M. le profes-
seur Laveran, une vingtaine d'élèves du service de santé
militaire sont venus visiter la section.
Parmi les autres visiteurs nous citerons les membres
de la Commission de l'Assistance publique du Conseil
général (MM. Rousselle, Cattiaux, Curé, Levraud,
Piperaud, Robinet) ; les membres de la Commission de
surveillance des Asiles et le président M. Barbier,
(1) Janvier 1887 : 441 bains et 115 douches aux adultes.
(2) Il y a eu plusieurs suspensions dans le courant de l'année
soit par défaut de linge, soit pour cause de réparations.
VISITES DU SERVICE. XIII
premier président de la Cour de cassation, qui dépuis
de longues années s'occupe avec un dévouement et une
compétence indiscutables de l'assistance des aliénés (1).
MM. Alphand, directeur des travaux de Paris ; les
directeurs des Asiles d'aliénés de Québec (Canada), de
Lommelet (Nord), de la Maternité de Paris ; M. Le Bas,
directeur de la Salpêtrière ; Alphandery , conseiller
général (Algérie) ; Jouvaski, onze membres de l'associa-
tion polytechnique ; Anatole France, rédacteur au
Temps ; M. Du Bled, publiciste, auteur d'articles inté-
ressants sur les aliénés ; le comte Grolier, le baron
d'Aleschete, etc., etc.
Nous devons une mention spéciale à la visite faite par
MM. Strauss et Brueyre, et à celle de l'un des adver-
saires les plus acharnés de la nouvelle section, M. E.
Ferry, membre du Conseil de surveillance de l'Assis-
tance publique (2). Débarrassons-nous de ce dernier.
Voici en quels termes cet administrateur ( ? ) a rendu
compte à ses collègues de ce qu'il avait vu :
Ce service, installé dans les bâtiments nouveaux que vous
connaissez tous, est admirablement organisé. Les ateliers sont
bien tenus et dirigés par des contre-maîtres pleins d'attention
et de sollicitude pour leurs élèves. Les enfants alternent les
travaux manuels avec ceux de l'école. Pour eux, la journée est
ainsi coupée en deux. On fait quelques bons élèves profession-
nels. On leur enseigne la menuiserie, la serrurerie, la cordon-
nerie, les états de tailleurs, de vanniers et de rempailleurs de
chaises. Ils sont dirigés vers telle ou telle profession selon
leurs aptitudes et aussi après un stage d'observation qui leur
permet de choisir l'état qui leur convient le mieux. - On ob-
tient d'assez bons résultats. Les élèves dits arriérés, dont
l'intelligence se développe tardivement, deviennent assez gé-
néralement de bons ouvriers. Ils sont employés dans l'indus-
trie et peuvent vivre de leur métier. On obtiendrait encore de
meilleurs résultats chez les épileptiques, dont quelques-uns
(1) Ces deux commissions étaient accompagnées des membres de
l'Administration, MM. Roux, directeur des affaires départemen-
tales ; Bahut, chef de division ; Leclère, chef de bureau, etc.
(2) Voir son rapport dans le Compte-rendu de 1a84, p. xxvn.
XIV VISITES DU SERVICE.
sont très heureusement doués. Mais ces malheureux jeunes
gens tombent souvent au milieu de leur travail ; ils sont un
objet de trouble dans les ateliers. Aussi, en général, les em-
ploie-t-on avec peine ou répugnance dans les établissements
industriels; par cela même, leur existence par le travail est
assez précaire.
L'enseignement scolaire est bien organisé. Les classes sont
bien disposées : on y travaille. Quelques élèves, notamment
parmi les épileptiques, possèdent une intelligence remarquable
et profitent largement des leçons qui leur sont données. Beau-
coup d'autres travaillent machinalement; s'ils profitent peu
de l'enseignement, pour eux, l'école possède au moins l'im-
mense avantage de les occuper pendant une forte partie de la
journée, d'éviter lo désoeuvrement avec toutes ses consé-
quences. Les leçons de choses jouent un grand rôle dans les
programmes. Les jardins intercalaires des bâtiments ont été
utilisés d'une façon très judicieuse. On y a planté ou semé une
grande collection de plantes potagères et alimentaires, des
spécimens do céréales et plantes diverses appartenant à la
grande culture, une collection d'arbres spéciaux à la sylvicul-
ture, d'arbres fruitiers et d'arbustes dits d'agrément; l'horti-
culture y est largement représentée.
Chaque carré ou chaque espèce porte une étiquette très ap-
parente indiquant les noms vulgaires ou scientifiques de cha-
que plante. Les enfants sont promenés tous les jours dans ces
jardins, de sorte qu'ils s'habituent presquo machinalement à
reconnaître les produits naturels de la terre. L'infirmerie est
très bien organisée ; elle contient très peu de malades, une
dizaine tout au plus; la salle des teigneux en contient 7 ou 8.
Il y a une salle spéciale pour les enfants gâteux malades : la
plupart d'entre eux sont idiots et complètement inconscients.
Ils sont tenus aussi bien que possible (1).
C'est, animés de tout autres sentiments que, sur l'avis
de notre ami le Dr H. Thulié, M. Strauss, conseiller mu-
nicipal et M. Brueyre, chef de la division des enfants
assistés, sont venus revoir la section et provoquer nos
explications sur les voies et moyens à employer pour
l'organisation d'un service destiné au redressement
, (1) Procès verbal du Conseil de surveillance de l'Assistance
publique, 1SG, 8 juillet, p. 7. Peut-être eut-il été convenable de
se rencontrer avec 1-. chef de service, qui aurait pu redresser
quelques erreurs.
ENFANTS PERVERS ET INDISCIPLINÉS. XV
physique, moral et intellectuel de cette catégorie d'en-
fants que, administrativement, on appelle les enfants
indisciplinés et qui, pour quelques médecins et pour
nous, sont des enfants malades, atteints de lésions ner-
veuses plus ou moins profondes ou de dégénérescences :
imbéciles, arriérés, instables, impulsifs, etc.
Nous avons montre à MM. Strauss et Brueyre plu-
sieurs enfants de 13 à 18 ans, qu'ils ont interrogés.
« Mais, nous ont-ils dit, ces enfants ne sont pas des
idiots, ils sont intelligents, se tiennent bien ; pourquoi
sont-ils ici ? » Alors nous leur avons lu leur observa-
tion : antécédents héréditaires nombreux et graves,
alcoolisme des parents ; antécédents personnels :
convulsions, méningite, perversion des instincts, manie
du vol, de la destruction, arrestations multiples, ona-
nisme, pédérastie, tentatives d'homicide, de suicide, etc.,
etc. Tous ces phénomènes qui, chez ces enfants, sont
sans aucune complication, se voient sur d'autres enfants
joints, soit à l'idiotie ou à l'imbécillité, soit à l'épilepsic
ou à l'hystérie. « Vos malades de la première catégorie,
a fait remarquer M. Brueyre, ce sont nos enfants de
Porquerolles. » Oui, avons-nous répondu. Main-
tenant pourquoi sont-ils ici, pourquoi ne sont-ils pas à
Porquerolles ou à la petite Roquette ou dans une maison
de correction, affaire de hasard. Peut-être ont-ils eu la
chance d'avoir été arrêtés par un agent intelligent,
humain, qui, remarquant chez eux des bizarreries, les a
signalées, ce qui a conduit à les faire examiner par le
médecin du Dépôt de la Préfecture ; ou à un juge d'ins-
truction habile et bienveillant qui a vu on eux des enfants
malades plutôt -que des criminels. Ce sont vos enfants
de Porquerolles, dites-vous. Oui ; et ce sont des malades
et vos enfants de Porquerolles sont, comme eux, des
malades dans la proportion d'au moins 80 pour 100. Et
comme M. Brueyre se récriait, nous avons ajouté : prenez-
leur histoire, comme nous, ayons recueilli- celle de- nos-
XVI ENFANTS PERVERS ET INDISCIPLINES.
malades, scrutez leurs antécédents de famille, leur vie
personnelle, observez-les minutieusement et vous arri-
verez à notre conclusion.
Puis, à la question qui nous était posée : quels sont les
moyens à employer pour la réformation des enfants de
ce genre, désignés sous le nom d'indisciplinés, nous
avons résumé ainsi notre pensée : créer un asile spécial
pour les garçons et un pour les filles; en confier la
haute direction non à un administrateur, mais à un
médecin, instruit, capable, dévoué, convaincu de la
possibilité du redressement moral et intellectuel de ces
enfants ; payez-le convenablement et laissez-lui la plus
grande latitude d'action ; organisez les écoles, les
ateliers de ces établissements comme ceux de Bicêtre ; -,
multipliez les promenades, les distractions; occupez
les enfants sans cesse depuis le matin jusqu' 'au soir ;
surveillez-les de la façon la plus scrupuleuse et en même
temps la plus bienveillante, et vous aurez sûrement des
résultats excellents et auxquels on ne croit guère.
Mais, nous ont fait remarquer MM. Strauss et Brueyre,
ces enfants commettent quelquefois des actes qu'on ne
peut laisser passer sans répression. Quelles sont les puni-
tions que vous employez ? La réprimande, la privation
de vin, la suppression de promenade, des séances de dis-
traction, de la visite des parents, des permissions de
sortie, des congés, enfin la cellule. Mais, chaque fois que
l'enfant montre quelque repentir, si son actif n'est pas
trop chargé, nous nous bornons à la réprimande. Tou-
jours, dans l'après-midi, le surveillant, l'instituteur,
dans certains cas nos internes, ont mission de revoir les
coupables, de les encourager à mieux se conduire et si
le repentir même passager paraît sincère, la puni-
tion est supprimée en partie ou en totalité et, le len-
demain, les enfants viennent renouveler leur promesse
devant nous. Voilà à quoi se bornent nos moyens de
répression. Bien appliqués, ils sont très suffisants. Tel
MUSÉE PATHOLOGIQUE. XVII
est, en résumé, le plan général que nous vous con-
seillons pour l'Etablissement de réformes qu'il s'agit de
fonder.
Diphthérie. L'un des enfants, dont on trouvera
plus loin l'observation (p. 143), entré le 7 juin à l'hôpital
des Enfants-Malades, nous est arrivé souffrant, le 12 et
le 13 on constatait qu'il était atteint de diphthérie. Il a
succombé le J 6 juin. Quelques jours plus tard, un autre
enfant, Corb..., a été pris du croup et a succombé. Les
deux malades ont été placés dans l'une des chambres
d'isolement du bâtiment des gâteux. Grâce à cette me-
sure il n'y a pas eu do véritable épidémie, comme nous
l'avons observé en 1882 (1).
Musée pathologique. - Le Musée, placé sous la di-
rection de notre ami le D' P. BRICON, s'est enrichi de
nombreuses pièces, ainsi que le montre le tableau com-
paratif suivant :
XVIII MUSÉE PATHOLOGIQUE.
L'installation du musée s'est poursuivie dans le cours
de l'année. Une nouvelle vitrine, fabriquée par les en-
fants, a été mise à la disposition de M. le Dl' Deny, mé-
decin de la 2° section.
Nous avons continué à faire prendre la photographie
de nos malades à l'entrée d'abord, puis à des époques
indéterminées lorsqu'il survient des modifications im-
portantes, en bien ou en mal. Quand le malade meurt,
ses photographies sont déposées au musée et, comme
nous faisons réunir en volumes, à la fin de chaque année,
toutes les observations des malades décédés, il s'en-
suit que toutes les pièces pathologiques, bustes, crâ-
nes, etc., ne sont pas là à titre d'objets curieux mais
ont une histoire complète et peuvent être utilisées à
des recherches sérieuses. Nous rappellerons enfin que
les photographies des cerveaux forment aujourd'hui
trois gros albums (1).
Bien que suffisante pour le moment, l'installation du
Musée devra être transformée ultérieurement. Et alors
il faudra en profiter pour organiser un service scientifi-
que convenable à l'hospice de Bicêtre. A cet égard nous
ne pouvons que reproduire ce que nous disions l'an
dernier : « Nous pensons qu'il conviendra de choisir un
emplacement peu éloigné de l'infirmerie générale et de
la division des' aliénés, et d'y construire le service des
morts et des autopsies, le musée, les laboratoires,
l'atelier de photographie et de moulage. Cet empla-
cement existe... »
(1) Nous devons remercier nos collaborateurs MM. Hubert et
IIurcl qui apportent le plus grand zèle à l'exécution des photo-
graphies et des moulages.
. ENSEIGNEMENT PROFESSIONNEL.
XIX
11.
ENSEIGNEMENT PROFESSIONNEL.
Durant toute l'année 1886, cet enseignement a été
dirigé par les maîtres qui en ont été chargés dès le
début : MM. Leroy, pour la menuiserie ; -Alène, pour
la couture ; Bénard, pour la serrurerie ; Perche,
pour la cordonnerie; - Marchai, pour la vannerie et
le rempaillage de chaises. De même que les années
passées, nous n'avons qu'à nous louer du concours
qu'ils nous ont apporté. Le tableau suivant met en
évidence les résultats obtenus, grâce à leur zèle et à
leur dévouement :
XX ENSEIGNEMENT PROFESSIONNEL.
l'excédent avait été de 4.241 fr. L'année 1886 a par
conséquent donné 1.747 fr. de plus que l'année 1885.
L'évaluation du travail des enfants est faite par l'ins-
pecteur du service d'architecture et d'après le tarif de
la Ville pour la menuiserie et la serrurerie ; par
M. l'économe de l'hospice, d'après les tarifs du Magasin
central, pour la couture, la vannerie et le rempaillage
de chaises, et d'après le tarif de la Société anonyme pour
la cordonnerie.
Ainsi que le montrent ces chiffres, le travail des en-
fants, non seulement couvre la dépense occasionnée par
le salaire de leurs maîtres, mais encore il couvrira
bientôt l'intérêt du capital engagé dans la construction
des ateliers. C'est là d'ailleurs, à nos yeux, une considé-
ration secondaire, il en sera de même aux yeux de toutes
les personnes sérieuses qui s'occupent avec un esprit
un peu généreux des questions d'assistance. En effet,
l'enseignement professionnel rend des services d'un
ordre bien autrement supérieur. Il permet de donner à
un certain nombre d'enfants un métier qui, à leur sortie,
les mettra en mesure de gagner leur vie. Quelques-uns
ont déjà quitté l'hospice et sont placés; d'autres le seront
aussitôt que les circonstances le permettront. Il permet
de donner à un plus grand nombre d'enfants le moyen
d'atténuer, dans une proportion variable, les sacrifices
que la Société s'impose pour eux. Précisons par un
exemple : Nous avons à l'atelier de couture 15 hémi-
plégiques, c'est-à-dire des malheureux condamnés
presque certainement à passer toute leur existence à
l'hospice. 5 sont déjà de bons tailleurs, la plupart des
autres le deviendront. Autrefois, ils ne savaient rien
faire; maintenant, grâce à l'enseignement qu'ils re-
çoivent, une fois passés aux adultes, s'ils ont encore des
accès, ou passés dans les divisions de l'hospice s'ils n'en
ont plus, ils pourront travailler à l'atelier commun de
la maison et leur travail compensera en partie, et pen-
dant de longues années, les dépenses de leur entretien.
ENSEIGNEMENT PROFESSIONNEL. XXI
Nous devons ajouter qu'aujourd'hui l'habillement et
la chaussure des enfants, bien qu'ils laissent beaucoup
à désirer, ont été notablement améliorés. Enfin, cet en-
seignement fournit à tous une occupation utile, moralisa-
trice et contribue à assurer le bon ordre et la discipline
dans la section. Le tableau suivant fait voir que le nombre
des enfants qui profitent de cet enseignement est allé en
progressant depuis six ans.
XXII ENSEIGNEMENT PROFESSIONNEL.
avons dû y ajouter une petite augmentation de 5 francs,
qui a été administrativement régularisée le 1" janvier
1887.
Nos réclamations, relativement aux retards apportés
à la fourniture des matières premières, ont été moins
fréquentes. Cependant le travail a dû être suspendu à
plusieurs reprises, tantôt dans un atelier, tantôt dans un
autre. Il est un point sur lequel nous n'avons pas encore
reçu satisfaction : il s'agit de l'autorisation, pour le tail-
leur, d'apprendre la coupe à ses élèves. Jusqu'ici on lui
envoie les vêtements tout préparés. Lorsque nous aurons
obtenu gain de cause sur ce point, comme nous l'avons
eu pour la coupe des chaussures, outre que l'enseigne-
ment professionnel sera meilleur, les enfants auront
des vêtements confectionnés exprès pour chacun d'eux.
STATISTIQUE. XXIII
III.
STATISTIQUE. MOUVEMENT DE LA POPULATION.
Le le' janvier 1886, la section contenait 403 malades
ainsi répartis : 170 adultes épileptiques (79 aliénés et
71 réputés non aliénés) et 253 enfants (épileptiques,
hystériques, idiots, arriérés, instables, pervers, etc.).
Voicile résumé du mouvement delapopulation en 1886 :
xxiv
DÉCÈS.
DÉCÈS.
xxv
NXVI
DECÈS,
DÉCÈS. XXVII
xxviii
DÉCÈS.
DÉCÈS. XXIX
11111 PERSONNEL DU SERVICE.
le dirons tout à l'heure, nous avions réclamé pour
le 1" janvier i 88G, la division de notre service en
deux : l'un comprenant les adultes épileptiques,
l'autre les enfants de toute catégorie. Cette sépara-
tion n'ayant pu avoir lieu, malgré la bonne volonté
de l'Administration, M. Pcyron nous a donné un
second interne titulaire et un second interne provisoire,
de telle sorte que du 1" février 1886 jusqu'au le, février
1887 le personnel se composait : 1° pour le service mé-
dical : de 2 internes titulaires, MM. Conzette et Isch
Wall ; de 2 internes provisoires, MM. Baumgarten et
Pilliet; de M. le Dr Bricon, conservateur du Musée
pathologique de l'hospice, mais qui veut hien continuer
à nous prêter le concours le plus dévoué; 2° pour le
service scolaire : a) grande école : d'un instituteur,
M. Boutillier, et d'un instituteur adjoint, M. Boyer,
aidés d'un professeur de chant, M. Peny, d'un professeur
de gymnastique, M. Goy, de trois administrés de l'hos-
pice, faisant fonction de moniteurs et de 4 garçons de
classe. b) petite école : Mlle Blanche Agnus, surveil-
lante (1) ; Mlles Berthe Langlet et A. Bohain, sous sur-
veillantes, deMlle Breuillard, suppléante ;-3° pour le
service hospitalier : a) service des enfants : de M.
Agnus, surveillant; de M. Petit, sous surveillant; de
l\1rce Jolliot, sous-surveillante de l'infirmerie et du bâti-
ment des gâteux invalides ; de Mlle Carmouin, sup-
pléante ; de 2 infirmières de 1`° classe ; de 19 infirmières
do 2e classe et de 21 infirmiers; un baigneur, un barbier
et un portier ; b) service des adultes : M. Lenglct,
surveillant; M. Labelle, sous-surveillant; 1\lme Prat,
sous-surveillante, 17 infirmiers et une infirmière.
(I) Mlle Bl. AGNUS, désireuse de se rendre de plus en plus apte
à bien nous seconder, a passé avec succès l'examen pour le certi-
ficat d'aptitude à la direction des Picoles maternelles.
NOUVELLE SECTION. XXXIII
IV.
LA NOUVELLE SECTION. = CONSTRUCTION DU PAVILLON
d'isolement J'OUR LES maladies contagieuses.
CLOTURE DE LA SECTION.
Dans le Compte rendu de 1885 (p. LI), nous disions
que le règlement des mémoires des entrepreneurs était
suffisamment avancé pour qu'on pût être assuré d'avoir
près de 200.000 fr. à employer à la continuation de la
section et nous exprimions l'espoir que l'année 1886 ne
se terminerait pas sans voir la section des enfants, pour-
vue des deux derniers organes qui lui sont indispen-
sables : le pavillon d'isolement pour les maladies
contagieuses et le pavillon des cellules. Bien qu'il ne
s'agît là que de constructions relativement peu impor-
tantes par rapport à l'oeuvre réalisée, nous n'avons
obtenu qu'une demi satisfaction : seul, le pavillon
d'isolement a été édifié. Voici l'exposé sommaire des
démarches et des formalités à la suite desquelles cette
affaire a été résolue.
5 janvier 1886 : Sachantqu'il restaitun disponible sur
le crédit de 1.540.000 fr. voté par le Conseil municipal,
nous avons écrit à M. le Directeur de l'Assistance publi-
que pour le prier de l'affecter à la construction du
pavillon d'isolement seul, ou de ce pavillon et des cel-
lules si cela était possible. 19 et 26 janvier : Nou-
velles réclamations. 18 mars : lettre à M. Alphand
pour lui demander de faire examiner le projet envoyé
par l'administration de l'Assistance publique. 23
avril : vote favorable du Conseil. Lettres à M. le
Préfet de la Seine pour le prier de faire remplir prompte-
BOURNEVILLE, 1886. ?
XXXIV PAVILLON D'ISOLEMENT,
ment les formalités administratives et donner les auto-
risations nécessaires. 14 mai : M. Peyron ordonne
l'exécution des travaux du pavillon d'isolement qui ont
commencé quelques jours après. Bien qu'il restât encore,
au31 décembre, différents travaux d'intérieurà exécuter,
nous avons cru devoir placer la description de ce pa -
villon dans le Compte rendu de 1886.
Le pavillon d'isolement de la nouvelle section des en-
fants idiots et épileptiques de Bicêtre, est situé à l'extré-
mité nord-ouest de l'emplacement occupé par les services
de jour (ateliers, gymnase, réfectoires, écoles, bains, etc.)
et par les quatre premiers bâtiments de dorloirs et le bâ-
timent des gâteux invalides. Il se trouve à la partie infé-
rieure du terrain affecté à cette section, quoique cepen-
dant à une altitude encore très élevée et supérieure à la
route stratégique qui contourne l'hospice à cet endroit.
Il est complètement isolé des autres constructions, mais
cependant à proximité du bâtiment des enfants gâteux in-
valides et déments épileptiques, ainsi que de l'infirmerie qui
en est distante d'une vingtaine de mètres. Il est orienté
de l'est à l'ouest de même que tous les autres bâtiments
de la section.
L'infirmerie, le bâtiment des gâteux invalides, le pa-
villon des contagieux, auxquels viendra sans doute s'ad-
joindre prochainement le pavillon dés cellules, si l'Admi-
nistration actuelle de l'Assistance publique y met la bonne
volonté sur laquelle nous croyons pouvoir compter, cons-
tituent, en quelque sorte, l'hôpital de la section.
Le mode de construction du pavillon d'isolement est le
même que celui de tous les autres bâtiments de la section;
le soubassement est en meulière et l'étage destiné aux
malades, édifié en fer et briques, est couvert en tuiles à
emboîtements. Par le fait de la déclivité très grande du sol,
la partie nord de l'étage en soubassement a été distribuée
de manière à former six chambres avec dépendances pour
le logement du personnel, afin de s'opposer aussi complè-
tement que possible à la propagation des maladies conta-
gieuses. La partie centrale de cet étage renferme, du côté
de l'entrée, l'escalier d'accès au service. En arrière de
l'escalier, largement ouvert sur la cour, se trouvent le
caveau des calorifères et le caveau du linge sale, qui
s'ouvre extérieurement du côté de l'ouest. Le côté gauche
de ce soubassement est utilisé mi-partie comme réfectoire,
mi-partie comme école et comme préau couvert pour les
enfants teigneux.
Le service des malades, qui, par suite de la déclivité du
sol, est pour ainsi dire au premier étage, se divise,
comme le fait voir la figure 1, en deux moitiés absolu-
ment distinctes et semblables, séparées par une partie
centrale qui comprend la cage de l'escalier, le cabinet de
la surveillante (façade Est), l'office avec une baignoire, et,
de chaque côté de celle-ci, les cabinets d'aisance et les vi-
doirs (fCg. l, c). Un grand couloir longitudinal, interrompu
au centre par le cabinet de la surveillante, se termine, à
chaque extrémité, par une large fenêtre. Sur son côté
Ouest, existent, à gauche et à droite, deux dortoirs de
chacun cinq lits. Sur le côté Est, à gauche et à droite de
l'escalier, se trouvent trois chambres à un lit, qui n'ont
d'ouverture que sur une galerie saillante, couverte en vi-
trage, et qui règne sur toute la face Est du pavillon, de
manière à obtenir l'isolement le plus complet (fig. 1 et 2).
Par une disposition spéciale, le vitrage de cette galerie,
tout en offrant un abri suffisant, n'entrave pas l'aération
des chambres.
Nous devons faire remarquer qu'en vue de permettre la
surveillance la plus parfaite, toutes les cloisons de distri-
bution sont en vitrage, sauf celles qui limitent en deux
sens les cabinets d'aisance (fig. 1, wc.), de telle sorte
que, de son cabinet, la surveillante peut voir ce qui se passe
dans toutes les localités dont se compose le service.
Le plafond des dortoirs et des chambres des malades,
ainsi que les parois autres que les cloisons vitrées, sont stu-
cées ; les angles sont arrondis et le' sol est carrelé en grès
XXXVI
PAVILLON D'ISOLEMENT.
cérame, pour que les lavages effectués soient aussi efficaces
que possible. Dans chaque chambre et dans chaque salle,
il y a, sur le sol, une bonde mobile pour l'évacuation des
eaux, après les lavages.
PAVILLON D'ISOLEMENT. XXXVII
Le chauffage des salles et des chambres est assuré à
l'aide de deux calorifères jumeaux, construits en sous-sol,
2
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comme nous l'avons dit plus haut, afin de ne chauffer que
la moitié seulement du service, si le nombre des malades
n'exige pas davantage.
XXXVIII PAVILLON D'ISOLEMENT, 1
La ventilation se fait par des prises d'air placées en
nombre convenable dans chaque pièce, et qui aboutissent
à un grand coffre central vertical (fig. 1, v.) dans lequel
passe le tuyau de fumée (fig. 1, f.) du fourneau d'office.
Une couronne de becs de gaz, placée dans ce colfre, per-
met d'activer le tirage et, par suite, d'augmenter le renou-
vellement de l'air, dans les chambres et dans les salles.
La ventilation se fait encore par les impostes à soufflet des
fenêtres.
Les dortoirs à cinq lits sont pourvus d'un lavabo en
marbre, composé de trois cuvettes à bascule, en porcelaine,
avec robinet, cuvette d'évacuation, syphon, etc. (fig. 1,
L, L). Chaque chambre isolée renferme une cuvette fixe,
en faïence, avec robinet d'alimentation à clef. (Cette pré-
caution était indispensable en raison de la catégorie spé-
ciale des malades de la section). Le système d'évacuation
est muni d'un syphon. (Fig. 1, D, D.)
L'once renferme le fourneau, servant en même temps
à chauffer l'eau de la baignoire, qui est mobile, et peut
être transportée, le cas échéant, auprès du lit des malades.
L'office contient aussi une pierre d'évier , une ar-
moire, etc.
Le linge sale est jeté dans un caveau spécial, par deux
ouvertures placées près des cabinets d'aisances et aussi
loin que possible de l'habitation des malades. Le sol de ce
caveau et la partie inférieure des murs sont revêtus en
ciment pour en rendre le lavage facile. Le linge est
reçu dans un bassin en maçonnerie rempli d'eau phé-
niquée. Ce caveau est ventilé d'une façon perma-
nente, par un conduit s'élevant au-dessus du toit. Un
réservoir spécial, d'une contenance de 3.000 litres, reçoit
les eaux destinées au service et tous les conduits de distri-
bution partent de ce réservoir. Les différentes parties de
ce pavillon sont éclairées au gaz. - La figure 3 repré-
sente la coupe du bâtiment suivant la ligne A B du plan.
Le nombre total des lits est de 22. >ân cas de nécessité, il
PAVILLON p'ISOLEMENT.
XXXIX
pourra être porté à 24 (1). Les chambres isolées ont un
cube d'air de 48 mètres, les dortoirs, tout près de 15Q mè-
tres, soit 25 mètres cubes par lit.
Les infirmières prendront leurs repas dans l'office et n'au-
ront aucune communication régulière avec le personnel des
autres parties de la section. C'est par ce, pavillon, que de-
vra se terminer la visite médicale.
Fin. 3. Coupe sur la ligne A B du plan (fig. 1;.
Le crédit autorisé se montait à 106.660 fr. Le total des
mémoires en demande sera, à peu de chose près, de
95.000 fr. et, après révision, ces mémoires descendront à-
environ 85.000. En outre, les travaux de consolidation du
sol, qui correspond à d'anciennes carrières, ont été réglés
(1) Six lits dans chaque dortoir, soit 12; 6 lits dans les chambres;
6 lits pour le personnel. Le cube d'air des chambres du personnel
est de 32 m. c.
XL PAVILLON D'ISOLEMENT. 1
à 3.195 fr. Les travaux de construction ont nécessité le
forage de 4 puits placés sous les points les plus exposés du
mur extérieur. Ces puits ont été remplis de béton, et, à
leur base dans la carrière, on a fait des enrochements pour
soutenir le toit de cette carrière. De plus, et dans le mémo
but, vu la mauvaise nature du sol et les nombreux fontis
qui s'y produisaient, on a dû faire huit piliers en maçon-
nerie et quelques bourrages qui ont exigé près de deux
mois à cause de l'état des anciennes carrières existant
à cet endroit. Ces travaux extraordinaires expliquent L
le prix relativement élevé du pavillon d'isolement. Le plan
de ce pavillon a été conçu d'un commun accord entre
M. Gallois, architecte, M. Imard, inspecteur général et
nous.
Nous ajouterons que la séparation entre la nouvelle
section et le Marais de l'hospice a été établie à l'aide
d'une clôture de 2 50 de hauteur en grillage avec
montants en fer. Cette clôture simple, économique, est
suffisante pour empêcher les évasions et ne nuit en rien
à la vue des malades sur le vaste jardin maraîcher con-
tigu à la section.
L'ANCIENNE SECTION. XLI
V.
AMÉLIORATIONS DIVERSES DANS L'ANCIENNE SECTION DES
ADULTES.-SÉPARATION DES ENFANTS ET DES ADULTES.
Nous avons vu plus haut que nous avions espéré voir
séparer la 3e section, composée d'enfants et d'adultes,
en deux sections pour le commencement de l'année.
Des difficultés inattendues ayant surgi, nous avons ré-
clamé et obtenu, ainsi que nous l'avons déjà dit, un
second interne titulaire et un second interne provisoire,
puis un second surveillant et un second sous-surveillant.
Ces nominations constituaientune sérieuse amélioration;
c'était, en outre, une bonne préparation à la division du
service. Aussi avons-nous pu faire face, sans trop de
difficulté, aux obligations du service et profité du trans-
fert des enfants dans la nouvelle section pour faire réa-
liser dans le quartier des adultes plusieurs des amélio-
rations réclamées depuis longtemps , tant par nos
prédécesseurs dans le service que par nous au Conseil
général.
Le rez-de-chaussée du Pavillon de la Force qui
composait autrefois toute la section comprend, ainsi
que nous l'avons indiqué naguère (1) : le cabinet du sur-
veillant, les lavabos, les escaliers, puis le chauffoir et
un dortoir. Nous avons profité de ce que les enfants
abandonnaient le 1er étage : 1° pour faire descendre à
cet étage l'infirmerie des adultes qui était au second ;
2° pour évacuer le dortoir du rez-de-chaussée et
installer les malades dans l'ancienne infirmerie du 2°
étage. Quant au dortoir du rez-de-chaussée devenu
(1) Voir Compte rendu pour 1880, p. 1 i.
XLI ! AMÉLIORATIONS DIVERSES.
libre, nous l'avons fait diviser en deux parties. Dans la
première , on a aménagé quatre cellules, dont le
service était autrefois absolument dépourvu, ce qui
obligeait ou à faire usage de la camisole, à notre vif
regret, ou à envoyer les malades soit à la Sûreté, soit
dans le quartier des cellules de la 1" et de la 2e section,
pratique détestable.
La seconde partie du dortoir, contiguë à l'ancien
chauffoir, dont nous avons signalé l'insuffisance no-
toire (1), a été affectée à une salle de réunion pour les
malades tranquilles, en particulier les déments et quel-
ques idiots ou imbéciles épileptiques, sans cesse en butte
aux taquineries et même aux mauvais traitements des
épileptiques.
La salle qui servait de réfectoire des enfants a été
transformée on réfectoire pour les adultes épilepti-
ques, déments, gâteux qui, auparavant, prenaient leurs
repas dans l'infirmerie des adultes. Grâce à ces mesures,
les déments épileptiques ayant une salle do réunion et
un réfectoire, n'encombrent plus l'infirmerie pendant
le jour. Malheureusement, par suite de la disposition
dos locaux, on est obligé de les faire coucher dans l'in-
firmerie. Peut-être pourrait-on diviser la grande salle
qui sert d'infirmerie dans le sons longitudinal, ce qui
serait d'autant plus facile qu'il y a, à l'une des extré-
mités, deux portes correspondant chacune à un esca-
lier (2).
L'ancienne école des enfants a été nettoyée, repeinte
(t) Compte rendu pour 1880, p. 1h, etc..
(2) Cette salle est coupée transversale-mont par une cloison située
aux 3/4 de sa longueur. Les deux petites salles qu'elle limiterait
avec le prolongement do la cloison longitudinale pourraient être
affectées : celle qui répond à l'infirmerie on un réfectoire ou sallo
de réunion pour les convalescents de l'infirmerie, l'autre en un
service de propreté pour les déments gâteux, analogue à celui du
service des enfants gâteux. On pourrait aussi donner comme
préau à ces malades le jardin, (fit de l'Infirmerie, qui est inutilisé.
TRAVAIL DES MALADES. XLIII
et transformée on école primaire pour les infirmiers
et les infirmières.
Lorsque nous avons eu notre instituteur adjoint, nous
en avons profité pour essayer d'organiser - ou mieux
de réorganiser une écolo pour les adultes épilepti-
ques. Tous les jours, à partir du 16 mars, l'instituteur
adjoint a fait une heure d'école dans la petite salle de
la bibliothèque (1). Le nombre des malades qui ont fré-
quenté l'école a varié de 19 à 28 (2).
La vigilance, l'activité et le dévouement du surveil-
lant des adultes, M. Langlet, nous ont permis de faire
travailler un plus grand nombre do malades que par le
passé. Le relové mensuel du nombre des travailleurs
est instructif : avril, 80 ; mai, 83 ; juin, 88 ; juillet, 96 ;
août, 99 ; septombro, 100 ; octobre, 86 ; novembre, 75
ot décembre, 69, sur une population qui a varié do 150
à 155. Voici à quelles occupations étaient utilisés les
malades travailleurs durant le mois d'août :
XLIV SÉPARATION DES ADULTES ET DES ENFANTS.
Ces résultats remarquables montrent dans quelle pro-
portion considérable il est possible d'utiliser les malades
lorsqu'on a le concours dévoué d'un surveillant habile.
M. Langlet, d'ailleurs, a rendu encore d'autres services :
pendant presque toute l'année, il a exercé ses infirmiers
aux pansements, aux bandages, à faire les cahiers de
visite, les feuilles de vivres, le mouvement de la popu-
lation, etc.
Nous signalerons encore, parmi les améliorations
réalisées dans le service des adultes, l'adjonction de dif-
férents meubles fabriqués par les enfants (buffet pour
le réfectoire, casier pour les observations, vitrine pour
les instruments, etc., etc.) ; le nettoyage et la pein-
ture de toutes les salles, des bains, des réfectoires,
des escaliers, etc. Aussi, lorsque le 10r février 1887
nous avons cédé le service des adultes à notre succes-
seur, M. le Dr Ch. Féré, était-il dans des conditions aussi
parfaites que possible et bien différentes de celles dans
lesquelles nous l'avions trouvé en octobre 1879.
Là finirait notre compte rendu si nous ne croyions
utile, à propos d'un incident pénible, survenu entre
M. Féré et nous, de rappeler tout ce que nous avons
fait pour obtenir la séparation des épileptiques adultes
des enfants et partant la création d'une nouvelle
place de médecin à Bicêtre.
L'amitié qui nous unissait de longue date à M. Féré
nous avait inspiré le désir non seulement de lui laisser
le service dans de bonnes conditions matérielles, mais
encore de lui faciliter la connaissance rapide des mala-
des en mettant nos observations à sa disposition, en lui
donnant le tableau complet des malades, avec le diag-
nostic, les traitements, etc., et, en particulier, la liste
nuer. Il en résulte par conséquent la nécessité de songer à la créa-
tion d'un asile pour les idiots adultes des deux sexes, pourvu
'd'une école et d'ateliers.
SÉPARATION DES ADULTES ET DES ENFANTS. XLV
des malades pouvant être renvoyés prochainement, sus-
ceptibles d'être placés soit dans les autres sections d'a-
liénés (imbéciles ou idiots n'ayant plus d'accès), soit
dans l'une des divisions de l'hospice (malades n'ayant
plus d'accès mais étant atteints d'infirmités les mettant
hors d'état de gagner leur vie au dehors).
Grâce à ces précautions et aussi à ce fait que nous n'a-
vions pas voulu combler les vacances de lits qui s'étaient
produites dans les dernières semaines (huit), M. Féré
était assuré d'avoir successivement, dans le courant de
l'année, un nombre convenable de nouveaux malades.
Ce travail, joint aux certificats semestriels de plus de
400 malades, nous avait pris plus de temps que nous ne
le pensions, et nous n'avions pu terminer l'examen
d'une partie des adultes, les 72 épileptiques dits non
aliénés. Nous étions persuadé que rien ne s'opposerait à
ce que nous examinions une dernière fois ces malades,
que nous suivions depuis des années (beaucoup depuis
1879), afin de nous assurer que leur observation était en
ordre et constater pour la plupart les effets des traite-
ments auxquels ils étaient soumis. Nous en avons pré-
venu M. Féré en lui demandant la permission de les
voir une dernière fois. Il accéda à notre supplique; -,
mais quand, le surlendemain, nous avons demandé
qu'on nous amenât la première série, il nous a été ré-
pondu que, auparavant, M. Féré désirait en causer
avec nous. Nous nous sommes rendu auprès de notre
successeur dans le service. M. Féré nous a déclaré qu'il
refusait absolument de nous laisser voir ses malades ;
que nous avions eu assez de temps pour les examiner,
puisque, suivant lui, nous avions tout fait pour retarder
la division de notre service. Après lui avoir répété
qu'il s'agissait d'un dernier examen, que nous n'avions
pu faire, parce que nous avions cherché à lui être agréa-
ble en lui préparant un tableau exact des épileptiques
aliénés, - que nous voulions compléter d'ailleurs en
passant la revue des épileptiques non aliénés, nous
XLVI DÉDOUBLEMENT DU SERVICE.
avons exprimé notre surprise de l'accusation qu'il por-
tait contre nous d'avoir retardé le dédoublement du ser-
vice et, à l'appui, nous lui avons rappelé nos efforts ré-
pétés pour hâter la solution. Cet incident ayant été rendu
public et présenté sous un jour inexact, nous nous
trouvons dans la nécessité de citer des documents qui
démontreront que notre conduite a été absolument
loyale et exempte de toute critique.
L'extrait suivant du procès-verbal de la séance du
8 avril 1886 de la Commission de surveillance des asiles
(p. 84-85), relatant la visite de la Commission à l'hos-
pice de Bicêtre, résume très bien tout ce qui avait été
fait, jusqu'à cette date, au point de vue qui nous occupe.
a A la sortie de la troisième section confiée à ses soins (Epi-
leptiques adultes et enfants), M. le Dr Bourneville rappelle que
la construction do la Nouvelle section, réclamée par le Conseil
général, est due entièrement au Conseil municipal; que les
deux conseils ont décidé, par des votes réitérés (1) que, lorsque
la section dos enfants serait édifiée, il y aurait lieu de la
confier à un médecin et de confier l'ancienno section à un
autre médecin. Au mois de décembre dernier le Conseil mu-
nicipal, sur la proposition de M. le Dr Robinet (2), a invité
l'administration de l'Assistance publique à se conformer à ces
votes et à procéder à bref délai, par lo concours, à la nomina-
tion d'un nouveau médecin. M. le directeur de l'Assistance a
soumis la question à son Conseil de surveillance qui a déclaré,
sans avoir daigné visiter le service et se rendre un compte
exact de la situation, qu'il n'y avait pas lieu de faire la division
réclamée par le Conseil municipal et le Conseil général (3).
M. le D' Bourneville pense que la visite de ce jour aura permis
aux membres de l'Administration, qui, eux, se sont dérangés,
(1) Tous ces votes ont été exprimés sur notre proposition (voir
nos Rapports sur le budget des asiles de 1878 à 1883).
(2) Nous avions écrit à notre ami M. G. Robinet pour appeler
son attention sur ce fait (21 décembre 1885). Nous avons adressé,
sur le même objet, trois lettres à M. Peyron (5, 23, 26 janvier 1886) ; -P
- une nouvelle à M. G. Robinet (24 janvier 188G) et une à
M. Goupy (26 janvier 18rU) en leur qualité do membres du Conseil
de surveillance.
(3) Ce sont MM. E. Ferry et Moutard-Martin qui ont fait préva-
loir cette opinion.
SÉPARATION DES ADULTES ET DES ENFANTS. XLVII
de constater que la distance qui sépare les bâtiments des
adultes de l'infirmerie dos enfants, la multiplicité des occupa-
tions imposées au médecin par le service des enfants ; enfin,
ce fait que M. le D1' Bourneville a 463 lits, dont 425 sont occu-
pés, alors que ses deux collègues réunis n'en ont que 477 ;
toutes ces circonstances ont permis à tous d'apprécier le bien
fondé de la décision dos deux Conseils élus ; ils sont par con-
séquent tout à fait en mesure de renseigner exactement M. le
préfet do la Seine sur l'urgence qu'il y a à séparer la
3° section en deux, et de procéder à bref délai au concours
pour la nomination d'un cinquième médecin aliéniste à
Bicêtre. »
Peu après cette visite, et à notre prière, notre ami,
M. G. Robinet, a soulevé de nouveau la question du dé-
doublement de notre service devantle Conseil de surveil-
lance (1) qui s'est rendu, cette fois, aux raisons données
et par M. Robinet et par M. Peyron, directeur de l'Assis-
tance publique (2). Un arrêté conforme, c'est-à-dire dé-
doublant notre service, a été rédigé et envoyé le 31 juil-
let 1886 à la signature de M. le Préfet de la Seine. Nous
en avons mis la copie sous les yeux de M. Féré dès
le mois d'août. Nous sommes intervenu à la préfecture
de la Seine pour que cet arrêté futvite approuvé par 1. le
Préfet et reçut une exécution immédiate. L'arrêté fut
signé le 6 septembre 1886.
Depuis, en maintes circonstances, nous avons invité
M. le Directeur de Bicêtre etM. Imard à rappeler à l'Ad-
ministration la nécessité de procéder à l'exécution de cet
arrêté et, en dernier lieu, le 28 décembre 1886, en pré-
sence de M. le Dr Séglas, médecin suppléant de Bicê-
tre, allant même jusqu'à déclarer que, à partir du
1" février, époque du changement des internes, nous
refuserions de faire le service des adultes s'il ne nous
était donné satisfaction. Quelques jours plus tard,
(1) Procès-verbal du Conseil de surveillance, 1886, 20 mai,
p. Il.
('2) Procès-verbal, 1886, 22 juillet, p. 11.
XLVIII SÉPARATION DES ADULTES ET DES ENFANTS.
avant même que sa nomination ne fut signée) (1) (27 jan-
vier) M. le 1)' Féré recevait l'avis qu'il pouvait pren-
dre possession du service des épileptiques adultes
de Bicêtre. Voilà ce que nous avons fait et il est bien
évident que si nous avions eu l'idée de conserver les
deux services qui comptaient ensemble, le 31 décembre
dernier, 475 malades, nous n'avions qu'à nous désinté-
resser de la question après le vote défavorable du Con-
seil de surveillance.
(1) En effet, ce n'est que le 31 janvier 1887 que M. le Directeur
de l'Assistance publique a adressé à M. le Préfet de la Seine un
rapport dans lequel il lui demandait de présenter au Ministre de
l'intérieur M. le D1' Fore comme médecin du quartier des aliénés
de Bicêtre. L'arrêté ministériel a été signé le 4 mars 1887 par
M. Gobelet. Le 24 mars l'Administration de l'Assistance publique
informait M. le Dr Féré qui a pris rang à partir du 1 Cr février.
DEUXIÈME PARTIE
Clinique
Bourneville, 1886. 1
De l'Idiotie
Compliquée de cachexie pachydermique
(IDIOTIE CRÉTINOïDE) 1;
Par ]Q01EJJEMSr)H/ï]L]L]E At P. BRICON.
Parmi les formes déjà nombreuses que l'on peut
distinguer dans l'idiotie, l'une des plus curieuses et
des moins connues est assurément celle qui a été dési-
gnée par quelques auteurs anglais, entre autres par
MM. Fletcher Beach et Ireland, sous le nom d'idiotie
crétinoïde et que, nous fondant sur la découverte d'une
maladie nouvelle, le my.x'oee ou cac/lexie pac/lydel'-
mique, nous proposons de désigner sous le nom d'idiotie
avec cachexie paclaydernaique.
Les cas authentiques que nous avons recueillis
et peut-être y en a-t-il qui nous ont échappé sont
assez rares et plus rares encore sont ceux dans les-
quels l'autopsie a été pratiquée. Ceux-ci se réduisent, en
effet, à sept, et, fait capital, dans les cinq seuls cas
où les organes du cou ont été l'objet d'une recherche
anatomique on a relevé l'absence de la glande thyroïde.
D'où il suit, d'après ces faits, qu'il paraît y avoir une
' Cette étude sur l'idiotie crétinoïde est un extrait revu et complété du
mémoire présenté par l'un de nous en décembre 1885 à la Société mé-
dico-psychologique pour le prix Belhomme relatif à l'idiotie et de préfé-
rence -aux lésions des centres nerveux dans l'idiotie.
4 IDIOTIE CRÉTINOÏDE.
relation évidente entre l'absence de cette glande et
l'existence du myxoedème, ou de la cachexie pachy-
dermique. Ce qui ajoute encore de l'intérêt à ces cons-
tatations, c'est que, chez un certain nombre d'indivi-
dus ayant subi la thyroïdectomie totale, on a vu se
produire un myxoedème opératoire'.
La physiologie expérimentale, ainsi que cela résulte
des expériences de M. Horsley, vient également
appuyer la corrélation entre l'absence de la glande
thyroïde et l'existence de la cachexie pachydermique
décelée par la clinique et l'anatomie pathologique.
Nous sommes donc amenés, naturellement, à diviser
notre travail en deux parties : la première sera consa-
crée à l'exposé des observations d'idiotie avec cachexie
pachydermique ; la deuxième, à l'examen des cas
d'extirpation de la glande thyroïde, suivie de cachexie
pachydermique.
I. IDIOTIE AVEC CACHEXIE PACHYDERMIQUE
Les deux premières observations eu date, et non
les moins intéressantes, sont dues à Curling : nous les
traduisons textuellement.
Observation I. Aspect crétinoïde. - Gonflements sur les parties
latérales du cou et en avant des aisselles. - Persistance des fon-
tanelles. - E1, ? /sipéle. - Phlegmon de la cuisse. Mort.
Autopsie. - Composition et texture des gonflements. - Absence
de corps thyroïde.
En juillet \819, le Dr Litle, dit Curling, m'invita à examiner un
1 D'après les faits qui nous ont été communiqués par M. J. Reverdin,
ce myxoedème aurait une allure particulière et tendrait à s'atténuer; l'un
de nous a pu voir à Genève une des malades de M. Reverdin chez
laquelle, à part une certaine lenteur corporelle et intellectuelle, on ne
retrouvait plus les autres symptômes de la cachexie pachydermique.
CACHEXIE PACHYDERMIQUE. 5
malade, qu'il considérait comme un crétin, à l'asile des idiots de
Highgate et d'examiner plusieurs gonflements situés de chaque
côté du cou, dont la nature était douteuse, mais que l'on croyait
devoir.attribuer à une hypertrophie de la glande thyroïde ou des
ganglions lymphatiques. L'enfant, âgée de dix ans, était née à
Lancashire ; elle était grosse, rabougrie, mesurait deux pieds six
pouces (63 c. 54); son corps était épais, ses membres dispropor-
tionnellement larges et longs. Les membres et le dos étaient poi-
lus. La tête était grosse; les fontanelles n'étaient pas fermées. Le
front était plat. L'expression était désagréable et celle d'une
idiote. La bouche était large, la langue épaisse et protubérante.
De chaque côté du cou, en dehors des muscles sterno-cleïdo-
mastoïdiens, il existait deux gonflements sensiblementsymétriques
qui donnaient à la palpation une sensation molle, pâteuse,
dépourvue d'élasticité. Des gonflements semblables, mais plus
petits et moins difformes, existaient en avant des aisselles. On ne
constatait aucun gonflement au devant du cou et la glande thyroïde
ne pouvait être trouvée à la palpation. L'enfant ne marchait que
très peu et ne pouvait aller de chaise en chaise qu'avec l'assis-
tance d'une autre personne. La parole était nulle, mais l'enfant
reconnaissait ses parents et manifestait quelques signes de volonté;
elle cherchait à se faire asseoir sur les genoux du médecin rési-
dent et s'y aidait elle-même. Durant son séjour à l'asile, elle fut
atteinte d'un premier érysipéle; son intelligence parut plus déve-
loppée à la suite de cette affection 1. Soignée ensuite pour un
phlegmon considérable de la cuisse, phlegmon qui suppura forte-
ment durant plusieurs semaines, elle fut de nouveau atteinte, après
la guérison de la plaie, d'un nouvel di-ysipèle accompagné de glos-
site et de stomatite. Elle mourut dans le marasme six mois après
le début de la maladie et environ quinze mois après son entrée à
l'asile.
Autopsie (vingt-quatre heures après le décès, faite par M. Cal-
laway). - Le corps était très émacié. Les gonflements cervicaux
avaient beaucoup diminué de volume; ils étaient composés de
graisse et occupaient le triangle postérieur de chaque côté du
cou; ils s'enfonçaient en bas sous les clavicules, remplissaient les
aisselles et pouvaient être suivis jusque sous les muscles sous-
scapulaires et vers l'angle inférieur de l'omoplate ; ils n'étaient/
pas enkystés. La graisse qui les composait paraissait, au micro^
cope, formée de tissu connectif et de cellules adipeuses. Il nm.
avait pas la plus légère trace de glande thyroïde 2. ' , .
\
1 On verra que Th..., dont nous rapportons l'observation plus loin,
fut également atteint d'érysipèle, mais son état intellectuel ne parut nul-
lement modifié par cette maladie intercurrente. \
2 Voir plus loin les observations de Th... et de Gra...
6 ' IDIOTIE CRÉTINO1D
Observation II. Idiotie. Gonflements anormaux de la région
cervicale. - Convulsions. - Mort.
Autopsie.- Composition des gonflements cervicaux. -.Absence
de glande thyroïde.
En 849, on m'adressa un enfant de six mois pour quelques
gonflements anormaux de la région cervicale. Les parents étaient
. sains; la mère, âgée de vingt-huit ans, avait eu une autre enfant.
Cette enfant était forte, elle présentait une expression marquée
d'idiotie; la face était large, le front fuyant et la tête petite. La
.langue large pendait eu dehors de la bouche. De chaque côté du
cou, en dehors des muscles sterno-cleido-mastoidiens, il existait
deux gonflements symétriques, obliques de forme ovale, durs au
toucher et dépourvus d'élasticité. Ils s'étendaient des bords du tra-
pèze au milieu des clavicules. Je fus frappé de la ressemblance de
ce cas avec celui du crétin de Highgate. La mère me dit que
l'enfant était inhabile à se servir de ses membres inférieurs,
qu'elle n'était pas aussi forte que son autre enfant. Elle tomba ma-
lade quelque temps après, refusa toute nourriture, et mourut dans
les convulsions le 7 décembre 1849.
Autopsie. - Le cerveau ne présentait d'autres anomalies qu'un
arrêt de développement des lobes antérieurs. Malgré un examen
très attentif de la région cervicale, on ne trouva pas de glande
thyroïde; on ne put en découvrir aucune trace. Les gonflements
cervicaux consistaient en amas superficiels et non enkystés de
graisse lâchement unie aux parties environnantes.
M. Curling attribuait le développement des boules
graisseuses anormales à l'absence du corps thyroïde et,
par suite, à l'imperfection des processus d'assimilation.
II exprimait l'espoir que ces faits pourraient diriger
les recherches futures sur les fonctions de la glande
thyroïde. Ces deux cas sont, sans aucun doute, deux
cas types d'idiotie crétinoïde, ou mieux d'idiotie compli-
quée de cachexie pachydermique avec absence du corps
thyroïde.
Vingt ans plus tard, M. Hilton Fagge publiait dans
les ((fe'eo-c/rM ? zca/.T'raMco ? M') de 1871 un autre
cas de cachexie pachydermique chez un enfant idiot.
' liston Fagge. On spol'orlie crelinism, occuring in England(p. 155)
CACHEXIE PACHYDERMIQUE 7
Observation III. - Idiotie avec arrêt de développement du corps et
type crétineux de la face d'origine congénitale ( ? ). -Pas de goitre.
- Tumeurs molles et mobiles de chaque côté du cou en dehors des
muscles sterno-cléido-mastoidiens.
Edmond D..., âgé de huit ans, est entré le 20 novembre 1870
à l'hôpital des enfants malades Evelina (service de M. Fagge).
Il avait déjà été vu à la consultation externe par le Dr Baxter. Le
père et la mère étaient bien portants; sobres, ils menaient une vie
régulière, et une enquête sérieuse n'a pu révéler d'excès de bois-
son soit habituels, soit même occasionnels. Leurs autres enfants
étaient bien portants.
Fig. 1.
L'accouchement eut lieu au forceps. -A la naissance, l'enfant
était fort; - il perça ses premières dents'à deux ans; - il n'es-
8 IDIOTIE CRÉTINOÏDE.
saya de marcher pour la première fois qu'à trois ans et demi. -
Pendant sa première enfance, on n'observa aucun autre phéno-
mène anormal chez cet enfant. Mais, plus tard, sa mère s'aperçut
qu'il voulait toujours s'asseoir où qu'il fût, et que, silencieux, il
gardait souvent la même position plusieurs heures de suite. La
croissance s'arrêta, et la mère prétend qu'il n'a pas grandi depuis
deux ans et demi. Actuellement, quoique âgé de huit ans, il a
l'apparence d'un enfant de deux à trois ans. Il pèse 25 livres
(9 ? 73) et mesure 2 pieds 7 pouces 3/1 (environ Om·,76). Il est tran-
quille ; il s'assied et reste immobile à quelque place qu'on le
mette. Il se tient rarement debout de son propre mouvement. Un
air de contentement stupide le caractérise généralement; parfois
sa face s'illumine d'un sourire passager. Depuis qu'il est habitué
aux choses et aux personnes du service, il sourit toujours dès que
l'on fait attention à lui; il sourit sans motifs si on le lui commande.
Il parle peu et semble ne connaître que quelques mots; mais il
nomme correctement divers objets qu'on lui présente. Il estpropre
et paraît susceptible d'affection (Fiq. 4 .)
La tête est grosse et ronde; la face large; les yeux sont très
écartés; le nez à sa naissance est plat et large; son extrémité est
relevée; les ouvertures des narines sont arrondies. La bouche est
grande et ordinairement ouverte, mais il n'y a pas d'écoulement
de salive. Les lèvres sont épaisses. L'enfant possède toutes ses
dents de lait. La langue est de grandeur naturelle.
De chaque côté du cou, juste au-dessus des clavicules, il existe des
gonflements mous, mobiles et dépourvus d'élasticité. Ces masses
peuvent être attirées à une certaine distance en bas au-delà des
clavicules, elles semblent faire corps avec les tissus sous-cutanés
plutôt qu'avec les tissus sous-jacents. Il n'y a aucune prolongation
de ces masses vers les aisselles.
11 n'existe pas de goitre; on 'ne peut percevoir à la palpation
aucune trace de glande thyroïde.
Le thorax est bien conformé. Les membres sont courts et gros ;
les tibias, quelque peu courbés, mais on ne constate pas d'épais-
sissements rachitiques des épiphyses. Les mains et les doigts sont
très larges, courts, épais; il en est de même des pieds et des or-
teils. La peau, sauf celle de la face, est rugueuse et présente par
places des parties dures, de peu de dimension, de couleur
brillante gris brun; les cheveux et les cils sont longs, noirs et
abondants.
Telle est la troisième observation publiée sur l'idio-
tie crétinoïde; les symptômes se rapportent exactement
à la cachexie pachydermique.
CACHEXIE PACHYDERMIQUE. 9
Le quatrième cas est dû à M. Fletcher Beach '.
Observation IV. - Crétinisme sporadique. - Absence de glande
THYROÏDE.
Il s'agissait d'une enfant de quinze ans du poids de 11 kil. 530
(taille : 38 pouces (0 m. 78). Elle était très grasse ; la tête, aplatie
au vertex, était très large latéralement (voir la fig. 2) : diamètre
Fiv. 2.
longitudinal : 14 pouces (0 m. 23); circonférence : 19 pouces)
(0 m. 40). Les dents étaient régulières et bien conformées. L'en-
fant ne parlait presque pas; elle était d'un caractère enjoué, et
se livrait avec plaisir à différents amusements.
E.ivoyée à l'école de l'asile, elle apprit l'alphabet, put épeler
quelques mots de trois lettres et écrire deux lettres sous la dictée;
elle additionnait jusqu'à 5, comptait jusqu'à 50, multipliait par 2
jusqu'à 12; elle pouvait distinguer trois couleurs. Elle apprit un
peu à ourler. Elle possédait donc une certaine intelligence. Elle
était propre; l'appétit et le sommeil étaient bons, elle avait été
menstruée deux à trois fois. z
A l'autopsie on constata que le trou occipital était plus'petit qu'à
4 Fletcher Beach. - Notes of a case of spol'adic cretinisna with an
account of the Autopsie (The Journal of mental Science, vol. XXII, 1876,
p. 261).
10
IDIOTIE CRÉTINO1DE.
l'état normal; il présentait sur ses bords une petite saillie de
forme circulaire. La suture sphéno-basilaire était encore cartila-
gineuse. Le cerveau pesait 34 onces (434 gr. 06). Les circonvolu-
tions étaient très distinctes et grossières mesurant un demi-pouce
de largeur. A l'examen histologique d'une circonvolution on ne
découvrit ni dégénérescence totale ni inflammation. Les vaisseaux
étaient tortueux; la substance corticale était plus épaisse qu'à
l'état normal.
Il n'y avait pas traces de glande thyroïde. Les tumeurs grais-
seuses cervicales n'étaient pas enkystées; elles se prolongeaient
sous lessterno-cléido-mastoïdiens et les clavicules. (Voir fiy. 3).
Fig. 3. - Figure montrant la trachée, la langue, l'absence de corps
thyroïde, et les masses graisseuses. '
Nous nous abstiendrons de consigner ici les autres
cas d'autopsie de myxoedème parce qu'ils ne se rap-
portent pas au myxoedème congénital ou de la pre-
mière enfance, le seul que nous voulons étudier dans
CACHEXIE PACHYDERMIQUE. il t
ce travail Nous donnons de suite les deux cas d'i-
diotie crétinoïde qu'il nous a été donné d'observer. De
ces deux malades l'un Gr... est encore vivant, l'autre
Th... Et le Pacha, a succombé il y a quelques mois.
Observation V. - Père : incontinence nocturne d'urine jusqu'à dix-
huit ans ; - Alcoolisme, colère, tuberculeux. - Tante paternelle
. tuberculeuse. - Mère migraineuse et tuberculeuse ; oncle [maternel
alcoolisme et suicide. - Frère et SOE111' un peu arriérés. - Etat
, crétinoïde; symptômes de cachexie pachydermique.
Gr... (Emile), né le 13 avril 4858 à Strasbourg, est entré le
25 mars 1874 à l'hospice de Bicêtre. (Service de M. BOURNEVILLE.)
Renseignements fournis par une tante paternelle (12 mars 4880).
- Père né à Strasbourg 2, mort en 1878 de la poitrine, à l'âge de
quarante-neuf ans; s'était engagé à dix-sept ans, avait sa retraeit
depuis un an dans la garde républicaine. Alcoolisme, absinthisme;
se mettait souvent en colère; n'a jamais monté en grade; a pissé
au lit jusqu'à dix-huit ans. [Son père, journalier aux champs, ne
savait ni lire ni écrire; il était sobre, bien conformé et est mort
d'une fluxion de poitrine; sa mère, de taille ordinaire est morte
à soixante-quinze ans « de vieillesse ». Une soeur qui nous donne
les renspignements est intelligente; une deuxième morte poitri-
naire. Pas de nerveux ni de difformes, etc., dans la famille.]
111ère, née à Lille, morte en 1877, à trente-neuf ans, de tuberculose
pulmonaire, très intelligente, de taille assez élevée, était sujette
aux migraines. [Père ? - Mère serait encore vivante et habite-
rait Lille; deux frères, l'un d'eux se serait jeté à l'eau à la suite
d'alcoolisme et de chagrins; deux soeurs bien portantes. Pas de ner-
veux, ni de difformes dans la famillede consanguinité.
Cinq enfants : I Louis, vingt-deux ans, de taille élevée, peu in-
telligent, employé aux chemins de fer, pas de convulsions, a des
migraines; - 20 notre malade ; - 3° une fille de dix ans, grosse,
ne grandissant pas, peu intelligente, n'a marché qu'à trois ans,
pas de convulsions, a pissé au lit jusqu'à neuf ans et y pisse encore
quelquefois; - 4° et 5° d'autres enfants morts, l'un du croup,
l'autre de la rougeole.
1 Les autopsies de cas de cachexie pachydermique ne sont du reste
actuellement qu'au nombre de 13 : 2, de Curling (1850); 1, de rletcber-
Beach (1876); 1, de Charpentier; 1, de Bouchaud; 1, de Bail; 3, de Ord;
1, de Lloyd; 1, deGreenfield; 1, de Henrot; 1, de Brandes (ts8a). Ceux de
Curling et de rletcher-Beacl, ceux de Charpentier, de Bouchaud, de Bail,
et le nôtre appartiennent à des idiots crétinoïdes.
' Il y a quelques goitreux à Strasbourg.
12 2 IDIOTIE CRÉTINO1DE.
Notre malade, Gr... (Ernest), est né à Strasbourg le 13 avril 1858
où sa mère était allée faire ses couches, bien qu'habitant Paris de-
puis son mariage ; la grossesse n'avait rien eu d'extraordinaire; né
à terme. - A la naissance, il était gros, mais paraissait difforme;
la tête surtout était « horrible voir». Il a été élevé au biberon
à Strasbourg et avait plus de quatre ans lorsqu'il a commencé à
marcher : vers cette époque il eut la rougeole. Il est venu à Paris à
l'âge de cinq ou six ans, et n'a pas été trop tardif à parler. Il a
pissé assez tard au lit. Il n'est jamais allé à l'école, les autres en-
fants se moquaient de lui. Il restait à la caserne, faisait des com-
missions, car sa mémoire est bonne ; il était assez affectueux, et
se chagrinait facilement; il dormait bien et n'était pas peureux.
Point de kleptomanie, de pyromanie, d'onanisme; ni descrofulides.
48S0. 17 mars. - Tête très volumineuse, le crâne est assez ré-
gulièrement conformé et symétrique ; le front est bas, très large
et semble se continuer directement avec la face. Les arcades
sourcilières sont peu marquées et au dessous d'elles se trouve une
encoche facilement perceptible.
CACHEXIE PACHYDERMIQUE.
13
cariée; la troisième est en voie d'apparition. A gauche, la deuxième
petite molaire et la première grosse molaire manquent, la deuxième
et la dernière sont cariées.
Fig. 4. - Cette figure représente trois cas d'idiotie : le premier (à
gauche) avec goitre, les autres accompagnés de cachexie pachydermique.
- Le sujet de droite est Gr...
La voûte palatine est large, a sa profondeur habituelle, mais le
voile du palais n'est pas symétrique, la luette est un peu reportée
vers la gauche, l'arcade qui la sépare du pilier gauche est beau-
coup plus étroite que l'arcade du côté droit.
1 ré IDIOTIE CRÉTINOÏDE..
Le thorax est constitué d'une façon particulière. Vu de face, on
remarque que les dernières côtes forment, au niveau des hypo-
chondres, une saillie marquée en dehors, la base de la poitrine
est ainsi latéralement élargie; le sternum n'offre pas de saillie
anormale, mais les attaches des côtes à cet os, surtout les plus
inférieures, sont très saillantes; elles semblent s'articuler au ster-
num de la même manière que les clavicules.
La colonne dorsale au niveau de la base du thorax, forme une
dépression très marquée ; lorsque l'enfant est debout, il existe à
ce niveau un sillon vertical assez profond pour contenir le doigt.
lIIemb1'es. - Etant donnée la taille exiguë de Gr.. les
membres tant supérieurs qu'inférieurs sont réguliers, égaux, pro-
portionnés, ainsi que le montrent les mensurations ci-après :
Longueur du bras mesurée de l'acromion à l'épicondyle, 19 cent.
Longueur de l'avant-bras de cet épicondyle à l'apophyse styloïde
du radius, 19 cent.
Longueur de l'apophyse styloïde du radius à l'extrémité du
médius, 4 : 5 cent.
Longueur de la cuisse, de l'épine iliaque antéro-supérieure au
bord externe du plateau tibial, 3 cent, et demi.
Longueur de la jambe au bord extérieur du plateau tibial à la
pointe de la malléole externe, 27 cent. et demi.
De la malléole externe à l'extrémité de l'orteil médian, 16 cent.
Gr... mange assez proprement, se sert de la cuiller, de la four-
chette et du couteau; l'appétit est bon, les digestions sont nor-
males, les selles régulières; il n'y a pas de vomissements.
Respiration et circulation. - Auscullation du poumon et du coeur
normale. Pouls à 78 au moment de l'examen avec des inégalités
très grandes, il n'est pas perceptible au nheau de la radiale, on
ne le sent qu'au niveau de l'humérale.
La peau présente sur les membres et la plus grande partie du
tronc des altérations qui rappellent un peu l'icthyose. Elle est
rugueuse au toucher et couverte de fines squames épidermi-
ques. Sa couleur générale est basanée. A la face, on remarque de
très nombreuses taches de lentigo, principalement sur le nez et
le front, ainsi que sur les paupières inférieures. Il n'existe aucune
pigmentation ni des organes génitaux, ni du mamelon; pas de poils
au pubis ou sous les aisselles. Les cheveux sont assez fournis. Ils
sont durs, jaune rougeâtre, secs et gros. Ils descendent très bas
sur le front; les sourcils sont à peine marqués, les cils fins et peu
épais; pas le moindre poil de barbe bien que Gr... ait vingt-deux
ans. On remarque, en outre, diverses tuméfactions mollasses
semblables à de petits lipomes diffus ( ? ). L'une d'elles est située
à la partie droite de la base du cou, au niveau même de la clavi-
CACHEXIE PACHYDERMIQUE. 15
cule. Elle a le volume d'une petite orange, une consistance gélati-
niforme et se déplace avec la peau; du côté gauche, il en existe
une deuxième analogue à la première remontant en arrière jus-
qu'au bord antérieur du trapèze, mais moins volumineux que celle
de droite. Au niveau du creux axillaire et sur la paroi thoracique,
le tégument présente une disposition analogue.
Organes génitaux. - Le testicule droit est rendu au fond des
bourses; il est de la grosseur d'une noisette. A gauche, le scrotum
est vide, on sent à une certaine distance, dans le canal inguinal,
une petite tumeur assez dure, mais non douloureuse à la pression
qui parait être le testicule droit. A droite, au-dessus du testicule,
sur le trajet du cordon, on sent une tumeur du volume d'un oeuf
de pigeon sous laquelle bute ce testicule quand il remonte vers
l'anneau (hernie inguinale). - La verge ne semble pas anormale-
ment conformée; toutefois, il est impossible de découvrir le gland.
Le prépuce est fort long, et, quand on essaie de le repousser en
arrière, on détermine une vive douleur.
La sensibilité cutanée paraît normale dans ses différents modes.
0 ? -gaiesdes sens.-Yeux normaux; pupilles régulières, iris jaune
brun foncé et contractile; Gr... dit voir mieux de l'oeil gauche
que de l'oeil droit. En effet, on remarque, sur la cornée de ce
dernier, une petite tache d'albugo qui couvre la région inférieure
de la pupille. Il raconte du reste qu'il aurait eu, à une époque
qu'il ne peut préciser, une maladie de l'oeil pour laquelle il serait
resté dix-huit mois à l'hôpital des Enfanls. 11 connalt les cou-
leurs. - Ouïe, odorat, goût normaux.
1880. Si juin. - Le caractère est d'une susceptibilité extrême :
Gr... se considère comme un homme et ne tient plus aucun
compte des observations, il se met facilement en colère; il
demande à passer aux hommes, aux vieillards.
46 septembre. - Poids : 30kilog. Taille : lu,20.
Octobre. Vient à l'école depuis quatre ans; sous tous les rap-
ports ses progrès sont presque nuls; n'a pas de mémoire, ne peut
faire ni gymnastique, ni escrime.
21 septembre. - Ne vient à l'école que par contrainte et ne fait
aucun progrès; il est convaincu qu'à son âge on doit lui laisser
une entière liberté, ne sait pas encore lire, mais écrit un peu;
stationnaire sous tous les rapports ; il est très frileux.
4881. 4 juillet.- Gr... ne fait à l'école que des apparitions dont
le résultat est nul au point de vue des progrès : à la gymnastique;
il connaIt maintenant tous les mouvements d'ensemble.
31 juillet. - Poids : 29 kilog. 900. Taille, 1m,2l.
6 novembre. Gr... apris cette année régulièrementles douches,
qu'il prenait et cessait alternativement depuis deux ans; et, tan-
16 IDIOTIE CRÉTINOÏDE.
dis qu'autrefois il essayait de s'échapper, maintenant il les prend
seul. Il cherche à s'occuper un peu, aide au réfectoire à essuyer la
vaisselle et semble un peu moins lourd : on supprime les douches.
28 décembre. - Nous voyons le frère et la soeur de Gr... le
premier, qui a été soldat, a vingt-sept ans, mesure 4m,67, est
élancé, intelligent; sa soeur est âgée de treize ans, mesure 4m,40,
pèse 39k500; traits réguliers , elle est assez intelligente.
1882. 24 janvier. - A fait un peu de progrès en classe et en
gymnastique. Lecture courante, mais peu intelligente, calcul et
mémoire, néant. Poids : 31ki00. Taille : lm,21.
9 mai.- Lecture courante, mais peu expressive; calcul, ne con-
naît que l'addition et la soustraction; mémoire presque nulle, ne
peut apprendre ni histoire, ni géographie ; a quelques notions très
usuelles; en résumé, progrès peu appréciables ; il prend assez de
plaisir à l'escrime, mais ne peut pas apprendre à danser. Il va à
l'école une heure, matin et soir; le reste du temps, il est occupé
au réfectoire à balayer et à laver la vaisselle.
Juin. - Poids : 31 k800. Taille : je,22.
7 juillet. - Sorti en permission le 4, on lui a surpris, le 6, un
flacon d'eau-de-vie que ses parents lui avaient donné.
25 juillet.-Les deux testicules sont dans le scrotum. Le gauche
rentre facilement dans le canal inguinal; le droit ne peut pas
rentrer par suite d'une hernie qui descend dans les bourses et est
assez difficilement réductible. Les deux testicules sont gros
comme des billes. Pas de poils au pubis.
7 décembre.- Le teint a une coloration jaune cireux de plus en
plus prononcée; les paupières sont toujours légèrement bouffies.
Gr.. a delà répugnance au mouvement, surtout à la marche; ainsi
il n'aime pas les promenades, sauf celles où la voiture suit, ce
qui semble indiquer une fatigue rapide.
1883. Janvier. Poids : 33Jr.IOO. Taille : 4 ? 3.
30 juin. - Poids : 33k 300. Taille : lm,23 fort.
1884. 16 janvier. Entré à l'infirmerie pour des douleurs du
côté de sa hernie (inguinale droite) et des douleurs aussi du côté
opposé. La hernie parait réductible. Bain d'une heure. Soir : T.
R.37°,7.
47 janvier. - Les douleurs ont disparu. T. R. 370,5. - G... se
plaint de tousser un peu; voix enrouée; rien à l'auscultation.
20 janvier. - Poids : 3t kilog. Taille : 4 -23.
Juillet. Poids : 34k500; Taille : 1 m;a.
488. Janvier. - Poids : 35k.250; - Taille : 4m24.
Juin. - Poids : 36k200; Taille : 4m.25.
16 décembre. Il est procédé à un nouvel examen du malade.
La peau du cuir chevelu est sèche, couverte d'écailles brunâtres,
principalement depuis le vertes jusqu'au voisinage du front qui
CACHEXIE Y : 1CHYDLIt\ItQUE, 17 7
est ridé. Entre le tiers moyen du crâne, dans toute cette par-
tie, les cheveux, un peu roux, sont plus clair-semés. Les sour-
cils sont noirs, larges, assez bien fournis; les cils sont ! long ? ,
assez abondants par place; paupières supérieures très bouffies
diminuant considérablement l'ouverture des yeux, sans trace
d'oedème , mais rappelant les gonflements des paupières des
albuminuriques. Patte d'oie très prononcée. - La peau de la
face est sèche, squameuse, rugueuse au toucher d'une pâleur ci-
reuse avec de nombreuses macules. Amygdales petites; mu-
queuse buccale pâle; langue un peu épaissie. Gr... dit qu'il ne
peut sortir la langue. La parole est très pâteuse, lente, monotone.
De chaque côté du cou, qui est très court, dans le creux sous-
claviculaire, existent des masses adipeuses', comme gélatini-
formes, tremblante ? au toucher. La glande thyroïde, si elle existe,
serait très peu développée. - Les aisselles sont complètement
glabres; à leur partie antérieure on trouve des masses adipeuses
tremblotantes se prolongeant jusqu'au sein que l'on croirait tout
d'abord très développé, mais on ne sent pas la glande.
Organes génitaux. Bourses pendantes, de niveau; testicules de
la dimension d'un petit oeuf de pigeon. Le testicule droit parait
un peu plus gros que le gauche, mais de ce côté il existe une
hernie assez volumineuse qui, lorsqu'elle n'est pas réduite, fait t
descendre la bourse plus bas. Pénil glabre, mais au-dessus
quelques poils et de chaque côté une touffe. - Verge- Prépuce
long, verge déviée à gauche (hernie); circonférence, 90 millim.,
longueur, 90 millim. environ, car elle est assez difficile à appré-
cier à cause du tire-bouchon formé par le prépuce et du phimosis
qu'on ne peut pas réduire. -Quelques poils à la partie inférieure
de l'anus.
Sensibilité très vive au froid; même à l'atelier il se couvre beau-
coup et vient se placer le plus près possible du poêle.
Langueur corporelle; il fait tout avec lenteur. Il range avec
ordre toutes ses affaires; s'habille seul, assez bien, mais très len-
tement. La démarche est lourde ; parfois il court, mais très lour-
dement ; depuis quelque temps il a pris la manie de s'aider d'un
bâton pour marcher. Pas de céphalalgie ; mémoire très médiocre;
il ne peut rien apprendre par coeur; sa mémoire est conservée
pour les faits et les choses usuelles. Entré à l'atelier de tailleur
en 1883, il y a fait des progrès, mais lents; actuellement il fait
bien les coutures et sait se servir du fer.
20 déc. - L'urine contient 25 gr. 62 d'urée par litre.
22. - Gr... est souffrant depuis ce matin; vers neuf heures et
demie, frisson assez violent; en arrivant à l'infirmerie vomisse-
ment de glaires, de lait coagulé, etc., il n'a pas mangé ce matin
et se plaint d'une douleur siégeant au niveau de la fosse iliaque
l3uU1\NEVILL, 1886. 2
18 IDIOTIE CRI·TIN01DE.
droite. Partout ailleurs le ventre est médiocrement douloureux; il
existe un tympanisme léger. - Langue légèrement saburrale;
deux garde-robes ce matin. - La hernie se réduit avec une grande
facilité; pas de céphalalgie, ni d'épistaxis. - Teint bouffi et jau-
nâtre, coloration normale des conjonctives. Traitement : deux
verres d'eau de Sedlitz.
29. - L'urine examinée de nouveau contient 16 gr. 65 d'urée
par litre.
1886. 17 février. - Angine très légère.
Juin . - Poids : 37 kil. ; taille : 1 m. 26.
9 août. - T. R., 37°,4. - Soir : 37°,6.
10. - T. R. 37°,6. -Soir : 37°,4.
11. - T. R. 37°,4. - Soir : 3 i°,4.
12. - T. R. 37°,4. Soir : 37°,8.
13. - T. R. 37°,8. -Soir : 37°, 8.
14. - T. R. 37°,4. - Soir : 37°,4.
15. T. R. 37°,6. - Soir : 3î°,6.
16. - T. R. 37°,4.
23 août. - Un nouvel examen du malade montre peu do chan-
gements dans son état. Les paupières gauches sont plus bouffies
qu'à droite, aussi l'oeil droit est-il plus ouvert. A la lèvre supérieure,
aux extrémités, il existe un léger duvet; aux joues, rien. Les ais-
selles et le pénil sont glabres; à la racine des bourses se trouvent
quelques poils longs disséminés sur une hauteur d'un centimètre
et demi. Les bourses sont très pendantes. un peu plus à gauche
bien qu'il y ait une hernie signalée à droite. Le méat est normal.
Les organes génitaux ne présentent aucune autre particularité
qui n'ait déjà été signalée. Le pouls, un peu mou, est à 80; la
respiration à 24.
La sensibilité générale parait 1101 male sous toutes ses formes.-
L'ouie parait plus développée à droite; l'odorat est un peu obtus;
le goût est normal, et Gr... distingue les couleurs également des
deux côtés. c
Gr... s'occupe dans le service, nettoie les boutons des portes,
les cuivres des bains. Il travaille, en outre, toujours à l'atelier
du tailleur; il sait faire n'importe quelle couture, mais non les
rabattements, il sait repasser les boutonnières. Dans une séance
de quatre heures il peut faire un mètre cinquante de couture , ce
qui vaut à peu près quinze centimes; parfois il boude le maitre
tailleur parce qu'il n'est pas assez payé; on lui donne dix centimes
de récompenses chaque samedi pour son travail à l'atelier. Il
est du reste avare, ne dépense rien et, avec les quelques sous
qu'on lui donne, il a accumulé 9 fr. 511, plus tard il s'achètera des
vêtements pour sortir; en attendant, sa grande préoccupation est
de passer aux hommes.
CACHEXIE PACHYDERMIQUE. 19
A l'école, Gr... a fait quelques progrès ; il écrit mieux ; sa lec-
ture est peu près courante; il sait additionner, mais connait
peu la soustraction ; sa tenue est bonne, et il est propre. Son ca-
ractère est toujours un peu irascible, grognon, ronchonneur,
parfois grossier dans son langage.
24. - Poids : 37 kil. fort; taille : 1 ru. 27 fort. - L'urine est
claire, ne contient ni sucre, ni albumine. - La température prise
sur chaque cuisse avec un thermomètre de surface est de 3 ? t,
à droite comme à gauche.
Le cas de Gr... est un exemple de myxoedème a
forme légère se rapprochant sous beaucoup de rap-
ports, comme nous le verrons plus loin, des formes
observées à la suite de l'extirpation totale de la glande
thyroïde. Nous appellerons dès maintenant l'attention
sur l'absence probable de la glande thyroïde, sur les boules
graisseuses cervicales et sur le développement tardif
et encore imparfait de lapuberté; il semble toutefois que
uotre malade continue encore à se développer, quoique
lentement, ainsi que le montrent les mensurations se-
mestrielles de la taille : z0 en 1880; li,22 en 1882;
1 ? 3 en 1884; li,25 en 1885; 1m,27 en août 1886.
L'état intellectuel de Gr... s'est aussi amélioré; la
mémoire paraît meilleure, il semble un peu plus vif,
surtout en été, et il a fait des progrès tant à l'école
qu'à l'atelier.
L'observation suivante a déjà été publiée par l'un
de nous, dans le n° 36 du Progrès médical de 1880;
elle a été ensuite reproduite dans la thèse de M. Ridel
Saillard', communiquée à la Société de biologie (1882)2;
enfin le malade qui en fait l'objet a été montré à leurs
cours par M. Charcot et par M. Magnan.
1 Voir le Compte rendu de Bicêtre pour 1880.
2 Communication faite avec M. Gilles de la Tourette.
20 IDIOTIE CRÉT1 : V01DE.
Observation VI. - Idiotie et crétinisme. - Arrêt de développe-
ment. - Etat oedémateux et rénitent de la peau (cachexie pachy-
dermique) avec tumeurs myxoetiémateuses disséminées. - Exercices.
- Amélioration. - Erysipèles. - Refroidissement. Tym-
panite. - Atonie. Mort.
Autopsie : OEdème pulmonaire. -- Hydrothorax et hydro-
péricarde. Dilatation considérable du ccecum; absence du
corps thyroïde; dédoublement du cap de la troisième circonvolu-
tion frontale gauche; irrégularités et anomalies des circonvolu-
tions et des scissures ; petite tumeur siégeant sur un pli passage
allant dela deuxième à la troisième circonvolution frontale gauche.
Thén... (Eugène), né le 20 août 1861, placé à plusieurs
reprises par sa mère à l'infirmerie des idiots de Bicêtre, est entré
en dernier lieu le 16 juin 1879 (service de M. Bourneville), et y
est décédé le 18 novembre 1885.
Renseignements fournis par sa mère (22 octobre 4 879).- Père,
architecte, présentait une malformation du bras gauche, qui était
moins développé que le droit ; ce bras se terminait par un moi-
gnon formé par la région métacarpienne et une portion des
doigts rudimentaires. Il travaillait beaucoup, même de nuit, ne
faisait pas d'excès de boisson, il n'était pas migraineux, n'avait
jamais eud'affectionscutanées; d'une santé habituellementbonne,
il éprouvait parfois des étourdissements et avait des épistaxis qui
ont cessé à quarante-huit ou quarante-neuf ans. 11 est mort en
1871, à l'âge de cinquante-deux ans, des suites d'une hémiplégie
consécutive à une attaque d'apoplexie survenue dix-huit mois
auparavant. [Père, mort vers soixante-treize ans, d'une attaque
d'apoplexie. - Mère, morte jeune du choléra. Un frère bien
portant, pas d'aliénés, pas d'épileptiques, pas d'autres difformes
ni d'alcooliques dans la famille.]
Mère, quarante-cinq ans, couturière, bien portante, n'offrant
aucune trace de goitre, n'a jamais eu qu'une fièvre typhoïde dans
l'enfance ; elle n'est pas migraineuse, mais depuis, quelques
années, elle est sujette à des céphalalgies qu'elle attribue aux
chagrins; elle est très impressionnable et pleure facilement. Il
ne parait pas que le goitre et le crétinisme soient endémiques
dans son pays (Courancelle). Elle a une cousine au troisième degré
porteuse d'un goitre très gros, intelligente, qui serait la seule goi-
treuse du village. Dans son pays, elle auraitvu autrefois un homme
ressemblant à son fils. [Père, cultivateur, sobre, mort à quatre-
vingts ans, d'une chute; il n'était pas en enfance. - Mère, morte
d'une bronchite à soixante-douze ans ; intelligente, n'était pas
nerveuse ; un frère bien portant. intelligent, a deux enfants sains,
bien portants et intelligents ; deux soeurs jouissant d'une bonne
CACHEXIE PACHYDERMIQUE. 21 1
santé, non nerveuses, ont l'une, trois garçons, l'autre, un garçon,
tous bien portants. - Pas d'aliénés, etc.. dans la famille.]
Pas de consanguinité. Le père est né à Paris, la mère est de
Courancelle (Meuse).
Trois enfants : 1° garçon, mort à quinze mois, (la nourrice était
devenue tuberculeuse), n'a pas eu de convulsions; 20 notre ma-
lade ; 30 fille, bien développée, dix-sept ans, intelligente, s'exprimant
très nettement; traits réguliers, figure agréable, pas de goitre;
elle ne présente aucun accident nerveux '.
Notre malade. Durant la grossesse, à trois mois, la mère fut
renversée par une voiture ; cet accidenlsans conséquences graves
lui causa seulement peur ; elle était triste parce qu'elle n'était
pas encore mariée à cette époque ; il n'y aurait jamais eu de
scènes violentes; le père était marié et ne l'a épousée qu'après la
mort de sa femme. Elle n'aurait pas vu de crétins pendant qu'elle
était enceinte. - Accouchement à terme (à Neuilly-sur-Seine),
assez long; on aurait cassé un bras de l'enfant, le droit, croit-on,
et démis un poignet. A la naissance, l'enfant était très gros.
Il fut confié jusqu'à un an à une nourrice de Rambouillet, non
goitreuse, qui l'éleva au sein dans des conditions hygiéniques dé-
plorables (logement humide, etc.), et la 'mère soupçonne qu'il
Fig. 5. - Th... à l'âge de 4 ans.
aurait eu à cette époque quelques convulsions. Quoi qu'il en soit,
elle le reprit chez elle et, vers quinze mois, il commença à mar-
'Elle s'esl mariée à 19 ans, fait une fausse couche; en 1883, elle était
bien portante.
22 IDIOTIE CRÉTINOÏDE.
cher; il ressemblait alors, affirme-t-elle, à tous les enfants de
son âge; il était affectueux, donnait quelques signes d'intelligence
et prononçait un petit nombre de mots. C'est à cette époque
qu'il aurait fait une chute dans un escalier et depuis lors, au dire
de la mère, il aurait complètement changé. Deux ans après cet ac-
cident, il pouvait encore marcher assez convenablement, tenu par
la main; il n'aurait que rarement marché seul dans l'appar-
tement, et rarement sorti dehors. Bien qu'aucune nouvelle atta-
que de convulsions ne soit survenue, néanmoins, la parole
n'avait fait aucun progrès. C'est dans ces conditions que l'enfant
fut amené pour la première fois à Bicêtre, où il fit un séjour
d'un mois (juillet-août 1865). La mère ne voulut pas le laisser
davantage, parce que, dit-elle, il s'ennuyait et que, d'ailleurs,
il était devenu gâteux depuis son entrée. 11 marchait aussi moins
bien, mais était toujours très affectueux. La dentition se fit lente-
ment ; elle n'était pas complète à sept ans. En 981 I, sa soeur lui
fit par imprudence de fortes brûlures à la figure et aux mains. Il
fut alors ramené à Bicêtre, d'où il ne sortit qu'en octobre 1878
pour y rentrer l'année suivante, comme il a été dit plus haut.
État actuel (6 janvier 4880). - L'enfant reste pendant tout le
jour assis devant une table, dans un état d'inertie et d'obtusion
intellectuelle complète; sa position habituelle, à l'extrémité de
la table qu'il a l'air de présider, son regard indifférent et son
extrême apathie lui ont fait donner par les malades le sobriquet
de Pacha, sous lequel il est connu dans la maison.
La tête, légèrement fléchie sur le thorax, est volumineuse et
irrégulière et sa forme rappelle grossièrement celle d'un pain
de sucre. L'occipital forme en arrière une saillie notable du côté
gauche; en avant, on note, au contraire, un développement plus
considérable de la bosse frontale droite; vu d'en haut, le crâne
présente ainsi une plagiocépltalie assez marquée. La partie posté-
rieure du crâne est très développée, les sutures fronto-pariétales
sont saillantes 1 et les dépressions sus-sourcilières très pronon-
cées. Le cuir chevelu est atleint d'une calvitie presque'complète
et présente sur toute son étendue une desquamation analogue à
celle du pityriasis capitis. Les cheveux sont courts, volumineux,
secs, presque noirs ; ce sont des cheveux d'adulte et leur rareté
contraste tristement avec la physionomie enfantine du malade.
Le visage est hideux; le front et la racine du nez sont couverts
de rides, les sillons naso-labiaux sont très accusés, le nez est ca-
' Voir à l'autopsie la description du crâne.
CACHEXIE PACHYDERMIQUE. 23
mard, très déprimé à sa racine comme chez la plupart des petits
enfants; sur toute l'étendue de la face, la peau est mate, d'une
couleur blanc jaunâtre et bouffie; cette bouffissure, surtout mar-
quée au niveau des joues qui sont pendantes, des lèvres et des
paupières, contribue à accuser les rides et donne à la physionomie
un air vieillot, contrastant encore avec l'apparence fine et cireuse
de la peau qui est absolument glabre; les sourcils sont à peine
/t'ig. 6. - Th... à l'à-e de 20 ans.
marqués et les cils rares; les yeux restent constamment à demi
fermés et les paupières sont collées chaque matin par suite d'une
blépharite ciliaire double. - Ajoutons, pour terminer ce portrait,
qu'il existe sous le menton une vaste cicatrice de brûlure s'éten-
dant d'une oreille à l'autre, à la manière d'une jugulaire; la
surface de cette cicatrice, qui présente une couleur violacée, est
parsemée de brides dont quelques-unes, insérées au niveau du pli
mento-labial, produisent le renversement de la lèvre inférieure,
l'écoulement presque continuel de la salive et achèvent ainsi de
donner à la physionomie l'air bestial qui la caractérise. L'enfant
peut néanmoins fermer la bouche quand il le veut, mais un elfort
parait nécessaire pour cela et il ne le fait guère qu'au moment
de la déglutition. Pendant la mastication, la lèvre inférieure reste
pendante et laisse s'écouler au-dehors une partie de la salive et
24 IDIOTIE CRTINOÏDE.
des aliments. Les dents sont, pour la plupart cariées et usées jus-
qu'au niveau des gencives; en haut, les deux incisives médianes
de lait persistent en avant des dents définitives correspondantes.
Fig, 7. - Cette figure représente trois cas d'idiotie : le premier (à
gauche) avec goitre, les autres accompagnés de cachexie pachydermi-
que. - Le Pacha est tenu par les deux autres idiots.
Il ne parait pas exister d'asymétrie de la voûte palatine, ni de
malformation du voile du palais. Les oreilles sont régulièrement
ourlées, symétriques et présentent un lobule bien développé;
elles s'écartent fortement de la tête en arrière.
CACHEXIE PACHYDERMIQUE. 25
La bouffissure de la face, mentionnée ci-dessus, ne paraît pas
avoir existé toujours au même degré; il semble y avoir eu un
temps, d'après les renseignements fournis par la mère, où la
physionomie de l'enfant reflétait assez exactement ses sentiments.
Fig. S. - Th... à l'âge de 21 ans (mai 1882).
Aujourd'hui, la face bouffie paraît avoir perdu beaucoup de sa
mobilité et les rares phrases qui sont comprises n'excitent aucun
jeu de physionomie; la joie s'exprime par un sourire grossier et
disgracieux. La douleur et souvent une légère contrariété suffi-
sent à provoquer des larmes et des cris. La parole est réduite à
quelques monosyllabes; ajour pour bonjour, teuu pour gâteau, ci
pour merci et quelques autres. La voix est enrouée, nasillarde, la
prononciation confuse et ce n'est ordinairement qu'en pressant
l'enfant de questions ou en lui présentant le bonbon attendu
qu'on obtient une réponse lente à venir et comme traînée.
26 IDIOTIE CRÉTINOÏDE.
L'habitus général du tronc et des membres est assez remar-
quable. Outre le défaut de taille déjà signalé, on remarque une
extrême brièveté du cou qui est en même temps très élargi, mais
ne porte aucune trace de tumeur thyroïdienne. On sent distinc-
tement le larynx sur la ligue médiane en plaçant la tête dans
l'extension et en déprimant fortement les téguments, notablement t
épaissis à ce niveau. Tout au plus peut-on sentir, sur le côté droit
du cartilage thyroïde, quelques nodules roulant sous le doigt et
appartenant peut-être au corps thyroïde, qui serait par conséquent
extrêmement atrophié.
Sur toute l'étendue du tronc, la peau est fine, d'un blanc mat,
assez résistante sous le doigt, comme infiltrée et paraît recouvrir
une épaisse couche de tissu cellulaire lâche; au devant du thorax
elle est sillonnée de petites veines et de nombreux capillaires.
Ainsi que l'a fait remarquer M. Iladden, la transpiration est
insensible et l'excrétion de la matière sébacée paraît complète-
ment suspendue.
Au niveau des régions sus-claviculaires, au-dessous des aisselles
et en divers points du thorax, on la trouve soulevée par des
tumeurs molles, tremblotantes, d'apparence oedémateuse. Ailleurs,
elle est tendue, résistante sous le doigt et comme bouffie de
graisse. On ne constate pas à la main d'abaissement notable de
la température. Le thermomètre appliqué sur le devant de la
poitrine, puis sur une des tumeurs cervicales, a marqué successi-
vement 3 : i°,6 et z,2, la température extérieure étant de : 250.
La température rectale, prise matin et soir pendant huit jours
consécutifs, est restée invariablement à 37 ? le soir. Il parait
donc exister un léger abaissement de la température centrale.
Le ventre est volumineux.
Les membres sont gros, courts, empâtés, et la peau y présente
les mêmes caractères que sur le tronc; toutefois, on y observe
un abaissement de température, sensible même à la main; le
thermomètre, appliqué sur la face externe des bras, marque à
droite 33°,8, à gauche 34", I .
La main droite est déformée par une brûlure dont la cicatrice
a produit la rétraction des trois derniers doigts. La préhension
est encore possible avec le pouce et l'index dont le malade se
sert encore assez adroitement pour saisir les pièces de monnaie
ou les bonbons qu'on lui présente. Sur le dos de celte main, la
peau, comme oedémateuse, forme une pelotte épaisse, mais ce
gonflement résiste sous le doigt et ne disparaît pas par la pres-
sion. La main gauche offre un état analogue, bien qu'à un
degré moins marqué.
Aux membres inférieurs, la bouffissure est surtout prononcée
aux jambes et aux pieds dont la peau est plus ou moins cyanosée.
Les deux membres sont de longueur égale. La voûte plantaire est
CACHEXIE PACHYDERMIQUE.
27
à peine marquée; la marche est difficile, lourde, mais cependant
possible lorsque l'enfant est tenu par la main.
Il est intéressant de remarquer ici que le Pacha a fait à cet
égard de réels progrès depuis le mois d'octobre : tandis qu'il
avait alors beaucoup de peine à exécuter quelques pas; que, pour
cela, il restait confiné au lit une grande partie de la journée, il
parvient aujourd'hui, après avoir été exercé pendant huit mois à
faire le tour de la salle, à marcher presque sans aide. Il peut
également se tenir debout pendant un temps assez long, en s'ap-
puyant aux barreaux d'une chaise ou d'un lit.
Les organes génitaux ne présentent pas de vice de conformation,
mais un arrêt de développement complet; la peau y est épaisse
Fig. 9. - Th... à l'âge de 21 ans (mai 1882).
et pseudo-oedémateuse, comme dans les autres régions; les deux
testicules sont dans les bourses et ont à peine le volume d'une
noisette. Pas d'onanisme.
28 IDIOTIE CRET1NO1DE.
L'urine, examinée à plusieurs reprises et avec soin par M. Barré,
interne en pharmacie du service, est claire, citrine et ne contient
ni albumine, ni glycose. L'enfant est grand gâteux et la difficulté
.où l'on se trouve de recueillir isolément la quantité d'urine
rendue dans les vingt-quatre heures, n'a pas permis de doser
l'urée éliminée de ce côté.
Sur le tronc et les membres, la peau est absolument glabre,
même aux aisselles et au pubis, bien que le malade soit entré dans
sa vingtième année. D'après les renseignements recueillis dans le
service, elle était, l'année dernière, le siège d'une desquamation
continuelle, analogue à celle qui persiste encore sur le cuir che-
velu. Cette desquamation, surtout marquée aux membres, au
tronc et à la face, était furfuracée. Elle a disparu sous l'influence
de soins hygiéniques mieux entendus et des bains salés, adminis-
trés deux fois par semaine depuis octobre 1879.
La sensibilité générale est conservée, mais peut-être légèrement
émoussée ; le chatouillement n'est généralement pas perçu. La
sensibilité au froid est très marquée. Quant aux sensibilités spéciales,
la vue et l'oUle paraissent égales des deux côtés. Le goût semble
intact. Then... n'est pas salace, il écarte les saletés qu'il rencontre
dans son assiette. Il mange sa soupe seul, avec une cuiller qu'il
tient de la main gauche et les autres aliments avec ses doigts. 11
boit également seul en tenant le gobelet avec ses deux mains.
Appareil digestif. - Il n'existe ni vomissements après les repas,
ni constipation exagérée. Une chute du rectum, qui s'est produite
il y a quelques mois, a pu être réduite et maintenue par (fers cau-
térisations au galvanocautère. '
Nous avons déja indiqué, chemin faisant, l'étatde l'intelligence ;
notons encore que Then... reconnaît sa mère, sa soeur et les
diverses personnes du service ; parfois, sa physionomie semble
s'éveiller un moment à la vue de la nourriture ou des bonbons.
Une poupée qu'il a eu pendant quelques semaines paraissait lui
procurer quelque plaisir.
Le sommeil est tranquille, l'après-midi tout entière se passe
dans un état de demi-somnolence et d'immobilité. Jamais depuis
qu'il est à Bicêtre, cet enfant n'a présenté de phénomènes d'exci-
tation, ni d'accès convulsifs.
1880.8 décembre. - T. R. 370,4. - Soir : 37",4;resp.9; pouls 88.
9. -T. R. 37"; pouls 84.
. 1881. 24 février. - Etat fongueux des conjonctives, cautérisation
au nitrate d'argent.
23 mars. - On constate à la partie antérieure du cuir chevelu,
laquelle est glabre, une teinte rosée ; cette région est légèrement
furfuracée; la rougeur et le gonflement se prolongent sur le front
et presque jusqu'à la racine du nez et l'arcade sus-orhitaire où
CACHEXIE PACHYDERMIQUE. 29 9
elle se limite par un léger bourrelet. L'état des téguments (par
suite de la cachexie pachydermique) empêche d'explorer les gan-
glions.-Peau chaude, état saburral des premières voies digestives.
24. - Le malade paraît un peu abattu, la rougeur s'est
étendue ainsi que le gonflement, qui va latéralement jusqu'à
l'antitragus et en avant envahit les paupières supérieures. T. R.
39°,8. - Soir : 40°,3 (érysipéle).
25. Hier dans l'après-midi, après la purgation, selles abon-
dantes ; nuit tranquille. Le cuir chevelu est dégagé; le front est
encore un peu gonflé ainsi que les paupières; le gonflement per-
siste au niveau delà portion moyenne de la joue droite ainsi que
dans la région temporale du même côté ; l'oreille droite est rouge,
les lèvres ne sont pas noires. T. R., 39°,2. - Soir : 40,8.
26. L'érysipèle progresse du côté de la face, la joue droite est
beaucoup plus gonflée, plus rouge. T. R. 39°,6. -Soir : 40°,3.
27. - T. R. 39°,4. -Soir : 40°,3.
28. - Le cuir chevelu et la région faciale supérieure sont
redevenus normaux ; l'oreille droite, la lèvre inférieure et le bas du
visage couvert de cicatrices, de brûlures à droite, restent tuméfiées,
une phlyctène pleine de sérosité recouvre le menton à gauche. Le
malade ne boit que du lait et du vin de quinquina. - Traitement :
huile de ricin, compresses d'eau de sureau, etc.
29. - La rougeur est moins vive; la tuméfaction persiste, les
paupières sont gonflées et lesbords sont agglutinés. Thén... boit du
lait avec plaisir. T. R., 390. -Soir : 40°,2.
30. - Le bas du visage n'est plus tuméfié ; la peau desquame
par place ; les paupières restent gonflées, les yeux larmoyants.
- L'érysipèle a quitté la face pour devenir ambulant; il occupe,
en effet la partie postérieure du cou et de l'épaule droite. La
plaque d'érysipèle est rouge ; le bourrelet n'est pas franc ; les
bords vont en se perdant vers l'avant-bras, la pression digitale
laisse une empreinte blanche très fugace. Le malade semble gai,
mais il n'a pas d'appétit. T. R. 39°,2. - Soir : 39°,6.
31. - L'érysipèle commence à gagner la région pectorale ; il
est descendu jusqu'au tiers inférieur de l'avant-bras ; pas d'abat-
tement. - Potion : extrait de quinquina, 3 gr.; rhum, 50 gr. ;
huile de ricin, 30 gr. T. R. 39 ? Soir : 39°,8.
fer avril. - L'érysipèle a pâli au niveau de l'épaule et du bras,
il prend un aspect rouge-clair moucheté ; le bourrelet fait défaut;
la peau n'est ni chaude, ni résistante. La peau du bras est le siège
d'une desquamation furfuracée. Le malade boit du lait, dort bien, 1
est gai, et répond dans la mesure de son possible. T. R., 39o. J
Soir : 39°,8.
2. - Envahissement de la partie inférieure du bras et supérieure
de l'avant-bras droit par l'érysipèle; faible rougeur de la paroi
antérieure de la poitrine ; en arrière, rougeur légère de la région
30 IDIOTIE CRÉTINO1DI3.
scapulaire droite; rien à la face, si ce n'est une desquamation
légère et furfuracée. T. R. 39 ? - Soir : 40".
3. - T. R. 38°,G. Soir : 39 ? 2.
4. -Il existe encore un peu de gonflement à l'avant-bras droit,
mais la rougeur a disparu. A l'avant-bras du côté gauche, l'érysipèle
n'existe que sur la face dorsale en arrière du cubitus et dépasse
de deux centimètres j'olécrâne en haut. T. R. 38°. - Soir : 38,4.
19. - L'enfant est levé et est assez gai ; on recommence à le
faire marcher.
1or juin. - Hier, il était mal en train ; il semble que la peau du
côté droit de la tête, tempe, et région pariétale, est rosée et un peu
oedématiée ; la pression du doigt laisse une empreinte. On ne peut
que présumer l'érysipèle, vu l'état ordinaire de la peau; pas d'ap-
pétit ; un vomitif. - T. R. 40°.
2. - La rougeur occupe aujourd'hui toute la partie inférieure
de la joue droite, le menton, la partie inférieure de la joue
gauche etle lobule de l'oreille gauche ; rien aux lèvres. L'érysipèle
marche de droite à gauche; langue humide; nuit tranquille; pas
d'agitation. - Soir : T. R. 40°.
4. - L'érysipèle descend, il quitte progressivement la face pour
suivre la nuque et le dos; toute la portion dorsale est prise. La
rougeur se limite à la première lombaire en avant et latéralement
à gauche de la ligne axillaire verticale. A droite, elle empiète
un peu sur le creux de l'aisselle. La rougeur de la face a disparu,
mais elle persiste encore dans la région précédemment indiquée;
de plus, elle descend en arrière, jusqu'à l'articulation sacro-verté-
brale environ. Du côté gauche, elle dépasse la ligne axillaire et
gagne le mamelon. Du côté droit, elle atteint seulement le mame-
lon ; de plus, elle a envahi tout le bras et l'avant-bras, s'arrêtant
brusquement par une ligne circulaire àcinq centimètres du poignet.
Constipation, lait, lavement purgatif. T. Ii. 40°,2. - Soir : 40n,8.
5. - T. R. 40°,1. - Soir : 40°,8.
6. - Th... est plus gai, et ne parait pas être accablé parla
fièvre. La rougeur de la face a disparu; elle persiste encore dans
les autres régions et de plus descend en arrière jusqu'à l'articula-
tion sacro-vertébrale environ; du côté gauche, elle gagne la ligne
axillaire antérieure et le mamelon ; du côté droit elle atteint éga-
lement le mamelon, a envahi tout le bras et l'avant-bras, s'arrê-
tant brusquement par une ligne circulaire à cinq centimètres du
poignet. Pas de vomissements; constipation. - T. R. 39°.
Traitement : Lavement purgatif, lait, etc.
7. - Des deux côtés, l'érysipèle dépasse le mamelon, tendant à
gagner la ligne médiane. De même, la rougeur descend sur le
côté droit jusqu'au poignet; l'état général estbon. -'1·. R. 38°,6.
- Soir : 38°,6.
CACHEXIE PACHYDERMIQUE. 31
8. - La rougeur a gagné la main droite; en même temps elle
disparait en arrière, elle est moins nette sur le dos en avant ;
légère rougeur de l'abdomen. T. R. 38°,2. -Soir : 38°,8.
9.- La rougeur est limitée à la main et au poignet droits, les
autres parties atteintes sont en voie de desquamation. T.R., 38°,4.
- Soir : 38°,6.
10. - Les doigts sont envahis par l'érysipèle, l'état général est
bon. T. R. 380 ? - Soir : 38°6.
Fig. 10. - Th... l'ââe de 22 ans (octobre 1883).
Il. - T. R. 3Sa,2. - Soir : 38°,2.
12. - T. R. 38o. - Soir : 38°.
13. - T. R. 37°,6. - Soir : 37°,6.
14. - T. R. 37°,6. - Soir : 37°,4.
15. T. R. 37°.6. - Soir : 37°,4.
16. - T. R. 3 ? 4.
17. - L'érysipèle est en voie de desquamation totale; la peau
a repris sa coloration et sa rénitence habituelles, la température
est stationnaire.
32 IDIOTIE C12R'rINOIDE.
27. Th... est revenu à son état habituel, et est très gai.
1881. Juillet. - Poids : 20 kilogr. 100.
1882. Janvier. - Poids : 19 kilogr. 50.
1883. Janvier. - Poids : 19 kilogr. 800.
14 novembre. - Th... n'a rien présenté de particulier dans le
courant de l'année. On l'exerce à marcher, ce qu'il fait, tenu par
la main. La mémoire parait exister; il reconnaît les personnes
qui fréquentent le service, et même celles qui, ne venant que
rarement, lui donnent des sous. Le 14 juillet 1883, les enfants
ayant reçu un supplément de la centilitres de vin de Bagnols, il a
volé et bu la part de son voisin. Cet excès l'ayant excité, il cher-
chait à parler spontanément, chantonnant « Nicolas » et « l'Amant
d'Amanda". Depuis, il se montre très satisfait, si on lui parle de e
bagnols, il en boit avec plaisir, et, posant son verre avec satisfac-
tion sur la table, il dit : « Ça y est » ; « hon, ça ! ».
1 884. 31 janvier. Poids : 20 kilogr. 700.
2 février. - Dentition. Mâchoire supérieure. Permanence des
racines de la plupart des dents de lait sur lesquelles on ne trouve
que deux dents permanentes, les deux incisives centrales entières;
elles sont sorties en arrière des racines des dents de lait; très
inclinées en arrière; les molaires permanentes du fond de la
bouche sont profondément cariées; il ne reste plus que des débris
de racines.
Mâchoire inférieure. - On ne trouve comme dents permanentes
que les deux incisives centrales entières, une petite molaire droite
et une gauche; ces dents sont sorties en arrière des dents de
lait qui persistent. La canine de lait gauche persiste; les autres
dents de lait sont tombées sans être remplacées, peut-être cepen-
dant des dents permanentes cariées ont-elles été arrachées. L'ar-
ticulation du maxillaire est défectueuse; la mâchoire inférieure
est portée un peu en avant et les dents viennent mordre sur le
milieu des racines des dents de lait sans tomber au niveau de la
gencive.
Les gencives, un peu décollées, mais relativement en assez bon
état, forment un bourrelet autour des dents et des racines.
Août. - Poids : 20 kilogr. 300. Taille : Om,90.
9 octobre. - On constate une tuméfaction du volume d'un petit
oeuf de pigeon entre les deux sourcils; à la palpation, cette tumeur
donne la sensation de l'oedème; elle présente à sa surface une
rougeur érysipélateuse; les paupières sont tuméfiées. T. R. 3 ? 3.-
Soir : 37°, 5.
10. - La tuméfaction' notée hier a considérablement diminué ;
CACHEXIE PACHYDERMIQUE.
33
mais les joues, surtout la gauche, sont oedématiées et présentent
une rougeur uniforme sans bourrelet périphérique; la peau n'est
ni chaude, ni douloureuse à la pression ; les ganglions sous-iiiaxii.
laires ne sont ni tuméfiés, ni douloureux. T. R. 371,6. - Soir
37°,6.
11. - Même état. T. R. 37°,4 . - Soir : 37°,7.
12. - La tuméfaction des joues a diminué, la rougeur est loca-
lisée surtout au niveau du menton et de la lèvre inférieure; ni
douleur ni adénite. L'appétit a été conservé pendant toute la durée
de l'affection.
13. - T. R. 37°,5, - Soir : 37o,r;,
14. - T. R. 37°,4. - Soir : 3î°,5.
15. - T. R. 37°,6. - Soir : 37°,7.
16. La face a repris son aspect habituel. Le malade est levé.'
T. R. 31°,4.
Fig. II. Th... à l'âge de 23 ans (novembre 1884).
lo décembre. Le malade, jusqu'ici en robe, a été habillé avec
un pantalon; il ne gâte plus durant le jour; depuis longtemps,
il a une selle tous les deux jours.
Bourneville, 1886. 3
34 IDIOTIE CR);TINO1DE.
1885. Janvier. Poids : 20 kil. 500. - Juin. Poids : 20 kil. 700.
Juin. - Amélioration au point de vue de la marche ; il est plus
solide sur les jambes, mais manifeste toujours une grande répu-
gnance à se mouvoir, et on y parvient en lui promettant soit une
friandise, soit surtout du vin de Bagnols. On lui fait fabriquer
une canne afin d'arriver à ce qu'il marche seul. Th... s'est amé-
lioré sous le rapport de la propreté et nous sommes parvenus à
remplacer la robe par le pantalon (fig. 21). Il est sujet à être
constipé et est très sensible au froid.
13 novembre. - Tb..., n'ayant pas été à la selle depuis quatre
jours (il ne mangeait pas depuis deux jours et paraissait souffrir),
est amené à l'infirmerie. Lavement.
d4. - La constipation persiste; ventre très ballonné, sonore;
le lavement de la veille n'ayant produit aucun effet, il lui en est
administré deux autres dont l'un purgatif, qui restent de même
sans effet.
15. - Le matin, purgatif, aucun résultat. Le soir, nouveau
lavement suivi d'une selle très abondante. Th... ne prend que du
lait. Gonflement très marqué de la lèvre supérieure et de la joue
droite, qui est rouge et luisante. Tympanite considérable. T. R.
390; à 3 heures du soir : 3S°,8. - Soir : 40 ?
46. - Le malade tousse un peu; l'auscultation, très difficile à
pratiquer, ne dénote rien de saillant; la lèvre inférieure est le
siège d'un gonflement assez marqué; à l'inspection du thorax, du
reste très difficile, il ne semble avoir rien d'anormal. T. R. z
- Soir : 380,8.
47. - Pas de changement notable, pas d'évacuation : eau-de-vie
allemande, 20 grammes. Le soir, Th... n'ayant pas eu de garde-
robe, on lui administre un lavement purgatif. T. R. 38",4. -
Soir : 380,2.
18. - L'eau-de-vie allemande et le lavement purgatif n'ont
produit aucun effet. Le matin, Th... a demandé le vase, mais il a
fait des efforts inutiles. - L'abdomen est ballonné, tympanique ;
les lèvres sont cyanosées, la respiration est plus courte et plus
fréquente ; à la palpation, on croit sentir une tumeur assez dure,
de l'S iliaque irrégulière, bosselée et garnie probablement par
un amas de matières stercorales (2).- L'examen est très difficile
par suite du ballonnement du ventre. Refroidissement notable ;
pas de vomissements. Deux lavements simples donnés presque
coup sur coup ne sont pas rendus. Un lavement à la glycérine
amène des scybales dures. Pas d'émission de gaz. Le soir, deux
syphons d'eau de Seltz sont donnés par le rectum au moyen de
la sonde oesophagienne, ils ne produisent aucune évacuation.
Mort à 10 heures 35 du soir. Avant de mourir, le Pacha a
ouvert les yeux tout grands et a poussé plusieurs soupirs. T. R.
CACHEXIE PACHYDERMIQUE. 35
38 ? - Soir : 40°, 2. Un quart d'heure après le décès : 36°,4. Une
heure après le décès : 32°,3. Deux heures après le décès : 30°.
Poids après décès : 21 kilogr. 100.
Note complémentaire. - Les cheveux sont noirs, moyennement
abondants à la région occipitale; ils vont en diminuant sur la
partie inférieure des pariétaux et la partie antérieure du tem-
poral. Sur la ligne médiane, ils s'avancent sur le milieu du frontal
en formant unehoupette; entre cette houpette médiane et les
parties latérales il existe une calvitie presque complète.
Le cuir chevelu, pâle, présente des rides nombreuses, des squames,
quelques croûtes sèches assez grosses, et d'autres petites en assez
grand nombre. Les sourcils sont peu fournis ; les poils sont
implantés verticalement de bas en haut et de dedans en dehors.
Les cils sont assez rares à la paupière supérieure, très rares à la
paupière inférieure.
On constate une absence complète de poils sur tout le reste du
corps : aisselles, dos, thorax, anus, lèvres supérieures, joues. La
peau a un aspect cireux, pâle. Les ongles sont assez minces,
courts; on n'a besoin de les couper qu'à des intervalles très éloignés.
La peau des bourses est épaisse, ridée et, au premier .abord,
parait oedématiée, mais l'empreinte des doigts ne s'y dessine pas.
Il existe quelques poils rares et courts au pénil ; la peau de la
verge et surtout du prépuce est épaisse, ridée, comme boursoufflée,
sans oedème.
Le prépuce est allongé et sa moitié inférieure forme une sorte
de tablier qui dépasse la moitié antérieure de la largeur d'un
centimètre. La verge, relativement grosse, a cinq centimètres et
et demi de longueur et cinq centimètres de circonférence ; le gland
est découvrable, le méat est normal. Les testicules ont la dimen-
sion d'une assez grosse noisette. Pas d'onanisme.
Crâne. - Il appartient au type brachycéphale ; voici les princi-
pales dimensions :
36 IDIOTIE CRETINOÏDE.
Digestion. - Th... mangeait et buvait seul assez proprement;
la mastication était à peu près nulle ; il bavait continuellement à
cause du prolapsus de la lèvre inférieure, consécutif à la brûlure
dont il a été question. L'abdomen est toujours volumineux. Les
selles se faisaient tous les deux jours et étaient souvent dures.
Th... était devenu propre et demandait « Pot », «chier».
Voici quelques mensurations supplémentaires :
CACHEXIE PACHYDERMIQUE. 37
partie du ligament suspenseur du foie, qui constitue la grande faulx
du péritoine, a acquis un grand développement en hauteur; à la
partie moyenne, elle mesure 5 centimètres de largeur, sa lon-
gueur est de 13 centimètres.
A l'ouverture de la cavité abdominale, le coecum se présente
tout d'abord ; il est très dilaté, recouvre une partie du colon ascen-
dant, du colon transverse et de l'estomac; à 7 centimètres au-
dessus de l'appendice vermiforme, le colon ascendant est tordu
sur lui-même de façon que la surface antérieure du coecum se
trouve postérieure, et réciproquement, l'extrémité ceecale d'infé-
rieure est devenue supérieure. Le tout forme une tumeur qui
atteint une largeur de 11 centimètres in. Le reste du colon
ascendant et le colon transverse dans sa partie droite ne sont
pas dilatés. La partie gauche du colon transverse, le colon descen-
dant et l'S iliaque sont assez dilatés, on y sent des matières
molles moulées; l'intestin grêle, non dilaté, occupe sa situation
normale; le grand épiploon est remonté ; il n'est pas surchargé
de graisse, l'estomac est dilaté. Au niveau de la torsion et
ailleurs, on ne constate ni oedème, ni inflammation, niecchymo-
ses, etc. Le coecum ponctionné laisse échapper une grande quan-
tité de gaz présentant l'odeur ordinaire, sans exagération. - La
vessie est presque vide. - Le foie atteint le rebord costal ; le
diaphragme remonte au bord supérieur de la quatrième côte à
droite, au bord inférieur de la même côte à gauche.' Les muscles
pectoraux sont très décolorés, et ont presque l'apparence de
muscles de grenouille; ils sont peu développés.
Cavité thoracique. A l'ouverture du thorax, on constate la
présence de brides longues et résistantes entre le sternum, les
cartilages costaux et le poumon droit. Le tissu cellulo-adipeux
qui recouvre le péricarde est oedématié, tremblotant. Le poumon
gauche est refoulé en haut; quelques brides relient sa face externe
aux côtes; la cavité pleurale gauche contient un liquide citrin
clair. Adroite, on constate de même quelques brides lamelli-
formes, assez longues et assez résistantes; on trouve le même
liquide citriu clair dans la cavité pleurale. Au devant des vais-
seaux du cou, on trouve un peloton graisseux s'étendant jusque sur
la partie antéro-supérieure du péricarde, ce peloton adipeux a la
forme du lobe droit du thymus dont il semble occuper la place.
La cavité du péricarde contient une assez grande quantité (un
verre environ) de liquide jaune citrin. Le coeur en systole est
petit; sa pointe est formée par le ventricule gauche; on trouve
sur la face antérieure, près de la pointe, une petite plaque lai-
teuse ; le ventricule droit est affaissé ; sur sa face antérieure se
trouve également une petite plaque laiteuse; les deux oieillettes
sont dilatées. La graisse qui se trouve à l'état normal dans les
sillons est ici beaucoup moins abondante que d'habitude. L'oreillette
38 IDIOTIE CRÉTINOÏDE.
droite renferme du sang liquide noir et quelques caillots fibri-
neux. Le ventricule gauche contient un peu de sang liquide. Les
deux orifices auriculo-ventriculaires admettent avec peine la pulpe
des deux doigts index et médius réunis de la main gauche. Les
valvules sont suffisantes et saines. Le myocarde est pâle, mais
cette pâleur est moins accentuée que celle des muscles de l'abdo-
men (épaisseur à droite, 12 mill.; à gauche, 3 mill. 1/2. Le trou
du Botal est obturé. Sur la crosse de l'aorte, au-dessus des
valvules, on trouve quatre larges plaques athéromateuses ; il en
existe une autre petite dans l'espace sous-aortique.
Poumons. - A la coupe des bronches, il s'écoule un liquide
muco-spumeux. A la partie postérieure du lobe inférieur gauche
existe quelques petites ecchymoses sous-pleurales. Le tissu pulmo-
naire, très compacte au lobe inférieur, l'est moins au lobe'supérieur
et est partout très oedématié. Les bronches sont légèrement hype-
rémiées, on les poursuit très facilement jusqu'à la périphérie.
- Le poumon droit possède ses trois lobes ordinaires, mais sur le
lobe inférieur on rencontre une scissure profonde. On constate
sur ce dernier lobe quelques petites ecchymoses ponctuées. Les
lésions sont les mêmes qu'à gauche. Sur la plèvre pariétale
droite sont disséminées quelques petites ecchymoses. - La mus-
culature du diaphragme est pâle, mais moins que celle du thorax.
Cavité abdominale. - Rate (300 grammes), rien de particulier.
- Pancréas, normal. - Uretères normaux, le gauche sinueux.
- Capsules surrénales, saines. - Reins. Le tissu cellulaire péri-
néphritique est comme oedématié. Le rein gauche, entouré d'une
épaisse couche de graisse, se décortique facilement (quelques
étoiles de Verrlieyeu),; il parait au toucher plus dur que d'habi-
tude, sans qu'on puisse y constater à l'oeil nu de lésions de
néphrite interstitielle (épaisseur de la couche corticale : 4 millim.).
- Le rein droit se décortique facilement; il est très lobulé, beau-
coup plus petit que le gauche, plus ferme à la coupe. Sur la sur-
face externe, on constate deux petites dépressions et un petit kyste.
Le duodénum contient un liquide renfermant des grumeaux
blanchâtres. - L'estomac est rempli d'une masse coagulée pro-
venant du lait; rien de particulier. - Le canal cholédoque est
perméable ; il s'en écoule par la pression une bile claire, peu
visqueuse. - Vésicule biliaire normale. -- Le tissu hépatique
semble un peu plus ferme que normalement. Les intestins ne
présentent rien à relever ; leur tunique interne, loin d'être hyper-
trophiée et infiltrée, parait d'épaisseur normale et plutôt sèche.
Pas de surcharge graisseuse du mésentère.
Le bassin est petit ; il mesure, dans le diamètre antéro-posté-
rieur, 6 centim.; dans le diamètre transverse, 6 centim. 4 ?
Dans l'aine gauche, on trouve deux paquets ganglionnaires, et un
ganglion isolé dans une masse graisseuse.
CACHEXIE PACHYDERMIQUE. 39
Le larynx est étroit et présente un léger oedème des cordes
vocales. - Le pharynx n'offre rien de particulier. Malgré une
recherche minutieuse, on ne peut trouver trace du corps thyroïde.
Les nerfs grands splanchniques, les ganglions semi-lunaires, la
partie inférieure du grand sympathique paraissent absolument
normaux; les parties supérieure et dorsale du grand sympa-
thique sont de même normales; peut être, cependant, sont-elles
un peu plus volumineuses qu'à l'ordinaire ( ? ).
Cavité crânienne. - Encéphale : 4 075 gr. - Cervelet et isthme :
4 15 gr. - Isthme : 15 gr. - Protubérance assez petite, symé-
trique, ainsi que le bulbe. - Hémisphères cérébelleux, égaux. - La
glande pinéale a 4mm environ de diamètre. Le corps pituitai1e
a lo à '<6 ? de largeur et 1 centim.de hauteur; il est assez épais;
paraît sensiblement hypertrophié. Lorsqu'on enlève le cerveau, il
s'écoule une assez grande quantité de sang et de liquide céphalo-
rachidien. La partie qui reste au fond de la calotte est d'environ
40 à 60 gr. - La dure-mère est assez adhérente au crâne : elle est
gorgée de sang. - La pie-mère de la base est légèrement vascu-
larisée; celle de la convexité, surtout dans une largeur de 3 ou
4 centim. au voisinage de la grande scissure, l'est au contraire à
un degré très notable, d'un rouge bleuâtre et un peu oedémateuse.
Il n'y a pas de différence entre les deux côtés.
Lorsqu'on examine la base du cerveau, on constate une difiérenca
très sensible de longueur entre les deux hémisphères : l'hémis-
phère cérébral gauche mesure 18 centim., l'hémisphère droit
déborde le gauche un peu en avant et davantage en arrière. -
Les artères, nerfs, tubercules mamillaires, pédoncules, sont symé-
triques, ainsi que les nerfs olfactifs. Les deux hémisphères céré-
belleux sont égaux. -Pas de traces d'athérome.
La pie-mère est mince et s'enlève pattout sans entraîner de
substance corticale, sauf en quelques points très rares; sur un des
plis de passage allant de la deuxième à la troisième circonvolu-
tion frontale, on trouve une petite tumeur de la grosseur d'une
lentille, faisant une saillie d'un à deux millimètres.
Sur l'hémisphère droit, la pie-mère s'enlève facilement; elle est
très mince, en quelques points principalement; le long de la
grande scissure, on entraine un peu de substance grise; à l'extré-
mité antérieure dela troisième frontale, on trouve une ecchymose
superficielle de la substance grise. L'aspect des circonvolutions
est luisant et rappelle, principalement sur les lobes temporaux et
occipitaux, l'aspect du cerveau des nouveau-nés, sorte d'aspect
gélatiniforme. Pas de lésion en foyer; pas d'induration de la corne
d'Ammon ; pas de dilatation des ventricules. - Rien aux plexus
choroïdes. Les deux hémisphères cérébraux décortiqués sont
égaux.
Crâne, - Aucune suture de la voûte n'est ossifiée, sauf la
40 IDIOTIE CRÉTINOÏDE..
suture bi-frontale, dont on voit encore distinctement la trace,
surtout sur la table externe; son tiers supérieur n'est pas ossifié
et forme la plus grande partie de la fontanelle. Les sutures sont
très apparentes; au niveau des sutures fronto-pariétales, et,
latéralement, les pariétaux sont quelque peu plus proéminents
que le frontal. - L'occipital proémine de même sur les pariétaux.
- La fontanelle antérieure est persistante, son angle postérieur
est cependant beaucoup réduit, elle a de ce fait une apparence
presque triangulaire. Les pariétaux sont minces, hyperémiés; le
frontal est d'une épaisseur moyenne, les deux tables sont peu
développées, le diploé l'est davantage. L'occipital est peu
développé. Vue par sa face interne, la calotte présente une
ossification incomplète, au point de réunion des pariétaux et du
frontal, correspondant à toute la fontanelle antérieure; sur les
côtés on note une ossification incomplète, en arrière des sutures
fronto-pariétales sur un espace d'environ un centimètre de lar-
geur ; l'artère méningée moyenne s'y est creusée des sillons
profonds. Sur le frontal, à droite et près de la suture bi-frontale
et à 4 centim. environ au-dessous du pariétal, on remarque une
dépression arrondie de I centim. environ de diamètre.
Hémisphère gauche.- La scissure de Sylvius (l'r.. II, Sc. S.) laisse
à l'état frais une partie de l'insula à découvert; après un séjour de
plusieurs mois dans l'alcool tout l'insula et les plis de passage du
lobe temporal se trouvent à découvert. Elle possède deux rameaux
antérieurs ascendants (ai, nt) et un rameau antérieur horizontal
très profond et un peu sinueux. Le rameau postérieur horizontal
(a3) est très profond, large et se termine dans le lobule pariétal
inférieur après un trajet de 18 millimètres le long de son bord
inférieur. '
Le sillon deRolando (S. R.), profond et sinueux,prend son origine
dans la scissure de Sylvius et est interrompu vers son quart infé-
rieur par un pli de passage allant de la frontale ascendante à la
pariétale ascendante.
La scissure perpendiculaire externe (Sc. p. e.) n'est séparée du pli
courbe que par un pli de passage se dirigeant du lobule pariétal
supérieur à la première circonvolution occipitale; son extrémité
inférieure se trouve située à un centim. de l'extrémité postéro-
supérieure de la scissure parallèle.
Lobule orbitaire. - La scissure olfactive est profonde. La scissure
orbitaire assez profonde figure deux Il accolés par l'un de leurs bords
et possédant deux barres transversales. - Legyrus rectus est peu
volumineux. Les première etdeuième circonvolutions orbitaires sont
bien développées. La partie moyenne du lobule orbitaire, surtout
au niveau des deux branches transversales du double H, est très
concave. L'incisurc qui sépare le lobule orbitaire de la deuxième
CACHEXIE PACHYDERMIQUE. 41
circonvolution frontale est très profonde, mais est séparée du sillon
fronto-marginal par une portion isolée de la deuxième circonvo-
lution frontale et atteint à peine la partie antérieure de la
scissure surcilière.
Lobe frontal. La scissure parallèle frontale (PL. II, Se. p. f.)
coupe la première circonvolution frontale près de la fente
interhémisphérique; elle est irrégulière, sinueuse, interrompue par
un pli de passage allant de la deuxième circonvolution frontale à
la circonvolution frontale ascendante; elle se continue en bas
avec un sillon oblique qui va se jeter dans le sillon de Rolando.
La scissure frontale inférieure (Se. f. i.) sinueuse est interrompue
en avant par deux plis de passage reliant la deuxième circonvolu-
tion frontale à la troisième. - La scissure frontale supérieure
(Sa. f. s.) est très irrégulière, très sinueuse, interrompue par de
nombreux plis de passage se rendant de la première circonvolu-
tion frontale à la deuxième.
La première circonvolution frontale (PL. II, F,), très irrégulière,
est découpée par des sillons enchevêtrés et il est par suite assez
difficile d'établir la limite exacte entre elle et la deuxième circon-
volulion frontale; elle semble toutefois être dédoublée dans ses
trois quarts postérieurs, mais ce dédoublement est très irrégulier,
très sinueux, très sillonné et relié à la deuxième circonvolution
frontale par quelques plis de passage.
Cette première circonvolution s'insère à la circonvolution fron-
tale ascendante par un pli de passage à niveau, mais étroit, bor-
dant la fente interhémisphérique.
La deuxième circonvolution frontale (F2), qui s'insère à la circon-
volution frontale ascendante par un pli de passage à niveau est
elle-même très sinueuse, irrégulière, comme découpée en plu-
sieurs tronçons par des sillons transversaux et obliques profonds ;
un pli de passage (pp.) la relie vers son tiers antérieur à la
branche postérieure du V antérieur de la troisième circonvolu-
tion frontale. C'est sur ce pli de passage que se trouve une petite
tumeur de la grosseur d'une lentille (t.), tumeur un peu surélevée,
énucléable et à la partie supérieure de laquelle la pie-mère est
adhérente. La troisième circonvolution frontale (F3) est remar-
quable par son développement, et le dédoublement de son cap;
en effet celui-ci représente un double assez développé, coïncidant
avec les deux rameaux ascendants antérieurs de la scissure de
Sylvius, dont nous avons déjà parlé plus haut.
La circonvolution frontale ascendante (F A) assez maigre, sauf f
vers sa partie médiane, est coupée par deux sillons antéro-posté-
rieurs. Celte partie médiane isolée est reliée à la. deuxième cir-
convolution frontale par un pli de passage à niveau et semble la
continuer; il en résulte que celle-ci parait s'insérer par un pli de
42 IDIOTIE CRÉTINOÏDE.
passage à niveau, qui interrompt la continuité du sillon de Ro-
lando, sur la circonvolution pariétale ascendante. La partie infé-
rieure de la circonvolution frontale ascendante est accolée au
pied dela 3e circonvolution frontale, fait corps avec lui, 1, et ne
s'en distingue que par un pli vertical à peine marqué. - La cir-
convolution pariétale ascendante (P A) est assez maigre.
Le lobule pariétal supérieur (P,) est sinueux, bien développé;
un pli de passage à niveau le relie au lobe occipital.
La scissure interpariétale (Sc. i) prend son origine dans la profon-
deur de la scissure de Sylvius tout près du lobule de l'insula et
atteint presque par son extrémité supérieure et verticale sa fente
interhémisphérique; cette extrémité estbifide et les deux branches
ne sont distantes de cette fente que de 8 millimètres. La branche
ascendante de la scissure représente un Y et forme ainsi une
sorte de scissure parallèle pariétale. La scissure interpariélale
après avoir décrit sa courbe normale se continue ensuite presque
dans le lit du premier sillon occipital.
Le lobule pariétal inférieur (P2) et le pli courbe (P,) sont sinueux,
assez bien développés; un pli de passage relie celui-ci au lobule
pariétal inférieur.
Le lobe occipital (L 0) nettement séparé du lobe temporal est
relié au lobule pariétal supérieur par un pli de passage à niveau
et au pli courbe par un autre petit pli de passage allant à la par-
tie inférieure et antérieure de la deuxième circonvolution occipi-
tale. Tous les sillons et toutes les circonvolutions de ce lobe, de
forme normale, occupent leur position ordinaire, et sont assez
bien développés.
Le lobe temporal est assez volumineux, sauf dans son quart
postérieur, où la deuxième et surtout la troisième circonvolution
temporales se trouvent en retrait, c, sur le lobe occipital et les
parties antérieures du lobe temporal. - La première circonvolution
temporale (T,) se confond avec la parlie postérieure du lobule
pariétal inférieur. La scissure parallèle (Se. p.) est sinueuse et très
profonde. La deuxième circonvolution temporale (T.) est bien déve-
loppée dans sa partie antérieure. - La deuxième scissure tempo-
rale (Sc. t2.) sinueuse, irrégulière, est interrompue par trois plis
de passage se rendant de la deuxième à la troisième circonvolu-
tion temporale qui, elle aussi, est assez bien developpée dans ses
parties antérieures. L'incisure préoccipitale (In. pré.) se réunit à la
partie la plus postérieure de la deuxième scissure temporale,
séparant ainsi nettement le lobe temporal du lobe occipital.
On trouve encore quatre circonvolutions temporales transverses,
3, ou plis de passage temporo-pariétaux qui, se dirigeant vers le
fond de la scissure de Sylvius en arrière de l'insula, viennent se
perdre dans le lobule pariétal inférieur.
CACHEXIE PACHYDERMIQUE. 43
La première scissure temporo-occipitale (Pr,. 1, Se. to) est sinueuse,
peu profonde, irrégulière, interrompue par un pli de passage se
rendant de la troisième circonvolution temporale au lobule fusi-
forme (T 0,) peu développé, mais non atrophié. La deuxième
scissure temporo-occipitale (Sc. to.) est sinueuse, assez profonde,
interrompue également par un pli de passage allant du lobule
fusiforme au lobule lingual (TO.) en sorte que la'partie postérieure
de la deuxième scissure semble se continuer directement avec la
partie antérieure de la première scissure.
Face interne. - La scissure calloso-marginale (Sc. c.m.) est assez
profonde, normale dans ses différentes parties. La première cir-
convolution frontale interne (F,) est bien développée, très sinueuse.
Le lobule paracent7-al(LP), moyennement développé surtout à sa par-
tie supérieure, présente vers son tiers inférieur un petitsillon super-
ficiel et horizontal de 4 millimètres, relié à la scissure calloso-
marginale par un petit sillon également superficiel partant de son
extrémité antérieure. La circonvolution du corps calleux (C. C. C.)
est bien développée, normale. - Le lobe quadrilatère (L U) est très
développé, en continuité par les plis de passage pariéto-limbiques
antérieur (p. p. a) et postérieur (p. p. p.) avec la circonvolution du
corps calleux, dont il est séparé à sa partie médiane par une scis-
sure sous-pariétale (Se. sp.). - La scissure perpendiculaire interne
(Sc. p. i.) est très profonde, béante. - Le coin (C) parait peu
développé. - La fissure calcarine (F. ca), décrit une courbe à con-
vexité supérieure.
Le corps calleux, le corps strié, la couche optique, ne présentent
rien de particulier.
Hémisphère droit.- La scissure de Sylvius (PL. IV, Se. S.), dont les
deux lèvres très écartées, laisse voir comme à gauche toutes les
circonvolutions de l'insula et les plis de passage temporo-parié-
taux. Elle est bifide à son extrémité postérieure. Les deux rameaux
antérieurs ascendant (a) et horizontal sont normaux et circons-
crivent le cap simple, normal, de la troisième circonvolution fron-
tale.
Le sillon de Rolando (S. R.), sinueux, assez profond, est inter-
rompu vers son quart inférieur par un pli de passage allant de la
circonvolution frontale ascendante à la circonvolution pariétale
ascendante.
La scissure perpendiculaire externe (Sc. p. e) est complète et va
se perdre dans le lit de la scissure parallèle.
Lobule orbitaire. - La scissure olfactive est profonde. La scissure
orbitaire est simple, le lobule à son niveau est concave; on ren-
contre en outre sur les circonvolutions orbitaires de nombreux
plis irréguliers; la branche interne de l'incisure en H va se perdre
4 le IDIOTIE CItETIN01DE.
dans un petit sillon marginal antérieur. Les circonvolutions du
lobule orbitaire ne présentent rien autre chose de particulier.
Lobe frontal. - Il existe de ce côté une scissure parallèle fron-
tale (PL. IV, Se. p. t.) complète, ininterrompue, commençant à
4 millimètres de la grande scissure interhémisphérique pour
s'arrêter à 4 millimètres de la lèvre supérieure de la scissure de
Sylvius. La scissure frontale supérieure (Se. f. s.) est sinueuse,
assez profonde, ainsi que la scissure frontale inférieure (Sc. f. i.),
séparée de la scissure parallèle frontale par un pli de passage
allant de la deuxième circonvolution frontale à la troisième ;
cette scissure frontale inférieure est encore interrompue dans son
trajet par un autre pli de passage se rendant de la deuxième e
circonvolution frontale au centre du cap de la troisième circon-
volution frontale. La première circonvolution frontale (F,) est peu
développée; la seconde (1<',), très irrégulière par suite des nom-
breux plis qui la sillonnent, parait dédoublée et bien développée.
En avant du lobe frontal se trouve un pli de passage transversal,
réunissant les trois circonvolutions frontales et laissant en avant
de lui une petite portion des première et deuxième circonvolutions
frontales. La troisième circonvolution frontale (F3)' sinueuse, est
assez bien développée. - La circonvolution frontale ascendante
(F A) également assez bien développée et sinueuse.
La circonvolution pariétale ascendante (P. A.) est maigre, surtout
à sa partie médiane. Le lobule pariétal supérieur (P,), irrégulier,
est très découpé; des plis de passage transversaux le rattachent
au lobule pariétal inférieur. La scissure interpariétale (Sc. i.)
prend son origine dans la scissure de Sylvius et s'arrête à 12 mil-
limètres de la scissure inter-hémisphérique; elle est bifide à
son extrémité supérieure et verticale et forme un )., représentant
une sorte de scissure parallèle pariétale. Au niveau de sa courbe.
puis à sa partie médiane, elle est interrompue par les plis trans-
versaux dont nous venons de parler; elle se prolonge ensuile
presque dans le sillon occipital transverse. - Le lobule pariétal
infétiew' (P,), est sinueux, très découpé, irrégulier; le sillon ver-
tical (b) qui le sépare du pli courbe se prolonge en haut au delà
de la scissure inter-hémisphérique. Le pli courbe (P3), irrégulier,
est divisé par le prolongement de la scissure perpendiculaire
externe (c) qui va se jeter dans la scissure parallèle.
Le lobe occipital (L, 0), nettement séparé des lobes pariétal et
temporal, est par suite dépourvu de plis de passage se rendant à
ces deux lobes ; il est assez irrégulier, peu développé, mais on \
retrouve les formes de ses scissures et de ses trois circonvolutions :
enfin, il est un peu en retrait sur le lobe temporal.
Le lobe temporal est bien développé; sa première circonvolzt-
CACHEXIE PACHYDERMIQUE. 45
lion (T,) se confond avec la partie postérieure du lobule pariétal
inférieur.-La scissure parallèle (Sc. p.) est sinueuse et très pro-
fonde. Les deuxième et troisième circonvolutions temporales (T" T3),
sont bien développées, mais à leur partie postérieure elles sont
un peu chagrinées et en retrait comme de l'autre côté. -
La deuxième scissure temporale (Se. t,) est sinueuse, irrégulière,
interrompue par des plis de passage allant de la deuxième à la
troisième circonvolution temporale; en arrière, une de ses por-
tions isolées (sillon occipital antérieur (d) sépare nettement en se
réunissant à l'incisure préoccipitale (In. pré.) le lobe temporal
du lobe occipital. - Il existe trois circonvolutions temporales (3;,
transverses ou plis de passage temporo-pariétaux, situées à la
partie postérieure de l'insula, dont les circonvolutions sont bien
développées.
La première scissure tempor·o-occipitale (PL. III, Se. to) est
interrompue vers son milieu par des plis de passage se dirigeant
de la troisième circonvolution temporale à la première circonvolu-
tion temporo-occipitale (1' 0,) sinueuse; un sillon oblique réunit
cette scissure à la moitié postérieure de la deuxième scissure tem-
para-occipitale (Sc. to,.). Un pli de passage relie le lobule fusi-
forme au lobule lingual (T. 0, ; ces deux lobules sont assez bien
développés.
Face interne. - La scissure calloso-marginale (Sc. c. m.), assez
profonde, est normale dans ses différentes parties; elle communi-
que par un sillon avec l'extrémité de la branche verticale de ri
grec qui se trouve sur le lobule paracentral : elle se trouve isolée
par un pont de substance nerveuse de l'incisure préovalaire (e),
limitant en avant le lobule paracentral. La première circonvo-
lution frontale interne (F,) est bien développée, sinueuse. - Le
lobule paracentral (L P) est plus large, plus développé qu'à
gauche, déborde en avant et en arrière les circonvolutions fron-
tale et pariétale ascendantes. On remarque un peu en avant de
sa partie médiane un sillon en y grec assez profond, et en arrière
un autre petit sillon transversal assez superficiel. - La circonvo-
lution du corps calleux (C. C. C.) est bien développée, normale.
Le lobe quadrilatère (L. Q.), très développé, présente en avant un
sillon transversal profond, communiquant avec la scissure sous-
pariétale (Se. s. p.) en avant et en arrière de laquelle se trouvent
les plis de passage pariéto-limbiques antérieur et postérieur
(p. p. a.-p. p. p.).-Lascissure perpendiculaire interne (Se. p. i.)
profonde se termine à 2 centimètres du bord supérieur de la
fente interhémisphérique, sans aller rejoindre la scissure calca-
rine dont elle est séparée d'un centimètre. En arrière et paral-
lèlement à elle, sur le coin, se trouve une autre scissure (d) plus
profonde qui va se jeter dans la scissure calcarine. Le coin (C.) est
46 IDIOTIE CRÉTINOÏDE.
assez développé. - La fissure calcarine (F. ca.), en dehors des
anomalies 'déjà signalées, est assez profonde.
Le corps calleux, le corps strié, la couche optique, sont normaux.
Cervelet. - Les hémisphères cérébelleux paraissent normaux.
Analyses de la peau. - Nous avons fait faire deux
analyses de fragments de la peau; voici les notes qui
nous ont été transmises :
CACHEXIE PACHYDERMIQUE. 47
Dans les antécédents héréditaires de Th..., nous
ne trouvons aucun idiot ou épileptique; le père, intelli-
gent, présentait seul une malformation du bras gauche,
et, sauf une cousine de la mère au troisième degré, on
n'aurait jamais connu de goitreux dans la famille.
Jusque vers l'âge de quinze mois, le Pacha se serait
développé normalement; il marchait un peu, était
affectueux et prononçait quelques mots. Il ne peut
donc être question chez lui de crétinisme congénital
proprement dit. Peut-on faire intervenir dans l'étiologie
de la maladie son séjour jusqu'à un an dans un loge-
ment humide, les convulsions ( ? ) et la chute qu'il aurait
faite vers quinze mois ? C'est ce que nous ne saurions
dire. Toujours est-il que c'est vers cette dernière époque
que semble remonter le début de l'affection; la marche,
la parole, etc., loin de progresser, diminuèrent et, en
1880 (à près de vingt ans), nous le trouvons à Bicêtre,
présentant tous les signes de l'idiotie avec cachexie
pachydermique.
Durant le temps où il a été soumis à notre obser-
vation, Th... a été atteint à diverses reprises d'érysi-
pèle, de même que la première malade de Curling;
mais, contrairement à ce qui a eu lieu chez la malade
de Curling, ces érysipèles n'ont nullement amélioré
son état intellectuel. Le traitement (toniques, bains
salés, exercices) auquel il fut soumis permit cependant
d'obtenir une amélioration relativement assez accusée.
En 1879, lorsque l'un de nous a pris possession du
service, le Pacha était gâteux, atteint d'une chute du
rectum déjà ancienne et il demeurait confiné au lit sur
les recommandations de sa mère, sous prétexte qu'il
était très sensible au froid. Aussi avait-il désappris
48 IDIOTIE CRÉTINOÏDE..
à marcher. A l'époque de sa mort, il était propre,
marchait tenu simplement à la main; il était devenu,
au moins par moments, plus expansif, mais son état
intellectuel ne s'était pas sensiblement modifié; son
répertoire de mots restait toujours à peu près aussi
pauvre; souvent il fallait une excitation forte, c'est-à-
dire élever la voix et répéter les questions, pour attirer
son attention, pour le faire regarder; les réponses ne
se produisaient qu'avec lenteur et paresse. Parfois, a
la visite, lorsqu'il était bien disposé, si on ne s'arrê-
tait pas à lui, il regardait, puis poussait un cri pour
attirer l'attention.
Nous ajouterons que tout signe de puberté faisait
défaut et que Th..., tant au point de vue intellectuel
que physique, avait subi un véritable arrêt de dévelop-
pement.
Voilà pour le côté clinique. Si maintenant nous
examinons les faits principaux qui nous sont fournis
par l'autopsie, nous constaterons l'absence de toute
trace de glande thyroïde, la présence de différents
épanchements séreux dans les plèvres, le péricarde,
un météorisme intestinal en rapport avec l'atonie
musculaire des fibres lisses de l'intestin et des libres
striées musculaires de la paroi abdominale.
Le tissu adipeux sous-cutané, abondant dans toutes
les régions, comme oedémateux, luisant, mais en réalité
non oedémateux, sur la paroi antérieure du thorax,
formait aux aisselles et au-dessus des clavicules ces
masses ou tumeurs mollasses, d'aspect lipomateux, que
nous avons décrites. Ces masses ne présentaient pas
de limites tranchées et se confondaient à leur péri-
uhérie d'une façon diffuse avec le tissu adipeux sous-
C.1CHN : XIIS PACHYDISRMIQUK. 49
cutané environnant. Elles avaient tous les caractères
qui sont représentés dans la figure 3 (p. 10).
Enfin, comme dans un certain nombre d'observa-
tions du même genre, celle de Curling entre autres,
nous trouvons la fontanelle antérieure persistante .
En ce qui concerne le cerveau, la description minu-
tieuse que nous avons donnée nous dispense de faire
de longues réflexions. Toutefois nous devons signaler,
d'une façon spéciale, les points suivants :
1° Les circonvolutions sont en général petites, et, en
particulier les circonvolutions frontales et pariétales
ascendantes. Nous insisterons spécialement sur la troi-
sième circonvolution frontale gauche dont le cap est
dédoublé, cette circonvolution est, du reste, bien dé-
veloppée sauf le pied qui fait corps avec la frontale
ascendante et ne s'en distingue que par une scissure
très superficielle. Ce dédoublement n'avait encore été
signalé jusqu'ici que sur certains cerveaux d'hommes
distingués, entre autres sur celui de Gambetta; chez
celui-ci, le cap antérieur était plus développé, au con-
traire du Pacha où le cap postérieur est plus déve-
loppé; on voit que ce dédoublement du cap peut aussi
se rencontrer sur des idiots à parole presque nulle.
Ce fait démontre une fois de plus que, si la forme des
circonvolutions est importante, leur structure intime
l'est encore davantage, et que ces deux choses ne
peuvent être séparées.
Nous appellerons encore l'attention sur les plis de
passage se rendant de la deuxième circonvolution fron-
tale à la frontale ascendante et qui, en allant par l'in-
termédiaire de celle-ci s'insérer à la pariétale ascendante
semblent continuer la deuxième frontale jusqu'à la
Bourneville, 18%0 4
50 IDIOTIE CRTINO1D);.
pariétale ascendante. Cette disposition, qui est loin
d'être très rare, est tantôt complète, tantôt incomplète.
Enfin nous trouvons quatre plis de passage temporo-
pariétaux à gauche, et trois à droite.
1° Les sillons sont remarquables par leur irrégu-
larité ; la scissure interpariétale se continue de chaque
côté dans le premier sillon temporal, et la scissure
perpendiculaire externe descend, comme chez la singe,
jusqu'au lobe temporal. La scissure de Sylvius laisse
des deux côtés le lobule de l'insula à découvert. z
Les petites scissures sont également très irrégulières,
sinueuses, et ne permettent souvent que de limiter avec
peine les parties appartenant à,telle ou telle circon-
volution. Nous appellerons seulement l'attention sur
la forme étoilée de la scissure sous-pariétale gauche.
3° Enfin le corps pituitaire paraissait sensiblement
hypertrophié.
Nous reprenons maintenant l'exposé des cas d'idiotie
crétinoïde avec cachexie pachydermique publiés par les
auteurs. Voici un cas de M. Bouchaud', paru en 1884,
et que nous reproduisons complètement en raison de
l'intérêt qu'il présente.
Observation VII. Crétinisme sporadique compliqué de nanisme.-
Pas d'antécédents héréditaires. Coqueluche et rougeole à sept
mois; arrêt de développement physique et intellectuel consécutif.
Etat du malade à seize ans et demi. - Aucun signe de puberté. -
Idiotie : parole limitée à quelques monosyllabes; défaut d'at-
tention ; marche très difficile; gâtisme ; inertie physique. - Ery-
thème; refroidissement progressif ; mort.-Autopsie : péricardite ;
absence du corps thyroïde.
W... (François), âgé de seize ans et demi, est admis à l'asile
de Lommelet, le 22 avril 1882. Son dossier ne contenant d'autres
1 Journal des sciences médicales de Lille, 1883, 5 et 20 décembre.
CACHEXIE PACHYDERMIQUE. 51
renseignements que ceux qui concernent son état actuel, 111. Lalo,
étudiant en médecine, qui a bien voulu se charger de prendre
des renseignements sur les lieux, est parvenu à nous fournir les
documents suivants : Né à BétUune, W... a vécu dans une maison
qui est établie dans de bonnes conditions hygiéniques; elle est
aérée et propre ; il n'y a pas de marais dans les environs. Dans
la ville et le pays voisin, on ne rencontre pas de crétins; le goitre
y est rare et la population est saine. - Le père, âgé actuellement
de quarante-cinq ans, parait très intelligent; il est d'une consti-
tution robuste et sa taille est de 9 m. 70. - La mère est morte à
l'âge de 40 ans, dix-huit mois après être accouchée de son dernier
enfant, à la suite d'une maladie dont il n'estpas possible de savoir
le nom. -Il ya eu cinq enfants ; quatre filles et un garçon. Ils
sont tous vivants. Tous sont forts et bien constitués, sauf la fille
cadette, âgée de quinze ans, qui est un peu délicate. La fille ainée,
âgée de vingt-deux ans, qui a été nourrice à Paris, est,ur le point
d'accoucher de son deuxième enfant et se propose encore de
redevenir nourrice. Le troisième enfant est un garçon, âgé de
treize ans, et les deux autres sont des filles, âgées de huit et cinq
ans. Rien à noter du côté des autres parents; les ascendants du
côté du père et de la mère sont morts à un âge avancé.
W..., né à terme, est venu au monde bien développé ; il aurait
pesé, s'il faut en croire le père, 12 livres à sa naissance, ce qui
est assurément une exagération, mais donue une idée de la force
dusujet. La croissance fut normale jusqu'à l'âge de sept mois; à
celte époque l'enfant aurait eu la coqueluche et la rougeole, et, à
partir de ce moment, il aurait cessé de grandir d'une manière
sensible. L'intelligence a subi le même arrêt de développement
que le corps.
Etat actuel. - W... ressemble beaucoup à un petit enfant; il en
a le caractère et la taille ; on lui donnerait deux à trois ans, si sa
face n'offrait un air vieillot, bien différent de celui de cet âge, et
si la grosseur des diverses parties du corps, de la tête, du tronc,
des membres, n'était démesurément exacérée. La tête, en effet,
est volumineuse, le col est court, le tronc est trapu, et les membres
sont fort gros. - Le crâne n'est pas sensiblement déformé ; il est
symétrique et un peu aplati de haut en bas. La fontanelle anté-
rieure persiste ; on sent un espace membraneux à travers lequel
on pourrait passer le bout du doigt. La chevelure ezt blonde, peu
abondante. - La face est large, le front peu élevé; viciiez, déprimé
à son origine est très large à sa base. Les lèvres sont très épaisses
et l'ouverture buccale, ordinairement béanle, donne issue à la
langue, qui est très volumineuse et semble ne pouvoir se loger
que très difficilement dans la bouche, aussi est-elle habituellement
en partie hors de cette cavité. Les dents sont petites, mal confor-
mées, il en manque plusieurs et la plupart de celles qui existent t
52 IDIOTIE CRÉTINOÏDE
sont cariées. Le ventre est saillant, arrondi, volumineux. Pas de
poils au pubis. La verge est celle d'un enfant; les testicules ont la
grosseur d'une petite noisette.
La peau est pâle, lisse et peu tendue ; elle est mobile sous les
tissus sous-jacents qui sont mous et flasques. On sent qu'il existe
une légère couche de graisse sur toute la surface du corps. Les
mains et les pieds sont potelés comme ceux d'un enfant; la peau
y est même tendue et d'une teinte foncée, légèrement rougeâtre,
on dirait de l'oedème des nouveau-nés. La muqueuse des lèvres
et des conjonctives est également pâle ; les paupières supérieures
sont légèrement gonflées.
L'intelligence a subi un arrêt complet de développement, c'est celle
d'un enfant qui commence à parler, avec moins de vivacité et
plus de lenteur dans ses manifestations. Aussi les traits du visage
sont-ils peu mobiles et presque sans expression. Parfois cepen-
dant l'enfant sourit ; il devient même gai dans certaines circons-
tances ; ainsi quand on lui met un chat entre les mains, il le
caresse et prend une figure riante et pousse quelques cris de joie;
il est toujours calme et habituellement silencieux ; il fait à peine
entendre par moment un bruit inarticulé, une espèce de gémisse-
ment (heen...), rarement il profère quelques mots faciles à pro-
noncer, tels que cat (chat), faim, etc. Il prête une faible attention
à ce qui se passe autour de lui et ne comprend que quelques
expressions très simples, comme celle de donner la main, quand
on le lui demande, et autres semblables. Ces désirs sont très bor-
nés et peu nombreux. Il indique avec le doigt ce qu'il veut ob-
tenir ; s'il éprouve, par exemple, l'envie de monter sur sa chaise
ou en descendre. Il est dénué de sentiments affectueux, il ne s'at-
tache à personne et ne paraît pas reconnaître ceux qui lui don-
nent des soins.
La sensibilité physique est également fort obtuse; il se montre
très peu impressionnable quand on irrite la peau. Les sens sont
intacts ; il voit et il entend ; l'odorat et le goût paraissent cepen-
dant peu développas. - Il est faible et très apathique, aussi
reste-t-il la plus grande partie du temps assis et immobile. Il
peut à peine marcher seul, on est obligé de lui donner la main et
encore n'est-il capable de faire que quelques pas. Outre qu'ils
sont peu énergiques, tous ses mouvements se font remarquer par
leur peu d'activité.
L'appétit est médiocre, il mange peu et très lentement; l'em-
bonpoint est cependant relativement considérable. Incapable
d'avertir quand il a un besoin à satisfaire, il est naturellement
gâteux ; c'est à peine s'il mange seul les aliments qu'on lui sert.
Les battements du pouls sont extrêmement petits et faibles ; on
les sent ditficilement au poignet. Ceux du coeur sont également
CACHEXIE PACHYDERMIQUE. 53
très faibles, mais réguliers. Quant aux bruits cardiaques, ils sont
nets, mais profonds, sourds. La respiration et la température
axillaire sont sensiblement normales. Voici les chiffres obtenus :
P. 80; n. 18 ; T. ax. 36°,9.- Le poids du corps et les dimensions
de quelques-uns des organes les plus importants se résument
ainsi :
h\ le IDIOTIE CRÉTINOÏDE.
pérature centrale ; hier seulement elle a été prise et on a trouvé :
1 h. de l'après midi, T. ax. 3>°,4.. La température atmosphérique
est assez froide. Celle nuit le thermomètre est descendu vers 4 ou
5° au-dessous de zéro, mais dans les salles de l'infirmerie, la tem-
pérature est toujours assez élevée et ne parait pas descendre au-
dessous de 15°.
Ce matin, la peau est encore froide et le thermomètre placé sous
l'aisselle nous donne : à S Il. du matin, T. 33°; P. 64, il 1 Il. du
soir, T. 33°. L'inappétence persiste, W.... ne prend aucun aliment
solide; il accepte simplemenlun peu de lait. Il est affaissé, reste
couché sur le côté droit ou à demi assis dans son lit.
Il ne tousse pas, la respiration est un peu gênée. À l'ausculta-
tion, affaiblissement du murmure vésiculaire en arrière et en bas;
pas de râle; bruits du coeur sourds, profonds, difficilement per-
çus. Pouls presque insensible.
15. - L'érythème a à peu près entièrement disparu, mais
l'abattement est considérable. T. ax., le matin, à 8 Il., 34°; le
soir, à 6h. 1/2, 34°. Respiration lente et inégale.
16. - Même état. Le malin, à 8 h., T. ax. 34° 6. Le soir, à
7 h., 74°, I . - Mort dans la nuit, à 5 heures du matin.
Autopsie. - Nous procédons à l'examen cadavérique avec le
concours de deux de nos collègues. Des incisions faites à la peau
niellent à découvert une épaisse couche de tissu cellulo-graisseux.
Nulle part on ne trouve d'infiltration oedémateuse, ni aux mains,
ni aux pieds, ni à la face. On enlève la partie antérieure du tho-
rax et une poche globuleuse, d'un volume considérable, apparaît
sur la ligne médiane. C'est le péricarde distendu par une grande
quantité de liquide. Il présente 11 centimètres dans le sens de la
hauteur et dans le sens de la largeur. Une ponction faite à l'aide
d'un trocart permet de retirer 1,50 gr. de sérosité claire, transpa-
rente, de couleur légèrement citrine où le refroidissement ne fait
naître aucun nuage; mais qui, sous l'influence de la chaleur et
de l'acide nitrique, se coagule en masse. Le péricarde, incisé et vu
par sa face interne, parait légèrement opaque et un peu grisâtre.
Sur la crosse de l'aorte on remarque quelques petits vaisseaux
dilatés et gorgés de sang et même de petites ecchymoses. Le
cceur est distendu par une grande quantité de caillots sanguins
qui remplissent les cavités droites et gauches. La valvule milrale
est légèrement opaque, grisâtre et un peu épaissie. Les valvules
sigmoïdes de l'aorte, leurs bords libres surtout, sont très épaisses,
légèrement rosées et demi-transparentes. On dirait une infiltration
de matière gélatineuse, dégelée de pommes; mais la consistance est
assez ferme; on trouve une certaine résistance quand on les com-
prime avec les doigts. A l'intérieur de l'aorte, dans toute son
étendue, près du coeur surtout et dans l'intérieur des carotides à
CACHEXIE PACHYDERMIQUE. 55
un degré moindre, on trouve une multitude de petites saillies, du
volume d'un petit grain de mil, d'un gris jaunâtre, non dures
comme les dépats crétacés, mais demi molles.
Le foie, la rate, les reins, les poumons ne présentent pas de
lésions qui méritent d'être notées. Cependant, du côté droit, la
plèvre est le siège de nombreuses adhérences, déjà anciennes et
assez résistantes.
Les testicules sont de la grosseur d'une petite noisette. La.langue
est relativement énorme; de l'extrémité du V lingual à lapointe,
elle mesure 7 cent. Sa largeur est de 5 cent. et son épaisseur de
2 à 3 cent. Le larynx et la trachée ayant été enlevés en même
temps que les poumons et l'oesophage, après une incision de la
peau pratiquée sur la ligne médiane, on recherche le corps Tux-
ROIDE entre la trachée et les muscles qui ont été assez bien con-
servés et on n'en trouve aucune trace.
Le grand sympathique de la région thoracique parait normal ;
au cou, on ne trouve que deux ganglions; l'inférieur a une lon-
gueur d'un centimètre et demi; le supérieur est beaucoup plus
volumineux : il a une longueur de 2 centimètres environ et une
largeur de 5 à 6 millimètres.
Les enveloppes du crâne s'enlèvent facilement. La boite crâ-
nienne ayant été sciée, il devient impossible de le décoller de la
dure-mère. Celle-ci adhère très fortement aux sutures osseuses et
surtout à la fontanelle antérieure qui, n'étant pas ossifiée, est cons-
tituée par une membrane fibreuse, forte et étendue. Le cerveau
parait régulièrement développé et semblable à celui d'un adulte.
Les principale : ) circonvolutions sont bien dessinées et volumineuses;
les sillons sont profonds et étroits.
La dentition est très défectueuse. Nous trouvons : Incisive,
- 2 -1 ; canine, première molaire, ? 2 2;; deuxième molaire,
-t"-o L'extraction de ces dents nous apprend que ce sont des
dents de la seconde dentition; les premières n'ont qu'une racine
conique très longue, les grosses molaires sont plus ou moins
cariées; de quelques-unes il ne reste plus que la racine.
Les principaux organes ont été pesés et nous ont donné les
chiffres suivants :
56 IDIOTIE CRÉTINOÏDE.
On fait macérer le squelette et on trouve, au bout de peu de
temps, quêtons les os du crâne se sont séparés les uns des autres,
ce qui indique que la soudure des articulations était' fort ii,com-
plète. Les épipbyses des os longs se séparent également de la
diaphyse avec une grande facilité.
M. Bouchaud, après avoir rapporté ce cas qu'il rat-
tache au crétinisme sporadique, croit devoir rejeter
l'hypothèse du myxoedème en se basant sur ce qu'il n'a
trouvé à l'autopsie ni sérosité, ni substance colloïde,
mais simplement une épaisse couche de graisse sous-
cutanée. Il esta noter, du reste, que l'examen chimique
de cette peau n'a pas été pratiqué et que la présence
de la mucine a paru faire défaut dans un certain nom-
bre de cas de myxoedème. Tous les autres symptômes
observés par M. Bouchaud sont bien ceux de l'idiotie
crétinoïde avec cachexie pachydermique. L'auteur en a
lui-même le sentiment, car, à plusieurs reprises, il in-
siste sur le rapprochement qui peut être établi entre le
crétinisme et le myxoedème. Il est probable que, s'il
avait eu l'occasion de voir auparavant quelques cas
types de myxoedème, il n'aurait pas hésité. Nous ajou-
terons que l'absence de la glande thyroïde fournit un
argument puissant en faveur de notre interprétation.
Le Progrès Médical a publié, le 4 février 1882\ un
autre cas d'idiotie crétinoïde, observé par M. Char-
pentier dans le service de Legrand du Saulle. Nous le
relatons tel qu'il a paru à cette époque.'
Observation VIII. - Oncle paternel aliéné; tante maternelle rachi-
tique. -- Carie lombaire à cinq mois, puis convulsions jusqu'ci
onze mois; affaiblissement physique et intellectuel. - Idiotie com-
plète ; alitement; gâtisme; marche et parole nulles ; bouffissure de
' Charpentier. Nouveau cas de rnyxoedème ou cachexie pachyder-
mique.
CACHEXIE PACHYDERMIQUE.
57
la face; tuméfaction des paupières; épaississement de la langue ,
bave; oedème sur les mains ; cheveux rares ; absence de goitre.
La nommée Sacbse (Elise), quatre ans, admise en février 1881,
présente un ensemble de symptômes qui rappellent la cachexie
pachydermique, expression heureuse de AI. le professeur Charcol,
pour désigner le myxoedème des auteurs anglais ou une forme de
l'état crétinoïde de M. Baillarger.
La physionomie de la malade attira notre attention par la res-
semblance qu'elle offrait avec le Pacha, idiot de Bicêtre, dont t
M. Bourneville a publié l'observation, comme cas de cachexie
pachydermique. En effet, elle a le visage bouffi, arrondi transver-
salement, en forme de boule ; les paupières sont tuméfiées, immo-
biles, les yeux à peine ouverts, chassieux, le regard est triste,
l'air pleurard ; le nez épaté est épaissi ; les joues violacées, froides,
tendues et bombées contrastent avec le fond blanc jaunâlre du
teint qui a une couleur de miel ; la langue, épaissie pend presque
constamment entre les dents et les lèvres qui laissent baver la
salive. La bouffissure de la face nous conduisit à l'examen général
de l'enfant, et nous constatâmes le même état de la peau sur
les membres supérieurs et inférieurs, à l'abdomen et aux ieins,
mais nullement à la région thoracique ; partout mêmes carac-
tères : sensation de froid désagréable au toucher de la peau qui
n'est ni sèche, ni écailleuse, ni gluante; teinte violacée surtout
aux lombes, aux fesses et aux extrémités ; celles-ci sont déformées
et massives. Aux mains, le creux palmaire est remplacé par une
surface bombée, la peau est épaissie, le pli que l'on y produit en
la prenant entre les doigts mesure plus d'un centimètre, l'im-
pression du doigt ne s'y marque pas comme dans l'oedème, mais
donne une sensation de résistance, mollasse et élastique à la fois.
Pas d'adhérences de la peau aux organes sous-jacents sur lesquels
on parvient à la faire glisser; pas de troubles appréciables de la
sensibilité cutanée. Les caractères pathologiques de la peau dimi-
nuent à mesure que l'exploration remonle vers les parties supé-
rieures de l'abdomen et n'existent plus au thorax qui, ainsi que
le cou, présente une peau normale; l'empâtement signalé des
régions sus-claviculaires comme caractéristique du crétinisme
congénital est nul.
Les cheveuxsont rares, les ongles normaux, les dents jaunâtres ;
absence des molaires; les narines sont à peine visibles ; rien aux
appareils digestif, respiratoire, circulatoire, biliaire et rénal;
rien au coeur, pas d'albumine dans les urines. Le cri est guttural,
enroué, d'ailleurs rare. Pas de goitre; pas de déformation crâ-
nienne, ni des oreilles; pas de déformation rachitique, sauf les
vestiges d'une carie lombo-sacrée, ainsi qu'en témoignent des ci-
58 IDIOTIE CRÉTINOÏDE.
catrices anciennes de cautérisation. Pas d'autres phénomènes
scrofuleux, pas de manifestations syphilitiques.
Quant aux troubles intellectuels, qui sont des plus manifestes,
ce sont ceux de l'idiotie complète. La malade reste couchée dans
son lit, grande gâteuse, immobile, dans un état de mutisme
absolu, triste et silencieuse ; elle ne sait pas diriger son regard,
ne peut tenir la tête, remue les membres, mais sans les diriger,
ne peut se tenir debout. Depuis son entrée aucun changement ne
s'est produit, aucun trouble n'est survenu.
Voici le= renseignements que nous avons pu nous procurer.
L'enfant est née à Paris, de parents bien portants, ni crétins ni
goitreux. Dans la famille, un oncle paternel aliéné à Ville-Evrard,
une soeur maternelle rachitique; l'enfant a deux soeurs plus jeunes
qu'elle et bien portantes, sans vice de conformation. A la naissance,
l'enfant, de bonne santé, n'offrait rien d'extraordinaire et ressem-
blait aux autres enfants, le corps se développa régulièrement, une
chevelure assez forte apparut; mais, à cinq mois, elle fut traitée
pour une carie lombaire qui se compliqua de crises convulsives,
répétées cinq fois par jour et qui durèrent six mois. C'est sur
ces entrefaites que la mère remarqua la bouffissure de la peau
qui, depuis, n'a pas diminué.
Ce ne fut que plus tard qu'elle remarqua l'empâtement des
membres inférieurs, qu'elle rapportait d'ailleurs à la carie verté-
brale. C'est aussi à la même époque que les cheveux commen-
cèrent à tomber, que le cri devint plus rauque et plus sourd, que
le regard perdit de sa vivacité, et que l'apathie et l'abattement se
manifestèrent. Voyant qu'aucun phénomène intellectuel ne se dé-
veloppait, la mère prit le parti de faire admettre son enfanta la
Salpêtrière.
La malade est morte un mois après la publication
de cette observation d'un érysipèle avec broncho-
pneumonie double. L'autopsie n'a pu malheureuse-
ment qu'être faite d'une façon imparfaite par suite de
circonstances particulières. L'attention de M. Char-
pentier n'ayant pas été attirée sur la glande thyroïde,
cet org : me n'a pas été examiné. On constata un amin-
cissement très prononcé de la voûte crânienne, une
méniugo-encéphalite( ? ). Le tissu adipeux sous-cutané
criait sous le scalpel, était plus développé sur la
moitié droite du corps; à la région lombaire il avait
CACHEXIE PACHYDERMIQUE. 59
deux centimètres d'épaisseur à droite, un centimètre
à gauche.
L'enfant dont il s'agit était évidemment atteinte de
myxoedème ; ce diagnostic avait été confirmé par
M. Charcot. Nous ajouterons que l'observation cli-
nique constate l'absence de tout goitre, et que Legrand
du Saulle avait porté le diagnostic de crétinisme.
Les deux cas suivants sont empruntés aux journaux
anglais. Le premier appartient à M. Coxwell et a été
présenté à la Société clinique de Londres comme étant
celui d'un enfant présentant des symptômes ressemblant
à ceux du myxoedème i .
Observation IX. - Développement physique et intellectuel normal
jusyzc'ci l'âge de huit ans ; puis somnolence, perte de la mémoire,
parole pâteuse et indistincte, démarche incertaine; gonflement des
paupières inférieures.-Diminution de la glande thyroïde ; (tuais-
sement de la température; insomnie : cris ; perte du langage arti-
culé ; affaiblissement des facultés intellectuelles.
Il s'agit d'une enfant de treize ans présentant des symptômes
ressemblant à ceux du myxoedème. Jusqu'à l'âge de huit ans, elle
ne différait en aucune façon des autres enfants et elle pouvait lire
un chapitre de la Bible ou une histoire aussi bien que sa mère ;
elle savait écrire et apprenait l'arithmétique. Survint alors un
grand changement; elle tombait souvent de sommeil, même en
mangeant ;sa mémoire devint défectueuse, et si on l'envoyait
faire quelque commission, elle errait sans but. Dernièrement sa
parole devi nt épaisse et indistincte ; elle souffrait de maux de tête,
sa tête s'inclinait sur la poitrine; les mains et les pieds devinrent
très froids, les jambes très faibles et la démarche incertaine. Elle
fut admise dernièrement à l'hôpital national des paralytiques et
épileptiques, dans le service du D° Hughliugs Jackson. Son facies
donnait l'idée du myxoedème, sa peau était translucide avec une
tache circonscrite de rougeur au centre des joues; les paupières
inférieures étaient enllées; le nez large, les yeux proéminents et
bien formés. La glande thyroïde semblait diminuée, et il n'y
avait aucune tumeur graisseuse anormale, au cou ou ailleurs. La
' The British médical Journal, 20 janvier 1883.
60 IDIOTIE CRÉTINOÏDE.
température tomba fréquemment à 33 ? 4. Elle restait souvent
sans repos la nuit et elle avait souvent des attaques de cris. La
force du langage diminua, au point de, en dernier lieu, ne pouvoir
articuler un son ; on voyait les lèvres remuer sans résultat pen-
dant qu'elle essayait de parler. Elle ne pouvait embrasser sa mère
ou ne pouvait gonfler ses joues et la nourriture restait quelquefois
sept ou huit minutes entre les dents et les lèvres. On constata
enfin une obnubilation générale de l'intelligence.
Il nous paraît inutile d'insister sur les symptômes
présentés par cet enfant qui sont ceux du myxoedème,
il nous suffira d'appuyer sur la constatation faite par
l'auteur de la diminution de la glande thyroïde.
Le second cas est dû à M. Armand Routh, qui l'a
publié dans le Médical Press and Circula ? ', sous le
titre de « Un cas de crétinisme sporadique, avec appa-
rence de myx'oedème »'.
Observation X. - Rachitisme; absence probable du corps thyroïde,
tuméfactions lipomateuses sus-claviculaires et axillaires; marche
lente, indécise et chancelante ; parole lente et monotone; idéation
lente; lecture et écriture, nulles; mémoire seulement des faits an-
térieurs à l'âge de sept ans; absence de signes de puberté.
Elise H..., âgée de vingt-cinq ans, est une pensionnaire de la
maison des femmes incurables, Marylebone Road, elle est née
près de Southampton, dans le tlampshire. Elle était l'aînée de
quatre enfants dont les parents, âgés respectivement de vingt-
quatre et vingt-deux ans, étaient en pleine santé au moment de
sa naissance. Le père cependant mourut douze ans et la mère
seize ans plus tard de pllthisie, maladie qui a causé aussi lamort
de la soeur de la malade à dix-sept ans et de la soeur de sa mère
à vingt-sept ans. Le père était né dans le Hampsphire etla mère
dans le Berkshire et il n'y avait aucune consanguinité entre
eux.
Jusqu'à l'âge de sept ans, la malade était comme les autres
enfants, mais plus grasse que d'ordinaire et on la comparait à
un « grand gâteau blanc » parce qu'elle était grasse, flasque et
couleurde pâte blanche. Pendant qu'elle était enceinte d'elle, sa
mère fut effrayée par un taureau. A sept ans, celte fille ces-.a de
1 Médical Presse and Circulai; H mai 1885.
CACHEXIE PACHYDERMIQUE. 61
grandir, mais elle devint plus grosse et plus flasque, lente dans
ses mouvements et si stupide que toutes les tentatives pour lui
apprendre à lire et à écrire furent vaines. A huit ans, elle vint
à Londres et devint moins habile à se conduire et plus niaise. Ses
amis disent que depuis il n'y avait eu peu ou point de change-
ments, excepté que dernièrement elle commença à maigrir.
Antécédents héréditaires. - A l'exception de l'apparente héré-
dité de tuberculose, il n'y avait aucuns antécédents héréditaires
de maladies, tels que syphilis ou mal de Bright, aucun antécé-
dent d'alcoolisme, ni de folie ou de crétinisme dans la famille.
Une soeur de la malade, âgée de vingt-trois ans,jouit d'unebonne
santé, est bien développée, mais 'quelque peu anémique. Elle
présente une hypertrophie de la glande thyroïde, qui a diminué
par le traitement et un souffle systolique à la pointe se propageant
dans l'aisselle, endocardite valvulaire consécutive à une attaque
de rhumatisme articulaire dont elle fut atteinte. La malade a
aussi un frère bien portant âgé de dix-neuf ans, actuellement
soldat; tous les enfants sont nés dans le Hampshire.
Etat actuel. Taille : im05, taille moyenne d'un enfant de cinq
ans. Poids : 35 kilogr. 240. Elle est arrêtée dans sa croissance et
sou squelette est altéré par le rachitisme. Il existe une lordose
bien marquée. Les tibias sont courbés. Les épiphyses des os des
membres inférieurs sont quelque peu hypertrophiées, agrandies.
A leur union avec leur cartilage, les côtes présentent un chapelet
rachitique; dolichocéphalie.
La face est absolument sans expression et les traits effacés ;
elle est gonflée; les lèvressont épaisses, très colorées et informes;
la bouche est généralement ouverte, le nez est épaissi et élargi
entre les yeux, les narines dilatées, les oreilles grandes et plates.
La tête ne pend pas en avant, mais le cou semble raccourci,
perdu dans la tuméfaction sus-claviculaire.
La peau est pâle et couleur de cire, excepté à la face où il y a
une légère rougeur, absente quelquefois; sur les joues pendantes
et flasques et sur les pieds et sur les jambes, où la circulation est
si pauvre qu'il y a un état chronique d'engelures. La .'peau est
sèche et dure par places, mais la paume des mains est quelque-
fois moite. Les mains ont la forme d'une bêche. 11 n'y a pas de
véritable oedème. Les cheveux sont couleur de jais, assez épais,
mais durs.
Sa température en moyenne est de 37° dans le rectum, mais la
température de la surface est toujours subnormale 35° ou 3G°dans
l'aisselle et dans l'aine; une fois seulement elle s'est élevée à 37°,
mais après un séjour de quelques heures sous les couvertures du
lit.
Le corps thyroïde ne peut pas être senti. Au-dessus de la clavi-
62 IDIOTIE CRETINOÏDE.
cule de chaque côté, immédiatement au-dessus de l'os, il y a les
tuméfactions bien marquées, qui glissent sous la pression et,
quoique donnant aux doigts la sensation du tissu lipomateux ou
myxomateux, rappellent également la sensation éprouvée en
saisissant un varicocèle.
Au-dessous des tuméfactions on entend un murmure respiratoire
claire, sans aucun bruit morbide. On trouve de pareilles tuméfac-
tions sous-cutanées sur la ligne axillaire postérieure. L'abdomen
est pendant, ce qui est dû en partie au bassin qui est très bas.
L'ombilic fait saillie et les droits de l'abdomen n'adhèrent pas à
la ligne médiane.
La malade peut marcher lentement et en chancelant pendant une
petite distance, mais souvent elle tombe subitement; aussi elle e
ne marche jamais sans appui à sa portée. Les jambes semblent
incapables de porter le poids du corps et cèdent tout d'un coup
aux chevilles ou aux genoux. Les mouvements des bras sont
libres, mais elle fait tout lentement et avec méthode quoique sans
hésitation. Elle ne s'habille pas elle-même, parce qu'elle prendrait t
toute la matinée pour le faire, mais elle peut mettre et enlever
ses habits si on lui laisse tout son temps.
La parole est lente et monotone, mais sur un ton très élevé. Elle
répond assez correctement aux questions, mais lentement. Elle
parait mettre plus de temps que d'habitude pour comprendre une
question et, par suite, encore plus de temps pour formuler la
réponse.
Système nerveux.-La malade ne peut ni lire, ni écrire, et tout
essai pour lui apprendre quelque chose a échoué ; en fait il est
impossible de fixer son attention. Elle ne peut se rappeler les
faits récents', mais se souvient des faits arrivés avant son dé-
part de llampslirre à sept ans, la croissance et l'intelligence
semblant s'être arrêtée à cette époque. Le sommeil est bon et
lourd ; quoique presque Illditlérente à la douleur, elle se plaint
souvent du froid. Les réflexes rotuliens sont exagérés. Rien ne
paraît l'intéresser plus longtemps que quelques secondes, mais
quand on lui parle gaiment, une lueur de plaisir traverse sa
ligure. Autrement sa physionomie est sans mouvements, dure et
quelque peu triste. La vue est bonne et l'examen opthalmosco-
pique ne décèle rien d'anormal. Ses pupilles sont un peu dilatées
et paresseuses.
Appareil urinaire. - La malade rend en moyenne z08 gr. d'u-
rine (25 onces) en 24 heures. Poids spécifique, 1.015. Ni sucre, ni
albumine, ni dépôts. Quantité d'urée faible, à peu près Il de la
1 Il est à observer que le même phénomène se produit chez le vieillard
dont les facultés intellectuelles déclinent.
CACHEXIE PACHYDERMIQUE. 63
quantité normale 40,b grammes. Ce résultat est obtenu par la
méthode des U9 Russell et West.
Digestion.- La langue n'est pas notablement agrandie et pas
entamée par les dents. L'angle facial est grand, les dénis sont
mauvaises et plusieurs ont été enlevées, par carie. Les alvéoles
sont extraordinairementproéminentes et lamuqueuse des gencives
est très épaisse. L'appetit est bon; l'haleine est généralement
mauvaise ; constipation. La malade se plaint continuellement
d'avoir la bouche amère.
Circulation. - Pouls, 72. 11 est très difficile de sentir le pouls
au poignet, à cause de sa distance de la surface et de sa faiblesse.
Bruits du coeur normaux mais faibles.
Sang. - Le sang examiné par le Dr Montagu-Murray au moyen
de l'hoemocytomètre et de l'hoemodynamomètre de Gowers et au
microscope, le D' Murray dit que la proportion des globules
blancs ou globules rouges estde i à : i0; que les globules rouges
du sang en proportion à l'échelle normale est de 86 p. 100, tandis
que l'hémoglobine est de 77 p. -100. Il n'y avait aucune altération
morbide dans l'aspect des globules rouges ou blancs.
Respiration. - Tout à fait normale à tous les points de vue. -
Foie et rate, normaux; peu sensiblement hypertrophiés.
Organes génitaux. - Pas de règles. Pas de leucorrhée, organes
génitaux externes développés et dépourvus de poils. Petites
lèvres allongées et épaissies, faisant saillie à quelque distance de
la vulve. Les mamelles sont tout à fait enfantines. Vagin et col de
l'utérus normaux. Par le rectum, on constate que le bassin est
comme celui d'une enfant, quant à la forme et la position, et
l'utérus est la moitié de la grosseur normale, mais est normal
quant à la forme et la position. Les ovaires sont situés sur les
côtés du bassin plus bas et plus en arrière que normalement, et
enfin ils sont doubles de la grosseur normale; ils sont plus mous
que d'habitude et ne causent aucune douleur lorsqu'on les saisit
entre le doigt dans le rectum et la main placée sur l'abdomen.
Il est probable que les ovaires ont subi des altérations semblables
au myxoedème qui rendraient compte de la persistance de l'amé-
norrhée et de l'état infantile des organes génitaux externes et
internes.
M. Routh a porté le diagnostic de crétinisme spora-
dique avec myxoedème, diagnostic qui fut confirmé
successivement par MM. Gowers, Ord, Barlow et
Houth père. Il insiste sur les aualogies nombreuses
61 fi. IDIOTIE CRE'L'lNOÏDIL
qui existent entre son cas et ceux de MM. W. Gull et
Hilton Fagge. « Les rapports exacts entre le myxoe-
dème et le crétinisme sporadique, écrit l'auteur, n'ont
pas encore été fixés. MM. W. Gull et Hilton Fagge
ont montré que le crétinisme sporadique était inva-
riablement associé à la présence de tumeurs symé-
triques dans la région sus-claviculaire et dans d'autres
régions, mais la priorité relative de ces accidents
pathologiques est inconnue. Dans les quatre cas de
M. Hilton Fagge, ceux dans lesquels le crétinisme a
duré le plus longtemps, ces gonflements symétriques
étaient le moins marqués et vice versa. De là il sem-
blerait que le myxoedème, si c'en est un, décroît lors-
que le crétinisme augmente». Ce rapport inverse entre
le degré de l'idiotie et le degré du myxoedème est
loin d'être démontré.
M. Routh termine en déclarant que, dans son opi-
nion, il est difficile de préciser la date du début de
l'atrophie de la glande thyroïde; toutefois, il lui paraît
vraisemblable que, dans son cas, on avait affaire à une
absence du développement congénital de la glande :
c'est à cette absence qu'il faut rattacher le myxoedème
d'abord, ensuite l'état crétinoïde.
Eu 1882, M. Bail a présenté à différentes sociétés
médicales un malade dont il a publié l'observation
dans ['Encéphale (1882, p. 253) sous ce titre : Le crétin
des Batignolles. L'un de nous a eu l'occasion de voir ce
malade qui lui a paru être un bel exemple d'idiotie
crétinoïde avec cachexie pachydermique. La véritable
nature de l'affection paraît avoir échappé à M. Bail.
Une circonstance particulière nous ayant mis en rela-
tion avec la famille de ce malade, nous avons fait une
CACHEXIE PACHYDERMIQUE. 65
enquête minutieuse auprès d'elle; de cette enquête et
de l'examen de la photographie qui accompagne la
publication de M. Bail, il nous semble résulter d'une
manière évidente que ce cas appartient à la catégorie
des idiots crétinoïdes avec myxoedème {fig. 12). L'ob-
servation qui suit a été rédigée d'après nos renseigne-
ments personnels et d'après la note de M. Bail. Nous
y ajouterons, malgré les nombreuses et regrettables
lacunes qu'elle présente, un résumé de la relation de
l'autopsie communiquée à la Société d'anthropologie
en 1883.
Observation XI. -Père : quelques rares excès alcooliques ; hémi-
plégie droite en 1886. - Grand-père paternel mort paraplégique.
- Mère plus âgée de dix ans que son mari. -Ni goitreux ni cré-
tins. Deux soeurs du malade mortes jeunes de convulsions.
Conception à quarante et un ai2s ; dentition tardive; convulsions
générales quotidiennes de onze mois à quatre ans. - Abolition de
la parole et de la marche.; Retour de la parole à trois ans, et de la
marche à cinq ans. - Coqueluche, rougeole. - Langue et lèvres
épaisses; gonflement des pieds et des mains; intelligence et mé-
moire presque nulles ; inaptitude manuelle pour les soins de pro-
preté, l'habillement, etc. - Pénil glabre; sensibilité au froid. -
Hémorroïdes. Mort des suites d'une opération ( ? ) ou d'albumi-
nurie. - Autopsie.
Chrest... (Victor), né à Paris-Batignolles, le 8 mars 1851, est
entré à Sainte-Anne le 4 mars 1882 (service de M. BALL) et y est
décédé le 4°l août 1882.
Renseignements fournis par son père et sa mère (4 1 octobre 1886).
- Père, soixante-sept ans, a été pendant onze ans cocher du
chemin de fer, et pendant vingt ans cocher d'omnibus. Il est né
à Bavan (Calvados, à trois lieues de Caen), pays sain, situé à deux
lieues de la mer, et où n'existent ni goitreux, ni crétins. Il n'a
pas eu de convulsions dans l'enfance ; il a éprouvé parfois des
céphalalgies, mais pas de migraines; ni syphilis, ni rhuma-
tisme. etc. En 1878, coup de pied de cheval qui a laissé de la rai-
deur du genou gauche. - Le 2 février 1886, hémiplégie droite avec
trouble de la parole qui était devenue indistincte ; la paralysie a
persisté pendant deux mois ; actuellement, il marche en traînant
un peu la jambe droite, soulève le bras droit, peut mettre la
Bourneville, 1886. 5
66 IDIOTIE CRÉTINOÏDE.
main derrière la tête, mais les mouvements sont lents ; la parole
est redevenue distincte. Dans les dix dernières années, il a été
sujet à des étourdissements l'obligeant à s'asseoir pendant 5 à
10 minutes.- Quelques excès alcooliques très légers et très rares.
Il boit un litre de vin par jour ; accidentellement un petit verre
d'eau-de-vie le matin. Deux ou trois fois par an, il rentrait un peu
excité, jamais en ivresse complète. Sa femme, interrogée à part,
affirme la rigoureuse exactitude de ces renseignements. Cet
homme a la tête un peu forte, mais régulière, nez aquilin'. -
L'intelligence est ordinaire, les réponses sont précises ; il est un
peu emporté ; jamais de violences envers sa femme ou ses en-
fants. Il s'est marié à vingt et un ans. [Père, mort hydropique
à cinquante- sept ou cinquante-huit ans, journalier, sobre;
taille au-dessus de la moyenne; pas de maladies nerveuses, ni
de goitre. - Mère, morte à quatre-vingt-sept ans, on ne sait de
quoi; elle n'était ni paralysée, ni démente ni goitreuse. - Grand-
père paternel, mort vers soixante-dix-huit ou quatre-vingts ans.
journalier, sobre. On ne peut donner de détails sur la grand' mère
paternelle. - Grand-père maternel, mort à quatre-vingt-deux
ans, était paraplégique depuis vingt-sept ans, charpentier, sobre.
- Grand'mère maternelle, morte paralysée à soixante-dix-huit
ans, ménagère, sobre. - Un frère mort à l'âge de six ans, du
croup. - Une soeur morte à quarante-trois ans, on ne sait de
quoi, a eu trois enfants dont on n'a pas eu de nouvelles depuis la
mort de la mère en 1877. -Pas de maladies nerveuses, pas d'a-
liénés, pas d'épileptiques, pas d'idiots, pas de goitreux, de cré-
tins, de criminels, dans la famille.]
Mère, soixante-dix-huit ans, domestique, puis raccommodeuse ;
assez grande, maigre, intelligente; physionomie régulière, rien
du type crétineux. Elle est née à Vannes; a été réglée à treize ans
facilement, s'est mariée à trente et un ans; la ménopause est
arrivée à cinquante et un ans sans accidents. Pas de convulsions,
pas d'attaques de nerfs, pas de névralgies, pas de migraines
(quelquefois des céphalalgies); aucune affection cutanée. [Père,
couvreur, mort d'une chute à cinquante-huit ans, sobre; était
né à Vannes et n'a jamais présenté d'accidents nerveux. - Mère,
ménagère, sobre, morte à quatre-vingt-huit ans sans paralysie, ni
démence. - Grands parents paternels et maternels pas de rensei-
gnements. - Deux frères, morts de trois à quatre ans, on ne sait
de quoi. - Deux suceurs bien portantes, sans goitre, l'une a deux
enfants, l'autre quatre qui n'ont rien présenté de particulier. [Pas
de goitreux, etc., dans la famille.]
1 La physionomie du malade se rapproche beaucoup plus de celle du
père que de celle de la mère.
CACHEXIE PACHYDERMIQUE. 67
Pas de consanguinité.
Cinq enfants : Il garçon bien conformé, né à terme, mort à
six mois, en nourrice, de convulsions; 2° fille, née à terme, bien
conformée, intelligente, morte à trois ans de convulsions; 3° fille
mort-née à terme (présentation des pieds), bien conformée;
4° fille, morte à treize ans d'un abcès du foie ; elle était née
à terme, était bien conformée, intelligente et ne paraissait que
son âge, contrairement à ce qu'écrit M. Ball.
5° Le malade, Victor Chré... Lors de la conception la mère avait
quarante et un ans et le père trente et un ; ils étaient tous deux
bien portants et la conception n'a pas eu lieu durant l'excitation
alcoolique la plus légère.- Grossesse bonne, sans aucun accident.
- Accouchement à terme, naturel, sans chloroforme. A la nais-
sance, l'enfant était fort et n'offrait pas le moindre signe d'as-
phyxies. Elevé au sein par sa mère, il venait bien, était frais,
rose, n'avait rien ni aux pieds ni aux mains, ressemblait aux
enfants de son âge. Victor commençait à marcher le long des
murs, était propre, gazouillait, disait « papa et maman ». Alors
qu'il avait près de onze mois, sa mère eut des abcès aux seins et
dut le sevrer. Pendant sa maladie, elle le mit chez une garde qui
l'aurait maltraité., mal soigné, et même fait jeûner. Quand, au
bout de vingt jours, sa mère le reprit, il avait considérablement
maigri et présentait des excoriations du siège. C'est quelques
jours après qu'il survint, pour la première fois, des convulsions
générales qui durèrent deux à trois heures. A partir de là jusqu'à
quatre ans, il a eu presque quotidiennement, assure-t-on, des
convulsions générales analogues, d'une durée d'une à deux
heures.
La première dent est sortie à l'âge de onze mois2, les autres
apparurent vite, mais se cassaient dans les convulsions. Il a recom-
mencé à parler vers deux à trois ans, il avait les lèvres épaisses
et la langue très grosse; celle-ci pendait alors en dehors de la
bouche; ii a marché vers cinq ans. De six à sept ans, coqueluche,
puis rougeole. - Pas d'ophtalmie, d'adénite, d'otite, de maladies
cutanées, etc.. - Vers neuf ans, les mains et les pieds épais et courts
se seraient gonflés davantage ; on fut obligé de lui faire faire des
chaussures spéciales.
Mis à l'asile de six à huit ans, Victor n'y arien appris, pas même
ses lettres; il n'aimait pas à jouer avec les autres enfants, dans
la crainte de tomber; il était affectueux. - Il bavait un peu,
avait un appétit régulier, mangeait seul avec la cuiller et la four-
1 L'asphyxie à la naissance est l'une des causes peut-être las plus fré-
quentes des lésions qui aboutissent à l'idiotie. (B.)
- Les autres enfants avaient eu des dénis avant onze mois.
68
IDIOTIE CRÉTINO1DE.
chette, mais ne savait pas se servir de couteau, il n'offrait aucune
lésion du tube digestif, sauf des hémorroïdes. Il ne pouvait
s'habiller, se boutonner, lacer ou nouer, ni se déshabiller, se laver
la figure ou les mains. Il était très sensible au froid; les mains
et les pieds, surtout ceux-ci, étaient bleus et froids.
Les organes génitaux sont assez développés (fiÿ. 12); le pénil
était glabre, ainsi que le visage et les aisselles. Pas d'onanisme,
Fig. 22. - Le crétin des Batignolles.
r
pas de tics ni de grimaces, pas de grincement des dents, de
balancement; bave légère.
Etat du malade (1882), d'après 111. Ball. - La figure est sans
expression, bouffie, terreuse ; le front est ridé, le nez aplati, les
yeux très écartés l'un de l'autre; les paupières, volumineuses et
plissées, tendent à maintenir les yeux à demi-fermés. La bouche,
largement fendue, offre des lèvres tuméfiées et pendantes, surtout
l'inférieure. La langue, très volumineuse, semble prête à s'échap-
per entre les arcades dentaires. V... Ch. ne possède que 19 dents,
CACHEXIE l'ACHYDERMIQUE. 69
dont 9 à la mâchoire supérieure et 40 à l'inférieure. Elles sont
d'ailleurs absolument ravagées par la carie. Deux d'entre elles
appartiennent à la deuxième dentition; ce sont les deux inci-
sives moyennes, à la mâchoire supérieure; les autres sont des
dents de lait1.
Le visage est complètement imberbe. Par contre, la tête est
couverte d'une chevelure abondante et d'un châtain foncé. La
tête est grosse et irrégulière. Le front, fuyant en arrière, contri-
bue à rétrécir le diamètre antéro-postérieur du crâne. La réunion
de l'occipital avec les pariétaux est marquée par un sillon qui pa-
rait correspondre à la suture lambdoïde, et qui est surmonté, en
arrière, par une espèce de crête qui ressemble, pour me servir
d'une comparaison familière, au rebord que fait un peigne im-
planté dans les cheveux d'une femme. Malgré cette espèce de
chevauchement, l'occipital fait une certaine saillie en arrière, et
les fontanelles sont complètement ossifiées-. Nous indiquons plus bas
les chiffres qui correspondent aux diverses mensurations prati-
quées sur le crâne. Le sujet est manifestement dolichocéphale,
contrairement à ce que l'on voit habituellement chez les crétins,
qui sont brachycéphales. Les oreilles sont moyennes comme
grandeur, mais le pavillon est replié sur lui-même, comme le
serait une feuille de papier qu'on aurait entr'ouverte après l'a-
voir pliée en deux. Le contour est un peu festonné, sans offrir
d'autre irrégularité.
Le menton est court et la disposition des dents qui sont placées
en éventail augmente la saillie des lèvres la brièveté apparente
de la mâchoire inférieure. Les joues sont flasques et pendantes,
etla nuque, très forte pour la taille du sujet, présente deux plis
profonds séparés par un bourrelet de chair. A ce niveau, la troi-
sième vertèbre cervicale forme une saillie exagérée en arrière, ce
qui explique peut-être un raccourcissement extrême du cou.
La physionomie du malade est douce, bienveillante, mais sans
caractère, et présente un peu l'expression d'un foetus conservé
dans un bocal. Quand il sourit, des plis extraordinaires viennent
creuser le visage, les yeux se ferment, les paupières s'allongent,
les lèvres s'écartent et deviennent plus saillantes, la langue s'é-
chappe et la bouche se fend jusqu'aux oreilles. En somme, on
voit à ce moment que les téguments de la face sont trop larges
dans tous les sens pour les os qu'ils recouvrent.
L'examen du corps présente d'autres particularités intéres-
santes. La taille est extrêmement cambrée, et l'on pourrait
presque prononcer à cet égard le nom de cyphose. Le ventre est
' C'est ce que nous avons noté chez le Pacha.
2 On verra plus loin à l'autopsie que l'osificatioii était, au contraire,
loin d'être complète. (B. et P. B.)
70 IDIOTIE CRÉTINOïDE.
proéminent, mais la poitrine est normale et les bras sont bien
faits; les mains sont petites, ramassées, les doigts sont courts, et
les rides de la peau, plus abondantes sur ce point que partout
ailleurs, dénotent encore cette laxité des téguments que nous
avons déjà signalée. Les jambes sont assez bien conformées, mais
les genoux sont rapprochés. La région du cou-de-pied est empâtée
et présente des rides transversales ; le pied est gros, court et t'a-
massé, mais il est assez cambré, la jambe est plus longue que le
fémur et l'avant-bras est plus long que le bras. Les orteils ne
présentent rien de particulier, si ce n'est le volume un peu exa-
géré du deuxième.
Les organes génitaux sont très volumineux et semés de quelques
poils. Le gland est énorme, il est en forme de massue et entière-
ment découvert; le testicule droit est plus fort que son congénère
et descend jusqu'au niveau du bord supérieur de la rotule.
Absence de l'instinct génital (Pas d'onanisme).
La peau est terreuse, blafarde, écailleuse et sèche. Elle est com-
plètement glabre, sauf au niveau du pubis. Comme infirmité pro-
prement dite, nous ne trouvons à noter que des hémorroïdes
externes qui datent de loin. - L'appétit est excellent, le sommeil
est bon et toutes les fonctions de la vie végétative s'accomplissent
avec régularité.
Tous les sens spéciaux paraissent être à l'état normal et la
sensibilité tactile ne laisse rien à désirer. V. Chr... comprend
assez bien ce qu'on lui dit, mais éprouve beaucoup de difficulté
à s'exprimer. Il reconnaît les personnes de son entourage, sait
apprécier les bons et les mauvais procédés. Il est affectueux,
doux et paisible. Ses goûts sont ceux d'un jeune enfant; il
s'amuse avec un fouet qu'il fait claquer sans cesse.
CACHEXIE PACHYDERMIQUE. 71
72 IDIOTIE CRÉTINOÏDE.
CACHEXIE PACHYDERMtQUK. 73
de la Société d'anthropologie de Paris, t. V, p. 509.)
Victor Ch..., par sa taille et par l'absence de presque
tout signe de puberté; par son développement intellec-
tuel et physique, l'aspect de la face, du cou, des pieds
et des mains qui, d'après le récit des parents et d'après
la photographie, semblent avoir été atteints de pseudo-
oedème dur', par l'état de la dentition, delà peau, la sen-
sibilitéau froid, etc., présente tous les signes d'un idiot
crétinoïde; il est vivement à regretter qu'une obser-
vation aussi intéressante n'ait pas été prise avec tout
le soin désirable et que les symptômes du myxoedème
n'aient pas attiré l'attention de M. Ball.
M. Bail à la fin de sa seconde communication à la
Société d'anthropologie avait relevé deux points pour
lui d'une importance capitale : ,
« Le premier, disait-il, c'est qu'il s'agissait d'un cerveau de
crétin et non pas du cerveau d'un idiot. En effet, nous ne trou-
vons pas ici de ces vastes lacunes, de ces malformations carac-
téristiques, qui sont les stigmates de l'idiotie. Il s'agit d'un cer-
veau normal, mais engourdi, et par conséquent susceptible
d'éducation. C'est la grande différence qui sépare, au point de
vue moral, les crétins des idiots. « -
Il nous suffit de citer ces quelques lignes pour
montrer que M. Bail ne paraît pas être au courant
des travaux publiés sur l'idiotie soit en France, soit à
l'étranger. L'idiot est loin de présenter toujours des
lésions macroscopiques grossières^beaucoup ne sont
atteints que de lésions structurales, ne se décèlant
quelquefois à l'oeil nu que par des nuances délicates
de coloration, de consistance, etc. : nous citerons en
passant l'aspect gélatiniforme des circonvolutions noté
à l'autopsie dans un certain nombre de cas.
74 IDIOTIE CRÉTINOÏDE.
M. Ball s'appuie pour séparer les crétins des idiots
sur ce fait que les crétins sont susceptibles d'éduca-
tion, tandis que, à son avis, les idiots ne le seraient
pas. C'est là une opinion étrange chez un homme
chargé d'un enseignement officiel, car elle montre
que M. Ball ignore complètement tout ce qui se
fait dans les asiles consacrés aux idiots en Angleterre,
en Amérique, où depuis longtemps on applique les
méthodes d'enseignement dus à Edouard Seguin.
M. Bail paraît ignorer les résultats très sérieux obte-
nus dans ces pays et dans des établissements un peu
moins éloignés, à Bicêtre et à la Salpêtrière.
« Le second point, ajoute M. Bail, se rattache à l'état d'ossifi-
cation des parois crâniennes. D'après Virchow, l'ossification pré-
maturée des sutures, la synostose, serait l'une des principales
causes du crétinisme. Or, nous avons affaire, ici, à un état abso-
lum,ent inverse : il y a défaut d'ossification et arrêt de dévelop-
pement. »
Justement, dirons-nous, parce que dans le cas spé-
cial, à supposer que le crétinisme vrai ne se rapproche
pas de l'état myxoedémateux, il s'agit d'un crétinisme
spécial, crétinisme sporadique, ou mieux d'idiotie
crétinoïde avec cachexie pachydermique.
Dans la discussion qui suivit la présention du mou-
lage de V. C... à la Société d'anthropologie, MM. Bor-
dier et de Mortillet ont fait observer avec juste raison
que le sujet présenté ne ressemblait nullement à un
crétin ordinaire et qu'il se rapprochait des idiots.
M. Delasiauve rapporta alors, en quelques mots,
l'histoire d'un malade qu'il eut dans son service de
Bicêtre et qui présentait encore plus, peut-être, que
CACHEXIE PACHYDERMIQUE. 75
celui deM. Bail, les attributs caractéristiques de l'idiotie
crétinoïde avec cachexie pachydermique.
Observation XII. Coloration cachectique chez, la mère et une
soeur,. - Idiotie complète; surdi-mutité; taille petite; brachy-
céphalie; épaississement des lèvres; absence de signes de puberté ;
marche nulle.
11 s'agit d'un nommé Pot..., né à la Chapelle-Saint-Denis
(Seine), le 25 août 1839, entré à Bicêtre le 25 septembre 1861,
décédé le 2 janvier 4873. Tous ses parents jouissaient d'une excel-
lente santé. Seules, la mère et une soeur offraient une teinte
cachectique prononcée de toute la surface cutanée. Sa taille était
de om96 cent. La tête était assez volumineuse, plutôt brachycé-
phale, avec aplatissement notable de la région occipitale; les
cheveux étaient rares, le visage pâle, les paupières plissées, le
nez écrasé, les lèvres légèrement épaisses laissant sortir la langue
de temps à autre. Il avait un tic particulier consistant en une
sorte de grimace produite par des mouvements des lèvres et des
ailes du nez. L'abdomen était volumineux et flasque; les membres
étaient grêles, la peau était lâche; aucune force. Ce malade restait
assis dans un fauteuil, ne parlait pas, était sourd ; il se montrait
hargneux si on le contrariait et aimait qu'on s'occupât de lui. Il
existait un léger empâtement. Au dire des personnes du service
encore à Bicêtre qui l'ont connu, ce malade était un type absolu-
ment semblable au Pacha.
Les différents certificats inscrits sur les registres portent les
diagnostics suivants : Idiotie avec arrêt de développement (Marcé,
Lasèrue). - Idiotie avec arrêt de développement et rachitisme ;
aspect demi-crétineux (Magnan). - Crétinisme (Falret).
En novembre 4872, le malade s'affaiblit et mourut en janvier
1873, d'une congestion pulmonaire.
Nous pouvons encore citer, parmi les cas de créti-
nisme sporadique avec myxoedème que nous avons
réunis, un cas de M. Goodhart'.
Observation XIII. - Absence d'antécédents héréditaires. - Idiotie
complète; parole et marche nulles; teinte cachectique de la peau;
brachycéphalie ; retard de la dentition; langue épaisse et pendante;
1 Goodhart. Sporadic crélinism and myxoedema. (Médical Times and
Gazette, May, 1880, p. 474.)
76 IDIOTIE CRI·;TII\O1DE.
développement exagéré du tissu adipeux sous-cutané ; pseudo
lipomes sus-claviculaires; existence douteuse de la glande thy-
roide; hernie inguinale.
X..., âgée de quatre ans; pas de consanguinitéentreles parents;
cinq frères ou soeurs en pleine santé, dont un bébé de seize mois
marchant déjà.
La peau, d'une pâleur jaunâtre, a attiré aussitôt l'attention.
Les viscères abdominaux étaient normaux. La tête était large et
d'une forme particulière; le front était petit et saillant, dans
chaque région frontale latérale et aussi au-devant de la fontanelle
antérieure. La partie postérieure de la tête était petite. Les traits
étaient lourds et épais; la face ronde et sans expression. Cette
petite fille ne pouvait parler, mais elle émettait desbruits inintel-
ligibles, la vue et l'ouïe étaient normaux. Elle était incapable de
marcher et tombait dès qu'elle était sur ses jambes. Les tibias
étaient courbés en dehors quoique sans élargissement notable
des extrémités osseuses; elle avait une hernie ombilicale'. Le
palais était très arqué, la dentition était retardée ; les deux inci-
sives du haut et du bas étaient coupées, et il y avait une dent
double dans la mâchoire supérieure du côté gauche, la dent cor-
respondante du côté opposé apparaissait.
L'état de la langue était remarquable. Elle était trop grande
pour la bouche et faisait saillie entre les dents; à part cette lar-
geur exceptionnelle, elle était normale. Le corps était en bon état,
mais un peu petit. Ce bon état paraissait être dû à un excès de la
graisse sous-cutanée sans oedème. On constate dans les régions sus-
claviculaires deux masses lipomaleuses. Pour le goitre, l'existence
même de la glande thyroïde est douteuse. Il n'y a pas d'apparence
d'hypertrophie des glandes médiastines. Il y avait un remar-
quable agrandissement des éminences thénar et hypothénar de
chaque main, ce qui leur donnait un aspect large et déformé,
cet élargissement semble dû à l'hypertrophie musculaire et non
à un excès de graisse. Les muscles de la cuisse sont bien déve-
loppés, contrairement à ceux du mollet. Le fond de l'oeil est nor-
mal. Mentalement, c'était une enfant lourde, ne prêtant que peu
d'attention aux objets environnants ; elle reconnaissait cependant
ses parents et les objets brillants placés devant elle.
M. Goodhart pense que les symptômes présentés par
la malade sont suffisants pour justifier le diagnostic
de crétinisme sporadique qu'il considère comme dû à
1 Nous avons relevé chez nos deux malades l'existence de hernies
inguinales.
CACHEXIE PACHYDERMIQUE. 77 l
un développement défectueux du cerveau, mais sur-
tout à un développement irrégulier et asymétrique des
diverses parties du corps dont les unes se développent
avec excès, tandis que les autres subissent un arrêt de
développement.
L'auteur, tout en faisant ressortir la ressemblance de
son cas avec le myxoedème de l'adulte, ne croit pas à
l'état crétinoïde avec cachexie pachydermique. Le
diagnostic de myxoedème nous paraît cependant
devoir être posé assez clairement, si l'on considère
l'état intellectuel et physique de la malade, les masses
lipomateuses sus-claviculaires, l'absence probable du
corps thyroïde, etc.
Aux cas de crétinisme avec myxoedème paraîtrait
aussi devoir se rapporter l'observation de M. A. Voisin
publiée dans la Revue photographique sous le titre de
Crétinisme chez une enfant née à Paris de parents pari-
siens. La taille de cette enfant était de 4m, 30; le cou
était large, gros; la peau comme oedématiée; les mains
ramassées; les doigts épatés étaient rouges, cyanosés,
comme infiltrés; l'abdomen était très gros. Il n'existait
pas de goitre ; les mouvements étaient lents, lourds;
la sensibilité et la force musculaire étaient diminuées;
la parole était lente, indistincte ; l'enfant était idiote.
Quant au cas de M. Baillarger il paraît plutôt s'agir
d'un myxoedème opératoire; nous aurons lieu d'en
reparler plus loin. Le crétin de Charonne, observé
par Ferrus 2, semble appartenir au crétinisme avec
1 A. Voisin. - Revue photographique. 46 année, 182, p. 353.
2 Ferrus. - Comptes rendus de l'Académie de médecine, 1860-51
78 IDIOTIE CRFTINO1DE.
goitre, quoiqu'il soit difficile de dire exactement ce
que Ferrus entendait par la tumeur volumineuse du
cou que présentait ce malade.
Cet état crétinoïde des idiots myxoedémateux per-
met de penser que sous la dénomination decrétinisme
sans goître et surtout sous celle de crétinisme spora-
dique', il doit se rencontrer encore en grand nombre
d'idiots myxoedémateux. Les observations anciennes
de Curling, de Fagge, de Fletcher-Beach, et celles plus
récentes de MM. Bouchaud, Charpentier, Coxwell,
Routh, Bail, Goodhart, etc., et que nous avons rap-
portées plus haut, paraissent en fournir la démonstra-
tion2.
Il ressort des observations précédentes que chez
tous les idiots crétinoïdes, l'absence ou l'atrophie de la
glande thyroïde paraît constante. Les quelques autopsies
de sujets atteints de cachexie pachydermique sans
accompagnement d'idiotie nous montrent aussi que
souvent, dans ces cas, le fonctionnement de la glande
thyroïde était rendu impossible par suite de son atro-
phie. En voici quelques exemples.
Dans le cas de M. Brandes, il s'agit d'un homme
de quarante ans dont le myxoedème paraissait remonter
1 La question de crétinisme mériterait du reste d'être remise à l'étude ;
il serait intéressant de s'assurer de l'état de la glande thyroïde chez les
crétins complets, ainsi que chez les crétineux où la dégénérescence de la
glande peut avoir eu une marche et une distribution inégales; il va de
soi que surtout pour ces derniers, on ne pourrait tirer de conclusion
sans de nombreuses autposies.
2 Il va s'en dire que nous n'avons pas la prétention d'avoir relaté toutes
les observations de crétinisme sporadique, compliqué de myxoedème.
Il nous a même été impossible de reproduire un certain nombre d'obser-
vations publiées sous le nom de myxoedème et se rapportant à des
enfants (cas de Shattock, etc.).
CACHEXIE PACHYDERMIQUE. 79
à l'âge de quatorze ou quinze ans. A l'autopsie, outre
une atrophie glomérulaire des reins, il fut constaté
que la glande thyroïde était très atrophiée \ Il est éga-
lement à noter que la thyroïde était très atrophiée dans
le cas de Hale White et qu'elle était dégénérée= dans
les cas de Ord, Greenfield, Cushier 3. 3.
L'atrophie de la glande thyroïde est de même signa-
lée dans beaucoup d'observations publiées du vivant
des malades; nous citerons les observations de Dyce-
Duckworth \ Ord, Millets, Hamilton6, Oliver', Abbott8,
Hadden9, etc.; dans quelques cas, l'atrophie était si
accusée que la glande ne pouvait être sentie à la pal-
pitation ; enfin, dans d'autres, l'existence même de la
1 Brandes. - Un cas de myxoedème. (Extrait des comptes rendus du
Congrès international de Copenhague.)
2 Hale White. - A case of myxoedema with a post mortem Exami.
nation. (The British médical journal, 1885, p. 381.) Follicules clos atro-
phiés.
3 Cushier. Case of myxoedema. (Archives of médecine, 1882, p. 203.)
a glande thyroïde, plus petite qu'à l'ordinaire, présentait une atrophie
avec sclérose; absence de follicules clos; vaisseaux oblitérés.
4 Dans un autre cas du même auteur, le corps thyroïde paraissait nor-
mal. - Dans l'autopsie du cas de Ord, faite par Greenfield, il est noté
que les cellules de la glande thyroïde sont comprimées par du tissu de
nouvelle formation. (Dyce-Duckworth. Two cases of myxoedema, Tmn-
sactions of the clinical Society of London, 1ti81, p. 53.)
6 Miller. - A case of myxoedema (The British médical Journal, 28 fé-
vrier 1885, p. 429).
a Hamilton. - A case of myxoedema with three illustrations (The me-
dical Record, New-Pork, 1882, 9 décembre, vol. XXII, p. 645).
1 Oliver. - Clinical lecture on myxoedema (The British médical Journal,
17 mars 1883).
8 Abbott. A case of myxoedema (The British médical Journal,
juin 1886).
9 Hadden. A case of nxyxoedema (Transactions of the clinical So-
ciety, 1885, p. 58). - La glande thyroïde était considérablement dimi-
nuée de volume.
80 IDIOTIE CItCTINO1D1's.
glande a paru douteuse (Goodhart, Ilidel-Saillard,
Ord, Gowans', Lunn 2, Semon3).
Il faut ajouter que, dans nombre de cas de myxoe-
dème, l'observation est incomplète; souvent, par
exemple, il n'y est fait aucune mention de l'état de la
glande thyroïde. Parmi les observations que nous avons
pu consulter, nous n'en avons trouvé que très peu où le
corps thyroïde ait été signalé comme normal, du moins
quant à son volume 4 (Edes \ Wadsworth e, Lane'). -
II. - DE LA CACHEXIE PACHYDERMIQUE OPÉRATOIRE.
Les faits avec autopsie que nous avons rapportés,
montrant l'absence de glande thyroïde et les observa-
I Gowans. - History of a case of nzyxcedema (The British medica
Journal, 1882, I, p. 772).
2 Lann. - Cases of myxoedema (Tite British médical Journal, 24 dé-
cembre 1881, p. 1017).
3 Semon. - A case of myxoedema (Transactions of the clinical Society
of London, 1881, p. 61).
4 Nous ferons remarquer que, parmi les observations publiées sous le
nom de myxondème, il en est qui se rapportent à d'autres affections, telles
que la néphrite, etc. (le cas de M. Fraser, par exemple).
t Edes. - Clinical Lectures on a case of rny : r;oedema (The Boston med.
and Journal, 24 avril 1884, p. 385).
a Wadsworth. - A case of myxoedema with atrophy of the optic Ner-
ves (The Boston med. and Surg. Journal, 1885, p. 5).
7 Lane. - Myxoedema with remarks upon the etiology ofthe disease.
(The Lancet, 14 juillet 1883, p. 56). -Le cas de M. Henrot, où lavande
thyroïde est notée comme ayant 4 à 5 fois son volume normal. doit être
réservé, car le diagnostic de myxoedème nous parait discutable.
Dans les cas de M. Morvan. il n'est pas fait mention de la glande thy-
roïde : deux des malades de ce médecin, à ce qu'il nous écrit, examinés
à nouveau récemment à ce point de vue, ne présentent rien d'anormal
dans la région thyroïdienne; il en résulterait, en tout cas, que si l'ab-
sence ou l'atrophie de la glande thyroïde n'existe pas, ce qui est difficile
à vérifier sur le vivant, ces malades ne présentent en tout cas pas d'hy-
pertrophie du corps thyroïde.
CACHEXIE PACHYDERMIQUE OPÉRATOIRE. 81
tions de malade encore vivants chez lesquels l'absence
de la glande thyroïde a été constatée ou dont l'existence
a paru très douteuse, semblent établir une relation évi-
dente entre la cachexie pachydermique et l'absence ou
l'atrophie de la glande thyroïde '. Nous sommes donc
conduits naturellement à examiner les conséquences
de la thyroïdectomie.
Les cas d'extirpation totale de la glande thyroïde sont
déjà nombreux; si beaucoup d'opérés n'ont présenté
aucun phénomène se rattachant à la cachexie pachy-
dermique, il n'en n'est pas moins vrai que le chiffre
des thyroïdectomisés atteints de myxoedème est assez
considérable, et encore est-il juste de faire observer
qu'un certain nombre d'opérés ont souvent été perdus
de vue. Nous donnerons ci-dessous la statistique de
tous les cas qui sont parvenus à notre connaissance,
mais auparavant nous croyons nécessaire de relater,
en quelques lignes, un des rares cas de myxoe-
dème opératoire suivi d'autopsie 2 : il appartient à
MM. Bruns et Grundler3, et offre un grand intérêt
par suite de la constatation de lésions identiques à
celles qui ont été rencontrées dans les autopsies des
myxoedémateux idiopathiques.
1 L'atrophie du corps thyroïde, accompagnée de la destruction de ses
cellules, équivaut, foiietionnellement parlant, à son absence ; a la même
conséquence l'hypertrophie avec altération cellulaire de toutes les par-
ties de la glande.
2 Deux autres cas ont été suivis d'autopsies, mais ces autopsies, ma
faites ou dans des circonstances défavorables, ne présentent aucune
valeur. - M. W. Stokes vient de publier un nouveau cas avec autopsie
que nous analyserons plus tard.
3 Grundler. - Contribution à l'étude de la cachexie crétinoïde. (Zur,
Cachexia strunzipriva in B.·ztrcige zur hlirzischen Chirurgie de P. Bruns'
Tubingen, 1885, t. I, p. 420.)
BOURNEVILLE, 1886. 6
82
IDIOTIE CRETIN()1DE.
Observation IV.- Goitre colloïde accompagné de dyspnée.-ExLir-
pation totale en 4 886 : guérison de la plaie en deux mois. -
Diminution de l'intelligence dès le troisième mois de l'opération;
arrêt de développement et symptômes de cachexie pachydermique
de plus en plus accentués.
Il s'agit d'un adulte opéré à l'âge de dix ans, par M. P. Sick (de
Stuttgard), décédé le 13 août 1884, d'une attaque apoplectiforme
à la clinique de Tubingue à l'âge de vingt-huit ans. Il mesurait
1 m 27 ; pesait 45 kil. et avait t'habitus crétinoïde. A I'autopsie,
pratiquée par 11. Nauwerk, on constata les faits suivants :
Fig. 13. - Malade opéré par M. Sick.
Rigidité cadavérique; sugillations sanguines étendues du
.dos; peau assez pâle. - Les veines des extrémités et du tronc
sont visibles; face cyanosée; l'épiderme desquamme partout,
(excepté sur la face), et surtout aux parties latérales du tronc. -
Le corps parait atteint d'anasarque généralisé moyen.
CACHEXIE PACHYDERMIQUE OPÉRATOIRE. 83
Les extrémités supérieures et inférieures sont déformées; les
parties molles de la face sont épaissies, celle-ci a un aspect cré-
tinoïde caractérisé. Au cou, on trouve une cicatrice ancienne, allant
de l'os hyoïde au sternum. Ongles bleuâtres un peu recourbés en
griffe, organes génitaux bien développés avec poils fins et foncés
à la base du pénis ; quelques poils rares et plus forts, au scrotum;
quelques hémorroïdes au rectum, la peau du thorax et de l'ab-
domen n'est pas modifiée, le tissu adipeux sous-cutané est bien
développé, un peu oedématié, musculature du thorax oedématiée,
très pâle, presque grise. Tissu graisseux sous-séreux de l'abdomen
fortement développé ; dans l'abdomen, environ 100 gr. de liquide
jaune, très peu trouble. Entre les muscles, il y a encore beaucoup
de graisse. Les veines du cou sont gorgées de sang. ,
Les intestins sont météorisés. La séreuse de l'intestin grêle est
un peu injectée. Le mésentère et l'épiploon sont riches en graisse.
Le foie occupe sa position normale. Graisse du médiastin abon-
dante, poumons libres.
Dans les plèvres, 100 à 150 gr. de liquide clair, séreux; pou-
mons normaux. Le péricarde est très découvert, et contient 4 00 gr.
de liquide séreux, clair. Coeur volumineux, pointe formée par
le ventricule gauche surtout, mesurant de la pointe à la base
13 cent. ; largeur à la hauteur des orifices auriculo-ventriculaires,
44 1 cent. ; coeur droit mou, le gauche plus ferme; panicule adipeux
du coeur faiblement développé. -- Dans le coeur gauche, beaucoup
de sang liquide, masses cruoriques rares, foncées. A droite, on
trouve en outre quelques caillots fibrineux mous. Les orifices
auriculo-ventriculaires sont normaux; les valvules intactes à
droite. Myocarde pâle, d'épaisseur normale. Le cône formé par
l'artère pulmonaire présente un épaississement. circonscrit de
l'endocarde, pénétrant jusque dans le myocarde d'un millimètre
environ. La mitrale est peu modifiée; quelques tendons sont un
peu épaissis. Le myocarde gauche est d'épaisseur normale, de
couleur brun jaunâtre. Valvules aortiques intactes, mais avec
quelques taches graisseuses et des épaississements scléreux. Artères
coronaires minces. Poumon gauche, rougeur légère de la mu-
queuse bronchique. Dans les bronches, un peu de liquide spu-
meux, légèrement teinté de rouge; le poumon contient de l'air,
est oedémateux, assez riche eo sang. Quelques sugillations pleu-
rales. - Poumon droit, mêmes lésions.
Rate : longueur : 8 c. et demi, poids 75 gr. - La pulpe est de
coloration cerise foncée, résistante ; les trabécules sont visibles ;
les corpuscules de Malpighi petits. - Rein gauche (125 gr.) forte-
ment entouré de graisse, de grandeur normale; capsule non adhé-
rente; surface gris foncé, violette; parenchyme très épais.
L'écorce et surtout les pyramides sont injectées de sang veineux.
84 IDIOTIE CRÉTINOÏDE.
La substance corticale est par-ci par-là trouble et gris jau-
nâtre. - Rein droit (1415 gr.), mêmes lésions.
Langue hypertrophiée avec plusieurs impressions dentaires
présentant quelques petites hémorrhagies fraîches, sans cicatrices
profondes. La luette et les piliers sont gonflés, infiltrés, injectés.
Amygdales agrandies, la droite pâle, la gauche plutôt gris vio-
lette paraissant atteinte d'hyperplasie chronique. - OEsophage,
estomac, duodénum, pancréas, rien de bien particulier. - Foie
un peu petit (1,200 gr.), normal. ,
La trachée est couverte inférieurement de mucosités. Muqueuse
un peu injectée, la partie inférieure de la trachée est rétrécie un
peu latéralement et déviée un peu à droite. - L'aorte est relati-
vement étroite. Circonférence : 3, 4 cent., au-dessus du dia-
phragme, taches graisseuses et épaisissement scléreux ; il en est
de même des gros troncs descendants; aucune trace de tissu thy-
roidien.
Sur le cuir chevelu, nombreuses croûtes ; cheveux rares. L'épais-
sissement de la calotte est surtout produit par le tissu adipeux
oedÉmatié. - Dure-mère sans grands changements ; à gauche,
adhérences nombreuses avec la voûte crânienne, surtout près de
la suture frontale, sinus longitudinal libre. - Voûte crânienne
d'épaisseur moyenne, sutures visibles, sillon de la méningée
moyenne, profond à gauche; du reste, pas de phénomènes de
résorption appréciables sur la table interne, asymétrie légère
des diamètres. Vaisseaux de la base sans grands changements à
gauche. La configuration interne du cerveau ne présente rien de
spécial.
Les circonvolutions sont un peu maigres, les sillons sont très
accentués par suite de l'oedème des méninges. Quantité de sang
moyenne dans la dure-mère. L'arachnoïde est brillante, surtout
épaissie et tendineuse le long de la scissure interhémisphérique
et cela d'une façon diffuse. On y constate, en outre, beaucoup
d'épaississements miliaires atteignant quelquefois le volume d'une
tête d'épingle, en partie confluents, scléreux ; il y en a aussi bien
sur les sinus qu'au-dessus des circonvolutions. Les ventricules
latéraux sont peu dilatés. La substance cérébrale est légèrement
hyperémiée sans autres modifications. Poids avec la pie-mère,
après ouverture des ventricules : 4,43 gr. -.Ganglions de la base,
corps quadrijumeaux, normaux.
Testicules peu développés, hyperémiés. - Prostate, vésicules
séminales normales. - L'humérus droit enlevé est normal. -
On distingue encore la limite des épiphyses. Il en est de même
pour l'extrémité supérieure du fémur. L'épiphyse du grand tro-
chanter est encore cartilagineuse.
Examen microscopique des organes fait par le Dr Nauverk. -
CACHEXIE PACHYDERMIQUE OPÉRATOIRE. 85
4° Sang normal, autant qu'un en peut juger sur le cadavre;
globules rouges de taille et couleur normales, pas d'augmenta-
tion des leucocytes. - 1° Musculature normale au tronc et aux
extrémités; pas d'hyperplasie conjonctive. - 3° Musculature de
la langue également normale : pas d'hypertrophie des fibrilles
musculaires; tissu adipeux interstitiel abondant. - 4° La peau
des diverses parties du corps (tête, tronc, membres, scrotum), est
normale, sauf un fort pannicule adipeux et un peu d'oedème. Pas
d'hyperplasie conjonctive ou de changement dans la distribution
des nerfs. Pas de transformation mucoide même en présence de
l'acide acétique. - 5° Grand sympathique et nerfs périphériques
normaux. - 6° Rate, foie, reins, sans prolifération conjonctive.
On remarque une infiltratiou marquée des cellules hépatiques
surtout dans les parties centrales des lobules, par des granula-
tions pigmentaires grises jaunâtres, souvent avec dépôt graisseux;
7° Sur le cerveau soit frais, soit durci, on constate de la leptomé-
ningite chronique ordinaire, avec faible participation de la subs-
tance corticale. Le tissu de l'arachnoïde et surtout de la pie-mère
paraît fortement épaissi, mais en intensité variable, à fibres plus
fortes que d'ordinaire; il y a souvent des corpuscules pigmen-
taires et beaucoup de noyaux. Les parties périphériques de l'écorce
sont par place, surtout autour des vaisseaux, très riches en
noyaux. Les espaces périvasculaires lymphatiques sont souvent
élargis, et contiennent parfois des granulations laiteuses. A l'état
frais, les vaisseaux corticaux, enlevés à la pince sont souvent
couverts de granulations graisseuses fines.
M. Grundler croit que l'extirpation de la glande
thyroïde amène des troubles du sytème nerveux cen-
tral surtout en ce qui concerne son rôle dans les
échanges nutritifs.
Les premiers cas de myxoedème opératoire c'est-à-dire
consécutif à l'extirpation totale de la glande thyroïde,
ont été signalés par M. J. Reverdin en octobre 1882 '.
Ce n'est que six mois plus tard (4 avril 1883), que
M. Kocher communiquait au Congrès de chirurgie de
Berlin le résultat de 102 opérations de goitre prati-
' J. Reverdin. - Revue médicale de la Suisse Romande, 15 octobre 1882,
p. 539 et 540. - Communication à la Société médicale de Genève, 13 sep-
tembre 18s2.
86 IDIOTIE CRÉTINOÏDE.
quées par lui, travail qui ne fut publié que plus tard'
dans les « Arch. f. klin. Chirurgie, Bd. XXIX, H. 2 ».
Nous ne saurions donc nous élever avec trop d'éner-
gie contre le déni de justice fait à MM. Reverdin par
la plupart des auteurs d'autant plus que, en Alle-
magne, l'opinion a été égarée par le fait de la commu-
nication de M. Kocher, ce qui explique qu'on ait à
tort attribué à ce chirurgien une découverte qui n'était
pas sienne, ainsi que le démontrent les dates des pu-
blications.
MM. J. et A. Reverdin' ont complété peu après
(avril 1883) leur premier travail en faisant connaître,
les résultats des autres opérations pratiquées par eux,
confirmant d'ailleurs les précédentes. Dans la même
année M. Julliardg en publia brièvement deux nou-
veaux cas.
Il faut noter que la cachexie paraît d'autant plus
à craindre que l'opéré est dans la période de crois-
sance. Le myxoedème de nature traumatique semble
tellement sous la dépendance de l'extirpation totale de
la glande thyroïde que les chirurgiens contemporains
condamnent cette extirpation totale et ne pratiquent t
plus que des extirpations partielles'.
Nous donnons ci-après le tableau des cas de ca-
chexie pachydermique observés à la suite de l'extir-
pation totale de la glande thyroïde :
' J.-L. et A. Reverdin.- Du myxoedème par extirpation de la thyroïde.
(Revue médicale de la Suisse Romande, 15 avril, 15 mai et 15 juin 1883).
. Julliard. - Trente et une extirpations de goitre. (Revue de chirurgie,
1883, p. 585.)
3 On a signalé, cependant, quelques cas de cachexie à la suite d'extir-
pations partielles; mais, outre leur rareté, on peut se demander si, dans
ce cas, les parties de la glande abandonnée étaient suffisamment saines
pour remplir leur rôle physiologique. ,
CACHEXIE PACHYDERMIQUE OPÉRATOIRE. 87
10 Baillargert. - Fille de vingt-quatre ans; extirpation pro-
bable de la glande thyroïde vers l'âge de six ans, suivie d'idiotie
crétinoïde.
. 20 Reverdin. Pauline C..., vingt ans; goitre kystique. Extirpation
totale le 4 mars 1881. En juin 1881, on constate déjà une anémie
marquée; face, lèvres pâles, pas d'oedème; dyspnée avec plusieurs
accès. A l'examen laryngoscopique, rétrécissement de la glotte.
La malade ne peut plus parler ; on diagnostique de l'hystérie.
Traitement par les courants constants. La dyspnée et la parole
s'améliorent. Règles très irrégulières et douloureuses. Rien] n'a
pu améliorer l'anémie2.
30 reverdit. - Henri 0..., vingt-quatre ans; goitre kystique,
extirpation totale le 6 octobre 1880. En mars 1881, symptômes de
cachexie pachy dermique commençante, qui se développe en un an.
La force des mains diminue, surtout à droite; la marche s'appe-
santit, face vultueuse. Jambes infiltrées; sensation de froid; culo-
ration jaunâtre de la face; aspect crétinoïde; langue dure, lourde,
gênant la parole. - Eu 1882, tuberculose, abcès des ganglions
lymphatiques cervicaux. Matité aux sommets.
4° Reverdin. - Mms F..., vingt-sept ans; goitre kystique, extir-
pation totale, 9 novembre 1880. A la suite de l'opération, fai-
blesse générale avec syncopes commençantes, anémie; coloration
de la face, non oedématiée, plus pâle qu'avant l'opération. Fatigue
et crampes dans les jambes oedématiees; absence de mémoire de
plus en plus marquée; inattention; règles peu après l'opération
régulières.
5° Reverdin. - Mme S..., trente-trois ans, goitre kystique, extir-
pation totale le 15 novembre 1880. Deux mois après, fatigues,
anémie, perte de forces, mains lourdes, peu agiles, surtout pour
les travaux fins. La voix se perd tout à coup. En février 1881,
anémie prononcée, faiblesse de la mémoire, mains engourdies.
En lévrier 1883, les symptômes s'amendent, sauf pour la mémoire
et la voix.
6° Reverdin. - Arthur 13..., quarante ans, goitre pa1'enhyma-
teux ; extirpation totale le 17 décembre 1880. - Fin mars 1881,
cachexie pachydermique, faiblesse des jambes. Le malade fait
avec peine 2 kilom. L'anémie s'accentue, le visage s'infiltre, les
mains sont entlées, sans albuminurie; diminution de l'appétit,
de la soif et du goût, maladresse des mains, lourdeur des jambes.
1 Annales médico-psychologiques, mars 1884, p. 124.
2 Cette malade, d'abord améliorée à tel point qu'il était difficile de
constater les symptômes du myxoedème,, à ce que nous rapporte
M. Reverdit, présente à nouveau (octobre 1886) des symptômes
de cachexie pachydermique.
88 IDIOTIE CRBTINO1DE.
7° Kocher. - Femme, trente-six ans; tumeur colloïde, extirpa-
tion totale le 25 mars 1881 ; guérison en trois semaines. Le mari
rapporte, le 19 février 1883, que sa femme n'a plus été un instant
bien portante. Le corps est gonflé, les membres sont anesthésiés ;
elle a toujours froid; périodes menstruelles très irrégulières.
8o Kocher. - Femme, trente-huit ans; tumeur colloïde, extirpa-
Fig. 14. - Elle représente une opérée (cas 9) de M. Kocher
et sa soeur jumelle.
tion totale le 3 juillet 1879; guérison en quinze jours. L'examen
microscopique fait croire peut-être à un carcinome. Le mari dit
en mars 1883 : u Ma femme ne peut écrire elle-même par suite
de douleurs nerveuses des pieds et des mains. Le cou est guéri,
CACHEXIE PACHYDERMIQUE OPÉRATOIRE. 89
mais elle est comme paralysée des extrémités, surtout depuis sa
dernière couche ; en 1881, sa santé n'a fait que décliner. »
9° Kocher. - Marie B..., onze ans, tumeur folliculaire, extirpa-
tion totale le 8 janvier 187; guérison en trois semaines. - En
février 1883, cachexie crétinoïde très prononcée.
Neuf ans après l'opération, c'est-à-dire en 1883, après que l'at-
tention de M. Kocher eût été attirée sur la question du myxoe-
dème par les communications de MM. Reverdin, cette malade a
été photographiée à côté de sa soeur cadette (voir Fig. 14). Avant
l'opération les deux soeursse ressemblaient tellement, que leur mise
ne pouvait les distinguer l'une de l'autre. La simple inspection de
la photographie permet de se rendre compte dessuites de l'extirpa-
tion totale de la glande thyroïde. Il est regrettable que l'on ait cru,
dans la photographie, masquer les régions les plus importantes
au point de vue du myxoedème, ce qui ne permet que difficile-
ment dese rendre un compte exact de l'état du cou, des pieds, etc.
Toutefois, cette photographie met bien en évidence que si
M. Kocher n'avait reconnu qu'imparfaitement à cette époque la
nature de l'affection dont était atteinte son opérée, il n'en a eu
une nolion exacte qu'à la suite de la communication orale
que lui fit M. J. Reverdin, lors du Congrès d'hygiène de Genève,
en septembre 1882. Depuis, M. Kocher a pu constater le myxoe-
dème sur un certain nombre de ses malades anciens ou nou-
veaux. Il semble du reste que M. Kocher n'ait pas bien dès
l'abord saisi le mécanisme de l'étiologie du myxoedème opéra-
toires, puisqu'en janvier 1883, il pratiquait encore des extirpa-
tions totales.
10' Kocher. - Jean R..., dix-sept ans, goitre hyperplasique,
extirpation totale le 21 juillet 1877; guérison en six semaines, ré-
cidive naturelle en 1882; diminution des facultés mentales et
physiques.
- t 1 ° Kocher. - Anna D..., vingt-trois ans, goitre colloïde, extir-
pation totale le 1 er novembre 1879; guérison en cinq semaines.
- En février 1883, cachexie crétinoïde très prononcée.
12» Kocher. - Jacques M..., quarante-cinq ans; goitre fibreux,
extirpation totale le 26 mars 1880. - Rapport médical du 22 fé-
vrier 1883; bonne santé jusqu'à la fin de 1881. Alors oedème pal-
pébral et des jambes jusqu'aux genoux, avec albuminurie passa-
gère. En mars 1883, cachexie crétinoïde très prononcée.
130 Kocher. - Elisa K..., douze ans; goitre colloïde, extirpation
totale le 14 novembre 1881. - En mars 1883, commencement de
la cachexie, attaques épileptiques nombreuses.
14° Kocher. - Rodolphe R..., dix-huit ans, goitre colloïde kys-
90 IDIOTIE CRÉTINOÏDE.
tique, extirpation totale le 19 février 188 ? En mars 1S83; cachexie
crétinoïde moyenne.
i° Kocher. - Elisa W..., vingt-trois ans, goitre colloide, extir-
pation totale le 26 juillet 1882. - Le 19 juin 1882, respiration et
déglutition libres; douleurs dans les épaules, 18 mars 1883 ; lèvres
et nez uu peu gros; ni idiotie, ni cachexie.
16° Kocher. - Adolphe R..., quatorze ans, goitre fibreux, extir-
pation totale le 5 mai 1882. En mars 1883, anémie, gonflement,
cachexie crétinoïde.
17u Kocher. - Rosine B..., vingt-six ans, goitre hyperplasique,
extirpation totale le 31 mai 1882. - En février 1885, symptômes
très marqués de cachexie pachydermique.
18o Kocher. - Anna G..., vingt-six ans, goitre hyperplasique,
extirpation totale le .¡or juin 1882. - En février 1883, hydro-
anémie.
19- Kocher. - Christian W..., seize ans, goitre folliculaire, extir-
pation totale le la juin 1882. - En février 1883, hydroanémie.
20° Kocher. Elisa R..., douze ans, goitre folliculaire, extirpa-
tion totale le 19 juin 1882; en mars 1883, cachexie crétinoïde.
2 1 Rocher. - En faut P..., fille de quinze ans, goitre kystique,
extirpation totale le 3 juillet 1882 ; en février 1883, cachexie pachy-
dermique commençante.
22° Kocher. -Marie K..., vingt-huit ans; goitre folliculaire,
thyroïde gauche enlevée autrefois ; excision de la thyroïde droite, le
27 septembre 1882. En mars 1883, cachexie crétinoïde commen-
çante.
23° Kocher. - Emma G..., seize ans ; goitre folliculaire, extir-
pation totale le 17 novembre 1882. Le 16 mars 4883, cachexie
crétinoïde modérée '.
24° Julliard. - Caroline B..., soixante-six ; goitre colloïde, extir-
pation totale cinq à six mois après, forte anémie, pâleur de la
peau, faiblesse très grande et oedème des jambes ; au bout de
quelques mois, amélioration.
250 Julliard. -Joseph C..., dix-sept ans ; goitre parenchyma-
teux, extirpation totale en 1880. En janvier 1881, faiblesse, fatigue.
Le malade, autrefois gai et vif, devient taciturne et craintif; il
aime la solitude, ne grandit plus; frileux, il n'a même plus la
force de travailler, visage infiltré, pas d'albuminurie ni
* Nous n'avons pas de détails sur un autre cas de Kocher remontant à
l'époque de sa première communication, ainsi que sur quelques autres
cas qU11 aurait observés depuis.
CACHEXIE PACHYDERMIQUE OPÉRATOIRE. 91
d'oedème marqué, mais épaississement de la peau du visage et
des mains.
26'' Baumjdrtner 1. Fille de seize ans, extirpation totale
d'un goitre de 166 gr. en octobre 1881. Un an après, visage
infiltré; mains et pieds épais, dyspnée ; alourdissement corporel
et intellectuel; six mois après, l'état est encore plus marqué, la
dyspnée plus forte nécessite la trachéotomie; rapide améliora-
tion consécutive de l'état général. En 1886, les symptômes de la
cachexie persistent.
27° Baumgürtner. - Femme de cinquante-six ans ; extirpation
totale en août 1881. Au bout d'un an, cachexia strumipriva consi-
dérable, puis dyspnée, trachéotomie suivie d'amélioration rapide.
En 1886, elle se plaint encore d'affaiblissement des facultés intel-
lectuelles et physiques.
28o .Baum<y<ï ? '<Kef. Fille de vingt-trois ans ; extirpation totale
d'un goitre de 160 gr. en août 1882 ; quelques mois après, lour-
deur et froid dans les membres ; pâleur et idéation ralenties,
visage infiltré, paupières épaisses, mains enflées le soir, pas d'al-
buminurie, paralysie de la glotte et aphonie qui cède à un traite-
ment électrique ; cachexie pachydermique considérable. Au bout
d'un an, le malade respire bien. Elle a succombé depuis à une
hémorrhagie pulmonaire.
29° Baumgàrtner. Fille de vingt-deux ans ; extirpation totale
d'un goitre de 390 gr. ; hémorrhagie très forte en octobre 1882 ;
six mois après, dyspnée en montant l'escalier, visage infiltré, ma-
ladresse des mains; elle ne peut plus tenir son aiguille; mains et
pieds enflés ; difficulté de parole et d'idéation. Au laryngoscope,
abduction des arythénoïdes difficille; électricité, ferrugineux ;
amélioration de l'état général. Elle peut reprendre son travail de
couturière. En 1886, l'amélioration continue.
30° Koenig 2. - Extirpation totale pour cause de dyspnée chez
un garçon ; peu après, la dyspnée reparait; trachéotomie. Un an
après, le père écrit « qu'on renvoie tous les jours l'enfant de
l'école, car il devient toujours plus stupide ».
31° Bruns 3. Homme de vingt-quatre ans, opéré depuis six
mois, présentait en 1885, lors de la publication du travail de l'au-
teur, les symptômes initiaux de la cachexie pachydermique.
. Baumgartner. - Zur Cachexia strumiprlVa (XIIIe Congrès des chi-
rurgiens allemands, Beilage Zur Centralbl. sur Chirurgie, 1884, n° 23,
p. 57.)
2 2 Kônig. - sm. Congrès des chirurgiens allemands (loc. cit.), p. 58.
3 Loc. cit. - Relaté par Grundler (p. 422).
92 IDIOTIE CRÉTINOÏDE.
32° Bruns. Fille de vingt-six ans, opérée depuis quatre ans,
présentait en 1885 des symptômes très graves myxoedémateux '.
33° Bruns. - C'est le cas dont l'autopsie a été relatée plus
haut (p. 355).
34° Kùster 2. - Garçon de douze ans ; extirpation totale; trois
ans après l'opération, on note l'arrêt de la croissance, la pâleur
du teint, un oedème dur des mains, la décoloration des muqueu-
ses ; l'abdomen est ballonné, les testicules petits ; absence de poils
au pénil ; cheveux rares, secs ; parole lente, physionomie stupide,
perte de la mémoire, lenteur des mouvements, etc. Trachée
réduite de volume ; en 1886, le malade est toujours cachectique.
35° Gordon 3. - Femme de cinquante-deux ans, opérée il y a
onze ans par Lister; symptômes myxoedémateux très accentués;
l'intelligence est cependant en partie conservée.
36° Pietrzikowski-Gussenbauer *. - Garçon, âgé de neuf ans
goitre parenchymateux ; extirpation totale le 9 mai 1882, tétanie
légère, guérison en 14 jours. Deux ans et quatre mois et demi
après l'opération, il présentait les principaux symptômes de la
cachexie pachydermique.
31o Pietrikowski-Gussenbauer. - Fille, âgée de dix-sept ans,
goitre colloïde kystique; extirpation totale le 17 janvier 1883,
tétanie, guérison en quatre semaines. - En 1884, début de la
cachexie pachydermique.
38° Pietrzikowski-Gussenbauer. - Fille, âgée de dix ans, goitre
vasculaire; extirpation lotale, le 29 août. - Trois ans après
l'examen de la malade permettait de constater des symptômes
de cachexie pachydermique.
39° Baumgàrtner 5. - Fille de vingt-cinq ans; goitre circu-
laire ; extirpation totale; deux mois après, cachexie6.
' Un troisième cas de thyroïdectomie totale, relaté par Grundler et ap-
partenant à Bruns, n'avait été suivi quatre mois après d'aucun accident.
' Hans Schmidt. - Ein Fall von Cachexia strumipriva. (Berliner kli-
nisc4e Wochenschrift, 2 août 1886).
3 Gordon. Myxoedema following upon removal of the tltyroïd gland.
(The Lancet, 1886, no 11).
1 Pietrzikowski. - BeitrCtge zur Kropfeystirpation : ebsl Beilrdgen
zur Cachexia strumipriva. (Prager Wochenschri ft, 1884, n, 48 et suivants
et 1885 n" 1 et 2).
5 Baumgârtner. - Congrès des naturalistes allemands, Berlin, 1886.
6 On a encore signalé quelques autres cas de myxoedème opératoire,
(W. Stokes; 1 cas avec autopsie), dont quelques-uns sans aucun détail
(cas d'Occhini, de Ruggi, etc.).
CACHEXIE PACHYDERMIQUE OPÉRATOIRE. 93
Si la plupart des chirurgiens admettent que le
myxoedème peut être une conséquence de la thyroï-
dectomie totale, il se trouve encore quelques auteurs
pour contester ces résultats. Ainsi M. Mikulicz' ne
croit pas que l'étiologie opératoire de la cachexie pachy-
dermique soit complètement élucidée; quelques-uns
de ses malades présentaient, en effet, avant la thyroï-
dectomie soit un arrêt de croissance, soit l'aspect cré-
tinoïde. Ces derniers, au nombre de trois, étaient âgés
de dix-sept à vingt ans. L'auteur pense que si on les
avait opérés avant l'apparition de l'état crétinoïde,
celui-ci aurait été attribué à l'opération. L'objection
soulevée par M. Mikulicz perd beaucoup de sa valeur
du fait qu'il ne donne aucun détail sur l'état des corps
thyroïdes extirpés; on comprend très bien qu'une
glande thyroïde dont toutes les parties sont affectées
puisse, fonctionnellement parlant, amener les mêmes
modifications organiques que l'extirpation totale.
La cachexie pachydermique aurait encore, dans de
très rares cas, été observée à la suite de thyroïdectomies
partielles, mais ces observations sont souvent suscep-
tibles des mêmes critiques que celles de M'. Mikulicz.
Les cas parvenus à notre connaissance appartiennent
à MM. Tassi, Occhini et Poncet (de Lyon), celui-ci
aurait observé une cachexie pachydermique fruste à
la suite d'une résection de l'isthme. Ces cas se trou-
vent en partie expliqués par l'observation que vient
de rapporter M. J. Reverdin d'un de ses malades chez
qui l'extirpation du lobe gauche de la thyroïde fut
1 Mikulicz. - Beitrag zur Opération des Kropfes. (Wicnermed. Woch-
enschi-ilt, 2, 9, 16, et 23 janvier l8tG,.
94 IDIOTIE CRÉTINOÏDE.
suivie de l'atrophie du lobe droit '; toutefois 11. Pon-
cet dit ne pas avoir constaté l'atrophie de la glande
chez son opéré.
Sur 24 cas d'extirpation totale, Kocher aurait observé
18 fois la cachexie pachydermique; sur 11 cas,
MM. Reverdin ont noté 5 cas de cachexie; Baum-
gartner a eu 5 myxoedémateux sur 11 1 opérés ;
M. Julliard 2 cas également sur 11 opérés;
Kùster 1 cas sur 4 thyroïdectomies totales; - Pietrzi-
kowski-Gussenbauer, 3 cas sur 9 extirpations totales.
etc. Soit en tout 39 cas, dout 13 hommes et 26 femmes
(en retranchant un cas de Kocher sur lequel les détails
nous manquent). Le tableau suivant donne la
proportion selon l'âge :
CACHEXIE PACHYDERMIQUE OPÉRATOIRE. 95
malades de MM. Reverdin, quatre de leurs opérés
atteints consécutivement de myxoedème ont été revus
par eux en décembre dernier. Chez tous, l'amélioration
était notable; chez deux (mye F... et M"° S...), on
constata le développement tardif d'un lobule thyroï-
dien aberrant. Depuis le mois de décembre, une des
opérées (M"° Crott...) a été revue par l'un de nous avec
M. J. Reverdin, qui nous écrivait peu après « que
l'amélioration est de plus en plus marquée' ». Tous ces
malades ont été opérés dans le courant des années
1880 et i 881 .
Baumgârtner a également constaté l'amélioration de
deux de ses cinq opérés atteints de myxoedème. 11
semble donc résulter de ces faits que le pronostic du
myxoedème opératoire est plus favorable que celui du
myxoedème médical dont la marche paraît fatalement
progressive, si l'on en juge par les cas que nous avons
rassemblés.
De toutes les hypothèses émises jusqu'à ce jour sur
l'étiologie de la cachexie pachydermique, l'atrophie ou
l'absence de la glande thyroïde était celle qui rencon-
trait le plus grand nombre d'adversaires. Mais les cas
de myxoedème observés par MM. Reverdin, Kocher,
etc., à la suite de l'extirpation totale du corps thyroïde,
le cas du Pacha, ceux de Curling, de H. Fagge, etc.,
que nous avons rapportés plus haut, viennent donner
une grande valeur à la théorie qui fait dépendre le
1 Voir plus haut note 2, p. 360.
» Voir, pour plus amples détails : Note sur vingt-deux opérations de
goitre par.T.-L, et A. Reverdin, Genève, 1885, et le travail que M J. Re-
verdm vient de présenter sur ce sujet au Congrès français de chirurgie.
96 IDIOTIE CRÉTINOÏDE.
myxoedème d'une lésion grave ou de l'absence de la
glande thyroïde. La révision des cas publiés par les
auteurs permet du reste d'affirmer que dans presque
tous ceux où il est fait mention de l'examen de la
glande thyroïde, celle-ci était lésée, que, dans les
observations non suivies d'autopsie il est souvent noté
qu'elle n'a pu être reconnue à la palpation.
Cooper', puis Schiff2 semblent les premiers avoir
entrevu autrefois les effets physiologiques de la glande
thyroïde; et récemment les nouvelles recherches des
physiologistes sont venues confirmer ce qu'avait du
reste démontré la clinique; on peut au surplus consi-
dérer la thyroïdectomie comme une expérience phy-
siologique pratiquée sur l'homme. Des expériences
faites sur les animaux, les plus concluantes et les
mieux conduites nous paraissent être celles de
M. Horsley, tant à cause de l'espèce animale à
laquelle il s'est adressé que par la façon dont elles
ont été dirigées. Dès le mois le décembre 1884,
M. Horsley publiait dans le British medical Journal
(p. 910) le résultat de l'extirpation du corps thyroïde
chez le singe. Chez ce primate l'extirpation de la glande
thyroïde, opérée avec les précautions antiseptiques (la
guérison de la plaie fut complète en trois jours) produit
des troubles nerveux généraux : convulsions, paralysie
fonctionnelle, hébétude mentale et enfin idiotie com-
plète, de la leucocytose, un abaissement de la tem-
' Medoel's Archiv f. d. Physiologie, 1820, p. 185.
1 Sclnff. - Untersuchungen aber die Zuckerbildung in der Lebel' und
der Einfluss des Nerven-systems auf die Erzeugung des Diabètes. Würz-
burg, 1885, p. 61.
CACHEXIE PACHYDERMIQUE EXPÉRIMENTALE. 97
pérature, etc., tous les symptômes enfin observés dans
le myxoedème. On pouvait constater de plus l'accu-
mulation de la mucine dans le tissu conjonctif.
Les nouvelles recherches de M. Horsley, entreprises
sur le chien, le chat et le singe, paraissent démontrer
que la glande thyroïde est d'autant plus nécessaire au
fonctionnement normal de l'animal, que celui-ci est
plus jeune ; c'est ce que l'anatomie pathologique avait
déjà fait reconnaître sans qu'il eût été donné, jusqu'à
ces derniers temps, une explication satisfaisante du
développement plus considérable de la glande thyroïde
dans le jeune âge et de son atrophie et de sa dégéné-
rescence chez le vieillard, qui, lui aussi, par certains
caractères, est myxoedémateux. Depuis longtemps déjà
notre attention a été appelée sur l'état de la glande
thyroïde chez les idiots, et sans pouvoir encore établir
de relation certaine (ce qui serait prématuré) entre les
faits trouvés à l'autopsie et quelques symptômes obser-
vés du vivant du sujet ; nous avons pu constater que
chez la plupart de nos idiots la glande thyroïde est
petite et le plus souvent dégénérée. Les singes opérés
par M. Horsley ne survivent guère plus de six ou sept
semaines à l'opération. M. Horsley est cependant par-
venu à obtenir chez ses opérés une survie de quatre à
cinq mois et même plus en les maintenant dans un
milieu porté artificiellement à une température élevée :
M. Horsley rapporte les symptômes observés par lui à
trois états successifs : 1° période nerveuse; 2° période
mucoïde; 3° période atrophique.
D'après l'auteur, cette évolution expliquerait pour-
Bourneville, 1886. 7
98 IDIOTIE CRÉ1'InOIDR.
quoi, chez certains idiots crétinoïdes ou dans les cas
très chroniques de myxoedème, la dégénérescence
mucoïde est peu apparente; c'est, en effet, ce que nous
avons observé chez le Pacha.
Les expériences de M. Horsley montrent encore
que l'ablation de la glande thyroïde a une action évi-
dente sur les centres nerveux et expliquent les phé-
nomènes nerveux observés à la suite de la thyroïdec-
tomie totale, par exemple, le tétanos; que, de plus,
c'est avec raison que cette glande avait été classée (on
ne sait trop pourquoi) parmi les organes hématopoié-
tiques '.
Nous regrettons de ne pouvoir nous appesantir plus
longuement sur les recherches physiologiques de
M. Horsley qui trouveraient mieux leur place dans une
étude complète sur le myxoedème. Nous avons cru
cependant devoir les mentionner brièvement parce
qu'elles expliquent suffisamment les symptômes obser-
vés dans l'idiotie crétinoïde ou à la suite de la thyroï-
dectomie ; il reste toutefois à expliquer pourquoi,
chez l'homme, la thyroïdectomie semble produire un
état myxoedémateux susceptible d'amélioration, dont
il ne nous est pas même possible de déterminer la
durée exacte.
Le rôle physiologique de la glande thyroïde a encore
donné, dans ces dernières années, naissance à de
nombreux travaux que nous ne ferons qu'analyser très
1 La veine thyroïdienne inférieure contiendrait un plus grand nombre de
corpuscules rouges.
GLANDE THYROÏDE : PHYSIOLOGIE. 99
brièvement. M. Schiff ', un des premiers, a démontré
que les rongeurs supportent très bien la thyroïdecto-
mie totale et simultanée, au contraire des carnivores
(chiens et chats) qui succombent après avoir présenté
des symptômes plus ou moins comparables à ceux qu'on
observe dans les cas de myxoedème ; opérés toutefois
à un intervalle de quinze jours, ces mêmes carnivores
peuvent survivre indéfiniment 2.
Il a été opposé aux expériences de M. Schiff un cer-
tain nombre d'objections dont les principales se trou-
vent contenues dans le travail de M. Kauffmann2, fait
sous la direction de M. Klebs. Qu'il nous suffise de
dire que cet auteur, si sévère envers les autres, sauf
envers M. Kocher à qui il attribue la découverte du
myxoedème opératoire, a basé ses critiques sur de
prétendues extirpations de corps thyroïdes chez le
chien qui se trouvent n'être que des extirpations des
glandes sous-maxillaires, ainsi qu'il ressort de son
travail même et des figures qui y sont annexées.
MM. Albertoni et Tizzoni', Herzen, Fuhr5 confirment
1 Schiff. Résumé d'une série d'expériences sur les effets et l'ablation
des corps thyroïdes. (Revue médicale de la Suisse Romande, na 2, 15 février
1885, p. 65, et n S, 15 août 1884.)
M. Niehans (de Berne) aurait observé deux cas de cachexie pachy-
dermique à la suite de l'extirpation du goitre en deux temps éloignés
(état qui se i approcherait de ce qui se passe dans le myxoedème médical).
* Kauffmann . Die Schildl'usenexstÎ1'Pation beim Blmde und ihre Folge.
(drch. f. exp. Pathologie und Pharnzakologie, septembre 1884, p. 361,
Bd. XVIII, III et IV, H.).
a Albertoni et Tizzoni. - Sugli effetti dell' estiipazioize délia tyroide.
(Arçh. per le Scienze mediche, t. X, no 1, 1886) et Archives italiennes de
Biologie, VII, fasc. 2.)
à Herzen. -A quoi sert la thyroïde (Semaine méd., H août 1886).
- Kuhr. - Die Exstirpation der Schildrüse (Archiv. f. Exp. Pathologie u.
100 IDIOTIE CRÙTINOÏDE.
en partie les expériences de M. Schiff. Les auteurs ita-
liens n'auraient observé aucune influence de l'âge et
du sexe des animaux opérés dont la survie aurait atteint
plusieurs mois et même un an soit après des ablations
simultanées, soit après des extirpations successives;
les résultats seraient comparables dans les deux cas.
Selon eux, il résulterait de leurs recherches que la
thyroïde aurait pour fonction de permettre à l'hémo-
globine de fixer l'oxygène '. Les chiens éthyroïdés de
M. Herzen n'ont succombé qu'après une période plus
longue que celle observée dans les premières expé-
riences de M. Schiff (ablation totale et simultanée).
Chez un des chiens opérés par M. Herzen, on nota une
survie de cinquante-deux jours; un autre chien dont
nous ignorons l'état ultérieur, ne présentait encore
aucun phénomène morbide lors de la publication de
ces expériences (quarante-deux jours après l'observa-
tion). M. Herzen admet que les effets de la thyroïdec-
tomie dépendent bien réellement de l'absence de la
thyroïde et qu'ils sont l'expression d'une affection céré-
brale probablement corticale.
Parmi les auteurs qui ont obtenu des résultats con-
traires à ceux de M. Schiff, nous devons encore citer
M. Philipeaux '. Après avoir rappelé que, quinze ans
l'harmakologie, 5 août 1886, p. 373 à 460). - Nous avons eu connais-
sance de ce travail trop tardivement pour l'analyser d'une façon complète ;
on y trouvera des renseignements bibliographiques intéressants en ce
qui concerne la physiologie de la glande thyroïde.
1 Bruns admet que le corps thyroïde joue un rôle dans la formation du
sang, soit en éliminant des substances nuisibles, soit en produisant des
substances nécessaires à la nutrition du système nerveux.
* Philipeaux. De l'extirpation des corps thyroïdes des chiens. (Compte
rendu de la Société de Biologie, 8 novembre 1884, p, 606.)
GLANDE THYROÏDE : PHYSIOLOGIE 101
auparavant, il avait montré l'innocuité de l'extirpation
de la glande thyroïde chez le rat albinos, cet auteur
prétend avoir éthyroïdisé huit chiens sans qu'il s'en
soit suivi aucun trouble fonctionnel. Ces chiens avaient
été opérés les 1" et 15 septembre 1884 et M. Phili-
peaux donnait le résultat de ses expériences dès le
8 novembre de la même année. Les résultats obtenus
par M. Schiff seraient dus, selon lui, à des complica-
tions opératoires.
Pour M. Rogowitsch ', dont les expériences confir-
ment celles de M. Schiff en ce qui concerne les résul-
tats opératoires, les animaux succomberaient avec des
symptômes rappelant l'empoisonnement par le phos-
phore, l'arsenic, etc. Il aurait noté à l'autopsie une
encéphalonayélite parenchymateuse subaiguë résultant de
l'action d'un produit toxique (inconnu) de l'organisme
dont la neutralisation s'opérerait à l'état normal, dans
la glande thyroïde. La théorie toxique semble, du
reste, être actuellement adoptée par un grand nombre
de physiologistes. M. Schiff, qui d'abord considérait
avec Liebermeister, Zésas, Wagner, Sanquirico et Ca-
nalis, Colzi, la glande thyroïde comme un organe ré-
gulateur de la circulation cérébrale, s'y est rallié après
avoir montré, dans ses dernières expériences 2, que
la santé des animaux est conservée si on laisse un
petit morceau de la glande thyroïde 3, ou, si l'on
1 Rogowitsch, - Zur Physiologie der Schildruse ;Centralbl f. die med.
YVisenschaften, 24 juillet 1886.)
= Zésas. - D. med. Zeitung., nos 55, 56, 18S6. -
3 M. Cambria (Ueber die Schilddrusen-Resektion nach Mickvlicz) pré-
tend que les chiens supporteraient aussi bien que l'homme la résection
de la thyroïde si on a soin de laisser un petit morceau de la glande ( ! Vie ?
102 IDIOTIE CRÉTlNOïDE,
fait la thyroïdectomie totale, après avoir greffé dans la
cavité péritonéale un petit morceau d'une glande
thyroïde.
M. AHara' soutient que chez le poulet l'extirpation
totale de la glande thyroïde n'amène aucun des trou-
bles remarqués chez le chien. Il attribue ce résultat à
la situation de la glande chez le poulet, qui permet de
les éthyroïdiser sans léser aucun rameau du grand
sympathique. On sait, en effet, que MM. Reverdin,
Baumgartner, etc., avaient cru pouvoir faire dé-
pendre les phénomènes myxoedémateux observés chez
leurs opérés de la section de nombreux ramuscules de ce
nerf.
Plusieurs auteurs (Sanquirico, Canalis, Ughetti et Di
lUattei 2) ont cherché s'il existait quelque relation fonc-
tionnelle entre la glande thyroïde et la rate; les expé-
riences sont jusqu'ici restées négatives.
Un grand nombre d'hypothèses ont été émises au
sujet de la nature du myxoedèmef chaque observateur
a donné la sienne; nous ne croyons pas devoir nous y
arrêter; nous signalerons seulement les théories attri-
buant le myxoedème à l'anémie due à une dénutrition
med. loch., 31 juillet 1836.) - Les résultats contradictoires obtenus
dans les expériences sur les chiens seraient du reste souvent expliqués
par l'existence d'une glande thyroïde aortique, accessoire fréquemment
observé chez cet animal.
4 Allara. - Sulla estirpazione délia froide. (Lo Sperimentale, mars
1885, p. 281).
Ughetti et Di Mattei. - Sulla spleno-liroïdectomia nel cane et nel
coniylio. (Arch. pcr le scienze medlche, vol. IX, iio il).
GLANDE THYROÏDE : PHYSIOLOGIE. 103
consécutive au rétrécissement de la trachée, etc. (liga-
ture des artères thyroïdiennes inférieures , Kocher),
à l'anémie consécutive à la paralysie des dilatateurs
de la glotte, à une lésion des rameaux du grand sym-
pathique, à l'altération du corps pituitaire etde la glande
pinéale, à l'action de l'acide phénique pendant l'opé-
ration, à une lésion des troncs nerveux, situés dans le
voisinage de la glande thyroïde, à l'action de la mu-
cine sur les centres nerveux, etc., etc.
Si la physiologie de la glande thyroïde est encore
quelque peu obscure, il n'en reste pas moins établi
que son absence ou les altérations pathologiques, dont
elle peut être le siège, en empêchant totalement son
fonctionnement, produisent un état crétinoïde assez
voisin du crétinisme avec ou sans goitre.
Le myxoedème a pu être confondu avec un certain
nombre d'autres affections, la néphrite, la lipomatose
généralisée, les lipomes symétriques , la sclérodermie.
L'oedème néphrétique se différencie facilement par sa
nature, sa mobilité, son siège, par les caractères tirés
de l'examen des urines, etc., et enfin par l'absence
de signes importants rencontrés dans le myxoedème.
La lipomatose généralisée est également facile à dis-
tinguer du myxoedème, nous ne nous y arrêterons pas
non plus qu'aux lipomes symétriques qui ne peuvent
prêter à confusion que lorsqu'ils siègent dans les fosses
sus-claviculaires, mais alors l'absence des autres
signes myxoedémateux permet de faire facilement le
diagnostic.
104 IDIOTIE CRÉTINOÏDE
Le diagnostic entre le myxoedème et la sclérodermie
s'établit sans difficulté; dans la sclérodermie oedéma-
teuse la peau, inégalement dure, offre dans certaines
parties une résistance nullement comparable à celle du
myxoedème, ou est parfois franchement oedémateuse.
TUBERCULOSE DE Li PROTUBÉRANCE. 105
II.
Tuberculose de la protubérance chez un enfant;
Par bourneville et isch-wall.
\
Noua avons eu l'occasion d'observer à Bicêtre un bel
exemple ? de tuberculose de la protubérance annulaire
que nouiî8 avons cru devoir publier en le faisant suivre d'un
résumé -lte quelques autres cas, qui appartiennent égale-
menv'it des enfants.
,
Observation. Mère névropathe, idées noires. Grand-
z° père paraplégique; oncle, convulsions; frère, convul-
. sio ? is. -Ta7,te cancéreuse.-Grand'mère rhumatisante;
tante convulsions ; cousin aliéné. -Chagrins pendant la
grossesse. Bronchite, scarlatine, variole. Peur et crise
nerveuse à trois ans. Cauchemars, changement de ca-
ractère, perte d'appétit. -Etourdissements, strabisme,
fièvre cérébrale, rémission,- Titubation, divagations,
paralysies ft contractures, dysphagie, constipation,
perte de la parole, cris. Amaigrissement, signes de
tuberculose pulmonaire, eschares. Alternatives d'hy-
perthermie et d'hypothermie. - Coma et mort.
Autopsie. Oblitération incomplète du trou de Bo-
tal. Tubercules crétacés au sommet des poumons.-
Cauerne. - Thymus persistant. Description des cir-
convolutions cérébrales. - Tubercules de la protubé-
rance. Examen histologique,
IIoël... (Pierre-Charles), âgé de cinq ans, est entré le
2 avril 1886 à l'hospice de Bicêtre (service de M. Boume-
ville.)
Renseignements fournis par sa mère (12 mai). Père :
32 ans, mécanicien, bien portant, très fort. N'a jamais eu
de convulsions, ne fume que très peu et ne fait jamais
d'excès de boisson ; caractère doux. Pas de migraines,
mais céphalalgies temporales fréquentes, sans vomisse-
Boun : OEvILLE, 18S6. 8
lOG ANTÉCÉDENTS Héréditaires.
ments, durant deux ou trois heures ; pas de rhumatismes.
Il a eu une maladie de peau qui a duré trois ans, s'ac-
compagnant de démangeaisons. Il a été guéri par des lo-
tions phéniquées. [Père : employé de chemin de fer, mort 7
à quarante ans, écrasé entre deux wagons; il avait été /
longtemps soldat; on ne lui a jamais connu de maladies.
- 1\1 ère : soixante ans, bien portante, mais sujette à des
douleurs rhumatismales dans les bras; pas de migraines.
- Grand'mère maternelle : morte presque centenaire
avait eu des douleurs rhumatismales ; pas de nodosités·des
mains. Soeur : morte à sept ans de co ? t'UMSïo ? s ? Frr ? g.
vingt-huit ans, très rangé, n'a pas de maladies. plu-
sieurs oncles et tantes sont vivants et en bonne sa^^ -
Un cousin germain a été aliéné pendant deux ails à la
suite de chagrins; il est actuellement guéri. Pas .-d'autres
aliénés, pas d'épileptiques, etc., dans le resfe de la
famille]. . '
Mère : trente ans, domestique, ménagère; blonde, r'1Ïn-
ce, type lorrain ; pas de convulsions dans l'enfance, nas
d'accidents nerveux; ni migraines, ni céphalalgies, ni rh
matismes. Depuis la naissance de son dernier enfant, c'est-
à-dire depuis trois ans, elle a des pertes de sang qui l'af-
faiblissent beaucoup. Avant, elle était très bien portante.
Mariée à vingt-cinq ans, elle n'a jamais eu de crises de nerfs ....
ni de syncopes. Depuis ses pertes, elle s'émotionne facile-
ment, a des tremblements lorsqu'elle éprouve une contra-
riété ; il y a un an, elle avait des « crises d'idées noires, »
elle pensait à mourir. Cet état durait depuis la naissance
de son dernier enfant, qui avait coïncidé avec la perte do
son fils ainé, qu'elle aimait beaucoup. En ce moment, elle
est atteinte de chloro-anémie et aurait, de plus, suivant son
médecin, une métrite. [Père : tué dans une bagarre (frac-
ture du crâne). Il était très fort et très nerveux, sans avoir
pourtant jamais de crises de nerfs. Très intelligent, dit-on.
A l'âge de vingt ans, à la suite d'un bain froid, il resta
deux ans sans pouvoir bouger, avec les jambes raides ; la
partie supérieure du corps était saine. Cette paraplégie
guérit à l'âge de vingt deux ans, et il put reprendre son
métier de chauffeur. Mère : soixante ans, n'a jamais eu
de maladies et n'a jamais présenté d'accidents nerveux. -
Sept frères et soeurs au inoins (de deux mères), cinq sont
vivants et bien portants, ainsi que leurs enfants ; un est
mort à vingt mois de convulsions de la dentition. Une
soeur aînée est morte d'un cancer utérin]. Pas de con-
sanguinité -
antécédents personnels. 107
Deux fausses couches et deux enfants : 1° Un fils, né
avant le mariage, est mort âgé de deux ans, de convulsions
après dix jours de maladie. Il était très intelligent, très
fort et très coléreux. Un jour qu'on voulait le forcer à
manger sa soupe il se mit dans une telle colère qu'il se
trouva mal et qu'on dut aller chercher un médecin ;
2° fausse couche de deux mois, sans cause connue;-3° no-
tre malade ; - 4° fausse couche de cinq mois et demi.
Notre malade. Conception pendant que la mère était
chagrine et fatiguée par suite de la mort d'un enfant qui
avait eu lieu trois jours avant ? Grossesse pénible ; la mère,
très faible, se condamnait au repos dans la crainte d'un
avortement ; sa santé devint meilleure à partir du 4e mois;
ni chutes, ni traumatismes, ni oedèmes.
Accouchement à terme, facile, sans chloroforme. A la
naissance, l'enfant était très maigre, mais ne présentait
pas de signes d'asphyxie. Elevé au sein par sa mère jusqu'à
onze mois. A cette époque, il eut une bronchite très forte
qui dura quinze jours. Il a marché vers 16 mois, a parlé à
plus de deux ans, a été propre de très bonne heure. La
première dent a percé à cinq mois, les autres dents vinrent
très vite sans amener de convulsions.
A4 ans,scarlaline et six mois après, petite vérole volante
presque sans éruption. Il y a deux ans, entendant des
voisins qui se disputaient, il eut peur et fut pris d'une
« crise de nerfs ». Pendant plus d'un quart d'heure il
tourna les yeux et se cacha. Depuis ce temps, cauchemars
et peurs nocturnes, perte d'appétit, changement de carac-
tère ; l'enfant devenait nerveux, poltron, tout l'effrayait ; la
nuit il se cachait sous les couvertures, même lorsqu'il était
couché avec sa mère ; sa respiration était haletante : « il
respirait à s'étouffer, » parfois il se mettait à crier qu'il
avait peur. Après six mois passés dans cet état, il eut des
étourdissements le prenant deux fois par jour, à midi et le
soir. Il disait que le plancher tournait, devenait rouge,
mais il ne tombait jamais. Huit jours après le début de ces
vertiges, survinrent des envies de vomir. Un médecin con-
sulté alors lui trouva le regard égaré et lui prescrivit du
bromure de potassium. Depuis ce temps, les vertiges ces-
sèrent et furent remplacés pal' de lacéphalalgie,desn : : wsécs
le matin,et par des moments d'agitation. Huit mois après la
peur, on le mena à l'école et le premier jour il revint lou-
chant de l'oeil gauche « parce qu'il avait trop regardé le
tableau», dit la mère.Le lendemain l'oeil n'avait plus rien,
mais le soir on remarqua que l'enfant avait de la fièvre.
108 TUBERCULOSE DE la protubérance.
Cette fièvre, que le médecin appela fièvre cérébrale,
dura huit jours. Pendant les trois premiers, l'enfant parlait
bien et était gai, mais les jours suivants il devint triste,
ses yeux étaient égarés et cet état dura jusqu'à la fin de la
fièvre. Quand celle-ci fut finie et que I-Ioi;l... se leva, on
remarqua qu'il allait de droite à gauche, titubai ! , parlait
toujours de bêtes et de serpents, dont on l'avait entretenu à
l'école. Pendant six semaines, il eut une légère rémission
après laquelle les accidents reprirent plus forts que jamais.
Il se tenait mal sur ses jambes, se cognait à droite et à
gauche, était très gêné pour avaler.A ce moment, ni étour-
dissements, ni crises nerveuses, les nuits étaient bonnes.
L'enfant était habituellement constipé, il fallait chaque
jour lui donner un lavement.
Avant sa maladie, son intelligence était assez déve-
loppée, il était obéissant, ne se mettait pas en colère, avait
le caractère affectueux et franc, mais il était très turbulent.
Pas d'onanisme, pas de convulsions, pas de gourmes,
d'ophthalmies, ni d'écoulements d'oreilles. Ni dartres, ni
teigne. Jamais de traumatismes sur la tête, pas de vers.
Etat actuel (21 avril 1886). Crâne ovoïde, bosses parié-
tales et occipitales moyennement développées et symé-
triques. Bosses frontales peu saillantes; le front est étroit
et peu élevé, les rebords orbitaires sont saillants et sur-
montés de dépressions assez prononcées.
Diamètre antéro-postérieur maximum 17,8
Diamètre transverse 14,3
Circonférence horizontale au niveau des oreilles. 50,5
Demi-circonférence allant d'une oreille à l'autre . 28,»
Longueur de la racine du nez à la protubérance
occipitale externe en passant par le sommet.. 30,0
Face arrondie, symétrique ; nez petit, très large vers sa
racine, ailes du nez de niveau ; bouche grande, lèvres
minces; voûte palatine moyennement excavée et symé-
trique ; voile, luette, amygdales rien de particulier;
menton petit et arrondi ; oreilles bien détachées et bien
ourlées, lobule adhérent; largeur 6 centimètres à droite,
5 centimètres à gauche.
Cou, court ; circonférence à la partie moyenne 24 centi-
mètres. Thorax bien conformé, symétrique; circonférence
sous l'aisselle 53 centimètres; au niveau des mamelons
55 centimètres ; à la base 57 centimètres. Dos, lombes et
rachis normaux. Abdomen souple n'offrant rien de parti-
culier.
SYMPTÔMES. ion
Membres supérieurs bien conformés, bien muscles,
symétriques. Les dimensions sont les mêmes des deux
côtés.
Membres inférieurs symétriques, égaux, normaux, sauf
les articulations du genou qui sont trop grosses; pieds
bien conformés.
Organes génitaux : Pénil glabre, bourses pendantes,
testicules de la dimension de toutes petites noisettes, gland
découvrable, méat normal. Longueur de la verge 5 cent. ;
circonférence 4 cent. 5.
Foie et rate normaux à la percussion. Ganglions
lymphatiques non hypertrophiés. Peau bistrée, assez
épaisse; duvet assez abondant à la partie supérieure du
dos; quelques poils à la partie externe des jambes. Che-
veux châtains ; sourcils peu épais ; cils longs et noirs ; front
couvert de duvet.
Sensibilité générale assez bien conservée car l'enfant
retire ses membres dès qu'on les pique, mais comme il ne
cesse de crier pendant qu'on l'examine et qu'il ne dit pas
un mot, il est assez difficile d'être bien renseigné sur les
sens ; c'est ainsi qu'on ne peut apprécier l'état de la vue ;
les yeux sont grands, l'iris est brun foncé, les pupilles
sont égales, un peu contractées; il y a un strabisme in-
terne très accusé de l'oeil gauche. - L'ouïe semble nor-
male ; en effet, l'enfant tourne la tête quand on l'appelle ;
il se détourne aussi quand on approche un flacon d'ammo-
niaque de ses narines, ce qui dénote une certaine inté-
grité de l'olfaction. Quant au g oui, on ne peut appré-
cier sa sensibilité.
Les mouvements des bras s'exécutent librement, mais
ceux des jambes sont plus difficiles et l'enfant, à certains
moments, est très faible sur ses jambes. On ne note rien
de particulier du côté des grands appareils splanchniques
sauf aux poumons. La respiration est rude et soufflante
aux deux sommets ; de plus, à droite, on entend des râles
humides, caverneux. Submatité sous chaque clavicule. ,.
Dentition. A la mâchoire supérieure dix dents de lait'
et première molaire ; à la mâchoire inférieure : première^,
molaires droite et gauche et deux incisives comme de t
permanentes, les autres dents sont des dents de lait. t
Chaque fois qu'on l'examine, Hoël... ne cesse pas fia',
pleurer. é
Poids, 17 kilog. Taille, 1 m. 06. \-
8 nai. - Hoël... entre à l'infirmerie. Il est devenu
t.èi faible et on le signale comme ne se tenant pas sur ses
no TUBERCULOSE DE LA PROTUBÉRANCE.
jambes. A son entrée dans le service, le malade marchait
seul et prononçait quelques mots.
12 mai. Depuis trois jours, le malade est abattu. Si l'on
essaie de le mettre debout, ses jambes fléchissent et ne
peuvent le porter [paralysie complète). Précédemment il
disait quelques mots, maintenant il ne parle pas du tout.
Le regard reste très vif. Il n'y a pas d'anesthésie apprécia-
ble des jambes ni du reste du corps. - Le réflexe rotulien
est exagéré mais égal des deux côtés. Pas de trépidation
épileptoide des pieds. Incontinence urinaire et fécale.
Plaintes continuelles, pleurs fréquents, parfois cris.
-- Caractère irritable, sommeil mauvais.-Battements du
coeur fréquents ; rien à l'auscultation. Pouls dur et ré-
gulier. - Respiration à peu près normale. Les signes
sthétoscopiques ne se sont pas modifiés depuis le dernier
examen.
Appétit nul, langue blanche, constipation opiniâtre. Ab-
domen ni ballonné, ni rétracté. Peau légèrement jaunâ-
tre. Le foie ne déborde pas les fausses côtes. Traite-
ment : Huile de ricin ; potion de Todd avec 2 gr. extrait de-
quinquina.
14 mai. Quand on approche de son lit, Hoël... se met
toujours à pleurer et à crier. Depuis plusieurs jours la dé-
glutition était devenue impossible, l'enfant ne faisait au-
cun mouvement pour avaler quand on lui mettait des ali-
ments dans la bouche ; aujourd'hui, il avale mieux. Les
bras sont à demi fléchis. Si on essaie de les étendre on
constate une contracture manifeste assez facile à vaincre
et cette manoeuvre semble déterminer une certaine souf-
france. L'enfant agite faiblement les bras et n'exécute ja-
mais de grands mouvements. La sensibilité cutanée pa-
raît diminuée. Les membres inférieurs sont d'habitude
étendus, l'enfant les remue, mais l'étendue des mouvements
est assez restreinte. En essayant de les fléchir, on pro-
voque aussitôt une contracture plus marquée qu'aux bras.
La sensibilité cutanée des jambes est également amoindrie.
Pas de mouvements fibriliaires.
La teinte jaunâtre de la peau est moins accusée que les-
jours précédents. Face très rouge, yeux mi-clos, bouche
ouverte. Le malade parait se plaindre de la tête ; quand on la
lui soulève il se met à pleurer. Il ne prononce pas un mot.
15 mai. P. 64, très irrégulier, filiforme, avec des inter-
mittences fréquentes. Strabisme convergent des deux yeux.
Hyperesthésie cutanée. Dès qu'on le touche, Hoël... pousse-
des cris. Raie méningitique. L'enfant pleurant constam-
ment, il est impossible d'étudier avec soin la respiration..
SYMPTÔMES. 111 1
Cou flexible, mais les mouvements de la tête semblent
toujours pénibles. La contracture a notablement diminué.
Depuis hier, l'enfant avale mieux et la constipation a cessé.
17 mai. Aujourd'hui Hoël... ne crie pas, ne s'agite pas;
il remue les lèvres, tourne parfois la tête. Si on approche
trop de son lit, il se plaint. Il continue à prendre du lait et
du bouillon. En résumé, légère rémission.
18 mai. Même état ; Hoël... est assez tranquille, sauf quand
on veutl'examiner. Pouls irrégulier, filiforme, incomptable.
19 mai. Contracture et raideur des bras très diminuées;
strabisme interne, surtout à l'oeil gauche, constipation.
Hier soir, on a donné un lavement sans résultat.
20 mai. La mère du malade est venue le voir; elle dit
qu'il l'a reconnue. Aujourd'hui, II... se laisse approcher sans
crier. La respiration est facile et régulière, le pouls fort,
rapide, irrégulier. Le faciès est peu modifié : bouche ou-
verte, strabisme interne double très marqué, hyperesthé-
sie générale. L'enfant prend du lait à la cuiller. Pas de
vomissements, constipation persistante.
25 mai. L'enfant n'avale que si on lui enfonce les aliments
liquides dans la bouche avec une cuiller. Le strabisme
domine à gauche. Quand on dérange les mains, elles exé-
cutent de très faibles mouvements.
26 mai. Abattement très accusé, mâchonnement.. Hoël...
pleure dès qu'on l'approche. Pas de cris pendant la nuit.
Pouls très fréquent, régulier, petit, dur. Amaigrissement
sensible, abdomen légèrement rétracté et ridé. Constipa-
tion persistante, souvent même les lavements sont rendus
tels qu'ils ont été pris (huile de ricin, 15 grammes.)
29 ? nai. L'état de Hoël... ne s'est pas modifié, l'abatte-
ment persiste, l'amaigrissement augmente. Bouche cons-
tamment ouverte, langue blanche et sèche, pas de muguet.
Ni vomissements, ni fièvre, ni convulsions. Pouls toujours
fréquent, mais régulier et plus ample.
2 juin. Même état, pas de garde-robes depuis quatre jours
malgré les lavements purgatifs.
7 juin. Pas de modification; on a noté seulement que
l'enfant urine très peu; l'examen montre que la vessie n'est
pas distendue.
11 juin. Pouls petit, irrégulier, incomptable. Pas de
selles, ventre rétracté, urines toujours peu abondantes. Pas
de fièvre ; on note un abaissement de la température.
Raideur de la nuque.
19 juin. L'état du malade ne s'est guère modifié : même
aspect extérieur. Contracture du bras droit, réductible
avec peine. Membre inférieur droit ni contracturé, ni pa-
112 TUBERCULOSE DE LA PROTUBÉRANCE.
ralysc, Membre inférieur gauche contracture légèrement
et d'une fa.çon intermittente. Membre supérieur gaucho
flasque, les doigts cependant serrent légèrement les objets.
Hier l'enfant n'a rien mangé, pas de mouvement de déglu.
tition. Cris. Respiration très irrégulière. Pouls, régu-
lier, 75. (Pour la température, voy. Planche V.)
22 juin. La mère assure qu'aujourd'hui encore son fils
l'a reconnue.
26 juin. Des eschares commencent à se former à la région
sacrée. Déglutition toujours impossible.
30 juin. L'enfant va de. plus en plus mal. Il ne bouge pas,
n'avale pas, grimace quand on le remue. Bouche ouverte,
langue sèche, clignottement des paupières, inégalité pupil-
laire (pupille droite plus rétrécie quelagauche). Hyperémie
des conjonctives oculaire etpalpébrale. Ronchus trachéaux.
De temps en temps, plaintes faibles. L'enfant ne fait au-
cun mouvement et ne reconnaît personne.
2 juillet. Hoël est en résolution; respiration un peu
stertoreuse ; pouls rapide, incomptable. Température
de la peau assez élevée. Strabisme persistant, regard fixe,
cornées fermes. La sensibilité cutanée a presque tout à fait
disparu. L'enfant ne réagit plus au pincement, La face
présente des plaques rouges. Coma. Mort à onze heures
du soir. Température un quart d'heure après la mort,
42°,3 ; une heure après, 41°,4 : deux heures après 38°. -
Poids après le décès. 10 kil. 500. Perte de poids : G k. 500.
Autopsie le 4 juillet 188G, à six heures du matin, trente
et une heures après la mort. Le corps est très amaigri, la
rigidité cadavérique n'existe plus. A l'ouverture du corps,
on constate tout d'abord que les viscères occupent leur
place normale. Coeur (40 gr.) en systole, sans lésions, ex-
cepté que le trou de Botal n'est pas complètement oblitéré.
Plèvres : pas de liquide, adhérences au niveau du som-
met droit. Poumons (160 gr. de chaque côté). Les deux
sommets présentent quelques tubercules dont un certain
nombre sont crétacés. Il existe de plus, à droite, une petite
caverne grosse comme une noisette, remplie d'un pus épais.
OEdème des lobes inférieurs. Rate (90 gr.) adhérente aux
organes voisins, mais saine d'ailleurs. - Foie (520 gr.)
sain. quelques adhérences au diaphragme.- Uretères, cap-
sules surrénales, rien. - Reins (50 gr. à droite; 40 gr. à
gauche), légèrement lobules, se décortiquant bien, hype-
rémiés. -Estomac oesophage, pancréas : rien de particu-
lier. Péritoine, ganglions mésentériques, sains.
AUTOPSIE. 113
Larynx et Pharynx normaux. Thymus persistant, mais
peu développé. - Testicules infantiles.
Tête. - A l'ouverture du crâne, il ne s'écoule que très
peu de liquide. Les artères, les nerfs et les autres parties
de la base de l'encéphale sont symétriques et sans lésions.
Nulle part la pie-mère n'offre de granulations tubercu-
leuses, elle s'enlève assez facilement sauf sur le lobe pa-
riétal (tiers inférieur de la pariétale ascendante) et sur le
tiers inférieur de la frontale ascendante droite où l'on en-
traîne avec elle une partie de la substance grise. En-
céphale : 1270 gr.Cerueau : hémisphère droit, 560 gr.,
hémisphère gauche, 540 gr. Cervelet et isthme, 170 gr.
Hémisphère gauche. La scissure de Sylvius est
sinueuse, profonde, elle s'arrête à 5 millim. de la scissure
interpariétale. Le sillon de Rolando très sinueux, assez
profond, communique en haut avec la scissure frontale
supérieure. La scissure perpendiculaire externe ne pré-
sente qu'un court trajet sur la face convexe.
Le lobule orbitaire possède un gyrus rectus bien déve-
loppé. La scissure olfactive rectiligne est très profonde ; à
quelques millimètres en dehors d'elle, le lobule orbitaire
se présente dans ses autres parties sur un plan beaucoup
plus élevé; la partie la plus profonde se trouve entre les
deux branches de l'incisure en II.
Lobe frontal. - La première frontale qui s'insère par
un pli de passage à niveau sur la frontale ascendante est
dédoublée ; ce dédoublement est beaucoup plus net dans
la partie moyenne. La scissure frontale supérieure, si-
nueuse, assez profonde, va se jeter dans le sillon de
Rolando. La deuxième frontale s'insère à la frontale
ascendante par deux plis de passage profonds; elle est
également dédoublée sur presque tout son parcours. La
scissure frontale inférieure est très sinueuse, assez pro-
fonde. La première frontale est moins développée que les
deux autres, son pied est maigre, contourné et en retrait
sur les parties environnantes, le cap relevé est également
peu développé.
A la partie antérieure, les trois frontales sont réunies
entre elles par des plis de passage formant entre eux et les
frontales une suite de circonvolutions bordant le lobule
orbitaire. 11 existe une scissure frontale parallèle com-
plète, prenant son origine à la scissure frontale supérieure
et se terminant à 3 millimètres de la scissure de Sylvius.
La frontale ascendante, peu développée, très sinueuse,
114 TUBERCULOSE DE LA PROTUBÉRANCE.
est coupée profondément à son cinquième supérieur
par le sillon qui fait communiquer la scissure fron-
tale supérieure avec le sillon de Rolando, de telle sorte
qu'on croirait qu'elle finit là, d'autant plus qu'elle envoie
dans la scissure frontale supérieure, en avant, une sorte
de crochet. La pariétale ascendante est assez développée
dans ses trois quarts inférieurs, très amaigrie dans son
quart supérieur. Elle est sinueuse, nettement séparée du
pli pariétal supérieur, elle communique à 1 centim. environ
de la scissure de Sylvius, par un large pli de passage,
avec le pli pariétal inférieur. Ce pli de passage interrompt
lacontinuité de la scissure interpariétale,laquelle prend son
origine au fond de la scissure de Sylvius, est sinueuse et
va se jeter dans le premier sillon occipital; au niveau de
sa courbe, un rameau ascendant, qui longe la pariétale
ascendante jusqu'à la fente interhémisphérique,forme une
sorte de scissure parallèle pariétale. Vers le milieu de sa
courbe, un rameau descendant va de la scissure interpa-
riétale à la scissure parallèle. Le pli pariétal supérieur est
assez développé, très découpé dans ses parties antérieures ;
sa partie la plus postérieure est très maigre, comme atro-
phiée, en retrait sur les parties voisines; il en est de même
du pli de passage qui se rend du pli pariétal supérieur au
lobe occipital. Le pli pariétal inférieur est assez bien déve-
loppé, ainsi que le pli courbe.
La première circonvolution temporale, maigre et si-
nueuse en avant,est assez volumineuse dans sa partie pos-
térieure. La scissure parallèle est sinueuse, profonde,
bifurquée à ses parties supérieure et postérieure et com-
munique en bas avec un sillon qui va presque rejoindre
l'incisure préoccipitale et sépare le lobe temporal du lobe
occipital.
La deuxième temporale est sinueuse, bien développée,
découpée par un sillon allant de la scissure parallèle à la
deuxième scissure temporale qui est interrompue par plu-
sieurs plis de passage se rendant de la deuxième tempo-
rale à la troisième. Celle-ci est également assez bien déve-
loppée. - Le lobe occipital présente son aspect ordinaire,
mais ses circonvolutions sont un peu maigres, et il paraît
un peu en retrait sur les parties environnantes.
Face interne. - La première frontale interne est assez.
bien développée, sinueuse. La scissure calloso-marginale,
sinueuse, est interrompue par un petit pli de passage en
retrait, allant de là première frontale à la circonvolution
du corps calleux. Le lobule paracentral, irrégulier, nette-
ment séparé des parties environnantes est peu développé,.
CIRCONVOLUTIONS CÉRÉBRALES. 115
possède qne petite scissure horizontale et trois scissures
plus profondes, perpendiculaires; la médiane appartient au
sillon de Rolando.
Le lobe quadrilatère est bien développé, a une scissure
sous-pariétale très prononcée et des plis pariétaux lim-
biques, antérieurs et postérieurs, nettement séparés par des
sillons assez profonds.
La scissure perpendiculaire interne ne présente rien de
particulier. Le coin est assez gros, un peu en retrait. La
scissure calcarine, profonde, est normale. La circonvo-
lution du corps calleux est assez développée et sinueuse
sur son bord supérieur.
Les scissures et les circonvolutions temporo-occipitales
sont bien développées; un pli de passage se rend de la
deuxième temporo-occipitale à la troisième temporale, et
un sillon profond revient vers la partie antérieure de la
première scissure temporo-occipitale.
Le ventricule latéral, les masses centrales, la corne
d'Ammon ne présentent rien de particulier.
Hémisphère droit. La scissure de Sylvius est norma-
lement conformée. Le sillon de Rolando est sinueux, pro-
fond. La scissure perpendiculaire externe est comme
dédoublée ; un rameau, le plus postérieur, est la continua-
tion directe de la scissure perpendiculaire interne, il est
très court et ne représente qu'une encoche ; l'autre, plus
antérieur, part horizontalement et un peu obliquement de
la scissure perpendiculaire interne, sur la face interne,
pour se diriger après un trajet d'un centimètre, sur cette
même face interne, vers la face externe où elle se termine
après un trajet d'un centimètre.
Sur le lobule orbitaire, on trouve, comme à gauche, les
mêmes parties situées sur un plan plus élevé, mais à un
degré moins prononcé ; ce lobule est, du reste, plus large
qu'à gauche.
Lobe frontal. - La première frontale s'insère à la fron-
tale ascendante par un large pli de passage à niveau ; elle
est nettement dédoublée dans ses trois cinquièmes posté-
rieurs ; dans sa partie antérieure, un pli de passage allant
à la 28 circonvolution interrompt la continuité de la scis-
sure frontale supérieure qui est sinueuse et prend son
origine dans le sillon de la frontale ascendante. La 2e fron-
tale, très développée, est irrégulière, très sillonnée,
comme dédoublée en avant; elle s'insère à la frontale
ascendante par un pli de passage à niveau, juste au-dessus
du pied de la 3° frontale. La scissure frontale inférieure
11G TUBERCULOSE DE L1 PROTUBÉI\o\Xt : 8.
est très sinueuse, assez profonde. La 3e frontale, dont le
pied semble confondu avec la frontale ascendante, est très
irrégulière, peu développée; son cap,en partie, est comme
relevé. A la partie antérieure, les trois frontales sont net-
tement séparées du lohe orbitaire par un sillon assez pro-
fond et s'étendant, du bord interne à la partie la plus an-
térieure de la scissure de Sylvius. Il existe deux scissures
parallèles frontales : l'une, plus postérieure, longe la fron-
tale ascendante entre les deux plis do passage des 1 ? et 2e
circonvolutions ; l'autre, antérieure, séparée par un pli
des 2e et 3e frontales, de la frontale ascendante, coupe la
scissure frontale inférieure et descend presque jusqu'à la
lèvre supérieure de la scissure de Sylvius. La frontale
ascendante est sinueuse, peu développée, rétrécie sur
deux points ; il en est de même de la pariétale ascendante.
La scissure interpariétale forme en arrière de la pariétale
ascendante une scissure parallèle, prenant son origine
près de la fente interhémisphérique et se termine à
quelques millimètres de la scissure de Sylvius. La scis-
sure interpariétale proprement dite, après un trajet un peu
sinueux, va aboutir au sillon occipital transverse. Le pli
pariétal supérieur très sinueux, très découpé, est assez
bien développé ainsi que le pli pariétal inférieur et le pli
courbe. Le lobe occipital est moins volumineux qu'à gau-
che ; il est un peu en retrait sur la face convexe et sur les
parties environnantes.
La première circonvolution temporale présente les
mêmes particularités qu'à gauche. La scissure parallèle
sinueuse, profonde, est bifurquée à sa partie postérieure et
communique également avec un sillon qui va rejoindre
l'incisure préoccipitale. La 2e temporale, un peu sinueuse,
est très développée et envoie deux plis de passage à la 3e,
qui est également bien développée; la 2e scissure tempo-
rale est presque rectiligne et profonde.
Face interne. - La première frontale plus développée
qu'à gauche est sinueuse. La scissure calloso-marginale
est sinueuse, un sillon oblique d'arrière en avant et de haut
en bas la relie vers le milieu de son parcours au sillon du
corps calleux ; le lobule paracentral, médiocrement dé-
veloppé, est peu élevé et ne présente pas d'incisures ; l'in-
cisure médiane est à peine ébauchée, elle est limitée en
avant par une incisure ovalaire.
Le lobe quadrilatère est très développé, parcouru par
trois sillons irrégulièrement verticaux qui lui sont com-
muns avec la circonvolution du corps calleux qui est mal
LÉSIONS DE LA PROTUBÉRANCE.
117
délimitée. La scissure perpendiculaire interne est très pro-
fonde. Le coin est bien développé, limité en arrière par la
scissure calcarine normale.
Les circonvolutions temporo-occipitales sont assez bien
développées, à l'exception de la moitié postérieure de la
première, les deux scissures sont profondes et réunies à
leur partie la plus antérieure par un sillon transverse.
Le ventricule latéral, la couche optique, le corps strié,
la corne d'Ammon, le corps calleux ne présentent pas de
lésions. Les coupes pratiquées sur divers points des hé-
misphères ne font rien découvrir d'anormal.
Cervelet. L'hémisphère gauche, examiné sur ses deux
faces, parait plus petit que le droit. Les deux hémisphères
sont séparés sur la ligne médiane. Cette coupe, ainsi que
plusieurs autres pratiquées sur chacun des hémisphères
ne laissent voir aucune lésion. Les deux hémisphères sont
égaux, malgré l'inégalité qui semblait exister à la vue.
Fig. 15.- Réduction d'un tiers.
Protubérance. Elle est notablement élargie, augmen-
tée de volume(38 gr.), molle, presque fluctuante. Elle a une
teinte rosée et même rougeâtre vers la partie moyenne
(fig. 15). c
La moitié droite est plus volumineuse d'un tiers que la
moitié gauche et présente plusieurs bosselures : l°à sa partie
supérieure un renflement de la grosseur d'un noyau de
cerise ; 2° à sa partie inférieure, près de la ligne médiane,
un renflement analogue; 3° au-dessus de la pyramide
droite, végétation grisâtre, de la dimension d'une forte
lentille. La moitié gauche de la protubérance est plus égale,
sauf à sa partie inférieure où l'on remarque deux noyaux
saillants, gros comme des petits pois, très rapproches l'un
de l'autre.
118 TUBERCULOSE DE LA PROTUBÉRANCE.
A la coupe, on remarque que, à part une mince écorce de
tissu nerveux, la protubérance est remplie par une masse
d'aspect encéphaloïde, composée d'amas de matières d'un
blanc jaunâtre, friables, résistants et durs sur certains
points, très mous sur certains autres, disséminés dans une
substance rougeâtre et glutineuse. Le raclage de la tumeur
donne un suc lactescent assez clair, sauf au niveau des
points ramollis où il est blanc et épais. Outre les amas
néoplasiques répondant aux bosselures superficielles, on
en trouve d'autres dans la profondeur (fit. 16). Un d'eux. de
la dimension d'un noyau de cerise,occupe le centre même
Fig. 16. - Réduction d'un tiers.
de la protubérance; il est entouré d'une zone rouge sombre,
brunâtre, un peu ramollie, qui s'étend jusque vers le quart
environ de l'épaisseur de l'organe, en présentant des teintes
de plus en plus claires. On remarque encore profondément
deux gros noyaux à gauche, un moins volumineux vers la
ligne médiane et enfin un autre, à droite, du volume d'un
gros pois.
Examen histologique fait par M. PILLIEZ, aide-prépara-
teur au laboratoire des travaux pratiques. Cet examen a
montré que la tumeur de la protubérance est constituée par
du tubercule massif à l'état caséeux. Les masses caséeuses,
irrégulières, sont dispersées au sein d'un tissu spécial,com-
posé d'un grand nombre de petites cellules ramifiées avec
EXAMEN HISTOLOGIQUE. 119
des fibrilles abondantes, séparées par une substance inter-
cellulaire qui a disparu sur les préparations et qui donnait
l'aspect de gliome à certains points de la coupe. Tout au-
tour des points caséeux sont dispersées des cellules géantes,
arrondies et opaques.
La moelle cervicale est légèrement asymétrique, le côté
gauche étant plus petit que le côté droit. Dans la substance
blanche, on remarque une lésion descendante des divers
cordons latéraux, les faisceaux cérébelleux étant respectés.
Cette lésion est plus étendue du côté gauche. La pie-mère
y est aussi un peu plus épaisse. La sclérose a respecté les
faisceaux les plus internes, contigus à la substance grise;
il y a une ligne de démarcation brusque entre le tissu sclé-
rosé et le tissu sain. La lésion est très avancée. Il n'existe
à peu'près plus de tubes nerveux; les quelques rares
cylindres d'axe que l'on retrouve sont tuméfiés. Le tissu
scléreux est peu vascularisé. Dans la substance grise, on
trouve une grande diminution de nombre des cellules des
cornes postérieures.- Les cellules des cornes antérieures
sont plus nombreuses, mais beaucoup sont en voie de trans-
formation hyaline et sur un certain nombre d'entre elles
on ne peut plus suivre de prolongements ni retrouver de
noyaux ; celles-ci présentent nettement la nécrose de coa-
gulation que Weigert a signalée dans les myélites. Il existe
pourtant un assez grand nombre de cellules intactes. Le
canal de l'épendyme est normal et son épithélium conservé.
La moelle dorsale présente les mêmes altérations des
cordons, mais plus diffuses. La zone de démarcation entre
le tissu sain et le tissu sclérosé est très large; enfin, dans
la moelle lombaire, on ne retrouve qu'un épaississement
peu marqué de la névroglie autour des tubes, ce léger
épaississement, qu'il faut chercher, est, à ce niveau, le seul
signe de la lésion descendante des cordons. Tout le long
de la moelle, on trouve des cellules nerveuses altérées,
comme il a été dit ci-dessus, mais de moins en moins nom-
breuses à mesure que l'on descend.
RÉFLEXIONS. - I. Les' observations de tuberculose pro-
tubérantielle chez l'enfant ne sont pas très nombreuses.
Nous en avons réuni un certain nombre que nous allons
résumer, étant bien entendu que nous n'avons la prétention
ni d'avoir rassemblé tous les cas, ni de faire une monogra-
phie.Nous essaierons ensuite, en faisant ressortir les points
principaux de notre observation, d'ébaucher le tableau cli-
nique de cotte lésion.
120 TUBERCULOSE DE LA PROTUBÉRANCE.
OBSERVATION Il (Parrot, Sur un cas de tumeurs slrumeu-
ses de l'enci.pliale.llrcl2. de Pliysiol.,IS'I 0, p. 4Gl).-·Achille
M... Un an... Disymétrie faciale, le côté droit est plus petit
que le gauche. Bouche déviée droite. Ptosis avec tuméfaction
de la paupière supérieure droite. Strabisme externe et dilatation
de la pupille de l'oeil droit. Rien à gauche. Sensibilité normale
des deux côtés. Quand on met le malade debout, sa tête tombe
en arrière. Hémiplégie avec contracture du côté gauche du
corps. Cinq jours avant le décès, apparition de vomissements,
diarrhée. Amaigrissement. Accentuation de la paralysie faciale
et des contractures. Mort.
Autopsie. Quelques granulations dans les méninges et dans
la substance grise. On voit saillir dans l'espace interpédon-
culaire une tumeur, grosse comme un oeuf de pigeon, repous-
sant à droite et en bas la protubérance; à la surface, le pédon-
cule cérébral droit est étalé. Vers la protubérance, la tumeur est
recouverte d'une mince couche de tissu nerveux, en avant, elle
arrive au contact des méninges. Le nerf moteur oculaire com-
mun droit est atrophié.
En faisant une coupe, on remarque que la tumeur occupe
tout le pédoncule, qu'elle s'étend en avant jusqu'à la couche
optique et s'enfonce un peu en arrière dans la protubérance ;
en haut, elle atteint le trigone et les tubercules quadrijumeaux.
Elle est formée d'une matière caséeuse, jaune verdàtre, ramollie
au centre, entourée de substance nerveuse, ramollie et violacée
par places. Une tumeur semblable, grosse comme une noix, se
trouve à la face supérieure du lobe gauche du cervelet. -
Tuberculose pulmonaire, ulcérations intestinales, etc.
Cas. II. (Martin, Bull. de la Suc. Anat., 1877). -L... Jean,
6 ans, présente de l'affaiblissement dans tous ses membres,
troubles de la sensibilité. Ptosis léger de la paupière supérieure
gauche; strabisme interne de l'oeil correspondant. Pupilles
égales. Peu après, parésie faciale gauche, puis hémiplégie
faciale complète. Mort.
Autopsie. Masse caséeuse remplissant presque le lobe
gauche du cervelet. Un tubercule gros comme une aveline dans
la moitié gauche de la protubérance.
Cas. III (thèse de Koechlin). Garçon de 2 ans '1/2, ayant pré-
senté de l'exopl2tl2almie avec strabisme interne et paralysie
faciale du côté gauche. Hémiplégie droite du corps. Sensibilité
générale normale. Dysphagie. - A l'autopsie, tubercule cru de
la protubérance et du bulbe. Paralysie du facial et du moteur
oculaire externe du côté droit.
OBS. IV (Ibicl.). - Garçon de 2 ans 1j2. Hémiplégie faciale
FAITS CLINIQUES. 121
et strabisme interne du côté droit, ramollissement de la cornée
de ce côté. Hémiplégie gauche du corps avec un peu de con-
tracture du membre supérieur. Assoupissement, toux, dys-
phagie. Sensibilité générale normale. Quelquesvomissements
avant la mort. - A l'autopsie : méningite granuleuse ; hydro-
pisie ventriculaire; tubercule dans l'hémisphère cérébral droit;
un gros tubercule cru occupant la moitié droite du pont de
Varolo.
>
Cas. V (Candellé, Observations pour servir à l'histoire des
tubercules de l'encéphale, Paris 1871). - Garçon de 3 ans.
Tuberculose abdominale présentant tous les symptômes clas-
siques de ce genre d'affection. Rien autre à noter. Mort de
diphthérie. - A l'autopsie : tuberculose intestinale et mésen-
térique ; dans la moitié gauche et à la partie supérieure de la
protubérance un tubercule cru, gros comme une noisette.
ans. VI (Ibid.). Enfant de 12 ans, mort do péritonite
tuberculeuse. Pas de symptômes de tumeur de la protubérance
bien qu'on en ait trouvé une à l'autopsie.
OBs. VII (Ibid.). - Enfant (sans indication d'âge ni de sexe)
observé dans le coma. Avait eu huit jours avant de la fièvre et
des convulsions. Ptosis droit, face non déviée ; constipation,
ventre en bateau ; pas de plaintes ; parfois, petites secousses
convulsives dans les quatre membres, résolution dans l'inter-
valle de ces secousses. Pouls petit, régulier, rapide, face un
peu rouge surtout aux pommettes. Pupilles égales et dilatées,
ne se contractant pas. Il semble y avoir conservation de la
sensibilité générale et abolition de la vision. Tête balante.
Le lendemain de l'entrée de l'enfant, disparition du ptosis. Le
surlendemain, même état, sueurs, mort. '
A l'autopsie : méningite de la base. Sur le plancher du 4e ven-
tricule, on trouve un tubercule enclavé par sa base dans l'é-
paisseur de la protubérance, hydropisie du 4e ventricule.
Cas. VIII (Ibid.). - Fille, 6 ans. Amaigrissement et change-
ment de caractère, quelques vomissements. Six semaines après :
Constipation, cris continuels. Céphalalgie. Contracture passa-
gère des quatre membres. Trois jours après, coma presque
absolu et résolution. Peau sèche, pouls petit, lent. - Pupilles
dilatables. Aneathésie. Le lendemain, strabisme, le pouls
s'accélère. Contracture des quatre membres, stertor, sécheresse
de la langue et des lèvres. Mort.
A l'autopsie : Congestion méningée, foyer hémorrhagique,
gros comme un pois vers la corne d'Ammon. Un tubercule
dans l'épaisseur de la protubérance, en haut et un peu à droite.
BOURNEVILLE, 1886. 9
122 TUBERCULOSE DE la protubérance.
Un autre à la surface inférieure du lobe droit du cervelet et un
peu en avant. - Tuberculose viscérale.
OBs. IX (Ludwig Bruns. Ein Fall von Ponstuberkel in
Neurologisches Centralblatt., ii° 8, Avril 1886). - Arthur
Gloeckner, 2 ans 1/2. - Mère morte de tuberculose pulmo-
naire ; une soeur coxalgique. Pas de maladies précédemment;
a marché à 6 mois. Depuis quelque temps écoulement purulent
des deux oreilles; il y a 5 ou 6 mois apparition d'un strabisme
convergent gauche bientôt suivi de maux de tête. Plus tard,
faiblesse paralytique du bras et de la jambe droite : le malade
ne pouvait plus marcher.
Depuis un mois, contracture du bras droit, mastication dif-
ficile, pas de vomissements, pas d'évanouissements, pas do
crampes. La faiblesse générale augmente depuis quelque
temps et l'enfant tousse beaucoup.
13 août 1885. Crâne normal. Au repos l'oeil droit ne louche
pas et l'oeil gauche regarde en dedans. La mobilité des deux
yeux vers la gauche est très limitée. Les autres mouvements du
globe de l'oeil sont conservés, mais l'oeil droit ne peut se tourner
que très peu vers la droite. Pupilles égales et saines.
. Ophthaltnoscopie. - La papille fait un relief plus accusé à
gauche qu'à droite.
Tuberculose de l'oreille moyenne des deux côtés avec perfo-
ration du tympan. Pas de troubles du nerf facial. Excitation
électrique normale. Bouche toujours ouverte. Sensibilité delà
cornée et de la conjonctive diminuée à gauche. Affaiblisse-
ment des muscles du cou et de la nuque, la tête tombe en ar-
rière dès qu'on asseoit l'enfant. '
Extrémités supérieures . Le bras droit est rapproché du
corps, fléchi au coude; l'avant-bras est en pronation, le poing
est fermé. Mouvements du bras droit presque abolis ; pas d'a-
trophie musculaire ; excitabilité électrique normale. Le bras
gauche est sain.
Extrémités inférieures. - Jambe droite étendue, pied-bot
équin, raideur moins accusée qu'au bras, mouvements con-
servés mais mous et peu prononcés. Sensibilité normale. Ré-
flexe rotulien conservé à droite, moins accusé à gauche. Pas
d'atrophie. Excitabilité musculaire. normale. Rien de patholo-
gique à gauche. Impossibilité de se tenir debout ou de marcher.
Rien aux autres organes et spécialement rien aux poumons.
Parole remplacée par un cri étouffé. Le malade gâte. Quand
on le remue il s'agite et résiste. Quand on le laisse en repos il
reste somnolent.
En résumé, paralysie de l'abducteur à gauche; paralysie du
droit interne, des muscles moteurs de l'oeil vers la gauche,
FAITS CLINIQUES. ' 123
surtout prononcée pour l'oeil gauche, anesthésie de la cornée
et de la conjonctive surtout à gauche. Douleurs dans le reste
du domaine du trijumeau. Faiblesse des masticateurs, des
muscles du cou et de la nuque; paralysie avec contracture et
augmentation des réflexes des extrémités droites sans troubles
de la sensibilité, maux de tête, somnolence, faiblesse gé-
nérale.
30 août. Le bras gauche commence à se contracturer; même
état général. Le malade n'est plus observé.
11 octobre. Depuis hier, crampes, pleurosthotonos. Tempé-
rature du soir 3Sa,5. Pouls 132. Cornées dépolies. Contracture
des extrémités plus accusée à droite. Coma profond.
20 octobre. Aucun trouble à la face, les yeux ne présentent
aucune modification. Coma persistant mais moins profond,
l'enfant sent le3 piqûres et réagit. Quelques râles au sommet
gauche. Diarrhée. T. R. 38°,S. P. 144. Resp. 30. Cheyne-Stoc-
kes. Le malade meurt le 28 octobre.
Anatomie pathologique. - Le corps de l'enfant est maigre
et chétif, les fontanelles ne sont pas accusées. Le thorax est
aplati et étroit en haut. On trouve du pus dans l'oreille droite.
Les muscles des bras sont également développés des deux
côtés. La voûte crânienne est symétrique, mais très mince. La
.dure-mère est mince, mais pas adhérente. Sa surface est lisse,
elle n'est pas transparente. Ses artères sont pleines et ses vei-
nes à moitié vides. Dans le sinus longitudinal est un caillot
fibrino-sanguin solide, se perdant au niveau des veines posté-
rieures de la pie-mère, dans une masse plus ancienne, grise,
friable, thrombotique. La pie-mère est blanchâtre, au niveau
du chiasma des nerfs optiques. Ses veines sont remplies de sang
frais. Les hémisphères cérébraux sont symétriques. La paroi
inférieure du troisième ventricule est très mince, presque trans-
parente.
La moitié droite du pont de Varole est aplatie, tandis que
la moitié gaucho est très proéminente et forme une tumeur
.que contourne l'artère basilaire. L'artère cérébelleuse supérieure
gauche pénètre très profondément dans le pont de Varole.
.Les origines nerveuses et les artères de la base de l'encéphale
n'offrent rien d'anormal. La moelle allongée est saine, mais
l'olive gauche arrive au contact de la protubérance, tandis que
la droite en reste séparée par un fossé.
L'écorce cérébrale présente une coloration jaune et un aspect
caséeux. Sur le bord postérieur do l'hémisphère gauche du
cervelet, on voit deux tumeurs arrondies, irrégulières, ayant
1 centimètre do diamètre, se touchant l'une l'autre, entourées
.d'une zone d'un gris rougeâtre et d'aspect vitreux. Sur l'hé-
124 TUBERCULOSE DE LA PROTUBÉRANCE.
misplière droit, au même niveau, est une tumeur, grosse comme
une lentille.
A la pointe du lobe occipital gauche du cerveau, on remar-
que une tumeur large comme une pièce de dix sous, et, à
4 centimètres en avant d'elle, est une autre tumeur. Ces tu-
meurs ne soulèvent pas la première, et cette dernière ne pré-
sente pas de granulations miliaires.
Lorsqu'on ouvre le quatrième ventricule, on voit, à 3 centi-
mètres en avant du calamus scriptorius, le fond de ce ventri-
cule soulevé sur une étendue large comme une pièce de 2 cen-
times (5pf.). Cette surface est tourmentée, de couleur gris-rouge
sombre. Elle est résistante au toucher. Cette tumeur s'étend
jusqu'à 3 centimètres en aval de l'entrée de l'aqueduc de Syl-
vius, en avant. En arrière, elle atteint les premières stries mé-
dullaires. A environ 3 centimètres en aval de l'extrémité posté.
rieure de la tumeur, on fait une section et on voit que presque
tout le pont de Varole est transformé en une masse caséeuse.
A droite est une zone libre au niveau de la partie extérieure
du pont et du fond du quatrième ventricule. De chaque côté,
une partie des pyramides et du stratum superficiel du pont est
libre. La tumeur, vue dansson ensemble, est arrondieetgrosse
comme une châtaigne.
Les tumeurs du cerveau sont des tubercules solitaires. Les
ventricules cérébraux sont dilatés, la moelle est saine. Enfin
on trouve des tubercules aux sommets des poumons.
OBS. X. (Macgregor. The Lancer 11 déc. 18S6). -G. M...,
âgé de 7 ans, né d'un père pthisiqueet d'une mère saine, présente
en ce moment de la paralysie des 6e et 7e paires droites. De ce
côté : surdité marquée, protusion du globe de l'oeil et stra-
bisme interne. Tête inclinée sur l'épaule droite,- la face regar-
dant à gauche (spasme tonique du sterno-mastoidien). En n
même temps céphalalgie, nausées et vomissements fréquents.
T. R. 35°,â à 36', l. Rien dans les viscères. Urines normales.
L'affection de cet enfant débuta il y a trois semaines au mi-
lieu de la nuit. Il s'éveilla en criant et en se plaignant de souf-
frir de la tête. Le lendemain, il avait de la paralysie faciale et
un état nauséeux avec vomissements. Depuis quelque temps
déjà l'enfant était indisposé, mais il ne présentait pas de symp-
tômes bien définis.
26 avril. Pupille droite contractée, pupille gauche dilatée.
L'examen ophthalmoscopique montre le fond de l'oeil pâle et la
papille mal dessinée à droite. La cornée est insensible de ce
côté. Plus tard apparut à la partie inférieure de la cornée
droite une opacité qui se transforma en ulcère. Cet ulcère
amena une perforation pénétrant dans la chambre antérieure.
FAITS CLINIQUES. 125
10r mai. La préhension se fait mal de la main gauche. La
marche s'accompagne de titubation avec tendance à tomber
du côté droit. La tête est droite. Lestrabisme divergent de l'oeil
gauche a disparu, mais le strabisme convergent de l'oeil droit
s'est accusé davantage. Parésie de la moitié droite du palais.
L'hémiplégie devient graduellement presque complète, mais
la sensibilité tactile n'est que superficiellement affaiblie. C'est
ainsi qu'au-dessous du genou le malade ne sent ni le chaud ni
le froid. Sur le reste du corps, la sensibilité à la chaleur est
seulement diminuée. Le goût et l'odorat sont normaux.
4 juin. L'état de l'enfant s'aggrave. Il éprouve de la diffi-
culté à articuler ses paroles.
5 juin. Articulation des sons, normale.
6 juin. Réapparition de la difficulté d'articuler.
7 juin. Perte de connaissance. Rigidité spasmodique du mem-
bre supérieur gauche. Disparition des vomissements.
12 juin. Coma et mort précédée de deux vomissements. Au
moment de la mort la température s'élève de 380 à 39°, 2.
La température pendant la première semaine d'hôpital est
constamment restée à 90o Fahrenheit (3 ? o,2) ( ? ) et le pouls à
116. Dans la quinzaine suivante la température a oscillé entre
9E° et 99". F. (35°,5 à 37° c.). A partir de là la température, le
matin, était de 3G,,1 et le soir de 100°. F. (37°,7).
Nécropsie. La dure-mère est tendue, le cerveau est di-
laté. Les vaisseaux de la pie-mère sont gorgés de sang.
Au niveau du vertex, l'espace sous-arachnoïdien est rempli
par un liquide laiteux. Les nerfs olfactifs sont ramollis, le
droit plus que le gauche. Les nerfs optiques et ceux de la 3'' et
de la 4e paire sont sains. La partie sensitive de la 5° paire est
moins blanche à droite qu'à gauche. La 6e paire est saine,
mais un peu petite à gauche, complètement atrophiée à droite.
La 7e paire, normale dans sa partie molle, est atrophiée et
gélatineuse dans sa portion dure, du côté droit. Le glossopha-
ryngien droit est gris et gélatineux. Les autres nerfs ne pré-
sentent rien de particulier.
Le pont de Varole et la moelle allongée sont déformés, le
côté droit, plus gros d'un tiers que le gauche, est noueux, ir-
régulier. Le côté gauche est peu altéré, pourtant l'olive de
ce côté est un peu plus grosse que normalement.
L'examen microscopique des nerfs montre une dégénéres-
sence graisseuse complète des portions altérées. On trouve, at-
tachée aux bulbes olfactifs, une matière gélatineuse formée de
petites cellules rondes analogues à celles du sarcome. Les tu-
meurs protubérantielles sont caséeuses et formées de petites
cellules rondes, recoquevillées et cassées.
H6 TUBERCULOSE DE LA PROTUBÉRANCE.
II. Revenons maintenant à notre observation et essayons
d'en faire ressortir les points p; incipauz.IIoël... ne présen-
tait dans ses antécédents aucune tare tuberculeuse, mais
il avait une hérédité nerveuse très évidente : des tantes,
des oncles, des frères, ont eu des convulsions ; sa mère est
névropathe et mélancolique; un grand-père a été para-
plégique durant deux ans ; enfin un cousin a été aliéné.
Ajoutons à ces affections des ascendants des cas de rhu-
matisme et de cancer.
Comme antécédents personnels, IIoël... n'offre rien do
bien spécial; une bronchite, des fièvres éruptives sont les
seules maladies dont il ait souffert. A l'âge de trois ans,
après une peur qui semble de peu d'importance, étant don-
née sa cause, l'enfant change brusquement de caractère,
il a des frayeurs nocturnes, il perd l'appétit. Ce début par
des troubles gastriques et un changement de caractère est
signalé dans I'Observatiox VIII empruntée à M. Candellé.
Bientôt d'autres symplômes apparurent chez notre ma-
lade, sa respiration devint embarrassée, haletante, il eut.
des étourdissements et, huit mois après le début de son af-
fection, il présenta un épisode aigu qui commença par du
strabisme passager de l'oeil gauche et se continua par un
état fébrile sur lequel nous manquons de renseignements.
Toujours est-il qu'un médecin dit que l'enfant était atteinte
de fièvre cérébrale. Huit jours plus tard, les accidents fé-
briles disparurent, mais consécutivement on nota qu'il ti-
tubait en marchant, indice d'un affaiblissement des mem-
bres inférieurs. L'intelligence de l'enfant baissait et il di-
vaguait parfois. Une rémission de six semaines, qui sur-
vint à ce moment,fut suivie de la réapparition des troubles
précédents auxquels s'ajoutèrent de la dyspnée et du stra-
bisme interne de l'oeil gauche.
A son arrivée à Bicêtre (2 avril), IIoël... pouvait encore
prononcer quelques mots et il marchait, quoique avec-
peine ; mais bientôt (8-15 mai) son vocabulaire se restrei-
gnit de plus en plus, il perdit tout à fait la parole; sa phy-
sionomie réflétait un air de souffrance et, de fait, il parais-
sait souffrir, et poussait presque constamment des cris
plaintifs; enfin, son sommeil devint très agité et il se pro-
duisit une paralysie complète des membres inférieurs
qui entraient en contracture dès qu'on voulait les fléchir..
RÉFLEXIONS ; TEMPÉRATURE. ' ' 127
Le réflexe rotulien était exagéré. Les membres supérieurs
étaient contractures ; les mouvements du cou étaient dou-
loureux. L'enfant avait un strabisme interne double, de
la dysphagie ; il n'avait pas de vomissements, mais une
constipation opiniâtre. Le pouls était très irrégulier et la
température un peu élevée (38°,8).
L'état du malade s'aggrava presque constamment, c'est
à peine si, de l'entrée à la mort,on nota quelques rémis-
sions durant au plus une journée. Nous devons signaler
surtout les intermittences, les modifications presque jour-
nalières des symptômes : la paraplégie qui existait un jour
ne se retrouvait plus le lendemain ; on voyait se succéder
de l'hyperesthésie et de l'anesthésie cutanée ; la tempéra-
ture, qui pendant 11 jours s'était maintenue vers 37°,7 en.
moyenne, s'éleva en l'espace de deux jours jusqu'à 39°,6,
retomba à 38° en une nuit, remonta à 39° : 2 et redescendit
à 37° où elle se maintint jusqu'au 6 juin. A partir de là,
jusqu'au 30 juin, on note une période d'hypothermie qui
mérite d'attirer l'attention : la température oscille entre
37° et 36°. Alors, tout d'un coup, la fièvre s'alluma et, en
deux jours, la température atteignit 41° et monta même â
42°, au moment de la mort. Les irrégularités du pouls
ne sont pas moins remarquables que celles de la tempéra-
ture, qu'elles ne suivaient d'ailleurs pas d'une façon régu-
lière. (La Planche V donne une idée très exacte de la mar-
che de la température; c'est peut-être le premier tracé de
ce genre qui ait été publié. (Société anatomique, juillet
1886). L'hypothermie qui existait dans ce cas a été signalée
dans le cas ultérieur de Macgregor.
Quoi qu'il en soit, dans les jours qui précédèrent la
mort, l'aggravation de l'état de IIoël... se traduisit par un
amaigrissement notable, de la rétraction de l'ahdomen,
une diminution de la quantité des urines. Les symptômes
préexistants : dysphagie,constipation, raideur de la nuque,
parésie et contracture des membres, s'accentuèrent. La
respiration perdit la régularité de son rythme, des trou-
bles vaso-moteurs apparurent (rougeur de la face, etc.),
les pupilles devinrent inégales et enfin on nota la forma-
tion d'escharres. La mort eut lieu dans le coma.
III. En comparant cette observation à celles que nous
128 TUBERCULOSE DE la protubérance.
avons citées, l'on voit combien sont variables les signes
des tumeurs protubérantielles. La, paralysie croisée, bien
que très fréquente,peut faire défaut comme dans notre ob-
servation. Les vomissements, souvent notés, sont incons-
tants. Le strabisme est peut-être le moins infidèle des
symptômes : on le retrouve dans la plupart des cas.
On pourrait, à la rigueur, faire trois catégories des tu-
bercules de la protubérance au point de vue de la marche :
1° Tubercules évoluant sans symptômes jusqu'au moment
de la mort,qui est souvent produite par une autre manifes-
tation de la tuberculose (Obs. V et VI). 2° Tuberculose
protubérantielle à marche intermittente, évoluant lente-
ment et par poussées successives comme chez notre ma-
lade. - 3° Tubercules à marche continue et progressive.
Quelle que soit d'ailleurs la marche, la symptomatologie
est extrêmement variable et mériterait presque une étude
spéciale pour chaque cas. La variabilité des symptômes
nerveux et leur inconstance pourraient même, peut-être,
faire songer, chez un tuberculeux, à une tumeur protubé-
rantielle.
MÉNINGITE TUBERCULEUSE. - 129
III.
Imbécillité et hémiplégie droite symptomati-
ques de méningite tuberculeuse ; Tuber-
culose généralisée; Mal de Pott;
Par BOURNEVILLE et PILI.IET.
L'observation que nous rapportons offre un intérêt au
point de vue de la généralisation de la tuberculose, au point t
de vue de la marche insidieuse de la méningite tubercu-
leuse, et aussi de l'histoire de l'une des formes de l'idiotie.
Observation. Père mort tuberculeux. Oncle paternel
paralysé. - Mère cancéreuse. Grand-père maternel,
excès de boisson.
Enfant bien portant jusqu'à 6 ans. Mauvais trai-
tements.Parasie droite légère. -Affaiblissement de
l'intelligence ; gâtisme passager. Amélioration.
Nouveaux accidents de méningite et tuberculose pul-
1) ? ,onaire. - Mort.
Autopsie : Tuberculose généralisée. Méningite chro-
nique tuberculeuse. Nodules caséeux volumineux des
méninges. Nodules calcifiés et granulations miliaires
dans les poumons, le foie, le péritoine et la rate. Mal 1
de Pott dorsal au début.
Sema..., Charles-Auguste, né à Paris le 24 décembre
1879, est entré à Bicêtre (service de M. Bourneville), le 1"
février 1886.
Renseignements fournis par une cousine materneile du
malade. - Père, employé à la préfecture de la Seine, mort
en 1885, à 33 ans, d'une pleurésie. On ne sait s'il faisait des
excès de boisson ou autres. Il s'était toujours bien porté
jusqu'en 1881 ; à partir de là, accidents de bronchite avec
amaigrissement et diarrhée. Il était intelligent , pas ner-
veux, jamais de rhumatisme ni de dermatoses. [Père, 70
ans, sobre, bien portant; mère morte on ne sait de quoi,
130 IMBÉCILLITÉ ; ANTÉCÉDENTS.
nia quel âge. Frère intelligent, assez sobre; robuste, non
nerveux. Une tante, 40 ans, en bonne santé, non nerveuse.
Un oncle paralysé de naissance.]
Mère, 40 ans, couturière, grande, n'a pas eu de convul-
sions dans l'enfance. Fièvre typhoïde à 15 ans, variole à 18
ans, réglée à 20 ans. Elle est morte à l'hôpital le 23 mai
1886, d'un cancer de l'uténis (1). [Père, 70 ans, tonnelier,
excès de boisson fréquents. Il n'était pas nerveux, jamais
de maux de tête ni de rhumatismes.- Mère, 76 ans, bien
portante, non nerveuse. Quatre frères et une soeur, vivants,
bien portants. Un oncle maternel, 65 ans, une tante ma-
ternelle, 70 ans, n'ont jamais été malades. Pas de rensei-
gnements sur le côté paternel. La cousine qui nous rensei-
gne est bien portante ; n'a jamais eu de maladies, a quatre
enfants en bonne santé, sans convulsions. Ni difformes,
ni aliénés, ni criminels, ni suicidés dans la famille.] Pas de
consanguinité.
Trois enfants : 1° Un frère, mort en naissant; 2° une
SL&U)', âgée de 10 ans, bien portante, sans convulsions.
3° Notre malade. Pas de renseignements sur la grossesse,
ni sur l'accouchement. Elevé au sein en nourrice, il est re-
venu à trois ans ; alors il était bien portant, il mangeait
beaucoup, parlait bien, marchait seul, était intelligent. Il
n'aurait jamais eu de convulsions ( ? ). Jusqu'à l'année der-
nière, l'enfant s'est toujours bien porté ; mais, le père
étant mort, la mère malade, il a souffert de la misère. Sa
mère, paraît-il, no le laissait pas s'asseoir. Pendant 15
jours, en juin 1885, la cousine qui nous renseigne, l'a pris
chez elle. Ses pieds étaient violacés comme par des enge-
lures. A ce moment, il était sale, gâtait, digérait mal et
vomissait.
Quelques jours avant son départ de chez sa mère, il est
tombé tout d'un coup par terre, et quand on l'a relevé, il
était paralysé. On ne sait si l'enfant a eu des maladies du
jeune âge (rougeole, etc.) ; il a eu la gourme ; mais ni
ophthalmie ni otite (sa soeur a souvent mal aux yeux). Il
ne toussait pas; n'était pas sujet aux diarrhées. On assure
qu'il était doux; sa mère, au contraire, disait qu'il était
vicieux et \oleur. Sa cousine ne l'a jamais vu sous cet as-
pect ; il a été deux semaines à l'asile d'Ivry et appre-
nait comme les autres enfants.
Il nous a été impossible d'avoir des renseignements de la
(1) C'est pour cela que nous n'avons que des renseignements de
seconde main et partant insuffisants.
HÉMIPLÉGIE DROITE INCOMPLÈTE. 131
mère, qui, comme nous l'avons vu, est entrée à la Pitié
peu après l'admission de l'enfant à Bicêtre. L'un de nous
s'est rendu à son domicile et a recueilli les renseignements
suivants : Après la mort de son mari, la mère de l'enfant
était dans une situation misérable, élevant péniblement ses
deux enfants : la petite fille, retournée aujourd'hui dans-
le pays de sa mère qui paraissait l'affectionner assez, et
notre malade qu'elle n'aimait guère, et auquel elle ne pas-
sait rien, le corrigeant manuellement pour la.faute la plus
légère. C'était même au joint que les voisins s'en sont
plaints plusieurs fois, et c'est même sur leurs plaintes que
le commissaire de police est intervenu ; il a fait une en-
quête et lui a enlevé l'enfant pour le faire placer à Sainte-
Anne. Il paraît qu'un jour sa mère le laissa enfermé seul
toute la journée. Elle ne le sortait que très rarement.
A l'entrée (1er février 1886), on constate que l'enfant est
atteint d'imbécillité, etjugeant d'après les apparences, en
dehors de tout renseignement, on pense qu'il est suscep-
tible d'amélioration. Il marche en traînant la jambe droite,
qui est raide.
Etat actuel. Poids 14 kil. 10 ; taille Om,97. Crâne ovoide,
occiput allongé, extrémité antérieure pointue. Bosses oc-
cipitales prononcées et symétriques ; bosses pariétales très
accentuées.
Diamètreantéro-postérieur maximum.. 178 mm.
transverse maximum .... 150 -
Circonférence du crâne à la base.... 51 cent.
D'une oreille à l'autre ........ 29 - '
De la racine du nez à la protubérance
occipitale - 30
Front très étroit, peu élevé, aplati latéralement sur les-
tempes ; face ovale ; arcades sourcillières peu prononcées,
yeux légèrement enfoncés, pupilles égales, iris brun, nez
petit, courbé ; joues assez pleines ; bouche petite ; voûte
palatine un peu ogivale, symétrique. Lèvres minces, lan-
gue normale, dentition régulière, menton rond. Oreilles pe-
tites, symétriques, bien ourlées, lobule détaché. Cou grêle,
circonférence 24 cent.
Thorax maigre, peu développé, sans voussure ni défor-
mation. Sa circonférence aux aisselles est de 49 cent. ; T
au niveau des mamelons, 51 cent. ; à la base, 49 cent. ? 2.
132 MÉNINGITE TUBERCULEUSE : IMBÉCILLITÉ.
Membres supérieurs maigres et longs, épaules angu-
leuses, saillio des clavicules.
Circonférence du bras : Droit Gauche
A l'aisselle 13 c. 1/2 14 c.
A 5 cent. au-dessus de l'olécrâne . 12 13
Id. au-dessous id. 13 14
Au poignet 10 1/2 11
Rachis sans déviation.
Membres inférieurs très grêles, sans déformation. Ils
ont tous deux les mêmes dimensions. Articulations libres ;
rien de spécial aux extrémités.
Organes génitaux. Pénil glabre, bourses pendantes,
testicules de la grosseur d'une petite noisette, égaux, le
gauche descendant plus bas que le droit. Prépuce long,
gland découvrable, méat normal.
Peau fine, bistrée, surtout sur l'abdomen. Cicatrice à la
face interne de la partie inférieure de la jambe gauche
(brûlure probable). Poils relativement abondants sur les
membres. Cheveux châtains, clairsemés, descendant
comme un duvet jusqu'aux sourcils. Sourcils noirs assez
épais ; cils longs et noirs. Quelques ganglions lymphati-
ques se sentent sous le doigt à la nuque ; rien ailleurs.
La sensibilité générale est conservée, le réflexe rotu-
lien exagéré à droite. La circulation et la respiration
n'ont rien de spécial.
L'enfant sait se servir de la fourchette et de la cuiller,
mange avec appétit, sans voracité. La digestion est bonne,
les selles régulières et volontaires ; pas de rumination, de
vomissements, de diarrhée. L'abdomen est un peu gros.
- Le foie, la rate, etc., paraissent normaux.
Pas de bave, de succion, d'onanisme, ni de tics.-L'en-
fant est caressant, il a l'air souffrant et un peu triste. La
parole est développée, mais présente une sorte de bégaye-
ment. Il connaît bien les lettres et les chiffres, commence
à faire des bâtons, sait compter jusqu'à 50, connaît les
couleurs et les objets usuels.
Traitement. Huile de foie de morue, sirop d'iodure de
fer, bains salés, petite école; gymnastique.
. Un mois après son entrée, on note de la bonne volonté
à travailler, et des progrès en gymnastique. Puis, en avril,
TUBERCULOSE GÉNÉRALISÉE. 133
on constateque l'enfant se ralentit et paraît de plus en plus
souffrant. On l'envoie à l'infirmerie le 1 avril parce qu'il
ne mange pas, dort toute la journée et qu'il a la face rouge.
Il ne se plaint pas.
19 avril. L'enfant a pris du lait et n'a pas vomi. La lan-
gue est large, humide, saburrale; le ventre est un peu
gros, légèrement tendu, indolore; pas de diarrhée; rien à
la gorge. On ne trouve rien à la percussion ni à l'auscul-
tation, pas de toux ni d'oppression. L'enfant se plaint de la
tête qui est chaude partout, il a l'air un peu abattu. T. R.
38°,G matin et soir.- Traitement : Ipéca, bains de pieds,
lotions vinaigrées, huile de ricin.
20 avril. T. H. 3 ? - Soir : 39,,2.
21 avril. Le pouls est à 80, un peu irrégulier, la phy-
sionomie abattue, la peau chaude. L'enfant se plaint tou-
jours de la tête. Langue saburrale, soif vive, ventre sou-
ple. Trois selles infectes. Pas d'épistaxis. Raies méningi-
tiques faciles à provoquer. La nuit a été mauvaise ; l'en-
fant a pleuré. Pas de grincements de dents ni de délire.
T. R. 390.
Traitement. Lav. au sulfate de quinine, 0,40 cent., etc.
22 avril. T. R. 38°,8. - Soir : 39°.
23 avril. Céphalalgie continue ; l'enfant vomit tout ce
qu'il prend, est abattu, somnolent. Il montre pourtant un
peu de gaité le soir. T. R. 38°,G. - Soir : 38°, 4.
24 avril. Nuit très agitée, l'enfant appelle sa mère. T. R.
38°. - Soir : 380,6.
25 avril. T. 1%. 380,6 matin et soir.- 26 avril. T. Ii,.3S°,4
matin et soir.
27 avril. Foie douloureux, débordant d'un travers de
doigt les fausses côtes ; abdomen mou et rétracté. A 2 tra-
vers de doigt au-dessous de l'ombilic, on sent, sous la pa-
roi abdominale, une petite tumeur mobile, assez dure, du
volume d'une bille, et qui semble être une nodosité tuber-
culeuse de l'épiploon. L'enfant n'a rien voulu prendre ; il
est très abattu. Pas de diarrhée, mais miction et selles
involontaires ; aspect comateux, raideur du cou et de la
nuque. Submatité à la percussion au niveau du sommet
droit, en avant. T. R. 38°,2. - Soir : 39°,2.
28 avril. Les traits sont un peu grippés; l'enfant est en
état de demi-conscience; quand on l'interpelle, il regarde
vaguement; il incline la tête quand on lui dit « bonjour »;
on parvient à lui faire ouvrir la bouche, ce qui était im-
possible hier. P. 28; R. 48. On essaye de faire boire du lait
à l'enfant avec la cuiller; mais il ne déglutit pas et rejette
134 MÉNINGITE TUBERCULEUSE.
les liquides par le nez. Selles molles et involontaires. Pas
de grincements de dents. Un peu de raideur persistante
de la jambe droite et du bras droit; raideur du tronc. Ins-
piration rude et soufflante à l'auscultation; expiration un
peu granuleuse au sommet gauche. On continue le sulfate
de quinine, etc. T. R. 39°.
28 avril, soir. T. R. 40°,2. L'enfant est dans le coma;
raideur de la nuque, strabisme,- Mort le 29 avril, à qua-
tre heures du matin. T. R. un quart d'heure après la mort : "
=ti°,2;- une heure après 39°,6;- deux heures après 38°,4.
(I1 ig. 17).
Autopsie le 30 avril au matin. - Rigidité cadavérique
nulle au cou et au bras droit; presque nulle à la jambe
droite; assez prononcée au coude gauche; plus marquée
encore au membre inférieur gauche.
Crâne pou épaiset présentant encore des traces de trans-
parence à la partie moyenne et supérieure du frontal,
à la partie supérieure et antérieure des pariétaux. La base
est symétrique. - La dure-mère apparaît assez fortement
injectée; écoulement de liquide céphalo-rachidien en
quantité un peu plus grande qu'à l'état normal. Quelques
petites adhérences avec la dure-mère de la base. Poids de
l'encéphale, 1,280 gr. - La pie mère présente à la base
une vascularisation fine très prononcée; de plus, toute
la partie de la pie-mère située en avant de la protubé-
rance (autour du chiasma et de l'origine des nerfs opti-
tiques) est infiltrée de pseudo-pus fibrineux. Le dégage-
ment des artères et des veines de la pie-mère est difficile à
cause de son épaississement. Quand on écarte les lèvres de
la scissure de Sylvius, on trouve a gauche, sur la pie-mère,
des granulations tuberculeuses ; à droite, il n'y a pas de
points semblables. Sur la base des deux lobes frontaux, la
pie-mère est très injectée et couverte d'un semis de gra-
nulations. Elle est beaucoup plus épaissie sur le lobe droit
que sur le gauche, et la décortication au niveau du lobe
olfactif ne peut se faire qu'en entraînant une assez forte
couche de substance grise. -Autant qu'on peut le voir par
suite de l'épaississement de la pie-mère, les artères de
la base et les nerfs seraient symétriques. La pie-mère de la
convexité présente une vascularisation très fine et plus
prononcée sur la partie moyenne des hémisphères. Aspect
louche d'un certain nombre d'espaces inter-circonvolulion-
naires ; injection assez prononcée de la surface des deux
hémisphères.
Cervelet et isthme, 155 grammes. La pie-mère du cervc-
LÉSION DE LA PARIÉTALE ASCENDANTE GAUCHE. 135
let se décortique assez bien. Elle est très épaissie au niveau
de laface inférieuredcla protubérance; à la face supérieure
du cervelet, elle devient plus mince, sans granulations.
L'hémisphère cérébral droit pèse 10 grammes de plus
- que le gauche, ce qui peut être dû à l'épaississement de la
pie-mère ou à l'inégale répartition du liquide céphalo-
rachidien. Sur l'hémisphère gauche, à la partie inférieure
du lobe carré, en arrière du corps calleux, la pie-mère est
très épaissie. Il y a là plusieurs granulations dépassant le
volume des granulations miliaires, opaques, jaunâtres,
dures. Une, du volume d'un pots moyen, est enlevée, lais-
sant dans la substance corticale une petite cavité, mais
sans entraîner aucune portion de l'écorco grise. Un sem-
blable nodule, du volume d'une amande de noisette, à
surface mamelonnée, est laissé en place. Il occupe juste le
milieu de la pariétale ascendante.
Cerveau. - Hémisphère gauche. Face convexe. - F,,
très sinueuse, envoie deux plis de passage à F2 et s'insère
sur F A à sa partie supérieure. - 1<'2' aussi très sinueuse,
offre deux insertions sur FA. F3 est assez volumineuse
et s'insère à l'extrémité inférieure de F A. F A est volu-
mineuse, mais présente une encoche profonde, transver-
sale, à sa partie moyenne. Sur l'extrémité postérieure de
cette encoche, un tubercule de la pie-mère, de 3 à 4 mm.
de diamètre a creusé une dépression. P A est sinueuse et
assez volumineuse, mais est interrompue à la partie infé-
rieure de son tiers moyen, au-dessous du tubercule dont il
vient d'être question par une dépression profonde due au
nodule tuberculeux de la pie-mère décrit plus haut. P,,
P2' assez plissées, pli courbe irrégulier. LO, sinueux.-
1\, 1\ : T3, sont assez plissées et s'envoicntplusieurs plis de
passage ; T, envoie un pli assez volumineux à l'extrémité
postérieure du lobule de l'insula. - Lia quatre digita-
-lions assez volumineuses (t). -
Face interne. - P, présente des plis assez profonds en
avant, superficiels en arrière.- L P volumineux, reçoit un
gros pli de passage de Ft et offre un sillon en forme de V.
- CCCa sans aucun pli.- L Q plissé avec des sillons su-
perficiels ; L 0 très plissé. C II assez sinueuse.
Hémisphère droit. - Face convexe. - Les trois circon-
volutions frontales sont aussi sinueuses qu'à gauche.
(1) Les lettres ont la même signification que sur les Planches
1 IV...
136 tuberculose généralisée.
L'insertion de la première se fait également au niveau
du bord supérieur; la seconde s'insère sur F A par deux
insertions, non pas de niveau avec la surface de l'hémis-
phère, mais au fond du sillon. Il en est de même de l'in-
sertion de 1<'3' F A sinueuse, bien développée. P A est très
sinueuse, mais comparativement maigre. Les plis parié-
taux sont volumineux; l'inférieur moins plissé qu'à gau-
che. Pli courbe situé bien au sommet de la scissure
parallèle, qui, de ce côté, n'est pas interrompue, alors
qu'elle l'est à gauche plusieurs fois. Le lobe occipital est
assez développé mais moins plissé qu'à gauche. T,, T2 et
T3 sont assez distinctes; tandis que de l'autre côté, les plis
de passage plus nombreux les confondent en quelque
sorte. L I reçoit en arrière un volumineux pli de passage
de T,; il est formé de trois gros plis dont l'antérieur seul
est bifurqué, ainsi qu'à gauche.
Face interne. F, est assez sinueuse, mais ses plis sont
plus allongés, au lieu d'être transversaux comme à gauche.
L P est très sinueux et présente un pli en forme d'Y ; L Q,
L C, n'ont rien de particulier. L 0, plis plus volumineux
qu'à gauche. C II, rien. Des deux côtés, les sillons, sauf
sur les points sus-indiqués, sont en général assez profonds.
Les masses grises, les cornes d'A mmon ainsi que les lo-
bes orbitaires sont normaux. Les ventricules latéraux
sont légèrement dilatés.
De cette description des circonvolutions, il ressort nette-
ment que les deux hémisphères cérébraux, sur leurs deux
faces, présentent des asymétries nombreuses.
Cou et thorax. Le larynx et les cordes vocales
n'offrent rien d'anormal; le corps thyroïde est en crois-
sant, assez petit; le thymus n'a pas été examiné.
Le poumon droit présente de nombreuses adhérences
au sommet, surtout en avant et sur les parties latérales.
Le gauche est également adhérent au sommet, mais sur-
tout en arrière. Là on trouve un noyau, en. partie crétacé,
mesurant 7 à 8 mm. de diamètre. Sur la plèvre qui sépare
les lobes, on voit des granulations tuberculeuses assez
rares. On en trouve également quelques-unes en prati-
quant des coupes dans le poumon. Le lobe inférieur offre
plusieurs petits noyaux caséeux récents. Poids, 140 gram-
mes. Dans le poumon droit, on découvre une masse ca-
séeuse sous-pleurale à la partie moyenne du lobe supérieur.
Elle a 2 cent. sur 1 cent. 1/2, s'énuclée facilement, laissant
alors une cavernule. II existe un certain nombre d'autres
noyaux sous-pleuraux plus petits; un peu de congestion,
TUBERCULOSE GÉNÉRALISÉE.
137
aux deux bases pulmonaires. Deux ganglions bronchi-
ques sont hypertrophiés et caséeux. Poids du poumon
droit, 151 grammes.
Le coeur (80 grammes) est sans lésions ; orifices nor-
maux. Péricarde sain.
Abdomen.- Sur le péritoine, petits amas framboisés de
tubercules caséeux. Dans les épiploons, très vascularisés,
adhérents entre eux par des brides nombreuses, il en existe
un certain nombre. Sur le péritoine pariétal, plaques ca-
séeuses lenticulaires et irrégulières, surtout dans les fosses
iliaques. Les ganglions du mésentère sont hypertrophiés,
rosés sur une surface de section, non caséeux. La surface
interne de l'estomac est saine; les intestins sont vascula-
risés, sans tubercules ni ulcérations.
Foie (470 grammes). Sa face supérieure est légèrement
adhérente au diaphragme. Elle est parsemée de marbrures
jaunes, graisseuses. On y voit un très grand nombre de
tubercules, les uns miliaires, demi-transparents, très clairs,
espacés à environ 1 cent. de distance les uns des autres;
d'autres, d'aspect louche ou opaque, et enfin, un certain
nombre de contour irrégulier, caséeux. La face inférieure
présente les mêmes caractères. Sur une coupe, on les
retrouve dans toute l'épaisseur du parenchyme. Les vais-
seaux sont béants, remplis de sang; le tissu du foie est
pâle et jaunâtre, les lobules sont dessinés par un cercle rose.
Rate (60 grammes), très adhérente au diaphragme; on
l'en détache difficilement. La capsule est flasque et ridée,
soulevée par un grand nombre de masses caséeuses, du
volume d'une tête d'épingle et plus. Le parenchyme est
parsemé des mêmes masses et de tubercules miliaires.
Pancréas volumineux, d'une coloration jaune marquée,
sans tubercules.
Reins (60 grammes chacun), petits, très pâles; la capsule
se détache sans difficulté ; la substance corticale est très
amincie, pas de tubercules apparents. Vessie et testi-
cules normaux.
Rachis. Au niveau des 4° et 5e vertèbres dorsales, le
surtout antérieur du rachis est soulevé par un relief d'un
centimètre de hauteur, faisant une saillie bilatérale. Cette
bosselure excisée laisse échapper un. pus granuleux qui
s'écoule difficilement. La paroi interne de la poche a un
aspect pultacé. Quand on a vidé ce pus, on tombe sur la
face antérieure des vertèbres. Le disque intervertébral est
un peu détruit, et l'os à son contact est mis à nu.
BOURNEVILLE, 1886. 10
138 TUBERCULOSE GÉNÉRALISÉE : RÉFLEXIONS.
L'examen histologique a été fait au laboratoire d'histo-
logie de la Faculté. Les nodules remarqués dans le cerveau
présentaient la structure du tubercule fibro-caséoux. Ils
étaient développés à la face interne de la dure-mère, sans
participation du tissu cérébral. A leur périphérie, on voit
une mince couche de cellules embryonnaires, dont les plus
internes sont fusiformes et s'organisent en un tissu fibroide
calcifié. Quelques cellules géantes sont répandues dans
cette couche. La zone centraleest composée de tissu calci-
fié, sans élément distinct. Los nodules de la pie-mère sont
disposés autour des artérioles sous forme d'amas à centre
caséeux; c'est la forme anévrysmatique des tubercules,
comme l'appelle Kicner.Lefoieprésente des nodules mi-
.liaires avec la constitution typique, cellules géantes très
rares, cellules épithélioides à type fusiforme, se transfor-
mant presque immédiatement en tissu calcifié, en sorte
que le tubercule est réduit à un amas do cellules embryon-
naires à centre caséeux. On retrouve des infiltrations de
cellules embryonnaires en amas ou en îlots. Dans tous les
espaces de Kiernan, on voit un certain nombre de ces
îlots se caséifieràleur centre.Il y a donc tuberculose infil-
trée de toutle foie, indépendamment des granulationsadul-
tes. Dans la rate, les lésions sont semblables, mais il y a
beaucoupplus de noyaux formés de follicules agglomérés et
caséeux.- Enfin, la paroi del'abcès ossifluent nous amon-
tré, sur une coupe, de dehors au dedans, du tissu fibreux,
puis une zone de tissu de granulations richement vascula-
risées, enfin une couche de cellules embryonnaires, sans
vaisseaux, parsemée d'un grand nombre de cellules géantes
développées. Les cellules les plus internes de cette couche
subissent la transformation granulo-graisseuse, et contri-
buent à accroître le contenu de l'abcès. C'est donc bien
d'un abcès tuberculeux qu'il s'agit dans ce cas.
Réflexions. -I. Les renseignements que nous avons re-
cueillis sur la famille du malade sont incomplets : nous en
avons dit la cause. Du côté paternel, le fait le plus impor-
tant, c'est la tuberculose à laquelle a succombé son père
et l'existence d'une paralysie chez l'un de ses oncles. Du
côté maternel, il ne semble pas y avoir eu de névropathes
ni de tuberculeux. Rappelons que la mère est morte d'un
cancer de l'utérus.
Les antécédents personnels de l'enfant paraissent indi-
quer que jusqu'à 5 ans, il était intelligent, bien portant, et
ne différait pas sensiblement des enfants de son âge.
MARCHE DE LA TEMPÉRATURE. z
IL C'est dans le cours de la sixième année que les pre-
miers accidents seraient survenus. En quoi ont-ils exacte-
ment consisté ? nous l'ignorons. Ce que nous savons, c'est
qu'il aurait eu une paralysie du côté droit, qu'il serait
devenu gâteux et qu'il aurait eu des vomissements. C'est
alors qu'il a été l'objet de mauvais traitements de la.part
de sa mère qui, dit-on, le laissait enfermé, le battait, lui
donnait une nourriture insuffisante.
III. A l'entrée (février 1886), nous notons que l'intelli-
gence est affaiblie -(imbécillité), que la parole est un peu in-
correcte, bégayante ; que l'enfant est propre,et,en l'absence
de renseignements sur la cause de la déchéance intellec-
tuelle, nous le considérons comme susceptible d'améliora-
tion. Disons enfin que, dès cette époque, nous mentionnions
un affaiblissement paralytique du côté droit, avec amai-
grissement du bras, rendu très évident par les mensura-
tions, données dans le cours de l'observation.
IV. Les accidents auxquels a succombé l'enfant ont eu
une marche insidieuse. Durant la première quinzaine
d'avril, on remarque que l'enfant travaille de moins en
moins et qu'il paraît souffrant. Ces phénomènes s'accusant,
il est envoyé à l'infirmerie le 17 avril. A dater de ce jour,
nous voyons se manifester successivement divers symp-
tômes annonçant le développement d'une méningite
(céphalalgie, raies méningitiques, raideurs musculaires,
délire léger et transitoire, vomissements, fièvre, abatte-
ment, somnolence, etc.). C'est seulement dans les derniers
jours que sont apparus quelques phénomènes qui ont per-
mis de soupçonner l'existence d'une tuberculose pulmo-
naire et péritonéale et fait penser que la méningite était
de nature tuberculeuse.
La température a suivi une marche ascensionnelle dont
les caractères sont bien mis en évidence par la figure 17.
Signalons l'élévation thermique après la mort et le lent
refroidissement du corps.
V. Au point de vue anatorrzo ? atyeologidue, nous devons
rappeler que la tuberculose intéressait les méninges, la
plèvre, les poumons, le péritoine, le foie, la rate, les
ganglions et enfin la colonne vertébrale. Laissant de côté
140 RELATION ENTRE LES symptômes et LES lésions.
les organes thoraciques et abdominaux, nous ne relèverons
que les particularités relatives aux méninges.
Là, les lésions tuberculeuses se sont présentées sous
l'aspect de granulations miliaires et de tubercules assez
l;'i[J, 17. température un quart d'heure après la mort. + tempéra-
ture une heure après la mort. X température deux heures après la
mort.
volumineux. Parmi les symptômes les plus caractéristiques,
nous devons rappeler la paralysie ancienne des membres
du côté droit, ayant laissé des traces sérieuses, affaiblisse-
ment de la jambe droite et amaigrissement du bras.
INCURABILITÉ. 141 1
correspondant. Or, nous avons trouvé, à l'autopsie, des
granulations tuberculeuses abondantes au niveau de la
scissure de Sylvius gauche, un volumineux nodule tuber-
culeux sur la pariétale ascendante gauche et un autre
moins volumineux sur la partie moyenne de la frontale
ascendante du même côté. Par conséquent, il y a une cor-
rélation très nette entre le siège prédominant des lésions s
et les symptômes les plus saillants. Les lésions méningiti-
ques, qui avaient déterminé une légère hydrocéphalie des
ventricules, étaient plus prononcées à la base qu'à la con-
vexité, ce qui explique la présence des phénomènes coma-
teux et le faible degré du délire.
VI. Comme on le voit, il s'agissait là d'un cas d'imbécil-
lité symptomatique de méningite, dont le diagnostic pré-
cis a une véritable importance au point de vue du pronos-
tic et du traitement. Il est certain, en effet, que, dans les
cas de ce genre, on a peu de chance d'obtenir une modifi-
cation des facultés intellectuelles sous l'influence de l'édu-
cation, puisqu'il s'agit non pas d'une lésion qui a produit
tous ses effets, mais d'une lésion en voie d'évolution et
parfois, comme ici, tout à fait au-dessus de nos ressour-
ces.
142 '2 alcoolisme CHEZ UN ENFANT.
Alcoolisme chez un enfant de 4 ans. Démence
et épilepsie symptomatiques de méningo-en-
céphalite. - Diphthérie ;
Par BOURNEVILLE et BAU\IGAItTGN.
Le titre seul de cette note indique, d'une manière trop
frappante, l'intérêt du cas qui suit, pour que nous ayons
besoin d'aucun préambule.
Sommaire. - Grand'mère maternelle rhumatisante .
Mère, fièvre typhoïde à 19 ans, avec délire.- Soeur,
morte de convulsions internes consécutives il la coque-
luche. - Rachitisme. - Intelligence normale jusqu'à
3 ans. Alcoolisme (vin blanc) à partir de 4 ans.
Premières convulsions à 4 ans (mai 1885) : affaiblisse-
ment consécutif de l'intelligence ; irritabilité.
Deuxièmes convulsions 15 jours après les premières.-
Accès d'épilepsie. Prédominance des convulsions
à gauche. - Nouvelles convulsions (juillet et août).
Vertiges (novembre 1885). Paralysie (novembre
1885).- Tremblement choréifornze.- Epilepsie symp-
tomattque ; accès de plus en plus rapprochés ;
gâtisme; accès de colère. - Plaies dans les chutes
convulsives ; cicatrisation rapide.- Diphthérie ; mort.
Méningo-encéphalile.
Enderl..., Charles, né à Paris, le 27 mai 1881, est entré
le 12 juin à Bicêtre (service de M. BOUnNt : .VILLt : ).
Renseignements fournis par le père et par la mère.
- Père, 29 ans, cuisinier dans un hôtel particulier, grand,
châtain ; a toujours été bien portant, sobre, il n'a jamais eu
d'accidents nerveux (migraines, etc.), ni de rhumatismes,
de dermatoses ou de syphilis. [Père, 62 ans, cultivateur,
bien portant, sobre. Mère, 64 ans, ménagère, est
atteinte d'un rhumatisme articulaire chronique ; les
quatre membres sont pris et ne fonctionnent plus.
ANTÉCÉDENTS. 143
Rien du côté des grands parents paternels. - Trois frères
et deux soeurs jouissant d'une bonne santé; ni les uns ni
les autres n'ont d'enfants. - Trois oncles paternels ne pré-
sentent aucune maladie ; l'un d'eux a eu une dizaine d'en-
fants parfaitement sains. Une <y)'a ? 7d'tan<e,âgée de 87 ans,
est en enfance depuis 3 ans. Ni aliénés, ni épileptiques, ni
difformes, ni idiots, ni suicidés, ni condamnés dans la
famille.]
Mère, 29 ans, couturière, bien portante, blonde, physio-
nomie régulière, intelligente. Depuis 4 ou 5 mois, elle a
des douleurs de tête. Pas de convulsions dans l'enfance,
ni de maladies nerveuses, de dermatoses, do rhumatismes.
Elle est impressionnable, mais elle n'a jamais ou d'attaques
ni de syncopes. Elle a eu une fièvre typhoïde à 19 ans, ac-
compagnée de délire intense et non suivie de troubles
intellectuels. [Père, mort d'une affection cardiaque vers
42 ans ; forgeron, sobre ( ? ). Pas de renseignements sur
les grands parents paternels et maternels. - Deux frères,
l'un mort des suites d'une opération dont on ignore la
nature à l'hôpital Beaujon, sans enfants ; l'autre est bien
portant ainsi que sa fille. Pas d'aliénés, pas d'idiots ni
d'arriérés, ni de malformations]. - Pas de consanguinité.
Deux enfants : 1° notre malade ; 2° une fille morte à
9 mois, de convulsions internes,à la suite d'une coqueluche
accompagnée de l'évolution de 4 dents ; ces convulsions ont
duré 4 jours.
Notre malade. La conception a eu lieu trois mois
après le mariage. les parents étaient bien portants. La
grossesse a été absolument normale, aucun accident n'est
survenu. L'accouchement s'est fait à terme, sans diffi-
culté, sans chloroforme. A la naissance, l'enfant ne
présentait pas de signes d'asphyxie. - Elevé au sein, en
nourrice dans la Mayenne, il n'est revenu qu'au bout de
2 ans. Première dent à 4 mois, les autres ont poussé
promptement ; il marchait à 8 mois et, de bonne heure, il
parlait le patois du pays. L'enfant venait bien en nourrice,
toutefois il avait du rachitisme des jambes qui étaient
« en cerceau. » A 2 ans seulement, il a commencé à
être propre. A cet âge, il était intelligent, caressant, très
nerveux et n'avait pas eu encore de convulsions.
Ses parents l'ont repris à 3 ans, en bonne santé et, après
l'avoir gardé une semaine, ils l'ont envoyé à Altkirch chez
ses grands parents paternels avec lesquels il est resté de
3 ans à 4 ans 1/2. C'est à 4 ans que se sont manifestées les
premières convulsions qui auraient duré une heure. Entre
144 EXCÈS ALCOOLIQUES : CONVULSIONS.
les crises, il ne reprenait pas connaissance et paraissait être
mort. Ces convulsions ont été attribuées à l'abus du vin
blanc. Les grands parents, en effet, tenaient une auberge et
les consommateurs faisaient boire, en cachette, l'enfant du
vin blanc pour lequel il avait beaucoup de goût ; il descen-
dait même furtivement à la cave, et là il buvait. On pense
que plusieurs fois il aurait été ivre. La veille du jour où
sont survenues les premières convulsions, il s'était enivré
au point qu'on avait été obligé de le coucher.
Quoiqu'il se soit relevé le jour même où il a eu ses con-
vulsions, on s'est aperçu que l'intelligence était atteinte :
il parlait mal, ne pouvait fixer son attention, n'écoutait pas
ce qu'on lui disait (mai 1885). Quinze jours plus tard, nou-
velles convulsions qui ont duré une demi-heure ; puis,
pour la troisième fois, convulsions six semaines après les
précédentes. En juin, les troubles intellectuels ont paru
s'améliorer et l'attention paraissait plus facile à fixer. Les
convulsions ont reparu à diverses reprises en juillet et
août. L'enfant, qui auparavant était propre, cessa de
l'être et devint gâteux.
Pendant G semaines (septembre et octobre), les convul-
sions ont disparu pour revenir de nouveau à la fin d'oc-
tobre. En novembre, l'enfant est devenu incapable de
marcher. En novembre et en décembre, les convulsions,
qui avaient pris l'allure d'accès d'épilepsie, se montraient
chaque jour variant de 1 à 8 ; elles prédominaient à gauche.
Ace moment, En... a cessé de manger seul. Des vertiges se
sont manifestés un peu avant l'apparition de l'affaiblisse-
ment paralytique.
La mère a repris son enfant en janvier 1886. A cette
époque, il ne marchait plus, ses jambes, ses bras étaient
mous, incapables de déployer la moindre force. Les, mou-
vements des membres supérieurs s'accompagnaient de
tremblement; il pouvait parler, mais la parole était mal
articulée; souvent, on ne le comprenait pas; il ne pouvait
prononcer que des mots; il était incapable d'articuler une
phrase entière. Il était resté affectueux et reconnaissait bien
son père et sa mère.
Depuis janvier, les accès venaient à peu près tous les
quinze jours; ils duraient à peine cinq minutes. Toujours
le côté gauche a été plus atteint; il était rigide, mais on
n'a pas observé de secousses cloniques. Le côté droit n'était
pas raide.
Plusieurs fois par jour, l'enfant avait des vertiges, on en
a compté une dizaine en moyenne; ils duraient quelques
secondes : la tête se penchait, les paupières se fermaient et
PARALYSIE, IMBÉCILLITÉ, EPILEPSIE. 145
tout était fini. Enfin,deux ou trois fois par jour, il avait des
secousses du tronc.
Pendant les cinq mois qu'il est resté chez ses parents, il
ne s'est produit aucune modification de l'intelligence, ni
progrès, ni déchéance plus accentués. La parole est restée
également stationnaire. Le plus souvent, il demandait par
signes. Il bavait fréquemment; il n'a pas eu de grincements
de dents, de balancements, de tics, ni d'onanisme. On n'a
pas observé de strabisme : il fixait bien ses yeux; on a re-
marqué cependant que lorsqu'il voulait saisir un objet, il
dirigeait sa main à côté ; on attribue ce manque de préci-
sion dans les mouvements, soit à la maladresse due au
tremblement, soit à une faiblesse de la vue.
Aucune manifestation strumeuse, aucune fièvre éruptive,
ni coqueluche, ni bronchite, etc.
Il est entré à l'hôpital des Enfants-Malades le 7 juin et à
Bicêtre le 12 juin. En l'amenant dans cet hospice, son père
a remarqué qu'il avait la fièvre. Le lendemain, sa mère l'a
trouvé calme et moins énervé que de coutume (1) ; il n'a
mangé qu'un très petit morceau du gâteau qu'elle lui avait
apporté. Il a toussé une fois; sa toux était rauque; on au-
rait dit qu'il allait étouffer. Notons en passant qu'il n'existe
aucun cas de diphtérie dans la maison.
Etatactuel (13 juin). Poids, 16 kil. 70; - taille, 1 mè-
tre 04. - Tête assez grosso, un peu carrée, développement
modéré de l'occipital; bosses pariétales un peu saillantes,
la droite un peu plus que la gauche; front, moyenne-
ment élevé ; bosses frontales assez saillantes, dépression
latérale sur les tempes ; arcades sourcillières déprimées.
146 DIPHTHÉRIE.
d'entre elles ont la forme papuleuse. - Les amygdales
sont couvertes de larges plaques diphthériques, grisâtres,
sanieuses. Une d'elles s'est détachée spontanément; on dé-
tache les autres facilement avec un pinceau. Elles laissent
au-dessous d'elles des surfaces ulcérées, saignantes; la
bouche est remplie d'une sanie infecte.
Cou normal, circonférence 30 centimètres. Epaules bien
conformées. Le thorax est bien musclé, symétrique, sa
circonférence sous les aisselles est de 53 centimètres et de
55 centimètres au niveau des mamelons, et, à la base, de
54 centimètres. L'abdomen et le rachis n'offrent rien de
particulier.
Membres supérieurs, normalement conformés; leurs
dimensions sont semblables des deux côtés. - Membres
inférieurs, bien musclés, symétriques, sans déformation ;
articulations libres.
Organes génitaux : Pénil glabre, bourses pendantes ;
testicules de la grosseur de très petites olives ; prépuce
assez long; pas de phimosis ; méat normal.
Peau blanche et fine, pas de cicatrices; cheveux châtains,
abondants ; sourcils peu accusés; cils noirs, assez abon-
dants.
14 juin. - Faciès pâle, plombé ; ganglions sous-maxil-
laires très augmentés de volume; oedème du cou. La res-
piration est fréquente, avec le type costal supérieur, la
voix est extrêmemeut sourde, voilée. La toux peu fréquente
a un timbre voilé; on n'a pas noté d'accès de suffocation.
A l'auscultation, rien au poumon ; les bruits du coeur
sont indistincts, formant une sorte de murmure continu.
Dans la soirée la dyspnée augmente ; il y a des signes
d'asphyxie : lèvres bleues, extrémités froides, tirage abdo-
minal et sus-claviculaire; sifflement respiratoire; pas
d'accès de suffocation.
La trachéotomie est pratiquée à 9 heures du soir
(M. Baumgarten). Issue de fausses membranes par la
canule, Légère amélioration après l'opération; l'enfant
boit avec avidité à plusieurs reprises et semble respirer
plus librement.
15 juin. - L'asphyxie continue, refroidissement des
extrémités, cyanose légère des lèvres et du nez. A la base
du poumon gauche, râles sous-crépitants disséminés.
T. R. 38°,5. - Soir : 38°,6.
16 juin. - Mort dans le collapsus à 10 heures du soir.
T. R. un quart d'heure après la mort 38°; une heure
après, 36°; deux heures après, 3'i°. *
LÉSIONS DIPHTHÉRITIQUES. 147
Autopsie le 18 juin, à 8 heures du matin. Sujet bien
développé; coloration verdâtre de l'abdomen non ballonné ;
situation normale des organes de l'abdomen; la troisième
côte présente un dédoublement de son cartilage costal.
Péricarde, rien de particulier. - Coeur, en systole;
caillots fibrineux dans l'oreillette et le ventricule droits ;
rien dans le coeur gauche. Persistance du trou de Botal ;
valvules, endocarde, normaux.
Poumons. Le gauche pèse 205 gr. et offre de l'oedème
et des noyaux disséminés de broncha-pneumonie; les
bronches ne renferment pas de fausses membranes. Le
droit est normal. Le thymus persiste. Les amygdales, la
glotte, l'épiglotte sont couvertes de pseudo-membranes;
les fausses membranes ne descendent pas au-dessous de la
glotte, sauf à droite de l'incision trachéale, où l'on re-
marque une petite plaque diphthérique.
Abdomen. Rate petite, 55 gr., normale. Tous les autres
organes sont normaux. Chaque rein pèse 55 gr. ; le
foie, 570 gr.
Tête. A l'ouverture du crâne, la dure-mère paraît adhé-
rente aux os; le sinus longitudinal supérieur renferme du
sang et des caillots. La calotte et la base du crâne parais-
sent symétriques, cependant la fosse pariétale droite
semble un peu plus développée que la gauche ; les sutures
sont normales.-Cerveau. La pie-mère est injectée; les dif-
férents organes de la base de l'encéphale sont symétriques
(nerfs, pédoncules, protubérance, artères, sauf la commu-
nicante postérieure droite qui est d'un calibre plus petit).
Les deux hémisphères pèsent chacun 430 gr. Le cervelet
et l'isthme pèsent 95 gr. Dans son ensemble, l'encéphale
(955 gr.) est mou et lourd. Pas de lésions en foyer. On
trouve des adhérences delà pie-mère extrêmement pronon-
cées avec la substance cérébrale qui est très molle. La dé-
cortication ne s'opère qu'en entraînant des morceaux de
la substance cérébrale. Le cervelet se décortique avec faci-
lité ; il paraît plus dur au toucher qu'à l'ordinaire.
Hémisphère droit. - Ce qui frappe tout d'abord, c'est
que le lobe frontal, la moitié postérieure de la région
pariétale et le lobe occipital sont moins développés que
les parties centrales et que le lobe temporal.- Sur toute la
partie postérieure de l'hémisphère, depuis la scissure inter-
pariétale jusqu'à la scissure parallèle, la pie-mère a em-
porté avec elle une portion de la substance grise. La môme
lésion se retrouve sur la pariétale ascendante, la frontale
148 ! IlÉl\INGO-ENCÉPHALITE.
ascendante, la partie postérieure de la deuxième circonvo-
lution frontale, la partie antérieure de la troisième cir-
convolution frontale, mais disséminées en petites plaques
irrégulières.
La première circonvolution frontale est maigre dans sa
moitié antérieure et assez développée dans sa moitié posté-
rieure. Elle s'insère de niveau sur la frontale ascendante.
Elle envoie deux plis de passage à la deuxième circonvo-
lution frontale. - La deuxième circonvolution frontale,
plus amaigrie encore que la précédente, est sinueuse et
s'insère à mi-hauteur sur la frontale ascendante. Elle en-
voie trois plis de passage à la troisième circonvolution
frontale. - La troisième circonvolution frontale est
maigre à sa partie moyenne et postérieure, atrophiée dans
sa partie antérieure. Les sillons sont assez profonds. La
scissure parallèle frontale est profonde dans toute sa
hauteur, excepté au niveau de l'insertion de la deuxième
circonvolution frontale. - La frontale ascendante est bien
développée, très sinueuse. -- Le sillon de Rolando est
profond. - La pariétale ascendante est très large dans
son quart supérieur, maigre à sa partie moyenne, atrophiée
dans son quart inférieur. Le pli pariétal supérieur est
atrophié ; le pli pariétal inférieur, au contraire, est assez
développé.- Le pli courbe, assez volumineux en avant,est
atrophié en arrière. L'atrophie porte aussi sur tout le
lobe occipital et sur les parties postérieures de la première
et de la deuxième circonvolution temporale.
La première circonvolution temporale est atrophiée
dans sa partie antérieure ; elle n'est bien développée qu'à
sa partie moyenne. Elle envoie un pli de passage à la
deuxième circonvolution temporale et deux au lobule de
l'insula au fond de la scissure de Sylvius. La scissure
parallèle est profonde et sinueuse. La deuxième circonvo-
lution temporale est bien développée et envoie deux plis
de passage à la troisième circonvolution temporale. - Le
lobule de l'insula présente trois digitations assez maigres.
- La scissure de Sylvius n'offre rien de particulier. -
Sur le lobe orbitaire les circonvolutions sont sinueuses, la
scissure en II est bien dessinée. - La circonvolution du
lobe olfactif est normale.
Face interne. La première circonvolution frontale,
sinueuse, un peu irrégulière, envoie un pli de passage à la
circonvolution du corps calleux et deux au lobule para-
central. Le lobule paracentral est long et coupé pro-
fondément par le prolongement du sillon de Rolando.
Le lobule quadrilatère est peu développé dans son ensemble
ATROPHIE CONSÉCUTIVE DES CIRCONVOLUTIONS. HO 9
et surtout en arrière. - La circonvolution du corps cal-
leux est uniforme, non sinueuse. Le coin, atrophié, a
un aspect vermiculé.
Le lobe occipital est atrophié comme sur la face externe.
La circonvolution de l'hippocampe est régulière, mais
non plissée. - La corne d'Ammon, le ventricule latéral,
le corps calleux, la couche optique, le corps strié, n'offrent
rien de particulier.
Hémisphère gauche. Toute la face externe est tomen-
teuse, comme déchiquetée, car presque partout une couche
assez épaisse de la substance grise a été entraînée avec la
pie-mère; nulle part cependant la substance blanche n'est
mise à nu. - Les portions les moins malades sont : la
partie inférieure de la troisième circonvolution frontale, la
moitié inférieure de la frontale ascendante, les deux tiers
supérieurs de la pariétale ascendante, la moitié antérieure
de la temporale et le lobule de l'insula.
La première circonvolution frontale, sinueuse, s'insère
par une sorte de crochet sur la frontale ascendante et en-
voie deux plis de passage à la deuxième circonvolution
frontale. - Celle-ci, très sinueuse, donne un pli de pas-
sage à la troisième frontale. Les sillons qui séparent ces
trois circonvolutions sont profonds. La scissure paral-
lèle frontale est tortueuse, profonde, ininterrompue sur
presque toute la hauteur de l'hémisphère. La frontale
ascendante est très sinueuse et assez maigre. - Le sillon
de Rolando est profond. La pariétale ascendante n'est
pas plus développée que la frontale ascendante, mais très
sinueuse. Le lobule pariétal supérieur est composé de
circonvolutions très grêles. - Le lobule pariétal inférieur
et le pli courbe sont peu développés. La scissure per-
pendiculaire externe, à peu près ininterrompue, est très
profonde. - Le lobule orbitaire est petit, mais se dis-
tingue facilement. - La première circonvolution tem-
porale envoie deux prolongements au fond de la scissure
de Sylvius ; elle est plus développée à sa partie postérieure
qu'à sa partie antérieure. La deuxième circonvolution
temporale communique par deux plis de passage volumi-
neux avec la troisième circonvolution temporale. - Celle-
ci est irrégulière, mais assez grosse, coupée en quelque
sorte par le sillon qui sépare les deux plis de passage dont
il vient d'être question. - La scissure parallèle est pro-
fonde ; le même caractère se remarque sur tous les autres
sillons. La scissure de Sylvius et le lobule de l'insula
n'offrent rien de particulier.
150 MÈNINGO-ENCÉPHALITE.
Lobe orbitaire.-La circonvolution du lobe olfactif est L
grêle, le reste du lohe peu plissé.
Face interne. - La première circonvolution frontale
est large et très sinueuse. - Le lobule paracentral est
long. Il présente un sillon vertical, profond, en forme de
T, ainsi qu'une encoche, terminaison du sillon de Rolando.
- La circonvolution du corps calleux est large et unie ;
le sillon calloso-marginal est profond. Le lobe quadrf-
latère est borné par des sillons larges et profonds. La
scissure calcarine et la scissure perpendiculaire interne
sont très distinctes. Le coin est petit.
Sur cette face, il n'existait d'adhérences qu'au niveau de
la partie antérieure de la première frontale, de la partie
supérieure du lobe quadrilatère, et un peu sur le bord du
coin.
La corne d'Azzzmon, le ventricule latéral, la couche
optique, le corps calleux sont normaux.
Examen histologique fait par M. PILLIET, aide préparateur
d'histologie. - a) Lobe frontal de l'hémisphère gauche.
Les méninges sont restées adhérentes sur les coupes ; et on
les voit constituées surtout par des vaisseaux très dilatés et
remplis de sang ; les veines sont particulièrement énormes ;
les capillaires qui plongent dans la substance cérébrale sont
aussi très gonflés et parfaitement visibles, quelques-uns sont
rameux. Dans la substance grise, la couche superficielle de né-
vroglie a son épaisseur normale, peut-être les noyaux des cel-
lules sont-ils un peu plus abondants que chez un enfant sain
du même âge. La seconde couche, celle des petites cellules
pyramidales, présente des altérations dans le nombre de ces
éléments qui est extrêmement diminué, et dans leur disposition
réciproque. Au lieu de former un mur do cellules serrées, vi-
sibles au premier coup d'oeil, elles sont assez dispersées, par
groupes de trois à cinq, en sorte qu'on ne retrouve pas à un
faible grossissement l'aspect connu de cette couche, et qu'il en
faut chercher les éléments. Dans les deux couches suivantes,
couche des cellules pyramidales moyennes et couche des
grosses cellules, on observe, vu la grosseur des éléments, des
lésions plus nettes. Les cellules sont diminuées de nombre ; en
revanche, les noyaux petits et sphériques qui révèlent les
cellules névrogliques sont augmentés et dispersés. Les cel-
lules au lieu d'être disposées en séries régulières, bout à bout,
limitées parles fibres d'origine de la substance blanche, pré-
sentent les mêmes séries morcelées par disparition de cellules
intercalaires; en sorte qu'on ne voit que des groupes continus de
plusieurs cellules en nombre assez restreint, ressemblant à des
EXAMEN HISTOLOGIQUE. 151
capsules allongées de cellules de cartilage. Les cellules situées
àlalimite des deux couches intermédiaires aux grandes cellules
pyramidales et aux moyennes, présentent à son maximum une
altération dont on retrouve des états différents sur toutes les
couches. Elles sont d'abord gonflées, hyalines, avec une accu-
mulation considérable de granules jaune ambré autour des
noyaux; puis restant toujours hyalines, elles sont beaucoup
plus petites, ont une forme en fuseau, et n'offrent pas de pro-
longements distincts. Enfin, à un troisième état, on ne voit
qu'un noyau sphérique, avec un petit amas de granules ré-
fringents autour de lui. La plupart des cellules sus-mention-
nées, présentent les différents degrés de cette altération, avec
cette particularité que la plupart des cellules que l'on voit
dans un même champ du microscope, sont à peu près aumême
état; tandis que, plus loin, on rencontre des groupes de cel-
lules à autre état. Les capillaires dans ces deux couches sont
ramifiés et dilatés, mais leur développement n'est pas excessif.
Dans la couche suivante de la substance grise et dans la
substance blanche, ce qui domine c'est l'accumulation des
noyaux des cellules interstitielles. Il n'y a qu'un petit nombre
de corps granuleux. En résumé, on constate la congestion
vasculaire, la multiplication des cellules de la névroglie et la
disparition des cellules nerveuses, disparition qui nous est
expliquée par les différents états aboutissant à l'atrophie que
l'on peut observer sur les coupes.
Sur une coupe du lobe pariétal, les lésions sont absolument
du même ordre, mais plus avancées, et paraissent avoir mar-
ché du centre à la périphérie. En effet, si nous reprenons
l'étude des couches en sens inverse, nous voyons d'abord la
substance blanche très vascularisée et présentant les figures
connues sous le nom d'éléments araignées. La couche intermé-
diaire, couche des fibres arquées, et la couche des grandes
cellules pyramidales ne se composent plus que de faisceaux
fibrillaires descendants avec de nombreuses cellules intersti-
tielles, et c'est dans la couche des cellules pyramidales moyen-
nes que l'on retrouve l'évolution des lésions cellulaires telles
que nous venons de l'indiquer. Au-dessus, la sériation des
cellules a tout à fait disparu. La couche la plus superficielle
de la substance grise a été en partie enlevée avec les méninges,
surtout aux points de pénétration des capillaires.
Sur une coupe du lobe occipital, une portion assez considé-
rable de substance grise a été enlevée avec la pie-mère, ce qui
en reste présente une diminution portée à l'extrême des élé-
ments pyramidaux. A la limite de la substance blanche, l'accu-
mulation des noyaux petits et sphériques des cellules intersti-
tielles est très marquée. Dans les portions périphériques, au
152 ALCOOLISME CHEZ UN ENFANT.
contraire, les éléments cellulaires sont rares et dispersés au
milieu d'un tissu cellulaire abondant.
b) Cervelet, Hémisphère droit, rien à noter. Les cellules du
Purkinje sont admirablement conservées. En résumé, les lé-
sions paraissent plus marquées sur les régions postérieures
de l'hémisphère et se composent toujours des deux mêmes
éléments, sclérose interstitielle et lésion des cellules pyrami-
dales, évoluant parallèlement.
c) Moelle cervico-dorsale. Les cordons blancs sont symé-
triques ; dans la substance grise, tuméfaction hyaline assez peu
accentuée dans les cellules des cornes antérieures; les cornes
sont égales; le canal de l'épendyme est intact.
d) Moelle lombaire. - Même aspect, congestion intense des
méninges.
e) Amygdales. - Il existe des traînées embryonnaires nom-
breuses dans le tissu de l'amygdale, un certain nombre de
points do mortification sur la paroi des cryptes.
f) Glandes sous-maxillaires. - Pas de suppuration ; mais
les cellules petites, cubiques, non granuleuses, remplissent les
culs-de-sac et paraissent revenues à l'état indifférent.
I. L'existence d'une intoxication alcoolique est indu-
bitable chez le jeune Enderl..., car, d'une part, nous ne
trouvons dans ses antécédents ni épilepsie ni aucune autre
maladie nerveuse et, d'autre part, lorsqu'il a été envoyé en
Alsace, à l'âge de trois ans, il marchait, parlait, était propre
et avait l'intelligence des enfants de son âge. Ce n'est
qu'après une année passée chez son grand-père, auber-
giste, et à la suite de libations répétées qu'apparurent de
graves accidents.
La nature des symptômes et leur évolution appartiennent
bien à l'alcoolisme. Les premières convulsions se mon-
trèrent le lendemain d'un jour où l'enfant s'était complè-
tement enivré. Elles prédominèrent sur le côté gauche du
corps et cette prédominance se remarqua durant les états
de mal convulsifs qui survinrent à des intervalles plus ou
moins longs, jusqu'à l'apparition des accès d'épilepsie
symptomatique (nov. 1885). Ces accès ne se montrèrent
d'abord qu'une fois par mois, puis se rapprochèrent rapi-
dement et bientôt on en compta plusieurs par jour.
En môme temps, Enderl... éprouva des vertiges, du
tremblement, des secousses, accidents susceptibles d'être
rattachés aux lésions produites par l'alcoolisme.
Les troubles intellectuels ont suivi une marche rapide
MÉNINGO-ENCÉPHALITE GÉNÉRALISÉE. ! 53
et progressive, car un an après le départ de l'enfant pour
l'Alsace, lorsqu'il fut repris par sa mère, il ne parlait plus,
était incapable d'attention, ne pouvait plus marcher; les
membres supérieurs étaient agités de tremblements, enfin
il gâtait : la déchéance était complète.
Notons que les symptômes, une fois établis, n'ont pas
rétrocédé, bien que l'enfant ait été soustrait par sa mère à
l'influence de l'alcool, peu après l'apparition des premières
convulsions. Ces particularités sont probablement dues
à l'âge tendre du buveur, l'alcool ayant produit, sur
son cerveau en voie d'évolution, des lésions définitives.
Dans ces conditions le pronostic était absolument grave,
les chances d'amélioration par le traitement médical, hygié-
nique et pédagogique-si utile dans d'autres cas - deve-
naient presque complètement nulles.
II. La diphtérie, contractée dans un court séjour à
l'hôpital des Enfants-Malades et qui a revêtu la forme
toxique, n'a rien présenté de remarquable ; elle a entraîné
la mort, malgré la trachéotomie. La fièvre n'a point dé-
passé 38°,6 (1); aussi est-ce plutôt à la diphthérie qu'à la
fièvre qu'il faut attribuer l'absence d'accès convulsifs chez
Enderl... depuis son entrée à Bicêtre.
III. Les lésions trouvées à l'autopsie sont celles d'une
méningo-encéphalite, étendue à presque tout le cerveau,
prédominant sur les lobes occipitaux et pariétaux, mais
ayant aussi atteint les lobes frontaux. La sclérose céré-
brale, lésion ordinaire de l'alcoolisme, explique bien les
troubles de l'intelligence et de la motilité, la déchéance
profonde et incurable observée chez cet enfant (2) et rend
bien compte de la prédominance des convulsions sur le
côté gauche du corps. -
(1) Le 15 juin : matin, 3Sa,5; -soir, 38°,6 ; un quart d'heure
après la mort, 38° ; une heure après. 36° ; - deux heures
après, 3h.
(2) La présentation des pièces, faite à la Société anatomique,
a été complétée par la présentation de la photographie de l'en-
fant et du moulage de sa tête, ainsi qu'il en a été pour toutes les
présentations, provenant du service des enfants de Bicêtre depuis
1880.
BOURNEVILLE, 1885. 11
15 i IDIOTIE COMPLÈTE.
V.
Idiotie complète symptomatique d'une atrophie
cérébrale double;
Par bourneville et BRICON.
Il s'agit, dans le cas que nous allons exposer, d'une ma-
ladie nerveuse assez commune de l'enfance, l'atrophie
cérébrale. Elle est, ici, consécutive à des lésions aiguës
graves ayant détruit complètement les lobes temporaux et
en grande partie les lobes occipitaux et les lobules do
l'insula. Nous serions heureux si, en attirant l'attention
sur les faits de ce genre, nous parvenions à engager nos
lecteurs à étudier minutieusement la période aiguë de ces
affections si intéressantes et dont l'histoire clinique offre
encore tant de lacunes.
OBSERVATION.- Père : convulsions dans l'enfance, peu in-
telligent, sujet à un tic, eczéma, ouvrier manipulant le
sulfure de carbone, migraines consécutives. Grand-
père paternel et arrière-grand' mère maternelle, alcoo-
liques.- Oncle paternel mort de convulsions.
Mère : aliénée. - Grand-père maternel : excès de
boissons.
Grossesse un peu tourmentée. Pas de convulsions
dans l'enfance. Impétigo, ophthalmie, strabisme
divergent. - Dentition de lait, gingivite ulcéreuse.-
Balancement; grincements de dents; parole nulle ;
- marche à 4 ans ; salacité ; - phimosis ; gâ-
tisme ; insomnie ; - accès de colère ; - recoque-
villement des membres inférieurs ; stomatite ; diar-
rhée ; escharres ; amaigrissement progressif
bronchite ; mort.
Autopsie : Perméabilité du trou de Botal; conges-
tion des poumons ; bronchite ; - calcul rénal. - En-
céphale : Destruction complète des lobes temporaux et
occipitaux, des lobules de l'insula remplacés par deux
pseudo-hystes ; pseudo-kystes plus petits sur les lobes
antécédents héréditaires. 155
frontaux. Isp/meh'ze et inégalité do poids des hémis-
phères ; atrophie de certaines circonvolutions. Sots : -
sure transversale des frontales ascendantes.
Ren ? Auguste, né le 10 juin 1880, est entré le 27 no-
vembre 1884, à Bicêtre (service 4e M. DouRNEVthLE) et y
est décédé le 29 mars 1885.
Renseignements fournis par sa mère (8 décembre 1884).
- Père, 29 ans, homme de peine, grand, peu intelligent,
aurait eu dans l'enfance un eczéma et des convulsions, n'a
jamais pu apprendre à lire, est un peu emporté, Il a tra-
vaillé 5 ans dans une fabrique de caoutchouc; c'est là
qu'il aurait commencé à avoir des migraines, qui sont
devenues moins fréquentes depuis qu'il en est sorti. Enfin,
il serait atteint d'un tic : Il roule toujours quelquechose
dans les mains (mouchoir, pain, ou n'importe quel autre
objet) dès qu'il ne travaille pas. [Père, homme de peine,
bien portant, fait do fréquents excès de boissons ; il n'offre
pas d'accidents nerveux. - Mère morte du charbon.
Grand-père paternel mort on ne sait de quoi. Grand'mère
patern ! 3lle : excès de boissons fréquents. - Grand-
père et grand'mère maternels, pas de détails. Un
frère a été enlevé à 3 ans par des convulsions, Une soeur,
26 ans, n'a pas eu de convulsions, a fait des fausses
couches et a eu des enfants morts jeunes. Pas d'idiots,
d'aliénés, d'épileptiques, de difformes, de suicidés ou de
criminels dans la famille].
Mère, 28 ans, de petite taille, blonde-châtain, a une
physionomie régulière, est intelligente, bien portante. Elle
n'a pas eu de convulsions, de migraines ou d'attaques de
nerfs, mais elle est un peu coléreuse. A l'âge de 18 ans,
elle a quitté sa mère pour vivre pendant trois semaines
avec un amant dont elle n'a pas eu d'enfant ; elle fut prise
de folie et enfermée à Sainte-Anne où elle est restée deux
ans, elle y travaillait tantôt au raccommodage pour la mai-
son, tantôt au crochet pour les soeurs. Depuis sa sortie,
elle n'aurait plus ressenti aucun trouble psychique.
[Père, mort à 47 ans d'un asthme; il faisait,dit-on, quelques
excès de boissons. - Mère morte, à l'âge de 63 ans, d'une
maladie du coeur.- Pas de détails sur les grands parents.
Un frère jouit d'une bonne santé, ainsi que deux soeurs,
l'une est mariée, a des enfants qui n'ont jamais eu de
convulsions. Pas d'aliénés, etc., dans la famille].
Pas de consanguinité.
Deux enfants ; ¡il notre malade; 2° une fille, âgée de dix
156 ANTÉCÉDENTS PERSONNELS.
mois, qui parait intelligente, prononce quelques mots, et
n'a pas eu de convulsions.
Notre malade. A l'époque de la conception, le père de
l'enfant travaillait déjà dans une fabrique de caoutchouc,
et souffrait de fréquentes céphalalgies. - Grossesse tour-
mentée par le chagrin provenant de ce que sa belle-mère,
concierge dans sa maison, lui reprochait souvent de ne pas
avoir dit qu'elle avait été internée à Sainte-Anne; elle eut
des discussions avec sa soeur et sa belle-soeur qui vint un
jour pour la battre. Le temps de la grossesse s'écoula sans
aucun autre accident, sans syncopes, ni envies de
boire, etc. Accouchement naturel, à terme, sans chloro-
formisation.-A la naissance, l'enfant n'était pas asphyxié,
paraissait normal. Elevé au sein par sa mère, il a
été sevré à 18 mois.
C'est vers l'âge de 8 à 9 mois, que la mère de l'enfant a
constaté les premiers signes de l'idiotie; elle s'étonnait de
ce qu'il ne se tenait pas sur les jambes, de ce qu'il ne riait
pas comme les autres enfants (il n'a jamais ri); « mais, dit-
elle, il avait la figure tellement malade par le fait de la
gourme, qu'on ne s'occupait pas de le faire rire. » En effet,
du troisième jour de la naissance, à trois ou quatre mois,
il eut mal aux yeux et, à partir de deux mois, de l'eczéma
impétigineux du cuir chevelu, de la face, des mains et des
aisselles. Enfin, l'enfant ne devenait pas propre et n'ap-
prenait pas à parler.
Ren... a eu sa première dent à 15 mois seulement; les
autres sont ensuite venues rapidement. Il n'a marché qu'à
4 ans; à la maison on le laissait courir dans la chambre,
ou couché dans son lit ; si on l'asseyait, il restait en place
sans chercher à se lever. Depuis un an, il crie beaucoup,
ce qu'il ne faisait pas auparavant.
Ren... présente plusieurs tics : il grinçait beaucoup des
dents, grince moins maintenant, en dehors de ses colères;
il aime à se frotter les mains l'une contre l'autre (son père
fait souvent de môme) : il est atteint d'un balancement
antéro-postérieur du tronc ; au lit, il aime à se bercer lui-
même. Il tousse par moments ; ni bave, ni succion. Il est
capable de saisir le verre et de boire seul; il peut porter son
pain à la bouche, mais il ne sait pas se servir de la cuiller,
de la fourchette, etc. Il est salace, mange tous les débris
qu'il trouve, ses excréments qu'il roule et dont il se bar-
bouille; ni vomissements, ni rumination, parfois constipa-
tion, surtout il y a un an ou deux. Il a toujours été gâteux.
- Après le sevrage, il ne voulait boire que du lait; puis du
DESCRIPTION DE L'ENFANT. 157
lait et de l'eau sucrée et chaude ; il refusait de boire froid.
L'enfant prend tout ce qu'il trouve, le jette et le brise. Il
est inconscient du danger, est méchant, aime à griffer et à
mordre. Il se serait livré, mais rarement, à l'onanisme vers
deux ans ; maintenant il aurait perdu cette habitude.
Le sommeil est toujours mauvais depuis l'âge de 12
mois ; auparavant étant au sein, R... dormait mieux,
actuellement il pousse des cris sauvages » la nuit pen-
dant plusieurs heures, et on a beaucoup de peine à le ren-
dormir. Depuis qu'il marche, il crie moins la nuit, mais
continue à crier durant le jour.
R... n'aurait jamais eu de convulsions, ni de chorée, ni
devers, etc. ; il n'aurait eu non plus aucune fièvre éruptive,
aucune maladie infectieuse. Le traitement aurait con-
sisté uniquement en agents toniques et antiscrofuleux.
1884. 28 £ \ Novembre. Eczéma du cuir chevelu, de la face,
des oreilles. - Poids : 9 kil. 500. Taille : 0°'82. Traite-
ment : huile de foie de morue, sirop d'iodure de fer, bains
salés.
12 Décembre. Plaie contuse de la région temporale
droite, consécutive à une chute déterminée par un autre
enfant.
1885. 31 Janvier. - Poids : 9 kil. 200 gr. Taille : 0 m.
82 centim. L'amaigrissement est très prononcé. L'alimen-
tation est difficile, les forces déclinent, l'abdomen est gros;
les jambes sont grêles. Croûtes d'impétigo du cuir chevelu
et des oreilles que l'enfant fait saigner en se grattant. Blé-
pharite ciliaire. - Traitement : vin phosphaté, poudre de
viande, etc.
Etat actuel (Février 1885).- Tête, un peu petite ; bosses
frontales assez bien dessinées; région occipitale saillante;
protubérance occipitale peu marquée. Front étroit, légère
ligne en gouttière au niveau de la suture bi-frontale,
réseau veineux bien dessiné sur les tempes; oreilles bien
ourlées, très écartées du crâne, lobule petit.
J68 IDIOTIE COMPLÈTE.
bouche est un peu grande, les lèvres sont minces ; pas do
bave. Dentition de lait : les gencives présentent une ulcé-
ration sur leur bord formant bourrelet; elles ont une teinte
rouge vineuse, sont saignantes et ramollies, il existe des
languettes gingivales hypertrophiées et détachées des
dents surtout à la mâchoire supérieure. Voûte palatine
assez large et peu profonde.
Cou, 18 cent. et demi. Chapelets ganglionnaires. Le
thorax est conique, évasé à la base; sa circonférence, au
niveau du mamelon, est de 44 cent. et demi. Les espaces
intercostaux sont saillants. Le sternum a uno forme apla-
tie sans projection en avant; chapelet thoracique pro-
noncé. Le rachis est régulier, les apophyses épineuses
sont très saillantes.
L'auscultation et la percussion des différents organes
no révèlent aucune anomalie, mais sont rendues difficiles
par les cris poussés par l'enfant durant l'examen.
L'abdomen est rétracté avec un réseau veineux superfi-
ciel bien dessiné.-Digestion. Ren.... repousse et rejette les
aliments solides et prend volontiers du lait. Quand il a bu
ou fini de manger, il jette les objets. Il suce ses mains ;
cette succion a été constatée dès son entrée (1). Une vomit,
ni ne rumine; de temps en temps il est atteint de diarrhée
avec selles décolorées presque blanches. Gâtisme conti-
nuel.
Organes génitaux : Phimosis; verge très courte et reco-
quevillée ; les bourses sont rétractées, érythémateuses ; les
testicules sont de la dimension d'un petit haricot.
Membres supérieurs : très grêles et très amaigris. Deux
cicatrices de vaccin à chaque bras; les doigts à leur extré-
mité sont rouges.
Membres inférieurs '. Ils sont également très grêles et
ramenés sur l'abdomen, Les ongles présentent des crêtes
longitudinales alternant avec des dépressions. Le réflexe
tendineux rotulien est exagéré. L'enfant qui marohait en-
core seul à son entrée à Bicêtre (fin novembre) ne marche
plus. La peau est recouverte d'un duvet fin et abondant,
Erythème des fesses. '
L'ouïe paraît'normale : lorsqu on réprimande Ron...,on
attire momentanément son attention. Les autres sens
n'ont pu être examinés d'une façon sérieuse.
R..... aime à se balancer et chez lui le balancement est
non seulement antéro-postérieur, mais encore latéral.
(1) Contrairement au renseignement donné par la mère.
TICS, ACCÈS DE COLÈRE, ETC. ib9
Assis, il balance le tronc d'avant en arrière et la tête laté-
ralement ; debout, il balance la tête en tournant le corps,
ou bien encore il tourne la tête. L'habitude de griffer qu'il
avait à son entrée a diminué, ce qu'on attribue à ce que
les autres enfants en se défendant l'ont jeté à terre. Il porto
continuellement les mains à la tête, s'égratigne les oreilles
et les lèvres, mais no grince pas des dents. Le sommeil est
toujours agité ; R..... pousse des cris la nuit.
IL..... n'a jamais articulé aucun mot, aucune syllabe. Il
n'a à son service aucun geste pour exprimer ses désirs. Il
est sujet à des accès de colère qui se déclarent dès qu'on
le touche. Il frappe le sol des pieds. Il ne sait ni s'habiller,
ni se laver, etc.
11 Février : - L'amaigrissement est plus prononcé ; les
forces déclinent de plus en plus. Le cri est presque éteint.
Abdomen rétracté en bateau depuis hier, diarrhée très
abondante, séreuse. Peu do fièvre, pouls imperceptible.
Rem ne prend presque exclusivement que des aliments
liquides.
17 Février. Amélioration notable. La diarrhée a disparu.
Le sommeil est bon. Pas de fièvre.
19 Février. Même état, mais à l'inspection de la
bouche on trouve des plaques assez nombreuses de sto.
matite. - Badigeonnage au jus de citron.
14 Ml1.1's.- Toux quinteuse, fréquente; auscultation im-
possible.
20 Mars. - Amaigrissement général très prononcé ; les
os sont saillants ; rides en V au-dessus de la racine du nez;
les sillons naso-labiaux sont très-prononcés.
Los membres inférieurs ont l'attitude suivante : 1° à
gauche, cuisse fléchie directement et verticalement et
jambo fléchio en travers de l'abdomen de telle sorte crue le
genou vient s'appliquer juste au-dessous du sein gauche,
tandis que le talon vient reposer sur la partie supérieure
et interne do la cuisse droite et répondre à la partie
moyenne de l'aine droite ; 2° à droite la cuisse est
fléchie obliquement et en dehors du corps. La jambe est
complètement fléchio sur la cuisse et le talon repose sur le
grand trochanter. Légère raideur des genoux permettant
d'allonger facilement les membres.
Membres supérieurs : Le plus souvent, Ren... place les
deux mains sur la nuque, appliquées l'une sur l'autre.
Sur la bourse droite, on constate une légère excoriation
et des eschares du sacrum, des crêtes iliaques en arrière ;
do l'érythèmo des grands trochanters, de la malléole ex-
terne droite, enfin une plaquo cyanosée au coude droit.
1G0 IDIOTIE COMPLÈTE.
A la sertissure des dents, on trouve un léger liseré rou-
geâtre et saignant au moindre contact. Sur les joues, à la
face interne, se trouve une plaque un peu déprimée et gri-
sâtre, large comme une pièce de 50 centimes. A l'auscul-
tation, râles sous-crépitants, moyens, nombreux et dissé-
minés. Submatité de la fosse sus-épineuse. - Pouls
petit, filiforme, régulier. Le foie ne déborde pas le rebord
costal.
27 Mars. - Le cri faiblit de plus en plus ; l'enfant ne
prend plus que du lait. Toux faible, étouffée, fréquente.
Peu de diarrhée. Escharre du grand trochanter et de la
partie supérieure de la crête sacrée.
29 Mars. Décédé à 11 heures du soir. - Poids après
décès : 6 kil. 100 gr.-Si l'on compare les différents poids,
on voit que du 28 novembre 1884 au 31 janvier 1885, l'en-
fant, loin décroître, a maigri de 300 gr.,et que cet amaigris-
sement, qui n'a fait qu'augmenter jusqu'à la mort, s'est
traduit par une diminution de 3,400 gr.
Autopsie pratiquée le 1er avril.- L'abdomen est excavé.
Le tissu adipeux sous-cutané a complètement disparu.
Les muscles sont atrophiés, ont une coloration rouge sau-
mon. Pas de liquide dans la cavité abdominale. Le foie
remonte à deux travers de doigt au-dessus du rebord cos-
tal ; le diaphragme atteint à droite le bord supérieur de
la quatrième côte, à gauche le bord supérieur de la cin-
quième côte.
Les cavités pleurales ne contiennent pas de liquide.
Dans la cavité du péricarde, il existe environ deux cuille-
rées d'un liquide presque complètement clair. Le cccur
(30 gr.) en systole contient peu de sang liquide et quelques
caillots noirâtres. Le trou de Botal est perméable. Toutes
les autres parties du coeur et du péricarde sont normales
(valvules, myocarde, endocarde, etc.). Le poumon droit
(30 gr.) présente un peu de congestion à la base; les bron-
ches contiennent du muco-pus; les lésions sont les mêmes
sur le poumon gauche (25 gr.).
Rate normale. L'uretère gauche estdilaté; le droit un
peu moins. Les capsules surrénales n'offrent rien de par-
ticulier. Les reins sont lobulés ; le gauche contient dans
son bassinet un petit calcul et quelques graviers. Le rein
droit pèse 20 gr.
Le canal cholédoque est perméable. Leduodézicm n'offre
rien d'anormal. - L'estomac est recouvert d'un dépôt
muqueux très abondant et épais. - Foie (205 gr.), vési-
cule biliaire, intestins, ganglions mésentériques et pan-
ATROPHIE CÉRÉBRALE; PSEUDO-KYSTE. 161
créas (25 gr.), rien de particulier. Vessie dilatée. Les
testicules ne sont pas descendus, ils se trouvent dans le
canal.
La glande thyroïde est normale, mais très petite.
Larynx normal. - Sur la muqueuse buccale de la joue
gauche on trouve une ulcération en plaque, allongée, repo-
sant sur le tissu sous-jacent induré et répondant à l'espace
situé entre les deux arcades dentaires. A droite, au point
correspondant, il paraît avoir existé une môme lésion ac-
tuellement cicatrisée. La plupart des viscères contien-
nent très peu de sang.
Tête. - Le cuir chevelu n'offre rien de notable, sauf la
disparition complète du tissu adipeux sous-cutané. Les
différentes parties du crâne paraissent symétriques. Le
trou occipital, les fosses occipitales et la gouttière basilaire
forment un entonnoir beaucoup plus prononcé que d'ordi-
naire. - La calotte est assez mince; les sutures ne sont
pas ossifiées, sauf la bi-frontale. - On y trouve de nom-
breuses surfaces transparentes, surtout au niveau des pa-
riétaux, et à gauche.
On recueille 125 grammes de liquide céphalo-rachidien.
La dure-mère présente des adhérences aux os assez faciles
à détruire. Après l'incision de la dure-mère, on aperçoit
immédiatement une destruction complète des lobes tem-
poraux remplacés par un pseudo-kyste qui laisse voir par
transparence une coloration ocreuse du foyer. Au niveau
de l'extrémité antérieure des première et seconde circon-
volutions frontales gauches,une poche irrégulière de 3 cen-
timètres sur 2 centimètres, tremblotante, d'aspect rappe-
lant une hydatide, mais n'étant qu'un pseudo-kyste. A un
centimètre en arrière de ce pseudo-kyste,se trouve un petit
foyer occupant le troisième quart de la deuxième circon-
volution frontale gauche (un centimètre carré).
Le cerveau, reposant sur sa face convexe, on voit que
l'hémisphère gauche est en retrait de près d'un centimè-
tre sur l'hémisphère droit. La base du lobe frontal est
moins large à gauche qu'à droite. En arrière, le lobe occi-
pital gauche est en retrait de plus d'un centimètre au ni-
veau du bord convexe. Après macération prolongée dans
l'alcool, on trouve que l'hémisphère gauche mesure en
longueur 12 centimètres 7, le droit 12 centimètres 1/2.
Les deux hémisphères ont 7 centimètres de hauteur au ni-
veau de la pariétale ascendante; la largeur est de 3 centi-
mètres pour le gauche, de 3 centimètres 7 pour le droit.
On note également que les deux nerfs olfactifs ont une co-
162 INÉGALITÉ CROISEE DU CERVEAU ET DU CERVELET.
loration ocreuse et que le droit est d'un quart plus petit
que le gauche. La bandelette optique droite est de moitié
plus petite que la gauche. La pie-i2ère s'enlève facilement,
sauf Sur les surfaces kystiques. L'encéphale pèse 560 gr.-
Le cerveau 460 gr. - L'hémisphère cérébral droit pèse
278 gr., le gauche 187 gr.
Cervelet, GG gr. ; bulbe et protubérance, 14 gr. L'lzé-
misphère cérébelleux gauche pèse 7 gr. de moins que lo
droit.
Description des circonvolutions. Hémisphère gau-
che. Scissures ; La scissure de Sylvius est presque
entièrement comprise dans le pseudo-kyste le plus volumi-
neux, elle est réduite à une partie de la lèvre antéro-supé-
rieure du lobule orbitaire à l'extrémité postérieure et infé-
rieure de la pariétale ascendante. Le sillon de Rolando
est normal. La scissure parallèle frontale est complète.
La scissure interpariétale est réduite à sa lèvre anté-
rieure et supérieure, sa lèvre postérieure formant de oe
côté la limite du grand pseudo-kyste. Son rameau ascen-
dant existe et est régulier. - La scissure perpendiculaire
externe est réduite à sa lèvre supérieure. - La scissure
parafe est comprise entièrement dans le pseudo-kyste.
Sur la face interne, sauf la scissure perpendiculaire in-
terne, toutes les autres scissures sont normales.- La scis-
sure perpendiculaire interne est, à son extrémité posté-
rieure et inférieure, légèrement comprise dans le pseudo-
kyste ; à son extrémité inférieure et antérieure elle fait
partie, sur un centimètre environ, du même pseudo-kyste.
Face convexe. - Lobe frontal. Nous avons déjà
décrit les deux pseudo-kystes qui occupent l'extrémité an-
térieure des première et deuxième circonvolutions fron-
tales et celui qui est situé un peu en arrière à la partie
médiane de la seconde frontale. La première frontale
est bien développée, sinueuse dans toute la partie située
en dehors du kyste ; elle envoie deux plis de passage à la
seconde frontale. La scissure frontale supérieure ost dé-
doublée dans son tiers postérieur. La seconde frontale
est bien développée dans sos deux quarts postérieurs,
atrophiée dans la partie compriso entre les deux kystes
qui siègent à sa partie antérieure. - La scissure frontale
inférieure est normale, elle communique avec la première
non seulement par la scissure parallèle frontale, mais en-
core par une autre scissure parallèle et plus antérieure
qui sépare le troisième quart du quatrième quart de la
deuxième frontale. Le lobule orbitaire est assez bien
ATROPHIE CÉRÉBRALE. 163
développé et sinueux dans sa partie externe, mais le gyrus
rectus est atrophié surtout à sa partio antérieure qui est
effilée et présente une teinte mi-partie jaunâtre, mi-par-
tie transparente. - Toutes les circonvolutions ont l'air de
converger vers la scissure en H. - La frontale ascendante
est bien développée, coupée vers son milieu par une scis-
sure transversale profonde qui semble continuer la scis-
sure frontale supérieure (1), dont elle est séparée par un pli
de passage transversal allant en avant de la scissure paral-
lèle frontale de la seconde à la première frontale. La
pariétale ascendante est assez volumineuse et assez si-
nueuse.- Le lobule pariétal supérieur est peu développé;
quelques points voisins de la scissure interpariétale sont
atrophiés et font partie de la lésion sous-jacente. - Le
lobule pariétal inférieur, le pli courbe, les lobes tempo-
ral et occipital, le lobule de l'insu la sont entièrement com-
pris dans la lésion qui a donné lieu à la formation du grand
pseudo-kyste, sillonné comme les autres par de minces
filaments, squelette du tissu conjonctif.
Face interne. - La première circonvolution frontale,
dans sa partie antérieure, est comprise dans le pseudo-
kyste de cette région, ou atrophiée ; dans ses trois quarts
postérieurs, cette circonvolution est bien développée et
sinueuse. La circonvolution du corps calleux parait atro-
phiée dans son ensemble et est, en tous cas, moins déve-
loppée que celle de l'autre hémisphère. Ses extrémités
antérieure et postérieure sont manifestement lésées; celle-
ci est réduite en bas à un squelette mince de substance
blanche et au-dessus présente,sur une hauteur d'un demi-
centimètre, de l'atrophie avec coloration grise un peu
ardoisée. Le lobule paracentral est assez bien développé
avec une incisure en forme de croissant, dont l'ouverture
regarde en haut et un peu en arrière. - Le lobule qua-
drilatère est bien développé, sinueux, il n'est atteint, et
encore superficiellement, que sur la face qui forme la
lèvre antérieure de la scissure perpendiculaire interne. Lo
coin est, par ses différents bords, compris dans le grand
pseudo-kysto ou dans la lésion environnante ; il est, par
ses autres parties, presque réduit à une simple coque do
substance grise. Le pli de passage pariéto-temporal izfé-
(1) Cette incisure de la frontale ascendante est loin d'être rare ;
parfois môme, comme chex Schah..., malade décédé en janvier
1886, cette incisure est double, de telle sorte que la deuxième cir-
convolution frontale semble so continuer jusqu'à la frontale ascen-
dante.
164 DESCRIPTION DES CIRCONVOLUTIONS.
rieur est complètement compris dans la lésion kystique.
Le lobe temporo-occipital n'existe pas et fait partie du
kyste.- Le corps calleux est peu développé, présente une
coloration grise un peu ardoisée; son extrémité postérieure
(bourrelet) est comprise dans le kyste. Le corps strié, la
couche optique, n'offrent rien de particulier. Le ventricule
latéral, normal en avant, communique en arriére large-
ment avec la poche du grand pseudo-kyste dont il forme
une partie de la paroi.
Hémisphère droit. - a) Scissures. La scissure de Syl-
vius, en grande partie comprise dans le kyste du lobo
temporal, présente toutefois sa constitution normale à sa
terminaison, sur une longueur de deux centimètres envi-
ron. Le sillon de Rolando est normal, sinueux, assez
profond. La scissure parallèle frontale est presque com-
plète, simplement interrompue par un pli de passage, à
niveau, allant de la deuxième frontale à la frontale ascen-
dante. La scissure interpariétale est assez profonde,
sinueuse, possède un rameau ascendant. La scissure per-
pendiculaire externe, assez profonde, limite par sa lèvre
inférieure la lésion siégeant sur le lobe occipital. La scis-
sure parallèle est comprise dans le kyste du lobe temporal.
Les différentes scissures delà face interne assez profondes
et sinueuses paraissent normales,
b) Face convexe. La première circonvolution fron-
tale, assez volumineuse, surtout à sa partie postérieure, est
dédoublée dans ses quatre cinquièmesantérieurs et présente
un aspect un peu chagriné à son extrémité antérieure. La
scissure frontale supérieure est profonde et sinueuse. La
deuxième circonvolution frontale, sinueuse, bien déve-
loppée à sa partie postérieure, grêle à sa partie moyenne
et un peu chagrinée à son extrémité antérieure, présente
à son tiers moyen, au niveau de la lèvre inférieure de la
scissure frontale supérieure, un petit kyste allongé le long
de cette lèvre sur une longueur d'un peu moins d'un cen-
timètre (2 à 3 mill. de largeur). - Cette circonvolution
envoie vers le tiers moyen deux plis de passage de niveau à
la troisième frontale,et en arrière unplidepassagc deniveau
à la pariétale ascendante. La troisième circonvolution
frontale est bien développée, sinueuse ; son extrémité
antérieure est très légèrement chagrinée. Le lobule orbi-
taire est sinueux; le gyrusrectus paraît normal ; les autres
circonvolutions de ce lobule semblent un peu atrophiées
surtout à la partie antérieure où elles ont un aspect cha-
grincé. La frontale ascendante, assez grosse et sinueuse,
présente la même scissure transversale que nous avons
ATROPHIE CÉRÉBRALE. 165
signalée sur l'autre hémisphère; cette incisure transver-
sale communique avec la scissure frontale supérieure. Le
lobule pariétal supérieur, assez volumineux dans son
ensemble, est un peu grêle et légèrement chagriné dans la
partie située au-dessus de la lèvre supérieure de la scis-
sure perpendiculaire externe. Le lobule pariétal inférieur
et le pli courbe, surtout ce dernier, sont atrophiés et cha-
grinés ; la partie du lobule pariétal inférieur située direc-
ment en arrière de la pariétale ascendante parait cepen-
dant à peu près naturelle. Tout le lobe occipital est atro-
phié et montre à sa surface une coloration lie de vin. A la
coupe, on constate que cette coloration est superficielle ;
en dessous, la substance cérébrale est fortement colorée en
jaune ocreux et est aréolaire. Le lobe temporal est réduit
à une languette de la première circonvolution temporale;
tout le reste du lobe, ainsi que le lobule de l'insula, sont
englobés dans le pseudo-kyste que l'on trouve dans cette
région, pseudo-kyste de même nature et aspect que celui
signalé sur l'autre hémisphère.
c) Face interne. - La première circonvolution frontale
est assez sinueuse et bien développée ; à son origine, sur
une longueur d'environ un centimètre, elle a une colora-
tion grise ardoisée et est plus ferme. La circonvolution du £
corps calleux est bien nourrie, ainsi que les lobules para-
central, quadrilatère et le coin. Le lobe temporo-occipital
n'existe pas et fait partie du kyste.
Le corps calleux a le même aspect qu'à gauche, mais
moins accentué peut-être ; son extrémité postérieure est
comprise dans le kyste temporal. Le corps strié paraît
normal, ainsi que la couche optique.
Le ventricule latéral ne paraît pas en connexion avec
le kyste. L'hémisphère cérébelleux gauche est notablement
atrophié. La protubérance et le bulbe n'offrent rien de
particulier à l'oeil nu.
RÉFLEXIONS. - I. L'hérédité a exercé, dans ce cas, une
influence notable qu'explique l'état nerveux du père, et
l'aliénation antérieure de la mère.
II. Une autre cause peut encore être invoquée, c'est la
profession insalubre exercée par le père à l'époque do la
conception. On sait, en effet, que le maniement du sulfure
de carbone, employé dans la fabrication du caoutchouc,
exerce une action nocive sur la santé. Nous avons eu déjà
l'occasion, en' maintes circonstances, de relever l'action
166 IDIOTIE. COMPLÈTE CONGÉNITALE.
des professions insalubres sur la production de l'idiotie.
Nous résumerons un jour tous les faits que nous possé-
dons sur ce sujet (1). -
III. A quelle époque s'est produite la lésion dont l'au-
topsie nous a révélé les cicatrices, nous l'ignorons. Peut-
être est-on en droit de penser que c'est durant la vie intra-
utérine, s'il est exact, comme la mère l'a affirmé, que l'on
n'a jamais observé de convulsions chez son enfant. Cette
opinion s'appuie encore sur ce fait que, à aucun moment,
il n'aurait présenté le moindre indice d'intelligence. C'est
seulement vers l'âge de 8 ou 9 mois que sa mère aurait
songé à la possibilité d'un arrêt de développement : R ? ne
se tenait pas sur les jambes ; il n'avait pas encore de dents ;
il ne riait ni ne gazouillait. Ces soupçons ne se trans-
formèrent en certitude qu'à partir d'un an. Alors elle
s'aperçut que le sommeil devenait mauvais, était inter-
rompu par des « cris sauvages », que la parole était nulle,
la marche impossible ; enfin elle vit s'ajouter à tous ces
signes des grincements de dents, le balancement, d'autres
tics, etc. (2).
IV. Le diagnostic clinique était facile à porter : il s'a-
gissait là d'un cas d'idiotie complète. Quant à la cause,
c'est-à-dire à la lésion anatomique qui l'avait déterminée,
nous avouons être restés indécis. C'estde ce côté, pourtant,
qu'il faut diriger ses investigations, car cette connais-
sance seule peut permettre de porter un pronostic sérieux
et, par conséquent, de dire au moins approximativement
dans quelle mesure l'enfant est perfectible.
V. Les lésions découvertes à l'autopsie ont été décrites
plus haut trop minutieusement pour qu'il soit utile d'y re-
venir. Nous rappellerons seulement que les deux foyers
principaux avaient détruit plus ou moins complètement les
lobes temporaux et occipitaux, les lobules pariétaux infé-
rieurs et les lobules de l'insula; qu'il existait plusieurs
autres foyers (pseudo-kystes) de moindre étendue sur les lo-
(1) Voir aussi F. Roque. Des dégénérescences hél'éclilail'es
produites par l'intoxication saturnine lente. Paris, 1872.
() Nous publierons prochainement une note sur les premiers
signes de l'idiotie.
ATROPHIE CÉRÉBRALE CONGÉNITALE. 167
bes frontaux ; - que les circonvolutions ou les parties de
circonvolutions avoisinantes étaient atrophiées ; que
quelques-unes avaient un aspect chagriné ; - que les lé-
sions étaient plus accusées sur l'hémisphère gauche qui
pesait 91 gr. de moins que le droit; que l'hémisphère cé-
rébelleux gauche était un peu atrophié; qu'enfin il y avait
une atrophie de la bandelette optique droite. La multipli-
cité des lésions, la formation consécutive de pseudo-kystes
nous font penser que la lésion primitive était un ramollis-
sement probablement de nature inflammatoire (1).
Dans sa remarquable monographie, M. Cotard a signalé
une opinion qui nous semble contredite par notre observa-
tion : «Si, dit-il, les lésions se produisaient des deux côtés,
une mort prompte s'ensuivrait nécessairement, et l'on
n'observerait pas ce ratatinement du cerveau, cette dimi-
nution de volume, ces pertes de substance qui sont le ré-
sultat d'un développement imparfait ou d'un long travail
de résorption de la substance cérébrale, » On a yu, en ef-
fet, que chez Ren... il existait des lésions très étendues,
portant non seulement sur l'un des hémisphères mais sur
les deux. Relevons, on terminant, que l'enfant était par-
venu à se servir de ses quatre membres, ce qu'explique
l'intégrité des régions motrices (2).
(1) Comparer avec deux observations que nous avons publiées il y
a deux ans et se reporter aux planches qui l'accompagnent. (A 1'chi-
ves de neurologie, 1885, t. IX, p. 320 et Compte rendu de Bicê-
tre pour 1884, p. 13 et 56).
(2) Nous avons présenté le cerveau à la Société anatomique et
montré, comme dans toutes les communications du service faites
depuis 1880, le moule de la tôle et les photographies du malade.
168 IDIOTIE ET SCLÉROSE CÉRÉBRALE.
VI.
Idiotie symptomatique de sclérose cérébrale
diffuse ;
Par BOURNEVILLE et PILLIET.
SOMMAIRE. - Idiotie : crises convulsives ; contractures ;
gâtisme; marche, parole, mastication nulles. Mo-
7oi-cltidie ; phimosis. Mort.
Autopsie. Broncha-pneumonie; sclérose intersti-
tielle et parenchymateuse diffuse subaiguë des deux
hémisphères ; atrophie prononcée des cellules motrices
des cornes antérieures de la moelle épinière.
Reb..., Emile, né à Voreppe (Isère), le 24 novembre 1874,
est entré à Bicêtre (service de M. BOURNEVILLE), le 3 février
1886 et il y est mort le 20 février suivant.
Les renseignements, fort incomplets ont été fournis par
une personne chez laquelle la mère de l'enfant était femme
de ménage. Elle y est restée deux ans, et en est sortie ma-
lade, fatiguée, pour se rendre dans son pays ; du-
rant son séjour, elle n'a jamais eu de maladie ; elle n'a-
vait pas d'habitudes d'intempérance; elle était très intelli-
gente.-Le père était intelligent, sobre et rangé ; la mère
aurait dit souvent qu'il n'y avait pas d'idiots dans sa fa-
mille.- Elle a un autre enfant, ouvrier gantier, qui serait
intelligent. Souvent elle a répété que son enfant n'était
pas né tel qu'il était, mais, que son idiotie était survenue à
la suite d'une maladie, à deux ans.
Lorsque la mère est entrée au service de M. J..., notre
malade avait 9 ans ; il ne pouvait ni marcher, ni parler ; il
poussait des cris inarticulés; ne connaissait pas sa mère ;
passait ses journées couché ou assis sur une chaise ; ne
pouvait manger seul ; était gâteux. Il avait souvent des
attaques ( ? ) pendant lesquelles les membres se tordaient et
qui se terminaient par l'apparition d'écume aux lèvres.
Pendant deux ans, son état est resté à peu près le même.
DESCRIPTION DU MALADE. 169
Etat actuel (février). Tête volumineuse, symétrique, le
front est droit et assez haut, les cheveux châtain-clair. Il
n'y a sur le cuir chevelu, ni croûtes, ni cicatrices; les
sourcils sont châtains et peu fournis ; les yeux gris bleus ;
le nez est droit et régulier; les oreilles sont larges, très
décollées, l'ourlet est développé, la conque prononcée. La
dentition est irrégulière; les dents sont crénelées dans le
sens vertical. Voici les dimensions de la tête :
170 ACCIDENTS MÉNINGITIQUES.
le volume d'une petite olive ; léger phimosis ; méat nor-
mal.
Nombreux ganglions des deux côtés du cou, surtout à
gauche, avec cicatrices en avant et en arrière du sterno-
cléido-mastoidien. - Escharres superficielles dans la ré-
gion lombaire et aux fesses; l'enfant est couché dans lo
décubitus latéral gauche. Les réflexes cutanés sont exa-
gérés. L'exploration spéciale de chaque sens est impos-
sible.
L'enfant ne manifeste par aucun signe le désir de man-
ger ; il ne prend que des aliments, légers et il ne paraît pas
savoir mâcher. Ni vomissements, ni rumination, ni diar-
rhée ; gâtisme complet ; grincement fréquent des dents.
- -- Reb... ne prononce aucune parole et est incapable de
s'aider en quoi que ce soit (habillement, toilette, etc.l. Il
reste toute la journée dans son lit, dans la position où on
l'a mis le matin.
15 février. L'enfant est couché dans le décubitus dorsal;
les cuisses et les jambes fléchies ; il en est de même pour
les avant-bras. Il a les yeux fermés comme s'il craignait la
lumière; il refuse son lait; râle trachéal; toux. P. 11G :
T. R. 39°, 2.
16 février. Hier, il a bu un peu de lait; ce matin, il est
dans l'état suivant : les sourcils sont froncés, les paupière ?
fortement fermées. L'oeil droit est en strabisme conver-
gent ; les pupilles sont moyennement dilatées. Le sillon
naso-labial est accusé des deux côtés, sans irrégularité ;
la bouche est entr'ouverte; l'expiration s'accompagne
presque constamment d'une plainte douce. Râle trachéal ;
de temps en temps, l'enfant a quelques secousses d'une
toux grasse, pendant lesquelles il projette sa langue hors
de la bouche. En avant et en arrière, on entend dans les
deux poumons des ronchus disséminés qui couvrent le
mouvement respiratoire. Pas de matité. Les inspirations
sont assez lentes, saccadées; pouls petit, serré, rapide, à
124. La nuque est raide ; on a noté quelques cris durant
la nuit du 15 au 16 février. Mâchonnement et grincement
des dents par intervalle ; pas d'épistaxis ; pas de vomisse-
ments. Ventre plat, rétracté sans diarrhée. L'examon pa-
raît pénible à l'enfant qui contracte ses sourcils et pousse
de légers cris. En plus des contractures et des attitudes
fixes déjà constatées à l'entrée, on observe une légère con-
tracture des masséters.- T. R., matin 38°,6. Soir : 39°,8.
- Traitement : Lotions vinaigrées, eau-de-vie allemande
15 gr., sulfate de quinine 0,60 centigr.
17 février. Cinq selles verdâtres avec le purgatif; la nu'it
ACCIDENTS MÉNINGITIQUES. 171
a été bonne ; l'enfant ne s'est pas plaint ; le matin, il est
dans le même état et dans la même attitude ; somnolence
continuelle, entre-coupée de plaintes, de'mâchonnements
et de grincements de dents. Pouls 97, irrégulier; respira-
tion irrégulière ; toux fréquente. La température oscille
entre 37° et 38°.
18 février. Ce matin T. R. 38°,4; le malade ouvre les
yeux; il tousse beaucoup moins; le mâchonnement est
devenu constant. Les deux avant-bras sont beaucoup plus
difficiles à étendre qu'il y a trois jours; du côté droit, les
mouvements provoqués de l'épaule sont difficiles. La tête
est inclinée sur l'épaule droite. Elle peut être ramenée
sans trop d'efforts à sa situation normale. D'une manière
générale, les contractures paraissent avoir augmenté, les
pupilles réagissent mal à la lumière.
19 février. Après une nuit calme, le malade a eu ce ma-
tin subitement une petite crise. Il est devenu pâle, puis les
yeux se sont déviés en haut et à gauche; les ailes du nez
se sont pincées ; la bouche était toute grande ouverte sans
déviation. Cet état aurait duré 3 à 4 minutes, d'après la
surveillante. On n'a remarqué aucune convulsion des
membres. Le malade prend du bouillon et du lait, et
refuse les autres aliments. Le mâchonnement est continuel.
T. R. Matin : 38°.4. - Soir : 39°,G.
20 février. L'enfant est dans un coma profond ; les cor-
nées sont vitreuses, mais encore sensibles. La nuque est
raide ; exagération manifeste des réflexes cutanées.- Pouls
140, petit, régulier; respiration régulière; T. R. 410,6.
Mort à 8 heures et demie du soir. Aussitôt après la mort;
T. R. 42° ; - une heure après 40° ; - deux heures après
38°,2. Poids après décès, 12 kil. 200.
Autopsie faite le 22 février, à 10 heures du matin. -
Cour normal ainsi que le péricarde et l'aorte. Poumons :
droit : 180 gr. ; gauche : 170 gr. Les ganglions bronchi-
ques forment des masses caséeuses assez volumineuses,
rétrécissant la lumière des bronches. Quelques adhé-
rences du poumon droit et entre les deux lobes pulmo-
naires du côté gauche; pas de granulations dans le poumon,
mais une congestion intense et des noyaux de broncho-
pneumonie dans la partie inférieure du lobe droit.
Abdomen : foie, 645 gr.; quelques adhérences de la face
convexe au diaphragme ; rien d'anormal. Rate, 45 gr. ,
- Estomac dilaté; muqueuse saine en apparence, ainsi
que colle de l'intestin. Canal thoracique sans dilatation.
Reins et uretères normaux, posant ensemble z0 gr.- *
172 DESCRIPTION DES CIRCONVOLUTIONS.
Testicules égaux, petits. Corps thyroïde sain ; trachée
normale ; thymus persistant.
Tête. Cuir chevelu, rien. La face convexe de la
calotte crânienne ne présente pas d'hypérémic. La suture
frontale est persistante, mais en voie d'ossification ; les
sutures sont normales ; le diploé assez développé ; le crâne
symétrique. - Il y a une hypérémie assez prononcée de
la face interne. La base du crâne est symétrique et nor-
male. La quantité de liquide céphalo-rachiclien est légère-
ment augmentée. L'encéphale pèse 1.145 gr. La pie-
mère présente des taches laiteuses des deux côtés de la
grande scissure, à la base, elle offre une vascularisation
très fine qui est beaucoup plus prononcée à la convexité.
La décortication s'opère facilement. -- Les artères de la
base sont symétriques, sauf que la communiquante posté-
rieure gauche est un peu plus fortequeladroite.Les bande-
lettes optiques, les tubercules mamillaires, les pédoncules
cérébraux, etc. , sont symétriques. Cervelet et isthme
170 gr.
Les deux hémisphères cérébraux sont égaux ainsi que
les hémisphères cérébelleux. Il n'y a point, dans toutes
ces parties, de différence de coloration.
' Cerveau. Hémisphère droit. - Face convexe. - La
première frontale est sinueuse, bien développée, se ter-
minecns'insérant directement sur la frontale ascendante et
en envoyant un pli de passage grêle à la deuxième fron-
tale ; elle est double dans presque toute sa longueur. La
deuxième frontale, également large et fortement contour-
née, envoie à son origine deux plis de passage à la troi-
sième frontale, et cesse brusquement au moment de s'in-
sérer sur la troisième frontale dont elle est séparée par
une incisure profonde. - La troisième frontale, courte,
très flexueuse, s'insère largement sur le pied delà frontale
ascendante; elle offre sur son trajet une incisure moyenne,
immédiatement avant cette insertion. La pariétale ascen-
'tante est très marquée dans sa portion inférieure, se ren-
fle un peu dans son tiers moyen et s'amincit de nouveau
dans sa partie supérieure. Le pli pariétal supérieur est
sinueux et assez gros. - Le pli pariétal inférieur est as-
sez gros, mais moins que le premier. Le pli courbe est
sinueux, doublé en arrière d'une circonvolution recourbée
qui s'anastomose en bas avec l'extrémité de la deuxième
.temporale. Le lobe occipital est d'aspect assez maigre.
- La scissure de Sylvius n'est pas très ouverte ; le lobule
DESCRIPTION DES CIRCONVOLUTIONS. 173
de l'insula a trois digitations très saillantes et reçoit en
arrière deux plis de passage de la première temporale.
La première temporale envoie à la deuxième un volumi-
neux pli de passage, interrompant la scissure parallèle.-
La deuxième temporale envoie deux plis de passage à la
troisième, qui communique avec la quatrième par deux
plis de passage formant une sorte de masse à la partie
moyenne. Les sillons qui séparent les circonvolutions
frontales, la scissure frontale parallèle, le sillon de Ro-
lando et tous les sillons postérieurs sont sinueux et pro-
fonds.
Face interne. La première frontale est sinueuse, as-
sez volumineuse. Le lobule paracentral est bien déve-
loppé, avec un sillon en Y, et présente deux courbes si-
nueuses, répondant, l'une à la scissure frontale parallèle,
l'autre au sillon de Rolando. - La circonvolution du
corps calleux est volumineuse, avec des sillons superfi-
ciels. Le lobe carré est composé de circonvolutions
étroites, assez maigres. Le coin est petit et régulier.
Le lobe occipital est formé par des circonvolutions un peu
plus volumineuses que sur la face convexe. - Le lobe or-
bitaire est développé. - Les sillons calloso-marginal,
perpendiculaire interne et la scissure calcarine, sont
profonds. La circonvolution de l'hippocampe est volu-
mineuse en avant, un peu moins en arrière, à peu près
lisse. La corne d'Ammon, le corps calleux, la couche
optique, le corps strié ne présentent rien de particulier.
Hémisphère gauche. Face convexe,- La première cir-
convolution frontale est large, bien développée, renflée à
son extrémité postérieure, s'insérant sur la frontale as-
cendante par une portion assez large, rejetée en dedans,
vers le lobe paracentral. Elle se dédouble vers le tiers an-
térieur de son trajet pour fournir un pli assez long et si-
nueux qui va s'insérer sur la deuxième frontale, près de la
terminaison de cette dernière. - La deuxième frontale
est sinueuse, un peu amincie sur deux ou trois points de
son trajet, et a son insertion sur la frontale ascendante.
La troisième frontale, fortement flexueuse, présente éga-
lement des traces d'amaigrissement léger en quelques
points, surtout au niveau de ses courbures. Les trois fron-
tales s'insèrent de niveau sur la frontale ascendante.- La
frontale ascendante, un peu grêle à sa portion inférieure,
se renfle à partir de l'insertion de la deuxième frontale.
La pariétale ascendante est grêle également, son origine
et près de sa terminaison. Le pli pariétal supérieur est
174 EXAMEN HISTOLOGIQUE.
volumineux, sinueux, avec quelques sillons superficiels.
Le pli pariétal inférieur est également volumineux,
mais moins sinueux. Le pli courbe, très sinueux, com-
posé de circonvolutions grêles, offre en arrière deux cir-
convolutions recourbées qui vont se rendre au lobe occipi-
tal. - La première temporale, très sinueuse, envoie à son
origine un pli de passage à la deuxième et deux digita-
tions au fond de la scissure de Sylvius; la scissure paral-
lèle est sinueuse et très profonde. - La deuxième tempo-
rale, également très sinueuse, envoie deux plis de passage
à la troisième temporale qui est volumineuse, ainsi que la
quatrième, avec laquelle elle communique par un pli de
passage assez large. Le lobule de l'insula se compose
do trois digitations tortueuses et un peu moins saillantes
que celles du côté droit. - Les scissures frontales, la Ro-
landique, la scissure de Sylvius, etc., sont, en général,
très profondes et flexueuses. -Le lobe orbitaire présente
à peu près la même disposition que du côté opposé.
Face interne. - La première circonvolution frontale
est volumineuse, dédoublée dans presque tout son par-
cours. Le lobule paracentral est curviligne, avec un
petit sillon droit, et une seule encoche due au sillon de Ro-
lando. - Le lobe carré est étroit, le coin un peu plusgros
qu'à droite. Le lobe occipital est composé de circonvo-
lutions maigres. La circonvolution de l'hippocampe est
assez volumineuse, non plissée. La circonvolution du
corps calleux, le ventricule latéral, la couche optique,
n'offrent rien de particulier.-Les scissures de cette face
interne sont également profondes et en général assez si-
nueuses.
Il existe sur la portion la plus convexe des circonvolu-
tions quelques adhérences, la partie la plus superficielle
de la substance grise a été enlevée avec la pie-mère. Ces
adhérences sont surtout marquées sur les faces latérales
des deux côtés, on en trouve aussi sur les lobes frontaux
et occipitaux ; mais elles sont beaucoup plus restreintes.
L'examen histologique a été fait au laboratoire des travaux
pratiques delà Faculté. Le cerveau avait été durci par l'alcool,
la moelle par le liquide de Muller ; des coupes ont été faites en
différentes régions, tant à gauche qu'à droite, sur chaque hé-
misphère.
La première frontale gauche, à sa naissance, montre un cer-
tain nombre de corps granuleux répandus dans la substance
blanche et qui se colorent en noir sur une coupe exposée aux
vapeurs d'acide osmique. On voit aussi do fines gouttelet'es
encéphalite; POROSE cérébrale. 175
graisseuses exister dans la substance grise. Sur des coupes
colorées, on constate que la vascularisation paraît normale; les
cellules nerveuses sont nombreuses, disposées en séries; beau-
coup ont leur forme pyramidale et des prolongements nets. En
somme, les cinq couches de la substance grise ne présentent
pas de lésions nettes; la substance blanche offre des lésiuns
de désintégration.
Sur le milieu de cette première frontale gauche, la substance
blanche a le même aspect; les corps granuleux y sont nom-
breux, le tissu est sillonné par des bandes fibrillaires nombreu-
ses qui rayonnent dans la substance grise. Du côté de celle-ci,
les lésions sont les mêmes pour les cinq couches; la vasculari-
sation est exagérée; les capillaires, au lieu de s'enfoncer tout
droit dans la substance grise s'y ramifient, la morcellent; l'as-
pect normal des cellules nerveuses placées bout à bout n'existe
plus dans les couches moyennes; les cellules nerveuses, surtout
dans la couche des petites cellules pyramidales 1,2° couche de
Meynert), sont devenues rares ; pourtant les grandes cellules
existent encore, mais nulle part elles ne sont groupées par nids
comme on les trouve à l'état normal dans les régions motrices,
ainsi que l'a indiqué Betz; elles sont, au contraire, assez
clair-semées. D'autre part, les cellules interstitielles à petits
noyaux sphériques ne paraissent pas multipliées dans la subs-
tance grise, mais le sont évidemment dans la substance blan-
che.
La coupe d'une circonvolution du lobe occipital gauche à
la face externe de l'hémisphère, au-dessus du corps calleux,
montre la substance grise un peu réduite d'épaisseur, mais
avec ses couches reconnaissables. Il existe un certain nombre
de foyers de désintégration assez pauvres en cellules, ou pres-
que toute la trame de l'écorce grise s'est enlevée avec la pie-
mère, ou est tombée. Le réseau fibrillaire de la névroglie y est
comme tassé, ces foyers se colorent plus vivement par les
réactifs, mais les mailles très larges de la névroglie circons-
crivent un grand nombre de vacuoles, d'espaces vides, qui
constituent de véritables pertes de substance. Ces foyers inter-
rompant la disposition des fibres nerveuses qui gagnent la
substance blanche, comprennent en général les trois premières
couchesdel'écorce. On les retrouve dans la plupart descerveaux
en voie d'atrophie ; ils nous paraissent constitueruneébauche,
un début microscopique, de ce qu'ont décrit MM. Bizzozero et
Golgi, sous le nom de porose cérébrale. Dans la substance
blanche, il n'y a que peu ou pas de corps granuleux, mais toute
la ligne de transition, entre les deux substances, est infiltrée
d'une quantité considérable de petites cellules interstitielles. Il
y en a moins dans la substance blanche elle-même.
176 SCLÉROSE diffuse DE la MOELLE.
L'hippocampe du côté gauche a les mêmes lésions que la
première frontale; il existe des foyers de désintégration dans
la substance grise, des amas considérables de corps granuleux
dans la blanche. Les cellules géantes de la région sont éparses
au milieu de la névroglie, leurs dimensions sont au-dessous
de celles qu'on s'attend à rencontrer la ; la ligne de grandes
cellules du corps bordant ne paraît pas altérée.
La lèvre inférieure de la scissure de Sylvius droite a aussi
une vascularisation très prononcée, beaucoup plus accusée que
partout ailleurs; les cellules interstitielles paraissent abondan-
tes ; à part cela, l'aspect est également le môme que dans les
régions motrices gauches. La première frontale et le lobe oc-
cipital droits sont à peu près semblables aux gauches sur les
points correspondants. Sur le cervelet, examiné du côté gau-
che, on trouve une raréfaction des éléments nerveux de la cou-
che des cellules de Purkinjo ; une diminution d'épaisseur de la
couche des myélocytes, et un certain degré de sclérose de la
substance blanche, parsemée de corps granuleux.
La moelle cervicale a ses parties symétriques, mais il y a
disparition à peu près complète des cellules motrices dans les
deux cornes antérieures. Il existe encore des cellules nerveu-
ses en assez grand nombre dans les cornes postérieures. Les
cordons blancs ne présentent qu'une lésion diffuse, un épais-
aissement du tissu interstitiel qui se colore fortement par le
carmin. Cet aspect de sclérose diffuse est bien plus accentué
Y,ur les cordons blancs de la moelle lombaire; de plus, les
cornes antérieures, symétriques, contiennent un certain nom-
bre de grandes cellules, relativement très peu abondantes, se
colorant mal par le carmin. Il y en a beaucoup moins encore
dans les cornes postérieures.
Sur des fragments du biceps gauche, on voit do l'épaissis-
sement des grosses travées conjonctives qui cloisonnent le
muscle, les petites travées nesont pas modifiées. Les faisceaux
musculaires eux-mêmes ne paraissent pas altérés.
I. Nous n'avons pu recueillir que des renseignements
tout à fait vagues sur les antécédents héréditaires et per-
sonnels de ce petit malade. De plus, il est mort moins d'un
mois après son entrée. Aussi n'aurions-nous pas publié son
observation si elle n'avait présenté un intérêt réel au point
de vue anatomo-pathologique.
II. Au point de vue anatomo-pathologique, nous avons
vu que, dans l'encéphale, il existe une inflammation
chronique (encéphalite) à différents degrés ; dans la moelle,
encéphalite. 177
le même processus paraît plus avancé encore, et l'atrophie
des éléments nerveux portée très loin. Ces lésions sont
générales et diffuses. Il n'y a nulle part d'état pigmentaire
des cellules, ni rien d'analogue à l'état hyalin si développé
que l'on observe à la période de tuméfaction des cellules
dans la paralysie générale. '
L'atrophie des circonvolutions et de la moelle résulte
donc de l'atrophie des éléments nerveux eux-mêmes et est
masquée en partie à l'oeil nu par la prolifération scléreuse.
Ce processus parait s'être fait d'une façon chronique pour
l'ensemble et subaiguë sur certains points diffus; ce qui
coïncide avec la prédominance de quelques symptômes à
gauche. Malgré l'atrophie plus marquée du côté gauche du
corps, il n'y a pas de lésions en foyers à droite, ceci n'est
pas rare dans les cas semblables. Les lésions assez légères
d'ailleurs observées du côté des méninges, les adhérences
de la pie-mère, sont beaucoup trop faibles .pour pouvoir
rendre compte des phénomènes observés et sont évidem-
ment consécutives aux désordres de la substance grise.
IÎH IDIOTIE COMPLÈTE.
VII.
Idiotie complète symptomatique d'une encé-
phalite avec foyers de ramollissement;
Par BOUIINEVILLE et PILLIET.
Les observations qui précèdent ont trait à des enfants
frappés d'un arrêt de développement intellectuel allant de
l'imbécillité à l'idiotie complète, reconnaissant pour cause
anatomique une méningite tuberculeuse, une méningo-
encéphalite, une sclérose interstitielle diffuse; l'observa-
tion suivante, curieuse à divers titres, va nous montrer
des lésions aussi de nature inflammatoire, mais offrant
des particularités que nous croyons encore peu connues.
SOMMAIRE. - Grand'mère paternelle rhumatisante et épi-
leptique. Grand'mère maternelle migraineuse. -
Premières convulsions à trois mois.- Premières dents
à deux ans. - Ophthalmic. - Rougeole. - Parole et
marche nulles; gâtisme ; marche impossible ; grima-
ces ; strabisme; balancement; tics multiples, etc. -
Conjonctivite granuleuse(\882). Pemphigus à petites
bulles (1883).- Entérites. - Accidents méningitiques ;
affaiblissement progressif; mort.
Autopsie. - Foyers petits et multiples de ramollisse-
ment de couleur ocreuse sur les circonvolutions ; lé-
sions consécutives de la substance blanche ; lésions
diffuses d'encéphalite chronique ; lésions de la subs-
tance grise et de la substance blanche de la moelle épi-
nière.
Portel...., Jacques Henri, né à Paris, le 30 mars 1879,
est entré à l'hospice de Bicêtre (service de M. BOURNEVILLE)
le 19 septembre 1882.
Renseignements fournis par ses père et mère. Père,
31 ans, professeur de piano, petit, d'apparence délicate : -,
ne tousse pas; intelligent; sobre; d'un caractère emporté;
antécédents. 179
n'est sujet ni aux migraines, ni à aucun accident nerveux;
pas de dermatose. [Père, peintre en tableaux, sobre, mort
d'une affection de poitrine vers 40 ans. Mère, 60 ans,
rhumatisante et sujette à des crises nerveuses que l'on
croit être de l'épilepsie. Deux soew's; l'une expatriée au
Brésil; l'autre mariée, sans enfants, bien portante. Pas d'a-
liénés, pas d'autres épileptiques, de paralytiques, de ner-
veux, etc., dans le reste de la famille]. J.
Mère, 28 ans, couturière; taille un peu au-dessous de la
moyenne; constitution délicate et chétive ; physionomie
agréable ; sobre, intelligente; pas de convulsions; de mi-
graines ni d'attaques. [Père, tailleur, sobre, mort d'une
pleurésie. - Mère, 55 ans, sujette à des migraines, avec
vomissements, mais pas d'attaques ni d'accès. Trois
frères : l'un officier de marine, bien portant, ainsi que les
deux autres (21 ans et 19 ans). - Une soeur, âgée de
16 ans, d'une bonne santé.- Pas de détails sur les grands
parents paternels. - Grand-père maternel mort de vieil-
lesse à 84 ans. Grand'mère maternelle morte asthmati-
que à 64 ans. Pas d'aliénés, de nerveux, etc.].
Pas de consanguinité (père et mère de Paris).
3 enfants et une fausse-couche (en premier lieu) à
5 mois 1/2 à la suite d'un effort : 1° notre malade;-2° un
garçon mort en nourrice de cholérine; pas de convulsions ;
3° une fille de 21 mois, bien portante, sans convulsions.
Notre malade. A la conception, le père et la mère
étaient bien portants, n'avaient pas de chagrins, vivaient
en bonne intelligence. Grossesse bonne; la mère a eu
des envies de boire du vin. mais toujours dans des limites
raisonnables. Accouchement à terme, naturel, sans
chloroforme, rapide. - A la naissance, rien do spécial,
pas d'asphyxie; c'était un bel enfant. -Élevé au biberon
et au sein par cinq nourrices successivement jusqu'à
3 ans et demi, car il refusait de prendre d'autres aliments
que du lait et des panades. A trois mois, convulsions
sur lesquelles on n'a pas eu de détails, toutefois on sait
que leur durée n'aurait point dépassé 15 minutes. Il
n'en n'aurait pas eu d'autres. Il ne marchait pas, se tenait
à une chaise. A 2 ans et demi, repris chez ses parents, il a
prononcé pendant un mois les mots : « papa » « maman » ;
et depuis, rien. Première dent seulement à deux ans ; elle
a percé sans douleurs ni convulsions. L'enfant était d'un
caractère très caressant, mais ne reconnaissait pas ses pa-
rents. Pas d'accès de colère ou de cris ni de grincements de
dents; pas de bave ni de succion; pas d'onanisme; som-
180 PEMPHIGUS; TICS.
meil bon. - Pas de salacité; il ne se nourissait chez ses
parents que de soupe; pas de vomissements ni de rumina-
tion. Gâteux; constipation. Porte.... a eu en nourrice
une ophthalmie double qui a duré un mois. Pas d'otite, de
dartres, etc. Rougeole à 2 ans et demi ; pas d'autres
maladies de l'enfance. - Il passait son temps chez sespa-
rents à jouer sur une chaise avec son biberon.
1882. Etat à l'entrée. Poids 8 kilog. 500 ; taille : 0"'78.
- Enfant maigre, chétif ; ne parlant pas ; ne marchant pas ;
gâteux ; sans troubles prédominants d'un côté du corps.-
Traitement : Sirop d'iodure de fer; sirop antiscorbutique ;
bains salés; exercices de marche.
24 octobre. Revacciné sans succès.
25 octobre. Conjonctivite granuleuse double intense ; la
cornée est intacte. Traitement : Solution de nitrate
d'argent à -^ en cautérisations.
25 novembre. Amélioration notable; on continue le ni-
trate d'argent.
30 novembre. L'enfant commence à marcher un peu.
1883. Janvier. Poids : 9 kil. 30 ; - taille : ou,78 c.
18 août. Eruption huileuse à contenu louche, les bulles
de 2 à 4 mil. de diamètre siègent surtout : 1° en arrière
entre les extrémités inférieures des omoplates, à la base
du sacrum ; 2° sur l'épaule droite et le thorax. L'enfant est
maussade et ne paraît pas souffrir localement.
20 août. L'éruption est en voie de dessication (1). La con-
jonctivite persiste mais très améliorée. L'enfant est gai ;
quand on le tient par les mains, il fait des mouvements du
tronc comme s'il voulait sauter. On le renvoie à la petite
école où il avait été envoyé dans le courant du mois de
juin et qu'il avait quittée momentanément pour aller à l'in-
firmerie. Il marche encore avec une certaine difficulté. Qn
est obligé de le faire manger en le prenant sur les genoux,
car il ne sait se tenir à table. Il ne veut prendre que de la
panade très claire, du lait, des oeufs. Il ne prend des ali-
ments que si on lui tient la tète renversée, et si on les lui
donnepar petites gorgées; illes suce avant de les avaler. La
parole est nulle, l'enfant ne reconnaît personne. Il a de
nombreux tics : il saute, il tappe ses mains sur ses yeux,
secoue fortement la tête ; il élève les bras et tourne vive-
ment les mains; il roule les yeux en haut et,en même temps
(1) Nous avons eu l'occasion d'observer plusieurs fois ce genre
d'éruption (pemphigus à petites bulles) chez les enfants idiots.
progrès DE l'enfant. 181
qu'il exécute tous ses mouvements ; il plie et relève alter-
nativement le corps et pousse de petits cris de joie.
8 septembre. Port... commence à manger des légumes,
principalement des pommes de terre bien claires et bien
écrasées; il mange un peu de pain émietté dans de la
sauce. Il se tient assez bien sur une chaiso. Il est plus gai
et reconnaît un peu les personnes qui le soignent.
18 septembre. Depuis quelques jours, l'enfant est triste,
ne veut pas se lever. Il est pâle, refuse toute autre nour-
riture que du lait, du bouillon et un peu de bagnols. Diar -
rhée légère; selles vertes très liquides. Traitement : eau
de chaux ; lavements amidonnés et laudanisés ; bismuth.
21 septembre. La diarrhée a cessé,mais l'état général est
le môme. Traitement : Bagnols et poudre de viande, etc.
10 novembre. L'état de la dentition est le suivant : dents
de lait, couvertes de tartre et de mucus ; gencives molles
et fongueuses ; mouvements de la mâchoire libres.- L'en-
fant quitte l'infirmerie le 15 décembre et retourne à la pe-
tite école.
1884. Janvier. Poids : 10kil.60; taille 0,82 c.- Port...
cherche à prendre lui-même le gobelet et à boire seul. Il
devient plus fort et sa marche est plus assurée. On lui a en-
tendu prononcer deux fois le mot « maman. »
10 mars-11, avril. Séjour à l'infirmerie pour une enté-
rite.
22 juillet. L'enfant sait courir maintenant ; il mange; il
fait de petites grimaces avec clignotement des yeux et stra-
bisme. Pas de voracité ni de rumination; il est diarrhéi-
que de temps en temps; gâteux. Balancement. Aime beau-
coup la musique et la danse.- Pas d'onanisme. La verge
est un pou longue; le prépuce très large; le gland décou-
vrable ; les testicules du volume d'un haricot. Exeat le
le' septembre.
Décembre. - L'enfant accepte à peu près tous les ali-
ments. Il sait se servir maintenant de la cuiller et ne veut
pas qu'on l'aide, trouvant que cela ne va pas assez vite. Il
prend part aux exercices de la petit'] gymnastique. L'at-
tention est toujours difficile à fixer. Le gâtisme persiste,
mais P... reste mieux qu'autrefois sur le siège d'aisances.
1885 Janvier. Poids : 12 kil. 70 ; taille 0,86 c.
4 mars. Depuis quelques jours un peu de bronchite et
de diarrhée qui ont cessé en quelques jours. Exeat le 11
avril. -
3 octobre. Tuméfaction des deux joues, surtout de la
182 ACCIDENTS MÉNINGITIQUES.
droite, mais sans rougeur ni chaleur appréciables; pas de
fièvre. Guéri le 10 octobre.
Décembre. L'appétit est exagéré et on doit surveiller at-
tentivement l'enfant qui, sans cette précaution, mangerait
outre mesure; ses digestions sont bonnes et la diarrhée est
moins fréquente depuis qu'il mange seul et de tout. lia a
plus de connaissance ; il va seul au réfectoire, peut accom-
pagner les autres enfants à la promenade. A la gymnasti-
quo,il exécute bien le mouvement en avant, mais il se re-
tourne quand il s'agit d'aller en arrière; il aime beaucoup
la balançoire; prend plaisir au concert et écoute.
1886. Janvier. Poids : .10 kil. ; taille 0,86 c.
Mai. La voracité et le gâtisme n'ont pas diminué.
L'attention est plus facile à fixer. Par exemple, lorsqu'on
veut qu'il vous regarde, il suffit do lui tenir les mains, de
bien le regarder et de dire plusieurs fois de suite : maman.
Alors ses yeux se fixent sur ceux de la maîtresse et il se
met à rire. Il comprend quand on l'appelle, il devient ca-
ressant. Il répète les airs des chansons qu'il a entendues
et en le prenant sur les genoux on parvient à le faire
chanter avec soi. A la classe, il so tient passablement sur
le banc; parfois il monte sur la table et chantonne. Il a ap-
pris et aime à brouetter et cherche à imiter ce qu'il voit
faire aux autres, c'est ainsi qu'il tourne comme l'enfant
Carter...
le, juin. Est envoyé à l'infirmerie parce qu'il ne mange
pas ; est assoupi et a des convulsions et des soubresauts
pendant son sommeil.-2 2 juin. T. R. 37°,5. Soir : 37°,G,
3 juin. L'enfant reste couché ; a l'air assez maussade et
refuse toute nourriture solide. La situation est à peu
près la même les jours suivants; la température reste
normale jusqu'au 7 juin, ce jour-là on note une légère hy-
pothermie (1) ; constipation marquée. Traitement : lave-
ments nutritifs, lait, etc.- Mort le 8 juin à 11 heures 1/2
du matin ; un quart d'heure après : T. R. 37°,3 ; une heure
après : 3G°,2; deux heures après : 35°. Poids : 9 kil. 60.
Autopsie (9 juin). Rigidité cadavérique persistant aux
membres inférieurs.
(I) Le 3 juin, matin : T. IL 370,3 3 et le soir : 37°,G; le 4, matin :
37",2 et le soir : 37°,6. - Le 5, malin : 37°,4 et le soir : 37 ? -
le G, matin : 37°,2 et le soir : 370; - le 7, malin : 37° elle soir :
3G°,8; le 8, au matin : 360,5. (L'urine n'a pu être recueillie en
raison du gâtisme et on a omis de sonder l'enfant).
encéphalite. 183
Cou et thorax. Le larynx et la trachée n'olfrent aucune
lésion. Le thymus persiste en partie. - COi'PS thyroïde
normal. -Poumons sains (gauche 75 gr. ; droit, 80 gr.).
Péricarde normal ; pas de liquide. - Coeur sain, trou de
Botal oblitéré. Le diaphragme remonte à droite au bord
supérieur de la 4e côte; à gauche, au bord inférieur do la
même côte. - Estomac, vide, rien de particulier.
Abdomen. Foie (510 gr.).- Pancréas ; - Reins (45 gr.
chacun); Rate (30 gr.); -Vessie, pas do lésinns.- Tes-
ticules très petits. Intestins un peu injectés ; hypertrophie
des plaques do Peyer sans ulcérations ; tuméfaction légère
des ganglions mésentériques(l).
Tête. Le cuir chevelu offre une épaisseur normale,
pas d'ecchymoses. Base du crâne symétrique. Les ro-
chers sont inégalement avancés en ossification. -Dure-
mère adhérente à la voûte crânienne, au niveau des sutu-
res, les adhérences sont très prononcées et le décollement
est à peu près impossible. Les sinus sont presque vides.
Voûte crânienne assez volumineuse, d'épaisseur
moyenne ; sutures ossifiées. A l'ouverture du crâne, écou-
lement sanguin très peu abondant; la quantité du liquide
céphalo-rachidien n'est pas exagérée. Encéphale
(1.190 gr.).
Les différentes parties de la base de l'encéphale (artères,
nerfs, etc.) sont symétriques. Sur la convexité des deux
côtés, la pie-mère est épaissie, finement vascularisée, avec
des taches laiteuses principalement au niveau do la scis-
sure de Sylvius, du sillon de Rolando et des lobes fron-
taux. A la base, vascularisation générale très fine.
L'hémisphère gauche pèse 30 gr. de moins que le droit.
Vu par la base, il parait un peu plus court, surtout en ar-
rière. La pie-mère s'enlève facilement àla surface interne.
Sur la face convexe, la pie-mère entraîne une partie de
la substance grise qui se soulève par places comme une
paroi kystique affaissée et plissée. A ce niveau, il existe
autant do petits foyers de couleur jaune ocreuse, allongés,
occupant le milieu d'une circonvolution, déprimés à leur
centre, ayant de 5 à 15 m.m. dans leur plus grand diamè-
tre. Ils ne semblent intéresser que la substance grise. Ils
siègent sur la partie postérieure de la seconde et de la
troisième frontale, sur l'insertion de la première frontale,
(1) Comme on le voit, les troubles intestinaux, observés à dif-
férentes reprises pendant la vie, n'ont pas déterminé de lésions
bien prononcées de la muqueuse intestinale.
184 PETITS foyers DE ramollissement.
à l'extrémité de la frontale ascendante; sur la partie
moyenne de la troisième frontale et sur le pli pariétal infé-
rieur. Ils ont l'aspect de très petits foyers de ramollisse-
ment et semblent correspondre à une lésion plus avancée
que l'état chagriné qui coexiste sur l'hémisphère.
Sur l'hémisphère droit, notons un aspect chagriné peu
prononcé sur la circonvolution du corps calleux et sur la
face convexe six foyers analogues à ceux du côté gauche,
moins étendus, situés sur la partie moyenne des première et
deuxième frontale et à l'extrémité inférieure de la frontale
ascendante dont le pied offre sur une largeur de 5 à G mil-
limètres un piqueté vasculaire très fin. Etat un peu chagri-
né de la frontale ascendante.
Cervelet et isthme (135 gr.). Les deux hémisphères céré-
belleux sont égaux; la décortication de la pic-mère s'opère
avec facilité. - Protubérance et bulbe, rien.
Hémisphère droit. Face convexe. La première cir-
convolution frontale envoie vers le milieu de sa longueur
un pli de passage à la seconde; au delà de ce pli de pas-
sage elle est interrompue par une incisure profonde ; en-
suite, elle se dédouble légèrement et s'insère de niveau sur
la frontale ascendante par une insertion très grêle, à 1 c. 1;2
au-dessous du bord supérieur de l'hémisphère, de telle
sorte que, entre ce bord et l'insertion, il existe une incisure
profonde. La seconde est dédoublée dans ses deux tiers
inférieurs, elle est très contournée dans son tiers postérieur
et s'insère de niveau sur la frontale ascendante. La
troisième, née du lobe orbitaire d'une forte anastomose
avec la seconde, est irrégulièrement flexueuse et s'arrête
au pied de la frontale ascendante dont elle est séparée par
une incisure très longue et presque rectiligne. - Entre le
sommet d'une flexuosité de la troisième frontale et au des-
sous de la base d'une des flexuosités de la deuxième frontale,
il existe un creux d'un centimètre de diamètre qui se trouve
comblé en partie par un mamelon sphérique dépendant de
la deuxième circonvolution frontale. - La frontale ascen-
dante, large à sa base, maigre dans son milieu et large en
haut, est très flexueuse. Sur tout le lobe frontal, indé-
pendamment des foyers qui ont été signalés, on remarque
des sillons transversaux nombreux et des dépressions
légères qui donnent un aspect chagriné, marqué surtout à
la partie inférieure du lobe frontal.
La pariétale ascendante est assez grêle à sa base,chagri-
née et très flexueuse à sa portion supérieure. - Le pli
pariétal supérieur est volumineux ; l'inférieur est, au
DESCRIPTION DES CIRCONVOLUTIONS. 185
contraire, assez peu développé. Le pli courbe est assez
gros, sinueux et doublé par une circonvolution très tor-
tueuse, communiquant en haut avec le lobe pariétal supé-
rieur, en arrière, avec le lobe occipital ; elle est séparée du
lobe temporal par une incisure profonde.
La première temporale, assez maigre, flexueuse, envoie
deux plis de passage au lobule de l'insula, elle est coupée
par des sillons qui lui donnent un aspect mamelonné; elle
envoie aussi, en bas, deux plis de passage à la deuxième
temporale qui est flexueuse, coupée de sillons, chagrinée
dans toute son étendue, et projette deux plis de passage à
la troisième. Celle-ci est très sinueuse dans sa partie
antérieure et communique avec la quatrième temporale par
un pli de passage très étroit. - Le lobule de l'insula
présente trois digitations saillantes.- Les circonvolutions
du lobe occipital sont amaigries et tassées ; leurs sillons
sont très profonds.
La scissure de Sylvius, le sillon de Rolando et tous les
autres sillons sont assez marqués sur cette face, l'aspect
chagriné assez prononcé sur le lobe temporal, l'est davan-
tage et d'une façon typique sur le lobe occipital ; cet aspect
est dû, on le sait, à des sillons superficiels à direction gé-
nérale transverse qui s'entre-croisent, dessinant de petites
figures quadrangulaires plus ou moins irrégulières. Rap-
pelons aussi que quelques circonvolutions sont amaigries,
mais inégalement, sur différents points.
Face interne. La première circonvolution frontale est
sinueuse. Le lobule paracentral est très irrégulier et
présente un sillon en Y ; il se confond par sa partie
moyenne avec la première circonvolution frontale. - Le lobe
carré est très développé. Le coin présente des circon-
.volutions amaigries et chagrinées. Le lobe occipital est
assez développé. - La circonvolution du corps calleux
est flexueuse, surtout en arrière où elle a un aspect cha-
griné marqué. La circonvolution de l'hippocampe est un
peu chagrinée et amaigrie par places.
Le sillon calloso-marginal est assez développé et assez
large. La scissure perpendiculaire interne et la scissure
calcarine sont profondes, mais tous les autres sillons
de cette face sont, au contraire, superficiels, sauf sur la
partie antérieure de la circonvolution frontale. - Le ven-
tricule latéral, la couche optique, le corps strié et la conie
d'Ammon paraissent normaux.
Lobe orbitaire. Les scissures sont peu profondes, les
circonvolutions ont un léger aspect chagriné.
BOURNEVILLE, 1886. 13
186 foyers jaunes ; aspect chagriné.
Hémisphère gauche, face convexe. - La première cir-
convolution frontale, simple à son origine, présente un
premier pli supérieur qui va s'insérer sur la frontale ascen-
dante dont il est séparé par un sillon léger, un second pli
plus flexueux que le premier,qui s'insère aussi sur la fron-
tale ascendante au-dessous du premier, un troisième en
forme d'S, qui s'insère par un trajet rétrograde sur la
deuxième frontale. - Celle ci est contournée ; envoie un
pli de passage irrégulier à la troisième et s'avance jusqu'au
contact de la frontale ascendante, où elle cesse brusque-
ment ; puis elle se relève pour s'insérer sur la fron-
tale ascendante. La troisième frontale, semblable
aux branches d'un N, est interrompue en arrière du pli de
passage qu'elle reçoit de la deuxième par une grande in-
cisure ; elle se reconstitue au delà pour aller s'insérer sur
le pied de la frontale ascendante. La frontale ascen-
dante, très sinueuse, est interrompue dans son tiers infé-
rieur par une incisure incomplète et dans son tiers supérieur
au-dessous des insertions de la première frontale par une
incisure plus complète. - Le lobe frontal est coupé en
tous sens do sillons superficiels plus ou moins accentués ;
on note l'aspect chagriné sur la troisième frontale et le
pied de la frontale ascendante qui présente, de plus, quatre
foyers jaunes, à parois déprimées et molles, dont deux
sont assez considérables.
La pariétale ascendante, très irrégulière, donne un fort
pli de passage au pli pariétal supérieur, puis elle s'amaigrit,
se recourbe en avant pour se confondre avec l'extrémité
supérieure de la frontale ascendante et interrompre le sillon
de Rolando,. - Le pli pariétal supérieur est flexueux et
assez développé. Le pli pariétal inférieur, de forme
triangulaire, est séparé par un sillon profond du pli courbe
avec lequel il communique en haut par un pli de passage
assez maigre. Le pli courbe est assez volumineux et fournit
en arrière un pli de passage au lobe occipital. Tout le lobe
pariétal a un aspect chagriné et à un degré plus marqué
que le lobe frontal. - La scissure de Sylvius, bien des-
sinée, laisse voir le lobule de l'insula composé de quatre
circonvolutions.
La première temporale est très tortueuse et présente
trois incisures qui la coupent incomplètement; elle est
amaigrie inégalement, ce qui lui donne sur certains points
un aspect mamelonné ; elle envoie deux plis de passage au
lobule de l'insula. elle envoie aussi à la deuxième temporale
deux plis qui s'entre croisent avec deux plis semblables
venus de cette deuxième temporale ; celle-ci est flexueuse
asymétrie ET ASPECT chagriné DES CIRCONVOLUTIONS. 187
au milieu de son trajet, elle est amaigrie et mamelonnée et
offre uno surface irrégulière qui paraît être due à l'état
chagriné poussé à l'extrême et dont le centre est occupé
par un petit foyer; dans sa portion antérieure, elle est
aussi très chagrinée et projette un autre pli de passage à
la troisième temporale, qui fait corps avec la quatrième.
Le lobe temporal est, comme on le voit, très chagriné
sur presque toute son étendue.
Le lobe occipital, composé de circonvolutions peu dé-
veloppées, est assez semblable à celui du côté opposé, ses
circonvolutions sont coupées de sillons transversaux, su-
perficiels,assez nombreux,et il paraît, à cause de cela,cou-
vert de hachures. Les sillons frontaux, le sillon de
Rolando, le sillon parallèle et la scissure de Sylvius sont
en général profonds, mais la plupart des sillons secondaires
sont au contraire très superficiels.
Face interne. La première frontale est flexueuse et
large,double dans presque toute sa largeur,avec des sillons
transverses qui lui donnent un aspect mamelonné.» Elle
communique en bas seulement avec le lobe paracentral.
Celui-ci est large, coupé en bas et en haut par un sillon
oblique. Le lobe carré est moitié plus petit que celui du
côté opposé et communique par un pli de passage avec 1.;
lobe paracentral. - Le coin est, lui aussi, peu volumineux.
La circonvolution du corps calleux est semblable à celle
de droite. -- Les circonvolutions du lobe occipital sont
amaigries, mais moins que du côté opposé. La scissure
perpendiculaire externe est très profonde. - La circon-
volution de l'hippocampe est courte. Le ventricule
latéral, la corne d'Ammon, les corps opto-striés n'offrent
rien à noter.
Le lobe orbitaire a des scissures assez profondes. La cir-
convolution du nerf olfactif est rectiligne et moitié moins
développée que celle du côté opposé, la scissure en II plus
marquée qu'à droite.
Examen histologique des centres nerveux fait au Laboratoire
des travaux pratiques de la Faculté. - L'hémisphère droit n'a
pas été examiné, les lésions étant d'apparence semblable des
deux côtés. Les coupes ont été colorées à l'hématoxyline et au
carmin et montées soit au baume de Canada, soit à la liqueur
de Farrant, pour conserver les corps granuleux. Sur la pre-
mière frontale, à sa naissance, enun point qui ne contient pas
de foyer à l'oeil nu, il existe une vascularisation anormale très
prononcée dans toute la substance grise ; les vaisseaux sont
ramifiés dans toutes les directions. Le nombre des éléments
188 EXAMEN HISTOLOGIQUE.
paraît sensiblement accru, et il existe une série de points ou
taches de désintégration se touchant presque et formant une
vaste bande entre la première et la troisième couche de la
substance grise, et comprenant ainsi la moitié environ de la
hauteur de la substance grise. Ces foyers sont caractérisés par
la rareté des éléments à leur niveau, l'épaississement du tissu
interstitiel qui se colore davantage par le carmin et sa friabi-
lité ; car il tombe assez souvent des portions de tissus sur les
coupes, malgré le soin apporté au montage. A un fort grossisse-
ment, on constate que les capillaires sont très nombreux et
dilatés; les cellules nerveuses ne sont pas disposées en séries,
mais dispersées et globuleuses. Celles des couches profondes
sont allongées, granuleuses et très fortement colorées. La
substance blanche offre une quantité 'considérable de petits
noyaux sphériques appartenant aux cellules interstitielles. Sur
certains points, il existe des corps granuleux on assez grande
quantité.
La deuxième frontale, à son insertion sur la frontale ascen-
dante, portait sur sa partie moyenne un foyer ocreux, allongé,
parfaitement caractérisé. Sur une coupe à ce niveau, on constate
une dépression en entonnoir do la substance grise, une perte
de substance qui s'étend jusqu'à la substance blanche et est
recouverte par une paroi flottante, transformant ce foyer en un
petit kyste. L'espace libre est sillonné par des filaments fibril-
laires allant de la paroi superficielle à la substance grise res-
tante. Cette paroi est composée, de dehors en dedans, detrois
couches : la plus superficielle, mince et homogène, formée
de faisceaux parallèles de fibres fines, avec de petits noyaux
sphériques très peu abondants, s'amincit aux points extrêmes
do la lésion et disparait dans la couche superficielle de la subs-
tance grise normale. Au-dessous apparaît une couche deux à
trois fois plus épaisse. Cette couche est composée surtout de
cellules rondes assez volumineuses à noyau sphérique, dont la
plupart sont remplies de granulations jaunes de pigment san-
guin à la manière des cellules interstitielles de l'ovaire. Ce
sont elles qui donnent au kyste sa couleur ocreuse ; elles sont
dispersées dans un tissu fibrillaire dont les fibrilles convergent
en bas par faisceaux distincts. La troisième couche est occupée
parces faisceaux et un certain nombre de cellules. Ces masses
de faisceaux fibrillaires accompagnent les vaisseaux et forment
à la face interne de la paroi du petit kyste un certain nombre
de masses pédiculées, composées de ce tissu fibrillaire feutré,
de rares vaisseaux et contenant des cellules à noyaux ronds ou
allongés, dont quelques-rues sont encore chargées de granu-
lations jaunes.
Autour de certains capillaires, la gaine adventice se remplit
EXAMEN HISTOLOGIQUE. 189
de ces cellules, de façon à former des renflements en massue
libres dans la cavité. Si l'on suit cette paroi, ainsi constituée
sur les parties latérales, on voit que les couches se perdent
successivement dans la couche externe névroglique de la subs-
tance grise ; c'est donc entre cette couche externe et la deuxième
couche de Meynert que s'est opérée la scissure qui a donné
lieu à la cavité que nous étudions. La substance grise qui forme
les parois de l'entonnoir est recouverte par une couche fibril-
laire névroglique. Au-dessous, elle se montre sous deux états
différents : sur certains points, la sériation longitudinale delà
substance grise est encore assez visible, mais ces séries sont
occupées par des cellules interstitielles en très grande abon-
dance. Sur d'autres points, beaucoup plus nombreux, le pro-
cessus est beaucoup plus avancé ; les cellules ne sont plus dis-
posées en séries, mais elles sont dispersées, raréfiées et isolées ;
elles sont petites, globuleuses; on ne peut suivre leurs prolon-
gements sous la surface libre. Autour de ce foyer, il existe un
certain nombre de taches ou points très clairs à un faible gros-
sissement et qui sont composés uniquement par un réseau très
fin d'une dentelle de fibrilles grêles avec des cellules à noyaux
sphériques, à corps cellulaires ramifiés aux points nodaux. Les
mailles de ce tissu sont occupées par une substance intercellu-
laire qui a disparu des coupes. On n'y rencontre pas une seule
cellule nerveuse et cela dans plusieurs champs du microscope.
A la périphérie de ces points, on rencontre les corps granuleux,
principalement autour des vaisseaux. Ces vaisseaux sont très
ramifiés; l'espace périvasculaire est largement dilaté autour
de la plupart d'entre eux; ils morcellent la substance grise.
Lésions de la substance blanche. - Dans la substance blan-
che, il existe une large traînée descendante, correspondant à la
perte de substance, de la substance grise et dans laquelle les
fibres n'existent pas; tout autour, ces fibres sont entourées
d'une grande quantité de petites cellules interstitielles et sur
les pièces traitées successivement par l'acide osmique et la li-
queur de Farraut, on voit que la myéline émulsionnée forme
un certain nombre de petites gouttelettes noires et des amas
plus gros ayant l'aspect connu des corps granuleux.
Pariétale ascendante gauche. - Elle porte en son milieu
un foyer plus récent ; on voit nettement que le centre de la
dépression est formé par un vaisseau ramifié; les parois sont
constituées par lo même tissu fibrillaire que dans la précédente;
les lésions de la substance grise au pourtour du foyer sont
moins avancées, quoique très étendues.
La première couche, couche névroglique de Meynert, est
très mince, avec de fins capillaires rameux assez nombreux et,
190 EXAMEN HISTOLOGIQUE.
de plus, sur certains points des taches grises où la névroglie
s'est raréfiée, qui forment autant d'espaces clairs.
Dans la deuxième couche, celle des petites cellules pyrami-
dales, on voit que presque toutes ces cellules sont petites et
globuleuses, et qu'elles ne sont plus placées bout à bout, mais
dispersées; leurs rapports normaux sont détruits et leur nom-
bre diminué. Dans la troisième couche, celle des cellules
moyennes, on voit les colonnettes dueformentces cellules bout
à bout beaucoup plus distantes les unes des autres qu'à l'état
normal et séparées par du tissu névroglique àpeu près dépourvu
d'éléments interstitiels. Même vascularisation ramifiée. Les
cellules nerveuses sont globuleuses, leur noyau volumineux,
clair, nucléolé, remplit presque toute la cellule. Le prolonge-
ment inférieur est le plus distinct.
Dans la couche suivante des grandes cellules, les altérations
sont les mêmes pour les cellules nerveuses, dont le corps cy-
toplasmique est pâle et effacé, quelques-unes sont atrophiées,
pourtant elles sont encore en nombre considérable. Dans les
espaces qui séparent ces rangées de cellules, espaces par où £ t
descendent les fibrilles qui vont former la substance grise, on
voit de plus que dans les couches précédentes un assez grand
nombre de noyaux de cellules interstitielles, petits, sphériques
et fortement colorés. Dans la substance blanche, on voit les
mêmes lésions que dans les préparations précédentes; les vais-
seaux sont très dilatés, les corps granuleux sont très abon-
dants.
Lobe occipital. - Les coupes du lobe occipital, au niveau
d'un foyer plus étendu que celui que nous avons décrit sur lo
frontal, montrent des lésions absolument semblables, mais
la traînée descendante dans la substanco blanche au-dessous
du foyer, est très large et remplie de globules sanguins avec
un certain nombre de leucocytes et do cellules fusiformes; au
pourtour de ces masses, un grand nombre de capillaires sont
aussi remplis de globules rouges; il semble donc que l'on ait
affaire à de véritables foyers hémorrhagiques en ce point.
Les lésions d'encéphalite au voisinage présentent les mêmes
caractères que ci-dessus, elles sont seulement plus marquées,
avec des cellules interstitielles très abondantes et des capillaires
dont les plus volumineux sont entourés d'une paroi fibrillaire
nette. Mômes lésions que plus haut dans la substance grise.
Cervelet, - Dans la substance grise, la couche de névroglie
est fibrillairo dans le sens longitudinal ; les cellules interstitiel-
les y sont très nombreuses, les cellules de Purkinje sont abon-
dantes, mais elles se colorent assez inégalement, surtout à
l'hématoxyline; on peut pourtant suivre très loin les prolonge-
RÉFLEXIONS : HÉRÉDITÉ. 191
ments de la plupart. La couche des cellules névrogliques n'offre
rien de particulier. Dans la substance blanche, corps granu-
leux nombreux, aspect fibrillaire, grosses fibrilles anastomo-
sées.
Moelle cervicale. - La substance grise a des altérations
cellulaires importantes.
Dans les cornes antérieures^, le tissu interstitiel forme des
faisceaux fibrillaires volumineux et entre-croisés autour des
cellules nerveuses. Celles-ci, nettement diminuées de nombre,
se colorent bien par le carmin sur certains points, mais beau-
coup ne se colorent que faiblement et présentent un refletjau-
nâtre et hyalin comparable à celui des cellules de la paralysio
générale, elles sont tuméfiées et leurs prolongements n'existe
que peu ou point. Par l'hématoxyline, ces cellules se colorent
en gris de lin et leur réfringence apparaît beaucoup plus nette-
ment. Même aspect des cornes postérieures. Le canal de l'épen-
dyme est conservé. Son épithélium est intact; on y distingue
sur certains points les cils des cellules. La trame conjonctive
des cordons blancs est notablement épaissie, le nombre des
tubes diminué, mais lalésion est la même sur tous les cordons.
Il n'y a pas de systématisation. Les vaisseaux sont dilatés.
Moelle dorsale. - L'aspect est le même de tout point.
Moelle lombaires Les lésions sont les mêmes, la tuméfac-
tion des cellules et leur raréfaction sont encore plus visibles, à
cause du grand nombre des cellules motrices en ce point (1).
RÉFLEXIONS.- Cette observation nous paraît justifier les
réflexions suivantes :
I. Un mot d'abord des antécédents au point de vue héré-
ditaire. Nous rappellerons que l'une des grand'mères pa-
ternelles de l'enfant était épileptique; que l'une des grand'-
mères maternelles était migraineuse. Au point de vue
personnel, on nous a dit que l'enfant n'aurait eu qu'une
seule fois des convulsions, à l'âge de trois mois et d'une
durée de quinze minutes seulement. Mais l'enfant étant
resté en nourrice, chez des étrangers, jusqu'à deux ans et
demi, on peutse demander s'il n'a pas eu d'autres accidents
convulsifs qui auraient été dissimulés.
(1) Les autres organes, larynx, estomac, foie, rate,coeur, ont OU.
examinés sur des coupes et ne présentaient pas d'autres lésions
que leur état légèrement alrophique, semblable 1 celui qu'on trouve
dans les lésions do dénutrition.
192 RÉSULTATS DU TRAITEMENT.
Notons, comme maladies ordinaires, une ophthalmie
double, la rougeole, une conjonctivite granuleuse, un
pemphigus à petites bulles, de fréquentes entérites et, en-
fin, les symptômes de méningo-encéphalite qui ont enlevé
le malade à l'âge de 7 ans.
II. L'état de P..., à l'époque de son admission dans le
service, pourrait se résumer ainsi : marche et parole nul-
les, nécessité de l'habiller, de le déshabiller, de le faire
manger, car il ne savait aucunement se servir de ses
mains, - appétence exclusive pour le lait et la soupe ; -
impossibilité de fixer l'attention ; gâtisme ; tics mul-
tiples, etc. Aussi le diagnostic clinique : idiotie complète,
se posait-il de lui-même. Quant au diagnostic anatomo-
pathologique nous déclarons être demeurés tout à fait in-
décis et si l'on veut bien se souvenir de l'insuffisance des
renseignements recueillis sur les accidents de l'enfance,
on comprendra notre indécision.
Malgré cette situation, rendue encore plus fâcheuse par
de fréquents accidents ayant nécessité des séjours souvent
assez prolongés à l'infirmerie ; malgré des tics multiples
figurés sur des photographies, dont quelques-unes ont été
présentées à la Société, le traitement médical et physiolo-
gique avait donné, chez cet enfant, des résultats importants
qui autorisaient l'espoir d'une amélioration plus sérieuse.
On lui avait appris à se tenir debout, à marcher, à cou-
rir, à brouetter, à se servir de la cuiller, à saisir le go-
belet, à se tenir assis, etc. On était parvenu à fixer assez
bien son attention, à le maintenir sur le siège de propreté,
ce qui faisait présager la possibilité de la disparition du
gâtisme. Il reconnaissait ses maîtresses d'école ; il prenait
goût à la musique et retenait les airs. Les photographies
que nous avons fait passer sous les yeux de la Société met-
tent en évidence ses progrès : la première (octobre 1882) le
représente assis et soutenu par les bras d'un fauteuil; la
seconde, assis sur une chaise (octobre 1883) ; la troisième,
debout, sans soutien, et partant à une époque où il avait
appris à marcher (septembre 1884).
III. Au point de vue aoalomo-patl : ologidue, à part les
foyers ocreux multiples, sur lesquels nous allons revenir,
nous constatons dans tout l'axe cérébro-spinal les lésions
ENCÉPHALITE. 193
diffuses, portant à la fois sur les éléments nerveux et sur
le tissu interstitiel, qu'on a coutume de trouver chez les
idiots, sans qu'il soit possible de montrer par quels élé-
ments le processus morbide a débuté.
La substance grise montre ses vaisseaux très ramifiés,
mais sans bandes fibreuses épaisses autour d'eux. Ces lé-
sions péri-vasculaires sont,en effet, assez rares chez des en-
fants aussi jeunes ; les cellules nerveuses sont plus ou
moins diminuées de nombre ; sur beaucoup d'endroits on
observe, comprenant la portion superficielle' de la subs-
tance grise, des taches grisâtres plus claires, visibles à
l'oeil nu par transparence, atteignant 1 à 2 millim. de dia-
mètre où les cellules nerveuses ont disparu; il n'y a plus
qu'un réseau plus ou moins tassé de fibrilles, réseau dans
les mailles duquel est interposé un liquide qui donne au
tout un peu de l'apparence du tissu muqueux. Ces taches,
que nous avons décrites comme des points de désintégration
et qu'on retrouve dans les cas semblables, sont ici très
marquées. Il existe de plus un certain nombre de foyers
allongés dans le sens des circonvolutions, comprenant une
paroi superficielle, une paroi profonde, un contenu. La
paroi superficielle, brunâtre, doit cette coloration à un
grand nombre de cellules tuméfiées, chargées de granula-
tions pigmentaires dont l'origine est évidemment sanguine.
Elle est constituée par la couche la plus superficielle de la
substance grise, épaisse, feutrée, vascularisée. Le contenu
nous rappelle les taches décrites plus haut; ce sont des fi-
brilles peu abondantes formant un réseau à mailles très
larges avec un liquide séreux interposé ; nous disons sé-
reux parce que ce liquide n'a pas été coagulé par l'alcool.
La paroi profonde est formée par la substance grise dans
laquelle les taches grises sont très abondantes et pronon-
cées, le tissu névroglique y est aréolaire, comme nous l'a-
vons dit. Au-dessus de chaque foyer, existe une traînée de
dégénérations descendantes dans la substance blanche ;
enfin, dans quelques foyers, on trouve encore des globu-
les de sang épanché ; le pigment de ces globules rouges a
été repris par les cellules interstitielles de la paroi du
foyer que nous avons vues tuméfiées et chargées de granu-
lations jaunes. C'est ce qui se passe, par exemple, autour
d'un follicule de De Graef après la ponte ovulaire. Ces
194 PLAQUES JAUNES ; PSEUDO-KYSTES.
foyers ne sont pas apoplectiques ; à la coupe, ils ont la
forme comme d'un coin à base périphérique, et les parois
no sont pas dilacérées. Ce sont donc des foyers de ramol-
lissement. Sont-ils emboliquos ? Nous ne le pensons pas ;
d'abord, l'examen détaillé du coeur et des autres organes ne
nous a point montré de lésions vasculaires, ni d'autres
foyers hémorrhagiques; ensuite leur distribution sur les
hémisphères est irrégulière et ne correspond au cercle do
distribution d'aucune branche artérielle importante. Nous
croyons donc que l'on doit rattacher pathogéniquement ces
foyers à une forme plus rare : au ramollissement par
thrombose qui s'observe chez les vieillards déments (pla-
ques jaunes, de Durand-Fardel), dans des conditions assez
voisines de celles que nous avons sous les yeux. Ces foyers
sont situés aux points du cerveau les plus altérés, il y a
donc un rapport entre leur présence et celle des taches
grises ; mais nous ne pouvons préciser quelle est l'influence
de cette seconde lésion sur la première.
Dans la moelle, l'altération des cellules nerveuses est
bien nette, c'est la nécrose de coagulation de Weigert, que
cet auteur avait signalée d'abord, notons-le : précisément
dans les myélites les cellules qui meurent de cette façon
nous ont montré les trois états successifs de tuméfaction
hyaline, d'état granuleux et de désintégration moléculaire
complète; après quoi, les débris de la cellule s'éliminent.
Los lésions de la substance blanche, tant dans le cerveau
que dans la moelle, sont naturellement diffuses, comme
celles de la substance grise qu'elles suivent. Nous ne re-
viendrons pas sur leur description.
IV. L'intérêt de ce cas réside surtout dans la constatation
de ces plaques jaunes ou de ces petits pseudo-hystes mul-
tiples, distribués sur les hémisphères. Nous pensons que
cette lésion, qui a été rarement signalée à cet âge, les ra-
mollissements multiples appartenant aux vieillards et aux
cardiaques, peut être interprétée de façon à expliquer
d'autres formes également curieuses de lésions trouvées
chez les idiots.
TÉRATOLOGIE. 195
VIII.
Ectromélie unilatérale.- Rein unique. - Inclu-
sion de la verge. - Cloaque vésico-rectal. -
Tumeur mixte (fibro-sarcome) du périnée ;
Par BOURNEVILLE et P. biucon.
Nous devons à l'obligeance d'une sage-femme distin-
guée de Gentilly,112 ? l' oalNO, d'avoir pu étudier un monstre
ectromèle atteint en outre de différentes autres anomalies
dont nous allons rapporter l'observation.
Observation. - Deux oncles paternels ont eu des con-
vulsions. Grand-père maternel, excès alcooliques.
Grand'mère maternelle, suicide. - Frère âgé de 30
mois, ne prononce que quelques mots. - Vive émotion
au troisième mois de la grossesse.
Ectromélie abdominale unilatérale. Rein et ure-
tère uniques.- Difficulté apparente de la détermina-
tion du sexe. Inclusion de la verge, scrotum
inhabité simulant une petite verge. Urèthre imper-
méable clans une partie de son parcours. Cloaque
(communication de la vessie avec le rectum). -- Tu-
meur congénitale du périnée et des parties environ-
nantes (fibro-sarcome).
Rat..., né le 7 mars' 1886, est décédé le 20 mars.
Renseignements fournis par sa mère. Père, 37 ans,
charpentier, d'une constitution robuste, bien portant, ne
fait aucun excès de boissons ; il fume et chique d'une
façon modérée. Marié à 32 ans, il n'a été atteint d'aucune
affection nerveuse ou syphilitique. [Père, bien portant,
cultivateur, sobre, pas d'accidents nerveux. - Mère, sobre,
morte à 61 ans,en 8 jours,d'une affection cérébrale dont le
diagnostic n'a pas été porté. - Grand-père maternel,
8') ans, et grand'mère maternelle, 80 ans, en bonne santé.
Deux frères ayant eu des convulsions dans l'enfance ;
l'un infirmier, atteint de tics oculaires, a eu trois enfants,
196 IMPRESSIONS MATERNELLES : MALFORMATIONS.
dont deux sont morts on ne sait de quoi. Pas d'aliénés,
d'épileptiques, ni de difformes (pieds-bots, malformation
des membres, sourds-muets) dans la famille.]
Mère, 30 ans, bien portante, n'a pas eu de convulsions
dans l'enfance, n'est pas migraineuse, mais a eu, pendant
les cinq premiers mois de sa première grossesse, des
céphalalgies avec vomissements, et pendant la seconde,
des douleurs névralgiques ; elle n'a jamais eu d'attaques
de nerfs, maiscst très impressionnable. [Père, mort à66 ans
d'une maladie de coeur; il fit, à partir de l'âge de 45 ans,
de nombreux excès de boissons - Mère, s'est suicidée
par le vitriol. Grand-père paternel mort subitement
vers l'âge de 40 ans, on ne sait de quoi. Grand'mère
paternelle morte à un âge avancé sans qu'on puisse préci-
ser de quelle affection. - La grand'mère maternelle est
également morte âgée; on ne peut fournir aucun rensei-
gnement sur le grand-père paternel. - Deux frères bien
portants, ainsi que les enfants de l'un d'eux ; une soeur,
sans enfants, est de même en bonne santé. Ni aliénés, ni
épileptiques, ni difformes, etc., dans la famille].
Pas de consanguinité.
Trois enfants : a) D'un premier mari : 1° un enfant, âgé
de 9 ans, bien portant et intelligent ; aurait eu une con-
vulsion légère lors de l'éruption d'une molaire. b) Du
deuxième mari, deux enfants; 2° l'un âgé de 30 mois, bien
portant, comprendrait tout ce qu'on lui dirait, mais ne
prononce que quelques mots tels que papa, maman, et
quelques autres ; il a marché à 10 mois et a été propre à
1 an.
3° Notre malade. - Lors de la conception, les parents
étaient tous deux bien portants et vivaient en parfait
accord (ni chagrins, ni ennuis). - Grossesse : la mère est
venue de Besançon, son pays, où elle était domestique,
enceinte de trois mois, sans avoir connaissance de son état,
car elle avait eu ses règles aux époques ordinaires. Le
jour de son arrivée, elle vint voir son beau-père, marié à
une surveillante de Bicêtre. En traversant la seconde cour
de l'hospice, elle fut vivement impressionnée à la vue du
malade B..., atteint d'un tic convulsif violent de la tête
(chorée ? ) ; elle en aurait été «bouleversée, retournée, »
mais n'eut ni syncope, ni tremblement, et n'éprouva rien
de particulier du côté de l'abdomen. Elle alla déjeuner
chez sa belle-soeur, no repensa pas à ce malade; mais dans
la soirée, l'aspect de ce pensionnaire lui revint : « Je le
voyais toujours, la nuit il était devant moi, si je me réveil-
1 CARACTÈRES SPÉCIAUX DES MOUVEMENTS DU FOETUS. 197
lais ». Chaque fois qu'elle venait à Bicêtre (et elle y venait
tous les jours) elle était reprise d'un sentiment de compas-
sion à la vue de cet homme. Pendant tout le cours de la
grossesse, elle a été hantée par l'idée que l'enfant qu'elle
portait pourrait être mal conformé et ce fut la première
chose qu'elle demanda à la sage-femme lors de l'accou-
chement. En dehors de cette émotion, elle n'eut durant la
grossesse, ni céphalalgies, ni névralgies, ni coups, ni
chutes, etc. ; nous signalerons toutefois des vomissements
qui semblent avoir été dénature peu grave, et jusqu'au
troisième mois des envies de boire qu'elle satisfaisait en
buvant de l'eau; ni eau-de-vie, ni autres liqueurs, etc.
Dans le deuxième mois de la grossesse seulement, elle eut
un peu d'oedème des membres inférieurs.
Les premiers mouvements de l'enfant se sont manifestés
vers le cinquième mois; ces mouvements ressemblaient,
selon elle, à une boule qui remue et non à des petits coups
comme ceux qu'elle avait sentis quandelle était enceinte de
ses deux premiers enfants. Il me semble, disait-elle à son
mari, que ses membres ne remuent pas comme chez les
autres, et qu'il est situé sous les côtes. o L'accouchement
eut lieu environ trois semaines avant terme ; il fut très
rapide, d'une durée totale de 10 à 15 minutes.
Etat actuel (13 mars 188G). Tête bien conformée; pas
d'indice d'hydrocéphalie ; cheveux assez abondants.
Face régulière. - Le thorax est déprimé vers l'extrémité
inférieure du sternum, qui forme une espèce de fossette.
L'appendice xyphoïde est saillant. Les membres supé-
rieurs sont bien conformés.
La colonne vertébrale est régulière à la région cervico-
dorsale, mais à la région lombaire, qui est très concave, il
y a une déviation vers la droite. Le bassin, en arrière,
forme une saillie considérable qui est moins large que le
diamètre qui répond au flanc. La moitié droite du bassin
est arrondie, la gauche un peu déprimée. - La peau est
saine sur la moitié droite, qui est irrégulière; elle est
ulcérée sur la moitié de son étendue. L'ulcération est
irrégulière, présente une coloration rouge foncée. Sur la
ligne médiane, il existe une dépression infundibuliforme,
où aboutissent quatre sillons. C'est là que se trouve une
fente d'où sortent, assure-t-on, les excréments. Egalement t
sur la ligne médiane, à la partie la plus saillante, on trouve
une petite eschare qui a débuté avant-hier. La masse
arrondie, qui répond au bassin, se termine sous la forme
d'un cône tronqué, au sommet duquel existe une fente en
198 ECTROMÉLIE UNILATÉRALE.
V dont l'ouverture est d'environ 8 à 9 millimètres. Les
lèvres du V sont d'aspect cutané. Dans la fente, répondant
à la branche gauche du V, semble être l'orifice uré-
thral. ( ? ) Entre les branches du V, on trouve une saillie
rosée. (Fig. 18, Il,)
Membre inférieur droit. La hanche droite paraît
normale; toutefois ses mouvements sont un peu limités,
surtout dans le sens de l'abduction. Le fémur droit est un
peu incurvé ; la jambe droite est fortement courbée en
dedans et se termine par un pied bot varus assez pro-
noncé.
Membre inférieur gauche. De ce côté, il existe, en
Fin. 18.
apparence, une amputation congénitale (ectromélie) de la
cuisse au niveau de l'union du tiers moyen avec le tiers in-
férieur. Le membre inférieur gauche est donc représenté
par un moignon qui mesure 7 centim. de longueur, 11
centim. de circonférence à la base et 8 centim. de circonfé-
rence à l'extrémité inférieure. Il existe quelques mouve-
ments très limités dans la hanche, qui est fortement dépri-
mée. Le moignon est dans l'adduction et ne peut être porté
dans l'abduction. Il est en même temps fléchi obliquement
sur l'abdomen, de tellesorloquo son extrémité libre répond
AFFAIBLISSEMENT PROGRESSIF; MORT ; AUTOPSIE. 199
à peu près à la ligne médiane du corps. Sur sa face infé-
rieure et externe, le moignon présente une série de petits
mamelons arrondis ou elliptiques ; les uns, répondant à
l'extrémité libre, sont fermes; les autres, situés à la racine
du membre, sont mollasses, ont une coloration légère-
ment bleuâtre, rappelant l'aspect de certaines phlyc-
tènes. (Fig. 18, A.)
L'abdomen est très large, mesure plus de 31 centimètres
dans sa plus grande dimension, alors que le thorax mesure
à sa base 27 cent. 1/2. La peau est épaissie, principalement
sur le tiers médian, dans le sens de la hauteur; elle est
ridée transversalement et longitudinalement; les rides
longitudinales sont plus profondes. A 3 centimètres au-
dessous du nombril, se trouvent quatre rides cutanées qui
se réunissent; l'une des rides ou sillons cutanés descend
entre les deux cuisses et répondrait à peu près à une fente
simulant vaguement une vulve ( ? ). Cette région interfé-
morale, qui a 2 centimètres à peine de largeur, descend
en bas en s'élargissant pour venir se confondre avec la
saillie conique dont nous avons parlé, au sommet de la-
quelle se trouve l'orifice présumé de l'urèthre. La saillie
conique mesure à son extrémité près de 4 centimètres.
Immédiatement au-dessous du pli cruro-génital gauche,
existe un mamelon qui a 7 à 8 millimètres de hauteur.
Cette saillie a tout à fait l'aspect d'un bout de sein sans
orifice et ne rappelle nullement l'aspect de la verge. Sa
consistance est analogue à celle d'un mamelon.
La peau du dos, dans sa partie supérieure, est souple ;
à la région lombaire, elle est dure, comme scléreuse, ainsi
que sur la cuisse droite en dehors; sur la jambe, elle pré-
sente le même caractère. Elle est souple sur la région tho-
racique antérieure, ainsi qu'aux aisselles, un peu scléreuse
sur les épaules, très scléreuse sur les bras.
On constate une cyanose très prononcée à la jambe,
mais surtout du pied et des avant-bras.
.L'enfanta rendu son méconium; les selles commencent
à être jaunes ; il téte et ne vomit pas.
Du 13 au 20 mars, il s'est affaibli progressivement, et
il est mort le 20 mars.- Grâce à l'habile intervention de
il11"1 Forino, nous avons pu pratiquer l'autopsie, mais par-
tiellement. car les parents se sont opposés à ce que nous
touchions à la tête.
Autopsie. Les organes de la cavité thoracique sont
normaux. Il en est de même de la plupart des organes de
la cavité abdominale, à l'exception des reins, du rectum,
200
REIN UNIQUE.
de la vessie et des organes génitaux, qui présentent des
anomalies.
Fig. 19. 6, Gland ; le prépuce est ramené en arrière ; une sonde est
introduite dans l'urèthre. - 7, Mamelon représentant le scrotum inha-
bité (1).
Organes génitaux. - Dans la fente médiane dont il est
question plus haut, on constate l'existence d'un gland bien
Fig. 20. - 1, Coupe transversale du rectum. - 2, Vessie ouverte sur
sa paroi postérieure.- 8, Moignon et cuisso gaucho.- 9, Testicules. -
10, Rein droit. - 11, Uretère droit sinueux et dilaté. - 12, Capsule
surrénale droite. - 13, Capsule surrénale gauche.
conformé, situé profondément; les lèvres de cette fente
sont formées par le prépuce, que l'on parvient à refouler
(I) Cette figure et les suivantes ont été dessinées par M. Isch-
V11, interne du service.
INCLUSION DE la VERGE.
201
en arrière du gland (Fig. 19).Une sonde introduite dans le
canal de l'urèthre ne parvient pas jusqu'à la vessie; elle
se trouve arrêtée au niveau du pubis. Une section opérée
d'avant en arrière et sur le trajet de l'urèthre, permet de
constater que cette interruption est due à une tumeur
qui a envahi une grande partie du pénis, et sur laquelle
nous reviendrons tout à l'heure. Le mamelon situé un peu
au-dessus et sur le côté du pénis, dont nous avons parlé,
est incisé et n'est autre qu'un scrotum inhabité.
Fin. 21. -Elle montre les rapports du cloaque avec la vessie et le rectum.
- 1, Rectum par lequel passe une sonde qui ressoit par le cloaque.
- 2, Vessie ouverte antérieurement et postérieurement. - 3, Tumeur.
- - 4, Pubis. - 5, Cloaque vésico-rectal. - G, 6, Fente au fond de laquelle
on voit l'orifice de l'urèthre et le gland. - 7, nlamelon scrotal. - 8,
Cuisse gauche.
Le rein gauche est complètement absent; malgré des
recherches très attentives, nous n'en découvrons aucun
vestige ; la capsule surrénale gauche existe. Le rein droit
paraît normal, mais son uretère est très sinueux, dilaté,
de la grosseur d'une plume d'oie (Fig. 20, 11). Les deux
testicules (Fig. 20, 9) se trouvent sur les côtés du bassin.
La vessie, ouverte postérieurement, montre une large
communication avec une sorte de cloaque (Fig. 21, 5) qui
lui est commun avec l'extrémité inférieure du rectum.
Sur la paroi interne du rectum, autour du rectum et de
Bourneville, 1886. 14
202
fibro-sarcome.
la vessie, se trouve une tumeur bourgeonnante (Fig. 21
et 22, 1,3), d'aspect sarcomateux. Cette tumeur a envahi
toute la partie gaucho du bassin, les faces latérale et posté-
rieure de la cuisse gauche. Elle est blanchâtre, ferme au
toucher, et crie sous le couteau. Elle contourne le pubis à
sa partie inférieure, envahit tout le périnée ; elle dépasse
de 2 à 3 centimètres la fente dorso-anale qu'elle enveloppe
complètement; en avant, elle s'éLcnd jusqu'au bord infé-
rieur du prépuce, puis gagne la partie inférieure do la
cuisse; elle présente, du pubis au gland, une épaisseur de
plus de 3 centimètres. La tête du fémur est à peu près nor-
Fig. 22.- 1, Rectum ouvert montrant les végétations de la tumeur (3) sur
sa paroi interne. - 2, Vessie. - 3, Tumeur. 4, Pubis. - G, Fente-
dans laquelle se trouve inclus le gland. - 7, Mamelon scrotal.
maie située dans une cavité cotyloïde bien conformée. Le
bassin à gauche n'est représenté que par une portion car-
tilagineuse supportant la cavité cotyloïde. Le fémur se
termine par une surface cartilagineuse, simulant les con-
dyles et entouré d'une bourse séreuse ; cette extrémité in-
férieure a l'aspect d'une extrémité fémorale inférieure; on
y trouve du reste, en avant et un peu en dehors, un petit
noyau cartilagineux qui rappelle la rotule.
Examen histologique. - Dans les parties de la tumeur
siégeant autour du pubis on trouve, à l'examen histologi-
que, unstroma fibreux épais et abondant,circonscrivant des.
PSEUDO -hermaphrodisme. 203
alvéoles irrégulières qui contiennent des cellules embryon-
naires ; ce tissu fibreux se rencontre dans toutes les par-
ties de la tumeur, mais prédomine dans les endroits
d'apparence fibreuse ; il diminue, et même cède le pas aux
cellules embryonnaires dans les parties molles, jeunes, de
la tumeur, telles que sur le rectum. - La nature des cel-
lules, la disposition des travées fibreuses ne permet pas à
un examen attentif de s'arrêter à l'idée d'un carcinome, ce
que nous avions pensé au début après un examen hâtif et
superficiel. En résumé, nous avons ici affaire à un sar-
come, à un fibro-sarcome.
Réflexions. I. Nous signalerons l'absence complète
de tout néoplasme et de malformations quelconques chez
les ascendants directs ou collatéraux, la bonne santé des
père et mère. Nous ne trouvons chez les ascendants ni épi-
leptiques, ni aliénés (sauf un suicide) ; l'alcoolisme existe
chez un aïeul maternel et aucun membre de la famille ne
paraît avoir été atteint d'affections nerveuses graves, en
dehors des convulsions de l'enfance pour quelques-uns
d'entre eux. La mère elle-même n'est ni migraineuse, ni
à proprement parler nerveuse ; elle semble être atteinte
simplement de cet état nerveux encore peu défini décrit
sous le nom de neurasthénie.
Comme on le voit, nous ne trouvons dans les antécédents
aucun fait qui précise, explique, la déviation ou lape7-ue ? ,-
sion du développement, dont a été atteint l'enfant Rat....
Il semble que la tumeur se soit développée dans les trois
premiers mois de la grossesse. Doit-on en accuserdeschocs
qui auraient pu être subis pendant des vomissements de
ces trois premiers mois ?
Quel rôle a pu jouer ici l'émotion ressentie,vers le troi-
sième mois de la grossesse, par la mère à la vue d'un ma-
lade atteint d'un tic particulier de la tête, émotion qui
se serait prolongée d'une façon constante jusqu'à l'accou-
chement ? Nous ne saurions dire si cette émotion a été
pour quelque chose dans l'étiologie des arrêts de dévelop-
pement et des malformations que nous avons observées
chez notre malade. Sa persistance a pu jouer un rôle. Sans
insister davantage et nous lancer dans des hypothèses plus
ou moins hasardées, nous allons relever en quelques mots
les points les plus importants.
204 ECTROMÉLIE ABDOMINALE.
II. Rein unique. - Les observations du roin unique ne
sont pas d'une extrême rareté (1), mais il est douteux
qu'elles se rapportent à des cas d'absence rénale congéni-
tale ; la plupart doivent être attribuées à des atrophies, et
des recherches suffisantes eussent peut-être fait décou-
vrir, dans bien des cas, les vestiges du rein. Il n'en est
pas de même dans notre cas où la constatation de l'absence
du rein gauche est appuyée par la disposition sinueuse de
l'uretère droit de calibre excessif (Fig. 20) qui semble s'être
ainsi développé en compensation de l'absence de toute
trace d'uretère gauche. Rappelons que la capsule surré-
nale gauche, correspondant au rein absent, existait et était
normale.
III. Poeudo-hermaphrodtS ? e. Les cas d'hermaphro-
disme apparent sont assez fréquents , la plupart se rap-
portent à des hypospades très prononcés. Chez Rat..., au
contraire, le gland et le canal de l'urèthre (dans son trajet
antérieur) sont bien conformés,- l'inclusion seule du gland
dans la peau du périnée, par suite du développement de
la tumeur d'arrière en avant, avait pu faire penser à l'exis-
tence d'une vulve dont les lèvres étaient simulées par la
face interne du prépuce ; d'autre part, le scrotum inhabité,
petit et allongé, a pu être pris pour une verge mal confor-
mée. Ces différents aspects ne pouvaient toutefois résister
à un examen plus approfondi.
IV. Ectromélie abdominale unilatérale. Les cas
d'ectromélie bi-thoracique ou bi-abdominale sont assez
fréquents, mais l'ectromélie abdominale unilatérale est
très rare, et, dans la plupart des cas publiés, cette ano-
malie s'accompagnait d'éventration. Nous devons faire re-
marquer ici l'absence dans le moignon d'os rudimentaircs,
la disposition normale des nerfs, des vaisseaux et des
muscles, non intéressés par la tumeur. Cette ectromélie
paraît être due à la tumeur; nous ne pouvons être plus
affirmatifs, les centres nerveux n'ayant pu malheureuse-
(1) Consulter à ce sujet l'article Rein (physiologie) publié par
M. Daniel nlollière, dans le Dictionnaire encyclopédique des
sciences médicales, 38 série, t. III, p. 154, 1876.
TUMEUR SARCOMATEUSE. 205
ment être examinés. La constatation, par Mme Forino, de
l'état normal du placenta, des membranes, de la situation
également normale du cordon ne permet guère de faire
jouer un rôle à ces organes dans la production de la mal-
formation (1).
V. Tumeur sarcomateuse périnéale et des organes en-
vironnants.- Les cas de sarcomes congénitaux sont assez
rares et on n'en trouve que quelques exemples rapportés
par Virchow dans sa Pathologie des tumeurs et dans l'ar-
ticle Sarcome du Dictionnaire encyclopédique.
La genèse des malformations et de la tumeur observées
sur l'enfant Rat... reste encore en partie obscure; si l'on
s'explique assez facilement les anomalies rencontrées du
côté des appareils génito-urinaires par le fait du dévelop-
pement de la tumeur, il est moins facile de comprendre
comment celle-ci a pu produire l'ectromélie, et l'on ne
saurait établir de relation entre elle et l'absence du rein
gauche.
(1) Dans une observation précédemment publiée par Mme Fo-
rino (Médecin praticien, 30 septembre 1sus ? , p. 460), on note une
amputation spontanée du bras par suite sans doute d'un circu-
laire du cordon (présentation du siège) ; l'avant-bras détaché fut
retrouvé dans les membranes.
20G EPILEPSIE IDIOPATHIQUE.
IX.
Epilepsie idiopathique.- Démence paralytique.
- Obstruction des voies respiratoires par
les aliments : crico-trachéotomie. Ancien-
nes fractures des septièmes cartilages cos-
taux ;
Par BOUBNEVILLE, P. B1UCON et
L'histoire des vieux épileptiques offre souvent une série
de particularités intéressantes, non seulement au point de
vue de la pathologie nerveuse, mais encore au point de vue
et de la pathologie médicale ordinaire et même de la chi-
rurgie : telle est l'observation suivante :
Observation. - Hérédité nulle ( ? ). Pas de consan
guinilé. Premières convulsions à 3 ans. - Accidents
convulsifs revenant 4 à 6 fois chaque année jusqu'à
6 ans. - Rémission de 8 ans. - Retour des accès à
14 ans. - Affaiblissement de l'intelligence (29 ans);
idées religieuses : cruci(¡I'11wnt. - Congestions ménin-
gotiques. Tentative de suicide (1865). - Démence
(1880) s'aggravant de plus en plus (1881-1882); gâtisme,
embarras de la parole, etc. - Attitude spéciale.
Nombreuses cicatrices consécutives aux chutes con-
vulsives. - Introduction d'aliments dans les voies res-
piratoires : crico-trachéotomie. Bro2zcho- ? ozeu2nonie
consécutive. - Mort.
Autopsie : .' B)'oncho-pneu ? on : e. Fracture double
et symétrique des 7es cartilages costaux. - Artère
vertébrale droite moitié plus petite que la gauche.
- Pie-mère un peu épaissie, sans adhérences. - Asy-
métrie des circonvolutions. Scissure Ze2°pe2zdicu-
laire externe simienne.
111énag......, Charles-Théophile, tourneur sur cuivre, en-
tré à Bicêtre pour la troisième fois (1) le 22 décembre 1871
(1) Il était entré une première fois le JO décembre 1863, une
seconde fois le G février 1868.
DÉLIRE RELIGIEUX : CRUCIFIEMENT. 207
(service de M. Bourneville), est décédé le 20 mars 1885,
à l'âge de 43 ans.
Antécédents. - Les renseignements détaillés tels qu'on
les prend d'habitude dans le service, à chaque entrée,
manquant, nous relevons seulement dans les notes qui
nous ont été obligeamment communiquées par notre vénéré
maître, M. DELASIAUVE, médecin de la section jusqu'à la fin
de 1864, les indications suivantes fournies par le père du
malade en décembre 1863.
La santé de Ménag... aurait été bonne jusqu'à l'âge de
3 ans; dès cet âge, accidents convulsifs; les premiers au-
raient duré une demi-heure. Ces accidents sont revenus
jusqu'à 6 ans, séparés par des intervalles do deux ou trois
mois. Les convulsions étaient générales; il n'y avait pas
d'écume. A partir de 6 ans, disparition des crises, amélio-
ration de la santé jusque-là chancelante et développement
régulier de l'intelligence, qui était même assez vive; il a
suivi les exercices de l'école et fait son apprentissage.
A 14 ans,est survenu un accès au milieu de la rue, en
plein jour. A partir de là, les accès sont revenus tous les
deux ou trois mois pendant trois ans, tantôt le jour, tantôt
la nuit; ils se sont rapprochés ensuite et surviennent main-
tenant la nuit, suitout depuis un an, et dans le sommeil,
sans que M... en ait conscience. Il en a quelquefois deux
ou trois en douze heures et reste affaissé à leur suite pen-
dant deux ou trois jours.
La mémoire a diminué beaucoup. Son caractère s'est
modifié aussi; il est devenu morose. irritable et difficile.
- Presque chaque mois, retour d'idées délirantes reli-
fjieu.3es : il prie Dieu, se croit envoyé de lui pour guérir
les épileptiques; il en a ressenti toutes les souffrances, et
il ne veut plus qu'il y ait de ces malades sur terre. Ces
jours passés, il se mettait en croix, disait être Jésus-Christ
et voulait bénir son père et sa mère.
Au début, les accès étaient annoncés par un état de ma-
laise, d'abattement et de tristesse qui durait deux jours.
Maintenant, on le surprend souvent mâchonnant dans son
sommeil ; c'est la terminaison de la crise, qui est encore
révélée plus sûrement par des morsures de la langue, sinon
constantes, au moins fréquentes. Céphalalgie à la suite
des accès. - Contusions nombreuses de la tête et du men-
ton. - Cause de la maladie, inconnue; pas d'hérédité. -
Traitements antérieurs : arsenic, valériane, applications
fréquentes de sangsues, sans autre résultat que celui d'af-
faiblir la santé du malade.
208 TRAUMATISMES MULTIPLES.
Depuis le 10 décembre 1863 (date de la première entrée),
jusqu'en juillet 1865, nous relevons le traitement par le
sulfate de cuivre, l'apparition d'un urticaire fugace, de
l'agitation avec hallucinations, menaces, etc., et de fré-
quentes congestions méningitiques.Le 12 mars 1865, dans
un accès d'agitation, Ménag... se donne un coup de cou-
teau sans gravité au côté. - Pour cette même période, le
nombre des accès, par mois, a varié entre 1 et 7; celui des
vertiges est plus élevé. En juin 1865, pas d'accès, 4 ver-
tiges.
Etat actuel (17 mars 1885).-Tête de forme un peu carrée,
élargie transversalement à sa partie supérieure, avec saillie
considérable des deux bosses pariétales. La protubérance
occipitale et les bosses frontales font une saillie moyenne.
Nombreuses cicatrices à la racine des cheveux et à la par-
tie postérieure de l'occipital, dont deux courbes, linéaires
et très allongées. Léger sillon transversal répondant à l'ar-
ticulation du frontal avec les pariétaux. Front étroit,
couvert de nombreuses cicatrices, les unes anciennes, les
autres récentes ; une autre linéaire, de 2 centimètres, à la
partie supérieure de la tempe gauche. Les arcades orbi-
taires, effacées dans leur moitié interne, sont au contraire
larges et saillantes dans leur moitié externe; à ce nheau,
la peau est épaissie, couturée de cicatrices, privée d'un
grand nombre des poils des sourcils, mais glisse facile-
ment sur l'os. Bourrelet cutané, saillant, verticalement
dirigé, s'étendant de la racine du nez sur le front et long
de 1 cent. 1/2. Yeux un peu enfoncés. - Pupilles con-
tractiles très resserrées. Iris gris. Pas de lésion oculaire.
La fente palpébrale gauche parait légèrement oblique en
bas et en dehors.- Le nez, large à sa base, présente quel-
ques cicatrices à sa partie supérieure. Bouche grande,
lèvres épaisses. Face arrondie et symétrique. Oreilles
moyennes, égales, bien ourlées; lobule distinct.
DÉMENCE. 209
tées ; testicules volumineux et durs. La racine de la bourse
droite paraît plus grosse que celle de la gauche. Pas
d'onanisme constaté. Membres supérieurs ordinaire-
ment fixés dans la demi-flexion (contracture cédant à une
traction faible); il est plus difficile d'étendre horizontale-
ment le bras. Muscles grêles : deux cicatrices de vaccin
sur le bras gauche et une sur le droit. - Les membres in-
férieurs présentent de nombreuses cicatrices avec quel-
ques ulcérations récentes, dont une sur la face antérieure
de la cuisse droite et l'autre sur la malléole externe du
même côté. Au niveau des deux trochanters, nombreuses
cicatrices. En explorant le tibia gauche, on trouve sur la
face interne une saillie très accusée, creusée d'une rainure
oblique de haut en bas et d'arrière en avant, et située à
5 centimètres de l'extrémité inférieure de la malléole in-
terne : c'est un cal vicieux consécutif à une fracture sur-
venue en 1869, qui a mis plusieurs mois à se consolider et
s'est reproduite à plusieurs reprises, Mén... se levant avec
son appareil.
(jour : Battements sourds et mal frappés; pouls, 112
par minute. - Sensibilité générale, paraît normale. Sen-
sibilité spéciale, d'une exploration impossible. - Peau et
poils : Cheveux clair-semés noir foncé, quelques-uns gris ;
calvitie du sommet de la tête. Poils longs assez abondants
sur le devant de la poitrine. Poils grêles sur les bras et les
membres inférieurs.
1880. 7 avril. Accès comme d'habitude; mais depuis le
4, abattement. Une dit rien,ouvre les yeuxquand ilentend
parler de son père; appétit conservé. Pupilles légèrement
contractées. Sensibilité émoussée aux membres supé-
rieurs ; grimaces et mouvements, au contraire, quand on
pique les membres inférieurs avec une épingle. Gâtisme
intermittent. Démence assez prononcée. 16
15 décembre. Incohérenco absolue, aucune réponse sen-
sée à aucune question. Ne peut dire les noms des gens de
service qu il voit tous les jours, ni le jour de son entrée,
son âge, etc ; sait seulement son nom. Embarras considé-
rable de la parole.
1881. Avril. Revacciné sans résultat. Ne gâte que la
nuit. Très violent, parfois cherche à mordre. Nombreuses
contusions, plaies contuses et cicatrices résultant de chutes
dans les accès.
1883. 11 décembre. Après beaucoup d'insistance, Mén...
finit par répondre : « Ça..... va... a... a... » On lui dit :
210 démence; attitude spéciale.
« Bonjour. » « Oui... », répart-il, et c'est tout. Il est in-
capable de s'habiller et de se déshabiller. Quelquefois il
reste immobile devant son déjeuner sans y toucher, ou
bien il mange salement avec la main et parfois essaie de
prendre son bouillon avec une fourchette. Gâtisme ab-
solu. Le plus souvent, il reste immobile dans un coin. -
Parésie passagère des jambes après les accès et durant
deux ou trois jours. Pupilles contractées, mais égales. Il y
a deux jours, sans motif appréciable, il est arrivé près de
l'infirmier et a cherché à le mordre.
1884. ler juillet. Pas de tremblement de la langue ni des
lèvres. Forces affaiblies.
24 décembre. Frémissement des lèvres; hésitation mar-
quée de la parole, « tou... toutou... alors vous vou... ou...
dre... driez ». On arrive difficilement à lui faire ouvrir la
bouche, mais on no peut lui faire sortir la langue, qui
tremble légèrement.- Mén... égratigne parfois ses camara-
des quand ils le contrarient. Dynamométrie impossible.-
D'habitude le malade tient la tête penchée; ses mains sont
ramenées en avant de la poitrine, l'une sur l'autre; il mar-
che en traînant les pieds et en inclinant le corps assez
fortement en avant.
1885. 15 mars. Pendant qu'il mangeait, un morceau de
pain ou de viande s'est engagé dans les voies respiratoires
et menace de l'asphyxier. Le doigt porté profondément
dans le fond de la gorge arrive presque à la partie supé-
rieure du larynx sans avoir la sensation du corps étranger.
L'inspiration est pénible et accompagnée d'un bruit de
cornage intense. A la percussion, diminution de l'élasticité
du thorax, mais sonorité à peu près normale. Le murmure
respiratoire s'entend encore des deux côtés, mais affaibli,
presque supprimé à gaucho, où on entend en revanche la
propagation du bruit laryngo-trachéal. Pas ou peu de
tirage sus-sternal. La dépression épigastrique est plus ac-
cusée. - Par moments, la dyspnée devient plus intense;
il se produit des quintes de toux qui rejettent des muco-
sités filantes et visqueuses; à chacune de ces quintes, la
face blémit davantage, les extrémités sont froides, le pouls
reste plein et fort.
Vers midi et demi, la dyspnée et la cyanose sont extrê-
mes, et l'interne de garde pratique d'urgence la section
des parties molles au thermocautère et, au bistouri, l'in-
cision de la membrane crico-thyroidienne, du cartilage
cricoïde et du premier anneau de la trachée (c1'ico-lrJ.chéo-
CORPS ÉTRANGER. 211
tomie). La respiration se rétablit lentement après l'opéra-
tion, le pouls devient plus petit et filiforme à plusieurs
reprises; sous l'influence d'excitations directes de la tra-
chée par des attouchements de la muqueuse et de maneeu-
vres de respiration artificielle prolongées pendant une
demi-heure environ, les mouvements respiratoires se réta-
blissent, se régularisent.
A sept heures du soir, rejet par la bouche de petits
fragments de viande d'abord, puis de deux gros mor-
ceaux en partie tendineux, nullement mâchés, sans traces
d'altération. Le plus gros est aplati et mesure 4 centimè-
tres dans les deux sens ; le plus petit est allongé et a 4 cen-
timètres de longueur sur 2 de largeur. T. R. 38°,8.
17 mars. Respiration fréquente. Pouls accéléré, petit.
Face rouge, lèvres un peu cyanosées. Des sécrétions abon-
dantes, visqueuses, opalines sont rejetées sans trop de
peine par la canule. A l'auscultation, respiration exagérée,
ronflante, avec transmission des bruits qui se passent dans
la canule. - Traitement : potion de Todd, lait, potages,
bagnols. Le lait n'est avalé qu'avec difficulté et rejeté en
petite quantité par la canule. - T. R. M. 39°,8. - Soir :
T. R. 40".
18 mars. Nuit assez bonne. La rougeur de la face et la
chaleur de la peau ont diminué et presque disparu. La
peau est moite. Les sécrétions sont aussi moins abon-
dantes. A la percussion, submatité des deux bases ; en ce
point, murmure vésiculaire peu distinct et souffle léger.
En avant, respiration ronflante. P. 80; T. R. 39°.
Du côté de la plaie, léger gonflement et rougeur des
bords. La plaie elle-même est grisâtre, mais suppure peu.
Hier, tentative d'enlèvement de la canule; mais la plaie
étant fermée, la respiration est devenue si fréquente, avec
production d'un bruit laryngé intense, qu'on a dû la re-
mettre. Soir : T. R. 40°. Vésicatoire à la base droite;
lavement purgatif.
19 mars. Respiration fréquente, plaques de rougeur
sur les joues. A l'auscultation, râles nombreux sous-cré-
pitants. Peau très chaude, sèche. Nuit dernière très
agitée, avec mouvements désordonnés. 1/4 lavement avec
1 gramme de sulfate de quinine. T. R. 39°,8.
20 mars. Le malade est décédé à cinq heures du matin.
Tableau des accès depuis 1871 jusqu' la mort.
' FRACTURES DES CARTILAGES COSTAUX. 213
Autopsie (vingt-huit heures après la mort). - Abdomen
plat, sans coloration cadavérique. Rigidité assez pronon-
cée, surtout au bras gauche. Tissu adipeux assez abon-
dant. Musculature normale. Pas d'emphysème du cou. A
l'ouverture de l'abdomen, le péritoine paraît sain ; un peu
de liquide rougeâtre dans le petit bassin. L'intestin occupe
sa place normale; le grand épiploon est remonté et com-
plètement recouvert par les anses intestinales. Le foie ne
dépasse pas les fausses côtes. Le diaphragme remonte au
bord inférieur de la troisième côte à droite et de la qua-
trième à gauche. L'estomac est dilaté et déborde les
fausses côtes de la largeur de la main. Dans la cavité pleu-
rale gauche, un demi-verre environ d'un liquide roussâtre;
adhérences entre les deux plèvres, en arrière, s'étendant du
sommet à la base du poumon gauche et sur un espace plus
large en haut qu'en bas. Le poumon droit est presque
complètement adhérent, tant à la plèvre qu'au péricarde.
Péricarde normal; sa cavité contient environ trois
cuillerées d'un liquide rougeâtre, sans fausses mem-
branes.
Thorax. L'examen du plastron thoracique, enlevé pour
l'ouverture de la cavité, fait découvrir une fracture double
symétrique des 7es cartilages costaux, fractures anciennes
dont nous ignorons la date, car nous n'avons trouvé au-
cune indication sur les registres de la section. La poignée
du sternum est réunie au corps par une articulation, tandis
que l'appendice xyphoide est en grande partie cartilagi-
neux ; le cartilage de la 7e côte s'insère sur cette partie
cartilagineuse. Ce cartilage mesure 11 cent. 1/2. A 3 cent.
1/2 de son extrémité costale se trouve de chaque côté une
fracture transverse à bords nets; ses fragments chevau-
chent l'un sur l'autre de 1 cent. 1/2 à 2 cent.; le fragment
costal est situé en avant. Entre les deux fragments et au-
tour d'eux, on voit de chaque côté du tissu osseux dur et
compact, se montrant sur les différentes surfaces du carti-
lage, sans union intime avec lui; ce tissu osseux est sur-
tout abondant entre la face externe du fragment sternal et
la face interne du fragment costal. Les cartilages parais-
sent normaux, sans traces d'ossification.
Coeur (280 grammes), surchargé modérément de graisse,
surtout à la pointe et en arrière ; normal, on trouve seule-
ment un peu d'athérome autour des orifices des artères
coronaires. Endocarde un peu épaissi dans la cavité
ventriculaire gauche, dur et presque calcaire dans l'espace
sous-aortique. - Plèvre lisse et normale dans les parties
214 ' autopsie.
où on ne trouve pas d'adhérence. Ganglions du médias-
tin postérieur mélaniques, sans augmentation de volume.
Bronches et trachée hypérémiées. Poumon droit
(900 grammes) très congestionné et très oedématié; sur les
bords, plusieurs zones de 1 centimètre d'épaisseur, dures,
grisâtres (broncho-pneumonie). - Congestion et oedème
du poumon gauche (780 grammes), prédominant à la base.
Aspect gris sale de la plaie trachéale; celle-ci intéresse
seulement le cartilage cricoïde et le ligament crico-thyroi-
dien. Les cordes vocales qui touchent immédiatement par
leur insertion antérieure à l'angle supérieur de la plaie
sont gonflées^ mais ne paraissent pas avoir été atteintes.-
Pharynx et oesophage normaux.
Abdomen. Foie (1230 grammes). Pancréas, uretères,
capsules surrénales, rate (140 grammes), rein droit (105
grammes) normaux. Rein gauche (115 grammes) lobulé T
deux petits kystes, un de 5 millimètres environ, l'autre de
2, font une légère saillie sur son bord convexe. Bile, vési-
cule biliaire, canal cholédoque, rien de particulier. Le
canal inguinal droit est très dilaté. Les testicules sont
normaux.
Tête. Cuir chevelu normal. Les os du crâne durs, mais
peu épais, sont symétriques. Le trou vertébral est nor-
mal. Dure-mère et liquide céphalo-rachidien, rien de
particulier. Encéphale : 1270 grammes.
La pie-mère, non injectée, mais un peu épaissie., s'en-
lève très facilement des deux côtés, sur le cerveau et le
cervelet. Les nerfs, le chiasma. les pédoncules cérébraux £
sont symétriques. Les hémisphères cérébraux sont égaux.
Les ventricules latéraux et. la corne d'Ammoo n'offrent
rien de particulier. Les artères de la base sont symétri-
ques, mais l'artère vertébrale droite est au moins de
moitié plus petite que la gauche. Cervelet et isthme : 140
grammes. Les hémisphères cérébelleux sont égaux.
Hémisphère gauche, a) Face convexe. La première
frontale, très sinueuse, s'insère directement sur la frontale
ascendante ; de la base de son point d'insertion part une
scissure parallèle au sillon de Rolando ; elle descend pres-
que au niveau do la scissure frontale inférieure, longe pa-
rallèlement dans son tiers inférieur, et à 1 centimètre en
avant, une seconde scissure parallèle frontale plus infé-
rieure, qui va jusqu'à l'insertion de la troisième frontale.
La deuxième frontale est très sinueuse, envoie dans son
description des circonvolutions. 215
tiers moyen deux plis de passage à la première frontale,
s'insère indirectement par un pli de passade au tiers infé-
rieur de la circonvolution frontale ascendante, entre les
deux scissures parallèles dont nous avons parlé. La troi-
sième frontale est aussi très sinueuse; elle ne s'insère à la
frontale ascendante qu'au fond de la vallée de Sylvius. Les
sillons du lobe frontal sont profonds. La scissure de Syl-
vius est normale. La frontale ascendante, assez large
dans son tiers inférieur, est moins développée dans ses
deux tiers supérieurs, grêle vers sa partie moyenne. Le
sillon de Rolando est profond et sinueux. La pariétale
ascendante est sinueuse et assez grêle. La scissure inter-
pariétale, très sinueuse et profonde, est interrompue au
niveau de sa courbure par un mince pli de passage, allant
du pli pariétal inférieur à la partie médiane de la parié-
tale ascendante; elle possède un rameau ascendant assez
sinueux, un sillon vertical descendant (Sulcus interme-
clius de Jensen) qui va se confondre avec la scissure pa-
rallèle, puis va se perdre dans le lit de la première scissure
occipitale, elle-même très sinueuse, en coupant la scissure
perpendiculaire externe qui, ici, est complète et profonde;
cette dernière, interrompue à son tiers supérieur par un
pli de passage grêle, allant du lobule pariétal supérieur à
la première circonvolution occipitale, se continue ensuite
presque jusqu'à la scissure parallèle dont elle n'est séparée
que de 4 millimètres. Le lobule pariétal supérieur est
sinueux, bien développé, ainsi que le lobule pariétal infé-
rieur et le pli courbe.
La première circonvolution temporale est bien déve-
loppée, sinueuse, elle est nettement séparée du lobule pa-
riétal inférieur par une scissure profonde, horizontale; la
scissure parallèle est sinueuse et profonde, communique
par trois larges et profondes scissures avec la seconde
scissure temporale, très sinueuse et irrégulière, inter-
rompue par plusieurs plis de passage allant de la troisième
temporale à la deuxième; il en résulte que ces deux cir-
convolutions, bien développées, sont très sinueuses et très
irrégulières. Toutes les circonvolutions du lobe temporal
sont nettement séparées (il est même très rare de les voir
aussi nettement) de celles du lobule pariétal inférieur
d'une part et de celles du lobe occipital d'autre part; une
scissure verticale, dérivée de la première scissure tempo-
rale, très zigzaguée et séparée de la scissure interpariétale
par un pli de passage à niveau de 9 millimètres, descend vers
le lobule fusiforme, semble constituer en partie la première
scissure temporo-occipitale, très sinueuse et irrégulière.
216 DESCRIPTION DES circonvolutions.
Cette scissure verticale, interrompue seulement dans sa
profondeur par un pli de passage grêle allant de la seconde
temporale à la troisième occipitale, est formée à la face
convexe parle sillon occipital, antérieur (de Wernicke),
l'incisure préoccipilale (de Schwalbe) et forme, en s'en-
trecroisant avec la partie antérieure de lapremière scissure
temporale, une sorte de confluent.
Le lobe occipital, nettement séparé par les sillons précé-
demment décrits du lobe temporal et du lobule pariétal
inférieur, est constitué par trois circonvolutions bien dé-
veloppées et sinueuses. La scissure occipitale transverse
coupe la scissure occipitale supérieure, puis l'inférieure,
et n'est séparée de la scissure parallèle que par un pli de
passage à niveau de 3 millimètres. Une seconde scissure
occipitale transverse se trouve en arrière, part de la scis-
sure occipitale supérieure et coupe la scissure occipitale
inférieure. Ces deux scissures transverses constituent, avec
une partie de la seconde scissure occipitale, une scis-
sure en H.
Le lobule orbitaire et les circonvolutions de l'insula
sont bien développés, normaux. La première temporale
envoie à la partie postérieure du lobule de l'insula un
volumineux pli de passage.
b) Face interne. La scissure calloso-marginale est
sinueuse, profonde; le sillon paracentral est bien déve-
loppé et aboutit à la scissure calloso-marginale. Les scis-
sures fronto-pariétale interne, perpendiculaire interne
et calcarine sont profondes, la dernière assez sinueuse.
La première circonvolution frontale est très sinueuse,
découpée par do nombreux sillons parallèles et perpendi-
culaires. Le lobe paracentral est bien développé, de forme
triangulaire, avec un sillon curviligne assez profond.
La circonvolution du corps calleux est aussi bien déve-
loppée, présente des scissures assez marquées à sa partie
postérieure et envoie deux plis de passage (antérieur et
postérieur) à l'avant-coin normal, dont elle est séparée
vers le milieu par une scissure sous-pariétale. Le coin,
les circonvolutions temporo-occipitales, ainsi que le lobule
de l'hippocampe, sont bien développés et normaux. Le
corps calleux, le corps strié, la couche optique et le ventri-
cule latéral ne présentent rien de particulier.
Hémisphère droit. a) Face convexe.- La première
frontale, sinueuse et irrégulière, s'insère par un petit pli
de passage grêle au sommet de la frontale ascendante; elle
DESCRIPTION DES CIRCONVOLUTIONS. 217
est dépassée de celle-ci par une scissure parallèle analogue
à celle décrite à gauche et vers le milieu de laquelle on
remarque un pli de passage se rendant du tiers moyen de
la frontale ascendante au fond du sillon vers la première
frontale. La deuxième frontale,qui s'insère par un pli de
passage sur la frontale ascendante, est séparée oblique-
ment de son tiers postérieur par une scissure irrégulière;
elle est très sinueuse, irrégulière et envoie un pli de pas-
sage vers son milieu, à la première frontale. La scissure
parallèle frontale, la troisième circonvolution frontale
présentent les mêmes particularités qu'à gauche. Les sil-
lons sont de même profonds. La scissure de Sulvius est .
normale. La frontale ascendante paraît assez bien déve-
loppée, elle est sinueuse et irrégulière. La pariétale
ascendante est moins bien développée et sinueuse. Le
sillon de Rolando est profond et sinueux.
La scissure interpariétale présente les mêmes particu-
larités qu'à gauche, sauf qu'elle est interrompue par un
pli de passage transversal (de Gromier) assez grêle, allant
du lobule pariétal supérieur, bien développé et très sinueux
à la deuxième circonvolution de passage du lobe occipital
et qu'il n'existe pas de pli de passage allant, au niveau de
sa courbure, du lobule pariétal inférieur à la pariétale
ascendante ; de plus le sillon vertical descendant n'atteint
pas tout à fait la scissure parallèle. La scissure perpendi-
culaire externe se prolonge jusqu'à la scissure parallèle
interrompue seulement par un pli de passage allant du pli
courbe à la seconde circonvolution occipitale.
La scissure verticale provenant de la seconde scissure
temporale est beaucoup moins développée qu'à gauche. Il
existe deux scissures occipitales transverses, mais elles no
coupent pas la scissure occipitale inférieure.
Los lobules pariétal supérieur et inférieur, le pli
courbe, les circonvolutions des lobes occipital et temporal
sont bien développées et ont le même aspect qu'à gauche.
b) Face interne. La scissure calloso-marginale est
sinueuse, profonde ; le sillon paracentral n'atteint pas la
scissure calloso-marginale ; le lobe paracentral est bien
développé et tout à fait différent par son sillon bifurqué et
profond, du lobe paracentral gauche. Toutes les autres
scissures de cette face sont profondes, sinueuses et n'offrent
rien de particulier. Toutes les autres circonvolutions de
la face interne présentent, à très peu de chose près, la
môme configuration qu'à gauche. il en est de même du
corps calleux, du corps strié, de la couche optique et du
ventricule latéral.
BOURNEVILLE, 1886. 15
218 ÉPILEPSIE ; rémission.
Le cervelet, la protubérance, le bulbe, etc., ne mon-
trent rien d'anormal.
Cette observation nous semble comporter les remarques
suivantes :
I. La marche de l'épilepsie mérite d'attirer l'attention.
Nous avons àrelever d'abord une rémission assez longue,
s'étendant de 6 à 14 ans, puis à signaler le chiffre annuel
des accès de 1871 à 1885. Le tableau que nous avons donné
montre que les accès ont atteint leur maximum en 1872,
qu'il y a eu ensuite, sous une influence que nous ne con-
naissons pas, une diminution assez sensible (1876-1877) et
qu'enfin les accès ont augmenté et se sont à peu près main-
tenus au même chiffre jusqu'à la mort (1878-1885).
II. Durant les dernières années de la vie du malade,
nous avons pu suivre les progrès de la démence. L'affai-
blissement, puis la perte complète de la mémoire, l'em-
barras de la parole, le tremblement des lèvres, etc. ; la cé-
phalalgie consécutive aux crises convulsives et les conges-
tions méningitiques mentionnées dans les notes de M.
Delasiauve; enfin l'hébétude prolongée qui suivait les ac-
cès, nous avaient fait penser que, à l'autopsie, nous trouve-
rions des lésions plus ou moins profondes, et, en particu-
lier des altérations des méninges, des adhérences entre
elles et la substance grise. Notre hypothèse ne s'est pas
réalisée ; nous avons bien trouvé un épaississement des
méninges, mais modéré; il n'y avait d'ailleurs aucune
adhérence et, au moins àl'ocil nu, la substance grise n'of-
frait pas d'altérations. En résumé, il n'y avait pas de rap-
port entre les symptômes cliniques et les altérations ana-
tomiques (1).
III. Parmi les autres particularités qu'a offertes le ma-
lade, nous relèverons le caractère mélancolique et reli-
gieux du délire bien mis en évidence par les idées de sui-
cide et par l'attitude du crucifiement, commune dans les
attaques d'hystérie, n'existant pas dans les accès d'épilepsie
et rare dans le délire épileptique. Nous relevons aussi les
nombreuses cicatrices disséminées sur la face, le front et
(1) Voir : Bourneville et d'Olier.- De la démence épileptique.
(Archives de Neurologie, 1880, t. I, p. 213).
CRUCIFIE,NIENT; attitude spéciale.
219
l'occipital (1) et enfin l'attitude spéciale prise par le corps
tout entier au sur et à mesure que la démence progressait,
cette attitude est fréquente chez les déments épileptiques
et nous aurons l'occasion d'y revenir (2).
IV. La double fracture symétrique, des septièmes carti-
lages costaux mérite de nous arrêter quelques instants.Les
fractures des cartilages costaux, sont, en effet, assez rares;
constatées pour la première fois par Zwinger sur le cada-.
vre (1698), elle ont été depuis lors observées par plusieurs
auteurs, soit sur le cadavre, soit sur le vivant. Nous avons
cru intéressant de relever les cas signalés dans les traités
spéciaux (3) et nous avons indiqué les points principaux
dans le tableau suivant. ' * , -
220
FRACTURE DES CARTILAGES COSTAUX.
FRACTURE DES CARTILAGES COSTAUX.
221
222
FRACTURE DES CARTILAGES COSTAUX.
FRACTURE DES CARTILAGES COSTAUX.
223
224 FRACTURE DES CARTILAGES COSTAUX.
Nous avons omis à dessein les fractures associées à des
fractures multiples soit des côtes, soit de différentes au-
res parties du squelette ainsi qu'il arrive fréquemment
dans les grands traumatismes (tamponnement, passage sur
le corps de roues de voiture, chute d'un lieu élevé, etc.).
Nous avons de même laissé de côté les cas où le diagnostic
est resté indécis entre une luxation ou une fracture près
de l'articulation costo-sternale.
Le nombre des cas de fractures des cartilages costaux,
cette élimination faite, s'élève donc à une cinquantaine en-
viron, si nous y comprenons un certain nombre de cas dont
nous n'avons pu consulter les observations originales,
telles que celles de Monteggia, Chaussier, Foulis, Hol-
mes, Bennet, etc., dont l'indication simple se trouve dans
quelques-uns des travaux que nous avons cités. Nous n'a-
vons trouvé mentionné aucun exemple de fracture siégeant t
symétriquement sur un même cartilage de chaque côte.
Notre cas serait donc, sauf erreur, le premier exemple
d'une fracture symétrique d'un même cartilage (1).
On remarquera que la fracture des cartilages costaux
siège plus fréquemment sur les 6°, 7° et 8« cartilages, ce
dernier paraît être plus souvent atteint que les autres. Le
chevauchement a lieu indifféremment dans un sens ou
dans l'autre.
Dans notre cas la lésion siège sur les septièmes cartila-
ges costaux droit et gauche, à 3 centim. et demi de l'arti- ·
culation costale. Le fragment costal chevauche de 1 cen-
tim. et demi à 2 centim. sur le fragment sternal conformé-
ment à la loi Delpech-Malgaigne. Comme dans la plupart
des autres cas les fragments sont réunis par un cal osseux,
dur et compact (1), sans que leurs extrémités participent
au travail de réparation. Nous noterons que chez Ménag...
les cartilages costaux étaient absolument normaux, sans
traces de calcification.
Les fractures des cartilages costaux sont produites par
(1) La réunion par cal osseux se produit également chez les
grands animaux. Gurtl (loc. cit.) dit qu'il existe au musée de l'école
vétérinaire do Berlin, sous le n° 805, 7 cas différents de fracture
de cartilages costaux provenant de chevaux, tous avec cal osseux.
FRACTURE DES CARTILAGES COSTAUX. 225
cause directe ou par cause indirecte (1) comme celles des
côtes. Dans notre cas nous croyons qu'il s'agit d'une frac-
ture de cause directe par excès de redressement ; la cause
vulnérante, probablement les mains appliquées avec vio-
lence et symétriquement à la base de la cage thoracique
aurait dépassé la limite d'élasticité et produit la fracture
symétrique du 7° cartilage costal (2).
Nous croyons donc devoir attribuer notre double fracture
symétrique à des manoeuvres violentes pour maintenir le
malade qui, comme nous l'avons dit, était sujet après ses
accès, à des périodes d'excitation maniaque. II ne s'agit là
que d'une hypothèse, l'accident remontant à une date an-
térieure à 1879 (3).
(1) On a signalé quelques exemples de fractures (8 cas) de car-
tilages costaux par suite de l'action musculaire (Voir Gurtl. -
l.oc. cit., t. I, p. 249, observ. 119 et 120), et Paulet, loc. cit.,
p. 83.)
(2) Ce cartilage est un des plus fréquemment atteints ; c'est celui
qui mesure la plusgrande largeur (12 à 14 centim., selon Sappey),
le 8e cartilage ne mesurant que 10 centim. - Luschka a trouvé
sur un homme bien constitué 13 centim. 8, pour le 7e cartilage et
13 cent. 1/2 pour le 8e. Chez Ménag..., le 7° cartilage mesurait
11 cent. 1/2.
(3j A titre de renseignement nous citons encore la thèse de
Vierthaler : Uber die Bruche der Rippen und ihrer Kno1pel.
Wùrzburg, 1847.
226 TEMPÉRATURE dans LES ACCÈS isolés d'épilepsie.
X.
De la température dans l'épilepsie ;
Par bourneville.
I. Température dans LES accès isolés d'épilepsie.
En 1870, dans notre thèse inaugurale (1), nous avons
cité quelques observations thermométriques montrant
que les accès isolés d'épilepsie déterminaient une légère
élévation de la température centrale. Deux ans plus tard,
dans nos Etudes cliniques et thermométriques sur les
maladies du système nerveux, nous rapportions de
nouveaux faits, confirmant les premiers. Ces faits, pour
la plupart, avaient été recueillis à la Salpêtrière dans le
service de notre maître, M. Charcot. Depuis cette époque,
nous avons pu bien des fois, soit à la Salpêtrière, dans
les services de MM. Charcot et Delasiauve, soit à Bicêtre
dans notre service, vérifier l'exactitude de la règle posée
par nous, à savoir que l'accès d'épilepsie augmente la
température et, à l'occasion, dans les observations
publiées par nos élèves et par nous, nous avons cité
d'autres exemples. Nous n'avions pas cru indispensable
de revenir spécialement sur un fait qui nous semblait
démontré et que M. Charcot avait d'ailleurs rendu clas-
sique par son enseignement. Nous nous étions trompé,
parait-il, car aujourd'hui, un auteur allemand, M. Wit-
kowski conteste l'exactitude de la règle que nous avions
posée.
(1) Etudes de thermométrie clinique dans l'hémorrhagie cé-
rébrale et dans quelques maladie-ode l'encéphale. Paris, 1870.
TEMPÉRATURE DANS LES ACCÈS ISOLÉS D'ÉPILEPSIE. 227
tion est erronée. Comparées aux mensurations thermiques,
extrêmement nombreuses que, depuis des années, j'ai recueil-
lies sans interruption, les recherches de la Salpêtrière fort
clairsemées d'après les indications mêmes de Bourneville, ne
sauraient entrer en ligne de compte, et l'on doit rattacher à
des conditions exceptionnelles ceux des résultats qui pouvaient
passer pour positifs, si tant est qu'on soit autorisé à donner
ce nom à des formules représentant bien moins la règle, la
généralité des cas que l'on devait être tenté de le conclure des
argumentations do Bourneville. Or, non seulement chaque
accès pris individuellement n'exerce généralement aucune
action sur la température du corps du patient, mais les séries
d'accès répétés, dont cependant les effets devraient s'addi-
tionner, peuvent évoluer sans déterminer de fièvre, surtout
lorsque leur chiffre n'est pas élevé et que le trouble de la con-
naissance n'est ni profond ni prolongé (1) ». '
Les faits seuls, rigoureusement observés, peuvent
trancher la question et montrer qui,de M. Witkowski et
de nous, est dans la vérité. En conséquence, nous allons
étudier successivement la tempé1'ature dans les accès
isolés d'épilepsie, puis durant et après les petites séries.
Cette tâche accomplie, nous examinerons les singulières
assertions de l'auteur relativement à l'état de mal épi-
leptique et nous ferons voir qu'il s'est donné beaucoup
do peine pour découvrir des faits bien connus de tous
les médecins un peu au courant de la littérature médi-
cale, en ce qui concerne les maladies du système
nerveux.
(1) Witkowski (L.). De la fièvre épileptique et de quelques
autres questions cliniques concernant l'épilepsie. (Berliner
Klin. 1Yochel1schl'i(t, n9 43 et 44, octobre 1886.)
228 TEMPÉRATURE DANS LES ACCÈS ISOLÉS D'ÉPILEPSIE.
TEMPÉRATURE DANS LES ACCÈS ISOLÉS D'ÉPILEPSIE. 229
230 TEMPÉRATURE DANS L'ÉPILEPSIE.
Au début de son travail, M. Witkowski exprime le
regret que l'existence « des hautes températures qui
s'observent souvent chez les épileptiques dans des cir-
constances où, en dehors de la névrose, on ne peut
constater aucune autre cause de fièvre » n'ait jusqu'à
présent trouvé que « peu d'accès dans le bagage général
d'expérience du médecin. » Il continue ainsi :
« Et cependant ce fait mérite qu'on y consacre toute son
attention. Et cela non seulement parce que, le sachant, le
médecin devient capable d'interpréter avec toute l'exactitude
désirable, bien des hyperthermies, demeurées jusque-là énig-
matiques et par suite d'en tirer des conclusions diagnostiques
et thérapeutiques légitimes, mais encore parce, qu'il fournit
des indications pronostiques dont l'appréciation permet au
praticien de prédire, en présence de certains processus, avec
toute la certitude et toute la circonspection qu'exige la situa-
tion devant le public. Aucun des traités de pathologie,de neu-
rologie, de psychiatrie parus, certes, en abondante quantité,
dans ces dernières années n'a traité la question et ses rapports
d'une manière satisfaisante... Si l'on a négligé ce sujet,
ajoute-t-il, la faute en est en partie probablement, aux indi-
cations exagérées des auteurs français et en particulier à
l'Ecole de Charcot... »
En d'autres termes les médecins, confiants dans les
indications données par l'Ecole de laSalpêtrière, ont eu
le tort de ne pas procéder à de nouvelles recherches et
la conséquence enest d'autant plus grave que M. Charcot.
et nous, nous leur avons fait accepter des indications
exagérées et que de la sorte nous avons nui aux progrès
de la science. Eh bien, n'en déplaise à M. Witkowski,,
nous avons la conviction que nous n'avons pas démé-
rité. Sur le premier. point : augmentation de la tem-
pérature centrale sous l'influence des accès isolés
d'épilepsie, les soixante faits que nous venons de
placer sous les yeux de nos lecteurs répondent à ses
critiques de la manière la plus démonstrative (1). Nous
(1) Les exceptions à la règle sont extrêmement rares. Nous
n'en avons rencontré que quatre sur 61 malades : 1° Derou ?
3 ? ° et deux heures après 37°,3 ; une autre fois : 370,2
TEMPÉRATURE DANS LES ACCÈS SÉRIELS D'ÉPILEPSIE. 231
espérons faire, toujours en nous appuyant sur des faits
précis, une démonstration aussi nette, en ce qui con-
cerne les petites séries d'accès et l'état de mal épilep-
tique.
Conclusions. 1° Les accès isolés d'épilepsie
augmentent la température centrale; 2° Cette
augmentation varie entre un dixième de degré et un
degré quatre dixièmes ; elle est en moyenne de 5 à 6
dixièmes de degré.
II. Température dans LES accès SÉRIELS d'épilepsie.
Les accès d'épilepsie se présentent tantôt à l'état isolé,
tantôt sous forme de séries. Dans ce dernier cas, durant
la même journée, séparés par des intervalles plus ou
moins longs, mais pendant LESQUELS la connaissance
revient, le malade peut avoir 2, 3, 4.... 10 accès ou
davantage et, contrairement aux épileptiques sujets à
des accès isolés quipeuvent se reproduire tous les jours,
les malades de ce groupe peuvent rester 2, 3, 4 semaines
ou même plus longtemps sans avoir de nouvelles séries.
Nous avons vu que les accès isolés déterminaient une
augmentation de la température oscillant de quel-
ques dixièmes de degré à un degré et quelques dixièmes
et les 60 cas que nous avons rapportés plus haut con-
firment ce que nous avons écrit précédemment (1869,
1870, 1873, etc.).
Comment se comporte la température dans les accès
sériels ! Absolument de la même façon que dans les
accès isolés, c'est-à-dire qu'ils n'occasionnent qu'une
légère augmentation de la température centrale. Nous
l'avons démontré dans notre thèse en 1870 et dans d'au-
37°,1 ; 37o,3 - - 2° Marq... : 37°,3 et deux heures après 37°,5;-
3° Gach... : 37(),.1 et deux heures après 37°,2 ; - 4° Franco... :
3G ? 7; 37°, 5 ; - 3 ï °,S. - Cliez le malade Cliédev... (n° 57),
nous avons noté une autre fois : 37°,9 au bout de deux heures.
232 TEMPÉRATURE DANS LES ACCÈS SÉRIELS D'ÉPILEPSIE.
tres publications (1). Les faits que nous n'avons cessé
de recueillir depuis plus de dix ans, confirmant nos an-
ciennes conclusions, nous n'avions pas cru nécessaire
de revenir sur cette question, pas plus que sur la tempé-
rature dans les accès isolés d'épilepsie. Mais M. le Dr
Witkowski contestant ce que nous avons dit sur la
marche de la température dans les accès sériels, comme
il a contesté ce que nous avons écrit sur la tempéra-
ture dans les accès isolés, nous allons rapporter, non
pas tous les faits que nous possédons,ce qui nous entraî-
nerait trop loin, mais quelques faits en nombre suffi-
sant, nous le pensons, pour prouver à tout lecteur im-
partial que, sur ce second point, comme sur le premier,
il n'a pas mal placé sa confiance en acceptant comme
l'expression de la réalité, l'enseignement de l'Ecole de
la Salpêtrière. Voici en quels termes s'exprime notre
contradicteur :
« Or, dit-il, non seulement chaque accès pris individuelle-
ment n'exerce généralement aucune action sur la température
du corps du malade, mais les séries d'accès répétés, dont ce-
pendant les effets devraient s'additionner, peuvent évoluer
sans déterminer de fièvre, surtout lorsque leur chiffre n'est
pas élevé et que le trouble de la connaissance n'est ni profond,
ni prolongé. »
C'est exactement l'opinion que nous soutenons de-
puis plus de quinze ans et, sur ce point encore, 1\1. \Vit-
kowski n'a rien inventé. Ceci dit, citons quelques faits :
1° Debarg... : Premier accès à 9 h. 35 : T. R. 37°,8 ; Se-
cond accès à 10 h. 15 : T. R. 37°,7 ; un quart d'heure après :
37°,6; - deux heures après : 3 7 ?
2° Boulang.. : Après le premier accès : T. R. 38a; - unquart
d'heure plus tard : 37",5; - deux heures plus tard : 37 ? ? . -
t1) Eludes cliniques et thermométriques sur les maladies du
système nerveux. Paris, 1872-1873. Recherches cliniques et
thérapeutiques sur l'épilepsie et l'hystérie, pages 1 à 9h. Paris.
1876. - De l'état de mal épileptique, thèse de A. Leroy ; Paris,
1880, passim. - Revue phologr. des hôpitaux de Paris, 1869,
p. 165, et Bulletin de la Société analomique, 1869.
TEMPÉRATURE DANS LES ACCÈS SÉRIELS D'ÉPILEPSIE. 233
Second accès cinq heures après lo premier : 38°,2 et doux
heures plus tard : 370,6.
3° Ren... : Premier accès à 3 h. 30 : T. R. 38°, 6 ; - un quar
d'heure après : 38 ? Second accès à 4 heures : 38°,2; à
6 heures du soir : 37°,8; le lendemain à 6 heures du matin :
37°,8.
110 Boulan.. : Premier accès à 6 heures du matin : T. R. 38°;
- un quart d'heure après : 37°,6; - deux heures après : 37°.
- Second accès à 11 h. 20 : T. R. 3Sa,7 ; - un quart d'heure
après : 37°,9 ; deux heures après : 37°,2. - Troisième accès
à 2 h. 30 : 38°; - un quart d'heure après : 37°,8; - deux
heures après : 37 ?
50 Cont... : Premier accès à 7 heures du matin. - Second
accès à 10 heures : T. R. au moment du ronflement, 38°,5; -
un quart d'heure après l'accès, 38°,3 ; deux heures aprè3
midi : 37°,5. - Troisième accès (très fort) à 2 heures et demio
de l'après-midi : 3S°,6; un quart d'heure après : 38°,3; deux
heures après : 37°,9. Le lendemain à 6 heures sans nouvel
accès : T. R. 37°,5.
6° Vass... : Après le quatrième accès d'une série : T. R. 37°,9;
un quart d'heure après : 37°, 6.
7. Courch... : Premier accès à 9 h. 30 : T. R. 37°,7. - Second
accès à 10 h. 20 : 37ï°,8. Troisième accès à 1 h. 15 : 37°,7.
Quatrième accès à 2 h. 30 : 37°,9. - Cinquième accès à 5 heu-
res : 37°,8. A 6 heures du soir : 37°,S. Le lendemain à
6 du matin : 37°,7.
8o Boulan... : Premier accès à 11 h. 30 : 3S° ; - Second accès
à midi 45 : T. R. 38° ; - Troisième, quatrième et cinquième
accès do 2 heures à 2 h. 30 : 38° ; Sixième accès à 5 h. 30;
- Septième accès à 6 heures : T. R. 38°,5. Le lendemain matin :
37°,6.
Dans toutes ces séries variant de 2 à 7 accès, nous
avons noté une légère augmentation de la température,
ne différant guère de celle qui s'observe après les accès
isolés. Nous devons dire que chez tous les malades,
chaque accès a été séparé du suivant par un retour de
la connaissance. C'est là un phénomène important sur
lequel nous avons fréquemment insisté,car il contribue,
avec l'absence d'hyperthermie, à distinguer les séries
d'accès de l'état de mal épileptique.
Bourneville, 1886. 16
234 TEMPÉRATURE DANS L'ÉTAT DE MAL.
III. DE LA TEMPÉRATURE DANS L'ETAT DE MAL ÉPI-
LEPTIQUE.
En nous appuyant sur des faits nombreux et rigoua
reusement observés, nous avons fait voir que les accès
isolés d'épilepsie augmentaient la température centrale
de quelques dixièmes de degré à un degré et demi en-
viron ; que les accès sériels déterminaient une élévation
oscillant dans les mêmes limites. Nous avons ainsi dé-
montré, sur ces deux points, l'erreur commise par
M. Witkowski. Il ne nous reste plus, pour terminer notre
réponse, qu'à examiner les notions nouvelles, qu'il pré-
tend ajouter à nos connaissances actuelles sur l'état de
mal épileptique.
« D'ordinaire, écrit M. Witkowski,. les hyperthermies sont an-
noncées par un assez grand nombre d'accès isolés qui ouvrent la
marche (1) : et c'est tantôt au cours de ces accidents convulsifs,
tantôt lorsqu'ils ont cessé pt sont devenus plus rares qu'apparait
une fièvre de 40° et davantage. S'il est assez rare d'observer alors
une accumulation proprement dite des accès (atteignant par exem-
ple le chiffre de 50 et davantage en 24 heures), il est de règle de
constater qu'ils augmentent de nombre quoique dans une pro-
portion modérée
« En ce qui concerne la durée et l'évolution de l'hyperthermie,
il est à remarquer qu'il s'agit en général d'une manifestation assez
éphémère. Elle peut ne durer que peu d'heures, voire même en-
core moins ; c'est en tout cas à peine si elle dépasse jamais 4 à
5 jours au maximum. La règle dans les formes graves et absolu-
ment pures est une durée de 2 à 3 jours. On y relève alors deux
sommets qui ne coïncident pas toujours du reste avec les heures
du soir, dont l'un correspond fréquemment à la phase d'acmé de
la série des accès et l'autre à la période maxima du sopor. Au
surplus les rémissions sont incomplètes ; elles n'atteignent que
rarement deux degrés, mais par exception elles peuvent des-
cendre plus bas. Parfois, on assiste à doux et mémo trois séries
nettement séparées, la courbe de la température alors est d'ordi-
naire, quoique non toujours, modifiée conformément à cet état do
chose L'ascension demande généralement quelques heures;
il est plus rare qu'elle soit subite, tout à fait brusque ; il est encore
moins ordinaire qu'elle se déroule lentement en plusieurs jours.
(1) Ceci est vrai pour quelques cas, mais souvent l'état de mal
débute brusquement.
OPINION DE M. WITKOWSKI. 235
On a généralement attribué à l'affection fébrile la plus connue des
épileptiques, à ce qu'on a appelé l'état de mal épileptique, une
invasion invariablement etploinemect aiguë. Celte allure s'applique
en effet à la pluralité des cas, mais non absolument à tous, ainsi
que je m'en suis convaincu dans ces derniers temps ... ? .
La défervescence n'est pas non plus tout à fait rapide ; elle a
coutume de se répartir en plusieurs heures et jours.... Invariable-
ment la défervescence fébrile se fait sentir entièrement sur le
trouble psychique. Dès qne la connaissance récupère sa liberté,,
les températures élevées disparaissent 1
Les lignes précédentes ont mis en lumière que le fond immuable
en question, l'élément qui invariablement, sans exception, repa-
rait, je l'ai placé à juste titre dans le trouble profond et persis-
tant de la connaissance... (1) »
Ces citations, mieux qu'un résumé, donneront au
lecteur une idée exacte des opinions de M. Witkowski,
et, en comparant son tableau do l'état de mal épileptique
à la description que nous avons tracée, et qui a été re-
produite dans divers mémoires et dans plusieurs jour-
naux (2), il verra que cet auteur n'a rien ajouté d'essen-
tiel aux connaissances dès longtemps acquises. La défi-
nition que nous avons donnée et que nous répétons, en
fournira une première démonstration.
« L'état de mal épileptique, avons-nous dit, est ca-
ractérisé : 1° Par la répétition., en quelque sorte inces-
sante, des accès, qui souvent deviennent subintrants;
2° par un collapsus, variable en degré, pouvant arriver
jusqu'au coma le plus absolu, sans retour de la luci-
clité; 3° par une hémiplégie plus ou moins complète et
paysagère; 4° par la fréquence du pouls et de la respi-
(1) Nous devons la traduction de ce travail à notre ami le D1' P.
Keraval.
(2) Le premier en date a été consigné dans les Bulletins de la
Société anatomique, mars 1869, p. 159.. En 1872, nous avons
publié dans le Mouvement médical, une série d'articles sur ce
sujet (juillet-septembre) qui résumaient tout ce que nous avions
écrit précédemment. Notre mémoire, d'ailleurs beaucoup plus com-
plet, est antérieur au travail de M. Crichton Browne paru seulement
dans le cours de 1873 (The West Riding Lunatic Asvlum mcd.
Reports, 1873, p. 166). Voyez aussi, pour l'énumération de nos
travaux sur ce sujet, les notes des pages 2 ? 6 et 232.
236 TEMPÉRATURE DANS L'ÉTAT DE MAL. -
ration.; 5° et surtout par une élévation considérable de
la température, élévation qui persiste dans les inter-
valles, d'ailleurs brefs, des accès, et s'accroît même
quand ils ont cessé. » .
Nous avons distingué, dans l'état de mal épileptique,
deux périodes, comme le fait, un peu après nous,
Flg. 23. - Tracé de la température rectale dans un cas d'état de mal type,
terminé par la guérison. -, T. prise 2 heures après le début (12 accès), ?
rémission ; un seul accès dans les 5 dernières boutes.
M. Witkowski : une période convulsive et une période
méningitique. Nous avons exposé soigneusement les
caractères de ces deux périodes en nous appuyant sur
des observations rigoureuses. Nous avons insisté sur la
TEMPÉRATURE DANS L'ÉTAT DE MAL.
237
marche, la durée, le traitement et l'anatomie pathol9,.
gique de l'état de mal. De même que M. Witkowski,
mais encore avant lui, nous avons vu que l'état de mal
pouvait être constitué uniquement par la période con-
Fi r. 35.-Tampératnre dans un
état de mal limité à la péiiode
convulsive. - , T. aussitôt
après la mort.+ T. 8 heures
après la mort.
Fig. 25.-Tempéralure dans un état de mal
terminé par la mort à la période méningiti-
que ? T. une 1/2 h. avant la mort. + , T
1/4 d'heme après la mort. T, une Heure
après. T. deux heures après, 40°,2.
vulsive ; - que, dans certains cas,
durant la période méningitique;
la mort survenait
enfin que dans
'23H 8 TEMPÉRATURE DANS l'ÉTAT DE MAL.
d'autres circonstances l'état de mal se terminait par .la
guérison.
Nous avons rapporté, en 1870, l'observation d'une
malade, Chevall..., qui a eu un état de mal épileptique
dans son type le plus parfait. La figure 23, qui repré-
sente la marche de la température centrale, nous offre
deux ascensions : l'une qui répond à la période convul-
sive, l'autre à la période méningitique. Quelque temps
après, cette malade a été prise d'un nouvel état de mal,
limité à la période convulsive et auquel elle a succombé
en 30 heures. La figure 24, inédite, nous montre une
seule ascension do la température centrale, celle de la
période convulsive.
Un exemple de l'état de mal terminé par la mort du-
rant la période méningitique, nous est fourni par un en-
fant âgé de 12 ans. L'enfant a eu 10 accès consécutifs ( 1 ),
sans le moindre indice du retour de la connaissance, en
une heure. Après le dernier, alors que l'enfant était dans
un état comateux, la température rectale était à 41°. Les
accès disparaissent, la connaissance revient assez vite
et, en même temps, au sur et à mesure, la température
baisse jusqu'à 38". Mais bientôt la scène change; un
accès survient, des symptômes de congestion méningi-
tique apparaissent, le malade tombe dans un assoupis-
sement de plus en plus profond, la température subit
une nouvelle ascension, qui s'élève jusqu'à 42°,4, ctcot
ensemble de symptômes se termine parla mort. (fin. 25).
L'observation suivante, relative à un état de mal qui,
comme le second état de mal de Chevall..., a eu une
issue fatale, permettra de suivre dans ses détails l'évo-
lution de là période convulsive.
(1) Le nombre des accès qui constituent l'état do mal est très
variable; il peut être inférieur à 10, mais il peut atteindre des
chiffres élevés, 50, ion, 190 et davantage.
OBSERVATION. 239
OBSERVATION. - Père, quelques excès de boisson. Oncle
paternel, atteint de crises nerveuses. - Mère, sujette à des
faiblesses jusqu'à vingt ans. -- Arrière grand'mère mater-
nelle, apoplectique. -Inégalité d'âge (6 ans) entre les père
et mère. - Emotion vive au huitième mois de la grossesse.
- Asphyxie légère à la naissance.-Premières convulsions
à six mois (état de mal).- De six mois à onze ans, fréquents
retours des crises convulsives. Rémission de quinze
mois à onze-douze ans. Coups sur la tête à douze ans :
retour immédiat des accès. Marche ascendante de là
maladie. - Suspension des accès durait une fièvre ty-
phoïde grave. - Aura. Secousses limitées à droite.
Etourdissements. Accès sériels suivis parfois d'excita-
tion avec hallucinations de la vue. -Ascarides et oxyures.
Onanisme. - Malformation des organes génitaux; arrêt
de développement des testicules.-Adhérences du prépuce.
Varicocèle. - Etat de znàl épileptique : température.
Mort.
Autopsie : Congestion du poumon droit) splénisation de la
base. - Noyaux de broncho-pheumonie à la base du pou-
mon gauche. Plaques ecchymotiques de la pie-mère.
Lelon... (Louis), né à Paris le 30 décembre 1869, est entré
dans notre service, à l'hospice de Bicêtre, le 7 décembre 1885.
Renseignements fournis par sa mère (23 déc.) - Père :
grand, fort, bien portant, ne fumant pas, n'ayant ni accidents
nerveux, ni maladies de la peau, marchand de vin, ne faisant,
assuro-t-on, aucun excès de boisson, marié à 28 ans, mort en
137 : i, âgé de 37 ans, d'une fluxion de poitrine. [Père, maçon,
mort on ne sait de quoi. - Mère, tricoteuse, décédée à 70 ans.
à la suite de vomissements. Tous les deux étaient sobres et
n'auraient eu aucune affection nerveuse. On déclare qu'il en a
été de même chez les grands parents, sur lesquels on manque
de détails. Deux frères : l'un est mort sans enfants de la rup-
ture d'un anéurysnze; l'autre, après son mariage, a été pris, à
la suite d'une peur, de crises nerveusesise produisant toujours
durant le sommeil (soit dd jour, soit de nuit) et qui persistent
encore ; ses trois enfants ont une bonne santé. Une soeur,
qui a trois enfants, n'a, ainsi qu'eux, jamais eu aucun trouble
nerveux. Pas d'aliénés, d'épileptiques, de paralytiques, de dif-
formes, de suicidés, de criminels, de débauchés, etc.]
Mère, 41 ans, c'est-à-dire âgée de six ans de moins quo
son mari, couturière, d'une physionomie plutôt agréable,
240. OBSERVATION.
intelligente, a été réglée à 17 ans et a eu, jusqu'à 20 ans, des
a faiblesses » qui venaient tous les mois. Elle n'a ou aucune
autre maladie nerveuse, ni manifestations rhumatismales ou
cutanées. [Père, chauffeur, sobre, mort de fatigue ( ? ). - Mère
en bonne santé. - Grands parents paternels, pas de rensei-
gnements. - Grand-père maternel, mort en deux ou trois
jours, vers 80 ans. -G ? -a ? td')ière maternelle, décédée à 70 ans
d'une attaque de paralysie. Deux frères et deux soeurs,
ainsi que leurs enfants, n'ont eu rien de particulier. Pas d'a-
liénés, etc.]
Pas de consanguinité. (Père, de la Manche ; mère, du Loi-
ret.)
1° Une fausse-couche; 2° notre malade; - 3° une fausse-
couche (cette dernière grossesse provient d'un second miri.)
Notre malade. A la conception bien portants tous deux ;
pas d'interposition probable. - Grossesse, bonno jusqu'au
8 ? 9'' mois, époque où elle a éprouvé, à l'occasion d'une dispute,
une émotion vive avec perte de connaissance pendant quatro 'IL
cinq minutes; elle s'est promptement remise ? Iccouc/tement
à terme, naturel, bien qu'il s'agît d'une présentation des pieds.
- A la naissance, légère asphyxie : la sage-femme a dû fouetter
l'enfant, qui bientôt s'est mis à crier. Elevé au sein par sa
mère ; sevré à 14 mois. Première dent à 12 mois ; les autres
ont poussé lentement, la dernière à 2 ans. Lel... a marché à
11 mois 1/2, a été propre vers 1 an et a commencé à parler seu-
lement à 2 ans : « Bien qu'il fût en retard pour les dents et la
parole, dit sa mère, il était intelligent. »
Premières convulsions à 6 mois, pendant une demi-journée.
Les secousses, croit-on, étaient les mêmes des deux côtés du
corps ; on n'a pas remarqué de paralysie consécutive. Deux
mois plus tard, nouvelles convulsions, qui se sont dissipées
au bout de quelques minutes. Après plusieurs mois de
répit, troisièmes convulsions, également de courte durée.
De 1 an à 12 ans, Le... a eu des convulsions une ou deux fois
par mois, se présentant tantôt sous forme do grandes convul-
sions, tantôt sous forme de convulsions internes, qui ont dé-
buté au commencement de la seconde année.
A 12 ans, est survenue une rémission qui s'est prolongée
pendant quinze mois. La mère de Lel... l'attribue à ce qu'il
prenait beaucoup de bromure de potassium. Vers 13 ans 1/2,
un marchand de bric-à-brac lui ayant donné plusieurs coups
sur la tête, Lel... fut pris sur le champ d'un accès convulsif.
Depuis lors, les accès n'ont plus discontinué et sont devenus
plus forts. Les plus longs intervalles, jusqu'à 9h ans, ont été
OBSERVATION. 241
d'un ou deux mois. De 14 ans jusqu'à l'entrée à Bicêtre, les
accès se sont encore rapprochés et viennent au moins toutes
les semaines. Ils sont nocturnes et surtout diurnes; leur
maximum en 24 heures a été de 10.
Lel... aurait parfois une aura : il se plaint de souffrir du
ventre, principalement autour du nombril : « j'ai mal au ventre,
dit-il. » Lo regard est brillant ; le blanc des yeux et la peau du
visage deviennent « jaunes » ; la parole est suspendue ; puis
l'accès éclate ; d'autres fois, les accidents s'arrêtent la ; la
face devient rouge et Lel... revient à lui disant : oc c'est redes-
cendu. »
Les accès auraient les caractères suivants : cri sourd, rauque
depuis 4 ou 5 mois seulement ; rigidité générale, égale ;
secousses seulement dans le côté droit ; pas d'agitation, ni de
ronflement, ni d'écume ; bave rare ; parfois miction involon-
taire. Lel... s'endort durant quelques minutes après les crises
qui n'ont jamais été précédées ou suivies de folie ou d'actes
automatiques. - Outre les accès, il a, depuis quatre mois, des
ètourdissements. Le traitement a consisté uniquement en
bromure de potassium.
Lel... a été envoyé à l'asile à 3 ans, puis à l'école; on l'a
gardé jusqu'à t3 ans et demi parce qu'il apprenait bien; à cette
époque, les -accès étant devenus plus fréquents, ses parents
ont dû le garder. Il était obéissant, affectueux, très peureux,
d'un caractère doux qui ne se serait pas modifié. « Il est un peu
nargueur, dit sa mère, mais toujours il reçoit des coups et
jamais il ne les rend. » Elle n'aurait pas constaté directement
l'onanisme, mais son mari, beau-père de l'enfant, a fait avouer
à celui-ci qu'il se touchait.
A partir d'un an, Lel... qui mangeait un peu de tout, quoi-
qu'il no fut pas sevré, a eu souvent, jusqu'à 14 ans, des asca-
rides lombricoïdes et des oxyures ; il rendait quelquefois 8 ou
10 ascarides dans la même journée. C'est à leur présence qu'on
attribue les douleurs abdominales dont il se plaignait. - z
Croûtes du cuir chevelu à 5 ou 6 mois ; pas d'autres manifes-
tations lymphatiques; pas d'autres traumatismes que les coups
signalés plus haut. - Rougeole à 16-17 mois; - fluxion do
poitrine à 4 ans; - fièvre typhoïde avec troubles cérébraux
à 14 ans, durant laquelle les accès ont été suspendus. D'ha.
bitude, le sommeil était bon, sans cauchemars.
Etal actuel. Poids : 41 kilogr. 700; taille : 1 m. 56.
L'enfant, comme le montre ces chiffres, est bien développé pour
son âge. La tête est assez régulièrement ovoïde.
242 OBSERVATION. '
ÉTAT DE MAL ÉPILEPTIQUE. 243
Traitement : Ecole, gymnastique, bains ; atelier do me-
nuiserie.
20 mars. Revacciné sans succès.
27 mars. Série d'accès pour laquelle il entre à l'infirmerie.
Exeat lo lendemain.
3 1 ? na ? 's . Nouvelle série d'accès pour laquelle il rentro à l'in-
firmerie. Cette série a déterminé un peu d'excitation, avec
hallucinations de la vue : il voit des rats et fait des gestes
comme pour les chasser. Stupeur assez prononcée. - Exéat lo
6 avril.
z10 avril. Hydrothérapie. (Les douches ont été continuées
jusqu'au 31 octobre).
Juillet. Poids, 44 kilogr.; taille, 1 m. 57. La mémoire di-
minue tous les jours. Les connaissances de Lel... deviennent
confuses ; son caractère s'assombrit. En résumé, tendance à la
déchéance.
15 nu. Lel... a eu dans la nuit 21 accès et deux autres en
arrivant à l'infirmerie. T. R. ce matin à 8 heures et à midi 38°.
- Soir : 38°,6. (Fig. 26).
16 nov. La journéo d'hier a été assez bonne. Dans la nuit, on
a relevé 9 accès. A la visite, on trouve l'enfant dans la situa-
tion suivante : décubitus dorsal, membres dans la résolution,
retombant lourdement quand on les soulève. Face un peu pâle,
paupières mi-closes, yeux excavés et un peu convulsés en haut,
nystagmus, pupilles égales, contractiles, moyennementdilatécs,
narines pulvérulentes. Bouche un peu entre ouverte, lèvres
sèches, langue assez bonne, mâchonnement. Pas de roideur do
la nuque. Sensibilité générale conservée : Lel.. retire ses bras
et ses jambes lorsqu'on les pince. Réflexe rotule)), exagéré, au
mémo degré, des deux côtés Respiration à 40 ; râles dissé-
minés à l'auscultation; pouls petit, dépressible, à 130; batte-
ments du coeur un peu vibrants. Abdomen normal. Peau modéré-
ment chaude, sans sécheresse. Extrémités froides et cyanosées,
surtout les supérieures. Perte de connaissance complète. A 8
heures du matin, T. IL 38°,6. A midi : 3S°,8 ; - à 2 et 4 heures :
38o, - à 6 heures : 39° ; - à 8 heures : 39°,2 ; - à 10 heures et
à minuit : 40°. A la visite du soir : coma, dj spnée, nombreux
râles ronflants et sibilants ; nausées sans vomissements. P. à
120 ; miction involontaire. La peau, principalement à la face,
est couverte d'une sueur froide et visqueuse.
17 nou. A 3 heures du matin : T. R. 39° ; - à 6 heures : 38°, 8 ;
à 9 heures : 39°. Décubitus dorsal, tête tournée à droite ainsi
que les yeux ; coma; respiration haute, fréquente, bruyante;
persistance du réflexe cornéen , nystagmus intermittent ;
pupilles moyennement dilatées, la gauche un peu plus que la
Fig. 26. Température dans un état de mal terminé par la mort. , T. 1/4 d'heme ,il). la mort. 0, T. une heure ap.-f-,T.9 heures ap.
AUTOPSIE. 245
droite Légère raideur do la nuque et du coude droit. Parfois,
secousses du poignet gauche. Peau moite, mains cyanosées.
Traitement : Sangsues derrière les oreilles, inhalations
d'ammoniaque ; 2 quarts de lavement avec 0 gr. 50 de sulfate
de quinine ; lotions vinaigrées, sinapismes ; 40 ventouses
sèches sur la poitrine dans l'après-midi, et le soir vésicatoire à
la nuque.
A midi : T. R. 39»,2 ; à 3 et à 6 heures : 39°,8 ; - à 9 heures :
40°; à minuit : 40°,4. (Fig. 26).
18 nov. Malgré le traitement, le coma n'a pas cessé; on a
observé quelques secousses dans les membres, en particulier
dans le poignet gauche ; de la' rigidité du côté gauche et, à 4
heures du matin, après avoir eu de fortes secousses de tout le
corps, Lel... a succombé. - A 3 heures du matin : T. R. 40», 4 ;
un quart d'heure après la mort : 41°,2 ; une heure après :
390,8; deux heures après : 380,4. - Poids après décès :
37 kilogr. 500.
Autopsie faite le 19 novembre. La rigidité cadavérique,
nulle au cou et au bras gauche, légère à la jambe gauche et
au bras droit, est très marquée à la jambe droite. Sugilla-
tions violettes au niveau des flancs et de la racine des cuisses.
Plastron sternal normal ; appendice xyphoide bifurqué.
Cou et thorax. - Le thymus a disparu. La glande thy-
roïde (14 gr.) est saine ainsi que le larynx. - Le poumon
droit (450 gr.) est très congestionné; le lobe inférieur est splé-
nisé. Les lésions de broncho-pneumonie sont surtout marquées
à la base. Le poumon gauche (375 gr.) présente des noyaux
de broncho-pneumonie mieux dessinés. Aux sommets des
deux poumons, il y a quelques adhérences celluleuses. Pas de
tubercules, pas d'ecchymoses. Le péricarde contient peu de
sérosité. La surface du coeur (215 gr.) offre une surcharge
graisseuse assez prononcée. Le myocarde est sain et on ne
trouve pas de lésions valvulaires, ni de taches ecchymotiques.
Abdomen. La muqueuse de l'estomac est parsemée de petits
points ecchymotiques. Légère congestion de la muqueuse de
la partie moyenne de l'intestin. - Le foie (1.055 gr.) présente
quelques taches graisseuses. La vésicule biliaire, distendue, et
les canaux biliaires ne sont le siège d'aucune altération. - Rien
à noter sur la rate (110 gr.), ni sur le rein gauche; le rein
droit (100 gr.) porte un kyste de la grosseur d'une petite noi-
sette. Prostate, vésicules séminales, etc., rien.
Tête. Cuir chevelu sans ecchymoses. Os minces; sutures en
partie ossifiées. Pas d'asymétrie de la base du crâne. Dure-
246 AUTOPSIE.
mère modérément congestionnée. La pie-mère, d'une façon gé-
nérale, est modérément vascularisée. On trouve seulement doux
plaques ecchymotiques sur la face convexe du lobe frontal et
une autre sur sa face inférieure, entourée d'une zone vascu-
laire. Notons encore do petites plaques ecchymotiques sur la
face inférieure du lobe frontal droit, sur le lobe temporal
gauche, sur le lobe occipital droit et le cervelet. - Les artères
et les nerfs de la base ainsi que les tubercules mamillaires, les
pédoncules, etc., sont symétriques. L'encéphale pèse 1.345 ;
l' hémisphère cérébral droit 580 gr.; le gauche 585 ; - le cer-
velet et l'isthme 170. (La différence de 10 gr. est due au sang
et au liquide céphalo-rachidien).
Hémisphère droit. a) Face convexe, - La scissure de 5-
vius est normale, profonde, toutefois son rameau postérieur,
horizontal, s'arrête brusquement sans so bifurquer et sans
pénétrer aussi loin que d'habitude dans le pli pariétal inférieur;
son rameau antérieur, horizontal, profond, sinueux, se pro-
longe à travers les trois circonvolutions frontales et se termine
v deux millimètres environ de la fente inter-hémisphérique,
formant ainsi une sorte de scissure parallèle frontale anté-
rieure. - Le sillon de Rolando est sinueux, très profond. -
La scissure perpendiculaire externe est également très pro-
fonde et s'arrête au niveau do la scissure inter-pariétalo où elle
se jette.
Lobe frontal. - La première circonvolution frontale est
bien développée,plissée,corume dédoublée à sa partie antérieure;
elle s'insère à la circonvolution frontale ascendante par un pli
de passage à niveau et envoie deux autres plis de passage à la
deuxième circonvolution frontale. - La scissure frontale suc-
rieure, sinueuse, profonde, est interrompue par les deux der-
niers plis de passage dont nous venons de parler.
La deuxième cil'convolution (¡'olltale,sinueuse,est confondue
dans ses parties antérieure et moyenne avec la troisième cir-
convolution frontale. -La scissure frontale inférieure n'existe
que dans sa partie la plus postérieure où elle forme une enco-
che profonde d'environ 1 centimètre 1/2. La troisième cir-
convolution frontale est relativement peu développée ; son
pied surtout est grêle ; son cap, d'un développement moyen,
est, en avant, complètement isolé de la partie antérioure par
le rameau horizontal antérieur de la scissure de Sylvius, dont
nous avons parlé plus ha . t. Il existe une scissure frontale
parallèle, interrompue seulement vers sa partie moyenno par
un pli de passage un peu en retrait, allant de la deuxième cir-
convolution frontale à la circonvolution frontale ascendante;
AUTOPSIE. 247 Î
elle est très profonde, sinueuse et irrégulière. - La circonvu-
lution frontale ascendante est assez volumineuse, très si- :
nueuse. - La circonvolution pariétale ascendante est très
grêle.- Le lobule orbitaire est bien conformé, normal dans
toutes ses parties, scissures et circonvolutions ; il paraît plus
large dans son ensemble que celui du côté gauche.
Lobe pariétal. La scissure interpariétale, très creuse et
sinueuse, forme, en arrière de la circonvolution pariétale as-
cendante, une sorte de scissure pariétale parallèle; au-delà de
son coude, elle fournit : 1° en haut, un sillon profond, divisant
le pli pariétal supérieur en deux parties; 2° en bas, un sillon
qui se bifurque près de son origine en deux branches, dont
l'une, l'antérieuro, est peu profonde et semble continuer la
direction de la scissure de Sylvius; la scissure interpariétalo
poursuit ensuite son trajet jusquo dans lo lit du premier sillon
occipital. Le pli pariétal supérieur et le pli pariétal inférieur
sont bien développés, nettement séparés des parties environ-
nantes auxquelles ils sont reliés par des plis de passage à ni-
veau, allant du pli pariétal supérieur et du pli pariétal inférieurà 11-
lacirconvolution pariétale ascondante, etdu pli pariétal inférieur
à la première circonvolution temporale; tous les autres plis de
passage sont situés très profondément au niveau des sillons.
Le pli courbe est difficile à bien délimiter, car la scissure pa-
rallèle se confond en haut avec la scissure interpariétale, divi-
sant ainsi le pli courbe en uno partie antérieure et en une partie
postérieure, plus développée. Les circonvolutions occipitales
sont assez régulières, ainsi que leurs scissures.
Lobe temporal. La première circonvolution temporale,
peu sinueuse, présente un développement normal. La scissure
parallèle, très profonde, se continue, interrompue seulement
par des plis de passage très profonds, jusque dans la scissure
interpariétale. - La deuxième circonvolution temporale, bien
développée, sinueuse, envoie des plis de passage à niveau à la
troisième temporale et au lobe occipital. Le deuxième scissure
temporale, très profonde, est interrompue par un de ces plis
do passage. - Les circonvolutions temporo-occipitales pré-
sentent un développement moyen, sont très sinueuses, un peu
irrégulières. La première offre à sa partie moyenne une sur-
face en retrait et chagrinée; ello paraît un peu moins déve-
loppée qu'à gauche. Les scissures temporo-occipitales sont
profondes et sinueuses.
b) Face interne. -La scissure calloso-marginale, sinueuse,
assez régulière, est interrompue dans son quart inférieur par
un pli do passage à niveau, allant de la première circonvolution
frontalo à la circonvolution du corps calleux. La première
248 AUTOPSIE.
circonvolution frontale est bien développée. Le lobule pa-
racentral a un peu la forme d'une virgule, dont la pointe est
dirigée en avant, vers la scissure calloso-marginale ; il est un
peu moins développé qu'à gauche. - La circonvolution du
corps calleux ne présente rien de particulier. Le lobule
quadrilatère est un peu plus large qu'à gauche. La scissure
sous-pariétale a la forme d'un lambda X ; il existe deux plis do
passage pariéto-limbiques, antérieur et postérieur. La
scissure perpendiculaire interne est très profonde. Lo coin
est plus développé qu'à gauche. La scissure calcarine est ré-
gulière, profonde.
Hémisphère gauche. - a) Face convexe. - La scissure de
Sylvius est normale, profonde. Il en est de même du sillon de
Rolando et de la scissure perpendiculaire externe.
Lobe frontal. - Il existe une scissure frontale parallèle
complète, partant du pied de la troisième circonvolution fron-
tale, qu'elle divise en deux parties, pour se terminer dans la
scissure frontale supérieure, qui est sinueuse et profonde. A
son quart postérieur, cette dernière communique, par un sillon
profond, avec la scissure frontale inférieure, très profonde,
irrégulière ; celle-ci est interrompue par deux plis de passage
à niveau, allant de la deuxième à la troisième circonvolution
frontale. La première circonvolution frontale, plissée,
bien développée, s'insère par deux plis de passage grêles, à la
circonvolution frontale ascendante. - La deuxième circonvo-
lution frontale, très développée, présente une partie postérieure
isolée par les scissures de la région et le sillon faisant commu-
niquer les deux scissures frontales supérieure et inférieure ;
un pli de passage grêle à niveau interrompt, vers sa partie
moyenne, la continuité de la scissure frontale supérieure; deux
autres plis de passage à niveau, larges, situés à la partie an-
térieure de la deuxième et troisième circonvolutions frontales,
réunissent ces circonvolutions, qui se trouvent ainsi confon-
dues. - La troisième circonvolution frontale est médiocre-
ment développée. - La circonvolution frontale ascendante
est sinueuse et peu volumineuse.
Lobule orbitaire. Ses scissures et ses circonvolutions
sont normales et bien conformées.
Lobe pariétal. - La scissure inter-pariêtale part du fond
de la scissure de Sylvius, est interrompue à son quart inférieur
par un pli de passage à niveau allant de la pariétale ascendante
au pli pariétal inférieur, forme ensuite une scissure pariétale
parallèle, qui se termine à un centimètre de la fente interhémis-
phérique, à peu de distance du début de sa courbe ; cetto scis-
TEMPÉRATURE DANS L'ÉTAT DE MAL. 249
sure est de nouveau coupée par un pli de passage à niveau
allant du pli pariétal supérieur au pli courbe ; plus loin, elle se
confond avec la scissure perpendiculaire externe, le sillon
transverse occipital et le premier sillon occipital. Le pli pa-
riétal supérieur est bien développé ; un pli de passage profond
le fait communiquer aussi avec la première circonvolution
occipitale. - Le pli pariétal inférieur est moins bien déve-
loppé ; le pli courbe est normal.
Le lobe occipital présente des circonvolutions très sinueuses,
découpées par de nombreux sillons irréguliers.
Lobe temporal. - La première circonvolution temporale,
assez développée, est sinueuse ; vers sa partie moyenne, sa
continuité est interrompue par un sillon profond, bordant
postérieurement un pli de passage à niveau qui traverse pro-
fondément la scissure de Sylvius pour aller se jeter dans le
pli pariétal inférieur. La scissure parallèle est coupée par un
pli de passage à niveau, large, allant de lapremière à la deuxième
circonvolution temporale. Le deuxième sillon temporal est
oblique et presque transverse ; il se jette en avant dans la
scissure parallèle, en arrière dans la première scissure tempo-
ro-occipitale.-La deuxième circonvolution temporale, bien
développée, est irrégulière, dédoublée en deux plis secondaires
à sa partie antérieure, simple en arrière et séparés nettement du
lobe occipital. - Les circonvolutions temporo-occipitales et
leurs scissures ne présentent rien de particulier.
b) Face interne. La scissure calloso-marginale est si-
nueuse, irrégulière. - La première circonvolution frontale
est dédoublée. - Le lobule pariétal est moyennement déve-
loppé. - Le lobule quadrilatère, assez gros, plissé, ne possède
que le pli de passage pariéto-limbique postérieur.-La scissure
perpendiculaire interne est très profonde. Le coin et la
scissure calcarine sont normaux.
Le corps calleux, le corps strié et la couche optique, le ven-
tricule latéral, la corne d'Ammon (des deux côtés), le bulbe,
la protubérance, ainsi que le cervelet ne présentent rien de
particulier. Le lobule de l'insula possède, de chaque côté,
quatre digitations.
La température centrale a été prise à des intervalles
rapprochés dans ce cas d'état de mal, dont la marche a
un peu différé des cas ordinaires, ce qu'il est peut-être
possible d'attribuer, dans une certaine mesure, au traite-
ment employé. Quoi qu'il en soit, le tracé considéré dans
Bourneville, 188G. 1 ? -1
250
.TEMPÉRATURE DANS L'ÉTAT DE MAL.
son ensemble nous présente une élévation rapide do la
température (Fig. 26).
Nous rapprocherons de ce tracé celui que représente
la fig. 27 ; il montre la marche de la température dans
un état de mal qui s'est terminé en trente heures. La
malade, nommée Lanib..., a eu 190 accès dans les
23 premières heures et n'en a plus eu dans les sept der-
nières heures qui ont précédé la mort. L'abaissement
Fig. 27. - Température dans un état do mal épileptique limité la période
convulsive et terminé par la mott. T. au moment de la moit ? T, une
heure après la mort.
relatif de la température (.40°) a suivi une application
de sangsues (1).
Nous n'insisterons pas davantage. Les tracés que nous
avons reproduits permettent d'avoir une idée exacte do
la marche de la température dans les principales formes
de l'état de mal épileptique (2).
(1) Voir : Bourneville. - Rech. clin, et thél'ap, sur 'ëpeps : 6
et l'hystérie, 1876, p. 1-4u.
(2) Nous n'avons voulu répondre, dans le Progrès médical, que
d'uno manière sommaire à M. le Dr Witkowski ; mais nous lui
répondrons plus longuement, en citant un certain nombre do faits,
dans les Archives de neurologie.
TABLE DES MATIERES
252 TABLE DES MATIÈRES.
TABLE DES MATIÈRES. 253
254 EXPLICATION DES PLANCHES.
PLANCHE I.
. Face interne de l'hémisphère gauche.
Sc. c. m., Scissure calloso-marginale.
Se. s. p., Scissure sous-pariétale.
Se. p. i., Scissure perpendiculaire interne.
F. ca., Fissure calcarine.
Sc. <0)., 1. ru scissure temporo-occipitale.
Se. to2., 2* scissure temporo-occipitalo.
Fui, lre circonvolution frontale interne.
C. C. C., Circonvolution du corps calleux.
C. C., Corps calleux.
L. P., Lobule paracentral.
L. Q., Lobule quadrilatère ou avant-coin.
C, Coin.
Toi, 1° circonvolution temporo-occipitale.
Toi, 2e circonvolution temporo-occipitale.
T3, 3' circonvolution temporale.
p. p. a., Pli pariéto-limbique antérieur.
p. p. p., Pli pariéto-limbique postérieur.
C. A., Corne d'Ammon.
N. B. - Les deux lettres O. C. placées en avant du bourrelet du
corps calleux doivent être remplacées par les lettres C. C.
PI.. I
Pr.. II
EXPLICATION DES PLANCHES. 255
PLANCHE II.
Face externe ou convexe de l'hémisphère gauche.
Se. S., Scissure de Sylvius dont les deux lèvres écartées laissent
voir les circonvolutions de l'Insula (L. I) et les plis temporo-
pariétaux (3, 3).
a., Rameau antérieur ascendant de la scissure de Sylvius.
al, Rameau antérieur ascendant supplémentaire de la même
scissure.
a3, Rameau antérieur horizontal de cette scissure.
1, ligne marquant la démarcation entre la 3c frontale et la pariétale
ascendante.
S. R., Sillon de Rolando.
Se. p. c., Scissure perpendiculaire externe.
Se. p. f., Scissure parallèle frontale.
Se. f. s., Scissure frontale supérieure. '
Se. f. i., Scissure frontale inférieure.
Se. ip., Scissure interpariétale.
Se. p., Scissure parallèle.
Se. ts-t 2° scissure temporale.
In. pr., Incisure préoccipitale.
L. O., Lobule orbitaire.
Fi, 1" circonvolution frontale.
F2, 2e circonvolution frontale.
F3, 3° circonvolution frontale.
F- A., Circonvolution frontale ascendante.
P. A., Circonvolution pariétale ascendante.
P1, Pli pariétal supérieur.
P2, Pli pariétal inférieur.
Ps, Pli courbe.
i,· 0. C., Lobe occipital.
Ti, 1" circonvolution temporale.
T2, 2" circonvolution temporale.
T3, 3e circonvolution temporale.
N. B. - On remarquera sur chaque face convexe la séparation
bien nette du lobe occipital des parties environnantes. Les
lettres Sc. p. p. doivent être remplacées par les lettres Se. p. e. et
reportées à un centimètre en avant près de la scissure.
256 explication DES planches.
PLANCHE III.
Face interne de l'hémisphère droit.
Les lettres ont la même signification que celles de la planche 1,
sauf les suivantcs :
e., Incisure préovalaire.
d., Sillon parallèle à la scissure perpendiculaire interne allant se
jeter dans la fissure calcarine.
1 ? 13 ? Les lettres Se. c. m. placées à la partie antérieure de
L. Q. doivent être reportées à l'extrémité postérieure de la scisute e
c.vlloso-marginale..
PL. 111
Par. IV
EXPLICATION DES PLANCHES. 257
PLANCHE IV.
Face externe ou convexe de l'hémisphère droit.
Les lettres on ! . la même signification que celles de la planche Il,
à l'exception des suivantes :
d., Sillon occipital antérieur.
b., Sillon intermédiaire au pli pariétal inférieur et au pli courbe.
c., Sillon divisant le pli courbe.
p. p., Pli de passage allant de la 2e à la 3" frontale gauche sur
lequel se trouve la petite tumeur T.
N. B. Sur le pli de passage reliant inférieurement FA à F3
au lieu de S il faut lire Se. S. Les lettres placées sur le bord
supérieur de Tl doivent être lues Sc. S. au lieu de Se. Se.
258 EXPLICATION DES PLANCHES.
TLANCHE V.
Tracé de la température dans un cas de tuberculose de la
protubérance annulaire.
h.1a15. - 111'. V. GOUPY ET JOU11DAN, ItUE DE -dl
P
Température rectale dans un cas de tuberculose de iii ottibératice annulaire.