RECHERCHES
SUR
L'EPILEPSIE, L'HYSTÉRIE
ET
L'IDIOTIE
RECHERCHES
CLINIQUES ET THÉRAPEUTIQUES
SUR
L'ÉPILEPSIE, L'HYSTÉRIE
ET
L'IDIOTIE
COMPTE RENDU DU SERVICE DES ÉPILEPTIQUES
ET DES ENFANTS IDIOTS ET ARRIÉRÉS DE BICÊTRE
PENDANT L'ANNÉE 1883
PAR
BOURNEVILLE
MÉDECIN DE DlCÈTRE
BONNAIRE, BOUTIER, LEFLAIVE
INTERNES DU SERVICE
P. BHIOON ET SÉGLAS
DOCTEURS EN MÉDECINE
Volume IV avec 8 figures et deux planches.
PARIS
AUX BUREAUX DU
PROGRÈS MÉDICAL
14, rue dos Carmes, 14.
A. DELAHAYE & E. LECROSNIER
ÉDITEURS
Place de l'École de Médecine.
1884
PREMIERE PARTIE
Historique. Statistique.
PREMIERE PARTIE
Histoire du service pendant l'année 1883.
I.
SITUATION DU SIsRVICI3. -ATELIERS.- AMÉLIORATIONS
DIVERSES.
Nous n'avons pas à revenir avec délails sur l'organisa-
tion générale du service; sur l'encombrement déplorable
des dortoirs et des classes; sur la situation abominable du
local qualifié d'infirmerie des enfants : tout ce qu'il y
avait à dire à ce sujet a été dit dans les précédents Comp-
tes rendus (1). Aussi allons-nous aborder, sans plus de pré-
ambule, l'exposé des faits principaux de l'année 1883.
Les enfants du service se divisent, nous le répétons, en
trois catégories : ° les enfants idiots gâteux, épileptiques
ou non, mais invalides et réputés incurables ; - 2° les
enfants idiots gâteux oit non, épileptiquesou non, valides.;
- 3° lesenfants propres, valides, imbéciles, arriérés, épi-
leptiques ou non.
Les enfants du premier groupe sont jusqu'à présent con=
finés à l'infirmerie où on leur apprend : 1° à se tenir debout
à l'aide de barres parallèles d'un genre particulier; 2° à
marchersoitàlamain,soità l'aide des chariots. Les enfants
du deuxième groupe vont à la petite école et ceux du dernier
groupe à la grande école ou école proprement dite.
Ecole. Le personnel se compose d'un instituteur,
M. 1'oIi'I'ILLIIsIi, qui se dévoue à sa tâche avec un zèle et un
(1) Deux fautes d'impression dans le Compte rendu de 1882
doivent être signalées : à la page vu, ligne 2, il faut lire 1880 et 1881,
au lieu de lb8l et 1882.
X ENSEIGNEMENT PRIMAIRE.
dévouement dignes des plus grands éloges; de deux gar-
çons de classe (infirmiers), de 4 administrés de Bicétre qui
reçoivent une allocation de 0 fr. 60 par jour(l'un d'eux
enseigne la danse , un autre l'escrime) ; d'un professeur de
chant, M. Pény et d'un maître de gymnastique, M. Goy.
Dès que la section spéciale sera terminée nous modifierons
cc personnel et notamment nous réclamerons un institu-
teur adjoint.
Le matériel s'est accru des objets et livres suivants :
Méthode de lecture de Dupont, en quatre grandes cartes ;
50 gravures d'histoire naturelle, pour l'enseignement élé-
mentaire d'après Mme Pape Oarpentier; huit bancs-tables
à deux places faits par les enfants dans leur atelier de me-
nuiserie ; 180 volumes divers pour l'enseignement de l'his-
toire naturelle, de la géographie, des connaissances usuel-
les, etc. ]nriii d'une boîte à 16 compartiments contenant
les différents échantillons de blé, son, farine, gruau (1).
A notre arrivée dans le service, nous avons trouvé un
maître d'armes et un maître de danse, tous deux admi-
nistrés de Bicêtre et donnant un enseignement très médio-
cre. Nous les avons conservés, bien que nous considérions
cette-partie de l'enseignement comme d'une utilité secon-
daire. Afin de soulager un peu le maître de danse, qui
chantait pour guider ses élèves, nous lui avons adjoint un
violoniste pris parmi les aveugles administrés.
Petite école. - Le personnel comprenait au commence-
ment de l'année : deux sous-surveillantes, Mlles B. et je
Acinus, une suppléante Mlle Bohain, une infirmière Mme 0.
Germain et un infirmier. Dans le cours de l'année, la popu-
lation des enfants ayant été augmentée par l'installation
de 23 lits dans une partie des ateliers, l'administration
nous a donné une seconde infirmière. Mlle Labbé.
(Il A propos d'un rapporta faire au Conseil municipal sur des tra-
vaux à exécuter à la Boulangerie centrale des hôpitaux (place Scipion),
nous avons eu l'occasion de visiter avec soin cet établissement.
Dans nos visites, le Directeur, M. Rouxel, nous fit voir une boîte
divisée en nombreux compartiments dans lesquels étaient déposés
tous les produits tirés du blé. C'est là que nous avons puisé l'idée
de la boîte qui sert à l'enseignement des enfants de Bicêtre. Elle
serait très utile dans toutes les écoles primaires.
ENSEIGNEMENT PRIMAIRE. XI
Le matériel scolaire se complète progressivement.
Nous avons fait imprimer des feuilles avec de gros chiffres
et de grosses lettres et nous avons profité d'une visite faite
aux enfants par M. V. Goupy, imprimeur du Progrès mé-
dical et membre du Conseil de surveillance de l'Assistance
publique, pour lui demander de nous faire fabriquer de
grosses lettres en bois, afin que les enfants puissent les
prendre et les poser sur les lettres imprimées.
Cette école a fonctionné avec la plus grande régularité
et nous devons nos remerciements les plus vifs au person-
nel. Les médecins, les administrateurs, etc., qui sont ve-
nus visiter la section ont manifesté leur satisfaction en
termes chaleureux. L'un d'eux, M. Puteaux, membre de la
Commission de surveillance des asiles de la Seine, rendant
compte à cette commission de ce qu'il avait vu, s'est ex-
primé ainsi qu'il suit :
« M. Puteaux se hlaitv constater que ce service est fort bien
tenu par les surveillantes laïques, qui font preuve du plus
grand dévouement à l'égard de ces malheureux enfants tous
gâteux ou malpropres et dont la guérison ou même l'améliora-
tion est plus que douteuse. M. Puteaux déclare qu'il ne pensait
pas que des soins aussi dévoués pouvaient être obtenus de
personnes autres que des religieuses; il tient d'autant plus à
signaler ce qu'il a vu, qu'il a voté récemment contre la laïcisa-
tion de l'asile Ste-Anne. » (1)
Un mois plus tard, le Président de la commission,
l'honorable M. Barbier, procureur général près la cour de
cassation, déclarait qu'il « confirmait, en ce qui concernait
la bonne tenue du quartier des enfants de Bicétre, les
éloges adressés par M. Puteaux aux surveillantes laïques
chargées des soins à donner à ces malheureux déshé-
rités. » (- : ).
Lorsque nous avons organisé la petiteécole nous ne dispo-
sions que de la petite salle étroite, située au-dessus d'un
vieux puits (3) et d'une salle-hangar servant de parloir aux
familles des enfants. En août 1880, nous y avons ajouté le
(1) Commission de surveillance des asiles publics d'aliénés de
la Seine : procès verbal de la séance du 6 novembre 1883, p. 187, 183.
(2) Ibid., séance du 4 décembre, p. 200. '
(3) Voir le Compte rendu de 1880, pages sn et xvi.
XII ENSEIGNEMENT PROFESSIONNEL.
service de propreté (1). Enfin, le 25 août, le maître de me-
nuiserie qui occupait la portion du hangar comprise entre
le service de propreté et la petite gymnastique, ayant pris
possession de son atelier dans le bâtiment spécial consa-
cré à l'enseignement professionnel, nous avons demandé
que cette partie du hangar fût nettoyée, blanchie et donnée
aux enfants de la petite école ; c'est ce qui a été fait le 7 oc-
tobre etc'est là qu'ont lieu maintenant les leçons de lecture,
d'écriture, etc.
En 1882, six enfants gâteux sont devenus propres. En
1883, quatre enfants sont devenus propres et ont été mis
en pantalon (2) ; six sont propres, mais ont dû être laissés en
robe (3) ; enfin d'autres ne gâtent plus aussi souvent qu'au-
trefois.
Enseignement Professionnel. - Dans le Compte rendu
de 1882, nous avons dit que, vu l'urgence, il avait été dé-
cidé que l'on détacherait du projet général de reconstruc-
tion de la section des enfants la partie relative aux ateliers
destinés à l'enseignement professionnel. Nous avons ra-
conté comment, grâce à M. Ch. Floquet, alors préfet de la
Seine, toutes les formalités administratives avaient été rem-
plies avec une rapidité qualifiée de scandaleuse par un
haut fonctionnaire de l'Assistance publique. La dépense
était évaluée à 210,5 î0 fr.
Deux puits de 20 mètres ont été creusés du 21 août au
8 septembre, afin de s'assurer de l'état du sol ou devaient
s'élever les ateliers (4). Les travaux de terrassement ont
commencé le 4 octobre 1882. Malheureusement des pluies
presque continuelles ont ralenti et même fait suspendre les
travaux durant la plus grande partie du mois de novem-
bre. De plus, l'opération des premiers déblaiements ayant
révélé une situation particulière du sol, l'Administration a
fait arrêter les travaux. Cette situation, M. Gallois, ar-
chitecte de Bicêtre, la décrivait ainsi :
(1) Ibid., p. xxi.
(2) l3routt ? Duva., Gagnep..., Moquer..., Janss..., Ilug (1882) ;
- Monat..., Duma., Giro..., Cliq.. (1883).
(3) Hans ? Ren., Robin..., Detli ? Guai., Pijo...
(4) L'emplacement est celui qu'avait choisi l'auteur du projet de
l'Administration, pour y construire un bâtiment de trois étages,
mais alors on n'avait pas pensé à explorer le sol.
ATELIERS. XIII
« La masse paraît disloquée et brisée ; elle porte les
traces d'anciennes infiltrations accidentelles, enfin, la
proximité d'un ancien trou de service, vers l'angle N. E.,
constitue un danger. » C'est pour cela que, dans les pre-
miers jours de novembre, M. l'Architecte fit forer trois
puits de recherches. Enfin, sur sa demande, le service des
mines, qui avait été consulté déjà sur l'ensemble de l'em-
placement de la future section (1), et avait reconnu la né-
cessité de faire des travaux de consolidation souterraine
évalués à 1.500 fr., et de descendre jusqu'au sol des carriè-
res les puits de recherches de l'angle N. ive., fut de nou-
veau appelé à donner son avis sur ce point spécial, par
M. le directeur de l'Assistance publique « qui témoignait,
en ce qui concerne le sous-sol, des inquiétudes très vives.» »
L'ingénieur en chef des mines, M. Roger, a répondu le
12 décembre 1882 que « l'examen approfondi, auquel s'est
livré le service des carrières, a montré que les craintes qui
sesontfait jour ne sont nullement fondées. » Voici d'ail-
leurs la copie du rapport adressé à M. Alphand sur cette
affaire :
Par un rapport du 25 novembre 1882, M. l'architecte de l'hospice
de Bicêtre exprime des craintes sur l'état du sol et propose des
travaux exceptionnels de fondations.
Nous avons fait examiner soigneusement les anciennes carrières
de cette région : elles ne présentent absolument aucun danger pour
la stabilité des constructions commencées, et les légers travaux que
nous aurons à y faire consisteront seulement à boucher les vides
qui sont déjà solides par eux-mêmes.
Le tassement du sol, auquel le rapport fait allusion, loin d'être
un danger est, au contraire, une garantie de sécurité, car ce tasse-
ment est fini dans toute sa hauteur, et aucun mouvement ne se
produira plus.
Il n'existe aucune raison qui doive faire faire pour ces bâtiments
des travaux spéciaux de fondation, tels que puits, arceaux, etc., au
moins en raison de la présence des carrières. L'architecte et l'en-
(1) Voici un extrait du rapport de M. l'ingénieur en chef : « Etant
données les connaissances acquises du sous-sol de la partie acces-
sible et la forte épaisseur des terres de recouvrement, nous pensons
que l'on peut, sans inconvénient, établir des constructions relati-
vement de peu d'importance, sans qu'il soit nécessaire d'exécuter
des travaux de consolidation en maçonnerie dont la dépense serait
considérable. » (Rapport du 3 novembre 1882).
XIV ATELIERS.
trepreneur n'ont pas à se préoccuper de leur présence et peuvent
agir comme si le sol était entièrement vierge.
Paris, le 2 décembre 1882.
L'Ingénieur des Mines, Signé : Rigaud.
Comme on le voit, des difficultés se présentaient à la
suite les unes des autres et chaque fois c'étaient de nou-
velles démarches àfairepour activer les solutions. Heureu-
sement, nous avonsrencontré dans M. Alphand le concours
le plus bienveillant et il a fait procéder aux différentes re-
cherches réclamées du service des mines avec la plus
grande célérité.
L'architecte et l'entrepreneur, M. Pradeau, n'étant pas
convaincus qu'il n'y eût pas lieu à prendre des précautions
spéciales, l'architecte adressa, le 24 novembre, à M. le
Directeur de l'administration, un rapport détaillé avec
propositions en vue de donner plus de consistance aux
fondations et de les asseoir en certains points sur des
grillages en charpente.
Une commission spéciale se transporta sur place et
approuva ces propositions. L'entrepreneur persistant à ne
pas trouver suffisant le projet de fondations proposé, malgré
l'avis de M. l'Ingénieur des mines, en date du 2 décembre,
M. Rigaud voulut bien se rendre dans le sein de la commis-
sion d'architecture, le 19 décembre 1882, pour donner
quelques explications techniques.
M. Pradeau avait eu connaissance de cet avis qui portait
« que l'architecte et l'entrepreneur pouvaient agir comme
ci si le sol était vierge ».
L'entrepreneur, à qui les explications verbales de M.
Rigaud avaient été transmises, écrivit le 21 décembre 1882
à l'architecte qu'il était disposé à exécuter les fondations
à la condition : :
1° Qu'il lui en serait donné ordre écrit et détaillé;
2° Qu'une fois le travail fait, une commission spéciale
en reconnaîtrait la bonne exécution et en ferait mention
dans un procès verbal, ad hoc.
L'entrepreneur demandait encore à être déchargé des
obligations de l'article 1792, ce à quoi n'a pas consenti
l'Administration.
M. Pradeau ayant renoncé à cette prétention, l'ordre de
ATELIERS. XV
service lui a été délivré le 3 janvier 1883, et ultérieurement
la commission spéciale a constaté par procès verbal que
les fondations étaient conformes à l'ordre donné.
Enfin, les travaux furent repris le 8 janvier 1883. A
partir de ce jour, ils ont été menés très activement par
M. Gallois età la fin du mois de septembre les ateliers étaient
terminés. Nous allons en donner une rapide description.
Les ateliers sont installés dans un bâtiment ayant la
forme d'un rectangle, faisant face au gymnase de la sec-
tion, long de 25 mètres, large de 14 mètres, haut de 14 m.
15. A ses deux extrémités sont adossés des avant-corps ren-
fermant les cabinets d'aisances. Ce bâtiment comprend un
sous-sol (caves et magasins), un rez-de-chaussée et un
premier étage pour les ateliers. Enfin, dans le comble à la
Mansard sont installés des logements primitivement des-
tinés aux chefs d'ateliers mais qu'on a jugé plus utile
d'affecter au surveillant de la section, aux sous-surveillan-
tes et au sous-surveillant (1).
La construction se compose, sur chacune des façades
principales de huit piles en briques de 9 mètres de haut et
espacées de 2m.50. Elles sont reliées à la partie supérieure
par un arc en briques reposant sur sommet en pierres et à
demi-hauteur par des linteaux en fer supportant les allè-
ges et les appuis des fenêtres.
Ce genre de construction, où la brique et le fer sont heu-
reusement combinés a l'avantage de laisser arriver en pro-
fusion l'air et la lumière et, tout en se présentant sous un
aspect agréable, d'être fait dans des conditions relative-
ment économiques (/t. 1).
Rez-de-chaussée. Au centre, du côté de la cour, se
trouvent le vestibule et l'escalier : -à droite,occupant toute
la largeur du bâtiment,l'atelier de menuiserie ; à gauche,
séparés par un couloir, l'atelier destiné à la charronnerie
ou à la tonnellerie et l'amer de serrurerie. Ces différents
ateliers sont séparés par des cloisons vitrées avec impostes
qui facilitent la surveillance et l'aération. Entre râtelier de
(1) Les chefs d'atelier, et avec raison, ne sont ni logés ni nourris
par 1 l'étab : isseinent,.
Fig. 1.
Via, '2,
XVIII ATELIERS.
menuiserie et celui de serrurerie, on a ménagé deux cabi-
nets, avec matelas, pour recevoir les malades en accès ou
pour les faire reposer après leurs accès. En arrière de ces
cabinets vitrés, afin de rendre la surveillance facile,
existent deux petits bureaux pour les chefs d'atelier
(9 2). ·
Premier étage. Il comprend à droite, sur la cour du
gymnase, l'atelier du tailleur avec un cabinet d'accès et le
bureau du chef d'atelier; en arrière, l'atelier de cordon-
nerie ; à gauche, deux autres ateliers, l'un pour la vanne-
rie et le rempaillage des chaises, l'autre pour une destina-
tion qui n'est pas encore fixée (probablement pour une pe-
tite imprimerie). Entre l'atelier de cordonnerie et celui de
la vannerie ont été disposés comme au rez-de-chaussée, des
cabinets d'accès et des bureaux pour les maîtres. Enfin,
à l'extrémité du couloir qui sépare l'atelier de vannerie de
l'atelier d'imprimerie, on voit un cabinet d'accès et un
bureau (fig. 3).
Nous avons demandé l'adjonction à chaque atelier d'un
cabinet d'aisances, disposé à l'anglaise, parce que nous te-
nons à montrer qu'il est possible, même avec des enfants
malades, d'avoir des cabinets d'aisance très bien tenus (1).
Ces ateliers ont été prévus pour une population de 400
enfants. La population étant, en 1883, do 180 enfants seule-
ment, nous avons estimé qu'il était pratique do n'ouvrir
les ateliers que successivement et nous avons choisi les pro-
fessions qui nous permettraient de montrer vite et bien les
avantages de ces ateliers, non seulement au point de vue
du traitement et de l'instruction des enfants, mais aussi au
point de vue financier. L'atelier de menuiserie, qui existait
déjà et dont nous avons parlé plus haut, a été ouvert le 25
août avec 18 enfants; celui du tailleur avec 9 enfants ; ce-
lui du cordonnier avec 6 enfants le 8 octobre ; enfin l'ate-
lier de serrurerie n'est entré en activité, avec 4 enfants, que
le 16 janvier 1884. Voici comment ont été répartis les en-
fants dans les divers, ateliers, en 1881, 1882 et 1883.
(1) Nous avons souvent insisté, dans nos Rapports au Conseil
municipal, sur la nécessité et la, possibilité d'avoir partout des siè-
ges de ce genre dans les cabinets d'aisances des hôpitaux, des
écoles, etc.
ENSEIGNEMENT PROFESSIONNEL. XIX
Fig. 3.
ENSEIGNEMENT PROFESSIONNEL
XXI
des vieillards de l'hospice (1). Voici les évaluations pour
l'année 1883 :
XXII PROMENADES ET DISTRACTIONS.
recevaient 23 enfants choisis parmi les plus tranquilles.
Nous terminerons l'historique de ce nouveau bâtiment en
disant que, le 6 novembre, le personnel secondaire du
service apris possession des logements du comble à laMan-
sard. Ces logements, disposés de chaque côté d'un couloir
longitudinal central, sont convenables ; ils auraient pu être
très bien si l'architecte avait diminué un peu la largeur
exagérée du couloir et utilisé un emplacement perdu à.côté
de l'escalier. Jusqu'ici les sous-employés de tout grade ont
été si mal logés et si mal considérés que, lorsqu'on
leur donne des logements moins insalubres, moins exigus
que ceux qu'ils avaient la veille, les architectes et l'Admi-
nistration sont satisfaits. A notre avis, cela n'est pas encore
la perfection. Aujourd'hui, chaque fois que l'on construit,
on doit prévoir des logements vastes, bien aérés, pour tous
les sous-employés et des chambres pour toutes les infir-
mières, au lieu des dortoirs infects où l'Administration ose
encore les loger, dans beaucoup d'hôpitaux, en violation de
toutes les règles de l'hygiène (1).
Promenades et distractions. a) Adultes. Durant la
belle saison, nous avons fait faire six promenades aux
épileptiques adultes qui ne sont pas visités ou ne peuvent
profiter des permissions de sortie. 27 à 39 malades ont
bénéficié chaque fois de ces promenades, qui onteulieu à
Montsouris, au bois de Vincennes, à Chevilly, etc. En
outre, les malades cléments ont été promenés aussi'souvent
que possible dans les cours de l'hospice ou aux environs.
Toutes les semaines les malades assistent au concert dirigé
par M. Pény, professeur de chant à l'Ecole des enfants,
avec l'aide des aveugles musiciens et de l'orphéon com-
posé de malades.
b) Enfants.-Les promenades se sont de plus en plus mul-
tipliées. Les enfants sont allés plusieurs fois au Jardin des
plantes, 2 fois au Jardin d'acclimation (2), au Luxembourg,
(1) La visite de la commission administrative pour la réception du
bâtiment a eu lieu le 15 novembre 1883.
(2) Nous remercions ici MM. Geoffroy Saint-Hilaire et Saint-Yves
Ménard de la gracieuseté avec laquelle ils mettent chaque année, à
notre disposition, des cartes pour les enfants de Bicêtre et de la Sal-
pétrière.
VISITES, CONGÉS, ETC. SSIII
au Parc de Montsouris, au bois de Vinconncs, au Conser-
vatoire des arts et métiers, à la foire de la place de la
Nation, au panorama de la Bastille, aux fêtes de Gentilly,
Villejuif, Montrouge, etc., etc. Le nombre des élèves varie
entre 80 et 90, dont 20 à 25 de la petite école.
Dans ces promenades, les enfants sont accompagnes
d'une voiture que l'Administration a consenti à faire
fabriquer spécialement pour eux. Lorsqu'un enfant est
fatigué ou pris d'un accès, ce qui est d'ailleurs très rare,
on le met dans la voiture. Les hémiplégiques peuvent, grâce
à cette innovation, prendre part aux promenades même
éloignées.
Parmi les distractions, nous citerons, en tête.'le concert
annuel organisé par les frères Lionnet, avec le concours
bienveillant d'un certain nombre d'artistes, pour lesquels
c'est une véritable fête de venir consacrer quelques heures
à de pauvres deshérités (1). Puis, les soirées de lanterne
magique, les distributions de jouets faites par l'Adminis-
tration ou par le journal le Gaulois, dont nous devons
mentionner spécialement la générosité, d'autant plus
qu'elle se renouvelle chaque année ; les fêtes du mardi-
gras, de la mi-carême (avec déguisements), etc.
c) Enfants de la petite Ecole. Outre la participation
d'un certain nombre d'entre eux aux grandes promenades,
nous devons mentionner les promenades presque quoti-
diennes dans l'hospice, le jardin maraîcher, aux divers
ateliers, aux environs de l'hospice, etc., promenades dans
lesquelles leurs maîtresses les interrogent sur ce qu'ils
voient. Les plus avancés d'entre eux assistent au concert
hebdomadaire de la grande école.
Visites, permissions de sortie, congés. Les adultes
ont reçu 2.112 visites, les enfants 3.831. Les visiteurs ont
été au nombre de 8.905. Voici la statistique des per-
missions de sortie et des congés :
(1) Au concert assistent non seulement les enfants mais encore les
épileptiques adultes du service, et les aliénés des sections de
MM. J. l'alret et J. Voisin.
.\.\1 V AMÉLIORATIONS DIVERSES.
BAINS ET HYDROTHÉRAPIE, ETC. XXV
les élèves infirmières de l'école de Bicêtre, sous notre
direction et celle de nos internes. Une telle pratique devrait
exister dans tous les services hospitaliers.
Service dentaire. - Nous nous félicitons de plus en plus
de l'heureuse idée que nous avons eue de confier à un
spécialiste les soins à donner à la bouche des enfants idiots
de Bicêtre et de la Salpêtrière. Notre ami, M. le Dr CRUET,
continue à s'acquitter de ses fonctions avec un zèle des
plus louables et il a rendu des services incontestables aux
enfants des deux services.
Bains et hydrothérapie. Aucune modification à si-
gnaler dans les installations. Nous avons continué àrecourir
largement aux bains et à l'hydrothérapie comme le montre
le tableau ci-dessous : '
XXVI ÉPIDÉMIE DE ROUGEOLE.
"XX VIII LA FUTURE SECTION.
Cette épidémie, comme on vient de le voir, a frappé
15 enfants. L'enfant qui en a été le point de départ, entré,
comme nous l'avons dit, le 24 avril, a présenté l'éruption
de rougeole le 26 avril. La période d'incubation aurait
donc été de neuf jours chez les cinq premiers enfants, dont
l'éruption a paru le 6 mai, en admettant que le période
prodromique soit de trois jours. Les complications
ont été légères. - 3 malades sont morts, 12 ont guéri.
II.
LA FUTURE SECTION.
Dans le Compte rendu de 1882 (p. x, xn et XIII), nous
avons raconté comment le Conseil général de la Seine avait
été amené à demander d'urgence la création d'une section
spéciale pour les enfants idiots de Bicêtre; comment le
projet élaboré par l'Administration avait dû être écarté et
remplacé par un projet nouveau, conçu d'après un pro-
gramme dressé par nous et adopté par MM. Imard, ins-
pecteur, Gallois, architecte et Ventujol, directeur de Bicêtre.
Nous avons dit aussi que la partie relative aux ateliers en
avait été détachée, soumise au Conseil de surveillance, puis
au Conseil municipal, et nous venons de voir de quelle
façon cette partie du programme a été réalisée.
Lors de l'examen des plans et devis des ateliers par le
Conseil de surveillance, un schéma du plan d'ensemble de
la section avait été mis sous les yeux de l'Administration
et du Conseil de surveillance. M. Gallois, au mois d'octobre
1882, fut chargé de préparer les plans et devis définitifs.
En présence des retards qui se prolongeaient, nous avons
écrit bien des fois à M. le Directeur pour lui demander de
hâter l'élaboration du projet. Enfin, le 10 mars, MM. Imard,
Gallois, Ventujol et Bussy, se réunirent dans notre cabinet
et, après quelques modifications secondaires, nous fûmes
d'avis d'accepter le plan tel qu'il venait d'être établi par
M. Gallois.
Quelques semaines après, le Conseil de surveillance
nomma, pour étudier le projet, une sous-commission,
composée de MM. Ferry, Goupy, Nicaise, Voisin. Cette
sous-commission se rendit à Bicêtre le 13 avril : inutile de
LA FUTURE SECTION. XXIX
dire que le président de la sous-commission, M. Ferry, n'a
pas songé à convoquer le chef de service, auteur du projet.
Nous aurons l'occasion de revenir l'an prochain en
exposant tous les détails de l'exécution sur les difficultés
qu'il a fallu vaincre pour faire arriver ce projet du Conseil
de surveillance au Conseil municipal; sur l'étrange rap-
port de M. Ferry, rédigé de manière à mettre le préfet
dans l'embarras, en rendant presque impossible l'intro-
duction du projet au Conseil municipal. Nous raconterons
comment nous sommes parvenus à réduire à néant les
dispositions perfides de M. Ferry et de l'Administration.
Aujourd'hui, nous nous bornons à donner le sommaire de
l'histoire de la nouvelle section.
Après des démarches réitérées, le projet fut enfin intro-
duit au Conseil municipal le 30 mai et renvoyé à la 8e com-
mission (Assistance publique) qui nous confia le rapport.
Sachant combien ce projet était miné sourdement ;
sachant également qu'on essayait de faire croire qu'il s'a-
gissait, non pas d'une réforme urgente et d'une utilité ;
incontestable, mais d'une sorte de cadeau que nous voulions
nous faire faire, nous avons insisté vivement pour que tous
les membres de la Commission vinssent juger le projet sur
place. Les visites eurent lieu le 6 et le 18 juin. De plus,
deux autres de nos collègues du Conseil municipal, MM.
Boué et Réty; des membres de l'Administration, MM. Roux,
sous-directeur des affaires départementales, M.Babut, chef
de division et M. Leclère, chef de bureau (service des
aliénés), M. Pelletier, ancien directeur des affaires dépar-
tementales et membre de la Commission de surveillance
des asiles, vinrent visiter la section (1 cr, 29 juin) et tous
furent unanimes à reconnaître qu'il fallait remédier à une
situation indigne d'une ville comme Paris et que l'Admi-
nistration de l'assistance publique aurait dû, depuis long-
temps, faire cesser (1).
(1) Depuis plus de 20 ans, les médecins, chargés successivement du
service, MM. Delasiauve, A. Voisin et J. Falret, réclamaient sans
succès la transformation du service. M. Maxime du Camp en
parle dans ces termes : « Le quartier des idiots à Bicètre est une
hideuse renfermerie isolée tant bien que mal dans d'anciens bâti-
ments trop étroits, etc. » (Paris, t. iv, p. 367; 4° édition).
XXX STATISTIQUE.
Aussi, le 29 juin, quand vint en discussion notre rapport,
nous étions pleinement rassurés. Tout avait été fait au grand
jour; nous avions tenu à faire la conviction dans tous les
esprits : nos conclusions furent adoptées sans discussion.
Il ne s'agissait plus que d'empêcher l'Administration, par
ses lenteurs habituelles, de retarder les travaux. M. Oustry,
à ce moment préfet de la Seine, et M. Vergniaud, secrétaire
général, eurent l'obligeance de presser l'accomplissement
des formalités nécessaires pour la mise en adjudication : elle
eut lieu le 18 août, et le 27 septembre les terrassiers com-
mençaient les tranchées pour les. fondations du premier,
bâtiment, celui des réfectoires. Dans le Compte rendu
de 1884, nous reproduirons le projet imaginé par l'Admi-
nistration, le singulier rapport de M. Ferry, notre rapport
au Conseil municipal, et nous raconterons les différentes
phases subies par la construction. Enfin, pour que chacun
puisse mieux encore apprécier le projet que nous avons
fait prévaloir, [nous joindrons à tous ces documents les
plans, de la section.
III.
STATISTIQUE. MOUVEMENT DE. LA POPULATION.
Le 1 ? janvier 1883, la section contenait 297 malades,
ainsi répartis : 119 adultes épileptiques (51 aliénés, 68 dits
non aliénés) et 178 enfants (71 idiots, 78 épileptiques et 29
épileptiques ou idiots réputés non aliénés).
Des 178 enfants, 80 fréquentent la grande école (1), 80 la
petite Ecole et les autres, idiots, gâteux, invalides ou dc-
ments épileptiques restent à l'infirmerie : quand le temps
le permet, et seulement durant 6 mois, ces derniers sont
descendus à bras dans la cour de la petite école ou dans la
cour du gymnase.
Des 80 enfants de la petite école, 8 prennent part aux
exercices de. la grande, gymnastique;. z72 suivent les le-
çons. de la petite gymnastique ; 33' mangent avec la ?
(1) 24 anciens élevés de l'école, passés, dans les dortoirs- des adultes,
comme ayant atteint l'aide 18 ans, continuent à. fréquenter L'école,,
mais seulement le matin ou le soir.
MOUVEMENT DE LA POPULATION.
XXXI
cuillère ; 31 avec la cuillère et la fourchette; les au-
tres se servent de la cuillère, de la fourchette et du couteau.
43 sont propres et sont en pantalon; toutefois une vingtaine
d'entre eux urinent parfois ou régulièrement au lit; 37 sont
gâteux et portent la robe.
Le tableau ci-dessous résume le mouvement de la popu-
lation en 1883.
DÉCÉS. XXXIII
Décès. Les décès ont été au nombre de 34 : 20 enfants
(au-dessous de 18 ans) et 14 adultes.
Nous nous bornerons à signaler seulement quelques cas :
d'abord ceux de Totai... et de de Bus... Ces deux malades
étaient épileptiques et déments. Chez le premier, nous
n'avons trouvé aucune adhérence de la pie-mère; chez le
second, au contraire, il existait une véritable méningo-en-
céphalite. C'est là une différence anatomo-pathologique
dont l'importance n'échappera à personne. Répond-elle,
au point de vue clinique, à deux syndromes aussi tran-
chés ? Nous sommes obligé de reconnaitre que, jusqu'ici,
malgré nos efforts, nous ne sommes point parvenu à dé-
couvrir des symptômes permettant de poser un diagnostic.
L'autopsie de deux autres malades, Rie... et Dond..
nous a fait découvrir une lésion particulière que, faute de
mieux, nous avons désignée sous le nom d'aspect chagriné.
Il y aura lieu d'en noter exactement les caractères.
BOURN. lit
XXXIV DÉCÈS.
XXXVI POPULATION EN DÉCEMBRE 1883.
XXXVIII PERSONNEL DU SERVICE.
nistrés de l'hospice; d'un surveillant, M. Agnus, d'un
sous-surveillant, M. Lantin ; de trois sous-surveillantes,
Mlles B. et J. Agnus, Mme Jolliot ; de deux suppléantes,
Mlle Bohain et Mme Thierry-Sarrazin; de deux infirmières
de 1 r" classe, quatre de 2e classe; de trois infirmiers de 1"
classe et de vingt de 2° classe. L'enseignement profes-
sionnel se compose de MM. Leroy, maître menuisier; Aliène,
maître tailleur et Perche, maître cordonnier.
DEUXIÈME PARTIE
Clinique.
I.
Du Mérycisme
Par BOURNEVILLE et REGLAS
I. DE LA RUMINATION CHEZ LES ANIMAUX.
« Certains animaux ont la faculté de ramener dans la bouche
pour les soumettre à une nouvelle mastication, à une nouvelle
insalivation, à une nouvelle déglutition les aliments déjà ingé-
rés. Ce mode préparatoire de digestion se nomme rumination.
« Propre à un ordre de mammifères qu'on désigne, par cela
môme, sous le nom de ruminants, le pouvoir de ruminer a été
attribué par quelques naturalistes à d'autres animaux tels que
la taupe-grillon et la sauterelle parmi les insectes; les écre-
visses, les crabes, les limaçons parmi les crustacés et les mol-
lusques ; le saumon, la dorade parmi les poissons; le pélican
et le héron parmi les oiseaux; tels enfin que la marmotte, le
cochon d'Inde, le lapin et le lièvre dans la classe des mammi-
fères. » (Longet'.)
Des études plus précises ont démontré l'erreur de ces asser-
1 Traité de physiologie, 2" éd., t. Ier, p. 1 ? S. 3f. Koerner (Otto) a signalé
dans son travail (voir plus loin), un cas de rumination chez un singe
(cynocéphale hamadryas) , qui lui a été communiqué par M. Max
Schmidt, directeur du jardin zoologique de rraucfort-sur-\Iein. Ce singe,
un mâle, avait plus de dix ans de captivité. Il se masturbait souvent.
Chaque fois qu'il avait mangé des feuilles vertes de salade, qu'il aimait
beaucoup, ses bajoues se remplissaient bientôt, il mâchait la salade et la
ravalait. On ne dit pas si ce singe ruminait d'autres aliments.
BOURNEVILLE, 4883. 1
2 DU MÉRYCISME.
tions, et aujourd'hui les physiologistes sont d'accord pour ne
reconnaître l'existence de la rumination que chez les mammi-
fères de l'ordre des ruminants.
Nous ne donnerons pas ici une description détaillée du tube
digestif de ces animaux. Nous rappellerons seulement que leur
estomac se compose de quatre parties : 1° le rumen ou panse;
2° le bonnet ou réseau; 3° le feuillet; 4° la caillette.
La panse est la plus grande de ces cavités ; c'est là que s'en-
tassent les aliments incomplètement mâchés. Chez quelques
animaux, le chameau en particulier, la panse présente des
groupes de diverticules qui paraissent destinés à servir de ré-
servoir aux boissons, car leur ouverture plus étroite que le
fond n'en permet guère l'accès aux aliments solides. Le
bonnet, qui vient après la panse, est beaucoup plus petit; c'est
le véritable réservoir des liquides. - Le feuillet, ainsi que son
nom l'indique, présente des lames plus ou moins développées,
suivant les animaux; entre ces lames se rassemble la bouillie
alimentaire. La caillette, sécrétant le suc gastrique, consti-
tue l'estomac véritable.
Ajoutons que la panse et le bonnet communiquent directe-
ment avec l'oesophage, qui se continue ensuite sous la forme
d'une gouttière ou demi-canal jusqu'au feuillet, lequel commu-
nique à son tour avec la caillette.
Les animaux chez lesquels on remarque cette conformation
particulière de l'estomac et qui méritent véritablement le nom
de ruminants, sont : le boeuf, le mouton, la chèvre, l'antilope,
la girafe, l'axis, le chevreuil, le daim, le renne, l'élan, le cerf,
le chevrotain, le lama, le chameau.
On trouvera dans les livres spéciaux des détails intéressants
sur les phénomènes et le mécanisme de la rumination chez les
mammifères. Nous nous contenterons ici d'une revue rapide,
sans exposer les expériences ou les théories pour lesquelles
nous renverrons le lecteur aux traités de physiologie.
D'après les expériences de Flourens, les aliments grossiers
tombent en partie dans la panse, en partie dans le réseau,
tandis que les aliments atténués, demi-iluides ou réduits en
bouillie, se rendent à la fois, mais en proportion variable,
dans les quatre compartiments gastriques. Quant aux boissons,
elles tombent directement dans les deux premiers estomacs et
se rendent aussi dans les deux derniers par la gouttière oeso-
phagienne et par le bonnet.
DU MÉRYCISME. 3
Pour ramener les aliments dans la bouche, deux ordres
d'organes doivent intervenir. Les uns, organes immédiats,
sont les estomacs eux-mêmes; les autres, agents médiats ou
auxiliaires, sont les muscles abdominaux et le diaphragme.
Les physiologistes sont très peu d'accord sur le mode d'ac-
tion des premiers. Duverney, Peyer, Perrault, Daubenton,
Flourens, Colin ont fait à ce sujet nombre d'expériences et
émis différentes théories. Ce dernier expérimentateur, trou-
vant inexactes les expériences de Flourens qui donnaient à
la gouttière oesophagienne le principal rôle dans l'acte de la
rumination, explique ainsi le mécanisme de la réjection des
aliments dans l'oesophage : la panse et le réseau se contractent
simultanément; - la première pousse vers l'orifice inférieur
de l'oesophage des aliments très délayés, et le second, des
liquides; l'oesophage semble alors se relâcher et se dilater
pour permettre aux aliments et aux liquides de s'introduire
dans la cavité; puis il se referme et éprouve alors une con-
traction antipéristaltique qui porte les aliments et les liquides
vers la bouche. Les matières alimentaires y arrivent donc dans
un grand état de mollesse et mélangées avec une forte propor-
tion de liquide qui est dégluti par l'animal en une ou plusieurs
gorgées.
Cette théorie est en grande partie conforme à la vérité.
Cependant la cause de la réjection n'est pas telle que l'admet
Colin , ainsi que le démontrent les explications théoriques de
Chauvcau, contrôlées par les recherches expérimentales de
Toussaint. Voici en résumé, et sans entrer dans le détail des
expériences, quel est, d'après ces physiologistes, le mécanisme
de la rumination.
Au moment de la réjection, la glotte se ferme et en même
temps survient une contraction très énergique et très brusque
du diaphragme, qui détermine dans la cavité thoracique une
diminution de pression, par suite de laquelle le poumon, dont
l'élasticité est mise en jeu, attire en tout sens les parois de
l'oesophage. Ainsi dilaté, ce conduit remplit le rôle d'un tube
rigide dans lequel on ferait l'aspiration. Les matières délayées
de la panse se précipitent donc dans l'orifice béant de l'oeso-
phage, et alors une contraction du pilier droit du diaphragme,
séparant les matières engagées, provoque une contraction
antipéristaltique de l'oesophage qui les amène à la bouche.
Cette théorie diffère donc de la précédente en ce quelle
4 DU MÉRYCISME.
refuse un rôle actif à la panse et au bonnet, et qu'elle établit
que la diminution de pression intra-pulmonaire est indispen-
sable à la pénétration des aliments dans l'oesophage. Si, en
effet, on pratique une ouverture à la trachée, ce qui revient il
empêcher les effets de l'occlusion de la glotte, les côtes inter-
viennent alors et se soulèvent brusquement en même temps
que le diaphragme pour produire cette dépression.
Quant au rôle du diaphragme et des muscles abdominaux,
il a été bien établi par Flourens qui, paralysant ces muscles
par la section des deux nerfs diaphragmatiques et de la moelle
au niveau de la sixième vertèbre dorsale, a rendu chez le
mouton la rumination très difficile et même impossible.
Au moment où la pelote alimentaire s'engage dans l'oeso-
phage, on remarque un mouvement brusque dans le flanc de
l'animal; le mouvement se compose d'une inspiration brusque
suivie d'une expiration rapide. Quand le bol est arrivé dans
l'oesophage, il est porté dans la bouche par l'action des fibres
spirales croisées. On peut constater cette ascension par le tou-
cher et même par la vue.
Une fois parvenue dans la bouche, la pelote alimentaire est
soumise à une seconde mastication, qui est suivie d'une se-
conde déglutition très rapide; puis, dès que le bol est descendu
dans l'estomac, un autre bol succède et remonte bientôt vers
la bouche.
Les aliments, après avoir été ramenés dans la bouche, sont
donc redescendus dans les réservoirs gastriques; mais alors,
devenus plus fluides, ils s'engagent plus facilement dans la
gouttière oesophagienne, sans déterminer l'écartement de ses
bords, et peuvent être ainsi conduits directement dans le
feuillet. Béclard admet cependant qu'une partie passe encore
dans la panse et le réseau pour être ruminée de nouveau.
Tel est, aussi succinctement que possible, le mécanisme de la
rumination chez les animaux. Nous allons maintenant aborder
l'étude de ce phénomène dans l'espèce humaine.
II. DE LA RUMINATION CHEZ L'HOMME.
Définition. Nature du mérycisme. - « Nous avons trouvé
dans les meilleures étymologies, disent Percy et Laurent ', que
1 Dictionnaire en soixante volumes, article Mérycisme.
DU MERYCISME. 5
le mot mérycisme, composé de trois autres, signifiait rappeler
de loin et écraser quelque chose : e ]Jro(undo haw'Í1'e et in minu-
tas particulas ? 'MC ! <7p)'e/ ou, mieux encore, comme le disent
quelques hellénistes, revolvere, exedere, replicare cibum,. action
que les Allemands, souvent plus expressifs dans leur langue
que nous le sommes dans la nôtre, ont nommée ividerhauen,
mâcher de nouveau, et que nous avons appelée ruminer ou ru-
mination, sans songer à ce que ces locutions pouvaient avoir
de dégradant pour notre espèce. »
Plusieurs auteurs ont donné des définitions du mérycisme;
la plupart nous semblent exactes. Cependant, nous nous per-
mettrons de relever dans quelques-unes certains points qui
nous paraissent ne pas correspondre à la réalité des faits.
Racle appelle mérycisme « la faculté qu'ont certaines per-
sonnes de vomir à volonté et de choisir parmi les matières
ingérées celles dont elles veulent débarrasser l'estomac ». En
outre, cet auteur assimile complètement le mérycisme au vo-
missement, dont il ne serait qu'une modalité. Pour nous,
comme pour plusieurs auteurs, entre autres Percy, Laurent,
Cambay, le mérycisme doit être bien distingué du vomisse-
ment. Nous ne discuterons pas ce point en ce moment; nous y
reviendrons à propos du diagnostic. L'examen des observa-
tions contenues dans ce travail prouvera lui-même surabon-
damment que la définition précédente, correspondant d'ailleurs
une affection rare, ne peut en rien s'appliquer aux phéno-
mènes du mérycisme.
Il est encore un point sur lequel une autre définition du
méricysme a attiré notre attention. C'est le suivant : on trouve
dans le Dictionnaire encyclopédique des Sciences médicales une
définition dans laquelle les auteurs, tout en indiquant fort
bien en quoi consiste le mérycisme, le qualifient de ma-
ladie.
Or, le mérycisme est-il un phénomène morbide ? Voici la ré-
ponse qu'a faite, antérieurement à cette question, le Dr Cam-
bay, qui était lui-même mérycole :
« Je ne crois pas que le mérycisme soit un phénomène morbide;
et si on lit avec attention les diverses observations de mérycisme,
on ne trouve pas qu'il fût accompagné d'aucun symptôme qui
annonçât un état morbide. Tous ceux qui en étaient affectés se
portaient bien et, chose remarquable, chez plusieurs d'entre eux,
quand ils étaient affectés d'une maladie quelconque, ce phénomène
6 DU MÉRYCISME.
cessait de se produire. Or, puisque chez eux il n'avait lieu que
lorsque toutes les fonctions se faisaient régulièrement, en un mot,
dans un état de parfaite santé, n'est-on pas porté à en conclure
que ce n'est pas une maladie ? Pour mon compte, je puis dire que
je ne le regarde nullement comme tel; j'ai toujours joui d'une
excellente santé, et si quelque chose m'eût indiqué qu'il fût nui-
sible, je l'aurais empêché d'avoir lieu, puisqu'il dépend de ma vo-
lonté ; loin de cela, je le regarde comme très utile, puisque, par ce
moyen, je puis débarrasser mon estomac des substances qui le fati-
gueraient, et par l'élaboration nouvelle que je fais subir aux ali-
ments, je facilite singulièrement son action. »
Cette opinion avait déjà été émise par Pipelet, lorsqu'il écri-
vait (loc. cit., p. 14) :
« Edulium omne ad nutriendum tanto utilius aptiusque com-
muni omnium sententia pcrhibetur, quanto fuerit dentium officia
peniliùs subactum et comminutum. Inde manifesto liquet rumi-
natum cibum reficiendo corpori, utiliorem esse proecipitanter dc-
vorato aut obiter duntaxat prcemanso, nisi latens oegritudo impe-
diat vel proevertat in cibo alendi efficaciam. »
Quant à nous, nous partageons absolument l'avis de ces
auteurs; et l'existence du mérycisme chez des individus bien
portants, sa suspension par les maladies intercurrentes fré-
quemment observée, l'absence de symptômes morbides conco-
mitants, l'influence parfois remarquée de la volonté sur sa
production, la sensation de plaisir qui l'accompagne le plus
généralement, la douleur qui suit l'arrêt volontaire du méry-
cisme (OBs. XX), et, si cet arrêt se prolonge, son influence dé-
sastreuse sur l'état général (Ces. VIII et IX) nous semblent
prouver surabondamment que le mérycisme n'est pas une ma-
ladie. Nous admettrions plutôt le terme affection, dont se
servent, pour le désigner, Percy et Laurent, Littré et Robin. Ce
qualificatif générique pouvant, d'après les derniers, s'appliquer
à toute condition contre nature de l'organisme : monstruosi-
tés, infirmités, vices de conformation.
Maintenant que nous avons insisté sur ce point qu'il nous
paraissait important d'élucider, nous terminerons en donnant
une définition du mérycisme. Celles de Percy, de Littré et
Robin, de Cambay nous paraissent bien dépeindre ce phéno-
mène ; mais la plus nette est peut-être celle de Longet. C'est
elle que nous adopterons en la modifiant toutefois légèrement :
DU MERYCISME. 7
Le mérycisme consiste en ce que, au bout d'un temps plus ou
moins long après le repas, les aliments remontent et la bouche
sans effort et presque toujours sans nausées pour être soumis d
une nouvelle mastication, à une nouvelle insalivation et et une
digestion ultérieure.
Ce phénomène, comme on le voit, se rapproche beaucoup de
celui qu'on désigne chez les animaux sous le nom de rumina-
tion. Aussi, le plus souvent, mérycisme et rumination sont-ils
considérés comme synonymes, bien que mérycisme désigne
particulièrement la rumination dans l'espèce humaine.
Historique. Avant le milieu du ZvIIe siècle, on ne s'était,
croyons-nous, jamais occupé du mérycisme, et encore les ou-
vrages de cette époque sont-ils pleins de confusion et les
observations toutes superficielles Les auteurs, disposés tou-
jours à rechercher le merveilleux et assimilant complètement
le phénomène du mérycisme à la rumination des animaux,
ont cherché à pousser plus loin le rapprochement et ont pré-
tendu que les mérycoles naissaient de parents cornigères ou
l'étaient eux-mêmes (Bartholin, Ettmuller, Bonnet, Rhodius,
Peyer). Cependant, sur cent cas de cornigères réunis par
Sachs, on ne trouve qu'un seul ruminant. D'autres auteurs
ont supposé l'existence de plusieurs estomacs chez les méry-
coles (Salmuth, Bartholin); mais quand on a observé ces cas,
c'était plutôt des loculamen placés dans le ventricule, et en-
core les sujets n'étaient-ils pas mérycoles. C'est, du moins,
l'avis de Morgagni qui, avec Valsalva, avoue n'avoir jamais
rencontré de mérycoles (Lib. 3, ep. XXIX, p. 89).
Peyer (e ? 'ycoo ? a sive de ruminantibus et 1'l,l.1111'natione com-
mentarius, 1685) cite de nombreux exemples de mérycisme,
entre autres celui d'un moine, cornigere, et celui d'un gentil-
homme padouan, issu d'un père cornigère.
Ce fut Fabrice d'Acquapendcnte (De variétale ventris et ziztes-
taizi) qui, le premier, commença à parler plus sagement du
mérycisme, en le séparant de l'existence des cornes dans les
deux cas cités par Peyer. Voici d'ailleurs les faits importants
à relever dans ces deux observations :
1 Saint Augustin rapporte'qu'il y avait certaines gens qui, après avoir
avalé des choses différentes, et les avoir gardées un peu de temps dans
leurs entrailles, rappelaient ensuite celles qu'ils voulaient et les en tiraient
comme d'un sac. [Histoire des Diables de Loudun, p. 115.)
8 DU MÉRYCISME.
Observation I. Chez le gentilhomme padouan, la rumination
était involontaire et provoquait un certain plaisir. Il ne mastiquait
pas les aliments avant de les avaler pour la deuxième fois. Après
la mort, on constata que l'estomac était unique et très dilaté.
Observation II. Quant au moine, il mourut à trente-huit ans,
dans un état de maigreur excessif attribué par Jean Burgower au
vice de digestion dont il était affecté. Son estomac était unique;
l'oesop/tfM/e était très épaissi; aussi Plazoni n'hésite pas à voir là la
cause première du mérycisme.
Parmi les auteurs qui, vers la même époque, ont écrit sur
le mérycisme, nous mentionnerons en passant Daniel Ludwig,
Burgower, Perineti, Sennert, Abraham Will, Wepfer; mais
leurs observations sont toujours bien incomplètes. Ce n'est
guère qu'en 1786 qu'on rencontre un travail sérieux sur le mé-
rycisme ; il est dû à Pipelet. Dans sa thèse (De vomituum di-
versis speciebus accuratius dist1"nguendis), il fait bon marché des
prétendues causes de mérycisme admises jusque-là et surtout
de la présence des cornes chez les mérycoles. Il distingue aussi
le vomissement produit par une lésion accidentelle de celui
qui constitue le mérycisme, et rapporte les deux cas observés
par Fabrice d'Acquapendente ainsi que plusieurs autres em-
pruntés à Winthier, Welsh, Salmuth, etc., et que nous au-
rons d'ailleurs l'occasion de mentionner en divers endroits de
ce mémoire.
Quelques années plus tard, nous trouvons signalé par M. Rou-
cher un cas de mérycisme chez un conscrit de l'armée d'Italie.
M. Delmas cite un cas semblable observé chez un étudiant en
médecine.
En 1808, M. Roubieu (Ann. de la Soc. méd. de Montpellier)
parle d'un fait du même genre qu'il a observé. Percy, dans
l'article Mérycisme (du Dictionnaire en soixante volumes), rap-
porte une observation personnelle, dont le trait le plus saillant
est la suspension par une attaque [de goutte des phénomènes
de mérvcisme.
En 1812, M. Tarbès publie dans la Bibliothèque médicale une
observation de mérycisme survenue chez un enfant de cinq
ans à la suite d'une variole, et guéri à vingt ans par le coït.
Cette observation parait avoir attiré l'attention sur ce point
particulier de la pathologie; car, peu de temps après, et dans
le même recueil, on trouve successivement des cas de rumina-
tion dus à James Copland, George Ness Hill, Bryand.
DU MÉRYCISME. 9
Sans y insister pour le moment, et simplement pour com-
pléter cet exposé rapide des travaux faits sur le mérycisme,
nous citerons un travail sur la rumination dans l'espèce hu-
maine dû àWeiling et publié en 1823 (Uebeo dcts l'ef/e'A'aMe) :
bei AIeî2schen); la thèse de M. Cambay, en 1830 (Du mérycisme
et de la digestibililé des aliments), où l'auteur, mérycole lui-
même, étudie les phénomènes observés sur sa propre per-
sonne ; puis des observations dues à Ducasse (1836, in Froriep's
Nolizen, t. XLYII, p. 95), à Elliotson (Ibid., t. XLV, p. 337).
Des faits analogues ont encore été rapportés par MM. Vincent
(Comptes rendus de l'Académie des sciences, 1853), Rossier
(Journal des conn. méd., 1862), Châtelet (Gaz. des hOp., 1863),
Bourneville (Mémoire sur la condition de la bouche chez les
idiots, 1863), Fronmiiller (Gaz. méd. de Strasbourg, 1866),
Armaingaud'. Nous examinerons plus tard en détail toutes ces
observations.
Plus récemment encore, Ireland, dans son Traité de l'idiotie,
signale en passant l'existence du mérycisme chez les idiots,
mais ne fait que mentionner simplement, à l'appui de son
dire, l'observation de Becco, publiée par l'un de nous.
En 1874, le Dr W. Graham (The Chicago med. Examiner,
1874, 1" mars, p. 118) rapporte l'observation d'un cas de ru-
mination chez l'homme. En 1880, à la séance du 25 octobre, le
Dr Lorenzo Monti a adressé à la Société médico-psychologique
une note, citée à la correspondance, sur un cas de mérycisme
observé chez une imbécile épileptique. En 1881, notre ami,.
M. R. Blanchard, a publié dans le Dictionnaire de médecine et ? :
de chirurgie pratiques, un très-intéressant article sur la rutni
nation auquel nous aurons l'occasion de faire des empruntsl-.1
Nous devons encore une mention spéciale à la thèse de Du- '
mur', aux mémoires de E. PÕnsgen \ de Otto Koerner5 et de
1 Armaingaud. Essai sur la rumination humaine. Thèse do Paris, 1SG.
. Le Dictionnaire encyclopédique des sciences médicales ne consacre
qu'une dizaine de lignes au mérycisme.
3 Dumur. - De la paralysie du cardia ou mérycisme. Diss. inaug"
Borne, 1839. Malgré de nombreuses recherches, nous n'avons pu jusqu'ici
nous procurer ce trayail.
4 Pônsgen. Disposition des fibres motrices stomacales ; troubles de
leurs fonctions. StrasÙourâ, 1882.
n Haerner (0.) - Contribution à l'étude de la rumination chez
l'homme. (Deutsches Arcltiv f. Klin. Dled. Leipzig, 1883, XXXIII, p. 54ft-
Sa6.) ,
10 DU MÉRYCISME.
M. Bouchaud '. Ces trois derniers travaux ont paru alors que
notre mémoire était composé.
III. DU MERYCISME CHEZ L HOMME SAIN ¡¡'ESPRIT.
Quand nous avons entrepris ce travail sur le mérycisme,
nous nous proposions de l'envisager seulement chez l'idiot ou
l'aliéné dément. Mais le cours de nos recherches nous ayant
amené à recueillir plusieurs cas du même genre observés chez
l'homme sain d'esprit et présentant des particularités intéres-
santes, nous avons pensé qu'il serait bon de joindre ces obser-
vations aux autres, afin de nous faire une idée aussi exacte que
possible du phénomène que nous étudions.
On pourrait presque, avec les faits observés chez les hommes
sains d'esprit, faire une monographie du mérycisme : on y
trouve, en effet, des indications intéressantes sur ses causes,
son mode de début, ses symptômes et sa marche. Cependant,
nous préférons réserver l'étude clinique pour la seconde partie
de notre travail, où les observations prises chez l'idiot sont
souvent plus complètes à quelques points de vue. Nous nous
contenterons pour le moment de signaler les particularités qui
ressortent des observations recueillies chez les individus jouis-
sant de l'intégrité de leurs fonctions intellectuelles, sur les
causes et le début du mérycisme.
Les auteurs anciens, qui ont parlé du mérycisme, ont
tout d'abord considéré ce phénomène comme intimement lié
à la constitution même de l'individu et comme tel se déve-
loppant avec lui. L'Ûge serait donc, dans ce cas, peu impor-
tant à considérer; nous verrons par la suite que cette proposi-
tion est absolument juste et que le mérycisme peut débuter
aussi bien dès la plus tendre enfance que dans l'adolescence ou
même dans l'âge adulte.
Sennert et Daniel Perineti admettent, en dehors de l'âge,
l'influence presque exclusive de l'imitation.
1 Bouchaud (J.-B.). Note sur la rumination citez l'homme et spécia-
lement chez les aliénés. (7oi«'<t. des sciences méd. de Lille, 1883, p. 608 et
G ! a1.) .)
DU MÉRYCISME. 11 t
Observation III. - Daniel Perineti (Med. pract., lib. III, sect. if,
cap. 8) cite le cas d'un enfant de sept à huit ans qui, ayant tété
des chèvres pendant deux ans, se mit à ruminer par imitation.
Observation IV. Sennert (Med. prat., lib. Ill, p. 1) cite le cas
d'un Suisse qui devint ruminant pour avoir vécu avec des bestiaux
et qui communiqua sa maladie à sa femme ( ? ).
D'après cette dernière observation, l'influence de l'imitation
se manifesterait non seulement des animaux à l'homme ;
mais encore de l'homme à l'homme. (Voir OBs. XXIII.)
Si les deux observations qui précèdent peuvent laisser quel-
ques doutes dans l'esprit, nous croyons que l'on doit accepter
sans difficulté celle que nous allons transcrire d'après M. Otto
Koerner, auquel elle a été communiquée par le professeur
A. Freund.
Observation IV Lis. - Hystérie et rumination chez une gou-
vemante : transmission à un garçon de six ans et à une fille
de trois ans. - Renvoi de la gouvernante : guérison des enfants.
- Dans la famille d'un collègue, on engagea une gouvernante
hystérique et ruminante. Les enfants, un garçon de six ans, une
lille de trois ans, apprirent d'elle en peu de temps à ruminer. La
mère vit d'abord que les enfants gardaient dans les bajoues les
aliments qu'ils n'aimaient pas, et les recrachaient quand ils n'é-
taient pas surveillés. On chassa cette propension par des punitions,
on ne vit plus rien d'anormal pendant longtemps, jusqu'au jour où
la mère les surprit au moment où, ne se croyant pas surveillés, ils
étaient debout, penchés en avant, exécutaient des mouvements
avec le ventre et faisaient remonter ainsi pour la recracher une
grande partie de leur repas. Alors, on les surveilla et on fit, après
chaque repas, un examen de leurs bajoues. On découvrit alors
que les deux enfants étaient capables, jusqu'à sept heures après le
repas, de faire remonter les aliments ingérés, pour les recracher
ou les ravaler à volonté. On renvoya la gouvernante ruminante
et la mère très énergique guérit les enfants bien vite par une sur-
veillance incessante.
Ce fait montre que, fort probablement, le mérycisme a joué
un certain rôle dans la production des vomissements extraor-
dinaires, bizarres, réputés miraculeux, dont il est parlé dans les
procès de diablerie. On y trouve, en effet, rapportée l'histoire
de nonnes hystériques qui vomissaient toutes sortes d'objets.
12 DU MÉRYCISME.
L'hérédité surtout, comme nous le verrons plus loin, joue
un très grand rôle dans l'étiologie du mérycisme. Nous avons
déjà dit plus haut que les premiers auteurs, admettant l'iden-
tité comme affection du mérycisme et delà présence des cornes,
pensaient que les mérycoles étaient fils ou pères de cornigères.
Plus tard, on n'admit plus que l'hérédité du mérycisme lui-
même, et les cas de productions cornées, observés dans ces
derniers temps chez les mérycoles (Hebra, Bérard et Lan-
douzy) sont tellement en minorité qu'ils ne doivent être re-
gardés que comme de simples coïncidences. Voici maintenant
quelques faits qui montrent que le mérycisme peut être héré-
ditaire.
Observation V. - J.-B. Winthicr rapporte l'histoire d'un Sué-
dois de quarante-cinq ans, qui, après avoir eu dans son enfance
des éructations acides, fut atteint de rumination il t'age de trente
ans.- Soii fils, il l'âge de vingt-quatre ans, fut atteint de la même
maladie, mais la pudeur la lui fit surmonter, du moins en public !
En dehors de l'influence de l'hérédité, qui nous parait incon-
testable bien que les phénomènes de rumination ne soient t
apparus qu'assez tard, nous signalerons dans cette observation
l'influence de la volonté sur la guérison du rnérycisme chez le
fils ; et la présence antérieure chez le père d'éructations acides.
D'autres fois, et le plus souvent, le mérycisme héréditaire
se manifeste dès l'enfance, ainsi qu'on le voit dans l'obser-
vation suivante :
Observation VI. - Mérycisme héréditaire. - Apparition dès l'en-
fance. - Suspension par les maladies intercurrentes. (Fro1'icp's No-
tizen, t. XLV, p. 337.) - On trouve dans les Trtrctsctclionshhiloso-
]J/tilj ! lCS l'histoire d'un cas de mérycisme relatif à un jeune homme
dc Bristol, âgé de vingt ans, et dont le père était mérycole. Lui-
môme ruminait depuis aussi longtemps qu'il pouvait s'en souvenir.
La rumination, toujours précédée d'une sensation de plénitude à
l'épigastre, commençait environ un quart d'heure après le repas,
s'il y avait eu beaucoup de liquides absorbés, sinon un peu plus
tard. Si ce repas avait été copieux, l'intervalle se prolongeait en
conséquence. Les aliments, remontant dans l'ordre où ils avaient
été digérés, étaient broyés une deuxième fois sans aucun dégoût
delà part du malade, puis redescendaient dans l'estomac sans don-
ner lieu à de nouveaux phénomènes. Les maladies intercurrentes
interrompaient la rumination.
DU MÉRYCISME. 13 3
Cette dernière particularité se retrouve dans l'observation
que nous allons maintenant rapporter et qui, de plus, nous
fournit un nouvel exemple de l'hérédité du mérycisme.
Observation VII. - Hérédité. Mérycisme dès l'enfance, invo-
lontaire, partiel. - Mastication complète. - Santé générale bonne.-
Suspension du phénomène par les maladies intercurrentes. (FI'ol'Íep' s
Notizen, t. XLV, p. 337.) - Le Dr Elliotson rapporte le cas d'une
dame de quatre-vingt-neuf ans qui rumine depuis sa plus tendre en-
fance. Elle jouit d'une excellente santé et vit depuis très longtemps de
la manière suivante : au déjeuner, elle mange du pain blanc et des
pommes de terre; le soir, du thé et quelquefois du café. Elle mâche
complètement les aliments : avant la rumination, cette dame n'éprouve
jamais de sensation de plénitude stomacale. La rumination se pro-
duit en général après chaque repas; elle est constante après le dîner.
Elle arrive parfois aussitôt après le repas, d'autres fois une heure
après ou même davantage : elle est accélérée par l'ingestion d'une
grande quantité d'eau. Les aliments remontent dans la bouche, en
produisant un bruit semblable à un gargouillement ; ce sont les pre-
miers ingérés qui reviennent les premiers. Le vin, la bière, le cidre
ne reviennent jamais; le thé ne remonte que le soir; l'eau remonte
toujours et parait favoriser beaucoup la rumination. Les parties
solides des oranges remontent constamment dans la bouche tan-
dis que le jus reste dans l'estomac. Les substances médicamen-
teuses restent toujours dans l'estomac. Les aliments qui sont rumi-
nés n'ont pas un goût désagréable. Il faut en excepter le thé et
les substances grasses qui, parfois, reviennent à différentes re-
prises jusqu'à ce que la malade les rejette. La rumination est
involontaire. Elle est toujours suspendue dans le cours des mala-
dies intercurrentes.
Le père et l'un des frères de cette personne étaient ruminants ;
mais ils sont morts de bonne heure. -
En dehors du fait d'hérédité, nous remarquerons, sans y
insister pour le' moment, que chez cette mérycole : 1° la
mastication était complète; 2° que le mérycisme était partiel
et involontaire;- 3° qu'il était suspendu sous l'influence des
maladies intercurrentes ; 4° que la santé générale fut toujours
bonne, et cela jusqu'à un âge avancé.
Cette dernière proposition pourrait faire penser à l'innocuité
du mérycisme; prenons garde et remarquons que la mérycole
dont il s'agit ne songea jamais à entraver cette fonction anor-
male. Dans le cas contraire, et les deux observations suivantes
le prouvent, le mérycisme, arrêté dans sa production, peut
influer gravement sur la santé générale.
14 DU MÉRYCISME.
Observation VIII. (Ducasse, Ibiid.) - L'homme qui fait le sujet de
cette observation parvint ci l'âge de soixante-dix ans, bien qu'il ait
ruminé dés sa plus tendre enfance. Chaque fois que le mérycisme
était interrompu ou ne s'accomplissait pas régulièrement, il tom-
hait malade, et n'était bien portant que s'il reprenait de plus belle.
Dans les dernières années de sa vie, il ne ruminait pas aussi bien
qu'auparavant. - A l'autopsie, on constata un squirrhe du pylore;
et une ulcération cancéreuse sur la grande courbure, au voisinage de
la rate.
Observation IX. M. Vincent (Comptes rendus de l'Académie des
sciences; 4 81;3, t. XXXVIII, p. 31) rapporte un cas de mérycisme,
observé chez M. Willame et datant de la jeunesse. Cette perversion
des fonctions digestives avait commencé à se montrer dès le dé-
but d'un voyage en mer ; mais elle avait persisté après le débarque-
ment. La rumination s'opérait environ une demi-heure après
l'ingestion des aliments et, dans l'espace de dix années, elle avait
réduit le malade à un état de marasme qui semblait annoncer
une titi prochaine. Ce fut alors que, sur l'avis d'un médecin, il
essaya de soumettre à une seconde mastication les aliments qui
remontaient de l'estomac presque dansle même étal où ils avaient
été avalés. L'assimilation ne s'exécuta jamais que d'une manière
très imparfaite comme le prouvait l'état de maigreur et de fai-
blesse du sujet. Cependant, avec celle santé languissante, il vécut
encore quarante-cinq ans et atteignit l'âge de quatre-vingt-trois ans.
Nous nous sommes un peu écartés de l'étiologie en faisant
remarquer l'influence du mérycisme sur la nutrition : l'obser-
vation précédente nous y ramène en nous montrant qu'en
dehors de l'hérédité, le mérycisme peut éclater sous l'influence
de causes occasionnelles : ici c'est un aocrGe erz mer; dans le cas ci-
après, c'est une cause à peu près semblable, un traumatisme,
qui provoque l'éclosion des troubles de la digestion.
Observation X. - M. Bouclier, médecin à Montpellier, cite le
cas d'un conscrit de l'armée d'Italie qui fut réformé pour une ru-
mination dont il rapportait la cause à une chute faite sur l'estomac,
et à la suite de laquelle il cracha le sang pendant cinq mois. (Ann.
de la Soc. de méd. de MOllt¡ielliC1', 1807, t. IX, p. 2811.)
Ces deux derniers faitsnousont montrélemérycisme éclatant
sous l'influence de causes traumatiques; dans celui que nous
allons rapporter les mêmes phénomènes sont dus à une autre
cause, la voracité. La voracité a été souvent signalée comme
cause du mérycisme et la vérité est qu'elle se retrouve chez la
DU MÉRYCISME. 15 j
plupart des mérycoles. Maintenant est-ce là une cause ou un
symptôme ? Cela est bien difficile à affirmer ; car, si l'on cite
des mérycoles qui le sont devenus assez tard par suite de
voracité, on en cite d'autres, mérycoles dès l'enfance, et chez
lesquels la voracité était aussi manifeste. Quoi qu'il en soit,
nous ne nous appesantirons pas plus longtemps, actuelle-
ment, sur cette partie de notre sujet et nous rapporterons les
exemples suivants sans commentaire :
Observation XI. - Salmutli (Obs. mal. cent., I, obs, C, p. oïl)
cite le cas d'un écolier de Marienburg qui était atteint de rumi-
nation. Il était très vorace et avalait les aliments presque sans
trituration. Il avait moins de quinze ans.
L'existence de la voracité, très nette dans le cas précédent,
l'est aussi dans bien d'autres (0ns. XVII, XVIII, XIX). Ce fait
presque général, comme on le verra, souffre cependant quel-
ques exceptions, témoin la suivante :
Observation XII Daniel Ludwig (Ephémérides des curieux de la
nature; Déc. I , années IX et X, Obs. CLX) rapporte le. cas d'une jeune
lille, très sobre, atteinte d'une rumination qui la dégoûtait , et
qu'elle ne pût maîtriser tout en diminuant de plus en plus la quan-
tité d'aliments qu'elle ingérait.
C'est là le seul cas, parmi tous ceux que nous avons pu
recueillir, ost la sobriété ait été constatée chez un sujet méry-
cole. L'observation XIII rentre à ce point de vue dans la règle.
Cependant, ici, la cause de l'affection ne fut pas la voracité, car
les premiers phénomènes se manifestèrent à la suite d'une
maladie aiguë, une variole. Affection bizarre, celle dans la-
quelle les mêmes maladies peuvent avoir une action absolu-
ment opposée ! Ici, une maladie intercurrente provoque
1'éclosion du mérycisme, tandis que, dans d'autres cas, parmi
lesquels nous en avons déjà cité quelques-uns au passage, les
maladies intercurrentes ont amené la disparition, au moins mo-
mentanée, de la rumination.
Observation XIII. Mérycisme il la suite d'une variole il l'âge de
sept 11115. - Conservation de l'appétit; voracité'. - Guérison à vingt
ans parle coït1. Il 11 s'agit d'un jeune homme âgé de vingt ans,
1 Filhol et Tarbès in Biblioth. méd., t. XXXIV, p. : ! 4; t. XL, p. 232;
t. Pli, 375; t. LXXII, p. 119.
16 ô DU MÉRYCISME.
d'une assez faible constitution, portant au cou des cicatrices de
scrofule, qui, depuis l'âge de sept ans, ci la suite d'une petite
vérole confluente, éprouve, après chaque repas, des rapports qui lui
font remonter les aliments de l'estomac dans la bouche. A l'ori-
gine, il rejetait ces gorgées d'aliments; mais comme il vit que
bientôt après il souffrait de la faim, il prit le parti de les mâcher
et de les avaler de nouveau. Il mange avec appétit, un peu vite et
ne boit que de l'eau. Une demi-heure après le repas, il éprouve un
sentiment de malaise dans la région épigastrique et la rumination
commence. Les aliments en revenant dans la bouche ne paraissent
avoir subi aucune altération dans l'estomac et n'ont pas mauvais
goût. Aussi les mâche-t-il de nouveau avec plaisir. Quand il s'en-
dort après le repas, il est forcé de se réveiller au bout de deux
heures pour vomir tout à la fois les aliments qu'il n'a pu ruminer.
Ce jeune homme, réformé pour sa maladie, se marie. Le lende-
main même de ses noces (et il affirme n'avoir jamais usé du coït
avant cette époque) le mérycisme commença à diminuer. Huit jours
après, il en était complètement délivré, aussi bien que de la soif
intense qu'il éprouvait auparavant dès qu'il avait fini de ruminer.
Ce fait étrange dela disparition du mérycisme sous l'influence
d'un acte tout physiologique se retrouve encore dans l'obser-
vation suivante, presque analogue de tous points à celle que
nous venons de citer. Peut-être est-ce la même : en effet,
dans la première, le mérycisme débute à sept ans, dans la
suivante à six ans et, la suite de la même maladie; il disparait t
de la même façon au bout de huit jours de mariage chez les
deux sujets, vierges tous deux, à peu près vers le môme âge.
Nous signalons ces rapprochements : comme rien dans nos
recherches ne nous a indiqué que le second cas n'était qu'une
reproduction du premier, nous le citerons ici :
Observation XIV. - Le nommé Claverie, journalier, ne com-
mença à ruminer qu'à l'âge de six ans, à la suite d'une petite vérole;
cela dura ainsi jusqu'à l'âge de vingt-trois ans. A cette époque, il se
maria : le lendemain de son mariage, il remarqua avec surprise que la
rumination diminuait; huit jours après, elle avait totalement cessé,
sans qu'il éprouvât pour cela des douleurs dans un organe quel-
conque. Un fait à signaler est que ce jeune homme affirme n'avoir il
jamais eu de rapports sexuels avant son mariage.
Les troubles fonctionnels de l'estomac paraissent aussi jouer
quelquefois le rôle de causes occasionnelles, comme nous le
'Ducasse. - Froriep's Notizen, t. XLVII, p. 95, 183G.
DU MÉRYCISME. 17 7
verrons tout à l'heure; d'autres fois, le mérycisme exercerait
peut-être une action réciproque du même genre, pouvant
amener le développement d'autres affections de l'estomac :
c'est ce que semblerait indiquer l'Observation ci-dessous ainsi
que l'OBSERvATION VIII.
Observation 1V'. - Cette observation a trait à un soldat qui
mourut à Toulouse à l'âge de cinquante-neuf ans. Dès sa plus tendre
enfance, cet homme eut le pouvoir de rejeter les aliments qui l'in-
commodaient sans que sa digestion eût à en souffrir le moins du
inonde. De lci Ii la rumination il n'y avait qu'un pas. Il fut vite fran-
chi, le mérycisme devint bientôt chez cet homme un acte naturel. Il
disparut cependant dans le cours de la maladie dont il mourut (cancer
du pylore).
A l'autopsie, rien d'anormal dans la conformation de l'estomac
La cavité était simple, sans diverticulum ni rétrécissements.
Nous penserions volontiers que, dans ce cas, le cancer ne
serait qu'un résultat de l'action exercée par le mérycisme sur
les fonctions digestives. Ce phénomène entravant journelle-
mement le fonctionnement régulier de l'estomac, imposant
pour ainsi dire une surcharge de travail à cet organe, peut
parfaitement en avoir fait un locus minons resistentioe favo-
risant l'éclosion des néoplasmes chez un individu en puis-
sance de diathèse.
Quant à la suspension ultérieure du mérycisme par le
cancer, elle peut alors s'expliquer en admettant que le
néoplasme une fois développé, ayant attaqué la structure
môme de l'estomac, ait apporté un trouble dans les fonctions
habituelles de cet organe, surtout si l'on admet avec certains
auteurs que le mérycisme est dû à une susceptibilité exagérée
de la muqueuse de l'estomac ou à une plus grande énergie de
ses fibres musculaires. Cette hypothèse serait aussi applicable
à I'Observation VIII dans laquelle le sujet, mort d'un
squirrhe du pylore, ruminait moins bien à la fin de la vie.
En dehors de la suspension du mérycisme par le fait du
cancer, nous ferons encore remarquer, dans l'observation qui
précède, le mode de début du mérycisme qui ne s'est établi que
graduellement comme dans les Observations IX et XIII.
Nous avons signalé tout à l'heure les troubles des fonctions
digestives comme pouvant occasionner l'apparition de la
1 Ducasse, Ibid. ,
Bourneville, 1883. 2
18 DU MÉRYCISME.
rumination. Nous rappellerons à ce propos l'OBSEUVATioN V
ayant trait à un individu qui avait des éructations acides avant
l'apparition du mérycisme et nous allons rapporter des obser-
vations où le phénomène est survenu à la suite d'une indiges-
tion ou même chez des sujets déjà dyspeptiques. Nous ferons
remarquer aussi que la voracité, le défaut de mastication
presqu'ordinaires chez les mérycoles,peuvent fort bien rentrer
dans cette catégorie de causes et ne favoriser l'apparition du
mérycisme qu'en provoquant d'abord des troubles dans les
fonctions de l'estomac.
Observation XVI. - Mérycisme survenant à la suite d'un excès.
Début graduel. - Suspension par un accès de goutte. Boulimie.
Diminution du mérycisme1. - M. R..., maître de forges, à trente-
deux ans, en 1798, eut, à la suite d'une orgie, une indigestion dont il
pensa mourir. Puis survint après chaque repas un hoquet ramenant
des aliments, qui redescendaient ensuite dans l'estomac, sans avoir
aucun mauvais goût.- La rumination, qui finit par s'établir com-
plètement, était annoncée par une sorte de spasme de l'oesophage et
un besoin d'éructation. En 1806, elle fut suspendue par un accès de
goutte.
En 18d f, il fut atteint d'une sorte de boulimie qui dura près de trois
mois et ne céda qu'en laissant des douleurs épigastriques, des nau-
sées au moindre écart de régime, de l'anorexie, et une diminution
du mérycisme.
On voit donc que, chez ce malade, outre le début graduel
déjà signalé (ORS. IX, XIII, XV), ainsi que la suspension par
les maladies intercurrentes (ORS. VI, VII, XV), le mérycisme
apparut à la suite d'une indigestion. Le fait suivant, plus net
encore à ce point de vue, nous montre le mérycisme apparais-
sant chez un individu souffrant déjà de dyspepsie.
Observation XVII. ? cMme. Dyspepsie préexistante. Début
graduel. Conservation de l'app,jtit; voracité; constipation habi-
tuelle. Les liquides ne sont ruminés que s'ils sont pris en grande
quantité. - Suspension momentanée de la rumination par contraction
de la volonté; mais rejet consécutif des aliments en masse*. 2. - Le
sujet est un homme de moyen âge, d'une assez lionne constitu-
tion, habitué dès sa jeunesse à manger très vite. Depuis quelques
années il avait déjà de la dyspepsie et rejetait deux ou trois heures
1 Percy. Dictionnaire en soixante volumes, art. Mérycisme.
'James Copland. - IJull. méd ? t. LXXIV, p. 417.
DU MÉRYCISME. 19
après ses repas les liquides ingérés qui avaient alors un goût aigre.
Cette affection se changea ensuite en une véritable rumination qui
se compliqua d'une éruption cutanée. L'appétit était conservé : le
malade mangeait gloutonnement sans soif; constipation habituelle.
Sommeil tranquille. Une demi-heure ou une heure après le repas,
une sensation de plénitude dans la région du cardia l'obligeait à
faire une grande inspiration; dès qu'elle se terminait, un bol ali-
mentaire s'élevait de l'estomac et arrivait dans la bouche au com-
mencement de l'expiration. Il en était ainsi jusqu'à ce que tous les
aliments eussent été soumis à une seconde mastication qui était
plus agréable au malade que la première. C'était les premiers ava-
lés qui revenaient les premiers. Les liquides ne remontaient que
s'ils étaient pris en grande quantité. Pas de nausées ni de mauvais
goût dans la bouche. Le malade pouvait retenir les aliments en con-
centrant son attention sur un autre objet au moment de la sen-
sation de plénitude au cardia. Mais quelque temps après, les ali-
ments solides et liquides, devenus acres, amers, revenaient tout à
la fois et étaient rejetés, mais sans douleurs ni efforts de vomisse-
ment.
Cette affection disparut en quelques semaines sous l'influence de
purgatifs, de toniques végétaux, de bains tièdes et de frictions
sèches.
Nous ferons remarquer, à propos du début graduel déjà noté
(OBS. IX, XIII, XV, XVI), un fait curieux qui ressort de cette
observation, c'est que les liquides qui, à l'origine, étaient seuls
ruminés, ne le furent plus tard que s'ils étaient pris en grande
quantité. Ajoutons que ce fait est un exemple de rumination
ayant abouti à la guérison sous l'influence d'un traitement
approprié : déplus, chez le sujet actuel, la volonté était impuis-
sante à retenir les aliments dans l'estomac.
L'observation suivante due à M. Otto Koerner (loc. cil.)
rentre aussi dans la catégorie des mérycoles préalablement
atteints de troubles chroniques de la digestion.
Observation XVII bis. Père ruminant. Développement tar-
dif de la marche et de la parole. Vomissements fréquents. -
Constipation habituelle. - Inflammation intestinale. - Début du
mérycisme il dix-sept ans. - Symptômes et marche de l'affection. -
Rémissions. - Traitements divers . - M. N..., étudiant en philoso-
phie. Il est âgé de vingt ans, fils d'un père ayant autrefois ruminé.
Il dit qu'on ne pourrait apprendre aujourd'hui grand'chose sur la
rumination paternelle, car elle guérit spontanément déjà avant
le mariage du père. Ce dernier se rappelle avoir souvent ruminé
des aliments qui lui plaisaient beaucoup. Cela lui était très
20 DU MÉRYCISME.
agréable, car il avait ainsi une double jouissance. Jamais de pyrosis
dans ces moments. A côté de cela, il se portait fort bien. Le fils n'a
appris tous ces faits qu'à un moment où lui-même ruminait déjà
aussi. Mère un peu nerveuse, soeur autrefois anémique; elle
passe actuellement pour être bien portante.
Ce M. N... a été faible dans l'enfance ; il apprit tard à parler
et à marcher; souvent malade, il vomissait facilement (chaque fois
qu'il allait en chemin de fer, par exemple); il a souffert depuis sa
jeunesse jusqu'à ce jour d'une constipation opiniâtre. Il dit que
cela vient de la mauvaise habitude, prise dans l'enfance, de ne vou-
loir aller à la selle que dans le cas d'absolue nécessité. A l'âge de
douze ans, inflammation intestinale attribuée avec certitude parle
patient à un arrêt des matières. Avant que la rumination ne parût
le malade souffrait déjà souvent de gastrite, d'éructations et de
mauvaise odeur de l'haleine.
La rumination s'est développée à l'âge de dix-sept ans, en deux
mois. Le malade était allé pendant un mois dans les hautes
montagnes et avait pris, matin et soir, un demi-litre de lait len-
lentement, par gorgées, souvent avec un petit pain trempé dedans.
Cette cure ayant été continuée à la maison (dans une grande ville),
avec un genre de vie sédentaire, il se développa une montée invo-
lontaire de coagula de lait nageant dans un liquide très acide,
avec ou sans éructations. D'abord, ces phénomènes se montraient
très vite après l'ingestion du lait, plus tard, seulement une heure
après, et se renouvelaient alors deux ou trois fois en une heure.
Bientôt, mêmes phénomènes après tous les repas, surtout après
le café au lait du premier repas du matin. Le patient s'habitua
peu à peu à mâcher à nouveau les aliments remontés, quand ils
n'étaient pas trop acides; il les ravalait ensuile, quelquefois sans
se donner la peine de mastiquer à nouveau. Souvent, il ruminait si
rapidement que la soupe était déjà ruminée avant que le boeuf ne
fut entamé.
Bientôt il ruminait presque chaque fois qu'il buvait delà bière ou
du vin. Dans le cas seulement où les liquides n'étaient pris que long-
temps après le repas, le malade n'observait qu'un peu d'éructa-
tion acide sans rumination.
La rumination se présentait immédiatement après l'ingestion de
blanc d'oeuf, de crème de lait, de graisse, de salade verte (rarement
après la salade aux concombres). Jusqu'à ces derniers temps, les
gousses des fruits, même des cerises, ainsi que les noyaux des rai-
sinset des groseilles, remontaient régulièrement etétaieutcracbées.
Plus tard, la maladie se montra même après l'ingestion d'ali-
ments sucrés. Le chocolat remontant dans la bouche n'avait quel-
quefois, au dire du malade, aucune acidité au goût, malgré son
odeur acide, et le malade le ravalait avec plaisir. Quelquefois la
rumination est précédée d'un sentiment de poids dans la région
DU MÉRYCISME. 21 1
épigastrique qui dure quelquefois aussi longtemps que la rumina-
tion. Dans ces cas, on observe toujours en même temps des renvois.
Quelquefois les éructations étaient si violentes et si abondantes,
que les matières ne pouvaient être gardées dans la bouche. Jamais
de nausées dans ce cas. Comme les masses ruminées avaient en
général un goût acide, l'acte n'avait rien d'agréable.
Dès que la digestion était entravée (estomac embarrassé ou re-
froidi, surtout aussi pendant la constipation), la maladie augmen-
tait de fréquence et d'intensité. Le patient ne rumine pas quand il
a une conversation animée, surtout quand en même temps il prend
un exercice modéré. Si, en suivant une diète sévère, il attache son
attention à l'observation des règles prescrites, la maladie augmente
de suite.
Le malade fut traité par l'acide chlorhydrique avant le repas,
puis, par suite d'insuccès, par le vin de pepsine avant et l'acide
chlorhydrique après le repas. Alors, la rumination s'arrêta quelque
temps pour reparaître pendant que le malade suivait encore la
médication. L'abstinence simple démets gras, acides et sucrés, n'a
jamais servi de rien à elle seule; en employant en même temps le
bismuth et le bicarbonate de soude, on obtint pendant quelque
temps un mieux sensible.
Peu à peu, la maladie décrut d'elle-même. Le patient croit que
la cause en est dans ce qu'il ne s'intéressait plus à son affection,
n'observait plus de diète et ne prenait plus de médicaments. Tel était
l'état des choses quand M. Koerner fit la connaissance de M. N...
en été 1882. « Lorsqu'il me raconta sa maladie, je lui dis qu'un
malade de M. Pônsgen s'était guéri en arrêLant la rumination par
la volonté et en faisant des mouvements de déglutition. Il essaya
aussi de ce moyen, mais sans grand succès. Quelquefois, quand il
réussissait, il lui semblait, comme dans le cas de Ponsgen, que les
aliments à moitié chemin étaient repoussés dans l'estomac par les
mouvements de déglutition. En juillet, je le présentai au Dr V.
Jeu Vilden, qui fut assez aimable pour examiner avec moi l'esto-
mac. Le malade, vif quoique vivant un peu à l'écart, s'occupe
beaucoup de travaux d'esprit très pénibles. II est petit, malingre.
Thorax peu développé, musculature moyenne, pannicule graisseux
faible. Langue nette. Organes thoraciques et foie normaux. Pa-
rois abdominales minces, épigastre effacé (deux heures après le
principal repas). On entend de forts gargouillements dans l'esto-
mac, pas de mouvements visibles à l'oeil nu, même après friction
de l'épigastre. »
Le matin à jeun, on dilate l'estomac avec de l'acide carbonique
(deux grammes d'acide tartrique et de bicarbonate de soude); l'é-
pigastre, auparavant effacé, se bombe fortement. Toutes les vingt
secondes environ, contractions violentes visibles et tangibles de la
région épigastrique. En frottant la région, il se forme, dans lali-
22 DU MÉRYCISME.
mite où la percussion dénote la présence de l'estomac, une vague
péristaltique allant rapidement de gauche à droite en décrivant
une courbe. La percussion assigne comme limile inférieure il l'es-
tomac, une ligne légèrement courbe, allant de la partie inférieure
de l'arc costal gauche à travers l'ombilic vers l'arc costal droit; là
elle rencontre la matité du foie un peu en dedans de la ligne ma-
millaire. Le bord supérieur n'est pas percutable à cause de la
fuite rapide des gaz. L'acide carbonique sort sous forme de ren-
vois violents.
L'estomac était vide le matin. Un quart de litre d'eau fut avalé il
jeun. La sonde, introduite après, reliée il une bouteille dans laquelle
le vide avait été fait, ramena un liquide clair, neutre, sans mucus
ni albumine.
Pour observer mieux la rumination, on fit prendre au malade
le blanc de deux oeufs durs, coupés en .petits cubes. Au bout de
vingt minutes, pas de rumination; nous donnons une cuillerée à
thé de graine de moutarde dans un peu d'eau; des petits corps
(raisins de Corinthe, etc.), favorisent en effet chez le malade la pro-
duction de la rumination. Bientôt légère sensation de poids dans
l'épigastre qui se soulère un peu. Quelques renvois donnent du
soulagement. Il n'y eut pas de rumination. Sans aucun doute, l'es-
tomac n'avait pas atteint le degré de réplétion (voir plus bas) né-
cessaire à la production du phénomène. Lorsque plus tard, le
malade prit un premier déjeuner composé de café et de petits-
pains, et alla ensuite aux cours, le sentiment de poids, désigné
par lui du mot d'envie de ruminer, se présenta, mais la rumination
fut arrêtée par l'effort de la volonté.
Peu après, le malade quitta Strasbourg. La suite de l'observation
est prise dans les nombreuses lettres qu'il m'a écrites.
On voulut d'abord combattre les phénomènes dyspeptiques indi-
quant sûrement un catarrhe gastrique chronique; on donna du sel
de Carlsbad, une demi-heure avant le repas une cuillerée à thé
dans un demi-verre d'eau chaude. La cure lut prolongée trois
mois, jusqu'à la fin d'octobre. On arriva ainsi à enlever aux ali-
ments ruminés leur goût acide; l'odeur acide disparut aussi. La
rumination diminua un peu de fréquence et ne se présentait plus
d'ordinaire qu'après le premier déjeûner. Le sentiment de poids
dans l'épigastre fut conservé. Les selles ne furent pas intluencées
par le peu de sel pris.
Le patient abandonna le traitement environ huit jours (vers le
commencement de novembre); alors il se développa une constipa-
tion très opiniâtre. M. N... recommença à ruminer plus souvent
avec renvois acides. Il vit cette fois encore la constipation augmen-
ter chez lui la rumination.
A ce moment (fin novembre) je lui proposai, me basant sur
une observation (Observation XXXVI) faite sur un autre ruminant,
DU MÉRYCISME. 23
d'agir directement contre la rumination par l'ingestion de petits
morceaux de glace. Le patient, dès que le poids épigastrique pré-
monitoire s'annonçait, avalait un morceau de glace. Il dit avoir
souvent arrêté ainsi la rumination et l'avoir vu diminuer, ce qui
ne me semble pas démontré.
Au milieu de décembre, palpitations de coeur violentes. Le mé-
decin prescrivit : teint. éthérée de digitale 5 grammes, eau de
laurier-cerise 10 grammes, deux fois par jour 1;i gouttes. Bien-
tôt, anorexie, mauvaise haleine et rumination acide. La cure à la
glace était devenue inefficace et cette aggravation ne disparut qu'a-
près abandon de la digitale.
Depuis ce temps, le besoin de ruminer est devenu très rare, tou-
jours combattu avec succès par les mouvements de déglutition. Les
renvois, l'odeur acide disparurent; mais chaque fois que le ma-
lade déjà constipé éprouvait quelque retard dans ses selles, le be-
soin de ruminer augmentait. Tout cela avait disparu, quand je
revis le patient le 17 avril 1853.
En résumé, dirons-nous avec M. Koerner, il s'agit là d'un
malade faible, souffrant d'un catarrhe chronique de l'estomac et
d'une constipation opiniâtre, ayant un estomac peu dilaté, dont
le père rumina jadis, qui a eu du pyrosis, puis des renvois de-
venant des régurgitations habituelles et qui enfin fut atteint de
rumination. Les accidents concomitants diminuaient et dispa-
raissaient quand le catarrhe allait mieux, pour revenir avec
l'aggravation du catarrhe. La constipation augmentait la rumi-
nation. Les médicaments n'ont pas eu d'effet durable. Au bout
de trois ans, la rumination devint plus rare et s'arrêta presque
complètement, lorsque le catarrhe eut été amélioré par le sel
de Carlsbad.
En outre, comme dans le fait précédant, la volonté était
impuissante à arrêter le mérycisme. Les cas de ce genre sont
relativement fréquents. (OBs. VII.)
Observation XVIII. - Le Dr Delmas a connu un étudiant en mé-
decine à Paris, Helvétien d'origine et gros mangeur, atteint de
rumination involontaire mais non incommode.
Observation XIX. Blumenbach rapporte' quatre exemples de
mérycoles : chez deux la fonction était volontaire et s'accompagnait
d'une véritable sensation de plaisir.
' Froriey's Notizen, t. XLV, p. 337.
2-i- DU MÉRYCISME.
Cependant on voit que la volonté peut aussi avoir quelque
influence sur la production du mérycisme : Darwin cite
l'exemple d'un homme qui choisissait à volonté parmi les
aliments ingérés dans son estomac ceux qu'il voulait ruminer.
Sans être aussi concluante, l'observation suivante nous montre
aussi l'action de la volonté sur la rumination; mais alors la
rétention des aliments s'accompagnait de douleur : on verra ce
point signalé encore plus loin (Cas. XXVIII). Ce fait, ainsi que
l'influence de l'arrêt de la rumination sur la nutrition, prouve
bien que ce n'est pas là une maladie, comme nous l'avons dit
plus haut, mais une sorte de fonction anormale.
Observation XX. - M. Roubieu 1 a observé un jeune homme
d'une constitution faible, d'un appétit vorace, qui, après ses repas,
était'sujet à une rumination qu'il ne pouvait empêcher, sans souffrir
de douleurs épigastriques. La rumination était précédée d'éructations,
ne provoquait pas de dégoût et cessait au bout d'une demi-heure.
11 périt d'hémoptysie à trente ans.
Dans l'OBSERVATION XVII, nous avons vu aussi un homme
suspendant volontairement la rumination. Mais, chez lui, cet
arrêt n'était que momentané et, malgré la concentration de la
volonté, les aliments étaient bientôt rejetés en masse.
Ces quelques exemples nous montrent la volonté agissant
dans les deux sens, soit pour arrêter, soit pour produire le
mérycisme. Ce dernier point ressort encore de l'observation
suivante :
Observation XXI. Mérycisme sans effort ni douleur. Influence
du régime; constipation persistante. Production volontaire du mé-
rycisme - Le Dr rronmüller (de I'ürtb) a observé trois cas
d'hommes ruminants, dont deux superficiellement. Le troisième,
âgé de vingt et un ans, a sa mère atteinte d'une affection chro-
nique de l'estomac. Il a son infirmité depuis l'âge de dix ans et il
l'attribue ci l'ingestion d'une eau fétide provoquée par une soif vive.
Il fut traité sans succès par les vomitifs. Sauf une constipation per-
sistante, il se porte assez bien.
Il rumine sans effort de vomissements, môme souvent avec plaisir,
et la rumination suit de près le repas. Ce sont les viandes et les
boissons qui remontent le moins; les légumes remontent toujours.
Lorsqu'il est tranquille, il peut faire remonter volontairement les
' Ann. Soc. méd. Montpellier, t. IX, p. 283, 1808.
-Gazette médicale de Strasbourg, année 1870, p. 123.
DU MÉRYCISME. 25
aliments, mais sans les choisir comme le ruminant de Darwin; il
peut souvent retenir les aliments. La bouillie alimentaire, d'abord,
épaisse, devient à la fin liquide et amère. Le soir, il ne rumine pas.
Langue toujours chargée.
De plus, cette observation se rapproche de l'OBSERVATion XVII
par le fait de la rumination partielle, c'est-à-dire ne s'exerçant
que sur certains aliments. Nous avons déjà mentionné certains
cas de ce genre. Ainsi, dans l'OBSERVATION VII, les boissons
n'étaient jamais ruminées, de même dans l'OBsERV AT LON XVII ;
ici ce sont les viandes et les boissons, et, de plus, la rumina-
tion ne suit pas tous les repas.
Rapprochons de ces faits le suivant, qui est aussi un
exemple de rumination partielle, mais d'une autre variété, car
le sujet ramène tous ses aliments dans sa bouche, pour n'en
ruminer ensuite qu'une partie.
Observation XXII. - welsch (Obs. med., ép. XXXVI) rapporte l'his-
toire de Edouard Damies qui, une heure ou deux après le repas, ne
pouvait s'empêcher de ramener par une sorte de rumination son
manger dans sa bouche, d'où il rejetait les substances grasses qui
n'avaient pu convenir à son estomac.
Dans le cas suivant, la rumination, après avoir été itateonait-
tente, devint constante.
Observation XXII bis. Abus des fruits verts et entérite durant
l'enfance. - Début du mérycisme à seize ans. -D'abordirttermittent,
il devient constant. Ses caractères. - Mastication incomplète. (Ar-
maingaud, loc. cit., p. 41). xi. C... est âgé de vingt-trois ans; il
fut allai té par sa mère, qui a toujours joui d'une excellente santé, ainsi
que son père, ses grands-pères et grandes-mères. Sa santé ne laissa
rien à désirer jusqu'à l'âge de quatre ans environ; à partirde cette
époque, jusque vers l'âge de neuf ans, il se livra sans discrétion et
sans réserve à son goût prononcé pour les fruits, surtout pour les
fruits verts, et tous les ans, vers le mois de septembre, une entérite
le retenait au lit pendant plusieurs semaines. A l'âge de neuf ans
il entra au collège ; dès lors il ne lui fut plus possible de se livrer
librement à ses instincts frugivores, et l'entérite d'automne cessa
de se manifester. Jusque vers l'âge de seize ans, il ne trouve, dans
son existence matérielle, aucune particularité digne d'être notée.
Les digestions s'exécutaient normalement; mais un soir, une demi-
heure environ après son dîner, quelques amandes qu'il avait man-
gées à son repas, remontèrent dans sa bouche spontanément, sans
26 DU MÉRYCISME.
efforts; leur saveur n'étant pas altérée, il les mâcha complètement
et les avala de nouveau ; ce fut chez lui la première manifestation
du mérycisme ; il ne se souvenait pas avoir fait, ce jour-là, un re-
pas plus copieux qu'à l'ordinaire. A partir de ce moment, la ru-
mination fut établie, mais d'une manière irrégulière, c'est-à-dire
que les aliments ne remontaient dans la bouche pour être remâ-
chées, qu'après certains repas et non après chaque repas; mais peu
à peu le mérycisme s'établit définitivement, et les repas après les-
quels les aliments ne remontaient pas à la bouche, devinrent de
plus en plus rares; il ne lui est jamais arrivé, même dans les pre-
miers jours, de rejeter les aliments qui revenaient ainsi de l'esto-
mac, parla raison que jamais leur saveur n'était altérée, quoique
la régurgitation eût quelquefois lieu plus de deux heures après le
repas; toujours il les soumettait à une seconde mastication, sans
répugnance aucune, quelquefois même avec un certain sentiment
de jouissance, et ils descendaient de nouveau dans l'estomac. Ce
qu'il y a de remarquable, c'est que cette nouvelle fonction lui sem-
blait si naturelle qu'il n'en fit jamais part à aucun de ses cama-
rades ni à sa famille, et que personne ne s'aperçut jamais de ces
régurgitations qui s'opéraient chez lui.
Il se rappelle aujourd'hui que, depuis plusieurs années au moins,
il ne fait subir aux aliments qu'il introduit pour la première fois
dans sa bouche, qu'une mastication incomplète ; mais comme il
ne saurait dire si cette habitude existait chez lui avant la première
manifestation du mérycisme, ou bien si elle n'a été contractée
que depuis cette époque, il est difficile de se prononcer sur la ques-
tion de savoir si la mastication incomplète a joué un rôle dans la
production du mérycisme, ou bien, si, au contraire, M. C... n'a
pris que peu à peu et insensiblement l'habitude de ne mâcher qu'à
moitié ses aliments, sachant qu'ils allaient se représenter de nou-
veau sous ses ddnts.
Ce que je viens de dire se rapporte aux souvenirs de M. C...; ce
que je vais dire se rapporte à l'époque actuelle, à ce quej'ai observé
moi-même directement.
M. C... a un tempérament tympathico-nerveux, une constitution
assez bonne. Nous prenions nos repas ensemble depuis plusieurs
mois sans que j'aie pu m'apercevoir des phénomènes insolites qui
se passaient chez lui; mais un jour, une demi-heure après son di-
ner, le voyant mâcher pendant plusieurs minutes sans qu'il eût
rien introduit dans sa bouche, je lui demandai la raison de ces
mouvements de la mâchoire; il m'apprit alors qu'il remâchait les
aliments qu'il avait avalés pendant son repas, et que la même chose
se produisait après chaque repas ; il fut même très étonné d'appren-
dre que ce phénomène n'était pas normal, car il avait toujours cru
que cette fonction lui était commune avec tous les autres hommes.
A partir de ce jour, mon attention fut vivement excitée, et je ne
DU MÉRYCISME. 27
passai pas un seul jour sans observer les faits suivants : M. C... ne
mange pas plus copieusement que ses commensaux, il est au con-
traire très sobre. Un quart d'heure environ après le repas, la ru-
mination commence; une petite partie des aliments ingérés re-
monte dans la bouche sans aucun effort, sans secousses, et presque
à l'insu du sujet, qui ne s'aperçoit, le plus habituellement, des
contractions qui font remonter les aliments que lorsque ces derniers
sont arrivés dans la cavité buccale; je dis, le plus habituellement,
parce qu'il arrive assez souvent que les aliments ne remontent pas
spontanément; mais alors il éprouve une sensation de gêne à l'é-
pigastre qui l'engage provoquer l'ascension des matières, ce qu'il
fait en contractant légèrement les muscles abdominaux; l'estomac
ainsi comprimé, réagit, se contracte et expulse doucement une
partie de son contenu; mais la plupart du temps, il n'éprouve point
ce sentiment de plénitude et les aliments remontent spontanément.
Ils n'ont point changé de saveur, leur odeur n'est point désagréable ;
quand ils ont été remâchés et de nouveau insalivés, ils redescendent
dans l'estomac et une autre portion, suivant le même trajet, est
soumise aux mêmes actes, et ce va-et-vient se continue pendant
un temps variable, quelquefois une heure seulement après le re-
pas, d'autres fois deux heures, quelquefois même quatre heures.
La portion d'aliments ainsi ruminée ne dépasse pas habituellement
le quart de la quantité ingérée pendant le repas; la plus grande
partie reste habituellement dans l'estomac, et pour cette portion
la digestion se passe comme chez tout le monde. J'ai déjà dit que
la ration alimentaire de M. C... était loin de dépasser la moyenne,
mais je le repète, parce qu'on aurait pu supposer qu'il s'agit ici
d'une régurgitation par trop pleine, hypothèse à laquelle il fau-
drait du reste renoncer en présence des faits suivants : Ce sont
surtout les aliments de difficile digestion qui reviennent dans la
bouche, et même lorsqu'ils ont été introduits les premiers. Cesont
toujours eux qui reviennent les premiers. Hier encore, voici ce que
nous observions : M. C... avait mangé d'abord de la viande de porc,
puis ensuite du boeuf rôti, et enfin des fraises; quelques minutes
après le repas, nous le priâmes de rendre dans une assieltelapre-
mière portion alimentaire qui reviendrait à la bouche; l'ayant
examinée, nous reconnûmes que c'étaient des parcelles de porc,
sans aucun mélange. Du reste, cet examen n'était pas absolument
nécessaire, car le goût de ces parcelles était parfaitement conservé,
et il m'en avaitannoncé la nature avant de les avoir rendues dans
l'assiette.
Il faut ajouter que la rumination se prolonge d'autant plus après
le repas, que la première mastication a été plus incomplète; ceci
est la loi générale, mais il faut dire aussi que lamasticalionlaplus
complète n'empêche jamais le mérycisme de se produire à un cer-
tain degré; il est diminué, mais jamais il ne peut être complète-
28 DU MERYCISME.
ment évité. Quand M. C... fume ou quand il prend du café, toutes
choses égales d'ailleurs, la rumination est diminuée. Au contraire,
s'il se met au travail immédiatement après son repas, il ne cesse
de ruminer, et c'est dans ces conditions que le mérycisme se ma-
nifeste encore quatre heures et même cinq heures après le repas.
La volonté aidée d'une attention soutenue peut quelquefois sus-
pendre le mérycisme et l'empêcher de se produire, mais il n'ob-
tient cette, suspension qu'au prix d'une douleur sourde, mais très
gênante dans la région épigastrique. M. C... n'éprouve jamais
d'éructations ; son haleine n'est nullement mauvaise; les résidus
de la digestion sont expulsés régulièrement sans diarrhée ni cons-
tipation, en un mot ses selles sont tout à fait normales.
Bien que cela soit rare, il peut arriver que le mérycisme soit
provoqué : tel est le cas de M. le professeur Brown-Séquard,
rapporté par M. R. Blanchard.
Observation XXIII. - « Chez M. Brown-Séquard, dit-il, le méca-
nisme s'établit à la suite d'expériences, par lesquelles ce physiolo-
giste cherchait à déterminer la durée du séjour que devaient
faire dans l'estomac, les divers aliments, pour s'y digérer complè-
tement. Dans ce but, il reproduisait sur lui-même les expériences
classiques de Héaumur et de Spallanzani : il avait une éponge,
maintenue au dehors par une ficelle, et au centre de laquelle se
trouvait l'aliment. Ces expériences allèrent hien pendant quelque
temps, puis, à un certain moment, l'estomac se révolta et rejeta
l'éponge. M. Brown-Séquard lutta longtemps contre son estomac,
dans l'espoir de déterminer en lui une accoutumance ; mais le rejet
de l'éponge persistant et s'accompagnant même de la régurgita-
tion des aliments, il dut s'avouer vaincu et cesser ses expériences.
La l'éjection n'en persista pas moins et constitua pendant long-
temps une véritable infirmité. »
Nous dirons avec M. R. Blanchard que « ce nombre restreint
de cas ne peut évidemment donner aucune idée de la quantité
relative de mérycoles qui existent de par le monde, car, le plus
souvent, le trouble fonctionnel dont sont atteints les mérycoles
ne constitue point une infirmité et n'a même rien que de très
agréable : les personnes de cette catégorie n'ont donc aucun
intérêt à consulter un homme de fart, n'étant aucunement
gênées par le retour des aliments. D'autres mérycoles ruminent
inconsciemment, pour ainsi dire, sans se douter que cet état
physiologique leur est particulier, et on les étonnerait assuré-
ment beaucoup si on leur apprenait que cette fonction ne leur
DU MÉRYCISME. 29
est point commune avec tous les autres hommes ; tel était le cas
du sujet observé par M. Armaingaud. Tel est aussi mon propre
cas. Je n'ai aucun souvenir de l'époque à laquelle le mérycisme
a pu s'établir chez moi : en tout cas, il remonte à ma plus
tendre enfance, et il m'incommode si peu que je l'aurais consi-
déré comme un phénomène physiologique normal, si les livres
ne m'eussent appris le contraire. Je m'inquiétais du reste fort
peu de savoir si les personnes de mon entourage ruminaient
également, tant la chose me semblait naturelle ».
Observation XXIV.Outre les détails qui précèdent, concernant
son propre cas, M. Blanchard en ajoute d'autres qu'il a consignés
dans l'article du Dictionnaire de médecine et de chirurgie pratiques,
d'où la citation précédente est tirée. Il a remarqué «qu'il ruminait
davantage quand il prenait rapidement son repas, se livrait, au
sortir de table, à un travail intellectuel». Suivant sa propre observa-
lion, chaque réjection serait déterminée par l'abaissement du dia-
phragme, et la dépression des muscles abdominaux. « Ces muscles,
,cjoute-t-il, peuvent, du reste, se contracter à des degrés divers, et,
même en observant dans une glace, leur action peut très bien pas-
ser inaperçue ». Et dit encore : « qu'il mange de préférence cer-
tains mets, uniquement dans l'attente de l'agréable sensation qu'ils
lui procureront lors de la rumination. Quand, cependant, les ali-
ments séjournent dans l'estomac depuis trois ou quatre heures, il
est assez fréquent de leur trouver un goût désagréable, amer ou
acide, suivant le cas. »
Nous avons terminé la première partie de notre travail et
rapporté tous les cas à nous connus de mérycisme observés
chez les individus sains d'esprit. Nous n'en tirons en ce
moment aucune conclusion générale ; nous espérons qu'on
nous pardonnera nos longueurs et des redites inévitables.
Mais nous avons pensé qu'il serait bon de réunir toutes ces
observations jusque-là disséminées et d'en faire une sorte de
préface à l'étude complète du mérycisme, que nous allons
aborder maintenant à propos des cas observés chez les idiots
ou les aliénés.
IV. DU MERYCISME CHEZ LES IDIOTS ET LES ALIENES.
i.'tioloflie. Les causes du mérycisme peuvent se diviser en
deux classes : les causes occasionnelles et les causes prédispo-
30 DU MÉRYCISME.
santés. Nous venons d'en passer quelques-unes en revue dans
le chapitre précédent; aussi nous ne ferons que les rappeler
pour mémoire dans cette classification.
Causes occasionnelles. Les causes occasionnelles du méry-
cisme sont assez nombreuses. Nous avons déjà signalé comme
pouvant rentrer dans cette classe de causes : 1'anilatiou(Oss.IlI,
IV et IV bis); en voici encore un nouvel exemple, dont nous
ne discuterons d'ailleurs pas la valeur.
Observation XXV. Abraham Will rapporte le cas d'un idiot,
né d'une mère idiote, qui s'accoutuma it ruminer après avoir passé
des années avec des animaux ruminants. (Dictionnaire en soixante
volumes, art. Mérycisme.)
Nous avons vu aussi le mérycisme apparaitre à la suite de
maladies aiguës (Obs. XIII et XIV), d'un voyage en mer (Obs. IX),
d'une chute sur l'estomac (OBs. X). De ce dernier genre de
causes, on pourrait en rapprocher une qui aurait, suivant
Cambay, une certaine valeur : c'est la compression de l'estomac
par les vêtements trop serrés.
Mais, le plus souvent, c'est à l'occasion de troubles survenus
dans les fondions digestives que se développe le mérycisme.
Nous avons déjà vu trois observations (V, XVI et XVII) dans
lesquelles le mérycisme est apparu à la suite d'une indigestion
grave ou chez des individus ayant déjà des éructations acides
ou souffrant de dyspepsie. Toutes les causes qui viennent en-
traver les fonctions de l'estomac peuvent par cela môme pro-
voquer, dans certains cas, l'apparition du mérycisme. C'est
ainsi qu'agirait la voracité, presque ordinaire chez les méry-
coles, puisque, sur toutes les observations où l'on a songé à la
rechercher, une seule fois (Ces. XII) elle a fait défaut; on
comprendrait sous cette dénomination l'action d'introduire
dans l'estomac une trop grande quantité d'aliments à la fois et
de manger trop vite, de sorte que l'estomac se trouve rempli
instantanément.
A la voracité se rattachent les troubles de la mastication, très
fréquemment observés chez les mérycoles, qui, pour la plu-
part, ne mâchent qu'imparfaitement ou même point du tout
les aliments avant de les avaler pour la première fois. L'insuf-
fisance de Yinsalivalion, accompagnant presque toujours celle
de la mastication, rentre dans le même ordre de causes.
DU MÉRYCISME. 31
Les altérations du système dentaire peuvent agir dans le
mémo sens, puisqu'elles sont un obstacle à la mastication.
Dans beaucoup de cas, on n'a pas songé à signaler ce point;
dans l'OBSERVATION XXVIII seulement, il est noté que le sujet
était absolument privé de dents. Chez les idiots que nous avons
observés à Bicêtre, le système dentaire était toujours défec-
tueux, chez Gren.. surtout, où, avec les incisives supérieures,
presque toutes les molaires font défaut ou sont presque com-
plètement cariées. On comprend parfaitement que, dans des cas
semblables, malgré les efforts du sujet, la mastication est tou-
jours incomplète, surtout s'il y a coexistence de la voracité,
comme chez Gren ? et doit occasionner par suite des troubles
de la digestion. Il n'y aurait donc rien d'étonnant à ce que les
altérations du système dentaire soient une cause peut-être
indirecte, mais en tout cas efficace, du mérycisme.
On trouve encore, signalées par Cambay, plusieurs causes
occasionnelles de mérycisme qui n'agiraient toujours qu'en
troublant plus ou moins l'exercice de l'estomac. Telles sont,
par exemple, l'élude et les travaux stalionnaires peu ou point
actifs immédiatement après le repas; les aliments réfractaires
à l'action de l'estomac, les aliments crus, trop peu ou trop
cuits, les parties tendineuses, aponévrotiques, les substances
facilement altérées par le suc gastrique, le lait, les oeufs peu
cuits ; certains poissons, la morue salée, la raie fraiche, les
oeufs de hrochet; les viandes dures, coriaces; les corps gras,
principalement la graisse de mouton; les substances de mau-
vaise qualité. Cette dernière cause serait celle du mérycisme
dans l'OBSERVATION XXI, où ce phénomène a suivi l'ingestion
d'une eau fétide. Enfin, l'insuffisance des sucs digestifs (Dict.
cneyet, des Sciences méd.) a été signalée comme pouvant avoir
une action sur la production du mérycisme.
Telles sont à peu près toutes les causes que l'on peut appe-
ler occasionnelles de la rumination chez l'homme, en ce sens
qu'elles en déterminent l'apparition à un moment donné et en
favorisent ensuite l'exercice. Mais aucune d'elles n'est assez
puissante pour la produire nécessairement; il faut en plus une
prédisposition particulière tenant à des causes que nous allons
maintenant examiner.
Causes prédisposantes. - L'(ige, avons-nous dit plus haut,
parait n'être qu'une cause de faible importance, car le méry-
cisme débute à peu près à tout moment de la vie. Cependant,
32 DU MÉRYCISME.
sa fréquence paraît diminuer à mesure que l'on avance en âge.
En effet, sur vingt-trois observations où l'on a noté autant que
possible l'âge des sujets au moment du début du mérycisme,
on voit que quinze fois il est apparu avant 15 ans; sept fois
entre 20 et 32 ans; une seule fois, le sujet avait atteint 40 ans.
Le sexe semble avoir une certaine influence comme cause
prédisposante de la rumination. Nous n'oserions pas trop affir-
mer cette proposition : que l'homme est plus sujet à la rumi-
nation que la femme. Nous nous contenterons de dire que,
sur toutes les observations de mérycoles parvenues à notre
connaissance, il n'y a que cinq individus du sexe féminin en
comptant le fait observé chez une idiote épileptique, par le
Dr Lorenzo Monti, et que nous n'avons pu nous procurer.
Nous avons déjà fait remarquer plus haut le rôle de l'héré-
dité dans la production du mérycisme (013s. I, V, VI, VII) ;
nous ne reviendrons pas ici sur ce point; on trouverad'aillcurs
encore plus loin (ost. XXVIII) un fait de mérycisme hérédi-
taire.
Ces causes prédisposantes générales ou spéciales, même
avec le concours des causes occasionnelles, sont bien insuffi-
santes pour expliquer le développement du mérycisme. Aussi
se voit-on réduit à invoquer une prédisposition particulière de
l'individu. Tous les auteurs qui se sont occupés du sujet n'hé-
sitent pas à en placer le siège dans l'estomac; mais ils ne sont
plus d'accord pour en expliquer la nature. Les uns invoquent
une plus grande excitabilité de la muqueuse de l'estomac et
une plus grande énergie de ses fibres musculaires tenant à leur
développement exagéré (Cambay); d'autres attribuent le méry-
cisme à une paralysie du cardia (Echo médical, 1859, p. 648);
d'autres, enfin, en font une névrose de la digestion ou le
mettent sous la dépendance d'une conformation particulière
de l'estomac (Littré et Robin). Cette diversité d'opinions tient
vraisemblablement au petit nombre d'autopsies de mérycoles
que l'on possède et au peu de renseignements qu'elles donnent
sur les causes de ce phénomène, comme nous allons le voir
dans le chapitre suivant.
Analonzie pathologique. Nous avons essayé de démontrer
plus haut que le mérycisme n'est pas un phénomène morbide :
aussi ne faut-il pas s'étonner de trouver dans les quelques au-
topsies de mérycoles qu'on a pu faire une absence complète
de lésions organiques. L'anatomie pathologique ne peut guère
DU MÉRYCISME. 33
nous fournir que des données sur des anomalies de confor-
mation ou de structure de l'organe qui doit être regardé
comme le siège du mérycisme, c'est-à-dire de l'estomac, encore
ces données sont-elles bien vagues.
Etant donnée l'identité presque complète du mérycisme et
de la rumination des animaux, la première idée qui vient à
l'esprit est de pousser plus loin l'analogie, et l'on est enclin à
s'imaginer que l'estomac des mérycoles, par un vice bizarre de
conformation, doit se rapprocher beaucoup de celui des mammi-
fères ruminants. C'est ainsi que Salmuth, Bartholin, avaient
supposé chez les mérycoles l'existence de plusieurs estomacs;
mais quand on a fait l'autopsie de ces cas, on n'a vu que des di-
verticulumsplacésdansl'estomac. L'autopsie n'ajamais montré
rien d'anormal dans la conformation de l'estomac des individus
atteints de mérycisme. Dans les Observations I, II, VIII, XV,
ainsi que dans les suivantes, l'estomac était toujours unique,
la cavité simple, sans diverticulum ni rétrécissements.
La dilatation de l'estomac est peut-être l'état qu'on a le plus
fréquemment observé à l'autopsie. Arnold en a vu trois cas;
Peyer l'a aussi notée. (OBs. I.) Dans l'autopsie de l'individu qui
fait le sujet de 1'0nsEIlvATION XXIX on trouve que la grosse
tuúérosité de l'estomac était plus développée que d'ordinaire et
en contact avec le diaphragme, même à l'état de vacuité.
La position de l'estomac, normale d'ailleurs, était plus verticale
que de coutume ; en outre, le diaphragme était notablement
épaissi. Nous ajouterons que Rossier a constaté sur le vivant
cette dilatation de l'estomac. (OBs. XXVIII.) Bryand a trouvé
le contraire dans l'observation suivante. (2Mb< ? méd., t. LU,
p. 117.)
Observation XXVI. Anne Ferry, fille d'un tisserand, eut à l'âge
de quinze mois la coqueluche qui dura pendant quatre mois. A
cette époque, ses parents aperçurent quelques symptômes d'imbé-
cillité, qu'ils n'avaient point encore remarqués. A onze ans, elle
pouvait rejeter à volonté par la bouche les aliments que conte-
nait son estomac ; mais cette faculté fut accompagnée au bout de
quelques mois, de toux, de dyspnée, de maigreur, qui firent des
progrès rapides et se terminèrent par la mort.
Autopsie. Léger épanchement d'un fluide jaunâtre entre la
dure-mère et l'arachnoïde ; vaisseaux de la pie-mère engorgés ;
plaques nombreuses de lymphe coagulée sur la surface du cervelet;
Bourneville, 1883. 3
3t DU MÉRYCISME.
épanchement semblable des ventricules droit et gauche ; poumons
remplis de tubercules ; adhérences de la plèvre costale. Estomac
très contracté; muscula,rité du pylore évidemment augmentée; quantité
considérable de lymphe coagulée à la surface des intestins
grêles; pancréas très volumineux, dur, comme cartilagineux.
La « muscularité » plus développée du pylore, à laquelle l'au-
teur attribue la faculté de rumination, n'a été notée que dans
ce seul cas. Nous en rapprocherons l'OBSERVATioN II où l'oeso-
phage a été trouvé très épaissi, et l'OBSERVATION XXIX où la
même remarque fut faite à propos du diaphragme.
D'un autre côté, M. Hill a publié dans son Essai sur les
moyens de prévenir et de guérir l'aliénation mentale, un
exemple de mérycisme. Le malade ayant succombé à une
attaqtced'épaTepscé, l'on a remarqué, l'ouverture de son cadavre,
.que l'estomac avait une ténuité extrême et que les rides de la
membrane muqueuse étaient entièrement usées. Ajoutons que
les deux autopsies de mérycoles que nous avons pratiquées ne
nous ont donné que des renseignements négatifs. Les fibres
musculaires, soit de l'oesophage, soit de l'estomac, ne parais-
saient pas hypertrophiées. Nous n'avons pas trouvé l'antre car-
diaque qu'on aurait signalé dans trois cas, au dire de M. Kocr-
ner. On sait d'ailleurs que cet antre se rencontre quelquefois
chez des individus n'ayant jamais ruminé, ainsi que cela ras-
sort notamment des recherches de M. Pônsgen '.
En résumé, absence de vices de conformation et dilatation
de l'estomac, tels sont les deux points mis en relief par les au-
topsies. Quant au développement exagéré du système muscu-
laire des organes de la digestion, invoqué comme cause du
mérycisme, nous ne pouvons guère, d'après les recherches sur
le cadavre, l'ériger en principe. D'un autre côté, si les phéno-
mènes de rumination n'avaient été observés que chez des
idiots, on eut pu se croire autorisé à former l'hypothèse d'une
cause cérébrale; mais le grand nombre de faits observés chez
des gens sains d'esprits réduit à néant cette idée. Il résulte de
toutes ces considérations que l'on se trouve conduit à n'admettre
1 L'autre car(liaqlic- ne -ci@it cet qti'tine ino(liricatioii
1 L'antre cardiaque- ne représente, écrit cet auteur, qu'une modification
faible de l'état on entonnoir de l'oesuphag'e il son extrémité inférieure.
Sur vingt-doux estomacs sains d'adultes, il a vu quatre fois l'oesophage
ne pas présenter d'entonnoir; dix fois il y avait un entonnoir évident et
huit fois un antre cardiaque.
DU MÉRYCISME. 35
comme principe du mérycisme qu'une disposition nerveuse.
particulière, susceptibilité exagérée de la muqueuse stomacale.
d'après Cambay ; à en faire, en un mot, avec les auteurs que
nous citions tout à l'heure, et en attendant mieux une névrose
de la digestion.
Symptômes et mécanismes Avant d'aborder l'étude de
l'acte du mérycisme, il nous paraît utile d'examiner en quelques
mots l'état des voies digestives et le mode d'ingestion des ali-
ments chez les individus qui y sont sujets.
Du côté des voies digestives il n'y a rien de bien particulier
à noter. La langue est bonne, l'appétit conservé et même aug-
menté, sauf certains cas exceptionnels comme celui deRossier
(Ons. XXVIII), où le sujet, déjà malade, avait encore vu son
état s'aggraver sous l'influence de vomitifs répétés. La soif est
plus souvent modérée; l'abdomen est souple, non distendu; ce-
pendant, dans l'OBSERVATION XXVIII, on a noté une dilatation
notable de l'hypochondre gauche ; nous n'avons jamais relevé
ce fait. Chez nos idiots, les selles étaient toujours normales et
régulières; il n'en est pas toujours ainsi; on a, en effet, signalé
quelquefois (OBs. XVII, XXI, XXVIII, etc.) une constipation
persistante. Le seul point défectueux de l'appareil digestif
serait peut-être l'insuffisance du système dentaire, qui pré-
sente, comme on le verra par les observations suivantes, des
altérations souvent considérables. (Cas. XXVIII, XXX.)
Quant à l'assimilation, elle se fait généralement bien, à con-
dition toutefois, comme nous l'avons déjà dit, qu'on n'inter-
rompe pas le cours de la rumination.
Le mode d'ingestion des aliments présente des particularités
plus importantes. Nous avons déjà signalé l'existence de la
voracité dans plusieurs observations; on va la retrouver encore
dans celles qui vont suivre; c'est là un fait presque général et
il est même quelquefois étonnant de voir des mérycoles se
bourrer de viandes, de pommes de terre, de pain, qu'ils avalent
gloutonnement sans même boire pour en faciliter l'ingestion.
(OBs. XXX.) Voici d'ailleurs un bel exemple de voracité déjà
publié par l'un de nous 1.
Observation XXVII. - En dépit de tous les soins dont il était
l'objet, X... avait conservé une voracité insatiable; une surveillance
1 Bourneville. Mémoire sur la condition de la bouche chez les idiots,
1862.
36 DU MÉRYCISME.
perpétuelle était indispensable; car ordures, débris de légumes,
excréments même..., tout était bon pour son inépuisable appétit.
A table, placé à côté d'un mailre, isolé de ses camarades, il dévo-
rait en un clin d'oeil ce qu'on lui donnait. Son assiette était-elle
vide, on le voyait, le regard fixe, convoitant voluptueusement la
part de son petit compagnon d'infortune le plus rapproché. Celui-ci
était-il distrait une seconde, Becco (c'était le surnom du malade)
se précipitait comme un trait, le produit du vol était englouti.
On lui coupait sa viande par morceaux ; mais, pour lui, les dents
étaient inutiles, il ne daignait pas s'en servir. Puis une heure,
plus ou moins, après le repas, on le surprenait mâchonnant avec
une sorte de bonheur, les yeux brillants de plaisir, des morceaux
entiers de chair, restés presqu'intacts, qui reprenaient bientôt le
chemin de l'estomac.
Il est fort aisé de comprendre qu'avec une pareille voracité,
il ne peut y avoir une mastication et une insalivation suffisantes.
Aussi, à part l'OBSERVATION VII, toutes les fois qu'on a songé à
examiner la digestion buccale, l'a-t-on trouvée imparfaite. Nous
avons noté le fait dans nos observations de Bicêtre, car il nous
est arrivé de retirer les aliments de la bouche du malade au
début de la rumination et de les trouver alors presqu'intacts.
Les aliments sont ingérés : que va-t-il maintenant se passer ?
Il y a généralement un certain intervalle entre le repas et le
début de la rumination; mais cet intervalle est très variable,
et cela chez le même sujet. Nous avons souvent observé le début
de la rumination quelques minutes après le repas, tandis
qu'une autre fois, le même individu n'avait pas encore com-
mencé à ruminer au bout d'une heure. L'intervalle qui sépare
le repas du début de l'acte est certainement sous l'influence de
quelques conditions particulières : c'est ainsi qu'un repas co-
pieux, l'ingestion d'une grande quantité de liquides ou de
certains aliments particulièrement agréables au goût de l'indi-
vidu peuvent hâter le moment de la rumination. Quoi qu'il en
soit, l'espace de temps qui la sépare du repas peut varier de
quelques minutes à une heure et plus : en général, c'est au
bout d'un temps assez court, d'un quart d'heure en moyenne,
que se produit la première régurgitation.
Mais, avant que la première bouchée ne soit remontée dans
la cavité buccale, il peut se produire certains phénomènes,
sortes de prodromes de l'acte qui va s'accomplir. Presque tous
ceux que l'on a pu constater sont consignés dans l'observation
suivante :
DU MÉRYCISME. 37
Observation XXVIII. - Démence épileptique. - Mérycisme ; vora-
cité ; défaut de mastication. - Description du mérycisme. État des
voies digestives. - Diminution des phénomènes sous l'influence d'un
traitement belladone (Rossier, Jo ? en. des Connaissances méd., 1862,
p. -184). - Louis C..., agriculteur, âgé de soixante-cinq ans en
,1860, a joui d'une bonne santé jusqu'à l'âge de cinquante-six ans.
Il ne peut donner aucun renseignement sur ses parents.
En 18 : ;2, il cut, un jour, un accès de manie avec grande excita-
tion et hallucinations de la vue. Quelque temps après, il tomba
subitement à terre sans connaissance. Au bout d'un moment, il
sortit de son état comateux avec des cris, une grande agitation
et de l'écume sanglante à la bouche. Des accès pareils se sont
répétés dès lors cinq à six fois par an, jusqu'en <858. Depuis
lors, jusqu'en 1860, il n'eut aucun accès. Cette année, il en eut un
à peu près par mois.
Lors de la première chute, le malade resta un mois sans parler,
puis les mots revinrent peu à peu ; mais il éprouva toujours pour
parler une difficulté qui va s'augmentant; en même temps, la
mémoire s'affaiblit graduellement.
Un peu après l'accès de folie qui caractérisa le début de la ma-
ladie, C..., qui de tout temps avait mangé fort avidement et pres-
que sans mâcher, commença à ruminer. Cela n'arrivait d'abord que
pour la salade. Peu à peu, cet acte suivit toute espèce d'aliments
et chaque repas. Depuis six mois, le malade, qui vaquait à ses
affaires, s'affaiblit de plus en plus. Depuis la recrudescence des
accès épileptiques qui s'est manifestée au début de cette année,
il a commencé à ressentir souvent des vertiges pendant la station
et la marche. Ces vertiges sont devenus si pénibles que depuis
trois mois, il a été obligé de garder le lit. Dans les derniers temps,
il a été traité presque exclusivement par l'usage des vomitifs répétés
tous les huit jours et cette médication a considérablement aggravé
son mal. Les forces déclinent; l'appétit, autrefois exagéré, est presque
perdu : il y a des renvois acides et des vomissements spontanés peu
abondants après les repas , phénomène qui ne se produisait
jamais alors que le malade pouvait encore suivre ses occupations.
État actuel, 14 mai 1860. - Le malade est au lit; c'est un homme
bien proportionné, d'un tempérament lymphatieo-sanguin, amaigri
par une longue maladie. Il porte sur sa figure un cachet d'imbé-
cillité que sa parole semble confirmer. - L'intelligence est obtuse,
la mémoire affaiblie. Ce qui le préoccupe surtout, c'est la rumina-
tion, puis les vertiges. La première se montre générale ment peu
de minutes après les repas. Elle n'est habituellement précédée
d'aucun sentiment douloureux, et le malade n'a pas conscience
de son début. Seulement, depuis l'usage des vomitifs, il ressent
une pesanteur à l'épigastre, surtout au moment où commence le
retour des aliments. Il peut retenir mais non empêcher l'acte par
38 DU MÉRYCISME.
l'effet de la volonté; mais alors il éprouve à l'estomac un poids si
insupportable qu'il est obligé de laisser le phénomène se produire.
Il peut ruminer dans toutes les positions, plus facilement dans la
position assise. Quand cela lui arrive, il y a, en général, fort peu
d'intervalle entre deux gorgées; cependant, lorsque la rumination
tire à sa fin, les intervalles augmentent. Quand le malade peut se
tenir debout ou marcher, les intervalles sont plus longs, mais la
durée totale s'allonge en proportion. Celle-ci était habituellement
de deux à trois heures pour le dîner, d'une demi-heure à une
heure pour le déjeuner ou le souper; depuis l'emploi des vomi-
tifs, elle varie de trois à quatre heures pour le diner. Autrefois le
goût des aliments ne forçait jamais à les recracher : depuis les
vomitifs, cela lui est arrivé quelquefois, parce qu'il leur trouvait
alors une saveur insupportable.
L'ordre de retour des aliments est le suivant : ce sont les lé-
gumes qui se présentent les premiers à la bouche, puis la viande ;
ils sont habituellement fort peu altérés, le malade avalant glouton-
nement la nourriture presque sans la mâcher. Vers la fin de la
rumination, ils consistent plutôt en une bouillie qu'en parties ali-
mentaires distinctes. Les liquides ingérés ne reviennent jamais
seuls à la bouche; mais les gorgées sont plus nombreuses quand le
malade avale de grandes quantités d'aliments liquides qu'il affec-
tionne, vu la perte de ses dents et la faiblesse de son estomac.
Avant le traitement, le nombre des gorgées est de 6-12 pour le
déjeuner; 4f-` ? -t pour le diner; 7-16 pour le souper.
La bouche est complètement privée de dents ; la langue rugueuse,
couverte d'un enduit épais et portant plusieurs traces de mor-
sures ; le ventre, ballonné vers le haut, donne à la pression dans la
région épigastrique un gargouillement comme celui d'une outre à
moitié remplie de liquide. Toute celte région, depuis l'ombilic
jusqu'à la région costale gauche donne le même timbre de percus-
sion. On trouve une matité relative dans les parties qui corres-
pondent au liquide évidemment accumulé dans l'estomac dilaté.
Les régions inférieures de l'abdomen n'offrent aucune matité. Le
foie et la rate ont le volume normal.
Depuis nombre d'années, la constipation est habituelle : elle a
augmenté depuis l'usage des vomitifs. Soif modérée; urines nor-
males. Rien au coeur; un peu d'emphysème; sensibilité et moti-
lité intactes.
Le malade fut d'abord mis à une diète sévère et, le 19 mai, on
régla son régime de la façon suivante : Suppression des légumes,
soupes, bouillies, liquides. Usage de viandes blanches rôties, de
pain et de vin coupé avec de l'eau de Seltz. On prescrivit aussi des
pilules d'aloès et de rhubarbe.
Le 26 mai, le malade va mieux ; il se lève un peu et a moins de
vertiges. L'appétit est bon, la rumination se montre encore tous
DU MÉRYCISME. 39
les jours. Le nombre des régurgitations est toujours le même ;
mais elles se font sans aucune gêne. La langue est nette, les selles
quotidiennes. Plus de gargouillement abdominal à la palpation.
Le 9 juin, on prescrit l'extrait alcoolique de noix vomique (0,07;i)
et sous l'influence de ce remède, le nombre des régurgitations di-
minue des deux tiers. - Mais à la fin de juillet le retour plus fré-
quent des vertiges, l'existence de soubresauts musculaires, font
reprendre le premier traitement. - Les mois d'août et septembre
se passent sans aggravation.
Avec le mois d'octobre on reprend la noix vomique. Les vertiges
deviennent très fréquents.îLe 24 octobre, C... est pris d'un accès
d'agitation maniaque, qui se renouvelle le 2 novembre. Alors, on
cherche à conjurer ces attaques par la belladone (0,02 d'extrait
environ par jour), à doses croissantes et avec quelques intermis-
sions le régime alimentaire reste le même.
Le 15 février le malade va bien : les vertiges ne reviennent plus
que rarement, l'hébétude est moins marquée, la parole plus fibre.
La langue est nette, l'appétit modéré; les régurgitations persistent,
mais moins fréquentes (six à dix par jour) et seulement au
diner.-Depuis quelque temps, le malade a pu reprendre quelques
occupations.
Sans nous occuper dans ce cas de la description du méry-
cisme et de son traitement, dont nous aurons à parler dans la
suite, nous relèverons parmi les phénomènes prémonitoires
de l'acte : des éructations fréquentes, quelquefois même du
hoquet, que nous avons aussi observés, surtout les premières,
presque constamment chez nos malades. D'un autre côté, nous
n'avons pas trouvé le ballonnement abdominal signalé dans le
fait précédent. La sensation de plénitude à l'épigastre, dont il
est parlé dans ce cas et mentionnée par Cambay, a été notée
encore chez d'autres mérycoles (CES. VI, XIII, XVII) ; nos
malades étant en général incapables de fournir aucun rensei-
gnement, nous n'avons rien de personnel à dire sur ce point.
Ajoutons, à ces prodromes, l'absence de nausées et le spasme de
l'oesophage qui ont été indiqués quelquefois. (Oss. XVI.)
Ces symptômes se manifestent, en général, pendant un temps
très court et sont suivis presque immédiatement du renvoi de
la première bouchée. Comment ce renvoi se produit-il ? C'est
ce que nous allons maintenant examiner.
Le mécanisme du rejet des aliments dans la rumination,
qui n'est pas indiqué dans le fait précédent, se trouve déjà
tracé à grandes lignes dans une autre observation que nous
40 DU MÉRYCISME.
jugeons utile de rapporter avant d'aller plus loin dans l'étude
des symptômes.
Observation XXIX. - Idiotie; mérycisme. - Voracité; pas d'in-
salivation ni de mastication : fonctions digestives intactes. Début de
la rumination deux ou trois minutes après le repas. Mécanisme, arrêt
momentané par le décubitus dorsal. (Châtelet, Gaz. des hôpitaux, 1863,
p. ` ? 15, et Jott7,2z. de méd. de Lyon, 1866, p. 303.) -Jean G..., âgé de
quatorze ans, est entré à l'hospice de l'Antiquaille le 1 î mars 81n,
Il est né à Villefranche. Il est impossible d'avoir des renseigne-
ments sur sa famille ou sur ses premières années.
Il a la taille d'un enfant de douze ans à peine et est idiot dans
toute la vigueur de l'expression. Les manifestations intellectuelles
sont nulles; il ne prononce jamais une parole; il est calme, tran-
quille. Le frontest bas, couvert en partie par les cheveux. Les lèvres
sont volumineuses et paraissent plus saillantes encore, grâce à un
mouvement de succion qui lui est familier.
Il se tient habituellement accroupi dans un coin, les yeux fixés
à terre, immobile ou imprimant à la tête un balancement mono-
tone. Sa physionomie n'exprime habituellement ni peine ni plaisir.
11 ne manifeste ses sensations que dans un seul cas et d'une seule
manière. Lui fait-on mal, souffre-t-il, il pousse un cri inarticulé,
toujours le même, puis il rentre dans son calme ordinaire.
Il ne sait pas prendre les aliments qui sont devant lui pour les
porter à sa bouche. Il faut les lui mettre dans la main ou mieux
dans la cavité buccale. Lorsque cette dernière estrestée vide quelque
temps, on voit bientôt la salive s'en écouler au niveau de chaque
commissure et tomber sur les vêtements.
Sa nourriture de prédilection consiste en pain, soupe et viande.
Il mange difficilement les légumes, les fruits; souvent même il refuse
de les avaler.
Ce qui frappe d'abord chez lui, c'est la manière dont il prépare
le bol alimentaire. A peine les aliments sont-ils dans la bouche,
que la déglutition s'opère sans qu'il y ccit presque insalivation et mas-
tication. On peut lui faire absorber ainsi une très grande quantité
de mie de pain par exemple et cela sans boire. A peine peut-on
lui faire accepter quelques gouttes de liquide.
Dès qu'on a cessé de lui remplir la bouche, il semble se re-
cueillir ; après un temps très court, deux ou trois minutes, il penche
la tête en avant, étend le cou, contracte simultanément son diaphragme
et ses muscles abdominaux, il ajoute une légère inspiration, et bientôt
un premier bol alimentaire remonte sans effort dans la bouche. 11
s'accompagne parfois d'un léger gargouillement qui siège au pha-
rynx. A ce moment seulement commence la mastication.
Les premiers bols sont composés d'aliments presque normaux :
après quelque temps, ils commencent à s'altérer ; à la fin de l'opé-
DU MÉRYCISME. 41 1
ration ils n'offrent plus l'aspect que d'une pâte chymeuse. Le temps
de la rumination varie avec la quantité d'aliments ingérés dans
l'estomac. On peut suivre ainsi les diverses altérations que subit
le bol alimentaire dans l'acte stomacal de la digestion : pendant
tout le temps que dure le travail, il a les yeux fixés; loin de pa-
raître souffrir, il se frictionne parfois la poitrine avec un air de
satisfaction assez marqué.
Quand toute la masse ingérée a subi cette seconde mastication,
il reprend son immobilité première et la salive ne tarde pas à
s'écouler de nouveau. Tel est le spectacle que nous offre cet idiot
après chaque repas. Malgré cela la santé générale est intacte, les
forces sont normales, les selles régulières, les urines rares. Rien en
un mot ne semble, dans l'organisme, souffrir de ce trouble patho-
logique qui semble presque physiologique chez notre malade.
Chez ce jeune mérycole, on arrêtait pour un moment le
cours de la rumination, si on le maintenait couché sur le dos, la tète
renversée en arrière. Voici maintenant les résultats de l'autopsie :
Malgré le mérycisme physiologique du malade, rien d'anormal
dans son estomac, si ce n'est peut-être la grosse tubérosité plus
développée que de coutume. Sa position était aussi un peu plus ver-
ticale que d'ordinaire. Cette grosse tubérosité était en contact avec
le diaphragme, même à l'état de vacuité. Le diaphragme était
épaissi d'une manière très notable.
Voûte crânienne amincie ; épanchement sanguin sous les tégu-
ments du crâne; -méninges normales;- circonvolutions indurées,
lassées contre les enveloppes par l'expansion des ventricules laté-
raux distendus par de la sérosité. Corps calleux'aminci,jaunâtre.
On trouve cinq tumeurs cérébrales, siégeant toutes sur le trajet
des plexus choroïdes, sur les plexus eux-mêmes, sur le plancher
des ventricules. Bien que la lésion soit surtout à droite (trois tumeurs
dont deux volumineuses mesurant de cinq à sept centimètres acco-
lées vers bipartie antérieure de la couche optique, entrant un peu
dans la corne frontale), il n'y a jamais eu hémiplégie, strabisme ou
paralysie. Le trigone est ramolli, déformé; le septum lucidunz a
disparu; les corps striés et les couches optiques sont ramollies.
Les J'eins sontdurs, volumineux, présentent une grande quantité de
tumeurs de volume variable, pédiculées ou non et s'attachant sur
la substance corticale ou dans l'intérieur des pyramides. - Une tu-
meur (volume d'une noisette) semblable a été trouvée dans le foie.
Examen miscroscopique. -Les tumeurs du cerveau ont un aspect
encéphaloïde : elles renferment un suc blanchâtre analogue au suc
cancéreux et présentent de grosses cellules avec de gros noyaux à
nucléoles comme les cellules cancéreuses. On trouve aussi des élé-
ments de nature conjonctive.
Dans les tumeurs des reins, on trouve un grand nombre de
noyaux conjonctifs en général peu difformes. Les canalicules urini-
42 DU MÉRYCISME.
pares ont disparu dans les points envahis. Les cellules épithéliales
de leur face interne se trouvent encore, mais infiltrées de graisse.
La tumeur du foie est constituée surtout par des noyaux conjonc-
tifs peu altérés dans leur forme et réunis par une matière amorphe
peu consistante et très granuleuse.
Nous reviendrons tout à l'heure sur la description du mé-
rycisme une fois établi : pour l'instant nous ne nous occu-
perons que de son mécanisme. D'après le fait précédent, la
flexion de la tête, l'extension du cou, la contraction simultanée
du diaphragme et des muscles abdominaux, une légère inspira-
tion, une sorte de gargouillement, et tous ces phénomènes
avec peu ou pas d'efforts, tels sont en somme les phéno-
mènes qui se produisent généralement au moment où
la rumination s'opère : nous retrouverons la plupart d'entre
eux chez les sujets que nous avons observés. Entre tous,
le plus important est incontestablement la contraction du
diaphragme et des muscles abdominaux ; aussi est-ce celui qui
a le plus fixé l'attention des observateurs et sur lequel ont
porté les discussions. Certains médecins, Percy et Laurent, ont
nié absolument l'action de ces muscles dans la production du
mérycisme; et voici, d'après eux, le mécanisme de ce phéno-
mène. On y retrouvera, d'ailleurs, la plupart des points que
nous venons d'indiquer.
« Quand les regorgements vont se produire, la tête est portée en
haut et en avant ou en bas contre le sternum. Un bruit sourd et
comme un bouillonnement se fait entendre d'abord dans le pha-
rynx ; puis un autre bruit plus clair, plus brusque (tic), comme celui
d'une soupape qui s'ouvrirait tout à coup. Au milieu de ces mou-
vements, l'oesophage éprouve des tractions, des succussions qui sol-
licitent l'estomac et en attirent plutôt qu'elles n'en font expulser
une portion des matières qui y sont renfermées....... Aucun effort
du côté de l'enceinte musculaire abdominale ni du diaphragme,
aucune action appréciable de la part de l'estomac quoique bien
sûrement celui-ci ne soit pas étranger à ce qui se passe au dedans
de lui-même. Le mérycole attentif et inquiet attend le commen-
cement de la rumination. Il le hâte en faisant entrer de l'air dans
l'oesophage où son accès serait si propre à produire cet état de ré-
plétion et de trop plein qui favorise de plus l'évacuation de cet
organe. Il cherche à en attirer de l'un et de l'antre pour l'excréter;
il allonge et élargit tour il tour le canal oesophagien, le tic a lieu.
C'est le signal de l'ouverture du cardia par lequel une colonne d'a-
liments fait aussitôt irruption comme si elle eut été poussée par
DU MÉRYCISME. 43 3
une puissante compression ou qu'un mouvement particulier qu'on
appellera, si l'on veut, antipéristaltique l'eût forcée par ses puis-
santes ondulations à s'échapper ainsi. »
Un autre auteur, Cambay,donne une explication qui s'éloigne
passablement de celles que nous venons de rapporter. Pour
lui, l'appel d'air que fait souvent le mérycole au moment de
ruminer, n'a pas pour effet la dilatation de l'estomac, car cet
air n'est pas avalé. C'est une simple inspiration qui a pour
but d'abaisser le diaphragme ; en même temps il y a une légère
contraction des muscles de l'abdomen. L'estomac, qui se trouve
alors comprimé par les deux plans musculaires et par les
intestins, qui sont refoulés vers lui, réagit sur les substance»
qui le distendent, et une masse alimentaire force le cardia,
gagne l'oesophage et le pharynx dont les contractions suc-
cessives l'amènent dans la cavité buccale. Tout en admettant
la participation du diaphragme et des muscles de l'abdomen,
l'auteur ajoute que leur action est si faible que le mérycole
lui-même ne la perçoit que s'il y fait attention. En outre, elle
n'existerait que pour la première gorgée après laquelle les
contractions de l'estomac, que l'auteur localise dans la grande
courbure, suffiraient seules pour continuer le mérycisme. Par
ce dernier point, cette théorie se rapproche de la précédente,
dont elle ne diffère, somme toute, que par l'action attribuée
aux muscles abdominaux et au diaphragme.
Pour nous, voici, d'après ce que nous avons observé, la façon
dont se produit la rumination.
Il nous semble évident que le mérycole sent approcher l'ins-
tant où la rumination va se produire ; car, à ce moment, il
semble se recueillir et attendre. Cet instant est quelquefois
très court, quelques secondes à peine, comme chez Juven...
(ÛB3. XXXI), qui n'interrompait guère son balancement habi-
tuel quand labouchée allait remonter. Chez Gren... (OBS.X1X),
ce fait était plus visible, car il cessait ses cris ou ses rires pen-
dant un peu plus de temps, jusqu'à ce que le bol alimentaire fut
revenu à la bouche. Chez ce dernier enfant, d'ailleurs, tous
les phénomènes du mérycisme étaient beaucoup plus nets que
chez l'autre. En même temps le haut du corps est générale-
ment incliné en avant et la tête portée en avant et en haut.
Que se passe-t-il alors ? Nous avons vainement recherché
l'inspiration initiale dont parlent quelques auteurs. Le sujet
z te DU MÉRYCISME.
étant mis à nu, nous n'avons jamais vu le thorax se dilater,
les intestins s'abaisser, les muscles inspirateurs se contracter.
Nous pensons, au contraire, vu l'absence de mouvements appa-
rents du côté du thorax pendant ces quelques secondes que le
malade interrompt seulement sa respiration, emprisonne l'air
qui reste dans la cavité pulmonaire, et immobilise ainsi son
diaphragme. Quant à l'appel d'air, plus ou moins marqué,
mais qui, néanmoins, existe presque toujours, il se fait, à notre
avis, du côté des voies digestives, et cela, à cause des éructa-
tions sonores qui accompagnent le renvoi des aliments. Ce fait
était surtout manifeste chez Gren..., qui avalait de l'air, pro-
duisait alors une sorte de fausse éructation suivie presqu'instan-
tanément d'une autre vraie accompagnant les aliments qui
remontaient en produisant en plus cette espèce de gargouille-
ment déjà signalé ci-dessus. Si l'on ajoute à cela une légère
contraction des parois abdominales, portant surtout sur les
droits antérieurs qui se tendent, avec une légère dépression
des fosses iliaques, on aura tous les phénomènes apparents
qui provoquent le retour des aliments dans le pharynx. Ajou-
tons que cette contraction abdominale est très peu marquée, et
qu'il faut même parfois la rechercher soigneusement pour pou-
voir la constater : ainsi, chez Juven ? on ne voyait guère qu'une
sorte d'ondulation de la paroi; mais, chez d'autres malades,
nous avons observé le fait pendant toute la durée de la rumina-
tion ; cependant, il partir du moment où les aliments remontent
à l'état de pâte, cette contraction devient à peine visible.
Disons enfin qu'elle est toujours instantanée.
On voit donc, en somme, que, pour nous, le mécanisme se ré-
duit aux trois points suivants : appel d'air dans l'estomac, im-
mobilisation de la cage thoracique et par suite du diaphragme,
légère contraction des parois abdominales, le tout sans aucun
phénomène d'effort. Mais, en définitive, ces agents ne nous
paraissent pas suffisants, et nous croyons que le principal
réside dans l'exagération des mouvements de l'estomac, qui
doit se contracter et réagir sur les matières qui le distendent
pour en provoquer l'expulsion; et peut-être aussi, dans la con-
traction des fibres longitudinales de l'oesophage nécessaire
pour dilater le cardia qui, on le sait, reste sans cela fermé
même sous de fortes pressions de gaz contenues dans l'estomac.
Quant aux mouvements, péristaltiques de l'oesophage et du
pharynx, nous ne serions pas éloignés de croire qu'ils existent;
DU MÉRYCISME. 45
car nous avons observé qu'il s'écoulait un espace de temps
faible, mais appréciable, entre les phénomènes apparents indi-
qués ci-dessus et l'arrivée des aliments dans la bouche. Cela
nous fait penser que ces aliments ne sont pas rejetés violem-
ment en masse, ce qui s'explique bien par la faiblesse des
forces mises en jeu, mais qu'ils cheminent plus lentement,
grâce aux mouvements du canal oesophagien.
Nous avons exposé longuement diverses théories cherchant
à expliquer le mécanisme de la rumination; il nous reste à
examiner maintenant ce qui va se passer une fois que les
aliments sont revenus dans la bouche. L'observation suivante
nous donnera, à ce sujet, de nombreux renseignements :
Observation XXX. -Idiotie : hérédité (grand'mère, grand' tante et
cousine cclééa2ées).- Mère migraineuse. Grand'mère maternelle hys-
tériq1lc. Mérycisme : Altérations considérables du système dentaire.
Voracité. - Troubles de la mastication. Description du méry--
cisme. - Pas de troubles digestifs. - Santé générale bonne. - Idiot
grimpeur. Albert Gren..., né à Paris le 2 juin 1867, est entré à
Bicêtre le 2 août 1876. (Service de M. Bourneville.)
Antécédents. (Renseignements fournis par sa mère, 9 décembre
1880). Père, quarante ans, marié à vingt-cinq ans et demi, sobre,
calme, n'a jamais fait de maladies ; pas de migraines, taille petite.
[ Père, mort il y a longtemps, on ne sait de quoi; ne buvait pas.-
Mère, bien portante, pas de migraine, ni d'attaques de nerfs. Elle
était enceinte du père de notre malade avant d'être mariée et
l'abandon de son amant la rendit comme folle pendant quelques
semaines, mais elle ne fut pas enfermée. - Une tante maternelle
a été folle. Une cousine germaine, devenue folle à la suite d'une
grossesse, a été enfermée à Sainte-Anne en -1879. - Un cousin yer-
main, aliéné, a été à Sainte-Anne en 1878 : il a eu aussi la syphilis.
- Pas de suicides, ni de criminels, ni de difformes.]
Mère : trente-sept ans, couturière, bien portante, de taille
moyenne. Elle a, depuis deux ans, des migraines fréquentes, surtout
avant ou après les règles, accompagnées parfois de vomissements,
de bourdonnements d'oreille, de vertiges, et la forçant à garder le
lit pendant deux jours. Elle n'a jamais eu d'attaques de nerfs, ni de
maladies graves. [Père, mort par accident, buvait beaucoup, n'a
jamais eu de troubles nerveux. - Mère : cinquante-six ans, con-
cierge, bien portante ; d'un caractère irritable, aurait eu une ving-
taine de fois environ, à la suite de contrariétés, des attaques de
nerfs durant de cinq minutes aune heure; pas de migraines.
Pas d'aliénés, etc., dans la famille.] Pas de mérycoles ni du côté
du père, ni du côté de la mère. - Pas de consanguinité.
46 DU MÉRYCISME.
Deux enfants : 1° notre malade ; 2° une fille, bien conformée,
morte à treize jours, en nourrice, de convulsions.
Notre malade.- Grossesse bonne; durant son cours, pas d'alcoo-
lisme, pas d'émotions vives, pas de traumatismes. - Accouche-
ment à terme, lent (quatorze heures) : la tête resta longtemps
au passage et l'enfant était tout noir en venant au monde; la tête
était très développée.- Il fut nourri au sein par sa mère jusqu'à qua-
torze mois. A cette époque, il commença il marcher et ses premières
dents parurent, la dentition était complète à deux ans; pour le
reste, il était très en retard : à trois ans, il ne disait que : « papa,
maman«, et quelques monosyllabes. Seulement on ne s'en inquiétait
pas parce que le père avait lui-même parlé très tard. A trois ans et
demi, il fut atteint d'une hydropisic qui envahit les mains, les pieds,
les jambes, l'abdomen : il fut soigné par M. Triboulet; il n'avait
pas eu la scarlatine. Cette maladie dura trois mois et demi, plus
deux mois et demi de convalescence. Avant cette maladie, il était
gai, caressant, intelligent; après, l'intelligence disparut de plus en
plus. A quatre ou cinq ans, il avait, par moments, des crises (trois
ou quatre par jour) dans lesquelles il se cognait la tête contre les
murs, ou se jetait par terre.
Le mérycisme fut observé pour la première fois à l'âge de
quatre ans et demi. A l'origine, la rumination ne se produisait
que lorsque Gr... était en colère, peu à peu elle devint constante
et suivit chaque repas. C'était les aliments solides qui étaient ru-
minés. Gr... était très vorace, mangeait avidement avec ses mains
de tous les aliments et les avalait de suite sans mâcher. Pas de
salacité, jamais de vomissements ; selles quotidiennes, diarrhée
rare; gâtisme; Gr... n'a, d'ailleurs, jamais été propre. 11 n'a jamais
eu de convulsions, de croûtes, de glandes, de dartres, d'ophthal-
mies, etc. Sommeil bon.
Il a la manie de grimper partout où il trouve une issue ; il ne
vole pas, sauf les gâteaux et les poupées : il aime beaucoup la rue,
la musique, et tout ce qui tourne, les roues de voitures, les tour-
niquets. Actuellement encore on lui apporte des jouets qui tournent.
État actuel (août 1882). - Tête, petite; voûte du crâne un peu
irrégulière. Du côté gauche, on sent, à l'union du frontal avec le
pariétal, une dépression allongée transversalement. En arrière
l'asymétrie est plus prononcée, la bosse occipitale gauche est à
peine sensible, tandis que la droite est très saillante. Front bas,
les bosses frontales ne font pas de saillie, les arcades sourcilières
sont peu marquées : circonférence de la base, 51 centi ? diamètre
antéro-postérieur (compas Budin), 17,3; diamètre bi-temporal,
14,3; diamètre bi-pariétal, 14,6. Pas d'asymétrie de la face.
Regard vague; iris gris brun, pupilles normalement dilatées, égales
et contractiles. Pas de strabisme ni de conjonctivite. Nez court,
écrasé. Bouche, très grande, lèvres très épaisses, saillantes et ren-
DU MÉRYCISME. 47
versées en dehors, surtout l'inférieure. - Voûte palatine régulière,
symétrique, assez profonde; voile du palais, luette, piliers, amyg-
dales réguliers. Maxillaire supérieur régulier et symétrique. Les
deux incisives médianes, cariées jusqu'à la gencive, font défaut,
ainsi que les deux grosses molaires gauches, la première petite
molaire droite et la première grosse molaire du même côté.
La deuxième grosse molaire gauche et la deuxième petite molaire
droite sont cariées au sommet de la couronne.
Maxillaire inférieur régulier et symétrique. La première petite
molaire et la première grosse molaire manquent à droite et à
gauche. La deuxième petite molaire gauche est gâtée à la cou-
ronne. Les dents qui restent sont bien rangées, l'articulation est
normale.
Oreilles grandes, très détachées de la tête, bien ourlées; lobule
semi-adhérent.
Cou court. - Thorax bien conformé ; pas de déviation du rachis.
L'abdomen ne présente pas un développement exagéré.
Les membres supérieurs, bien conformés, sont courts. Les doigts
sont aussi très courts : les ongles sont complètement rongés à
cause de la succion continuelle, et l'épiderme est comme macéré.
Les membres inférieurs, bien conformés, ne présentent aucune trace
de rachitisme ni de scrofule; orteils courts, voûte plantaire nor-
male.
Organes génitaux : Verge petite ; prépuce très long formant
un phimosis. On ne sent pas les testicules dans le scrotum; rien
à l'anus. Onanisme fréquent.
Cheveux et sourcils châtains ; absence de poils aux aisselles, aux
jambes, au pubis. Pas de cicatrices. Un petit nOEV1lS du côté gauche
au-dessous des fausses côtes, et deux autres aux extrémités du
bord interne de l'omoplate du côté droit.
Rien dans les poumons ni au coeur. Langue nette. Abdomen
souple, foie et rate normaux ; pas de dilatation stomacale; selles
régulières sans constipation ni diarrhée, rumination, gâtisme.
La sensibilité générale est conservée, mais les sensations sont
perçues assez lentement. Les sens spéciaux, surtout l'odorat, sont
assez obtus. Taille, 1 mètre 20; poids, 26 kil. 200.
Gr.. aime toujours la musique,les roues et les voitures où il essaye e
de grimper. Il n'est pas coléreux, ne se bat pas avec ses camarades ;
parait assez craintif, et a surtout peur des chiens et des chats. - Il
a souvent des accès de cris, qui durent de quinze à trente minutes, à
la suite desquels, il se roule par terre et se cogne la tête. Pas de
grincement de dents, pas de balancement ; il ne bave pas, mais suce
continuellement ses doigts. Il sait se déshabiller, mais ne peut
s'habiller ni se laver seul; il a l'habitude, en se couchant, de défaire
complètement son lit et de jeter les oreillers par terre; il veut
aussi avoir toujours les bras nus, et il retrousse continuellement ses
48 DU MÉRYCISME.
manchesjusqu'au-dessus ducoude.P<n'o<e nulle. Gr... reconnaît sa
mère; quand il l'aperçoit, il va au-devant d'elle, la prend par la
main, la fait asseoir ets'empare du sac qu'elle apporte pour regarder
dedans. Onanisme fréquent et devant n'importe qui ; il parait
cependant comprendre qu'il fait mal, mais éclate de rire lors-
qu'on le gronde.
Il est très gourmand : quand les aliments arrivent au réfectoire,
il va toujours soulever les couvercles et flairer les plats. Si cela
lui convient, il retourne à sa place en sautant; si, au contraire, les
aliments lui déplaisent, il crie et tape contre les murs ou trépigne.
Si quelque chose lui plaît à table, et que son assiette soit vide ou
qu'on serve les autres avant lui, il pousse des cris épouvantables.
Il mange à peu près de tout ; cependant il a des préférences
marquées pour les viandes rôties, les pommes de terre et le ma-
caroni ; en général, il ne mange pas beaucoup de légumes, surtout
les choux, les petits pois, les carottes; il refuse absolument les
OEufs et le ris au lait. 11 n'aime pas beaucoup le vin.
Il mange seul, la plupart du temps avec ses doigts; pourtant on a
obtenu qu'il emploie aussi quelquefois la cuiller. La première chose
qu'il fait, une fois servi, est de casser son pain en plusieurs morceaux
qu'ilmetdansson assietteavec la viande. Généralement il commence
par manger la viande, à moins qu'il n'y ait des pommes de terre
avec elle, et garde le pain pour la fin du repas. 11 est excessivement
vJ1'ace; le plus souvent, il avale des bouchées absolument intactes,
en mettant quatre ou cinq dans sa bouche à la fois. Nous l'avons
vu ainsi manger deux côtelettes en l'espace d'une minute. Quelque-
fois cependant, mais rarement, il semble faire des mouvements de
mastication; mais, même dans ce cas, elle est tout à fait insuffi-
sante, et l'on s'aperçoit lorsque les aliments remontent ensuite,
qu'ils n'ont pas été triturés le moins du monde. Lorsqu'il a vidé
son assiette, il va prendre avec ses doigts la viande de ses voisins,
surtout lorsque c'est un de ses mets favoris. Jamais il ne vole les
légumes. 11 ne mange son pain qu'en dernier lieu et parait le
mastiquer plus longtemps que la viande. Il ne boit pas du tout
pendant le repas, ni à la fin et même lorsqu'on le fait boire, il dé-
tourne le plus souvent la tête, ou n'avale qu'une gorgée en faisant
la grimace. 11 préfère tremper dans son vin des morceaux de pain,
ou même des aliments, barbotter dedans avec ses mains et jeter
le tout ensuite dans son assiette ou surtout sur la table. Il ne
manque jamais de se livrer à cet exercice, si on laisse son gobelet
à sa portée. Lorsqu'il a fini son repas, ce qui, en général, ne
demande que quelques minutes, il se lève quelquefois, erre de côté
et d'autre sous les tables et ramasse des croûtons qu'il avale;
mais, le plus souvent, il reste sur sa chaise, et attend tranquillement
le moment de la rumination, en suçant toujours ses doigts.
La rumination se produit au bout d'un temps assez variable,
DU MÉRYCISME. le9
quelquefois cinq minutes, d'autres fois une heure et plus après le
repas. Elle arrive plus rapidement lorsque le repas s'est composé
des mets favoris de l'enfant; en moyenne, il faut compter vingt
minutes avant le retour des aliments. Il est évident pour nous que
le malade sent arriver le moment où la régurgitation va se pro-
duire ; car alors il cesse de téter ses doigts, se recueille, penche la
tête sur le sternum ; puis il la porte en avant, allonge le cou et
fait un appel d'air qu'il introduit évidemment dans l'estomac, car
on voit fort bien le mouvement de déglutition : il provoque ainsi
toujours une éructation très sonore, immédiatement suivie d'une
seconde, accompagnant les aliments qui remontent alors en pro-
duisant un bruit de gargouillement. Ajoutons qu'entre ces deux
éructations, lil avait légèrement contracté la paroi abdominale
(tension des droits antérieurs, dépression des fosses iliaques) , le
tllolax restant d'ailleurs absolument immobile. Tous ces faits se
passent presqu'instantanément, en quelques secondes, et l'on ne
peut guère les observer qu'en s'y prenant à plusieurs reprises.
Notons encore que jamais nous n'avons remarqué de nausées, ni
aucun phénomène d'effort ; la face reste la même, et la respiration
ne subit pas de modifications appréciables ni dans son rythme, ni
dans sa fréquence.
Les aliments remontent alors dans la bouche, non pas en masse,
mais plutôt, croyons-nous, d'une façon successive. Car, à ce moment,
l'enfant penche le thorax en avant en tendant le cou, gonfle les
joues, ferme les yeux et la bouche, devant laquelle il met même
souvent sa main, et il se passe un temps appréciable, pendant
lequel on entend distinctement le bouillonnement des aliments qui
remontent, avant que la bouche soit ouverte et que la mastication
commence. Ce temps doit correspondre au trajet du bol alimen-
taire depuis le cardia jusque dans la cavité buccale.
Une fois tout le bol alimentaire revenu dans la bouche, Gr...
se renverse sur sa chaise, gesticule, tape des mains, rit aux éclats.
Puis la mastication commence : elle est généralement assez longue,
surtout pour les premières bouchées, et dure quelquefois quatre à
cinq minutes pour la même. Les bouchées qui remontent les der-
nières sont à peine mastiquées et sont, pour ainsi dire, ravalées de
suite. Pendant ce temps, l'enfant manifeste le plus grand plaisir,
et il interrompt même souvent la mastication par un rire prolongé.
Pas do mouvements de latéralité de la mâchoire. Une fois mâchés
suffisamment, les aliments reprennent le chemin de l'estomac et
une nouvelle bouchée ne tarde pas à remonter.
Le bol alimentaire qui remonte ainsi comprend généralement
dans sa composition une partie de tous les aliments qui ont formé
le repas; cependant ce sont toujours les viandes qui dominent, le
pain et les légumes sont en moindre quantité. Cela est très facile
il constater, du moins au début, car, à la fin de la rumination,
BOURNEVILLE, 1883. 4
50 DU MÉRYCISME.
l'aspect de la masse alimentaire qui remonte rend toute distinction
impossible.
Cet aspect change, en effet,à mesure que la rumination s'avance.
Les premières bouchées se composent de matières presqu'in-
tactes et ne portant aucune trace de mastication antérieure.
mesure que la rumination se fait, ces matières primitivement
solides ne remontent plus dans la bouche qu'à l'état de hachis et
plus tard se présentent enfin sous l'aspect d'une pâte chyncusc.
Les intervalles des gorgées varient aussi suivant le moment de
la rumination. Au début, Gr..., après avoir mâché très longtemps
les aliments revenus dans sa bouche, finit par les avaler de
nouveau. Puis immédiatement il provoque une éructation et la
gorgée suivante remonte de suite sans intervalle appréciable. Au
contraire, à mesure que la rumination tire à sa fin, les gorgées
s'espacent de plus en plus et les dernières sont quelquefois sé-
parées par un intervalle d'une demi-heure. En même temps nous
avons remarqué que la durée de la mastication était abrégée pour
chaque bouchée et que les dernières étaient avalées presque de
suite après deux ou trois mouvements des mâchoires. D'un autre
côté, les efforts des muscles abdominaux, déjà faibles au début,
sont encore moins appréciables à la fin de la rumination et passent
souvent même inaperçus; les éructations manquent aussi sou-
vent à cette période.
La durée de la rumination ainsi que le nombre des gorgées est très
variable. Parfois, le nombre des gorgées peut arriver à la trentaine
et la rumination durer d'un repas à l'autre. D'autres fois il n'y a
que deux ou trois régurgitations et, au bout d'une demi-heure, tout
est fini. Nous avons observé que la durée la plus habituelle de la
rumination était de une heure et dentie à deux heures et le nombre
des gorgées de douze à quinze. Cette différence de durée de ru-
mination peut tenir à une foule de causes, et nous avons vu que,
chez le sujet actuel, la rumination était plus lente à se produire et
durait moins longtemps, si l'on contrariait l'enfant, si on changeait
ses habitudes, si on lui donnait à manger des mets dont il était
peu friand ou s'il était indisposé.
La rumination suit tous les repas, aussi bien le déjeuner que le
diner, et se présente toujours sous le même aspect. Sa durée ne
subit pas non plus de modifications sensibles. Après la soupe du
matin, l'enfant rumine encore le plus souvent ; mais alors il n'y a
guère que deux ou trois gorgées qui remontent. La rumination
est, dans le cas actuel, un fait habituel et il est rare qu'elle manque
après un repas. Pourtant, depuis un an, ce fait, jadis inconnu, se
présente quelquefois.
Toutes les substances ingérées sont ruminées. Néanmoins il en
est quelques-unes dont l'ingestion semble favoriser et prolonger la
rumination. Ce sont, d'ordinaire, les substances solides,les viandes,
DU MÉRYCISME. 51
surtout les viandes rôties, et, parmi les légumes, les pommes de
terre : nous avons dit plus haut que c'étaitlà les mets favoris de G...
Les soupes sont ruminées aussi, mais d'autant plus facilement
qu'elles sont plus épaisses; et il arrive souvent que les potages li-
quides ne sont pas ruminés. Dans tous les cas, ces aliments sont
ruminés de suite et ne remontent plus après l'ingestion des autres
substances qui composent le repas. Parmi les liquides, c'est le lait
qui remonte le plus facilement; les boissons en général nesont pas
ruminées, d'ailleurs l'enfant souvent ne boit pas. Cependant lorsque
les liquides sont ingérés en grande quantité et coup sur coup, ils re-
viennent presqu immédiatement dans la bouche; ou bien même sont
rejetés instantanément dans le gobelet, puis ravalés de nouveau.
La rumination s'exécute aussi bien dans la position assise que
dans la station debout. Le décubitus dorsal la suspend un moment;
mais elle ne tarde pas à reprendre comme auparavant. Il se pro-
duit aussi quelquefois une suspension momentanée, lorsqu'on
cherche à distraire l'enfant et à occuper son attention. Dans tous
les cas, la rumination se fait avec plaisir et chaque régurgitation
est généralement suivie d'un accès de rire bruyant. Jamais l'enfant
n'a de vomissements et ne rejette ses aliments. Il arrive parfois
qu'il prend dans la main la bouchée qui vient de remonter : il fait
alors un espèce de triage avec ses doigts, jette ce qui lui déplaît,
par exemple les tendons... mais remet dans sa bouche le reste
qu'il mâche et avale ensuite.
Ajoutons, pour terminer, que l'enfant ne souffre nullement du
mérycisme, que la santé générale est excellente et que son poids il
augmenté de 2 kil. 300 de juillet 1881 à juillet 1883, et la taille de
11 centimètres.
La pepsine, administrée d'abord à la dose de 50 centig., puis de
75 avant chaque repas, n'a pas produit de modifications sensibles
sur le mérycisme. Le premier jour, il ne s'est produit ni le matin
ni le soir; le deuxième jour, il a manqué aussi le matin; et l'en-
fant n'a ruminé le soir que deux gorgées après sa soupe, rien après
le repas. Le troisième jour, il n'a ruminé que deux fois le matin,
une heure après le repas ; le soir, il n'a pas ruminé. Le jour sui-
vant, le mérycisme a repris comme d'habitude et n'a plus présenté
aucune modification.
Sans insister à propos de cette observation sur les caractères
particuliers de l'idiotie, l'hérédité, etc., nous signalerons l'état
de délabrement du système dentaire qui n'est pas sans doute
sans influer beaucoup sur la production du mérycisme par
suite des troubles de mastication qui en résultent; puis la
voracité, très marquée chez Gr... D'ailleurs, cet enfant étant
un type parfait de mérycole, on trouve, nettement indiqués
52 DU MÉRYCISME.
chez lui, les phénomènes qui peuvent servir à expliquer le
mécanisme de l'acte en même temps que la description de
l'acte lui-même. La plupart de ces faits se retrouvent dans les
observations précédentes, ainsi que dans celle que nous allons
rapporter.
Observation XXXI. - Idiotie; épilepsie. Mérycisme; voracité.-
Influence des aecésépileptiques sur le mérycisme.-Santé générale bonne.
- Juven.. (Ferdinand-Albert-Philippe), né à Paris le 2 juillet 1872,
est entré le 20 octobre 1877 à Bicêtre. (Service de M. 130UItNE-
ville.)
Antécédents.-Renseignements fournis par le père (24 octobre 18 î 9).
Père, quarante et un ans, forgeron, vigoureux et bien portant;
pas d'excès de boisson, aurait eu à dix-huit ans « un coup de
sang » et le « sang brûlé ». Pas de syphilis. [Père, soixante-dix-
huit ans, receveur d'octroi, bien portant. Pas de maladies ner-
veuses, excès de boisson. - Mère, morte subitement à cinquante-
neuf ans de la rupture d'un anévrisme : « C'était une femme bien
sage. » Aucun antécédent nerveux. Deux frères bien portants, ma-
riés, ont quatre et sept enfants tous bien portants, n'ayant jamais
eu de convulsions.]
Mère, quarante-deux ans, lingère, intelligente, assez forte,
asthmatique, facilement irritable; elle n'a jamais eu d'attaques de
nerfs.-Pas de névralgies, de migraines ; variole grave en 1870. Pas
de dermatoses. [Père, mort d'une inflammation d'inte5-h'.o : aucun
excès, pas de maladies nerveuses. - Mère, bien portante, intelli-
gente, pas de maladies nerveuses. Trois soeurs bien portantes ont
des enfants très bien constitués : un seul, de sept ans, a une
tête très grosse, mais est intelligent : il louche et a eu des convul-
sions. Un cousin germain est mort fou à l'asile de Nantes.]
Pas de consanguinité.
Deux enfants : -1° notre malade; 2° une fille, bien constituée,
morte à cinq semaines d'une diarrhée cholériforme.
Notre malade. Pendant la grossesse, à cinq mois, la mère a eu
une peur si violente qu'elle s'est trouvée mal sur le coup etn'a re-
pris ses sens qu'au bout d'un quart d'heure. Accouchement à terme,
facile. Elevé au sein par sa mère jusqu'à ving-six mois. Rougeole
à quatre mois; vacciné, pas de variole. -A trois ans, contusion
violente de la tête à la suite d'une chute; croup à cinq ans. A
sept semaines, on a remarqué des petites secousses dans les bras
avec des crispations dans les mains et des mouvements dans les
yeux. Il fut soigné pendant cinq ans par le bromure de potassium ;
les accès sont allés en augmentant jusqu'à l'entrée. Le minimun
des accès en vingt-quatre heures était de sept à huit, et le maximun
de trente. A un moment, il y eut une période de trois mois qui se
DU MÉRYCISME. 53
passa sans accès etpendant laquelle il maigrit beaucoup. Les accès
sont diurnes et nocturnes; pas d'étourdissements. Juv... n'a jamais
prévenu. Il n'a marché qu'à quatre ans, n'a jamais parlé, a toujours
gâté. Pas d'ophthalmies, d'abcès, de dartres, de croûtes dans les
cheveux; un abcès sur le côté droit du cou dont la cicatrice reste
visible. Onanisme fréquent : on était obligé de lui attacher les bras.
Il a commencé à ruminer à dix mois, après avoir mangé ou bu.
Il avalait ses aliments de suite, gloutonnement; pas de salacité.
On n'avait jamais vu de ruminants dans la famille.
Etat actuel (iioùl 48S ? ).- Tête très volumineuse, développée dans
sa partie postérieure, saillie très prononcée de l'occipital au niveau
de la protubérance. La calotte crânienne est plate et semble taillée
suivant un plan incliné de droite à gauche. Front bas et étroit;
bosses frontales saillantes; au-dessous d'elles, dépression assez
marquée. Pas de saillie des arcades sourcilières : la partie gauche
du front parait un peu plus déprimée que la droite. Circonférence
de la base, 50 centimètres; d'une oreille à l'autre, 30 ; diamètre
antéro-postél'ieur (compas Eudin), 16,3; diamètre bi-pariétal, 4 4,2;
diamètre bi-temporal ; 12. Face ronde, symétrique. Yeux : iris gris
brun, pupilles normales, égales et contractiles, pas de strabisme,
ni de conjontivite. - Nez petit; bouche moyenne, lèvres peu épaisses.
Voûte palatine assez large, profonde, symétrique ; voile du palais,
amygdales, luette, piliers réguliers et symétriques. Maxillaire su-
périeur, régulier et symétrique. Les deux incisives médianes sont
larges et dentelées : la canine droite, la canine gauche et la pre-
mière molaire gauche manquent. Les deux petites molaires droites
sont cariées jusqu'à la gencive. - Maxillaire inférieur, régulier et
symétrique : la deuxième molaire gauche est détruite.
Oreilles grandes, séparées de la tête, bien ourlées ; lobule détaché.
Cou court : cicatrice d'abcès ganglionnaire sur le bord antérieur
du sterno-mastoïdien gauche ; pas de glandes.
Thorax bien conformé, colonne vertébrale rectiligne. Abdomen
souple, sans développement exagéré.
Membres supérieurs bien conformés, assez gros; doigts longs.
Membres inférieurs. - Pas de traces de rachitisme, rectilignes,
assez musclés; doigts longs; voûte plantaire normale.
Organes génitaux : testicules descendus ; verge normale; prépuce
long, sans phimosis.
Peau. Cheveux châtain foncé très abondants; sourcils, cils longs
et fournis. Pas de poils aux aisselles, au pubis, ni sur les membres.
Pas de ganglions au cou, aux aisselles, ni aux aines.
Sensibilité générale intacte; sens spéciaux obtus.- Rien au coeur
ni auxpoMmo ? M. Langue bonne; appétit conservé; 7-iii ? îi ? z(ttioiz. -
Selles normales, pas de vomissements, pas de dilatation stomacale.
- Foie et rate normaux. Poids, 23 lui. 600 ; taille, 1 mètre 16.
54 DU MÉRYCISME.
Cet enfant marche très bien, grimpe partout, mais ne sait pas
descendre les escaliers. Il est toujours en mouvement, court après
les feuilles, tourne dans les cours en secouant ses mains, ou en les
tapotant l'une contre l'autre et en poussant de petits cris : « Euh !
euh ! » ou en soutlant ! Lorsqu'il aperçoit une porte ouverte il soit
sans savoir où il va aller et sans idée du danger, s'il y en a. Il
aime à clapoter dans l'eau et à pousser les cailloux avec ses pieds.
Parfois colère, surtout quand on le débarbouille, quand on lui
coupe les cheveux. Bave, balancement, suce rarement ses doigts;
a plutôt l'habitude de les mettre dans ses oreilles. Il est vorace,
gourmand et voleur; pas de salacité; gâtisme; onanisme persis-
tant. Il ne sait ni se laver, ni s'habiller, ni se déshabiller. Parole
nulle : ne dit que « papa, maman ». 11 ne comprend rien et ne fait
même aucun signe. Il reconnait maintenant son père et sa mère,
ce qu'il ne faisait pas t'entrée. Il est caressant, et paraît affec-
tionner d'une façon particulière l'enfant Perrin qui s'occupe un
peu de lui. Il est impossible de fixer son attention.
L'épilepsie se traduit chez lui par des accès et des vertiges : en
1880, il a eu 132 accès et 4 : i vertiges; en 1881, 286 accès et 512 ver-
tiges; en 1882, 347 accès et 142 vertiges; en 1883, 3)6 accès et
67 vertiges. Il a eu, en janvier 1881, une rougeole qui a duré six se-
maines et pendant laquelle il n'a eu aucune manifestation épilep-
tique. (Voir Progrès médical, 2 septembre 1882, p. 663.) (Fig. '1) '.
Description des accès 2. Chez cet enfant, les grands accès eux-
mêmes n'ont jamais une grande intensité. Le plus ordinaire-
ment, il pousse un cri, penche le dos en arrière, tend la tête
et les bras en avant; les pieds et les mains sont dans l'extension
et la rotation en dedans. En même temps les globes oculaires sont t
tournés en haut et la bouche est largement ouverte. (Période to-
nique.) Petites secousses tétaniformes dans les membres, mais sur-
tout dans les paupières; puis secousses cloniques généralement
de peu d'étendue et de durée : elles sont quelquefois moins pro-
noncées à droite. Ronflement, bave sanguinolente, émission d'u-
rine; sommeil. Les accès se produisent surtout après les repas.
J... ne sait pas manger seul. 11 est très vorace. Sitôt que son re-
pas est devant lui, il se saisit du pain qu'il se met à manger tout
d'abord; puis il prend les autres aliments à pleine main, même
les bouillie ? et les porte à sa bouche en en laissant tomber la plus
1 Voir aussi : Bourneville et 13ouuaire, Recherches cliniques et thé-
rapeutiques sur l'épilepsie, l'hystérie et l'idiotie, compte rendu du service
pendant 1881, p. 97.
t Comme le lecteur l'a sans doute remarqué, nous continuons à donner
dans nos observations la description dis accès, afin d'arriver bientôt à
racer un tableau aussi exact que possible des diverses variétés d'accès
épileptiques.
DU MÉRYCISME. 55
grande partie. Lorsqu'on le fait manger, il avale la plupart des
aliments de suite, sans les mâcher. Parfois quelques bouchées
ne sont avalées qu'après des efforts de mastication. Pendant tout
le temps du repas, il ne cesse de gratter la table avec les ongles. ? 1.
56 DU MÉRYCISME.
Il ne manifeste pas de répugnance pour les liquides; néanmoins,
la plupart du temps il boit peu, et finit à peine sa portion de vin.
Il lui arrive souvent de prendre avec sa main ce qui se trouve dans
l'assiette des voisins; mais ces emprunts sont toujours faits au ha-
sard et sans distinction d'aucun mets, différent en cela de Gr...
qui, lui, ne vole jamais que la viande. Il n'a de préférence pour au-
cun aliment.
Cet enfant, qui d'ailleurs est toujours très remuant, n'a pas plu-
tôt fini ses repas qu'il se met à courir de tous côtés en tapant dans
ses mains et en poussant ses cris habituels. Il ne reste assis que
si on le place sur une chaise basse : mais, même dans ce cas, il se
balance la plupart du temps en soufflant bruyamment et en agi-
tant ses mains. Lorsqu'il reste par hasard tranquille, il se penche
en avant, met l'index de chaque main dans l'oreille correspon-
dante et demeure ainsi quelques minutes, puis reprend son balan-
cement. II ne suce ses doigts que très rarement ; ne cesse de baver.
La rumination met toujours un certain temps avant de se pro-
duire et ce n'est, en général, que 35 ou 40 minutes en moyenne
après le repas que la première régurgitation se produit. A ce mo-
ment, il allonge le cou, penche un peu la tête, provoque une é1'UC-
tation, qui est suivie du rejet des aliments qui remontent avec bruit
dans la bouche. Ces phénomènes sont constants. Chez cet enfant
les efforts sont encore moins marqués que chez Gr... et même en
l'observant avec attention et à plusieurs reprises nous n'avons noté
ni grande inspiration, ni mouvements du thorax, mais seulement
parfois une légère ondulation de la paroi abdominale. La respiration
est régulière,le visage reste le même et l'enfant interrompt à peine
son balancement ou sa promenade. Parfois il demeure quelques
secondes la tête penchée en avant, les joues gonflées, semblant
attendre que toute la gorgée soit revenue. Alors il la retourne dans
sa bouche comme s'il se gargarisait, fait à peine trois ou quatre
mouvements de mastication et la ravale de suite. Pas de mouve-
ments de latéralité.
Il nous a été impossible de reconnaître ici l'ordre de retour des
aliments et leur état au commencement et à la fin de la rumina-
tion. Cet acte s'accomplissait toujours la bouche fermée et à cha-
que tentative que nous avons faite pour l'ouvrir, J... avalait pré-
cipitamment ce qu'il avait dans la bouche, de telle sorte que nos
efforts sont restés infructueux.
Au début de la rumination, les gorgées ne sont guère séparées
que par un intervalle d'une minute ; mais, à mesure qu'elle s'a-
vance, cet intervalle augmente, et peut, à la fin, atteindre trente mi-
nutes et plus. A ce moment, il est impossible de saisir la moindre
trace d'effort; d'un autre côté, la mastication, toujours peu longue
même au début, ne se fait plus et les bouchées sont ravalées ins-
tantanément.
DU MÉRYCISME. 57
Il est assez difficile, dans le cas actuel, d'être fixé sur la durée
précise de la rumination et le nornbré des gorgées. En effet, Juv...
a très souvent, après ses repas, des accès épileptiques qui inter-
rompent toujours la rumination et l'empêchent même de se mani-
fester lorsqu'elle n'est pas commencée. Lorsque ce contre-temps
ne se produit pas, nous avons observé que la moyenne des gorgées
était de douze à quinze et que la durée de la rumination variait
d'ordinaire entre une heure et demie et deux heures.
La rumination suit aussi bien le diner que le déjeuner et se
présente toujours sous le même aspect. Cependant il arrive assez
souvent que, même en dehors des accès d'épilepsie, l'enfant ne
rumine pas après un repas, qui alors est toujours celui du soir;
d'autres fois, mais plus rarement, la rumination manque toute
une journée. Ce fait ne s'est montré que cette année.
Toutes les substances ingérées sont également ruminées ; ce-
pendant ce sont toujours les matières solides qui le sont le plus.
Les liquides ou les potages ne le sont pas constamment, et, s'ils
reviennent, ce n'est qu'un petit nombre de fois et de suite, après
leur ingestion, avant que l'enfant n'ait pris le reste de son repas.
La rumination ne parait provoquer aucun dégoût. Juv... rumine
également bien, assis ou debout. Le décubitus dorsal ne fait que
suspendre momentanément les régurgitations. Jamais les aliments
ne sont rejetés au dehors.
Le mérycisme semble être ici un acte physiologique : l'enfant
a belle apparence, sa santé est bonne ; son poids a augmenté de
6 kil. 200 depuis le mois de janvier 1880 jusqu'au 31 décembre 1883
et sa taille de 13 centimètres. Poids fin décembre, 25 kil. ? 00;
taille, 1 mètre 20.
La pepsine, Ir la dose de 50 puis 75 centigr., avant
chaque repas, n'a donné aucun résultat.
Nous noterons encore, dans ce cas, un fait que nous avons
déjà signalé dans le précédent : le mauvais état des dents. D'un
autre côté, la voracité, ainsi que tous les autres caractères de
la rumination, se retrouvent ici, moins marqués, il est vrai,
que chez Gr..., mais pourtant très évidents.
Les aliments, une fois revenus dans la bouche, sont soumis
à une seconde mastication, généralement longue et conscien-
cieuse. A ce propos, Burgower avait signalé chez les mérycoles
des mouvements de latéralité de la mâchoire. On ne les a
notés nulle part et nous ne les avons pas observés chez nos
idiots. Quoi qu'il en soit, cette seconde mastication, complète au
début de la rumination, est moins longue à mesure que l'acte
s'avance et les dernières bouchées sont presque avalées de suite
58 DU MÉRYCISME.
après leur régurgitation. Cela peut s'expliquer assez facilement
si l'on considère l'état des aliments qui remontent au commen-
cement et à la fin de la rumination. Dans le premier cas, en
effet, ils reviennent presque intacts ; c'est alors qu'intervient
énergiquement la mastication; plus tard ils ne se présentent
plus que sous l'aspect de hachis ou même de pâte (Ous. XXI,
XXVIII, XXIX, XXX) et l'on conçoit dès lors qu'ils nécessitent
bien moins le secours des dents.
Quant au mode de retour des aliments, le résultat de nos
recherches ne concorde pas avec ce que nous trouvons dans les
Observations VI, vis, XVII où il est dit que les aliments re-
viennent dans l'ordre où ils ont été ingérés. Nous avons tou-
jours vu les aliments ingérés, du moins les solides, entrer tous
à la fois dans chaque gorgée; quant aux liquides, s'ils remon-
taient, c'était de suite après l'ingestion, à condition, toutefois,
que le malade ne mangeât plus rien après.
L'intervalle qui sépare les gorgées varie aussi aux différents
moments de l'acte. I'resqu'insensihle au début, il va toujours
en augmentant à mesure que la rumination progresse. Rossier
avait signalé cette particularité. (Oss. XXVIII.)
Les considérations qui précèdent nous montrent, en somme,
qu'on peut distinguer dans l'acte de la rumination deux pé-
riodes : dans la première, tous les phénomènes sont plus
accusés, contractions abdominales, éructations, mastication;
le nombre des régurgitations est plus grand, leur intervalle
très court. A ce moment, les aliments reviennent intacts. Dans
la seconde période, qui partirait du moment où les substances
qui remontent prennent l'aspect d'une pâte, les contractions,
les éructations sont à peine sensibles, les bouchées sunt ava-
lées de suite presque sans mastication et ne reviennent plus
qu'à de longs intervalles.
L'espace de temps qui s'écoule entre le repas et la rumination,
la durée de celle-ci, le nombre des gorgées sont bien diffi-
ciles à déterminer d'une façon générale, car elles varient sui-
vant les sujets et même chez un seul sujet. - L'apparition du
mérycisme, qui se fait tantôt quelques minutes, tantôt une
heure après le repas, peut être retardée par la volonté, ou accé-
lérée par l'ingestion d'une grande quantité de liquides (Uns. VI,
VII) ou même d'aliments solides flattant le goût du sujet. Cette
dernière cause peut influer aussi sur le nombre des gorgées, et
DU MÉRYCISME. 59
partant, sur la durée de la rumination. (OBS. XXVIII et XXX.)
Cette durée, qui est en moyenne de une heure ou deux, nous a
paru varier très peu suivant les repas, contrairement à ce que
Rossier avait observé chez son malade. (OBs. XXVIII.) En re- z
vanche, elle peut être modifiée par la position que l'on donne
au sujet. La majorité des mérycoles ruminent debout ou assis;
si on les place dans le décubitus dorsal, on arrête momen-
tanément la rumination qui reprend plus tard, et l'on conçoit
que la durée s'allonge en proportion. (OBs. XXIX et XXX.)
Il en est de même de l'influence de l'attention. Des causes
analogues peuvent produire un effet contraire. Ainsi, chez
Juv ? les accès d'épilepsie abrégeaient toujours la durée de
la rumination qui cessait avec l'accès. Mais quelle que soit la du-
rée de la rumination, il est un fait constant, c'est l'absence de
dégoût et souvent même le plaisir qui l'accompagne. Ce point est
signalé dans toutes nos observations, sauf une seule. (OBs. XII.)
Il est encore une cause à laquelle Cambay attribuait une
grande influence sur la durée de la rumination, c'est la d¿"ges-
tibûité des aliments. On est maintenant d'accord pour dire
qu'un aliment est plus digestible qu'un autre, quand il cède ses
parties chymifiables plus promptement que cet autre, quel que
soit du reste le lieu où s'opère la dissolution, que ce soit
l'estomac ou l'intestin. Mais ce n'est pas absolument dans ce
sens que Cambay emploie le terme digestibilité, et il ne
l'apprécie que par le séjour plus ou moins long que l'aliment
fait dans l'estomac. Dès lors, les aliments dits lourds, ceux dont
le séjour dans l'estomac est plus long, seraient ruminés plus
souvent et plus longtemps que les aliments dits légers. Cela est,
en somme, très facile à comprendre et nous avons vu quelque
chose de semblable dans l'OBsERVA'noN XXX, où la majeure
partie des bouchées qui remontaient était formée de viande.
Les légumes étaient en très petite quantité. Quoi d'étonnant à
cela ? Nous savons, en effet, que si on donne à un animal, dans
un même repas, de la viande et des végétaux, l'estomac retient
la première et laisse passer les seconds dont il n'a que peu de
substances nutritives à extraire. Or, l'estomac étant le siège de
la rumination, on conçoit aisément que les matières, destinées à
subir plus longtemps la digestion stomacale, doivent chez un mé-
rycole revenir à la bouche plus longtemps et aussi plus souvent.
Suivant Percy et Laurent, cette sélection des aliments s'expli-
querait par les mouvements péristaltiques de l'estomac, plus
60 DU MÉRYCISME.
sensibles sur certains points, et agissant sur les matières
qui correspondent à l'endroit où l'agitation est la plus marquée.
Cette explication nous parait une simple hypothèse et nous
préférons adopter la précédente, beaucoup plus physiologique.
C'est ainsi que nous pourrons nous expliquer comment les po-
tages liquides et les boissons sont toujours, chez nos malades,
ruminés dans un temps très court après l'ingestion et ne re-
viennent jamais après le repas. Ces substances, n'ayant besoin
que d'une digestion stomacale très courte, passent rapidement
dans l'intestin et, pur suite, sont soustraites à l'action du mé-
rycisme.
Cependant, il est des cas très bizarres où ce sont ces subs-
tances seules qui sont ruminées. Nous avons vu souvent les
liquides en grande quantité favoriser la rumination, mais sans
ètre ruminés eux-mêmes ou ne l'être qu'après une ingestion
très copieuse. Nous avons signalé, d'un autre côté, des faits de
mérycisme partiel, par exemple, l'OBSERvATION VII, où le viu, la
bière, le cidre, le jus des fruits, les médicaments ne remon-
taient jamais à la bouche. Nous allons maintenant rapporter
trois cas que nous avons observés à Bicètre où le mérycisme ne
porte que sur les liquides sans qu'il soit besoin de les prendre en
grande quantité.
Observation XXXII. - Idiotie, épilepsie. - Tics, tournoiement,
mérycisme partiel (liquides). - Secousses : traitement par le curare.
Obstruction du larynx par un morceau de viande : mort.
Autopsie. Vau... (Ernest-Joseph), né le -I-1 février 1872 à Paris,
est entré le 25 mai 1878 à Bicêtre (service de M. l3omwnLLi;).
Antécédents. - Renseignements fournis par sa mère (16 août 1880).
Père : quarante-trois ans, petit, mais bien portant ; pas d'excès de
boisson, nerveux, impressionnable ; pas de migraines, quelques
névralgies dentaires. [Père : pas d'excès alcooliques, ni d'affections
nerveuses. - Mère : asthmatique, morte à soixante ans d'une
fièvre typhoïde ; impressionnable, pas d'attaques de nerfs. Un
frère est mort jeune, de convulsions. - Pas d'aliénés, d'épilep-
tiques, de difformes].
Mère, quarante ans, petite, très nerveuse ; pas d'attaques de nerfs,
de migraines, de névralgies; pas de strabisme. Elle a eu pendant
deux mois, après sa quatrième couche, des idées tristes et de sui-
cide. Elle souffre de calculs biliaires. Intelligence ordinaire. -
[Père : mort phthisique à cinquante-trois ans, après avoir eu le
choléra; aucun excès. - Mère : morte à soixante-deux ans d'un
cancer utérin.- - Un frère bien portant; un autre est mort tout
DU MÉRYCISME. 61
jeune de la cholérine et un troisième de la coqueluche; enfin une
soeur a succombé à une fièvre typhoïde. Pas d'accidents nerveux
dans la famille. - Pas de mérycoles du côté du père ni de la
mère.] Pas de consanguinité.
Six enfants : deux filles mortes de bronchite, l'une à sept mois
et demi, l'autre à dix-sept mois; pas de convulsions, bien con-
formées. Deux garçons juozeazex 1 : l'un est mort à trois jours de con-
vulsions, l'autre est notre malade. - Un garçon, bien conformé,
mort il treize jours, sans convulsions, d'un « épanchement au
cerveau ». Une fille de trois ans et demi, bien portante, intelli-
gente ; n'a pas eu de convulsions, est très peureuse.
Notre malade. Grossesse accidentée par une chute à cinq mois, et
une peur à sept mois et demi. Accouchement à terme, facile.
Elevé au biberon par sa mère jusqu'à trois ans. Dès la naissance,
on remarqua que « les yeux se tournaient » ; à deux mois, il a eu,
pendant vingt et un jours, des convulsions semblables à celles qu'il
a aujourd'hui et durant cinq à six heures par jour. A la suite, on
s'est aperçu qu'il avait une paralysie du côté gauche; on assure que
« les mouvements étaient pareils des deux côtés ». Le pouce gauche est
resté contracture dans la paume de la main, pendant six mois. Rien
de semblable à droite ; il ne s'est jamais servi du bras droit pendant
près d'un an. A partir de là, il a eu des crises quotidiennes,
la nuit et le jour. En 1876, il est resté six mois sans en avoir,
après avoir pris du bromure de potassium ; puis elles sont reve-
nues plus fortes.
V... a marché à quatre ans, tout d'un coup. Après ses accès, il
traînait la jambe gauche pendant une demi-heure. Il a parlé à
cinq ans, mais ne prononçait bien aucun mot; chantonnait les
airs qu'il entendait. Pas d'accidents scrofuleux, pas de maladies
antérieures.
11 ne portait attention à rien, n'a jamais rien appris, n'a jamais
su s'habiller, ni se déshabiller. Il avait de nombreux tics, faisait
continuellement des grimaces; très entêté, coléreux; pas gourmand
ni salace ; ne suçait pas ses doigts, flairait toujours ce qu'on lui don-
nait et le rejetait si l'odeur ne lui plaisait pas; il affectionnait les
aliments solides. On prétend qu'il n'a jamais ruminé à la maison ( ? ).
- Il n'a jamais été propre ; cependant il urinait seul dans une
terrine. Affectueux, reconnaît ses parents. Le nombre des accès
a été de vingt-neuf en 1879; trente-cinq en 1880; vingt-huit, en
,188,1 ; trois en 1882; trois de janvier à mai J883 ; jamais de ver-
tiges. Rougeole en janvier 1881 (V. Progrès médical, '1882, p. 720,
et Bourneville et hounaire, loc. cit., p. 10 ? )
Etat actuel (août 1882). - Tête régulière et symétrique, en forme
1 Contrairement il ce qu'on observe on général, il n'y aurait pas eu, ici,
de jumeaux ni dans la famille du père, ni dans celle de la mère.
62 DU MÉRYCISME.
de pain de sucre : les bosses sont à peine marquées. L'occipitale
ne fait aucune saillie et, de ce côté, la tête parait plate et taillée
suivant un plan vertical.
Front bas, étroit, proéminent, sans saillies des bosses frontales;
pas de dépressions latérales; arcades orbitaires peu marquées :
circonférence de la base 47 centimètres 12; diamètre antéro-pos-
térieur (compas Budin) 'tua,2; diamètre bi-pariétal, 14; diamètre
bi-temporal, 11 412.
Visage rond, peut-être un peu plus large en bas, symétrique.
Yeux caves; iris gris brun, pupilles contractiles, égales; pas de
strabisme, ni de conjonctivite. - Oreilles grandes, bien ourlées,
lobule semi-adhérent. Nez court, un peu large, très déprimé il
la racine.
Bouche moyenne, lèvres épaisses. Voûte palatine, très profonde,
assez étroite, symétrique. Voile du palais, amygdales, luette, piliers
réguliers et symétriques. Maxillaires inférieur et supérieur symé-
triques. Dents bien rangées, saines ; la deuxième petite molaire
supérieure droite seule est cariée. La partie inférieure de la face
est très saillante.
Con court, sans traces de scrofule; thorax régulier, colonne ver-
tébrale rectiligne.- Abdomen très développé et saillant.
Membres supérieurs grêles, mais bien conformés; mains petites,
doigts longs, ongles intacts malgré la succion.- Membres inférieurs
maigres; légère concavité des tibias dans les deux tiers inférieurs.
Orteils longs; voûte plantaire normale.
Organes génitaux : verge petite, prépuce très long; phimosis.
On ne sent pas les testicules dans le scrotum.
Peau : cheveux chatain-clair assez fournis; poils follets jusque
dans le milieu du dos; sourcils peu abondants. Pas de poils aux
aisselles, ni sur les membres, ni au pubis. - Trois cicatrices de vac-
cin sur l'insertion inférieure du deltoïde droit, deux sur le deltoïde
gauche. Un névus de la grosseur d'une lentille, avec quelques
poils, sur le tendon d'Achille gauche.
Rien au coeur, ni dans les poumons. Langue bonne, appétit
bon; foie et rate normaux ; pas de dilatation stomacale; selles
régulières. Sensibilité générale intacte. Sens spéciaux assez obtus,
même l'odorat.
V... est désobéissant, coléreux, parfois méchant, frappe et pousse
ses camarades; suce ses doigts, ne bave pas, ne se balance pas;
gâtisme; onanisme la nuit, jamais le jour. V... ne parle pas, mais
répète tout ce qu'il entend, paroles ou airs de musique; il cause et
chante continuellement, et cela sans aucune suite. On l'a surnom-
mé Coco, parce qu'il répète toujours « Coco à maman ». Il joue
avec des boutons et en a constamment dans les mains, même en
mangeant. Il ne reste jamais en repos; grimace continuellement,
fermant les yeux, agitant la main devant l'oeil gauche, remuant la
DU MÉRYCISME. 63
bouche, tournant la tête; souvent il gonfle les joues, remue la
bouche comme s'il se gargarisait et souffle bruyamment. Lorsqu'il
est debout, il lui arrive souvent de tourner sur lui-même pendant
longtemps.
Il n'est pas gourmand, ni salace ; vole quelquefois le vin de ses
voisins, jamais la viande. 11 conserve toujours la même place à
table et pleure si on le met ailleurs. 11 mange assez proprement
seul, avec la cuiller : il flaire ses aliments et souffle toujours dessus
avant de les porter à sa bouche. II mange très lentement, mastique
bien; tout en mangeant, il chante ou répète les mêmes phrases,
joue avec ses boutons, fait des grimaces. 11 boit seul, en mettant
son gobelet du côté gauche de la bouche, regardant le contenu de
l'oeil droit. Il boit généralement d'un trait.
La rumination des liquides est loin d'être constante ; lorsqu'elle
se produit, la régurgitation se fait de suite après l'ingestion, sans
effort, avec une éructation; l'enfant tourne les liquides deux ou trois
fois dans la bouche et les ravale ensuite. Il y a quelquefois quatre
ou cinq régurgitations successives. Les potages liquides remontent
quelquefois et de la même façon. Les aliments solides ne sont ja-
mais ruminés.
11 se passe quelquefois un grand nombre de repas sans que la ru-
mination des liquides se produise. Souvent on est tenté de croire
que l'enfant rumine, car il fait le geste de se gargariser en gontlant
les joues; mais alors c'est un de ses tics, car ces mouvements u'ont
pas été précédés d'éructations ni de régurgitations comme lorsque
les liquides reviennent, et ils ne sont pas suivis de mouvements de
déglutition. En outre, ils se produisent souvent longtemps après le
repas, une heure et plus, c'est-à-dire à un moment où les liquides
ne doivent plus être dans l'estomac : quelquefois même nous avons
observé ce tic, alors que l'enfant était à jeun.
Au mois de décembre 1882, on remarque chez l'enfant de nou-
veaux accidents : par moments, tout le corps est agité par une se-
cousse, et alors V... incline fortement la tête sur l'épaule droite. -
On le soumet, pour ses secousses, au traitement par les injections
sous-cutanées de curare.
24 décembre. Dix gouttes de la solution à 2/100 (1 centigr. de cu-
rare.)
26 décembre. Onze gouttes (11 milligr.).
31 décembre. Douze gouttes (12 milligr.).
4883. - 8 janvier. Les secousses semblent avoir diminué d'inten-
sité et de fréquence.
6 février. Dix-neuf gouttes. Pas de modification appréciable.
si février. Vingt gouttes.
8 mars. Les secousses sont devenues plus rares; on injecte à ce
moment douze gouttes de la solution à 4/100.
z DU MÉRYCISME.
6 avril. Dix-huit gouttes de la même solution. Les secousses sont
moins fréquentes et moins fortes.
15 mai. Huit gouttes d'une solution plus forte. - 18 mai. Neuf
gouttes.
19 mai. Dix gouttes. Depuis le commencement du mois, le nombre
des accès augmente après l'injection. V... a eu, parait-il, un accès
après lequel il est resté bleu pendant longtemps.
20 mai. Dix gouttes. Accès d'une durée plus longue que les pré-
cédents.
21 mai. Onze gouttes. L'injection a été faite vers onze heures,
sans qu'on ait remarqué rien de particulier. L'enfant étant redes-
cendu au réfectoire, est pris, en mangeant, d'un accès à la suite
duquel il a paru s'assoupir. On s'est aperçu, dix minutes après,
qu'il devenait bleu, qu'il respirait difficilement, et on l'a monté
à l'infirmerie. La face est bleue, cyanosée, mais cette coloration
est fréquente dans ses accès : la respiration est faible, anxieuse;
les mouvements respiratoires espacés, mais très réguliers. Pouls
petit, filiforme; écume abondante, pas de stertor. Lotions vinai-
grées, injection sous-cutanée d'éther, inhalations d'ammoniaque,
sinapismes. On pratique la respiration artificielle : en ouvrant la
bouche, on voit au fond de la cavité buccale, un gros morceau
de viande qui obstruait le larynx. On l'enlève, l'enfant fait quelques
mouvements respiratoires spontanés : ils cessent bientôt, et malgré
la respiration artificielle, l'électrisation du diaphragme, une nou-
velle injection d'éther, V... ne tarde pas à succomber.
En résumé, il semblerait : 4° que dans les derniers temps, la
période de stertor se compliquait d'accidents asphyxiques; 2° que
ces accidents se montraient surtout dans les accès qui suivaient de
près l'injection du curare. Dans l'asphyxie mortelle, trois causes
paraissent avoir agi : 1° l'asphyxie propre à l'accès; 2° peut-être
l'injection de curare; 3° et surtout l'obstruction des voies aériennes
par un corps étranger.
DU MÉRYCISME. 65
plus gros que le droit. Les pédoncules cérébraux paraissent égaux.
L'héinispièi,ù droit pèse 940 gr. de moins que le gauche, et est
en arrière en retrait de 18 millimètres. Le cerveau est un peu
mou, tremblotant, d'aspect gélatiniforme. Pas de lésions à pre-
mière vue. Pas d'induration de la corne d'Ammon. Les ventricules
latéraux et les masses centrales n'offrent rien de particulier à
signaler.
Hémisphère cérébral gauche. - La première circonvolution fion- z
taie (Fi) est assez développée et sinueuse; ses sillons sont superfi-
ciels ; elle aune seule insertion. La seconde circonvolution fron-
tale (F) est large, tassée, très irrégulière, son insertion a la forme
d'une sorte de crochet. La troisième circonvolution frontale (F3)
est comparativement beaucoup plus petite; elle est très sinueuse et
envoie à la deuxième circonvolution un pli assez volumineux, re-
montant le long de la frontale ascendante. - Les sillons qui sé-
parent les circonvolutions frontales sont peu profonds.
La frontale ascendante (Fa) est très irrégulière, coupée en deux
par un sillon transversal, profond, entre les deux extrémités du
crochet qui la rattache à Fi . Le sillon de Rolando est profond.
- La pariétale ascendante est assez régulière, presque rectiligne,
et se termine en pointe à son extrémité supérieure.
Le lobule de l'insula offre quatre digitations non bifurquées.
La scissure de Sylvins a une disposition normale. Le lobe occipi-
tal n'a rien de particulier.
Les plia pariétaux supérieur et inférieur ont des. sillons superfi-
ciels ; le premier est assez gros; le deuxième irrégulier. - Lelrli
courbe est petit. S
La première temporale est assez volumineuse et sinueuse. La
scissure parallèle est profonde. Les autres circonvolutions temporales
sont irrégulières et en partie soudées.
Face interne. La circonvolution frontale est volumineuse, bien
plissée. La circonvolution du corps calleux (C. C.) est assez
grosse. Le lobe ]Jill'acentl'al est volumineux, présente deux sil-
lons verticaux occupant les deux tiers de la hauteur; l'antérieur
vient s'ouvrir dans le sillon calloso-marginal; le postérieur, dépas-
sant le bord convexe de l'hémisphère, vient couper la partie
supérieure de la frontale ascendante. - Le lobe quadrilatère est
volumineux, irrégulier, plissé. - Le coin, le lobe occipital n'offrent
rien de spécial. - La circonvolution de l'hippocampe (C. H.) est
unie.
Hémisphère droit. - Les trois circonvolutions frontales sont très
irrégulières. Fi, dans sa moitié antérieure, se compose de plis si-
nueux, transversaux et dans la moitié postérieure de deux plis longi-
tudinaux, en partie confondus; son insertion, petite, se fait au fond
du sillon qui la sépare de la front.ale ascendante. Entre son extré-
Bouit,ir,VILLr, 1883. 5
66 DU MÉRYCISME.
mité postérieure et Fcc, il existe sur le bord convexe de l'hémis-
phère une encoche d'un centimètre. D'une façon générale, cette
circonvolution a la forme d'une hache dont le manche répondrait
à la moitié longitudinale et la lame à la moitié transversale (anté-
rieure). L'encoche, dont nous avons parlé, contraste avec l'insertion
de la première circonvolution frontale gauche qui, elle, se fait de
niveau et contribue à former le bord supérieur de l'hémisphère.
- La deuxième circonvolution frontale est très sinueuse; en avant,
elle se confond avec F3 par trois plis de passage; elle se replie
deux fois transversalement, décrit une double S et s'insère de
niveau et largement sur Face. - F3 est beaucoup plus petite que Fa
et F; son extrémité postérieure est en retrait par rapport aux
parties voisines. Ftt est volumineuse et sinueuse. Le sillon de
Rolando est profond.
Toute la partie de l'hémisphère que nous venons de décrire et
qui est située en avant du sillon de Rolando présente des circonvo-
lutions qui ont un aspect extérieur normal, sont lisses, à bords
arrondis; mais il n'en est plus de même de toute la portion de
l'hémisphère postérieur au sillon de Rolando.
La pariétale ascendante est plissée, comme chagrinée ; dans sa moi-
tié supérieure, elle n'a que cinq à six millimètres d'épaisseur et
dans sa moitié inférieure, trois à quatre millimètres. Ses trois
faces sont ridées. Les lobules pariétaux, le pli courbe sont égale-
ment réduits dans leurs dimensions et ridées dans la portion qui
correspond à la face convexe; ils le sont à peine sur les faces qui
répondent aux sillons. Toutes ces circonvolutions ont des bords
tranchants.
Toute la partie de la circonvolution d'enceinte de la scissure de
Sylvius, comprise entre la base de la pariétale ascendante jusqu'à
l'extrémité postérieure de la première temporale, ainsi que la se-
conde et la troisième circonvolutions temporales sont très petites,
légèrement blanchâtres, lisses et tranchent, par conséquent, avec
les régions d'aspect chagriné. Le lobe occipital est peu volumi-
neux. - Le lobule de l'insula présente trois digitations dont l'anté-
rieure est bifurquée; les digitations postérieures ont le même
aspect que la première temporale et, comme elles, ont subi un no-
table arrêt de développement.
Face interne. - La circonvolution frontale est bien développée,
sinueuse. - Le lobe paracentral est très irr-éulier, petit; son sil-
lon est vertical et s'ouvre dans le sillon calloso-mtrgiiial.-Le lobe
quadrilatère est aussi irrégulier et atrophié. -- La circonvolution
du corps calleux est simple; un pli volumineux la relie à la circon-
volution frontale. Le coin et le lobe occipital sont peu volumineux.
Des deux côtés, les lobes orbitaires n'offrent rien de spécial.
Voici les dimensions comparatives des deux hémisphères céré-
braux :
DU MÉRYCISME. 67
68 DU MÉRYCISME.
nous a permis d'examiner les organes digestifs, notamment
l'oesophage et l'estomac : ni l'un ni l'autre ne nous ont paru
différer dans leur aspect et leur conformation de l'état normal '.
Notons, en passant, que chez Vaut... l'idiotie était due à une
lésion très prononcée de l'hémisphère droit, se traduisant entre
autres par une différence de poids de 110 gr., et rendant bien
compte de la paralysie du côté gauche.
Observation XXVIII.- Idiotie complète par arrêt de développement.
- Tante maternelle idiote; cousine <,'p ! p<tMc. Début, des acci-
dents nerveux à quatre mois : grincement de dents, voracité, méry-
cisme partiel à début graduel, recroquevillement. Autopsie.
Degr... (Edmond), né à Paris le 28 février 1878, est entré à Bicêtre
le 5 juillet 1882 (service de M. Bourneville).
Antécédents. - (Renseignements fournis par sa mère. 13 juillet
1882). Père, trente-cinq ans, mécanicien, très bien constitué,
très sobre. Aucune maladie; pas de migraine, d'accidents nerveux,
de syphilis. [Aucun antécédent névropathique dans sa famille;
pas d'aliénés, d'épileptiques, de difformes, de suicidés, de crimi-
nels, etc.]
Mère, vingt-neuf ans, couturière,' bien portante. Pas de maladies
antérieures, de migraines, de céphalalgies ; elle est nerveuse et
impressionnable, pleurant souvent sans motifs ; jamais d'attaques
de nerfs ni de syncopes. [Père et mère : ils n'ont présenté d'acci-
dents nerveux d'aucune sorte. -- Deux tantes du côté paternel n'ont
jamais marché; l'une est morte à six ans. - Une cousine germaine
du côté maternel, âgée de vingt-six ans, est épileptique et à peu
près démente.]
Pas de consanguinité.
Un seul enfant : notre malade. - Rien de particulier lors de la
conception. - Dès le second mois de la grossesse, la mère a eu sans
cesse la préoccupation d'accoucher d'un enfant qui ne serait pas
bien portant : vers le troisième mois, elle s'imaginait à chaque
instant que le feu était dans le voisinage, et, la nuit, elle se relevait
pour s'en assurer. Ces imaginations ont persisté durant deux mois.
Accouchement à terme, naturel, sans chloroforme. A la nllisslln, : e,
la tête de l'enfant était très allongée : elle était restée au passage
pendant trois heures. Pas d'asphyxie. - Il été élevé au sein par
sa mère jusqu'à dix-sept mois. Vers le troisième mois, on s'est
aperçu qu'il ne tenait pas sa tête, qu'il la laissait tomber. C'est un
mois plus tard que « les nerfs l'ont pris » ; lui qui, auparavant, dor-
' Nous avions soumis cet enfant aux infections sous-cutanées de curare
à cause des secousses dont il était atteint. Nous utiliserons les notes rela-
tives à ce point particulier dans un autre travail.
DU MÉRYCISME. 69
niait continuellement « comme une marmotte », et qu'il fallait
réveiller pour lui donner le sein, se réveillait alors et tressautait
au moindre bruit; il se tordait, mais ne criait pas, grinçait des
dents, ce qu'il a continué d'ailleurs de faire jusqu'à ce jour. A
partir de deux ans, habitudes d'onanisme très développées; il se
frottait continuellement la verge soit contre les tapis, soit contre
sa petite voiture ou avec ses mains et « au point de s'en mettre en
sueur » ; depuis un mois, il n'aurait plus ces habitudes.
11 n'a jamais eu de convulsions, ni de vertiges. Pas de fièvres
éruptives, pas de croup ; pas de dartres ni de gourmes, pas d'ophthal-
mie ; otorrhée de l'oreille gauche. H avait souvent, à peu près une
dizaine de fois par an, des accès de fièvre qui duraient deux ou trois
jours. Ces accès ont disparu en avril 188-I.
La parole est nulle : V... ne reconnaît personne, ne peut rien
tenir dans sa main, est toujours gâteux. 11 ne se balance pas, bave
peu, tette continuellement son pouce et grince des dents : il ne fait
que commencer à se tenir sur ses jambes, mais ne marche pas en-
core.
11 novembre. - Depuis quelques jours, on a remarqué chez l'en-
fant des troubles digestifs qui n'existaient pas à l'entrée ; l'appétit
est vorace comme autrefois, la mastication nulle, mais après le
repas, il semble gêné et a souvent des vomituritions dans lesquelles
les aliments remontent sans le moindre effort ; pas de rumination.
Ce n'est qu'en avril 1883 qu'est apparu le mérycisme.
1883. 10 avril. État actuel. Depuis quelque temps, l'enfant a
beaucoup maigri; toutes les saillies osseuses se dessinent en relief :
la l'ace a un aspect absolument simien. La bosse frontale droite est
plus saillante que la gauche, tandis que la moitié gauche de l'occi-
pital estplus saillante et plus arrondie que la droite, qui est aplatie;
en un mot, la moitié droite du crâne avance en avant sur la moitié
gauche et est en retrait en arrière sur cette dernière moitié. La
région pariétale droite est arrondie, tandis que la gauche est
aplatie.
70 DU MÉRYCISME.
voile du palais continue leplan de la voûte. Amygdales peu volu-
mineuses; luette et piliers normaux.
Rachis normal; thorax un peu élargi il sa base, très amaigri :
toutes les côtes se dessinent, les omoplates et les apophyses épi-
neuses sont très saillantes'.
Membres supérieurs et inférieurs bien conformés, mais très grêles
et très amaigris. Au lit, l'enfant se lient ratatiné, les cuisses demi-
fléchies sur le bassin, les jambes complètement fléchies sur les
cuisses, les talons reposant sur les fesses; les pieds ont l'attitude
du varus équin. Quand on étend les membres inférieurs, on
éprouve une certaine résistance due il la rigidité des genoux et, des
hanches. Les membres supérieurs sont d'habitude disposés en
anse, les mains et les doigts fléchis.
Cheveux blonds, peu abondants : système pileux très développé
tout le long de la branche montante du maxillaire inférieur;
duvet abondant sur la partie postérieure du cou, du tronc et. sur
les faces antérieure et externe des cuisses. Les testicules ne sont
pas encore descendus; le prépuce est le siège d'un gonflement
oedémateux dû à l'onanisme répété.
Battements du cour un peu irréguliers : pouls petit, à 92. Sonorité
du thorax normale; en arrière, respiration un peu forte à gauche
et en bas. - Ventre souple, foie et rate normaux, pas de dilatation
de l'estomac. Appétit assez bon, l'enfantmange de tousles aliments,
soif vive; langue humide, légèrement saburrale; selles quoti-
diennes, molles et verdâtres. Degr... ramène dans sa bouche les
aliments et surtout les liquides; au bout de quelques minutes, il en
rejette une partie et ravale l'autre ; le mérycisme est donc aujour-
d'hui complètement établi.
L'enfant mange et surtout boit avec avidité : la mastication est il
peu près nulle. La rumination débute d'ordinaire assez rapidement
après le repas, parfois même avant qu'il ne soit tout à fait terminé;
ce cas se présente surtout si Degr... n'a ingéré que des substances
liquides (potages), ou s'il y a eu simultanément ingestion d'une
certaine quantité de hoissuns. L'enfant pousse un petit cri, ouvre
largement la bouche, allonge la langue en forme de gouttière; en
même temps il contracte légèrement les parois abdominales dans
un effort correspondant à l'expiration. Des flots de liquides
remontent à ce moment, s'arrêtent quelquefois Il l'isthme du gosier,
tantôt reviennent jusqu'aux arcades dentaires, et en général sont
ravalés très vite.
L'intervalle des renvois varie suivant la nature des substances
ingérées et suivant le moment de la rumination. Lorsque l'enfant
n'a fait que boire, les gorgées qui remontent se succèdent presque
sans interruption. Les substances solides ne sont pas ruminées; les
aliments semi-liquides, comme les soupes, le sont souvent; la partie
liquide, bouillon ou lait, revient la première; plus tard, surtout si
DU MERYCISME. 71 I
l'on fait boire l'enfant, on voit apparaître des bouchées de pain.
L'ingestion des liquides diminue d'ailleurs l'intervalle des renvois.
D'un autre côté, plus la rumination s'avance, plus les renvois
s'espacent. La durée de la rumination est en général assez courte,
elle peut quelquefois pourtant se prolonger pendant une heure;
elle ne suit pas tous les repas.
7 mai. L'amaigrissement est de plus en plus prononcé. L'enfant
tousse beaucoup; sonorité normale en avant et en arrière. La
respiration est ronflante aux sommets, surtout à gauche. T. R. 40°.
- Soi1' : T. R. 40°.
8 mai. T. R. 40°.4. -Soir : 40°,4.
9 mai. L'enfant est mort ce matin al 7 heures. T. posl mortem : 40°,6.
L'appétit avait beaucoup diminué les jours derniers; l'enfant ne
huvait plus que du lait, et ne ruminait plus.
72 DU MÉRYCISME.
une insertion sinueuse sur l'extrémité inférieure de la frontale as-
cendante. Celle-ci est très plissée et bien développée.- Le sillon de
Rolando est profond. La pariétale ascendante, un peu irrégulière,
offre à sa partie moyenne une sorte de sillon transversal incom-
plet. Le lobule pariétal supérieur a la forme d'un quadrilatère
avec un sillon en forme d'x; le lobule pariétal inférieur est réduit
à un simple pli. Le pli courbe est rudimentaire; le lobe occipital,
composé de trois replis, est assez gros. La première circonvolution
temporale est très distincte, la deuxième et la troisième en partie
confondues. La circonvolution de l'hippocampe est très petite; la
corne d'Ammon ne présente rien de particulier.
La fate orbitaire du lobe frontal est très plissée ; le lobule de l'in-
sula a trois digitations non bifurquées.
Sur la face interne, les circonvolutions sont beaucoup plus rudi-
mentaires que sur la face convexe. La circonvolution du corps cal-
leux et la première frontale sont confondues : en avant cette confu-
sion leur donne, dans une hauteur de trois centimètres, l'aspect du
lobe quadrilatère, en ce sens qu'un sillon assez superficiel d'ailleurs
le sépare de la partie postérieure de ces deux circonvolutions. Il
n'y a pas de sillon c(illoso-inÉtî,gii2ttl. Le lobe })(l1'accntml forme une
sorte de boucle dont les branches descendantes aboutissent au
corps calleux et sont séparées par un sillon assez profond qui, lui
aussi, aboutit au corps calleux. - Le lobe quadrilatère, moitié plus
long que large, offre un sillon supérieur transversal et un sillon
vertical qui aboutit au corps calleux. - Le coin a la forme d'une
enclume, dont la partie horizontale se confond en arrière avec le
lobe occipital. Les sillons sont assez profonds sur la face convexe,
et en général plus superficiels sur la face interne, surtout en
avant. Les corps striés, la couche optique n'ont rien de parti-
culier.
Hémisphère droit. La première circonvolution frontale est con-
fondue en grande partie avec la seconde : il n'y a qu'une attache
située au niveau du bord supérieur pour les deux circonvolutions.
La troisième frontale est tout à fait dislincte, avec une attache à la
frontale ascendante dans sa partie inférieure. Ainsi, à gauche,
c'est la deuxième et la troisième frontales qui sont confondues ; à
droite, c'est la première et la deuxième. La frontale ascendante, à
25 millimètres au-dessus de son extrémité inférieure, se divise en
deux parties réunies par un pli de passage à un centimètre du
bord supérieur. - Le sillon de Rolando est profond. La pariétale
ascendante est régulière. Le lobule pariétal supérieur, l'inférieur, le
pli courbe, le lobe occipital sont rudimentaires; les circonvolutions
temporales sont sinueuses, petites, mieux distinctes que de l'autre
côté. Le lobule de l'insula a trois digitations.
A la face interne, même confusion entre la circonvolution fron-
tale, celle du corps calleux et le lobule paracentral ; absence du sillon
DU MÉRYCISME. 73
calloBo-rr¡(l1'rrinal. Même disposition qu'il gauche du lobe pctrcreentral :
cependant la partie antérieure de la boucle est moitié moins
épaisse que la postérieure. Le lobe quadrilatère, moitié moins large
que long, diffère de celui du côté gauche; le coin et le lobe occi-
pital offrent la même disposition.
Les corps striés et la couche optique, le ventricule latéral, etc.,
n'ont rien de particulier. Nulle part il n'y a trace de sclérose :
c'est, en somme, un cas d'idiotie complète type par arrêt de déve-
loppement.
Quant aux renseignements anatomo-pathologiques que nous
pouvons déduire de ces observations, ils nous apprennent
seulement que l'appareil digestif, l'estomac surtout, était sain,
bien conformé, tout à fait normal, et sans lésions d'aucune
espèce. Ces résultats, d'accord avec ceux des auteurs, nous
confirment dans cette opinion : que c'est bien dans le sys-
tème nerveux qu'il faut chercher la cause première du méry-
cisme.
Nous citerons encore un cas de mérycisme partiel du même
genre rapporté déjà par l'un de nous (Progrès médical, octobre
1882; Bourneville et Bonnaire, loc. cit., p. 112). Nous en
extrayons le passage qui nous intéresse :
Observation RX\IV.- Idiotie : premiers indices de l'absence d'in-
telligence. - Rumination des liquides. - Amélioration. Ictère. -
Rougeole; 6roncho-pnewnonie,o guérison. - « L'enfant Cli... est
gourmand, vole les aliments de ses camarades et mange avec ses
mains. Souvent, après le repas, on note des régurgitations (rumi-
nation pour les liquides) : il ramène dans sa bouche non seulement
le liquide de la soupe, mais encore le pain ; puis ravale le tout.
Il est idiot, gâteux, non salace. » Cet enfant fut atteint en 1881
d'une rougeole compliquée de broncho-pneumonie, pendant la-
quelle le mérycisme fut suspendu et ne reparut qu'au bout de quelques
mois, non plus d'une façon continuelle, mais intermittente.
Voilà donc des cas de mérycisme partiel ne portant que sur
les substances liquides, boissons, potages, sans qu'il soit besoin
de les prendre en grande quantité. Le mécanisme et les symp-
tômes de la rumination sont alors les mêmes. Les seuls faits
à noter sont les suivants : dans les cas particuliers, l'intervalle
qui sépare le renvoi des substances ruminées au moment de
l'ingestion est excessivement court; et par suite, si l'enfant a
ingéré les liquides au début du repas, il rumine et mange à la
74 DU MÉRYCISME.
fois. D'un autre côté, la durée de la rumination est très courte,
à moins qu'on ne veuille la prolonger en faisant boire de nou-
veau le sujet.
Diagnostic. - Dans un des premiers chapitres de ce mé-
moire, nous avons dit, en définissant le mérycisme, qu'il devait
être distingué du vomissement. En effet, si, à première vue, ces
deux phénomènes offrent quelque analogie, ils doivent, au
point de vue physiologique et clinique être absolument distin-
gués l'un de l'autre.
« Le vomissement, dit Longet, s'annonce par une sensation par-
ticulière qui est la nausée, sensation accompagnée de malaise et
d'anxiété générale. Il v a de l'oppression, de la douleur à la région
épigastrique, la face devient pâle, le pouls petit et faible; la bouche
se remplit de salive ; survient ensuite une inspiration forte et par-
fois sonore, pendant laquelle l'air pénètre dans la poitrine pour y
rester emprisonné par le resserrement subit de la glotte. Le dia-
phragme, les muscles abdominaux, /'oesopha ! jl ! , etc.. entrent immé-
diatement et simultanément en contraction. Pendant ce temps, la
respiration est suspendue et la cavité du ventre est resserrée de
toutes parts, comme dans le phénomène de l'effort. Sous la pres-
sion brusque des puissances musculaires, les matières contenues
dans l'estomac sont lancées à travers le cardia; l'oesophage s'en
emplit; le cou se tend, le larynx est porté en avant, l'isthme du
gosier se dilate en même temps que le voile du palais tendu
se relève pour protéger les arrière-narines ; enfin, la bouche
s'ouvre largement et laisse passer les matières qui s'échappent au
dehors. »
Quelle différence entre ce tableau et celui du mérycole au
moment où il rumine ! Ici rien de convulsif, pas le moindre
symptôme d'effort, pas de nausées, d'anxiété; souvent même, au
contraire, la figure du malade exprime la béatitude; la colora-
tion de la face reste la même, la respiration n'est altérée ni
dans son rythme, ni dans sa fréquence; l'action des puissances
musculaires est souvent si peu sensible qu'elle échappe même
à l'oeil de l'observateur; enfin, les aliments loin de s'échapper
au dehors, sont gardés par le sujet, qui, à l'instant où la
gorgée remonte, s'empresse de fermer les lèvres et de les
contracter pour la retenir dans sa bouche.
Percy et Laurent avaient déjà fait celte distinction. « Nous
ne saurions trop, disent-ils, insister sur la différence qui exist
DU MÉRYCISME. 75
entre le vomissement et le mérycisme. Dans ce dernier, il n'y
a point de nausées; dans le premier, il y en a toujoursplus ou i
moins. Dans l'un, les hypochondres s'évasent, le ventre s'apla-
tit, tout se roidit autour de l'estomac; la bouche est béante, le
cou tendu, la respiration suspendue ou inégale; rien de tout
cela ne se remarque dans l'autre. »
Le vomissement est, en somme, un acte éminemment con-
vulsif ; il est, à ce titre, involontaire. Ce fait et le trouble mar-
qué qui l'accompagne exige qu'on le considère comme un phé-
nomène anormal et pathologique, dont l'existence continue
est une gêne et parfois un danger pour le malade. Ce ne sont
pas là les caractères du mérycisme qui, parfois volontaire, le
plus souvent agréable, se produit presque sans effort, n'intro-
duit aucun trouble dans les fonctions digestives, ni dans l'as-
similation,ne compromet en rien l'existence, et peut, en somme,
être regardé comme un phénomène, anormal, il est vrai,
mais on pourrait presque dire aussi, physiologique. Ces faits
ont d'ailleurs été signalés de longue date et Pipelet, rappor-
tant l'opinion de Peyer, dit dans sa thèse (p. 11 et 14.) : « Ti-
mendum ne incautos illudat error, vomitum cum merycismo
confunlens..... In recta ruminatione cibus non modo in
os refunditur, sed etiam remcnsus iterum deglutitur, utposteà
e ventriculo per intestina transiens, famem saturet ».
Au point de vue physiologique, le mérycisme se distingue
aussi du vomissement. Nous avons vu, dans le chapitre précé-
dent, quel était le mécanisme de cette fonction ; or, il ne rap-
pelle que de loin celui du vomissement qui exige toujours un
effort énergique du diaphragme, et des parois abdominales,
qui sont les principaux agents de sa production et dans lequel
le rôle actif de l'estomac est très contesté. Or, les auteurs ont
surtout admis dans le mérycisme l'action de l'estomac : les uns
rejettent absolument l'action du diaphragme et des parois abdo-
minales; les autres ne l'acceptent que pour le renvoi de la pre-
mière gorgée, et elle est quelquefois si faible qu'elle peut passer
inaperçue. Chez les malades que nous avons observés, nous
avons recherché souvent cette action des puissances muscu-
laires, mais très souvent nous n'avons rien remarqué et, dans le
cas où des contractions se sont produites, leur peu de durée et
d'intensité ne peut les faire assimiler aurcontractions énergiques
qui provoquent le vomissement. Pour achever l'étude de ce
76 ô DU MÉRYCISME.
point, nous citerons enfin un autre élément de diagnostic qu'un
mérycole seul peut apprécier. « Ce qui me porte à admettre,
dit le Dr Cambay, que l'acte du mérycis : ue se passe surtout
dans la grande courbure de l'estomac, c'est la différence de
sensation que j'éprouve dans cet organe dans le mérycisme
et dans le vomissement. Dans le dernier phénomène, il semble
que les contractions partent d'un point plus éloigné de l'oeso-
phage, qu'elles ont une étendue bien plus considérable et
qu'enfin une partie de cet organe que je crois être la plus
active , c'est-à-dire l'extrémité pylorique , est tout à fait
inerte dans le mérycisme. Aussi le vomissement involon-
taire m'est-il très pénible, tandis que le mérycisme m'est plu-
tôt agréable. »
Il est un fait étrange observé chez certaines personnes qui
sont sujettes non à ruminer, mais à vomir après les repas et
chez lesquelles l'estomac ne rejette que certaines matières qu'il
ne veut ou ne peut pas digérer. On a quelquefois confondu avec
le mérycisme cette espèce de vomissement et c'est à lui que
s'appliquerait bien la définition que Racle a donnée du méry-
cisme. Cette confusion est une erreur ; en effet, nous ne re-
trouvons pas là les phénomènes du mérycisme, qui n'est pas un
vomissement comme nous venons de le voir, et dans lequel,
même lorsque le sujet semble pouvoir exercer une sorte de
sélection sur les substances qu'il veut ruminer, les aliments
ne sont pas rejetés au dehors, mais sont soumis à une nouvelle
digestion buccale pourreprendreensuitele chemin de l'estomac.
Le phénomène, dumoins,sepasseainsi dans les cas de mérycisme
avéré. Cependant, certains mérycoles peuvent, dans des circons-
tances exceptionnelles, présenter des symptômes qui amènent
cette confusion. Ainsi, au début du mérycisme à marche
graduelle, on peut quelquefois observer le rejet des aliments
(OBS. IX, XIII, XV); mais ce fait est transitoire et la rumina-
tion s'établit bientôt avec tous les symptômes que nous avons
décrits. Autre part (OBs. VII), nous avons vu que le thé et les
substances grasses étaient rejetés; mais ce n'était qu'après
avoir été ruminés à plusieurs reprises. Le sujet de l'OBSERVA-
TION XXII aurait pu donner lieu plutôt à une méprise, car il
rejetait de suite les substances grasses; toutefois, il faut remar-
quer qu'il ruminait complètement les autres aliments qui re-
montaient en même temps dans la bouche. On voit donc que,
DU MERYCISME. 77 Î
même dans ces cas exceptionnels, le mérycisme ne doit pas
être confondu avec le vomissement facultatif de certaines subs-
tances, et l'on évitera l'erreur en se rappelant que « le méry-
cisme ne vide pas violemment l'estomac et qu'il n'en fait sortir
que peu à peu et sans effort une certaine quantité d'aliments
en général assez prompts à y rentrer. » (Dict. en soixante vo-
lumes.)
Un autre phénomène qui présente beaucoup plus d'analogie
avec le mérycisme estcelui de la régurgitation, que l'on observe
souvent chez les enfants à la mamelle ou chez les gros
mangeurs. Là, comme dans la rumination, les substances re-
prennent le chemin de l'estomac ; les agents musculaires in-
terviennent bien comme dansle vomissement, mais leur action
est bien moins énergique et il n'y a pas de phénomène d'ef-
fort. Souvent même la volonté intervient pour produire la ré-
gurgitation, en agissant sur l'estomac pir des pressions exté-
rieures, par des contractions des muscles abdominaux, en fai-
sant de grandes inspirations, ou en répétant ces fausses éruc-
tations au moyen desquelles on cherche quelquefois à en
produire de véritables. Mais, dans ces cas, jamais les substances
solides ne sont soumises à une seconde mastication comme
dans le mérycisme qui, d'un autre côté, fait partie du modus
m'vendi de l'individu, tandis que la régurgitation n'est qu'un
phénomène accidentel.
Marche, durée, pronostic. La plupart du temps, le mé-
rycisme, dès son apparition, se présente avec tous les symp-
tômes que nous avons passés en revue. Cependant, dans
quelques cas, le début est tout différent et ce n'est que d'une
façon graduelle que les individus arrivent à ruminer. Nous
avons déjà vu au passage plusieurs exemples de ce fait. Tantôt
les individus qui rumineront plus tard, commencent par rejeter
les aliments (OBs. IX, XIII, XV). D'autres fois (OBs. XVI) le
mérycisme n'arrive qu'après une période où le sujet n'a que de
simples régurgitations; quelquefois enfin il peut commencer
par être partiel et ne s'installer complètement que plus tard.
(013s. XVII et XXVIII). Mais, somme toute, ces cas sont rares
et le mérycisme survient d'ordinaire d'emblée avec tous ses
symptômes.
Une fois déclaré, il continue sa marche, la plupart du temps
7S DU MÉRYCISME.
toujours identique à lui-même; pourtant, on a remarqué par-
fois qu'il diminuait avec l'âge (Uns. VIII et XVI), mais sans
disparaitre. Il est rare, en effet, que sa durée ne se prolonge
pas toute la vie. Il est néanmoins certaines circonstances qui
peuvent interrompre un certain temps sa production. Ainsi,
les maladies intercurrentes en suspendent communément le
cours pendant leur durée : ce qui est une analogie de plus
avec la rumination des animaux qui ruminent moins bien ou
cessent même de ruminer lorsqu'ils sont malades. Quel ruerais
même il se peut que le mérycisme ne reparaisse pas après la
maladie comme dans l'observation de Cliq ? mais nous
ferons remarquer, à ce propos, que le mérycisme était partiel
et ne s'exerçait que sur les liquides.
Nous avons vu encore la rumination disparaître sous l'in-
tluence d'une toute autre cause : le coït. (Oss. XIII, XIV.)
Enfin, nous citerons trois nouvelles observations dans les-
quelles le mérycisme disparut spontanément 1.
Observation XXXV. Imbécillité. - Mérycisme héréditaire.
- Dt6'p'H'tonspon<(tnëe ? Louis C..., le fils, (le trente-
cinq ans, homme lent, d'une intelligence faible, d'un tempérament
lymphatique, s'adouue à la boisson. A vingt-cinq ans, il eut un
accès d'épilepsie à la suite duquel il se mit à ruminer son dîner.
Jamais cette rumination n'a atteint le même degré que chez son
père. C'est tout au plus s'il lui revenait après le repas quatre ou
cinq bouchées de matières solides. Après les avoir mâchées, il les
avalait de nouveau. Cet état dura quelques mois et disparut sans
traitement. - A trente-deux ans, seconde attaque d'épilepsie à la
suite de laquelle le mérycisme n'a pas reparu.
Observation XXXVI. - Catarrhe tastz·o-intcstin«l chronique dans
l'enfance. - Dysenterie. Constipation. - Début de la rumination
à treize ans; ses caractères. - Influence des mouvements et du tra-
vail intellectuel. - Guérison spontanée. (Obs. de Otto Iiou : wcn).
Un collègue, le Dr X..., ruminait il y a douze ans. Famille en bonne
santé. Etant enfant, il eut un catarrhe gastro-duodénal de fort lon-
gue durée et eut, dans la dixième année, vingt-cinq accès de dscn-
1 Nous ferons remarquer que, dans les deux dernières observations du
mémoire de NI. Koerner, les malades sont sains d'esprit. Mais notre tra-
vail étant déjà composé, nous n'avons pu les placer qu'a la fin.
' Rossier. - Loc. cit. 11 s'agit du fils du malade de l'OBSEItVATI0,N
XXVIII.
UU MÉRYCISME. 79
série suivis de constipation opiniâtre. Les selles ne se présentaient
d'abord que tous les trois ou quatre jours, le plus souvent après de
violentes douleurs o.olicoïdes; plus tard elles furent plus fréquen-
tes, mais il y eut constipation habituelle jusqu'à l'établissement de
la rumination. Elle fut combattue par l'abstention des mets riches
en cellulose et en amidon, par les lavements et la gymnastique de
chambre suédoise. l'âge de treize ans, le malade eut lelleineul
à travailler à l'école, qu'il eut un genre de vie absolument séden-
taire (le corps penché en avant). 11 avait l'habitude de prendre des
repas très abondants, composés surtout de viande avec des condi-
ments acides. Ace moment, la rumination se développa rapidement.
Elle ne se montrait jamais qu'après le dîner de midi, une demi-
heure après et durait une heure et demie. Bientôt, le quart du re-
pas fut en partie ruminé et avalé, en partie craché, à ce qu'estime
le patient. Il prétend avoir ruminé surtoutles aliments acides (con-
combres, salades de légumes et vertes), les petits radis et le pain
noir '. La glace à la vanille, que le malade prenait souvent de
suite après le repas en grande quantité, ne fut jamais ruminée
et empêchait la rumination des autres aliments. S'il la prenait
fondue, l'effet favorable manquait, elle revenait même dans la
bouche. Les mets ruminés conservèrent toujours leur goût naturel.
Le patient n'avait pas de sensation de malaise après la rumina-
tion, mais la maladie lui était désagréable au point de vue social.
Il ruminait en se promenant dans son jardin. Il reconnut bientôt
que le mouvement musculaire exagéré diminuait le mal, mais que
la vie sédentaire et le travail de tête le faisaient durer jusque vers
minuit. Après une durée d'un an environ, la rumination disparut
peu à peu dans un voyage dans les Alpes, très fatiguant, et n'est
plus revenu. - La percussion de 1 estomac dilaté par l'acide car-
bonique, faite par nous avec le D' von den Velden, donna des li-
mites normales. On ne put constater les mouvements stomacaux,
les parois abdominales étant trop fortes. Le patient ne vomit pas,
malgré le développement des gaz; il n'eut pas de sensations désa-
gréables de l'estomac. On peut donc admettre un certain état de
faiblesse musculaire de l'organe.
Lecas suivant a été communiqué à M. Koerner par le DrLucae
(de Francfort-sur-le-Mein).
Observation XXXVII. -- Début du mérycisme à trente ans. - Ses
symptômes. - Guérison en cinq mois. - X..., philologue. La mala-
1 Il 110 faut pas trop s'attacher aux dires des malades, qui se souvien-
nent mieux des substances très acides ou ayant un fort goût, ruminées,
que des autres à yoùt moins marqué.
80 DU MÉRYCISME.
die s'était développée au commencement de son mariage, un peu
après l'âge de trente ans, et disparut après six mois environ. Il ne
peut indiquer de cause; l'estomac est sain et les selles régulières. A
cette époque, régulièrement après le repas du midi, quelquefois
après celui du soir, des parties d'aliments ingérés remontaient sous
forme de boules solides de deux centimètres de diamètre environ.
Il les sentait remonter dans l'oesophage et pouvait quelquefois les
repousser en avalant des liquides. Eructations rares. Les boules étaient
composées de la plupartdes aliments pris auparavant, qui tousavaient
conservé leur goût'naturel et n'étaient pas acides. Les boulesétaient
assez solides, elles ne se brisaient pas d'elles-mêmes dans la hou-
che ou à l'air; elles furent tantôt recrachées, tantôt ravalées, dans
ce cas après qu'elles eurent été remâchées ou écrasées avec la lan-
gue. Le Dr Lucae avait ordonné de l'eau de quassia et de l'absinthe
légère.
On voit donc qu'à part certains cas exceptionnels, qui se
terminent spontanément par la guérison, le mérycole vit et
meurt avec son affection.
En meurt-il ? non. Le pronostic du mérycisme est, au con-
traire, très bénin. Livré à lui-même, il ne compromet en rien
la vie, et l'on a vu des individus qui en étaient affectés, arriver
à un âge très avancé. (OBs. VI, VIII, IX.)
Cependant, lorsque le mérycisme a été précédé ou s'accom-
pagne de dyspepsie, le pronostic peut avoir une certaine
gravité. « Le ruminant simple, dit M. Koerner, atteint un
grand âge avec sa rumination, le dyspeptique maigrit, dans le
cas où il enlève, en les crachant, les aliments destinés à l'or-
ganisme et revenant de l'estomac. Dans d'autres cas, ajoute-
t-il, le malade augmente sa dyspepsie en ravalant les aliments
sans les mâcher, ce qui assombrit le diagnostic. Il en était
ainsi dans le second cas de Ponsgen où la rumination se déve-
loppa chez une dame après une diarrhée de longue durée, avec
pyrosis et renvois rances. La malade rejetait tous les ali-
ments ou les ravalait sans les remâcher quand elle était en
société. Aussi observa-t-on bientôt des phénomènes de constipa-
tion avec amaigrissement. »
Formes. M. 0. Koerner a essayé de distinguer deux
formes : l'une simple ou idiopathique ; l'autre symptomatique
et liée à des troubles dyspeptiques. Voici les caractères sur
lesquels il s'appuie :
DU MÈI{YCI : 5ME. KI
Mérycisme simple.
Le mérycisme succède il une.forte
réplétion de l'estomac.
Il commence une demi heure
après l'ingestion.
Conservation du goût des ali-
ments qui remontent.
Redéglntilion des bouchées ali-
mentaires.
Conservation de l'embonpoint.
Mérycisme dyspeptique.
Il se montre après l'ingestion de
petites quantités d'aliments.
Il commence presque aussitôt
après l'ingestion.
Goût acide, désagréable, des ali-
ments qui remontent.
Rejet des aliments de retour.
Amaigrissement.
Cette distinction n'est pas suffisamment justifiée, car les
caractères sur lesquels elle repose peuvent s'observer dans les
deux formes. Quelquefois dans le mérycisme simple, la rumi-
nation commence aussitôt après le rejet des aliments même
donnés en petite quantité; si, eu général, dans le mérycisme
simple, les aliments ont conservé leur goût, d'autres fois, ils
sont acides, etc.
Fréquence. - M. R. Blanchard évalue le nombre des cas
de mérycisme connus dans la science à trente-six seulement.
Ainsi qu'on peut le voir par les faits rassemblés par nous, ce
chiffre est beaucoup trop faible. M. Bouchaud (Ion. cit., p. 609)
assure que sur les cinq cent soixante-onze malades de l'asile
de Lommelet, qu'il a examinés avec soin, quatorze sont rumi-
nants : onze d'entre eux sont idiots (il y a cent idiots ou imbé-
ciles à l'asile) et les trois autres sont atteints de l'une des
formes de l'aliénation mentale (sur quatre cent soixante-onze
aliénés. En ce qui concerne les aliénés, il a relevé trois cas,
sur quatre cent soixante-onze malades. En est-il de même dans
les autres asiles ? Cela est peu probable, car, dans les ouvrages
consacrés à l'aliénation mentale, nous ne voyons pas mention-
née la rumination. Relativement aux idiots, la proportion qu'il
a constatée est plus considérable que celle qui a été observée
par nous. En effet, sur une centaine d'enfants idiots présents à
Bicètre, nous n'avons noté que cinq cas. Le tableau ci-après
donne une idée des quarante-six cas réunis par nous, sans
compter les quatorze cas de M. Bouchaud (soit en tout soixante
cas) :
BOI1RNEVILLE, 1883. 6
82 ), DU MERYISME.
Asile de Lornmelet.-Nombre des malades le.11, janvier 1883 : 574 (imbéciles et idiots, 100; autres aliénés, 471)
DU MÉRYCISME. 85
Traitement. - Lorsque le mérycisme est sous la dépendance
de la volonté, on peut essayer de le faire cesser en empê-
chant à chaque fois la première régurgitation de se produire
par la fixation de l'attention et par un effort de volonté.
Mais ce moyen ne réussit pas toujours : il peut occasionner
des douleurs (OBs. XX), et ne pas empêcher le retour des
aliments qui n'est, en définitive, que retardé (OBs. XVII,
XXVIII).
Quand le mérycisme est involontaire, on peut recommander
aux malades de manger lentement, de bien mâcher leurs
aliments avant de les avaler.
Tous ces moyens sont impraticables chez les idiots, on
pourra alors restreindre la quantité de nourriture; mais l'On-
SERVATION XII ne donne pas, à cet égard, des résultats encoure-
geants, et notre propre expérience nous a montré qu'on ne
faisait ainsi que retarder l'heure de la rumination.
La suppression de certains aliments qui semblent favoriser
la rumination, tels que les légumes (OBs. XXI), les liquides en
grande quantité (Obs. VII et XVII), est aussi indiquée dans
quelques cas particuliers, de même que l'interdiction de subs-
tances difficiles à digérer, telles que les graisses (OBs. III, XXII).
On pourra aussi essayer, mais sans grandes chances de
succès, de certains moyens empiriques qui parfois mettent un
obstacle à la rumination, par exemple le décubitus dorsal,
(Cas. XXIX et suivantes), le repos absolu (OBs. XXI), la
station debout (Cas. XXVIII).
Quant aux médicaments prescrits contre le mérycisme, ils
sont en petit nombre, et d'une efficacité douteuse. Nous cite-
rons cependant l'aloès et les amers dont l'emploi a donné peu
de succès; les vomitifs ont échoué lorsqu'ils ont été employés
(OBs. XXI et XXVIII); les toniques, les purgatifs ont donné de
bons résultats (OBS. XVII) ; la noix vomique, la belladone ont
produit aussi quelques effets favorables (Cas. XXVIII). La pep-
sine, que nous avons essayée chez nos malades (Cas. XXX
et XXXI), à la dose de 0,7.3 centigrammes avant chaque repas,
n'a pas eu d'action sensible sur le mérycisme. Enfin, nous
rappellerons que l'un des malades de M. Koerner avait obtenu
un arrêt de la rumination par l'emploi de la glace 1.
' Nous devons la traduction du mémoire de l. Ottn Koerner à notre
ami In 1), Vo;;t.
86 DU MÉRYCISME.
Il nous reste maintenant à poser cette question : Faut-il
traiter le mérycisme et chercher à en arrêter le cours ? Nous
avons déjà insisté plus haut sur ce point, et nous croyons avoir
prouvé que le mérycisme n'était pas une maladie, mais un
acte presque physiologique bien qu'anormal; nous avons
montré aussi qu'il ne compromettait nullement l'existence des
individus qui y étaient sujets; nous avons vu enfin que, par-
fois, si on cherchait à en interrompre le cours, la santé géné-
rale'pouvait être gravement atteinte (Obs. VIII, IX). Aussi, en
présence de tous ces faits, sans aller, avec Cambay, jusqu'à
comparer le mérycisme à un exutoire dont la suppression
peut entraîner de graves conséquences, nous pensons qu'il
serait souvent bon de ne pas y mettre obstacle surtout lors-
qu'il existe depuis longtemps '.
1 Ce mémoire a été composé dans les premiers mois de 1882, et aurait
dû paraître vers le milieu de cette même année. Nous avons été amenés
par les circonstances à céder le pas à des travaux plus pressés de nos
collaborateurs des Archives de Neurologie, ce qui a retardé cette publica-
tion de plus d'un an. Il en est résulté que nous avons été obligés de faire
des additions successives qui ont quelque peu modifié notre travail pri-
mitif et l'ont rendu moins concis que nous ne l'aurions désiré. - Il est
un point sur lequel nous avions été d'abord très réservé : c'était l'influence
de l'imitation; plus tard, nous avons été amené à l'accepter, en présence
du cas de M. O. Koerner. Enfin, aujourd'hui, nous avons dans notre ser-
vice un exemple nouveau qui ne laisse prise à aucun doute : c'est celui
de l'enfant Carter... qui imite avec habileté la plupart des tics des autres
enfants et qui a pris l'habitude de se placer devant l'enfant Gren... et de
ruminer comme lui.
II.
Nouvelle Observation d'Hystéro-épilepsie chez un
jeune garçon; guérison par l'hydrothérapie;
Par BOURIVEVI1.LE et BONNA.IRE
Depuis quelques années, l'hystérie chez l'homme a été l'objet
de plusieurs publications intéressantes et, de plus, les recueils
périodiques ont enregistré un certain nombre d'observations
curieuses à plus d'un titre. Personnellement, nous avons eu
l'occasion d'observer une douzaine de cas d'hystérie plus ou
moins graves chez des hommes ou chez de jeunes garçons.
Déjà trois d'entre eux, relatifs à des enfants, ont été pu-
bliés'. Celui qui va suivre, de même que les précédents,
confirme la ressemblance symptomatologique que nous avons
été l'un des premiers à établir, entre l'hystérie de la femme
et celle de l'homme.
Observation. Père alcoolique. Deux soeurs mortes de convul-
sions. - Une soeur hystérique et syndactyle. - Teigne. - Syndacty-
lie. - Début de l'h,ystéro-épilepsie à douze ans; cause. Description
de l'aura et des attaques. Vertiges hystériques et attaques syncopales.
- Variétés, attitude du crucifiement. - Contorsions. - Translation.
- Arc de cercle, etc. Compression testiculaire. Etat de la sens ! -
bilité. - Zones )rystérogénes. - Action des aimants, des métaux. -
1 Progrès médical, 1880, p. 949; lbid., 1882, p. 645; - Ibid., 1883,
et Recherches cliniques et thérapeutiques sur l'épilepsie, l'hystérie et
l'idiotie, par Bourneville et d'Olier, 1880; p. 30; - lbid., par Bourne-
ville, Bonnaire et WuVlamié 9881, p. 51 ;-Ibirl., par B., Dauge et Bricon,
1882, p. 122.
88 DE 1,'IIYSTiIiO-PILFPSIE.
Hypnotisme. - SomnamlJ1llisme. - Développement physique intellec-
tuel. Traitement par l'hydrothérapie; guéridon. - Etat du malade
depuis sa sortie.
Buch... (Jean), âgé de treize ans, est entré à l'hospice de Bicêtre
(service de M. BOUR1OEVILLE) le 9 octobre 1880.
Antécédents. (Renseignements fournis par sa mère). (2; octobre 1880).
Père, cinquante-sept ans, briquetier. C'est un homme de taille,
moyenne dont la santé a toujours été bonne. Excès de boisson envi-
ron deux fois par mois. [Père, mort à soixante-six ans, mère, morte
à soixante-sept ans, on ne sait de quoi. Deux frères bien portants ;
l'un a cinq enfants en bonne santé. Deux soeurs dont l'une a cinq
enfants et l'autre deux, sans affections nerveuses. -- Pas de névro-
pathes, de difformes, de suicides, etc., dans la famille.
Mère, cinquante-six ans, de taille moyenne et d'une intelligence
ordinaire. Elle ne présente ni troubles nerveux, ni affections cons-
titutionnelles; elle est atteinte d'un prolapsus utérin qui date de la
naissance de notre malade. [Père, mort d'une fluxion de poitrine;
mère morte d'une hydropisie ; un frère a trois enfants ; une soeur en
a deux; tous sont bien portants. Pas d'affections nerveuses dans la
famille]. - Pas de cjnsanguinité.
Six enfants : 1° une fille, morte à douze ans de fièvre typhoïde :
elle était intelligente et n'avait pas eu d'accidents nerveux;
2° une fille, mort-née par strangulation (circulaires du cordon);
3° une fille, morte de convulsions à treize mois; - 4° une fille, morte
de convulsions à un mois; - 5" une fille, âgée de quinze ans, qui
parait assez intelligente et qui n'a pas eu de convulsions infantiles;
la parole présente chez elle, comme caractère particulier, un zézaie-
ment très prononcé. Cette jeune fille est hystérique; elle a éprouvé
une première crise nerveuse, à l'âge de quatorze ans, et, pendant
l'année qui vient de s'écouler, elle a eu dix ou onze attaques; rémis-
sion depuis quatre ou cinq mois. Les crises survenaient à l'époque
des règles, dès le premier jour de l'écoulement ; la jeune fille n'a-
vait pas la sensation de boule, mais « elle sentait le sang lui mon-
ter à la tête»; elle avait le temps de prévenir ses amies de rappro-
che de la crise, et, une fois celle-ci terminée, elle pleurait et souf-
frait de douleurs abdominales. Ouvrière en chaussures, elle travail-
lait chez une femme qui la maltraitait, en même temps que son
zézaiement l'exposait aux taquineries de ses camarades d'atelier.
Notre malade. - Grossesse bonne; accouchement, à terme, sans dif-
ficulté, en cinq minutes. L'enfant fut élevé au biberon par sa mère,
marcha à dix mois et demi, fut propre avant un an et n'eut pas de
convulsions. De trois à quatre ans, teigne traitée à l'hôpital Saint-
Louis. Depuis, Buch... a eu une éruption eczémateuse à la jambe, qui
a subi des variations d'intensité, mais a toujours persisté.
DE L'HYSTI : ItO-ÉPILhP51E. 89
Le début de l'hystérie remonte, chez notre malade, à l'âge de douze
ans et demi et a eu pour cause prochaine une peur violente : Reve-
nant de son travail, la nuit, alors qu'il montait l'escalier de sa mai-
son, il fut accosté par un homme ivre qui le menaça de l'assassiner
s'il tentait de rentrer chez lui. Il s'enfuit, terrifié, en appelant sa
mère à son secours. Un mois après, sans avoir rien présenté d'extra-
ordinaire dans l'intervalle, il fut pris de sa première attaque-pendant
son travail habituel, dans une verrerie ; la seconde survint le len-
demain, puis deux autres dans la quinzaine qui suivit. Enfin, du-
rant le mois de mai )880, il y eut une série de trois ou quatre crises
consécutives dans un laps de six heures. L'enfant abandonna à
ce moment sa profession de verrier pour emhrasser celle de chau-
dronnier ; il ne put rester que deux ou trois jours dans son nouvel
atelier et en fut renvoyé à la suite d'une attaque. Du mois de mai
au mois d'août, les crises furent très fréquentes, presque quoti-
diennes et quelquefois multiples dans une même journée. En août,
il y eut une rémission de treize jours.
D'après les renseignements fournis parla mère de 13...,voici quels
auraient été les principaux caractères des crises observées par elle
avant l'admission à l'hospice. Les attaques étaient toujours diur-
nes, survenaient sans aura, ni cri initial, elles se caractérisaient
par de la rigidité généralisée, sans secousses, sans stertor ni appa-
rition d'écume sanglante ou non aux lèvres. Elles ne s'accompa-
gnaient jamais d'évacuations involontaires et n'étaient pas suivies
de somnolence.
Le caractère de l'enfant est doux d'habitude : jamais il ne se met
en colère ni ne se livre il des actes de violence; il n'a non plus au-
cun mauvais penchant et se montre affectueux. La mémoire semble
avoir diminué depuis le début de l'affection ( ? ). Le sommeil est facile,
calme, et n'est pas interrompu par des terreurs nocturnes. Il en a
toujours été de même avant comme pendant le cours de la maladie.
L'en tant serait devenu peureux depuis son séjour à t'asile Sainte-An ne.
1880. 26 octobre. - Examen physique. Dans son ensemble, le corps
est régulièrement conformé. La tête est assez développée, sans
prédominance de la région occipitale; le front est saillant, élevé,
avec des dépressions sus-sourcilières assez marquées; les bosses
frontale droite el pariétale gauche sont plus accusées que leurs
homologues. La moitié gauche delà face paraît moins développée
que la moitié droite; la bouche est de moyenne grandeur avec des
lèvres épaisses. Les arcades dentaires sont régulièrement rangées :
on remarque toutefois un développement en largeur exagéré des
incisives supérieures médianes. Le voile du palais et la voûte
palatine sont symétriques ; cette dernière est ogivale et pro-
fonde. Les oreilles, très développées, présentent un bourrelet
épais et ont le lobule adhérent. Le nez est aquilin. - Les membres
supérieurs sont régulièrement conformés. Le pied gauche présente
90 DE l'hystéro-épilepsie.
une malformation congénitale qui existe également chez la soeur
de notre malade atteinte de la même névrose; on l'avait constatée
aussi chez une autre soeur, morte à treize mois; cette malformation
consiste en une syndactylie des 4e et ;i° orteils gauches. Le doigt
unique, ainsi formé, est large de deux centimètres et se termine
par un seul ongle, offrant un sillon médian, indice de la réunion
anormale. On ne sent au palper de l'orteil qu'une seule première
phalange; on ne peut se rendre compte s'il en est de même pour
la phalangine et la phalangette.
La peau est blanche, fine, pigmentée de taches de rousseur au
visage et au cou. Les cheveux et les sourcils sont roux et abon-
dants ; le pénil est déjà recouvert de quelques poils qui n'existent
pas ailleurs. ,
Les fonctions digestives sont régulières et l'appétit est bon ; tou-
tefois le malade présente une appétence prononcée par les ali-
ments épicés. Les fonctions respiratoires et circulatoires sont nor-
males. Les organes génitaux sont bien conformés; l'enfant avoue
des habitudes d'onanisme assez fréquentes.
La sensibilité cutanée est parfaite. Les sens spéciaux ne présentent
que quelques particularités peu importantes : l'ouïe serait plus
fine du côté droit tandis que l'olfaction semble plus développée de
la narine gauche. La vue est bonne; on note parfois un léger de-
gré de diplopie au moment des attaques. Pour ce qui est de l'état
intellectuel, il est moyennement développé; l'enfant sait lire et
écrire couramment, etc. (Voir p. 97, etc.) ,
Description des attaques. - La grande variété que nous avons
observée dans les attaques de notre malade, dépendant de la durée
et de la violence des phénomènes nerveux, ou de la prédominance
de certains symptômes, ne nous permet pas de les décrire sous un
type uniforme, et nous ne pouvons que rapporter in extenso la des-
cription de quelques-unes des crises auxquelles nous avons assisté.
Au dire de l'infirmier chargé de la surveillance, l'enfant aurait eu,
au début de son séjour à Bicêtre, de très fréquents vertiges : « Il se
laissait, dit-il, aller tout à coup en arrière et on aurait dit
qu'il était mort » ; il revenait à lui au bout de quelques secondes,
sans avoir de convulsions et continuait son travail, comme si rien
d'anormal n'était survenu. (Attaque syncopale.)
1881. 11 janvier. - L'enfant étant à la classe assis et occupé
à écrire est pris subitement d'une attaque : il rejette brusquement
son cahier et agite les bras en tous sens en repoussant les objets
qu'il rencontre dans ses mouvements. Le tronc reste immobile, les
paupières sont ouvertes, les pupilles légèrement dilatées, le re-
gard fixe; le visage est pâle et ne présente pas de grimaces convul-
sives. Pendant environ une minute, l'attitude reste la même et les
mouvements de circumduction des bras continuent avec prédomi-
nance du côté gauche. Lorsque l'enfant revient à lui, il est d'abord
DE L'IIYS'l'BI;O-ÉPILEPSIE. 91
hésitant et semble ne pas savoir où il se trouve, et, quand la con-
naissance est totalement rétablie, il ignore ce qui s'est passé : il
s'agit là d'une attaque avortée, comparable à un vertige.
14 janvier. - Nous sommes témoins, à la classe, d'une autre
attaque : le malade pousse un cri, on l'enlève de son banc et on
l'étend sur le sol non sans quelques difficultés, par suite des con-
vulsions dont il est agité : les membres s'étendent et se fléchissent
alternativement avec violence, tandis que le corps se tortille en
tous sens à terre ; au bout d'un instant, survientune rigidité absolue :
la tête est fortement élendue en opisthotonos, les membres infé-
rieurs se maintiennent en extension, tandis que les bras prennent
l'attitude du crucifiement avec les poings fermés, les pouces en
dehors. Cette phase de tétanisme dure environ z secondes; au
bout de ce temps, l'enfant ouvre les yeux et prononce plusieurs
fois de suite les syllabes « tata... tata... ». Il se relève ensuite,
ajuste ses vêtements et regarde les assistants d'un air surpris en
murmurant toujours « tata... tata... ». Un instant après, il a com-
plètement repris ses sens et se remet au travail. Cinq minutes
s'écoulent, au bout desquelles il est de nouveau interrompu dans
son occupation par un vertige analogue à celui que nous avons dé-
crit à la date du 1 janvier, accompagné de grands mouvements de
circumduction des bras et des jambes et qui se termine de même.
23 janvier. - A cinq heures et demie du soir, au moment où
l'un de nous entrait à l'infirmerie, il voit l'enfant chanceler et
tomber lourdement, soutenu par d'autres malades, sans pousser
un cri : étendu à terre sur le dos, il est pris aussitôt de con-
vulsions cloniques : le corps se déplace en cercle autour d'un
pivot formé par les deux épaules fixées au sol. Cette locomo-
tion circulaire dure environ 15 secondes et cesse pour faire place
à des mouvements de projection du bassin sur place. Ceux-ci vont
en diminuant de violence et d'amplitude jusqu'à ce que le corps
tombe immobile et se fixe en contraction. Les bras se mettent en
croix; les jambes sont en extension; les pieds croisés, (Attitude du
crucifiement). Les mains se fléchissent fortement sur les avant-bras
et les poings se ferment, les pouces en dehors. Bientôt, à la con-
tracture des membres, succède une trémulation convulsive et, peu
d'instants après, l'enfant se relève de lui-même : il reste debout
quelques secondes, sans mot dire ni prêter attention aux questions
qu'on lui adresse; puis il fait quelques pas, titubant et chancelant
décote, pour venir s'appuyer au rebord d'une table ; il est pris, dans
cette position, d'une nouvelle crise.
Elle débute par de grands mouvements des bras et des jambes;
l'enfant tombe. Les convulsions reparaissent alors sous forme d'une
trépidation dont les oscillations vont en augmentant d'amplitude
jusqu'à dépasser en violence celle de la phase initiale. Le malade
embrasse fortement la jambe d'un assistant et s'en sert comme de
92 DE L'HI STERO-PII,I;PSIE.
pivot pour projeter lourdement et dans tous les sens ses membres
inférieurs . En môme temps que ces phénomènes, il présente de la
rougeur de la face et son visage prend un aspect grimaçant consis-
tant surtout en une sorte de moue due à la projection des lèvres.
Les pupilles sont modérément dilatées et ne se contractent pas à
l'approche d'une lumière.
A cette phase clonique succède, comme tout à l'heure, la rigidité
tonique; le corps entre en extension forcée, de façon à ne reposer
que sur les talons et l'occiput et à former un nrc de cercle qui dure
à peine une seconde. Le tronc retombe à plat, les bras se portent
aussitôt dans l'attitude du crucifiement, tandis que les membres in-
férieurs se mettent dans un étatd'extension telle qu'ils ne touchent
plus le sol et que les talons restent une ou deux secondes élevés à
environ 30 centimètres du sol. Comme complément de cette atti-
tude, nous notons l'inflexion de la tôle sur l'épaule droite.
Période de délire. - L'attaque dure depuis une minute environ,
lorsque se produit une véritable détente. L'enfaut se couche sur le
côté gauche, puis se relève aussitôt et reste debout, immobile,
pendant deux secondes; son visage revêt une expression de fureur
concentrée ; il s'avance vers un infirmier en disant d'une voix me-
naçante : « Ah ! tu veux toi... » et se jette sur lui en le frappant.
Bien que très robuste, cet homme a peine à maintenir l'enfant qui
se débat pendant quelques instants. L'attaque enfin cesse subi-
tement ; le malade annonce que « c'est fini » et qu'il n'a qu'un
peu de céphalalgie.
Interrogé sur les sensations qu'il a éprouvées au début de la
crise, il raconte qu'elle s'est annoncée par une sorte de chatouille-
ment qui s'est manifesté au niveau de l'ombilic et qui est remonté
à travers la poitrine pour venir se transformer au cou en une sen-
sation d'étouffement : c'est à ce moment qu'il a perdu connais-
sance.
25 janvier. Autre attaque. L'enfant tombe sans pousser de
cri. Lesbrasse mettenten extension et s'élbventperpendiculairement
au tronc; on note cinq secousses tétaniformes rapides, suivies de
rougeur à la face et de quelques convulsions cloniques. Après un
premier répit de courte durée, apparaissent de grands mou-
vements des membres et des tortillements du tronc.
Nouveau repos et, à la suite, réapparition des mouvements de
translation au cours desquels l'enfant se glisse sous un lit.
9°r février. - Attaque épileptoide. Pendant qu'on pratique l'exa-
men physique du malade, assis sur son lit, on voit ses yeux se con-
vulser en haut et il cesse aussitôt de répondre aux questions qu'on
lui pose ; le corps devient rigide, les paupières restent immobiles ;
les pupilles se dilatent, la face rougit peu à peu, à mesure que la
respiration se suspend. Les bras s'étendent roides, un peu soulevés
au-dessus du lit; la main gauche est en griffe et la main droite se
I) L'HI'S'l'Eltt)-I·',f·ILIsPSII ? 93
ferme, le pouce en dehors. Les membres inférieurs sont rigides,
en extension (phase tonique). Au bout de quelques secondes sur-
viennent des secousses tétaniformes, avec clignotement spasmodique
des paupières (phase tétaniformes) et, après quelques convulsions clo-
niques (phase clonique), apparaît la résolution musculaire, accom-
pagnée de stertor et de production d'écume buccale non sanguino-
lente (phase de stertor). Cet ensemble de phénomènes constitue un
type de la période épileptoide de la grande attaque.
Pendant ce temps, on a pratiqué une compression modérée des
testicules, comme moyen abortif de l'attaque, mais on n'a pas
constaté de résultats appréciables. Après quelques minutes de
rémission, le tétanisme se reproduit et détermine une incurvation
du corps en arc de cercle, assez prononcé pour permettre de passer
deux poings superposés sous l'ensellure lombaire. Cet état, qui
constitue la seconde période de la grande attaque, dure une minute,
puis l'enfant s'assied, regarde les assistants d'un oeil étonné,
cherche à les écarter de la main et se recouche en se cachant dans
ses draps. Quelques instants après, reparaissent quelques convul-
sions épileptoïdes et l'attaque se termine. - La troisième pé-
riode de la grande attaque, celle de délire, a donc fait défaut.
Le malade revient à lui et se plaint d'une sensation de boule
qui l'ét.reint à la gorge.
9 février. - L'enfant est pris d'une attaque dans laquelle on
note, comme particularités : l'attitude du crucifiement; l'arc de
cercle très prononcé pendant environ une minute; quelques vagues
abdominales après la fin de la première période ; enfin, des mou-
vements de projection du bassin, et une dyspnée intense. La com-
pression testiculaire ne produit aucun effet ; la pression sur les fosses
iliaques donne un résultat très douteux.
6 avril. - Buch... demande avec instance à prendre des
douches et, comme on lui oppose un refus à cause de l'évolution
du vaccin qu'on lui a inoculé récemment, il est aussitôt pris d'une
attaque; celle-ci est analogue à quelques-unes des précédentes ;
elle se réduit à la période épileptoide avec prédominance du téta-
nisme et prend fin, sans stertor, par des soupirs et par quelques
mouvements de déglutition, suivis de sommeil.
Il 1 juillet. -A l'occasion d'une contrariété insignifiante, le refus
de lui donner des douches, l'enfant tombe en attaque. On observe
la période épileptoïde avec rigidité tonique, convulsions cloni-
ques et apparition d'écume salivaire aux lèvres. La compression des
zones hystérogènes (voir plus loin) ne donne aucun résultat. Après
une phase de résolution musculaire de quelques instants, le malade
se relève sur son séant, se frotte les yeux et se met à exécuter sur
place des mouvements de circumduction des membres inférieurs ;
sur l'ordre qu'on lui intime de se relever, il se dirige en se
traînant sur les mains et les fesses, suivant une longueur de trois
91 de L'HITERO-EP11EYSIE.
à quatre mètres, vers une porte dont il se sert comme de support
pour se mettre sur pied. Revenu à lui, il redemande à prendre des
douches et, sur un nouveau refus, retombe en attaque : la période
épileptoïde se déroule dans toutes ses phases jusqu'à celle de réso-
lution musculaire inclusivement ; après deux ou trois minutes
d'immobilité, survient un accès de toux gutturale, accompagné de
cyanose de la face, avec efforts de vomissements. Ces phénomènes
durent peu, et, à la suite, le malade s'assied sur son séant et
recommence les mouvements de circumduetion .et de translation de
l'attaque précédente.
Examen de la sensibilité. A aucune période de la maladie, en
dehors des attaques et de l'état d'hypnotisme, nous n'avons
observé de troubles de la sensibilité générale chez notre malade
et, de même qu'il n'y a jamais eu d'anesthésie, jamais nous n'avons
constaté de paralysie. Toutefois, à différentes reprises et pendant
toute la durée du séjour à l'hospice, nous nous sommes assurés de
l'existence d'un certain nombre de points, douloureux à la pression,
analogues aux zones hystérogènes qui existent chez les femmes
hystériques, avec cette différence que, dans le cas actuel, il aura
toujours été impossible en comprimant de provoquer ou d'arrêter
les attaques. Ces points hyperesthésiques ont été rencontrés
dans les régions suivantes :
1° Une surface de l'étendue d'une pièce de cinq francs, sise à
deux centimètres du vertex et empiétant à gauche de la ligne
médiane; la pression et le passage du peigne sont douloureux en
ce point (clou hystérique), mais ne déterminent pas d'irradiations.
Il parait cependant, qu'à la suite d'un coup de règle appliqué par
un camarade et reçu sur le vertex, l'enfant serait tombé en atta-
que ; - 2° au niveau des gouttières des 4e, 5° et (je vertèbres dor-
sales, avec prédominance à gauche (rachialgie), la douleur est par-
fois spontanée dans cette région ; toujours elle est déterminée par
la pression, mais il n'y a ni irradiation, ni troubles hyperesthé-
siques ou vaso-moteurs de la peau; - 3° et 4° deux zones symé-
triques au niveau du deuxième espace intercostal, de chaque côté
du sternum ; - 5° un point sensible au-dessus du mamelon droit ;
- 6, et i° deux zones douloureuses symétriques, au niveau des
flancs, dont la pression s'accompagne d'anxiété respiratoire;-
8° et 9" deux régions situées à 3 centimètres de l'épine iliaque, en
deux points correspondant au siège de l'ovaire chez la femme ; à
cet endroit la pression du doigt est péniblement supportée et détrr-
mine une sorte d'étouffement qui serait susceptible, au dire du
malade, d'aboutir à une attaque, si on la prolongeait.
Aura. - Interrogé de nouveau sur ce point, l'enfant nous a
fourni des renseignements qui peuvent se résumer ainsi : dans
certains cas, les phénomènes prémonitoires de l'attaque consistent
DE L·HYS'l'ERO-EY1LI;PSIE. 95
en une sensation douloureuse, dirigée d'une zone iliaque à l'autre
et produisant, d'après le malade, l'effet « d'un chemin de fer qui
passe ». Le plus souvent, comme nous l'avons rapporté plus haut,
l'aura débute par une sensation de boule qui naît au-dessous de
l'ombilic « semblable à une grosse bille » et qui remonte à l'épi-
gastrc. De là, tantôt elle se porte jusqu'au cou et y détermine un
étouffement. En même temps le malade voit trouble; il entend
des « ding... ding... ding... et éprouve des douleurs à la région
temporale, le tout avec prédominance du côté gauche. L'attaque
suit immédiatement l'apparition de cet ensemble de phénomènes.
D'autres fois, parvenue à l'épigastre, cette sensation de boule re-
descend vers le pubis, disparaît, et, en ce cas, la crise avorte.
Magnétismeminéral. Métalloscopie. Nous nous sommes enquis, à
maintes reprises, de l'intégrité de la sensibilité chez notre malade,
et nous avons tenté de la modifier par différents moyens. C'est
ainsi que nous avons soumis l'enfant à l'action de deux forts
aimants que nous avons laissés en place, près de la peau et à la
hauteur du bassin, durant plus d'une heure; le malade nous a dit
avoir ressenti pendant ce temps comme des bouffées de vent
dirigées du tronc vers les extrémités inférieures, mais la sensibilité
ne s'est en rien modifiée. - Bien qu'il ne fût pas anesthésié, nous
avons recherché si l'application de divers métaux sur les téguments
ne pourrait pas avoir quelque retentissement sur la sensibilité, et
il nous a semblé que, sous l'influence d'un bracelet de plaques de
cuivre, les sensations tactiles devenaient un peu émoussées. Le
malade percevait douloureusement la piqûre d'une épingle, mais
ne se rendait pas compte du frottement de la pointe sur les
téguments. Ce résultat, toutefois, nous a semblé assez peu net pour
que nous ne le rapportions que sous réserves.
Hypnotisme. - Pour déterminer l'anesthésie, nousavonseu recours
d'autre part à l'hypnotisme et, par ce procédé, nous avons obtenu
les résultats les plus concluants. Dans de nombreuses expériences,
il nous a toujours été facile d'endormir notre malade soit au moyen
de la fixation des yeux par le regard, soit au moyen de passes ma-
gnétiques, soit enfin en lui faisant regarder avec persistance un
objet brillant. Jamais, cependant, nous n'avons pu produire chez
lui l'état cataleptique, et c'est en vain que nous avons frappé ses
sens d'impressions vives et subites, tantôt en portant un coup brus-
que sur un gong placé près de son oreille à son insu, tantôt en pro-
duisant inopinément devant ses yeux une flamme vive, celle que
détermine, par exemple, la poudre de lycopode projetée sur une
lampe à alcool. Non plus que l'état cataleptique d'emblée, nous
n'avons pu déterminer de véritable catalepsie au cours de l'hypno-
tisme, ainsi qu'on peut s'en rendre compte par l'exposé qui suit de
quelques-unes de nos expérimentations.
96 DE L'HYSTERU-ÉrILJ £ I' : 5lE.
Première expérience (21 avril -IS8f).- L'un de nous s'assied vis-à-
vis du malade et dirige fixement le regard sur ses yeux. Au bout de
quelques minutes, on observe quelques battements des paupières
qui se ferment progressivement, en même temps que les yeux se
couvrent de larmes et se dirigent en haut. L'enfant est plongé dans
le sommeil hypnotique et, de ce moment, toute sensibilité disparait.
La transfixion de la peau des avant-bras par une épingle et la pi-
qûre du visage n'amènent aucun mouvement réflexe. Il n'y a pas
d'hyperexcitabilité musculaire (tapotements des muscles et des
avant-bras, du biceps, du sterno-cléido-mastoïdien, etc.). On élève
le bras gauche et en même temps on écarte les paupières du côté
correspondant, mais on n'obtient pas de catalepsie et le membre
retombe inerte. Après six minutes de sommeil hypnotique, le ma-
lade revient à lui sans conserver aucun souvenir de ce qui s'est dit
autour de lui et de ce qu'on lui a fait.
Deuxième expérience (23 avril). - On endort le malade par la
fixation du regard, en six minutes. Les phénomènes qui annoncent
l'invasion et la cessation de l'hypnotisme sont les mêmes que précé-
demment. On incise une pustule d'acné pendant le sommeil anes-
thésique, qui dure trois minutes. On recommence immédiatement
l'expérience et l'état hypnotique dure, cette fois, cinq minutes. La
sensibilité reparaît immédiatement avec le réveil. Pendant l'expé-
rience, le pouls a battu 60 et les mouvements respiratoires ont été
de ? 0 à la minute.
Troisième expérience (29 avril). - Le malade est endormi par le
regard en trois minutes; pendant le sommeil qui dure deux minu-
tes, on projette quelques gouttes d'eau sur la peau abdominale, et
ce contact détermine un mouvement spasmodique des muscles du
ventre; le réveil s'annonce par de profonds soupirs. A une seule
reprise, le contact de l'eau froide sur le tronc produit des spasmes
musculaires.
Quatrième expérience (5 mai). Le sommeil hypnotique est obtenu
en faisant fixer du regard une baguette de verre, pendant trois mi-
nutes. On ordonne à l'enfant de se lever et de marcher; bien que
ses yeux soient exactement clos, il suit avec précision et sans hési-
ter dans sa démarche l'expérimentateur qui l'a endormi, il évite ha-
bilement les obstacles nombreux et variés qu'on place devant ses
pas. On tente, d'autre part, de déterminer chez lui l'aphasie cata-
leptique, en lui soulevant subitement l'une et l'autre paupières pen-
dant qu'il compte à haute voix. Cet essai demeure infructueux.
Cinquième expérience (4 juillet). - L'enfant est mis en état d'hyp-
notisme au moyen de passes magnétiques; on parvient, par ce
procédé, à prolonger le sommeil pendant douze minutes, et on
constate les mêmes phénomènes que dans les expérimentations
précédentes. Les paupières étant fermées, on étend ou on élève les
de L'IIYST);RO-PILEPSIE. 97
bras, et ceux-ci conservent pendant un assez long temps la posi-
tion qu'on leur a imposée. L'enfant est assis sur le bord d'une
chaise, on soulève simultanément ses deux membres inférieurs, de
telle sorte que leur axe devienne presque perpendiculaire à celui
du tronc, et on les abandonne sans soutien dans cette position in-
supportable à l'état normal. Le malade reste néanmoins immobile,
fixé dans cette position, et ce n'est qu'au bout de dix minutes que
les talons sont graduellement descendusjusqu'à terre. On a élevé les
bras en même temps que les jambes, et on les a également main-
tenus en extension perpendiculaire à l'axe du tronc. Le réveil
s'annonce par quelques mouvements de déglutition, en même temps
que le visage se couvre de sueur. A la suite de cette expérience, plus
prolongée que de coutume, le malade reste quelques instants sans
revenir totalement à lui, et, au bout de deux minutes, il est pris
d'une attaque à forme épileptoïde.
1882. il juin. - On fait une dernière tentative d'hypnotisme. Le
malade est endormi par la fixation du regard avec un peu plus de
difficulté que par le passé et, pas plus qu'autrefois, on ne peut
obtenir de contracture artificielle. On fait marcher l'enfant, les
yeux fermés, comme dans les expériences précédentes.
Le nombre des attaques, très considérable dans les premiers temps
du séjour à l'hospice, est allé en déclinant, surtout dans la der-
nière moitié de -1881, et le malade a pu sortir guéri en juin 1882.
Nous reproduisons ci-contre, sous forme de tableau synoptique,
l'ensemble des attaques qu'on a observées durant le séjour à
l'hospice :
98 DE 1.'IIYSTizo ? pir,i,psiE.
ce sujet par les professeurs chargés de l'instruction de l'enfant.
La première, prise à l'entrée à l'école le 9-I octobre 1880, est ainsi
conçue : «Buch... commence à lire couramment et à écrire en fin;
il connaît exactement la table de multiplication, mais ne possède
aucune connaissance de l'orthographe ; il n'a aucune notion en
gymnastique. »
La note du 1 cr juillet 4 88 dit : «L'écriture est nette et régulière;
sans faire de progrès sensibles, l'enfant possède des notions d'arith-
métique assez étendues et fait exactement les problèmes d'ap-
plication ; il a de temps à autre des bizarreries de caractère ; son
instruction primaire est peut-être suffisante, mais la civilité fait
défaut ». - En gymnastique, on constate, à la même date, beau-
coup de progrès.
13 décembre 1881. Le malade est envoyé à l'atelier de serru-
rerie ; il s'y montre turbulent et difficile à maintenir au travail;
il ne pense qu'à jouer et « cherche à aller aux cabinets avec les
autres enfants ».
M décembre. Intelligence assez ouverte; - caractère violent
à la classe; il tient des propos inconvenants et obscènes et on a
peine à le maintenir. »
24 mai 1882. « Lecture courante et assez expressive; l'enfant
comprend bien les problèmes; sa mémoire est bonne et il apprend
aisément l'histoire et la géographie ; il se rend nettement compte
des démonstrations qu'on lui fait. En résumé, il se montre intelli-
gent, mais il est turbulent et d'un caractère difficile. »
Pendant son séjour à Bicêtre, en dehors de la névrose qui l'y a
amené, l'enfant est généralement resté en bonne santé, à part
toutefois quelques accidents d'origine scrofuleuse : amygdalites,
impétigo du cuir chevelu et des oreilles, bronchites, eczéma des
jambes, etc.
Le traitement général de l'hystéro-épiiepsie que nous avons mis
en oeuvre a consisté en hydrothérapie (douches); en bromure d'ar-
senic administré, à diverses reprises, à la dose de deux à cinq cen-
tigrammes augmentant d'un centigramme tous les huit jours,
dirigé à la fois contre la névrose et les accidents cutanés; en sirop
d'iodure de fer, huile de foie de morue et vin de gentiane à cause
des manifestations scrofuleuses. Le malade s'est sérieusement dé-
veloppé sous le rapport physique, comme le démontrent les notes
suivantes :
DE L'HYSTRO-ÉPILEPSIE. 99
Autant que possible, nous faisons revenir à notre consultation,
de temps en temps, les malades sortis, améliorés ou guéris. Nous
avons eu l'occasion de revoir Buch... plusieurs fois et nous avons
recueilli les notes ci-après :
48S2. Octobre. Depuis sa sortie, l'enfant a exercé la profession
de chaudronnier jusqu'à la fin d'août. Il a été pris d'une attaque
en juillet et de deux dans le courant du mois d'août, toutes trois
très légères. Sa mère est contente de lui : « C'est un bon garçon,
dit-elle, il fait tout ce que je dis ». Il se montre très affectueux et
très complaisant et ne dispute pas ; enfin, s'il se met en colère, il
revient rapidement au calme. Son sommeil serait troublé par des
rêves fréquents, n'affectant pas le caractère de cauchemars, et
ayant trait à son travail : il cause parfois à haute voix pendant son
sommeil. Son occupation actuelle consiste à aider sa mère dans
les travaux duménage. La sensibilité est parfaite, et les zones Ilysté-
ro;ènes ont disparu. - L'eczéma, en voie de guérison, est limité à
la jambe droite (lier, de Fowler ; tisane de sené et pensée sauvage ;
bains d'amidon).
1883. 22 mai. - B... n'a paseu d'attaques jusqu'au 6 de ce mois.
Ce jour-là, un ouvrier de son atelier, prétextant à tort que B...
avait battu son frère, s'est jeté sur lui à l'improviste, et lui a donné
des coups sur la tête. Cette rixe a causé une vive émotion à B... ; sur
le moment, il n'a ni pleuré, ni tremblé; il s'est remis au travail,
mais au bout de dix minutes, durant lesquelles il assure n'avoir rien
éprouvé de particulier, il est tombé brusquement par terre, sans
connaissance, le corps tout roide. Presque aussitôt, il s'est relevé;
on lui a lotionné la figure avec de l'eau froide, et il a recommencé
à travailler. Depuis lors jusqu'à ce matin, il n'a pas eu de nou-
velles attaques. Son sommeil est tranquille. Deux ou trois fois par
mois, depuis la fin de 1882, il a des douleurs de tête, prédominant
au niveau du front ; la vue est brouillée. « Si, dit-il, je regarde le
soleil, je vois des boules de toutes les couleurs... Dès que j'ai vomi,
c'est passé. » Toutes les fonctions sont normales; il ne présente
aucun trouble de la sensibilité générale et spéciale. '
Sa mère est toujours satisfaite de sa conduite. Il travaille bien
(cartonnier), gagne 3 fr. 85 par jour, rapporte tout son gain à la
maison. Il fait partie de la Société des clairons dé Pantin.
29 octobre. - B... a eu une attaque le 21. La veille, il a eu une
peur occasionnée parla chute d'un monte-charge. La crise n'a duré
que deux minutes, et il s'est remis aussitôt à son travail. Les mi-
graines persistent et reviennent chaque mois.
I. Nous n'avons rien à relever dans les antécédents hérédi-
taires, à l'exception des excès alcooliques du père qui sont pro-
bablement plus fréquents qu'on ne nous l'a dit; il n'est pas
100 DE L'HYSTÉRO-ÉriLEPSIE.
rare, en effet, que les mères de nos malades, ouvrières, femmes
d'ouvriers, déclarent que leurs maris « boivent comme tout le
monde», ou même sont sobres quandil ne leur arrive derentrer
ivres qu'assez rarement et alors ne se montrent pas violents
envers elles : il y a là une sorte d'indulgence singulière. A l'ap-
pui de notre hypothèse, nous rappellerons que deux soeurs du
malade sont mortes de convulsions; qu'une autre est atteinte
de zézaiement et d'hystérie; que le malade ainsi que deux de
ses soeurs offrent une malformation des orteils : la syndactylie.
Ajoutons encore que Buch... présente une asymétrie du cràne et
de la face et notons, en passant, que, s'il est hystérique, il
n'est pas épileptique.
II. L'hystérie a débuté à douze ans et demi, à la suite d'une
vive frayeur; c'est la cause occasionnelle la plus ordinaire.
III. Les attaques, annoncées en général par une aura, revê-
taient des aspects divers, a) En premier lieu, la forme syncopale,
consignée si fréquemment chez les hystériques démoniaques
ou extatiques d'autrefois et que l'on retrouve chez les hysté-
riques de nos jours.
b) La forme vertigineuse se présentait ici avec des caractères
ressemblant beaucoup à ceux des vertiges épileptiques. C'est
là une des manifestations les plus curieuses et les moins bien
étudiées de l'hystérie. L'un de nous en a donné de nombreuses
descriptions, mais il reste à faire un tableau d'ensemble. Cer-
taines hystériques, par exemple Geneviève B...', ont, à cer-
taines époques, durant plusieurs semaines, de nombreux ver-
tiges. Tant que celle-ci était sous le coup de ses vertiges, son
intelligence semblait diminuée; la physionomie exprimait un
certain degré d'hébétude ; les forces physiques paraissaient af-
faiblies et on notait un amaigrissement assez prononcé. Mais
dès que les vertiges cessaient, la malade revenait à son état
intellectuel antérieur. Si l'on en jugeait d'après les cas, encore
trop peu nombreux, que nous avons observés, il y aurait donc
une différence notable entre les accidents vertigineux des hys-
tériques et les vertiges épileptiques qui, comme on le sait,
ont une action si redoutable sur les facultés intellectuelles.
c) Quant aux grandes attaques, elles ont été souvent incom-
1 Voir Boumcvine et P. Regnard. Iconographie photographique de
laSalpétrièrc, t. 1, p. 49, et t. II, p. 202.
DE I,'IIYSTRO-ÉPIIFP'31E. 101
plètes; mais, si l'on fait la synthèse des attaques observéesà di-
verses époques, on y retrouve les périodes classiques : 1° la pé-
riode épzleptoïde était le plus souvent très courte; parfois elle se
montrait avec les phases ordinaires (tonique, tétaniforme, clo-
nique, stertor), par exemple le 1 cr février 1881; - 2° la pé-
l'iode clonique se compliquait de mouvements de circumduction,
de translation, de projection du bassin ; de plus, on notait des
vagues abdominales, au moment des rémissions'; - 3° l'atti-
tude du cl'uGifiement2 qui était très commune, l'arc de cercle
qui était très accusé, constituent encore de nouvelles analogies
avec les attaques hystériques de la femme; - 4° la période de
délire était tout à fait passagère et avait un caractère spécial 1
de violence.
IV. Signalons encore les accès de toux gutturale, les zones hys-
térogèncs à l'état rudimentaire; l'inefficacité de la compression
de ces zones ou de la compression des testicules sur la production
ou l'arrêt des attaques; l'absence de troubles de la sensibilité.
V. Les expériences instituées pour produire l'hypnotisme
ont montré que les effets obtenus, complets en ce qui concerne
la période de résolution musculaire, d'insensibilité absolue,
ainsi que le démontre l'incision d'une grosse pustule d'acné,'
étaient incomplets en ce sens que nous n'avons jamais pu dé-
terminer de catalepsie, ni d'aphasie cataleptique. Le somnambu-
lisme nous a paru incontestable chez ce malade. Inutile de dire
que, dans ces expériences, toutes les précautions possibles ont
été prises pour déjouer toute supercherie de la part du malade.
1 Ces mouvements, qui transportaient violemment et avec rapidité les
malades, avec projections des membres de côté et d'autre, étaient fré-
quents chez les possédées d'autrefois et donnaient lieu à des scènes
tantôt comiques, tantôt scandaleuses. - Parlant de citoyens d'Ammon
démoniaques, Jean Wier écrit : « Le troisième se mit à croupeton et se
recourba du tout en devant, puis se roula vers la porte de la chambre,
par laquelle soudainement ouverte il se ietta, et tomba du haut en bas
des degrez sans se faire mal. (J. Wier. Histoires, disputes et discours
des illusions cl impostures des diables, etc. Réimpression en cours, t. T,
p. 531). - Un de nos jeunes malades, durant la période clonique, exé-
cute des mouvements de translation circulaire, ayant la tète pour centre,
et s'accompagnant de mouvements extrêmes de flexion et d'extension des
membres inférieurs qui frappent bruyamment le parquet.
= Dans le Procès-verbal fait pour délivrer une fille possédée du malin
esprit à Louviers (la9t), qui forme le second volume de la Bibliothèque
diabolique, il est dit que Françoise « estoit tombée à terre sur son doz
toute de son long, ayant les deux bras es tendus en croix » (p. 25-30).
102 de L'EYSTÉRO-ÈPILEPSIE,
VI. De même que dans les trois cas que nous avons publiés
autrefois, c'est à l'hydrothérapie que nous devons la disparition
des attaques de notre malade. 11 est sorti alors qu'il n'avait
plus de crises depuis quatre mois. Et, depuis cette époque, il n'a
eu que des accidents très légers, occasionnés par des émotions
vives et à des intervalles très éloignés, Il ne présente aucun signe
permanent de l'hystérie; son développement physique s'est
fait d'une façon régulière, son caractère est devenu plus égal
et ses facultés intellectuelles suivent leur évolution normale.
Note complémentaire. 23 janvier 1884. Le 4 décembre dernier,
B... a été blessé à la main gauche par un laminoir. On lui fit
plonger la main dans de l'eau froide. Au moment de l'immersion,
il fut pris d'une petite attaque qui ne dura que quelques instants.
Le traumatisme a exigé un repos de onze jours. - Le 17 décembre,
trois attaques très fortes. - Depuis lors, jusqu'à ce jour, aucun
accident. - Il est toujours sujet à des colères sans motif. Les
migraines n'ont pas reparu depuis le 10 novembre.
B... n'a pas de barbe. Les poils sont nombreux à la racine de la
verge qui est grosse et assez longue. Les bourses sont pendantes,
les testicules de la dimension d'une noix. Le prépuce est long, le
gland découvrable. B... assure ne pas se toucher, ne pas avoir eu
de rapports sexuels et ne pas y penser.
23 avril. B... n'a pas eu de nouvelles attaques. Renvoyé de son
atelier à la fin de mars, parce qu'il n'y avait pas d'ouvrage, après
quelques semaines, il avait trouvé de l'occupation'dans une fabrique
de carton.Mais, peu après, une ouvrière, qui l'avait vu chez son pré-
cédent patron, ayant raconté qu'il avait des attaques, on l'a
remercié. Il vient demander un certificat constatant qu'il n'est
que très rarement malade.
Nous voyons la soeur de B... Elle est grande, blonde, a une phy-
sionomie assez régulière. Elle zaso2nc plutôt qu'elle ne bégaie; la
voûte palatine est profonde, ogivale, étroite; l'arcade dentaire
supérieure est saillante. Son intelligence parait au-dessous de la
moyenne. - Ses attaques ont été occasionnées par la peur d'un
chien sur lequel elle est tombée, en voulant se sauver. C'est une
demi-heure après l'émotion qu'a éclaté la première attaque. Elle
n'en aurait eu que cinq ou six. Mariée à dix-sept ans, elle a eu
un enfant au bout d'un an. Les attaques, qui avaient cessé vers
quatorze ans et demi, n'ont pas reparu jusque deux semaines après
ses couches (dix-huit ans).Un soir, son mari, qui est ivrogne et vio-
lent, la bat, en rentrant ivre. Il a voulu avoir des rapports avec
elle ; elle a refusé, s'est levée, a passé la nuit debout. Le lende-
main matin, elle a eu une attaque qui a duré une demi-heure.
Depuis cette époque, pas d'attaques.
III.
Idiotie et épilepsie partielle consécutives à une
méningo-encéphalite chronique ;
Par BOURNEVILLE et X. ]F- IEC X A, X X7 ]F-.
Le fait qu'on va lire fournit un nouvel exemple de la forme
d'idiotie, consécutive à une méningo-encéphalite chronique,
sur laquelle l'un de nous a déjà appelé l'attention à diverses
reprises. Le diagnostic anatomique a pu être porté durant la
vie; il est donc probable que, dans un temps prochain, il sera
possible de tracer un tableau complet de cette forme d'idiotie,
qui, dans ce cas, était compliquée d'épilepsie partielle.
Observation. - Grand-père et grand'mère paternels paralysés
Oncle maternel paralytiquegéné¡'¡tl. - F1'è¡'es et soelll's morts de con-
vulsions.
Convulsions de deux mois ci deux ans, - Méningite à trois ans,
suivie d'affaiblissement paralytique du côté gauche. - Premiers ver-
tiges ci trois ans et demi. - Premiers accès vers quatre ans.-
Diminution progressive des facultés intellectuelles ; idiotie, ou mieux
démenée. - Traitement des accès par l'acide sclérotinique. - État
de mal. -Température élevée.- Amélio1'ation,- l3rozzcho-pzezz-
monie. - Mort.
Autopsie : Adhérences de la pie-mère ci la substance grise. -
Décortication totale, par foyers, de la substance grise. - Induration
et atrophie de la substance blanche sous-jacente. Différence de 120
grammes entre les deux hémisphères cérébraux. - Lésions pul-
monaires.
13ourgui..., âgé de six ans, est entré le 11 septembre 1882, à
Bicêtre (service de AI. BOURNEVILLE).
104 IDIOTIE ET ÉPILEPSIE. ,
Renseignements fournis par son père (10 novembre 1882). Père,
quarante-cinq ans, homme de peine ; pas d'excès d'aucun genre ;
assez intelligent; pas d'accidents nerveux. [Père, cultivateur, mort
à soixante-quatre ans «de paralysie, un peu de partout, mais surtout
de la langue».- Mère, quatre-vingt-deux ans, bien portante, pas
d'attaques de nerfs. - Grand'mère maternelle, morte paralysée.-
Pas d'aliénés, etc., dans la famille.
Mère, trente-sept ans, fait son ménage, intelligente, d'habitude
bien portante, actuellement convalescente d'une fièvre typhoïde ;
elle n'a pas d'attaques, mais est très nerveuse et se trouve quel-
quefois mal, à la suite de contrariétés. [Père, soixante-quatre ans,
fruitier, en bonne santé. Mère, morte de la poitrine à vingt-huit
ans. Un frère est mort de paralysie générale progressive dans le
service de M. J. Voisin, à Bicêtre, il y a un an, après y être resté dix-
huit mois; il avait commis de nombreux excès de boisson.- Pas
d'autres aliénés, pas de paralysés, pas de difformes, ni de suicidés
ou de criminels dans la famille.] -Pas de consanguinité. ,
Dix enfants et fausses couches : 1° garçon, quatorze ans, intel-
ligent, pas de convulsions;- 2° fille, morte à neuf ans d'accidents
pulmonaires ayant duré huit jours; convulsions jusqu'à quatre ans,
était très intelligente ; 3° fille, morte en nourrice à deux mois,
on ne sait de quoi; aurait eu de légères convulsions ; 4° garçon,
mort de diarrhée à un mois ; pas de convulsions ; 5° garçon,
bien portant, a eu des convulsions jusqu'à trois ans; 6° fausse
couche à six mois, sans motifs ; - 7° fille, morte à deux ans et
demi de méningite, avait déjà eu des convulsions; - 8° fausse couche :
9° notre malade; - 10° fille, de sept mois, pas de convulsions.
Notre malade. Rien de particulier lors de la conception, durant la
grosesse, ni à la naissance. Nourri au sein par sa mère jusqu'à dix-
huit mois. A deux mois, premières convulsions ayant duré de cinq
à dix minutes. Depuis cette époque jusqu'à l'âge de deux ans, il en
aurait eu à cinq ou six reprises; elles étaient courtes et légères;
pas d'autres détails. Il a commencé à parler et à marcher seul à
un an et a été propre vers quinze mois. A trois ans, il était bien
constitué, ressemblait aux autres enfants et allait à l'asile. C'est à
cette époque qu'il a eu une méningite qui aurait duré six semaines,
et pendant laquelle il aurait été quinze jours sans connaissance,
délirant, mais n'aurait pas eu de convulsions. Dans le cours de la
maladie, le bras gauche perdit la sensibilité et le mouvement; le
médecin n'aurait pas exploré la jambe. Après cette maladie,
B... marcha difficilement et eut toutle côtégauche plus faible; mais,
au bout d'un mois, il marchait bien et pouvait se servir de son bras
gauche. La parole était plus' lente qu'avant la maladie ; il ne
bégayait pas.
Deux moisaprèslaconvalescence, il retourna à l'asile; il apprenait
IDIOTIE ET ÉPILEPSIE. 105
bien et avait de la mémoire, mais, tous les huit à dix jours, il avait
un « étouodisscmentu : il tombait par terre brusquement et se rele-
vait aussitôt. Six mois plus tard, ces étourdissements ayant augmenté
de fréquence, il fut renvoyé de l'asile; il était âgé d'environ
quatre ans. Il resta alors à la maison. Les étourdissements devinrent
plus fréquents et finirent par être quotidiens; souvent il se blessait,
et il s'est ainsi cassé toutes les dents.
Le premier accès eut lieu en novembre 1881. Dans un accès
(février 488 ? ), il se brûla le cou et la figure avec une marmite de
soupe et cette brûlure mit.six. semaines à guérir.
A partir de l'année 1882, il eut plusieurs vertiges et plusieurs
accès par jour sans jamais avertir. La parole devint de plus en
plus difficile, et, à partir du mois de juillet, la déchéance intellec-
tuelle s'est accusée : il est devenu gâteux, vorace ; la marche s'effec-
tuait difficilement, il désapritl'usage du couteau et de la fourchette
et mangeait lentement avec une cuiller. Il bave depuis dix-huit
mois. Il reconnaît son père, mais moins sa mère; autrefois cares-
sant, il est maintenant indifférent. Les accès et les étourdissements
au moment de l'entrée revenaient jour et nuit; mais, la nuit, ce sont
plutôt des étourdissements. Depuis sa méningite, il a très rarement
des cauchemars; il n'en n'avait jamais eu auparavant. Traitement
antérieur par le bromure de potassium. Ni succion, ni balancement,
ni grincement de dents. Pas d'accès de contracture. Aucune
fièvre éruptive. Croûtes fréquentes du cuir chevelu. Diagnostic :
Idiotie consécutive à une méczictqo-eatcéplcctlile; épilepsie.
Du 5 au 28 octobre, la température s'est toujours maintenue
entre 38° et 38n,8, sauf une élévation isolée à 40°, le 8 au matin.
Le 26, revacciné sans succès avec du vaccin humain à droite et du
vaccin de génisse à gauche; du 39 octobre au 8 novembre, la tempé-
rature a oscillé entre 38° et 3 vil),6.
1er décembre. - Injections hypodermiques d'acide sclérotinique 1
(X gouttes de la solution Prévost = 1 centigramme 1/2).
z 3 centigrammes d'acide sclérotinique.
15. 4 centigrammes 1/2. Pendant le mois de décembre,
il y eut 194 vertiges, dont 169 pendant le jour (maximum 20, le
13); pendant la nuit, il n'y en eut que deux fois : une fois 10 et
l'autre 15. Les accès, dans la même période, ont été au nombre de
156. Les diurnes ont été quotidiens, sauf une interruption de deux
jours et une de trois. Ils ont été au nombre de 133, et leur maxi-
mum a été de 11 (25 décembre). La nuit, il y en eut 5 du 1 or au 29;
6 dans la nuit du 29 au 30, et 10 dans la nuit du 30 au 31. Ces
accès ont toujours été localisés au côté droit.
'Voir Bourneville et Bricon. Manuel des injections sous-cutanées.
106 IDIOTIE ET EPILEPSIE.
30. - Le malade qui descendait à la petite école, se trouve trop
faible pour se lever, et reste au lit.
31. T. R. 39". Soir : T. R. 39°,4. Dans la nuit du 31 dé-
cembre au 1 or janvier, 10 accès.
1883. 1er janvier. - Les injections d'acide sclérotinique sont
portées à XX gouttes (6 centigrammes); ces injections n'ont ja-
mais produit d'accidents locaux, ni généraux. T. R. 39°, 6. Dans la
journée 120 accès. A 3 heures, T. 42°, 6 ; à 3 heures, T. 41 °,8 ; à
7 heures, T. 41°,6.
Dans la nuit du 1 Cr au 2, 30 accès ; T. à 9 heures du soir, 40°;
à 11 heures, T. 42°; à 1 heure du matin, T. 42 ? à 3 heures,
T. 4`3°,S.
2. -T. R. 4 ? r. Dans la journée, 199 accès. La tête, le tronc, et
les membres sont symétriques. Organes génitaux normaux. Le ma-
lade est dans le décubitus latéro-dorsal droit; la tête repose sur la
joue droite; la face est pâle; les yeux sont cornés; les paupières
enflammées sont closes; en les soulevant, on voit que les globes
oculaires sont dirigés vers la droite; pupilles égales et contractées
malgré l'obscurité relative ; narines pulvérulentes ; lèvres sèches,
couvertes de fuliginosités.
Le bras droit est rapproché du tronc; l'avant-bras est en demi-
flexion et demi-pronation; la main est fléchie ; les doigts sont à
demi-fléchis sur le métacarpe; les phalanges sont étendues; le
pouce est dans l'adduction,
La cuisse droite est étendue sur le bassin ; la jambe est presque
étendue. Pas de contracture; le pied est fortement fléchi et dans
l'adduction; les orteils sont en position normale.
Du côté gauche, la flexion incomplète prédomine aussi, mais le
malade modifie de temps en temps et spontanément sa position.
On imprime facilement des mouvements à la tête et au cou. Il y
a un peu de raideur des muscles extenseurs du rachis.
Le malade, depuis hier matin, n'a pris qu'un potage. Pas de
dysphagie, ni de vomissements ; selles diarrhéiques involontaires.
L'enfant ne tousse pas ; rien à l'auscultation.
Cet état habituel est traversé par des crises revenant à inter-
valles variables; il y en a quelquefois plusieurs en cinq minutes ;
mais aujourd'hui, il est rare qu'il y ait plus de cinq minutes entre
deux accès.
Description d'un accès. L'attitude habituelle s'exagère; les mem-
bres du côté droit se raidissent davantage ; puis, on observe une
trémulation du membre inférieur droit, pendant laquelle la jambe
se fléchit un peu sur la cuisse, tandis que le pied s'étend sur la
jambe.
A la face, trémulation des muscles du côté droit, plus marquée
sur les muscles qui attirent à droite la commissure labiale; la di-
IDIOTIE ET EPILEPSIE. 107
rection des yeux à droite s'exagère aussi; mouvements du rele-
veur de la paupière et des élévateurs de l'aile du nez.
Pendant ce temps, du côté gauche, se montrent des mouve-
ments irréguliers, consistant surtout dans les mouvements de cir-
cumduction de l'épaule, l'abduction du bras, et la flexion de la
jambe. Ni stertor, ni écume. Lorsqu'on remue le malade, il
pousse quelques gémissements très faibles. L'état comateux est
permanent; nul indice de connaissance dans l'intervalle des accès.
Traitement : Sulfate de quinine, 1 gramme en 4 paquets ; eau-
de-vie allemande, 15 grammes ;1 sangsue derrière chaque oreille.
3. - Dans la nuit, on a compté 35 accès. T. R. 40°. A la visite du
matin, l'état de l'enfant paraît s'être notablement amélioré : il est
moins incliné à droite; il ouvre spontanément les yeux et semble
regarder autour de lui ; les sensations désagréables se traduisent
par des gémissements plus accentués; le chatouillement de la
plante des pieds produit des réflexes très marqués à droite, très
peu à gauche; il n'y a pas d'exagération des réflexes rotuliens. Le
bras droit soulevé retombe aussitôt, tandis que le bras gauche se
maintient un peu. Même chose aux membres inférieurs.
Sonorité normale dans la poitrine. - Le malade prend un peu
de lait. T. R. à une heure 41 0.- Le soir T. R. 41 ? 2. Dans la journée
soixante-dix-huit accès. Traitement : deux injections sous-cutanées
de 0 gr. 10 de sulfate de quinine; eau-de-vie allemande, 20 gr.;
lotions vinaigrées.
4. 1)iiis la nuit, qui a été mauvaise, douze accès. Le matin,
amélioration. T. R. 39°. - Le malade est couché sur le dos, les yeux
ouverts; de temps en temps, on note des mouvements de la bouche.
L'enfant est assez éveillé, il demande spontanément à boire. Selles
abondantes. - Même traitement ; les injections d'acide scléroti-
nique sont suspendues. T. R. à une heure 41 ? r. Dans la journée,
quatre-vingt-quinze accès dont quatre-vingts après la visite (onze
heures). - Soir : T. R. 42°,2.
5. - Durant la nuit, quatre accès T.R. 39°,G. Les convulsions sont
toujours limitées au côté droit. Léger érythème des fesses. In-
jections de sulfate de quinine; -lavement purgatif; -- une sang-
sue derrière l'oreille gauche. T. R. à une heure, 39°,3.-Soi· : T. R.
40 ? r. Dans la journée cinquante accès.
6. - Neuf accès pendant la nuit. A cinq heures T. R. 40° ; à
huit heures 39°; - à une heure de l'après midi, T. R. 42°, 6. Dans
la journée vingt accès.
7. - Le malade n'a eu dans la nuit qu'un seul accès ; il appelle
sa mère et demande à boire. T. R. 40°; à une heure, T. R. 39°,G.
- - Soir : T. R. 39° ; pas d'accès.
8. - Un accès dans la nuit. T. R. 39°. - Soir : T. R. 39°,6. Un
seul accès dans la journée.
108 IDIOTIE ET EPILEPSIE.
9. Pas d'accès dans la nuit, qui a été bonne ; l'amélioration
s'accentue. Le malade répond à quelques questions, demande du
lait et repousse le bouillon. Les mains sont fraîches ; le pouls est
assez fort (84). T. R. 38°,8. Le malade qui, il son entrée, pesait
seize kilogr.,n'en pèse plus que quatorze. Soir : T. R. 39°,6. Les
accès ont disparu.
10. Le malade est éveillé et dit : «Mère, j'ai soif». La face est
pâle; les joues sont pleines; les pupilles égales et normales; les
lèvres sèches.- L'enfant donne lesdeuxmains quand on les lui de-
mande, mais la droite semble plus faible; il soulève les deux
jambes sans qu'on note de différence; cette nuit, il s'est tenu assis.
Il tousse un peu : sonorité légèrement diminuée aux deux bases;
respiration un peu forte en arrière et à droite. Soif vive, ventre
volumineux, mais souple, diarrhée.T.R. 40°. -Traitement : ipéca;
lait, deux oeufs. Soir : T. R. 40°.
H. - Face pâle, cyanosée. Le malade tousse un peu, se plaint t
sans cesse. Pas d'oppression. La poitrine résonne mal en arrière
et à droite. Respiration rude, mêlée de quelques râles fins au voisi-
nage de l'aisselle droite. T. R. 39°,6. Soir : T. R. 40°. Dans la
soirée, le malade a été pris d'oppression et n'a plus voulu rien
prendre. Toux rare.
12. - Le malade est cyanosé surtout aux lèvres et aux paupières;
il prend un peu de lait avec beaucoup de peine; ne parle plus et
reste dans la position qu'on lui donne, la tête dans l'extension; P. à
134, fort, régulier ; R. 44 ; T. R. 40°. A la percussion, le son est obs-
cur et, à l'auscultation, la respiration est soufflante par places en
arrière et à droite. - Langue humide, soif vive; pas de vomisse-
ments ; ventre volumineux, souple, non douloureux; le colon parait
distendu; diarrhée jaunâtre, glaireuse. - A la fin de l'examen, le
malade prononce quelques mots. - Inaction de la main droite. La
jambe droite ne répond qu'aux excitations un peu fortes; alors elle
se fléchit, mais il y a une différence très sensible avec le côté gauche.
A partir de cinq heures de l'après-midi, l'enfant a cessé de
parler et a refusé de boire. Il aurait rendu « de la mousse» par la
bouche et le nez. La diarrhée a cessé. T. R. 40°,6.
13. - Le malade est comme endormi, les paupières fermées, les
entr'ouvrant à peine quand on l'interpelle; pupilles égales; traits
notablement altérés.-Respiration très brusque, saccadée. Toux peu
fréquente. Râles dans les grosses bronches et quelques râles fins au
moment de la toux à la région moyenne et postérieure du poumon
droit. Un peu de raideur de la nuque ; le malade a grincé des
dents; les mâchoires sont un peu serrées. T. R. 42°. Dans la journée
l'altération des traits s'est accentuée; pas de vomissements; consti-
pation. Toux et plaintes fréquentes; mâchoires un peu serrées.
Rejet de mousse. - Soir : T. it. 41°.
IDIOTIE ET EPILEPSIE. 109
14. - Mort à cinq heures du matin. T. R. après la mort 440.
Poids, 12 kilogr. 800. '
Les accès et les vertiges ont eu la marche ci-après :
110 IDIOTIE ET EPILEPSIE.
elle la couche superficielle de la substance grise dans la moitié de
son étendue. La circonvolution frontale ascendante est comme
hypertrophiée dans sa moitié supérieure ; la pie-mère ne lui adhère
qu'à son extrémité tout à fait inférieure. Le sillon de Rolando est
assez profond et normal. La circonvolution pariétale ascendante
n'est libre d'adhérences que dans les 2/4 moyens de sa face anté-
rieure ; elle est comme atrophiée dans toute sa hauteur, et surtout
dans sa moitié supérieure où elle n'atteint que le quart de la lar-
geur de la partie correspondante de la frontale ascendante. Le
sillon qui limite en arrière la pariétale ascendante, présente dans
toute sa hauteur une sorte d'infiltration cellulaire et a une colo-
ration noire, ocreuse.
Tout le lobe pariétal, et la partie postérieure des circonvolutions
temporales sont adhérents, sauf en quelques points, à la pie-mère qui
s'enlève difficilement; sur certaines circonvolutions môme, en dé-
cortiquant, on enlève toute la substance grise et on met ci nu le sque-
lette de substance blanche, laquelle est indurée et atrophiée. Ce foyer
se prolonge en avant sur toute la première circonvolution frontale
où se trouve cette dernière lésion, ainsi que sur les deux digitations.
postérieures du lobule de l'insu la qui sont atrophiées et indurées.
On détache facilement la pie-mère des digitations antérieures du
lobule de l'insula, de l'extrémité antérieure du lobe temporal, de
la face inférieure du lobe frontal, de la face convexe du lobe oc-
cipital et de la face interne des lobes temporo-occipitaux.
A la face interne, on trouve quelques adhérences superficielles à
la partie moyenne de la circonvolution du corps calleux; à la partie
supérieure de la première circonvolution frontale, il existe des
adhérences plus marquées, et une atrophie relative de la partie supé-
rieure du lobe carré, qui limite en dedans le foyer décrit plus haut.
Le ventricule latéral offre une dilatation uniforme; mais une
couche encore assez épaisse le sépare du foyer.
Hémisphère gauche. - Les circonvolutions sont bien développées
et non disproportionnées comme de l'autre côté. En décortiquant la
pie-mère, on enlève en un certain nombre de points une couche
plus ou moins épaisse de substance grise, notamment : 1°sur toute la
moitié postérieure de la première circonvolution frontale; 2° sur
toute la partie moyenne des frontale et pariétale ascendantes ; 3° sur
l'extrémité supérieure de ces deux circonvolutions ; 4° sur quelques
points de la deuxième frontale (la troisième frontale est à peu près
saine); : i° sur les deux premières temporales et sur le pli courbe.
A la face interne, on note quelques adhérences au niveau du
lobe carré, du lobe temporal, à la partie antérieure du lobe para-
central, à la partie avoisinante de la Ire frontale et enfin à la
partie antérieure de la circonvolution du corps calleux.
RËFLHxios.I. Il s'agit, ici, d'un enfant qui, sauf quelques
IDIOTIE ET EPILEPSIE. f 11 I
convulsions légères et éloignées, survenues de deux mois à
deux ans, se développait normalement tant sous le rapport
physique qu'au point de vue intellectuel, lorsque, à trois ans, il
fut atteint d'une méningite aiguë grave. Durant la convalescence,
on remarqua seulement qu'il avait le côté gauche plus faible :
ce qu'expliquent les lésions étendues de l'hémisphère droit qui
pèse cent vingt grammes de moins que le gauche.
II. Alors que l'enfant semblait rétabli, il a été pris de ver-
tiges, d'abord très distants, puis de plus en plus rapprochés.
Bientôt des accès d'épilepsie vinrent s'y ajouter.
III. Sous l'influence de ses accès, et surtout des vertiges,
les facultés intellectuelles, qui, dit-on, n'avaient guère été
modifiées par la méningite, ont décliné avec une grande rapi-
dité et l'enfant ne tarda pas à offrir tous les symptômes cliniques
de l'idiotie complète : parole embarrassée, mémoire affaiblie et
ensuite presque nulle, difficulté progressive de la marche, bave,
gâtisme, perte des sentiments affectifs, etc., etc.
Cet ensemble symptomatique, que l'on a coutume de désigner
sous le nom d'idiotie, nous parait beaucoup plutôt comparable
à la démence paralytique et, n'était le langage reçu, nous pré-
férerions cette dernière dénomination.
En nous fondant sur les antécédents et sur l'état du malade
à l'entrée, nous avons porté le diagnostic : rnémilgo-encéphalite
chronique, que l'autopsie est venue confirmer.
IV. Les lésions observées à l'autopsie rendent parfaitement
compte de la déchéance des facultés intellectuelles. Relevons
encore une fois cette décortication totale, par foyers, de quelques
circonvolutions, dont l'un de nous a publié, il y a quelque
temps, un très bel exemple'.
V. L'état de mal, auquel a succédé la broncho-pneumonie
terminale, a offert tous les caractères classiques. Le nombre
des accès a été considérable et, particularité intéressante, du-
rant ce temps, les vertiges ont été supprimés.
VI. Considérés en eux-mêmes, les accès ont présenté des
symptômes spéciaux : les convulsions étaient limitées au côté
droit du corps. Nous avions donc sous les yeux un exemple
1 Bourneville et `Vuillamü : . - Archives de Neurologie, t. III, p. 327,
ll. VIII, c, Compte rendu de Bicêtre, pour 18S2.
112 IDIOTIE ET EPILEPSIE.
typique de l'épilepsie hémiplégique. Si l'on se rappelle que,
après la méningite aiguë, l'enfant avait une paralysie du côté
gauche, on pourrait s'étonner que les convulsions existassent,
au contraire, du côté droit et y fussent limitées. Nous voyions
là, en effet, une sorte d'anomalie. Mais l'autopsie est venue
nous fournir l'explication de ce fait, en nous montrant des foyers
de méningo-encéphalite au niveau du lobe pal'acent1'al et des cir-
convolutions frontale et pariétale ascendantes de l'hémisphère
GAUCHE.
EXPLICATION DE LA PLANCHE I.
Méningo-encéphalite : face convexe de hémisphère droit.
Fa, frontale ascendante.
Pa, pariétale ascendante.
P, pli pariétal supérieur.
T, partie postérieure des circonvolutions temporales.
Tl, première temporale.
La Planche montre, entre P et T, un vaste foyer intéressant le pli pa-
riétal inférieur, le pli courbe, etc.
Ménitgo-encéphalite : face interne de l'hémisphère droit.
Ce, circonvolution du corps calleux.
F, face interne de la première circonvolution frontale.
Lq, lobe carré.
IV.
Idiotie consécutive à l'hydrocéphalie ;
Par BOURNEVILLE et LEFLAIVE.
L'observation que nous allons rapporter présente un in-
térêt au double point de vue de la clinique et de l'anatomie
pathologique. Elle nous' fournit un nouvel exemple de
l'idiotie par hydrocéphalie dont plusieurs cas ont été déjà
publiés par l'un de nous.
Observation. Père et grand'mère paternels alcooli-
ques. Mère nerveuse. Oncle maternel imbécile ; ?
oncles et tantes maternels morts de convulsions.
Emotions durant la grossesse. Tête volumineuse à
la naissance ; son développement progressif ; ses di-
mensions. - Convulsions limitées à gauche (6 mois). -
Hémiplégie consécutive ; amélioration. Développe-
ment rapide de la tête (7 mois). -Etat du malade à l'en-
trée (10 mois). -Tête : fontanelles ; hyperostose. - Stra-
bisme, etc. - Manifestations intellectuelles. - Pernphi-
gus. Athrepsie. Hémorrhagie méningée ; troubles
trophiques ; fonte purulente des yeux ; contracture ; élé-
vation de la température ; diminution subite du volume
de la tête. Mort. - Résultats de l'autopsie.
Alli., Eugène, âgé de 10 mois, est entré le 21 mai 1883,
à l'hospice de Bicêtre (service de M. BOURNEVILLE).
Renseignements fournis par sa mère (14 juin).- Père,
33 ans, lithographe, commettait au commencement du ma-
riage de nombreux excès de boisson; actuellement, il est
sobre; santé d'habitude bonne; aucun accident nerveux.
[Père, mort d'une maladie de coeur, à 50 ans, non alcooli-
que. Mère, 60 ans, intelligente, s'est mise à boire depuis
sept ans à la suite de chagrins. Ni aliénés, ni épilepti-
ques, etc., dans le reste de la famille].
Bourru. - 1883.. 8
114 IDIOTIE : ANTÉCÉDENTS.
Mère, 22 ans, petite, faible, dit être bien portante; elle
serait sujette, depuis l'accouchement, à des migraines très
violentes; bien que très nerveuse, elle n'aurait pas eu d'at-
taques, mais a souvent des éblouissements, des tintements
d'oreilles ; elle se met facilement en colère, et cela depuis
l'enfance. [Père, 46 ans, sobre, administré de Bicêtre, où
il est entré pour un rhumatisme chronique. - Mère-
morte à 31 ans, en couches.- Grand'mère paternelle morte
en 1878, à la Salpêtrière, était atteinte de rhumatisme chro-
nique. Grand'mère maternelle morte de paralysie.-
De 12 frères et soeurs, il n'y a plus de vivants qu'elle et un
garçon de 20 ans, bien portant, peu intelligent, « en retard
sur tout », et atteint d'un défaut de la parole. Parmi les
autres, on signale un garçon mort de convulsions à 2 ans
ainsi que deux filles jumelles, et enfin, une fille morte à
13 ans, à l'hôpital Sainte-Eugénie, d'une fièvre typhoïde.]
Pas de consanguinité.
Notre malade. La conception s'est produite aussitôt
après une fausse couche de six mois. A cette époque, le
ménage était troublé par des disputes, parce que le père se
grisait fréquemment et ne rapportait pas son salaire à la
maison; les rapports conjugaux étaient rares durant
l'ivresse. Pendant la grossesse, ces scènes ont continué ; le
père allait au cabaret jusqu'à deux ou trois heures du ma-
tin, et sa femme était obligée de l'accompagner. Quant à
elle, pour la moindre raison elle se mettait en colère jus-
qu'à se rouler sous le lit. La grossesse a cependant été
bonne. L'accouchement a été assez rapide (4 heures),
bien que la tête fut volumineuse. A la naissance, pas
d'asphyxie. Les yeux de l'enfant, dit la mère, n'étaient pas
comme ceux des autres enfants; ils étaient presque verti-
caux ( ? ), enfoncés dans les joues; il n'y avait pas de stra-
bisme. La tête augmentait peu à peu de volume, ce dont
la mère s'apercevait parce que les bonnets de l'enfant de-
venaient trop petits. Dans les six premiers mois, pas d'autre
maladie qu'une ophthalmieà quinze jours. Alli... futnourri
au sein par sa mère jusqu'à six mois, puis élevé au bi-
beron sur le conseil d'une sage-femme, qui déclara à la
mère que l'enfant « devait avoir quelque chose dans la
tête ».
A cet âge, sans cause connue, convulsions portant uni-
quement sur le côté gauche, et accompagnées de cris con-
tinuels. Ces accidents se sont reproduits trois ou quatre
fois dans une même nuit. A la suite, pendant deux mois,
l'enfant a cessé de se servir de son bras et de sa jambe gau-
IDIOTIE ET HYDROCÉPHALIE. 115
ches; cette paralysie a disparu peu à peu. A partir de ce
moment, « les yeux sont revenus en place » ; mais, vers
sept mois, l'augmentation de volume de la tête s'est accu-
sée davantage. Pas d'autres convulsions.
L'enfant est calme, ne pleure que quand on veut le pren-
dre ; il « gazouille » depuis l'âge de 2 mois; il rit volontiers,
moins cependant aujourd'hui que dans les mois précé-
dents ; il reconnaît son père et sa mère. Fonctions diges-
tives bonnes ; selles régulières. Poids à l'entrée : 7 kil.
700. Taille : 0,78 cent.
Etat actuel (18 juin 1883). La tête est arrondie, très déve-
loppée dans sa portion crânienne (voir plus loin le tableau
des mensurations). Par la palpation, on reconnaît facile-
ment les fontanelles, qui sont très grandes. La fontanelle
antérieure commence presque immédiatement au-dessus
de la racine du nez; à droite, un prolongement en forme
de croissant vient rejoindre la fontanelle postérieure; à
gauche, il y a soudure des os à 10 cent. 1/2 au-dessus de la
racine du nez. La fontanelle postérieure, très irrégu-
lière, mesure 2 cent. 1/2 sur la ligne médiane, entre les pa-
riétaux et l'occipital ; à droite, elle se prolonge à 11 centi-
mètres de l'articulation occipito-vertébrale, puis elle se
rétrécit et se continue avec le prolongement de la fonta-
nelle antérieure; à gauche comme en avant, la fontanelle
est moins grande et limitée par la réunion des os. Sur
les parties latérales de la tête, petite fontanelle de 2 cen-
timètres de côté. Au sommet de la tête, le crâne offre
une saillie convexe, où les os sont plus durs, paraissent
plus épais que partout ailleurs (h ypeostose), plus marquée
à gauche de la ligne médiane.
Le front, de la racine du nez à la naissance des cheveux,
mesure 7 centimètres : il est bombé, asymétrique, un peu
plus saillant à droite. Les arcades sourcilliè1'es sont tout à
fait déprimées et les yeux semblent excavés, surtout en
haut; les paupières inférieures sont au contraire saillantes;
légère blépharite. Habituellement, il existe du strabisme
divergent, soit à droite, soit à gauche; on peut cependant
arriver à rendre le regard direct. Iris gris bleuâtre. Au-
dessus de la racine du nez se voit une veine demi-circu-
laire à convexité supérieure, d'où partent des arborisations
veineuses qui se répandent sur le crâne; trois d'entre
elles sont plus importantes. - Le nez est petit, écrasé,
presque aussi large à la racine qu'à la base. Les sillons
naso-labiaux sont très accusés quand l'enfant pleure, et
alors la commissure labiale droite paraît un peu plus en-
116 HYDROCÉPHALIE : TEMPÉRATURE.
traînée dans ce sens. La bouche est assez grande; les lèvres
sont minces; les dents font encore défaut. Les oreilles
sont bien ourlées, le lobule est adhérent; la droite mesure
4 cent., la gauche 4 cent. 1/2.
Le cou est court : il a 24 cent. 1/2 de circonférence. Le
thorax est bien conformé, un peu bombé en avant; la co-
lorme vertébrale est un peu déviée à la région dorsale et
forme une convexité gauche. L'embonpoint est assez pro-
noncé.
Les membres supérieurs sont réguliers, égaux : des
deux côtés : 13 cent. 1/2 de circonférence au niveau de
l'aisselle, 12 1/2 au pli du coude et 8 1/2 au poignet.
Les membres inférieurs ne présentent à signaler qu'un
peu d'incurvation des tibias; la circonférence de la cuisse
au niveau du pli de l'aine est de 22 cent. de chaque côté;
elle est de 17 cent. au jarret et de 9 cent. 1/2 au niveau des
malléoles. Pas de malformation des organes génitaux.
Léger érythème des fesses.
L'enfant dort les paupières entr'ouvertes. Parfois, il a
des accès de cris, rappelant ceux des enfants de son âge et
que l'on attribue à des coliques, car l'application de cata-
plasmes sur le ventre les fait rapidement cesser. Il semble
reconnaître les gens du service et sourit à leur approche.
Chaque fois qu'on le remue pour l'asseoir ou pour le sortir
du lit, sa tête tombe en arrière et il pousse des cris, indices
de souffrance; il paraît cependant aimer la station assise,
mais à la condition que la tête soit soutenue.
Aucune paralysie ni des bras, ni des jambes; le cha-
touillement est perçu sans exagération des réflexes; le phé-
nomène du tendon est normal.
7 juillet. La saillie convexe notée au niveau de la suture
interpariétale paraît s'accuser. En ce point, l'os paraît très
résistant. Une grosse veine part de l'oreille droite et re-
monte en S sur la région temporale. Légère desqua-
mation épithéliale aux jambes et aux genoux. P. 116, régu-
lier. Pendant cet examen, l'enfant n'a cessé de pousser
des cris un peu étouffés, mais non hydrencéphaliques; ces
cris augmentent quand on lui relève la tête.
12 juillet. Diarrhée verdàtre. Eau de chaux ; laudanum,
1 goutte.-La température, régulièrement prise matin et
soir depuis l'entrée, s'est toujours maintenue et se main-
tient toujours autour de 37°,5, sauf le 13 juillet au soir,où
elle a atteint 38°. La diarrhée a cessé le 16 juillet.
10 août. Hier, apparition d'une vingtaine de petites
bulles pemphigoïdes, sans aucune élévation de la tempé-
APOPLEXIE MÉNINGÉE. 117 î
rature (du 7 au 14 août, minim. 37°, maxim. 37°,8). Ail...
n'a plus de diarrhée; néanmoins, depuis quelque temps il
pâlit.
17 août. L'enfant dépérit, ainsi que le montre la succes-
sion de ses poids; l'amaigrissement est général et porte
même sur les diamètres transversaux de la tête. AU...boit
deux litres de lait par jour, prend un peu de bouillie; il n'a
pas de vomissements. La diarrhée a reparu il y a trois
jours; selles fétides, vert sombre. Pas de toux; voix moins
forte, plaintive. Conjonctivite oculo-palpébrale avec
alternatives d'amélioration et d'aggravation.
Depuis le 14 (T. R. 3î°,L le matin, 37°, 4 le soir) jusqu'à
ce matin (17 août), on avait, par erreur, cessé de prendre
la température. On la trouve aujourd'hui brusquement
élevée, et cette élévation se maintiendra jusqu'à la mort,
comme le montrent les chiffres ci-après. Soir : T. R.
39°,9.
18 août. T. R. 38°,7. Soir : 39°,5.
19 août. T. R. 38°,3. Soir : 39°,4.
20 août. T. R. 39°. Coloration plombée de la face et des
extrémités; exulcérations aux oreilles; excoriations des
lèvres (surtout aux commissures) et de la langue, avec for-
mation d'une pellicule blanchâtre simulant des plaques
muqueuses. Pas une seule dent. Pas de muguet. Ventre
ballonné; pas de vomissements; diarrhée verte; érythème
et papules aux fesses. Rien à signaler du côté de l'appareil
pulmonaire. On constate un pou de raideur clans les mem-
bres inférieurs, surtout dans le droit; cependant, l'enfant
remue également les quatre membres quand on les cha-
touille ; le phénomène du tendon rotulien est un peu plus
marqué à gauche qu'à droite. Soir : T. R. 39°.
21 août. L'enfant cesse de boire au biberon et ne prend
plus de lait qu'à la cuiller. Conjonctivite et kératite dou-
bles. T. R. 39°. Soir : 39°,2.
22 août. T. R. 38°,9. Soir : 39°,6.
23 août. L'enfant ne prend plus aucune nourriture ;
diarrhée peu abondante, mais selles fréquentes d'un jaune
grisâtre. Depuis deux jours, il n'a plus la force de crier et
ne se plaint même pas à voix basse. La figure est très pâle,
les traits tirés, la bouche entr'ouverte; les lèvres sont cou-
vertes de croûtes et de petites ulcérations. L'oeil droit est
complètement fondu; l'oeil gauche présente un état louche
de la cornée qui permet à peine d'apercevoir la pupille au-
dessous ; la cornée est conique et présente un peu à droite,
au-dessous du centre, une ulcération arrondie de 3 milli-
mètres de diamètre. La conjonctive est rouge non seule-
118 APOPLEXIE MÉNINGÉE : TROUBLES TROPHIQUES.
ment par injection vasculaire, mais encore par suite de
petites ecchymoses. (Troubles trophiques.)-Contracture
légère des membres, qui se meuvent à peine ; le bras droit
est un peu plus raide que le gauche ; la même différence
ne s'observe pas aux membres inférieurs.
A l'auscultation, respiration faible; quelques râles dans
le poumon gauche. Les bruits du coeur s'entendent à peine.
En appliquant le stéthoscope sur la poitrine et sur les mem-
bres, il produit une petite dépression circulaire qui met
quelque temps à disparaître.
Le même jour, à six heures du soir, l'enfant meurt, sans
que cette mort ait été précédée de convulsions ou de cris.
Mais, une heure avant la mort, la tête a commencé à climi-
nuer sensiblement, les sutures non ossifiées se sont dé-
primées en gouttière; la médio-frontale, en particulier, a
une largeur de 3 centimètres; elle paraît comme creusée à
la gouge entre les deux moitiés du frontal. En bas, elle va
jusqu'à la racine du nez; en haut, elle se continue avec
une dépression irrégulière qui représente la fontanelle an-
térieure. Le volume total de la tête est évidemment très
inférieur à ce qu'il était le matin. La température rectale
était ce matin de 39°, 1 ; de 40°, à 5 heures du soir. Prise
après la mort (6 heures), elle était de 39",9 au bout d'un
quart d'heure; de 39°,5 au bout d'une heure; de 37°, au
bout de deux heures.
Nous avons réuni en un tableau les diverses 2nezzsura-
tions de la tête de l'enfant, ainsi que la succession de ses
poids, qui montre bien sa déchéance progressive.
HYDROCÉPHALIE : AUTOPSIE. 119
120 HYDROCÉPHALIE : ÉTAT DES OS.
externe est formé par le frontal pour les 2/3 antérieurs et
par le pariétal pour le 1/3 postérieur.
La fontanelle postérieure a la forme d'un triangle isocèle
dont la base est tournée en haut et dont le sommet tronqué
aboutit à l'angle supérieur de l'occipital. La base, longue de
9 centimètres, est formée par l'os surnuméraire, inter-
fronto-pariétal ; les autres côtés, assez irréguliers, formés
par les pariétaux, ont environ 14 centimètres. L'angle in-
férieur est occupé par trois os wormiens ayant chacun un
peu plus d'un centimètre carré de superficie, et quoique
indépendants, placés en contact les uns des autres et des
os voisins. L'angle supérieur droit se prolonge avec la
partie droite de la suture sagittale comme nous l'avons
déjà indiqué; l'angle gaucho se prolonge avec une suture
membraneuse analogue mais très peu large, longue de cinq
centimètres et allant jusqu'à la réunion des os frontal et
pariétal.
En outre des trois os wormiens que nous venons de
signaler, il en existe deux autres, allongés dans le sens
antéro-postérieur et occupant la ligne médiane de l'aire e
de la fontanelle postérieure. Le plus élevé est blanchâtre,
d'aspect cartilagineux; il a un cent. et demi de long sur
un cent. de large. Immédiatement au-dessous se trouve le
second, qui a 5 cent. de long sur 3 de largo et qui présente
les apparences d'une ossification plus avancée. Enfin, au-
dessous de l'angle supérieur droit se trouve un triangle
d'apparence cartilagineuse, de deux centimètres de long,
dépendant du pariétal, mais dont la mobilité montre la
réunion incomplète.
Les sutures fronto-pariétales ne sont pas ossifiées, mais
à ce niveau les os sont contigus. A leur jonction avec les
sutures qui représentent la sagittale dédoublée se voit une
petite fontanelle. La suture lambdoïde est normale : en
quelques points on remarque une disposition manifeste à
la formation de dentelures. Quant aux sutures squa - z
meuses, on n'en découvre pas de traces ; le temporal semble
faire corps avec le pariétal sans aucune délimitation.
L'épaisseur des os du crâne est très faible ; ils sont
presque partouttranslucides, laissant voir çà et là des points
opaques; cette opacité est surtout marquée au niveau de
l'os fronto-pariétal où la voûte crânienne paraît avoir son
maximum de solidité. Les os ont une certaine élasticité
que l'on constate aisément aux points où le trait de scie a
divisé le temporal.
Le frontal, comme nous l'avons déjà indiqué, est double ;
il n'offre rien de bien particulier à signaler, sinon que son
OS SURNUMÉRAIRE. 121
angle supérieur, déjeté latéralement, s'insinue entre l'os
surnuméraire et le pariétal et qu'il est relativement aigu.
- Les pariétaux, unis à la portion écailleuse du temporal,
font partie de la moitié postérieure du crâne ; ils sont larges
et minces, et ont environ 15 centimètres de dimensions
antéro-postérieures. Leur bord antérieur est en rapport
avec le frontal, le postérieur avec l'occipital; l'inférieur
n'existe pas, puisqu'il est soudé au temporal ; le supérieur
est arrondi, convexe; son quart antérieur est en rapport
avec l'os surnuméraire que nous appelons inter-fronto-
pariétal,ses 3/4 postérieurs forment les côtés de la fontanelle
postérieure. L'ccaille de l'occipital paraît peu développée
relativement au reste de la voûte crânienne ; elle est d'as-
pect normal, sauf un point membraneux qui a persisté de
chaque côté, à 4 centimètres de la ligne médiane,au niveau
des fosses cérébelleuses.
Il ne nous reste plus à décrire que l'os surnuméraire
inter-fronto-pariétal. Il occupe exactement le sommet du
crâne ; il est à peu près régulièrement circulaire, et son
- centre est très saillant; nous avons déjà signalé son épais-
seur relativement considérable. Son diamètre est de plus
de 15 centimètres si l'on suit sa courbure, et à peine de 13
centimètres si on ne la suit pas. Le centre en est nettement
osseux; la périphérie a un aspect blanchâtre qui rappelle le
cartilage. Libre en avant et en arrière où il limite les fon-
tanelles, il l'est encore du côté droit; à gauche, il est libre
dans le tiers postérieur (au niveau du pariétal), mais non
dans les 2/3 antérieurs où il est presque complètement uni
au frontal dont il semble une dépendance.
En examinant la boîte crânienne par sa face interne, on
voit la dure-mère peu épaisse, très transparente, laissant
apercevoir l'arbre artériel de la méningée moyenne. La
faux du cerveau est très peu développée, surtout dans sa
moitié antérieure où elle n'a pas plus d'un centimètre de
hauteur; en arrière, au niveau de l'angle supérieur de
l'occipital, elle se bifurque pour se continuer avec la tente
du cervelet qui forme une sorte de cul-de-sac médian assez
aigu, dont le sommet se dirige en haut et s'élève à 5 centi-
mètres au-dessus du plan des parties latérales. La faux
du cervelet n'est pas appréciable.
Une veine du volume d'une plume de corbeau provenant
de la surface de l'hémisphère cérébral gauche et aboutis-
sant au sinus latéral du même côté est oblitérée par une
thrombose ainsi que ce sinus. (Fig. 3, u, v).
122 HYDROCÉPHALIE KYSTE.
De chaque côté de la faux clu cerveau se trouve une
membrane qui cloisonne la cavité crânienne de la même
façon que cette faux. Ces membranes s'écartent de la ligne
médiane au niveau de la partie supérieure de la fontanelle
antérieure et viennent se réunir à la tente du cervelet à 4
ou 5 centimètres de la bifurcation de la faux du cerveau.
La poche qu'elles circonscrivaient atteint 8 à 10 centimètres
de large à droite, et seulement 6 à 7 à gauche. Ces mem-
branes sont minces, transparentes, peu résistantes; à leur
voisinage, la dure-mère parait saine, non épaissie. Elles
paraissent formées par le feuillet arachnoidien viscéral qui,
accolé au feuillet pariétal, s'en détacherait un peu plus
loin. Ce qui parait confirmer cette apparence, c'est que :
1° en certains points il est facile de séparer cette membrane
de la dure-mère qui semble alors se dédoubler; 2° tandis
que tout le reste de la membrane qui tapisse la cavité
crânienne est lisse, unie, sans prolongement de tissu con-
jonctif, comme la dure-mère normale, au niveau de la
poche ainsi circonscrite, cette membrane présente quelques
prolongements de tissu conjonctifet forme quelques aréoles
analogues à celles du tissu cellulaire insufflé; 3° cette
poche a été trouvée pleine d'un liquide séreux, en tout
analogue au liquide céphalo-rachidien avec lequel il
paraissait communiquer; nous devons dire toutefois que,
au palper, cette collection donnait la sensation d'un kyste.
En enlevant à la fois la calotte crânienne que nous ve-
nons de décrire et le cerveau, on trouve ce dernier nageant L
dans le liquide cépltalo ? aclziclien. En avant, l'extrémité
antérieure vient presque au contact des os frontaux ; en ar-
rière, l'extrémité occipitale est assez éloignée de la paroi
crânienne. En introduisant la main entre le crâne et le
cerveau on constate que celui-ci est comme refoulé en bas
et en arrière par une sorte de kyste (la poche décrite ci-des-
sus) dont on déchire les parois qui s'implantent sur la
dure-mère. En palpant la surface du cerveau on la sent se
déprimer comme une paroi kystique peu tendue; on obtient
la sensation que l'on aurait en déprimant légèrement la
paroi d'un petit ballon de caoutchouc crevé.
Cerveau. - Le cerveau, par suite de la distension de ses
parois par le liquide céphalo-rachidien, a une surface très
grande; il est tellement dilaté et ses parois sont tellement
amincies que lorsqu'on veut le transvaser du crâne dans
une cuvette pour l'examiner, il se rompt dans toute lalon-
gueur du corps calleux, quelles que soient les précautions
que l'on ait prises dans cette opération. Le cerveau se pré-
DESCRIPTION GÉNÉRALE DU CERVEAU. 123
sente alors sous l'aspect d'une vaste poche formée par la
dilatation extrême des ventricules latéraux, et largement
ouverte en haut sur la ligne médiane. Cette poche a envi-
ron 15 centimètres de longueur ; les parois en sont for-
mées par l'écorce cérébrale très amincie.
On ne retrouve comme vestiges du corps calleux que de
petits ponts purement membraneux, en avant et à la partie
moyenne ; tout à fait en arrière, il a 3 à 4 millimètres
d'épaisseur. Il est également à peu près impossible de re-
trouver le trigone ; le ventricule moyen un peu dilaté s'ou-
vre dans les ventricules latéraux et semble ne former avec
eux qu'une seule cavité. -Le septum liccidtn2 est cepen-
dant bien reconnaissable. Détaché de son insertion supé-
rieure par l'ouverture accidentelle du cerveau, il a la forme
d'un triangle allongé à base postérieure, effilé en avant;
il s'étend depuis la partie antérieure des ventricules la-
téraux jusqu'à la partie antérieure du ventricule moyen,
mince et très transparent en avant, il est plus épais en ar-
rière. (Fig. 3, CL).
Les circonvolutions cérébrales des faces interne et ex-
terne sont très multipliées, aplaties, déformées à un tel
point qu'elles sont méconnaissables et qu'on ne peut leur
appliquer la nomenclature ordinaire. Cependant, il est aisé
de voir que la scissure de Sylvius naît plus près de l'ex-
trémité postérieure qu'à l'état normal et qu'au lieu de se
diriger en arrière et en haut, elle se porte en avant et en
haut. Les deux lèvres de la scissure, aussi bien à droite
qu'à gauche, sont accolées. (Fig. 2 et 3, S S).
A la base du cerveau la région de l'hexagone de Willis
se trouve à peu près à l'union du 1/3 postérieur de l'encé-
phale (cervelet compris) avec les 2/3 antérieurs. Ces 2/3
antérieurs sont constitués par l'accollement des deux lo-
bes frontaux qui viennent au contact l'un de l'au-
tre sur une longueur de 11 centimètres et sur une hauteur
de plus de 2 cent. En un mot, il semble que la substance
des hémisphères ait été, comme le cerveau tout entier, re-
foulée en bas et en avant. Au niveau de l'hexagone, nous
devons signaler : 1° la minceur extrême de l'espace inter-
pédonculaire au niveau duquel le sommet du ventricule
moyen est réduit à une simple toile membraneuse et
transparente; 2° l'amincissement et l'élargissement des
bandelettes optiques ; 3° l'absence apparente des tuber- .
cules mamillaires;- 4° l'aplatissement des pédonoules cé-
rébraux qui sont d'ailleurs symétriques. Quant aux
nerfs et aux artères de la base, ils ne nous ont paru présen-
ter rien de particulier.
124 FOYER HÉàlOR11HAC.IQrJE.
A la partie postérieure du bord supérieur de l'hémis-
phère cérébral gauche, dans la région qui correspond au
lobe carré, la substance cérébrale est indurée et forme un
noyau volumineux au niveau duquel les circonvolutions
paraissent plus larges que dans le reste du cerveau. La
pie-mère, par transparence, montre là un foyer hémorrha-
gique, avec du sang coagulé au centre, se continuant à la pé-
riphérie par une dégradation insensible (Fig. 2 et 3, fh).L'en-
semble du foyer a 8 cent. de long et envahit les deux faces
(interne et externe). En pratiquant, en ce point, une sec-
tion, on trouve qu'elle a à peu près la consistance du tissu
hépatique. Toute l'épaisseur de l'écorce cérébrale est en-
vahie par du sang plutôt infiltré que collecté en foyer. Ce-
pendant,à un centimètre environ de la surface, on voit une
strie sanguine plus foncée indiquant une sorte de foyer en
nappe. Une veine du calibre d'une petite plume est obturée
par un caillot. Elle part de la partie inférieure et anté-
rieure de la face interne du côté gauche; elle se dirige le
long de cette face en passant au milieu de la surface du
foyer; elle gagne ainsi la partie postérieure du bord supé-
rieur du cerveau, s'incline en bas et va se jeter dans le si-
nus latéral gauche ainsi que nous l'avons vu à la descrip-
tion du crâne. Les veines afférentes au niveau du foyer hé-
morrhagique sont également thrombosécs. (Fig. 3, vu).
Le cervelet pèse 140 gr.; ses hémisphères sont égaux.
La protubérance est bombée, assez dure; sa moitié droite
est un peu moins haute que la gauche. Les parties qui
constituent le bulbe sont presque tout à fait confondues ;
les pyramides antérieures ont une apparence rubanée ;
les olives, assez grosses, se confondent avec le reste du
bulbe. Le collet du bulbe, plus accusé que d'habitude,
semble étrangler la moelle qui est peu volumineuse.
Au niveau de la partie antérieure de la face supérieure
du cervelet, il y a des adhérences entre la surface de ce
dernier et la toile membraneuse, vestige du corps cal-
leux.
La pie-mère paraît s'enlever partout avec facilité ; elle a
été laissée en place pour augmenter la résistance de l'é-
corce cérébrale, et à cause des particularités qu' elle pré-
sentait au niveau du corps calleux.
Après cet examen très difficile, ainsi que c'est la règle en
pareil cas, l'encéphale a été mis dans l'alcool. Le durcisse-
ment s'est opéré assez imparfaitement, aussi le dernier
DESCRIPTION DES CIRCONVOLUTIONS. 125
examen, dont nous allons indiquer les résultats, a-t-il été
lui-même très laborieux. La décortication de la pie-mère,
même après cette macération, se fait difficilement, en
raison de la ténuité de cette membrane. Il s'ensuit que,
par places, on entraîne des lambeaux assez larges de la
substance cérébrale.
La face orbitaire des deux lobes frontaux est confondue
avec la face convexe et, comme nous le dirons tout à l'heure,
la face interne est extrêmement réduite.
Hémisphère gauche. Face inférieure. Toutes les cir-
convolutions du lobe frontal (fig. 2, L F.) se dirigent
d'avant en arrière vers la lèvre antérieure de la scissure de
Sylvius, S S, au niveau de laquelle elles s'enfoncent ver-
ticalement. Toutes ces circonvolutions sont assez sinueuses
et ont des bords un peu rectangulaires ; elles présentent
quelques plis de passage. A son origine, la scissure de
Sylvius est séparée de la scissure inter-hémisphérique par
un intervalle de trois centimètres, de telle sorte que le lobe
frontal se termine en forme de pointe arrondie.
En arrière de la scissure de Sylvius, entre elle et le bord
externe de l'hémisphère cérébelleux, existent six circon-
volutions qui convergent toutes vers la lèvre postérieure de
la scissure de Sylvius et qui forment deux groupes (L M,
L P). Un sillon assez profond, s s, sépare les deux groupes,
tandis que les circonvolutions qui constituent chaque
groupe ne sont séparées que par des sillons superficiels.
Hémisphère droit. Face inférieure. Elle offre la même
disposition que la face correspondante de l'hémisphère
gauche, ainsi qu'on peut aisément s'en rendre compte en
comparant les deux moitiés de la fig. 3. Toutefois nous
devons faire remarquer que, tandis qu'à gauche le groupe
L P est plus petit que le groupe L M, on observe, à
droite, une disposition inverse.
Des deux côtés, le lobule de l'insula, L I, est aplati,
très irrégulier. Des deux côtés aussi, les circonvolutions
sont tassées, accolées; les sillons ressemblent par consé-
quent à des lignes ; sauf sur les lobes frontaux où un cer-
tain nombre de sillons sont sinueux, la plupart des autres
sont rectilignes. Lorsqu'on les écarte, on s'aperçoit qu'ils
sontassez profonds.Malgré un séjour prolongé dans l'alcool,
les circonvolutions ont conservé une très grande mollesse,
la plus légère pression suffit pour entraîner la couche
superficielle. Ce défaut de consistance établit un contraste
frappant avec les lobules de l'insula (L I) qui sont résis-
126 DESCRIPTION DES CIRCONVOLUTIONS.
tants et surtout avec la protubérance et le bulbe qui sont
très durs.
Nous allons décrire maintenant la face convexe que nous
n'avons pu faire dessiner,etnous commencerons par l'hé-
misphère droit, où l'on observe les particularités les plus
intéressantes. -
Hémisphère droit. Les circonvolutions qui répondent
au lobe frontal se dirigent horizontalement (l'une d'elles
est assez volumineuse et assez épaisse) ; celles qui ré-
pondent au lobe moyen (LM) se dirigent, les antérieures,
obliquement en avant, les postérieures verticalement; les
Fig. 2. - L F, lobe frontal. - L M, lobe moyen. L O, lobe occipital. z
S S, scissure de Sylvius. - L I, lobule de l'insula. - P, protubérance. z
B, bulbe. M, moelle. s s, scissure qui sépare LM de L O. - f h, indique le
foyer hémorrhagique placé en dehors. "j
DESCRIPTION DES CIRCONVOLUTIONS.
127
premières sont très amincies, presque réduites à l'état de
membrane semi-transparente ; les secondes sont relative-
ment assez épaisses. Enfin, les circonvolutions qui ré-
pondent au lobe postérieur de la face inférieure (L P) se
dirigent, les plus antérieures verticalement, les posté-
rieures obliquement d'avant en arrière.
(Cette figure et la précédente sont de demi-grandeur naturelle
mais après macération dans l'alcool).
Il ressort de cette description que les circonvolutions de
la face convexe se développent en forme d'éventail, dont la
scissure de Sylvius formerait le manche. Les circonvo-
luttons sont assez sinueuses, mais très élargies et les
Fig. 3. - V L, ventricule latéral. - C L, cloison. transparente. - C R, cir-
convolution retournée. - CS, corps strié. C 0, couche optique.- Vil, ven-
tricule moyen. - T Q, tubercules quadrijumeaux. - C, cervelet. - F, première
circonvolution frontale. - s s, scissure. - L P, lobe paracentral. - L Q, lobe
carré. - C C, corps calleux. - L 0, lobe occipital. - f h, foyer hémorrhagique.
128 DESCRIPTION DES CIRCONVOLUTIONS.
sillons, au lieu d'être réduits, comme à la base, à de simples
lignes, sont, au contraire, très agrandis surtout dans la
partie moyenne des deux tiers antérieurs de la face convexe ;
en arrière, les sillons sont peu larges, mais profonds. Enfin,
le long des deux tiers antérieurs du bord supérieur de
l'hémisphère, les sillons sont si effacés et les circonvolu-
tions si aplaties, que cette région de la face convexe est
presque unie.
Hémisphère gauche. D'une façon générale, les cir-
convolutions ont la même disposition en éventail ; mais
elles sont beaucoup moins élargies et ont conservé une
épaisseur que l'on peut évaluer à deux ou trois fois celle des
circonvolutions correspondantes de l'hémisphère droit.
Nous arrivons maintenant à la description de la face
interne.
Hémisphère droit. Onvoit d'abord une circonvolution
large, amincie, divisée en trois parties par deux larges
sillons et qui paraît répondre à la fois à la première cir-
convolution frontale et à la circonvolution du corps calleux
(fig. 3, F.). Nous n'avons pas trouvé d'indice du sillon
calloso-marginal, à moins que l'on ne regarde comme tel,
le second sillon vertical fzg. 3, s s.); dans cette hypo-
thèse, la seconde partie de la circonvolution que nous
venons de décrire correspondrait à la circonvolution du
corps calleux.
En arrière existe une circonvolution allongée, aplatie,
sans sillon, qui est peut-être le lobe paracentral (fig. 3,
L P). Viennent ensuite des circonvolutions moins unies,
plus bombées et un peu plus épaisses et sillonnées (L Q)
qui semblent répondre au lobe carré et au coin. Quant
au lobe occipital (L O), il est assez épais et parait faire
suite à la région L P de la face inférieure. - La hauteur
de la face interne varie entre un et deux centimètres.
Hémisphère gauche. Les circonvolutions de la face
interne sont ici notablement plus épaisses et plus sinueuses.
Il est possible d'y distinguer la première frontale et la cir-
convolution du corps calleux dont la direction est modifiée
(fig. 3). Les circonvolutions de la région moyenne sont en-
core plus épaisses ; c'est là que siège le foyer hémorrha-
gique (f h) dont il a été question plus haut et que l'on
voit sillonné par la veine thrombosée (v.v.).
La pie-mère est restée adhérente. A l'état frais, il a été
HYDROCÉPHALIE Lez 129
impossible de la détacher et, après macération dans
l'alcool, lorsque nous avons essayé de nouveau de l'enlever,
malgré les précautions les plus minutieuses, nous avons
entraîné un fragment de l'hémisphère (5 à 6 centimètres de
long sur 2 à 3 de haut). La face interne mesure en avant
deux centimètres ; à la partie moyenne, trois centimètres
et tout à fait en arrière près de deux centimètres.
Voici quelques mensurations qui montrent encore mieux
le degré de distension subie par les hémisphères :
130 HYDROCÉPHALIE : SYMPTÔMES.
bres, du thorax, etc., ne portaient aucune marque de ra-
chitisme ; toutefois nous devons mentionner l'existence,
le long du quart inférieur du bord externe du cubitus
droit, d'une exostose d'un centimètre de hauteur, sur cinq
millimètres de largeur et deux d'épaisseur.
L'observation que nous venons de relater avec détails
nous paraît offrir plusieurs particularités intéressantes sur
lesquelles'il nous semble utile d'insister.
I. L'étiologie de l'hydrocéphalie est encore très vague.
Ici, de même que dans beaucoup d'autres maladies ner-
veuses, nous pouvons relever : du côté paternel, l'al -
coolisnte; du côté maternel, la migraine, l'insuffisance
mentale, les convulsions.
II. Dès la naissance, on a remarqué le volume anormal
de la tête de l'enfant. Durant les six premiers mois de la
vie, la tête a grossi progressivement, mais avec une certaine
lenteur. A cette époque surviennent des convulsions
intéressant uniquement la moitié gauche du corps et
suivies d'une paralysie transitoire affectant le même côté.
Après ces accidents convulsifs, la tête augmente rapide-
ment. Enfin, pendant le séjour de l'enfant dans le service,
des mensurations comparatives nous ont permis de cons-
tater un accroissement continu de l'extrémité céphalique,
portant principalement sur la plus grande circonférence,
la demi-circonférence auriculo-bregmatique et sur la demi-
circonférence antéro-postérieure. Si quelques dimensions
ont paru diminuer quelques jours avant la mort, ce résultat
est attribuable à l'amaigrissement. Comme on le voit, l'hy-
drocéphalie a eu une marche progressive, avec accélération
à la suite des convulsions. On sait que, parfois, elle offre
des intermittences.
L'aspect général de la tête et de la face, considéré
isolément ou par rapport au reste du corps, n'a offert rien
de particulier : il est conforme à la description classique.
L'intelligence n'était pas tout à fait abolie ; l'enfant re-
connaissait ses parents et les infirmières qui le soignaient;
il gazouillait et souriait.
Si l'on en jugeait par cette observation, l'hydrocéphalie
retarderait la dentition, puiaqu'à 13 mois, All.. n'avait au-
HYDROCÉPHALIE : COMPLICATIONS. 131
cune dent; mais ce serait sans doute s'aventurer, car M.
Douchut parle d'un hydrocéphale âgé de deux ans qui avait
douze dents saines et huit autres prêtes à percer (1).
Les membres et le tronc avaient d'ailleurs une confor-
mation régulière ; il n'y avait ici ni bec de lièvre, ni pieds
bots, ni spina bifida comme l'un de nous en a vu plusieurs
exemples à l'hôpital des Enfants malades, dans le service
de M. Giraldès (2).
Après avoir un peu diminué de poids, par suite sans
cloute du changement occasionné par le séjour à l'hospice,
All.. semblait devoir se développer; mais, à partir du 21
juillet, il pesa de moins en moins et perdit 1300 grammes
en 32 jours.
Parallèlement à cet amaigrissement, se produisent des
troubles trophiques, d'abord du pemphigus àpetites bulles,
puis une double kératite avec fonte purulente rapide des
yeux (3), peut-être susceptible d'être rattachée, dans une
certaine mesure, à l'hémor1'hagie méningo-encép)zalidue.
accompagnée de contracture, d'élévation de la tempéra-
ture, etc. Cette complication a-t-elle été déjà signalée ?
Nous ne savons. Toutefois, Barthez et Rilliet disent avoir
« constaté des épanchements sanguins dans la cavité
arachnoïdienne (4) Il,
Il est une autre particularité qui mérite d'être relevée.
Divers auteurs font remarquer que, assez souvent, après
la mort, il se produit une dépression des fontanelles. Or,
dans ce cas, la dépression s'est opérée avant la mort et a
été très accusée.
III. a) Les os clu crâne, suivant la règle, étaient très
(t) Clinique de l'hôpital des Enfants malades, 1884, p. 23.
(2) Frank (loc. cit., p. 528) énumère encore d'autres malforma-
lions : l'absence des yeux et des reins, la présence de capsules surré-
nales d'un très grand volume, la séparation des parois abdominales
et la brièveté des membres inférieurs, les os, excepté les vertèbres,
à l'état cartilagineux, les reins changés en une masse informe,
l'absence d'anus, etc.
(3) Barrier cite un cas dans lequel il a noté peu de temps avant la
mort « une ophthalmie purulente très grande, qui entraîna en très
peu do jours la fonte des globes oculaires. » (Traité pratique des
maladies de l'enfance, 3' édit., t. II, p. 462).
(4) Traité clinique et pratique des maladies des enfants.
2" émit., 1861, t. II, p. 172. ,
132 HYDROCÉPHALIE.
minces, quelques-uns presque transparents. Mais, en plus
des os qui composent régulièrement la voûte du crâne, il
existait plusieurs os surnuméraires. C'est sans doute de
ces os qu'a voulu parler Frank lorsqu'il écrit que « l'examen
cadavérique a fait voir... des os sésamoïdes (1), surtout
dans le trajet de la suture lambdoide (2), et à son sommet (3),
quelquefois dans la fontanelle antérieure. » Le principal
de ces os surnuméraires, celui que nous avons décrit sous
le nom d'os inter-fronto-pariétal, situé sur le trajet de la
suture lambdoide, avait de grandes dimensions et une
épaisseur de sept millimètres. Parce dernier caractère,cet os
se distingue des autres et il permet de se rendre compte de
ce qui arrive dans des cas, d'ailleurs exceptionnels, où
l'on trouve sur le crâne des bosses frontales ou pariétales
très saillantes, ce qui est dû en partie à l'épaississement
des os (4). 11 peut arriver aussi, d'après Barthez et Rilliet
que « les os du crâne acquièrent une épaisseur inaccou-
tumée destinée à résister à la pression qui s'exerçait sur
eux (loc. cit., p. 157). » Si l'épaississement se fait d'une
façon irrégulière, il en résulte une asymétrie plus ou moins
prononcée du crâne.
b) Quant aux dimensions de la tête, elles n'avaient
encore rien d'exagéré chez AU.. La plus grande circon-
férence n'a pas dépassé 59 centimètres et demi. Barthez et
Rilliet disent qu'ils ont vu « un enfant de 14 mois dont le
crâne avait 58 centimètres de circonférence, 38 depuis la
protubérance occipitale externe jusqu'à la racine du nez, et
33 entre la racine des deux oreilles jloc. cit., p. 157). Plus
loin (p. 162) ils rapportent l'observation d'un autre enfant
dont la circonférence de la tête était de 58 centimètres ; la
distance de la pointe du nez à la base occipitale 41 cent.;
celle d'une oreille à l'autre, 37 centimètres. Dans certains
cas extrêmes isolés, dit Steiner (5), la circonférence du crâne
(1) Sandifort (Muséum analom., lib. II, cap. 1) ; Blumenbach
(Geschile der ICnochen, p. 180) et Meckel (loc. cit., p. 293), soup-
çonnent que la présence de ces os tient à une hydrocéphale (Frank.
Traité de pathologie interne, t. II, p. 534.)
(2) Blumenbach, loc, cit., p. 175, - Soemmcring, Knochenlehre,
p. 230 (Frank, ibid.)
(31 Meckel, ! oc. cit., p, 318 (Frank, ibid.).
(4) Sandifort, loc. cit., tab. 7. (Frank, ibid.)
ln Steiner. - Compendium des maladies des enfants, etc.,
HYDROCÉPHALIE : VARIÉTÉS. 133
atteint 60 à 70 centimètres ; chez un enfant de neuf mois,
elle était de 83 centimètres : tandis que la longueur de son
corps ne dépassait pas 58 centimètres, la hauteur céphalique
mesurait 19 centimètres et demi. »
M. Giraldès a cité, d'après Bright, le fait d'un hydrocé-
phale, nommé Cardinal, mort à 24 ans, dont la tête avait
86 centimètres et demi de circonférence (1). Il ajoute avoir
vu au musée de l'hôpital Saint-Georges, à Londres, la tête
d'un hydrocéphale décédé à 7 mois, et chez lequel la plus
grande circonférence était de 81 centimètres.
c) L'hydrocéphalie peut être, on le sait, aiguë ou chro-
nique, idiopathique ou symptomatique, acquise ou con-
génitale. Dans le cas actuel, il s'agissait d'une hydrocé-
palie idiopathique, congénitale et chronique. Cette
forme offre elle-même des variétés : tantôt le liquide est
collecté entre la dure-mère et l'arachnoïde, pour ainsi dire
enkysté ; tantôt il est renfermé dans la grande cavité de
l'arachnoïde; -tantôt il est contenu dans les ventricules.
Parfois, chez le même sujet, on trouve une collection abon-
dante de liquide et dans la cavité arachnoïdienne et dans
les ventricules.
Ici l'hydrocéphalie était à la fois ventriculaire et arach-
noïdienne. Les détails consignés dans le procès-verbal de
l'autopsie nous dispensent d'insister de nouveau sur ce
point. Nous rappellerons seulement que, dans la ca-
vité arachnoïdienne, une partie du liquide était enkystée
entre la dure-mère et l'arachnoïde, croyons-nous ; par
conséquent, il s'agissait la,mais partiellement,d'une hy-
drocéphalie externe, pour employer l'expression de Steiner.
C'est sans doute à cette disposition qu'il est fait allusion
par Blache et Guersant quand ils disent que « dans quel-
ques cas, les liquides sont accumulés dans des espèces de
kystes (2). »
remanié et augmenté par L. Fleischmann et M. Herz, trad. Ké-
raval. Paris, 1880, p. 101.
(1) Leçons cliniques sur les maladies chirurgicales des enfants
rec. par Bourneville, E. Bourgeois et Bouteiller, p. 13.
(2) Extraits de pathologie infantile, publiés par R. Blache, 1833,
p Dans le cas de]\[. Christian, dont il est question plus loin,
il existait dans la cavité droite de l'arachnoïde, un kyste fibreux
volumineux, appliqué sur la face interne de la durs-mère et ren-
fermant 450 gr. de caillots et de sérosité sanguinolente.
134 HYDROCÉPHALIE.
Mais il est une autre particularité que nous de-
vons relever : c'est que l'hydrocéphalie n'avait pas déter-
miné une dilatation uniforme, non seulement par rapport
aux deux moitiés de l'encéphale, mais encore par rapport
aux diverses régions de chacun des ventricules latéraux.
Nous avons vu, en effet, que la poche kystique était beau-
coup plus grande à droite qu'à gauche et que le ventricule
latéral droit était, lui aussi, notablement plus large que le
gauche. Enfin, la dilatation des ventricules latéraux consi-
dérée en elle-même était inégale puisqu'elle intéressait, à un
degré bien plus prononcé, la corne frontale que les cornes
temporale et occipitale, c'est cette inégalité de dilatation
qui explique les variétés d'asymétrie que présente le crâne
des hydrocéphales.
d) Le liquide, renfermé dans la cavité crânienne, re-
cueilli avec soin, pesait 1650 gr. sans compter la quantité
qui s'était résorbée durant l'agonie.
Barthez et Rilliet ont trouvé dans l'hydrocéphalie ven-
triculaire 250, 500, quelquefois plus de 1000 gr. de liquide.
La quantité serait à peu près la même dans l'hydrocépha-
lie arachnoïdienne; le chiffre maximum qu'ils indiquent
est 1 kilogramme 1/2 (loc. cit., p. 165). D'après Steiner
(loc. cit., p. 103), elle varierait entre 4 à 6 onces et 6 à 7 li-
vres. M. Bouchut écrit que l'on a vu la quantité de liquide
atteindre le chiffre énorme de 20 à 25 litres (loc. cit., p. 27).
Frank (loc. cit., p. 534) mentionne un cas dans lequel le
cerveau était remplacé par une poche renfermant 50 livres
de sérosité (1).
c) L'analyse du liquide céphalo-rachidien a été prati-
quée par notre ami Yvon qui nous a remis la note sui-
vante :
Analyse du liquide céphalo-rachidien. Composition
pour 1,000 f/1 ?
Volume, 1,630 cc.
Couleur jaune rosé.
(1) Lechel apud Meckel, loc, cil. et Haller ex Spoerlino in
Opusc. a.nat., note 8 (Frank, loc. cit., p. 534, note 80). A la page
suivante, note 109, il cite d'autres faits : sept livres, Dixon. Neuf
livres deux onces et demie, Hartell. 18 et 20 livres, Auriville et
l3uttnor. -L'liydrocéphalo du musée do Cruikshank avait environ
27 livres de sérosité.
. LIQUIDE CÉPHALO-RACHIDIEN. 135
Aspect légèrement trouble, s'éclaircit peu près entièrement par
le repos. - Dépôt floconneux peu abondant et de couleur rose.
Odeur peu accentuée.
Consistance très légèrement visqueuse.
Réaction nullo au moment de l'examen.
136 v HYDROCÉPHALIE : DIAGNOSTIC.
parition presque complète du centre ouale, l'amincissement
du corps calleux, l'agrandissement des sillons au niveau
de la face convexe des hémisphères, l'élargissement du
lobule de l'insula, la singulière disposition des corps opto-
striés, etc., nous ne pourrions que répéter ce que nous
avons déjà dit. - '
V. Dans ce cas, le diaa1ostic de 1'li ? j(li,océl)lialie n'offrait t
aucune difficulté. Parfois, mais nous croyons que c'est là
une circonstance assez rare, il n'en est pas tout à fait de
même. C'est pourquoi la plupart des auteurs établissent
un parallèle entre cette maladie, le rachitisme du crâne,
l'hypertrophie du cerueau,et surtout l'encéphalocèle et la
méningocèle (1). Ici, il était impossible de confondre l'hy-
drocéphalie avec le rachitisme du crâne ; cette confusion
est possible lorsque, l'hydrocéphale ayant survécu, les su-
tures se sont fermées et nous aurons sans doute un jour
l'occasion, à propos de l'un de nos malades, d'examiner
ce point particulier (2). Nous laisserons aussi de côté l'hy-
(1) Voir sur ce sujet : Giraldès. - Leçons sur les maladies chi-
rurgicales des enfants, pages 19, 244, 368.
(2) Il va de soi que, dans les cas d'hydrocéphalie chronique avec
ossification des fontanelles et des sutures, ainsi quo cela existe chez
les hydrocéphales âgés, il n'y a pas de confusion possible avec,
l'encéphalocèle. ,
Fig. 4. - (Empruntée aux Leçons de M. Giraldès).
HYDROCÉPHALIE ET ENCi,PH,\LOC1;LE.
137
perlrophiedu cerveau afin de ne pas étendre démesurément
ces commentaires et nous n'insisterons que sur l'encëpha-
locèlé.
On sait que l'encéphalocèle est une tumeur constituée
par 'un contenant membranes cutanées et encéphaliques
et par un contenu portion herniée du cerveau et sé-
rosité. On sait également que la méningocèle n'en diffère
que par son contenu, composé de la sérosité seule. L'en-
céphalocèle et la méningocèle, d'ordinaire circonscrites,
se distinguent avec facilité de l'hydrocéphalie généralisée;
mais l'erreur peut être commise si l'hydrocéphalie prédo-
mine d'un côté du cerveau ou surtout si elle n'intéresse
que l'une des cornes ventriculaires. Alors on s'appuiera sur
les différences suivantes :
Encéphalocèle.
Siège le plus fréquent à la ré-
gion occipitale (53 fois sur 75.)
Tumeur circonscrite.
Bourrelet osseux, irrégulier ; se
développe en dehors des fonta-
nelles et des sutures, « par une
trouée des os du crâne (Gi-
rallès). »
Hydrocéphalie.
Le plus souvent générale; ex-
ceptionnellement bornée à la
région occipitale.
Tumeur diffuse.
Pas de bourrelet osseux ; se
développe au niveau des fon-
tanelles persistantes et des su-
tures écartées.
1,"ig. 'i.
138 HYDROCÉPHALIE : PRONOSTIC.
Encéphalocèle.
Réductible parla comprossion.
Parfois la peau est recouverte
d'un tissu érectile.
Tumeur assez souvent bilohée
et quelquefois pédiculée.
Hydrocéphalie.
Non réductible.
Peau saine ou présentant un
peu de desquamation.
Tumeur uniforme à base ordi-
nairement large, non bilobée.
A tous ces caractères différentiels, il est bon d'en joindre
un autre dont l'importance est considérable : il est tiré de
l'aspect de la face. Tandis que la face conserve sa configu-
ration normale dans l'encéphalocèle (fig. 4), elle offre,
dans l'hydrocéphalie, un aspect tout à fait particulier et
connu de tout le monde (fig. 5). (1)
(1) M. Fr. S. Palmer vient de communiquer il The Lancet (1884, 1,
p. 1072) le cas d'une primipare qu'il a accouchée d'un enfant màlo
atteint d'une encéphalocèle. La tumeur avait environ 8 pouces an-
glais de longueur et la grosseur d'une petite noix de coco. Elle était
recouverte en partie par la peau, en partie par une membrane séro-
fibreuse. Durant l'accouchement, qui se fit d'ailleurs naturellement,
la partie fibreuse se rompit. L'enfant était bien conformé dans le
reste de son corps. La mère eut, quelques jours après, une métrite
puerpérale, attribuée au contact du liquido et du sang coagulé
contenus dans la tumeur et sortis par la rupture pendant l'accou-
chement. Le foetus a été envoyé au Collège Royal des chirurgiens
et examiné par M. Fr. S. Eve qui a remis la note suivante : «Le
kyste ost une encéphalocèle formée par la hernie des méninges
à travers un trou situé à la place de la protubérance occipitale et
répondant à l'intervalle des quatre points d'ossification de l'occipi-
tal. Le kyste contient aussi une petite portion de la substance cé-
rébrale allongée. »
Nous avons vu, en 1862, dans le service de M. Giraldès, outre
le cas d'encéphalocèle représenté dans la fig. 47,un autre cas moins
accusé. Il s'agissait d'un enfant mâle âgé de 9 mois, nommé Mor...
Germain. L'encéphalocèle siégeait au niveau de la partie posté-
rieure du pariétal droit et de la partie avoisinante de l'occipital. La
tumeur faisait une saillie extérieure qui ne dépassait pas 10 à 14
millimètres ; elle était allongée, piriforme, ayant sa petite extré-
mité en avant, au-dessus de l'oreille et la grosse extrémité au ni-
veau de l'occipital. On notait un petit étranglement à l'union du
tiers antérieur avec le tiers moyen. La tumeur était molle, circons-
crite par un bord osseux. La peau qui la recouvrait avait sa cou-
leur normale, mais elle paraissait un peu amincie et les cheveux
qui la recouvraient étaient plus fins et moins abondants que sur le
reste de la tête. A la pression on sent les battements du cerveau
qu'on peut refouler dans l'intérieur de la cavité crânienne. L'en-
fant, entré le 29 octobre, est sorti le 10 novembre.
HYDROCÉPHALIE : DURÉE. 139
Nous ne dirons rien du pronostic. Nous nous bornerons
à dire que certains hydrocéphales peuvent vivre long-
temps. L'un de nos malades, Pet..., a 17 ans. M. Giraldès
cite un hydrocéphale du nom de Cardinal, qui est mort à
34 ans. Selon Barrier « quelle que soit la nature de l'hy-
drocéphalie, c'est une maladie des plus graves et constam-
ment mortelle. Celle qui est congénitale permet à quelques
sujets de vivre quelques années ; un petit nombre ont pu
dépasser même l'âge moyen (loc. cit., II, p. 476) ». M. Bou-
chut écrit qu' « il a rencontré dans le cours de sa carrière
un diplomate et un sculpteur fort connus, lesquels présen-
taient à l'âge de 50 ans les marques les plus certaines d'une
hydrocéphalie de naissance (loc. cit., p. 26) » (1).
(1)'M. Christian a communiqué à la Société médico-p1'atiquc
(juillet 1881) le cas d'un hydrocéphale mort de broncho-pneumonie
à l'âge de 44 ans « alors, ajoute-t-il, que l'hydrocéphale ne permet
pas à ceux qui en sont atteints de dépasser la première enfance. »
Des faits, assez nombreux, contredisent cette opinion, M. Christian
lui-même, dans la discussion qui a suivi sa communication, a cité le
fait d'une idiote hydrocéphale âgée de 40 ans.
V.
Idiotie consécutive à une atrophie simple des
circonvolutions cérébrales. Dysentérie. -
Abcès du foie. Tuberculose pulmonaire ;
Par E. 13OUTIER, interne des hôpitaux.
Notre maître, M. Bourneville, s'efforce, depuis qu'il a
pris possession du service des enfants de Bicêtre, d'établir
une classification des idioties. Les unes, comme il l'a fait
voir, sont dues à 1'liydiocéplialie, d'autres à la microcé-
plzalie ; d'autres à la méningo-encéphalite, ou à la sclérose
atrophique, ou encore à la sclérose tubéreuse ou hypertro-
phique. Enfin, dans certains cas, l'idiotie reconnaît pour
cause un arrêt de développement (porencéphalie, etc.), ou
une atrophie simple des circonvolutions; survenue à une
période plus avancée. Le cas que nous allons rapporter
appartient à cette dernière catégorie.
Observation. Père absinthique, suicidé par pendai-
son. Grand-père et bisaïeul paternels alcooliques.
Mère nzigraineuse.- Cousin maternel arriéré. -Con-
sanguinité.
Arrêt de développement congénital. - Premières convul-
sions à 3 azs. - Troubles du sommeil. - A trésie dn
méat urtatre. Tuberculose pulmonaire. - Diarrhée :
amélioration. Dysenterie : Mort.
Atrophie simple des circonvolutions. - Tubercules mi-
liaires et cavernes pulmonaires. Ulcération du gros
intestin. - Abcès du foie.
Bul ? 14 ans, est entré à Bicêtre le 6 mars 1882 (service
de M. BOURNEVILLE).
.Renseignements fournis par sa mère (22 mars 1882).
Père, tapissier, buveur d'absinthe, suicidé par pendaison
IDIOTIE COMPLÈTE. 1-il
en 1841; il était âgé de 42 ans. [Grand-père paternel alcoo-
lique, mort phtisique; bisaïeul maternel alcoolique, sui-
cidé par pendaison. Pas d'aliénés, d'épileptiques, de dif-
formes, etc.]
Mère, 35 ans, couturière, intelligente, nerveuse, mais
sans attaques, sujette à des migraines. [Père alcoolique,
mort phtisique . Mère en bonne santé. Une scieur
morte phtisique, laissant un enfant arriéré.]
Consanguinité (cousins germains). Cinq enfants : 1° une
fille, âgée de 15 ans, d'une taille exiguë pour son âge; in-
telligente ; 2° notre malade; 3° un garçon, bien conformé,
mort de convulsions à 18 mois ; 4° un garçon, 7 ans, bien
portant, intelligent, sans convulsions; 5° une fille bien con-
formée, morte à 15 jours d'une bronchite.
Notre malade. Lors de la conception, le père ne fai-
sait pas encore d'excès de boisson. Grossesse bonne. Ac-
couchement à terme, naturel; pas d'asphyxie à la nais-
sance. Elevé au sein par sa mère jusqu'à 14 mois ; à 3 mois,
eczéma qui a reparu à diverses reprises. B.... a commencé
à parler à 7 mois, mais la parole ne se développa que len-
tement et ne devint jamais parfaite; il a marché à 3 ans,
mais n'a jamais été propre. A 3 ans, premières convul-
sions, attribuées à une peur; elles ont duré 10 minutes.
De 3 à 5 ans, les convulsions se sont montrées deux fois
par mois; elles étaient égales des deux côtés et duraient
10 à 15 minutes; elles ont cessé à 5 ans.
Depuis cet âge, l'enfant se trouve mal pour des motifs
insignifiants : la vue du sang, par exemple; la figure de-
vient alors pâle pendant 1, 2 ou 3 minutes; mais on ne
croit pas qu'il ait eu d'étourdissements. Il n'a pu appren-
dre à lire, il connaissait seulement quelques lettres : il ré-
pétait le nom de celles qu'on lui désignait en les nommant.
mais il ne les disait pas spontanément. Pas d'initiative; il
n'aide ni à l'habillement ni à la toilette. Pas de kleptoma-
nie ni de pyromanie; ni salacité ni rumination. L'enfant
était vorace, sujet à la diarrhée; il avait un sommeil très
agité, pendant lequel il jetait des cris, s'éveillait en sur-
saut, se recouchait et se rendormait; il était peureux. Il
s'est toujours montré affectueux pour sa mère. Pas d'ona-
nisme ni de vers. Rougeole et coqueluche à 3 ans ; pas
d'autres fièvres. B.... est sujet à s'enrhumer. Première
dent à 7 mois; les autres ont apparu de bonne heure. Ni
bave, ni succion, ni balancement; le malade éprouve un
incessant besoin de changer de place. Ajoutons qu'il est
142 dysenterie : autopsie.
né à Paris, et qu'il n'a jamais quitté cette ville ; on verra
tout à l'heure pourquoi nous signalons ce détail.
Etat actuel (mars 1882). L'examen direct permet de vé-
rifier les renseignements donnés par la mère de l'enfant.
De plus, on note la symétrie de la face, du cou, du tronc et
des membres. L'auscultation et la percussion décèlent tous
les signes de la tuberculose pulmonaire. Les organes gé-
nitaux sont normaux ; toutefois le méat urinaire parait
étroit. Les dents de la mâchoire supérieure sont régulières
et en bon état, sauf les premières grosses molaires, qui
sont cariées; il en est de même à la mâchoire inférieure.
Voûte palatine normale. Appétit médiocre; pas de vomis-
sements ; le foie et la rate ont leurs dimensions naturelles;
le ventre assez gros; selles quotidiennes, souvent diarrhéi-
ques. Gâtisme complet; érythème et papules occupant les
fesses, la région lombaire, la partie supérieure des cuisses.
Adénites cervicales et inguinales; extrémités cyanosées.
- Poids, 21 kil. 40; taille, 1 mètre 25.
9 mars. Revacciné sans succès avec du vaccin humain
à gauche et du vaccin de génisse à droite.
10-31 mars. La température rectale oscille entre 38° et
39°,8.
lot-22 avril. La température varie entre 38° et 3; °,G.
Mai. Amélioration assez notable; l'enfant quitte l'infir-
merie et va à la petite école. Diarrhée assez fréquente,
glaireuse, renfermant souvent du sang.
Juin. Poids, 24 kil. 500; taille, 1 mètre 25.
24 août. La diarrhée est devenue plus abondante, et per-
siste malgré des doses élevées de bismuth.
4-21 septembre. La température n'atteint que rarement
38°,8 : elle se maintient presque toujours entre 38°,2 et
37°,6.
5 novembre. - Les selles sont toujours très fréquentes,
mais peu abondantes ; elles contiennent du sang ; on en
compte une dizaine par jour ; elles ne semblent s'accompa-
gner ni de douleur, ni de ténesme. Pas de vomissements.
25 nov.-1G décembre. La température ojcille entre
37°,8 et 37-.6.
1883. Il ? 10 janvier. Congestion pulmonaire double sur-
tout marquée à droite; la température varie entre zon",6 et
38°,4. La diarrhée persiste toujours, ' séreuse et ne conte-
nant plus de sang. L'amaigrissement est extrême; salacité;
pas d'ictère ; pas d'escharres. Mort le 10 janvier. T. R.
po5st mortem : 38",1. Poids : 19 k. 900.
DESCRIPTION DE L'ENCÉPHALE. 143
Autopsie, le 11 janvier.-Tête : cuir chevelu, rien de par-
ticulier, vertex très développé, très élevé; os assez minces.
Base du crâne, symétrique, régulière. Encéphale : 1100 gr.;
liquide céphalo-rachidien en quantité normale; légère
vascularisation de la pie-mère à la face convexe, rien à la
base ; pas de traces de méningite ancienne. L'artère coz7z-
1/tunicante postérieure droite est beaucoup plus petite que
la gauche. Les tubercules mamillaires, le chiasma, les
pédoncules, etc., sont normaux. Cervelet et isthme
120 gr.; hémisphères cérébraux et cérébelleux égaux.
Hémisplière droit : Longueur 15 cent. ; hauteur, 9,5.
Les circonvolutions du lobe frontal présentent, à une dis-
tance de leur point d'insertion sur la frontale ascendante,
qui varie pour chacune d'elles (un centimètre pour la 3°,
1 cent. 5, pour la 2e, 2 cent. pour la 1 r.), un sillon transver-
sal qui les divise en deux parties : l'une antérieure, allant j us·
qu'à l'extrémité du lobe frontal, où les circonvolutions sont
petites, arrêtées dans leur développement, sans lésion ap-
parente, mais assez plissées avec des sillons assez profonds ;
l'autre postérieure, comprise entre ce sillon transversal et
le sillon qui précède la frontale ascendante, où les circon-
volutions sont bien développées. Frontale et pariétale as-
cendantes bien conformées. Sillon de Rolando normal.
Le lobule de l'insula présente six digitations. Le lobule
pariétal supérieur est assez développé ; mais le lobule pa-
riétal inférieur l'est moins, ainsi que le lobule du pli
courbe : tous deux présentent le même arrêt de dévelop-
pement que les circonvolutions frontales. Le lobe occi-
pital est petit, plissé; les circonvolutions temporales sont
également peu développées.
Face interne : la première circonvolution frontale est
très sinueuse ; le lobule paracentral irrégulier, mais assez
gros ; le lobe carre est assez volumineux ; ses sillons sont
relativement superficiels. Le coin est peu volumineux, ainsi
que le lobe occipital. La circonvolution du corps calleux,
le corps calleux, le ventricule latéral, la corne d'Ammon
sont normaux. La couche optique et le corps strié sont
assez développés. La face orbitaire du lobe frontal présente
des circonvolutions petites, mais assez sinueuses.
Hémisphère gauche : longueur, 16 centim. : hauteur,
9 centim. 5. Les circonvolutions frontales n'offrent pas le
même degré de petitesse que celles du côté opposé, ni la
division que nous avons indiquée; elles sont bien plissées
et séparées par des sillons assez profonds; leurs attaches
111 ABCÈS DU FUIE : RÉFLEXIONS.
sont distinctes. Circonvolutions fl'ontale etpai'iétale wsæ/t- '
dantes normales, sinueuses. Sillon de Rolando, rien de
particulier. Le lobule de l'insula a six digitations. Les
lobules pariétaux, celui du pli courbe paraissent réguliers,
sans arrêt de développement. Lobe occipital, normal.
Face interne : circonvolution frontale très sinueuse,
lobule paracentral beaucoup plus plissé que de l'autre côté ;
lobe carré, plissé, sinueux, ainsi que le coin. Circonvolu-
tions du corps calleux, corps calleux, rien de particulier ;
ventricule latéral normal; masses centrales bien dévelop-
pées.
Cavité thoracique. Poumon gauche : granulations
miiiaires et quelques petites cavernes au sommet. l'ou-
mon droit congestionné, partout perméable, sauf à la base,
au voisinage du foie, où la plèvre est épaissie. Pas de li-
quide dans les plèvres ; ganglions péri trachéaux et bron-
chiques, caséeux. Coeur normal; 130 gr.; rien dans le
péricarde.
Cavité abdominale. PérihépatHe très marquée, surtout
vers le bord postérieur et la face supérieure du foie, où on
trouve une vaste poche purulente, se prolongeant vers le lobe
gauche, et contenant environ un litre d'un pus grumeleux,
sans crochets : cette poche vidée,le foie pèse 1180 gr.; pas de
calculs. Rate : 80 gr. ; quelques granulations tuberculeu-
ses. Rein gauche sain (100 g'r.);droitcong'estionné (115 gr.)
L'intestin grêle est congestionné dans toute son étendue;
pas d'ulcérations. Dans le ccecum et le côlon ascendant,
fausses membranes d'un blanc grisâtre, de dimensions va-
riables, transversalement placées, très adhérentes au tissu
sous-jacent, séparées les unes des autres par des intervalles
dans lesquels la muqueuse est fortement congestionnée et
offre un petit piqueté de même coloration que les fausses
membranes. Dans ces intervalles, et, seulement au voisi-
nage de l'appendice iléo-coecal, on voit trois ou quatre
ulcérations, linéaires, transversales; à bords nettement
découpés. Rien dans le côlon transverse; le rectum, ni la
fosse iliaque.
RÉFLEXIONS. - Quelques points intéressants sont à rele-
ver dans cette observation.
I. La dysenterie chronique, survenant d'emblée chez un
individu qui n'a jamais quitté les pays tempérés, est rare ;
elle a, en outre, revêtu chez B... des caractères spéciaux;
ATROPHIE SIMPLE DES CIRCONVOLUTIONS. 145
si le malade présentait depuis longtemps, une tendance à la
diarrhée et si les selles, à la fois peu abondantes et fré.
quentes, contenaient souvent du sang, elles ne se sont
jamais accompagnées de ténesme rectal ou vésical; les
symptômes douloureux ont été nuls comme il arrive pres
que toujours chez les sujets idiots ou déments. C'est par
cette absence de réaction à la douleur' qu'on peut expli-
quer l'évolution insidieuse de l'abcès du foie qui ne s'est
révélé par aucun signe local ni par l'ictère qui, d'ailleurs,
est rare. Développé sous le diaphragme et vers le bord pos-
térieur du foie, il n'a jamais fait saillie vers la paroi abdo-
minale. Enfin, la température, qui s'est toujours main-
tenue à un degré modéré, n'a jamais eu le type de la fièvre
de suppuration. Il est, en outre, intéressant de signaler
qu'une collection purulente aussi vaste n'a développé au.
cun accident de voisinage, à part un léger degré de péri-
tonite. La plèvre n'a pas été intéressée, et il ne semble pas
qu'on puisse établir,entre la congestion pulmonaire double
survenue avant la mort et l'abcès du foie, la moindre rela-
tion (1).
II. Cet enfant paraissait en retard des enfants de son âge
jusqu'à trois ans, époque où se sont montrées les premiè-
res convulsions. Elles ont d'ailleurs été de courte durée
et nous manquons de détails précis sur leurs caractères.
Elles se sont ensuite reproduites à peu près tous les quinze
jours, de 3 à 5 ans, et ont eu pour conséquence l'idiotie
complète.
L'autopsie permet do rattacher l'arrêt du développement
intellectuel à une atrophie simple, sans induration, des
circonvolutions, intéressant les deux tiers antérieurs du
lobe frontal droit, le lobe pariétal inférieur, le pli courbe,
et, à un moindre degré, les circonvolutions temporales du
même côté.
(1) Nous avons eu l'occasion d'observer dans le service deux autres
cas d'abcès du foie et un cas de péritonite enkystée de la région
épigastrique ; nous les publierons dans un prochain Compta rendu
et nous les rapprocherons do cette observation. (nOUI\HVILLE),
BOURN. 1883. a 0
146 ATROPHIE SIMPLE DES CIRCONVOLUTIONS.
L'intégrité des circonvolutions frontale et pariétale as-
cendantes explique l'absence de toute paralysie des mem-
bres : c'est là une particularité bonne à noter, au point de
vue des localisations.
TABLE DES MATIÈRES
Première partie.
HISTOIRE DU SERVICE PENDANT L'A ? \f : E 1883.
TABLE DES MATIÈRES. 147
Deuxième partie.
CLINIQUE.
148
BOURNEVILLE. Écoles municipales des infirmières laïques; laïcisation
de l'Assistance publique. (Discours prononcés en 188u,t88t, te,1883).
Quatre brochures in-8°. -Prix de chacune de ces brochures : 50 c.- Pour
nos abonnes ............................ 30 c.
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les hôpitaux de Paris. Brochure in-8" de 49 pages. Paris, 188t.- Prix :
1 fr. Pour nos abonnés , ... 75 c.
BOURNEVILLE et D'OLIER. Recherches cliniques et thérapeutiques
sur l'épilepsie, l'hystérie et l'idiotie. Comble rendu du service des
épileptiques et des enfants idiots et arriérés, de Bicètre, pendant l'année
1880. Brochure in-S" de 74 pages. -- Prix S fr. Pour nos abonnés 2 fr.
BOURNEVILLE. BONNIIRI, et VUILLAII. Recherches cliniques et
thérapeutiques sur l'épilepsie, l'hystérie et l'idiotie. Compte rendu
du service, des épileptiques et des enfants idiots et arriérés de Bicêtre,
pour 1881. Un volume in-8^ de 180 pages, avec 18 figures et 7 planches
en chromo-lithographie. - Prix : 6 fr. - Pour nos abonnés.... 4 fr.
BOURNEVILLE, (jAUGE et BRICON. Recherches cliniques et thérapeu-
tiques sur l'Epilepsie, l'Hystérie et l'Idiotie. Compte rendu du
service des épileptiques et des enfanls idiots de Bicêtre en 1882. In-8" de
152 pages. - Prix : 4 fr. - Pour nos abonnés 2 f. 75
BOURNEVILLE et BRICON. Manuel des injections sous-cutanées. -
Volume in-32, de 175 pages. - Prix : Broché. 2 fr. 50. -Pour nos
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nées. Vol. gr. in-8 de zoo pages avec 10 fig. et 1 planche. Prix :
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pêtrière. Cet ouvrage parait par livraisons de 8 à 16 pages de texte et
4 photo-lithographies. Douze livraisons forment un volume. Les trois
premiers volumes sont en vente. Prix de la livraison : 3 fr. Prix
du volume : 30 fr. Pour les abonnés du Progrès médical, prix du
volume, 20 fr. - 31 volume complet : 1" livraison, nouvelle observation
d'hystéro-épilepsie ; 2* livraison, variétés des attaques hystériques ;
3' et 4* livraisons, des régions hystérogènes;-5°, 6' et 7'livraisons, du
sommeil des hystériques; 71-12, livraisons, des attaques de sommeil;
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150 exemplaires sur parchemin, NI, 301 à 450. - Prix : 4 fr. Pour nos
abonnés, 3 fr. 50 exemplaires sur japon, N" 451 à 500. Prix : 6 fr.
l'our nos abonnés, 5 fr. Nous avons fait cartonner quelques exem-
plaires sur papier vélin; dos toile, plats marbrés, tranches non rognées.
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la folie au point de vue légal. Paris, 1865. Brochure in-8 de 16 pages.-
Prix : 0 fr. 50. Pour nos abonnés 35 cent.
PA¡\1S. - IT1P. V. GOUPY fi'C JOURDAN, RUE DE RZNNfit3, 71.
EXPLICATION DES PLANCHES
150 EXPLICATION DES PLANCHES.
Planche I.
Méningo-encéphalite : face convexe de l'hémisphère droit.
Fa, frontale ascendante,
Pa, pariétale ascendante.
P, pli pariétal supérieur.
T, partie postérieure des circonvolutions temporales.
. 7*1, première temporale.
La Planche montre, entre P et T, un vaste foyer intéressant le pli pa-
riétal inférieur, le pli courbe, etc.
.mp ,Becquet ! T,Pari",
1-r : : p. tiecquet ]T, Paris.
EXPLICATION DES PLANCHES. WC
Planche II.
Alléningo-encéphalite : .Face interne de l'hémisphère droit.
Cc, circonvolution du corps calleux.
Tj, face interne de la première circonvolution frontale.
Le, lobe carré.