(1876) Recherches cliniques et thérapeutiques sur l'épilepsie et l'hystérie : Compte rendu des observations recueillies à la Salpêtrière de 1872 à 1875
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(1876) Recherches cliniques et thérapeutiques sur l'épilepsie et l'hystérie : Compte rendu des observations recueillies à la Salpêtrière de 1872 à 1875

RECHERCHES

CLINIQUES ET THÉRAPEUTIQUES

SUR

L'EPILEPSIE ET L'HYSTÉRIE

VERSAILLES. - IMPRIMERIE CERF ET FILS, 59, RUE DU PL&8SI$.

PUBLICATIONS DU PROGRÈS MÉDICAL

. RECHERCHES

CLINIQUES ET THÉRAPEUTIQUES

SUR

. L'EPILEPSIE & L'HYSTÉRIE

COMPTE-RENDU DES OBSERVATIONS RECUEILLIES A LA SALPÉTRIÈRE

DE 1872 A 1875 .

PAR

BOURNEVILLE

Ancien interne des hôpitaux de Paris,

Membre de la Société dé biologie et de la Société anatomique,

Rédacteur en chef du Progrès médical.

PARIS - ;

Aux bureaux du PROGRÈS MÉDICAL

rue des Écoles, 6.

AD. DELAHAYEetCie, Libraires-Editeurs

Place de l'Ecole-de-Médecine.

1876

A M. LE PROFESSEUR J.-M. CHARCOT

Médecin de la Salpétrière.

Si ces Recherches ont quelque valeur, c'est à vous, mon

cher maître, qu'en revient la plus large part. ,

BOURNEVILLE.

De l'état- de mal épileptique

DE

L'ÉTAT DE MAL ÉPILEPTIQUE (il @'

L'état de mal épileptique est connu de longue date dans

les sections de la Salpétrière et de Bicôtre consacrées aux

épileptiques. Cependant, malgré l'intérêt qui s'attache à

son étude, au point de vue clinique, on n'en trouve d'habi-.

tude aucune description dans les ouvrages ou les articles

de dictionnaire qui traitent du mal caduc. Aussi, et bien

que, dans un mémoire auquel la Société de biologie a dé-

cerné le prix Godard z2), nous ayons déjà tracé un tableau

minutieux de cette grave complication de l'épilepsie,

croyons-nous devoir publier encore le fait suivant que

M. Charcot a bien voulu nous permettre de recueillir dans

son service. Nous en profiterons pour faire ressortir briè-

vement les caractères principaux de l'état de mal épilep-

tique. Toutefois, dès maintenant et afin que chacun puisse

se rendre un compte plus exact des détails de l'observa-

tion, nous rappellerons la définition que nous avons don-

née : L'état de mal épileptique, avons-nous dit, est caracté-

risé : 1° par la répétition, en quelque sorte incessante, des

accès qui souvent deviennent subintrants ; 2° par un col-

lapsus, variable en degré, pouvant arriver jusqu'au coma

le plus absolu, sans retour de la lucidité ; 3° par une hé-

miplégie plus ou moins complète et passagère ; 4° par la

fréquence du pouls et de la respiration; 5° et surtout par

une élévation considérable de la température, élévation

,(1) Note lue à la Société de Biologie (juillet 1874).

(2) Etudes cliniques et thel'mométl'iqlles sur les maladies du$ystme ne-¡'fJ811a : .

BOURNEVILLE. 1

2 ÉTAT DE MAL ÉPILEPTIQUE : ,

qui persiste dans les intervalles des accès et s'accroît

même alors qu'ils ont cessé. ?

OBSERVATION. - Antécédents : frères et soeurs morts de con-

vulsions ; - premières convulsions (19 9 mois); - crises nerveu-

ses ; - accidents cérébraux prolongés (3 ans); - apparition in-

sidieuse et progressive de la paralysie du côté gauche (11-16 ans) ;

- affaiblissement de l'intelligence; - étourdissements et accès.

Etat de la malade (janvier 1874J.- Hémiplégie gauclte incom-

plète ; - atrophie des pieds et des mains. - Description d'un

étourdissement. - Traitement par le sulfate de cuivre; doses ;

accidents ; insuccès.

Etat de mal : description d'un accès ; - 9 90 accès (dont 168 en

24 heures); - paralysie du côté droit ; - examen ophthalmos-

conique ; coma; élévation rapide de la température (4(°,4); -

émissions sanguines, glace, etc.; abaissement de la températ1fr-

re (40°,4) ; diminution du pouls ; éloignement, puis cessation des

accès. - Réapparition du coma; secousses convulsives; élévation

nouvelle de la température ( ! ¡.f 0,4) ;- mort.

Autopsie : Atrophie de l'hémisphère cérébral droit et de l'hémis-

phère cérébelleux gauche; ses caractères ; - différence de poids;

- ecchymoses de la pie-mère, prédominant notablement sur l'hé-

misp7lère gauche.

Lamb... Marie, âgée de 19 ans (1874.), est entrée à la Salpé-

trière (service de M. CHARCOT), le 27 février 1872.

ANTÉCÉDENTS. - Renseignements fournis par sa mère. - z

Son père, mort à 54 ans d'une fluxion de poitrine, était très.

fort, ne faisait pas d'excès de boisson et n'avait jamais pré-

senté d'accidents névropathiques, [Aucun détail sur son père;

- sa mère, qui n'était pas nerveuse, est morte d'un cancer

du sein ; - ni aliénés, ni paralytiques, etc., dans sa famille.]

Sa mère, âgée de 55 ans, bien portante, est un peu nerveu-

se, sans avoir d'attaques. [Son père est mort, elle ne sait de

quoi, à 78 ans; - sa mère a succombé à une affection de poi-

trine ; nul de ses parents n'a été atteint de paralysies, de

difformités, etc.] -Pas de consanguinité.

Six enfants : 1° un garçon, mort à 28 ans, de phthisie.

(hémoptysies répétées) ; - 2° une fille, morte à 10 ans, d'une

« fièvre cérébrale, » avait eu des convulsions très-fortes; - 3°

fille, vivante, 28 ans, devenue très-nerveuse à la suite de cha-

grins domestiques ; elle a un enfant, âgé de 15 jours, qui

ÉTAT DE MAI, EPILEPTIQUE. 3

vient d'être pris de convulsions; - 4° et o° garçons morts du

choléra à 5 ans et à 2 ans ; le dernier a eu des convulsions ; >

6° notre malade. -

Alors que sa mère était enceinte d'elle (4e ou Je mois), elle a..

éprouvé une émotion vive, occasionnée par la vue d'une voi-,

ture qui écrasait un enfant (syncope immédiate, faiblesse des

membres inférieurs pendant 4 ou 5 jours). Déjà, quelques

jours avant cette perturbation morale, elle avait fait une

chute dans un escalier. - L'accouchement a été facile. - Ma-

rie a été élevée par sa mère. Elle a marché et parlé vers 15

mois et a été propre de bonne heure. - Elle était coléreuse.,

Les premières convulsions sont apparues à 19 mois; elles

ont été légères et de courte durée.-De cette époque à4 ans 1r2,

Lamb... a été sujette à des crises nerveuses, assez mal caractéri-

sées. A l'origine, elle était prise d'une sorte de fou rire, tom-

bait par terre et devenait roide ; elle n'avait pas d'écume ni de

convulsions. Elle reprenait connaissance au bout d'une mi-

nute au plus, puis s'endormait.

A 4 ans, sont survenus des accidents cérébraux (convul-

sions et assoupissement) qui ont duré trois heures. Consécu-

tivement, on n'aurait remarqué aucun indice de paralysie ( ? ).-

Les crises que nous avons décrites ont continué. Dans le

cours de la onzième année, on s'est aperçu que Lamb... se

paralysait du côté gauche : on remarqua d'abord qu'elle tour-

nait le pied en marchant et vacillait; puis, quelque temps après

qu'elle laissait échapper les objets qu'elle tenait dans la main

gauche. Néanmoins, le médecin qui la soignait aurait déclaré

qu'elle serrait aussi bien à gauche qu'à droite (12 ans). Lava- ? '< ? 6 aurait fait des progrès de 12 à 16 ans et même depuis

l'admission à la Salpétrière.

Inintelligence, qui était, assure-t-on, assez développée, a

. baissé à partir de 8 ans; toutefois, L... pouvait coudre, faire

le ménage, etc. Son caractère était très-doux et jamais elle n'a

commis de violences, même après ses accès.

De Il à 1 Õ ans et demi, étoacrdissements très-fréquents, ac-

cès relativement rares. Dans ses crises, petites ou grandes,

et qui étaient surtout diurnes, Lamb... urinait souvent sous

elle. - Les règles, apparues à -15 ans et demi, n'auraient

exercé aucune modification sur l'épilepsie. - Pas d'autres

maladies'(chorée, vers, etc.)

Etat actuel (Janvier 1874). -- La santé générale de cette

jeune fille, dont la taille est assez exiguë, n'offre rien de par-

4 ÉTAT DE mal 1;PILEPTIQUIs'.

ticulier; nous n'avons donc à insister que sur les caractères

de l'hémiplégie.

Face ? 7 La moitié gauche est un peu moins développée que

la droite. Les plis frontaux : sont égaux. Les plis palpébrauxet

le sillon naso-labial sont moins accusés à gauche qu'à droite.

Les paupières gauches semblent plus ouvertes et plus pares-

seuses que celles du côté droit. Il existe un léger strabisme

convergent ; les globes oculaires se meuvent cependant en

tous sens. Les pupilles sont égales et contractiles. La bouche

est tirée assez fortement vers la droite. Ces différents symp-

tômes s'exagèrent lorsque la malade rit ou parle. - L'attitude

de la tète est naturelle.

Membres supérieurs, tronc, etc. - Les doigts de la main gau-

che sont plus courts de 5 millimètres que ceux de la main

droite. Les avant-bras, les bras, les deux moitiés du tronc, les

seins, ont les mêmes dimensions.

Membres inférieurs. Les cuisses et les jambes ne présen-

tent pas de différence appréciable. Le cou-de-pied mesure

20 centimètres à droite et 19 à gauche. Le pied gauche est

plus court d'un centimètre que le droit. La circonférence du

métatarse, à sa partie moyenne, est la même des deux

côtés.

Le' pied et la main gauches sont violacés et froids au tou-

` cher. - La malade serre mieux de la main droite que de la

gauche, mais peut se servir de celle-ci pour travailler, man-

ger, etc. Elle traine à peine la jambe gauche en marchant.

Nulle douleur dans le côté paralysé.

Cette malade, avons-nous dit, est sujette à des éto1t1'disse-

ments et à des accès. Voici la description d'un étourdissement

qu'elle désigne sous le nom de « faiblesse » : Tandis que nous

l'interrogions, elle cessa de répondre et s'assit sur le parquet.

Aussitôt la face pâlit, la paralysie faciale s'accentua davan-

tage ; la malade, ne parut plus voir ce qui se passait. Vingt à

trente secondes après, elle se leva. Les « faiblesses, » dont elle

est avertie par quelque chose qui lui tire l'estomac, puis qui

l'étouffé, s'accompagnent parfois d'une émission involontaire

des urines; elles la fatiguent plus que les accès et lui donnent

une céphalalgie plus violente. - En 1873, Lamb... a eu 46 ac-

cès et 749 vertiges (1). z

;1) Cette malade a été mise eu traitement par lo sulfate de cuivre

ÉTAT DE MAL LPII,>rP1'InLW , 5

Etat DE MAL (8 juin). Hier, déjà, dans la journée, Marie

Lamb... a eu quatre vertiges et quatre accès. On aurait re-

marqué que chaque accès suivait de près le vertige. - De-

puis 9 heures du soir jusqu'à ce matin 8 heures, on a compté

douze accès ; de 8 heures à 9 heures et demie, cinq ; de 9

heures et demie à 10 heures et demie, trois accès coup sur

coup, formant une petite série. Il en aurait presque toujours

été ainsi pendant la nuit et la matinée : mais, entre chaque

série, il y avait une rémission plus ou moins longue, durant

laquelle la connaissance revenait. Ce matin, par exemple, la

malade a demandé et bu du bouillon. A 10 heures ' : P. 120 ;

température vaginale 38°. - A partir de 10 heures trois

quarts, les accès se sont succédé rapidement, sans retour de

la connaissance; à midi, L... avait eu 17 nouveaux accès; le

pouls était à 128, la température à 3ne, 3 : l'état de mal était

constitué.

Description d'un accès. a) Début. Les jambes, d'abord, et

surtout la gauche, se fléchissent lentement sur les cuisses,

puis la malade pousse une sorte de renâclement, composé de

plusieurs cris successifs et rauques.

b) 3" phase. Les paupières sont closes ; en les écartant, on

voit que les globes oculaires se portent fortement à gauche.

La face se dirige dans le même sens, mais à un moindre de-

gré. Bientôt, c'est-à-dire après quatre ou cinq secondes, les

globes oculaires et la face se dirigent vers la droite. - Le

membre supérieur gauche, fléchi à angle droit et reposant

sur le tronc, est rigide ; les doigts sont fléchis sur la paume

de la main, le pouce étant recouvert par les autres doigts. -

Le membre supérieur droit est aussi très-rigide, mais allongé

et soulevé à 20-30 centimètres au-dessus du corps ; les doigts

sont fléchis, le pouce à côté des autres. - Dans cette phase,

les membres inférieurs, qui étaient fléchis, s'étendent dans

l'adduction et sont très-rigides.

c) 5° phase. Convulsions très-accusées et très-rapides des

muscles de la moitié droite de la face , puis, au bout de quel-

ques secondes, convulsions des paupières et du fronlal gauche

seulement. La bouche est extrêmement tirée à droite ; le sil-

lon naso-labial droit est vigoureusement accentué, le gauche

vrier-juin 1S74). Voir la note suivante relative au traitement -de l'épilepsie

par le sulfate de cuivre ^pages z18).

6 ÉTAT DE MAL EPILEPTIQUE. '

effacé. Simultanément, secousses cloniques, d'une intensité

modérée, dans les membres inférieurs, surtout le droit ,,

Enfin stertor, écume abondante, non sanguinolente.

Nous avons relevé les modifications suivantes dans des

accès subséquents : au début , rougeur de la face ; - 2@

phase, paupières droites presque closes, paupières gauches à

demi-ouvertes ; 3a phase, secousses cloniques assez vio-

lentes, face violacée, couverte de sueurs, et cela autant d'un

côté que de l'autre ; miction involontaire.

A 10 heures trois quarts, dans un intervalle de repos, com-

parativement long, le pouls est descendu de 120 à 96. Le ther-

momètre étant appliqué à -ce moment depuis plus de cinq mi-

nutes, il est survenu un accès, et nous avons pu nous assurer

une fois de plus, que, contrairement à l'opinion émise par

M. Clouston, il n'y avait pas un abaissement initial de la tem-

pérature ; comme toujours, en pareille circonstance, la co-

lonne mercurielle a monté (1).

Traitement. Sinapismes, glace sur la tète, lavement purga-

tif, puis un quart de lavement avec 0 gr. 50 de sulfate de qui-

nine.

6 heures, soir. Une garde-robe après le lavement purgatif. Le

traitement a été rigoureusement suivi ; malgré cela, et malgré

des ventouses scarifiées à la nuque, il y a eu cent vingt-deux

accès de midi à 6 heures. Voici, maintenant, quelle est la si-

tuation de la malade.

La face est pâle, chaude, sèche; les ailes du nez seules sont

moites. Lèvres un peu décolorées. Globes oculaires dirigés

vers la droite; pupilles très-rétrécies ; pas d'injection de la

conjonctive. Sur tout le corps, chaleur mordicante. Les raies,

tracées avec l'ongle sur le ventre, restent longtemps rouges.

Les membres sont dans la résolution la plus complète. Le

chatouillement, le pincement (bras, tronc, jambes), ne pro-

duisent aucun mouvement réflexe. Il existe une rougeur

médiocre des fesses. Pouls imperceptible aux radiales;

compté au coeur, il est à 148; R. costale et diaphragmatique,

la même des deux côtés; T. V. 1.1 ? Par la sonde, on retire

environ 30 gr. d'urine qui ne contient pas d'albumine.

De 6 heures à 6 h. 1/2, sept accès. Alors on applique six

sangsues derrière chaque oreille et on fait des inhalations d'am.

(1) Clouston. - Observations on the or the Body it th9

Insane (Journal of Mentat Science, vol. XIV, p. 34).

- ÉTAT DE MAL ËPILEPTIQUË. 7

moniaque. Sous l'influence de celles-ci, la malade déplace la

tête, ouvre les yeux et pousse quelques plaintes comme si

elle se réveillait. A 7 heures, les sangsues ayant toutes bien

pris, on trouve : P. 124 ; R. 48; T. V. 40°,6; le pouls a donc

baissé de 24 pulsations et la température de 8110 de degré.

Glace ; 1 II lav. avec sulfate de quinine; de temps en temps.

inhalations d'ammoniaque.

De 6 heures à 9 heures, 2 accès. Dans les 24 heures qui

viennent de s'écouler (du 7 juin, 9 h. du soir, au 8 juin, même

heure), on a compté 168 accès.

9 juin. De 9 h. du soir à 11 h ., 5 accès. De fI h. à 6 h. du

matin, 15 accès. De 6 h. à 9 h. deux. Vers minuit, la malade

a paru reconnaître la surveillante; elle a pris deux fois du

bouillon à la cuiller. La déglutition s'est bien effectuée.

Ce matin (9 h.), L... présente les symptômes suivants : Le

coma est moins profond qu'hier; quand on essaye d'examiner

les yeux à l'ophthalmoscope, L... agite la tête et remue le bras

gauche. La face est pâle, terreuse, non sudorale; les plis sont

tous effacés et il n'y a plus de différence entre les deux moitiés

du visage. Par instants, la malade ouvre les paupières ; le re-

gard est hébété; les globes oculaires sont le plus souvent di-

rigés à gauche (ainsi que la face), les pupilles sont contractiles,

égales ; les conjonctives ne sont pas injectées ; parfois, il y a

un nystagmus très-nel. Les narines sont pulvérulentes; les

lèvres, les gencives, la langue sont sèches. Il y a eu deux gar-

de-robes.

Tout à l'heure, la malade a maintenu le bras gauche élevé

au-dessus du lit; ce membre, en général, retombe moins

lourdement que le droit, qui est absolument flasque. Lors-

qu'on soulève les membres inférieurs, ils retombent inertes,

mais le gauche moins qu3 le droit. Fléchis, ils ne se soutien-

nent pas. Le chatouillement de la plante des pieds détermine

un mouvement réflexe peu accusé, égal d'ailleurs des deux

côtés. La piqûre, rapidement répétée, des membres supérieurs

et inférieurs produit des grimaces assez prononcées et quel-

quefois de petites plaintes. Ces grimaces sont encore plus

fortes si on pique la face.

Partout le corps est brûlant. La rougeur des fesses est la

même. Les raies unguéales faites sur le ventre rougissent

promptement et persistent assez longtemps. P. 146, petit, ré-

gulier, facilement comptable aux radiales ; R. moins bruyante,

à 60 ; T. V. 0°,G.....

8 ÉTAT DE MAL EPILEPTIQUE.

Examen op7cthczlnaoscopirtce pratiqué par M. Bonnefoy. Les-

artères sont gonflées et on suit leur ramifications jusqu'à la

périphérie de la rétine ; les veines présentent une largeur

égale à trois ou quatre fois la largeur des artères ; leur cou-

leur est très-foncée, leur trajet sinueux. Pas d'exsudation ;

l'image du fond de l'oeil est parfaitement nette dans toute son

étendue (1).

il heures. Pas de nouveaux a : cès; même état. De temps à

autre, on note quelques petits mouvements convulsifs dans

les membres. Nulle trace de contracture. P. 132 ; R. titi; T. V.

400,i.. -, La malade est restée à peu près dans la môme situa-

tion jusqu'à trois heures. A. partir de là, le coma s'est accentué

davantage ; la peau, par tout le corps, a revêtu une coloration

d'une pâleur jaunâtre; la respiration est devenue stertoreuse

et la malade a succombé à 4 heures, sans qu'il soit survenu

d'accès. Aussitôt après, T. V. 4 ? ,4.. Une heure plus tard, T.

V. 41 °,2.

Autopsie pratiquée le 10 juin à 4 lteures avec le concours de

M. PIERRET. - Tête. Péricrâne, rien. - Os du crâne très-durs,

épais ; sutures pour la plupart ossifiées ; point d'asymétrie

entre les deux moitiés de la calotte crânienne. - Dure-mère

saine; sinus gorgés de sang noir. - Les circonvolutions sont

marbrées de plaques violacées où la congestion de la pie-mère

est très intense : il s'est fait des extravasations sanguines

dans les gaines lymphatiques des vaisseaux correspondants.

Ces plaques, beaucoup plus étendues au niveau des circon-

volutions latérales du lobe frontal des deux côtés, sont bien

plus nombreuses à gauche où elles forment une longue bande,

qu'à droite où elles sont plus disséminées et plus circons-

crites. En quelques endroits, la pie-mère est soulevée par de

petites bulles gazeuses ; la substance corticale correspondante

est ramollie et bleuâtre. Ces altérations paraissent devoir être

rapportées à des phénomènes de décomposition précoce. - A

la base, on ne voit que des arborisations assez fines. Les artères

ne sont pas athéromaleuses.

L'encéphale pèse 1065 gr. Il présente une asymétrie très-mani-

feste, l'hémisphère droit étant notablement plus petit et plus

court que le gauche (Pi,. I, Tig. 1;. L'examen de la base de

l'encéphale fait constater les détails suivants : Le lobe frontal

droit (D) est moins volumineux que le gauche (D') etconsidéra-

(1) Bonnefoy. - Des troubles de la vision dans l'hystérie, etc., p. 2S,

- .. - ÉTAT DE MAL ÉPILEPTIQUE, 9

blement déformé. Les circonvolutions olfactives et orbitaires ne

représentent nullement la disposition ordinaire ; toutefois, le

bulbe olfactif de ce côté parait aussi développé que celui du

côté gauche. Au premier abord, il semble plus gros parce que

sa base (E), ses deux racines et l'espace perforé antérieur,

sont tout-à-fait mis à découvert par Y atrophie des circonvolu-

tions sphénoïdales et de la circonvolution de la corne d'Ammon .

(C) qui, d'ordinaire, recouvrent ces parties. Tout le prolonge-

ment sphénoïdal est, en effet, aplati et offre des saillies, des

mamelons, absolument différents de ce qu'on observe du côté

opposé, c'est-à-dire sain. A ce niveau, la substance corticale

est comme amincie et, par son aspect, rappelle assez bien les

ramollissements superficiels depuis longtemps cicatrisés. En

avant, on reconnaît encore assez bien la scissure de Sylvius,

mais sur le côté de l'hémisphère, elle se perd au milieu de scis-

sures anormales et tellement défigurées qu'il est impossible de

retrouver des traces de l'insula de Reil, par exemple.

La portion inférieure du prolongement occipital renferme une

grande cavité limitée par une mince membrane (fit. 2, A).

L'incision donne issue à un liquide séreux un peu trouble et

montre que les parois de cette cavité, qui ne communique'pas

avec l'intérieur de l'hémisphère, sont mamelonnées, de cou-

leur blanc-rosé. Si alors, on pratique- des coupes successives

dans cet hémisphère, on reconnaît les déformations les plus

étranges : il existe des circonvolutions parfaitement formées

dans l'épaisseur même de la substance (1'ig. 2, B); mais il est

à peu près impossible de retrouver des traces évidentes des

ganglions normaux très-reconnaissables à gauche (fin. 3, A,

B, D); loulou plus peut-on soupçonner que les noyaux du corps

tlrié ont été rejetés de côté et refoulés en bas (fit. 2D). L'exa-

men microscopique seul pourra préciser ces détails. Il est

néanmoins possible d'affirmer qu'il n'y a là qu'une particula-

rité de développement et, tout au moins, que cet hémisphère

n'a pas été le siége d'une inflammation bien intense.

Le chiasma les bandelettes optiques sont normaux. La protu-

bérance est assez bien symétrique, du moins dans ses parties

superficielles. Il en est de même du bulbe : la pie-mère qui re-

vêt sa face inférieure est épaissie, noirâtre et un peu adhérente.

Le cervelet, au contraire, présente une asymétrie des plus

remarquables en ce qu'elle est croisée par rapport à la lésion

de l'encéphale. C'est ici le lobe gauche qui est atrophié d'un bon

tiers (fit. f, A). Mais, il est à remarquer que cette atrophie

10 ÉTAT DE MAL EPILEPTIQUE.

est uniforme, porte sur l'ensemble du lobe, qui est d'ailleurs

régulièrement conformé, et dans lequel il y a un corps rhom-

boïdal parfaitement sain, plus petit peut-être que celui du

côté droit. Les tubercules quadrijumeaux ont approximative-

ment le même volume. L'étage inférieur du pédoncule cérébral

est un peu plus petit à droite qu'à gauche.

Les chiffres suivants donnent une idée de l'atrophie céré-

brale et cérébelleuse.

Hémisphère cérébral droit 370 grammes.

- gauche 575 -

L'hémisphère droit pèse donc 205 grammes de moins que le

gauche.

Hémisphère cérébelleux droit 65 grammes.

gauche..40 40

L'hémisphère gauche pèse donc 25 grammes de moins que z

le droit. Le cervelet, y compris l'isthme de l'encéphale, pèse

120 grammes.

Thorax. Légère hypérémie du lobe inférieur des deux pou-

mons; de plus, au sommet du poumon droit, îlot de conges-

tion. Pas d'injection du péricarde ni de l'endocarde. Les cavi-

tés cardiaques ne contiennent pas de caillots. Le tissu du

coeur est un peu décoloré.

Abdomen. Très-léger pointillé ecchymotique de la muqueu-

se de l'estomac, au-dessous du cardia. L'intestin grêle, exami-

né dans toute sa longueur, ne présente aucune trace d'injec-

tion. Nous relevons celte absence de lésions à cause de l'ad-

ministration prolongée et à dose élevée du sulfate de cuivre.

Gros intestin, rien. - Foie, raie, reins, vessie, pas d'ecchymo-

ses, etc.

Dans ce cas, l'état de mal épileptique n'a pas été su-

bit, ainsi que cela arrive communément. La malade a eu

d'abord, pendant vingt-quatre heures environ, plusieurs

séries composées de trois accès. En semblable circons-

tance, c'est-à-dire lorsqu'il y a une rémission d'une heure

ou même moins, la température n'est guère plus élevée

qu'à la suite d'un seul accès, et, partant, notre malade n'é-

tait pas sérieusement en danger. Bientôt les séries se sont

rapprochées et les accès ont fini par se succéder avec une

rapidité effrayante. Alors, comme nous l'avons dit plus

haut, l'état de mal était constitué et, de même (yie dans la

ÉTAT DE MAL ÉPILEPTIQUE. Il 1

majorité des cas, nous avons eu, ici, deux périodes bien

distinctes : l'une convulsive, l'autre dite méningitique. -

Dans la première, nous voyons les accès s'imbriquer en

quelque sorte et à un point tel que le 8'juin, de 10 heures

du matin à 6 heures du soir, on en a compté 122 en même

temps que l'on consignait les symptômes suivants. La peau

était le siège d'une chaleur mordicante; les narines étaient

pulvérulentes; la déglutition s'opérait de plus en plus diffi-

cilement ;- les garde-robes étaient supprimées; les urines

involontaires. Les membres étaient dans la résolution la

plus complète. Les fonctions sensorielles et intellectuelles

étaient, à proprement parler, tout-à-fait abolies. La sensi-

bilité générale était tellement affectée que la piqûre et le

pincement ne se traduisaient par aucun mouvement réflexe,

La malade, en un mot, était dans un coma profond.

- Mais, de tous les symptômes, le plus intéressant, après

la multiplicité des accès, c'est assurément l'élévation de la

température que nous voyons monter de 38° à 41, 4 dans

l'espace de huit heures (1'i. 1). Les accès isolés, nous avons

mis ce fait hors de doute (Loc. ciG : , p. 246), donnent lieu

à une augmentation de la température; mais cette augmen-

Fig. 1. - Température au moment de la mort. -f- Température' une

heure après la mort.

12 2 ÉTAT DE MAL ÉPILEPTIQUE,

tation n'est que passagère et bientôt la température revient

à son chiffre normal. Il en est de même après les petites

séries, semblables à celles que nous avons signalées au dé-

but chez notre malade. Eh bien ! dans l'état de mal épilep-

tique, au lieu de redescendre au chiffre physiologique, la

température lui demeure supérieure et au sur et à mesure

que les accès se multiplient et surtout que, dans les inter-

valles qui les séparent, les facultés intellectuelles et senso-

rielles s'affaiblissent de plus en plus jusqu'à paraître même

éteintes, la température monte et cette ascension s'effectue

avec une grande rapidité, ainsi qu'en fait foi le cas qui pré- z

cède. Parfois, à ce moment, les malades succombent et l'état

de mal est composé d'une seule période ; d'autres fois, et

Lamb... rentre dans cette catégorie, on observe une seconde

période dont la durée, chez elle, a été assez courte.

Selon la règle, il y a eu, entre ces deux périodes, une

espèce de répit. En effet, après l'application des sangsues,

etc., (8 juin, 6 heures 112 du soir), les accès s'éloignent'"

d'une façon remarquable (en 12 heures 22 accès tandis que

dans les 8 heures précédentes il en avait eu 122), le coma

diminue, la malade semble se réveiller un peu ; la dégluti-

tion s'opère d'une manière régulière ; la motilité reparaît t .

relativement dans les membres du côté gauche. Cette amé-

lioration permet de constater que les membres du côté droit

sont paralysés ainsi que la moitié correspondante de la

face. La sensibilité est moins obtuse ; le pouls moins fré-

quent, la température moins haute (40°, 4). Cette améliora-

tion, bien légère évidemment, ne se maintint pas et le

lendemain (9 juin) après la visite, la malade retomba dans

le coma : les lèvres se cyanosèrent, les traits de la face s'al-

térèrent ; la peau, de plus en plus chaude, revêtit une colo-

ration jaunâtre; ça et là se montrèrent de petites secousses

convulsives; la respiration et le pouls augmentèrent de fré-

quence, la température monta de nouveau à 41°, 4 et la

malade mourut sans avoir eu d'accès dans les sept dernières

heures. Nous insistons sur ce dernier point afin de bien in-

diquer que l'élévation de la température n'est pas unique-

ment due aux convulsions.

ÉTAT DE MAL ÉPILEPTIQUE. - 13

Dans d'autres cas, la rémission qui. chez Lamb..., a été

peu marquée, transitoire, est plus prononcée et plus longue.

La période méningitique, de son côté, a une durée plus

grande et présente des caractères qui font défaut dans l'ob-

servation actuelle (décubitus, agitation maniaque, contrac-

ture, etc.) ; mais toujours la température s'élève,. La

malade doit-elle succomber ? Tous les symptômes s'accen-

tuent et la température atteint 41°, 42° et même davantage.

Doit-elle guérir ? Alors tous les symptômes disparaissent

peu à peu : le collapsus diminue; les fonctions digestives se

rétablissent; les fonctions de la peau s'accomplissent nor-

malement et, après avoir offert, pendant quelques jours, de

l'incertitude dans les actes, les malades recouvrent la santé

ou tout au moins reviennent à leur état antérieur.

L'état de mal, dans ce cas, a duré trente heures environ;

sa durée est rarement plus courte ; le plus souvent elle

varie entre 3 et 9 jours. Cinq fois sur huit la terminaison

a été fatale.

Chez Lamb..., l'autopsie nous a fait découvrir : 1° des

lésions anciennes (atrophie considérable de l'hémisphère

cérébral droit, atrophie de l'hémisphère cérébelleux gau-

che) qui donnent la raison de l'hémiplégie ancienne du côté

gauche; 2° des lésions récentes qui, seules, peuvent' être

rattachées à l'état de mal. Elles consistaient en plaques

ecchymotiques de la pie-mère etétaient beaucoup plus nom-

breuses et plus étendues sur l'Iccnaisplaé3·e gauche, circons-

tance qui explique l'existence de la paralysie du côté droit.

Nous devons dire que dans toutes les autopsies que nous

avons pratiquées, nous n'avons pas rencontré de lésions

autres que celles qui viennent d'être mentionnées.

Le traitement employé chez notre malade (sinapismes

répétés sur les cuisses et les jambes, purgatifs, glace sur la

tête, sulfate de quinine, émissions sanguines, inhalations

d'ammoniaque) n'a eu d'autre résultat que de suspendre

momentanément la marche des accidents. C'est malheureu-

sement ce qui arrive en général . Les autres agents thérapeu-

tiques (camphre, asa foetida, atropine, etc.) que nous avons

j ¿. ÉTAT DE MAL ÉPILEPTIQUE.;>

vu prescrire ou que nous avons prescrits nous-méme, sont

tout, aussi impuissants ; nous n'en excluons pas le bromure

de potassium que M. Charcot a, dans un cas, administré à

la dose de 14 grammes en 24 heures. Nous bornerons là ces

réflexions qui suffisent, nous l'espérons, pour montrer l'in-

térêt clinique que présente l'état de mal épileptique.

II

Recherches thérapeutiques. , 1

- 1° Sulfate de cuivre ammoniacal; - 2° Monobromure de

camphre; 3° Glace; - 4° Oxyde de zinc; 5° Nitrite

d'amyle. -

SULFATE DE CUIVRE AMMONIACAL

Les composés cuivreux sont employés depuis longtemps

dans le traitement de l'épilepsie. On a eu successivement

recours à l'Ens < ? ? K ? /'M(1), à l'acétate de cuivre (Chaussier),

à l'ammoniure de cuivre (Policastro) (2), et surtout au sul-

fate de cuivre pur, ou ammoniacal. Le premier, vanté par

Veisman, a été prescrit plus tard par Lechandellier et

Greding ; ces deux derniers auteurs n'en ont retiré aucun

bénéfice. -

Mais, c'est surtout le sulfate de cuivre ammoniacal

qui a été mis le plus souvent à contribution et, entre au-

tres, par Frank, Urban (de Bernstadt), Batt, Biett, Barbier

(d'Amiens) (3), Cullen, Gaulay (4), Herpin, A.Baraillier (5),

etc. Nous indiquerons seulement les opinions de ces deux

derniers auteurs, parce que ce sont les plus récentes.

M. Herpin a donné le sulfate de cuivre ammoniacal à

douze malades (un âgé de 5 ans ; 4 de 10 à 15 ans ; i âgés

de plus de 15 ans). Les doses ont été de 4 gr. à 22 gr. en

six mois. M. Herpin conseille d'aller jusqu'à 30 grammes

avant de renoncer au remède ; de commencer par 0 gr. 075

par jour et de monter jusqu'à 0 gr. 60, dose qu'on ne doit

atteindre qu'à la huitième semaine. Quant aux bienfaits qu'il

a retirés de ce médicament, il les résume ainsi : « Nous

n'avons obtenu des guérisons par le sulfate de cuivre ammo-

(1) 11 s'agit là d'une teinture consistant vraisemblablement en une solution

de chlorhydrate de cuivre ammoniacal. (Delasiauve. - Traité de l'épilepsie;

p. 396). - ? (2) Annales iiied. psych., 1S43, p. 318. ,

(3) Delasiauve," loc. cit. -

(4) Bibliotlu ! qlle méd" t. XXI. p. 354.

(;i) Nouveau Diction, de vaeil. et de chir. pl'a., t. X, p. 544.

BOURNEVILLE. 2

18 RECHERCHES THÉRAPEUTIQUES.

niacal que dans trois cas; encore ces guérisons ont-elles été

jusqu'à présent, toutes suivies de rechutes; et le temps qui

s'est écoulé depuis la récidive ne permet pas de trouver

un terme de comparaison dans des guérisons durables (1).»

M. Baraillier « a eu quelquefois recours au sulfate de cui-

vre ammoniacal dans le traitement de certains états ner-

veux, se rapprochant de l'épilepsie par quelques-uns de

leurs symptômes et caractérisés par la perte de connais-

sance, par des convulsions cloniques des membres, par une

anesthésie cutanée incomplète, altération des traits de la

face avec hébétude et obtusion des facultés intellectuelles.»

Il a réussi assez souvent à modérer les accès et même à les

supprimer en administrant des pilules ainsi composées :

... SULFATE DE CUIVRE. 19 J

rhée; 4 pilules au lieu de 5. Depuis lors, jusqu'au 23 juillet,

elle a pris régulièrement tous les jours, 0 gr. 40 de sulfate de

cuivre. Le 20 et le 21 vomissements glaireux. - Eu 1873, S...

a eu 131 accès et 174 vertiges. Voici le tableau comparatif des

accès des 7 premiers mois de 1873 et 1874.

'20 RECHERCHES THÉRAPEUTIQUES.

mêmes circonstances, déchirait les draps avec ses dents). Vers

onze ou douzo ans, accès complets. Elle futplacée à la Salpé-

trière à 13 ans. Alors les accès étaient diurnes et nocturnes :

pas d'aura ; cri initial; physionomie exprimant l'égarement et

l'épourante ; morsure de la langue, écume, etc. Elle se blesse

quelquefois. Hébétude et sommeil consécutifs.

Traitement. - 23 mars 1874 : 2 pilules de 0 gr. 10 de sulfate

de cuivre. - 2 avril : 2 pil. - 13 avril : 3 pil. - 23 avril : 4 pil.

- 4 mai : 5 pil., soit U gr. 50.

6 niai. - Hier matin, après avoir pris trois pilules, elle a

vomi un liquide glaireux, verdâtre. Le soir, après ses 2 pilules,

vomissements bilieux et, plus tard, ayant mangé, vomisse-

ments alimentaires. Ni coliques, ni diarrhée. 4 pilules au lieu

de cinq.

12 mai. Vomissement glaireux ; parfois coliques ; depuis

quelques jours, elle a quotidiennement deux selles liquides.

Les dents ont une couleur légèrement bleuâtre qu'elles

n'avaient pas auparavant. Pas de liseré gingival, de salivation,

etc. - 26 mai : M.... prend toujours ses 4 pilules. Diarrhée

légère. - 30 mai : hier, Ni.... a eu des vomissements glai-

reux. - De ce jour au 23 juillet, elle a pris exactement ses

qualre pilules, si ce n'est les jours de sortie (3 ou 4). - En

1873, 46 accès et 128 vertiges.

SULFATE DE CUIVRE. 21

10 septembre. - Il est survenu de la toux, fréquente surtout

la nuit. L'auscultation fait reconnaître des râles humides au ni-

veau des fosses sous-claviculaire et sus-épineuse du côté droit.

20 sept,- L'affaiblissement fait des progrès rapides. Gros

râles humides au sommet du poumon droit. En arrière et à

gauche, craquements au niveau de la fosse sus-épineuse.

S octobre. - La tuberculisation pulmonaire augmente

Anorexie, vomissements alimentaires; ventre ballonné, sen-

sible à la pression; coliques, diarrhée (Tuberculisation perito-

néale). Léger oedème des pieds. - La malade meurt le 14 oc-

tobre. Malgré la prompte évolution des tubercules, les accès

d'épilepsie sont restés à peu près aussi fréquents.

Ainsi, le 9 octobre, nous avons été témoin d'un accès dont

voici la description : cc Sans avoir poussé de cri, la malade

devient rigide et la rigidité est la môme des deux côtés , la

tète est un peu dans l'extension ; la face et les yeux sont

dirigés en haut; les pupilles sont à peine dilatées ; la face est

très- pâle, les lèvres sont décolorées; la respiration est préci-

pitée, légèrement bruyante (ceci dure 30 à 40 secondes). Puis,

arrivent des secousses cloniques, égales des deux côtés

comme la rigidité ; les yeux se dirigent en avant, la respira-

tion se précipite encore davantage, est plus bruyante et s'ac-

compagne de plaintes. Les pupilles n'ont pas sensiblement

changé. Pas d'écume, et enfin la connaissance reparait au

boulde3ou. minutes. (Souvent les accès ont plus d'intensité.)

Autopsie. Sur la portion de la dure-mère qui répond à la

circonvolution formant la lèvre supérieure de la scissure de

Sylvius, on voit une petite tumeur bosselée, adhérente à la

substance cérébrale et renfermant une matière crétacée. Sur

la face antérieure de la même circonvolution et jusqu'au lobu-

lus lereb1'i's, la couche corticale du cerveau a été enlevée par

suite de ses adhérences à la dure-mère. Ce fragment de subs-

tance cérébrale contient des vaisseaux dans la gaine lympha-

tique desquels il existe de petits corps arrondis, composant

une sorte de chapelet, et simulant des anévrysmes oblitérés,

à contenu crétacé. La substance cérébrale est ramollie, mais on

n'y découvre ni corps granuleux, ni cellules étoilées. - Tout le

reste des circonvolutions, ainsi que la substance même de

l'encéphale, ne présente aucune altération. - La moelle parait

normale.

Les poumons sont farcis de tubercules miliaires, entourés de

22 RECHERCHES THÉRAPEUTIQUES.

zones de pneumonie. Quelques tubercules sont en voie de ca-

séification. Le coeur, petit (240 gr.), est sain. - L'estomac n'est

le siège d'aucune lésion. - Foie, jaunâtre, graisseux, pesant

1932 grammes. - Les reins, la vessie, les organes génitaux,

sont sains. Dans l'intestin grêle, on trouve des ulcérations

tuberculeuses, d'abord assez rares, puis très-conffuentes au

voisinage de la valvule iléo-coecale.

Observation III. - Phil..., Louise, 19 ans est entrée à la

Salpétrière le 17 juin 1872. - Convulsions à 11 et 13 mois. -

A 9 ans, absences. Appétit exagéré; prurit anal. On crut à

l'existence d'une affection vermiueuse, même du taenia et on

la soumit, sans effet, à diverses médications. - Réglée sans

accident à 14 ans. - Lors de la rentrée des troupes à Paris,

en mai 1871, peur vive occasionnée par les brutalités commises

sur elle par un officier (elle avait ses règles). Huit jours après,

deux accès d'épilepsie. - En 1873, HO accès et 62 ver- ,.

tiges.

Traitement. - 21 février 1874 : 1 pilule de 0 gr. 10 de sulfate

de cuivre. - 23 février : 2 pil. 7 mars : 3 pil. 31 mars :

4 pil. Aucun accident particulier ; n'a pas rendu de vers. -

15 avril : 5 pil. - 26 avril : 6 pilules, soit 0 gr. 60. Aucune

modification de la cavité buccale (gencives, dents, etc.) Pas de

vomissements ; selles régulières. Même dose jusqu'au 9 juin.

- Du 9 au 11, cinq pilules. - Du Il juin au 21 juillet, quatre

pilules. - La médication a été suivie avec le plus grand soin;

il y a eu une tolérance remarquable pour le médicament.

? SULFATE DE CUIVRE. 23

Observation IV. - Lamb..., 19 ans. (Voir plus haut, pages

1 à 12, son histoire complète.-En 1873, 46 accès 749 vertiges.

Tmitement. - 21 février : 1 pil. de 0 gr. 10 de sulfate de cuivre.

- 23 février : 2pil.- 2b février. Vomissement bilieux un quart

d'heure après avoir pris ses pilules. - 3 mars : à diverses repri-

ses nausées, quelquefois accompagnées d'une décoloration

verdâtre du visage ; une fois, vomissement glaireux ; à certains

jours, 2 ou 3 selles diarrhéiques. - 7 mars : 3 pil. 9 mars.

Appétit conservé; pas de vomissements; coliques; souvent

selles diarrhéiques. -31 mars : 4 pil. 15 avril .-Rien de par-

ticulier ; cinq pilules. - 26 avril : 6 pilules, soit Ogr. 60.

4 mai. A rendu son vin. - 29 avril. Hier, deux heures après

l'ingestioa des pilules, vomissements alimentaires ; selles li-

quides, involontaires; pas de coloration spéciale des évacua-

tions.- Nulle modification de la cavité buccale ; pas de dou-

leurs stomacales ni de coliques. L'appétit se maintient. - 30

mai. Diarrhée légère. - 8 juin. L.... a pris régulièrement ses

six pilules. Ce jour-là débute un état de mal auquel elle suc-

combe le lendemain.

2t RECHERCHES THÉRAPEUTIQUES.

Observation V. - Convulsions à 15 mois. Etourdissements

à 5 ans et demi. - Epistaxis; disparition des étourdissements .

- Cessation des épistaxis ; retour des étourdissements. Accès

d'épilepsie à 10 ans et demi. - Modifications des accès de If à

16 ans. Marche de la maladie (J 871-187li). Description d'un

accès. - Traitement par le sulfate de cuivre ammoniacal; amé :

lioracion.

Vug..., Léontine, 23 ans, est entrée à la Salpétrière le 28 oc-

tobre 1867.

Antécédents. - Père, tailleur, vivant, âgé de 52 ans; pas

d'excès de boisson, ni d'affection nerveuse. Une de ses soeurs

aurait offert, de 7 à 10 ans, des convulsions avec paralysie d'un

côté du corps; ces accidents auraient ensuite tout-à-fait dis-

paru. Mère, 42 ans, sujette à des douleurs céphaliques de-

puis son enfance; pas d'autres symptômes nerveux. Aucun

membre de sa famille n'aurait de paralysies, d'infirmités, etc.

- - Pas de consanguinité. -Diz enfants; sept sont morts, doit

l'un de convulsions ; trois filles sont vivantes : deux, âgées d t

15 et 8 ans, ont une bonne santé; l'autre, c'est notre malade.

Elle est l'aînée. Elle a été bien venante jusqu'à 15 mois.

Alors elle eut, pendant 5 ou 6 heures, des convulsions qui ont

précédé la rougeole. Durant la convalescence de cette maladie,

on s'est aperçu que Léontine avait de la faiblesse dans la

jambe droite, faiblesse qui persista pendant trois mois. Aucun

accident épileptique depuis ce moment jusqu'à 5 ans et demi,

époque où elle eut une fièvre typhoïde. C'est en relevant de

cette maladie que V... eut des étourdissements, revenant une

ou deux fois par semaine. Au bout d'un an, les étourdisse-

ments cessèrent entièrement et furent remplacés par des

épistaxis abondantes et fréquentes qui ont duré deux ans (7-9

ans). Pendant une année, Léontine eut ensuite une santé ex-

cellente. Vers 10 à 11 ans, étant à la pension, elle fut prise,

sans cause connue, d'un premier accès d'épilepsie dans lequel

elle est devenue toute bleue. Trois mois plus tard, second

accès suivi bientôt d'un troisième, etc. Elle fut soumise à di-

vers traitements; l'un d'eux suspendit les accès durant six

mois (14 ans). De 14 ans et demi à 16 ans, les accès se sont L

rapprochés et, au dire de la mère de V..., ils étaient souvent

rappelés par les querelles qui avaient lieu entre elle et son

mari, querelles auxquelles la jeune fille assistait. Dans les

derniers mois de son séjour dans sa famille (16 ans), les accès,

qui étaient diurnes et nocturnes, revenaient jusqu'à huit fois

SULFATE DE CUIVRE. 2S

en 24 heures. V... s'est blessée maintes fois en tombant; ja-

mais on n'a observé d'évacuations involontaires.

Depuis leur apparition jusqu'à l'âge de 16 ans, les accès ont

subi des modifications importantes : 1° Dans les premiers

temps`les accès étaient précédés pendant un jour ou deux de

céphalalgie sans aura immédiate; peu à peu cette sorte d'aura

lointaine a disparu. - 20 A l'origine, Y ? dans ses accès, n'é-

cumait pas ; à 16 ans, elle éwunait et se mordait la langue. -

3° Au début, si un accès la prenait quand elle était occupée

à lire, dès que la connaissance reparaissait, elle continuait sa

lecture à l'endroit où elle l'avait interrompue. Plus tard, après

les accès, elle s'endormait pendant une demi-heure ; enfin, à

partir de 15 ans, le sommeil se prolongea davantage et après

son réveil, elle restait « abrutie » jusqu'au soir.

L'intelligence qui était, assure-t-on, très-développée, aurait

décliné, surtout depuis l'âge de 15 ans, en même temps que la

parole devenait embarrassée. - V... n'a eu ni affections vermi-

neuses, ni autres maladies. Pas d'onanisme. Réglée à

21 ans.

26 RECHERCHES THÉRAPEUTIQUES.

ressemblent, par leur couleur, à du bouillon. Traitées par

la chaleur, il s'y forme un léger nuage qui s'efface par l'ad-

dition de trois ou quatre gouttes d'acide azotique. Pas de

sucre. (Liqueur de Bareswill).

Cet accès a été d'une intensité moyenne. V... en a de plus

violents avec écume à la bouche, morsure de la langue,

évacuations involontaires, etc.

1874. 12 février. Elle était assise sur une chaise lorsqu'on

s'est aperçu qu'elle avait les yeux fixes, puis dirigés en haut.

Dans la crainte qu'elle n'eût un accès, on l'a couchée par terre.

Alors, elle a été prise d'un tremblement général. Elle ne pa-

raissait plus se rendre compte de ce qui se passait autour'

d'elle. La connaissance est revenue après un quart d'heure

et, durant quelque temps, V... a été hébétée.

Traitement par le sulfate de cuivre ammoniacal, - 21 février,

1 pil. de 0 gr., 10, de sulfate de cuivre.-24 février, 2 pil. -. ,-

Il mars, quatre selles diarrhéiques. - 20 mars, trois pilu-

les(0 gr. 30 c.) - 23 mars, appétit satisfaisant, pas de nau-

sées ni de coliques ; diarrhée peu abondante, du 4 au 20. -

51 mars, 4 pil.

8 avril. V... a vomi sa soupe hier soir, et elle a eu quatre

garde-robes diarrhéiques. Ce matin, diarrhée légère, coliques.

Dans un accès elle s'est contusionné la tempe droite ; la pau-

pière supérieure est ecchymosée ; rien à la conjonctive pal-

pébrale. - 15 avril, 5 pil. (0 gr. 50 c ).- 23 avril, vomisse-

ments alimentaires 3d'heure après l'ingestion des pilules,

quelques minutes après le repas.- 23 avril, 6 pil.

Du 5 au 13 mai, quelques vomissements glaireux ou alimen-

taires ; conservation de l'appétit ; aucune modification de la

muqueuse buccale; aucune souffrance à la région épigastri-

que. - 18 mai, hier, cinq selles diarrhéiques, précédées de

coliques et de gargouillements : a Mon ventre, dit la malade,

ne faisait que grogner. » - Le 26, le 27 et le 28, vomisse-

ments tantôt de glaires grisâtres ou bleuâtres, tantôt d'ali-

ments ; parfois aussi diarrhée, qui n'est jamais abondante et

s'arrête seule. 5 pilules au lieu de six.

4 juin. Vomissements glaireux. - Même chose le 11. Quatre

pilules au lieu de cinq. Depuis ce jour jusqu'à la fin de juin

elle a encore vomi à plusieurs reprises. 3 pil. au lieu de 4. Du

4 au 31 juillet, V... , a pris quotidiennement trois pilules,

soit 0 gr. 30 de sulfate de cuivre ammoniacal. Malgré la dimi-

nution de la dose, elle a encore vomi plusieurs fois (glaires,

SULFATE DE CUIVRE. 27

aliments, le plus souvent incolores, quelquefois bleuâtres ou

grisâtres) ; mais elle a toujours bon appétit et n'a pas de diar-

rhée. Ni les muqueuses, ni les ongles n'offrent de coloration

spéciale. La face et le cou sont un peu terreux.

28 RECHERCHES THÉRAPEUTIQUES.

(en particulier des furoncles) ou de la muqueuse

buccale. La nutrition n'a pas été modifiée. Une de nos

malades 'Ons. m) n'a pas présenté le moindre accident,

bien qu'elle ait absorbé 63 gr. de sulfate de cuivre en cinq

mois et qu'elle en ait pris quotidiennement 0 gr. 60 durant

45 jours consécutifs. Enfin, nous tenons à rappeler que

chez celle de nos malades qui a succombé à un état de

mal épileptique (OBs. iv) pendant qu'elle était en trai-

tement, il n'y avait absolument aucune lésion de l'appareil

digestif.

Mode d'administration. - Nous avons débuté par une

pilule de 0 gr. 10; puis, au bout de quelques jours, nous en

avons donné 2 (0 gr. 20); après 10 jours, trois (0 gr. 30) ut ,

ainsi de suite, en mettant un intervalle de plus en plus

grand entre chaque dose au sur et à mesure que nous aug-

mentions. Le tableau récapitulatif, ci-après, permet d'ap-

précier les points principaux qui ressortent des cinq ob-

servations que nous avons relatées.

SULFATE DE CUIVRE. 29

existent rarement, et ne se rencontrent qu'exceptionnelle-

ment sous les séreuses qui revêtent les intestins, les pou-

mons et le coeur. On a noté des cas où l'intestin offrait une

teinte d'un bleu verdâtre résistant au lavage, et d'autres

dans lesquels on voyait, adhérentes à la muqueuse, de pe-

tites parcelles de vert de gris (1). En pareil cas, on peut

produire une belle teinte bleue de l'intestin, en l'arrosant

avec de l'ammoniaque, alors même qu'il n'existe que des

traces d'un sel soluble de cuivre. Il y a des cas fort rares

où le canal intestinal n'a offert dans toute l'étendue de son

trajet aucun signe d'irritation ni d'inflammation. Le doc-

teur Moore a donné le résultat d'une autopsie dans un cas

d'empoisonnement chronique ; mais il n'y a rien qui mérite

d'être signalé (2). »

- Selon Dragendorff', on a noté dans l'empoisonnement aigu

« une inflammation plus ou moins vive de toutes les parties

du tube digestif et en certains points une coloration vert

brunâtre des muqueuses » et, dans l'empoisonnement chro-

nique, « une irritation et même une inflammation des mu-

queuses gastrique et intestinale, qui disparaissent d'ordi-

naire lorsqu'on suspend l'ingestion de la préparation (3). »

Si, maintenant, nous jetons un coup d'oeil sur nos deux au-

topsies nous voyons que ni dans l'une (Etat de mal, p. 2),

ni dans l'autre (Observation II, ci-dessus), nous n'avons

trouvé trace d'altération de la muqueuse gastro-intesti-

nale. Elles ressemblent donc, sous ce rapport, à celle de

M. Moore, citée par M. Tardieu. La seconde, il est vrai,

prête à la critique en ce sens que la mort est survenue

près de 3 mois après la cessation du traitement. Toutefois,

il est à présumer que, s'il y avait eu des lésions, elles eussent

été entretenues par l'apparition de la tuberculose intesti-

nale. La première, au contraire, échappe à toute objection

puisque la mort est survenue dans le cours même du trai-

- (1) Taylor. Médical Gazette, t. XXV, p. 828.

\2) Tardieu. Etude médico-légale et clinique de l'empoisonnement,

page 525. -

(3) Dragendortr. Manuel de toxicologie, trad. Ritter, page 146.

30 RECHERCHES THÉRAPEUTIQUES.

tement. Ces divergences devaient être indiquées. C'est aux

faits ultérieurs à les expliquer.1 1

Recherches tôxicologiq2ces sur la présence du cuivre

dans le foie. - Lorsque nous avons pratiqué l'autopsie de

la malade de l'observation II, une affaire judiciaire émou-

vait encore l'opinion publique. Un herboriste de Saint-

Denis venait d'être condamné à la peine capitale, comme

coupable d'avoir empoisonné successivement ses deux fein+

mes par des préparations de cuivre. Les experts, MM. G.

Bergeron et Lhôte, avaient constaté la présence dans le

foie de la première victime de 120 milligr. de cuivre dans le

foie de la seconde de80milligrammes(l). Aussi avons-nous

saisi avec empressement l'occasion qui nous était fournie

pour faire rechercher, pardes personnes compétentes, si le

foie de la malade de l'Observation II, renfermait du cuivre

et quelle était la quantité qu'il contenait. A cet effet, nous

avons confié un premier fragment de cet organe à M. Yvon,

ancien interne en pharmacie des hôpitaux de Paris, chef

des travaux chimiques à l'école d'Alfort, et un second

fragment à M. A. Robin, interne en médecine des hôpitaux

de Paris et déjà connu par des travaux intéressants de

chimie médicale. Nous allons, en conséquence, reproduire

les notes qu'ils ont bien voulu nous donner' et qui ont été

communiquées à la Société de Biologie (27 février).

Analyse chimique de M. Yvo ? «J'ai opéré sur 350 grammes

de foie conservé dans l'alcool; cette quantité a été coupée en

menus morceaux et divisée en deux parts. J'ai commencé par

chauffer légèrement dans une capsule afin de vaporiser l'al-

cool, j'ai ensuite arrosé d'une quantité suffisante d'acide sul-

furique pur. J'ai procédé alors à la destruction de la matière

organique en prenant les précautions d'usage : Le charbon ob-

tenu a été arrosé avec de l'acide azotique pur ; j'ai évaporé ;

puis calciné et recommencé plusieurs fois l'opération. Finale-

ment, j'ai eu environ 60 . grammes de charbon que j'ai ré-

duit en poudre fine.

(1) Gazette des Tribunaux, 10 et 11 sept. 1874.

SULFATE DE CUIVRE. 31

» Ce charbon, on le sait, retient le cuivre avec une grande

énergie, aussi je l'ai placé dans une capsule de platine et

chauffé au blanc pendant environ 8 heures, de façon à obtenir

des cendres grises. J'ai laissé refroidir et j'ai traité à l'ébulli-

tion par de l'eau aiguisée d'acide azotique; j'ai filtré cette pre-

mière solution qui était fortement colorée en bleu. Le résidu

de charbon a été de nouveau calciné, puis traité par l'eau

acidulée. J'ai continué ces opérations jusqu'à dissolution to-

tale du résidu.

«Les liqueurs provenant de ces divers traitements, et formant

ensemble un volume d'environ 100 centimètres cubes ont été

réunies. J'ai fait passer un courant d'hydrogène sulfuré, afin

de précipiter le cuivre à l'état de sulfure,après un repos con-

venable ce sulfure a été séparé par filtration. Je me suis as-

suré que la liqueur surnageante étendue de son volume

d'eau ne laissait plus déposer de sulfure de cuivre.

» Le précipité, recueilli sur un filtre, a été un instant lavé à

l'eau chargée d'acide sulfhydrique, puis séché. Je l'ai ensuite

dissous dans l'acide azotique bouillant, et pour terminer la

dissolution j'ai été obligé d'ajouter quelques gouttes d'acide

chlorhydrique. J'ai ensuite évaporé pour chasser l'excès d'acide.

» J'ai préféré doser le cuivre à l'état métallique en décompo-

sant le sel par la pile et en faisant déposer le métal sur une

lame de platine, pesée à l'avance. Mais, pour cela, il fallait

chasser entièrement l'acide azotique. J'ai donc redissous le

sel de cuivre dans un excès d'acide chlorhydrique conte-

nant quelques gouttes d'acide sulfurique, et j'ai évaporé à

siccité ; j'ai recommencé plusieurs fois l'opération et finale-

ment j'ai repris par l'eau contenant quelques gouttes d'acide

chlorhydrique. J'ai obtenu ainsi une dissolution qui a été

soumise à l'action du courant.

» Le cuivre s^est d'abord déposé à l'état cohérent sur la lame

de platine, puis sous forme d'éponge, qui, au bout de

24 heures, avait atteint le volume d'une noisette. En enlevant

la lame de platine, le cuivre spongieux s'est séparé, je l'ai

recueilli à part sur un filtre taré, et desséché à 400 degrés,

après lavages convenables. J'ai obtenu de ce côté 0 gr. 029 de

cuivre. *

» D'autre part, le dépôt effectué sur la lame de platine a été

lavé et desséché; l'augmentation de poids a été de 0 gr. 023.

La liqueur, soumise à l'électolyse, renfermant encore des

32 RECHERCHES THÉRAPEUTIQUES.

traces de cuivre comme je m'en suis assuré à l'aide des réac-

tifs, je l'ai de nouveau soumise à l'action du courant et j'ai

obtenu sur une nouvelle lame de platine un dépôt pesant

0 gr. 0015. En ajoutant ces diverses quantités :

. 0,023

- 0,00,15

0,029

0,0553

» On obtient un total de Ogr. 0535 de cuivre métallique qui

correspond à 0 gr. 3115 de sulfate de cuivre cristallisé; le tout

pour 350 grammes de foie. Le poids total de l'organe étant de

1932 grammes,- qui, s'ils avaient été conservés dans l'alcool

se seraient réduits à 1544 grammes, - on obtient une quan-

tité de cuivre métallique de 0 gr. 236 correspondant à 0 gr.

927 de sulfate de cuivre cristallisé (1). s

Analyse de M. Alb. Robin. « Le procédé que nous avons suivi,

est en grande partie celui de Lhôte : toutefois nous l'avons mo-

difié dans quelques-unes de ses opérations. Ainsi, au lieu de

peser le cuivre à l'état de sulfure, il nous a paru plus simple

encore de le doser à l'état d'oxyde. Dans cette recherche du

cuivre, il faut que le chimiste se mette à l'abri de causes d'er-

reurs multiples, qu'il n'est pas inutile, croyons-nous, de rap-

peler brièvement ici, afin de prévenir, par avance, quelques-

unes des objections qui pourraient nous être faites. En outre,

quelque banales qu'elles paraissent être, ces causes d'erreur

doivent être fréquemment rappelées.

»1° Se servir de réactifs peu nombreux, absolument purifiés :

moins on emploiera de réactifs, moins on aura de chances

d'introduire le cuivre dans le tissu qu'on analyse.

» 2° Opérer dans des vases de porcelaine et de verre; éviter

les métaux avec le plus grand soin ; ne pas se servir, com me

appareils de chauffage, de lampes de cuivre, de fourneaux de

fonte à ajutage de cuivre, etc. ! 3" Comme les pesées doivent être faites dans des creusets

de porcelaine, ne pas oublier que ces creusets contiennent

une certaine quantité d'humidité dont on ne peut les débar-

rasser qu'en les chauffant au rouge et qu'ils reprennent, avec

(1) La solution primitive, débarrassée du cuivre, renferme une assez forte

proportion de fer. Je l'ai précipité parle sulfhydrate d'ammoniaque et dosé à

l'état de sesquioxyde. Il y a 0 gr. 059 de sesquioxydo pour a5Q gr. de foie; ce

qui correspond à 0/m3 de fer pur. '

SULFATE DE CUIVRE. 33

une grande facilité, même dans la cage desséchée d'une ba-

lance de précision ; de telle sorte qu'avant de se servir d'un

creuset, il est indispensable de le peser, de le chauffer au

rouge et de constater par des pesées successives, le moment

où il reprend son degré d'humidité, pour ainsi dire constitu-

tionnelle. Sans cette précaution, on commet des erreurs de

pesée qui peuvent s'élever de 0,003 à 0,006, ce qui est énor-

me, quand on opère sur des quantités infinitésimales, et sur-

tout quand, n'ayant employé qu'une partie du viscère à ana-

lyser, on est obligé de multiplier le résultat obtenu, ce qui

augmente d'autant l'erreur commise.

Ces préliminaires posés, nous arrivons au détail du procé-

dé : le foie, coupé en lanières minces, est introduit dans une

grande capsule de porcelaine, chauffée à feu nu sur un bon

fourneau Wiesnegg. Au bout de quelques instants, le foie

« rend son eau, » et le liquide ainsi formé, commence à mous-

ser abondamment. Il faut alors baisser un peu le feu et main-

tenir à une douce ébullition, jusqu'à ce que la plus grande

partie du liquide ait disparu. On augmente alors le feu, les

graisses du foie fondent et se brûlent avec une odeur profon-

dément nauséeuse. Quand le résidu commence à durcir et à

charbonner, on pousse encore le feu jusqu'à carbonisation

complète. '

Comme M. Lhôte l'avait indiqué dans son mémoire et pour

les mêmes raisons, nous avons repoussé l'emploi des acides

dans cette première partie de l'opération. Le résidu charbon-

neux est alors incinéré à la mouille (fourneau à coupelle au

charbon) dans des creusets de porcelaine. Ici, il faut prendre

garde de ne point avoir un feu trop vif, sans cela les sels fusibles

du résidu, fondent et, subissant une sorte de vitrification, en-

globent une certaine quantité de charbon qui se consume

alors plus difficilement ou même ne brûle pas du tout. La

température de la mouffle doit donc être parfaitement réglée

et l'incinération très-surveillée. Certes, si la combustion du

. charbon n'était pas complète, l'opération ne serait pas man-

quée pour cela, mais elle serait rendue plus pénible, car d'une

part, l'attaque par les acides des sels charbonneux fondus est

plus difficile, et d'autre part, on sait quelle affinité les char-

bons organiques possèdent pour les sels métalliques. Cette

affinité est telle, qu'il faut faire des lavages prolongés pour

BOUKKEVILLE. 3

34 RECHERCHÉS THÉRAPEUTIQUES.

dissoudre ces sels en entier. Il y a donc encore là une cause

d'erreur qu'il sera facile d'éviter. ' ,- ?

Le résidu de l'incinération sera traité par un excès d'acide

azotique pur et préalablement essayé. Cette dernière opéra-

tion doit se faire dans une capsule de porcelaine au bain-ma-

rie, à la température de 8o190. Quand l'attaque sera termi-

née, que les vapeurs nitreuses auront pris fin, les cen-

dres seront reprises et épuisées par une très grande quantité

d'eau, à la température de l'ébullition, s'il reste des particules

de charbon non brûlées, l'épuisement doit être encore plus

complet. Ce point est très-important : on pourrait presque dire

qu'on n'épuise jamais trop complétement.

Liquides et résidu seront jetés sur un filtre en papier Ber-

zélius qu'on lavera encore à l'eau bouillante. Tous les liquides

seront alors réunis et traités par un excès d'ammoniaque pure.

Dans notre recherche les liqueurs ont pris, à ce moment, une

belle couleur bleue pâle, indice du cuivre. Après une heure

de repos, on filtre pour séparer le précipité formé, et les li-

quides filtrés seront concentrés au dixième de leur volume ;

ici encore, on usera du bain-marie. Vers la fin de la concen-

tration, on voit apparaître dans la capsule un précipité flocon-

neux bleuâtre, qui vient encore confirmer la présence du

cuivre. Quand la concentration est arrivée à son terme, on

acidifie la liqueur avec de l'acide azotique pur qui redissout

le précipité, on filtre et on fait passer dans le produit de la

filtration un courant de gaz hydrogène sulfuré. Le précipité

qui se forme est constitué par du sulfure de cuivre et du

soufre. On recueille ce précipité sur un filtre, on le lave avec

une solution d'hydrogène sulfuré, puis on le traite à chaud,

par une petite quantité d'acide azotique et l'on évapore à

siccité. Le résidu est repris par l'eau bouillante qui dissout

l'azotate de cuivre. Cette solution est évaporée dans un petit

creuset de porcelaine, taré exactement, qu'on chauffe ensuite à

la moufle, au rouge ordinaire, puis au rouge vif, en ayant soin

d'éviter les pertes par projection. On obtient ainsi à l'état de

bioxyde tout le cuivre contenu dans le viscère en expérience.-

Telle est la méthode que nous avons suivie. Le foie de la ma-

lade pesait 1,932 grammes; une portion de 1,407 grammes avait

été placée dans un bocal plein d'alcool. Cette partie s'était ré-

duite à 1,4 25 grammes ; l'alcool avait donc dissout 282 gram-

mes d'eau, de matières extractives, etc. Nous avons dosé se*

«SULFATE DE CUIVRE. 35

parement le cuivre dans le foie et dans l'alcool de macération ;

en opérant sur 500 grammes de foie et sur 250 grammes dé

cet alcool, voici les résultats obtenus :

Le foie entier (1,932 gr.) contenait 0 gr. 138 milligr ? de cui-

vre, exprimé en cuivre métallique, ce qui correspond à 0 gr. 539

de sulfate de cuivre à cinq équivalents d'eau. Ces 0, or : 138

se répartissaient ainsi : le foie en renfermait 0 gr. 0865, tandis

que l'alcool en avait dissout 0 gr. 05 15.

Cette analyse nous suggère les réflexions suivantes :

1° Le cuivre donné à titre médicamenteux, s'accumule dans

le foie et peut y demeurer pendant un temps assez long.. 1

2° Le cuivre serait contenu dans le foie sous deux états :

dans le premier, il entre probablement, dans la constitution de

la cellule hépatique elle-même et par conséquent dans la cons-

titution des matières albuminoïdes qui la composent; dans le

second, le cuivre ne serait plus combiné à ces matières, puis-

que l'alcool peut le dissoudre et l'entraîner ; il se trouverait

placé dans les conditions d'un produit de désassimilation,

sur la même ligne que les matières extractives solubles aussi

dans l'alcool, matières qui proviennent de -la dénutrition des

cellules hépatiques. Le cuivre, après s'être accumulé, dans le

, foie sous la forme d'une combinaison avec les albuminoïdes

, des cellules, s'en éliminerait donc, au sur et à mesure de la

rénovation moléculaire incessante de celles-ci : Si cette hypo-

' thèse était prouvée (car il est inutile d'ajouter que la théorie

ci-dessus est encore assez hypothétique,) la grande proportion

' de cuivre contenue dans l'alcool de macération, nous mon-

trerait : ou bien que le travail organique de désintégration cel-

lulaire s'est continué dans l'alcool et que les cellules ont peu

"à peu abandonné une partie de leur cuivre, ou bien que les

produits de leur désassimilation n'avaient pas été repris immé-

diatement par le sang; la première théorie nous paraît la plus

vraisemblable; la chimie peut d'ailleurs plus facilement l'expli-

quer. En tous cas, notre analyse et l'hypothèse qu'elle nous a

permis de faire, viennent à l'appui de cette opinion de notre

1 savant maître, M. le professeur Gubler, à savoir que les mé-

ntaux, introduits dans l'organisme, n'agissent réellement qu'en ? se combinant aux matières albuminoïdes du sang et surtout

Ides tissus, soit que cette combinaison soit directe, soit que

ces métaux, au contraire, pénètrent dans la constitution de

ces matières par un phénomène de substitution moléculaire.

36 RECHERCHES THÉRAPEUTIQUES.

En comparant cette analyse à celle de M. Yvon, on voit

qu'il existe une différence assez notable. M. Yvon a, en

effet, obtenu 225 milligr. tandis que M. Alb. Robin n'a

trouvé que 138 milligr., bien qu'il ait recherché le cuivre

non-seulement dans le foie, mais aussi dans l'alcool. Cette

divergence nous a paru très-sérieuse et nous avons cru

devoir faire procéder à une nouvelle analyse. M. le doc-

teur Rabuteau a consenti à se charger de ce soin et, nous

allons reproduire sa note, qui, comme les précédentes, a été

communiquée à la Société de biologie.

Avant de rapporter l'analyse de M. Rabuteau, nous

croyons devoir donner quelques explications. Le foie, à

l'autopsie, c'est-à-dire frais, pesait 1932 grammes. Nous en

avons retranché 525 grammes qui ont permis, dès ce mo-

ment, de constater la présence du cuivre dont la quantité

n'a pas été dosée. Les 1407 grammes qui restaient, placés

dans l'alcool, se sont réduits à 1125 grammes, cédant de

l'eau, ducuivre, etc., au liquide conservateur, de telle sorte

que si le foie entier (1932 gr.) avait été mis dans l'alcool,

il se serait réduit proportionnellement à 1544 grammes.

Analyse chimique de 31. le 7> RABUTEAU. La portion de ce foie,

qui m'a été remise par M. Bourneville, ne pesait que 58 gram-

mes. Mes recherches n'ont porté que sur 40 grammes de ce

même foie. Les 18 autres grammes ont été réservés pour des

recherches ultérieures.

Les résultats obtenus antérieurement par M. Yvon et par

M. Albert Robin différant d'une manière notable, je crois de-

voir exposer, avec les détails nécessaires, la marche que j'ai

suivie dans l'analyse que j'ai effectuée.

Au lieu de recourir à la chaleur pour détruire les matières

organiques, j'ai employé le procédé de Fresenius et Babo. On

sait que ce procédé consiste à introduire les matières suspectes

dcfns une fiole, ou ballon à fond plat, avec de l'acide chlor-

hydrique, à chauffer le mélange en même temps qu'on y in-

troduit par pincée du chlorate de potasse pur. Sous l'influence

des composés chlorés instables qui prennent naissance dans

l'action réciproque du chlorate de potasse et de l'acide chlor-

hydrique, les matières organiques azotées sont rapidement dé-

' sulfate DE cuivre. 37

truites. On obtient une liqueur jaune ou jaunâtre qui est sur-

nagée par la majeure partie des matières grasses qui pou-

vaient se trouver dans la substance organique soumise à la

destruction. En effet, les matières grasses résistent assez for-

tement ; mais on n'a guère à s'occuper de cette circons-

tance, car les substances métalliques se trouvent à l'état de

chlorures dans la liqueur jaune sous-jacente. Néanmoins les

matières grasses non détruites doivent être séparées pour être

soumises à une analyse spéciale, surtout lorsqu'elles se trou-

vent en assez grande quantité. .

Cela posé, j'ai réduit en menus fragments, à l'aide d'un

couteau fort propre, les 40 grammes de foie que j'avais préle-

vés pour l'analyse, puis j'ai opéré la destruction des tissus

en chauffant sur un fourneau à gaz la fiole qui les contenait

avec l'acide chlorhydrique et le chlorate de potasse. Le four-

neau était en fonte; une toile de fer était interposée entre la

fiole et la couronne de becs de gaz. Le foie contenait une assez

grande quantité de graisse qui surnageait la liqueur après la

destruction des matières azotées. J'ai séparé cette graisse en

filtrant sur l'amiante.

La liqueur acide obtenue a été réduite à moitié par évapo-

ration pour enlever le chlore libre et pour la rendre moins

acide. Elle a été ensuite additionnée de 100 grammes environ

d'eau distillée, puis traitée par l'hydrogène sulfuré. Pour cela,

je l'ai introduite dans une fiole, je l'ai fait traverser pendant

trois heures par un courant de ce gaz, puis je l'ai abandonnée

pendant quinze heures dans la fiole bouchée. Au bout de ce

temps, j'ai recueilli sur un filtre le précipité noir qui s'était

formé et l'ai lavé, sur le filtre, avec une solution aqueuse

d'hydrogène sulfuré. Le filtre et son contenu ont été intro-

duits dans une capsule avecun peu d'acide azotique pur ; puis,

après évaporation de l'acide azotique, le résidu a été chauffé

au rouge.

Le nouveau résidu obtenu en dernier lieu a été dissous

dans l'acide azotique, dont l'excès a- été enlevé par une éva-

poralion ménagée. J'ai ajouté un peu d'eau distillée, puis fil-

tré à chaud, et j'ai obtenu finalement une liqueur dans la-

quelle l'ammoniaque en excès a développé une coloration bleu e

intense (bleu céleste). J'ai exposé, dans la séance précédente,

sous les yeux des membres de la Société, un tube contenant

une dizaine de centimètres cubes de la liqueur colorée en

38 RECHERCHES THÉRAPEUTIQUES. ,

bleu par le cuivre qui avait été séparé des 40 grammes de foie

par le procédé qui vient d'être exposé.

Les matières grasses, qui surnageaient la liqueur jauneaprès

l'action du chlorate de potasse et de l'acide chlorhydrique, ont

été incinérées dans une capsule avec un peu de nitrate d'am-

moniaque. Le résidu, traité par l'acide azotique, puis par l'eau

distillée et par l'ammoniaque, a donné une liqueur très-faible-

ment colorée en bleue. La coloration de cette liqueur était si

peu appréciable que j'ai négligé de tenir compte des traces

infinitésimales de cuivre qu'elle pouvait contenir.

Dosage du cuivre. - Le procédé que j'ai suivi a été indiqué

jadis par Pelouze. Ce procédé volumétrique, qui est très-ra-

pide et très-exact, me semble particulièrement recommanda-

ble dans les recherches de toxicologie, lorsqu'il y a empoi-

sonnement par le cuivre; il me paraît mériter d'être placé au

même rang que le procédé volumétrique de Margueritte pour

le dosage du fer, par exemple dans les urines qui contiennent

de si faibles quantités de ce métal.

Voici comment on opère dans la méthode de Pelouze (1) qui

est fondée sur la décoloration des solutions ammoniacales de

cuivre par les sulfures alcalins, tel que le sulfure de sodium :

On prépare d'abord une liqueur de cuivre rigoureusement

titrée. Pour cela, on dissout 1 gramme de cuivre pur dans 10

grammes d'acide azotique pur ; après la dissolution du cuivre,

on ajoute un peu d'eau distillée, puis 50 grammes d'ammo-

niaque liquide. Si l'ammoniaque était faible, il faudrait en

ajouter davantage pour dissoudre totalement l'oxyde de cui-

vre bleuâtre précipité d'abord. On ajoute ensuite de l'eau dis-

tillée de manière à obtenir 1 litre. On a ainsi une belle liqueur

bleue dont chaque centimètre cube contient 1 milligramme de

cuivre. - Cette liqueur cuivrique est conservée pour l'u-

sage dans un vase bouché à l'émeri. -

On prépare, en second lieu, une solution aqueuse de sulfure

de sodium, en dissolvant une très-faible quantité de ce sel

dans de l'eau distillée privée d'air par l'ébullition et refroidie.

Il ne reste plus qu'à déterminer le titre de cette solution,

(1) Pelouze avait proposé son procédé volumétrique pour le dosage du

cuivre dans les minerais. Les essais que j'ai effectués pour doser de mini-

mes quantités de cuivre ont tous été très-satisfaisants. Toutefois, il faut

employer des liqueurs titrées très-faibles, telles que celles que j'indique.

SULFATE DE CUIVRE. 39

c'est-à-dire à fixer le nombre de centimètres cubes de la li-

queur sulfureuse qui sont nécessaires pour décolorer un vo-

lume donné de la liqueur cuivrique. On se sert pour cela

d'une burette graduée telle que la burette de Mohr.

Supposons qu'il ait fallu employer 15 centimètres cubes de

la liqueur sulfureuse pour faire disparaître la couleur bleue

de 10 centimètres cubes de la liqueur cuivrique dont le cui-

vre s'est précipité à l'état d'oxysulfure qui est noir. Comme

chaque centimètre cube de la solution titrée de cuivre contient

1 milligramme de ce métal, chaque centimètre cube de la so-

lution sulfureuse a précipité 10 = 0 milligr. 666 de cuivre.

15 0

Or, après avoir préparé une solution sulfureuse qui s'est

trouvée telle qu'il en fallait 12 divisions et 3 dixièmes de divi-

sion pour décolorer 10 centimètres cubes de la liqueur cuivri-

que normale, j'ai constaté qu'il fallait en employer 8 divisions

pour décolorer la liqueur contenant le cuivre extrait par l'a-

nalyse des 40 grammes de foie. Par conséquent, la quantité de.

10 milli ? X 8.

ce métal était égale à 10 millig : X s, = 6 millig, 5.

La quantité de cuivre contenu dans 1,000 grammes de ce

A r . ? , , G rniltig. X t,000,

même foie était donc égale à 40 = 162 milligr.

Le foie recueilli par M. Bourneville pesait 1932 grammes;

mais, par suite de sa conservation dans l'alcool, on a trou-

vé qu'il s'était réduit à 1544 grammes. La quantité du cui-

vre- contenu dans le foie total était par conséquent égal à

162 millig. 5 X 1,544 - 25 0 ml ']1' 19. 1.

1,000 50 millig. 1.

Ces 239 millig. b .de cuivre correspondent à 946 millig. 6 de

sulfate de cuivre cristallisé, Cu S 04 +5 H°-0.

En somme, les résultats de l'analyse ont été les suivants :

Cuivre dans 1,000 grammes du foie 16 centig. 5

Cuivre dans le foie total 25 - 01

Sulfate de cuivre cristallisé corres-

pondant à cette dernière quantité

de métal 1 gr. 03- 66

Nota. - La liqueur acide d'où le cuivre avait été précipité à

l'état de sulfure par l'hydrogène sulfuré, ayant été filtrée puis

traitée par le sulfhydrate d'ammoniaque, a donné un nouveau

40 RECHERCHES THÉRAPEUTIQUES.

précipité noir où il a été facile de constater la présence du fer

en le dissolvant dans l'acide nitrique et ajoutant du ferrocya-

nure de potassium (1).

(-1) On aurait pu objecter que l'alcool dans lequel le foie avait été conservé

renfermait du cuivre qui aurait été entraîné pendant la distillation de ce li-

quide à l'état d'acétate de cuivre. En effet, l'alcool renferme presque tou-

jours une faible quantité d'acide acétique. .

Afin de répondre à cette objection, M. Bourneville m'a remis deux échan-

tillons d'alcool semblable à celui qui avait été employé pour la conservation

du foie. J'ai effectué deux analyses avec ces échantillons, dont l'un pesait

210 grammes et l'autre 236 grammes. Cette dernière quantité correspondait

à 270 centimètres cubes.

J'ai évaporé au bain-marie le premier échantillon, puis j'ai chauffé au

rouge le résidu dont il sera question plus loin. La capsule a été ensuite

lavée avec de l'acide azotique bouillant. Après évaporation presque complète

de l'acide azotique et addition de quelques centimètres cubes d'eau distillée,

j'ai filtré et obtenu une liqueur claire comme de l'eau de roche, dans laquelle

l'ammoniaque employée en léger excès n'a développé aucune coloration

bleue.

Le second échantillon a été traité de même, avec cette différence que j'ai

ajouté un peu d'acide sulfurique pur vers la fin de l'évaporation de l'alcool

au bain-marie. Le résidu noir, obtenu après la volatilisation de l'acide sulfu-

rique à une température suffisamment élevée, . a été de même chauffé au

rouge, puis traité par l'acide azotique. J'ai obtenu encore une liqueur dans

laquelle l'ammoniaque n'a développé aucune coloration bleue.

Les deux liquides obtenus en dernier lieu et additionnés d'ammoniaque,

occupaient chacun une capacité de 10 centimètres cubes environ. Examinés

dans un tube ayant 1 centimètre et demi de diamètre intérieur, ils appa-

raissaient tout à fait incolores lorsqu'ils étaient placés devant une feuille de

papier blanc. Or, des essais comparatifs avec une liqueur. contenant seule-

ment 1 cent-millième de cuivre dissout à la faveur de l'ammoniaque m'ont

démontré que, dans ces conditions, cette liqueur émettait un reflet légèrement

bleuâtre, surtout lorsqu'au lieu de regarder le tube de profil devant un papier

blanc, on le plaçait verticalement sur une feuille de papier en regardant par

la partie ouverte le liquide qu'il contenait.

D'après ces premiers résultats, il est permis d'affirmer que les deux

échantillons d'alcool ne renfermaient pas un dixième de milligramme de cui-

ore, si toutefois ils en contenaient.

Néanmoins, après avoir ajouté aux liqueurs ammoniacales quelques gouttes

d'une solution très-étendue de sulfure de sodium, ces liqueurs ont légère-

ment bruni. D'autres essais comparatifs m'ont fait voir qu'une coloration

très-légèrement brune, semblable à celle-ci, était développée par le sulfure

de sodium dans l'eau ammoniacale contenant seulement 1 cinq cent-millième

de cuivre, et même presque 1 millionième. Par conséquent les deux échan-

tillons d'alcool ne pouvaient contenir qu'une quantité de cuivre an plus égale

d 1 cinquantième de milligramme.

L'alcool soumis à l'analyse était de mauvais goût. C'était sans doute un

alcool de grains ou de pommes de terre. Vers la fin de la première évapora-

tion, j'ai pu discerner une légère odeur d'alcool amylique auquel sont dus,

SULFATE DE CUIVRE. 41

Si l'on met en regard ces trois analyses, on voit que

M. Yvon a obtenu 0 gr. 236 de cuivre pour le foie entier ; : ,

M. Alb. Robin 0 gr. 138; M. Rabuteau 0 gr. 250. Les chif-

fres de MM. Yvon et Rabuteau se rapprochent beaucoup

l'un de l'autre, mais s'éloignent notablement de celui de

M. A. Robin. Nous n'avons pas à rechercher les causes de

ces différences. Cette tâche appartient aux chimistes. Pour

nous, le fait important qui ressort de ces diverses analy-

ses, c'est que lé foie, lorsqu'on administre le sulfate de

cuivre, à dose médicamenteuse, peut emmagasiner une

quantité considérable de cuivre. Il s'ensuit enfin que,

dans les expertises médico-légales, on devra se montrer

très-réservé dans les déductions à tirer de la présence du

cuivre dans le foie, surtout s'il s'agit de cas où l'on suppo-

sera qu'un sel de cuivre a été donné à doses progressives

et durant un certain temps.

En résumé, les résultats que nous avons obtenus, résul-

tats qui se rapprochent beaucoup de ceux de M. Herpin, ne

sont guère encourageants puisqu'ils se réduisent à une

simple amélioration, sur cinq malades mises en traitement.

en majeure partie, les effets pernicieux des mauvais alcools. Les résidus,

qui étaient noirs au début, provenaient de matières organiques (sans doute

grains d'amidon ou de fécule, ou débris de ferments). J'ai pu déceler dans

les liquides obtenus en dernier lieu des traces très-manifestes d'un phos-

phate (probablement phosphate de potasse), en faisant bouillir avec l'acide

nitrique et le chlorhydrate d'ammoniaque. Les liqueurs ont donné un précipité

jaune, caractère qui indique la présence des phosphates.

DU

MONOBROMURE DE CAMPHRE (1)

Des malades épileptiques du service de M. Charcot,'

traitées par le monobromure de camphre, nous ne parle-

rons aujourd'hui que de celles qui ont pris ce médicament

d'une façon régulière et durant un temps assez long. Si nous

ne sommes pas en mesure, dès maintenant, de donner des

renseignements plus complets et sur un plus grand nombre

de malades, cela tient à ce que, à l'origine, nous avons ad-

ministré le monobromure de camphre à des doses beau-

coup trop faibles. Instruit par l'expérience, nous n'hésitons

plus actuellement à débuter par 50 centigrammes et à por-

ter rapidement la dose à 2 grammes et même au-delà (2). '

Pour bien apprécier la valeur des résultats que nous ' z

avons obtenus, et cette remarque s'applique non-seulement `

au monobromure de camphre, mais aussi à tous les médi-

caments que nous avons employés (sulfate de cuivre, oxyde

de zinc, glace, etc.), - il importe de se rappeler que les ma-

lades dont nous disposons sont, en général, des femmes

épileptiques d'ancienne date, et chez lesquelles, par consé-

(1) Consultez sur ce sujet : Bourneville, Notes sur quelques points de

l'action physiologique du monobromure de camphre (Prog. 2zed., n"8 25 et 26); ,'

- De l'emploi thérapeutique du monobromure de camphre ( id. n° 31; -

Physiological and therapeutical Researches on the monobromure of Camphor

(The Practitioner, August 1874) ; - Gault, Notes sur le monobromure de

camphre (Revue médicale de l'Est, 1874). - Bourneville, Revue théra-

peuttque (Progrès méd., 1875, n° 4).

(2) M. Deneffe, médecin distingué de Gand, a donné 4 grammes, en 24

heure», à un malade atteint de delirium tremens. (Presse méd. belge, 1871).

MONOBROMURE DE CAMPHRE. 43

quent, la maladie a, en quelque sorte, élu domicile. Cette cir-

constance nous a paru devoir être signalée, car, si en face d'un

agent thérapeutique nouveau, il faut avoir soin de ne pas

se laisser aller à un enthousiasme irréfléchi, il convient

aussi de ne pas tomber dans le défaut contraire et de peser

avec soin, sans idée préconçue, les faits que l'on observe.

Donné d'abord à des doses de 0 gr. 05, puis de 0 gr. 10,

et 0 gr. 15 le bromure de camphre, ne nous a rien pro-

curé. Cette période de tâtonnements a duré près d'un mois.

Alors, sur les conseils de M. Charcot, nous avons augmenté

la dose de 0 gr. 10, tous les cinq jours environ, et nous

sommes arrivés à la fin de s3ptembre à 1 gr. 80 chez trois

malades, 1 gr. 50 chez la plupart des autres. Les trois ma-

lades auxquelles nous avons toujours fait prendre les quan-

tités les plus élevées, sont de très-vieilles épileptiques que

nous avons choisies plutôt comme une espèce d'avant-

garde, au point de vue des effets du médicament, que dans

l'espérance, même la plus légère, d'obtenir une diminution

quelconque des accès. On conçoit sans peine que les chan-

gements, notés chez elles, aient été de minime importance;

nous passerons donc brièvement sur ce qui les concerne.

Observation I. - Bl..., 25 ans; à la Salpétrière depuis le 10

mars 1872. Traitement commencé le 22 avril. Pas de modifi-

cation appréciable des accès et des vertiges. Elle est plus

calme, le sommeil est devenu plus long et plus profond. Son

poids qui, le 19 juin, était de 42 kilogr., s'élevait le 1er août à

43 kilogr. et le 7 octobre à 45. -

OBS. Il. - Coquel ? 48 ans; à la Salpétrière depuis 1848.

Epilepsie remontant à l'âge de 13 ans et demi; démente comme

la précédente. Mômes doses (de 0 gr. 05 à 1 gr. 80). Pas d'autre

amendement qu'un sommeil plus tranquille et moins d'agita-

tion. Son poids s'est élevé de 59 kilogr. (19 juin), à 60 kilogr.

(7 octobre).

OBS. IIL-Herm ? 4. ans ; à la Salpétrière depuis 1850. Cette

malade qui était turbulente, bruyante, se levait très-souvent

la nuit pour aller tourmenter ses compagnes, est devenue

moins désagréable et reste, d'ordinaire, dans son lit.;pendan

44 RECHERCHES THÉRAPEUTIQUES.

la nuit. Du 19 juin au 7 octobre, son poids s'est accru de 3 kilogr.

(40 à 43)..

Le second groupe comprend des malades plus jeunes, il

est vrai, mais dont l'affection remonte, cependant, déjà à

une époque assez éloignée.

Observation IV. - E. Vint ? 18 ans, entrée le 2 avril 1872.

Début à 12 ans. Accès et vertiges. Le nombre des accès n'a

pas sensiblement changé depuis qu'elle prend du bromure de

camphre, mais les vertiges ont disparu. Son poids s'est accru

d'un kilogr. (57 à 58).

Observation V. - Ducret ..., 28 ans. Admise en 1868.

Malade depuis dix années. Etat stationnaire des accès; diminu-

tion des vertiges. Le poids est resté le même.

Observation VI. - Lob... Marie, 25 ans, entrée le 11 juillet

1871. Convulsions dans l'enfance. - A 23 ans, étant dans la

rue, elle a eu, sans cause connue, un premier accès suivi

d'un second le lendemain. A partir de là, les accès ont été

très -fréquents. Elle a des accès complets et des étourdisse-

ments. En 1873, on a compté 72 accès et 483 vertiges. Le traite-

ment a été institué le 22 avril.

, MONOBROMURE de camphre 45

let : 0 gr. 90; - 26 juillet : un gramme ; ler août : 1 gr. 10 ;

10 août : 1 gr. 20; poids, 59 kilogr.; - 1eT septembre : 1 gr.

30 ; - 17 sept. : 1 gr. 40 ; - 25 sept. ; 1 gr. 50 ; - 7 octobre :

59 kilogr. - En 1873, 72 accès et 483 vertiges.

Du 1er mai au 30 septembre 1873....... 32 accès et 27 vertiges.

Du 1° mai au 30 septembre 1874....... 26 accès et 10 vertiges.

Nous avons, chez cette malade, une amélioration portant

à la fois sur les accès et sur les vertiges. Chez elle, de

même que chez la plupart des autres, nous avons cons-

taté une augmentation de poids depuis qu'elle prend du

bromure de camphre (1).

Observation VIII. - Convulsions dans l'enfance. - Arrêt de

développement consécutif. -Premier accès à 9 ans. - Marche

de la maladie. - Traitement par le bromure de camphre ;

- diminution remarquable des accès et des vertiges.

Fouill... Marthe J., âgée de 12 ans, est entrée à la Salpétrière

(service de M. CHARCOT) le 12 novembre 1870. C'est une enfant

naturelle, aussi n'avons-nous pu obtenir de son père nourri-

cier que des renseignements assez vagues.

Elle aurait eu, à 6 mois, des convulsions qui ont persisté

durant trois semaines et ont eu pour conséquence un arrêt

de développement : à 3 ans, elle n'avait que deux dents et elle

n'a marché qu'à plus de 3 ans. Sa santé est ensuite deve-

nue meilleure. F... allait à l'école, apprenait assez bien; elle

était très-douce et ne paraissait pas nerveuse.

En 1871, durant la bataille des sept jours, comme elle tra-

versait la rue de l'Arbre-Sec avec sa tante, on a voulu les

arrêter sous prétexte de fabriquer des sacs pour les barrica-

des. Bien que cet accident n'ait pas eu de suites, l'enfant fut

vivement impressionnée. Deux ou trois jours après, elle se

mit à trembler et 4 ou 5 mois plus tard elle fut prise dans la

rue d'un premier accès. Le second survint au bout d'un mois.

Enfin, depuis cette époque, les accès se sont succédé à inter-

valles de plus en plus rapprochés de telle sorte que, en 1873,

elle a eu 70 accès et 1850 vertiges.

(1) Nous reviendrons sur ce sujet lorsque nous aurons un plus grand

nombre de faits. Nous indiquerons en même temps les modifications qui sur

viennent du côté de la sécrétion urinaire.

46 ' RECHERCHES THÉRAPEUTIQUES).

Traitement. 1er mai : 2 pilules de 0 gr. 05 de bromure de

camphre. - 6 mai : 15 centigr. 10 mai : 20 centigr. 16

mai : 0 gr., 30. - 6 juin : 0 gr. 40. - 15 juin : 0 gr. 50. Poids

32 kilogrammes. - 10 juillet : 6 dragées de 0 gr., 10, soit

0 gr. 60. - On est frappé de la diminution des vertiges. 25

juillet : 0 gr. 70. 10 août : 0 gr., 80. Poids 33 kilogr. 17

septembre : 0 gr. 90. - 25 septembre : 1 gr. ou dix dragées.

- 7 octobre : poids, 34 kilogr. 500.

Cette enfant a très-bien supporté le médicament. Elle n'a

jamais éprouvé le moindre trouble du côté des voies diges-

tives. Elle est très-calme, facile à conduire. - Sa santé gé-

nérale est excellente. Tandis que, du 1 ? mai au 30 septem-

bre 1873, elle avait eu 35 accès et 871 vertiges, elle n'a eu

durant la période correspondante de 1874, pendant laquelle

elle a été soumise au traitement par le bromure de camphre,

que 18 accès et 246 vertiges. Ces chiffres indiquent une

amélioration incontestable, aussi continuera-t-on le trai-

tement en élevant la dose. -

Observation IX. - Père alcoolique. - Grand'mère maternelle

morte d'apoplexie. -- Cousin épileptique. - Préoccupations

pendant la grossesse. - Convulsions répétées. - Accidents bi-

zarres probablement de nature épileptique : Accès de colère; -

absences, cauchemars. - Premier accès à 13 ans. - Accès et

étourdissements. - Bromure de potassium : diminution mo-

mentanée des accès ; augmentation des vertiges, - Bromure de

camphre : diminution des accès et surtout des vertiges. '

Ob... Berthe, âgée de 19 ans, est entrée le 3 décembre 1872,

à la Salpétrière (service de M. CHARCOT). ,

Renseignements fournis par sa mère. - Père, excès de bois-

son ; mort en 1870 à la suite des violences exercées sur lui

par les Prussiens. [Son père et sa mère, morts dans un âge

avancé, auraient fait des excès de boisson.] - Mère bien por-

tante. [Père mort à 75 ans, coléreux ; - mère morte à 70 ans

d'une attaque d'apoplexie foudroyante.]Un cousin-germain, qui

était épileptique, a succombé aux progrès de cette maladie à

l'âge de 20 ans. - Pas de consanguinité.

Un seul enfant, notre malade. La mère de Berthe a su la

mort de son cousin alors qu'elle était enceinte de cinq mois,

. MONOBROMURE DE CAMPHRÉ. 47

et, durant le reste de sa grossese, elle fut sans cesse préoccu-

pée de la crainte que son enfant ne devint épileptique. De un

an à 18 mois, Berthe a eu des convulsions à diverses reprises.

Puis elle fut atteinte du carreau et ne marcha qu'à trois ans et

demi. Elle a parlé à 14 mois et a été propre de bonne heure.

Dentition tardive et défectueuse. - Croûtes dans les che-

veux.

De 5 à 9 ans, Berthe fut sujette à des accès de colère; elle

battait sa grand'mère. - Reprise à neuf ans par sa mère, elle

n'avait, à cette époque, ni étourdissements ni accès ; mais

« elle ne ressemblait pas aux autres enfants, elle aimait à être

seule et n'apprenait que difficilement. » - Ni onanisme, ni

affections vermineuses.

C'est à 13 ans que l'on a constaté le premier accès. Toute-

fois, il est probable qu'elle en avait déjà eu, car, souvent, on

avait trouvé son lit en désordre et les draps déchirés. Dans

lejour, il lui arrivait aussi de^trouer ses habits avec les on-

gles, en quelque sorte sans qu'elle parût sans douter. Quoi

qu'il en soit, on ne connaît aucune cause occasionnelle. Plu-

sieurs jours après le premier accès dont nous venons de parler,

Berthe eut une espèce de crise semblable à un cauchemar :

Une nuit elle appela sa mère qui la vit assise sur son lit, l'ef-

froi peint sur le visage et criant : « Je rêve ! Je rêve ! » Après

le réveil tout cessa. De 5 à 13 ans, crises légères et rares. Pas

d'incontinence nocturne d'urine.

Elle fut réglée facilement en juillet 1870. En août, étant à

Rethel, alors qu'elle avait ses règles pour la seconde fois, elle

éprouva une grande émotion à la vue d'un incendie (c'était

pendant la guerre). De ce moment, les accès sont devenus de

plus en plus fréquents ; elle en avait jusqu'à quatre dans un

seul jour. Au début de ses accès, elle criait : « Maman ! Ma-

man ! Je suis... » et l'accès éclatait avant qu'elle n'eût fini sa

phrase. Pas de cri initial; convulsions très-violentes; écume

non sanglante ; cyanose des lèvres ; pas d'évacuations invo-

lontaires ; sommeil consécutif ; pas de délire. Les accès, diur-

nes et nocturnes, se montrent surtout au moment des règles,

aussi bien avant que pendant ou après.

Outre les accès, Berthe a des étourdissements. Ainsi, à table,

elle devient tout à coup immobile et tâtonne comme si elle ne

voyait plus clair. -- Pas d'autres maladies que le mal caduc;

intelligence médiocrement développée. Pas de palpitations

48 . RECHERCHES THÉRAPEUTIQUES..

ni de troubles gastriques. La mère s'est décidée à la placer en

raison de la répétition des accès. Pendant un an, elle a pris du

bromure de potassium. Sous l'influence de cette médication,

les accès se sont un peu éloignés durant six mois; mais en

revanche les étourdissements ont été plus nombreux.

Traitement, - 22 avril 1874 : Une pilule de 0 gr. 05 de bro-

mure de camphre. - 2 mai : 0 gr. 10. - 7 mai : 0 gr. 15. - 10

mai : 0 gr. 20. - 16 mai : 0 gr. 30. - 26 mai : 0 gr. 40. - 1er

juin : 0 gr. 50. - 15 juin : 0 gr. 60. - 19 juin : poids 52 kilog.

- Quand elle est pour avoir un accès, elle appelle la fille de

service deux ou trois fois. On a le temps d'accourir pour l'em-

pêcher de tomber. Il est impossible de savoir quels sont les

symptômes qu'elle ressent et qui lui font appeler l'infir-

mière.

26 juillet : 10 dragées de bromure de camphre (un gramme).

4 e août : 1 gr. 10.; poids, 53 kilog. - 10 août : 4 gr. 20. -

1 cr septembre : 1 gr. 30; poids, 52 kilog.- 17 septembre : 1 gr.

40. - 25 septembre : 1 gr. 50. - 7 octobre : 53 kilog. - Le

sommeil est excellent, non interrompu ; le teint est frais ; les

fonctions digestives sont régulières. Le pouls est moins fré-

quent et bien qu'on le compte quand la malade est debout, il

reste à 60 ou 64 (1). Pas d'acné.

MONOBROMURE DE CAMPHRE. 49

Laissant de côté les trois premières observations, nous

avons à relever dans les six autres une diminution relative du

nombre des accès, et une diminution considérable du nombre

des vertiges. Ce dernier fait semble annoncer que le bro-

mure de camphre trouve une indication formelle dans les

cas où les vertiges constituent toute la maladie : c'est ce

que nous chercherons à vérifier à la prochaine occasion. En

ce qui concerne les accès eux-mêmes, les doses faibles que

nous avons employées nous ont donné des résultats évi-

dents, quoique moins accusés. Aussi, pour trancher la ques-

tion, sera-t-il nécessaire d'augmenter les doses et de pro-

longer la durée du traitement (1).

Nous croyons pouvoir avancer, sans présomption, que

l'on obtiendra du bromure de camphre, des bénéfices en-

core plus sérieux chez des malades placés dans de meil-

leures conditions. Il ne faut pas oublier, en effet, que les

malades de la Salpétrière sont dans un milieu que l'on

pourrait qualifier d'épileptogène : la vue quotidienne, ré-

pétée, des accès de leurs compagnes; les querelles inces-

santes qui surviennent entre elles à chaque instant, et pour

le motif le plus futile; le peu d'exercice qu'elles font,

sont autant de causes permanentes, capables de ramener,

chez nos malades en traitement, les crises convulsives.

Une preuve frappante de cette influence du milieu nous

est fournie par ce qui s'est passé à la Salpétrière même.

Jusqu'en 1870, les épileptiques adultes, réunies aux

idiotes, étaient confinées au nombre de 400 à 425, dans un

bâtiment tellement insuffisant que les dortoirs renfer-

maient quatre rangées de lits, et que, dans les allées in-

termédiaires, on plaçait, le soir, des lits supplémentaires.

On juge dans quelle atmosphère vivaient ces malheureuses 1

En 1870, les épileptiques ont été transférées dans des pa-

villons isolés, ne contenant qu'un nombre raisonnable de

lits. Eh bien ! depuis que cette mesure, que l'humanité ré-

clamait depuis longtemps, a été prise, elles sont toutes,

(1) Les résultats observés déjà dans une seconde série de cas, nous sem-

blent devoir confirmer cette prévision.

l3oumLnc ? r... 4

50 RECHERCHES THÉRAPEUTIQUES.

considérées dans leur ensemble, moins souvent malades

qu'autrefois, et les accidents graves, tels que l'état de

mal, sont devenus plus rares.

Mais, à côté de ces conditions inhérentes aux grands ser-

vices hospitaliers, il en est une autre dont il faut tenir

compte pour apprécier judicieusement les effets des médi-

caments : il faut faire relever régulièrement les accès, et

mettre en regard des accès notés pendant le traitement,

ceux de la période correspondante de l'année ou des an-

nées précédentes. C'est pour avoir négligé d'établir cette

comparaison, qu'un bon nombre des observations publiées

par les auteurs, n'ont qu'une valeur restreinte et ne peu-

vent guère servir au lecteur à se former une opinion véri-

tablement scientifique sur les diverses médications préco-

nisées contre l'épilepsie.

DE LA GLACE

L'emploi thérapeutique de la glace dans les maladies

cérébrales est connu de longue date. On sait aussi qu'un

médecin anglais, M. le Dr Chapman, a préconisé les appli-

cations de la glace sur la colonne vertébrale dans diverses

affections cérébro-spinales et plus particulièrement dans

l'épilepsie ( 1) . Malgré l'intérêt qu'offrirait un résumé de l'état

de nos connaissances sur cette partie de la thérapeutique,

nous nous bornerons à rapporter ici les résultats que nous

avons obtenus d'un mode d'emploi de la glace encore peu

vulgarisé et dont les indications nous ont été fournies par

M. Charcot.

Partant de cette donnée que les chirurgiens ont

quelquefois recours à la glace pour produire l'anesthésie,

M. Charcot nous a conseillé de mettre une vessie de glace

sur la région de l'ovaire d'où part- l'aura chez les hystéro-

épileptiques atteintes d'hyperesthésie ovarienne. En second

lieu, le bénéfice qu'on a quelquefois retiré, dans le traitement

des anévrismes de l'aorte, des applications de glace a con-

duit à les employer chez certaines épileptiques qui ont

une fréquence anormale du pouls et des palpitations car-

diaques plus ou moins douloureuses et plus ou moins vio-

lentes.

Notre étude se trouve donc circonscrite à l'exposé des

(1) Journal of mental Science, april 18G5, et july 1866.

53 RECHERCHES THÉRAPEUTIQUES.

effets de la glace dans les conditions spéciales que nous ve-

nons d'énumérer. '

I. H1jsté¡>o-épilepsie, - La glace, cassée en morceaux de

la grosseur d'une noix, était enfermée dans une vessie de

porc que l'on plaçait sur la région ovarienne, siège de

l'hyperesthésie. Les applications étaient faites, à l'origine,

pendant une demi-heure matin et soir, puis pendant une heu-

re et enfin une heure et demie.L'une des malades soumises à

ce traitement, G..., fut assez obéissante pour l'accepter une

première fois pendant deux mois, et, durant cette période,

les attaques furent notablement moins fréquentes. A di-

verses reprises, nous parvînmes à lui faire recommencer ce

traitement et toujours nous constatâmes une diminution

des crises et une amélioration de l'état nerveux habituel.

Chez elle encore, nous avons observé d'une manière bien

évidente l'action de la glace sur les attaques elles-mêmes.

Souvent, une heure ou deux avant ses attaques, G... a

des secousses, est excitée, ne peut demeurer en place, sau-

te, se plaint de douleurs dans le côté gauche du ventre,

de battements de coeur, d'oppression, etc. Nous avons pu

la décider quelquefois à se coucher et se laisser mettre la

glace, et, chaque fois, sous l'influence du froid, les phéno-

mènes précurseurs de la crise hystéro-épileptique se sont

dissipés. En pareil cas, c'est-à-dire lorsque l'aura est pro-

longée, que « l'attaque a de la peine à venir », la malade

déclare souffrir beaucoup plus que quand l'attaque suit de

près, de quelques minutes par exemple, l'arrivée des pro-

dromes.

Une seconde malade, Etch..., dont nous avons commu-

niqué l'histoire à la Société de Biologie, était sujette à des

accès d'oppression très-intense qui succédaient à des dou-

leurs occupant l'ovaire gauche. Les applications de glace,

au niveau de cet organe, éloignèrent les accidents dys-

pnéiques'et les rendirent plus courts et moins violents.

Dans d'autres cas où la glace a été employée, nous avons

observé également une diminution des attaques. Mais, par

DE LA GLACE. 53

malheur, ce mode de traitement est difficilement applicable

d'une façon régulière chez les hystériques de la Salpétrière.

Une de ces malades, cependant, s'est montrée plus do-

cile. Il s'agit de Th. L... En dehors de ses attaques, pure-

ment hystériques d'ailleurs, elle a des palpitations cardia-

ques très douloureuses. Commme elle s'en plaignait sans

cesse, nous avons pu obtenir qu'elle appliquât la glace non

pas sur la région ovarienne droite qui, chez elle, est le

point de départ de l'aura, mais sur la région cardiaque.

Le traitement, institué le lor juillet 1875, a été suivi d'une

façon régulière. Les résultats, du reste, ont été excellents,

ainsi qu'on va le voir, et n'ont pas médiocrement contribué

à encourager la malade à persévérer.

54 RECHERCHES THÉRAPEUTIQUES.

symptômes, de la syncope et de l'état apoplectique, il est

enfin des cas dans lesquels il s'y adjoint des mouvements

épileptiformes, surtout marqués à la face, avec change-

ment de coloration du visage, écume à la bouche, etc. Le

pouls qui, dans l'intervalle des crises, bat en moyenne 30,

40 fois par minute, se ralentit encore pendant l'accès, jus-

qu'à descendre à 20, ou même à 15 pulsations....» (1).

A côté de ces malades, qui, ont en définitive, une espèce

particulière d'épilepsie symptomatique,il en est d'autres chez

lesquelles on observe un phénomène inverse, c'est-à-dire

une fréquence exagérée' du pouls, des palpitations rappro-

chées, des douleurs à la région précordiale, principalement

vers la pointe du coeur, et chez lesquelles ces accidents

permanents, en s'exagérant, constituent une véritable

aura. A deux malades de ce dernier genre, M. Charcot

nous a fait appliquer la glace au niveau de la région car-

diaque, et nous avons pu continuer le traitement un temps

suffisamment long pour être en mesure de donner des détails

assez complets sur les effets de la glace dans ces deux cas.

Observation I. - Début de l'épilepsie à 7 ats. - Aum. -

Vertiges et accès; leurs caractères. - Forme cardiaque de

l'épilepsie. - Traitement par la glace. - Marche des accès.

(Résumé).

S.... Céleste, 17 ans 1/2, est devenue épileptique à l'âge de

7 ans. Au dire de sa mère, Céleste sent venir ses accès : elle

devient pâle et se plaint d'avoir des battements de coeur.

Elle a des vertiges et des accès.

Voici en quoi consistent les vertiges : perte de connaissance,

immobilité complète, pâleur extrême de la face, paupières

fermées, pupilles légèrement dilatées, égales, battements du

coeur sourds et précipités. Au bout d'une minute, la malade

ouvre les yeux, regarde d'un air étonné et dit : « Je vous re-

mercie bien dans mon petit coeur, » paroles qu'elle répète

plusieurs fois. Deux ou trois minutes s'écoulent encore avant

que la face ne reprenne sa coloration habituelle. S...., inter-

Leçons sur les maladies du système nerveux, t. II, p. 138-Ih2.

DE la glace. 55

rogée sur ce qu'elle a éprouvé, répond qu'elle a eu « des bat-

tements. »

Les accès, - et il en est d'ailleurs de même pour les ver-

tiges,- sont précédés d'une aura, dont -la durée est approxi-

mativement de trois minutes : ainsi, la malade peut

venir d'une salle voisine et se coucher. Ce sont, d'après elle,

des battements de coeur qui l'avertissent; elle devient toute

pâle, se cache les yeux : On dirait qu'elle a peur, prétend l'in-

firmière. - L'accès éclate sans cri; la face, le cou et la poi-

trine sont très-pâles; la tête est dans l'extension; la face

regarde à droite ; les paupières sont ouvertes, les yeux sont

dirigés en haut et à droite, les pupilles très-dilatées ; la

bouche, entr'ouverte, est fortement tirée à droite, contor-

sionnée. La rigidité des membres, qui sont allongés, est très-

accusée à droite, moindre à gauche. Le pouce droit est fléchi

sur la paume de la main et recouvert par les autres doigts ; à

gauche, au contraire, le pouce repose sur l'index. - Au bout

d'une trentaine de secondes, se montrent quelques secousses

cloniques ; puis, la face et les yeux se portent à gauche et alors

la rigidité prédomine dans les membres de ce côté. Enfin, la

face se congestionne et la respiration devient stertoreuse.

Céleste pousse quelques plaintes, s'agite, tourne sur elle-

même, sans se rendre compte de ses mouvements. On dit,

dans le service, « qu'elle fait son trou pour dormir. » En

effet, elle se calme bientôt, se pelotonne et s'endort. La respi-

ration est régulière; la face conserve une certaine rougeur.

T. R. 38°,4. Au début de l'accès, P. 132; à la fin, P. 92.

S.... n'écume pas, mais elle urine assez souvent sous elle.

Le poids est, en général, à 80 ou au-dessus, rarement au-

dessous, - compté, bien entendu, en dehors des moments où

elle a des palpitations. Les pulsations sont faibles ; quelque-

fois, deux sont rapprochées et deux autres plus éloignées.

Traitement. - La première application de la glace est l'aile

le 23 février 1874, pendant une demi-heure. Peu peu, la durée

de l'application de la glace est augmentée, et, le 28 mars, elle

est d'une heure trois quarts; le 30 mars, de deux heures en

deux fois; - le 21 avril, de deux heures et demie; -le 27,

de trois heures. Du 8 juin au 6 décembre, elle a été de deux

heures le matin et d'une heure et demie le soir. - Le traite-

ment a été continué sans inconvénients aux époques mens-

truelles. ' 1

56 recherches thérapeutiques.

Pendant l'application de la glace, le pouls diminuait, descen-

dant parfois à 56. - Deux ou trois minutes après l'apposition

de la vessie de glace, la peau commence à rougir et est très-

froide au toucher; la malade n'a pas d'autre sensation que

celle du froid. Entre la région rouge et refroidie et la région

avoisinante, chaude et pâle, il ne semble pas y avoir de zone

intermédiaire. Après l'éloignement de la glace, la peau con-

serve sa rougeur pendant sept ou huit minutes. Alors, il se

forme des îlots blancs au niveau desquels revient la chaleur.

Ce n'est qu'après un laps de temps de vingt minutes que tout

est normal. La glace aurait diminué la fréquence des palpita-

tions cardiaques. En ce qui concerne les accès, le tableau

comparatif qui suit va nous édifier :

DE LA GLACE. 57

Renseignements fournis par la malade. - Elle a été déposée

aussitôt après sa naissance aux Enfants Assistés. L'adminis-

tration l'a placée aux environs de Vendôme jusqu'à 5 ans et,

à cette époque, à Vendôme même chez une femme qu'elle

appelle « sa mère nourrice. » A 7 ans, durant une absence

de sa garde, le mari de celle-ci voulut abuser d'elle. Ses tenta-

tives, qui auraient été infructueuses, n'auraient pas causé une

grande frayeur. Un an plus tard, IL.. fut réveillée la nuit par

une souris qui se promenait sur la flèche des rideaux de son

lit; elle eut peur, n'osa pas appeler et ne put se rendormir.

Trois mois après, un matin, étant couchée, elle eut, sans cause

appréciable, son premier accès d'épilepsie. Le second ne survint

qu'au bout de trois mois. A partir de là, les crises se sont rap-

prochées et, à 9 ans, on n'a plus voulu la recevoir à l'école.

De 9 à 12 ans, elle resta à la maison, s'occupant à faire des

gants. A 12 ans, sur les conseils d'un médecin, elle fut mise à

la campagne, chez une femme veuve. Celle-ci, qui travaillait

à la journée, confiait à H..., épileptique, la garde de deux

autres enfants assistés, âgés l'un de 18 mois, le second de deux

ans ou l'envoyait mendier avec son propre enfant, âgé de 5

ans. Lorsque, le soir, elle ne rapportait pas une quantité suf-

fisante de pain pour nourrir la famille, on la faisait coucher

sans souper. Aussi, pendant les 18 mois qu'elle a vécu avec

cette femme a-t-elle, pour employer ses expressions, cl mangé

de la vache enragée. ». - Les accès venaient environ toutes

les deux ou trois semaines.

A 13 ans, II... retourna chez sa mère nourrice. Au bout d'un

an, comme les accès se rapprochaient et que le travail séden-

taire lui était devenu insupportable, elle fut placée dans des

fermes voisines de Vendômeoù elle remplissait les fonctions de

servante. En raison de ses accès, elle changeait souvent de

maison; on s'imaginait que « les bêtes pouvaient gagner sa

maladie. b En voici un exemple : A Chateaudun, elle était

employée à conduire des chèvres aux champs; ayant été prise

d'un accès, ses patrons ne voulurent pas la conserver davan-

tage, prétextant que leurs chèvres tomberaient du « haut mal.»

C'est alors qu'on se décida à la faire rentrer à l'hospice des

Enfants Assistés d'où elle fut envoyée à la Salpétrière (1862).

Ses accès se montraient tous les 8 ou lu jours. En dehors de

l'épilepsie, sa santé étaitbonne. Sauf la rougeole etla scarlatine,

58 RECHERCHES THÉRAPEUTIQUES.

elle n'aurait jamais eu de maladies sérieuses, ni gourmes, ni

vers, ni onanisme.

Les règles apparurent vers l'âge de 15 ans. A la seconde

menstruation, ignorant que cet écoulement de sang était

naturel, elle se baigna dans une fontaine. Le flux menstruel

s'arrêta et ne reparut que dix-huit mois plus tard. Ni l'appari-

tion des règles, ni leur suspension n'auraient modifié la marche

des accès.

En 1866, H... se plaignait déjà fréquemment de battements

de coeur. Elle suivit un traitement par le bromure de potassium

qui ne diminua pas sensiblement les accès, comme on le verra

par le tableau que nous reproduirons plus loin. - 1874. H...

est sujette depuis longtemps à des palpitations cardiaques,

plus ou moins violentes, se compliquant de douleurs lanci

nantes. Elle raconte que, une huitaine de jours avant ses accès

d'épilepsie, les palpitations sont plus fréquentes et la font

beaucoup souffrir.

Immédiatement avant l'accès, elle éprouve une sensation

d'engourdissement dans le bras gauche, prédominant dans

le poignet; cette sensation fait monter son bras « en l'air. »

Puis, la tête se tourne à droite. A ce moment de l'aura, H...

dit : « Maman ! maman ! je vais être malade ! » et elle s'an'aisso,

en général avec lenteur, mais quelquefois avec une certaine

rapidité et une certaine violence. Après la chute, il s'écoule-

rait encore quelques instants avant qu'elle ne perde connais-

sance. Les membres sont douloureux : « on dirait qu'on

les tire. » Elle voit des « chandelles, a enfin, elle perd con-

naissance. La tôle se place dans l'extension, les membres se

raidissent et sont pris ensuite de convulsions cloniques, égales

des deux côtés. H... écume ; elle se mord quelquefois la langue

et la face interne des joues. .

Après l'accès, qui ne s'accompagne jamais d'évacuations,

la malade est abattue, accuse des douleurs céphaliques et de

la dyspnée qui persistent pendant un ou deux jours. A partir

de l'accès, les palpitations cardiaques sont moins intenses et

plus rares.

Actuellement (9 février), II... est dans la période des palpi-

tations cardiaques. Elle u'ofl're aucun symptôme d'hystérie î

la motilité et la sensibilité, en particulier, sont normales. -

Granules de digitaline; valériane.

DE LA GLACE 59

1 1 février. II... a eu un accès ce malin, ce qui répond exac-

tement aux renseignements que nous avons transcrits.

Il février. Les battements du coeur sont irréguliers; tous

les cinq ou six battements, il y a un arrêt. Il existe un léger

souffle à la base. Le pouls est d'ordinaire au-dessus de 80 ;

aujourd'hui il n'est qu'à 76. La glace est appliquée pendant t

une demi-heure sur la région cardiaque. Au bout de ce temps,

le pouls est à 60 avec deux àrrèts. L'application de la glace

aurait donc diminué le nombre des battements du coeur et

régularisé leur rhythme. A dater de ce jour, la glace a été mise

aussi régulièrement que possible.

23, 21 février et 5 mars. La pupille gauche s'est rétrécie sous

¡'influence de la glace.

7, 8, 9 mars. Le pouls diminue de fréquence, les accès de

palpitations cardiaques reviennent moins souvent.

10 mars. La glace est appliquée durant une heure. Le pouls,

qui était à 64, tombe à 58. La pupille gauche est un peu ré-

trécie. Mêmes phénomènes le 12 mars.

18 mars. Les règles ont paru le 13 ; la glace, continuée néan-

moins, n'a pas changé leur cours. Elles sont d'habitude, peu

abondantes et s'arrêtent le troisième jour. H... assure qu'elle

a moins de battements de coeur, mais qu'elle a de temps en

temps une douleur « comme si on lui coupait le coeur. » Les

irrégularités du pouls sont les mêmes. Glace : une heure et

demie.

Du 30 mars au 6 avril : Glace, une heure matin et soir. Du

7 avril au 1 CI' mai : Glace, une heure un quart matin et soir.

Il n'y a d'interruption que les jours de sortie. Du 2 au 18 8 mai :

glace, une heure et demie matin et soir. Le 19, la malade

refuse de continuer son traitement, bien qu'elle reconnaisse

en avoir retiré des avantages. Les palpitations cardiaques

sont plus éloignées, le teint est plus frais; la sauté générale

plus satisfaisante.

19 juillet. Les palpitations cardiaques sont revenues telles

qu'elles étaient avant le traitement. Le pouls est irrégulier.

La malade consent à reprendre la glace : une heure tous les

soirs.

11 juillet : Glace, deux heures. 17 août : une heure et demie

matin et soir. 21 septembre. H... a encore des battements de

coeur, mais les douleurs lancinantes ont disparu. Les irrégu-

larités persisteut. L'emploi de la glace (3 heures par jour) a

60 RECHERCHES THÉRAPEUTIQUES.

été continué jusqu'au 17 novembre. La santé est meilleure;

les battements de coeur, les élancements sont moins fréquents.

Voici maintenant le tableau des accès.

DE LA GLACE. 61

laquelle la glace a été appliquée a un aspect rugueux,

chagriné, dû au phénomène de la chair de poule, qu'elle

est épaissie, sans élasticité et enfin devient absolument

insensible au contact, au pincement, à la piqûre d'épingle.

La sensibilité à la chaleur est conservée : si, par exemple,

on applique la main sur la surface glacée, le malade ac-

cuse une sensation pénible de brûlure. L'anesthésie, d'ail-

leurs, est passagère. Peu à peu, elle fait place à une obnubi-

lation de la sensibilité, et vingt minutes environ après

l'éloignement de la vessie de glace la région, qui tout à

l'heure était froide, rouge, insensible, a recouvré sa tem-

pérature, sa coloration et sa sensibilité normales (1),

(l) Souvent la température dépasse même celle de la peau voisine et la

main seule permet de s'assurer de celte augmentation consécutive de cha-

leur.

DE

L'OXYDE DE ZINC

Divers médecins, entre autres Paracelse,l3ursérius, Van-

doyer, Laroche, Brachet (de Lyon), Maldriga, Siedler (1)

avaient déjà employé avec des résultats variables, mais

plutôt avantageux, l'oxyde de zinc dans le traitement de

l'épilepsie, lorsque Herpin (de Genève) fit une étude

plus rigoureuse de ce médicament,et lui consacra l'un des

chapitres les plus intéressants de son ouvrage : Du pro-

nostic et du traitement c2lrati'dc l'épilepsie (Paris, 1852).

Herpin a donné l'oxyde de zinc à 46 malades. Les doses

étaient en rapport avec l'âge des malades. Chez les enfants

ayant moins de cinq mois, il commençait par 0 gr. 05,

pour arriver à 0 gr. 30. Aux enfants de 2 à 10 ans, il admi-

nistrait d'abord 0 gr. 10 et montait progressivement à

0 gr. 50. Un enfant de 2 ans prit 195 gr. en 6 mois. Mais

il est possible,surtout lorsqu'il s'agit d'épileptiques adultes,

de débuter par des quantités considérables : de 0 gr. 15 à

1 gr. 30. Toutefois, comme certains malades, au dire même

de Herpin,ne tolèrent pas le médicament à la dose de 0 g.15.

il est préférable de prescrire des doses très-faibles et de les

augmenter plus ou moins rapidement suivant les circons-

tances.

Cet excès de prudence est en quelque sorte d'une

nécessité absolue dans les services comme ceux de la

(1) Voir pour plus amples renseignements : Delusiauve. - Traité de

l'épilepsie, 1854.

DE L OXYDE DE ZINC. 63

Salpétrière, car les malades, vieilles épileptiques pour

la plupart, sont très-difficiles à traiter et, au moindre

malaise, refusent de prendre les médicaments. En ayant

recours à des doses initiales très-modérées, on a plus de

chance de parvenir au but qu'on se propose. Tel est le mo-

tif principal qui nous a conduit, à ne prescrire, à l'origine,

que 0 gr. 02 d'oxyde de zinc pendant quelques jours à deux

des quatre malades qui composent cette série ; 0 gr. 04 à

une autre et 0 gr. 09 à la dernière.

Herpin donnait l'oxyde de zinc tantôt sous forme de pou-

dre associée à du sucre ; exemple : .

64 RECHERCHES THÉRAPEUTIQUES.

Traitement. - 5 août : 3 pilules de 0 gr. 03 d'oxyde de zinc.

- 91 août : pilules de 60 gr. 04. - 15 août : 6 pilules de

0 gr. 05...... 1er septembre : 8 pilules de 0 gr. 08. 10 sep-

tembre : 9 pilules de 0 gr. 09...... 31 octobre : 11 pilules de

0 gr. 12..... - Fin décembre : 12 pilules de 0 gr. 15..... Fin

août 1875 : 12 pilules de 0 gr. 20. - Nous avons reproduit ces

chiffres parce qu'ils donnent une idée très-exacte de la façon

dont nous avons procédé et qu'ils pourront servir de guide.

Examinons les résultats.

DE L'OXYDE DE ZINC. - 65

non-seulement de la fréquence des accidents, mais encore

de la coexistence des accès et des vertiges. Malgré une;

situation aussi défavorable, il y a eu une amélioration assez;

prononcée.

Observation II. - Brul.... C. Joséphine, 40 ans, est entrée

le 30 décembre 1873 à la Salpétrière (service de M. CHARCOT).

Elle est épileptique depuis l'âge de 25 ans.

Traitement. - 11 août 1874 : 1 pilule de 0 gr. 04...... 31 oc-

robre : 11 pilules de 0 gr. 12 (1 gr. 32 par jour) Février :

12 pilules de 0 gr. 15 (1 gr. 80 par jour) Août : 12 pilules

de 0 gr. 20 (2 gr. 40 par jour). - A la fin d'août 1875, Brul ...

avait ingéré 500 grammes d'oxyde de zinc.

66 RECHERCHES THÉRAPEUTIQUES.

dû 1 ? janvier au 1er septembre 1875; (période correspondant

au traitement) on n'a compté que 10 accès et 8 vertiges.

L'oxyde de zinc a donc eu, chez cette femme, un effet favo-

rable.

Tandis que dans les deux premières observations nous

avons eu à signaler une influence heureuse de l'oxyde de

zinc sur la fréquence des accès ; pour les deux dernières

malades nous n'avons que des résultats négatifs à men-

tionner ; le traitement, d'ailleurs, à été inoins rigou-

reusement suivi chez elles, en raison surtout de leur indo-

cilité, indocilité aggravée encore par des troubles psychi-

ques consécutifs à leurs accès.

Observation III. - Ko..., Eugénie, 25 ans, est entrée à la

Salpétrière (service de M. Charcot) le 20 janvier 1872. - Les

premiers accidents remontent à l'âge de 14 ans. - Epilepsie

et hystérie à crises distinctes ; étourdissements. Parmi les

particularités de son histoire nous relèverons les suivantes :

4° après une attaque, elle serait restée pendant deux jours

sans pouvoir distinguer ni les personnes, ni les objets : tout

lui semblait noir; 2° Une autre fois, ayant eu plusieurs crises

successives, elle fut prise d'une vive frayeur, elle voyait du

feu partout, la maison brûlait, elle-même était la proie des

flammes. Maintes fois, depuis qu'elle est à la Salpétrière, nous

avons été témoins de ces sortes de jjCU1'S,

Traitement. - 8 avril : 1 pil. de 0 gr., 02 d'oxydé de zinc.

5 décembre : 12 pil. de 0 gr., 13. - Le traitement a duré

environ 240 jours, pendant lesquels Ko... a pris 160 grammes

d'oxyde de zinc. Son poids qui était de 64 kilogrammes, le

11 août 1874, était descendu à 62 kilogrammes, 500 le 5 dé-

cembre. Mais, dans cette diminution dé poids, un accès de

folie assez prolongé a peut-être exercé une action plus

sérieuse que l'oxyde de zinc (1).

DE L'OXYDE DE ZINC. 67

Du le, mai au 31 décembre 1873, Ko... a eu 9 accès et

7 attaques ; du 1r mai au 31 décembre 1874 (période de

traitement), elle a eu 15 accès, 14 attaques et un étourdis-

sement. Il s'ensuit que l'oxyde de zinc, loin de favoriser

l'espèce de tendance à une amélioration de l'état de cette

malade, qui avait présenté moins d'accès en 1873 qu'en

1872, aurait plutôt entravé cette tendance.

Observation IV. - Incontinence nocturne d'urine. Epi-

lepsie consécutive à une émotion vive. ? Diac7ce 7,e Za maladie.

Caractères des accès : au1'a" - vision colorée ; - secousses,

etc. Traitement par l'oxyde de zinc.

Brulo.. Adèle, 26 ans, est entrée le 27 septembre 1862 à la

Salpétrière. Elle donne elle-même sur ses antécédents les

renseignements qui suivent ; c'est annoncer d'avance qu'ils

sont incomplets et sujets à caution.

Elle a été élevée en nourrice. Elle ignore si elle a eu des

convulsions, mais elle se souvient qu'elle a eu le carreau,

une maladie des yeux qui l'a rendue presque aveugle de deux

à cinq ans, et qu'elle n'a marché qu'à cinq ans. Vers sept ans,

elle aurait été atteinte d'une varioloïde ; de 8 à 9 ans, elle

a eu souvent des épistaxis. Enfin, elle aurait été affectée

d'une incontinence nocturne d'urine jusqu'au début de l'épi-

lepsie. ,

Celle-ci s'est montrée à 13 ans. Voici la cause à laquelle

elle l'attribue : tandis qu'elle descendait dans une cave, un

rat monta dans ses jupes; de là, une grande frayeur. Six ou

sept jours plus tard, éclata le premier accès d'épilepsie.

Auparavant, elle n'avait éprouvé aucun phénomène qui pût

faire craindre l'apparition de cette maladie : ni syncopes,

ni faiblesses, ni étourdissements. Lé second accès vint 8 jours

après le premier. Durant les trois premiers mois, les accès

se succédèrent approximativement toutes les semaines; puis,

ils s'éloignèrent, ne survenant que tous les 10 à 15 jours. Ils

se manifestent surtout le matin, au moment du réveil.

Avant l'accès, Br... a dans les bras, les jambes, le tronc,

des secousses subites, rapides. A-t-elle alors quelque objet

entre les mains, elle le laisse choir; de plus, elle voit des étin-

celles qui sautent, des éclairs qui passent devant les yeux

68 RECHERCHES THÉRAPEUTIQUES.

et elle a des envies d'uriner. Ces phénomènes précurseurs

de l'accès durent en général de 5 à 15 minutes, parfois davan-

tage. B... a été mise, en 1866, au traitement par le bromure

de potassium et, sous l'influence de ce médicament, les

secousses auraient diminué.

Ces phénomènes, qui constituent le plus souvent une

véritable aura, disparaissent quelquefois sans être suivis

d'accès, la laissent souffrante, triste et lui donnent l'humeur

noire.. .

Si l'aura aboutit à un accès, celui-ci éclate sans cri; B... se

mord la langue à gauche (autrefuis la morsure portait sur le

bord droit), elle écume, urine sous elle. A la suite de l'accès,

et pendant toute la journée, abattement, céphalalgie, sensa-

tion de froid par tout le corps, et comme si elle avait de la

glace dans les veines.

Cette malade a un caractère sombre. Les moindres discus-

sions l'affectent vivement. Elle a même, sans motif apparent,

des accès de mélancolie dans lesquels elle ne parle que de la

mort, de l'ennui de vivre, etc. - L'examen des fonctions or-

ganiques, en particulier des fonctions digestives, fait, selon

l'habitude, avant l'institution du traitement, nous apprend

seulement qu'elle est sujette de temps en temps à des nausées

et qu'elle a, mais assez rarement, des « aigreurs. b

Traitement. - 13 mars : 1 pilule de Ogr. 02 d'oxyde de zinc(l). ? 2 mars : 2 pilules. - 24 mars : B... assure que son ap-

pétit diminue, que les aigreurs la tourmentent plus souvent.

- 27 mars : hier, diarrhée précédée de coliques. - 29 mars :

B... saliverait davantage ( ? ).

6 avril : Hier, étant à travailler, elle s'est levée tout d'un

coup, s'écriant : « Ah ! que je suis donc drôle ! Ah ! que je

suis drôle ! » On l'a fait marcher, et cela sans peine. Elle se

plaignait d'un engourdissement dans le membre supérieur

gauche qu'elle était obligé de soutenir avec la main droite.

La tète était penchée sur l'épaule gauche ; les yeux étaient

dirigés vers la gauche. Les pupilles, assure-t-on, étaient dila-

(1) Voici la formule que nous avons employée au début :

DE L'OXYDE DE ZINC. 69

tées. B... parlait avec beaucoup de difficulté, disait : « Je....

.... n'ai........ pas bu; je........ n'ai........ pas bu ! '/1

Le cou et la face étaient rouges et brûlants ; la peau sur le

reste du corps (mains, pieds et tronc), était, au contraire,

pâle et froide. La main droite était plus froide que l'autre : on

eût dit qu'elle était morte. B... ne souffrait que dans le bras

gauche. Elle n'avait point de battements de coeur. Ces acci-

dents, inconnus jusqu'à présent chez elle, ont commencé à

6 112 du soir et ont persisté avec la même intensité jusqu'à

8112. Ils ont ensuite diminué progressivement. A onze heures,

B... avait encore froid aux pieds et se sentait aussi fatiguée

que si elle avait eu un accès.

Ce matin, pendant l'interrogation, elle devient tout à coup

immobile, hébétée; les membres supérieurs sont envahis par

des secousses ; la tête s'incline sur l'épaule droite; les pupilles

sont à peu près normales; la face est plus colorée. Interpel-

lée, B..... ne répond pas. Au bout de cinq minutes, les

larmes coulent des yeux de la malade qui prononce quelques

paroles incohérentes ; enfin, après 2 ou 3 autres minutes, elle

revient tout-à-fait à elle.

7 avril : Hier, après notre départ, B.. a pleuré encore abon-

damment et a éprouvé, jusqu'à 3 heures, la sensation d'eau

glacée qui passait dans son bras gauche, depuis la main

jusqu'à l'épaule. Elle a ensuite ressenti des picotements dans

les membres et surtout dans les doigts. Le soir, au lit, elle a

eu de l'engourdissement dans la cuisse gauche, des picote-

ments du pied au genou.

Ce matin, B... est mieux ; il ne lui reste qu'une douleur

contusive, occupant le sommet de la tète. Elle déclare que,

dans sa crise d'hier, elle n'a pas perdu connaissance, qu'elle

voyait les personnes, qu'elle entendait, quoique vaguement,

ce qu'on disait, mais qu'elle n'a pas conservé le souvenir des

paroles. a Dans ces moments-là, dit-elle, la vie m'apparait

toute sombre : il y aurait là une guillotine, que je mettrais

ma tête sous le couteau.... Si j'étais seule, je crois que je me

ferais mal. »

13 avril : 3 pilules de 0 gr. 02.... 16 mai : 5 pilules. - 27 i

mai : Br... a pris régulièrement ses pilules. Le 25, quelques

instants avant l'apparition des règles, elle a eu un accès. - 26

mai : nouvel accès; les règles coulent médiocrement et s'accom-

pagnent de coliques. Depuis deux jours, la malade est triste,

70 RECHERCHES THÉRAPEUTIQUES.

refuse de prendre ses pilules, sous prétexte qu'elles la rendent

plus souffrante. Elle voudrait du bromure de potassium. On

finit par lui faire avaler ses pilules. 30 mai : Les idées

tristes persistent. 15j1tin : Après avoir été calme, raison-

nable pendant quelques jours, elle est retombée dans son état

mélancolique.

29 juillet : 6 pilules de 0 gr. 03. le, août : 7 pilules de

0 gr. 03. - 1 1 août : 7 pilules de 0 gr. Ci. Poids 55 kilogr.

15 août : 7 pilules de 0 gr. 05. - 17 août : 8 pilules de 0 gr. 05 .

- 19 août : 8 pilules de 0 gr. 06. - 25 août : 8 pilules de 0 gr.

07. le, septembre : 9 pilules de 0 gr. 08.

15 septembre. Embarras gastrique : inappétence, bouche

amère, nausées, constipation. Injection d'un centigramme d'apo-

morphine au niveau du deltoïde gauche. Cinq à six minutes

plus tard, vomissements glaireux assez abondants, favorisés

par l'ingestion d'eau tiède.

DE L'OXYDE DE ZINC. il

..

vée, dans ces derniers temps, plus attristée encore par suite

de chagrins. (Elle a prêté du linge et des vêtements à une

malade qui partait, laquelle a oublié de les lui rendre). 12

novembre : 11 pilules de 0 gr. 13. 21 novembre : 12 pilules...

5 décembre. Poids 57 kilogrammes 500. - 13.. refuse de conti-

nuer son traitement, parce qu'elle a des nausées. Malgré tout,

il a été impossible de la décider. - Elle sort le 13 mars 1875.

On voit qu'il s'agissait là d'une malade qui était dans des

conditions excellentes pour être mise en traitement. Il est

rare, en effet, de rencontrer parmi les épileptiques de la

Salpétrière, des malades ayant des accès aussi peu nom-

breux. En dépit de ces bonnes conditions, les résultats

fournis par l'oxyde de zinc ont été nuls. (Voir le tableau

des accès). -

Effets physiologiques. -- Herpin a relevé chez ses ma-

lades les phénomènes suivants : inappétence, amertume

de la bouche, nausées, douleurs gastriques, deux fois des

vomissements ; selles relâchées, quelquefois diarrhée ; dans

d'autres cas, constipation. « L'état nauséeux, écrit-il, a été

presque toujours temporaire ; l'habitude l'a, le plus sou-

vent, fait cesser, malgré l'accroissement graduel des doses

et il n'a reparu que rarement et momentanément dans le

cours de la cure. Les autres indispositions, comme vo-

missements, diarrhée et embarras gastrique, ont été fort

rares, et toujours plus fugitifs encore que les nausées. En

un mot, si ces symptômes divers ont pu ralentir l'accrois-

sement graduel des doses, ils n'ont jamais été, pour les

malades placés dans notre main, un obstacle à la continua-

tion du traitement. » (Loc. cit., p. 562). Chez nos quatre

malades, nous n'avons eu à noter que des accidents sem-

blables à ceux qu'a signalés Herpin ; ils ont toujours été

légers et n'ont jamais justifié, même chez le malade de

l'OBSERVATION IV, la moindre répugnance à poursuivre le

traitement. Nous n'insisterons pas non plus sur les modifi-

cations de poids ; nous ne les avons consignées qu'àtitre de

renseignement.

72 RECHERCHES THÉRAPEUTIQUES.

En résumé, des quatre malades auxquelles nous avons

fait prendre de l'oxyde de zinc, les deux premières ont été

améliorées; la troisième n'a éprouvé aucun changement

avantageux ; enfin, chez la dernière, la moins malade des

quatre, les accès n'ont pas diminué (1).

(1) Parmi les travaux qui méritent d'être consultés sur l'emploi de l'oxyde

de zinc dans le traitement de l'épilepsie, nous citerons une note de NI. A.

Voisin, intitulée : Contribution à la thérapeutique de l'épilepsie, par les

préparations de enivre et de zinc; maintien des guérisons depuis dix ans et

plus. (Bulletin de thérap., t. LXXVIII, p. 193-200.) Elle résume neuf

observations de malades soignés par Herpin, et chez lesquels on a pu s'assu-

rer que la guérison s'était maintenue. Mais, comme Herpin avait eu

recours; dans presque tous ces faits, à plusieurs médicaments, on ne saurait

faire la part, soit du sulfate de cuivre ammoniacal, soit du cuivre, du lactate

et de l'oxyde de zinc, soit, enfin, de la jusquiame et de l'armoise, qui ont

été administrés concurremment ou simultanément avec les sels métal-

liques.

NITRITE D'AMYLE

Le tit7°ite d'anle, découvert par M. Balard en 1844,"

est un liquide jaune verdâtre, clair, bouillant à 99°, très-

volatil, exhalant une odeur assez pénétrante qui rappelle

celle de la pomme de reinette. Il résulte de l'action de

l'acide azotique sur l'alcool amylique.

L'étude de ses propriétés physiologiques est de date ré-

cente (1), aussi, beaucoup de points de son histoire restent-

ils encore à élucider. Nous croyons cependant devoir en

donner un aperçu sommaire avant d'exposer les résultats

que fournit l'usage de cette substance dans le traitement de

l'épilepsie et de 1 'hysféro-épilepsie,

z 1. Résumé des propriétés physiologiques du nitrite

d'amyle. \.

Action sur la circulation. D'après la plupart des auteurs,

les inhalations de nitrite d'amyle (car c'est surtout par la

voie pulmonaire qu'il a été administré) activeraient la cir-

culation. Toutefois, il nous semble que, sous ce rapport, il.

y a une distinction à faire suivant les cas. Si, par exemple,

la dose est considérable, sans être mortelle, on observe

chez les animaux : 1° une diminution du nombre des batte-

ments du coeur; '2° une augmentation plus ou moins du-

rable ; 3° enfin, le retour au chiffre primitif et même quel-

quefois une légère diminution. Ces modifications des batte-

ments du coeur sont évidentes dans les deux expériences

suivantes, faites la première sur un lapin, la seconde sur

un chat.

()) Les premières recherches ont été faites par Richardson, en 1865.

74 RECHERCHES THÉRAPEUTIQUES.

Expérience I. Lapin. Avant l'expérience : Pouls cardiaque 1M ;

R. 56; T. R. 39°, 4. L'état des pupilles, des muqueuses et des vaisseaux

auriculaires est noté avec soin.

l0 heures 22, Inhalation de 12 gouttes de nitrite d'amyle. L'animal est en

quelque sorte saisi. La respiration s'affaiblit et se ralentit; les lèvres et les

narines ont une couleur foncée ; les pattes sont agitées par des secousses té-

taniques. Bientôt, la respiration paraissant suspendue, nous cessons l'inha-

lation. L'auscultation, pendant quelques secondes, ne fait percevoir aucun

bruit cardiaque ou pulmonaire. L'animal, à ce moment, est immobile; les

pupilles sont légèrement dilatées; les vaisseaux des oreilles sont un peu

plus apparents. Peu à peu le coeur recommence à battre et, à 10 heures 27,

nous comptons il pulsations. R. : : ii ; T. R. 38°, 8.

40 heures 52. Les vaisseaux des oreilles sont manifestement contrac-

tés.

40 heures 55. P. 176; R.50; T. R. 38°, G. On voit donc que les battements

du coeur se sont accélérés et ont dépassé le chiffre initial. - Lorsqu'on tou-

che subitement un point du corps, les pattes s'étendent et se roidissent tout

d'un coup. Le tronc participe à cette rigidité ainsi que la tête qui se porte

dans l'extension.

40 heures 4S. P. 180'; R. 50(chiffre primitif); T. R. 38", 3. -Les pupil-

les sont assez dilatées ; les vaisseaux auriculaires sont encore contractés.

Le nez et les lèvres ont repris à peu près leur couleur naturelle.

// lt. 5. P. tuO ; R. 4.3 ; T. R. 37°, 8. - Même état. Le contact d'une ré-

gion quelconque détermine toujours quelques secousses tétaniques. Selles;

pas de miction.

// h. S. Il 6 ; T. R. 37°, 7. Selles abondantes. L'excitabilité

réflexe a diminué. Sauf les pupilles qui sont plus larges qu'avant l'inhala-

tion, on n'observe plus aucun phénomène anormal du côté de la tête.

Les battements du coeur étaient à 154 avant l'inhalation;

dès que celle-ci a été pratiquée, ils ont diminué et sont

tombés, en cinq minutes, à 44. L'inhalation est supprimée,

en 8 minutes les battements du coeur montent à 1 iG ; cette

augmentation continue encore durant 13 minutes (180) et

enfin, elle est remplacée par un ralentissement progressif,

de telle sorte que, 73 minutes après le début de l'expérience,

on ne comptait plus que 144 pulsations.

Expérience II. Chat. Avant l'expérience : P. 200 (' ? ); T. R. 38°, G.

5 heures 14 M. Inhalation de six gouttes de nitrite d'amyle, pendant 7 à

8 minutes avec retrait de la compresse do temps en temps. Aussitôt que

l'animal a fait quelques inspirations, il se débat, miaule et se roidit. Les

pupilles se dilatent modérément. Les lèvres, la langue, la volte palatine

deviennent successivement pâles, puis bleuâtres. À 5 h. 20 : l'. IGO;

R. 96.

a h. 2/j. P. 134, régulier, fort; R. 88. L'animal est calme. - 5 h. 30.

T. li . 37°, 2. La cyanose et la dilatation des pupilles persistent. - : li. 45.

P. 180 ; T. R. 36", 9. - L'animal qui, jusque-là, se laissait examiner, s'agite,

miaule et il est impossible de compter les inspirations.

DU XITRITE D'AMYLE. 75

6 hures. P. 160 ; T. R. 30°, La cyanose diminue. 6 h. 30. P. 200 ;

T. R. 37°, 6.-L'animal, mis en liberté, marche sans peine. Il n'a eu aucune

évacuation. - 10 h. 15. T. R. 38°, ".

Les considérations, dont nous avons fait suivre l'ExpK-

RIE;,\CE l, s'appliquent également à celle-ci et démontrent

la réalité de la distinction que nous avons établie.

L'activité circulatoire est attribuée à une diminution de*'

tension des dernières ramifications artérielles ; c'est par

elle aussi qu'on explique la congestion des lèvres, de la

muqueuse buccale, etc., chez les animaux, - de la face,

du cou et du tronc chez l'homme. Cette congestion qui pa-

rait prédominer chez l'homme, à la tête, au cou, à la partie

supérieure du tronc et sur les membres supérieurs, mérite

qu'on s'y arrête : La peau de ces régions, les lèvres, la

langue, la muqueuse palpébrale, sous l'influence de la con-

gestion, prennent une couleur d'abord rouge vermillon,

puis rouge bleuâtre ; celle-ci fait place, à son tour, à une

coloration violacée, presque noire, parfois vraiment ef-

frayante. Enfin, à cette cyanose extrême succède, si l'inha-

lation n'est pas poursuivie, une pâleur plombée de la face

et une décoloration des avant-bras, des mains et princi-

palement des doigts.

L'action du nitrite d'amyle se- fait cependant sentir sur

les extrémités des animaux. M. Amez Droz a bien étudié

les phénomènes de dilatation que l'on observe sur les ca-

pillaires sanguins, les fines ramifications artérielles de la

membrane interdigitale des grenouilles (1). Cette observa-

tion est très-difficile, sinon impossible, chez les autres ani-

maux. Selon Me Bride (2), la congestion superficielle, si

évidente à la tête et à la face, ne se produit point au-des-

sous du genou et ne se montre que très-légère sur les avant-

bras. La rougeur des bras jusqu'aux coudes, du tronc, des

hanches, a été observée par M. C. Browne sur des épilep-

tiques (3). ,

(1) Archives de physiologie, 1S73, p. 467.

( ? )7 ? eC/ii'MoJo ? o ? c<'co;fs aul ue : ctal Diseases, lSi, april, 1.

177.

(3) Voir § 2 les indications bibliographiques.

76 RECHERCHES THÉRAPEUTIQUES.

La dilatation des vaisseaux, et en particulier des 'vais-

seaux contenus dans le crâne, est encore prouvée par des

expériences faites sur des animaux et par l'examen ophthal-

moscopique.

a) Après avoir enlevé un fragment du crâne d'un lapin,

préalablement éthérisé, MM. Mc Bride et Kempter exami-

nèrent avec soin, à l'aide de fortes loupes, les vaisseaux

des méninges. Puis, quand l'animal fut entièrement remis,

ils lui firent respirer du nitrite d'amyle. Sous l'influence

de cette substance, les vaisseaux de la pie-mère se gon-

. fièrent peu à peu ; des vaisseaux qui, auparavant, étaient

trop tenus pour être visibles, furent alors très-apparents à

l'oeil nu. La masse cérébrale sembla devenir trop volu-

mineuse pour la cavité crânienne et fit saillie à travers

l'ouverture artificielle. L'expérience, répétée plusieurs

fois, donna toujours des résultats identiques. Un physiolo-

giste allemand, M. Max Schueller, de son côté, avait déjà

constaté cette dilatation des vaisseaux de la pie-mère lorsque

MM. Bride et Kempter ont publié leur mémoire.

b) L'examen à l'ophthalmoscope (Crichton Brwvne, etc.),

en démontrant que le nitrite d'amyle produit une dilata-

tion des artères de la rétine, conduisait aussi à penser que

les vaisseaux encéphaliques subissaient eux-mêmes une

action analogue.

, Tenapérazc7°e. - La température centrale est influencée

d'une façon très-remarquable par le nitrite d'amyle. Dans

deux de ses expériences, faites sur des lapins, M. Amez-

Droz a observé un abaissement de la température qui des-

cendit dans l'une d'elles de 39° à 36°,2 et dans l'autre à

34°,3. Cet abaissement considérable est attribué par l'au- ? ur à la temérature très-froide de la chambre où il expé-

rimentait. Cette explication est erronée, car c'est bien au

'wTritritewd'amyle qu'est dû ce phénomène. Toutes nos expé-

riences concordent parfaitement à cet égard. En effet, nous

avons vu déjà, dansl'Exp. I, la température tomber de 390,4 4

à 3 ? 7 et dans l'Exp. III, de 3S°,6 à 36°,8. Dans une autre

expérience pratiquée sur le même animal, l'inhalation de

DU NITRITE D'AMYLE. 77

dix gouttes de nitrite d'amyle fut suivie, en 31 minutes, d'un

abaissement de 38° à 34° ; deux heures et demie après le

début de l'expérience, la température était à 38°,4.Les ex-

périences que nous allons rapporter sont encore plus dé-.

monstratives. -

Expérience III. - Chat, âgé d'environ six mois. - Avant l'expérience :

'I'. R. 3s°.

45 liée, 1874 - 4 le. 40 m. Inhalation d'une quinzaine de gouttes de nitrite

d'amyle. L'animal se débat, puis les pattes de devant seroidissent et s'éten-

dent.

4 lz. li. - La contracture est générale ; la tête est dans l'extension.

Mâchonnement. T. R. 38°, 6.

4 le. 15. Langue violette, s'allongeant et rentrant à chaque mouvement

respiratoire. Regard fixe; pupilles moyennement dilatées. Quelques secous-

ses convulsives. R. 12U; T. R. 38°, 5. -

4 h. 47. L'animal qui était demeuré tranquille durant quelques instants, se

débat, la langue et le nez ont une couleur violette. La langue est agitée des

mêmes mouvements que tout à l'heure et se met en gouttière. T. R.

38°, 3.

4 la. -I9. La contracture a disparu. La bouche reste constamment ouverte

et s'ouvre davantage à chaque mouvement respiratoire.

4 lz. 26. Le palais est violacé, la langue bleuâtre. Respiration précipitée,

haletante. T. R. 371>, 5. Oreilles fraîches.

4 Jz. 55. Respiration plus calme, à 142; bouche formée. L'animal miaule,

essaie de mordre.

4 h. SA'. Oreilles froides. R. 128; T. R. 36". 8.

4 h. 38. Inhalation de quelques gouttes de nitrite d'amyle : Rigidité, pe-

tites secousses tétaniques. T. R. 36", 6.

4 h. 40. Les convulsions ont cessé. Respiration à 20. Les pupilles se di-

latent considérablement.

4 h, 45. Respiration à 7 ; pupilles extrêmement dilatées. A chaque expi-

ration, soulèvement de la tête et secousses dans les pattes de devant qui

s étendent La bouche, d'habitude entr'ouverte, s'ouvre largement à chaque

mouvement respiratoire.

f h. 46, Les cornées semblent s'affaisser au centre. T. R. 36°, 4.

i h. z'0. Respiration à 22, ne s'accompagnant plus, comme tout à l'heure,

de mouvements d'extension des pattes antérieures ni d'écartement des mâ-

choires. T. R. 3C°, 1.

4 h. SI. Respiration 48. Miaulements. Pupilles toujours très-dilatées..

4 h. 59. Respiration 80; T. R. 35", 4.

5 h. 50. L'animal est tranquille. La dilatation des pupilles a diminué de

moitié (1). R. 68. T. R. 34°. Jamais il n'y a eu de bave, ni de vomisse-

ments. :

(1) La dilatation exagérée des pupilles se voit surtout lorsque l'intoxica-

tion s'opère rapidement.

7F RECHERCHES THÉRAPEUTIQUES.

6 Il. -15. T. R. 30°, f. -A 9 heures, l'animal est mis en liberté; une fois

libre, il marche en traînant péniblement le train postérieur. Il a eu plu-

sieurs selles. T. R. 3a°, 1. - Le lendemain matin, il ne paraissait plus

éprouver rien d'anormal, buvait du lait, etc.

L'abaissement de température, produit par le nitrite d'a-

myle, a été dans ce cas de 8",4. Il peut même être encore

plus considérable, ainsi que nous l'avons maintes fois cons-

taté. Nous avons vu, par exemple, chez un jeune chat, la

température descendre jusqu'à 28°,8 et, malgré cet énorme

refroidissement, l'animal a survécu.

Les lapins nous ont paru être moins rapidement influen-

cés que les chats par le nitrite d'amyle et, chez eux, l'abais-

sement thermométrique n'a jamais été aussi accusé.

A cet abaissement thermométrique, qui s'effectue rapi-

dement et continue un assez longtemps après la suspension

des inhalations, succède une élévation de la température

qui dépasse souvent, mais momentanément, le degré

initial.

Pour bien étudier les effets du nitrite d'amyle, il est né-

cessaire de prendre certaines précautions, surtout lors-

qu'on opère sur des chats. Souvent, en effet, ces animaux,

miaulant vigoureusement, introduisent en quelques instants

dans la circulation une grande quantité de nitrite d'amyle

qui déterminé une asphyxie rapide. Pour obvier à cet in-

convénient, il suffit de retirer de temps en temps la com-

presse ou l'éponge, imbibée de nitrite d'amyle, afin de laisser

entrer un peu d'air. ..

Respirations L'action du nitrite d'amyle sur la respi-

ration est ordinairement passagère. Presque toujours, ce-

pendant, nous avons pu noter, durant la première période

de l'intoxication, un ralentissement de cette fonction. Dans

l'Exp. I, le nombre normal des inspirations était de 56 ; une

première inhalation réduit les inspirations à 6 par minute,

une seconde à 42. - Dans l'Expo III, le nombre des inspi-

rations descend à 7 par minute et remonte ensuite à zut

et enfin 80. On retrouve les mêmes particularités dans l'ex-

périence suivante. '

DU NITRITE D'AMYLE. 79

Expérience IV.- Chat. La respiration, déjà examiné dans une autre expé-

rience, parait être, à l'état normal, de 80 à 96; T. Il. 38°,

9 k. 50. Inhalation de dix gouttes de nitrite d'amyle. L'animal se débat,

crie : puis la respiration se ralentit.

9 Il. ;;4 - 59. P. 160 ; R. 48; T. R. 30°, 6. La décoloration, la cyanose

du voile du palais, de la langue, etc., a été aussi prononcée que possible.

Les pupilles se sont dilatées assez largement.

40 la. 5. L'animal est tranquille. P. 192; R. 92; T. R. 3 ? 3 :

40 11. 20, 25. La décoloration persiste encore. T. Ri 34°.

Midi 45. L'animal semble être tout-à-fait revenu à l'état normal. P. 208;

R. 120 ; T. R. 38°, 4.

De cette expérience et de toutes celles où nous avons consi-

gné les changements qui surviennent dans la respiration, il

nous paraît résulter que le ralentissement de cette fonction

est un phénomène primitif, tandis que son accélération

serait, au contraire, un phénomène consécutif.

Les observations faites sur les malades, du moins les nô-

tres, n'apportent sur ce point spécial aucun éclaircissement.

Chez les malades du service de M. Charcot auxquelles nous

avons administré le nitrite d'amyle, nous avons essayé d'é-

tudier les modifications de la respiration, mais sans y par-

venir. Il s'agissait, en effet, comme on le verra, d'llystéro-

épileptiques ou d'épileptiques en accès, et il était par con-

séquent impossible de séparer, dans les modifications res-

piratoires qui se produisaient, celles qui relevaient de la

maladie elle-même de celles qui étaient dues à l'agent mé-

dicamenteux.

M. Veyrière (Thèse de Paris, 1814), aurait remarqué

que le nitrite d'amyle déterminait une sensation de fraî-

cheur dans les fosses nasales. Bien qu'il nous soit arrivé

très-fréquemment, le voulant ou non, soit dans nos expé-

riences, soit dans les inhalations que nous faisions l'aire

aux malades, de respirer quelquefois assez longtemps les

vapeurs de nitrite d'amyle, nous n'avons jamais éprouvé

rien de semblable.

En revanche, nous sommes convaincu de la réalité de

quelques phénomènes secondaires sur lesquels M. Crichton

Browne a récemment appelé l'attention. D'après ce mé-

80 RECHERCHES THÉRAPEUTIQUES.

decin distingué, on observe, dans les cas de coma ou de

perte de connaissance , différents troubles dans l'acte

respiratoire, en particulier le baillement. Tantôt le bail-

lement est très-prononcé, tantôt il n'est en quelque

sorte qu'ébauché. D'autres fois , il y a un mouvement

bruyant des lèvres, analogue à celui que l'on produit

quand on goûte une substance quelconque, ou encore des

mouvements de mâchonnement, de déglutition, etc. Ces

phénomènes, d'ailleurs fugaces, ne surviendraient pas spon-

tanément dans les états morbides dont parle M. Crichton

Browne ; ils ne se montreraient pas non plus dans l'inhala-

tion de l'éther, de l'ammoniaque (1), etc.

Dans les observations qui composent la seconde partie de

ce travail, nous aurons maintes fois à revenir sur tous ces

phénomènes ; aussi, pour l'instant, nous bornerons-nous à

mentionner simplement que, chez un chat, la bouche de-

meurait largement ouverte, s'ouvrait encore davantage à

chaque respiration, en même temps que la langue toute

violette, disposée en-gouttière, rentrait durant l'inspiration

et sortait durant l'expiration.

- sY.Nme.J}.e.r : 1 ? r;wp. - Chez les animaux auxquels on fait

respiren du nitrite d'âril'1`e,. on voit se produire. : 1° une

. rigidité générale, qui fait que les membres se placent crans''1

l'extension (chats, lapins) ; 2° de petites secousses téta ?

niques, très-rapides, qui se manifestent par accès.

Chez l'homme, le nitrite d'amyle détermine une sensation

de vertige, coïncidant avec la période de chaleur et de .

congestion de la face; puis, quand ces premiers phéno-

mènes diminuent, la tête est lourde, l'intelligence pares-

seuse, la vue obscurcie. Ces phénomènes n'ont toujours eu,

chez nous, qu'une durée éphémère ; mais les malades aux-

quels nous avons fait respirer des doses relativement

(1) Les inhalations d'ammoniaque déterminent souvent la toux ou l'éter-

nument.

NITRITE D'AMYLE. 81

considérables (30, 40 gouttes et même davantage), nous ont

assuré qu'elles n'étaient remises complètement que le len-

demain, c'est-à-dire après avoir dormi.

De tous les sens, seul celui de la vue offrirait quelques

troubles. Pick a signalé, entre autres, le suivant : Si, après

avoir respiré du nitrite d'amyle, on fixe un point sur un

mur éclairé, ce point paraît entouré de deux cercles : l'un,

central, est jaune ; le second, périphérique, d'un violet

bleuâtre, est entouré lui-même d'une bordure trouée ou

sinueuse. La tache jaune aurait cinq centimètres lorsque

le mur est distant de 60 ceut. Pick pense qu'il s'agit là d'une

projection de l'ares lutes de l'oeil (1).

Les fonctions digestives ne sont pas sérieusement affec-

tées. Chez les animaux, nous n'avons remarqué ni vomis-

sements ni selles abondantes. Deux de nos malades,

Geneviève L... et Hert..., à la fin de l'inhalation, lorsque

l'attaque doit être définitivement arrêtée, ont eu, chaque

fois, des efforts de vomissement. Cinq ou, six fois, sur une

trentaine d'essais. Geneviève a vomi auelaues glaires ou

une petite quantité d'aliments. féû^ p t ? 9"4,, , / . - fi^ '

Sécrétions. - M. A. Droz a mentionné l'apparition de

sueurs ; nous n'avons jamais, quant à nous, observé rien

de semblable, ou du moins les sueurs qui surviennent

d'habitude durant les attaques, ne nous ont point paru aug-

mentées.

La sécrétion urinaire, a-t-on dit, serait primitivement

modifiée. Outre que sa quantité serait accrue, l'urine con-

tiendrait une proportion considérable de sucre (Hoffmann,

Gamgee, Rutherford, Guttman). Ce diabète dépendrait de

la dilatation des vaisseaux hépatiques.

Déjà, nous avions souvent examiné les urines rendues

par les malades, dans le but de savoir si elles contenaient

,(1) The Practitioner, sept. 1874, p. 213.

BOURNEVILLE. 6

82 RECHERCHES THÉPAPEUTIQUES.

du sucre, lorsque nous avons repris ces recherches d'une

façon plus méthodique avec notre ami M. P. Regnard, très-

versé dans l'étude de la chimie médicale. Les urines

excrétées dans les 24 heures, recueillies séparément à

chaque miction, ont été traitées par la liqueur de Bar-

reswil (qu'on vérifiait soigneusement), et par le réactif de

Mulder. Bien que nous nous fussions placés dans les meil-

leures conditions possibles, nous n'avons jamais trouvé de

sucre qu'une seule fois. C'est donc là un point qui appelle

encore un nouvel examen.

La sécrétion salivaire, qui ne nous a présenté aucune

modification chez les animaux, aété assurément augmentée

chez Geneviève et chez Marc..., deux hystéro-épileptiques

dont les attaques exigent, pour être jugulées, une inha-

lation prolongée et partant une dose considérable de nitrite

d'amyle.

En quoi.consiste l'action primordiale du nitrite d'amyle ?

C'est là un point important sur lequel les auteurs sont loin

de s'entendre. Le nitrite d'amyle, d'après Brunton, Pick,

Steketec, etc., peut être regardé comme un poison du

muscle. Si, par exemple, on met un des muscles gastro-

cnémiens d'une grenouille sous une cloche contenant des

vapeurs de nitrite d'amyle, il perd bientôt la propriété de

se contracter sous l'influence de l'électricité, tandis que

l'autre muscle gastro-cnémien, placé sous une cloche ren-

fermant seulement de l'air, conserve pendant longtemps

cette même propriété. Il y aurait donc une paralysie directe

et rapide du muscle. Amez Droz estime que le nitrite

d'amyle agit ou bien sur les ramifications périphériques

des nerfs, ou bien immédiatement sur les fibres muscu-

laires des vaisseaux. La plupart .des expérimentateurs

accordent à cette substance une action sur les parois des

vaisseaux; toutefois, Bernheim (1) et Guttman (2) con-

(1) P/lugc 's drchiv, VIII p. 2"3

(2) l3erlit. Klin, yŸoclaetsclcri/'t, déc. 2, 1873 et Tlie London med. Record,

18H, p. 807. ,

NITRITE D'AMYLE. 8 à

testent cette action, au moins comme primitive. Ce dé-

saccord tient sans doute en partie à ce que les observateurs

n'ont pas toujours fait leurs expériences sur des animaux

de même espèce et dans des conditions identiques. Aussi

de nouvelles recherches sont-elles indispensables pour

trancher la question ; il serait intéressant aussi de préci-

ser les changements que cette substance apporte dans les

éléments qui composent le sang, comme l'a fait avec tant

de précision M. Cl. Bernard pour l'oxyde de carbone.

- u

§ IL Ç r...pl. du nitrite d'al1yle dans l'épilepsie, l'hyMeéjro3m

épilepsie et l'hystérie.

Le nitrite d'amyle a été employé dans l'épilepsie d'abord

par M. S. Weir Mitchell (Pliiladelpliia med. Times, avril

1872) ; puis, par M. J. Crichton Browne (The West Riding

Lunatic 4sylum Mes, Reports, vol, IlI, 1873, p. 153; -

The Pp°açtiliozaer, 1874, vot XIII, p. 179), par Steke-

tee (1), et par nous (Progrès médical, 1874, p. 5T8). Nous

citerons encore une note très-brève de M. James A. Philip

(7'lie Journal of mental Science, janvier 1875, p ? 600); un

second travail de M. S. Weir Mitchell (Philadelphia med.

Times, mars 1875, p. 353) ; enfin un mémoire très-inté-

ressant de M. Me Bride (The Chicago Journal of7aervous

and mental Diseases, avril 1875, p. 177) (2).

Dans l'exposé que nous allons entreprendre et qui em-

brassera le résumé de la plupart des cas observés par les

médecins étrangers et ceux qui nous sont personnels, nous

croyons utile d'établir la division suivante : 1° Faits rela-

(1) Jets over ocitritis ami/li; thèse soutenue à l'Université d'Utrecht,

(Analyse dans Revue des sciences mit" t87/t, Il p. : 2 ! ).

(2) Depuis que nous avons communiqué notre travail à la Société de bio-

logie (juin 1875), M. le D'' Marsat a inséré dans sa thèse inaugurale la

traduction de la plupart des observations publiées par les médecins améri-

cains et anglais [fies usages thérapeutiques du nitrite d'amyle), : .

84 RECHERCHES THÉRAPEUTIQUES.

tifs à l'épilepsie; 2° faits relatifs à l'état de mal épilep-

tique; 3° faits relatifs à l' hystéro-épilepsie et à l'hys-

térie.

A. Faits relatifs à l'épilepsie.

S'appuyant d'une part sur ce fait que le nitrite d'amyle

produit une dilatation des vaisseaux de la tête et d'autre

part sur cette hypothèse qu'il existe dans l'épilepsie une

contraction des vaisseaux de l'encéphale, M. S. Weir Mit-

chell a employé le nitrite d'amyle pour combattre les accès

de mal caduc. Dès l'origine, il se rendit parfaitement compte

des difficultés de l'emploi de ce médicament et comprit

qu'il n'était possible de l'administrer que : 1° dans les cas

d'épilepsie avec aura, c'est-à-dire annoncés par certains

phénomènes qui durent un temps assez long pour permettre

aux malades de respirer le nitrite d'amyle ; 2° dans les cas

d'accès venant par série, de telle sorte que, les malades

étant confinés au lit, il suffit de les surveiller pour pou-

voir administrer le médicament dès le début de la crise. Il

résulte de là que ce sont les données de la physiologie qui

ont conduit à se servir du nitrite d'amyle dans le traitement

de l'épilepsie. L'observation clinique a justifié ces prévi-

sions, ainsi que le déniontrentles faits très-intéressants que

M. S. Weir Mitchell a rapportés et que nous croyons utile

de résumer brièvement.

Observation I. - Excès vénériens. - Premier accès suivi

d'un léger vertige. - Aura : spasme de l'index et du bras gau-

che. - Nitrite d'amyle, diminution du nombre des accès.

J. C..., 23 ans. - Après s'être adonné démesurément à

l'onanisme jusqu'à l'âge de 18 ans, il se livra alors d'une

façon extravagante aux plaisirs vénériens.- Le 4 mars 1871,

à la suite d'excès alcooliques, il se rendit dans une ville

voisine où il commit ce jour-là et les jours suivants des

excès vénériens. Le 9 mars, quoique fatigué, il n'en continua

pas moins d'obéir à sa passion avec la même ardeur. Le 10, il

ressentit à deux reprises, un tiraillement dans l'index gau-

che. Le 11, les symptômes allèrent en s'aggravant et le 12,

mtrite d'amyle. 80

après des excès sexuels outrés, il eut un spasme du bras

gauche qui commença par la main et en quelques minutes

plaça les doigts dans l'extension forcée. Celle attaque qui

surprit le malade, sans lui causer aucun effroi, se termina

par un léger vertige. Puis survint une série de véritables

accès d'épilepsie, toujours précédés des mêmes convulsions

locales. Les accès qui, au début, se produisaient tous les

jours, diminuèrent bientôt de nombre et finirent par ne plus

revenir qu'une fois par semaine. Dans deux occasions, les

accès avaient été subits et sans prodromes ; mais dans tous

les autres, la main était affectée de spasme suivi, quelques

minutes après, de vertige auquel succédaient des convulsions

des deux côtés du corps, avec morsures de la langue et des

joues. Ayant employé en vain les bromures, la strychnine, le

valérianate de quinine, etc., M. S. Weir Mitchell se décida à

remettre au malade un petit flacon contenant de 3 à 4 gout-

tes de nitrite d'amyle, en lui recommandant de placer la

fiole ouverte sous une narine, landis qu'il fermerait l'autre

avec le doigt et de faire ainsi plusieurs fortes inspirations.

Le premier essai échoua, parce que le spasme du bras gau-

che mit le malade dans un état nerveux qui empêchait toute

action. La seconde fois, il parvint à respirer les vapeurs de

nitrite d'amyle ; en quelques secondes, il se sentit la face

congestionnée, les carotides battaient avec violence ; la tête

était lourde, mais, le spasme disparaissant, pour la première

fois l'attaque qui menaçait cessa tout-à-coup. Quatre jours

plus tard, le malade empêcha de la même façon une autre

attaque de se produire. Il obtint le même succès dans onze

accès ultérieurs. Deux fois, il échoua, par suite de l'emploi

trop tardif du nitrite d'amyle. Depuis lors, les accès ont di-

minué de fréquence et ne reviennent plus que tous les 10 ou

20 jours. '

L'usage du nitrite d'amyle n'a déterminé aucun accident

chez cet homme dont la mémoire serait.au contraire, deve-

nue meilleure (1). Durant les trente mois qui s'étaient écou-

lés lors de la publication de son histoire, il n'avait eu que

sept accès et le dernier remontait neuf mois ; mais, comme

six fois, les accès furent coupés par le nitrite d'amyle, il

n'a eu, en réalité, qu'un seul accès complet.

(t) M. Crichton Browne aurait remarqué, de son côté, une stimulation

des facultés intellectuelles (Loc. cit., p. 156).

86 RECHERCHES THÉRAPEUTIQUES.

Observation II. - Accès hebdomadaire. - Aura spasme du

pouce droit. - Nitrite d'amyle : avortement des accès.

J. C..., 32 ans, a des accès environ une fois par semaine.

Ils commencent par un spasme violent du pouce de la main

droite. - D'une façon générale, les convulsions se généra-

lisent trop rapidement pour qu'on puisse préciser la durée

comprise entre l'arrivée du spasme et la perte de connais-

sance, mais une fois sur 3 ou r, elle est d'au moins une mi-

nute. Cette condition s'étant réalisée quatre fois, le malade

fut capable de se servir du nitrite d'amyle et chaque fois

l'accès avorta.

S'agissait-il dans le cas précédent, d'une véritable aura,

ou bien le spasme du pouce n'était-il qu'un phénomène

primitif de l'accès, cela importe peu pour l'objet que nous

poursuivons. Le point capital c'est que l'on ait le temps

d'intervenir avant la perte de connaissance.

Observation III. - Epilepsie remontant à 7 ans. - Aura : .'

sensation de constrictivn à l'épigastre; na1tsées. - A'itrite d'a-

myle : avortement des accès.

Miss E..., 26 ans. Epileptique depuis sept ans. Environ une

minute avant l'accès, elle éprouve une sensation qu'elle qua-

lifie de serrement, et qui siège à l'épigastre. Cette sensation

se transforme en nausée ; puis l'accès éclate, suivi, mais rare-

ment de vomissement. Le nitrite d'amyle arrête instantané-

ment et la nausée et l'accès. Malgré cet heureux résultat, la

sensation de pesanteur dans la tête alarme miss E..., personne

très-impressionnable, à un point tel qu'elle témoigne la plus

grande répugnance à recourir au nitrite d'amyle.

Entre la publication de la première observation de M.

S. Weir Mitchell (1872) et celle des deux dernières (1875),

M. Crichton Browne a publié un remarquable mémoire sur

l'emploi du nitrite d'amyle dans l'épilepsie. Lui aussi a été

guidé par l'étude des propriétés physiologiques du nitrite

d'amyle et par la physiologie pathologique de l'épilepsie.

Il a pensé, de plus, à opposer à la pâleur, qui annonce si

souvent l'accès épileptique, l'action congestionnante du ni-

trite d'amyle. C'est qu'en effet, la signification de cette pâ-

nitrite d'amyle. 87

leur ne lui a pas échappé. Avec MM. Delasiauve et Russel

Reynolds, il la considère non-seulement comme un phéno-

mène précoce, mais encore comme un phénomène pour

ainsi dire plus constant que les autres. Notre expérience

personnelle confirme de tout point les assertions de

M. Crichton Browne. Il fut donc amené à essayer le nitrite

d'amyle dans l'épilepsie. Il avait échoué dans une tentative

antérieure - de même que M. Lauder Brunton - parce

qu'il ne connaissait pas le moment précis où il convient

d'administrer le remède. Or, ce moment précis, c'est im-

médiatement avant l'accès, car si on empêche le spasme

des vaisseaux de se produire, on écarte par là même la

série des accidents consécutifs. « Un accès empêché,

écrit-il, n'est pas chose insignifiante, c'est un pas fait vers

la gtiérison... Interrompre une habitude pathologique, c'est

donner une chance de guérison ; tenir en bride les accès,

c'est limiter le pouvoir destructeur de l'épilepsie. » il.

Crichton Browne se mit en conséquence à la recherche

des cas d'épilepsie avec aura. Malheureusement et l'on

est à la Salpétrière dans une situation aussi défavorable <

ce n'est qu'exceptionnellement qu'on rencontre, dans le

West Riding Asyium, ces phénomènes précurseurs. N'en

trouvant pas, il résolut d'administrer régulièrement le ni-

trite d'amyle à une malade qui avait un accès tous les

jours avec une grande ponctualité, espérant que l'adminis-

tration du médicament faite à peu près vers le temps où

l'accès était imminent, il pourrait dilater suffisamment les

vaisseaux pour s'opposer à leur contraction, et intéresser

le centre vaso-moteur (auquel on rattache la production du

spasme) à un 'degré capable d'empêcher l'éclosion des con-

vulsions. Voici l'abrégé de ce cas.

Observation IV. - Epilepsie, - Irritabilité extrême.

Accès fréquents ; pas d'aura. Inhalation quotidienne de nitrite

d'amyle. - Amélioration. ,

Elisa W... 27 ans. Epilepsie datant d'un an environ, lors de

l'entrée à l'asile le 4 octobre 1872. Accès fréquents, accompa-

gnés d'une irritabilité extrême. Ils arrivent soudainement,

88 RECHERCHES THÉRAPEUTIQUES.

sans prodromes, mais invariablement avec une pâleur cadavé-

rique de la face.

Du1cl' janvier 1873 au 26 mars, W... eu 80 accès, à peu

près un chaque jour avec une grande régularité. Pendant le

mois de mars, elle eut un accès tous les jours dans la matinée.

Le 17 mars, on commença les inhalations de nitrite d'amyle,

5 gouttes 3 fois par jour. Les accès furent immédiatement et

brusquement interrompus. Aucune attaque n'arriva du 27

mars au 15 avril. Les inhalations produisaient toujours une

rougeur sensible de la face, des oreilles et du cou; la respira-

tion était diminuée, le pouls accéléré sautait de 70 à 120 et

on remarquait uu tremblement des fibres de l'orbiculaire

des paupières du côté gauche, et du triangulaire des lèvres

du côté droit. La malade se réjouissait des effets de l'inhala-

tion qui la rendait, disait-elle, sensible et capable de consola-

tion. Après l'inhalation, la rougeur disparaissait rapidement

et le pouls tombait du coup, et sans aucun stade intermé-

diaire, de 120 à 80. Dès que les accès cessèrent de l'assaillir,

un heureux changement s'opéra dans le caractère et les habi-

tudes d'Elisabeth W.... De méchante et furieuse qu'elle était,

elle devint affable et serviable. Le 15 avril, elle a eu une at-

taque avec ses caractères habituels, puis des accès acciden-

tels ; on ne faisait plus les inhalations qu'irrégulièrement.

Aujourd'hui cependant, bien qu'elle n'ait pas été soumise

aux inhalations depuis quelque temps, les accès sont relati-

vement rares et l'état intellectuel de la malade est beaucoup

plus satisfaisant qu'il y a 6 mois.

Observation V. -Epilepsie remontant à 18 ans ; aura ; nitrite

d'amyle ; avortement des accès ; suspension du nitrite d'amyle ;

retour des accès ; reprise de nitrite d'amyle ; avortement des

accès.

Le dimanche 18 mai 1873, Elisabeth W ? âgée de 2') ans,

épileptique depuis 18 ans et malade du West Riding Asylum

depuis 5 ans, présenta, à deux heures de l'après midi,

tous les signes habituels de l'approche d'un accès, c'est-à-dire

des mouvements de tète et des sanglots continus ; la garde-

malade, qui avait assisté bien souvent à ces symptômes pré-

curseurs, déclara que les convulsions et la syncope allaient

survenir au bout de deux heures. Alors une inhalation de

deux gouttes de nitrite d'amyle fut immédiatement ordonnée

et grâce à cet agent les mouvements de tète et les sanglots

s'arrêtèrent, la malade devint tranquille, plus active et plus

intelligente qu'à son habitude. Deux heures après, cinq gouttes

de nitrite d'amyle furent encore administrées, et il n'y eut

NITRITE D'AMYLE. 89

aucune attaque. A six heures et à huit heures, on recom-

mença les inhalations. La malade fut exempte d'accès et passa

une bonne nuit. Le lendemain, on ne fit pas d'inhalations.

A quatre heures de l'après-midi, les mouvements de tête et

les sanglots reparurent. Alors, pour vérifier l'exactitude de

l'observation de la garde, on ne permit pas à la malade de sor

tir et on la veilla strictement. A six heures précises de l'après-

midi survint une attaque grave, caractérisée par des convul-

sions générales et une stupeur prolongée. Depuis lors d'autres

accès, annoncés par les mêmes symptômes, ont été prévenus

par les inhalations périodiques de nitrite d'amyle à un inter-

valle de deux heures par jour.

M. James A. Philip a employé le nitrite d'amyle chez

plusieurs anciens épileptiques. Les inhalations, variant de

deux vingt gouttes, furent faites deux fois par jour. La

brièveté de la note de cet auteur nous permet de la rappor-

ter à peu près in extenso. '

Observations VI, VII, VIII.- Chez trois malades, les inha-

lations furent faites deux fois par jour, pendant six semaines;

la dose fut portée graduellement de 3 à 20 gouttes. Dans

aucun de ces cas, il n'y eut de résultats avantageux. -

Observation IX. - Homme ; un accès la nuit ; 4 avant 11 1

heures du matin. A il heures, inhalation de nitrite d'amyle.

Malgré cela, un accès survint à 3 heures et demie.

Observation X. X... a des accès qui offrent quelques ca-

ractères particuliers. Il fait d'abord un bruit semblable au

bourdonnement, puis tourne et saute, criant et ne faisant

aucune attention aux personnes qui l'entourent; bientôt il

tombe en arrière, est pris de convulsions passagères et re-

vient ensuite rapidement à son état ordinaire. Inhalation de

5 gouttes de nitrite d'amyle. Néanmoins, il eut un accès trois

minutes plus tard. Une seconde fois, bien qu'il eut eu un

accès deux heures avant l'inhalation, il en eut un autre quatre

heures après.

Observation ZI. - Homme ; 6 accès dans la matinée. A

10 heures 1/2, inhalation de nitrite d'amyle; dix minutes

après, nouvel accès. Le nitrite d'amyle fut administré de nou-

veau à une heure de l'après-midi; à 4 heures et à 5 heures ce

même jour, nouveaux accès.

90 RECHERCHES THÉRAPEUTIQUES.

Observation XII. - Femme; inhalation de cinq gouttes

de nitrite d'amyle. Alors que le médicament s'était évaporé,

elle se pencha en arrière, disant : Oh ! mon Dieu I et au bout de

trois secondes elle glissa lentement de sa chaise et tomba sur

les genoux. La face, à ce moment, était pâle, les lèvres trem-

blaient violemment, les dents claquaient. Des spasmes clo-

niques, survenus ensuite, disparurent promptement et furent

suivis de violentes convulsions et enfin d'une insensibilité

passagère (1).

M. Me Bride paraît avoir été plus heureux que M.Philip,

si l'on en juge d'après les observations qu'il rapporte et

dont voici le sommaire :

Observation XIII. Homme de 53 ans. Trois accès par

semaine. Aura partant du cou et quelquefois de la -main

gauche. En février 1874, on emploie le nitrite d'amyle qui

prévient un certain nombre d'attaques et produit par con-

séquent une amélioration. Le médicament ayant été sus-

pendu, les accès ont reparu.

Observation XIV. - Homme de 31 ans; pas d'aura. Ni-

trite d'amyle administré quotidiennement : diminution des

accès. Le malade s'étant fait, un jour, dans un accès, une

plaie au-dessus de l'orbite, on remarqua une hémorrhagie au

moment de l'inhalation du'nitrile d'amyle.

Observation XV. - Homme, âgé de.2,i ans. Il a parfois

20 accès dans une semaine. A partir du mois de juin fez, on

lui fait respirer tous les jours, pendant six mois, du nitrite

d'amyle. Amélioration remarquable.

Observation XVI. Homme, 53 ans. L'épilepsie est sur-

venue il y a un an ou deux sans cause connue. Il a dix ou

douze accès par an, précédés d'une aura qui part de la main.

Il a commencé l'usage du nitrite d'amyle en septembre 1874

et, depuis cette époque, n'a plus eu d'attaque. Il porte une

petite fiole de nitrite d'amyle dans sa poche et lorsqu'il sent

venir l'aura, il respire les vapeurs de nitrite d'amyle et réussit

toujours à prévenir les accès.

(1) M. Philip a également essayé le nitrite d'amyle sans succès daus la

manie épileptique.

NITRITE D'AMYLE. 91

Tels sont les principaux résultats enregistrés par les

médecins qui Ont employé le nitrite d'amyle dans l'épilep-

sie. Tous concordent sur ce point : lorsqu'on fait respirer

à temps les vapeurs de nitrite d'amyle aux malades dont

les accès sont annoncés par une aura, on parvient à sup-

primer la crise. Mais, lorsqu'il s'agit d'épileptiques qui ne

présentent pas cette condition véritablement favorable, le

nitrite d'amyle ne jouirait pas toujours d'une efficacité in-

contestable, car, en face de faits relativement favorables,

viennent se dresser ceux que M. Philip a recueillis et qui

sont absolument négatifs. Il est juste, toutefois de faire

remarquer que ce médecin opérait sur de vieux épilepti-

ques, qu'il commençait par une dose peut-être trop faible.

Si nous paraissons essayer d'atténuer la portée des ob-

servations de M. Philip, c'est que, dans l'état de mal épi-

leptique, ainsi que nous allons le voir, le nitrite d'amyle a

rendu des services qui, s'ils se confirment, le placeraient

au premier rang des médicaments susceptibles d'être mis

à contribution dans le traitement de cette redoutable com-

plication de l'épilepsie.

. B. Faits relatifs ci l'état de mal épileptique,

L'observation détaillée qui figure en tête de nos Reclzer-

elles nous dispense d'entrer dans des explications sur les

symptômes qui caractérisent l'Etal de mal épileptique, Les

réflexions sur le traitement, dont nous l'avons fait suivre,

ont sans doute laissé dans l'esprit du lecteur une impres-

sion décevante. S'atténuera-t-elle après l'exposé que nous

allons entreprendre des cas où le nitrite d'amyle a été mis

à contribution Nous l'espérons, bien que, en pareille ma-

tière, il soit prudent de se tenir sur une sage réserve.

OBSERVATION XVII. Etat demal épileptique, Coma profond.

Augmentation de la température. Inhalations de nitrite

d'amyle. - Retour de la, connaissance. Diminution de la

température et du nombre des accès (Crichton Browne, loc.

cit.)

Hélène C : i. 48 ans. Epilepsie remontant à une douzaine

92 RECHERCHES THERAPEUTIQUES.

d'années. Le 4 février 1872, alors qu'elle était convalescente

d'une pneumonie pendant laquelle les accès avaient été

suspendus, elle eut une attaque d'un caractère très-grave. Le

6, deux accès; le 7, trois; le 8, quinze. A partir de ce jour,

l'état de mal fut franchement établi; la connaissance ne reparût

pas entre les crises convulsives. Le 10, on compta 25 accès; le

pouls était à 81; la respiration précipitée; la température à 390,2 2

le matin et 39°, 5 le soir. Le bromure de potassium à dose élevée,

demeurant impuissant, on le supprima et on recourut aux

applications de glace sur l'épine dorsale. Le il février, C...

eut une série continue d'accès et tomba dans un coma profond.

P. 130; T. 38°,8 le matin et 40° le soir. Le corps était couvert de

sueurs, la peau cyanosée. Deux injections d'ergotine de 60

centigr. chacune furent faites et la glace fut continuée. Ce

traitement ne produisit aucune amélioration et la malade, qui

avait eu 91 accès dans les dernières 2't heures, était dans un

état désespéré à 9 h. 45 du soir, quand on fit la première

inhalation de nitrite d'angle. L'effet immédiat consista en un

certain degré de réveil : la malade se plaignit et remua la tète

sur son oreiller. Au bout de 10 minutes, on fit une seconde

inhalation de 10 gouttes. La face devint rouge, noirâtre; les

plaintes et les mouvements de la tète s'accentuèrent davantage.

Durant la nuit, C... n'eut que six accès et le lendemain matin

quand on reprit les inhalations, un mieux sensible se fit sentir.

P. 100; T. 7°,7. A partir de ce moment, il ne survint plus au-

cune attaque.

Observation XVIII. Epilepsie; accès de furie. -Etat de maul

él)ile,vlique : coma , augmentation de la température. - Niloite

d'amyle : diminution de la température, retour de la connais-

MMCC ? Z)M ? MmMom du nombre des accès. (Crichton Browne,

toc. cit.)

Lydie II..., 26 ans. Accès intenses, suivis de folie furieuse.

- 10 février : dix accès. - Il février : quatre accès, auxquels

succède de l'excitation. - 9 ? , 13, 14 février : un accès tous les

jours.- 15 février : dix-huit accès. - 10 février : vingt et un

accès. Coma profond. Injections sous-cutanées d'ergotine (GU

centigr. à la fois). Pas d'amélioration.-17 février : vingt-quatre

accès. - 18 février : A une heure de l'après-midi, on avait déjà

compté 34 accès. A ce moment, la malade paraissait mourante :

P. 130; T. ;i'J',4. Immédiatement après un accès, on lui fil respirer

du nitrite d'amyle. Il... parut reposer tranquillement et,

pendant deux heures, elle n'eut pas de nouvel accès. Durant

ce laps de temps, on avait fait deux inhalations; à partir de ce

moment jusqu'à minuit, il y eut cinq accès seulement; puis,

nitrite d'amyle. 93

les accès cessèrent, la connaissance fut rapidement recouvrée

et en quelques jours toutes les traces de l'état de mal s'éva-

nouirent.

Observation XIX. Epilepsie; excitation. - Etat de mal :

aucune lueur de connaissance en1re les accès ; élévation de la

température ; Nitrite d'amyle : abaissement de la température .

- Retour de la connaissance. (CRICHTON BROwNE, loc. cit.)

Jean W..., 50 ans. Accès d'épilepsie avec excitation mania-

que d'abord, puis stupeur. - 6 mai 1873 : seize accès. - 7

mai : deux accès. - 8 1JU.¡,i : seize. Le malade ne recouvre pas

connaissance entre les accès; la déglutition est gênée. z 9

mai : dix accès. - 10 mai : treize. - 13 mai : jusqu'à deux

heures de l'après midi, onze accès. Etat grave : perte de con-

naissance absolue, respiration sterloreuse, et lividité de la face;

sueurs copieuses. P. 140; T. A. 39°,4. On supprime le bromure

de potassium qui avaitété administré sans succès et on recourt

au nitrite d'amyle dont on fait respirer au malade cinq gout-

tes toutes les heures. Une amélioration sensible suivit la pre-

mière inhalation ; la respiration devint moins pénible. De 2

heures de l'après midi à minuit, trois accès seulement. - 12

mai : cinq accès, parfois, retour de la connaissance. P. 120 ; T.

37 ? ; déglutition plus facile. -13 mai : deux accès. - -14 v2cci :

deux accès. Le malade est maintenant capable de répondre

aux questions qu'on lui adresse. Les inhalations sont conti-

nuées toutes les trois heures. Guérison de l'état de mal.

Observation XX. Epilepsie; accès fréquents, suivis de dé-

lire. - Etat de mal épileptique : coma, élévation de la tempé-

rature. -Nit1'ite d'amyle : abaissement de la température; re-

tour de la connaissance. (Crichton Browne, loc. cit.)

IsaacB ? 31 ans, épileptique, très dangereux,sujet à des paro-

xysmes de fureur, surtout lorsque ses accès sont sur le point

d'éclater. - 24 avril : cinq accès. 25 avril : trois. 26 avril :

cinq. - 27 avril : dix. - 28 avril : neuf. - 29 avril : six. 30

avril : huit. 1 ? niai : douze. 2 mai : seize. Sa situation

semblait désespérée; tous les traitements mis à contribution

avaient échoué. Perte de connaissance, déglutition impossible.

Cyanose de la face, du cou et même du corps; respiration

bruyante, stertoreuse; P. 140. T. 38°,9. - Inhalation de dix

gouttes de nitrite d'amyle. En 40 secondes, le malade ouvrit

les yeux; en une minute, il leva la tête et regarda autour de

lui; après deux minutes, il reprit un peu connaissance et ré-

pondit à l'appel de son nom. Après trois minutes, on lui fit

94 RECHERCHES THÉRAPEUTIQUES.

Inhaler 10 autres gouttes de nitrite d'amyle et il put avaler

alors sans difficulté un verre de lait. Son pouls était à 150; sa

figure plus vermeille. Peu après, il perdit encore la connais-

sance mais n'eut plus d'attaque. Pendant la nuit et le lende-

main, on fit une inhalation de nitrite d'amyle toutes les heures

et rien n'entrava plus la guérison de l'état de mal.

L'intérêt que présentent ces observations n'échappera à

personne. Dans toutes, il s'agissait bien de l'état de mal

épileptique avec tous ses caractères, et en particulier l'élé-

vation de température que nous avons depuis longtemps

minutieusement décrits. Malgré la gravité de la situation

dans laquelle se trouvaient ses malades,M. Crichton Browne

eut le bonheur de les voir tous revenir à la guérison. Si

l'on ajoute à ces observations deux autres de M. Me Bride

relatives à des états de mal moins intenses il est vrai, et

qui ont eu également une terminaison heureuse, on au-

rait ainsi six cas dans lesquels le nitrite d'amyle aurait

rendu de réels services, alors que la plupart des médica-

ments usités en pareille circonstance avaient échoué.

Malheureusement cette constance dans les résultats ne pa-

rait pas être la règle et les faits, recueillis par nous, qu'il

nous faut maintenant rapporter, sont loin d'être aussi en-

courageants.

Observation XXI. Etat de mal épileptique; élévation de la

température; nitrite d'amyle, diminution de la température;

cessation des accès ? Paralysie à droite; amélioration notable

pendant deux jours.- Coma subit; mort. (Obs. pers.).

Da., malade du service de M. TRI : LA'r, à la Salpétrière.

13 mai. Accès très-fréquents; environ une vingtuine dans la

journée. Application de ventouses scarifiées le long de la co-

lonne vertébrale. - 14 mai. Les accès continuent avec la

même fréquence. - 15 mai. Accès dans la matinée; dans

l'après-midi la malade est agitée. - 46 mai. Les accès de-

viennent plus fréquents. Nouvelle application de ventouses

scarifiées.

17 mai. Dans la matinée accès fréquents; de 1 h. à 8 h. du

soir environ une quinzaine. Ces accès ont continué pendant

la nuit. Durant toute la matinée, ils se sont succédé sans in-

tervalle de repos : à 14 h. 1¡2,nous trouvons la malade en plein

nitrite d'amyle. 93 ri

état de mal épileptique. A peine un accès est-il fini qu'un autre

commence; lafaceest rouge, vultueuse, couverte de sueurs;

la bouche laisse couler une écume sanguinolente; les mem-

bres sont, en quelque sorte, constamment rigides. En moins

de 5 m., nous assistons à 3 accès. La déglutition est impos*

sible, le coma absolu. A ce moment la température vaginale

est à 4.0°, 6.

Nous faisons inhaler du nitrite d'amyle à la malade pendant

une dizaine de minutes, en ayant soin de retirer la compresse

durant de légers intervalles. Pendant ce temps, on n'observe

plus que quelques secousses convulsives. - Soir. Depuis

l'inhalation la malade n'a plus eu d'accès; la face et les yeux

sont dirigés vers la gauche ; la pupille droite est normale, la

gauche est dilatée, la conjonctive oculaire, des deux côtés, est

légèrement injectée. Les paupières sont rouges, les joues

fraîches, le cou rigide. Il existe une paralysie très-manifeste

du côté droit.

19 Mai. Absence complète d'accès. P. 100; R. 34; T. V. 39°,2.

- Soir. - P. 108 ; R. 28 ; T. V. 39°, 3. 20 Mai. Pas d'accès;

la malade est un peu plus éveillée. P. 108; R. 24; T. V. 37°, 7.

- Soir. - T. V. 37°, 8. - 21 111ai. T. V. 37°, 6. Soir. T.

V. 38°. - 22 Mai. T. V. 37°, 2. - Soir. - P. 100 ; R. 24; T.

V. 39°, 4. - 23 Mai. La malade est retombée dans le coma ;

T.V. 37°, 8. - Le soir, à 5 h., elle meurt sans avoir eu de nou-

velles convulsions.

Le nitrite d'amyle a fait cesser très-promptement les

accès devenus subintrants : ce point est incontestable. De

plus, la malade qui, avant l'inhalation, était dans un coma

profond s'est réveillée avec lenteur, il est vrai, et avait

même repris connaissance. Tout semblait annoncer une

heureuse issue quand, cinq jours après la disparition des

accès, elle a succombé sans que rien, ni dans les symptô-

mes, ni dans l'autopsie ne nous ait révélé la cause de la

terminaison fatale.

Observation XXII. Etat de mal épileptiqu(3)' Nombre des

accès ; - Elévation considérable de la température (42°, 4);

Inhalations infructueuses de nitrite l'an ? le.'(Ubs. pers.)

Bor... Louise, 25 ans, épileptique depuis l'âge de quatorze

années, fut prise d'un état de mal, le 10 décembre 1875 à 4

heures du soir. - Après le douzième accès, la température

rectale était à 38°,7. A 10 heures, on avait compté 57 accès. De

96 RECHERCHES THÉRAPEUTIQUES. -

ce moment à 6 heures du matin, le H décembre, il survint 17,

accès. T. R. 39°,7.

11 décembre. De 6 heures à 11 heures, 29 accès; T. R. 40°,7.

Les accès continuant, nous faisons une première inhalation

de nitrite d'amyle à 1 heures 40, une seconde à midi, une

troisième cinq minutes plus tard.

Soir (5 heures). - B... a eu, depuis midi, 33 accès, bien

qu'on lui ait fait respirer trente gouttes de nitrite d'amyle en

trois fois (midi et demi, deux heures, 2 heures et demie).

Durant les onze dernières heures, on a compté 67 accès. T.

vaginale, 41°,<. A 5 heures 15, inhalation de douze gouttes

de nitrite d'amyle : les pupilles, de dimension presque nor-

males auparavant, se dilatent très-largement; la malade se

plaint bruyamment. - A 5 h. 30 et à 5 h. 40, nouvelles inha-

lations de douze gouttes chaque fois. Après la dernière, T. V.

40°,8; la température a donc diminué de 3110 de degré sous

l'influence du nitrite d'amyle. - 5 h. 45 : inhalation de dix

gouttes.

12 décembre. De 5 h. 45 à 11 heures du soir, B... n'a pas eu

d'accès. De 11 heures du soir à ce matin 2 heures, cinq accès.

A partir de là, les accès n'ont pas reparu. La malade est morte

à six heures : T. R. 42°,4.

Tout en reconnaissant que le nitrite d'amyle a échoué

dans ce cas, il est juste de faire remarquer qu'il a été tar-

divement administré, c'est-à-dire quand la malade avait

eu déjà, en moins de vingt heures, plus de cent accès et que

la température centrale atteignait 40°, 7. Peut-être aussi,

n'avons-nous pas répété assez souvent les inhalations. En

face d'une situation aussi grave et qui surprend toujours les

médecins peu habitués à l'observation des épileptiques, une

intervention plus énergique serait, croyons-nous, par-

faitement justifiée. Lorsque le soir, 25 heures après le dé-

but, nous avons administré de nouveau le nitrite d'amyle,

il n'était guère possible de s'illusionner sur l'issue de la

maladie. Le nombre des accès, 141, le chiffre de la tempé-

rature, 41°, 1,. conduisaient à porter un pronostic fatal.

Néanmoins, même à ce moment, l'action du nitrite d'amyle

s'est fait sentir : 1° sur les accès qui n'ont reparu que trois

heures plus tard ; 2° sur la température qui a diminué de

3/10 de degré. '

NITRITE D'AMYLE. P7

Observation YYIII. - Etat de mal épileptique. Fréquence

des accès. - Nitrite d'amyle : abaissement de la température;

Amélioration. -

Merl... Louise, 10 ans. 28 janvier 1876 : vingt accès. 29 jan-

vier : de 6 heures du matin à 6 heures du soir 50 accès. A ce mo-

ment (6 heures du soir) : T It. 3f3; les accès se succèdent 4

rapidement et en moins d'une demi-heure, M... en a six. Le

nitrite d'amyle est administré; bientôt, la malade se réveille,

gémit et agite la tète. Les oreilles et le cou sont fortement

hypérémiées. La compresse qui sert à l'inhalation ayant été

éloignée, un nouvel accès éclate. Seconde inhalation : la face

devient cyanosée ; la conjonctive oculaire et palpébrale ainsi

que les lèvres sont violacées. Suspension de l'inhalation.

En cinq minutes, M... a trois accès. Troisième inhalation : de

temps en temps, par précaution car c'est la première fois que

nous donnons du nitrite d'amyle à un enfant, nous écar-

tons la compresse. Quelques minutes se sont à peine écoulées

qu'un autre accès se produit. Inhalation de nitrite d'amyle.

Eu tout 40 gouttes. La température, prise alors, est descendue

à 37°J ? il y a donc' eu, sou s i,influence duit ? (,e'amyle,

m gré l'apparitibn de cinq âccès, un a â`issemént de 8 -i0 de

degré. " "' ? < ? ? t

30' janvier. Les accès se sont éloignés de telle sorte que de

sept heures du soir, hier, jusqu'à ce matin six heures, on n'a

noté que 24 accès. Total, dans les dernières vingt-quatre

heures, 80 accès. - Ce matin, de six heures à dix heures et

demie, 6 accès. T. R. 37°, 3.

31 janvier. Depuis hier matin, six heures jusqu'à la même

heure ce matin, 45 accès. - 1er février. 29 accès. - 2 février.

16 accès.

Cette malade a guéri de son état de mal qui a offert des

caractères tout particuliers sur lesquels nous aurons l'oc-

casion d'insister prochainement. La guérison a-t-elle été le

fait du nitrite d'amyle ? Cela nous parait probable, car l'ac-

tion de cette substance s'est, en effet, très-nettement exer-

cée sur la température.

Si maintenant, nous jetons un coup d'oeil d'ensemble

sur les observations d'état de mal épileptique que nous

avons analysées, nous relevons sur le champ, une diffé-

130f;fi\P'ILL. , /.

98 RECHERCHES THÉRAPEUTIQUES.

rence considérable entre celles de M. Crichton Browne etles

nôtres. Plus favorisé que nous, le savant éditeur des West

Riding Lunatic Asylum Reports a vu ses malades guérir

rapidement, tandis que nous n'avons eu que des demi-suc-

cès ou des insuccès. L'administration tardive ou insuffi-

samment répétée du nitrite d'amyle, dans nos cas, suffit

peut-être à expliquer cette contradiction relative. Toute-

fois, nous devons insister sur ce point, c'est que chez toutes

nos malades il y a eu tout au moins une amélioration mo-

mentanée grâce aux inhalations de nitrite d'amyle. '

C. Faits relatifs ci l'hystérie et à 1 ll ! JSléî"O-épilepsie.

Plusieursmoyenssontmisà contribution, à la Salpétrière,

pour arrêter les attaques d'hystérie et d'hystéro-épilepsie.

Nous avons signalé précédemment (page 52) l'action pré-

ventive qu'exercent parfois les applications de glace sur la

région ovarienne d'où part l'aura chez les hystériques,

quand ces applications sont faites au moment opportun.

En second lieu, les leçons de M. Charcot nous ont appris

depuis longtemps que la compression ovarienne peut em-

pêcher la production de l'attaque lorsqu'elle est pratiquée-'

durant la phase de l'aura. Elles nous ont appris aussi que,

pratiquée pendant l'attaque, la compression ovarienne, si

son action est suffisamment prolongée, arrête les convul-

sions d'une manière définitive.

Les effets du nitrite d'amyle sur les accès d'épilepsie

avec aura pouvaient déjà faire deviner son efficacité contre

les attaques d'hystérie et d'hystéro-épilepsie qui s'annon-

cent par des signes précurseurs plus ou moins durables.

L'observation clinique confirme cette prévision et les résul-

tats que nous a fournis un grand nombre de fois l'adminis-

tration de ce médicament chez une dizaine de malades ne

manquant pas d'intérêt, nous les consignerons ici avec

quelques détails.

nitrite d'amyle. ' " 99

Observation XXIV. Hystérie. - Hyperesthésie ovarienne

et hémianesthésie droites. Nitrite d'amyle : Troubles de

la vue.

Laug..., Th., 24 ans (service de M. CHARCOT). Les attaques

sont franchement hystériques.

21 décemb. 1874. Alors qu'elle était en pleine attaque, inhala-

tion de dix gouttes de nitrite d'amyle. L'attaque, suspendue,

reprend bientôt. Une deuxième inhalation de dix gouttes pro-

duit les mêmes effets. A ce moment, le pouls est à 150. Troi-

sième inhalation de dix gouttes qui met fin à l'attaque. Le

nouls est à 96.

Nous avons noté une rougeur très-vive de la face et du cou,

puis une pâleur violacée. Interrogée plus tard sur ce qu'elle

avait éprouvé sous l'influence du médicament, elle a déclaré

avoir eu de la céphalalgie et des sifflements d'oreilles pendant

un temps plus long que d'habitude après ses attaques. -

r 0< ? 1 ? 1"1. r'H ? .~ T' £ \,...r1'1 £ \C"I ()I\ c%i\ ? r" .,E . 1,,...,..................... ? ... ; l ? £ ? .......

.........,.... ? L..L... ? ......,...... ? .........,.... V' ..................... ? ......,...... "'... .LV ? LV... : J Up...v .1 UI.o\.ouquv,

traitées par la liqueur de Barreswill, ne contenaient pas de

sucre.

2 février 1875. Attaque, inhalation de 20 gouttes de nitrite

d'amyle, retour rapide de la connaissance. Mêmes phénomènes

consécutifs que précédemment. L... aurait vu, en outre, du-

rant une vingtaine de minutes, des chats gris ( ? ) et des étin-

celles. Les urines expulsées quinze minutes "et deux heures

àprés~l'altaque étaient claires, pâles, sans dépôts, sans sucre.

Observation XXV. Hystérie. - Hyperesthésie ovarienne

et llémianesthésie à S7<cA<'. - ('a1'actères des attaques. -

- Nitrite d'amyle ; difficultés de son emploi.

Estelle L..., 23 ans (service de M. Delasiauve), est sujette

à de fréquentes attaques d'hystérie, souvent suivies de délire

avec propension au suicide. Hyperesthésie de l'ovaire et hé-

mianesthésie à gauche. Lorsque L... sent approcher l'attaque,

elle demande qu'on lui mette la camisole. Voici en quoi con-

siste ses crises : .

Petites secousses de la tête qui se porte à gauche, en arrière, à

droite. La face, d'abord pâle, devient rouge ou violacée. Les

yeux sont dirigés en haut et à droite. Mouvements de dégluti-

tion, soulèvement du corps. Après avoir poussé des cris,

la malade secoue brusquement la tète à diverses reprises et

se débat autant que le lui permettent les liens qui la main-

tiennent. Ceci dure environ une à deux minutes. Puis elle dit :

ton RECHERCHES THÉRAPEUTIQUES.

Çà y est ! et. présente du délire. « Je voudrais, dit-elle, man-

ger des fraises au Champagne. » La physionomie devient sé-

rieuse : « Je voudrais bien voir maman, maman ! ... C'est papa

surtout que je voudrais voir J'aime mieux papa 1 Ensuite,

elle semble avoir peur : « Encore la femme ! » Elle cache sa

tète : « Ah ! j'ai peur ! » Elle pleure et répète : « Ah ! la femme ! »

Les pleurs redoublent (elle s'imagine voir une femme qui lui

veut du mal). Il s'agit là, sans doute, d'une réminiscence d'un

des événements de son existence qui a été très-accidentée.

Souvent, après ses attaques, elle accuse une sensation de froid

dans la jambegauche ; elle a des secousses dans tous les mem-

bres un frémissement de la lèvre inférieure, e la sputation,

Ces phénomènes persistent pendant quelques minutes; enfin,

elle revient tout-à-fait à elle, regarde les personnes, qui l'en-

tourent et sourit. '.

Nous avons essayé une fois de lui faire respirer du nitrite

d'amyle. Dès qu'elle eût fait quelques inspirations, elle reprit

connaissance et s'agita tellement qu'il fut impossible de con-

tinuer l'inhalation. Aussi, au bout d'une ou deux minutes,

les convulsions reparurent-elles. Une nouvelle inhalation ayant

été pratiquée, nous avons noté le même retour rapide de la

connaissance, sans parvenir à poursuivre suffisamment l'inha-

lation pour juguler définitivement les convulsions/

Cette difficulté dans l'administration régulière du nitrite

d'amyle s'est encore offerte à nous dans l'observation sui-

vante. Nous insistons sur ce point parce que, dans ces cas

principalement, le médecin est exposé à respirer plus de

nitrite d'amyle que les malades, inconvénient compensé

d'ailleurs par l'avantage qu'il a d'étudier l'action du médi-

cament sur lui-même.

Observation XXVI. .Z7C/'0 ? s' : g. Hyperesthésie

ovarienne et Hémianesthésie à droite. - Arrêt des attaques par

la compression ovarienne. Nitrite d'amyle. Troubles de

la vue.

Gl..., 15 ans, est entrée ala Salpétrière (service de M. CIIAH-

co'r) le 21 octobre 1S7H. Celte jeune fille, qui n'est pas encore

réglée, bien qu'elle soit grande et forte, est atteinte d'hystéro-

épilepsie avec hyperesthésie ovarienne- et hémianesthésie du

côté droit. Le nitrite d'amyle, administré à la dose d'une

dizaine de gouttes, suffit pour mettre fiu aux attaques. La

NITRITE D'AMYLE. 101

malade revient à elle dès qu'elle a fait quelques inspirations

et, à partir de ce moment, il est difficile de maintenir la

compresse au-devant de la bouche et du nez, par suite des

mouvements qu'elle exécute daus le but de se soustraire aux

vapeurs du médicament. Trois fois, nous avons observé le

même arrêt rapide des crises. Une fois, les attaques ont re-

commencé environ une heure après l'inhalation. - La colo-

ration violacée de la face, des paupières, des lèvres, des

oreilles et du cou, est très-prononcée chez cette malade.

Les urines, rendues une demi-heure et trente heures (1) après

l'inhalation de nitrite d'amyle, traitées par la liqueur de

Barreswill et le réactif de Mulder. ne contenaient nas de.

sucre. - En revenant à elle, G... voit la figure des personnes / J-/n/^*

qui l'entourent colorée en jaune et des rouas remplis d'étoiles l'

Tle t . ~ ' . 4tfk 1 ? E ? ?

Observation 11%II. - Hysté1'o-é)Jilepsie : Hyperesthésie oza-

rienne et hémianesthésie gauches . Arrêt des attaques par la

compression c ca/y'c. Nitrite d'amyle.

DroJ)gO ? 30 ans (service de M. Charcot). Le nitrite

d'amyle, administré deux fois à cette malade, a mis fin chaque

fois aux attaques. Les phénomènes produits par le médica-

ment n'ont offert rien de particulier. La rougeur a. envahi

la face, la cou et la partie supérieure du thorax; elle prédo-

minait aux oreilles. Dr... est presque aveugle ; elle distingue

seulement la lumière et les ombres. Elle n'a signalé aucune

particularité visuelle. Le 26 avril, l'attaque commença à

Q hniirne A r7 · 1 fan,,\n,¿;T ? Ifnrp '1 : T ! )O"in ! : }la n'PicD'\ 11 1 11 ,)

était de 38. w-d,l-4 c....<<. Zrcce ? n ~ad ÏI. ? G(' , Od1P4Ê

9'«-i r ? 1l-U-7 /Ulf £ .LL '`l'CC-(G ? ltOr> / ;1ld/d<Æ;.À et-,

Observation IVIIII/. - Hstcio-c21lc2sie. -Hciestlaésie ova- si ; - ? 1

rienne, hémianesthésie droites. ? Coaatracticre 2assa,ère du fJaf «`7 -

membre intérieur droit. - Arrêt des attaques par la compres-

sion ovarienne et le nitrite d'amyle.

Buq..., Alph...; 27 ans (service de 11, CHARCOT), - Cette

malade est sujette à des attaques dans lesquelles prédo-

minent tantôt les symptômes de l'hystérie, tantôt ceux de

(1; Chez celte jeune 11 lie, les attaques sont souvent suivies d'une réten-

tion d : urine et cette rétention ne se montre qu'après une première éva-

cuation.

102 L) RECHERCHES THÉRAPEUTIQUES.

l'épilepsie. Le 18 mai 1875, tandis qu'elle était en pleine at-

taque hystérique, nous lui fimes respirer une dizaine de

gouttes de nitrite d'amyle, qui produisit ses effets ordinaires.

La malade reprit rapidement connaissance.

Observation XXIX. Epilepsie partielle et crises hystériques.

Nitrite d'amyle. .

Paring..., Zélie, 25 ans (service de M. Charcot). 14, 16 et 17

nov. 1874 : nitrite d'amyle ; cessation des accès, - 30 1lOV. Inha-

lation de dix gouttes de nitrite d'amyle. Après quelques inspi-

rations, les convulsions s'arrêteut, la face rougit, il se produit

des mouvements de déglutition. La malade, revenue à elle,

assure n'avoir gardé aucun souvenir de ce qu'on lui a fait. A

la suite d'une autre inhalation, outre les mouvements de dé-

glutition, nous avons remarqué, chez cette malade, un fré-

missement des lèvres et un claquement des en comme dans

Je trisson.- -

Observation 111. ? Hystérie et epilepsie. Nitrite d'amyle

Hallucinations de la vue. - Température.

Dan ? D., 28 ans (Service de M. CHARCOT), a été prise, le 10

février 1875, à 8 heures du matin, d'attaques hystériques. Les

mouvements cloniques sont violents et exigent, pour maintenir

la malade, le secours de quatre personnes. De 10 heures un

quart à 11 heures, les attaques se sont suspendues, mais D...,

quoique dans une sorte de demi connaissance, avait les yeux

convulsés, de la rigidité des membres et faisait des mouve-

ments de lappement et de déglutition. - A 11 heures, retour

des attaques. A 11 heures trois quarts, les convulsions conti-

nnant, la température vaginale est à 38". Vingt gouttes de

nitrite d'amyle; l'inhalation est pratiquée lentement durant 8

à 10 minutes. A midi, la résolution était complète. La malade,

revenue à elle, parle, veut sortir, regarde sans se rendre un

compte parfait de ce qui se dit ou se fait autour d'elle. Puis,

elle s'assied sur son lit et a encore des mouvements de lappe-

ment et de déglutition. Dix minutes après l'inhalation : T.V.

18(J,L ' .

1 1 février. La situation que nous venons de décrire est restée

la même jusqu'à midi trois quarts, moment oùD... a eu quel-

ques attaques légères. Vers une heure et demie, les accidents

if1{ convulsifs ont enfin cesse. D.. a éprouve, durant quelque

C -' lJ-' temps, un mal de tète lus intense que de cou.tumeaLla5(.e

' l IJ--7-~~~i ' -t de ses crises ? Elle voyait des 0 Je colorés eu vert et en rouge.

âfÛ ! J ? {"-l- - '

nitrite d'amyle. 103

qu'elle compare à de vitraux d'église. De plus, tout dansait.

aut.our e e. - Cette nuit son sommeil a été mauvais.

Bien que, hier, les attaques aient duré cinq heures, D... n'a

pas uriné sous elle. - Première miction à 3 heures, urines

jaunes, un peu troubles.^- Seconde miction à 6 heures : urines

plus claires. - Pas de sucre (Liqueur de Barreswill et réactif

de Mulder).

17 août. Attaque arrêtée par l'inhalation de 20 gouttes de

nitrite d'amyle. -

19 août. Attaque qui a commencé il y a 3/4 d'heure : T. V.

38°,3. - Nitrite d'amyle : arrêt de l'attaque.

Observation XXXI. Ilystéro-épilepsie avec hyperesthésie

ovarienne, antérieure à l'apparition des règles. - Hémia-

nestllésie gauches Compression de l'ovaire. - Nitrite d'a-

1Jll/le : Hallucinations de la vue. Marche de la maladie.

H... J., 20 ans, est entrée le 9 novembre 1872 à la Salpé-

trière (service de M. DI;LASIAUVE). C'est une enfant natu-

relle.

Antécédents. - Son père est bien portant ; il a abandonné

sa mère quand il a su qu'elle était enceinte. Celle-ci serait

actuellement « paralysée du cerveau ». On croit qu'elle n'a

jamais eu d'attaques de nerfs.

II... a été élevée et assistée par les personnes qui nous

fournissent ces renseignements. Jusqu'à 12 ou 13 ans, sa saiii é

a été bonne. A cette époque, un soir, eu revenant de faire une

commission, elle aurait été poursuivie par un chiffonnier.

Pour quel motif ? c'est ce qu'elle ne dit pas. Quoi qu'il en

soit, elle rentra toute effrayée à la maison. Ce même soir, à

10 heures, elle était couchée lorsqu'on sonna à la porte. Elle

se réveilla en sursaut, eut peur et fut prise d'une série d'alla-.

ques qui aurait continué deux jours.

De 12 à 15 ans, les attaques ont été très éloignées. Mais du

0 août 1872 (elle avait 16 ans), jusqu'à son entrée à la Salpé-

trière (9 nov. 1872), les attaques sont devenues si fréquentes

qu'on a été obligé de la placer. Ses règles qui avaient paru à

15 ans, après des douleurs légères, et avaient été régulières,

commencèrent alors à être irrégulières, avançant ou retar-

dant. La recrudescence des attaques semble avoir coïncidé

avec l'irrégularité de la menstruation.

ponctions rzagescaives. égout pour la viande, appétence pour

les aliments acidulés (salades, cornichons, fruits verts, etç ?

Parfois, faim exagérée et alors la malade mange n'impose quel

aliment. A différentes reprises, par périodes, vomissements

loi RECHERCHES THÉRAPEUTIQUES.

abondants, bilieux ou glaireux, rarement alimentaires. Cons-

tipation habituelle, une garde-robe tous les trois ou quatre

jours.

Sécrétions, respiration, circulation, normales. Les règles

sont annoncées 4 ou 5 jours à l'avance par des douleurs dans

le dos et dans le ventre ; elles sont encore assez irrégulières, peu

abondantes, elle sang est peu coloré; jamais de ménorrhÓ1giu,

Intelligence assez développée; caprices, allures et attitude

ordinaires des hystériques. -Le sommeil est très-court, deux

heures lui suffisent. Il... se couche très-tard afin de ne pas

s'ennuyer au lit ; couchée, elle tourne et retourne sans cesse

dans son lit. Souvent, elle se relève soit pour causer avec la

veilleuse, soit pour aider celle-ci à secourir les autres ma-

lades.

Hémianesthésie du côté gauche. La sensibilité au contact, au

froid, au chaud, est très obtuse sur toute la moitié gauche du

corps : ainsi, à la face, les deux pointes de l'esthésiomèlre sont

senties à 4 cent. à droite, et à 9 cent. à gauche ; sur le bras

droit à S cent.; sur le gauche à 1 i. - La sensibilité à la dou-

leur est émoussée ; une piqûre superficielle n'est pas perçue',

tandis qu'elle l'est si elle est un peu plus profonde. Les sens

spéciaux sont tous affaiblis à gauche (ouïe, vue. odorat,

goût).

Les attaques sont précédées par des phénomènes qui peu-

vent être divisés en médiats et immédiats. Voici en quoi con-

sistent les premiers : Pendant cinq à huit jours, II... est

énervée, pleure sans motifs, ne peut rien endurer, est mé-

chante, casse les carreaux, ne dort plus. Elle a une perver-

sion du goût, elle mange de la toile neuve, qu'elle effile préa-

lablement, ou bien du papier, du fil, du ruban, quelquefois

de la craie. Puis, dans les deux ou trois derniers jours de cette

période, elle ressent des douleurs qui siègent au sommet de

la tète où elles occupent une surface d'environ quatre à cinq

centimètres de diamètre : elle compare ces douleurs à celles

qu'exercerait une calotte de caoutchouc très-serrée. Elles de-

viennent de plus en plus intenses à mesure que L'attaque se

rapproche et se compliquent de « tapements dans les tempes.»

Enfin, H... perd tout appétit, souffre beaucoup de l'estomac;

son ventre se ballonne, son coeur bat de plus en plus fort, et

le bras gauche devient lourd.

C'est sur cet ensemble de symptômes que se développe

l'aura proprement dite et dont la malade donne une des-

cription qui confirme pleinement le tableau tracé par

M. Charcot : a) douleurs au niveau de la région ovarienne

gauche elle les compare il des tortillements; b) sensation

- NITRITE D'AMYLE. 105

d'une boule qui, de là, monte au creux de l'estomac, ce qui

produitune sorte de gonflement; alors les battements de coeur

augmentent ; - c) sensation de constriction à la-partie anté-

rieure du cou; d) les douleurs temporales deviennent plus

intenses et se compliquent de sifflements dans les oreilles et

d'une exaspération du «clou hystérique. » A ce moment, il..

pousse des cris prolongés, aigus, et perd connaissance.

1875. 22 mais H... a eu, hier soir, des attaques qui ont

duré de 4 heures 1/2 à 8 heures. Elle a été reprise ce matin

à 4 heures 1/2. Les attaques ne sont séparées les unes des

autres que par de courts intervalles. Elles continuent encore

à 10 heures 9 ? Her... est camisolée et ses jambes sont main-

tenues par des liens. Les attaques ont les caractères suivants :

a) Mouvements de déglutition, hoquet, bruits abdominaux,

cris aigus : oh ! là là ! suivis de cris pharyngiens étouffés, de

mouvements des bras, et d'un léger soulèvement du ventre.

La tète se porte à droite, à gauche, d'avant en arrière. Tout

'd'un coup, H... se soulève à demi, regarde fixement à droite.

Ces divers phénomènes se reproduisent plusieurs fois de suite

en se succédant avec une certaine régularité. La face devient

rouge, les yeux se portent à gauche, à droite, les pupilles se

dilatent et, alors, apparaît la phase tonique.

b) La congestion de la face augmente ainsi que la déviation

des yeux ; - le cou est rouge, tendu, comme gonflé et présente

un pointillé ecchymotique. Tout le corps devient rigide, le tronc

se recourbe (opisthotonos). A cette phase qui dure une ving-

taine de secondes, pendant lesquelles la respiration est sus-

pendue, succèdent les convulsions cloniques.

c) Les bras et les jambes se tortillent; la malade se plaint :

oh ! là là ! que je souffre ! oh ! là là ! maman, que je souffre ! La

respiration se précipite.

d) Peu à peu, la rougeur de la face diminue , les plaintes,

plus étouffées, s'éloignent; la malade reprend connaissance

et regarde autour d'elle.

La compression ovarienne suspend les attaques ; mais, en rai-

son de la résistance considérable qu'opposent les muscles ab-

dominaux, on ne peut la prolonger assez longtemps et la ma-

lade a de nouvelles attaques.

A midi 10 minutes, inhalation de nitrite d'amyle et comme

c'est la première fois que ce médicament est administré à cette

malade, de temps en temps nous la laissons respirer libre-

ment. Durant cette première inhalation, on voit avorter plu-

sieurs crises nerveuses qui se réduisent-à quelques mouve-

ments de la tête et des bras, à des spasmes pharyngiens et à

des borborygmes. Une deuxième inhalation de ii gouttes de

10H RECHERCHES THÉRAPEUTIQUES.

nitrite d'amyle ne change pas la situation d'une façon notable.

/Elle est pratiquée, comme la précédente, par intervalles. -

/ Une troisième inhalation, plus continue, détermine une rou-

- geur intense de la face et des lèvres et une suspension des ac-

cidents; la malade se soulève et vomit. - Une quatrième

inhalation produit un cyanose très-marquée de la face et des

/ nausées; alors, les convulsions cessent tout-à-fait et la malade,

/ selon la coutume à la fin de ses crises, dit : « Çà y est ! Elle

/ regarde les personnes qui l'environnent et demande à boire,

- Les mâchoires, un peu contracturées empêchent l'allonge-

ment de la langue. La face est d'une pâleur plombée. - H... se

plaint d'être (l tout1trôre, » d'a : vOlr envie de vomir et de voir

tous les objets jaunes et noirs. -- --

. '- 0 heures* soir). TL..7TTa. pas été reprise de ses attaques.

, Elle a eu des nausées, sans effet, jusqu'à une heure. Elle a

tHH. : ure des aouleurst1Ccupant le sommet de la tète, tandis que,

" ? après ses attaques, elles siègent principalement au front.

/ / ? i< y 1 Nous avons administré plusieurs fois le nitrite d'amyle à-

\ r ? y .cette malade. Elle éprouve pour ce médicament une répulsion

/' J ? v frès-accusée. Elle l'accuse de lui donner des visions affreuses : ? /elle voit des figures hideuses, un homme se cache sous son

r iy s lit, et l'impression laissée par ces visions a été telle, une

L/ fois, que, le soir, elle ne voulait pas se coucher, s'imaginant.

encore que l'homme était caché sous son lit. -Souvent on l'a

1 \ chloroformée; elle préfère de beaucoup le chloroforme qui

lui donne des « rêves agréables. »

' \. \ 27 décembre. Série d'attaques ; T. R. 37°, 8. Nitrite d'amyle :

les convulsions cessent. - 1876. 4 jatvie : Nitrite d'amyle. -

5 janvier : attaques de courte durée.

Chez cette malade, de même, d'ailleurs, que chez un

*grand nombre d'hystéro-épileptiques, les attaques se mon-

trent par série durant plusieurs heures, ou même toute

une journée. En 1873, elle aurait eu 5G fois des attaques

sérielles ; en 1874, 28 ; en ]8T, 42. Du 5 janvier 1816 au

12 mai, jour de sa sortie, elle n'a pas eu d'attaques.

Dans ce cas encore, nous voyons le nitrite d'amyle dé-

terminer des visions pénibles et causer la plus grande ré-

pugnance à la malade qui, dès qu'elle reprenait conscience,

s'efforçait de repousser la compresse. Nous retrouvons ces

mêmes visions dans l'observation de Mar... qui, elle, ac-

cepte les inhalations de nitrite d'amyle sans difficulté.

NITRITE D'AMYLE < 1 o-i i

Observation ÎZZII. - lf1j$téro-épilepsie, Hyperesthésie et

hémianesthésie à gauche. Arrêt des attaques par la C01n-

pression ovarienne. - Nitrite d'amyle : inhalations répétées;

hallucinations de la vue ; - accoutumance. .

Mar... C., 26 ans (service de M. Charcot). - '¡Si],. 15 dé-

cembre. Attaque hystéro-épileptique. Inhalation de 12 gouttes

de nitrite d'amyle. Le face se colore vivement .en rouge

vermillon; durant l'inhalation deux attaques avortées; les

accidents cessent ; la face devient excessivement pâle.

Revenue à elle, M... dit avoir la tête lourde,, être étourdie. Ces

phénomènes seraient plus accusés qu'ils ne le sont d'habitude

après ses crises. z 1875. 6, 94,jatoier : Nitrite d'amyle.

^janvier. Attaque Inhalation de 20 gouttes de nitrite

d'amyle. La face prend une coloration d'un rouge vineux; les

lèvres, les gencives, la conjonctive palpébrale deviennent

violacées; la conjonctive oculaire se vascularise. - La ma-

lade recouvre la connaissance, mais bientôt un accès commeu-

çant, l'inhalation est reprise : l'attaque avorte. - Nouveau 1

/ retour de la connaissance, - nouvelle attaque. - Inhalation :

La cyanose qui s'était dissipée reparaît; les lèvres, les genci-

ves sont tout-à-fait bleues. Il en est de même de la langue que

j la malade allonge et applique contre la commissure labiale

t droite en la tortillant. La face a une teinte plombée, la con-

' jonclive oculo-palpébrale est couleur lie de vin. Le regard est

\ fixe, hagard, la respiration parait ralentie. - Les mains sont

bleuâtres, les ongles sontdécotorés. - Salivation. - Les lor-

\tiilements et la cyanose delà langue persistent pendant 3 à 4

minutes; alors que les convulsions ont cesse. M... se lève, / ?

se plaint d'avoir l'estomac « noué » et boit deux verres d'eau. -,

20 janvier. M... raconte que, aussitôt après la première ^/^ ? ^7^ £

inhalation et lorsqu'elle avait le regard fixe, elle voyait tour- .r eit{J1

ner trois ronds vivement colorés : l'extérieur jaune, le moyen Câ^^^

bleu, le central jaune et bleu. Ces cercles se sont évanouis

quand survint une autre attaque. - Apres la seconde inha-

lation, elle avait devant les yeux des milliers d'étincelles

bleues et rouges. Elle se souvient qu'elle remuait les yeux et

la langue et dit qu'elle ne pouvait s'opposer a ses mouvements.

1er février. - Nitrite d'amyle.

9 février. - Attaque : T. V. 38°, 1. - Nitrite d'amyle; inha-

lations successives pendant 10 à 12 minutes; disparition des

convulsions : T. V. 37°,8. Un quart d'heure plus lard : T. V.

33°,1. - Les urines recueillies une heure, sept heures et 24

heures après l'inhalation ne contenaient pas de sucre. - Le

108 RECHERCHES THÉRAPEUTIQUES.

nitrite d'amyle a encore été employé le 1er, le 17 et le 20 fé-

vrier. - 3 mars : Nitrite d'amyle.

Avril, Mai : Quatre inhalations.

2, 7, 12, 23 et 24 juin : Attaques, nitrite d'amyle. A la suite

d'une inhalation, M... voyait tomber devant ses yeux des

flocons de neige jaune qui furent bientôt remplacés par des

milliers d'étincelles.

20,21 et 26 novembre, - Attaque. Nitrite d'amyle. La face*

les oreilles, le cou les bras et un peu les avant-bras,, i-

ue et un peu le ventre et les cuisses sont devenus rouges

roses On se rend bien compte de cette coloration en exer-

7ailrousliIse pression avec les doigts. Pour couper l'attaque, il a

fallu près d'une cuillerée à café de nitrite d'amyle. A la fin

de l'inhalation, M... vomit un peu de bile. Quelques minu-

tes s'étaient écoulées depuis qu'elle av.ait'repris connaissance

quand, ce qui n'avait jamais eu lieu encore à la suite de l'in-

halation de nitrite d'amyle, une autre attaque a commencé.

- Une dose moindre que la première fois suffit pour terminer

l'attaque. A la fin de l'inhalation, la iiialadeà vomi de la bile

en abondance. La cyanose a atteint un degré véritablement

effrayant : '

1 fi'6. - ! 0 et 14 4 mars. Attaque. Nitrite d'amyle. Cyanose très-

marquée ; grimaces hideuses, langue tortillée, bouche contor-

sionnée. M... prétend qu'elle voit des' figures affreuses qui la

forcent à faire des grimaces.

Chez cette malade les urines rendues après l'inhalation de

nitrite d'amyle ont été examinées plusieurs fois avec la li-

queur de Barreswill et le réactif de Mulder, sans qu'on n'y

ait jamais trouvé de sucre.

Observation XXXII. Hstéro-épile2sie. Hyperesthésie

ovarienne et hémianesthésie gauches. - Arrêt des attaques par

la compression ovarienne. Nilrite d'amyle ; inhalations

répétées. - Accoutumance.

Genev.... B..., 3-1 ans (service de M. Charcot).

1874. - 14 avril. Attaque. Première inhalation de nitrite-

d'amyle : 12 gouttes suffisent pour mettre fin à l'attaque.

Nausées.

12 mai. Attaque : nitrite d'amyle. Durant l'inhalation, il se

produit quatre attaques qui avortent. G... revient à elle au

bout de quelques minutes après avoir respiré, en plusieurs

fois, les vapeurs d'une vingtaine de gouttes de nitrite d'a-

myle. ,

9 juin. Attaque; nitrite d'amyle; disparition des convul-

sions.

nitrite d'amyle. 100

15 décembre. Attaque. Dix gouttes de nitrite. d'amyle; les

convulsions s'arrêtent; la face et le' cou deviennent rouges.

- Après un répit de trois ou quatre minutes, on note les in-

dices d'une nouvelle crise (battements des paupières, dévia-

tion des yeux, extension de la tète, etc.). Nouvelle inhalation

(10 gouttes) : coloration rouge, puis bleuâtre du visage, cya-

nose des lèvres, etc. - De nouveau se montrent les signes

annonçant l'éclosion prochaine d'une attaque. Troisième in-

halation (6 gouttes) : mêmes phénomènes du côté de la face;

arrêt rapide et définitif des convulsions. La face est devenue

d'une pâleur extrême qui a duré cinq ou six minutes. G... se

plaint d'avoir la tête plus lourde et d'être plus étourdie qu'elle,

ne l'est d'habitude quaud elle a été malade.

16 décembre. Attaque. Nitrite d'aÍnyle.1Y1'es effets, à savoir :

suspension de l'attaque dont la phase clonique est supprimée,

rougeur, puis pâleur violacée de la face. - Quatre fois de

suite nous voyons se reproduire les mêmes phénomènes. Ce

n'est qu'après la quatrième inhalation (en tout 35 gouttes)

que la série d'attaques se termine. Pendant plus de cinq mi-

nutes la face conserve sa pâleur violacée. - A la fin de la der-

nière inhalation, nous avons remarqué des mnnvamenl,S2

déglutition et des efforts de ment sans évacuations. ! rn=mMe7rAt).aquH ; , y e. Les convulsions

n'ont cessé définitivement que quand G... a eu des nausées

- avec efforts assez violents.

7 janvier. Attaque ; compression ovarienne, suspension pas-

sagère des convulsions. G... est reprise; nitrite d'amyle.

Bientôt, frémissement des lèvres, de l'inférieure surtout;

efforts de vomissement. Arrêt définitif de l'attaque.

13 janvier. Attaque. Nitrite d'amyle. Mêmes phénomènes.-

Une heure après, urine de couleur jaune orange. 4 heures

après, urines presque incolores : Pas de sucre.

19 février, 2, 22 avril, etc. Nitrite d'amyle.

1 , juin. G... est en attaque depuis quelque temps lorsque

nous commençons à lui faire respirer du nitrite d'amyle. L'in-

halation est pratiquée en plusieurs fois pendant une dizaine

de minutes. A diverses reprises, G... a des nausées, s'assied

autant que le lui permettent ses liens. Dès que les nausées

cessent, on observe des grimaces, des battements des paupières,

une déviation des yeux, etc. Nous renouvelons l'inhalation :

Peu après, la cyanose des lèvres, de la langue, de-la conjonc-

tive, arrive à un degré extrême. A ce moment, G... s'assied,

mâchonne,, bave abondamment; la lèvre inférieure est re

versée, toute bleue : puis, so ..t u omb de la face. Durant une

minute environ, qui nous^semble bien longue /làTacëest

110 RECHERCHES thérapeutiques.

d'une pâleur vraiment effrayante. Les traits se détirent et G...

est suivi, au *bout de cinq minutes,

est prise un accès e a il suivi, au bout de cinq minutes,

d'un délire d'abord religieux, puis érotique. L'examen des

urines recueillies durant les 24 heures qui ont succédée'

l'inhalation a été, cette fois encore, tout-à-fait négatif (4).

Tous les faits que nous venons de mentionner montrent

combien sont profondes les modifications que le nitrite d'a-

myle apporte non-seulement dans la circulation mais aussi,

selon toute probabilité, dans la composition du sang : les

changements si remarquables qui surviennent du côté de

la face, des muqueuses de la bouche et des yeux, etc., nous

paraissent en fournir une preuve sérieuse.

Nous ne saurions, sans tomber dans des répétitions inu-

tiles, rappeler toute la série des phénomènes qu'on voit se

dérouler successivement chez les malades soumises à l'ac-

tion du nitrite d'amyle. Toutefois, il est quelques points

qu'il importe de relever.

1" Les mouvements des mâchoires, le frémissement des

lèvres, le mâchonnement, etc., que nous avons observés en

maintes circonstances, confirment pleinement les remarques

de M. Crichton Browne (pages 79-80).

2° L'abaissement de la température, qui a été noté dans

tous les cas où il a été recherché, fait voir que, sous ce rap-

port, les effets du nitrite d'amyle sont les mêmes chez les

animaux que dans l'espèce humaine. - '

3° A partir du début de l'inhalation, on peut, sans incon-

vénient, débarrasser les malades de tous les liens qui 'ser-

vent à les maintenir. Pour s'opposer au retour des grandes

convulsions cloniques, il suffit de recommencer l'inhala-

tion. -Chez Gen..., lier..., Mar..., par exemple, des

mouvements de déglutition, des nausées, ou des vomisse-

(1) Chez Gen..., de même que chez les autres malades, .la recherche uu

sucre a été faite avec la liqueur de Barreswill et avec le réactif de Mulder.

Le mélange de ce dernier réactif avec l'urine donne une coloration bleue. On

chauffe; s'il y a du sucre la couleur bleue persiste pendant quelques ins-

tants, puis le mélange prend une couleur rouge brun et, quand on. le laisse re-

poser, il devient jaune d'or. ,

NITRITE D'AMYLE. H1

ments, indiquent la fin de l'attaque. C'est ainsi qu'il est

possible d'annoncer presque il coup sûr que Gen.... sera

reprise, même quand elle semble complètement remise, si

l'inhalation n'a pas déterminé soit des efforts de vomisse-

ment, soit même des vomissements.

4° Des phénomènes consécutifs nous citerons : a) une cé-

phalalgie plus tenace et plus intense que celle qu'éprouvent

les malades après la terminaison naturelle de leurs attaques;

b) une sensation de vertige, compliquée d'un peu d'hébé-

tude ; c) des troubles de la vue : Quelques malades voient z

le visage des personnes qui les entourent mi-partie jaune et

noir; d'autres s'imaginent voir tomber des flocons de neige

jaune, des milliers d'étincelles ; ou encore elles voient des

animaux tout noirs, ayant des figures hideuses, des cercles

de différentes couleurs, etc ? etc. A cet égard, quoique les

récits des malades semblent concorder, il convient de se

tenir sur la réserve, les hystériques se communiquant très-

généreusement leurs impressions.

5° D'une façon générale, quand l'inhalation avait été con-

venablement faite, les malades, une fois revenues à elle,

n'étaient plus reprises de leurs attaques dans la même

journée.

6° Quelques-unes de nos observations indiquent avec

quelle facilité l'accoutumance se produit, ce qui oblige à

augmenter la dose pour ainsi dire à chaque inhalation.

Afin de se préserver contre tout accident (1)il sera prudent,

croyons-nulis, de s'abstenir pendant quelque temps de l'em-

ploi du nitrite d'amyle chez les malades auxquelles on

l'aura donné plusieurs fois, dans un laps de temps assez

court.

7° Le nitrite d'amyle a sur les accès d'épilepsie ou sur les

attaques d'hystérie et d'hystéro-épilepsie une action incon- /

testable. Mais exerce-t-il une influence sur la marche des

1

(1 Maigre l'emploi fréquent du nitrite d'amyle en Amérique, eu Angle'

terre, etc.,aucun journal.n'a, jusqu'ici, enregistre d'accidents graves suscep-

tibles d'être inscrits au passif du nitrite d'amyle.. .

112 RECHERCHES THÉRAPEUTIQUES.

accidents convulsifs C'est là une question pour la solution

de laquelle nous attendrons de nouveaux faits'. Une malade

Dan..., après les inhalations de nitrite d'amyle, est restée

huit semaines sans avoir de crises; - une autre, lier...,

n'a pas eu de nouvelles attaques bien qu'il se soit écoulé ? 4 mois depuis que nous lui avons fait respirer du nitrite

d'amyle. S'agit-il là d'une amélioration due au médicament

ou d'une simple coïncidence ? C'est ce qu'il nous est impos-

sible de décider.

III

Hystéro - Epilepsie .

Variétés de la contracture hystérique passagère et perma-

nente. - Formes des attaques convulsives. - Ischurie

hystérique. » -

Bourneville. 8

HYSTÉRO-ÉPILEPSIE

C'est surtout depuis les descriptions faites par M. Char-

cot dans ses leçons, aujourd'hui classiques, que l'on con-

nait bien les caractères principaux de l'hystéro-épilepsie et,

d'une façon plus spéciale, l'hyperesthésie ovarienne, Y hé-

mianesthésie, la contracture et les rapports qui unissent

les uns aux autres ces différents symptômes .

Parmi les malades qui ont fourni les éléments de ces

leçons, il en est deux dont l'observation peut être considérée

comme à peu près complète, en ce sens qu'il s'est produit

chez elles une amélioration si considérable, qu'il s'est

écoulé bientôt une année depuis qu'elles n'ont éprouvé

d'accidents convulsifs. La relation que nous allons en don-

ner, à défaut d'autre mérite, aura du moins celui de rap-

peler les points importants mis en relief par notre éminent

maître.

Les accidents qui, par leur enchaînement composent

l'histoire de ces malades, ont été très-multipliés et ont pré-

senté une grande variété. A côté d'un certain nombre de

phénomènes communs à l'une et à l'autre, nous aurons à

relever des phénomènes particuliers à chacune d'elles.

Tandis que la première nous offrira des attaques d'une

violence extrême, des contractures passagères revêtant une

forme rare - celle du crucifiement, - la seconde nous

montrera des attaques, violentes il est vrai, mais très-éloi-

gnées, des contractures permanentes, des hémorrhagies

fréquentes et un trouble très-curieux de la sécrétion uri-

naire, - l'ischw'ie hystérique.

PREMIERE OBSERVATION.

1. ,

Développement de ? 0 ? < ? ? '< ? .

Ler... Rosalie, âgée de 52 ans, est entrée à la Salpétrière

le 27 juillet 1846. Elle avait alors 23 ans.

Antécédents. -Sa mère, qui était cuisinière dans une maison

bourgeoise, se débarrassa d'elle en la mettant dès sa naissance

à l'hospice des Enfants-Assistés. Elle fut envoyée par l'admi-

nistration de l'Assistance publique dans un petit village de

Picardie, qu'elle désigne sous le nom d'Avigny ( ? ) et dont elle

a gardé le meilleur souvenir.La nourrice à laquelle on l'a-

vait confiée avait si peu de soin d'elle, que les voisins, scan-

dalisés, appelèrent l'attention de l'autorité sur sa conduite.

« J'étais pleine de vermine, dit notre malade ; j'avais des

croûtes et des trous dans la tète ; on me laissait toujours dans

le berceau. Alors il est venu des maîtres (1) qui m'ont placé

chez une autre nourrice. » Là elle ne fut guère mieux traitée.

Elle sortait bien de sa couchette, mais lorsqu'elle était levée

et installée dans une chaise au milieu de la chambre, la nour-

rice s'en allait travailler dans le bois. Aussi était-elle encore

incapable de marcher lorsque, à 4 ans et' demi, des « Mes-

sieurs » sont venus la voir; ils ont voulu qu'elle se levât,

mais elle n'a pu faire un pas parce qu'elle était u nouée. » En

conséquence, elle fut emmenée chez une troisième nourrice-

Celle-ci, déjà riche de cinq enfants, s'en occupa cependant

comme si elle eut été sa fille. On lui fit prendre des bains de

sang et bientôt elle put marcher (6 ans). Jamais elle n'a été à

l'école, et si, dans une certaine mesure, les agents de l'ad-

ministration se sont préoccupés de son développement phy-

sique, ils ont complétement oublié de s'assurer de sa culture

intellectuelle.

Première peur. - A onze ans, L..., allant porter le déjeuner

à son père nourricier qui travaillait dans un village voisin

(1) Probablement des inspecteurs ou des agents de l'Assistance publique.

H5'STL : HO-1 : 1'ILL,PSIL. 1 t Î

(Noireterre), rencontra un chien qui avait les yeux hors de

la tête, la gueule pleine de bave, la queue traînante et balayant -

le sol. Cette vue l'effraya. Elle avait à son doigt une bague qu'elle

appelle la bague de saint Hubert-le-Glorieuxetpour se préser-

ver du danger, elle récita la prière qui se rapportait à cet an-

neau. Voyant que, malgré cette précaution, le chien qu'elle

supposait enragé la suivait toujours, sa frayeur redoubla.

Elle s'enfuit, tomba par terre et se fit à la racine du nez, au

poignet et au genou du côté droit de profondes blessures dont

elle porte les marques indélébiles (1). Elle put se relever néan-

moins, et reprendre sa course folle jusqu'à la maison où, en

arrivant, elle tomba de nouveau, le corps tout roide et cou-

vert d'une sueur froide. On essaya, mais en vain, delà saigner

aux bras et aux pieds et ce ne fut qu'au bout de six heures

qu'elle recouvra la connaissance. Durant huit jours, elle fut

souffrante ; elle avait de « fausses peurs, 1) s'imaginait voir le

chien courant après elle et se trouvait mal.

A partir de celte première peur, elle fut sujette à des acci-

dents qu'elle qualifie de « pertes de connaissance ; > elles ,

duraient de 8 à 10 minutes et s'accompagnaient quelquefois

de chute (t).

Elle quitta sa mère nourrice à 14 ans pour aller, chez un

marchand, garder un jeune enfant de 5 ou 6 ans et faire les

commissions. Là, on lui apprit le catéchisme et, à 15 ans, on

lui fit faire sa première communion. Nous insistons sur ces dé-

tails parce qu'ils font ressortir que l'instruction de cette ma-

lade a été des plus insignifiantes et qu'ils montrent que nous

avons à faire, dans ce cas, à une malade aussi simple, sinon

plus, que Louise Lateau de Bois-d'Haine (3\ -

Seconde peur à 16 ans. C'est encore en se rendant à Noire-

terre ( ? ) qu'elle eut sa seconde peur. Voyant un attroupement

autour d'une maison, elle voulut en connaître la cause et, mal-

gré les recommandations des personnes sensées qui, sachant

(1) La cicatrice du genou droit, longue de 7 à 8 centimètres, l'a toujours

empêchée de se mettre à genou. A chaque tentative qu'elle fait pour prendre

cette attitude, elle sent que le coeur s'en va et qu'elle va perdre connais-

sance.

(2) Elle avait, chez sa mère-nourrice, la garde d'un « petit Parisien

abandonné comme elle et âgé de 8 mois. Dans une de ses « chutes, elle

l'entraîna, et tomba sans doute par-dessus lui; trois jours après cet enfant

succombait. '

(3) Voir au sujet de cette malade notre mémoire intitulé : Science ou mi-

racle, Louise Latearc ou la stigmatisée' belge.

118 1 ly s,ii ? RO-Épi

qu'elle était malade, essayaient de l'éloigner, elle se faufila

jusque dans la maison où elle vit le cadavre d'une femme

que son mari venait d'assassiner. L'aspect du cadavre, la vue

de l'assassin arrêté par les gendarmes, déterminèrent chez elle

une « attaque de nerfs » et on fut obligé de la porter dans une

habitation voisine. Cet événement augmenta la fréquence de

- ses « pertes de connaissance * sur lesquelles elle ne nous

fournit aucun renseignement précis. Ce qu'elle sait, c'est

qu'elle ne se débattait pas beaucoup, qu'elle avait des « four-

miches » dans les membres et des sifflements dans la tête, dans

les tempes, etc.

Elle n'en continuait pas moins à aider dans son commerce,

son patron, un M. Coupat-Fontaine, qui allait aux environs,

même à plus de six lieues, vendre toute espèce de marchan-

dises. Celui-ci la renvoyait souvent, à toute heure, donner

de ses nouvelles à sa maison ou reporter de l'argent. C'est

dans un de ces voyages, à 19 ans, qu'elle eut sa troisième peur .

Troisicme pe2c ? - Une nuit d'hiver, traversant un bois où,

c deux années auparavant, on avait tué une enfant de 10 ans, et

portant sur elle une somme de 200 francs, elle fut poursuivie

par un voleur. Elle se sauva, appelant au secours; mais, de

plus en plus épouvantée par cet homme qui lui criait : « Je

t'attraperai, va gueuse ! tu as beau faire, » elle s'accrocha dans

des « éronces » et tomba sans connaissance, en proie à une

violente attaque convulsive. Les ouvriers d'une verrerie voi -

sine, ayant entendu ses cris, accoururent à son secours et la

transportèrent chez eux où elle passa la nuit. Les convulsions

persistèrent jusqu'au matin. Lorsque revint la connaissance,

L... était paralysée et contracturée du côté droit. Ma

jambe et mon bras, dit-elle, étaient tout retournés. .

La parole était difficile, sans doute à cause d'une contracture

des mâchoires car elle fut pendant trois jours sans pouvoir

ni boire ni manger. Elle fut agitée toute une semaine,

par des « peurs » fréquentes, se figurant sans cesse qu'elle

était poursuivie par des voleurs. Elle passa les huit mois qui

suivirent sans accès, mais au lit ou couchée sur un matelas

placé dans le jardin. Alors survinrent des attaques nerveuses

avec convulsions si intenses qu'elle défonça deux fois le pied du

lit et se blessa les orteils, bien que plusieurs hommes fussent t

occupés nuit et jour à la maintenir. Une semaine plus tard les

attaques, cessèrent, la paralysie et la contracture disparurent.

Un filateur, M. Boutard, la retira de chez M. Coupat-Fontai-

ne, et, de 21 à 22 ans et demi, elle travailla dans une fabrique

autant que le lui permit sa maladie.

Les attaques revenaient toutes les semaines. Pensant que

].1 YSTÉRO- ÉPILEPSIE, 119 `J

les douleurs de tète qu'elle éprouvait à cette époque étaient

dues à ce que les règles ne venaient pas, on lui fit prendre de

l'armoise et du safran. Enfin, elle fut réglée à 21 ans. Voyant

que la menstruation, attendue avec impatience- pour sa-

voir si elle n'améliorerait pas la situation, loin de produire

un effet bienfaisant, aggravait la maladie, Ler ? fut renvoyée

à Paris, aux Entants-Assistés. Elle y resta quelques jours,

étonna le médecin et les religieuses par l'intensité de ses

convulsions, et fut conduite à la Salpétrière, qu'elle n'a pas

quittée depuis 1846. '. ? ..

II.

Marche de la maladie.

A l'origine de son séjour dans cet établissement, L... avait des

séries d'attaques d'une violence extrême, qu'aucun avertisse-

ment ( ? ) ne précédait et qui obligeaient à la camisoler et à la

mettre en loge. Parfois, elle parvenait à tromper la surveillance,

CI se délivrer de ses liens et se sauvait dans les cours, pieds

nus, marchant sur les épines, les cailloux, sans rien sentir,

grimpant dans les arbres, sur les toits ; maintes fois, elle s'est

échappée toute nue, jusque dans les rues voisines, s'imagi-

nant toujours que les voleurs ou le chien enragé la poursui-

vaient. Souvent dans ses courses effrénées, elle s'est griève-

ment blessée. .

Soumise à divers traitements (saignée du bras, de la jugu-

laire, etc.), elle n'en a retiré aucunbénéfice. A une date qu'elle

ne peut pas indiquer, elle resta en léthargie pendant 3 jours

et 3 nuits. » Elle ne se rappelle pas si ses membres et son

corps étaient rigides, mais elle était comme morte et ne pre-

nait aucun aliment.

De Saint-Germain, interne du service, a donné la relation

suivante d'une attaque dont il fut témoin le 8 janvier 1859 :

« Quelques jours avant, dit-il, L... a des étourdissements;

ses traits sont décomposés, elle déclare qu'elle n'est pas comme

à son ordinaire. Cet état dure deux, trois, quatre jours ; puis,

tout d'un coup, elle tombe et jette des cris. Ses membres se

contracturent avec une force effrayante, les doigts et le poi-

gnet sont fléchis au point que les doigts vont toucher le bord

radial de l'avant-bras. Ses membres inférieurs sont aussi for-

tement fléchis, le genou appuyant sur la bouche et les talons

aux fesses; elle est littéralement pelotonnée. Elle a des mouvez

ments brusques, d'une force extraordinaire ; à peine si cinq ou

120 IITS1'1 : R0-1 : PILPSIL;.

six personnes peuvent la maîtriser. De temps en temps, elle

se frappe la poitrine avec force, à la région précordiale, et, si

l'on n'a la précaution de placer un coussin, qui amortit les

coups, il s'y produit des ecchymoses. Eile cherche à mordre

ceux qui l'entourent, elle-même quelquefois et souvent ses

oreillers. La face est congestionnée, les yeux grands ouverts,

hagards, fixes, les pupilles dilatées. Si l'on approche les doigts

des yeux, elle ne s'en aperçoit qu'au moment où l'on y

touche.

« Elle est complétement anesthésiée d'un côté ; la sensibilité

est bien diminuée de l'autre. Elle se met dans des fureurs

atroces, elle entend tout ce qui se passe autour d'elle, et, si

l'on dit quelque chose relatif à sa position malheureuse, elle

se prend de haine contre la personne qui a parlé et cherche à

la mordre. Elle se jette de côté et d'autre avec violence. Cet

état dure souvent plusieurs jours. On a remarqué que les

attaques sont moins longues, moins fortes, quand on l'a chlo-

roformisée. Elle reste dans la résolution complète tant qu'on

la maintient sous l'influence du chloroforme. » Pendant les

intervalles de rémission légère des convulsions, la connais-

sance revient, mais incomplètement. L... crie qu'on lui tire

la jambe, le bras ou la tête, qu'elle a des animaux dans les

yeux, la tète ou le ventre. Ses idées sont incohérentes.

1866. L'intelligence n'a pas subi de modifications. Les atta-

ques d'hystéro-épilepsie reviennent toujours avec autant de

fréquence et, à diverses reprises, L... a présenté l'ensemble

des phénomènes qui ont déjà été décrits et qui peuvent se ré-

sumer ainsi : 1° convulsions cloniques, exigeant plusieurs

personnes pour la maintenir, durant lesquelles elle frappe si

violemment les pieds de son lit qu'elle ! e déplace ; tentatives

pour se mordre, pour déchirer ses draps, ses oreillers, elc.

C'est ce qu'on désigne dans le service, d'après la malade, sous

le nom de tortillements; - 2° crises dans lesquelles prédomi-

nent les phénomènes épileptiques; - 3° contracture des mem-

bres du côté droit, contracture des muscles des mâchoires, de

la langue et du voile du palais, nécessitant l'alimentation à

l'aide de la sonde oesophagienne ; contracture du col de la

vessie donnant lieu à une rétention d'urine qui exige l'usage

de la sonde. - L... ne peut plus parler et se fait com-

prendre par des signes. Cet état dure une, deux ou trois se-

maines (par exemple du 16 au 26 mars). 4° Puis, à la suite

d'une ou plusieurs attaltces 7t.stéro-épileptilues, la contracture

disparait complètement, la malade mange seule, la parole re-

vient, la rétention d'urine fait place à une incontinence qui

guérit elle-même au bout de quelques jours.DansrintervaDc

HYSTÉRO-ÉPILEPSIE. 121

de ces grandes attaques, Ler... a des crises isolées plus ou

moins violentes et conserve une hémianesthésie complète, du

côté droit. Sa santé physique est d'ailleurs excellente.

1868. A la nouvelle de la mort de la fille de la surveillante

qu'elle affectionnait beaucoup, Ler... éprouve une violente

émotion : ses règles qui avaient paru la veille s'arrêtent défi-

nitivement. ' .

III.

Description des attaques. ,

98riz. 7 février. L..., qui n'avait pas été sérieusement ma-

lade depuis près de trois ans, a eu aujourd'hui une attaque

qui a duré une heure et demie. La région ovarienne droite

est douloureuse; toute la moitié droite du corps est anes-

thésiée. ,.

9 février. Affaiblissement de la motilité du côté droit; L...

serre peu et marche en traînant la jambe. La sensibilité à la

douleur et à la température est entièrement abolie sur la moi-

tié droite du corps (peau et membranes muqueuses). La vi-

sion est ni'oins bonne à droite qu'à gauche. La région de l'o-

vaire droit est le siège de douleurs spontanées que la pres-

sion exagère. La voix est en partie éteinte.

12 février. Ler... accuse des douleurs dans le côté droit du

ventre et des fourmillements dans le bras et la jambe du côté

droit. Elle dit être souvent réveillée par son bras droit qui

saute. L'aphonie persiste.

15 février. Hier et avant-hier, accès avortés. Ce matin, L...

est allée, comme à l'ordinaire à l'atelier où elle travaille en

prévenant toutefois qu'elle serait fort probablement malade

dans la journée.'A dix heures, elle est revenue en toute hâte,

annonçant que son attaque allait commencer. En effet, à peine

déshabillée, les yeux se tournent à droite et en haut ; la tête

se porte à droite. Les membres sont pris de convulsions. Les

jambes sont tantôt fléchies sur la cuisse, tantôt allongées; de

temps en temps, elle élève l'un ou l'autre membre inférieur

qu'elle fléchit sur le tronc et rapproche jusqu'à la hauteur de

la bouche. Parfois, elle cherche à se mordre le bras ou la jambe

et,en pareille circonstance, c'est surtout à la prémunir contre

les conséquences de semblables accidents qu'où met tous ses

soins. D'autres fois, elle grince des dents et ce grincement est

d'habitude l'indice précurseur d'une convulsion tétanique. La

122 IIT5TI;ItO-1 : PILL,P511 ? ..

main droite se contracte ; d'abord en supination, elle se place

bientôt dans une pronation exagérée. Dans ce mouvement, le

deuxième elle troisième doigts sont écartés l'un de l'autre et

dans l'extension ; les autres doigts sont fléchis. Les mem-

bres inférieurs sont étendus ; les orteils sont fortement fléchis.

A celle convulsion tétanique succède un accès d'une sorte

de rage dans lequel L... pousse des cris violents, appelle à son

secours, voit des brigands, des voleurs, etc. Puis, elle se la-

mente, se plaint de ne plus voir clair, de sentir une boule

qui remonte et l'étouffe. A ce moment, elle s'asseoit sur son

lit, incline sur sa poitrine sa tète qu'elle secoue violemment

en grinçant des dents et imitant le bruit que font les chiens

qui ont saisi un objet qu'ils déchirent.. Enfin, elle retombe

sur son lit et avec sa tête qu'elle soulève et abaisse, elle frappe

rapidement l'oreiller à plusieurs reprises.

Sous l'influence des inhalations d'éther et l'application de

compresses d'eau froide, elle semble se calmer. Elle divague

alors, parlant de chiens enragés, de gardes champêtres, de

forêts, etc. Quelques minutes plus tard, la connaissance re-

vient ; mais Ler... déclare que tout n'est pas fini parce qu'elle

éprouve encore des douleurs dans le ventre.

Bientôt, en effet, les membres se roidissent de nouveau, les

jambes sont prises de tremblement ; les lèvres et les joues

remuent comme dans l'acte de la mastication ; les mains se

fléchissent sur les avant-bras, les accès de rage recommen-

cent et pour empêcher qu'elle ne se morde, on interpose entre

les arcades dentaires une compresse qu'elle secoue de côté et

d'autre avec furie.

Enfin, les accidents diminuent d'intensité : elle se met à

souiller comme si elle allumait du feu et demande à boire.

Vers onze heures et demie, le calme était revenu.

5 heures. Nouvel accès. La tète est inclinée sur l'épaule

droite, la face tournée dans le même sens; les paupières sont

ouvertes, les yeux regardent en haut et à droite. L... pousse

un cri prolongé formé d'une série de petits cris ; puis, la perte

de connaissance parait absolue. La face est cyanosée ; le

corps tend à rouler de gauche à droite.

Les membres supérieurs sont dans l'extension forcée, les

avant-bras dans la pronation, les doigts sont fermés, excepté

les index et les médius, qui sont allongés; les membres infé-

rieurs sont étendus,' les orteils fléchis sur les métatarsiens,

le métatarse sur le tarse ; les cuisses sont croisées; les diffé-

rents segments de ces membres sont fixés dans leur position;

c'est à peine s'il y a quelques convulsions cloniques. A la

face, on note quelques contractions fibrillaires, surtout à

gauche ; la commissure de ce côté est tirée en haut; un peu

HYSTI;;nO ? PII,lo : PSOE. 123

d'écume, non sanglante, s'écoule de la bouche. Ces divers

symptômes ont duré trois ou quatre minutes. Ler... semble

s'endormir. Elle se réveille en quelque sorte brusquement et

a une attaque à grands mouvements, avec prédominance de

la projection du bassin en avant. Par moments, son corps ne

repose plus que sur les talons et la partie postérieure de la

tète (1); puis, elle essaie de se déchirer la' figure, le cou, la poi-

trine. Ces différents phénomènes alternent avec des cris et

des injures. Enfin, la malade demande à boire, avale deux

grands verres d'eau et revient à l'état normal.

Le ventre est ccnsidérablement ballonné, et il y a, depuis

ce matin, une rétention d'urine qui oblige à pratiquer le ca-

thétérisme. '

21 février. Attaque d'une intensité modérée. 25 février.

La rétention d'urine a cessé ce matin et est remplacée par une

incontinence.

26 février. Depuis hier soir, L..... présente un délire spé-

cial, offrant beaucoup d'analogie avec le délire rfbrie'W1J : Elle

a des hallucinations de la vue et de l'ouïe : elle voit, au plan-

cher, des papillons, des hirondelles qui voltigent, des étin-

celles lumineuses ; elle entend aussi des voix qui l'appel-

lent. - Les pupilles sont inégales : la gauche est normale, la

droite est contractée. Le pouls est à 68, la température rectale

à 37°, 2 à 9 heures du soir et 37° à 10 heures. La voix est

rauque; l'incontinence d'urine persiste.

A 7 heures du soir, attaque convulsive avec perte de con-

naissance. L..... est dans l'opistlwtonos complet : La tète est

fortement renversée en arrière; les paupières sont ouverles,

les .veux regardent directement en haut, la mâchoire infé-

rieure est tirée à droite, les arcades dentaires sont écartées

l'une de l'autre à un degré à peine suffisant pour permettre

l'introduction du petit doigt. Les muscles des mâchoires sont t

agités par moments de secousses cloniques. La coloration de

la face est normale.

Les bras sont fixés le long du thorax, les avant-bras éten-

dus dans la pronation forcée, les doigts fléchis, le pouce dans

la paume de la main de telle sorte que son extrémité arrive

entre le médius et l'annulaire. Les membres inférieurs sont

l'Il (1) Dans son livre sur Louise Za7M;f, 1. Imbert-Gourbe3·re décrit chez

l'hystérique belge des phénomènes semblables (p. 1;;) : . Un ecclésiastique

a même affirmé l'avoir vue dans un de ses moments d'extase, étendue sur

son lit, se soulever de tout son corps d'un pied de haut environ, les talons

seuls prenant un point d'appui sur la couche. M. le curé se rappelle égale-

ment l'avoir vue dans cette position pendant quelques instants, mais il ne

prit pas garde à co fait insolite, l'attribuant à un état à' excitation morbide.

124 ! a, JIYSTL ? RO-ÉPILP-,I.0,11 ?

dans l'extension; les orteils, seuls, sont fortement fléchis. La

sensibilité est absolument abolie ; le pincement, entre autres

excitations, n'amène aucune réaction.

Le corps, dans le décubitus dorsal, repose principalement

sur la partie postérieure de la tète, sur les talons et les mol-

lets. Le ventre est très-ballonné. La respiration n'est modifiée

qu'au moment des paroxysmes. Partout, la peau est couverte

de sueurs abondantes.

De 7 heures à 8 heures un quart, L... reste ainsi contractu-

rée, sans aucune convulsion clonique et offrant tout-à-fait

l'aspect d'un tétanique. A 8 heures un quart, surviennent

quelques convulsions dans les muscles de la mâchoire, déter-

minant des mouvements de latéralité dans lesquels la mâ-

choire est attirée vers la droite. Parfois, l'opisthotonos s'exa-

gère, il se produit une cambrure considérable de la région

dorso-lombaire, l'abdomen est projeté en avant et en haut :

le corps ne porte plus que sur la nuque et les talons. Les

muscles des membres et du tronc ne sont le siège d'aucune

convulsion clonique. A un moment, le thorax s'immobilise à

la suite d'une inspiration profonde (t); puis. on entend un bruit

pharyngien et on voit la face se congestionner. Bientôt arrive

une détente brusque qui n'est caractérisée que par la moindre

intensité de la courbure dorsale. Les membres restent tou-

jours contracturés au môme degré.

IV.

Contractures.

27 février, 9 heures. T.R. 37",3. Ce matin on trouve la malade

avec une contracture des membres du côté droit, des muscles de

la face à droite, et de la langue.

Contracture des membres (Forme hémiplégique) . Le membre

supérieur est dans l'extension, le bras fixé le long du tronc.

l'avant-bras allongé et dans la pronation, le pouce entre le

médius et l'annulaire ; - le membre inférieur est aussi dans

l'extension forcée; en le saisissant avec la main, on soulève

le corps tout entier.

Contracture de la face. - La physionomie a une expression

1 il' Pendant l'une des phases des attaques de Louis[) Lateau, I. Imbert-

Gourbeyre a remarqué que les mouvements respiratoires étaient ralentis

(p. 198-199). M. le professeur Lefebvre (de Louvain) mentionne le même

phénomène et le considère comme appartenant aux phénomènes rares (p. li3).

Or, le ralentissement de la respiration, coïncidant avec une fréquence excessive

du pouls, est chose vulgaire chez les hystéro-épilepticiucs.

HYSTÉRO-ÉPILEPSIE. 125

étrange, due à l'écartement des paupières plus grand que d'ha-

bitude, à un léger strabisme qui laisse libres, cependant, tous

les mouvements des globes oculaires, à une traction très-

marquée de la commissure labiale droite et enfin à l'écarte-

ment des mâchoires dont le rapprochement est impossible. Le

masséter droit est dur, contracturé.

Contracture de la langue. - Ler... comprend parfaitement

tout ce qu'on dit; mais il lui est impossible de parler autre-

ment que par signes. La langue est contracturée, dure au

toucher, et collée au plancher de la bouche. Elle présente, à

sa face supérieure, un sillon médian et, par conséquent, de

chaque côté, une saillie longitudinale. La malade est impuis-

sante à lui imprimer le moindre mouvement. La sensibilité

de la langue, à la douleur, est abolie à droite, très-émoussée à

gauche. La sensibilité pharyngienne est conservée car l'intro-

duction du doigt au fond de la bouche provoque des efforts de

vomissement. La déglutition est impossible aussi bien pour

les liquides -que pour les solides. Fait-on couler de l'eau dans

la bouche, aussitôt elle s'échappe au-dehors. Les muscles de

la région sus-hyoïdienne sont contracturés. Le ventre est mo-

dérément ballonné. La sensibilité est entièrement éteinte sur

la moitié droite du corps. Sur la moitié gauche, au contraire,

la motilité' et la sensibilité à la douleur sont conservées. La

malade accuse uniquement de l'engourdissement dans la main

de ce côté.

A neuf heures et demie, Ler ? qui, jusque-là, ne s'était pas

rendu un compte très-net de sa situation, s'aperçoit que sa

langue est paralysée, qu'elle ne peut plus parler qu'avec une

extrême difficulté, et se met à pleurer.EUe fait entendre moitié

par signes, moitié dans un langage fort peu compréhensible,

qu'elle souffre du ventre, de l'épigastre, de la gorge et de la

tète.

Soir. L'état de la malade est le même. En raison de la con-

tracture de la langue, on ne saisit qu'imparfaitement ce qu'elle

a beaucoup de peine à dire. Elle aurait eu des hallucinations

de l'ouïe et de la vue : elle entendrait des cloches sonnant à

toute volée ; elle verrait des lézards grimper le long des murs,

des papillons voltiger au plafond. Elle est excitée ; tantôt elle

se lamente, tantôt elle rit et fait des grimaces. - On la fait

manger, selon la coutume en pareil cas, avec la sonde oeso-

phagienne, introduite par l'une des narines. La sonde, par-

venue à l'arrière-bouche, suscite de violents mouvements ré-

flexes, une vive anxiété et du larmoiement. La rétention

d'urine persiste.

126 1 ¡YSTÉHO- ÉPILEPSIE,

28 février. Même état. Alimentation par la sonde. Le ventre

n'est plus ballonné. La région ovarienne droite est redevenue

plus douloureuse au toucher que la gauche.

Vers 6 heures, L..... appelle la sous-surveillante, disant

qu'elle est sous le coup d'une attaque : bientôt, en effet, sur-

vientla perte de connaissance ; la face pâlit et se tourne à droite,

la tète s'incline sur l'épaule du même côté ; les yeux regardent

en haut et à droite, à un tel degré que les pupilles sont ca-

chées sous les paupières qui, elles, sont animées de palpita-

tions rapides; les muscles de la face, principalement ceux de

la moitié droite, sont agités de secousses cloniques. La pâleur

du visage est ensuite remplacée par une congestion très-accu-

sée. Le bras gauche se contracture dans l'extension et s'élève

au-dessus de la tète, les doigts sont fermés, le pouce appli-

qué contre la paume de la main. Le membre inférieur gauche

s'étend, passe au-dessus du droit. Puis, la malade roule de gau-ij

che à droite et tomberait de son lit si on ne la soutenait. Pas

de convulsions cloniques des membres. Enfin, après un ron-

flement stertoreux qui dure quelques minutes, Ler... se ré-

veille, exécute de grands mouvements pendant lesquels la

jambe droite elle-même se fléchit à demi. Ler .. pousse des

cris, voit des voleurs, essaie de se déchirer la . figure, les

bras, les jambes, où elle a des « fourmiches, » se plaint de

douleurs dans la tôle. Toutes les paroles qu'elle prononce sont,

bien entendues, difficiles à comprendre, par suite de la con-

tracture de la langue. La température rectale, prise au mo-

ment du stertor, était de 37°,4.

fer tct·s. ? L... eu deux attaques à forme tonique. La pre-

mière avait laissé une contracture de l'avant-bras gauche, qui

était dans la flexion forcée, la main, fermée, touchant l'épaule.

La seconde attaque a .rendu au bras gauche la liberté de ses

mouvements.

Ce soir, les membres du côté droit sont toujours contrac-

tures ; ceux du côté gauche sont libres, mais la malade y sent

des fourmillements .et de l'engourdissement. La région ova-

rienne droite est indolente ; la gauche, au contraire, est le

siège de douleurs spontanées que la pression exagère.

L'analgésie de la peau est complète sur toute la moitié gauche

du corps, aussi bien à la face qu'aux membres. L... a vomi

son bouillon et son vin aussitôt après leur ingestion par la

sonde.

2 mars. - Attaque à type tonique. L'aspect de la face est le

même que précédemment (globes oculaires en haut et à

droite, traction de la commissure labiale droite, torsion de la

mâchoire vers la droite, face déviée à droite, tète inclinée sur

l'épaule droite). Le membre supérieur droit est fléchi et

HYSTÉRO-ÉPILEPSIE. 127

exécute de temps en temps un mouvement d'abduction du

bras avec extension et pronation forcées de l'avant-bras. Le

membre supérieur gauche, fixé dans sa position, est retourné

de telle façon que la main est appliquée sur l'épine dorsale.

Le membre inférieur droit reste dans l'extension. Le gauche

est dans la flexion et l'adduction : la cuisse est fléchie sur le

bassin, la jam be sur la cuisse au point que le talon est en

contact avec la fesse.

Par moments, survient un paroxysme dont la forme varie :

ordinairement, on observe une turgescence énorme de la face

et du cou, accompagnée de mouvements de projection du

bassin, de mouvements bruyants de déglutition ; d'autres

fois, la respiration est accélérée et il y a des convulsions clo-

niques du membre supérieur droit. Les membres du côté

gauche conservent leur attitude. Durant une rémission, la

malade se plaint d'étoufl'ements, de douleurs dans la tète et

dans les membres ; elle dit ne plus savoir ce qu'est devenu son

bras gauche, se lamente, prétendant qu'on le lui a enlevé.

Cette fausse sensation s'explique sans doute par l'existence

de l'anesthésie. Plusieurs attaques, semblables à celles que

nous venons de décrire, n'ont pas modifié l'attitude respective

des 'membres ; mais, après une nouvelle crise, la contracture

cesse au membre supérieur gauche, et l'usage de ce membre

reparait...

Soir. - Le bras et la jambe gauches sont libres. La sensi-

bilité est abolie sur toute la surface cutanée (contact, dou-

leur, température). L'hyperesthésie ovarienne gauche est la

même. Toutefois, il semble qu'au niveau de cette région, la

peau a conservé sa sensibilité. La contracture de la face et de

la langue, l'embarras de la parole, n'ont pas changé. L'odorat

est conservé à gauche (tabac).

4 mars. Le membre inférieur gauche est anesthésié, rigide

et dans l'extension; le pied est en équin. Si on place une

orange dans la main gauche, la malade la maintient tant

qu'elle a les yeux ouverts, mais elle la laisse échapper dès que

les paupières sont fermées. La main et le bras sont le siège

d'un tremblement qui augmente dans l'acte de boire.

5 mars. - Hier, de 3 à 4 heures, L... a eu cinq attaques

dans lesquelles le bras gauche s'est encore porté derrière le

dos. Le membre inférieur gauche est rigide au niveau du ge-

nou. Le membre supérieur correspondant est libre, mais on

y observe toujours des soubresauts des tendons. Les membres

du côté droit, la face, la langue, etc., sont dans le même

état. ZD

Soir. - Les membres supérieurs sont agités de secousses

presque incessantes, qui s'étendent au cou en amenant des

1 L) i II STÎ : RO-ÉPILl';PSIL .

mouvements de la tête et à la face, où elles produisent des

grimaces. Le bras gauche, qui se détache difficilement du

lit, est en outre le siège de douleurs et de fourmillements; i

la main ne peut saisir les petits objets. Les membres in-

férieurs, où il n'y a pas de secousses, n'ont pas subi de modi-

fication. L'odorat est aboli des deux côtés. L... pleure faci-

lement ; elle accuse des douleurs dans la tète.

6 mars. - Les secousses sont moins fréquentes.

7 mars, - Hier, de ü à 9 heures, série d'attaques qui ont

laissé le bras gauche fléchi et placé dans le dos.

9 mars. Soir. Deux attaques de 2 à 3 heures. A 5 heures,

les jambes sont contracturées, fléchies et croisées l'une sur

l'autre.

10 mars (7 heures du soir). - Attaque tonique. La face est

tournée à droite, les yeux regardent à droite et en haut. La

malade a de la tendance à rouler de gauche à droite et tom-

berait si on ne la surveillait (1). La perte de connaissance est

complète.

9 heures. - La connaissance est revenue vers 8 heures. Les

cuisses et les jambes sont fléchies, la cuisse droite est placée

entre la jambe et la cuisse gauches. Le bras gauche est étendu,

le droit fléchi; les mains sont dans la position ordinaire.' Les

paupières sont demi-closes; la malade ne peut les relever.

Les yeux, dirigés en haut et à droite, ne peuvent tourner vers

la gauche. La parole est plus facile que d'habitude. L... pleure

et se plaint de douleurs vives dans les bras, les jambes et la

tète. A 9 heures 1/2, nouvelle attaque très-courte, à la suite

de laquelle les jambes se sont étendues. Le bras gauche est

dans la flexion exagérée, la main reposant sur l'épaule.

1 1 mars. Une attaque a laissé le bras gauche appuyé sur

la colonne vertébrale. La malade soulève le membre inférieur

gauche. Le pied est normal quant à ses mouvements ; mais

la face plantaire est le siège de fourmillements.

t2 2 mars, - De midi à 4 heures, série d'attaques pendant

lesquelles on a. remarqué que la langue tantôt cessait d'être

contracturée et permettait à la malade de crier, tantôt sortait

démesurément de la bouche. Actuellement (6 heuresl, le bras

est retourné dans le dos, la jambe gauche est normale. La

malade annonce qu'elle va être malade parce que ses batte-

ments de coeur la prennent. En effet, à l'auscultation, on

(1) Parlant de Louise Latcau, M. Imbert-Gourbeyre écrit ceci : « Ou

m'avait dit qu'elle était battue la nuit par le diable. En réponse à cette

' question, Louise m'a avoué avoir été très-éprouvée, il y a quelque

' temps, pendant un mois entier, elle était pendant la nuit renversée de

. son lit à terre et souffrait beaucoup à ce moment.

HYSTÉRO-ÉPILEPSIE. H5

Le tronc s'incline à droite; tout le corps est rigide. Les mem-

bres d'abord dans l'extension prennent ensuite les positions

suivantes : . .

Membre supérieur droit. L'avant-bras est fléchi, sur le

bras ; les deux derniers doigts sont fléchis; l'index et le médius

sont étendus et écartés; le pouce est placé entre eux. Tantôt

la main est allongée, tantôt' fléchie sur le poignet. Parfois

l'avant-bras demi-fléchi se porte en arrière et la main frappe

le dos; ou bien le bras entoure le jarret de la jambe gauche

qui est perpendiculaire au tronc ou appliquée directement sur.

la poitrine, ou bien encore la -main droite va se poser sur

l'épaule gauche.

Membre supérieur gauche. - Il offre les mêmes convulsions

dans l'une ou l'autre des crises qui constituent l'attaque dans

son ensemble ; mais c'est plus particulièrement le droit qui

va s'appliquer contre le dos où, comme nous l'avons vu, il

peut rester plusieurs heures.

Membre inférieur droit. Rigide et dans l'extension à l'ori-

gine, il devient bientôt perpendiculaire au tronc; parfois, le

membre inférieur gauche le croise au niveau du jarret.

Membre inférieur gauche. - Il est fléchi fortement sur le

tronc, de telle sorte que le genou repose sur le sein et que le

pied est appliqué contre la moitié gauche de la face.

Nous devons déclarer que ces attitudes varient pour chaque

membre qui prend celle qu'avait l'autre quelques instants au-

paravant et que ces attitudes se succèdent quelquefois avec

une assez grande rapidité. z

Au bout d'une minute, Ler... revient à la connaissance. On

achève de la déshabiller et on lui enlève même sa chemise

qu'elle déchire quand on la lui laisse. A peine avait-on ter-

miné, que l'attaque recommence : 1° on note de nouveau les

phénomènes déjà décrits du côté de la face; la bouche est lé-

gèrement entre-ouverte ; la langue se tortille, se met en S, sa

pointe se fixant contre les arcades dentaires; la moitié gauche

des lèvres se creuse profondément : de là, un aspect hideux.

2° Période de rigidité générale; - 3° période démoniaque sui-

vie de secousses cloniques, de mouvements brusques des pieds

qu'elle projette violemment contre les barres de son lit ; c'est

durant cette période qu'on assiste à une série d'actes bizarres.

Ler... crie : « mon Dieu ! mon Dieu ! », se frappe vigoureu-

sement la poitrine, presque toujours le sein droit. Aussi,

dès qu'on voit arriver ces mouvements, s'empresse-t-on de

placer un coussin sur la région pectorale. Puis, elle s'assied,

préfère des imprécations : « Voilà les bourreaux ! oui, voilà

13ouRNEnLLE.. - 1 : ' : 10 ' '

146 13STI;RO-PILEl'SIE.

les bourreaux ! » Elle parle de gendarmes, de basse-cour,

appelle Jean-Louis-Philippe ! M. Coupat-Fontaine ! parle des

200 francs qu'on voulait lui voler. Elle pousse ensuite des cris

étouffés et s'assied.

Souvent à ces cris, à cette agitation violente, succède une

nouvelle période convulsive, ou bien on voit survenir une

sorte d'accès de rage : Ler... grince des dents, essaie de mor-

dre ; on place devant elle une compresse qu'elle saisit avec

les dents et secoue rapidement en imitant le bruit que font,

les chiens qui mordent quelque chose.

Nouvello période convulsive. Contorsions des membres ;

grimaces hideuses ; face vultueuse ; bouche tirée à droite ;

sillon naso-labial droit très-accusé. La langue sort de la bou-

che bien que sa pointe demeure arc-boutée contre les dents. -

Les contorsions diminuent. Elle pousse des « oue ! oue ! » ré-

pétés ; souffle vigoureusement comme si elle soufflait le feu ;

se frappe la poitrine ; se plaint de ne plus voir clair; essaie de

mordre. La respiration, rare, pour ainsi dire suspendue pen-

dant les périodes convulsives, devient alors très-fréquente.

Ces scènes, qui sont effrayantes, font place à d'autres phé-

nomènes : mouvements de déglutition bruyants, mouvements

de lappement, hoquet. Ler ? prétend qu'on lui tire la tète, lus

« pés » (les pieds) ; cette dernière sensation s'explique par la

contracture qui existe durant l'attaque. Elle détire ses mem-

bres ; se plaint de souffrir à l'épigastre, à la tète, bavarde :

on court après elle, elle tente de s'égratigner la figure; frotte

ses mains l'une contre l'autre, parce qu'elle a des « fourmi- '

ches », se gratte la tète; s'imagine que son lit marche et roule;

que tout saute; furète dans son lit; appelle son « cher ami

Ernest ! » Elle a des bêtes dans le ventre. « Entends, dit-elle,

comme ils sonnent. » Elle gratte sa langue sur laquelle on a

mis du plomb. « Tout le bataclan remue ! » Se plaint de voir l'

double ; fait des grimaces, Enfin, elle demande à boire, avale

un verre d'eau d'un seul trait et tout parait fini.

F' 1876. Il ? juin. - Ler... n'a pas eu d'attaque depuis le mois

d'août 1875. - Le clou hystérique céphalique est moins dou-

loureux. L' hyperesthésie ovarienne persiste. - L'llémianestltésie

est toujours complète du côté droit. A gauche, la sensibilité

générale est simplement un peu obtuse. - Les sens spéciaux,

à droite, présentent les mômes altérations qu'autrefois. Ler...

a encore de temps en temps des fourmillements dans les pieds

et les mains, surtout à droite. - Le sommeil est, en général,

très-court; elle rêve beaucoup, rit, parle tout haut. - L'in-

telligence ;st restée la même. -. .L'appétit est bon ; parfois

crampes d estomac ; alternatives de diarrhée et de constipa-

tion. La santé, malgré cela, est bonne. .

IIYSTIIERO-r-,PILEPSIE. 1 47

Voici un tableau qui indique d'une manière assez exacte la

marche des attaques durant les 16 dernières années.

148 UYSTL ? 0-lPlLEPSIL.

transpercer la langue ou un large pli de la peau du bras,

du ventre ou des jambes (1).

La description minutieuse que nous avons tracée des at-

taques convulsives, nous dispense d'y revenir quant à pré-

sent. Toutefois, nous rappellerons que, en dépit de leur

violence et de leur répétition, elles n'ont aucunement modifié

l'intelligence de la malade. Au dire de toutes les personnes

qui la connaissent depuis son arrivée à la Salpétrière, elle

est aujourd'hui ce qu'elle était à cette époque. Nous la con-

naissons depuis dix ans et notre appréciation personnelle

est absolument conforme à la précédente. (Voir Planche

II, Figure 1).

Des complications qui succèdent aux attaques, les plus

importantes consistent en des contractures affectant isolé-

ment ou simultanément les muscles des mâchoires (tris-

mas), de la langue, du voile du palais, du pharynx (cl"ys-

phagie, oesopllagÍsme), du larynx (aphonie), du col de la

vessie (rétention d'urine), des membres (contractures va-

riées, erz(cilie;7e)it). Toutes ces contractures, contraire-

ment à ce que nous verrons dans la seconde observation,

sont passagères, même le crucifiement. Cette dernière

forme de contracture est moins rare qu'on ne pourrait le

supposer et sans parler de l'hystérique belge, Louise La-

ieau,' nous pourrions citer plusieurs malades du service de

M. Charcot qui nous en ont fourni des exemples. Mais il

s'agit là d'un sujet qui mérite d'être traité à part. z

Nous avons encore à mentionner, chez Ler..., le délire

(9) M. le Dl' Lefebvre a noté chez Louise Lateau une anesthésie sembla-

bile : « J'ai souvent, dit-il, - et cela paraît l'étonner - traversé d'outre

en outre avec une grosse épingle, un pli fait à la peau des mains ou de l'a-

vant bras ; je ne parvenais à percer ce pli qu'avec un effort et en faisant

exécuter au petit instrument des mouvements de rotation... D'autres fois,

j'enfonçais vivement la pointe d'un canif... Toutes ces épreuves ont abouti

au même résultat, c'est-à-dire que ni moi, ni aucun des médecins ou des .

autres témoins de ces expériences ne sommes parvenus à surprendre le plus

léger indice de sensibilité et en particulier la moindre contraction muscu-

laire. » (mouise Laceau. de Bois d'llaiue, p. 50.) Même chose chez toutes les

malades de ce groupe.

IiYSTÉRO-ÉPILPSIE. 149'

qui survient à la fin des attaques. Chez elle, de même que

chez la plupart des malades de ce genre, nous voyons les

idées délirantes rouler sur les événements les plus saillants

de la vie, sur les scènes émouvantes auxquelles elle a as-

sisté. -Dans son délire, Ler... revoit tous les épisodes de

son existence, elle assiste de nouveau aux accidents qui

ont produit ses peurs ; ou bien elle parle des incidents ré-

cents, de-ce qu'on a dit d'elle ou des personnes qu'elle affec-

tionne (1). Li iifiii, ainsi que M. Charcot l'a nettement fait

ressortir, elle voit des bêtes, revêtant des formes hideuses,

des lézards qui grimpent le long des murs, etc., etc.

. Si maintenant nous mettions l'observation de Ler... en

regard de l'histoire des convulsionnaires qu'on exorcisait

naguère - quand on ne les brûlait pas - nous verrions

que, aujourd'hui, nous constatons les mêmes phénomènes

qu'autrefois et que la pathologie de l'hystérie n'a pas

changé. Nous pourrions établir de nombreux rapproche-

ments entre les accidents offerts par Ler ? et ceux que

présentaient entre autres les malheureuses possédées de

Loudun. Quelques-uns suffiront.

Nous avons raconté que, dans ses attaques, Ler... es-

sayait de se mordre ou même se mordait lorsqu'on n'était

pas assez prompt pour s'y opposer. Même chose à Loudun :

« Ayant proféré quelques paroles, le Démon devint encore

plus forcené et témoignant une grande rage de ce qu'il

avait dit, se mordait au bras et se contournait horrible-

ment... »

A la Salpétrière, on emploie la compression ovarienne,

le nitrite d'amyle, le chloroforme, etc., pour arrêter les

(1) Dans les épidémies démoniaques, les possédées - adressaient des re-

proches à leurs confesseurs, aux exorcistes; en d'autres termes, durant leurs

attaques, le délire portait sur les principaux sujets de leurs préoccupations,

à l'état normal. D'autres malades que Ler... nous en fournissent des exem-

ples. Ainsi Geneviève ayant été grondée et punie, le 4 novembre, par le Di-

recteur, le délire qui suivit une attaque, le lendemain, porta presque exclu-

sivement sur la scène de la veille ; elle menaçait le directeur de le dénoncer

à l'administration centrale, et le chargeait de toutes sortes de méfaits ima-

ginaires. v

1.')0 I-IYSTI;RO-IJPILRPSIR.

accès et on est assez heureux pour y parvenir. Les prêtres

d'alors avaient recours - avec le succès qu'on va voir -

aux exorcismes : Bientôt « le Père, répétant le commande-

ment (exorcisme) qu'il avait déjà fait, mit le corps de la

prieure dans une effroyable convulsion, tirant une langue

horrible, difforme, noirâtre et boutonnée ou grenue

comme du maroquin...» (1). Ne sont-ce pas là des symp-

' tomes tout-à-fait semblables à ceux que nous avons dé-

crits ?

Nous n'insisterons pas davantage. Grâce aux progrès

réalisés dans la pathologie des affections mentales, pro-

grès qui, nous sommes heureux de le déclarer à la gloire de

notre profession, sont dus à peu près exclusivement à des

médecins, à l'énergie infatigable et courageuse qu'ils ont

mise à enlever au prêtre et au bourreau de malheureuses

malades, aujourd'hui, les asiles ont remplacé les prisons,

et des traitements appropriés ont été substitués aux tor-

tures et aux bûchers.

(1) Calmeil. - De la folie, etc., t. II, p. 23.

DEUXIÈME OBSERVATION.

I.

Antécédents. Débuts de l' ltysté1'o-épilepsie,

Eteliov..., Justine, née à Mauléon, infirmière, est entrée a

la Salpétrière, dans le service de M. Charcot, le 16 juin 1869.

Elle était alors âgée de 39 ans.

Son père, qui était maitre d'école, est mort du choléra en

1849. Il avait toujours joui d'une bonne santé et n'était pas

d'un tempérament nerveux.Nul détail sur son père (grand

père paternel d'E...). Sa mère est morte à 90 ans, n'ayant ni

démence, ni paralysie. Un frère, curé, a succombé en deux

heures à un « coup de sang. »

Sa mère, tisserande, n'a jamais offert d'accidents nerveux ;

elle est morte subitement pendant la convalescence d'une

fluxion de poitrine ( ? ). - Et... ne donne que des renseigne-

ments incomplets sur ses ascendants maternels. Elle assure,

toutefois, qu'il n'y a jamais eu dans la famille de sa mère ni

épileptiques, ni paralytiques, etc. - Pas de consanguinité.

Et... a eu 13 frères ou soeurs. Neuf sont morts jeunes; ello

croit, qu'aucun d'eux n'a été atteint de convulsions. Les quatre

survivants (2 garçons et 2 filles) sont bien portants et n'ont

jamais présenté de troubles nerveux.

Justine est la 3° de la famille. Elle a été élevée par sa mère,

a marché à un an ; elle a parlé de bonne heure. Jusqu'à

9 ans, bien qu'elle fut chez son père, instituteur, on ne lui

enseigna rien : « Dans ce temps-là, dit-elle, ce n'était pas la

mode, chez nous, d'apprendre à lire aux filles. o - A 9 ans,

elle fut placée dans une ferme où elle gardait « les enfants et

les bestiaux.» Elle fut réglée à 11 ans, sans la moindre souf-

france ; déjà, elle était grande et forte. Ses règles ont toujours

été régulières jusqu'à l'âge de z5 ans. Vers 14 ou 15 ans, elle

se rendit dans une autre ferme, située dans le Béarn, qu'elle

quitta au bout de deux années, pour rentrer dans sa famille

où elle apprit le métier de tisserande. A 18 ans, en tombant

152 ftT5TR0-PILI;PSIr.

d'un cerisier, elle se fit une plaie à la tète et perdit connais-

sance. Quelques mois après, elle aurait eu une enflure des

jambes et surtout du ventre : « Partout où je posais les doigts,

raconte-t-elle, ça faisait des trous. » Sa figure était bouffie et

elle avait des douleurs au niveau des reins (néphrite albu-

mineuse ? )... . -

Pendant son séjour dans les fermes et dans sa famille, elle

assistait tous les dimanches à la messe, se confessait de temps

en temps, communiait une ou deux fois par an. Son père,

très-pieux, son oncle, le curé, n'auraient pas souffert qu'elle

manquât à l'accomplissement de ce qu'on appelle les devoirs

religieux. La suite de cette observation expliquera pourquoi

nous mentionnons ces détails. -

En 1849, Etch... quitta son pays pour aller à Bayonne se.

placer comme servante. A peine arrivée dans cette ville, elle

fut prise d'une fièvre typhoïde qui l'obligea a entrer à l'hô-

pital. Guérie; elle reste dans l'établissement en qualité d'in-

firmière. Au bout de trois ans, afin de gagner davantage, elle

se rend à Bordeaux et est admise, comme infirmière, à l'hô-

pital Saint-André (18p3 ! . Ses fonctions l'obligeaient quelquefois

à porter à l'asile des Enfants-Trouvés les enfants dont la mère

était à l'hôpital Saint-André. Un jour qu'elle conduisait un

enfant, un individu s'en disant le père voulut le lui enlever.

Des passants l'empêchèrent de mettre son projet à exécution.

Il s'éloigna et, dans une rue isolée, il se retrouva en face

d'Etch..., la contraignit à pénétrer dans le couloir d'une mai-

son et bien que, cette fois encore, l'arrivée de plusieurs per-

sonnes l'ait délivrée, ces tentatives réitérées, que l'on a inter-

prétées naguère comme des tentatives de viol, lui causèrent

une grande frayeur. A partir de ce jour - et ce sont là des

phénomènes qui pourraient faire croire il quelque chose de

plus qu'un enlèvement d'enfant - Etch... éprouva une sorte

de malaise continuel, devint triste et sombre ; elle avait envie

de pleurer, mais ne le pouvait pas ; sa poitrine était serrée ; ;.

enfin elle maigrissait lentement. Cet état nerveux durait de-

puis un an quand un jour, sans cause connue. tandis qu'elle

pansait un malade auprès d'une cheminée, elle eut sa pre-

mière attaque convulsive. Elle perdit connaissance et tomba

dans le feu. Ce ne fut que quatre jours plus tard qu'elle fut

capable d'apprécier sa situation, ce qui est dû sans doute à la

brûlure qui intéressa d'une façon très-grave presque toute la

face, ainsi qu'en témoignent les cicatrices profondes qu'elle

présente encore aujourd'hui (front, sourcils, nez, joues,

lèvres, etc.). Les paupières de l'oeil gauche ayant été lésées,

Etch... ne voyait plus de ce côté. La tête et la face étaient

gonflées. Toutes les dents de la mâchoire supérieure se déta-

FIYSTi : RO-LPILZ;PSIir. i â3 -

chèrent. Elle ne put, durant dix mois, ingérer que des liquides.

A 18 reprises, des érysipèles vinrent entraver la guérison qui

n'aurait été complète qu'au bout de deux ans ; ,pendant ce

laps de temps, elle n'a pas eu de nouvelle attaque. C'est un

an plus tard, c'est-à-dire trois ans après la première attaque,

qu'elle en eut une deuxième ('18 : 58). Cette fois-ci encore, le

début aurait été soudain : elle fut prise dans un escalier et

roula jusqu'en bas. On lui dit qu'elle avait poussé plusieurs

cris et qu'elle s'était débattue durant près d'une heure. Re-

venue à elle, elle s'est remise à l'ouvrage « comme si elle n'avait

pas été malade. » ' " .

En 1 a : io, elle se donna « un tour de reins, » en voulant sou-

lever un malade, et tomba en arrière. Cet accident la confina

au lit pendant trois mois ; cependant, elle n'avait pas de para-

lysie. -

La troisième attaque (18GO) et la quatrième (1863) auraient

offert les mêmes caractères. -

En 18G,j, Etch... va voir ses parents et vient ensuite à Paris

avec une recommandation de la supérieure de l'hôpital Saint-

André pour sa soeur, religieuse à l'hôpital Sainte-Eugénie où

on la reçoit comme infirmière. ,

Au mois d'août 1866, Etch... a le choléra : vomissements,

diarrhée,'crampes, anurie. Ce dernier symptôme persista 8

jours ; on la sondait sans rien retirer. C'est à cette époque que

sa maladie revêtit un caractère de gravité que l'éloignement

des crises convulsives antérieures ne pouvait faire prévoir :

elle eut des attaques qui se succédèrent pendant deux jours.

Consécutivement, les urines reparurent, mais il fallut prati-

quer le cathétérisme.

Depuis le mois d'août 1866 jusqu'au 1er octobre 1868, Etch...

fit son service, tout en conservant sa rétention d'urine. La sé-

crétion urinaire, en tant que quantité, était d'ailleurs normale.

De plus, à partir du mois de mars 1868, elle eut des vomisse-

ments de sang, quelquefois très-abondants : ils étaient presque

quotidiens et continuèrent jusqu'au mois d'août.- Alors, elle

serait devenue ondée de tout le corps. Elle fut, forcée de s'ali-

ter. On la saigna ; les vomissements et l'oedème disparurent.

Une attaque éclata le 15 août; puis une autre, très-forte, à la

fin de septembre. On se décida, le '1 el' octobre, à l'envoyer à l'hô-

pital Necker. A ce moment, les jambes n'étaient plus enflées ;

il n'y avait d'autre paralysie que celle delà vessie, et, comme

le cathétérisme était difficile, on la mit dans une des salles de

chirurgie (service de M. Desorn1C'l1ux).. ,

Le lendemain de son entrée, elle s'aperçut, qu'elle avait une

paralysie du bras et de la jambe gauches qui étaient « comme

unesguenille, » pour employer la comparaison pittoresque de

154 ? ' IIYSTÉRO-ÉPILF.PSm, '

la malade. Le troisième jour, elle aurait eu, après une attaque,

une « congestion cérébrale et du délire, » pour lesquels on lui

a mis des sangsues derrière les oreilles et trois vésicatoires,

l'un à la nuque, les autres sur les cuisses. Ces accidents ne se

seraient dissipés qu'au bout de six semaines.

Dans les premiers jours de 1869, Etch... fut transférée dans

le service de M. Lasègue, parce qu'elle avait des pertes uté-

rines se prolongeant quelquefois une ou deux semaines. Jus-

qu'à la fin de 1868, le flux menstruel, très-régulier, était abon-

dant, non douloureux, et durait trois ou quatre jours.

L'appétit était médiocre, une portion suffisait; il n'y avait

ni hématémèse, ni vomissements alimentaires ; le ventre

était ballonné; les selles étaient très-rares et nécessitaient

toujours l'usage des purgatifs. La constipation était si accu-

sée qu'elle avait occasionné une chute du rectum. La paralysie

du côté gauche persistait, ainsi que la rétention d'urine qui

nécessitait le cathétérisme trois fois par jour. La quantité des

urines était normale.

Nous avons reconstitué les antécédents de la malade avec

tout le soin possible; mais, comme le début des nombreux ac-

cidents qu'elle a présentés successivement remonte à une

époque déjà éloignée, il est certains détails qui manquent de

précision. Ces inconvénients ne se retrouveront plus dans la

suite de l'observation, car tous les phénomènes que nous al-

lons exposer ont été consignés régulièrement au sur et à me-

sure de leur apparition. -

II.

Etat de la malade en 1869 et 1870. - Hémianesthésie du côté

- gauche.

1869. Etat actuel. (17 juin) (1). - Motilité. Paralysie com-

plète avec flaccidité du membre supérieur gauche. Le mem-

bre inférieur du même côté est également paralysé, mais

présente une flaccidité bien moins prononcée. Quand on

cherche à le soulever par la cuisse, la jambe s'élève et le

genou ne se ploie qu'en partie, de telle sorte que la jambe

n'est pas totalement fléchie sur la cuisse, quand le talon quitte

le lit. t.

Sensibilité. - Il y une hémianesthésie gauche cutanée

absolue. La ligne de démarcation des parties sensibles et de

celles qui ne le sont plus suit également la ligne médiane. Il

existe pourtant une zone intermédiaire où les sensations sont

(I Notes recueillies par SI. Berger.

HYSTÉRO-ÉPILEPSIE. 1 : i : i z

de plus en plus nettes, à mesure qu'on se rapproche du côté

droit. A la face, cette zone n'a pas plus de deux millimètres

de largeur. Plus étendue au cuir chevelu, où elle atteint une

largeur de 1 à 2 centimètres de plus que partout ailleurs, elle

se prolonge sur le dos et jusqu'au sacrum, où elle a encore

une étendue assez notable. - L'anesthésie palmaire et plan-

taire est complète; l'excitation des membres ne provoque au-

cune action réflexe.

Muqueuses. - Conjonctive, - La conjonctive oculaire est sensi-

ble, bien qu'à un degré peut-être un peu plus faible qu'à l'état',

normal. La cornée en tous cas est très-sensible. Quand on la

touche, on provoque un clignement réflexe fort énergique; la

malade dit au contraire ne rien sentir quand on excite la mu-

queuse palpébrale. ,

Oreille. - La peau du conduit auditif externe est insensible

quand on la pique avec une épingle. La malade néanmoins

parait avoir une perception vague, quand on introduit dans le

conduit auditif un corps assez volumineux pour le distendre.

Narines. - On a beau titiller la muqueuse nasale, on ne

provoque, à gauche, ni .éternuement, ni sensation. A droite,

d'ailleurs, la pituitaire parait peut sensible. Bouche.

Il en est de même pour les muqueuses qui tapissent la moitié

gauche de la bouche, des gencives et même du palais, de son

voile, de la luette, des piliers, du pharynx et de l'amygdale

correspondante. L'introduction du doigt de ce côté ne produit

pas de nausées, mais il semble répugner à la malade qui ne

se soumet qu'avec peine à cet examen. Nous n'avons pas pu

examiner la sensibilité de la muqueuse anale, vulvaire, vagi-

nale, etc.

Sens spéciaux. - La vue est trouble. La malade dit qu'elle

voit plus distinctement quand elle ferme l'oeil gauche. Les

pupilles sont très-contractiles ; mais, si on engage la malade

fixer un objet, on ne peut obtenir qu'elle dirige vers lui le

rayon visuel : elle semble regarder un autre point. L'oeil droit

i étant fermé, Etch... dit voir deux ou trois plumes superposées,

. quand on lui présente une plume horizontalement, tandis que

si on place cet objet dans le sens vertical, elle dit le voir sim-

ple. La malade affirme aussi voir double l'infirmière qui esta

deux mètres à droite du lit. La main étant présentée étendue,

les doigts verticalement situés en face du visage, elle dit ne

voir que deux doigts. Invitée à les désigner, elle montre ceux

qui sont le plus vers la droite. La malade, du reste, voit d'or-

dinaire un brouillard, des mouches volantes, des chandelles.

Elle ne présente aucun signe de strabisme.

156 - nzsTr,o-rriLrsm. - -

M. Galezowski ayant examiné la malade a résumé, ainsi

qu'il suit, les phénomènes constatés par.lui : La malade pré-

sente une hémiopie interne de l'oeil gauche, /avec' : diminution

de l'acuité visuelle dans tout le champ visuel. Elle ne distin-

gue, en outre, aucune couleur de l'oeil gauche, tandis que de

l'oeil droit elle perçoit toutes les nuances, des couleurs. Pour

le gauche/il n'y a que le blanc, le noir et le gris qui existent;

toute autre couleur apparaît soit blanche, soit grise ou noire,

suivant qu'elle est plus ou moins foncée. L'examen ophthal-

moscopique ne fait découvrir rien de particulier ni dans la

papille, ni dans la rétine.. ' ". -

Odorat. La perte de l'odorat paraît complète à gauche. On

engage la malade à flairer de l'ammoniaque, après lui avoir

fermé la narine droite. Au premier moment, elle semble légè-

rement surprise, puis elle reste sans rien manifester sur son

visage, mais elle n'aspire pas bien vivement le gaz qui s'é-

chappe du flacon. Elle affirme n'avoir absolument rien senti.

On peut dire, il est vrai, que nous avons plutôt agi, par ce

moyen, sur la sensibilité générale que sur la sensibilité spé-

ciale.. ...'

. Goût. Il est aboli sur toute la moitié gaucho de la langue, à

la base aussi bien qu'à la pointe, à la face dorsale comme à

la face inférieure et sur le bord. L'examen de ces diverses

parties a été fait avec du sulfate de quinine et avec du vinai-

gre ; il démontre que la salivation parait bien plus considéra-

ble quand on excite le côté gauche de la langue. ,

Ouïe. Elle est obtuse à gauche.

Appareil digestif. L'appétit est médiocre. La malade est su-

jette, bien que rarement, il des vomissements. Elle n'a plus

eu, du reste, d'hématémèses depuis le commencement de

l'année. La déglutition est Li peine gênée : souvent elle provo-

que la toux ; les liquides surtout sont avalés avec peine.

Etch... a souvent le ventre ballonné et se plaint toujours d'une

constipation opiniâtre.

Fonction urinaire. La paralysie de la vessie n'a pas dis-

paru. Il n'existe plus de besoin : la malade se sonde quand

elle suppose que sa vessie est pleine. Le cathétérisme est

fort douloureux surtout quand, ce qui est fréquent, les uri-

nes sont rares et chargées ; elles sont, de plus, rouges et trou-

bles par moments et d'autrefois blanchâtres, comme savon-

neuses. L'acide nitrique y précipite des sels que la chaleur

redis sou 1.. Il n'y a pas d'albumine. Ajoutons qu'au début de

la maladie, Etch... aurait eu des hématuries ( ? ) -1 z

. Appareil respiratoire. Oppression nerveuse : quelquefois I

toux sèche. Rien à l'auscultation. t

Appareil circulatoire. Quoique des palpitations inquiètent t

IIÎ sTÉRO-1.PILEPSIE. 15-1 Î

la malade, les pouls est calme, régulier et ne présente rien

d'anormal. L'auscultation du coeur révèle des bruits normaux

sans souffle, un peu éclatants... '

Fonctions utérines. Les règles sont fort irrégulières : depuis

qu'Etch... est entrée à Necker, le flux menstruel n'a paru

qu'une seule fois, la semaine dernière et n'a eu qu'une durée

éphémère. L'hypogastre est douloureux; les ovaires,, le

droit surtout, sous le siège d'une tuméfaction manifeste ( ? ).

Sensibilité et contractilité faradiques. Tous les muscles réa-

gissent sous l'influence des courants interrompus. La malade

parait insensible à cette exploration; mais quand on veut em-

ployer le même moyen pour constater l'état des muscles ab-

dominaux, elle s'y refuse obstinément, soit par peur (son

ventre étant en réalité fort douloureux), soit parce que cette

exploration ne lui est pas aussi indifférente qu'elle voudrait

le faire croire ( ? ). .

1§ juin. Description d'une attaque. La malade est dans le

décubitus dorsal, les yeux sont ouverts et fixes, les pupilles

sont moyennement dilatées. L'insensibilité est générale. Sou-

levé, le bras droit - qui n'est ni contracturé, ni paralysé,

retombe comme une masse inerte ; le pincement ne produit

aucun signe de douleur, aucun mouvement réflexe ; de temps

à autre, il est animé de quelques mouvements convulsifs. La

face est aussi le siège de convulsions. Les yeux sont fixes,

sans aucune déviation, les pupilles se contractent un peu

sous l'influence de la lumière, -mais restent pourtant moins

resserrées qu'à l'état normal. - La respiration est faible

et si peu marquée, qu'on ne peut compter le nombre des ins-

pirations ; les mouvements sont en outre fort irréguliers; par-

fois, respiration bruyante et profonde. La malade a moussé

peu après le début de son attaque. P. 96 ; T. A. 38°.

7 août. La malade a eu une nouvelle attaque. Son état est,

aujourd'hui, le suivant : La douleur abdominale s'est exas-

pérée, au point de devenir insupportable; le ventre est tendu,

ballonné. La malade se dit plus faible, plus « nerveuse » que

de coutume : en effet, sous l'influence de l'émotion que lui

cause notre examen, son visage passe en quelques instants de

la pâleur livide à la plus vive rougeur, la moindre pression a

le même effet sur les téguments.

La sensibilité est toujours absolument nulle à gauche ; mais

adroite, on note une analgésie complète du membre inférieur

droit. Tout le côté correspondant estle siège de fourmillements

et d'une sensation de froid persistante. Les muqueuses sont

devenues tout-à-fait insensibles : cornée, conjonctive, etc.

La motilité elle-même est sérieusement compromise dans le

côté droit : la main ne serre plus avec énergie. La jambe est

158 HYSTÉRO-I.PILEPSIE.

raidc, dit la malade, et le pied ne peut plus se mettre dans

l'extension. A gauche, la flaccidité du membre supérieur et la

rigidité du membre inférieur sont les mêmes qu'auparavant.

- La vessie est toujours absolument paralysée et l'urèthre

très-douloureux. - La constipation est encore plus pronon-

cée. De plus, il est survenu une dysphagie avec menace de

suffocation, pendant l'ingestion des aliments, et quelques vo-

missements. La circulation, indépendamment des congestions

passagères, succédant à une ischémie habituelle des tégu-

ments, parait troublée dans certains points. Ainsi, la tempé-

rature de la paume de la main est à 34.0,8 à gauche et à 31 : : i°,2 a à

droite. - Les règles sont venues la semaine dernière et ont

été suivies d'une hémorrhagie inquiétante, qui a duré sept

jours. La céphalalgie est continuelle.

La fonction visuelle a été étudiée minutieusement par

M. Galezowski. Voici les faits qu'il a constatés :

« 1 ° Examen des couleurs, a) OEil gauche. Il distingue à peine

et dans certaines positions seulement, en noir, la couleur

rouge carmin et le bleu de Prusse (de l'échelle nO) 0 de M. Ga-

lezowski). Toutes les autres nuances paraissent en blanc.

b) OEil droit. Il distinguo le bleu ; Foranger lui parait un peu

rougeâtre, le rouge carmin est vu en noir. Toutes les autres

couleurs paraissent blanches. Le jaune vague (de l'échelle

no 15) semble gris et toutes les autres couleurs noires.

« 2° Champ visuel, a) Hémiopie droite de l'oeil gauche, par

une ligne médiane parfaitement verticale. - b) Le champ vi-

suel de l'oeil droit est limité, sur le côté externe, à une dis-

tance de 30 centimètres de la première ligne et sa ligne de

démarcation est aussi une ligne verticale.

» 3" Examen oplttltal1lloscopique. a) OEil gauche. La papille

gauche est plus rouge que la droite ; de là, un peu moins de

netteté de son contour. Cette rougeur est due à la réplétion

des capillaires; les gros vaisseaux sont parfaitement nor-

maux. Cette altération, ainsi que les troubles fonctionnels de

la vue, s'est certainement produite depuis le dernier examen.

- b) OEil droit. La papille et le fond de l'oeil sont identique-

ment dans le même état que lors de la première inspection.

En résumé, troubles fonctionnels du côté droit, survenus à la

suite de désordres existant du côté gauche et suivant la même

marche que ceux-ci, dans leur invasion. Quant à ce que nous

avons cru être de la polyopie, à notre premier examen, le

trouble observé, coïncidant, du reste, avec une diminution

énorme de l'acuité de la vision, consiste en ce qu'un objet

placé à une petite distance devant l'oeil gauche parait mul-

tiple ; les images ainsi vues sont troubles, confuses, et ne

HYSTÉRO-ÉPILEPSIE . 1 59

disparaissent pas lorsqu'on met un verre biconcave devant

l'oeil. Au contraire, l'objet éloigné parait unique, mais telle-

ment confus qu'il est presque impossible de déterminer sa

forme. »

2 septembre. Le malade a eu, le 1 cr septembre, une nouvelle

attaque, avec perte complète de connaissance pendant plu-

sieurs heures. Elle s'est accompagnée de vomissements. Les

convulsions ont été identiques à celles que nous avons signa-

lées précédemment. Les membres du côté droit ont pris part

à ces accidents d'une manière toute particulière et sont restés

inertes pendant plusieurs semaines. -

III.

Début des contractures permanentes.

1870. 12 janvier (1). Etch.... ne s'est pas levée depuis sa

crise du 1er septembre, à la suite de laquelle la paralysie s'est

étendue aux membres du côté droit. Aujourd'hui, la contrac-

tilité volontaire a reparu de ce côté et, bien que le malade ac-

cuse encore quelque faiblesse, le bras et la jambe ont récu-

péré, au moins en partie, leurs fonctions.

Le bras gauche est absolument inerte et la jambe corres-

pondante offre toujours un exemple frappant de contracture

dans l'extension. Lorsqu'on applique la main sur la plante du

pied, préalablement fléchi, et qu'on soulève le membre infé-

rieur en exerçant une certaine pression sur le pied, on voit

au bout d'un instant tout le membre entrer en convulsion et

s'agiter avec violence. Si on l'abandonne alors, il retombe lour-

dement sur le lit. Quelques légères contractions se manifes-

tent encore, tout en diminuant jusqu'à ce que le phénomène

ne se traduise plus que par quelques contractions fibrillaires

qui disparaissent bientôt.

La sensibilité, toujours complètement abolie du côté gauche,

parait légèrement diminuée à droite. La ligne de démarcation

de la sensibilité est un peu reculée à droite, ce qui n'a rien

d'étonnant, puisque nous notons une légère diminution dans

l'intensité des impressions à droite.

Les sens sont dans le même état que lors des examens pré-

cédents. - Les digestions se font bien; aussi l'état général

est-il meilleur. La dysphagie, considérable il y a quelques

mois, est aujourd'hui beaucoup moins intense. - Ni hémop-

tysies, ni suffocations. -La vessie est toujours complètement 1

(1) En 187U, les notes ont été prises par M. Hélot.

160 IITSTRO-PILEPSi. -

paralysée ; la malade est continuellement obligée de se son-

der ; les douleurs, toujours vives, qu'elle éprouve dans le bas-

ventre, lui en imposant et lui faisant croire à la plénitude de

sa vessie. '

7 mars. Le membre supérieur gauche est dans un état de flac-

cidité absolue ; les doigts sont légèrement fléchis. Les mus-

cles se contractent aussi bien que ceux du côté droit, mais la

faradisation'ne produit aucune sensation. Le membre infé-

rieur gauche est dans la rigidité la plus complète. La contrac-

tilité électrique est conservée ; par contre, la sensibilité élec-

trique parait éteinte, excepté dans une région qui semble cor-

Fig. 6.

ISCHURIE. 9 G 1

respondre à la partie supérieure du tibia. Sous l'influence de

la faradisation, il se produit au voisinage de la région où la

sensibilité électrique est la plus vive, une éruption semblable

à celle de l'urticaire. Rachialgie augmentée par la pression

sur les apophyses épineuses. La sensibilité électrique, nulle

sur la moitié gauche du corps, est parfaitement conservée à

droite.

21 mars. La malade a eu hier une attaque très-intense. De-

puis lors, le membre supérieur gauche qui, jusque-là, était flas-

que, est devenu contracture. (Fig. 6).

\6mai. La contracture persiste dans les membres du côté

gauche. L'avant-bras est fléchi sur le bras, le poignet sur

l'avant-bras, et les doigts sur la paume de la main. Les tenta-

tives pour l'étendre produisent une trémulation convulsive.

- Le membre inférieur est très-rigide, dans l'extension ; le

pied est en varus équin très-accusé. On y observe les mêmes

phénomènes qu'au bras lorsqu'on veut le fléchir.

13 juillet. Ce matin, vers neuf heures, Etch... s'est mise à

chanter et, quelque temps après, on a remarqué des convul-

sions dans les muscles de la face, avec traction de la bouche

vers la gauche. Ces accès s'accompagnent de rougeurs de la

face, d'un léger accroissement de la contracture du membre

du côté gauche, sans convulsions proprement dites. Ils sont ,

précédés par un cri et se terminent par de l'écume à la bouche. ,

T. R. : ! 8°. Cette série d'accès a duré jusqu'à quatre heures du `

soir. Le lendemain, la malade était revenue à sa condition ha-

bituelle.. .

IV.

]scll1wie,

1871. Mars. Etch... a été prise le 10 mars de nouvelles at-

taques, semblables à celles que nous avons déjà décrites. De-

puis plusieurs jours, elle se plaignait de fourmillements et de

douleurs dans le membre supérieur droit. Pendant cette série

d'attaques qui a duré trois jours, on a noté une paralysie ab-

solue avec flaccidité du bras et de la jambe du côté droit. De

temps en temps, la cuisse correspondante est le siège de spas-

mes spontanés. On est toujours obligé de sonder la malade.

17 avril. La contracture des membres du côté gauche et la

paralysie avec flaccidité des membres du côté droit persistent,

Depuis plusieurs jours, on n'obtient, par le cathétérisme.

qn'une très-faible quantité d'urine (à peine 30 grammes en

24 heures).

19 avril. Après avoir été le siège de quelques douleurs, le

1301 R\E VItLfi. 11

162 Ii1 STi : RO-EPILN.PSI1;.

membre supérieur droit est devenu rigide ; le bras est allongé

le long du thorax, l'avant-bras légèrement fléchi, le poignet

et les doigts dans la flexion. - La flexion des doigts a aug-

menté progressivement et est devenue complète le 23 avril.

Les membres inférieurs sont contractures et dans l'extension.

- Urines rares.

25 avril. Attaque qui ne modifie en rien l'état des membres.

C'est à partir de cette date que les accidents d'ischurie s'accen-

tuent et qu'ils sont suivis avec soin.

29 avril. On retire 100 gr. d'urine, tandis qu'on n'avait rien

extrait durant les quatre jours précédents. Jamais le lit n'est

mouillé. L'introduction de la sonde est très-douloureuse, ainsi

que son extraction. L'instrument est comme pincé.

1 CI' juin. La malade a souvent, depuis quelque temps, des

vomissements alimentaires. En huit jours, elle n'a rendu que

300 gr. d'urine. Elle ne va à la garde-robe qu'après purgation.

5 juillet. L'anurie est la même. Il est certain que la malade

n'urine pas ou urine à peine. Elle vomit chaque fois qu'elle

boit ou ingère quelques aliments. Les matières vomies sont

composées d'un liquide jaunâtre et d'aliments. - Le 30 juin,

15 gr. d'urine; le 2 et le 4 juillet, 11 gr.; les autres jours.

rien.

6 juillet. 3 gr. d'urine. Le ventre n'est pas ballonné. La pres-

sion au niveau de l'hypogastre et des régions ovariennes est

douloureuse. P. 100 T. lt. : 37, ?

28 aoilt. Persistance de la contracture dans les membres su-

périeurs et inférieurs. Hyperesthésie ovarienne très-mat, tuée

à gauche, modérée à droite. L'ischurie continue.

2.') septembre. Pour la première fois, on relire, en la sondant,

des urines mélangées de sang.

10 octobre. Chloroformisation sous l'influence de laquelle on

remarque une résolution complète du membre supérieur droit

et incomplète du membre supérieur gauche. Les deux mem-

bres inférieurs ne sont pas tout-à-fait dans la résolution.

12 octobre. Hier, en raison des modifications de la contrac-

ture, M. Charcot a fait appliquer à la malade un bandage, afin

de prévenir toute fraude. Ce matin, il est un peu mouillé. Les

vomissements sont les mêmes. - Les membres inférieurs sont

redevenus rigides; la contracture ne change pas sous l'in-

fluence du sommeil : on s'en est assuré au moment où elle

ronflait. Actuellement, elle est capable de mouvoir un peu son

bras droit; mais, malgré ses efforts, elle est impuissante à sai-

sir son crachoir. - Elle écarte légèrement la jambe et la cuisse

droites ; c'est la malade elle-même qui attire l'attention sur ,

cette amélioration. Le maillot est laissé en place et on exerce

la surveillance la plus active.

ISCHURIE. 163

13 octobre. Dans la soirée d'hier, Etch... a uriné et mouillé

son bandage. Ce matin, les draps étaient abondamment

mouillés. Elle n'a pas vomi aujourd'hui. Elle peut mouvoir le

bras droit et montre que, à la rigueur, elle toucherait son

siège ; mais elle est encore incapable de porter un vase à sa

bouche. - Le membre inférieur droit a récupéré quelques

mouvements.

16 6 octobre. La malade urine spontanément. Elle meut tant

bien que mal le bras droit. M. Charcot lui fait faire l'exercice

de porter un bassin sous ses fesses, - ce qu'elle exécute

d'une manière incomplète, - puis à sa bouche, - ce qu'elle

ne peut accomplir, - et, certainement, dans ses efforts, elle

renverserait le liquide dans le lit (1).

17 octobre. Etch... a été purgée hier ;'elle a eu de nombreuses

garde-robes toute la journée. Cette nuit elle a encore vomi

un peu.

z19 octobre. Depuis deux jours, Etch... est très-somnolente.

Elle a un embarras de la parole tel qu'on ne la comprend pas.

Ce sommeil est exceptionnel, sans relation avec ses attaques

qui sont, au contraire, annoncées par de l'excitation, des

chants, des cris : « Oh ! mon coeur 1 mon coeur ! » - Rien de

nouveau, quant à la paralysie et aux urines.

20 octobre. La somnolence a persisté. Interpellée vivement,

Etch... se réveille, regarde d'un air hébété et se rendort pres-

que aussitôt. Si on la sollicite de parler, elle répond par un'

grognement. L'ovaire gauche est toujours très-douloureux.

- Urines involontaires ; pas de vomissements.

21 octobre. On a sondé la malade heure par heure pour con-

naitre la quantité d'urine, et on a remarqué que, jusqu'à

quatre heures du soir, elle ne se plaignait pas de l'introduc-

tion de la sonde, contrairement à ce qui a lieu d'ordinaire ; à

partir de quatre heures, le cathétérisme est devenu doulou-

reux. L'assoupissement est le même.

Il octobre. Etch... est réveillée et parle un peu. Le membre

supérieur droit est dans la même position ; de plus, on y

observe une sorte de trémulation choréiforme quand la ma-

lade s'en sert. - Apparition des règles.

25 octobre. On cesse de recueillir les urines. Les règles con-

tinuent. -Persistance de la trémulation choréiforme dans le

bras droit, ou mieux dans l'avant-bras, car les mouvements

de l'épaule sont pour ainsi dire nuls.

(l) Ces épreuves sont nécessaires chez les malades de ce genre. On se

rappelle sans doute que M. Charcot, dans sa leçon sur l'ischurie hysté-

rique, a cité des exemples d'hystériques, -supposées atteintes d'ischurie, -

qui buvaient leurs urines, etc.

in HYSTLlRO-ÉPILEPSIE.

4 novembre. Le membre supérieur gauche commence à se

contracturer de nouveau, mais d'une façon intermittente.

20 novembre. Etch... se plaint, depuis plusieurs jours, de

souffrances vives dans le membre supérieur droit qui est dé-

cidément contracturé d'une manière permanente. Ces douleurs

« rongeantes occupent les articulations du poignet, du coude

et de l'épaule, et ne s'accompagnent pas du moindre gontle-

ment. - Douleur à la nuque, entre les deux oreilles. - Elle

a eu hier soir, à huitheures, une grande attaque qui a duré envi-

ron un quart d'heure et a été suivie de ronflement et d'écume.

La perte de connaissance aurait été complète. - Ce matin, la

malade conserve un certain degré d'hébétude et de l'embarras

de la parole, phénomènes habituels après ses attaques. - In-

continence d'urine ; pourtant, par la cathétérisme, qui n'esi

pas douloureux, on retire une certaine quantité d'urine.

8 décembre. Augmentation des douleurs de la région ova-

rienne gauche. Le ventre est ballonné. Nausées. La malade

n'a pas uriné depuis minuit; par la sonde, on n'extrait qu'une

petite quantité d'urine. - Le soir, attaque convulsive qui a

débuté par une grande agitation (E... s'est jetée à bas de son

lit) et qui s'est accompagnée de convulsions et môme de

mouvements du bassin. A la fin de l'attaque, écume -et ron-

flement, puis sommeil stertoreux.

9 décembre. Depuis l'attaque d'hier, la malade se sert de la

main droite et. mange. Le membre inférieur droit est libre.

Le membre inférieur gauche qui, jusqu'ici, était contracture,

est devenu en grande partie ilasque, tout en demeurant pa-

ralysé. Il ne reste donc plus qu'une contracture du membre

supérieur gauche. - Le vaste externe du côté gauche, ponc-

tionné à l'aide du trocart de Duchenne (de Boulogne), a donné

des fibres musculaires parfaitement saines.

14 décembre. Le membre supérieur gauche est redevenu le

siége de douleurs qui vont de l'épaule au coude. - La malade

remue le bras droit ; dans les mouvements, on note encore

l'agitation choréiforme déjà signalée et qui se remarque aussi

dans la jambe correspondante. Le membre inférieur est flasque

et ne peut être soulevé.- Hémianesthésie à gauche.- Etch...

n'apas uriné depuis hier; il s'écoule par la sonde 500 gr.d'urine.

1872 (1). 23 janvier. Le membre inférieur gauche est repris

de rigidité. - Exaspération de la douleur ovarienne gauche.

- La malade est, obligée de se sonder depuis plusieurs jours.

(1) Les notes qui ont servi à notre rédaction ont été recueil,ies, en l7-2,

par notre ami M. Gombault.

ISCHURIE. 165

- Les urines deviennent de moins en moins abondantes.

24 janvier : 80 centilitres. - 25 janvier : 60 centilitres.

19 février. Attaque de dix heures du soir à minuit. Ce ma-

tin, on note : rigidité de la jambe droite et du poignet droit

(la contracture n'a pas changé à gauche) ; ballonnement du

ventre; hyperesthésie ovarienne gauche très-intense, spontanée

ou à la pression ; hémianesthésie gauche absolue ; léger em-

barras de la parole ; contracture des mâchoires qui s'oppose à

l'allongement de la langue.

2 mars. Les membres du côté droit sont libres. Analgésie

de la moitié droite du corps, avec conservation de la sensi-

bilité tactile. - Depuis quatre jours, les urines sont beaucoup

plus abondantes.

J mars. Le membre supérieur droit est agité, dans les

mouvements, d'un tremblement qui disparait pendant le repos.

Il est impossible à la malade de porter à sa bouche un verre

rempli d'eau sans en renverser. Pour boire, elle appuie ordi-

nairement son coude sur le lit et c'est sa bouche qui va cher-

cher le verre. Malgré l'occlusion des paupières, la malade

continue à tenir son verre. Du reste, la sensibilité tactile

n'est pas abolie tout-à-fait à la main. Les yeux étant fermés,

on constate que la malade n'a pas la notion de position de son

avant-bras et de sa main. Elle parvient à s'en rendre compte

dans une certaine mesure en faisant exécuter des mouvements

à son épaule, qui semble moins anesthésiée. Lorsqu'on se

contente de fléchir le coude, la malade ne parait pas se douter

du mouvement qui se produit ; mais, dès qu'on soulève le bras

et que l'articulation de l'épaule entre en jeu, elle sent le

mouvement. - Si on place un objet entre les doigts, elle sait

qu'elle tient quelque chose mais prétend ne pouvoir apprécier

ni la forme, ni la consistance, ni la température. -Lorsqu'on

l'engage à placer l'index sur son nez, elle le porte brusquement

à la figure dont il atteint un point quelconque. Alors, en s'ai-

dant des autres doigts, la malade finit par toucher le but. -

, Depuis hier, elle urine moins. Les douleurs lombaires, ap-

parues au commencement de mars, ont cessé. - Les autres

symptômes n'ont pas changé.

° 9 mars. Examen olhthaUnoscopique par M. G ulezowski. Des

deux côtés, la papille est normale et la rétine fortement pig-

mentée. OEil gauche : le bleu indigo parait noir; le jaune,

marron ; l'orangé, vert; le bleu clair, noir; le vert, couleur

de cendre. Diminution concentrique du champ visuel externe

` qui est aboli jusqu'à la distance de 15 cent.; l'interne et le

supérieur jusqu'à 10 cent.; l'inférieur n'a pas diminué.

14 mars. La face et le cou sont parsemés de taches rouges,

je phénomène assez commun et se montrant par accès. Il est

1 (j(j It1'S'l't7RO-ÉPILLPSIP : .

impossible à la malade de tirer la langue soit directement, soit

à droite; elle sort toujours à gauche. - Elle ne peut ouvrir la

bouche de plus de deux centimètres; de là, l'embarras de la

parole et la difficulté de la mastication. - Hier, les urines ont

été supprimées.

18 mars. Nausées puis vomissements.

19 mai,s. A sept heures du soir, Etch... est prise d'une atta-

que subitement, sans cri initial. Après une courte période té-

tanique, suivie de ronflements, elle s'est jetée à bas de son

lit. Dès qu'elle a été recouchée, son corps s'est recourbé vers

le côté gauche, puis elle s'est débattue ; quatre ou cinq per-

sonnes sont nécessaires pour la maintenir. Les membres du

côté droit, seuls, exécutent des mouvements violents d'exten-

tion ou de flexion qu'on ne parvient pas il vaincre; ceux du

côté gauche sont à peu près immobiles. Le membre supérieur

gauche est toujours fixé dans la même position ; quelquefois,

cependant, la main s'élève vers l'épaule; la jambe exécute à

peine de légers mouvements de totalité ou de flexion.

Après un court repos, survient une seconde attaque. Elle

se décompose, pour ainsi dire, en une série de crises succes-

sives. La malade reste durant quelques instants couchée sur

le dos, les paupières abaissées ou relevées, le regard indifférent,

ou ayant une expression terrible; la respiration stertoreuse ou

tout-à-fait silencieuse. Ensuite, elle sort brusquement de cet

état : elle pousse un cri perçant, s'asseoit sur son lit et retombe;

les muscles de la moitié gauche de la face se convulsent, la com-

missure labiale est fortement tirée en haut, la bouche s'ouvre,

la langue sort; la face, congestionnée, se tourne à gauche, les

yeux se dirigent en haut et à gauche, la rigidité est générale.

- A cette période en succède une autre, caractérisée surtout

par des convulsions cloniques : la jambe et le bras du côté

droit exécutent des mouvements violents ; le bassin est projeté

en avant; par moments, la malade mord ce qui se trouve à sa

portée, ses draps, par exemple, ou cherche à griffer avec sa

main droite. - Alors, apparaît un nouvel intervalle de calme,

etc. - Pas d'écume. P. 120; T. R. 38",7.

A neuf heures, l'attaque continuant encore, on administre le

chloroforme en très-petite quantité. L'état convulsif cesse

presque aussitôt; la connaissance revient, la malade répond

aux questions, bien que son exaltation soit grande. Elle ac-

cuse des douleurs dans le ventre, prétend ne pas voir du tout ('1).

(1) Il s'agit ici, do même que chez Ler... (pages 122 et 1 iG), d'une aman-

rose. Transitoire chez Etch... et Ler..., l'amaurose hystérique, à l'instar

des contractures, des paralysies, etc., peut être permanente. Mais qu'elle ait

une durée longue ou éphémère, l'amaurose hystérique guérit souvent d'une

ISCHURIE. 167

Parfois, elle s'arrête au milieu d'une phrase : les yeux sont

largement ouverts, fixes ; elle semble ne pas entendre. Ces

sortes d'absences se répètent assez souvent et se compliquent :

1° de mouvements des lèvres et des muscles peaucier et bucci-

nateur gauches; 2° de bruits pharyngiens; 3° de petites

secousses dans les membres du côté droit.

A d'autres moments, l'embarras de la parole est dû à une

espèce d'inertie de la langue qui ne fonctionne plus. La dé-

glutition, elle aussi, est très-gênée, accompagnée de toux; les

mâchoires, contracturées, ne s'écartent que d'un ou deux cen-

timètres. Etc.. dit avoir une sensation de constriction à la

gorge qui l'empêche d'avaler sa salive.

Les deux régions ovariennes sont douloureuses; le ventre est

médiocrement ballonné. Les membres du côté gauche sont

daus la même situation qu'avant l'attaque (contracture).

Le bras droit est rigide, accolé au tronc ; Lavant-bras légère-

ment fléchi en pronation; la main et les doigts sont dans la

flexion forcée. Le membre inférieur droit est rigide dans l'ex-

tension.

21 mars. Il n'y a pas eu de nouvelle attaque. Le bras et la

jambe du côté droit sont redevenus libres.

9 avril. Depuis hier, agitation extrême, engourdissements

et tremblement dans le membre supérieur droit; augmenta-

tion de l'hyperesthésie ovarienne droite ; bourdonnements

dans l'oreille du même côté.

11 avril. Embarras de la parole, gène notable des mouve-

ments de la langue, qui sort seulement par la commissure

labiale gauche. - Sensation perpétuelle du besoin d'uriner.

Par la sonde, on ne retire que quelques gouttes d'urine. L'ap-

pétit est presque nul : les vomissements n'ont pas cessé. La

malade éprouve des douleurs abdominales qui la font crier.

Le toucher vaginal fait constater que l'utérus est en antéver-

sion ; le col, tout-à-fait en arrière, est difficile à atteindre.

16 mai. Une attaque, survenue cette nuit, a laissé après

elle du trismus et une aphonie complète. Quand on est par-

venu à introduire, par les intervalles qui existent entre les

dents, une petite quantité de liquide dans la bouche, la ma-

lade fait signe qu'elle ne peut avaler. Par instants, le bras

droit se contracture. Les urines, aujourd'hui, ont été plus

abondantes que de coutume.

17 mai. Etch ? n'a pu prendre la moindre nourriture. Pas

façon subite : c'est ce que nous avons observé chez nos deux malades. Les

miracles de Lourdes relatifs à la guérison d'accidents de ce genre n'ont rien

de plus surnaturel. (Pour plus de détails, lire le mémoire de M. P. Diday :

Examen médical des miracles de Lourdes, 1873.)

168 HYSTÉRO-ÉPILEPSIE.

de vomissements; urines relativement abondantes. L'épaule

droite est douloureuse. Les mouvements du bras correspon-

dant sont tremblants.

18 mai. Le trismus, la contracture des mâchoires, l'aphonie

et la dysphagie sont les mêmes. La malade, par signes, fait

comprendre qu'elle a tout le côté droit de la tête serré comme

dans un étau. Analgésie de la main droite.

23 mai. Aucune amélioration. Afin de remédier, s'il y a

lieu, à la dysphagie occasionnée par la contracture. M. Char-

cot fait administrer le chloroforme. Après une période d'exci-

tation assez courte, on obtient la résolution des membres du

côté droit (non paralysé) : puis, l'inhalation étant continuée,

on voit cesser la contracture de la jambe gauche et diminuer

celle du bras gauche. Alors, la bouche se laisse entrouvrir,

mais avec peine. Au sur et à mesure que l'anesthésie chloro-

formique a diminué, on a vu se reproduire la rigidité : les

doigts se sont fléchis de nouveau, ensuite l'avant-bras; enfin,

la jambe gauche s'est contracturée tout d'un coup.

Soir. La malade parvient, avec difficulté, à faire entendre

quelques sons assez mal articulés. - Elle a pu avaler un peu

de bouillie; consécutivement, elle a eu des nausées et a vomi

des glaires.Elle se plaint : 1° d'une vive douleur au niveau de

la partie supérieure des deux masséters, surtout à droite et à

la région occipitale; - 20 d'un sentiment de constriction pha-

ryngienne. Le trismus, moins prononcé, permet un léger

écartement des mâchoires.

25 mai. La contracture des mâchoires a diminué. La

malade a pu manger un peu de viande et n'a pas vomi.

26 mai. Elle commence à parler, mais à voix basse.

2 juin. La malade mange, quoique médiocrement, sans vo-

mir. La sécrétion urinaire est toujours très-faible. Etc.. dit, à

voix basse, ressentir, dans tout le côté droit du corps, des

douleurs qui passent rapidement et qu'elle compare à une

multitude de coups d'épingle; jamais encore, elles n'auraient

revêtu ce caractère.

12 juin, Sans qu'il soit survenu aucun phénomène particu-

lier, on a retiré par la sonde près de 2 litres d'urine. - Dès le

lendemain, la quantité d'urine retombe à 110 grammes, puis

à 95 grammes et oscille de 42 grammes (chiffre minimum) a

169 grammes (chiffre maximum) jusqu'au 30 juin. - A partir

du 13, le trismus a diminué.

'1 CI' juillet La malade parvient à écarter les mâchoires l'une

de l'autre d'environ 3 centimètres, mais il ne lui est possible

de parler qu'à voix basse, et, au bout de peu de temps, elle

éprouve une sensation de fatigue, de gène, d'abord à la région

sternale, puis à la région laryngée où la pression est un peu

dysphagie; ISCHURIE

douloureuse. Etch... déclare tout spontanément qu'elle sent

au niveau du larynx quelque chose de raide (contracture des

muscles). A la main, le genou et la cuisse gauches - côté

contracture - paraissent plus froids que les parties corres-

pondantes du côté droit. Les mollets sont également chauds

et les pieds également frais et moites. Pas de différence bien

appréciable entre les membres supérieurs. La température

prise au-dessus du genou, à la face interne de la cuisse, avec

le même instrument laissé à demeure pendant le même temps

(20 minutes), est à 35o,6 des deux côtés. Lorsqu'on essaie

d'allonger les doigts de la main gauche, la malade assure avoir

dans l'avant-bras et dans le bras une sensation qu'elle com-

pare à une gouttelette d'eau qui remonterait au milieu du

membre, puis une douleur à la région précordiale et des bat-

tements de coeur. En effet, le pouls, qui était à 84, s'est élevé à

112 après la tentative d'extension. Etch... aurait, en outre,

une sensation de saisissement, d'oppression et, enfin, de sé-

cheresse de la bouche. - La sensibilité électro-musculaire a

disparu. Lorsque les rhéophores sont appliqués sur les mus-

cles, les courants continus donnent peu de contraction. Les

contractions sont, au contraire, très-manifestes et très-faciles

à obtenir en plaçant les rhéophores sur le trajet des nerfs

musculaires. Le courant ascendant donne des contractionsun

peu plus énergiques que le courant descendant, mais la diffé-

rence est très-minime.

Septembre. On électrise les muscles de la face et de la région

antérieure du cou. En octobre, les mâchoires s'écartent davant

tage. La malade parle encore bas; mais, en novembre, elle re-

couvre la voix haute. La contracture persiste dans les membres

du côté gauche. - ?

1873. Dans le courant de l'année, la contracture du membre

inférieur gauche s'amende au point que la malade est capable

de se promener dans la cour de l'infirmerie, en trainant la

jambe et en s'aidant d'une canne. - Les digestions sont

mauvaises ; plusieurs fois par mois, elle a des vomissements;

ceux-ci deviennent plus fréquents dans les cinq derniers

mois, sans être cependant quotidiens ; ils augmentent quand

la sécrétion urinaire, qui est toujours très-faible, descend à

des chiffres insignifiants, 15, 10, 7 grammes en vingt-quatre

heures.

170 I-I15'l'ÉRO-ÉPI1EP91L.

1.

Ischurie; dysphagie; alimentation par la sonde oesopllagicnne.

1874. Janvier. Douleurs dans les reins qui empêchent la

malade de se lever et de marcher. De temps à autre, accès d'é-

touffement .

Février-Juin. L'oppression se manifeste préférablement

après chaque repas. Etch... éprouve des douleurs en cein-

ture ( ? ), elle est obligée de s'asseoir ; sa figure prend une co-

loration d'un rouge pourpre. Sa nourriture se compose d'un

peu de lait, de vin ou de jus de viande. L'auscultation ne fait

constater rien d'anormal dans les poumons.

Juillet. L'oppression est il peu près continuelle. La difficulté

d'avaler des aliments liquides augmente ; quant à la dégluti-

tion des aliments solides, il y a longtemps qu'elle n'est plus

possible.

1er août. Elle venait de humer la moitié d'un oeuf quand

elle fut prise d'un accès d'oppression telle qu'elle se jeta à bas

de son lit : Elle croyait qu'elle allait étouffer. Ces accidents

ont duré une heure. L'intelligence fut simplement obnubilée.

A partir de cette crise, impossibilité d'avaler quoi que ce soit :

contracture des mâchoires, dysphagie.

2-11 août. Les accès d'étouffement reviennent tous les jours

et ont une grande intensité. - Douleurs constrictives à la

région épigastrique pour lesquelles on lui fait des injections

sous-cutanées de morphine. - Bains prolongés ; lavements

de bouillon et de lait qu'elle garde à peine quelques minutes.

- Application d'une vessie de glace sur la région ovarienne

gauche.

2j septembre. Sous l'influence du traitement, les accès (l't ?

touflement sont devenus moins violents et plus rares.

1 : 5 novembre. Parfois encore, légers accès d'oppression.

M. Charcot supprime la glace parce que la malade se plaint

que son poids la fatigue. - Sensations fréquentes de vertige.

- Soif vive, empêchant le sommeil. La malade humecte sa

bouche avec quelques gouttes de lait ou de vin.Même mode

d'alimentation.

7 décembre. Les tentatives faites jusqu'à ce jour pour intro-

duire la sonde oesophagienne par l'une des narines avaient

échoué. Aujourd'hui, nous parvenons à placer la sonde a l'aide

de laquelle on injecte du bouillon. - La sécrétion urinaire est

toujours très-diminuée ; quelquefois, durant trois, quatre ou

cinq jours, on ne retire rien par la sonde ou seulement quel-

ques gouttes d'urine. - Depuis le 1er août jusqu'au 7 sep-

CRISES NÉVRALGIQUES; ISCHURIE. 171 1

tembre, la malade n'a eu que deux garde-robes ; les matières

étaient très-dures, leur expulsion n'a pu s'effectuer qu'après

des efforts considérables et, la dernière fois, il s'est produit

une chute du rectum qui, d'ailleurs, a été réduite facilement.

- Etch... amaigri; sa vue a baissé (elle ne peut plus lire).

La mémoire a diminué, surtout en ce qui concerne les faits

récents. Ces différents phénomènes nous paraissent relever

de l'inanition. - De temps en temps, reparaissent des dou-

leurs constrictives à l'épigastre et des douleurs à la région

lombaire.

31 décembre. La malade a reçu quotidiennement, par la sonde

oesophagienne : 18 centilitres de bouillon, 30 de lait, 18 de vin,

250 grammes de café et 100 grammes de rhum. L'amaigrisse-

ment est de moins en moins prononcé. - Les vertiges sont

rares. Les grands accès d'étouffement ont disparu. - Quand

la sécrétion urinaire a été pendant un certain nombre de jours

peu abondante ou presque nulle, la malade rend, en un jour,

une certaine quantité d'urine. Ainsi, le 27 novembre, on re-

lire 300 gr.; puis, du 27 novembre au 10 décembre, la moyenne

a été de 100 gr. à peine. Le 12 décembre, 1 litre ? i. Du 12 au

31 décembre, la quantité d'urine a constamment été au-des-

sous'de .30 gr. (En moyenne, 40 gr.)

1875. 18 janvier. Hier, aussitôt après l'injection de son

déjeuner, Etch... a été prise d'un accès d'oppression, avec

cyanose de la face, et a demandé qu'on ouvrit la fenêtre.

Les accidents n'ont cessé qu'au bout de six heures. Depuis

lors, les douleurs lombaires, sternales, en ceinture, sont pres-

que continuelles et s'accompagnent de bouffées de chaleur a

la face, qui se couvre de sueurs. Croyant calmer ses souf-

frances, Etch... s'est découverte; mais, dès que le froid se

faisait sentir, les douleurs avaient plus d'acuité. .

26 janvier. Les accès d'oppression persistent. Depuis le 20,

ils débutent par une violente douleur dans le rectum; c'est,

dit la malade, comme si on introduisait de force quelque chose

de très-volumineux. Puis, elle a des tiraillements qui se pro-

pagent à la vulve, s'étendent bientôt à tout le bassin en pré-

dominant un peu en dedans de chacune des épines iliaques

- supérieures. Du bassin, les douleurs s'irradient vers

l'épigastre et remontent enfin derrière le cou. A ce moment,

apparaissent l'oppression, les bouffées de chaleur et la céphal-

algie : il s'agit là, sans doute, d'attaques hystéro-épileptiques

avortées.

28 janvier. Les douleurs rectales et celles qui occupent

l'excavation du bassin sont maintenant Et peu près continuelles

et arrachent souvent des cris à la malade. Les exacerbations

172 HYSTÉRO-ÉPILEPSIE.

ont toujours les mêmes caractères et surviennent plutôt lors-

que l'estomac est plein.

15 mai. Depuis le 20 janvier, les douleurs ovariennes gau-

ches, avec sensation de tiraillement, d'arrachement ou de

resserrement dans le rectum et le vagin, n'ont pas discontinué.

Elles sont plus marquées durant les périodes où les urines

sont très-diminuées. C'est surtout alors qu'elles s'irradient

vers les lombes et les flancs. Le moindre contact sur les ré-

gions douloureuses est insupportable. Quelques jours avant

les évacuations considérables d'urine, dont nous avons déjà

parlé, les douleurs redoublent. Ce redoublement a été plus

violent après la dernière crise. Les irradiations douloureuses,

quand elles sont exagérées, amènent des vomissements in-

coercibles. Quelques instants après l'introduction du déjeuner

par la sonde, les liquides reviennent par le nez sans que la

malade en ait conscience. Depuis deux semaines, elle vomit

tout ce qu'on lui fait prendre. Les douleurs, qui s'étaient

calmées le 12 et le 13, tout en restant permanentes, ont reparu

hier avec plus d'intensité que jamais. Les urines étaient sup-

primées depuis vingt-quatre heures. Ce matin, Etch... a senti,

par trois fois, son pied droit, ordinairement libre, se tourner

en dedans. Elle accuse des sensations très-singulières ; elle

sent comme un jet de vapeur dans les oreilles, elle voit des

éclairs devant l'oeil droit, elle a des bouffées de chaleur, elle

se plaint d'une sensation de roulement le long de la colonne

vertébrale, d'une pesanteur dans le bas-ventre qu'elle dis-

tingue d'une envie d'uriner. Ces sensations fugitives, dispa-

raissant pour revenir bientôt, ont été suivies de l'évacuation,

en une heure, de trois litres et demi d'urine.

Soir. Etch... a encore rendu par la sonde 800 gr. d'urine. La

crise (attaque avortée) a laissé un grand abattement et un

certain embarras de la parole.

16 mai. Abattement; clignotlement ; éclairs; embarras de la

parole.

17 mai. La contracture des mâchoires s'est aggravée. Les

mâchoires ne peuvent être écartées de plus d'un Centimètre.

- La langue n'est pas contracturée, elle est molle et exécute

même quelques mouvements; la malade parvient à la faire

avancer jusque sur les dents. - Les membres du côté gauche

sont toujours contracturés : ceux du côté droit sont libres.

'18 mai. La malade a eu hier une attaque : douleurs ova-

riennes des deux côtés, douleurs anales, irradiations à l'épi-

gastre, au coeur, au cou, et dans les deux tempes. L'aura,

toutefois, aurait été plus marquée à gauche; puis, cris, face

violacée, grimaçante; les yeux étaient tantôt fixes, tantôt dé-

viés à gauche ou à droite. On n'a pas observé de grandes se-

CONSTIPATION OPINIATRE; ISCHURIE. 1 i : 3 "3

cousses. Durant l'attaque, qui a duré trente minutes, l'avant-

bras droit, fléchi sur le bras, est allé s'appliquer dans le dos

et il est resté dans cette position pendant trois heures. On a

remarqué alors que la contracture des mâchoires était encore

plus prononcée (l'arcade dentaire inférieure est collée par-

dessus l'arcade dentaire supérieure) et que les membres du

côté droit étaient contractures.

Cematin, en raison delà contracture des mâchoires, la malade

ne peut plus parler et les quatremembressontcontracturés.

Comme toujours, le bras gauche est dans la demi flexion et la

jambe gauche dans l'extension. Quant aux membres du côté

droit, ils ont l'attitude suivante :

Membre supérieur. Le bras est accolé au tronc, l'avant-bras

fléchi à angle droit sur le bras, la main modérément fléchie,

les doigts dans la demi-flexion. - L'épaule et le coude sont

rigides; le poignet est raide; les doigts sont très-rigides.

Membre inférieur. Il est dans l'adduction forcée. La cuisse

est à demi-fléchie et collée sur la cuisse gauche qu'elle croise

par sa partie moyenne. La jambe est fortement fléchie et dis-

posée de telle sorte qu'elle fait un angle droit avec la cuisse

gauche. Le pied est en varus ; les orteils sont excessivement

fléchis. -Toutes les jointures sont très-rigides.

Tout le côté gauche est, comme auparavant, anesthésié. A

droite, l'insensibilité est également absolue sur le membre

inférieur droit et sur la moitié droite du tronc ; mais, au cou,

à la face et sur le bras droit, la sensibilité n'est pas tout-à-fait

abolie.

A droite, il y a enfin, au niveau de la région sacrée, de la

fesse et du membre inférieur, des douleurs spontanées, reve-

nant par accès de quart d'heure en quart d'heure environ ;

elles paraissent suivre le trajet du nerf sciatique. - Parfois

aussi, Etch... a des douleurs semblables sur le trajet du

plexus brachial (région claviculaire, bras, main). - Ces dou-

leurs sont rappelées ou exaspérées par les mouvements que

l'on cherche à imprimer aux membres pour constater le degré

de la rigidité.

19 mai. Les crises névralgiques reviennent approximative-

ment tous les trois quarts d'heure. - La contraction est la

même. La malade fait comprendre que sa langue est

arc-boutée à la voûte palatine , qu'elle souffre au niveau

des articulations temporo-maxillaires ; qu'elle ne voit presque

pas de l'oeil droit. En effet, elle ne distingue pas les objets

que l'on place devant cet oeil. - L'ancsthésie est com-

plète par tout le corps (pincement, transfixion, froid, cha-

touillement, etc.). - Relativement à la langue, on constate

qu'elle n'est pas dure. Ketch ? répond par signes ou par

1 Î -Il. II15TL;R0-I;PILGl'SIL.

une espèce de grognement. Elle vomit tout ce qu'on injecte

par la sonde. T. R. 38°, 1. - Injections sous-cutanées de ? Jt01'-

7tite.

20 mari. Les injections l'ont un peu soulagée. - Même état

de la face, des mâchoires, etc. Nulle trace de roideur du cou.

Céphalalgie. La contracture a diminué au membre supé-

rieur droit. Le coude est à peine roide; le poignet et les doigts

sont souples. La malade se sert de sa main et soulève, avec

effort il est vrai, le membre tout entier .-La rigidité est toujours

aussi intense aux membres inférieurs et au bras gauche.

L'insensibilité est aussi absolue, et la vision aussi altérée

qu'hier T. R. 38°, 3. - Soir. T. R. 38 degrés.

21 mai. Aucun changement. T. R. 38°, 6. - Injections sous-

cutanées de sulfate neutre d'atropine (0 gr. 05 pour eau 10

grammes). Soir. T. R. 38 degrés. Epistaxis. Les vomisse-

ments sont les mêmes; la sécrétion urinaire est toujours anor-

male. Etch.... n'a eu que deux selles depuis le 7 décembre

jusqu'à ce jour.

22 mai. Malin. La face est souvent congestionnée. La con-

tracture des mâchoires n'a pas subi de modifications. Il y a

encore des douleurs lancinantes dans les articulations des

mâchoires dont il est impossible de vaincre la contracture. La

langue, que l'on aperçoit par des intervalles des dents, est

assez souple; mais sa pointe s'applique contre la voûte pala-

tine. - L'introduction de la sonde s'opère sans difficulté. Les

vomissements par le nez et l'isclmrie persistent.

Le coude, le poignet, les doigts sont devenus à peu près

libres. Les mouvements sont assez étendus. L'épaule ne con-

serve qu'un peu de roideur. L'élévation complète du bras

n'est pas encore possible. Les douleurs lancinantes dans les

bras et le membre inférieur droits la font toujours souffrir ;

mais les injections d'atropine l'ont plus calmée que les injec-

tions de morphine.

Après l'injection d'atropine, à midi et demi, la malade a été

calme pendant quelque temps ; mais, dans l'après-midi, elle

a eu des douleurs dans la langue, comparables Ù celles des pi-

qûres d'épingle, des élancements dans la moitié droite du cou

et elle a été très-agitée. On a remarqué de fréquents change-

ments de coloration de la face, qui était tantôt très-pâle et tan-

tôt très-rouge.

GUÉRISON. 175

VI.

Guérison.

A six heures, on a pratiqué une seconde injection d'atropine

après laquelle la malade est redevenue calme jusqu'à sept

heures un quart. A ce moment s'est produit un accès de suJjb-

cation qui a été suivi de la disparition complète de tous les

symptômes hystériques permanents qui affectaient la malade

depuis si longtemps.

Etch... pousse subitement des cris étouffés; l'infirmière ac-

court et la trouve avec la face rouge, grimaçante, contorsion-

née, la tète fortement tournée à gauche, le menton touchant

pour ainsi dire l'épaule. Elle était en proie à une oppression

violente. Cet état durait depuis cinq minutes, quand la tor-

sion de la tète s'est encore exagérée. La malade, ainsi qu'elle

l'a raconté plus tard, s'est imaginé qu'elle allait étouffer. Sous

l'influence de cette sensation, elle s'est débattue de la tète, du

tronc et du bras droit redevenu à peu près libre depuis le ma-

tin, cherchant à écarter les personnes qui la maintenaient, et

montrant la fenêtre. Ce geste fit supposer qu'elle voulait se

précipiter dans la cour, opinion motivée sur les menaces

qu'elle faisait parfois, dans ses colères, de se jeter par la

fenêtre. Or, ce n'était pas là sa pensée, c'était de l'air qu'elle

voulait. Dans cette lutte, tout d'un coup, on s'aperçoit que la

jambe droite, qui, jusqu'alors, avait été fléchie, s'était allon-

gée. La contracture des mâchoires avait disparu complètement t

et la malade s'écriait : a Je veux descendre du lit ! je veux

marcher ! »

Bientôt on remarque que l'avant-bras gauche, qui était for-

tement fléchi, se met à angle droit sur le bras, puis qu'il s'al-

longe brusquement et à l'instar d'un ressort qui se détend.

Toute cette scène ne s'était point passée sans bruit : la sous-

surveillante, les infirmières de la salle voisine étaient accou-

rues. \ul danger, par conséquent, n'était plus à redouter : on

laissa la malade descendre de son lit. Quand elle fut debout,

on vit que la jambe gauche, elle aussi, avait recouvré ses mou-

vements. Personne n'a entendu de craquement dans les mem-

bres quand ils se sont décontracturés. Une fois par terre, la

malade se mit il marcher, en chancelant, comme les personnes

qui ne sentent pas la résistance du sol ; elle répétait sans

cesse : « Je veux marcher ! je veux marcher 1 Elle fit le tour

des lits voisins et s'assit. On lui présenta une tasse de lait

qu'elle but d'un seul trait. La figure avait repris progressive-

ment sa physionomie habituelle.

1';6 6 HYSTÉRO-ÉPILEPSIE

Un examen attentif montre que la marche n'est pas encore

tout à fait normale. La malade s'appuie facilement sur la jambe

gauche, mais elle la soulève avec difficulté, comme si elle était

d'un poids considérable : Elle doit être lancée tout d'un coup

pour ètre placée devant la jambe droite, dont les mouvements,

d'ailleurs, sont bien plus libres.

Tous les mouvements du bras gauche s'exécutent aisément,

et la malade serre à peu près ( ? ) également des deux côtés. Elle

se plaint de douleurs dans l'épaule gauche et d'une sensation

de froid dans la main correspondante. La sensibilité est reve-

nue, mais seulement en partie. Ainsi, les piqûres d'épingle ne

sont douloureuses que si elles sont profondes ; le chatouille-

ment de la plante des pieds ne produit aucun mouvement ré-

flexe, la sensibilité au contact est obtuse par tout le corps. La

sensibilité au froid semble avoir reparu ; elle serait même

exaltée dans la région dorso-lombaire gauche.

L'ouie, la vue, l'odorat sont aussi altérés que les jours précé-

dents. Rien non plus de changé pour le goût. On fait prendre

successivement à la malade du vin, du lait, du pain : elle ne

fait aucune différence. - La déglutition s'opère sans la moin-

dre difficulté. Etch... essaie d'uriner spontanément, sans y

parvenir. Par la sonde, elle retire 33 grammes d'urine (1).

23 mai. La nuit a été très-calme, quoique sans sommeil ;

d'après la malade, l'insomnic aurait été occasionnée par le

besoin incessant d'aller à la garde-robe qui l'a tourmentée.

A 8 heures, elle a pris du café au lait (2). Au moment de

la visite, elle est debout. Les membres du côté droit sont ani-

més d'un léger tremblement. La sensibilité parait un peu

plus obtuse à droite qu'à gauche.

Les sens spéciaux sont encore paralysés à droite et à

gauche.

z3 mai. Voici comment la malade décrit les symptômes de la

crise du 22 mai. Elle était couchée sur le côté gauche quand,

tout d'un coup, elle a senti une douleur intense, qu'elle com-

pare à la morsure d'un chien, qui, partant du « croupion » a

monté « comme un chemin de fer » le long de la colonne ver-

tébrale. Parvenue à la nuque, cette douleur est devenue plus

forte : il me semblait, dit la malade, (qu'on vie saisissait violem-

ment le cou pour m'étrangler. Puis, la tète a été envahie; elle

avait comme un bandeau qui la serrait. Espérant calmer ces

sensations affreusement pénibles, elle a voulu lever la tète ;

mais celle-ci, au lieu d'obéir au mouvement qu'elle désirait

(l) Vers huit heures et demie, elle a demandé le prêtre. z

(2) On l'a fait communier dans la salle.

GUÉRISON. ' 177

lui imprimer, s'est portée vers l'épaule gauche. C'est à cet

instant qu'Etch... a poussé un cri, qu'on est accouru auprès

d'elle, qu'une lutte s'est engagée parce qu'elle voulait se lever

afin d'échapper à la sensation de strangulation qui lui faisait

croire qu'elle allait mourir et enfin qu'elle s'est mise en co-

lère. A partir de là, tout souvenir de ce qui s'est passé jus-

qu'au moment où on l'a fait boire a entièrement disparu.

Elle n'a aucune notion sur le mode de disparition de la con-

tracture des membres.

Ce matin, nous voyons Etch... levée ; elle s'est déjà promenée

dans la salle. Ses jambes sont encore faibles; quelquefois, les

genoux fléchissent. Elle se sert de ses bras. Hier soir, elle dé-

clare avoir éprouvé des fourmillements dans la plante du

pied droit et des crampes dans la main du même côté. Par

moments, elle a des douleurs au niveau de "la tempe gauche.

Les deux dernières nuits ont été bonnes ; le sommeil a été

paisible. ,

La vue est toujours très-affaiblie à gauche. La malade ne

distingue ni les doigts pris isolément, ni la main tout entière.

Les personnes et les objets lui donnent la sensation d'une

ombre qui passe. A gauche, la vue est encore anormale : elle

ne reconnaît pas les couleurs.- L'odorat est revenu; toutefois

il est moins fin dans la narine gauche par rapport à la droite.

Le goût est encore obtus sur les deux moitiés de la langue,

principalement à gauche. -

La sensibilité au contact, au pincement, au froid, au chatouil-

lement, etc., a reparu sur tout le corps; c'est à peine s'il y a

une légère différence au détriment du côté gauche.

26 mai. Au dynamomètre, 85 pour la main droite, 62 pour la

gauche. -Etch... est capable de se tenir alternativement et

sans appui sur l'une ou l'autre jambe. Elle distingue, avec

l'oeil gauche, les traits de la physionomie des personnes qui

l'entourent. Elle mange avec appétit; ses digestions sont

bonnes ; les selles presque quotidiennes. - Les religieuses de

l'hôpital Sainte-Eugénie sont venues la voir (1) ; elle a descen-

du les reconduire jusque dans la cour de l'infirmerie : « Je

descends et je monte lestementles escaliers », dit-elle.

27 mai. Au dynamomètre, 70 à droite, 57 à gauche. L'examen

de la vision, pratiqué par M. Landolt, a donné les résultats

suivants : oeil gauche. Etch... reconnaît les mouvements delà

main à 60 centimètres ; mais elle ne peut compter les doigts.

(1) Etch .. nous a déclaré que les religieuses avaient été tout stupé-

faites de la voir guérie. Or, nous avons appris de source certaine qu'elle

les avait fait prévenir par une infirmière. * .

Bourneville. ' 12

il8 HYSTÉRO-ÉI'ILEPSIE.

Achromatopsie complète. - Le champ visuel est rétréci con-

centriquement jusqu'au point de fixation. OEil droit. Elle

compte les doigts à un mètre. Elle reconnaitle rouge ; l'orange

lui parait rouge; le jaune, marron; le bleu, le vert et le violet

sont vus en noir. Le champ visuel est rétréci concentrique-

ment jusqu'à moins de 5 degrés du point de fixation. Il est

un peu plus étendu en dehors. - A l'ophthalmoscope, on ne

découvre absolument rien d'anormal ni d'un côté, ni de l'autre.

'29 mai. Au dynamomètre, 70 à droite, 45 à gauche.-Parfois

la langue est lourde et il y a, alors, un léger embarras de la

parole. La marche se fait sans fatigue. - L'urination est na-

turelle. - Les fonctions digestives sont régulières.

31 Au dynamomètre, 90 il droite, 55 à gauche.- La vi-

sion est encore moins nette à gauche qu'à droite. - Etch...

assure ne pas avoir eu d'hallucinations tout le temps qu'a

duré la contracture des quatre membres et la contracture des

mâchoires. 1.11e raconte que, dès qu'elle s'endormait, elle avait

des cauchemars, s'imaginant qu'on voulait la tuer, la jeter a

l'eau; là peur l'éveillait et la crainte de retomber dans ces

rêves désagréables l'empêchait de se rendormir.

2 juin. L'acuité visuelle, la perception des couleurs, l'éten-

due du champ visuel, sont à l'état physiologique. Les derniers

vestiges des symptômes permanents de l'hystérie ont disparu

et Etch... peut être regardée comme entièrement guérie.

..

il 876. Juin. La sensibilité spéciale et générale est normale.

- Le sommeil est assez bon, mais la malade s'éveille plusieurs

fois chaque nuit; jusqu'à la fin de l'année 1875, Etch... dit

qu'elle rêvait beaucoup, qu'elle avait des cauchemars.- Les

deux jambes sont également solides; de temps en temps,

crampes dans les pieds et les mollets; souvent, dans la mar-

che, les pieds se renversent. - Il existe encore des craque-

ments dans les cous-de-pieds, les genoux, les coudes et les

épaules, principalement à droite. - L'appétit est bon; les

garde-robes sont toujours assez rares (3, 4 ou 5 jours) ; la défé-

cation est d'ordinaire douloureuse et quelquefois donne lieu à

une chute du rectum.- La miction s'accomplit sans douleur;

la quantité des urines est normale ou tl'ès-exagé1'ée.- Parfois,

douleurs au niveau de la région ovarienne gauche. - Etch...

n'a pas eu de nouvelles attaques. Elle travaille et, à l'occasion,

remplit les fonctions d'infirmière.

HYSTÉRO-ÉPILEPSIE. 179 9

. VIL

- Réflexions.

Parvenus au terme de cette longue odyssée pathologi-

que, nous estimons opportun de rappeler, dans un résuma

concis, les principaux faits qui la constituent. Chemin fai-

sant, nous nous efforcerons de relever les enseignements

qui nous paraissent en découler.

1. Dès le début, l'hystéro-épilepsie a revêtu, chez cette

femme, une allure anormale. C'est ainsi que la première

attaque, au lieu d'éclater aussitôt après l'émotion vive à

laquelle elle semble devoir être rattachée, n'est survenue

qu'au bout d'une année. La maladie a offert ensuite, dans

le cours de sa longue durée, cette particularité fort cu-

rieuse que, malgré la rareté des attaques convulsives pro-

prement dites, l'on a vu survenir la plupart des accidents

connus aujourd'hui sous le nom d'hystérie locale. Avant

de les passer en revue, arrêtons-nous un instant sur les

attaques elles-mêmes.

1,

a. Les attaques se sont montrées d'abord sans avertisse-

ment ; puis, elles ont été régulièrement précédées d'une

aura ayant tous les caractères décrits par M. Charcot (1) :

hyperesthésie ovarienne gauche, noeud épigastrique, pal-

pitations cardiaques, laryngisme, phénomènes céphaliques.

- - La période convulsive n'avait rien de spécial. - La

crise se terminait d'ordinaire par un retour rapide et com-

plet de la connaissance (2). - Dans les derniers temps, les

attaques avortaient quelquefois et se traduisaient par des

douleurs névralgiques et des symptômes de suffocation.

b. Aux attaques sont bientôt venues s'ajouter des hé-

(1) Charcot. - Leçons sur les maladies du système nerveux; t. 1, 2 édi-

tion, p. 320.

(21 La température centrale, sous l'influence des attaques ne dépassait pas

suivant la règle, le chiffre de 38 degrés et quelques dixièmes. Pour plus de

détails sur la température dans l'hystérie, voyez Bourneville : Etudes clini-

que» et t/¡er11lom{tNiuea lug'les maladies du système nerveux, p. 247-251.

180 HYSTÉRO-ÉPILEPSIE.

morrhagies de diverses muqueuses. En premier lieu, ce

furent des pertes utérines, puis des hématuries, des épis-

taxis, enfin des hématémèses. Ces hémorrhagies des mu-

queuses, assez communes chez les hystériques, en parti-

culier les hématémèses, n'ont rien d'extraordinaire, pas

plus que les hémorrhagies cutanées qui, elles, sont plus

rares et frappent davantage l'imagination des personnes

peu habituées à l'observation des hystériques. Elles n'ont

pas non plus chez ces malades; même quand elles sont

abondantes, la gravité qu'elles ont dans toute autre cir-

constance (1).

c. Une rétention d'urine, qui a duré près de dix ans, a

constitué le second accident. Elle a succédé à l'anurie qui

avait accompagné une attaque de choléra (1866). Pendant

plusieurs années, le cathétérisme s'est effectué sans diffi-

culté. Plus tard, une contracture du col de la vessie étant

survenue, l'introduction et le retrait de la sonde, qui était

en quelque sorte pincée par le spasme du sphincter vésical,

devinrent très-douloureux. Longtemps la quantité des uri-

nes resta normale. Ce n'est qu'en 1871 que l'on s'aperçut

de l'existence de l'ischurie. Faut-il invoquer comme con-

ditions favorables à son développement la néphrite avec

anasarque généralisée que semble avoir eu la malade et

surtout la longue durée de la rétention d'urine ? Nous ne

saurions nous prononcer à cet égard.

, d. En 1868, après une attaque, on remarqua l'existence

d'une hémianesthésie du côté gauche bientôt suivie d'une

paralysie des membres du même côté. Chez Etch..., de

même que chez beaucoup d'autres malades, l'apparition

des phénomènes paralytiques était précédée d'une exacer-

bation de l'hyperesthésie ovarienne, de fourmillements et

(1 On trouvera des renseignements sur ce sujet dans les mémoires sui-

vants : Parrot, Etude sur la sueur de sang et les hémorrhagies ¡¡évropa-

thiques. Paris, 1869. - Ferran, Du vomissement de sang dans l'hystérie,

Paris, 1874. - Bourneville, Louise Lateau ou la stigmatisée belge, 1875.

HYSTÉRO-ÉPILEPSIE. 181

quelquefois de douleurs dans la moitié du corps où ils

allaient se montrer. On eut l'occasion de les noter, lorsque

dans le cas actuel, à diverses reprises, la paralysie de la

sensibilité et du mouvement envahirent le côté droit. L'hy-

peresthésie ovarienne semble être plus spécialement l'in-

dice avant-coureur des accidents. Limitée pendant long-

temps à l'ovaire gauche et coïncidant d'abord avec une

hémianesthésie de la moité correspondante du corps, puis

avec une paralysie motrice et plus tard enfin avec la con-

tracture des membres, elle envahit, à d'autres moments,

l'ovaire droit et, à chaque fois, on vit survenir dans la moitié

droite du corps, l'anesthésie.la paralysie du mouvement et

la contracture. La connaissance de ces accidents et de leur

enchaînement est aujourd'hui classique, grâce aux recher-

ches de notre maître, M. Charcot. Aussi n'insisterons-nous

pas longuement sur les particularités qui les caractérisent.

Toutefois, en ce qui concerne l'hémianesthésie, il ne faut

pas oublier qu'elle intéresse en même temps la sensibilité

générale et la sensibilité spéciale. Les modifications de

l'ouïe, de l'odorat, du goût et surtout de la vue ont été

consignées avec des détails suffisamment minutieux dans

le cours de l'observation pour que nous n'y revenions pas

de nouveau.

e. Nombreuses et variées ont été, dans ce cas, les formes

revêtues par la contracture. Limitée à l'origine au membre

supérieur gauche (forme hémipai'aplégique), elle a envahi

ensuite le membre inférieur correspondant (forme hémi-

plégiqi(e) ; plus tard, tout en persistant*à gauche, elle

gagna les membres du côté droit (forme diplégique). Nous

devons mentionner, à ce propos, quelques-uns des signes

qui annoncent communément l'approche de la contracture

et qui se sont montrés chez Etch... Ces signes sont les sui-

vants : la main ou le pied du membre menacé de contrac-

ture se contracturent d'une façon passagère ; le membre

lui-môme est pris par instants d'un tremblement choréi-

forme et est le siège tantôt de douleurs névralgiques, tan-

tôt de simples fourmillements. Enfin, il est bon de savoir

182 HYSTÉRO-ÉPILEPSIE.

que, le plus souvent, l'apparition ou la disparition d'un

symptôme permanent de l'hystérie succède à une attaque

convulsive. Il y a là une relation très-intéressante qui nous

arrêtera plus loin (1). -

f. Outre les contractures des membres, Etch... a été at-

teinte d'une contracture du col de vessie, des muscles des

mâchoires, des muscles du pharynx et du larynx,et chacune

de ces contractures a été suivie elle-même de nouveaux

phénomènes hystériques permanents : rétention d'urine,

impossibilité de la mastication, dysphagie nécessitant l'a-

limentation par la sonde oesophagienne, aphonie et dys-

pnée. '

. g. Quelques autres symptômes, secondaires à la vérité,

ne doivent pas être cependant passés sous silence. Telles

sont les douleurs névralgiques et les arthralgies. Celles-

ci, en particulier, ne sont pas encore suffisamment con-

nues, car elles sont quelquefois l'occasion d'erreurs de dia-

gnostic. C'est ainsi que nous avons pu craindre le dévelop-

pement d'une tumeur blanche du genou chez une jeune

hystérique, affectée d'une arthralgie qui, un jour, disparut

presque tout d'un coup (2).

h. Les vomissements alimentaires, qui ont duré plu-

sieurs années, constituaient une cause de dénutrition qui

chez tout autre malade qu'une hystérique, aurait conduit à

une terminaison fatale. Ce n'était qu'une très-faible quan-

tité d'aliments qui était absorbée ; malgré cela, Etch... con-

servait toutes les apparences de la santé. Et ce fut seule-

ment lorsque l'on fut obligé de recourir aux lavements

alimentaires, c'est-à-dire du mois d'août au mois de dé-

cembre 1874, que l'on constata un certain degré d'amai-

grissement. Il disparut, d'ailleurs, dès qu'il fut possible

d'introduire la sonde oesophagienne. Sous l'influence de ce

(1) Voir pour p : us de détails sur les formes cliniques : Bourneville et

Voulet. - De la contracture hystérique permanente.

(2) Voyez aussi : Ferran, loc. cit.

HYSTÉRO-ÉPILEPSIE. ' 183

mode d'alimentation.et bien qu'il arrivât très-fréquemment,

presque chaque jour, à la malade de vomir, elle recouvra

promptement son embonpoint antérieur. M. Charcot a in-

sisté, dans la leçon qu'il fit sur l'ischurie hystérique, alors

que la quantité des aliments n'avait pas encore été aussi

réduite qu'elle le fut en 1874, sur la résistance des hysté-

riques à l'inanition.

i. Nous reviendrons dans un instant sur les vomissements

et l'urination ; mais il est une excrétion qui, elle aussi, a

été profondément troublée. Même avant le début des atta-

ques, Etch.... avait des garde-robes rares, irrégulières ;

puis, dans les premières années de sa maladie, la consti-

pation s'aggrava ; plus tard encore, dans les premiers

temps de la contracture, elle n'avait d'évacuations alvines

qu'au bout de quelques semaines ; enfin, durant la phase

de l'alimentation insuffisante, c'est-à-dire pendant dix

mois, elle n'a eu que quatre ou cinq garde-robes.

II. « L'ischurie (1) n'est pas une manifestation fréquente

de l'hystérie, et, même dans les cas peu nombreux où elle

a été observée, il est rare qu'elle ait été étudiée au point

de vue chimique.

» Tout au plus rencontre-t-on trois faits où des analyses

soient relatées. Le premier est en somme celui que nous

rapportons aujourd'hui. Dès le mois d'avril 1871, M. le

professeur Charcot avait observé l'ischurie dont était

atteinte Etch.... et, quelque temps après (mars 1871),

il chargeait M. Gréhant de l'étudier au moyen de la

méthode d'analyse que ce physiologiste venait de publier.

» Après une série de 12 dosages, M. Gréhant obtint la

moyenne de 179 milligrammes d'urée excrétés par jour :

c'est environ la centième partie de la quantité quotidienne

d'urée que rendent les individus de l'âge de notre malade.

(1) Les réflexions qui suivent appartiennent à notre excellent ami M. P.

Regard, interne des hôpitaux, aide-préparateur du cours de physiologie

à la Faculté des sciences.

184 HYSTÉRO-ÉPILEPSIE.

» L'année suivante, M. Fernet ( Union médicale, 1873)

ayant rencontré un nouveau cas d'ischurie à l'Hôtel-Dieu,

faisait exécuter par M. E. Hardy une série d'analyses qui

démontrait la disparition presque complète de l'urée dans

la sécrétion rénale et son apparition dans les vomissements.

Presque en même temps, M. Secouet (Thèse de Paris, 1873)

citait un cas où, malheureusement, un seul dosage avait

été fait. Il avait démontré la présence dans l'urine de 24

heures de 6 grammes d'urée, ce qui n'a rien d'absolument

anormal.

» Voilà l'histoire chimique probablement de l'ischurie

hystérique, car il ne nous a pas été possible de rencontrer

d'autres faits et, ni M. Fernet, ni M. Secouet n'en signa-

lent d'autres dans leur mémoire.

» Mais revenons à notre malade : On a pu voir dans la

relation détaillée de son histoire que, dès le début de l'is-

churie, on observa une sorte de compensation entre la

suppression de la fonction urinaire et la production de vo-

missements abondants.

» Cette compensation s'étendait à l'élimination de l'urée.

Il se passait là ce qu'on voit chez l'animal à qui l'on a pra-

tiqué la ligature de l'uretère et chez qui l'élimination de

l'urée s'effectue par l'estomac et l'intestin. (Bernard et

Bareswill.)

> En se reportant aux Leçons sur les maladies du systè-

me nerveux de M. le professeur Charcot, on trouvera une

suite de tableaux où sontconsignés les résultats disséminés

dans notre observation. J'en résume ici les traits princi-

paux. En juillet 1871, la moyenne des vomissements est

d'un litre par jour. Deux grammes d'urine sont excrétés

chaque jour.

» En août, les vomissements sont encore d'un litre par

jour, la moyenne de l'urine est de 3 gr. Il survient même

uue anurie totale qui dure dix jours. Nous sommes ici dans

les conditions physiologiques de la ligature des uretères.

» En septembre, les vomissements ont pour moyenne un

litre 1/2, l'urine 2 gr. 1/2.

ISCHURIE, : 185

» Il y a, on le voit, balancement régulier entre les deux

phénomènes, et cela est plus frappant encore à l'inspec

tion des courbes. On voit, en effet, la ligne des vomisse*

ments s'élever quand s'abaisse celle de la sécrétion urinai-

re et réciproquement. (Voir notre Planche III).

» Ce qui était vrai pour l'élimination de l'eau l'était aussi,

(M. Gréhant l'a démontré) pour l'excrétion de l'urée. Un

jour (10 oct.) où l'urine contenait 179 milligrammes d'urée,

les vomissements en contenaient 3 gr. 699. Or, cette urée

s'amassait-elle dans le sang ? Ici encore, M. Gréhant donna

la solution du problème : le sang d'Etch....' contenait

exactement la même quantité d'urée que celui d'une de ses

voisines de salle qui n'était point atteinte d'ischurie. -

» Après une rémission qui a été signalée dans le cours de

l'observation, une nouvelle période d'oligurie reparaît (jan-

vier z) ; et ici nous remarquons un phénomène nouveau :

c'est une sorte d'alternance entre l'anurie et de véritables

crises de polyurie. Nous retrouvons ce fait plus marqué

encore dans les jours qui précédèrent la guérison subite.

» Pendant un espace de temps (janvier, octobre 1872), la

moyenne des urines a été de 206 gr., contenant 5 gr. d'urée;

la moyenne des vomissements était de 362 gr., renfermant

2 gr. 138 d'urée. La compensation se produisait encore.

Mais le total était bien faible, et nous allons d'ailleurs re-

trouver ce même résultat dans la période que nous avons

pu observer nous-même.

» Etch... se trouvait dans une 3e,péi-iode d'anurie qui du-

rait depuis le mois d'août 1874, quand M. Charcot nous a

chargé de reprendre l'étude commencée par M. Gréhant.

» Nous n'avons pas effectué moins de 112 dosages, dont

nous avons représenté les résultats sur la courbe jointe à

ce travail. (PL. III.) Nous avons, de plus, recherché quelles

étaient, dans le cas qui nous occupait, les variations des

chlorures et de l'acide phosphorique. On verra plus loin les

résultats auxquels nous sommes arrivés. (Fig. 7.)

» Nous nous trouvions dans des conditions spécialement

favorables pour observer. On sait, en effet, combien il est

186 HySTÉRO-ÉPILEP51E.

difficile d'obtenir d'un malade qu'il conserve la totalité de

ses urines. C'est pourtant une condition essentielle au

succès, et on peut dire qu'en pratique elle n'est jamais

réalisée. Or, Etch... était atteinte d'une contracture du col

de la vessie, qui obligeait à la sonder plusieurs fois par

jour : elle était clouée sur son lit par la contracture de ses

membres inférieurs, et il n'est jamais arrivé qu'on ait

trouvé ses draps mouillés d'urine. Nous sommes donc

certains d'avoir toujours opéré sur la totalité du liquide

sécrété.

» Il existe encore une cause d'erreur considérable à la-

quelle sont forcés de se résigner tous ceux qui pratiquent

sur des malades l'analyse de l'excrétion urinaire. L'ali-

mentation, plus ou moins azotée, a une influence évidente

sur la quantité d'urée que l'on rencontre chaque jour. -

Il faudrait donc soumettre le malade à une alimentation

toujours identique. - Il suffit d'avoir fait à l'hôpital une

pareille tentative pour savoir que la chose est absolument

impraticable et pour en arriver à accepter cette cause

d'erreur en la signalant plutôt que de se faire illusion.

» Chez E..., il n'en était plus de même. Depuis plusieurs

mois, elle était atteinte d'une contracture oesophagienne

qui l'empêchait d'avaler quoi que ce fût sans le secours de

la sonde, et cette condition a duré jusque dans les derniers

jours de nos recherches.

» Nous avons donc pu peser très-exactement et chaque

jour les aliments ingérés, et nous mettre à l'abri des va-

riations qui auraient pu venir de l'alimentation. C'est ainsi

que, pendant plus de six mois, la malade fut tenue au ré-

gime suivant qui ne changea que le jour de la guérison

subite :

, ISCHURIE. 187

éléments. Pendant plusieurs jours, pendant des mois, l'ex-

crétion se maintient aux environs de 0 : c'est de l'ischurie

complète. Puis certains, jours, la sécrétion monte tout d'un

coup à des chiffres exagérés. Il semblerait qu'il se fait une

décharge : le lendemain, le chiffre habituel reparaît. Enfin,

le 22 mai, une brusque élévation se produit et persiste;

ce jour-là, la contracture a cessé et en même temps l'is-

churie. '

» Cette disposition nous permettra de diviser notre étude;

nous examinerons l'ischurie d'abord, les crises urinaires

ensuite, et enfin la période qui succéda à la guérison. ,

^L'ischurie était presque absolue. On voit sur laPLAKCHE

III que, certains jours, la quantité d'eau (représentée par

la ligne rouge) est au voisinage de 0. Le plus souvent l'ex-

crétion et de 12 à 25 grammes. Et il n'y a pas lieu de s'en

étonner, puisqu'on a vu plus haut que la malade ne buvait

pas un demi-litre de liquide par jour.. L'exhalation pul-

monaire et cutanée suffit pleinement à rendre compte de la

différence entre l'eau absorbée et l'eau rendue.

» Pour l'urée, la même explication ne saurait suffire. On

voit, par exemple, qu'entre deux crises urinaires, pendant

une période de vingt-quatre jours, E... rend une somme

totale de 8 gr. 994 centigr. d'urée; pendant une autre pé-

riode de quarante-cinq jours, elle en rend 8 gr. 131 centigr.

La sécrétion ordinaire est, chez cette femme, de 3 ou 4 dé-

cigrammes par jour. Il faut donc que la nutrition soit pro-

fondément troublée.

» Certains jours (5, 30 mars, 15 mai), notre malade était

prise d'une véritable crise. Elle souffrait de douleurs lom-

baires très-vives, son visage était rouge, ses yeux lar-

moyants, elle s'agitait sur son lit, puis elle se mettait à uri-

ner et rendait en quelques heures, quelquefois en quelques

minutes, 2, 3 ou même 4 litres 1/2 d'urine, contenant 20,

25, 28 grammes d'urée. L'attaque était alors terminée et la

sécrétion retombait à 0.

» Déjà, dans les deux premières périodes, de semblables

iS8 13ST1 : R0-I : PIL1 : PSIL;. -

crises s'étaient produites, en particulier en janvier 1872,

le 18 mars, le 28 mars de la même année. Mais jamais elles

n'avaient été aussi remarquables; jamais non plus, l'ana-

lyse chimique n'avait été faite ces jours-là. (Voir les Plan-

CHES V, VI et VII, du tome I, des Leçons de M. Charcot, 2°

édition.)

» On remarquera qu'après ces crises l'action qui avait

produit la décharge n'était pas absolument épuisée, car le

sur-lendemain il se produisait toujours une élévation de-

l'urée, puis l'ischurie complète reparaissait.

» Nous devons signaler ici un fait singulier, qui n'est

peut-être que le produit du hasard. Si nous additionnons

la quantité d'eau et d'urée excrétée chaque jour entre cha-

que décharge, nous nous trouvons en face de ce bizarre

résultat :

HYSTÉRO-ÉPIL : PSIE. 189

» Le 22 mai survient un fait remarquable. La malade

guérit subitement de sa contracture, de son aphonie, de

son amblyopie, etc. Jusqu'ici rien que de très-normal ;

mais du même coup cesse l'ischurie. Pendant cette crise

doulouieuse qui produit la guérison, E... rend 43 gram-

mes d'urine contenant 1 gr. "986 centigr. d'urée. Quelque

temps avant, il lui fallait une semaine pour en sécréter

autant; puis, dans la journée, elle rend 260 grammes d'u-

rine contenant 6 gr. 489 centigr. d'urée ; en tout 8 gr. 1/2

d'urée.

» C'était,en réalité, une de ces crises urinaires que nous

avions déjà observées. Mais au lieu qu'après ces dernières

la sécrétion se supprimait de nouveau, nous la voyons se

maintenir avec la guérison des autres symptômes, et dès

lors, comme on peut le voir sur la Planche III, commence

une marche presque aussi extraordinaire que l'ischurie

elle-même. Ainsi la courbe est formée de grandes éléva-

tions (J8 grammes d'urée), suivies d'une chute brusque,

précédée elle-même du petit crochet que nous avions vu

déjà succéder aux crises urinaires ; mais jamais nous ne

revenons à 0. L'ischurie est bien terminée.

» Il convient d'ailleurs de faire remarquer qu'à ce moment

notre malade urinait sans la sonde, qu'elle mangeait beau-

coup et même avec excès, et que, par conséquent, nos ré-

sultats n'ont plus la rigoureuse précision de oeux que nous

avons exposés plus haut.

» Nous avons voulu joindre à l'étude des variations de

l'urée celle des variations des chlorures et de l'acide

phosphorique.'On peut voir page 190 (Fig. 7) la courbe

qu'ils nous ont donnée.

» Il suffit d'un simple coup d'oeil pour voir que ces subs-

tances sont diminuées pendant l'ischurie ; mais, toute

proportion gardée, bien moins que l'urée, puisqu'on la

trouve en quantité égale à celle-ci.

» En revanche, les jours de crises urinaires, on voit que

les courbes ne concordent plus : les substances salines

sont peu augmentées, tandis que l'excrétion de l'urine

190 IiYSTÉRO-ÉPILEPSIE. 1

subit une exagération rapide. L'élimination des chlorures

et de l'acide phosphorique semble être en relation avec

'T''1 ! f de l'C : 111, - .... y ' .

Fig. 7. La ligue pleine iepréseute les chlorures, la ligne pointée l'acide

phosphorique, les chiffres de l'échelle représentent des décigrammes.

, GUÉRISON. 191

» En résumé, ischurie allant presque jusqu'à la suppres-

sion de la sécrétion, crises urinaires subites, guérison

instantanée de l'ischurie en même temps que des autres

phénomènes morbides, tel est l'ensemble de faits que nous

avons pu observer sur la malade que M. le professeur

Charcot nous avait chargé d'étudier.

»Nous n'avons pas trouvé de cas où les recherches aient

été suivies longtemps : les nôtres ont duré près de quatre

mois ; la guérison est survenue sous nos yeux, et c'est de

ta que notre étude tire son principal intérêt. »

III.L'une des autres particularités les plus susceptibles de

considération est, notre avis, la relation qui a toujours

existé entre les attaques convulsives, complètes ou incom-

plètes, et l'apparition ou la disparition des manifestations

de l'hystérie locale. Paralysie, contracture, aggravation

ou diminution de l'ischurie, etc., etc., tous ces accidents

ont été influencés d'une manière évidente par les attaques

hystéro-épileptiques ou par les accès de suffocation.

Ces derniers, par exemple, ayant acquis, en août 1874 et

en janvier 1875, une intensité considérable, ont été suivis

d'une exacerbation des symptômes anciens ou du dévelop-

pement de nouveaux accidents. Cette sorte de lien qui

existe entre les attaques convulsives et les manifestations

de l'hystérie locale n'est pas l'apanage exclusif d'Etch...

Il est, à proprement parler, la règle dans les cas de ce

genre.

Pendant une longue période (1G6 i), les crises hysté-

ro-épileptiques n'avaient jamais produit une disparition

totale des accidents ; il n'y avait eu. jusqu'alors, que des

guérisons pour ainsi dire partielles. Malgré la multiplicité

des accidents et leur gravité, plus apparente que réelle,

étant donné le terrain sur lequel ils prenaient naissance,

à aucun moment, ni M. Charcot, ni les médecins qui ont

observé Etc n'ont porté un pronostic grave, contrai-

rement à ce que des ignorants intéressés ont voulu faire

croire. Il nous serait facile d'invoquer les paroles pronon-

192 HYSTÉRO-ÉPILEPSIE.

cées chaque année, depuis cinq ans, par M. Charcot lors-

qu'il montrait Etch... à ses auditeurs ; mais, comme on

pourrait contester l'exactitude de nos souvenirs, nous pré-

férons nous reporter au texte même des leçons imprimées.

Cinq ans avant la guérison d'Etch..., M. Charcot s'ex-

primait ainsi sur son compte' et sur celui d'une autre hys-

téro-épileptique : -

Il est possible que, malgré sa longue durée, la con-

tracture disparaisse sans laisser de traces ; demain peut-

être, dans quelques jours, dans un an ; on ne peut rien

préjuger à cet égard. En tout cas, si la guérison a lieu

elle pourra être soudaine (1). Du jour au lendemain, tout

peut rentrer dans l'ordre et, s'il se trouve qu'à cette épo-

que la diathèse hystérique soit épuisée, ces malades repren-

dront la vie commune (2). » ,

Les choses se sont passées selon les prévisions de M.

Charcot, et la guérison soudaine d'Etch.... n'a pas causé

plus d'étonnement ou d'admiration que l'aggravation des

accidents en mai 1872 et en mai 1875 n'avait causé d'in-

quiétudes. Il suffit du reste pour être édifié sur la marche

de l'hystérie d'avoir étudié quelque peu les travaux scien-

tifiques dont cette maladie a été l'objet. M. Littré, M.

Charcot, Laycok, plus tard M. P. Diday, etc., ont rap-

porté de nombreux exemples de guérison brusque d'ac-

cidents graves de l'hystéro-épilepsie, qui démontrent pé-

remptoirement que les prétendues guérisons miraculeuses,

pour employer les expressions de M. Charcot, rentrent

absolument dans la loi commune et n'ont rien de surna-

turel.

(t) Ce passage est souligné.

(2 ? Cliarcot. Le,rots sur les maladies du système nerveux, t. I, 1872-73,

p. 312. Cette leçon a été publiée pour la première fois dans la Revue

photog. dcs Hôpitaux, 1871, p..198. Devant un texte aussi précis s'é-

croulent toutes les tentatives qui ont été faites pour transformer cette gué-

rison en un véritable miracle. Les auteurs de ces tentatives étaient si pres-

sés d'accréditer cette croyance que, quelques jours après la disparition des

accidents, le bruit d un miracle à la Salpétrière s'était répandu jusqu'à

Pllray-le-Monial ! (Voir aussi dans la Semaine religieuse, 1875, l'article inti-

tulé : Un grand jour pour la Salpétrière.)

PLANCHE I.

BOURNEVILLE. ' ' 13

PLANCHE I.

Atrophie cérébrale.

(Page 1 à 14).

Figure I. - Base de l'encéphale.

A, lobe cérébelleux gauche atrophié. ;

B, protubérance. ,

C, corne d'Ammon atrophiée.

CI, corne d'Ammon saine.

D, lobe frontal déformé. »

E, base du bulbe olfactif.

F, Nerfs optiques.

Figure II. Colepe verticale transversale faite an niveau du bord antérieur de

la corne d'Ammon. - Hémisphère droit.

A, cavité qui communiquait librement avec le ventricule laté-

ral de l'hémisphère gauche. On voit que cette cavité est

constituée en grande partie par de la substance grise, de

tout point analogue à la substance des circonvolutions, B.

C, coupe du nerf optique. '

'D, amas de substance grise représentant probablement la

couche optique et le corps strié.

E, substance grise corticale amincie. Les sillons normaux font

en grande partie défaut.

Figure III. - Coupe verticale transversale faite dans un cerveau sain en un

point symétrique à celui de la toupe représentée dans la figure il.

A, couche optique.

B, noyau intra-ventriculaire du corps strié. '

C, nerf optique. - .

D, noyau extra-ventriculaire du corps strié.

E, corne d'Ammon.

F, arrière-fond de la scissure de Sylvius.

G, capsule interne.

il, capsule externe.

I, avant-mur.

J, cavité du Ventricule gauche. ..

TABLE DES MATIÈRES

Pages.

PREMIÈRE PARTIE

De l'état DE 3LAL ÉPILEPTIQUE, ............................' . 1

DEUXIÈME PARTIE

200 TABLE DES MATIÈRES.