(1882) Recherches cliniques et thérapeutiques sur l'épilepsie, l'hystérie et l'idiotie : Compte-rendu du service des épileptiques et des enfants idiots et arriérés de Bicêtre pendant l'année 1881
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(1882) Recherches cliniques et thérapeutiques sur l'épilepsie, l'hystérie et l'idiotie : Compte-rendu du service des épileptiques et des enfants idiots et arriérés de Bicêtre pendant l'année 1881

RECHERCHES

SUR n

L'ÉPILEPSIE, L'HYSTERIE

ET

L'IDIOTIE

PARIS. - 1MPF11MKIUE V. (.OUI'Y ET JUUW.\N, lI( : Ii 11E HENNES, 71,

PUBLICATIONS DU PROGRÈS MÉDICAL

RECHERCHES

CLINIQUES ET THÉRAPEUTIQUES

SUR

L'ÉPILEPSIE, L'HYSTÉRIE

ET

L'IDIOTIE

COMPTE R1 : \DIi DU SERVICE DES ÉPILEPTIQUES

ET DES ENFANTS IDIOTS ET ARRIÉRÉS DE BICÉTRE

PENDANT L'ANNEE 1881

Il.\ I l

BOURNEVILLE

DE Il

BONNAIRE (E.i & WUILLAMIÉ

INTERNES DU SERVICE.

PARIS

AUX BUREAUX DU

PROGRÈS MÉDICAL

6, rue des Écoles, 6.

A. DELAHAYE & E. LECROSNIER

ÉDITEURS

Place de t'Kcotf de .Médecine,

1 titsz

PREMIERE PARTIE

Historique. Statistique.

Histoire du service pendant l'année 1881.

1.

SITUATION DU SERVICE* - AMÉLIORATIONS DIVERSES.

Dans notre Compte rendu de Vannée 1880, nous

avons tracé la description du service des épileptiques

adultes et des enfants idiots, arriérés, infirmes et eut-

lel.ticlis, et nous avons énuméré les améliorations réa-

lisées dans le cours de cette année.

Tout en poursuivant l'étude d'un projet de construc-

tion d'une section consacrée spécialement aux enfants

nous avons demandé et obtenu de nouvelles améliora-

tions, soit dans l'aménagement des salles, soit dans l'or-

ganisation générale du service. Nous allons les indiquer

sommairement.

Infirmerie des enfants. Nous avons dit qu'elle

occupait la plus grande partie du premier étage du bâ-

timent dit de la Force; - qu'elle était divisée par une

simple cloison vitrée en deux salles inégales; -que

ces salles recevaient non seulement les enfants de tout

âge, atteints de maladies aiguës, intercurrentes, mais

encore les enfants gâteux, infirmes et valides ; - nous

avons exposé qu'en créant la Petite école, destinée aux

enfants idiots gâteux et valides, nous étions parvenu à

rendre libre, durant le jour, l'une de ces salles ; mais

que, pendant la nuit, l'encombrement et le mélange de ces

IV HISTOIRE DU SERVICE

diverses catégories d'enfants étaient toujours les mêmes.

L'autre salle sert toujours d'infirmerie, recevant et les

maladies ordinaires et les maladies contagieuses, de

salle de réunion et de réfectoire pour les idiots gâteux et

invalides. Si les administrateurs cherchaient à se rendre

compte directement de la situation des hôpitaux, une

visite faite le matin, à l'heure du lever, dans cette salle,

les aurait amenés depuis longtemps à opérer la réforme

radicale que nous avons réclamée, et ils s'empresseraient

d'en hâter la réalisation. N'est-ce pas sur eux que re-

tombe la responsabilité de la propagation des maladies

contagieuses qui se développent dans le service ? Et il

ne s'agit pas là d'une assertion vaine, la relation de

Y épidémie de rougeole, qu'on trouvera plus loin, en

montrera la trop réelle exactitude (1).

Dans le but d'atténuer encore les graves conséquen-

ces de l'encombrement, nous avons demandé que le

plafond à poutres apparentes, dont les intervalles

étaient des réceptables permanents de poussières de

toutes sortes, fut transformé en plafond plein (2). Cette

opération a été exécutée. De plus, nous avons fait ache-

ter des tuyaux de caoutchouc, semblables à ceux qui

servent à l'arrosage des rues et des jardins, ce qui nous

a permis d'exiger un lessivage hebdomaclaire complet

de ces deux salles. Les fumigations aromatiques et les

aspersions de solutions phéniquées, faites chaque jour,

l'ouverture des fenêtres, autant que le permettent et la

'' (1) Le même travail a été effectué dans les salles du second étage

(infirmerie des adultes et dortoir des adultes gâteux).

(2) Elle sera encore mise en relief par l'histoire de l'épidémie de

diphthérie qui a commencé à la fin de décembre 1881 et s'est déve-

loppée en 1832. Pour faire face au surcroit de travail, dû à l'épi-

démie de rougeole, nous avons demandé une infirmière supplémen-

taire ; ce n'est que le sixième jour, après plusieurs réclamaiions,

que nous avons enfin reçu satisfaction. Bicêtre étant relié au chef-

lieu de l'Assistance par un fil télégraphique, nous espérions avoir

une réponse le jour même. On voit que le télégraphe n'a pas sup-

primé les lenteurs administratives. Ce fait, disons-le en passant,

montre combien sont limitées les prérogatives des directeurs des

établissements hospitaliers qui, en cas d'urgence, n'ont pas la fa-

culté de prendre une infirmière de plus. - L'Administration nous a

en outre accordé une infirmière (août).

PENDANT L'ANNÉE 1881. v

saison et le changement du linge des enfants, ont dimi-

nué, mais non fait disparaître l'infection et l'insalubrité

de cette « infirmerie ».

Lavabos. -- En 1880, il avait été procédé à l'organi-

sation d'un service de propreté pour le traitement du

gâtisme ; c'était un annexe de la petite école. Nous

avons obtenu non seulement la substitution de lavabos

à cuvettes distinctes, à l'auge dont nous avons parlé l'an

dernier (1), mais encore l'installation de lavabos dans

toutes les salles du service. Grâce à cette amélioration,

nous avons vu diminuer le nombre des ophthalmies (2).

Ecole. - L'instituteur que nous avions trouvé à

notre arrivée dans le service et dont nous n'avions pu

réveiller le zèle ni faire entrer dans nos vues, a été mis

iL la retraite et remplacé par M. Boutillier (7octobre). Les

tables de l'école, semblables aux tables des réfectoires,

ont été changées pour des tables scolaires (3). Nous

avons fait acheter la collection des tableaux de Dayrolle,

afin de mettre l'instituteur en. mesure de procéder con-

venablement à l'enseignement par les leçons de choses.

Petite école.-Le matériel a été amélioré et constitué

de manière à faire surtout l'éducation de la main et des

yeux. Le personnel a été augmenté d'une infirmière.

Mlle H. Agnus a été élevée au grade de sous-surveillante

et Mlle J. Agnus au grade de suppléante (4). Nous

n'avons eu qu'à nous louer de leur dévouement, de leur

zèle à contribuer au relèvement de malheureux enfants

dégradés et gâteux.

(1) Bourneville et d'Ollier. - Recherches cliniques et tlvérapa-

peuliques sur l'épilepsie, V hystérie et l'idiotie; compte-rendu du

service pour 1880, p. XXV.

(2) Avant les travaux, c'est-à-dire vers la fin de janvier 1881, trente

enfants ont eu des opthalmies diverses.

(3) Ces tables sont faites pour deux enfants seulement et le banc

est un peu plus écarté de la table que dans les tables scolaires or-

dinaires, afin de permettre d'enlever plus aisément les enfants un

accès.

('i) Conformément à un vote du Conseil municipal.

VI HISTOIRE DU SERVICE

Le 1er janvier la petite école comptait 16 enfants ; le

31 décembre, il y en avait 62. A la fin de l'année, 52

prenaient part aux exercices de la gymnastique Pichery

et 10 d'entre eux allaient, de plus, à la grande gymnas-

tique ; 32 se servaient de la cuiller ; 20 de la cuiller et

de la fourchette ; 16 de la cuiller, de la fourchette et du

couteau ; 46 étaient en pantalon ; 16 en robes de gâteux.

De tels résultats se passent de commentaires.

Revaccination. -- 48 malades ont été vaccinés ou re-

vaccinés au mois d'avril.

Bains, hydrothérapie. Il a été donné, en 1881,

5318 bains simples ou salés, 192 bains sulfureux, 17438

douches.

Service clentaire. Ce service, confié à M. le D''

Duret, a fonctionné régulièrement durant toute l'année.

Enseignement professionnel. - Il a été aussi dé-

fectueux que par le passé. Les enfants sont envoyés ou

dans un petit atelier de menuiserie, et confiés à des vieil-

lards qui n'ont ni la patience ni l'autorité nécessaires

pour instruire ces enfants, ou dans les ateliers de la

maison, mêlés aux vieillards, aux aliénés, etc., et dont

les chefs d'atelier ne peuvent s'en occuper sérieusement.

Ils n'apprennent que peu de choses, au point de vue

professionnel et, la surveillance laissant à désirer, ils en

profitent pour contracter de mauvaises habitudes. Ajou-

tons que, plusieurs fois, les matières premières ont man-

qué et que le travail a dû être suspendu. 24 seulement

suivent cet enseignement ; ils se répartissent ainsi :

6 menuisiers, 5 serruriers, 3 tonneliers, 6 cordonniers,

3 tailleurs et un rempailleur de chaises.

Promenades, distractions, congés, visites. - Les

promenades ont été multipliées et pour les enfants et

pour les épileptiques adultes débiles. Outre les prome-

nades soit dans les cours ou les jardins de l'hospice,

ou aux environs, il y a eu de grandes promenades à la

place de la Nation, au bois de Vincennes, dans les bois

de Robinson, au Jardin d'acclimatation (1), au parc de

(1) Nous devons, it ce sujet, remercier MM. Geoffroy Saint-Hi-

laire, directeur du Jardin d'acclimatation et M. le U' Yves Ménard,

sous directeur, de la gracieuseté avec laquelle ils ont mis des cartes

à notre disposition pour les enfants de Bicêtre et de la Salpêtrière.

PENDANT L'ANNÉE 1881. VII

Montsouris, etc. Aucune de ces promenades n'a été

troublée par des accidents.

Des visites ont été faites dans diverses usines des en-

virons. 23 enfants ont assisté à la distribution des prix

de l'Ecole communale du Kremlin. Notons encore une

séance de prestidigitation, des soirées de lanterne ma-

gique, la matinée dramatique organisée avec tant d'in-

telligence et de coeur par les frères Lionnet, etc.

Les adultes ont reçu 2979 visites ; les enfants 3527 ;

le nombre des visiteurs a été de 9242. Il y a eu 475 per-

missions de sortie de 24 ou 48 heures pour les adultes

et 540 pour les enfants. Dix malades ont eu des congés

variant de 8 jours à un mois (1).

Améliorations diverses. Pcinturedu servicode pro-

preté, nécessitée par le noircissement des murs dû ·à la

vidange d'une fosse voisine ; achat d'un matelas en

caoutchouc, à air ; modification des chemises et des

camisoles ; - création d'une place de barbier ; rem-

placement de l'infirmier veilleur de l'infirmerie des

enfants par deux infirmières veilleuses ; ;- réorganisa-

tion do l'orphéon des adultes (2), etc.

Enfin, au lieu de laisser abandonnés plus ou moins à

eux-mêmes les enfants qui, à 18 ans, passent aux adul-

tes, nous avons obtenu qu'ils continuassent à fréquen-

ter l'école le matin et à les faire travailler aux jardins

ou à la buanderie, ou dans les ateliers, durant l'après-

midi.

Photographies, moulages. -Nous avons continué à

faire photographier tous les malades entrants et ceux

des anciens qui, dans le cours de l'année, ont subi des

modifications intéressantes soit en bien, soit en mal. De

plus, nous faisons prendre le moulage de la tête de tous

nos malades décédés. Enfin nous consevons, autant

que possible, notamment en cas de non-réclamation,

(1) Les congés sont de 8 jours et renouvelables.

ri) Arrêté de M. le Directeur de l'Assistance publique en date

du 4 novembre 1881.

Tri[ HISTOIRE DU SERVICE

soit la calotte crânienne, soit même toute la tête. Ces

différentes collections viennent compléter nos observa-

tions cliniques. En communiquant une observation, que

l'on trouvera plus loin (p. 27), à la Société anatomique,

l'un de mes internes, M. Wuillamié et moi, avons mon-

tré non seulement le cerveau et la calotte crânienne,

il s'agissait d'un cas de microcéphalie , mais encore

les photographies prises antérieurement à la mort et le

buste en plâtre du malade, pris après le décès : l'en-

semble de ces documents a paru attirer assez vivement

l'attention de la Société.

Nous avions pensé que nous pourrions recourir à

l'atelier de la Salpêtrière pour les photographies et les

moulages, et établir une sorte de connexité intime entre

les deux établissements qui se complètent, et nous

croyions que le musée de la Salpêtrière pourrait être

commun. Malheureusement, l'expérience n'a pas con-

firmé nos prévisions et nous avons dû chercher dans le

personnel de Bicêtrc des hommes de bonne volonté.

Nous les avons rencontrés dans le chef de l'atelier de

tonnellerie, M. Hubert, qui s'est chargé de la photo-

graphie et dans l'un des sous-surveillants, M. Hure),

qui s'est chargé du moulage.

Syphilis; pédérastie. En reprenant notre service au

commencement du mois d'octobre, nous avons appris

que quelques jours auparavant (27 septembre), l'un des

infirmiers du service, qu'il avait quitté depuis 9 jours

pour entrer à la Pitié, venait d'être arrêté parce qu'il

s'était rendu coupable d'attentats aux moeurs sur plu-

sieurs de nos jeunes malades. Nous constations le même

jour que l'une de ses victimes, Legr... Etienne, était

atteint de syphilis. Nous avons alors interrogé tous les

enfants, et voici brièvement le résumé de notre enquête :

- 1^ Perr., Henry, 15 ans; Epilepsie idiopathique. Tentatives

de rapports le 12 juillet; il n'y aurait pas eu pénétration;

l'éjaculation aurait eu lieu sur les cuisses. Pendant l'acte, mas-

turbation. Aucun accident. D... connaissait les parents de cet

enfant, qui est intelligent et aurait pu, s'il l'avait voulu, donner

des renseignements.

z Legr. Etienne, 16 ans 1/2 : Epilepsie idiopathique, avoue

PENDANT L'ANNÉE 1881. IX

avoir eu, au dortoir, deux fois des rapports avec l'infirmier Dom.

la dernière huitaine du mois d'août : syphilis; l'intelligence est

conservée.

3° Gauth., I-I. Georges, 15 ans : Epilepsie ,jaacksonniewze :

onanisme. Il raconte que l'infirmier Dom. l'a fait monter un

jeudi (8 septembre) au dortoir et s'est livré sur lui à des actes

de pédérastie qui se seraient renouvelés trois jeudis de suite.

Durant l'acte, D. le masturbait juqu'à éjaculation. Syphilis (1).

4° Court. Ch. Frédéric, 1h ans : Imbécillité; instabilité

mentale; onanisme. Rapports avec l'infirmier D. le 2" sep-

tembre, dans le lit de l'infirmier. Syphilis.

5° Blo., J. Louis : Epilepsie idiopathique; onanisme. Le

30 septembre, la veille de son départ Dom... a essayé d'avoir

des rapports avec lui. Il n'y aurait pas eu intromission. Pas

d'accidents. Bien que l'intelligence s'affaiblisse, cet enfant est

en mesure de donner des renseignements précis (2).

6° Mal., Albert, 8 ans : Epilepsie ; imbécillité. L'infirmier

D. avait l'habitude de l'embrasser et de se livrer sur lui à des

attouchements, le soir, quand il était au lit. Pas de rapports;

aucun accident.

7° Lemass., E. Armand, 13 ans : Imbécillité; bégaiement ;

onanisme. Il paraît avoir eu trois fois des rapports avec l'in-

firmier D. qui, en même temps, le masturbait. Il ne peut préciser

les dates. Pas d'accidents.

Les rapports sexuels, les attouchements, ont toujours

eu lieu dans le dortoir ou le vestibule intermédiaire aux

deux dortoirs, quelquefois le soir, le plus souvent dans

la journée, quand les enfants allaient changer de linge,

parce qu'ils s'étaient souillés dans leurs accès ou

lorsqu'ils allaient aider au nettoyage du dortoir. Dom...

avait le soin d'éloigner son camarade. Il donnait des

friandises, du tabac, etc., aux enfants, et les menaçait

de les faire punir s'ils racontaient ce qui s'était passé

entre eux et lui. Sur sept enfants, trois ont été atteints

de syphilis. Dom... a été examiné à Mazas par

M. Brouardel, qui a constaté qu'il ne présentait pas de

déformation démontrant qu'il eut des habitudes de pé-

dérastie active ou passive; qu'il était atteint actuelle-

ment d'une syphilis constitutionnelle caractérisée par la

Il) L'observation de ce malade a été publiée dans : Bricon. -Du

traitement de l'épilepsie, p. 163.-(2) Ibid. Bricon, loc. cit., p. 38.

X HISTOIRE DU SERVICE

présence de plaques muqueuses (anus et amygdales), et

d'une éruption papuleuse ;-que la date d'inoculation de

cette syphilis paraissait remonter à trois ou quatre mois ; -)

- que D... portait à labasedu gland des cicatrices récen-

tes d'ulcérations syphilitiques ; qu'il présentait enfin

des signes caractéristiques d'alcoolisme chronique (1).

Bien que la plupart des faits se soient produits pen-

dant nos vacances ; que nous ne soyons, pas plus que

les autres chefs de service des hôpitaux, responsables

des actes commis par le personnel servant, il s'est

trouvé des journalistes médicaux pour essayer défaire

peser sur nous la responsabilité des crimes commis

par l'infirmier Dom... (2). Tous les hommmes de bonne

foi ont fait justice de ces perfides insinuations.

IL

ST.1TISTIQi'L. - MOUVEMENT DE LA POPULATION.

Le 1 cr janvier 1881, la Section renfermait 152 adultes

et 126 enfants. Les adultes comprennent des épilep-

tiques et des idiots épileptiques, divisés administra-

tivement en deux catégories : les épileptiques dits

aliénés, placés aux frais du département et les épile})-

tiques dits non aliénés, placés directement par l'Ad-

ministration de l'Assistance publique et entretenus aux

frais de la Ville de Paris. Médicalement, ces catégories

n'offrent aucune valeur. En effet, elles comprennent

l'une et l'autre des malades qui tendent vers la démence

(t) Domain a été condamné le 6 avril 1882, à 12 ans de travaux

forcés et 10 ans de surveillance.

1,2,' Domain n'aurait jamais dû être accepté comme infirmier dans

les hôpitaux, car il avait été renvoyé du corps des gardiens de la

paix « pour avoir eu des relations avec une fille qu'il était chargé

de conduire au poste ». Avant son arrivée à Bicêtre, il avait été in-

lirmier à Lanhoisière, à la Maison de Santé et à Cochin. En

l'adressant au Directeur de Bicétre, un chef de bureau du chef-lieu

disait : « Admettre; à surveiller sous le l'apport de la moralité. Il

est bien évident que si, médecin du service des enfants, on m'avait

communiqué ce dossier, j'aurais répondu par un refus formel.

Toute la responsabilité des faits précités incombe donc à l'Admi-

nistration.

PENDANT L'ANNÉE 1881. XI

et d'autres qui, sauf des troubles intellectuels passagers,

possèdent en grande partie leur intelligence.

La même division administrative existe pour les

enfants. Des 126 enfants, 61 vont à la grande école

{épileptiques, imbéciles, arriérés, pervers), 46 à la

petite école (idiots gâteux ou non, mais valides), 19

restent à l'infirmerie (idiots gâteux invalides).

Le tableau ci-dessous résume le mouvement de la

population en 1881 :

XVI STATISTIQUE PENDANT L'ANNÉE 1881.

Le 31 décembre 1881, il restait dans le service

297 malades se répartissant ainsi qu'il suit :

DEUXIEME PARTIE

Clinique.

BOURN. 1

I.

Notes et observations sur l'idiotie.

Un examen attentif des idiots permet de distinguer un

certain nombre de classes différant les unes des autres par

des symptômes cliniques et par des lésions anatomo-patho-

logiques. A côté des idioties par hydrocéphalie et par mi-

crocéphalie, il y en a qui reconnaissent pour cause tantôt

une sclérose atrophique (atrophie cérébrale), tantôt une

sclérose hypertrophique ou tubéreuse. Dautres idioties

enfin sont dues à une méningo-encéphalite chronique gé-

néralisée, rappelant tout à fait par ses caractères anatomi-

ques les lésions de la paralysie générale.

Nous avons eu l'occasion de rapporter précédemment des

cas d'idiotie appartenant à l'hydrocéphalie et à la sclérose

atrophique ; dans le cours de l'année 1881, il nous a été

donné d'observer des cas d'idiotie ou d'imbécillité consé-

cutives : 1 ° à la sclérose tubéreuse ; 2° à la méningo-encé-

phalite chronique; 3° à la microcéphalie. Nous allons les

reproduire à peu près tels que nous les avons communi-

qués à la Société anatomique, en collaboration avec

MM. Bonnaire et Wuillamié, internes du service.

I. Sclérose tubéreuse ou hypertrophique des circonvolutions

cérébrales; par MM. BOURNBVILLfi et BONNAIRE.

Observation I. Père peu intelligent. Mère et bis-

aïeule alcooliques. - Soeur morte de convulsions.

Frère mort de maladie bleue. -- Premières convulsions à

7 mois et demi : symptômes ; - Vertiges et accès épilep-

tiques. Rougeole : Symptômes; Température ; --

Marche ; Bronchio-pzeunozie. - Mort.

AUTOPSIE. - Ilôts de sclérose hypei'trophique : Leur

siège (Circonvolutions ; Corps striés) , Leurs ca-.

4 IDIOTIE.

ractères. - Tumeurs rénales. Hépatisation pulmo-

naire.

mot..., Charles, François, âgé de 3 ans, est entré à Bicêtre,

le 4 janvier 1879 (service deM. Bouiineville).

Renseignements fournis par sa mère (24 janvier 1881).

Père, 41 ans, boulanger; de taille petite (réformé); d'une

intelligence au-dessous de la moyenne ; d'une bonne santé

habituelle. Il s'est marié à 25 ans; a eu, à 27 ans, une fièvre

typhoïde « avec beaucoup de délire, » affection qui fut sui-

vie d'une diminution de la mémoire. Pas d'excès de bois-

son. [Père, mort d'une affection du coeur à 32 ans; maçon;

alcoolique ; a bu « tant qu'il a pu. » Mère, morte de fièvre

typhoïde. Pas de manifestations nerveuses dans la famille.]

Mère, 41 ans, couturière, est assez intelligente ; présente

une tumeur érectile, sur la moitié gauche de la lèvre supé-

rieure, tumeur qui s'est accrue à chacune de ses grossesses;

alcoolique; s'est mariée à 25 ans. [Père mort à 70 ans;

mère, morte à 72 ans d'une tumeur au bras, un an après

avoir subi l'amputation du membre atteint. Grand'mère

paternelle adonnée aux excès alcooliques et vénériens.]

Pas de consanguinité.

Treize grossesses : 1° une fille morte de convulsions a

4 mois; bien conformée; 2° garçon, âgé de 13 ans, intelli-

gent et bien portant; 3° fille morte à 1 mois, de diarrhée,

sans convulsions ; 4° garçon mort à 1 mois, de diarrhée,

sans convulsions ; 5° fausse couche à 4 mois et 1/2, duo à des

émotions; 6° fausse couche due à l'anémie; 7° fausse couche

à 4 mois et 1/2; 8° quatrième fausse couche à i mois 1/2;

9° garçon, âgé de 7 ans. intelligent et bien portant; 10° notre

malade ; 11° fausse couche à 4 mois 1/2, alors qu'elle était

atteinte de la variole; 12° garçon mort en 2 jours à l'âge de

5 mois, dans le cours d'une affection cardiaque, probable-

ment d'une maladie bleue « il devenait violet » ; 13° fille,

âgée de 5 mois; bien portante; élevée au sein, par sa mère.

Notre malade. Pendant la grossesse, la mère a été sujette

à des émotions multiples occasionnées par l'état de santé de

son mari (douleurs rhumatismales), et par la crainte de la mi-

sère ; pas d'alcoolisme durant la gestation. L'accouchement

se fit à terme et fut normal. L'enfant fut élevé au sein

par sa mère jusqu'à 10 mois. Avant 5 mois, il était bien

portant, vif, intelligent : alors il fit une chute dans laquelle

sa tête vint porter sur un poêle chaud. Il en résulta une

plaie du front, avec brûlure; « il y eut un trou, mais pres-

SCLÉROSE TUBÉREUSE DU CERVEAU. 5

que pas d'écoulement de sang » ; immédiatement à la suite,

reniant n'eut ni perto de connaissance, ni convulsions;

mais il perdit la gaieté qu'il avait auparavant. La chute et

la brûlure eurent pour résultat de faire disparaître des

croûtes du cuir chevelu préexistantes. Deux mois après,

à 7 mois 1/2, se montrèrent les premières convulsions.

Leur durée fut de 15 minutes à la première attaque ; le

même jour, elles se produisirent une seconde fois et persis-

tèrent durant vingt minutes. Sans perdre connaissance,

l'enfant devenait « blanc « en même temps qu'il était agité

de secousses avec « une sorte de hoquet. » Dès lors, tous les

jours se reproduisirent ces « convulsions : » mais ce n'est

qu'à 14 mois qu'il commença à perdre connaissance. L'en-

fant dans ses crises ne voyait plus clair, n'entendait plus;

il se cramponnait, sans tomber. Les bras étaient rigides,

les yeux convulsés. A deux ans et neuf mois, les manifes-

tations de l'épilepsie s'accompagnent de chute, mais ne

présentent ni aura, ni cri aigu initial, sauf quelquefois une

sorte de cri plaintif, ni prédominance unilatérale des con-

vulsions. Deux ou trois fois, il y eut de l'écume buccale, la

marque de la langue et la miction involontaire étaient

constantes.

Absence complète de parole, ainsi que de développe-

ment intellectuel. Notre malade ne reconnaît pas ses parents;

ne sait manger seul ; il est salace et gâteux. Il a commencé

à marcher à 2 ans 1/2. Aujourd'hui, nous le voyons d'ha-

bitude les doigts dans la bouche (l'index). Par moments,il fait

entendre de petits cris avec tremblottement des lèvres. Maxi-

mum des accès en 24 heures, 15; maximum delà durée des

rémissions, 8 jours. C'est à la chute sur le poêle et à la

brûlure que la mère attribue l'état de l'enfant.

Traitement par le bromure de potassium, l'éther (chez

ses parents), l'iodure d'éthyle (à Bicêtre).

1881. - 13 Janvier. Le malade a eu une épistaxis. - Ce

matin, on constate du coryza avec conjonctivite ; les pau-

pières sont agglutinées. - A l'auscultation, on trouve à

droite des râles sous-crépitants : à gauche, de la rudesse de

la respiration.-Le ventre est météorisé ; il existe de la diar-

rhée séreuse, grisâtre, fétide. T. H. 38°,4.-ÇOi· : T. h,.40 ?

14 Janv. Erythèmc des fesses; pas d'éruption. (Bouil-

lon, lait, tisane de bourrache). T. R. 39°,8. Soir : T. R.

40",6.

15 Janv. Eruption rubéolique très apparente ce matin,

sur tout le corps, principalement à' la [;,ce. Pas de râles.

T. H. 38°,S. - Soir : T. R. 38°,4. '

6 IDIOTIE.

16 Janv. T. R. 39°. - Soir : T. R. 39°,4.

17 Janv. L'éruption a disparu; l'amaigrissement est con-

sidérable, depuis trois jours; il y a encore un peu de con-

jonctivite et de coryza; l'enfant tousse fréquemment, avec

fatigue; en même temps, des râles sous-crépitants- se font

entendre des deux côtés de la poitrine. La diarrhée per-

siste. T. R. 39°. - Soir : T. R. 39°,2.

18 Janv. Les râles sous-crépitants sont très abondants

dans toute l'étendue de la poitrine. T. R. 39°. (Sinapismes;

potion de Todd avec extrait de qui na, 2 gr.). -Soir : 'T. R.

39°,2.

19 Janv. Diminution de la sonorité et du murmure

vésiculaire au sommet du poumon gauche. Ventre en

bateau. T. R. 38°,8. - Soir : T. R. 39°.

20 Janv. L'enfant reste dans la somnolence ; l'expiration

est légèrement soufflante des deux côtés de la poitrine.

T. R. 39°. - Soir : T. R. 38°,2.

21 Janv. T. R. 38°,4. Soir : T. R. 38°,6.

Fip. 1.

SCLÉROSE TUBÉREUSE DU CERVEAU. 7

22 Janv. T. R. 39°,4. Soir : T. R. 40°,4.

23 Janv. Le malade est très affaibli; la respiration est

soufflante à la base du poumon droit, accélérée. Le facies

est pâle, les yeux cernés : le ventre en bateau. Le pouls est

très rapide. T. R. 40°.4. (Vésicatoire.)

24 Janv. Mort ce matin à 7 heures 11` ? , dans le coma. T. R.

post mortem.40 ? 8. (Fig. 1). Les accès d'épilepsie ont eu la

marche suivante :

En 1879, 83 accès. En 1880, 393 accès. Du 1er au 13 jan-

vier 1881, 27 accès, t

Autopsie, vingt-quatre heures après la mort. - Thorax.

Hépatisation de tout le lobe supérieur du poumon droit;

quelques noyaux de broncho-pneumonie au niveau du lobe

inférieur du poumon gauche. Coeur (70 gr.) ; caillot occu-

pant le ventricule droit et l'oreillette correspondante.

Abdomen. Foie (470 gr.) normal. Sur les deux reins,

on constate l'existence de tumeurs multiples sous forme de

noyaux arrondis, de volumes différents. Elles occupent la

substance corticale; quelques-unes se montrent à la sur-

face du parenchyme avec l'aspect de taches lenticulaires,

blanchâtres, peu épaisses. L'une d'entre elles fait relief au

dehors, et refoule la substance médullaire en dedans, sur

une largeur de 1 cent. et une profondeur de 2 cent. La co-

loration en est blanc-jaunâtre, la consistance demi-molle.

L'examen microscopique, pratiqué par M, Mayor, montre

qu'il s'agirait probablement de sarcome encéphaloi : de ?

La surface du rein est en outre parsemée de petits kystes.

Tête. L'enveloppe crânienne est normale. Au point de

vue de l'épaisseur et de la régularité des os; cependant

l'apophyse crista-galli présente un développement extraor-

dinaire en hauteur. La dure-mère est adhérente; la pie-

mère offre une vascularisation fine, prononcée surtout au

niveau des lobes frontaux, ainsi que sur les lobes occipi-

taux, principalement à gauche. Encéphale : 1040 gr.

Hémisphère droit.-Longueur 16 cent. ; la décortication

est assez facile, les circonvolutions semblent fortement

tassées les unes sur les autres; la face convexe est le siège

de plusieurs îlots de sclérose tubéreuse ainsi distribués :

1° extrémité antérieure de la 3e circonvolution frontale,

2° extrémité postérieure des 1 Il', 2e et 3e frontales; 3° extré-

mité inférieure de la frontale ascendante ; 4° trois îlots sur

la lèvre postérieure du sillon de Rolando.; 5° partie posté-

rieure de la 1° temporale ; 6° partie moyenne des 2" et 3e

8 IDIOTIE.

temporales; 7° lobule pariétal supérieur; 8° lobule du pli

courbe.

Face interne. 1° Ilot à la partie postérieure de la lrc fron-

tale ; 2° à un centimètre de l'extrémité postérieure de la cir-

convolution du corps calleux; 3° à la base du lobe carré,

Le ventricule latéral n'est pas dilaté; sur le corps strié, on

trouve quatre noyaux irréguliers, disposés sous forme de

bandes transversales et verticales, limitées exactement à

l'union de la substance grise avec la substance blanche.

Hémisphère gauche. a) Face convexe : Ilots scléreux

occupant : 1° la partie moyenne des 3 circonvolutions fron-

tales ; 2° la partie moyenne de la frontale ascendante;

3° une faible portion de la pariétale ascendante; 4°le lobule

pariétal supérieur; 5° la partie postérieure de la première

temporale; 6° la partie moyenne de la deuxième temporale

ainsi que de la troisième.

b) Face interne : 1° îlot sur la première circonvolution

frontale; 2° entre le lobule paracentral et le gyrusfornica-

tus ; 3° îlot volumineux sur le coin. Le ventricule latéral

^'est pas dilaté; sur le corps strié, on trouve sept ou huit

îlots ou mieux bandes transversales ; les 2 premières siè-

gent à la partie inférieure de la tête du noyau intra-ventri-

culaire.

Sur les deux hémisphères, sauf au niveau des îlots sclé-

roux, les circonvolutions prennent une coloration de chair

de saumon. La pie-mère se laisse aisément enlever, au ni-

veau des îlots scléreux, tandis qu'elle s'enlève relative-

ment moins bien au niveau des circonvolutions non indu-

rées. - Les sillons sont peu apparents, en raison du tasse-

ment que déterminent les noyaux de sclérose. - La coupe

de ces derniers, permet de constater la densité du tissu qui

les compose, en même temps que le toucher suffit, au pas-

sage du doigt sur les hémisphères, à les reconnaître par

leur résistance, qui contraste avec la mollesse du tissu

cérébral sain. Elles forment enfin une légère saillie par

rapport aux circonvolutions voisines. c

Réflexions. - Cette observation nous fournit le troi-

sième exemple d'une forme spéciale de sclérose, dont la

description anatomique commence à être connue, mais qui,

au point de -%rue clinique, offre encore de grandes lacunes (1).

La maladie parait avoir débuté à 7 mois et demi, par des

(1) Les deux premières observations ont été publiées dans les A 1'-

estives de neurologie t. I, p. 81 et 397.

SCLÉROSE TUBÉREUSE DU cerveau. 9

convulsions si légères d'abord que. au dire contestable des

parents, l'enfant ne perdait pas connaissance. Ces convul-

sions se sont aggravées progressivement, mais n'ont jamais

déterminé de paralysie. Les facultés intellectuelles ne se

sont jamais développées. L'enfant était complètement idiot.

Notons, pour mémoire, l'habitude de mettre ses doigts dans

la bouche.

M... asuccombé à une bronchio-pneumonie, [consécutive

à la rougeole. La mort est survenue au bout de 10 jours.

La température s'est toujours maintenue à un chiffre

élevé.

En ce qui concerne l'anatomie pathologique, nous nous

bornerons à noter : 1° l'absence de lésions sur la partie su-

périeure des circonvolutions frontales et pariétales ascen-

dantes [et [les lobules paracentraux, ce qui explique pour-

quoi il n'y avait pas de paralysie; 2° la limitation des lé-

sions de la substance grise; la singulière disposition des

lésions du corps strié; 3° l'absence de dilatation des ventri-

cules latéraux; 4° l'absence de lésions de l'isthme et du

cervelet.

Enfin, contrairement à ce qui s'observe le plus souvent,

M... a eu des accès pendant sa rougeole, alors que la fièvre

était très forte. Ainsi, il en a eu un le 13 et le 14 janvier

(période d'invasion) ; un le 15 et le 16 (période d'éruption) ;

un le 18 et le 21.

Observation II. Névropathes dans la famille. - Ac-

couchement prématuré. Asphyxie à la naissance. -

Convulsions internes. - Idiotie congénitale. - Aggra-

vation des convulsions. Etat paré tique. - Améliora-

tion. - Balancement. - Bave. - Succion. Cris noc-

turnes. - Accès de rires et de pleurs. - Caractères des

accès convulsifs. - Examen physique : tête, tronc, etc.

Déformation du rachis. Stomatite ukéro-membra-

neuse. Pneumonie. - Température hyperpy rétique

(43°,4). - Mort.

AUTOPSIE.-Ilots de sclérose tubéreuse ou hypertrophie-

que ; - caractères; - distribution. Lésions des corps

striés. - Lésions rénales. Hépatisation pulmonaire.

Boni..., Ernest, âgé de 5 ans et demi,estentrc;vBicêtrele

12 avril 1881 (service de M. BOURNEVILLE).

10 IDIOTIE.

Renseignements fournis par sa mère. - Père, 35 ans,

de bonne santé habituelle, assez intelligent; n'a jamais

fait d'excès de boisson ni de tabac; est peu impressionnable

et ne présente d'ailleurs aucun trouble névropathique. Pas

d'autre maladie qu'une varioloïdc. [Père bien portant,

brocanteur. Un de ses frères a eu deux jumeaux bien

constitués et valides. Mère morte à 56 ans, asthmatique,

atteinte de cyphose congénitale ; elle était soeur jumelle.

Quatre frères et soeurs survivent : l'un d'eux est simple d'es-

prit, et trouve à peine à gagner sa vie aux travaux des

champs; il est d'un caractère violent, et s'emporte à la plus

légère contrariété; il lui est arrivé plusieurs fois de jeter

divers objets sur les personnes qui l'irritaient. Pas d'autres

cas d'affections mentales ou nerveuses dans la famille.]

Mère, 29 ans, anémique, très nerveuse, prompte à la co-

lère, mais n'a jamais eu de crises, ni de migraines. Dans sa

jeunesse,elle a eu quelques éruptions dartreuses aux jambes.

[Père mort d'une affection gastro-intestinale aiguë; non

alcoolique : a eu également pendant plus de 15 ans une

éruption dartreuse aux jambes. Mère, morte subitement à

66 ans; était très nerveuse. Quatre frères, actuellement

bien portants;trois soeurs dont une est sujette a de violents

accès de migraine. Un oncle paternel ne put suivre les études

d'un séminaire par « faiblesse d'esprit. » Une tante mater-

nelle, sous l'impulsion d'un accès de folie « se sauva de

chez ses parents, en chemise, dans le village » ; cet accès

dura 3 ou 4 jours.] Pas de consanguinité.

Sept enfants : 1° et2° deux jumelles (1), mortes l'une à 20

jours, « de faiblesse n, l'autre à six semaines, de convul-

sions internes; 3° fille morte à 9 mois, de diarrhée cholé-

riforme ; 4° notre malade ; 5° garçon mort à 11 mois, de

diarrhée; 6° garçon âgé de 3 ans et demi ; 7° fille, de 17

mois, ces deux derniers bien portants.

Notre malade. Grossesse bonne, sauf une émotion brus-

que, causée par un éclat de tonnerre vers le sixième mois,

à l'occasion de laquelle elle fut prise d'un fort tremblement

qui dura près d'une demi-heure. Pas d'alcoolisme, ni do

chutes, etc. L'accouchement, facile, naturel, se fit trois se-

maines avant terme. A la naissance, l'enfant était cyanose

sans cause appréciable : ni circulaire du cordon, ni séjour

prolongé au passage; cet état se prolongea 20 minutes et ne

(1) Bien que l'influence de l'hérédité au point de vue des gros-

sesses gémellaires ait déjà été étudiée, nous avons soin de relever

cette particularité dans nos observations,

SCLÉROSE TUBÉREUSE DU CERVEAU. 11

céda que grâce à la saignée du cordon et à la flagellation.

Jusqu'à 17 mois, le petit malade fut élevé en nourrice ;

vers la sixième semaine,on commença à « s'apercevoir qu'il

n'était pas ordinaire » et qu'il avait déjà quelques convul-

sions internes, limitées aux yeux. Il était impossible de fixer

et même d'attirer son attention ; l'enfant restait distrait, le

regard vague, et ne répondait ni aux soins, ni aux caresses.

Dans son sommeil, il se réveillait parfois en sursaut avec

un mouvement brusque, tandis que ses yeux se convulsaient

en haut; cet état durait 3 ou 4 secondes. D'autres fois, en

tétant, une secousse rapide lui faisait abandonner le sein

qu'il reprenait quelques secondes après. Vers deux mois et

demi, les convulsions, plus nettes, commencèrent à se gé-

néraliser ; l'enfant restait immobile, le regard fixe, les poings

fermés, le corps roide,sans mouvements cloniques et sans

prédominance unilatérale; souvent, aussi, il y avaitdu grin-

cement des dents. A sept mois, il fut traité par M. Bou-

chut (bains, valérianate do Perlot ; teinture de musc ; plus

tard, phosphate de chaux). Jusqu'à ce jour, les crises ont

persisté avec des variations de fréquence et d'intensité; elles

se reproduisaient au nombre de 7 ou 8 par jour, jusqu'à

15 mois ; depuis, elles se sont réduites à une par jour en

moyenne, avec un intervallede 4 ou 5 jours de répit comme

maximum.

Tandis que l'enfant se développait, on constatait des

troubles de la motilité. A deux ans, il ne pouvait élever les

mains à la hauteur du vertex ; en même temps, la tête, mal

soutenue par les muscles cervicaux, pendait inerte dans la

station assise et ne pouvait se soulever spontanément sur

l'oreiller. A quatre ans, cet état parétique des bras et

du cou avait totalement disparu, et « la tête ne ballotait

plus. »

Etat actuel (avril 1881). L'enfant ne peut se tenir debout

et marcher que soutenu par la main. Son attitude habituelle

est la station assise; fréquemment il se balance (1) sur

sa chaise, le plus souvent d'avant en arrière. Il porte pres-

que continuellement les mains à la bouche, principalement

la droite, et se mordille les doigts; d'autrefois, il suce la

manche de son vêtement; par moments encore, il regarde

le creux de sa main et semble s'y mirer. Le malade n'a ja-

mais cessé d'être gâteux; il est d'une très grande salacité

et mange ses matières fécales. Les fonctions digestives

(1) On sait que c'est là un tic fréquent chez les idiots; - à côté du

balancement, notons le tournoiement.

12 IDIOTIE,

sont bonnes ; cependant il y a un abondant écoulement de

bave par la bouche, et les poussées de diarrhée ne sont pas

rares. - Le sommeil est bon; quelquefois néanmoins l'en-

fant pousse des cris, la nuit,et ces cris, au dire de la mère,

se reproduisent sous forme d'accès durant 15 à 30 minu-

tes, avec des intervalles ; ils viennent surtout sous l'in-

fluence des temps orageux.

Comme état général, en outre du défaut de développe-

ment physique,on trouve de nombreuses manifestations de

scrofule : croûtes impétigineuses du cuir chevelu; adéno-

pathies cervicales multiples,etc.

Le malade voit et entend nettement; on ne peut avoir de

renseignements précis sur l'état de l'odorat,- il paraît con-

tent lorsqu'on lui frotte la tête, mais donne des signes d'im-

patience au bout de quelques minutes. Sans motif appré-

ciable, il a parfois des accès de rire, d'autrefois de pleurs.

Il ne se livre à aucune espèce de jeu et semble tourmenté

par le bruit que font autour de lui les autres malades.

Les accès sont uniquement constitués par la raideur té-

tanique. Le début s'annonce par une secousse brusque

soulevant le corps; le regard est fixe, la paupière reste im-

mobile, parfois le visage se colore légèrement. Puis, le corps

reste en état de tétanisme généralisé, sans prédominance

unilatérale; enfin, dans un laps de temps variant de 20 se-

condes à une minute au maximum, survient la résolution

et le malade s'endort.

Examen physique [juillet 1881). Le corps est notable-

ment émacié. La peau du visage présente de nombreuses

rides, avec une teinte pâle : il existe quelques productions

de nature verruqueuse sur les joues. Le regard est atone ;

les pupilles sont normales.

Crâne. Léger aplatissement de la région occipitale, avec

proéminence des bosses pariétales. Le front est bas, étroit,

et se rejoint au vertex suivant une surface déprimée. La

région pariétale gauche est plus bombée en avant que la

région correspondante de droite. La face et les oreilles sont

symétriques. Les arcades dentaires, bien rangées, sont re-

couvertes d'un épais enduit de tartre et, au niveau de leurs

extrémités, on observe des ulcérations de la muqueuse des

joues, recouvertes d'un détritus pultacé, jaunâtre.

Tronc. Il existe une légère déviation du rachis à la ré-

gion dorsale constituée par une exagération de la convexité

à droite. Le thorax est aplati et asymétrique par suite de

la saillie des fausses côtes du côté gauche.

Le testicule gauche seul est descendu; on ne sent pas le

SCLÉROSE TUBÉREUSE DU CERVEAU. 13

droit à la région inguinale. Par suite de l'état de gâtisme,

les fesses et la partie supérieure des cuisses sont le siège

drnértlzènechronidue; au moment de l'examen, on trouve

môme quelques ulcérations à ce niveau, d'un diamètre

variant de 1 millimètre à 1 centimètre.

Mat. Double conjonctivite (collyre au nitrate d'argent).

28 mai. Stomatite ulcéra-membraneuse (collutoire à

l'acide phénique et jus de citrjn); potion avec extrait de

quinquina et acétate d'ammoniaque.

5 juillet. Dans lajournée, le malade présente quatre cri-

ses d'une intensité au-dessus de la moyenne. Dans l'inter-

valle se produisent de fréquentes secousses épileptoides

aux bras et à la face, prédominant à droite. Le soir, à huit

heures, nous trouvons l'enfant dans le collapsus; la tem-

pérature rectale prise successivement avec plusieurs ther-

momètres à maxima s'élève à 43°,4. Mort à 1 heure du ma-

tin, dans le coma, sans accès épileptoïdes, ni convulsions.

T. R. post mortem : 43°.

Autopsie 30 heures après la mort. Thorax. Le pou-

mon gauche est un peu affaissé dans son lobe supérieur,

et légèrement congestionné à sa partie inférieure. Le pou-

mon droit présente à sa surface, au niveau de la partie

postéro-inférieure, une plaque arrondie, do lalargeur d'une

pièce de 2 francs avec une teinte rougeâtre; le parenchyme

est ramolli sur une faible épaisseur à ce niveau. Le restedu

lobe offre la lésion d'une pneumonie franche au début; le

tissu ne crépite plus, est friable sous le doigt mais surnage

encore. Les lobes supérieur et moyen sont sains. - Coeur

120 gr. ; caillots fibrineux passant de l'oreillette dans le

ventricule droit; rien à gauche.

Abdomen. - Ii oie, 30 gr., normal;-Rate, 40 gr., saine.

Estomac. Il existe quelques ecchymoses sous-muqueuses

au voisinage du cardia. L'intestin, ainsi que la vessie, sont

sains.jRems,égauxen poids (60 gr.).Legauche présente sur

sa face antérieure plusieurs kystes séreux, transparents,

lenticulaires ; à l'union du tiers supérieur et du tiers moyen,

on trouve une tumeur en saillie, du volume d'un oeuf de

pigeon, de consistance ferme et d'une teinte blanc-jaunâ-

tre avec des arborisations vasculaires réparties à sa sur-

face ; à ce niveau, la capsule est très adhérente. D'autres

petits noyaux, de même aspect, se voient vers l'extrémité

supérieure do l'organe, sur la même face. La coupe du rein

décèle l'existence de nombreux kystes citrins du volume

moyen d'un grain de chêne vis et disséminés dans les

deux couches du parenchyme, qui se montre anémié. Le

14 IDIOTIE.

noyau principal présente à la coupe un tissu diffluent de

teinte vineuse, dont les parties profondes sont particuliè-

rement ramollies; à la périphérie, il existe une couche

encore résistante, d'aspect lardacé.Les deux autres tumeurs,

de volume moindre, n'offrent pas trace de ramollissement

et affectent une disposition cunéiforme. Sur le rein droit,

la décortication est assez faible et permet de constater

l'existence de nombreux kystes séreux. Sur le bord con-

vexe, vers le tiers moyen, on découvre une tumeur de

même aspect que du côté opposé, du volume d'une noisette.

Au-dessus existe un kyste séreux, ayant les dimensions

d'un haricot, dont la paroi est formée par des travées

fibreuses blanchâtres et vasculaires. La coupe du rein met

à découvert quelques kystes séreux lenticulaires et dissé-

minés, moins nombreux que du côté gauche.

Tête. La base du crâne est régulière et symétrique : la

calotte crânienne présente les déformations constatées sur

le vivant.

Encéphale : 1,230 gr. Les différentes régions de la

base, ainsi que les artères, sont normales. Cervelet et

isthme : 170 gr. La protubérance, les pyramides et les

olives sont absolument saines, tant à la surface qu'à la

coupe. Les deux hémisphères cerébelleux sont égaux et

sains ; toutefois à leur niveau la pie-mère est injectée.

Hémisphères cérébraux. A leur surface se montrent en

saillie de nombreux îlots de sclérose tubéreuse, remar-

quables par leur aspect lisse et uni, et leur teinte blanche,

leur forme généralement arrondie. Le toucher permet éga-

lement de les reconnaître et de les circonscrire grâce à la

résistance qu'ils offrent sous le doigt. A leur niveau, la

décortication de la pie-mère est très facile, au contraire de

ce qui a lieu pour les circonvolutions de voisinage.

Hémisphère gauche. Les îlots de sclérose sont distribués

de la façon suivante : trois à la partie antérieure et moyenne

de la première frontale ; un à la partie moyenne de la

deuxième frontale; et un à la racine de cette même cir-

convolution ; - un sur la frontale ascendante ; un sur la

partie postérieure de la troisième circonvolution temporo-

sphénoidale : la partie antérieure des deuxième et troi-

sième temporo-sphénoidales est englobée dans un îlot ;

noyau volumineux sur la face convexe du lobe occipital;

un sur le lobe pariétal supérieur; - un à la partie

antérieure de la circonvolution du corps calleux ; - trois

à la surface interne de la première frontale.

SCLÉROSE TUBÉREUSE DU CERVEAU. 15

Le ventricule latéral n'est pas dilaté. Il existe 8 ou

10 îlots sur le corps opto-strié, disposés transversalement

de façon à recouvrir toute la largeur du noyau caudé et le

sillon qui le sépare de la couche optique. Au fond du ven-

tricule, sur laparoi externe, sevoient de larges arborisations

vasculaires.

Hémisphère droit. Il n'existe pas de lésions sur les cir-

convolutions orbitaires, Les différents îlots de sclérose,

de même aspect que du côté opposé, sont répartis comme

il suit :

a) Face convexe : deux îlots voisins, séparés par une

anfractuosité, au niveau du crochet delà 3e frontale; un

îlot à la partie antérieure de la 2e frontale; sur les deux

tiers postérieurs de la 1 rye frontale, vaste noyau, presque

plan, assez régulièrement arrondi et d'un diamètre de

3 centimètres, en avant duquel se trouvent deux îlots plus

petits; sur la frontale ascendante deux nodosités indurées;

sur le lobule pariétal supérieur, îlot volumineux, séparé par

une scissure nette du lobule pariétal inférieur également

sclérosé en partie. L'induration s'étend jusqu'à la lèvre

postérieure du sillon de Rolando qu'elle envahit ; sur le

lobule du pli courbe, noyau plan, arrondi, de 2 à 3 centi-

mètres de diamètre ; îlot assez gros sur l'extrémité posté-

rieure de la 1° temporo-sphénoïdale, bordant l'angle de la

scissure de Sylvius; - un autre sur la 2e temporo-sphénoï-

dale : - un dernier sur la corne occipitale.

b) Face interne : un petit noyau sur lapartie moyenne de

la 1 r. frontale; un à cheval sur le bord de l'hémisphère,

répondant à la scissure de Rolando ; un sur le lobule para-

central et un sur le lobule lingual.

Le ventricule latéral n'est pas dilaté; on aperçoit cinq

ou six noyaux allongés, d'aspect grossièrement godronné

sur la tête du noyau caudé. Il n'en existe ni sur la queue

de ce noyau, ni sur la couche optique.

Réflexions. Cette observation nous paraît digne de

remarques à différents points de vue. Au mois de février

dernier, nous avons eu occasion de présenter à la Société

anatomique un cas de sclérose tubéreuse hypertrophique

absolument identique à celui dont il s'agit ici. Dans les

deux cas, même disposition des îlots, même localisation à

la couche corticale des circonvolutions et au corps strié,

même intégrité du reste de l'encéphale. De plus, par une

coïncidence plus remarquable encore, le rein s'est trouvé

16 Ô IDIOTIE.

le siège de tumeurs kystiques et solides de même aspect et,

selon toute évidence, de même nature dans les deux cas.

Grâce aux recherches deM. Brissaud, faites sur des pièces

que nous lui avions confiées (Archives de Neurologie, n°3),

onconnaît aujourd'hui la nature histologique de cette néo-

plasie cérébrale. Les noyaux tubéreux ne sont autre chose

que le résultat d'un travail de prolifération conjonctive,

englobant dans sa gangue pour les atrophier et les dé-

truire, les éléments cellulaires et tubulaires de la couche

corticale et secondairement une partiede ceux de la [sub-

stance blanche.

A côté de la netteté macroscopique et de la similitude

des lésions qu'on a pu trouver jusqu'ici en pareil cas, nous

devons signaler la rareté de cette affection. Quatre cas

seulement paraissent avoir été publiés jusqu'ici : le

premier a été recueilli par l'un de nous à la Salpêtrière ;

les trois autres dans le service des enfants idiots de Bicêtre.

Il est aisé de concevoir les difficultés que présente jus-

qu'ici le diagnostic d'une telle affection, puisqu'il était im-

possible de l'asseoir surdos données cliniques antérieures,

en même temps qu'il rencontrait un obstaclo sérieux dans

l'état d'idiotie des malades.

Néanmoins nous avons pu, par l'observation attentive

des phénomènes physiques qu'a présentés ce dernier malade,

sinon affirmer, du moins soupçonner l'existence d'une sclé-

rose hypertrophique. Entré comme épileptique dans nos

salles, notre malade n'offrait en somme, à part la roideur

tétanique, aucun des signes de l'épilepsie vulgaire : pas

d'aura, pas de cri initial, jamais de secousses cloniques;

de plus, la pâleur du visage, la respiration stertoreuse, etc.,

n'ont jamais été notées.

Enfin, c'est on mettant l'ensemble symptomatique, en

regard de celui que nous avions observé dans les cas pré-

cédents, et en tenant compte de l'état paré tique des membres

et du cou, vraisemblablement concomitant du début de

l'affection, que nous avons pu songer à la sclérose hyper-

trophique, hypothèse qu'est venue confirmer l'autopsie.

MÉNINGO-ENCÉPHALITE. 17

Il. Idiotie symptomatique de méningo-encéphalite

chronique ; par MM. Bourneville et Wuillamié.

Les faits d'idiotie consécutive à une méningo-encépha-

lite chronique plus ou moins généralisée sont assez com-

muns. Pour notre part, nous en avons observé plusieurs,

soit à la Salpêtrière quand nous remplacions M. Delasiauve

dans son service, soit à Bicêtre. L'un de cas derniers a été

consigné dans le Compte rendu du service pour l'année

1881 (p. 69.) Celui qui va suivre est d'autant plus intéres-

sant, que les lésions étaient parvenues a une période très

avancée de leur évolution, pour ainsi dire à leurs limites

extrêmes, de telle sorte que l'ablation des méninges en-

traînait toute la couche de substance grise et mettait à nu

la substance blanche, atrophiée, indurée, des circonvolu-

tions cérébrales.

OBSERVATION. - Idiotie, épilepsie, abcès de la marge de

l'anus.- Père : convulsions il 6 ans. - Mère : condui-

sions dans l'enfance, migraines. - Grand-père ma-

ternel : excès de boisson. crises convulsives. - Deux

cousins aliénés.- Pas de consanguinité. - Premières

convulsions à trois mois; prédominance à gauche,

paralysie à gauche, contracture. - Affaiblissement

progressif. - Mort. Autopsie : Mé7zizgo-ezcépha-

lite ; ablation presque totale de la substance grise.

Dub... (Charles Antonin), âgé de 12 ans, est entré à Bi-

cêtre (service de M. BouRNEViLLE), le 21 janvier 1881.

Antécédents. (Renseignements fournis par la mère de

l'enfant.) Père, 38 ans, marin, puis comptable. Bien por-

tant, est sujet à des maux de tête depuis 4 ans ; doux quoi-

que colérique; pas de trace de syphilis; a chiqué autre-

fois dans ses voyages; aurait eu des convulsions jusqu'à

l'âge de 6 ou 7 ans. [ Son père est mort subitement ( ? ); il

était sobre. Sa mère, mariée à quinze ans, mère à 16 « de

caractère volage, » s'est séparée de son mari et a disparu.

Ni frère, ni soeur ; pas d'antécédents héréditaires nerveux

dans la famille. li

Mère. 34 ans, couturière, a eu des convulsions jusqu'à

l'âge de 7 ou 8 ans; nerveuse, est sujette, depuis la puberté,

à des palpitations et à des migraines au moment et à la

suite des règles; elle a des cauchemars depuis quelque

BOURN. 2

18 IDIOTIE.

temps : rêve qu'elle court, qu'elle cherche son enfant, etc.

Elle n'a jamais eu d'attaque de nerfs, ni de syncope ; elle

est fortement marquée d'une variole contractée en 1870;

pas de trace du scrofule, de dartre, ni d'herpétisme. [ Son

père a toujours fait de nombreux excès de boissons (vin) ; il

est très nerveux et a tous les 5 ou 6 mois, depuis une di-

zaine d'années, des crises convulsives dans lesquelles il

se mord la langue. Sa mère est bien portante, un peu ner-

veuse. Un frère est mort d'une fièvre cérébrale à 3 ans.

Deux cousins de la troisième génération ont été aliénés.

Pas d'autres cai3 d'hérédité dans la famille. ] Pas de con-

sanguinité.

Un seul enfant, notre malade. Grossesse agitée, anté-

rieure au mariage des parents : « J'ai pleuré pendant les

9 mois et mon père m'a battue plusieurs fois. Au sixième

mois, peur, mais sans syncope, à la vue d'un lion dans l'é-

talage d'un marchand de fourrures. Accouchement naturel,

à terme. Dub... a été élevé au sein par une nourrice jus-

qu'à un an. Les premières convulsions sontsurvenues vers

2 ou 3 mois et se sont renouvelées tous les mois; Dub... a

marché à un an. A partir de là, après chaque crise convul-

sive, il était un ou deux jours sans pouvoir marcher. Il a

été propre à 15 mois; la dentition a été régulière. Il a eu à

18 mois un abcès derrière l'oreille qui a suppuré si long-

temps que la nourrice « sur la recommandation d'un saint »

est allé promener l'enfant, tête nue, dans « un champ de sei-

gle au moment de la rosée.» Pas de résultat immédiat à la

suite de ce traitement. Sa mère le reprit avec elle à l'âge de

trois ans, et, de ce moment jusqu'à l'âge de quatre ans, il

n'a pas eu de convulsions. Durant cet intervalle, il parlait

bien et prononçait distinctement tous les mots; il appre-

nait bien à lire, était très caressant.

Les convulsions reparurent à 4 ans, sous forme d'un

état de mal qui dura 5 ou 6 heures et dans lequel elles pré-

dominèrent dans la moitié gauche du corps et de la face.

Dub... se rétablit au bout de deux jours et put marcher

sans traîner la jambe. Comme par le passé, les crises con-

vulsives redevinrent mensuelles. Vers l'âge de huit ans, il

eut un autre état de mal qui dura 67 heures, dans lequel

on constata encore la prédominance des convulsions à

gauche. Il dut garder le lit pendant un mois et nous n'a-

vons pu savoir s'il y eut de la paralysie à la suite de ces

convulsions; seulement, quelque temps après, on remar-

qua « qu'il laissait tomber les objets de la main gauche. »

Bientôt les crises devinrent plus fréquentes (plusieurs par

mois) et chacune durait trois du quatre heures. Il les sen-

MÉNINGO-ENCÉPHALITE. 19

tait venir, et, dans les vingt minutes qui les précédaient, il

disait sans cesse ; « Ma petite mère, je suis étourdi, ma pe-

tite mère j'ai mal au coeur » et, à chaque fois, sa figure de-

venait rouge; puis, à la suite d'un étourdissement ultime,il

poussait un cri sourd, plaintif, ', prolongé et était pris de

convulsions. Un jour la crise débuta par une sorte d'hallur

cination : « Oh ! ma petite mère, toutes ces couronnes ! »

Ce fut le 12 juin 1880 que, après une crise de 6 heures,

avec prédominance des convulsions à gauche, on nota une

paralysie du bras et de la jambe de ce côté. L'enfant eut

alors beaucoup de fièvre pendant assez longtemps et on

dit aux parents qu'il avait une méningite. Pourtant, il ne

vomissait pas et gâtait. - Il put se relever au bout de

deux mois, mais ce ne fut que dans le troisième qu'il put

commencer à marcher en traînant la jambe. - Dans la

suite, la paralysie de la jambe a diminué, mais il la traîne

encore et le pied s'est déformé, Vers le même moment, le

bras paralysé s'est contracture. Durant les- trois ou quatre

mois qui suivirent cette crise, pas d'autres accès, mais le

malade se plaignait souvent de la tête, des oreilles et criait.

Enfin, il y a 5 mois environ que les accès sont revenus; ils

sont presque quotidiens, durent 20 ou 30 minutes et sont

identiques à ceux que nous avons décrits.

Depuis la crise de juin 1880, modification considérable

de l'intelligence, parole difficile, écriture presque ilnpos-

sible. Dub ? est devenu méchant, s'agace facilement,

secoue les meubles, casse, déchire; une fois il a voulu s'en

aller et on a dû l'enfermer. Pas de gourmandise, de klepto-

manie, de pyromanie. Dès sa première enfance, son som-

meil était agité; il faisait des bonds dans son lit, mais n'a-

vait pas de peurs. Avant sa dernière maladie, il n'avait peur

de rien, maintenant il est craintif comme il ne l'a jamais été.

Il est redevenu propre depuis deux mois, bien que parfois

encore il urine au lit. La mère ne signale pas d'onanisme,

Etat actuel. - Le crâne offre une saillie spéciale de

l'occipital qui est divisé en deux plans par une crève transi

versale siégeant à sa partie moyenne ; les apophyses mas-

toïdes sont très développées. - De la bosse occipitale ex-

terne à la racine du nez, en passant par le vertex, on me-

sure 38 c.; d'une oreille à l'autre, 30 c. La circonférence

de la base du crâne donne 52 c. La face est régulière, sy-

métrique, profondément émaciée. Le front est large, la

suture médiane des deux moitiés du frontal est saillante;

les bosses frontales sont peu saillantes; aplatissement des

arcades sourçiliçres ; excavation cachectique d«s fosses tem-

20 IDIOTIE.

porales; - nez aquilin; - yeux profondément excavés,

cils bruns, pupilles égales, pas de strabisme; - bouche

moyenne, lèvres fines ; oreilles bien ourlées, lobules

bien détachés ; - maxillaires réguliers, dents bien ran-

gées, complètes, mauvaises, petites, espacées ; voûte pa-

latine, peu profonde, large, régulière, symétrique ; - voile

du palais, piliers normaux, luette rudimentaire, amyg-

dales normales.

Le cou est long et grêle; - le thorax offre une incur-

vation générale de la colonne vertébrale avec concavité

gauche, il est très amaigri. Aucune malformation congéni-

tale ni aux membres supérieurs, ni aux inférieurs, qui

sont longs et grêles. - Le bras gauche est contracture

dans la demi-flexion, le pied gauche est médiocrement dé-

formé, et ne repose que sur la pointe dans la marche.

Peau : cheveux noirs, clair-semés, sourcils et cils noirs

longs, plus épais; pas d'adénites. - Organes génitaux :

verge petite, peu développée; testicules descendus.

Intelligence. A son entrée, le malade a été envoyé à l'é-

cole, mais on n'a rien pu en faire. Il est donc resté soit à la

petite école, soit à l'infirmerie. Il passait parfois toute la

journée sans rien dire; d'autres fois il faisait avec la main

signe d'approcher, et. quand on était près de lui : < J'ai faim

disait-il, j'ai soif, du pain, du chocolat, maman va venir. »

Son vocabulaire était excessivement restreint. D'autres

fois, il cherchait à donner des soufflets, à mordre; il re-

connaissait sa mère, mais ne lui faisait aucune caresse. Il

mangeait seul,assez proprement, se servant d'une cuiller te-

nue de la main droite,pas de voracité, ni de salacité; pasde

bave, il ne suce pas, ne grince pas des dents. Il demandait

le bassin le jour, et gâtait la nuit; n'aidait pas à s'habiller.

26 février. - Trois accès hier; le soir, T. R. 38°; nuit

tranquille. Ce matin, abattement, refus de manger. Cet

état est la règle chez lui à la suite des accès.

13 avril. Depuis deux jours, diarrhée à laquelle a

bientôt succédé de la dysenterie. selles fréquentes,

peu abondantes, pas de ténesme. Décoction de poudre

d'ipéca et 114 lavement avec 0,50 de nitrate d'argent. T. R.

38°,4. - Soir : T. R. 39°. Deux accès.

14 avril. T. R. 39". - Soir : T. H. 39°,4.

15 avril. - T. R. 39°. - Soir : T. R. 39°.8. Trois accès.

16 avril. T. H. 38°.4. Les selles dysentériques et glai-

reuses persistent, le sphincter est comme paralysé et laisse

couler une certaine quantité de liquide; langue humide,

saburrale, pas de vomissements, ventre non ballonné.

Donner 1 gr. d'ipéca comme vomitif, continuer la décoction

MÉNINGO-ENCÉPHALITE. 21

d'ipéca et les lavements au nitrate d'argent; eau albumi-

neuse pour boisson ; lait comme aliment.

17 avril. - T. R. 38°. - Soir : T. R. 39°,4.

18 avril. T. R. 38". - Soir : T. R. 39°,4.

19 avril. - T. R. 38°. Soir : T. R. 38°. Pas de sang

dans les selles. Continuer le régime.

20 amil. - T. R. 37°.8. - Soir : T. R. 37°,8.

21 avril. T. R. 37°,8. -Soir : T. R. 39°,4. Cinq accès.

22 avril. - T. R. 38". Apparition sur la marge de l'anus

d'une rougeur érysipélateuse, qui empiète surtout sur la

fesse gauche sous forme d'un bourrelet rouge, induré,

large de trois travers de doigt; elle intéresse moins l'autre

fesse. A son niveau,on sent un noyau d'induration. Appli-

cation de compresses d'eau de sureau; bouillons, potages,

lait. Soir : T. R. 40°,4.

23 avril. - La verge n'est pas envahie, le scrotum se

dégage ; disparition de la rougeur et du gonflement. T. R.

40°. - Soir : T. R. 40",2.

24 avril. - T. R. 39°,8. Soir : T. R. 39°,8.

25 avril ? T. R. 39°. - Soir : T. R. 38°,8. La limita-

tion de l'érysipèle s'est bien effectuée et il ne persiste un

peu d'induration qu'à la marge de l'anus. Potion de Todd

et julepavec extrait de quinquina, 3 gr.

26 avril. - T. R. 38°,8. - Soir : T. R. 39°.

27 avril. T. R. 39°. - Soir : T. R. 38°,8.

28 avril. T. R. 38°,4. Diarrhée persistante. Pen-

dant qu'on nettoyait Dub..., il s'est ouvert un petit abcès

dans le pli interfessier, un peu à gauche. 1 gr. 50

d'ipéca; bouillon et lait.

29 avril. -On sonde la plaie avec un stylet; il existe un

décollement considérable à gauche du périnée s'étendant

en avant,mais surtout en arrière; le stylet glisse en avant

sous les téguments jusqu'à la racine des bourses; en ar-

rière, il glisse entre les téguments et l'aponévrose jusqu'au

coccyx. Débridement des clapiers en dedans et en arrière;

pansements avec des mèches ; injections phéniquées deux

fois par jour. T. R. 38°.4.- Soir : T. R. 39°.

30 avril. L'écoulement du pus se fait très incomplè-

tement, vu la profondeur du clapier; on fait une contre-ou-

verture avec le trocart courbe, et on passe un drain de

moyen calibre. Le malade est très faible. Traitement : Sul-

fate de quinine 0.20. Julep avec 2 gr. d'extrait de quin-

quina et 50 gr. de rhum. Vin de quinquina. Café. Deux

pansements par jour. T. R. 38°,6. Soir : T. h. 39°.8.

leur mai. T. R. 39°,4. Dans la nuit un frisson suivi

de convulsions internes ( ? ). Ce matin Dub... est pros-

29 IDIOTIE.

tré, pâle, les yeux caves; le pouls est à 120. Nouvelle dose

de 0,20 de sulfate de quinine; sirop d'éther 40 gr. ; sinapis-

mes. - Soir : T. R. 3 î°. ? .

2 nzai. -T : R 39°,2 ; l'état local est excellent, la plaie a

bon aspect, le pus est bien lié; état général médiocre. -

Soir : T. R. 39°.

3 mai. - T. R. 38°,6. Soir : T. R. 38°,6.

4 mai. T. R. 38°,2 ; la plaie est belle, peu d'inflamma-

tion au pourtour; un peu moins d'abattement : appétit mé-

diocre. On essaie une côtelette.- Soir : T. R. 38°,2. Deux

accès.

5 mai. - T. R. 38°. Malgré son aspect cachectique le

malade ne tousso pas; tout état inflammatoire a disparu

autour de la plaie. -- Soir : 38°.

6 mari. - T. R. 38°. - Soir : 38°.

7 mai. T. R. 38°. Soir : 380-2.

8 nui.- '1'. R. 38°. On enlève le drain ; la plaie est deve-

nue un peu fongueuse; on la pansera au vin aromatique.

Sirop d'iodure de fer et viande crue 50 gr. Soir :

T. R. 38°.

9 mai. - T. R. 38°,8. - Soir : T. R. 38°,8.

10 mai. T. R. 38°,4. Soir : Dub... a eu un accès

dans l'après-midi ; T. R. 39°.

11 matit. IL zoo,6. Constipation ; limonade purgative.

- Soir : T. R. 38°,8.

12 mai. T. R. 38°,2. Soir : T. R. 38°.

13 mai. - T. R. i>8". La plaie marche vers la cicatrisa-

tion complète. - Soir : T. R. 38°, i.

14 mai. Deux accès.

30 mai.-Depuis quinze jours, la température oscille en-

tre 38° et 38°,8 ; la plaie est presque fermée ; mais le décu-

bitus prolongé a provoqué des eschares qui, bien que

superficielles, vont en s'élargissant. Panser avec de la

poudre de quinquina et coucher le malade sur un matelas

à air.

9 juin.- La température oscille toujours autour de 38°.

La cicatrisation est presque complète ; les eschares persis-

tent et bourgeonnent; on les cautérise au nitrate d'argent.

Bain salé tous les deux jours. Même prescription et même

régime reconstituant. T. R. : 37°,8. - Soir : T. R. 38°.

23 août. La plaie est depuis longtemps absolument t

cicatrisée; néanmoins Dub... est trop affaibli pour être

levé; il reste au lit, recoquevillé sur lui même, indifférent

à ce qui l'entoure; pas do fièvre; depuis hier la diarrhée,

arrêtée a grand'peinc, a reparu avec assez d'intensité; peu

d'appétit. Julop avec 4 gr. de sous-nitrate de bismuth.

MÉNINGO-rNrÉPHALITE7 2 : i l

' 24 août. Moins de diarrhée; l'état cachectique s'ac-

centue de jour en jour; pas de fièvre ; pouls petit et miséra-

ble ; bouche et langue sèches, pas de muguet, pas de vo-

missements, refus de manger; le ventre est rétracté en ba-

teau ; amaigrissement profond, saillie des apophyses ma-

laires, excavations des joues et des tempes, yeux creux,

cernés, ternes, rictus sardonique, saillie des côtes, du ster-

num, des reliefs du bassin, des ischions; les membres

montrent les reliefs musculaires et les fosses ischio-rectales

sont comme évidées. Traces de duvet cachectique à la lè-

vrc supérieure et au niveau des branches du maxillaire

inférieur; quelques poils aux membres, sur le dos, le sa-

crum, au pubis ; rien aux aisselles. Ulcérations cachecti-

ques : 1° sur la tête du troisième métacarpien gauche, 2° à

la jonction du pouce droit et de l'index, 3° sur le tendon

d'Achille gauche, 4° sur le bord externe du pied gauche,

5, sur la crête iliaque,surle sacrum. Dub...affectionne le dé-

cubitus latéral gauche, les genoux presque collés au men-

ton. Rien au coeur, rien dans la poitrine, respiration faible.

L'auscultation estdifficile. C'est un affaiblissement progrès z

sif. T. R. 38°,2. - Soir : T. R. 39°,2.

25 août. T. R. 38°. - Soir : T. R. 38°,2.

26 août. T. R. 39°. Pas d'amélioration; ajouter au

bismuth 2 gr. de diascordium, et donner un lavement avec

un blanc d'oeuf et 12 gouttes de laudanum de Sydenham.-

.soir. T. R. 38°,6.

27 a.o11t. - T. R. 38°,8. Dub... est mourant, il respire à

peine; algiditédes extrémités; diarrhée continuelle, selles

involontaires. Soir : T. R. 39°. - Décès à 10 h. du soir.

T. R. post mortem : 41°,6.

Les accès ont eu la marche suivante : janvier, 4 ; fé-

vrier, 27 ; - mars, 14 ; - avril, 21 ; mai, 3, plus 4 verti-

ges; juin, 20 ? juillet, 5 ; août, 14. Les accès ont

été suspendus durant la période aiguë de l ? Stpè ! e (22

avril 4 mai).

Autopsie le 27 août 1881. - La voûte crânienne est très

épaisse, le tissu osseux est dense : la dure-mère est épais-

sie ; adhérente ça et là à la boîte osseuse : la base du crrîaze

est régulière et symétrique. L'encéphale pèse 1210 gram-

mes ; les artères de la base, les nerfs. le chiasma, les pé-

doncules paraissent symétriques. Les hémisphères ne pa-

raissent pas égaux; du côté droit, les lobes frontal et occi-

sont en retrait sur ceux du côté gauche. L'hémis-

phère droit ne mesure que 17 c. dans sa plus grande lon-

gueur et paraît moins largo aussi que le gauche qui me-

24 IDIOTIE.

sure 17 c. 1/2 de longueur; de même l'hémisphère droit

pèse 170 gr. de moins que le gauche.

Hémisphère droit. Lorsqu'on essaie d'enlever la pie-

mère qui n'est guère plus épaisse que d'habitude, mais qui

est finement vascularisée, on entraîne avec elle la subs-

tance grise; après plusieurs essais, et malgré le plus grand

soin, on constate que c'est toute la couche de substance

grise qui suit la pie-mère, laissant ainsi à nu le squelette

de substance blanche des circonvolutions. Ceci se produit

sur toute la face convexe de l'hémisphère, hormis au ni-

veau du lobule de l'insula, et des ` ? 13 antérieurs du lobe

temporal. La même chose se reproduit sur la face interne,

où nous dépouillons successivement la 1r circonvolution

frontale, le lobule paracentral, l'avant-coin, le coin, le lobe

occipital de toute leur substance grise, laquelle ne résiste,

mais incomplètement, que sur la circonvolution du corps

calleux, et sur la moitié antérieure du lobe temporo-occi-

pital. La substance blanche, ainsi mise à nu, est indurée,

ferme, et est hérissée de petites crêtes, rendues plus visi-

bles par l'immersion dans l'eau. Il nous reste, d'autre part,

dans la main, une véritable coque résultant de la soudure

de la pie-mère à la substance grise, et reproduisant par

ses reliefs et ses dépressions le dessin des circonvolutions

dépouillées. Le ventricule latéral est un peu dilaté, la corne

d'Ammon est indurée (Planche I).

Hémisphère gauche. On constate aussi des adhérences à

peu près généralisées de la pie-mère, sauf au niveau des

deux circonvolutions ascendantes, du lobule paracentral,

de l'extrémité du lobe occipital, et de la face interne du

lobe temporal. Mais on n'entraîne que des fragments de

substance grise et non la totalité comme du côté opposé. La

corne d'A mmon est aussi indurée; le ventricule latéral

parait normal. Le corps calleux et les corps opto-striés

des deux côtés ne présentent pas d'altération.

Le cervelet et l'isthme réunis pèsent 1;')0 gr. ; les plis du

cervelet offrent au toucher une dureté assez notable, sur-

tout à gauche; la décortication de la pie-mère est facile. La

protubérance, le bulbe ne présentent aucune asymétrie, au-

cune trace de sclérose descendante.

Il y a quelques adhérences antéro-latérales au sommet

du poumon droit qui est hépatisé dans son lobe inférieur;

le gauche n'est que congestionné et oedématié; les sommets

sont sains. Le coeur pèse 170 gr. et n'est le siège d'aucune

lésion valvulaire ; quelques caillots cruoriques dans l'oreil-

MÉNINGO-ENCÉPHALITE. 25

lette et le ventricule droits, du sang fluide dans le gauche ;

rien à l'aorte. Aucune lésion de l'oesophage, de l'estomac ni

de l'intestin grêle ; la muqueuse du gros intestin, surtout

vers l'extrémité inférieure, est boursoufflée, épaissie,

marbrée; pas de cicatrice d'ulcérations. Le foie, jaunâtre,

gras au toucher, friable, pèse 800 gr. ; la rate, 40 gr. ; les

reins, dont la substance corticale est décolorée, pèsent l'un

80 gr. et l'autre 60 gr.

I. L'histoire pathologique de cet enfant comprend trois

phases bien distinctes.

a) La première est marquée par des convulsions qui se

reproduisent presque tous les mois, jusqu'à un an et demi,

sans avoir, en définitive, affecté d'une manière notable soit

le mouvement, soit l'intelligence. En effet, de dix-huit mois

à quatre ans, Dub... se développe, marche librement, parle

sans difficulté, est propre, apprend à lire, etc.

b) La seconde phase débute par des convulsions, revê-

tant la forme d'un état de mal et prédominant dans la moi-

tié gauche du corps. A partir de là, on note le retour des

convulsions mensuelles ; puis un autre état de mal, offrant

les mêmes caractères que le précédent, suivi d'une parésie

à gauche et d'une augmentation des crises convulsives. Du-

rant cette phase, les facultés intellectuelles, paraît-il, n'au-

raient été que médiocrement affaiblies.

c) La troisième phase commence en juin 1880. De même

que la seconde, elle s'annonce par un état de mal. Les con-

vulsions prédominent toujours à gauche. Autrefois, quel-

ques jours après les états de mal, D... se levait, semblant

revenu à sa situation habituelle. Après celui-ci, il se plaint

de douleurs de tête, a de la fièvre, etc. ; et, tandis que le

premier état de mal n'avait pas intéressé la motilité, que

le second n'avait produit qu'une parésie elle-même transi-

toire, ce dernier état de mal se termine par une hémiplé-

gie gauche et par une déchéance intellectuelle si accusée

que, à l'entrée de l'enfant à l'hospice, nous sommes ame-

menés à porter le diagnostic : idiotie, probablement con-

sécutive à une méningo-encéphalite, plus avancée à gau-

che, en raison de la paralysie.

La débilité intellectuelle a continué de progresser ; il est

survenu une diarrhée abondante, un érysipèle phlegmo-

neux, un abcès avec des délabrements considérables ; tous

26 DÉCORTICATION DE LA SUBSTANCE GRISE.

ces accidents graves ont guéri. Mais, bientôt, la diarrhée a

reparu ; l'amaigrissement s'est accentué de plus en plus ;

des ulcérations se sont formées de tous les côtés et l'enfant

a succombé avec une hépatisation terminale d'une partie

du poumon droit.

II. Disons de suite que l'autopsie n'a révélé aucune lé-

sion tuberculeuse, que la diarrhée n'a laissé aucune trace (1)

et passons aux lésions cérébrales qui, à notre avis, méri-

tent tout particulièrement d'attirer l'attention.

Elles consistaient en une méningo-encéphalite à peu

près généralisée des deux hémisphères et parvenue à des

degrés divers. Cà et là, principalement sur l'hémisphère

gauche, en enlevant la pie-mère on entraînait des portions

plus ou moins larges et plus ou moins profondes de la subs-

tance grise. Il en était de même sur le lobe temporo-sphé-

noïdal droit.

Mais, et c'est là le point le plus important, sur les trois

quarts environ de la face convexe et de la face interne de

l'hémisphère droit, la pie-mère entraînait avec elle toute

l'épaisseur DE la substance GRISE, mettant ainsi à nu le

squelette de la substance blanche atrophiée et indurée.

(Dans la Planche I, M. Leuba a bien rendu l'aspect des

lésions que nous avons décrites).

C'est, croyons-nous, la première fois que l'on signale des

lésions de ce genre chez un enfant de douze ans ; tout le

monde sait, en effet, qu'on les rencontre, sinon aussi éten-

dues, du moins aussi intenses dans la paralysie générale

progressive, maladie de l'âge adulte (2).

(1) Nous avons observé plusieurs cas de diarrhée idiopathique

chronique chez des enfants idiots des deux sexes, se terminant,

au bout de plusieurs semaines ou de plusieurs mois par la mort, et

dans lesquels nous n'avons relevé aucune lésion macroscopique.

Nous publierons prochainement une note sur ce sujet.

(2) M. Baillarger a publié dans les Annales médico-psychologiques

(6 janvier 1882), une note dans laquelle il rappelle trois cas de para-

lysie générale où il a trouvé la même lésion, caractérisée par la sé-

paration de la substance grise de la substance blanche. Voir aussi :

Calmeil, Traité des maladies inflammatoires du ceJ'l1e : w,-ûutrc le

cas qui précède, nous en possédons d'autres, dans lesquels la lésion

était aussi accusée mais plus circonscrite.

MICROCÉPHALIE. 27

5 III. Note sur deux cas d'imbécillité et d'idiotie due à la

microcéphalie par MM. Bourneville et Wuillajué.

Notre but n'est pas d'entreprendre, quant à présent, une

monographie didactique sur la microcéphalie, mais de pla-

cer sous les yeux de la Société deux faits qui nous parais-

sent propres à éclairer cet intéressant sujet. Toutefois, avant

d'aborder l'exposé du premier cas que nous avons observé,

il nous semble utile de rappeler deux des travaux les plus

importants, faits dans ces derniers temps sur la microcé-

phalie. Le premier, dû à l'un des hommes les plus éminents

de notre époque, Charles Vogt, est intitulé : Mémoires sur

les microcéphales ou hommes singes (1) ; - l'autre, éla-

boré sous les yeux de Broca, a pour auteur M. E. Ducatte

et porte le titre suivant : La microcéphalie au point de vue

de l'atavisme (2).

Observation 1. -Père, oncle paternel et frère alcooliques.

Mère : pertes de connaissance mal caractérisées.

Grand' mère maternelle : carcinome. - Autre frère :

aliéné. - Excès de boissons.- Premier accès consécu-

tif aune peur, a 18 ans ; délire consécutif, deuxième

accès à 47 a,s.Trots'ème à 50 ans Vertiges, hallu-

cinations de la vue. - Intel'ige ? îce'inéeliocre. - Micro-

céphale. - Suicide. Poids de l'encéphale : 770 gr.

Simplicité des circonvolutions.

Chér... (Philibert-Auguste), âgé de 59 ans, boulanger,

puis infirmier, est entré à Bicêtre le 25 mai 1872 (service

de M. Bourneville).

Antécédents. - Père : .-boulanger, alcoolique (vin blanc),

mort d'un asthme symptomatique de bronchite chronique

avec emphysème à l'âge de 75 ans ; il avait des varices con-

sidérables ; il n'aurait pas eu d'autre maladie. [Deux frères;

le plus jeune est mort prématurément, on ne sait de quoi.

L'autre a succombé à des excès de boissons (vin blanc).

Aucun renseignement sur les grands parents paternels.]

Mère : elle travaillait avec son mari; elle était maladive.

Vers l'âge de quarante à quarante-cinq ans, elle fut, durant

(t) Genève, 1867. In-i° de 210 pages et 26 planches noires.

(2) Thèse de Paris, 1880. In-41 de 96 pages.

28 imbécillité.

trois ou quatre ans, sujette à des crises caractérisées de la

façon suivante : elle tombait n'importe où, devenait très

rouge, mais n'écumait ni ne se débattait. On prétend mê-

me qu'elle ne perdait pas connaissance ( ? ). On attribuait

ces accidents à la « force du sang » ; ils cessèrent à la suite

d'une couche. Très active, prompte à se mettre en colère,

elle n'avait cependant jamais été sujette à des attaques de

nerfs ; morte percluse de douleurs,aveugle et atteinte d'ana-

sarque ; on ignore les maladies qu'elle a pu faire : elle avait

deux hernies, dont l'une s'étrangla à 60 ans et fut opérée

avec succès. [Grand'mère maternelle morte d'un carcinome

à la cuisse ; grand-père mort de vieillesse à 98 ans et demi.

Deux soeurs, l'une bien portante, mère de 7 enfants en

bonne santé; l'autre morte en couches à 47 ans. Un frère

mort de fièvre typhoïde].

Pas de consanguinité. Le mari n'avait qu'un an de plus

que sa femme.

Trois enfants. 1° Notre malade; 2° un garçon rhumati-

sant, qui avait « une espèce de goutte z ; il est mort à 40 ans

à la suite d'excès de boisson (absinthe), ses enfants se por-

tent bien ; 3° un garçon très maladif, « aurait un peu perdu

la tête » à un moment donné, à la suite de chagrins de

famille, mais, cela « lui aurait passé » au moment où il

aliait entrer à Charenton. On ne connaît pas d'autre mem-

bres parmi les ascendants ou descendants ayant été sujet à

quelque maladie nerveuse.

Notremalade. Bonne santé habituelle, a eu la rougeole,

la variole et un abcès de l'oreille. Pas de convulsions ni de

cauchemars, ni d'incontinence nocturne d'urine dans son

enfance; il n'était pas non plus peureux et n'avait eu au-

cune espèce de manifestation nerveuse. Caractère vif, et,

suivant lui, courageux à'l'ouvrage. Il dit que,pour son com-

merce, il était obligé clé boire beaucoup (vin blanc), mais

qu'il ne se grisait pas. Il n'a jamais été très porté pour les

femmes, partant pas d'excès vénériens; fume pour 1 fr. 50

et prise pour 25 centimes de tabac par semaine.

Le début de la maladie remonte à l'âge de 18 ans. C'est

en effet à cette époque que, sous l'impression d'une vive

frayeur (voleur caché dans la chambre à farine de son

père), il eut sa première crise; il tomba privé de connais-

sance et se débattit beaucoup pendant 7 à 10 minutes, puis

il reprit connaissance, eut un peu de délire pendant envi-

ron une heure et s'endormit (c'était à minuit). Lclendemain,

il ne restait qu'une grande fatigue. Cela paraît avoir été

un accès d'épilepsie. '

MICROCÉPHALIEÈ 29

Telle est l'origine du mal; quant à son évolution, les

renseignements fournis par le malade à son entrée diffèrent

de ceux qu'il nous a donnés dernièrement.

En 1872, il disait à M. J. Falret qu'à la suite de ce pre-

mier accès, il s'en serait reproduit d'autres tous les jours

pendant un an; puis, tous les huit jours pendant six mois;

puis de nouveau tous les jours, offrant ainsi une sorte d'in-

termittence. A nous, au contraire, il déclare que son pre-

mier accès a été unique, et que ce n'est qu'à l'âge de 46 ans,

en 186, qu'il a cu son deuxième accès. Nous sommes porté à

admettre de préférence cette dernière version : en effet,

Cher.... a été soldat durant 15 ans et il est probable qu'on

ne l'aurait pas gardé aussi longtemps s'il avait eu des

crises nerveuses. Un autre fait viendrait à l'appui de cette

opinion : en 1863, il est déjà venu à Bicêtre après avoir

passé par la Préfecture de police; au bout de 3 mois, il a été

transféré à l'asile d'Armentières, et aucun des certificats

consignés sur les divers registres ne mentionne l'existence

de crises convulsives observées à cette époque.

Ce serait donc en 1869 qu'il aurait eu son deuxième

accès. Il était infirmier à Saint-Antoine ; en rentrant un soir,

il se sentit tout à coup mal à l'aise, et, craignant quelque

accident, il alla demander dans un poste qu'on le recondui-

sit à l'hôpital. Il se tenait à peine sur ses jambes et pour-

tant il n'avait pas bu. Arrivé à la grille, il tomba privé de

connaissance, assez brutalement pour casser un banc et se

meurtrir les jambes. Ce deuxième accès fut semblable au

premier, et suivi d'un délire de deux jours. Le troisième

accès survint en 1872, alors qu'il retravaillait de son premier

état, et fut suivi d'un 4e quelques heures après. Cette fois,

pas de délire consécutif. Il fut obligé de quitter sa place et

entra comme infirmier à la Pitié. A ce moment, la maladie

prit une marche rapide, Cher..., tombait 5 à 6 fois par jour ;

il fut envoyé à Bicêtre par M. Féréol.

Durant les premiers mois de son séjour à l'hospice, on

nota seulement de nombreux vertiges (15 à 20 par jour)

et des hallucinations pendant la nuit : « la lumière de

la salle lui apparaît comme une aile de moulin qui tourne ;

il voit aussi le voleur, etc. » Il est aussi fait mention sur les

registres auxquels nous empruntons ces détails de trem-

blement de la main, de fourmillements à la plante des

pieds. Si on lui faisait regarder le plafond ou fermer les

yeux, il tombait. Quand il marchait, il jetait la jambe, ses

liras lui faisaient l'effet d'être de plomb; il se plaignait en-

fin d'un affaiblissement de la mémoire. - Les accès ont eu

la marche suivante : .

30 imbécillité.

MICROCÉPHALIE. 31

Organes génitaux : verge très développée, testicules

assez gros. Hernie inguinale droite, maintenue par un

bandage.

Digestion : appétit bon, digestion facile, pas de vo-

missements, pas de gastralgie, pas de diarrhée, selles régu-

lières ; rate et foie normaux. Respiration : quelques

râles sous-crépitants fins aux deux bases des poumons en

arrière, sonorité normale. - Circulation : peut-être un

léger souffle au premier temps et à la pointe; battements

du coeur réguliers.

Sensibilité générale normale et égale des deux côtés du

corps. Vue un peu basse depuis quelque temps, mais

juste; ouïe, odorat, goût, conservés et normaux. Force,

dynamométrique (Mathieu) : main droite, 37 kil; main

gauche, 40 kil.

Peau. Cheveux grisonnants, jadis noirs, assez abon-

dants ; sourcils et cils bien fournis, moustache et barbe

grises, autrefois châtains, poils roux au pubis; les jambes

sont presque glabres. Pas de trace d'adénite, ni de syphi-

lis, de scrofule ou d'eczéma.

Intelligence. A première vue, Cher... paraît assez

intelligent ; ses yeux sont vifs et parfois le regard est assez

malin. Son instruction a été un peu négligée, il sait pour-

tant lire, écrire et faire les quatres règles. Il était adroit

dans son métier; il prétend avoir été sergent dans les

chasseurs de Vincennes. Actuellement, il travaille avec la

plus grande assiduité au jardin, et gagne le maximum

(40 cent. par jour); il économise avec soin, presque avec

avarice, l'argent de son gain et passe pour avoir un petit

pécule. Il est très sobre ici et ne sort pas. Naturellement

gai, il raconte à ses compagnons une suite d'histoires

drolatiques (moyen de faire des petits pains au lait sans

lait, etc.,). Il est un peu hâbleur en ce sens que, quoiqu'il

entende raconter, il a toujours vu plus fort, et bâtit de

suite son histoire, ce qui indique une imagination assez

active. Il est de plus très chiffonnier et ramasse tout dans

ses poches. Il porte toujours sur lui toutes ses richesses :

une musette en toile pleine de victuailles, de quatre ou

cinq porte-monnaies, de tabatières, de papiers, etc., etc. ;

une grosse chaîne à laquelle sont appendus son porteanon-

naie de service, les clefs des jardinets, son couteau ; à la

boutonnière, son débourre-pipe. Toutes ses poches sont

pleines. Il a toujours une canne à la main. On voit par ces

détails que ce malade a réellement un cachet tout particu-

lier (Planche II).

23 août. On a trouvé hier Cher... pendu à un clou dans

32 IMBÉCILLITÉ.

la cave d'un employé. Jamais on n'avait remarqué chez lui

de tristesse ni d'idées de suicide; au contraire, ces derniers

jours, il était tout heureux de passer aux vieillards et de

pouvoir, par la suite, sortir librement pour aller voir ses

amis. Peut-être était-il un peu soucieux depuis deux jours ?

Le matin, il avait remis son porte-monnaie à son camarade

Monget, en lui recommandant de ne pas l'ouvrir, ajoutant

qu'il le reprendrait le soir. A onze heures, il n'avait pas

déjeuné et avait seulement bu son vin, il était retourné à

son travail à midi et demi jusqu'à deux heures et demie,

mais paraissait préoccupé ; ensuite, il est allé à la cantine

de la Sibérie avec des amis et là on l'a perdu de vue ; on le

croyait retourné à son travail. A quatre heures, heure de

la rentrée, on a remarqué son absence et les recherches

n'ont fait découvrir que sa veste et sa canne. Enfin, à six

heures, on l'a trouvé pendu au moyen d'un cordeau de jar-

dinage, les pieds touchant terre, un tréteau devant lui, le

corps encore tiède, mais tout secours fut inutile.

Autopsie, le 24 août, à 9 heures et demie du matin.

Rigidité cadavérique très prononcée aux quatre mem-

bres et également des deux côtés. La face est pâle plutôt

que congestionnée, les yeux entr'ouverts, mais non sail-

lants ; la langue est un peu tuméfiée et son extrémité fait

saillie entre la moitié gauche des arcades dentaires. Au

cou un sillon correspondant en avant à la partie supérieure

du cartilage thyroïde, montant latéralement à droite de

façon à atteindre à un centimètre au-dessous du cartilage

de l'oreille, pour reprendre ensuite une direction horizon-

tale et joindre en arrière la troisième vertèbre cervicale.

Du côté gauche, il est horizontal et rejoint directement la

même vertèbre. Il est plus profond sur la ligne médiane et

latéralement qu'en arrière. A son niveau, 'la peau est bru-

nâtre ; il est limité par les lèvres tuméfiées et violacées, la

supérieure surtout et dans tout le trajet, l'inférieur en ar-

rière seulement. Teint ecchymotique de la région cervicale

postérieure et du cuir chevelu, lequel est bouffi, cedéma-

tié. Au niveau du sillon,le tissu est lardacé, nacré; le sterno-

mastoidien est déprimé et on ne trouve pas de sang extra-

vasé et coagulé entre les muscles de la région. Sur le corps,

aucune trace de violence. Pas trace d'éjaculation : verge

semi-turgide.

Tête : Cuir chevelu excessivement épais. Crâne très

petit. Calotte osseuse dure et dense, peu épaisse, frontal,

pariétaux, minces.-Pas d'asymétrie appréciable de la base

du crâne. Dure-mère très épaisse. Poids total de

MICROCÉPHALIE. 33

l'encéphale : 770 grammes.- Pas d'injection delà joie-mère.

Artères de la base, chiasma, tubercules mamillaires,

pédoncules, réguliers, normaux et symétriques. - Cervelet

et isthme : 130 grammes; cervelet 'seul, 110 grammes.

Hémisphères cérébelleux égaux, rien à la coupe. - Pro-

tubérance, bulbe, quatrième ventricule, rien.

Hémisphères cérébraux. -Le droit a 16 centimètres de

longueur; le gauche, tout en paraissant plus court à la

vue, donne le même chiffre la mensuration. Il pèse 5

grammes de plus que le droit.

Hémisphère cérébral gauche. Lapie-mère s'enlève très

facilement; le ventricule latéral est petit dans toutes ses

cavités ; rien à la corne d'Ammon, ni à la coupe des corps

opto-striés.

Face externe.-Lobule de l'izs2cla loeu plissé, 3e circon-

volution frontale bien dessinée; première et seconde cir-

convolutions frontales très courtes et presque confondues ;

frontale et pariétale ascendantes régulières ainsi que le pli

courbe, les trois circonvolutions temporales sont nettes;

le lobule du pli courbe, le lobule pariétal, le lobe occipi--

tal sont très distincts, très simples et sans circonvolution

supplémentaire. - D'une façon générale, les circonvolu-

tions sont fermes et remarquablement peu plissées (PL. III).

Face interne. La scissure calloso-marginale, les sil-

lons des circonvolutions sont très profonds. La circon-

volutions du corps calleux et la face interne de la première

frontale sont très peu plissées ; de même le lobule para-

central, dont le sillon est reporté en avant; rien de particu-

lier au lobe carré ni au coin, qui sont rudimentaires.

La 4e et la 5° circonvolutions frontales sont nettement des-

sinées. Scissures perpendiculaire, externe et calcarine ré-

gulières (Planche IV).

Hémisphère droit. Décortication facile, ventricule

latéral très petit; même disposition que du côté opposé,

môme simplicité des circonvolutions. Pas de sillon au lo-

bule paracentral; rien à la corne d'Ammon.

Moelle. Plusieurs coupes n'ont pas fait découvrir de

sclérose des cordons postérieurs.

l'I1.01'a : \ ? C,,luclclues adhérences pleurales du côté droit,

pas d'ecchymose sous-pleurale. Les poumons s'affaissent

incomplètement, ils sont un peu oedématiés. A la coupe, il

s'échappe une notable quantité de sang, surtout des lobes

inférieurs. Pas d'emphysème évident. Les bronches sont

rosées, un peu injectées : le larynx n'offre ni ecchymose, ni

fracture. Le coew' pèse 350 grammes : pas d'ecchymose pé-

ricardique ni sous-endocardique; quelques plaques laitou-

BOURN. 3

34 IMBÉCILLITÉ.

ses, surtout sur la face antérieure des ventricules; légère

surcharge graisseuse au niveau des sillons ; tissu ferme,

hypertrophie du ventricule gauche, dont le bord externe

est tordu en z ? la cavité du ventricule gauche est légère-

ment rétrécie, et sa paroi mesure trois centimètres d'épais-

seur à sa base ; légère opacité de la valvulve mitrale dont

le bord libre est épaissi sur certains points, sans toutefois

présenter de nodosités. A l'insertion inférieure d'une des

valvules sigmoïdes de l'aorte, on trouve des nodosités cal-

caires. Dans le coeur droit, accumulation de caillots cruori-

ques. Sur l'aorte, au-dessous de la carotide primitive galo-

che, quelques plaques calcaires d'athérome. Rien aux

carotides.

ibdome ? Aucunoaltèration de l'oe13o]1hage : lamuqueu-

so stomacale offre de nombreuses et Unes ecchymoses au

niveau du petit cul-de-sac, du grand cul-de-sac, et de la

courbure; le foie pèse 1450 grammes, pas d'ecchymoses,

de kyste, ni de calcul ; la rate pèse 90 grammes, pas d'ec-

chymose, ni de périsplénile, normale à la coupe; les reins

sont égaux, pèsent 175 grammes chacun, se décortiquent

facilement et n'offrent aucune lésion à l'oeil nu. Aucune al-

tération de la uessie ni de la prostate. Dans le testicule gau-

che, un petit kyste séreux entre la tête de l'épididyme et

la glande.

Réflexions. L'histoire de Chér... présente un certain

nombre de particularités qui méritent d'être mises en relief.

I. L'alcoolisme d'une part, l'existence d'accidents né-

zoopathiques de l'autre, nous paraissent avoir exercé une

action sur la condition cérébrale originelle de notre malade.

Cette hypothèse trouve encore sa justification dans ce fait

que son frère a été atteint d'aliénation mentale.

II. L'épilepsie est survenue à 18 ans, sans aucun prodro-

me, à la suite d'une peur, sa marche semble avoir été assez

singulière. Il y aurait eu une première période durant la-

quelleon n'aurait observé qu'un accès, suivant une version,

un certain nombre d'accès portant sur deux années environ,

d'après une autre version. Ensuite, il se serait produit une

rémission, qui se serait prolongée jusque vers 46 ans. Peu

après le retour des accès, Ch. est entré à Bicêtre où l'on a

noté d'abord de nombreux vertiges, puis des accès multi-

microcéphalie. 35

pliés (201 en 1873), enfin, une disparition complète des cri-

ses en 1881.

III. L'état intellectuel do ce malade n'offrait rien de bien

saillant tout d'abord ; mais un examen attentif montrait

que si Cher... était doué d'une imagination assez vive,

avait une élocution facile, les autres facultés intellectuelles

étaient plutôt au-dessous du degré moyen. Ses allures, son

bizarre accoutrement, sa manie de collectionner des objets

disparates et de peu de valeur, rappelaient ce qu'on observe

assez souvent chez les insuffisants, les imbéciles, etc.

IV. L'examen de son cerveau est extrêmement curieux;

ce dernier ne pesait que 640 gr. Les circonvolutions sont

réduites aux circonvolutions élémentaires ; c'est, en quelque

sorte, un cerveau d'étude. - Toutes les circonvolutions

sont très distinctes ; il n'y a pas de plis de passage. Des

sillons assez profonds les séparent nettement les unes des

autres. Notons aussi le développement assez accusé des

lobes paracentraux et des lobes carrés. Ces derniers, ainsi

que les lobes occipitaux, offraient d'assez nombreux sillons

superficiels et les circonvolutions, sans être indurées,

avaient, dans une certaine mesure, l'apparence de circon-

volutions atrophiées (Planches III et IV).

Nous profitons du fait qui précède pour mettre sous les

yeux de la Société anatomique le moulage du cerveau

d'un autre microcéphale, atteint d'idiotie et d'épilepsie. Ce

moulage avait été fait, sur la recommandation de Broca,

qui l'avait présenté à la .Société d'Anthropologie. Les Bul-

letins de la Société ne font que mentionner cette présenta-

tion, et ne contiennent aucune note clinique sur le malade,

ni aucune description anatomique. Mais, récemment, dans

sa thèse inaugurale, M. le D'' Ducatte a étudié ce moulage

et en a fait une description minutieuse. D'autre part, l'un

de nous, il y a une vingtaine d'années, avait recueilli quel-

ques notes sur le malade qui appartenait au service de M.

Delasiauve ; et, de plus, il savait que ce vénéré maître

avait aussi consacré quelques pages très intéressantes à

ce malade dans un mémoire intitulé : Des principes qui

doivent présider l'éducation des idiots (page 19).

36 IDIOTIE et ÉPILEPSIE.

Nous avons pensé qu'il était utile de rassembler ces di-

vers documents et de reconstituer ainsi une observation

qui mérite d'être rapprochée de la première.

Observation II. Père : hébétude passagère, consécutive

iL une grande application de la musique.Sceur : idiote.

- Deux frères : Mobilité. Idiotie. Microcéplialie.

- Epilepsie : marche des accès. - Quelques succès

d'ëducaitO) ? O'o ? 'ps étrangers de l'oesophage; asphyxie;

zzzort. - Autopsie : poids du cerveau, 650 gr. -

" Description du cerveau.

Edern (Auguste), âgé de 16 ans, est entré v l'asi(o de Bi-

cêtre (service de M. DELASIAUVE) le 13 janvier 1850.

Antécéde : 2ts.-Son père, employé, parait assez capable;

il serait tombé, pendant un certain temps, par suite de trop

grande application à la musique, dans un état d'hébétude

profonde. Ce serait à ce moment-là que la mère de notre

malade serait devenue enceinte de lui. Une soeur, morte

idiote. Deux frères bien constitués, mais d'une mobilité

extrême.

Examen du malade. - La tête est assez bien conformée

mais excessivement petite, elle est aussi légèrement dépri-

mée au-dessus des sourcils. Tout le reste du corps est nor-

malement conformé. Les organes génitaux, surtout le

pénis, sont très développés ; onanisme; incontinence noc-

turne d'urine.

Attitude. - Son regard est stupide, sa démarche, ses

gestes, tout en lui dénote la lourdeur et l'hébétement. Il

est presque constamment en mouvement, faisant des gesti-

culations incohérentes; il salive de temps en temps.

Parole. - Son vocabulaire est excessivement restreint

et se réduit à quelques mots qu'il articule confusément :

« Non, papa, maman, chameau, cochon. » On est parvenu

à l'étendre un peu et à lui faire appeler plus ou moins bien

les personnes du service « M. Dezairs, 1111\;1.. Marri, Couta-

rel. »

Caractère. - Il a des périodes de calme où sa physiono-

mie est douce; dans d'autres,au contraire, il est sujet à des

accès de colère difficiles : 1- réprimer. Il a une sorte de besoin

d'approbation : il est sensible à la flatterie : un refus, une

préférence provoquent son ressentissement et le rendent

maussade et lui font repousser, avec un dédain irrité, les

offres les plus séduisantes. La vue d'objets éclatants.la mu-

MICROCÉPHALIE. 37

sique lui causent une vive impression et lui arrachent des

transports frénétiques. « Beau çà ! ». En dehors de ces sti-

mulants assez vifs, son attention est difficile à fixer.

Ed... est, en outre, sujet à des accès d'épilepsie sur

l'origine desquels nous n'avons pas trouvé de renseigne-

ments.

« Rien n'avait été tenté pour cet idiot dans l'asile, dit

M. Delasiauve, lorsqu'un sentiment de bienveillance porta

M. Dezairs às'en occuper. Connaissant son genre d'impres-

sionabilité, il réussit aisément àciptiver son intérêt parles

modulations variées de divers instruments, et notamment

par les sons tantôt bruyants et rapides, tantôt graves et ca-

dencés du tambour. Edern était donc susceptible d'atten-

tion. Première conquête. Pouvait-il le devenir de réflexion ?

C'était une épreuve à tenter. L'achat dé quelques jouets

pour la Section nous fournit bientôt l'occasion d'expérimen-

tations curieuses.

« Parmi ces jouets, se trouvaientdes pistolets canonnières;

Edern s'en était épris. Leur détonation le réjouissait :

« Beau, ça ! » s'écriait-il en riant aux éclats, en trépignant

de plaisir et en agitant tumultueusement ses bras; puis,

tendant l'oreille pour mieux entendre : « Encore ! encore ! »

ajoutait-il.

« Il apprit d'abord le premier des trois temps dont le tir

se compose. Plusieurs séances furent nécessaires. Sesyeux

au début erraient vaguement sur l'arme sans s'y fixer. Dès

qu'on eut triomphé de cette inattention, on passa au méca-

nisme de la manoeuvre.

« Mais en vain lui maintenait-on la main gauche sur le

canon, en forçant l'autre à pousser brusquement la tige;

aussitôt qu'on cessait de le diriger, il abandonnait l'instru-

ment, ou du moins l'opération avortait, soit par suite d'une

pression incertaine et inégale, soit en raison du déplace-

ment des doigts, venant malencontreusement appuyer sur

le bouchon, se prendre dans la corde ou s'interposer entre

le manche du piston et l'extrémité inférieure du tube.

« La constance, toutefois, eut raison de l'inaptitude.

Edern finit par réussir, et ce succès flatta tellement son

amour-propre qu'il fut empressé de renouveler les explo-

sions, et devint fort attentif aux deux phases du charge-

ment, dont il comprit très rapidement la succession. Il put

retirer le piston sans obstacle; mais il en fut tout autre-

ment pour l'introduction du bouchon, qu'il faisait en-

trer dans le tube par le gros bout, en travers ou imparfai-

38 IDIOTIE ET ÉPILEPSIE.

tetnent, et qui ne put être surmonté qu'après de nombreu-

ses tentatives.

« Ce développement rudimentaire parut d'ailleurs l'insti-

gateur d'une sorte de réveil intellectuel révélé tout à la fois

par des traits moins obtus, une manifestation plus modé-

rée des impressions, et par une certaine initiative. Edern

variait spontanément son tir, se servant des deux mains où

d'une seule, appuyant la crosse du pistolet sur sa poitrine,

sur le parquet ou sur un meuble, imprimant au canon des

directions diverses, ripostant aux attaques, et trahissant sa

satisfaction quand, feignant d'être atteint, son adversaire

lui laissait croire au succès de son tir.

» Le maniement du pistolet-canonnière ne fut pas le seul

essai tenté. Edern eut à faire fonctionner un de ces moulins

à vent, qui tournent par le va-et-vient d'une ficelle enrou-

lée sur l'axe qui supporte les ailes. ·

«Céder et reprendre à propos, pour que la rotation s'effec-

tue tour à tour et sans intermission dans un doubla sens,

constituent ici une difficulté qu'on ne surmonte pas tou-

jours immédiatement. L'idiot surtout continue la traction.

et le mouvement cesse. A notre vive surprise, Edern s'est

formé assez promptement à cet exercice. Une chose plus

simple, en revanche, a été plus péniblement obtenue. La

résistance d'Edern pour le jet de la boule, dont on fait usa-

sse dans les jeux de quilles, a été opiniâtre et longue. Il la

laissait rouler à ses pieds, faute, en partie, de pouvoir fixer

ses doigts dans les trous. Maintenant, il réussit à lui faire

parcourir une certaine distance. Toutefois, cet acte est fait

sans rectitude et sa visée demeure incertaine.

«Au jeu de tonneau,le résultat est encore incomplet, mais

non tout à fait stérile. Bien que mal lancés ou s'égarant au

hasard, en deçà ou au delà du but, ses palets mesurent, en

vacillant, une proportion plus exacte. Pour le cerceau,

après avoir paru très longtemps étranger au mécanisme de

sa marche, il laisse voir, aujourd'hui, la volonté de le con-

duire. Dans les batteries de tambour, au lieu d'emmêler les

baguettes, de les saisir par le gros bout ou le milieu, et

d'en atteindre à chaque fois les rebords do la caisse, il com-

mence à alterner le choc des olives à la place voulue et avec

une certaine régularité.

« Au gymnase, nous avons, le prenant à part, obtenu cn

bien des points des progrès relatifs : il monte et descend à

une échelle ordinaire, s'y retournant, non sans hésitation,

d'avant en arrière et réciproquement; il se tient à la force

des poignets, soit suspendu aux degrés de l'échelle trans-

versale, soit soulevé sur les barrcsparallèles, ou il se prête

MICROCÉPHALIE. 39

aux mouvements qu'il voit accomplir; la course volante

en rond, la balançoire ont le don de le passionner; graduel-

lement, il est parvenu à exécuter assez prestement le saut

en s'élançant d'une hauteur d'environ un mètre ou en fran-

chissant une corde tendue à trente ou quarante centimè-

tres au-dessus du sol ; il conduit enfin, sans trop dévier de

l'équilibre, une brouette remplie de terre ou de sable.

« Par un effet nécessaire et logique, ces perfectionnements

ont heureusement réagi sur les virtualités conceptives,

artistiques et morales. Les facilités croissant avec les dé-

sirs, la vie commune est devenue tout à la fois, pour Edern,

une source d'utiles enseignements et de plaisirs variés.

L'imitation spontanée amena chaque jour une conquête im-

prévue dans les actions usuelles.

«Il a seul appris, pour ainsi dire, à fermer comme à ou-

vrir les portes et les croisées, à écarter ou à approcher les

rideaux, à déployer ou à replier un parapluie, à laver ses

mains, et une foule d'autres soins auxquels antérieurement

il était incapable de s'appliquer. Dans nos visites auxquelles

il s'associe fréquemment, portant avec gravité les cahiers des

élèves, s'il nous arrive d'explorer attentivement un malade,

lui aussi penche l'oreille pour ausculter, pose la main pour

tâter le pouls, et prend son air le plus bénin et son acentua-

tion la plus douce pour témoigner sa compassion.

« L'expansion succédant à l'inertie, une physionomie plus

ouverte et plus sereine, une attitude plus décente, moins de

tendance à l'irritation et à la colère, des démonstrations

plus senties et plus affectueuses, l'enrichissement du lan-

gage par une multitude de mots, nés de l'accroissement des

pensées et du besoin de les traduire, telle est, au point de

vue de la sensibilité, la transformation subie par Edern :

transformation remarquable surtout pour ceux qui peuvent

remonter au point du départ. Elle nous laisserait l'espoir et

la confiance d'appliquer un jour cet intéressant idiot à quel-

que fonction utile, si malheureusement les crises nerveuses

auxquelles il est sujet ne revenaient, à de courts intervalles,

anéantir les forces corporelles, opprimer le jugement et

menacer l'existence. »

De 1850 à 1861, Ed... a été atteint de complications et de

maladies intercurrentes diverses que nous allons énumé-

rer : en 1853, varioloïcle; en juin de la môme année, en

octobre 1854, en janvier 1855, en novembre et décembre

1857, congestions méningiliques succédant à des séries

d'accès. A partir de 1857, les accès sont devenus plus

40 IDIOTIE ET ÉPILEPSIE.

violents et plus nombreux. Voici d'ailleurs leur marche

de 1850 à 1860 :

microcéphalie. 41

paraissent moins pointus en avant que ceux de la négresse.

La scissure de Rolando est inclinée en arrière dans lest su-

périeurs qui forment, au niveau de la deuxième circonvo-

lution frontale, avec le tiers inférieur presque vertical, un

angle à sommet antérieur ; c'est le seul coude de la scissure

de Rolando et il est beaucoup plus marqué à gauche.

L'extrémité inférieure de la scissure de Rolando s'arrête à

une assez grande distance au-dessus de la scissure sylvienne

et en arrière de la fosse, comme chez le foetus de huit à neuf

mois (1). La circonvolution prérolandique est très mince et

se fusionne en grande partie dans sa moitié supérieure avec

la première circonvolution frontale. A droite, elle est divi-

sée vers la moitié, au niveau du premier sillon frontal, par

une ir.cisure perpendiculaire sur la scissure de Rolando et

continue avec elle, mais non continue avec les extrémités

inférieure et supérieure des parties supérieure et inférieure

du sillon prérolandique entre lesquelles elle passe. Cette

incisure paraît avoir pour analogue à gauche une petite

bifurcation antérieure du sommet du coude de la scissure

rolandique gauche qui est aussi au niveau de l'extrémité

postérieure du premier sillon frontal, mais qui est trop

courte pour produire aucune circonvolution prérolandique;

de sorte que le premier sillon frontal semble avoir eu, des

deux côtés, tendance à se prolonger jusqu'à la scissure de

Rolando avec les deux premières circonvolutions frontales,

remplaçant par leur extension la circonvolution prérolan-

dique disparue. A gauche, au-dessous de la courte incisure

bifurquée du coude rolandique, la circonvolution prérolan-

diqueostdivisée, dans son quart inférieur, par une incisure

transversale continue avec le deuxième sillon frontal et la

partie inférieure du sillon prérolandique.

« Le sillon prérolandique est, des deux côtés, divisé en

deux parties par l'anastomose de la deuxièmecirconvolution

frontale avec la prérolandique. Sa partie supérieure n'est

guère représentée que par des vestiges isolés, d'aspect

foetal; à droite, par une ligne peu marquée qui s'étend

obliquement du tiers supérieur de la scissure de Rolando

à l'incisure perpendiculaire émanée du tiers inférieur de

la même scissure; à gauche, par le sommet bifurqué de

l'incisure longitudinale de la première circonvolution fron-

tale, puis, plus bas, par une dépression triangulaire isolée

(1) Ecker. - Zur Enswichlungs geschichte des 1 urgen und

clei grossgeren Hemispheren im Foetus des Mensciten.

ln Archiv. fâr Anth. 13d, III, 1370.

42 IDIOTIE ET ÉPILEPSIE.

entre l'extrémité antérieure du premier sillon frontal et

le coude de la scissure de Rolando. La partie inférieure

du sillon prérolandique est constituée à droite par un

sillon droit, qui s'étend de l'incisure perpendiculaire éma-

née du tiers inférieur de la scissure de Rolando jusqu'au

milieu du bord supérieur de la fosse de Sylvius, et qui est

continu à sa moitié avec le deuxième sillon frontal; à

gauche, elle est plus courte, elle naît à angle droit du

deuxième sillon frontal, de manière à représenter la l)l'anche

verticale d'un T, dont la branche horizontale gauche serait

le deuxième sillon frontal et la branche horizontale droite,

l'incisure du quart inférieur de la circonvolution prérolan-

dique dontj'ai parlé; son extrémité inférieure se recourbe

en arrière, sur le bord de la scissure de Sylvius, au-dessous

de l'extrémité inférieure de la scissure de Rolando.

« La première circonvolution frontale occupe laplus grande

partie du lobe frontal, de sorte que les autres circonvolu-

tions du lobe semblent refoulées et atrophiées à son avan-

tage ; à droite, elle semble s'étendre jusqu'à la scissure de

Rolando en refoulant en bas et en arrière la circonvolution

prérolandique. Des deux côtés, elle présente l'incisure lon-

gitudinale propre à l'homme; cette incisure est plus longue

à gauche, où elle se termine en arrière par une bifurcation

qui représente la partie supérieure du sillon prérolandique;

à droite, elle gagne obliquement en arrière le bord sagit-

tal de l'hémisphère, sans bifurcation.

lobe frontal; simple en arrière, il se bifurque en avant en

deux branches dont l'inférieure se recourbe en arrière et

en bas pour gagner le bord de la fosse sylvienne en s'unis-

sant au deuxième sillon frontal, de sorte que la deuxième

circonvolution frontale est complètement séparée de l'étage

orbitaire. A droite, une disposition analogue : le premier

sillon frontal est bifurqué aussi à ses deux extrémités : tou-

tefois, la branche inférieure de l'extrémité antérieure ne se

recourbe pas en arrière comme à gauche, mais elle est sé-

parée par un faible intervalle d'un sillon oblique en bas et

en arrière, se perdant dans le bord sylvien à peu de distance

de l'extrémité antéro-inférieure du deuxième sillon frontal

et analogue par sa position à la branche recourbée qui unit t

à gauche les extrémités antérieures du premier et du

deuxième sillons frontaux.

« La deuxième circonvolution frontale des deux côtés est

très petite, refoulée de telle sorte par la première qu'elle

semble avoir perdu ses connexions normales avec la pré-

rolandique en arrière et l'étage orbitaire en avant. En

MICROCÉPHALIE. 43

arrière, elle s'anastomose par sa très mince racine avec la

première circonvolution frontale et la prérolandique. Puis,

elle s'anastomose avec la troisième circonvolution frontale

comme chez les nègres, séparant ainsi le deuxième sillon

frontal en deux parties. Dans sa partie antérieure, la

deuxième circonvolution gaucho est, comme je l'ai dit,

complètement isolée de l'étage orbitaire par la branche

recourbée qui unit le premier et le deuxième sillon frontal

en avant. 11 n'en est pas de même de la deuxième circon-

volution droite qui, sur le bord inférieur de l'hémisphère,

un peu en avant de la fosse de Sylvius, s'anastomose par

deux petits plis à la troisième frontale et à l'étage orbitaire.

«Le deuxième sillon frontal estdivisé en deux parties par

l'anastomose des deuxième et troisième circonvolutions

frontales : une postérieure horizontale, continue en arrière

avec la partie inférieure du sillon prérolandique; une anté-

rieure transversale, bifurquée en haut, se terminant en bas

en avant de la fosse de Sylvius, isolée à droite, continue à

gauche par son extrémité inférieure avec la branche recour-

bée émanée de l'extrémité antérieure du premier sillon

frontal.

«La troisième circonvolution frontale est divisée de cha-

que côté en deux parties, antérieure et postérieure, par

l'angle supérieur de la fosse sylvienne et l'incisure longue

à gauche, rudimontaire à droite, qui on part pour se diriger

en haut et en arrière. L'espace compris entre l'extrémité

inférieure de la circonvolution prérolandique et cette inci-

sure est ici extrêmement atrophié; c'est dans la partie la

plus postérieure de cet espaco qu'est localisée la faculté

de la parole : Edorn ne put jamais parler. La partie anté-

rieure de la troisième circonvolution, anastomosée large-

ment avec la deuxième circonvolution, paraît fusionnée

en avant avec la troisième circonvolution orbitaire, la bran-

che antérieure de Sylvius qui les sépare ordinairement se

trouvant ici, sur la face inférieure de l'hémisphère, en partie

confondue avec le sillon orbitaire externe.

«A la face inférieure, la première circonvolution orbitaire

est mince, limitée par le sillon orbitaire interne rectiligne.

La deuxième orbitaire, occupant la plus grande partie du

lobe, présente des incisures sous-orbitaires en Y comme

chez la négresse de M. Baillarger, c'est-à-dire qu'il n'y a

que trois branches de l'H constant chez les primates; chez le

foetus de huit à neuf mois, l'H commence à se former et est

complet comme ici. La deuxième circonvolution orbitaire

est séparée de la troisième par le sillon orbitaire externe;

ce sillon se réunit en avant avec la rainure du bord sylvien

44 IDIOTIE ET ÉPILEPSIE.

et la branche antérieure de Sylvius qui paraitlui faire suite.

La troisième circonvolution o : 'bitairc, comprise d'ordinaire

entre le sillon orbitaire externe et la branche antérieure de

Sylvius, manquerait ici, cet intervalle n'existant pas par

suite de la réunion de ces deux sillons. En arrière, le sil-

lon orbitaire externe et le bord sylvien prennent des direc-

tions divergentes et limitent la fosse sylvienne dans sa por-

tion inférieure.

« La fosse de Sylvius ne s'étend pas normalement sur la

face inférieure de l'hémisphère, et la vallcc de Sylvius com-

mence sur le bord externe de cette face. Mais, ici. la fosse

semble avoir subi, comme les deuxième et troisième circon-

volutions frontales, une dépression de haut en bas et d'avant

en arrière, d'où serait résulté son refoulement partiel sur

la face inférieure. A droite, la partie inférieure de la fosse

sylvienne est presque séparée de sa partie supérieure par le

rapprochement du lobe temporal et de la troisième circon-

volution frontale, qui ne laissent entre eux qu'un intervalle

étroit. A gauche, cet intervalle est plus large. La fosse de

Sylvius, bien plus petite à droite qu'à gauche, laisse à dé-

couvert l'insula qui est lisse et non saillante; elle est en-

tourée par la troisième circonvolution frontale, la prérolan-

dique et le lobe temporal. Son angle antéro-supérieur est le

point de départ d'une incisure oblique en haut et en arrière,

longue à gauche, rudimentaire à droite, qui paraît être la

branche ascendante de Sylvius. D'ordinaire, cette branche

est verticale ou oblique en haut et en avant; sa direction

anormale est peut-être le résultat du trouble du développe-

ment du lobe frontal, dans lequel la première circonvolu-

tion qui est énorme semble avoir refoulé en bas et en ar-

rière les autres circonvolutions et la branche ascendante

avec la troisième circonvolution : en effet, ni chez les autres

primates, ni chez le foetus humain, la branche ascendante

n'est dirigée en arrière. Chez le foetus, elle commence à se

former vers huit mois par la bifurcation de la branche an-

térieure primitive; à ce moment, l'ensemble des branches

antérieure et ascendante présente la forme d'un Y à longue

queue; cette queue diminue de plus en plus, en même temps

que les branches s'allongent; mais, ce n'est qu'après la nais-

sance que la queue a tout à fait disparu et que l'Y est remplacé

par un V (Ecker, loc. Cit.1 ; les branches antérieure et ascen-

dante interceptent alors dans la troisième circonvolution

frontale un espace angulaire qui est le cap de la troisième

circonvolution; ordinairement, le sommet du cap ne reste

pas aigu et l'origine des deux branches est séparée par une

distance de quatre à cinq millimètres, quelquefois, de sorte

microcéphalie. 45

que le V est devenu un U (1). Il semble donc que l'évolu-

tion des branches antérieures de Sylvius se fasse de telle

façon que leur ensemble présente avant la naissance la

forme d'un Y, après la naissance la forme d'un V, puis

d'un U. La forme en Y s'observe aussi après la naissance,

mais alors c'est sur les cerveaux peu riches en circonvolu-

tions (Broca, loe. cit., p, : 20) , par conséquent mal développés.

Edern présentant les deux branches sy 1 viennes antérieures,

il serait rationnel qu'elles eussent la forme en Y, ordinaire

dans les cerveaux peu riches en circonvolutions; mais il

n'en est rien ; la branche antérieure et la branche ascendante

sont tellement éloignées qu'on ne peut plus même dire que

le cap a la forme d'un U. Le développement s'est fait

dans un sens anormal : la troisième circonvolution, fusion-

née en partie avec la deuxième, a été refoulée en bas et en

arrière par la masse de la première, et l'écrasement du cap

l'a aplati et allongé sur le bord de la fosse sylvienne.

« Comment se comportent les deux branches sylvienne

antérieures dans la série des primates ? Les deux branches

manquent toujours chez les pithéciens ; chez les anthro-

poïdes, la branche antérieure est constante ; elle existe seule

chez le gibbon et quelquefois même chez l'orang et le

chimpanzé ; le plus souvent, l'orang et le chimpanzé ont

les deux branches, tantôt d'un seul côté, tantôt des deux

côtés; chez l'homme, les deux branches sont constantes

(Broca, loc. cil., p. 22). Chez Edern, la branche ascendante,

longue à gauche, est rudimentaire à droite, ce qui lui

donne une analogie avec certains orangs et chimpanzés;

mais cette analogie est la seule.

La scissure de Sylvius proprement dite a déjà dépassé,

par son extrémité antérieure. la scissure de Rolando, comme

chez le foetus de huit mois (Ecker, loc. cit.). Des deux côtés,

elle est normalement inclinée en arrière, rectiligne, termi-

née par une bifurcation rudiment-aire. A droite, il n'y a pas

d'incisures pariétales, mais une incisure temporale rudi-

mentaire ; à gauche, il y a deux incisures pariétales très

rudimentaires, indiquées seulement par une petite dépres-

sion triangulaire; sous le rapport des incisures pariétales,

Edern peut être comparé au gibbon et aux pithéciens.

(Broca, loc. cit., p. 226).

«Des deux côtés, la circonvolution post-rolandiquc, verti-

cale dans son tiers inférieur, s'infléchit ensuite en arrière,

(1) l3ruu.v,-W cr le cerveau du gorille; sur le ! 1l'and lobe limbique,

dans Rev. d'Anlh., 1878, p. 20.

46 idiotie et ÉPILEPSIE.'

comme la scissure de Rolando ; elle s'anastomose à ses

extrémités supérieure et inférieure avec la première et la

deuxième circonvolutions pariétales. A droite, elle est

mince à ses extrémités et beaucoup plus large à sa partie

moyenne. A gauche, elle est presque rectiligne, sans au-

cune incisure.

«Lesillonpost-rolandique est interrompu et continuavec

le sillon pariétal, avec lequel il forme une étoile à quatre

branches dont le centre est constitué à droite par une pro-

fonde dépression. En arrière de cette étoile, une anastomose

de la première et de la deuxième circonvolutions pariétales

sépare le sillon pariétal en deux fragments : l'antérieur

étoile, le postérieur différent des deux côtés; à droite, il est

horizontal et continu avec la scissure occipitale externe; à

gauche, il est vertical et parallèle à la scissure occipitale

externe dont il est séparé par le premier pli de passage

superficiel.

«Laprcmière circonvolution pariétale présente sur le bord

sagittal une incisure courbe qui est la terminaison de la

scissure sous-frontale; chez les hommes et les anthropoïdes,

la scissure sous-frontale se termine ainsi, tandis que, chez

les autres primates, elle ne dépasse pas le bord sagittal et

se termine sur la face interne (Broca, loc. cit., p. 491.) A

droite, une seconde incisure courbe, postérieure à la pre-

mière, se continue avec elle. A sa partie moyenne, la pre-

mière circonvolution s'unit à la deuxième par un petit pli

d'anastomose. Chez le foetus, d'après Ecker et Pansch, le

sillon pariétal, de six à huit mois, est formé de deux parties

séparées par un espace où les deux circonvolutions parié-

talcs sont anastomosées : ces deux parties se rejoignent de

huit à neuf mois, et par suite l'anastomose des deux circon-

volutions est supprimée; ce n'est que chez les hommes su-

périeurs que, dans le cours de la vie, cette anastomose se

rétablit par l'atrophie du lobe pariétal qui subit une évolu-

tion inverse du lobe frontal et dont les circonvolutions se

fusionnent chez Edern ; le petit pli d'anastomose est dû à la

persistance d'un état embryonnaire, et sa petitesse indique

que les deux parties du sillon étaient sur le point do se

rejoindre à ce moment; par suite, il est dans l'état d'un

embryon de huit mois environ. La première circonvolution

pariétale droite est complètement séparée du lobe occipital,

le premier pli de passage étant tout à lait profond. A gauche,

le premier pli de passage est superficiel, quoiqu'un peu

renfoncé; il contourne la scissure occipitale externe pour

ne l'interrompre qu'au niveau de la deuxième circonvolu-

MICROCÉPHALIE. 47

tion pariétale, de sorte que, des deux côtés, la scissure occi-

pitale forme calotte, comme chez les pithéciens.

« La deuxième circonvolution pariétale, mince dans sa

partie antérieure qui se continue avec la première temporale,

s'élargit vers l'extrémité du premier sillon temporal, dans sa

partie postérieure qui présente plusieurs incisures conti-

nues avec le sillon pariétal ou le sillon temporal et se con-

tinue avec la deuxième temporale. A droite, la deuxième

pariétale ne communique pas avec le lobe occipital, le

deuxième pli de passage étant tout à fait profond comme le

premier ; de plus, de ce côté, le troisième pli de passage lui-

même est profond et la deuxième temporale est complète-

ment séparée du lobe occipital ; le troisième pli de passage

est constant et toujours superficiel chez les primates,même

les plus inférieurs. A gauche, le deuxième pli de passage

est superficiel quoiqu'un peu enfoncé, comme le premier;

une dépression longitudinale très superficielle, mais large

de 2 ou 3 millimètres, qui partdubord antérieur de la scis-

sure occipitale externe, se prolonge entre cette scissure et

la partie du sillon pariétal qui lui est parallèle de ce côté

et se continue jusqu'au sillon occipital latéral, sur la limite

du lobe occipital, sans être interrompu par les plis de pas-

sage qui s'enfoncent légèrement en la traversant ; cette dé-

pression est comme une ébauche ou un vestige d'une scis-

sure occipitale primitive analogue à celle du côté droit, où

les trois premiers plis de passage auraient été profonds

aussi ; a une certaine époque, la scissure occipitale gauche

aurait donc été semblable à la droite, mais le développe-

ment, au lieu d'être arrêté complètement comme à droite,

n'aurait été qu'interrompu à gauche,de sorte que, en défini-

tive, le côté gauche présenterait un état d'évolution plus

avancé que le côté droit.

« Lepremicr sillon temporal, presque rectiligne, ne dépasse

pas l'extrémité de la scissure de Sylvius en arrière; mais, à

droite, deux longues incisures s'enfoncent profondément

dans la deuxième circonvolution pariétale; de plus, ce sil-

lon fournit à droite 2 incisures transversales à sa partie

moyenne; des deux côtés, il se termine en avant par deux

petites incisures bifurquées à une grande distance du pôle

temporal. Edern présente d'ailleurs une fusion très remar-

quable des circonvolutions temporales dans leur partie an-

térieure, et les trois premiers sillons temporaux ont leur ex-

trémité antérieure une grande distance en arrière du bord

antérieur du lobe temporal. Au contraire, chez la négresse

de M. Baillarger, les sillons temporaux s'étendaient en

avant jusqu'au bord antérieur du lobe temporal, sépa-

48 MICROCÉPHALIE.

rant les circonvolutions temporales dans toute leur

étendue.

« La première circonvolution temporale s'anastomose avec

la deuxième temporale en avant et ladeuxième pariétale en

arrière. La deuxième circonvolution temporale s'anasto-

mose avec la deuxième pariétale en arrière, et, en avant,

avec les troisième et quatrième temporales fusionnées;

à gauche, elle présente en outre avec la quatrième oc-

cipitale une petite anastomose qui sépare le deuxième

sillon temporal du sillon occipital latéral. D'ailleurs ,

à gauche, il n'y a aucun des sillons temporaux qui se conti-

nue en arrière avec les sillons occipitaux; il en est autre-

ment à droite, où tous les sillons temporaux se continuent

sur le lobe occipital, comme c'est l'ordinaire.

«Les lobes occipitaux sont très petits. Comme je l'ai déjà

dit, ils forment calotte, surtout à droite où les trois pre-

miers plis de passage sont profonds; le lobe gauche forme

aussi calotte, bien que les plis de passage ne soient pas pro-

fonds, parce que le premier pli de passage se trouve au ni-

veau de la deuxième circonvolution pariétale et que, par

suite, la scissure occipitale externe n'est interrompue qu'à

une certaine distance du bord sagittal de l'hémisphère. Le

lobule sus-occipital est limité à gauche par un sillon occi-

pital latéral non continu en avant avec le deuxième sillon

temporal, s'étendant horizontalement sur la face postérieure

où vient aboutir, au-dessous de son extrémité interne, une

branche horizontale qui est la terminaison de la scissure

calcarine à la face externe. A droite, le sillon occipital la-

téral est continu en avant avec le deuxième sillon tempo-

ral et la scissure occipitale externe : en arrière, il se termine

par une incisure transversale à peu de distance de la scis-

sure calcarine, qui, de ce côté aussi, vient se terminer sur

la face externe.

«Entre le sillon occipital latéral et la scissure calcarine

s'étend le lobule sous-occipital, formé des quatrième et cin-

quième circonvolutions occipitales, continues en avant

avec les troisième, quatrième et cinquième temporales. La

quatrième occipitale s'unit avec les troisième et quatrième

temporales fusionnées; la cinquième occipitale avec la cin-

quième temporale par le pli de passage occipito-hippocam-

pique. A gauche, la quatrième et la cinquième circonvolu-

tions temporales sont séparées par un sillon linéaire qui, en

avant, s'arrête à un peu plus d'un centimètre du bord anté-

rieur du lohe temporal, et, en arrière, dans la portion anté-

rieure de la cinquième circonvolution occipitale où la cin-

quième temporale s'anastomose avec la cinquième occipi-

, MICROCÉPHALIE. 49

tale et celle-ci avec la troisième et la quatrième temporales

fusionnées. A droite, la quatrième et la cinquième circon-

volutions temporales sont séparées par un sillon très long

qui, en avant, s'étend presque jusqu'au bord antérieur du

lobe temporal, et, en arrière,se bifurque en deux branches

dont l'externe sépare la quatrième de la cinquième circon-

volution occipitale et l'interne se perd dans la cinquième

occipitale, près de l'extrémité antérieure de la scissure cal-

carine.Chez les singes,chez beaucoup de nègres et d'idiots,

la circonvolution temporale se fusionne avec la quatrième

dans la partie postérieure et en est séparée en avant par un

sillon étendu jusqu'à la vallée de Sylvius et représentant

la partie antérieure de la scissure limbique. Chez les hom-

mes des races supérieures, les quatrième et cinquième cir-

convolutions temporales sont complètement fusionnées

en avant, séparées en arrière (Broca, loc. cit., p. 85). Chez

Edern, les deux dernières circonvolutions temporales sont

presque complètement séparées en avant; cependant,le sil-

lon ne s'étend pas jusqu'à la vallée de Sylvius, comme chez

les hommes inférieurs et les singes. Eu arrière, la sépara-

tion est complète adroite, presque complète à gauche, tan-

dis que, chez les hommes inférieurs, les circonvolutions,

séparées en avant, sont fusionnées en arrière. En somme,

chez Edern, la fusion est à peine aussi avancée dans son

ensemble que chez les hommes des races inférieures et les

singes.

«La scissure calcarine droite communique avec la scis-

sure occipitale interne,c'est-à-dire que le pli de passage cu-

néo-limbique ou rétrolimbique supérieur est profond.

Après s'être unie à la scissure occipitale interne, la scis-

sure calcarine, au lieu de se prolonger en avant jusqu'au-

près de la fente de Bichat, comme c'est l'ordinaire chez

l'homme et les singes, s'infléchit à angle droit, et d'horizon-

tale devient verticale pour se terminer un peu en avant de

l'extrémité postérieure du quatrième sillon temporo occipi-

tal. De cette déviation en bas de la scissure calcarine, il ré-

sulte que le corps calleux communique avec la circonvolu-

tion de l'hippocampe par un pli superficiel beaucoup plus

gros que normalement chez l'homme et les singes. Ce pro-

longement vertical de la scissure calcarine représente par-

faitement un vestige anormal de la scissure sous-pariétale

des mammifères gyrencéphales osmatiques et des anosmaii-

ques aquatiques, qui n'est normalement représentée chez

les primates que par un seul vestige, l'incisure sous-pa-

riétale (Broca, loc. cit., p. 488). On peut même dire que la

scissure calcarine, au lieu de se prolonger ici dans le grand

BOURN. 4

50 , IDIOTIE.

lobe limbique comme chez les primates, ne dépasse pas la

portion sagittale de l'hémisphère et se termine dans la par-

tie inférieure de la scissure sous-pariétale, comme chez le

cheval et le chameau. En effet, chez les osmatiques qui ont

un sillon calcarin divisant le pli rétrolimbique en deux por-

tions, c'est-à-dire chez la plupart des pachydermes et chez

tous les ruminants, le sillon calcarin ne pénètre pas dans le

lobe limbique, il l'atteint chez le chameau et le cheval et

ne l'incise que chez les primates (Broca, loc. cit.,p. 443). Une

disposition analogue se voit chez le foetus de huit mois

(Ecker, loc. cit.). La scissure calcarine ne pénètre pas dans

le lobe du corps calleux, mais s'infléchit en bas comme chez

Edern ; elle va même rejoindre le quatrième sillon occipito-

temporal, séparant ainsi complètement la cinquième occi-

pitale de la cinquième temporale, de sorte que le pli rétro-

limbique inférieur est profond comme le pli rétrolimbique

supérieur ou cunéolimbique; au contraire, chez Edern, du

côté droit, le prolongement vertical de la scissure calcarine

ne rejoint pas le quatrième sillon temporal et ne coupe pas

complètement le pli rétrolimbique inférieur, qui reste su-

perficiel. Chez le cheval et le chameau, les deux plis rétro-

limbiques sont superficiels.

« A gauche, la scissure calcarineestparallèle à la scissure

occipitale interne et en est très rapprochée; son extrémité

antérieure se termine en avant de l'extrémité antérieure de

la scissure occipitale interne, dans une dépression qua-

drilatère, dont les angles antérieurs et postérieurs se pro-

longent en branches étoilées. La branche supérieure pénètre

dans le lobule quadrilatère, au-dessus de l'extrémité anté-

rieure de la scissure occipitale interne, dont elle semble

représenter la portion antérieure, continue comme d'ordi-

naire avec la scissure calcarine, mais séparée anormale-

ment de la portion postérieure de la scissure occipitale

interne comme par une compression d'avant en arrière.

Si on examine le lobe occipital gauche, on y voit un plisse-

ment beaucoup plus considérable qu'à droite, les sillons

occipitaux sont multipliés, leur continuité ordinaire avec

les sillons temporaux est interrompue; la scissure calcarine

est devenue parallèle à la scissure occipitale interne, et le

cunéus est, par suite, linéaire ; il semble que le lobe qua-

drilatère, très développé, ait refoulé le cunéus en arrière et

en bas et produit par cette compression l'interruption de

la scissure occipitale interne et le plissement du lobe

sous-occipital. De ce côté, comme à droite, la scissure cal-

carine ne pénètre pas dans la circonvolution du corps

calleux; clic s'arrête dans la portion sagittale de l'hé mis-

MICROCÉPHALIE. 51

phère, comme chez le chameau et le cheval et comme chez

le foetus de huit mois, d'après Ecker. Mais, de ce côté, le

vestige qui représente inférieurement la scissure sous-pa-

riétale ne consiste qu'en une courte incissure courbe,

limitant en avant le quadrilatère étoilé où se jette la scis-

sure calcarine. Chez l'idiot de cinquante ans, on verra la

scissure sous-pariétale beaucoup plus développée encore

que chez Edern.

« En résumé, chez Edern, la scissure calcarine n'incise

pas le grand lobe limbique ; il en est de même chez le che-

val et le chameau et chez le foetus de huit mois, d'après

Ecker. Chez Edern, le premier pli rétrolimbique est pro-

fond, le deuxième est superficiel, tandis que chez le cheval

et le chameau, les deux plis sont superficiels, et, chez le

foetus de huit mois, les deux sont profonds.

« Le lobule quadrilatère, formé par la partie interne de

la première circonvolution pariétale, présente un sillon

sous-pariétal presque vertical qui, à gauche, se recourbe

en bas, diminuant beaucoup la largeur du pli pariéto-lim-

bique postérieur; du même côté, le pli antérieur rejeté sur

le bord sagittal est aussi très réduit et très mince. A droite,

une incisure continue avec la scissure sous-frontale coupe

presque complètement le pli pariéto-limbique antérieur;

Cette incisure est encore un vestige anormal de la scissure

sous-pariétale. Chez la plupart des osmatiques, la scissure

sous-pariétale se prolonge au-delà du bord sagittal pour

constituer le sillon crucial ; quelquefois, elle ne dépasse

pas le bord sagittal (Broca, loc, cit. p. 450.) Il y a ici une dis-

position analogue; à gauche le sillon sous-pariétal vertical

se prolonge presque jusqu'au bord sagittal ; à droite, le

sillon est vertical, mais plus court et la terminaison du sil-

lon sous-pariétal est représentée par l'incisure continue

avec la scissure sous-frontale. Les deux plis de passage

pariéto-limbiques,très développés chez les primates,existent

aussi chez les carnassiers, où ils représentent le premier

degré de la fusion effectuée chez les primates entre le lobe

du corps calleux et le lobe pariétal et qui fait disparaître

presque entièrement la scissure sous-pariétale; ils sont

généralement profonds chez les carnassiers ; toutefois, le

pli antérieur est superficiel chez les chats et le postérieur

chez les petits chiens (Broca, loc. cit., p. 450). Le lobule qua-

drilatère droit présente, en outre, tout le long de sa partie

postérieure, une incisure courbe qui se jette dans la scissure

occipitale interne et s'étend du bord sagittal de l'hémis-

phère à la circonvolution du corps calleux.

«La scissuresous-frontale dépasse, en arrière, le bordsa-

52 IDIOTIE. '

gittal de l'hémisphère et se termine à la face externe dans

la première circonvolution pariétale, comme chez l'homme

et les anthropoïdes, tandis que, chez les autres primates,

elle ne dépasse pas le bord sagittal et se termine sur la

face interne (Broca, loc. cit., p. 491.) La scissure sous-fron-

tale présente, à droite, une incisure postérieure peu mar-

quée, qui est l'incisure préovalaire. L'incisure préovalairc

ne manque que chez les primates les plus inférieurs

(Broca, loc. cit., p. 491); or, à gauche, l'incisure préovalaire

manque, ou du moins est rudimentaire ; de ce côté, on voit

une incisure oblique sur le bord sagittal, c'est le prolonge-

ment anormal de l'incisure longitudinale de la face externe

de la première circonvolution frontale, incisure qui est

particulière à l'homme. Des deux côtés, la scissure de

Rolando ne dépasse pas le bord sagittal et se termine sur

la face externe. En avant, la scissure sous-frontale du côté

droit présente deux incisures antérieures dans l'intervalle

desquelles vient se terminer une incisure non continue de

la face externe : l'incisure sous-frontale la plus inférieure

parait être le rudiment de l'incisure sus-orbitaire supé-

rieure et marque la position du pli de passage fronto-lim-

bique qui est profond; au-dessous de cette incisure, la

scissure sous-frontale se courbe en arrière, au-devant du

genou du corps calleux. Au-dessous de l'extrémité de la

scissure sous-frontale et non continue avec elle, est une

grande incisure presque liorizontale, continue en arriére

avec la rainure du corps calleux; c'est l'incisure sus-orbi-

taire inférieure. A gauche, la partie antérieure de la scis-

sure sous-frontale est très régulière ; elle fournit d'abord

à la circonvolution du corps calleux une longue incisure

oblique en avant et en bas, puis une incisure antérieure qui

est l'incisure sus-orbitaire supérieureà l'état rudimentaire

ou l'incisure l'ronto-limbiclue, le pli de passage fronto-

limbique étant profond comme à droite; au-dessous de

cette incisure, la scissure sous-frontale contourne, comme à

droite, le genou du corps calleux.

«Au-dessous de cette extrémité de la scissure sous-fron-

tale et parallèlement avec elle s'étend une grand incisure

bifurquée en avant, c'est l'incisure sus-orbitaire inférieure.

Dans cette région, il y a encore, du même côté, deux inci-

sures isolées, l'une dans la circonvolution du corps calleux

au niveau du genou, parallèle à la scissure sous-frontale,

l'autre courte et verticale dans la première circonvolution

frontale, près de l'incisure sus-orbitaire supérieure. Des

deux cotés, le pli J'l'Onto-limbillue est profond et l'incisure

sus-orbitaire supérieure est rudimentaire comme chez le

MICROCÉPHALIE. 53

cynocéphale papion de M. Broca (loc. cit., p. 490) ; l'incisure

sus-orbitaire inférieure est longue et normale, sinon que

son extrémité postérieure est à gauche continue avec la

rainure du corps calleux et son extrémité antérieure bifur-

quée à droite. Les anomalies de cette région ne constituent

pas des caractères particulièrement simiens ou embryon-

naires. (Planche V).

Nous n'avons voulu rien changer à cette longue et

minutieuse description, afin qu'on puisse avoir une

idée très nette dû cerveau d'Edern et la comparer avec

la description et les planches relatives au cerveau de

Cher...

On sait que Carl Vogt et Darwin ont attribué la

microcéphalie à l'influence de l'atavisme. Suivant eux,

la microcéphalie « serait un retour à l'état simien du

crâne et du cerveau ». Nous n'entrerons pas aujour-

d'hui dans la discussion de cette théorie et nous nous

limiterons aux remarques suivantes :

1° Dans ces deux cas, la microcéphalie est indubita-

ble, puisque, d'après Broca, la microcéphalie commence

lorsque le cerveau pèse 1049 gr. chez l'homme et

907 gr. chez la femme. On se rappelle que le cerveau

de nos malades ne pesait que 640 et 650 gr. ;

2° M. Potain a écrit que « la microcéphalie qui con-

sisterait en un cerveau trop petit, mais régulier et pro-

portionné dans toutes ces parties, est absolument pro-

blématique. » Les deux observations qui précèdent

semblent démontrer que cette opinion est erronée ; -,

3° Au dire de Gratiolet « les microcéphales consti-

tuent une catégorie particulière de nains ne dépassant

guère la taille des enfants de 10 ans... « Edern avait

une taille bien au-dessus de la moyenne et Ch... mesu-

rait 1m 65 ; " e

4° Ducatte pense que « chez les microcéphales, il y a a

toujours, avec ou sans atrophie des organes génitaux,

absence complète de manifestations génésiques, à l'ex-

ception, toutefois, de Conrad Sehuhelndreyer(1) qui, une

(1) Vogt. Além. S7 £ r les microcéphales, p. 26.

54 \ MICROCÉPHALIE.

seule fois, eut l'air de vouloir violer la femme de son

frère et de la Paria indoue, de Shortt, qui eut, paraît-il,

un enfant mort-né. » L'état et le fonctionnement des

organes génitaux, chez nos deux malades, ne confirme

pas cette opinion.

Comme on le voit par ces quelques remarques, l'his-

toire de la microcéphalie est loin d'être faite. C'est avec

des observations bien prises, des descriptions précises

du cerveau, accompagnées de planches dessinées avec

soin que l'on y parviendra (1).

(1) Ces deux observations ont été communiquées à la Société

anatomique en décembre 1881.

II.

Nouvelle observation d'hystéro-épilepsie chez

un jeune garçon ; guérison par l'hydrothéra-

pie.

Par BOURNEVILLE et E. BONNAIRE.

Il y a deux ans, nous avons publié dans le Progrès

Médical (1880, p. 949) avec notre malheureux ami

M. d'Olier l'observation d'un jeune garçon, de notre ser-

vice, atteint d'hystéro-épilepsie et offrant, à un haut de-

gré, tous les caractères de cette maladie chez la femme

ou lajeune fille (1). Dans le cours de la même année,l'en-

fant, dont on va lire l'histoire, nous fut amené, à la con-

sultation de Bicêtre, par ses parents. Il n'a pas séjourné

dans nos salles; aussi son observation est-elle assez in-

complète, à certains égards, notamment en ce qui con-

cerne la description des attaques et les modifications

successives de la sensibilité.

OBSERVATION. - Père et grand père paternel nerveux et

migraineux.- Mère : convulsions et torticolis spasmo-

dique dans l'enfance. Tante maternelle idiote.

Consanguinité. Frère et de convulsions.

Convulsions à 9 mois. - Impressionnabilité très vive ;

cauchemars. Hystéro-épilepsie (février 1880). -Etat

du malade en mars : hémianesthésie sensorielle.

Zones hystérogènes (clou hystérique, etc.), prédominant

à gauche. Description des attaques; marche.

Traitement par l'hydrothérapie. - Guérison.

Ron..., Fernand, âgé de 13 ans, demeure au Kremlin,

près Bicêtre.

(1) Nous avons revu en mai dernier cet enfant, Lam... : i'. n'a pas eu

de nouvelles attaques ; sa santé est excellente,

56 II1 STPO-T;PILPPSII;,

Renseignements fournis par son père. - Père, 42 ans,

garçon de bureau à la Ville depuis 10 ans ; auparavant, il

étaitcoiffeur. Iln'a jamaisfait d'excès de boisson ni de fem-

mes et ne présente pas d'antécédents morbides diathésiqucs,

sauf des atteintes de migraine, de 10 à 14 ans. Vers l'âge

de 10 ans, il a eu des accidents pulmonaires qui ont né-

cessité un séjour au lit de six ou huit mois ; à 22 ans,

fièvre typhoïde. Très nerveux et très impressionnable, il

était sujet à des accès de colère, principalement lors des

premiers temps de son mariage, c'est-à-dire à l'àge de

30 ans. Aujourd'hui il se montre très préoccupé de l'état de

son fils. [Père, 81 ans, sabotier, bien portant. Il n'a jamais

eu d'accès d'aucune sorte ; il a eu des attaques de migraine

entre 30 et 40 ans; de plus, il est enclin à des accès de

colère, telsque dans l'un d'eux il alailli,un jour, tuer un de

ses frères. Mère, 79 ans, asthmatique, a conservé toute

son intelligence. Pas d'excès ni de manifestations névro-

pathiques. Un frère bien portant a été atteint d'un eczéma

du pied qui reparaît encore de temps à autre. Aucune

affection mentale ou nerveuse dans la famille.]

Renseignements fournis par sa mère. - Mère, 40 ans,

institutrice ; bien portante, assez impressionnable. Elle a

eu des convulsions à un an ; un torticolis spasmodique

qui s'est reproduit sept à huit fois pendant la dizième et la

onzième année avec une durée variable d'une ou deux

heures à un jour ou deux ; une fièvre typhoïde grave, à

forme ataxique avec convulsions à l'âge de 7 ans. Elle s'est

mariée à 26 ans ; elle a souffert de névralgies de la tête qui

sont aujourd'hui en voie de diminution. [Père, mort à

67 ans,d'une fluxion depoitrine; ni excès, ni troubles nerveux.

Mère, morte à 49 ans, à la ménopause, d'une affection qui

a duré six mois, accompagnée d'oedème des extrémités.

Deux soeurs, l'une morte à 18 mois, d'un choc sur la tête ;

l'autre à 4 mois et demi : celle-ci était oc comme idiote »,

état qu'on attribuait aux peurs qu'avait éprouvées la mère,

lors des événements de 1848. Pas d'autres accidents ner-

veux dans la famille.] ,

Consanguinité. - Le père et la mère sont cousins ger-

mains, issus du frère et de la soeur.

Cinq enfants : 1° Notre malade; 2° fille, morte d'une

méningite à 9 mois ; - 3° garçon, âgé de 9 ans, de cons-

titution délicate, très nerveux, né pendant la guerre de

1871 ; -4° garçon âgé de 7 ans, bien portant, paraît moins

nerveux que le précédent; -5- garçon mortà2 mois l/2de

convulsions qui avaient débuté dès le deuxième mois. La

HI STÉRO-ÉPILEPSIE. 57 %

grossesse avait été troublée par des émotions dues à des

querelles de famille.

Notre malade. Grossesse assez bonne. Toutefois,

entre le troisième et le quatrième mois, la mère a éprouvé

une vive contrariété à l'occasion d'une querelle avec sa

belle-mère. Naissance à terme; accouchement au forceps

après 27 heures de travail. L'enfant fut élevé au sein pen-

dant les trois premiers mois, puis au biberon jusqu'à

30 mois. A neuf mois, il a eu des convulsions qui se repro-.

duisirent pendant deux ou trois mois. Les premières étaient

violentes et duraient parfois une nuit entière.

Dans la première enfance, avant cinq ans, notre ma-

lade fut atteint de rougeole et de variole, bien qu'ayant

été vacciné. Avec la croissance et avant le début même de

l'affection, se développèrent les troubles psychiques : l'en-

fant devenait irascible, très impressionnable, s'effrayant

pour un rien. C'est ainsi que, même plus âgé, il refusait

d'aller seul aux cabinets, la nuit, bien qu'il ne dût pas pour

cela sortir de l'appartement. Le sommeil était agité et deux

ou trois fois on constata des cauchemars (terreurs, cris,

crainte des voleurs). Depuis le début de la névrose, le

sommeil est resté mauvais. « Hier encore, nous dit la

mère, il a eu une crise dans la soirée; il voulait ouvrir la

fenêtre pour se jeter dans la rue et demandait un couteau

pour s'ouvrir la poitrine ; comme on le voit, dans son délire,

il a souvent des idées de suicide. Tout le reste de la nuit,

il a été agité, poussant de temps à autre quelques cris d'ef-

froi, quelques plaintes, ou bien se mettant sur son séant

dans le lit. Il n'y a pas eu de sommeil à proprement parler.

Au réveil, il ne se souvenait pas d'avoir demandé un cou-

teau pour se frapper. »

Notre malade n'a pas présenté d'autres antécédents

morbides que ses accidents névropathiques jusqu'à ce jour.

En 1875, il est entré en pension et y resté jusqu'en février

dernier.

L'hystérie a commencé à se manifester sous forme

d'attaques en février 1880. La première a eu lieu le 6 fé-

vrier et a surpris l'enfant pendant son travail, à l'école de

Vitry; elle aurait débuté par une sensation de « tournoie-

ment de tête » et, après une durée de deux heures, se serait

terminée par des chants,des pleurs et des rires. La seconde

s'est manifestée le 8 février, à la fin d'un repas, et a débuté

par un étourdissement. On a constaté alors, la perte de con-

naissance, les convulsions cloniques, le grand arc de cer-

cle ; il y a eu plusieurs reprises, mais pas de cris. ni de

58 H1 STrRO-rPILI;PSI1;,

pleurs pendant cette crise qui a duré une heure et quart.

Le 17 février, troisième attaque pendant une heure et demie;

même mode de début et mêmes phénomènes que pour la

précédente.

Etat actuel (1"" mars). - Les fonctions digestives sont

normales, sauf une tendance très marquée à la constipa-

tion. L'auscultation du coeur décèle un léger souffle au pre-

mier temps, à la base ; l'impulsion cardiaque est forte;

il y a parfois des palpitations. Quelques poils au pénil ;

un peu d'icthyose sur le ventre.

La sensibilité générale, dans ses divers modes, est con-

servée et elle paraît égale des deux côtés. Il n'en est pas de

môme pour les sens spéciaux. A gauche, le malade ne

perçoit pas le tic tac de la montre, tandis que la sensation

est parfaite à droite ; l'oeil gauche ne peut reconnaître les

couleurs qu'on lui présente, exception faite pour le jaune

de saturne ; « il y a quelque chose qui le trouble. » Il ne

peut non plus distinguer les lettres, même celles qui for-

ment le titre d'un journal. La vue est normale à droite. Le

sens de l'odorat est légèrement affaibli à gauche. Le goût

est obtus du même côté. - La sensibilité de la nwqlteltse

buccale, au toucher, est un peu plus obtuse du côté gauche;

il en est de même pour la muqueuse oculo-palpébrale.

Les facultés psychiques sont intactes; le caractère est

doux et affectueux ; l'enfant montre de l'aptitude au travail.

Il n'aurait pas d'habitudes d'onanisme.

Examen des zones hystérogènes. - Il existe différentes

zones chez notre malade, au niveau desquelles la pression

digitale est très douloureuse. En procédant de haut en

bas,on rencontre les suivantes : i°Clou hystérique, sur une

surface ayant les dimensions d'une pièce de ciquante cen-

times, siégeant à 2 centimètres en avant du vertex. Il n'y a

pas de douleur spontanée, mais la pression détermine une

sensation pénible dans toute la tête. Le clou hystérique

participe à la crise nerveuse, en ce qu'il devient doulou-

reux vers la fin de l'aura. 2° Rachialgie au niveau de l'apo-

physe épineuse des cinquième et sixième et surtout

septième vertèbres dorsales ; il n'y a pas d'hyperesthésie

cutanée à ce niveau, ni de douleurs spontanées; la pression

donne au malade la sensation d'un tapotement qui répon-

drait dans toute la poitrine. Cette zone envahit les gout-

tières vertébrales correspondantes, également des deux

côtés. 3° Zones symétriques à droite et à gauche dans le

cinquième espace intercostal, à égale distance du sein et

de la ligne axillaire. Il n'y a ni douleur spontanée, ni hy-

HYSTÉRO-ÉPILEPSIE. 59

peresthésie cutanée, mais la pression du doigt donne lieu à

des douleurs lancinantes qui s'irradient jusque dans l'ab-

domen. 4° Point douloureux dans le septième espace inter-

costal gauche, à quatre ou cinq centimètres du rachis.

5' Zone au-dessus de la poignée du sternum sur une hau-

teur de quatre centimètres. 6° Points hystérogènes symé-

triques au niveau des flancs. 7° Zones au niveau des deux

régions répondant à peu près au centre des fosses ilia-

ques et correspondant aux zones « ovariennes » ; celle de

gauche est la plus nette. Dans la recherche de ces diffé-

rents points hystérogènes, on n'a pas essayé de provoquer

d'attaques par une pression prolongée (1).

Aura.- L'enfant déclare avoir la sensation d'une boule

qui partirait de la partie médiane du pénil (il ne sait dire si

elle part du testicule), remonterait verticalement à l'épi-

gastre et de là au niveau du larynx. Cette boule l'étrangle,

l'empêche de respirer. Cette sensation durerait 4 ou 5 mi-

nutes. Puis, il lui semble que les paupières se ferment ;

il a des éblouissements : tous les objets tournent autour

de lui ; ils ont leur couleur et leur forme naturelle ; il

éprouve une douleur frontale (rien daus les tempes) ; il

entend « un tapage » des deux côtés ; le clou hystérique

devient très douloureux et aussitôt il perd connaissance.

Les attaques revenant à des heures presque régulières et

durant un assez long temps,nous convînmes avec les parents

qu'ils viendraient chercher,aussitôt qu'elles apparaîtraient,

M. d'Olier, alors interne du service. C'est ce qui fut fait, et,

le 2 mars, d'Olier fut témoin d'une série d'attaques que

nous allons décrire d'après ses notes, consignées sur l'ob-

servation. '

Description d'une attaque complète (2 mars). L'attaque

débute à 7 h. 35 du soir après un dîner où l'enfant a peu

mangé et durant lequel il a été pris plusieurs fois d'un

tremblement de la mâchoire inférieure. A la fin du repas, il

annonce un malaise mal défini au niveau du bas-ventre et

une sensation d'étourdissement. On le porte sur son lit et

presque aussitôt, il éprouve une sorte de strangulation et

porte la main à la gorge comme pour se débarrasser d'un

obstacle. On entend en même temps un sifflement laryn-

gien. Surviennent alors des vagues abdominales, et, dans

un dernier renseignement l'enfant nous dit qu'il sent sa

(1) Voir dans 1 Iconographie phothographique de la Salpêtrière

(tome III) une description complète des zones hystérogènes.

60 HYSTÉRO-ÉPILEPSIE.

boule lui remonter vers la gorge et, à ce moment, il perd

tout à fait connaissance.

Rigidité passagère; puis, convulsions cloniques débutant

par un petit arc de cercle, ensuite grands mouvements.

Nouveau sifflement laryngien ; l'enfant crie « oh la la ! o ;

il n'entend rien de ce qu'on lui dit.

Puis,il se met à rire et délire.-Nouveaux grands mouve-

ments cloniques; rires. Hallucinations de la vue. On

imite devant lui « Guignol. » Il comprend, rit et imite.

Répète : « oh la la ! » à plusieurs reprises.

Nouvelle crise, avec grands mouvements : il semble

vouloir se jeter à bas du lit. Grand arc de cerclo. Dou-

leur vive à la pression au niveau de la zone hystérogène

dorsale. Grands mouvements ; rire et imitation. - Atti-

tude passionnelle ; colère.Veut mordre ceux qui l'environ-

nent. Reprise des convulsions cloniques; l'enfant veut

prendre mon cahier; mord un mouchoir; crie : « Emile. »

Nouveaux grands mouvements. Rires. Repos.

Le malade essaie de mordre; crache; rit; chante. Il ne ré-

pond rien aux questions qu'on lui adresse. H pousse des cris

de rage contre moi et ceux qui le maintiennent, frappe,

insulte. Il rit quand on imite devant lui les marionnettes

avec les doigts. On lui demande par écrit s'il veut marquer

sur le papier ce qu'il ressent; il prend brusquement la

feuille et le crayon et écrit «non. » Aussitôt après, accès de

rage, il mord; les marionnettes l'amusent.

Les autres soirs il reconnaissait son père à la bague qu'il

porte au doigt; il n'en est rien en ce moment, et il frappe

son père comme les autres personnes. Il se mord lui-

même.

Attaque : 1° légère contracture du bras ; 2° grands

mouvements. - Il fait mine de frapper et veut s'élancer

sur moi; un instant après,il profère des insultes grossières.

Il boit avidement de l'eau qu'on lui présente, mais au mo-

ment d'avaler le sucre, il est atteint d'un spasme oesopha-

gien. Puis il rit etcherche à imiter les marionnettes, qu'on

fait passer sous ses yeux; il répète plusieurs fois le mot :

« polichinelle » et pousse de grands éclats de rire. Il dé-

chire ses vêtements, crache et donne des coups de tête.

Ici, survient une rémission de plusieurs minutes. Une

nouvelle crise se déclare : l'enfant en me voyant écrire,

dirige vers moi un regard féroce, et me crache la figure.

A ce moment, il reconnaît son père à sa bague et l'embrasse ;

il sourit à sa mère.

Les membres inférieurs sont fléchis et toute tentative

d'extension provoquée détermine une douleur vive. Cris de

HYSTEIO-ÉPILEPSIE. 61

rage, coups, sanglots; regard féroce : déglutition des li-

quides rendue très diflicile par le spasme oesophagien.

A ce moment, les marionnettes le mettent en rage; il crie,

regarde sa mère d'un air furieux et fait mine de cracher

sur elle. Puis, il s'amuse de sa mère « qui lui fait coucou »

en se cachant. Hallucinations de la vue. Chantonnement.

Surviennent tout à coup de nouveaux cris de fureur ; il

montre le poing, fait le geste de frapper et se couche sur le

ventre en insultant quiconque le touche. Il me jette un

oreiller à la tête ; me fait signe qu'on lui a fait mal à la

jambe.

Les zones hystérogènes se montrent beaucoup plus sen-

sibles que dans l'intervalle des attaques : La douleur est

particulièrement vive à la pression dans la fosse iliaque

gauche. Nouvelles exclamations grossières ; il prononce ces

mots : « Je te f... des coups de poing. » Il déchire un pa-

pier qu'on lui présente, puis rit à la vue des portraits qu'on

met sous ses yeux et fait signe qu'il veut les embrasser.

Nouvelles menaces avec le poing. Il semble souffrir alors

qu'on lui maintient le cou de pied avec les mains.

Sous l'influence d'une aspersion d'eau froide, l'état d'a-

gitation se calme un peu. Il entend ce qu'on lui dit; recon-

naît son père à sa barbe et l'embrasse. Il veut se lever et

s'en aller.

Nouvelle attaque : Grand arc de cercle ; à ce moment,

pouls : 92. Réponses injurieuses ; il crache; s'amuse beau-

coup des marionnettes. Violente colère contre un voisin qui

est venu pour le maintenir.

Il veut atteindre le ciel du lit, et pour cela fait un amas

d'oreillers sur lesquels il veut monter ; joue au cheval avec

son père; s'agace contre son ombre qu'il ne peut atteindre.

Il chante à tue-tête, et comprend ce qu'on lui dit; on lui

donne papier et crayon, et aussitôt il se met à écrire. Après

il annonce qu'il sent sa boule descendre, et montre du

doigt le trajet qu'elle suit, jusqu'au milieu du ventre. Puis

il se recouche, et s'endort deux minutes après. La série

est Unie; elle a duré une heure et un quart. A son réveil,

le malade ne se souvient nullement de ce qui s'est passé.

On lui présente le papier sur lequel il a écrit et ne le recon-

naît pas. Il éprouve une sensation de brisement général,

avec céphalalgie.

A partir du 17 février, jusqu'au 2 mars, date de la crise,

qui est rapportée plus haut, les attaques reviennent alter-

nativement à midi et à sept heures du soir; le 20, le 29 fé-

vrier et le 1 cr mars, elles ont lieu le soir vers sept heures.

62 HYSTÉRO-ÉPILEPSIE.

Les jours suivants, elles se succèdent à peu près avec les

mêmes caractères, mais le moment de leur apparition varie

régulièrement chaque jour avec environ une demi-heure

d'avance sur celle du jour précédent. Une seule fois il a eu

deux séries dans la même journée, dont l'une, dans

l'après-midi, a été très courte. Il faut d'ordinaire deux ou

trois personnes pour le maintenir. La période de délire

comprend deux phases : tantôt il se met en colère, inju-

rie, etc.; tantôt il chante, rit, cause avec un camarade ima-

ginaire, lui dit qu'il est allé en ballon, etc.

10 mars- Attaque à 4 heures du soir. Au début on note

un changement de physionomie, de la pâleur avec de pe-

tits mouvements spasmodiques de la face. Puis, surviennent

la rigidité,les grands mouvements,l'arc de cercle. Le mala-

de saute sur son lit et cherche à se glisser sous ses matelas.

L'insensibilité est très marquée à gauche, quoique in-

cemplète ; de ce même côté les réflexes sont moins accusés

qu'à droite; le mouvement giratoire se fait sur le côté

gauche. Il existe un point très douloureux sous l'hypochon-

dre droit. L'attaque cesse instantanément quand on souffle

sur le visage du malade, pour reprendre quelques mo-

ments plus tard, par les grands mouvements. L'attaque

aujourd'hui dure deux heures. Survient une série de crises

de deux à trois minutes chacune, dans lesquelles le phéno-

mène prédominant est la rigidité, qui, dans les autres at-

taques, était tout à fait fugace.

13 mars. L'attaque d'hier a eu lieu à 9 heures du soir,

différente des précédentes en ce que le moment de son

apparition s'est trouvé en retard au lieu d'avancer sur

celui des journées antécédentes. Traitement : quatre cap-

sules de bromure de camphre du Dr Clin ; bains d'une de-

mie heure ; gymnastique ; vin de quinquina ; dragées de

protochlorure de fer.

14 mars. A huit heures du soir, survient une crise uni-

que de cinq minutes de durée. Il n'y a pas eu de convul-

sions cloniques ; l'enfant est resté raide quelques instants

puis a recouvré connaissance.

15 mars. Pas d'attaque. Le sommeil est agité; le malade

se tourne contamment dans son lit, mais il n'y a ni délire,

ni secousses convulsives.

16 mars. Pas d'attaque. L'état général de l'enfant est

excellent.

22 mars. La semaine précédente il y a eu une attaque

deux jours de suite, avec une durée d'une heure. Pendant

cette semaine même les crises ont reparu tous les jours

HYSTÉRO-$PILEP61E ? ] 63

avec les mêmes caractères, mais ont été d'une durée variant

de dix minutes à une heure. 16 avril. Douches.

21 mai. Les points hystérogènes paraissent un peu atté-

nués et se montrent moins sensibles à la pression. Au

niveau de la zone dorsale, la sensibilité à la chaleur paraît

diminuée à droite. .

1 CI' décembre. Pendant tout l'été jusqu'à ce jour, l'enfant

a régulièrement pris des douches, d'abord une seule, puis

deux par jour. Les attaques sont devenues beaucoup plus

rares ; c'est ainsi que dans le mois de novembre il n'y en a

eu qu'une de trente minutes.

On note ce matin une hémianesthésie de la moitié droite

du corps : le chatouillement, la piqûre, la projection d'eau

froide ne sont pas perçus. L'examen s'étant prolongé, on

constate que la sensibilité a en partie reparu, depuis

l'épaule jusqu'à la fesse; mais l'anesthésie persiste néan-

moins à la face et au cou de ce côté. La sensibilité a reparu

surtout dans les points où on a produit une excitation éner-

gique (piqûre, pincement, transfixion, etc.). Une heure et

demie après l'examen, la sensibilité se montre plus nette

sur les points où elle a reparu.

1881. - 25 avril. La sensibilité est normale et égale des

deux côtés; l'enfant n'a pas eu de crises depuis le 13 dé-

cembre 1880. Il reprend les douches depuis deux jours.

13 octobre. Les attaques ont complètement cessé. Le ca-

ractère s'améliore, bien que notre malade soit jaloux d'un

de ses frères, sans raison. De plus, il montre peu d'ardeur

au travail. Les fonctions digestives sont normales : de

temps à autre cependant, on est obligé de lutter contre la

constipation par de légers minoratifs. Il y a deux semai-

nes, on a craint le retour des attaques, à la suite de deux

nuits agitées, avec rêves et cris de terreur, phénomènes

qui jadis annonçaient les crises.

On continue le traitement par les douches, administrées

régulièrement, par la gymnastique, le fer et le vin de quin-

quina.

1882. Janvier-Août. -L'enfanta pris ses douches jusqu'en

décembre dernier. Il n'a pas eu d'attaques. Sa santé générale

est très bonne.-Les attaques ont eu la marche suivante :

64 HYSTÉRO-ÉP ILEPSIE.

HYSTÉRO-ÉPILEPSIE. 65

du jeune Ron... permettent d'attribuer à l'hérédité une

grande influence sur la production de l'affection con-

vulsive. Ajoutons que cette influence s'est trouvée en

quelque sorte doublée par la consanguinité.

Après s'être traduite par des convulsions, une im-

pressionnabilité très vive, des cauchemars, la diathèse

nerveuse s'est manifestée par des attaques d'hystéro-

épilepsie. Bien qu'elles n'aient pu être observées d'une

manière suivie, ce que nous en connaissons ne laisse

aucun doute sur leurs principaux caractères.

La période de rigidité paraît avoir été toujours assez

courte ; toutefois, son existence est indubitable, car,

dans les notes que les parents nous ont remises, nous

trouvons celle-ci : toujours] ? 'aide dans le début. » La

période clonique était, au contraire, prolongée et s'ac-

compagnait généralement de l'arc de cercle. Les con-

torsions étaient multiples et variées, ainsi que les attitu-

des passionnelles. La période de délire était, elle aussi,

parfaitement caractérisée.

Enfin, les attaques étant finies, la connaissance sem-

blant revenue, l'enfant avait parfois des hallucina-

tions de la vue (7 avril 1880).

L'aura, les zones hystérogènes, l'hérnianesthésie

avec ses alternatives d'intensité, sa transposition d'un

côté à l'autre, se sont présentées ici avec les caractères

classiques. Signalons seulement l'intervention du clou

hystérique dans la succession du phénomène de l'aura,

phénomène que nous avons déjà mentionné et sur lequel

l'attention des auteurs ne paraît pas s'être fixée.

La période des contorsions, les injures adressées

par le malade aux personnes qui l'entouraient, ses efforts

pour se mordre, ou pour mordre les assistants, pour

leur cracher au visage, rappellent point pour point ce

que les historiographes anciens nous racontent des

possédées.

Que l'on considère les symptômes permanents,

BOURN. 5

66 HYSTÉRO-ÉPILEPSIE.

l'aura ou les attaques, et qu'on les compare aux obser-

vations recueillies soit sur des femmes, soit sur des

jeunes filles atteintes de la grande hystérie et on se con-

vaincra, comme nous, de la complète analogie de tous

les symptômes.

Le traitement a consisté à l'origine en toniques, en

capsules de bromure de camphre, en bains et exercices

gymnastiques(l). Puis, dès que cela a été possible, nous

avons donné des douches froides, en pluie et en jet,

d'abord de 30 secondes, ensuite de 40. Du 16 avril au

3 mai, elles ont été administrées d'une façon irrégu-

lière, les parents cédant aux caprices de leur enfant; -,

mais, nous avons triomphé de leurs craintes et, à partir

du 3 mai, le traitement hydrothérapique a été rigou-

reusement suivi ; - dans le courant de l'été, l'enfant a

pris deux douches par jour. Elles ont été suspendues

en janvier, février et mars 1881, recommencéesen avril

et continuées sans interruption jusqu'à la fin de cette

année.

A dater du mois d'août 1880, les séries d'attaques ont

été plus rares et surtout plus courtes et elles ont en-

tièrement cessé depuis le 13 décembre 1880. Durant les

trois premiers mois de 1881, l'enfant a conservé une

certaine irascibilité du caractère, de la mobilité ; il était

parfois sujet à des rires nerveux. Aussi est-ce en raison

de ces phénomènes que nous avons insisté pour que les

douches fussent continuées. Nous avons revu l'enfant

le 24 août (1882), sa santé physique est bonne, il a

grandi, la puberté s'accentue, son caractère est rede-

venu ce qu'il était autrefois, enfin il n'a pas eu de nou-

velles attaques.

(1) L'enfant venait à la gymnastique du service 3 fois par semaine

III.

Observations d'épilepsie.

Arthropathies rhumatismales chez un ataxique ; - exos-

toses des fémurs ; - épilepsie ; - démence consécutive

par E. BONNAIRE, interne des hôpitaux.

Del..., Pierre, âgé de 59 ans, est entré à Bicêtre (service

de M. DEBOVE), et est passé le 22 février 1881 dans le ser-

vice de M. BOURNEVILLE.

Renseignements fournis par sa femme (9 mars 1881).

Père, mort on ne sait de quoi, âgé de plus de 60 ans ; il était

grand et fort; nul autre renseignement. Mère, morte

à 68 ans, on ne sait de quoi; elle était d'une taille assez

élevée. Notre malade a eu six frères. L'un d'eux est mort

après être resté alité et paralysé pendant deux ans; un

second est perclus de rhumatismes. Les quatre autres sont

bien portants, grands et forts; aucun d'eux n'offrirait d'ac-

cidents nerveux. Plusieurs ont des enfants en bonne santé,

non difformes, non épileptiques, etc. Pas de consanguinité.

Del..., s'est marié à 32 ans, en 1854; il était alors cocher,

ne faisait pas d'excès de boisson. Il avait été soldat pen-

dant 7 ans, sans avoir été atteint durant ce temps, d'affec-

tions vénériennes, ni de maladies de peau ; il était assez

intelligent, mais d'un caractère très violent.

De 1854 à 1868, il reste bien portant. En 1868, cholérine

très forte, à partir de laquelle il a eu des troubles digestifs,

sans vomissements. En 1869, fièvre intermittente tierce,

d'une durée de deux ou trois semaines, traitée par le sulfate

de quinine.

Avant sa cholérine, le malade éprouvait de temps à autre

des élancements dans la jambe droite déterminant la flexion

subite du membre. Les élancements ont augmenté en

1869-1870, et ont gagné l'autre jambe. Alors, il servait dans

la garde nationale, Del..., fut réformé pour cause de dilïi-

cultés dans la marche : « ses pieds se jetaient en avant

quand il marchait; ses jambes s'en allaient à droite et à

gauche, comme s'il était en ribotte. » Jamais il n'a présenté

G8 ATAXIE locomotrice : epilepsie.

de troubles visuels; mais l'ouïe est devenue dure, à partir

de 1870. Cette même année, il a commencé à perdre lo

sommeil par suite de cauchemars.

On pense que le premier accès d'épilepsie s'est manifesté

en 1869. Le malade, resté seul la nuit, perdit connaissance,

se débattit, et mit le feu à des rideaux en tombant. Sa femme

le trouva étendu sur le sol, incapable de se relever, plus

faible des jambes qu'auparavant, avec la respiration embar-

rassée. Il se rétablit au bout de huit jours. En 1870, trois

accès, sous forme de cauchemars; le malade parlait à

haute voix, semblait terrifié, et restait roide et immobile;

la durée était de quelques secondes à une minute. Il n'y

avait ni écume buccale, ni miction involontaire. En 187- ? ,

D. : 1... eut une crise, dans laquelle il tomba de son siège de

cocher sur le sol; depuis lors, il a cessé de travailler. C'est

à cette époque (15 février 18ï` ? I, qu'il est entré à l'hôpital

Saint-Antoine, où il est resté six semaines.

A dater de là, la gène de la parole a fait des progrès cons-

tants ; les facultés intellectuelles ont conservé leur intégrité,

jusqu'à l'admission du malade à Bicêtre. Depuis lors, elles

ont été en déclinant, en même temps que sont survenues

les lésions articulaires. Vers 1875, les accès d'épilepsie

étaient au nombre de 3 ou 4, par mois. En décembre 1880,

abcès de la région cervicale, à gauche.

On ne croit pas que notre malade ait fait des excès de

coït avant le mariage. Les rapports scxsuls, depuis cette

époque, n'ont pas été exagérés ; quelquefois, mais rare-

ment, ils ont été pratiqués dans la station debout ou assise ;

exceptionnellement, ils ont été répétés plusieurs fois par

jour. Vers 1867-1868, ils ont commencé à devenir moins

parfaits. Notre malade n'a jamais eu d'enfants.

Les douleurs de l'ataxie sont restées limitées aux mem-

bres inférieurs. Jamais, par exemple, on n'a constaté de

douleurs en ceinture, ni dans les régions ano-génitales

ou dans les bras. Vers 1870-1871, il y a eu de la dysurie

indolore.

Etal actuel. L'examen clinique complet du malade, au

point de vue des symptômes subjectifs, est impossible par

suite de l'état de démence absolu dans lequel il se trouve.

Il répond il peine aux questions qui lui sont adressées et

demeure indifférent à ce qui se fait près de lui. La sensi-

bilité est fortement émoussée. Sur toute la surface cutanée,

prurigo phlhiriasique. (Bains de sublimé).

Arlhropalhies. Ce qui attire surtout l'attention chez

Del....c'cst l'état des membres inférieurs. Il existe une con-

sidérable augmentation de volume des deux genoux. La

ARTHROPATHIES rhumatismales. 69

déformation se montre à peu près symétrique. Elle prédo-

mine, toutefois, légèrement à droite.

Le membre inférieur gauche, maintenu immobile en

demi-flexion, reste fixé dans la rotation en dehors à un

point tel que la jambe repose directement sur sa face

externe. L'articulation est élargie dans tous les sens, avec

de nombreuses bosselures très apparentes à la vue. A tra-

vers les téguments, qui ne présentent pas d'altération appré-

ciable, on perçoit une fluctuation étendue, en même temps

que des nodosités multiples, de volume différent, roulent

sous le doigt en donnant la sensation d'un sac de noix. Au

pourtour de l'article, les tissus sont irrégulièrement indu-

rés et on peut sentir par place des concrétions noueuses

très résistantes, mal circonscrites, et solidement encha-

tonnées. Les surfaces articulaires sont sensiblement dépla-

cées : la rotule est déjetée en dehors ; l'épiphyse fémorale

se porte en avant, tandis que les plateaux du tibia forment

une saillie appréciable sous le doigt, à la partie inférieure

de la région poplitée. L'émaciation extrême du segment

inférieur du membre contribue, en môme temps, à mettre

en relief la déformation articulaire. Les mouvements spon-

tanés de la jambe sont nuls; on peut exagérer la flexion,

mais la rétraction des muscles extenseurs, jointe à la

subluxation rend l'extension impossible. ,

A droite, l'arthropathie est plus accusée encore que du

côté opposé; même déformation; môme augmentation de

volume; mômes sensations au palper; mêmes modifications

dans les rapports des surfaces articulaires. La rotule est

refoulée en haut et en dehors par l'abondance de l'épan-

chement et par les corps étrangers. Les condyles fémoraux,

tout en étant moins portés en avant qu'à l'autre genou,

proéminent davantage en dehors ; il y a une véritable sublu-

xation de la jambe en dedans. Le gonflement de l'article ne

permet pas de constater la saillie de l'épiphyse libide en

dedans ; mais le condyle externe du fémur fait une notable

saillie sur les téguments de la face externe du membre.

Les mouvements sont moins limités que du côté opposé :

l'extension est presque directe. La flexion est possible,

quoique gênée par la grosse crépitation qu'amènent les

arthrophytes. On peut obtenir, de plus, des mouvements de

latéralité anormaux, et assez étendus.

Exostoses. - En outre des arthropathies, et sur les deux

membres, également à la région crurale, existent des défor-

mations très accusées, dues évidemment à des intumes-

cences du squelette.

70 ataxie locomotrice; ÉPILEPSIE.

Membre inférieur droit. -- Au niveau de la moitié ex-

terne de la région inguino-crurale, et des deux tiers supé-

rieurs du triangle de Scarpa, les téguments sont soulevés

sous forme de tumeur ovoïde, bilobée à la vue, non adhé-

rente à la peau, fixée aux parties profondes et d'une dureté

absolue.

Membre inférieur oanche. - Lorsqu'on promène le doigt

sur la face antérieure de la cuisse, en palpant le squelette

profondément, on trouve, vers le tiers moyen, une aug-

mentation de volume de l'os, sensiblement annulaire, rap-

pelant la sensation que donnerait un cal ancien. Pas d'autres

déformations encore appréciables.

Le visage présente, dans sa moitié inférieure et à droite,

une tuméfaction considérable. Il existe en môme temps, non

loin de l'angle de la mâchoire, un trajet fistuleux laissant

écouler un abondant suintement de pus et à travers lequel

le stylet pénètre jusqu'à un foyer de nécrose qu'on ne peut

limiter. Les tissus avoisinants sont fortement indurés. La

peau est blanche, immobile sur les parties sous-jacentes.

Le malade reste étendu dans le décubitus dorsal, sans

donner aucun signe d'intelligence, ne faisant de mouve-

ments que pour recevoir ses aliments qu'il prend avec

avidité. Il est gâteux. Les fonctions digestives, res-

piratoires et circulatoires ne sont pas troublées. L'artère

radiale est athéromateuse. Nous n'avons pas eu l'occasion

d'observer d'accès d'épilepsie.

17 mars. Ce matin, à la visite, le malade no présentait

rien d'anormal. Il a pu répondre a oui » et « non « aux

questions qu'on lui adressait, et a pris son repas accoutumé

à 11 heures. Vers 2 heures, il s'est brusquement assis sur

sont lit, et, sans pousser de cri, est retombé brusquement.

Il était mort.

Autopsie, 24 heures après la mort.- Thorax. Il n'existe

pas d'altération du parenchyme pulmonaire ; les bronches

sont dilatées et remplies de mucosités qui s'écoulent diffi-

cilement. La muqueuse est épaissie, noirâtre, avec de

nombreuses arborisations. Ces lésions sont surtout mani-

festes du côté droit. Les ganglions bronchiques sont tous

hypertrophiés,durs à la coupe et sont le siège d'une anthra-

cose très prononcée. Le larynx présente une ossification

complète du cartilage thyroïde, avec une division entière,

c'est-à-dire une véritable fracture, occupant l'angle anté-

rieur. La muqueuse trachéalo offre le même aspect que

celle des bronches.

Coeur : 370 grammes. Le péricarde ne renferme pas de

SCLÉROSE DES CORDONS POSTÉRIEURS. 71

liquide. Les cavités cardiaques sont occupées à droite, par

des caillots fibrineux sans mélange de cruor ; à gauche,

elles ne renferment qu'un peu de sang noirâtre. Le ventri-

cule gauche offre une capacité au-dessous de la normale,

tandis que ses parois sont notablement épaissies. Le myo-

carde est ferme, bien coloré ; il n'existe pas d'altérations

valvulaires. Le sinus de l'aorte est dilaté, et sur la paroi

interne de ce vaisseau se détachent en relief de nombreuses

plaques d'athérome.

Abdomen. Foie : 1500 grammes, normal. Reins : droit,

150 grammes ; aspect grenu. A sa surface existent plusieurs

kystes à contenu séreux, translucide ; l'un d'eux a le vo-

lume d'un oeuf de pigeon. Rein gauche : 120 grammes.

Aspect grenu, pas de Rite : 75 grammes, ferme ;

léger épaississement de la capsule de Malpighi.

Tête. Encéphale : 1350 grammes. La dure-mère, un peu

épaissie adhère à la partie médiane de la voûte osseuse. La

pie-mère n'est pas congestionnée. Hémisphère droit : 560

grammes, gauche, 540 grammes. Il n'existe pas d'anoma-

lies dans la disposition des organes qui sont en connexion

avec la base du cerveau; les nerfs optiques, en particulier,

ne sont pas lésés. Le tissu encéphalique est ferme ; nulle

part on ne trouve de lésions ou de foyers, non plus que

d'anomalies dans la disposition des circonvolutions.

Moelle. Sur toute l'étendue de l'axe médullaire, la ca-

vité sus-arachnoïdienne est parsemée de plaques calcaires

blanches, aplaties, ovalaires et de volume variable. La

dure-mère, non plus que la pie-mère, ne présentent ni

vascularisation, ni épaississement anormal. L'adhérence

des méninges est moins prononcée au niveau des cordons

postérieurs que sur le reste de l'axe nerveux. L'examen de

la moelle à l'oeil nu, envisagée dans son ensemble, ne per-

met pas d'apprécier de modifications dans le volume de

cette région. A l'aide de sections espacées d'un centimè-

tre, la sclérose des cordons postérieurs se montre évidente

au simple regard. Elle prend naissance vers la première

vertèbre lombaire, occupe la totalité des cordons posté-

rieurs jusque vers la première dorsale, pour se continuer

en haut et se terminer au niveau de la partie médiane de

la colonne cervicale. Dans cette dernière portion, les cor-

dons de Goll semblent seuls altérés. Les parties atteintes

se reconnaissent à leur teinte grise, comme gélatiniforme.

On ne constate pas à l'oeil nu d'altérations des racines pos-

térieures. Les prolongements de l'axe gris central au niveau

du bulbe paraissent entièrement gains.

72 ATAXIE LOCOMOTRICE ; EPILEPSIE.

Membre inférieur gauche. La tumeur qui occupe et

déforme le tiers supérieur de la cuisse est constituée par

une exostose dont le siège répond assez exactement au

petit trochanter. Les parties molles qui avoisinent la masse

osseuse, présentent un aspect fibroïde, blanchâtre, peu

vasculaire.

Par la dissection, on ne peut reconnaître le point exact

où se termine le corps charnu du psoas; le paquet vasculo-

nerveux est déjeté en dedans. La surface antérieure de la

tumeur est arrondie, lisse, et présente plusieurs orifices

circulaires, de volume variable, occupés par du tissu

fibreux. En arrière, l'irrégularité del'exostoseesttrès pro-

noncée. On voit trois larges escharres, dirigées de haut en

bas, parallèle à l'axe du fémur et dessinant trois cercles

convexes en dedans et concentriques. La paroi de ces exca-

vations se laisse très difficilement mettre à nu, par suite de

leur disposition anfractueuse, de l'adhérence des parties

molles, rendue plus intime encore par le passage de nom-

breux vaisseaux dans le corps de la tumeur.

L'acticulation coxo-fémorale est saine; tout le long du

tendon du grand adducteur, au voisinage de son insertion,

mais sans faire corps avec le fémur, se rencontrent des

productions osseuses, disposées sous forme de stalactites

aplaties qui se terminent en pointe à leur extrémité supé-

rieure.

L'articulation du genou est entourée de tissus indurés,

lardacés, durs et criant sous le scapel. La capsule est con-

sidérablement épaisssie, principalement à ses insertions et

tout particulièrement au niveau de l'épiphyse fémorale. En

ce point, outre la prolifération conjonctive, on rencontre

des noyaux d'un volume variable entre celui d'une noisette

et celui d'un gros oeuf de pigeon. Les uns sont entièrement t

ossifié : les autres, d'apparence mi-osseuse, mi-cartilagi-

neuse. La dissection ne permet pas d'isoler, ni même de

reconnaître les ligaments latéraux. L'ouverture de la cap-

sule laisse écouler un abondant magma, d'aspect colloïde,

assez dense, grisâtre, translucide, et rappelant assez une

gelée de coings peu épaisse. Dans l'intérieur de cette masse

se trouvent quelques corps étrangers, peu volumineux,

flottant librement. La surface de la synoviale présente de

nombreuses franges hypertrophiées, à côté de corps articu-

laires, sessiles ou pédiculés et de consistance variable,

analogues en tous points aux nodosités extra-articulaires.

Dans son ensemble, cette disposition de la synoviale per-

met de suivre, par une transition insensible, la gradation

qui mène de l'hypertrophie des franges synoviales à la

74 ATAXIE LOCOMOTRICE; ÉPILEPSIE.

lames concentriques, séparées par de profondes incisions.

D'après cet aspect, il nous semble probable que le travail

de prolifération a dû s'effectuer, à des périodes distinctes,

en trois poussées successives. Quant à la convergence des

encoches à la face postérieure de l'exostose, peut-être doit-

on en voir la cause dans l'action du muscle psoas, qui, ainsi

qu'on le sait, attire le petit trochanter en avant et en de-

dans ;

3° Les arthropathies sont-elles de nature rhumatismale

ou ataxique ? Bien que survenues dans le cours d'une

ataxie, nous pensons que les lésions articulaires no sont

ici autre chose que les manifestations du rhumatisme arti-

culaire chronique partiel. Elles présentent, en effet, tous

les caractères de cette affection, tels que les a fait connaître

M. Charcot.

L'épaississement de la séreuse articulaire, l'augmenta-

tion de volume et le nombre des franges synoviales, l'exis-

tence des arthrophytes, l'état gélatineux du liquide intra-

articulairo, l'altération velvétique des cartilages, et, enfin,

l'éburnation par plaques des surfaces osseuses; telles sont

les principales lésions que nous avons rencontrées dans le

cas actuel ; ce sont aussi celles que M. Charcot assigne en

propre au rhumatisme chronique.

D'autre part, l'altération prédominante dans l'arlhropa-

thie ataxique est constituée par la raréfaction du tissu os-

seux et par l'usure des surfaces articulaires. Ici, nous ne

rencontrons rien de semblable, et ce signe négatif vient en-

core comme appui, sans nous arrêter à plus de détails,

dans l'hypothèse que nous émettons à ce sujet de la nature

originelle de l'affection articulaire.

, Dans une étude sur les arthropathies qui s'observent

dans le cours de la sclérose des cordons postérieurs (Revue

photographique des hôpitavx, 1870, pages 193 et 229;

1871, pages 9 et 52), M. Bourneville a rapporté une obser-

vation qui se trouve en concordance absolue, dans tous

les détails, avec celle de notre malade. Il s'agit d'une

femme ataxique de 53 ans; chez celle-ci, mêmes symptô-

mes d'affaiblissement mental, même localisation de l'alté-

ration articulaire aux deux genoux, et, au niveau do ces

jointures, même nature et même degré de la lésion, c'est-

à dire : tuméfaction, gêne des mouvements, déviation du

ARTHROPATHIES RHUMATISMALES. 75

membre et nombreux corps étrangers péri et intra-articu-

laires.

A l'autopsie, les modifications pathologiques que pré-

sentent les différents organes de l'articulation sont identi-

ques ; la représentation photographique, jointe à l'observa-

tion, de la cavité articulaire entr'ouverte, donne la repro-

duction fidèle des pièces que nous avons montrées à la

Société anatomique.

A côté de ce cas tout particulier, M. Bourneville a exposé

dans la même étude plusieurs observations d'arthropathies

ataxiques ; mais ces dernières présentent, tant au point de

vue de l'évolution que de l'état anatomique, les véritables

caractères que revêt la lésion articulaire, d'origine médul-

laire, tels que les a décrits M. Charcot.

A cette époque, l'attention commençait à se fixer sur ces

arthropathies, et, par suite du nombre encore restreint d'ob-

servations précises sur ce point, il était légitime de ratta-

cher à l'ataxie, comme l'effet à la cause, toutes les altéra-

tions articulaires qui survenaient dans le cours de la sclé-

rose des cordons postérieurs. Toutefois, les divergences

d'ordre anatomo-pathologique étaient telles, dans ces dif-

férents cas, que tout en admettant une origine unitaire,

M. Bourneville croyait devoir les classer en deux variétés :

« l'une dans laquelle l'atrophie serait, pour ainsi dire, la

lésion capitale; l'autre, dans laquelle il y aurait une sorte

d'hypertrophie. » L'auteur ajoute aussitôt qu'il ne s'agit là

que « de commentaires, simple déduction des faits suivis

et recueillis par lui-même, et que aller plus loin serait se

perdre dans le champ des hypothèses. »

Depuis 1870, l'observation répétée et minutieusement

suivie, à l'occasion du rhumatisme chronique d'une part,

et de l'ataxie d'autre part, d'un grand nombre de cas d'ar-

thropathies, a permis d'établir un départ nettement tran-

ché entre les lésions propres à chacune de ces deux affec-

tions. Toute confusion est devenue impossible, et il nous

a été permis, dans l'observation présente, d'affirmer, mal-

gré la circonstance de l'ataxie, la nature purement rhuma-

tismale des altérations articulaires que nous avons pré-

sentées.

76 ÉPILEPSIE SYMPTOMATIQUE.

Hémiplégie. - Epilepsie symptomatique. -- Lésions du

lobule de l'insula; par \I\I. l3or,avcvrr.ri eV Bonnaire.

Les lésions limitées exclusivement au lobule de l'insula

sont très rares ; le plus souvent la lésion intéresse, à des

degrés divers, les circonvolutions voisines. Aussi, ne con-

naît-on pas encore les symptômes cliniques qui répondent

au lobule de l'insula. Dans le cas qu'on va lire et que

nous publions à titre de document - la lésion avait détruit

entièrement toutes les digitations du lobule de l'insula.

Observation. - Hémiplégie gauche a 36 ans. - .4coo-

lisme. Début de l'épilepsie à 42 ans. Troubles intel-

lectuels dus aux accès. - Marche des accès. Démence

progressive. - Caractères de l'hémiplégie. - A uthrax et

érysipèle phlegmoneux (1880).-llortpar broncho-pneu-

monie.

AUTOPSIE. - Foyer ancien ayant détruit le lobule de

l'insu la à droite. - Dégénérations seconda.ires.- Lésions

pulmonaires.

Carr... François, âgé de 54 ans, charpentier, est entré

le 4 juin 1868, à Bicêtre (service de M. BOURNEVILLE).

Renseignements fournis par sa belle-soeur (1). Père,

cultivateur, mort on ne sait de quoi. Mère, morte quand

notre malade était en bas âge. Deux soeurs en bonne santé,

mariées, sans enfants. Pas d'épileptiques, pas d'aliénés, etc.,

dans la famille.

Notre malacle s'est marié à 34 ans; il ne faisait pas

d'excès de boisson, mais fumait beaucoup. - Dix-huit mois

après son mariage, il a été brusquement frappé d'hémi-

plégie gauche : étant à la garde-robe, il est tombé sur le

sol et est resté dans cet état, ayant gardé, dit-on, toute sa

(1) C'est ce qui explique l'insuffisance des renseignements.

hémiplégie; alcoolisme. //

connaissance ( ? ), jusqu'à ce que sa femme, étonnée de son

absence, vînt à son aide. Il serait resté 15 jours au repos

forcé, après quoi, il recommença à marcher en traînant la

jambe et en se soutenant sur une canne.

Les accès d'épilepsie se sont déclarés environ six ans

après l'attaque paralytique. Durant cet intervalle, notre

malade gagnait sa vie à ouvrir les portières des voitures

sur la voie publique et s'adonnait en même temps à la

boisson. Par suite de la multiplicité des accès, il dut re-

noncer à son travail et entrer à Bicêtre. A l'hospice, il per-

sévéra dans ses habitudes d'alcoolisme, et l'on dut le faire

passer de l'hospice des vieillards dans la Section des épi-

leptiques.

Il y a quatre ans, il avait encore de la mémoire, recon-

naissait tout son monde, avait une conversation suivie. Au-

jourd'hui, sa mémoire a totalement disparu, et il reste

indifférent aux choses du dehors. En même temps que les

facultés mentales, le physique s'est notablement affaissé

depuis cette même époque, et il s'est produit, paraît-il, un

amaigrissement considérable. A part l'état parétiquc dé-

pendant de l'ictus primitif, le malade n'a présenté

d'autres symptômes de lésion encéphalique, durant ce laps

de temps, que des atteintes intermittentes de céphalalgie.

On ne trouve d'ailleurs aucun antécédent morbide chez

lui. Il a deux filles de son mariage, âgées l'une de 22 ans

et l'autre de 17 ans, toutes deux en bonne santé.

1880. Septembre. Erysipèle phlegmoneux de la paroi

thoracique consécutif à un anthrax. Incision et panse-

ment de Lister.

1881. 10 juin. Le malade présente un état d'agitation

considérable, cherche à sortir du lit, prononce des paroles

incohérentes. Il a eu deux accès hier (chloral, 4 gr.).

11 juin. Un accès hier. Ce matin, l'excitation maniaque

est remplacée par un état de torpeur très prononcé; la

respiration est rapide et embarrassée, avec un léger degré

de stertor. On ne trouve de symptômes localisés ni dans la

poitrine, ni dans l'abdomen. Pas de troubles de la sensi-

bilité (ventouses sèches sur le thorax; ventouses scarifiées

à la nuque; lotions vinaigrées; sinapismes aux membres

inférieurs; potion cordiale). T. R. 38°,4. Soir : T. R.

38°,4.

12 juin. La stupeur a diminué. Lorsque l'on explore,

par la piqûre, la sensibilité d'un des membres paralysés,

on voit le membre correspondant du côté sain s'agiter de

78 ÉPILEPSIE SYMPTOMATIQUE.

violents mouvements réflexes. T. R. 38°,6 (lavement purga-

tif : potion de Todd; café).

21 juin. Un accès. Car... n'en avait pas eu depuis le 10 ;

amélioration.

Examen physique. (22 juillet). Tête : Crâne symé-

trique ; calvitie complète; la suture sagittale se dessine

sur la peau, en forme de crête. L'occipital est déprimé, au

niveau de son articulation avec les pariétaux; le cuir che-

velu présente une cicatrice en Y répondant exactement

aux traits de suture. Le visage est asymétrique par suite

de la paralysie faciale qui occupe le côté gauche. On note

l'effacement du sillon naso-jugal, la déviation du nez,

l'abaissement de la commissure buccale, en même temps

que l'affaissement de la joue et du menton. La langue se

dévie du côté paralysé.

Thorax et abdomen normalement conformés.

Membres supérieurs : Le bras gauche est roide, avec

contracture; l'avant-bras et le poignet sont en pronation

forcée avec demi-flexion ; les doigts sont repliés sans rai-

deur dans le creux de la main, tandis que le pouce se trouve

en légère adduction. Du côté droit, l'attitude est normale.

La mensuration comparative des deux membres donne

les résultats suivants :

HÉMIPLÉGIE. 79

de squames épidermiques habituelle, au-dessus de laquelle

la sensibilité reste normale. Voici les mensurations com-

paratives des deux membres :

80 EPILEPSIE SYMPTOMATIQUE.

cesse la même occupation ici. A une époque de son séjour,

il s'était ingénié à boire son urine pour guérir ses accès

d'épilepsie et à se faire tirer violemment le bras paralysé

par d'autres malades, afin de guérir sa paralysie.

23 juillet. Le maladequi, depuis quelque temps, avait

recouvré son état normal, retombe aujourd'hui dans la

stupeur et l'adynamie; l'oppression est intense (50 respi-

rations par minute). Les pommettes du visage sont rouges.

Le pouls petit, rapide, assez régulier, est de 130 pulsations.

A l'auscultation, on perçoit des râles sibilants et ronflants

des deux côtés de la poitrine ; le murmure vésiculaire s'en-

tend difficilement. Il existe de la matité dans toute l'éten-

due du thorax. Les vibrations vocales sont exagérées. La

sensibilité est normale des deux côtés ; les réflexes sont

plus prononcées du côté gauche. (Vomitif. Vésicatoire. Po-

tion avec rhum et extrait de quinquina). Soir : T. R. 39 ?

24 juillet. L'état adynwv ? ue s'accentue. Les lèvres et la

langue se recouvrent de fuliginosités ; la dyspnée augmente.

On entend dans le poumon gauche, à la partie supérieure,

un souffle bronchique profond, masqué en partie par de

nombreux râles sous-crépitants. A droite, mêmes râles. Le

malade comprend les questions qu'on lui adresse et répond

à peu près exactement. T. R. 39 ? ? .

25 juillet. Mort à 3 heures de l'après midi.

Autopsie : 2'1 heures après la mort. Absence de rigidité

cadavérique.

Thorax. Il existe quelques adhérences pleurales récentes

en arrière et à gauche. Tout le poumon droit est friable,

dense , crépite légèrement et surnage. A la coupe, il

s'écoule une sérosité abondante et non purulente. Le paren-

chyme est farci d'une multitude de noyaux caséeux dont le

volume varie de celui d'un grain de mil à celui d'une len-

tille. Le poumon gauche présente dans son lobe inférieur,

au niveau de la gouttière costo-vertébrale, un foyer de la

largeur de la main; le parenchyme est déprimé, d'une

teinte feuille morte à la surface ; il existe en outre trois ou-

vertures vraisemblablement artificielles et produites par la

pression du doigt qui a dû rompre les adhérences pieurales.

Elles donnent accès dans une vaste caverne, à parois déchi-

quetées. Le reste du lobe est induré; son tissu est comme

carnifié, ne crépite pas et plonge quand on le jette dans

l'eau. Les vaisseaux sanguins voisins de la caverne sont

obstrués par des caillots récents. Le contenu du foyer est

constitué par un putrilage gris ardoisé, avec un liquide sa-

LÉSIONS DU LOBULE DE L'iNSULA. 81

nieux, noirâtre et fétide qui s'écoule par les bronches. Le

lobe inférieur renferme de plus, en outre de quelques noyaux

de gangrène analogues au précédent, mais plus petits, un

semis de nodules de broncho-pneumonie caséeuse identi-

ques à ceux du poumon droit. Le lobe supérieur est intact.

Les ganglions péribronchiques sont volumineux, indurés

et anthracosés. Coeur : 430 gr. Surcharge graisseuse

principalement sur la face antérieure. Pas de lésions valvu-

laircs. Le ventricule gauche renferme un caillot fibrineux

avec des traces de stratification. L'oreillette contient un

caillot noir, volumineux et récent.

Abdomen. Foie, 300 1-P.,normal. Rate, 130 gr. diffluente.

Reins : 110 gr. chacun ; l'altération sénile est très marquée,

surface granuleuse ; cicatrices rayonnées dues à d'anciens

kystes superficiels ; surcharge graisseuse des calices et bas-

sinets. - Estomac : la muqueuse est saine. L'organe ren-

ferme des produits noirâtres, semblables au putrilage

pulmonaire. -L'intestin et la vessie sont intacts.

Tête. Le cuir chevelu est très épais et très adhérent ; la

calotte crânienne est dure et épaisse; la pie-mère est for-

tement fixée aux sutures de la voûte d'une part, et à la pie-

mère de' l'autre. Le liquide céphalo-rachidien est assez

abondant.

Encéphale : 11GO gr. La surface est un peu lavée ; les

artères, les nerfs de la base sont sains. Le tubercule ma-

millaire droit est d'un tiers plus petit que le gauche, et de

coloration normale. Le pédoncule cérébral droit est nota-

blement atrophié, aplati et moins large que le gauche ; il

en est de même pour la moitié droite de la protubérance.

La pyramide antérieure droite est représentée par un cor-

don aplati, de teinte grisâtre et sur le même niveau que

l'olive correspondante. En somme, la moitié droite de

l'isthme de l'encéphale est moitié moins volumineuse que

celle du côté opposé. Sur une coupe, la surface de section

du pédoncule cérébral est de deux tiers moindre à droite

qu'à gauche. Les tubercules quadrijumeaux sont normaux.

L'hémisphère cérébral droit pèse 140 grammes de moins

que le gauche, et sa longueur est moindre de 1 centimètre.

Le cerveau pèse Dia grammes. Le cervelet est sain. Ses

deux hémisphères sont égaux.

Hémisphère cérébral gauche. La décortication est facile;

les circonvolutions se dessinent nettement; il n'y a rien

d'anormal, tant à la surface que dans les noyaux gris cen-

traux. (Fig. 2.)

Hémisphère droit. A travers les méninges, on aperçoit

une dépression considérable au niveau du lobule de l'insula

BOURN. 6

82 hémiplégie; ÉPILEPSIE symptomatique.

et du lobe sphénoïdal. Partout la pie-mère se détache aisé-

ment, sauf sur les points dont nous venons de parler, où

elle est épaissie et d'une couleur brune, rougeâtre, un peu

ocreuse. La dépression superficielle est comblée par un ré-

servoir de liquide céphalo-rachidien. La pie-mère enlevée,

l'hémisphère se montre aplati. On trouve un foyer atrophi-

que qui a détruit : 1° Toute la partie postérieure de la troi-

sième circonvolution frontale (le reste de cette circonvolu-

tion n'est qu'amaigri); 2° La partie inférieure de la frontale

et de la pariétale ascendantes; le pli qui unit l'extrémité

inférieure de ces deux circonvolutions ; 3° La plus grande

partie du lobule du pli courbe. Le lobule de l'insula.dans sa

totalité, est détruit; il ne reste plus aucune trace de digita-

tations ; la première temporo-sphénoîdile et la partie pos-

térieure de la seconde circonvolution offrent la même alté-

ration.

Le parenchyme est remplacé par une sorte de membrane

d'aspect gélatineux, de consistance mollasse et de coloration

rougeâtre, sur le lobule de l'insula, de telle sorte que, en-

tre l'extérieur et la paroi ventriculaire, il n'existe plus

qu'une mince couche de substance blanche. Les circonvo-

lutions du voisinage sont atrophiées, sans changement de

couleur. -

Le corps strié, considérablement réduit dans son volume,

n'existe plus que sous forme de deux petits noyaux du

volume d'un gros haricot. La couche optique est diminuée

d'au moins des deux tiers de son volume et déformée. La

; Fig. 2. C, Corps calleux. - CS, Corps strié. z 0, Couche optique.

LÉSIONS CONSÉCUTIVES. 83

paroi du ventricule latéral est très amincie ; et, sur le plan-

cher de cette cavité, on voit se lever un faisceau de vais-

seaux sanguins jFig. 3). Sur la coupe des masses centrales

grises, on ne découvre pas de lésions en foyer. La capacité

du ventricule est peu sensiblement accrue.

Considéré dans son ensemble, l'hémisphère cérébral droit

est moins long, moins épais et moins haut que l'hémisphère

gauche. Déjà la différence de poids (140 gr.) que nous

avons indiquée le faisait pressentir, mais les chiffres sui-

vants en donne une idée exacte :

84 ÉPILEFSIE SYMPTOMATIQUE,

des efforts de défécation du malade qu'un caillot est venu

produire l'obstruction vasculaire près de l'origine de l'ar-

tère sylvienne. Cette localisation est rendue manifeste par

ce fait que le territoire de l'artère de la troisième circonvo-

lution frontale, laquelle, comme on sait, se détache préma-

turément du tronc de la cérébrale moyenne, se trouve en-

globé dans la zone ischémiéc.

II. Nous n'avons que peu de détails sur les accès d'épi-

lepsie : on les disait très violents. Ils s'annonçaient généra-

lement par une période d'excitation accompagnée d'une

céphalalgie intense et survenaient principalement pcndaui

le jour. A la lin de la crise, il n'y avait ni écume buccale,

ni évacuations involontaires ; maintes fois, ils ont été com-

pliqués d'excitation maniaque, en général passagère, et à

laquelle succédait parfois, ainsi que nous l'avons observé

nous-mêmes en juin dernier, un état de torpeur qui per-

sistait deuxou trois jours. Il serait difficile, en présence de

cette pénurie de données cliniques, d'affirmer s'il s'agit

dans ce cas d'épilepsie vulgaire ou d'épilepsie jackson-

nienne. En faveur de cette dernière hypothèse, on pourrait

invoquer l'intensité des phénomènes céphaliques, qui pré-

cédaient et suivaient la crise. Mais, d'autre part, les accès

survenus six ans après l'apoplexie sont allés sans cesse en

augmentant, ainsi que cela a lieu le plus souvent dans

l'épilepsie vulgaire. Voici d'ailleurs leur marche de 1871 1

à 1881.

ATROPHIE DES CIRCONVOLUTIONS. 85

paraissait pas avoir d'oppression; sa voix restait forte ; rien

en un mot ne faisait pressentir l'existencedes lésions pulmo-

naires, à marche chronique, que nous avons rencontrées à

l'autopsie. Le développement de lésions organiques graves,

sans réaction appréciable, n'est pas chose rare chez les

malades,comme le nôtre, atteint de démence et de débilité

mentale.

IV. Nous croyons inutile de revenir sur le caractère et

le siège de la lésion. Toutefois, nous devons signaler

l'absence d'aphasie, avec une lésion de la partie posté-

rieure de la troisième circonvolution frontale droite, ce

qui vient à l'appui de la théorie qui localise la faculté du

langage clans la région correspondante de l'hémisphère

gauche. Nous devons aussi signaler cette atrophie, ou, si

l'on préfère, cet amaigrissement général des circonvolu-

tions de toute la face convexe de l'hémisphère droit, consé-

quence d'une lésion survenue à trente-six ans. Quel est le

rôle de la lésion du lobule de l'insula dans cette atrophie ?

Y. La dégénération secondaire, partie du foyer périphé-

rique, qui avait détruit le lobule de l'insula, les parties

avoisinantes des circonvolutions (et en particulier de la

frontale et de la pariétale ascendantes), et produit une atro-

phie considérable de la couche optique et du corps strié

(Fia- 2 et 3), s'est propagée à la moelle en atrophiant sur

son passage une partie de la couronne rayonnante de Reil

et des noyaux gris centraux. D'autre part, il est facile de

suivre à l'oeil nu les traces de la sclérose descendante à

travers l'étage inférieur de la protubérance, du pédoncule

cérébral et de la pyramide antérieure du bulbe, etc. Pour ce

qui est de l'existence de la sclérose fasciculée dans les cor-

dons latéraux, elle était rendue évidente, pendant la vie, par

les phénomènes d'épilepsie spinale, l'exagération des

réflexes tendineux et la. contracture. 1

VI. Nous signalerons enfin, comme dernière particularité,

la coïncidence du mal perforant plantaire avec l'hénâplé-

gie sur le côté gauche. L'apparition de cette ulcération sur v

un membre condamné à une inaction fonctionnelle relative,

et par conséquent en dehors des causes externes générale-

ment considérées comme déterminantes du mal perforant,

86 ÉPILEPSIE IDIOPATHIQUE.

nous permet de ne considérer cette lésion, dans le cas

actuel, que comme un simple trouble trophique d'origine

centrale. On pourrait donc invoquer ce fait comme preuve

à l'appui de la théorie qui considère le mal perforant

comme une affection de nature essentiellement nerveuse (1).

Epilepsie; Ostéomalacie ; par BOURNEVILLE et FËRÉ.

L'observation que nous soumettons au lecteur est celle

d'une femme qui a séjourné 24 ans à la Salpêtrière et dont

la maladie a pu être suivie d'une façon assez régulière. On

y verra notée, en particulier, la déchéance progressive des

facultés intellectuelles.

Observation. Père hémiplégique. Tante pater-

nelle hystérique. Cousin paralytique général. -

Grand'mère maternelle paralysée. - Neuf frères ou

soeurs ayant eu des convulsions.

Tremblement du menton et convulsions dans les pre-

miers mois. - Epilepsie consécutive. - Lenteur du dé-

veloppement intellectuel et physique. - Influence de la

puberté. - Phénomènes paralytiques consécutifs aux

accès. Démence progressive. - Gâtisme, - Maladies

intercurrentes. - Constipation opiniâtre. - Mort.

Autopsie : Absence de lésions cérébrales ; lésions in-

testinales ; calculs biliaires ; . ostéomalacie : des-

cription des lésions osseuses.

Lenorm..., Elise, âgée de 43 ans, estentréeà la Salpêtrière

en 1857, et est passée en 1870 du service de M. DELASIAUVE

dans celui de M. CHARCOT.

Renseignements fournis par sa mère (22 novembre 1866).

Père ordinairement bien portant, sobre, était hémiplégique

(t) Voir sur ce sujet : Duret, Archives de physiologie, 1874 ; -

Charcot et Pitres, Revue mensuelle de médecine et de chirurgie,

877 ; - Grasset, Des localisations dans les maladies cérébrales ;

- H. de Boyer, Études topographiques sur les lésions corticales

des hémisphères cérébraux ; Ferrier, De la localisation dans

les maladies du cerveau ; travaux où sont consignées la plupart des

observations connues relatives aux lésions du lobule de l'insula.

EPILEPSIE IDIOPATHIQUE.

87

quand il est mort, à l'âge de 65 ans, on ne sait de quelle ma-

ladie. [Mère morte après 60 ans, on ne sait de quoi. Deux

de ses soeurs ont succombé à la suite de couches, la cadette

était très nerveuse et avait des attaques de nerfs après des

contrariétés. Un cousin germain du père est aliéné et en-

fermé dans un asile ; il est paralytique général, porte des

croix, plaide contre l'empereur, etc. (En 1874 il était encore

vivant)].

Mère, asthmatique, a eu des hémoptysies, n'est pas ner-

veuse. Son père est mort du choléra en 1832, à 48 ans ; sa

mère est morte à 89 ans, elle était tombée 3 fois en para-

lysie. Trois soeurs sont bien portantes, pas d'accidents ner-

veux, etc. - Pas de consanguinité. Les parents de

notre malade ont eu 10 enfants, dont 5 sont vivants : 1° no-

tre malade; 2° un garçon, convulsions dans l'enfance,

vivant ; 3° garçon mort de convulsions tout jeune : 4° gar-

çon, convulsions dans l'enfance, vivant, 25 ans; 5° fille,

morte du croup, avait eu des convulsions; 6° fille, 23 ans,

bien portante, a eu des convulsions; 8° et 9° filles mortes

jeunes, avaient eu des convulsions; 10° garçon, 13 ans, con-

vulsions dans l'enfance, maintenant bien portant.

Notre malade est née 13 mois après le mariage, le père

avait alors 25 ans et demi, et la mère 24. La mère avait eu

une bonne grossesse, cependant, elle avait éprouvé une

vive contrariété avec sa belle-mère. Accouchement facile.

A la naissance, le menton de la petite fille tremblait ; beau-

coup de convulsions dès les premiers mois. La mère l'a éle-

vée au sein pendant cinq mois seulement, parce qu'elle

était devenue enceinte. Elle n'a marché qu'à deux ans et

demi; aparlé avantde marcher; propre de bonne heure. Elle

avait appris à lire et àécrire, mais, elle étaitpeu intelligente.

Elle cannait des chaises en jonc : elle était assez active

dans son travail. Elle a toujours eu des accès. Réglée vers

13 ans, abondamment et régulièrement; à ce moment, les

crises sont devenues à la fois plus fortes et plus fréquentse ;

accès avant et après l'écoulement menstruel. Pas de traces

de scrofule ; pas d'onanisme. A cette époque, elle était en-

core assez intelligente, parlant bien, raisonnant convenable-

ment ; sa mémoire était bonne.

Il y a deux ans qu'elle a de la faiblesse des membres

inférieurs, que toutes ses facultés baissent et qu'elle de-

vient méchante. Pendant les derniers temps de son séjour

chez sa mère, elle avait du délire consécutivement aux

«crises. Durant longtemps, elle ne tombait que le jour. A son

88 PHÉNOMÈNES PARALYTIQUES.

entrée, elle avait des accès diurnes et nocturnes. Pas de

rapports sexuels.

Etat actuel (novembre 18GG). De temps en temps, il lui

prend des faiblesses dans les jambes, accompagnées, pa-

rait-il, de douleurs ; et clic est obligée pendant 8 ou 10 jours

de garder le lit. Habituellement, elle marche peu, son allure

dénote une fatigue rapide. Actuellement, elle est couchée ;

on attribue cette crise à ce qu'elle s'est fatiguée le 18 no-

vembre, étant sortie dehors. Pas de contracture des membres ;

la sensibilité au chatouillement semble très obtuse : Len...

sent mieux le pincement et la piqûre (phénomènes réflexes),

mais elle ne se plaint pas de ces manoeuvres. La sensibi-

lité est peut-être, d'une façon générale, moins affaiblie à

gauche qu'à droite. La malade, d'ailleurs, ne peut fournir

aucun renseignement.

18G8. Dans le cours de l'année elle s'est fait, dans un

accès, une fracture du bras gauche; elle ne voulut sup-

porter aucun appareil ; il en résulta une consolidation

vicieuse.

1874. On ne peut savoir si elle sentait quelque chose

avant ses accès, si elle pouvait prévenir. Toutefois, on as-

sure qu'elle disait : maman ! maman ! puis poussait un cri

aigu et tombait. Quelquefois, elle s'est blessée, malgré la

surveillance, ce qui indique que l'aura, si tant est qu'elle

en eût une, était de courte durée. Pas de vision colorée.

Après l'attaque, L... se plaignait d'une douleur dans l'es-

tomac. Pas de palpitations. Etourdissements et accès; dans

ses accès, elle devient toute noire.

18î.9 janvier.-Etat intellectuel. Physionomie obtuse,

regard méchant, sombre. Elle reste toute la journée assise

sur un fauteuil ; elle est gâteuse. Elle est en train de man-

ger : elle coupe méthodiquement sa viande en petits mor-

ceaux qu'elle place d'un côté de son assiette et les légu-

mes de l'autre ; puis, elle coupe son pain en morceaux qui

se tiennent un peu ; cela fait, elle commence à manger

assez proprement. Tout d'abord, elle ne veut pas parler, puis,

consent à dire son nom. En général, elle ne parle pas; quel-

quefois, elle se dispute avec sa voisine (Coulon), mais elle

n'est pas violente. Elle affectionne beaucoup le tabac à pri-

ser ; aussi, pour la décider à parler, on lui montre du tabac :

sa figure devient souriante; on lui dit d'aller le chercher :

elle se lève, marche un peu courbée, rit, et se décide dire

qu'elle est de la Grande rue de Reuilly; elle parle de sa

DÉMENCE ÉPILEPTIQUE. 89

mère, dit qu'elle faisait des chaises. Elle prend son tabac

avec plaisir, et retourne s'asseoir et manger. On veut lui

prendre son vin : sa figure prend une expression de mécon-

tentement, do protestation ; on le lui rend : elle rit absolu-

ment comme un enfant. Elle ne parle guère, à moins d'être-

provoquée et encore difficilement ; parfois pourtant, elle

parle spontanément de sa mère. Elle reconnaît ses parents,

leur dit seulement : « Je vous attendais ». Elle est contente

de. les voir parce qu'ils lui apportent beaucoup; s'ils ne

lui donnent rien, elle cherche autour d'eux.

1877. 12 avril. Le 9 avril, elle a eu trois'accès. Le 10, elle

s'est levée, mais paraissait souffrante, ne mangeait ni ne

parlait. L'examen démontre qu'elle a une ]J1WUnom.ie du

sommet droit, qui s'est terminée par la résolution en une

dizaine do jour.

1878. Au mois de juin, elle a ou encore une affection

fébrile qui a duré une douzaine de jours et sur laquelle

nous n'avons que des renseignements incomplets.

1879. 8 mars. OEdème prononcé des pieds, modéré aux

jambes, rien aux cuisses.

9 mars. Urine assez colorée, dépôt floconneux occupant

le quart du vase. Par la chaleur, dépôt blanc qui disparaît

par l'addition de 4 ou 5 cinq gouttes d'acide nitrique,

qui, seul, ne produit rien ; pas de sucre. L... ne prend que

des aliments liquides ; de temps en temps, elle est sujette

à des vomissements; ses selles sont ordinairement diar-

rhéiques ; jamais de constipation. Sensibilité normale.

1880. Mai. Les jambes ont enflé dans les premiers jours

du mois. Le 9 mai, l'oedème occupait les pieds et les jam-

bes ; depuis deux jours, diarrhée.

11 mai. Amélioration; l'oedème a diminué, mais le pied

gauche reste enflé. La malade est levée et mange assez bien.

T IL 38°.

Depuis 1871 jusqu'à la fin de 1880, les accès et les ver-

tiges se sont présentés avec une fréquence assez variable,

mais sans aucune périodicité.

90 MARCHE DES ACCÈS.

OBSTRUCTION INTESTINALE : MORT. 91

hranes 1145 gr. Nous ne trouvons aucune lésion des mé-

ninges, qui sont parfaitement transparentes ; pas d'athé-

rome des vaisseaux, pas d'adhérences. Les circonvolutions

des deux hémisphères ne présentent pas d'anomalies ni d'a-

symétrie notable. Les deux hémisphères, soigneusement

dénudés, pèsent chacun 475 gr. Les deux cornes d'Am-

mon sont légèrement indurées, si on les compare à celles

d'un cerveau sain.

Abdomen. Il existe un tympanisme considérable. A

l'ouverture du ventre, on trouve le colon, sur toute la lon-

gueur, extrêmement distendu et présentant un diamètre de

15 à 25 cent. suivant les points; sa tunique musculeuse est

considérablement épaissie, elle a presque partout 4 à 5 mil-

limètres d'épaisseur. Tout l'intestin est distendu par des

gaz, sauf la partie inférieure de l'S iliaque, où il y a une

accumulation de matières fécales dures qui a presque le vo-

lume d'une tête d'adulte. Au niveau du détroit supérieur,

l'intestin est subitement rétréci par le rapprochement des

os du bassin.

Le diaphragme est fortement repoussé en haut, de telle

sorte que sa convexité remonte à droite jusqu'au troisième

espace intercostal, et à gauche jusqu'au quatrième. Le li-

gament falciforme du foie forme une cloison verticale de

10 centimètres de hauteur qui sépare la partie supérieure

de la cavité abdominale en deux loges et qui aboutit, non à

la convexité du foie, mais à son extrémité gauche qui

s'arrête sur la ligne médiane. Le foie est situé tout entier à

droite de la colonne vertébrale ; le lobe gauche paraît

manquer, la face inférieure est devenue presque verticale et

regarde en dedans ; cet organe ne pèse que 800 grammes ;

sans offrir de lésions appréciables, la vésicule contient six

calculs biliaires d'un vert sombre, du volume d'une noi-

sette. Rein droit, 95 gr. ; gauche, 105. - Rate, 85 gr.

Utérus, sain.

Thorax. Les deux poumons sont accolés à la partie pos-

téro-supérieurc du thorax, mais sont sains. - Czar : 195

gr. ; D.T. 80 ; D.L. 70 ; M. 80 ; T. 88; A. 62 ; P. 66. Valvule

mitrale légèrement épaissie ; orifice aortique suffisant,

valvules saines; quelques plaques blanchâtres sur l'aorte.

Squelette. 1° Crâne. Le trou occipital ne présentait pas

de déformation appréciable. La mensuration de la calotte

à l'état sec donne les résultats suivants : D.L. 174, D.T. 145.

Pas d'asymétrie. La suture sagittale commence à s'oblité-

rer à sa partie postérieure, et l'oblitération est plus mar-

quée en avant de l'obélion qu'en arrière. (2 trous pariétaux,

un de chaque côté).

92 . OSTÉOMALACIE.

2° Bassin. Lorsqu'on examine le bassin par sa surface

externe et latérale, on est frappé de la forme du sacrum

qui est tellement courbé en avant sur sa face postérieure,

qu'il forme, avec le coccyx, la moitié d'une circonférence

dont le diamètre est représenté par la distance de la pointe

du coccyx à la base du sacrum (ia3 ? ). Cette courbure est

encore plus considérable sur la face antérieure des deux

os, qui sont disposés en une sorte de crochet. Sur cette face,

la base du sacrum, qui est à peu près sur le même plan que

le fond de l'échancrure sciatique, n'est distante que de

51 mm de la pointe du coccyx, laquelle est à peu près hori-

zontale. Les trous sacrés ne paraissent pas sensiblement dé-

formés.

La face externe de l'os iliaque, au lieu de présenter la

dépression de la fosse iliaque externe, offre une saillie

oblongue, dirigée obliquement de haut en bas et d'avant

en arrière. Cette déformation résulte de la flexion d'avant

en arrière et de bas en haut de la partie supérieure de l'os

iliaque. Cette flexion apparait encore plus nettement, quand

on examine l'os par sa face interne; on voit alors que le

fond de la cavité cotyloïde n'est distant de la base du sa-

crum que d'un centimètre environ. La fosse iliaque in-

terne est fortement excavéc. Elle constitue unc cavité dont

la forme et la direction correspondent à celles de la saillie

de la face externe; cette cavité est un peu plus marquée du

côté droit, où elle a une profondeur de 45,nm. Des deux

côtés et surtout à gauche, on remarque au fond de l'excava-

tion une destruction superficielle de l'os, dont la surface

est poreuse.

Il résulte de cette flexion de l'os iliaque, que la moi-

tié inférieure de son bord antérieur a pris une direction à

peu près horizontale; jusqu'au-dessus de l'épine iliaque

inférieure, le bord de l'os continue la direction de l'émi-

nence iléo-pectinée. Les cavités cotyloides regardent beau-

coup plus en avant qu'à l'état normal, leurs axes forment

un angle de 45 degrés environ. Leur profondeur est exa-

gérée, d'environ 35mi" de chaque côté; et. comme les dia-

mètres des orifices varient de 40 à 42 ou 43 ? il en résulte

qu'elles forment beaucoup plus de la moitié d'une sphère

creuse. L'augmentation de profondeur de ces deux cavités

est due non seulement au refoulement do la partie anté-

rieure, mais encore il l'usure de la surface articulaire qui

ne se distinguo plus de l'arrière-fond de la cavité et qui est

tellement usée, que la partie la plus profonde est devenue

transparente, et s'est fendue pendant la dessication. Toute

OSTÉOMALACIE. 93

la surface des deux cavités est d'ailleurs profondément

érodée.

Par suite de l'enfoncement dans le bassin des cavités co-

tyloiclcs, qui se sont rapprochées presque jusqu'au contact

de l'angle sacro-vertébral, les deux pubis ont changé com-

plèlcmcntde direction, etsont devenus antéro-postérieurs et

parallèles ; les deux os se touchent en avant sur la ligne

médiane, par leur face interne et non plus par leurs sur-

aces symphysiennes. Les branches horizontales des pubis,

dans toute leur longueur, ne sont pas écartés de plus de 5

à 6 ? , les points qui correspondent au fond des deux cavi-

tés cotyloïdes, sont écartés d'un peu plus de 2 centimètres.

Le fond de la cavité cotyloïde gauche n'est distant que de

5mura à peine du milieu du corps do la cinquième vertèbre

lombaire, tandis que le fond de la cavité cotyloide droite est

à 7 ou 8 ? de la même vertèbre, mais correspond à peu

près au bord droit de son corps. La face antérieure de l'aile

du Stcmm n'est séparée de la partie postéro-externe du

fond de la cavité cotyloïde de chaque côté, que par un es-

pace de 12 13 ? il résulte de cette disposition que le dé-

troit supérieur a pris la forme d'un gamma fi) ou d'une

fente bifurquée.

Les branches descendantes des pubis et ascendantes

des ischions laissent entre elles un espace de 12ram environ,

à sa partie moyenne, et à la partie inférieure, les deux

ischions ne sont distants que de deux centimètres à peine.

Nous nous contenterons d'ajouter quelques mensurations

pour compléter la description de ce bassin.

94 DÉMENCE ÉPILEPTIQUE.

3° L'humérus gauche présente, àl'union du tiers inférieur

et du tiers moyen, un cal difforme, volumineux et irrégu-

lier, percé de nombreuses petites excavations, et hérissé

d'aspérités plus ou moins saillantes. Autant qu'on peut en

juger, il s'agissait d'une fracture à peu près transversale.

Le fragment inférieur s'est dévié fortement en dedans, de

manière à former avec le supérieur un angle ouvert en

dedans d'environ 70 degrés; lorsqu'on fait reposer la sur-

face articulaire supérieure et l'épitrochée sur le plan hori-

zontal, on voit que le bord interne de l'os forme un arc

irrégulier, dont la flèche mesure 5 centimètres.

L'épilepsie, ici, a succédé à un tremblement sur la na-

ture duquel nous ne saurions nous prononcer et à des con-

pulsions, survenues peu après la naissance chez une en-

fant héréditairement prédisposée à des accidents ner-

veux.

L'intelligence ne paraît pas avoir jamais été bien déve-

loppée ; toutefois, Len... avait pu apprendre un métier et

s'acquittait convenablement de son travail. Ce n'est que

sept ans après son admission à la Salpêtrière (1864) que la

déchéance intellectuelle semble s'être accusée. En 1874-

1875, la malade offrait tous les caractères de la clémence

la plus accusée. Et, chose assez curieuse, c'est à partir de

là que les accès et les vertiges, dont nous avons donné la

marche pendant une longue période, ont sensiblement di-

minué.

Nous devons signaler, sans y insister, faute de rensei-

gnements suffisamment précis, les phénomènes pnral ! }ti-

cltces consécutifs aux accès.

Nous ne nous appesantirons pas davantage sur l'osieoma-

lacie, la description nécroscopique étant très détaillée.

C'est là une complication très rare de l'épilepsie et nous

terminerons en notant l'absence de lésions des méninges

et de la substance grise chez une femme, vieille épilepti-

que, atteinte de démence depuis plus de dix ans. L'un de

nous a maintes fois insisté, soit dans le Progrès médical,

soit dans les Archives de neurologie, sur ce fait singulier :

à savoir que, dans certains cas de démence épileptique,

comme celui qui précède, on ne trouve aucune lésion, 'tandis

que, dans d'autres cas, en apparence semblables, on décou-

vre des lésions très accentuées de znéozizyo-etcé2lzalite

chronique plus ou moins généralisée.

IV.

Relation d'une épidémie de rougeole observée

à l'hospice de Bicêtre dans la section des

enfants épileptiques et idiots ;

Par BOURNEVILLE et ECLAIRE.

Dans le courant de janvier et février 1881, il est sur-

venu dans le service une épidémie de rougeole, frap-

pant les enfants idiots et épileptiques. Cette épidémie a

présenté, dans son évolution, diverses particularités,

dépendant et des conditions déplorables des salles et de

l'état spécial des sujets atteints par la maladie : c'est ce

qui nous a engagé à en publier la relation.

Le service se compose de 120 à 125 enfants. Ils sont

divisés en deux groupes : l'un comprend les enfants qui

fréquentent la grande école et couchent dans deux dortoirs

distincts ; l'autre comprend les enfants idiots, infirmes,

gâteux, dont une partie va à la petite école, l'autre res-

tant jour et nuit dans la salle, au moins en hiver. Cette

salle qui cube 1,005 mètres, sert à la fois de dortoir à

toute la catégorie d'enfants dont nous parlons, et d'infir-

met'te tant pour eux que pour les enfants de la grande

école. Cette réunion dans un même local, qui sert encore

de réfectoire, d'enfants affectés de maladies aiguës et de

gâtisme, suffit déjà, par elle-même, à infecter la salle.

Or, l'infection est encore aggravée par l'encombrement,

car, chaque soir on installe, entre les rangées de lits ré-

glementaires, une ou deux rangées de lits supplémen-

taires. Il s'ensuit que la nuit, et le matin jusqu'à la des-

cente des enfants à la petite école, l'atmosphère de cette

salle est puante et insalubre ; que la visite de cette salle

inspire à tout le monde un véritable dégoût. Dans le

'90 ÉPIDÉMIE DE ROUGEOLE.

jour, à partir de 9 ou 10 heures, quand tous les enfants

valides sont descendus à la petite école, que les lits sup-

plémentaires ont été enlevés, le sol lavé, l'air renouvelé

par l'ouverture des fenêtres et assaini par des aspersions

d'eau phéniquée et des fumigations, la salle devient à peu

près abordable ; toutefois les odeurs qui persistent affec-

tent désagréablement les visiteurs, non habitués à un tel

milieu.

Ce sont les enfants de cette salle qui, du 8 au 16 janvier,

au nombre de 17 sur 60, ont été atteints de rougeole.

On conçoit, d'après la description que nous venons dé

tracer, que, en cas d'épidémie, le médecin se trouve en

face de complications plus nombreuses et plus graves

que celles qui se présentent dans un milieu nosocomial

convenable, sans compter que ces enfants, en raison de

leur maladie primitive idiotie et épilepsie qui les

affaiblit, et de l'existence fréquente du lymphatisme,

offrent moins de résistance aux affections de ce genre

que les enfants ordinaires.

Comme on le voit, nous nous trouvions dans des con-

ditions tout à fait défavorables. Nous devons ajouter

qu'elles étaient encore aggravées par les difficultés ha-

bituelles d'un examen méthodique chez des enfants dé-

nués d'intelligence. A l'absence de tout renseignement

à tirer des malades, se joint leur insensibilité à la souf-

france, leur défaut de réaction. C'est ainsi que, malgré

la surveillance la plus attentive, certains de ces enfants

ne sont venus à l'infirmerie qu'au moment de l'appari-

tion de l'éruption.

En effet, le catarrhe oculaire, le coryza rubéoleux

étaient souvent masqués par des inflammations chroni-

ques des muqueuses o.,iulaire et nasale; la somnolence

et l'abattement fébriles par la torpeur intellectuelle

accoutumée des enfants. Quant à la constatation des

complications, par exemple des accidents pulmonaires,

elle était entourée encore de plus d'obstacles que chez

les enfants ordinaires.

Nos observations se divisent naturellement en deux

catégories : la première comprenant les cas simples, la

ROUGEOLES SIMPLES. 97

seconde les cas qui ont offert des complications. Pour

les premiers, nous n'avons fait précéder la description

de la rougeole que d'un résumé concis de la maladie

primitive ; pour les seconds, au contraire, nous avons

donné l'histoire complète, ce qui nous permettra, à l'oc-

casion, d'insister sur certains caractères de l'épilepsie

et de l'idiotie et rendra notre travail moins aride.

I. Cas de rougeoles simples.

Les cas qui composent ce groupe sont au nombre

de 5 : 1 enfant épileptique,* 1 enfant idiot et 3 enfants

idiots et épileptiques.

Observation I. Idiotie. - Epilepsie. - Premières

convulsions à 7 semaines. - Rumination. - Rougeole à

4 mois ( ? ). Rougeole. - Température. Guérison.

Juve..., Ferdinand, estentré à l'âge de 5 ans, à l'hospice

de Bicêtre (service de M. BOURNEVILLE), comme atteint

d'idiotie et d'épilepsie le 20 décembre 1877.

Antécédents héréditaires. Rien du côté du père. La mère

est très nerveuse, colérique; un de ses cousins germains est

mort fou. Pas de consanguinité. Deux enfants, dont l'un est

mort ; l'autre est notre malade. La grossesse en a été acci-

dentée par des peurs de la mère. Elevé au sein jusqu'à

26 mois, il a été atteint de ses premières convulsions à

7 semaines. Celles-ci consistaient en de petites secousses

des bras, avec crispations des mains, et mouvements des

globes oculaires. Ces accès légers ont été en augmentant de

fréquence jusqu'à l'entrée à l'hospice. Le maximum en

24 heures a été de 30; jamais le minimum n'a été au-des-

sous de 7 à 8 dans le même temps. Juv... n'a marché qu'à

4 ans.

Rougeole ( ? ) à 4 mois.-Croup à 5 ans. A 3 ans, chute sur

la tête suivie d'un étourdissement prolongé.

Etat actuel : idiotie complète, gâtisme; onanisme; fré-

quents accès de colère, attention difficile à fixer. Juv..... ne

prononce que les mots « papa, maman » ; il se montre assez

caressant. L'épilepsie se manifeste chez lui par de grands

accès et des vertiges. lia eu en 1878, 89 accès; en 1879, un

seul accès ; en 1880, 141 accès et40 vertiges.

1881. 12 janvier. L'enfant entre à l'infirmerie avec le&

signes d'une rougeole à la période d'invasion; fièvre,

somnolence, coryza; conjonctivite avec photophobie. T. R

39°,8. - Soir : T. R. 40°.

BOURN. 7

98 ÉPIDÉMIE DE ROUGEOLE.

13 janvier. Début de l'éruption. L'anesthésie ne siège

qu'au bas du visage, surtout au menton. Les lèvres sont

desséchées; la langue blanchâtre, avec piqueté rouge;

Fi[l. 4. - 1 ? éruption.

100 ÉPIDÉMIE DE ROUGEOLE.

anorexie ; météorisme, diarrhée glaireuse et jaunâtre très

abondante. Toux sèche, bruyante ; râles sous-crépitants

dans toute l'étendue de la poitrine. T. R. 39°,4. - Soir :

T. R. 40°,2.

li janvier. L'éruption se généralise. Les râles sous-crépi-

tants persistent très nombreux. T. R.39°,4. (Teinture d'iode,

potion de Todd.) Soir : T. R. 39°,8.

15 janvier. La diarrhée a cessé. Les râles sont sous-cré-

pitants à droite de la poitrine, ronflants et très bruyants

à gauche. T. R. 39°,4. - Soir : T. R. 39°,2.

16 janvier. T. R. 39 ? Soir : T. R. 38°.G.

il 'janvier. T. R. 38°. - Soir : T. R 38°;2.

18 janvier. Encore un peu d'enchifrènement ; respiration

légèrement sifflante aux deux bases. L'enfant a mangé un

peu de viande. T. R. 39°. (Bad. iodé). - Soir : T. R. 38°,2.

19 janvier. T. R. 38°. - Soir : T. R. 38°.

20 janvier. Grande amélioration dans l'état général ; le

malade demande à manger. On perçoit encore des râles

sous-crépitants, fins, disséminés des deux côtés de la poi-

trine. T. R. 37°,8. (Bad. iodé.) Soir : T. R. 37°,8.

21 janvier. T. R. 37°,6. (Vin de quinquina; huile de foie

de morue; sirop d'iodure de fer).- Soir : T. R. 37°,8.

26 janvier. La température est en plateau, à 37°,G. L'en-

fant se lève. (Fig. 4).

14 février. L'enfant sort de l'infirmerie.

Notons, dès maintenant, que J... a eu un accès le

8 janvier, c'est-à-dire avant la période prodromique ou

au début et qu'il n'en a pas eu jusqu'au 14 février.

Observation II. Epilepsie. - Débilité mentale con-

sécutive. - Teigne. - Rougeole : accidents pulmonaires

et intestinaux. - Adénites et blépharite consécutives. -

Persistance de la teigne. Suspension des accès.

Charm., Emile, âgé de 5 ans, est entré à l'hospice de

Bicêtre (service de M. Bourneville), le 1G novembre 1880.

Père rhumatisant; mère très nerveuse; consanguinité.

(L'enfant est issu de cousins germains).

Premier accès d'épilepsie à trois ans, le second, un

mois après. Un 'an plus tard les accès deviennent diurnes

et nocturnes et s'entremêlent de vertiges. Maximum

en vingt-quatre heures, deux ; maximum des vertiges,

cinq ou six, pendant le jour. Pas d'aura, ni de stertor.

ROUGEOLES SIMPLES. 101

L'enfant mange, marche et s'habille seul, commence à

lire : habitudes d'onanisme, irascibilité.

Affections antécédentes : impétigo du cuir chevelu, coque-

luche à deux ans et demi, teigne en voie d'amélioration.

12 janvier. Eruption de la rougeole : depuis cinq jours,

l'enfant toussait, était devenu maussade. L'exanthème appa-

raît sur tout le corps, avec son maximum au niveau des

joues et du menton. A ce niveau, les taches rubéoliques

sont surélevées et disposées en corymhes. Sur les membres,

elles sont pâles, sans relief, espacées.

Langue saburrale ; à travers l'enduit blanchâtre, se déta-

che un piqueté rouge, dû à l'érection des papilles, anorexie,

diarrhée visqueuse, infecte, jaunc-verdatre; selles involon-

lontaires (l'enfant est gâteux). Léger ballonnement du ven-

tre. Le malade est somnolent, demande souvent à boire. A

l'auscultation, on entend de gros râles disséminés des deux

côtés de la poitrine; toux bruyante, éclatante. Les yeux,

atteints de conjonctivite antécédente, ne présentent rien

d'anormal. T. R. 39°,8. (Tisane de bourrache). Un accès.

Soir : T. H. 40°,4.

13 janvier. L'éruption affecte la forme boutonneuse sur

le visage ; elle est cohérente à la base du thorax, à l'épigas-

tre ; peu abondante sur les membres. Fuliginosités des

lèvres; léger coryza. Respiration rude; la diarrhée persiste

depuis trois jours. T. R. 40°. (Eau de chaux, 60 gr., avec

laudanum de Syd., 3 gouttes). Un accès.-Soin : T. R. 39°,4.

14 janvier. Râles sous-crépitants surtout au niveau du

poumon droit ; la diarrhée a un peu diminué. T. R. 39°,G :

(badigeonnage iodé, Julep diacode avec rhum, 30 gr.) -

Soir : T. R. 38% Pas d'accès.

15 janvier. Gros râles sous-crépitants dans toute l'éten-

due de la poitrine, la diarrhée continue. T. R. 38°,8. -

Soir : 39°,8. Deux accès.-1G jazu. T.'ll. 3J°,8 matin et soir.

17 janvier. Desquamation, le coryza a cessé, on en-

tend encore quelques râles avec respiration rude surtout a

droite. La langue so détorgo, cessation do la diarrhée. -

T. R. 38°,8. - Soir : 40°.

18 janvier. T. R. 39°,8. - Soir : 4(J\

19 janvier. Râles nombreux. T.R. 40°. (Bad. iodé). Soir :

T. R. 3J°,2.

20 janvier. Les phénomènes thoraciques s'atténuent ;

T. I ? 38°.G. - Soir : 39°.

22 janvier. Respiration rude, avec râles ronflants adroite.

(Bad. iodé). T. R. 38°.6. - Soir : 38",6.

23 janvier. T. R. 38°. - Soir 38".

102 ÉPIDÉMIE DE ROUGEOLE.

24 janvier. Quelques râles bronchiques ; l'enfant va

mieux, mange un peu de viande rôtie; la température se

maintient à 3s°. (Fig. 5.)

25 janvier. Sirop d'iodure de fer, vin de quina, huile de

foie de morue.

1er février. Blépharite. Tuméfaction des ganglions du cou.

4 février. Persistance de l'adénopathie et de la blépharite.

Apparition d'une plaque d'herpès ci°ciné au niveau de

la région moyenne du cou. La teigne est au même degré

qu'avant la rougeole. Aujourd'hui, trois accès d'épilepsie.

Après avoir manqué pendant le cours de la rougeole, les

manifestations de la névrose ont reparu il y a six jours.

5 février. A la suite de ses accès, nous trouvons l'enfant

prostré, pâle, immobile au lit; ses membres sont agités de

secousses assez rapprochées. T. R. 37°,8.

12 février. L'enfant est guéri. Les accès d'épilepsie ont

repris leur cours, l'impétigo et l'adénite cervicale restent

dans le statu quo. Traitement anti-scrofuleux.

Cet enfant a eu des accès d'épilepsie les 8, 9, 10, 12,

13 et 15 janvier, alors qu'il était à la période des pro-

dromes et à la période d'éruption de la rougeole

(8-15 janv.) ; puis les accès ont été suspendus jusqu'au

4 février. Il avait eu 17 accès et 60 vertiges en décem-

bre 1880. La rougeole n'a pas modifié la teigne qui

existait auparavant.

Observation III. - Idiotie complète consécutive à des

convulsions. Rougeole. adénites et otite.

Charpent..., Joseph, âgé de 10 ans, est entré à Bicêtre, le

1" octobre 1879 (service de M. Bourneville).

Père, 59 ans, fruitier; très nerveux; fait des excès de

boisson; accidents névropathiques dans sa famille. Mère,

bien portante. Pas de consanguinité. Cinq enfants, dont

deux morts, mais sans manifestations nerveuses.

Notre malade. Jusqu'à six ans, iln'a rien présenté d'anor-

mal. Acette époque, premières convulsions. A partir de six

ans et demi, bien qu'ayant diminué de fréquence, les con-

vulsions se reproduisaient néanmoins jusqu'à 2 ou 3 fois

par semaine. Depuis deux ans, il n'y en a plus.

Etat actuel : Idiotie complète (salacité, gâtisme, absence

de la parole, cris fréquents); conformation régulière.

1881. 17 janvier. L'enfant entre à l'infirmerie avec une

. ROUGEOLES SIMPLES, 103

rougeole en pleine éruption. L'exanthème se montre abon-

dant à la face, au cou, sur le tronc; il est peu marqué sur .

les membres ; conjonctivite légère ; coryza. A l'auscultation,

nombreux râles sous-crépitants, surtout à gauche de la poi-

trine. Toux peu fréquente. Anorexie complète; pas de diar-

rhée. T. R. 38°,G (teint. iode). - Soir : T. R. 390,8.

I"ig. 6.

104 ÉPIDÉMIE DE ROUGEOLE.

. 18 janvier. Diarrhée. T. R. 38°,4. -^Soir : T. R. 40°,2.

. 19 janvier. T. R. 38",8. - Soir : T. R..38°,8.

20 jazvier. La diarrhée a cessé, abondante épistaxis, ce

matin ; la respiration est rude aux deux bases pulmonaires,

surtout à gauche, avec des râles ronflants. T. R. 38°,2.

Soir : T. R. 38°.

21 janvier. L'enfant mange un peu de viande rôtie et du

potage. A la base de la poitrine, on entend un grand nom-

bre de râles sonores. T. R. 38° (bad. iodé). -Soir : T. R.

37°,8.

24 janvier. L'appétit est normal ; l'enfant va bien ; l'aus-

cultation est rendue impossible par suite des cris qu'il

pousse d'une façon continue. La courbe thermométrique

se maintient aux environs do 37°,5.

25 janvier. Conjonctivite légère (huile de foie do morue ;

vin de quina; sirop d'iodure do fer).

27 janvier. Les régions cervicale et inguinale sont le

siège d'une polyadénite indolente ; on constate une fois do

plus, un suintement purulent de l'oreille droite (infect. au

sulfate de zinc et laudanum).

29 janvier. L'écoulement de l'oreille a presque disparu ;

la respiration est encore un peu rude à la base des poumons

et mélangée de gros râles ronflants iodé). La courbe

thermométrique se maintient uniformément à 37% (Fig. 6.)

7 février. La respiration est redevenue normale. L'en-

fant est entièrement guéri.

1 février. Ch... quitte l'infirmerie.

Nous nous bornerons, pour l'instant, à signaler la ré-

gularité du tracé thermométrique, les ascensions vespé-

rales du cinquième et du sixième jours, suivies d'une

descente progressive : la rougeole, d'ailleurs, a eu une

marche simple et régulière.

Observation IV. - Idiotie et épilepsie. - Iodure rl'é-

tityle. - Rougeole ; épistaxis.

Jans..., Jean, est entré à Bicêtre le 19 avril 1877 (service

de M. Bourneville.) Il est âgé de 9 ans.

Idiotie et éhilepsic..L.. ne parle pas, il est gâteux, mais

pendant la nuit seulement. D'ordinaire assis sur une chaise,

il aime à s'y balancer. L'épilepsie se manifeste par des

accès fréquents. Leur maximum a été de 29 en un mois.

(Mai, 18nid). Leur fréquence a été relativement moindre en

"' " ROUGEOLES SIMPLES.. 105

1880. Vers la fin de cette même année, on a institué le

traitement par les inhalations d'iodure d'éthyle.

1881. 13,janvier. L'enfant présente les symptômes d'une-

rougeole à la période d'invasion : coryza, conjonctivite,

épistaxis, toux quintouse coïncidant avec une rudesse res-

piratoire généraliséo à toute la poitrine. T. R. 3&°,4.

- Soir : '1'. R. 40°.

14 janvier. Deuxième épistaxis dans la nuit; môme état.

T. R.' 39°,4. Soir : T. R. 40°,4.

15 janvier. L'exanthème a paru ce matin; il se montre

surtout à la face ; il est d'ailleurs peu accusé. Début de la

diarrhée. L'auscultation décèle des râles sous-crépitants à

droite de la poitrine, une respiration rude à gauche.

T. R. 3as°.6 (jaborandi, 1 gr.). Soir : T. R. 40°,8.

- 16 janvier. T. R. 40°,2. Soir : T. R. 40°.

17 'janvier. T. R. 39°,8. - Soir : T. R. 39°,8.

18 janvier. L'éruption persiste, ainsi que la conjoncti-

vite. Les symptômes thoraciques ont disparu. T. R. 38°,8.

- Soir : T. R. 38°,4.

20 janvier. L'appétit revient, le malade a commencé

hier a manger de la viande. T. R. 38 ? ? .- Soir : T. R. 39°.

25 janvier. L'enfant est en convalescence (sirop d'iodure

de fer; huile de foie de morue; vin de quinquina). La

courbe thermométrique se maintient autour de 38°. (Fig. 7.)

30 janvier. La température est stationnaire à 37°,6.

1 ? février. Quelques petites adénites cervicales.

5 février. Les manifestations ganglionnaires ont disparu.

L'enfant est guéri.- 14 février. Jaus... quitte l'infirmerie.

Observation V. - Convulsions. - Idiotie.- Epilepsie.

- Accidents paralytiques transitoires consécutifs aux

accès. - Instinct musical. - Rougeole.

Vaut..., Ernest, âgé de 6 ans, à son entrée le 25 mai 1878

à l'hospice de Bicêtre (service de M. Bourneville).

Antécédents héréditaires. Père, 43 ans, scrofuleux très

accentué, sujet à se trouver mal par suite d'émotions, de

coups, etc.- Mère,40 ans,très nerveuse ; à l'occasion de sa

quatrième grossesse, elle est restée pendant deux mois sous

l'influence « d'idées tristes », avec proponsion au suicide,

qui ont nécessité une surveillance continue. Grand'mère

maternelle morte à 62 ans, d'un cancer utérin. Pas do

consanguinité. '

Six enfants, dont quatre sont morts. L'un deux, frère

106

ÉPIDÉMIE DE ROUGEOLE.

jumeau de notre malade, a succombé aux convulsions le

troisième jour après la naissance.

Fig.

ROUGEOLES SIMPLES. 107

Notre malade. La grossesse fut accidentée par des émo-

tions. La conception date de mai 1871. Au cinquième mois,

la mère fit une chute dans laquelle elle eut plus à souffrir

de la peur que du choc. Vers le septième mois, nouvelle

émotion par suite d'un incendie; elle fut, en outre, prise de

tremblement. Malgré des menaces de fausse couche, l'ac-

couchement se fit à terme, facile. L'enfant fut élevé au

biberon jusqu'à l'âge de 3 ans. Il a commencé à mar-

cher à 4 ans : (1 il est parti tout d'un coup. »

Dès la naissance,on remarqua que les yeux se tournaient

(convulsions internes). A deux mois, Vaut... fut pris de

convulsions, telles que nous les observons aujourd'hui.

Pendant 21 jours, il y eut des accès quotidiens d'une durée

de 5 àG heures, à la suite desquels survenait une paralysie

du côté gauche. Pendant les crises, on assure que « les

mouvements étaient pareils des deux côtés. » Le pouce

gauche resta six mois contracturé dans la paume de la

main, et, pendant près d'un an, le bras demeura inerte.

Depuis ce moment, les accès se sont reproduits presque

tous les jours et cela aussi bien la nuit que dans la journée.

Il y en eut jusqu'à 17 en deux heures. En 1876, il y eut une

rémission de six mois, sous l'influence du traitement par le

bromure de potassium.

Immédiatement après les accès, pendant environ une

demi-heure, on observait une faiblesse de la jambe gauche

dans la marche. En dehors des accès, celle-ci était nor-

male.-Jusqu'à l'entrée à l'hospice, Vau... n'a été susceptible

d'aucune éducation. La parole date de la cinquième année.

Vau... est affectueux, il reconnaît ses parents. Il aime à

jouer avec tout objet qu'il rencontre. Entêté et capricieux,

il pousse des cris aigus, jusqu'à ce qu'on ait cédé à sa fan-

taisie.

1879. 29 octobre. Etat actuel. Conjonctivite granuleuse ;

gâtisme, marche normale; parole presque nulle; l'enfant

répète incessamment les mots « bibi coco», d'où le surnom

de Bibi-Coco qui lui a été donné par les autres enfants. Il

mange seul, à l'aide do la cuiller. Il retient avec facilité

les airs qu'il entend et chantonne continuellement.

1881. 12 janvier. Aparition de l'exanthème rubéolique.

Depuis quelques jours, l'enfant semblait endormi, ne man-

geait pas, toussait et avait des frissons. Nous le trouvons

dans un état de somnolence et d'abattement. La face est

rouge, tuméfiée. L'éruption est discrète, sans affecter de

forme particulière. Des taches, abondantes sur le visage et

108 ÉPIDÉMIE DE ROUGEOLE.

le cou, se montrent rares sur le tronc et font défaut aux

membres. Les yeux, déjà atteints de conjonctivite chronique,

sont larmoyants. A l'auscultation, on entend quelques

râles sonores disséminés : diarrhée jaunâtre, peu abondante.

T. R. 40°,2. (Julep kermès, 15 cent.).-Sou- T. R. 39",8.

13 janvier. Sur les pommettes, l'éruption est très con-

fluente; elle se présente sous forme de plaques rouges et

lisses. La conjonctivite est intense; photophobie. Respira-

tion rude, surtout à droite. La diarrhée diminue. T. R. 4')°.

- Soir : T. R. 40°.6.

14 janvier. Râles ronflants et sous-crépitants surtout à

droite. T. R. 40°. (Bad. iodé; julep diacode avec rhum

40 gr.) Soir : T. r. 8°,9.

15 janvier. L'éruption commence à disparaître; l'état

général s'améliore; la diarrhée a cessé. T. R. 38°, 6. Soir :

T. R. 39°,8.

18 janvier. Les symptômes du côté do la peau et do la

poitrine ont entièrement disparu. Le malade mange un peu.

T. R. 38°,4.-Soir : T.R. 38°,2. La courbe thermométrique

est graduellement descendue à 38°.

21 janvier. L'enfant mange avec appétit et est gai.

T. R. 37°,8. (Vin de quinquina; sirop d'iodure de fer ; huile

de foie de morue). Soir : T. R. 38°.

14 février. L'enfant sort de l'infirmerie.

A part quelques accidents légers, tels qu'une exaspé-

ration passagère du catarrhe pulmonaire, se traduisant

sur les tracés thermométriques par une élévation mo-

mentanée, ces cinq cas ont eu une marche régulière.

Nous entrerons plus loin dans quelques détails sur la

température et nous signalerons seulement aujourd'hui

la partie relative à la descente progressive de la tempéra-

ture (Fig. 3, 4, 5, 6 et 7).

II. Cas de rougeole avec complications.

Les cas qui composent ce groupe sont les plus nom-

breux : 12 sur 17. Nous les diviserons en deux catégo-

ries : la première embrassera les cas dans lesquels les

complications ont été combattues avec succès ; la seconde

comprendra ceux dans lesquels les complications ont

abouti à une terminaison fatale.

Observation VI.- Idiotie.- Antécédents héréditaires.

rougeoles compliquées. 109

- Consanguinité. - Malformations. - Joueoc.

Broncho-pneumonie.

We... Georges, âgé de 7 ans, est entré le 10 novembre

1876, à Bicêtre (service de M. BOURNEVILLE).

Père, 34 ans, charretier, de santé débile (un frère de la

mère était faible d'esprit). - Mère, 27 ans, couturière, très

impressionnable; elle aurait eu de nombreuses attaques de

nerfs de 10 à 17 ans.

Consanguinité. (Cousins issus de germains). - Quatre

enfants : 1° notre malade ; 2° garçon mort de méningite

a 22 mois ; 3° garçon de 6 ans, avec fissure congénitale

de la voûte palatine et du voile du palais ; 4° fille mort-

née.

Notre malade. Grossesse accidentée par des émotions.

L'enfant fut élevé au biberon jusqu'à 4 mois. Jamais de

convulsions, mais fréquents accès de colère avec cris.

État actuel. Idiotie complète : station debout impossi-

])le ; absence de parole et de sentiments affectifs (cepen-

dant W... aime à être caressé) ; gâtisme; salacité. L'enfant

est gros, gras, et, au physique, se fait remarquer par la

largeur extraordinaire de sa bouche.

1881. 13 Janvier. - Rougeole. Apparition de l'exanthème

ce matin. L'éruption se voit à la face, sur le tronc, sur la

paroi antérieure du thorax, à la racine des cuisses, sur les

membres, mais dans le sens de l'extension seulement.

L'enfant est bruyant et pleure. Conjonctivite et photo-

phobie intense, coryza, respiration rude, sans râles. T. R.

40°. (Julep kermès ; bourrache.) - Soir : T. R. 401,6.

14 Janvier. L'éruption pâlit. En outre de la respiration

rude, l'auscultation décèle quelques râles. T. R. 40°,2. -

Soir : T. R. 40°,2.

15 Janvier. Légère amélioration. T. R. 40°. - Soir :

T. Il. 40° .

16 Janvier. T. R. 39°,6. -Soir : T. R. 40°.

17 Janvier. L'éruption a disparu. Toux presque con-

tinuelle, avec oppression forte ; souffle tubairc, à gauche,

dans le tiers- supérieur du poumon; respiration très rude,

avec râles crépitants à droite. - Le faciès reste bon. T.

R. 3Sa,` ? . (Vésicatoire à gauche de la poitrine; teinture d'iode

à droite). -Soir : T. R. 40°.

18 8 Janvier. Toux quinteuse, sourde ; dyspnée. Le souf- r-

l'lc a disparu ce matin, mais on entend, disséminés dans

toute la poitrine, de nombreux râles sous-crépitants fins.

T. Ho 3J°,G. - Soir : T. R. 40°.

Fig. 8.

rougeoles compliquée. 111

19 Janvier. T. R. 38°,G. - Soir : T. R. 39°,7.

20 Janvier. Souffle tubaire clans presque toute l'étendue

du poumon gauche (3 ventouses scarifiées) ; il droite, râles

sous-crépitants très abondants (G venteuses sèches). T. R.

40°, l. - Soir : T. IL 40".

21 Janvier. Le souffle a presque entièrement disparu

du côtégvuchc ; la respiration est un peu soufflante à droite ;

persistance dos râles. L'enfant prend du lait avec appétit.

T. R. 39 ? 5uir : T. 1 ? 3S",2.

22 Janvier. Moins de somnolence. T. R. 39°. -Soir :

T. R. 39°.2.

26 Janvier. : -La température est graduellement descen-

due à 31°,4. (.Julep extrait quinquina 3 gr., rhum 50 gr.). Le

soir, ascension brusque de la température : 38°,4.

27 Janvier. Sonorité normale dans toute la poitrine.

Le -malade reste toute la journée assis sur son lit. T. R. 38,2.

- Soir : T. Il. 3S".

29 Janvier. Râles sous-crépitants disséminés dans

toute la poitrine ; léger souffle à la base du poumon gauche.

La température oscille autour de 38°. (Fig. 8).

31 Janvier. - Le souffle s'est accentué du côté gauche.

Pas de matité, ni de dyspnée. (Julep kermès 0 gr. 15 ;

potion de Todd).

1er Février. - Apparition d'une plaque d'impétigo sur le

nez et sur la paupière inférieure, à droite. '

4 Février. Respiration soufflante des doux côtés,

mélangée de nombreux râles sous-crépitants. T. R. 37°, 8.

- (Teinture d'iode à droite). - Soir : T. R. 3do,8.

5 Février. - Légère épistaxis, ce matin. Submatité à la

base du poumon droit. Du même côté de la poitrine, râles

bruyants, superficiels, à l'inspiration; souffle à l'expiration.

A gauche, mômes symptômes, mais moins accusés. L'en-

fant mange du lait et des potages. (Nouvelle application de

teinture d'iode).

6 Février. Le souffle à l'expiration du côté droit a dis-

paru ; à gaucho, au contraire, il est devenu très intense aux

deux temps.

10 Février. L'expiration est encore franchement souf-

flante à gauche ; râles sous-crépitants abondants dans toute

la poitrine. L'état général paraît satisfaisant. La température

oscille régulièrement de 3 ï°,S au 3S°.

12 Février. A droite de la poitrine, légère submatité

et quelques râles sous-crépitants; à gauche, autant que

le permettent les cris incessants de l'enfant, on ne con-

state rien d'anormal.

112 ÉPIDÉMIE DE ROUGEOLE.

15 Février. L'expiration est légèrement soufflante des

deux côtés de la poitrine; l'enfant ne tousse plus ; il mange

et il joue, assis sur son lit.

28 Février. Il existe encore, par places, de la respiration

soufflante, mélangée de râles sous-crépitants à timbre

métallique. La température est en plateau, 37°,8.

28 Mars. L'enfant est revenu à son état de santé habi-

tuelle ; toutefois, on perçoit encore, à l'auscultation, quel-

ques râles sous-crépitants, prédominant du côté gauche

de la poitrine.

Dans l'observation de W..., sujet qui présente au

complet l'idée de l'idiotie absolue, et, en outre, forte-

ment entaché de scrofule, la rougeole n'est devenue

manifeste que le jour de l'éruption. Il est à noter que

chez cet enfant, d'ordinaire plongé dans une torpeur

profonde, au lieu de la somnolence qui est de régie à

cette période, nous avons observé une agitation extrême,

avec pleurs, cris, etc. L'éruption, généralisée le premier

jour, pâlit dès le second, tandis que la température res-

tait élevée au-dessus de 40". Ce fait nous mit tout d'abord

en garde contre quelques complications. Le huitième

jour de la maladie, il y eut défervescence brusque et

fugace de deux degrés. Dès le soir les symptômes thora-

ciques s'aggravaient et la courbe thermométrique attei-

gnait de nouveau le chiffre de 40° et se maintenait au-

tour de ce chiffre pendant 48 heures. Le douzième jour,

survint enfin une véritable défervescence et à partir de

là, le tracé thermométrique oscilla autour de 38°.

Observation VII. Idiotie : Premiers indices de l'ab-

sence d'intelligence. Rumination des liquides. Amé-

lioration. Ictère. - Rougeole; broncho-pneumonic,

Guérison. -

Cli..., Ernest, âgé de 11 ans, est entré à l'hospice de Bi-

cêtre, le 12 mai 1876 (service de M. Bourneville).

. Renseignements fournis par sa mère (22 janvier 1881).

Père, mort d'anémie pernicieuse progressive ( ? ) à l'âge de

33 ans (1873), miroitier et par suite accoutumé à manipuler

le mercure (1). Très nerveux, il était sujet à de violentes

(1) Voir Roque [I'.). - Des dégénérescences héréditaires pro-

duites par l'intoxication saturnine lente; 1872. pro-

rougeoles compliquées. 113

migraines, et dès le début de sa maladie, à des vertiges et

des palpitations cardiaques. [Père et mère, sains. Un frère

est mort soldat en Afrique, où il avait été envoyé pour

avoir déserté ; il était faible d'esprit. Un autre, Mathieu

Cli..., fut enfermé à Bicêtre comme aliéné. D'après les cer-

tificats médicaux (Berthier), il était atteint d'alcoolisme

avec délire de persécution et affaiblissement des facultés

intellectuelles.]

Mère, 36 ans, couturière, intelligente, sans accidents

névropathiques. Elle a ou une attaque de rhumatisme arti-

culaire aigu. [Père rhumatisant ; pas de troubles nerveux

dans la famille.] -Pas de consanguinité.

Trois enfants et une fausse couche : 1° fausse couche

à 4 mois, à la suite d'un effort ; 2° fille morte à deux mois,

sans convulsions; 3° notre malade; 4° fille intelligente,

bien conformée.

Notre malade. Grossesse bonne ; toutefois,versla sixième

ou huitième semaine, la mère eut une peur vive occasion-

née par la vue d'un rat : elle faillit se trouver mal, et, depuis

ce moment, le moindre bruit, comme parler haut brusque-

ment, devant elle, la faisait tressaillir, ce qui n'arrivait pas

auparavant. Accouchement à terme et facile. L'enfant, à la

naissance, était chétif et resta six jours sans vouloir pren-

dre le sein. Déjà il avait « un drôle de cri. » « Il ne venait

pas comme les autres enfants ; ne jasait pas, ne s'intéres-

sait à rien. » La dentition a commencé vers le 7e ou 8- mois,

pour se terminer à 3 ans et demi. L'éruption de la dernière

dent s'est accompagnée de convulsions violentes qui ont

duré plusieurs heures. Cl....n'a marché que vers le tren-

tième mois et n'est devenu propre qu'à la deuxième année.

Pris de diarrhée peu après son arrivée à Bicêtre, il est rede-

venu gâteux. Jusqu'à son admission à l'hospice, le petit

malade était violent, enclin à la colère, qu'il tournait, quelle

qu'en fût la cause, contre sa soeur. Il aimait à jouer et quel-

quefois savait présenter les objets qu'on lui demandait; sa

distraction favorite consistait à enlever et à remettre sa

chaussure. Il cherchait volontiers à imiter ce qu'il voyait

faire. Chez lui, les mouvements des deux mains étaient

constamment coordonnés ; il ne pouvait, par exemple,

ouvrir ou fermer la main droite sans que la gauche exé-

cutât simultanément le même mouvement. Le libre exer-

cice des membres inférieurs, dans la marche, était égale-

ment soustrait à l'action de sa volonté. Il marchait ou

plutôt « trottait » et « il fallait qu'il eût un but pour s'arrê-

ter, » En décembre 1879, conjonctivite. '

bourn. 3

in

ÉPIDÉMIE DE ROUGEOLE.

1880. Janvier. L'enfant est gourmand.vole les aliments de

ses camarades, et mange avec ses mains. Souvent, après le

repas, on note des régurgitations (rumination pour les liqui-

des) (1). Il est gâteux, 'mais non salace. Le plus souvent

il reste assis à la même place, les bras entre-croisés et les

poings reposant sur les côtés du cou. La parole est nulle.

Il ne sait ni s'habiller ni se laver. Il est envoyé à la petite

école et soumis en particulier aux exercices de gymnasti-

que.

Juin. L'enfant, qui ne savait dire que le mot «non Y son

entrée, prononce assez facilement les mots « maman, papa,

dodo, bonjour. » Il se sert aujourd'hui pour manger, d'une

cuiller et d'une fourchette. Les fonctions digestives se fontré-

gulièrement chez lui ; les régurgitations persisteraient après

les repas : il est toujours gourmand, mais ne vole plus les

aliments des autres enfants. Il ne gâte plus depuis le milieu

de novembre. L'attitude habituelle, dans la station debout,

est la même. Habitude d'onanisme. Cli..., est assez <L'fcc-

tueux. surtout pour les personnes chargées de son éduca-

tion, il aime qu'on le caresse; il a pris en grippe un do ses

camarades. Il sait maintenant se laver, se déshabiller,

mais il est encore incapable de s'habiller. Il fait quelques

exercices de gymnastique : par exemple, il monte a l'échelle,

mais ne sait en descendre.

1881. 5 janvier. Ictère généralisé, très prononcé, qui

persiste durant plusieurs jours.

11 janvier. Soir : T. I. 3S°,8.

12 'janvier. T. R. 37°,8. - Soir : T. R. 39°,8.

13 janvier. Apparition de la rougeoie : épistaxis ce ma-

tin, coïncidant avec l'éruption. L'exanthème siège aux

pommettes , au menton et sur les membres, mais dans le

sens de la flexion seulement ; rien sur le thorax ni l'abdo-

men. -Conjonctivite aveclarmoicment et photophobie ; pas s

de coryza. Respiration rude, sans râles; toux peu fré-

quente. Un peu de diarrhée. Dans l'avant-dcrnièrc nuit a

eu lieu la défervescence type de l'invasion : la courbe est

descendue à 37°,8. Ce matin : T. R. 39°,8. Soir : T. R. 40°;G.

14 janvier. Râles sous-crépitants fins au sommet du pou-

mon gauche : en ce même point la respiration prend un

caractère légèrement soufflant. T. R. 3cJ°,G. (Vésicatoire,

vin de quinquina, julep kermès 0 gr. 15.)-Soir : T. R.40°.

(1) Il ramène dans sa bouche non seulement le liquide de la soupe

mais encore le pain, puis ravale le tout.

ROUGEOLES COMPLIQUÉES. 1 ! 5 5

15 janvier. Môme état à l'auscultation. T. R. 39°, ? . Soir :

T. R. 39°. ? .

16. janvier. T. R. 39°,8. - Soir : T. R. 40°.

17 janvier. La respiration n'est plus soufflante au sommet

du poumon gauche ; dans toute la hauteur de ce poumon,

gros râles sous-crépitants ; à droite, la respiration est très

soufflante, à la base, sans râles. T. R. 38";4. (Sinapisme sur

le thorax, à droite ; potion de Todd.)Sou' : T. R. 40°.

'18 janvier. La desquamation commence; la conjoncti-

vite persiste ; la langue reste saburrale ; la diarrhée a dis-

paru. Respiration très soufflante à gauche; à droite, râles

persistants, dyspnée. T. R. 39 ? ? (ventouses sèches). Soir :

la toux est pénible; la dyspnée est encore très forte;

T. R. 40°,2.

19 janvier. Respiration soufflante du côté droit. T. R.

38°,8 (vésicatoire). - Soir : T. R. 40°,4.

20 janvier. Môme état à l'auscultation. Le malade con-

serve cependant un faciès normal. T. R. 39°. - Soir : .'

T. R. 40°.

21 janvier. La respiration est très soufflante des deux

côtés do la poitrine. Le faciès est cyanose ; les extrémités

sont froides et violacées. T. R. 38°,8. (Vésicatoire à

gauche ; à droite 2 ventouses scarifiées) .-Soir : T.R.39°,4.

22 janvier. T. R. 39°,6. - Soir : T. R. 39°.8.

23 'janvier. T. R. 39°. -Soir : T. R. 40°,2.

24 janvier. Mômes symptômes thoraciques, même état

général ; persistance de la dyspnée. T. R. 38°,G. (Sinapismes

aux jambes). Soir : T. R. 39°,2.

25 janvier. Souffle tubaire à la base du poumon gauche :

râles fins ; expiration soufflante à droite. T. R. 39°,6.

(Potion avec extrait de quinquina 3 gr. et rhum 50 gr.,café,

conserve de Damas oOgr., bouillon et lait.)- Soir : T. R.

39°,0.

26 janvier. Mêmes signes à l'auscultation. L'enfant est

moins abattu. T. R. 39°,2. - Soir : T. R. 39°, 2.

27 janvier. L'état général s'améliore. Le souffle a disparu;

il existe encore des râles sous-crépitants fins à la base du

poumon gauche : à droite, gros râles sous-crépitants.

T. R. 38°,8. Soir : T. R. 39°.

28 janvier. Expiration soufflante avec gros râles sous-

crépitants à droite de la poitrine ; à gauche et à la base,

souffle tubaire très accentué. T. R. 38°,li. Soir : T. R.38 ? ? .

29 janvier. A gauche, le souffle a fait place la respira-

tion bronchique ; on perçoit des râles sous-crépitants très

fins et superficiels, simulant des frottements pleuraux;

Fig, 9.

ROUGEOLES COMPLIQUÉES. 117 i

A droite, l'état du poumon s'améliore. T. R. 38°. - Soir :

T. R 38°,4.

30 janvier. T. R. 38°. -Soir : T. R. 38°,2.

31 janvier. La respiration est encore soufflante, mélangée

de râles sous-crépitants, néanmoins l'état général se relève

de jour en jour : il n'y a pas de dyspnée. T. R. 38°,2.

Soir : T. R. 38%

3 février. Môme état de la poitrine ; les râles sous-crépi-

tants, très fins, prennent un timbre métallique prononcé

des deux côtés. La courbe thermométrique oscille de 1 ou

2 degrés autour de 38°. (Fig. 1».

5 février. La poitrine est sonore des deux côtés, sauf un

peu de submatité aux deux bases. A ce niveau, l'expiration

est encore légèrement soufflante, principalement à droite.

Il existe encore des râles ronflants, superficiels. L'enfant

mange avec quelque appétit ; la conjonctivite a cessé; le

faciès a repris son état normal. (Vin de quinquina; sirop

d'iodure de fer ; huile de foie de morue).

6 février. A gauche de la poitrine, depuis l'épine de

l'omoplate, jusqu'à la base, souffle bronchique aux deux

temps, avec râles éclatants. De l'autre côté, râles sous-cré-

pitants très nombreux. La température s'élève à 38°,2.

8 février. La respiration n'est plus que légèrement souf-

flante à gauche : les râles persistent. L'enfant est assez gai ;

mange avec appétit.

10 février. Disparition du souffle; persistance des râles,

avec le mémo timbre sec et superficiel, absolument sem-

blables au frottement pleural.

14 février. Il n'existe plus que quelques râles avec expi-

ration légèrement soufflante, à la base du poumon droit.

Rien à gauche. La température est en plateau à 38°,8.

18 février. L'enfant se lève.

21 février. Tout symptôme thoracique a cessé ; l'état

général est redevenu normal. L'enfant reste levé toute la

journée ; la température se maintient à 37%

Nous avons tenu à rapporter in extenso l'observa-

tion qui précède. En outre de l'intérêt qu'elle offre par

suite du caractère de gravité et de persistance tout par-

ticulier de l'affection pulmonaire en ce cas, il nous a

semblé intéressant de mettre sous les yeux du lecteur

l'amélioration qu'on peut apporter à l'état d'idiotie com-

plète. Trop généralement on considère cet état comme

incurable. Fortifier le physique par des exercices de

gymnastique gradués avec soin; assurer le fonctionne-

118 ÉPIDÉMIE DE ROUGEOLE.

ment des agents de la vie de relation ; développer l'in-

tellect par le perfectionnement des organes destinés à

le mettre en rapport avec les choses du dehors, tel est

le but du traitement aujourd'hui mis en couvrez li-

cêtre et qui, comme ce fait le montre, est capable de

produire d'utiles résultats (1).

Les deux cas qui suivent complètent la catégorie des

cas de rougeole avec complications non suivies de mort.

Observation VIII. - .4 ? ifece'dents héréditaires; alcoo-

lisse. -Idiotie complète. - Tournoiement, - ]31tla ? z-

cement. - Epilepsie. - Impétigo. - Rougeole ; acci-

dents lndmonaires. - Convalescence. - Tuberculose

pulmonaire : mort. -Sclérose atrophique.

Duchaus..., Gaston, est entré à l'hospice de Bicêtre le 11

novembre 1875 (service de M. BOURNEVILLE). Il est actuelle-

ment âgé de 11 ans.

Antécédents héréditaires, - Pète sujet à la migraine,

accès rares; mère, rien. (L'aïeul paternel a été aliéné

pendant trois ans; il a guéri. Le grand-père et la grand'

mère maternels ont commis des excès de boisson(. Pas

de consanguinité. Mariage à 28 et 22 ans. Deux enfants :

1° Notre malade; 2° enfant mort d'athrepsie à mois, avec

convulsions internes.

Notre malade. Pendant la grossesse, au troisième mois,

frayeur vive de la mère, causée par un accès de délire im-

pulsif chez un idiot qui s'était jeté sur elle. Accouchement

normal, à terme. Dès la naissance, l'enfant, bien conformé

physiquement,présentait déjà des signes d'une perturbation

mentale : apathie et torpeur intellectuelle; défaut d'atten-

tion. Duch... a commencé à marcher à deux ans ; jamais il

n'a parlé. Début des convulsions à trois ans; le premier et

le second accès se sont montrés à quatre jours d'intervalle,

d'une durée de 4 à 5 minutes; depuis, ils sont devenus quo-

tidiens.

Aujourd'hui, on constate un état d'idiotie complète; gâ-

tisme, salacité, mastication vicieuse, accès de colère, ac-

(1) Depuis que ce mémoire est rédigé (août 18S1), Cli... s'est en-

core amélioré d'une façon; remarquable et commence à se rendre

utile,

ROUGEOLES COMPLIQUÉES. 119 9

compagnes parfois de cyanose du visage, grincement de

dents habituel. L'enfant a coutume de se tenir debout sur

le pied droit et de tourner sur lui-même dans un sens inva-

riable et sans changer do place. A cause de cette particula-

rité, il est connu, dans le service, sous le nom de « der-

viche tourneur ». Généralement, il aime à tenir à la main

un objet brillant ou un tambour, qu'il approche de son vi-

sage ; la tête s'incline vers le côté de la main qui tient l'ob-

jet, les yeux se portent du même côté mais tout à fait en

haut. Cette évolution giratoire dure parfois une heure sans

arrêts. Quand il est assis, Duch... se balance sur sa chaise,

quelquefois en heurtant sa tête sur le mur. Il semble re-

connaître sa mère. Il se plaît à briser les objets qu'il peut

saisir.

Pas d'affections antécédentes à l'entrée à l'hospice, sauf

des poussées d'impétigo du cuir chevelu et des engelures

fréquentes. L'état général se montrait meilleur par les

temps froids, en même temps que diminuait le nombre des

accès. L'été, l'enfant était plus nerveux et maigrissait.

Examen physique (1880). Arrêt dedéveloppement : l'en-

fant, qui ail ans, paraît en avoir 4 ou 5 à peine. Taille

0 ? J ! i ; poids, il3lcilor ? OU. La tête est aplatie en arrière ;

les régions temporo-pariétales sont symétriques ainsi que

la face. Le front est très bas, déprimé latéralement. Les

arcades sourcilières sont assez proéminentes. Les yeux

sont normaux, les oreilles régulières, sauf le lobule qui

est adhérent ; le nez est aquilin. Le tronc est bien conformé

il en est de même des membres qui sont grêles. Les fesses

sont plates, ridées, ce qui tient à l'amaigrissement. Les

pieds sont cyanosés et les orteils sont le siège d'engelures

chroniques.

Bouche assez large; lèvres normales; arcades dentaires .

assez régulières, mais les dents sont usées par le frottement

continuel produit par l'habitude du grincement ; de plus,

elles sont recouvertes de tartre. Voûte palatine assez large,

peu profonde, non ogivale. Amygdales peu développées ;

mastication très imparfaite ; déglutition, rien de particu-

lier ; abdomen régulier; diarrhée assez fréquente, gâ-

tisme. L'enfant mange avec ses mains. Pénil glabre ; phy-

mosis très prononcé. Respiration, etc., rien à noter.

1881. 15 janvier. L'enfant entre à l'infirmerie avec les

symptômes d'une rougeole à la période d'invasion. Hier,

il a eu une rJpistnxis avec frissonnements erratiques. Con-

jonctivite avec photophobie; coryza avec écoulement abon-

dant ; toux fréquente; à l'auscultation, râles sous-crépitants

120 ÉPIDÉMIE DE ROUGEOLE. -

à droite : à gauche, respiration soufflante, mélangée de gros

râles sous-crépitants. Langue saburralc, anorexie. Le petit

malade est abattu et reste immobile au lit. T. R. 39°,8.

Soir : T. R. 40°.

16 janvier. Même état. T. R. 40°,4. - Soir : 40°, 2.

17 janvier. L'éruption se fait à la face et au niveau des

deux fesses. Rien au tronc ni aux membres. Le coryza per-

siste ; la conjonctivite est moins intense; ilya eu une légère

épistaxis ce matin. La respiration est rapide , la toux est

plus fréquente que les jours précédents; gros râles sous-

crépitants dans le poumon droit : à gauche, au niveau du

lobe inférieur, respiration soufflante. T. R. 40°,2. (Sina-

pisme sur la poitrine. Julep ltcrmès,0r. 15.)-Soir : T. R.

40.6.

18 janvier. Epistaxis. Persistance des symptômes pulmo-

naires. Toux quinteuse, bruyante. T. R. 39°,G. (Bad. iodé).

Soir : T. R. 40°,6.

19 janvier. T. R. 38°,2. Soir : T. R. 40°.

20 janvier. Râles ronflants et sibilants des deux côtés de

la poitrine. Respiration soufflante à gauche. Oppression.

T. R. 39°,4 (ventouses sèches). Soir : T. R. 40°,2.

21 janvier. Même état des poumons; l'enfant sort un peu

de sa torpeur antécédente et prend du lait avec quelque ap-

pétit. T. R. 39°,2. (Bad. iodé.) Soir : T. R. 40°.

22 janvier. T. R. 39°. Soir : 39°,G.

23 janvier. T. R. 38°, i. - Soir : T. R. 40°.

24' janvier. T. R. 39",4. Soir : T. R. 40°,2.

25 janvier. La respiration conserve le caractère soufflant,

principalement à droite. T. R. 39°,4. (Bad. iodé).-Soir : T.

R. 40°.

26 janvier. T. R. 39°,2. - Soir : T. R. 38°,8.

27 janvier. L'enfant se montre plus gai, et a pu rester

assis sur son lit une partie de la journée d'hier. T. R. 38°,G.

Soir : T. R. 38°.2.

28 janvier. T. R. 38°,G. Soir : T. R. 38°,2.

, 29 janvier. Respiration rude des deux côtés de la poi-

trine ; râles ronflants à droite.T. R. 38". - Soir : T. R. 38",G. : 30 janvier. T. 1. 33°;G. - Soir : T. R. 38°,G. '

31 janvier. Quelques râles fins disséminés dans la poi-

trine ; respiration légèrement soufflante du côté droit. T.

R. 39°. - Soir : T. 11. 39°.

leur février. Dyspepsie; les râles vont augmentant enquan-

tité. Amaigrissement. Voix éteinte. T. Il. 38.,8. (Bad. iodé,

suppression du kermès). - Soir : T. R. 39°

. 2 février. T. R. 38°. - Soir : T. R. 38°,2. '

122 ÉPIDÉMIE DE ROUGEOLE.

3 février. Râles nombreux des deux côtés de la poitrine

sans souffle. Eczéma impétigineux sous forme de plaques

sur le lobule et à la base du nez, la commissure labiale

gauche, le menton et la paupière inférieure gauche. T. R.

38°. - Soir : T. 11. 3S"JI.

5 février. L'enfant va mieux, joue. Cependant la toux est

pénible, sourde, et les râles ronflants persistent. Les pla-

ques d'impétigo s'améliorent; les croûtes sont en grande

partie tombées. La courbe thermométrique se maintient

autour de 38".

8 février. Les râles pulmonaires diminuent d'intensité et

de nombre.

10 février. L'enfant est gai et mange avec appétit. Il ne

tousse plus; la respiration est encore rude aux deux temps,

dans toute l'étendue de la poitrine. Convalescence.

La région sacrée offre quelques petites ulcérations. La

marge de l'anus est entourée de poils. Les habitudes

[Juratoires sont toujours les mômes. Lorsqu'on présente

à l'enfant un objet tel qu'une clef, un tambourin, etc., il le

tient dans l'une des mains, son regard devient fixe mais

égaré dans l'espace; puis il se met à balancer sa tête de

droite à gauche et réciproquement, ce qui explique le dé-

veloppement des storno-mastotdions ; d'autres fois, l'en-

fant tourne sur lui-môme, la tête inclinée sur l'épaule. Ce

mouvement s'exécute de droite à gauche. La parole est

toujours nulle. L'enfant est resté absolument stationnairo

au point de vue des facultés intellectuelles.

26 mars. T. R. 37°,8. - Soir : T. R. 40°. (Fig. 10).

27 mars. L'enfant qui avait abondonné le lit depuis un

mois s'affaiblit considérablement depuis deux jours. Tandis

qu'il prenait l'alimentation solide ordinaire, il ne peut plus

tolérer aujourd'hui qu'un peu de lait et de bouillon. Le fa-

cies est très pâle, le ventre est volumineux, ballonné, so-

nore ; on voit do nombreuses ramifications veineuses sur la

paroi; le foie et la rate ont leur volume normal; pas d'ascite,

submatité au sommet droit de la poitrine et à la base du

côté gauche. A l'auscultation, on entend quelques râles,

pas de souffle; l'examen est rendu très difficile par suite du

grincement de dents continuel. La toux persiste, quin-

tcuse, enrouée. Polyadénite cervicale. T. R.40°. Soir : T.

R. 40°,2.

28 mars- 15 avril. Amaigrissement do plus en plus pro-

noncé. Tuberculose pulmonaire. - L'enfant meurt le 18

avril.

Autopsie faite 30 heures après la mort. Pas de rigidité

TUBERCULOSE CONSÉCUTIVE. 123

cadavérique. Thorax. Les poumons sont libres dans la ca-

vité pleurale. Du côté droit, on trouve dans le lobe supé-

rieur des noyaux tuberculeux ramollis et en voie d'élimi-

nation,ce qui a donné lieu à des cavernulos disséminées, de

la capacité d'un pois au maximum. Le lobe inférieur est

congestionné. Du côté gauche, on découvre deux cavernes

du volume d'une noix dans le lobe supérieur, et une un

peu plus petite dans le lobe inférieur. Tout le parenchyme

est infiltré de tubercules mous. Les ganglions bronchiques

sont ramollis; quelques-uns sont caséiliés. - Coeur : 100

gr. ; le ventricule droit et l'oreillette correspondante ren-

ferment des caillots les uns fibrineux, les autres cruori-

qucs ? 4Mome. Le foie (1360 gr.), les reins (200 gr.) pré-

sentent une congestion assez marquée. La rate (75 gr.) est

ferme. L'intestin est normal, sans vascularisation; il en

est de même pour les ganglions mésentériques, et de la

vessie. '

Tête. La base du crâne est symétrique. La dure-mère

se montre adhérente à la voûte, surtout au niveau de la su-

ture interpariétale.

Encéphale : 790 gré, Mésocéphale et cervelet, 160 gr. La

face inférieure du cerveau ne présente rien d'anormal si ce

n'est une atrophie des bulbes olfactifs. Les hémisphères

cérébraux sont égaux en poids et présentent des altérations

symétriques des circonvolutions, consistant en foyers de

sclérose atrophique : deux occupent de chaque côté la to-

talité du lobule du pli courbe et se limitent en avant à la

scissure de Rolando; deux en arrière, intéressant les lo-

bule.a pariétaux inférieurs ainsi que la partie antérieure

des circonvolutions occipitales. Au point de vue macrosco-

pique, la lésion se présente sous forme d'une dépression en

nappe de la surface des circonvolutions, avec atrophie de

celles-ci sans altération de forme, et avec exagération des

anfractuosités correspondantes. Il n'existe pas de dilatation

ventriculaire.

En 1875 (novembre et décembre), on a compté 98 accès :

en 1876, 506 ; - en 1877,31>> ; en 1878, 312 - - en 1879,

189; - en 1880, 423. En janvier, février, c'est-à-dire du-

rant la rougeole et la tuberculose les accès ont suivi la

marche ci-après :

SCLÉROSE. CÈRÈHRALE ATROPHfQUE. 125

126 ÉPIDÉMIE DE ROUGEOLE.

dans ce laps de temps se sont succédé à une douzaine de

reprises. Mond... a toujours été idiot. La marche, qui

toujours est restée incomplète, et la parole, datent de la

troisième année. Toutefois, aujourd'hui encore, l'enfant ne

dit que quelques mots. Les sentiments affectifs font défaut

chez lui : il aime à briser, à faire le mal intentionnelle-

ment. Gâtisme. Quelques adénopathies strumeuses au

cou ; sur le cuir chevelu il existe des croûtes d'impétigo.

1881. 15 janvier. L'enfant entre à l'infirmerie avec les

signes d'une rougeole à la période d'invasion : somno-

lence, anorexie, conjonctivite, coryza et épistaxis. T. R.

40°.4.

16 janvier. Soir : 41° ; début de l'éruption.

17 januier. - L'éruption, ce matin, elle est confluente à

la face et au cou; il existe quelques taches rubéoliques

sur le tronc, très peu sur les membres. La diarrhée, à

l'état chronique chez notre malade, n'a pas augmenté. A

l'auscultation, on trouve la respiration rude, sans râles.

T. R. 38°,4. (Julep diacode). - Soir : T. R. 39°,8.

18 janvier. La conjonctivite et le coryza ont disparu.

L'état des poumons reste le même. L'enfant va mieux, et

prend avec plaisir un peu de lait et de bouillon. T. IL 39°.

- Soit : T. R. 40°.=.

19 janvier. - T, TI. 38°,4.- Soir : T. R. 38°,6.

20 janvier. - L'éruption n'a pas encore disparu, elle

pâlit légèrement. La respiration est soufflante aux deux

temps, principalement à droite. T. R. 38°. (Six ventouses

sèches). -Soir : T. R. 37°,4.

21 janvier. - Respiration très soufflante, presque tu-

bairc au sommet du poumon droit (vésicatoire) ; respira-

tion soufflante à gauche (I3ad.ioclé). Le malade est som-

nolent. T. R. 3-in.8. Soir : T. R. 39°,2.

22 janvier. T. R. 38°,2. Soir : T. R. 38°,6.

23 'janvier. - T. R. 38°,2. Soir : T. R. 39°;8.

24 janvier. On entend à droite de la poitrine, l'expi-

ration soufflante avec des râles fixes ; à gauche, quelques

râles seulement. T. R. 39°;2. - Soir : T. R. 39°,4.

25 janvier. -T. R. 380,6. - Soir : T. R 39°.

26 janvier. T. R. 38°,4. - Soir : T. R. 38°,2.

27 janvier. La température est descendue graduellement

à 38° et 38°.4 (Fia. 45). '

29 janvier. - La respiration est encore bruyante à la

base des deux poumons. T. R. 37°,8. Soir : T. 1't. 38°.

1 cr février. Impétigo du cuir chevelu, polyadénitc cervi-

cale, plus accusée qu'avant la maladie.

IDIOTIE ; ROUGEOLE COMPLIQUÉE. 1-27 Î

4 février. Il existe de la submatité à la base du thorax

en arrière, surtout à gauche; des deux côtés, on entend

des râles sous-crépitants à la fin de l'expiration. Le malade

reste dans la somnolence. L'appétit est satisfaisant. La

température oscille entre 31°,G et 37°,8.

14 février. Les symptômes thoraciques ont disparu.

Monel ? mange de bon appétit elsortdeson état de som-

nolence. La conjonctivite persiste. '

15 février. La température est stationnaire à 37°, 6. L'en-

fant est guéri et reste levé toute la journée.

Observation X. -Idiotie complète : cécité acquise ?

Antécédents héréditaires et consanguinité. - Rougeole;

adénolrztllies ; diarrhée ; mort. Autopsie.

Buv...., Camille, âgé de 8 ans, est entré le 13 décembre

1880, à Bicêtre (service de Bourneville).

Renseignements fournis par sa mère. (7 Janvier 1881).-

Père, 4(j ans, garçon d'hôtel, ne présente pas de troubles

nerveux. [Mère, morte phtisique; pas d'accidents névro-

pathiques dans la famille.] Mère, 45 ans, domestique, bien

constituée, sujette à des accès de céphalalgie, sans autres

manifestations morbides et nerveuses. [Père, mort d'une

affection de la poitrine. Mère, morte asthmatique. Un

frère a eu des convulsions et est resté depuis dans un état

d'imbécillité. Un cousin germain du côté paternel a été

épileptique; son fils, âgé de 21 ans, est en ce moment dans

un asile d'aliénés. Une soeur de ce dernier, âgée de 15 ans,

est un peu imbécile.

Consanguinité : père et mère cousins germains.

Quatre enfants : Il garçon, 24 ans, bien portant ; 2° gar-

çon, mort à 7 ans de « fièvre muqueuse » avec convulsions;

3° fille, 11 ans, assez intelligente; - 4° notre malade.

Notre malade. Grossesse assez bonne, quoique vers

le 4° mois, la mère ait éprouvé quelques chagrins occasion-

nés par la mauvaise conduite de son fils aîné. Accouche-

ment normal, à terme. Buv... futélevé au sein, par sa mère,

jusqu'à 22 ou 23 mois. Il commença à marcher à 4 ans, et

fut envoyé à la campagne à 6 ans. Il ne commença à parler

qu'à dater de ce moment.

A partir de 3 mois, convulsions internes (yeux) revenant

presque tous les jours. A 15 mois, grandes convulsions,

portant sur les deux côtés et revenant tous les mois ou tous

les deux mois. De 5 ans à 7 ans, pas de manifestations né-

vropathiques.

128 épidémie DE rougeole.

De G à 8 ans, à la campagne, il a eu des croûtes dans les

cheveux, de l'eczéma post-auriculaire; dans cette période

la vue se mit à baisser et finit par disparaître progressi-

vement. On ne pense pas qu'il y ait eu une ophtalmie puru-

lente. L'enfant, repris par ses parents, à l'âge de 8 ans, a

eu une nouvelle attaque de convulsions, d'une durée de

10 minutes, le 15 novembre 1880, un mois avant sa réad-

mission à Bicêtre.

Etat actuel. Le petit malade est assez bien conformé et

développé. La tête est oblonguc, le front élevé; les bosses

frontales sont saillantes, surtout la gauche; les arcades

sourcilières déprimées; la protubérance occipitale externe

est très accentuée; les yeux sont normaux; il n'y a pas de

strabisme; le nez est camard, la bouche moyenne, l'arcade

dentaire inférieure assez bien rangée; l'arcade supérieure

présente les petites molaires cariées; les quatre incisives

sont en voie d'éruption ; cheveux et sourcils blonds ; peau

recouverte, surtout dans le dos, d'un duvet fin; au niveau

de la rotule gauche, cicatrice de 3 centimètres de long.

Buv.... est très doux, assez caressant; il parle mal, niais

sait demander ce qui lui est nécessaire; il aime à répéter :

« Il est gentil, Camille », mots qu'il prononce lorsqu'on lui

adresse la parole. Il se sert de sa main pour manger le pain,

mais ne sait pas employer la cuiller. Gâtisme. Comme

troubles nerveux, on observe quelquefois des secousses

dansles membres; d'autres fois le petit malade se tortille sur

son lit.

1881. 9 janviel'. L'enfantestsomnolent,morose, ne mange

pas. Ce matin, épistaxis légère. T. R. 39°;G. (Potion de Todd.)

Soir : T. R. 38°,6.

20 janvier. Apparition de l'exanthème à la face et sur le

tronc. Les membres en sont indemnes. L'auscultation dé-

cèle de nombreux râles sous-crépitants sur tout gauche de

la poitrine. Diarrhée depuis ce matin. T. R. 38°,4. (Julep

kermès). -Soir : T. R. 39",4. (Fig. 4Gj.

21 janvier. L'éruption est assez confluente sur le tronc

et le visage ; elle se dispose en corymbes ; elle n'a pas paru

sur les membres. L'enfant cause et est assez gai. T. R. 38°.

- Soir : T. P. 38°,4.

22 janvier. Cessation de la diarrhée. T. R. 37°,S.-Soir :

T. R. 37°,2.

23 janvier. T. R. 37°,8. -Soir : T. R. 38°,8.

24 janvier. Le malade va mieux; mange avec appétit; on

entend encore quelques râles dans la poitrine. T. R. 38°.

- Soir : T. R. 7°.8.

diarrhée consécutive.. 129

z5 janvier. T. R. 37°,8. -Soir : T. R. 37°,6.

26 janvier. Suppression du kermès et de la potion de

Todd. T. R. 31°,6. 6. (Huile de foie de morue; vin de quin-

quina ; sirop d'iodure de fer). -Soir : T. R. 37°,6.

27 janvier. Bien qu'on n'entende plus que quelques râ-

les sous-crépitants très rares, l'enfant tousse encore. A la

région cervicale, on trouve quelques ganglions scrofuleux

indurés. L'oeil gauche est le siège d'une légère conjoncti-

vite. Le petit malade est dans un abattement assez prononcé ;

il existe une diarrhée assez abondante. T. R. 38°. (Potion

avec acétate d'ammoniaque, gr.Sulfate de quinine, gr. 20).

Soir ' T. R. 39°.

28 janvier. T. R. 38°. - Soir : T. R. 37°,8.

29 janvier. L'enfant va mieux; l'abattement a disparu.

T. R. 3î°,6.-Soil· : 'l'. R. 37°,6.

3 février. La respiration est trouvée un peu soufflante à

gauche de la poitrine. L'enfant a de l'appétit. La courbe

thermométrique s'est abaissée à3r°,6. (hig. 12). (Teinture

d'iode).

5 février. La respiration est normale, adénopathies multi-

ples, surtout au cou, vers le bord antérieur du sterno-cléi-

do-mastoïdicn. On trouve quelques glandes dans l'aisselle.

Rien au pli de l'aine.

8 février. L'enfant paraît complètement guéri, est gai,

mange de bon appétit, et dort bien.

12 février. Diarrhée fétide (Salycilate de chaux, 2 gr.)

14 février. Cessation delà diarrhée ; appétit vorace.

17 février. Après quelques suspensions, la diarrhée a

reparu très abondante et d'une façon continue. L'ap-

pétit est presque nul. L'enfant est dans un état d'émacia-

tion extrême; il reste somnolent, comme étranger à ce qui

se passe auprès de lui.

19 février. Mort à 8 h. 1/2 du matin.

Du 15 au 20 janvier inclusivement, B... n'a pas eu d'ac-

cès ; il en a eu deux le 21 janvier, 1 le 22, et 9 du 23 au 31 1

janvier. Du 1 cr au 13 février, on en a compté 9 et aucun du

14 au 19.

Autopsie le 20 février 1881. Le poids du cadavre est de

14 kilogr. (L'enfant pesit 19 kilogr. 500 à son entrée à

l'hospice). ,

Thorax : L'appareil picuro-pulmonaire est sain ; quelques

ganglions bronchiques sont augmentés de volume; deux

d'entre eux sont caséifiés. - Le coeur, 70 gr., est vide

BOURN. 9

130 épidémie DE ROUGEOLE.

de caillots. La cavité du ventricule gauche est très rétractée;

les piliers y sont très volumineux.

Abdomen : foie, 580 gr., congestionné ; pas de stéatose.

Rate, 50 gr. ; reins, pancréas, normaux. L'intestin grêle

Fig. 12.

DIARRHÉE CONSÉCUTIVE. 131

est légèrement vascularisé, vers l'union du jéjunum et de

l'iléon. Cette dernière portion du tube digestif, comme

d'ailleurs l'estomac et le gros intestin, paraît saine.

Tête. Calotte crânienne régulière et symétrique. L'enve-

loppe osseuse présente une disposition en sens inverse de

la normale. La grosse extrémité de l'ovale répond au fron-

tal. La base du crâne est symétrique; la lame quadrilatère

du sphénoïde est inclinée à droite et en avant; en outre, la

fosse sphénoïdalo du côté gauche s'étend plus loin en ar-

rière que celle de droite.

Les méninges sont congestionnées, la première est très

mince, et la décortication du cerveau impossible. Les orga-

nes de la base do l'encéphale sont symétriques et normaux.

Encéphale : 1225 gr., mésocéphale et cervelet : 125 gr. Les

hémisphères cérébraux sont égaux; les ventricules latéraux

sont un peu dilatés de chaque côté; cependant, pas d'exagé-

ration dans la quantité du liquide céphalo-rachidien.

Hémisphère droit : il existe un foyer de ramollissement

superficiel, vers la partie moyenne des 2e et 3° circonvolu-

tions tomporo-sphénoidalcs.

Hémisphère gauche : on découvre un second foyer de

ramollissement occupant toute la partie antérieure do la 3"

circonvolution frontale.

Dans cette observation, nous rencontrons la première

de nos rougeoles suivie de mort. Nous l'avons rangée à

dessein dans la catégorie des cas où la fièvre éruptive,

bien que compliquée et irrégulière, n'a pas directement

entraîné l'issue fatale. L'enfant, en effet, n'est pas mort

de la rougeole même, mais d'une affection absolument

indépendante de celle-ci, quoique survenue à la suite,

la diarrhée infantile. Que la rougeole antécédente

n'ait pas favorisé et précipité la terminaison funeste,

nous sommes loin de le prétendre. Mais nous insistons

sur ce point, à savoir que l'autopsie ne nous a montré au-

cune des lésions susceptibles d'être rattachées à la rou-

geole : rien du côté de l'appareil respiratoire, nulles

traces d'inflammation ou de stéatose, mais seulement

les désordres qu'entraîne la diarrhée. C'était ici. comme

dans tous les cas qu'il nous a été donné d'observer, une

émaciation extrême, un peu de rougeur et de ramollis-

132 ÉPIDÉMIE DE ROUGEOLE.

sèment de la muqueuse des voies du tube intestinal.

Quelques arborisations vasculaires vers la terminaison

de l'iléon et rien de plus. La congestion méningée qui

existait en même temps doit ici, comme dans bien d'au-

tres cas, n'être considérée que comme un phénomène

purement agonique.

III. Cas de rougeoles auec complications mortelles.

Dans cette dernière partie, qui doit compléter au

point de vue anatomo-pathologiquc l'histoire déjà lon-

gue de notre épidémie, se trouvent réunis les cas où la

mort est survenue pendant l'évolution de la fièvre érup-

tive. Sans vouloir anticiper sur les déductions qui res-

sortent de l'exposé des faits, nous croyons devoir atti-

rer l'attention du lecteur sur la série d'autopsies que

nous allons enregistrer, car elles offrent une sorte de

résumé presque complet des altérations organiques

qui ont été rencontrées jusqu'ici à la suite de la rou-

geole.

Observation XI. Père alcoolique. Mère nerveuse.

- Accidents névropathiques multiples dans la. famille

maternelle. Grossesse accidentée. Accouchement

artificiel. Quatre accès de convulsions. Idiotie

complète. lmpétiflo persistant du cuir chevelu. -

Rougeole. .Hroc/t0peumo ? ue. Mort.

Mor..., Florentin, est entré le 23 mai 1879, à Bicêtre

(service de M. Bourneville.) Il est âgé de 5 ans.

Renseignements fournis par sa mère. (9 janvier 1880 ?

- Père, 37 ans, garçon marchand de vin, a fait de nom-

breux excès de boisson ; il buvait surtout de l'absinthe, alors

qu'il était soldat en Afrique, où il est resté sept ans ; il se

grisait plusieurs fois par semaine et quelquefois restait plu-

sieurs jours de suite en état d'ivresse. Durant ces périodes,

il se livrait à des violences au dire de sa femme. 11 ne pré-

senterait pas d'accidents nerveux, sauf quelques étourdis-

sements passagers et souvent les yeux étaient alors injectés.

Il s'est marié à 31 ans. Avant son mariage, pondant les

IDIOTIE. 133

2 ou 3 mois où sa femme l'a connu, il ne buvait pas, mais

le troisième jour de son union avec elle, il a commencé à

s'enivrer. Les rapports sexuels ont été très fréquents pen-

dant l'ivresse. Au bout de trois mois, il a abandonné sa

femme, pour revenir à elle après une absence de 18 mois.

C'est alors qu'elle est devenue enceinte; au moment de la

conception, son mari, croit-elle, n'était pas sous l'influence

de l'alcool. Pendant la grossesse, vers le 6e ou 7" mois, il a

battu la mère de notre malade et l'a frappée de plusieurs

coups de pieds au ventre. Celle-ci s'est séparée de lui (mai

1879) et n'en a pas reçu de nouvelles depuis. [Père et trois

frères morts de fièvre typhoïde.]

Mère, 25 ans, couturière, de taille petite, paraît intelli-

gente. Elle est un peu nerveuse et aurait même eu deux

attaques de nerfs : l'une pendant la grossesse, l'autre, il y a

dix jours a la suite d'une indigestion. Elle est colérique et

sujette aux maux de tête. Mariée à 18 ans. - [Mère, ner-

veuse, a eu la fièvre intermittente; une tante morte d'un

cancer au sein. Pas d'affections nerveuses du côté pater-

nel : du côté maternel, quatre oncles : un a succombé

à la suite d'accès d'épilepsie. Il avait des « idées noires. »

Trois tantes, dont une morte à 18 ans do fièvre cérébrale.

Un grand oncle maternel est mort aliéné et son fils, cou-

sin issu de gcrmains de la mère de notre malade, est mort

j'ou, à l'asile do Vaucluse vers la fin de 1878].

Pas do consanguinité.

Un seul enfant, noire malade. La grossesse a été acci-

dentée par suite des mauvais traitements que la mère rece-

vait do son mari. L'accouchement se fit lOjours en avance,

il y eut inertie utérine et on appliqua le forceps, le 2" jour

du travail..1 la naissance, l'enfant ne respirait pas; on

laissa saigner le cordon; des frictions avec du rhum fu-

rent faites sur le nouveau-né. Au bout de deux jours, il

était en bonne santé.

Elevé au sein en nourrice pendant deux mois, notre ma-

lade, à cause de son mauvais état général, fut repris par

sa mère et élevé au biberon. Jamais il n'a su marcher; ce-

pendant il faisait quelques pas, tenu par la main, lorsqu'il

entra à l'hôpital des Enfants malades (10 mai 1879). De là,

il fut envoyé a Sainte-Anne, et, quand il entra à Bicêtre,

il avait tout il. fait désappris à marcher.

L'enfant n'a jamais été gai, n'a jamais aimé à jouer. A

sept mois, il eut une première attaque de convulsions qui

durèrent 4 heures : celles-ci portaient (( Tien que sur un côté.

le côté gauche » face et membres). A la suite, il n'eut pas

134 ÉPIDÉMIE DE ROUGEOLE.

de fièvre. De 7 mois à 2 ans 112, M... aurait eu de petites

poussées congestives à la face.

A deux ans 112, nouvel état de mal convulsif qui dura

7 ^heures ; les convulsions frappèrent encore le même

côté ; - un mois après, troisième état de mal d'une durée

de 3 heures; - six semaines plus tard, quatrième état de

mal (pendant 4 heures). A chacune de ces crises, les con-

vulsions portèrent exclusivement sur le côté gauche (epi-

lepsie hémiplégique.) Après les convulsions, on remar-

quait une grande faiblesse du bras et de la jambe du côté

atteint. Jamais il n'y aurait eu de fièvre à la suite ( ? ).

1879. Octobre. Etat actuel. Le malade a de la peine à se

tenir sur les jambes. Il est gâteux, non salace ; on le dit très

affectueux, sujet à des accès de colère : il ne sait prononcer

que le mot « maman; » il reste immobile, suçant tantôt ses

vêtements, tantôt ses doigts. Quelques croûtes d'impétigo

sur le cuir chevelu. Traitement : huile de foie de morue,

sirop d'iodure de fer, deux bains d'amidon par semaine ;

lotions alcalines ; exercer l'enfant à marcher.

Novembre. Le 17, on recouvre le cuir chevelu d'un

bonnet de caoutchouc vulcanisé; le 24, on constate de

l'amélioration; les croûtes d'impétigo sont en partie tom-

bées.

1880. 5 janvier. Conjonctivite purulente. -On continue

l'enveloppement du cuir chevelu, car l'impétigo persiste.

La température est au-dessus de 38°.

10 janvier. L'état des yeux s'améliore, l'impétigo dimi-

nue.L'enfant tousse; râles ronflants des deux côtés de la poi-

trine, en arrière. La température se maintient au-dessus

de 38°.

12 janvier. Submatité au sommet du poumon droit;

gros râles humides aux deux bases, en arrière. La toux

diminue.

20 janvier. La température se maintient à 37°.

le, avril. L'enfant a fait de grands progrès au point de

vue de la marche; il porte lui-même les aliments à sa bou-

che. L'attention est plus facile à fixer chez lui que par le

passé. Persistance de l'impétigo.

2 septembre. Le malade a eu la diarrhée pendant quel-

ques jours. La région sacrée, ainsi que la fosse droite,sont

le siège d'un érythème, qui remonte jusqu'aux côtes. Les

extrémités sont cyanosées; les paupières sont atteintes de

blépharite ciliaire ; l'inférieure, du côté gaucho, présente

ROUGEOLE COMPLIQUÉE. 135

une ulcération impétigineuse. Le visage est parfois marbré

de plaques rouges. Traitement tonique. Poids du corps,

9k,200. Taille 0m,88. - '

1881. 21 janvier. L'enfant entre à l'infirmerie avec la

rougeole à la période d'éruption. L'exanthème ne se voit

qu'à la face, au cou et au tronc. Les membres en sont in-

demnes. Le malade est dans la somnolence; il ne présente

de symptômes ni thoraciques, ni gastro-intestinaux, sauf

l'anorexie. Conjonctivite et coryza peu intenses. T. R. 40°,4.

Soir : T. R. 40°,6.

22 janvier. L'éruption pâlit. A l'auscultation, on per-

çoit de la rudesse respiratoire avec des râles sous-crépitants.

La respiration est soufflante, du côté droit au niveau du

lobe pulmonaire inférieur. T. R. 40°,6. - Soir : T. R.

40°,8.

23 janvier. Le malade est somnolent, oppressé. La

respiration est de plus en plus soufflante. T. R. 40°,6. (Vé-

sicatoiro. Potion avec acétate d'ammoniaque et extrait de

quina.) - Soir : T. R. 40°,2.

24 janvier. L'enfant est calme, la dyspnée ainsi que le

souffle bronchique du poumon droit ont disparu. On per-

çoit dans toute la poitrine des râles sous-crépitants, fins,

très nombreux. T. R. 39°. Soir : T. R. 39°,2.

25 janvier. Au niveau du poumon droit, on entend

des râles ronflants dans les deux tiers supérieurs et des

râles fins à la base. Toux sèche, quinteuse. T. R. 39°. (Bouil-

lon, lait.) -Soir : T. R. 40°.

26 janvier. Le malade est assoupi. On perçoit des

râles sous-crépitants des deux côtés de la poitrine, surtout

à droite et en avant, à gauche et en arrière. Diarrhée. T.

R. 39°,6. Soir : T. R. 39°,8.

27 janvier. La respiration devient soufflante au som-

met du poumon gauche. La toux revient par quintes, sur-

tout quand on déplace le malade. L'amaigrissement est

considérable. L'alimentation consiste en 50 centilitres de

lait. La diarrhée a cessé. T. R. 39 ? ? . (Lotions vinaigrées,

toniques.) - Soir : T. R. 40°. (Fig. 13.)

28 janvier. La voix est éteinte. La respiration est

soufflante dans tout le poumon gauche. T. R. 39°. ? . (Badi-

geonnage iodé, sur le thorax, en arrière.) Soir : T. R.

39°,2.

29 janvier. Râles sous-crépitants très nombreux dans

toute la poitrine, surtout à droite. T. R. 39°. Soir : T.

R. 40°.

131). ÉPIDÉMIE DE ROUGEOLE.

, O jaiwiei'. '1'. n. 39°,8. - Soir : Soir. : '.0 ? '

;\1 janvier. Mêmes symptômes à l'auscultation. 'r. R

31',8. - Soir : Mêmes symptômes à l'auscultation. T. R,

1 cr féV7'ier. '1'. R. 40° avant la mod qui survient il 6 h.

du , Température post avant la mort qui survient l'en- 6 h.

du ..matin : Température postmortem : 42°. Poids de l'en-

, (L'autopsie n'a pu être pratiquée par suite (1

de la famille.) n'a pu être pratiquée par suite d'oppositioi

delà à regretter que dans l'observation que nous ve-

Il -de -rapporter, il ne nous ait pas été donné de

constater de par l'ouverture nous cadavre, la lésion que

constater dévoilée l'auscultation. 'route-

constater, par l'ouverture du cadavre, la lésion 1

nous particularité digne dévoilée l'auscultation. Toute

'fois,' particularité digne d'attention, nous avons pu pré-

Tip. t3.

ROUGEOLES COMPLIQUÉES. 137 Î

voir le début de la phlegmasie pulmonaire d'après les

phénomènes cutanés. En même temps que dès le second

jour de l'éruption s'installait la broncho-pneumonie,

nous avons vu, par une sorte de révulsion interne, l'ex-

anthème entrer brusquement en délitescence, et dispa-

raître avant d'avoir parcouru le stade normal de l'érup-

tion. C'est d'ailleurs un phénomène fréquemment si-

gnalé, et auquel les auteurs accordent à juste titre une

grande valeur pronostique. Nous ne l'avons observé que

dans le cas présent. '

Observation XII. - Absence de commémoratifs per-

sonnels et héréditaires. - Déformation de la boîte

crânienne. - Idiotie complète. - Amélioration à l'hô-

pitàl. Rougeole. - Mort pendant l'éruption. Au-

topsie. Pas de lésions viscérales appréciables. -

Atrophie partielle de l'hémisphère cérébral droit.

Milg..., Charles, âgé de 8 ans, est entré à l'hospice de

Bicétre le 1er avril zut3 (service de

}L Bourneville). Absence de com-

mémoratifs héréditaires.

Etat actuel (9 novembre 1880).

L'enfant, maintenant âgé de 8 ans,

pèse 16 kil., 100 gr. et a une taille de

il il est très gros. Le cou est

court; les épaules un peu hautes ; le

ventre, très volumineux, mesure 64

cent.de périmètre à 6 centimètres au-

dessus de l'ombilic. A la base du tho-

rax, on observe des arborisations

veineuses sous-cutanées, le foie et la

rate sont normaux. Quelques glan-

des au pli de l'aine. La peau est

brune, villeuse au niveau des épaules.

Tête, assez grosse, de forme carrée;

le ventre et les régions pariétales sont

aplaties; le front est élevé, peu large

et déprimé latéralement ; les arcades

sourcilières ne font pas saillie. Les

cheveux ainsi que les sourcils sont

noirs et assez abondants. Le visage est

arrondi; le nez aquilin ; la bouche

très large ; les joues sont très épaisses ;

. Fig. u.

138 ÉPIDÉMIE DE ROUGEOLE.

les lèvres moyennes. L'arcade dentaire supérieure est assez

régulière; onyvoit l'incisive médiane droite en voie d'érup-

tion ; les autres sont absentes. Sur la mâchoire inférieure,

les incisives sont sorties, sauf les latérales de droite. La

voûte palatine, très plate et très large, paraît symétrique;

les amygdales sontvolumineuses. La sensibilité générale

est normale ; le sens du goût est peu développé ; au mo-

ment de l'entrée à l'hospice, la parole était nulle ; aujour-

d'hui l'enfant prononce quelques syllabes, notamment le

mot « kiki » qu'il répète constamment. Il ne peut manger

à la cuiller, il est très salace. Les sentiments affectifs sont

bien développés; il a pris en amitié un jeune idiot du ser-

vice, auprès duquel il veut toujours rester. D'ailleurs,il est

gai, rieur, et caressant.

« A l'âge de 18 mois, à la suite d'une coqueluche, il a

été pris d'attaques convulsives, qui lui ont laissé le bras

gauche d'abord contracturé dans la flexion ; puis il est sur-

venu une paralysie qui a rendu au bras sa position nor-

male ( ? ) Depuis,il a des crises fréquentes qui durent un jour

et une nuit. Le malade averti de l'imminence de ses accès

pousse des cris plaintifs, se réfugie sur le sein de sa mère,

lui passe les bras autour du cou. La fin de la crise s'annonce

par de la rougeur de la face et des soupirs. Dans le prin-

cipe, les cris étaient très violents ; « c'étaient de véritables

hurlements. » D'une intelligence très bornée, il ne com-

prend que lorsqu'on lui dit de manger, de se coucher et de

jouer. Il aime surtout le jeu. M... n'est pas méchant pour les

autres enfants ; il est même caressant, il était devenu jaloux

de sa petite soeur, et l'avait même battue. » 1

1878. Avril. «Il aime à se trainer à terre, à se salir; il

est très malpropre. » (Certificat de M. Falret).

1881. 14 janvier. On constate ce matin l'éruption de la

rougeole. Elle siège à la face, au tronc, à l'abdomen, au

dos, aux fesses, et à la racine des cuisses. Depuis plusieurs

jours, il y a une conjonctivite. L'anorexie est complète; pas

de vomissements, mais un peu de diarrhée. A l'auscultation

de la poitrine, on ne constate pas de râles; la respiration

est un peu rude. Les extrémités ainsi que les lèvres sont

cyanosées et froides ; au niveau de ces dernières, les mu-

queuses présentent des érosions aphteuses. T. R. 40,4.

(Bourrache, julep avec kermès 0 gr. 15, sirop diacode 30 gr.)

Soir : T. R. 40°.

15 janvier. L'enfant meurt au moment de la visite. La

ROUGEOLES COMPLIQUÉES. 139

température, une demi-heure avant la mort était à 38°,4.

T. R. post mortes, 40°. (fit. 14).

Autopsie, vingt-quatre heures après la mort. Thorax.

A l'ouverture de la poitrine, on trouve des adhérences

assez prononcées du poumon droit au diaphragme ; cet

organe est sain. Le poumon gauche est congestionné dans

son lobe inférieur. - Coeur, 110 gr.; de chaque côté, on

trouve dans le ventricule et l'oreillette du sang fluide avec

des caillots, le tout de teinte noirâtre.

Abdomen. Foie : 780 gr. La rate (45 gr.) présenteàl'une

de ses extrémités une scissure profonde de 4 à5 cent. Reins,

60 gr. Ces divers organes n'offrent aucune lésion.

Tête. Tandis que la base du crâne est normale, la ca-

lotte osseuse présente une différence des diamètres antéro-

postérieurs de chaque côté. A gauche, la longueur excède

celle de la moitié droit d'un demi centimètre.

Encéphale,8% gr.L'hémisphère droit une dimension an-

téro-postérieure de 13 cent. 7, le gauche est long de 15 cent.5,

et pèse 85 grammes de plus que celui du côté opposé. Les

différents organes de la base de l'encéphale sont régu-

liers, sauf les pédoncules cérébraux. A première vue, on

est frappé de leur différence de volume, en faveur du pédon-

cule gauche. A la coupe,cette anomalie est plus prononcée.

La moitié gauche de la protubérance annulaire est plus

volumineuse que la droite, ce qui tient à ce que le sillon

de l'artère vertébrale se trouve déjeté vers la droite. Au ni-

veau du bulbe, les pyramides antérieures et les olives

sont en partie confondues, mais paraissent de dimensions

égales. Le cervelet et l'isthme pèsent 135 gr. Les deux

hémisphères cérébelleux ont le même poids. La pie-mère

s'enlève aisément.

Hémisphère gauche. Les circonvolutions sont normales,

sauf au niveau de la corne occipitale où il existe un grand

nombre de plis de passage.

Hémisphère droit. Les circonvolutions sont très plissées

avec de nombreux plis de passage, qui semblent plus

abondants vers la partie postérieure de l'hémisphère. En

ce même point la consistance estplus ferme que sur le reste

du cerveau.

La mort est survenue, dans ce cas, le second jour de

l'éruption sans que l'autopsie ait décelé aucune lésion

pulmonaire ou autre susceptible d'expliquer cette termi-

naison rapide. Toutefois comme l'affection s'est brus-

140 ÉPIDÉMIE DE ROUGEOLE.

quement terminée par la mort, et que d'ailleurs le symp-

tôme prédominant résidait dans la gêne circulatoire,

peut-être devons-nous voir[dans une syncope l'accident

terminal. La présence de caillots cruoriques, volumi-

neux, multiples dans les cavités cardiaques, la conges-

ion généralisée à tous les viscères, viennent à l'appui

de cette hypothèse.

Observation XIII. Mère très nerveuse, alcoolique.-

Premières convulsions n un an. - Deuxième attaque

A 3 ans. Icliotie complète. Rumination nu Méry-

cisme. Rougeole. -l3roncho-Zzzzeuznonie. - Mort.

Autopsie. - Déformation symétrique de la boîte Cl ? 1-

nienne. - Broncho-pneumonie mamelonnaire.

Guer...., Louis-Auguste, âgé de 11 ans, est entré le 1G

mars 1877 (service de M. Bourneville), à Bicêtre.

Renseignements fournis par son père (20 janvier 1831 1.

Père, 39 ans, employé de chemin de fer, n'a jamais eu

d'accidents nerveux, mais est sujet à des accès de colère.

A l'âge de 17 ans, il a été atteint de fièvre typhoïde : il s'est

marié à 22 ans. [Père mort phthisique; mère, morte asth-

matique ; 10 frères dont 8 survivants en bonne santé; une

soeur est morte phthisique.]

Mère, 34 ans, très nerveuse, sujette à des accès de colère

violents et fréquents : dans les premiers temps du mariage,

elle a eu des manifestations d'hystérie jétouffements,

boule, céphalalgies); elle aime à boire, surtout pendant ses

grossesses. Depuis la naissance de notre malade, elle a eu

des troubles menstruels. [Père, mère, et deux frères en

bonne santé; nulle trace d'affection nerveuse dans la fa-

mille]. Pas de consanguinité.

Cinq grossesses : 1° garçon mort do convulsions à l'âge

de 4 mois; 2° notre malade : 3" fille, morte en nourrice a 8

mois, d'une affection qui dura trois jours, accompagnée de

muguet; elle était intelligente; 4° et 5° doux fausses cou-

ches.

Notre malade. Pendant la grossesse, la mère fit des

excès de boisson : dans le cours d'une semaine, elle but

deux litres de cerises à l'cau-de-vie. L'accouchement se

fit terme, avec présentation du siège. L'enfant, bien con-

stitué à la naissance, ne présenta rien d'anormal jusqu'à

l'âge de 17 mois. A ce moment, première attaque de ('on...

idiotie complète. 141

nuisions qui se répétèrent pendant deux ou trois jours; on

constata, en même temps, l'existence d'une hernie ingui-

nale droite. Déjà, on s'apercevait que l'enfant était peu in-

telligent, ne parlait pas ; il avait l'appétit bien développé.

A trois ans deuxième attaque cle convulsions quidurèrent

environ une semaine. Dès lors, l'état intellectuel s'affaiblit

davantage, l'enfant devint gâteux. On l'envoya à la campa-

gne où il resta deux ans, en deux reprises différentes.

Pondant ce laps de temps, il lit plusieurs maladies, quiau-

raientporté principalement sur l'appareil respiratoire.

A l'entrée à l'hospice, on constate, en outre de l'état

d'idiotie complète, que le malade rumine. Après avoir

mangé, il régurgite les aliments, les reçoit et les malaxe

dans la main, pour les avaler de nouveau. Dans son atti-

tude habituelle, il demeure ramassé sur lui-même en bou-

le, les mains appuyées sous le menton. 11 est gâteux, gour-

mand, et mange avec ses mains; souvent il vole les aliments

des autres malades. Peu sensible à la douleur, lorsqu'il est

jeté il terre, il ne crie pas et ne cherche pas à se relever.

La parole est nulle.

1880. Avril. Le malade est pris de diarrhée, qui dure

deux ou trois jours (vomitif, purgatif).

20 octobre. Toute la face et le membre inférieur gauche

sont le siège d'un érythème, avec quelques ulcérations en

coup d'ongle. (Bains d'amidon, poudre d'amidon.)

15 novembre. L'érythème a disparu en grande partie. il

reste encore deux ulcérations de peu d'étendue, au niveau

du petit orteil des deux pieds.

1881. 10 janvier. L'enfant entre à l'infirmerie avec des

frissons multiples, une touxquinteuse, férine, spasiocli-

'IW'. On ne perçoit que quelques gros râles bronchiques à

l'auscultation.

Il 1 janvier. T. R. 1°,4 matin et soir.

12 'janvier. T. IL 38°,6. Soir : T. P ? 3 ! 1°,5.

13 janvier. Apparition de l'exanthème rubéolique ce

matin. Au visage, l'éruption est peu marquée : on n'y voit

que cbux ou trois taches pâles, s'effaçant sous le doisrl.

C'est il, l'hypogastrc et à la racine des cuisses qu'elle est le

plus ;) ! l ! 1uente : elle est d'ailleurs peu foncée. Ce matin il

y eu une épistaxis. A l'auscultation, on trouve la respira-

tion rude, surtout à droite. Diarrhée séreuse. T. R. 39" 8

- Soir : T. h,. 40 ?

I i janvier. La respiration devient soufflante aux deux

142

ÉPIDÉMIE DE ROUGEOLE.

temps. T. H. 400/1. (Teinture d'iode, vin de quina; Julep

avec : sirop diacode, 20 gr. et rhum, 30 gr.- Soir : T. R.

3J°,8.

15 janvier. Amélioration. T. R. 39°,8. Même traitement.

- Soir : T. R. 10°,4. (Fig. 15).

18 janvier. Depuis hier, la température qui était allée en

décroissant régulièrement, remonte de 38°,G à à 39°, 6. Le fa-

cies prend une teinte plombée ; les yeux sont cernés, les lè-

vres cyanosées. L'éruption se maintient pâle, sans des-

quamation. Les extrémités sont violacées et froides. La

diarrhée a cessé. A l'auscultation on entend : à gauche, un

souffle tubaire avec râles sous-crépitants : à droite,une res-

piration très soufflante. (Vésicatoire à gauche du tho-

rax ; 12 ventouses sèches des deux côtés de la poitrine, si-

Fig. 15.

ROUGEOLES COMPLIQUÉES. 143

napismes aux membres inférieurs. Potion de Todd avec

rhum 50 gr. et extrait de quina 3 gr.).

Soir : le malade est somnolent; la respiration plus cal-

me ; le souffle a diminué ; il existe encore de nombreux

râles sous-crépitants, fins et disséminés. T. R. 40°. Mort

dans la nuit.

Autopsie faite trente heures après la mort. - Thorax.

Le poumon gauche présente les lésions de la broncho-

pneumonie dans sa totalité. - Le poumon droit n'est

enflammé que dans son lobe inférieur ; de plus, il offre

quelques adhérences pleurales diaphragmatiques. La lé-

sion affecte la forme mamelonnée. Au niveau des noyaux

de broncho-pneumonie, le tissu pulmonaire laisse écouler

à la coupe un sang noir et spumeux; la pression fait sour-

dre des gouttelettes de pus des bronchioles. Le poumon

droit pèse 205 gr., le gauche 170 gr. - Coeur (105 gr.),

normal, pas de caillots. - L'oesophage est normal, bien

calibré (le malade ruminait).

Abdomen. Rétracté en bateau sur le cadavre. A l'ouver-

ture, on trouve les anses intestinales, affaissées, vides, ac-

colées à la paroi postérieure. - Estomac, normal, n'of-

frant aucune particularité; le cardia, entre autres, est bien

constitué. Il renferme, ainsi que l'intestin, un peu de li-

quide louche et fétide. - Foie (652 gr.) ; rate (40 gr.) ;

reins (49 gr. à droite; 55 à gauche), normaux.

Tête. Elle est aplatie suivant le diamètre bi-pariétal.

Elle présente une forme conique, à sommet tronqué, tourné

en haut. La calotte crânienne, symétrique, est très pro-

fonde ; le diamètre antéro-postérieur l'emporte de beaucoup

sur le transversal en longueur. La dure-mère, peu adhé-

rente, est très épaissie. La base du crâne, symétrique, est

profondément excavée au niveau de ses trois étages, princi-

palement dans les fosses occipitales. L'apophyse crista-galli

est très étendue en hauteur. 0

Encéphale (1010 gr.). La pie-mère se décortique avec fa-

cilité, et n'est que modérément injectée. Le tissu cérébral

est ferme. Les hémisphères sont égaux (428 gr. chacun).

Dans le cas précédent, phénomène assez fréquent,

bien que nous ne l'ayons observé qu'à cette seule occa-

sion, la rougeole a eu pour manifestation initiale une

toux spasmodique offrant les caractères de la laryngite

striduleuse. Elle a cessé aussitôt l'apparition de Texan-

1 44 ÉPIDÉMIE DE ROUGEOLE.

thème. Celui-ci s'est montré pâle, discret, localisé au

siège, à l'hypogastre et à la racine des cuisses, au ni-

veau des régions contiguës où le contact continuel des

déjections alvines, par suite de l'état de gâtisme, avait

déterminé un érythème chronique. L'irritation cutanée

a donc agi, ici, comme dans d'autres fièvres éruptives,

la variole, par exemple, en favorisant, dans ces régions,

le développement de l'exanthème. Les tâches rubéoli-

ques ont persisté durant cinq jours avec le même aspect,

sans se propager au reste du corps, ni sans régression,

ce qui autorisait à porter un pronostic grave. En effet,

on note bientôt une poussée inflammatoire du côté de

l'appareil respiratoire; la température s'élève à 41°, le

malade meurt et, à l'autopsie, nous trouvons les lésions

d'une broncho-pneumonie rubéolique, c'est-à-dire à

forme mamelonnée. Nous ferons de plus remarquer in-

cidemment que le sujet avait présenté le phénomène du

7néicsme. Nous n'avons rien rencontré sur le cada-

vre, comme malformation organique, en rapport avec

cette singulière faculté.

Pour terminer l'exposé de cette épidémie de rougeole,

exposé que nous aurions voulu abréger, il ne nous reste

plus qu'à rapporter trois observations.

Observation XIV. - Mère très nerveuse, faible d'esprit.

- Premières convulsions dans la première année. -

Début de l'hydrocéphalie et un an. - Idiotie complète.

- Rougeole. - Mort à la période d'invasion. -Au-

topsie. Pas de lésions viscérales thoraciques ou ab-

domina les. Congestion de la pie-mère. Déforma-

tions de la boîte crânienne. Hydrocéphalie. - Atro-

phie partielle des circonvolutions, avec foyers ocreux

- superficiels.

Chamb... (Eugène-Louis), est entré à l'hospice de Bicêtre

le 21 juillet 1879 (service de M. Bourneville). Il est âgé de

6 ans et demi.

Renseignements fournis par sa mère (25 novembre

1879). Père, 35 ans, maçon, intelligent, bonne santé habi-

tuelle. Nul antécédent morbide. [Père, mort on ne sait de

quoi. Mère, morte de cholérine, il y a5 ans. Pas d'affections

nerveuses dans la famille.] .

hydrocéphalie 145

Mère, 33 ans, d'une intelligencerestreinte, très nerveuse,

sans avoir cependant d'attaques de nerfs; pleure facilement,

est colérique. Dans le cours de ses grossesses, il lui est

arrivé plusieurs fois de se trouver mal. [Père, bien portant,

homme de peine. - Mère, morte d'une « hydropisie au

ventre »; était très nerveuse. Pas d'accidents névropathi-

ques dans la famille.] .

Pas de consanguinité.

Deux enfants et une fausse couche : 1° Fausse couche à

3 mois, al occasion de contra-

riétés ; - 2° Notre malade ; -

3° Un garçon de 3 ans 1/2, in-

telligent, « apprend trop. »

Notremalade. La grossesse

fut bonne, sauf quelques fai-

blesses ou pertes de connais-

sance ; l'accouchement se fit L

à terme, avec facilité. L'en-

fant, envoyé en nourrice,' fut

élevé au biberon; à un an il

eut la cuisse gauche fracturée.

Les convulsions apparurent

pendant la ire année pour se

continuer jusqu'à 18 mois. A

2 ans. Chamb... fut repris

par sa mère, qui le garda 18

mois près d'elle avant de le

faire admettre à l'hospice. A

ce moment, il ne marchaitpas.

mais pouvait se tenir debout à

l'aide d'une chaise; il ne man-

geait pas seul etneconnaissait

personne, il était gâteux; la

parole était presque nulle, il

ne savait que répéter les mots :

« dada, gnan, gnan. »

Tandis qu'à la naissance la tête était petite, le corps grêle,

vers l'âge d'un an, on la vit prendre un grand accrois-

sement de volume. Durant les 18 mois qui précédèrent

l'admission à Bicêtre, l'enfant aurait été sujet à des accès

d'épilepsie se reproduisant 2 ou 3 fois par mois.

1879. 18 Novembre. Etat actuel. Peu de temps.'après son

entrée, le malade a eu une diarrhée peu intense qui a per-

sisté plusieurs mois. Aujourd'hui, il s'affermit un pou sur

les jambes, avance les pieds pour marcher; celui du côté

BOURN. 10

Hj. 16.

146 ÉPIDÉMIE DE ROUGEOLE.

droit se porte toujours notablement en dedans. Le vocabu-

laire est nul. Ch... est assez caressant, d'un caractère gai.

Traitement : exercer l'enfant à marcher tous les jours;

deux bains salés par semaine; sirop d'iodure de fer, huile

de foie de morue.

1880. 22 Janvier. Ch... a fait des progrès au point de

vue de la marche. -Aujourd'lmi, on ouvre un abcès déve-

loppéà la partie supérieure de l'occipital.

5 Septembre. Pendant la nuit l'enfant a eu des convul-

sions qui ont duré environ une heure. (Potion avec bro-

mure de potassium et chloral.) Les exercices ont produit

quelques changements avantageux ; l'enfant aime à se pro-

mener dans le chariot; il peut marcher quand on le tient à

la main.

1831. 3 Janvier. T. R. 38°,S. - Soir : T. R. 41°.

14 Janvier. Abattement très prononcé, lèvres fuligi-

neuses, narines pulvérulentes, yeux très cernés, diarrhée.

On constate, en outre, l'existence d'un inlertrigo ancien oc-

cupant les fesses, les cuisses et la région hypogastrique. Eu

égard au début récent de cet état d'abattement et de fièvre,

en même temps que règne la rougeole dans le service, nous

diagnostiquons cette affection à la période d'invasion.

T. R. 38°,4. (Bouillon, lait, julep avec siropdiacode, 15 gr.)

Soir : T. R. 40°.

15 Janvier. Laprostralion persiste, ni paralysie nouvelle

ni contracture. L'auscultation décèle l'existence de râles

sous-crépitants des deux côtés de la poitrine. T. R. 40", ? .

(Julep avec rhum, 50 gr. et extrait de qquina,2 gr.; badigeon-

nage iodé sur le, dos). Mort à 5 h. du soir dans un coma

progressif. T. R. post mortes, 41°; une heure plus tard 41°.

Autopsie, 36 heures après la mort. Thorax. Les pou-

mons sont entièrement sains. - Le coeur (60 gr.) est nor-

mal et ne renferme pas de caillots.

Abdomen. Foie (410 gr.), reins (40 gr.) et rate (40 gr.),

normaux.

Tête. A l'ouverture du crâne, il s'écoule une très notable

quantité de liquide céphalo-rachidien, 120 gr. environ. La

base du crâne est asymétrique; les fosses occipitale et tem-

porale du côté droit sont moins excavées qu'à gauche. La

protubérance occipitale interne se trouve déjetée à droite.

Sur la voûte osseuse, au point de vue de la capacité, on note

une disposition inverse. La moitié gauche est arrondie,

tandis que, du côté droit, il existe en arrière un aplatissement t

notable. - Encéphale, 1140 gr. La pie-mère est le siège

HYDROCÉPHALIE. 147

d'une vascularisation généralisée intense et uniforme sur

toute la périphérie de l'encéphale. On trouve, en outre,

des opacités sous forme de traînées blanchâtres qui longent

les vaisseaux. Les différents organes qui constituent ou

avoisinent la base de l'encéphale sont normaux (artères,

nerfs, etc.)

Hémisphère droit. Il est plus long que le gauche d'en-

viron 5 millim. et pèse 80 grammes de plus que lui. Sa

longueur totale est de 15 centimètres; la pie-mère est

épaissie et s'enlève difficilement au niveau du lobe occipi-

tal. La corne d'Ammon est indurée, le ventricule latéral

est dilaté clans toutes ses parties. Au niveau du pied de

la première circonvolution frontale, on trouve un petit

foyer ocreux de 5 millim. sur 2 millim.

Hémisphère gauche. La pie-mère est très adhérente, et,

cpmme sur l'hémisphère précédent, elle entraîne avec elle,

par places, les couches superficielles de la substance grise.

Les circonvolutions pariétale et frontale ascendantes sont

irrégulières ; au niveau de la racine de la première fron-

tale on voit un foyer ocreux, de forme quadrilatère, de 5

à 6 millim. de côté. Sur la racine de la deuxième frontale

existe une seconde traînée d'aspect ocreux; on en observe

une troisième, plus étendue, longeant le bord supérieur de

l'hémisphère, à partir de la pariétale ascendante. Les cir-

convolutions sont atrophiées au niveau de cette traînée.

Le ventricule latéral est uniformément dilaté, la corne

d'Ammon indurée ; le gyrus fornicatus est atrophié en

avant. De ce côté, comme de l'autre, les circonvolutions et

la substance blanche forment encore une couche épaisse

entre le ventricule et la surface des hémisphères.

Cervelet et isthme : poids 140 gr. Pas de lésions.

S'agit-il, ici, d'une rougeole ? Tout en inclinant à le

croire, en raison des circonstances, nous croyons devoir

faire quelques réserves. Peut-être l'observation a-t-elle

été mal suivie, ce qu'explique suffisamment l'excès de

besogne que donnait à tout le monde, dans le service,

le développement de l'épidémie.

Mais ce fait, outre ce qu'il offre d'insolite au point

de vue de la rougeole, présente un véritable intérêt sous

le rapport cérébral. Le développement exagéré de la

tête se serait accusé à partir d'un an, puis l'ossification

se serait effectuée. L'enfant aurait eu des convulsions et

peut-être des accès d'épilepsie à diverses reprises. Le

148 ÉPIDÉMIE DE ROUGEOLE.

diagnostic était : idiotie consécutive à l'hydrocépha-

lie (1). Malgré la gravité de l'état de cet enfant qui était

confiné au lit, à notre arrivée dans le service, nous

avons institué un traitement qui avait donné des résul-

tats encourageants, puisque- l'enfant commençait à

marcher lorsque la rougeole est venue l'enlever en

quelques jours.

L'Observation XV, qui devrait suivre maintenant,

a été publiée précédemment (p. 3). Aussi nous contente-

rons-nous de placer sous les yeux du lecteur le tracé

thermométrique (fig. 17) et de rappeler que la mort a

été occasionnée par une broncho-pneumonie.

Observation XVI. Père alcoolique. Grand'mère

maternelle morte phtisique. - Pas de consanguinité.

- Rapports sexuels pendant l'ivresse. Rupture du

cordon au moment de la naissance; chute sur le sol.

Premières convulsions à trois ans. - Apparition

des accès d'épilepsie trois mois après. Gâtisme.

Absence de la parole. Brûlure. - Teigne. - Rumi-

nation. - Iodure d'éthyle. Rougeole. - Broncho-

pneumonie pendant la convalescence. Stomatite

scorbutique.

Autopsie. - Broncho-pneumonie lobaire [du poumon

droit. Noyaux de broncho-pneumonie du poumon

gauche. - Ecchymoses sous-pleurales et sous-mu-

queuses dans l'intestin.-Stéatose du foie et du coeur.

Levad... (Charles-Edouard) est entré à Bicêtre, le 9 mai

1878 (service de M. BouRNEVILLE). Il est âgé de 7 ans et

demi.

Renseignements fournis par sa mère (7 février 1881).

Père, 33 ans, horloger, de petite taille, bien portant. Excès

alcooliques : il s'enivrerait environ une douzaine de fois

par an. Pas de manifestations nerveuses dans la famille.

Mère, 31 ans, opticienne, intelligente, colérique. Elle

aurait eu, à 15 ans, un psoriasis généralisé, pour lequel elle

a suivi un traitement pendant quinze jours à Saint-Louis

(service de Bazin). Elle y est entrée de nouveau (service de

(1) Voir sur ce sujet : Bourneville, Archives de neurologie, t. I,

p. 69, 1880.

. IDIOTIE, ÉPILEPSIE. 149

,M. Lailler),'à 24 ans, pour une récidive de psoriasis, alors

qu'elle était enceinte de notre malade. Durant son séjour

(six semaines), elle a été traitée par les bains et les

frictions à l'huile de cade; elle prit en même temps

« des pilules au mercure ». [Père, aveugle à 27 -ans est

mort d'une bronchite aiguë. Mère, ainsi que l'un des quatre

frères, morts de phthisie. Les trois autres frères ont suc-

combé en bas âge.. on ne sait comment]. Pas de consangui-

nité.

Cinq enfants : 1° un garçon de 12 ans, bien portant, in-

telligent ; 2° une fille morte à onze mois d'une méningite,

après avoir eu des convulsions pendant onze heures et une

paralysie du côté gauche ; 3° notre malade ; 4° une fille âgée

de quatreans et demi, bien portante, intelligente; 5° une

fille de seize mois, en bonne santé.

Notre malade. - La grossesse a été bonne; pendant les

premières semaines est survenue l'éruption de psoriasis,

dont il a été question plus haut. La mère pense que l'en-

Fig. 17.

150 ÉPIDÉMIE DE ROUGEOLE.

fant a été conçu alors que son mari était en état d'ivresse,

c'est à cette cause qu'elle-même attribue spontanément

l'idiotie. L'accouchement se fit à terme, naturellement;

l'expulsion du foetus eut lieu alors que la mère était debout;

le cordon s'est cassé à quelque distance de l'ombilic, et

l'enfant est tombé sur le sol, où il est resté environ vingt-

cinq minutes sans aucun soin. On n'a pas constaté de plaie

à la tête, mais l'enfant est resté jaune pendant neuf jours ;

« il avait comme la jaunisse o . Lev... a été élevé au sein par

sa mère. jusqu'à six mois ; il a marché à vingt mois ; n'a

jamais parlé et a toujours été gâteux. On s'est aperçu qu'il

était idiot, parce qu'il « se balançait comme s'il était sur

la mer » et qu'il était pris parfois d'accès de rire non mo-

tivés.

Les premières convulsions internes ont apparu à trois

ans et ont duré dix minutes. Depuis lors, après un inter-

valle de trois mois, les accès d'épilepsie se sont manifestés,

se répétant toutes les semaines, diurnes ou nocturnes.

L'enfant poussait un cri ; se mordait; parfois il y avait de

l'écume et du stertor. Entre les accès, il était très co-

lère.

Lev.... ne pouvait rien tenir dans ses mains; il mangeait

ses excréments, bavait, suçait ses doigts (index et médius).

Il se montrait parfois violent vis-à-vis de sa mère et de sa

soeur, qu'il a mordue. - Un jour, il s'est brûlé la

fesse en s'asseyant sur le couvercle d'un poêle ; il paraissait

insensible à la brûlure et ne criait pas. La cicatrisation

s'est faite en cinq jours sans qu'il ait paru souffrir. D'autres

fois, il saisissait à la main des chiffons enflammés et alors

«sa graisse brûlait sans qu'il dise rien ». Un jour il eut le

doigt fortement contusionné par une porte et ne se plaignit

pas.

Lev.... aimait beaucoup à se balancer. Il riait, faisait en-

tendre comme une sorte de « ronron " et dansait quand sa

mère chantait. sans s'arrêter, tant que durait le chant. Il se

plaisait à détruire les objets qu'on lui mettait en main. Il

n'a jamais pu aider à s'habiller.

Les fonctions digestives de l'enfant étaient bonnes, il

mangeait n'importe quoi ; mais buvait difficilement « parce

qu'il avait la langue trop courte ? En outre qu'il fût sujet

à des vomissements, il parait qu'il ruminait quelquefois.

Les garde-robes étaient quotidiennes, régulières.

Lev... présentait des adénites cervicales, et une éruption

dartreuse sur les bras, Il aurait eu la rougeole il trois ans :

ROUGEOLE COMPLIQUÉE. 151

l'affection se serait caractérisée par de la rougeur de la

peau, de la toux, du coryza, et aurait duré huit jours.

1879. ` ? 4 novembre. On constate l'exactitude des phéno-

mènes décrits aux antécédents ; les accès de colère sont

fréquents : l'enfant pousse des cris, se heurte la tête, s'as-

sied à terre, étend les bras. Cet état dure environ dix mi-

nutes et se répète tous les jours, mais moins souvent que

par le passé. L'enfant mange avec les doigts, est très salace

et aime à barholter dans la boue et les ruisseaux. La mar-

che est normale, chez lui, mais il y a défaut absolu de la

parole. La lèvre supérieure est le siège d'un érythème occa-

sionné par un coryza chronique. Le cuir chevelu est recou-

vert de quelques croûtes impétigineuses.

1880. 21 juin. Teigne, au niveau du vertex (épilation).

2 août. Un commence les inhalations d'iodure d'éthyle,

à la dose d'une demi-cuillerée à café, répétées tous les deux

jours. En même temps, on continue l'administration de

bains salés, commences depuis le 2 novembre 1879.

1881. 13 janvier. Hier soir l'exanthème rubéolique a

fait son apparition. Au niveau du visage, il se manifeste par

des plaques rouges, dont l'aspect ne rappelle en rien celui

d'une rougeole normale. Sur le tronc, l'abdomen, les cuis-

ses, il prend la forme d'un fin piqueté rouge. Il fait défaut

sur les bras et les jambes. En môme temps, diarrhée abon-

dante, avec un léger degré de météorisme; à l'auscultation

respiration rude, toux bruyante. Conjonctivite catarrhale

peu intense ; coryza très marqué, entraînant de l'érythème

de la lèvre supérieure; somnolence. T. R. 40°,2. - Soir :

T. R. 40°,6.

14 janvier. Persistance de l'éruption au même degré;

gros râles sous-crépitants des deux côtés de la poitrine sur-

tout à droite. T. R. 40°,2. Lait, bouillon, julep diacode

avec rhum 30 gr.). -Soir : T. R. 40°.

15 janvier. Même état. Persistance de la diarrhée. T. R.

3cJ°,li. - Soir : T. R. 39°,4.

18 janvier. Cessation des symptômes thoraciques; per-

sistance de la routeur de la face et de la somnolence. T.

R. 38 ? ? . - Soir : T. R. 39°,2.

19 janvier T'. IL 38°,8 ; somnolence : Julep avec 4 gr.

d'acétate d'ammoniaque. - Soir : T. R. 40°.

20 janvier. Respiration rude. T. R. 3J°,G. Soir : T.

R. 39o. '

21 janvier. L'enfant commence à manger ; il est moins

152 ÉPIDÉMIE DE ROUGEOLE.

somnolent que les jours précédents ; la température oscille

entre 38° et 39°.

24 janvier. On entend encore de gros râles ronflants des

deux côtés de la poitrine.

25 janvier. Râles sous-crépitants à la base du poumon

droit.

27 janvier. L'enfant pousse des cris plaintifs en se balan-

çant, comme dans son état de santé normale. La tempéra-

ture se maintient au-dessous de 38°.

29 janvier. Tout symptôme thoracique a disparu ; l'en-

fant mange bien.

31 janvier. On perçoit quelques râles fins dans la poi-

trine avec rudesse de la respiration. Les extrémités des

membres sont froides et cyanosées. Le foie est gros et dé-

borde les fausses côtes de deux travers de doigt. T. R. 38°,4.

Julep avec kermès, 0 gr. 10. - Soir : T. R. 38°.

1er février. T. R. 37î°,6. L'enfant mange de bon appétit

le matin, mais pas le soir, ce qu'on attribue à la fièvre.

Pour s'en assurer, on fait prendre la température à 2 heu-

res et on trouve 39°. (Sulfate de quinine). - Soir : T. R.

38°,2.

2 février. T. R. 37°,8. Soir : T. R. 38°,2.

3 février. L'haleine est très fétide, d'une odeur fécale.

La salivé est ichoreuse, d'une teinte chocolat; la langue se

recouvre d'un épais enduit noirâtre. L'examen de la bouche

ne décèle aucune lésion. T. R. 38° ; ipéca. Soir : T. R.

40°,2.

4 février. A l'examen de la poitrine, on trouve à droite de

la submatité dans toute l'étendue du poumon et du reten-

tissement de la voix au sommet. L'haleine est moins fétide,

et les mucosités noirâtres ont en partie disparu de la bou-

che. L'enfant a de l'appétit, mais ne peut déglutir les

aliments solides. Il présente deux plaques d'eczéma in2pé-

tigineux, l'une au niveau du sillon naso-labial, l'autre vers

l'angle externe de l'oeil droit. T. R. 40 ? Soir : T. R. 40°

5 février. Depuis quelques jours l'enfanta considérable-

ment maigri ; l'examen de la poitrine, difficile à pratiquer

à cause de la résistance et des cris incessants du malade,

ne décèle que quelques gros râles sourds, à droite, vers

l'aisselle. A ce même niveau, à partir de l'épine de l'omo-

plate, on note de la matité; la bouche est enduite de muco-

sités brunâtres, très fétides ; la langue est sèche, racornie,

comme rôtie. Les lèvres, les dents, les gencives sont recou-

vertes de dépôts de même aspect. Malgré l'empressement

que met l'enfant à saisir les aliments, la dysphagie persiste

ROUGEOLE COMPLIQUÉE. 153

au même point. Toutefois, quand on place la tête dans une

position déclive, pour faire déglutir du lait, il n'y a pas de

régurgitation. Les ulcérations impétigineuses se cica-

trisent. T. R. 40°. - Soir : T. R 4uo,2.

6 février. Râles sous-crépitants avec respiration rude.

Même état de sécheresse de la bouche. T. R. 40°,4.

Soir : T. R. 40°,6.

7 février. L'enfant est assoupi. L'état de la bouche reste

le même ; les gencives sont tuméfiées et saignantes ; le

ventre est gros, un peu tendu ; on note de l'otite ainsi que

de la conjonctivite avec blépharite du côté droit ; les yeux

sont excavés, ternes. On constate de la dyspnée avec un peu

de tirage (36 respirations par minute). La sonorité thoraci-

que est normale ; malgré les difficultés de l'auscultation,

toujours par suite des cris du malade, on perçoit des râles

sous-crépitants au niveau de l'aisselle droite. Le poumon

gauche, dans toute sa hauteur, est le siège de râles sous-

crépitants, ronflants par places. La respiration est légère-

ment soufflante sous l'aisselle gauche. L'enfant ne boit que

quelques gouttes de lait, ne peut prendre aucun médica-

cament ; la peau est cyanosée sur toute la poitrine ; elle est

le siège d'un érythome au niveau des fesses. T. R. 40°,4.-

Soir : T. R. 40°,6.

8 février. T. R. 40°,8. Le malade a rendu par le nez et la

bouche un liquide noirâtre, fétide. La langue présente

le môme aspect que les jours précédents : l'orcille gauche

est devenue le siège d'un écoulement. On constate à l'aus-

cultation l'existence de gros râles dans le tiers supérieur

du poumon droit : du côté gauche, la respiration est légère-

ment soufflante. Le malade succombe à 2 heures de l'après-

midi. T. R. post mortem : 42°,4.

Autopsie, vingt-deux heures après la mort. - La rigi-

dité cadavérique est peu prononcée.

Thorax. A l'ouverture de la cage thoracique, les pou-

mons se rétractent imparfaitement ; les deux lobes supé-

rieursdu poumon droitsont sains, crépitent, surnagent, etc.

Cependant, sur le bord inférieur du lobe moyen, on constate

l'existence d'un noyau rougeâtre, dont la coupe donne

issue à de la sérosité purulente. La face postérieure du

lobe inférieur est le siège d'ecchymoses sous-pleurales.

Au niveau de la gouttière costo-vertébrale, ce lobe est

atteint de bronchio-pneumonie surperficielle, en nappe,

d'une étendue de 25 à 30 centimètres carrés, sur une épais-

154 li ÉPIDÉMIE DE ROUGEOLE.

seur de Li millimètres. En ce point, le tissu pulmonaire

présente une teinte jaune clair, il est friable sous le doigt,

ne surnage pas. Sur une coupe, bien qu'on n'obtienne pas

de gouttelettes de pus bronchique par la pression, on

amène sur le couteau, par le raclage, un détritus purulent.

Le reste du lobe est congestionné ; sur son bord inférieur

etsa face correspondante, il offre également quelques noyaux

de bronchio-pneumonie. Le poumon gauche, au niveau de

son lobe supérieur, est flasque, affaissé. On y voit quelques

nodules de tissu emphysémateux, et un noyau de bron-

chio-pneumonie au niveau du lobe inférieur; il existe

quelques ecchymoses sous-pleurales interlohaires. On

trouve un noyau d'hépatisation rouge sur le lobe inférieur.

Toute la partie la plus déclive de ce pnumon est en hépati-

sation grise. Le larynx présente une érosion allongée, sur

la corde vocale inférieure gauche.

Coeur (70 gr.). Il est stéatosé et offre des dépôts adi-

peux, dans les sillons. Les deux ventricules renferment un

caillot fibrineux. La valvule tricuspide, sur sa face ventri-

culaire, a un aspect laiteux et mamelonné vers son bord

libre.

Abdomen. - Le foie (8;)(\ gr.) déborde les fausses côtes

de deux travers de doigts. Il est gros, 'de teinte jaune rosée,

présente à sa surface des dépressions allongées,plus claires,

dues à la pression des fausses côtes. Sur des coupes, il est

gras, exsangue, friable.

Tube digestif. La muqueuse buccale n'offre pas trace

d'ulcération. L'oesophage est parsemé d'érosions à sa partie

inférieure. L'estomac montre des ecchymoses sous-mu-

queuses d'un rouge vif, surtout au niveau du grand cul-de-

sac. L'intestin est fortement congestionné dans la partie

terminale de l'iléon et dans le coecum.

Encéphale (10'f0 gr.) La pie-mère est très finement

vascularisée, principalement à la région occipitale. Il

n'existe pas d'anomalies dans les organes de la base de

l'encéphale, non plus que du côté de l'enveloppe osseuse.

sauf un amincissement de la voûte crânienne, d'ailleurs

très épaisse, sur une étendue de la largeur d'une pièce de

cinquante centimes. Les deux hémisphères cérébraux

et cérébelleux sont égaux en poids; les ventricules moyen

et latéraux n'ont rien d'anormal.

Hémisphère droit. Les circonvolutions de la face interne

sont assez régulières, mais les sillons peu profonds. La pie-

PURPURA. 155

mère, très fine, s'enlève difficilement surtout vers le bord

supérieur de la face convexe.

Hémisphère gauche. La pie-mère est très adhérente,

surtout vers les cornes occipitales, et au niveau du gyrus

fornicat'us. Les circonvolutions semblent fortement tassées

les unes sur les autres en deux points : 1° sur le lobule du

pli courbe ; 2° au niveau de la face interne du lobe occi-

pital.

De nombreuses particularités caractérisent cette rou-

geole, tant au point de vue clinique que dans l'ordre

anatomique. Dès le début, il y a irrégularité dans l'érup-

tion. Celle-ci revêt le type scarlatiniforme, dans ses

deux principales modalités : d'une part, plaques rouges,

lisses, sur le visage ; d'autre part, exanthème pointillé,

fin, écarlatc, sur le tronc. Les phénomènes thora-

ciques ne durent qu'un temps très court, et l'en-

fant arrive à un état de santé, qui va plusieurs jours

en n'améliorant. Alors que nous comptions sur une con-

valescence heureuse, survient un nouvel affaissement,

brusque et rapide; en 48 heures la température remonte

de 38°,8 Ù. 40°, et l'adynamic devient complète. En

même temps apparaissent des troubles circulatoires, se

manifestant par des hémorrhagies nasales et buccales. La

muqueuse de la bouche se recouvre de croûtes noirâtres,

dues au suintement sanguin ; les gencives se tuméfient,

l'haleine est fétide; en définitive, nous sommes en présence

d'une forme grave de purpura, qui entraîne la mort en

quelques jours. C'est là une complication excessivement

rare, et dont la gravité avait déjà été mise en relief par

Barrier « ...La mort arrive moins, dit cet auteur, par le

fait des hémorrhagies que par suite de l'état ataxique, et

des symptômes de malignité proprement dite qui parais-

sent liés à l'altération profonde du sang. Souvent, chez

les sujets qui succombent, on ne trouve pas de lésions

locales suffisantes pour rendre compte de la mort.... »

Dans ce cas cependant, nous avons rencontré à l'autop-

sie des noyaux de bronchopneumonie, en hépatisation

rouge. Mais nous croyons que cette lésion n'a été que

consécutive, et, en quelque sorte, symptomatique de

l'état de purpura; nous avons, en outre, constaté l'exis-

156 ÉPIDÉMIE DE ROUGEOLE.

tence des lésions scorbutiques, telles que les signale Bar-

rier dans le même ouvrage. « C'est la muqueuse pitui-

taire qui est le siège le plus fréquent de ces hémorrha-

gies, puis la tunique interne de l'estomac et de l'intes-

tin. » (Traité pratique des maladies de l'enfance, 3e

édition, t. II, p. 541). Dans le cas actuel, il existait de

plus des ecchymoses sus-séreuses du côté de l'arach-

noïde, de la plèvre, du péricarde et du péritoine.

Observation XVII. - Père et mère en bonne santé.

, Consanguinité. Peurs de la mère pendant la gros- : ;esse. - Convulsions. Idiotie complète. Rougeole.

- Convalescence, Accidents pulmonaires. - Mort.

/lutops : e. P y opneumo thorax. Cavernes gan-

greneuses. Laryngite ulcéreuse. - Péricardite.

Endocardite. - Stéatose du foie. ? Entérocolite.

Fave..., Emile, âgé de 10 ans, est entré à l'hospice de

Bicêtre le 3 novembre 188U (service de M. Bourneville.)

Renseignements fournis par son père. Père, 43 ans,

employé de commerce ; ne présente pas d'accidents ner-

veux. [Père rhumatisant; pas de maladies nerveuses dans

la famille.]

Mère, 44 ans, couturière, intelligente, sujette à la jalou-

sie. [Père, alcoolique, mort avec des douleurs de tête très

intenses. Pas d'accidents nerveux dans la famille].

Pas de consanguinité.

Six enfants : 1° garçon, mort à 5 ou 6 jours en nourrice ;

2° fille, 12 ans, intelligente, pas de convulsions ; 3° notre

malade; 4° fausse couche à 4 ou 5 mois; 5° garçon, 8 ans,

bien portant; pas de convulsions; Go garçon mort à8jours,

sans convulsions.

Notre malade. La grossesse a été accidentée par de

fortes émotions causées par la peur (c'était au moment des

événements de la Commune), en même temps que par la

jalousie. L'accouchement s'est fait à terme, facilement.

Rien d'anormal chez l'enfant à la naissance. Elevé au sein

en nourrice, il a été sevré à 20 mois. A ce moment,

Fav.... parlait un peu, jouait, était propre et se montrait

assez intelligent.

De 2 ans et demi à 3 ans, premières convulsions. A quatre

ans, lors de sa première entrée à Bicêtre, l'enfant était dans

IDIOTIE COMPLÈTE. 157 Î

l'état où nous le voyons aujourd'hui.. Peu de jours après

son admission, survinrent les premiers accès d'épilepsie,

diurnes et nocturnes, d'intensité variable, sans aura. Il y a

un cri initial coïncidant avec la chute, mais on ne sait si

les convulsions prédominent d'un côté.

On attribue l'état intellectuel du petit malade aux peurs

de la mère pendant la grossesse et aux convulsions. Sur

celles-ci nous n'avons pu avoir de renseignements ; les pre-

mières auraient été violentes, sans perte de connaissance ;

« ce semblait être plutôt des accès de colère, parfois même

de peur. » MI ,

1880. 11 novembre. - Etat actuel. Tête régulièrement

conformée et symétrique; visage allongé, avec un léger de-

gré de prognatisme ; front bombé, de haut en bas, déprimé

latéralement, arcades sourcilières saillantes. Nez légère-

ment épaté ; la région malaire droite est un peu plus proé-

minente que la gauche. Cette asymétrie provient d'une

paralysie faciale peu accusée, que l'on retrouve surtout au

niveau du sillon naso-lalial droit, alors que l'enfant vient

à rire. Les yeux sont normaux, les lèvres épaisses, la

bouche est large. L'arcade dentaire supérieure est bien

rangée, munie d'incisives médianes à couronne très large.

Sur l'arcade inférieure, on voit percer les 4 incisives de la

deuxième dentition. La voûte palatine est ogivale, surtout

en avant; elle semble plus étroite dans sa moitié gauche.

Légère hypertrophie des amygdales. Oreilles moyennes :

cou assez court : tronc et membres bien conformés. Cheveux

châtains, peu abondants; sourcils peu épais ; cils longs et

noirs. Peau fine, recouverte d'un duvet assez fourni sur

les épaules. Organes génitaux bien conformés; par d'ona-

nisme. Respiration et circulation normales. L'enfant mange

seul, en se servant de la cuiller; salacité; selles quoti-

diennes : gâtisme absolu. Fav... a coutume de faire cla-

quer sa langue sur le plancher de la bouche. Il reste conti-

nuellement en mouvement, faisant de fréquentes grimaces,

et, parfois exécutant des mouvements rapides de la tête,

accompagnés de clignottement des yeux. Le caractère de

l'enfant est affectueux ; l'attention est difficile à fixer

chez lui. La sensibilité générale, non plus que la vue et

l'ouïe, ne présentent rien d'anormal. La parole est

nulle.

1881. 12 janvier. Depuis quelques jours l'enfant est

somnolent, a perdu l'appétit. I ! est entré hier à l'infirme-

rie avec une rougeole en éruption. L'exanthème est con-

ROUGEOLE COMPLIQUÉE. 159

fluent, surtout à la face. Il existe également sur le tronc,

en avant et en arrière, à la racine des cuisses, au scrotum.

Langue saburrale. Erection des papilles qui se détachent

en rouge sur le fond blanc de l'enduit. Diarrhée glaireuse,

jaune-verdàtre.

Yeux légèrement larmoyants. Pas de coryza. Toux

bruyante. Respiration rude, mélangée de quelques râles

sonores. T. R. 40°,4. (Bourrache; julep, kermès, 0 gr. 25).

Soir : T. R. 39°,8.

13 janvier. L'éruption, plus confluente qu'hier, affecte la

disposition en corymbes, elle est très développée sur les

fesses. Dans toute la poitrine, râles sous-crépitants. Langue

sèche : persistance de la diarrhée. T. R. 39°,4. Potion avec

3 gouttes laudanum de Sydenham; eau de chaux, 60 gr.

Soir : T. R. 40°,2

14 janvier. L'éruption disparaît; la langue est humide.

Julep diacode avec rhum, 40 gr. T. R. 39°,G. - Soir : T. R.

39°,2.

15 janvier. L'éruption a complètement disparu. Grande

amélioration dans l'état général. Cessation de la diarrhée.

T. R. 38°. - Soir : T. R. 40°,4.

18 janvier. La desquamation est terminée, cependant

la courbe thermométrique oscille autour de 39°. (Fig. 18.)

Respiration encore légèrement rude à gauche,sans râles.

Le malade a mangé un peu de viande. La diarrhée a cessé.

21 janvier. L'enfant mange bien, est gai : il tousse en-

core un peu. Depuis, la température est tombée, sans

oscillation, il 38°.

24 janvier. Sirop d'iodure de fer ; V. qq., Il. f. m.,côtelette.

2G janvier. Nouvelle ascension de la température de

37°, à à 38". Diarrhée liquide « de couleur cachou. »

27 janvier. Toux grasse. Sonorité parfaite, gros râles

sous-crépitants il la base du poumon gauche ; respiration

ronflante à droite. (Teinture d'iode des deux côtés.) Eczéma

de l'oreille (glycérolé d'amidon). Diarrhée. (Eau albumi-

neuse. Vomitif avec sirop d'ipéca, 40 gr., poudre d'ipéca,

U gr. 40 ; suppression d3 l'iodure de fer et de l'huile de foie

de morue.) T. R. 38°,4. - Soir : T. R. 40"-)

28 janvier. Râles sous-crépitants, disséminés; respira-

tion un peu soufflante à droile. T. R. 38°,G. - Soir : T. R.

3 î°,8.

29 janvier. Rougeur vive des pommettes. Râles sibi-

lants surtout à droite. Langue saburrale; la diarrhée per-

siste. T. R. 37",8. - Soir : T. R. 38°.

31 janvier. Respiration rude et râles ronflants à droite.

160 ÉPIDÉMIE DE ROUGEOLE.

A gauche, mêmes symptômes limités à la base. T. R. 39°,2.

(Julep kermès, 0 gr. 10.). Soir : T. R. 39°.

ler février. Respiration ronflante dans le côté droit de la

poitrine. Souffle amphorique à la base à la partie inférieure,

surtout en avant. Ace niveau, sonorité exagérée. Voussure

très marquée. Espaces intercostaux effacés à droite. (21 cen-

timètres à gauche; 3 à à droite au niveau de l'angle inférieur

du scapulum.) Bruit d'airain. Du côté gauche, râles ron-

flants, facies altéré, paupières gonflées, lèvres violacées.

L'enfant succombe dans l'après-midi. T. R. post mortem,

40%

Autopsie. 40 heures après la mort. Absence de rigidité

cadavérique. Saillie de la paroi thoracique à gauche où les

téguments présentent une teinte verdàtre.

Le côté droit du thorax mesure au niveau de l'appendice

xipho ! de, 29 cent., le côté gauche 26 cent., au niveau de

la ligne mamelonnaire, à droite 28 cent., à gauche, 25,5.

Une fenêtre est pratiquée sur la paroi thoracique au niveau

du cinquième espace, on verse de l'eau sur la plèvre, et on

ponctionne : des bulbes gazeuses fétides traversent le

liquide en abondance.

Thorax. Adhérences pleurales celluleuses au niveau

du poumon gauche à sa partie antéro-supérieure. Adhé-

rence du péricarde à la face postérieure du plastron sternal,

principalement à droite.

Poumon droit. Le poumon est recroquevillé dans la

gouttière ver tébro-costale. La plèvre est épaissie, jaunâtre,

tomenteuse, renferme un liquide séreux, à odeur très in-

fecte, tenant en suspension des grumeaux fibrineux. Le

poumon est très adhérent en arrière et en même temps très

friable. On trouve à la partie moyenne du bord postérieur

une caverne gangreneuse à parois grises noirâtres, pouvant

contenir un gros oeuf de poule. Elle contient un détritus

du même aspect que la paroi, très fétide. Le poumon, reve-

nu sur lui-même, est blanc grisâtre. A la partie antérieure

du lobe inférieur, on trouve une plaque ovalaire, faisant

relief, de 3 centimètres de haut. Sur une coupe horizontale,

on voit que cette plaque répond un îlot degangrène, volu-

mineux, cunéiforme. Le reste du tissu est friable sous le

doigt et ne surnage pas. La pression fait sourdre des gout-

telettes de pus de la masse hépatisée.

Poumon gauche. On trouve au niveau du lobe inférieur

un noyau de broncho-pneumonie, peu volumineux (hépa-

tisation rouge).

ROUGEOLES COMPLIQUÉES, 161 1

Larynx. La muqueuse est rouge, injectée, ecchymoséc,

surtout sur les deux faces de l'épiglotte. Sur le bord libre de la

corde vocale inférieure gauche, il y a une petite érosion.

Trachée. Injection de la muqueuse. Du côté droit, les bron-

ches, injectées, présentent des plaques de muqueuse gangre-

née ; les petites bronches s'ouvrent à pic dans les cavernes

(l'eau introduite dans la trachée vient sortir par l'orifice de

la caverne). Leurs parois sont épaissies, blanchâtres à ce

niveau. A gauche, bronches avec arborisations vasculaires.

Un des ganglions bronchiques, à droite, a le volume d'une

amande. Une coupe montre un noyau caséeux présentant

la consistance etla couleur du mastic, avec des marbrures

noirâtres.

Coeur, 170 gr. Adhérence immédiate des deux feuillets du

péricarde en avant. En arrière, ces adhérences sont infil-

trées de sérosité et ont l'aspect gélatiniforme. Dans le ven-

tricule gauche, caillot jaunâtre, adhérent au bord libre et

à la face supérieure de la grande valve de la mitrale. Un

second caillot analogue se prolonge dans le canal aortique.

Sur le bord libre de la valve interne de la mitrale, on trou-

ve un état dépoli de la séreuse avec quelques végétations

peu saillantes, lactescentes. Rien aux valvules sigmoïdes.

Caillot blanc passant de l'oreillette droite dans le ventricu'e

correspondant, cruoriqueàsa partie supérieure, adhère : .t t

à la valvule.

Abdomen. Foie, 700 gr. Rate, 60 gr. Les reins sont con-

gestionnés, se décortiquent aisément. Teinte lie de vin à la

coupe. Intestin. Au niveau de la partie terminale de l'iléon

et dans lecoecum, on trouve la muqueuse injectée, de teinte

vineuse. Dansle coecitnz,on découvre un paquet d'ascarides

lombricoïdes. L'appendice vermiculaire a une longueur de

11 centimètres.

Tête. Encéphale, 1080 gr. Poids du, cervelet et isthme

140 gr. Pie-mère injectée, adhérente à gauche au niveau

des lobes frontaux et occipitaux, du pli courbe, et de la face

interne. - Sur l'hémisphère droit, légère adhérence sur le

lobe frontal et le pli courbe. Circonvolutions bien dévelop-

pées : toutefois la partie antérieure des circonvolutions

frontales paraît un peu plus petite.

En résumé, cette rougeole a évolué normalement et

suivi une marche heureuse jusqu'à la convalescence.

Bientôt celle-ci a été brusquement interrompue par l'ap-

parition d'accidents pulmonaires à marche rapide et in-

BOURN. 4A

¡ (il - ÉPIDÉMIE DE ROUGEOLE,

sidieusc. Ce dernier fait n'a pas lieu de nous étonner et

il acte maintes fois relevé par les auteurs : « Les symp-

tômes, dit West, auxquels donne lieu une phlegmasie

pulmonaire au déclin de la rougeole sont quelquefois

très légers, à ce point que l'auscultation seule, pratiquée

avec soin tous les jours, est capable de faire découvrir la

maladie. » (Leçons sur les maladies de l'enfance, par

Ch. West, traduction Archambault, 1875, p. 154). Notre

malade a succombé avec tous les symptômes d'un hydro-

pneumo-thorax. A l'autopsie, nous avons trouvé une

communication de la cavité pleurale, avec une vaste ca-

verne gangreneuse et avec l'air extérieur, par l'inter-

médiaire des bronches ouvertes dans le foyer. Il existait,

on outre, une péricardite suppurée, de date récente,

coïncidant elle-même avec une endocardite dont la lé-

sion était surtout appréciable sur le bord frangé de la

valvule mitrale.-Du côté du foie, de l'intestin, du larynx,

se voyaient les lésions communes de la rougeole, que

nous avons déjà'signalées dans le cours de cet exposé.

Considérations générales.

Dès le début de cette étude, nous avons relevé les ca-

ractères particuliers que le génie épidémique a pu re-

vêtir, grâce au milieu dans lequel s'est propagée l'affec-

tion, et à l'état des sujets qui en ont été atteints.

Chemin faisant, nous nous sommes efforcés de mettre

on relief, à propos de chaque observation, les différents

phénomènes cliniques et les lésions variées qu'on peut

rencontrer dans la rougeole. Nous n'avons donc pas à

revenir sur ces points ; mais nous devons relever les

caractères généraux des tracés thermométriques après

avoir, toutefois, signalé un fait clinique qui, bien que

d'un ordre général, sans affecter de corrélation plus in-

time avec la rougeole qu'avec toute autre affection fé-

brile, n'en a pas moins reçu une importante confirma-

tion. Nous voulons parler de l'action d'arrêt, ou plutôt

de ralentissement, que la rougeole a exercé sur les

manifestations de l'épilepsie. Dans un travail conscien-

cieux et remarquable, M. Séglas s'est récemment attaché

à prouver l'exactitude du « febris solvit spasmus. »

INFLUENCE SUR L'ÉPILEPSIE. 163

Il a produit une longue série d'observations, relevées

depuis plusieurs années par l'un de nous dans les ser-

vices d'épileptiques de la Salpêtrière et de Bicêtre, et,

d'après cet ensemble de faits, il a établi les conclusions

suivantes :

1° Les maladies intercurrentes ont, dans la majeure

partie des cas, une influence favorable sur l'épilepsie ;-

2° Tantôt cette influence ne se manifeste que pendant

la durée des accidents ; 3° Tantôt elle survit à la ma-

ladie, et c'est alors qu'elle modifie, à proprement parler,

la marche de l'épilepsie ; 4° C'est surtout quand il

s'agit de maladies aiguës provoquant une réaction fé-

brile, que la modification est le plus sensible.

La justesse do ces différentes propositions ne peut

être mise en doute, dans les diverses affections fébriles

ou traumatiques. La diminution du nombre des accès

d'épilepsie a été évidente dans les différents cas de rou-

geole que nous avons observés. Le relevé des accès que

nous publions ci-après, sous forme de tableau, en fait

suffisamment foi. Mais nous voyons aussi que cette in-

fluence inhibitoire a pris fin, le plus souvent, en même

temps que s'établissait la défervescence. Si nous nous

reportons au travail de M. Séglas, nous y trouvons rela-

tée une observation de rougeole chez une épileptique. En

ce cas, comme dans les nôtres, l'influence de l'affection

intercurrente ne s'est fait sentir que pendant la durée du

cycle fébrile, et le chiffre total des accès d'épilepsie est

resté le même après qu'avant la fièvre éruptive. Aujour-

d'hui, chez ceux de nos idiots épileptiques qui ont survécu,

malgré la débilitation organique qui a persisté à des

degrés variables, comme manifestation à distance de la

rougeole, l'état mental et névropathique est resté exacte-

ment le même qu'avant l'apparition de l'épidémie.

t-l.

os

M-

10

5

r

3

c

M

0

a

M

0

te

71

Relevé des accès d'épilepsie avant, pendant et après le cours de la rougeole.

TEMPÉRATURE. 165

Nous avons essayé de trouver le point de départ de

cette épidémie; mais, à cet égard, nos recherches ont été

sans résultat. En effet, lors de l'apparition des premiers

cas de rougeole dans le service, aucun des enfants des

employés ou sous-employés de l'hospice n'était ou n'a-

vait été récemment atteint de rougeole. Ajoutons, d'ail-

leurs, que l'épidémie est demeurée circonscrite à l'une

de nos catégories d'enfants.

L'une des raisons qui nous ont incité à publier la re-

lation de cette épidémie qui, en somme, n'offrait peut-

être en elle-même rien de vraiment particulier en dehors

des conditions d'observation, c'est que la température

avait été prise avec soin.

Nous n'avons pas été favorisés en ce qui concerne la

période d'incubation, ce qu'explique suffisamment l'é-

volution rapide de l'épidémie et l'état mental de nos ma-

lades.

La période prodromique a pu être mieux suivie et

plusieurs de nos tracés (Fig. 7, 10, 15, 17) nous mon-

trent des oscillations thermiques, caractérisées par une

élévation vespérale progressivement croissante et une

diminution matinale de moins en moins accentuée. Du-

rant cette période, le maximum de la température a été

de 40 ? ; mais, le plus souvent, la température a os-

cillé entre 39° et 40°. Ainsi que l'a fait remarquer Wun-

derlich, « dans cette première élévation la température

n'atteint que très exceptionnellement le maximum de

toute la fièvre morbilleuse (1). » Elle est suivie tantôt

d'une diminution qui a varié dans nos cas de 4/10 de

degré à un degré 8/10; tantôt d'un état stationnaire de

la température qui se traduit par un plateau sur le tracé

(une fois 39°,8; une fois 40°,21. Lorsqu'il y a une chute

rapide, par exemple d'un degré 8/10°, on pourrait incli-

ner à croire qu'il s'agit d'une fièvre éphémère si les au-

tres symptômes n'étaient présents pour faire éviter l'er-

reur.

(1) De la température dans les maladies, 1872, p. 349.

166 ÉPIDÉMIE DE ROUGEOLE.

Après cette rémission ou ce maintien de la tempéra-

ture au même chiffre, on observe une nouvelle élévation

de la température qui correspond à la période ou à la

fièvre d'éruption. La température acquiert prompte-

ment son maximum (40 à 41°) qui dépasse en général de

quelques dixièmes, rarement d'un degré, la première

élévation thermique. Dans la plupart des cas, nous

avons noté une montée rapide de la température (24

heures); ce n'est qu'exceptionnellement qu'elle a porté

sur deux jours (Obs. III). La plus haute température a

presque toujours coïncidé avec la généralisation de

l'exanthème, ce qui confirme l'opinion émise par Wun-

derlich.

Sur nos tracés, la lettre E indique, en général, sinon

le début précis de l'éruption, tout au moins le moment

où nous l'avons observée ; elle ne répond donc pas au

maximum de l'éruption qui, nous le répétons, nous a

paru coïncider avec le maximum thermique, dans les

cas réguliers, bien entendu. A ce maximum a succédé

presque toujours une chute de la température.

C'est à partir de là que nous avons à étudier la pé-

)'iode de défervescence. Dans quelques cas (voir entre

autres les Fig. 37, 39, 40),elle a directement continué la

chute consécutive à la fièvre d'éruption. D'autres fois,

après cette chute, la température s'est élevée de nou-

veau, mais sans atteindre le chiffre de la fièvre d'érup-

tion et a oscillé pendant quelques jours entre 38° et 40°.

(Fig. 5,8,9, 10, 11, etc.); mais, dans cette catégorie

de cas, il y avait des complications ou tout au moins on

notait la persistance de quelques-uns des symptômes

des premières périodes.

Nous n'insisterons pas sur les tracés relatifs aux cas

de rougeoles compliqués d'accidents mortels; nous nous

bornerons à dire qu'ils témoignent de l'importance de la

thermométrie clinique, parce qu'ils aident à reconnaître

l'apparition des complications.

ÉPIDÉMIE DE 1851. 10ï

Pour terminer l'exposé de cet ensemble de rougeoles -

il n'est pas sans intérêt de rapporter l'évolution de l'af-

fection dans ces différents cas, de celle que M. Dela-

siauve a eu l'occasion d'observer dans le même service

en février 1851. L'histoire de cette épidémie se trouve

succinctement rapportée dans les Annales médico-

psychologiques (1851, Ill.). il. Delasiauve fait suivre

cette relation de quelques considérations qui ont trait

aux conditions spéciales d'hygiène individuelle et noso-

comiale où se trouvaient alors les malades rubéolcux ; T

ces conditions étaient d'ailleurs identiques à celles où

se sont trouvés nos malades et dont nous avons parlé

plus haut, sauf peut-être quelques améliorations, mal-

heureusement trop restreintes,apportées depuis deux ans

dans cette salle de la 3e section.

M. Delasiauve, envisageant les caractères de gravité

qu'a présentés l'affection épidémique, n'attribue qu'une

très médiocre influence à l'élément encombrement, et

la rejette en revanche sur les conditions physiques indi-

viduelles, inhérentes à l'état mental ou névropathique.

A l'appui de cette assertion, il rapporte le fait suivant :

alors que la rougeole sévissait simultanément sur les

enfants des employés de Bicetrectsur les petits malades

internés à l'hospice, il a observé dans une même famille

quatre cas de la première catégorie ; les enfants étaient

couchés deux à deux dans de petits lits confinés dans un

cabanon étroit où résidaient en outre trois personnes

adultes; ici la rougeole fut grave, féconde en compli-

cations, et néanmoins elle se termina par la guérison.

Cette épidémie de 1851 eut moins d'extension que

celle dont nous venons de tracer l'histoire : huit malades

seulement, idiots ou épileptiques, furent atteints et sur

ce nombre on n'eut à enregistrer que trois ou quatre

décès (la 4° observation est restée incomplète dans le

mémoire). Phénomène remarquable, et qui montre bien

les variations du génie épidémique suivant les époques,

les complications clans ces cas de rougeole, tous de

forme et d'allures graves, portèrent avec une prédomi- «

nance presque exclusive sur l'appareil digestif et revê-

tirent principalement la forme de flux diarrhéiques

incoercibles. Dans nos observations, c'est l'appareil

1G8

COMPARAISON DES DEUX ÉPIDÉMIES.

respiratoire qui s'est trouvé presque constamment le

siège des lésions surajoutées.

Les trois cas de mort, publiés par M. Delasiauve, ont

trait à des sujets de 10, 5 et 6 ans, et sont survenus les

9e 150 et 30e jours de la maladie. Dans deux des' autopsies

il existait bien, il est vrai, des lésions de broncho-pneu-

monie, un noyau d'hépatisation rouge, mais les altéra-

tions intestinales étaient plus accusées et constituaient

les véritables causes de l'issue fatale. Nous jugeons utile

de mettre en regard de ces trois cas la liste des décès

avec l'âge des sujets,la cause et ladate de la mort, et nous

voyons que :

COMPARAISON DES DEUX ÉPIDÉMIES. 169

grand retentissement sur l'évolution des affections

fébriles intermittentes ; mais nous pensons que notre

maître se méprend sur le mode d'action véritable de

cette influence nocive, lorsqu'il veut réfuter cette

opinion des anciens auteurs, «que les idiots et les

aliénés supportent mieux que les autres malades, les

affections fébriles intermittentes » et qu'il s'appuie sur

l'opinion de Georget, Esquirol, Ferrus, Thore, pour

déclarer que « par suite de l'imperfection cérébrale,

la réaction nerveuse déjà diminuée et à peine suffi-

sante pour l'entretien de la vie, manque de la résis-

tance l'état pathologique.» » .

Selon nous, c'est dans la fréquence des complications

nerveuses dans le cours de la rougeole, qu'il faut cher-

cher le 1 ésr.ltat del'action funeste de l'état d'idiotie, jointe

à l'action de l'encombrement. Pour ce qui est de la ré-

sistance totale de l'organisme des idiots à toute affection

fébrile accidentelle, nous sommes en mesure de l'envisa-

ger comme considérable, et en quelque sorte paradoxale,

si l'on n'a en vue que l'habitus extérieur ordinairement

très chétif de ces malades. L'absence absolue de toutes

complications à distance, dans nos divers cas de rou-

geoles guéris, telle que la tuberculose par exemple, si

fréquente chez les enfants ordinaires ; d'autre part, les

guérisons inespérées que nous avons pu constater dans

des cas de bronchopneumonie généralisée et de longue

durée, tant à l'occasion qu'en dehors de la rougeole,

nous fournissent des raisons assez sérieuses à l'appui de

cette opinion.

TABLE DES MATIÈRES

Première partie.

EXPLICATION DES PLANCHES

172 EXPLICATION DES PLANCHES.

Planche I.

JI éningo-encéphalite chronique généralisée.

Séparation de la substance grise de la substance blanche sur

toute la face convexe de l'hémisphère droit, excepté sur le lobe

temporo-sphénoidal, au niveau duquel il n'oxistait que des

adhérences partielles.

f.1lra Un. I-rnp.Becquet, Paris,

MICROCÉPHALIE

EXPLICATION DES PLANCHES. 173

PLANCHE II.

JIic1'océphalie. ,

Les figures de cette planche représentent le malade Cher...

(OBS. I, p. 23).

174 EXPLICATION DES' planches.

Planche III.

Microcéphalie. Face convexe de l'hémisphère gauche.

F1, F2, F3, première, deuxième et troisième circonvolutions

frontales.

Fa, frontale descendante.

Pa, pariétale ascendante.

P1, pu, lobules pariétaux, supérieur et inférieur.

P3, pli courbe.

T1, T-, T3, circonvolutions temporales.

L 0, lobe Occipital.

Leuba. lith. Imp.Becquet 7 ? $,

PI

A.Leuba lith. Imp.Becquet,Paris.

EXPLICATION DES PLANCHES. 175

Planche IV.

llicocr·plvalin. 1-<ace iatnine ln l'hr;ini ? luee /atah ?

C, C, corps calleux.

C c, circonvolution du corps calleux.

r, première circonvolution frontale.

H, circonvolution de l'hippocampe.

L P, lobule paracentral.

L Q, lobe carré.

L C, coin.

L 0, lobe occipital.

T1, Tr', quatrième et cinquième circonvolutions temporales.

1-j 6 EXPLICATION DES PLANCHES.

. PLANCHE V,

Microcéphalie. Idiotie.

Cette planche représente la face convexe des hémisphères

cérébraux du malade Edern (Cas. II, p. 36).

PLV.

Imp ,]ec'1uet fi-. Paris.

1-p.,BecqueL fr.Paris.

EXPLICATION DES PLANCHES. 177 -1

Planche VI.

Microcéphalie. Idiotie.

Cette planche représente la base du cerveau du malade Edern

(Obs. II, p. 36).

BOUliN, 12

zip EXPLICATION DES PLANCHES.

Planche VII.

Lésion du lobule de l'insula

L I , foyer ancien ayant détruit le lobule de l'insula.

F ? partie atrophiée de la troisième circonvolution frontale.

Fa, circonvolution frontale ascendante dont la partie infé-

rieure est atrophiée.

Pa, circonvolution pariétale ascendante dont l'extrémité

inférieure est atrophiée.

T1, lésion de la première circonvolution temporo-sphénoï-

dalc.

T*2, deuxième circonvolution temporale dont l'extrémité

postérieure est lésée.

l ? lobule du pli courbe.

L 0, lobe orbitaire (face inférieure du lobe frontal).

Il, membrane résultant : 1° des replis de la pie-mère qui

enveloppaient entre autres la première circonvolution tempo-

rale et le lobule pariétal inférieur; 2° des débris de ces mêmes

circonvolutions.

TRAVAUX PUBLIÉS EN 1881

* Thèses.

COULBAULT (G.). Des lésions de la corne d'Ammon dans l'épilepsie.

Brochure in-8° de 65 pages. Paris, 1881. - Prix : 2 il', - Pour nos

abonnés 1 fr. 35

HURLÉ (Martial). Recherches cliniques et thérapeutiques sur l'épi,

lepsie. Un volume ni 8° de 19-2 l'ag's. Prix : 3 fr. Pour nos abonnés, 2 fr.

MOIILOT (E.) Sur une forme grave de l'épilepsie. Brochure in-8 de

45 pages. Pâtis, 1881 - Prix : i fr. 50, - Pour nos abonnés .. 1 fr.

RIDEL SAILLAPD (G, De la cachexie pachydermique (myxoedème des

auteurs anglais). In-8" de 71 pages avec deux figures ^photographiques

hors texle. Paris, 1881. - Prix : 2 fr. - Pour nos abonnés... 1 fr. 35

BOURNEVILLE Études cliniques et thermométriques sur les mala-

dies du système nerveux. Premier fascicule : Uémorrhagie et ramollis-

sement du cerveau. Paris, 1872. ln-8 de 168 pages avec 22 fig - Prix :

3 fr. 50, Puur nos abonnés, 2 fr, 50. - Deuxième fascicule : Urémie et

éclampsie puerpérale; épilepsie et hystérie. Paris, 1873. In-8 de 160 p,

avec U fig. - Prix : 3 fr. 50. - Pour nos abonnés 2 fr. 50.

BOURNEVILLE. Le choléra à 1 hôpital Cochin. (Élude clinique}. Pari ? .

1865. Brochure de 48 pages. - Prix : 1 1'1 ? Pour nos abonnés.. io c.

BOURNEVILLE. Mémoire sur la condition de lar bouche chez les

idiots, suivi d'une élude sur la médecine légale des aliénés. Paris, 1863.

Gr. iu-8 de 28 p. à deux cotonnes.-Prix : 1 fr. Pour nos abonnés, 70 c.

BOURNEVILLE. Notes et observations cliniques et thermométriques

sur la fièvre typhoïde. Vol. in-8 compacte de 80 pages, avec 10 tracés

en chromo-lithographie. - Prix : 3 fr. - Pour nos abonnés.... 2 fr.

BOURNEVILLE. Recherches cliniques et thérapeutiques sur l'épilep-

sie et l'hystérie. Vol. iu-8 de 200 pages avec 5 fig. dans le texte et S

planches ? Prix : 4 fr. -Pour uos abonnés 2 fr. lb.

BOURNEVILLE. Science et miracle : Louise Lateau ou la Stigmatisée

belge. Vol. in-8 de 88 pages avec 2 fig. dans le texte et une eau forte dessi-

nées par P, Richcr. - 2° édition, revue, corrigée et augmentée. - Prix :

2 fr. 50. - Pour nos abonnés.... , .......... 1 fer. 50

BOURNEVILLE. Écoles municipales des infirmières laïques; laïcisation

de l'Assistance publique. (Discours prononcés en 1880, 1881, 1882).

Trois brochures in-8·. - Priv de chacune de ers bruchnres : 50 e.- Pour

nos abonnés ............................ 30 c.

BOURNEVILLE. Laïcisation de l'assistance publique. Conférence faite

à l'Association philotechnique le 26 décembre 1880. Brochure in-8' de 23

pages. - Prix 15 cent. - Pour nos abonné ? 50 c.

BOURNEVILLE. Mémoire sur l'inégalité de poids entre les hémis-

phères cérébraux des épileptiques. Brochure grand in-8' de 8 pages.

Prix : 50 c. - Pour nos abonnés 35 c.

BOURNEVILLE et BLONDEAU. Des services d'accouchements dans

les hôpitaux de Paris. Brochure in-8" de 49 pages. Paris, 1881.- Prix :

1 fr. - Pour nos abonnés , ... 75 c.

BOURNEVILLE et BRICON. Manuel des injections sous-cutanées. Un vo-

lume in-32 de 210 pages, avec 10 figures dans le texte. Prix : 2 fr. 50. -

Pour nos abonnés ......................... 2 fr.

Nous avons fait faire un élégant cartonnage Bradel.- Prix du cartonnage,

50 c.

BOURNEVILLE et L. GUÉRARD. De la sclérose en plaques dissémi-

nées. Vol.,gr. in-8 de 240 pages avec 10 fig. et 1 planche. - Prix :

4 fr. 50. - Pour nos abonnés 3 fr.

BOURNEVILLE et d'OLIER. Recherches cliniques et thérapeutiques

sur l'épilepsie, l'hystérie et l'idiotie. Compte-rendu du service des

épileptiques et des enfants idiots et arriérés, de Bicêtre, pendant l'année

1880. Brochure ion-8« de 74 pages.-Prix : 3 fr.- Pour nos abonnés 2 fr.

BOURNEVILLE et REGNARD. Iconographie photographique de la Sal-

pêtrière. Cet ouvrage parait par livraisons de 8 à 16 pages de texte et

4 photo-lithographies. Douze livraisons forment un volume. Les trois

premiers volumes sont en vente. - Prix de la livraison : 3 fr. - Prix

du volume 30 fr. - Pour les abonnés du Progrès médical, prix du

volume, 20 fr. - 31 volume complet : 1" livraison, nouvelle observation

d'hystéro-épilepsie ; 2° livraison, variétés des attaques hystériques ;

- 3' et 4'livraisons, des régions hystérogènes ;-5°, 6° et 7" livraisons, du

sommeil des hystériques; '7'-)2° livraisons, des attaques de sommeil :

hypnotisme, somnambulisme, catalepsie, sabbat, etc. - Nous avons fait

relier quelques exemplaires dont le texte et les planches sont montés sur

onglets ; demi-reliure, tranche rouge, non rognés,- Prix de la reliure. 5 fr.

BOURNEVILLE et TEINTURIER. G. V. Townley ou du diagnostic de

la folie au point de vue légal. Paris, 1865. Brochure in-8 de 16 pages.-

Prix : 0 fr. 50. - Pour nos abonnés ............. 35 cent.

BOURNEVILLE et TEINTURIER. Le sabbat des sorciers. - 1" volume

de la Bibliothèque diabolique. Brochure in-8 de 40 pages, avec 25

figures dans le texte et une grande planche hors texte. Il a été fait de cet

ouvrage un tirage de 500 exemplaires numérotés à la presse; 300 exem-

plaires sur papier blanc, vélin. N" 1 300. - Prix : 3 fer. - Pour nos

abonnés 2 fr. 50. (Tirage dont il ne nous reste que quelques exemplaires);

150 exemplaires sur parchemin, N" 301 à 450. Prix : 4 fr. - Pour nos

abonnés, 3 fr. - 50 exemplaires sur japon, N" 451 500. - Prix : 6 fr,

- Pour nos abonnés, 5 fr. - Nous avons fait cartonner quelques exem-

plaires sur papier vélin ; dos toile, plats marbrés, tranches non rognées.

Prix du cartonnage ............. , , .. , ...... , 1 fr.

PAIIIS. - UIPlllMERrE V. GOUPY ET ,rounDAN, 71, IIUE I)E HENNES.