RECHERCHES
SUR
L'ÉPILEPSIE, L'HYSTéRIE
ET
L'IDIOTIE
PUBLICATIONS DU PROGRÈS MÉDICAL
RECHERCHES
CLINIQUES ET THÉRAPEUTIQUES
SUR
L'ÉPILEPSIE, L'HYSTÉRIE
l, ..
.. ET
L'IDIOTIE
COMPTE RENDU DU SERVICE DES ÉPILEPTIQUES
ET DES ENFANTS IDIOTS ET ARRIÉRÉS DE BICÉTRE
PENDANT L'ANNÉE 1882
PAR
BOURNEVILLE
MÉDECIN DE BIC6TRE
DAUGE & P. BRICON
INTERNE DU SERVICE DOCTEUR EN MÉDECINE
Volume ni avec 15 figures
PARIS
\
AUX BUREAUX DU
PROGRÈS MÉDICAL
6, rue des Écoles, 6.
A. DELAHAYE & E. LECROSNIER
ÉDITEURS
l'lace de l'École de Médecine.
1883
PREMIERE PARTIE
Historique. - Statistique.
Historique du service pendant l'année ,
1882.
I.
Situation du service. Améliorations diverses. .
Après les renseignements que nous avons consignés
dans les Coyotes rendus de 1881 et 1882 sur l'orga-
nisation du service des épileptiques adultes et des en-
fants idiots, épileptiques et hystériques, il serait superflu
d'entrer aujourd'hui dans de nouveaux détails. Nous
nous bornerons à rappeler que, de l'avis de tous ceux
qui ont visité nos salles, celle qui est administrative-
ment désignée sous le nom d'infirmerie, est un véritable
foyer d'infection (1),comme il n'en existe plus heureuse-
(1) Un journaliste, autorisé par l'Administration, à visiter en
dehors de toute intervention médicale, le service des enfants, après
avoir tracé un tableau très déplacé des malheureux enfants, décrit
ainsi l'infirmerie :
a De toutes ces chairs décomposées s'exhalaient sans doute les
suffocantes odeurs dont le dortoir était saturé. Sombre dortoir,
pauvre, terne, bas de plafond, où rien n'égaie et ne soutient la vue,
où tous les objets l'attristent, où l'esprit, obsédé, ne saurait trouver
une distraction, la douleur un soulagement.
« Comme on sent bien, à les regarder, que les aliénés ne sont pas
des êtres ordinaires, que ce sont des pestiférés qu'on n'entend pas
traiter à l'égal des malades de nos hôpitaux ! Les couchettes de fer
n'ont pas de rideaux blancs, les fenêtres sont nues, le plancher
n'est pas ciré, il est gras et malpropre, Où il faudrait, ce semble
VIII HISTORIQUE.
ment dans aucun autre établissement hospitalier. Là, en
effet, sont rassemblés : les enfants atteints de mala-
dies aiguës intercurrentes; - les enfants atteints de
maladies contagieuses (teignes,ophthalmies, diphthérie,
scarlatine, etc.) ; - les enfants idiots gâteux, valides,
qui, dans le jour, vont à la petite école ; -enfin elle sert
de salle de réunion, de réfectoire et de dortoir aux
enfants idiots gâteux, invalides, c'est-à-dire in-
capables de marcher. Cette « infirmerie » devrait être
remplacée par 4 sallès distinctes : 1° une véritable infir-
merie ; - 2° une salle d'isolement pour les maladies
contagieuses ; - 3° une salle ou plutôt un service com-
prenant une salle de réunion, un réfectoire et un dortoir
pour les idiots gâteux, invalides ; - 4° par des cellules,
car nous avons oublié de mentionner que les enfants
atteints d'excitation maniaque ne peuvent être placés
ailleurs que dans cette « infirmerie ». Nous invitons
ceux qui trouveraient ce tableau trop chargé à venir
visiter cette salle au moment du lever, de 5 à 8 heures
du matin : ils en sortiront écoeurés du spectacle qu'ils
auront eu sous les yeux et proclameront hautement,
avec nous, avec nos prédécesseurs MM. Delasiauve,
A. Voisin et J. Falret, l'urgence d'une transformation
radicale (1).
de la clarté, de la diversité, de l'espace, on a, comme à plaisir, mis
de l'obscurité, de l'uniformité, de la parcimonie, on a été avare d'air,
de linge, de propreté, de lumière. Pour des enfants ! Serait-ce donc
que l'on considère ces pauvres petites victimes, avec les sens obtus
et la raison faussés des vieux âges croyants, comme des maudits,
comme des damnés, hantés de l'esprit démoniaque, voués au mal,
indignes de pitié ? En vérité, la singulière négligence qu'on nous
semble apporter à les soigner, donne à cette absurde supposition
quelque vraisemblance. »
(1) Dans le Compte rendu de 1881 (p. iv), nous avons parlé de
l'achat de tuyaux de caoutchouc pour le lavage de cette infirmerie :
grâce aux lenteurs administratives habituelles, ce lavage n'a fonc-
tionné régulièrement qu'au mois d'avril 1882. Les autres précau-
tions prises pour atténuer l'infection sont les suivantes : ouverture
constante (sauf en cas d'impossibilité à cause du froid trop intense)
des quatre premières fenêtres ; - fumigations de genièvre, asper-
sions vinaigrées ou phéniquées, etc.
STATISTIQUE. IX
Ecole. - Le nouvel instituteur, M. Boutillier, entré
en fonctions le 15 octobre 1881, contrairement à son
prédécesseur, nous a secondé avec un zèle et un dé-
vouement au-dessus de tout éloge. Aussi avons-nous pu
développer d'une façon très sérieuse l'enseignement par
les leçons de choses. Le matériel indispensable s'est
accru peu à peu; aux tableaux de Dayrolle se sont
ajoutées les collections du Dr Saffroy. Bien qu'imaginés
pour des enfants ordinaires, ne pouvant quant à présent
avoir rien de mieux, ces collections et ces tableaux nous
ont rendu de réels services. Les enfants y ont pris si
bien goût que, dans leurs promenades, ils ont con-
tracté l'habitude de ramasser des objets de toute
nature : os, pierres, plantes, etc., sur lesquels ils pro-
voquent les explications de leur maître. - Le Compen-
dium métrique, qui inspirait une sorte d'horreur à
l'ancien instituteur, est maintenant d'un usage journa-
lier. - Les enfants se sont également adonnés avec
plus d'empressement à l'enseignement de la géographie.
Le plan de Bicêtre, obtenu seulement en 1882, les
cartes de la commune, du canton, de l'arrondissement,
du département, de la France, de l'Europe, etc., une
sphère terrestre, que nous nous sommes procurés suc-
cessivement, permettent au maître de passer du simple
au composé, et de bien faire pénétrer dans ces intelli-
gences plus ou moins obscures, d'une façon logique,
les principales notions de la géographie. Parmi les autres
objets dont s'est enrichie l'école, mentionnons : 1 baro-
mètre, 1 thermomètre, 1 hygromètre, 2 boussoles, un
tableau de gros chiffres, un tableau des couleurs du
spectre solaire, etc., etc.
Petite école. Tandis que l'école proprement dite
reçoit les enfants épileptiques dont les facultés intel-
lectuelles sont plus ou moins développées, les enfants
arriérés et les imbéciles, la petite école se compose sur-
tout des enfants idiots, épileptiques ou non, gâteux ou
non, mais valides, c'est-à-dire pouvant marcher.
X HISTORIQUE.
Le personnel enseignant et soignant se composait au
1 er janvier de Miles B. et J. Agnus, A. Bohain, de
M ? 0. Germain (1) et d'un infirmier. Leur activité,
leur zèle nous ont permis d'enregistrer de très sérieux
résultats. Le service de propreté, destiné, d'une part,
à guérir les enfants du gâtisme, en les plaçant quatre
fois par jour, à des heures déterminées sur des sièges
dont nous avons parlé autrefois (2), et, d'autre part, à
apprendre aux enfants à se laver la figure et les mains,
à se peigner, etc., a fonctionné très régulièrement
durant toute l'année.
Nous multiplions peu à peu tous les objets capables
de nous fournir des éléments d'instruction pour ces
enfants : nous avons fait construire un petit casier à
12 compartiments; sur la paroi verticale, faisant face à
l'enfant, se succèdent les chiffres 1, 2, 3, ... 12, ayant 8
cent. de hauteur ; l'élève trouve dans une boîte des petits
bâtons et apprend à mettre dans chaque case le nombre
de bâtons correspondant au chiffre. Nous avons fait
coller sur un carton des étoffes de nature différente, afin
de les faire distinguer par les enfants et par l'oeil et par
le toucher. - Un infirmier nous a dessiné avec habileté
une dizaine d'animaux les plus vulgaires sur des planches
de 95 centimètres sur 75 : ces figures, auxquelles ne se
surajoutent aucun enjolivement, partant aussi simples
que possible, nous sont d'une réelle utilité (3).
Tous ces éléments joints à ceux que nous possédions
déjà et à l'emploi quotidien de la gymnastique Pic)tery,
nous ont permis de modifier très avantageusement la
situation physique et intellectuelle d'un grand nombre
d'enfants.
(1) Infirmière de 2° classe (création nouvelle). 1" janvier 1882.
(2) Compte rendu de 1880, p. xvi.
(3) Nous avons eu successivement des tables scolaires pour tous
les enfants ; nous avons fait f abriquer de nouvelles boîtes pour les
leçons de choses; nous avons fait acheter un cadran horaire, des ar-
doises, des syllabaires, etc.
.statistique. XI
Enseignement professionnel. -Beaucoup d'enfants
sont en âge d'être mis en apprentissage. Or, dans l'or-
ganisation actuelle, nous sommes à peu près dans l'im-
possibilité de le faire, car il n'y a pas d'ateliers spéciaux
pour eux, sauf celui de menuiserie. Or, celui-ci est dirigé
par des vieillards plus soucieux de gagner de l'argent
en faisant les travaux qu'on leur confie qu'à apprendre
leur métier aux enfants. Ils n'ont rien, d'ailleurs, des
qualités nécessaires pour un tel enseignement, ne sa-
vent pas se faire respecter, ont des querelles inces-
santes avec leurs élèves qu'ils chassent de l'atelier
sans se soucier le moins du monde de ce qu'ils font
dehors.
Nous envoyons quelques enfants dans les ateliers de
la maison; mais, comme les chefs d'atelier sont chargés
de surveiller le travail des malades adultes, des vieil-
lards, des ouvriers et ouvrières du dehors, qu'ils ont à
subvenir chaque jour aux besoins de l'Administration,
ils ne se préoccupent que dans une mesure très 'res-
treinte des enfants qu'ils confient à des malades ou à
des vieillards. Si les enfants quittent l'atelier sous un
prétexte quelconque, nul ne s'en inquiète. Aussi pro-
fitent-ils de cette négligence pour se livrer entre eux à
des actes obscènes, pour se procurer du tabac, etc.
Afin d'obvier à ces graves inconvénients, nous avons,
en premier lieu, demandé (7 juillet) à M. le Directeur de
l'Assistance publique de bien vouloir confier l'atelier de
menuiserie, quelque défectueux qu'il fût, à un maître
spécial. Le 16 septembre, nous obtenions satisfaction,
M. Leroy était chargé exclusivement de l'enseignement
professionnel de la menuiserie. Cette mesure excel-
lente en soi ne constituait qu'un palliatif. Aussi avions-
nous proposé un remède plus radical : la construction
d'ateliers pour les enfants, au sujet desquels il convient
d'entrer dans quelques développements.
En février 1878, les membres de la commission de
l'Assistance publique du Conseil général avaient été
XII HISTORIQUE.
péniblement affectés de la situation du service des en-
fants. Aussi ont-ils accueilli favorablement la proposition
que nous leur avons faite de séparer les enfants des
adultes et de créer pour eux une nouvelle section.
Notre proposition fut adoptée par le Conseil général
et le 27 novembre 1879, le directeur de l'Assistance
publique, M. Michel Moring, introduisait au Conseil
municipal un projet destiné à réaliser le voeu du Conseil
général. Nous fûmes chargé du rapport.
Une étude attentive des besoins du service dont nous
venions d'être chargé (octobre 1879), nous fit bien vite
reconnaître que ce projet, pour lequel les médecins,
nos prédécesseurs, n'avaient pas été consultés, était très
défectueux, nous dirons plus, inacceptable (1). Il fallait
trouver mieux. C'est alors que, jour par jour, nous avons
noté les nécessités auxquelles il fallait faire face ; pro-
voqué les réflexions de nos collaborateurs, internes,
surveillants, celles des médecins qui venaient visiter le
service. De plus, grâce à l'obligeance de divers mé-
decins étrangers et surtout de notre ami le regretté
E. Seguin, nous avons pu réunir des documents qui
nous ont été d'un précieux secours. Nous sommes par-
venu de la sorte à tracer un programme des conditions
que devait remplir une section pour les enfants idiots,
épileptiques, hystériques, imbéciles et arriérés et, alors,
nous avons demandé à M. le Directeur de l'assistance
publique l'autorisation de l'examiner, de le discuter
avec M. Imard , inspecteur de l'Assistance publique,
chargé de Bicêtre, MM. Gallois, architecte, et Ventujol,
directeur de l'établissement (9 juin).
Ce programme - que nous exposerons tout au long
dans le Compte rendu de 1884 - fut accepté et il fut
décidé que, vu l'urgence, on en détacherait de suite la
partie relative aux ateliers. M. Gallois se mit à l'oeuvre
sur-le-champ; le projet fut soumis au Conseil de sur-
veillance ; le 29 juillet, le président de ce Conseil, M.
(1) Nous ferons connaître ce projet ultérieurement.
STATISTIQUE. XIII
Ferry, accompagné d'un de ses collègues et de l'archi-
tecte, vint examiner, sur les lieux, les plans et devis qui
étaient acceptés quelques jours plus tard par le Conseil
de surveillance (1). Le projet, introduit le ,7 août au
Conseil municipal, était adopté le 9 août sur notre
rapport.
Profitant de nos relations amicales avec M. Floquet,
à cette époque préfet de la Seine, nous avons obtenu -
et nous l'en remercions très vivement - que toutes les
formalités fussent remplies avec la plus grande célérité : -.
c'est ce qui a eu lieu, au vif déplaisir d'un des hauts
fonctionnaires de l'Assistance publique qui trouvait qu'on
apportait dans cette affaire « une rapidité scandaleuse n .
Il est de fait que le 21 septembre les travaux étaient
mis en adjudication et que les travaux de terrassement
commençaient le 4 octobre. La dépense était évaluée à
210.570 fr.
Nous bornerons là ces renseignements et, l'an pro-
chain, nous donnerons tous les détails relatifs à la
construction et au fonctionnement de ces ateliers qui,
nous en avons la conviction, rendront de très grands
services aux enfants et seront avantageux à l'Adminis-
tration, quoi qu'on en dise (2).
Le tableau suivant permet de se rendre compte du
travail des enfants :
XIV HISTORIQUE.
Promenades, distractions, visites, permissions de
sortie, congés. - Les adultes épileptiques débiles ont
été fréquemment promenés soit dans les cours de l'hos-
pice, soit aux environs. - Il en a été de même pour les
enfants idiots valides; de' plus, un certain nombre
d'entre eux, ceux qui sont propres, ont participé aux
promenades des enfants de la grande école. Ceux-ci,.
outre les promenades ordinaires, ont été conduits aux
fêtes du Trône, de Gentilly, de Villej uif, d'Arcueil, etc.;
aux Jardins des plantes, d'acclimatation, du Luxembourg,
au musée des arts décoratifs, au musée scolaire d'Ar-
cueil, etc. Dans aucune de ces promenades, durant les-
quelles maîtres et maîtresses donnent des explications
aux enfants, on n'a eu à noter d'accidents .
Notons comme distractions : pour les adultes, le
concert hebdomadaire donné au chauffoir sous l'habile
direction de M. Pény ; - pour les enfants, la distribution
des prix, la distribution de jouets, etc. ; des séances de
lanterne magique, enfin la matinée dramatique orga-
nisée par les frères Lionnet avec une habileté et un
dévouement dignes des plus grands éloges.
Les adultes ont reçu 2.797 visites, les enfants 3.881 ;
le nombre des visiteurs a été de 8.934. - Les permis-
sions de sortie et les congés se sont beaucoup multi-
Dliés : en voici la liste :
STATISTIQUE. XV
congés. Les chiffres ci-dessus montrent l'empressement
des familles à en profiter; ils nous aident à maintenir la
discipline dans le service et nous permettent de nous
assurer de la guérison des malades. Ajoutons que ces
relations constantes des malades avec leurs parents, que
cette liberté relative dont ils jouissent, que ces fré-
quentes communications de l'asile avec l'extérieur et
réciproquement, - qui rapprochent l'asile de l'hôpital,
- sont des garanties autrement sérieuses de la liberté
individuelle que les visites, forcément rapides, des fonc-
tionnaires publics. ""r°'
Améliorations diverses.-Transformation des chai-
ses des gâteux de l'infirmerie (1) ; - réorganisation du
concert des adultes; - lessivage de l'infirmerie, ré-
paration des appareils à gaz, etc. ; - nomination de
114"° J. Agnus au grade de sous-surveillante, 2° section ;
- nomination de M"° A. Bohain, infirmière de 2e classe
à la première classe de son grade ; - création d'une
nouvelle place d'infirmière, dernière section de la 2°
classe (2).-De plus nous avons demandé, mais sans l'ob-
tenir, que l'infirmier attaché à la petite école fût nommé
infirmier de première classe. - Enfin, à propos d'un
malade, Théve..., nous avons signalé à l'Administration
l'avantage qu'il y aurait à allouer un secours d'un franc
par jour aux épileptiques tranquilles qui n'ont que de
rares accès, afin de contribuer au désencombrement du
service : c'est là un côté intéressant de l'assistance à
domicile des aliénés.
(1) Lorsque nous avons pris possession du service, les enfants in-
valides gàteux étaient placés sur des fauteuils percés d'un trou, le
siège nu; les matières fécales et les urines tombaient sur le carreau
de la salle, et en augmentait l'infection. Nous avons transformé la
partie inférieure de ces fauteuils en une sorte de caisse dont les
parois sont mobiles et disposé sur le fond de la caisse un vase en
faïence destiné à recevoir autant que possible les déjections.
(2) A la date du 1" janvier 188'.
BOURN. Il.
XVI HISTORIQUE.
Vaccinations et revaccinations. - Suivant la pra-
tique que nous avons introduite dès notre arrivée dans
le service, nous avons soumis à la vaccination ou à la
revaccination tous les malades entrés dans l'année. La
série se composait de 95 malades, adultes ou enfants.
Cette petite opération a été pratiquée, sous notre di-
rection et celle de nos internes, par les élèves infirmières
de l'école municipale de Bicêtre.
Service dentaire. Ce service, confié aux soins
éclairés de notre ami le Dr CRUET (1), ancien interne des
hôpitaux, s'est fait de la façon la plus régulière. Les
visites ont lieu tous les 15 jours. Outre les opérations
d'urgence (adultes et enfants), elles comprennent l'exa-
men de tous les enfants nouveaux et, par séries, celui
des anciens enfants,de telle sorte que, dans l'année,toute
la population des salles est passée en revue.
Bains, hydrothéraiiie. - Malgré l'installation très
défectueuse des bains et des douches, malgré des sus-
pensions dues soit à des réparations effectuées trop lente-
ment, soit à la pénurie d'eau, nous avons fait un très
sérieux usage de ces moyens thérapeutiques et hygié-
niques, ainsi que le montre le tableau ci-dessous :
STATISTIQUE. XVII
de l'année, ont subi des modifications intéressantes soit
en bien, soit en mal. Nous avons continué également à
prendre le moulage de la tête de tous nos malades
décédés. Nous devons d'autant plus remercier nos deux
collaborateurs, MM. Hubert et Hurel, que, jusqu'ici, ils
nous ont prêté leur concours presque gratuitement. -
Pour compléter les photographies et les moulages nous
conservons la calotte crânienne ou même la tête, lors-
qu'il s'agit de corps non réclamés.
Travail des malades.-Les adultes sont occupés à di-
vers travaux, à la buanderie, au chantier, dans le Ma-
rais, jardin maraîcher d'une contenance de 7 hectares
50 ares, enclos de murs (1), dans les parterres et jardins
des cours; dans les ateliers de couture, de cordonnerie,
de charronnerie, etc. Quelques-uns aident les infirmiers
dans le nettoyage des salles. Mais le nombre des ma-
lades qui travaillent est bien moins considérable que
nous le voudrions. En effet, les chefs d'atelier ou les
surveillants de ces services, n'acceptent en général que
les malades tout à fait valides et tranquilles, capables de
faire journée entière et refusent trop souvent ceux qui
ne peuvent travailler que quelques heures. En un
mot, aujourd'hui, à Bicêtrc, le travail ne peut être ri-
goureusement employé comme moyen de traitement.
Les malades sont traités comme des ouvriers ordinaires,
et on exige d'eux travail suivi, obéissance, discipline,
etc. Ils devraient, au contraire, être utilisés presque
tous dans la mesure de leurs forces, suivant la nature
de leur affection mentale. Et, au lieu de les ren-
voyer, souvent d'une manière définitive, dès qu'ils
montrent un peu d'irascibilité, profèrent des injures ou
(1) Ces 7 hectares et demi ne sont même pas cultivés entièrement
par les malades; une partie, d'une contenance de 2 hectares et
demi, sur laquelle doit s'élever la future section, est plantée de
luzerne (2 hect.) et par conséquent sert peu ou point aux malades ;
le demi hectare restant, répond à peu près à l'ancien jardin du di-
recteur (4.320 m.).
XVIII .HISTORIQUE.
des menaces, se laissent aller à des négligences, il
conviendrait d'agir sur eux par la douceur, et non pas
de leur répondre, de discuter avec eux, ainsi qu'on le
ferait avec des hommes sains d'esprit; il faudrait enfin
les réintégrer momentanément dans leurs quartiers
jusqu'à ce que l'excitation ait disparu.
L'inoccupation des malades valides a de déplorables
conséquences. Ils restent dans le chauffoir,qu'ils encom-
brent,avec les déments, les infirmes qu'ils brutalisent,
ou ils se battent entre eux, autant de circonstances qui
exigent l'intervention plus ou moins habile des infir-
miers : de là des plaintes des malades, des change-
ments incessants dans le personnel, sans compter que
ces scènes regrettables, loin de concourir à la guérison
des malades, aggravent leur situation. Rien n'est plus
facile à l'Administration de remédier à cet état dé-
plorable, car, outre le Marais dont nous venons de
parler, elle possède tout à proximité de l'hospice des
terrains qui pourraient être cultivés par les aliénés.
Transferts. - A diverses reprises, le Conseil général
de la Seine a invité l'Administration à ne pas transférer
les enfants, appartenant au département de la Seine dans
les asiles des autres départements. Néanmoins, l'admi-
nistration préfectorale, à la fin d'avril, invitait l'Admi-
nistration de l'assistance publique « à dresser le plus tôt
possible une liste de 50 enfants idiots et épileptiques
susceptibles d'être dirigés sur des asiles de province. »
En conséquence nous étions invité à dresser une liste
qui ne devait comprendre que les malades non visités
« ou les moins visités, en indiquant pour chacun d'eux
le nombre des visites reçues pendant l'année 1881 et le
premier trimestre de l'année courante (1882). »
En réponse à cette demande, nous avons fait valoir
que, depuis la fin de 1879, les enfants, même les plus
dégradés, étaient l'objet de soins particuliers ; que
beaucoup d'entre eux, qui naguère étaient gâteux, inca-
STATISTIQUE. XIX
pables de prononcer un seul mot,de se laver, de s'habiller,
etc., étaient devenus propres, s'exprimaient d'une façon
compréhensible, faisaient le ur toilette, et nous ajoutions
que ces résultats encourageants étaient dus au dévoue-
ment du personnel attaché à la petite école, et aux
sacrifices faits par l'Administration ; ;-que, à la grande
école, nous avions eu des résultats analogues. Nous
ajoutions que transférer ces enfants en voie d'améliora-
tion serait détruire ce qu'on avait si péniblement conquis,
décourager le personnel, nuire aux enfants, qui ne
trouveraient aucune organisation pour leur traitement
et leur éducation dans les autres asiles. Afin de donner
satisfaction à l'Administration préfectorale, qui avait
besoin de places pour les enfants qui attendaient à
l'asile Ste-Anne , nous proposions à l'Administration
d'évacuer l'une des petites salles affectées aux adultes
et de la donner aux enfants. Et nous faisions valoir qu'il
ne s'agissait là que d'une désaffectation temporaire,
puisque la création d'une section spéciale pour les en-
fants était à l'étude. Le 24 juin, l'Administration nous
prévenait qu'elle étudiait les moyens de parer aux in-
convénients résultant de l'insuffisance des lits attribués
aux enfants et qu' « il y avait lieu d'espérer qu'or/ gr^V".
verait à ce résultat désirable sans toutefois diminuer le
nombre déjà trop restreint de nos lits d'adultes (1).' ?
Il s'agissait là de ce qu'on appelle administrativeme^<
un transfert collectif d'enfants ayant droit de domicile*
dans le département. Mais, à côté des transferts de ce
- genre, il y a des transferts individuels consistant en le
renvoi dans le département où ils sont nés, des enfants
placés à Bicêtre, à la Salpêtrière ou à Vaucluse, par des
familles habitant Paris. Prévenus du transfert, les
parents, d'ordinaire, s'y opposent : les uns profitant
des relations qu'ils peuvent avoir, sollicitent et ob-
(1) Peu à peu nous avons substitué aux 23 adultes de la salle
Cl. Bernard des enfants de 17 à 18 ans ; enfin officiellement, au mois de
septembre, une autre salle de 17 lits d'adultes a été consacrée aux
enfants.
XX HISTORIQUE.
tiennent la faveur de maintenir leur'enfa,nt dans lesasiles
de la Seine, c'est d'ailleurs l'exception; - les autres
préfèrent reprendre leurs enfants chez eux, s'exposer à
tous les ennuis, à tous les dangers qu'occasionne la
présence de ces malheureux au sein de familles peu
fortunées. - Bientôt, ces dangers, ces ennuis obligent
de nouveau à réclamer le placement de l'enfant, qui
retourne dans l'ancien service, plus malade, naturelle-
ment, que lors de sa première admission. Puis, au bout
d'un temps variant de quelques semaines, à 5, 6 mois
ou davantage, l'Administration réclame un nouveau
transfert. Et les démarches des familles recommencent ;
et si elles sont infructueuses, l'enfant est repris. Cela
dure des années jusqu'à ce que l'enfant ayant atteint sa
majorité, acquière en un an droit de domicile.
Témoin des douleurs des mères de familles et des
fatigues qu'elles se donnaient pour conserver leurs en-
fants auprès d'elles,nous avons demandé en 1878 (l),au
Conseil général de la Seine, d'autoriser le Préfet à garder
dans nos asiles les enfants idiots, imbéciles, épileptiques,
etc., nés dans d'autres départements, mais dont les
familles habitent Paris ou les communes suburbaines,
à la condition que le département où est né l'enfant,
c'est-à-dire où celui-ci a son domicile de secours, rem-
bourse le prix de journée, non pas au taux des asiles
de la Seine, qui est élevé, mais au taux inférieur de
l'asile où ce département place ses malades. Cette pro-
position fut adoptée par le Conseil en février 1878, puis
en décembre 1879 et en 1880.
Ces votes qui n'avaient pas attiré l'attention de l'admi-
nistration de la Seine avaient paru excellents au Conseil
général du département de Seine-et-Marne qui, sur la
proposition de notre ami, le Dr Farabeuf, prit une déli-
bération autorisant le préfet de Seine-et-Marne à lais-
(1) Bourneville. - Rapport sur le service des aliénés pour 1878,
p. 30 (6 février),
STATISTIQUE. XXI
ser dans les asiles de la Seine les enfants dont les
familles étaient établies à Paris et ce, au prix de jour-
née de 1 fr. 20 c. payé à l'asile de Clermont (Oise) pour
les autres aliénés de Seine-et-Marne.
Cette demande fut soumise, au mois de mai 1881, par
M. Herold au Conseil général de la Seine qui, sur notre
rapport, autorisa l'administration à conserver dans nos
asiles les enfants du département de Seine-et-Marne
dont les parents habitaient Paris depuis deux ans. Il
maintint de plus sa proposition pour les enfants do tous
les autres départements. Ainsi, dans ces conditions
spéciales, les sections consacrées aux enfants deviennent
en quelque sorte des asiles inter-dépa1'tementaux pour
cette catégorie de malades (1).
Epidémie de diphtérie. - Dans le courant de janvier
et février de l'année 1881, une épidémie de rougeole,
dont la relation a été donnée dans le compte-rendu de
l'année correspondante (p. 95), s'est développée dans le
service des enfants. De plus, dans les derniers jours de
décembre a débuté une épidémie de diphtérie qui a sévi
surtout en janvier 1882. Voici la liste des cas :
(t) Il serait très difficile de construire dans tous les asiles d'aliénés
des sections d'enfants avec une organisation complète et partant t
très coûteuse. Aussi y aurait-il avantage, croyons-nous, à créer en
France un certain nombre d'asiles 12ter-dépateynentzux pour les
enfants idiots, épileptiques, arriérés, etc. Ils pourraient être
placés auprès des grandes villes qui possèdent des Facultés de
médecine et fournir de précieux éléments à l'enseignement.
STATISTIQUE. XXIII
Nous aurons sans doute l'occasion de publier un
résumé de ces cas. Comme on le voit, sur 11 malades,
nous n'avons eu que 4 décès (1). - Le traitement a
consisté en vomitifs répétés, toniques, injections sous-
cutanées de pilocarpine, cautérisations fréquentes avec
une solution forte d'acide phénique et de jus de citron,
chlorate de potasse, frictions mercurielles, et en pulvé-
risations et aspersions phéniquées très souvent renou-
velées. - Quelques jours après le début -l'i . Pl i 'mie,
nous avons pu enlever les malades de la fameuse' njpùc-
merie et les isoler dans une salle que M. Jt Faîret a liiez
voulu mettre à notre disposition.
Tout le personnel a fait son service avec le'-plus grand
dévouement en dépit de deux événements graves et/
propres à ralentir le zèle. M. Wuillamier, notre interne"
provisoire cte lool, en l'absence de notre interne titu-
laire, éloigné par la maladie, avait consenti à le rem-
placer. Le 14 janvier, il contractait la diphthérie et,
pendant quelques jours, sa situation nous a donné ainsi
qu'à notre ami M. Debove, les plus vives inquiétudes (2).
(1) Parallèlement, nous avons eu plusieurs cas d'angine simple ou
pultacée, ou folliculeuse, sans complications.
(2) Au dîner de fin d'année, selon unetradition aussi ancienne que
mauvaise, et qui il y a quelques années était encore suivie dans
presque tous les hôpitaux, les internes de Bicêtre ont cassé la
vaisselle de la salle de garde et brisé quelques-unes des portes de
leurs chambres. De là un rapport du directeur au Chef-lieu qui a
répondu par un blâme et une suppression de traitement équivalent
aux dégâts commis. La mesure frappait tous les internes, qu'ils
aient ou non été coupables. M. Wuillamier assistait au banquet et
comme tel reçut sa lettre de blâme et fut soumis à la suppression
de traitement, bien qu'il fut resté, son temps fini, pour remplacer
notre interne titulaire. Nous appuyant sur cette situation spéciale,
sur le zèle qu'il avait apporté dans nos salles, le dévouement dont il
avait preuve en soignant une partie du personnel pendant l'an-
née 1881 et aussi sur les dangers si graves que lui avait fait courir
la dipthérie contractée dans le service, nous avons prié M. Ch.
Quentin de bien vouloir retirer la lettre de blâme et adresser une
lettre de remerciement à M. Vuillamié : sur les deux points, il nous
a été répondu par une fin de non-recevoir. L'Administration,
comme on le voit n'a pas changé ; elle est restée ce qu'elle était sous
l'empire.....
XXIV HISTORIQUE.
De plus, l'infirmière suppléante du service, ]\illlcBajoue,
a été prise d'une angine couenneuse très violente qui a
duré du 20 janvier au 11 février.
Nous avons eu le bonheur de les voir l'un et l'autre se
rétablir promptement. M. Ch. Quentin est venu rendre
une visite à M. Wuillamier durant le cours de sa maladie,
donnant ainsi une marque de sympathie aux personnes
qui soignaient les diphthéritiques. Malheureusement,
l'Administration, dans cette circonstance, a commis un
acte, à notre avis, très regrettable ; elle a supprimé
le traitement de Mme Bajoue pendant tout le temps
de sa maladie et durant les huit jours du congé de
convalescence que nous lui avions accordé : soit 22
ou 23 francs ! Tout le monde conviendra que cette mi-
s érable économie est indigne d'une Administration
républicaine.
II.
STATISTIQUE. MOUVEMENT DE LA POPULATION.
Le 1 er janvier 1882, la section renfermait 146 épilepti-
ques adultes (71 réputés aliénés et 75 non aliénés) et
160 enfants dont 132 dits aliénés et 28 non aliénés
[épileptiques, idiots, imbéciles, arriérés, instables
avec ou sans perversion des instincts, paralytiques avec
débilité mentale, hystériques) ; soit en tout, 305 malades.
Nous n'avons pas à revenir sur cette division en aliénés
et non aliénés sur laquelle nous avons donné des
renseignements dans notre précédent Compte rendu
,(p. x).
Des 160 enfants, 72 vont à la grande école, 62 à la
petite école (idiots gâteux ou non, épileptiques ou non,
mais valides), 26 restent à l'infirmerie (idiots gâteux
invalides ou épileptiques incurables) : ces derniers,quand
STATISTIQUE.
xxv
le temps le permet, sont descendus à bras dans la cour
de la petite école ou portés jusque dans la cour du gym-
nase.
Des 62 enfants de la petite école, 10 sont assez avancés
pour prendre part aux exercices de la grande gymnas-
tique ; - 52 suivent les leçons de la petite gymnastique ; -,
- 32 mangent avec une cuiller, 20 avec une cuiller et
une fourchette, les autres avec la cuiller, la fourchette
et le couteau ; - 46 sont devenus propres et sont en
pantalons, 16 sont gâteux et portent la robe.
Le tableau ci-dessous résume le mouvement de la
population en 1882. 40;
M
M
x
S3
i-3
O
7y
s
a
m
Décès. - Les décès ont été au nombre de 26 : 14 enfants (au-dessous de 18 ans) et 12 adultes.
En voici le tableau :
STATISTIQUE. XXIX
Evasions. - Le 4 juin, 8 enfants (Auch ? Courto ?
Ferra ? Filh ? Gaut ? Gouvi ? Lemass ? Ried-
ling ? se sont évadés à l'aide d'échelles qu'ils avaient
placées derrière le gymnase ; une fois hors de l'hospice,
ils se sont divisés en deux bandes ; ils ont été retrouvés
dans leur famille, sauf l'un d'eux qui a été ramassé par
la police et ramené à l'hospice.
Le 31 décembre 1882, il restait dans le service 297
malades se répartissant ainsi qu'il suit : .
DEUXIÈME PARTIE
Clinique.
BOURN. - 1882. 1
I.
Du bromure d'or contre l'épilepsie ;
Par DAUGE.
Le bromure d'or a été essayé cette année contre l'épi-
lepsie par M. Bourneville et par nous dans le service de
Bicêtre ; la durée du traitement a été de près de 7 mois,
du 1 cr avril au 25 octobre. Les notions physiologiques
et thérapeutiques faisant défaut, afin d'éviter tout acci-
dent, nous avons débuté par une dose très faible, un mil-
ligramme, mais en augmentant la quantité tous les dix
jours, de telle sorte qu'à la fin de la période de traite-
tement chaque malade prenait dix centigrammes de
bromure d'or dans une journée. Pendant les premières
semaines, le médicament était donné par un pharma-
cien de la ville, M. Domény ; mais les essais se poursui-
vant, nous nous sommes adressés à la pharmacie cen-
trale des hôpitaux qui l'a fourni à partir du 10 juin. Il
était administré sous forme de pilules avant chaque
repas et la dose de la journée était prise en deux fois.
Les effets physiologiques paraissent avoir été nuls;
nous n'avons remarqué aucun changement dans les
fonctions digestives ni dans le sommeil ; un seul malade,
Bail..., prétendait revenir plus vite à lui après ses accès
depuis qu'il était en traitement. Neuf épileptiques ont
été soumis à cette médication ; mais deux d'entre eux étant
.dans le service depuis moins d'un an, nous manquons
4 bromure D'OR.
d'une partie des éléments nécessaires pour établir une
comparaison entre les accès avant et après le traite-
ment. Parmi les sept autres, quatre ont été en même
temps soumis à la médication hydrothérapique ; nous
donnons ici le relevé de leurs accès pendant la période
où ils ont pris le bromure d'or et pendant les mois cor-
respondants des deux dernières années :
II.
Du traitement de l'épilepsie par
l'hydrothérapie ;
Par BOURNEVILLE et BRICON.
L'un de nous a publié dans sa thèse inaugurale (1) les
résultats obtenus par le traitement hydrothérapique à
Bicêtre sur la marche de l'épilepsie durant les années
1880 et 1881, nous reprenons aujourd'hui en commun
cette oeuvre en y ajoutant les résultats enregistrés pen-
dant l'année 1882.
Presque tous nos malades ont été soumis à ce traite-
ment pendant environ six mois, la mauvaise organisa-
tion de la salle des douches ne nous ayant pas permis,
bien à regret, de continuer l'hydrothérapie durant la
saison d'hiver, sauf pour quelques malades qui ont d'eux-
mêmes demandé à ne pas interrompre le traitement.
Historique.
Giannini (2), en 1805, avait déjà émis l'opinion que les
(1) P. Bricon. - Du traitement de l'épilepsie (Hydrothérapie.
- Arsenicaux. - Magnétisme minéral. - Sels de pilocarpine)
suivi d'une note sur l'influence des maladies irtter7 ? ztre ? ltes sur
la marche de l'épilepsie. - Vol. de 264 pages. Paris, 1882.
(2) Fleury. - Traité thérapeutique et clinique d'hydr othé-
rapie ; 4* édition. Paris, 1875, p. 39.
6 TRAITEMENT HYDROTHÉRAPIQUE.
immersions froides devaient être utiles pour combattre'
les paroxysmes de l'épilepsie. Priessnitz refusait de
traiter les épileptiques. Fleury (1) a soigné à Bellevue,
à Schwalheim, et à Mondorf un assez grand nombre
d'épileptiques : « Nous n'avons pas guéri », dit-il, « les-
épilepsies anciennes, graves, paraissant se rattacher à
une lésion organique du cerveau, accompagnées de trou-
bles profonds de la sensibilité et de la motilité; mais
presque constamment, dans ces cas désespérés, nous
avons rendu les accès moins fréquents et moins intenses;
souvent, nous avons prévenu et fait avorter l'atta-
que, en donnant une douche générale, la tête non com-
prise, au moment de l'apparition de l'aura ou de tout
autre phénomène précurseur
« Nous croyons avoir guéri quelques épilepsies
s'étant développées chez des jeunes gens ou des adul-
tes, sous l'influence accidentelle de causes pathogéni-
ques plus ou moins probables : écarts de régime, abus
de boissons alcooliques, excès de coït ou de masturba-
tion, émotions morales vives, etc., ou de causes incon-
nues. Nous n'affirmons pas, parce que, dans les cas de
ce genre, les attaques ne se montrent ordinairement, au
début et quelquefois pendant plusieurs années, qu'à de
longs intervalles, et que nous n'avons pas pu suivre les
malades pendant [un temps suffisant pour acquérir une
certitude absolue. »
Voici, selon Fleury, auquel nous avons déjà em-
prunté les renseignements qui précèdent, en quels ter-
mes s'exprime Becquerel : « Essayer de combattre une
épilepsie ancienne et remontant à plusieurs années, ou
même seulement à plusieurs mois, me semble une ten-
tative rationnelle, et que le succès justifie peut-être. Je
pense cependant qu'il y a peu de chances de succès en
pareil cas ; on peut le tenter, mais sans beaucoup d'es-
poir. Mais quand l'épilepsie commence, quand on en est
aux premières attaques, je pense qu'on peut espérer du
succès. »
Becquerel rapporte deux observations : la première
ti Loc. cit., p. 633-637,
HISTORIQUE. 7
est relative à un jeune homme de 24 ans qui, pris à
huit jours d'intervalle de deux accès d'épilepsie, fut sou-
mis à un traitement hydrothérapique plusieurs mois de
suite ; cinq ans après, le malade n'avait pas eu de
nouvel accès. Dans le deuxième cas, il s'agit d'un.
jeune homme qui eut à 15 jours d'intervalle deux accès
d'épilepsie; traité par l'hydrothérapie huit mois de suite,
il n'eut plus d'accès; après deux mois de séjour à Paris
pendant lesquels il fit quelques excès, il fut pris d'un
nouvel accès, traité à nouveau par les douches avec le
même succès. (L'observation a paru cinq mois après ce
nouvel accès).
Fleury a publié l'observation d'un enfant de treize ans
qui, à la suite d'une scarlatine compliquée d'albuminu-
rie, eut une otalgie intense et offrit des accidents
épileptiformes; un mois environ après le début des acci-
dents il fut mis à un traitement hydrothérapique ; trois
mois après, l'état général s'était considérablement amé-
lioré, toutefois quelques semaines plus tard, après la
cessation du traitement, on observa plusieurs fois des
symptômes se rapprochant du vertige épileptique.
Fleury ajoute : « il y a quatre mois et demi maintenant
qu'aucun symptôme nerveux n'a plus été observé. »
« En résumé, de tous les traitements préconisés contre
l'épilepsie, l'hydrothérapie est », suivant Fleury, « celui
qui présente les chances de succès les plus- nombreuses
et les plus sûres. »
Avant et après Fleury, divers auteurs ont parlé inci-
demment de l'hydrothérapie dans le traitement de l'épi-
lepsie ; nous allons en citer quelques-uns.
Frank (1) prétend que « les bains froids d'eau pluviale
ou de mer, pris pendant l'été, et par immersion plutôt
que par un long séjour dans l'eau, méritent d'être re-
commandés dans l'épilepsie nerveuse des adultes, lors-
qu'il y a absence de pléthore. » '
« La chute elle-même dans l'eau froide guérit une
épilepsie. » (euh. nat. cur., dec. 11, an IX, obs. 190.)
(Citation de Frank.) .
(t) Traité de pathologie interne, trad. de Bayle. Paris, 1838-
1845, t. III, p. z
8 TRAITEMENT HYDROTHÉRAPIQUE.
Rosenthal (1),dans son traité des maladies nerveuses,
dit : « un séjour prolongé à la campagne, l'éloignement
de toute stimulation de l'esprit et des sens, et un traite-
ment hydrothérapique bien compris (frictions, demi-
bains, affusions dorsales) font disparaître les attaques;
je sais que ce résultat est possible dans beaucoup de
cas. » .
Marcé (2) s'exprime ainsi : « quant aux moyens hy-
drothérapiques, ils ont donné des résultats avantageux,
surtout chez les individus débiles, anémiques, dont les
fonctions cutanées s'exercent mal, et chez lesquels la di-
gestion et l'assimilation restent languissantes ; ils agis-
sent alors non sur l'élément convulsif, mais sur l'en-
semble de l'économie. »
Nothnagel (3) est un des auteurs qui ont le plus insisté
sur l'utilité de l'hydrothérapie dans l'épilepsie.
« D'après ma propre expérience», dit-il, «je consi-
dère l'hydrothérapie (kalt-wassercuren) comme un re-
mède très puissant dans le traitement de l'épilepsie; j'ai
obtenu par ce moyen sinon une guérison complète, tout
au moins une très notable amélioration; toutefois je ne
saurais prétendre que ce résultat s'obtienne dans tous
les cas ; les malades chez lesquels je n'ai rien obtenu
par ce traitement étaient atteints depuis longtemps d'épi-
lepsie avec affaiblissement prononcé des facultés intel-
lectuelles. On ne doit pas seulement se contenter du trai-
tement hydrothérapique par frictions fait Ù domicile,
mais il faut pendant six à douze semaines se soumettre
à un traitement méthodique dans un établissement spé-
cial ; la direction du traitement doit être laissée au mé-
decin de l'établissement; je considère en général les
douches sur le dos et la tête et les douches en lame
sturzbaider) comme plutôt nuisibles qu'utiles. Pour le
choix de l'établissement on doit avoir moins égard à la
situation géographique qu'à l'habileté du médecin direc-
(1) Traité clinique des maladies du système nerveux, trad.
Lubanski. Paris, 1878, p. 544.
1'2) Traité pratique des maladies mentales. Paris, 1852, p. 549.
(.3) Ziemssen. - lIanrlbuch der speciellen Pathologie und The-
i.2pie.- 12 B., Krankheiten des Nervensyslerns, II, xweitellaifte.
- Nothnagel, art. Epilepsie, p. 287-288 ; 1877, Leipzig.
DESCRIPTION DES APPAREILS. 9
teur. Une anémie trop prononcée serait une contre-indi-
cation du traitement hydrothérapique. »
« Les bains de mer et de rivière sont beaucoup moins
actifs que l'hydrothérapie. »
Description des appareils HYDROTHÉRAPIQUES.
Manuel opératoire.
Avant de faire'connaître les résultats obtenus à Bicê-
tre par l'hydrothérapie dans le traitement de l'épilepsie,
nous croyons utile de décrire les appareils et le mode
opératoire en usage; nous signalerons en même temps
en quoi notre intallation et notre procédé opératoire dif-
fèrent de ceux décrits par Fleury, le véritable maître en
ces matières.
Appareils décrits par
Fleury.
Appareils en usage à
Bicêtre. ,- ? : -
1 ? < ?
1° Douche en pluie verticale.
La pomme d'arrosoir est pla-
cée il 2 mètres 25 au-dessus du sol
sur lequel repose le malade; elle
est unie par l'intermédiaire d'un
robinet au tuyau d'eau qui l'ali-
mente.
Le tuyau, le robinet et le rac-
cord doivent livrer passade il. une
colonne d'eau de 3 cent. 1/2 de
diamètre.
Le robinet est manoeuvré il l'ai-
de d'une branche de levier tra-
versé par un poids suffisant pour
amener sa fermeture. Le bras du
levier muni de son poids est ma-
noeuvré à son tour par une corde
qui, passant par deux poulics de
rcnvoi fixées au plafond, vient
s'adapter à une pédale corres-
pondant au pied gauche de l'opé-
rateur.
La surface de la pomme d'arro-
soir est entièrement plane, faite
d'une plaque de cuivre assez ? (, ?
La pomme d arrosotagst plafipe
à 2 mètres 10 du sol.
Le tuyau, le robinet et le rac-
cord donnent passage à une co-
lonne d'eau de 3 centimètres de
diamètre.
Le robinet situé à 1 mètre GO de
la pomme est manoeuvré à l'aide
d'une tige droite en cuivre (de 1
mètre 30) continuant le robinet et
munie d'une poignée à sa partie
inférieure; cette poignée placée à
côté de la banc d appui exige
l'aide du malade ou d'un nouvel
opérateur.
La surface plane de la pomme
d'arrosoir a 25 centimètres et est
percée de 398 trous.
10 traitement hydrothérapique.
épaisse pour ne point fléchir et
devenir convexe extérieurement
sous le poids de l'eau ; elle a 22
centimètres et est percée de 262
trous disposés en circonférences
concentriques. Le diamètre des
trous est d'un millimètre.
La hauteur de la pomme d'ar-
rosoir ne doit pas dépasser 9-10
centimètres, raccord compris : lors-
qu'elle est plus considérable, la
douche ne s'arrête pas immédia-
tement après la fermeture du ro-
binet.
La hauteur de la pomme d'ar-
rosoir est de 14 centimètres. Le
tuyau de raccord au robinet me-
sure 1 m. GO; aussi l'écoulement t
de l'eau dure-L-il encore 5 secon-
des sans la pomme et 1 m. 1/2
avec la pomme après la ferme-
ture du robinet.
2° Douche mobile en jet.
Le robinet boudé est à 1 mè-
tre 35 au-dessus du plancher sur
lequel est placé l'opérateur et à
portée de la main gauche de celui-
ci ; à son extrémité s'adapte un
tuyau de caoutchouc vulcanisé
de 2 centimètres de diamètre ; le
tissu de ce tuyau doit être très
fort et contenir dans son intérieur
une toile épaisse, afin qu'il ne se
dilate pats sous la pression de
l'eau; la longueur du tuyau est
déterminée par la distance qui
existe entre le mur ou le poteau
d'appui et la niaindroite do l'opé-
rateur ; elle est ordinairement de
70-8D cent. L'extrémité libre du
tuyau est munie d'un robinet a
raccord où s'adaptent à volonté
des lances de divers diamètres ; le
diamètre le plus usuel est de 13
millimètres.
La température de l'eau doit
être de + 8° à T- 10° et ne jamais
dépasser + 14". Au-dessous de
+ 8° il n'y a plus de limites né-
cessaires, obligatoires.
Les meilleures douches sont
celles qui sont fournies par un
réservoir placé à 10 mètres au-
Le robinet coudé est à un mè-
tre, etc.
Longueur du tuyau : 1 m. 10.
Le diamètre de la lance est de
10 millimètres.
La température de l'eau le 29
mars 1882 à 9 heures du matin est
de + 10°. Le réservoir est placé
de telle façon que, quand l'eau y
a séjourné un certain temps, une
nuit chaude d'été, par exemple,
sa température tend à s'équilibrer
avec la température ambiante.
Le sous-sol du réservoir est à
4 m. 45 ; la hauteur du réservoir
est de 2 mètres.
MANUEL OPÉrATOIRE. 11
dessus du sol, élévation qui cor-
respond à peu de chose près à une
pression d'une atmosphère.
Manuel opératoire
de Fleury.
Le malade tournant le dos à
l'opérateur reçoit simultanément
la douche en pluie et la douche
mobile promenée sur toute la sur-
face postérieure du corps.
Au bout de 15 secondes, la dou-
che en pluie est arrêtée, et la dou-
che mobile est continuée pendant
15 autres secondes.
Alors le malade se retourne,
fait face à l'opérateur et reçoit la
douche mobile pendant 30 secon-
des encore.
Ladurée totale de la douche gé-
nérale en pluie et en jet est ordi-
nairement d'une minute (1).
Manuel opératoire en usage
à Bicêtre.
Le malade tourne le dos à l'opé-
rateur, reçoit simultanément la
douche en pluie et en jet, puis
tournant très lentement sur lui-
même, il présente successivement
pendant quelques secondes le côté
gauche du corps, la partie anté-
rieure, le côté droit, puis le dos;
le plus souvent les malades exé-
cutent un deuxième tour sur eux-
mêmes.
La douche en pluie est arrêtée,
la douche mobile est continuée
15-20 secondes, le malade tour-
nant le dos à l'opérateur.
Puis le malade se retourne et
reçoit la douche mobile sur les
pieds seulement, pendant 4-5 se-
condes.
Au début du traitement on
donne d'habitude des douches
très courtes : pluie et jet en éven-
tail, 10 secondes ; jet en éventail,
10-20 secondes; quelquefois cette
durée n'cstjamais dépassée, com-
me, par exemple, dans les cas
d'épilepsie que nous désignerons,
sous le nom d'EPILEPSIE APOPLECTI-
FORME OU COMATEUSE.
Comme on peut le voir par le tableau ci-dessus, l'ins-
tallation hydrothérapique du service est fort défectueuse,
C'est ainsi que le robinet intermédiaire au tuyau d'ali-
(1) Nous n'avons pas cité le livre do M. Beni-Barde; cet auteur croit
que l'hydrothérapie doit être absolument rejetée du traitement de
l'épilepsie quand celle-ci se présente sous la forme de grand mal, sans
être compliquée d'aliénation mentale. - D'autres auteurs, comme
Munde, Schcdel, etc., ont, dans leurs traités d'hydrothérapie, consa-
cré quelques lianes à l'épilepsie et se sont montres plus ou moins
favorables à l'emploi de cet agent dans le traitement de cette maladie.
12 TRAITEMENT HYDROTHÉRAPIQUE.
mentation et à la pomme d'arrosoir est à une distance
assez grande de celle-ci (1 mètre 60) pour n'avoir sans
doute jamais été dépassée. Le manuel opératoire est
encore rendu plus difficile par le fait que la branche
du levier ordinairement en usage qui laisse à la disposi-
tion de l'opérateur la manoeuvre du robinet adapté au
tuyau d'alimentation de la pomme d'arrosoir, a été rem-
placée ici par une tige droite placée à 3 mètres environ du
doucheur, de telle façon qu'elle nécessite l'aide du ma-
lade ou d'un second opérateur. Nous ajouterons qu'à
Bicêtre la pression de l'eau est insuffisante, que la mau-
vaise situation du réservoir ne permet pas à certaines
saisons dedonner les douches à la température voulue, et
qu'enfin l'aménagement des locaux balnéaires laisse fort
à désirer; les douches sont situées dans la même salle
que les bains, et cette salle est exiguë, les malades s'y
habillent et déshabillent ; enfin, comme il n'y a pas do
vestibule, que les besoins du service exigent l'ouverture
fréquente des portes, il s'ensuit encore de nouveaux in-
convénients.
L'insuffisance et l'imperfection de ce matériel ne nous
ont sans doute pas permis d'obtenir de l'hydrothérapie
tous les effets que nous aurions pu attendre d'une ins-
tallation plus perfectionnée. Quant au mode opératoire,
nous nous sommes inspirés le plus possible de la mé-
thode de L. Fleury.
RÉSULTATS THÉRAPEUTIQUES.
Nous allons maintenant exposer les résultats que nous
a procurée l'hydrothérapie et nous aurons soin de com-
parer les accès notés durant les périodes correspondant
au traitement avec ceux qui ont été relevés aux mêmes
périodes durant l'année ou les années antérieures.
C'est, celon nous, le seul moyen d'avoir une opinion
précise sur l'action des agents thérapeutiques.
OBSERVATIONS. 1 3
Observation I.
Epilepsie idiopathique. - Onanisme. - Début à trois ans. - Débi-
lité mentale consécutive. - Roeugole. - Erysipèle (mai 1881).
Congestion méningitique. - Amélioration notable.
Charm., Emile, 7 ans, entré à Bicêtre le 16 novembre 1880
(scrvice de M. Bourneville).
Renseignements fournis par sa mère (22 novembre 1880).-Père,
35 ans, palefrenier, colérique, n'aurait eu depuis son mariage
d'autre maladie qu'un eczéma ( ? ) presque généralisé, qui fut
guéri en 15 jours à Saint-Louis (il y a 5 ans) ; il était quelque
peu rhumatisant. [Père, cultivateur, bien portant, ainsi que la
mère et deux frères ; l'un de ceux-ci a 2 enfants sains, l'autre
4 qui n'ont pas d'accidents nerveux ; cinq soeurs bien portantes,
l'une a une fille jouissant d'une bonne santé, les autres n'ont
pas d'enfants ; pas d'aliénés, pas d'épileptiques, pas de diffor-
mes, pas d'idiots, ni de suicides, ni de criminels dans la famille].
Mère, 24 ans, femme de ménage, auparavant domestique, bien
portante, châtaine brune, grande, intelligente, est sujette à des
douleurs névralgiques sans nausées ; elle est nerveuse, im-
pressionnable, mais n'a jamais eu d'attaques de nerfs ni de
svncones. \Père. marchand de vins, sobre, bien portant ; mère.
morte du choléra, en 18G;) ; une soeur bien portante a épousérü'
frère du père de notre malade et est la mère des quatre/en^
fants dont il est parlé plus haut ; pas d'aliénés, etc.] '. ? "
Consanguinité (Cousins germains). Deux enfants : 1° 0 Iotre ?
lade, 2" une fille, morte a 3 ans de broncho-pneumonie copjié-
cutive à la coqueluche.
Notre malade. Pendant la grossesse, sa mère s'est heauc y-'
fatiguée ; elle servait chez son père ; elle pense qu'il est ne
8 mois à peine (8 mois 1/2 au dire de la sage-femme); il était pe
tit, chétif, cyanose, jaunâtre ; il avait la tête allongée ; on croyait
qu'il ? e vivrait pas ; 1 accouchement avait été facile et peu
long; il n'avait pas de circulaire autour du cou ; il a été
élevé au sein par sa mère pendant 2 ans ; il aurait eu des
bronchites pendant les trois premières années, mais jamais de
convulsions ; il a marché à 20 mois, a commencé à parler vers
un an ; la parole s'est développée comme chez les autres en-
fants et n'est devenue difficile pour certains mots que depuis
un an. - Jusqu'à trois ans, il ne présentait rien d'extraordi-
14 TRAITEMENT HYDROTHÉRAPIQUE.
naire, paraissait intelligent, mangeait seul et savait s'habiller,
pourtant il a toujours pissé au lit ; depuis trois ans il est pro-
pre pour la défécation, sauf quand il est malade ; chez sa mère
il avait un pantalon, ici à l'arrivée on lui aurait mis une robe
de gâteux. Onanisme même au maillot : « il tire sa petite af-
faire comme si c'était du caoutchouc » ; il se touche moins le
jour parce qu'il joue ; il tire sa verge et l'attire presque dans la
poche de son pantalon, parfois il se touche derrière le monde.
A trois ans, étant auprès de son père, il a eu sans cause connue
un premier accès ; le second accès est venu un mois après ;
chute subite sans cri (alors), cyanose, rigidité, pas de mouve-
ments cloniques, pas d'écume, revenu à lui au bout d'un quart
d'heure ; 3e accès un mois plus tard ; en un mot, la première
année, accès mensuel. Dans la seconde année, les accès qui
étaient diurnes seulement,sont devenus diurnes et nocturnes ; tou-
tefois dans le jour il n'aurait que des étourdissements ; dans les
quatre premiers mois, accès tous les 3 ou 4 jours ; envoyé en
Savoie, d'avril à septembre 1880, il a continué à tomber ; do
septembre à l'entrée, tous les jours étourdissements, accès
nocturnes de deux en deux nuits, quelquefois trois nuits ; le
maximum des accès en 24 heures a été de deux ; quant aux
étourdissements, ils sont nombreux, 5 à 6 par jour ; il tombe et
se relève de suite, sans perdre connaissance, et se blesse. Les
accès auraient les caractères suivants : pas d'aura ; chute
quelquefois en avant, le plus souvent en arrière, ainsi qu'en
témoignent les cicatrices qui sillonnent l'occiput ; rigidité gé-
nérale ; secousses cloniques des quatre membres ; léger ron-
lement un peu d'écume non sanguinolente; durée : deux
minutes ; il urine sous lui, mais ne déféque que rarement.
Il bave un peu en parlant, met ses bas, ses souliers, ses
bretelles, mais ne sait pas s'agrafer ; il boutonne cependant
son pantalon ; il mange seul avec la cuiller, la fourchette,
mais ne sait pas se servir du couteau ; il a été quelque temps
à l'école, il commençait à lire l'alphabet,[ne sait pas compter ;
il faisait quelques commissions ; il est affectueux pour son père
et sa mère. Depuis six mois, l'intelligence n'aurait pas baissé,
la parole seule aurait été modifiée ; irascibilité ; impatiences. Le
sommeil est bon sans cauchemars ; Ch... n'est pas peureux.
Croûtes dans les cheveux, glandes au cou sans abcès, pas
d'ophthalmies, etc ; coqueluche à 2 ans 1/2 ; pas d'autres ma-
ladies. - Traitement antérieur : bromure de potassium. - Les
parents attribuent la maladie à l'onanisme.
État actuel (le décembre 1880). Tête volumineuse avec prédo-
minance des parties postérieures ; le volume de la tête va ré-
gulièrement croissant d'avant en arrière :
OBSERVATIONS. 15 J
16 TRAITEMENT HYDROTHÉRAPIQUE.
bruyante, éclatante; les yeux auparavant atteints de conjoncti-
vite chronique, n'ont subi aucun changement; l'oeil gauche est
ecchymose. T. R. 39°,8. Un accès dans la journée.
13 jww. L'éruption est essentiellement boutonneuse; elle est
continente en plaques à la base du thorax et à l'épigastre très
cohérente sur le reste du tronc, très peu sur les membres ;
fuliginosités labiales ; léger coryza; pas d'épistaxis. A l'auscul-
tation, respiration rude, sans râles; diarrhée depuis trois jours.
Julep, eau de chaux : 60 gr.; laudanum do sydenha,m : trois
gouttes. T. R. 40°. - Soir : 39°,4. Un accès dans la journée.
ibjanv. Râles sous-crépitants surtout à droite ; la diarrhée a
un peu diminué. Badig. teinture d'iode; julep diacode avec
rhum (30 gr.). T. R. 39°,6. - Soir : 3S ? t.
45 jaav. Gros râles sous-crépitants dans toute l'étendue de la
poitrine; diarrhée très abondante, même traitement. T. R. 38°,8.
Deux accès dans la nuit.
17 janv. Desquamation ; : la conjonctivite et le coryza ont
disparu ; à l'auscultation, la respiration est rude, surtout à
droite, accompagnée de quelques râles seulement; il n'y a plus
de diarrhée ; la langue est détergée. T. R. 38',8. - Soir : 40°.
18 janv. L'enfant dort; la respiration est calme. T. R. 39°,8.
- Soir : 40°.
19 janv. Râles abondants; badig. avec la teinture d'iode.
20 janv. Les râles ont diminué.
22 janv. Respiration rude avec râles ronflants, surtout adroite.
Badig. iode. T. R. 38°. - Soir : 39-.
21 janv. La température se maintient à 38° ; quelques râles,
bon appétit; cris fréquents.
2 jcanu. Suppression des badig.; côtelettes; vin de quinquina,
sirop d'iodure de fer, huile de foie de morue.
26 janv. T. R.. 3 î°,S. - Soir : 37°,S.
27 janv. T. R. 37°,6. - Soir : 3 i°,S.
28 janv. T. R. 37°,4. - Soir : : 37°,6.
4 el février. Dans un accès, plaie de la bosse frontale gauche;
conjonctivite légère ; nombreuses adénites cervicales.
2 fév. Un accès de nuit.
3 fév. Huit accès dans la journée.
4 fév. Encore un peu de blépharite; adénite sous-maxillaire
depuis plusieurs jours; apparition d'une plaque d'herpès circiné
au niveau de la corne gauche de l'os hyoïde. Trois accès.
5 fév. Prostration à la suite des accès d'hier; pâleur; les
muscles sont agités de secousses convulsives de peu d'étendue.
T. R. 37°,8.
6-10 fév. Température invariable de 37°,6 ; la convalescence
est assurée.
OBSERVATIONS. 17
12 feu. Impétigo de toute la partie antérieure du cuir chevelu ;
adénites cervicales.
25 fév. Conjonctivite oculo-palpébrale à droite; gonflement
palpébral interne. Cautérisation au nitrate d'argent.
3 avril. Bronchite (râles ronflants et sous-crépitants dans
toute l'étendue de la poitrine ; touxi grasse). Deux accès. T. R.
- Soir : 40°,2.
4 avril. T. R. 39°,4. - Soir : 39°,6..
5 avril. T. R. 38°,8. - Soir : 38°,4, un accès.
6 avril. T. R. 37°,8. - Soir : 37°,8.
19 avril. Persistance de la conjonctivite avec blépharite ci-
liaire ; l'enfant est grognon, pleure sans motif; il a dans les
bras, les avant-bras et les mains de petites secousses qui se suc-
cèdent assez rapidement et, cela, qu'il soit couché ou dans la
station verticale.
28 avril-18 mai. Inhalations d'oxygène, deux fois par jour,
environ 2 litres (appareil Limousin.)
18 mai. T. R. 39°,6. - Soir : 41°. Huit accès.
19 mai. L'enfant est grognon ; la peau est chaude ; perte de
l'appétit; rien à l'auscultation et à la percussion, etc.; deux
selles ; la plaie de la bosse frontale est un peu rouge.
T. R. 40°,6. -Soir : 40°,2. 1 accès.
20 mai. Plaques d'érysipèle à la racine du nez, en avant de
l'oreille gauche et à l'origine du cuir chevelu. Purgatif (huile de
ricin) ; limonade vineuse. T. R. 39°,2; - Soir : 39°. 2 accès.
21 mai. T. R. 38° ; Soir : 380,2. - 3 accès.
22 mai. L'érysipèle s'étend à la moitié droite du cuir chevelu
et à l'oreille correspondante. T. R. 38°. - Soir : 39°,4. 3 accès.
23 mai. T. R. 40°,2. - Soir : 40°,6.
24 mai. T. R. 39\6. Soir : 39°.
25 mai. La rougeur a disparu, toutefois il s'est développé une
collection purulente au-dessous d'une plaque impétigineuse sur
la bosse frontale droite. - Peu d'appétit. - Pas de diarrhée. -
L'enfant est assez gai le matin et l'après-midi. T. R. 38°,6.
Soir : 38°,6.
26 mai. T. R. 38°,4. Soir : 38*,4.
27 mai. T. R. 38°,2. 1 accès.
7 juillet. Douches (20 secondes).
3 novembre. Suppression des douches. - Deux bains salés par
semaine.
1882. 25 mars. L'enfant a eu ces jours-ci une bronchite légère
compliquée de diarrhée qui a duré 5 à 6 jours, puis il est tombé
dans un état d'assoupissement semi-comateux. Regard fixe ;
indifférence; parole nulle; secousses fréquentes; parfois ver,
tiges accompagnés de secousses (congestion méningitique). Le
matin, à gauche, respiration un peu soufflante avec légère
BOURN. - 1882. 2
18 TRAITEMENT HYDROTHÉRAPIQUE.
submatité (julep ext. de quinquina, Bagnols, lait). Depuis trois
jours amélioration notable ; la toux a diminué, l'appétit est re-
venu. (14 mars. T. R. Soir : 38°,4. 2 accès.-15 m., 38°,4 ; 38°,6.
2 accès. - 16 m., 38°,4 ; 3Sa,6. 1 accès. - 17 m., 38,4 ; 39°. 3 ac-
cès. - 18 m., 39°; 39°,2. 6 accès. - 19 m., 39°,1; 39°,6. 8 accès.
- 20 m., 39,4; 39°. 7 accès. - 21 m., 3au; 39°,2. 6 accès.
22 m.. 39°; 39°,2. 6 accès. - 23 m., 39°; 39°. 5 accès. - 24 m.
39°; 38°,6. 5 accès.
leur avril. Hydrothérapie.
5 octobre. Suppression des douches. - Dans un accès l'enfant
s'est fait une plaie contuse de la région oecipitale ; le 7 octobre
on constate une bosse sanguine avec chaleur et rougeur de la
peau.
13 octobre. Il s'est formé un vaste décollement de toute la
portion correspondante a l'écaille de l'occipital et à la partie
postérieure des pariétaux. Au niveau de la protubérance occi-
pitale externe il existe une tumeur de la grosseur d'un oeuf de
poule donnant issue à du pus abondant par deux ouvertures
situées à la partie supérieure. On fait des contre-ouvertures et
l'on draine; la guérison a été obtenue en peu de temps.
6 nov. Traitement par les injections sous-cutanées de curare.
OBSERVATIONS. 19 9
On voit, en examinant le tableau ci-dessus, que le
nombre des accès a considérablement diminué pendant
le traitement hydrothérapique, d'abord en 1881, puis en
1882. - Dans l'intervalle des traitements les accès re-
prennent leur marche.
Observation II.
Epilepsie idiopathique. - Début à 10 ans (peur). - Accès nocturnes
d'abord, ensuite nocturnes et diurnes, puis de nonveau seulement
nocturnes. - Violences. - Intelligence faible. - Amélioration
notable.
Blomach..., Joseph, 20 ans; entré à Bicêtre, le 22 février 1879
(service de M. BOURNEVILLE), sorti le 21 mars 1882.
Renseignements fournis par sa mère (17 mars 4882). - Père ; 65 ans,
forgeron, a quitté sa femme, il y a huit ans environ, (il s'était
marié à 25 ans), sobre; sans être sujet aux migraines, il avait
quelquefois des maux de tête attribués au feu de la forge ; il
n'était pas colérique ; il n'a fait aucune grande maladie ; il a été
soldat, on ne croit pas qu'il ait eu de maladies vénériennes.
[Père mort à 76 ans ; - mère morte à 40 ans ; « de chagrins cau-
sés par des pertes d'argent. » Un frère mort d'une fièvre typhoïde;
trois soeurs ont l'une trois enfants, la seconde deux, la troi-
sième trois; elles sont bien portantes ainsi que leurs enfants.
Pas d'aliénés, pas d'épileptiques, d'apoplectiques, de difformes,
de suicides ou de criminels dans la famille.]
Mère, 58 ans, domestique, cuisinière, brune, bien portante;
elle a eu beaucoup do chagrins, d'ennuis parce que son mari
l'a quittée quatre fois avant de l'abandonner définitivement ; il
s'en allait vivre avec d'autres femmes, 3, 4, 8 mois « chaque
fois qu'il revenait, c'était un enfant. » Mariée à 20 ans, elle est
devenue enceinte presque de suite; elle aurait eu des migraines
avec vomissements durant la première grossesse, elles duraient
toute la journée ; elle n'en eut pas pendant les autres grossesses;
dans l'intervalle elle en eut quelques-unes ; elles ont disparu
vers 30 ans; pas d'autres maladies. [Père mort à 87 ans d'une ma-
ladie de l'estomac,sobre ; mère morte à 88 ans de vieillesse; grands
parents maternels et paternels morts à un âge avancé; quatre
frères bien portants ainsi que leurs enfants ; quatre soeurs dont
trois sont bien portantes ainsi que leurs enfants, la quatrième est
morte de la poitrine vers 30 ans. Ni aliénés, etc.] Pas de con-
sanguinité.
20 TRAITEMENT HYDROTHÉRAPIQUE.
6 enfants : 1° garçon mort d'un chaud et froid à 28 ans après
18 mois de maladie (phthisie); 2° fille morte à 32 ans, trois se-
maines après un accouchement ; 3° fille de 18 mois morte du
choléra en 1849 ; 4° et 5 2 autres filles bien portantes ; aucun
de ses enfants ou petits enfants n'a eu de convulsions ou de
maladies nerveuses ; 6' notre malade.
Notre malade. - Grossesse assez bonne, sauf une émotion
vive au troisième mois (son mari, ayant reçu un contre-coup de
marteau, aurait été pris d'un violent crachement de sang) ; elle
était en assez bons termes à ce moment avec son mari qui ne la
quittait (sans rien dire) qu'après ses accouchements. Accouche-
ment à terme normal. L'enfant fut élevé au sein par sa mère
jusqu'à 20 mois; propre à un an, il a marché à 9 mois et parlé
librement à deux ans ; envoyé à l'école à 5 ans, il apprenait
bien, était docile, obéissant ; il n'était pas colérique. Il a eu la
rougeole vers trois ans, une varioloide vers cinq ans (il avait
été vacciné), et les oreillons après sa première sortie de Bicêtre ;
il n'a jamais eu de convulsions; pas d'autres maladies éruptivcs
ou contagieuses ou manifestations strumeuses; toutefois vers
10 ans, quelques jours avant son premier accès, il aurait eu un
écoulement de l'une des oreilles.
A 10 ans, l'enfant étant en Belgique, environ trois semaines
avant la constatation d'une crise, un agent en bourgeois lui avait
mis la main sur l'épaule, disant : « Je te tiens » ; il y a eu
attroupement, ses soeurs sont accourues ; l'agent croyait que
c'était un enfant échappé de pension et qu'il recherchait; il a
offert de l'argent à l'enfant qui a dit non : « Vous m'avez fait
peur. » Sur le moment il se serait affaissé sans perdre connais-
sance ; on trouvait que depuis il avait pâli, qu'il avait les traits
tirés; de plus la peur lui avait donné la diarrhée. A cette épo-
que, il couchait avec son frère; celui-ci se plaignait que Joseph
remuait, lui donnait des coups ; la mère du malade le fit alors
coucher auprès d'elle et bientôt elle s'aperçut un jour qu'il était
comme mort, tout raide, la face pâle, bleue, froide ; auparavant
on assure qu'il n'avait eu ni accidents, ni' cauchemars, ni étour-
dissements ; quinze jours plus tard il eut une autre crise ; on
en compta cinq dans la première année; dans la seconde les
crises sont devenues plus fortes et plus fréquentes. Durant une
année les accès ont été exclusivement nocturnes, puis ils sont
devenus nocturnes et diurnes ; le maximum des accès en 24 heures
a été de 29; il avait une aura ; il disait : « Maman, je crois que ça
va me prendre, ça me fait mal dans le bras»; il demandait qu'on
lui frottât les bras ; dans la plupart des accès il ne prévenait
pas. On nous décrit ainsi les accès : pas de cri; tout à coup le
corps était rigide ; secousses qui seraient plus fortes à gauche :
pas de ronflement ; bave peu abondante ; pas de morsure do la
OBSERVATIONS. 21 1
langue ; parfois miction involontaire ; après les accès ni folio,
ni automatisme.
Il est entré à Bicêtre, une première fois, le 27 février 1875;
les accès étaient alors nocturnes et diurnes; l'intelligence n'avait
pas sensiblement baissé : la mémoire était bonne : il était seule-
ment devenu plus irascible. C'est à Bicêtre que les accès de jour
ont disparu et ne se sont plus montrés que la nuit (les accès ont
été en mars 1875, au nombre de 26 de jour, 55 de nuit ; en avril
64 et 33 ; on mai 50 et 36 ; en juin 16 et 39 ; en juillet 46 accès de
nuit seulement : à partir de cette époque, les accès n'ont plus
été que nocturnes.) Son caractère est resté le même ; il n'est pas
devenu plus irascible , il est affectueux, poli, raisonne à peu
près bien ; il ne se masturbe pas et n'a pas eu de rapports
sexuels. - Traitements antérieurs. Bromure ^de potassium, vin
sirop de gentiane, sirop antiscorbutique.
Etat actuel (19 mars 1882.) - Tête assez forte, ronde; saillie
assez prononcée de la région occipitale; front bas, très large;
les bosses frontales sont peu apparentes ; il n'y a pas de pres-
sion latérale.
22 TRAITEMENT HYDROTHÉRAPIQUE.
Circulation : coeur, battements réguliers; pouls : 72; muqueu-
ses un pou pâles.
Digestion régulière : rate et foie normaux ; selles quotidiennes,
volontaires.
P¡ ? 01Wmie peu intelligente ; parole lente et traînante, un
peu tremblante ; notions bornées ; il dit l'heure après réflexion
et connaît les choses usuelles; il additionne, mais ne sait pas
la table de multiplication par coeur ; il sait le temps, mais il se
trompe.
observations. 23
Ce malade a pris du bromure de potassium depuis son entrée
jusqu'au 4 septembre 1880, puis du bromure de sodium, de sep-
tembre 1880 à juin 1881.
24 traitement hydrothérapique.
Depuis sa sortie ce malade n'a pas pris de douches ;
dans ces derniers temps il s'est plaint de vertiges qui se
manifesteraient le matin au réveil.
Observation V.
Epilepsie idiopathique. - Convulsions de 1-4 aas. -Etourdissements,
puis accès à 8 ans.-Pére alcoolique (absinthe, étourdissements).-
Grand'mère paternelle alccoolique, morte folle. Mère et soeur
nerveuses. - Frére idiot. Amélioration notable.
Comm..., Maurice, 12 ans, entré à Bicêtre le 6 mars 1880
(service de M. Bourneville).
Renseignements fournis par sa mère (15 mars 1880.) Père, sous-
brigadier à la Préfecture de Police, mort à l'âge de 44 ans, en
1876, est tombé par accident dans la Seine; on croit qu'il a eu
un étourdissement ; il se grisait de temps à autre « après son
service » : - « il avait la monomanie de l'absinthe, » il n'était
pas violent ; - un an ou deux avant sa mort, il aurait eu des
étourdissements attribués à ce qu'au lieu d'être appelé au dehors
pour son service, il restait au bureau. [Père, cordonnier, mort
à 60 ans d'un catharre pulmonaire. - Mère, alcoolique, morte
folle à la Salpêtrière à 60 ans. - Un frère, bien portant, sans
enfants; pas d'autres aliénés, pas de paralytiques, pas d'épilep-
tiques, ni de criminels dans la famille.]
Mère, couturière, 44 ans, mariée à 20 ans ; d'une intelligence
ordinaire, d'une santé passable, elle a eu beaucoup d'ennuis
pour élever ses enfants depuis la mort de son mari ; elle est
nerveuse, colérique, pleure facilement, mais n'a jamais eu
d'attaques de nerfs, de syncopes ou de migraines. [Père,
menuisier, sobre, mort empoisonné accidentellement après
avoir mangé de la morue qui avait refroidi dans une casserole
de cuivre, il eut des douleurs abdominales, des coliques, des
vomissements verdâtres ; la mort ne survint qu'au bout do
4 semaines. - Mère, morte à 40 ans, assassinée par un indi-
vidu, qui, après son veuvage, voulait l'épouser (l'ayant
surprise dans un bois aux environs de Chartres, il l'avait acca-
blée de coups). - Grand-père maternel mort à 87 ans. -
Grand' mère maternelle bien portante, 67 ans : - 4 soeurs, l'une
morte de la poitrine, sans enfants ; les trois autres sont bien
portantes ; l'une a eu à 40 ans une grossesse gémellaire, elle
avait déjà eu sept ou huit enfants dont trois sont seuls
vivants. - Pas d'aliénés, etc., dans la famille.]
observations. 25
Pas de consanguinité. - 11 enfants : 1° Garçon mort en
nourrice de convulsions au moment de la dentition à 14 mois.
- 2° Fille morte des suites d'une chute. - 3° Garçon mort à
10 mois en nourrice, on ne sait de quoi. - 4° Fille, 20 ans,
bien portante, intelligente, a eu une hémichorée à gauche, mise
en correction à Saint-Michel, elle en serait sortie pour entrer à
Lourcine ; elle n'avait que des pediculi pubis ; c'est là où elle
aurait été déflorée; depuis lors, elle a couru et a eu la chaude-
pisse ; elle est menteuse, invente des histoires; elle a travaillé
comme couturière, puis dans une brasserie ; elle a eu un
enfant ; elle est hystérique, facile à hypnotiser, mais n'a pas eu
de crises nerveuses. - 5° Garçon, 18 ans, sculpteur sur bois,
d'un caractère changeant, a eu quelques convulsions ; est intelli-
gent. - 6° Fille, 17 ans, intelligente, d'une bonne conduite, a
eu beaucoup de convulsions à l'époque de la dentition. -
7° Garçon, 15 ans, est « à moitié idiot, » n'a pu apprendre à
lire, sait à peine signer son nom, a eu des convulsions (1). -
8° Une fausse couche. - 9° Notre malade. - 10° Une fille,
6 ans, intelligente, bien portante, a eu des convulsions. -
11° Une fille morte en deux jours, à 18 mois, du croup.
Notre malade. Conception : il n'y aurait pas eu de rapports
sexuels au moment des ivresses ; grossesse régulière ; son
mari qui la battait quelquefois parce qu'elle lui adressait des
reproches, l'a frappée aussi pendant les grossesses et même
pendant les couches ; « les voisins sont venus plus d'une
fois. » L'accouchement normal eut lieu à terme. - Convulsions
vers un an, puis de temps à autre jusqu'à 4 ans. - Apparition
des étourdissements à 8 ans. - On le mit aux enfants malades
pendant deux mois (bromure de potassium) ; il n'avertissait
pas, restait debout, laissait tomber ce qu'il avait dans les
mains, avait les yeux hagards, balbutiait, pâlissait; le tout
durait quelques secondes ; quand il prenait du bromure de
potassium, les étourdissements étaient accompagnés d'émis-
sion involontaire d'urine ; il n'avait pas de grands accès ; les
étourdissements survenaient à n'importe quelle heure ; on a
noté quelques manifestations scrofuleuses, une varioloide très-
(1) Note fournie par M. Magnan : Comm. Louis, 16 ans, entre une
première fois à Sainte-Anne le 6 juillet 1881. Ce malade, faible d'es-
prit, était très excité au moment de son entrée; il déclamait, parlait
de tuer, de se tuer. Il s'est calmé peu à peu et a pu sortir le 18 octo-
bre après un séjour de 3 mois 1/2. Il est rentré 1 mois 1/2 après, le
1" décembre 1881, encore excité comme la première fois, il voulait
constamment se jeter par la fenêtre. Il est adonné à l'onanisme, il est
impulsif et se montre parfois violent contre son entourage.
26 traitement hydrothérapique.
légère (il avait été vacciné), une rougeole à 2 ou 3 ans et enfin
une fièvre muqueuse. - Il est allé à l'école, a appris à lire et
un peu à écrire ; en classe, lorsqu'il était pris, ses camarades
disaient : « tiens, voilà Comm..., qui rêve. »
Dans les crises le corps était raide, la face violette, les
lèvres étaient bleues ; Comm... tombait à terre sans se
blesser. La mère de l'enfant ne sait à quoi attribuer ses
étourdissements ; à l'école, il aurait été battu par les frères,
au point qu'il avait le dos tout bleu, la peau écorchée.
Etat actuel (4 mars 1882). - L'enfant est assez bien constitué,
toutefois les tibias présentent une courbure à concavité
interne; le système musculaire est passablement développé.
Tête ovale, proéminence de l'occipital en arrière et surtout à
droite de la ligne médiane, au-dessus se trouve un méplat;
crâne natiforme avec rigole transversale, les deux bosses anté-
rieures sont principalement accentuées; cheveux blonds. -
Front étroit, bas ; les bosses frontales n'offrent rien de parti-
culier, les gouttières sus-orbitaires sont très prononcées et se
prolongent jusque vers l'angle interne de l'oeil, la partie
externe est très large et mesure près de 1 cent. 1/2 ; les arcades
sourcillières ne sont pas proéminentes.
observations. 27
comme usées à leur sommet; amygdales hypertrophiées, luette
assez longue, effilée ; l'appétit est bon, selles quotidiennes et
volontaires.
Pas de déviation du rachis. Organes génitaux : les testicules
sont petits, descendus ; le prépuce est long et recouvre le gland
(pas de phimosis.)
L'anus est normal; les fesses sont fermes (quelques petites
cicatrices sans caractère).
Les membres supérieurs sont normaux (3 cicatrices de vaccin
à droite, 4 à gauche) ; la phalangette du petit doigt à droite est
en demi-flexion; l'os à sa partie supérieure semble présenter
une légère exostose, l'ongle normal présente une courbure à
concavité antérieure ; l'enfant dit s'être cogné, il y a 3 ou 4 ans,
contre le bord d'une cheminée.
Les membres inférieurs sont assez bien conformés (incurva-
tion des tibias ci-dessus signalée) ; on y remarque quelques
petites cicatrices (4).
Sensibilité générale et spéciale : normales.
Le réflexe tendineux est peu prononcé.
Le dynamomètre donne à droite : 25.
à gauche : 25.
Les facultés intellectuelles paraissent intactes; on n'observe
pas d'embarras de la parole.
20 octobre 1880. - Douches.
8 novembre. - 8 capsules de bromure de camphre le soir.
30 nov. - Cessation des douches.
1881. 30 avril.- Les capsules de bromure de camphre ont été
prises régulièrement. - 3 capsules à partir de ce jour et douches.
4 juillet 1881. - L'enfant a fait des progrès remarquables à
l'école ; il lit et écrit convenablement.
4 2 décembre.- Suppression des douches.
1882. 1er mai - Hydrothérapie.
7 novembre. - Suppression des douches. - C... a toujours pris
ses capsules de bromure de camphre (3 par jour) ainsi que du
vin de gentiane.
28 TRAITEMENT hydrothérapique.
OBSERVATIONS. 29
Observation VI.
Epilesie idiopathique. - Convulsions de 3-4 ans. - Début à 4 ans.
- Accès nocturnes d'abord, puis diurnes et nocturnes. - Pyroma-
nie. - Kleptomanie. - Amélioration notable.
Vien..., Gustave. 10 ans, entré à Bicétre le 15 octobre 1879
(service de M. Bourneville), sorti le 14 juin 1882.
30 TRAITEMENT HYDROTHÉRAPIQUE.
Accès surtout nocturnes. - Cousine germaine (du père) épileptique.
- Amélioration.
Délai..., Edouard, 16 ans, entrée à Bicêtre le 7 décembre 1880
(service de M. BOURNEVILLE).
observations. 31
32 traitement hydrothérapique.
La maladie a suivi sa marche progressive. Du 1er août
au 14 octobre 1881, l'enfant a eu 40 accès et 2 vertiges,
et 28 accès et 2 vertiges pendant la période correspon-
dante de 1880. De mai à décembre 1881, il a été soumis
sans amélioration appréciable à un traitement hydro-
thérapique ; du 1er mai au 30 novembre 1882 il a de
nouveau suivi le même traitement.
En 1881, cet enfant a eu 96 accès et 2 vertiges de mai
à novembre, et en 1882, 78 accès; devons-nous attri-
buer cette amélioration au traitement par les dou-
ches ou au traitement par les purgatifs auquel il est
soumis ?
Observation X.
Epilepsie idiopathique. - Début à Il ans. Amélioration.
Jeaun..., Victor, entré à Bicêtre le 24 février 1881 (service
de M. BOURNEVILLE).
traitement hydrothérapique. 33
Observation XI.
1 Epilepsie idiopathique. - Amélioration pendant la durée du
1er traitement et consécutif.
PL ? François, 52 ans, entré le 15 janvier 1875 (service de
M. BOURNEVILLE).
34 traitement hydrothérapique.
Trois traitements hydrothérapiques '3 mois en 1880 et 81, 7 mois
en 1882) :
observations. 35
Ce malade a pris du bromure de zinc en 1879 ; il a pris d'avril
1880 au 16 janvier 1881 du bromure de potassium : il n'a pas pré-
senté de périodes d'excitation pendant le traitement hydrothé-
rapique.
36 traitement hydrothérapique.
Observation XV.
Epilepsie idiopathique. - Début à un an. - Depuis l'âge de 3 ans
accès fréquents. - Légère amélioration consécutive d'abord, puis
pendant le second traitement. -
Bontem..., Désiré, 13 ans, entré à Bicêtre le 23 mai 1881 (ser-
vice de M. BOURNEVILLE).
observations. 37
38 traitement hydrothérapique.
observations. 39
dans les mois où le malade n'était pas soumis aux dou-
ches.
Observation XIX.
Epilepsie idiopathique. - Convulsions fréquentes de six mois à un an.
- Début à un an. - Aura. - Père alcoolique. - Soeur aliénée ?
Amélioration assez notable surtout après le second traitement.
Franc... Eugène, Lé..., 15 ans, entré à Bicêtre le 24 mai 1880
(service de M. BOURNEVILLE)-
40 traitement hydrothérapique.
Lan..., Pierre, Ét., 22 ans, entré à Bicêtre le 16 février 1878
(service de M. BOURNEVILLE).
Traitement. - 30 mars 1880 : 0 gr. 015 de bromure d'arsenic.
- 10 mai : 0 gr. 02. - 29 juin : 0 gr. 03. - 10 juillet : 0 gr. 04.
6 septembre : purgatif.-7 septembre : 0 gr. 03.-10 septembre :
0 gr. 04. - 15 septembre : 0 gr. 05. - 20 septembre : 0 gr.
06. - 30 avril au 10 mai 1881 : suspension. - 10 mai :
0 gr. 03. - 22 juin : la dose a été augmentée de 0 gr. 01
toutes les semaines jusqu'à 0 gr. 08. - 15 octobre : suppression
du médicament.
Le malade n'a eu aucun accident ni du côté des voies diges-
tives, ni côté de la peau ou du système nerveux. Vers la fin de
décembre 1880, il a été pris d'un larmoiement avec coryza et
conjonctivite légère ; ce larmoiement qui a diminué après la
cessation du bromure d'arsenic, existe encore maintenant, mais
beaucoup moins prononcé. Le 11 février 1882 ce malade se
plaint de tremblement des mains et de troubles de la parole
(l'embarras de la parole avait déjà été constaté en décembre
1881); il dit ressentir des picotements dans les extrémités infé-
rieures, picotements qui surviendraient tout d'un coup et
cesseraient de même; la pupille droite est plus dilatée que la
gauche; l'oeil droit pleure un peu au moment de l'examen (1).
1882. 1er novembre. On ne constate pas de larmoiement au mo-
ment de l'examen; selon le malade il aurait fortement diminué
et ne serait plus qu'intermittent.
Hydrothérapie du ler avril au 15 novembre 1882.
observations. 41
Durée du traitement par le bromure d'arsenic : 18 mois lj2.
42 TRAITEMENT HYDROTHÉRAPIQUE.
Observation XXI.
Epilepsie idiopathique. - Convulsions. - Début des accès il, 19 mois.
- Idiotie. - Gâtisme, - Amélioration notable pendant le second
traitement seulement.
Cantr... Henri, 17 ans, entré à Bicêtro, le 7 avril 1878 (service
de M. BOURNEVILLE) (1).
observations. 43
que les accès en 1882 n'ont pas encore atteint le chiffre
des années antérieures aux traitements hydrothérapi-
ques.
Observation XXII.
Epilepsie idiopathique. - Débilité mentale. - Onanisme. - Excita-
lion maniaque. - Amélioration notable pendant le second traite-
ment.
Mart..., Charles, 19 ans, entré à Bicêtre le 4 mai <77S (service
de M. BOURNEVILLE).
44 traitement hydrothérapique.
de 1880 ; on note toutefois un écart de 12 accès entre le
chiffre de 1882 et celui de 1879. Quant aux totaux an-
nuels, le total de 1882 dépasse de 6 celui de 1879, année
où le malade n'était pas soumis au traitement hydro-
thérapique.
Observation XXIII.
Epilepsie idiopathique. - Convulsions dans l'enfance. - Début à
12 ans. - Affaiblissement des facultés intellectuelles. - Père
alcoolique. - Soeur épileptique. - Amélioration seulement pen-
dant le premier traitement.
Ballos..., Paul, Fr...,24 ans, entré à Bicêtre le 4 avril 1875
(service de M. BouRNEVILLE).
traitement hydrothérapique. ' 45
Observation XXIV.
Epilepsie idiopathique. - A trois ans 4/ ? deux crises suivies d'hémi-
plégie droitre qui a disparu complètement 8 mois après. - Début à
12 ans. - Affaiblissement des facultés intellectuelles. - Onanis-
me. - Père alcoolique. - Amélioration légère pendant le traite-
ment hydrothérapique.
Bl...; Jean, 16 ans, entré à Bicêtre le 18 mai 1880 (service de
M. BOURNEVILLE), sorti le 24 avril, réintégré le 21 novembre
1882.
Renseignements fournis par sa mère (31 mai 1881). - Père, 40
ans, ouvrier portemonnaietier, d'habitude bien portant, a
quitté sa femme depuis 4 ans ; - il était violent et battait sa
femme principalement à la suite des excès de boisson (vin,
eau-de-vie surtout) qu'il faisait fréquemment ; - dès le début
du mariage (27 ans et elle 15 ans) il se grisait, peu après il la
battait ; - en 1871, il a été condamné à 5 ans de prison; il avait
été pris à l'ambulance Saint-Sulpice (1); il a été à Belle-Isle,
puis à Brest ; - à son retour il est resté 3 ou 4 mois avec sa
femme; il buvait, proférait des menaces et ne voulait pas tra-
vailler. [Père, marchandeur à la ferraille, mère, blanchisseuse,
tous deux bien portants et sobres ;-cinq frères tous célibataires
et jouissant d'une bonne santé; quelques-uns font des excès de
boisson. Pas d'aliénés, pas d'épileptiques, pas de difformes, ni
de suicides ou de criminels dans la famille.]
Mère, 29 ans, cannière, est sujette depuis la maladie de son
enfant, et après des émotions surtout, à des maux de tête occi-
pitaux et frontaux accompagnés par instants d'une sensation
d'étourdissements; - quand son enfant avait des accès, elle
craignait de tomber; - elle est restée, l'année dernière, 15
jours à Saint-Louis pour une affection cutanée, qui aurait été
attribuée à une peur (elle avait été renversée par une voiture) :
elle est très impressionable, pleure facilement; mais elle était
autrefois très gaie; elle aurait eu deux attaques de nerfs, une
1 ) De tous ceux qui s'y trouvaient quatre seulement ont été épar-
gnés ; il avait enfoncé son bonnet de coton jusqu'au menton ;
on le crut mort ; un autre était renfermé dans une armoire; on
ignore quel a été le nombre des fusillés ; les plus malades étaient des
cendus sur des chaises et massacrés dans la cour.
46 TRAITEMENT hydrothérapique.
dans chacune de ses deux premières grossesses. - Pas de
grandes maladies. - [Père, émailleur, mort à 50 ans, d'une
maladie de poitrine; sa mère est morte à 78 ans; - mère; bro-
deuse morte à 50 ans d'un asthme, peu nerveuse, son père est
mort de paralysie, en un jour; sa mère est morte jeune; une
tante maternelle est devenue folle à 27 ans. - Pas d'autres alié-
nés, etc.]. - Pas de consanguinité.
Trois enfants et trois fausses-couches - 1° Notre malade, 2°
fausse couche à 3 mois à la suite d'une vive colère, 3° garcon
mort à 2 ans 1/2 d'une méningite; a eu des convultions très for-
tes à plusieurs reprises, 4° fausse-couche à 4 mois environ ( chu-
te dans un escalier), - 5° garçon mort à 18 mois, en un jour,
de convulsions, - 6° fausse-couche de 3 mois (dispute avec son
mari qui avait voulu la mettre à la porte.)
Notre malade. Au moment do la conception, le père n'était
pas ivre ; comme ils n'étaient pas mariés, il cachait ses ivresses;
(plus tard, étant pris de boisson, il eut des rapports fréquents,
ce qui a pu agir sur la mort des autres enfants ( ? ).) Grossesse
accidentée (mariage un mois après l'accouchement); elle était
chez ses parents qui lui faisaient des reproches ; pas d'excès de
boisson elle buvait seulement durant les trois premiers mois
beaucoup de café (5-6 tasses). - L'accouchement à terme fut
naturel. L'enfant élevé au sein par sa mère a été sevré à 10
mois parce qu'il avait un eczéma (face, bras) ; il a marché à un
an et parlé à 2 ans 1/2; il a été propre de bonne heure ; n'a ja-
mais eu de convulsions, ni de manifestation scrofuleuse, sauf
des engelures l'hiver dernier seulement; il a eu la rougeole
dans la première enfance et une varioloide assez forte à 10 ans,
celle-ci n'a pas laissé do cicatrices (il avait été vacciné) ; pas
d'autres maladies. - Vers trois ans son père l'aurait enivré ; il
aurait eu la nuit suivante des convulsions qui auraient duré de
10 à 20 minutes, on ne saurait dire si elles étaient plus mar-
quées à gauche qu'à droite; à 3 ans 1/2 : peur; son père ivre en
tapant sur une table aurait renversé du kirsch et une lampe à
pétrole, le tout se serait enflammé ; cette scène aurait vive-
ment impressionné l'enfant qui aurait eu deux crises ainsi ca-
ractérisées : il disait : «maman, je tombe», perdait connais
sance, puis sans avoir eu de convulsions, s'endormait; - il fut
conduit aux enfants malades, où il serait resté deux mois; pen-
dant son séjour à l'hôpital, il se serait développé une paralysie
du côté droit (bras et jambe); il fut ensuite envoyé à Berck dès
que la marche fut de nouveau possible; à son retour (18 mois
après) il marchait comme s'il n'avait rien eu.
A l'école il apprenait difficilement, sa mémoire était mau-
vaise, mais moins qu'aujourd'hui; d'un caractère gai, mais
observations. 47
obstiné, il était taquin et un peu en dessous, comme son père.
A 12 ans étant il l'hippodrome, il eut peur et eut là son premier
accès; avant il n'avait jamais eu d'étourdissements. - Le deu-
xième accès est survenu trois à quatre mois après le premier,
le troisième, deux ou trois mois ensuite, puis les accès se répé-
tèrent tous les mois ou toutes les six semaines. - On lui a fait
boire du sang de boeuf (il y a quatre mois), les accès sont deve-
nus plus fréquents, tous les 5 ou 6 jours; ils se produisent
toujours le matin au lever, il dit : « maman, je vais tomber»,
il perd connaissance, sans avoir poussé de cri; rigidité géné-
rale, puis secousses du bras et do la jambe du côté droit; écu-
me non sanguinolente ; il n'urine pas sous lui.
Il était redevenu sale après ses accès mais il n'urine plus dans
son pantalon ni au lit que depuis le commencement de l'année.
Il est devenu plus méchant, plus taquin, plus obstiné depuis le
début de l'épilepsie; la mémoire a baissé. - Étourdissements
préalables. - Pas de céphalalgie. -Pas de folie après les accès.
- Onanisme depuis deux ans. - Les convulsions cloniques
portent seulement sur le côté droit.
Traitementé antérieurs. - Il a pris des pilules ( ? ); du bromure
de potassium.
L'enfant interrogé dit que les accès reviendraient toutes les
semaines environ et souvent plusieurs fois par semaine ; il fait
de lui-même une distinction de ses accès en vrais et faux, en ce
sens que certaines fois, ce matin, par exemple, il n'a fait, sui-
vant son expression, « que paraître tomber; » dans cette caté-
gorie d'accès les convulsions seraient moins fortes, il n'y aurait
pas de stupeur consécutive et il conserverait le souvenir des
personnes qui ont été présentes; il affirme, par exemple, avoir
gardé le souvenir des personnes qui ont assisté à son accès de
ce matin ; au contraire, dans les vrais accès, il n'aurait souvenir
de rien, se mordrait la langue, etc.
Etat actuel. - Le faciès est celui d'un enfant de 8-10 ans;
la tête présente comme caractère principal une prédominance
très notable de la partie postérieure ; les bosses pariétales sont
extrêmement saillantes ainsi que la bosse occipitale ; le vertex
est aplati :
48 traitement hydrothérapique.
vers les parties latérales (de la partie moyenne des sourcils) ; il
existe une dépression sourcillière assez accentuée.
Pas de déformation notable des oreilles; le tragus est rudi-
mentaire ; le lobule peu développé. - Les yeux sont gris, sans
aucune expression de rudesse; pas de strabisme ; le nez est
camard, la bouche est petite, mesure 5 cent. Cou moyen, 12 cent.
de circonférence. Le tronc est symétrique, bien conformé. Foie,
rate normaux.
Respiration, circulation et digestion, rien de particulier.
La voûte palatine ne présente pas de profondeur exagérée ; le
voile du palais n'est peut-être pas tout à fait symétrique ; l'ar-
cade du côté droit paraît un peu moins large que la gauche ; il
semble que le voile se soit abaissé légèrement à droite. -
Luette effilée. - La langue ne présente aucune trace de mor-
sure ; la plupart des dents de lait persistent et sont en bon état.
Organes génitaux : La verge est bien conformée, mais il n'y a
qu'un testicule descendu dans les bourses, le droit. On trouvo
par la palpation le testicule gauche inclus dans un pli de la peau
au niveau du canal inguinal ; la pression en ce point ne produit
pas de douleur vive ; l'enfant indique lui-même que ce testi-
cule qui est manifestement plus petit que le droit n'est jamais
descendu.
Les membres supérieurs et inférieurs sont bien conformés,
bien musclés (1 cicatrice de vaccin au bras droit, 2 au bras
gauche; quelques cicatrices sans caractères aux extrémités infé-
rieures. - 1 cicatrice à la fesse gauche).
La peau est glabre; les cheveux, les sourcils sont d'un blond
cendré.
La sensibilité générale est normale. Réflexe tendineux peu déve-
loppé.
La vue est plus faible à droite qu'à gauche; à 20 cent. de
distance, Bl... dit voir comme dans un brouillard. - Les autres
sens spéciaux sont normaux.
Le sommeil est regulier entrecoupé de temps à autre de
quelques rêves; l'enfant raconte à ce propos qu'il lui arrivait
autrefois de rêver qu'il pissait contre un arbre et qu'il pissait
au lit à ce moment; cet accident lui est arrivé pour la dernière
fois au nouvel an ; auparavant il se renouvelait environ tous
les deux mois.
observations. 49
changement ; un peu colérique, se bat assez souvent. Son père
est venu le voir 3 ou 4 fois; au dire de la mère, il lui donnerait
de mauvais conseils, entre autres de ne pas travailler, qu'il le
fera sortir et qu'ils iront ensemble trafiquer et jouer dans les
foires. Dents : 1 canine et 2 molaires de lait.
8 novembre. - Suspension des douches.
Bromure de sodium, 1 gr. jusqu'au 15 nov.; gr. jusqu'au 20
nov.; 3 gr. jusqu'au 25 et 4 gr. jusqu'au 30.
20 nov. - Est menteur, têtu, grossier,
1881. 4 avril. - Traitement par les douches.
8 octobre - Se trouvant seul, le 27 sept. au dortoir avec
l'infirmier D..., celui-ci se serait livré sur lui a des actes de
pédérastie : si l'on en croit l'enfant, il n'y aurait eu ni intromis-
sion ni mouillage.
12 décembre. - Suppression des douches, continuation du bro-
mure de sodium. '
50 traitement hydrothérapique.
Observation XXV.
Epilepsie idiopathique. Onanisme. - Début à 9 ans. Père et
« . mère morts phthisiques. - Légère amélioration.
Lepellet..., Pierre, 18 ans, entré à Bicêtre le 14 mars 1879
(service de M. BoURNEVILLE).
observations. 51
accès. - Affaiblissement des facultés intellectuelles. - Légère
amélioration.
Lebr..., Alfred, 12 ans, entré à Bicêtre le 21 juin 1880 (ser-
vice de M. Bourneville).
52 traitement hydrothérapique.
observations. 53
54 traitement hydrothérapique.
.Observation XXX.
Epilepsie idiopathique. -Début à 15 ans. - Stupeur. - Affaiblisse-
ment des facultés intellectuelles. - Père alcoolique. - Mère
migraineuse. - Crises nerveuses chez un cousin maternel. - Pas
d'amélioration.
Demytten..., Joseph, 18 ans, entré à Bicêtre le 26 avril 1880
(service de M. BOURNEVILLE) ; transféré à l'asile de Froidmont
(Belgique), le 4 octobre 1881.
OBSERVATIONS. 55 5
56 TRAITEMENT HYDROTHÉRAPIQUE.
Observation XXXII.
Epilepsie idiopathique. - Convulsions de 4 riz 7 ans. .Etourdisse-
ments à 13 ans. - Premier accès à 15 ans. - Insuccès.
Brab ? Théophile, 17 ans, entré à Bicêtre le 3 octobre 1879
(service de M. BOURNEVILLE); sorti le 14 décembre 1879,
rentré le 17 juillet 1881.
013SERVATIONS. - · 57
58 traitement hydrothérapique.
observations. 59
Observation XXXVI.
Convulsions depuis la naissance jusqu'à 2 ans. - Cauchemars de
7-9 ans. - Epilepsie à 12 ans 1 /2. - Hystéro-épilepsie à 4 3 ans.
Epilepsie et hystéro-épilepsie de 13-17 ans. - Depuis l'âge de 17 aus
épilepsie. Affaiblissement des facultés intellectuelles. - Insuccès.
Duv..., Victor, 33 ans, entré à Bicêtre le 8 avril 1880 (ser-
vice de M. BOURNEVILLE) (1), transféré à la 2' section le 1er sep-
tembre 1882.
60 TRAITEMENT HYDROTHÉRAPIQUE.
observations. 61
62 TRAITEMENT hydrothérapique.
Observation XL.
Epilepsie idiopathique. - Début dans l'enfance. - Affaiblisse-
ment intellectuel. - Même état.
Tribo, Edouard, 30 ans, entré à Ricêtre le 31 mars 1874
(service de M. BOURNEVILLE).
Traitement hydrothérapique (7 mois) :
observations. 63
Traitement hydrothérapique (3 mois) :
64 TRAITEMENT HYDROTHÉRAPIQUE.
de M. BouRNEViLLE), passé à la 1'" section le 10r septembre
1882.
observations. G5
66 traitement HYDIOT11LRAPIQU : .
d'un accès. - Automatisme. Mère nerveuse, migraineuse. -
Cousin germain idiot. - Frères : convulsions. Même état.
Dog..., Jacques, 17 ans, entré à Bicêtre le 12 août 1880
(service de M. BOURNI;VILLE).
Renseignements fournis par son père (19 août 1880.) - Père, 44
ans, brunisseur sur métaux, n'a pas de tremblement et n'a
jamais été gravement malade; il n'a jamais eu ni migraines, ni
maladies vénériennes et ne fait pas d'excès de boisson. [Père,
couvreur en paille, mort à 67 ans, on ne sait de quoi, mais sans
paralysie, ni démence, il ne faisait pas d'excès de boisson. Mère
morte à 81 ans, on ne sait de quelle maladie, travaillait aux
champs. - Un frère cinq enfants qui, comme lui, sont bien
portants, et n'ont jamais eu de convulsions. - Trois sceuns :
l'aînée a une bonne santé ainsi que son garçon ; la seconde
morte il y a un an, on no sait de quelle maladie, a laissé quatre
enfants bien portants ; elle n'était pas nerveuse ; la troisième
soeur et sa fille ont une bonne santé. Pas d'aliénés, pas d'épilep-
tiques, pas de paralytiques, ni de difformes, pas de criminels,
ni de suicides dans la famille.]
Mère, couturière, de taille moyenne, morte le 10 février 1879,
à l'hôpital de la Charité « d'inconduite (tuberculose pulmo-
naire) ; elle avait quitté son mari en 1873 pour aller vivre avec
un sergent de ville dont elle a eu deux enfants, puis avec un
autre dont elle a eu un enfant; elle buvait un peu, mais ne se
grisait pas ; son inconduite aurait commencé en 1868 ;
elle était nerveuse, mais n'avait pas d'attaques de nerfs; sujette
aux migraines, elle n'a eu ni maladies de peau, ni maladies
vénériennes. [Père : pas de renseignements. - Mère morte à
71 ans, on ne sait de quoi; n'était pas paralysée. - 5 frères et
soeurs, bien portants, se conduisant bien, n'ont pas de maladies
nerveuses; ils ont des enfants sains, sauf une des soeurs qui a
eu un enfant « idiot », il avait une grosse tête, ne parlait pas ; il
est mort à 15 ans. - Pas d'aliénés, etc.]. - Pas de consangui-
nité. - Trois enfants ; 1° notre malade; 2° et 3° garçons morts
de convulsions, l'un à deux ans, l'autre à trois mois. [La
mère du malade était veuve, et avait de son premier mari
une fille qui a maintenant 18 ans ; celle-ci se porte bien,
n'a pas d'attaques de nerfs (deux autres enfants sont morts
de convulsions )J.
Notre malade est né à terme; l'accouchement a été long, mais
naturel, après une grossesse régulière et non accidentée;
élevé au sein en nourrice, il a été repris à six mois parce qu'il
était mal et l'allaitement a été continué au biberon; il a marché
observations. 67
et parlé vers 14 mois ; on ne sait s'il a pissé au lit longtemps
à 4 ans il était propre, parlait et marchait bien ; il na jamais eu
de convulsions, du moins on le croit, jamais de manifestations
strumeuses, jamais de fièvres éruptives ou autres; il aurait eu
une dartre farineuse de la face. - Jusqu'à 12 ans il a été à l'é-
cole ou en pension ; il apprenait convenablement, d'un carac-
tère doux et affectueux, il n'était pas colérique. A partir de 12 '2
ans, il s'est quelquefois livré à la masturbation.
A 12 ans, sans cause connue, sans peur, sans coups, ni chute,
ni affections vermineuses, il a été pris d'accès d'épilepsie; il est
resté de 12 à 15 ans en Normandie ; il aurait eu jusqu'à 4 ou 5
accès dans un jour. - Avant d'entrer ici, il est resté un mois
chez son père; dans ce mois il eut des accès quotidiens sans un
jour de répit. -- Les accès, nous dit-on, auraient les caractères
suivants : cri ; - rigidité ; - agitations; - écume ; ronfle-
ment ; - morsure de la langue ; pas de miction involontaire ;
- durée 5, 6, 7 minutes; Dog..., paraît avoir une aura ; d'après
son père, « quand il a le temps de prendre son mouchoir et de
se moucher l'accès s'arrête do suite.» (1). - Les troubles intel-
lectuels consécutifs aux accès se seraient toujours bornés à l'hé-
bétude ; pas de mauvais instincts. L'intelligence n'aurait pas
baissé ; la mémoire serait toujours la même, et Dog ? ne serait
pas devenu plus irascible.
Le père répète qu'il ne sait à quelle cause attribuer la mala-
ladie ; l'enfant interrogé sur ce point déclare aussi l'ignorer ;
il aurait reçu quelques soufllets de son père; sa mère le battait
souvent (coups de poings, giffles); elle se mettait en colère fa-
cilement ; il avoue qu'il n'était pas obéissant ; en résumé rien de
significatif. f.
État actuel (27 août 1880). - La tête est bien conformée, sans
exagération des parties postérieures qui paraissaient dévelop-
pées, parce que la partie antérieure est un peu rétrécie; le front
est assez déprimé sur les côtés, mais assez haut ; les arcades
sourcillières sont assez saillantes ; yeux gris, nez aquilin, face
symétrique, bouche moyenne, lèvres médiocrement épaisses,
dents bien rangées, si ce n'est la canine supérieure gauche qui
s'est développée en avant et au-dessus des autres. - Voûte
palatine assez profonde, sans être ogivale ; amygdales hyper-
trophiées ; luette longue et rouges Les oreilles sont nor-
males : la droite est dépourvue d'ourlet à la partie supérieure ;
(1) Dog... prétend qu'il ressent au début de ses accès « une fai-
blesse de l'estomac », il dit avoir appris par hasard à les arrêter
en se mouchant ; il n'a pas d'hallucinations de l'odorat.
68 traitement hydrothérapique.
les cheveux sont châtains et assez abondants, les sourcils ot les
cils longs.
observations. 69
dante; la face, qui était devenue violacée pendant la période
clonique, devient progressivement très pâle (10 h. 28-10 h. 30.)
Dog... essaie alors de s'asseoir et retombe sur le côté.
À 10 h. 31, il cherche avec les mains, à 10 h. 32 on l'asseoit
sur une chaise où il s'endort ; à 10 h. 33, il ouvre les yeux, est
étonné, puis se rendort (sommeil bruyant); à 10 h. 50, il répond
à peine quand on l'appelle. Il se lève et se soutient difficilement
sur les jambes; dit qu'il ne se sent pas.
Automatisme. - Quelquefois après ses accès, ainsi que nous
l'avons observé le 8 février 1882, il se lève, l'air égaré, traverse
toute la salle de l'infirmerie, va à un lit vide, essaie de l'ouvrir
par le pied, finit enfin par relever le drap et se couche sous la
couverture; il répond avec beaucoup de peine aux questions
et par monosyllabes, aje ne sais, mon lit, etc.,» puis il s'en-
dort paisiblement.
3 septembre. Revacciné le 26 août : pas de résultat.
1881. 25 janvier. Eczénaa de la face : traitement : bromure d'ar-
senic.
20 mai. Une pustule d'acné sur le scapulum droit.
10-13 août. Embarras gastrique.
12 octobre. Langue blanche, très chargée ; vomissement de-
puis trois jours ; perte de l'appétit ; vomitif : ipéca. Au niveau
du tiers inférieur et interne de la cuisse gauche, on trouve deux
indurations sous-cutanées sans adhérence à la peau qui est rouge
dans la partie correspondante ; une induration de même nature
se trouve à la base du cou, en arrière, sur la partie médiane.
Le malade tousse depuis quelques jours.
13 oct.Langue moins chargée; ganglions inguinaux à gauche.
La peau, .au-dessus des indurations de la cuisse, est moins rouge
(hier frictions mercurielles sur la cuisse).
- 14 oct. Suppression du bromure d'arsenic. Application d'aimant
(voir le chapitre sur l'Aimant de la thèse Bricon).
15 oct. Les indurations de la cuisse gauche diminuent ; la
peau, à leur niveau, n'est plus que légèrement rouge ; les gan-
glions inguinaux du même côté ont un peu diminué, ils ne
sont pas douloureux à la pression.
17 oct. L'induration de la partie médiane de la base du cou,
en arrière, est fort diminuée ; la peau qui la recouvre est re-
couverte de légères pellicules. Les indurations de la cuisse
gauche persistent toujours sans douleur ni rougeur de la peau.
Langue nette; l'appétit est bon ; l'oeil gauche larmoie depuis
hier. Urine : 1850 grammes, sans sucre ni albumine.
19 oct. Il n'y a plus de larmoiement. Pas de vomissements.
Les indurations diminuent de plus en plus.
70 traitement I-II'DIt01'HÉIi : IPIOUI : .
26 oct. Dans un accès, Dog... s'est fait sur lo bord droit de la
langue, une plaie contuse, déchiquetée.
28 oct. La plaie de la langue va mieux; les indurations de la
cuisse gauche et du cou ont complètement disparu, laissant
comme traces des taches rouges, brunes de la peau dont une,
siégeant à la partie supérieure de la cuisse, présente en son
centre une tache blanche comme cicatricielle. La toux a beau-
coup diminué.
18 novembre. L'enfant se plaint de maux de tête depuis deux
ou trois jours environ ; depuis la même époque il ressentirait
des picotements aux membres inférieurs et des engourdissements
aux membres supérieurs; il accuse de plus de fortes déman-
geaisons aux extrémités inférieures et aux parties génitales.
L'appétit s'est conservé jusqu'à ce matin. Dog... n'éprouve ni
douleur, ni difficulté en avalant; il n'a eu ni frissons, ni diar-
rhée ; il a été à la selle hier. La langue est un peu sale, les
amygdales grosses et d'un rouge sombre ; on ne note ni vo-
missements, ni nausées, ni point de côté; l'auscultation et la
percussion ne révèlent aucune lésion. A la partie antérieure des
deux cuisses, on remarque des plaques rouges, larges environ
comme la moitié de la main, sur lesquelles et autour des-
quelles existent des petits points rouges plus foncés, un peu
soulevés au-dessus du niveau de la peau et ressemblant à de
la miliaire rouge ; il existe de plus petites plaques et surtout des
points au tiers inférieur et interne de la cuisse, aux mollets et
au pénil ; à leur niveau, se trouvent des traces d'ongles (grat-
tage) ; le prépuce, les mains, les poignets, n'offrent rien d'anor-
mal. Il n'y a pas de larmoiement. La peau est brûlante. T. R.
h0°, 6. - Soir : T. R. 40°,8.
,1,1 nov. La démangeaison a diminué; il ne reste plus au ni-
veau des points désignés hier, que des boutons desséchés res-
semblant à du prurigo ; l'enfant se plaint de douleurs du côté
de la nuque ; il dit avoir faim, n'avoir plus mal à la tête. T. R.
18°,8. - Soir 39°; 6.50 centigr. de sulfate de quinine dans du
café noir; deux verres d'eau de sedlitz.
12 nov. Dog... se trouve bien aujourd'hui, il n'accuse plus
aucune douleur, mais il se plaint d'une légère difficulté à ava-
ler. T. R. 38°. - Soir : T. R. 38°.
14 nov. Les amygdales sont toujours un peu hypertrophiées,
mais à peine rouges (1).
Traitement. - 25 janvier 1881 : 0 gr. 03 de bromure d'arsenic ;
la dose a été augmentée de 0 gr. 01 tous les cinq jours jusqu'à
0 gr. 06; 3 mai : 0 gr. 07 ; 8 juin : 0 gr. 08 ; 14 octobre : sup-
pression du traitement ; aimant. (1).
(1) Voir thèse Bricon, loc. cil.. p. 97, 105, 193,
observations.
71
Ce malade a été soumis en même temps à un traitement hydro-
thérapique du 25 avril au 31 décembre 1881.
Pendant toute la durée du traitement arsenical, Dog... n'a
présenté d'autres phénomènes, qu'un peu de larmoiement du-
rant deux jours ; quant aux manifestations cutanées, nous y
reviendrons plus loin.
1882. - Hydrothérapie du 27 mars au 31 décembre.
72 traitement hydrothérapique.
cette amélioration qui a persisté après sa suppression.
En 1882 les accès ont augmenté surtout pendant les der-
niers mois de l'année.
Observation XLVI.
Epilepsie idiopathique. Début probable vers 15 ans. Longue ré-
- mission. - Reprise des accès à 32 ans 'lui2,' la suite d'une peur
occasionnée par la foudre. - Quelques excès de boisson. - Eter-
nuements, hoquet, secousses la veille et l'avant-veille des accès. -
Onanisme. - Rêves voluptueux. - Marche lente, mais progressive
de la maladie. - Traitements divers (bromure de potassium, sirop
de picrotoxine, aimant, etc.). - Nitrate de pilocarpine. - Même
étal(\).
Sauv..., Jules, 54 ans. entré à Bicêtre le 15 janvier 1880 (ser-
vice de M. Bourneville).
Trailement.-l el' {évrie1' 1SS2 : injection sous-cutanée de gr.05
de nitrate de pilocarpine. - 7 féo. : inject. de 0 gr. 01. - 23 féo. :
inject. de 0 gr. 015. 3 mars : injec. de 0 gr. 02. - 20 mars :
inject. de 0 gr. 025. - 4r avril : inject. de 0 gr. 03. 1el' mai :
suppression des injections; julep avec 0 gr. 04 de nitrate de
pilocarpine. - 15 mai : julep avec 0 gr. z 8' juin : 2 centigr.
- 42 juiz : 3 centigr. -20 juin : 4 centigr. - 3 juillet : 5 centigr.
OM< : suppression. - Hydrothérapie. - 30 novembre : Suppression
des douches.
Durée du traitement par la pilocarpine : G mois (fév.-juillet).
accès durant 1875 187G 1877 1878 1879 1880 1881 1882
Février-Juillet. 9 16 15 16 16 14 (lv.) 10 19
Accès annuels. 20 30 28 35 35 31(lv.) 3G (3 v.) 45
Nous n'avons obtenu aucun résultat satisfaisant ; la marche
des accès a été la même que l'année précédente.
traitement hydrothérapique. 73
Observation XLVII.
Epilepsie idiopathique. Excès de boisson (-ISi 1).- Début en 1872.
Hernie inguinale droite. Accès de manie, - Insuccès.
Fourn..., François, 32 ans, entré à Bicêtre le 27 février 1S75
(service de M. BOURNEVILLE).
74 traitement hydrothérapique.
OBSERVATIONS. 75
Ce malade qui n'a pas pris de douches en 1882 a ce-
pendant eu 23 accès de moins qu'en 1881 pendant la
période correspondante au traitement hydrothérapique
de cette année ; on note de plus une grande diminution
des vertiges, diminution qui porte sur toute l'année
1882. Le total annuel des accès pour 1882 est toutefois
plus élevé que celui de 1881.
f Observation L.
Epilepsie apoplectiforme. - Convulsions d'un seul côté du corps, de
18 mois à 6 ans. - Crises plus éloignées de 6-10 ans. - Accès
généralisés à 10 ans. - Consanguinité. - Insuccès.
Parin..., Auguste, 12 ans, entré à Bicêtre le 23 avril 1881
service de M. BOURNEVILLE).
7G traitement hydrothérapique.
Observation LI.
Epilepsie idiopathique. - Convulsions dans l'enfance. - Congestion
cérébrale à 3 ans.-Yertiges à 7 ans.-Premier-accès à 12 ans.
Affaiblissement léger des facultés intellectuelles. - Mère hysté-
rique et choréique. - Insuccès.
Delam..., Justin, 18 ans, entré à Bicêtre le 9 mars 1881 (ser-
vice de M. BOURNEVILLE)..
observations. il 1
blissernent des facultés intellectuelles - - Instabilité. - Violences. -
Guérison. - Rechute. Mère migraineuse. Même état.
Lév..., Jacob, 17 ans, entré à Bicêtre le 19 novembre 1879 (ser-
vice de M. BOURNEVILLE).
78 traitement hydrothérapique.
Observation LUI.
Convulsions à 48 mois. - Hémiplégie droite ? Accès d'épilepsie.-
Mère nerveuse. - Viol (1869). - Grossesse accidentée (attaques
d'hystérie). - Amélioration.
Cabo..., Léon, 12 ans, entré à Bicêtre le 3 août 1877 (sorvice
de M. BOURNEVILLE)
observations. 79 9
80 TRAITEMENT HYDROTHÉRAPIQUE.
Observation LV.
Convulsions 14 l 5 mois. - 1-lémipte*gie gauche. -Vertiges il 2 ans 112.
- - Contracture ci 7 ans. - Accès d'épilepsie à 7 ans.- Affaiblisse-
ment des facultés intellectuelles. - Frère épileptique. - Amélio-
ration.
Dart..., Pierre, 13 ans, entré à Bicêtre le 1,r avril 1881 (service
de M. Bourneville).
observations. Si
82 TRAITEMENT HYDROTHÉRAPIQUE.
TRAITEMENT HYDROTHÉRAPIQUE. 83
Observation LIX.
Convulsions. Hémiplégie gauche, trois jours après la naissance.
Onanisme. - Epilepsie à 14 ans. Spermatorrhée. - Même
état.
Grég..., Gustave, 22 ans, entré à Bicêtre le 7 janvier 1876
(service de M. BOURNEVILLE).
à
84 TRAITEMENT HYDROTHÉRAPIQUE.
observations. 85
Traitement par le bromure d'éthyle du 3 juin au 31 juillet 1880
( 117 . n2 accès); - par le bromure de potassium depuis le 7 dé-
cembre 1880.
86 CONCLUSIONS.
Nous noterons immédiatement la diminution de fré-
quence et de durée des accès de manie épileptique
sous l'influence du traitement hydrothérapique. De
l'expérience de ces trois années, il nous est resté cette
impression que, à ce point de vue particulier, l'hydro-
thérapie avait [paru exercer autant d'action que le bro-
mure de potassium.
Neuf malades atteints d'épilepsie hémiplégique in-
fantile ont été soignés par l'hydrothérapie ; trois ont été
améliorés, six n'en ont certainement retiré aucun bé-
néfice. Nous ferons observer pour cette classe de ma-
lades, chez lesquels l'épilepsie, à une certaine époque,
tend à la guérison et finit par guérir complètement
(Bourneville), que l'amélioration a pu coïncider avec le
début de la marche décroissante de la maladie.
C'est à Bicêtre, croyons-nous, et par l'un de nous,
que l'hydrothérapie a été employée pour la première
lois sur une grande échelle, d'une façon régulière
et méthodique. Les résultats sont encourageants quoi-
que sur 61 malades nous n'ayons enregistré que 29 amé-
liorations.
Les observations et les commentaires qui précèdent
doivent être considérés simplement comme des docu-
ments à consulter pour apprécier l'action de l'hydrothé-
rapie sur le mal caduc. Car, avant de formuler une
opinion définitive, il est indispensable de s'appuyer sur
un nombre beaucoup plus considérable d'observations,
relatives à des malades soumis pendant une période plus
longue au traitement hydrothérapique. C'est dans le
but de contribuer à cette solution que nous met-
trons, de nouveau, un grand nombre de nos malades à
ce mode de traitement dès que la saison sera propice.
III.
Recherches critiques et expérimentales sur
l'emploi de l'aimant dans l'épilepsie.
Par MM. BOURNEVILLE et BRICON (1).
Les nombreuses applications faites dans ces dernières
années du magnétisme minéral nous ont engagé à re-
chercher, dans les auteurs, ce qui concernait le traite-
ment de l'épilepsie. Sans nous faire d'illusion sur les ré-
sultats probables, nous n'avons pas hésité d'entrepren-
dre ce travail à la fois critique et expérimental.
Historique (2). - Paracelse (1603) semble avoir le
premier employé contre l'épilepsie la pierre d'aimant. Au
xvme siècle, les aimants artificiels furent substitués
aux pierres naturelles ; Hell (1777), Mesmer (1775),
Unzer (1775), Heinsius (1777), Cases de Mantoue (1776),
Le Noble, De Harsu, Andry et Thouret {Histoire de la
Société royale de médecine, 1780) les appliquèrent avec
des résultats divers dans le traitement de l'épilepsie.
Des huit observations d'Andry et Thouret, publiées
au paragraphe Epilepsie, six seulement peuvent être
rapportées à cette maladie :
4° (Cas. XII). La malade de cette observation parait être une
épileptique; toutefois,il y a encore des réserves à faire. Doit-on,
en tous cas,dire, après 6 semaines de traitement seulement,que
cette malade a réellement subi une amélioration par les aimants
Le Noble ?
(1) Communication faite iv la Société de Biologie, séance du 8
juillet 1882.
(2) Voir, pour plus de détails, Bricon : Du traitement de l'épi-
lepsie. Thèse de Paris, 1882, p. 109 à 149 et p. 260-262 de l'Ap-
pendice,
88 traitement de L'ÉPILEPSIE.
2* (OBs. XIII).Cette observation est susceptible d'être rattachée
à l'épilepsie, mais il est difficile de certifier que celle-ci ait été
guérie par les aimants ; la maladie était de date trop récente
et la mort est survenue un an seulement après le début de
l'application.
3' (OBS. XLIII). Il s'agit d'une épilepsie hémiplégique infantile
traitée sans résultat par les armures magnétiques.
4° (OBs. XLIV). Cette observation, très bien rédigée, est un
bel exemple de cette forme d'épilepsie à laquelle M. Hughling-
Jackson a attaché son nom. Avec le traitement par les aimants,
Le Noble semble avoir produit une amélioration notable.
5° (OBS. YLV. C'est encore un exemple d'épilepsie jackson-
nienne; les effets des armures sur les accès sont plus que
douteux, mais leur action sur les crampes paraît réelle.
7° (Obs.XLVI). L'épilepsie tardive et probablement sympto-
matique du malade qui fait l'objet de cette observation ne
semble pas avoir subi de modifications dans sa marche, la
suite de l'usage de l'aimant (1).
Depuis le rapport d'Andry et Thouret, de nombreux
auteurs ont fait usage de l'aimant dans diverses mala-
dies ; toutefois, nous ne citerons que Kumpel,Schnitzer,
Keil, Becker,Bulmerincq,Barth,Beydler, enfin MM.Mag-
giorani et Paolo Ferry qui ont prétendu que l'épilepsie
était justiciable du traitement par l'aimant.
Jusqu'au vin" siècle, la pierre d'aimant était em-
ployée en amulettes ou associée à des emplâtres. Les ai-
mants artificiels, qui servirent d'abord à des applications
momentanées, furent, vers 1760, utilisés pour la fabrica-
tion de pièces aimantées pouvant s'adapter aux diverses
parties du corps. Nous mentionnerons particulièrement
les armures magnétiques de Le Noble, de Harsu et
Filliet. Les aimants en fer à cheval furent aussi em-
ployés par la plupart des auteurs, entre autres par
Schnitzer. Quanta Maggiorani, il se servait de petits bar-
reaux aimantés qu'il présentait à telle ou telle partie
du corps.
Mode opératoire. - A Bicêtre, nous nous sommes
servis : 1° des aimants en fer il cheval appliqués pen-
(1) Voir ces observations complètes dans thèse de Bricon, loc. cil.,
p. 111 et suivantes.
AIMANTS. 89
dant une heure en contact avec la peau,soit sur la nuque,
soit sur une autre région du corps ; chez quelques ma-
lades,l'application durait toute la nuit, les aimants en ce
cas était placés sous le drap et de chaque côté du corps ;
2° d'armures magnétiques composées d'une série de
petits barreaux aimantés réunis soit pour former des
colliers, bracelets, jarretières, ou plaques pour diver-
ses régions. (Fig. 1 15).
Aimants de Harsu et Filliet.
Fig. 1. - Ovale brisé.
Fiq. 2. - Pli-cri pour la cuisse et
la jambe.
Fig. 3. - Pièce pour l'oreille.
Fig. 4. - Pièce pour la plante des pieds.
90 TRAITEMENT DE L'ÉPILEPSIE.
Fig. 5. - Pièce courbée pour être appliquée entre les deux épaules.
Fig. Ci. - Pièce au-dessus du poignet.
ËFig. 7. - Pièce au bout du soulier.
Il daulzmai 1 -M-. - il ·\ : ' ;-
i ? C,··"'YYGGGi ? ).f·'sL· ? srifv.;tr ? ·i - t ' : I; : jtH"Ü\;¡¡iLi ?
Fig. 8. - Pièce pour les odontalgies (présentation).
Fig. 9. - Faisceau d'aimants (présentation dans les céphalalgies, etc.)
AIMANTS. 91
Fig. 11 et 12. - Plaques pour la région cardiaque.
92 TRAITEMENT DE L'ÉPILEPSIE.
Aimants employés à. Bicêtre.
Effets physiologiques. Nous allons résumer d'au-
tant plus brièvement nos observations sur ce point que,
presque toujours, elles ont été négatives.
Fig. 1h. - Modèle pour colliers, hracelets, jarretières.
Fig. 13. - Modèle pour plaques diverses.
AIMANTS. 93
Le poids est resté, tantôt absolument stationnaire
comme chez Grandi... qui, avant, pendant et après
l'application de l aimant (sur le vertex et sur la nuque)
avait toujours 60 pulsations à la minute ; tantôt il s'est
le plus souvent abaissé pendant et après l'application,
comme chez Ser... et Pint... Chez tous nos autres mala-
des, les battements du pouls ont été augmentés ou dimi-
nués d'une façon tout à fait irrégulière non seulement
d'un jour à l'autre, mais encore pendant toute la durée
de l'application. '
Un de nos malades, Pap..., a présenté souvent une
très grande irrégularité du pouls ; nous n'avons jamais
constaté d'intermittences. En somme, nous n'avons ob-
servé de ce côté rien de précis. Dans la moitié des cas,
dit M. Maggiorani, pendant le contact magnétique, la cir-
culation s'accélère de 6 à 8 battements à la minute (ap-
plication de 3 à 4 minutes) et l'artère se montre plus
contractée qu'avant l'expérience (accélération motive ? )
La respiration ne nous a fourni aucune donnée ; la
fréquence, le rhythme ne nous ont pas paru sensiblement
modifiés; seul un de nos épileptiques adultes, qui se
plaignait d'un sentiment de gêne de ce côté, nous a dit,
surtout pendant les premiers jours que, sous l'aimant
(appliqué à la nuque), il respirait plus librement et plus
profondément. « Voyez comme je respire bien, et il fai-
sait une profonde inspiration. C'est, disait-il plus tard,
le seul bénéfice que j'aie retiré de l'aimant. »
Les pupilles n'ont jamais offert de variation dans leur
dimension qui puisse être attribuée à l'action magnéti-
que. Maggiorani mentionne, chez les épileptiques, la di-
latation de la pupille sous l'influence de l'aimant ; il
classe ce phénomène parmi ceux que fournit l'aimant,
pour distinguer l'épilepsie simulée.
La sensibilité générale et locale (cette dernière prise
surtout aux endroits d'application de l'aimant) n'a ja-
mais été modifiée par l'application. Ces résultats sont
contraires à ceux que M. Maggiorani prétend avoir en-
registrés ; selon lui, la sensibilité au tact et à la douleur
diminuerait chez les épileptiques sous l'influence de
l'aimant.
La force musculaire appréciée dynamométrique-
94 TRAITEMENT DE L'ÉPILEPSIE.
ment n'a jamais varié que dans les limites que l'on note
en dehors des applications d'aimant, tantôt un peu plus
élevée, avant ou après l'application. M. Debove cite
plusieurs observations ou la force dynamométrique aug-
menta sous l'influence de l'aimantation, mais il ne
s'agissait pas d'épileptiques.
La température rectale, prise avec un thermomètre
clinique ordinaire, n'a jamais subi aucune variation at-
tribuable à l'action de l'aimant. C'est ainsi que, dans les
observations thermométriques prises sur Dog..., nous
avons toujours noté un abaissement continu de la tem-
pérature (dû à l'immobilité) de 1 à 2 dixièmes de degrés,
commençant à se produire après 3/4 d'heures de repos
au lit, le malade étant soumis à une application de un
ou de deux aimants pendant une heure.
Nous avons obtenu chez ce malade le même résultat
en dehors de toute aimantation. Sur quinze malades
épileptiques soumis à Bicêtre au traitement par l'aimant
en fer à cheval, dix n'ont jamais rien accusé ; cinq seule-
ment nous ont dit éprouver des sensations particulières.
Sauv..., 54 ans, aurait ressenti des élancements au pôle
nord (nuque), il lui semblait que des mouches mar-
chaient du côté de l'aimant, il sentait des battements
qui n'occupaient que la surface du pôle nord, il aurait
eu aussi des picotements, des tiraillements : « Ça mord »,
disait-il ; jamais il ne s'est plaint de céphalalgie. Un
autre de nos adultes, Defarc..., nous a assuré ressentir,
mais seulement un jour ou deux, des picotements
comme des aiguilles du côté de l'aimant (nuque).
Trois des enfants nous ont accusé des phénomènes
variés. Dog.... attribuait à l'aimant une céphalalgie et
des baillements qui ne le prenaient, prétendait-il, que
pendant l'application de l'aimant (nuque) ; il s'est aussi
plaint deux ou trois fois de salivation et de larmoiement.
Ferr.... déclarait avoir des élancements au point d'ap-
plication de l'aimant et a signalé une salivation passa-
gère. Enfin Pint.... a ressenti un tout, tout petit vent.
Nous ferons remarquer que ces phénomènes n'ont été
indiqués par ces malades que pendant les premiers jours
de l'aimantation; plus tard, interrogés à ce sujet, ils nous
ont dit ne plus rien ressentir, et Sauv... disait à un de
AIMANTS.
95
ses camarades qui nous l'a rapporté : « Bah ! l'aimant t
n'agit que dans les premiers jours ». Nous ajouterons
encore que quelques-uns de ces malades accusent sou-
vent des symptômes de même nature en dehors de tout
traitement.
Un de nos malades, non compris dans les quinze épi-
leptiques dont il est ici question, lors de l'application de
l'aimant à la nuque, disait les premières lois seulement :
« Ça mord » ; il accusait en outre des picotements au
pôle sud. Nous avons quelquefois noté de la rougeur
au niveau des parties en contact avec l'aimant, mais les
marques laissées par celui-ci étaient tellement nettes
qu'il n'y avait pour nous aucun doute sur la cause de
cette rougeur. Nous ne serions pas éloignés d'attribuer
en partie au froid, puis à la pression de l'aimant, quel-
ques-uns des phénomènes présentés par nos malades,
tels que picotements, fourmillements, etc. Un de nus
épileptiques, Sirv..., a présenté de l'épilepsie spinale
à deux ou trois reprises pendant l'aimantation.
Sur sept malades soumis à un traitement par les ar-
mures magnétiques, trois seulement nous ont accusé
des sensations particulières. Cassaign... nous a dit, au
commencement de février,ressentir de la chaleur du côté
de l'aimant. lard.... a éprouvé à différentes reprises la
sensation de cloques éclatant sous la plaque aimantée ;
mais il est il noter qu'il a accusé le même phénomène
sur d'autres parties du corps, telles qu'il l'aisselle et à
l'extrémité de la jambe du côté droit. Avant le traite-
ment par l'aimant, il ne se souvient pas avoir observé ce
phénomène ; il est vrai, ajoute-t-il, que son attention
n'avait pas été attirée de ce côté. Enfin Grar... a aussi
accusé une sensation de chaleur dans la main lors du
renouvellement de son bracelet. En somme, nous croyons
avec Mérat et Delens, que trop de crédulité d'une part,
trop de scepticisme de l'autre ont également nui à l'ap-
préciation exacte des effets de l'aimant. Tant de causes
en effet (l'imagination des malades et quelquefois celle
des médecins eux-mêmes, l'extrême variabilité des phé-
nomènes nerveux, la marche trompeuse des maladies,
l'influence cachée du temps, des circonstances, etc.)
96 TRAITEMENT DE L'ÉPILEPSIE.
peuvent en imposer sur la véritable source des effets
obtenus.
Effets thérapeutiques. -- La plupart de nos malades
soumis au traitement par l'aimant en fer à cheval (7 en-
fants, 8 adultes) n'ont éprouvé aucune amélioration dans
leur état. Un enfant, Pinch..., n'a eu que 57 accès pen-
dant la durée du traitement au lieu do 89 pour la pé-
riode correspondante de l'année précédente ; mais ce
malade prend depuis longtemps du sirop de picroto-
aLine.Un autre enfant, Dog..., a eu aussi moins d'accès,
mais seulement pendant les 2 premiers mois de l'appli-
cation et à cette époque il suivait en môme temps un
traitement hydrothérapique. Def..., un de nos épi-
leptiques adultes, n'a eu que 52 accès au lieu de 79,mais
on a relevé 106 vertiges au lieu de 7. Ce malade avait
paru amélioré pendant les premiers temps du traite-
ment ; hâtons-nous d'ajouter que cette amélioration
momentanée semble due à ce que Def.... s'adonnait alors
moins fréquemment à l'onanisme. Enfin Pap..., ma-
lade que nous avons déjà signalé, qui paraissait avoir
une aura cardiaque, n'a eu que 108 accès et un vertige
pendant la durée du traitement (4 mois) tandis que l'an-
née dernière, pour la période correspondante, nous trou-
vons 115 accès et 14 vertiges. Ce serait le seul malade
qui aurait bénéficié du traitement. Est-ce à l'action de
l'aimant qu'est due cette amélioration ? Les trois mala-
des soumis à l'aimant en fer à cheval la nuit n'en ont
retiré aucun bénéfice. Sur les 7 malades soumis au
traitement par les armures, 2 ont paru améliorés. On
a relevé chez Lan..., pendant les quatre mois de trai-
tement par les armures, 25 accès et deux vertiges ; en
1881, ce malade a eu pendant les mêmes mois 58 accès
et 11 vertiges ; en 1880, 35 accès et 13 vertiges, et en
1879, 25 accès; mais nous ferons observer que l'amélio-
ration semble dater du mois de décembre 1881, c'est-à-
dire un mois avant le traitement magnétique. Marq....
a eu pendant les 4 mois de traitement 10 accès ; en
1881, il en avait eu 12 et en 1880, 9. Les armures ont
paru produire la disparition des crampes au quelles était
sujet l'un de nos malades. Est-ce une coïncidence ? En-
AIMANTS. 97
fin l'avortement des accès chez Cassain.... et Grar....
serait devenu plus facile, depuis le traitement par les
armures magnétiques. En résumé, les aimants en fer à
cheval ne nous ont donné aucun résultat satisfaisant.
Doit-on attribuer aux armures magnétiques l'améliora-
tion subie par Lan... et Marq... ? Nous ne saurions le
dire. Nous croyons donc que l'aimant en fer à cheval
doit être absolument rejeté du traitement de l'épilepsie.
En ce qui concerne les armures magnétiques, nous ne;
pouvons nous prononcer qu'après une plus longue expé-
rimentation ; toutefois,nous doutons dès maintenant que
le résultat soit satisfaisant. Cette communication ré-
sume les faits qui seront consignés avec tous les dé-
tails nécessaires dans la thèse de l'un de nous (1).
(1) Bricon. loc. cit. Thèse de 1882.
BOURN. - 1882.
IV.
Idiotie symptomatique d'une Méningo-encé-
phalite chronique généralisée chez un enfant
de cinq ans ;
Par BOURNEVILLE et UAUGE.
L'étude clinique et anatomo-pathologique de l'idiotie
conduit à distinguer dans cette sorte d'entité encore
mal connue des groupes qui, un jour, auront leur histoire
particulière et pourront être reconnus pendant la vie
d'une manière précise, ce qui permettra de poser un pro-
nostic à peu près sûr et d'instituer un traitement judi-
cieux.
A côté des idioties qui reconnaissent pour cause, soit
l'hydrocéphalie, soit la microcéphalie, il en est d'au-
tres, nous l'avons déjà dit, qui sont dues tantôt à une
sclérose atrophique des circonvolutions (atrophie
cérébrale), tantôt aune sclérose hypertrophique ou
tubéreuse. Enfin, dans d'autres cas, l'idiotie est consécu-
tive il une 1n( ! ningo-encephalite chronique diffuse.
Aux faits relatifs à cette dernière forme et antérieurement
rapportés vient se joindre le suivant, qui mérite, à plu-
sieurs égards, d'appeler l'attention de la Société.
Observation. Consanguinité . Soeur morte de con-
vulsions. - Premières convulsions il quatorze -mois,
secondes convulsions à trois ans et denzi. - Et01 ! .7'-
dissements. Méningo-encéphalite chronique. -
Accidents aigus : leurs caractères, température. Autop-
sie : séparation complète de la substance grise et de la
substance blanche.
Pu..., Georges, âgé de cinq ans, est entré à la section des
enfants idiots de Bicètre (service de M. Bourneville) le 1G G
février 1882.
Antécédents (Renseignements fournis par la mère,
28 février IF82). Père, 30 ans, journalier chez un emballeur;
idiotie symptomatique. 9 ! )
.de taille moyenne, sujet à des rhumes, mais pas d'hémo-
ptysie. Douleurs de tête assez fréquentes, n'ayant pas les
-caractères de la migraine. Excès de boisson très rares (vin).
Fume très peu. Assez nerveux; pas d'attaques. Marié à
vingt-trois ans. [Père, soixante-quatre ans, Mère, soixante-
et-un ans, tous deux sont bien portants, n'ont pas d'acci-
dents nerveux. Trois frères en bonne santé : l'un a eu trois
enfants dont deux sont morts à la suite de convulsions et
le troisième après une fièvre; un autre a eu six enfants
dont deux sont morts, l'un d'une bronchite, l'autre on ne
sait de quoi , mais sans convulsions ; le troisième n'a pas
d'enfants. Deux soeurs, bien portantes, ont trois enfants
intelligents et qui n'ont pas eu de convulsions. Ni aliénés,
ni épileptiques, hi apoplectiques, ni paralytiques, ni dif-
formes, ni suicides, ni criminels dans la famille.]
Mère, 30 ans, blanchisseuse, bien portante, brune, phy-
sionomie assez régulière; intelligente; assez nerveuse, et
sujette à des douleurs de tête ordinaires ; après les émotions,
elle éprouve une sensation d'étranglement à la gorge. Pas
de convulsions, pas de dartres, etc. [Père, 54 ans ; -Mère,
56 ans, fileurs de soie, bien portants, sobres, pas d'accidents
nerveux. Deux frères et une soeur jouissant d'une bonne
santé. Pas d'aliénés, etc.]. - Consanguinité. (Les pa-
rents sont cousins germains.)
Trois enfants : 1° Fille, morte à un an; elle aurait eu
peur d'un orage et aurait été prise de convulsions qui
auraient duré quatre jours avec des rémissions et auraient
été suivies d'uneparalysie du côté gauche, qu'elles auraient
exclusivement intéressé; 2° notre malade; 3° garçon, deux
ans et demi, bien venant, intelligent.
Notre malade. - La conception n'aurait pas eu lieu dans
l'ivresse; grossesse bonne, pas de chagrins, pas de trau-
matismes, pas de compression, pas d'alcoolisme. Accou-
chement à terme, naturel, en deux heures. A la naissance,
bien que la tête ne soit pas restée longtemps au passage .
l'enfant était noir-, on a dû le fouetter vigoureusement pour
le ranimer. Elevé au sein par sa mère il a été propre à
onze mois, a marché à treize mois, a commencé à parler
vers quatorze mois. La dentition a débuté dans le cours
du septième mois et s'est terminée à quatorze mois : à cette
époque, l'enfant était intelligent, riait, jouait, était cares-
sant.
C'est alors qu'il a eu pour la première fois des convul-
sions qui ont duré environ vingt minutes : déviation des
yeux, rigidité des bras qui étaient tournés, bouche tirée à
1 00 AILNINGO-LNCi;PHALIT1; CHRONIQUE.
gauche, quelques secousses des membres. On ne sait
comment étaient les jambes et on croit, sans l'affirmer,
que le bras gauche était plus secoué que le droit. Le lende-
main, R...., était remis; il s'est levé , a marché comme
d'habitude, on ne s'est aperçu de rien. L'évolution a paru
continuer : à deux ans et demi il prononçait tous les mots :
il était affectueux, comprenait bien et ressemblait à tous
les autres enfants. Mis à l'école à trois ans et demi, il n'y
est allé que quinze jours, parce qu'il a été pris de ses-
secondes convulsions; elles ont duré vingt-cinq minutes,
elles étaient fortes, paraissaient générales et égales (cyanose,,
écume, pas de morsure de la langue, contracture des.
mâchoires). Puis l'enfant s'est endormi, et au bout d'une
demi-heure de sommeil, il a été repris de convulsions
qui ont duré quatre à cinq minutes : sommeil consécutif et
ainsi de suite de cinq heures du matin à quatre heures et
demie du soir. Le surlendemain, nouvelles convulsions-
durant environ deux heures; à partir de là, il n'a plus eu
de convulsions. Au bout de quatre à cinq jours, on a con-
staté une transformation complète dans la situation de
l'enfant : il était incapable de se tenir sur les jambes; il
avait perdu la parole; il était redevenu sale; tandis qu'au-
paravant il aidait bien à s'habiller, il ne le pouvait plus.
Une quinzaine de jours après les convulsions, sont sur-
venus les étourdissements. Ils venaient tous les jours et on
en a même compté neuf en un seul jour; depuis le commen-
cement de l'année, il en aurait cependant moins souvent.
Voici en quoi ils consistent : étant assis, la tête se porte en
arrière, les yeux tournent, la face pâlit; puis la tête revient
en avant, l'enfant dit : « ah ! papa, ah ! maman » (les seuls
mots qu'il ait conservés) et tout est fini.
Depuis les dernières convulsions,on aurait remarqué que
R... était comparativement moins faible des bras que des
jambes ; il ne reconnaît personne, pas même sa mère :
quelquefois il cherche à être caressé; d'autres fois, au
contraire, il mord si on veut l'embrasser. Il ne grincerait
pas des dents et n'aurait ni bave ni succion. A la maison,
il restait tout le temps assis et attaché sur un fauteuil. Sa
mère essayait de le faire marcher en le tenant sous les
bras : il saute tout le temps, dit-elle, plutôt qu'il ne marche.
Il peut tenir un objet entre les mains, mais si cet objet
tombe il lui est impossible de le ramasser; il ne sait ni
boire ni se servir d'une cuiller; il ne demande rien pour
.ses besoins.
Sommeil paisible, pas de peurs. Pas d'onanisme; pas de
IDIOTIE CONSÉCUTIVE. 101
vers. Aucune manifestation scrofuleuse, pas de dartres.
Aucune autre maladie, pas de tremblement, pas de tics,
pas de balancement.
Avant son entrée à Bicêtre, il a été traité à l'hôpital des
Enfants malades par le bromure de potassium et les bains,
et à l'hôpital Trousseau par le bromure et la valériane.
Depuis son admission à Bicêtre, à part une légère diar-
1'hée dans le courant de mars, le môme état persiste sans
amélioration ni aggravation notable.
2 f avril. - Hier l'enfant a été moins gai que d'habitude.
Aujourd'hui les yeux sont noirs et battus; il crie pendant
des heures entières et se raidit; il s'est fait une contusion
au coude en se heurtant contre sa chaise, dans des secous-
ses. T. R. 31n,4. - Soir : T. R. 38°.
25 avril. - T. R. 38°,2. - Soir : 38°,6.
26 auril. - 11-Iëme agitation, mêmes cris, mêmes phéno-
mènes nerveux. - T. R. 38°,4. - Soir : T. R. 38°,6.
27 avril. - T. R. ;i8u, : 2.- Soir ; 38,6.
28 avril. Le sommeil est interrompu par des cris qui
durent une ou deux heures. A la visite, l'enfant crie, sem-
ble souffrir. Petites secousses dans les bras et dans les
jambes; quelquefois une secousse agite la tête .brusque-
ment. A un moment de l'examen, les cris s'arrêtent ; le
regard est fixe; les pupilles, normales d'habitude, se dila-
tent légèrement; on note quelques convulsions dans la joue
gauche et la moitié correspondante de la bouche, puis du
mâchonnement. Au bout de quelques secondes, les cris
recommencent, durent deux ou trois minutes, et on observe
un nouvel état convulsif qui se prolonge plus ou moins
longtemps. Parfois les bras sout agités de secousses : ils
sont raides, et cela à peu près également; parfois les mou-
vements convulsifs, durant les cris, paraissent plus accusés
à gauche. Pas de grincements de dents, pas de vomisse-
ments, pas de constipation. Parfois la figure devient très
rouge avec des raies blanches comme l'empreinte des
doigts dans un soufflet; d'autres fois, c'est l'un ou l'autre
des bras qui présentent ce phénomène. Les raies tracées
avec l'ongle rougissent lentement; la rougeur est la même
à gauche qu'à droite et persiste assez longtemps. - T. R.
38". Soir : 3 i°,8.
Au coude droit, ulcération de 2 centimètres sur 1 de
large, en dehors de l'olécrànc ; petite ulcération au niveau
de l'olécrane; bords taillés à pic : toutes deux sont con-
sécutives aux contusions qu'il s'est faites.
Traitement. - Trois inhalations de bromure d'éthyle
102 MÉNINGO-ENCÉPHALITE CHRONIQUE.
dans la journée; lotions vinaigrées; 2 gram. de chloral ;
purgatifs, lait, potages.
29 avril. La nuit a été plus calme ; cependant il y eu
encore deux périodes de cris. A la visite, agitation moindre
qu'hier; les phénomènes convulsifs ont cessé. Trois inhala-
tions de bromure d'éthyle; bain de son. T. R. 3 lo,6. -
Soir : 38°, 6.
30 avril. T. R. 38°, 2. - Soir : T. R. 38°, 8.
1" mai. T. R. 38°, 6. - Soir : T. R. 38°.
2 mai. Hier, la figure de l'enfant est restée très rouge
pendant toute la journée; les mouvements convulsifs et
les cris ont cessé et ont été remplacés par une somnolence
continuelle.
Ce matin, l'enfant est endormi : figure pâle; pas de
secousses cloniques dans les membres ; pas de raideur.
Mais les petites secousses, qui avaient déjà été notées les
jours précédents, persistent; elles sont surtout marquées
à la face postérieure de la cuisse gauche et à la bouche,
où elles sont presque continuelles. Pas de vomissements ;
garde-robes involontaires et abondantes. T. R. 38°.
Dans la journée, l'enfant a paru prendre son lait et son
bouillon avec moins de goût que d'habitude. A quatre
heures, à la contre-visite, on s'aperçoit que les convulsions
ont recommencé : la température qui, jusqu'à présent,
oscillait autour de 38°, a monté brusquement à 40°, 8.
L'enfant est dans l'état suivant : décubitus latéral droit, le
bras gauche allongé le long du corps, le bras droit étendu,
les membres inférieurs fléchis, les jambes croisées, la
gauche passant sur la droite. Les cris, qui étaient conti-
nuels les jours précédents, sont devenus intermittents;
quand la douleur paraît devenir trop forte, l'enfant pousse
un cri léger et isolé. La figure est agitée de mouvements
continuels, surtout marqués à la bouche, qui se contor-
sionne et parfois s'ouvre convulsivement; les mouvements
intéressent les deux côtés de la figure. Pas de roulement t
des globes de l'oeil; par moments, froncement spasmodique
du sourcil. L'épaule gauche est projetée en avant comme
si l'enfant voulait repousser quelque chose avec cette
épaule ; les mouvements convulsifs du reste des membres
sont surtout des mouvements de pronation et de supina-
tion et la crispation des doigts. Ces mouvements, si mar-
qués dans le membre supérieur gauche, existent à peine
dans le droit; et ce n'est que par moments que l'on constate
une lègère secousse qui se passe dans l'articulation du
coude; la figure revêt alors une expression de vive souf-
IDIOTIE CONSÉCUTIVE. 103
france, et l'on observe en même temps de légers mouve-
ments d'opisthotonos. Le membre inférieur gauche est
complètement immobile; à droite, on observe des mouve-
ments de flexion spasmodique dans les deux premiers orteils;
ces mouvements convulsifs sont aussi fréquents dans ce
pied qu'à la figure et au membre supérieur gauche, c'est-à-
dire à peu près continuels. Pas de raideur dans les arti-
culations, pas de contracture. - Inhalation de bromure
d'éthyle.
3 mai. Nystagmus; pupilles égales, normales comme
dimensions contractiles ; mouvements convulsifs de la face
et de la bouche, ayant lieu surtout à droite. Pas de raideur
du cou, pas de vomissements; selles régulières. T. R. 40°.
- Soir : T. R. 40°,6. Suppression du bromure d'éthyle.
Lotions vinaigrées ; deux sangsues derrière chaque
oreille.
4 mai. Paupières entr'ouvertes, clignotantes : regard
éteint, direct; nystagmus : pupilles normales, égales;
légère injection des conjonctives, mucosités palpébrales,
narines pulvérulentes. Petites secousses dans les muscles
des joues et des lèvres, mâchonnement de la lèvre infé-
rieure ; secousses soulevant la tête et tantôt un bras, tantôt
l'autre ; par moments, la bouche s'ouvre largement, spas-
modiquement.
Tête inclinée sur l'épaule droite. Bras droit : pas de
rigidité, pas de paralysie. Bras gauche, même état, mais
les secousses y sont plus fréquentes ; c'est toujours là
qu'elles prédominent. Membres inférieurs allongés ou
légèrement fléchis; pas de rigidité; très souvent, mouve-
ments convulsifs qui fléchissent les orteils avec petites
secousses des membres ; pas de paralysie ; pas d'exagéra-
tion du réflexe tendineux ; sensibilité au chatouillement
et au pincement conservée.
Ventre déprimé; peau chaude et sèche; pouls impercep-
tible aux radiales; battements du coeur, 120. Respiration
courte, irrégulière, à40. T. R. 40°,2. Le Soir : T.R. 4la,2.
L'enfant prend dans la journée un gobelet de lait et ne le
vomit pas. Traitement : vésicatoire sur latête.
5 mai. Le vésicatoire a beaucoup donné. Les convulsions
ont continué hier pendant toute la soirée avec le même
caractère; la face était très rouge. A la nuit, les convul-
sions de la bouche ont cessé ; l'enfant était dans la résolu-
tion, sans mouvements des membres ; pas de cris.
Ce matin, face pâle, regard éteint, pupilles légèrement
dilatées, égales; mâchonnement, quelques petites secousses
104 lli : \I\GO-);\I : I : I'If : lL1'rli CHRONIQUE.
des épaules et de la tête ; langue presque toujours en mou-
vement, assez humide. La déglutition est gênée et l'enfant
étouffe presque chaque fois qu'on veut lui faire prendre
quelque chose. Pas de hoquet ; pas de raideur des bras qui
se maintiennent toujours quand on les soulève. Pas d'es-
chares au sacrum. A l'auscultation, on ne découvre rien
à gauche; à droite, la respiration est obscure, surtout en
bas. T. R. 40°,8.
Soir. Les convulsions ont été un peu plus fortes, tout en
gardant les mêmes caractères; face très pâle ; pas de grin-
cements de dents. T. R. 41°.
6 mai. Situation à peu près la même. Pas de paralysie,
pas de contracture, mais légère raideur du cou. Même état t
des pupilles ; injection pius prononcée des conjonctives ;
les autres symptômes persistent. T. R. 3 £ ).,8. - Soir : T.
1-'L. Nouveau vésicatoire sur la tête; lotions vinai-
grées ; inhalations d'ammoniaque.
7 mai. Décubitus dorsal, la tête légèrement inclinée sur le
côté droit ; bouche entrouverte, paupières fermées; pas de
cris ; face très pâle. Les mouvements convulsifs de la face
persistent; ils sont surtout marqués à la partie inférieure
de la face ; toutes les deux ou trois secondes, les commis-
sures des lèvres sont tirées spasmodiquement en bas et en
dehors ; la lèvre inférieure est attirée en bas et en arrière
et la bouche s'ouvre toute grande. Parfois, ces mouvements
coincident avec un froncement spasmodique des paupières
et des sourcils et avec un mouvement de rotation du cou et
d'élévation des épaules. L'occlusion des paupières est due
à une blépharite ciliaire qui n'existait pas les jours précé-
dents. Nystagmus ; pupilles égales et modérément dilatées.
Pas de paralysie, pas de contracture des membres L'en-
fant tousse un peu depuis hier soir ; râles sibilants et ron-
flants dans les deux poumons, surtout à droite. Durant
l'examen, l'enfant se met à pousser de petits cris; la figure
exprime la souffrance et rougit ; mais, pendant cette crise,
qui dure deux ou trois minutes seulement, les convulsions
n'augmentent pas. Le vésicatoire n'a pas pris ; glace sur la
tête, inhalations d'ammoniaque. T. R. 40". - Soir : T. R.
40°,4.
8 mai. Même état; lcs mouvements convulsifs des pau-
pières sont un peu moins fréquents ; les deux cornées sont
comme obscures dans leur moitié inférieure. T. R. 39",4.
- Soil' : '1'. 1-IL. 4uo,4.
9 mai. Dans l'après-midi, on a remarqué que les
joues, les pommettes et le menton étaient très rouges, tan-
IDIOTIE CONSÉCUTIVE. 105
dis que le nez et les sillons naso-labiaux avaient conservé
leur coloration ordinaire. Les mouvements convulsifs de la
face sont bien moins fréquents ; ceux de la bouche ne con-
sistent plus qu'en un léger mouvement d'élévation de la
lèvre inférieure ayant pour résultat l'occlusion de la cavité
et qui est, par conséquent, le contraire de ce qui se passait
les jours précédents. Pupilles modérément dilatées ; la
droite parait un peu plus grande que la gauche. Ni raideur
ni paralysie. T. R. 39°;8. - Soir : T. R. 40°.
10 mat. Même état. La toux est moins forte que les jours
précédents ; dyspnée; battements des ailes du nez à chaqne
inspiration ; tirage. Le ventre est rétracté et a la forme dite
en bateau. T. R. 39°, 8. - Soir : T. R. 39°, 6.
11 mai. L'affaissement paraît encore plus grand. La
tête est animée d'un mouvement de balancement en avant
peu accentué, mais continuel, isochrone et se répétant
environ 50 fois par minute. Les mouvements convulsifs
sont limités maintenant à la bouche, ils sont beaucoup
moins fréquents : ordinairement bilatéraux comme les jours
précédents, ils sont parfois limités à l'un des côtés, tantôt
l'un, tantôt l'autre. Les paupières sont collées par la blé-
pharite ; le nystagmus persiste ; pupilles rétrécies, mais
inégales, la gauche étant plus resserrée que la droite.
Râle trachéal léger, l'enfant tousse encore un peu, surtout
lorsqu'on le remue; la toux est comme étouffée. Râles sous-
crépitants dans les deux poumons, principalement à la
hase gauche. Pas de paralysie ; pas de raideur dans les ar-
ticulations, pas d'exagération des réflexes. T. R. 40°, ? .
L'affaiblissement augmente dans la journée; mort à sept
heures du soir ; poids après décès 11 kil. 10; trois mois au-
paravant à l'entrée, le poids était de 13 kil. 90 ; l'enfant a
tronc perdu pendant sa maladie le cinquième de son poids
T. 1-'t. post nwrtcrn 41°.
Autopsie 38 heures après lamort.-Corps très amaigri^
ventre excavé et verdâtre, peau pâle sur les autres partiez
la rigidité cadavérique a disparu. Thorax et abdomen s.. -...
métriques, poitrine assez bombée : membres réguliers ;pa\
de déformations. '
A l'ouverture de l'abdomen, pas de liquide dans le péri-
toine ; ganglions mésentériques légèrement tuméfiés. Ves-
sic a peu près pleine. Le diaphragme remonte il droite au
bord supérieur de la quatrième côte et à gauche au bord
inférieur de la môme côte. - Pas de liquide dans la plè-
vre, pas d'adhérences pleurales, rien dans le péricarde.
106 111LnIiGO-ENCi : PHALITE CHRONIQUE.
Thorax.- Coeur 76 gr., normal. Larynx, rien. Poumons :
en enlevant les poumons, il sort des deux grosses bronches
un liquide jaunâtre en assez grande abondance. Quelques
vestiges du thymus. Les ganglions péribronchiques sont
hypertrophiés; l'un d'eux est caséeux et crétacé à la péri-
phérie. Le poumon gauche (140 gr.) ne crépite plus dans sa
moitié inférieure; lorsqu'on incise, coloration à peu près
normale, coupe lisse. Le poumon droit (185 gr.) est le siège
des mêmes lésions.
Abdomen. - Reins égaux, légèrement lobulés, 50 gr.
chacun ; foie 515 gr.; rate 130 gr. Intestins, rien. Testicu-
les : ils sont tous les deux au-dessous de l'anneau, mais ne
sont pas descendus complètement dans les bourses.
Tête. - Le crâne paraît symétrique en avant, mais asy-
métrique en arrière ; pas de saillie de l'occipital, mais
au-dessous de la fontanelle postérieure existent deux sail-
lies assez développées, inégales, la gauche l'emportant sur
la droite. Bosses pariétales égales ; apophyse mastoïde
gauche plus volumineuse que la droite, Pas de dépression
sus-surciliaire; arcades surciliaires égales, peu saillantes.
Sourcils et cils bruns assez abondants.
. IDIOTIE CONSÉCUTIVE. 107 i
circonvolutions sont boursouflés, oedémateux, mais il n'y
a pas de granulations tuberculeuses. Corps calleux nor-
mal.
Cervelet et isthme, 100 gr. La pie-mère du cervelet est
oedémateuse, épaisse et s'enlève avec la plus grande facilité;
le cervelet est comme lavé, ses circonvolutions sont fermes.
Hémisphère droit. - La pie-mère est partout très adhé-
rente à la substance grise sur tout le lobe occipital, tout le
lobe temporal, la face postérieure de la circonvolution pa-
riétale ascendante (les faces convexe et antérieure étant
saines) et sur le tiers inférieur de la pariétale ascendante.
La frontale ascendante est saine, sauf sur quelques points
de son tiers inférieur, où il y a quelques adhérences super-
ficielles. Les trois circonvolutions frontales sont également
le siège de nombreuses adhérences, mais tandis que. en
arrière de la pariétale ascendante, on enlève toute la subs-
tance grise, mettant ainsi à découvert le squelette de la
substance blanche, en avant de la frontale ascendante, on
n'enlève qu'une partie de cette substance, et des îlots de
circonvolutions variant de 2 à 10 millimètres de diamètre
sont sains, principalement au niveau de la racine des trois
circonvolutions frontales. On trouve quelques parties de
circonvolutions saines dans le fond de la scissure de
Sylvius.
Les digitations du lobule de l'izzst.cla sont presque entiè-
rement dépouillées de leur substance grise, dont il reste
pourtant une mince couche. - Sur la face interne de l'hé-
misphère, le lobule paracentral est parfaitement sain, sans
traces d'adhérences ; il en est de môme de la face interne de
la première circonvolution frontale dans son tiers postérieur;
le sillon calloso-marginal est à peu près sain, mais la cir-
convolution du corps calleux, les deux tiers antérieurs de
la première frontale, la face intérieure du lobe frontal, le
lobe carré, le coin et le lobe occipital sont complètement
dépouillés de substance grise par l'ablation de la pie-
mère.
Hémisphère gauche. - Il est le siège des mêmes lésions
prédominant également sur les circonvolutions situées en
arrrière de la pariétale ascendante. La frontale et la parié-
tale ascendante sont lésées dans leur moitié inférieure
avec quelques parties saines ; leur moitié supérieure,
sauf quelques rares adhérences, est saine ; en somme,
ces circonvolutions sont plus atteintes que celles du côté
opposé.-Le lobe paracentral est lésé dans toute sa partie
inférieure, son bord supérieur est sain : au milieu existe dans
108 MÉNINGO-ENCÉPHAL1TE CHRONIQUE.
toute la hauteur une bande saine de 8 millimètres de lar-
geur. Sur le lobe frontal, portions saines surtout dans le
fond des sillons. Le lobule de l'insula, sauf à sa partie la
plus inférieure et antérieure, est dénué de substance grise.
La face supérieure de la première temporale est à peu près
saine. La pointe du lobe occipital présente quelques petites
portions saines et c'est toujours dans le fond des sillons.
Le squelette de substance blanche a un aspect légèrement
rosé sur lequel on voit de nombreux points rouges étoilés;
cet aspect se rencontre sur les deux hémisphères cérébraux.
La substance blanche n'est ni indurée ni atrophiée ; les
bords des circonvolutions ainsi réduites sont encore arron-
dis et ne se présentent pas sous l'aspect de crêtes.
Les ventricules latéraux, les masses centrales, les cor-
nes cl ? ln2non n'offraient aucune altération.
Si l'on met en regard des lésions les symptômes
observés pendant la vie, on voit que la perte de la parole
et de l'intelligence est parfaitement expliquée par l'éten-
due et l'intensité des lésions des lobes frontaux. D'un
autre côté, nous avons vu que l'enfant n'était pas entière-
ment paralysé, qu'il pouvait se soutenir sur les jambes,
qu'il marchait en sautant ; cette conservation partielle
du mouvement des membres inférieurs est en rapport
avec l'intégrité relative des circonvolutions pariétales et
du lobe paracentral.
Nous avons vu que l'enfant se servait des membres
supérieurs, qui paraissaient plus vigoureux et plus
habiles que les membres inférieurs, l'autopsie nous a
montré que les circonvolutions frontales ascendantes
étaient encore bien moins touchées que les pariétales
ascendantes, nous trouvons donc là une nouvelle confir-
mation de la localisation du siège des centres moteurs
. des membres.
La séparation presque complète de la substance grise,
et de la substance blanche des circonvolutions a été
.signalée chez les paralytiques généraux ; mais le plus
souvent, même dans ce cas, cette séparation était cir-
conscrite et non pas presque générale, comme chez
notre malade.
Enfin, tandis que les cas auxquels nous faisons allu-
sion et qui ont été surtout mentionnés par MM. Calmeil
IDIOTIE CONSÉCUTIVE. 109'
et Baillarger concernaient des adultes, celui qui précède
se rapporte à un enfant de cinq ans. Ce n'est pas là un
fait exceptionnel. L'un de nous en a consigné un autre
exemple dans les Archives de Neurologie (T. m, p. 327.)
Laplanchequi l'accompagne donne une excellente idéede
l'aspect des lésions. La substance blanche était atrophiée,
indurée, offrait des arêtes vives au sommet du squelette
des circonvolutions ; la lésion était pour ainsi dire à son
maximum.
Dans ce nouveau cas, ainsi que vous pouvez vous en
assurer, la lésion était à une période relativement moins
avancée ; la substance grise se séparait complètement, il
est vrai, mais le squelette de la substance blanche avait
une coloration légèrement rosée ; les bords des circon-
volutions étaient plus arrondis ; enfin la substance blan-
che ne paraissait pas avoir perdu de son épaisseur.
Nous ne pouvons, pour le moment, donner le tableau
symptomatique de la forme d'idiotie qui correspond à
ces lésions. Nous nous bornerons à citer les accès de cris,
l'absence de bave, de succion, de balancement, phéno-
mènes si communs dans les cas d'idiotie, réputée idio-
pathique.
V.
Epilepsie idiopathique. - Rachitisme. - Exos-
toses multiples et symétriques. - Fracture
du crâne ;
Par MM. DAUGE et biucon.
Le fait que nous allons rapporter mérite de fixer l'atten-
tion à plusieurs égards, non seulement au point de vue du
système nerveux, mais encore et surtout au point de vue
des lésions du système osseux, anciennes (exostoses) et
récentes {fracture du crâne).
Observation. - Père alcoolique, mort d'un coup de
sang. - Grand'mère paternelle hémiplégique. - Oncle
paternel aliéné, un autre épileptique. - Mère, enfant
trouëe, ? zg'rameusc.Soeur morte de convulsions.
Convulsions à 4 ans. - Rachitisme. -Secondes con-
vulsions à 7 ans. - Début de l'épilepsie à 13 ans.
Rémission de 15 Li 16 ans 1/2, alors retour des accès. -
Description d'un accès. - Etat du malade en 1882. -
Développement et description des exostoses. - Fracture
de la base du crâne dans un accès. Mort.
Autopsie. - Description de la fracture. - Nouveaux
détails sur les exostoses.
G.... Victor, 23 ans, cordonnier, est entré à Bicêtre (ser-
vice de M. Bourneville) le 6 décembre 1880.
Renseignements fournis par sa mère (15 février 1881).
- Père menuisier, mort en 1862 à 55 ans « d'un coup de
sang » ; vigoureux, intelligent; excès alcooliques ayant
précédé le mariage ; à l'époque de la conception de notre
malade, il buvait de tout, principalement del'absinthe; acné
de la face, mais jamais rien sur le corps; pas d'apparence
de syphilis; sujet à quelques douleurs de tête; pas de rhu-
matisme. [Père, menuisier, mort on ne sait de quoi, à
72 ans : sobre. - Mère morte à 68 ans ; était paralysée d'un
côté du corps. Onze frères ou soeurs sont morts ; l'un d'eux
aurait été fou après une fièvre typhoïde à 19 ans ; un autre
frère, encore vivant et âgé maintenant de 70 ans, a été sujet
RACHITISME. 111
des accès de haut mal jusqu'à l'âge de 30 ans, puis a
guéri; il s'était marié avant cette époque et avait eu cinq
enfants, tous morts en bas âge].
Mère, 59 ans, blanchisseuse, intelligente, bien portante;
a eu en 1857 un ictère consécutif à une peur; assez nerveuse,
maislpas d'attaques; cependant,à l'époque de la puberté, elle
a eu une perte de connaissance qui a duré près d'une
demi-heure et pour laquelle on l'a saignée. Sujette depuis
longtemps à des migraines (douleur de tête, nausées,
vomissements, disparition en un jour), plus fortes depuis
qu'elle n'est plus réglée. Pas de dartres. [Père et mère
inconnus; est enfant de l'hospice].
Pas de consanguinité (père de Sedan, mère de Paris).
4 enfants : 1° Fille morte à 5 ans d'une fièvre cérébrale :
intelligente, bien conformée; avait eu des convulsions;
- 2°Garçon mort en 1870 étant soldat; 3° Fille bien por-
tante, a trois enfants en bonne santé ; - il Victor est le
dernier.
Notre malade. - A l'époque de la conception, comme
nous l'avons dit plus haut, le père du malade faisait déjà
des excès de boisson. On ne croit pas qu'elle ait eu lieu
dans l'ivresse. - Grossesse. Peur au sixième mois due aux
-cris poussés par un épileptique qui habitait la maison; la
mère du malade crut à un accident, mais elle ne vit pas
l'homme dans ses accès. Pas d'envie de boire pendant la
grossesse, etc. -A 7 mois et demi, petite vérole confluente
qui provoque l'accouchement. Celui-ci se fait facilement,
sans chloroforme.
L'enfant a été élevé au sein par sa mère jusqu'à un an. Il
a été propre de bonne heure ; a commencé à parler à 15 mois
et à marcher à 18 mois ; à 4 ans, convulsions survenues à
l'asile et attribuées à une peur causée par une bonne qui
s'était mis un drap sur la tête pour faire le croquemitaine.
Les secotisses étaient très fortes sur le côté droit du corps,
beaucoup moindres sur le gauche; elles ont duré environ
six heures et ont été suivies d'une fièvre intense qui a per-
sisté 4 à 5 jours. On n'aurait pas remarqué de para-
lysie.
De 4 à 7 ans, G..., a eu successivement la rougeole et la
varioloide ; en outre, il avait à cette époque beaucoup de
croûtes dans les cheveux; c'est à cet âge que l'on place le
développement du rachitisme dont il porte des traces très
accusées au bras droit.
A 7 ans, nouvelles convulsions ayant duré 15 minutes.
A 13 ans. début de l'épilepsie; les accès reviennent tous les
112 EPILEPSIE IDIOPATHIQUE.
jours pendant deux ans, puis ils cessent pendant 18 mois
vers l'âge de 15 ans. A 16 ans et demi, retour des accès qui
d'abord mensuels ou bimensuels finissent par redevenir
quotidiens. A partir de cette époque, affaiblissement de
plus en plus marqué des facultés intellectuelles.
Accès diurnes et nocturnes; pas d'aura. G.... tombe ordi-
nairement en avant; secousses cloniques prédominant à
droite; pas de miction involontaire. Après les accès, abatte-
ment, sommeil, mais pas de violences, pas d'idées de sui-
cide, etc. - Ni onanisme, ni excès de boisson. G.... avait
appris le métier de cordonnier et était, dit-on, fort
habile.
Jusqu'à son entrée à Bicêtre, sa mère n'avait remarqué
aucune des grosseurs que G.... porte actuellement aux
membres; lui-même ne s'en était jamais plaint.
Description d'un accès (23 juillet 1881). Le malade
qui était assis devant la table pousse un cri et tombe en
avant; on le dégage et on le couche par terre; la période de
rigidité est assez courte; elle est remplacée par des se-
cousses tétaniformes occupant les quatre membres et la
face et durant un peu plus longtemps; la période clonique
est caractérisée par des convulsions fortes, assez prolon-
gées et égales des deux côtés. Période de stertor : ron-
flement bruyant, bouche remplie d'écume sanguinolente.
Pendant l'accès, dont la durée est d'environ 3 minutes,
les pupilles sont légèrement rétrécies. T. R. 38°.
Les accès qui reviennent fréquemment (voir le tableau)
ne sont ordinairement pas suivis d'agitation ; une seule
fois, du 27 au 31 août 1881, on signale à la suite d'une sé-
rie d'accès une période de stupeur assez marquée; le ma-
lade n'a pas de fièvre, l'appétit est bon, mais il reste tout
le jour couché, indifférent à ce qui l'entoure, ne répondant
pas aux questions ou riant aux éclats; le sommeil est nul,
le malade parle toute la nuit. Cet état cède en quatre
jours à des bains prolongés et à un lavement purgatif.
Etat actuel (30 mai 1882). - Tête assez volumineuse,
symétrique; pas de saillie de l'occipital ; bosses pariétales
égales; front haut et droit, bosses frontales saillantes et
égales, arcades sourciliaires peu proéminentes. Yeux petits,
iris bleus; aucune lésion oculaire. Nez petit et droit; dé-
pression de la racine du nez peu marquée. Bouche moyenne,
lèvre supérieure assez volumineuse, menton arrondi, fos-
sette sus-mentonnière très marquée. Oreilles grandes
(G cent. et demi), égales, bien ourlées : lobule distinct.
RACHITISME. 113 1)
114 EXOSTOSES SYMÉTRIQUES.
plus volumineuse qu'àl'état normal. Avant-bras très incurvé
en dedans; cette incurvation porte principalement sur la
partie inférieure; deux exostoses de la grosseur d'une
petite noisette sur la partie inférieure du bord externe du
radius, au-dessus de l'apophyse styloïde. Rien au cubitus.
Membre supérieur gauche. Rien à la clavicule ni au
bras ; à l'avant-bras, une seule exostose sur la partie infé-
rieure du bord externe du radius. Rien au cubitus.
Membre inférieur droit. - La cuisse paraît un peu plus
incurvée en dedans que celle du côté opposé. Au niveau du
grand trochanter, ht/perostose d'environ 5 centimètres de
large, bien limitée en haut, se confondant insensiblement
en bas avec le corps de l'os. A la partie inférieure, deux
exostoses en forme de crochet. - Toute la partie supérieure
de la jambe parait le siège d'une énorme exostose occu-
pant les deux os et faisant saillie surtout en arrière. Les
malléoles présentent également deux petites aspérités.
Membre inférieur gauche.A la cuisse, deux exostoses
de la grosseur d'une aveline situées, l'une à la face interne,
l'autre au bord externe du fémur. A la jambe, hyperostoso
au niveau de l'extrémité supérieure des deux os, mais
moins considérable que du côté opposé. Deux petites aspé-
rités à la malléole interne, une à la malléole externe.
Toutes ces exostoses, ainsi que nous l'avons dit, sont in-
dolores ; le malade ne fait aucun mouvement de défense
quelles que soient les pressions que l'on exerce. Il ne peut
donner aucun renseignement sur leur développement.
2 juin. Hier, le malade s'est levé et a passé la matinée
dans la cour comme à l'ordinaire ; il avait eu un accès la
veille, mais les infirmiers n'avaient signalé rien d'anormal.
Dans la soirée, sa mère en venant le voir s'est aperçue
qu'il paraissait souffrant : il pleurait, contrairement à son
habitude et il a dit à sa mère : « tu auras bien du chagrin. »
T. R. à 5 heures du soir, 39°,2.
Ce matin, peau très chaude, un peu moite : T. R. : 8°, ? ;
P. 92. Traits un peu altérés, narines sèches; yeux dirigés
en bas et en dedans, surtout le gauche; langue humide,
haleine infecte, rien à la gorge. - Pas de contracture ni de
paralysie. - Battements du coeur assez forts, réguliers. Un
peu de toux; légère diminution de la sonorité en arrière, au
sommet, des deux côtés.
3 juin. Décubitus dorsal, face très rouge; le malade n'a
aucune connaissance mais par moments pousse des cris
sourds et inarticulés. Lèvres et narines plus fuligineuses
que la veille. Contracture assez marquée aux membres
FRACTURE DU CRANE. 115
supérieurs, mais pouvant être vaincue. Pas de paralysie :
pas de vomissements; constipation opiniâtre. - Mort le
4 juin, à 5 heures 30 du matin.
Tableau des accès depuis l'entrée à Bicëlre jusqu'à la mort.
1 Hi ANOMALIES DES CIRCONVOLUTIONS.
voie un pli de passage à la troisième, laquelle offre des
sinuosités presque verticales. Les insertions de ces trois
circonvolutions sur la frontale ascendante sont simples et
irrégulières. - La frontale et la pariétale ascendantes
sont bien développées ; le sillon de Rolando est normal.
Les plis pariétaux supérieur et inférieur, le pli courbe,
le lobe occipital, ainsi que les circonvolutions temporales
n'ont rien de particulier. - Le lobule de l'izzstvla pré-
sente cinq digitations. ,
Face orbitaire. - Circonvolutions régulières.
Face interne. Première circonvolution frontale très-
sinueuse, doublée ; - circonvolution du corps calleux ré-
gulière , le lobe paracentral est très volumineux, irré-
gulier (près de 4 centimètres de diamètre transversal) avec
deux sillons allant obliquement de bas en haut, d'avant en
arrière ; ils sont unis en bas par un troisième sillon allant
obliquement de bas en haut, d'arrière en avant ; le lobe
quadrilatère est volumineux, plissé et nettement séparé
du lobe paracentral ; tandis qu'à gauche la circonvolution
du corps calleux envoie, suivant l'habitude, un pli de pas-
sage au lobe quadrilatère, à droite, c'est au lobe paracen-
tral qu'elle envoie ce pli de passage. Le coin, le lobe occi-
pital, la circonvolution de l'hippocampe, la corne d'1112-
mon, les masses centrales, etc., n'offrent rien de parti-
culier. Sur quatre points des circonvolutions frontales,
foyers d'hémorrhagie capillaire ; un autre surl'extrémité
antérieure du lobe temporal.
Hémisphère gauche. Face connexe, - La première
circonvolution frontale est très plissée, double en avant,
n'envoie pas de prolongements à la seconde. La deuxième
circonvolution frontale est plus sinueuse et plus plissée
que celle de droite ; elle présente deux insertions sur la
frontale ascendante simplement séparées l'une de l'autre
par un sillon qui coupe complètement la frontale ascen-
dante dans le sens transverse. La troisième circonvolu-
tion frontale est la seule qui soit entièrement comparable
à celle du côté opposé.-La frontale ascendante est volu-
mineuse et coupée, comme nous l'avons dit.par un sillon
transverse dans sa partie moyenne. Le sillon de Rolan.o est
profond. La pariétale ascendante est régulière, volumi-
neuse. En arrière d'elle et séparée par un sillon profond
vertical,analogue au sillon de Rolando, existe une deuxième
circonvolution pariétale ascendante aussi régulière que
la précédente. Le pli pariétal supérieur est peu volumi-
neuf - le pli pariétal inférieur est régulier ainsi que le
DESCRIPTION DES EXOSTOSES. 117
pli courbe et le lobe occipital. Le lobule de l'insula est
large, aplati, et possède quatre digitations. Circonvolu-
tions temporales régulières. ,
Face orbitaire. - Rien à signaler.
Face interne. - Première circonvolution frontale très
sinueuse, très plissée ; lobe paracentral irrégulier, presque
triangulaire, mesurant quatre centimètres en hauteur et
un en bas, avec un sillon central en Y. Le lobe quadrila-
tère mesure quatre centimètres à sa partie moyenne, tan-
dis que le droit n'en mesure que trois. - Circonvolution
du corps calleux, coin, lobe occipital, circonvolution de
l'hippocampe, corne cL'tlnzmon, etc., rien à signaler.
Trois petits foyers d'hémorrhagie capillaire sur la face
inférieure du lobe frontal, principalement sur la circonvo-
lution qui longe le nerf olfactif ; un autre sur la se tempo-
rale. Pas d'autres lésions.
Foie, 1780 gr.; raie, 260 gr.; reins, 160; coeu7', 300 gr. ;
ni calculs, ni lésions.
Description des os. - Tous les os du squelette présen-
taient à l'état frais des aspérités nombreuses ; les unes
d'aspect cartilagineux ont disparu par la macération;
les autres, plus anciennes et formées de substance osseuse,
subsistent encore. Elles se présentent sous 3 formes :
simples aspérités analogues aux crêtes que l'on retrouve
normalement sur divers os : aiguilles plus ou moins fines
situées presque toujours dans la direction des tendons ;
enfin grosses éminences osseuses. pédiculées, dont quelques-
unes atteignent un volume considérable. Ces diverses sail-
lies sont situées presque toutes sur les épiphyses ; quelques-
unes cependant se trouvent sur la diaphyse, comme on le
verra par cette description.
Fémur droit. - Extrémité supérieure. La tête articu-
laire est à peu près normale; sur la face antérieure, épine
de 1 centimètre de longueur ; le petit trochanter présente
3 éminences rugueuses sur sa face antérieure et 2 sur sa
partie interne ; le grand trochanter est couvert d'aspérités
mais aucune n'a une longueur notable, si ce n'est à
la partie postérieure où l'une d'elles atteint 1/2 centimètre.
- La cavité digitale est très rugueuse ; immédiatement au-
dessous, se trouvent 3 éminences sur la même ligne hori-
zontale, puis encore au-dessous, un champignon osseux
dirigé horizontalement en arrière et mesurant plus de 5 cent.
Corps : quelques aspérités, une surtout sur la face externe
au niveau de l'union des 2/3 supérieurs avec le 1/3 inférieur.
Extrémité inférieure : bord antérieur large, éminence ru-
118 DESCRIPTION DES EXOSTOSES.
gueuse de 4 centimètres de long sur 2 de large ; face posté-
rieure, quelques petites aspérités; bord interne, à la place
du tubercule du grand adducteur, production osseuse volu-
mineuse présentant elle-même trois aspérités échelonnées
de haut en bas ; bord externe, au môme niveau, aiguille de
de 1 centimètre. Condyles : rien.
Fémur gauche. - L'extrémité supérieure est presque
méconnaissable, les faces antérieure et postérieure ont dis-
paru et sont remplacées par des bourrelets osseux couverts
de rugosités; à la place du petit trochanter, champignon
volumineux pédiculisé, mesurant environ 7 centimètres de
long, dirigé en dedans et en arrière; tête très rugueuse,
la cavité digitale a disparu. Corps : à peu près normal.
Extrémité inférieure : la face antérieure ne présente qu'une
seule épine volumineuse, mais sur le bord externe on trouve
une production osseuse pédiculiséo et rugueuse, d'environ
3 centimètres de large ; sur le bord interne, immédiate-
ment au-dessus du condyle, champignon semblable mais
plus volumineux encore, dirigé directement en arrière et
surmonté de 3 aiguilles ; enfin,sur le bord interne, aspérité
très marquée, d'environ 7 centimètres, surmontée d'une
aiguille très fine et très longue (environ 12 cent.), dirigée
verticalement en haut.
Tibia gauche. -- Extrémité supérieure : une aspérité sur
le tubercule antérieur ; le tubercule de Gerdy est remplacé
par une épine dirigée en bas et longue d'environ 2 centi-
mètres ; sur la face postérieure,deux autres épines dirigées
dans le même sens et longues, l'une de 6 centimètres,
l'autre de 1 1/2; une sur la face interne. En outre, toute
cette épiphyse est très rugueuse et couverte d'aspérités.
Corps : rien. Extrémité inférieure : sur la face externe, à
4 centimètres au-dessus de la facette articulaire du péroné,
tubérosité du volume d'un oeuf de pigeon ; sur la face pos-
térieure, et à peu près au même niveau, épine dirigée en
haut, de 4 centimètres et bifurquée à son sommet. La face
articulaire de la malléole n'est pas lisse comme à l'état
ordinaire, mais inégale et rugueuse.
Péroné gauche. Extrémité supérieure sur le bord
externe, 2 aiguilles dirigées en dehors; sur le bord interne,
une crête osseuse regardant en bas et en dedans. Le corps
présente des aspérités sur toute son étendue; en outre, à
l'union des 3/4 inférieurs avec le 1/4 supérieur, aiguille
soudée à la diaphyse par ses deux extrémités de façon à
former un trou d'environ 1 centimètre de diamètre. Extré-
mité inférieure : une crête osseuse sur la face interne; un
DESCRIPTION DES EXOSTOSES. 119
champignon pédiculisé sur la face externe, un peu au-des-
sus de la malléole.
Tibia et péroné droits. - Ces deux os sont entièrement
soudés par la partie inférieure ; à la place de l'articulation
existe une ankylose osseuse d'environ 6 centimètres laissant
voir à la partie antérieure un sillon qui marque la limite
des deux os, mais ne présentant aucune marque de sépara-
tion à la partie postérieure. L'articulation péronéo-tibiale
supérieure était remplacée, à l'état frais, par une pseudar-
throse limitée inférieurement du côté du tibia par une crête
de 2 centimètres,terminée elle-même par 3 tubérosités dis-
posées sur une ligne antéro-postérieure.
Tibia. - Extrémité supérieure : une aiguille de 2 centi-
mètres sur la face interne; aspérités nombreuses sur le
rebord des cavités glénoïdes. Tubérosité inégale du volume
d'un oeuf de pigeon sur la face postérieure; au-dessous de
celle-ci, aiguille de 1/2 centimètre. - Corps : rien. - Ex-
trémité inférieure : deux éminences d'environ 1 centimè-
tre sur les faces antérieure et postérieure ; nombreuses as-
pérités sur le reste de l'épiphyse.
Péroné.-Extrémité supérieure : sur la face postérieure,
énorme champignon osseux du volume d'une grossepomme,
pédiculisé, à surface rugueuse et inégale ; sur la face anté-
rieure, une aiguille de 1/2 centimètre. - Corps : rien. --
Extrémité inférieure : 3 ou aspérités sur la face antérieure;
sur la face interne, au-dessus de l'ankyloso, aiguille très
fine dirigée supérieurement d'environ 3 centimètres.
Les os des membres supérieurs sont moins atteints;
cependant. on trouve encore de nombreuses rugosités sur
l'épiphyse inférieure de l'humérus droit. L'avant-bras pré-
sente des signes évidents de rachitisme; les os sont petits,
déformés, très incurvés en dedans. Le radius possède une
tubérosité bicipitale double environ du volume normal.
Mais le cubitus surtout est déformé; supérieurement, l'o-
lécranc et l'apophyse coronoïdc sont remplacés par une seule
tubérosité aplatie d'avant en arrière et offrant quelques
rugosités à la place de la grande cavité sigmoïde. Le corps
est rugueux et couvert d'aspérités. L'extrémité inférieure
est méconnaissable : elle est remplacée par une partie effi-
lée et rugueuse ne présentant aucune trace d'apophyse
styloïde.
Les côtes et les vertèbres présentaient à l'état frais de
nombreuses aspérités, d'aspect cartilagineux, qui ont dis-
paru par la macération-
HO PATHOGÉNIE DES EXOSTOSES.
Réflexions. - I. Si nous laissons de côté dans cette ob-
servation ce qui a trait à la fracture du crâne, produite
vraisemblablement par une chute pendant un accès, nous y
relevons plusieurs particularités intéressantes. L'autopsie
nous a permis de constater que si les circonvolutions sont
bien développées, les sillons profonds, les deux hémis-
phères aussi bien sur leur face convexe que sur leur face
interne présentent de nombreuses asymétries ; nous men-
tionnerons, d'une façon particulière, l'existence d'une
deuxième circonvolution pariétale ascendante.
II. Le cas nous paraît fournir un beau type de ces exos-
toses multiples et à peu près symétriques décrites parllu-
guier, Broca et surtout M. Soulier ; mais nulle part nous ne
voyons signalée une aussi grande rapidité dans le déve-
loppement ; la maladie est survenue, comme cela a lieu
ordinairement, chez un homme jeune et au moment de la
soudure des épiphyses ; mais le sujet de notre observation
avait eu antérieurement des signes de rachitisme très
accusés et peut-être y a-t-il une relation à établir entre cette
maladie et le développement des exostoses ; de plus, ces
productions se rencontrent indifféremment sur toutes les
faces des épiphyses, contrairement à l'opinion de Broca
qui croyait qu'elles ne se développaient pas sur les faces
antérieures et qui expliquait leur prédominance sur les
parties latérales par l'absence de pressions musculaires en
ce point; enfin, la lésion n'est pas limitée aux os ; en effet,
l'articulation péronéo-tibiale inférieure gauche a complè-
tement disparu et est remplacée par une soudure osseuse
assez volumineuse.
Ces exostoses, déjà antérieurement signalées par plu-
sieurs auteurs (1), n'ont été réellement bien étudiées que
par Broca et son élève M. Soulier (2) ; ils leur ont donné le
nom d'exostoses ostéogéniques, faisant remarquer leur
siège préféré sur les cartilages d'ossification ; une exostose
ostéogénique peut être unique.
Depuis, plusieurs observations ont été publiées par dif-
férents auteurs, entre autres par MM. Cornillon et Vallot,
(1 )Encyclopédie de chirurgie pratique, de Costello, T. IV.
(2) Du parallélisme parfait entre le développement du sque-
lette et celui de certaines exostoses. Thèse de Paris, t8M.
PATHOGENIE DES EXOSTOSES. 121
dans la Revue photographique des hôpitaux publiée par
Bourneville et A. de Montméjà (année 1871, p. 97).
Dans notre observation, nous signalerons le plus grand
développement aux extrémités inférieures des fémurs, aux
extrémités supérieures des humérus, et des tibias, etc.,
siège de prédilection de ces sortes d'exostoses (V. la thèse
de M. Soulier). Nous noterons pour quelques-unes le volu-
me qui dépasse sensiblement celui indiqué comme maxi-
mum par M. Soulier (4 à 5 cent. de haut. sur 2 à 3 cent. de
larg.). Enfin certaines d'entre elles étaient situées sur le
trajet des tendons ; les surfaces articulaires éiaient abso-
lument saines.
III. Quant à l'épilepsie, nous n'avons rien de particulier
à en dire ; la maladie avait suivi sa marche ascendante ;
les accès et les vertiges étaient devenus beaucoup plus fré-
quents que lors de l'entrée du malade.
VI.
Nouveau cas d'hystérie chez l'homme ;
Par BOURNEVILLE et IL\UGE.
Les cas dliystérie ne sont pas rares à Bicêtre, dans
le service des épileptiques et des enfants, et dans le
courant de l'année dernière, nous avons pu en observer
plusieurs exemples présentant les caractères soit de
l'hystéi,o-él)ilepsie, soit de l'hystérie ordinaire. Quel-
ques-unes de ces observations ont déjà été publiées (1) ;
parmi celles dont l'histoire n'a pas paru, nous choisis-
sons la suivante, qui nous semble présenter plusieurs
points intéressants.
Observation. - Père alcoolique. - Mère cancéreuse.
Frère peu intelligent.
Cauchemars, épistaxis, incontinence nocturne d'u-
rine. Première attaque Ù 8 ans. Paralysie (lén6-
ralisée consécutive aux attaques (13 ans) et compliquée
d'oedème des membres inférieurs ; suspension des atla-
ques. Guérison subite de la paralysie des membres
supérieurs ; guérison graduelle de la paraplégie. -
Retour des attaques. - Excès alcooliques. Premiers
rapports sexuels (9 ans). - Instabilité professionnelle.
- Hén2atéi)-tèses.
Etat du malade en 1880 : Anesthésie générale ; zones
hystérogènes; aura. Description des attaques.-
Attaque épileploide. - Action des aimants sur la sen-
sibililé. - Etat dit malade en 1882 et en 1883.
Freit., Roclolphc. Alhert,17 ans à son entrée à Bicêtre le
21 septembre 1880 (service de M. Bourneville).
(1) Bourneville et d'Olier. Recherches sur l'épilepsie, l'hys-
térie et l'idiotie; compte rendu de 1880. Paris, 1881. - Bourne-
ville et Bonnaire. Ibid. Compte rendu de 1881, p. 55. Paris, 1882.
HYSTÉRO-ÉPILEPSIE. 123
Renseignements fournis par le malade (le, février
1881). - Père mort « d'une colique » en une journée, à
30 ans; il était employé dans une gare; c'était un grand
buveur, restant quelquefois 8 jours sans rentrer à la mai-
son ; on ne sait s'il était nerveux. Il y a dans la famille une
sorte de légende qui donne à croire que cet homme était
d'origine japonaise; dans tous les cas, il avait des caractères
de cette race, dont Fr... porte aussi la trace (forme
des sourcils, rareté de la barbe, couleur de la peau, direc-
tion oblique des yeux en haut et en dehors). [Nuls détails
sur les grands parents ni sur la famille paternelle].
Mère morte le 24 janvier 1880 d'un cancer du sein, qui
a succédé à des abcès de la région mammaire pendant la
lactation; c'était une femme vigoureuse, s'occupant bien
de ses enfants, mais elle était très impressionnable, quoi-
que n'ayant pas d'attaques de nerfs ; pas d'excès de
boisson. [Père, pas de détails. - Mère morte il y a 6 ans,
on ne sait de quoi, âgée de 93 ans. Pas de frères; une
soeur, bien portante, non nerveuse, habite Blois ; n'a pas
d'enfants].
Pas de consanguinité (père d'Alsace, mère des environs
de Blois).
3 enfants : 1° Fille actuellement à Blois, bien portante,
n'offrant pas d'accidents nerveux, deux enfants de deux
amants; l'un des enfants mort en bas-âge; 2° garçon,
23 ans, bien portant, pas d'attaque, mais est très emporté;
il passe pour avoir « la tête dure pour apprendre n; 3° no-
tre malade. - La mère s'est remariée quand notre malade
avait à peine 2 ans : 3 enfants du second lit : 1° Garçon,
14 ans ; 2° Fille, ans ; 3° Fille. 7 ans ; tous trois bien
portants, sans attaques.
Notre malade. - Il ne sait rien sur ses premières an-
nées. Il a été placé à l'hospice de Blois comme orphelin à
l'âge de 5 ans ; il a eu la rougeole ; vacciné, pas de vario-
laide, pas de fièvres.
Sa maladie nerveuse aurait débuté à l'âge de 8 ans ; il
avait des épistaxis fréquentes et prolongées ; un jour on lui
fit renifler du perchlorure de fer ; c'est à cela qu'il attribue
ses premières attaques. Mais, déjà, il était nerveux ; il rê-
vait beaucoup, il avait des cauchemars : « J'avais des fan-
tômes, dit-il, je voyais des diables avec des fourches ; j'ap-
pelais au secours, je me levais tout debout; on me battait
pour me faire recoucher. » Il était peureux. Comme il pis-
sait au lit. il était souvent fouetté par les soeurs : (1 en hiver
124 i PARALYSIE HYSTÉRIQUE.
même on me mettait le derrière dans de l'eau glacée pour
me punir. »
Depuis cette époque, il aurait eu environ 2 ou 3 attaques
par semaine jusqu'à l'âge de 13 ans; à la suite de l'une
d'elles, il aurait été atteint d'une paralysie qui, débutant
par les membres inférieurs, aurait envahi successivement
tout le corps ; les jambes étaient enflées, on les lui a per-
cées pour en faire sortir de l'eau. Le mouvement serait
revenu aux membres supérieurs du jour au lendemain ;
les membres inférieurs n'ont guéri que bien plus lente-
ment. Les attaques, qui avaient cessé pendant la paralysie,
ont recommencé après sa guérison.
Sorti de l'hospice à l'âge de 14 ans, il se plaça chez un
cordonnier. C'est alors qu'il commença à faire des excès
de boisson (absinthe, eau-de-vie); mais ses attaques l'ayant
repris, il fut interné à l'asile de Blois, où il resta 3 mois. Il
travailla ensuite dans la ville, chez un tuilier, jusqu'à son
départ pour Paris.
Premiers rapports sexuels à l'hospice avec une gardienne
qui avait 16 ans : il n'en avait que 9 (1) ; une seule fois.
Depuis, rapports sexuels à diverses reprises, mais à inter-
valles éloignés. En été 1879, il fit la connaissance d'une
lingère de 18 ans avec laquelle il vécut pendant 3 à 4 mois;
puis sa maîtresse l'abandonna pour aller vivre avec un de
ses amis. Il eut un violent chagrin de cette séparation ;
c'est à cette date que se place l'histoire de la montre vo-
lée sur laquelle il revient souvent pendant ses attaques et
que nous raconterons plus loin, telle qu'il l'a décrite du-
rant la période de délire d'une de ses crises.
Il quitta alors Blois et vint à Paris où il exerça successi-
vement différents métiers, couvreur, frotteur, etc.; il se re-
mit à faire des excès alcooliques, principalement d'absin-
the. Au mois d'août 1880, il fut pris de vomissements de
sang, survenant sans efforts, pendant son travail ; les ma-
tières rendues étaient tantôt du sang pur, tantôt du sang
mêlé à des caillots qui, dit-il, avaient de la peine à sortir;
la quantité de sang rendue à la fois dépassait souvent un
verre. Peu après les attaques le reprirent; ramassé sur la
voie publique, il fut conduit d'abord a la préfecture de
police, puis à l'asile Sainte-Anne; et enfin il fut placé à
Bicêtre dans notre service.
(1) ' Vng ieune garson aagé seulement de neuf ans engrossa vno
nourrisse; ce dict lean Foxius. L. Daman au cleuxicsmc Hure de
sa Philosophie morale, chap. 14. (Extrait des Histoires admira-
bles et mémorables de notre temps, etc., Arras, 1604, p. 3,i1).
ZONES HYSTÉ110GÈNES. 125
Fiai actuel (3 décembre 1880). Poids 59",200; taille
1111, 61. - Tête assez volumineuse, sans prédominance de
la partie occipitale; apophyses mastoïdes un peu saillantes
des deux côtés ; front haut, assez large, sans dépression
sussurcilière.
126 AURA HYSTÉRIQUE.
radiation douloureuse. Il existe au niveau de la région
iliaque correspondant au point ovarien une place où la
pression détermine de la douleur; le malade veut écarter
la main et dit que cela le fait étouffer ; cette douleur est
surtout marquée à gauche, elle s'irradie vers les hypochon-
dres et coupe la respiration. Le maximum de douleur est
situé en dehors des muscles grands droits; l'insensibilité
est, du reste, aussi complète en ces points que sur le reste
du corps.
On trouve de chaque côté de la ligne médiane un autre
point au niveau du rebord des fausses côtes; la pression
y détermine une douleur très vive qui s'irradie vers le
thorax et qui parait beaucoup plus forte que celle que l'on
produit en pressant dans la fosse iliaque. - Pas de point
sternal, pas de point sous-mammaire. Pression des testi-
cules négative.
Les attaques sont annoncées par des phénomènes pré-
curseurs offrant deux phases distinctes :
1° Aura médiate. Deux ou trois heures avant la crise,
F... ressent de l'oppression et des élancements partant des
points costaux signalés à la base du thorax et remontant
vers le haut de la poitrine en prédominant à droite ; ces
douleurs augmentent quand il fait des efforts profonds
d'inspiration et s'accompagnent parfois de palpitations. Il
y aurait déplus un sentiment de contentement se trans-
formant peu à peu en tristesse et en besoin de solitude à
mesure que l'attaque approche.
2° Aura immédiate. Le sang remonte à la tête, les tem-
pes battent, l'oreille droite entend, dit-il, beaucoup plus
fort qu'à l'ordinaire, tandis que la gauche devient sourde.
Rien du côté de la vue ; rien du côté des points iliaques ni
des testicules. Ces phénomènes durent assez longtemps
pour que le malade puisse prévenir et quelquefois môme
se faire attacher.
Toutes ses attaques, ici, sauf une, sont venues la nuit ;
elles durent environ une demi-heure. Il parait y avoir
une phase d'extrême agitation : dans une attaque, il a
tordu les barreaux de fer de son lit; une autre fois, il l'a
soulevé en masse et jeté sur le lit voisin. Il y aurait aussi
une période terminale de délire dans laquelle il parle do
lettres, de ses maitresses, etc.; tout en causant, il se pince,
il parait en rage contre lui-même. D'une manière générale,
tout ce qu'il a dit dans sa dernière attaque était triste; à
certains moments, il avait l'air de parler tout bas à une
personne imaginaire dont il écoutait ensuite la réponse.-
DESCRIPTION DES ATTAQUES.
127
Il ne se rappelle absolument rien de tout ce qui lui est ar-
rivé pendant ses crises.
Intelligence moyenne ; instruction peu développée. Il lit
à demi-couramment, ne sait pas écrire : on ne lui a jamais
montré, dit-il; il connaît les chiffres et lit les nombres de
deux chiffres, mais ne sait pas faire l'addition. Peu de con-
naissances en gymnastique.
10 décembre. - Attaque. A 2 h. 1/2, il rentrait en classe
quand, tout à coup, il se précipite sur un grillage et l'arra-
che ; on l'arrête, il se débat et se met à cracher du sang
abondamment. On le porte à l'infirmerie; une fois couché,
il commence une conversation avec une personne imagi-
naire à laquelle il raconte des discussions qu'il a eues au-
trefois avec une fille ; ceci dure environ de 6 à 7 minutes.
Période tonique. - Soudain, il se met sur son séant et
devient raide, la tête est tendue en avant, la face tournée
à gauche, le regard fixe et dirigé en haut, les lèvres agi-
tées d'un tremblement convulsif.
Période de délire. - Cet état de tétanisme disparait et
le malade recommence à causer pendant quelques ins-
tants avec une personne imaginaire ; cette conversation
est de nouveau interrompue par quelques secousses cloni-
ques.
Au bout de 3 à 4 minutes, Fr... semble se réveiller,
passe ses mains sur sa figure et revient à lui. Il demande
à boire, s'étonne de se trouver sur son lit, se lève et se met
à marcher ; il assure n'avoir aucun souvenir de ce qui
vient de se passer. Durée totale : environ 15 minutes.
11 décembre. Fr... retourne à l'école : le calme est en-
tièrement revenu.
23 décembre. Le malade était au gymnase, assis près
du poêle; il se sent tout à coup mal à l'aise, la respiration
est gênée, il a de l'oppression et une douleur dans le flanc
droit. Croyant à un étourdissement il sort de la salle, et,
pour ne pas se laisser voir, il se rend aux cabinets. ( « Il
m'en prend souvent, nous a-t-il avoué, et alors je vais aux
cabinets pour les cacher. ») Mais, sentant venir l'attaque,
il veut retourner au gymnase et appeler l'infirmier.
Attaque, - Période épileptoïde. En descendant l'esca-
lier de cinq marches qui mène aux latrines, l'attaque
éclate ; il saisit la rampe en fer, la descelle complètement
en enlevant les montants d'un seul coup, la plie sur son
128 ACTION DES AIMANTS.
genou, puis, dès qu'elle est cintrée un peu, achève de la
plier avec ses mains ; il est debout, soutenu par les gar-
çons, le corps roide, les yeux dirigés en haut, le cou tendu
(on ne sait s'il était gonflé), les lèvres couvertes d'écume
sanglante et de sang. On le conduit au gymnase, les bras
toujours roides, tenant entre ses mains les barres de fer
que l'on essaie, mais en vain, de lui arracher. A peine ar-
rivé (la distance est d'environ 50 à 60 mètres) et couché
sur le lit de camp, il lâche les barreaux et se relève ; pas
de délire.
L'attaque a duré environ 10 minutes et parait avoir été
tout à fait limitée à la période épileptoïdc. - Nous le
voyons au moment où il vient de se lever : il est abattu,
courbaturé; il a mal à la tête, pousse des soupirs. L'exa-
men attentif de la bouche, des joues, des lèvres, de la lan-
gue, ne fait découvrir aucune plaie.
"1881.- 5 janvier. - Application d'aimants. On s'assure
d'abord de l'état de la sensibilité ; l'ancsthésic est com-
plète (piqûre, pincement, chatouillement, traction des
poils, etc.) et porte aussi bien sur les muqueuses (mu-
queuse du gland, etc.) que sur la peau, sauf en certains
points (pourtour des lèvres, moitié inférieure du nez, partie
centrale et moyenne du front) où la sensibilité est con-
servée.
10 h. 30 matin. - On applique un aimant en fer à che-
val le long de chaque cuisse.
10 h. 45. - La sensibilité est revenue dans les membres
inférieurs en procédant de haut en bas, les cuisses d'a-
bord, puis les jambes et enfin les pieds ; elle est également,
revenue à la partie inférieure du tronc; elle reparaît plus
vite à gauche qu'à droite.
11 h. La sensibilité a reparu sur toute la partie supé-
rieure du membre supérieur gauche, en procédant de haut
en bas et en suivant le trajet du brachial cutané, du mus-
culo-cutané et du radial ; la branche cutanée du circonflexe
semble moins sensible, la main ne l'est pas du tout. A
droite, la sensibilité est beaucoup moins accusée; le ma-
lade ne perçoit guère les excitations que sur le trajet du
brachial cutané interne. L'anesthésie du cuir chevelu et
du pavillon de l'oreille persiste.
11 h. 10. - A gauche, la sensibilité se développe suc-
cessivement en suivant le trajet des nerfs digitaux : bran-
ches cutanées de la première phalange de l'annulaire et
du médius, branche collatérale dorsale interne du pouce,
branches digitales du cubital. Rien encore sur la partie
HYSTÉRO-ÉPILEPSIE. 129
centrale du médian. - A droite, la sensibilité n'a encore
reparu ni à la main, ni au poignet.
11 h. 15. - La main droite commence à redevenir sen-
sible sur le trajet des rameaux cutanés du radial et du cu-
bital : rien encore sur la région innervée par le médian.
11 h. 30.- La sensibilité est entièrement revenue, aussi
bien sur les membres qu'au cuir chevelu. T. Ax. à droite,
3do,6; à gauche, 38°,3.
2 h. 35. - On enlève les aimants : la sensibilité est nor-
male sur tous les points.
4 h. - Même état : le chatouillement de la plante des
pieds amène la contraction réflexe de la jambe. Mais de-
puis 11 heures, le malade accuse une céphalalgie lanci-
nante, prédominant à la région temporale des deux côtés.
T. Ax. à droite, 38°,2 ; à gauche, 38°, 1.
6 janv. - T. Ax. des deux côtés : 37°,2. Le malade dit
n'avoir éprouvé pendant l'aimantation ni picotement ni
serrement. Au voisinage des aimants, il percevait la sensa-
tion d'un courant d'air passant le long des cuisses. Au sur
et à mesure que la sensibilité reparaissait, le contact de la
chemise lui donnait la sensation d'un linge mouillé, collé
au corps.
7 janv. - Le malade accuse une douleur contusive dans
les deux bras avec prédominance à droite ; il éprouve de la
difficulté à exécuter les mouvements de gymnastique. La
sensibilité persiste, bien qu'affaiblie; en certains points
(cuir chevelu, face externe de la cuisse), les fortes piqûres
sont seules perçues; le chatouillement des pieds amène
encore la retrait de la jambe. T. Ax. des deux côtés, 37°.
7 h. 25 du soir. - Le malade est pris d'une attaque
d'hystérie : Pas de cri initial, pas de période tonique;
mais, dès les premiers spasmes, il rend quelques cuille-
rées d'un sang rutilant qui ne vient pas de la bouche,
comme on le sait par l'examen de celle-ci après l'at-
taque.
On voit le malade 3 minutes environ après le début ; ii
est maintenu avec peine au lit par quatre hommes ; face
normale, sauf les pommettes qui sont très rouges ; paupiè-
res largement ouvertes, pupilles égales et très dilatées,
mais se contractant à l'approche de la lumière; cou dans
l'extension forcée, avant-bras fléchis et en pronation. Il
existe un spasme inspiratoirc très-marqué.
5° minute. - Le malade se renverse en arrière, puis il
se soulève et essaye de se jeter hors du lit ; maintenu par
les infirmiers, il se renverse de nouveau. La physionomie
prend un air de férocité tout à fait spécial : yeux fixes, le
.. BOURG. - 1882. 9
130 HYSTÉRO-ÉPILEPSIE.
droit en strabisme convergent : turgescence du visage,
contraction unilatérale des muscles faciaux déviant forte-
ment la bouche vers la gauche; dents serrées; opisthotonos;
raideur des jambes, la gauche à demi-fléchie et en ahduc-
tion, la droite en extension. - Respiration haletante : pa-
role entrecoupée : «Que dis-tu ? ... non... ». Survient une
expiration bruyante, puis une secousse de tout le corps ; le
malade semble vouloir se jeter sur un ennemi imaginaire.
Il retourne ensuite la tête vers le chevet du lit et regarde
la lumière d'un air étonné. n
9° minute. - Nouvelle exacerbation : les yeux devien-
nent fixes : « Je te disgracie ! ... tu m'as tendu des pièges...
mais... mais... ». Il essaye de s'asseoir sur son lit, on ne
le maintient couché qu'à grand'peine ; respiration accom-
pagnée d'un sourd grognement. Il commence à mots en-
trecoupés l'histoire de la montro : « Je suis allé hier soir
avec ce jeune homme où tu m'as dit d'aller J'y vois sa
soeur... je vais dans ma chambre... je monte chez mes
voisins... le lendemain je retourne chez ce jeune homme...
je lui vois une montre... je lui ·dis : comhien qu'elle t'a
coûté ? tu l'as achetée chez Godefroy ? .... Au bout de huit
jours on m'appelle au parquet... on me demande ce qui
s'est passé... on me demande si je connais cejeunc homme...
je dis : non. (Arrêt). - Je réponds qu'il s'appelle Rigol-
let... je connais ce jeune homme, mais je ne sais pas ce qui
s'est passé... (Persistance pendant ce temps de la fixité du
regard).Tu m'as demandé si je savais qu'il était en prison...
je remonte dans ma chambre... tout dévalisé... c'est elle
qui m'avait tendu ce piège pour me faire mettre avec ce
voyou... vache : ah ! vache ? (physionomie féroce). Pousse..
Je l'ai deshonorée ? ... (Ici, expression railleuse du visage).
Qu'ils comptent là-dessus et qu'ils boivent de l'eau...
non ! ... -Nouvelle phase de contraction musculaire très-
énergique : nouvelle tentative pour s'échapper du lit; puis,
il retombe sur le dos en murmurant : « Vache ; ah ! vache ! »
avec une fureur concentrée.
ne minute ? Après être resté quelques instants dans
une profonde réflexion : « Quoi qu'elle dit, ta soeur ? ...
elle prendra des cartes et elle jouera.... Ah ! c'est pas fort ;
on ne sait pas ce qu'une femme a dans la tête, mais c'est
pas grand'chose de bon... un vrai chat ! (Il répète ces mots
trois fois). Je pense que jamais je n'y toucherai, même du
bout des doigts.. Je le gêne ? ...».
25" minute. - La respiration devient calme, les yeux
se ferment, puis le malade se frotte la figure avec les deux
mains sans dire un mot. Il saisit la courroie qui le main-
HYSTÉRO-ÉPILEPSIE. 131
tient et l'examine; puis de la main droite, les doigts éten-
dus, il fait le simulacre de toucher un objet imaginaire.
Enfin, il s'assied d'aplomb sur son séant et regarde les as-
sistants d'un air étonné.
Interpellé, il répond d'un air honteux qu'il va bien et
demande à boire. A ce moment; la sensibilité a disparu,
mais quelques instants après, elle revient rapidement, de
telle sorte que l'avant-bras, tout d'abord traversé sans
douleur par une épingle, se trouve une minute après dou-
loureusement impressionné par une simple piqûre.
Cinquante minutes après le début de l'attaque, F... est
courbaturé ; il accuse une violente céphalée frontale. T.
R. 36°,8. A 8 h. 1/2, il s'endort d'un sommeil profond et
très calme.
31 janv. - La sensibilité persiste; on cherche à endor-
mir le malade, malgré son opposition, en lui présentant
un agitateur de verre au-devant des yeux ; l'expérience
dure un quart d'heure; elle ne produit aucun résultat.
2 février. A la suite de l'expérience d'avant-hier, le
malade a été atteint d'une violente céphalalgie ayant duré
environ 2 heures. - La sensibilité persiste; les sens
spéciaux ne présentent rien d'anormal. - On a essayé de
l'endormir par le regard, sans succès ; mais nous devons
dire que loin de se prêter ai l'expérience, il résiste.
3 fév. - Le malade est transféré à l'asile de Blois. De-
puis son entrée à Bicêtre, il a augmenté de 3 kilogr. 800 gr.
et grandi de 2 centimètres.
1882. - Au mois de novembre dernier, l'un de nous a en
l'occasion de revoir ce malade à l'asile de Blois, et M. le
Dr Doutrebente, directeur de l'asile a eu l'obligeance de lui
donner les renseignements suivants sur l'état de Freit...,
depuis sa sortie de Bicêtre (1). Freit... a été soumis à Blois
à un traitement absolument moral : liberté absolue dans
l'établissement, défense expresse aux malades et aux em-
ployés de le contrarier ou de le taquiner; on a cherché à
lui apprendre la musique, il y a pris goût et au bout de
huit jours il était capable de faire sa partie dans la fanfare
de l'asile; il est maintenant répétiteur et aussi fort que le
maître. Il a été plus difficile de lui apprendre un métier : il
a fallu le faire passer successivement d'atelier en atelier :
cependant on a réussi à le fixer chez le boulanger qui le
garde et est assez content de lui. Sous l'influence de ce
(1) Nous avons également complété les antécédents de famille
avec les notes de M. Doutrebente.
132 HYSTÉRO-ÉPILEPSIE.
traitement, les attaques se sont espacées d'abord, puis ont
disparu définitivement au mois de décembre 1881; actuel-
lement il sort tous les dimanches dans sa famille, et si
l'amélioration continue, l'intention de M. Doutrebente est
de lui accorder sa sortie définitive.
1883. 20 août. M. le Dr Doutrebente, à qui nous avons
écrit au moment de publier cette observation, nous répond
que Freit.. n'a pas eu d'attaques dans le courant de cette
année; qu'il n'a pas eu d'hématémèses depuis son arrivée
à l'asile de Blois ; qu'il a été assez raisonnable et laborieux
pendant quelque temps, gagnant jusqu'à 40 fr. par mois,
en qualité d'ouvrier boulanger dans l'établissement où il
était logé, nourri et entretenu. M. Doutrebente ajoute qu'il
a dû il y a une quinzaine de jours renvoyer Freit.. de
l'asile pour des motifs d'inconduite ; que, après avoir traîné
dans les rues de Blois en compagnie de femmes de mau-
vaise vie auprès desquelles il semble jouer les Alphonscs,
il aurait trouvé une place chez un boulanger de la ville.
« Tant qu'il a été sous ma direction comme malade ou em-
ployé, je lui permettais beaucoup, car il ne fallait pas le
contrarier. Comme les petites dames, monsieur avait ses
nerfs. Il a beaucoup abusé de ma faiblesse à son égard. »
Réflexions. - I. Nous trouvons chez ce malade les
conditions qui favorisent si souvent chez les jeunes
filles l'éclosion de l'hystérie : alcoolisme du père, aban-
don ou défaut de surveillance de l'enfant, mauvaises ha-
bitudes dès la plus tendre jeunesse, rigueurs maladroi-
tes envers un enfant nerveux, etc..
IL Ces influences néfastes sont bientôt aggravées par
des excès alcooliques et vénériens. Les attaques se com-
pliquent d'une paralysie généralisée.
En quoi a consisté l'oedème des membres inférieurs
qour lequel on a pratiqué des piqûres ? Nous l'igno-
rons. Il est probable, toutefois, qu'il ne s'agissait pas là
d'un oedème consécutif à une néphrite albumineuse puis-
que, depuis lors, il n'est survenu aucun accident sus-
ceptible d'être rattaché à cette affection.
Considérée en elle-même, cette paralysie nous sem-
ble bien être de nature hystérique. En effet, elle a suivi
des attaques hystériques et, en ce qui concerne les
membres supérieurs, elle a guéri subitement.
HYSTÉRIQUES ET POSSÉDÉES. 133
III. Les attaques ont été accompagnées d'hématé-
T/1.èses : c'est là un accident assez commun chez les hys-
tériques, mais que, pour notre compte, nous n'avions
pas encore noté chez les hystériques du sexe masculin.
11 fournit, d'ailleurs, un nouvel argument en faveur de
l'analogie complète de l' h ysté1'ie masculine avec l'Itys-
térie féminine.
Du reste ces hématémèses n'offrent pas, en général,
une bien grande gravité. C'est là une remarque faite de-
puis longtemps et que J. Wier a mentionnée. Parlant
d'Anne Lengon, l'une des possédées du monastère de
Kentorp, il dit : « Lorsqu'on l'exorcisait, elle jeta une
grande quantité de sang par la bouche, sans qu'elle en
tombast pour l'heure en inconvénients. »
IV. Nous avons à relever aussi : 1° l'action de l'ai-
mant sur l'anesthésie; - 2° l'existence, à l'état isolé,
d'attaques épiteptoïdes, qui ont induit bien des obser-
vateurs en erreur, et que l'un de nous a décrites minu-
tieusement, et pour la première fois, à propos de l'ob-
servation de Geneviève B... (l)et de Adeline Parm... (2).
V. Les attaques de Freit... se sont montrées surtout
la nuit et nous n'avons eu que peu d'occasions de les
étudier. Cependant, des descriptions qui figurent dans
l'observation, il résulte qu'elles offraient la plupart des
symptômes classiques. La période de délire était, ici,
très caractéristique, et en tous points comparable à celle
de plusieurs hystériques dont l'histoire a été longue-
ment consignée dans l'Iconographie photographique
de la Salpêtrière. Le point sur lequel il nous semble op-
portun d'insister est celui qui est relatif à la vigueur ex-
traordinaire déployée durant les attaques - on disait
miraculeuse dans les récits relatifs aux démoniaques (3)
(1) Bourneville et Regnard. Iconographie photographique de
la Salpêtriùre, t. 1, p. 40.
(2) Ibicl., t. III, p. 58.
(3) Selon l'Evangile, les Démoniaques rompaient les cordes et les
chaînes dont ils étaient liés : c'est ce que font les hystériques d'au-
jourd'hui, prétendues possédées d'autrefois. On sait aussi que le
Rituel met entre les marques de Possession, Vires supra ætalis
et contlilionis naturam ostendere.
134 . DÉMONIAQUES.
d'autrefois - : lirait..., adolescent de 17 ans, tordait
les barreaux des lits de fer, les rampes en fer des esca-
liers ; il soulevait un lit monté (lit en fer, sommier et ma-
telas) et le jetait sur un autre lit : ce sont là des déploie-
ments de force que nous comprenons très bien aujour-
d'hui, mais que dans les siècles passés on expliquait
par la présence, dans le corps des possédés, d'une foule
de diables qui décuplaient ou centuplaient la force de
leurs prétendues victimes.
Nous pourrrions emprunter aux vieux auteurs, qui ont
parlé des possédées, de nombreux exemples de ce genre ;
nous nous bornerons au suivant : « Voici dit le R. P.
Esprit du Bosroger ( l ), des farces de géant, ou de Dé-
mon : Dagon le diable qui possède la soeur Marie du
Saint-Esprit, transporté de furie en un exorcisme que
le Père Esprit lui faisait, fit empoigner à cette fille la
grosse corde dont elle était ceinte, qui n'est pas moindre
que celle des Capucins, et bien que cette corde fut fort
bonne, entière et non usée elle la prit dans ses deux
mains, et sans s'efforcer, elle la rompit en deux aussi
facilement qu'on romprait une paille ».
(1) La Piété affligée ou discours historique el théologique de la
possession des religieuses (11les (le Sai ? ile-Elisabelli @le Loituie),s ;
Amsterdam, 1,700, p. 240.
VIL
Deux cas probables de paralysie toxique con-
sécutive aux inhalations prolongées de bro-
mure d'éthyle;
Par BOURNEVILLE.
Le Compte rendu de 1880 renferme une note sur le
bromure d'éthyle, que nous avons publiée en collabo-
ration avec d'Olier (p. 48-55). Au cours de cette note il
est dit qu'un enfant épileptique a été atteint durant le
traitement d'un affaiblissement des membres infé-
rieurs qui s'est bientôt transformé en une paralysie
complète. A quelle cause fallait-il rattacher cette com-
plication ? Etait-ce aux accès d'épilepsie ou au bromure
d'éthyle ? Nous avons écarté l'épilepsie, parce que s'il
n'est pas rare d'observer un a ? àiblisseoient2a°alti-
que général après des séries d'accès, ou une hémiplé-
gie transitoire, cortège habituel de l'état de mal épilep-
tique, jamais nous n'avons eu l'occasion de noter une
véritable paraplégie. Aussi, tout en faisant quelques ré-
serves, pensions-nous qu'il fallait plutôt mettre les
accidents paralytiques sur le compte du bromure
d'éthyle. Le lecteur pourra apprécier fui-même le bien
fondé de cette hypothèse en parcourant l'observation
que nous plaçons sous ces yeux.
Observation I.
Epilepsie ; Idiotie consécutive. - Grand-Père paternel
alcoolique. Oncle paternel aliéné. - Mère migrai-
136 EPILEPSIE.
neuse. Pre))nères convulsions à 10 mois. - Premier
accès vers deux ans et demi. -Bromure de potassium.
- Bromure d'éthyle. -Paraplégie.
Cont... Léon, 12 ans, est entré à Bicêtre le 3 juillet 1875
(service de M. BOURNI;VILLE.
Renseignements fournis par son père et sa mère (25 avril
1882.) - Père, 39 ans. serrurier, ne fait pas d'excès de
boisson; pas de dermatoses ni d'affections nerveuses. [Père,
tué dans une carrière, alcoolique; - mère, blanchisseuse,
morte de la poitrine à 33 ans; un frère, mort à Sainte-Anne
en mars 1880,a eu cinq enfants, dont trois sont morts, deux
de méningite, l'autre de maladie non nerveuse ; quant aux
survivants, ils sont bien portants, mais très impression-
nables].
Mère, 36 ans, mariée à 18 ans, blanchisseuse; très ner-
veuse, sujette à des migraines qui durent 12 heures et re-
viennent toutes les semaines ; elle en souffre depuis 10 ans ;
étant jeune fille, elle avait de fréquents maux de tête ; à
24 ans, eczéma de la tête et de la face ; névralgies den-
taires ; érysipèle ; ne croit pas avoir eu de convulsions. -
[Père, 76 ans, maçon, fait quelques excès alcooliques.
Mère, blanchisseuse, morte à 58 ans, en 8 jours, d'une
affection cérébrale avec paralysie de la langue sans para-
lysie des membres ; sujette à des céphalalgies. Le reste de
la famille ne présente rien de particulier.] Pas de consan-
guinité. Deux enfants : 1° notre malade; 2° un garçon de
13 ans bien portant, qui n'a pas eu de convulsions.
Notre malade. - Grossesse rendue pénible jusqu'a
4 mois et demi, par les vomissements; accouchement natu-
rel, à terme ; à la naissance, rien de particulier ; élevé au
biberon, en nourrice ; repris à 9 mois « il avait la tête
pleine de mal.»-Les premières convulsions se montrèrent
à 10 mois : C... resta 7 à 8 heures sans reprendre connais-
sance, les yeux tournés, les bras raides, les mâchoires con-
tractées. la bouche écumante, mais sans secousses : « le mé-
decin a appelé cela des « convulsions internes. » Le surlen-
demain nouvelles convulsions durant quelques minutes
et revenant à plusieurs reprises. Pendant les deux mois
suivants, rien; puis, troisième attaque de convulsions qui
a coïncidé avec l'apparition de la première dent. A partir
de cette époque, les convulsions se seraient reproduites très
souvent, à chaque dent, croit-on. Depuis l'âge de 2 ans,
elles ont été quotidiennes (trois ou quatre fois par jour) ;
ÉPILEPSIE ET DÉMENCE INFANTILE. 137
vers l'âge de 2 ans et demi, l'enfant prévenait sa mère de
l'arrivée d'un accès ; alors on le soutenait, il perdait con-
naissance, se raidissait, puis survenaient quelques se-
cousses égales dans les quatre membres ; un peu de stertor,
miction involontaire; finalement, sommeil de quelques mi-
nutes.
De 2 ans et demi à 6 ans, accès quotidiens se repro-
duisant deux et trois fois en 24 heures, surtout pendant le
jour. A 6 ans, on voulut mettre C... à l'école, mais on ne
put le garder à cause de ses crises. De 6 à 9 ans, ses parents
lui apprirent à lire et à écrire un peu ; il était caressant,
mais obstiné, colérique; il n'avaitpas de peurs. Pas de folie
Zr ou post épileptique ; quelquefois pourtant, et. durant
2 minutes environ après un accès, il paraissait égaré, sem-
blait chercher, se frappait le front. Onanisme probable ;
voracité habituelle ; quelques vers. Rougeole à 4 ans, ho-
quet avant les convulsions; il eutà diverses reprises, quel-
ques manifestations scrofuleuses; de 8 à 9 ans, ophtalmie
double avec taies : il ne voyait pas à se conduire.
Placé à Bicêtre à 9 ans, on prétend qu'alors il était encore
« très intelligent ». A 11 ans, varioloïde, avant laquelle
il aurait eu 42 accès en 12 heures. Quelque temps après,
au gymnase, il aurait mangé une quantité considérable de
cailloux (il a toujours eu l'habitude, même étant tout
petit, d'avoir des boutons, des billes, des cailloux dans la
bouche) et en serait devenu très malade ; depuis ce moment,
il est devenu gâteux, n'est plus retourné à l'école de la
maison; les facultés intellectuelles ont notablement baissé.
Le père et la mère prétendent que, depuis un an, la mé-
moire aurait augmenté. C... est affectueux envers ses
parents. Avant d'entrer à Bicêtre, il a pris du bromure de
potassium et des pilules ; depuis son entrée (3 juillet 1875)
jusqu'au 3 juin 1880, bromure de potassium.
3 juin 1880. Inhalations de bromure d'éthyle.
^juillet. Sous l'influence de l'inhalation, contracture
générale ; la tête est fléchie en avant, les mains en l'air,
les mains tendant à se recroqueviller ; respiration sac-
cadée.
8 juillet. C... est allé hier au petit parloir où on s'est
aperçu qu'il avait un peu de faiblesse clans les jambes.
Purgatif.
9 juitlet. T. R. 38°. Soir : 38°,5.
10 - T. R. 38°. - 38°,fi.
11 - T. R. 38°,4 - 38°,6.
12 - T. R. 38°,2 - 38°,4. La respiration est
toujours saccadée et difficile à compter pendant l'inhala-
138 BROMURE D'ÉTHYLE.
tion ; la peau médiocrement chaude, sans sécheresse. -
Poumons : quelques râles ronflants et muqueux en avant
et en arrière.
Membres inférieurs. L'enfant paraît très faible, mais
peut se tenir assis ; il est incapable de se porter sur les
jambes ; si on veut le placer debout, il s'affaisse, et il faut
le soutenir ; il semble s'appuyer légèrement sur la jambe
droite. Les jambes et les pieds sont un peu cyanosés. La
sensibilité au pincement et au chatouillement est égale-
ment conservée des deux côtés ; si,les jambes étant fléchies,
on les pince, C... les soulève.
Haleine fétide, langue humide, saburrale ; déglutition
un peu gênée, s'accompagnant de toux ; pas de vomisse-
ments ; rougeur violacée des fesses avec large desqua-
mation épidermique sur les cuisses. D'habitude la parole
est assez libre, maintenant le malade ne dit plus que :
« oui, j'ai soif».
Les inhalations de bromure d'éthyle, faites régulière-
ment jusqu'à ce jour, sont supprimées.
17 juillet. Douches, bains sulfureux, exercice; frictions
avec de l'alcool camphré.
21 juillet. L'état des membres inférieurs n'a pas changé;
de plus, il existe de la raideur dans les hanches et les
genoux ; la sensibilité réflexe est assez prononcée ; pas
d'eschares, pas de trépidation, pas d'amaigrissement.
L'appétit est médiocre ; les selles régulières. La parole
paraît devenir plus embarrassée.
18 août. La parole est redevenue aussi libre qu'autre-
fois ; C... ne peut toujours pas marcher seul, et reste les
jambes fléchies ; si on le soutient pour le faire avancer, il
frappe le sol à la façon des ataxiques.
19 octobre. Au 20 novembre 1879, l'enfant pesait 24 k.
500 gr., aujourd'hui son poids est de 33 k. 500 ; il ya donc
une augmentation de 9 k. en moins d'un an ; embonpoint
très prononcé, l'appétit est excellent. Le malade n'a pas
cessé d'être gâteux. Erythème des plis inguinaux et de la
partie inférieure de l'abdomen, petites papules sur la face
externe des cuisses et la partie inférieure du dos.
Membres inférieurs. L'enfant se tient sur les jambes
lorsqu'il est soutenu, et dans les tentatives qu'on lui fait
faire pour marcher, il traîne un peu les pieds, en les pro-
jetant toujours à la façon des ataxiques. Le chatouillement
ne détermine aucun mouvement réflexe ;- la sensibilité
à la piqûre est conservée, l'enfant fléchit un peu les
jambes ; pas de réaction au froid, si on lui projette de l'eau
froide, il fait une grimace, mais pas de mouvements ; des
PARALYSIE TOXIQUE. 139
deux côtés, exagération du phénomène du tendon ; un peu
de raideur des genoux. L'enfant prononce ou répète pres-
que tous les mots ; le matin, quand on lui donne sa soupe,
il dit qu'elle est très sucrée.
3 novembre. Sous l'influence des douches et de l'exer-
cice, l'enfant a fait des progrès sensibles, mais ne marche
pas encore seul. Traitement : Suppression des douches ;
bains salés ; sirop d'iodure de fer ; vin de gentiane.
Poids : 32 k. 700 grammes.
1882. 25 avril. L'enfant se tient un peu mieux sur les
jambes; peut marcher en se tenant aux lits, ou soutenu par
les épaules.
10 juin. Légère amélioration. Cont.... marche assez bien,
mais à la condition qu'on lui donne la main ; il a de la ten-
dance à se laisser tomber en arrière.
Etal actuel z ? juin 1882). - Tête régulière ; bosse fron-
tale droite un peu plus saillante que la gauche; arcades
sourcillières assez prononcées, égales; sillons sous-orbi-
taires assez profonds :
140 PARALYSIE TOXIQUE.
Système musculaire assez développé ; il n'est pas pos-
sible de faire saisir le dynamomètre à l'enfant.
Tissu graisseux abondant.
Sensibilité générale également conservée des deux côtés;
réflexe tendineux normal. Sensibilité spéciale (odorat,
goût) obtuse. Vue bonne ; ne paraît pas connaître les cou-
leurs.
Parole libre pour les quelques mots qu'il prononce :
« Oui, non, j'ai soif, j'ai faim, du pain, asseoir, des billes !
bonjour. Il - Sommeil bon. Il a deux tics : l'un con-
siste en un balancement antéro-postérieur de la tête et du
tronc ; au début du mouvement, la tête semble suivre sim-
plement le tronc, mais bientôt le balancement se compli-
que d'un mouvement de projection du menton en avant.
L'autre tic est tout à fait particulier à ce malade ; il place
l'index de la main droite en dedans de la joue qu'il gonfle,
puis il retire brusquement le doigt en produisant un bruit
analogue à celui qu'on entend lorsqu'on débouche une
bouteille. - C... est colérique. Il est resté assez affec-
tueux.
Tube digestif : Arcades dentaires régulières : dents bien
rangées; rien d'anormal dans la bouche. Cont..., mange
avec une cuiller, parfois avec les mains ; ne sait pas se
servir de fourchette ni de couteau; boit seul. Pas de sala-
cité. Selles normales, régulières. Il gâte des fèces et des
urines.
Décembre. - Les douches ont été continuées jusqu'au
mois de novembre, sans succès (Voir aux pages 57-58). -
Le poids qui était de 31 kilog. 300 au commencement de
décembre, était de 32 kilog. 805 à la fin du mois. (Voir les
poids et la taille, p. 58). - Les accès ont eu la marche
suivante :
PARALYSIE TOXIQUE. 141 1
La paraplégie paraît s'être développée progressive-
ment, et avoir atteint son maximum en une huitaine de
jours. Les inhalations de bromure d'éthyle ayant été
suspendues et le malade ayant été soumis aux douches
froides, à des frictions, etc., au bout de quelques semai-
nes il a pu recommencer à marcher, soutenu par les
deux bras et alors on a noté que, dans la marche, il
frappait le sol à la façon des ataxiques.
Dans le courant de 1882, avec un de nos élèves, M.
Roux, nous avons employé le bromure d'éthyle dans le
traitement de la manie épileptique (1). Sous l'influence
des inhalations prolongées du médicament nous avons
observé un second eas de paraplégie qui, rapproché du
précédent, permet d'être aujourd'hui plus affirmatif que
nous avions cru devoir l'être en 1880, au sujet de ces
accidents paralytiques.
Observation IL
Epilepsie idiopathique. - Excitation maniaque. - Père
alcoolique. - Cousine épileptique. - Cauchemars.
Premier accès à 8 ans. - Erysipèle de la face (1881).
- Bromure d'éthyle; Paraplégie (1882).
Schad... Philippe, 15 ans, est entré à Bicêtre le 16 mars
1874 (service de M. Bourneville).
Antécédents. (Renseignements fournis par sa mère,
10 novembre 1881.) - Père, 59 ans, terrassier, n'a jamais
été malade,sauf une fluxion de poitrine, depuis son mariage
(39 ans) ; violent, colérique ; à la suite d'excès de boisson
(vin, eau-de-vie surtout) qu'il fait souvent, il battait
sa femme, ce qu'il ne fait plus depuis que ses enfants sont
grands; chaque soir il boirait un demi-setier d'eau-de-vie.
- Ni dermatoses, ni traces de maladies vénériennes ;
fumeur. [Père et mère morts on ne sait de quoi ; une soeur,
morte de la poitrine, avait eu 12 ou 13 enfants dont une
fille qui. après avoir été mordue par un chien, tombait du
haut mal.]
(1) Roux (G.-L.). - Traitement de l'épilepsie et de la manie
par le bromure d'éthyle. Thèse de Paris, 1882.
142 [cauchemars ; epilepsie.
Mère, 46 ans, blanchisseuse, présente un enchondrome
de la région parotidienne droite ; paraît intelligente ; peut-
être un peu faible, mais elle a été malheureuse ; ni attaques
de nerfs, ni convulsions, etc.; n'a jamais été malade. [Père,
mineur, mort à la Pitié il y a plus de 30 ans ; mère, morte
« d'être usée ; » a eu un frère enlevé par le choléra, en 1865.
- Elle ne connaît, dans sa famille, ni aliénés, ni para-
lytiques, ni épileptiques, ni idiots, etc.] Pas de consangui-
nité.
Dix enfants : une fille de 28 ans, qui a eu 5 enfants
dont 4 sont morts en venant au monde ; « c'était clans la
tête »; une autre fille est morte de convulsions, à 6 se-
maines ; les autres sont sains.
Notre malade. Au moment de la conception, la mère ne
croit pas que son mari fut ivre ; grossesse bonne, pas plus
de chagrins à supporter que dans les autres grossesses ;
pas de traumatisme. - Accouchement, à terme, naturel,
sans chloroforme. A la naissance, l'enfant « était un peu
violet, parce qu'il était resté longtemps au passage ; »
pas de cordon autour du cou.
Elevé au sein par sa mère, l'enfant fut sevré de bonne
heure, « parce que, dit-elle, chaque fois je devenais en-
ceinte. » Il a marché vers 14 mois, parlé vers 18 mois, a
été propre à 2 ans. Jamais de convulsions. A 4 ans, oph-
talmie qui dura 2 mois ; ni dartres, ni otite, ni engelures.
- Envoyé à l'école, il apprenait bien; à 5 ans, rougeole
sans détermination pulmonaire grave ; à 7 ans, scarlatine ;
pas d'autre maladie.
A 8 ans, il fut pris de peurs durant le sommeil ; il appe-
lait sa mère : « Prends-moi, j'ai peur; » il se rassurait dès
que la chambre était éclairée. Ces cauchemars existaient
depuis 3 semaines, quand, une nuit, son père étant rentré
ivre, furieux, l'enfant, réveillé en sursaut, se leva et s'en-
fuit, en chemise, se cacher dans la rue où on le retrouva
tout tremblant; il aurait continué à trembler pendant
2 heures ; on eut beaucoup de peine à le rassurer. Un mois
après cette scène, tout à coup, un soir, il fut pris d'un pre-
mier accès ; un deuxième survint quinze jours plus tard ;
auparavant, on n'avait pas noté d'étourdissements. De 8 à
9 ans, les accès revenaient toutes les 2 ou 3 semaines; de
9 à 10 ans, ils se renouvelèrent plus fréquemment (jusqu'à
14 en 24 heures). On ne voulut plus de lui à l'école ; l'intel-
ligence avait baissé; toutefois il savait lire; s'habillait seul
et mangeait proprement; le caractère était devenu iras-
cible ; il battait ses frères et soeurs.
EPILEPSIE ; DÉMENCE INFANTILE. 143
Jamais d'aura, sauf une fois où il vint à sa mère, disant :
« maman, prends-moi, je vais tomber. » Ses accès sont
plutôt nocturnes que diurnes. Sans pousser de cri, le ma-
lade tombe en avant : « il avait toujours la tête fendue; »
aussitôt, rigidité générale, puis secousses que l'on croit
égales des deux côtés ; enfin ronflement. Parfois il écume,
mais cette écume est rarement sanguinolente : il s'est
mordu la langue une ou deux fois. A la suite de son accès
il s'endort ; pas de folie pra ? ou post épileptique ; pas de
vertiges.
Jusqu'à son entrée à Bicêtre, il n'a pas suivi de traite-
ment, parce qu'on disait qu'il n'y avait rien à faire. On
avait remarqué que si, pendant ses accès, on lui faisait
des frictions, cette manoeuvre augmentait la durée de
la crise. La maladie a été attribuée à la peur. Depuis le
début, la déchéance intellectuelle a fait, chaque année, des
progrès.
Etat actuel. - La tête est volumineuse; la bosse pariétale
gauche est plus développée que la droite qui est. du reste,
assez saillante ; - la partie supérieure droite du frontal
est saillante, la gauche déprimée ; la bosse frontale droite
paraît plus saillante que la gauche, ce qui peut tenir aux
nombreuses cicatrices consécutives aux chutes sur le front.
Le front est assez bombé, assez haut, mais très déprimé
latéralement. Les oreilles sont bien conformées, un peu
écartées; - pas de strabisme, blépharite ciliaire très accu-
sée ; nez un peu épaté, sa pointe est légèrement déviée
adroite ; bouche moyenne, lèvres très fortes, surtout la
supérieure qui présente plusieurs cicatrices cutanées et
muqueuses; arcades dentaires supérieure et inférieure,
régulières de chaque côté ; incisives inférieures un peu dé-
jetées en avant, ce qui, avec la saillie de la lèvre inférieure
produit un peu de prognatisme. - Voûte palatine symé-
trique.
1'44 ÉRYSIPÈLE DE LA FACE.
- Pas d'éruptions ; - pieds et mains un peu cyanoses.
Tronc et membres bien conformés.
Fonctions digestives : appétit bon, voracité qui le con-
duit à voler ses camarades ; - ne vomit pas ; - pas de sa-
lacité ; garde-robes régulières, volontaires, pas de diar-
rhée.
Respiration : ne tousse pas, rien dans les poumons. -
Circulation : rien au coeur.
Appareil gézito-urinaire : bien conformé ; - pas de
poils ; - masturbation.
Sensibilité générale et spéciale intactes. - Parole libre.
Sch... est grossier et méchant..
1879. 4 octobre. Il prend, depuis longtemps, du bromure
de potassium (4 gr.). - Agitation très vive et continuelle.
1880. - 14 octobre. Suppression du bromure de potas-
sium. Douches.
1881. 9 mars. Depuis hier, apparition d'un érysipèle de
la face ; la plaque rouge a débuté par le lobule du nez pour
remonter vers la racine.Pas de vomissements ni d'épistaxis.
Soir : T. R. 40°, 2. - 3 accès.
10 mars. T. R. 40°,2. - Soir : 39° ; 3 accès.
11 mars. Ce matin l'érysipèle occupe tout le nez, enva-
hissant les deux joues à égale distance de la ligne médiane
de chaque côté. Les paupières inférieures sont tuméfiées ;
- la peau rouge, lisse, chaude, tendue ; taches blanches à
la pression ; phlyctènes remplies de sérosité citrinc sur la
moitié gauche de la plaque érysipélatcuse. - Pas de plaies
ni d'ulcérations. Les narines sont à demi fermées par le
gonflement. Largeur de la plaque en passant par-dessus le
nez : 12 cent. - Hauteur au niveau du nez : 4 cent.
Le malade tremble, a des soubresauts des tendons, se
montre très agité : il veut se lever. Langue saburrale, rou-
ge sur les bords et à la pointe. Pas de vomissements ni de
diarrhée. Respiration un peu rude à droite avec quelques
râles sous-crépitants fins ; rien à gauche. Rien au coeur.
T. R. 39°. - Soir : T. R. 41 ; P. 120. - 3 accès.
Bourrache ; ipéca ; eau de sureau.
12 mars. T. R. 39°,2. - Soir : 39°,G. - 2 accès.
13 mars. - L'enfant est moins turbulent que les jours
derniers, néanmoins on est obligé de le maintenir au lit à.
l'aide de la camisole.-La plaque érysipélateuse est moins
vive ; elle a respecté la joue droite ; sur le nez elle est en
voie de desquamation; elle occupe toute la joue gauche, et,
EXCITATION MANIAQUE. 145
depuis hier, a envahi le pavillon de l'oreille du même
côté ; en ce dernier point elle est très rouge. La lèvre supé-
rieure est encore tuméfiée ; les paupières inférieures, sur-
tout la gauche, restent boursoufflées, - L'enfant ne souf-
fre pas ; - la soif est vive; l'appétit assez bon, mais on
le maintient à la diète lactée et au bouillon ; -limonade
vineuse. - T. R. 39°. - Soir : T. R. 38°,8 ; P. 116. -- Pas
d'accès.
14 mars. T. R. 38°.4. - Soir : 38°. 1 accès.
15 mars. T. R. 37°,8. - Soir : 37°,8. - Pas d'accès.
16 mars. La plaque d'érysipèle se desquame ; au niveau
du pavillon de l'oreille gauche il existe de petites bulles
purulentes du volume d'une lentille. - L'enfant entre en
convalescence, il se lève. - Sirop d'iodure de fer ; huile
de foie de morue.
19 mars. Deux accès.
4 juin. Sch... est très agité, veut se sauver. Injection de
morphine ; il se calme et s'endort.
5 juin. Agitation continuelle. Sch... a mal à la gorge à
force d'avoir crié.
9 juillet. Un jour d'agitation sur deux.
1" août. Le malade est plus calme.
12 août. L'excitation maniaque qui avait disparu, repa-
raît depuis quelques jours, mais moins intense.
17 septembre. Depuis 8 jours, l'agitation est plus mar-
quée. Tremblement des membres supérieurs.
18 septembre. Hier, le malade a pris 6 gr. de chloral
en 3 fois ; aujourd'hui il est calme et somnolent.
27 septembre. Sch... est plus calme, 3 accès; il n'en
avait pas eu depuis le commencement du mois.
28 septembre. 10 accès.
146 BROMURE D'ÉTHYLE.
1882. 11 janvier. L'enfant est dans une sorte de coma
analogue à celui qui accompagne l'état de mal ; la peau
est brûlante, le pouls ample, fébrile, rapide ; la bouche fu-
ligineuse ; la respiration notablement accélérée. Bain de 1
heure, 2 sangsues derrière chaque oreille, 4 gr. de bro-
mure de potassium.
13 janvier. L'agitation recommence. Bain d'une heure
tous les jours, injection d'un centigr. de morphine.
9 février. Inhalations de bromure d'éthyle.
28 février. Cessation du bromure d'éthyle, nous résu-
mons les phénomènes observés pendant les inhalations :
1° Au moment où nous avons commencé le traitement,
ce malade était très agité. Cette agitation a considérable-
ment diminué du 10 au 15 du mois ; depuis elle a reparu
avec une nouvelle intensité et a persisté.
2° Nous avons obtenu, par les inhalations, anesthésie
d'abord puis résolution musculaire ; la période d'excitation
n'a jamais été bien accusée ; réveil toujours prompt (1 à 2
minutes après avoir retiré la compresse). Comme phéno-
mènes locaux, nous avons toujours noté : une rougeur de la
face, des oreilles, du cou et de la partie supérieure de la
poitrine au début de l'inhalation ; l'accélération du pouls et
de la respiration : la respiration n'a jamais été en danger;
le pouls a toujours été bon. Quant à la température prise
immédiatement après le réveil, elle n'a pas paru varier
sensiblement.
1er mars. L'agitation revêt deux formes : tantôt bavar-
dages, chants, cris; tantôt actes violents. injures grossières;
alors Se... cherche à se sauver, parfois il s'échappe, en che-
mise, dans les cours.
10 mars. Depuis huit jours, l'excitation maniaque qui
avait notablement diminué, a reparu. On recommence les
inhalations de bromure d'éthyle.
le, avril. Suppression du bromure d'éthyle. On s'est
aperçu, les jours derniers, que le malade marchait diffici-
lement et que, pour aller aux cabinets, il était obligé de se
tenir aux lits ; il serait même tombé. D'habitude la mar-
che est très libre.
Sch... se plaint d'engourdissement dans les jambes et
les pieds. Si, le faisant lever, on l'abandonne dans la station
verticale, il s'affaisse ; cependant il reste debout si on le
soutient par les épaules. Pour avancer, il projette les mem-
bres inférieurs à la façon des ataxiques.
D'après la surveillante de la salle, on aurait déjà re-
marqué, à la suite d'accès répétés ( ? ), un affaiblissement
PARAPLÉGIE TOXIQUE. 147
assez analogue, durant deux ou trois jours. Or, aujour-
d'hui, on ne peut pas invoquer l'action des accès car de-
puis quelques semaines ils ont été très rares. Suppression
du bromure d'éthyle; hydrothérapie.
8 avril. Schad... parvient à monter dans son lit. La sen-
sibilité au chatouillement, au pincement, au choc, à la
température, est normale. Phénomène du tendon normal ;
pas d'exagération des réflexes.
18 avril. Amélioration notable ; le malade va seul aux
cabinets en se tenant aux lits ; hier il se serait même sauvé
au fond de la salle. Pas de phénomènes fibrillaires ; de
temps en temps, un certain degré de tremblement des
membres supérieurs.
Depuis le début des accidents, Sch... est devenu gâteux.
Auparavant il gâtait seulement pour les urines.
20 avril. Sch... a encore tenté de se sauver, et s'est levé
plusieurs fois. Le retour de la force musculaire, dans les
membres inférieurs, est très sensible. .
25 mai. Les douches sont continuées ; l'état général du
malade est excellent; l'agitation a notablement diminué.
Si nous examinons l'état des membres inférieurs, nous
constatons : l'intégrité de la sensibilité et de la force mus-
culaire, l'intégrité des réflexes ; l'enfant marche seul sans
soutien ; parfois il trébuche, mais ne s'affaisse pas.
10 juin. L'enfant continue à prendredes douches. L'agi-
tation persiste, plus ou moins accusée. Sch... se tient bien
sur les jambes ; il peut faire, plusieurs fois, sans être sou-
tenu et sans tomber, le tour de la salle. Etat général excel-
lent. Plus de tremblement des membres supérieurs. Sc...
gâte moins.
Décembre. - Les douches ont été continuées jusqu'au
mois de novembre (Voir p. 62-63). Actuellement. Sch...est
dans l'état où il se trouvait avant la paraplégie. (Voir aussi
p. 63 lo poids et la taille). Depuis son admission les accès
ont eu la marche ci-après :
148 PARAPLÉGIE TOXIgUE.
celle des ataxiques. La paralysie a diminué peu à peu
et, àla fin de l'année, Sch... était revenu à sa condition
antérieure.
En rapportant ces deux faits, nous avons voulu four-
nir de nouveaux éléments à ceux qui voudraient entre-
prendre une monographie des paralysies toxiques et
non pas accomplir nous-même cette tâche. D'après
ce que nous avons observé, le bromure d'éthyle vien-
drait se joindre aux substances dont l'usage continué
assez longtemps occasionnerait des paraplégies telles
que l'alcool, l'oxyde de carbone, l'arsenic, le camphre,
etc., etc. (1).
(1) Voir Jaccoud. - Les paraplégies et l'ataxie du mouvement ;
Paris, 1834. Lancereaux. - Paralysies toxiques et syphilis céré-
brale, 1882.
VIII.
Note sur .les exostoses multiples ; par P. BRIC ON et DAOGR.
Nous croyons utile d'ajouter quelques développements
aux considérations et réflexions qui accompagnent le cas
d'exostoses multiples que nous avons publié dans ce
Compte rendu à la page p. 110. Faisons d'abord remarquer
que les observations de cette nature ne sont pas rares
dans les auteurs modernes (A. Cooper, Lobstein (1), Roger,
Dupuytren, Hutchinson, liibell (2), Volkmann (3), O. We-
ber (4), Marie (5), Sonnenschein (6),E. Boeckel (7),Desgrange,
Recklinghausen, Cohnheim,Billroth et h,indfleisch (8),etc.),
toutefois il est à noter que plusieurs de ces auteurs n'avaient
pas saisi le rapport qui existe entre ces exostoses et le dé-
veloppement du squelette.
L'hérédité joue dans beaucoup d'observations un rôle
assez important (cas de Boyer, Paget (9), Stanley (10), Cru-
veilhier, Adams, Gibney (11),etc.) ; chez Giv., nous n'avons
pu retrouver aucun antécédent héréditaire. Par contre
nous avons constaté nettement des signes de rachitisme,
et en cela son observation vient à l'appui de celle de
(1) Lobstein. -Anat. path. Strasbourg, 1833.
(2) Ribell. - Dise. sur les exostoses. Thèse Paris, 1823.
(3) Volkmann. - Knôcherne GeschwÜlste der Knochen in Pitha
et Billroth, Bd. Il, 1865.
(4) O. Weber. - Virchow's Archiv. Bd. 35, 1866.
(5) Marie. - Inaug. Dissert. Berlin, 1868.
(6) Sonnenschein. - Inaug. Dissert. Berlin, 1872.
(7) E. Bceckel. Exostoses multiples chez un enfant. (Gaz.
méd. de Strasbourg, 1868, n* 15).
(8) Billroth et Rindfleisch. - Schweizer Zeitschrift f. Heil-
zende, 1865. t. III, p. 310.
(9) Paget. - Lectures on surgical pathology ; multiple osseous
growths, 1853.
(10) Stanley. - On diseases ofthe Bones, 1849.
(1 t) Gibney. - American Journal of med. Sciences, juillet 1876,
p. 173.
150 EXOSTOSES MULTIPLES ET SYMÉTRIQUES.
MM. Vix (1) et Volkmann, qui ont rapporté des faits où ces
exostoses paraissaient liées au rachitisme.
M. Virchow,qui avait bien vu le rapport entre ces exos-
toses et le cartilage d'ossification, dit qu' « on est alors sin-
gulièrement porté à supposerqu'à une époque relativement
peu avancée de la vie, par suite d'une irritation qui atteint
la surface, il se produit une végétation latérale insolite,
partant de ce cartilage intermédiaire (2). »
M. Henking (3) a publié et représenté un cas d'exostoses
multiples qui, sous presque tous les rapports, est identique
au nôtre. Le malade succomba aux suites de l'extirpation
d'une de ces exostoses siégeant sur le bassin et dont le
volume était de la grosseur d'ure tète. Recklinghausen (4),
pense que l'on peut attribuer ce trouble de développement
à un processus inflammatoire spécial et chronique; cet
anatomo-pathologiste se base, pour émettre cette opinion,
sur quelques cas isolés entre autres celui d'Eberth (5), mais
qui ne sauraient s'appliquer à la généralité des observa-
tions. Notre cas, toutefois, ne peut être considéré comme
absolument contraire à la théorie de Recklinghausen.
Cohnheim (6), Henking, qui rejettent l'hypothèse de Rec-
klinghausen, font encore observer que ces exostoses se
remarquent chez des individus qui ont toujours été bien
portants, qu'une telle inflammation localisée ne peut expli-
quer la dimension de certaines de ces productions et qu'enfin
on devrait constater dans les environs un épaississement
du tissu conjonctif. Ils admettent au contraire quo la causé
(1) Vix. - Beitragc zur Kenntniss de)' angeboren multiplex
Exostosen. Dissert., Geissen, 1856.
(2) Virchow. - Pathologie des tumeurs; t. II, p. 13, 1869. édit.
française de M. Aronssohn, revue par l'auteur, traduite sur l'édition
de 1863.
(3) Henldng. - Ein neuer Fall von multiple¡' Exostosis carti-
laginea, in Via·chow's Archiu. Bd. LXXVII, p. 3G4 et suiv., avec
planche.
(4) Recklinghausen. - Vi1'chow's Archiv. Bd. 35, 18G6. - Cet
auteur avait noté le développement des exostoses vers la diaphyse;
ce développement se fait tout aussi bien et même plus fréquemment
vers les épiphyses; leur siège du reste dépend surtout do leur
point d'implantation sur le cartilage de conjugaison. La plupart
des auteurs allemands avaient observé que le point de départ décès
exostoses était le cartilage de conjugaison.
(5) Eberth. - Uber multiple linocltengeschwülste. (Deutsche
Klinik, 1862, n° 9).
(6) Cohnheim. - Virchow's Archiv. Bd. 35, 1806, et 'Allg. Pa t.h *1
p. 635. '
EXOSTOSES MULTIPLES ET SYMÉTRIQUES. 151
de ces exostoses tient à la surabondance embryonnaire du
germe qui doit plus tard contribuer à la formation du tissu
osseux ; cette opinion s'accorde avec le bon état de santé
des sujets, avec la structure, l'époque du développement,
les dimensions, etc., des exostoses et enfin explique pour-
quoi l'hérédité joue un rôle important dans beaucoup de
cas.
Nous croyons, pour notre part, devoir attribuer la forma-
tion des exostoses multiples ostéogéniques à un dévelop-
pement exagéré du cartilage d'ossification, peut-être dû à
un trouble de nutrition, mais dont la cause réelle nous est
jusqu'ici inconnue. - Dans notre observation nous avons
pu constater chez les ascendants, l'alcoolisme, l'épilepsie,
des troubles nerveux divers; chez la mère une variole con-
fluente qui a provoqué l'accouchement à 7 mois 1/2; nous
constatons de plus chez Give... des convulsions dans l'en-
fance, le rachitisme, etc., enfin l'épilepsie. Les maladies
des ascendants ou celles de Giv... ont elles pu contribuer
en quelque chose au développement des exostoses ostéogé-
niques ? Nous ne saurions l'affirmer.
Nous renvoyons pour la bibliographie aux articles et
monographies que nous avons déjà cites, ainsi qu'aux trai-
tés généraux etspéciaux de chirurgie, etc., et enfin à l'excel-
lente bibliographie (exostoses et hyperostoses) dressée par
M. Hahn, à la suite de l'article Os de M. Heydenreich dans
le Dictionnaire encyclopédique de Dechambre.
TRAVAUX PUBLIÉS EN 1881-1882.
Thèses.
COULItAULT (G.). - Des lésions de la corne d'Atnmon dans l'épi-
lepsie. Thèse de Paris, 1881. - Cetie thèse a été composée principa-
lement avec les observations recueillies par nous a la Salpêtrière
(service de MM.Charcot et Uclasiauve) et à Bicêtre.
Rmc-S.atr.t,ann (G.). - De la cachexie pachydernzique (myxce-
dème des auteurs anglais). Thèse de Paris, 1881. Ce travail, q'ii a été
fait surtout avec des documents fournis par M. Charcot et par nous,
contient entre autres planches, celles qui représentent le Pacha
(Voir l'observation de ce malade dans le Compte rendu de 1880,
page 16).
Bricon (P.). Du traitement de l'épilepsie (Hydrothérapie; - Ar-
senicaux ; Magnétisme animal ; - Sels de pilocarpine). Thèse de
Paris, 1882.
Roux (G.-L.). - Traitement de l'épilepsie et de la manie par le
bromure d'éthyle. Thèse de Paris, 1882.
WVILLAMIEU (Th.). - De l'épilepsie dans l'hémiplégie spasmo-
dique infantile. Thèse de Paris, 1882.
TABLE DES MATIERES.
PREMIERE PARTIE