(1918) Nouvelle iconographie de la Salpétrière [Tome 28] : iconographie médicale et artistique
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(1918) Nouvelle iconographie de la Salpétrière [Tome 28] : iconographie médicale et artistique

NOUVELLE

ICONOGRAPHIE

DE LA SALPÊTRIÈRE

DYSTROPHIE GÉNITO-GLANDULAIRE

PAR

Oscar de SOUZA, et Aloysio de CASTRO,

Professeur de Physiologie à la Faculté Professeur de Clinique médicale à la

de médecine de Rio de Janeiro, Faculté de médecine de Rio de Janeiro.

« Le grand fait de l'évolution est l'apparition

de la fonction sexuelle. » BRISSAUD. )

Depuis les premiers essais sur le mal de Basedow, la maladie d'Addison

et l'acromégalie jusqu'à la connaissance plus récente des diverses dys-

trophies étudiées par Apert, des syndromes pluriglandulaires de Claude

et de Gougerot, du sénilisme de Ciauri et de tant d'autres types cliniques

encore, le problème des dystrophies mono et pluriglandulaires a fourni

l'occasion d'investigations cliniques, anthropologiques, morphologiques,

bio-chimiques et médico-légales, qui ont conduit à la création d'une

branche nouvelle de la biologie : l'endocrinologie. En réalité la question

-des sécrétions internes a pris une telle importance, qu'aucune autre en

cet, dernières années n'a suscité un plus grand nombre de travaux, ni ne

l'a surpassée comme intérêt scientifique (1). C'est que les questions les

(1) Les sécrétions internes, si bien définies et précisées par Claude Bernard, avaient

été prévues par Diderot, qui, selon Helme, se rapportait à elles, comme par une

vision prophétique. Dans ses Eléments de Physiologie, Diderot s'exprimait ainsi : « Je

crois qu'il faut regarder tous les viscères aveugles comme des organes destinés à pré-

parer un levain ou ferment. » Avant Legallois encore, que Gley aime à rappeler

particulièrement, on doit signaler Théophile Bordeu, qualifié de précurseur par Max

Neuburger. On doit à Bordeu, le fondateur de la physiologie pathologique en France,

une étude sur l'anatomie des glandes et sur leur action. Biedl, dans son travail

monumental sur les sécrétions internes, rend hommage également au grand physio-

logiste français. Et bien que Robin ait affirmé que seulement au point de vue physio-

logique les glandes vasculaires sanguines devaient être étudiées, les faits ont prouvé

le contraire (Voir la thèse de Liégeois, Analomie et Physiologie des glandes vascu-

XXVIII 1

2 SOUZA ET DE CASTRO

plus graves de la biologie, la signification physiologique d'organes qui

restèrent longtemps ignorés, dont la fonction était inconnue, aussi bien

que les corrélations fonctionnelles et leur rôle dans l'économie sont sous

la dépendance directe des sécrétions internes.

L'étude présente renferme un certain nombre de cas de dyslrophies

endocrines, qui se rattacheraient selon les auteurs à des types divers, mais

qui nous paraissent se' subordonner mieux à une rubrique générale, cons-

tituant de la sorte un essai d'unification. Dystrophie génilo-glandulaire

est la dénomination qui nous semble convenir à de tels cas.

L'importance du sujet auquel nos observations et notre critique se rap-

portent n'échappera pas, sans doule, à ceux qui s'intéressent aux ques-

tions biologiques, soit considérées sur les types normaux, soit étudiées

sur les écarts^et les variations qui constituent les modalités, soit enfin

examinées sous l'aspect de cas pathologiques.

Le sujet n'offre pas moins d'intérêt au point de vue artistique, car on

n'ignore pas que les artistes ont représenté les types humains, dans leur

personnification idéale, dans leurs écarts, et, ce qui est plus surprenant

encore, jusqu'en leur interprétation. Comme type masculin, l'art a repré-

senté en l'Hercule Farnèse, du Musée de Naples, en l'athlète de Polyclète,

le Doryphore du même Musée, le type appelé le Canon par les anciens,

c'est-à-dire la règle ou le modèle. Le type féminin a été personnifié par

Praxitèle en son « Aphrodite de Cnide » la plus célèbre de l'antiquité

(conservée au Vatican), par Phidias dans son Aphrodite de Mélos (Vénus

de lilo), le chef-d'oeuvre du Louvre, et par Lysippe dans la Vénus de

Médicis, qui se trouve au Musée des offices de Florence, une des plus

belles créations de l'art antique (1).

A leur tour, les poètes, ces autres interprètes de la nature, ont bien

défini les types humains ; qu'il suffise de citer parmi les anciens l'incom-

parable Théocrite, et Ovide qui juste et profond a laissé dans«ces vers la

preuve de son observation parfaite :

laires sanguines. Paris, 1860). Il fallut arriver jusqu'à CI. Bernard et à la période

expérimentale inaugurée par Brown-Séquard pour voir surgir l'époque féconde des

études endocrinologiques, qui fournissent actuellement une des plus riches bibliogra-

phies connues, sinon la plus grande. Ilosst&tter, en 1914, a pu, rien que pour la

bibliographie des glandes sexuelles, réunir une liste de 2.321 travaux (Cité parFoaas

(Wien), Keieizdi-üse;z, in Lehrbuch der Organotlierapie P, von JAUREOG und Gustav

Bayer. Leipzig, 1914, p. 317).

Ce fut précisément par l'étude expérimentale des glandes génitales que Brown-

Séquard inaugura la phase réellement scientifique des sécrétions internes.

(1) Cf. au sujet des types hermaphrodites antiques dans les représentations que

l'art en a faites, les admirables études de P. Richer et de Henri Meige (terres cuites

trouvées dans la nécropole de Myrina, hermaphrodites antiques). Nouvelle Iconogra-

phie de la Salpêtrière, 1895, t. VIII, p. 57.

DYSTROPHIE GENITO-GLANDULAIRE 3

« Nec duo sunt et forma duplex nec femina dici .

Nec puer ut possit, neutrumque et utrumque videtur » (1).

N'oublions pas que c'est par le souffle inspiré de Théophile Gautier

que la poésie moderne nous a décrit en beaux vers certaines formes de la

nature humaine :

« On voit dans le musée antique

Sur un lit de marbre sculpté

Une statue énigmatique .

D'une inquiétante beauté.

Est-ce un jeune homme ? Est-ce une femme,

Une déesse, ou bien un dieu ? 2

L'amour, ayant peur d'être infâme,

Hésite et suspend son aveu.

Pour faire sa beauté maudite '

Chaque sexe apporte son don

Tout homme dit : c'est Aphrodite

Toute femme : c'est Cupidon ».

Dans l'essai actuel, nous étudierons successivement la dystrophie

génito-glandulaire sous les aspects suivants : .

a) Définition, caractérisation et individualisation;

b) Diagnostic différentiel ;

c) Pathogénie ;

d) Conception des organes para-glandulaires : para-hypophyse, thy-

roïdes accessoires, glandes para-thymiques, para-ovaire, para-testicule,

surrénales accessoires, glandes para-sympathiques.

Avant de développer le programme ci-dessus, nous rapporterons les

observations qui suivent, choisies parmi les plus démonstratives que nous

possédions sur le sujet, et dont nous avons exposé le plus grand nombre à

nos collègues de l'Académie nationale de médecine, dans les communica-

tions que nous y avons faites depuis 1913.

Ces observations justifient le premier point sur lequel nous désirons

appeler l'attention, c'est-à-dire la fréquence relative de la dystrophie

génito-glandulaire.

(t) P. Ovidii NAsonis, Melamorphoseon Libri XV. Florentiae apud G. Barbera

MCMXV, Liber quartuus, vers 78, 79.

4 . SOUZA ET DE CASTRO

- OBSERVATIONS

De propos délibéré, nous nous en tiendrons, dans les observations

présentes, à ce qui touche directement à la matière en étude.

Observation I (Pl. 1 et II)

(Asylo S. Francisco de Assis).

J. R., 81 ans, blanc, portugais, célibataire, résidant au Brésil depuis 40 ans.

Les parents ont toujours joui d'une bonne santé ; le père est mort subite-

ment, encore jeune, la mère eut une vie très longue. Il y eut 10 enfants de

cette union : 6 garçons et 4 filles, le sujet est né le troisième. Frères et soeurs

se sont tous mariés, laissant une nombreuse descendance. Nul n'a présenté

de caractères constitutionnels analogues il ceux du malade observé.

Quant aux antécédents personnels, il n'y a aucune maladie grave à enre-

gistrer. Il a grandi au milieu des siens, se destinant à la culture, au Portugal,

et il y a travaillé jusqu'à son arrivée au Brésil. Néanmoins, il n'a jamais aimé

le travail, pour lequel il ne s'est jamais senti aucun penchant. Il n'a jamais

exercé la fonction génitale, ni n'a éprouvé de désirs erotiques. Il n'a jamais eu

de barbe, ni de poils dans les régions décrites plus loin. Ses cheveux, roussâ-

tres dans l'enfance, sont devenus châtains vers la trentaine, et ont ensuite

blanchi très précocement.

Le sujet a 1 m. 79 de hauteur et pèse 7o kilos. Grande ouverture des bras,

1 m. 79. La face, entièrement glabre, avec quelques poils rares sur le menton,

un teint jaunâtre de vieille cire, toute ratatinée, attire l'attention à première

vue. Les rides sont très nombreuses sur le cou, autant à la région antérieure

qu'à la région postérieure. Les yeux sont petits et éteints ; la chevelure est

blanche comme neige. Les sourcils sont très rares, surtout à la pointe externe,

'les poils étant peu à peu tomhés ; les cils sont conservés. La peau du visage

est froide. Volume de la tête normal.

Le malade déshabillé frappe l'observateur immédiatement par l'aspect géné-

ral du corps, dont les lignes rappellent le type féminin. Les membres sont

longs, la partie inférieure du corps prévaut en hauteur sur la supérieure.

Adipose manifeste en certaines régions : à la poitrine, qui, très augmentée de

volume, offre de véritables seins, pendants, et à la région inférieure du ventre.

Les cuisses sont rondes et effilées inférieurement. Avec cet aspect caractéris-

tique, on remarque une absence complète de poils aux aisselles, sur la poitrine

et sur les membres. A la région pubienne ils sont très clairsemés et décolorés.

.' Les organes génitaux sont très réduits de volume, le pénis est rudimentaire

avec phimosis ; les bourses sont fiasques, contenant des testicules de la gros-

seur d'une olive. Le corps thyroïde est imperceptible à la palpation. La voix

est normale, sans timbre de castrat.

Le système dentaire est dans le pire état; il a toujours été mauvais. Le

maxillaire supérieur est actuellement dépourvu de dents ; l'inférieur présente

NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALPÊTRIÈRE.

T. XXVIII. PC 1 ?

Obs. I

Obs. II

DYSTROPHIE GÉNITO-GLANDULAIRE

0. de Soitti et ^Aloysio de Castro.

Obs. I

Obs. II

DYSTROPHIE GENITO-GLANDULAIRE

DYSTROPHIE GÉNITO-GLANDULAIRE 5

une implantation irrégulière de dents atteintes de carie. Il n'y a pas d'altéra-

tion des ongles. Température habituelle : 36°. Nulle sensibilité anormale au

froid, et transpiration conservée. '

Pas de troubles moteurs ni sensitifs ; les réflexes sont en général diminués.

L'état psychique ne révèle pas d'altérations. Bien que le malade soit d'une

intelligence rudimentaire, il est fort parleur, aimé à conter des anecdotes et

des faits du passé. Il se rapporte d'un ton plaisant à son état génital et par sa

relative vivacité d'esprit, met en doute l'âge qu'il prétend avoir. z

Il n'est rien qui soit digne de mention dans les appareils circulatoire, respi.

ratoire, digestif et urinaire.

Réaction de Wassermann : négative.

Observation II (PL I et II)

(Asylo S. Francisco de Assis).

J. L., portugais, blanc, 78 ans, célibataire, autrefois cultivateur.

Parents morts depuis longtemps. Il y eut deux frères, mariés, qui ont eu

des enfants ; aucun cas analogue à l'actuel dans la famille.

On ne peut rien savoir quant aux maladies antérieures, tellement les infor-

mations du sujet sont confuses et incomplètes.

Stature moyenne. Crâne de dimensions et d'aspect réguliers. Malgré son

âge,' le malade garde encore les cheveux noirs ; ils sont durs et secs. Teint

bronzé clair, comme brûlé par le soleil ; complètement glabre et sillonné de

rides. Absence presque totale de sourcils. Mauvais système dentaire. Voix

aiguë. Absence complète de poils aux aisselles et au pubis. Seins protubérants.

Adipose du ventre, rappelant la configuration féminine. Genu valgum bilatéral.

Organes génitaux : pénis de deux centimètres ; les testicules de la grosseur

d'un grain de blé. Le sujet n'a jamais exercé les fonctions génitales, il affirme

n'avoir jamais éprouvé d'attrait vers l'autre sexe et ne se souvient pas d'avoir

jamais eu d'idées érotiques.

Etat psychique normal. Caractère timide et indolent. Radiographie de l'hy-

popbyse : normale. Aucun autre fait ne mérite ici d'être mentionné.

Réaction de Wassermann : négative.

Observation III

(Policlinica gérai do Rio de Janeiro).

A. M. Syrien, blanc, célibataire, négociant, résidant au Brésil depuis 191 i.

Le malade ne parlant que le turc, nous nous sommes servis d'un interprète.

Parents de bonne constitution physique, sans aucun des caractères de la cons-

titution anormale du sujet, et ayant toujours joui d'une bonne santé. Ils ont

eu cinq filles et un fils. Sauf une fille obèse, il n'y a rien de particulier à leur

sujet au point de vue pathologique. Quelques-unes sont mariées et ont des

enfants.

Après quelques maladies infectieuses sans gravité dans son enfance, A. M.

6 SOUZA ET DE CASTRO - .

rapporte qu'il fit une chute à 25 ans, en Syrie, d'où résulta une fracture du

fémur gauche en sa partie supérieure, ainsi que de l'olécrâne du même côté.

Il garda le lit 4 mois, e.t depuis cette époque il boite et se sert de béquilles. A

40 ans, nouvelle fracture du fémur gauche, en un autre point, par suite d'une»

chute de cheval. Peu de jours avant de venir à notre consultation (juillet 1913)

en sautant d'un train, le malade s'est fracturé le radius droit, au tiers inférieur ;

on lui appliqua un appareil plâtré.

Etat actuel. Le malade mesure 1 m. 80 de hauteur et pèse 98 kil. 100.

La grande envergure est de 1 m. 62. La tête est relativement petite, la face

entièrement glabre, bouffie, avec quelques rides, de couleur pâle et jaunâtre ;

les sourcils sont conservés. Cheveux noirs, secs et durs, avec quelques fils s

blancs ; on observe diverses plaques d'alopécie.

Des dents manquent, les autres sont en mauvais état de conservation. La voix

est de timbre normal. Il a été très difficile d'obtenir que le malade se deshabillât

pour l'examen, car il s'y refusait absolument. Il y consentit enfin, après avoir

fait sortir toutes les personnes qui l'accompagnaient. Resté seul avec nous, il

s'opiniâtrait encore à garder son caleçon et ce n'est qu'avec une adresse véri-

table que nous avons pu le convaincre de le retirer et de se laisser photogra-

phier. Nous insistons sur ces détails parce qu'ils sont en relation avec un état

psychique commun aux cas de cette espèce.

L'inspection du corps révèle des formes féminines, avec prédominance, en

longueur, du segment inférieur. Seins développés et proéminents, avec de

grandes aréoles, adipose du ventre formant des plis inférieurement. Absence

totale de poils aux aisselles, au thorax et sur les membres ; un simple duvet

à la région sus-pubienne. A première vue, les organes génitaux donnent l'im-

pression de l'hermaphroditisme. A un examen plus attentif on voit que le pénis

est réduit au minimum de volume, ayant deux centimètres de longueur. Les

testicules sont de la grosseur de deux lentilles, gardés dans une bourse scrotale

insignifiante.

A. M... s'est refusé à fournir aucune information au sujet de sa vie géni-

tale, montrant qu'il ne comprenait pas les questions et ne permettant pas que

l'interprète, son neveu d'ailleurs, pénétrât dans la salle d'examen. D'après ses

gestes, on comprenait que sa préoccupation était de nous convaincre de l'inté-

grité de sa fonction génétique. Une personne de la famille du malade, interro-

gée plus tard, nous a avoué qu'il n'a jamais manifesté d'idées libidineuses, ni

d'avoir jamais eu de relations sexuelles. Comme le sujet se soumettait de mau-

vaise volonté à notre examen, il ne nous a pas été possible de faire d'épreuves

qui permissent de juger de son état psychique. D'après les déclarations de per-

sonnes de sa famille, nous avons su cependant que A. M... est au courant

des affaires financières de sa maison commerciale, et que son naturel est

timide, soupçonneux et indolent. Il s'irrite avec facilité quand on le contrarie.

Il n'y a pas d'altérations dans la motilité, sauf un certain degré de ptose du

côté gauche, et déjà ancien. Température habituelle, 368; le patient est très

sensible au froid. Amaurose presque absolue de l'oeil gauche.

Thyroïde imperceptible à la palpation.

Réaction de Wassermann : positive.

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Nouvelle Iconographie DE la SALPÊTRIÈRE. % J ? ¢r t .F ? \' *« T. XXVIII. PL. V

Obs. VI

Obs. VIII

Obs. VIII

Obs. VII

Obs. VI

DYSTROPHIE GÉNITO-GLA\DULAIRE

0. de SouZa et Aloysio de Castro.

Masson & Cie, Editeurs.

DYSTROPHIE GI : NITO-GLANDULALRL 7

L'examen radiographique fait par notre collège le Dr Roberto Duque Estrada

a révélé une tumeur de l'hypophyse, le creusement de la selle turcique et la

destruction des apophyses clinoïdes postérieures (1).

Observation IV (Pl. III et IV)

, (Policlinica geral do Rio de Janeiro).

S. M. C ? espagnol, blanc, 42 ans, célibataire. La constitution physique

des parents était normale. De trois enfants nés de cette union, les deux frères

du sujet sont morts dans l'enfance. Il n'y a personne d'analogue à lui dans la

famille.

Il a souffert d'une maladie grave dans l'enfance, qu'il ne peut préciser, mais

il est resté aveugle à cette époque. Depuis, sa santé est normale. Il y a cinq ans,

il est tombé et s'est fracturé le fémur droit, d'où résulta un raccourcissement

du membre lésé et une scoliose consécutive.

Taille, 1 m. 68. Crâne petit, cheveux châtains, secs, sans brillant. Figure

arrondie, bouffie, d'un jaunâtre orangé, sans reflets, quelques rides peu pro-

fondes, rappelant l'écorce de certaines oranges. Il n'y a pas trace de barbe, et

il n'y en eut jamais ; on note cependant sur le visage un duvet très fin, comme

celui de la pêche. Absence complète de poils aux aisselles et au pubis, ainsi

que sur les membres. Voix de fausset parfaitement caractéristique. Adipose

bien manifeste aux régions mammaire et abdominale.

Organes génitaux : pénis de 3 centimètres, à gland en partie découvert.

On sent les testicules du volume d'une amande. Interrogé au sujet de sa vie

génitale, le patient tente de se dérober à travers de circonlocutions, finissant

par confesser qu'il eut une première fois des rapports sexuels à 28 ans, et

deux fois encore depuis cet âge jusqu'aujourd'hui. « Il aime les femmes, mais

de loin », dit-il.

L'état psychique de S. M. C... mérite une annotation spéciale. C'est un dé-

bile mental, mais avec développement unilatéral de certaines facultés. S. M.

C... s'appelle c le poète espagnol » et fait imprimer les vers qu'il compose,

grâce à la vente desquels il tire ses moyens de subsistance. Dans ces < vers »

les références sont constantes au sexe féminin, comme on en peut juger par

l'exemple ci-joint :

Corn direilo à vida modema (2).

1\"110 quero amar comqnanto

Mem quero arroito os vestidos

Quero a lavradora

Que va a campo comigo

(t) On trouvera l'étude plus étendue de nos observations au point de vue radiolo-

gique dans la thèse du D' Jayme Rosado, Estudo 1'adiologico de sella turcica, qui

doit paraître dans quelques mois.

(2) Traduction : Droit à la vie moderne. - Je ne veux pas aimer d'autant que

Je ne' veux pas d'ubrouffe (dans) les habits Je veux la fermière Qui va au champ

8 SOUZA ET DE CASTRO'

Desgraciado los homens

Que se tem que casar

Com um'a que gasta luxo

Se nao tem capital

Dizem que elle governo és mau

. Qne os quer abatir

. En digo que é mentira ,

Que o gastam em vestjr ? Nem tem culpa o governo

Nem tamponco a naçao

Por ser a causa de tudo

A muther a perdiçao

Ha muitas pue pello luxo

A muitos homens enganado

E nao se tem conta

Que sao uns badanas .

Quando saio a rua ,

militas parece Marquesas

Segundo tenho intendido

Até sen jantar se deitam.

Recebi o ten cartao postal

Nada me dizia do nosso amor

Bem depressa me esquecestes

Ou tens de mim algum dissabor.

Resposta segunde s seu nome

Se nas te dei informaçao

Foi so' para te experimentar

Como te via tao reservada

Achei melhor nisso nao fallar.

avec moi - Infortunés les hommes - Qui doivent se marier Avec une qui dépense

en luxe Si ils n'ont pas de capital. - On dit que le gouvernement est mauvais

Qu'il veut les humilier - Je dis que c'est un mensonge Qu'ils le dépensent à

s'habiller Le gouvernement n'en a pas la faute Ni la nation non plus Pour

être cause de tout - La femme la perdition. Il y en a beaucoup qui par le luxe

- A beaucoup d'hommes trompés - Et on ne fait pas attention - Que ce sont des

façades - Quand (elles) sortent dans la rue - Beaucoup paraissent des Marquises

Selon ce que j'ai-entendu (dire) même sans dîner se couchent. - J'ai reçu ta carte

postale elle ne me disait rien de notre amour bientôt tu m'as oublié - Ou tu

as reçu de moi quelque contrariété.

Réponse de S... (son nom).

Si je ne t'ai pas donné d'explication Ce fut seulement pour t'éprouver - comme

je te voyais si réservée J'ai trouvé mieux de ne pas parler de cela.

Obs. IV

OE1'h Y

NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALPI : T'R1Î : RE.

T. XXVIII. PL. IV

Obs. V

Obs. IV

DYSTROPHIE GENITO-GLANDULAIRE 9

Réaction de Wassermann : négative.

Examen radiographique. Tumeur de l'hypophyse, destruction des apo.

physes clinoïdes postérieures.

Observation V (PI. III et IV)

(Hospital da Bonericencia Portuguesa).

A. P. S..., blanc, portugais, céilbataire, 46 ans, porteur de pain. Il est entré

à l'infirmerie du Dr Marcos Cavalcanti, où nous l'avons examiné au commen-

cement de cette année, il était porteur d'une tumeur à la main (sarcome à

petites cellules fusiformes). Parents bien constitués, morts depuis plusieurs

années, il ne sait dire dans quelles conditions. Il n'a pas de frères. Il n'y a pas

de cas d'obésité dans la famille, ni de type morphologique analogue au sujet.

Chancre syphilitique à l'âge de 22 ans, suivi d'adénite, qui a laissé une

longue cicatrice à l'arcade crurale. Vers la 20e année, il a commencé à grossir

rapidement.

Il y a de longues années qu'il a eu des manifestations d'érysipèle, surtout à

la jambe droite.

Taille : 1 m. 70. Poids : 99 kil. Crâne petit, s'approchant du type oxycé-

phtalique. Cheveux noirs, secs, sans brillant. Face entièrement glabre, aux joues

flasques, jaunâtre, rides nombreuses. La barbe n'a jamais apparu. Mauvais

système dentaire. Voix normale. Absence de poils aux régions axillaire et

pubienne, ainsi que sur les membres. Adipose très prononcée, surtout à la

région inférieure de l'abdomen, qui tombe en se plissant, et à la région mam-

maire. Seins forts. A la région épigastrique on voit, et on sent très distincte-

ment au palper, un lipome. Le système veineux se dessine bien en évidence

sous la peau, surtout aux membres inférieurs où l'on trouve des varices. La

peau est ridée et peu adhérente sur la face dorsale des mains.

L'examen des organes génitaux révèle un pénis petit, sans phimosis, et un

testicule unique, le droit, bien développé, de volume et de consistance nor-

maux. Il n'y a pas vestige du testicule gauche. Le sujet rapporte qu'il eut des

rapports sexuels pour la première fois à 18 ans, et que jusqu'à 30 ans ses

fonctions génitales s'exerçaient régulièrement de mois en mois. A 30 ans, la

vigueur génitale s'évanouit, ce à quoi le sujet n'a jamais tenté de porter

remède, étant née depuis ce jour jusqu'à la date actuelle une indifférence

complète pour l'autre sexe. -

L'état psychique est normal. Indolence, caractère soupçonneux. On n'a pu

obtenir d'aucune façon que le patient se soumit à l'examen radiographique.

Réaction de Wassermann : positive.

Ohservation VI (PI. V et VI)

. (Policlinica gérai do Rio de Janeiro).

J. G. A..., portugais, blanc, 45 ans, charpentier, marié. Il n'y a rien d'inté-

ressant il noter sur les antécédents héréditaires.

Blennorrhagie à 33 ans. Alcoolisme modéré il y a quelques années. Le

10 SOUZA ET DE CASTRO

)

malade est venu consulter, parce qu'il souffre de douleurs dans les membres

inférieurs, surtout dans les jambes et les pieds, douleurs qui durent depuis

quelques mois, l'empêchant de travailler ; il se plaint aussi d'un dégoût com-

plet de la vie.

L'aspect morphologique de l'individu active de suite l'attention. Visage

entièrement glabre, bouffi, avec peu de rides, teint jaunâtre. Cheveux secs- et

durs, noirs, commençant à blanchir, avec des plaques d'alopécie. Mauvais

système dentaire. Absence absolue de poils sur le thorax et aux aisselles. Au

pubis les poils sont épars, limités en haut par une ligne horizontale. Seins

développés. Mains de grandes dimensions, de type à la fois charnu et acromé-

galique ; les pieds de même. Jambes grosses, avec un développement prononcé

de leur squelette, comme l'a révélé la radiographie. Un certain degré d'adipose

abdominale. Pénis de dimension moyenne, les testicules sont diminués de

volume et durs comme la pierre. Voix normale. Le malade rapporte qu'il a été

marié et qu'il exerçait normalement, avec régularité, ses fonctions génitales ;

la puissance et le désir ont entièrement disparu il y a peu d'années. Il n'a

jamais eu d'enfant.

Il présente un léger tremblement des mains quand il étend les doigts.

Etat mental parfait.

Bien que la réaction de Wassermann se soit montrée négative, le traitement

antisyphilitique a été suivi d'amélioration évidente et rapide, en tant qu'aux

douleurs des membres et aux altérations osseuses.

Observation VII (PI. V) ,

(Hospital da Misericordia).

J. A., noir, brésilien (Etat de Rio), 50 ans, célibataire, laboureur, observé

en 1914 à l'infirmerie du professeur Miguel Conto.

Les parents étaient forts et sains. Il est fils unique. Chancre syphilitique

à 25 ans, avec manifestations secondaires accentuées. Ostéo-périostite alvéo-

laire du maxillaire inférieur, il y a quelques années.

Le sujet est de haute taille, avec prédominance visible du segment inférieur

du corps. Tête de dimensions normales. Face glabre, sans rides, avec quel-

ques poils au menton. Il n'a jamais eu de barbe. Cheveux noirs et sans bril-

lant, sourcils normaux. Dents cariées. La voix est normale. La conformation

du corps est du type féminin, le bassin large, les membres arrondis. Poils

rares à l'aisselle et à la région pubienne. Le volume des seins n'est pas très

prononcé, mais de toute façon il est plus que normal. Pénis petit, testicules

de la grosseur d'un grain de haricot. Le malade affirme avoir eu des relations

sexuelles dans sa jeunesse, mais la fonction s'est évanouie il y a de longues

années, à mesure que les testicules diminuaient de grosseur.

Etat mental inaltéré.

Réaction de Wassermann positive.

Obs. VI

Obs. VIII

Obs. IX

Obs. X

DYSTROPHIE GÉN1T0-GLANDULAIRE H 1

Observation VIII (Pl. V et VI)

(Policlinica geral do Rio de Janeiro).

J. F. L., portugais, blanc, 31 ans, célibataire, employé de commerce.

Parents en vie, sains, normalement constitués, ainsi qu'un frère, le seul

du sujet. Personne n'a dans la famille de caractères morphologiques analo-

gues à ceux du patient.

Rien d'intéressant dans les antécédents morbides 'personnels. Individu de

stature médiocre (1 m. 58). Grande ouverture des bras, J m. 71. Poids, 50 k.

Crâne d'aspect normal. Conformation féminine du corps. Membres supérieurs

très longs. Mains féminines, fines et longues, avec hyperextensibilité des

doigts.

Visage glabre, jaunâtre, quelque peu ratatiné ; n'a jamais eu de barbe. Che-

veux noirs, secs. Aisselles et région pubienne glabres. Glandes mammaires

prononcées. Voix typique d'eunuque. Organes génitaux non développés ; pé-

nis de 3 centimètres, testicules de la grosseur de deux grains de blé. Il n'a ja-

mais eu de relations sexuelles, u'en a jamais senti le besoin et éprouve à cet

égard une complète aversion . Intelligence normale.

Réaction de Wassermann négative.

Examen radiographique : hypophyse normale, grande augmentation des

sinus frontaux et sphénoïdaux. '

Observation IX (PI. VI)

(Hospital da Misericordia).

I. A. L., 22 ans, blanc, célibataire, laboureur, a été observé par nous en

1914, à l'infirmerie du professeur Valladores (t), et en 1915 dans celle du

professeur Terra.

Parents morts, un frère vivant, sain. Nous n'avons pas d'informations

exactes quant aux antécédents morbides personnels.

C'est un individu de taille moyenne. Tête petite de type dolichocéphale. Le

visage entièrement imberbe, un peu enflé, les yeux caves, une ulcération à la

lèvre inférieure. Les cheveux noirs, secs et abondants, quelques-uns tout à

fait blancs. Poils rares aux aisselles. Un certain développement pileux à la

région pubienne, terminé supérieurement par une ligne horizontale. Des poils

fins et rares sur les membres. Dents cariées, beaucoup manquent. Adipose

prononcée de la région mammaire, aréoles hypertrophiées. Néanmoins, les

formes ne sont pas féminines. La voix est normale.

Appareil génital : pénis de forme et de dimensions normales. Bourse scro-

tale vide. On ne sent que le testicule gauche, comme un grain de haricot, dans

le canal inguinal. Il n'a jamais eu de relations sexuelles ; le sujet montre

une ignorance complète des fonctions génitales.

(1) Cette observation a été publiée par le D' Carlos Werneck, sous le titre Um easo

de gynecomattia (Brasil Medico, 1914, no 30). :

12 SOUZA ET DE CASTRO

Etat psychique : imbécillité manifeste.

Réaction de Wassermann franchement positive.

Examen radiographique : selle turcique normale.

. Observation X (PI. VI)

(Policlinica geral do Rio de Janeiro).

I. H., 23 ans, blanc, brésilien (district fédéral), célibataire, barbier.

Père vivant, vagabond ; mère morte depuis plusieurs années de la tuber-

culose. Trois frères mineurs, bien constitués.

Enfance maladive, variole à 5 ans.

C'est un individu malingre, de stature normale ; le crâne bien conformé, les

cheveux noirs, normaux. Il n'a jamais eu de-barbe : la face est glabre, pâle,

sans rides. Peu de développement des poils aux aisselles ; quelques-uns à la

région pubienne. Voix normale un peu aiguë. Dents mauvaises.

Pénis de dimensions moindres qu'il n'est normal à l'âge du sujet. Testicules

presque impalpables, comme deux grains de haricot. Il n'a jamais eu de rela-

tions sexuelles.

Intelligence normale.

Réaction de Wassermann négative.

Observation XI (PI. VII)

(Policlinica geral do Rio de Janeiro).

J. L. G..., 15 ans, blanc, brésilien, garçon boucher. Parents vivants, en

bonne santé, ainsi que sept frères 'dans les mêmes conditions. Il a perdu

trois frères en bas âge et ignore la causa morlis. La mère a eu six fausses

couches. J. G... n'a pas souffert des maladies communes à l'enfance. Il y a

quatre ans ont apparu des douleurs abdominales intenses, par accès courts, se

répétant avec fréquence. L'état général ne s'en ressentait pas. Il y a quelques

mois, il a observé que son ventre augmentait de volume du côté gauche, en

même temps que se manifestaient des grosseurs au cou.

J.-G... est un individu maigre, pâle, au facies adénoïde. Scapulæ alaise.

La peau est fine et glabre ; il n'y a pas trace de poils aux aisselles ni au pubis.

L'inspection dénote aussitôt l'existence d'hypertrophie ganglionnaire, très

prononcée sur différents points du corps : au cou, dans les régions inguinales

et axillaires. Les ganglions sont durs, mobiles, indépendants les uns des au-

tres. Au ventre on remarque une grande tumeur, excessivement dure, de

surface bosselée et de contours irréguliers. La tumeur mesure environ 34 cen-

timètres de longueur et 19 de largeur et s'étend de l'hypochondre gauche à la

fosse iliaque droite.

L'examen radioscopique a révélé l'élévation du diaphragme, dont les mou-

vements respiratoires sont réduits. La perméabilité pulmonaire est normale,

on perçoit les ganglions du médiastin.

Le peu de développement du pénis et des testicules de dimensions insigni-

' 1 \ " 1 - mmm ,;

DE LA SALPLI'R1ÉRE. T. XXVIII. PL. VII

Obs. XI

DYSTROPHIE GÉN1T0-GLANDULAIRE

0. de Soumit et Alopio de Castro.

Obs. XII

Obs. XIII

DYSTROPHIE GÉNiTO-GLANtnJLA111E 13

fiantes, comme ceux d'un enfant de cinq ans, appelle immédiatement l'attention.

Développement intellectuel normal.

L'examen du sang a confirmé le diagnostic du mal de Hodgkin (pseudo-

leucémie lymphatique).

Réaction de Wassermann positive.

Interné depuis à l' « Hospital da lllisericorda » dans l'infirmerie du profes-

seur Rocha Paria ; l'examen du sang, fait par le Dr Oscar- Clark, a donné les

résultats suivants : z

14 SOUZA ET DE CASTRO

11 n'y a rien d'intéressant à mentionner, sauf l'existence de tics multiples,

qui ont apparu depuis quelques années et qui s'aggravent.

' L'apparence du sujet est celle d'un-garçon de 12 ans. Hauteur : 1 m. 36.

Crâne d'aspect normal, cheveux de type normal. La face un peu ridée et pâle.

Prognatisme du maxillaire inférieur.

Absence de poils aux aisselles et au pubis. Bonne dentition.

Appareil génital : pénis très réduit (3 centim.). Testicules petits, comme

deux olives. Il n'y a pas d'adipose.

L'agitation motrice du malade est remarquable ; à tout instant on observe

des tics très violents dans la tête, le cou et les membres, accompagnés de

coprolalie. Le malade saute, trépigne, et se bat constamment de la main

l'épaule opposée.

Récemment des attaques épileptiques se sont manifestées, qui se renouvel-

lent après quelques jours de repos.

Dans l'état mental, on observe un retard manifeste par rapport à son âge, une

grande instabilité mentale, un caractère enfantin, comme celui d'un garçon de

8 ans.

Réaction de Wassermann positive.

Observation XIV (PI. VIII).

J. F., 14 ans, blanc, brésilien.

Fils unique ; père morl de tuberculose pulmonaire, mère obèse.

Enfance saine. Il y a deux ans, parotidite épidémique, de forme modérée.

Crâne bien conformé, cheveux normaux. Absence de poils aux aisselles et

au pubis. Système pileux normal sur les membres et le tronc.

Pénis insignifiant (2 cent. 1/2). '

Testicules comme des grains de blé; celui du côté droit n'est pas descendu.

Bonnes dents, retard dans la deuxième dentition.

Bassin large. Un certain degré d'adipose dans la région abdominale.

Intelligence normale.

Observation XV (PI. VIII).

M. J., 14 ans, noir, brésilien. Père mort de tuberculose pulmonaire. Trois

frères mineurs. Nous n'avons pas d'informations précises sur l'état de leur

santé.

Il n'y a pas eu de grande maladie pendant l'enfance qui s'est passée sans

accident.

Il y a 6 mois, des vertiges ont apparu, des vomissements, et une fois une

attaque convulsive sans perte de connaissance. L'examen des fèces a révélé

des ascarides, qui ont été éliminés grâce au traitement institué.

Le sujet mesure 1 m. 32. Peau glabre. Voix enfantine. Un certain degré de

genu valgum. Pénis de 3 centimètres. Le scrotum s'insère dans la région pu-

bienne, à la partie supérieure de la racine du pubis ; testicules descendus de

dimensions insignifiantes.

Etat mental enfantin. (.4 suivre.)

CLINIQUE PSYCIIIATIiIQUE DE L'UNIVERSITÉ DE GENÈVE

Professeur : R. Weber

PARALYSIE GÉNÉRALE CHEZ UNE OXYCÉPHALIQUE

PAR R

H. FLOURNOY

La cause première de l'oxycéphalie est très obscure. Virchow, auquel

se 'sont ralliés Hirschberg, Patry (1), Merle (2), etc., admettait qu'il s'agis-

sait à l'origine d'une méningite. Parmi les travaux plus récents, Berto-

lotti (3), Charon et Courbon (4), Meltzer (5), font aussi entrer en ligne

de compte le rachitisme. Quoi qu'il en soit, presque tous les auteurs sont

d'accord pour attribuer à l'augmentation de la pression intracrânienne

un rôle important dans le mécanisme de cette affection. C'est aussi le

point le plus frappant de l'observation qui suit.

La lésion du nerf optique, qui constitue avec la déformation crânienne

le symptôme principal de l'oxycéphalie, est en rapport avec l'hyperten-

sion, car l'atrophie est précédée d'oedème de la papille. Cette atrophie ne

dépend pas des canaux optiques, dont le diamètre est normal ; ce n'est

que dans de rares exceptions qu'on a trouvé leur calibre diminué, et rien

ne prouve que leur rétrécissement ne soit pas alors secondaire à l'atrophie

optique.

Du côté du crâne, l'un des signes de pression les plus nets à l'autopsie

est l'existence d'impressions digitées à sa surface interne. L'usure de l'os

peut être telle qu'elle aboutit à une perforation spontanée; Strebel (6)

a décrit récemment un cas de ce genre. La base présente aussi des ano-

malies qui suffisent à elles seules, d'après Bertolotti, à établir le diagnos-

tic. Ces anomalies, visibles chez les malades par la radiographie, consis-

tent en ce que le plan ethmoïdal, au lieu d'être un peu incliné, descend

brusquement d'avant en arrière, en sorte que l'emplacement de la selle

turcique est très abaissé et que la fosse cérébrale moyenne se trouve à

peu près au même niveau que la postérieure. Cet enfoncement de la base

(1) Thèse de Paris, 1905.

(2) Nouvelle Iconographie de la Salpêtrière, 1908.

(3) Ibid., 1912.

(4) Ibid., 1913.

(5) Neurol. Centralbl., 1908.

(6) Corresp. BI. f. Schweizer Aerzte, 1915.

16 FLOURNOY

sous l'effet de la pression lordose basilaire, selon Bertolotti n'exis-

terait dans aucune autre malformation du crâne, même pas dans l'hydro-

céphalie ; dans cette dernière affection, les sutures restent d'ailleurs

longtemps ouvertes, tandis qu'elles se synostosent rapidement chez les

oxycéphales. Les ventricules rie sont pas toujours dilatés ; ils peuvent

même être rétrécis comme dans le cas de Herzog (1), ce qui n'empêche

pas le peu de liquide qui y reste d'être sous pression ; ce fait est à com-

parer avec certains cas de tumeurs (2). ,

Ces faits expliquent pourquoi, parmi les traitements chirurgicaux qu'on

a proposés (ponction des ventricules, opération sur les canaux optiques),

le plus indiqué est la trépanation décompressive. De même que dans les

tumeurs cérébrales, la ponction lombaire peut être directement nuisible

dans l'oxycéphalie ; elle agirait alors en rompant subitement l'équilibre

de pression entre les cavités crânienne et rachidienne (3).

Observation.

Mme B..., 34 ans, entre à l'asile le 22 novembre 1913. Depuis quelques

mois elle se conduit d'une façon étrange et dépense son argent en achats ab-

surdes ; depuis une quinzaine de jours elle se croit persécutée, quitte son do-

micile et se met à vagabonder en ville. Son entourage remarque qu'elle parle

en bredouillant.

Sou père aurait souffert de la vue depuis l'âge de 25 ans ; « tête très poin-

tue » (oxycépliale). Mère morte au retour d'âge de pneumonie. Un frère ju-

meau de la malade, deux autres frères jumeaux et une soeur sont morts ; une

soeur vivante est myope. Mariée à 23 ans, la malade a divorcé à 30 ans, sans

avoir d'enfants. N'a pas eu d'affectiou mentale auparavant. Lors de l'apparition

des règles, elle aurait eu de « petites crises » (4) qui ont disparu définitive-

ment depuis l'âge de 22 ans ; à la même époque elle a présenté des troubles

oculaires.

A l'asile, le diagnostic de paralysie générale est confirmé par la ponction

lombaire (pression forte, quantité notable de globulines, Noguchi et Wasser-

mann positifs, 39 lymphocytes par millimètre cube). La malade est apathi-

que, mal orientée, incapable de donner des renseignements exacts ; elle arti-

cule mal. Certains jours, elle s'excite, tient des propos grossiers, insulte

les personnes qui l'entourent ; le bredouillement de la parole devient alors

manifeste. Puis elle reprend une attitude anxieuse, a de la peine à se tenir de-

bout, mange peu et ne dit rien pendant plusieurs semaines.

(i) Thèse de Zurich, 1914.

(2) Voir WEBER, Nouvelle Iconographie, 1907.

(3) WEDER, Ibid. '

(4) Il est probable qu'il s'agit de crises épileptiformes, comme elles se rencontrent

souvent dans les cas d'hypertension cérébrale. Elles ont été observées chez des oty-

céphales par Herzog, Strebel, etc.

PARALYSIE GÉNÉRALE CHEZ UNE OXYCÉPHALIQUE 17

Physiquement, femme de taille moyenne. Tête en forme de tour; absence

de toute voussure occipitale. Peau de la figure et du ventre légèrement pig-

mentée. Dents du maxillaire supérieur suspectes (lues) ; légère exostose du

tibia droit. Les organes internes et l'urine ne présentent rien de pathologique.

Réflexes tendineux des bras exagérés ; réflexes patellaires abolis. Tremblement

de la langue. Sur les radiographies de la tète, on voit nettement les impres-

sions digitées et la déformation de la base.

Le 30 décembre, après une assez longue période où elle paraissait obnubilée,

la malade recommence à s'agiter ; le lendemain elle s'affaisse subitement et

meurt d'embolie pulmonaire. , '

Troubles oculaires. A 22 ans (1901), la malade se réveille un matin in-

capable d'ouvrir les yeux ; l'oeil droit se rétablit beaucoup moins parfaitement

que le gauche. Un an après, on remarque que la pupille de l'oeil droit est forte-

ment dilatée. A 26 ans (juin 1905), la vue de l'oeil gauche baisse brusquement.

A 27 ans (avril 1906), la malade se fait traiter à l'Hôpital ophtalmique, où le

D`Cullomb constate : oeil droit, mydriase considérable, vision = 1 ; oeil gauche,

atrophie blanche du nerf optique très avancée, vision z1/10. En avril 1907 :

oeil droit, paralysie totale de la Ill- paire, ptosis, vision = 1 ; guérison assez

rapide par traitement général et électrisation galvanique ; à l'oeil gauche, l'atro-

phie optique continue à progresser, et la vision est nulle en décembre 1907.

A 30 ans (décembre 1909), le status est le même, et à 34 ans, pendant le séjour

de la malade à l'asile, on constate : .

Pupilles très larges, le bord visible de l'iris étant à peu près de 1 millimè-

tre, toutes deux rigides ; à la lumière directe d'une lampe électrique, on ne

voit aucune réaction. La paupière supérieure de l'oeil droit est un peu plus

abaissée que celle du gauche. L'oeil droit est souvent en strabisme divergent.

L'examen du fond de l'oeil, auquel il n'est pas facile de procéder vu la

grande anxiété de la malade, ne donne pas de résultat bien net. Il est toutefois

certain que l'on peut exclure l'oedème papillaire. Par contre il se pourrait fort

hien que la pupille fût atrophiée, car elle est très blanche et petite. Les vais-

seaux sont plutôt gonflés. Les milieux de l'oeil ne présentent pas d'altérations.

Ces troubles oculaires n'appartiennent pas sans aucun doute au tableau cli-

nique de la paralysie générale. Leur début est antérieur, puisqu'ils ont déjà

été constatés nettement à l'âge de 22 ans. A l'asile ils ont attiré l'attention sur

la forme particulière de la tête de la malade et dépendent d'une affection

bien plus ancienne, l'oxycéphalie. Outre l'atrophie du nerf optique, ces signes

oculaires indiquent qu'il s'agit d'une paralysie de la III- paire. Mais, tandis que

cette paralysie se produisait d'une façon transitoire dans le domaine de la

musculature extrinsèque (ptose et strabisme divergent), elle resta permanente

pour la musculature intrinsèque (dilatation et rigidité pupillaires des deux

côtés, par paralysie totale de la constriction). On verra plus loin la cause pro-

bable de cette dissociation, bien qu'il s'agisse de muscles innervés les uns et

les autres par le même nerf. , ' '

XXVIII 2

18 FLOURNOY

Autopsie.

Crâne. - Aucune suture visible, sauf à la partie supérieure du lambda.

Calotte sclérosée, épaisse de 4 à 9 millimètres ; quelques enfoncements au

niveau des granulations de Pacchioni. La moitié gauche est plus petite que la

droite. L'empreinte des circonvolutions est plus prononcée à la face interne

du frontal gauche. Fosses crâniennes moyennes très profondes, avec de fortes

nervures correspondant aux sillons du cerveau. Sinus latéral et pétreux infé-

rieur très profonds dans l'os du côté droit, tandis qu'ils sont peu marqués il

gauche. Empreinte de la méningée moyenne très accentuée des deux côtés.

Moulage de la cavité crânienne (PI. IX). - Le cerveau une fois sorti de la

boîte crânienne ne conserve pas exactement sa forme ; c'est pourquoi il nous

paraît utile de décrire brièvement le moulage de la cavité fait par le D' Demole.

Diamètre antéro-postérieur 15 centimètres, vertical 14 centimètres, trans-

versal 14 centimètres.

L'impression du rocher est très profonde des deux côtés et les lobes tempo- i

raux font une forte saillie sur un plan passant par la base frontale et celle de >

la protubérance. Le pôle postérieur du cerveau ne se trouve que très peu en

arrière du trou occipital. Vu de haut, au lieu de présenter un pourtour 1

nettement ovale, le moulage ressemble à une sphère, la différence entre les i

diamètres antéro-postérieur et transversal n'étant que de t centimètre. Vu de i

côté, il a une forme conique dans sa partie supérieure, au-dessus d'un plan

passant par les bosses frontales et la protubérance occipitale ; au-dessous de

ce plan, on remarque que le lobe temporal descend presque verticalement et

occupe une place énorme en comparaison des lobes frontaux et occipitaux.

L'axe de la protubérance et de la moelle allongée, au lieu d'être très oblique

par rapport à la base du cerveau, suit une direction à peu près horizontale,

anomalie qui répond à la déformation de la base du crâne. En arrière, le mou-

lage présente du côté droit un épais bourrelet qui longe le bord du cervelet;

il n'existe pas à gauche. Ce bourrelet asymétrique correspond au sinus latéral,

dont la gouttière est beaucoup plus profonde dans l'os à droite qu'à gauche.

Cerveau (Pl. IX). Poids : 1.200 grammes. Dure-mère très mince, légère-

ment tendue, surtout à la partie postérieure. Pie-mère légèrement oedématiéeel

épaissie par places ; quelques adhérences entre la dure-mère et la pie-mère.Dans

la région frontale, on voit très nettement le dessin des circonvolutions à travers

les méninges. Adhérences entre les deux méninges et le cerveau au niveau des

lobes temporaux et des gyri recti. Hyperplasie pie-mérienne dans la région

du chiasma. Légère injection sur les deux pôles occipitaux. Les pôles tem-

poraux font fortement saillie à la base. L'infundibulum est à 3 cent. 2

au moins au-dessous d'un plan passant par la surface inférieure des lobes

temporaux (environ 8 millimètres de plus que sur le cerveau'de comparaison).

La concavité qui est à la face inférieure des lobes temporo-occipitaux a une

profondeur exagérée pour loger le cervelet. Le cervelet fait lui-même autour

de la moelle allongée un bourrelet symétrique correspondant au trou occipital,

PARALYSIE GÉNÉRALE CHEZ UN 011'Ci : ltiALIQUE

PARALYSIE GÉNÉRALE CHEZ UNE OXYCÉPHALIQUE 19

Le bulbe rachidien se trouve ainsi dans une sorte de rigole, les bords du cer-

velet effleurant presque sa face inféro-anlérieure.

Les sillons sont partout très nets, profonds et étroits ; les circonvolutions

se pressent les unes contre les autres. Il existe en outre une quantité de petits

replis et de sillons accessoires, dont la topographie est mal commode à faire :

le sillon prérolandique à droite se compose de deux tronçons, tandis qu'à gau-

che il est ininterrompu ; la deuxième temporale à gauche est interrompue par

un gros sillon. D'une façon générale, ce qui devrait être dirigé à peu près

horizontalement va obliquement, par suite de la voussure anormale des lobes

temporaux qui « font hernie » la base du cerveau. En séparant les hémis-

phères, on constate que les circonvolutions frontales internes droites, dans

leur moitié inférieure, ont fait impression dans le lobe gauche. La voussure du

corps calleux est un peu accentuée. Le 3" ventricule est nettement dilaté, eu

égard aux petites dimensions du cerveau ; il en est de même des .ventricules

latéraux, dont la dilatation est égale des deux côtés, le trou de Monro étant

largement ouvert. La pente du 4° ventricule est moins prononcée que la nor-

male.

Les artères méningées moyennes sont volumineuses ; par contre les vais-

seaux qui partent de la moitié antérieure du cercle de Willis (cérébrale anté-

rieure et sylvienne) ont un calibre excessivement étroit. L'oculo-moteur com-

mun droit est plus petit que le gauche. L'artère vertébrale, le trijumeau et le

nerf optique sont au contraire plus petits à gauche qu'à droite. La différence

entre les deux nerfs optiques est très prononcée (droite, 4 mm. 25 ; gauche,

2 mm. 5).

Coupes. - Après durcissement dans la formaline, le cerveau a été examiné

sur des coupes colorées au carmin ou à la méthode de Weigert-Pal, frontales

pour l'hémisphère droit, sagittales pour le gauche. A première vue, on re-

marque que les coupes ont un bord régulier, peu découpé ; au lieu que cer-

taines circonvolutions dépassent leurs voisines, toutes ont leur bord libre à

peu près aligné au même niveau et sont très rapprochées les unes des autres.

Les sillons sont étroits. Sur les coupes transversales, le lobe occipital a une

forme triangulaire, comme tirée au cordeau. Une des conséquences de cette

déformation est que la scissure calcarine débouche exactement à l'angle inféro-

interne, le lobe lingual ayant subi tout entier un déplacement contre la base.

Plus en avant, les coupes transversales de la région moyenne de l'hémis-

phère sont trop hautes par rapport à leur largeur ; les circonvolutions tempo-

rales y paraissent atrophiées. Sur les coupes sagittales, le lobe occipital sur- '

tout présente des circonvolutions très nombreuses et minces, qui paraissent t

entassées dans un espace trop petit.

Ventricules dilatés. Sur le plancher du 4' ventricule, épendymite granulai-

re. La sclérose s'étend ailleurs et tapisse partout la paroi des ventricules laté-

raux et médian; elle est très marquée dans l'angle du ventricule latéral au-

dessus du noyau caudé, et surtout sur le plancher du 3' ventricule, à l'entrée

de l'aqueduc de Sylvius ; dans cette région elle intéresse la partie antérieure

du noyau de l'oculo-moteur commun. Trigone et septum lucidum nettement

o FLOURNOY Y

sclérosés. Les couches profondes de la substance blanche, voisines du pourtour

ventriculaire, présentent une quantité de petites vacuoles.

Vaisseaux gorgés de sang ; la veine- du corps strié est énorme. Espaces pé-

rivasculaircs dilatés ; par endroits, de petites hémorragies. Certains vaisseaux

ont une forme caractéristique en spirale ou tire-bouchon. A la surface de

l'écorce, de nombreuses- petites gouttières produites par les vaisseaux super-

ficiels ; ces impressions vasculaires semblent s'accentuer à mesure qu'on appro-

che du pôle frontal.

L'hypophyse, -qui paraît agrandie sur le radiogramme, ne présente rien de

particulier au point de vue histologique. '

Les nerfs optiques ont été coupés dans le sens transversal en arrière, près

du chiasma, et longitudinal a leur partie antérieure voisine de la rétine.Coupes

colorées au carmin, au Weigert et à 1'liématoxylitie-cosiiie. Dès deux côtés la

gaine est épaissie. Sur les coupes transversales on voit que le nerf optique

droit est envahi par une grosse cloison de tissu conjonctif qui semble le diviser

en deux moitiés ; de chaque côté les faisceaux nerveux sont raréfiés et en par-

tie dégénérés. L'optique gauche présente une dégénérescence beaucoup plus

marquée ; dans presque toute son épaisseur, le nerf est remplacé par un amas

de trabécules conjonctives, au milieu desquelles on distingue encore il peine

quelques fibres. Les mêmes lésions se voient nettement sur les coupes longi-

tudinales. 1

Les adhérences entre les méninges et le cerveau et les épaississements

de la pie-mère dépendent de la paralysie générale. Ce diagnostic a été

confirmé par l'examen microscopique des coupes : infiltration périvascu-

laire très marquée, prolifération des cellules de la névroglie, épendymite

granulaire sur le plancher du 4 ventricule ; les faisceaux nerveux sont

diminués au centre des circonvolutions, les fibres tangentielles ont dis-

paru à la périphérie. , ,

Comme signes de l'oxycéphalie, remarquons la hauteur exagérée du

cerveau par rapport il ses autres dimensions (fig. 1, 2, 3, 4), la sailliedes

pôles temporaux à la base (fig. 4), la direction anormale des circonvolu-

tions et. l'abaissement de l'infundibulum. Mais il ne s'agit pas d'une

simple déformation de l'encéphale ; d'autres anomalies semblent prouver

. qu'il y avait une augmentation permanente de la pression. Ce sont

l'étroitesse dessillons, l'existence de nombreux replis accessoires, l'adap-

tation maximale au contenant soit du cerveau au crâne- et surtout

le bourrelet formé par le cervelet autour du bulbe rachidien. Sur les

coupes, l'alignement du bord libre des circonvolutions, comme si elles

avaient été nivelées par la boite osseuse, la forme triangulaire, presque

rectiligne, du lobe occipital, entraînant le déplacement de la scissure cal-

carine (fig. 3); à l'examen microscopique la présence de vaisseaux en

PARALYSIE GÉNÉRALE CHEZ UNE OXTCEPHALIQUE 21

spirale et d'empreintes vasculaires à la surface de l'écorce (1) sont aussi

l'effet de la pression. Il en est de même de la dilatation des ventricules

avec sclérose de leurs parois et de l'existence de fines vacuoles criblant la

substance blanche sur le pourtour ventriculaire. Ce dernier indice d'une

pression exagérée a été décrit par le professeur Weber dans certains cas

de tumeurs cérébrales (2).

Quel peut être le mécanisme de celte augmentation de pression ? Agit-

elle de dehors en dedans, ou en se faisant sentir dans le ventricule d'abord

et ensuite à la périphérie ? Une fréquence relativement plus grande des

paralysies de la Ille paire par rapport à celle de la VI° parlerait en faveur

d'une étiologie ventriculaire ; car le noyau de l'oculo-moteur commun est

plus rapproché du bord du ventricule, et par conséquent plus exposé que

celui de l'oculo-moteur externe. En réalité, le strabisme divergent est

noté plus souvent chez les oxycéphales que le convergent; maison ne

peut guère tabler sur ce fait, puisque le strabisme divergent est plus

répandu d'une façon générale. Par contre, le mode de répartition des

(1) Weber, Nouvelle Iconographie, 4, 1907.

(2) lbid., 2, 1905 ; 3, 1906.

F1.1

p, *

22 FLOURNOY

impressions digitées à la surface interne du crâne peut fournir des indi-

cations importantes.

Peu visibles au vertex, à l'occipital et dans la partie supérieure du

frontal et des pariétaux, les impressions digitées sont surtout marquées

sur .les voûtes orbitaires et dans les fosses crâniennes moyennes. Cette

distribution s'explique en partie par la minceur de l'os en ces points;

mais une autre cause nous semble intervenir : c'est la différence d'épais-

seur du manteau cérébral suivant les régions. L'augmentation de pres-

sion, si elle est d'origine ventriculaire, doit se faire sentir sur la table

interne au maximum dans les endroits où la substance cérébrale est la

plus étroite et offre donc la moindre résistance. Les mensurations ont été

faites dans plusieurs directions, conformément aux schémas ci-contre.

Chaque chiffre donne, en millimètres, la moyenne des dimensions

trouvées sur une série de coupes. Les rayons a, b, c, d, e, /, ont été mesu-

rés sur 10 coupes sagittales de l'hémisphère gauche, rapprochées de la

ligne médiane ; e' et /' sur une autre série de 10 coupes passant plus en

F ? 3.

PARALYSIE GÉNÉRALE CHEZ UNE OXYCÉPHALIQUE 23

dehors et intéressant la corne occipitale. Le diamètre oblique indique la

moyenne obtenue sur 45 coupes vertico-transversales de l'hémisphère

droit, comprises entre la pointe de la corne frontale et la paroi postérieure

du carrefour ventriculaire ; h et i ont été mesurés sur 19 d'entre elles

intéressant la corne sphénoïdale ; g' et la' sur 13 autres coupes passant

plus en arrière et échelonnées sur toute la longueur de la corne occipitale.

La distance verticale i', entre cette corne et la périphérie, n'entre pas en

ligne de compte, puisque le lobe occipital ne repose pas sur l'os, mais sur

la tente du cervelet.

C'est dans les diamètres a et i que la couche de substance cérébrale

est de beaucoup la plus étroite et constitue entre l'os et le ventricule

prêt à se distendre un « tampon » de moindre résistance. C'est aussi à

l'extrémité de ces diamètres que les impressions digitées sonttrés pronon-

cées (voûtes orbitaires et fond des fosses moyennes). Dans toutes les autres

directions, la substance cérébrale est plus épaisse; les impressions cor-

respondantes sont peu marquées, sauf sur la paroi latérale des fosses

Fi¡ 4

24 FLOURNOY ·

moyennes, à l'extrémité du diamètre h, qui dépasse pourtant 30 millimè-

tres. Mais dans cette région du crâne, constituée par l'écaille du temporal,

l'os lui-même est excessivement mince et par conséquent peu résistant.

L'hypothèse d'une étiologie ventriculaire s'accorde donc avec la distri-

bution des impressions digitées; elle expliquerait aussi la névrite optique,

celle-ci pouvant être due simplement à la pression de l'infundibulum sur

la Il,, paire. Au point de vue mécanique, la différence avec l'hydrocépha-

lie consiste en ceci : dans cette dernière affection, la partie supérieure du

crâne s'ouvre, à la façon d'une fleur; chez les oxycéphales, au contraire,

la voûte ne s'ouvre pas ; elle se déforme seulement, en sorte que, malgré

la dépression de la base, la place obtenue dans la boîte osseuse est insuf-

fisante. Le cerveau se trouve, comme dans les cas de tumeurs, dans un état

décompression; nous verrons plus loin quelle explication possible on

pourrait en donner. '

PARALYSIE GÉNÉRALE CHEZ UNE ORYCÉPHAL1QUE 25

Asymétrie des effets de pression. Dans le cas particulier, la pres-

sion n'a pas eu un effet identique sur les deux hémisphères ; elle semble

avoir porté davantage sur le gauche, qui disposait déjà d'une place plus

petite par suite de l'asymétrie du crâne. A l'autopsie, les circonvolutions

frontales droites dépassaient nettement la ligne médiane, empiétant sur le

côté gauche. Les coupes ayant été faites dans des sens différents, la com-

paraison des dimensions relatives des ventricules fut rendue impossible.

C'est probablement à cet effet plus prononcé de la pression sur l'hémis-

phère gauche qu'il faut attribuer la différence de volume des nerfs optique

et trijumeau, qui y sont beaucoup plus petits qu'à droite. Pour l'oculo-

moteur commun, c'est l'inverse; ce fait paraît difficile à expliquer, à

moins d'admettre qu'il dépende d'une altération nucléaire : le noyau gau-

che aurait plus souffert de la compression que le droit, et comme les

fibres de la IIIe paire s'entre-croisent en partie, c'est du côté opposé que

le nerf est diminué de volume. La profondeur exagérée des sinus latéral

et pétreux inférieur du côté droit pourrait aussi être conséquence des

effets de pression, le côté droit ayant peu à peu suppléé au gauche où la

circulation veineuse devait se faire moins facilement ; la suppléance est

possible, puisque les sinus gauche et droit confluent en arrière au Pres-

soir d'Hérophile, et communiquent en avant par le sinus coronaire. Quant

aux artères, la sylvienne et la cérébrale antérieure sont très minces des

deux côtés ; cette anomalie est sans doute en rapport avec le faible déve-

loppement des lobes frontaux, sans qu'il soit possible de dire si elle en

est la cause ou la conséquence. Les artères méningées moyennes, dont

l'empreinte est si marquée des deux côtés du crâne (signe de pression),

n'irriguent pas le cerveau.

Les altérations constatées plus haut parlenl toutes en faveur d'une

augmentation permanente de la pression intracrânienne. Mais ce phéno-

mène seul n'explique pas les accidents brusques et transitoires qui se

sont produits chez notre malade; ils doivent dépendre de quelque autre

mécanisme capable de provoquer une hypertension momentanée. Quel

peut être ce mécanisme ?

Parmi tous les organes, le cerveau est le seul qui se trouve immobilisé

dans une enveloppe absolument rigide; celle condition serait défavorable

à une bonne irrigation si elle n'élait compensée par l'existence de nom-

breux sillons, dont le rôle principal est de faciliter la nutrition. Les

déchets des couches superficielles de la substance blanche retournent à la

périphérie ; ceux des profondes sont drainés par le liquide ventriculaire.

En outre, les variations de volume provoquées par chaque vague sanguine

agissent nécessairement sur le cerveau plus que sur les autres organes,

puisqu'il est enfermé de toutes parts. Il y répond en expurgeant une cer-

26 FLOURNOY

taine quantité du liquide que contiennent les espaces arachnoïdiens et les

ventricules. Mais ceux-ci n'ont qu'un seul débouché, l'aqueduc de Syl-

vius : il faut absolument qu'il fonctionne (1), sinon une pression intra-

crànienne exagérée et accompagnée d'oedème papillaire ne tarde pas à

apparaître. Chez les oxycéphales, la déformation si caractéristique de la

base, nettement visible sur les radiographies de notre cas, a pour consé-

quence de donner àj'aqueduc une inclinaison et une courbure anormales.

Il est donc compréhensible que ce canal fin et délicat puisse se trouver

momentanément comprimé et obstrué sous l'influence des facteurs patho-

logiques les plus insignifiants, tandis qu'il ne le serait pas si sa situation

et sa direction étaient normales. L'écoulement du liquide du 3e ventricule

devient alors impossible, et le cerveau est hermétiquement pris dans un

espace clos, ce qui favorise la compression ; sitôt que l'aqueduc se rouvre,

les conditions habituelles sont rétablies.

Ce mécanisme rendrait compte des symptômes d'hypertension subite

et passagère : crises et paralysies transitoires dans le domaine de l'oculo-

moteur commun. Quant à la paralysie permanente de la musculature

intrinsèque de l'oeil, qui dépend du même nerf, elle peut être due à la

vulnérabilité plus grande du segment antérieur du noyau de la IIIe paire.

C'est ce segment qui innerve la pupille; se trouvant directement sous

le plancher du 3e ventricule, il est plus exposé à l'exagération de la pres-

sion et-à la sclérose périventricutaire consécutive que le reste du noyau,

situé sous l'aqueduc. Cette hypothèse est confirmée dans notre cas par

l'examen des coupes, qui montrent en effet une destruction partielle à

l'extrémité antérieure du noyau de l'oculo-moteur commun. '

Arrivés au bout de notre simple étude, nous constatons que nous

n'avons trouvé une solution possible que pour certains accidents aigus

survenant chez des oxycéphales.

Par contre, nous n'avons point d'explication pour les causes de l'ano-

malie crânienne elle-même et des phénomènes de pression permanente

qui l'accompagnent. Dans notre observation il y a certainement un fac-

teur héréditaire : on ne saurait en nier la valeur lorsqu'on sait que l'on

retrouve jusqu'à de petites anomalies de la dentition d'une génération à

l'autre. Resterait à savoir comment il agit. Ici nous rappellerons que

certains vaisseaux cérébraux ceux de la moitié antérieure nous

frappèrent par leur diamètre minime. Peut-on en conclure à une crois-

sance irrégulière, procédant par saccades, du cerveau ? La portion fron-

tale, peu irriguée, ne se développerait presque pas et permettrait ainsi

aux sutures de l'ossifier. Puis interviendrait une circulation par collaté-

(1) Weber, Nouvelle Iconographie, 2, 1905.

PARALYSIE GÉNÉRALE CHEZ UNE OXYCEPHALIQUE 27

raies, beaucoup plus lente à s'établir, suivie d'une période nouvelle de

prolifération des éléments nerveux, qui aurait alors à vaincre un sérieux

obstacle osseux. Ou enfin, le développement asymétrique et périodique

du cerveau est-il précisément héréditaire, et les anomalies vasculaires

n'en sont-elles que les conséquences ? Ces questions restent ouvertes.

CONCLUSIONS.

4° L'atrophie du nerf optique n'est pas la conséquence d'un canal

osseux trop étroit. Elle est en rapport avec la pression intracrânienne et

intraventriculaire exagérée, et avec le refoulement de liquide céphalo-

rachidien qui en résulte ; .

2° La paralysie de la IIIe paire dépend aussi de la pression intraventri-

culaire. C'est une paralysie nucléaire, le noyau se trouvant sous le seuil

du 3e ventricule et le plancher de l'aqueduc ;

3° Le maximum des impressions digitées correspond à l'épaisseur la

moindre du manteau cérébral et de la boîte crânienne ;

4° L'oxycéphalie, en dehors de toute question d'étiologie, présente

dans son cours des accidents brusques que nous sommes disposés à attri-

buer à l'inclinaison anormale de l'aqueduc de Sylvius, entraînant des

stases ventriculaires subites, comparables à celles de certaines tumeurs ;

5° L'oxycéphalie est peut-être en rapport avec une croissance cérébrale

irrégulière, périodique et n'intéressant pas simultanément toutes les zones

de cet organe.

HOSPICE PAUL BROUSSE A VlLLEJUlF

(Service de M. le D' Souques)

CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES

. SUR LA

CAMPTOCORMIE

- . PAR R

Mme ROSANOFF-SALOFF

La guerre actuelle a fourni un grand nombre d'exemples d'incurva-

tion du tronc. Assez rares dans la vie civile, elles sont devenues très

fréquentes chez les soldats.

Ces attitudes consistent en une flexion du tronc en avant, combinées

ou non à une inclinaison latérale.

Au mois de février 1915, M. Souques présente à la Société de neurolo-

gie un cas de ce genre. En juillet de la même année, M. Sicard fait une

communication à la Société médicale des hôpitaux de Paris, dans laquelle

il désigne ces affections sous le nom de spondylite en les groupant au point

de vue de la pathogénie en spondylite hystérique et spondylite organique.

Ce terme nous paraît être sujet à la critique, étant donné que sous le nom

de spondylite on entend une lésion vertébrale osseuse, articulaire ou

périarticutaire, et par conséquent il ne peut pas être appliqué aux atti-

tudes purement fonctionnelles, qui sont à notre avis les plus fréquentes.

Sur 16 cas inédits réunis par nous ou à nous communiqués qui seront

publiés ultérieurement, nous n'avons trouvé aucune lésion organique, du

moins actuelle.

Le terme de camplocormie donné par 111. Souques à ces attitudes est

plus exact; il décrit fidèlement (zc;cp.7 ? 6), je fléchis ; zopmoç, le tronc) l'atti-

tude sans parler de sa pathogénie.

Ici nous publions les images de plusieurs soldats camptocormiques

(PI. X), que nous avons eu l'occasion d'examiner et de suivre personnelle-

ment pendant plusieurs mois à l'hospice Paul Brousse (de Villejuif) dans

le service de M. Souques. Trois d'entre eux présentent une camptocormie

pure, chez le quatrième elle est combinée à une inclinaison latérale

(PI. XI).

Leur attitude présente une analogie parfaite avec la flexion du tronc en

avant chez une personne normale, sauf cependant en un point que nous

- OU ? j.l.k CONpGR.IPH1E DE LA ALPL'1H1 : I2Y,.

.^3» ;1 ? \.'\ V 111. m. \

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CAMPTOCORMIE

Mlle Rosa iioff-Sa loff.

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17

18

CAMPTOCORMIE

CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES SUR LA CAMPTOCORMIE 29

noterons plus loin. L'axe de flexion porte apparemment et principalement t

sur les premières vertèbres lombaires ; cependant toute la colonne verté-

brale participe à ce mouvement du tronc, si bien que vu de profil, le dos

présente une courbe physiologique. ,

Vu de dos, on ne constate aucune déformation ni déviation du rachis.

Au point de vue de l'anatomie morphologique, l'attitude ne présente

rien de pathologique. Pour l'apprécier justement, il est indispensable

d'avoir des notions exactes sur la morphologie chez un homme normal

(PI. XII). Ces notions, nous les avons trouvées dans un bel Atlas de Paul

Richer (Anatomie artistique).

Pour pouvoir faire une comparaison visuelle, nous mettons à côté de nos

soldats la photographie d'un homme normal, penché en avant (PI. XIII).

On constate que les masses musculaires lombaires en forte contraction for-

ment une saillie des deux côtés de la colonne vertébrale. Les apophyses

épineuses lombaires, qui sont plus ou moins proéminentes suivant le

sujet, ne présentent rien d'anormal. Au niveau de la nuque, on trouve

plusieurs plis transversaux, dus à une extension forcée de la tête, position

d'adaptation que ces malades prennent pour augmenter leur champ visuel

et rendre leur marche plus aisée. Ce point noté par M. Souques distingue

l'altitude camptocormique d'une simple flexion momentanée du tronc

en avant, exécuté par une personne normale. On constate le même phéno-

mène chez certains Parkinsoniens et sujets atteints de spondylose rhizo-

mélique.

Les muscles abdominaux sont contractés et leur relief se dessine nette-

ment sous la peau. Les plis transversaux très accentués passent par l'om-

bilic ou près de lui, ils sont rougeàtres et séborrhaïques, mais nous ne

croyons pas, comme M. Sicard, que ce soit là une preuve d'organicité. La

marche n'est pas très gênée, et nos malades arrivent à faire plusieurs

kilomètres sans beaucoup de fatigue ; ils marchent sans canne en soute-

nantie poids du corps à l'aide des bras appuyés sur les cuisses.

Dans leur ensemble, l'attitude de ces malades est très caractéristique.

Certains mouvements volontaires' du tronc sont exécutés aisément, les

malades ramassent des objets par terre sans plier les jambes et se penchent

facilement de côté. Cependant pour obtenir l'exécution du mouvement

demandé, il faut parfois employer une certaine insistance. Ces malades

déclarent en effet ne pas pouvoir faire le mouvement ordonné en se

plaignant de douleur et de faiblesse lombaire ; mais on arrive tout de

même, en insistant, à obtenir le mouvement voulu. Le redressement dans

la station debout ou assise reste seul impossible. Chez quelques sujets,

l'effort de redressement provoque un tremblement classique des membres

inférieurs, qui persiste ensuite pendant 15 à 20 minutes. Par contre, sur un

30 ROSATOFIr-SALOFR

plan horizontal, le redressement est complet et spontané chez la plupart de

ces malades (chez quinze sur seize) (PI. XIV). Le décubitus dorsal n'est

pas douloureux, de même que l'hyperextension du tronc. Cette hyper-

extension est obtenue facilement lorsque les sujets sont couchés sur le

ventre : il leur suffit de se soulever sur les coudes. }

Dans tous ces mouvements, on est frappé de constater une souplesse

parfaite de la colonne vertébrale avec mobilité normale du rachis. Les

mouvements ne paraissent pas être très douloureux, ils ne provoquent

qu'une douleur lombaire vague et mal localisée. On a l'impression que

ces malades craignent de souffrir, plutôt qu'ils ne souffrent réellement.

La percussion des apophyses épineuses n'est pas douloureuse dans la

plupart des cas, quelquefois elle détermine une vague douleur au niveau

de la colonne dorsale inférieure et lombaire supérieure.

Par contre, la palpation et la pression sur les masses musculaires lom-

baires sont nettement douloureuses, elles réveillent une douleur sourde,

profonde, qui se propage dans quelques cas en avant en ceinture.

Les douleurs spontanées apparaissent au même niveau sous l'influence

de la fatigue et du temps humide.

L'examen de la sensibilité objective superficielle et profonde reste

négatif ; pinçon, épingle, chaud et froid, pression, diapason, sens muscu-

laire sont bien sentis et localisés. Dans un seul cas nous avons trouvé

une anesthésie thoracique et douloureuse en botte, remontant jusqu'au

genou.

L'examen des membres au point de vue de la motilité ne montre aucun

trouble, c'est à peine si on trouve une raideur passagère au niveau des

hanches, due à une contraction musculaire.

Les réflexes tendineux et cutanés sont normaux et égaux des deux côtés.

Pas de signe de Babinski.

L'examen radiographique n'a montré aucune lésion osseuse ou péri-

osseuse. D'ailleurs, la mobilité parfaite de la colonne vertébrale rejette

toute hypothèse de lésion rachidienne.

La ponction lombaire (faite 8 à 10 mois après le début de l'affection)

est négative, nous n'avons pas trouvé d'éléments figurés, et la quantité

d'albumine ne dépassait pas la normale.

En résumé, l'examen le plus minutieux n'a pu déceler de lésions orga-

niques, si bien qu'au point de vue clinique ces attitudes sont purement

fonctionnelles.

Au point de vue étiologique, on peut grouper ces faits en deux catégo-

ries suivant qu'ils surviennent :

1° Chez des soldats atteints d'une blessure, d'une plaie de guerre ;

20 Chez des soldats indemnes de toute plaie extérieure.

T. XXVIII. PL. XIII

21

CAMPTOCORMIE

Mlle OMt/o ? 0 ?

9atarc sa ,^ : a fi.·

CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES SUR LA CAMPTOCORMIE 31

La première catégorie est exceptionnelle, nous ne possédons que deux

cas de ce genre. Encore faut-il ajouter que les plaies étaient éloignées du

centre de la flexion. Un soldat, présenté par M. Souques à la Société de

neurologie (15 février 1915), qui, la suite d'une plaie du thorax, se tenait

plié en deux, fut redressé par un appareil plâtré en deux jours.

Dans l'autre cas, il s'agissait d'un soldat (examiné par nous grâce à

l'obligeance de M. Pierre Marie) qui avait une plaie en séton par balle,

entrée au milieu de la fesse droite et sortie au niveau du foie. Les plaies

se sont fermées après une suppuration prolongée, mais le malade a gardé

la position plié en deux qu'il avait pendant le temps de la suppuration.

Malheureusement nous n'avons pas pu suivre ce cas, le soldat ayant été

évacué sur son dépôt.

La seconde catégorie est de beaucoup la plus nombreuse. En effet, au-

cun malade de cette catégorie n'a jamais été atteint de blessure propre-

ment dite. Il s'agit le plus souvent de soldats qui ont été victimes d'un

éclatement d'obus tout près d'eux et qui ont été ensevelis par un éboule-

ment de terre ou projetés par le vent d'obus et ontreçu un traumatisme dans

la région dorso-lombaire. Le traumatisme a été suivi de perte de connais-

sance plus ou moins prolongée. Dans quelques cas on note des hématémè-

ses et des hémoptysies, des troubles urinaires passagers, rétention d'urine

nécessitant des sondages répétés. Localement, on ne constatait (suivant

les dires des malades) que des ecchymoses lombaires sans plaie ni fracture.

Dans tous ces cas la douleur lombaire était le symptôme prédominant

et constant ; elle apparaissait dès les premiers moment et se prolongeait

en se calmant petit à petit, pendant plusieurs mois de suite. C'était une

douleur violente, continuelle, exagérée par le moindre mouvement. Elle

siégait au niveau de la région dorso-lombaire, occupait les masses mus-

culaires et se propageait parfois en avant en ceinture, ou descendait dans

les membres inférieurs.

Evacués du front dans les formations de l'arrière, les malades sont res-

tés couchés pendant plusieurs semaines.

Au point de vue de la pathogénie, il est intéressant de noter que la

seule position dans laquelle ils souffraient moins et qu'ils étaient forcés

de garder pendant le premier temps était la position en chien de fusil,

ou la tête entre les jambes. Le moindre mouvement ou changement de

position provoquait des douleurs insupportables. Au bout de deux à trois

semaines la douleur devenait moins intense et c'est à ce moment, en se

levant, qu'ils constataient pour la première fois qu'ils étaient pliés en

deux et ne pouvaient plus se redresser. Depuis, l'altitude resta sans chan-

gement malgré les traitements les plus variés (pointes de feu, massage,

électro et mécanothérapie, etc.). C)

32 R1SAN01 F-S.II,oII' " ..

Nos observations n'ont été prises que plusieurs mois après le trauma-

tisme initial et l'examen tardif, comme nous avons vu, n'a pu déceler de

lésions organiques actuelles.

Cependant l'examen du liquide céphato-rachidien précoce aurait été

intéressant, car s'il avait été positif, il aurait démontré la présence d'une

lésion cérébro-médulaire latente et passagère.

M. Dufour a constaté dans un cas l'existence d'une lymphocytose.

M. Sicard a trouvé par un examen immédiat une hyperalbuminose mani-

feste (de 0 gr. 40 à 0 gr. 78 d'albumine par litre) qui a disparu au boul

de quelques semaines. '

D'autre côté, on pourrait rapprocher nos cas de ceux oùl'éclalemenl

d'obus dans le voisinage a provoqué des syndromes nerveux variés el

dans lesquels un examen précoce du liquide céphalo-rachidien démontrai !

l'existence d'hyperalbuminose avec ou sans lymphocytose (trois cas de

M. Souques) et permettait à lui seul d'affirmer l'origine organique des

manifestations cliniques souvent passagères.

Quelle est la pathogénie de ces affections camptocormiques ?

Nous croyons que pour répondre à cette question il faut chercher d'un

côté dans l'histoire même des camptocormiques, et de l'autre dans la psy-

chologie des porteurs de cette affection. Nous avons vu que nos malades

étaient obligés, à cause de la douleur, de rester couchés pliés en deux, « la

tête entre les jambes », suivant l'expression pittoresque de l'un d'eux, on

peut supposer que pendant cette période de douleur, les muscles immobi-

lisés par la souffrance se sont adaptés à une position donnée plus ou moins

analgétique, Ils ont cristallisé, fixé pour ainsi dire leur contraction qui esl

devenue permanente de même que l'attitude.

Pour expliquer la persistance de ces attitudes, il faut tenir compte d'un

autre facteur, qui joue un rôle considérable. C'est la psychologie parti-

culière des porteurs de ces camptocormies. Ils sont tous plus ou moins

névropathes. Chez nos quatre soldats on trouve nettement des antécé-

dents névropathjques. C... est fils d'un alcoolique avéré, il a un frère

épileptique ; V... est un mélancolique, il pleure fréquemment sans cause

appréciable ; B... a présenté jusqu'à l'âge de 10 ans une incontinence noc-

turne d'urine. B..., à l'âge de 19 ans, après une chute sur le dos, a pré-

senté une attitude vicieuse du tronc (analogue à celle de maintenant) qui

a disparu spontanément au bout d'un an.

Chez une personne normale, l'immobilité musculaire môme prolongée

a peu de chance de créer des attitudes fixes, car la volonté du sujet active

et saine intervient de bonne heure et lutte même au prix de souffrances

passagères contre l'installation d'une position gênante. Par contre, chez un

névropathe, un symptôme dit « fonctionnel » secondaire prend facile-

26

27

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29

CAMPTOCORMIE

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, '1'. " 1 ?

CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES SUR LA CAMPTOCORMIE S,ss33

ment une place prépondérante et peut persister, meme'aprës')a"dispari-

tion de toute sa raison d'être, par une certaine inertie, par une espèce

d'habitude, ou par auto-suggestion. Une attitude gênante et dispropor-

tionnée avec les symptômes objectifs, en possédant leur esprit, se trans-

forme en une véritable infirmité ; au lieu de s'en débarrasser, ces sujets

s'adaptent à elle et la gardent indéfiniment. Cette psychologie tout à fait

particulière fait que souvent, surtout sous l'influence de la première

impression, on prend ces malades pour des simulateurs ; cependant s'ils

existent, ils présentent la minorité. Le pronostic de ces affections tient

essentiellement à ce dernier facteur psychologique. Redressés et débar-

rassés de leurs attitudes, ces individus ne seront pas forcément guéris, car

ils pourront garder cette mentalité spéciale qui donne un terrain favo-

rable aux manifestations névropathiques les plus variées. A la moindre

occasion ou ils retomberont dans la même infirmité (comme B... qui a été

déjà plié à de 19 ans), ou présenteront un autre phénomène névro-

pathique. Le milieu hospitalier avec son insouciance, en supprimant à

ces sujets l'initiative de la vie active, ne fait que cultiver cette psychologie.

Aussi, dans l'intérêt de ces malades, est-il utile d'organiser des centres

neuro-psychologiques dans la zone des armées, selon les voeux émis par

la Société de neurologie de Paris (le 29 octobre 1915). Evacués du front

directement dans ces centres, ils y trouveront le traitement médical appro-

prié à leur état avec une discipline militaire rigoureuse. Ils seront guéris

plus vite et plus radicalement, car comme disait Charcot, « il ne faut pas

laisser flâner les contractures hystériques .

Comme traitement symptomatique, le corset plâtré conseillé par M. Sou-

ques paraît le meilleur moyen de redressement et de suggestion. Il peut

être appliqué sans anesthésie générale dans les cas où les malades sont

spontanément redressables sur un plan horizontal. Dans d'autres cas, il

faut avoir recours à l'anesthésie générale, qui peut ne pas être d'ailleurs

poussée jusqu'au bout, étant donné que le redressement se fait même

avant la résolution musculaire. Il est utile de combiner ce traitement avec

une discipline sévère, telle que privation des sorties, des visites, de la

correspondance pendant le temps qu'on laisse le corset en place (8, 10,

15 jours). Il faut affirmer aux malades que l'efficacité de ce traitement est

certaine. Il est bon que le médecin enlève lui-même le corset plâtré,

insiste sur la certitude de la guérison, et entoure le sujet d'une atmos-

phère de suggestion. Cette thérapeutique nous a réussi dans tous les cas

que nous avons ainsi traités (Pl. XV).

XXVIII 3

'ACROMÉGALIE ET MALADIE DE RECKUNGHAUSEN

PAR

Aloysio de CASTRO,

Professeur de Clinique médicale à la Faculté de Rio de Janeiro.

Nous avons eu l'occasion de publier en 1912, dans la Nouvelle Icono-

graphie de la Salpêtrière, l'observation d'un malade de notre service à

la Policlinique générale de Rio de Janeiro, offrant un très curieux exemple

de coexistence chez le même individu de l'acromégalie et de la maladie de

Recklinghausen (1). A cette époque nous avons appelé l'attention sur

cette association clinique; et l'évolution des éludes endocrinologiques

depuis ce jour n'a fait qu'assurer les relations pathogéniques des deux

types morbides dans les cas de ce genre. Peu après notre travail, Wotssohn

et Marcuse ont encore publié un cas d'acromégalie associée à la maladie

de Recklinghausen. r

, . 1 .

Très récemment, à propos d'une intéressante observation deneurofibro-

matose avec chiromégalie unilatérale, Roubinovilch et M Reguaull de la

Soudière (3) ont discuté la question de cette association clinique particu-

lière et en citant les observations publiées, mirent en doute l'atteinte de .

' ? '...' ,

l'hypophyse. D'après ces auteurs, il s'agissait de simples déformations du

type acromégatique. Voici le passage « Même dans les observations où

semblent coexister neurolibromatose et acromégalie, les preuves de l'at-

teinte de la glande pituitaire sont incomplètes. Dans le cas d'Aloysio de

Castro, il y a de la scoliose, les mains sont grosses et courtes, mais la

radiographie manque ».

La lecture de l'observation et la photographie publiée dans notre tra-

.( ' ; . , 1 ' . J j

(1) ALOYSIQ de CASTItO, Sur la coexistence ide la maladie, de llecklinghauten avec

l'acromégalie. Nouvelle Iconographie de la Silpêtrière, 1912, p. 41. Cette observation

a été reproduite dans la thèse dé Bosquet, Etude sw la maladie de Recklinghausen

dans ses rapports avec les glandes à sécrétion interne. Lille, 1913.

(2) WOLFSOIIN C. M,u<cusE, Neurofibromatosis und Akromegalie. Berliner klin.

Wochenschr., 1912, no 23, p. 1088.

(3) BOUBl1WVITCli Er M. REGIAULT DE la Soui)iÈitF, Deux cas de neurofibromatost

familiale dont un avec cheiromégalie unilatérale . Nouvelle Iconographie de la Sal-

pêlrière, 1914-1915, p. 327.

ACROMÉGALIE ET MALADIE DE RECKLINGHAUSEN f l( , ", 35

, ¡ ¡ fil. n 1 " " J

vail ne pourraient laisser, à notre avis, le moindre doute sur le diagnostic

de l'acromégalie., i p , 1 . , < .»>,, 1

, Nous sommes heureux d'ailleurs de pouvoir répondre aux observations

de Roubinovi,tch et Regnault de la Soudière en apportant les preuves de

l'atteinte,de l'hypophyse chez notre malade., <> JI 'l -

Ayant perdu de vue le malade avant de l'avoir soumis à la radiogra-

phie, il nous avait été impossible de joindre cette démonstration lors- de

notre publication. En 1914, nous avons eu l'occasion d'observer à nou-

veau le malade qui, par suite de son mauvais état général, avait dû entrer

à l'hôpital de la Miséricorde, où nous l'avons examiné dans le service de

notre vénéré maitre,le professeur Miguel Couto. , ¡ \ f,.

La radiographie faite alors confirma la supposition de l'atteinte .de

l'hypophyse, en démontrant une considérable augmentation de la selle

turcique en tous sens, l'écartement des apophyses clinoïdes antérieures et

postérieures (Fig. 1).

Quelques mois après son arrivée à l'hôpital, le malade est mort et l'au-

topsie a été pratiquée par notre confrère le Dr J. Moreira da Fonseca. L'ob-

servation du malade en 1914, ainsi que le résultat de l'autopsie, se trouvent

dans la thèse du Dr Franco Genofre (1). Voici pour ce qui concerne l'hypo-

physe : « Hypophyse volumineuse, faisant saillie dans la cavité crânienne.

Diamètre transversal, 7 centimètres ; diamètre antéro-postérieur médian,

3 centimètres ; diamètre postérieur médian, 3 centimètres; côté droit,

(1) Franco GENOFRH, Estudo synthetico da hypophyse e dos synd1"omas hypophyse-

rios. Rio de Janeiro, 1915. ? -'

Fc. 4.

36 DE CASTRO

4 centimètres ; côté gauche, 3 centimètres. L'hypophyse était considéra-

blement augmentée, surtout à l'extérieur de la selle turcique.

Elle présentait deux lobules latéraux : celui du côté gauche était

arrondi, mou, de surface lisse, avec des infiltrations sanguines ; le lobule

droit présentait une surface irrégulière, d'une couleur plus claire, cou-

vert de bosselures avec l'aspect du chou-fleur. A la partie postéro-supé-

rieure de ce lobule.il existait une petite saillie, rouge foncé en arrière et

rouge clair en avant. Du côté droit, cette saillie débordait les limites

externes de la selle turcique.

La partie de l'hypophyse logée dans la selle turcique était petite et ré-

duite à une masse sans consistance, ce qui rendait tout examen impossible,

D'après ce que nous venons de transcrire, il ne nous reste qu'à confir-

mer en tous points ce que nous avions écrit dans notre premier travail sur

ce sujet.-

SUR LE ROLE DE LA DYSTONIE

DANS LA

DÉSORGANISATION DES MOUVEMENTS VOLONTAIRES,

PAR

W. van WOERKOM

(de Rotterdam).

Alors qu'en matière de mouvements réflexes le clinicien trouve un sou-

tien solide dans l'expérimentation sur l'animal, nous manquons de cette

aide en abordant l'étude des mouvements volontaires. Il est bien vrai

que des troubles très intensifs de ces mouvemenls sont constatés chez

l'animal de laboratoire, par exemple après l'extirpation du cervelet

ou de la zone motrice de l'écorce ; ces recherches sont pourtant toujours

très incomplètes, parce que nous ne sommes pas capables d'influencer

suffisamment la mentalité de ces animaux. Et c'est justement l'élément

psychique initiateur qui, pour le développement ultérieur du mouve-

ment volontaire, a la plus grande signification.

Commençons en relatant certains faits physiologiques caractérisant

les mouvements de l'homme normal. En premier lieu nous nous occupe-

rons des mouvements les plus simples, des mouvements vifs, monoarticu-

laires, provoqués par une seule impulsion psychique.

Ces mouvements sont toujours terminés par une secousse de direction

inverse, causée par la contraction des muscles antagonistes. Hering (Zeits-

chriftfïir fleilkunde, 1895) fut le premier qui attira l'attention sur ce

phénomène. Plus tard il fut étudié par Iiieer (Zeitschrift f. Psychologie

u. Physiologie der Sinnesorgane, 1903), dans ces derniers temps par Isser-

lin (Habilitationssclari,ft, 1910). Cette action des antagonistes se produit,

comme nous pouvons nous en convaincre nous-mêmes, en dehors de toute

intervention de la volonté.

Binet et Courtier (Bévue philos., 1893) nous ont montré qu'il existe un

lien étroit entre la vitesse et l'amplitude d'un mouvement, en ce sens

que l'amplitude s'accroît en porportion avec.la vitesse.. ?

D'autre part, la vitesse initiale est proportionnée au maximum de.vitesse

qui est atteint (Isserlin, /7a ? OHcAr ! /t, 1910).

38 WOERKOM

En général, l'acte musculaire simple, provoqué par une seule impul-

sion de la volonté, contient dés son début toutes les qualités, quant au

maximum de vitesse, quant à l'amplitude, caractérisant son développe-

ment ultérieur.

Nous le considérons comme une unité physiologique, conditionnée par

le processus psychique initiateur.

C'est aux travaux de Lange (Philos. Stud. IV), de Wundt, d'Ach et de

beaucoup d'autres auteurs, que nous devons les premières connaissances

sur- le rôle du processus psychique dans la genèse du mouvement volon-

taire simple*. Il me semble que le 'résultat de ces'recherches peut être

résumé ainsi : "

Quand l'individu concentre toute son attention sur l'acte musculaire,

le mouvement est accompli vivement,1 le» temps de réaction est court,

l'amplitude est considérable ; par contre, quand l'attention est influencée

par des sensations visuelles, auditives, etc., l'acte se poursuit plus lente-

ment, le temps de réaction s'accroît, l'amplitude diminue ? i n t

" Woodworth (Le mouvement, Paris, 1903) fut le premier qui étudia les

actes musculaires où l'amplitude du mouvement se trouvait limitée par un

but. Il distingue deux phases dans l'accomplissement de ces actes. La

première phase (de l'accommodement initial) provoquée par une seule im-

pulsion psychique est exécutée vivement ; mais elle n'a pas le type du

mouvement illimité, parce que dès le début l'intention se fait sentir de ne

pas dépasser le but, accentuant ainsi les fonctions frénatrices deslmuscles-

Pendant la deuxième phase. (des corrections postérieures), le membre. est

sous l'influence permanente de l'attention par le fait de son- intervention

continue'dans les rapports musculaires, le but est atteint lentement. Dans

cette phase.da courbe a un aspect fort irrégulier; 1) . z . à -i

Après, cette courte relation, commençons la description des troubles

que nous avons constatés en étudiant, les mouvements simples dansées

cas avec- lésion de certaines parties du névraxe. Pendant leur vie, cesnmla-

des présentaient des mouvements involontairesldont le type étaitsoitcho.

réiforme, soit athétosique, soit parkinsonien. Quelques-uns' de -'ces ma-

lades n'offraient pas un;des types classiques.de la nosologie ; par la raideur

musculaire, par les spasmes irréguliers, se manifestant surtout dans l'in-

tention d'exécuter un acte quelconque, ils se rapprochaient de l'athétose

double et du parkinsonisme. J'ai rassemblé tous ces cas pour plusieurs

raisons : 1° En clinique, ces cas forment une chaîne ininterrompue : entre

les cas de'chorée avec musculature tout à fait flasque et les cas'de parkin-

sonisme nous rencontrons toule une série de cas intermédiaires ; 2° dans

un même cas, des types contraires (de flaccidité et-de raideur musculaire)

sont' réalisés pendant dés périodes différentes de -la maladie; se trarisfor-

t ti'-t" , ii * ' i f i 1 Il

DE LA DYSTONIE DANS LA DÉSORGANISATION DES MOUVEMENTS 39

r , - *)*

mant parfois presque subitement l'un dans l'autre ; 3° pour l'absence des

signes indubitables désignant une lésion organique dès oies'cëi-él)ro spi-

nales (signe de Babinski, parésies et contractures montrant le typé d'élec-

tion de Wernick'e);' pour l'absence- de lu titubation 'cérébe))éùse 'et' des

troubles de la sensibilité ; 4° pour des' rais'orisfarl'àto'ri11qiles' : les lésions

prédominent dans les 'centres s'ous-co'rticnux,'parrÓis'ëlles Ú lirlliie'nf'âú'x

corps striés'et aux régions sous-Lhalai111qùes ? les' noyaux' rouges étant

intacts. . 1 ., 'f Ht' ...I ? J' ,,1 ., , ... ? "

Résumons les sortes de cas qui ont été la base de ces recherches :

1° Des cas graves de chorée mineure;' les 'malades montraient dès conlrac-

tiohs 'musculaires spontanées d'un caractère clonique ; après quelques

semaines d'isolement, les grands mouvëments'avaient'fdrt diminué'. Flacci-

dité musculaire très prononcée. Les'lésions organiques dahs'un ca's'e'xa'-

miné anatomiquement prédominent dans les régi6ns'vënt)'a)ës des couches

optiques, dans les corps striés ; hyperémiè c'o'nsidérablê"dàns les régions

sôus-thalamiques ; lésions' moins graves dans )'éc6rce'des' ! obeS frontaux.

Un cas dé choréé (17 ans) évoluarit'depuis plusieurs années, flaccidité

mdsculaire; aux membres inférieurs, des"contractions toniques ont égal-

lemenr notées, catalepsie, accès èpi)eptiquës"Cè malade'est'lé frère de la

malade mentionnée'dans le 4e groupe. ? ' j ? ", ;" ' " '' "l' 1 '

2° Des cas d'illhétose (chorée) unilatérale. Un de ces cas fut examiné

nnatoiniquemenr : Dès la 'première enfance lés m'ém'bres à gauche sont

moins'développés qu'à droite.'La mère nous dit qüé l'enfant' n'était pas

capable'd'immobiliser' le membre supérieur g'3u'¿he pendant l'usage du

bras'droit. Du reste la malade ne montrait' rien d'anormal'; l'irilellinence

était inlacte.'A 5 ans, dés accès de crampes épileptlqùes se déclarent;'déhu-

tant dans les membres gauches. Des mouvements'ath'étosiques de la main

gauche sont constatés. En dehors des accès; des spasmes' irrégulière sont

notés frappant surtout le côté gauche, plus laird ils sont éÏaleiiièii[obsei-1

vés du côté droit. La tête est renversée en arrière par la contraction spas-

modique des extenseurs. La figure est pi'esque'toujours grimaçante du fait

dès crampes intermittentes de la musculature faciale.' Des spasmes inter-

mittents des membres, surtout à gauche; leur communiquent des positions

diverses. 'Des stéréotypies ayant le 'caractère des mouvements pseudo-

volontaires (des mouvements de préhension) sont constatées. Après quel-

ques semaines d'observation, la malade succombé dans' un étal de cachexie

extrême. Aulopsie : L'écorce cérébrale ne montre que' les altérations à

caractère aigu des cellules nerveuses. Le cervelet est intact. Les voies

cérébelleuses et'pyramidales, les noyaux rouges', les Couches optiques et

les corps striés ont dans les coupes, d'après Weigert-Pal, l'aspect normal.

Par contre la région sous-thalamique à droite est^en forte atrophie; le

corps de Luys n'a pas la inoitié du volume normal ? . i " ,,

40 WOERKOM ..

3° Deux cas d'athétose double, l'un datant de la première enfance,

l'autre se développant à un âge plus avancé. La symptomatologie des deux

cas est presque identique : variabilité extrême de l'état de tonicité des

muscles, se manifestant par les positions spasmodiques involontaires et

passagères ; mouvements athétosiques ; trouble très grave de l'action

volontaire des muscles. Un de ces cas' fut examiné anatomiquement :

atrophie très forte des corps striés et des régions sous-thalamiques (1).

4° Deux cas de raideur musculaire très prononcée se rapprochant plus

ou moins de l'image de la maladie de Parkinson. Un des sujets est atteint

d'une maladie familiale (2) ; il a beaucoup de caractères communs avec

les malades décrits par Wilson. La raideur est tellement forte que la

malade ne peut pas se lever spontanément. Un autre cas fut déjà décrit

dans la Nouvelle Iconographie de la Salpêlrière (3) ; il montrait des

altérations bilatérales dans les corps striés.

La méthode d'après laquelle j'ai examiné les troubles des mouvements

actifs, dans ces cas, fut inspirée par celle employée par les physiologistes

et les psychologues. J'ai commencé toujours en m'informant si les ma-

lades étaient capables de comprendre le sens de mes ordres et si leurs

troubles n'étaient pas causés par l'élément psychique seul. En effet, nous

savons que chez l'homme sain c'est le processus psychique qui déter-

mine le caractère du mouvement volontaire simple, et que, dans les psy-

choses (mélancolie, manie), l'étal mental influence les actes musculaires

au plus haut degré. Dans les cas où le malade n'était pas capable de

s'exprimer par paroles et que l'expression par gestes était également

rudimentaire, je pouvais pourtant m'assurer que les troubles étaient pro-

voqués par l'incoordination, parce que, tout de suite après avoir reçu

notre ordre, le malade se mettait à la recherche de la formule d'innerva-

tion musculaire, de sorte qu'à la fin une ébauche du mouvement demandé

était obtenue.

Le schéma de mes recherches peut être résumé ainsi. J'ai étudié les

actions les plus élémentaires n'intéressant qu'un nombre restieint de mus-

cles : la contraction de l'orbiculaire des lèvres, de la musculature faciale

unilatérale (4), des élévateurs d'une seule épaule, les mouvements isolés de

l'index et du pouce ; aux membres inférieurs, les mouvements dans l'arti-

culation de la banche(élever le membre au-dessus du plan du lit), du genou,

des orteils, etc. Ensuite j'ai examiné la fonction de ces mêmes muscles

(1) Ce cas fut amplement décrit dans un des derniers numéros de la Nouvelle

Iconographie de la Salpélrière.

(2) Sur le spasme familial. Folia Neurobiologica, 1913.

(3) Loc. cit.

(4) Celte fonction n'est pas tout à fait constante chez l'homme normal.

DE LA DYSTONIE DANS LA DÉSORGANISATION DES MOUVEMENTS 41

dans les complexes d'innervation qui nous sont habituels en détournant

l'attention de la fonction musculaire même. Par exemple, après avoir

constaté le trouble des mouvements isolés du pouce, j'ai examiné la fonc-

tion de ces muscles dans le mouvement de préhension, quand le malade

empoigne un objet. Après l'avoir invité à étendre le bras avec force

(comme s'il voulait me frapper), nous l'observons quand il étend le bras

inconsciemment, pour prendre un objet placé à quelque distance. Après

l'effort du malade pour faire une contraction de l'orbiculaire des lèvres,

nous le suivons des yeux quand il fume sa pipe. Ainsi nous pouvons exa-

miner la fonction des muscles des manières les plus différentes en variant

les ordres et les circonstances.

Admettons donc que nos malades sont bien capables de comprendre le

sens de nos ordres et qu'il n'y a pas de troubles psychiques empêchant

l'exécution des simples mouvements actifs. Les troubles de la sensibilité

ne sont pas constatés ; il y a absence de paralysies véritables.

Qu'un de nos malades exécute un simple mouvement mono-articulaire,

par exemple qu'il étende vivement le bras dans le coude, qu'il fasse un

mouvement d'opposition du pouce.

La faute de l'innervation musculaire se manifeste sous des formes très

différentes. En premier lieu ce sont les agonistes qui, souvent, paraissent

très peu accessibles à l'impulsion nerveuse. Ce ne sont que quelques

secousses intermittentes, très passagères, qui témoignent de l'effort du

malade dans la direction projetée. Par contre, d'autres groupes musculai-

res sont mis en action, dont la contraction n'a pas de signification pour

l'acte projeté, causant des mouvements dans un autre segment du membre,

ou intéressant des groupes musculaires plus éloignés, homo-hétérolaté-

raux. Souvent même ce sont les muscles antagonistes dont la contraction

est observée. En général, ces contractions involontaires n'ont pas un ca-

ractère clonique, par leur action prolongée elles communiquent aux

membres des positions qui durent quelque temps. Même dans les cas

de chorée avec flaccidité musculaire très prononcée, il y a une différence

bien appréciable entre les secousses cloniques ordinaires et certaines

contractions toniques qui surgissent pendant l'effort musculaire. Parfois

cette action vicieuse des muscles est tellement tenace que le malade ne

peut plus se débarrasser de l'attitude acquise. Dans le cas où cette atti-

tude amène le raccourcissement des antagonistes, nous remarquons, en

mettant notre main sur leurs tendons, que les efforts du malade se heur-

tent tout le temps à la contraction de ces muscles qui font rebondir le

membre dans la position ancienne. Parfois ce sont certains groupes de

muscles qui se mettent en contraction simultanée : adducteurs du bras,

fléchisseurs de l'avant-bras ; allongeurs du membre inférieur provoquant

42 WOERKOM

''1 ? > ,-

un pied-bot spasmodique avec flexion des orteils ; extenseurs des gros

orteils avec abduction 'des autres orteils. Parfois les mouvements passifs,

exécutés à ces moments, se heurtent à une 'résistance très- appréciable,

parfois les muscles se détendent au moindre effort' de 'l'examinateur. Ce-

pendant ce trouble -de 'fonction annihilant tout effort n'est pas un fait

invariable chez le même malade. Le même mouvement, qui -est impos-

sible à'cèrtain moment, est accompli tout- à coup quelques moments après.

L'attention fixée1 sur 'l 'acte musculaire est Un' facteur 'favo1'isant le

développement de ces contractures passagères. Le même malade, qui

inconsciemment étend les membres inférieurs sans difficulté apparente;

est souvent incapable de mettre le genou en extension sur notre ordre :

il se développe une contracture en flexion qui persiste pendant toute la

dùrée'de l'effort/ i ' ? .l

Le trouble décrit n'est pas signalé dans les cas seuls où les mouve-

ments passifs se heurtent à' des spasmes musculaires, je l'ai noté égale-

ment dans des cas de flaccidité musculaire prononcée : en voulant avec

forcé étendre les bras, c'étaient toujours les fléchisseurs qui s'opposaient

à l'exécution du mouvement ; plus le malade s'efforçait, plus la position

vicieuse s'accusait, de sorte que l'amplitude du mouvement en extension

diminuait progressivement. ' < ; 1 1 1

Dans certains cas, l'impulsion de la volonté provoque une hypertonicité

de' toute la musculature intéressée (des agonistes, des synergistes, des

antagonistes); souvent és'musclesont une dureté extraordinaire; on

assiste à une bataille musculaire bù tantôt les agonistes, tantôt les anta-

gonistes ont le dessus. En mettant notre main sur ces 'muscles, nous avons

bien la sensation d'un état de contraction discontinue, tout le temps la

tension est interrompue par les relâchements dans les agonistes comme

dans les antagonistes. Souvent l'effort aboutit encore à une attitude

vicieuse, que le malade ne peut plus quitter : par exemple dans les mou-

vements actifs intéressant les articulations de la main, l'effort peut amener

une position de flexion que le malade ne peut plus quitter. Dansundemes

cas le malade, en voulant exécuter un mouvement isolé de flexion et d'op-

position du pouce, contracte les antagonistes comme les agonistes ; au

premier moment la position d'extension est accentuée, ensuite les agonis-

tes gagnent du terrain ; par la coopération du long fléchisseur, les phalan-

ges se mettent en flexion prononcée. Le caractère dw trouble est démontré

par le fait que ce même malade est fort capable de bien empoigner

un objet el que dans cet acte le pouce se met tout de suite en opposition

et erf flexion. 1 1 . ? -i z

' Mais la faute de l'innervation musculaire peut se manifester, sans que les

attitudes vicieuses ou les spasmes prolongés des antagonistes nous expli-

DE LA DYSTONIE DANS LA DESORGANISATION DES MOUVEMENTS 43

- ? f ; I

quent le trouble. Que le malade essaie de mettre l'avant-bras en pronation

(supination),' il exécuté des' mouvements dans le'coude, dans ie poignet ;

c'est comme par hasard qu'il obtient un effet passager dans la direction

projetée. C'est ]a 'mémé chose quand il véut'faire une contraction de l'orbi-

culaire des lèvres : il remue la mâchoire, ouvre la bouche, c'est à péihë'si

une ébauche du mouvement voulu est obtenue. Parfois l'effort prolongé n'a

pas d'autre résultat que d'augmenter le trouble, pârfois'il 'réussit l'acte

désiré. Mais ici non' plus lé trouble n'est un'fait' invariable; le'même

mouvement, impossible à'certain moment, est exécuté' un autre temps

tout de suite après nôtre ordre. Parfois une même fonction musculaire,

rudimentaire, comme acte isolé^est'accomplie dans un complexe d'inner-

vation'qui est habituel : un malade, incapable de mettre l'orbiculàirè'des

lèvres en côrilractionj'rempli'ssàit cet"acte en'fumant une pipe. ' '

En résumé : Le' trouble que montrent rios malades au début d'un

acte volontaire simple est' un symptôme très polymorphe et très incons-

tant, se manifestant surtout dans'les actes les plus élémentaires,' dispa-

raissant ou diminuant' dans'd'autrès fonctions musculaires. Les muscles

inté1'essés 'ne sont pas paralytiques ,' il a a plutôt parésie de certaines

de leurs fonctions. , ' ' '" " ' Il .-

A côté des cas où le malade n'est pas même capable de commencer

sans délai un mouvement ordonné, il' y z èi1'core"le{ trbubles'"que le

malade éprouvé dans le développement ultérieur d'un, acte' volontaire.

Admettons qu'il réussisse à commencer lé mouvement projeté dans la

bonne direction.' L'homme sain, au début d'un mouvement actif simple,

règlëïrièonsciêllllnent la fonction des muscles intéressés ; automatique-

ment 'l'état dès"muscles change'continuellemenl, provoquant sans' con-

trôle ultérieài@ de la volonté l'effet désiré ? Ce n'est pas le cas chez nos

malades : en général nous pouvons distinguer deux possibilités : 10 le

mouvement est très' vif et démesuré, le phénomène de la secousse en

direction inverse est souvent absent bu indistinct ; 2° lé mouvement est

lent, de faible amplitude, très irrégulier, et par'le fait même de la lenteur

des mouvements il va perturbation de 'mécanisme de la secousse en

direction inverse. 'Dans un même mouvement les deux possibilités peu-

vent se produire ; dans une première phase le mouvement'estlent, diffi-

cile : puis, tout d'un coup le membre s'élance sans être arrêté par la

contraction des antagonistes. ' ' '

Il y a un autre phénomène qui mérite de retenir notre attention. Quand

un' malade a réussi à accomplir un acte, souvent la formule d'innervation

s'est tellement 'empreinte et'comme fixée que le mouvement est répété,

même dans le'cas d'uri'èrdre contraire. ' ' ->-»

Dans lés âctes ou l'amplitude' du mouvement est limitée par un but,

- -' >- . '' '> s l, j l' 11 « " l' . .. t .1 : . , t

44 WOEHKOM

les troubles sont expliqués par les éléments caractérisant les actes les plus

simples. Quand le mouvement est trop vif et démesuré, le malade est

souvent incapable d'arrêter le membre au juste moment, le but est

dépassé d'un coup. C'est le cas contraire quand le membre fait le trajet

lentement, avec interruptions multiples. Dans les deux cas il y a abolition

complète du schéma de Woodworth.

Considérons maintenant les mouvements vifs se succédant en direction

inverse. Chez l'homme normal ces mouvements sont liés l'un à l'autre

par le mécanisme de la secousse en direction inverse, qui est la fin phy-

siologique de tout mouvement vif. Par elle le mouvement contraire est

initié automatiquement. Chez nos malades ce mécanisme est troublé,

ce qui oblige les malades à initier le mouvement inverse, comme si

c'était un acte séparé. Cependant il y a des malades (par exemple des

parkinsoniens) qui sont capables de faire ces mouvements plusieurs fois

malgré la perturbation de ce mécanisme. Chez nos patients il y a encore

un autre facteur : comme nous l'avons déjà constaté, nos malades éprou-

vent des difficultés parfois insurmontables en initiant un simple mouve-

ment actif. En faisant répéter ces mouvements, nous remarquons que la

faute d'innervation s'accroît très vite. L'influence de l'effort et de l'atten-

tion prolongée est extrêmement défavorable, à ce point que bientôt le

malade n'est plus capable de provoquer le moindre effet dynamique dans

la direction projetée. Dans certains cas il se développe une véritable

contracture des muscles. Dans d'autres cas, ce n'est pas t'hypertonie

musculaire qui doit être accusée : les muscles paraissent temporairement

inaccessibles au courant nerveux, par exemple en voulant faire les mou-

vements alternatifs de flexion (opposition) et d'extension du pouce, le

malade est souvent bien capable d'obtenir un premier effet très passager

de grande ou de petite amplitude, mais déjà la seconde ou la troisième

impulsion nerveuse rate complètement. C'est encore une parésie de

fonction plutôt qu'une parésie véritable, parce qu'elle ne concerne que

la fonction isolée que nous avons ordonnée ; dans un autre complexe

d'innervation, ces muscles remplissent souvent leur rôle à volonté tout de

suite après. Quand le malade ne peut plus obtenir l'effet dynamique

désiré, souvent il se met à exécuter d'autres mouvements, par exemple

dans ses efTorts vains vers l'opposition du pouce, il exécute des mouve-

ments de flexion et d'extension de la main. \ .

L'étude des désordres dans certains actes plus compliqués intéressant

plusieurs articulations dépasse le cadre de ce travail. Pourtant je veux

souligner un seul point, c'est la difficulté qu'éprouvent ces malades en

voulant faire un effort bien coordonné dans deux articulations à la fois.

J'ai observé des malades qui étaient fort capables de faire un mouve-

DE LA DYSTONIE DANS LA DÉSORGANISATION DES MOUVEMENTS 40

ment vif de flexion dans un coude ; ils pouvaient jeter une balle en l'air,

mais ils étaient dans l'impossibilité de faire le même acte avec les deux

bras. En voulant lever le bras dans la position d'extension, le malade

essaie de quitter la position qu'il a involontairement acquise (adduction

du bras, flexion de l'avant-bras), mais jamais il ne fait d'efforts dans les

deux articulations simultanément. Nous avons rencontré des malades

qui pouvaient bien mettre le pouce en opposition (flexion) et fléchir, quoi -

qu'avec beaucoup de peine, un des doigts en laissant les autres doigts

dans la posilion d'extension ; mais ils ne savaient pas faire ces mouve-

ments simultanément. Par contre, l'acte combiné de préhension est exécuté

sans difficulté.

Les troubles des mouvements actifs simples caractérisant l'état de nos

malades ont, on le conçoit facilement, un aspect fort divers. Comparons les

mouvements actifs d'un cas de chorée (athétose) avec flaccidité muscu-

laire prononcée et ceux d'un cas de parkinsonisme avec raideur générale

des muscles. En général, dans le premier cas, les actes volontaires ont le

caractère du mouvement dysmétrique ; dans le dernier cas, les mouve-

ments volontaires sont lents, saccadés. La parenté du premier cas au der-

nier se montre non seulement par les contractions musculaires associées

à caractère tonique, provoquées par l'impulsion de la volonté ; souvent

nous remarquons dans les actes, surtout dans ceux qui sont exécutés avec

force, une accentuation de la fonction frénatrice des muscles antago-

nistes ; il en est ainsi dans les mouvements d'extension forcée dans les

coudes, dans les mouvements de flexion et d'extension des orteils. Chez le

même malade certains mouvements ont le caractère dysmétrique, d'autres

ont le caractère arrêté. Dans le même acte la perturbation des fonctions

frénatrices se manifeste tantôt par l'accentuation, tantôt par la diminution

de cet élément. Il y a encore d'autres facteurs rapprochant tous ces cas : la

difficulté qu'éprouvent ces malades en initiant certains actes, l'influence

défavorable de l'attention concentrée sur la fonction musculaire même.

Répétons qu'en clinique tous ces cas forment une série ininterrompue

avec des chaînons multiples.

Quelle est maintenant la base physiologique qui est commune à tous

ces cas ? ' '

Le trait marquant de ces cas, comme nous l'avons déjà mentionné et

comme le sait tout neurologiste ayant étudié cette matière, est la dystonie

musculaire, l'atonie dans les uns, l'hypertonie dans les autres.

Nous nous posons la question : quel est le rôle de la tonicité dans l'or-

ganisation de la contraction musculaire simple. C'est Sherrington (Quar-

terly Journal of expérimental Physiology, vol. II, n- 2 ; On plastic tonus

and proprioceptive reflexes), qui nous a fourni de précieux renseigne-

46 ., , ';WOERKOM, , ., - ? , 1; » «-

ments à ce, sujet. Cet auteur a pu étudie ! ! la différence entre le dévelop-

pement de la contraction d'un muscle isolé, encore, en relation avec le

névraxe par ses fibres afférentes, et d'un muscle qui. par l'interruption

des fibres proprioceptives est mis dans un état d'atonie. Dans. le premier

cas l'amplitude est en général restreinte, mais sa durée est considérable; ¡

« the contraction rises deliberately to a maximum<which is maintained

for some seconds and then slowly declines, so trial the ipp.si lion attained

persists with little diminution for a minute or more » : Dans, le dernier

cas, l'amplitude du,mouvement est excessive : « it is often of very ample

excursion, rushes to its maximum, and ther as quickly/or almost.as

quickly subsides, presenting hardly a trace of the prolongea maintenance

and slow decline citaracteristic of it in the de cerebrate muscle still posses-

sing afférents. », Nous pouvons conclure que la ¡contraction d'un muscle

est influencée dès son début par, l'élément tonique, qui est à la fois une

fonction frénatrice et un moment de stabilité.. ? 1 >> 1

L'homme normal est capable de régler par la seule impulsion delà

volonté, précédant le mouvement simple, l'étal de tonicité.des agonistes et

des antagonistes dès le début jusqu'à la fin du mouvement. Automatique-

ment,. la fonction frénatrice des antagonistes es.t augmentée vers la fin du

mouvement, provoquant ainsi le phénomène de la. secousse en direction

inverse. En outre nous constatons l'influence de.. l'élément tonique,dans

la fonction des synergistes, ^communiquant la stabilité au membre pendant

le mouvement. Pendant l'effort, les autres groupes musculaires conservent

leur équilibre tonique. 1 , »1 ! i , .

.. , Retournons à nos malades et nous constatons la signification de l'élé-

ment tonique dans la désorganisation des mouvements actifs. Alors que

dans les expériences de Sherrington ce facteur est accentué ou absent, nous

remarquons chez nos malades un manque de coordination de l'élément

tOllÎ1Jue et de l'élément dynamique, troublant les mouvements au plus

haut degré..Dans, certains cas, ce manque de coordination se manifeste

déjà avant qu'un premier effet dans la direction projetée soit obtenu ; le

malade prend une position quelconque : adduction du bras, flexion du

coude; extension du membre inférieur; extension du gros orteil avec

abduction des autres orteils. ? , ...... 1

Dans le développement ultérieur du mouvement simple, l'incoordina-

tion se manifeste par la brusquerie ou par la lenteur et par l'irrégula-

rité de la fonction musculaire., . .

Souvent ces malades sont, bien capables d'obtenir un premier effet

dynamique, mais ils ne sont pas, capables de gartler ,le. membre .dans la

position acquise. Ce sont encore les expériences de Sherrington qui nous

invitent à une comparaison. Cet auteur a pu établir que chez ces animaux

DE LA DYSTONIE DANS LA DESORGANISATION DES MOUVEMENTS 47

I . ; . t ' 1 Il t '1

où le système tonique était conservé (accentué), les muscles, isolés étaient

capables de conserver pendant quelque. temps la position du membre (1)

(lengtbening-sliortening-reaction); après l'abolition du système tonique

ils.avaient perdu cette faculté. - 1 ' 1

L'homme sain est capable de faire remplir à l'élément tonique sa fonc-

tion frénatrice et régulatrice dans l'exécution d'un mouvement isolé tout

en maintenant les autres muscles du corps dans un état d'équilibre toni-

que. Ce n'est pas le cas chez nos malades : l'impulsion nerveuse provo-

que une perturbation.de l'élément tonique qui parfois intéresse, presque

toute la musculature du 'corps. Le malade prend des positions diverses,

qui en partie montrent le caractère conjugué, mais en général n'ont pas

le type pur (2).. ,

Ainsi nous constatons chez nos malades que la perturbation de l'élément

tonique de l'innervation musculaire communique son cachet particulier

à toutes les fonctions musculaires et que ce trouble peut se manifester

sous les formes les plus diverses.

- Le substratum anatomique correspondant à ces états de dystonie muscur

laire a une signification à la fois positive et négative : négative, parce qu'il

y a dans nos cas intégrité des cordons postérieurs, des voies pyramidales et

du cervelet. Les altérations peuvent se limiter aux corps striés, à la région

sous-tlialamique, respectant cependant les noyaux rouges. Dans un cas

les corps striés eux-mêmes ne montraient des altérations ni macrosco-

piques, ni microscopiques, l'atrophie se limitant à la région sous-thalami-

que (corps de Luys) (3). Dans les couches optiques,' des processus d'invo-

lution sont constatés à la base, surtout dans le centre médian de Luys.

L'écorce des lobes frontaux est, dans certains cas, le siège d'altérations

manifestes, dans d'autres cas elle est intacte. /

Nous concluons que la lésion des parties décrites seules est en état de

perturber la fonction musculaire et que ia lésion des autres systèmes du

(li Cet état de catalepsie, constaté chez des animaux avec decerebrale rigidity, est

retrouvé dans certains cas de parkinsonisme avec raideur musculaire. -

(2) En effet, beaucoup de ces malades montrent des contractions musculaires à

Caractère tonique qui nous rappellent les positions classiques des hémiplégiques ou

du decerebrale rigidlly ; mais elles s'en distinguent par leur irrégularité. Aux mem-

bres supérieurs l'adduction du bras avec flexion dans le coude peut se combiner d'une

flexion dorsale de la main, l'extension des genoux se combinant d'une flexion dorsale

des pieds, l'opisthotonus se combinant d'une flexion forcée des membres. Quant aux

contractions toniques des extenseurs des gros orteils, qui chez ces malades sont ex-

trêmement fréquentes, nous croyons avoir établi la fonction statique de ces muscles

dans certains stades du développement humain. " '' t '

(3) Dans un de nos cas, des altérations microscopiques insignifiantes furent cons-

tatées dans le cervelet.

I tl

48 WOERKOM.

névraxe n'est pas un facteur indispensable pour amener le trouble de

l'élément tonique.

Comparons l'état de dystonie de nos cas à celui que nous constatons

dans la lésion des autres systèmes des centres nerveux :

La lésion des racines postérieures provoque une atonie musculaire

communiquant son cachet aux fonctions musculaires des tabétiques. Il y

a cependant, une différence essentielle entre les deux formes : malgré la

destruction des fibres 'centripètes, le tabétique est fort bien capable de

commencer l'acte musculaire que nous ordonnons. L'attention concentrée

sur la fonction musculaire est un facteur favorable dans l'accomplisse-

ment de l'acte. Jamais nous ne constatons ces fautes d'innervation que

nous avons étudiées chez nos malades. Le tabétique ne prend pas des posi-

tions conlranalurelles et involontaires quand il veut exécuter un mouve-

ment. Pendant l'exécution d'un acte musculaire, l'équilibre tonique des

autres groupes musculaires ne participant pas à son accomplissement

n'est pas troublé. Le mécanisme de la secousse en direction inverse fait

défaut chez le tabétique à cause de l'interruption des fibres centripètes

de l'arc réflexe et les mouvements ont le caractère dysmétrique ; mais

malgré ces troubles, le malade est capable de continuer une série de mou-

vements simples, ce qui n'est pas le cas chez nos malades.

Il y a encore une grande différence avec la forme de parésie, qu'on

attribue à la destruction des voies pyramidales. Comme nous le savons,

cette lésion provoque les contractures qui probablement sont des'fonc. 1

tions statiques anciennes ; elle provoque un changement du type des

réflexes, et dans ce domaine aussi il y a retour vers un stade primitif.

Dans nos cas, ces fonctions peuvent se manifester soit déjà en repos,

soit sous l'influence de l'effort musculaire; mais en- opposition au type

pyramidal, ces fonctions statiques ne montrent pas la tendance l'immo-

bilisation, elles n'ont qu'un caractère passager et le type des réflexes ne

montre pas des changements profonds. Souvent chez nos malades les

gros orteils se mettent en extension pendant quelque temps, mais les

contractions toniques des extenseurs ne sont pas obtenues par l'excitation

de la plante du pied. Quant aux troubles des mouvements volontaires, les

malades avec lésion des voies pyramidales présentent le type d'élection

étudié par Wernicke, c'est-à-dire que ce sont les groupes musculaires

contractures qui sont le plus accessibles à l'impulsion de la volonté;

mais chez eux nous ne rencontrons pas cette bataille musculaire, ce

trouble profond de la formule d'innervation que nous avons observé chez

nos malades. Dans le type pyramidal il y a une accentuation très forte

de la secousse en direction inverse.

En comparant nos malades au type cérébelleux, nous remarquons des

DE LA DYSTONIE DANS LA DÉSORGANISATION DES MOUVEMENTS - 49

ressemblances indubitables. La mauvaise fonction de l'élément tonique

dans les actes volontaires caractérise les cérébelleux comme le type que

nous avons décrit. Pourtant je crois que le plus souvent on sera en état

de distinguer les deux syndromes. Rappelons encore certains traits appar-

tenant en propre à nos malades : la difficulté insurmontable qu'ils éprou-

vent souvent en commençant un simple acte volontaire. L'influence de

l'attention concentrée sur l'acte musculaire est constatée également chez

les cérébelleux, mais, d'après mon expérience, elle n'est pas un facteur

défavorable à ce point de rendre l'accomplissement de l'acte impossible.

Chez mes malades la titubation vraie ne fut pas constatée. Pendant la

marche leur allure variait beaucoup, non seulement dans les cas différents,

mais chez le même malade ; mais cela me mènerait trop loin de vouloir

donner une description détaillée des types observés. Dans certains cas le

malade, en quittant son lit, présente une contraction tonique en extension

des membres inférieurs malgré l'atonie musculaire.

Revenons cependant au substratum anatomique. L'existence des fais-

ceaux de fibres unissant les noyaux lenticulaires aux noyaux rouges (ansae

lenticulares) expliquerait la parenté des symptômes de nos malades avec

le syndrome cérébelleux. Du reste toute explication anatomique nous

parait très hasardée. Révélons pourtant quelques faits qui pourraient

orienter des recherches ultérieures.

D'après les expériences de Bottazzi (1), il y a dans toute fibre muscu-

laire une matière qui se contracte lentement et une substance qui secon-

tracle vivement. Les couches anisotropes sont le substratum anatomique

de la secousse clonique, le sarcoplasme de la contraction tonique.

Bremer le premier, dans ces temps derniers surtout Boeke (2), nous ont

montré que la fibre musculaire reçoit deux sortes de fibres nerveuses : les

fibres à myéline et des fibres nues, probablement de nature sympathique.

.Récemment la signification du système autonome pour la tonicité mus-

culaire a été démontrée par de Boer (3). Par l'interruption des rami com-

municantes il obtenait des courbes qui ressemblent à celles qu'obtenait

Sherrington après la section des fibres proprioceptives.

, Il me semble que la signification du système autonome pour la tonicité*

musculaire est désormais un fait acquis. Est-ce que le substratum anatomi-

que que nous avons trouvé chez nos malades, surtout les atrophies des

(1) Ueber die Wirkung des 'Veralrins und anderer Stoffe auf die quergestreifte

atriale und glatte Muskulatur. Arch. f. Physiol. (Engelmann), 1901. o ! <e)-oet<re ! 7<e

(2) Ueber eine aus marklosen Fasern hervorgehende zweite Art von hypolemnalen

Nervenplatlen bei den quergeslreiften Muskelfasern der Vertebraten. Anatom Anzei- '.

ger, Bd 35. nzel

(3) Folia Neurobiologica, Bd VII, 1913.

xxvni .

XXVIII - 4 .

50 WOERKOM -

corps striés et des régions sous-thalamiques, peut être encadré dans le

système autonome ? Contentons-nous de la constatation des faits suivants :

L'excitation des corps striés et des couches optiques provoque des trou-

bles d'ordre vasomoteur. D'après les expériences de Karplus et de Kreidl

(P/Lüger's Arch., Bd 129, Bd 143), le cerveau intermédiaire et surtout le

corps de Luys seraient le siège d'un mécanisme d'innervation sympathique.

Les lésions de ces régions chez l'homme (Schrottenbach, Zeitschrift sur

d. Ges. Neur. u : Psych., Bd 23) provoquent également des troubles d'or-

dre sympathique (par exemple la perturbation des fonctions vasomotrices,

absence de dilatation des pupilles après les excitations douloureuses).

CONCLUSIONS.

Dans les pages précédentes, j'ai rassemblé certains cas dont le lien

commun est la dystonie musculaire. Malgré un aspect extérieur fort di-

vers se caractérisant tantôt par les secousses choréiformes, tantôt par les

mouvements athétosiques, tantôt par les spasmes et la raideur musculaire,

leur parenté se trahit surtout par le rôle que joue l'élément tonique dans

la désorganisation des actes volontaires, rôle qui est tout autre que

dans les cas ayec lésion des racines postérieures ou des voies pyramidales,

Dans l'examen des troubles des mouvements actifs, j'ai étudié, en m'ins-

truisant des données que nous fournissent les physiologistes et les

psychologues, les actes les plus simples et l'influence de l'élément

psychique.

Parfois les malades sont incapables de commencer un acte volontaire

simple. Souvent l'attention concentrée sur l'acte musculaire est un facteur

défavorable empêchant son accomplissement. Une même fonction muscu-

laire, rudimentaire comme acte isolé, peut être accomplie beaucoup mieux,

quand elle fait partie d'un complexe d'innervation qui nous est habituel

ou même quand l'attention est simplement détournée. Pour cette raison,

on serait plutôt en droit de parler d'une parésie de fonction que d'une

parésie véritable des muscles.

Dans le développement ultérieur des mouvements actifs, la perturba-

tion des fonctions frénatrices attribue aux actes volontaires le type soit

du mouvement vif et démesuré, soit du mouvement lent et irrégulier.

Nous avons insisté sur les troubles des mouvements périodiques en

étudiant la perturbation du mécanisme de la secousse en direction inverse

et surtout l'impossibilité de continuer les actes demandés, sans que le

plus souvent une contracture bien appréciable des antagonistes puisse être

accusée.

La dystonie, se manifestant dans la désorganisation des mouvements

DE LA DYSTONIE DANS LA DÉSORGANISATION DES MOUVEMENTS SI

actifs, provoque souvent des complexes d'innervation qui en partie se

rapprochent des positions classiques des contractures ou du decerebrate

rigidity, les parties lésées montrant ainsi leur signification pour ces fonc-

tions. C'est le même cas avec la contraction « spontanée » des extenseurs

des gros orteils.

Pour le fait qu'en certains cas la lésion anatomique se limite aux atro-

phies des corps striés et de la région à la base des couches optiques (sur-

tout des corps de Luys), nous concluons que ces parties exercent une

influence considérable sur la contraction musculaire, en premier lieu sur

l'élément tonique qu'elle contient.

LA COM PHESSION DES CAROTIDES

DANS L'ÉPILEPSIE ET L'HYSTÉRIE

PAR

C. TSIMINASKIS,

Professeur agrégé à la Faculté de médecine d'Athènes.

On sait que des études ont été faites sur la pression et la ligature des

artères carotides aussi bien chez l'homme que chez les animaux. De même

la pression et la ligature de ces artères ont été faites chez les épileptiques

dans un but thérapeutique. Dernièrement a été proposé par Momburg et

appliqué par lui chez deux épileptiques leur rétrécissement dans ce but.

Relativement à la pathogénie de l'épilepsie et au mécanisme de l'explo-

sion de l'accès épileptique'ont été faites également des études expérimen-

tales sur les animaux. Mais ces études n'ont plus aujourd'hui qu'une

valeur historique.

Les études de Griesinger, Concato et Naunyn sur la pression des caroti-

des, quoiqu'ayant été faites dans un autre objet et à une époque antérieure,

sont cependant intéressantes ; elles ont un rapport indirect avec nos re-

cherches.

Depuis un certain temps, je me suis occupé d'études de clinique expé-

rimentale sur la pression des carotides chez les épileptiques, dernière-

ment même chez les hystériques ; j'ai obtenu des résultats assez remarqua-

bles à mon avis, aussi bien pour le diagnostic que pour la pathogénie et le

mécanisme de l'explosion de l'accès épileptique et hystérique.

Comme base de mes recherches, j'ai pris les études faites jusqu'aujour-

d'hui sur la pathogénie et le mécanisme de l'accès épileptique et hystéri-

que et notamment les opinions de Binswanger dans sa monographie sur

l'épilepsie et l'hystérie.

Epilepsie.

,

Voici comment j'ai été amené à des études expérimentales en me

basant sur l'opinion de Binswanger et sur la donnée de l'existence d'alté-

rations épileptiques. Les irritations exogènes ou endogènes pouvant provo-

quer l'explosion de l'accès épileptique ont pour conséquence sans doute

LA COMPRESSION DES CAROTIDES DANS L'ÉPILEPSIE ET L'HYSTERIE 53

des altérations fonctionnelles instantanées au foyer épileptique, et ce sont

ces altérations instantanées qui provoquent l'explosion de l'accès épi-

leptique. Si donc nous supposons que nous arrivons à obtenir une altération

sur le foyer épileptique, est-il possible qu'il,ne survienne pas une altéra-

tion fonctionnelle capable de provoquer l'accès épileptique ?

Nous pouvons provoquer chez l'homme, mécaniquement, une anémie ou

une hyperémie instantanée. Il n'est guère possible de provoquer une

anémie totale du cerveau par une simple compression de ses vaisseaux,

car la disposition anatomique ne nous permet d'agir que sur les carotides.

Nous pouvons donc provoquer l'anémie de la partie seulement du cer-

veau qui est nourrie par les carotides. Nous pouvons provoquer une

hyperémie générale du cerveau en serrant le cou au moyen d'une bande

élastique comme l'a fait Bier.

En provoquant sur certains malades atteints d'épilepsie idiopathique

t'hyperémie cérébrale suivant la méthode de Bier, je n'ai pu obtenir

d'accès épileptique. D'ailleurs, Bier lui-même est arrivé au même résul-

tat négatif lGrenzgebiete der Mes, und Chirurgie, 1900) en appliquant

sa méthode sur 9 épileptiques.

Après les études ci-dessus que j'ai appliquées également sur certains

hystériques comme je le relate plus bas, je ne me suis plus servi de l'liy-

perémie cérébrale dans mes expériences.

D'ailleurs il est plus compréhensible, plus logique et plus en rapport

avec les données scientifiques que nous devons à la pathologie et à la

physiologie de penser que l'anémie est à même de provoquer plus'facile-

ment des altérations trophiques et par conséquent fonctionnelles sur le

foyer supposé épileptique ou hystérique. -

J'ai donc essayé de provoquer par la pression des carotides une anémie

cérébrale instantanée afin d'obtenir par ce moyen une altération fonc-

tionnelle instantanée sur le foyer épileptique et par elle l'explosion de

l'accès épileptique. Ici je dois ajouler qu'en entreprenant ces expériences,

j'avais en vue les données scientifiques obtenues jusqu'aujourd'hui rela-

tivement au foyer de l'altération épileptique et que, dans certains cas,

nécessairement peu nombreux et surtout au début de la maladie, il est

bien possible que le foyer primitif de l'altération épileptique soit situé

ailleurs que sur la région nourrie par les carotides ou bien que l'altéra-

tion épileptique ne soit pas encore généralisée 'dans le cerveau.

Il n'est pas toujours possible de comprimer les carotides chez tous les

sujets. Chez des individus bien gras, à cou très court ou ayant des amvg-

dales'hyperlrophiques, la pression parfaite des carotides est quasi impos-

sible. De même la pression des carotides est parfois impossible à cause

de leur disposition anatomique chez certaines personnes ; chez ces per-

54 TSIMINASKIS `

sonnes, les carotides sont situées tellement près du larynx qu'il est impos-

sible de poser les pouces sur elles. Après nous être assuré que nous pou-

vons pratiquer la pression des carotides, nous le faisons brusquement et

en même temps sur les deux pour avoir autant que possible la brusque

altération circulatoire à la région cérébrale nourrie par les carotides.

Chez les épileptiques artério-scléreux, nous n'avons jamais pratiqué la

pression, pensant qu'en de pareilles circonstances de telles altérations

circulatoires ne seraient pas exemptes de danger.

- Nous avons pratiqué la compression des carotides chez trente personnes

saines, âgées de 18 à 30 ans, ayant choisi des individus chez lesquels la

pression était praticable; nous ne l'avons cependant jamais prolongée

plus d'une minute. Nous avons toujours cessé la compression dès que sur-

venait la perte de conscience aussi bien chez les personnes saines que chez

les épileptiques.

Chez toutes les personnes saines, après un certain temps, le plus souvent

plus de 30 secondes, survient une perte de conscience instantanée se

dissipant immédiatement après la cessation de la compression, et dont il

ne subsiste qu'un très léger et très court vertige. La perte de conscience

n'était accompagnée d'aucune convulsion, mais seulement d'un relâche-

ment complet de tout le système musculaire et d'une chute immédiate de

la tête sur les épaules et du corps sur le côté ou en avant (J'ai toujours

pratiqué la compression des carotides après avoir fait asseoir l'individu

soit sur le canapé, soit sur le lit).

J'ai pratiqué jusqu'aujourd'hui la compression des carotides afin de pro-

voquer un accès épileptique sur cent seize (416) personnes atteintes d'épi-

lepsie idiopathique pour la plupart, sauf pour des cas rares, septen tout,

d'épilepsie partielle traumatique (jacksonienne) survenue à la suite

d'un traumatisme de la tète. Chez la plupart des malades atteints d'épi-

lepsie dite idiopathique, les accès spontanés étaient de différentes formes

chez le même individu. Chez tous les malades chez lesquels nous avons

pratiqué la compression des carotides, la perte de conscience survenait

plus rapidement que chez les personnes saines, toujours au bout de trente

secondes au plus tard. La perte de conscience, sauf pour les cas d'épilep-

tiques équivalents (isodynamiques) et chez lesquels ne survenaient pas

toujours des convulsions comme il ressort des observations ci-dessous,

était suivie immédiatement chez les uns de convulsions généralisées, chez

les autres de convulsions localisées sur une moitié seulement du corps

avec ou non participation plus ou moins complète des muscles de la face.

Ces convulsions étaient pour la plupart semblables à celles qu'on observe

chez les animaux à l'abattoir. Les convulsions, qui duraient de dix à trente

et tout au plus quarante secondes, étaient suivies d'obnubilation avec

LA COMPRESSION DES CAROTIDES DANS L'ÉPILEPSIE ET L'HYSTÉRIE 55

l'oeil terne caractéristique, comme on l'observe à la fin des accès classi-

ques, et dans des cas d'absences épileptiques. L'obnubilation durait de

une à cinq minutes, après quoi le malade revenait lui en seplaignant de

pesanteur de la tète, de vertige et fatigue d'intensité variable comme

dans les accès spontanés. Le plus souvent la plupart des malades, sans

qu'on les y invite, déclaraient se trouver dans le même étal qu'après les

accès spontanés.

Chez les sept malades atteints d'épilepsie jacksonienne cités plus haut

chez lesquels existait également une hémiparésie et chez deux une contrac-

ture de la moitié du corps, dès la perte de conscience sont survenues des

convulsions très prononcées de la moitié du corps, analogues à celles obser-

vées chez les animaux à l'abattoir ; elles ont duré quelques secondes et à

celles-ci a succédé un tremblement avec engourdissement et sensation de

fatigue de la même moitié du corps. La conscience est revenue immédia-

tement après, il n'a pas été observé d'obnubilation, seulement un léger et

passager vertige. Ces malades prétendaient que dès qu'on leur a pressé le

cou et avant la perte instantanée de conscience, commençait l'engourdisse-

ment de la moitié du corps malade tout comme dans les accès spontanés

petits ou grands.

Sur neuf cas où il s'agissait de malades chez lesquels les accès surve-

naient à des intervalles très grands (de trois mois à un an et demi envi-

ron), accès caractéristique de grande épilepsie survenant pour la plupart

pendant leur sommeil la nuit ou le jour et toujours sans aura ; à la compres-

sion des carotides il n'y a pas eu d'accès. Chez ces neuf malades, comme il

ressort de l'étude de leur observation, il est établi qu'il ne survenait rien

d'autre comme équivalent épileptique.

De toutes mes observations, je n'en cite que quelques-unes avec les

résultats de mes expérimentations, assez intéressants à mon avis. Egale-

ment je cite deux observations (nos 9 et 10) de malades souffrant de

grands accès classiques. Chez tous ceux qui souffrent de grands accès

classiques, les accès spontanés surviennent de la même manière que chez

ces deux malades.

Observation I (octobre 1911).

J. 5..., originaire de Volo, figé de 20 ans, célibataire, journalier. Antécédents :

père alcoolique. Il est le premier enfant de la famille, les autres se portent bien.

Dans sa première enfance a eu à différentes reprises des convulsions, depuis il

se porta bien jusqu'à l'âge de 45 ans ; alors, à des époques espacées, il a pré-

senté des accès épileptiques caractéristiques comme il ressort de la description

que sa mère nous donne, parfois même avec émission d'urine. Lui-même ne

se rappelle de rien, sauf cependant que quelquefois le matin, en se réveillant,

il se sentait la tête lourde et avait du vertige. Depuis deux ans environ, brusque-

56 TSIMINASKIS

ment il est pris de vertige suivi immédiatement de céphalée persistant souvent

toute la journée. Autrefois, pendant qu'il était en train de travailler,.il quittait

brusquement son travail et se promenait sans but. Quand il revient à lui, il

s'étonne de se trouver ailleurs et sent que la tête lui pèse, il a du vertige et

une fatigue générale.

Etal actuel. Etat intellectuel bon, il se plaint de perdre la mémoire et

présente une exagération de réflexes en général. A la compression des carotides,

il perd connaissance immédiatement et il est pris de convulsions générales.

Puis le malade se promène sans but dans la chambre les yeux hagards, en pro-

nonçant des mots sans suite. Cet état dure à peu près pendant trois minutes,

puis petit à petit son oeil devient terne, il se plaint de fatigue générale, de lour-

deur de tête et de vertige. Il ne se rappelle de rien, sauf qu'il a eu du vertige

dès qu'on lui a pressé le cou. Il affirme sentir exactement la même chose après

les accès spontanés.

Observation II (août 1912).

J. K..., originaire d'Aspropyrgos, âgé de 26 ans, journalier. Quatrième en-

fant de la famille, les autres se portent bien. Antécédents : son père quelque-

fois seulement se saoule. A souffert de fièvres paludéennes en bas-âge. A l'âge

de 10 ans a eu une fièvre éruptive sans pouvoir préciser laquelle. Dans sa pre-

mière enfance a présenté des accès épileptiformes jusqu'à la cinquième année

environ. Souvent il rêve à haute voix. Depuis des années il souffre périodique-

ment de céphalées survenant brusquement. Depuis deux années, de temps en

temps il a du vertige suivi d'hallucinations de l'ouïe ; il entend des voix lui

ordonnant des choses ayant trait la religion ; après il se promène sans but

pendant un laps de temps variable, souvent pendant plusieurs heures et enfin

revient à lui. Souvent il se trouve très loin de sou village, tout étonné de se

trouver si loin de chez lui. Toujours, après l'accès, il était très triste et pleurait.

Lui-même ne se rappelle des accès que le vertige et le début seulement des

hallucinations de l'ouïe. Autrefois, disent ses parents, instantanément il a une

absence, il pâlit, il parait chercher du regard quelque chose, puis revient à lui

petit à petit, ne se rappelant de rien, et se met à pleurer. Souvent, quoiqu'il se

couche de bonne heure, il souffre de somnolence le matin.

Etat actuel. - Physiquement bien développé, intelligence au-dessous de

la moyenne. Tremblement des mains étendues. Enlin exagération de réflexes

en général, et anesthésie de la cornée. Il a conscience du vertige, ainsi que des

hallucinations au début des accès, mais rien de plus. Se plaint de tristesse

presque continue. Souvent il dit que pendant qu'il est en train de travailler il

se met à pleurer sans raison et sent en même temps la tête lourde et un malaise

général. A la compression des carotides, il perd immédiatement connaissance

et a des convulsions instantanées généralisées comme cela se passe chez les gens

sains. Ensuite il tourne ses doigts autour de la paume, l'oeil hagard, fait plusieurs

fois de suite le signe de la croix en prononçant une phrase ayant trait à la reli-

gion. Après quoi, reste en extase l'oeil terne, ne répondant pas à nos questions,

et enfin il se met à pleurer et se plaint de vertige-et de fatigue. Il dit que c'est

LA COMPRESSION DES CAROTIDES DANS L'ÉPILEPSIE ET* L'HYSTERIE 57

ce qu'il sent après le paroxysme spontané. Il est fort triste après l'accès, et

sa tristesse a duré pendant deux heures encore durant lesquelles je l'ai gardé

chez moi.

Observation III (août 1912).

K. M., originaire de Epidavros, âgée de 35 ans, mariée. Aucun antécé-

dent. Menstruation auparavant régulière ; elle a cessé il y a six mois. Accou-

chements physiologiques. Depuis six ans, accès épileptiques caractéristiques,

toujours pendant son sommeil, aussi bien dans la nuit que pendant le jour.

Le jour qui suit l'accès, elle a la tête lourde, elle se sent fatiguée, elle a des

difficultés du langage, mais elle n'a nullement conscience de l'accès. Outre

les accès que je viens de décrire, depuis environ trois ans elle présente pen-

dant le jour les accès suivants : soudainement elle est prise de vertige suivi

d'aphasie durant une demi-heure environ. Après, difficulté du langage seule-

ment, durant parfois toute la journée, et légère lourdeur de la tête.

État actuel. Exagération des réflexes en général. Anesthésie de la cor-

née, pas d'autre symptôme. A la pression des carotides elle perd immédiatement

connaissance; ensuite état convulsif général suivi d'obnubilation avec l'oeil

terne pendant une minuté environ, pendant laquelle elle ne répond pas à nos

questions. Quand elle commence à revenir à elle, par signes elle nous fait com-

prendre qu'elle ne peut pas parler. La langue a tous ses mouvements libres.

Dix minutes après elle commence à parler, mais doucement et avec difficulté,

ne pouvant trouver ses mots, de sorte qu'elle ne peut pas se faire comprendre.

Puis petit à petit elle recouvre la facilité du langage, mais pas entièrement,

de sorte qu'une demi-heure après la fin de l'accès, elle présente encore une

légère difficulté de langage consistant surtout dans l'oubli des mots. Elle se

plaint aussi de lourdeur de tète et de fatigue.

Observation IV (octobre 1912).

K. B..., originaire de Naspactos, âgé de 33 ans, journalier, célibataire. Antécé-

dents héréditaires : son père et son frère sont épileptiques. Il y a trois ans, en

Amérique, a eu des accès épileptiques souvent répétés et une fois même folie

passagère. Des accès qu'il a eu en Amérique, il se rappelle que, lorsqu'il revenait

à lui, il sentait une grande fatigue et la tête très lourde. Depuis un an qu'ir

est de retour d'Amérique, d'après ses parents, il est pris d'accès épileptiques

caractéristiques sans aura, tous les 5, tu ou 15 jours. Souvent en tombant il se

blesse. Très souvent il a des attaques courtes de folie. Depuis 8 jours, tous

les jours et même, une fois, trois fuis dans la même journée, il est pris d'accès

de colère terrible, durant lesquels il injurie et s'attaque à n'importe qui se

trouve devant lui, et casse tout ce qui lui tombe sous la main. Ces accès

durent pendant des laps de temps variant d'une demi-heure jusqu'à deux

heures. Quand il revient à lui, il n'a pas conscience de l'accès, il se sent seu-

lement très fatigué, la tête lourde et tombe en sommeil durant pendant plu-

sieurs heures.

Etat actuel. Développement physique bon. Intelligence au-dessous de

58 . TSIMINASKIS

la moyenne. Se plaint de perte de la mémoire, de céphalées fréquentes sur-

venant surtout le matin. Il ne sent aucun prodrome de l'accès ; seulement,

quand il revient à lui, il sent une fatigue générale et du vertige. A la pression

des. carotides, perte de conscience, puis légères convulsions des doigts des

deux membres supérieurs, ainsi que des muscles de la face. Prononce quel-

ques mots inintelligibles en tournant les yeux comme s'il cherchait quelque

chose, puis il tombe sur le canapé comme s'il était en léthargie avec respiration

stertoreuse. Les pupilles sont dilatées, son pouls plein, fort. Quelques minutes

après, nous essayons de le faire lever. Petit à petit, il revient à lui, n'a pas

conscience de l'accès ; il se rappelle seulement « que je lui ai pressé le cou ».

Il sent une fatigue générale, lourdeur de tête et vertige, tout comme après

l'accès spontané. -

Observation V (mai 1913).

G. K..., originaire de Béotie, âgé de 26 ans, cultivateur, célibataire. Anté-

cédents héréditaires : père alcoolique, mère ainsi que deux soeurs hystériques.

Antécédents personnels : a eu des convulsions en bas-fige. Depuis son enfance jus-

qu'à sa dixième année,a souffert de vertiges épileptiques très fréquents.Se plai-

gnait constamment de céphalée et de vertige. Puis les accès se sont espacés.

Lui-même dit avoir eu à des époques espacées des accès de vertige instantanés

après lesquels il se sentait très fatigué et la tète lourde. Durant la guerre

gréco-turque, a pris part à toutes les batailles livrées par la 5e brigade ; il s'est

battu bravement, comme l'affirment ses officiers. Se trouvant un jour à Soro-

vits, a quitté sa compagnie; après avoir erré pendant 20 jours, il s'est trouvé

en son village en très mauvais état; il y est resté eu traitement jusqu'en avril

1913, ayant présenté pendant un certain temps une psychopathie. En mai de

la même année, a été amené à notre clinique.Voici en quel état il s'est présenté.

Physiquement bien développé, intelligence au-dessous de la moyenne. Il est

triste en songeant aux conséquences de sa fugue et aux rigueurs de la loi mi-

litaire. Il ne se rappelle pas comment il est parti de Sorovits, il se rappelle

seulement très vaguement quelques endroits par où il est passé. Il ne présente

aucun symptôme physique, sauf cependant une exagération du réflexe rotu-

lien. Pendant les 18 jours qu'il est resté dans ma clinique, il n'a présenté

qu'une légère mélancolie pour la raison exposée plus haut et une fois seule-

ment s'est plaint d'une céphalée intense survenue le matin. A la pression

des carotides, immédiatement perte de conscience. Il se lève du canapé, l'oeil

hagard, la face livide, court sans raison dans la chambre, a des hallucinations

de l'ouïe et de la vue, murmure quelques mots de supplication, fait le signe

de la croix, il veut s'en aller, il se cache derrière les meubles. Il est resté

dans cet état pendant environ une heure. Puis trempé de sueur, est tombé en

léthargie avec respiration stertoreuse, ayant les pupilles dilatées et le pouls

plein et rapide. Une demi-heure après, après avoir été longuement secoué, est

revenu à lui-même petit à petit n'ayant pas conscience de l'accès et se plaignant

d'une grande fatigue, de vertige, de céphalée et de somnolence. z

LA COMPRESSION DES CAROTIDES DANS L'ÉPILEPSIE ET L'HYSTÉRIE 59

Observation VI (juin 1913).

G. K..., originaire de Kynouria, âgé de 35 ans, marié depuis 10 ans, meu-

nier. Antécédents héréditaires : mère et une soeur épileptiques. Depuis deux ans

et demi, il présente les accès décrits ci-dessous à des laps de temps variant de

45 jours à 2 mois. Il sent des fourmillements commençant par le pied gauche

et s'étendant rapidement à toute la moitié gauche du corps ainsi que de la face.

Puis survient la perte de conscience ne durant que quelques minutes, après

quoi il revient à luise plaignant d'engourdissement de la même moitié du corps

et de vertige. Outre ces accès, parfois dans la rue, il a des absences instanta-

nées. Trois fois jusqu'à maintenant, pendant son sommeil, il a eu de grands

accès épileptiques caractéristiques, comme il ressort du récit de sa femme.

Etat actuel. Réflexes en général légèrement exagérés. Il n'y a aucune

différence entre les réflexes des deux moitiés du corps. A la pression des ca-

rotides, il perd immédiatement conscience, puis présente des convulsions géné-

rales. Ensuite il revient à lui, se plaignant d'un léger vertige et d'engourdis-

sement de la moitié gauche du corps se dissipaut en 5 minutes environ.

Observation VII (juillet 1913).

K. S., originaire de Céphalonie. Agé de 16 ans. Antécédents : parents très

nerveux. Depuis sa plus tendre enfance, on lui donnait toujours du vin à

boire pendant les repas. A eu des convulsions en bas âge. A l'âge de 9 ans, a

eu la fièvre typhoïde. Depuis l'âge de 10 ans jusqu'aujourd'hui, de temps en

temps la nuit, pendant son sommeil, il pousse des cris et se lève et erre dans

sa chambre en parlant ou bien il reste assis sur son lit et rêve à haute voix.

Malgré les efforts que l'on fait pour le réveiller en le poussant, on ne réussit

qu'à le faire tomber dans un sommeil profond. Le matin, il ne se rappelle de

rien. Souvent cet accès se répète deux fois dans la même nuit ; cet accès lui

est également arrivé deux fois en sommeil, dans la journée. Quelquefois le

jour, il est pris de vertiges soudains et instantanés, pendant lesquels il a la

sensation que tous les objets qui t'entourent se mettent à tourner rapidement

autour de lui ; ces vertiges sont suivis de lourdeur de tête très pénible et de

fatigue générale. Souvent il a des céphalées, surtout le matin et parfois quoi-

qu'il se couche de bonne heure, le matin ne peut se réveiller sans être forte-

ment secoué.

Etat actuel. Il ne présente rien de pathologique, sauf cependant une

exagération des réflexes en général. A la pression des carotides, perte de cons-

cience immédiate accompagnée de convulsions généralisées, mais instantanées,

puis tombe sur le canapé en obnubilation, les yeux ouverts et ternes et les

pupilles dilatées. Il ne répond pas à nos questions, n'ayant pas conscience de

ce quise passe autour de lui. Trois minutes après, il revient à lui petit à petit

en se plaignant de lourdeur de tête, de vertige, de fatigue générale et de som-

nolence. Il ne se rappelle rien de l'accès, sauf que « je lui ai pressé le cou ».

Il prétend sentir la même chose, mais moindre, après les accès spontanés.

60 TSIMINASKIS

Observation VIII (novembre 1913).

E. S..., originaire de Alagonie, âgée de 55 ans, mariée depuis 30 ans. Rien

comme antécédent héréditaire. Depuis sa première enfance, boit du vin pen-

dant ses repas. Menstruation régulière jusqu'à il y a 14 ans. Il y a 20 ans

qu'elle a présenté pour la première fois des accès épileptiques, d'abord seule-

ment la nuit, puis le jour aussi assez fréquemment ; ces accès étaient caracté-

ristiques, d'après le mari, et survenaient sans aura.

Après les accès, somnolence, lourdeur de tète, fatigue générale durant pen-

dant un ou deux jours. Depuis 10 ans. elle présente seulement des accès d'épi-

lepsie psychique survenant tous les 15 ou 20 jours jusqu'il y a encore deux

mois. Soudainement elle pâlit, ses yeux deviennent hagards, ne reconnaît

pas son entourage, elle a des hallucinations de la vue, elle prononce des mots

sans suite, surtout coprologiques et quelquefois même elle présente des

convulsions des muscles de la face. Puis elle tombe comme une masse, la fare

rouge, violacée, trempée de sueur, s'endort profondément pendant plusieurs

heures, puis se réveille ne se rappelant nullement de l'accès, elle sent une

grande fatigue, de la lourdeur de la tête et du vertige. La fatigue, comme elle

dit, dure souvent pendant quatre jours. La durée des accès varie de 10 minu-

tes à une heure et plus. Parfois elle a des céphalées frontales très intenses.

Etat actuel. Exagération des réflexes en général, anesthésie de la cor-

née. A la pression des carotides, perte immédiate de conscience et convulsions

des muscles de la face. Puis pâlit, elle a des hallucinations de la vue, et l'oeil

courroucé, parle en italien. Son mari présent dit qu'elle injurie et menace une

personne imaginaire. En même temps elle a des convulsions des muscles de

l'épaule. Après 4 minutes environ, elle laisse choir sa tête sur le canapé et la

face trempée de sueur, s'endort profondément. Dix minutes après elle se

réveille, mais après avoir été fortement secouée. Elle se plaint d'une fatigue

très grande, de lourdeur de tête et de somnolence. N'a pas conscience de

l'accès. Elle sent la même chose après l'accès spontané.

Observation IX (avril 1915).

G. X..., originaire du Pirée, célibataire, âgé de 35 ans, débardeur. Antécé-

dents : père grand buveur de vins et spiritueux. Le malade lui-même boit du

vin depuis sa première enfance. Dès son enfance, il présentait des accès épi-

leptiques caractéristiques, sans aura, survenant deux à trois fois par mois et

même plus souvent.

État actuel. Exagération des réflexes en général, anesthésie de la cor-

née, intelligence bornée. Présente plusieurs cicatrices de la laugue provenant

de morsures. A la pression des carotides, immédiatement perte de cons-

cience, suivie de convulsions, durant une minute environ. Pendant l'état con-

vulsif, la peau est rouge, violacée, puis olJ ! libulation avec regard vague. Trois

minutes après, il commence à revenir à lui et répond à nos questions douce-

ment, se plaint de lourdeur de tête, de vertige et de fatigue. Il sent la même

chose après l'accès spontané.

LA COMPRESSION DES CAROTIDES DANS L'ÉPILEPSIE ET L'HYSTERIE 61

Observation X (avril 1914).

M. X..., originaire du Pirée, âgé de 32 ans, débardeur, frère du précédent.

Depuis 10 ans environ et à des intervalles variant de quelques jours à des

mois, présente des accès épileptiques caractéristiques, tout comme son frère.

Outre ces accès, il présente des accès atypiques avec émission d'urine parfois.

Etat actuel. Anesthésie de la cornée, intelligence bornée. Réflexes phy-

siologiques. A la pression des carotides, immédiatement perte de connaissance

suivie des convulsions instantanées des muscles de la face et des extrémités

plus marquées à la moitié droite du corps. Puis regard vague et obnibula-

tion de laquelle il revient petit à petit comme son frère, en se plaignant de

lourdeur de tête, de vertige et de fatigue générale.

Observation XI (mai 1914).

X. K..., originaire de Egion, âgé de 36 ans, rentier, marié depuis 8 ans.Au-

cun antécédent. Il y a environ 5 ans, il s'est réveillé dans la nuit en sursaut,

comme sa femme le raconte, en prononçant des mots sans suite; aussitôt

il a eu des convulsions, la mousse aux lèvres ; il s'est mordu la langue. Après

il s'est endormi profondément. Lorsqu'il s'est réveillé le matin, il n'avait nul-

lement conscience de l'accès. Depuis dans la nuit, pendant son sommeil, de

temps en temps il présente les mêmes accès. Depuis 2 mois, le jour, comme il

dit lui-même, il est pris de vertiges instantanés, suivis d'une peur vague; le sen-

timent de la peur se passe assez rapidement, en lui laissant un malaise gé-

néral. Souvent il se lève le matin en sentant la tête lourde et une grande

fatigue.

Etat actuel. Anesthésie de la cornée, réflexes exagérés en général. A la

pression des carotides, immédiatement perte de conscience, puis regard hagard

pendant une minute environ. Sans attendre nos questions, il nous dit : « Voilà,

docteur, j'avais cette peur, comme ça me prend d'habitude Il. Il ne présente

pas d'autres symptômes, se plaint seulement d'un léger vertige.

Observation XII (octobre 1914).

E. S..., 1 ? ;gion, âgé de 43 ans,marié, cultivateur. Antécédents : mère épilep-

tique. Grand buveur de vin. Depuis 15 ans environ, à des intervalles variant

de 2 à 20 jours, il est pris de convulsions instantanées du membre supérieur

gauche. Ces convulsions sont suivies d'engourdissement et de légère fatigue

du même membre durant quelques minutes, souvent même une demi-heure.

Après l'accès, léger vertige. Outre les accès ci-dessus depuis 5 ans environ il

est pris parfois d'engourdissement du membre inférieur gauche et de la langue

durant tantôt quelques minutes, tantôt une heure entière. Trois fois seule-

ment, jusque maintenant, a présenté des accès épileptiques caractéristiques,

une fois dans la nuit et les deux autres fois dans la journée. Après l'un de ces

grands accès, est survenue une amaurose ayant duré pendant 15 jours.

Etat actuel. - Anesthésie de la cornée. A la pression des carotides, immé-

62 TSIMINASKIS

diatement perte de conscience, puis état spasmodique instantané seulement

des doigts du membre inférieur gauche. Puis revient à lui. Il sent seulement

un engourdissement des doigts du membre inférieur gauche et de la langue

ainsi qu'un léger vertige, les fourmillements et le vertige se sont complètement

dissipés en 15 minutes.

OBSERVATION XIII (novembre 1914).

Z. 1..., originaire de Smyrne, célibataire, employé de banque. Antécédents :

un oncle paternel épileptique. Depuis quelques années, il est pris d'accès de la

manière suivante. Soudainement, dans son bureau ou dans la rue, il est pris

de vertige pendant lequel il lui semble que tous les objets ou personnes qui

l'entourent se mettent à tourner autour de lui. Après quoi il lui reste une lour-

deur de tête. Outre ces légers accès, il a eu depuis 9 mois jusqu'aujourd'hui

trois grands accès. Il lui semble que tout d'un coup tout ce qui l'entoure se

met à danser autour de lui, il a des éblouissements et enfin survient la perte

de connaissance avec convulsions, de la mousse aux lèvres et morsure de la

langue. Après l'accès, il dort profondément et au réveil se plaint de lourdeur

de tête, de vertige, fatigue générale et somnolence. Il ne se rappelle que l'aura

de l'accès. Souvent le matin en se levant, il a la tête lourde et se sent très

fatigué.

Etat actuel. Réflexes très exagérés, pas d'autres symptômes. A la com-

pression des carotides, immédiatement perte de conscience avec convulsions

généralisées, puis obnubilation caractéristique, mais de très courte durée. Se

plaint de vertige et de fatigue générale. Lui-même, sans y être provoqué, il dit

que dès que je lui ai pressé le cou, les objets se sont mis à danser autour de

lui, qu'il a eu des éblouissements tout comme au début des accès spontanés.

Observations XIV (novembre 1914). -

S. M..., du Pirée, célibataire, âgée de 27 ans. Antécédents : père alcoolique,

un frère fou. Menstruation toujours régulière. Depuis sa première enfance

jusqu'à il y a 4 ans, accès épileptiformes. A 10 ans, rougeole. Depuis sa

USe année jusqu'à il y a deux ans, accès épileptiques, caractéristiques, surve-

nant à des intervalles de 6 mois à 2 ans. Ces accès commencent par un grand

cri, puis perte de conscience avec convulsions générales, mousse à la bouche

et enfin profond sommeil. Au réveil se sent très fatiguée et souffre beaucoup de

céphalalgie durant souvent pendant deux jours. Depuis deux ans, les accès sont

devenus plus fréquents survenant tous les trois mois environ. Outre ces grands

accès, la malade dit que depuis un an et demi, elle souffre de céphalées très

pénibles, survenant tous les huit on quinze jours. Elle dit qu'il lui semble

recevoir un grand coup sur le front et sa céphalée commence très intense sur-

tout aux régions temporales accompagnées de vertige. La céphalée et le ver-

tige durent souvent pendant deux jours, se dissipant petit à petit.

Etat actuel. Léger tremblement des membres supérieurs à l'extension.

A la pression des carotides, perte de conscience avec convulsions instantanées,

LA COMPRESSION DES CAROTIDES DANS L'ÉPILEPSIE ET L'HYSTÉRIE 63

puis revient à elle sans présenter d'autres symptômes, se plaint seulement de

céphalalgie et d'un léger vertige. La céphalée a été en augmentant et durait

encore le lendemain quand nous avons vu la malade de nouveau. Un mois

après, nous avons répété la compression des carotides et nous avons observé

les mêmes phénomènes.

Hystérie.

J'ai pratiqué jusqu'aujourd'hui la compression des carotides afin de pro-

voquer l'accès hystérique chez quarante-deux malades atteints d'hystérie.

Comme base de cette étude, j'avais l'altération fonctionnelle hystérique

sur l'écorce cérébrale, de laquelle altération dépendent tous les symptômes

pathologiques de l'hystérie. Il s'agissait dans tous les cas de femmes

souffrant de grands accès hystériques habituellement spasmodiques,

d'équivalents hystériques, de léthargie hystérique, d'accès hyslérico-cata-

lepliques, de vertige hystérique, de conyulsions hystériques localisées.

Certaines de ces malades présentaient des accès polymorphes.

Je pratiquai chez celles-ci la compression des carotides comme chez les

épileptiques, en retirant les doigts dès que la perte de conscience surve-

nait. J'ai surtout fait tout mon possible pour éviter la suggestion.

Aucune de ces malades ne se doutait pour quelle raison je pressais son

cou, je n'ai jamais recommencé cette expérience chez la même malade et

j'ai toujours pratiqué la compression au premier examen de la malade, et

après avoir établi, par l'interrogatoire et par l'examen, que réellement il

s'agissait des états hystériques nets. Quelques-unes de ces malades souf-

fraient d'accès spasmodiques habituels, d'autres n'avaient pas eu d'accès

depuis longtemps et même depuis un an. ,

Dans les 42 cas, sans aucune exception, à la pression des carotides est

survenu l'accès hystérique ou l'équivalent exactement comme il survenait

spontanément, c'est-à-dire caractéristique, avec la fatigue générale et

autres phénomènes succédant à l'accès. Plusieurs des malades, après

l'accès, sans y être invitées, disaient qu'au début elles avaient eu la sensa-

tion de l'aura comme au début des accès spontanés, et après elles se

sentaient dans le même état qu'après les accès spontanés.

Chez toutes les malades, j'ai pressé en d'autres points du cou et près de

la bifurcation des carotides sans les comprimer elles-mêmes, mais chez

aucune n'est survenu d'accès hystérique, sauf quand j'ai pressé les caro-

tides. J'ai pressé également les ovaires chez toutes les malades, ayantpris

mes "précautions pour ne pas les suggestionner. Par la pression des

ovaires, je n'ai pu obtenir l'accès que chez deux anciennes hystériques

seulement. Chez l'une d'elles on avait fait la même tentative auparavant

comme elle l'a avoué elle-même. Chez certaines de ces malades/ayant

64 TSIMINASKIS

trouvé des points d'hyperestésie et ayant pressé ceux-ci, je n'ai pu provo-

quer d'accès.

Comme le but principal de nos recherches expérimentales était seule-

ment la provocation de l'accès, nous n'avons pas étendu nos recherches,

aussi bien en hystérie qu'en épilepsie, à d'autres points qui cepen-

dant auraient été bien intéressants, comme par exemple la sensibilité

générale, etc., etc., avant la provocation de l'accès et après celui-ci.

Nous n'avons pas cru nécessaire de citer les observations des hystéri-

ques qui nous ont servi pour nos expériences, quoique plusieurs de

celles-ci soient assez intéressantes, car n'importe qui peut, en mettant en

pratique notre méthode, s'en rendre compte immédiatement.

Il me semble que les résultats de mes expériences contribuent considé-

rablement à faciliter le diagnostic de l'épilepsie et de l'hystérie. En effet,

la provocation mécanique de l'accès est d'une très grande valeur dans des

cas de diagnostic différentiel entre l'épilepsie et l'hystérie, entre les équi-

valents épileptiques et d'autres maladies comme la migraine, l'émission

involontaire et nocturne d'urine, etc., etc, dans des cas où il arrive que les

équivalents surviennent le jour, et les grands accès la nuit pendant le

sommeil, de sorte qu'ils passent complètement inaperçus par l'entourage

des malades, sur des questions de médecine légale et enfin dans des cas se

rapportant à l'armée.

Certainement les accès provoqués par la compression des carotides n'ont

ni la durée ni l'intensité des accès survenant spontanément chez le même

malade ; ainsi l'obnubilation postépileptique ne dure pas toujours autant

qu'après l'accès spontané ; cependant ils sont tellement caractéristiques

que leur valeur diagnostique est évidente.

Mais outre la valeur diagnostique, il me semble que les résultats de

mes expériences contribuent également à l'étude de la pathogénie et du

mécanisme de l'explosion de l'accès épileptique et hystérique, éclaircis-

sant quelques points et d'autre part servant de point de départ à des

études expérimentales chez les animaux épileptiques. Il ne serait peut-

être pas trop téméraire de croire qu'ils serviront aussi comme point de

départ à des études sur la thérapeutique de ces deux maladies qui ont tant

de rapports entre elles.

Imprimerie J. Thevenot, Saint-Dizier (Haute-Marne).

Le gérant : O. Porée.

HOSPICE DE LA I : 3ALPÊTRIÈRE

Service du Professeur Pierre Marie.

DÉFORMATIONS DE LA MAIN PAR BLESSURES

DES NERFS

PAR R

Mme ATHANASSIO-BENISTY..

Les lésions des nerfs périphériques au cours de cette guerre se mon-

trent d'une extrême fréquence. Beaucoup sont heureusement susceptibles

de guérison ; mais d'une manière générale, leur restauration est extrême-

ment lente. -

L'étude des circonstances qui ont accompagné la blessure, l'examen de

la motilité, de la sensibilité, de la trophicité, etc., la recherche des

réactions électriques, sont indispensables pour aboutir à un diagnostic

précis. Mais le neurologiste un peu exercé pourra prévoir, dès le début

de son examen, quel est le nerf lésé, rien qu'en se basant sur l'aspect du

membre.

Ce sont surtout les attitudes de la main qu'il importe de bien connaître.

Avant de distinguer les différents types cliniques, il est utile de décrire

l'attitude de la main normale au repos, les muscles étant dans un état

de relâchement à peu près complet, l'avant-bras reposant sur un plan ho-

rizontal. Cette attitude (pl. XX, fig. A) comporte un léger degré de flexion

et de pronation du poignet qui se trouve porté vers le bord cubital. Les

doigts sont fléchis sur les os métacarpiens; la flexion des phalanges est

assez prononcée (notamment la flexion de la deuxième phalange sur la

première) et elle va en s'accentuant de l'index vers le petit doigt. Le pouce,

dont les segments sont également en flexion les uns sur les autres, se

trouve en outre en opposition assez nette.

A l'état normal, il apparaît donc que le tonus des muscles fléchisseurs

et pronateurs est supérieur à celui des muscles extenseurs.

66 MADAME ATHANASSIO-BENISTY

I. Paralysies radiales.

Le radial est le nerf de l'extension. Il innerve au bras le triceps bra-

chial (le long triceps, les deux vastes) et l'anconé; à l'avant-bras, les

extenseurs du poignet et des doigts et le long abducteur du pouce.

Aussi, en cas de paralysie radiale, y a-t-il chute immédiate et très

prononcée de la main et des doigts. -

Le poignet et les-premières phalanges sont en flexion ; cette flexion est

souple, sans aucune trace de contracture et on la réduit toujours avec

facilité. La chute de la main s'accompagne de l'impossibilité d'étendre le

poignet et les premières phalanges des doigts, et de l'impossibilité d'éten-

dre et d'écarter le pouce (pl. XVI, fig. A et B ; pl. XVII, fig. A, B et C).

Quelles que soient la nature et la gravité de la lésion, presque toujours

la paralysie des muscles extenseurs du poignet et des doigts est massive,

totale.

Ce fait tient-il à la faiblesse des extenseurs ou à une plus grande lon-

gueur de leurs tendons, comme on l'a dit ? Nous pensons que l'explication

la plus vraisemblable est-le caractère essentiellement moteur du nerf

radial. La plupart de ses fascicules sont moteurs. Ses fascicules sensitifs

semblent peu importants et il ne contient que peu de filets vasomoteurs,

sécrétoires ou autres. 1

- Trois muscles ont pour fonction d'étendre la main sur l'avant-bras :

Le premier radial qui étend la main en la portant en dehors (abduc-

ton).

Le deuxième radial qui étend directement la main sur l'avant-bras.

Le cubital postérieur qui l'étend en la portant en dedans (adduction).

En cas dé lésion du nerf radial, la paralysie de ces trois muscles est

presque toujours simultanée. Elle n'est dissociée que lorsque la lésion du

nerf n'a intéressé que sa branche postérieure à l'avant-bras au-dessous de

l'émergence des filets propres de l'un ou des deux radiaux. Nous avons

encore observé cette dissociation, mais plus rarement, dans des Gas de lésion

incomplète du radial au niveau du plexus brachial.

Pour bien mettre en évidence cette paralysie des extenseurs de la main,

il faut avoir soin de maintenir le coude et l'avant-bras du blessé immobi-

les et appuyés sur une table, la main librement pendante et en pronation.

Les mêmes précautions devront être prises pour vérifier l'abolition des

mouvements de latéralité du poignet exécutés à l'état normal par le pre-

mier radial et le cubital postérieur. Cependant, au lieu de laisser pendante

la main examinée, il faut la relever presque à l'horizontale. En effet,

Duchenne (de-Boulogne) a établi que les mouvements de latéralité dimi-

nuent d'intensité à mesure que le poignet s'infléchit.

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.OUV. ICOIQOGRAPHIE DE LA SAL ETFIR ? · ? ~· T- xxviii, pl. XVI.

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DÉFORMATIONS DE LA MAIN ET DES DOIGTS PAR BLESSURES DES NERFS

(Mme Athanassio-Benisty).

MASSON et Ci., Éditeurs.

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NOUV. ICONOGRAPHIE DE LA SALPÊTRIEAE. IM ? 4ï ? Ï' ^ ' T- XXVIII, PL. XVII.

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DÉFORMATIONS DE LA MAIN ET DES DOIGTS PAR BLESSURES DES NERFS

(Mme Athanassio-Benisty).

MASSON et CI., Éditeurs.

DÉFORMATIONS DE LA MAIN PAR BLESSURES DES NERFS 67

Les extenseurs des doigts étendent la première phalange des doigts sur r

les os métacarpiens, et la première phalange seulement. L'extension des

deuxième et troisième phalanges est dévolue aux muscles interosseux et

lombricaux.

Il ne faudra donc pas attribuer à une restauration du nerf radial les

ébauches d'extension des deux dernières phalanges que le blessé exécute

toujours pendant ses efforts pour étendre les doigts sur le métacarpe

(pl. XVII, fig. D).

Pour mettre en évidence l'immobilité de la première phalange, il faut

maintenir le poignet du sujet en demi-extension et lui demander d'étendre

les doigts. '

Si les extenseurs des doigts sont paralysés, aucun mouvement de ce

genre ne se produira au niveau des premières phalanges.

En cas de paralysie radiale, l'abduction du pouce est impossible (para-

lysie des long et court extenseurs du pouce et de son long abducteur) et

les efforts du blessé n'-ont pour résultat que de porter fortement le pouce

vers le bord cubital de la main par l'action des muscles thénariens

(pl. XVII, fig. E). Pendant ces essais, les tendons de la tabatière anatomi-

que ne font aucune saillie sous la peau. -

Le nerf radial innerve également les muscles long et court supinateur.

Ce dernier seul produit la supination.

Dans la paralysie radiale, le mouvement de supination est aboli.

Le court supinateur est suppléé : pendant la flexion du coude, par le

biceps qui est par excellence un fléchisseur supinateur ; pendant l'exten-

sion du coude, par les rotateurs de l'épaule en dehors, le sous-épineux

notamment ; mais ces muscles ne font qu'esquisser le mouvement de su-

pination.

Le muscle long supinateur qui est un puissant fléchisseur de l'avant-

bras sur le bras n'est paralysé que dans les plaies de la partie moyenne

du bras ayant intéressé le nerf radial au-dessus de l'émergence du filet du

long supinateur.

La chute de la main et l'impossibilité d'écarter le pouce font de la pa-

ralysie radiale une infirmité extrêmement gênante. Pour que soit possible

l'utilisation de cette « main tombante », le blessé recourt à des manoeu-

vres, à des suppléances musculaires. . , -

Il peut ainsi employer son bras blessé pour s'habiller, souvent aussi

pour tenir sa fourchette ou même écrire, s'il est ingénieux et actif. Les

uns, pour écrire, soutiennent dans leur main saine la main droite blessée

et la poussent sur le papier. Ils écrivent lentement et les caractères sont

petits. Les autres laissent la main droite fixe tenant la plume, et à mesure

qu'ils écrivent tirent le papier avec la main gauche. Peu à peu, ces blessés

ô8 MADAME A l'HANASS10 -BENISTY

arrivent ainsi à utiliser tous les muscles accessoires et à créer des sup-

pléances inattendues.

Pour remédier aux paralysies radiales, plusieurs modèles d'appareils

ont été imaginés. Les uns sont des appareils de traitement, d'autres sont

destinés à permettre le travail professionnel du blessé. L'objet principal

de ces divers appareils esL de relever la main tombante et d'écarter le

pouce paralysé ; les fléchisseurs des doigts fonctionnent alors librement

et la préhension devient possible.

* -H £ *« ! £ , ., ,-. H- Paralysie cubitale. '

', t ? l...... 11, - PARAI,YSIE CUBITALE. 1

En cas de lésion du nerf cubital, l'aspect de la main est très caractéris-

tique, surtout s'il s'agit d'une lésion grave ou d'une section totale de ce

nerf.. -

Les deux traits principaux sont dans ce cas :

1 ° L'atrophie des interosseux ;

2° L'altitude dite « griffe cubitale ».

En effet, on remarque tout d'abord un amaigrissement quelquefois

considérable du premier espace interosseux dorsal. C'est là le signe le

plus fidèle d'une lésion du cubital, plus fidèle même à notre sens que la

griffe qui pourtant est très fréquente.

La griffe cubitale consiste en une hyperextension plus ou moins pro-

noncée de la première phalange des quatrième et cinquième doigts, avec

flexion modérée de la deuxième phalange. sur la phalange basale et flexion

à peine ébauchée de la phalange unguéale sur la deuxième phalange

(pl. XX, fig. B, C, D, E et pl. XXI, fig. A).

Celle attitude s'explique par la paralysie des interosseux et des deux

lombricaux internes.

Les interosseux se trouvant privés de leur influx nerveux, la tonicité

remarquable des fléchisseurs est sans frein et les deux dernières phalan-

ges sont. fortement fléchies.

Mais le fléchisseur profond est aussi complètement paralysé ; la flexion

de la deuxième phalange sur la première n'est donc réalisée que parle

fléchisseur sublime, qui entraîne en se contractant la troisième phalange,

Eu même temps l'extenseur des doigts n'ayant plus d'antagoniste pour la

première phalange, il la porte en hyperexlension.

Bien que tous les interosseux soient paralysés, les deux derniers doigts

et parfois le médius prennentseuls l'attitude de la griffe.

Cela s'explique par la conservation des deux premiers lombricaux qui

sont innervés par le médian, et dont l'action est la même que celle des

interosseux en ce qui concerne la flexion de la première phalange et l'ex-

tension des deux autres.

NOUV. ICONOGRAPHIE DE LA SALPÊTRIÈRE.

T. XXVIII, PL. XIX.

DÉFORMATIONS DE LA MAIN DES DES DOIGTS PAR BLESSURES DES N'EU

(Jlme Athanassio-Benisty).

MASSON et Éditeurs.

DÉFORMATIONS DE LA MAIN PAR BLESSURES DES NERFS 69

Parfois le troisième lombrical est innervé par le médian, ce qui expli-

querait la participation fréquente de ce doigt à la griffe cubitale; mais le

plus souvent le médius est entraîné passivement par la flexion des deux

derniers doigts.

Le médius est en effet beaucoup moins indépendant que l'index.

D'ailleurs, pour l'index même, l'extension des deux dernières phalan-

ges, tout en s'exécutant normalement, est beaucoup moins forte.

Les blessés « cubitaux » se plaignent de cette faiblesse de l'index ; ils

ne peuvent pas fixer un objet contre une table avec la pulpe de ce doigt,

ils éprouvent de la gêne pour écrire, ils sont moins habiles dans certains

actes de leur métier nécessitant une extension énergique des deux derniè-

res phalanges.

La griffe cubitale a des degrés d'intensité que ne suffisent pas toujours

à expliquer la hauteur de la lésion et le'degré de paralysie du fléchisseur

profond et des interosseux. Il semble qu'il faille tenir un grand compte

des suppléances nerveuses (innervation des faisceaux internes du fléchis-

seur par le médian) et aussi d'un certain degré de rétraction tendineuse

apparaissant assez fréquemment au niveau des fléchisseurs profonds des

deux derniers doigts, alors même qu'ils devraient être paralysés et flas-

ques.

Quelquefois la griffe n'existe qu'au niveau de l'auriculaire et n'est que

très légèrement réalisée par l'annulaire.

D'autres fois le médius est aussi en griffe plus ou moins accusée.

Quoiqu'ébauchée seulement, cette griffe cubitale n'est pas souple et l'on

ne peut pas étendre complètement le cinquième doigt.

Les autres caractères de la « main cubitale » sont les suivants :

Le cinquième doigt reste écarté du quatrième d'une façon très nota-

ble ; le quatrième est moins écarté du médius, et le médius peu écarté de

l'index (pl. XXI, fig. B).

L'atrophie des interosseux, du premier surtout, donne parfois à la

main un aspect dit « squelettique » (pl. XXI, fig. B).

A la face palmaire, l'atrophie de l'éminence hypothénar est notable;

à ce niveau, la palpation un peu appuyée, donne l'impression d'un creux

plutôt que d'une saillie. L'atrophie de l'adducteur du pouce doit être

appréciée par la vue et par le toucher au niveau de la partie interne de

l'éminence thénar; les plans superficiels sont flasques et s'affaissent en

gros plis mous, au niveau de la commissure séparant le pouce de l'index

(pl. XXII, fig. B).

Par suite de cette atrophie musculaire, les tendons des fléchisseurs

font saillie à la paume, et les tendons des extenseurs au dos de la main.

Lorsque l'atrophie est très accusée, on peut observer un léger déplace-

70 MADAME ATHANASSIO-BEN18TY

ment de la main vers le côté radial ; par la palpation on constate la

diminution de la masse des muscles épitrochléens, par comparaison avec

ceux du côté sain.

Les troubles vaso-moteurs, secrétoires, caloriques et trophiques sont

souvent appréciables.

La peau est toujours froide, et sèche au niveau de l'auriculaire et de

l'éminence hypothénar'. Parfois on constate une coloration violacée, un

épaisissement de la peau, une déformation de l'ongle du petit doigt; il

faut alors suspecter une lésion vasculaire concomitante.^

L'interrogatoire du blessé permet d'établir s'il y a eu hémorragie

abondante, ligature, etc., le pouls cubital et même le pouls radial sont

alors modifiés.

Lorsqu'il s'agit d'une lésion grave du cubital au niveau de l'avant-

bras ou du poignet, en aval de l'émergence des filets du cubital anté-

rieur et du fléchisseur profond, on observe une griffe excessivement

accentuée, intéressant l'auriculaire et l'annulaire, souvent aussi le médius,

plus rarement et à un moindre degré l'index (pl. XX, fig. B et C). L'hy-

per-extension de la première phalange, la flexion des deux autres, sont

extrêmes. Des rétractions tendineuses interviennent rendant cette griffe

absolument irréductible.

Il semble qu'en dehors de la tonicité des fléchisseurs profond et sublime,

il faille incriminer quelqu'élément surajouté : contracture musculaire,

rétraction tendineuse, modification des surfaces articulaires des phalan-

ges, lésions musculaires ou vasculaires, non appréciables directement.

Presque toujours cette griffe s'est produite instantanément après la

blessure. Plus rarement elle n'est apparue que quelques heures ou même

quelques jours après.

D'autres blessés (mais c'est plutôt le cas des lésions incomplètes) rap-

portent qu'au début, les quatre premiers doigts étaient en griffe ; plus

tard seulement l'index et le médius se sont redressés.

Parfois, pendant quelques minutes après la blessure, les doigts ont

présenté des mouvements de flexion spasmodique, puis ils ont pris défini-

tivement l'attitude en griffe.

Paralysies partielles, dissociées. Les paralysies partielles, incom-

plètes, dissociées du cubital sont très fréquentes, et intéressantes à étu-

dier principalement lorsqu'il s'agit de plaies de l'aisselle ou du bras. Le

type le plus fréquent est réalisé par la paralysie des interosseux etdes

hypothénariens avec simple parésie des fléchisseurs profonds et du cubi-

tal antérieur. C'est dans ce cas que nous avons observé la griffe souple des

quatrième et cinquième doigts, griffe prononcée au repos, mais presque

complètement réductible passivement.

NOUV.. ICONOGRAPHIE DE LA SALPÊTRIÈRE.

T. XXVIII, PL, XX.

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B

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DÉFORMATIONS DE LA MAIN ET DES DOIGTS PAR BLESSURES DES NERFS

(.Ifme t)tanassio-l3enisLJ.

MASSON et C", Éditeurs.

NOUV. ICONOGRAPHIE DE LA SALPÊTRIÈRE.

T. XXVIII, PL. XXI.

DÉFORMATIONS DE LA MAIN ET DES DOIGTS PAR BLESSURES DES NERFS

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DFFOR\ ' f '8 DE LA MU1\ ! ,PAR BLESSURES DES NERFS 1

Dans certaines par SI rp- Fr te -1-1 e on peut observer l'absence complète

Dans certaines para YSles paes on peul observer l'absence compléter

de griffe (pi. XIX, fig. B) : les muscles de l'hypothénar et les premiers in-

- ter-osseux sont les plus paralysés, lo premier espace interosseux dorsal est

considéra blement atrophié et le petit doigt est en abduction permanente.

Enfin, la griffe peut comprendre les quatre derniers doigts, tout en

étant moins souple et plus accentuée pour les quatrième et cinquième. ^

La fréquence des paralysies cubitales partielles et la prédominance des

troubles moteurs au niveau des interosseux et des hypothénariens doivent

trouver leur explication dans la direction de la blessure et dans la topo-

graphie fasciculaire du nerf. " .

Les recherches électriques récentes de MM. Pierre Marie, Henry Meige

et Gosset tendent à localiser les libres nerveuses destinées aux fléchisseurs

des quatrième et cinquième doigts, dans la région postéro-externe, celles

du muscle cubital antérieur vers le côté interne.

Il est très logique de supposer que les petits muscles de la main occu-

pent la partie antérieure et interne du cubital.

Il existe une déformation de la main qui pourrai être confondue avec la .

griffe cubitale : c'est l'attitude en griffe par myosite ischémique des flé-

chisseurs, ou maladie de Volkmann.111ais dans ce cas la palpation des mas-

ses charnues des muscles, révélant leur consistance ligneuse, la possibilité

de redresser cette griffe lorsqu'on fléchit fortement le poignet, enfin l'étude

des antécédents (application d'un appareil plâtré trop serré, hémorragie

artérielle abondante arrêtée par un lien constricteur), la constatation de

troubles vasculaires notables conduiront au diagnostic exact.

III. LÉSIONS DU NERF médian.

Le médian est le nerf de la pronation, de la flexion du carpe'et des

doigts, et de l'opposition du pouce.

A. Paralysie complète.

En cas de section totale du médian ou de lésion, grave de ce nerf, la

main du blessé se trouve élargie par rapport à la main normale, à cause

de l'action de l'adducteur du pouce qui tend à mettre ce doigt sur le même

plan que les quatre autres, réalisant la main de singe (pi. XVI, fig. C ;

Pl. XVlI, fig. G). De plus la main se trouve dans son ensemble légèrement

portée vers le bord cubital.

L'index et le médius sont plus étendus qu'à l'état normal, sans être

cependant en extension complète.

Malgré la paralysie complète du fléchisseur sublime et des faisceaux

externes du fléchisseur profond, l'index et le médius, au repos, ne pré-

72 MADAME ATHANASSIO-BENISTY

sentent pas d'hyperextension des deux dernières phalanges. Un certain

tonus des fléchisseurs semble persister puisqu'il y a une très légère incli-

naison en flexion de l'articulation des première et deuxième phalanges.

Dès les premiers temps de la blessure, on constate un aplatissement très

notable de la partie externe de l'éminence thénar. Si la lésion date de

quelques mois, une atrophie importante envahit également le groupe des

muscles épitrochléens dont la maigreur contraste notamment chez les

sujets, robustes avec le fort relief que dessine sous la peau le long supi-

nateur.

Les téguments sont plus froids au niveau des muscles aplatis.

La coloration de la main, des trois premiers doigts principalement,

apparaît très modifiée dans un grand nombre de lésions du médian.

La peau est rouge, violacée, quelquefois même l'index est bleu et froid,

les ongles sont blanchâtres ou violacés, la peau est sèche et comme fen-

dillée.

Il est certain que dans la plupart des cas, ces troubles vasomoteurs

secrétoires et caloriques doivent être rapportés à une lésion artérielle

associée, chose fréquente, étant donné la proximité du nerf et des vais-

seaux.

L'examen du pouls radial et l'étude de la pression artérielle au moyen

du sphygmomanomètre de Pachon pourront éliminer ou confirmer l'hy-

pothèse d'une association de lésion artérielle.

B. Paralysie incomplète.

,

Les lésions partielles, dissociées, du médian apparaissent, d'après

notre statistique, comme de beaucoup plus fréquentes.

La chose est fort heureuse, étant donné la gravité des perturbations

fonctionnelles qu'entraîne une lésion totale du nerf.

L'aspect de la main est celui que nous venons de décrire à propos des

paralysies complètes.

Le bord externe du nerf médian est rarement touché isolément. Le bord

interne au contraire est très souvent lésé, d'où la fréquence des paralysies

des fléchisseurs des doigts dans les cas si nombreux de plaie en séton de

la partie interne du bras.

Lorsque la lésion du nerf médian revêt la forme particulière décrite

sous le nom de forme douloureuse, la main prend un aspect qui mérite

une description détaillée.

Le blessé tient son coude fléchi, le poignet légèrement incurvé, la main

levée, jamais baissée, les doigts allongés, en extension avec parfois de l'liy-

perextension des dernières phalanges (main en calice, pl. XVI, fig. D).

DÉFORMATIONS DE LA MAIN PAR BLESSURES DES NERFS 73

Le pouce est en adduction et en opposition aussi complètement du

moins que le permet l'intégrité des muscles·thénariens.

La main est émaciée, atrophiée dans son ensemble, avec un aspect affiné,

effilé, qui contraste avec la robustesse de la main saine.

Les doigts sont amincis, fuselés, les ongles bombés et roses.

La peau, très fine, est blanche sur le dos de la main, rose plus ou moins

foncé à la paume, avec parfois une pigmentation plus rouge sur les bords

de l'éminence thénar et aux talons des doigts.

Sur la face dorsale des doigts, la peau est tendue, elle est comme frip-

pée et plissée transversalement à la paume de la main.

Dans des cas très nombreux, cette coloration et cet aspect de la peau

n'occupent que le territoire du médian, tranchant ainsi nettement sur le

territoire du cubital voisin.

La sudation, souvent augmentée à la face dorsale des doigts, est dimi-

nuée dans tout le côté externe de la main et dans les trois premiers doigts.

Parfois il y a disparition totale de la sudation ; la peau est alors âpre

et sèche, au point qu'elle se fendille et qu'elle desquame par petites

écailles. '

Dans d'autres cas, la sudation est augmentée et la sueur perle en gros-

ses gouttes sur tout le territoire cutané du médian qui tranéhe ainsi non

seulement par cette sudation, mais encore une fois à cause de la coloration

plus rosée, avec le territoire du cubital où la peau est plus brune et plus

sèche.

L'atrophie musculaire est moins marquée que dans les paralysies com-

plètes, et n'est appréciable qu'au niveau de l'éminence thénar.

Par contre, il existe toujours un degré marqué d'atrophie des muscles

situés au-dessus de la lésion et n'appartenant pas au médian.

L'évolution des phénomènes douloureux est heureusement favorable.'

La douleur va en s'amendant spontanément.

La motilité reste stationnaire ou ne fait que de très lents progrès. Très

souvent, à'mesure que le temps s'écoule, le fonctionnement du membre se

trouve plus compromis.

Les attitudes de défense, le retrait en flexion de tous les segments du

bras qu'adopte volontiers le blessé, sont causes d'ankyloses irréductibles

avec rétractions très marquées et chevauchement des doigts rendant le

membre, la main en particulier, absolument inutilisables (pl. 1VII, fig. F

et H).

L'atrophie de la main va en augmentant et porte sur tous les éléments.

La peau est plus fine, les crêtes épidermiques effacées, les couches

profondes semblent avoir fondu ; la peau se plisse de plus en plus à la

paume, et au contraire elle se tend a la face dorsale des doigts. Elle est

74 MADAME ATHANASSIO-BENISTY

couperosée à certains endroits, notamment à la base des trois premiers

doigts.

Parfois, mais rarement, il y a une hyperkératose de la paume de la

main, au niveau du talon des doigts. Les doigts sont de plus en plus

minces, fuselés.

Les ongles sont bombés et s'épaississent.

Des stries transversales ou longitudinales se voient à leur niveau. Par-

fois ils croissent démesurément et s'incurvent 5 le derme sus-unguéal

remonte et adhère à l'ongle qui l'attire à mesure qu'il croît, causant ainsi

une douleur déplus.

Fréquemment l'extrémité des doigts devient bombée, légèrement hip-

pocratique ; les bords latéraux de l'ongle ont tendance à déborder leur

rainure d'incrustation.

L'atrophie semble s'étendre aux os, toute la main s'affine et s'étire; la

radiographie révèle une décalcification très marquée des phalanges

( « main ostéoporeuse » de Sicard) (pl. XIX, fig. C).

Le trophisme de la peau, du tissu cellulaire sous-cutané, des os, des

ongles, se trouve modifié et d'une manière bien différente de ce qu'on

observe à la suite des lésions vasculaires par angustie ou oblitération

artérielle.

Bref, il semble que les troubles vasomoteurs et trophiques consécutifs

aux lésions vasculaires sont d'ordre pécrohiotique et consistent en une

diminution de la vitalité des tissus, tandis que les troubles trophiques et

vasomoteurs des formes douloureuses correspondent à un hyperfonction-

nement des échanges nutritifs et à une perturbation de la croissance de

ces tissus.

IV. LÉSIONS concomitantes DES NERFS médian ET cubital.

Ces lésions fréquentes déterminent des aspects très variables de la

main et des doigts et nécessitent de ce fait une étude détaillée..

Que ces nerfs soient touchés au bras ou à l'aisselle, les signes sont

identiques. Très souvent il,s'y ajoute une lésion de Tarière humérale ou

axillaire, s'accompagnant de troubles vasomoteurs, secrétoires ettrophi-

ques caractéristiques.

On doit distinguer deux types cliniques :

A. Les paralysies complètes.

B. Les paralysies incomplètes.

A. Paralysies complètes.

Lorsqu'un projectile a sectionné ou écrasé les deux nerfs du bras par

' DÉFORMATIONS DE LA MAIN PAR BLESSURES DES NERFS 75

une plaie en selon de sa face interne, on les a gravement atteints dans

l'aisselle à la hauteur de la pointe inférieure du plexus brachial, on observe

un aspect de la main tout à fait typique.

Le blessé se présente avec un poignet en légère hyperextension sur

l'avant-bras, la main portée vers le bord radial, le pouce en abduction et

sur le même plan que les autres doigts ; ceux-ci sont légèrement écartés,

leur première phalange en extension modérée sur le métacarpe, avec

flexion minime et passive des deux dernières phalanges, sans griffe

(pl. XIX, fig. A). Plus rarement les deux derniers doigts se recourbent et

forment une griffe peu accentuée, mais irréductible. `

B. - Paralysies incomplètes.

Les paralysies incomplètes des nerfs médian et cubital réalisent des

types cliniques variés : les schémas que nous publions en donneront une

idée plus nette qu'une longue description.

La grande diversité des déformations de la main et des doigts à ia

suite d'une atteinte des deux nerfs doit tenir à l'inégalité de leur lésion.

On se trouvera en présence d'aspects différents, selon que la lésion la

plus grave porte sur le médian ou sur le cubital, selon que tels ou tels

faisceaux de chaque nerf se trouvent touchés, selon la richesse des anasto-

moses avec les nerfs voisins, et enfin, croyons-nous, selon la nature plus

ou moins inflammatoire de la lésion.

Les troubles observés au cours de ces lésions partielles des nerfs médian

et cubital constituent la plus belle illustration de la spécialisation des

fascicules nerveux moteurs à l'intérieur d'un nerf.

Les dessins ci-joints, faits d'après nature, en donnent un aperçu suffi-

samment exact.

Nous considérerons cinq types cliniques principaux :

PREMIER TYPE. - Le type le plus fréquent consiste en une prédomi-

nance.des troubles moteurs sur les petits muscles de la main et sur les

fléchisseurs des doigts avec intégrité plus ou moins complète des muscles

fléchisseurs du carpe. Seule la flexion du poignet est possible (pl. 3, fig. C).

L'attitude de la main et son impotence rappellent à peu près les cas

de section complète décrits plus haut.

Deuxième type. Lorsque la paralysie prédomine sur les interosseux,

les thénariens et les hypothénariens, avec parésie des fléchisseurs subli-

mes et parésie plus marquée des fléchisseurs profonds, la main revêt un

aspect tout à fait remarquable. L'hyperextension de la phalange basale

des quatre derniers doigts est extrême, au point qu'il s'effectue une sub-

luxation des tôles métacarpiennes, qui font une très forte saillie dans la

paume de la main au niveau des talons des doigts (pl. XVIII, fig. D).

7h MADAME ATHANASS10-BENISTY

La flexion de la deuxième phalange est assez marquée ; celle de la troi-

sième l'est moins. Les tendons fléchisseurs se dessinent dans la paume de

la main qui est décharnée.

La main vue par sa face dorsale rappelle un dos de fourchette.

A cela s'ajoute parfois une perturbation dans, le fonctionnement des

filets vasomoteurs. Dans un de nos cas, les quatrième et cinquième doigts

étaient toujours chauds, tandis que le deuxième et le troisième étaient

froids.

Il y a aussi tendance à l'ankylose des articulations, ce qui explique

peut-être la subluxation des têtes métacarpiennes et la raideur de toutes

les jointures.

Parfois, dans des cas analogues, les mêmes muscles sont intéressés,

mais à un degré moindre ; alors l'abduction et l'adduction des doigts sont

légèrement ébauchés, mais la flexion des premières phalanges sur le mé-

tacarpe reste toujours impossible. Même aspect de dos de fourchette

(pl. XVIII, fig. A et pl. XXI, fig. E).

.. Troisième type. Les petits muscles de la main sont toujours les plus

paralysés, mais l'hyperextension de la phalange basale est moindre

(pl. XVIII, fig. G et pl. XXI, fig. C). Le blessé peut « faire le poing » : les

doigts plient un peu au niveau de l'articulation métacarpophalangienne,

assez bien à l'union de la première et de la deuxième phalanges et pas du

tout au niveau de l'articulation de deuxième avec la troisième phalange.

La deuxième phalange du pouce est en flexion permanente, ce doigt présen-

tant dans ce cas un exemple typique de la déformation décrite par Jeanne

(de Rouen). Cette griffe est très souple, malgré les saillies que forment

dans la main les têtes des métacarpiens ; le dos de fourchette est moins

accentué.

Quatrième type. - Le fléchisseur sublime est très atteint; les fais-

ceaux des fléchisseurs profonds innervés par le cubital le sont moins;

d'où ébauche de flexion des deux derniers doigts et légère griffe.

Les interosseux sont paralysés, mais ils réagissent assez bien au cou-

rant faradique. ,

Il y a eu au début parésie des muscles innervés par le radial, suivie

de restauration complète.

Cinquième TYPE. - Les interosseux sont encore très atteints ; le long

fléchisseur du pouce est normal ; les fléchisseurs des doigts se contractenten

partie, les muscles thénariens, d'abord paralysés, sont en voie de restaura-

tion.Dansles cas que nous figurons, il y a eu lésion vasculaire associée, assez

NOUV. ICONOGRAPHIE DE LA SALPTRIÈR1 ?

T. XXVIII, PL. XVIII.

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DÉFORMATIONS DE LA MAIN ET DES DOIGTS PAR BLESSURES DES NERFS

( ! lfme Athanassio-Benisty).

MASSON et Ci-, Éditeurs.

DEFORMATIONS DE LA MAIN PAR BLESSURES DES NERFS 77

bien compensée du reste, et irritation des filets sécréteurs ayant déterminé

une hypersudation dans le territoire du médian (pl. XVIII, fig. B, E et F).

En somme, dans ces types si variables, il y a lieu de tenir compte,

d'une part, du degré de la paralysie des interosseux et des fléchisseurs ;

d'autre part, de la force des extenseurs, des lésions vasculaires associées,

des anastomoses'entre les troncs nerveux, et enfin des lésions articulaires.

Ces dernières dépendent sans doute de prédispositions individuelles ;

mais nous inclinons à croire que la nature de la lésion n'est pas étrangère

aux arthropathies qui s'installent fort tôt chez quelques blessés et abou-

tissent à de très grandes déformations.

La rétraction des tendons des fléchisseurs n'est pas la même non plus

chez tous les sujets, quoique la lésion siège au même point du nerf. I' a-t-

il encore là une prédisposition du blessé ? une dégénérescence du muscle ? : '

Ou s'agit-il d'un équilibre spécial entre le fléchisseur sublime, le fléchis-

seur profond et les interosseux, équilibre variant avec l'individu, et dont

le mode de rupture est différent suivant la lésion ?

Peut-être aussi faut-il tenir compte, dans ces paralysies incomplètes, du

retour progressif, mais inégal, de la fonction motrice et de la tonicité de

certains muscles, qui au sur et à mesure de leur restauration, détermi-

nent des tiraillements, et changent l'équilibre des surfaces articulaires.

Mais vient un moment où l'inflammation des parties molles des articula-

tions aidant, la lésion se fixe; des ankyloses et des rétractions s'établis-

sent. Seul un traitement actif et longtemps poursuivi pourra alors les

combattre et les modifier.

V- Lésions vasculaires associées aux lésions DES nerfs PÉRIPHÉRIQUES.

Toutes les fois qu'aux signes habituels de la paralysie d'un ou plusieurs

nerfs du membre supérieur s'ajoutent des troubles vasomoteurs et trophi-

ques importants, il y a lieu de suspecter l'existence d'une blessure vascu-

laire concomitante.

L'étude des commémoratifs, du pouls et de la pression artérielle con-

firmera d'ailleurs bien souvent ce diagnostic.

Les troubles vasomoteurs sont caractérisés par une coloration rouge

violacée ou bleu noiràtre de la peau. Ces troubles vasomoteurs sont tantôt

généralisés à toute la main, tantôt localisés à un ou plusieurs doigts et

alors il n'en sont que plus remarquables.

La température locale est toujours abaissée par rapport au côté sain.

La main et les doigts sont froids, quelle que soit la température exté-

rieure.

Il y a en même temps une diminution ou une abolition complète de

78 MADAME ATHANASSIO-BENISTY

la sudation dans tout le territoire où siègent les altérations vasomotrices

caloriques et trophiques.

Les troubles trophiques peuvent intéresser tous les tissus.

La peau peut présenter des signes de dégénérescence divers.

cc) Elle est tantôt fine, luisante, tendue, décoloration bleuâtre ou rouge

violacé rappelant le glossy-skin décrit par Paget. Elle recouvre alors des

doigts à l'aspect légèrement succulent ou oedémateux à extrémité plus

-enflée (pl. XXII, fig. C).

) D'autres fois l'épidémie est sec, sèche, écailleux, avec un aspect

ichtyosique ou squameux. Le bout des doigts est affiné, comme scléroder-

mique et sous les ongles la peau remonte en un bourrelet.

Au niveau de cette peau mal nourrie et mal innervée, deux sortes

d'accidents peuvent s'observer : des ulcérations, des éruptions.

Les ulcérations sont- fréquentes. Elles occupent de préférence le bout

des doigts, où elles entament l'ongle et laissent des cicatrices rétractiles,

mais aussi le côté latéral interne de la main, le côté radial de l'index.

Plus rarement, dans des cas très graves, il s'agit d'une véritable gan-

grène des extrémités , localisée à un ouplusieurs doigts, entamant lapha-

langette et même la phalangine et aboutissant à de véritables mutilations.

Les éruptions sont plus rares. Elles sont souvent eczématiformes.

Les ongles subissent des déformations variées. On observe des ongles

dénivelés, rapiécés, formés de deux morceaux, l'un basal, l'autre ter-

minal, réunis par un trait irrégulier. Ces deux fragments outsouventune

épaisseur, une consistance et une coloration différentes. La chute d'un ou

plusieurs ongles est fréquente; ils sont remplacés par une croûte, un

amas informe de tissu corné, épais, blanchâtre, sa..s élasticité.

Le tissu cellulaire sous-cutané présente souvent une sorte (['infiltra-

tion dure, élastique rappelant le trophoedème chronique. -

Les muscles subissent une dégénérescence fibrosciéreuse, ils deviennent

ligneux et leurs tendons se rétractent. Les fléchisseurs des doigts sont le

plus souvent atteints ; la main prend alors l'attitude classique observée

dans la maladie de Volkmann, déformation due, comme on sait, à une

lésion musculaire par ischémie, à la suite de la compression ou de la

striction prolongée du membre par un appareil plâtré (pl. XXII, fig. D).

Nous avons pu observer dans deux cas une rétraction des muscles in-

terosseux de la main avec une déformation des dernières phalanges

rappelant le rhumatisme chronique (pl. XX, fig. F et pl. XXI, fig. D).

VI. Paralysies ET contractures dites réflexes.

Enfin, on peut observer au niveau de la main l'existence de troubles

NOUV. ICONOGRAPHIE DE LA SALPÊTRIÈRE.

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DÉFORMATIONS DE LA MAIN ET DES DOIGTS PAR BLESSURES DES NERFS

(Mme Athanassio-Benisty).

MASSON et C", Éditeurs.

aouv, ICONOGRAPHIE DE LA SALPÛTRIÈRE-

T. XXVIII, PL, XXIII.

DÉFORMATIONS DES MAINS ET DES DOIGTS

Mains saines (à droite). Mains figées (à gauche).

(Mme Atkanassio-l3enisty).

MASSON et Ci», Éditeurs.

DÉFORMATIONS DE LA MAIN PAR BLESSURES DES NERFS 79

spéciaux formés d'une association de parésie et de contracture tout à fait

caractéristique.

. On peut répartir ces affections en trois catégories différentes, bien que

cette division soit très schématique : 1° les paralysies avec contractures,

qui sont les plus typiques ; 2° les contractures ; 3° les paralysies flasques

avec hypotonie.

1 Paralysies avec contractures. - Synonymie : « main figée »

de Henry Meige, paralysie globale de la main de Pitres, acromyotonie

de Sicard, paralysie d'ordre réflexe de Babinski et Froment, paratonies

de Pierre Marie et Foix.

Ce genre d'affection s'observe de préférence au niveau de la main, plus

rarement au niveau du membre inférieur.

C'est vers le milieu de l'année 1915 que les Centres Neurologiques

commencèrent à signaler l'apparition de certaines attitudes vicieuses des

membres et notamment de la main, s'accompagnant d'impotence fonc-

tionnelle complète et résistant à tous les traitements physiothératiques

qui ordinairement améliorent les raideurs ou contractures, séquelles de

lésions osté4-articulaires ou musculaires.

La première description d'ensemble fût-donnée par M. Henry Meige (1)

qui a attiré l'attention sur ces impotences complètes survenant à la suite

d'une blessure de l'avant-bras ou de la main, blessure qui laisse souvent

intacts les nerfs et les os, et qui d'autrefois n'a été qu'une simple contusion.

M. H. Meige mit en relief le fait que les réactions électriques sont peu

touchées, la pression artérielle égale à celle du côté opposé, les troubles

de la réflectivité et de la sensibilité souvent nuls, mais qu'en revanche il

existe presque toujours des troubles vasomoteurs et thermiques. Les

différentes articulations de la main présentent un certain degré de rai-

deur. Après la mobilisation passive de la main, celle-ci reprend aussitôt

son altitude « figée » rappelant la « main d'accoucheur » : poignet

légèrement tombant, paume excavée, doigts étendus, le pouce et le petit

doigt tendant à se rapprocher vers la ligne médiane au-dessous des trois

autres doigts, eux-mêmes accolés (pi. XVI, fig. E, pl. XX, fig. G,

pl. XXIII).

MM. Babinski et Froment (2) donnèrent une description complète de

(1) Henry MEIGE, Mme Alh. Benisty et Mlle LÉvy, Impotence de tous les mouvements

de la main et des doigts, avec intégrité des réactions électriques (main figée). So-

ciété de neurologie, 4 novembre 1915, Revue Neurologique, novembre-décembre 1915,

p. 1273-1276. '

(1) J. Babinski et J. Froment, Les modifications des réflexes tendineux pendant le

sommeil chloroformique et leur valeur en sémiologie. Académie de médecine, 19 octo-

bre 1915 ; Sur une forme de contracture organique d'origine périphérique et sans

exagération des réflexes. Société de neurologie, 4 novembre 1915 ; Contribution à

l'étude des troubles nerveux d'origine réflexe. Examen pendant l'anesthésie cltlorofor· ' z

80 ' 1 MADAME ATHALVASSIU-BENISTY

tous les symptômes objectifs qui placent ces impotences parmi les affec-

tions organiques et les différencient des contractures et paralysies hysté-

riques ou pithiatiques. -

2° Contractures . Il n'y a pas toujours une délimitation bien nette

entre les formes précédemment décrites et les contractures pures, le plus

souvent un certain degré de parésie de quelqnes muscles s'associe à la con-

tracture de certains autres.

Les contractures du membre supérieur prédominent ordinairement à !

la main et aux doigts ; elles frappent aussi fréquemment le biceps brachial, i

D'après MM. André Léri et Edouard Roger, les variétés les plus fré-

quentes sont : la contracture en extension de la main et des doigts (doigts .

étendus ou hyperétendus, soit tous ensemble, soit par groupe de deux ou

trois écartés les uns des autres). Une variété plus fréquente est celle pre-

nant l'attitude classique de la « main d'accoucheur », les doigts étendus

et rapprochés, serrés les uns contre les autres (1).

Selon M. Sicard (2), les contractures réalisent à la main et aux doigts

certaines attitudes que l'on peut classer d'une manière schématique sous

les cinq rubriques suivantes :

a) L'aspect en coup de poing : tous les doigts énergiquement fléchis dans i

la paume de la main. Cet aspect serait dû d'après M. Sicard à la con trac- '

ture des fléchisseurs de l'avant-bras ; « main du nerf médian ».

b) L'aspect en bénitier ; la paume de la main est creuse, les doigts à

demi fléchis l'encerclent, par contracture des interosseux et de l'adduc-

teur du pouce ; « main du nerf cubital ».

c) La main en fuseau par contracture des extenseurs de la main et des 1

doigts et des interosseux ; « main des nerfs radial et cubital ». '

d) La main en col de cygne, « main des nerfs médian et cubital » fléchie

à angle aigu sur le poignet, les doigts allongés.

e) La main indicatrice (contracture en flexion des deux derniers doigts,

l'index restant allongé).

mique. Société de neurologie, 4 novembre 1915 ; Paralysie et hypotonie réflexes avec

surexcitabililé mécanique, voltaïque et faradique des muscles. Académie de médecine,

11 janvier 1916 ; Contractures et paralysies traumatiques d'ordre réflexe. Presse mé-

dicale, 24 février 1916 ; Des troubles vasomoleurs et thermiques d'ordre réflexe. Société

de neurologie, 2 mars 1916 ; J. BABINSKI, Les caractères des troubles moteurs dits

« fonctionnels » et la conduite à tenir à leur égard. Rapport à la Société de neuro-

logie. Séance du 6-7 avril 1916. Revue de neurologie, avril-mai 1916.

(1) André Lim et Edouard Roger, Sur quelques variétés de contractures posi-trau,

matiques et sur leur traitement. Société médicale des hôpitaux, 22 octobre 1915.

(2) J. A. Sicard et 131»EI;T, La bande de caoutchouc et l'alcoolisation locale des nerfs

dans le traitement des contractures par blessures de guerre. Société médicale des hO.

pitaux, 16 avril 1915 ; J. A. Srenuo, L'alcoolisation tronculaire au cours des acromyo-

fonies rebelles du membre supérieur, Paris médical, 3 juin 1916, n° 23.

CENTRE NEURO-PSYCHIATRIQCE DE MAISON-BLANCHE

SEIZE DÉFORMATIONS PARATONIQUES DE LA MAIN

CONSÉCUTIVES AUX PLAIES DE GUERRE

PAR

LAIGNEL-LAVASTINE et PAUL COURBON,

professeur agrégé, médecin des hôpitaux, médecin-adjoint des asiles.

MM. Pierre Marie et Foix (1) ont décrit comme une forme spéciale de

paralysie paratonique de la main certains cas du type connu sous le

nom de main d'accoucheur. Bien que le terme de paratonique soit pris

ici dans un sens un peu différent de la paratonie de M. Dupré, nous

l'acceptons en raison de sa simplicité et de son caractère purement clini-

que. Nous entendrons ici par déformations paratoniques des mains ces

perturbations motrices aux attitudes singulières, qui nous ont tous plus

ou moins frappés dans les centres neurologiques militaires ; qui ne pré-

sentent pas dès l'abord les gros signes brutaux d'une affection organique

du système nerveux ; qui ne se comportent pas non plus comme les fran-

ches manifestations hystériques ; qui sont des hypotonies plus que des

paralysies, des hypertonies plus que des contractures; qui sont plus

remarquables par leur qualité que par leur quantité; et qui s'accompa-

gnent de toute une série dégradée de petites modifications dont la valeur

confirme l'adage : de minimis curai medicus.

A. MM. Babinski et Froment (2) revient le mérite d'avoir montré que

parmi ces troubles beaucoup s'accompagnent d'un certain nombre de

signes physiques faciles à reconnaître et relèvent de perturbations qu'ils

pensent être d'ordre réflexe. -

A la séance de la Société de neurologie qui a suivi la publication de

leur travail, l'un de nous, avec M. Fay (3), a présenté un cas confirmatif

des leurs.

Il s'agissait d'une main d'accoucheur par hypertonie dans le domaine-

cubital, consécutive à une fracture de l'humérus et à une section incom-

plète'du médian avec névrome.

(1) P. Marie et Foix, Soc. méd. des hôp., 4 février 1916.

(2) J. Babinski et P. Froment, Contractures et paralysies traumaliques d'ordre réflexe

Presse médicale, 24 février 1916.

(3) LAIGEL-LAVASTINE et Fan, Soc. de neurol., 2 mars 1916.

xxviii 6

82 LA.IGNEL-LA.VASTINk' ET PAUL COURBON

Ce cas rappelait ceux auxquels MM. Babinski et Froment ont donné le

nom de troubles réflexes, mais il. n'était pas pur, car il s'accompagnail,

/ainsi que nous venons de le" dire, d'une paralysie partielle et incomplète

du médian. Cette paralysie ne pouvait être considérée comme responsable

de l'hypertonie dans le domaine du cubital, car l'un existe en général

sans l'autre. On pouvait plutôt incriminer la fracture de l'extrémité infé-

rieure de l'humérus, dont le cal d'ailleurs consolidé en bonne position, est

au voisinage du nerf ; mais la fréquence est très grande de fractures

semblables sans main d'accoucheur. C'est après une intervention chirur-

gicale mal précisée et alors que le cal était déjà formé qu'est apparue

l'attitude vicieuse.

Il semble donc qu'elle dépendît d'une irritation datant de cette époque

et localisée sans doute en dedans du tendon du biceps. Comme là passe

l'artère humera le, comme il existe sur le médian un volumineux névrome

qui peut irriter l'artère, comme les troubles vaso-moteurs, sudoraux et

thermiques fréquents de la main d'accoucheur ont fait soupçonner à celle-

ci une origine sympathique par Meige, Babinski et Froment, et comme

Leriche a montré chirurgicalement l'importance de l'adventice de l'humé-

raie pour la conduction sympathique, nous nous demandions si dans le

cas actuel cette main d'accoucheur par hypertonie n'avait pas un point de

départ irritatif dans la région du pli du coude en dedans du biceps.

Depuis ce premier travail, nous avons dans notre service examiné

systématiquement tous les petits troubles moteurs des mains susceptibles

a priori de rentrer dans les perturbations motrices d'ordre réflexe, et

rappelant par leur morphologie les cas signalés dans divers centres neu-

rologiques aussi bien à Tours qu'à Bourges, Marseille, Rennes ou Paris,

décrits par Meige (1) sous le nom de mains figées, interprétés par Pierre

Marie et Foix comme des formes spéciales de paralysie paratonique et

nommés par Sicard acromyolonies.

Nous retiendrons seize de ces observations. Leur lien est grossièrement

clinique et morphologique. Il limite ces petits troubles moteurs des mains

aux attitudes singulières dont nous avons parlé en débutant. Pour faciliter

la comparaison de tous les cas, nous avons résumé les observations sur un

mode uniforme inspiré du rapport de M. Babinski sur les caractères des

troubles moteurs dits « fonctionnels » présenté au Congrès neuro-psy-

chiatrique militaire du 2 mars 1916.

Voici ces seize observations :

(1) dlaioe et Mme A. BÉNISTY, Mlle Lévy, Société de neurologie, 4 novembre 1915. R. N.

1915, p. 1213.

411 ! %W^M^ ¡}. Al ? ¡.RIHE. " ? XXVIII. l'L. XXIV

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DÊ10RMATI0NS DE LA .MAIN PAR BLESSURKS DE GUERRE

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DÉFORMATIONS DE LA MAIN PAR BLESSURES DE GUERRE

SEIZE DÉFORMATIONS PARATONIQUES DE LA MAIN 83

0. Observation I. Main DU lanceur DE COUTEAU. Paralysie de l'adduc-

teur du pouce par lésion de C™' et hypertonie des interosseux par irrita-

tion de A (PI. XXIV, A).

1. Historique. - Blessé le 5 septembre 1914, pendant qu'il faisait le coup

de feu dans la position du tireur couché, par une balle qui traversa d'arrière

en avant le creux de l'aisselle droite.

Des fourmillements dans la main l'avertirent qu'il venait d'être blessé.

On constate encore la cicatrice d'entrée du projectile au niveau de la pointe

inférieure de l'omoplate et la cicatrice de sortie sur la paroi antérieure de

l'aisselle au sommet de l'angle delto-pectoral.

La radiographie ne révèle rien, ni dans l'aisselle, ni dans le poumon qui

aurait été perforé d'après les dires du malade.

2. Conséquences immédiates. - Immédiatement après la blessure, le bras

se fléchit à angle droit et resta ainsi pendant plusieurs mois, toute tentative

d'extension provoquant une vive douleur à la face antérieure du membre.

3. Attitude actuelle. - La main seule a une attitude anormale qui date

du début du traumatisme. L'éminence thénar fait un peu saillie en avant et

en dedans. Le pouce en abduction a sa première phalange très légèrement

fléchie et sa deuxième phalange courbée à angle droit sur la précédente fai-

sant comme une griffe. Les quatre autres doigts ont, au contraire, les deux

dernières phalanges en extension sur la première, qui est légèrement fléchie

sur le métacarpe. De plus, tandis que le médius et l'annulaire restent accolés,

l'index et l'auriculaire convergent l'un vers l'autre en passant par devant les

précédents.

La main semble ainsi prête à lancer au loin un poignard, dont la garde

repousserait le pouce en dehors. 1

4. Motilité volontaire actuelle. - Spontanément, l'extension de la deuxième

phalange du pouce qui reste toujours en griffe est impossible; tous les autres

mouvements du pouce sont aisés.

La flexion de toutes les phalanges des quatre autres doigts s'exécute, complète-

ment, mais avec-effort et comme par crans successifs ; pendant qu'elle s'accom-

plit, tous les doigts reprennent leur parallélisme normal. Celui-ci est tout à fait

complet quand le poing est fermé. Le retour à l'extension de ces quatre der-

niers doigts est facile, sauf pour le second et le cinquième, qui reprennent

leur attitude convergente devant l'annulaire et le médius.

L'abduction des doigts ainsi fixés est impossible, sauf celle du quatrième et

du troisième, qui peuvent s'écarter l'un de l'autre.

5. Motilité provoquée actuelle. La réduction de ces contractures est

indolore, est relativement aisée, mais se produit instantanément.

6. Sensibilité. - Il n'y a pas de troubles objectifs de la sensibilité, mais

dans l'éternuement et la toux, le malade souffre au niveau de l'éminence thé-

nar ; il éprouve un tiraillement pénible dans le milieu du pli du coude et de

la face antérieure du bras.

84 LA1GNEL-LAVASTINN ET PAUL COURBON <

7. Héflectwité. - Les réflexes diminués sont :

a) Tendineux : long supinateur (5.. 6) : triceps (6, 7, 8) ; radial (6, 7, 8).

b) Périostes : radial (5, 6) et cubital (6, 7, 8).. ,

Celui-ci ne donne ni pronation, ni flexion. Les autres réflexes sont égaux

des deux cotés.

8. Excitabilité mécanique. - L'excitabilité mécanique des muscles du

bras, de l'avant-bras et de la main ne paraît pas modifiée sauf pour le long

supinateur où elle, semble un peu augmentée.

Le refroidissement exagère celle excitabilité et la fait naître dans les mus-

cles thénariens. Le réchauffement ramène la seule excitabilité légère du long

supinateur. La bande d'Esmarch en application amène la dlsparation cnm-

plète des contractures, mais ne modifie pas l'excitabilité mécanique.

J. Excitabilité électrique. Par la faradisation tous les muscles réagis-

sent. Un courant faradiquc léger amène l'adduction du pouce et la contrac-

tion des muscles de l'éminence thénar. Cependant il faut un très fort connut

pour que l'adduction du pouce amène en même temps son extension.

Pas de modification de la formule il la galvanisation.

10. Vaso- motricité et température. - La main est" légèrement plus froide.

Le froid provoque une sensation douloureuse. La main malade conserve

moins longtemps que l'autre la chaleur acquise par l'immersion dans l'eau

chaude. Le refroidissement est sans effet sur la tonicité.

11. Pression. - Le manomètre de Pachon fournit les résultais suivants :

SEIZE DÉFORMATIONS PAIt.1T011tUFS DE LA MAIN 85

tion abductrice du deuxième lombrical et de l'extenseur qui surmontent

l'hypertonie du deuxième interosseux palmaire, privé,' lui, du secours du

digastrique, puisque le cinquième et le deuxième doigts sont sur un plan

antérieur. r. -

La prolrnsion légère de l'éminence thénar est beaucoup moins réelle

qu'apparente. Cette apparence résulte de la forme en gouttière imprimée

à la paume de la main par la convergence de l'index et de l'auriculaire.

Quant à la griffe du pouce, elle ne saurait être rattachée à une contrac-

ture du long fléchisseur du pouce, puisqu'elle persiste après application

de la bande d'Esmarch qui fait disparaître la contracture des interosseux.

Elle ne peut être attribuée qu'à une hypotonie de l'addzcclezcr du pozice ;

muscle qui a pour mission, en amenant le premier métacarpien en dedans

et en avant du deuxième, d'étendre la dernière phalange du pouce. Cette

hypotonie de l'adducteur se révèle d'ailleurs à la faradisation, qui néces-

site un courant d'une intensité considérable pour obtenir une contraction

de ce muscle suffisante à étendre la deuxième phalange du pouce.

La douleur légère, dont le trajet semble être celui du médian (éminence

thénar, partie moyenne du coude, face antérieure du liras), peut s'expli-

quer par la lésion des fibres envoyées dans ce nerf par la huitième paire.

Cette douleur, quoique présentant le caractère radiculaire (exagération par

la toux, les inspirations profondes et l'éternuement), doit correspondre,

vu le trajet du projectile, à une lésion assez bas située sur les branches

efférentes du plexus, en un point que nous préciserons plus loin.

C'est cette même huitième cervicale qui prend la plus grande part à

l'innervation des muscles de la main et qui a, croyons-nous, sous sa dé-

pendance l'hypotonie. '

- La preuve peut en être recherchée dans la diminution des réflexes

constatée dans son territoire.

- L'hypotonie de l'adducteur résulterait donc de la lésion de la huitième

cervicale.

La première dorsale, qui a une part moindre dans l'innervation des

mêmes muscles, commanderait l'hypertonie.

Cette hypertonie est, en effet, légère, puisque l'écart du troisième et du

quatrième doigt est possible. Si l'adduction du cinquième et du deuxième

doigt est si grande, c'est qu'à l'hypertonie des interosseux s'ajoute la

tonicité du digastrique profond du fléchisseur superficiel.

Ainsi considéré, ce syndrome apparaît comme étant celui d'une disso-

ciation lésionnelle des fibres émanant de deux racines : lésion destructive

des fibres de la huitième cervicale amenant une parésie avec hypotonie

de V adducteur du pouce et une lésion irritative des fibres de la pre-

mière dorsale, amenant une contracture avec hypertonie des interosseux.

86 LAIGNEL-LAVASTINE ET PAUL COURBON

Quant au niveau de la lésion même, on peut en fixer le siège dans

l'angle formé par la racine interne du nerf médian et par le nerf cubital

qui en émerge. Cela nous explique l'atteinte des deux ordres de fibres

(huitième cervicale, première dorsale) et les irradiations douloureuses

dans le médian.

Çe point coïncide parfaitement avec le trajet que vraisemblablement a

dû suivre la 'balle, étant données les cicatrices de ses orifices d'entrée et

de sortie. ?

0. Observation II. Main DU faiseur D'OMBRES CHINOISES

par hypertonie des interosseux (PI. XXVI, I).

1. Historique. Blessé le 9 mai 1915, pendant qu'il aidait au transport

d'un brancard, par une balle qui lui traversa obliquement les parties molles

de la face palmaire de l'avant-bras et de la main.

La cicatrice de l'orifice d'entrée est perceptible à deux travers de doigt au-

dessus de l'interligne articulaire, elle est perpendiculaire à l'axe du membre,

longue de deux centimètres, froncée et un peu adhérente.

La cicatrice de sortie siège au-dessus de l'éminence hypothénar, sous forme

d'une estafilade oblique de haut en bas, de dedans en dehors, longue environ

de quatre centimètres, légèrement adhérente.

On le pansa, on sutura les plaies cinq jours après la blessure, et ce fut la

la première et dernière opération. Consécutivement il fut traité par massages,

mécanothérapie et l'électricité. v

2. Conséquences immédiates. Il sentit comme une électrisation dans

l'avant-bras et la main comme quand on se cogne le coude, dit-il. « Il dut là-

cher son fardeau, » Cette douleur ne dura pas plus de deux jours. Par contre,

ses quatre derniers doigts prirent deux jours après l'attitude de la griffe cubi-

tale (flexion à angle droit des deux dernières phalanges sur la première éten-

due), et le pouce se mit en adduction butant de sa pulpe contre le crochet des

phalanges de l'index. Ce n'est qu'au bout de cinq mois et demi, dont le der-

nier mois fut consacré à la mécanothérapie, que l'attitude actuelle apparaît.

3. Attitude actuelle. Les premières phalanges des quatre derniers doigls

sont fléchies presque à angle droit, les deux autres phalanges sont en exten-

sion incomplète, et ces quatre doigts sont en adduction par rapport à l'axe du

membre, le petit doigt étant sur un plan légèrement antérieur, le quatrième et

le deuxième sur un plan intermédiaire, et le troisième doigt sur un plan pos-

térieur. '

Le pouce conserve son indépendance et sa mobilité normales, mais a une

tendance à l'adduction.

De plus, à la suite d'une chute dans l'escalier le 20 mars 1915, le malade

se fit une subluxation du coude, qui empêche l'extension complète de l'avant-

bras et limite sa supination.

4. Motililé volontaire. Tous les mouvements du pouce sont possibles.

Nouvelle Iconographie DE la Salpêtrière.

T. XXVIII. PL. XXVI

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J

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DÉFORMATIONS DE LA MAIN PAR BLESSURES DE GUERRE

Nouvelle Iconographie DE la Salpliriere. ? T. XXVIII. 1L. XXVII

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déformations DE la main par BLESSURES DE guerre

- (T"i(nu ? f,1<P/H/i ? ,i r'......'. I ? -

SEIZE DÉFORMATIONS PARA TONIQUES DE LA MAIN 87

Il peut fléchir davantage et étendre dans une certaine mesure les premières

phalanges des trois derniers doigts, et moins considérablement celle de l'index.

Leur abduction et leur adduction est possible, mais les autres phalanges sont

à peu près immobiles, sauf pour la flexion qu'elles ébauchent.

La flexion, l'adduction et l'abduction du poignet sont moins complètes que

de l'autre côté, l'extension ne dépasse pas le plan horizontal.

- La limitation de l'extension et de la supination de l'avant-bras dépend de la

luxation du coude et de la contracture du biceps. Une radiographie faite à

l'hôpital Bégin montre une prolifération osseuse à la face'postérieure de l'hu-

mérus à la hauteur du condyle et de la trochlée.

5. Motilité provoquée. On peut, avec une faible résistance, provoquer

l'extension complète des trois derniers doigts sans douleur et la flexion com-

plète de leurs phalanges avec douleur au niveau du dos de ces phalanges. Les

mêmes mouvements provoqués dans l'index sont considérablement plus limi-

tés et beaucoup plus douloureux.

6. Sensibilité. - Pas de troubles objectifs. N'a jamais eu de troubles sub-

jectifs.

7. Réflectivité. Diminution du réflexe tricipital. -

8. Excitabilité mécanique. - Brusquerie de la réaction des muscles de

l'avant-bras, de l'éminence thénar et hypothénar.

9. Excitabilité électrique. - Faradisation. - Diminution de la contrac-

tilité faradique, du côté malade.

Galvanisation. - Il y a modification de la formule dans les muscles de la

main : thénariens, hypothénariens, et interosseux N F < N 0 < P F.-

10. Vaso-motricité et température. Très léger refroidissement habituel.

1 \ . Pression : '

88 LAIGNEL-UVASl1NE ET PAUL COURBON

griffe cubitale des deux derniers doigts. La griffe des deux autres doigts

semble avoir été calquée sur celles des précédents pour la commodité du

sujet et fut probablement hystérique. Au bout de cinq mois et demi, et

vers la fin de la troisième semaine du traitement mécanothérapique, cette

hypotonie semble avoir fait placeà à unehypertonieduterritoiredeslom-

bricaux et interosseux, qui détermine l'attitude actuelle.

Les douleurs, au niveau du dos des phalanges, lorsqu'on essaie de les

mouvoir, semblent résulter d'un commencement de rétraction des ten-

dons extenseurs.. La limitation des mouvements du poignet semble due à

des adhérences de la cicatrice cutanée ; la luxation du coude explique la

limitation de la supination et de l'extension de l'avant-bras et l'hyperto-

nie du biceps. ,

0. Observation III. - Main EN ciseaux par hypotonie dans le médian, due à

la section incomplète avec névrome, et par hypertonie dans le cubital

(PI. XXIV, B). 1

{.Historique. - Blessé le 22 septembre 19f, pendant qu'il était couché

à plat ventre, par une balle qui lui traversa l'extrémité inférieure du radius.

Il s'aperçut de sa blessure en constatant le dérohement de son bras en voulant

se relever.

On voit la cicatrice d'entrée au dos de l'avant-bras, à un travers de doigt

au-dessus de l'interligne articulaire inférieur du radius, presque sur la ligne

médiane ; la cicatrice de sortie il la face palmaire au même niveau. Le radius

fut traversé et le cubitus fêlé sans cal appréciable. Névrome du médian de la

grosseur d'un haricot au niveau dé la cicatrice.

2. Conséquences immédiates. - Immédiatement après la blessure la main

se ferma, sans que le soldat put ouvrir le poing. Quelques jours après, on

appliqua un plâtre sur le membre mis en extension, et c'est depuis son abla-

tion que la main et les doigts ont l'attitude actuelle. ^Jamais de douleur.

3. Altitude actuelle. - La main est en flexion légère sur l'avant-bras. Les

quatre derniers doigts dont les phalanges sont très légèrement fléchies, surtout

les dernières, s'entrecroisent à la façon d'une paire de ciseaux. La branche

dorsale est constituée par l'index et le médius, tandis que l'annulaire et l'auri-

culaire forment la branche palmaire. Le pouce en adduction et extension

passe au devant de l'index et du médius pour buter de sa face palmaire contre

le bord externe de la première phalange de l'annulaire.

4. Motilité volontaire actuelle : - Spontanément la pronation de la main

est parfaite ; la supination n'est pas tout à fait complète, l'adduction et l'abduc-

tion sont limitées, l'extension de la main s'arrête dès que le plan dorsal de

celle-ci est arrivé à coïncider avec le plan dorsal de l'avant-bras.

L'abduction et l'adduction du cinquième doigt sont normales. La flexion de

la dernière phalange et consécutivement de la première phalange des deux

derniers doigts est possible dans une certaine mesure, et pendant ces mouve-

ments on surprend parfois une esquisse de flexion du troisième doigt. La

flexion de l'index est nulle ; l'abduction du pouce atteint un certain degré.

SEIZE DÉFORMATIONS PAHATONIQUES DE LA MAIN 89

5. Motilité provoquée actuelle. La réduction de toutes ces contractures

est possible sans effort appréciable, mais l'attitude vicieuse se reproduit aus-

sitôt. Les résistances les plus accentuées sont celles à l'adduction et à l'oppo-

sition du pouce ainsi que celle à la flexion du poignet. '

6. Sensibilité. Anesthésie dans le territoire du médian et du radial à

la main. Pas de trouble subjectif de la sensibilité.

7. Réflectivité. Réflexe du triceps (t, 5, 6) : extension exagérée.

Réflexe olécrânien (7) : flexion exagérée.

Tous les réflexes tendineux et périostés sont exagérés, sauf le cubito-scapu-

laire qui est diminué. Le réflexe cubito-pronateur est remplacé par une cubito-

flexion.

8. Vasomotricité et température. - Habituellement la main malade est plus

froide. La main malade conserve un peuplus la chaleur que la saine.

9. Pression. - Pachon :

90 LAIGNEL-LAVASTINE ET PAUL COURBON

l'éminence hypothéuar. En résumé, état grave du médian, assez grave du

cubital à la main » (le 15 décembre, Castex).

13. Influence du refroidissement et du réchauffement. a) Refroidisse-

ment : exagération notable de l'hyperexcitabilité qui existait déjà. ,

b) Réchauffement : l'hyperexcitabilité semble rester au même degré. Il

en est de même de la -contracture. Le membre, conserve plus longtemps la

chaleur.

14. Interprétation. I. La lésion du médian est rendue évidente

par le siège de la blessure et. l'anesthésie de la main. Elle produisit immé-

diatement une contracture d'amont, dont l'effet fut combattu par le

redressement en extension dans un plaire. Actuellement elle détermine :

a) Une hypertonie du rond pronaleur (limitation de la supination),

des palmaires (flexion habituelle de la main), du fléchisseur profond

(les quatre derniers doigts sont dans leur ensemble légèrement recourbés).

La possibilité de fléchir spontanément dans une certaine mesure les deux

derniers doigts et le fait que le plan des deux derniers doigts est anté-

rieur par rapport à celui des deuxième et troisième sont sous la dépen-

dance de l'hypertonie du cubital.

b) Une hypotonie du fléchisseur superficiel (déformation en arrière

des articulations phalango-phalanginiennes par traction des extenseurs,

impossibilité de fléchir spontanément les deuxièmes phalanges, surtout

pour les deuxième et troisième doigts), des muscles opposant et court

abducteur du pouce, dont on constate l'amaigrissement.

II. La lésion du radial est évidente aussi par le siège de la blessure

et l'anesthésie de la main, mais n'a pas de conséquence musculaire.

III. La lésion du cubital est réelle. Elle a dû se produire par irra-

diation de la fêlure de l'épiphyse cubitale. Elle produit une hypertonie

de l'adducteur du pouce (adduction de l'éminence thénar et extension de

la deuxième phalange du pouce), des interosseux palmaires (adduction

des doigts), du chef interne du fléchisseur profond (attraction en avant

des quatrième et cinquième doigts). La cause de la forme en ciseaux résulte

de l'adduction des interosseux et de l'action du chef interne du fléchisseur

profond.

R. Observation IV. Main EN patte D'ÉCHASSIER OU COL DE cygne

par hypotonie du radial et hypertonie du médian (PI. XXVII, M).

1. Historique. - Blessé le 9 mai 1915, pendant qu'il faisait le coup de feu

dans la position du tireur couché, par une balle, qui traversa dans sa largeur

et en séton la face postérieure de l'avant-bras droit au niveau de sa partie

moyenne.

Il s'aperçut de sa blessure en voyant le sang couler.

SEIZE déformations PARATONIQUES DE la main 91

On constate la cicatrice d'entrée au niveau du bord interne du cubitus, et la

cicatrice de sortie au niveau du bord interne du long supinateur. Pas d'adhé-

rence, pas de cal ; les os d'ailleurs ne furent pas atteints.

2. Conséquences immédiates. - Immédiatement son bras se mit en exten-

sion et la main tomba sur l'avant-bras.

On lui mit le membre en écharpe à diverses reprises après la cicartisation ;

on lui appliqua une planchette sur la paume de la main pour la redresser ; mais

dès qu'on cessa les applications, la main reprit toujours l'attitude qu'elle a

actuellement.

3. Altitude actuelle. - L'avant-bras en pronation conserve un certain de-

gré de flexion sur le bras, la main tombe sur l'avant-bras avec les quatre der-

niers doigts fléchis, le pouce est en adduction marquée avec flexion de sa

dernière phalange. Cette attitude du membre droit du malade rappelle celle

de la patte que tient fléchie un échassier lorsqu'il repose uniquement sur

l'autre.

4. Motilité volontaire actuelle. Spontanément tous les mouvements de

l'avant-bras sont possibles, sauf l'extension qui n'est pas complète ; la supina-

tion est imparfaite.

Au poignet il y a ébauche d'une extension de la main, mais sans abduction

ni adduction.

Il y a une ébauche de flexion et d'extension des doigts surtout marquée

pour les quatrième et cinquième doigts, mais impossibilité de les écarter ou

de les rapprocher ; le pouce reste immobile dans son attitude d'adduction forcée ;

seule la flexion de sa deuxième phalange s'esquisse parfois.

5. Motilité provoquée actuelle. La réduction de toutes ces positions est

aisée et indolore, mais ne persiste pas. Celle du pouce est beaucoup plus résis-

tante.

. 6. Sensibilité. - Pas le moindre trouble de la sensibilité objective ni

subjective. N'en a jamais eu.

7. Réflectivité. Pas de modification de la réflectivité.

8. Excitabilité mécanique. Elle est un peu plus brusque dans les fléchis-

seurs de l'avant-bras et des muscles de la main. L'application de la bande

d'Esmarch rend cette brusquerie plus sensible et elle fait disparaître en une

demi-heure la contracture. '

9. Excitabilité électrique. - Faradisation. - La faradisation révèle une

diminution de l'excitabilité des extenseurs.

10. Vaso-molricité et température. Pas de troubles vaso-moteurs, ni

thermiques ; la main malade garde plus longtemps la chaleur.

il. Pression :

92 LAIGNGL-LAVASTINE ET PAUL COURBON

main et des épiphyses supérieures et inférieures des deux os de l'avant-bras.

Pas de troubles, sauf une légère macération de l'épiderme dans le premier sillon

interdigital.

. "

13. Interprétation. A la suite d'une plaie superficielle en séton, qui

traversa la face postérieure de l'avant-bras sur toute sa largeur, au niveau

de sa partie moyenne, on constate une hypotonie des extenseurs (chute

de la main), une hypertonie des palmaires (flexion de la main), des pro-

nateurs (pronation habituelle, imperfection de la supination), des fléchis-

seurs (flexion des doigts et de la deuxième phalange du pouce), une col-

tracture de (opposant du pouce (adduction du pouce et flexion de sa

deuxième phalange). Parésie du cubital (impossibilité de l'adduction et

l'abduction des doigts, de l'adduction de la main).

En somme, à la suite d'une plaie dans le territoire du radial, mais qui

ne toucha pas ce nerf, et qui d'ailleurs se trouve à un niveau inférieur; ! a

celui de l'émergence de ses rameaux musculaires, il y a eu hypotonie du

radial, hypertonie du médian, celle-ci conséquence de la première, et

toutes deux pouvant être considérées comme réactions réflexes à la blessure.

Les troubles parétiques du domaine du cubital ne sont que le produit de

l'inactivité fonctionnelle du membre et peuvent être considérés comme

d'origine hystérique.

R. Observation V. Main DE l'annonciateur par hypotonie du médian

et hypertonie du premier interosseux dorsal (PI. XXIV, C).

I. Historique. - Blessé fin juillet 1915 par un ciseau mécanique qui tra-

versa les parties charnues de l'extrémité supérieure du premier espace inter-

métacarpien gauche sans toucher à l'os. On constate la cicatrice d'entrée sur

le dos de ce métacarpien et la cicatrice de sortie sur sa face palmaire.

Toutes deux sont sans adhérence au point sous-jacent. ,

2. Conséquences immédiates. Immédiatement l'éminence thénar et le

pouce prirent l'attitude actuelle que l'application d'un plâtre en novembre der-

nier fut incapable de réduire définitivement.

3. Altitude actuelle. - L'éminence thénar est portée en dedans, le pre-

mier métacarpien esl en adduction, ce qui accuse plus que normalement le

premier pli palmaire. La première phalange du pouce, qui est sus-jacente au

deuxième métacarpien, est légèrement fléchie, la deuxième l'est davantage.

Toutes deux ont la face palmaire dirigée en dedans de la main et non en oppo-

sition.

4. Motilité volontaire actuelle. Spontanément tous les mouvements des

doigts sont possibles. Seul le pouce est Ù peu près immobilisé dans son atti-

tude, qui entrave la flexion de l'index. Cependant il y a ébauche de flexion de

la deuxième phalange du pouce et de l'adduction du métacarpien.

" 5. Motilité provoquée. La réduction de cette attitude en ce qui concerne

SEIZE déformations PARATONIQUES DE la main 93

l'abduction et la protrusion de l'éminence thénar est assez considérable. Les

mouvements des phalanges sont faciles à déterminer, sauf l'extension de la

deuxième, qui n'est pas tout à fait complète.

6. Sensibilité. - Pas de troubles de la sensibilité.

7. Réflectivité. - ExagéraLion très, légère des réflexes du poignet et du

coude.

8. Excitabilité mécanique. - Légère hyperexcitabilité de la main et de

l'avant-bras malades. Elle disparaît après l'application de la bande d'Esmarcla,

qui fait également disparaître la contraction du premier interosseux dorsal,

mais est sans effet sur la flexion de la deuxième phalange du pouce. ^

9. Excitabilité électrique. - Diminution de la contractilité faradique des

muscles tbénariens. ,

Galvanisation. Pas de réaction de dégénérescence.

10. Vaso-motricilé et température. Pas de troubles vaso-moteurs, ni

thermiques. La main malade perd plus vite la chaleur.

. Il. Pression : .

94. LAIG1VEL-LAVAS1'rNE ET PAUL COURBON

apprit qu'il était blessé. Il existe une toute petite cicatrice d'entrée au dos de

la main, sur le bord externe de l'extrémité inférieure du quatrième métatar-

sien, et un orifice de sortie, également très mince dans la paume, à un travers

de doigt au-dessus de la quatrième articulation métacarpo-phalangienne.

2. Conséquences immédiates. --Quelques instants après la blessure, la main

se ferma, dit le blessé. L'application d'une planchette étendant les doigts, main-

tenue une première fois pendant vingt jours, et réappliquée quelques mois

après pendant quinze jours, n'empêcha pas la flexion de se reproduire, et l'atti-

tude actuelle d'apparaître progressivement.

3. Attitude actuelle. Le cinquième doigt a sa première phalange fléchie

à angle droit sur le carpe, la deuxième phalange est fléchie à angle droit sur

la première, et ta troisième moins profondément sur la deuxième. Le qua-

trième doigt a une position analogue, mais moins accentuée, surtout pour la

première phalange, dont l'angle avec le carpe n'est pas tout à fait de 90 de-

grés. La position du troisième doigt présente les mêmes caractères, mais à un

degré moindre encore. Au total, ces trois derniers doigts, dont les trois phalan-

ges sont fléchies, s'étagent en escalier et représentent assez bien l'attitude

d'un joueur de violon. L'index et le pouce ne présentent aucune déforma-

tion.

4. Motilité volontaire actuelle. - Spontanément tous les mouvements du

pouce et de l'index sont normaux. Le blessé peut pousser la flexion des premiè-

res phalanges des trois autres doigts jusqu'au contact des trois pulpes digitales

avec la paume, mais dans ce mouvement, les deuxième et troisième phalanges

restent immobiles. L'extension des premières phalanges est très faihle. Les

autres phalanges restent immobiles. Pendant ce mouvement d'extension vo-

lontaire, on voit apparaître à la paume la corde des fléchisseurs et des brides

longitudinales sur la face palmaire des premières phalanges ; et au dos de la

main on voit saillir la corde des extenseurs, de l'auriculaire et du médius

surtout, celle de l'annulaire étant moins marquée.

L'adduction et l'abduction des doigts fléchis est conservée.

5. Motilité provoquée actuelle. On amène facilement la première pha-

lange du cinquième doigt en hyperextension, celle du quatrième doigt en

extension complète, celle du troisième doigt à un degré moins marqué d'exten-

sion. La flexion de ces premières phalanges est complète. L'extension de la

deuxième phalange sur la première est impossible ; elle provoque de la douleur

le long des tendons des muscles extenseurs. La flexion en est possible, quoique

produisant une légère douleur au même niveau. L'extension de la dernière

phalange sur la deuxième est possible et indolore ; leur flexion provoque une

' résistance que l'on peut vaincre, mais en déterminant une vive douleur tou-

jours sur le tendon des muscles extenseurs.

6. Sensibilité. - Pas de troubles de la sensibilité objective, ni subjective.

7. Réflectivité. Pas de trouble de la réflectivité.

8. Yaso-motricité. - La température est sensiblement égale des deux côtés.

Le froid détermine un peu de douleur dans les doigts. La main malade perd

plus rapidement la chaleur que l'autre.

seize déformations PARATONIQUES DE la main 95

9. Pression. - L'appareil Pachon fournit le résultat suivant :

96 LAIGNEL-LAVAST1NE ET PAUL COURBON

un malade qui morphologiquement rappelait le nôtre : flexion de toutes les

phalanges des trois derniers doigts par rétraction tendineuse et périarti-

culaire des fléchisseurs contracturés. Cette attitude était due à une section

de la branche profonde du cubital par un projectile, qui traversa l'émi-

nence hypothénar et qui paralysa les' muscles interosseux, adducteur du

pouce et lombricaux internes. Chez notre blessé, les muscles ne sont pas

paralysés, ils réagissent à l'électricité et de plus, le projectile eut un tra-

jet bien éloigné de celui de la branche profonde du cubital.

M. de Massary discute, pour la rejeter, l'hypothèse d'une contracture

hystérique. Cette hypothèse se pose avec plus de poids dans notre cas, où

la lésion ne siège pas sur le trajet d'un rameau cubital important, et où le

sujet présente en outre depuis cette blessure des troubles purement

fonctionnels mais très accusés de la marche.

Ducosté a signalé lui aussi des cas se rapprochant de celui-ci, mais ne

dépendant pas du môme mécanisme.

En résumé, une lésion dans le domaine du cubital a amené l'hypertonie

dans celui du médian : hypertonie qui donna lieu à une contracture suivie

de rétraction.

R + P. Observation VII. - Main FIGÉE par raideur de la flexion

des deux dernières phalanges des trois doigts du milieu (PI. XXV, F).

1. Historique. - Blessé et commotionné le 21 mars 1915, sous un abri,

par une explosion d'obus, dont deux éclats atteignirent le dos de sa main

gauche. Il reprit connaissance au bout de quelques minutes et gagna seul le

poste de secours.

On constate une première cicatrice au niveau du bord interne de l'extrémité

inférieure du dernier métacarpien qui est érodée et une autre cicatrice légère

au niveau du premier espace interdigital, toutes deux à la face dorsale. En plus

quelques écorchures aux doigts.

2. Conséquences immédiates. Les premiers temps, le cinquième doigt

pendait toujours en flexion du fait de la lésion métacarpienne, si bien qu'on

dut le redresser par une palette. Il a recouvré depuis son fonctionnement

normal, quoiqu'il soit un peu déformé. Le pouce a toujours fonctionné comme

il faut. Les trois autres doigts ont dès le début présenté les particularités

actuelles.

3. Altitude actuelle. Les trois doigts du milieu ont leurs deux dernières

phalanges atteintes de raideur, qui s'opposent à leur flexion volontaire. On

remarque de plus un certain degré d'hyperextension des articulations pha-

lango-phalanginiennes des index, médius et annulaire avec flexion phalangino-

phalangettienne, nette pour l'index, esquissée pour le médius.

4. Motilité volontaire actuelle. - Spontanément le malade exécute tous les

mouvements, sauf ceux de flexion des deux dernières phalanges des trois

doigts du milieu. Cependant, quand on lui maintient les premières phalanges

SEIZE DÉF ? 5.ED11(UES DE LA MAIN 97

relevées en hyperextension, il est capable de fléchir d'une façon assez appré-

ciable les deuxièmes phalanges et à un degré moindre les premières.

5. Motilité provoquée actuelle. - On peut lui fléchir sans peine la

deuxième phalange jusqu'à l'angle droit, et la troisième jusqu'à 45*. Au delà,

on éprouve une résistance semblant siéger sur la paume des doigts, et en

même temps, on détermine de la douleur dans les interligues palmaires méta-

carpo-phalangiens. j J

6. Sensibilité. Pas de troubles de la sensibilité objective, sauf une anes-

thésie de la dernière phalange du médius.

7. Réflectivité. Rien d'anormal.

8. Vaso-motricité et température. Main malade un peu plus froide habi-

tuellement. Pas de différence appréciable des deux mains à la sortie de l'eau

chaude.

4 Pff.Mtnn ' · ·

98 TAIGNEL-LAVASTINE ET PAUL COURBON

effet, nous avons vu que ces phalanges, surtout pour le médius et l'index,

paraissent boursouflées.

Les particules de plomb vues à la radioscopie donnent d'ailleurs matière

à une explication réflexe différente. Elles sont l'origine d'excitations qui

déterminent l'h.ypertonie des extenseurs.

R + P. Observation VIII. Main DE l'égreneor DE chapelet par hypotonie

radiale et hypertonie réflexe avec inactivité fonctionnelle psychogène

(PI. XXVII, 0).

1. Historique. Blessé le 20 août 1914, pendant qu'il avançait en rampant,

par une balle de fusil qui lui traversa de dehors en dedans et de bas en haut

la diaphyse de l'humérus, il éprouva une forte poussée qui le fit pirouetter à

terre et c'est lorsqu'il voulut se relever qu'il constata que son bras ne pouvait

pas le porter.

On constate l'orifice d'entrée sur la face externe du bras au niveau de la

diaphyse et l'orifice de sortie beaucoup plus haut et sur la face interne à deux

travers de doigts en dessous du bord inférieur de la paroi antérieure de l'ais-

selle ; la palpation révèle un cal légèrement exubérant.

2. Conséquences immédiates. Le membre pendit inerte et pendant cin-

quante-cinq jours fut maintenu dans un appareil plâtré, l'avant-bras étant en

flexion presque complète sur le bras, avecun poids de deux kilogrammes sus-

pendu au coude. Lorsqu'on enleva l'appareil, le blessé ne pouvait plus mou-

voir ni son avant-bras, ni sa main, ni ses doigts.

3 : Attitude actuelle. L'épaule droite est remontée et semble moins large

que la gauche par suite de la contraction des muscles adducteurs et élévateurs

de l'omoplate, qui est rapprochée de la ligne médiane.

Le membre, qui parait plus court que l'autre, ne peut pas se mettre comme

lui dans la position du « Garde à vous ? par suite de l'impossibilité pour

l'avant-bras de se placer en extension et en supination complète. Les méta-

carpiens sont sur-le même plan que les os de l'avant-bras ; il n'y a donc pas

de flexion de la main sur le poignet.

Par contre, les doigts sout fléchis tandis que le pouce pend perpendiculaire-

ment à la deuxième phalange de l'index et en affleure la paume, attitude qui

rappelle celle d'un égreneur de chapelet.

4. Motilité volontaire. Le membre garde l'attitude ci-dessus décrite

sans que le sujet puisse la modifier sensiblement. Seule l'abduction du bras

s'esquisse un peu ; l'avant-bras et la main sont immobiles. Il y a possibilité de

fléchir presque complètement les trois phalanges des doigts, de les étendre

légèrement ; l'adduction du pouce est possible jusqu'au contact de sa pulpe

avec celle des autres doigts ; l'adduction et l'abduction des doigts n'est pas

tout à fait complète.

5. Motilité provoquée. - On peut faire exécuter à tout le membre tous les

mouvements. Toutefois l'abduction du bras ne saurait dépasser l'horizontale;

on est arrêté par la tète numérale qui butte contré la cavité glénoïde, et le ma-

lade éprouve une douleur dans le trapèze au niveau de son bord supérieur; la

SEIZE DÉFORMATIONS PARATONIQUES DE LA MAIN 99 9

supination de l'avant-bras et son extension ne sont pas tout à'fait complètes.

La pronation se reproduit d'ailleurs dès que l'on cesse de maintenir la supi-

nation et l'on sent la saillie du rond pronateur. -

6. Sensibilité. - Hypoesthésie tactile très marquée de tout le membre,

de la région sus-scapulaire du cou et de la face droite. Hypoesthésie articulaire

et tactile.

7. Réflectivité. - Normale.

8. Excitabilité mécanique. - Hyperexcitabilité mécanique des muscles

biceps, fléchisseurs de l'avant-bras, thénariens, pectoral,. trapèze.

9. Excitabilité électrique. Faradisation. - Légère hyperexcitabilité

surtout dans le domaine du cubital et du radial, coexistant avec une hypoes-

thésie électrique très marquée.

Galvanisation. - Pas de réaction de dégénérescence.

10. Vaso motricité et température. - Léger refroidissement habituel.

11. Pression :

100 LAIGNEL-LAVASTINE ET PAUL COURBON

baïonnette, par un éclat d'obus, qui lui traversa l'extrémité inférieure du

radius d'arrière en avant, à trois centimètres au-dessus de l'articulation du

poignet. On constate au dos de l'avant-bras une longue cicatrice, partant de

l'orifice d'entrée et remontant sur sept centimètres, due à trois opérations con-

sécutives à la blessure, espacées chacune de deux mois, ayant eu toutes pour

but l'extraction d'esquilles. A la face palmaire on note, un peu en dehors de la

ligne médiane, la cicatrice de sortie allongée transversalement.et adhérant aux

tendons fléchisseurs. ' '

2. Conséquences immédiates. Le canon de son fusil s'abaissa sans qu'il

eût rien senti. Et c'est en voulant le relever qu'il constata que sa main tombait

sur le poignet et était blessée. Le membre fut pansé et mis en extension sur

une planchette ne dépassant pas les premières phalanges. Au bout de deux

mois, lorsqu'on enleva la planchette, la main retomba comme elle retombe

aujourd'hui et les doigts étaient en flexion comme ils le sont encore.

3. Attitude actuelle. Le membre étant en pronation, la main est en

flexion complète sur le poignet. Les doigts inertes, flasques et mollement fléchis,

continuent la chute de la main. Pseudo-paralysie radiale.

Dans la supination, la main conserve un certain degré de flexion, une con

traction des palmaires s'opposant alors à l'action de la pesanteur.

4. Motilité volontaire. Lors de l'arrivée du malade le 16'décembre 4915,

les doigts n'avaient aucune motilité volontaire. L'extension de la main était

nulle. La pronation et surtout la supination étaient possibles, mais pas tout à

fait complètes. Depuis lors, et avec une progression très lente, les doigts ont

perdu leur immobilité ; mais l'amplitude de leur déplacement n'est pas suffi-

sante encore pour que le pouce rencontre les pulpes digitales de s autres doigts.

Par contre, aucune modification de l'impuissance à étendre la main et à en exa-

gérer la flexion.

5. Motilité provoquée. On peut obtenir tous les mouvements ; toutefois

la flexion forcée des doigts détermine un peu de douleur au niveau de la cica-

trice comme s'il y avait une adhérence aux tendons des fléchisseurs. Le

redressement de la main ne dépasse guère l'horizontale. On se sent arrêté par

un obstacle au niveau du carpe. Le malade éprouve en même temps de la

douleur dans les tendons fléchisseurs, et la première phalange du pouce se

fléchit.

6. Sensibilité. Pour la piqûre, mais non pour l'électricité, anesthésie

en gant de toute la main jusqu'au-dessus de la blessure.

7. Réflectivité. Exagération légère des réflexes tendineux fléchisseurs

du poignet.

8. Vaso-moiricité et température. Léger refroidissement habituel. Après

immersion dans l'eau chaude, la main malade garde plus longtemps la chaleur.

9. Pression. Pachon :

SEIZE DÉFORMATIONS PARATONIQUES DE LA MAIN 101

10. Trophicité. - La radiographie décèle un cal du radius bien constitué,

sans troubles trophiques de la main. Amaigrissement notable de l'avant-bras

et du bras par rapport à l'autre côté.

il. Excitabilité mécanique. - Excitabilité mécanique des muscles exagé-

rée dans : éminences thénar, hypothénar et face antérieure de l'avant-bras.

12. Excitabilité électrique. - Légère diminution de la contractilité fa-

radique, dans les muscles innervés par le radial surtout, et moins grande dans

ceux qui sont innervés par le cubital.

Galvanisation. Pas de réaction de dégénérescence. La différence entre la

contraction de fermeture négative et de fermeture positive est minime; mais

la première est plus forte.

« Pas de réaction de dégénérescence au radial gauche, simplement une lé-

gère diminution de l'excitabilité faradique et galvanique. De même, pour le

cubital, où la diminution est un peu plus marquée, et pour le médian à la

main comme à l'avant-bras » (Dr Castex, 6 décembre 1915).

13. Interprétation. A la suite d'une blessure dans le territoire du

médian et du radial apparurent une hypotonie des extenseurs et une

hypertonie des palmaires, qui s'opposent malgré les efforts thérapeutiques

au redressement volontaire de la main. La paralysie hystérique des flé-

chisseurs, des abducteurs et des adducteurs des doigts qui se surajouta

aux autres troubles s'est améliorée. ° ,

R -1- P. Observation X. Main d'écrivain par contractures

réflexes et psychogènes (PI. XXVI, J).

1. Historique. Blessée 21 avril 1915, pendant qu'il avançait en tirail-

leur, par une balle qui traversa dans toute sa longueur la première phalange

de l'index droit. Il s'aperçut par hasard, en voyant son sang, qu'il venait d'être

blessé. On constate une petite cicatrice d'entrée au niveau du sillon palmaire

de l'articulation métacarpo-phalangienne et une exostose ankylosante au ni-

veau de l'interligne articulaire dorsal phalango-phalanginien.

2. Conséquences immédiates. Il ne se souvient pas que sa main ait eu

dès le début une attitude anormale. Celle qu'elle présente aujourd'hui est ar-

rivée peu à peu, insensiblement, malgré l'application successive de plusieurs

appareils de redressement (planchette, plâtre).

3. Attitude actuelle. La main en extension assez marquée sur le poignet,

et les quatre derniers doigts parallèlement situés l'un par rapport à l'autre,

ont la première phalange fortement fléchie avec les deux autres étendus, sauf

pour l'index, dont la dernière phalange est légèrement fléchie. La main semble

ainsi prête à écrire.

4. Motilité volontaire actuelle. - Spontanément, tous les mouvements du

pouce sont normaux, quoique l'adduction soit un peu faible et l'abduction limi-

tée. La flexion des phalanges des deux derniers doigts est devenue depuis

quelques jours à peu près normale. Celle du troisième doigt, quoique moins

complète, est aussi en progrès. L'extension du petit doigt est normale, celle

102 LA1GNEL-LAVA8TINE ET PAUL COURBON

du quatrième doigt est appréciable, celle du troisième est imperceptible. Les

mouvements d'abduction et d'adduction, très 'nets pour les deux derniers

doigts, sont peu marqués pour le troisième. L'index est absolument immobile.

La flexion du poignet est limitée, mais l'extension en est complète.

5. Motilité provoquée actuelle. - La réduction de la contracture est pos-

sible pour les trois derniers doigts, mais douloureuse au niveau de l'articula-

tion métacarpo-phalangienne. Le redressement de la première phalange de

l'index est très difficile et il y a ankylose osseuse de l'articulation phalango-pha-

langinienne de ce doigt. '

6. Sensibilité. - Pas de trouble de la sensibilité objective ni subjective,

sauf au moment de la réduction.

7. Réflectivité. Pas de modification appréciable des réflexes.

8. Vasomotricité. Léger refroidissement habituel de la main. Le froid y

provoque de la douleur ; à la sortie de l'immersion dans l'eau chaude, la main

malade se refroidit un peu plus vite que l'autre.

9. Pression. Le manomètre Pachon fournit les résultats suivants :

SEIZE DÉFORMATIONS PARATONIQUES DE LA MAIN 1Q3

Le fait que les muscles interosseux, lombricaux et adducteurs sont inner-

vés par le cubital est en faveur d'une contracture organique, compliquée

d'une attitude par mécanisme psychique ayant pour but d'éviter la dou-

leur initiée de la blessure. Le redressement correcteur des extenseurs

s'explique par un mécanisme secondaire, fonctionnel, commandé par le

premier.

En d'autres termes, une lésion siégeant dans le domaine du médian

amena l'hypertonie du cubital, hypertonie dite réflexe. Mais la contrac-

ture secondaire des extenseurs n'eut au début qu'un but utilitaire.

P. Observation XI. - Main DE MEA CULPA par contracture

fonctionnelle psychogène (PI. XXVI, K).

1. Historique. Le 12 novembre 1914, pendant qu'il nettoyait son fusil,

il fut blessé par un éclat d'obus qui entra par le dos de la main dans le carpe

au-dessus du deuxième métacarpien gauche. Il s'est aperçu aussitôt de sa bles.

sure; n'a pas été commotionné. On constate une cicatrice de cinq centimètres

environ, entourant l'extrémité supérieure du deuxième métacarpien et on y

sent un cal ; cette cicatrice est le vestige de trois opérations ayant eu pour but

l'extraction de l'éclat, qui a été enlevé. 1

2. Conséquences immédiates. - Immédiatement, dit le blessé, le deuxième

et le troisième doigts furent contractures en extension, les trois autres fonction-

nant bien. Depuis la dernière opération (novembre 1915), l'attitude actuelle est

apparue, c'est-à-dire depuis quatre mois.

3. Attitude actuelle. Les quatre derniers doigts ont la première pha-

lange fléchie à angle droit, les deux autres étendues ; et ils se réunissent par

leurs extrémités, formant trois plans successifs : un plan dorsal pour le mé-

dius, un plan intermédiaire pour le quatrième et le deuxième doigts, un plan

palmaire pour l'auriculaire.

Le pouce est contracturé en extension et en adduction, croisant par la face

palmaire de sa première phalange le bord externe de la deuxième phalange de

l'index. La main semble ainsi prête à frapper la poitrine en un geste de con-

trition ou à recevoir la férule des anciens maîtres d'école. Le poignet est

immobilisé en extension légère. , qu est

4. Motilité volontaire actuelle. Spontanément la pronation et la supi-

nation sont normales, les mouvements du poignet sont possibles dans une

faible mesure, mais les doigts restent tous figés dans l'attitude décrite. .

5. Motilité provoquée. Les efforts de réduction amènent une rubéfaction

du visage avec mimique et clameurs tenant plus de l'émotivité que de la dou-

leur. La résistance à vaincre est extrême, mais au bout de quelques secondes

on peut assez facilement désimbriquer les doigts ; ils restent alors un certain

temps accolés parallèlement (réductibilité de la contracture des interosseux),

mais on ne peut les redresser (irréductibilité de la contracture des lombricaux).

6. Sensibilité. Hypoesthésie dans le tiers externe du dos et de la paume

de la main. Pas de douleur subjective.

104 LAIGNEL-LAVASTINE ET PAUL COURBON

7. Réflectivité. Pas de modification des réflexes tendineux.

8. Vaso-motricité et température. Main malade considérablement plus

roide. Le froid détermine des douleurs dans la main elle-même. Elle se refroi-

dit plus vite que l'autre, après avoir été trempée dans l'eau chaude.

Pression. Pachon : .

SEIZE DÉFORMATIONS PARATONIQUES DE LA MAIN 105

Bande d'Esmarch appliquée jusqu'à cyanose : la contraction cède com-

plètement, sans douleur.

En résumé, la blessure siégeant dans le territoire du radial 'a tout t

d'abord entraîné une hypertonie de certains muscles innervés par lui

(extension des 2e et 3' doigts).

Plus tard, à la suite d'une opération pour débrider cette blessure et en

enlever le projectile, l'hypertonie du radial sembla s'être réfugiée dans

les muscles radiaux, et une nouvelle hypertonie apparut dans le cubital 1

(adduction des doigts avec flexion de leurs premières phalanges et exten-

sion de leurs deux dernières).

P. Observation XII. Main DU PRÊTEUR DE serment

par contracture psychogène (PI. XXIV, D).

1. Historique. Blessé le 13 septembre 1914 par un éclat d'obus, qui entra

à la face postérieure de l'avant-bras droit, au niveau de la partie moyenne du

cubitus, dans lequel il se logea après l'avoir fracturé. Il fut extrait deux mois

après, sur le bord interne de l'avant-bras. On voit les cicatrices d'entrée et de

sortie et l'on constate une hyperostose douloureuse du cubitus, au niveau du

milieu de son bord interne. Le sujet tenait en bride des chevaux qui furent

tués par le projectile, et il apprit qu'il était blessé par la douleur locale et en

voyant le sang couler.

2. Conséquences immédiates. - La main se mit dans l'attitude qu'elle a

actuellement et qui calmait la douleur causée par le moindre mouvement. Le

malade fut traité par la mécano thérapie, la manothérapie. En février 1915,

on rouvrit la plaie pour débrider les cicatrices ; consécutivement on constata

une chute en flexion du poignet, les doigts restant étendus. Pour la combattre,

au bout de dix jours, on lui appliqua pendant un mois, un plâtre, qui lui i

redressa la main en extension. Lorsqu'on enleva cet appareil, le membre

conserva l'attitude actuelle, qui est celle qu'il avait prise primitivement.

3. Attitude actuelle. - La main est en extension ; les quatre derniers doigts,

accolés entre eux, sont, eux aussi, étendus avec leurs dernières phalanges ;

commencement d'hypei,exteîîsion, celle-ci surtout accusée pour l'index, le mé-

dius et l'annulaire; le pouce est normal. Au total, la main rappelle celle du

prêteur de serment.

4. Motilité volontaire. - La supination est complète, mais s'accompagne

d'un endolorissement qui remonte le long d'une ligne médiane, depuis la face

antérieure du poignet jusqu'à l'épaule. La flexion du poignet n'est pas tout à

fait complète ; l'abduction et l'adduction en sont faciles ; l'extension aussi ; tou-

tefois cette dernière n'est pas aussi complète que du côté sain ; la flexion des

quatre derniers doigts est nettement accusée pour la troisième phalange, mais s

est très incomplète. Bien que le pouce ait conservé toute sa motilité, il ne peu t

atteindre la pulpe digitale des autres doigts, à cause de leur flexion incom-

plète ; les mouvements d'abduction de ces quatre derniers doigts sont extrê-

mement limités ; l'adduction en est volontaire.

106 LAIGNEL- LAVA STINE ET PAUL COURBON '

5. Motilité provoquée. - La réduction de toutes ces attitudes est possible,

mais en déterminant une -certaine douleur qui siège toujours au niveau des

tendons extenseurs des doigts et de la main. La, flexion forcée des phalanges

est beaucoup plus difficile que celle du poignet.

6. Sensibilité. Pas de trouble de la sensibilité objective, sauf une liy-

peresthésie marquée à la chaleur. Le malade se plaint d'éprouver constam-

ment la sensation d'une électrisation continue dans la région sous-jacente aux

deux cicatrices, surtout à celle du bord cubital ; la pression y est douloureuse.

7. Réflectivité. Normale.

8. Excitabilité mécanique. - Pas de modification. Après refroidissement

pendant 30 minutes dans l'eau courante à 17° : hyperexcitabilité notable dans

le thénar, l'hypothénar et les interosseux. Après réchauffement : disparition.

9. Excitabilité électrique. Diminution de la contracture faradique des

muscles fléchisseurs de la main et des quatre derniers doigts. En intensifiant

le courant, on arrive à déterminer une flexion marquée surtout dans les premiè-

res phalanges et moins dans les deux autres. Ces mouvements sont surtout

accusés dans les deux derniers doigts ; légère diminution dans le domaine du

cubital, surtout dans les interosseux palmaires et les trois derniers interosseux

dorsaux.

Galvanisation. Pas de modification de la formule. '

10. Vaso-motricité et température. - Léger refroidissement habituel. Cya-

nose légère de toute la main.

Il y a une hyperesthésie de la main malade pour la chaleur. Le réchauffe-

ment ne diminue en rien la raideur.

11. Pression :

SEIZE DÉFORMATIONS PARATONIQUES DE LA MAIN 107

P. Observation XIII. - PSEUDO-PARALYSIE radiale par inactivité

fonctionnelle psychogène (PI. XXVI, L).

1. Historique. Blessé le 26 avril 1915; pendant qu'il avançait en rampant,

par une balle qui lui traversa l'avant-bras gauche dans sa partie moyenne.

On constate à ce niveau, au dos de l'avant-bras et un peu en dedans de la

ligne médiane, la cicatrice de l'orifice d'entrée.

La cicatrice de l'orifice de sortie se voit, sur la face palmaire de l'avant-

bras, en un point symétrique. L'os n'a pas été atteint.

2. Conséquences immédiates. La main tomba sur le poignet et conserva

depuis lors l'attitude qu'elle a aujourd'hui. Le malade ne fut d'ailleurs jamais

traité que pour sa blessure, et on n'appliqua aucun appareil redresseur.

3. Attitude actuelle. La main pend au bout du membre, inerte. Lorsque

l'avant-bras est relevé et en pronation, on a vaguement l'apparence d'une

paralysie radiale ; cependant les doigts restent dans le prolongement des

métacarpiens, sans se fléchir sur leurs phalanges.

4. Motilité volontaire. Le malade ne se sert jamais- de sa main. Il pré-

tend ne pas pouvoir la redresser. Il esquisse l'extension du poignet, son ad-

duction, la flexion des doigts et leur extension par des mouvements incom-

plets et tremblants. L'abduction et l'adduction des doigts sont cependant possi-

bles. L'adduction du pouce est incomplète et tremblée, et s'arrête avant que la

pulpe ait atteint celle des autres doigts.

5. Motilité provoquée. - On obtient sans peine l'exécution de tous les

mouvements.

6. Sensibilité. Pas de troubles de la sensibilité.

7. Réflectivité, Pas de modification des réflexes.

8.' Excitabilité mécanique des muscles. Pas de modification.

9. Excitabilité électrique. Faradisation, Pas de modification de la

contractilité des muscles extenseurs. Lors de l'électrisation du fléchisseur

profond, on constate à droite la flexion de toutes les phalanges, à gauche sim-

plement des deux premières ! Diminution des fléchisseurs-.

10. Vaso-motricité et température. - Pas de modification.

11. Pression :

108 LAIGNEL-LAVASTINE ET PAUL COURBON

vité fonctionnelle qui suivit et date de treize mois est une légère décal-

cification.

P. Observation XIV. Pseudo-paralts'ie radiale par inactivité

fonctionnelle psychogène (PI. XXVII, N).

1. Historique. Blessé le 5 mai 1915, pendant qu'il était debout dans la

tranchée, par un éclat d'obus, qui lui traversa le bras gauche, en dehors, au

niveau de la partie moyenne.

Etant donné les orifices d'entrée et de sortie, il résulterait que le projectile

passa en arrière de l'os. On constate la cicatrise d'une opération sur le radial

que les chirurgiens disent avoir libéré, dans un certificat où ils déclarent qu'il

n'y avait aucune fracture.

2. Conséquences immédiates. Le bras tomba en extension aussitôt, sans

que le blessé pût le relever. Il conserva pendant longtemps le bras en'écharpe,

et on lui mit une planchette sous la main pour redresser la chute croissante

de celle-ci.

3. Attitude actuelle. Elle date du début chute de la main sur l'avant-

bras. Les doigts pendent à peine fléchis.

- 4. Motilité volontaire actuelle. - Tous les mouvements du bras, de l'avant-

bras et du poignet sont possibles. Seule l'extension de la main ne se produit

pas, mais on constate très nettement la contraction volontaire des antagonis.

tes, c'est-à-dire que si l'on redresse cette main sans rien dire au sujet, on y

parvient sans aucune résistance ; si au contraire on lui demande de nous aider

en essayant de l'étendre lui-même, on éprouve un obstacle, et on constate la

contraction des muscles fléchisseurs. Les mouvements d'abduction et d'adduc-

tion des doigts, l'opposition de la pulpe du pouce aux autres pulpes sont pos-

sibles ; la flexion des doigts et leur extension n'est pas tout à fait complète.

5. Motilité provoquée actuelle. Tous les mouvements sont possibles.

6. Sensibilité. Hypoesthésie en gant jusqu'au coude, d'après les répon-

ses, mais parfois, en contradiction avec elles, on saisit des rI1'ouvements de re-

trait du membre.

7. Réflectivité. - Pas de modification des réflexes.

8. Excitabilité mécanique. Pas de modification.

Toutefois, si au lieu de relever brusquement l'instrument percuteur on le

laisse appliqué sur le point qu'il frappe, on constate dans le premier espace

interosseux dorsal une abduction de l'index légèrement plus'accentuée.

9. Excitabilité électrique. - 1. Faradisation. Pas de modifications

appréciables. ,

2. Galvanisation.- Normale. Pas de réaction de dégénérescence.

10. Vaso-motricité et température. - A part un dermographisme bilatéral,

pas de troubles vaso-moteurs, ni thermiques.

SEIZE DÉFORMATIONS PARATONIQUES DE LA MAIN 1 09

HO LeLiGNEi-LAVÂ81'fNG ET PAUL CÜtJRBON

langes de ses quatre derniers doigts, mais incomplètement les autres phalan-

ges : ce qui fait que les doigts, même dans les efforts d'extension, conservent

une incurvation palmaire. De plus ses efforts d'extension s'accompagnent tou-

jours d'une abduction légère.

Les mouvements de flexion des quatre derniers doigts sont complets ; mais

pendant ieur exécution, le pouce reste toujours emprisonné sous le troisième

et le deuxième doigts ; l'abduction et l'adduction des doigts sont à peu près nor-

males. -

L'adduction du premier métacarpien est possible, mais elle s'exécute sans

diminuer la flexion des deux phalanges dû pouce. La flexion dit pouce est pos-

sible, mais l'extension du pouce et son opposition sont impossibles.

5. Motilité provoquée actuelle. On peut réaliser tous les mouvements.

Le plus difficile à obtenir est celui de porter en dehors, puis en avant, la pre-

mier métacarpien. Il semble que cet os soit retenu en arrière tout contre le

deuxième métacarpien.

6. Sensibilité. - Hypoesthésie au contact dans la moitié externe du dos de

la main et le dos des trois premiers doigts. Hypoesthésie à la chaleur. Le ma-

lade plonge sa main dans de l'eau à 50° sans être incommodé.

Il a habituellement, non pas exactement une douleur, mais comme une

courbature à l'intérieur de tout le bras. C'est une sensation qu'il compare à

celle que l'on éprouve après un long travail et qui le réveille la nuit, l'obli-

geant à changer de position. Cette sensation s'exagère par la marche, lës

efforts : sa persistance, son caractère profond et son peu d'acuité font se de-

mander au sujet s'il n'a pas une maladie des os.

7. Réflectivité. - Pas de modifications appréciables.

8. Excitabilité mécanique. Hypérexcitabilité des muscles, surtout à la

face postérieure de l'avant-bras, à l'éminence thénar et aux interosseux dorsaux.

9. Excitabilité électrique. - Diminution de la faradisation des extenseùrs

et abducteurs du pouce. Diminution plus considérable encore pour les mus-

cles thénariens et les muscles de la main innervés par le cubital.

Rien à la galvanisation.

10; Vasomotricité et température. Refroidissement habituel de la main,

Etat de cyanose habituel. La recherche de la sensibilité avec l'épingle amène

des saignements à chaque contact. -

L'immersion dans l'eau froide et l'eau chaude ne modifie pas l'excitabilité

mécanique. Sudation au niveau des doigts dès qu'il fait chaud.

il. Pression :

SEIZE DEFORMATIONS PARATONIQUES DE LA MAIN 111

13. Interprétation. -Le projectile a sectionné les rameaux du radial

qui innervent le dos de la main. La preuve de cette lésion organique du

nerf radial est fournie par l'anesthésie de son territoire au dos de la main,

et peut-être aussi par la diminution de la faradisation dans les muscles

longs abducteur et extenseur du pouce, diminution explicable par un

processus de névrite s'irradiant en amont.

L'état de flexion habituelle des deux dernières phalanges des quatre

derniers doigts qui, même lors des efforts extenseurs, comme nous l'avons

vu, conservent une courbure palmaire, ainsi que la flexion continuelle

des phalanges du pouce, sont sous la dépendance d'une hypertonie du

médian.

Enfin, la position du premier métacarpien (abduction et rotation en

dehors) s'explique, comme dans le cas de l'Observation V, par une hy-

pertonie du premier interosseux dorsal, consécutive à la lésion du rameau

du cubital, innervant ce muscle, par le projectile qui traversa le premier

espace.

R. Observation XVI. Main EN crabe par hypertonie du long abducteur, du

court extenseur du pouce, du cubital postérieur et de l'extenseur propre

du petit doigt (Pl. XXV, H).

1. Historique. T..., enseveli le 28 juillet 1915, avec le membre supé-

rieur comprimé sous un amoncellement de décombres. Dégagé par ses cama-

rades, il constata que sa main avait des éraflures et que son pouce était u cassé »,

les deux phalanges constituant la branche d'un angle très aigu, dont le premier

métacarpien formait l'autre côté.

2. Conséquences immédiates. Le pouce prit l'attitude indiquée ci-dessus.

On le traita d'abord par massages, et au bout d'un mois et demi on le mit dans

un plâtre après avoir réduit cette attitude. Dans le plâtre,tous les doigts étaient

dans l'extension ; lorsqu'on enleva le plâtre au bout de deux mois, le pouce

reprit, mais moins accentuée, sa position initiale.

On appliqua un deuxième plâtre dans les mêmes conditions que le précédent

et on le laissa deux mois. Au sortir, la main présentait une attitude comparable

à celle qu'elle a aujourd'hui avec cependant une flexion moins grande de la

première phalange du pouce sur le métacarpien.

3. Attitude actuelle. Actuellement le premier métacarpien est en hyper-

abduction et en extension. Il en résulte que le premier espace interdigital a

son maximum d'écartement. Le premier métacarpien est situé suivant une

perpendiculaire à l'axe de la main.

sur ce premier métacarpien la première phalange du pouce est fléchie à angle

droit, la seconde restant étendué.

La main est habituellement en adduction, son bord cubital formant avec le

bord cubital de l'avant-bras un angle rentrant.

Le petit doigt accuse et continue ce mouvement, étant en abduction par ràp-

112 LAIGNEL-LAVASTINE ET PAUL COURBON

port aux autres doigts, c'est-à-dire en adduction par rapport au corps.Au total,

lorsqu'on fait étendre au sujet le bras en pronation et qu'on regarde le dos du

membre, la main se présente sous la forme d'une surface rectangulaire de

l'extrémité proximo-radiale de laquelle part comme une tentacule pouce dont

la seconde phalange est étendue et la première fléchie à angle droit sur le mé-

tacarpien.

L'extrémité inférieure se termine par les quatre derniers doigts, en abduc-

tion les uns par rapport aux autres,surtout le cinquième. Ainsi, l'aspect oblique

de la main rappelle celui d'un crabe.

4. Motilité provoquée. La réduction de toutes ces attitudes est possible,

mais en provoquant une douleur surtout dans la région du premier métacar-

pien, du premier espace interdigital et du bord cubital de la main.

La bande d'EsmarcU, appliquée pendant cinquante minutes, résout incomplè-

tement la contracture. -

5. Motilité volontaire. - Tous les mouvements sont possibles sauf : 1° ceux

du pouce et du premier métacarpien, qui restent dans leur attitude habituelle;

2° ceux d'abduction de la main et d'adduction du petit doigt vers le 4°. Les

autres mouvements spontanés sont possibles, mais limités à cause de la fixation

de la main dans l'attitude décrite.

6. Sensibilité. Pas de troubles de la sensibilité.

7. Excitabilité électrique. - Hypoexcitabilité électrique de tous les muscles

du membre droit. '

- 8. Excitabilité mécanique. Hyperexcitabilité légère de l'éminence thénar

et du muscle cubital.

Après immersion dans l'eau courante à 17°, l'hyperexcitabilité est exagérée

des deux côtés.

Dans l'eau chaude à ! 5°, diminution de l'hyperexcitabilité, moins marquée à

droite qu'à gauche cependant.

9. Vaso-motricité et température. - Très léger refroidissement et cyanose

de la main.

10. Trophicité. - Pas de troubles trophiques apparents.

Il. Réflectivité. Rien à signaler.

12. Pression.

13. Interprétation. L'abduction extrême du premier métacarpien

et l'augmentation de surface du premier espace interdigital qui en résulte

sont sous la dépendance de l'hypertonie du long abducteur et du court

extenseur du pouce, dont on sent la corde au niveau de la tabatière ana-

tomique.

La flexion de la première phalange et l'extension de la seconde est

due à l'hypertonie des muscles de l'éminence thénar, qui tous ont pour

effet, d'après Duchenne de Boulogne, de 'fléchir sur son métacarpien le

premier doigt en maintenant ses phalanges étendues. Pour ce qui est des

ctions antagonistes sur le premier métacarpien du court abducteur et du

SEIZE DÉFORMATIONS PARATONIQUES DE LA MAIN 113

faisceau externe du fléchisseur propre d'une part, et d'autre part de l'ad-

ducteur et du faisceau interne du court fléchisseur, elles s'annulent d'au-

tant plus aisément que le premier métacarpien est immobilisé en abduc-

tion forcée par suite de l'hypertonie du long abducteur.

L'adduction de la main et du cinquième doigt est due à l'hypertonie

du muscle cubital postérieur, dont on perçoit nettement la corde, et du

court extenseur propre du petit doigt, qui, on lésait, en même temps qu'il

élend celui-ci, l'éloigné du quatrième doigt. Il est à remarquer que les

points de jonction tendino-fibreux des muscles de l'avant-bras en état

d'hypertonie : long abducteur du pouce, court extenseur du pouce, exten-

seur propre du doigt et cubital postérieur, sont tous à peu près au même

niveau, à quelques travers de doigt au-dessus de l'interligne articulaire

du poignet. Cela concorde avec la théorie d'Alquier que nous exposons

plus bas, car on peut supposer que le maximum de compression trauma-

tisante eut «lieu à ce niveau et à celui de l'éminence thénar.

*

.. >1-

Envisageons maintenant, dans leur ensemble, ces seize observations;

nous remarquons qu'elles sont constituées par des troubles moteurs de

quatre ordres différents : organique, psychique, mécanique, réflexe.

Tout le monde s'entend sur les troubles moteurs par lésions nerveuses

organiques, quand il s'agit de paralysie ou d'hypotonie par lésion radi-

culaire comme dans I (re paralysie de l'adducteur du pouce par lésion de

C'III, »), ou tronculaire comme dans II (« griffe cubitale par lésion du nerf

cubital »), III (« hypotonie du fléchisseur superficiel par section incom-

plète du médian avec névrome ») et aussi quand il s'agit de contracture ou

d'hypertonie par lésion irritative, radiculaire comme dans I (hypertonie

des interosseux par lésion irritative de DI), ou tronculaire comme dans II

(hypertonie des interosseux par lésion irritative secondaire du cubital).

Nous pensons, en effet, que, quel que soit le mécanisme intime de l'hyper-

tonie des muscles tributaires du nerf lésé, on doit admettre qu'une lésion

irritative tronculaire peut les déterminer et qu'on peut parler, dans le

cas d'hypertonie comme dans celui d'hypotonie, de troubles moteurs par

lésions organiques, tronculaire ou radiculaire.

Claire aussi est la notion des troubles moteurs d'origine psychique,

troubles fonctionnels, c'est-à-dire se manifestant en dehors de toute la

série des signes physiques reconnus caractéristiques d'une affection orga-

nique du système nerveux, et exclusivement liés à des processus psychi-

ques, quels que soient ceux-ci : émotion, suggestion, habitude, simulation,

exagération, persévération, qu'il s'agisse d'hypertonie (comme dans X,

XI et XII) liée à une attitude antalgique, ou qu'il s'agisse d'inactivité

fonctionnelle ou pseudo-paralysie radiale comme dans XIII et XIV.

xxvm ' 8

il 4 LÀ1GNEL-LAVA9PINE ET PAUL COURBON

Encore plus simple est la notion des troubles moteurs d'origine zraéca-

nique, c'est-à-dire liés à des adhérences fibreuses, à des rétractions myo-

tendino-scléreuses, etc., telle dans VI, la réfraction fibro-tendiueuse des

trois derniers doigts, secondaire à une contracture du fléchisseur superfi-

cielle, contracture réactionnelle à une lésion cubitale.

Mais ces trois ordres de phénomènes : organiques, psychiques, méca-

niques, n'épuisent pas la variété des manifestations motrices, hétérogènes,

observées dans ces quinze mains.

C'est ici que vient s'intégrer le quatrième groupe dit d'ordre réflexe,

mis en évidence chez les blessés de cette guerre par Babinski et Froment.

De ce groupe relèvent entièrement les troubles moteurs des IV et V,

partiellement l'observation publiée par l'un de nous à la Société de neuro-

logie de mars 1916 et les VI, VIII, IX, X et probablement en partie aussi

les III, VII et XV.

On voit donc que dans les cas dits d'ordre réflexe-la pureté est l'ex-

ception. Nous n'en avons relevé que deux exemples sur 17 observations.

Au contraire, leur association à des troubles organiques, mécaniques ou

psychiques est la règle. Nous croyons devoir insister sur l'importance de

cette constatation, qui met en garde contre deux causes d'erreurs également

préjudiciables : ne pas reconnaître le trouble réflexe quand il existe;

étendre son domaine d'une façon abusive.

Il nous faut donc, à la lumière de nos cas, dans chacun desquels les

groupements de troubles moteurs : organiques, psychiques, mécaniques

et réflexes, ont été en abrégé désignés par les initiales 0. P. M. et.,

apprécier la valeur sémiologique des manifestations objectives qu'on a

données comme signes des troubles moteurs d'ordre réflexe.

A. Physionomie clinique spéciale. - A ce point de vue, nous

constatons les cinq apparences suivantes : 1° l'apparence est celle d'une

inactivité purement fonctionnelle, c'est-à-dire sans cause organique ou

douloureuse. Elle semble relever d'un mécanisme exclusivement hystéri-

que pour ne pas dire plus (XIV, chute de la main sur le poignet après

blessure du triceps; XIII, chute de la main sur le poignet après blessure

des masses musculaires internes de l'avant-bras). '

2° L'apparence est celle d'une immobilisation antalgique (X, main

d'écrivain après perforation de la première phalange de l'index ; XI, main

de mea culpa après lésion du carpe ; XII, main du préteur de serment,

consécutive à une blessure de la face postérieure de l'avant-bras).

3° L'apparence est celle d'une réaction consécutive à une lésion sié-

geant sur un tronc nerveux défini (III, main en ciseaux après lésion du

médian,- du cubital et du radial par perforation de l'extrémité inférieure

de l'avant-bras ; I, main d'accoucheur après blessure du plexus brachial).

SEIZE DÉFORMATIONS PARATONIQUES DE LA MAIN 115

4° L'apparence est celle d'une réaction réflexe d'hypertonie et d'hy-

potonie combinées consécutive à une lésion ne siégeant pas sur un

tronc nerveux bien défini (IV, membre d'échassier après perforation des

masses musculaires postérieures de l'avant-bras; II, main du faiseur

d'ombres chinoises après blessure en selon à la paume de l'avant-bras et

de l'éminence thénar ; V, hypertonie du premier interosseux dorsal après

plaie des masses musculaires de l'extrémité supérieure du premier méta-

carpien ; VII, raideur des dernières phalanges, après blessure légère de la

main et des doigts ; VI, main de violoniste après perforation du troisième

espace interdigital ; XV, hypertonie du premier interosseux et hypertonie

des fléchisseurs après plaie du premier espace interdigital et lésion du

radial à la main).

0° L'apparence est à la fois celle d'une réaction réflexe et d'une inac-

tivité fonctionnelle surajoutée (IX, chute de la main sur le poignet avec

paralysie des doigts après perforation de l'extrémité inférieure de l'avant-

bras; VIII, paralysie hystérique de la main après fracture de l'humérus

et contracture réflexe de l'épaule et de l'avant-bras ; X, main d'écrivain

par blessure de l'index).

B. 7roubles vaso-moteurs et thermiques. Nos sujets peuvent

se répartir en trois groupes :

1° Hypothermie insignifiante sans trouble vaso-moteur : XIII (P.), VI

(R. + V (R.), IV (R.), XIV (P.). ,

2° Hypothermie et cyanose notables : VIII (R. + P.), II (0.), X (R. +

P.), 1(0.), VII (R.).

3° Hypothermie et cyanose considérables : III (0.), XI (P.), IX

(R. + P.), XV (R.).

Les épreuves de l'immersion sont les suivantes :

1° Conséquences du refroidissement par immersion d'une demi-heure

dans l'eau courante à 15° :

a) Sur l'excitabilité mécanique. Il y avait exagération de l'hyperexci-

tabilité habituelle dans les III (0.), VIII (R. + P.), I (0.), II (0.), X

(Ro + P.), V (Ro), IV (R.), IX (H. + P.).

Il y avait création d'hyperexcitabilité n'existant pas au préalable dans

les I (0.), IX (P.), VI (R. + M.), XIV (P.), XIII (P.).

Il n'y eut pas d'effet dans les autres cas.

b) Sur la tonicité. Il y a eu exagération des contractures en général.

2° Conséquences du réchauffement par immersion pendant dix minutes

dans l'eau au-dessus de 44 :

a) Sur l'excitabilité mécanique. Il y a eu diminution par rapport à-

l'état habituel dans Vl (R.), X (R. + P.).

L'excitabilité fut amenée à un état normal, XI (P.), VII (R.), XIII (P.),

XIV (P.). v ;

116 LAIGNEL-LAVASTINE ET MAUL COURBON

L'hyperexcitabilité habituelle résista dans II (0.), VIII (R. + P.), lu

(0.), V (R.), IV (Il.), IX (R. + P.), XV (R. + 0.), I (0.).

b) Sur la tonicité, elle fut diminuée dans V (R.), IV (R.», Il (0.).

Nous verrons au chapitre de l'excitabilité mécanique les conclusions

que l'on peut tirer de l'influence du refroidissement et du réchauffement.

sur cette hyperexcitabilité des muscles.

Les résultats de nos observations ne nous permettent pas de tirer une

conclusion sur la valeur sém Íologique des troubles vaso-moteurs. Il est vrai i

que nos sujets furent examinés à des époques éloignées, et que la tempé-

rature atmosphérique était différente au moment de l'examen. Il semble

cependant qu'il y ait un certain rapport entre l'intensité des lésions ner-

veuses constatées et ces troubles vaso-moteurs, témoins les III, XV, IX où

il y a les signes nets d'une lésion des nerfs de la main et où les troubles

vaso-moteurs sont le plus marqués. Par contre, il ne faut pas négliger le

rôle de l'immobilisation en position déclive, puisque l'un des sujets qui

avait une cyanose des plus fortes est un hystérique, XI.

D'ailleurs nombreux sont' les auteurs qui au Congrès de neurologie de

guerre ont reconnu à l'immobilisation la capacité de produire des troubles

vaso-moteurs considérables.

C. - Excitabilité mécanique. - Elle n'était pas augmentée dans les

XIII, XIV et XI, toutes d'origine psychique. Elle ne l'était pas non plus

dans VI, d'origine réflexe et mécanique, probablement à cause de l'obstacle

mécanique lui-môme s'opposant la réaction. Il y avait hyperexcitabilité

mécanique : X (R. -f- P.) (un interosseux dorsal), II (0.) (brusquerie :

avant-bras, thénar et hypothénar), VIII (R. + P.) (biceps, fléchisseurs,

pectoral, trapèze), 1 (0.) (long supinateur seul), VII (R. + M.) (face

antérieure avant-bras), V (R.) (main, avant-bras), IV (R.) (brusquerie

fléchisseurs et muscles de la main), 111(0.) (main,avant-bras), IX (R. + P.)

(thénar, hypothénar, face antérieure d'avant-bras), XV (0. + R.) (face

poslérieure d'avant-bras, thénar et inlerosseux).

Il est remarquer que celle hyperexcitabilité mécanique ne fut pas

diminuée par le réchauffement dans les cas suivants : II, I, VIII, fil, V,

IV, IX, XV, c'est-à-dire dans les cas où il y avait lésion tronculaire évi-

dente ou trouble réflexe. Dans les autres cas où il y avait mécanisme psy-

chique, l'hyperexcitabilité fut diminuée par réchauffement.

On peut donc dire que le refroidissement amène toujours une hyper-

excitabilité mécanique et que le réchauffement permet de diagnosti-

quer l'une de l'autre l'hyperexc(tabilité de cause psychique qu'il fait

disparaître et l'hyperexcitabilité physiopatlaique qui lui résiste.

D. Excitabilité électrique. 1° Pas de modification, XIV (P.)-

2° llypoexciuibililé faradique, X (R. + P.) (extenseurs), XI (P.) (exten-

SEIZE DÉFORMATIONS PARATONIQUES DE LA MAIN 117 7

seurs, très légère), I (0.) (adducteur du pouce), XIII (P.) (fléchisseurs), VI

(R. + M.) (cubital), V(R.) (thénar), XV (R. + 0.) (extenseurs et abduc-

teur du pouce, petits muscles de la main), IV (R.) (extenseurs), IX

(R. + P.) (radial, cubital, médian), II (0.) (tous les nerfs), III (0.) (flé-

chisseurs des trois premiers doigts, extenseurs des deux premiers), VII

(R. + M.) (fléchisseurs).

3° flgperexcitabilité faradique : VIII (R. + P.) (cubital et radial).

4° Modification de la formule galvanique : 11(0.) (thénar, hypo-

thénar et interosseux : NF<NO<PF), III (0.) (réaction de dégénérescence

dans médian et cubital).

5° Tendance à l'égalisation des secousses de fermeture négative et

positive : VI (R. -i- M.) (différence très légère entre NF et PF, mais

cependant normal, IX (R. + P.), ibid.

Les résultats sont trop peu précis pour que l'on puisse d'après nos

observations affirmer la valeur sémiologique de l'excitabilité électrique.

E. Hypotonie. - Il n'y a pas d'hypotonie dans les XIV, XIII, VIII

(pour la main seulement). Dans les autres cas, on constatait un mélange

d'hypertonie et d'hypotonie combinées. Il semble que l'hypertonie soit

habituellement primitive et que l'hypotonie des antagonistes lui soit con-

sécutive.

F. Trophicité. Tous nos sujets n'eurent que des troubles peu

marqués de la trophicité : macération légère de la peau (IV, V, VI, toutes

réflexes). Troubles trophiques tendineux, VI (R. '+ M.). Anoler l'absence

de décalcification des phalanges. Amaigrissement général du membre : II,

VIII (R. + P.), IX (R. +P.), ce dernier cas sans décalcification. Décal-

cification des phalanges par ostéoporose : II, VIII, 1, XIII, V, IV, III,

XI, XV. Déformation osseuse sans décalcification (VII). Enfin pas de mo-

dification du tout (XIV et X).

De nos résultats il découle que, chez les malades atteints de grosses

lésions nerveuses, il y a des troubles trophiques appréciables, mais le

parallélisme des uns et des autres n'est pas fatal. Le déterminisme de la

répartition de ces troubles trophiques sur le squelette, les muscles et la

peau, ne nous est pas apparu. La simple immobilisation dans les cas d'ori-

gine psychique semble pouvoir amener une diminution de l'opacité des

phalanges, comme l'ont affirmé Claude, Camus, Sollier, Thomas, Tinel.

G. Persistance pendant le sommeil. -Notre surveillance, qui n'a

pas été très rigoureuse à ce point de vue, n'a jamais surpris la disparition

de l'attitude pendant le sommeil.

Il- - Influence de la bande d'Esmarch. - Elle fut sans influence

sur la contracture dans VI et III. Elle la fit disparaître dans X, I, V, IV,

XI. Nous ne l'avons pas appliquée sur les autres sujets. D'ailleurs on sait

118 LAlG\EL-LAVASTINE ET PAUL COURBÇN

qu'elle n'échoue que lorsqu'il y a rétraction, et qu'elle supprime les con-

tractures aussi bien qrganiques que psychiques. Cependant la rapidité de

la disparition a une certaine valeur. La disparition de la contracture

paraît plus rapide quand celle-ci est d'origine psychique que lorsqu'elle e

est d'ordre réflexe ou dépend d'une lésion organique manifeste.

II est à remarquer que précisément dans VI, il s'agit de rétraction ten-

dineuse. Dans III, l'attitude vicieuse datait du mois de septembre 1914.

I. - Influence des aizeil4ésique généraux. - Devant le refus de

plusieurs sujets, nous avons renoncé à cette épreuve.

J. Troubles de la sensibilité. - 4° Sensibilité objective. a) Pas

de modification à X, I, XIII, II, VII, VI, V, IV.

b) Diminution par hypoesthésie hystérique : VIII, IX, XIV, XI ; par

hypoesthésie organique : III, XV.

2° Sensibilité subjective. Douleur excessive pendant la réduction :

XI, X, VI ; douleur pendant l'effort : 1 ; douleur sourde continuelle : 4.Y.

Dans tous les autres cas, il n'y a pas de modification, de la sensibilité

subjective.

K. Etat psychique. 1° Mentalité amorale (mauvaise vq]9nté

pendant les exercices; mauvais esprit dans le service, allure narquoise

ou doucereuse ; emblèmes suspects : tatouages, coupe de cheveux, port

du képi, etc.) : XIV (P.), XIII (P.), IX (R. + P.).

2° Mentalité hystérique (suggestibilité, pusillanimité, hyperémotivité,

hypersensibilité) : X (R. + P.), hurlements pendant les séances de réédu-

cation et bonne conduite dans leur interyalle; XI (P.), mêmes hurlements,

début de crise convulsive à leur occasion, mensonges opiniâtres pour

cacher un retard ; VI (R. + M.), troubles hystériques de la marche sura-

joutés à la déformation de la main ; VIII (R. + P.)".

3° Mentalité bonne, mais pouvant se caractériser par ta persistance,

dans la conscience, de la conviction que la blessure est sinon incurabie, du

moins incompatible avec la reprise du service armé : 1 (0.), VII (R. + M.),

V (R.), IV (R.), II (0.), III ((1.), XV (0. -r R.).

Evolution. - 1° Altitude actuelle survenue immédiatement après le

traumatisme : I, VII, XIII, V, IV, Xy, XIV, IX.

2° Altitude actuelle, lentement établie : X, Vin, VI.

3° Attitude actuelle précédée d'une autre attitude : Il, main d'accou-

cheur, précédée d'une grinecubitafe ; III, main en ciseaux, précédée d'une

cpntracture d'amont du médian ; XI, main de mea culpa, précédée d'une

contracture des extenseurs des deuxième et troisième doigts.

L'évolution fil[ très lente, l'attitude apt]lelle ayant été immédiate dans

cinq de nos cas réflexes : IV, V, VII, IX, XV. Cette attitude ne se serait

établie que progressivement dans VI et VIII. Mais il faut suspecter l'exac-

titude des dires de nos sujets. Le point de vue évolutif ne nous apprend

SEIZE DÉFORMATION^ PARATONIQUES. pE LA MAIN 119

donc rien de précis; il faut noter cependant qu'il n'y eut jamais dans les

cas réflexes substitution d'une attitude à une autre comme chpz 11, III

et. XI. ' .

CONCLUSIONS.

Cette étude nous a permis de reconnaître la valeur de la plupart des

signes constitutifs du syndrome réflexe de Babznski et Froment. Parmi

eux i'hyperexcitabililé mécanique peut être considérée comme ayant

une base lésionnelle, lorsqu'elle persiste malgré le réchauffement du

membre.

Nos sujets ne réunissaient pas la totalité des éléments du syndrome

réflexe. Les troubles vaso-moteurs et trophiques notamment n'ont jamais

été bien marqués chez eux. Tout se bornait en général à un peu de cya-

nose des téguments et d'ostéoporose des phalanges. Le refroidissement ne

fut non plus jamais très intense et nous n'avons rencontré ni oedème, ni

phénomènes causalgiques.

Aussi n'avons-nous pas eu l'occasion de discuter les diverses théories,

sympathique de Leriche, vasculaire de Meige, vasculo-sympathique de

Meige et Mme Athanassio-Bénisty, ni à invoquer l'état d'anémie, d'hypo-

thermie et d'accumulation de poisons autogènes, dont parlent Babinski et

Froment, pour expliquer la singularité des attitudes observées.

Tous nos cas à apparence réflexe, c'est-à-dire ayant un substratum lé-

sionnel périphérique, peuvent s'expliquer d'une façon organique. Tantôt

il s'agit d'une contracture d'amont (III) de Ducosté ; tantôt il s'agit d'une

névrite irradiante de Guillain et Barré (XV) ; tantôt il s'agit d'irritations

directes des extrémités nerveuses ou musculaires par un corps étranger

comme dans les cas de poussière métallique de Léri (VII), tantôt l'hyper-

myotonie paraît secondaire à une évolution irritative d'une lésion ner-

veuse déjà ancienne, comme dans les cas d'André Thomas et Guillain, ce

qui étend aux autres nerfs périphériques la conception classique pour la

paralysie faciale, tantôt on peut songer aux anomalies d'innervation signa-

lées par Moutier ; mais toutes ces modalités ne suffisent pas à rendre expli-

cables toutes les déformations ; il faut alors faire appel à un autre méca-

nisme, celui de l'inflammation à distance. -

En effet, le rapport le plus simple que l'on puisse établir entre le siège

de la blessure et celui du trouble fonctionnel est un rapport topographie-

que. La blessure est à la partie supérieure du dos de l'avant-bras, et il y

a hypertonie des muscles de la face antérieure de l'avant-bras, IV. La bles-

sure est il la base du métacarpien et il y a hypertonie du premier interos-

seux dorsal, V et XV. La blessure est à l'extrémité supérieure de l'hu-

mérus el il y a hyperlonie des muscles qui s'y insèrent, VIII. La blessure

est à la base de la paume et il y a hypertonie des fléchisseurs. VI. La

120 LA1GNEL-LAVASTINE ET PAUL COURBON

blessure est aux phalanges et il y a hypertonie des extenseurs de ces pha-

langes, VII. La blessure est à l'extrémité inférieure de l'avant-bras, et il

y a hypertonie des palmaires, IX. *.}, -

Entre la plaie traumatique et le muscle atteint d'hypertonie, il n'est

pas possible de suivre une traînée inflammatoire continue. Mais cela n'est

pas pour surprendre si l'on songe que la chirurgie de guerre abonde en

faits où des foyers purulents sont éclos loin de la blessure, et sans qu'on

découvre le trajet listuleux qui les retient à elle.

On peut aisément concevoir que de fines parcelles de corps étrangers

ou une .fusée filiforme inflammatoire soient capables de traverser des

muscles sans troubler leur état tonique, puisque l'on voit fréquemment

des perforations complètes d'une masse musculaire guérir sans laisser de

trouble fonctionnel ; mais cela à la condition que les régions où se règle

le tonus du muscle ne soient pas effleurées.

Or ces régions semblent, d'après les études d'Alquier (1), être le point

de jonction des fibres musculaires et de leurs lendons. Et précisément,

d'après nos observations, il y a une certaine concordance topographique

entre le siège de la blessure et le point de jonction fibrotendineuse des

muscles en hypertonie. Dans les cas où cette concordance n'existe pas,

ce sont les canaux lymphatiques qui pourraient être considérés comme les

vecteurs de l'inflammation. C'est justement l'engorgement des lymphati-

ques baignant l'articulation musculo-tendineuse qui d'après Alquier

déréglerait l'appareil du tonus. Dans cette hypothèse, les discordances,

constatées entre le siège de la blessure et les troubles moteurs produits,

s'expliqueraient par l'existence de lésions à distance, irritatives ou des-

tructives de l'organe régulateur du tonus dans les muscles en état d'hyper

ou d'hypotonie.

Quoi qu'il en soit, il résulte de cette étude une double constatation :

1° En pensant musculairement, c'est-à-dire en partant de l'anatomo-

physiologie de chaque muscle de la main et de l'avant-bras, on arrive à se

rendre compte mieux et plus simplement des attitudes constatées qu'en

pensant neuroloniquement;

2° Constater en coïncidence avec des inactivités musculaires plus ou

moins élonnanles des signes physiques de perturbations réflexes ou de

lésions organiques ne suffit pas à démontrer que ces perturbations réflexes

ou ces lésions organiques sont la cause totale et unique de ces inaclivités.

D'un mot, les porteurs des syndromes réflexes de Babinski et Froment

ont trop souvent, pour qu'on n'en tienne pas grand compte en thérapeu-

tique militaire de guerre, des manifestations motrices d'origine psychique,.

(1) Alquier, Société de neurologie, mars 1916.

CENTRE NEUROLOGIQUE DE LA 11' ARMEE

QUELQUES DEFORMATIONS 1)l ? MAINS LI un,» t'mJR')

CHEZ LES « BLESSÉS NERVEUX »

PAR R

André LÉRI,

professeur agrégé à la Faculté de Paris, chef du Centre

Neurologique de la Ile Armée, '

Nous réunissons sous ce titre une série de faits absolument disparates,

qui n'ont aucun lien commun, si ce n'est l'intérêt iconographique de rap-

procher des déformations et des attitudes que des faits de guerre dissem -

blables imposent à une même partie du corps.

1

Sur QUELQUES cas D'OEDËMES par STRICTION.

Les quelques cas d'oedèmes de la main que nous reproduisons,'don

certains étaient véritablement monstrueux, avaient tous un caractère

commun, celui d'être consécutifs à une blessure, ouverte ou non, de la

partie inférieure de l'avant-bras ou du poignet. C'est cette particularité

qui avait été la cause de l'erreur de diagnostic pour laquelle ils nous s

avaient tous été adressés. C'est pour éviter des erreurs de diagnostic ana-

logues qu'il nous paraît intéressant de les rapporter ; c'est aussi pour si-

gnaler aux médecins qu'ils pourraient être parfois, bien inconsciemment,

la cause indirecte de semblables oedèmes.

Cas 1 (PL XXVIII, A,A'). A..., âgé de 23 ans, entré le 44 mai 19Ui, pré -

sente un oedème vraiment monstrueux de la main et de l'avant-bras droits,

s'arrêlant brusquement au-dessus du coude. Cet oedème est élastique, snrtou

dans la paume de la main, et ne garde que quelques instants l'empreinte d

doigt. L'aspect général est celui d'un membre atteint d'éléphantiasis.

La peau, surtout dans la paume, est écailleuse. La main est en extension

modérée sur l'avant-bras, les doigts fléchis en poing fermé.

On constate la cicatrice d'entrée d'une balle au quart inféro-interne de

l'avant-bras, sur le cubitus, la cicatrice de sortie un peu plus haut près du

bord externe. La blessure daterait du 22 septembre l9t4. Elle aurait été com-

plètement cicatrisée au bout d'un mois.

122 - - LÉRI

L'oedème, au dire du malade, aurait débuté une quinzaine de jours après le

traumatisme : il aurait été localisé à la main, puis aurait gagné l'avant-bras

d'abord par intermittences, puis de façon définitive. Il fut d'abord soigné sans

succès par des massages et des bains locaux.

Devant l'inefficacité de ces traitements, cet oedème fut considéré comme un

phlegmon, bien qu'il n'y ait pas eu d'élévation notable de température, et, en

décembre, de larges incisions y furent pratiquées sous chlorpforme, incisions

où furent passées des drains : on en constate les cicatrices sur le bord externe

de la base de l'olécrâme, au tiers supérieur de l'avant-bras derrière le radius,

sur la masse charnue du long supinateur, sur la face antéro-interne du tiers

supérieur de l'avant-bras, enfin sur le bord cubital à quelques centimètres au-

dessous de l'épitrochlée et à quelques centimètres au-dessus de l'apophyse

styloïde. Un peu de pus se serait écoulé par les drains, la température resta

peu élevée. L'effet favorable ne fut que très momentané.

En janvier, deux nouvelles et longues incisions furent faites sous chloro-

forme, l'une le long du bord interne du long supinateur, l'autre le long du

bord cubital de l'avant-bras, un peu eu arrière des précédentes. Le malade

eut une grave syncope chloroformique. Pendant deux semaines l'oedème dimi-

nua, puis il augmenta à nouveau.

Le diagnostic de syringomyélie fut alors posé, en se basant sur l'apparence

du membre et sur certains troubles d'hypoesthésie mal localisés et transitoires,

dont nous ne trouvâmes plus trace lors de notre examen. ,

Cas II (fig. B). B..., âgé de 34 ans, entré le 2 avril 1915, présente à

droite un oedème très prononcé de la main et des doigts. A la pression on a

la sensation d'un empâtement mollasse dans lequel le doigt, surtout à la face

dorsale, laisse facilement des godets. Les doigts divergent en éventail de la

racine à l'extrémité. La matrice des ongles est épaissie et saillante. La peau est

froide, violacée, et paraît amincie (PI. XXVIII, B).

Mains et doigts sont complètement immobiles, à l'exception d'une légère

ébauche d'adduction de l'index, de flexion du pouce et d'extension de la main.

Bien que le malade n'accuse pas de douleurs au repos, tout contact, toute pres-

sion, surtout tonte, tentative de mouvements passifs paraissent être très dou-

lourez. '

Aucun trouble de motililé électrique.

Ni albumine ni sucre dans l'urine. Aucun antécédent pathologique. -

- Le malade a été blessé le 26 octobre 1914 : un petit éclat d'obus est entré

sur le bord cubital de l'avant-bras à 8 centimètres au-dessus de l'apophyse

styloïde du cubitus. Il a été extrait trois semaines après par le chirurgien.

Il y aurait eu un peu de gonflement après la blessure, mais celui-ci se serait

surtout montré et accentué depuis une quinzaine de jours après l'opération;

depuis lors, aussi, les doigts seraient restés raides et engourdis, mais sans

anesthésie véritable.

CAs III (rit,. C). -C ? âgé de 25 ans, examiné le 27 avril 1915, présente il

la main droite un oedème blanc très prononcé, surtout sur la face dorsale,

? nouvelle Iconographie DE la SALPP'I'RI1 : R1 : . sr.n, ? T. XXV111. PL. 1XVIII

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DÉFORMATIONS DE LA MAIN PAR BLESSURES DE GUERRE

DÉFORMATIONS DES MAINS ET DES PIEDS CHEZ LES BLESSÉS NERVEUX 123

remoptant jusqu'au milieu de l'avant-bras,, descendant jusqu'aux doigts, niais

un peu moins marqué à leur extrémité. Cet oedème est mou, et la pression

sur le dos de la main y détermine facilement un godet. Les doigts sont lé-

gèrement infléchis et s'écartent de leur racine à leur extrémité. La matrice

unguéale est très marquée et le système pileux est plus développé à droite.

Les mouvements actifs sont presque nuls, à l'exception de la flexion et de

l'opposition du pouce qui sont réduites, de la flexion de l'index et de la flexion

de la main qui ne sont qu'ébauchées (PI. XXVIII, 0).

Passivement, les mouvements paraissent douloureux, mais on arriye à flé-

chir à peu près complètement l'index et l'auriculaire, non le médius et l'an-

nulaire ; on peut fléchir le poignet. Il n'y a pas de douleur au repos, mais

tout contapt ou toute pression des 3,e ! Jt 46 doigts paraît partiçuljèrenieiit dou :

Ignreux. Pas d'anesthésie.

Le malade a été blessé le 24 octobre 1944 : une balle est entrée à 2 ou toi

3 travers de doigt au-dessus de l'apophyse styloïde du cubitus, sortie au même

niveau à la face antéro-externe de l'avant-bras. Il y aurait eu une suppuration

assez abondante, mais pendant 8 jours seulement ; c'est environ 15 jours après

la blessure que l'oedème a pris l'importance qu'il a actuellement. Le 3° et le

4» doigts auraient été immobilisés aussitôt après la blessure, les autres mou-

vements auraient disparu quand apparut l'oedème. '

Cas ly (fig. D). D..., 23 ans, se présente le 25 juin 1915 avec la main

droite fortement rndématiée, blanche, empâtée, gardant facilement l'impres-

sion du doigt. Les doigts sont fléchis dans la paume, l'index sous le médius et

l'annulaire (PI. XXVIII, D).

Les doigts sont immobiles, à l'exception d'un très léger mouvement latéral

des 4* et 5° doigts. La contracture s'oppose à l'extension passive des doigts.

La flexion du poignet se fait assez bien, l'extension et l'abduction ne sont que

très légères.

D... a été blessé d'une balle entrée sur la face dorsale de la main droite au

niveau du 2e espace interosseux, sortie à la face palmaire en dedans de la

partie moyenne de l'éminence thénar. Ces} progressivement après le trauma-

tisme que la main et les. doigts auraient pris l'aspect actuel.

CAS V (fig. E). E..., 25 ans, entré le 3 juin 1915, évacué du front depuis

le 13 octobre 1914, présente un oedème prononcé de la main droite et des

doigts, ainsi que de la partie inférieure de l'avant-bras. OEdème blanc, mou,

dans lequel on détermine facilement un godet. Peau écailleuse, mouchetée.

Doigts infléchis dans la paume, de plus en plus du 2e au 5e, en poing demi-

fermé. Matrice des ongles épaissie. Douleurs à la pression (PI. XXVIII, E).

Passivement les doigts peuvent être presque complètement étendus ; active-

ment ils peuvent s'étendre et se fléchir légèrement.

Le malade aurait eu une fracture du poignet plusieurs mois avant la guerre;

c est depuis sqn départ aux armées que petit à petit la main s'est gonflée et

contracturée en flexion. '*

124 . LÉRI 1

Ces diverses observations ont un caractère commun : l'oedème de la

main est survenu dans tous les cas à la suite d'une blessure, blessure

avec plaie dans les quatre premiers, blessure sans plaie (fracture du poi-

gnet) dans le dernier. Bien plus, dans les trois premiers cas, la blessure

avait un siège presque identique, le bord interne de l'avant-bras au quart

inférieur, à quelques centimètres au-dessus du poignet. Cette identité de

lésion et la similitude de l'aspect de la main dans les cas Il eu III, les pre-

miers qui se sont présentés à notre examen, étaient telles que nous avons

pensé à-la possibilité d'une lésion du cubital en un point où il donnerait

des filets vaso-moteurs particulièrement importants. La surveillance atten-

tive des malades, qui furent mis hors d'état de continuer toute constric-

tion et dont l'oedème disparut à peu près complètement sous cette seule

influence, l'examen d'autres malades chez qui fraude peut être cons-

tatée, nous convainquirent qu'il s'agissait tout simplement d'oedème par

striction.

En effet, chez le malade de l'observation I, surpris à l'improviste,

nous pûmes constater l'existence au-dessus du coude, à la limite de

l'oedème, d'un sillon net et d'une ecchymose linéaire ; l'application d'un

plâtre enfermant tout le membre supérieur amena en quelques jours un

dégonflement en masse ; main et avant-bras se ridèrent profondément

comme une outre qui se vide.

Le malade de l'observation IV, dont la plaie de la main et l'altitude en

contracture auraient pu faire penser à l'un de ces cas de lésions réflexes

si justement isolés par MM. Babinski et Froment, manifesta une vive

répugnance à se découvrir ; nous constatâmes sous la manche de chemise

un pansement qu'aucune plaie ne justifiait et qui , lâche et en apparence

bien innocent dans ses tours superficiels, était enroulé en corde etvigou-

reusement serré dans ses premiers tours sur l'extrémité inférieure de

l'avant-bras ; c'était le flagrant délit.

Dans le cas V, nous ne pûmes découvrir que deux petits sillons sus-

pects au milieu du bras, comme si le tricot du malade s'était imprimé

sur sa peau, pressé par une striction extérieure.

Des découvertes aussi nettes que dans les cas 1 et IV sont en effet rares,

car, s'il faut une striction relativement serrée (bien moins qu'on ne le croi-

rait a priori d'ailleurs) pour déterminer un oedème, il suffit d'un lien

assez lâche et assez momentané pour l'entretenir une fois qu'il existe ; et

la suppression même de tout lien, si elle amène un premier dégonflement

rapide, n'entraîne pas toujours avant un temps assez prolongé un dégon-

flement complet et absolu ; les tissus autrefois fermes ont été transformés

par l'habitude, par l'éclatement, des fibres élastiques, en tissus plus ou

moins lâches et plus ou moins imbibés, en une sorte de tissus muqueux

qui n'ont qu'une tendance fort réduite à se rétracter.

DÉFORMATIONS DES MAINS ET DES PIEDS CHEZ LES BLESSÉS NERVEUX ' 125

Le meilleur moyen pour s'assurer de la nature de l'oedème en cas de

doute, et le faire disparaître, est cependant encore l'application d'une

bande plâtrée, très largement posée sur une couche d'ouate, mais prenant

tout le membre de l'épaule à l'extrémité des doigts. C'est un vieil artifice,

particulièrement recommandable en ce moment où un personnel restreint

ne permet guère une surveillance de tous les instants.

Nous avons tenu à reproduire ces faits, parce que leur aspect et leur

traitement méritent d'être bien connus des médecins ; je dois dire que,

depuis que nous les avons signalés, avec le Dr Edouard Roger, à la So-

ciété de neurologie (1), nombre de médecins en ont observé des exem-

ples ; et comme toutes les fois où les manifestations d'une fraude ont été

mieux connues des médecins (auto-mutilations, ictères picriqués, etc...),

le nombre des cas en a considérablement diminué.

Nous les avons aussi reproduits pour faire une remarque spéciale sur

leurpalhogénieet leur traitement préventif, à savoir : il semble que c'est

le médecin qui, bien involontairement, est la causepremière de ces oedèmes

par striction. Nous avons dit que dans tous nos cas il y avait eu une bles-

sure au voisinage el surtout immédiatement au-dessus du poignet : un pan-

sement avait été appliqué ; or c'est ce pansernentqui, trop serré, avait dé-

terminé le premier oedème. Ainsi, dans les cas I et II, un pansement serré

avait été appliqué avant l'évacuation du blessé avec des bandes de tarla-

tane mouillée ; or, ces bandes se rétrécissent beaucoup en séchant, et

quand le malade est arrivé à destination à l'intérieur après un trajet de plu-

sieurs jours sans soins, comme il arrivait surtout dans les premiers mois de

la campagne, la main était gonflée. Dans les cas III et IV, les doigts ayant

une certaine tendance à se fléchir, on les tint relevés avec une planchette

maintenue par un pansement serré. Dans le cas V, la fracture avait été

contenue par un appareil serrant fortement l'extrémité inférieure de

1 avant-bras. C'est à l'extrémité inférieure de l'avant-bras que les vais-

seaux, presque directement appliqués entre les téguments et un plan

osseux, peuvent être le plus facilement comprimés ; et l'on s'explique

ainsi le siège presque constant à ce niveau des blessures soi-disant causales.

La persistance de l'oedème n'est certainement pas le fait seul du pre-

mier pansement ou de certains pansements ultérieurs ; il n'en sauraitétre

question par exemple dans les cas, comme le cas V, où une fracture guérie

depuis plusieurs mois provoqua justement un oedème progressif depuis

l'époque de la mobilisation l Pourtant dans ces faits, c'est sans doute

encore une inadvertance médicale qui a donné au malade la première idée

tentatrice d'un oedème par striction. - -

(t) André Li : m et Énouann ROGER, Société de neurologie de Paris, 29 juillet 1915.

126 LÉRI

Toute une série d'oedèmes des pieds et des jambes ont été constatés

par Roger chez des malades évacués d'une même ambulance du front avec

des pansements maintenus par des bandes de tarlatane tellement serrées

qu'il était malaisé de les couper. Sans doute bien des oedèmes des pieds,

souvent qualifiés gelures, ont eu pour cause essentielle des bandesmolle-

tières trop serrées.

La coriséquence possible, quoique indirecte, de ces constrictions médi-

cales, notamment avec des bandes de tarlatane mouillée^ nous a paru mé-

riter d'être signalée, étant donné surtout que la connaissance de la patho-

génie de ces oedèmes par striction entraine avec elle la notion du véritable

traitement préventif, à savoir l'attention à apporter aux premiers panse-

ments. -

II

SUR LES troubles VASO-MOTEURS ET TROPHIQUES par LÉSIONS

associées DES vaisseaux ET DES nerfs.

Les lésions des nerfs mixtes périphériques entraînent d'une façon cou-

rante des troubles de la motilité et de la sensibilité objective dans le do-

maine de ces nerfs ; elles ne comportent que d'une façon assez peu fré-

quente, d'une part des douleurs, d'autre part des troubles vaso-moteurs,

sécrétoires et trophiques. M. Meige et Mme Athanassio-Rénisty ont par-

ticulièrement appelé l'attention sur l'importance des lésions vasculaires

associées aux lésions nerveuses dans la genèse de ces derniers troubles (1),

Les quelques faits que nous reproduisons nous paraissent venir à

l'appui de cette hypothèse.

1 (fig. A). B..., 31 ans, a été blessé le 26 novembre 1914 : un éclat d'obus

est entré au tiers inférieur de la face interne du bras droit et est sorti sur sa

face antérieure à la naissance du tendon bicipital inférieur (PI. XXIX, A).

Il se présente, le 19 mars 1915, avec les doigts légèrement fléchis dans

leurs deux dernières phalanges, mais capables de s'étendre complètement ;

quand on lui commande de fléchir ses doigts, il met sa main en hyperexten-

sion, mais même dans cette position il peut à peine ébaucher des mouvements

de flexion des doigts. L'écartement et le rapprochement des doigts sont à peu

près nuls. L'abduction du pouce se fait bien, mais son opposition est à peine

ébauchée. L'extension, l'abduction et l'adduction de la main sont bonnes, mais

sa flexion est nulle. Les mouvements de l'avant-bras s'exécutent normalement.

Il y a une zone d'auesthésie à la face dorsale, sur le 5e métacarpien et le 5° doigt,

sur le lie doigt, sur les deux dernières phalauges des 3° et 90 ; à la face pal-

(1) Henri MEIGE et Mme BÉNISTY, Les signes cliniques des lésions de l'appareil sym-

pathique et de l'appareil vasculaire dans les blessures du membre, Presse médicale,

6 avril 1916.

DÉFORMATIONS DES MAINS ET DES PIEDS CHEZ LES BLESSÉS NERVEUX 127

maire, sur les quatre derniers doigts et la région palmaire moyenne. Cubital

hypoexcitable, médian inexcitable électriquement ; secousse galvanique lente

dans*les muscles fléchisseurs à l'avant-bras et dans les muscles hypothénars;

Pendant les mois suivants, amélioration progressive, mais légère : flexion

nette des premières phalanges, ébauche de flexion des deuxièmes, puis des

troisièmes, plus marquée pour les doigts externes ; la zone des troubles sensi-

tifs se rétrécit légèrement, l'anesthésie devient de l'hypoesthésie, la piqûre est

perçue comme un contact ; atrophie notable de l'éminence hypothénar, delà

partie interne de la thénar et du 1er espace interosseux ; R. D. complète

dans le domaine du médian et du cubital.

En somme, lésion du médian et du cubital à la partie inférieure du

bras, accentuée, mais non complète.

Ce oui est particulier, c'est que la main est gonflée, violacée sur le

dos, rougeâtre dans la paume, la peau lisse, tendue, brillante, les doigts

infiltrés, boudinés, succulents, les ongles longs, incurvés dans les deux

sens en bec de perroquet, bosselés et striés transversalement, leur ma-

trice épaissie et débordante.

Or, lors de la blessure, l'artère humérale aurait été coupée, une très

abondante hémorragie aurait été arrêtée par compression. 'Le pouls droit

est beaucoup plus petit que le gauche et filiforme ; la pression artérielle,

mesurée au Potain, est de 28 à gauche, 22 à droite.

II (fig. B et C). - F..., 31 ans, blessé le 12 février 1915 : balle de shrap-

nell ayant traversé la région antéro-interne du bras gauche au quart supérieur.

Il se présente le 25 juillet 1915 avec l'avant-bras demi-fléchi ; sa flexion

est bonne, mais son extension est limitée à un angle de 120° environ par

des raideurs articulaires du coude et peut-être par un certain degré de rétrac-

tion des fléchisseurs, du biceps notamment, touché par la blessure ; la supi-

nation est impossible, sans doute pour les mêmes raisons. La flexion de la

main et celle des doigts sont très limitées, leur extension est bonne. L'adduc-

tion et l'opposition du pouce sont à peu près nulles. L'écartement des doigts

est limité, le rapprochement est impossible pour le 5* doigt. L'anesthésie

occupe toute la main, à l'exclusion du domaine radial : face dorsale du pouce,

du le, métacarpien et du 1er espace interosseux. Main plate, sans saillie; atro-

phie considérable des éminences thénar et hypothénar, pouce de singe.

Le médian et le cubital, engaînés dans du tissu fibreux, avaient été libérés chi-

rurgicalement le 28 mai. Au cours des mois suivants, amélioration très nette :

flexion des doigts meilleure, leur extrémité arrivant à toucher la paume, sauf

pour le 2" ; flexion du pouce bonne et opposition notable ; écartement et

rapprochement non modifiés (PI. XXIX, B, C).

En somme, lésion très incomplète du cubital et surtout du médian

gauche, immédiatement au-dessous de l'aisselle.

Mais la main est épaissie, et surtout les doigts sont violets, froids^

128 LÉRI

gonflés, succulents, les ongles incurvés et bombés, leur matrice sail-

lante ; il n'y a pas de douleurs spontanées, mais la sensation de froid à

la main est douloureuse.

Or, lors de la blessure, les vaisseaux axillaires avaient été lésés, il

s'était fait un hématome diffus de l'aisselle ; ces vaisseaux avaient été

liés, et consécutivement étaient apparues des lésions trophiques de la

main, notamment un panaris analgésique du petit doigt.

III (fig. D et E). - T..., 21 ans, a été blessé le 16 juin 1915 : une balle

est entrée derrière le cubitus gauche au milieu de sa hauteur, a fracturé cet

os et est sortie à la face antérieure de l'avant-bras au tiers inférieur, en avant

du radius et en dehors du tendon du grand palmaire (Pl. XXIX).

Quand il est examiné le 18 septembre 1915, la main s'étend et se fléchit

bien, les doigts s'étendent bien, mais se fléchissent incomplètement. La flexion

est bonne pour la première phalange des deux derniers doigts, mais peu éten-

due pour les deux dernières phalanges ; aux trois premiers doigts, la flexion

de toutes les phalanges est très réduite. L'écartement et le rapprochement des

doigts se font de façon limitée et pénible, peut-être seulement à cause du gon-

flement des doigts. L'opposition du pouce est très réduite, et le pouce ne peut

toucher le petit doigt. Hypoesthésie très marquée à la face palmaire sur la pre-

mière phalange du pouce, sur les 2e et 3* doigts et la face externe du 4e ; à la face

dorsale, sur les deuxième et troisième phalanges de l'index et du médius.

En somme, lésion incomplète du médian.

En outre, le malade a des douleurs à peu'près continuelles dans les trois

premiers doigts, douleurs qui s'exagèrent quand le bras est pendant et sur

lesquelles les influences morales (émotions, craintes, etc.) ont une réper-

cussion.

De plus, la main est épaissie et gonflée, avec un système pileux

très développé. Les trois premiers doigts sont fortement oeeH ! s<,

infiltrés, rougeâtres, ils ont les ongles bosselés et incurvés, leur matrice

fortement saillante ; la peau à leur niveau est terreuse et farineuse. Le

4e doigt n'est que légèrement épaissi, seule sa moitié externe est fari-

neuse, son sillon unguéal est bien plus nettement marqué. Le 58 doigt

n'est pas gonflé, son aspect est normal et tranche sur celui des autres

doigts.

Or, au moment de la blessure, le malade a eu une très grosse hémorra-

gie ; étant donné le siège de la blessure et de son orifice de sortie, sans

qu'on puisse rien affirmer, il est du moins tout à fait vraisemblable que

l'artère radiale a été lésée.

Ce qui rend ce cas particulièrement intéressant, c'est que, malgré la

lésion vasculaire qui parait bien avoir joué un rôle important dans la

genèse de l'oedème, cet oedème est resté localisé dans le domaine péri-

DÉFORMATIONS DES MAINS Er ! }. ED3 .G1 ! EZ'LES BLESSÉS NEIl VEUX . 129

phérique du nerf médian, la partie externe de la main, les trois pre-

miers doigts et la moitié externe du quatrième. C'est donc sans doute

l'association des deux lésions, vasculaire et nerveuse, qui l'a déterminée.

Ces observations ne sont pas les seules où nous avons noté de gros trou-

bles vaso-moteurs et trophiques à la suite de lésions associées des vais-

seaux et des nerfs. Dans certains cas,nous avons aussi constaté de simples

troubles cutanés, doigts rouges, parcheminés, etc., sans oedème sous-cutané

dans le territoire des nerfs lésés.

Une lésion vasculaire est-elle toujours, forcément, associée à la lé-

sion nerveuse quand on constate des troubles vaso-moteurs et iroplai-

ques à la suite de blessures nerveuses ? Nous ne le croyons pas, mais c'est

alors surtout qu'intervient, à notre sens, la plus ou moins grande impor-

tance de la lésion nerveuse elle-même. Quand il y a une lésion vasculaire,

on peut constater des troubles vaso-moteurs et trophiques,même alors que

la lésion nerveuse est relativement peu grave : ainsi, dans les trois cas

que nous avons rapportés, la blessure des nerfs était manifestement in-

complète. Mais dans bien des cas nous avons vu des extrémités, mains ou

pieds, violacées, froides, effilées ou plus ou moins succulentes, alors qu'il

paraissait bien peu vraisemblable qu'un gros vaisseau ait pu être touché.

Dans d'autres cas nous avons observé, non de l'oedème, mais des kératoses

cutanées limitées au domaine du nerf lésé, ou encore des ulcérations cuta-

nées, plus ou moins limitées, mais tenaces, à aspect atone, à évolution

torpide. Or dans la plupart de ces cas (dans les derniers surtout), une

intervention ultérieure nous a montré une section complète du nerf,

anatomique ou physiologique. C'est avec cette restriction en ce qui con-

cerne les lésions vasculaires associées que nous croyons à l'importance,

limitée sans doute, mais très réelle, des troubles vaso-moteurs et surtout

trophiques comme signe diagnostic d'une section nerveuse complète.

M. Meige, M. Leriche pensent que la lésion du sympathique est alors

en cause ; c'est fort possible, mais il semble que la lésion des fibres sym-

pathiques intratronculaires suffise à déterminer des troubles trophiques,

sans lésion des fibres sympathiques périvasculaires, à la condition que les

premières aient été toutes interrompues, c'est-à-dire que la section du nerf

ait été complète. Il suffirait de la persistance d'un très petit nombre de

fibres pour éviter semblables troubles trophiques. Il est d'ailleurs vrai-

semblable que les fibres sympathiques périvasculaires peuvent jouer un

rôle vicariant, et c'est sans doute pourquoi nombre de sections complètes

des nerfs ne donnent lieu à aucun trouble vaso-moteur ou trophique.

La question inverse peut être posée, à savoir : une grosse lésion vas-

culaire, associée à une blessure complète ou incomplète d'un nerf

xxviii 9

130 LÉRI

détermine-t-elle toujours des troubles vaso-moteurs et trophiques ?

A cette question nous pouvons répondre résolument par la négative :

nombreux sont nos cas où, par exemple, une section de l'artère humé-

raie ou radiale associée à une lésion du nerf médian ou du médian et du

cubital n'a provoqué aucun trouble vaso-moteur ou trophique.Nous en

reproduisons un, entre autres (fig. F.), où un coup de couteau à la face

interne du bras avait sectionné Tarière numérale qui fut liée ; la para-

lysie du médian persista, on intervint et l'on trouva le nerf complète-

ment sectionné et ses deux'bouts écartés : or on peut constater qu'il n'y

avait dans ce cas ni oedème, ni changement de teinte, ni altération trophi-

que quelconque de la peau.

Tout ce que nous venons de dire concernant les troubles vaso-moteurs

peut être appliqué aussi aux grosses manifestations douloureuses.

A la séance de la Société de neurologie du 3 juin 1915, au cours d'une

discussion non publiée, nous avions appelé l'attention sur la fréquence et

l'importance des grosses lésions vasculaires dans les formes causalgiques

des blessures des nerfs, et nous émettions l'opinion que ces lésions vas-

culaires devaient jouer un rôle dans la genèse de ces manifestations

douloureuses. M. Meige, que des recherches en cours inclinaient vers

cette hypothèse, en a depuis lors excellemment démontré et précisé la

valeur réelle par toute une série d'arguments anatomo-cl iniques.1V1. Leri-

che a tendance à incriminer dans ces lésions vasculaires l'altération des

filets sympathiques périvasculaires plus que du vaisseau lui-même ; plu-

sieurs interventions ont paru lui donner raison, et M. Meige et Mme Bé-

nisty partagent son avis. -

Quoi qu'il en soit de l'interprétation, nous avons recueilli un bon

nombre d'observations où des blessures des nerfs avaient pris la forme

causalgique et où de grosses' lésions vasculaires avaient été constatées soit

au moment de la blessure (hématome, ligature artérielle, etc.), soit au

moment de la libération du nerf (obturation artérielle, anévrisme, grosse

congestion locale, etc.), soit simplement par les signes cliniques (pouls

filiforme, pression artérielle diminuée, etc.).

Pourtant, comme M. Meige, nous ne croyons pas la lésion vasculaire

indispensable pour déterminer les grosses douleurs de certaines bles-

sures nerveuses ; nombreux sont les cas de causalgies, que nous avons

observées,où cliniquement une lésion vasculaire importante paraissait bien

peu vraisemblable et où opératoirement on n'en constata aucune. Peut-être

peut-on alors attribuer plus ou moins complètement les douleurs à une irri- "

tation des filets sympathiques intratronculaires. En tout cas, il semble que

les douleurs caùsalgiques sont un signe à peu près certain d'une lésion

DEFORMATIONS DES MAINS ET DES PIEDS CHEZ LES BLESSÉS NERVEUX 131

irritative du nerf et non d'une lésion destructive ; on a trouvé très ordi-

nairement des nerfs plus ou moins congestionnés, mais relativement peu

altérés, presque jamais une section complète. Pourtant, dans un cas que

nous avons signalé à la Réunion médicale de la IV° armée, il y avait eu

pendant de longs mois des douleurs à forme nettement causalgique dans

le domaine du sciatique ; or, à notre grande surprise, le sciatique fut

trouvé complètement sectionné, avec ses deux bouts écartés ; dans ce cas

exceptionnel, la genèse des douleurs nous paraît actuellement fort mal

explicable.

Inversement, nous avons observé un bon nombre de cas où l'association

d'une lésion nerveuse et d'une lésion vasculaire n'a déterminé aucun

symptôme douloureux, pas plus que des troubles vaso-moteurs. 11 sem-

ble d'ailleurs exceptionnel qu'une lésion vasculaire eL nerveuse détermine

chez le même sujet des troubles vaso-moteurs et trophiques semblables

à ceux que nous avons rapportés et des manifestations douloureuses à

caractère causalgique ; presque toujours dans les causalgies, les extré-

mités sont non pas oedématiées et congestionnées, mais au contraire effi-

lées, affinées, sèches, comme plus ou moins raccourcies. Si le sympathi-

que est en jeu, c'est sans doute par un processus différent et jusqu'à un

certain point antagoniste, paralysie ou destruction dans un cas, excitation,

irritation dans l'autre.

En résumé, dans la genèse des troubles vaso-moteurs comme des gros-

ses douleurs causalgiques consécutifs aux lésions des nerfs, l'association

d'une lésion vasculaire parait jouer un rôle très important, même quand

ces troubles sont limités au territoire de distribution nerveuse. Mais la

lésion vasculaire n'est pourtant pas un élément pathogénique indispen-

sable, et d'autre part l'association d'une grosse lésion vasculaire à une

lésion nerveuse ne produit pas forcément des troubles vaso-moteurs ou

trophiques ni des manifestations douloureuses.

III -

SUR L'HYPOTONIE dans LES sections COMPLÈTES DU radial.

L'attitude hypotonique de la main, en col de cygne, a été justement

considérée comme un des bons signes de la section complète du nerf

radial. Il faudrait pourtant se garder d'attribuer à ce signe une trop

grande valeur.

S'il y a, en effet, des cas nombreux où une section complète détermine

une hypotonie très intense, la main faisant avec l'avant-bras un angle

très aigu, il en est d'autres où, avec une section également totale, l'hy-

potonie est beaucoup moins prononcée et'la main forme avec l'avant-bras

132 LÉRI

un angle très obtus, comme dans les paralysies les plus incomplètes ou

même comme chez la plupart des sujets normaux.

Il y a aussi des sujets qui, physiologiquement, présentent une hypo-

tonie musculaire qui leur permet de laisser tomber la main tout autant

, que claus la paralysie radiale la plus complète.

Enfin, si l'hypotonie est un signe organique que l'hystérie ne peut

reproduire et que ne déterminent pas les paralysies purement fonction-

nelles, elle peut du moins être simulée par certains artifices et certains

exercices où la laxité ligamenteuse, naturelle ou acquise, joue sans doute

un bien plus grand rôle que la flaccidité musculaire.

C'est pour illustrer ces quelques affirmations que nous reproduisons

les photographies ci-contre (PI. XXX).

Les figures A, B et C représentent, des paralysies radiales avec section

complète du nerf ; on y voit à quel point l'hypotonie peut être variable.

Les figures D et E montrent des sujets qui n'avaient aucune paralysie

radiale : on voit que l'attitude hypotonique peut être aussi ou plus pro-

noncée que dans n'importe quelle paralysie radiale totale.

En A, on a une attitude extrême ; le sujet avait été opéré six mois

auparavant, à la suite d'une blessure par balle du tiers inférieur du bras

ayant fracturé l'humérus; le nerf radial fut trouvé complètement sec-

tionné.

En B, attitude hypotonique modérée à la suite d'une blessure par balle

au même niveau, ayant également fracturé l'humérus ; on trouva un nerf

dont les deux bouts, présentant un gros névrome, n'étaient reliés sur3 3

ou 4 centimètres que par une très mince membrane fibreuse adhérente à

l'os.

En C, attitude presque pas hypotonique ; blessure à peu près identi-

que ()/4 inférieur du bras, fracture de l'humérus) ; tous les autres signes

de paralysie radiale complète, cliniques et électriques ; on trouva un nerf

dont les deux bouts, présentant chacun un névrome, n'étaient réunis que

par un mince cordonnet plat dans lequel il ne semblait pas qu'il y ait

aucune continuité nerveuse; on ne constata en effet histoiogiquement

dans ce tractus que quelques fibres nerveuses très rares, difficiles à trouver

et discontinues ; le névrome lui-même contenait d'ailleurs bien plus de

fibres conjonctives que de fibres nerveuses.

En D, il s'agissait d'un sujet qui présentait une paralysie du cubital,

mais aucune trace de paralysie du radial ; c'est sur notre demande,

pour servir de comparaison, qu'il la simula.

Enfin en E, il s'agissait d'un sujet qui simula de lui-même, et fort

bien, une paralysie radiale, au point de nous avoir longuement induit en

erreur; il n'est pas jusqu'aux réactions électriques qui ne nous aient

DÉFORMATIONS DES MAINS ET DES PIEDS CHEZ LES BLESSÉS NERVEUX 133

effaré car l'électrologiste auquel nous l'adressâmes trouva une lt. D. par-

tielle atténuée. Le malade, électricien de profession et ayant vu des para-

lysies saturnines, connaissait fort bien la paralysie radiale avant la guerre ;

bien que n'en ayant jamais eu lui-même, peut-être l'avait-il observée

mieux que bien des médecins, car il en connaissait l'hypotonie, et il

l'avait merveilleusement reproduite. Sa main opposée était, elle aussi,

hypotonique, mais à un bien moindre degré que la main soi-disant malade,

de sorte qu'elle pouvait servir de terme de comparaison. Comment le

sujet avait-il déterminé cette hypotonie ? Sans doute par des manoeuvres

répétées de traction sur le poignet et de pression sur la main, de façon à

relâcher ses ligaments. Quoi qu'il en soit, la prétendue paralysie, après

avoir longtemps duré, céda comme par enchantement, d'un jour à l'autre,

à une menace énergique de conseil de guerre ; nous avons eu des nou-

velles du malade de longs mois après, il est resté parfaitement guéri.

Ces quelques exemples suffisent, croyons-nous, pour donner il l'hypo-

tunie, qui aune importance très réelle, mais non absolue, sa véritable

valeur.

Pour juger d'une hypotonie, on n'oubliera pas de comparer la main

malade il la main- opposée, mais l'on saura que cette comparaison même

n'a pas une valeur certaine et indiscutable. De plus, quand on voudra

juger de la restauration- du nerf par le degré de l'hypotonie, on songera

que toute comparaison ne peu(êLre faite que sur le même sujet, aux

différentes périodes de sa lésion ; toute comparaison de sujets entre eux

serait injustifiée et ne pourrait aboutir qu'à des erreurs d'interprétation.

IV

CAUSALGIE DU RADIAL.

Les formes très douloureuses, causalgiques, des blessures des nerfs

périphériques s'observent presque exclusivement après atteinte soit du

nerf médian, soit de la branche interne du sciatique. Les blessures du

nerf radial ne déterminent que très exceptionnellement des douleurs vio-

lentes. C'est ce qu'ont fait très exactement observer le l'r Pierre Marie et

MineBéiiis[y dans leur article capital sur L'individualité clinique des

nerfs périphériques (1).

La règle n'est pourtant pas absolue : nous avons observé un cas de

blessure du nerf radial qui ne s'est manifestée que par un certain degré

de contracture et par des douleurs très vives, ayant tous les caractères de

la causalgie, dans le domaine de ce nerf. '"

(1) Pierre Marie et Mme Bénisty, Revue neurologique, mai-juin 1915, p. 280.

134 LÉRI

Le sujet, âgé de 22 ans, avait été blessé dix mois auparavant par une

balle entrée au tiers supérieur de la partie antéro-externe du bras droit ,

sortie à la même hauteur sur la partie interne du biceps ; il y avait eu

fracture de l'humérus.

La main se présente atrophiée, amincie, creuse {pl. XXX, fig. F), ordi-

nairement maintenue' en bénitier; la peau est lisse, mince et moite

contrastant avec la peau épajsse et calleuse de la main opposée.

Il n'y a pas et il n'y a jamais eu de paralysie dans le domaine du radial ;

les mouvements du poignet se font normalement, les doigts peuvent être

étendus et le pouce écarté, la pronation et la supination se font bien, et

dans la flexion du coude on sent la corde du long supinateur. Mais la flexion

des doigts est un peu incomplète pour les premières phalanges, très limi-

tée pour les deuxièmes phalanges, plus faible encore pour les troisièmes.

Passivement on peut fléchir presque complètement les doigts, exception

faite pour les troisièmes phalanges de l'index et du médius ; dans ces

tentatives de flexion, on sent qu'on se heurte à une résistance élastique

qui ne peut être due qu'à une contracture relative des muscles extenseurs

des doigts.

Le réflexe radial est normal. ·

Il n'y a aucune anesthésie.

La palpation.de la cicatrice d'entrée de la balle provoque une douleur

qui s'irradie à la région dorsale de l'avant-bras, de la main et des doigts;

la palpation de la cicatrice de sortie occasionne une sensibilité doulou-

reuse sur le bord cubital.

En outre, il y a des douleurs spontanées continuelles sur la face dor-

' sale de la main et des doigts, douleurs très vives de brûlures, de piqûres

d'épingles, etc. Ces douleurs siègent sur le territoire radial et empiètent

sur le territoire cubital.

Le malade appréhende le moindre contact et toute sensation de chaud;

les bains d'eau froide apportent au contraire du soulagement et le malade

y a volontiers recours. Il évite de tenir sa main pendante ou de marcher

rapidement, car la moindre secousse est ressentie douloureusement. Les

efforts ont aussi une répercussion douloureuse sur la cicatrice d'entrée

et sur le dos de la main. La trépidation, le bruit, l'appui brusque sur le

talon déterminent des douleurs.

Le malade souffre également quand il avale des aliments trop chauds.

Enfin la peur de voir tomber quelqu'un ou quelque chose lui est particu-

lièrement pénible, et il déclare qu'il a souffert de façon spécialement

violente dans deux circonstances : une fois à l'occasion de chute d'un

bicycliste, une autre fois dans la crainte de voir tomber un lit.

Revu deux mois plus tard, un an entier après la blessure, le malade

continuait à souffrir tout autant.

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DÉFORMATIONS DES MAINS ET DES PIEDS CHEZ LES BLESSÉS NERVEUX 135

En somme, nous trouvons dans ce cas tous les caractères des, formes

causalgiques des blessures du médian ou de la branche interne du sciatique :

paralysie généralement très réduite ou nulle, pas d'anesthésie, troubles

trophiques et vaso-moteurs se caractérisant par un effilement d'ensemble

de l'extrémité, une peau fine, lisse et moite, surtout douleurs violentes,

persistantes, continues et paroxystiques, influencées par le contact, par la

chaleur, par tous les chocs ou secousses, influencées même par des contacts

à distance et par des impressions morales où dominent la vision d'une

chute, la crainte de voir tomber ou seulement l'idée que quelqu'un ou

quelque chose pourrait tomber. z

Ce qui est tout à fait particulier à notre cas, c'est que le radial seul

avait été lésé et que les manifestations douloureuses siégeaient dans letern-

toire du nerf radial.

V ,

LE « PIED EFFILÉ » DANS LES LÉSIONS DE LA BRANCHE INTERNE DU

SCIATIQUE (PORTION INTERNE DU TRONC OU SCIATIQUE POPLITÉ

INTERNE). '

Nous avons signalé occasionnellement à la séance du 3 juin 1915 de la

Société de neurologie la déformation très spéciale du pied que l'on ob-

serve dans certains cas de blessures très douloureuses du sciatique ; le

22 octobre 1915, à la Société médicale des hôpitaux, nous avons affirmé

la constance et la netteté de cette déformation dans toutes les formes cau-

salgiques des blessures du sciatique (tronc sciatique ou sciatique poplité

interne) et insisté sur l'importance diagnostique de ce signe organique

dans les cas où la douleur est presque le seul symptôme.

Depuis lors, nous avons constaté cette même déformation chez un cer-

tain nombre de malades où le sciatique était altéré, avec ou sans blessure

extérieure, avec ou sans douleurs ou paralysie concomitante ; il faut et il

suffit, pour que la déformation apparaisse, que la branche interne du scia-

tique soit fortement touchée, soit après la bifurcation du nerf, soit dans

son tronc même où, comme on sait, les deux branches de bifurcation sont

d'ordinaire simplement accolées en canons de fusil depuis la partie supé-

rieure de la cuisse ou même depuis le bassin.

Ce sont quelques-uns des très nombreux exemples que nous avons obser-

vés que nous reproduisons ici.

La déformation consiste essentiellement en un effilement des difjé-

rentes parties du pied ; elle apparaît avec évidence quand on examine

de face les deux plantes symétriquement placées, le malade étant couché

sur le dos ou de préférence sur le ventre.

136 LÉRI

Le talon paraît à la fois rétréci et effilé ; au lieu d'être plus ou moins

cubique, il devient ovalaire ou oblong.

La partie moyenne de la plante, également rétrécie', est souvent par-

courue de plis cutanés à direction prédominante antéro-postérieure ; de

plus, la partie interne se relève, devient fuyante, il se fait une ébauche

de pied creux. Enfin l'avant-pied est lui-même rétréci, sa saillie est moins

marquée, et il est souvent creusé en sa partie moyenne d'une dépression

longitudinale, véritable vallon entre deux éminences, celle du talon du

gros orteil et celle du talon des 4° et 5° orteils ; on croirait que l'avant-

pied a subi une sorte d'enroulement transversal sur son axe. Aussi les

orteils sont très ordinairement rapprochés les uns des autres et même

empiètent les uns sur les autres et se recouvrent mutuellement ; c'est le

plus souvent le 2e orteil quiest repoussé sur le dos du pied, le leur et le

3e arrivent parfois presque au contact par leur plante.

Donc, dans son ensemble, et par toutes ses parties, le pied paraît rétréci

et comme effilé.

Ce « pied effilé » est constant, à un degré plus ou moins accentué,

dans toutes les formes douloureuses, causalgiques, des lésions du

sciatique ; or les lésions de ce nerf sont très fréquemment douloureuses

quand le sciatique poplité interne est atteint (dans le tronc ou après la

bifurcation apparente). Cette déformation est l'analogue de celle que l'on

observe à la main dans les formes douloureuses de lésion du nerf mé-

dian ; main affinée, doigts effilés ont été très justement observés parle

professeur Pierre Marie et IVlme Bénisty, IV1. Meige, etc... Au pied comme

à la main, outre la déformation, on observe très souvent des troubles

vaso-moteurs et trophiques variés. Quant aux douleurs, elles sont presque

toujours localisées à l'extrémité du membre, main ou pied, quel que

soit le niveau du membre où le nerf, médian ou sciatique interne,

ait été touché; au pied elles frappent surtout la plante, comme à la main la

paume. Ces douleurs affectent généralement le type causalgique, sensa-

tions ardentes de brûlure, de cuissons, de lancées paroxystiques et plus ou

moins continues. Elles sont influencées par l'état de l'atmosphère, par le

chaud ou le froid, par l'humidité, par tout contact sur le membre malade

ou souvent sur le membre opposé, voire même sur toute aulre partie du

corps ; nous avons connu un malade auquel on avait déconseillé de se main-

tenir le pied malade constamment mouillé et qui calmait ses douleurs en

sè mouillant continuellement l'autre pied. Elles sont influencées surtout

par des impressions morales où domine toujours la curieuse crainte de

voir tomber quelqu'un ou quelque chose ou simplement l'idée qu'il pour-

rait glisser.

Ce qui donne au « pied effilé » toute sa valeur diagnostique, c'est qu'il

DEFORMATIONS DES MAINS ET DES PIEDS CHEZ LES BLESSÉS NERVEUX 137

est souvent le seul signe organique d'une lésion qui peut ne se révéler

que par des manifestations douloureuses, manifestations toujours sujet-

tes à caution. Si l'effilement du pied est en général plus ou moins propor-

tionné à l'intensité des douleurs, il paraît en effet tout à fait sans rapport

avec le degré de la paralysie ; nous avons ainsi observé un certain nombre

de cas où la parésie était très légère, presque nulle, au point qu'elle n'avait

aucunement empêché de renvoyer les malades au front. On comprend

quelle peut être l'importance de la constatation dans ces cas d'un signe

nettement organique et indiscutable, qui affirme la réalité de manifesta-

tions douloureuses à première vue excessives : des malades nous ont été

ainsi envoyés pour expertise médico-légale à la suite de douleurs qui

avaient paru anormalement persistantes ; il suffisait pourtant de regarder

leur plante des pieds pour acquérir une conviction absolue. Il est vrai que

dans ces cas le réflexe achilléen était généralement aboli ou au moins di-

minué ; mais il n'en est pas toujours ainsi, et parfois nous avons vu des

«pieds effilés » très nets avec un réflexe achilléen parfaitement conservé.

Ce qui donne aussi sa valeur à ce signe du « pied effilé », c'est qu'il

peut se produire d'une façon précoce; c'est ainsi que nous l'avons observé

très nettement accusé au 20e jour d'une blessure au creux poplité, dans

un cas où les douleurs accusées étaient vives, mais où la paralysie était

extrêmement atténuée et très limitée. Dans ce cas d'ailleurs, douleurs et

parésie avaient presque disparu après deux mois, alors que la déformation

du pied existait encore nette, quoique diminuée (pl. XXXII, fig. A).

Ce n'est pas seulement dans les blessures directes du sciatique ou de sa

branche interne qu'on constate cette déformation spéciale ; nous l'avons

observée, par exemple, d'une façon très nette et accentuée dans un cas

où, à la suite d'un enfouissement, le nerf avait été fortement contu-

sionné, soit au niveau de ses racines sacrées, soit au niveau de la fesse,

mais sans qu'il y ait eu de plaie extérieure ; les douleurs étaient très

vives et les troubles trophiques cutanés (peau sèche, écailleuse, rougeâtre)

très marqués.

Nous avons constaté aussi cette même déformation, plus modérée, mais

encore très nette, dans un cas de gelure du pied avec douleurs vives et

persistantes dues certainement à une névrite du sciatique.

Les phénomènes douloureux ne sont eux-mêmes pas indispensables

à la production du pied effilé. Nous ne pouvons dire encore avec quelle

fréquence on l'observe dans les lésions non douloureuses de la branche

interne du sciatique. Nous ne savons d'ailleurs pas exactement dans quel

nombre relatif de cas et dans queiles conditions la lésion de la branche

interne du sciatique détermine des douleurs vives, à caractère plus ou

moins causalgique ; cette fréquence nous a paru très grande ; il est bien

138 - - LÉRI' < -

évident d'ailleurs que ces vives douleurs ne se produisent pas dans les

sections complètes et qu'il s'agit d'un signe d'irritation nerveuse et non

de destruction ; c'est pour cela sans doute que les formes très doulou-

reuses ne déterminent très souvent qu'une paralysie fort restreinte. Ce

que nous pouvons dire, c'est qu'qn peut observer le pied effilé dans les

lésions de la branche interne du sciatique aussi bien avec un minimum

de douleurs qu'avec un minimum de paralysie : plusieurs malades,

déjà retournés au front, nous ont été envoyés de nouveau, l'un parce qu'il

présentait une gêne de la marche due à une certaine sensibilité de la

plante du pied dans la station debout, un autre parce que le trouble de

la marche était dû surtout à la cicatrice de blessure du creux poplité et à

la ligature de la poplitée, un troisième parce qu'il se produisait tardi-

vement, près d'un qn après la blessure, une amyotrophie du mollet.

Dans tous ces cas, il y avait bien eu quelques sensations douloureuses,

mais très effacées et très restreintes. Tous avaient un pied nettement effilé.

L'effilement du piedque nous venons de décrire peut être remarqué

aussi en regardant le dos du pied, mais d'une façon généralement bien

moins nette qu'à la plante, et à la condition d'avoir l'attention soigneuse-

ment attirée et d'avoir affaire à un cas où la déformation est assez

accentuée. -

En résumé, le pied effilé se constate avec une extrême facilité en regar-

dant la plante des pieds. C'est une déformation qui s'observe d'une façon

constante dans toutes les formes dquloureuses des blessures de la

branche interne du sciatique, branche qui se trouve soit accolée à la

branche externe dans le « tronc » du* nerf, soit détachée sous le nom de

sciatique poplité interne. La valeur diagnostique de cette déformation est

très grande, car elle peut être le seul signe organique indiscutable d'une

lésion de ce nerf (découverte de la simulation, expertises médico-légales,

etc.). '

Ce signe a d'autant plus de valeur qu'il peut être très précoce.

Le pied effilé peut être constaté aussi dans une série d'autres lésions

douloureuses du même nerf (contusion du nerf sans plaie extérieure,

névrite par gelure, etc.). On peut aussi l'observer, avec une fréquence

que nous ne pouvons encore apprécier, dans des lésions non douloureuses

ou peu douloureuses du nerf.

Les figures de la planche XXXI représentent une série de formes doulou-

reuses, causalgiques, de lésion du sciatique interne. La figure A reproduit

une déformation excessive, très rare ; elle est la seule analogue que nous

.1 .

B

c

u

E

F

DÉFORMATIONS DU PIED PAR BLESSURES DE GUERRE

7U7;F-LLF, ICONCGRAPHIE DE LA JTLPETRIERE.

1. AA V Ill. l'L. A.'\.'\I11

DÉFORMATIONS DE LA MAIN PAR BLESSURES DE GUERRE

(-4. Léri.)

Masson & C ? Editeurs

DÉFORMATIONS DES MAINS ET DES PrEDS^^Z^ESrBLESSÉS'NERVEUX 139

ayons vue ; le pied est tordu sur lui-même et comme enroulé sur son axe

longitudinal. La blessure siégeait au tiers supérieur de la cuisse; les

douleurs et la paralysie étaient extrêmement prononcées. Le nerf était

engaîné dans du tissu fibreux, sa libération resta sans effet.

Les figures B et C montrent un degré prononcé de la lésion, degré

qui est fréquent. Dans le cas B, la blessure siégeait au tiers supérieur de

la cuisse; la paralysie.était incomplète, surtout dans le domaine du scia-

tique externe ; atrophie importante des muscles postérieurs de la cuisse

et du mollet. Dans le cas C, le sciatique avait été louché dans le creux

poplité ; les douleurs étaient vives, mais la paralysie presque nulle ; une

amélioration rapide suivit la libération du sciatique qui était adhérent.

La figure D présente un degré moyen de déformation, degré le plus

fréquent : lésion au tiers supérieur de la cuisse, paralysie très incomplète,

amyotrophie marquée ; amélioration modérée après libération du nerf.

Les figures E et F montrent un degré léger ; dans l'un, la blessure sié-

geait au tiers moyen de la cuisse, dans l'autre au creux poplité ; les dou-

leurs étaient à peu près aussi vives que dans les cas précédents ; dans le

premier*il y avait une grosse paralysie ; dans le second, une paralysie très

légère. Ce dernier fut opéré ; le sciatique était engaîné dans du tissu

fibreux, présentant un petit névrome et recouvert de grosses veines con-

gestionnées ; les douleurs s'atténuèrent légèrement, puis disparurent

lentement ; la photographie fut prise quand le malade était déjà presque

guéri.

La figure A de la planche XXXII représente un cas de blessure du scia-

tique à la partie inférieure du creux poplité; les douleurs furent vives,

mais pendant quelques semaines seulement ; la paralysie ne fut que très

légère. Chez ce malade, nous constatâmes une déformation très accentuée

dès le 20* jour après la blessure; nous ne pûmes le photographier que

deux ou trois mois après ; à cette date il était presque guéri, la déforma-

tion était déjà sensiblement moins prononcée.

La figure a montre le pied effilé dans un cas de gelure, avec douleurs

névritiques intenses persistant un an après le début de l'affection ; le

réflexe achilléen était conservé.

La figure C est un cas de lésion très douloureuse du sciatique, consé-

cutive à un enfouissement survenu un mois auparavant ; le nerf avai été

fortement contusionné soit à la fesse, soit au niveau de ses origines sacro-

lombaires ; il n'y avait pas de plaie extérieure ; le pied était gonflé,

violacé et desquamant ; il y avait une grosse paralysie et une légère alro-

phie du mollet.

La figure D reproduit un cas où, à la suite d'une blessure du sciatique

à la fesse, il ne s'était produit qu'une paralysie très légère et presque

140 LÉRI

pas de douleurs ; le malade fut renvoyé au front ; il en fut évacué près

d'un an après la blessure pour une amyotrophie progressive du mollet

(4 cent.) et une accentuation de la paralysie.

Les figures E et F montrent le pied effilé dans un cas de blessure du

sciatique au creux poplité, avec anévrisme diffus et ligature de Tarière

près de deux ans auparavant ; il n'y avait presque pas eu ni de douleurs

ni de paralysie, et le malade était retourné au front; il en fut évacué de

nouveau pour une gêne de la marche due à un peu de sensibilité de la

plante du pied et surtout à la cicatrice du creux poplité et du mollet. La

figure F indique que l'effilement du pied peut être constatée à la face

dorsale, mais d'une façon beaucoup moins apparente qu'à la face plan-

taire.

VI

Rétraction DES aponévroses palmaires ET nodosités digitales

(HEBERDEN ET BOUCHARD) A ÉVOLUTION précoce, aiguë ET SIMUL-

TANÉE.

Les nodosités d'Heberden sont considérées, à juste titre, comme une

petite difformité plutôt qu'infirmité qui ne survient guère qu'à un âge

avancé, rarement avant la cinquantaine ; elles se développent d'une façon

lente, progressive, indolente dans la moitié des cas environ, modérément

douloureuse dans l'autre moitié; elles siègent aux articulations de la

2e avec la 3e phalange des doigts ; leur pathogénie est encore fort discutée,

les uns les rattachant à la goutte, d'autres au rhumatisme soit diathési-

que, soit infectieux, la plupart à une forme hybride qu'ils appellent le

« rhumatisme goutteux » (J. Teissier, etc.).

Les nodosités dites de Bouchard siègent à l'union de la 1'e et de la

2' phalanges : elles sont aussi d'évolution tardive et lentement progressive

et ont été mises en relation par Bouchard avec une auto-intoxication, suite

de dilatation stomacale. Des examens microscopiques personnels nous ont

montré que les nodosités de Bouchard et celles d'Heberden ont même

structure anatomique (soufflure osseuse, incrustation et souvent légères

érosions cartilagineuses, inflammation synoviale, dépôts uratiques) et

certainement même pathogénie (1). Elles se trouvent d'ailleurs très ordi-

nairement associées chez le même sujet.

Parfois moins tardive, la rétraction de l'aponévrose palmaire semble

être aussi une manifestation du rhumatisme chronique et notamment du

rhumatisme dit goutteux. Elle survient aussi lentement, progressivement,

avec des douleurs nulles ou modérées.

(i) ANDRÉ LEFti, La nodosité d'Heberden. Journal médical français, 15 mai 1912.

DÉFORMATIONS DES MAINS ET DES PIEDS CHEZ LES BLESSÉS NERVEUX 141

Ces deux modalités du rhumatisme chronique partiel, modalité ostéo-

articulaire ou nodosités digitales d'Heberden et de Bouchard, modalité

fibreuse ou rétraction de l'aponévrose palmaire (maladie de Dupuytren),

qui ont les mêmes caractères d'évolution lente, progressive, relativement

indolente et presque toujours tardive, surviennent en général isolément

et ne se compliquent l'une l'autre que rarement et à échéance éloignée. Le

cas suivant fait exception quant à ces différents caractères.

P..., lieutenant, 36 ans, entré le 21 mai 1916 au Centre neurologique de la ? armée. Jusque-là parfaitement bien portant, de petite taille, mais de forte

constitution, n'ayant eu aucune atteinte ni de rhumatisme ni de goutte, n'ayant

eu aucune infection antérieure, sans sucre ni albumine dans l'urine, fils de

parents actuellement encore très bien portants et nullement rhumatisants,

frère de quatre soeurs très bien portantes et père d'un enfant de 15 mois très

vigoureux, il est mobilisé depuis 20 mois et toujours au front depuis lors.

Il a été, bien entendu, fréquemment exposé au froid et à l'humidité, mais n'a

pas eu particulièrement les mains dans l'eau. Il ne manie ni arme, ni outil,

ni bride qui expose la paume des mains à un frottement répété ; il y a 6 ans,

il aurait fait chaque jour quelques quarts d'heure de barre fixe, mais n'a vu

survenir à cette époque aucune callosité ou nodosité des mains.

Depuis deux mois et demi (début de mars) se sont développées des déforma-

tions très accentuées des deux mains qui consistent d'une part en une rétrac-

tion prononcée des aponévroses palmaires, d'autre part en de volumineuses

nodosités au niveau des 2" et 3B articulations interpbalangiennes.

Très prononcée des deux côtés, la rétraction de l'aponévrose palmaire est

plus marquée à droite ; elle se traduit par de profondes dépressions des plis

transversaux de la main et des plis de la base des doigts et par des bourre-

lets intermédiaires. A droite, le pli transversal inférieur est remplacé sur

toute sa longueur par une bride linéaire profondément déprimée ; le pli moyen

de la main d'une part, le pli de la base des 4e et 5° doigts d'autre part sont

également bridés et creusés, quoique à un moindre degré; entre ces plis sont

des bourrelets saillants à consistance fihreuse, bourrelet horizontal entre les

plis moyens et inférieurs, bourrelet plus prononcé au niveau de l'extrémité

du fil espace interdigital, bourrelet nodulaire très marqué au niveau de la

première phalange du ô° doigt. A gauche, il y a un enfoncement linéaire ana-

logue, quoique un peu moindre, du pli transversal inférieur, une légère dé-

pression du pli moyen, un bourrelet entre les deux plis et un autre entre le pli

inférieur et la base des trois derniers doigts ; par suite de la rétraction de l'apo-

névrose, le 5° doigt ne peut être complètement étendu dans ses diverses pha-

langes (Pl, XXXIII).

Des nodosités digitales très prononcées, du volume d'un gros pois, de

consistance ferme, presque toutes recouvertes d'un tégument violacé, s'ob-

servent au niveau de la plupart des 2e et 3° articulations des 3 trois derniers

doigts : à gauche, les six articulations sont atteintes, mais la 2e de l'auriculaire

et la 3' de l'annulaire ne présentent qu ? légère saillie tranversale à droite

142 ' LÉRI

ces deux mêmes articulations ne présentent aucune saillie, toutes les autres

sont atteintes. La nodosité du petit doigt gauche empêche l'extension complète

de la phalangette.

Fait à noter, les nodosités sont uniques sur chaque article et non, comme

il arrive souvent, doubles ou bilobées; elles sont plus ou moins latérales ou

médianes. '

Les index sont indemnes, à l'exception d'une légère saillie transversale sur

le 2e article de l'index droit. Les pouces ne présentent pas de nodules, mais

sont incurvés en S comme ceux des « mains séniles » que nous avons décrits

avec le professeur Pierre Marie ; mais les articulations métacarpo-phalangien-

nes des doigts ne présentent pas la saillie dorsale, par subluxation, que l'on

observe dans cette variété de rhumatisme sénile de la main.

Toutes ces déformations se sont développées simultanément et ont atteint

leur degré actuel en l'espace de six mois el demi environ. -Elles ont été ac-

compagnées de douleurs modérées, surtout nocturnes, passagères et récidivan-

tes, occupant la paume de la main et le dos des doigts et remontant souvent

jusqu'au coude, particulièrement au niveau de la gouttière épitrochléenne,

parfois jusqu'à l'épaule. Les nerfs, notamment' le cubital dans la gouttière, ne

paraissent pas gonflés ni épaissis. Les déformations et les douleurs ont pro-

duit une gêne fonctionnelle de la main pour laquelle le malade a dû être

évacué contre son gré (il est officier de carrière).

Tous les réflexes tendineux et cutanés sont normaux et égaux.

Aucun trouble de sensibilité objective.

Aucune altération ni du côté de l'aponévrose plantaire ou des orteils, ni du

côté d'aucune autre articulation.

En somme, chez un sujet relativement jeune (36 ans), sans aucune tare

et sans aucun passé pathologique, apparition simultanée et rapide (en un

mois et demi environ) de rétraction très prononcée de deux aponévroses

palmaires et de volumineuses nodosités sur presque toutes les articula-

tions interphalangiennes des trois derniers doigts ; douleurs modérées,

remontant surtout le long du cubital.

La précocité d'apparition de ces différentes déformations, leur acuité,

leur simultanéité sont autant d'anomalies qui nous semblent rendre le

fait clinique intéressant en lui-même.

Nous ne pouvons malheureusement en tirer aucune conclusion ferme

au point de vue de la pathogénie, car les circonstances ne nous ont per-

mis aucune analyse chimique des humeurs, sang ou urine, ni même

aucune radiographie. Toutefois les anomalies du cas, et surtout la simul-

tanéité des deux variétés de lésions, rétraction de l'aponévrose et nodo-

sités digitales, nous paraissent en faveur des théories qui leur attribuent

même pathogénie. Déplus, étant donné l'absence chez notre, sujet, en-

core jeune, de toute infection antérieure ou actuelle, les examens radio-,

DÉFORMATIONS DES MAINS ET DES PIEDS CHEZ LES BLESSÉS NERVEUX 143

graphiques qui ont montré la transparence ordinaire des nodosités et

l'existence fréquente de taches claires dans leur voisinage, nos propres

constatations histologiques qui nous ont révélé la présence de dépôts urati-

ques microscopiques au niveau des nodosités et tous les caractères de

l'inflammation au niveau des articulations qui les présentent, le fait que

nous rapportons nous paraît en faveur de la théorie, soutenue notamment

par les professeurs J. Tessier et Roque, qui attribue la rétraction de l'apo-

névrose palmaire comme les nodosités d'Heberden à un « rhumatisme

aoutteux ».

CENTRE NEUROLOGIQUE DE LA XV. RÉGION (MARSEILLE)

MACRODACTYLIE CHEZ UN BLESSÉ DE GUERRE

PAR

MM. J. A. SICARD, L. NAUDIN et P. CANTALOUBE,

Nous avons eu l'occasion d'examiner un jeune soldat atteint d'une

déformation digitale osseuse spéciale dite « macrodactylie » et affectant

le médius et l'index de la main gauche. L'intérêt iconographique de cette

observation se double, en temps de guerre, d'une discussion pratique,

puisque nous pensons qu'il s'agit dans ces cas d'un stigmate chondro-

osseux de syphilis héréditaire, et non d'un trouble trophique pouvant

se rapporter à un traumatisme ou à une blessure de guerre.

G..., âgé de vingt-cinq ans, affirme, en effet, que l'hypertrophie digitale

dont il est atteint est consécutive à une blessure de guerre qu'il aurait reçue

à la main quelques mois auparavant. De fait, on constate une cicatrice, reli-

quat d'un traumatisme par projectile au niveau du bord interne de la main.

La palpation et le contrôle radiographique permettent de reconnaître un cal

latéral du quatrième métacarpien (Pl. XXXIV, XXXV).

L'hypertrophie du médius serait, au dire du blessé, survenue trois mois

après sa blessure et aurait été suivie assez rapidement de l'hypertrophie de

l'index. En trois mois de temps, la déformation actuelle serait apparue telle

que l'a montrée la photographie. Mais il y a tout lieu de suspecter les dires de

ce soldat et il ne faut pas établir, à notre avis, un rapport direct de cause à effet

entre la mégalie digitale et la blessure de guerre.

Dans les recherches bibliographiques que nous avons faites, non ?

n'avons pas trouvé un seul cas demacrodactylie acquise, en dehors, bien

entendu, d'une étiologie lépreuse ou syringomyélique, acromégalique,

pituitaire ou de certaines hydromyélies, ou encore de lésions locales

osseuses plus ou moins suppuratives. Encore, faut-il ajouter que la macro-

dactylie acquise se présente avec une tout autre allure clinique, avec

d'autres troubles associés, ne répondant en rien à l'aspect digital que nous

montre ce blessé. La monstruosité digitale de G... cadre tout à fait avec

les cas de la série mégalique congénitale.

Si nous notons également que la blessure de guerre siège sur le qua-

trième métacarpien, alors que l'hypertrophie digitale intéresse le médius

"irr'n) r ? ...... ? y, ., ? ,W,. ? ? a ? I ? M ? \"#<i : ,\'.1JI¡\\lI& ?

S§itWriyU LLLE ICONOGRAPHIE DE LA SALPi-1-RIÈR 1 ? ? H T. XXVIIIP\Yv

MACRODACTYLIE

Nouvelle Iconographie DE la Salpêtrière, T 1ŸVIII. YL. XXXV

MACRODACTYLIE

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MACRODACTYLIE CHEZ UN BLESSÉ DE GUERRE 145

et l'index, c'est-à-dire les doigls dépendant du troisième et du deuxième

métacarpiens, nous pouvons conclure que ce blessé ne peut invoquer

qu'une aggravation d'un état latent ou préexistant, et il faut admettre

l'origine congénitale de cette macrodactylie. Une affection congénitale

peut, en effet, ne se déclarer objectivement que dans le jeune âge ou

l'adolescence. Il en est ainsi de certains cas de myopathie, de syndrome

de Recklinghausen, d'adénolipomatose, d'exostose ostéogénique, de rétré-

cissement mitral pur, etc.

C'est en l'année 1903 qu'on a relaie dans l'Iconographie de la Sal-

pêtrière le plus grand nombre de faits de ces monstruosités digitales avec

photographies et radiographies. Depuis, aucune nouvelle observation ne

paraît avoir été publiée, au moins en France.

Une revue du professeur Boinet, en 1901, met la question au point.

L'étiologie et la pathologie de tels cas restent toujours très obscures.

On sait que Trélat invoquait une origine vasculaire et une paralysie vaso-

motrice incomplète apportant un excès de nutrition à certaines régions

digitales et provoquant ainsi leur hypertrophie. C'est un éléphantiasis

vasculaire sanguin, disait-il. Mais on ne voit ni comment ni pourquoi

existerait une paralysie vaso-motrice ainsi localisée. -

D'autres auteurs invoquent l'irritation d'un nerf périphérique et une

hyperlrophicité par*influx anormal. Cependant dans la plupart des cas, le

médius et l'index sont atteints et leur innervation appartient à deux nerfs

différents (médian et radial), alors que le pouce, qui est responsable de

la même innervation, conserve ses caractères normaux. -

M. Cestan et M. Boinet se rattachent à la théorie d'un « stigmate phy-

sique névropathique ».

Pour notre part, nous pensons qu'il s'agit d'une dystrophie du cartilage

de conjugaison, à croissance déviée et dont la pousse irrégulière laté-

rale chez certains de ces mégaliques peutprovoquer l'aspect de dits doigts

tourmentés ou déjetés. Cette théorie trouverait sa justification : 1° dans ce

fait que l'hypertrophie apparaît ordinairement vers la cinquième année ;

2° que l'évolution cesse d'être progressive entre la vingt-cinquième et la'

trentième année et qu'elle se fixe alors d'une façon définitive; 3° que

l'on note souvent, comme l'a fait remarquer M. Boinet, vers la quaran-

tièmeannée, des déformations velvétiques osseuses des épiphyses phalan-

giennes. r

La dystrophie chondro-osseuse serait primitive. Secondairement, tout

autour de l'os hypertrophié les tissus seraient obligés, pour se mettre à

l'unisson de cet excès de développement osseux, de s'hypertrophier eux-

mêmes, le contenant dermo-cellulo-graisseux (manchon externe) s'adap-

terait au contenu osseux (manchon interne).

xxvm ' 10 0

146 SIGARD, NAUDIN ET CANTALOUBE

Sous quelle influence peut survenir cette dystrophie du cartilage de

conjugaison ainsi localisée ? L'hypophyse ne saurait être enjeu. L'in-

fluence pituitaire exercerait ses effets globalement sur tous les doigts

comme dans l'acromégalie et non partiellement. De plus, dans notre cas,

nous avons fait l'examen radiographique de la selle turcique qui ne pré-

sente aucune modification.

Ne pourrait-on soutenir l'hypothèse d'une compression anormale foe-

tale ab ovo, qui aurait modifié localement le développement embryon-

naire du cartilage de conjugaison ? ou mieux encore invoquer une origine

spécifique héréditaire ? Ce blessé est un dystrophique par ailleurs : dents

mal implantées, petites et mauvaises, cuir chevelu alopécique, sourcils

rares. Cependant, la réaction du sang de Bordet-Wassermann chez lui

s'est montrée négative, mais on sait combien elle manque fréquemment

au cours de la syphilis héréditaire.

Le traitement médical de ces états mégaliques locaux n'a jamais donné

que des insuccès, qu'il s'agisse de massage, d'électrothérapie, de médica-

tion interne opothérapique ou syphilitique. L'échec du traitement iodo-

mercuriel est du reste la règle, au cours des stigmates dystrophiques de

la syphilis héréditaire.

Si l'hypertrophie digitale par son accroissement incessant occasionne

une impotence manuelle trop grande, on pourra, comme l'a pratiqué

Lejars dans un cas semblable, faire l'amputation du doigt, mais en ayant

soin, selon sa remarque importante, de réséquer l'épiphyse métacarpienne

attenante pour éviter toute récidive ultérieure. - .

BIBLIOGRAPHIE

BOINET. - Macrodactylie congénitale. Presse médicale, 4 septembre 1901.

Macrodactylie. Iconographie de la Salpêtrière, 1901, 1902, 1903. BEGOUItv et SABRA-

GÈS, CESTAN, CAYLA, LEJARS.

NEUF CAS DE POLYDACTYLIE HÉRÉDITAIRE

AU COURS DE CINQ GÉNÉRATIONS.

LA POLYDACTYLIE DANS SES RAPPORTS

AVEC LES LOIS DE MENDEL,

par

René BENARD,

Ancien Interne des hôpitaux de Paris,

Aide-major de l'a classe.

Les faits de polydactylie ne sont pas absolument exceptionnels. Dans

les articles qui s'occupent de la question, on voit que c'est là une malfor-

mation connue depuis la plus haute antiquité, puisque déjà la Bible, -au

Livre des Rois, fait mention d'un géant qui présentait douze doigts et

douze orteils.

L'hérédité de la polydactylie est également un-fait bien connu. Phéno-

mène assez remarquable cependant : si les auteurs qui ont écrit au cours

du XIXB si8cle signalent fréquemment l'hérédité de cette malformation,

les publications de ces dernières années ont, au contraire, le plus ordi-

nairement trait à des faits isolés, sporadiques en quelque sorte, de poly-

dactylie.

Le cas d'un sexdigitaire que nous avons eu l'occasion d'observer, et dans

la famille de qui nous avons pu retrouver huit autres personnes atteintes

de cette malformation, nous a paru à ce sujet digne d'être rapporté. Grâce

à la radiographie, dont, dès 1897, Londe et Meige signalaient ici même

l'intérêt dans l'étude des malformations digitales, nous possédons tous les

renseignements anatomiques concernant notre sujet et son père.

Observation (PI. XXXVI, XXXVII, XXVIII).

Ponc... Petrus est né à Rives-sur-Fure (Isère) (1), le 22 février 1878. Il

présente de la polydactylie par adjonction d'un doigt cubital à chacune des deux

mains, et d'un orteil prolongeant la série des premiers au pied gauche. Le pied

droit est normal.

(4) Itives-sur-Fure, chef-lieu de canton de l'Isère, arrondissement de Saint-Marcel-

lm, 3.156 habitants.

148 13N : NAISb

Le doigt supplémentaire de la main droite mesure 38 millimètres. Il se pré-

sente sous forme d'un appendice dont le bord distal prolonge le hord cubital

de la main II est pourvu d'un ongle bien formé; il n'est susceptible d'aucun

mouvement d'extension ni de flexion.

Le doigt de la main gauche est plus petit. Il ne mesure que 31 millimètres;

il apparaît comme une sorte d'appendice, de corps étranger ; il est pédicule et

relié à la main par un pont étroit de chair. Il présente également un ongle bien

formé. Il n'est susceptible d'aucun mouvement.

L'orteil supplémentaire n'est que très légèrement plus petit que le 5e orteil;

il mesure 33 millimètres alors que le 5e en mesure 40. -Il présente un très

léger degré d'extension, coïncidant avec l'extension des autres orteils.

Pour terminer avec les diverses particularités que présente ce malade, ajou-

tons qu'il a la faculté de mettre son pouce gauche en subluxation, ainsi qu'on

le voit sur notre photographie (PL XXXVI, XXXVII) (1). C'est là un phéno-

mène que nous' retrouverons chez différents membres de cette famille.

Ajoutons par ailleurs que notre homme est de bonne santé et constitution

apparentes. Nous n'avons notamment retrouvé chez lui aucune des tares rPle-

vées par divers auteurs dans des cas analogues, et dont nous reparlerons plus

loin. La réaction de Wassermann pratiquée chez lui s'est montrée négative.

Voici au reste quelques chiffres relatifs à sa constitution physique :

NOUYbLLE IcONOGRAPHIE DE LA SALPETRIERE \ \. 7 1 i% 4< ? T. XXVIII. PL. XXXV

' ? t ¡lIt\)/

....-

(jBHfleWSGKAl'mL . JA21$.JJI{.c... 14 l 1AV111. l'L, \\A\11

POLYDACTYLIE HEREDITAIRE

('René l3érrrrd.)

NEUF CAS DE POLYDACTYLIE HÉRÉDITAIRE . 149

L'examen des radiographies de cet homme permet de faire les constatations

suivantes.

Le doigt cubital de la main gauche comporte deux os, phalangine et phalan-

gette très pâles sur le cliché, ce qui traduit leur peu de compacité ; ces deux

os sout non pas indépendants, mais unis par une synostose.

Le doigt supplémentaire droit, au contraire, est composé de trois phalanges,

plus denses, notamment la phalangine. La première phalange affecte vague-

ment la forme d'un pisiforme ; elle a la dimension du sésamoide du pouce.

Les trois phalanges sont indépendantes les unes des autres ; elles s'articulent

entre elles. Elles ne s'articulent pas avec le métacarpien. Il n'y a pas non plus

de métacarpien supplémentaire.

Au pied droit, on constate qu'il n'existe absolument rien dans le squelette

qui rappelle de quelque façon la malformation qui siège à l'autre pied.

A gauche, le cinquième métatarsien est légèrement plus gros que celui du

côté droit. Il présente, son extrémité distale, une facette d'articulation sur

son bord externe.

Avec ce métatarsien s'articulent deux orteils : le cinquième est normal. Au

premier examen il pourrait sembler qu'il ne soit composé que de deux os, mais

c'est là une pure apparence. L'ombre de la phalangine se superpose à celle de

la phalangette à cause d'une disposition anatomique de « recroquevillement » , .

du 5e orteil que l'on constate nettement sur la photographie.

Le 6e orteil, lui, est composé de quatre os.

Le premier, de forme vaguement cubique, a sensiblement la dimension des

phalangettes des bi-orteils. Cet os doit être interprété comme représentant le

métatarsien du 6- orteil. Puis vient la phalange, qui a la forme générale des

autres phalanges et la taille des deuxièmes phalanges des autres orteils. La

phalangine et la phalange unguéale sont de petite dimension, environ la moitié

des os correspondants des orteils normaux.

Avant d'entrer dans d'autres considérations, nous allons comparer ces

radiographies celles du père de notre malade qui présente, lui aussi,

ainsi qu'il nous l'a écrit lui-même, « six doigts il chaque main et six doigts

seulement au pied gauche ».

Le doigt cubital de la main gauche est, comme dans le cas précédent, le

plus petit des deux doigts surajoutés. Mais il présente trois phalanges ; il

ne s'articule pas avec le 5e métacarpien, et rappelle absolument le doigt

le mieux développé de l'observation précédente.

A la main droite on constate d'abord que le doigt supplémentaire, au

lieu d'être indépendant du reste du squelette, présente une articulation

avec le métacarpe. Le 5e métacarpien est plus volumineux que son homo-

logue de gauche. En outre, il présente à sa partie moyenne une tubérosité

volumineuse avec laquelle vient s'articuler l'extrémité supérieure de la

1. ro phalange. Celle-ci affecte la même forme que les autres premières pha-

langes ; plus petite que celle du cinquième doigt, elle est comme taille,

150 BENARD

par rapport à celle-ci, comme l'est cette dernière par rapport à celle du

4e doigt. Les deux autres phalanges sont soudées entre elles en un seul

os affectant uue forme de bonnet de coton, et plus long à lui seul que les

phalangettes des 3e ou le doigts.

Au pied gauche l'orteil surajouté est infiniment plus complet que dans,

le cas précédent. Il y a d'abord un 6° métatarsien qui paraît indépendant

jusqu'à sa base où son ombre se superpose celle du 5e. Puis viennent la

phalange, de même dimension que celle du 5e orteil, la phalangine et la

phalangette, en synostose.

Au pied droit, nous l'avons dit, on ne constate extérieurement aucune

trace d'orteil surajouté. La radioscopie, au contraire, nous montre, à l'in-

verse de l'observation précédente, que le 6" orteil y est parfaitement dé-

veloppé.

Le 5' métatarsien devient bifide à moitié de sa hauteur, et à l'extrémité

antérieure, le métatarse présente six os absolument homologues. La

ire phalange est semblable à celle du 5" orteil. La phalangine et la pha-

langette bien constituées paraissent en synostose. Peut-être n'est-ce là,

d'ailleurs, qu'une apparence due à une superposition des deux os sur la

radiographie.

Une première conclusion qui découle de ces deux observations, c'est

d'abord la nécessité qu'il y a à étudier ces faits à la lumière de la radio-

graphie. C'est elle qui nous a permis notamment de constater que si,

extérieurement, le père et le fils présentaient, l'un comme l'autre, vingt-

trois doigts ou orteils, le pied droit seul était normal, le père, à l'inverse

du fils, avait, en réalité, six orteils à droite aussi bien qu'à gauche, tout

comme le géant de la Bible. A l'exemple de l'orvet, qui a bien un sque-

lette de patte, mais sous-cutané, cet homme a le squelette d'un orteil sup-

plémentaire sans en avoir la morphologie extérieure.

Si l'on étudie les diverses radiographies publiées jusqu'ici par les

auteurs, on constate que l'on peut rencontrer toutes les modalités du

squelette dans les doigts supplémentaires, depuis les plus développés

jusqu'aux plus rudimentaires : sixième doigt complet avec son métacarpien

individualisé, - cinquième métacarpien bifide, - cinquième métacarpien

avec tubérosité accessoire, os surajouté représentant un sixième méta-

carpien atrophié, cinquième métacarpien simplement augmenté de vo-

lume, avec facette d'articulation pour le doigt surajouté, doigt à trois

phalanges, sans articulation avec le métacarpien, doigt plus ou moins

pédiculé, sans rapport avec le squelette, avec un nombre réduit de pha-

langes, ces dernières d'ailleurs articulées ou en synostose.

{L . ? ul;mrm ? I'OE H .1.nr¡I : 1d¡ ? ItiL d ? `t ? 3`. ,J.y T. XXVIII. PL. xxxvii

POLYDACTYLIE HÉRÉDITAIRE

(René Tiendra.)

NEUF CAS DE POLYDACTYLIE HÉRÉDITAIRE 151

Fait curieux : tous ces types,sans en excepter un seul, se trouvent repro-

duits dans nos deux observations; qu'on suive l'énumération ci-dessus,

radiographie en main, on les retrouvera tous. Si l'on compare ensuite ces

figures avec celles de l'article de Londe et Meige, on verra, absolument

identiques, soit le métacarpien volumineux à double facette articulaire,

soit le métacarpien avec tubérosité située à mi-corps de l'os.

Les anciens ailleurs recherchaient avec soin si la malformation était

uni ou bi-latéraie, siégeait simultanément ou non aux mains et aux pieds.

C'est ainsi que Beauvais, Mason, Bull, Blasius signalaient qu'on peut

-observer une polydactylie ~des orteils sans rien aux mains; les mêmes

Mason, Bull, Blasius, et Ath. Johnson notaient que si la difformité est

généralement bilatérale, elle peut siéger sur un seul pied. Ces constata-

tions ne nous semblent pas avoir un grand intérêt, puisque nous venons

devoir que sur deux sujets qui semblaient présenter une malformation

unilatérale, l'un d'eux l'avait réellement telle, tandis qu'elle était bilaté-

rale chez l'autre.

Sans très grand intérêt non plus nous apparaît la discussion de ce que

l'on a appelé la « conception atavique » de la polydactylie. A la suite de

Gegenbauer, un certain nombre d'auteurs ont voulu voir dans la polydac-

tylie un retour à l'état ancestral. Le commun de l'humanité, qui ne dis-

pose que de cinq doigts par membre, serait en état de dégénérescence.

Seuls les polydactyles seraient vraiment dans la norme, car eux seuls

attestent vraiment le lien qui relie l'humanité actuelle à ses ancêtres, les

raies et les cétacés, et plus étroitement encore parmi les animaux dispa-

rus, aux enaliosauriens, dont l'ichthyosaure serait le type le plus achevé.

Dans ces dernières années Boinet, plus récemment dans ce recueil, Ber-

tolotti, puis Chevallier,* ont discuté cette théorie, faisant valoir que les

hexadactyles seraient eux-mêmes imparfaits, car c'est bien sept et même

huit rayons osseux qu'il faudrait posséder pour être tout a fait compte),

Boinet objecte également à la théorie qu'on n'a jamais trouvé de traînées

osseuses intermédiaires entre le pisiforme elle 6° métacarpien, ce qui

serait indispensable pour étayer la théorie. Ce ne sont pas nos observations

qui pourront davantage y apporter un appui, car dans nos cas non plus,

on ne rencontre pas celte traînée osseuse si nécessaire.

Ce qui nous semble beaucoup plus intéressant, ce sont les constatations

qui peuvent résulter de l'étude de la généalogie de notre malade.

152 BENARD

En effet, nous l'avons dit, la polydactylie peut se présenter sous forme

isolée ou sous forme familiale. Tantôt les auteurs n'ont pas noté, ou n'ont

pas retrouvé trace d'hérédité : tels Londe et Meige, Costantini, Fumarola.

Tantôt ils signalent qu'il n'y a pas d'hérédité dans leur cas, mais associa-

tion avec une autre tare : pied-bot congénital dans le cas de Marsh ; rétinite

pigmentaire et coloboma de l'iris dans le cas de Darier ; acromégalie dans

le cas de Lyon ; tumeur hypophysaire avec syndromeadiposo-génita) dans

l'observation de Rozabal ; tératome hypophysaire dans l'article de Berto-

lotti ; aliénation mentale dans deux cas de Parhon.

D'autres auteurs, au contraire, ont retrouvé des antécédents ; mais géné-

ralement les généalogies sont incomplètes, souvent inexactes. Sans pré-

tendre que la nôtre soit assurée d'échapper à ce reproche, nous n'en

voyons pas moins que notre homme a dans sa famille sa fille, deux frères,

son père, un oncle, sa grand'mère, un grand-oncle et son arrière-grand-

père, atteints de polydactylie, ce qui fait un total de neuf personnes,

réparties en cinq générations, au cours d'une période de cent vingt années.

L'ancêtre, Barb... François, naquit à Colombes (1) (Isère), le 8 octo-

bre 1788, et mourut à Rives-sur-Fure, le 28 février 1868. Il avait douze

doigts et douze orteils.

De son mariage avec Bon... Françoise, qui était normale, il eut quatre

enfants. ! *

Barb... Mélanie, née à Rives, le 30 septembre 1821.

Barb... Joseph-Alexandre, né à Rives, le 1"'juillet 1823.

Barb... Auguste, né à Rives, le 19 octobre 1829.

Barb... Joseph-François, né à Rives, le 16 mars 1833.

Parmi ces enfants le second et le quatrième étaient normaux. Par

contre, l'aînée et le troisième étaient polydactyles. Auguste aurait eu six

doigts et six orteils. Les doigts au moins devaient être pédiculés, car à la

naissance, la mère pratiqua une ligature serrée à leur base avec un fil de

soie; les deux doigts tombèrent vers le dixième jour et furent retrouvés

dans les langes. Nous n'avons pu nous procurer aucun renseignement sur

la descendance de ces trois branches.

Mélanie, l'aînée, n'avait qu'un orteil supplémentaire, et rien aux mains.

L'orteil avait également été enlevé de la même façon à la naissance.

Elle possédait, en outre, la faculté de mettre son pouce gauche en sub-

luxation.

De son mariage avec Ponc... Aubin, elle eut dix enfants. Nous n'avons

pu avoir de renseignements sur les trois premiers. Peut-être y avait-il

parmi eux des polydactyles..

(1) Colombes, arrondissement de La Tour-du-Pin, canton du Grand-Lemps, 866 ha-

bitants.

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154. BENARD

Les sept que nous connaissons sont :

Anaïs-Mélanie, née le 15 juillet 1845 ;

Angèle-Marie, née le 29 avril 1847 :

Alexandrine-Malvina, née le 30 janvier 1850;

Pierre-Alexandre, dit Auguste, né le 28 juin n 1852.

Pierre- Auguste, dit Petrus, né le 16 juin 1857 ;

Paul-Alexandre, né le 16 décembre 1859 ;

Marie-Joséphine, née le 10 novembre 1863.

De ces sept enfants, cinq furent normaux ; trois d'entre eux firent sou-

che : Anaïs a deux filles, Malvina dix enfants, Paul en a trois. Aucun

d'eux ne présente trace de malformation.

Pierre-Alexandre avait six orteils à chaque pied ; il fut opéré vers l'âge

de cinq ans, par un médecin de village. IJ mourut d'infection à la suite

NEUF CAS DE POLYDACTYLIE HÉRÉDITAIRE 155

de cette opération. Pareille issue arriva d'ailleurs à un polydactyle des

Iautes-Alpes, dont Boinet rapporte l'histoire.

Pierre-Auguste, dit Petrus, est celui dont nous avons étudié la radio-

graphie. C'est lui qui nous a écrit avoir « six doigts à chaque main et

six doigts seulement au pied gauche ». Nous avons vu que c'est un sexdi-

gitaire complet.

De son mariage avec Barr... Marie-Louise, normale, il a eu sept en-

fants. «

Petrus-Auguste, né le 22 février 1878.

Marie-Malvina, née le 4 novembre 1879, morte en septembre 1880.

Frédé1'ic-A uquste, né le 21 mai 1881, mort en 1892.

Marie-Louise, née le 6 mai 1884, morte en septembre 1884.

Lucien-Armand, né le 22 janvier 1886, mort en 1888..

Lucien-Gaston, né le 27 août 1889.

Léon-Joseph, né le 16 janvier 1893. '

De ces sept enfants, trois étaient polydactyles. Auguste avait douze doigts

et onze orteils. Il mettait son pouce gauche en subluxation.

Léon a de même douze doigts et onze orteils ; mais ces doigts supplé-

mentaires sont presque de même dimension que les auriculaires, situés

sur le plan des autres doigts, et susceptibles d'extension et de flexion. Il

met son pouce gauche en subluxation.

L'aîné Petrus est notre sujet : nous avons rapporté son histoire.

De son mariage avec Riv... Marie-Louise, normale, il a deux filles.

Lucie¡we, qui avai t deux doigts supplémentaires pédicules, pas d'orteils

supplémentaires, et peut mettre son pouce gauche en subluxation. Les

doigts supplémentaires ont été sectionnés par un médecin, à la naissance.

Alice, qui est normale, sauf qu'elle a également le pouvoir de mettre

son pouce gauche en subluxation.

Si nous avons tenu à rapporter cette généalogie avec quelques détails,

et notamment à préciser l'ordre chronologique' et le lieu des naissances,

c'est qu'il nous apparaît que cela n'est pas sans quelque intérêt : nous

allons y insister.

On a signalé des tribus ou des villages dans lesquels on avait observé

de véritables « épidémies » de polydactylie. Apert cite notamment une

tribu arabe, les Foldes, où cette malformation était tellement devenue de

règle, que les enfants qui naissaient sans doigts supplémentaires étaient

mis à mort comme adultérins. Costantini également cite dans l'Isère un

certain village d'Eycaux où cette malformation aurait été de règle. Il.faut

156 BENARD

dire d'ailleurs que Eycaux n'existe pas parmi les 36.000 communes de

France, et que c'est là une « coquille » typographique, pour Izeaux (1)

dont Devay nous rapporte l'histoire. Voici ce qu'en écrit Devay en 1862 :

« Il existe dans le département de l'Isère, non loin de la côte Saint-

André et de Rives, un tout petit village nommé Izeaux, isolé, perdu en

quelque sorte autrefois au milieu d'une plaine sinon complètement inculte, ,

du moins très pauvre, dite la plaine de Bièvre. Les chemins de communi-

cation dans ce pays peu fertile étaient difficiles, sinon impraticables. Les

habitants d'Izeaux, simples, .presque abandonnés à eux-mêmes, n'entrele-.

naient que des rapports éloignés avec les populations environnantes, sans

se mélanger avec elles, ils se mariaient constamment entre eux et ainsi

fréquemment en famille. A la fin du siècle dernier, de cette manière de

faire, de ces alliances constantes entre parents, était née et entretenue par

elle une monstruosité singulière qui, il y a trente-cinq ou quarante ans,

frappait encore presque toute la population (2). Dans cette commune,

hommes et femmes étaient porteurs d'un sixième doigt, d'un doigt supplé-

mentaire implanté aux pieds et aux mains. « Lorsqu'en 1829 et 1836,

dit M. le D A. Potton qui a étudié ces faits sur les lieux mêmes, j'ai observé

ce bizarre phénomène, déjà, chez quelques sujets, il n'existait qu'à un état

moins rudimentaire... De notables changements dans cette défectuosité

ou plus organique se sont établis depuis que les habitudes de la population

se sont modifiées par le progrès, depuis que les voies de communication

étaient devenues meilleures, les relations à l'extérieur plus fréquentes, les

alliances se contractaient dans des conditions plus favorables. À l'heure

qu'il est, cette anomalie pathologique a presque disparu. »

Izeaux, Colombes et Rives-sur-Fure sont absolument voisins; il faut

donc admettre ou que nos cas se rattachent aux cas d'Izeaux, - nous n'a-

vons pu le savoir de façon certaine ou que de mêmes nécessités éco-

nomiques avaient produit dans ces différents pays d'une même contrée

les mêmes effets. En tous cas l'existence de ces faits dans une même ré-

gion était intéressante à relever.

Une dernière question se pose. Dans quelle mesure les lois de Mendel

se trouvent-elles vérifiées ou infirmées par l'étude de cetle généalogie ?

(1) Izeaux, arrondissement de Saint-Marcellin, canton de Rives, 1.708 habitants.

(2) M. le Maire d'Izeaux, à qui nous avons communiqué cette observation, nous a

répondu, qu'au moins' l'heure actuelle, une telle assertion est très exagérée. C'est

tout au plus, nous dit-il, s'il connaît à. Izeaux trois familles où existe de la polydac-

tylie. Trois familles pour une population de 1.700 habitants est déjà un joli chiffre 1

C'est un nouvel exemple de la longue persistance de la polydactylie.

. NEUF CAS CE POLYDACTYLIE HÉRÉDITAIRE 1 57

*

Les relations entre la polydactylie et les lois établiesparGrégori4lendel

en 1865 n'ont pas été à notre connaissance étudiées jusqu'ici, sauf peut-

être dans le livre de Bateson, que nous n'avons pu nous procurer.

Sans vouloir entrer dans de longs détails, nous rappellerons brièvement

en quoi consistent les principales de ces lois, en ce qui a trait à l'hérédité

des maladies chez l'homme.

Toute cellule ou « zygote » résulte de l'union de deux cellules origi-

nelles, ou gamètes, l'un mâle, l'autre femelle. Si les deux gamètes ont le

même caractère (ici un père et une mère polydactyle), la zygote est pure

ou homozygote. Dans ce cas la proportion de ceux qui auront ce caractère

(en fait les enfants polydactyles) sera par rapport à ceux qui ne l'auront

pas de 3 à 1. La polydactylie dans ce cas serait dite caractère dominant,

l'état normal, au contraire, caractère récessif. z

Si l'on continuait des croisements dans des conditions analogues, la pro-

portion des dominants par rapport aux récessifs serait toujours de 3 à 1 ;

en outre, les récessifs donneront toujours des récessifs dans leur descen-

dance.

De tels faits ne s'observent à peu près jamais dans l'espèce humaine,

où la zygote résulte ordinairement d'une gamète dominante et d'une ga-

mète récessive (en fait d'un polydactyle et d'un individu sain). Ce sont

des hétérozygotes. Dans ces cas la proportion des récessifs par rapport

aux dominants est alors de 50 0/0.

Si, au contraire, la maladie était à caractère récessif, à une première

génération, on aura 30 0/0 de dominants purs et autant de dominants

impurs, c'est-à-dire qu'en fait tous les enfants seraient apparemment nor-

maux ; mais à la génération suivante quelques récessifs réapparaîtraient.

A la lumière de ces notions, peut-on trouver dans les cas de polydac-

tylie héréditaire une vérification de ces lois ?

Sans doute les faits de polydactylie héréditaiie ne sauraient rivaliser

avec ce que l'on rencontre dans certaines maladies nerveuses ; telle l'amyo-

trophie du type Charcot-Marie où Herringham relève 26 cas en 6 généra-

tions, Souques 21 cas en 7 générations.

Dans un article récent, Klippel et Rabaud, à propos de six cas rappor-

tés par eux- de polysyndactylie, en quatre générations, écrivent : « Pour

envisager la question (des lois de Mendel), un si petit nombre d'individus

ne suffit en aucune mesure. » 1

Nous avons recherché si, des faits publiés jusqu'ici, il était possible de

tuer une conclusion dans ce sens. Il est évident que si l'on avait pu étu-

dier à ce point de vue la tribu des Foldes, ou les habitants d'Izeaux, au

Xvrnc siècle, parmi lesquels il dut y avoir une majorité d'homozygotes,

on aurait pu aboutir à des constatations inléressantes. Nous ne possédons

lé7ô . BENARD

que cette unique notion, à savoir que les pentadactyles apparaissaient à tel

point comme des exceptions chez les Foldes que ceux-ci mettaient à mort

ceux qui avaient le malheur de présenter le caractère récessif.

Quel état pouvons-nous faire des cas rapportés par Prosper Lucas

d'après Carliste et Szokalshi, et cités par Devay ? « Dans la famille Col-

burn, l'hérédité d'orteils et de doigts surnuméraires affecta cette marche,

la normale y fut successivement à l'anormalité :

NEUF CAS DE POLYDACTYLIE HEREDITAIRE 159

A la cinquième génération enfin, sur deux enfants, un dominant et un

récessif : la proportion se maintient.

On peut dire donc que dans l'ensemble, et sous quelques réserves, les

proportions indiquées par Mendel se trouvent respectées, et que la poly-

dactylie apparaît bien comme un caractère dominant.

Mais ce n'est pas tout, et notre observation présente encore plusieurs

particularités intéressantes'.

C'est le plus souvent chez des garçons que chez des filles que s'observe

la polydactylie : nous trouvons ici la proportion de sept garçons pour

deux filles.

La lignée des polydactyles se poursuit ininterrompue. A aucun moment,

comme cela s'observe dans les maladies à caractère récessif, on'ne voit la

malformation sauter une génération. Ici tout individu normal donne

naissance à des rejetons normaux.

Autre point à signaler : à la deuxième, à la quatrième et à la cinquième

génération nous trouvons que l'aîné de la famille est atteint de la malfor-

mation en question. La troisième génération, qui semble échapper à cette

règle, y est peut-être cependant conforme ; nous ignorons ce qu'étaient

les trois aînés de cette génération. Il semble que la nature veuille en quel-

que manière assurer la persistance de l'anomalie, de telle façon que si le

premier rejeton restait enfant unique, l'anomalie fût aussi néanmoins con-

servée. C'est là un fait que les auteurs ont, croyons-nous, passé sous si-

lence et qui nous paraît cependant assez remarquable. Il est d'ailleurs

difficile à contrôler sur les généalogies publiées, car les auteurs se préoccu-

pent assez peu de l'ordre de primogéniture. Aussi serait-il à désirer que

les généalogies fussent établies, comme nous l'avons fait, en spécifiant

les dates de naissance des divers enfants.

Un dernier point reste à élucider. Au cours des diverses générations,

le caractère anormal tend-il, de façon générale, à se compléter ou au con-

traire à décroître. Chevallier dit à ce sujet : « Sous une influence incon-

nue, l'embryon évolue vers un type différent du type ethnique, puis :

ou bien le maximum est atteint d'emblée et la lésion régresse ensuite dans

le cours des générations, ou au contraire, mal venue d'abord, la malfor-

mation s'accentue ensuite. » A côté de ces évolutions progressivement

ascendantes ou descendantes, il y a place pour une troisième,, qui est'

capricieuse. L'exemple que nous avons rapporté est à ce sujet typique.

Le premier en date a six doigts et six orteils, la malformation est com-

plète : d'après la règle elle n'a plus qu'à décroître.

Or de ses deux enfants, l'un est semblable à son père il ne régresse

donc pas ; l'autre n'a pas de doigt supplémentaire, mais seulement un

orteil surajouté. La régression est typique et portée au maximum !

160 BENARD

Ce dernier donne naissance àaleux polydactyles : l'un à deux orteils

supplémentaires, l'autre qui se croit deux doigts et un orteil supplémen-

taire possède en réalité vingt-quatre doigts. C'est cette fois l'accentuation

avec retour au type ancestral.

Celui-ci à son tour donne naissance à trois polydactyles. Tous trois

manquent d'orteil supplémentaire au pied droit (encore n'y en a-t-il qu'un

sur les trois pour qui nous en soyons certain). Donc ici régression. Mais

le cadet a des doigts articulés, mobiles. Il y aurait chez lui, pour une

part, accentuation manifeste.

Enfin, à la dernière génération, pas d'orteils surajoutés. Ici encore ré-

gression.

Il n'y a donc, en réalité, aucune règle à établir, et si la malformation

en général est héréditaire, ses modalités en plus ou en moins sont des

plus variables.

Ajoutons que la plupart de nos polydactyles possèdent en outre une

autre particularité, celle de pouvoir mettre le pouce gauche en subluxa-

tion, le gauche seul, jamais le droit.

A la dernière génération le double caractère se dissocie, et si la seconde

des fillettes est indemne de toute malformation, elle porte comme seul

reliquat de la tare ancestrale la possibilité de prendre cette attitude.

Sans doute il ne faut pas se hâter de tirer des conclusions générales

d'une seule observation. Il serait à désirer que d'autres observations ve-

nant s'ajouter à la nôtre, on vit si elles infirment ou au contraire confir-

ment les divers points qui ressortent de celle-ci : et les conclusions aux-

quelles nous aboutissons seraient en quelque sorte comme des conclusions

d'attente. Ces conclusions, les voici :

La polydactylie, lorsqu'elle est familiale, obéit semblablement aux lois

établies par Mendel, touchant l'hérédité, et paraît bien présenter le ca-

ractère d'une affection dominante.

Les malformations transmises héréditairement ne sont pas nécessaire-

ment, au cours des générations, croissantes ou décroissantes, elles suivent

- souvent une marche des plus irrégulières dans leur intensité.

Lorsqu'une malformation est hautement héréditaire, elle touche presque

toujours l'ainé de chaque génération.

i

- BIBLIOGRAPHIE ' ,

Dans les conditions actuelles, il nous est impossible de présenter ici une bibliogra-

phie, même très incomplète. Nous nous bornerons à signaler les articles suivants :

NEUF CAS DE POLYDACTYLIE HÉRÉDITAIRE 161

POLAILLON. - Article Doigts (difformités), in Dictionnaire Dechambre, t. XXX, p. 158,

qui contient une bibliographie très complète de la question jusqu'à 1882.

COSTANTINI. - Considérations sur la valeur morphologique de la polydactylie. Nouv.

Iconogr. de la Salpêtrière, 1911, p. 81, contient une bibliographie abondante rela-

tive anx ouvrages récents.

DEVAY. Du danger des mariages consanguins. Paris, 1862.

BATESON. Mendel's principales of Hel'edity.

ApERT. Maladies familiales et maladies congénitales.

BOUlET. Polydactylie et atavisme, in Revue de médecine, 1898.

Londe et Meige. - Application de la radiographie à l'étude des anomalies digitales.

Nouv. Icon. de la Salpêtrière, 1897.

CHEVALLIER. Nouv. Iconogr., 1910, p. 685.

Pardon. - Nouv. Iconogr., 1911.

FU61AROLA. - Nouv. Iconogr., 1911, p. 329.

BERTOLOTTI. Nouv. Iconogr., 1914, p. 11.

IZLEPPEL et RABAUD. - Nouv. Iconogr., 1914-1915, p. 246.

xxvm

11

centre Neurologique DE la XV- région

ANKYLOSE OSSEUSE DES ARTICULATIONS PHALANGINO-

PHALANGETTIGNUES DES DEUX MAINS, TROUBLES

D'ACROTROPHICITÉ CHEZ UN ADÉNOIDIEN,

PAR

MM. L. RIMBAUD et G. REVAULT D'ALLONNES

Nous n'avons pu trouver aucun cas analogue à celui-ci dans la littéra-

ture médicale. Verneuil signale des pseudo-ankyloses dans la sclérodac-

tylie, mais non point des ankyloses vraies, osseuses. Brocq (1) décrit les

raideurs articulaires de la sclérodacty 1 ie comme conditionnées, d'une pari,

par le manque d'élasticité des téguments devenus inextensibles, et d'autre

part, par un processus d'atrophie et de résorption même osseuse, qui finit

parfois par disparition graduelle et totale de la dernière phalange; mais il

ne mentionne point qu'on ait observé au cours de cette évolution l'anky-

lose osseuse.

La radioscopie ci-jointe montre les stades successifs de l'ankylose. Les

pouces sont indemnes. La phalange terminale du 5° doigt de la main droite

est amincie et déviée, mais son articulation est mobile et l'interligne reste

clair. A gauche, l'articulation homologue ne fléchit point, elle est fixée par

une ankylose fibro-osseuse, l'interligne est encore visible. Enfin les articu-

lations phalangino-phalangettiennes des doigts II, III, IV des deux mains

sont à l'état d'ankylose osseuse complète, il n'y a plus trace d'interlignes,

les travées osseuses de la phalangine et de la phalangette sont tout à fait

contiguës, il y a soudure osseuse complète, toute trace de cartilage ou de

tissu fibreux a disparu (Pl. XXXIX).

Les phalangettes intéressées sont en flexion légère ; elles sont amincies.

(1) BxocQ, Sclérudactylie, in Dermatol. pratique, Il, 453 : « Les régions primitive-

ment atteintes sont d'ordinaire les deux dernières phalanges des doigts : les deux

mains sont presque toujours prises symétriquement, puis peu à peu le processus gagne

les premières phalanges, la main tout entière, le poignet, la partie inférieure des

avant-bras. Les articulations sont d'abord raides et ne fonctionnent que très diffici-

lement en provoquant une douleur assez vive par suite de la distension des tégu-

ments inextensibles. » Puis se produit une « résorption graduelle » ; « la dernière

phalange disparait peu à peu ». V. la fig., p. 454.

NOUVELLE IC01'>.OGRAPHIE I)I· LA SALPI ? 1'RIlli1·. - " ' '1'. »Vlll ? 1 ? T\\ ? r ? ·m·nncreraW 7T'TFNNRS

ANKYLOSE OSSEUSE DES ARTICULATIONS PHALANGINO-PHALANGETTIENNES 163

Leurs plis articulaires sont effacés. Leur peau est inextensible, adhérente

aux tissus sous-jacents. La courbure des ongles est exagérée. Il y a de la

cyanose, de l'hypothermie, de ['hypoesthésie, s'étendant sur toute la face -

palmaire des deux mains. Les réflexes tendineux brachiaux, anti-bra-

chiaux, digitaux sont faibles ou nuls des deux côtés.

Le malade peut s'habiller, se déshabiller, et accomplir maint travail

utile, y compris l'écriture. Il peut soulever un objet lourd, par exemple

une chaise, et les manier aisément, à condition de se servir de ses au-

tres phalanges. Mais s'il le tient à bout de doigts, l'objet peu à peu

s'échappe.

Il y a quatorze mois qu'il s'est aperçu de l'affaiblissement de ses extré-

mités digitales, par la difficulté de boutonner son pantalon. Il a remarqué

alors l'amincissement du bout de ses doigts. Les symptômes se sont depuis

lors accentués progressivement, jusqu'à l'état actuel, qui paraît au malade

être relativement stable depuis quelque temps;-

Cet homme, âgé de 21 ans, a eu; quatre à cinq mois avant les accidents

actuels, des troubles gastro-intestinaux. Il a eu la scarlatine à 7 ou 8 ans ;

plus récemment, la typhoïde. Son facies est d'un adénoïdien. Il a subi, il

y a onze ans, l'ablation des végétations adénoïdes ; il avait aussi une hyper-

trophie des cornets, qui fut opérée peu après, et un polype de l'oreille

gauche, que l'on enleva à la même époque. Depuis l'âge de 4 ou 5 ans,

il a souffert d'une otite double suppurée ; la suppuration de l'oreille

gauche ne s'est tarie qu'il y a deux ans.

Son père est rhumatisant, alcoolique, ictérique. Sa mère est bien por-

tante et n'a pas eu de fausse couche. Il a trois frères bien portants. Au-

cune maladie analogue n'existe dans sa famille.

La peau de la face, des oreilles, des diverses parties du corps est nor-

male, et ne présente pas de signes de sclérodermie (1).

Il nous est difficile de donner une étiologie et une pathogénie précises

à cette ankylose osseuse phalangino-phalangettienne. Nous avons ten-

dance à le rapprocher des troubles d'acrotrophicité que l'on constate assez

fréquemment dans la sclérodermie. Mais, étant donnée la localisation

unique au niveau des doigts, nous ne pouvons présenter ce cas comme

une forme certaine de cette affection.

Il est à noter que cet homme est un adénoïdien ; et la question se pose

de savoir si des modifications des sécrétions internes ne sont pas la cause

de ce trouble trophique, rare et jusqu'ici non décrit des extrémités digi-

tales.

(1) Aucun cas analogue n'est non plus signalé par MONTRER, Sclérodermie et syn-

drome de Maurice Raynaud, th. Paris, 1909-10. Mais Grasset, Arch. gén. de Méd.,

t. Il, 8«il année, Syndrome de M. Raynaud et sclérodermie, paraît songer à des lé-

sions de ce genre : « Il semble même qu'il y ait un certain degré d'ankylose au ni-

veau de l'articulation de la fr. phalange de l'index droit avec la 2« phalange. »

CENTRE NEUROLOGIQUE DE LA XV- RÉGION

COUDE FLOTTANT APRÈS RÉSECTION ÉTENDUE.

RÉÉDUCATION MUSCULAIRE EXCEPTIONNELLE

1 PAR

J. A. SICA RD et H. ROGER,

Nous avons eu l'occasion, grâce à l'obligeance de notre ami le D' Ray-

baud, d'examiner un ancien soldat du Tonkin chez lequel on a pratiqué

en 1889 une large résection du coude pour fracture comminutive. Mal-

gré cette perte considérable de substance osseuse, cet homme, grâce à son

énergie et à une volonté de tous les instants, a su rééduquer ses muscles

à un degré exceptionnel. La musculature de l'avant-bras, aussi bien celle

des extenseurs que celle des fléchisseurs, est puissante. Les muscles des

éminences thénar et hypothénar sont plus développés que leurs congénères

du côté normal.

Nous ne publions cette observation qu'à titre documentaire iconogra-

phique. Elle pourra servir d'exemple aux nombreux sujets de la guerre

actuelle, réséqués du coude, et que la thérapeutique mécanique ou de

prothèse a été impuissante à améliorer. Ce fait sera pour eux un encou-

ragement à persévérer dans les efforts physiques de rééducation.

Observation (PI. XL, XLI). Lucca..., cinquante-deux ans. Blessé en fé-

vrier 1889, au coude droit, par balle, au Tonkin. Transporté dans un hôpital,

cinq heures après, le bras présente des proportions énormes à cause de la dis-

tension par J'oedème hémorragique. On se rend compte cependant de l'existence

d'une fracture de l'humérus tiers inférieur.Après trois semaines, l'enflure ayant

suflisamment diminué, le bras fut placé dans une gouttière. Il ne paraissait

pas y avoir de paralysie des troncs nerveux. Les mouvements des doigts, quoi-

que très affaiblis, étaient suffisamment ébauchés.

L... rentre en France six mois après. Un cal osseux exubérant occupait toute

la région du coude. L'articulation était ankylosée en môme temps qu'on notait,

d'après le blessé, la raideur extrême du poignet, des phalanges des doigts, de

l'épaule et qu'il existait également une déviation de la colonne vertébrale et

des vertèbres cervicales due à une attitude vicieuse antalgique.

En septembre 1889, on pratique une large résection du coude. ·

Nouvelle Iconographie de la SALPf. rR1ÈRE T. XXVIII. PL. XL

COUDE l'LOTTANT

(Siarrd CI 'Roger)

.1'Il, Iconographie DE la Salpêtrière.

T. XXVIII. PL. XLI

COUDE FLOTTANT

COUDE FLOTTANT APRÈS RÉSECTION ÉTENDUE 165

Pendant une période de six mois environ après l'intervention, le blessé est

muni d'un appareil de prothèse en cuir, deux manchons lacés enveloppant l'un

Pavant-bras, l'autre le bras et maintenus l'un à l'autre par un lien élastique.

Supposant que cet appareil entretenait l'atrophie et empêchait la rééducation,

Lucca le supprime. Il a recours à un autre appareil, plus simple, qu'il ne garde,

du reste, que quelques semaines. Il commence, dès lors, des mouvements

quotidiens de rééducation. Il fait de la gymnastique méthodique, il monte à

cheval, se livre à des courses d'obstacles, immobilise sa main gauche pour se

servir le plus possible de la main droite. Matin et soir, à l'aide de sa'main

gauche, il fait faire à son bras droit des mouvements en tous sens. Puis, il

s'adresse à des haltères dont il augmente progressivement le poids et dont il

associe le maniement avec des mouvements de balancement de l'avant-bras et

des oscillations diverses. Quelques mois après le début de cette rééducation

musculaire, on 'note l'existence d'un réseau veineux des plus-apparents.

L'oedème disparaît progressivement.

Deux ans après la résection, le mouvement d'opposition du pouce aux

quatre doigts de la main devenait possible, mais même à cette étape éloignée,

un journal placé entre le pouce et l'index glissait entre les doigts, l'effort

possible n'étant pas suffisant pour l'y maintenir.

A cette époque, il tente une rééducation encore plus intensive. Il se sert

constamment dans la journée d'une canne en plomb du poids de quatre kilo-

grammes qu'il tient équilibrée horizontalement pendant plusieurs heures dans

ses courses quotidiennes et même durant son travail de surveillant.

Pendant cinq ans, L... ne put écrire que de la main gauche. Vers la qua-

trième année, il commença une rééducation d'écriture par les bâtons des éco-

liers jusqu'aux modèles compliqués. Ce n'est qu'après six ou sept années d'ap-

plication constante qu'il put écrire aussi rapidement que par le passé.

Le maximum de puissance musculaire a été atteint dix ans après la résec-

tion du coude. Depuis lors, la puissance motrice est restée stationnaire. Elle

tendrait actuellement cependant à diminuer légèrement. C'est ainsi que L...

nous dit qu'il a soulevé jusqu'en 1913 quarante-cinq kilogrammes de sa main

droite, et qu'il ne peut plus actuellement en porter que quarante-trois à qua-

rante-quatre. Par balancement, il peut lancer 40 kilogrammes à quatre ou cinq

mètres de distance.

Examen (novembre 1916). L... est un homme de taille moyenne,

de bon état général, sans lare viscérale thoracique ou, abdominale. Il

n'existe aucun trouble du système nerveux. Le membre supérieur droit

est très atrophié dans son segment supérieur. Le bras surtout au tiers

inférieur présente une diminution de volume de plusieurs centimètres

par rapport au côté opposé (4 centimètres). Par contre, l'avant-bras offre

une musculature puissante avec un système vasculaire cutané extrême-

ment développé. Il existe soit au niveau de la face antérieure, soit de la

face postérieure de l'avant-bras et de la main un très riche réseau

166 SICARD ET ROGER

veineux. Les saillies des éminences thénar et hypothénar de la main

droite s'affirment en relief très saillant. Tous les mouvements de l'avant-

bras sur le bras peuvent s'exécuter : mouvements de flexion, d'extension,

de rotation et de pronation. La main peut atteindre la région occipitale

et même le vertex. Elle est d'abord lancée légèrement par un mouvement

global, puis l'avant-bras est fixé sur bras en flexion à 45 degrés et enfin

la main glisse sur l'occiput et peut parcourir ensuite l'ensemble du crâne.

La force digitale est à peu près normale. Le dynamomètre amène un

nombre de kilogrammètres très suffisant, surtout lorsque la région du

coude peutprendre un point d'appui sur un plan horizontal fixe.

L'écriture se fait à peu près normalement.

Les réactions électriques, que nous avons pratiquées le 19 novembre

1916, montrent :

Nerf radial. Excitabilité faradique : augmentée.

- galvanique : conservée NF > PF

Muscles tributaires. Excitabilité faradique : légèrement diminuée.

Excitabilité galvanique conservée NF>PF secousses vives.

Exemple : le premier radial fait : NF = 2 mill. *

NF z mill. 1/2.

Pour le triceps, la longue portion seule réagit : hypo-excitable au fara-

dique, il fait au galvanique : NF = 5 mill.'

PF = 6 mill.

Côté sain : NF = 3 mill.

- PF=5mill.

Nerf médian et cubital et muscles tributaires : réactions absolument

normales à l'avant-bras et à la main.

Ce qui reste du biceps est légèrement hypoexcitable au faradique et

fait au galvanique : NF = 4 mill.

PF=5mill.

Le brachial antérieur est inexcitable.

Les muscles de l'épaule sont absolument normaux. (Dr Simpni.)

PSYCHOLOGIE DU TIRAILLEUR SÉNÉGALAIS

PAR

PAUL COURBON,

Médecin aide-major de 1" classe du 6fil Bataillon.

Au capitaine Tibout.

Les tirailleurs sénégalais, qui forment l'un des corps combattants les

plus pittoresques de la grande guerre, ne se recrutent pas seulement

dans la vallée du fleuve dont ils portent le nom, mais dans l'immensité

des possessions françaises qui s'étendent au nord, au sud et à l'est du

Sénégal. C'est dire que les individus ainsi rassemblés sont parfois nés à

des milliers de lieues les uns des autres et que par conséquent il n'y a

pas identité absolue entre leur constitution physique, leurs moeurs et

leur langage.

Dans notre seul bataillon, le 66e, on ne comptait pas moins de 47 tri-

bus représentées, ayant chacune plusieurs dialectes : Bambarras, Baribas

du Dahomey, Diallonkès, Djedjz ou Fons d'Abomey, Kados ou Habbès,

Khassouhés, Malinkès, Miniankès, Ouassoulonkés, Samos, Samorrhos,

Sarrakolès, Markas ou Soninkès, Seccès, Senoufos du haut Sénégal-Niger,

Tomas, Toucouleurs, Kissiens, Fouszainodos, Bobos, Bozos, Djermas,

Guerzès, Gourounsi, Haoussas, Kourankos, Karaboros, Kagoros, Lobis,

Mossis, Mandingues du Sénégal, Mandés, Dioulas, Niéméguès, Nourou-

mas, Ouoloffs, Tousias, Gouins, Tagonas, Baoulès, Gourmantchès, Pou-

rognes et Maures, Nagots, Peulhs ou Foulahs, Foulbès, Sérérès, Sonrhays, -

Soussous, Touaregs.

Depuis le géant vigoureux rappelant le célèbre Maure de Venise, jus-

qu'au nain rabougri reproduction fidèle de l'avorton nègre des seigneurs

du moyen âge, on trouve toutes les tailles. Pas plus que la stature, la

couleur n'est uniforme. Le noir y offre toutes ses teintes, depuis celle de

l'ébène jusqu'à celles du cuir boucané en passant par celle de la peau de

chamois. -

Mais ces différences ne sont que superficielles. Il en est des peuples

d'une race comme des tissus d'un organisme. La différenciation est d'au-

tant plus accusée que la race ou l'organisme ont atteint un plus haut

168 COURBON

degré d'évolution. Sous les pellicules dissemblables du teint, delà taille,

du vocabulaire et de quelques usages, persiste le même caractère : celui

d'un homme ayant vécu dans des régions tropicales peu fertiles, ignorant

tout d'une civilisation que ne soupçonnèrent pas ses ancêtres.

A cette condition primordiale commune à tous, s'ajoute l'ensemble des

circonstances artificielles où ils sont tous également placés. Chacun d'eux

vit sur des terres inconnues, environné de gens d'une mentalité et d'une

constitution différentes et qui généralement se moquent de lui, sous des

climats redoutables, privé de femmes, équipé d'armes et d'outils compli-

qués, embarrassé dans des vêtements insolites. Il est, pourrait-on dire,

précipité de la simple existence des temps bibliques dans la fournaise

meurtrière des plus scientifiques découvertes. Beaucoup de ces obscurs

visages n'avaient pas encore vu un seul blanc, il y a deux ans.

L'action d'un milieu aussi particulier n'est pas sans modifier considé-

rablement leur personnalité. Ce ne sont plus seulement des Africains

d'occident, ce sont des tirailleurs sénégalais dont la psychologie méritait \

d'être étudiée. Etude qui d'ailleurs fut le plus agréable divertissement

aux fatigues de la campagne faite à leur suite.

Avant d'examiner le rouage de leur psychisme, il importe d'insister

sur le mode de leur recrutement. Depuis la déclaration de guerre le ser-

vice militaire est devenu obligatoire dans nos colonies. Chaque chef

indigène de village doit fournir un certain contingent de soldats qu'il

choisit comme il l'entend, après ratification médicale naturellement.

Par conséquent, il s'en faut de beaucoup que tous les tirailleurs actuels

soient des engagés volontaires et aient l'amour de la guerre. Au contraire,

nombreux sont ceux qui furent enrôlés malgré eux, et qui ont l'âme

pacifiste. En effet, la pacification de notre empire africain était une chose

accomplie grâce à la sagesse des derniers conquérants. Les rois et rebelles

ayant disparu, capturés ou exterminés, le nègre avait rapidement cédé à

son naturel indolent et débonnaire. Sa résignation à notre domination

avait été d'autant plus facile qu'il n'avait eu le temps de connaître que

les bienfaits de la civilisation française sans avoir à souffrir de ses défauts.

Donc l'instinct batailleur est loin d'animer la totalité des individus

qui composent les bataillons noirs comme il le faisait jadis. De plus le

niveau social, car pour rudimentaire que soit la société nègre, elle a

néanmoins une certaine organisation, auquel ils appartiennent est

des plus humbles. Le chef du village exerce sa contrainte le plus volontiers

sur les pauvres hères dont il n'a pas à redouter l'influence.

En un mot le tirailleur sénégalais d'aujourd'hui peut être considéré

comme le prolétaire africain occidental militarisé à l'européenne.

.. , \r" rJ : X ? DU TIRAILLEUR SLNLGALAIS 1<Ô

f '4f ? psyctotogie DU tirailleur sénégalais 169

l V' `j'9s' INTEf.LIGENCE.

^^$&$*^ Intelligence.

Nous commencerons par l'examen de son intelligence, c'est-à-dire de la

façon dont il comprend les choses et arrive à leur connaissance. Nous

verrons que dans tous les actes d'acquisition la part sensorielle mécani-

que, perceptive, est excellente ; mais que c'est l'élément intellectuel,

réfléchi, d'initiative, qui est en défaut.

Attention. Ils notent très bien ce qui se passe autour d'eux si on

les en prie ou si leur intérêt matériel est en jeu. Par exemple, ils ont

sur les blancs une supériorité évidente pour se reconnaître en un endroit

où ils ont déjà passé fût-ce une seule fois et de nuit, sous la pluie et le

feu de l'ennemi. On ne peut s'empêcher d'admirer qu'ils puissent retrou-

ver leur chemin à la descente des tranchées, alors que les fatigues des

journées de combat et l'indulgence du commandement permettent l'égrè-

nement des colonnes allant au repos. Certains mettent parfois plus de

24 heures pour regagner le cantonnement distant d'une dizaine de kilo-

mètres au plus. Mais ils s'arrêtent en des poses invraisemblables le long

des fossés. Les uns soulagent leurs reins du poids du sac en le portant en

équilibre sur la tête comme l'on fait chez eux de n'importe quel fardeau ;

les autres prennent leurs chaussures à la main et vont nu-pieds ; d'au-

tres dégrafent leur équipement et s'en chargent les bras ; beaucoup, mal-

habiles à renfermer dans la culotte tout ce qu'elle contenait avant le

besoin urgent qui la leur fit ouvrir, avancent indifférents aux appendices

de chair noire pendant devant eux ou aux pans de linge blanc flottant

par derrière. Néanmoins, et malgré leur ignorance du français et alors

même que la marche ait eu lieu travers champs, la caravane ne se perd

pas et arrive au but.

i De même ils observent avec exactitude les gestes qu'on leur montre,

appliquent avec méthode les pansements qu'ils ont vu faire, arrivent à la

longue à tirer très bien au fusil. Mais toute nouvelle circonstance les

déroute et ils sont incapables d'une initiative utile. C'est ainsi qu'ils

suivront scrupuleusement les jalons d'une route, mais n'inventeront

aucun raccourci. Le meilleur tireur d'entre eux devient maladroit sur

un autre champ de tir que celui où il a l'habitude de s'exercer, alors

môme qu'on lui indique la hausse.

En un mot ils excellent à voir, mais regardent mal. Ils ont une bonne

vue, mais une médiocre observation.

Mémoire. Leur mémoire,comme celle de tous les illettrés,est excel-

lente. Ils ignorent cependant leur âge, parce que chez eux on ne numère

pas les années des enfants. Eu revanche ils savent exactement depuis

combien de temps ils sont sous les armes. Ils savent compter d'une façon

170 COURBON

suffisante pour les besoins de leur commerce indigène,'c'est-à-dire jusqu'au

delà de 1000.

La paresse apparente de leur mémoire est secondaire à la faiblesse de

leur jugement et à leur incuriosité. Mais au point de vue purement mné-

monique, ils ne sont pas inférieurs.

Jugement. C'est là surtout qu'est leur infériorité. Et comment en

serait-il autrement ? Leur hérédité intellectuelle est nulle, leur expérience

personnelle des conditions où nous les voyons est insignifiante. Et les

éducateurs qu'ils ont eus sont peu brillants. Bien entendu nous ne faisons

pas allusion aux officiers, ni aux sous-officiers qui sur le front français

ne sont, malheureusement pour les tirailleurs, pas aussi mêlés avec eux

qu'aux colonies. Les gradés qu'ils fréquentent sont parfois d'un niveau

mental bien humble, quelquefois tarés, généralement plus disposés à

ridiculiser la naïveté des recrues qu'à l'instruire. Mais ce qui est surtout

pernicieux, c'est le contact des mercantis, gens d'une moralité aussi dou-

teuse que la nationalité, qui exploitent odieusement les pauvres nègres

pendant leur quartier d'hiver dans le Midi, et leur inculquent les princi-

pes d'indiscipline et les germes de tous leurs propres vices.

Aussi leur jugement n'est-il guère plus solide que celui d'un enfant.

Et encore l'enfant européen n'est-il pas ébloui par la révélation soudaine

de merveilles que la science met à sa disposition depuis sa naissance. Le

bateau avait quitté depuis 48 heures la côte, lorsqu'un Sénégalais qui se

trouvait en mer pour la première fuis, se jeta à l'eau en pensant pouvoir

atteindre à la nage la rive du fleuve où il croyait naviguer.

Ils sont donc d'une grande crédulité et la méfiance ne leur vient qu'après

que de nombreuses expériences leur ont prouvé qu'ils ont à faire à quel-

qu'un qui se moque d'eux.

, De même que l'enfant sait reconnaître l'adulte qui l'aime et qui est

estimable, de même savent-ils distinguer parmi nous ceux qui sont dignes

de respect et ceux qui en sont indignes. Ils obéissent à ceux qui les mal-

traitent, qui les ridiculisent et qui ne cachent pas devant eux leurs vices

d'ivrognerie, d'injustice, parce que « service c'est service ». Mais ils les

méprisent, les traitant de « petits blancs n, les comparant à leurs escla-

ves. « C'est la même chose comme caftifs », disent-ils.

En revanche ils acceptent aveuglément tout ce que leur proposent ceux

qui ont su leur en imposer. Ils ne cherchent pas à comprendre, dans leur

intime conviction que cela dépasse leur entendement. Il en est cependant

dont la perspicacité est assez grande. Les Toucouleurs principalement.

Ceux-là, tout en admirant le génie européen, ne sont pas sans ressentir

péniblement la désinvolture protectrice et dédaigneuse qu'on affecte habi-

tuellement envers les nègres. Aussi sont-ils d'une réticence circonspecte

PSYCHOLOGIE DU TIRAILLEUR SÉNÉGALAIS 171

et affectent-ils de déclarer que chez eux les moeurs et les institutions sont

identiques à celles de chez nous. « A Sénégal, disent-ils, tout y a même

chose comme la France ; seulement la peau et le parler sont pas la même ;

mais tout le reste, même chose. »

Réflexion. Cette faiblesse pour juger provient aussi de l'impuis-

sance de réfléchir. Ils ne peuvent avoir d'idée qu'en présence d'une sen-

sation immédiate. La mise enjeu d'un sens par une impression réelle est

nécessaire à l'entrée en action de leur pensée. Ils ne peuvent penser sans

percevoir.

En d'autres termes c'est le pou-vpir de représentation qui leur manque.

Voijà pourquoi ils ne vivent que dans le moment présent, comme le

prouve leur négligence à compter leurs' années d'âge, leur facilité à sup-

porter un exil où pourtant ils ne s'adaptent pas, la tolérance avec laquelle

ils se laissent séparer de leur famille. Parmi les vieux tirailleurs, il en

est qui depuis 15 ans n'ont jamais revu leurs femmes ni leurs enfants.

Ils en parlent toujours avec affection quand on les interroge, mais ne se

plaignent pas de cette absence. Et ils continuent à leur expédier lettres

et cadeaux.

De là la stagnation mentale de la race ainsi que son insouciance et sa

résignation.

Imagination. Celle-ci se ressent du défaut de représentation. Les

légendes sont rares. Nous n'avons pu en recueillir que deux dans nos

longues conversations avec eux. Toutes deux ont un caractère religieux.

D'après la première les poissons à écailles multicolores ou phosphores-

centes sont des étoiles, punies et précipitées par Allah dans les flots. La

seconde rapporte les réflexions d'un jeune homme qui,suivant dans l'im-

mensité des airs le vol menu des petites hirondelles et pensant à l'exiguïté

des sentiers de brousse où doit se mouvoir l'éléphant énorme, jugeait que

le monde est mal fait. Il y aurait plus d'harmonie, songeait-il, si le

contraire existait. Et sur cette conclusion il s'endormit le nez en l'air.

Mais bientôt un choc sur le visage le réveillait brusquement. C'était une

hirondelle qui avait ouvert au-dessus de lui le minuscule réservoir de

son petit corps. Se représentant avec terreur ce qu'il fût advenu de lui, si

c'eût été un éléphant, il loua Dieu d'avoir si bien organisé la création.

Ces légendes ont une origine arabe. Mais les inventions nègres sont

beaucoup plus grossières, se bornant à l'énumération des exploits ampli-

fiés d'un guerrier quelconque. Elles sont l'oeuvre de certains d'entre eux :

les griots.

Un griot c'est approximativement le jongleur du moyen âge, sauf que

cetle profession est héréditaire et n'implique aucune galanterie chevale-

resque. Il s'attache à un chef dont il chante les prouesses, les richesses,

9 12 COURBON

les femmes, les enfants, les ancêtres. Il s'accompagne d'un instrument de

musique portatif et jouit d'un grand prestige sur le peuple. Plus malin

que ses compatriotes, il se crée une situation privilégiée au milieu d'eux.

Il les suit à la bataille; mais se tient à l'arrière pendant l'action. Et cepen-

dant son influence est salutaire, car il stimule chez les autres un courage

qu'il ne partage pas. « En France, avouait avec une ingénuité fort judi-

cieuse un Sénégalais, pas moyen bien faire la guerre. Y a pas griot.

Quand y a griot y a pas moyen mal faire parce qu'il connaît Ion père, le

père de ton père, ton grand frère. Il connaît tout qu'est-ce que tu as

fait. » La rareté du griot sur le front français est due à l'habileté avec

laquelle il sut-échapper au recrutement obligatoire grâce, à la complicité

du chef de village.

Leur pauvre imagination se révèle dans la transparence des mensonges.

Ils sont aussi maladroits que têtus pour simuler la maladie. On peut poser

comme loi infaillible que la gravité de leur état est en raison inverse du

cube de leurs plaintes. Celui qui hurle et déclare ne pas pouvoir marcher

n'a rien du tout.

Sur le champ de bataille le contraste est violent entre les glapissements

geignards des éraflés à renvoyer immédiatement au combat et le stoïcisme

muet des mutilés mourant debout pendant le pansement. Le spectacle

superbe dans son horreur n'est pas rare d'un nègre venant seul au poste

de secours, soutenant de sa main valide les chairs pantelantes de son autre

bras arraché et ne réclamant rien autre chose qu'un peu d'eau boueuse.

Par contre nombreux sont ceux qui se traînent à quatre pattes en gémis-

sant pour une simple écorchure.

Raisonnement. De toutes les opérations intellectuelles, la plus mé-

canique est le raisonnement. Aussi l'accomplissent-ils avec une rigueur

qui eût enchanté les scolastiques d'autrefois. Si l'insuffisance de jugement

les prive d'une saine conclusion, du moins la simplicité de leur coeur naïf

les met-elle à l'abri de bien des sophismes. Leur logique est implacable.

En voici des exemples :

La force ne servirait à rien si on ne l'employait pas contre la faiblesse.

Aussi imposent-ils aux femmes et aux captifs qui ont été vaincus toutes

les fatigues, toutes les corvées. Comme le disait l'un d'eux : « Si les fem-

mes étaient plus fortes que les hommes, ce sont eux qui travailleraient. »

A quoi cela sert-il de faire la guerre si ce n'est pas pour capturer

l'ennemi ouïe massacrer ? Aussi ne reviennent-ils pas de leur stupéfac-

tion quand ils voient qu'on ne tue pas les prisonniers ou qu'on ne les

garde pas pour porter le barda.

D'une part ils s'entendent reprocher par nous la séquestration et le

demi-esclavage où ils tiennent les femmes. D'autre part ils voient qu'en

PSYCHOLOGIE DU TIRAILLEUR SÉNÉGALAIS 173

Europe l'argent plaît à tout le monde et permet la satisfaction de tous les

besoins. Alors ils abordent cyniquement n'importe quelle passante qui

leur plaît et restent sidérés, lorsque leur offre de payer n'importe quel

prix est sans succès.

Dans une tranchée nouvellement conquise sortaient d'un éboulement

de terrain les deux bottes d'un cadavre enfoui.Un Sénégalais pour les avoi l'

plus rapidement sectionna avec son coupe-coupe les deux jambes et emporta

les chaussures toutes pleines de leurs tronçons.

Pour enterrer un corps déjà quelque peu recouvert de terre, ils le pié-

tinent et le pilonnent avec leurs pioches, plutôt que de creuser un trou

où le déposer.

Ils aiment beaucoup les vieux parents, mais comme les reliques du

défunt en le rappelant à leur mémoire réveillerait aussi leur chagrin, ils

jettent tous ses objets familiers.

Pour faire bien plaisir à « Allah » et « gagner bon place » après la

mort, il faut s'imposer maintes contraintes. Le marabout se les impose et

« connaît manière » pour plaire à Allah. Mais marabout est « beaucoup

content » quand on lui donne boeufs, moutons, chèvres, etc. Alors « on

fait beaucoup cadeaux à marabout » qui « gagnera bon place » pour ses

amis. Des prescriptions religieuses on s'en dispense. « On n'est pas mara-

bout » on « t'en fout ». « Mais y a bon quand même, paice qu'on est

camarade avec marabout >. Voilà comment ils se résignent de gaieté de

coeur à la vente des indulgences.

Incuriosité. Si par les caractères précédents leur intelligence se

rapproche de celle de l'enfant européen, elle s'en éloigne par le défaut

de curiosité.

Ils apprennent l'usage des choses, mais ne cherchent pas à les comp.ren- ,

dre. Ils acceptent de vivre en plein merveilleux. Le blanc leur apparaît

comme un sorcier dont ils reçoivent les produits sans tenter d'apprendre

ses trucs. « C'est manière toubab », disent-ils sans plus approfondir.

Ils sont les premiers à acheter briquets, lampes électriques, montres à

cadran phosphorescent, stylographes, etc. Mais ne demandent pas à en

voir le mécanisme.

Cette indifférence pour la compréhension des choses n'est peut-être que

de la stupéfaction, stupéfaction bien légitime après leur brusque déraci-

nement d'une vie toute primitive et leur implantation forcée dans la civi-

lisation moderne à un moment où celle-ci traverse une crise formidable.

Mais si réellement elle a pour cause une incuriosité constitutionnelle,

comme il est à craindre, on peut en conclure à l'infériorité définitive de

leur race.

174 COURBON

Caractère.

Si par l'intelligence le tirailleur sénégalais est incontestablement infé-

rieur au soldat européen, nous verrons que certaines parties du caractère

le mettent à un niveau égal ou même supérieur.

A. Sentiments. -- Sentiments moraux. - Ils sont naturellement

honnêtes, bons et justes; mais ils le sont d'une façon différente de nous

puisque leur mentalité est autre.

Leur honnêteté est réelle. Un officier perdit en gare de Dakar 16.000 fr.

dans un portefeuille que lui remit deux jours plus tard un nègre qui l'avait

trouvé et s'était mis à la recherche du propriétaire légitime. S'il leur

arrive de garder un objet égaré qu'ils ramassent, c'est par ignorance de sa

valeur et surtout par impossibilité de retrouver à qui il appartient.

Leur bonté est certaine mais contenue dans les limites que leur assigne

leur terrible logique. La loi du plus fort leur reste sacrée; mais elle les

dispense de toute cruauté inutile. Si le captif ne travaille pas suffisam-

ment, au lieu de le cribler de coups, ce qui pourrait l'empirer davantage

en le meurtrissant, ils vont le vendre. Mais ils traitent avec douceur celui

qui se conduit bien. Il en est de même avec les femmes. Avec l'ennemi ils

ignorent le luxe des supplices de la race jaune. Evidemment leurs gestes

et leurs réactions sont plus violents, plus intenses que les nôtres parce

que d'une sensibilité plus obtuse, d'une intelligence plus fruste. Ils don-

nent un coup de coupe-coupe qui tue comme notre paysan assène un coup

de poing qui assomme, comme l'homme cultivé lance une répartie qui

cingle. Vivant uniquement dans le présent, le mort est pour eux peu de

chose. C'estainsi que dans un bataillon voisin,un tirailleur furieux d'avoir

été dépisté comme simulateur tua le médecin auxiliaire et blessa le major

à coups de fusil. Un blanc eût réclamé une contre-visite. En tous cas ils

sont sans rancune.

Quant au sentiment de la justice, ils le possèdent au suprême degré.

La punition la plus sévère, pourvu qu'elle soit tant soit peu méritée, est

acceptée sans murmure et avec admiration pour celui qui l'a infligée.

« Moi y a faire c... Moi y a puni. Y a bon. » Un tirailleur d'un autre

bataillon et que nous n'avions pas reconnu malade trois mois auparavant,

nous rencontrant par hasard, nous aborda avec effusion déclarant sponta-

nément : Bonjour Major ! Toi y a pas reconnu moi malade dans la Somme.

Moi y a gagné prison. Moi y a faire c... Toi y a bien fait. » Et depuis à

chaque rencontre ce sont d'affectueuses démonstrations.

La sobriété est également une qualité de la majorité d'entre eux qui

est musulmane. Ils sont friands de lait, de sirops, de café et de boissons

PSYCHOLOGIE DU TIRAILLEUR SÉNÉGALAIS 175

sucrées. Cependant il en est qui boivent du vin et de l'alcool, ce sont des

fétichistes habitués aux breuvages de mil fermenté.

L'instinct de destruction ou besoin de détruire est plus rare de beau-

coup parmi eux que chez les soldats coloniaux dont la panclastie est pro-

verbiale. Et cela toujours en vertu de leur logique et de leur indolence

qui leur interdisent les gestes inutiles. ,

Enfin ils sont extrêmement disciplinés et dévoués.

Au point de vue religieux ils se divisent en deux grands groupes, sui-

vant qu'ils sont musulmans ou fétichistes.

' Les fétichistes sont les habitants des contrées pauvres d'un accès difficile

où les propagateurs du mahométisme n'ont pas pu pénétrer. Ils sont d'un

niveau mental inférieur, adorant des fétiches : minéraux, végétaux, ani-

maux ou objets. Ce sont les Habbès, les Guinéens, les Côte d'Ivoire, les

Baoulés, les indigèries de la Forêt tropicale.

Tous les autres sont musulmans, mais ayant du Coran une notion

confuse. Défense de tuer, voler, mentir, faire du mal, manger du cochon,

boire de l'alcool et du vin. Récompense d'un paradis où il y aura de

l'eau, de l'ombre et des femmes pour les bons. Châtiment pour les mauvais

d'un enfer où ils brûleront. Existence occulte auprès de chaque humain

de deux anges chargés d'inscrire ses actions bonnes et mauvaises pour

qu'à la mort Allah n'ait qu'à faire les totaux et prononce la sanction mé-

ritée. Interdiction absolue de critiquer les préceptes et de tenter de péné-

trer le mystère de l'imprécise personnalité dé Dieu.

Les prêtres s'appellent marabouts ou fakkis. Ils savent lire et écrire

l'arabe. Quelques-uns possèdent ]e {(oran par coeur ; ce sont les Snoussis-

tes. D'autres comme les Bédours du Tchad sont très cultivés, ayant fait

leurs études à l'université musulmane d'Eléasar au Caire. Mais on ne

trouve que de rares représentants des plus humbles marabouts parmi les

tirailleurs. Leur crédit leur vient de leur savoir-faire, de leur âge et de

leur barbe qu'ils laissent pousser. Leur rôle essentiel est de prier régu-

lièrement en baisant la terre, en se frottant le front de poussière et sur-

tout de confectionner moyennant finance des gris-gris. *

Les gris-gris où portè-boriheiiè sont.de deux espèces suivant que leur l'

usage est externe ou interne.

Les gris-gris externes sont infiniment plus répandus que les autres.

Ce sont de petits sachets de cuir ou' de métal, à forme carrée et aplatie

comme un porte-monnaie, où recourbés et effilés en corne de bélier. Ils

contiennent une inscription' magique avec ou sans quelque touffe d'herbe,

quelques crins ou fientes d'animaux, quelque morceau de pierre pourvus

d'un mystérieux pouvoir. Ces gris-gris se portent en sautoir à l'aide d'un

cordonnet et appliqués sur le' tronc.Il y en a pour conjurer la mort, pour

176 COURBON

foudroyer un agresseur éventuel, pour ne pas attraper de maladie, pour

ne pas être volé, pour empêcher l'infidélité des femmes, pour gagner au

jeu de cartes. Ceux-ci sont généralement constitués par une enfilade de

petits coquillages enroulés en bracelet ou traversant en écharpe le dos de

la main. Sur le champ de bataille, avant d'appliquer un pansement, le

brancardier noir touche son camarade avec ses gris-gris. Les gris-gris

d'un sexe ne conviennent pas à l'autre. Il faut les quitter pour le coït,

ne les toucher qu'après s'être lavé les mains. Autant que possible ils ne

doivent être vus de personne. Et ce n'est que par un véritable abus d'au-

torité que nous sommes parvenus à en photographier. Après la mort ils

sont la propriété des enfants. ' -

Le gri-gri interne est une boisson formée par l'eau qui a lavé l'encre

d'une inscription cabalistique faite par le marabout. Si la potion ainsi

formée est trop copieuse, le fidèle s'ablutionne le corps avec l'excédent. Il

est en usage principalement en Guinée où il n'y a pas de gri-gri externe.

Le prix d'un gri-gri varie suivant sa valeur supposée, la notoriété du

fabricant et la richesse de l'impétrant. Habituellement il sepaie de deux à

trois boeufs.

Dans toutes ces pratiques on voit quelle mystérieuse importance a

l'écrit pour les noirs ignorants. Peu leur chaut de savoir la signification

des lettres; leur graphique seul suffit. Et pourrait-on ridiculiser cetle

humble religion fondée sur un écrit à sens inconnu, quand on songe à

celles qui n'ont d'autre fondement que la tradition orale ?

Enfin on donne encore le nom de gri-gri à certains sacrifices que

n'importe qui peut exécuter lui-même et doués d'une vertu magique. Le

plus courant est l'égorgement d'une poule blanche sur le seuil de la prison

pour empêcher le captif de s'évader. L'opération terminée ils vont manger

le volatile sans plus s'inquiéter du prisonnier qui généralement en profile

pour s'évader, ce qui les surprend mais n'ébranle pas leur croyance.

Signalons à propos de leur religion des traces évidentes de totémisme.

La plupart des noms propres sont des noms d'animaux ou de végétaux.

Coulibaly signifie hippopotame ; Sédibé, perdreau Diarra, lion ; Koné

oiseau, et aucun membre de la famille ne mange ni ne chasse l'animal

dont elle porte le nom.

Quoi qu'il en soit, la solidité de leur foi est telle qu'elle résiste aux plus

troublantes expériences. Us s'accusent de ne pas avoir su conserver la

puissance de leur gri-gri, plutôt que de douter d'elle. Et encore ce n'est

jamais qu'après la preuve de l'inutilité du gri-gri qu'ils songent à la dis-

parition par leur faute de ses vertus.

Aussi sont-ils magnifiques de sérénité parmi les pires dangers. Ils se

promènent impassibles sous les plus meurtriers hombardements. Debout

PSYCHOLOGIE DU TIRAILLEUR SÉNÉGALAIS 177

dans les tranchées, leur -noir visage levé vers les projectiles qui sifflent

au-dessus d'eux, ils semblent vouloir de leurs dents blanches souriantes

happer les balles au passage. « Moi y a pas moyen de gagner canon, ni

balles, expliquent-ils, y a bon gri-gri. » Et ils fredonnent tranquillement

un chant de guerre qui dit : « Des traits peuvent jaillir du sol, pleuvoir du

ciel, si Allah veut, tu ne seras pas blessé. »

Ce fatalisme sublime paraît moins admirable quand on est auprès d'eux

devant l'ennemi, à cause des imprudences répétées qu'il leur fait com-

mettre. Crier, fumer, allumer du'feu quoiqu'on le leur défende, ne les

cène guère. Mais on n'a pas la même désinvolture qu'eux puisqu'on n'a

aucun de leurs infaillibles gris-gris.

Pour absolue que soit leur foi, elle n'exclut pas la plus entière- tolérance

pour les croyances des autres. « Y a pas même chose comme vous, mais

y a même chose quand même. »

Ce fatalisme religieux, uni à cette foi et à cette tolérance aboutit à une

philosophie pratique que l'on ne saurait trop leur envier.

Résignés à tout, ils ne sont mécontents de rien. La vie est une loterie

où l'on n'a qu'à attendre les lots, comme l'indique le mot gagner, qu'ils

ont constamment sur les lèvres. Cette sagesse suprême se résume dans

cette formule par laquelle ils répondent aux interrogations ironiques des

blancs aux heures de pire misère, comme lors d'une ascension aux tran-

chées par une nuit pluvieuse, boueuse et sanglante : « Y a pas bon, mais

y a bon quand même. »

Sentiments esthétiques. Dans des pays de sable où la nature elle-

même, est ingrate, il ne saurait être question d'arts plastiques.

L'architecture y est rudimentaire ainsi que le mobilier. Des cases

rondes en torchis ou en paille avec un toit pointu, une seule ouverture

comme porte fermée par une peau de bêle. Pas de fenêtre, ni de tables,

ni d'armoires. Des nattes à terre sur lesquelles on s'assied pour manger

ou faire la besogne manuelle. De tous petits escabeaux pour les femmes.

Un châlit de bois sur lequel sont jetées des tresses de roseau en guise de

lit et de matelas. Des corbeilles et des vases suspendus un peu partout.

Une case par femme avec ses enfants. Une clôture en palissade enfermant

dans une même enceinte toutes les cases du chef de famille.

La parure individuelle absorbe toute leur capacité d'ornementation.

Tatouages du visage ou du corps par des incisions, des ignipunctures,

des sculptures en relief représentant de simples barres, des étoiles, des

jugulaires autour des joues, des prolongements de cimier sur le front.

Parfois l'artiste exploite la facilité de production des chéloïdes de la peau

nègre pour boursoufler ses dessins grossiers. Anneaux de fer, de cuivre,

de perles traversant une ou deux oreilles en un point quelconque de leur

xxviii 12

178 COURBON

surface, à un ou plusieurs doigts. Nous n'avons constaté la perforation

d'aucun nez. Par contre certaines lèvres offrent une protusion extrême

par suite de l'usage d'introduire dans chacune un disque de bois claquant

harmonieusement à chaque pas. Ceintures de perles fausses pour rem-

placer les vraies perles de leur pays et qu'ils gardent pour l'agrément de

leur cliquetis pendant le coït. Enfin bracelets de bois introduits dès l'en-

fance au-dessus du coude d'où ils ne pourront plus descendre servent à

l'ornement et à la défense contre un ennemi pour lui écraser la tète en la

serrant contré la poitrine.

Leur coquetterie est extrême. Ils ne cessent de se contempler devant

les miroirs qui sont inconnus- chez beaucoup d'entre eux, se peignent

sans cesse; se frottent les dents avec des baguettes de bois. Leur coiffure

varie suivant leur tribu ; ils se font raser la chevelure par un camarade

qui exécute les dessins les plus variés, ne laissant tantôt qu'une touffe,

tantôt qu'uri croissant, tantôt qu'un carré, tantôt qu'une crête en cimier.

Le perruquier ignore le savon et procède par râclements avec sort couteau

où méhie avec un morceau de verre cassé. Aussi les entailles sont-elles

fréquentes. Mais que ne souffrirait-on pas pour la beauté. Ils s'arrosent

de parfums', quelques-uns s'huilent les cheveux et les poudrent de charbon

pilé. - "'

Ils aiment 'beaucoup la musique, improvisant des tams-tams avec des

moitiés de courge vide et une peau, des guitares avec une vieille boite à

sardine et des crins de cheval, des flûtes avec des roseaux. Ils sonnent

très bien du clairon, et constituent des noubas très habiles. Un de

leurs instruments préférés est un clavier métallique qu'ils se suspendent

au devant de la poitrine et sur lequel ils frappent avec deux marteaux.

Ils dansent àvec amour, mais toujours chaque sexe restant séparé. Leurs

chants commencent généralement par une sorte de gémissement et se con-

tinuent en un ronronnement berceur.

Enfin le jeu de cartes est leur passion la plus grande. Innombrables

sont lés punitions pour « avoir joué la carte » à des heures défendues.

Comme le tirailleur de 2e classe gagne 0 fr. 60 par jour, ils font de gros-

ses différences, qui permettent à ceux qui ont gagné des centaines de

francs de satisfaire leurs goûts fastueux.

Sentiments altruistes. L'altruisme est la condition même de leur

existence primitive. Nous avons vu que pour les soins les plus élémen.

taires du corps, par suite de l'ignorance du miroir, .ils doivent recourir

au voisin. Et il en est ainsi de presque toutes les nécessités. Il n'est pas

étonnant de trouver chez tous une mentalité grégaire, une incapacité à

agir seul. Cela se voit très nettement chez les ordonnances qui, excellents

soldats quand ils sont avec leurs compagnons dans le bataillon, deviennent

a PSYCHOLOGIE DU TIRAILLEUR SÉNÉGALAIS 179

inintelligents quand ils sont seuls chez leur maître. D même une fois

blessé ou malade le tirailleur ne vaut plus rien, car il est placé dans des

conditions qui l'isolent de ses semblables. Aussi la psychothérapie est-

elle décevante lorsqu'on a à l'exercer sur eux.

Une grande politesse règne entre eux. Ils s'abordent par de longues

interrogations sur leur santé et celle de leurs familles. Salamalecoum, dit

le nouveau venu dans un groupe, c'est-à-dire : salutà tout le monde. Le

groupe répond : Malecounzsala (Tout le monde te salue). Ils se serrent la

main droite puis chacun porte la sienne à sa poitrine et à sa tête en signe

d'affection et de soumission. lis se promènent par bandes, se tenant par

le petit doigt, et balançant ainsi la beauté de leurs bracelets.

Ils mangent accroupis sur leur talon dans le même plat, par escouade.

Ils n'ont pas de fourchette ; prenant le riz avec une cuiller ou mieux avec

la main comme ils le font d'ailleurs forcément pour la viande. La sauce et

l'eau se boivent avec le quart. Si on consent à les imiter, on devient l'ami

définitif de toute l'escouade.

Ils se couvrent réciproquement de cadeaux superbes : l'avarice étant

pour eux le plus méprisable vice, tandis que la pauvreté est digne de

commisération. ,

Ils ont pour leurs vieux parents un très grand respect ; quoique la mère

soit une « mousso » le fils, la vénère et ils adorent les petits enfants.

En revanche la galanterie leur est totalement ignorée. La femme, la,

« mousso » est un être inférieur né pour l'obéissance.

Quoique très affectueux, par suite de la difficulté des représentations

mentales, les sentiments les plus sincères disparaissent vite loin de l'objet

qui les a fait naître.

Le patriotisme régional est très vivace. Ils ont mis une trêve fidèle-

ment observée par tous aux dissensions de tribu à tribu pour le temps

de leur service militaire. Mais ils avouent que de retour chez eux ils

cesseront de se serrer la main, de manger ensemble et même recommen-

ceront à se battre. Ils donnent cette raison « Mon père y a toujours fait

guerre avec père de lui. Le père de mon père aussi. Moi faire comme

eux. »

La latence actuelle de ces rivalités est due aussi au prestige dontjouis-

sent auprès des Européens certaines tribus comme celle des Bamharas

illustrée par Samory. Alors c'est à qui tâchera de se faire passer pour

Bambara afin d'être bien considéré.

Leur loyalisme envers la France est sincère mais très obscur. Ils mar-

chent contre les Allemands parce que ce service c'est « servi». Mais ils

ignorent les raisons de la guerre, et à chaque rencontre d'une troupe non

habillée comme eux demandent si c'est ça des Boches.

180 COURBN<9mm

Sentiments égoïstes. Ce que nous venons de dire plus haut prouve

que leur égoïsme est peu développé. Signalons leur vanité. Ils dépensent

tout leur argent en démonstrations fastueuses où le blanc joue le rôle

de serviteur : ils se font cirer les souliers, traîner en voiture, porter des

colis. Et ils soupirent après la possibilité de pouvoir s'habiller à leur

goût. Dans le sac d'un tirailleur tué nous avons trouvé une chasuble

rouge et or, volée dans les ruines d'une église, pour s'en vêtir après la

guerre.

La propreté physique de certains est grande. Mais ceux qui ont du sang

arabe sont très malpropres. Quelle ne fut pas notre écoeurante stupéfac-

tion le jour où nous constatâmes que notre cuisinier, pour conserver la

chaleur de notre café, recouvrait le seau avec la doublure atrocement

souillée d'un vieux fond de culotte ! Et l'on a fréquemment d'aussi horri-

bles surprises avec eux.

B. Instincts. - Instinct de conservation. Il ne présente rien de

bien particulier. Leur ration alimentaire d'où sont bannis le cochon, le

vin et l'alcool par déférence pour la religion de la plupart d'entre eux,

est ainsi composée : Riz 500 grammes. Pain 400 grammes. Viande

350 grammes. Graisse 50 grammes. Sel 20 grammes. Sucre 21 grammes.

Café torréfié 16 grammes. Kola 10 grammes. Ils sont très soucieux de

leurs évacuations alvines qu'ils accomplissent proprement, se dévêtant

presque en entier, prenant des cailloux ou des bâtonnets arrosés de l'eau

de leur bidon pour enlever toute trace restant aux bords de l'anus. Si elles

sont en retard d'un seul jour ils viennent consulter le médecin.

Instinct sexuel. Ce qui le caractérise c'est la lenteur de l'éjacula-

tion et l'excès de pudeur sous lequel il cache ses impulsions.

Ils ont la plus grande répugnance à se laisser voir nus, surtout par des

infirmières. Ils n'embrassent jamais leur femme en public et ne lui don-

nent jamais le bras dehors.

Naturellement ignorants des raffinements voluptueux, ils font de l'ona-

nisme un vice européen et de la sodomie un vice de sauvages. Cependant

la pédérastie est pratiquée par les pagayeurs au cours de leurs lointaines

expéditions où les femmes ne les accompagnent pas.

Un tirailleur du bataillon fut pourtant surpris en conjonction amou-

reuse avec une génisse. Comme châtiment le capitaine le fit défiler avec

sa complice devant le front des troupes, et avec l'aide d'un interprète le

vitupéra violemment. Mais l'interprète, comme tous les auditeurs, parut

ne pas saisir le sens. Il avait compris voler la vache au lieu de violer. D'au-

tre part un officier nous a montré des pénis en terre dont se servent les

femmes non circoncises des Barguiniens, des Bornouans et des Haoussahs.

En raison de la pudibonderie nègre, il est très difficile de se faire une

PSYCHOLOGIE DU TIRAILLEUR SÉNÉGALAIS .181

opinion scientifiquement basée. Nous terminerons par ce document dont

nous garantissons l'authenticité. Dans journée qui suivit l'arrivée du

bataillon sur la côte d'Azur à son retour de la campagne de la Somme,

une seule des 17 partenaires officielles mises par la petite ville à la dis-

position de nos galants tirailleurs fit 130 heureux. Et le lendemain elle

en comblait 50 autres des mêmes faveurs. Au tarif légal elle gagna

180 francs en ces deux jours et en rapporta autant à la maison. Dans ce

concert donné par l'amour, la blanche eut donc une valeur infiniment

plus grande que celle des deux noires qu'elle a en musique.

C. - Volitions. - Leur faculté d'agir est infiniment inférieure à celle

de l'Européen. Ils sont indolents, paresseux et d'une maîtrise incontes-

table dans l'emploi de la force d'inertie. faut parfois en venir aux coups

qu'ils acceptent d'ailleurs pourvu qu'ils soient mérités et qu'on leur ait

fait comprendre que ce n'est pas par cruauté, mais par justice qu'on agit.

La brusquerie de leurs réactions semble quelquefois impulsive. Mais

c'est moins de l'impulsivité que de l'irréflexion. Ils ne sursoient pas à la

réalisation immédiate'de leurs désirs par défaut de critique, et de pré-

voyance. Mais leur système nerveux est moins excitable que le nôtre. La

preuve en est dans'le sang-froid et la sérénité de leur conduite sous les

plus intenses bombardements.

En réalité leur idéal est de ne rien faire. « Gagner bon place », comme

ils disent c'est pouvoir boire, manger, dormir, aimer sans aucun effort

pour entretenir cette heureuse oisiveté.

D. Mimique et langage. - Leur mimique est peu mobile. Les

mouvements quoique lents sont plus accusés, plus complets que les nô- ""

très. Ils manquent de nuance. C'est ainsi que le sourire est remplacé par

le rire gros, bruyant, saccadé et inextinguible et que les exclamations sont t

de véritables cris interminables.

Leurs dialectes sont innombrables. Certains ont une organisation suffi-

sante pour qu'on ait pu en rédiger la grammaire. D'autres, au contraire,

n'ont qu'un vocabulaire éminemment réduit et sans conjugaison. L'arti-

cle est inconnu.

Quant au français particulier au parler nègre dont ils se servent pour

communiquer entre eux dans cette tour de Babel qui est leur bataillon, il

n'est en rien l'exacte traduction de leur langage propre. Ce parler gro-

tesque est aussi artificiel et inutile que celui que certains parents jugent

bon d'employer avec leurs enfants. Tandis que ceux-ci, au contact des

adultes, perdent ces niaises habitudes, les pauvres noirs les conservent

indéfiniment, lorsqu'ils n'ont pas la chance d'avoir affaire à des officiers

qui se donnent la peine de réagir.

Ce charabia est l'oeuvre des premiers sous-officiers qui eurent à les

182 ' COURBON

conduire. Pour ridicule qu'il soit il n'est pourtant pas dépourvu de for-

mules pittoresques. Le mot « gagner » par exemple, qui s'applique à tous

les événements heureux ou malheureux pour le sujet, exprime admirable-

ment la conception que leur âme fataliste se fait de la vie. On gagne ar-

gent et punition, croix de guerre et blessures, pluie et soleil, maladies et

bon repas, etc. L'existence n'est qu'une loterie dont on ne peut influer

les tirages, mais en laquelle il faut toujours espérer. La locution « y a

moyen », qu'ils mettent en préfixe de n'importe quel verbe, indique bien

également l'incertitude qu'ils ont du résultat. Les autres expressions

« connaître beaucoup manière, donner un couteau la main à quelqu'un

pour donner un coup demain, marcher à pied la route, etc. » sont'mar-

quées au coin de leurs plus ou moins spirituels éducateurs.

CONCLUSIONS.

Naïveté, irréflexion, incuriosité, bonté et indolence,- voilà les traits es-

sentiels de leur mentalité. Pour préjuger de l'avenir de la race d'après

ces caractères, il faudrait connaître exactement la valeur des méthodes

éducatives appliquées à ces sujets tout primitifs. Jusqu'à présent les.

efforts éducateurs compétents n'ont été qu'exceptionnels. C'est ce qui au-

torise encore quelques doutes sur la réalité d'une infériorité mentale qui

à l'heure actuelle peut paraître incurable. -

L'influence à laquelle ils semblent avoir été le plus accessible, peut-

être parce qu'elle fut la plus active, est celle de la populace louche des

mercantis qui vit d'eux pendant leurs quartiers d'hiver. Dans cette fré-

quentation ils ont contracté des germes d'ivrognerie, de révolte et sont

devenus niaisement prétentieux. C'est ainsi que l'on a récemment surpris

l'un des leurs qui les exhortait à la désertion, en faisant mine de lire dans

un journal qu'il tenait à l'envers d'alarmantes nouvelles pour la France.

Il est déplorable que soient ainsi pervertis par une telle promiscuité

l'âme naturellement bonne de ces braves nègres.

Pour ce qui est de leur valeur militaire, la discipline et le sang-froid

font d'eux des soldats de premier ordre, tant qu'il s'agit seulement de re-

cevoir ou de rendre des coups. Mais leur faible jugement, leur inadapta-

tion aux ! conditions de la vie moderne les rend maladroits ou même dan-

gereux dèsuil faut faire oeuvre d'initiative. Ce sont de piètres grenadiers

car incapables d'utiliser le terrain pour progresser, de mauvais signaletirs

parce que s'embrouillant dans le jeu des signaux, et de lamentables pion-

niers parce qu'habitués à ratisser du sable et non à remuer la terre. Beau-

coup d'entre eux périrent ou furent blessés pour s'être ensevelis eux;

mêmes dans des sapes qu'ils n'avaient pas su étayer.

PSYCHOLOGIE DU TIRAILLEUR SÉNÉGALAIS 183

Par contre, ils sont capables de commander leurs camarades, et l'on en

trouve qui accomplissent dignement jusqu'aux fonctions d'adjudant.

Nous clorons cette étude par la reproduction de la citation suivante qui

honore grandement un peuple producteur de si valeureux guerriers :

« Mamahdou Diarra, sous-officier d'une bravoure incomparable et d'une

énergie farouche. Le 9 septembre 1916, a magnifiquement entraîné ses

tirailleurs à l'assaut sous un feu meurtrier de mitrailleuses el d'artille-

rie. S'est cramponné avec une poignée d'hommes à quelques mètres de

la tranchée ennemie dans laquelle il s'est enfin lancé en saisissant le mo-

ment favorable. Y fait 130 prisonniers dont 7 officiers et enlevé 5 mi-

trailleuses. Bien qu'atteint d'une plaie pénétrante à la poitrine par balle,

a continué la lutte pied à pied dans la tranchée et l'a défendue le lende-

main contre une violente contre-attaque. Ne s'est laissé évacuer que deux

jours après et par ordre. Signé : FAYOLLE. »

Une race capable de produire de tels sujets permet de fonder sur elle

de grands espoirs. Aussi l'un des principaux devoirs de la France après

la guerre sera-l-il de parfaire son oeuvre civilisatrice dans ses possessions

africaines. Il suffit d'avoir vécu un peu intimement avec ces nègres si

éminemment sympathiques pour savoir que l'accomplissement de ce de-

voir sera doux à ceux qui en seront chargés.

Le gérant : 0. PORÉE.

Imprimerie J. Theveaot, 5sint-Uizer (Haute-Marne).

HOPITAL GÉNÉRAL DE MADRID

LÉSION TRAUMAT1QUE PURE DE L'HYPOPHYSE.

SYNDROME ADIPOSO-GÉNITAL

ET DIABÈTE INSIPIDE,

PAR

G. MARANON, et G. PINTOS,

Médecin de 'Hôpital général de Madrid, Interne à l'Hôpital général.

La pathologie de l'hypophyse a encore beaucoup de points obscurs, à

côté d'autres très bien connus, à cause de la difficulté avec laquelle on

peut porter sur- le terrain expérimental les lésions de la glande pituitaire.

Pour ce motif, le cas de traumatisme pur de l'hypophyse que nous allons

exposer a un intérêt exceptionnel.

Observation I.

Un jeune garçon de 13 ans, de Martos (Jean), chez lequel on n'avait re-

marqué rien d'anormal, était assis sur une chaise basse, et derrière lui, à

environ trois mètres, se trouvait un de ses parents jouant avec un pistolet.

Au moment où le jeune garçon tournait la tête pour répondre à une demande

de son parent, le pistolet, que celui-ci tenait, se déchargea et la balle (de 5 mm.)

pénétra, en direction presque sagittale, par la ligne moyenne de la région fron-

tale supérieure. Il ne sentit pas la moindre douleur, ne perdit pas connais-

sance, à peine y eut-il hémorragie et il continua à jouer. Peu d'heures après

il eut une légère douleur dans l'oeil droit, douleur qui disparut spontanément.

Un mois environ après le traumatisme, les parents commencèrent à renzar-

quer que l'enfant urinait beaucoup et qu'il avait très soif ; ces symptômes

s'accentuèrent progressivement. Peu de mois après, on remarqua que son

ventre grossissait. Aucun trouble nerveux ni psychique.

Etat actuel (dix-sept mois après le traumatisme) : taille, 1 m. 36; le poids

n'est pas excessif (36 kil.), mais on apprécie bien (Pl. XLII) l'infiltration

adipeuse qui donne au sujet un aspect différent de celui d'un jeune garçon

normal. Le tissu sous-cutané de la région épigastrique est fortement infiltré

de graisse et la rapidité de son développement avait attiré l'attention du

malade et de sa famille.

L'appareil sexuel montre un évident arrêt du développement. On ne peut

préciser pour le moment s'il y a aussi régression atrophique, mais elle est pro-

bable, car le père se souvient qu'avant l'accident, les testicules étaient bien

développés et aujourd'hui ils correspondent à ceux d'un enfant de 8 ou 9 an-

nées ; le pénis est très petit ; les testicules cryptorchidiques ; on arrive seu-

xxvm . 13 3

186 MARANON ET PINTOS

lement avec quelque effort à faire descendre le droit dans les bourses qui

sont rudimentaires. Il n'existe pas le moindre indice d'apparition des ca.

ractères sexuels secondaires, qui étant donné l'âge et le climat, devraient déjà

commencer à se montrer.

Le symptôme culminant que l'on apprécie est la polyurie. Le malade urine

avec fréquence, à peu près chaque trois quarts d'heure, durant le jour comme

pendant la nuit; très souvent, s'il est endormi, il urine dans le lit. Il a une

soif énorme, buvant avec fréquence deux ou trois verres chaque fois.

Voici l'analyse de l'urine :

Nouvelle Iconographie de la Salpetrièrk T. XXVIII. PL. XLII

SYNDROME ADIPOSO-GÉNITAL PAR LÉSION TRAUMATIQUE

DE L'HYPOPHYSE

(G. Maranon et G. Piutoz.)

Masson & Cie, Editeurs

. CATALA FM : IU.t,PAJUS.

SYNDROME AD)POSO-CÉN)TAL PAR LESION TRAUMATIQUE DE L'HYPOPHYSE

(G. Maranon et G. '1-'iiiio.)

LESION TRAUMATIQUE PURE~DE L'HYPOPHYSE 187

Le malade est soumis, pendant trois mois, à la médication hypophysaire par

la voie buccale (30 gouttes d'extrait glycériné d'hypophyse par jour) ; au bout

de ce temps il se trouve dansée même état : la quantité d'urine a tendance à

augmenter (8-9 litres en 24 heures).

L'injection de 1 centimètre cube d'extrait d'hypophyse fait descendre la

quantité jusqu'à un litre au moins dans les 24 heures (lig. 1). La densité

augmente de même que la quantité de chlorures, dans le litre, quoique non

jusqu'à la limite normale. La polyurie reparaît de 24 à 48 heures après l'in-

jection.

Fiv. 1. Action de l'injection d'extrait d'hypophyse sur la diurèse.

188 MARANON ET PINTOS

ta LÉSION TRAUMATIQUE PURE DE L'HYPOPHYSE 189

tige hypophysaire, comme s'il avait tenté de pénétrer dans son intérieur (fig. 2).

Une forte capsule fibreuse entourait le projectile, englobant le tissu de la tige,

jusqu'au même lobe postérieur de l'hypophyse ; elle sortit adhérente au pro-

jectile en extrayant celui-ci. Du reste, l'hypophyse n'était pas directement

lésée ni comprimée, mais seulement sa communication avec le ventricule

moyen était interrompue.

L'autopsie des autres organes et appareils n'offrait pas d'intérêt.

Le cas que nous avons exposé suggère plusieurs problèmes à la médi-

tation. En premier lieu, il confirme, une fois de plus avec la valeur des

démonstrations expérimentales, que la lésion de l'hypophyse détermine

le syndrome adiposo-génital décrit par Launois, Frôliche, etc. Toutes les

objections que quelques auteurs soutiennent encore, en mettant en doute

l'origine hypopituitaire de ce syndrome, s'évanouissent avec ce cas, com-

parable, en ce sens, à ceux de Madelung (1) et Franck (2), dans lesquels,

également après un coup de fusil à la tête, avec insertion du projectile

sur la selle turcique, survint le syndrome adiposo-génital. Mais notre

cas estplus démonstratif que ceux-ci, car dans celui de Madelung, il s'agis-

sait d'une jeune fille de 9 ans chez laquelle, par son sexe et par son âge,

on ne pouvait apprécier les troubles hypogénitaux aussi bien que chez

notre jeune garçon ; et dans celui de Franck, il s'agissait d'un adulte de

39 ans chez lequel les troubles sexuels pouvaient être seulement de type

fonctionnel. Dans notre cas, on voit se produis sous les yeux de l'obser-

vateur, l'arrêt du développement sexuel et l'engraissement. Cette augmen-

tation de la graisse paraît être, dans notre cas, postérieure à l'arrêt sexuel ;

ceci confirme notre opinion, soutenue aussi par Tandler et Gross et d'au-

tres, que l'engraissement dans le syndrome adiposo-génital est la consé-

quence du trouble génital, en plus grande mesure que de la lésion

hypophysaire directement.

Les caractères de cette obésité hypophysaire sont, par cela, les mêmes

que ceux de l'obésité hypogénitale, ce qui confirme l'hypothèse que beau-

coup de cas d'obésité prépubérale de l'enfant, avec insuffisant dévelop-

pement sexuel, sont, en réalité, conditionnés primitivement par une in-

suffisance hypophysaire, soit simplement fonctionnelle, soit par altération

post-infectieuse de cette glande, comme supposent Massalongo et Piazza,

Babonneix et Paisseau, Neurath, etc. (3).

Il y a déjà longtemps que, nous fondant sur ces idées, nous associons

l'opothérapie hypophysaire aux autres remèdes diététiques et opothérapi-

ques dans le traitement de ces obésités prépubérales, avec d'excellents

résultats.

190 MARANON ET PINTOS

Plus intéressante est la considération de ce cas en ce qui se rapporte

aux relations du diabète insipide avec l'hypophyse. On sait que dans ces

dernières années', on a beaucoup discuté la pathogénie hypophysaire du

diabète insipide, hypothèse qui chaque jour nous apparaît avec plus de

preuves de certitude. Les raisons sur lesquelles se fonde cette hypothèse

sont les suivantes :

1° Action diurétique de l'extrait d'hypophyse. Un grand nombre

d'expérimentateurs, depuis Magnus etSchâfer, ont observé, en effet, que

les extraits des lobes moyen et postérieur de l'hypophyse possèdent

des propriétés diurétiques administrés en injection soit intra-veineuse

(Schafer), soit intra-péritonéale (Rénon et Delille). La transplantation de

la glande hypophysaire produirait le même effet diurétique ; polyuriequi

dure jusqu'à ce que la glande greffée se résorbe (Growe, Cushing et

Ilomanns) (4).

2° La fréquence de la polyurie dans l'acromégalie (hyperpituila-

risme). De 118 cas recueillis par Creutzfeld, dans 10 il y avait vérita-

blement diabète insipide (5).

3° Fréquence de la polyurie dans le syndrome adiposo-génital (hy-

popituitarisme) (6).

4° Coïncidence du diabète insipide avec d'autres symptômes clini-

ques permettant de présumer une altération directe ou indirecte de

l'hypophyse. Tels sont les cas de diabète insipide coïncidant avec le

nanisme (Sprinzel, Pechkrann, Chauvet), avec l'infantilisme sexuel et

l'adiposité (eunuchisme de type féminin) (Strauss, Jourdel), l'infantilisme

régressif (Lereboullet), l'alopécie, les troubles sexuels (Schmidt, 2 cas),

l'hémianopsie traumatique (Redslobs), l'hémianopsi'e syphilitique (Span-

hock), les divers symptômes de tumeurs hypophysaires (Mayer, Lewet,

Umker, etc.) (7).

5° Découverte de lésions de l'hypophyse dans des cas de diabète in-

sipide. Tubercules (Haushalter), adénome (Creutzfeld), gomme

(Goldzicher), gliome (Berhlinger), tumeurs métastasiques (Rosenhaupt,

Simmond), diverses classes de tumeurs (Zoeb, Burnier, Rômer, etc.) (8).

6° Production de la polyurie par la lésion expérimentale de la ré-

gion hypophysaire, surtout de la région du lobe postérieur (Cus-

hing) (9), ou par la lésion traumatique de l'hypophyse, chez l'homme

(cas de Franck (2) et celui que nous venons de décrire).

7° Action de l'extrait hypophysaire sur la polyurie du diabète insi-

pide. Un grand nombre d'auteurs ont démontré, en effet, que l'opothé-

rapie hypophysaire agit d'une manière que l'on peut qualifier de spécifi-

que sur la diabète insipide, en diminuant la polyurie et en faisant aug-

menter la densité jusqu'aux limites normales, pendant plus ou moins de

LÉSION TRAUMATIQUE PURE DE L'HYPOPHYSE 191

temps (van der Velden, Farini, Romer, Lereboullet et Faure-Bèaulieu,

Berge et Pagniez, Seyler, Biach, Umker, Lichtwitx et Stromeyer, Motz-

feldt, Maranon, etc.) (10).

Tous ces faits démontrent la relation qui existe entre le diabète insipide

et la fonction hypophysaire, et avec tant de certitude que, à notre avis,

celte maladie doit, désormais, être étudiée parmi les affections propre-

ment endocrines et non parmi les processus de la nutrition ou parmi les

maladies du système nerveux, comme on le faisait jusqu'à ce jour.

Il est nécessaire, avant tout, d'éclairer un point qui paraît contradic

toire dans les faits antérieurement énumérés, En effet, quelques-unes des

données exposées conduisent à penser que la sécrétion interne de l'hypo-

physe est douée de propriétés diurétiques, de façon qu'un excès de ladite

sécrétion donnerait lieu au diabète insipide (théorie hyperpituitaire). A

l'appui de cette hypothèse parle principalement la polyurie produite par

l'injection de l'extrait d'hypophyse. Cushing (9) explique par ce même

mécanisme (décharge rapide de la sécrétion hypophysaire) la polyurie

soudaine de l'émotion. Un autre argument serait la fréquence du diabète

insipide dans le syndrome hyperpituitaire (acromégalie). Les cas de dia-

bète insipide avec lésions destructives de l'hypophyse (tubercules, tu-

meurs métastasiques, traumatismes, soit casuels : cas de Franck, soit

opératoires : cas de Cushing) s'expliqueraient, selon ce critérium, en sup-

posant que la lésion donnât origine à une irritation des lobes moyen et

postérieur, qui élaboreraient leur sécrétion en excès.

Les expériences récentes de 111otzfeldt (de Boston) et les nôtres mettent

hors de tout doute la fausseté de cette hypothèse hyperpituitaire du dia-

bète insipide. Il est, en effet, indubitable que dans les animaux d'expéri-

mentation, chez lesquels on a produit une diurèse par l'ingestion de

200 grammes d'eau (lllotzfeldt) ou par l'injection de 200 grammes de

sérum physiologique, ou simplement, chez les lapins qui, pour être sou-

mis à une alimentation riche en eau, urinent abondamment (Maranon),

l'injection ou ingestion de l'extrait hypophysaire détermine une dimi-

nution nette et constante de la diurèse, souvent jusqu'à la moitié de la

quantité émise en 24 heures. Les effets diurétiques obtenus par Schafer

sont dus, indubitablement, à des défauts d'expérimentation, puisque cet

auteur travaille sur des animaux anesthésiés et catéthérisés, et ces cir-

constances modifient les conditions normales de la diurèse.

D'autre part, les autopsies récentes, faites avec grand soin, ont démontré

que lesdites lésions de l'hypophyse étaient plus ou moins destructives,

et en aucune façon hyperfonctionnelles. Quant aux cas de polyurie dans

1 acromégalie, ils s'expliquent parce que la tumeur du lobe antérieur,

qui produit cette maladie, comprime les lobes moyen et postérieur, en

192 MARANON ET PINTOS

déterminant leur hypofonction ; par la même raison il n'est pas rare

d'observer, dans les acromégaliques, d'autres symptômes d'insuffisance

du lobe postérieur, surtout l'obésité.

Mais surtout ce qui est démontré, d'une façon décisive, c'est l'existence

d'un hypopituitarisme comme cause du diabète insipide, par le fait que

la polyurie disparaît d'une manière constante par l'injection de l'ex-

trait hypophysaire, de même que le myxoedème disparaît par l'opothé-

rapie thyroïdienne. Aux cas actuellement publiés (10), nous pouvons

ajouter celui que nous venons de décrire, de même que deux autres

récemment observés, que nous indiquerons brièvement.

Observation II.

Dans le-premier cas, il s'agissait d'un garçon de 19 ans, avec diabète insipide

typique, conséquence d'un surmenage intellectuel. La polyurie n'obéit en

rien à aucun des traitements employés (opium, atropine, antinerveux, etc.);

au contraire, l'ingestion de 4décigrammes par jour d'extrait total d'hypophyse

produisit une rapide et progressive diminution de la quantité d'urine, avec

augmentation de la densité, l'urine devenant, en 15 jours environ, complète-

ment normale. Voir le tableau suivant :

LÉSION TRAUMATIQUE PURE DE L'HYPOPHYSE 193

194 MARANON ET PINTOS

tateurs, et spécialement par Camus et Roussy (11), selon laquelle la

lésion responsable de la polyurie ne réside pas dans l'hypophyse,

mais dans un centre nerveux situé à la base de l'encéphale (région

opto-pédonculaire), Mais cette théorie, malgré les intéressants arguments

invoqués en sa faveur, est insoutenable du moment où l'opothérapie

hypophysaire fait disparaître la polyurie. Dans les expériences de Camus

et Roussy, ce point, aujourd'hui indiscutable, n'a pas eu la chance d'être

confirmé, sans doute par des défauts de technique, et cela est dù à l'ardeur

avec laquelle ils défendent la théorie nerveuse et repoussent la théorie

glandulaire du diabète insipide.

Il est évident qu'on ne peut» pas nier l'existence de centres nerveux

chargés de la régularisation de la diurèse, soit dans le plancher du IV ven-

tricule, près du centre diabétique de Claude Bernard, soit dans les centres

de la base de l'encéphale. Mais ils ne sont, en aucune façon, incompati-

bles avec l'existence de régulateurs endocrines de la diurèse ; et on peut

facilement admettre que les uns et les autres collaborent à la production

d'un trouble diurétique déterminé, de même que l'existence de sécrétions

internes capables d'engendrer la glycosurie (adrénaline) n'exclut pas

l'existence de centres nerveux glycosuriques (IV8 ventricule) ; mais que

les deux facteurs, nerveux et endocrines, agissent de concert.

Nous croyons, en vue des données exposées et d'autres expérimentales

que nous avons en étude maintenant, que l'on peut admettre une action

endocrine qui physiologiquement agit sur le rein, en régularisant la

diurèse. D'autres sécrétions internes (surrénale, pancréatique) peuvent

agir sur le rein même en intervenant dans le processus de filtration de la

glycose et peut-être d'autres substances (Meyer, Fu hrt). On ne peut pré-

voir l'importance que ces relations entre les sécrétions internes et la

filtration rénale ont dans le processus complexe de la sécrétion urinaire

normale et pathologique.

Sur le mécanisme de cette action de l'hypophyse sur la diurèse, nous

ne pouvons apporter que des hypothèses. Il s'agit probablement d'une

vaso-contriction rénale, comme le suppose Motzfeldt se basant sur des ar-

guments expérimentaux. Cette vaso-contriction serait, selon cet auteur,

déterminée par excitation du sympathique. Steiger (12) supposa que celle

excitation nerveuse serait d'origine vagale, se fondant sur ce que, chez

les malades de diabète insipide, il n'est pas rare de trouver des symp-

tômes de vagotonie. Mais cette hypothèse est insoutenable, puisque la

section des pneumogastriques n'empêche pas l'action antidiurétique de

l'extrait d'hypophyse (Motzfeld), ni non plus la saturation du vague par

l'atropine (Maranon).

Nous devons ajouter que lorsque nous avons parlé de l'action anti-

LÉSION TRAUMATIQUE PURE DE L'HYPOPHYSE 195

diurétique des extraits hypophysaires, nous nous référions aux lobes

moyen et postérieur ; maintenant tous les auteurs sont d'accord pour

admettre que ces deux lobes seulement possèdent des propriétés antidiu-

rétiques, tandis que le lobe antérieur n'agit pas de cette façon.

Le développement de quelques-uns des points que nous avons indiqués

excéderait les limites que nous avons voulu donner à ce travail.

Janvier 1917.

BIBLIOGRAPHIE -

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2. FRANCK. - Berl. k. Woch., 1912.

3. MASSALONGO E Piazza. - Riforma medica, 1914; BABONNEix et PAISSEAU, SOe. méd.

des hôp., 1910 ; Neurath. Wien. k. Woch., 1911 ; MARAnoN, Las enfermedodes de

la nulricion y los glandulas de secrecion interna, 2' édic. Madrid, 1916.

4. MAGNUS and SCHAFFER. - Journ. of physiol., 1901-1902; R1;NON et DELILLE, Soc.

de thérap., 1907 ; CROWE, Gusuing and HOMANS, Quat. Journ. of Experim.

physiol., vol. II, 1909.

5. CREUTZFELD. - Mitt. a. d. Hamburger stad. Krank., 1909.

6. V. FALTA. - Die Erlcrankungen der llIutdrüsen. Wien., 1913; CUSHING, The Pitui-

tary Body and its Disorders, 1912 ; CARNOT et DUMMONT, Soc. méd. des hôp.,

8 nov. 1912; JOURDEL, Syndromes pluriglandulaires. Thèse de Paris, 1912 (obs.

XXXVIII) ; MORIQUAND, Congr. de pédiatrie, 1913.

7 et 8. Bibliographie in FLEUROT, Relations entre le diabèle insipide et l'hypophyse,

th. de Paris, 1914; JOURDEL, loc. cit. ; MARAuON, loc. Cit. ; CHAUVET, L'infanti-

lisme hypophysaire. Paris, 1914.

9. CUSHING. Boston medical and Surgical Journal, 1912.

10. VAN DER VELDEN. - Berl. k. Woch., 1913; FARINI, Gazz. degli Ospedali, 1913;

R6MER, Deutch. m. Woch., 1914; LEREBOULLET et FAURE-BEAULIEU, Bull. et mém.

de la Soc. méd. des hôp., 1914; HOPPE-SEYLER, Mùnch. m. Woch.,1914; LEWET,

Medical Record, 1914 ; MOTZFELDT, Journ. of experim. medic., janvier 1914; MARA-

îion, Bull. de la Soc. Exp. de biologie, 1915. '

11. Camus etRoussy. - Presse méd., 1914.

12. STEIGER. - Deutch. med. Woch., 1912.

FACULTÉ DE MÉDECINE DE LISBONNE

UN CAS DE TUMEUR DE L'ANGLE PONTO-CÉRÉBELLEUX

PAR

Egaz MONIS,

Professeur de Neurologie

à la Faculté de médecine de Lisbonne.

;

Nous avons publié trois observations de tumeurs de l'angle ponto-

cérébelleux dans la Nouvelle Iconographie de la Salpêtrière (n° 6, no-

vembre-décembre 1912) dont seulement la première a été confirmée par

l'autopsie. La troisième a été opérée le 21 janvier 1915. Nous avons

observé le malade quelques jours avant l'opération et nous avons constaté

une diminution de vision. L'opération proposée, bien que l'état général du

malade ne fût pas bon, a tout de suite été acceptée sous l'imminence de la

cécité.

Observation.

J. C., 27 ans, cordonnier, a vu augmenter son mal très rapidement dans ces

derniers temps. Une partie de son histoire est racontée dans l'observation III

de l'article que nous avons publié. Pour éviter des répétitions, nous avons seu-

lement à joindre quelques mots à ce que nous avons déjà écrit.

Le malade a continué à avoir ses besoins irrésistibles de dormir, mais moins

forts qu'autrefois.

Dans la marche, le pied droit se lève plus haut que le gauche. Le malade

tombe à droite, même quand il est assis sur son lit. Il tombe surtout quand il

se détourne à droite. Il ne se déséquilibre pas aussi fortement quand il tourne

à gauche. Il ne peut pas se soutenir sur la jambe droite, même avec les yeux

ouverts.

Adiadococinésie.

Lagophtalmos droit quand il ferme les yeux lentement.

Vision : Stase pupillaire de 4 dioptries.

Audition : Le malade n'entend pas à droite.

Appareil respiratoire : Normal.

Appareil circulatoire : Normal. Pouls 72, rythmique récurrent. Bonne ten-

sion.

Pression : 151ninximum, 10 minimum.

Le malade a été opéré le 21 janvier 1916 par le professeur Francisco Gentil

par la méthode de Krause. '

TUMEUR DE L'ANGLE PONTO-CÉKÉBELLEUX

(Egai Monis.) .

Masson & Cie, Editeurs

TUMEUR DE L'ANGLE PONTO-CÉR)`13ELLEUt

(Egai Monis.)

UN CAS DE TUMEUR DE L'ANGLE PONTO-CÉRÉBELLEUX 197

Asepsie sèche. Hémostase de Kredel avec 5 plaques formant un espace de

14 centimètres transversal sur 18 centimètres vertical dans la région pariéto-

temporo-occipitaie. Ouverture osseuse par le trépan de Martel et pince Dahl-

green : 44 cm. 5 X 8 cm. 5. Incision de la dure-mère sur l'hémisphère droit

du cervelet. En soulevant le cervelet en dessus et en dedans, on a trouvé la

tumeur qui, partant du rocher, comprimait fortement le cervelet, la protubé-

rance et le bulbe. Elle avait le volume d'un oeuf de colombe et avait une con-

sistance qui n'était pas uniforme. Il y avait deux kystes.

Quand on a ouvert la dure-mère, la pression est tombée et la respiration

cessa. Après l'application de un demi-centimètre cube de pituitrine et 5 cen-

timètres cubes d'huile camphrée, la respiration s'est rétablie. Après que la

tumeur eut été extirpée, la pression est de nouveau descendue. Nouvelle crise

respiratoire qui est passée avec une nouvelle dose de pituitrine.

Le malade est décédé deux heures après l'opération.

Autopsie (DI HmTEs). Incision opératoire dans la région occipitale et ou-

verture du crâne au même niveau. Fracture de la partie postérieure du bord

du trou occipital. Pas d'hémorragie locale, seulement des petits caillots dans

quelques sillons de l'hémisphère cérébelleux droit. Les vaisseaux arachnoï-

diens gonflés. L'hémisphère cérébelleux droit déplacé en arrière et en dedans.

Dans la face inférieure de l'hémisphère cérébral droit existe une cavité où était

le néoplasme, limitée au-dessus par la circonvolution de l'hippocampe et une

partie de la zone médiane de la première circonvolution temporo-occipitale, au-

dessous par le pavé de l'étage postérieur de la base du crâne et en dedans par

le pédoncule cérébelleux, la protubérance et le bulbe. Au fond de la cavité

existaient encore des petits fragments de substance suspecte néoplasique.

Ventricule droit plein de sang. Légère congestion des poumons. Adhérences

pleurales (plus anciennes à gauche, plus intenses à droite). Forte congestion

de la muqueuse du côlon descendant et du rectum. Néphrite surtout au rein

droit.

Nous avons pu faire la reconstitution de la tumeur dans sa position

(Pl. XLIV). L'examen histologique a montré dans la plupart des fragments

de la tumeur des éléments fibreux en faisceaux qui se croisent dans toutes

directions.

Dans les fragments moins durs et aux environs des kystes (A et B), du

tissu fibreux forme des cavités de dimensions variées (PL XLV). Elles sont

doublées par un endothélium de cellules plus ou moins saillantes, iden-

tiques à celles que nous avons rencontrées dans les grandes cavités kysti-

ques ouvertes pendant l'opération. C'est la disposition caractéristique du

lymphangiome.

Il,y a dans tous les fragments des zones d'infiltration oedémateuse. La

majorité des artères ont souffert de la dégénérescence hyaline.

Il y a dans une petite partie du néoplasme de la dégénérescence sarco-

mateuse (PL 3).

198 MONIS

On ne trouve pas de vestiges de nerfs.

Il y a des lésions de compression dans le bulbe et dans le cortex céré-

belleux.

Conclusion : fibrolymphangiome oedématié avec dégénérescence sarco-

mateuse (1).

(1) La partie histologique a été décrite plus minutieusement au Portugal Mendia

ne 5, 1916, par le D' G. BMTES.

FACULTÉ DE MÉDECINE DE NANCY

MYÉLITES AIGUËS ÉPIDÉMIQUES

DEUX ÉPIDÉMIES MILITAIRES

PAR

G. ETIENNE,

Professeur de Clinique médicale à la Faculté de médecine de Nancy.

Depuis la guerre, j'ai eu l'occasion d'observer chez des soldats 12 cas

de myélite aiguë du type épidémique de Heine-Medin.

Bien que malheureusement peu complètes en raison des conditions

dans lesquelles elles ont été recueillies, l'ensemble de ces observations

est cependant intéressant au point de vue épidémiologique et clinique.

Elles appartiennent à deux groupes, le premier de deux cas observés

en août 1915 (obs. 11 et 12), le second de beaucoup le plus important,

de 10 cas (de 1 à 10), observés en mai 1915 dans un même secteur. 'Ces

derniers malades ont été à leur arrivée, à l'hôpital du Bon-Pasteur, répar-

tis dans les services de mes excellents collègues le Dr Stroup, le médecin-

major Voirin et dans le mien, où ils ont été ensuite groupés et isolés

lorsqu'a été établie la nature de la maladie. Je leur dois donc les débuts

d'une partie des observations. Voici d'abord les observations cliniques.

Observation I.

Lav... Paul, 37 ans, infirmier, hôpital militaire Sédillot. Entré le 1er mai 1916

au Bon-Pasteur.

Antécédents. Coup de chaleur ( ? ) en juin 1898. Paralysie gauche ayant

duré trois mois. Ancien migraineux. Coliques hépatiques en 1904. Fatigué

depuis quelque temps. Mal en train.

Symptômes à l'entrée. Le malade est amené à l'hôpital à pied, à 1 heures.

A 13 heures, T. : 38°9 ; il cause, écrit deux lettres, il présente l'allure d'un

fatigué.

16 heures, il se plaint de céphalée vive et de douleurs abdominales.

T. : 41 ?

18 heures, douleurs épigastriques extrêmement violentes. Deux grands fris-

sons. Etat subsyncopal. P. : 56-60.

19 heures, céphalée violente, douleur extrêmement vive dans la zone épi-

gastrique, exagérée par la pression ; sous la zone hépatique, point douloureux

200 ' ETIENNE

à la pression. Tête très mobile. Pas de raideur de la nuque. Réflexes normaux

pas trace de Kernig. Parésie faciale gauche.

Marche de la maladie. mai. -T. : 37°5 rectale. P. : 58. Malade aplati,

geignant. Céphalée. Réflexes normaux ; pas trace de Kernig. Douleurs vives ,

exagérées par la pression, dans les zones hépatique et épigastrique. Douleurs

diffuses ; tous les mouvements sont douloureux.

Soir : Malade affaissé. Céphalée violente. Dans les régions épigastrique et

hypogastrique droites, douleurs très exagérées par la pression.

3. T. : 35°3 à 36°. P. : 62.

Impotence complète des membres supérieurs et inférieurs.

Le malade ne peut fléchir les doigts ni bouger les pieds ; tête en boule de

bilboquet. Peau bien humide, fraîche. Langue blanche, épaisse. Malade gei-

gnant ou sommeillant. Douleur hypogastrique avec exacerbation déterminant

des spasmes.

Réflexes normaux. Pas de Kernig.

4. Impotence complète des membres et des muscles ; réapparition de lé-

gers mouvements dans la nuque. Sensibilité tactile et à la piqûre intacte.

Sphincters normaux.

Ponction rachidienne. Liquide clair comme de l'eau de roche, sans pres-

sion. Très rares lymphocytes. Pas de polynucléaires. Urines : 750.

5. Peut légèrement serrer avec la main. Peut tourner la tête. T. vers 37°,

Langue blanche.

6. Urine : 1.250 ; pas d'albumine.

7. Très légers mouvements de flexion des doigts ; très légers mouvements

d'abduction. Vague ébauche de flexion des orteils. Tête sans raideur; moins

en tête de bilboquet. Réflexes normaux. Apyrexie confirmée.

Injection intra-rachidienne de 5 centimètres cubes de sérum (Cottin), due

à l'obligeance de M. le professeur Netter et de M. Salanier, après extraction de

25 centimètres cubes sous forte pression.

8. Aucune réaction méningée. Frisson dans la nuit et à 9 heures.

T. : 37°3. Céphalée violente.

19 heures. T. : 37°2. Urines : 5,50. Pas de glycosurie. Pas d'acide (3 oxybu-

tyrique. Pas d'acétone. Odeur acétonique de l'haleine.

Premier frisson dans la nuit. Deuxième frisson vers 8 heures du matin.

Elévation de T. : 37°5 avec céphalée violente. P. : 60.

Le malade peut serrer légèrement la main ; on voit la contraction des mus-

cles fléchisseurs de l'avant-bras. Le malade peut jouer aux cartes. Constipation.

9. Le malade soulève spontanément les membres supérieurs à 40 centi-

mètres au-dessus du plan du lit, plus facilement à droite qu'à gauche. Aux

membres inférieurs, il soulève la jambe gauche à 30 centimètres, la jambe

droite plus facilement encore. Le malade arrive à se retourner lentement dans

son lit, avec quelque difficulté. Arrive·à faire tous les mouvements de la tête.

Il confectionne un petit panier en rafla.

12. Se lève, se supporte sur ses membres, esquisse quelques pas.

17. Réflexes normaux.

MYÉLITES AIGUËS ÉPIDEMIQUES. DEUX ÉPIDÉMIES MILITAIRES 201

29. Réflexes normaux. Elève très facilement les membres inférieurs au-

dessus du plan du lit.

42 juin. Réflexes normaux. Orteils en flexion. Peut marcher avec un

appui. ,

49. Céphalée dans l'après-midi, vers 5 heures. T. : 37°2.

22. Le malade fléchit légèrement sur les genoux pendant la marche.

Evacué sur l'intérieur.

Examen de liquide céphalo-rachidien. 4 mai 1916. Liquide très

clair, ne donnant pas de dépôt appréciable par centrifugation prolongée. Le

fond du tube examiné montre quelques globules rouges, de très rares lympho-

cytes. Pas de polynucléaires, ni de microbes apparents.

7. - Liquide très clair ne donnant pas de dépôt appréciable par centrifu-

gation prolongée. Le fond des tubes examiné montre quelques globules rouges,

de rares lymphocytes, pas de polynucléaires, pas de microbes apparents.

4 juin. Wassermann négatif.

Observation II.

Richel. Henri-Adrien, 36 ans, dut7* régiment d'Infanterie, 150 Cie. Entré le

24 mai 1916 à l'hôpital du Bon-Pasteur.

Localité de contamination. - Courbes...

Début. Douleurs dans les jambes depuis le 16 mai. Fièvre dès le début à

39°. Céphalée vive.

Symptômes à l'entrée. - Douleur des masses musculaires sans gonflement

des articulations. T. : 36°9. Le malade élève difficilement les deux jambes

jusqu'à la verticale. Les mouvements des membres inférieurs sont lents. Abo-

lition totale des réflexes rotuliens. Mollets flasques, amaigris, masses muscu-

laires molles à la palpation, atrophiés. Pour remonter dans son lit, le malade

grimpe plutôt. Mouvements très difficiles.

Il peut à peine s'asseoir sur son lit et seulement en étant aidé ; debout, le

malade s'affaisserait s'il n'était soutenu.

Au niveau des membres inférieurs, sensibilité superficielle au toucher abolie.

Sensibilités profondes musculaire et osseuse conservées. La piqûre, même péné-

trante, ne provoque aucune douleur. Sensibilité thermique normale. Sens

musculaire conservé.

L'élévation des bras se fait normalemeut.

Pollakyurie; urines troubles avec dépôt floconneux.

Le malade accuse une très grande fatigue.

26. Urines rares, troubles. Constipation.

Le malade soulève très difficilement les jambes au-dessus du plan du lit.

Il se meut très difficilement, il lui est impossible de s'asseoir. Dans la posi-

tion assise, douleurs dans les masses musculaires des deux cuisses.

Pas de douleur à la palpation des masses musculaires.

Abolition des réflexes. '

XXVIII 14

202 ÉTIENNE

1

Pas de contracture de la nuque. '

Faiblesse des membres supérieurs.

27. Reprenant mon service après quelques jours d'absence, je constate

une paraplégie complète; impossibilité de soulever les jambes et le pied, ni de

remuer les orteils. Le malade peut légèrement serrer avec les doigts ; mais il

ne peut soulever les bras ni les avant-bras au-dessus du lit.

Lagophtalmos avec écart de un centimètre sans paralysie.

Les mouvements de la tête sont faibles, mais pas tête en boule de bilboquet.

Analgésie complète aux membres inférieurs ; diminution de la sensibilité à

la piqûre ; dans les autres régions, sensibilité musculaire conservée. Pas de

douleurs à la pression des muscles ; atrophie musculaire ; pas de contractions

fasciculaires.

Respiration facile.

Urines rares, 500 centimètres cubes. Dysurie. Relâchement des sphincters.

Selles involontaires très fétides.

Ponction lombaire à 17 h. 1/2, indolore totalement; et injection de 10 cen-

timètres cubes de sérum (Truchon). Le liquide extrait est clair comme de l'eau

de roche.

A 19 h. 1/2, respiration à 26, facile.

Ne se plaint de rien, sauf douleurs musculaires dans les mollets. Lagophtal-

mos. On constate l'absence de toute réaction méningée.

26. Vers 2 heures du matin, ses voisins s'aperçoivent que le malade râle

sans plainte. Mort 2 heures après.

Observation III. ' 1

Bon... Georges-Jean, soldat au X5e régiment d'Infanterie, 27 ans, entré le

15 mai 1916 au Bon-Pasteur.

Localité de contamination. Hoé...

Début. Du 1er au 6 mai. T. de 38° à 39°, douleurs dans les jambes ; le

malade pouvait remuer les jambes, mais ne pouvait se tenir debout, les jambes

fléchissaient. En traitement à l'hôpital de du 6 au 15. Température

abaissée.

Symptôme à l'entrée. Douleurs très violentes dans les masses muscu-

laires. T. : 37". Douleurs au niveau des articulations, notamment dans les

poignets. Exagération considérable des réflexes rotuliens. Trépidation épilep-

toïde du pied à droite et à gauche.

Mouvements d'élévation des membres inférieurs difficiles du côté gauche,

impossibles au côté droit. Contraction idio-musculaire. La force musculaire des

membres supérieurs paraît intacte. Le réflexe cubital est peu marqué à droite.

A la base droite, obscurité respiratoire, rien en avant, quelques râles loin-

tains. Appareil circulatoire.normal. Etat saburral des voies digestives. Haleine

forte.

Rétention d'urine, le globe vésical atteint presque l'ombilic. Cathétérisme.

Pouls régulier, égal, facies pâli, maigri ; abattement général.

MYÉLITES AIGUËS ÉPIDÉMIQUES. DEUX ÉPIDÉMIES MILITAIRES 203

17. - Etat saburral des voies digestives.

Montée de T. : 37°5.

Les douleurs à la pression des masses musculaires sont moins vives. La

douleur du tibia existe toujours.

La jambe droite peut se détacher quelque peu du niveau du plan du lit. La

gauche se lève difficilement encore.

Quelques trépidations du pied droit; trépidation du pied presque indéfinie

à gauche.

Le malade urine spontanément.

La force musculaire paraît intacte dans les membres supérieurs.

18. - Trépidation indéfinie du pied gauche ; trépidation du pied droit

moindre. Réflexe rotulien se rapproche de la normale.

Urines avec flocons muqueux, couleur acajou clair.

20. - Bruits du coeur un peu sourds, lointains.

25. - Trépidation indéfinie du pied gauche, prolongée au pied droit.

Réflexe rotulien exagéré.

28. Réflexe du genou exagéré.

Trépidation des pieds indéfinie. Réflexes des orteils en extension (légère-

ment). Réflexe cubital normal. Réflexe du poignet normal. Réflexe oculaire

normal.

Le malade peut élever les pieds 15 centimètres au-dessus du plan du lit.

Abduction et adduction assez faciles. Peut s'asseoir. Mouvements de tète

faciles.

Sensibilités normales, sauf douleurs diffuses dans les membres inférieurs.

Atrophie considérable des muscles des mollets, très flasques.

4 juin. - Jambe droite s'élève à 32 centimètres au-dessus du plan du lit.

, La jambe gauche peut s'élever de 18 centimètres au-dessus du plan du lit.

Les jambes peuvent se maintenir en l'air assez facilement.

A gauche, clonus indéfini. Mouvements contre-latéraux.

Pas de température.

20. - Fléchissement des genoux à la marche.

28. - Réflexe du genou vif assez trépidant à gauche. Orteil en extension.

Trépidation continue à gauche, ébauchée à droite.

A partir de ce moment, l'état s'améliore considérablement. Au moment de

la sortie, la marche est facile, le malade un peu faible. sur ses jambes.

Examen bactériologique. 4 juin. Wassermann négatif.

Observation IV.

Coût. Jules, soldat au Xe régiment d'infanterie 32 ans, entré le 28 mai

1916 au Bon-Pasteur.

Localité de contamination. Champ...

Antécédents. N'a jamais été malade. Charretier de profession.

Localité de cantonnement. - Champ...

Début. -Il Il a trois semaines, par des douleurs spontanées, survenues rapi-

204 ÉTIENNE

dement dans les genoux et dans les jambes; douleurs osseuses lancinantes,

surtout nocturnes. Les douleurs s'accompagnent de raideur des jambes et de

difficulté à la marche.

Le premier jour, aurait eu 39° de fièvre, puis apyrexie définitive ; en même

temps inappétence. Pas de céphalée. Rien du côté des membres supérieurs.

Symptômes à l'entrée. A l'inspection, aucune modification objective

des genoux ou des jambes. Les membres inférieurs sont en contracture, les

pieds en équinisme.

Aucune douleur à la palpation des masses musculaires. Seule, la percussion

des tibias éveille de la sensibilité.

Les sensibilités au toucher, à la piqûre et à la température sont normales.

Pas de troubles trophiques.

Réflexes rotuliens très exagérés des deux côtés ; clonus vrai des deux pieds

indéfini. Pas de Babinski. ,

La marche est difficile ; en contracture avec une sorte de steppage surtout

marqué à gauche.

'Aucun trouble sphinctérien. Pas d'astéréognosie.

Langue blanche. Haleine fétide. Inappétence. Rien du côté des autres

organes.

Ponction lombaire donne issue à un liquide parfaitemeut limpide avec une

pression renforcée. L'examen de ce liquide est resté négatif.

Marche de la maladie. - 30 mai. - Même état, mêmes douleurs surtout

nocturnes.

Toujours fortes contractures : le malade ne peut que difficilement fléchir

les jambes. Réflexes très exagérés, phénomènes du pied très marqués, surtout

à gauche. A la marche, les yeux fermés, le malade se porte fortement en avant.

Ni Romberg, ni Argyll. Aucun phénomène céphalique.

A 5 heures du soir, une ponction lombaire de 10 centimètres cubes est

suivie d'une injection de 10 centimètres cubes de sérum artificiel contenant

4 grammes de novococaïne. A 9 heures du soir, le malade éprouve de la

céphalée, a un vomissement alimentaire, dort mal, rétention d'urine, tempé-

rature.

31. Au matin, disparition des douleurs des membres inférieurs. La con-

tracture est très amoindrie et le malade fléchit facilement les jambes. Les

réflexes sont sensiblement normaux, encore très légèrement renforcés à gauche.

Le clonus du pied n'existe plus, la marche est encore hésitante, mais parfai-

tement souple.

1er juin. Plus aucune douleur. Souplesse parfaite dans les deux jambes.

Réflexes normaux. Le malade marche facilement. Orteils en extension.

Deux ou trois trépidations des pieds. Réflexe du genou exagéré à

droite, orteils en flexion.

12. - Deux trépidations à gauche et orteils en extension. Réflexe du

tendon d'Achille exagéré.

28. Le malade fléchit encore sur les genoux en descendant l'escalier.

MYÉLITES AIGUËS ÉPIDÉMIQUES. DEUX ÉPIDÉMll £ S MILITAIRES 205

Observation V.

Mor... Henri, du Ze régiment d'infanterie, 20 ans, entré au Bon-Pasteur

le 30 mai 1916.

Localité de contamination. Champen...

Antécédents. - Pas d'antécédents pathologiques.

Début. - Le 28 avril, brusquement, presque en plein travail, apparition

de douleurs violentes dans les jambes ; impossibilité subite de marcher. Dès le

lendemain, le malade ne pouvait plus se tenir debout, les jambes fléchissaient.

Douleurs très vives, comparées à celles provoquées par des plaies, surtout

nocturnes.

La température oscillait autour de 37°5 à 38° le matin et persistait du 8 au

30 mai. Céphalée intense, ni coryza, ni mal de gorge. Inappétence. Pas d'autres

troubles digestifs.

Symptômes à l'entrée. T. : 37°2.

Faciès normal, coloré. Ichtyose généralisée. Langue fortement saburrale.

Inappétence, un peu de diarrhée.

Les jambes sont amaigries, les masses musculaires des mollets sont amollies.

Pas de douleurs à la palpation. Douleurs à la percussion le long du tibia.

Douleurs spontanées nocturnes dans les genoux et dans les tibias.

Réflexes rotuliens exagérés. Vrai clonus du pied prolongé à gauche. 4, 5 tré-

pidations à droite. Pas de signes de Babinski.

La sensibilité à la piqûre et à la température semble exagérée dans les

deux membres inférieurs, et redevenir normale à la hauteur de l'ombilic.

Démarche en se dandinant, cherchant un appui.

Les jambes sont en contracture. Force musculaire amoindrie. Pas d'asté-

réognosie ; pas de troubles sphinctériens.

Une ponction lombaire très difficultueuse a donné 3 ou 4 centimètres cubes

de liquide très fortement hémorragique, se coagulant immédiatement. Il n'a

pas été fait d'examen microscopique.

Marche de la maladie. 1er juin. Nuit calme, sans aucune douleur.

La contracture des jambes est moindre, les mouvements de flexion sont plus

faciles. Les réflexes rotuliens se rapprochent de la normale. Encore quelques

trépidations du pied. La démarche est plus aisée.

2. - Plus de douleur. Réflexes normaux.

3. - Quelques douleurs la nuit. Réflexes un peu plus marqués à droite.

T. : 38°3. Embarras gastrique.

4. - Va beaucoup mieux. La marche est encore hésitante ; les forces in-

suffisantes.

5. Même état. T. s'élève à 3768.

6. - T. s'élève à 37°8.

8. - A gauche, réflexe rotulien un peu marqué; ébauche de quelques tré-

pidations du pied. Plus de douleur. La marche est plus ferme, plus assurée.

1 : 3. - Peut élever les pieds au-dessus du plan du lit, avec oscillation et

tremblement : Réflexe du genou exagéré à droite, moins à gauche. Phénomène

206 () ÉTIENNE

des orteils en extension à droite et à gauche. Ebauche de trépidation du pied

à droite.

Le malade peut marcher, mais en fléchissant nettement sur le côté droit.

Hésitation marquée pour le demi-tour.

19. Le malade peut marcher. Orteil en extension à gauche.

29. Orteil en flexion. Le malade fléchit encore sur les genoux eu des-

cendant l'escalier.

30. Réflexe du genou plus vif à droite ; et dans la marche nuance de

raideur, surtout dans le membre inférieur droit.

- Observation VI.

Roui..., soldat au X7e régiment d'Infanterie, 4° Cie, 27 ans, entré le 15 mai

1916.

Localité de contamination. Hoév...

Début. Brusque le 7, par de la fièvre, des douleurs très vives dans les

jambes, empêchant tout mouvement, mais le malade aurait cependant pu se

tenir debout et marcher.

T. le 8 : 38° matin ; 39°4 soir, puis de 37° à 38° et 39o le 14 au soir.

Symptômes à l'entrée. Douleurs dans les zones articulaires, surtout dans

les masses musculaires.

Etat saburral des voies digestives. Submatité à la base droite. Obscurité du

murmure vésiculaire. Pas de râles. Coeur normal. Facies pâli, amaigri.

17 mai. Exagération du réflexe rotulien à gauche et à droite. Pas de phé-

nomènes du pied. -

Violentes douleurs spontanées dans le tibia et dans les masses musculaires,

assez vives pour rendre presque insupportable le contact de la couverture.

18. - Réflexes rotuliens exagérés.

19. Douleurs osseuses et articulaires, nocturnes surtout.

Exagération des réflexes rotuliens sans phénomène du pied.

27. - Réélévation de la température, crise douloureuse des membres infé-

rieurs, empêchant le mouvement. Aucune douleur ailleurs.

30. Réflexe rotulien fort, surtout à droite.

Réflexe des orteils en flexion.

Réflexe médioplantaire diminué. ,

Le malade ne peut se tenir debout. Déplacement difficile des membres infé-

rieurs sur le lit.

2 juin. Les mouvements d'abduction et d'adduction des membres infé-

rieurs sont très difficiles ; le malade y arrive, en s'aidant de ses mains, plus

difficile à gauche.

Elève le pied gauche à 10, 15 centimètres, le droit à 15, 20, difficilement.

Sensibilité à la piqûre très atténuée, aux deux pieds. Sensibilité tactile conser-

vée. Sensibilité normale au niveau des cuisses. Pas de douleurs à la pression

dans les mollets. Mollets mous ; atrophie musculaire. Réflexes rotuliens vifs.

La maladie paraît avoir évolué en deux temps, avec une période douloureuse

MYÉLITES AIGUËS ÉPIDÉMIQUES. DEUX ÉPIDÉMIES MILITAIRES 207

empêchant le mouvement, et période d'amélioration avec température autour

de 38°, et exagération des réflexes.

Puis le 27, réélévation de la température avec crise douloureuse, puis paré-

sie des membres inférieurs.

4. Elévation de la jambe gauche à 32 centimètres au-dessus du plan du

lit facilement ; élévation de la jambe droite à xi centimètres, plus difficile-

ment.

La sensibilité à la piqûre existe, bien atténuée.

8. - Pas de douleurs dans les membres, jambe engourdie, sans force.

42. Réflexe du genou exagéré, pas de trépidation épileptoïde à droite.

Réflexes des orteils en extension.

Le malade élève le pied droit à 40 centimètres, le pied gauche à 35 centi-

mètres, avec effort.

Il s'affaisse sur ses jambes, fait quelques pas en étant très soutenu.

La sensibilité est revenue.

19. - Elève la jambe à 44 centimètres à droite, 38 à gauche, avec adduc-

tion. Peut marcher en fléchissant sur les jambes.

Réflexes des genoux normaux. Orteils en flexion.

30. - Pas de clonus des pieds. Réflexes normaux.

Observation VII.

Jour..., du X7* régiment d'Infanterie, CHR, âgé de 28 ans, entré le 20 mai

4946 au Bon-Pasteur.

Début le 10 mai, par des crises douloureuses dans les os, les muscles des

jambes et des cuisses. Inappétence. Aurait eu depuis lors une température

vers 38° tous les soirs.

Symptômes à l'entrée (10-jour).- Douleurs nocturnes dans les masses mus-

culaires et dans les tibias. Pas dégonflement. Hyperesthésie à la palpation des

masses musculaires et à la percussion des os.

Exagération marquée du réflexe rotulien gauche. Deux ou trois trépidations

épileptoïdes aux deux pieds.

Etat saburral des voies digestives.

Piqûres de puces eczématisées aux deux jambes.

21. Exagération des réflexes rotuliens.

2 juin. Réflexes très accentués.

Signe de Babinski, positif à gauche avec orteils en extension légère, en

flexion à droite. Pas de clonus du pied.

Sensibilités normales. Sensibilité musculaire normale.

Marche pénible, hésitante avec flottement sur les jambes, sans douleur.

Le mouvement d'élévation de la jambe au-dessus du plan du lit est limité

et hésitant, surtout à gauche, moins à droite.

4. La marche est possible, mais difficile, les pieds traînent.Fléchissement.

Pas de trépidation, ni de clonisme du pied. Réflexe du genou très marqué ;

réflexe du tendon d'Achille exagéré.

208 ETIENNE

Membres inférieurs engourdis. Réflexes des membres supérieurs normaux.

10. Démarche encore hésitante et flageollante.

13. - Marche légèrement talonnante ; fléchissement sur les genoux.

19. Légère flexion sur la jambe gauche, léger talonnement.

28. - Le fléchissement des genoux persiste en marchant, surtout en des-

cendant l'escalier.

2 juillet. - Le malade fléchit encore sur le genou gauche.

Le réflexe patellaire est un peu plus marqué à droite.

Le malade, très fatigué par une marche de 600 mètres, fléchit sur la jambe

gauche.

Observation VIII.

Boy... Oscar-Ernest, 36 ans, de la compagnie du Génie marchant avec les

régiments X5e et X7°, entré au Bon-Pasteur le 30 mai 1916. -

Localité de contamination. - Hoév...

Début. Le 2 mai, douleurs dans les jambes avec faiblesse. Du 15 au 30,

la température se tient vers 37°2, 37°3. Fièvre plus violente au début.

Symptômes à l'entrée. Douleurs lancinantes dans les jambes et les pieds,

surtout vives au voisinage des articulations. - -

Ni analgésie, ni anesthésie.

Exagération du réflexe rotulien des deux côtés, deux ou trois trépidations

du pied.

Réflexes oculaires normaux.

Céphalée, habituelle depuis des années.

Marche un peu hésitante.

Apyrexie.

Marche de la maladie. - 5 juin. Réflexes normaux.

28. - Le malade fléchit encore sur les genoux en descendant l'escalier.

Guérison complète. ,

Observation IX.

Bras... Désiré-Louis-Joseph, X5e régiment d'infanterie, e Cie, entré le

31 mai 1916 au Bon-Pasteur.

Cantonnement. Hoév...

Début. - L'affection actuelle a débuté le 2 mai par une angine traînante

avec légère élévation thermique. Du 8 au 11 mai, la température se tient entre

38° et 38°4, puis elle s'abaisse.

19 mai. Douleurs vives dans les muscles des jambes, du genou, au bas

de la jambe; atrophie musculaire rapide; faiblesse persistante.

Diarrhée pendant quelques jours.

A l'entrée. - Langue sèche, un peu blanche. Pas de vomissement. Selles

normales. Foie normal. '

Exagération des réflexes rotuliens des deux côtés ; 3 on 4 trépidations anx

pieds. Pas de troubles de sensibilité.

Mammite gauche.

MYÉLITES AIGUËS ÉPIDÉMIQUES. DEUX ÉPIDÉMIES MILITAIRES 209 \

10. -'Sein gauche gonflé, sensible à la pression. Aucun ganglion dans

l'aisselle, sans adhérence de la peau.

Deux trépidations déterminées par l'extension rapide du pied, à droite et à

gauche. Orteils en flexion à droite. Légère extension à gauche.

A la marche, sensation de faiblesse.

Le malade se tient difficilement sur la jambe gauche.

12. Démarche légèrement talonnante sur la jambe droite.

28. Fléchit encore un peu sur les genoux en descendant l'escalier.

Marche normale au moment du départ en convalescence.

Observation X.

Galm... Henri-Auguste, soldat au X7e régiment d'infanterie, 30 ans, entré

le 30 mai 1916 au Bon-Pasteur.

Localité de cantonnement. Hoév...

Début. - Vers le 10 mai, par des douleurs dans les jambes, au niveau de

la crête du tibia, surtout nocturnes.

Fièvre. Température autour de 37°2, 37°3 ; à partir du 17, aurait eu pen-

dant quelques jours 38°.

Fléchissement sur les jambes.

Symptômes à l'entrée. - Sensation de fatigue. Douleurs dans les membres

inférieurs. Céphalée. Exagération du réflexe rotulien des deux côtés. Démar-

che spasmodique. Sensibilités normales.

Marche de la maladie. 10 juin. Réflexes devenus normaux.

Démarche un peu hésitante. Le malade peut se porter sur une seule jambe.

12. - Le malade peut se tenir sur la jambe droite et sur la jambe gauche,

mais en fléchissant légèrement sur la jambe droite.

28. Fléchit encore sur les genoux, en descendant l'escalier.

Sensibilité normale.

Observation XI.

Oge Célestin, du 2° bataillon de Chasseurs, 33 ans, entré le 3 août 1915 au

Bon-Pasteur.

Localité de contamination. Rozières-aux-Salines.

Début. Malaise pendant quelques jours, fatigue, courbature, diarrhée.

Puis début brusqué le 30 juillet, par un état de grand malaise, de la cépha-

lée, épistaxis léger, éblouissements. Pas de constipation ni diarrhée, vomisse-

ments.

A l'entrée. T. : 38°3. P. : 100.

Langue sale, plate, saburrale. Nul autre signe objectif.

Marche de la maladie. 4 août 1915. - T. : '36°8. Pouls biféminé à 7 h.

Etat psychique flou ; nuit agitée.

Douleurs dans les jambes et dans les cuisses. Douleurs à la pression dans

la masse musculaire. Céphalée vive.

Raideur douloureuse des lombes dans le mouvement de s'asseoir dans son lit.

La nuque reste libre.

210 ÉTIENNE

Réflexes normaux.

A l'auscultation, bruits respiratoires normaux. Subictère.

5 août. Céphalée violente.

Le malade, en adynamie profonde, est coulé dans son lit.

Urines 1.600 centimètres cubes, louche d'albumine non rétractile.

P. : à 64, régulier, égal, assez bien frappé.

Epistaxis. Constipation.

6. Epistaxis.

Urine : 2.200 grammes, teinte.rouge, hémophéiques.

Une selle normale abondante. Pas de nausées. Pas de vomissements.

- Langue épaisse blanche. Le foie ne déborde pas les fausses' côtes.

Rate appréciable. Pas de taches rosées. Etat adynamique.

Réflexes rotuliens exagérés. Clonus épileptoïde du pied. Hypersensibilité

plantaire. '

Céphalée intense. Le malade se plaint de douleurs lancinantes dans les

membres inférieurs.

Masses musculaires très douloureuses. Douleurs musculaires dans la région

fessière. ,

En raison de ces douleurs, on ne peut pas explorer pour le signe de Kernig.

Bruits du coeur réguliers, égaux. Rien d'anormal dans l'appareil respira-

toire.

P. : 92. T. : 37 ?

Dans la soirée, ponction lombaire. Liquide normal et sans pression.

7. La céphalée parait diminuée.

Urines : 1.500 centimètres cubes. Pigments biliaires. Un peu d'albumine

non rétractile. Au réactif de Meyer, il y a une légère teinte rosée.

P. : 80, bien frappé, régulier, égal. T. : 37°6.

Pas de taches rosées. Teinte ictérique de la peau.

Les jambes sont extrêmement douloureuses.

Nouvelle ponction lombaire qui ne ramène pas de liquide malgré débou-

chage de l'aiguille au mandrin.

8. Céphalée moindre.

Le malade se trouve un peu mieux et' les douleurs musculaires semblent

moins aiguës. Langue toujours chargée. Il s'assied. Pas de signes de Kerniâ,

9. Température hier soir : 36°8; le matin 36°8. P. : 72.

Pouls régulier, égal, bien frappé. La céphalée est presque disparue. z

La langue est moins chargée. Fétidité de l'haleine. N'a pas été à la selle

depuis le 5.

Urine : 1.200 grammes, foncée, de teinte presque normale.

Epistaxis léger. Pas de taches rosées. Rate appréciable, Gargouillement dans

la fosse iliaque droite.

Les mollets sont considérablement moins douloureux.

Phénomène épileptoïde du pied, se manifestant et se propageant pendant

longtemps (Il est examiné à droite seulement). Pas de signe de Kernig.

10. Urine : 1.200 grammes, Plus d'albumine.

MYÉLITES AIGUËS ÉPIDÉMIQUES. DEUX ÉPIDÉMIES MILITAIRES 211

Quelques râles de congestion à la base gauche.

Amélioration de l'état général. Pas de signe.de Kernig.

11, - Amélioration très sensible.

Urines de coloration normale : 1.500 grammes. Persistance d'une petite

quantité de pigment biliaire.

Pas de signe de Kernig. ,

12. Urines : 2.750 grammes environ.

14. - Léger épistaxis. Quelques râles encore à la base gauche.

15. - La céphalée persiste, mais beaucoup moindre, ainsi que les douleurs

des jambes. Constipation. ,

19. - Dans les masses musculaires des membres inférieurs, les douleurs

sont bien moindres, les réflexes rotuliens exagérés. Phénomènes épileptoïdes

du pied des deux côtés. \

Le malade ne peut marcher. Douleur à la pression de la colonne lombo-

sacrée. La céphalée a disparu.

Quand on demande au malade de lever la jambe au-dessus du plan du lit, il

n'y arrive pas ; mais quand on soulève les membres inférieurs, ils ne retom-

bent pas. '

Pas de déformation de la colonne lombaire sacrée.

20. - Une excitation périphérique, un léger frottement par exemple, pro-

voque, non seulement une réaction dans le membre excité, mais aussi dans le

membre symétrique ; et si l'excitation est plus forte, il se produit des con-

tractions dans les membres supérieurs.

Quand le malade s'asseoit, il éprouve une douleur dans la région lombaire.

22. Epistaxis peu abondant.

L'excitabilité réflexe s'atténue et la pression au niveau de la colonne verté-

brale est beaucoup moins douloureuse. Lève mieux les pieds au-dessus du plan

du lit. ,

9 septembre. Le malade ne peut se tenir debout sans un appui.

Démarche d'aspect spastique, traînant le pied qui ne se décolle que difficile-

ment du sol. Réflexe du genou' un peu accentué, surtout à gauche. Réflexes

des orteils en flexion. Clonus du pied net à gauche, moins à droite.

18. Réflexes des orteils en flexion.

Séro-agglutination. Négative, sauf par le Para A à 1/20...

Observation XII.

Roll... Isidore, 21 ans, soldat au ...e bataillon de Chasseurs, ...0 Cie, entré

le 21 août 1915 au Bon-Pasteur.

Antécédents. - Rhumatismes articulaires il y a 3 ans.

Localité de contamination. Rosières-aux-Salines (1 mois).

Début. Etat de malaise, de fatigue, depuis 8 jours.

T. : 19, matin, 36°7; 20, matin, apyrexie, 38°8 soir; 21, matin, 37°8.

Symptômes à l'entrée. - T. : 37°8. P. : 88. Céphalée. Légères douleurs

dans le pied gauche et dans le genou droit.

212 Etienne

Langue saburrale. Anorexie. Constipation.

Marche de la maladie. 31 août. Douleurs dans le pied gauche le

genou droit et le coude droit, sans gonflement. Apyrexie.

1" septembre. Langue blanche, humide. Bruits cardiaques normaux.

Douleur dans le membre inférieur droit et dans le coude droit. Pas de gon-

. flement articulaire. Pouls bon.

6. Epistaxis. Céphalée, 37°6.

7. Tête lourde, 36°6. Langue blanchâtre.

12. - Sueurs profuses depuis 15 jours. Pas de taches. Matité splénique nor-

male. Zone hépatique normale. Selles normales. Parésie des membres infé-

rieurs. Légère exagération des réflexes des genoux. Sensibilités normales.

13. Urines couleur normale. Sueurs.

20. Douleur dans les tibias.

Sueurs (n'en avait jamais avant la maladie).

26. Sueurs.

2 octobre. Pouls flottant. Sueurs.

6. - Démarche canetante. Réflexes des genoux très augmentés. Clonus du

pied à oscillations répétées. Orteils en flexion. Réflexe cutané abdominal fort.

Phénomène de la main léger ; accentuation du réflexe du coude.

Sensibilités normales.

Evacuation.

Les douze cas dont les observations sont rapportées ici appartiennent,

ainsi que je l'ai déjà indiqué, à deux séries :

1° Une série de 10 observés coup sur coup, la première entrée le

1er mai 1916, la dernière le 31 mai.

Neuf de ces cas me sont arrivés du même secteur, appartiennent aux

mêmes divisions ; six d'entre eux proviennent de deux régiments formant

une même brigade et alternant dans les mêmes tranchées et dans les mê-

mes cantonnements ; et un d'une compagnie du génie marchant avec ces

deux régiments. Les autres appartiennent aux deux régiments de l'autre

brigade, cantonnés dans des localités voisines. Le dixième (obs. I), le

premier en date, appartient à une section d'infirmiers dont les relations

avec cette division paraissent éloignées.

L'épidémie paraît donc assez concentrée, moins étalée qu'il n'est sou-

vent signalé. Mon service recrute également les malades des secteurs voi-

sins, parmi lesquels je n'en ai pas relevé de cas ; je crois savoir aussi qu'il

n'en a pas été signalé dans les autres formations sanitaires de Nancy. Après

le départ de cette division, je n'ai reçu aucun cas nouveau provenant des

troupes qui l'ont remplacée. D'autre part, des renseignements que j'ai

reçus il ne paraît pas en avoir été constaté d'autre cas parmi les troupes

MYÉLITES AIGUËS ÉPIDÉMIQUES. DEUX ÉPIDÉMIES MILITAIRES 213

de la division infectée après son départ. Aucun cas de contamination in-

térieure ne s'est produit dans nos services hospitaliers, bien que plusieurs

malades aient été soignés par des infirmières non prévenues et au milieu

d'autres malades, la symptomatologie très floue n'ayant été dépistée

qu'ultérieurement. De même, pas de cas dans les hôpitaux de l'avant

dans lesquels nos malades ont séjourné avant leur évacuation sur le Bon-

Pasteur. Les auteurs ont signalé déjà ce point, notamment Batten (1),

qui insiste sur le fait que beaucoup de personnes en contact étroit avec

les malades ont échappé à l'infection, de même que des singes logés dans

les mêmes cages que des sujets inoculés ne contractaient pas de myélite.

Par contre, ces régiments voisinent avec un secteur dans lequel ont été

observés au même moment de nombreux cas de méningite cérébro-spi-

nale ; les deux épidémies se sont juxtaposées ; M. Netter a signalé déjà

ces rapports ; mais elles ne se sont pas superposées.

Les neuf malades appartenant à une même division sont entrés au Bon-

Pasteur du 15 au 31 mai 1916 ; l'infirmier de l'observation 1 le 1er mai.

Les deux chasseurs à pied de la deuxième série étaient entrés le 3 et le

21 août 1915.

La maladie a débuté :

Le 28 avril, observation V du Ze régiment d'infanterie.

Le l°r mai, observation III du X5e régiment d'infanterie.

Le 2 mai, observation VIII de la compagnie du génie.

Le 2 mai, observation IX dus5<= régiment d'infanterie.

Le 7 mai, observation VI du X7e régiment d'infanterie.

Le 8 mai, observation IV et X du X2e et du X7* régiments d'infanterie.

Le 10 mai, observation VII du X7e régiment d'infanterie.

Le 16 mai, observation II du X70 régiment d'infanterie.

Chez l'infirmier (obs. I), à l'évolution totale de qui nous avons assisté,

début le le' mai.

Chez les deux chasseurs, début le 30 juillet et le 17 août 1915.

Fait curieux : dans le groupe constitué par le 5e, X7°, et la compagnie

du génie, les débuts se sont établis en deux périodes :

4°X5e et génie : 3 cas, 1er mai, 2 mai, 2 mai.

2aX7", 4 cas : 7 mai, 8, 10 et 16.

Si de cette constatation on rapproche le fait que ces deux régiments se

relevaient dans les mêmes cantonnements et les mêmes tranchées, on

peut se demander si le deuxième ne s'est pas contaminé directement dans

les cantonnements du premier.

(1) H. BATTEN, Epidémiologie de la poliomyélite, Brain, vol. XXXIV, fasc. 1er sep-

tembre 19H

214 q, ETIENNE

En outre, un cas isolé a éclaté dans la brigade co-endivisionnée le

28 avril et le 8 mai.

Les observations XI et XII ont été observées simultanément en août

1915 dans deux bataillons de Chasseurs à pied, et tous deux cantonnés

dans la même localité, à Roz...-aux-S... A noter que d'après les rensei-

gnements qui m'ont été fournis, aucun cas de paralysie infantile n'a été

signalé au cours,de l'année 1915 dans la circonscription médicale dont

Roz...-aux-S... est le siège.

Toute base ferme nous manquant quant à l'appréciation de la durée de

l'isolement à imposer à nos malades cliniquement guéris, nous avons

adopté, par analogie avec'la méningite cérébro-spinale, 50 jours à dater

du début de la phase d'étal.pour les malades guéris.

Il nous a été malheureusement impossible d'entreprendre toute rocher-

che expérimentale sur le virus des cavités muqueuses qui eût pu nous

éclairer à ce sujet, pas plus d'ailleurs qu'avec le virus des centres ner-

veux de l'observation IL

La symptomatologie est à étudier à la phase des prodromes, d'inva-

sion, de début, d'état et de résolution.

Période prodromique. Dans quelques cas, une période prodromi-

que, de quelques jours généralement, a été notée, caractérisée par un

état de malaise, de courbature, de troubles digestifs, de fatigue. Dans

l'observation I, le malade est arrivé à l'hôpital du Bon-Pasteur à la fin

de cette période, deux heures avant la constatation de la fièvre ; il arrivait

à pied, ayant l'aspect d'un homme très fatigué, déprimé, mais répondant

très nettement aux questions posées ; l'officier gestionnaire de l'hôpital

où il était employé nous l'amenait parce que depuis quelque temps il

était mal en train et s'affaiblissait.

Même état de malaise, de fatigue, depuis 8 jours dans l'observationlIl;

de malaise, de fatigue, de courbature, de diarrhée depuis quelques jours

dans l'observation XI.

Dans un cas (obs. IX), une angine à suites traînantes, avec persistance

d'un léger état fébrile pendant une quinzaine de jours, précéda directe-

ment l'éclosion delà phase d'invasion. Le même fait a été signalé dans

un cas par Hellier (1). '

En somme, souvent période de troubles d'aspect indéterminé, ressem-

blant plus ou moins à un embarras gastrique. Ces troubles digestifs ont

été signalés déjà par Hellier.

(1) Hellier, Poliomyélite épidémique de STARMAIOEI\. British meJ. Journal, 30 dé-

cembre, p. 1690. Ane. Rev. neurol., 1912, n 15, p. 180 (186), no 177.

MYÉLITES AIGUËS ÉPIDÉMIQUES. DEUX ÉPIDÉMIES MILITAIRES 215

D'ailleurs, le diagnostic d'envoi de nos malades a toujours été très va-

riable, ainsi que nous le préciserons plus loin.

Cette période prodromique, de durée variable, peut manquer presque

complètement : dans l'observation V, presque en plein travail, apparition

subite de douleurs violentes dans les deux jambes avec impossibilité subite

de marcher; dans l'observation VI, le 7 mai, apparition brusque de fièvre

et dé douleurs très vives dans les jambes empêchant le mouvement ; dans

l'observation VIII, le mai, douleur et faiblesse dans les jambes (de

même dans les observations IV, II, III) ; crises douloureuses dans les os

et les muscles des jambes et des cuisses, avec inappétence dans l'observa-

tion VII.

L'invasion est parfois très solennelle, survenant brusquement après la

période insidieuse et mal déterminée de la phase prodromique.

Elle se manifeste par des vertiges et une syncope (obs. XII). Elle est

parfois d'une brutalité d'allure foudroyante, comme dans l'observation I,

où elle évolua entièrement sous nos yeux, mettant en quelques instants

le malade dans nne situation de la plus extrême gravité, et posant les plus

troublants problèmes cliniques : à 11 heures, cet homme est arrivé à l'hô-

pital parce que fatigué, mal en train depuis quelque temps ; à 13 heures,

on constate une température de 38°9 ; cependant le malade couché cause

à ses voisins, rit et écrit deux lettres ; à 16 heures subitement, il se plaint

d'une céphalée atroce ; d'une douleur épigastrique extrêmement violente ;

état subsyncopal, deux grands frissons ; T. à 9 °2, P. à 54.

Dans d'autres cas assez fréquents, M. Netter a indiqué un début à

type pseudo-méningitique.

Parfois, l'invasion est moins violente, les douleurs et l'état spastique

succédant à la période de fatigue, d'asthénie, de l'incubation. Tempéra-

ture se tenant vers 38° avec quelques oscillations vers 37° ou 37°3 (obs. X).

La phase d'invasion éclate souvent par des douleurs vives dans les mus-

cles des jambes ; douleur osseuse parfois (obs. X et V) ; souvent à exacer-

bation nocturne (obs. IV, V, VII).

La douleur est parfois extrême. Dans l'observation I, une douleur de

côté simule celle de la colique hépatique ou de la pancréatite suraiguë.

La douleur peut aller jusqu'à déterminer d'emblée une impotence plus

ou moins complète (obs. 1 et VI).

La céphalée du début de la phase ^d'invasion, parfois tout initiale, .est

très fréquente, parfois atroce (obs. I). Elle peut être en rapport avec une

certaine atteinte méningée dont la fréquence est notée par M. Netter;

dans l'observation I, elle ne paraît cependant pas provoquée par l'hyper-

tension, l'écoulement du liquide céphalo-rachidien ayant été très lent à la

première ponction et l'hypertension n'ayant été constatée qu'au 8= jour.

21 6 ÉTIENNE

La fièvre, précoce, est parfois à ascension extrêmement brutale, à 41°

en quelques instants (obs. I), atteignant dès le premier jour 39° (obs. II

et IV), 38°2 le matin et 39°4 le 2e jour (obs. VI). Dans d'autres cas, la

température reste moyenne, se tenant entre 38 et 39° (obs. III, V, VII), ne

dépassant pas 38° (obs. VII et X) ; ou avec température seulement le soir,

à 36°7 le matin et 38°8 le soir (obs. XII).

L'élévation de température est parfois très fugitive ; dans l'observa-

tion IV, la température s'élève dès le premier jour à 39° et tombe aussitôt

à une apyrexie définitive. -

En opposition avec une très forte élévation thermique, j'ai observé

dans l'observation I un paradoxal abaissement du pouls, à 54.

La période d'état paraît surtout caractérisée par l'apparition des acci-

dents moteurs, généralement de paralysie ou de parésie.

Elle est parfois presque immédiate, le malade entrant à peu près d'em-

blée dans la période d'état par l'impotence plus ou moins complète

(obs. III, VI, VIII). Dans l'observation IV, des douleurs spontanées, lan-

cinantes, à exacerbation nocturne dans les jambes et les genoux, s'accom-

pagnent d'emblée de raideur des jambes et de difficulté de la marche.

Dans l'observation VIII, dès le premier jour, le mai, le malade ne peut

se lever à cause de la faiblesse et des douleurs des jambes. Dans l'obser-

vation V, apparition subite, presque en plein travail, de douleurs très

violentes dans les jambes, avec impossibilité de marcher ; puis dès le len-

demain, le malade ne peut se tenir debout, les jambes fléchissant sous lui.

Hellier signale le début habituel de la parésie dans le deuxième ou

troisième jour de la maladie.

L'apparition est souvent plus tardive. Dans l'observation XI, elle se

révèle le 6e jour seulement par de la difficulté à passer à la position assise,

et ce n'est que vers le 20. jour que se constate nettement la parésie des

membres inférieurs.

Il importe de ne pas confondre l'impotence paralytique vraie avec l'im-

potence résultant de l'intensité des douleurs dans les membres inférieurs.

La distinction est nettement établie, par exemple dans l'observation VI,

dans laquelle la maladie a évolué en deux périodes : la première, caracté-

risée par des douleurs extrêmement vives, empêchant les mouvements, le

malade spécifiant qu'il aurait pu se tenir debout et marcher, alors que la

température oscillait autour de 39° ; puis, après un temps d'amélioration

nette, avec température se tenant autour de 38°, celle-ci fait un nouveau

saut fugitif à 39°, alors que s'établit la parésie des membres inférieurs : le

malade ne peut plus se tenir sur ses jambes, non plus parce qu'il a mal,

mais parce qu'il fléchit. -

L'intensité des troubles paralytiques a été très variable. Dans les cas

MYÉLITES AIGUËS ÉPIDÉMIQUES. DEUX ÉPIDÉMIES MILITAIRES z) 17

graves, la paralysie flasque peut être absolue, complète et totale : dans

l'observation I, le malade ne peut faire le plus petit mouvement ni de la

nuque (boule de bilboquet), ni du tronc, ni des membres ; pas le plus petit

mouvement de l'orteil ou d'un doigt.

La paralysie peut n'être que partielle ; dans l'observation XI, le malade

ne peut élever la jambe au-dessus du plan du lit ; mais quand on soulève

les membres, le malade peut les maintenir élevés pendant un certain

temps sans les laisser retomber. Chez d'autres malades, les accidents

paralytiques sont beaucoup plus atténués encore : ils se sont limités à une

sensation de fatigue extrême dans l'observation X, à de la faiblesse dans

les jambes (obs. VIII) ; dans l'observation VII, Jour.... a pu pendant

plusieurs jours continuer vaguement son service de téléphoniste dans son

régiment. Plusieurs malades ont fait la plus grande partie de leur évolu-

tion sans que l'attention paraisse avoir été attirée sur le système nerveux,

et nous n'avons plus constaté au service que les modifications des réflexes

et un cerlain degré de contracture. Dans l'observation XII notamment,

l'évolution se faisant sous nos yeux, simulait à s'y méprendre une para-

typhoïde, et l'attention n'a été attirée que vers les troubles douloureux ;

les mouvements ne paraissaient pas plus modifiés qu'au cours d'une mala-

die générale grave ; mais apparurent les troubles des réflexes, et au mo-

ment des premiers levers, on constata la démarche canetante et spastique.

En somme, chez ces malades, les parésies se traduisent toutes par une

démarche lente et fléchissante, avec fatigue et impossibilité de la marche

après quelques pas : troubles qui, après quelque temps, ne se produisent

plus qu'à l'occasion de la descente d'escalier.

La paralysie a souvent été non seulement partielle, mais aussi incom-

plète en ce cas, surtout aux membres inférieurs : nous trouvons le type

paraplégique net dans l'observation III : l'élévation des membres infé-

rieurs est difficile du côté gauche, impossible du côté droit. Mais le

malade peut s'asseoir et les membres supérieurs sont totalement indemnes.

Enfin, de partielle et incomplète, la paralysie peut se compléter et se

généraliser : dans l'observation II, nous avons vu sous nos yeux l'évolu-

tion progressive prendre le type de la myélite ascendante de Landry,

arrivant à intéresser l'orbiculaire des paupières, mais pas de façon appa-

rente les autres branches du facial, et se terminer brutalement par des

accidents bulbaires.

A une deuxième phase, plus ou moins précoce, apparaissent des trou-

bles moteurs spasmodiques, se traduisant par de la contracture ; l'obser-

vation IV a été notamment nette à cet égard ; chez ce malade, les contrac-

tures paraissent avoir été remarquablement précoces ; presque dès le

début, on a noté de la difficulté et de la raideur de la marche ; à l'entrée

xxviii 15 5

218 ETIENNE

au service, trois semaines après le début des crises douloureuses, il existe

un état de contracture des membres inférieurs, le malade ne pouvant que

difficilement fléchir les jambes, avec marche spasmodique. De même, la

démarche est tout à fait spasmodique dans l'observation XI dès que le

malade peut se lever ; il ne peut décoller les pieds du sol et traîne les

pieds.

L'état des réflexes est variable. Quand nous avons assisté au début de

la phase d'état, nous avons vu des réflexes normaux d'abord dans l'obser-

vation XI, au 6° jour ; ils sont restés normaux au cours de toute l'évo.

- lution dans l'observation I.

Totalement abolis déjà au 8e jour dans l'observation II, ils le sont

restés jusqu'à la mort. L'abolition des réflexes existe au lie et au 6' jour

dans les deux observations du récent mémoire de M. Netter et dans les

cas de Hellier.

Dans tous mes autres cas, les réflexes ont été trouvés exagérés, souvent

il est vrai à une phase assez tardive. Dans l'observation XI, normaux en-

core au 6° jour, ils se sont marqués dès le 8e, avec exagération du réflexe

patellaire et apparition du clonus du pied.

Dans tous les cas d'exagération ou d'inversion des réflexes, les réflexes

tendineux ont été augmentés. Le clonus du pied a été observé dans tous

ces cas, sauf dans l'observation VI ; son intensité est variable, depuis le

clonus indéfini (obs. III, IV) ou presque (obs. V, XII) jusqu'à l'existence

seulement de deux ou trois oscillations (obs. VII et VIII).

Le phénomène de Babinski apparut plus tardivement dans deux cas; le

gros orteil, encore en flexion après trois semaines dans l'observation IV,

était en extension vers le 35e jour. Dans l'observation VI, le réflexe des

orteils est resté normal.

Les réflexes n'étaient exagérés que dans les segments intéressés. Ce-

pendant, dans le cas de paraplégie paraissant nettement limitée de l'obser-

vation III, le réflexe cubital apparut un peu marqué. Les réflexes des

membres supérieurs ont été intéressés dans l'observation XII.

Il est à noter que le seul cas dans lequel je n'ai pas observé de modifi-

cation des réflexes consécutive a été celui de Lav... (obs. I), chez qui a

été appliquée la sérothérapie par le sérum antipoliomyélique.

Les contractions idiomusculaires nettes ont été observées dans l'obser-

vation III au 12- jour. Dans l'observation XI, vers le20ejour, nous avons

très nettement noté d'énergiques mouvements dans les membres inférieurs,

mouvements contro-latéraux d'abord, puis si l'excitation périphérique

était plus forte, extension des contractions propagées aux membres

supérieurs.

Mouvements contro-latéraux également dans l'observation III, encore

MYÉLITES AIGUËS ÉPIDÉMIQUES. DEUX ÉPIDÉMIES MILITAIRES 219

au 34e jour. Un état de contracture musculaire permanente a été noté

dans l'observation IV.

Du côté de la motilité viscérale, nous avons observé la rétention

d'urine dans l'observation III. Au 4° jour, jour de l'entrée au service,

le globe vésical atteignait, le soir; presque l'ombilic ; pendant deux jours,

le cathétérisme a été nécessaire, et les mictions spontanées se sont réta-

blies trois jours plus tard.

Dans l'observation II, le relâchement des sphincters avec selles invo-

lontairess'est établi le 12e jour, alors que la paraplégie se faisait complète

et totale, que la paralysie était ascendante, mais que n'existaient pas

encore les accidents bulbaires qui ont brusquement déterminé la mort.

Un certain degré d'atrophie musculaire des muscles paralysés ou paré-

siés a existé chez tous les malades; elle a été particulièrement manifeste

dans les observations I, II, III et V, et très précoce dans les deux pre-

mières ; dès le 8° jour, les muscles étaient flasques, nettement atrophiés.

Les troubles sensitifs, surtout sous forme douloureuse, sont constants,

et généralement ouvrent la scène. Nous l'avons indiqué en étudiant la

phase d'invasion. '

A la phase d'état, nous les trouvons encore au 8e ou 9e jour avec le

début de phénomènes parétiques envahissants dans l'observation IL Dans

l'observation I, des douleurs, intolérables d'abord, sont encore intenses,

avec crises d'exacerbation quand s'établit la paralysie totale et complète ;

elles ont disparu dès le 4° jour. Dans l'observation XI, elles commencent à

s'atténuer vers le 10° jour.

L'analgésie et l'anesthésie ont été observées dans un seul cas (obs. II),

coïncidant au Se jour, avec des douleurs encore persistantes dans les

masses musculaires. Les sensibilités tactiles et à la piqûre sont abolies,

alors que les sensibilités profondes (musculaires, osseuses) sont conservées.

Pas d'astréognosie. Au 1 le jour, une ponction rachidienne est totale-

ment indolore.

Dans l'observation VI, l'hypoesthésie est nette.

Hyperesthésie, au contraire, à la piqûre et à la pression dans l'obser-

vation V.

Les douleurs spontanées les plus fréquemment observées sont les

douleurs des membres, notamment des membres inférieurs, parfois des

membres supérieurs et inférieurs (obs. XII) ; douleurs musculaires sur-

tout (obs. II, III, VI, VII, VIII, XI) ; souvent très violentes, avec exacer-

bation ; parfois à type spasmodique ; parfois au point de rendre intolé-

rable le contact des draps du lit.

Douleurs osseuses, seules ou combinées aux douleurs musculaires,

notamment localisées au tibia (obs. IV, V, VI, VII, X, XII). Ces douleurs

220 ÉTIENNE

osseuses sont souvent à exacerbation nocturne (obs. V et X), violentes au

point d'empêcher tout repos.

Le type des douleurs a été signalé comme crampe dans une obs., ou

douleurs lancinantes (obs. IV, V, VIII, XI), douleurs plus vives (obs. V).

En aucun cas, la pression au niveau des émergences nerveuses n'a ren-

forcé la douleur notablement plus que la pression des muscles ou de l'os.

' Les viscéralgies extrêmement violentes dans l'observation I, signalées

à la phase d'invasion, simulant les douleurs de la cholécystite ou de la

pancréatite aiguës, ou des crises gastralgiques, ont disparu dès le début

de la phase d'état. L.

La céphalée, atroce à la phase d'invasion (obs. I, II, V, XII) avait cédé

à la phase d'état. Céphalée vive chez OG... (obs. XI) aux 5°, 6°, 7e et

8e jours et diminuant au 9e et au 100, légère au 17e jour, disparue au

21e. Elle a persisté pendant près d'un mois dans l'observation VIII. La

céphalée a été absente dans les observations IV et VI.

Cette céphalée ne paraît pas en rapport avec l'état du liquide céphalo-

rachidien.

L'état du liquide céphalo-rachidien, en effet, a été observé notamment

dans l'observation I. Au cours du 4e jour de la période d'état, le liquide

s'écoulait sans pression, clair comme de l'eau de roche, ne donnant pas

de culot à la centrifugation, avec seulement quelques très rares lympho-

cytes sans polynucléaires. Au 7° jour, 25 centimètres cubes de liquide, de

constitution identique, s'écoulent sous forte pression. Pression augmen-

tée du liquide clair comme de l'eau de roche au 20° et au 22° jour dans

l'observation IV. Par contre, dans l'observation II, le liquide, clair

comme de l'eau de roche, n'était pas en hypertension au 98 jour ; pas

d'hypertension non plus au 8° jour, ni au 9e, dans l'observation XI, ni

au 32e jour dans l'observation V.

Il est à noter cependant que dans des cas analogues, W. Hough et

G. Laforce (1) ont constaté l'existence de liquide céphalo-rachidien, gé-

néralement clair ; avec, pendant la période précoce, une légère augmen-

tation de la pression, accroissement constant des protéides, et pleiocytos

par augmentation des polynucléaires disparaissant quelques jours après

l'apparition de la période aiguë, pour faire place à une lymphocytoseavec

quelques cellules plasmatiques et quelques mastzellen.

Dans tous les cas, le liquide a été stérile. Les auteurs précédents n'ont

non plus trouvé nul élément bactérien coloré.

Des conditions d'installation de l'hôpital auxiliaire ont empêché la

détermination des réactions électriques alors qu'elles auraient été inté-

ressantes pendant la période d'état.

(1) W. Houe et G. LAFORCE, Folia Neurobiologica, t. V, no 3, mars 1911.

MYÉLITES AIGUËS ÉPIDÉMIQUES. DEUX ÉPIDÉMIES MILITAIRES 221

La température s'élève au début de la poliomyélite épidémique ; nous

avons vu avec quelle brutalité parfois dans la période d'invasion.

Cette température s'abaisse en général assez rapidement dans l'obser-

vation II, l'apyrexie était complète alors que l'invasion ascendante s'ac-

centuait ; elle s'établit au 7° jour dans l'observation XII, au 12e dans

l'observation XI. -

Dans ces deux derniers cas (obs. XI el XII), la température oscillant

entre 37° et 37°5, à type continu rémittent, présentait une allure indé-

terminée d'une courbe d'embarras gastrique fébrile ou de courbature fé-

brile.

La température tombe au 13° jour dans l'observation IX, puis la phase

pyrétique s'est prolongée jusque vers le 520 joui,, en forme rémittente

vaguement ondulée.

Après la forte élévation du début, la température s'établit en plateau vers

38° le soir j usqu : au). t jour dans t'observation VII, jusqu'au 33e jour dans

l'observation V ; en plateau sub-fébrile vers 373 jusqu'au 22" jour dans

l'observation VI, au 29e dans l'observation VIII. Dans l'observation VI,

deux périodes pyrétiques dans les environs de 39° ont été séparées par

une période autour de 38°, correspondant la première à l'invasion de la

maladie et des phénomènes douloureux, et la deuxième, du 12e au

158 jour, avec l'apparition des accidents parétiques ; la température se

tient ensuite entre 37° et 37°6 jusqu'au 24° jour.

Mais lorsque l'apyrexie s'est établie, elle n'est pas définitive ; et sou-

vent des ascensions se reproduisent : dans l'observation XI, aux 15°, 16e,

26', 27e, 30°, 31e, 32', 39e jours, etc., poussée rémittente à 39°, séparée

par des périodes d'apyrexie ; dans l'observation XII, poussée à 37°6 le

21'jour après 15 jours d'apyrexie ; puis aux 23e, 24e, 3o jours. Dans

l'observation V, au 6e jour de l'apyrexie, une réascension se produit à

38°8 en deux poussées rémittentes, aux 38° et 39e jours de la maladie,

accompagnée d'une recrudescence de douleurs dans les membres. Même

incident à 38° au 23e jour, puis poussées à 37°3 répétées, après une dou-

zaine de jours dans l'observation IV, dans laquelle la poussée thermique

initiale, à 396, n'a duré qu'un jour et a été suivie de l'apyrexie ; poussée

à 37°3 au 21e jour après 10 jours d'apyrexie dans l'observation VII.

J'ai signalé déjà l'abaissement paradoxal du pouls à 54 accompa-

gnant l'élévation thermique énorme à l'invasion dans l'observation I. A

la phase d'état, le pouls s'est maintenu au-dessous de 60 jusqu'au 9° jour ;

puis s'est rétabli à la normale avec d'assez notables oscillations.

Le pouls a été bas également dans l'observation XI, mais seulement à

la phase d'état, entre le Il- et le 19e jour, s'abaissant jusqu'à 48 le 141, et

le 18' jour ; il reste ensuite très instable. Dans l'observation XII, nous le

222 ETIENNE

trouvons à 54 les 10° et 16° jours ; à 54 également entre le 22e et le

28e jour.

Phase DE RÉSOLUTION.

La phase de résolution suit la phase d'état sans démarcation nette, en

état d'apyrexie, par atténuation progressive des accidents moteurs, alors

que les troubles sensitifs ont disparu depuis déjà plus ou moins longtemps.

Il persiste alors de la faiblesse des membres inférieurs. Le malade, qui

jusqu'à présent n'avait pu se tenir debout, commence à pouvoir se tenir

sur ses jambes, tente avec un appui d'abord, puis livré à lui-même, quel-

ques pas, en fléchissant sur ses genoux, se rendant compte que les mem-

bres ne peuvent encore le supporter. La démarche devient ensuite plus

assurée, mais avec sensation de très grande fatigue, d'engourdissement

des membres après quelques pas. Les forces des membres reviennent pro-

gressivement ; en quelques jours généralement, la gêne d'abord, la fati-

gue ensuite se manifestent encore à l'occasion de la descente d'escaliers.

Chez nos malades plus légèrement atteints, les premières étapes de la

réparation-se sont assez rapidement succédées, en quelques jours; mais

la consolidation complète a été plus longue. Par exemple dans l'observa-

tion IX, au 20e jour, la marche est très limitée par la sensation de faiblesse

et de lassitude ; le malade se tient difficilement sur sa jambe gauche; au

25e jour, la démarche plus facile est encore légèrement talonnante; au

41e jour, le'malade fléchit légèrement sur les genoux en descendant l'es-

calier. Dans l'observation VII, au 22e jour, le malade peut esquisser quel-

ques pas, la démarche étant très difficile, hésitante, l'élévation des pieds

étant très limitée et hésitante, les jambes flageolantes; le 24e jour, le

malade peut marcher, mais très difficilement, les pieds traînants, les

jambes fléchissantes; au 30e jour, démarche hésitante; au 33e, marche

légèrement talonnante avec fléchissement sur les genoux ; au 39e, légère

flexion sur la jambe gauche ; au lise, le fléchissement des genoux persiste

surtout lors de la descente des escaliers; au 52e jour, le malade a pu

marcher pendant 600 mètres, mais avec une grande fatigue.

Les modifications des réflexes se régularisent aussi progressivement

les réflexes tendineux paraissant les plus longs à rentrer en ordre. Par

exemple, dans l'observation V, le 8 juin, environ au 40e jour, des ré-

flexes patellaires sont exagérés, les orteils réagissent en extension, ébau-

che de trépidation des pieds ; le 12 juin, même état, sauf que le clonus

(1) NETTER et Levatidi, Myélites aiguës diffuses et myelites tz'ansvez'ses causées pa"

l'agent de la paralysie infantile. Société médicale des hôpitaux, 27 mars 1914, p. 571.

' 12) FLLLER EXGLA;\D, Sur quelques cas de paralysies épidémiques, observées en

lIampshi1'f'. Brit. rr : ed. Jal" 30 décembre 1911 : Anal. Revue Neurol., 1912, n' 15,

p. 185.

MYÉLITES AIGUËS ÉPIDÉMIQUES. DEUX ÉPIDÉMIES MILITAIRES 223

des pieds n'existe plus qu'à droite ; le 19, l'extension des orteils ne se

fait plus qu'à gauche; le 29, les orteils réagissent en flexion. Le 30, la

seule modification des réflexes persistants est une légère accentuation

des réflexes patellaires à droite, où il est plus vif.

On voit que la restauration complète des modifications des réflexes est

souvent assez .tardive ; de même au 370 jour dans l'observation V ; les

réflexes patellaires et achilléen sont augmentés, les orteils en extension à

gauche et clonus du pied à gauche. Dans l'observation III, au 39*'jour,

les réflexes patellaires sont encore vifs, le clonus du pied continu à gauche

et ébauché à droite, les orteils en extension.

En résumé, on voit que la symptomatologie a été assez diffuse : troubles

moteurs avec paralysie totale ou parésie ; état spasmodique ; troubles sen-

sitifs ; en somme, symptômes de paralysie diffuse, bien plus diffuse qu'il

n'est habituel dans la poliomyélite de la paralysie infantile.

Dans nos cas cependant, la symptomatologie est restée essentiellement

médullaire, sans signe encéphalique autre que la céphalée, atroce au dé-

but dans l'observation I ; sans signe méningé précis ; sans modification

notable du liquide céphalo-rachidien, au moins dans les premières pha-

ses, sauf parfois une certaine hypertension consécutive. Mais l'intensité

et le type des douleurs se rapprochent fort du type polynévrite, et font

penser à l'existence d'une cellulo-névrile ; malheureusement, la recher-

che des réactions électriques n'a pu être faite au moment de choix et n'a

pu préciser le rôle de l'élément névrite combiné dans la détermination de

ces douleurs musculaires et osseuses.

Le groupement des symptômes peut revêtir, au cours d'une même épi-

démie, un grand polymorphisme neurologique :

Myélite diffuse dans l'observation I.

Myélite ascendante du type Landry dans l'observation JI.

Myélite transverse.

En tous cas, le type poliomyélite pur ne s'est trouvé réalisé chez aucun

des malades adultes atteints de myélite épidémique que j'ai observés au

cours de ces deux séries de malades, de mai 1916 et juillet-août 1915.

M. Netter a insisté depuis plusieurs années sur ces variantes, et Fuller

England déjà ne voulait intituler ces cas que « Paralysies épidémiques ».

Le cas 2 s'est terminé rapidement par l'apparition brusque de troubles

bulbaires mortels ; le cas 1 a été extrêmement grave ; le cas 3 a été une

paraplégie complète à résolution assez rapide. Les autres ont été plus

légers ; même les accidents médullaires ont été chez quelques-uns fort

224 ÉTIENNE *

atténués, se caractérisant surtout par une parésie avec, dans le cas 10, une

modification passagère de la sensibilité. Ces derniers cas, à vrai dire, tout

en étant, en somme, fort nets, auraient pu passer inaperçus, et tiennent

surtout leur signification de leur rapprochement avec les cas évidents,

1,2,3...

Il est intéressant de noter l'opposition entre la grande prédominance

des troubles paralytiques dans l'épidémie de mai 1916 (obs. I à X), et

l'intensité des phénomènes spasmodiques dans les deux cas de 1015

(ohs. XI et XIII). Les épidémies sembleraient ainsi présenter parfois une

certaine individualité clinique.

Je n'insisterai pas ici sur le diagnostic à la phase d'état. Le diagnostic

de myélite est net quand existent les troubles paralytiques et les modifi-

cations des réflexes. Mais on voit dans quelle énorme proportion peuvent

varier leur intensité, depuis le cas de l'ohservation 1 jusqu'au cas des

observations IX, X, et aussi leur mélange et leur groupement.

Au début de cette phase d'état, quand les accidents ne sont pas encore

précisés, qu'il est difficile d'affirmer si l'impotence tient à la paralysie et

non à la douleur, quand souvent on pense à la possibilité d'une méningite

aiguë, on peut trouver un bon signe, dans les formes très diffuses, dans le

relâchement des muscles de la nuque donnant aux mouvements passifs

imprimés à la tête un bizarre aspect' très pittoresquement et exactement

appelé par M. Netter en « boule de bilboquet » (obs. I), tranchant avec la

raideur méningitique.

Certains symptômes de la phase d'état se rapprochent de ceux signalés

par W. Leishman sous le nom de « fièvre des tranchées », notamment la

brusquerie de l'invasion fébrile (après cependant une période prodromi-

que fréquente), la durée de cette période fébrile, les rechutes thermiques

fréquentes, la céphalée, le ralentissement du pouls, et surtout les douleurs

des membres et le long des tibias. Mais la circulaire 2.709/ S du 13 avril

1916, du directeur général du Service de Santé, signalant les constata-

tions de Leishman, ne fait aucune mention des troubles paralytiques ou

spasmodiques, ni des modifications des réflexes, si caractéristiques, fon-

damentaux, dans nos cas ; et il n'est pas douteux qu'ils auraient ailleurs

attiré l'attention.

Quant aux phases d'invasion et d'incubation, elles sont fort obscures,

comme déjà l'a signalé Herbert Bruce Low (1) ; et en dehors de l'existence

connue de cas dans les milieux observés, rien ne me paraît pouvoir fixer

l'attention sur la myélite aiguë, ni distinguer l'invasion d'une de ces

myélites de celle d'une autre infection plus ou moins grave.

(1) HERBERT BnucE Low, Proceedings of the Royal Sociely of Medicine of London,

26 janvier 1912.

MYÉLITES AIGUËS EPIDÉMIQUES. DEUX ÉPIDÉMIES MILITAIRES 225

De cette obscurité, je trouve la preuve dans les diagnostics d'envoi ou

de passage dans les différentes formations de nos malades : « Crises de

rhumatismes articulaires aigus. Courbature. Rhumatismes articulaires

aigus avec fièvre. Courbature grippale. Rhumatismes articulaires aigus.

Rhumatismes articulaires ; symptômes d'excitation médullaire. Rhuma-

tismes ? Névrites. Arthrite sèche du genou. Puis, réaction médullaire ou

polynévrite avec embarras gastrique. Rhumatismes articulaires. Puis :

réactions médullaires avec embarras gastrique. Fatigue générale consécu-

tive à un embarras gastrique (Cas 2, mortel). Embarras gastrique puis

paratyphoïde (1) ? Embarras gastrique fébrile. Puis, méningite. Puis,

paratyphoïde.

Je ne reviens pas ici sur la question du traitement (2). Il consiste essen-

tiellement et spécifiquement dans l'emploi du sérum antipoliomyélique

deNetter et Levatidi, qui, lorsqu'il intervient à temps, lorsque les lésions

d'infiltration de la myélite aiguë ne se sont pas encore organisées, peut

enrayer l'évolution médullaire, la faire rétrocéder, la raccourcir considé-

rablement, et limiter au minimum ou supprimer à peu près complète-

ment les séquelles de la maladie, si souvent indélébile. Notre observa-

tion 1 en est un exemple. Je rappelle seulement que d'après les documents

des mémoires de M. Netter, le sérum employé dans la première observa-

tion (sérum Cottin) est celui d'une jeune fille paralysée 13 mois aupara-

vant ; que dans l'observation II, le sérum (Truchon) venait d'un grand

infirme depuis 20 ans.

(1) Inutile de dire qu'il ne s'agit dans aucun de ces cas de myélite compliquant une

paratyphoïde légitime ou toute autre infection, comme j'ai eu l'occasion d'en observer

des cas en tous points comparables à ceux déjà étudiés dans la fièvre typhoïde.

(2) G. ETIENNE, Sérothérapie dans deux cas de myélite diffuse aiguë au cours d'une

épidémie militaire. Soc. médicale des hôpitaux.

UNIVERSITÉ DE LUND (SUÈDE)

SUR LA QUESTION

DE LA POLYNÉVRITE SYPIIILITIQUE OU MERCURIELLE

(observation D'UN cas mortel)

PAR

Karl PETREN

Professeur à la Clinique médicale de l'Université de Lund (Suède).

A différentes époques, les auteurs ont discuté sur la question de la

syphilis comme cause de la polynévrite et de l'intoxication mercurielle

comme origine de cette maladie ; au cours de ces discussions, quelques

auteurs étaient plus disposés à regarder ces cas de polynévrite comme une

conséquence de la syphilis, d'autres les regardaient comme une cônsé.

quence de l'intoxication mercurielle. Il y a quelques années, j'ai observé

à la clinique un cas, où le problème du diagnostic différentiel entre une

polynévrite par syphilis oupar intoxication mercurielle, pendant unecer-

taine période de l'observation, m'a beaucoup troublé, comme d'ailleurs

aussi ceux de mes collègues qui ont d'abord observé le cas. L'issue a été

mortelle, et à la fin j'ai pu établir l'intoxication mercurielle comme cause

de la mort. Ces derniers temps, j'ai vu encore des cas d'intoxication mer-

curielle se terminant par la mort (je les publierai en un autre endroit);

en conséquence je suis revenu à mon observation déjà un peu ancienne

avec le tableau clinique d'une polynévrite. Bien que la question du dia-

gnostic différentiel entre la polynévrite syphilitique et la polynévrite

mercurielle ait été discutée maintes fois déjà par les auteurs, je traiterai

aussi des observations antérieures paraissant valables pour juger cette

question et les observations nouvelles publiées dans ces dernières années,

car plus le nombre des observations sera grand, mieux nous pourrons

fonder notre opinion sur la question.

Je vais d'abord donner mon observation ; ensuite je traiterai très briè-

vement des cas antérieurs qu'on peut regarder comme polynévrite syphi-

litique ou comme polynévrite mercurielle.

Observation.

N. F..., homme de 23 ans. Entré à la clinique médicale d'Upsal (où j'étais

DE LA POLYNÉVRITE SYPHILITIQUE OU MERCURIELLE 227

professeur alors), le -27 juillet 1908 (Observé d'abord par le Dr I. Thorling).

La santé du malade auparavant bonne. Il a contracté la syphilis cette année ;

éruption cutanée en avril. Il a consulté un médecin aussitôt la roséole apparue.

Il a été traité par des injections mercurielles, une fois par semaine, au moins

6 injections (Il ne nous a pas été possible d'obtenir des renseignements sur la

forme de mercure qui a été employée). Peu de temps après le jour de la saint

Jean il a recommencé une cure d'injections de mercure ; il a reçu 4 ou 5 in-

jections, la dernière deux semaines avant l'entrée à la clinique.

Le malade raconte que depuis un mois il a des douleurs des jambes lors des

mouvements ou des efforts, mais surtout des douleurs nocturnes. Pas de cé-

phalalgie. Depuis une semaine, il prend de l'iodure de potassium.

Etat à l'entrée à la clinique. Il se plaint de douleurs des jambes.

On ne trouve aucune éruption syphilitique, mais une adénopathie générale.

L'état général est bon.

Aux membres inférieurs, on ne peut observer aucune atrophie ni de diminu-

tion de la sensibilité. La force des mouvements est normale. Les mouvements

ne causent pas de douleurs ; pas de douleur à la pression. Réflexes rotuliens

normaux. « Réflexes plantaires faibles ». Réflexes crémastériens normaux.

L'examen du coeur et des poumons donne un résultat normal. Le pouls est

régulier, 95. Le foie n'est pas agrandi. On ne peut découvrir la rate par la

palpation. Dans l'urine, pas d'albumine, pas de substance réductive.

29 juillet. - Le malade a reçu une injection de salicylate de mercure

(5 gr.). De même une injection les 4 ? 4 et 7 août. Il est encore traité par

l'iodure de potassium.

4 août. On observe à la plante des pieds, des deux côtés, plusieurs

infiltrations cutanées d'une couleur rouge-brun qu'on a regardées comme une

syphilide papuleuse.

La température n'a pas dépassé 37°5.

Le malade est sorti de la clinique le 8 août et depuis il est traité chez lui.

Il semble qu'on ait continué les injections de salicylate de mercure (3 injec-

tions) ( ? ). .

18. Le malade est revenu à la clinique. Les douleurs des jambes ne sont

pas diminuées. Les éruptions cutanées aux plantes des pieds ont augmenté. Pas

d'albumine dans l'urine. L'examen du rectum a donné un résultat uégatif.

Le malade reçoit ce jour une injection de salicylate de mercure 1 1 encore une

le 22 août.

22. La photographie radiologique ne nous montre aucune 11 '['ration des

articulations coxo-fémorales, ni des régions glutéales, ni du fémur gauche et

pas de dépôts de mercure. Le 18 septembre, les photographies radiologiques

du sacrum et des vertèbres n'ont donné aucun résultat pathologique.

24. - Pas d'albumine dans l'urine.

27. - On trouve, en faisant l'examen par le rectum, que la pression au côté

antérieur du coccyx et du sacrum cause des douleurs assez intenses. Ni

gonflement ni autres altérations pathologiques ne sont constatés à cette explo-

ration. En examinant le côté postérieur du sacrum, on n'obtient pas de dou-

leurs par la pression.

228 PETREN

29. Le signe de Lasègue est positif (à 60°), et la pression sur le grand

nerf sciatique cause un peu de douleur. Pas de troubles de la motilité aux

jambes. Sensibilité au tact et à la douleur normale. Réflexes rotuliens et plan-

taires normaux. Ni clonus du pied, ni signe de Babinski,.

5 septembre. Pas d'albumine.

6. - Dès l'entrée à la clinique, le sommeil a été très mauvais. Les douleurs

aux cuisses et à la partie inférieure du dos ont été d'une telle intensité qu'il

ne peut rester couché tranquillement ; il se tourne et retourne dans le lit. Les

tout derniers jours, l'agitation du malade a un peu diminué. Depuis deux ou

trois jours il n'a pu se lever, ni être assis sur son lit. Il peut faire les mouve-

ments des articulations des membres inférieurs au degré normal, mais la force

de ces mouvements est beaucoup réduite. Il y a une certaine agitation motrice

dans les muscles des membres inférieurs.

La sensibilité au tact et à la douleur est normale.

Maintenant pas de réflexes rotuliens. A la jambe gauche, il y a un réflexe

achilléen faible. Les réflexes plantaires sont normaux.

7. On ne trouve aucun réflexe achilléen.

9. - Nous constatons une faiblesse très grande des membres supérieurs.

En essayant le dynamomètre, on ne vient pas au-dessus de 0 kilo. Les réflexes

olécrâniens sont faibles. Pas de réflexes des tendons du poignet. Cet après-midi,

le malade a des douleurs très intenses dans les jambes, et il se tourne dans son,

lit et se lamente tout haut. Sédation par la morphine.

10. - Aujourd'hui, douleurs très fortes, localisées au côté postérieur des

cuisses, à la région sacrée, au creux poplité et aux mollets. Ces derniers

jours, le bord de la gencive s'est montré rougeâtre et d'une mauvaise couleur,

mais pas d'ulcération.

12. - Le malade a aujourd'hui la conscience troublée, et pendant la plus

grande partie du jour il demeure couché, dans un état de somnolence. Pouls 120.

Trace d'albumine. Pas de cylindres dans l'urine.

14. Pas de symptômes pathologiques du côté des poumons.

15. - La somnolence du malade est assez grande, mais quand il est éveillé,

il n'y a pas de trouble de conscience. Quelquefois il se plaint de douleurs fortes.

16. - En faisant l'analyse de l'urine pour un jour, nous trouvons une

quantité de mercure de 1,8 milligramme.

17. La pression sur les grands nerfs sciatiques et même à côté de ces

troncs nerveux provoque des douleurs. Cela n'est pas le cas pour la colonne

vertébrale ou pour le sacrum. En faisant l'examen du rectum, on ne trouve pas

maintenant de douleurs par pression. Pas de signe de stomatite.

19. L'éruption syphilitique sur les plantes des pieds est maintenant

diminuée. Dans l'urine, trace d'albumine et quelques cylindres hyalins.

22. Il y a un tremblement intentionnel, ample, des mains. La cachexie

s'est augmentée. Le malade est assez apathique, assez somnolent, il ne répond

presque jamais. Aujourd'hui il ne se plaint pas de douleurs, et il n'y a pas

nécessité de lui donner de la morphine. Il n'a voulu prendre rien autre que

de l'eau. Pouls faible, rythmique, 120 par minute.

CI DE LA POLYNÉVRITE SYPHILITIQUE OU MERCURIELLE 229

24 : . Réflexes rotuliens et achilléens faibles. Dans l'urine, 1,5 0/00

d'albumine, quelques cylindres hyalins. -

26. - Depuis hier, l'urine et les excréments salissent ie lit. Il a passé les

deux derniers jours dans un état de somnolence et n'a plus donné de réponses.

Il ne mange plus, et aujourd'hui on lui a donné un repas par la sonde. Pouls

plus faible, petit, 120.

27. - Somnolence. Nutrition par la sonde.

29. - Les derniers jours, le pouls a été petit et fréquent. Aujourd'hui, il

empire, plus petit et plus fréqueut. Le malade n'a pas toussé. Pas de signe du

côté des poumons. Le malade succombe le jour même.

Autopsie (prof. QUENSEL). Diagnostic pathologique : cachexie, néphrite

parenchymateuse aiguë légère et bronchopneumonie du poumon gauche.

Aspect extérieur. Le corps assez gracile. La couleur de la peau est un

peu brunâtre.

Cerveau. La dure-mère est d'une épaisseur normale, le côté intérieur

pâle. Les leptoméninges partout d'une épaisseur normale, leur quantité de

sang n'est que médiocre, mais celle-ci augmente à la partie inférieure des

circonvolutions rolandiques droites avec quelques hémorragies petites.

Les vaisseaux à la base du cerveau ont des parois minces. La substance du

cerveau est d'une consistance normale; à la coupe, le piqueté hémorragique

augmente. ,

Ventricules d'une grandeur ordinaire. Dans les parties antérieures des

ventricules latéraux, il y a en quelques points une épendymite granuleuse.

Moelle épinière. - Les méninges minces ; l'afflux du sang médiocre.

Coeur de grandeur et consistance normales. Valvules et orifices normaux.

Musculature d'une épaisseur normale, on ne trouve pas d'altérations. Dans le

rameau descendant de l'artère coronaire, il y a quelques parties épaisses. La

membrane interne de l'aorte est lisse.

Il y a une bronchopneumonie du lobe inférieur du poumon gauche. Il n'y a

pas d'adhérence des poumons. Le parenchyme des poumons, en général, pâle

et aérien. Le lobe inférieur du poumon gauche montre une quantité de sang

augmentée et dans les parties postérieures quelques foyers de bronchopneu-

monie.

Dans les bronches, une grande quantité de mucus ; dans les bronches du

lobe inférieur du poumon gauche, une sécrétion muco-purulente. Membrane

muqueuse pâle. ,

Rate. - Un peu agrandie et d'une consistance un peu molle ; à la coupe, les

corpuscules de Malpighi sont un peu agrandis. La pulpe d'un rouge foncé.

Dans le canal digestif, la membrane muqueuse est pâle. Dans la moitié infé-

rieure de l'iléon, les follicules clos un peu agrandis. Pas d'altérations ui du

pharynx, ni de l'oesophage, ni de l'estomac, ni de l'intestin.

Le foie et le pancréas sont d'une grandeur normale et ne présentent pas

d'altérations.

Les reins sont uu peu agrandis, le bord de la coupe se gonfle. L'écorce est

230 PETREN

d'une couleur grisâtre opaque ; les pyramides de Malpighi montrent une quan-

tité de sang augmentée.

M. le professeur Quensel conclut qu'il n'y a rien qui contrarie l'idée d'in-

toxication mercurielle comme cause de la mort.

Il semble évident qu'il s'agit d'un cas d'intoxication mercurielle.

L'autopsie ne nous a fait découvrir aucune maladie organique pouvant

être la cause de la mort. Chez le malade il y avait une cachexie très

développée et toujours progressive. On n'a trouvé à l'autopsie aucune

altération organique qui pouvait expliquer le développement de cette

cachexie. A la clinique, nous avons observé une stomatite ; cependant ce

symptôme de l'intoxication mercurielle n'a été que léger, et il est bientôt

passé spontanément.

A la clinique encore les symptômes d'une néphrite sont apparus, mais

n'ont atteint qu'un degré d'intensité assez médiocre. J'ai observé quel-

ques autres cas de néphrite, en conséquence d'une intoxication mercu-

rielle (je les publierai ailleurs), et d'après mon expérience, la néphrite

de cette origine est au moins souvent caractérisée par une quantité

d'albumine souvent grande, tandis que les éléments organisés de l'urine

ne sont que peu développés ; il est surtout remarquable qu'on ne trouve

que des cylindres hyalins et pas de cylindres granuleux, malgré qu'il y ait

dans les mêmes cas une grande quantité d'albumine. Dans ce cas, l'al-

bumine n'a atteint qu'une quantité de 1,5 0/00, mais il n'y avait non

plus que quelques cylindres hyalins. Par conséquent, la forme de la né-

phrite en ce cas correspond bien à ce qu'on peut voir pour une néphrite

qui est due à une intoxication mercurielle.

D'ailleurs le tableau clinique a été dominé surtout par les symptômes

du côté des nerfs périphériques. Les douleurs des jambes ont été le phé-

nomène le plus imposant, et elles ont atteint une très grande intensité.

Il y avait encore le signe de Lasègue, et les troncs du grand sciatique

étaient très douloureux à la pression, c'est-à-dire qu'il y avait nombre

de phénomènes d'irritation des nerfs périphériques Sauf ces phénomènes

d'irritation, il avait une diminution et plus tard une abolition des ré-

flexes tendineux aux membres inférieurs, un symptôme qui en tout casa

progressé avec une certaine irrégularité. En outre, il y avait une parésie

assez développée des quatre membres. En considérant ensemble tous ces

symptômes du côté des nerfs périphériques, nous avons le syndrome A'une

polynévrite assez distinct, bien que les phénomènes d'irritation aient été

surtout développés.

DE LA POLYNÉVRITE SYPHILITIQUE OU MERCURIELLE 231

Enfin, nous avons vu un tremblement des membres assez notable.

Par conséquent, comme nous nous trouvions en ce cas en présence d'une

stomatite, d'une néphrite et d'un tremblement correspondant à ce qu'on

peut voir dans l'intoxication mercurielle, et comme il y avait en outre une

cachexie progressive jusqu'à la mort qu'elle a fini par déterminer, et

comme on a aussi établi la présence de mercure dans l'urine, on ne peut

mettre en doute qu'il s'agisse d'une intoxication mercurielle comme cause

de la mort. Chez ce malade, souffrant d'une intoxication mercurielle,

il s'est développé une polynévrite en même temps que les symptômes de

cette intoxication et, par suite, la question se pose de savoir s'il s'agit

d'une polynévrite mercurielle.

Ainsi, nous en sommes venu au résultat que dans notre cas il s'est agi

d'une intoxication mercurielle avec issue mortelle où il y avait une po-

ivnévrite. Comme le malade avait contracté de la syphilis, il y avait plus

6 mois cependant, il faut discuter si la polynévrite est due à l'infec-

tion syphilitique ou à l'intoxication mercurielle.

Je ne m'occuperai pas des opinions des différents auteurs émises sur la

syphilis et l'intoxication mercurielle comme cause de la polynévrite, mais

je me contenterai de citer très brièvement les observations cliniques qui

peuvent contribuer à mettre en lumière cette question.

D'abord, il faut se rappeler la grande difficulté causée par le fait qu'un

grand nombre des cas, où une polynévrite est survenue quelque temps

après l'infection syphilitique, ont été soumis au traitement mercuriel.

Par conséquent, les mêmes cas ont subi l'influence des deux facteurs et il

faut juger lequel des deux est la cause de la polynévrite. Nous y revien-

drons encore, mais laissons pour le moment ce point de vue de côté.

Pour ce qui est de la syphilis, le problème est d'abord le même que je

rencontre presque partout en pathologie : on veut conclure sur la relation

de causalité entre deux maladies, d'après la coïncidence de deux maladies

chez les mêmes individus. Mais quand la coïncidence de deux maladies

nous met-elle en droit de tirer une conclusion sur une relation de cau-

salité entre elles ? La réponse générale à cette question est qu'il faut

évaluer la fréquence de la coïncidence de deux maladies d'après la fré-

quence de ces maladies mêmes. C'est-à-dire, s'il s'agit de deux maladies

qui sont toutes les deux très rares, c'est assez d'observer leur coïncidence

chez les mêmes individus peu de fois. Plus la fréquence de deux mala-

dies est grande, plus il faut exiger un grand nombre d'observations où

on a établi la coïncidence de deux maladies chez les mêmes individus

pour permettre une conclusion sur une relation de causalité entre elles.

Cette règle est d'elle-même si évidente qu'on pourrait trouver superflu

d'en parler ; mais en réalité, il semble que les auteurs aient souvent ou-

232 PETREN-

blié cette loi si simple. Quant la syphilis, nous savons tous combien cette

maladie est fréquente. Mais ce n'est pas assez que rappeler ce fait, il faut

encore garder en notre mémoire que nous ne savons jamais quand cette

maladie est guérie chez un individu une fois frappé par la maladie - en

réalité, il y a une exception à cette règle, c'est-à-dire que nous pouvons

conclure que la maladie a été guérie si l'on voit une réinfection, mais il

est bien évident que cette exception à la règle est sans aucune valeur pour

la question que nous traitons ici. Par conséquent, il faut toujours prendre

en considération la possibilité que la syphilis subsiste après un temps

-quelconque. Comme une très grande partie de la population est atteinte

de syphilis, et que la polynévrite est une maladie assez (ou très) fréquente,

il faudrait un très grand nombre de cas de polynévrite apparaissant chez

des individus antérieurement frappés par la syphilis pour permettre une

conclusion sur une relation de causalité.

La question devient tout autre, si nous regardons les cas de polynévrite

se développant chez des individus qui ont contracté la syphilis il y a peu-

de temps. Car; comme il faut admettre la possibilité que la syphilis sub-

siste toujours, 30 ans et plus, chez l'individu une fois atteint par la ma-

ladie, il est bien évident que le pourcentage de la population qui souffre

d'une infection syphilitique contractée depuis moins d'une année est beau-

coup plus petit que le pourcentage où il y a possibilité d'admettre une

syphilis, nouvelle ou ancienne.

Par conséquent, pour conclure à une relation de causalité entre les deux

maladies, nous pouvons nous contenter d'un nombre de cas de coïncidence

des deux maladies beaucoup plus petit, quand il s'agit de syphilis con-

tractée tout récemment, en comparaison avec ce qu'il faut exiger pour la

même conclusion, en traitant des sujets qui ont contracté une infection

syphilitique une fois dans leur vie, peu importe s'il s'agit d'un temps bref

ou long. Ces principes sont nécessaires à rappeler pour juger cette ques-

tion, mais ils sont si évidents qu'il ne serait pas nécessaire d'en parler,

s'il ne semblait pas que les auteurs en traitant cette question ne les

aient souvent pas assez pris en considération.

En gardant en notre mémoire ces principes pour juger la question,

nous allons considérer les faits de valeur pour ce qui est du problème de

l'existence d'une polynévrite causée par syphilis et d'une polynévrite

par intoxication mercurielle qui sont publiés par les auteurs.

D'abord, il faut attirer l'attention comme nombre d'auteurs, par

exemple Raymond et encore d'autres l'ont déjà fait sur le fait que les

cas de névrite circonscrite due à la compression des nerfs par une exos-

tose, une gomme ou d'autres processus de nature et d'origine syphiliti-

que, sont tout à fait autre chose que les cas de polynévrite. Cependant,

- DE LA POLYNÉVRITE SYPHILITIQUE OU MERCURIELLE 233

tous les auteurs n'ont pas assez distinctement observé cette différence.

Par exemple, pour ce qui est du cas de Grosz (signes de névrite d'un cubi-

tal avec des douleurs spontanées, fortes, des douleurs à la pression de

l'olécrâne du même côté et ensuite des douleurs fortes d'un nerf sciati-

que poplité externe), cet auteur n'a pas fait une distinction nette entre

son cas et les cas de polynévrite vraie, et cette erreur a été acceptée par

plusieurs auteurs.

Même chose serait à dire à propos de deux cas d'Ehrmann el un cas de

Laurens.

D'abord, je parlerai du cas de Taylor, où des symptômes avaient pro-

gressé depuis 8 ans ; pas de parésie, mais analgésie des quatre membres,

panaris, mutilation des'doigts et des orteils, ectropion des deux côtés,

sensibilité diminuée au trijumeau premier. Il y avait une histoire d'in-

fection syphilitique, mais du mercure avait été employé sans succès.

Comme on le voit, c'est une histoire typique d'un cas de lèpre, et on est

assez étonné que Taylor n'ait pas accepté l'opinion exprimée après lui

par : « several gentlemen of prominence » qu'il s'est agi de lèpre.

Dans le cas de Sorrentino (cité d'après Cestan), il y avait de l'anal-

gésie des quatre membres, apparaissant d'abord aux membres supérieurs, ,

mutilation des doigts, pas de parésie. Progression des symptômes pendant

l'année et demie que l'observation comprend. D'après mon opinion, il

n'y a pas de raison de penser à un autre diagnostic que celui de la lèpre

(symptômes des quatre membres, qui avaient commencé aux membres

supérieurs, maladie chronique, toujours progressive, mutilation des

doigts).

Par conséquent, nous laissons de côté ces deux cas de lèpre, très carac-

téristiques,bien que ces malades aient contracté une infection syphilitique.

On trouve quelquefois des cas publiés comme des exemples de poly-

névrite syphilitique, où il n'y a pas d'autres raisons pour la diagnose de

la syphilis que le fait que les symptômes de la polynévrite ont disparu

pendant un traitement antisyphilitique. Des cas de cette espèce sont les

observations de Nonne (obs. 382, 2. édition) et d'Aguglia (cité d'après

7 ? eu. neural., t. 94, II, p. 251, 1912). Mais comme la polynévrite est

une maladie toujours d'un bon pronostic et très souvent même d'une

durée fort brève, on ne peut évidemment baser aucune conclusion sur le

fait que le malade est guéri pendant un traitement au mercure. Par

conséquent, il faut laisser de côté les cas de cette espèce.

Dans ce qui suit, je ne prendrai en considération que les cas de poly-

névrite pas trop différente du type ordinaire (où il y a des raisons d'ad-

mettre la présence d'une syphilis). Il est superflu de donner ici une des-

XXVIII 16

234 ' PETREN »

cription de ce qu'il faut demander pour admettre le diagnostic d'une

polynévrite du type ordinaire.

On trouve un certain nombre d'observations de cette espèce publiées

où il est établi que les malades avaient contracté la syphilis. Je fais suivre

ici les observations que j'ai trouvées, où plus d'une année s'était passée

entre l'infection de la syphilis et le développement de la polynévrite.

Observations. Temps écoulé entre l'infection syphilitique

et la polynévrite. Autres remarques.

PERRIN (obs. 20). Syphilis de 26 ans. Symptômes de polynévrite d'une

intensité assez médiocre. La malade pouvait marcher. Traitement iodo-mer-

curiel. Après deux mois, amélioration.

OPPENHEIi. Syphilis de 20 ans. - Réflexes rotuliens exagérés ; symptô-

mes correspondants à une polynévrite, mais les troubles de la motilité sont

plus développés aux membres supérieurs. On discute la question de savoir s'il

pouvait s'agir d'une méningomyélite. Le malade avait été traité par des doses

fortes de mercure, mais probablement pas pendant les deux dernières années.

Amélioration sans traitement anti-syphilitique.

- BUZZAIiD. Syphilis de 20 ans. La maladie avait envahi non seulement

les quatre membres, mais encore le diaphragme et les nerfs crâniens (para-

lysie faciale, oculaire, et dysphagie). La paralysie faciale est apparue avant

les autres symptômes. B. ne discute pas une polynévrite, mais accepte le dia-

gnostic d'une méningite syphilitique. Cependant Ross et Bury ont cité le cas

comme une polynévrite, et ils ont été depuis suivis par plusieurs auteurs.

BuzznRn. Syphilis de 14 ans. Affection non seulement des quatre

membres, mais encore paralysie faciale, parésie du voile du palais, du dia-

phragme et dysphagie, respiration difficile. C'est ici la même chose : B... a

conclu à une méningite cérébrale, mais Ross et Bury regardent le cas comme

une polynévrite.

STIEFLRR. - Syphilis de 12 ans. Symptômes d'une névralgie du plexus

brachial des deux côtés. La maladie progressa pendant six mois, et pendant

ce temps le mercure n'a pas été utilisé, depuis guérison. Wassérmann positif.

Nonne (obs. 474). Syphilis de 12 ans. Polynévrite subaiguë du-type

ordinaire. Depuis 8 ans, pas de mercure. Pendant traitement anti-syphilitique,

lente amélioration. Plus tardivement, parésie du moteur oculaire externe et

depuis développement de tabes.

Stocker. Syphilis de 11 ans. - Cas de polynévrite, pas de description

des symptômes. A la ponction lombaire, on a trouvé le Wassermann positif et

une lymphocytose. Parie traitement de mercure, on en est venu à un résultat

assez bon.

Fischer. - Syphilis de 10 ans. - Symptômes correspondant à une poly-

névrite. Là aussi paralysie faciale et du voile du palais. Depuis, développement

de tabes et d'une névrite optique.

, DE LA POLYNÉVRITE SYPHILITIQUE OU MERCURIELLE 235

PEItRIN (obs. 19). Syphilis de 9 ans. De la diplopie et des symptômes

qui peut-être étaient dus à une polynévrite. Amélioration après un traitement

par du mercure et de l'iodure de potassium.

Bonnet et LAURENT. Syphilis de 5 ans. Trois ans après l'infection

syphilitique, paralysie transitoire d'un bras et du releveur de paupière des

deux côtés. Deux années plus tard, éruption abondante ulcéro-croûteuse de

syphilis et en même temps une polynévrite assez typique. Guérison rapide par

le mercure.

PLEHN. - Syphilis de 3-4 ans. Polynévrite avec des symptômes psy-

chopathiques qui font que l'auteur regarde le cas comme un exemple de maladie

de Korsakoff. L'auteur parle encore d'une affection du pneumogastrique et du

phrénique, mais n'en donne pas d'autres raisons qu'une dyspnée. Après six

mois, les symptômes sont pour la plus grande partie disparus. Pendant ce

temps, traitement iodo-mercuriel. L'auteur ne parle pas de l'alcool. Eruption

syphilitique cutanée en même temps que la polynévrite.

FRUGONI. - Syphilis de 3 ans. Polynévrite du type ordinaire ; en tout

cas, il semble que les symptômes ont été le plus développés aux membres su-

périeurs. Amélioration rapide pendant le traitement avec mercure et iodure de

potassium.

FRY. Syphilis de 26 mois. - Auparavant une hémiplégie probablement

de nature syphilitique (32 ans). Polynévrite assez typique, guérie après six

mois. Le malade avait été traité par le mercure, avant que la polynévrite fût

venue. Il y a eu une stomatite, pas intense. Dans la discussion, nombre de

neurologistes, les plus célèbres de l'Amérique (Dana, Allen Starr, Putnam),

n'ont pas voulu accepter le cas comme polynévrite syphilitique.

HOFFMANN. Syphilis de durée inconnue. Polynévrite pas typique ;

les symptômes ont commencé par les membres supérieurs, peu de parésie.

Anesthésie et ataxie très développées, encore parésie faciale du voile du palais,

dysphagie. Réaction de Wassermann positive. A la ponction lombaire lympho-

cytose et réaction de Nonne positive. Pendant le traitement par le mercure

amélioration lente.

PLEHrr. Syphilis de durée inconnue. Polynévrite assez typique. A la

ponction lombaire pression un peu augmentée et une faible réaction de Was-

sermann. Guérison pendant le traitement par le mercure.

Barié et Colombe. Syphilis dans la période tertiaire. Symptômes

d'une polynévrite. De plus la parole très difficile, paralysie faciale des deux

côtés. A la ponetion lombaire quantité d'albumine augmentée, la réaction de

Wassermann douteuse, mais fortement positive au sang ; pas de lymphocytose.

Auparavant, une période avec les symptômes d'une syphilis cérébrale. Après

deux mois, presque guéri pendant un traitement au mercure.

STRASSER et Kraks. Syphilis héréditaire. Cas de polynévrite. Le ma-

lade avait eu en outre la fièvre paludéenne (cité après Jahresber. über die

Fortschnitte der Neurologie und Psych., 1900, p. 600).

Comme on le voit, ainsi je n'ai trouvé que 17 cas décrits de polynévrite

chez des individus qui avaient contracté de la syphilis plus d'une année

236 PETREN

avant le développement de'la polynévrite. J'ai pu citer en outre 43 cas où

le temps passé depuis l'infection syphilitique n'est pas connu, et enfin un

cas où on a admis comme probable une syphilis héréditaire. Mais parmi

ces 17 cas, Oppenheim pour son cas hésite; ne s'agit-il pas d'une mé-

ningo-myélite (réflexes exagérés) ? Les deux cas de Buzzard me semblent

être des cas assez nets de méningite cérébrale. Le cas de Stiefler n'est pas

une polynévrite mais une névrite localisée. Pour l'un des cas de Plehn

(âge de l'infection syphilitique 3-4 ans), une névrite alcoolique semble

probable. Ainsi il faut laisser de côté ces 5 cas. De plus, je fais abstrac-

tion du cas de Strasser et Kraus où les auteurs ont pensé à la possibilité

d'une syphilis héréditaire, parce qu'on ne sait comment il faut regarder

ce cas et parce qu'il serait un cas unique, si l'on acceptait l'idée de syphi-

lis héréditaire comme cause de la polynévrite. Pour quelques-uns des

autres 11 cas, il y a cependant des raisons de penser à d'autres possibi-

lités pour le diagnostic qu'à celle d'une polynévrite et j'y reviendrai bien-

tôt. Enfin, pour les cas de Nonne et de Fischer, un tabes s'est développé

un peu plus tard et en réalité, je n'osé pas avoir une opinion fixée et ne

sais comment il faut regarder ces cas. -

Même si nous acceptons le cas de Fischer et de Nonne et tous les autres

cas (cependant comparez ci-dessous), il ne reste néanmoins que il cas

où la polynévrite est plus ou moins probable et où les malades ont con-

tracté une infection syphilitique il y a plus d'un an. Quand on se rap-

pelle combien la polynévrite est une maladie commune et combien

l'attention des auteurs a depuis nombre d'années été fixée sur la coïnci-

denced'une infection syphilitique et d'une polynévrite, il semble évident

que le nombre des cas où on a établi la coïncidence de ces maladies, et de

l'infection syphilitique contractée depuis plus d'une année, - même si

nous acceptons 11 cas de cette espèce (comparez ci-dessous) ne forme-

raient qu'une petite partie du nombre des observations qui auraient été

nécessaires pour permettre une conclusion sur une relation de causalité

entre la polynévrite et la syphilis - autant qu'il s'agit des cas où cette

infection a été contractée depuis plus d'une année.

Il nous reste à traiter des observations où la polynévrite est apparue

moins d'un an après l'infection syphilitique. Les cas suivent, tous briève-

ment cités. .

Observations. Temps écoulé entre l'infection syphilitique

et la polynévrite. Autres remarques.

Nonne (obs. 471). - La syphilis date de 1 an. z- Symptômes de polyné-

vrite, mais commençant aux membres supérieurs. Bientôt guéri pendant le

traitement mercuriel.

DE LA POLYNÉVRITE SYPHILITIQUE OU MERCURIELLE 237

TUCKWELL. - La syphilis date de) 1 an. Symptômes de polynévrite.

Maladie passée après quelques mois. Traitement par l'iodure de potassium.

L'infection syphilitique n'est pas établie, mais elle semble probable.

Spillmann ET ET1ENNE. - Syphilis de 10 mois. - Symptômes ordinaires

de polynévrite. En même temps éruption syphilitique très généralisée. Guéri

pendant le traitement mercuriel.

JAFFÉ. - Syphilis de 9 mois. Cas d'issue mortelle sous le type de ma-

ladie de Landry. Pas d'autopsie. Par conséquent, on no peut avoir aucune

opinion sur la nature du cas. -

CROCQ (cité d'après Jah¡'esbe1'. d. Neurolog ? t. I, p. 804, 1897).

Syphilis de 6 mois. - Symptômes de névrite d'un cubital, puis des deux

membres inférieurs. Cependant, presque pas de parésie, mais de l'anesthésie et

des douleurs. Bientôt guéri'par l'usage de mercure. Les symptômes du côté

du cubital ont persisté le plus longtemps.

STEiNERT (obs. 1). Syphilis de 6 mois. - Polynévrite du type ordinaire.

En même temps éruption syphilitique des muqueuses. Bientôt guéri pendant

traitement mercuriel.

STEINERT (obs. 2). Syphilis de 6 mois. Polynévrite du type ordinaire

et d'intensité médiocre. Pendant le traitement mercuriel l'état a d'abord empiré;

depuis guéri.

Nonne (obs. 472). Syphilis de mois. - Symptômes pas trop intenses

de polynévrite. Plus tard guéri après traitement mercuriel.

STRAUSS. - Syphilis de 3 mois. Symptômes de polynévrite, plus pro-

noncés aux membres supérieurs. Douleurs fortes aux membres supérieurs.

Paralysie unilatérale faciale, de l'abducens et de l'oculomoteur commun.

Parole difficile, mastication troublée. Les symptômes sont apparus immédiate-

ment après 10 injections de salicylate de mercure (0 05 gr.). Depuis, traitement

par des injections nouvelles de mercure et amélioration rapide des symptômes

du côté des nerfs crâniens, mais en même temps les symptômes du côté des

membres sont très augmentés. Le malade, o mois après l'infection syphilitique,

meurt avec des symptômes de faiblesse du coeur. Pas d'autopsie (au moins pas

de renseignement sur ce point).

'IIDDLETON. - Syphilis de 3 mois. Symptômes de polynévrite assez typi-

ques, pas trop intenses. Il y avait de la roséole. Guéri après traitement anti-

syphilitique. ,

WANDEL. Syphilis de 3 mois. D'abord névralgies intenses aux membres

supérieurs, puis paralysie des quatre membres. Mort 4 mois plus tard (symptô-

mes de paralysie des pneumogastriques des deux côtés). Par l'examen anato-

mique est établie une dégénérescence des pneumogastriques et des autres

nerfs périphériques. Aucun rapport sur l'état des méninges.

CESTAN (obs. I). Syphilis de 1 mois. Paralysie d'abord d'un bras, puis

de l'autre. Pas de symptômes du côté des membres inférieurs. Après traitement

"iodomercuriel pendant 5 mois, amélioration d'un bras, mais aggravation de

l'autre. CI D

238 ' PETREN

CESTAN (obs. II). - Syphilis de 1 mois. Paralysie des quatre membres,

Deux mois plus tard, éruption syphilitique de la peau et des muqueuses.

Amélioration par le traitement mercuriel au bout de quelques mois.

SCHULTZE. Syphilis de quelques mois. Paralysie ascendante, finissant

par la mort par paralysie de la respiration. Réflexes rotuliens conservés.

Parésie plus développée en un bras qu'en l'autre. Pas d'autopsie. Le cas de

Brauer est regardé comme un exemple de polynévrite ; cependant Schultze a

accepté l'idée d'une affection du cerveau ou de la moelle épinière.

DÉJEUNE. Syphilis de date inconnue, mais il y avait ecthyma syphiliti-

que diffus. Le cas du maître de la neurologie française est alors (1876)

regardé par lui comme une poliomyélite subaiguë, mais d'après les progrès de

notre temps, il faut comme quelques auteurs l'ont fait déjà auparavant

accepter l'idée d'une polynévrite. En tous cas, on trouve la remarque : « Les

mouvements réflexes exagérés ». Les symptômes en partie améliorés sous

traitement mercuriel, mais le malade succombe trois mois après l'entrée à la

cli nique.

Par l'examen anatomique (osmium), la dégénérescence des nerfs périphéri-

ques était établie et aussi des altérations histologiques des cellules ganglion-

naires de la moelle épinière. Aujourd'hui, nous pouvons grâce à la descrip-

tion si exacte et si nette conclure qu'il s'est probablement agi d'altérations

des cellules ganglionnaires secondaires, conséquence de la névrite périphé-

rique.

- GILLES de la TOÜnETTE. Syphilis de date inconnue, mais syphilides croû-

teuses du cuir chevelu et papulo-squameuses du tronc, des membres et de la

face. Symptômes correspondant à ceux d'une polynévrite. Amélioration

sous traitement mercuriel. L'auteur ne discute pas la présence d'une polyné-

vrite (1893), seulement « d'une paralysie flasque de syphilis ».

FonDYCE. « Outbreak of early secondary symptom ». Symptômes de

polynévrite. Guéri après traitement iodo-mercuriel.

Trômner. Eruption syphilitique papuleuse diffuse. Symptômes de

polynévrite, apparaissant après le départ de Hongkong. Pas de symptômes du

côté du coeur. En conséquence, l'auteur n'accepte pas l'idée d'un béri-béri.

Guérison rapide sous traitement mercuriel.

Gilles DE la Tourette (cité d'après FnEreEL). Accidents secondaires de

syphilis un mois avant l'apparition de la polynévrite. Cas de polynévrite

assez typique. Amélioration lente après traitement mercuriel.

Je ne prends pas en considération l'observation ancienne de Rodet,

parce que je ne la connais que par des citations (Frenel et d'autres), mais

surtout parce que les symptômes ont prédominé dans un seul côté, et par

conséquent, la nature de l'affection semble incertaine.

Ainsi nous avons trouvé 14 observations où l'infection syphilitique n'a

pas un an d'âge et encore 5 cas où les autres symptômes de la syphilis

DE LA POLYNÉVRITE SYPHILITIQUE OU MERCURIELLE 239

semblent assigner un âge récent à l'infection syphilitique. Le nombre de

ces cas semble leur donner une. assez grande valeur pour juger la ques-

tion de savoir si la coïncidence de la syphilis et de la polynévrite en ces

cas-ci peut rendre probable une relation de causalité entre les deux ma-

ladies. Cependant il faut analyser un peu plus étroitement les symptômes

que quelques-uns de ces cas (et même des cas d'une infection syphilitique

plus âgée) ont présentés.

Parmi les cas cités ci-dessus, il y en a plusieurs où les symptômes n'ont

pas envahi seulement les membres, mais encore les nerfs crâniens. Si

l'on examine la description de ces cas, il ne s'agit pas seulement d'une

paralysie faciale double qui peut encore former un symptôme de polyné-

vrite dû-type ordinaire, si la maladie est d'une intensité considérable;

mais au contraire, les symptômes du côté des nerfs crâniens ont été d'une

distribution irrégulière. Les cas de cette espèce sont (les deux cas de

Buzzard déjà éliminés), ceux de Fischer, de Perrin (obs. 19), Plehn,

Hoffmann, Barié et Colomb, Wandel et Strauss. Dans les deux derniers cas,

la syphilis n'avait pas encore un an d'âge; les deux malades ont suc-

combé à l'affection du système nerveux, qu'on n'aurait pas observé, s'il

s'était agi d'une polynévrite. Quand nous nous rappelons la disposition

si forte, si terrible des méninges pour les processus morbides dus à la

syphilis et de l'autre côté les lois si distinctes, si régulières pour la pro-

pagation des symptômes de la polynévrite, nous ne pouvons venir à une

autre conclusion qu'à celle-ci, qu'il y a toute probabilité pour que les

symptômes du côté des nerfs crâniens en ces cas soient dus à des pro-

cessus morbides de nature syphilitique localisés aux méninges cérébrales.

Mais, en ce cas, il est évident que les symptômes du côté des membres

peuvent même être la conséquence d'une méningite gagnant la moelle

épinière, et par suite la nature des polynévrites de ces cas apparaît au

moins incertaine.

Pour ce qui est des deux observations citées ci-dessus, avec des symp-

tômes aussi du côté des nerfs crâniens et d'une infection syphilitique

âgée de moins d'un an, on trouve que les symptômes des membres ont

commencé aux bras (Wandel) ou ont été les plus développés aux bras

(Strauss). Il est évident que ce fait parle en faveur de l'idée que la pa-

ralysie des membres en ces cas est due à une méningite (spinale).

Pour les autres observations, il y en a où on retrouve un trait corres-

pondant au tableau clinique : Oppenheim (symptômes le plus développés

aux membres supérieurs, réflexes exagérés), Frugoni (symptômes les

plus développés aux membres supérieurs), Nonne (obs. 47J) (symptômes

d'abord développés aux membres supérieurs), Crocq (des symptômes

d'abord seulement en un bras), Cestan (obs. 1) (symptômes exclusivement

du côté des membres supérieurs).

240 PETREN

Je le répète : quand nous nous rappelons combien les lois pour la pro-

pagation des symptômes de la polynévrite sont régulières, il faut se de-

mander s'il ne peut, en ces cas d'un tableau clinique différent du type

ordinaire, s'agir d'une autre forme de maladie que la polynévrite ? Ici il

faut se rappeler que la pachyméningite cervicale hypertrophique

d'après l'opinion de la plupart des auteurs, est due assez souvent, ou au

moins en quelques cas, à la syphilis. J'admets qu'il ne s'agit pas dans les

cas cités ici du syndrome typique de celte maladie, mais il est bien évi-

dent qu'une affection des méninges spinales développée surtout au renfle-

ment cervical pourrait donner les symptômes observés dans ces cas. Dans

le cas de Crocq, les symptômes du côté d'un bras ont montré plus de

résistance contre le traitement mercuriel. Dans le cas de Cestan, le traite-

ment par le mercure n'a pas amélioré les symptômes d'un des bras. Cela

peut bien être expliqué, s'il s'est agi dans ces cas et surtout dans le der-

nier, d'une pachyméningite cervicale hypertrophique. D'ailleurs, cette

maladie peut très bien être améliorée quelquefois par un traitement iodo-

mercuriel, et j'ai observé moi-même depuis quelques années un cas très

net de cette espèce.

En tout cas, comme nous n'avons pas ici le type ordinaire de la poly-

névrite, il ne faut pas oublier la possibilité qu'il pourrait s'agir d'une

méningite spinale surtout développée au renflement cervical, et cette

possibilité, nous ne la pouvons nier.

Ainsi, il est au moins incertain qu'il s'agisse en ces cas d'une polyné-

vrite, et par suite on n'a pas le droit de prendre ces cas en considération,

quand on cherche les faits sûrs pour baser une conclusion sur la polyné-

vrite due à la syphilis.

Pour les autres cas cités ci-dessus, la syphilis n'est pas établie pour le

cas de Tuckwell. Pour le cas de Jaffé, où il s'agit du syndrome de Landry,

le malade est mort et pas d'autopsie ; pour un tel cas, il est évidemment

impossible de savoir quelque chose sur la nature vraie de la maladie.

Encore, dans le cas de Schultze les réflexes étaient conservés, et l'auteur

même est plus disposé à accepter une affection centrale du système ner-

veux.

Si nous laissons de côté ces cas pour lesquels nous avons énuméré les

raisons qui les font regarder comme incertains, il ne nous reste que 6 cas

où l'infection syphilitique a plus d'un an d'âge et où une polynévrite

semble assez probable. Pour le cas de Stocker, il faut encore dire que le

cas n'estpas suffisamment décrit et que le traitement mercuriel n'a pas eu

un effet si éclatant. Pour le cas de Nonne (obs. .74.), un tabès s'est depuis

développé, et cette circonstance me semble rendre douteuse la façon dont

il faut regarder cette observation. Encore pour le cas de Fry, la polyné-

DE LA POLYNÉVRITE SYPHILITIQUE OU MERCURIELLE 241

vrite est apparue après un traitement mercuriel, il y avait en même temps

une stomatite, et nombre de neurologistes ont exprimé leurs doutes sur la

nature syphilitique de la polynévrite.

Par conséquent, il ne reste en réalité que trois cas (ceux de Perrin

(obs. 20), de Bonnet et Laurent et un de Plehn) où nous pouvons accepter

une polynévrite sans aucune hésitation. Il est bien évident que ce nombre

de cas ne permet aucune conclusion sur une relation de causalité entre la

la polynévrite et la syphilis, mais au contraire, que ce fait qu'on a trouvé

que ce petit nombre de cas non douteux quand l'attention est fixée sur

ce point depuis nombre d'années, nous permet de conclure qu'il n'existe

pas une telle relation de causalité entre les deux maladies.

Si nous nous tournons vers les cas où l'infection syphilitique est

venue, il y a moins d'une année, nous arrivons à un tout autre ré-

sultat. Il y a 7 cas de cetle espèce où il n'y a aucune raison d'hésiter

sur la nature de la polynévrite (cas de Spillmann et Etienne, de Steiner

(obs. 1 et 2), de Nonne (obs. 472), de ryliddleton, de Cestan (obs. 2), de

Fordyce). En outre, il y a quatre cas où le diagnostic de la polynévrite

semble très probable et l'âge de l'infection syphilitique n'est pas connu,

mais la forme de l'éruption syphilitique nous fait accepter l'idée d'une

syphilis récente (Déjerine, Gilles della Tourette, 2 cas Trômner).

Encore il faut remarquer qu'entre les 7 cas où une infection syphi-

litique d'un âge de moins d'une année est établie, il y avait au moins

pour cinq cas une éruption syphilitique en même temps, ou presque en

même temps (Cestan, obs. 2) que des symptômes de la polynévrite étaient

présents. C'est-à-dire tous les cas de cette espèce avec l'exception du cas

de Nonne (obs. 472) et Steiner (obs. 2).

Par conséquent, nous avons trouvé 11 cas où la polynévrite semble être

sûre, la syphilis étant contractée il n'y a plus guère d'un an (ou un peu

plus) et entre ces cas, il y en a 9 où il y avait en même temps une érup-

tion syphilitique. Il me semble bien évident que nous pouvons, grâce à

ces observations, conclure que la syphilis peut être la cause d'une

polynévrite.

D'un autre côté, il faut admettre que la polynévrite est une conséquence

très rare de la syphilis. D'abord on voudrait peut-être dire qu'il est inat-

tendu que la polynévrite soit si rare, quand les autres manifestations de

syphilis du système nerveux sont si nombreuses. Cependant, il faut se

rappeler qu'il s'agit des processus morbides d'espèces toutes différentes.

Dans la syphilis du système nerveux, il y a un processus gommeux, sur-

tout une méningite gommeuse, ou il y a une affection des vaisseaux. Pour

ces deux formes de processus morbides, il faut accepter la présence locale

des spirilles de Schaudinn. Pour ce qui est de la polynévrite, au con-

242 PETREN

traire, il faut comme la cause accepter une intoxication due à la syphilis.

C'est, ainsi que les auteurs en traitant celte question l'ont déjà auparavant

remarqué, un processus pathologique de toute autre nature.

Comme nous l'avons vu, j'ai pu montrer qu'une polynévrite peut appa-

raître comme une conséquence de la syphilis pendant la première année

après l'infection, mais qu'il n'est pas prouvé qu'il existe une polynévrite

due à la syphilis plus ancienne. Il est bien évident, comme ce fait

correspond tout à fait à nos idées sur la pathologie de la syphilis, sur le

développement de cette, maladie, qu'elle peut causer une intoxication : générale pendant la première année après l'infection, mais qu'elle ne la

causera pas plus tardivement. -

Ici maintenant nous nous tournons vers les faits qui pouvaient prouver

l'existence d'une polynévrite mercurielle. Je fais suivre ici les observa-

tions très brièvement citées.

Ketli (cité d'après Spillmann et Etienne et d'après Leyden) a observé un cas

d'intoxication mercurielle aiguë (tentative de suicide), d'où a suivi une dysen-

terie dont le malade a guéri, mais ensuite est survenue une paralysie du type

d'une polynévrite, qui était ascendante et a causé la mort. L'examen de la

moelle n'a pas donné de résultats positifs.

Un autre cas d'intoxication mercurielle aiguë (par un accident) est publié

par Faworski ; une diarrhée et une polynévrite ont suivi ; guéri après six mois.

Malgré qu'il ne s'agisse que de deux cas d'intoxication mercurielle

aiguë ayant causé une polynévrite, par suite de la nature de ces cas, leur

nombre me semble néanmoins permettre de conclure que le mercure

peut, dans certaines conditions, exercer l'action d'un poison sur les

nerfs périphériques, origine d'une polynévrite.

Si nous allons aux travaux classiques sur l'intoxication mercurielle (surtout

chronique) (Kussmaul, Hallopeau et Letulle), nous trouvons chez Kussmaul

(p. 250) l'histoire d'un cas d'intoxication mercurielle chronique profession-

nelle avec de la stomatite et du tremblement d'où est venu plus tardivement

parésie des jambes, marche difficile et avec des jambes écartées, quelquefois

douleurs aux jambes, pas d'anesthésie ailleurs, mais la sensibilité se trouve

considérablement diminuée, quand elle est examinée par le compas de Weber.

L'observation comprend un mois, pas de guérison pendant ce temps. La dia-

gnose d'une polynévrite me semble très probable.

Kussmaul cite encore un cas de Plesch d'intoxication mercurielle chronique

professionnelle où il y avait stomatite, de tremblement très intense jusqu'aux

grandes convulsions, puis des symptômes de psychose et où est venue plus

tardivement (pendant les six dernières semaines de la vie) une paralysie des

jambes. La moelle et le cerveau très mous (weich). Le diagnostic est évidem-

DE LA POLYNÉVRITE SYPHILITIQUE OU MERCURIELLE 243

ment incertain, je n'ose pas dire plus, bien qu'une polynévrite me semble

très possible dans ce cas.

Chez Hallopeau, on trouve le cas d'un ouvrier travaillant le mercure (étamage

des glaces) où il n'y avait pas d'autres symptômes d'intoxication mercurielle,

mais des symptômes qui correspondent très bien au tableau clinique d'une

polynévrite (obs. 142). Si l'on veut accepter l'idée d'une hystérie qui a causé

rhemianesthésie, il semble en tout cas impossible d'expliquer le reste par un

autre diagnostic. Le diagnostic d'une polynévrite me semble très probable pour

ce cas, mais comme il n'y a pas d'autres symptômes d'une intoxication mercu-

rielle, la conclusion reste incertaine pour savoir si cette polynévrite était la

conséquence d'une intoxication mercurielle.

Letulle raconte que dans 14 cas d'intoxication mercurielle il a vu deux cas

avec parésie. Dans le premier (obs. 5), il ne s'est agi que d'une monoplégie

brachiale. Dans l'autre (obs. 8), une femme qui avait travaillé dans une phar-

macie avec du mercure à la chaleur fut atteinte d'abord d'une stomatite très

intense et d'un tremblement des membres supérieurs qui dura peu de temps,

mais ensuite est venue une parésie des bras, avec des troubles légers de la

sensibilité. Ces symptômes ont persisté pendant cinq ans. Depuis guérison.

Un cas similaire a été publié par Vernesco (cité d'après Rev. neurolog.,

1907, p. 1137). Il s'agit d'un garçon de pharmacie qui avait travaillé depuis

sept ans de l'onguent mercuriel. Il présenta de la stomatite, plus tardivement

des troubles cachectiques, du tremblement et des symptômes correspondant à

une polynévrite, mais (autant que je peux trouver dans le compte rendu dont

je dispose du cas) seulement développés aux membres supérieurs.

Meinertz a publié un cas où il s'est agi d'un travailleur avec de l'amalgame

du mercure. Il fut atteint d'abord d'un tremblement, puis d'une parésie des

quatre membres. Il y avait le signe de Romberg. La réaction d'électricité nor-

male et la sensibilité normale. Meinertz est hésitant, s'il faut regarder le cas

comme polynévrite, mais ce diagnostic me semble bien évident.

Pour en finir avec les cas où les malades ont été soumis à l'influence de mer-

cure, sans qu'ils aient été atteints de syphilis, il faut citer l'observation 1 de

Spillmann et Etienne. Un homme qui était souffrant d'une blénorrhagie est

traité par un pharmacien par des frictions mercurielles. La présence d'une e

quantité considérable de mercure dans les urines est plus tard constatée parles

auteurs. Il y avait de la diarrhée, de la stomatite intense, une quantité consi-

dérable d'albumine dans les urines et d'ailleurs le tableau clinique d'une poly-

névrite avec douleurs très vives dans les jambes. Depuis, guérison constatée.

Dans ces cas d'intoxication mercurielle chronique (de nature profes-

sionnelle), ceux de Kussmaul, de Meinertz et de Spillmann et Etienne

me semblent selon toute probabilité être des exemples d'une polynévrite

due à une intoxication mercurielle. En outre, il y a deux cas (ceux de

Letulle et de Vernesco) où les symptômes ont bien correspondu au tableau

clinique d'une polynévrite, mais ils n'ont envahi que les membres supé-

244 PETREN

rieurs. En regardant ces deux cas bien correspondants l'un à l'autre la

question se pose s'il n'était pas possible, quand les malades ont travaillé

le mercure avec les mains, que les symptômes de polynévrite dus à une

intoxication mercurielle puissent se borner aux membres supérieurs. En

passant, je rappelle la comparaison avec la polynévrite saturnine. Cepen-

dant, je n'ai pas trouvé d'autres observations qui parlent en faveur d'une

telle possibilité quant à la polynévrite mercurielle.

Jusqu'ici nous n'avons traité que les cas où les malades ont été soumis

à l'influence du mercure, mais ils n'ont pas été atteints par la syphilis, et

par l'analyse des observations de cette espèce, nous sommes venus au

résultat qu'on peut regarder comme bien établi qu'une intoxication

mercurielle aiguë peut avoir comme conséquence une polynévrile et

qu'il est tout à fait probable qu'une intoxication mercurielle chro-

nique puisse faire naître une polynévrite, peut-être localisée seule-

ment aux membres supérieurs (quand ils ont travaillé manuellement

avec du mercure).

Maintenant, il nous reste à envisager les cas de polynévrite où la

présence de la syphilis est constatée, où les malades ont été traités

par le mercure et où il a eu d'autres symptômes d'une intoxication

mercurielle. Pour ces cas, par conséquent, la question est de juger s'il

s'agit d'u ne polynévrite qu'il faut attribuer à la syphilis ou à l'intoxication

mercurielle.

Nous commençons par le cas de Leyden qui a joué un grand rôle pour

éveiller l'idée d'une polynévrite mercurielle. Le malade était traité par des

frictions mercurielles, 5 mois après l'infection syphilitique. Aussitôt qu'il

eut fini ce traitement, la polynévrite apparut. Les douleurs étaient très fortes.

Le malade fut traité encore par 5 injections de mercure, et la maladie a em-

piré pendant ce temps. Après qu'on a eu fini avec le mercure, son état s'est

amélioré. Il me semble qu'il faut, selon toute probabilité, accepter dans ce cas

l'intoxication mercurielle comme la cause de la polynévrite.

Dans le cas de Brauer, souvent cité, le malade fut traité, aussitôt après

l'infection syphilitique, par des frictions mercurielles. Le traitement fini, les

symptômes de polynévrite ont commencé. Quand 3 semaines plus tard est

apparue une nouvelle éruption syphilitique, il est traité par des injections de

salicylate de mercure, et alors les symptômes de polynévrite empirent. Il est

mort après mois 2 1/2 de maladie. L'examen anatomique a fait constater

une dégénérescence des nerfs périphériques, mais pas d'altération considé-

rable de la moelle épinière. Par conséquent, il faut conclure que ce fut un cas

de polynévrite. Brauer est plus disposé à accepter l'idée d'une polynévrite

syphilitique, mais quand ou ne peut nier l'existence d'une polynévrite causée

par une intoxication mercurielle - et j'espère avoir donné des raisons fortes

pour cette conclusion il me semble bien évident qu'il est tout à fait impnssi-

DE LA POLYNÉVRITE SYPHILITIQUE OU MERCURIELLE 245

ble de conclure qu'il ne s'agisse pas dans un tel cas d'une intoxication mercu-

rielle, et il me semble encore que ce diagnostic est ici de beaucoup la plus

probable.

Spillmann et Etienne ont publié un cas. où le malade, aussitôt après l'infec-

tion syphilitique, fut traité par 160 pilules de proto-iodure. Deux mois après

l'infection, les symptômes de polynévrite on[ commencé. Deux mois plus tard,

les auteurs ont constaté la présence d'une polynévrite et d'une stomatite in-

tense. Guéri après quelques mois sans traitement de mercure.

Dans le même travail, les auteurs ont publié un autre cas où un malade,

4 mois après l'infection syphilitique, fut traité par 6 injections de thymol-

acétate de mercure à 1 gramme. Ce traitement fini, il est survenu chez lui

de la diarrhée, de la stomatite assez intense, une albuminurie légère et des

symptômes de polynévrite avec des douleurs si vives qu'il ne put dormir.

Depuis la suppression du traitement mercuriel, tous ces symptômes ont dis-

paru.

Quand on prend en considération même les autres symptômes obser-

vés dans ces deux cas qu'on peut attribuer à une intoxication mercurielle,

il faut conclure que le diagnostic d'une polynévrite mercurielle est très

probable pour tous les deux cas.

Gilles de la Tourette a cité un cas où une polynévrite assez typique est

venue 3 mois après l'infection syphilitique. Avant que la polynévrite apparût,

la malade avait reçu un traitement mercuriel très énergique. Pas d'autres

symptômes d'intoxication mercurielle. La malade bientôt guérit, sans traite-

ment mercuriel. En tout cas, une intoxication mercurielle ne me semble pas

improbable.

Il y a quelques années, Spitzer a décrit un malade avec une syphilide ma-

culo-papuleuse d'une distribution diffuse. Il était traité par des frictions mercu-

rielles. Après nombre de frictions, il fut atteint de diarrhée et de stomatite. 11

a arrêté le traitement, puis il a pris encore 9 frictions. Pendant ce temps, des

douleurs intenses ont commencé aux jambes. Le malade était au lit et s'est

plaint jour et nuit. Pendant 12 jours, pas de sommeil et il ne pouvait manger.

Depuis, on a constaté parésie des jambes, sensibilité normale, les troncs ner-

veux sensibles à la pression, les réflexes exagérés, ataxie considérable des

jambes, un peu d'ataxie des membres supérieurs et une parésie légère d'un

facial. Non traités par le mercure pendant un certain temps, les symptômes

de névrite se sont améliorés peu à peu, mais pas d'éruption syphilitique.

Dans ce cas, il semble que le traitement par le mercure a eu une influence

très nuisible sur les symptômes du côté des nerfs. En tout cas, quand on prend

en considération qu'il y avait une parésie faciale d'un côté, il faut se rappeler

qu'il est très difficile d'expliquer ce symptôme comme la conséquence d'une

intoxication mercurielle, mais que la naissance de ce symptôme est beaucoup

plus facile comprendre si l'on accepte l'idée d'une syphilis comme la cause

de cette parésie unilatérale.

246 PETREN

Dans le cas d'Engel, la polynévrite est venue chez une malade qui était

souffrante depuis mois d'ulcères au pharynx. La polynévrite est apparue au

moment où on a fini le traitement par des frictions mercurielles. En même

temps, il y avait des symptômes de néphrite. Le diagnostic de ce cas me semble

assez douteux, malgré que la présence de la néphrite pouvait faire penser à

une polynévrite mercurielle. -

Forestier a publié un cas (cité d'après Brauer) où la polynévrite est venue

six mois après que le malade avait contracté la syphilis. Le malade avait

pendant ce temps continuellement pris des pilules de mercure. Je n'ose pas

exprimer une opinion sur la question de savoir si la polynévrite est due à la

syphilis ou au mercure.

Dans le cas de Patoir, l'infection syphilitique datait de 6 mois. La malade

avait été traitée par des injections de benzoate de mercure et après quelques

jours elle était atteinte d'une stomatite grave. Un mois plus tard, les symptô-

mes d'une polynévrite sont apparus, mais ils étaient marqués surtout aux

membres supérieurs, peu développés aux jambes. Une anesthésie considérable,

réflexes tendineux conservés. Patoir accepte l'idée d'une polynévrite mercu-

rielle et l'hystérie comme la cause de l'anesthésie, mais le diagnostic de ce cas

me semble incertain, surtout quand on prend en considération la prédomi-

nance des symptômes aux membres supérieurs.

Il y a quelques années, un cas était publié par Démanche et-Ménardoù le

malade atteint par la syphilis avait reçu deux séries de six injections d'huile

grise de 7 grammes de mercure. Il y avait 6 semaines entre les deux séries.

Pendant la deuxième série (en février), des douleurs généralisées ont com-

mencé. Le malade est devenu inquiet, agité. Il a guéri après traitement d'un

mois à l'hôpital. Les auteurs n'ont pas dit s'il fut traité par le mercure pen-

dant ce temps. En juillet de la même année, sont encore une fois venues des

douleurs vagues et une asthénie générale. Quelques jours plus tard, une para-

lysie faciale double est apparue, et une altération psychique du type même

qui est caractéristique pour la maladie de Korsakoff. La ponction lombaire

ne donne pas de signes pathologiques. Le malade a reçu un traitement iodo-

mercuriel. Pendant ce traitement, la paralysie faciale s'est améliorée, mais la

paraplégie est devenue complète. Vers la fin de juillet, la paralysie faciale est

guérie, mais il est survenu encore une paralysie des bras. lia succombé à une

pneumonie au commencement d'août. Les auteurs regardent ce cas comme

un exemple d'une polynévrite syphilitique. Il me semble que tout parle pour

l'idée que la paralysie faciale, qui a été guérie pendant le traitement antisy-

philitique, a été une conséquence de la syphilis, mais qu'il est en tout cas pro-

bable que la polynévrite qui était la cause de la paralysie des membres est

due à l'intoxication mercurielle, vu que les symptômes de cette maladie ont

empiré pendant le traitement antisyphilitique.

Azua (d'après' Rev. neurolog., 1907, p. 1137) a publié un cas où il y

avait une ostéite et périostéite du fémur. Le malade était traité par des fric-

tions mercurielles, et à la suite de l'intoxication mercurielle aiguë qui a

DE LA POLYNÉVRITE SYPHILITIQUE OU MERCURIELLE 247

suivi, il présenta une polynévrite motrice et sensitive. Comme je ne connais

le cas que d'après un compte rendu, je n'ose pas exprimer d'opinion, mais il

est bien évident qu'on ne peut nier une polynévrite mercurielle, car il y avait

en même temps une intoxication mercurielle aiguë.

Par cette analyse des faits publiés, nous sommes ainsi arrivé au résultai

et nous concluons :

Qu'il faut reconnaître que la syphilis peut causer une polynévrite

pendant la première année après l'infection, mais que ceci ne se l'en-

contre que très rarement (jusqu'ici seulement Il cas connus de cette

espèce qu'on puisse accepter) ;

Mais qu'il n'est pas prouvé que la syphilis, après qu'un an s'est

passé après l'infection, donne naissance à une polynévrite vraie ;

Que l'intoxication mercurielle aiguë peut être la cause d'une po-

lynévrite ;

Que l'intoxication mercuriel le chronique professionnelle peut selon

toute probabilité quelquefois causer une polynévrite.

Il y a nombre de cas publiés où, chez des malades atteints de syphilis,

une polynévrite est apparue après un traitement par mercure qui avait

souvent donné en même temps naissance à des symptômes d'une in-

toxication mercurielle plus ou moins prononcée. Il est bien évident

qu'il peut être impossible dans ces cas d'en venir à une conclusion sûre,

à savoir si la polynévrite est due à la syphilis ou à l'intoxication mercu-

rielle. Cependant, pour ce qui est de quelques-uns de ces cas, il me sem-

ble très probable, par suite des raisons données ci-dessus, que l'intoxica-

tion mercurielle a été la cause de la polynévrite (Leyden, Spillmann et

Etienne, deux cas, Démanche et Ménard, probablement encore Brauer).

Après cette revue des observations antérieures, nous revenons à mon

cas publié ici. Il est bien établi que le malade est mort d'une intoxication

mercurielle. Pendant l'existence de cette intoxication, la polynévrite est

apparue et a empiré pendant le traitement par le mercure. La revue des

observations antérieures nous a appris que nous ne pouvons nier la pos-

sibilité d'une polynévrite causée par une intoxication mercurielle. Par

conséquent, il faut sans aucune hésitation regarder la polynélwite d'un

tel cas comme causée par l'intoxication mercurielle (mortelle). Dans

tous les cas où une polynévrite est venue chez des individus atteints de

syphilis, après un traitement par mercure qui détermine ou non d'autres

symptômes d'intoxication mercurielle, il n'y en a d'après mon opinion

aucun où nous puissions, avec le même degré de certitude, conclure que

1 intoxication mercurielle soit la cause de la polynévrite. A ce point de

vue, je crois que le cas publié par moi est d'un certain intérêt.

248 PETHEN ouf

Si nous nous tournons vers la question du traitement mercuriel de ce

cas qui a entraîné l'issue mortelle, d'abord, il ne nous a pas été possible

d'obtenir des renseignements sur la forme de mercure qui a été employée

avant l'entrée à la clinique. Comme les injections n'ont été faites qu'une

fois par semaine, il semble probable qu'il s'est agi d'une.forme insoluble

de mercure. Si nous regardons la question des facteurs quantitatifs du

traitement mercuriel dans ce cas, nous ne pouvons juger autre chose que

l'intervalle entre les deux premières cures ; séries d'injections ? Nous ne

.pouvons dire exactement le temps pendant lequel les injections ont été

d'abord commencées, mais en tout cas nous pouvons conclure que l'inter-

valle-entre les deux cures mercurielles n'a pas duré plus d'un mois. Je

suis d'opinion que cet intervalle est trop court,-et mon expérience venant

de nombre d'autres cas où j'ai vu une intoxication mercurielle et parfois

d'une issue mortelle (je les publierai ailleurs) m'a fait conclure qu'il

peut être très dangereux de donner des cures de mercure avec des inter-

valles si courts et surtout s'il s'agit d'injections de forme insoluble de

mercure (nous savons bien combien de temps le mercure après ces injec-

tions peut subsister dans l'organisme).

Certainement le problème du diagnostic nous a causé des difficultés

très grandes pendant l'observation de ce malade, et comme j'espère que

nous pourrons puiser des leçons pour le diagnostic de tels cas par l'étude

de cette observation, je m'en occuperai en quelques mots.

Le malade est venu à la clinique à cause de douleurs fortes aux jambes.

Il pouvait parler de la première éruption de syphilis, il y avait trois mois.

Mes collègues, de service à la clinique, cette fois ont hésité pour l'explica-

tion des douleurs entre un processus syphilitique (par exemple une ostéite

ou une périostéite) ou une polynévrite due à une intoxication mercu-

rielle. Comme les douleurs étaient le phénomène dominant du tableau

clinique cette fois et comme il n'y avait pas d'autres symptômes d'intoxi-

cation mercurielle, ils ont conclu, après beaucoup d'hésitation, que la

syphilis était la cause la plus probable des douleurs. En conséquence,

ils ont donné de nouvelles injections de mercure et par suite, l'intervalle

entre la deuxième et la troisième série d'injections de mercure s'est mal-

heureusement réduit à deux semaines. Comme l'état du malade avait

empiré pendant le traitement mercuriel donné à la clinique, mes collè-

gues l'ont arrêté (déjà avant que j'eusse repris mon service à la clinique

le 1er septembre après les vacances).

Je ne puis venir à une autre conclusion qu'à celle-ci, que le traitement

mercuriel à la clinique a été un facteur qui a contribué à l'issue mor-

telle. Cependant, je crois qu'il faut admettre que les difficultés pour le

diagnostic ont été très grandes ou insurmontables au moment de l'entrée

DE LA POLYNÉVRITE SYPHILITIQUE OU MERCURIELLE 249

du malade à la clinique. D'un autre côté, j'espère que la revue des ob-

servations antérieures, donnée ici, et l'étude de mon cas pourront rendre

des services à l'avenir pour le diagnostic de cas de cette espèce.

Nous avons trouvé que des douleurs très fortes ont été décrites pour les

cas de polynévrite probablement due à une intoxication mercurielle pu-

bliés par Leyden, Spillmann et Etienne, un cas, et Spitzu.

Mon cas est encore un exemple d'une polynévrite mercurielle non

douteuse avec des douleurs très fortes et, en conséquence, nous pouvons

conclure qu'il est probable que l'apparition des douleurs fortes peut

quelquefois former un symptôme de la polynévrite mercurielle.

Si l'on se souvient du fait, maintenant bien constaté, que l'intoxication

mercurielle peut causer une polynévrite et encore du fait que cette poly-

névrite peut être caractérisée quelquefois par l'apparition de douleurs

très fortes, il sera peut-être à l'avenir moins difficile de reconnaitre la

nature d'une maladie de cette espèce.

Le cas a une grande valeur, car il nous apprend les grands dangers

d'un traitement mercuriel à intervalles trop courts entre les cures diffé-

rentes, dangers qui certainement sont les plus grands, s'il s'agit d'in-

jeciions avec des formes insolubles de mercure. Pour ce qui est des inter-

valles entre les séries différentes d'injections dans ce cas, je regarde

l'intervalle de un mois seulement entre la première et la seconde série des

injections comme une déviation nette des règles qu'on peut accepter pour

le traitement antisyphilitique lege artis. On voudrait peut-être remar-

quer que l'intervalle de deux semaines seulement entre la seconde et

la troisième série d'injections a été encore plus dangereux pour le ma-

lade. Certes, c'est vrai, mais il y a cette différence que la seconde série

d'injections a été donnée seulement dans un but prophylactique, sans qu'il

y eut des symptômes de la syphilis. Au contraire, la troisième cure de

mercure a été commencée, parce qu'il y avait des symptômes très graves,

et on est venu au résultat qu'il n'était pas impossible que les douleurs

fussent dues à un processus morbide de nature syphilitique. C'est avec

l'espoir de pouvoir faire le diagnostic différentiel un peu moins diffi-

cile, si l'on rencontre encore des cas de cette espèce, que j'ai publié ce

cas observé par moi, il y a plusieurs années.

Certainement, il arrivera assez souvent que le médecin se trouvera de-

vant un cas d'un diagnostic douteux, savoir si les symptômes présents

sont dus à la syphilis ou non. C'est une règle très ordinaire que le mé-

decin devant un cas de cette espèce prescrit un traitement antisyphili-

tique pour guérir le malade s'il s'est agi de syphilis et pour venir à un

diagnostic sûr ex juvantibus sive et non juvantiblts. -

C'est justement parce que cette règle est suivie si souvent qu'il est

XXVIII 17 7

250 PETREN

très important que nous n'oubliions pas les dangers graves de donner du

mercure, s'il y a possibilité de symptômes d'intoxication mercurielle. Il

est bien évident que de nos jours où nous traitons la syphilis très souvent

seulement dans un but prophylactique et où nous donnons le traitement

sous la forme d'injections de sels' insolubles qui subsistent très longtemps

dans l'organisme, les dangers d'intoxication mercurielle sont devenus

beaucoup plus grands qu'ils l'étaient jadis.

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DOCUMENTS

POUR L'ÉTUDE DES ATROPHIES MUSCULAIRES

I. - ATROPHIE musculaire PURE sans paralysie par. tiraillement du

- PLEXUS BRACHIAL. -

IL - Atrophie musculaire PURE, sans paralysie, dans LE domaine DU

PLEXUS supérieur, quatorze ANS après UNE fracture méconnue DE la

clavicule. ' '

III. - ATROPHIE musculaire syphilitique A type péronikr, simulant

l'amyotrophie CHARCOT-IIÎARIE.

PAR

André LÉRI.

, 1

Atrophie musculaire pure sans paralysie par tiraillement

DU PLEXUS brachial

(en collaboration avec Jean DAGNAN-BouvEnE'rj.

Les lésions traumaliques des nerfs mixtes périphériques ou des plexus

déterminent des paralysies motrices et parfois sensitives; tardivement peu-

vent survenir ou non des amyotrophies dans la totalité ou dans une partie

des muscles préalablement paralysés ; « la paralysie est le phénomène

initial et prédominant, c'est elle qui commande avant tout la distribution

de l'atrophie ; l'amyotrophie est post-paralytiqué u.

Telle est règle. Elle souffre des exceptions ; l'atrophie musculaire

peut survenir sans aucune paralysie préalable et comme un phénomène

initial-; fait à remarquer, il peut en être ainsi notamment quand le trau-

matisme a été particulièrement léger et quand on aurait toutes raisons de

croire qu'il ne comportera aucune conséquence. L'observation suivante

en est au moins une preuve :

Observation (PI. XLVI).

P..., 37 ans, artilleur, est un homme fort et bien constitué. Il n'y a aucune

affection nerveuse dans sa famille. Lui-même n'a pas souvenir d'avoir été

NOUIF.1,LU Iconographie DU. f,A Salpêtrière.

T. XXVIII. PL. XLVI

ATROPHIE MUSCULAIRE PURE SANS PARALYSIE PAR TIRAILLEMENT

DU PLEXUS BRACHIAL

(A. Léri et J. DlIglll1l1-Bollveret.)

Masson & Cie, Editeurs IMP CATALA fRERES,PAR15

ÉTUDE DES ATROPHIES MUSCULAIRES 253

malade. Il nie toute contagion syphilitique et n'en présente aucun signe (ni

éruption, ni leucoplasie, ni aortite, pupilles régulières et réagissant très bien,

etc.). Marié, il a une fille de Il ans très bien portante ; il n'a pas perdu d'en-

fant et sa femme n'a pas eu de fausse couche.

Le 31 août 1914, pendant la retraite, il était à cheval, au trot : vers 11 heures

du soir, le cheval buta et s'abattit ; le cavalier tomba sur le côté gauche et

roula sur le dos ; sa main gauche étant prise entre la sacoche que portait le

cheval et le pavé, le bras fut légèrement tiraillé. Le malade ressentit une

douleur assez vive à la main, remontant le long du bras gauche jusqu'à l'épaule ;

en même temps, engourdissement de la main et du bord cubital de l'avant-bras.

Il remonta immédiatement à cheval et continua son service ; une demi-heure

on une heure après, douleurs et engourdissement avaient complètement dis-

paru. Le malade n'y pensa plus ; à aucun moment il n'eut la moindre gêne dans

les mouvements.

En décembre 1914, c'est-à-dire trois à quatre mois après, un camarade lui

fit un jour remarquer à table qu'il avait un creux sur le dos du premier espace

interosseux gauche ; très peu de temps après, il s'aperçut d'un léger amaigris-

sement au niveau de l'éminence thénar ; cette atrophie a progressé depuis

avec une extrême lenteur. En juin ou juillet 1916 seulement, ce fut encore

un camarade qui lui fit remarquer, à la douche, que son avant-bras gauche

était plus maigre que le droit.

Jusque-là, quoique fort intelligent et observateur, il ne s'était aperçu

d'aucun trouble fonctionnel. Mais vers le mois de juillet, il se vit petit à petit

incapable de maîtriser son attelage de deux chevaux ; on ne lui fit plus conduire

qu'un seul cheval. En septembre seulement, devant les difficultés croissantes

qu'il avait à accomplir son service, on le détacha au parc d'artillerie de sa

division, pensant qu'il n'aurait à y faire qu'un service de garde ; là, on léchai^

gea de soulever des caisses de munitions ; il en fut tout à fait incapable ; c'est

pour cela qu'il nous fut envoyé il y a quelques jours. 1

Quand nous l'examinons, nous constatons une grosse atrophie de la main

gauche. Le premier espace interosseux est profondément déprimé ; les autres

espaces le sont aussi, entre les tendons extenseurs saillants. L'éminence thé-

nar est complètement aplatie, surtout dans sa-partie externe ; elle dessine un

creux en avant du premier métacarpien ; le pouce est sur le même plan que

les autres doigts, en pouce de singe. L'éminence hypothénar est également

molle et atrophiée, mais à un degré sensiblement moindre. Dans son ensemble,

la main est plate.

A l'état de repos, les trois derniers doigts sont légèrement fléchis, l'index

est étendu. Le malade peut fléchir complètement tons ses doigts, mais la

flexion de l'index se fait sans grande force et n'oppose qu'une assez faible

résistance. L'extension des doigts se fait bien pour le pouce, l'index et l'auri-

culaire ; elle reste un peu incomplète pour la deuxième phalange du médius

et de l'annulaire ; le malade y remédie par une légère hyperextension de la

première phalange. , ..

254 LÉRI

L'abduction et l'adduction du pouce se font bien et avec force, mais l'oppo-

sition est presque nulle ; pour rapprocher son pouce de son petit doigt, la

paume étant en haut, il fait une forte adduction, puis une sorte de rotation du

pouce autour de son axe ; mais cette rotation paraît se produire uniquement

dans l'articulation carpo-métacarpienne, par le fait des adducteurs ; il n'en

résulte qu'une ébauche d'opposition. Pour faire l'opposition complète, le ma-

lade a trouvé un artifice : il porte sa paume en bas et laisse, pour ainsi dire,

tomber le pouce par son propre poids, il en fait alors l'adduction. Il existe un

léger degré de signe de la préhension de Froment.

Les doigts peuvent être écartés activement les uns des autres, mais d'une

façon très incomplète pour l'index; ils n'opposent presque aucune résistance

au rapprochement passif, l'index surtout. De même, les doigts peuvent se rap-

procher les uns des autres, mais ils n'opposent aucune résistance, l'index sur-

tout, quand on veut les écarter. On rapproche et on écarte les doigts sans plus

de difficulté qu'on ouvre et qu'on ferme un éventail.

L'atrophie de l'avant-bras est très apparente, surtout dans sa moitié infé-

rieure ; elle porte d'une façon très nette sur les muscles de la région anté-

rieure ; les tendons fléchisseurs sont bien moins saillants sous la peau que ceux

du côté opposé.

- Néanmoins, les mouvements de flexion et d'extension, d'abduction et d'ad-

duction du poiguet, de même que les mouvements de flexion et d'extension du

coude se font très bien et avec force. Dans la flexion de l'avant-bras, le long

supinateur paraît aussi fort que du côté sain.

L'atrophie du bras est minime ; elle parait porter essentiellement sur le bi-

ceps, qui a d'ailleurs conservé une très grande force. -

Tous les muscles de l'épaule et du dos et tous les autres muscles de l'éco-

nomie paraissent tout à fait indemnes, et tous les mouvements de l'épaule

s'exécutent très bien.

ÉTUDE DES ATROPHIES MUSCULAIRES ` ? rrJc'

fléchisseur, mais cette absence peut tenir à l'attitude des doigts qui, au repos,

est en demi-flexion.

Aucun trouble vaso-moteur ou tropbique cutané; les deux mains ont la

même coloration ; les doigts ont le même volume; les ongles ne sont pas dé-

formés ni striés.

Aucun trouble de la sensibilité subjective ou objective ; aucune anesthésie

ni hypoesthésie au contact ou à la piqûre ; le malade n'a jamais eu de douleurs.

Inexcitabilité faradique et galvanique complète des muscles de l'éminence

thénar, sauf pour l'adducteur du pouce qui réagit faiblement au faradique.

Inexcitabilité du premier interosseux. Hypoexcitabilité faradique et galvanique

des fléchisseurs des doigts, sans inversion de la formule galvanique ni lenteur

de la secousse. -

Aucun trouble oculo-pupillaire ; ni ptosis, ni myosis, ni rétraction du globe ;

réflexes pupillaires très bons.

Aucun trouble trophique, moteur ou réflexe des membres inférieurs.

..

En somme, tout se réduit chez ce malade à une grosse atrophie de

l'éminence thénar et des interosseux à gauche, à une atrophie un peu

moindre de l'éminence hypothénar et des fléchisseurs des doigts, proba-

blement à une atrophie légère du biceps. Autrement dit, l'atrophie porte

d'une façon inégale sur tout le domaine du médian et du cubital (plexus

brachial inférieur), sans doute aussi très légèrement sur le musculo-cutané

(biceps). Partout où l'atrophie n'est pas très prononcée, il n'y a pas et il

n'y a jamais eu de paralysie. Il n'y a et il n'y a eu aucun trouble sensitif

ni vaso-moteur.

A cette atrophie pure, progressive et en apparence primitive, on ne

peut trouver qu'une cause, le traumatisme survenu trois à quatre mois

avant les premiers signes d'atrophie. Il semble que ce traumatisme n'a pu

agir que d'une seule façon sur le médian, le cubital et peut-être le mus-

culo-cutané, à savoir par un léger tiraillement du plexus brachial.

La main prise entre la sacoche du cheval et le pavé, le cavalier roulant

sur le dos, le membre supérieur s'est pour ainsi dire déroulé, un peu trop

vite et un peu trop fort sans doute, car le malade a immédiatement res-

senti le tiraillement du plexus brachial sous forme d'une douleur ascen-

dante de la main à l'épaule et d'un engourdissement portant surtout sur

le bord cubital. Mais il n'y a eu aucune paralysie, aucune anesthésie, et,

trois mois après, l'atrophie progressive a pu paraître véritablement le

phénomène primitif ; le malade ne supposait aucune relation de cause à

effet entre le trauma'et les phénomènes actuels, et ce n'est qu'en'pous-

sant scrupuleusement l'interrogatoire que nous avons pu retrouver la

genèse des accidents.

En ce temps de traumatismes si fréquents et si divers, il nous a paru

256 LÉRI

intéressant d'appeler l'attention sur une 'variété de troubles névro-muscu-

laires post-traumatiques dont l'étiologié est peu connue et passerait faci-

lement inaperçue.

II

Atrophie musculaire PURE, sans paralysie, dans LE domaine DU plexus

brachial supérieur, quatorze ANS après UNE FRACTURE MÉCONNUE DE

la clavicule.

Nous avons rapporté l'observation d'un malade chez qui survint une

atrophie musculaire pure, sans paralysie préalable, à la suite d'un trau-

matisme indirect du plexus brachial, à savoir un simple tiraillement pas-

sager. L'observation suivante s'en rapproche en ce sens que l'amyotro-

phie survint également dans le domaine du plexus brachial sans paralysie

préalable. Elle en diffère à deux points de vue :

1° Le traumatisme porta directement sur le plexus brachial ; mais la

nature et l'importance de ce traumatisme furent une véritable révélation

radiographique ;

2° L'atrophie musculaire fut une conséquence extraordinairement tar-

dive du traumatisme, puisque les premiers symptômes survinrent 14 ans

après.

Observation (PI. XLVII).

B..., 31 ans, homme assez vigoureux et bien constitué, a toujours été bien

portant. A part quelques bronchites passagères, il n'a jamais été malade. Il

nie tout antécédent spécifique et n'en présente aucun stimagte : ses pupilles

réagissent très bien, aucune éruption cutanée, pas de leticoplasie, pas d'aor-

tite, etc. Marié, il a trois enfants de 7 ans, 5 ans li2 et 4 ans, très bien por-

tants ; il n'a pas perdu d'enfant, sa femme n'a pas eu de fausse couche.

Aucune maladie nerveuse dans la famille.

A l'âge de 26 ans, il s'est aperçu que son épaule et son bras gauches mai-

grissaient et simultanément s'affaiblissaient. Depuis lors, amaigrissement et

affaiblissement ont progressé, et en même temps il a eu des douleurs, gênantes,

mais pas très intenses, sur tout le moignon de l'épaule et la partie correspon-

dante du tronc. Ces troubles ne l'ont empêché ni de continuer sa profession sans

aucune interruption, ni, quand la guerre est survenue, de partir dès le premier

jour et de faire parfaitement son service, en acquérant ses galons d'adjudant,

pendant 26 mois, sans se plaindre et sans aller consulter le médecin du corps.

Mais ces temps derniers, les douleurs sont devenues plus vives et l'impotence du

bras a augmenté, sans qu'il puisse dire si cette impotence était entièrement

due on non aux' douleurs ; il a dû se faire évacuer.

Quand on l'examine, on constate que les douleurs qu'il accuse sont très

mal localisées, elles siègent en avant et en arrière du moignon de l'épaule,

, 0

Nouvulll Iconographie dl la S.4LP) : 'l'RII : R);.

T. XXVIII. Pal. XLVI

ATROPHIE MUSCULAIRE SANS PARALYSIE DANS LE DOMAINE DU PLEXUS

SUPÉRIEUR 14 ANS APRÈS UNE FRACTURE DE LA CLAVICULE

(A. Léri.)

- - "

ÉTUDE DES ATROPHIES MUSCULAIRES 257 \

mais non au niveau de l'articulation même. D'ailleurs, il porte très aisément

les bras en avant, en haut, en dedans ou en arrière sans sensation doulou-

reuse ; quand on meut passivement l'épaule, on perçoit bien quelques gros

craquements, mais ces craquements semblent venir non de l'articulation sca-

pulo-humérale, mais du frottement de l'omoplate contre le thorax ; il n'y a

pas de dilférence dans la bascule de l'omoplate de l'un et de l'autre côté.

Ce qui frappe à première vue, c'est l'atrophie considérable du deltoïde

gauche; l'épaule est nettement tombante en épaulette; la tête humérale se

sent presque sous la peau ; au-dessus, l'acromion et la partie externe de la

clavicule font une forte saillie ; l'atrophie du deltoïde est globale, portant

également sur les faisceaux antérieurs, moyens et postérieurs. Cette atrophie

n'empêche pas le malade de porter ses bras latéralement jusqu'au-dessus de

l'horizontale et de les élever jusqu'à la verticale, à peu près également des

deux côtés, et avec une force peut-être un peu moindre à gauche, mais pour-

tant encore très considérable.

En regardant d'un peu plus près, on voit manifestement que l'atrophie est

loin d'être limitée au deltoïde ; elle porte également sur le bras, au niveau du

biceps surtout, au niveau du triceps à un moindre degré ; quand le malade

fléchit le bras, le biceps se contracte avec beaucoup de force, mais le corps

du muscle est nettement moins volumineux que du côté opposé ; dans le même

mouvement, on constate aussi l'atrophie manifeste du long supinateur dont la

corde est nettement moins puissante à gauche qu'à droite. Les autres muscles

de l'avant-bras ne sont pas indemnes ; les radiaux et les extenseurs sont

amincis et la face postérieure de l'avant-bras est aplatie. Enfin il y a une

atrophie légère, mais pourtant bien apparente, de la partie externe de l'émi-

nence thénar gauche ; tous les mouvements des doigts se font bien et avec

force, mais l'opposition du pouce est réduite à gauche et le malade n'arrive

même pas à faire toucher complètement l'extrémité du pouce et celle du

petit doigt.

Il n'y a aucune atrophie des muscles du cou ou de l'épaule autres que le

deltoïde; aucun décollement de l'omoplate ni les bras pendants, ni les bras

projetés en avant, aucune dépression sus ou sous-épineuse, aucun creux sus

ou sous-claviculaire, aucune différence dans l'action des trapèzes ou des

sterno-cléido-mastoïdiens.

Tout se résume donc en une atrophie très accentuée du deltoïde, moins

accentuée du biceps et du long supinateur, plus légère encore du triceps, des

muscles radiaux et extenseurs des doigts et des muscles de la partie externe

de l'éminence thénar.

La mensuration donne les chiffres suivants :

258 LÉRI

ÉTUDE DES ATROPHIES MUSCULAIRES 259

d'Erb, c'est-à-dire aux muscles dépendant du plexus brachial supé-

rieur. Les douleurs diffuses et persistantes de l'épaule chez un homme

énergique et nullement pusillanime sont aussi en faveur d'une lésion

nerveuse. Le point d'Erb est d'ailleurs douloureux à la pression ; et l'in-

tégrité des muscles de l'épaule dont l'innervation dépend des branches

collatérales nées à la partie supérieure du plexus brachial (grand dentelé,

angulaire, rhomboïde, sus et sous-épineux) indique que c'est au voisinage

même du point d'Erb que doit siéger la lésion causale.

Mais quelle est cette lésion ? Pour tout traumatisme antérieur, le ma-

lade se souvient d'être tombé à l'âge de 12 ans du rebord d'un talus dans

une fosse qu'on était en train de creuser ; la fosse était profonde de 4mè-

tres ; l'enfant tombe sur l'épaule gauche, le bras porté en arrière ; il eut

quelques douleurs, mais ne consulta pas de médecin ; au bout de 8 à

10 jours, il retourna en classe, sans douleur, sans paralysie aucune.

Depuis bien longtemps il ne songeait plus à ce traumatisme quand à

26 ans, 14 ans après, survint l'atrophie de l'épaule.

Y avait-il entre ce traumatisme en apparence si léger, et l'amyotrophie

tardive une relation de cause à efiet ? Rien dans la longue période de

parfaite intégrité, rien dans l'examen minutieux de l'épaule(le malade

fut soigneusement examiné par un chirurgien compétent) ne permettait de

le supposer. La radiographie fut faite et révéla de la façon la plus nette

une ancienne fracture du tiers externe de la clavicule, en grande partie

sous-périostée, bien consolidée, et faisant seulement saillie à la partie

postérieure, profondément.

Cette fracture, jusque-là méconnue et méconnaissable sans l'emploi des

rayons X, répondait trop exactement au siège présumé de la lésion ner-

veuse pour n'en être pas évidemment la cause.

Est-ce la saillie osseuse elle-même qui irrite chroniquement le plexus

brachial immédiatement sous-jacent ? S'est-il constitué des adhérences

plus ou moins étendues qui englobent les branches du plexus ? C'est ce

que nous montrera l'évolution ultérieure, et peut-être l'intervention chi-

rurgicale.

Il n'en reste pas moins surprenant : 1° que l'amyotrophie soit survenue

dans tout le groupe des muscles de Duchenne-Erb sans aucune paralysie

préalable, et qu'il n'existe encore actuellement ni paralysie ni aucun

trouble de sensibilité objective ; 2° que cette amyotrophie soit survenue

lentement, insidieusement, quatorze ans seulement après un traumatisme

en apparence léger et dont seule la radiographie a pu révéler la nature.

C'est à ces deux points de vue que cette observation nous a paru mériter

d'être rapportée.

260 - LÉRI

III

.. Atrophie musculaire' syphilitique A TYPE péronier (simulant

, ' , l'amyotrophie Charcot-Marie) (Pl. XLVIII).

Dans une.série de publications antérieures, nous avons affirmé depuis

1903 (1) que la causera plus fréquente de l'atrophie musculaire progressive

Aran-Duchenne est' la syphilis. La lésion essentielle est non pas une

« poliomyélite antérieure chronique », mais une méningo-myélite vascu-

laire diffuse; semblable à celle que Raymond avait observé dès 1893

chez un ainyotrophiqùe syphilitique (2) et que nous avons retrouvée à

plusieurs reprises. -

' La lésion syphilitique reste plus ou moins localisée au réseau vascu-

laire des cornés antérieures de la moelle, et, par suite, aux cellules mo-

trices, mais elle n'est jamais étroitement systématique ; elle est très fré-

quemment étendue à' quelque portion des cordons blancs, cordons

latéraux ou cordons postérieurs ; elle s'étend parfois aussi à la cortical

cérébrale. De sorte que la « myélite syphilitique amyotrophique n, sou-

vent pure dans son expression clinique, simule d'autres fois la sclérose

latérale amyotrophique ou bien s'associe au tabes ou à la paralysie

générale. 1

L'exactitude de cette conception est aujourd'hui amplement démontrée

par les innombrables cas d'amyotrophie type Aran-Duchenne d'origine

syphilitique qui ont été publiés dans tous les pays. En 1913, nous avons

pu réunir avec Lerougeplus de 80 cas d'amyotrophies pures uù la syphilis

était en cause, plus de 140 cas en y comptant ceux où l'amyotrophie était

associée au tabès ou à la paralysie générale. D'autres faits'analogues ont

encore'été publiés depuis lors, entre autres deux observations rapportées

par Souques, Baudouin et Lantuéjoul dans un des derniers numéros de

l'Iconographie de la Salpêtrière. La syphilis peut être aujourd'hui consi-

dérée comme la cause essentielle de l'amyotrophie progressive spinale,

presqu'au même titre qu'elle est la cause du tabès et de la paralysie

générale.

(1) A. Léri, Atrophies musculaires progressives spinales et syphilis. Congrès, de

neurologie, Bruxelles, 't9(M ; Atrophie musculaire progressive spinale (type Duchenne-

Aran), in Traité de médecine Charcot-Bouchard, t. IX ; Atrophies musculaires, in

Pratique neurologique de P. Marie ; A. Léri et LEIIOUGB, Les atrophies musculaires

progressives syphilitiques. La myélite syphilitique amyolrophique. Gazelle des

hôpitaux, 17 mai 1913 ; A. Lébi, Les atrophies musculaires spinales d'origine sypitili-

tique [le syndrome vasculaire syphilitique des cornes antérieures). Cnngrèi de

médecine de Londres, août 1913, sect. XI; LFiouoi, Thèse Pâtis, 1913.

(2) Raymond, Soc. médic. des hôpitaux, 1893.

Nouvelle Iconographie I)1 L.1$.\LPL'IRIl : RE.

T. XXVHI. PL. XLV111

atrophie musculaire SYPHYLITIQUE A type PÉRONIER

simulant l'amyotrophie charcot-marie

(A. Léri.)

Masson et Cie, Éditeurs

ÉTUDE DES ATROPHIES MUSCULAIRES 261

La même infection peut aussi être plus exceptionnellement l'origine

d'amyotrophies localisées et non progressives, en déterminant dans la

moelle de petits foyers limités de myélite vasculaire : c'est à la syphilis

qu'il faut rapporter les amyotrophies isolées et non progressives des petits

muscles de la main signalées par Pierre Marie et Foix (1).

L'observation suivante montre que, pas plus au niveau des cornes

antérieures qu'au niveau des cordons postérieurs ou latéraux, la syphilis

ne limite ses effets aux étages supérieurs de la moelle. Nous nous en

étions aperçu déjà en constatant que chez les amyotrophiques Aran-

Duchenne l'atrophie musculaire avait gagné les membres inférieurs, mais

tardivement et accessoirement seulement ; nous avions constaté également

qu'à des lésions méningo-vasculaires en pleine évolution active dans la

région cervico-dorsale (abondante lymphocytose méningée et périvascu-

laire) répondaient des lésions dorso-lombaires déjà éteintes et en grande

partie fibrosées.

Pourquoi les lésions syphilitiques chroniques ont-elles une action

d'ordinaire si atténuée sur les cornes antérieures au niveau des régions

inférieures de la moelle, alors qu'elles ont au contraire une action si

précoce et si prépondérante quand elles portent, dans les mêmes régions,

sur les cordons latéraux ou postérieurs (paraplégie spasmodique syphili-

tique, début du tabes par les memhres inférieurs) ? Nous n'en savons

rien ; il s'agit sans doute de certaines dispositions anatomiques que nous

ignorons jusqu'ici et que nous connaîtrons un jour, telle une distribution

spéciale du réseau vasculaire ou lymphatique. Quoi qu'il en soit, un fait

que nous devons pour le moment nous borner à constater est le suivant :

les amyotrophies spinales de l'adulte sont aussi fréquentes aux membres

supérieurs qu'elles sont rares aux membres inférieurs; que la syphilis

soit ou non en cause, qu'il s'agisse de myélite syphilitique amyotrophi-

que, de sclérose latérale amyotrophique, de syringomyélie, de polyomé-

ningite cervicale, hypertrophie, etc..., le type de l'amyotrophie spinale

de l'adulte est l'amyotrophie Aran-Duchenne.

(1) PIERRE Marie et Foix, Société de neurologie, 1913. - Il n'est pas jusqu'aux formes

aiguës de poliomyélite antérieure de l'adulte qui ne doivent sans doute être rapportées

souvent à la syphilis. Il n'existe guère jusqu'ici, à notre connaissanee, que deux

observations où une poliomyélite antérieure aiguë de l'adulte ait présenté des lésions

médullaires en foyers tout à fait analogues à celles de la paralysie infantile, à savoir

l'observation de Van Gehuchten et celle que nous avons publiée en 1P03 avec Wilson.

Or, pour le premier cas, Van Gehuchten nous a déclaré n'avoir pas recherché la syphilis,

mais les lésions vasculaires qu'il a décrites la rendent assez vraisemblable. Dans notre

cas, la syphilis existait dans les antécédents : à cette époque, nous n'avions pas eu

l'attention attirée sur une relation possible de cause à effet, la coïncidence ne nous avait

pas frappé ; or, d'après les lésions vasculaires observées, des relations de causalité

existaient sans doute entre la syphilis antérieure et les lésions des cornes antérieures.

262 LÉRI .

Ce fait n'est pourtant pas absolu ; à l'amyotrophie spinale de l'adulte,

type Aran-Duchenne, portant d'abord et surtout sur les membres supé-

rieurs, s'oppose l'amyotrophie spinale de l'enfance ou de l'adolescence,

type Charcot-Marie; portant d'abord et surtout sur les membres infé-

rieurs ; la syphilis est susceptible de simuler cette seconde variété comme

elle est capable de déterminer la première. Le malade que nous avons

observé en est une preuve :

Observation I.

L..., 32 ans, vigneron, homme fort et vigoureux, ne se souvient pas d'avoir

jamais été malade ; c'est tout justes'il croit avoir eu une rougeole dans son

enfance. Marié il y a 7 ans, il a deux enfants de 6 ans et de 4 ans 1/2 bien

portants ; il n'a pas perdu d'enfant, sa femme n'a pas eu de fausse couche.

Son père est mort à 70 ans de « bronchite chronique », sa mère est encore

bien portante. Il est le troisième d'une famille de 4 enfants ; le premier est

mort à 2 ans, le quatrième à 6 mois, le deuxième est une soeur qui est actuel-

lement très bien portante. Il connaît surtout ses parents du côté maternel ; il

n'a jamais entendu dire qu'aucun parent ait eu des troubles de la marche ou de

l'atrophie des membres.

Le 20 mai 1915, un obus éclata près de lui ; il ne fut pas touché directement,

mais de la terre éboulée vint recouvrir son pied droit. Il resta debout, il eut

quelques douleurs à la face externe du pied droit, jamais très vives, pendant

environ deux mois ; aujourd'hui, il sent encore quelques tiraillements quand il

tourne le pied.

C'est environ six mois après l'accident qu'il s'aperçut que sa jambe droite

maigrissait, aussi bien en avant qu'en arrière. C'est pour cette atrophie qu'il

nous est adressé.

L'atrophie est en effet extrêmement prononcée. La jambe droite est presque

réduite à l'aspect d'un pilon, avec tout juste une légère saillie du haut du

mollet (mollet de coq), l'atrophie porte en masse aussi bien sur les muscles

antéro-externes que sur les muscles postérieurs. La malléole péronière fait une

très forte saillie, en arrière et au-dessous de laquelle on ne sent pas les tendons

péroniers ; cette saillie anormale paraît due surtout à l'atrophie des péroniers

latéraux et à une sorte de subluxation du pied en dedans.

Le pied est en équin et légèrement en varus ; le malade debout ou en mar-

che ne pose que sur sa pointe ; ce n'est qu'avec effort qu'il peut arriver à

appliquer le talon sur le sol. Le pied est très fortement cambré et légèrement

enroulé à la fois autour de son bord interne et autour d'un axe vertical qui

passerait par le milieu de ce bord. Son atrophie est considérable ; ni i la vue

ni au toucher il n'y a plus aucune trace du pédieux ; les espaces interosseux

sont profondément déprimés; les orteils sont en hyperextension presque à

angle droit dans leur première phalange, leurs tendons extenseurs sont tendus

et saillants en cordes ; malgré la flexion presque à angle droit des deuxième

ÉTUDE DES ATROPHIES MUSCULAIRES 263

«

et troisième phalanges, l'avant-pied dépasse le bont des quatre derniers orteils

quand le membre est soulevé ; quand il repose à terre, les orteils s'étendent

légèrement, surtout le premier.

A première vue, c'est l'atrophie de la jambe et du pied droit qui frappe,

si bien que le malade nous ayant été adressé pour une atrophie consécutive à

un traumatisme, nous avons cru d'abord à une atrophie réflexe. Mais l'impor-

tance de l'atrophie était hors de proportion avec le peu d'intensité du trauma-

tisme et avec son ancienneté relative quand ont paru les troubles. De plus, il

nous a été facile de constater que l'atrophie portait aussi à un moindre degré

certes, mais d'une façon évidente, sur la jambe et le pied du côté opposé.

La jambe gauche n'a plus sa forme tronconique normale, elle est presque

cylindrique jusqu'au quart inférieur, avec seulement une saillie modérée du

mollet. Au quart inférieur, une saillie anormale sur la partie externe semble

formée par l'extrémité inférieure des muscles de la loge antéro-externe, mieux

conservés que les péroniers latéraux. La malléole péronière est moins saillante

qu'à droite, on sent vaguement les tendons péroniers. Le pied n'est ni en

équin ni en varus, mais il est presque aussi cambré qu'à droite, les orteils

sont aussi en griffe, les tendons extenseurs aussi saillants, les espaces inter-

osseux presque aussi déprimés. On sent au doigt et on voit à travers la peau

un reste bien peu épais de muscle pédieux.

La mensuration donne les chiffres suivants :

264 ' LÉRI

soulevant. Les artères pédieuses se sentent faiblement des deux côtés, mais

avec une tension tout à fait suffisante (19 au sphygmomanomètre du Potain,

pour 26 aux radiales). -

Malgré l'atrophie, tous les mouvements segmentaires des deux membres

inférieurs se font bien et avec beaucoup de force, y compris la flexion et l'ex-

tension des pieds (de 90° à 130-140°). Seuls les mouvements des orteils sont

très réduits ; à droite, il n'y a pour ainsi dire aucun mouvement spontané

des quatre derniers orteils et simplement une ébauche d'extension du premier,

mais, à cause de leur attitude anormale, on n'obtient guère plus de mouve-

ments passifs ; il gauche, il y a de légers mouvements d'extension et surtout

de flexion des quatre derniers orteils et des mouvements beaucoup plus forts

du premier.

Les membres supérieurs ont dans tous leurs segments une musculature,

une force et une réflectivité (réflexes radiaux et olécrânieus) parfaitement

bien conservées.

Les omoplates sont légèrement saillantes à leur extrémité inférieure. Il y a

une lordose dorso-lombaire notable, de sorte que la ligne des apophyses épi-

neuses s'enfonce en cette région en dépression linéaire entre les masses sacro-

lombaires, les fesses font une saillie un peu excessive et le ventre proémine.

Ces déformations du tronc paraissent dues à une sorte de bascule autour des

articulations coxo-fémorales ; cette bascule elle-même est sans doute due à ce

que le malade, qui marche en équin, redresse instinctivement son tronc en

arrière pour ne pas tomber en avant. Ce sont des déformation de compensa-

tion ; elles sont d'ailleurs légères.

La marche se fait sur la pointe du pied droit ; elle se fait en se dandinant,

en canard, sans steppage ni talonnement. Le malade peut rester les pieds

joints sans piétiner sur place ; dans cette position, il se tient sur la pointe du

pied droit et s'appuie surtout sur la plante du pied gauche ; on voit alors

qu'il ne peut se maintenir que par des efforts constants de ses muscles antéro-

externes ; le jambier antérieur et l'extenseur des orteils présentent une série

continue de contractions et de relâchements.

On ne constate pas de contractions fibrillaires proprement dites, mais volon-

tiers une sorte de frémissement des muscles, notamment des muscles posté-

rieurs des cuisses et des masses sacro-lombaires, frémissement qui s'accom-

pagne d'ailleurs d'un tremblement des membres inférieurs et du tronc.

Il n'y a nulle part de troubles de la sensibilité objective, si ce n'est peut-

être une légère hypoesthésie à la piqûre de la plante du pied droit.

Le malade n'a jamais eu de douleurs proprement dites, mais assez souvent

des crampes ou des sensations de fourmillements dans les cuisses ou dans les

jambes.

Aucun tronc nerveux ne présente d'augmentation de volume.

La contractilité idio-musculaire est extrêmement réduite aux membres infé-

rieurs ; l'excitation mécanique du triceps sural avec un lourd marteau à réflexes

ne détermine absolument aucun mouvement à droite, à peine une ébauche

ÉTUDE DES ATROPHIES MUSCULAIRES 265

d'extension du pied à gauche ; l'excitabilité mécanique des muscles antéro-

externes de la jambe est presque nulle des deux côtés ; celle des muscles anté-

rieurs et postérieurs des cuisses est très faible, bien que les réflexes rotuliens

soient encore très bons.

L'excitabilité faradique et galvanique est presque nulle au niveau des mus-

cles des mollets, tout à fait nulle au niveau des péroniers latéraux, légère au

niveau des extenseurs communs des orteils, plus nette au. niveau des jambiers

antérieurs ; les sciatiques poplités internes paraissent inexcitables au creux

puplité, les sciatiques poplités externes sont très légèrement excitables au ni-

veau de la tête du péroné, les pieds se fléchissent en se portant en dedans.

L'hypoexcitabilité est sensiblement plus prononcée à droite qu'à gauche, mais

elle porte des deux côtés sur les mêmes muscles et nerfs. Les muscles des

cuisses sont également très hypoexcitables, surtout ceux de la face postérieure.

Nulle part nous n'avons constaté d'inversion de la formule galvanique.

En somme, ce malade de 32 ans présente une atrophie très pro-

noncée de toute la musculature des pieds et des jambes et une atrophie

légère de la partie inférieure des cuisses. Cette atrophie est beaucoup

plus prononcée du côté droit, et, comme il a subi un traumatisme de la

jambe droite, on a tendance au premier examen à croire à une atrophie

réflexe post-traumatique.

Mais le traumatisme a été très léger, il datait de six mois avant l'appa-

rition des premiers troubles fonctionnels et il n'avait déterminé aucune

lésion ostéo-articulaire ; la légèreté du traumatisme est donc tout à fait

hors de proportion avec l'intensité de l'amyotrophie, et l'on est conduit

à considérer le trauma, type des « causes à tout faire », comme n'ayant

eu qu'un rôle apparent ou tout au plus un rôle de cause occasionnelle

ou localisatrice.

D'ailleurs, il suffit d'un peu d'attention pour voir que la jambe droite

n'est pas seule atteinte, que la jambe gauche l'est également, à un moin-

dre degré, mais de façon évidente et déjà très prononcée ; les muscles sont

tous soit très fortement hypoexcitables mécaniquement, faradiquement et

galvaniquement, soit tout à fait inexcitables, et cela des deux côtés ; les

deux réflexes achilléens font entièrement défaut. La symptomatologie

est donc celle de l'amyotrophie Charcot-Marie, le diagnostic paraît s'im-

poser. Le malade déclare du reste qu'il a eu les orteils en griffe depuis

l'âge de 12 ans, c'est un argument de plus.

Pourtant, c'est un cas unique dans la famille ; aucun de ses parents,'

proches ou éloignés, n'a présenté d'amyotrophie ; or, l'affection décrite

par Charcot et Pierre-Marie,est essentiellement hérédo-familiale. De plus,

elle aurait évolué dans ce cas avec une lenteur véritablement tout à fait

,;

xxviii , 18

266 \ LÉRI

exceptionnelle; les membres supérieurs sont absolument indemnes, ce

qui, à une époque un peu tardive, n'est pas dans le tableau ordinaire de

l'amyotrophie Charcot-Marie. Tooth a bien rapporté, sous le nom d' « atro-

phie musculaire à type péronier », des observations probables d'amyo-

trophie Charcot-Marie restant limitée aux membres inférieurs ; mais même

dans ces cas l'amyotrophie marche plus vite et, au bout de quelques

années, les membres inférieurs au moins sont réduits à l'état squelettique;

ici, au bout de 20 ans, l'amyotrophie n'est pas encore considérable, à

gauche du moins. Le diagnostic d'amyotrophie Charcot-Marie était donc

bien loin d'être entièrement satisfaisant.

Des recherches de laboratoire devaient nous donner la clef du dia-

gnostic. -

Une ponction lombaire fut faite, on retira 6 à 7 centimètres cubes de

liquide très clair. Par chauffage, on constata une augmentation très nette

de l'albumine. Après centrifugation, on vit, dans un culot net à l'oeil

nu, une abondance extrême de leucocytes; ces leucocytes atteignaient le

nombre de 150 par champ d'immersion ; à la cellule de Nageotte on en

compta 5S,4 par millimètre cube. Cette leucocytose considérable était

composée uniquement de lymphocytes, mélangés de quelques rares gros

mononucléaires pâles, mais d'aucun polynucléaire; les lymphocytes eux-

mêmes étaient volumineux, à noyau assez peu condensé et à couronne

protoplasmique assez nette, tels ceux qu'on observe dans la plupart des

processus syphilitiques encore en voie d'évolution.

Cette constatation était pourtant insuffisante à faire porter le diagnostic

de syphilis. L'amyotrophie Charcot-Marie est caractérisée anatomique-

ment, comme on le sait par les autopsies de Pierre Marie et Marinesco et

de Sainton, par des lésions des cornes antérieures et par des lésions des

cordons postérieurs très analogues à celles du tabes (dégénération des

zones de Lissauer, des fibres des cornes postérieures et du réseau des

colonnes de Clarke). Comme, d'autre part, l'influence des infections est

admise comme vraisemblable dans l'étiologie de la maladie par Charcot et

Pierre Marie, Bernhardt, Sainton, etc., il est possible que, comme dans

le tabes, l'infection détermine, au moins en partie, les lésions médullaires

par l'intermédiaire d'une méningite : par conséquent, il ne serait pas très

surprenant que l'amyotrophie Charcot-Marie s'accompagne de leucocytose.

Un examen du sérum sanguin fut pratiqué ; la réaction de Wasserman

s'y montra nettement et complètement positive.

Dès lors, le diagnostic s'imposait : l'amyotrophie était d'origine syphi-

litique. Dévant cette constatation, le malade, qui avait jusque-là nié tout

antécédent syphilitique et qui n'en présentait aucun stigmate (pas d'érup-

tion, pas de signe d'Argyll-Robertson, pas de leucoplasie, pas d'aortite,

- ÉTUDE DES ATROPHIES MUSCULAIRES 267

etc.), reconnut qu'une dizaine d'années auparavant il avait eu en arrière

du frein de la verge un « bouton » qui avait été soigné pendant quelques

jours par un pharmacien au moyen d'une pommade ; il s'en était peu

préoccupé et n'avait remarqué ensuite ni roséole, ni plaques muqueuses,

ni éruptions cutanées, ni céphalées persistantes ; environ un an après

pourtant, il aurait abondamment perdu ses cheveux, et actuellement il

présente peut-être encore un certain degré d'alopécie en clairière.

Il n'est pas nécessaire d'avoir les pièces en main pour deviner la lésion

causale d'une telle amyotrophie syphilitique ; il s'agit certainement d'une

méningo-myélite vasculaire diffuse, analogue à la région dorso-lombaire

à celle qui, quand elle porte sur la région cervico-dorsale, détermine

l'amyotrophie syphilitique à type Aran-Duchenne. Rien d'étonnant à ce

que semblable lésion détermine une symptomatologie très analogue à celle

de l'amyotrophie Charcot-Marie, puisque la lésion essentielle de cette der-

nière affection est précisément une myélite diffuse portant surtout sur les

cordons postérieurs et les cornes antérieures, parfois aussi plus ou moins

sur les autres parties de la moelle, cordons latéraux notamment (Sainton).

Le traitement s'impose aussi : il faut tenter le traitement spécifique qui

seul, dans des cas d'amyotrophie Aran-Duchenne, a donné quelques résul-

tats. Avant de le tenter, nous avons voulu nous rendre compte si l'amyo-

trophie avait un caractère nettement progressif ; nous avons observé le

malade pendant mois ; son état n'a guère changé, peut-être pourtant

l'amyotrophie a-t-elle très légèrement augmenté. Nous n'avons pas cru

pouvoir attendre plus longuement, avant de commencer le traitement, mais

nous ne pouvons apporter encore de résultat thérapeutique.

Le fait nouveau qu'apporte cette observation, c'est la possibilité pour

une myélite syphilitique de prendre le masque d'une amyotrophie Charcot-

Marie ou plutôt d'une amyotrophie à type péronier de Tooth, comme de

déterminer une amyotrophie Aran-Duchenne : il s'agit de deux localisa-

tions d'un processus sans doute identique. C'est en somme la simple

extension à d'autres régions médullaires de ce que, en nous basant sur des

amyotrophies syphilitiques progressives Aran-Duchenne, sur des amyo-

trophies syphilitiques limitées de la main, sur des poliomyélites anté-

rieures aiguës syphilitiques, nous avions appelé le « syndrome vasculaire

syphilitique des cornes[antérieures ».

Peut-être ce fait n'est-il si exceptionnel qu'en apparence, et certaines

observations publiées sous le nom d'atrophie musculaire type Charcot-

Marie mériteraient-elles d'être révisées (1) ; rappelons seulement que le

(t) Par exemple, une observation de la thèse de Sainton concerne un malade, sans

antécédents héréditaires ou collatéraux, qui fut atteint dans l'âge adulte d'une amyo-

268 LÉRI. ' ÉTUDE DES ATROPHIES MUSCULAIRES

signe d'Argyll-Robertson, dont Babinski a montré les relations presque

constantes de cause à effet avec la syphilis nerveuse, a été observé dans

les cas de Siemerling, de Cassirer et Maas, etc... Les circonstances actuel-

les ne nous permettent pas les recherches bibliographiques qui seraient

nécessaires pour recourir aux observations originales (1).

trophie type Charcot-Marie (membres supérieurs et inférieurs) ; il avait présenté 22 ans

auparavant un « chancre dont la nature n'est pas bien établie » et il mourut à 56 ans

hémiplégique ; mais, à cette époque, on ne connaissait ni la lymphocytose céphalo-rachi-

dienue, ni la réaction de Wassermann.

( ! ) Bien que l'interprétation que nous avons donnée de notre cas nous paraisse de

beaucoup la plus plausible, nous ne pouvons nous dissimuler que deux autres hypo-

thèses pourraient être proposées : `

1° Il s'agirait bien d'une amyotrophie Charcot-Marie ; cette affection serait suscepti-

ble de déterminer à la fois une lymphocytose rachidienne et une réaction de Wasser-

mann positive, soit que l'infection causale soit apte à produire la déviation du complé-

ment (on sait par exemple que la réaction de Wassermann est souvent positive au

cours de la scarlatine), soit que cette infection causale soit l'hérédo-syphilis. Dans ce

dernier cas, le « bouton observé par notre malade n'aurait pas été un chancre in-

duré, et l'alopécie consécutive aurait une valeur insuffisamment probante.

2° Il s'agirait encore d'une amyotrophie Charcot-Marie, mais la syphilis s'y serait

surajoutée ; c'est la syphilis qui aurait déterminé la réaction de Wassermann, c'est soit

l'affection médullaire première, soit la spirschitose surajoutée sur un terrain nerveux

prédisposé qui aurait produit la lymphocytose.

Dans les deux hypothèses, il s'agirait d'amyotrophie Charcot-Marie véritable ; elles

s'appuieraient sur l'affirmation du malade que ses orteils ont été en griffe depuis

l'âge de 12 ans, mais elles ne s'accorderaient ni avec l'absence de tout caractère hérédo.

familial ni avec la lenteur tout à fait excessive de'l'évolution. En tout cas, l'amyotrophie

Charcot-Marie est une entité anatomo-clinique à caractères trop nettement établis et

trop tranchés, surtout début juvénile trop constant et à reproduction hérédc-familiale

trop habituelle et trop prolongée à travers les générations successives, pour que nous

puissions croire, jusqu'à plus ample informé, à l'inverse de l'amyotrophie Aran-

Duchenne, qu'elle est ordinairement d'origine et de nature syphilitique.

DEUX CAS DE MYOPATHIE ATROPHIQUE

A TYPE SCAPULAIRE (1),

PAR

E. CARATI

(de Bologne).

Observation I (PI. XLIX).

Notre première malade est une femme de 29 ans (B. F. de Cesena) qui ne

présente rien de remarquable dans ses antécédents héréditaires (père et mère

vivants et en bonne santé; pas de soeurs ni de frères) et qui aurait eu une

enfance et une jeunesse heureuses. Il y a six mois, elle a été prise de douleurs

d'intensité variable aux épaules et à la poitrine, parfois, surtout la nuit, très

violentes. Après quelques semaines de. ces douleurs, la malade ne pouvait plus

déverses bras jusqu'à la ligne horizontale, ni mettre ses mains sur la tête :

elle se coiffait avec une difficulté chaque jour plus accrue. Trois mois après,

lorsqu'elle vint nous consulter la première fois, l'atrophie des muscles de la

'ceinture scapulaire était déjà manifeste. La malade n'a jamais présenté aucun

signe de faiblesse aux membres inférieurs : le lourd travail qu'elle fait à la

campagne n'a jamais fatigué ses jambes.

Si l'on examine l'état actuel de la malade, on est de suite frappé par la

position anormale des moignons des épaules : ils sont déplacés en avant, de

telle sorte que les clavicules se trouvent perpendiculaires aux bords latéraux

du sternum. Postérieurement, une autre déformation nous frappe davantage :

la déformation des omoplates. Leurs bords internes sont écartés et si forte-

ment détachés de la paroi thoracique, que l'on peut très aisément enfoncer la

main entre cette paroi et la face antérieure de l'omoplate (scapulae alatae).

Les bras de notre malade présentent une forme masculine : les deltoïdes

et les biceps étant hypertrophiés.

La malade ne peut porter en arrière ses épaules pour rapprocher les

bords internes des omoplates ; elle peut à peine les lever, et avec une très

légère pression, on arrive à empêcher le mouvement. Impossibilité de lever

les bras antérieurement ou latéralement, même avec le plus grand effort,

jusqu'à la ligne horizontale : pendant le mouvement d'élévation antérieure, les

omoplates se détachent encore plus de la paroi thoracique. Si l'on fixe l'omo-

plate, l'élévation des bras est possible jusqu'à l'horizontale sous l'action des

(1) Présenté à la Société de médecine de Bologne (séance du 15 mai 1916).

270 CARAT !

deltoïdes qui sont hypertrophiés. Rien à signaler à propos de la fonctionnalité

des muscles de la face, des bras, des [avant-bras, des sterno-mastoïdiens, des

muscles lombaires, des muscles du bassin et des membres inférieurs.

L'atrophie musculaire a donc atteint les parties moyenne et inférieure du

trapèze, les muscles rhomboïdes, les grands dentelés. Les muscles atteints

d'atrophie présentent les caractères suivants : ils sont symétriques, ne présen-

tent pas des contractions fibrillaires, et ils sont peu excitables au courant fara-

dique et galvanique.

Rien à signaler à L'examen de la sensibilité générale qui est normale dans

ses différentes modalités.

Les réflexes tendineux des membres supérieurs et inférieurs sont normaux.

Il s'agit donc d'une malade atteinte de myopathie atrophique (Landouzy-

Déjerine) ; elle nous a intéressé par la localisation purement scapulaire

des muscles atteints et par l'absence, dans son histoire, de tout antécédent

familial. Cette malade présente une analogie surprenante avec celle qui

fnt présentée par M. le Professeur Déjerine à la Société de Neurologie

le 1er juin 1911.

. Observation II.

o Notre second malade est un jeune homme de 29 ans (G. M. de' Bologne),

chez lequel la disposition de l'atrophie était un peu moins symétrique que

chez la malade précédente.

On ne trouve rien d'intéressant dans les antécédents héréditaires et dans

l'histoire personnelle de ce malade. Sa mère, âgée de 73 ans, est bien portante;

son père est mort à 63 ans de pneumonie aiguë ; trois frères et une soeur vivent

en bonne santé. Il paraît avoir eu une enfance et une première jeunesse sans

maladies : tout de même il se rappelle que quand il commença à travailler à la

campagne, il éprouvait quelque difficulté s'il était obligé, pour son travail, de

soulever les bras. A 20 ans, il fut réformé du service militaire pour épaules

volumineuses. Depuis lors, jusqu'à présent, il a accusé une difficulté toujours

plus prononcée à soulever ses bras, en avant ou latéralement, à mettre ses

mains sur la tête et à se coiffer.

A l'examen. de l'état actuel, on constate que les clavicules du malade sont

perpendiculaires aux bords latéraux du sternum, leur extrémité antérieure

étant déplacée en avant. Les fosses sous et sus-claviculaires sont profondes :

tout de même on constate du côté droit les fibres du muscle petit pectoral

bien conservées. -

Postérieurement, on voit que les omoplates présentent la forme des scapulae

alatae (fig. 3 et 4). L'extrémité inférieure de l'omoplate droite est tournée en

dedans et en haut, et cela à cause de l'action du muscle rhomboïde dont les

fibres sont bien conservées.

Le malade peut porter en avant et latéralement ses bras, mais il n'arrive pas

à atteindre la ligne horizontale si on ne lui fixe pas les omoplates contre la

? ti'I.

NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA S.1LF7.1'RtI : RE. T. XXVIII. PL. XLIX

myopathie A type scapulaire

(Cl1 ra Ii.)

,

DEUx CAS DE MYOPATHIE ATROPflIQUE A T'PE SCAPULAIRE 274 ?

DEUX CAS DE MYOPATHIE ATROPHIQUE A TYPE SCAPULAIRE 271 V

paroi thoracique. En outre, il ne peut pas rapprocher les bords internes des

omoplates, et il soulève ses épaules avec difficulté.

En conclusion, on note du côté gauche l'atrophie du grand, du petit pecto-

ral et du rhomboïde, et du côté droit l'atrophie du grand pectoral et du grand

dentelé, le muscle rhomboïde étant de ce côté bien conservé. En outre, sont

atrophiées les parties moyenne et inférieure du muscle trapèze. On note des

deux côtés l'hypertrophie des deltoïdes.

Rien à signaler à propos de la forme et de la fonction des muscles de la

face, de la nuque, du cou et des membres supérieurs et inférieurs. Les

muscles dorso-lombaires et ceux du bassin sont intacts.

A l'examen électrique, les muscles atrophiés présentent une diminution de

contractilité faradique et galvanique. Ils n'ont pas de contractions fibrillaires.

Sensibilité générale normale.

Réflexes tendineux des membres supérieurs et inférieurs normaux.

Comme le précédent, ce cas nous a intéressé à cause de la localisation

purement scapulaire de l'atrophie et de l'absence de tout caractère fami-

lial (1).

(1) Je tiens à remercier mon Maître, M. le professeur Dagnini, médecin-major à

l'Hôpital de Bologne, des conseils qu'il m'a donnés pour l'exécution de mon travail.

DIPLÉGIE FACIALE

PAR

J. BAUMEL, et G. LARDENNOIS,

Chef de Clinique médicale Chirurgien des hôpitaux

à l'Université de Montpellier, de Paris.

La paralysie faciale unilatérale est très fréquente. La VII· paire crâ-

nienne est peut-être celle qui est lésée le plus facilement par les agents

pathologiques les plus variés. Elle offre en effet, dans son trajet funicu-

laire, un point particulièrement sensible et vulnérable, sa traversée intra-

pétreuse. Elle peut donc être atteinte non seulement par toutes les lésions

susceptibles d'intéresser de façon générale un tronc nerveux ou ses ori-

gines cérébrales, mais encore par presque toutes les lésions auriculaires.

Tout le monde sait aujourd'hui combien ces dernières sont nombreuses,

fréquentes, souvent même méconnues.

Nous avons eu récemment l'occasion d'observer une paralysie faciale

bilatérale d'origine périphérique. Les indications bibliographiques (1)

que nous avons pu nous procurer montrent que la diplégie faciale est

assez rare. D'habitude, elle s'observe seulement dans certaines conditions

un peu spéciales : névrite lépreuse, origine obstétricale pour les paraly-

sies périphériques, origine congénitale avec malformations concomitantes

pour les paralysies nucléaires.

Le premier cas connu est celui publié par Charles Bell en 1836. Le

second, celui de James en 1841. Davaine, Walhsmuth, Pierreson ont

ensuite fait des monographies documentées à ce sujet. Déjerine cite un

cas de paralysie faciale double à frigore datant de trois 'mois. Dans ces

conditions, il nous a paru intéressant de rapporter l'observation suivante :

Observation (Pt. L).

D... Achille, commerçant, 30 ans, soldat à la 1'6 section d'infimiers, entré

il l'hôpital le 13 avril 1916, se plaignant depuis cinq à six mois de sensation

continuelle de corps étranger oculaire avec larmoiement incessant.

(1) Forcément nous n'avons pu établir une bibliographie complète. Dans la zone des

armées, il est à peu près impossible de se procurer tous les documents nécessaires.

Nouvelle Iconographie DE la S.41P1'I'RIl ? RE.

T. XXVIII. PL. L

DIPLÉGIE FACIALE

(J. Baumel et Lardeiuois.)

Masson & Cie, Editeurs

""P, CATALA FiltRES, PAIII$.

DIPLÉGIE FACIALE 273

Vue trouble, nuages devant les yeux, pas de diplopie. Légère photophobie.

Pas de bourdonnements d'oreille, ouïe bonne, légère hyperacousie gauche.

Anosmie partielle et bilatérale.

Salivation peu abondante. Déglutition facile. Pas d'engouement, pas de trou-

bles appréciables du goût.

Pas d'anarthrie ou de dysarthrie.

Céphalée frontale intermittente. Pas d'autres troubles de la sensibilité sub-

jective. d b ... f.. M .' . d..

Rien du côté des membres supérieurs ou inférieurs. Mémoire et idéation

normales.

Sudation abondante sur toute la face et le front.

Bon appétit, digestions faciles, selles régulières.

Ni albumine ni sucre. '

Pas de palpitations de coeur.

Appareil respiratoire normal.

Rien de névrosique.

Antécédents personnels. Ni éthylisme, ni spécificité. Convulsions à l'âge

de deux ans. Bronchites légères.

Marié, deux enfants en bonne santé.

Femme, pas de fausses couches.

Un enfant, le premier, né à terme et mort à six semaines.

Le début des troubles actuels est difficile à préciser. Ils seraient survenus il

y a quinze ou seize ans à la suite d'une émotion ? Cependant l'impossibilité de

' plisser le front serait peut-être de beaucoup antérieure ? Il n'est pas possible

de savoir si D... est venu au monde avec une application de forceps.

Mobilisé le 17 février 1913. Depuis cette époque, se trouve dans la zone des

armées.

N'a pas fait de service militaire à cause de ses troubles oculaires !

Examen. - Pas d'asymétrie faciale. Le facies est figé, le nez est un peu

dévié à droite (PL L). Il y a une certaine gêne respiratoire.

Pas de paralysies oculaires. Pupilles égales, régulières, contractiles.

Légère conjonctivite. Pas d'ulcérations de la cornée. Logophtalmie. Epiphora.

Normalement, les fentes palpébrales sont égales.

Impossibilité absolue de fermer complètement les paupières supérieures.

Dans ce mouvement, celle-ci tombe inerte. La paupière infé ! 1,'lIre se relève

un peu, surtout du côté externe, mais reste aussi inerte. Les globes oculaires

se convulsent en haut et en dehors (signe de Bell).

Réflexe palpébral aboli.

Front complètement lisse et uni, pas la moindre ride longitudinale ou trans-

versale. Impossibilité de plisser le front ou de froncer les sourcils.

Parésie des ailes du nez dans l'inspiration et l'expiration. Quand le malade

essaie de faire ce mouvement, ce sont les zygomatiques qui ont l'air de se

contracter.

Bouche normale, pas de boucle oblique ovalaire. Langue non déviée.

274 BAUMEL ET LARDENNOIS

Sensations gustatives dans les deux tiers antérieurs conservées. -

Voile du palais normal, contractile. Pas de stagnation des aliments dans le

repli gingivo-labial.

Parésie bilatérale de l'orbiculaire des lèvres. Impossibilité de fermer forte-

ment les lèvres, de souffler ou d'appointer [l'orbiculaire (PI. L). Lorsqu'il

veut siffler, D. contracte fortement ses peauciers et colle ses lèvres contre les

arcades dentaires.

Les buccinateurs paraissent se contracter. Grimace uni et bilatérale possible,

mais diminuée.

Le peaucier du cou se contracte des deux côtés, il intervient dans l'acte de

siffler comme nous l'avons dit. Sa contraction habituelle a créé deux rides

concentriques à la bouche, situées, la première, à deux travers de doigt des

commissures, la deuxième, un peu en arrière.

Pas de spasme ou d'hémispasme facial.'

Pas de troubles de la sensibilité.

La parésie semble plus accentuée à gauche.

Membres supérieurs. - Force normale. Réflexes anti-brachiaux normaux.

Sensibilité normale.

Membres inférieurs. Force normale. Marche normale. Réflexes rotuliens

un peu vifs des deux côtés. Pas de Babinski en extension ni d'Oppenheim.

Vagues secousses de clonus de la rotule. Pas de trépidation épileptoïde.

Réflexes crémastériens normaux. Pas de troubles de la sensibilité.

Pas de tremblement.

Coeur normal. Pouls : 72.

Appareils digestif et respiratoire normaux.

Examen électrique des muscles de la face et du cou innervés par le facial.

DIPLÉGIE FACIALE 275

Voix chuchotée : Entendue à 2 mètres à gauche. Entendue à 0 m. 30 à droite.

Montre : Entendue à 0 m. 45 à gauche. Entendue à 0 m. 35 à droite.

Weber, latéralisé à droite.

Rinne, négatif à droite. Transcrânien à gauche.

Pas de signe de participation du labyrinthe.

Aspect du tympan. - A gauche, tympan cicatriciel, même avec plaques

calcaires.

A droite, tympan fortement rétracté avec nombreuses brides cicatricielles.

Cloison nasale fortement déviée.

En résumé : Otite cicatricielle double, due vraisemblablement à des poussées

catarrhales' nombreuses et à l'obstruction nasale causée par la déviation de la

cloison.

Nous nous trouvons donc en présence d'une diplégie faciale totale

ancienne. Quelles sont ses origines, quelle en est la nature ?

Nous éliminerons facilement la paralysie faciale par lésion cérébrale..

Dans ces conditions, le facial supérieur est beaucoup moins lésé que le

facial inférieur. Pour une monoplégie, on comprend qu'il en soit ainsi

grâce à l'action synergique des nerfs faciaux supérieurs des deux côtés.

Cette explication n'a plus de valeur quand il s'agit d'une diplégie. La

lésion cérébrale susceptible d'amener une paralysie faciale siège sur

l'écorce au niveau du centre de la face, dans la partie inférieure de la

zone motrice prérolandique. C'est le plus souvent un foyer de nécrose

consécutif à une artérite ou une embolie. Si à la rigueur on peut admettre

qu'une petite lésion circonscrite d'un hémisphère soit susceptible d'ame-

ner une paralysie faciale, par contre il est à peu près impossible de

trouver des lésions bilatérales identiquement localisées. Ces dernières

devront intéresser et intéresser seulement les deux neurones centraux des

mouvements de la face.

Dans la sclérose cérébrale il y a parfois diplégie faciale, mais jamais

cette dernière ne représente à elle seule toute la symptomatologie. Elle

s'accompagne toujours d'autres troubles de déficit moteur ou intellectuel.

Le mode d'apparition se fait par poussées congestives rejetées, plus ou

moins éloignées au début, se rapprochant sans cesse les unes des autres

avec tendance de plus en plus marquée à l'aggravation.

Il ne saurait non plus être question d'une lésion (hémorragie, tumeur)

atteignant seulement les fibres faciales dans leur trajet operculo-bulbaire,

car en dehors de toute autre considération, nous pouvons affirmer l'origine

non centrale de cette diplégie par deux ordres de symptômes caractéris-

tiques : l'absence du réflexe cornéen et les troubles de l'excitabilité mus-

culaire qui ne se rencontrent jamais dans les paralysies d'origine cérébrale.

Seule persiste l'hypothèse d'une atteinte des neurones périphériques

de la VII'paire.

276 BAUMEL ET LARDENNOIS

Ces neurones eux-mêmes comprennent plusieurs parties distinctes

qu'on peut schématiquement diviser en portion nucléaire et sous-nucléaire.

Cette dernière, subdivisée à son tour en trajet intra-crânien, intra-

pétreux et extra-pétreux ou funiculaire proprement dit. 1

Le noyau d'origine du facial est dans la protubérance, situé dans sa

portion antéro-externe et inférieure, en avant et en dedans de la racine

du trijumeau. Le nerf une fois constitué soit au niveau du sillon bulbo-

protubérantiel, en pleins noyaux pontiques, entre le pédoncule cérébel-

leux moyen en dehors et le faisceau pyramidal en dedans. Dans leur

trajet intra-protubérantie) les fibres du facial forment une. anse dans

laquelle est logé le noyau de la VIe paire.

D'après ce court aperçu anatomique, on se rend facilement compte qu'il

est possible d'avoir une diplégie faciale d'origine nucléaire, nous dirons

même que la paralysie nucléaire est relativement assez souvent bilatérale.

Le territoire lésé n'a pas besoin d'être bien considérable pour ce faire.

Un foyer de ramollissement, une hémorragie, une poliencéphalite aiguë

supérieure ou inférieure peuvent arriver à ce résultat. Mais, toujours

dans ce' cas, il y a paralysie des nerfs moteurs de l'oeil (Vle paire surtout).

La lésion étant double, occupant par conséquent les deux moitiés de la

protubérance, il est difficile de retrouver le syndrome de Millard Gables-.

L'existence d'une hémianesthésie alterne par atteinte protubérantielle

postérieure d'un seul côté ou du syndrome de Foville pourraient mettre

sur la voie du diagnostic.

Nous ne notons aucun trouble moteur ou sensitif associé. Ce n'est par

conséquent pas une diplégie faciale nucléaire.

La VIle paire peut être lésée à sa sortie du sillon bulbo-protuUérantiel,

dans son trajet infra-crânien. Une plaque de méningite peut atteindre

les deux nerfs, mais ici également il n'y a jamais lésion des deux faciaux

sans atteinte d'autres nerfs crâniens, oculo-moteurs en particulier. Il n'est

pas rare non plus dans ces conditions d'avoir de l'albuminose rachidienne,

avec ou sans lymphocytose,- le tout traduisant l'irritation et la réaction

méningée. -

Le facial arrive enfin à s'accoler à l'intermédiaire de Wrisberg. Il s'en-

gage avec lui dans le conduit auditif. Il pénètre ensuite dans l'aqueduc

de Fallope. L'intermédiaire se jette dans l'angle interne du ganglion

géniculé et le facial sort par le trou stylo-mastoïdien pour se diviser en

ses deux branches terminales cervico et temporo-faciale.

Dans ce trajet intra-pétreux, plusieurs collatérales sont émises : la corde

du tympan, les nerfs pétreux, les nerfs des muscles de l'étrier et du

marteau. Une fracture, une exostose du rocher amèneront des troubles

variés suivant t'atteinte ou l'intégrité de ces diverses collatérales.

DIPLÉGIE FACIALE 277

Le diagnostic Sera facile. Par la paralysie de la corde du tympan, il y a

diminution ou abolition de la faculté gustative dans les deux tiers anté-

rieurs de la langue avec sécheresse plus ou moins marquée de la bouche.

La paralysie des muscles de l'étrier et du marteau amène une hyper-

acousie douloureuse avec défaut de tension de la membrane du tympan.

L'atteinte des nerfs pétreux qui innervent le palato-staphylin laisse pré-

dominer le péristaphylin interne. Dans une lésion unilatérale, il y a

déviation de la luette avec affaissement du voile du palais. Une lésion

bilatérale avec prédominance d'un côté comme dans notre cas amènera un

léger affaissement vélopalatin et un peu d'engouement.

L'examen auriculaire nous a bien montré chez D... des troubles assez

marqués de l'ouïe avec atteinte de la memhrane du tympan. Les lésions

sont dues à une otite cicatricielle double consécutive elle-même à des

poussées catarrhales nombreuses et à l'obstruction nasale causée par la

déviation de la cloison. Il n'y a pas de paralysie des muscles de l'étrier

et du marteau. La légère hyperacousie gauche relève de la lésion inflam-

matoire otique.

De déduction en déduction, il ne reste plus que la lésion des troncs

nerveux de la VIle paire au-dessous de l'émission des collatérales intra-

pétreuses ou en dehors du trou stylo-mastoïdien. Les branches cervico et

temporo-faciale sont toutes deux atteintes avec cependant prédominance

de la paralysie dans le territoire temporo-facial (frontal, orbiculaire des

paupières, releveur des ailes du nez).

La partie du visage innervée par cette branche est complètement immo-

bile et figée. Les deux branches cervico-faciales droite et gauche sont aussi

atteintes, la branche gauche plus que la droite. L'intégrité des fonctions

musculaires est dans ce territoire plus grande au niveau du peaucier, ce

qui se comprend, le peaucier ayant une innervation mixte par le facial et

la deuxième racine cervicale. Nous reviendrons plus loin sur ce point.

Les buccinateurs paraissent se contracter, mais les orbiculaires des lèvres

ne peuvent fournir le moindre effort. D... ne peut ni siffler ni souffler

comme tout le monde et n'arrive pas à fermer les lèvres suffisamment

pour offrir une résistance quelconque lorsqu'on essaye de l'en empêcher.

Et ainsi nous arrivons au diagnostic de diplégie faciale névritique par

lésion des branches cervico et temporo-faciales.

Quelle en est la cause ? Elle n'est pas à première vue très facile à dé-

celer. On ne peut incriminer ni le froid ni une section nerveuse. La

recherche des anamnestiques fait rapidement éliminer tous ces facteurs.

Nous n'avons pas pu nous faire préciser de façon certaine la date d'appa-

rition des accidents, nous sommes obligés de passer en revue plusieurs

hypothèses. Bien entendu, il ne saurait être question ici de névrose.

278 BAUMEL ET LARDENNOIS

L'origine congénitale n'est guère probable. Souvent dans ce cas il ya a

association avec la VIe paire. Vraisemblablement la cause est une mal-

formation bulbaire. Il n'est pas rare de noter d'autres malformations

concomitantes.

L'origine obstétricale ? Nous ne le croyons pas. Si c'était une paralysie

par compression bilatérale due à une application de forceps, celle-ci aurait

probablement rétrocédé assez rapidement après une ou deux semaines

avec 1'estilutio ad integrum. Elle ne serait pas, semble-t-il, passée ina-

perçue jusqu'à l'àge de quinze ans.

L'origine toxique ou infectieuse ? C'est plus plausible. Ce n'est pas une

paralysie faciale au cours d'une polynévrite. Il n'y a pas d'autres terri-

toires nerveux atteints. Ce n'est pas une paralysie consécutive à une po-

liomyélite aiguë de l'enfance. Dans ces conditions, elle serait d'origine

nucléaire. Nous avons vu que ce n'était pas possible. Nous .ne relevons

aucune intoxication ou infection (saturnisme, diabète, maladie infec-

tieuse). Nous n'avons à ce point de vue qu'une seule donnée fournie par

la réaction de Wassermann. Cette dernière a été très nettement positive.

En somme, il est fort possible que la syphilis soit en cause, bien que nous

n'ayons pu trouver aucun antécédent spécifique. Dans ces conditions,.c'est

peut-être une névrite par syphilis héréditaire ou par spécificité acquise

dans le jeune âge et complètement passée inaperçue.

Nous ne devons pas oublier que D... est atteint d'otite catarrhale chro-

nique bilatérale. Des lésions inflammatoires minimes de l'oreille moyenne

peuvent retentir facilement sur le facial. Ce dernier semblerait lésé seule-

ment après avoir émis toutes ses collatérales intra-pétreuses. Contre cette

origine otique nous avons l'intégrité relative de l'audition à gauche, ce-

pendant que la paralysie faciale est plus marquée de ce côté.

Dans ces conditions, il ne nous est guère possible de faire le départ entre

les lésions qui peuvent relever de l'inflammation otique et celles qui sont

dues à l'infection spécifique. Nous devons donc conclure que nous nous

trouvons en face d'une diplégie faciale périphérique probablement consé-

cutive à des otites catarrhales répétées, survenant chez un syphilitique.

Otites catarrhales elles-mêmes sous la dépendance de l'obtruction nasale

par déviation de la cloison.

Actuellement D... n'est pas du tout gêné par sa paralysie. Il ne se rend

pas compte qu'il existe pour lui des mouvements irréalisables. Et en effet

il n'en existe pas. Il s'est adapté à la situation faite et ce d'une façon pu-

rement physiologique, subconsciente. Il exécute tous les mouvements,

mais par un mécanisme différent de leur production normale.

Les troubles moteurs remontent au minimum à quinze ans, peut-être

à bien davantage. Depuis lors, deux groupes musculaires ont pris une

DIPLEGIE FACIALE 279

importance considérable : les peauciers du cou et les masséters. Dans

l'acte de siffler ou de souffler, même dans l'acte de rire, le peaucier,

comme nous avons pu nous en rendre compte, intervient aussi bien à

droite qu'à gauche. Cette intervention, signe d'intégrité relative sinon

absolue, s'explique aisément par la double innervation de ce muscle qui

reçoit en dehors des filets nerveux de la VIIe paire, d'autres filets issus de

la n. racine rachidienne cervicale. Non seulement les peauciers dans la

motilité volontaire ont pris une importance considérable, mais encore ils

sont arrivés à remplacer dans une certaine mesure l'orbiculaire des lèvres,

les muscles du menton, les buccinateurs.

Les muscles masséters eux aussi se contractent dans quelques actes qui

normalement ne nécessitent aucune action de leur part. On sent très bien,

surtout à gauche, les masséters se durcir dans l'occlusion forcée des deux

lèvres.

Le masséter est innervé par la branche motrice du trijumeau. Il parait

cependant jouer un rôle moins effectif et moins puissant que les peauciers.

Y a-t-il quelques anastomoses entre les divers-territoires nerveux de

ces régions ? Charles Bell admettait qu'une partie du trijumeau, d'abord la

petite racine, puis le nerf buccal, présidaient aux mouvements des lèvres

et des joues associés aux mouvements de la mastication. Mayo, Magendie,

Eschricht, Longet, Claude Bernard n'ont pas accepté cette façon de voir.

Seuls quelques filets buccaux s'anastomosent avec la branche buccale pro-

venant du maxillaire inférieur : Schiff, Heidenhain, Wertheimer ont

essayé d'expliquer ces compensations par l'adaptation motrice du triju-

meau. Cette adaptation est sous la dépendance non de la racine motrice

delà Ve paire, mais de sa grosse racine sensitive avec son ganglion de

Gasser. Les auteurs ont en effet montré qu'en séparant la grosse racine de

la petite, autrement dit en annihilant ou sectionnant le trijumeau pure-

ment moteur, on obtenait les mêmes effets. Dans ces conditions, l'excita-

tion de la Ve paire produit des contractions dans les muscles masticateurs

et tout le massif facial. De même si on sectionne préalablement le sym-

pathique, on observe les mêmes résultats. Le trijumeau n'agit donc pas

par l'intermédiaire de ce dernier. Il semble bien que la racine sensitive a

acquis les propriétés motrices.

Les explications de ce fait ne nous paraissent pas très satisfaisantes.,

Faut-il, pour qu'un nerf sensitif acquière les propriétés motrices, qu'il

soit d'abord vaso-dilatateur. Dans ces, conditions, la lymphe exsudée en

abondance agirait seule mécaniquement sur les plaques motrices. Le nerf

sensitif est-il devenu moteur de façon indirecte ? Heidenhain soutient que

oui. Schiff dit que non. Wertheimer croit que ce n'est pas là une expli-

cation suffisante. Il semble d'après lui que la modification porte sur le

280 BAUMEL ET LARDENNOIS

nerf lui-même. La motricité acquise est réelle el non apparente. Cette

propriété nouvelle n'est pas due à une transformation d'origine centrale,

elle est d'ordre périphérique. Si le vrai nerf moteur, le facial en l'espèce,

se régénère, le trijumeau redevient purement sensitif.

Cette théorie est séduisante (1). Elle est inadmissible. Il nous a paru

intéressant de la signaler en passant. Mais quelle qu'en soit la pathogénie,

le fait le plus intéressant à notre avis est l'adaptation fonctionnelle des

peauciers et des masséters en substitution des muscles innervés parle

facial inférieur. En se- contractant ils agissent, les peauciers principale-

ment, sur l'aponévrose buccinatrice, voire même sur les zygomatiques, et

ils donnent ainsi une fausse sensation de contraction de ces derniers par

simple tension de leurs aponévroses respectives. D... parle sans difficulté

et arrive même à prononcer aisément les labiales. Pendant la mastication

les parcelles alimentaires n'ont pas tendance à stagner dans le repli gin-

givo-lahial. En somme D... n'a jamais attiré l'attention sur sa paralysie.

Par contre, dans le territoire facial supérieur, nous n'avons aucun fait

semblable. Presque tous les muscles de cette région sont tributaires de la

VIle paire. La paralysie est totale. Seuls les releveurs de la paupière su-

périeure qui ne dépendent pas du facial peuvent donner quelques mou-

vements et ébaucher une occlusion partielle des yeux. De plus, les tendons

des muscles de l'oeil envoient d'après Coyne et Troisier des prolongements ' \

dans l'aponévrose orbitaire. Celle-ci en émet à son tour dans les paupiè-

res. Or, chaque fois qu'on essaie de fermer l'oeil, pendant l'effort les mus-

cles extrinsèques se contractent fortement pour abriter la pupille sous la

voûte orbitaire. Cette action propagée à la paupière et combinée à celle

du releveur y détermine les légers mouvements que nous avons observés.

Par suite des suppléances fonctionnelles et de labilatéralité des lésions,

le faciès de D... présente un aspect particulier. Il est figé dans sa partie

supérieure. Le front est lisse et uni sans la moindre ride, le clignement

est très rare. Il n'y a pas dans l'ensemble d'asymétrie faciale. A première

vue, il est impossible de faire un diagnostic de prosoplégie. Il faut

rechercher soigneusement tous les signes pour arriver à cette conclusion.

Et même après examen, on serait peut-être tenté de croire que seule existe

une paralysie bilatérale du facial supérieur. Il n'en est rien. L'asymétrie

faciale étant toujours des plus désagréable, nous pouvons d'une manière

un peu paradoxale nous demander si le meilleur traitement d'une para-

lysie unilatérale rebelle et persistante de la VIIe paire ne serait pas la

section du nerf opposé ? ?

Il est aussi extraordinaire que la paralysie des deux orbiculaires et du

(1) Elle est exposée tout au long dans le Dictionnaire de Physiologie de Richet.

DIPLÉGIE FACIALE 281

muscle de Horner se traduisant par de la lagophtalmie et l'épiphora n'ait

pas amené depuis le temps des troubles oculaires graves. La conjonctive

est à tout instant découverte. Elle est par suite irritée par un processus

de conjonctivite chronique entretenu par les cils et de nombreux corps

étrangers accidentels, poussières ou autres. Il est surprenant dans ces

conditions qu'une kératite même paralytique et toutes ses conséquences

graves ne se soient pas installées.

La situation militaire de D... ne doit par conséquent pas même se dis-

cuter. C'est malgré tout un infirme. En dépit de toutes les adaptations

musculaires, il se trouve notoirement dans l'impossibilité absolue de faire

campagne. Il ne peut être astreint à un service en plein air. La lagophtal-

mie ne lui permet pas de courir le risque de coucher dehors. Bien qu'il

demande à reprendre du service, il faut le mettre en réforme ou l'em-

ployer à l'intérieur dans un poste sédentaire. Il a besoin d'une hygiène

oculaire constante pour éviter les accidents très graves qui le guettent et

qui peuvent aller jusqu'à la cécité complète.

Au point de vue évolution, D... est et restera affligé d'une paralysie

faciale double. La prosoplégie est beaucoup trop ancienne pour pouvoir

être améliorée. Les lésions névritiques faites sont sûrement indélébiles.

L'étal auriculaire n'est pas susceptible d'amélioration. Nous avons essayé

un traitement spécifique et l'électrisation par les courants galvaniques.

Nous n'avons obtenu aucun résultat.

Si D... était moins bien adapté, si les suppléances musculaires ou ner-

veuses ne s'étaient pas si bien établies, il resterait peut-être à tenter l'anas-

tomose du spinal et du facial.

Aux armées, juin 1916.

XXVIII 19

FACULTÉ DE JASSY (ROUMANIE)

SUR UN CAS

D'HÉMI-HYPERTftOPHIE CRAVIO-FACIO-LINGUALE,

AVEC TROPHOEDÈME FACIAL,

PAR

C. J. PABHON et Mlle Aspasie SEVERIN

, de Jassy (Roumanie).

Nous avons eu la bonne fortune d'observer récemment un cas dont la

symptomatologie correspond au titre de ce travail.

Vu la rareté assez grande des cas semblables, ainsi que l'importance

qui s'attache à toutes les questions touchant la trophicité, il nous a semblé

utile de relater ici l'observation de ce cas avec les considérations qu'elle

nous suggère. /

` Observation Pl. LI).

Il s'agit d'une jeune fille âgée de 13 ans, qui est venue consulter pour le

développement exagéré de la joue droite et de la moitié' correspondante de la

langue. Les troubles dont cette malade est atteinte sont congénitaux.

Lorsqu'on observe cette jeune fille, on est frappé tout de suite par le volume

exagéré de la joue droite, et par la considérable asymétrie faciale. La distance

qui sépare l'aile du nez du côté droit du lobule de l'oreille de ce même côté est

de 14 centimètres, tandis que du côté opposé on ne trouve que 11 centimètres.

La hauteur de la face du rebord libre de la paupière inférieure jusqu'au bord

inférieur du maxillaire inférieur est de 13 centimètres du côté droit et seule-

ment de 10 centimètres du côté'opposé. La commissure labiale droite est

abaissée. Elle fait avec la ligne qui prolpngerait la commissure gauche un angle

de 45° approximativement. La moitié droite des deux lèvres est également hy-

pertrophiée. On trouve les chiffres suivants pour leurs dimensions :

NOUVELLE Iconographie DE la Salpêtrière. T. XXVIII. PL. LI

HEMIHYPERTROPHIE FACIO-LINGUALE AVEC TROPHOEOh ! E FACIAL

(Pnrlmu et Mlle A. Sercriu)

Masson & Cie, Editeurs

SUR un cas d'hemi-hypertbophie cranio-facio-lunguale 283

En outre, les téguments de la joue droite sont plus colorés que ceux du côté

opposé. Sur la ligne médiane au niveau du philtrum, on remarque nettement

le passage du côté gauche au côté droit par le relief plus prononcé de ce dernier.

On observe la même chose, bien que moins prononcée, au niveau des tégu-

ments de la région mentonière.

La température locale au niveau des deux joues ne semble pas différente

d'uu côté à l'autre.

L'épaisseur de la joue (mesurée au compas) donne 5 centimètres du côté

droit et seulement 2 centimètres du côté opposé.

Le nez est légèrement dévié du côté gauche. La narine droite plus large que

la gauche est de forme circulaire, tandis que celle du côté opposé a une forme

ovalaire légèrement excavée dans sa partie interne.

Le cartilage de l'oreille droite est un peu plus épais que celui de l'oreille gau-

che, le lobule plus adhérent à droite. L'antitragus est également un peu plus

développé de ce dernier côté.

Les os sont également plus développés du côté droit de la face et même du

crâne. Le fait est surtout évident pour la molaire, l'apophyse zygomatique et

les deux maxillaires. L'épaississement des os apparaît aussi sur les épreuves

radiographiques. La brauche horizontale du maxillaire inférieur droit mesure

14 centimètres, tandis que du côté gauche on ne trouve que 11 centimètres.

Notons encore que le duvet qui couvre la lèvre supérieure est plus apparent

du côté droit, qu'un pareil duvet se trouve aussi sur la joue de ce côté qui

donne au doigt une impression d'âpreté, tandis que du côté gauche les tégu-

ments sont lisses et nets.

Les téguments du front ne diffèrent pas comme coloration et aspect d'un

côté à l'autre et la moitié droite ne dépasse en largeur que de 0 cm. 5 celle du

côté opposé (10 cm. pour 9 cm. 5). Les os du crâne, surtout la bosse pariétale,

sont plus développés du côté droit.

La coloration de la joue droite est plus intense et un peu plus foncée que

celle de la gauche, cette différence de coloration commence un peu au-dessus

de l'extrémité externe de la joue droite, tandis qu'au front on ne trouve pas

cette différence ainsi que nous venons de le dire. Ajoutons que l'impression

digitale ne laisse nulle part de godet.' /

La moitié droite de la langue présente une hypertrophie considérable et ses

papilles ont une hauteur de 1-2 millimètres, tandis que celles du côté gauche

sont comme à l'état normal, il peine visibles. La largeur de la moitié droite

de la langue est de 3 cm. 8 pour 1 cm. 8 du côté opposé.

La pointe de la langue du côté droit dépasse de 2 millimètres celle du côté

gauche.

La moitié droite du palais est'également plus large et plus colorée que la

gauche (2 cm. 7 pour 1 cm. 6), en outre, au niveau du raphé, on observe que

la moitié droite fait relief par rapport à la moitié gauche.

Sur la muqueuse de la joue on observe quelques excroissances mamelon-

nées du volume d'une lentille jusqu'à celui d'un grain de maïs.

Les dents du côté droit en commençant par la canine sont un peu plus vo*

284 PABHON ET MUe SÉVERIN

lumineuses que les gauches. En outre elles sont plus distanciées, tandis que

les dernières se touchent.

Au maxillaire inférieur on trouve entre la canine et l'incisive latérale une

distance de 8 millimètres du côté droit. Pour les autres dents, la distance n'est

pas si prononcée.

Au maxillaire inférieur, les dents sont également plus éloignées du côté droit.

L'amygdale droite est également plus grande que la gauche et cette dernière

est séparée de la luette par une distance de 1 centimètre, tandis que pour la

première la distance n'est que de 0 cm. 5. Lorsque la malade ouvre largement

la bouche, on observe que du côté droit la luette (qui d'ailleurs est petite et ne

semble pas différente dans ses deux moitiés), vient en contact avec la langue

à cause de l'hypertrophie de cette dernière. On n'observe pas la même chose

du côté opposé.

L'hypertrophie de la muqueuse linguale s'observe également sur la face in-

férieure de l'organe. Le raphé lingual ne se trouve pas sur la ligne médiane,

la moitié droite de la langue mesurant sur sa face inférieure 3 centimètres,

tandis que la gauche seulement 1 cm. 6.

Lorsque la malade contracte fortement les orbiculaires des paupières, les

rides qui se forment sont plus prononcées du côté gauche. On n'observe aucun

phénomène d'ordre paralytique dans la musculature faciale. La parole est peu

altérée. Les labiales sont bien prononcées, mais la malade prononce le z

comme s.

Nous avons pratiqué l'examen microscopique d'un petit fragment excisé de

la langue de la malade (près de la pointe). Le microscope nous montre un pro-

cessus prolifératif du derme et des papilles. Ces dernières sont plus nom-

breuses, plus longues et plus ramifiées que celles de la langue normale, ainsi

que des coupes de contrôle nous l'ont montré. Le tissu dermique est également

plus abondant et plus riche en noyaux dans notre cas qu'à l'état normal.

FIG. 1. Coupe de la langue dans

le cas présent.

Pro. 2. Coupe de la langue dans

le cas présent.

SUR UN cas D'HÉMI-HYPERTROPHIE CRANIO-FACIO-LINGUALE 285

Les figures 3 et 4 provenant d'une langue normale montrent bien le faible

développement dans le sens longitudinal et surtout transversal des papilles

comparativement à celles représentées dans les figures 1 et 2 provenant de

notre cas. On remarque en outre le faible développement comparatif du derme

dans la langue normale où on remonte bientôt sur la couche musculaire.

La symptomatologie de ces cas est trop précise et trop complète pour

qu'elle prête à une confusion avec un autre trouble tel que l'éléphantiasis,

un oedème par compression, un simple lipome. De même l'hypertrophie

de la langue ne saurait être confondue avec une tumeur, une syphilis

linguale, etc.. 1

Cette hypertrophie nettement unilatérale, comme celle des gencives, de

la face, voire même du crâne, est comme ces dernières congénitale.

Nous avons donc à faire avec le trouble trophique connu sous le nom

de hémi-hypertrophie faciale congénitale dontSABRAZÈs el CABANNES, qui

ont pu observer un cas assez rapproché du nôtre, ont fait une intéressante

étude publiée ici même (1898). ,

D'autre part, l'infiltration graisseuse de la joue droite sans aucune trace

inflammatoire, sans oedème véritable, les téguments ne présentant pas

de godet à la suite de la pression digitale, représente un trouble identique,

à notre avis, avec le trophoedème de Meige, trouble dont la localisation

faciale est très rare, il est vrai. Cette localisation a été pourtant notée dans

le cas d'Hertoghe.

La participation du squelette ne s'oppose pas à ce diagnostic, car elle

existait aussi dans d'autres cas.

Fia. 3. - Langue normale.

Fio. 4.- Langue normale.

286 PABHON ET Mllo SÉVERIN

Mais certainement la participation de la langue fait, de ce cas* comme

de ceux qui lui ressemblent, un trouble plus complexe que le trophoedème

habituel. '

Pourtant, à notre sens, le trouble lingual et ceux de la face, etc., sont

identiques quant à leur origine.

Leur aspect variable est dû seulement à leur localisation à des tissus

différents.

SABRAZÈS et CABANNES, dans leur travail cité, divisent l'hémi-hypertro-

phie faciale en congénitale et acquise.

Parmi la première, ils citent les cas de BOECIi : , ROLLIER, FRIEDPE1CII, HEU-

main, PASSAUER, TR1LAT et ;\10NOD, LE1\'IN, Fischer, ZIEHL, FINLAYSOtV,

Truc et Masméjean, 11\VULL, 'IAC GR1;GOB, S'rEFFEN, ZlIUIi : OWSIi : I, S'PEpIBO,

ÂRNHEIM.

Tous ces cas ne semblent pas très superposables.

Dans le cas de OLLIER, il existait en même temps une hypertrophie

des membres du même côté. Il en était de même dans celui de LEwIN où

le côté hypertrophié était en même temps atteint d'hyperhémie et d'hyper-

hydrose. Il y avait en outre sur la région cervicale des noevi mélanoïdes.

L'hypertrophie des membres se retrouve aussi dans le cas de Truc et

de V'IASA1GJEAN.

Les cas qui se rapprochent le plus du nôtre en ce qui concerne la loca-

lisation des processus hypertrophiques sont ceux de ZIIOEL, de KIWULL,

de ÂRNHEtM, ainsi que celui de SABRAZLÈS et CABANNES eux-mêmes.

Les cas d'hémi-hypertrophie acquise ne semblent non plus très sembla-

bles ni par leur côté clinique ni par leur côté pathogénétique. Nous n'in-

sisterons pas sur ces faits.

Quant à la pathogénie des cas congénitaux comme les nôtres, SABRA7S

etCABANNES admettent une anomalie par excès dans le développement des

bourgeons faciaux, « quelle que soit du reste la cause déterminante de cette

anomalie ». Ainsi qu'on le voit, cela revient simplement à la constatation

d'un fait.

En ce qui nous concerne, nous pensons qu'il y a lieu de rapprocher les

cas dont nous parlons du trophoedéme de Meige et qu'ils se prêtent aux

mêmes considérations en ce qui concerne la pathogénie.

L'un de nous a eu l'occasion d'étudier cette question ici même dans

deux travaux antérieurs (1907). Nous renvoyons le lecteur à ces travaux

en reconnaissant d'ailleurs que nous ignorons encore le mécanisme in-

terne des phénomènes dont nous parlons et que nous sommes réduits à

des hypothèses plus ou moins valables.

SUR UN cas D'HÉMI-HYPERTROPHTE CRAMO-FACIO-UNGUALE 287

Un point sur lequel nous voudrions encore insister ici; c'est que ces faits

montrent d'une façon comparative le rôle du terrain dans le développe-

ment des différents tissus, etc. C'est, ainsi que dans les cas de Friedreich

et dellEUMANN on a noté que les dents étaient plus développées du côté

hypertrophié. Il semble que cela existe aussi pour certaines molaires dans

le nôtre, mais le fait est peu marqué. -

Dans le cas de FiNLAysoN, les dents ont poussé plus rapidement du côté

hypertrophié où il y avait 8 dents, alors qu'il n'y en avait qu'une seule

du côté opposé.

Dans le cas de HEUMANN, il est noté que les cheveux sont plus rudes ;

dans celui de Kivui,L, les cheveux étaient moins soyeux du côté hypertro-

phié. Ce fait existe aussi dans notre cas.

Dans le cas de SABRazÈS et CABANNES, les gerçures étaient nombreuses

en hiver du côté droit de la face qui était le côté hypertrophié. Dans le

cas de KI'ULL, on nota par l'examen histologique l'hypertrophie des glan-

des sébacées et sudoripares et l'épaississement du tissu conjonctif et

adipeux. Dans le cas de FRIFDHE1CH, il existait un enduit sébacé'sur le

tégument. Dans le cas de ZIEHL il existait, semble-t-il, une exagération

de la sécrétion salivaire du côté hypertrophié.

Dans le cas de SABRAZÈS et CABANnES,.la joue droite était plus rouge que

la gauche (une certaine différence existe aussi dans le nôtre) et devenait

écarlate lorsque la malade l'approchait du feu. « On ne sait si les sueurs

sont exagérées à droite. » Nous pouvons en dire autant pour notre cas. Nous

n'avons observé aucune différence à ce point de vue et nous avons voulu

chercher l'action de la pilocarpine. Malheureusement, nous n'en avons

pas trouvé dans les pharmacies (à cause de la guerre). :

Un autre fait qui vaut également d'être noté, c'est que dans la majorité

des cas l'hypertrophie atteint le côté droit, 11 cas du côté droit pour 9 du

côté gauche.

SERVICE CLINIQUE DU PROF. AUSTREGESIGO, RIO-DE-JANEIRO

SUR UN CAS DE SYNDROME DE DERCUM

PAR MM. '

R. TEIXEIRA-MENDES, et MONTE-SERRA,

Assistant surnuméraire, ancien Interne de la Clinique

. neurologique,

de la Faculté de Médecine de Rio-de-Janeiro.

Observation (PL LU).

Eliza B..., 48 ans, blanche, domestique.

Antécédents héréditaires. Son père est mort. Sa mère, qui était grasse,

est morte à l'âge de 62 ans.

Antécédents personnels. - Dans l'histoire de sa première enfance elle n'a

eu rien de remarquable. Sa menstruation a commencé à treize ans avec des

vomissements et coliques. Elle s'est mariée à 17 aus et elle a eu 7 enfants qui

sont tous morts entre 1 à 9 ans. Son époux qui était bien portant est mort à

44 ans à la suite d'une artério-sclérose. '

Etat actuel. La maladie a débuté il y a quatre ans après la cessation

de sa menstruation.

Depuis ce temps, elle a commencé à engraisser et en même temps elle res-

sentait des douleurs vagues plus accentuées aux membres inférieurs et souffrait

d'une hémicrânie droite qui vint à l'époque de la ménopause. La malade nous

informe que son adiposité a débuté par les parois du ventre qui faisait des

plis tombant sur les cuisses. A ses parties cedématiées la malade sent des dou-

leurs spontanées principalement au commencement de la maladie. Ces douleurs

augmentaient avec les mouvements et on ne pouvait la toucher, si grandes

étaient les douleurs.

Le 8 avril 1915, elle a été opérée et le chirurgien a retiré une masse de

tissu cellulaire adipeux qui pesait 3 kilos 300 grammes.

A l'inspection on remarque une grande adiposité du tronc, plus prononcée

au ventre et régions fessières ; elle s'étend aux membres se terminant aux

articulations du genou dans les membres inférieurs et aux articulations du

poignet dans les membres supérieurs.

Les plis de la région fessière et du thorax sont remarquables. Remarqua-

ble aussi est la limitation de l'adiposité qui respecte les extrémités et la tête, de

telle façon que tête et jambes donnent l'impression de ne pas appartenir au

même malade. La peau est sèche. Il n'y a pas de poils à l'aisselle et peu à la

région pubienne. A la face ou trouve deux taches rouges. A l'abdomen il y a

NOUVELLE ICCNOGI2AP111& DE LA SALPI : l'RI1·.RI .

T. XXVIII. Pc. LII

syndrome DE DERCUhf

(7'cv. Melides et Moule Serra.)

Masson & Cie. Editeurs ' ..

IMP. CATALA FRERES, PARIS.

sur un cas DE SYNDROME DE DERCUM 289

une vaste cicatrice. Au commencement, la malade éprouvait une sensation de

fatigue musculaire assez marquée qui a augmenté de jour en jour au point de

réaliser aujourd'hui une véritable asthénie. Le travail est devenu impossible

et la marche difficile.

Tels sont les détails de l'observation. A notre avis, ils ne sauraient lais-

ser subsister le moindre doute sur la nature de cette affection. Nous

reconnaissons bien l'adipose douloureuse, aussi dénommée maladie de

Dercum.

L'examen du système nerveux a montré d'autres choses remarquables.

Position verticale et horizontale, normales.

Notion des positions segmentaires, bonne.

Signal de Romberg, négatif.

Tonus musculaire, normal.

Force dynamométrique : main droite, 22 ; main gauche, 21 (échelle de

pression).

Diadococinésie. Il n'y a pas d'ataxie, d'apraxie ni d'agnosie.

Sensibilité. Douleurs vagues au membre inférieur gauche. Douleurs bien

prononcées dans les parties oedématiées. Aux membres inférieurs on remar-

que que l'hyperesthésie s'étend jusqu'au pied.

Sensibilité thermique. La malade sent le froid pour la chaleur dans les

parties où se trouve l'adiposité.

Sensibilité douloureuse. Hyperesthésie aux extrémités inférieures. A h

cuisse, il y a des zones d'hyperesthésie.

Il n'y a pas de perturbations baresthésiques, ni de la sensibilité profonde.

Réflectivité. - Réflexes plantaires exagérés.

Réflexes abdominaux abolis. Réflexes rotuliens très exagérés. Réflexes

achilléens exagérés. Les réflexes du poignet exagérés. On trouve l'inversion

du réflexe tricipital.

Trophicité. - Il y a des plaques de leucodermie sur les jambes. Les organes

des sens sont normaux. Attention et mémoire bonnes.

Examens complémentaires. Réaction de Wasserman, négative.

Examen des urines, rien de remarquable.

Examen du sang, rien de remarquable.

Examen radiographique, il n'y a pas augmentation de la selle turcique.

Deux symptômes importants retiennent l'attention dans l'observation

que nous avons faite : un grand développement du tissu-cellulaire adi-

peux dans certains régions, et la présence de douleurs dans ces régions,

douleurs qui sont spontanées ou provoquées. '

Le syndrome de cette maladie a été décrit pour la première fois par

Dercum en 1888.

Aux deux symptômes principaux il s'en ajoute d'autres variant suivant

290 TEIXEIRA-MENDES ET monte-serra

' les cas et qu'on peut ainsi énumérer : asthénie, perturbations de la sensi-

bilité, hyperesthésie ou hypoesthésie, perturbations sensorielles, amblyo-

pie,amaurose, diminution du champ visuel, strabisme, diminution de l'au-

dition, de l'odorat et du goût, perturbations vaso-motrices, hémorragies,

hématémèses, altérations trophiques, leucodermie, alopécies, déformation

des ongles, arthropathies ; perturbations réflexes, phénomènes gastro-in-

testinaux, dyspepsie, constipation, perturbations cardiaques, palpitations.

Du côté de l'appareil urinaire, rien de grande importance n'a été si-

gnalé, sinon dans le cas où il existerait quelque lésion de cet appareil,

La température, dans la plupart des cas, est normale. Du côté psy-

chique, on a observé des phénomènes hystériques (Féré, Mascou, Bonart),

épileptiques (Mancini, Dercum et Me Carthy), des perturbations du carac-

tère (Burr), la torpeur psychique (Beny et Le Play), le délire de persécu-

tion, l'amnésie, le caractère quérulant. -

L'étiologie du syndrome de Dercum enseigne qu'il est plus commun

dans le sexe féminin, commençant entre 30 et 50 ans et dans les époques

de transition de l'appareil génital ou au commencement des règles ou de

la grossesse, ou dans le plus grand nombre des cas, delà ménopause. Les

infections, les traumatismes, l'hérédité, n'occupent qu'une place secon-

daire dans l'étiologie.

L'anatomie pathologique a montré d'importantes altérations du côté des

glandes à sécrétion interne.

a) Pour l'hypophyse, un gliome dans un cas de Burr, un adéno-sar-

come dans un cas de Dercum et Me Carthy.

b) Pour la thyroïde Dercum, dans deux cas trouva on une concrétion

calcaire dans la thyroïde, l'atrophie de cette glande contenant de la ma-

tière colloïde dans un autre cas.

c) Lésion du côté du testicule et de l'ovaire.

d) La surrénale a été aussi trouvée lésée dans certains cas.

Diverses théories ont été soulevées pour expliquer la pathogénie du

syndrome de Dercum.

a) Névrosique. - L'adipose douloureuse est une névrose. Au groupe

des névroses aujourd'hui grandement diminué, on ne peut ajouter l'adi-

pose douloureuse ; ce qui existe, ce sont des phénomènes névrosiques

surajoutés au syndrome dont nous parlons.

, b) Névritique. - Pour cette théorie, l'adipose douloureuse vient de

l'inflammation des nerfs.

c) Sympathique. Le sympathique est l'agent producteur de l'af-

fection.

Cette théorie est vraie en partie, c'est-à-dire que le sympathique con-

court comme élément à la pathogénie de la maladie de Dercum.

sur UN cas DE syndrome DE DERCUM 291

d) Théorie encéphalique. Dans le cas de Burr, il y avait une hy-

drocéphalie et Dercum présenta un cas dans lequel il y avait une dispo-

sition anormale des circonvolutions cérébrales.

' e) Théorie toxique. Dans cette théorie, le syndrome adipose dou-

loureuse est le résultat d'une intoxication.

f) Théorie microbienne. - Aux théories ci-dessus devait s'ajouter la

théorie microbienne et par celle-ci on a prétendu attribuer la pathogénie

de l'adipose douloureuse à des agents spécifiques.

' c) Théorie glandulaire. Les glandes devaient aussi se charger de la

production de l'adipose douloureuse et alors, c'est tantôt la thyroïde,

tantôt l'hypophyse, tantôt les glandes génitales qui interviennent comme

agent pathogénique.

Passant en revue toutes les théories énumérées ci-dessus,nous pouvons

dire que quelques-unes des causes invoquées ne jouent aucun rôle dans la

pathogénie du syndrome de Dercum ; d'autres entrent comme éléments

principaux,, sans, toutefois, constituer isolément des éléments uniques

dans sa production.

Voyons donc comment on peut comprendre la pathogénie de la maladie

de Dercum.

C'est une maladie du métabolisme, se développant sous la dépendance

de la sécrétion interne.

« Le déséquilibre des fonctions glandulaires modifie l'harmonie anti-

toxique, résultant des perturbations du métabolisme viscéral, survenant

comme conséquence des maladies appelées constitutionnelles, des pertur-

bations de l'évolution de l'organisme, comme la puberté, la ménopause,

les maladies générales de caractère auto-toxique comme Partério-sclérose,

l'arthritisme, etc. » (Austregesilo.)

En se déséquilibrant, l'appareil de sécrétion interne détermine la pré-

dominance de telle partie de l'appareil endocrinique, de tels ou tels syn-

dromes. , -

C'est ainsi que nous savons l'origine hypophysaire de l'acromégalie ;

les perturbations de la thyroïde nous donnent des syndromes aigus ou u

chroniques ; la surrénale donne les syndromes surrénaux de Sergent et

Bernard et ainsi de suite.

La maladie de Dercum est donc un syndrome de sécrétion interne,

dans lequel tout l'appareil a ses fonctions perturbées; il commence à

l'époque des transitions génitales, il est sous la dépendance de l'hypophyse

et a pour agent régulateur, pour frein le sympathique. Ainsi conçue, cette

théorie trouve son appui dans les faits cliniques.

C'est ainsi que nous voyons non seulement le syndrome de Dercum

apparaître aux époques génitales ainsi que l'augmentation du tissu cellu-

292 TEIXEIRA-MENDES ET MONTE-SERRA

laire adipeux à l'occasion des grands efforts génitaux. L'observation quo-

tidienne nous présente, en effet, fréquemment des cas d'augmentation du

tissu adipeux chez les jeunes mariées.

Les faits anatomo-pathologiques confirment cette manière de voir.

Dans les diverses nécropsies de maladies de Dercum, les glandes à sécré-

tion interne se sont trouvé lésées avec prédominance surtout de l'hypo

physe.

Chez notre malade, on trouve l'atrophie de l'appareil thyroïdien et les

indices du syndrome furent observés à une époque de ménopause précoce.

Notre observation est encore-la confirmation de la doctrine qui établit

que la maladie de Dercum fait partie du groupe des maladies du désé-

quilibre de l'appareil endocrinique. -

L'individualisation des syndromes glandulaires endocriniques, « hier

encore une nécessité », est aujourd'hui une réalité, chaque jour mieux

confirmée par la présence des faits cliniques jusqu'alors mal observés.

Parmi nous, la maladie de Dercum a été traitée, dans sa thèse, par le

Dr Lemos Torrès.

Deux cas ont été enregistrés, un par le Dr Professeur Miguel Couto ét

un autre par le Dr Professeur Rocha Faria.

Dans ce dernier, l'examen radiographique dénota l'augmentation de la

selle turcique.

Dans le nôtre toutefois, cette augmentation ne fut pas constatée. L'hy-

pophyse n'était donc pas augmentée de volume.

D'ailleurs, les perturbations fonctionnelles des organes ne sont pas en

raison directe avec leur augmentation, comme le prouve l'exemple des syn-

dromes de l'appareil thyroïdien.

bibliographie

»

DERCUM. University med. Mangazine, 1888.

Fébé. - Medicine moderne, 1898.

BURR. - The Journal of nervous and mental Diseases.

Dont ET LE PLAY. - Nouvelle Iconographie de la Salpêtrière.

lU' ARCOU. - Archives générales de médecine, 1903.

MEIGE. - Nouvelle Iconographie de la Salpêtrière, 1899 et 1903.

RAYMOKD. Clinique de maladies du système nerveux.

G. BALLET. - Journal des praticiens, 1902, et Presse médicale, 1903.

DERCUM et Me CARTHY. - The american Journal of the medical Sciences, 1902.

AUS'IREGES1LU. - Travaux cliniques, Rio-de-Janeiro.

Lemos ToRRs. Thèse de Rio-de-Juneiro.

FACULTÉ DE MÉDECINE DE RIO-DE-JANEIRO

SUR QUELQUES CAS D'HÉMIMÉUE

PAR

Aloysio de CASTRO,

Professeur de Clinique médicale à la Faculté de médecine de Rio-de-Janeiro.

Si, dans un certain sens, les nombreux subsides fournis de longue date

aux études tératologiques ont permis un grand pas, ils sont restés ineffi-

caces, néanmoins, quant à expliquer les points fondamentaux Dans une

catégorie morbide aussi vaste que celle des monstruosités, l'observation

sagement conduite a réussi à séparer et à classer distinctement les types

divers, et à établir les divisions aujourd'hui classiques. Cependant, en

matière tératologique, encore que les sujets appartiennent au même

groupe générique, y a toujours des différences d'un cas à l'autre, ce

que Paul Bert a bien fait sentir : « En fait de montres, dit-il, il n'y a

point de genres ni d'espèces ; il n'y a que des individus. »,

Cette considération d'une part, et la rareté des grandes anomalies téra-

tologiques - au moins de certaines d'entre elles de l'autre, engagent

à l'étude méticuleuse des observations qui se présentent, sinon par la dis-

section anatomique, qui n'est pas toujours réalisable, au moins par la

radiographie.

Il faut se souvenir qu'une semblable analyse morphologique ne pré-

sente pas un intérêt de curiosité seulement, mais que, grâce à elle, on

pourra peut-être un jour arriver à des conclusions de la plus haute por-

tée, comme celles qui ont trait aux conditions embryologiques qui prési-

dent à l'évolution des monstruosités. On pourra peut-être, autrement dit,

passer de la morphologie à la morphogénie.

Il ne nous paraît donc pas inopportun de contribuer à la documenta-

tion du sujet par les observations qui suivent. On verra par la descrip-

tion qu'il s'agit de monstruosités ectroméliennes genre hémimèle (1).

(1) Les nombreuses variétés du type hémimèle sont bien connues, selon-que les mem-

bres thoraciques ou pelviens sont compromis, selon leur nombre, leur union ou bilaté-

ralité. KLIFPEL et BOUCHET (Hémimélie avec atrophie numérique des tissus. Nouv. Ico-

nogr. de la Salpêtrière, 1907, p. 290) ont passé en revue complètement et cité les cas

d'hémimélie connus et publiés jusqu'alors, fournissant une vaste bibliographie sur ce

sujet. Cf. aussi : E. HuET et CH. INFROIT : Description d'un ectromélier. hémimèle avec

quelques considérations sur l'hémimélie. Nouv. Iconogr. de la Salpêtrière, 1901, p. 128.

294 . ALOYSIO DE CASTRO

Observation 1 (PI. LUI et LIV).

Le premier de nos cas (Policlinique générale de Rio-de-Janeiro) est celui

d'un garçon de J4 ans (PI. LUI) syphilitique héréditaire ; mère morte à 29 ans

d'un anévrysme aortique. Il n'y a pas d'antécédents tératologiques connus

dans la famille. L'examen somatique ne révèle pas d'autre altération que celle

des membres supérieurs et du tronc. Le développement intellectuel de l'en-

fant est normal, il fait ses études, se sert du membre supérieur droit pour

écrire du mieux qu'il peut, et s'habille sans aide aucune d'un' tiers.

Les déformations du memhre thoracique, visibles surtout à l'avant-bras et

à la main, comme nous les décrirons minutieusement plus loin, frappent à

première vue.

Le thorax est asymétrique, affecté d'une scoliose évidente.

L'examen radiologique du patient pratiqué dans le cabinet de notre service

à la policlinique permet les constatations suivantes :

Membre thoracique gauche. - Humérus plus long que normalement. Ex-

trémité supérieure de l'os régulière ; l'inférieure se bifurque en rameaux

interne et externe. Le premier porte à son extrémité un point épiphysaire,

non consolidé encore. Le deuxième se termine par une extrémité libre, non

articulaire. L'absence d'avant-bras montre qu'il faut considérer ces deux ra-

meaux inférieurs de l'humérus comme la représentation d'un radius et d'un

cubitus atrophiés.

Le carpe est ici constitué par trois os : un antérieur avec deux facettes arti-

culaires, à chacune desquelles se rapporte un os métacarpien, ce qui paraît le

désigner comme os crochu. Au-dessus de celui-ci, on trouve la deuxième

pièce osseuse du carpe, qui à en juger par sa situation, doit répondre au py-

ramidal. Quant à la troisième pièce, elle est mal mise en lumière par la radio-

graphie et peut représenter le grand os aussi bien que le scaphoïde.

Il n'y a pas d'articulation radio-carpienne véritable, ce que l'on rencontre

est une union â distance entre le carpe et les deux branches de division de

l'humérus. Le métacarpe ne possède que deux os : les 4° et 5° métacarpiens,

dont les extrémités distales révèlent des épipbyses non encore consolidées, ce

qui s'explique d'ailleurs par l'âge du sujet.

Les uniques doigts existants sont l'annulaire et l'auriculaire, chacun muni-

de 3 phalanges, avec l'ongle correspondant. Il y a syndactylie.

Membre thoracique droit. - Humérus normal. L'extrémité supérieure du

radius ne s'articule pas avec l'humérus. Le cubitus est atrophié. A l'extré-

mité supérieure, l'olécrâne est séparé du corps de l'os, et situé derrière

l'extrémité inférieure de l'humérus.

La luxation congénitale du coude, par suite de l'atrophie du cubitus, est

évidente.

L'extrémité inférieure de ce dernier n'atteint pas celle du radius. 1.'articu

lation radio-carpienne est complète.

On trouve dans le carpe : l'os crochu, le grand os et le trapézoïde, chacun

Obs. I

Obs. II

Obs. III

QUELQUES CAS D'HElIMELIE

NOUVELLE Iconographie DE la Salpêtrière.

T. XXVIII. PL. LIV

Obs. I

Obs. I

Obs. III

QUELQUES CAS D'HÉMIMÉLIE

(Aloysio de Ca.%11-o.)

X

SUR QUELQUES CAS p'HÉMmÉLIE 295

d'eux s'articulant avec un métacarpien. A la rangée supérieure, il n'y a que

deux os (scaphoïde et semi-lunaire) articulés avec le radius.

Il y a trois métacarpiens et trois doigts : auriculaire, annulaire et médius,

tous indépendants, formés de trois phalanges chacun et munis d'ongles.

Observation II (PI. LIII).

Un cas d'espèce analogue à celui que nous venons de décrire s'est offert à'

notre observation, il y a un an, dahs l'infirmerie de notre maître, le profes-

seur Miguel Couto, à l'« Hôpital da Misericordia ».

Il s'agissait d'un individu de 30 ans, cas unique de monstruosité dans sa

famille. L'anomalie résidait dans les deux segments terminaux des mem-

bres supérieurs, à gauche un rudiment d'avant-bras et de main, cette

dernière portant deux doigts soudés seulement. A droite, l'avant-bras plus

long, mais néanmoins sans atteindre la longueur normale, avec une courbure

évidente des os, en dehors. Il y a trois doigts à la main, munis d'ongles : le

pouce, l'index et le médius, ces deux derniers soudés sur toute leur extension.

Observation III (Pl. LUI et LIV).

L'observation qui suit se rapporte à un individu de 35 ans, mendiant connu,

qui fut conduit à notre consultation de la Policlinique générale de Rio-de-

Janeiro. Aucun antécédent familial ne mérite d'être mentionné.

C'est un cas d'hémimélie du membre inférieur droit, inapte à la fonction

locomotrice, le sujet marchant appuyé sur sa béquille.

L'inspection montre de suite un grand raccourcissement de la jambe droite.

Voici les détails de l'examen radiographique du membre atrophié (fig. 8 et 9).

Fémur normal. Atrophie congénitale du tibia, qui se trouve représenté

seulement par son extrémité supérieure, avec les cavités glénoïdes respectives

s'articulant avec les condyles du fémur. Le tiers supérieur du corps du tibia

se termine en pointe, sous forme d'une apophyse, protubérante sous le tissu.

Le péroné, atrophié et très arqué, possède une extrémité supérieure nor-

male et une extrémité inférieure arrondie. Il y a absence de malléole péronière

et d'articulation tibio-tarsienne. Déformation et atrophie du tarse et du méta-

tarse, de telle sorte que le pied forme un angle d'ouverture supérieure et

antérieure, et que le calcanéum, l'astragale et le premier cunéif Irme parais-

sent ne pas exister.

Au tarse on rencontre quatre os distincts, dont les'extrémités inférieures

s'articulent respectivement avec un doigt, constitué de trois phalanges.

Du côté antérieur et externe se détache un cinquième doigt atrophié, formé

par deux petites phalanges, et correspondant à un métatarsien extrêmement

atrophié, représenté par son extrémité antérieure seulement.

L'articulation du genou est déformée et en état de subluxation.

Observation IV.

Nous rapporterons enfin un dernier cas, rencontré dernièrement dans le

296 ALOYSIO DE CASTRO

service de notre maître le professeur Miguel Couto, à l' « Hospital da Miseri-

cordia ». Cas remarquable par son extrême rareté : absence congénitale du

fémur, avec développement normal du squelette entier.

Il s'agissait d'un homme de 32 ans, dans la famille duquel il n'y a aucune

étrangeté morphologique à signaler. Dans ce cas, on observait l'absence du

fémur gauche, la radiographie permettant de vérifier que l'os était réduit

à son épiphyse inférieure. Le développement moindre de l'os iliaque gauche

était évident aussi.

Halbron (1) a publié un cas où le fémur gauche était également réduit

à une petite masse osseuse; mais dans son observation, on trouvait en

même temps des anomalies bilatérales du squelette de la jambe.

(1) P. HALBRON, Un cas de phocomélie et hémimélie. Nouv. Iconogr. de la Salpê-

trière, 1903, p. 123.

L'ASTHÉNIE DANS LA « NOSOLOGIE MÉTHODIQUE o

DE SAUVAGES

PAR

R. BENON et M. LEINBERGER,

Hospice général (Nantes).

Nous avons trouvé dans la nosologie méthodique de François Boissier

de Sauvages (1706-1767) une description de l'asthénie (1) que les au-

teurs modernes passent sous silence. Avant de l'analyser, nous voulons

rappeler quels sont les éléments fondamentaux du syndrome asthénie (2).

Généralités préliminaires. On doit désigner sous le nom d'asthénie

un syndrome essentiellement caractérisé par des phénomènes d'amyos-

thénie et d'anidéation.

L'amyosthénie, par opposition à l'hypermyosthénie qui est l'exagéra-

tion de la force musculaire, consiste dans la diminution de cette force,

dans la faiblesse de la tonicité des muscles, aussi bien des muscles de la

vie de relation que des muscles de la vie végétative. Les muscles lisses

comme les muscles striés présentent une diminution de capacité fonc-

tionnelle qui se traduit par un ensemble de troubles d'une grande cons-

tance, mais que l'examen met plus ou moins facilement en évidence sui-

vant les sujets et leurs occupations habituelles. Le principal symptôme

est un sentiment d'épuisement général, d'abattement, de mal-être et de

lourdeur du corps. Tout effort est pénible. Si le travail est possible, il

entraîne vite un besoin impérieux de repos. L'atonie gastro-intestinale

explique les troubles dyspeptiques et la constipation. La bradycardie est

plus fréquente que la tachycardie, mais l'une comme l'autre relèvent de

la cardioamyosthénie. L'aspect du sujet dans les états de stupeur ou as-

thénie profonde est souvent vultueux, par suite sans doute de la vaso-

(1) Sauvages (FRANçois BoissiER DE), Nosologie méthodique. Lugduni, 1768, 2 vol.

in-4* ; Genève, 1769, 3 vol. in-8° ; Leipzig, 1797, 5 vol. in-8°. Deux trad. en franc. :

Nicolas (P.-F.), Paris, 1770-1771, 3 vol. in-8» ; Gouvion, Lyon, 1772, 1 vol. in-12°.

(2) TASTEVIN (J.), L'asthénie post-douloureuse et les dyslhénies périodiques {psychose

périodique). Ann. méd. psycholog., 1911, t. I et II. - Voir aussi. Revue des se. psy-

chol., 1913, Il, année ; BENON (B.), Traité clinique et médico-légal des troubles psy-

chiques et névrosiques post-traamatigues, Paris, 1913 (Etude de l'asthénie traumatique).

xxvm 20

298 BENON ET LEINBERGER

dilatation due à la diminution de la tension sanguine, et les extrémités

sont refroidies en partie pour la même cause. L'asthénie des muscles in-

ternes de l'oeil se révèle par des signes d'asthénopie accommodative, très

marqués chez les malades astreints à des travaux minutieux.

Les phénomènes d'anidéation accompagnent l'amyosthénie. Par ani-

déation, on entend le ralentissement des processus intellectuels, la diffi-

culté de la remémoration, de l'évocation des souvenirs et des idées. L'effort

cérébral est pénible comme l'effort musculaire ; si le malade recherche

le 'repos du corps, il n'affectionne pas moins celui de l'esprit.

Secondairement à l'apparition de ce syndrome et en relation avec lui,

se développent fréquemment des troubles dysthymiques (de l'inquiétude,

de la tristesse, de l'énervement, déjà diminution des sentiments affectifs

pour les proches), de la céphalée, de la rachialgie, des étourdissements,

etc.

L'asthénie dans la « Nosologie » de Sauvages. - L'asthénie, ma-

nifestation si fréquente en pathologie générale, ne pouvait guère passer

inaperçue des anciens observateurs, mais la description qu'ils en don-

naient était incomplète, obscure, imprécise. Celle que nous a laissée

François Boissier de Sauvages mérite cependant d'être tirée de l'oubli.

1) SIGNES. L'asthénie (asthenia, languor virium), « c'est une débi-

lité de tous les membres (1)... elle se manifeste par la paresse, la lenteur

et la nonchalance avec laquelle on se porte aux actions accoutumées et

nécessaires, par les intervalles qu'on met entre elles, par le tremblement

qui accompagne les efforts que l'on fait, par un sentiment de pesanteur

dans les membres, par l'abattement du corps et surtout par la posture que

le maladeest obligé de prendre, car les personnes affaiblies prennent

cette posture préférablement à toute autre, parce qu'elle est moins fati-

gante ; et en effet, il faut beaucoup plus de force pour se coucher sur le

côté que sur le dos, et encore plus pour tenir le tronc droit ou penché,

que pour rester couché horizontalement. C'est un signe que les malades

sont extrêmement affaiblis, lorsqu'ils jettent l'oreiller, qu'ils ne changent

point de place et qu'ils parlent lentement et d'un ton bas. C'est par la

voix que l'on juge de la faiblesse d'un homme et de là vient que ceux

qui veulent paraître faibles parlent extrêmement bas. La faiblesse est

encore plus grande lorsque les malades qui aimaient la propreté lâchent

sous eux leurs excréments et leur urine (p. 339). 1

(1) F.-B. de Sauvages, Nosologie méthodique, trad. de Gouvion, t. I, pu 338.

Nous ferons suivre les citations suivantes de l'indication de la page de ce tome dans

le texte même.

l'asthénie dans la NOSOLOGIE MÉTHODIQUE DE sauvages 299

« Ceux qui ont une asthénie sentent des douleurs vagues et légères

dans les membres pour peu qu'ils se remuent, parce que leur faiblesse

rend leur sentiment plus vif (p. 340).

2) Diagnostic. - « Il importe extrêmement dans la pratique de dis-

tinguer l'asthénie de la débilité des forces vitales ; la première est plus

éloignée de la mort que la seconde et par conséquent, elle doit moins

effrayer le médecin (p. 339)... C'est une débilité de tous les membres,

laquelle n'influe point sur les actions vitales, je veux dire que la faiblesse

des membres soumis à la volonté estplus grande qu'on ne devait l'attendre

de celle du pouls et par conséquent l'asthénie diffère de la syncope et de

l'asphyxie, en ce que dans celles-ci la faiblesse des muscles va de pair

avec celle des mouvements vitaux (p. 338). -

«... Elle diffère de la lassitude en ce que celle-ci est une sensation

incommode ( ? ) compliquée d'asthénie (p. 340). » ,

3) Etiologie. François Boissier de Sauvages étudie également les

causes de l'asthénie; il en reconnaît surtout de deux sortes, semble-t-il,

les causes d'ordre moral et les causes d'ordre physique.

« Asthenia a pathematis ; virium debilitas ab animi aeectu...

Rien n'abat plus promptement les forces et n'est plus difficile à connaître

qu'un chagrin, une colère cachée, des soucis cuisants, la perte du bien,

des honneurs, la mort des parents, des amis, etc. De là naissent la mélan-

colie, la perte du sommeil, l'anorexie, un silence morne, l'immobilité,

l'amour de la solitude, la fuite de la société (p. 346)...

« Asthenia feb1'ilis... Il y a une autre faiblesse ou lassitude spontanée

qui précède les maladies sérieuses, et qui en est l'avant-coureur. Elle

n'est pas compliquée de fièvre, mais d'un dégoût de toutes choses et d'un

grand penchant à la colère. Les malades disent qu'ils ont les bras et les

jambes rompus, mais ils ne s'alitent que lorsque le frisson et la fièvre

les prend (p. 347).

« Il y a une autre faiblesse qui accompagne les fièvres, surtout les

continues et rémittentes et qui devient extrême lorsqu'elles sont dans

leur vigueur. Parmi toutes ces différentes espèces de fièvres, il n'y en a

point qui abattent plus les forces que la fièvre chaude et l'hémitritée,

qu'on appelle vulgairement fièvres malignes (p. 347)... - -

« Asthenia ab inanitione... C'est une faiblesse qui succède à toutes

les maladies évacuatoires, surtout aux hémorragies, aux flux du ventre,

aux dysenteries (p. 350)...

Je cite encore -- mais nous en éliminons - l'asthénie scorbutique,

cachectique, chlorotique, vénérienne et enfin l'asthénie native ou faiblesse

naturelle (p. 340 à 360).

4) PATHOGÉNIE,, « Les auteurs se taisent sur cette maladie, soit parce

300 BENON ET LEINBERGER

qu'ils la regardent comme un accident inséparable de presque toutes les

maladies, soit parce qu'ils ignorent la théorie des forces et leurs principes,

quoiqu'elle soit d'une grande utilité dans la pratique (p. 339)..

« Les forces ont leur origine dans le cerveau ; c'est lui qui distribue le

fluide nerveux dans le coeur et dans tous les muscles du corps, et par

conséquent dans tous les organes du mouvement, [soit naturel ou volon-

taire. C'est dans le cerveau que réside le moteur de ce fluide, et quoiqu'il

soit continuellement occupé des mouvements vitaux, qu'il les augmente

ou les diminue, il ne les interrompt jamais, sachant combien ils sont

nécessaires pour la conservation de la vie (p. 334). »

Remarques. Cette description de l'asthénie par Sauvages est remar-

quable par sa clarté relative ; si le diagnostic est trop bref, l'étude de

l'étiologie, dans sa complexité, reste intéressante. L'objection fondamen-

tale est que l'auteur, dans l'asthénie, n'envisage que la faiblesse muscu-

laire - et même surtout la faiblesse des muscles à fibres striées - sans

parler de la faiblesse mentale, de l'anidéation, c'est-à-dire du ralentisse-

ment idéatif et de la difficulté d'évocation des souvenirs. Mais tous les

auteurs, jusqu'à ces dernières années, n'avaient-ils pas laissé dans l'oubli

le phénomène mental de l'asthénie ?

Le gérant : O. PORÉE.

Imprimerie J. Thevenot, Saint-Dizier (Haute-Marne).

APHASIE ET DYSARTHRIE, APROPOS DE DEUX-

" OBSERVATIONS DE DIPLÉGIE INFANTILE,

1 - PAK N

. le Prof. Ad. D'ESPINE.

. On sait que la question de l'aphasie motrice a été remise en discussion

depuis les travaux du professeur P. Marie (1) qui la considère comme

un affaiblissement de l'intelligence ou aphasie sensorielle due à une lésion

de la zone de Wernicke, accompagnée d'anarlhrie produite par une lésion

dans la zone du noyau lenticulaire. Cette opinion a été combattue par le

professeur Déjerine (2) et par ses élèves, Bernheim, Toulouse et Marchand.

Il nous a paru intéressant à ce point de vue de comparer l'histoire de

deux diplégies cérébrales infantiles, dont l'une représente un cas d'apha-

sie motrice accompagné d'une parésie spasmodique, et l'autre un cas de

dysarthrie spasmodique avec conservation du langage volontaire, ainsi

que de l'écriture spontanée.

Observation L Aphasie motrice. Diplégie spasmodique (PI. LV).

R... Marie, âgée de 10 ans, est entrée à la Clinique Infantile le 24 janvier

1917. Elle est née à la Maternité le 2 février 1907. Quoique ayant 51 centi-

mètres de longueur, elle ne pesait que 2.870 grammes et malgré un accouche-

ment normal est née en état d'asphyxie blanche ; elle ne put être ranimée

qu'au bout de quinze minutes de respiration artificielle. L'enfant présente dès

le premier jour des contractures des muscles de la face et des membres :

« l'enfant était raide comme un morceau de bois » dit la mère. L'enfant n'a

pas pu prendre le sein, les mâchoires étaient fortement serrées et la succion

était impossible.

L'état s'est amélioré le 9 février; l'enfant prend le sein et pèse à la sortie

de la Maternité (le 14 février) 3.30 grammes.

La première dent a paru à 4 mois. L'enfant a eu une crise de convulsions à

cette époque. Elle n'a pu se tenir assise qu'à l'âge de 3 ans et se tenir debout

qu'à t'age de 7 ans.

Nous constatons à son entrée une rigidité spasmodique (maladie de Little)

plus marquée aux membres inférieurs qu'aux membres supérieurs, plus mar-

quée à la jambe gauche qu'à la jambe droite* Elle peut se tenir debout et mar-

XXVIII 21

302 D'ESPIXE

cher quand on la soutient. Elle peut se tenir à croupetons en fléchissant les

jambes, et se tient très bien assise. L'attidude des mains est en pronation avec

flexion des doigts, mais elle peut exécuter la plupart des mouvements dont

elle a besoin. La main, en saisissant les objets, plane nn peu avant de les

prendre. Elle mange seule et assez proprement. On ne constate ni mouvements

choréiques, ni athétose. ,

L'enfant a une figure très intelligente ; elle ne parle pas, mais comprend

tout ce qu'on lui dit. Elle a appris à grand'peine quelques mots très courts,

qu'elle prononce correctement, sans aucune difficulté, sans aucune grimace,

tels que maman, non, mimi, pipi, Gourgas (elle a été soignée à l'hôpital Gour-

gas pour une varicelle il y a quelques années, et prononce depuis lors ce mot).

La réaction de Wassermann, faite dans le service de dermatologie le 3 février,

a été positive. L'enfant ne présente du reste aucun autre stigmate de lues que

la déformation caractéristique des 4 incisives supérieures, connue sous le nom

de dents d'Hutchinson. Les renseignements de famille sont également négatifs.

Les réflexes rotuliens sont très exagérés et le signe de Babinski est positif.

Notre diagnostic est : Diplégie cérébrale de cause spécifique remontant à la

vie intra-utérine. Lésions s'étendant des deux côtés à la zone motrice et ayant

atteint à gauche le pied de la troisième circonvolution frontale ou région de

Broca. / '

L'enfant a été transférée dans la Clinique de Chirurgie pour une,appendicite,

Elle a été opérée à froid par le professeur Kummer le 10 avril et est sortie

guérie vers la fin d'avril. Nous l'avons revue en bonne santé le 22 mai 1917.

L'aphasie est la même, mais nous croyons que l'enfant est encore susceptible

de se développer quand elle sera soumise à un enseignement régulier et spécial,

que nous recommandons à la mère.

. L'aphasie a été signalée depuis longtemps comme un symptôme de

l'hémiplégie infantile; il s'agit presque toujours de l'aphasie motrice.

- En 1884, mon élève Gaudard (3) cite dans sa thèse 17 cas d'aphasie

avec hémiplégie droite et 8 cas d'aphasie avec hémiplégie gauche. 11 ray-

pelle à ce propos une observation de Taylor d'hémiplégie droite sans

aphasie chez un- garçon de 5 ans, qui présentait à l'autopsie un vaste

foyer de ramollissement par embolie dans l'hémisphère gauche ; celui-ci

s'étendait jusqu'à la capsule interne. Gaudard explique l'absence d'apha-

sie dans ce cas par le fait que la malade était gauchère.

Il insiste sur le fait que l'apliasie dans l'hémiplégie infantile est transi-

toire et guérit la longue presque toujours. Il l'explique par l'intervention

de la troisième circonvolution de l'hémisphère droit pour l'articulation

du langage, suppléance qui s'établit beaucoup plus facilement chez l'enfant

que chez l'adulte. Bernhardt (4), qui a publié en 1885 un travail remar-

quable sur l'aphasie infantile, soutient le même point de vue que Gaudard.

Dans notre observation, le pronostic est beaucoup plus réservé. Malgré

XOt : \"J71 i i ICO ? OGR \PIIIE 01. n.v 5 wn i n mi m

T. XXVIII. PL. LV

APHASIE ET DYSARTHRIE DANS L'HÉMIPLÉGIE INFANTILE (Obs. I)

APHASIE ET DYSARTHRIE 303

l'intelligence remarquable de l'enfant, elle n'a fait que peu de progrès

dans la parole spontanée et son vocabulaire est resté très restreint. Nous

attribuons ce fait à la diplégie cérébrale. Il est,probable que les deux

circonvolutions de Broca sont plus ou moins touchées à droite comme à

gauche. Néanmoins, peut-être pourra-t-elle apprendre à écrire à l'école.

F

Observation II. Dysarthrie spasmodique. Diplégie cérébrale -

. avec athétose et mouvements claoréiformes (PI. LVI).

P... Angèle, 16 ans.

Cette enfant était née cyanosée, son cou ayant été comprimé par le cordon

ombilical. Elle n'a jamais été prise de convulsions et n'a pas présenté de trou-

bles de la circulation. Elle nous avait été amenée pour la première fois à la

Clinique Infantile, elle était alors âgée de 9 ans, c'était en 1910 ; sa démarche

était raide et titubante ; elle avait' de la peine à se tenir en équilibre et tombait

souvent, ce qui ne lui arrive plus aujourd'hui, bien que la raideur persiste.

Ses membres supérieurs étaient agités de mouvements choréiques et on cons-

tatait de l'athétose des doigts ; le visage était grimaçant ; l'enfant pleurait ou

riait sans cause appréciable et semblait être atteinte d'une aphasie complète,

ne prononçant aucun mot, mais comprenant tout ce qu'on lui disait; elle ne

savait ni écrire, ni dessiner.

Depuis lors elle a suivi la classe des anormaux de l'école des Pâquis jus-

qu'en 1914 ; elle y a appris à écrire d'une façon très correcte ; elle lit mainte-

nant, se souvient de ce qu'elle a lu et peut l'écrire ; elle comprend tout ce

qu'on lui dit en français et en italien ; elle peut faire facilement de petites

additions et soustractions. Quoiqu'elle ne parle pour ainsi dire pas spontané-

ment, il est évident qu'elle n'est pas aphasique, mais dysartkrique au plus

haut degré ; la notion des mots existe chez elle ; elle connaît les termes qui

désignent les objets qu'un lui présente, mais a beaucoup de peine à les pro-

noncer ; elle fait pour cela un grand effort de volonté qui se traduit par des

grimaces et des mouvements choréiques des membres supérieurs ; chaque

syllabe sort péniblement, surtout si on fait répéter à l'enfant plusieurs mots

ou un mot polysyllabique, mais elle prononce avec justesse et sans bégaiement.

L'émission des sons rappelle la parole scandée des malades atteints de sclérose

en plaques, avec cette différence que le temps mis à prononcer chaque syllabe

est plus considérable. La jeune fille est intelligente et affectueuse, elle aime

l'ordre et la propreté; elle est arrivée à manger convenablement, à s'habiller

seule et même à coudre malgré les troubles de la motricité de ses membres

supérieurs.

Il s'agit donc, dans ce cas, d'une diplégie cérébrale bien caractérisée, quoi-

qu'il manque quelques traits au tableau habituel de cette affection, en parti-

culier la contracture des adducteurs' de la cuisse, la marche sur la pointe des

pieds et la strabisme ; par contre, les réflexes rotuliens sont très exagérés.

Les membres présentent un mélange de contracture et de parésie. Ainsi,

en marchant, l'enfant fauche de la jambe gauche ; ses bras sont collés au corps,

304 . d'espine P,

ses avant-bras sont en demi-flexion, ses doigts sont agités de mouvements

athétosiques ; cette attitude rappelle celle de l'hémiplégie double Infantile, la

supination est difficile, la main plane avant de saisir un objet.

Pas de troubles sphinctériens, ni de troubles de la sensibilité. La démarche

est nettement spasmodique. D'autre part le Babinski est des plus nets, surtout

à droite, ce qui démontre l'existence d'une dégénérescence wallérienne dans

les cordons pyramidaux. Ce même mélange de parésie et de contracture se

manifeste aussi dans la dysarthrie qui est également spasmodique ; on constate

cependant un peu de faiblesse de l'orbiculaire des lèvres ; l'enfant ne peut

siffler, ni prononcer l'o et l'u, ni rouler l'r. Elle ne peut tirer sa langue hors

de la bouche-et n'arrive qu'à grand'peine à lui faire dépasser l'arcade dentaire.

Le voile du palais ne paraît pas être touché, la voix n'est pas nasonnée,

comme elle l'est dans d'autres cas.

La lésion expliquant ce syndrome parait devoir être une altération sy-

métrique de l'opercule de Rolando et de l'opercule frontal, laissant com-

plètement indemnes la troisième circonvolution frontale et le pli courbe à

gauche, car on n'observe ni agraphie, ni alexie, ni aphasie sensorielle.

La zone motrice des membres supérieurs et inférieurs doit aussi être

atteinte dans une certaine mesure.

Le. pronostic est favorable, puisque nous avons constaté une améliora-

lion notable de la marche, des mouvements de la main et de la parole,

survenue pendant les cinq ans séparant nos deux examens ; malheureuse-

ment, il est peu probable que les mouvements anormaux du visage et des

membres supérieurs s'améliorent également; ils persistent généralement

en pareil cas jusqu'à la fin de la vie.

Quanta l'étiologie, la réaction de Wassermann a été négative; pas

d'antécédents nerveux dans la famille de l'enfant. Nous pensons que la

maladie 'est due à une hémorragie cérébrale ou méningée provoquée par

la compression du cou au moment de l'accouchement; ce serait donc

l'étiologie de Little. ,

. Les troubles de l'articulation des sons réunis sous le nom de dysarthrie

ont été notés à diverses reprises dans la maladie de Little, ainsi par

Little lui-même, puis parGaudard,par Freud (S), par Déjerine(6). Op-

penheim (7) a publié, en 1895, deux observations de dysarthrie, qu'il

décrit sous le nom de paralysie pseudo-bulbaire infantile. Son élève

l'eritz(8) réuni à 8 observations d'Oppenheim 26 observations emprun-

téesà divers auteurs ! Il distingue deux formes de dysartlirie,l'uneparaly-

tique, l'autre spasmodique. Dans la première, on observe principalement

une faiblesse de l'orbiculaire des lèvres (impossibilité de siffler), de la

langue (ne peul être tirée hors de la bouche), du voile du palais (vois

nasonnée),'du pharynx (dysphagie), qui rend la parole articulée difficile.

l-,LLr ICONO(,IZ.\Piill-- 1)1-. 1 % S LPi.1 'l'. \\\-111. l'L. L\'f 1

I

APHASIE ET DYSAKTHXIH DANS L'HÉMIPLÉGIE INFANTILE

Obs. Il

( DE.,pillc.) 1

I

APHASIE ET DYSARTHRIE 305

parfois môme impossible. Dans la forme spasmodique, il y a difficulté de

l'émission des sons. 1

'La parole est difficile, un peu explosive, comme dans la sclérose en

plaques. Elle s'accompagne souvent de grimaces dans le- domaine du

facial inférieur ; cet état spasmodique était très accentué dans notre ohser-

vation, comme on peut le voir sur la photographie que nous publions.

L'athétose, qui accompagne si souvent l'hémiplégie et la diplégie infan-

tile, augmente au moment des efforts faits par les malades pour articuler

les mots.

Déjerine insiste sur les deux variétés de paralysie pseudo-bulbaire de

l'enfant selon que l'élément paralytique ou l'élément spasmodique sont

surtout en cause. Ces deux variétés sont du reste reliées l'une l'autre

par des formes de transition. C'était le cas dans notre observation 11,

qui est un exemple typique de cette forme mixte de paralysie pseudo-bul-

haire infantile. -

Le caractère explosif et scandé de la parole'appartient à la variété^

spasmodique ; l'impossibilité de siffler (parésie de l'orbiculaire des lèvres)

et de tirer la langue au dehors (parésie de la langue) appartiennent à la

variété paralytique.

En résumé, les deux observations que nous venons de relater sont

des preuves vivantes de la différence symptomatique qui existe entre

l'aphasie motrice et la dysarthrie. L'aphasique ne parle pas, parce que

les mots lui .manquent, ceux qu'il arrive à prononcer le sont facilement

etcorrectemenl. Le dysaillirique a à sa disposition lous les mots dont il

a besoin, mais il éprouve une grande difficulté à les prononcer. - '

' BIBLIOGRAPHIE

1. PIRIIftE Marie. Bull. de la Soc. méd. des hôp. de Paris, 1906, p. 1291,- et 1907,

p. 951.

2. J. Déjerine. L'aphasie motrice. L'Encéphale, mai 1907.

3. Ernest GAunAn. Conlrilution à l'étude de l'hémiplégie cérébrale infantile.

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5. Frecd. - Die infantile Cerehrallühmu»g, nolhnagel's Sp. Palh. u. Ther. Bd IX,

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6. Déjerine. - Séméiologie des affections du système nerveux, 91914, p. 154.

1. OfPEXHE));. Berl. Klin. \'ochenschr., 1895. Lehrbuch der Nervellk1'Onkheifell,

41 éd., p. 1020 [infantile Form der Pseudobiilbii ? pai-alyse).-

S. G. l'Eiurz., l'seudobulbi¡".1/. 13ulbürpnralysen des Kindesalleis. Berlin, 1902.

SUR LA SYMPTOMATOLOGIE DES TUMEURS ET DES

ABCÈS CÉRÉBRAUX. CONSIDÉRATIONS SUR LE CEN-

TRE CORTICAL DE LA DÉVIATION CONJUGUÉE DES

YEUX ET DE LA TÊTE. '

A PROPOS D'UN CAS DE SARCOME PROFOND A LA PARTIE ANTÉ-

RIEURE DE LA CIRCONVOLUTION FRONTALE ASCENDANTE A LA

HAUTEUR DE LA SECONDE FRONTALE. EXTIRPATION (1),

PAR

' Egas MONIZ,

Professeur de neurologie àja Faculté de médecine de Lisbonne.

On connaît les difficultés qu'on a à déterminer la localisation des

tumeurs cérébrales et aussi leur nature.

Le cas de la malade dont je m'occupe mérite d'être connu non seule-

ment pour son évolution et sa symptomatologie complexe, mais aussi

parce qu'il a été un cas heureux d'extirpation d'une tumeur solide du

centre ovale.

OBSERVATION.

Une dame de 38 ans, L. M., que j'ai vue le 3 février 1916, présentait un

état suhcomateux et une hémiplégie gauche en contracture.

Les commémoratifs sont de la plus grande importance. La malade a toujours

eu une excellente santé jusqu'au 5 janvier de cette année.

Ce jour-là elle s'est aperçue que sa main gauche s'endormait et laissait

%tomber parfois les objets qu'elle tenait.

La malade sentait le bras plus lourd, mais elle pouvait encore *se peigner.

Du 6 au 14 janvier rien ne survint d'important. On lui conseille l'applica-

tion de courants faradiques au bras. ,

Nuit du 14 au 15. Elle se réveilla sur le matin, très excitée, disant

à son mari qu'elle se sentait paralysée de tout le côté gauche, même la figure

et la langue, ayant la sensation d'être traversée par un courant électrique.

Ces symptômes ont disparu rapidement et la malade s'est rendormie.

(1) Communication faite à la Société des Sciences médicales de Lisbonne. Séance

du 26 février 1916. *

SYMPTOMATOLOGIE DES tumeurs ET DES abcès cérébraux 307

Le 15. - Fièvre à 39°. L'assistant constata l'existence d'une monoplégie

brachiale gauche, accentuée surtout dans les flexions.

En même temps contracture intermittente du bras. Pas de céphalée. On lui

donne dé la quinine-

16. Température : 37°5 le matin et 38° le soir. Pouls 66. Langue char-

gée. Des vomissements. Pas de céphalée. Purgatif.

9 7. - Température : 37°2 le matin et 37"5 le soir. Pouls 64. Vomissements

deux fois. :

18. Apyrexie. Pouls 6. L'état général empire considérablement.

Céphalée frontale, plus forte à droite, qui augmente par la pression oculaire

et frontale. Photophobie. Torpeur. Elle n'aime pas à parler et ne peut pas

dormir. Vomissements.

Contracture du bras plus prononcée. .

19. - Même état. °

20. - Pouls 60 à 63. La malade se sent mieux. Elle parle de se lever. Pas

de vomissements. Pas de céphalée ni de photophobie. Il faut lui recommander

un silence relatif. ,

21. - La malade retourne à son état antérieur. Céphalée, photophobie,

torpeur.

22. Pouls 60. Prostration plus forte. Elle est'toujours avec les yeux

fermés. Elle dort très mal, mais mange encore régulièrement.

Doigts de la main gauche flasques. Bras et avant-bras en contracture.

23. - Elle se trouve mieux, sans céphalée. Après-midi prostration, les

yeux fermés. Photophobie.

24. - Etat général grave. Torpeur. Pouls 60. Paralysie faciale à gauche.

Déviation de la bouche perceptible. Rétention des urines. On lui mit de la

glace à la tête et des sangsues aux apophyses mastoïdes. Quatre ventouses

scarifiées dans la région lombaire.

25. - Même état pendant toute la journée. Pendant la nuit attaque

jacksonienne lui prenant la face et le bras gauche. Inégalité pnpillaire et réac-

tion pupillaire paresseuse à la lumière. L'accès est revenu, mais moins intense,

une autre fois. Babinski au pied gauche.

26. Un peu d'amélioration de l'état général.

27. - La torpeur et la céphalée très augmentées. On a besoin de lui par-

1er avec insistance pour obtenir quelques mots comme réponse, et la réponse

est presque imperceptible. La paralysie faciale est plus accentuée. On remar-

que des difficultés dans la déglutition.

^Ponction lombaire. - Liquide sortant goutte à goutte. Ni hyperalbuminose,

ni lymphocytose accentuées. Poul, 42. ' '

28 et 29 : Même état. Pouls environ 42. ,

30 et 31 janvier et le,, février. - Les mêmes paralysies, état général

meilleur. La céphalée moins intense. Contracture du bras gauche augmentée.

On lui fait une WR. Résultat négatif.

Le pouls augmente jusqu'à 60.

308 - MONIZ

Le 2 février. La malade tombe de pire en pire. Parfois on pense qu'elle

est entrée dans le coma. -

A ce journal qui m'a été donné par le médecin assistant de la malade, le

Dr Sousa Neves, je dois ajouter qu'elle a eu des douleurs de l'oreille droite par

lancées'qui dataient de quinze jours avant le commencement du mal. De plus

nous avons su que la malade était venue, il y avait cinq ans, à Lisbonne pour

consulter un otologiste à propos de la même oreille droite, mais nous n'avons

pas pu obtenir d'autres renseignements sur le cas.

J'ai examiné la malade, pour la première fois, le 3 février. Je l'ai trouvée-

dans un état subcomateux. Elle répondait très rarement aux demandes faites

et quand on obtenait une réponse, c'était toujours par monosyllabes. Elle avait

la plus grande difficulté à s'alimenter. '

Pouls 58. Apyrexie.

En l'observant j'ai constaté l'existence d'une paralysie faciale gauche,

flasque, bien accentuée.

Paralysie du bras gauche en forte contracture.

Paralysie spartique de la jambe du même côté. C'est-à dire une hémi-

- plégie complète gauche..

Réflexes tendineux vifs à gauche. Babinski très' vif à gauche, avec réflexes

de défense. Babinski moins vif à droite.

Pas de clonus de la rotule. Clonus du pied gauche.

Réflexes abdominaux douteux à gauche, normaux à droite.

Réflexes pupillaires paresseux à la lumière.

La sensibilité à la douleur, autant qu'il me fut possible de m'en rendre

compte par l'examen, était normale des deux côtés.

Déviation conjuguée des yeux el de la tête à la droite.

Céphalée. A la percussion semblait plus forte à droite, mais l'état grave

de la malade ne permettait pas d'investigations qui puissent donner la certitude

de cette localisation pour le moment. Antérieurement le médecin assistant

avait constaté la latéralisation bien précise.

En résumé, nous avons constaté chez notre malade : 1' Une hémiplégie

gauchequi s'est installée progressivement dans 18 jours. Elle a commencé

par des contractures et la paralysie du bras, la paralysie de la face et,

en dernier lieu, apparut la paralysie de la jambe.

2° Des accès jacksoniens qui ont pris le côté gauche. Il y en eut trois :

un le 15 janvier et deux, les plus forts, le 25 du môme mois.

3° Une fièvre qui monte jusqu'à 39° du 15 janvier au 18. .

Avant et après cette date, elle a été toujours apyrétique :

4° Le pouls lent. Il se maintient pendant de nombreux jours ;i 60 envi-

ron, mais il descend les 27 et 28 janvier 1 z

SyMPTOMATOLOGIE DES TUMEURS ET DES ABCÈS CÉRÉBRAUX 309

5o Céphalée depuis le commencement delà maladie, plus forte à droite.

A la percussion, latéralisation du même côté.

6° Vomissements et état nauséeux.

7° La vue semble normale, mais nous n'avons pas eu le temps de faire

l'examen du fond de l'oeil. Déviation conjuguée des yeux et- de la tête à

droite. te.

8° Liquide céphalo-rachidien normal ou à peu près normal. HO

négative.

9° Des picotements douloureux dans l'oreille droite, dix jours avant la

maladie actuelle.

D'après celte symptomatologie, une hypertension intercrànienncélanl

évidente, il était indispensable d'en connaître la cause.

La céphalée plus forte à gauche, les accès jacksoniens avec hémiplégie

gauche, la déviation conjuguée des yeux et de la tête il droite, indiquaient t

le siège d'une lésion très étendue qui prenait surtout la zone motrice

droite.

La rapide succession des symptômes, la crise de fièvre qui passa en trois

jours, mais qui monta à 39°, et les picotemenls de'l'oreille droite, m'ont

fait penser à un foyer inflammatoire, un abcès possible, qui, soitdans l'un

ou dans l'autre cas, exigeait une intervention chirurgicale immédiate dans

la zone rolandique, en visant spécialement la circonvolution fronlale as-

cendante. i .

La malade fut de suite amenée à Lisbonne. On lui fit un examen de

l'oreille droite (Dr Mello). Le tympan était normal. Douleur plus vive il

la hauteur de l'apophyse'mastoïde de ce côté.

L'opération a été faite le février par le professeur Francisco Gentil.

Dans la partie antérieure de la circonvolution frontale ascendante, à la

hauteur de la deuxième frontale, il a trouvé une tumeur dure, reconnue

au toucher. Elle était à la profondeur de 9 millimètres de la superficie

du cerveau. Elle a été extirpée par traction. Son volume était celui d'une

grosse noisette. Le Dr Geraldino Brites, qui a fait son étude anatomopa-

thologique, nous l'a dessinée d'après nature (fig. 1), et nous en a donné

la description suivante :

«Elle a la forme-d'un rein avec son bile occupé par une masse irrégulière.

-La superficie de la portion principale est lisse, régulière et blanche. La consis-

tance et l'élasticité sont grandes, un peu moindres dans la substance à la hau-

teur du bile.

La surface de section est également blanche, sans interstices on cavités

310 MONIZ

appréciables, d'aspect uniforme et brillant à l'oeil nu. Par pression ne donne

pas de suc. '

Les coupes faites perpendiculairement au diamètre le plus long, en passant

par le hile et la substance qui lui est lien, montrent une structure uniforme.

Les coupes sont formées par des grandes cellules fusiformes, groupées par

faisceaux qui s'entremêlent de manière que, dans le même champ microsco-

pique, on voit des faisceaux coupés longitudinalement et d'autres transversale-

ment ou obliquement, donnant des vrais tourbillons qui ont pour centre des

FiG. 1. Tumeur (grandeur naturelle).

Fm. 2, - Coupe IX 300.

SYMPTOMATOLOGIE DES TUMEURS ET DES ABCÈS CÉRÉBRAUX 311

vaisseaux de néoformation. Les noyaux sont allongés, irréguliers et de di-

mensions des plus variées, avec grande quantité de granules^de chromatine

disséminés sans ordre. /

Quelques-uns de ces noyaux sont gigantesques et on y observe de nombreuses

caryocinoses atypiques.-

La périphérie du néoplasme est limitée par des éléments cellulaires identiques

à ceux déjà décrits, mais plus serrés les uns contre les autres.

Dans toute la masse néoplasique pas d'éléments nerveux ou névrogliques.

Conclusion. Sarcome magni-fuso-cellulaire ».

Comment expliquer tous les symptômes dont nous avons fait l'énu-

mération et, surtout, la rapide succession avec laquelle ils sont apparus,

et l'existence d'un sarcome ? . -

Nous devons faire remarquer que les tumeurs cérébrales ne donnent

pas des réactions d'après leur grandeur. Ce paradoxe apparent dépend

des réactions inflammatoires plus ou moins intenses qui atteignent la

' substance cérébrale environnante.

Sur une malade opérée, il y a deux mois, de décompression intracrâ-

nienne (1), nous avons trouvé dansja zone rolandiquè un gros sarcome

avec une production kystique qui occupait la zone correspondante à la

zone prise dans notre malade, mais plus intense, sans que les symptômes

se soient succédé si rapidement, ni si gravement que dans le cas dont

nous parlons. Cette malade dont la tumeur a continué à augmen-

ter- va très bien et 'nous demande tous les jours la permission d'aller

chez elle, à son village. '

Quels ont été les phénomènes spéciaux qui se sont produits chez cette

malade autour du petit sarcome, si dur et, en apparence, si limité, qui

peuvent expliquer toute cette complexe et subite symptomatologie qui

s'est développée pendant trois semaines ? Toute la symptomatologie et la

marche de la maladie donnaient même l'impression de l'existence d'un

abcès. Je pense que des réactions inflammatoires se sont produites dans

ce cas, à côté d'une poussée très rapide de la tumeur. Elles ont donné

toute la succession des symptômes que nous avons observés et de plus la

grave situation qui a mis la malade presque en état de coma.

La déviation conjuguée des yeux mérite, dans ce cas, d'être appréciée

à cause du siège de la lésion. '

1) Cas publié dans la Afedecina conlemporanea, n" 6, l916,

312 MONIZ

Ce symptôme qui a été décrit, la première fois en 1863, par Prévostet

Vulpian, a encore une physiologie pathologique très discutée. Il dépend

des diverses lésions encéphaliques, mais quand il provient des lésions

corticales, l'accord n'est pas établi entre les neurôlogistes.

Pour la plupart (Grasset, Wernicke, Ilenschen, etc.), le siège de la

représentation corticale des mouvements conjugués des yeux et de la tète

est dans lepli courbe et gyrus supermarginal.

Ilorsley, au contraire, diagnostique une lésion du lobe frontal quand

il observe des accès jacksoniens avec la déviation conjuguée des yeux et

de la tôle pour le côté opposé à celui de l'accès (côté de la lésion). Mills

dit qu'il a obtenu une déviation nette des yeux et de la tête, en éleclri-

sant la partie postérieure de la seconde circonvolution frontale. Notre

cas vient confirmer cette localisation;

. Il semble qu'il n'existe pas une, mais deux zones corticales, une posté-

rieure et une autre antérieure, qui, excitées, donnent une déviation

conjuguée des yeux avec rotation de la tête. Nous ne connaissons pas les

relations existant entre ces deux sièges et il peut arriver et ce sera

l'hypothèse plus probable qu'il existe un unique centre cortical et que

les mômes phénomènes produits dans deux points cérébraux éloignés

n'aient pas d'autre signification qUj3l'interruption des fibres d'association.

La malade est aujourd'hui dans de bonnes dispositions. Elle a fait sur

la proposition de M. le professeur Gentil des applications de rayons X

et elle a déjà commencé des massages au bras gela la jambe gauches encore

paralysés, mais flasques. Il y a Uabinski, mais moins vif qu'autrefois, el

il y a au bras gauche, à côté du réflexe tricipital, un réflexe olécrânien

très vif sans correspondant du côté opposé (1). La paralysie faciale s'est

déjà améliorée. 1

L'état général est bon, La céphalée a disparu et la déviation conjuguée

des yeux et de la tête à droite n'existe plus. Tout fait croire à un pro-

nostic favorable sous réserve d'une reproduction probable de la tumeur.

Collusion.

1° La symptomatologie des tumeurs cérébrales peul,^dans certains cas,

être semblable à celle des abcès cérébraux.

2° La déviation conjuguée,des yeux et de la tète peut être provoquée

par une lésion à la 'hauteur de la partie postérieure de la seconde circon-

volution frontale.

(1) \'oy, Revue neurologique, 1912, 2" semestre, p. ".19.

CLINIQUE MÉDICALE DE LA FACULTÉ DE MÉDECINE DE LUND

Médecin en chef : M. le Dr KAIÙ, PETREN, professeur à la Faculté.

SUR LES HÉMORRAGIES MÉNINGÉES,

Par R

' Sven INGVAR,

interne à la clinique médicale. -

4p

La ponction lombaire de Quincke, qui est devenue un des auxiliaires

les plus importants du clinicien moderne, lorsqu'il s'agit d'une étude

approfondie de la pathologie clinique du système nerveux, a de beaucoup

élargi lechamp de nos connaissances de l'hémorragie méningée..

Avant la découverte de la ponction lombaire, ces cas étaient regardés

comme très rares. Cependant il en est déjà rait mention dans la littéra-

ture dès le XVII" siècle, et le plus ancien cas connu semble être celui

d'Henri II, roi de France (Ambroise Paré). Dans la première moitié du

xixe siècle nous trouvons des cas étudiés et décrits par Serres, Rostan,

Andras, Ribes et Ollivier. En 1862, Lancereaux s'est occupé de la ques-

tion des hémorragies intrarachidiennes et des maladies infectieuses. En

1872 Hayem écrit : « Il n'existe pas dans la science plus d'environ une

centaine d'observations d'hémorragies intrarachidiennes, et si l'on ajoute

que la presque totalité de ces observations a dû être publiée, on-sera

immédiatement frappé de la rareté de ces états morbides. »

Après s'être en plus grande partie composée de cas sporadiques, men-

tionnés à propos de découvertes fortuites faites à l'autopsie, nous trou-

vons, au sur et à mesure que la pratique de la ponction lombaire se généra-

lise dans les méthodes d'examen' cliniques, que la littérature devient de

plus en plus riche dans ce domaine. Les phénomènes symptomatiques

sont de plus en plus distinctement exposés, la question étiologique aussi

bien que le pronostic de ces maladies deviennent l'objet de descriptions

approfondies. Il faut mentionner ce propos Froin, Haguet, lIutinel,

Ehrenberg et Forssheim. -,

Selon tous ces auteurs, le seul symptôme absolument certain d'une

hémorragie méningée est la présence de sang dans le liquide céphalo-

rachidien, obtenu à la ponction lombaire. -

Le premier problème qui se pose au clinicien devant une ponction

lombaire ayant donné un liquide céphalo-rachidien sanguinolent est

celui-ci : Le mélange de sang dépend-il d'une lésion des vaisseaux ménin-

gés, produite par le trocard pendant la ponction, ou y avait-il réelle-

314 jl , INGVAR

ment auparavant une hémorragie causée par une rupture de vaisseaux ?

Quant à la première possibilité, il existe nombre de caractères d'une

grande. valeur pour le diagnostic différentiel, qui ont été sérieusement

étudiés et décrits et qui seront mentionnés plus tard. '

Si l'on réussit à éliminer l'hémorragie artificielle, il se présente

cependant aussitôt une quantité de nouvelles questions. Car, abstraction

faite des conclusions sur l'âge de l'hémorragie qu'on peut faire à l'aide

cl'un examen microscopique, le seul renseignement obtenu par la décou-

verte d'un liquide céphalo-rachidien sanguinolent, est que le sang a

pénétré dans l'espace sous-arachnoïdien par un chemin quelconque. Ces

chemins, qui peuvent être directs ôû·indirects, ont été discutés par Froin

entre autres.

Selon Froin, parmi les hémorragies méningées, les épidurales seules

n'atteignent pas l'espace sous-arachnoïdien, grâce à la résistance du tissu

de la dure- mère. Les hémorragies dans la pachyméningite interne hémor-

ragique, qui n'atteignent pas non plus cette cavité, ne peuvent pas être

comptées avec les véritables hémorragies, parce qu'elles sont dues à une in-

flammation chronique. A cause de cela, elles ont été écartées de ce rapport.

Du reste, il semble que toutes les hémorragies qui s'épanchent dans

l'espace sous-arachnoïdien donnent à la ponction lombaire un liquide

plus ou moins sanguinolent. En tenant compte des conditions anatomiques

et physiques, on peut, d'après notre avis, conclure que chaque cas de sang

ayant pénétré dans l'espace sous-arachnoïdien est démontré à la ponclion

lombaire sous forme de sang dans le liquide ponctionné. De si bonnes

conditions de communication existent en cette cavité qu'elle doit être

regardée comme une unité.

A côté des hémorragies causées par rupture de vaisseaux directement

dans l'espace sous-arachnoïdien, il est très fréquent, et depuis longtemps

reconnu, que les hémorragies cérébrales pures, où le foyer se trouve la

surface de l'hémisphère, traversent la pie-mère cérébrale particulièrement

mince et peu résistante, pénètrent dans l'espace sous-arachnoïdien et s'y

propagent. Si le foyer se trouve près des surfaces ventriculaires, 1'liéiiiQl'-

ragie peut pénétrer dans le système ventriculaire. Enfin l'hémorragie peut

naturellement venir des propres vaisseaux des ventricules dans le plexus

choroïdien.

Ces hémorragies ventriculaires se montrent ordinairement à la ponction

lombaire sous la forme d'un mélange sanguin, à cause du continuel écou-

lement de sérosité cérébrospinale qui circule à travers les ouvertures de

communication du système ventriculaire et l'espace sous-arachnoïdien,

1 es trous de MagendieetdeLuschka, qui déversent le contenu du ventricule

dans cet espace. " *

SUR LES HÉMORRAGIES MÉNINGÉES ' 315

Ces formes d'hémorragies cérébrales, qui sont caractérisées par un

foyer. pénétrant secondairement dans la cavité arachnoïdienne, ont été

appelées des hémorragies cérébro-méningées.

Les b6111oi-i-agies anal oulies dans la moelleépiniëre ne traversentpas aussi

facilement dans l'espace sous-arachnoïdien et cela dépend en partie de ce,

que la pie-mère est ici beaucoup plusépaisse et résistante que la pie-mère

cérébrale, et en partie de ce que les hémorragies superficielles, à cause

de la structure anatomique de la moelle sont ici prédisposées à s'étendre

longitudinalement. ,

La découverte d'une ponction lombaire sanguinolente ne nous permet

pas de décider si l'hémorragie est directe ou indirecte, c'est-à-dire si,

dans le cas spécial, il s'agit d'une hémorragie primaire ou secondaire.

Pour arriver à une conclusion à ce sujet, les phénomènes symptomatiques

doivent être bien étudiés, en particulier les phénomènes locaux d'excitation

ou de perte de fonctions, ainsi que la marche totale de la maladie. Mais

aussi, si l'on considère toutes ces circonstances, il semble que le clinicien

doit rencontrer sur ce terrain une foule de cas où le diagnostic offre des

difficultés insurmontables, et où une autopsie éventuelle seulement nous

offre une complète certitude.

Quant l'étiologie des hémorragies méningées, on connaît, en grande

partie, très bien les facteurs qui peuvent les amener : trauntatismes et

maladies infectieuses aiguës aussi bien que chroniques. Cependant, le

clinicien se trouve quelquefois embarrassé devant des cas où aucune cause

plausible ne peut être découverte. Ces hémorragies ont été appelées spon-

tanées, mais il semble bien que ce nom leur a été donné seulement parce

que la science médicale n'a pas encore une connaissance complète des fac-

teurs étiologiques. - - .

Cette étude est basée sur quelques cas, que nous avons observés à la

clinique interne de M. le professeur Karl Pétren, lesquels présentaient

d'un côté les difficultés diagnostiques mentionnées ci-dessus, et qui, d'un n

autre côté, à cause du résultat de l'autopsie, peuvent contribuer à un

éclaircissement de l'étiologie des hémorragies méningées. Deux cas, que

M. le professeur de Pathologie et de Médecine légale de la Faculté de

Lund, Einar Sjôvall, et M. le médecin en chef de la section interne de

l'hôpital public, de Malmô S. Pfannenstil, ont bien voulu nous sou-

mettre, viennent compléter la collection.

. 1'0

Observation I.

Diagnostic clinique : Néphrite interstitielle chronique avec urémie. Hémor-

ragie sous-arachnoïdienne (Hémorragie cérébrale) ? `t '- -

311) INGVAR

Diagnostic pathologique anatomique : Hémorragie sous-arachnoïdienne de la

région de la bandelette optique droite.

E. R..., domestique, 34 ans, entrée à la clinique médicale le 22 novembre

191 't. -

La malade a pendant 4 ou 5 ans souffert de douleurs de tôle migrai-

neuses typiques. Sa mère et une tante souffrent également de migraine. Ses

antécédents-du reste sans rieu à signaler. Tout à fait saine jusqu'au soir du

21 novembre, lorsqu'elle a été trouvée étendue sur le plancher de la cuisine

où elle se trouvait seule, s'occupant de remue-ménage. Etait étendue au milieu

de ses déjections, étonnamment abattue. Se plaint de fortes douleurs de tête.

Le médecin appelé a pu constater un peu de parésie dans le bras gauche.

Température : 35"5. Le pouls : 85 pulsations il la minute. Durant la nuit sui-

vante, nouveau vomissement, l'abattement augmente, et, le matin, la malade ne

parvient pas il répondre aux questions qu'on lui adresse. Pas de convulsions.

Température : 37°o. -

Est entrée à la clinique le 22 novembre à 3 heures.

Femme de constitution normale, embonpoint et musculature ordinaire.

' Extraordinairement apathique et abattue. Ne parvient qu'avec difficulté à

répondre quand on lui parle. Est couchée sur le dos dans son lit, la nuque

repliée en arrière. Est tout à fait désorientée au sujet du temps et de l'espace.

Se plaint de douleurs de tète. Bâille de temps en temps.

Importante raideur de la nuque. Pas de signe de Kernig. Le phénomène de

Lasègue négatif. Pupilles dilatées sans regard, réagissant promptement à la

lumière. Situation des yeux tout à fait coordonnée. Aucune parésie à constater

dans les extrémités ou dans la face. Réagit vivement aux sensations de dou-

leur. Le signe de Babinski se produit en extension au pied gauche, en flexion

de l'autre côté. Les réflexes rotuliens ne sont pas exagérés, les réflexes de

l'abdomen se présentent vifs.

A l'examen du coeur, on trouve que l'impulsion, évidemment trop forte,

atteint la ligne du mamelon gauche. La matité à la percussion est exagérée de

la largeur d'un doigt à gauche sur la ligne du mamelon gauche. L'auscultation

sans rien à signaler.

La température : 37 ? Le pouls ; 95 à la minute, rythmé. La pression de

sang (selon Riva-Rocci et avec une large manchette) 165 millimètres mercure.

Dans l'urine on trouve des traces d'albumine avec des fragments de cylin-

dres granuleux.

A cause de l'augmentation de la pression du sang, des symptômes d'hyper-

trophie du coeur ainsi que d'albumine dans les urines, l'état de la malade a été

interprété comme urémique.

A la ponction lombaire, qui fut pratiquée dans la position couchée, la séro-

sité cérébrospinale a présenté une forte coloration sanguine. La pression est

enregistrée 250 millimètres. On fait écouler 17 centimètres cubes. Le mélange

de sang se révèle tout il fait homogène et aussi fort au commencementqu'â la

fin de la ponction. -

- , - rfht 5 1;

SUR LES HÉMORRAGIES MÉNINGÉES 317 ? .

A l'examen au microscope on a trouvé un nombre important de globules de

sang rouges, paraissant morphologiquement intacts, ainsi qu'un petit nombre

de globules blancs. Aucun calcul n'a été entrepris, mais, jugeant approxima-

tivement, il semble que le nombre des globules blancs vis-à-vis des rouges

était normal. Centrifugatinn : culot hématique volumineux qui tournoyait

quand on le secouait. Au-dessus du culot le liquide surnageant est absolu-

ment incolore. Il ne présente pas de coagulum fibrineux. L'examen cytologique

n'a pas été pratiqué. , -

La culture de bouillon n'a donné aucun bacille. La coloration pour le bacille

de la'`tuherculose n'a donné aucun résultat.

' Après la ponction lombaire, la malade s'est sentie subjectivement soulagée -

avec moins de douleurs de tète. Cependant elle est toujours apathique et som-

nolente. Incontinence d'urine pendant la nuit. -

23 novembre soir. La température : 37°4. Le pouls : 60. La patiente est

encore plus lucide psychiquement, moins désorientée. Cependant, toujours

apathique, avec de fortes douleurs de tête. Absolument aucune flaccidité du

bras gauche ne se manifeste. Selles très dures obtenues par lavement.

24. soir. - La température : 368. Le pouls : 73°. Toujours plus lucide

psychiquement. La raideur de la nuque presque passée. La céphalalgie n'est

que légère.

De clairs indices d'bémianopsie du côté gauche. Elle ne perçoit pas l'allu-

mage d'une lumière dans le champ visuel gauche, mais clairement et distinc-

tement du côté droit. , 1

Une nouvelle ponction lombaire a été pratiquée. Pression : 210 millimètres ;

10 centimètres cubes du liquide se sont écoulés. La coloration du sang est moins

forte que la fois précédente. Le microscope a montré les globules rouges en

grande pallie morphologiquement altérés, épineux. Globules rouges par centi-

mètre cube : 45 000 ; blancs : 400. Le liquide centrifugé clair, pas coloré. La

réaction de glubuline (Nonne-Apelt) est négative.

25. La patiente peut donner des renseignements perceptibles. Toujours

des douleurs de tèle, mais légères. La température du soir : 37°4. Le pouls : 92.

26. Perçoit les mouvements des doigts dans le champ visuel gauche.

Nouvelle ponclion lombaire ; pression : 120, globules rouges : 56.000, blancs :

300 par millimétré cube. Nonne-Apelt négative. Le liquide sédimentaire d'un

janne légèrement brun. Aucun caillot de sang dans la sérosité.

Globules blancs dans le sang : 8.700 par centimètre cube.

Facultés psychiques tout à fait lucides. Pas de céphalalgie.

Pendant 4 jours la malade a eu ses règles, c'est pourquoi aucune recherche

d'albuminurie n'a pu être entreprise.

La malade est abattue et assoupie, elle ne peut descendre le menton sur la

poitrine, mais y arrive à peu près sans marquer de sensations de douleur.

Pression du sang : 135 millimètres mercure.

La température du soir : 38°6. Le pouls : 100.

28. Plus abattue. La température : 37°8. Le pouls : 78.

xxvm 22

318 H INGVAR

29. - Somnolente, mais psychiquement lucide. Elle présente des indices

d'hémiplégie du côté gauche, avec complète paralysie du bras et de la jambe

gauches, ainsi que de la partie gauche de la face. Aucune douleur de tète,

Aucun indice d'hémianopsie.'La température : 38°5. Le pouls : 96.

30. Soporeuse. Sous une piqûre d'aiguille, elle peut parvenir à faire des

mouvements défensifs avec les bras et les jambes. Le signe de Babinski se produit

en extension au pied gauche. La température du soir : 38° 8. Le pouls : 6r,

le, décembre. Coma complet. La température : 38°8. Le pouls : 88.

2. A la ronde de nuit, la malade est moribonde, complètement sans

connaissance. Commencement de râle. Forte mydriase de l'oeil gauche. La

pupille droite réagit à la lumière. La position des bulbes de l'oeil légèrement

renversée. Quelque raideur de la nuque est remarquée. La température : 40°2.

Le pouls : 76. -

3. Morte à 3 h. 45 du matin.

Traitement : Régime de la néphrite. Bromure. Luminal. Papavérine hydro.

chlorique. -

Autopsie (faite par M. Sjüvall), 3 décembre.

Femme de constitution normale. Calotte sans rien à signaler. Dure-mère de

grosseur ordinaire, très fortement tendue. A travers la dure-mère on voit du'

côté droit une coloration d'un bleu assez sombre. Après l'avoir ouverte, on

trouve entre la dure-mère et les leptoméninges de ce côté et étendue sur pres-

que^tout l'hémisphère une mince couche de sang noir et des caillots sombres,

humidement brillants. Le sang se laisse partout facilement essuyer et dans

les tissus de la dure-mère on ne trouve nulle part d'altération. Entre l'araclr.

noïde et la pie-mère, on trouve aussi dans les scissures et les sillons un

très large épanchement de sang, qui devient évidemment plus riche aux

environs de la fosse de Sylvius droite et de la base du lobe frontal. Là encore,

le sang a le même caractère sombre .et humidement brillant.

Quand on a extrait le cerveau, on a trouvé, correspondant à l'espace perforé

antérieur droit, une infiltration de sang coagulé dans les leptoméninges, qui

est ici distinctement plus sèche que dans l'endroit précédent, et de couleur

plus brune. Les caillots de sang entourent complètement le commencement de

l'artère cérébrale moyenne droite, la communicante postérieure droite, ainsi

que la partie antérieure de la bandelette optique droite. Le nerf moteur ocu-

laire commun est aussi immédiatement intéressé par ces caillots. A la prépa-

ration, les coagulations se sont révélées très fermes et fixées. Au sondage de

l'artère cérébrale moyenne avec une sonde fine, on n'a pas réussi à trouver

une seule fissure d'aucun des vaisseaux, et à l'injection de l'eau dans l'artère,

ou n'a pas non plus vu l'eau sortir d'aucun côté.

Sur la paroi de l'artère «asilaire on trouve une plaque artériosclérotique

blanche et brillante de la grandeur d'un grain de chènevis. ·

Le cerveau est mis, sans être disséqué, dans le formol pour un examen

ultérieur.

Le coeur et les poumons, de même que le foie et la rate, ne présentent rien

à signaler. '

SUR LitS HÉMORRAGIES MÉNINGÉES 319

A la reprise de la préparation du cerveau, fixé dans le formol, on n'a

pu découvrir aucune altération macroscopique des vaisseaux. Une attention

spéciale a été donnée aux petits vaisseaux, qui partent de l'artère cérébrale

moyenne et postérieure, et qui 'se perdent dans les espaces perforés antérieur

et postérieur. Là, on a vu l'hémorragie continuer à la surface de la bandelette

optique droite, et quand celle-ci a été spécialement examinée et qu'une incision

longitudinale eut été faite, on a trouvé toute la bandelette traversée par

l'épanchement sanguin. Cependant, une cerlaine partie du tissu nerveux de

la bandelette paraissait intacte. L'hémorragie ne paraissait pas avoir dépassé la

région de la bandelette optique droite, pour s'étendre dans les autres parties

de la substance cérébrale, et on n'a pas trouvé non plus d'épanchement san-

guin dans aucun autre endroit. Il faut signaler, en particulier,que les ganglions

centraux étaient tout à fait demeurés en dehors de l'épanchement. Aucune

autre altération dans la substance cérébrale.

Aux coupes transversales, pratiquées dans la région frontale du cerveau,

on a découvert dans le sillon olfactif un foyer hémorragique de la grosseur

d'une noisette et de couleur brune très foncée, qui, peu à peu, se perdait dans

le voisinage. En arrière, ce foyer se trouvait en communication directe avec

l'infiltration hémorragique dans l'espace perforé antérieur^droit, dont nous avons

déjà parlé. Le pédoncule olfactif paraît macroscopiquement intact. Le trigone

olfactif et les circonvolutions olfactives médiale et latérale sont recouvertes par

la masse coagulée sèche. A l'examen plus attentif du foyer hémorragique,

celui-ci semblait séparer les circonvolutions voisines, et, par conséquent, ne

pas être un épanchement dans l'écorce elle-même. En avant les bords en sont

très abrupts et très aigus. A l'enlèvement des caillots du sang, on a constaté

aussitôt derrière le trigone olfactif droit un cratère de la grosseur d'une noi-

sette dans l'espace perforé, aux bords inégaux, causé par l'irruption violente

du sang.

A l'examen microscopique du cerveau, on a observé dans la plupart des

artères sur une grande étendue un fort épaississement de l'endartère. Le tissu

,conjonctif sous-endothélial était en ces endroits divisé en une masse de fines

lamelles, et là où l'épaississement était le plus perceptible, on a vu ces lamel-

les au centre de l'épaississement se teindre avec difficulté. La membrane

moyenne et l'adventice partout sans rien à signaler. , 1

Dans une coupe longitudinale de l'artère cérébrale moyenne droite, on a

constaté sur un espace d'environ un millimètre de long un défaut de la li-

mitante élastique interne. Des deux côtés de cette défectuosité on voit la

limitante rétractée et en partie enroulée, épaissie, très difficile à colorer,

gisant dans des proliférations abondantes lamelleuses du tissu conjonctif

sous-endothélial, qui, du reste, recouvrent la lésion d'une couche épaisse.

Manifestement, il y a là une rupture antérieure, cicatrisée, de la limitante

élastique interne. ' ,

A un examen microscopique plus approfondi de la substance cérébrale et

de ses vaisseaux sanguins dans le voisinage du foyer hémorragique déjà men'

320 INGVAR

tionné, on ne peut, malgré l'emploi de coupes en série et les recherches les

plus minutieuses, découvrir aucune rupture des vaisseaux. La pie-mère est

lacérée sur l'espace perforé antérienr droit, et l'épanchement sanguin s'est

ici et dans le voisinage étendu sous la pie-mère.

De plus, on voit dans la fissure de l'espace perforé mentionnée auparavant,

ainsi que dans le foyer hémorragique de la scissure olfactive, des déchirures

de la substance cérébrale avec des masses'de globules de sang répandus dans

la substance cérébrale 'ou agglomérés dans les vaisseaux lymphatiques aux envi-

rons immédiats du foyer hémorragique. Au centre du foyer les globules se

colorent mal et se dessinent indistinctement. On trouve en dehors de ce centre

une large zone concentrique, où les globules de sang ont des contours aigus

et sont vivement colorés, preuve qu'ils sont de plus fraîche date que ceux

situés au centre.

A l'examen microscopique des reins, on a trouvé les cellules épithéliales

des canaux un peu tuméfiées, mais aucun signe d'inflammation ou d'altération

chronique.

Les symptômes d'hypertrophie du coeur, la pression un peu élevée du

sang, ainsi que la présence dans les urines d'albumine avec un certain

nombre de cylindres granuleux, tout cela fournissait les éléments suffisants

pour diagnostiqueur une néphrite interstitielle chronique. L'état psychi-

que de la patiente et la céphalalgie ont justifié la supposition d'un état

urémique. Le début et l'allure de la maladie l'indiquaient aussi.

L'étude plus approfondie des urines fut rendue impossible durant la

plus grande partie du séjour de la malade à la clinique, par l'interven-

tion des règles. L'épanchement de sang, constaté à la ponction lombaire,

ne contrariait en aucune façon l'hypothèse de la néphrite comme la cause

primitive de la maladie, en particulier en considération des cas d'hémor-

ragies méningées à l'état urémique avec pression surélevée du sang, que

l'on trouve décrits dans la littérature.

L'autopsie démentit l'hypothèse de la néphrite interstitielle. Au con-

traire, elle a démontré que l'irruption du sang dans les membranes céré-

brales était la vraie cause de la mort. Les caractères différents que pré-

sentaient les caillots de sang, d'un côté plus brillants et plus frais, etde

l'autre plus' bruns et plus secs, portaient à croire à deux épanchements

d'époques différentes, et un parallèle s'établissait facilement avec l'étal

initial de sopor, qui petit à petit se dissipait pour être suivi du coma

qui a amené la mort.

Du reste, les symptômes cliniques ont tous trouvé leur explication. Il

n'est pas difficile de comprendre que les considérables masses de sang

au-dessus el au-dessous de l'hémisphère droit pnt dû empiéter sur la voie

pyramidale, ce qui explique le phénomène de Babinski du côté gauche.

SUR LES HÉMORRAGIES MÉNINGÉES 321

L'importante infiltration de sang dans la bandelette optique droite expli-

que suffisamment l'hémianopsie du côté gauche ; les modifications de l'hé-

mianopsie sont expliquées par la différence de pression des masses de sang

dans différentes occasions.

Quant à la cause et l'origine de l'hémorragie, ces questions ont aussi

été résolues d'une manière satisfaisante. L'examen macroscopique déjà

indiquait positivement que la source de l'épanchement sanguin devaitètre

cherchée dans la région de l'espace perforé antérieur droit. Là, les masses

coagulées les plus grandes, les plus anciennes et les plus sèches se concen-

traient de façon à révéler les traces de l'épanchement. Un examen'plus

minulieux a confirmé cette opinion. Les recherches minutieuses du vais-

seau rompu n'ont donné aucun résultat manifeste, en conformité avec la

plupart des cas d'hémorragie sous-arachnoïdienne décrits dans la litté-

rature ; mais la région du cratère dans l'espace perforé droit, que nous

venons de décrire, doit être regardée comme la source originale de

l'hémorragie mortelle.

Comment faut-il se représenter l'origine du foyer dans le sillon olfac-

tif droit, qui sépare les circonvolutions et gît au-dessus du pédoncule

olfactif ? A notre avis, le sang s'est glissé de l'espace perforé antérieur

dans le sillon olfactif en déchirant te trigone olfactif, et en se terminant

eh avant dans ce. sillon par des abords très abrupts. Aucune rupture de

vaisseau n'a été trouvée. Mais ce fait est compensé par l'observation faite

dans l'artère cérébrale moyenne droite de la cicatrisation de l'endarlère

et de la limitante élastique interne, cicatrice que nous avons ci-dessus

décrite. -

Sans aucun doute, l'explication complète du cas se trouve dans cette

découverte. Il semblé on ne peut plus clair que la patiente, lors de la

rupture de l'endartère, se soit trouvée en danger d'hémorragie sous-arach-

noïdienne mortelle. Cette fois la tunique moyenne et l'adventice ont

élé assez fortes pour résister aux flots de sang. Cependant, l'endartère

eu parvenu à développer ses lamelles compensatrices du tissu conjonctif,

jusqu'à ce que le danger fût passé. Mais le processus arlérioscléreux a

continué son action dans les artères cérébrales de la patiente,' et une nou-

velle irruption, avec rupture complète de la paroi d'un autre vaisseau,

s'est produite dans le.voisinage immédiat de la première, amenant comme

conséquence la mort de la patiente.

Quant in l'état psychique de la malade, je ne puis m'empêcher de

signaler que la réduction des facultés psychiques, qui s'est produite chez

la malade après le premier réveil, rappelle celle qui survient lors d'une

tumeur cérébrale. Elle était tout à fait orientée et répondait clairement,

mais avec lenteur el comme absente, aux questions qu'on lui posait.

322 INGVAR

\ ,

Abandonnée à elle-même, elle devenait somnolente et abattue à un

haut degré. Ce type s'accorde complètement avec celui que Baur a

décrit et qu'il a caractérisé en deux mots : « stupéfié, plutôt que coma-

teux ». ^ -

Ce qui est étonnant, c'est que l'hémorragie mortelle ait coïncidé avec

la menstruation. Cette circonstance est intéressante, parce que beaucoup

des auteurs qui ont étudié les hémorragies méningées chez les femmes

les regardent comme une sorte d'adjoint des mentrualités.

En parcourant la littérature, je n'ai pu trouver qu'un petit nombre

de cas où l'on ait trouvé le vaisseau déchiré, et un nombre encore plus

restreint où les recherches pathologiques aient donné un aussi bon

aperçu des accidents pathogéniques que dans le cas en question.

Observation IL '

Rut V..., employée de commerce, H5 ans.

Tout à fait bien portante jusqu'au 30 avril 1915, jour où, durant son travail

au magasin, elle a commencé à se plaindre de voir tout sombre devant ses

yeux. On l'a conduite dans une pièce voisine, l'a fait asseoir sur une chaise

et, à ce moment, elle a mis ses mains autour de son cou en criant : « Mainte-

nant, je n'y vois plus. » Au bout de quelques minutes elle a perdu connaissance

et elle est morte. Aucun spasme ne doit être survenu.

L'autopsie (médicale judiciaire, faite par M. Sjôvall), qui a eu lieu le 4 mai,

a donné le résultat suivant.

Pas un seul signe extérieur de violence. La botte crânienne est intacte et

d'épaisseur ordinaire,' la dure-mère également d'épaisseur ordinaire. Sa cou-

leur est normale du côté gauche, du côté droit elle est partout d'une couleur

bleue assez sombre. Tension augmentée, surtout du côté droit. Le sinus lon-

gitudinal supérieur est rempli de sang abondant fluide. La face interne de la

dure-mère est lisse et pâle : L'espace sous-dural gauche ne contient qu'une

petite quantité de liquide clair, légèrement teint de rouge, celui de droite un

caillot de sang sombre, qui recouvre entièrement la convexité de l'hémisphère

comme une couche homogène, épaisse de 3 ou 4 millimètres environ. Ce cail-

- lot de sang se dégage d'une manière extraordinairement facile aussi bien de la

dure-mère que de l'arachnoïde et s'en détache, entraîné par son propre poids.

Aucun rapport entre le caillot de sang et les méninges, ne peut être observé

aux endroits indiqués. L'arachnoïde et la pie-mère sans aucune particularité.

Aucun épanchement sanguin macroscopique ne s'observe entre elles. Les cir-

cnn voîu lions s'aplatissent un.['ru des deux côtés. Les ventricules sans aucune

particularité, libres de sang. ,

Le cerveau prélevé, avec de grandes précautions, on a constaté que le caillot

de sang ci-dessus mentionné, dans. cavité sous-durale, se continuait en bas

sur la face inférieure du cerveau, en particulier de sa partie arrière.' La on a

observé, avant qu'on eût en aucune façon touché à ces parties, que le sang

SUR LES HEMORRAGIES MÉNINGÉES 323

sombre liquide s'écoulait du lobe occipital droit. A l'examen attentif, on a

découvert à cet endroit une grande veine, allant de cette partie des leptomé-

niDges 8ur le côté inférieur de l'encéphale vers le sinus transverse, .juste à

l'endroit où celui-ci tourne à la base de la pyramide pétreuse.

' Au prélèvement du cerveau, on a clairement trouvé que veine ci-dessus

mentionnée était presque déchirée avec les bords déchiquetés. Et après le pré-

lèvement du cerveau, on a trouvé, correspondant directement la place d'où

la veine s'échappait des méninges, une infiltration sanguinolente de la subs-

tance cérébrale, environ de la grosseur d'une noisette. Cet endroit est situé

sur la surface interne du lobe occipital droit (environ 3 centimètres du pôle

arrière du cerveau et 2 centimètres de la partie arrière de la scissure calca-

rine).

La substance cérébrale du reste sans particularité. Le crâne sans rien à

signaler.

Les organes internes sans rien de pathologique.

L'aorte est extraordinairement étroite et mince. Directement au-dessus des

valves aortiques elle mesure 4 cm. 5, au milieu de la partie descendante de la

poitrine 3 cm. 1, et au milieu de la partie abdominale cm. 1. Son épaisseur

n'atteint pas 1 millimètre. L'endartère montre à plusieurs endroits des points

jaunes et des stries.

De tels cas semblent être très rares chez les adultes, comme j'ai pu le

constater dans la littérature. Il se présente alors cette question-, si la veine

éclatée ne dépend de quelque lésion fortuite à l'enlèvement de la calotte. Il

semble que l'on puisse conclure que cela n'est pas le cas, puisqu'il a été

démontré que l'endroit où l'observation de la' veine rupturée fut faite

correspondait à une infiltration hémorragique dans la substance cérébrale

de la grosseur d'une noisette. Une infiltration semblable est un processus ,

entièrement vital, on peut dire une lésion agonique. Elle est une preuve

directe que l'éclatement de la veine n'a pas été produit par un manque

quelconque de précaution pendant l'autopsie, mais existait auparavant.

Quant à la rupture elle-même, il semble très difficile de l'expliquer

pathogénétiquement. Chez les nouveau-nés, de pareilles ruptures dépen-

dent généralement du déplacement des os du crâne pendant l'accouche-

ment. Les cas, qui ont été décrits, de rupture de vaisseaux chez les jeunes

enfants dé jusqu'à près de deux ans, semblent aussi dans plusieurs occa-

sions pouvoir être regardés comme purement traumatiques. Quant aux

fontanelles, qui ne sont pas encore fermées, il semble aussi qu'un moment

traumalique de crâne relativement peu important est suffisant, pour qu'à

cet âge un déplacement des os conlre les méninges se produise et donne

naissance à une rupture de vaisseau Les enfants sont plus que les adultes

exposés au traumatisme, et entre celui-ci et l'hémorragie peut s'écouler un

temps plus ou moins long (Martin etRibierre). On comprendra facilement

324 ' INGVAR

que lorsque l'accident se produit, on a oublié le traumatisme et l'hémor-

ragie parait spontanée.

Quand les os du crâne sont bien fermes, on doit à priori penser â une

violence, qui, pour produire une telle rupture des vaisseaux méningés,

doit être tellement forte, qu'elle ne peut guère échapper à l'attention.

Lorsqu'il s'agit de lésions plus graves du crâne, soit par violence

directe, soit par contre-coup, on trouve des ruptures de vaisseaux avec

des hémorragies secondaires très générales. Celles-ci peuvent venir immé-

diatement'ou après quelque temps. Dans le dernier cas, chez les adultes

(hémorragies méningées traumatiques tardives), on doit soupçonner une

si forte violence qu'elle ne peut guère être oubliée au moment où la

catastrophe de l'hémorragie est survenue.

Dans le cas présent, il semble que l'on puisse exclure le traumatisme.

L'hémorragie doit être regardée comme tout à fait spontanée.

L'étroite et mince aorte, découverte à l'autopsie, a peut-être certains

rapports avec l'explication du cas. L'étroitesse de l'aorte est un des phé-

nomènes généraux des états morbides constitutionnels qu'on va exposer

dans la suite.

Obseuvation III.

E. W..., mariée, 53 ans. -

Diagnostic clinique : Néphrite chronique interstitielle. Hémorragie cérébrale.

Diagnostic pathologique anatomique : Artériosclérose. Auévrisme de l'artère

cérébrale moyenne gauche avec hémorragie méningée sous-arachnoïdienue.

Entrée à la clinique le 8 décembre 1915.

La patiente semble avoir été bien portante auparavant. Les deux derniers

jours elle s'est plainte de douleurs de tête. Ce jour-là, durant un trajet en

automobile, elle a déraisonné, pris sa tête à deux mains, et s'est plainte de forts

bourdonnements d'oreilles et de grandes douleurs de tête. Au bout de quelques

minutes, elle a perdu connaissance. Des convulsions dans un des bras ont été

observées. Du reste, elle est couchée soporeuse avec une respiration ronflante.

Est amenée complètement comateuse à 7 heures du soir. Les lèvres et le visage

sont un peu cyanotiques. Le coeur, à l'examen, sans rien à signaler. Le bras

droit absolument flasque, tandis que le bras gauche présenta une certaine

rigidité musculaire. La patiente est morte deux heures après l'entrée. On a

pratiqué une saignée de 275 centimètres cubes de sang. La ponction lombaire

n'a pas été faite. Î

Autopsie (par M. Sjôvall) : 10 décembre.

Les reins, à part un gonllement du parenchyme et dessin indistinct, sans

rien à signaler. Les poumons ne présentent aucune particularité. Pas d'hy-

pertrophie du coeur, très mou. Les valvules et cavités sans altérations natho-

logiques.

Dans l'aorte, en particulier dans la partie abdominale, de grandes altérations

artérioscléreuses, consistant en des plaques d'uu jaune pâle.

SUR LES HÉMORRAGIES MÉNINGÉES 325

Quand la calotte a été enlevée, on a trouvé la dure-mère fortement et égale-

ment étendue. A gauche, on observe à travers la dure-mère une coloration

violacée. A la section de la dure-mère, son côté-intérieur, ainsi que les lepto-

méninges de l'hémisphère droit, se sont présentés pâles et secs. Les circonvo-

lutions sont ici distinctement aplaties.

A gauche, on trouve au-dessus de la convexité, dans l'espace entre la dure-

mère et l'arachnoïde, un épais revêtement, sombre, humide et brillant de sang

coagulé. Ce revêtement se continue en descendant 'vers la fusse de Sylvius et

s'étend, eu partie dans la région derrière le chiasma, en partie au-dessus de la

partie antérieure du lobe temporal. Quand ces coagulations ont été prudem-

ment écartées, on a trouvé en dessous une importante infiltration, également

ininterrompue, de sang coagulé dans les leptoméninges. Cette altération est

évidemment plus forte dans la fosse de Sylvius. Là, elle entoure complètement

les vaisseaux et se continue eu un caillot presque de la grosseur d'une noix,

gisant dans'ta substance cérébrale à la pointe du lobe temporal.

Là-dessus, l'encéphale est lixé dans du formol. On dissèque avec beaucoup

de précautions l'artère cérébrale moyenne gauche. Alors on a trouvé que la

partie de cette artère la plus voisine de la carotide était de largeur et d'épais-

seur normales. Correspondant directement à la pointe du lobe temporal, elle

s'élargit soudain en un sac de la grosseur d'une noix Ce sac est for-

tement encerclé de coagulations. La paroi du sac est plus épaisse que la paroi

de la partie la plus voisme de l'artère. La paroi est grisâtre avec sur la surface

intérieure quelques inégalités avec de petits enflements et par places de petites

concrétions. A un eudroit, le sac présente une petite fissure, laissant passer

une soude de 1 millimètre de diamètre. Le sac est complètement enveloppé

par la coagulation. La. masse de sang coagulé, qui a pénétré dans l'extrémité

du lobe temporal, se détache nettement de la substance cérébrale bien conservée.

Du reste, l'encéphale et son système ventriculaire sont sans altération. -

Observation IV.

E. L..., employé de chemin de fer, âgé de 37 ans.

Diagnostic clinique : Hémorragie cérébrale.

Diagnostic pathologique anatomique : Anévrisme de l'artère cérébrale

moyenne droite avec perforation et hémorragie cérébrale ventriculaire.

Entré le 27 mars 1915.

Le patient déclare qu'il a toujours été délicat pendant les années de crois-

sance. Il nie aussi bien les habitudes alcooliques que l'infection vénérienne.

Les cinq dernières années, il a souvent souuért de fortes douleurs de tête, pas

nocturnes, localisées dans le front. Il a aussi, pendant ce temps, quelquefois

vu double. Marié depuis dix ans, il a trois enfants sains. Entre le premier et le

deuxième enfant, sa femme a fait deux fausses couches, toutes les deux dans

le 6" mois. Entre le deuxième et le troisième également deux fausses couches

du 6e mois. Le deuxième enfant est né 2 mois trop tôt.

Le 12 mars, après quelques heures'de fortes douleurs de têle, le malade a

zizi INGVAR

eu, pendant son travail, une soudaine attaque. Tout s'assombrissait devant ses

yeux. Il tomba sur le plancher et perdit connaissance pendant environ 10 mi-

nutes. Durant l'attaque, il a eu, d'après son entourage, des convulsions dans le

corps. Pas de morsure de la langue. En reprenant connaissance, il était hébété

et désorienté. Il a été transporté chez lui. (10 minutes de chemin) en voiture

et a eu, pendant le trajet, une attaque de forme épileptique avec des convulsions

dans les mains et dans la partie gauche du visage. Est resté cette fois 20 mi-

nutes sans connaissance.

Le jour suivant, il a eu de* continuelles convulsions cloniques à l'épaule et

au coin gauche de la bouche. Il est resté couché une semaine avec de fortes

douleurs de tête et des douleurs dans la nuque. Il répond bien, quand on lui

parle, mais oublie aussitôt ce qu'il a dit. Reconnaît les personnes, mais oublie

immédiatement qu'elles ont été chez lui. Parésie de la jambe et du bras gauche.

21. Le patient devient raide par tout le corps, et reste ainsi toute la jour-

née du 22 et une partie du 23. Les derniers jours avant son entrée à la cli-

nique aucune douleur de tète spéciale, mais il s'est plaint d'une grande fatigue.

On a dû le nourrir tout le temps. Etat psychique particulièrement hébété et

apathique-

Est amené le 27 mars. Le patient est un homme de formes graciles, mais

normalement construit. Teint blême. Se plaint de douleurs de tête. Est éton-

namment hébété et indifférent. Répond avec beaucoup de fatigue et presque

confusément. Ne peut donner de renseignements de ses antécédents. Les pou-

mons et le coeur à l'examen sans particularité.

Raideur prononcée de la nuque. Le signe de Lasègue se produit aux deux

jambes. Du reste, une certaine augmentation de tonus dans tous les muscles.

En aucun endroit on n'a pu constater de parésie certaine. Réagit toujours à

la piqûre de l'aiguille. Les réflexes n'ont rien de particulier, sauf le phéno-

mène de l'orteil positif au pied gauche. Il se produit en flexion du pied droit.

. 29. Le patient, après son arrivée, est devenu psychiquement plus lucide.

Cependant il redevient indifférent et apathique, tardif aussi bien dans ses

réponses que dans ses mouvements. Ses douleurs de tête se sont un peu

diminuées. La raideur de la nuque et le signe de Lasègue comme auparavant.

La démarche montre un certain manque d'équilibre, si bien que le patient

titube un peu de temps en temps. Tout cela est irrégulier et fait l'impression de

dépendre en partie d'une indécision psychique. Du reste, le caractère de la

démarche n'est pas pathologique. Pas d'écartement, et les pas sont de longueur

normale.

L'odorat, sans rien de particulier. Les réflexes des pupilles normaux. L'a-

cuité visuelle des deux yeux : 5/6. Les fonds des yeux tout à fait normaux.

La température : 37°, aussi bien le soir que le matin. Le pouls entre 70

et 80.

A l'application de la ponction lombaire, dans la position couchée (côté gau-

che), on a observé une pression de 190 millimètres. 12 centimètres de liquide

sanguinolent ont été obtenus. Sur quoi la pression est descendue jusque ,1

.. (.C)\UO12.\l'Fill. m : L. ,.a.mritii.m : . T. NX\'111. l't.. L\'1

HÉMORRAGIES MÉNINGÉES

(51'CII Ingvar.)

CI. Sonde dans l'-ii-tèt cérébrale moyenne. b ? nW r·snte. c. I" : P,111Chl'lI1l.11t sanguin.

Is. Imul.t. - 1,1'. Lobe temporal.

Mnsson & Cic, éditeurs

SUR LES HÉMORRAGIES MÉNINGÉES 327

- .

100 millimètres. Le liquide recueilli dans trois, éprouvettes différentes a la

même teinte de sang dans chacune. Dans les trois éprouvettes s'est petit à petit

déposée au fond une couche homogène d'nn brun rougé, qui tourbillonne à la

moindre secousse. Le liquide surnageant est d'un brun jaune. A l'examen

microscopique, on trouve qu'il contient 40.000 globules rouges, la plupart

morphologiquement inaltérés, et 40 globules blancs par millimètre cube.

30. Le patient se plaint de douleur de tête. Le phénomène de Babinski

se produit en extension au pied gauche. La température du soir : 37°. Le

pouls : 80. -

2 avril. Le patient ne se plaint plus de douleurs de tête, mais de douleurs

dans le bas du dos. La raideur de la nuque toujours prononcée. Le signe de

Lasègue positif des deux côtés à 30. 'La température du soir : 37° 6. Le

pouls : 86.

7 heures du soir. Nouvelle ponction lombaire. La pression : 210 millimètres.

Un liquide clair légèrement brun s'écoule, 25 centimètres cubes ont été obtenus.

Le liquide contient 530 globules rouges, pour la plupart épineux, et 30 globules

blancs par millimètre cube.

il heures du soir. Le patient, qui s'est plaint de fortes douleurs de tête

immédiatement après la ponction lombaire, a été observé par une aide,

s'efforcant de se lever hors du lit pour saisir un objet. Immédiatement après,

il a été repris de convulsions soudaines dans les deux bras, est retombé dans

le lit sans connaissance, la respiration ronflante.

11 heures 10 matin. Le patient est dans un coma profond. Fréquence de la

respiration : 21 à la minute. Le pouls : 80. De temps en temps des convulsions

isolées dans le bras et l'épaule gauches. Tout à fait flasque dans toutes les

extrémités. Le phénomène de Babinski se produit aux deux pieds. Les incoor-

donnés. Mydriase et nulle réaction à la lumière-de la pupille droite. Fort

myosis de la pupille gauche. '

12 heures Parfois respiration à la Cheyne-Stoke. Ecume à la bouche. Le

pouls : 130.

3. 7 h. 10 du matin. Le patient est mort. Pendant les dernières heures,

le pouls a varié entre 80 et 90.

Autopsie (par M. Sjôvall), 3 avril.

Hypertrophie du ventricule gauche du coeur. La musculature mesure à sa

base 15 millimètres d'épaisseur. Les artères coronaires comme l'endartère de

l'aorte ne montrent que de faibles indices d'artério-sctérose.

Les reins ne présentent en général rien de particulier. ,

La calotte, sans rien il signaler. Le sac de la dure-mère, d'une tension aug-

mentée. La dure-mère elle-même sans signes de particularité. Dans l'espace

sous-dural pas de sang. Les leptoméninges sèches si surface. Dans leurs mai t tes,

on voit du sang en plusieurs endroits dans les deux hémisphères, nulle paît t

en grande quantité, et dans leur propre tissu on ne peut observer aucune dé-

chirure ou autre altération. Les artères de la base du crâne du cerveau sans

sclérose. Les circonvolutions cérébrales sont toutes très fortement aplaties.

328 - INGVAII

Quand on a séparé les deux hémisphères, ou a observé que la surface interne

du lobe frontal se bombait furtemeut au-dessus de la ligne du milieu, exerçant

une forte pression sur l'hémisphère gauche. A la palpation, on a trouvé que le

lobe frontal droit était plus mou que les autres parties de l'encéphale.

Quaud les ventricules ont été ouverts, on a trouvé dans tous un liquide

fortement coloré de sang, mais nulle part coagulé, et dans le ventricule latéral

droit ou a observé daus la paroi latérale, et près du noyau strié, une déchirure

de t'épendyme. Ici, il y u une grande cavité envahie de sang.

Le cerveau ayant été conservé dans le formol, on l'a séparé en coupes fron-

tales : Ou a trouvé alors que le putanteu du noyau coudé droit a été dans sa

totalité transformé eu un épanchement sanguin, qui occupe en outre une grande

partie du centre ovale de Vieussens voisin. Le sang est coagulé, sec, presque

noir. A la coupe, on voit que l'épanchement sanguin consiste en une masse

ronde, située plus au centre, dont la surface est un peu plus sèche et en un

manteau périphérique, tout à fait indépendant, dont la surface est un peu plus

humide. De plus, on trouve l'une des branches de l'artère cérébrale moyenne

droite, qui monte vers les ganglions fondamentaux, changée en un anévrisme,

dont la grosseur dépasse celle d'un pois. L'anévrisme, que l'on peut facilement

sonder par l'artère elle-même, est rempli de masses sombres, sèches et

fermes. Lorsque la sonde a été dirigée avec précaution à travers ces masses,

on a trouvé que dans un certain endroit, on passait à travers la paroi de l'ané-

- vrismequi n'avait guère plus d'un millimètre d'épaisseur, et qu'on aboutissait

en plein dans l'épanchement sanguin déjà mentionné. Du reste, on n'a pu

découvrir aucune altération dans les artères cérébraies. Non plus d'épanche-

ment sanguin dans d'autres endroits.

Les observations III et IV sont ici reproduites comme exemples d'ané-

vrismes cérébraux, donnant par leur rupture des hémorragies méningées.

Dans l'observation III, il s'agit d'un grand anévrisme de )'artère

moyenne qui rompt et se vide directement dans l'espace sous-arachnoïdien.

On trouve ici une hémorragie sous-arachnoïdienne primaire au sens le

plus étroit de ce terme.

Dans le cas IV, il se révèle aussi un anévrysme rompu. Ici on le trouve

à l'endroit ordinaire... dans une des branches de l'artère cérébrale

moyenne. Il donne un épanchement considérable sanguin, qui dilacère.

secondairement la substance cérébrale et pénètre dans le ventricule laté-

ral. Les deux couches de sang, trouvées à l'autopsie dans le grand foyer,

qui sont de couleur et d'humidité différentes, indiquent deux hémorra-

gies d'âge différent, parallèle du développement clinique de la maladie.

Les contractures généralisées de tout le corps, que l'on a pu observer

chez ce patient, sont en conformité avec ce que l'on connaît depuis long-

temps comme caractéristique des hémorragies cérébrales ventriculaires.

SUR LES HÉlIlORIlAGmS MÉNINGÉES { 329"\'¡

, '4 J i ? l i

Observation V. z

E. H..., tailleur, âgé de 24 ans.

Le patient n'a pas de tuberculose dans sa famille. Le père aliéné. Il a tou-

jours été bien portant dans son enfance. AU ans, il tomba subitement malade,

avec des malaises, des vomissements, de la fièvre, des troubles d'esprit et il a

été inconscient pendant plusieurs jours. Lorsqu'il a repris connaissance, on a

remarqué une paralysie du côté droit et une difficulté de la parole. La paraly-

sie et la difficulté de s'exprimer se sont ensuite petit à petit dissipées, si bien

qu'au bout de trois mois il était complètement rétabli. Ensuite bien portant «

jusqu'à 16 ans, époque où il fut pris une nuit d'une crise d'épilepsie typique

(raideur du corps, après quelques minutes des convulsions, morsure de la lan-

gue). A 18 ans, il a eu une nouvelle. attaque et ensuite. des attaques semblables

avec intervalles variant de 2, 3 mois jusqu'à 6 mois, toujours nocturnes. On

n'a jamais observé que les crampes aient commencé particulièrement d'un

côté. Du reste, le patient était bien portant, habile dans son métier, de bonne

humeur. La dernière attaque a eu lieu le 1er août. A été absolutiste pendant

plusieurs années. ~

Le -14 août, au soir, le patient dansait à une réunion. Il s'est soudain senti

mal à l'aise et a eu de violents maux de tête. Il est passé dans une autre pièce

où on l'a trouvé quelque temps après sans connaissance, penché à travers la

fenêtre. Il est tombé sur le plancher et l'on a observé qu'il était raide, mais il

n'avait pas de convulsions ni de vomissements. '

Conduit par la police à la section médicale de l'hôpital public de Malmô. Il

y est entré le 15 août à minuit trente.

Homme d'apparence normale. Embonpoint et teint sans rien à signaler.

Il est sans connaissance. Respiration haletante et irrégulière. Parfois respira-

tion à la Cheyne-Stoke. La température : 36°8. Le pouls : 64, irrégulier. In-

continence des urines.

Le patient a une ridigité générale des muscles et il est pour ainsi dire raide

de tout le corps. Pas de raideur de la nuque. Les réflexes rotuliens et ceux de

l'abdomen sans rien à signaler. Les pupilles fortement myotiques, sans réac-

tion à la lumière. Aussitôt après son arrivée, le malade a eu un vomissement

et en même temps une forte crampe tonique des muscles de la mâchoire infé-

rieure. On ne peut disjoindre les mâchoires en introduisant une spatule entre

elles. '-

16 août. Après son entrée, le patient a continué à présenter les signes

d'un coma profond comme à son arrivée. Toujours ràide de tout le corps. Par-

fois le patient est pris d'un tremblement aussi bien que de convulsions géné-

rales. Le malade n'a rien pu déglutir. Il a eu du chloral et du bromure en

lavement, qu'il a gardé. La température, qui la veille au matin était de 38°9,

le soir de 41°5, est aujourd'hui de 42°5. Soudain le pouls devient très faible et

le patient meurt. ,

La ponction lombaire n'a pas été pratiquée. -

330 INGVAR

Autopsie (par M. Sjôvall), 16 août. -

Construction normale. Extérieur sans particularité. Après l'enlèvement de

la calotte, on a vu la dure- mère fortement teintée de rouge. Le côté intérieur

était lisse et d'une couleur rouge très claire et brillante. Les leptoméninges

par places' épaissies. En outre, on voit une hémorragie'abondante s'épancher

des leptoméninges particulièrement du côté médial de l'hémisphère. Les

circonvolutions sont évidemment plus aplaties du côté gauche. Les'confluents

sous-arachnoïdiens de la base sont remplis de sang liquide, épais et sombre, en

partie coagulé, qui descend vers la moelle épinière et vers l'intérieur du trou

Magendie. Tous les ventricules sont complètement pleins d'un sang liquide

rouge sombre entremêlé de caillots. '

Après un prudent lavage afin d'enlever les masses de sang des ventricules

latéraux, on découvert dans la paroi latérale du côté gauche, un peu en avant

du milieu du corps strié, une lésion kystique de la grosseur d'un pois

avec des parois plates et grisâtres, que l'ou sent fortement durcies et qui sont

d'un brun décoloré à l'incision. Ces parois forment le pied de la circonvolution

centrale antérieure. Là l'écorce, après ^enlèvement de la pie-mère, parait un

peu creusée et * teintée de brun. Aux abords immédiats du kyste déjà men-

tionné le tissu est gélatineux, transparent et mon sur un espace concentrique

de 1 centimètre de largeur. En avant le kyste, la substance blanche est tra-

versée par un caillot de la grosseur d'un oeuf de poule, rouge, sombre et.

humide, qui s'étend jusque dans le ventricule latéral à travers l'épendyme

déchirée.

Du reste, le cerveau sans rien à signaler.

Poumons sans particularité. Le péricarde montre près du bord droit du

coeur quelques petites hémorragies. Il est du reste pàle et lisse. Le coeur mon-

tre une hypertrophie uniforme des deux ventricules. Il est de consistance

ferme. Dans le ventricule gauche une hémorragie de la grosseur d'un cen-

time dans l'endocarde. La musculature est très épaissie et mesure à la base

20 millimètres.

L'aorte a des parois décidément plus minces que d'ordinaire et mesure près

des valvules 6 centimètres de large, au milieu de la poitrine 4 centimètres et

au milieu de l'abdomen 2 cm. 7. L'endartère est unie et lisse.

La rate, les reins, le foie-sans rien à signaler.

Cette observation présente beaucoup d'intérêt. La maladie, que le patient

a subie à 14 .ans, fait conclure à un état infectieux cérébral très grave,

une méningo-encépllalite aiguë. Les troubles graves, l'hémiplégie et

l'aphasie, qui persistèrent pendant le premier temps de la convalescence,

se sont complètement dissipés, mais gardait comme souvenir très fatal de

sa maladie une épilepsie typique. Il est frappant que cette conséquence ne

se soit manifestée que deux ans après l'accès infectieux. Toutefois, on doit

considérer que le processus inflammatoire destructif, qui a intéressé les

SUR LES HÉMORRAGIES MÉNINGÉES 331 i

faisceaux pyramidaux de l'hémisphère gauche, amenant les troubles hémi-

plégiques et ceux de la parole, a été pendant ces deux ans dans un état de

cicatrisation. En plus, il est probable que cette cicatrisation, par rétraction

ou de quelque autre manière, a excité l'écorce cérébrale et causé les attaques

épileptiques. Ce patient tombe ensuite malade avec des symptômes céré-

braux très graves. Au commencement, on croit qu'il s'agit d'une attaque

épileptique ordinaire. Le patient ne reprend pas connaissance, mais

reste plongé dans un profond coma continuel. Quelque chose d'extraordi-

naire devait être arrivé. Le début rapide après les efforts musculaires

(danse) fait croire à une hémorragie cérébrale. L'absence de raideur dans la

nuque, les contractures généralisées de tout le corps rendaient plausible

l'hypothèse d-'une inondation ventriculaire. ,

L'autopsie a vérifié cette supposition. Elle a aussi d'une manière très

frappante révélé la source de l'hémorragie. Comme traces non équivoques

de la maladie infectieuse cérébrale que le patient a subie à 14 ans, nous

trouvons l'arachnoïde et la pie-mère en partie épaissies. Puis, il se

révèle dans la paroi latérale du ventricule gauche une cicatrice de forme

kystique, autour de laquelle la substance cérébrale montre des signes de"

ramollissement dans une largeur de 1 centimètre. L'écorce du kyste est

aussi palbologiquement tnodifiée, un peu creusée et de couleur brune.

Certainement, il s'agit ici d'une forme de porencéphalie, comme on la voit

après un processus destructif nécrobiotique, survenant dans des cerveaux

encore incomplètement développés. Il est clair que cette formation, située

dans le voisinage immédiat du lobe central gauche, doit prédisposer à une

irritation de la région motrice, se manifestant en une épilepsie typique.

Cependant, le processus de réparation ici amène en quelque sorte le ramol-

lissement des abords du .kyste et aussi la rupture d'un vaisseau, pas trop

petit. Il s'ensuit une hémorragie cérébrale, qui déchire la substance de

l'encéphale et, en traversant l'épendymé, inonde le système ventriculaire.

Le tableau clinique dé contractures généralisées avec des convulsions est

aussi en conformité complète avec les constatations anatomiques.

Le cas doit être considéré comme intéressant à plusieurs points de

vue. ' \ -

Ainsi qu'il a déjà été relevé, ce n'est qu'après la découverte de la ponc-

tion lombaire, q.ue les hémorragies méningées sont devenues l'objet d'un

intérêt général. Aussi les trouvons-nous étudiées, après cet événement,

des points de vue étiologique, nosographique, pronostique et théra-

peutique. -

Quant à leur étiologie, il n'est que tout naturel de s'attendre que les

facteurs, qui jouent le rôle étiologique le plus important dans les hémor-

339 INGVAR

ragies cérébrales ordinaires, ont la plus grande importance pour la nais-

sance des hémorragies méningées aussi. A l'étude de la littérature dans

ce domaine, on trouve que quelques auteurs n'ont pas toujours appliqué

ce point de vue à leurs investigations. En parcourant la littérature, on

trouve en plus d-'un endroit que l'étiologie de ces hémorragies est décrite

,tout à fait comme un mystère.

Les hémorragies méningées traumatiques, n'offrant pas d'intérêt du

point de vue étiologique, ne figurent pas dans la discussion suivante.

Nombre d'auteurs s'en sont du reste occupés. Comme nous l'avons déjà

relevé dans la discussion de notre observation II, une certaine période

latente peut s'écouler entre le traumatisme et l'hémorragie, ce qui fait que

ces hémorragies traumatiques peuvent s'imposer comme spontanées.

En général, les éclatements des vaisseaux des méninges doivent être

très fréquents dans tout traumatisme crânien assez violent. « Tout trauma-

tisme crânien d'une certaine intensité peut s'accompagner d'hémorragies

dans l'espace sous-arachon'idien n (Demoulin). Une ponction lombaire,

pratiquée avec précaution, peut dans tous ces cas fournir des renseigne-

ment importants.

Dans la plupart des maladies infectieuses aiguës, les hémorragies mé-

ningées sont fréquentes. La ponction lombaire peut donner un liquide

sanglant dans la variole, la scarlatine, la rougeole (Prat), la diphtérie

(Klippel), la coqueluche (Neurath), l'anthrax, la grippe, la méningite

cérébro-spinale ainsi que dans les états morbides septiques et pyémiques

en général. Dans ces maladies, l'hémorragie se présente toujours comme

secondaire et n'a, le plus souvent, qu une importance secondaire. Cepen-

dant, on trouve dans la littérature des exemples d'hémorragies mortelles

sous-arachnoïdiennesdansles maladies septiques thrombo-phlébitiques des

veines durales. Surtout dans l'anthrax, comme je l'ai pu constater moi-

même dans un cas, disséqué à l'Institut pathologique de Lund, et dans la

coqueluche (Neurath), la suffusion sanguinolente du liquide cérébro-

spinal peut être considérable.

En considérant du point de vue étiologique les cas d'hémorragie ménin-

gée idiopathique, c'est-à-dire les cas où l'hémorragie se présente primaire,

comme une maladie sui gene1'is, on n'en trouve dans la littérature que

très peu qui aient été suffisamment éclairés à l'autopsie. Rarement on

est parvenu à retrouver le vaisseau éclaté. Ebrenbergn'a trouvé cités que

troiscas semblables. Dans deux d'entre eux,il s'agissait d'artères athéroma-

teuses rupturées ; dans le troisième, une petite artèredans la région lom-

baire avait éclaté. Ces rares trouvailles démontrent la difficulté deretrou-

ver, dans les flots de sang épanchés la fissure, dans beaucoup de cas sans

doute peu considérable.

SUR LES HÉMORRAGIES MÉNINGÉES 333

Chez les individus âgés, il n'a pas été difficile d'expliquer étiologi-

'quement les hémorragies méningées. L'artériosclérose a été indiquée et

démontrée comme la cause la plus ordinaire et la plus importante. Ceci

n'est que très naturel si l'on considère l'importance de l'artériosclérose

pour la production de l'hémorragie cérébrale ordinaire.

On a attribué à la syphilis aussi un rôle important dans l'étiologie.

Ehrenberg n'a trouvé de la syphilis indubitable que dans un seul cas

(observation personnelle). Dans aucune de nos 5 observations nousn'avons

pu trouver de traces de cette maladie. Aussi son importance a-t-elle été

réduite à mesure qu'il a été établi que l'artérite syphilitique n'amène que

relativement rarement des ruptures de vaisseaux et des hémorragies.

Nonne et Foerster entre autres sont d'opinion que l'épaississement de

l'endartère, qui est avec l'infiltration inflammatoire de l'adventice un

Irait si caractéristique des altérations syphilitiques des vaisseaux, forme

en même temps une barrière contre les ruptures. ·

Les anévrismes des artères cérébrales ne sont plus en général regardés

comme dus à l'artérite syphilitique (Nonne, Benda). Ils sont au contraire

dus à des altérations athéromateuses des parois des artères. Ainsi l'artério-

sclérose est le facteur primaire aussi lorsqu'il s'agit d'hémorragies ménin-

gées des anévrismes ruptures (obs. III et IV).

En conséquence, il faut considérer que la syphilis joue un rôle peu

important, dans la pathogénèse des hémorragies méningées.

Il est étonnant toutefois que les hémorragies méningées soient relative-

ment assez fréquentes chez les jeunes individus dans un âge où on ne peut

en général accuser l'artériosclérose comme cause étiologique. Dans son

tableau, comprenant 31 observations, Ehrenberg fait ressortir que 61 0/0

des cas sont arrivés avant que le patient n'eût passé la 40e année de sa

vie. Pourtant son triage des cas semble être tant soit peu arbitraire. Il nous

paraît impossible de décider sans l'évidence indubitable d'une autopsié, si

l'on a affaireà une hémorragie méningée primaire, ou à une secondaire,

causée par hémorragie dans la substance cérébrale. Il n'y a que les cas qui

ontété vérifiés à l'autopsie qui peuvent être regardés comme sûrs. De

celte manière le résultat de Ehrenberg se réduit à 54 0/0 de 15 cas d'hémor-

ragie sous-arachnoïdienne sûrs, vérifiés à l'autopsié. Dans la grande statis-

tique de Gowers, comprenant 653 observations de l'hémorragie cérébrale,

on en trouve. 22. 0/0 qui sont apparus avant t'age de 40 ans. Cependant,

ces deux chiffres statistiques sont bien peu comparables .par ce fait qu'ils

se fondent sur des nombres de cas tout à fait différents.

Quoi qu'il en soit, il semble résulter que les individus jeunes ont une

certaine prédisposition pour les hémorragies des méninges, tandis que

1 on trouve surtout chez les plus âgés des hémorragies dans la substance

xxvm 23

334 .1 INGVAR..

cérébrale. Ceci ne me semble pourtant pas être un obstacle à ce que

l'hémorragie méningée soit toujours dans la discussion étiologique mise en

parallèle avec l'hémorragie cérébrale. -

Quant aux causes des hémorragies méningées, il semble qu'on a le droi t

de se demander s'il y en a des constitutionnelles. Dans les diathèses hémor-

ragiques, lés maladies de sang comme la leucémie, le purpura, etc., des

hémorragies sous-arachnoïdiennes ont été observées. L'hémophilie a une

fois causé une hémorragie sous-arachnoïdienne mortelle chez un garçon de

7 ans (Moizard et Bacaloglu).

Dans mon propre cas IL où l'hémorragie était partie d'une veine rupturée

qui ne présentait du reste point d'altérations pathologiques qui eussent pu

expliquer la rupture, on constata à l'autopsie une aorte anormale, trop

étroite, aux parois trop minces. Une trouvaille semblable se présenta aussi

dans mon observation V. Dans la littérature, je n'ai trouvé un tel casque

chez Froin, qui mentionne cette trouvaille chez une jeune femme morte

d'hémorragie sous-arachnoïdienne spontanée, qui a été disséquée.

Une aorte étroite a été indiquée par plusieurs auteurs comme un phé-

nomène caractéristique de ce qu'on appelle l'état hypoplasique (Bai,tel).

Dans ces anomalies constitutionnelles Von Wiesner a trouvé le système

des vaisseaux étonnamment pauvre en éléments musculaires. Il est évi-

dent quitte telle hypoplasie des éléments musculaires des parois des

vaisseaux doit prédisposer aux ruptures . Peut-être faut-il chercher

dans ces cas les hémorragies dites spontanées.

Dans mon observation I, chez une femme de 34 ans, on a trouvé à l'au-

topsie des altérations athéromateuses dans les artères cérébrales. Une rup-

ture de l'endartère guérie, très nette, a pu être constatée, qui a fourni

une très bonne explication de la pathogénèse de la catastrophe léthale.

Pendant son séjour à la clinique, on a cru qu'il s'agissait d'une néphrite

interstitiellechronique. Sur ce cas on avait pu s'attendre une artériosclé-

rose présente chez la patiente. Cependant l'autopsie a montré les reins,

le coeur et l'aorte normaux. En considération de cela, la trouvaille d'une

artériosclérose des artères cérébrales était assez inattendue à t'age de la

patiente, 34 ans.

A cause de cette observation et vu l'analogie de ce qu'on connaît sur le

rôle de l'artériosclérose chez les individus âgés pour la production'de

l'hémorragie cérébrale, il me semble tout vraisemblable qu'un nombre,

pas trop petit, d'hémorragie méningées spontanées chez les jeunes

individus peut être attribué à une artériosclérose presénile.

Parmi les maladies infectieuses chroniques la syphilis a déjà été dis- i

cutée. Quant à la tuberculose, elle a été indiquée par certains auteurs

comme un facteur étiologique important. Lafforgue écrit : « L'hémorragie

SUR LES HÉMORRAGIES MENINGEES 335

méningée est sans doute due à une « éclosion discrète « de tubercules sur

les méninges. Elles sont comparées aux hémorragies initiales de la

phtisie pulmonaire et aux hémorragies prémonitoires de la tuberculose

rénale latente. Toutefois, je n'ai pas pu trouver dans la littérature un

seul cas où l'on ait trouvé à l'autopsie de la tuberculose dans les ménin-

ges, ni où l'inoculation de la sérosité cérébro-spinale aux cobayes ait

donné un résultat positif pour la tuberculose. En plus, en considération

du pronostic fatal de la -tuberculose méningée et du pronostic favorable

des hémorragies méningées « curables », il peut être regardé comme tout

à fait invraisemblable que la tuberculose soit une cause fréquente de

ces hémorragies.

En outre, il a été relevé qu'on trouve souvent des hémorragies ménin-

gées dans les maladies qui amènent une augmentation de la pression du

sang, surtout les néphrites chroniques. A l'éclampsie puerpérale entre

autres, Wegelin a trouvé des ruptures spontanées fréquentes des artères

cérébrales.

Les hémorragies méningées qui se présentent chez les femmes à l'occa-

sion de la période menstruelle réclament une mention tout à fait spéciale.

Follet et Chevrel ont les premiers énoncé l'opinion que les hémorragies

sous-arachnoïdiennes peuvent apparaître chez les jeunes femmes comme

adjoints de la menstrualité. Un tel cas a été cité par Froin. A ce sujet, il

faut mentionner dans mon observation 1 l'hémorragie léthale coïncidant

avec le début d'une période menstruelle.

La symptomatologie clinique des hémorragies méningées est le

mieux étudié de tous les domaines qui regardent cette maladie. Elles

sont caractérisées par de vifs symptômes méningitiques, brusquement

débutants, qui dans les cas graves amènent dans peu de temps le coma.

Dans certains cas, ce coma peutseprésenter si rapidement que toute l'image

s'impose comme une apoplexie ordinaire. -

Selon que l'hémorragie se produit dans les méninges cérébrales ou

spinales, on trouve une image variante de la maladie avec des symptômes

surtout cérébraux ou radiculaires. Du reste, les symptômes se divisent

en généraux et locaux. Les premiers peuvent être attribués à l'action de

choc sur le névraxe, à la pression exagérée du sac durai et à l'influence

irritante de l'inondation de sang sur les méninges. Les symptômes locaux

de la perte de fonction ou d'irritation, au contraire, dépendent surtout de

l'effet traumatique que le jet de sang produit aux environs de la rupture,

mais aussi de la pression que les masses de sang exercent là où elles

. sont le plus compactes. Je passe en quelques mots les symptômes ménin-

gitiques généraux : la céphalée, les vomissements, la raideur de la nuque

et les contractures, le Kernig, l'hyperestésie, etc., parce qu'on les trouve

336 INGVAR

décrits dans beaucoup d'ouvrages détaillés dans ce domaine (Froin, Ehren-

berg, etc.). Dans le coma un peu développé, ces phénomènes s'effacent.

Des symptômes locaux différents ont été décrits : mono et hémiparésies,

aphasie,amaurose, etc. Ehrenberg relève une hémianopsie de nature passa-

gère dans un de ses cas. Il en énonce la conjecture qu'elle dépendait de

la pression du sang épanché sur la bandelette optique. Dans mon cas I,

une telle origine de l'hémianopsie a pu être constatée à l'autopsie.

En général, on est d'opinion que les symptômes locaux d'irritation

où de perte de fonction, pour pouvoir être attribués aux hémorragies

méningées pures, doivent être de nature passagère, et l'on a cru pouvoir

conclure que si ces symptômes restent stables, ils ne sauraient dépendre

d'une hémorragie méningée seulement, mais d'une hémorragie cérébro-

méningée, c'est-à-dire d'une hémorragie dans la pulpe cérébrale, qui

s'est propagée aux méninges. r

Toutefois, il est bien connu et ressort en toute évidence de mes observa-

tions,que le névraxe aux environs immédiats de la rupture est plus ou moins

déchiré. Il est clair qu'une telle dilacération, qui se présente à coup sûr

dans tous les cas où un vaisseau de grandeur moyenne se rompt, peut

donner des symptômes pas passagers d'irritation ou de perte de fonction,

si elle atteint une des régions cérébrales non sourdes.

Ainsi, il est permis de supposer que l'hémianopsie, observée dans mon

cas I, si la patiente eût survécu, aurait été pour la plus grande partie

stable, en conformité du résultat de l'autopsie.

Quand même les hémorragies pures guérissent en général complètement

dans les cas qui survivent, il me semble pourtant digne de mention que

l'un ou l'autre symptôme de perte de fonction peut persister, sans qu'il

soit nécessaire dans ces cas d'incriminer une hémorragie cérébro-méningée.

Quant à l'effet, il ne me semble guère possible de trouver une distinction

formelle entre les hémorragies cérébro-méningées et les méningo-céré-

brales (Froin), c'est-à-dire celles où une hémorragie méningée primaire

pénètre dans la pulpe du névraxe.

Quant à l'action traumatique des hémorragies méningées, Lépine et

Widal ont démontré que « l'irruption de sang provoque une attrition de la

substance nerveuse ». Froin fait ressortir que cette attrition est moins im-

portante dans les hémorragies des artères basales, parce que le jet de sang

peut ici s'échapper plus facilement dans les grands lacs sous-arachnoïdiens,

tandis que sur la convexité de l'hémisphère il ne trouve d'autre issue que

de percer dans la pulpe. Cependant mes deux observations 1 et III, qui sont

toutes les deux des hémorragies basales, démontrent que le jet de sang

peut même ici déchirer la pulpe. Dans l'observation I, il y avait dans l'es-

pace perforé antérieur un cratère de la grandeur d'une noisette aux bords

SUR LES HÉMORRAGIES MÉNINGÉES 337

déchirés ; dans le cas III, un cratère semblable dans le lobe temporal à

proximité immédiate de l'anévrisme rompu. 'Dans les deux cas, les

vaisseaux se trouvaient près des conluentes basales.

Quant à l'issue mortelle des cas I, Il et III, elle tient sans doute à ce que

l'hémorragie était considérable. Dans les cas II et III, le coma s'est présenté

extrêmement vite, et ceci confirme ce qu'on a déjà relevé, c'est-à-dire

que le coma est un symptôme très mauvais quant au pronostic. En géné-

ral, on peut dire que le pronostic des hémorragies méningées dépend

largement delà masse de sang épanchée, de sorte qu'il en fail le une consi-

dérable pour amener la mort. De cette manière, à l'autopsie de tels cas, il

faut toujours s'attendre à un épanchement assez grand, tandis que dans

les cas d'hémorragie cérébrale l'épanchement sanguin n'est, dans cer-

taines localisations, que peu important et pourtant cause la mort.

Le symptôme le plus important d'une hémorragie est la découverte de

sang dans le liquide cérébro-spinal, obtenu à la ponction lombaire. Déjà

dans l'introduction nous avons mentionné les différentes possibilités pour

l'apparition d'un liquide sanglant, tous les chemins par lesquels le sang

peut atteindre l'espace sous-arachnoïdien. Si quantité d'auteurs appellent

les hémorragies méningées en général sous-arachnoïdiennes, cette dénomi-

nation estjuste jusqu'à un certain degré, parce que toutes les hémorragies

dans les méninges tendent à atteindre l'espace sous-arachnoïdien et à s'y

répandre. ,

Quant au diagnostic différentiel entre l'hémorragie artificielle, causée

par la lésion d'un vaisseau pendant la ponction et l'hémorragie primaire,

il confirme ce que Henneberg, Widal et d'autres ont signalé, c'est-à-dire

qu'il faut recueillir le liquide cérébro-spinal en plusieurs portions. Le

mélange homogène du sang, l'absence absolue du coagulum fibrineux et

un liquide centrifugé couleur brun ou jaune sont les signes infailli-

bles qu'il ne s'agit pas d'une hémorragie artificielle. Quant l'assertion

de Fuerbringer que l'altération épineuse, des hématies serait un indice

d'hémorragie ancienne, il mérite d'être signalé que les globules rouges

subissent cette altération bientôt après le refroidissement du liquide céré-

bro-spinal. Ainsi j'ai souvent eu l'occasion d'examiner des liquides céré-

pro-spinaux récemment obtenus, dont le mélange de sang était sûrement

artificiel, où une grande partie des hématies étaient déjà épineuses. De

tous les indices mentionnés ci-dessus, la coloration brunâtre du liquide

centrifugé semble être le seul infaillible, comme Sicard, Bard el Widal'

font démontré.

Du reste, il est clair qu'un liquide sanglant ne peut fournir aucune

information si l'hémorragie méningée est primaire ou secondaire (due à

une hémorragie cérébrale primaire). A ce sujet, il faut étudier à fond

338 INGVAR .

le tableau clinique et toute l'allure de la maladie pour arriver à une opi-

nion. Celle-ci est surtout extrêmement importante pour l'analyse, parce

qu'on peut s'attendre à ce que les symptômes dans les hémorragies ménin-

gées en général disparaissent complètement. Ici on se trouve souvent devant

une tâche diagnostique très difficile, lorsqu'il s'agit de distinguer chez les

sujets âgés entre une hémorragie cérébrale pénétrée dans l'espace sous-

arachnoïdien et une hémorragie méningée. Chez le jeunes, on semble

pouvoir soupçonner en premier lieu une hémorragie méningée. Cependant

ma dernière observation démontre que ce n'est pas toujours le cas.

Quant à mes deux cas IV et V, ils étaient tous les deux des hémorragies

ventriculaires. Leur symptôme le plus imposant était les contractures

généralisées. Celles-ci ne se sont pas produites avec la même intensité

dans les trois cas précédents, qui n'étaient que des hémorragies ménin-

gées. Dans ce symptôme il faut sans doute voir quelqu'indice d'une inon-

dation ventriculaire. Il n'y a pourtant que l'autopsie qui puisse nous four-

nir une certitude complète.

Une méningite cérébro-spinale aiguë, débutant brusquement, peut

offrir des difficultés pour le diagnostic différentiel, comme Ehrenberg l'a

démontré. Les symptômes ne peuvent être en général identiques.

La fièvre ne peut pas être regardée comme un caractère distinctif parce

que les hémorragies méningées sont souvent accompagnées d'une exagéra-

tion de la température, comme le démontrent mes observations 1 et V. La

fièvre peut survenir très vite, comme il ressort de l'observation V. Ce

patient avait peu de temps après le début de la maladie une température

de 36°8, tandis que quelques heures après (le matin après son entrée à

l'hôpital), elle était de 38°9. Le même jour-au soir, la température était

de 41°5, et le matin du jour suivant, immédiatement avant la mort, de

42°5. L'augmentation violente de la température dans ce cas s'explique

peut-être aussi par une action locale sur le centre de températnre, le corps

élevé ou la moelle allongée. Une telle explication ne se laisse pas appli-

quer à l'observation I, où il faut la regarder comme une pure fièvre de

résorption. Froin dit de cette fièvre hématotytique « qu'elle est de courte

durée, atteint rarement 39 degrés, mais s'accompagne quelquefois d'une

exagération dans les réactions délirantes hypertoniques douloureuses».

Dans les méningites infectieuses, il est caractéristique de, trouver un

nombre auginenté de globules blancs dans le liquide cérébro-spinal. Dans

les hémorragies méningées, c'est la règle (Froin, Ehrenberg) de trouver

un nombre de globules blancs dépassant proportionnellement de beaucoup

les rouges (observations 1 et IV). Ce phénomène se manifeste surtout quel-

que temps après le début de l'hémorragie, lorsque le travail de résorption

a pu s'établir. A cette époque on trouve une leucocytose prononcée, qui

SUR LES HÉMORRAGIES MÉNINGÉES 339

peu à peu passe à une lymphocytose. De l'autre côté, commeon connaît

des hémorragies méningées dans les méningites infectieuses, il est évident

que dé grandes difficultés diagnostiques peuvent se présenter à ce sujet.

Bittorf a essayé de prouver dans son cas de « leptoméningite hémorragi-

que aiguë n à-deux attaques, qu'il s'agissait d'un processus inflammatoire,

en se fondant sur la fièvre et sur l'apparition initiale (obs. 5 jours après

le début) des leucocytes polynucléaires dans le liquide cérébro-spinal san-

glant. En conformité de ce qui a été exposé ci-dessus, je ne puis pas me

ranger de son côté.

Dans cette observation de Bittorf, on a trouvé, à la première ponction

lombaire, dans le liquide cérébro-spinal, des diplocoques Grampositifs

isolés (point de méningocoques Weichselbaum). Ceux-ci n'ont toutefois

pu être retrouvés aux ponctions lombaires renouvelées. Comme-Bittorf

lui-même n'a pu indiquer avec certitude cette trouvaille sporadique de

diplocoques comme étiologie de l'hémorragie méningée constatée dans

son cas, on a un certain droit d'en faire abstraction. Alors la description

de son observation s'impose comme une pure hémorragie méningée, réci-

divante et à l'allure protractée. Je regarde comme bien peu fondé et

erroné que d'introduire la dénomination « leptoméningile hémorragi-

que » de ces cas. Du reste, il semble que Bittorf a mal compris Ehrenberh

(dont l'ouvrage ne lui a pas été disponible en original) en lui attribuantl'ex-

pression « leptoméningite hémorragique, débutant comme l'apoplexie ».

Quant au traitement des hémorragies méningées, tous les auteurs

recommandent la ponction lombaire répétée. Malgré les expériences heu-

reuses que tous les auteurs dans ce domaine ont fait de la valeur thérapeu-

tique de la ponction lombaire, je voudrais mentionner ici les remarques

suivantes. - - v

A priori, il semble curieux qu'une opération qui, à la pure hémorra-

gie cérébrale, est jugée dangereuse et amenant de grands risques d'une

nouvelle hémorragie, est recommandée pour une maladie qui se distingue

en principe si peu de celle-ci.

La pression augmentée, qui se produit après une hémorragie dans le sac

dural, doit être considérée quelque peu comme une mesure de précaution

de la nature elle-même pour arrêter l'hémorragie. A la ponction lombaire,

une partie du liquide cépha lorachid ien s'écoule, la pression s'abaisse et en

conséquence une nouvelle possibilité s'onrepourta continua lion de l'hémor-

ragie. Sergent el GreneL (cités d'après Ehrenberg) ont rapporté un cas où

la ponction lombaire pratiquée dans la position assise a probablement

causé une hémorragie nouvelle. Quant à ma propre expérience, la dernière

ponction lombaire pratiquée dans mon cas IV, a indubitablement amené

une nouvelle hémorragie. Immédiatement après cette opération le patient

340 INGVAR

a eu une céphalalgie intense, quelques heures après et à la suite d'un effort

musculaire il a eu une attaque avec des convulsions et un coma profond,

suivi par la mort. A l'autopsie, on a constaté en dehors d'un ancien foyer

hémorragique une couche concentrique de coagulations tout à fait fraîches.

Il faut attribuer celles-ci à une hémorragie, précédant immédiatement la

mort, et il n'y a pas de doute que la ponction lombaire pratiquée quelques

heures avant la mort l'a produite.

La ponction lombaire, étant dans ces cas une opération assez dange-

reuse, il semble être logiquement fondé et en conformité du principe nil

noceri de n'y recourir qu'en cas d'extrême urgence dans l'état aigu des

hémorragies méningées. C'est-à-dire, s'il ya une indication vitale, si par

exemple un profond coma de longue durée permet de soupçonner une

pression intra-cérébrale si exagérée que la vie soit en danger, on semble

être autorisé à essayer d'alléger celle pression. Dans le coma, les risques

sont toutefois si grands qu'ils dépassent ceux de l'opération. Dans ces

cas, on le sait, le pronostic est toujours mauvais.

Si, au contraire, le patient ne présente pendant la première phase de la

maladie que des symptômes méningi tiques avec torpeur et contractures, il

doit être plus de l'intérêt du patient de les traiter symptomatiquement

sans pratiquer la ponction lombaire.

Quelque temps après le début de l'hémorragie, les indications se pré-

sentent d'une autre manière. Alors on peut s'attendre que le vaisseau rup-

turé se soit thrombosé, d'une manière qu'on ne doit pas craindre une nou-

velle hémorragie en abaissant la pression au la ponction lombaire. De l'autre

côté, il se développe peu à peu pendant la résorption un état méningiti.que

aseptique secondaire. Souvent on voit celui-ci s'annoncer sous la forme

des états d'irritation psychiques, des délires légers ou intenses.

Froin relève que ce délire coïncide avec la phase maxima de l'hémato-

lyse sous-arachnoïdienne. On ne trouve pas dans la littérature avant Ehren-

berg et Forssheim des données numériques qui permettent de nous former

une opinion exacte de la pression cérébrale pendant le processus héntafo-

lytique. Les auteurs français se servent des expressions « issue en jet, en

gouttes lentes ou rapides » du liquide céphalo-rachidien, s'écoulant la la

ponction lombaire, pour caractériser les différents degrés de pression.Froin

fait ressortir que l'écoulement est plus rapide surtout au moment de la

grande activité de la résorption sanguine. « A ce moment, il se produit

souvent une augmentation du délire, des phénomènes hypertoniques et

douloureux, »

Netter, Koechlin et Salanier ont constaté des méningites sériques asepti-

ques à la suite des injections de sérum humain dans le canal rachidien.

Cette méningite se présente avec exacerbation de la température et augmen-

J £ 411

SUR LES HÉMORRAGIES MÉNINGÉES , 341

tation du nombre des polynucléaires dans le liquide céphalo-rachidien,

ainsi qu'avecdesdoulenrs violentes et de la raideur de la nuque, symptômes *

qui n'apparaissent ordinairement que quelques jours après l'injection.

Sans doute, on a le droit de'comparer, l'exacerbation de la pression

cérébrale et les symptômes tardifs d'irritation méningitique dans les

hémorragies méningées à ces méningites sériques expérimentales. Ici la ,

ponction lombaire doit être d'une grande utititéthérapeutique en allégeant

la pression et en éloignant les éléments sanguins'décomposés. Au besoin,

on peut avec profit répéter ces ponctions.

Toutefois me fautinsister avec Forssheim pour que l'opération soit pra-

tiquée dans la position couchée pour réduire an plus haut degré les risques.

De plus, il est nécessaire de bien observer l'abaissement de sorte que la

pression normale ne tombe pas au-dessous de 100 millimètres.

La ponction lombaire appliquée avec ces précautions sera toujours un

moyen thérapeutique très précieux, pour ne pas dire indispensable, dans

les hémorragies méningées. '

Je tiens à témoigner toute ma profonde et respectueuse reconnaissance

à mon cher maître M. le professeur Karl Petren pour la bienveillance'

avec laquelle il a mis à ma disposition tous les matériaux, et pour les

renseignements qu'il abien voulu me donner dans mes études sur ce

domaine.

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SYNDROME SYMPATHIQUE CERVICAL OCULAIRE DE PA-.

RALYSIE AVEC H1JMIAN(DROSE CEftVICO-FACIALE ET

APHONIE HYSTÉRIQUE PAR BLESSURE CERVICALE

DROITE - /

PAR

LAIGNEL-LAVASTINE et Paul COURBON

Le blessé dont il s'agit ici a déjà été présenté, avec une courte note,

à la Société de Neurologie le 7 juin 1917.

Voici son observation complète accompagnée de radio et de photogra-

phies.

Observation (PI. LVlll et LIX).

L... Georges, soldat de la classe 1914, boulanger de Normandie, fit campagne

d'octobre 1914 au 20 février 1915 et fut évacué à cette date pour blessure du

creux sus-claviculaire droit.

La cicatrice de la blessure siège en avant du bord antérieur du muscle

sterno-cléido-mastoïdien droit et dans le plan horizontal du cartilage thyroïde.

Au niveau de la blessure, la palpation décèle la présence d'une petite

tumeur du volume d'un pois chiche, animée de pulsations artérielles, que l'on

peut tout d'abord prendre pour un anévrisme, mais qui, en réalité, n'est qu'un

ganglion lymphatique, auquel l'artère carotide communique ses battements.

La radiographie montre que l'agent vulnérant est une balle de fusil, qui i

u'a pas été extraite et qui siège encore près de la première vertèbre dorsale e

(PI. L1X). '

Immédiatement après la blessure il y eut une grande hémorragie, suivie

d'un état anémique, qui persista plusieurs mois. Le sujet, auquel on avait

recommandé au début de ne faire aucun mouvement et même de ne pas par-

ler, vit à la longue ses forces revenir, mais sa voix ne pas dépasser la sonorité

du chuchotement.

Pour cette aphonie, il fut traité de diverses façons et passé d'hôpitaux en

hôpitaux, proposé tantôt pour la réforme, tantôt pour une opération chirurgicale

suivant que l'on attribuait ce trouble vocal à une lésion du récurrent ou à une

compression de nerf par l'artère ou par une cicatrice. A. l'hôpital Régin, dans

son service de Chirurgie, M. Paul Reynier posa le diagnostic d'aphonie hysté-

rique et fit évacuer le malade à Maison-Blanche, où il arrive le 15 mai 1917.

344 LAIGNEL-LAVASTINE ET COURBON

A son entrée, on constate une aphonie vocale sans signe de bitonalhé et une

hypoesthésie dans le territoire cutané de la branche cervicale transverse, qui

fut sectionnée par le projectile.

On pratiqua aussitôt la rééducation psycho-motrice, malgré le diagnostic

de paralysie du récurrent inscrit sur un des billets d'hôpitaux. Les progrès

furent rapides, si bien qu'au bout d'un mois le sujet était capable de servir de

moniteur de gymnastique, criant lui-même les-ordres du sous-officier à toute

la section.

Au cours de l'examen on découvrit, outre les signes précédents, une

exophtalmie bilatérale marquée, que le soldat nous dit avoir depuis son enfance,

à laquelle il n'a jamais ajouté d'importance et qui, prétend-il, aurait plutôt

tendance à disparaître.

En effet, 7 ou 8 mois après sa blessure, il sentit dans son oeil droit comme

un fourmillement qui le porta à s'examiner de plus près. Et il remarqua que

sa paupière supérieure descendait plus bas que la gauche. Mais la gêne fonc-

tionnelle n'ayant pas augmenté et restant, somme toute, insignifiante, il n'y

prêta plus attention.

Outre le rétrécissement léger de la fente palpébrale droite, on note du même

côté un myosis marqué et un enfoncement léger du globe oculaire. Tous les

mouvements volontaires et réflexes de la musculature interne et externe de

l'oeil sont conservés.

Ces phénomènes étaient totalement ignorés du sujet, il en était de mémedcs

phénomènes d'hyposudation qui se révélèrent à notre examen, au premier

jour de chaleur, pendant que Georges mangeait une soupe trop chaude et qui

se renouvellent à chaque cause de-transpiration : exercices physiques, éléva-

tion de la température atmosphérique, ingurgitation de liquides abondants.

' Dans toutes ces conditions, le corps du sujet se couvre de sueur, sauf dans

la. moitié droite de la face, du cou et dans la partie supérieure du thorax. Le

territoire anidrosique est limité en avant, en arrière et en haut par le plan

sagittal du corps, en bas par une ligne qui va de l'apophyse de la 7e cervicale

en passant par le bord supérieur du trapèze jusqu'au niveau de l'insertion

inférieure du deltoïde sur l'humérus et qui remonte de là pour aller atteindre

le sternum en longeant la 2' côte.

La photographie (PI. LVIII) ne donne à ce propos qu'une délimitation ap-

proximative et trop basse de la partie inférieure de ce territoire, la région

frontière entre les zones de sueur et de sécheresse n'ayant pas produit une

sécrétion suffisante pour faire adhérer la poussière de charbon, qu'à l'exemple

de Stewart nous avions projetée sur Georges.

Aucun autre trouble nerveux fonctionnel ou organique n'est à signaler.

En somme, à son arrivée à Maison- Blanche, Georges présentait une aphonie

hystérique et un syndrome sympathique oculo-pupillaire de paralysie avec

hémianidrose cervico-faciale par blessure cervicale droite.

L'aphonie hystérique a guéri complètement. Le syndrome sympathique orga-

nique persiste, mais n'est associé à aucun autre trouble pathologique et par

? n-, '- )

Nouvelle Iconographie DE la SALPLTRltRE. T. XXVIII. Pi. Lys lez

SYNDROME SYMPATHIQUE CERVICAL AVEC HEMIANYDROSE

par blessure cervicale

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Nouvelle Iconographie DE la Salpêtrière. » T. XXVIII. PL. LIX

SYNDROME SYMPATHIQUE ET HEMIANYDROSE

par blessure cervicale

(Laignel-Lavastine et Paul Courbon.)

Masson et Cie, Editeurs

? ' à

SYNDROME SYMPATHIQUE CERVICAL OCULAIRE 34S' i'4 w

..."... ?

conséquent la gêne fonctionnelle, malgré la persistance de la balle dans les

"tissus, est insignifiante. -

En raison de l'intérêt de l'anidrose associée au syndrome sympathique

oculo-pupillaire de paralysie sans troubles vaso-moteurs, nous avons fait quel-

ques expériences avec l'atropine, la pilocarpine, l'adrénaline et la cocaïne.

I. Atropine.

Avant d'injecter sous la peau 1 milligramme de sulfate neutre d'atropine,

on note les constatations suivantes :

Quand on pince un peu fortement le côté droit du cou, la pupille correspon-

dante se dilate, très peu; mais se dilate. Le réflexe cilio spinal est donc dimi-

nué, mais conservé ici, alors que Purves Stewart (1) le considère comme aboli

dans la paralysie du sympathique cervical.

La pupille droite est plus petite que la gauche, le tonus des deux, globes

oculaires égal.

La pression artérielle, prise à l'avant-bras avec l'oscillomètre de Pachon,

donne : -

à droite : 16-9-3 »

à gauche : 15-9-3

respectivement pour les pressions maxima, minima et l'amplitude maxima

des oscillations de l'aiguille sur le grand cadran. -

Le réflexe ocuto-cardiaque donne un ralentissement par minute de 12 pulsa-

tions par compression de l'oeil gauche et de 16 par compression de l'oeil droit.

Les réflexes pupillaires lumineux et accommodateurs sont conservés.

Dix minutes après l'injection on note :

L'accroissement des deux pupilles avec diminution de l'inégalité. Pas de

modification des tonus : .

T. A. à droite : 17-9,5-4.

à gauche : 16-10, 5-4.

Le réflexe oeulo-cardiaque donne un ralentissement de 13 pour l'oeil gauche

et de 21 pour l'oeil droit. '

Le réflexe cilio-spinal est diminué, les réflexes lumineux et accommoda

teurs normaux.

II. - Pilocarpine.

25 minutes après injection sous-cutanée d'un centigramme de nitrate de

pilocarpine, on note salivation et sueurs abondantes. -

La bouche s'emplissait de salive avec rapidité ; il semblait que du côté

gauche la salivation fût plus grande. En effet, à peine avait-on essuyé la bou-

che, qu'on voyait le planclier buccal brusquement recouvert d'une nappe de

liquide très clair, qui semblait couler plus de gauche que de droite, mais le

mouvement était trop rapide pour permettre une affirmation.

(1) PURYBS STEWART, Le diagnostic des maladies nerveuses, trad. Scherb. Alcan,

1910, p,409.

346 LAIGNEL-LAVASTINE ET COURBON

Les sueurs couvrirent le corps entier, sauf l'hémi-face et 1'liémi-cou droit et

le territoire adjacent empiétant sur l'épaule et le thorax et limité par une ligne

qui, partant de l'apophyse épineuse de la 7* cervicale, longe le bord supérieur du

trapèze jusqu'à l'épaule, descend jusqu'à l'insertion humérale du deltoïde et

remonte en avant pour gagner la première côte et la première pièce du sternum.

La photographie (PI. LVIII) donne donc une image qui exagère un peu la

zone terminale inférieure de la région anidrosique. Il n'y a pas eu de réaction

vaso-motrice.

III. Adrénaline.

Avant l'injection sous-cutanée au bras gauche d'un centimètre cube de solu.

tion d'adrénaline Clin au millième, on a coté :

T. A. à gauche : 17,9-4.

à droite : 17,9-4.

Le réflexe oculo-cardiaque à gauche donne un ralentissement de 10 et à

'droite de 22.

Les autres conditions comme avant l'épreuve de l'atropine. Vingt minutes

plus tard, pas de modifications des pupilles ni du tonus des globes ; réflexes

pupillaires, lumineux, accommodateur, cilio-spinal, sans modification;

T. A. à gauche : 15,5-8,5-3,5.

, à droite : 17-10-4.

Le réflexe oculo-cardiaque donne un ralentissement de 12 par compression

de l'oeil gauche et ralentissement de 20 par compression du droit.

IV. - Cocaïne.

Avant l'instillation, on note :

T. A. à gauche : 17,5-10-3,5.

à droite : 17,5-9,5 ? -

Le réflexe oculo-cardiaqne à gauche donne un ralentissement de 10 et à

droite de 20 ;

Les autres conditions comme avant les épreuves précédentes.

On instille à diverses reprises, pendant une demi-heure, quelques gouttes

d'une solution de 50 centigrammes de cocaïne pour 10 grammes d'eau dans

l'oeil du côté droit malade, à raison de 3 gouttes toutes les 10 minutes. Dès lors,

la pupille droite est devenue presque aussi large que la gauche. Le tonus de

l'oeil droit est un peu diminué. L'ouverture palpébrale paraît élargie.

T. A. à gauche : 18-1O ? 4.

à droite : 17,5-9,5-3,5.

Le réflexe oculo-cardiaque à gauche donne un ralentissement de 2, à droite

de 12. Les réflexes pupillaires, lumineux, accommodateur et cilio-spinal, sont

diminués.

En résumé, il s'agit d'un malade blessé en 1915 par une balle, qui

pénétra près du paquet vasculo-nerveux du cou dans le creux sus-clavi-

SYNDROME SYMPATHIQUE CERVICAL OCULAIRE 347

culaire droit et que la radiographie montre fixée dans le thorax, la pointe

dirigée en bas et en dedans, et distante d'un centimètre du bord supérieur

de la 3e vertèbre dorsale.

Cette blessure a déterminé quatre' ordres de symptômes :

1° Une cicatrice pulsatile, qui, par l'intermédiaire d'un ganglion lym-

phatique, amplifie les battements carotidiens et qui fit croire à tort à un

anévrisme de la thyroïdienne inférieure ;

2° Un syndrome de Claude Bernard-Horner, typique au point de vue

oculaire (myosis, énophtalmie, rétrécissement de la fente palpébrale) sans

troubles vaso-moteurs et sans hypotonie du globe oculaire ;

3° Une hémianidrose cervico-faciale, s'étendant jusqu'au premier

espace intercostal, l'épaulette deltoïdienne et le bord supério-externe du

trapèze ;

4° Une aphonie hystérique sans bitonalité et sans signes laryngoscopi-

ques de paralysie récurrentielle.

Ces 4 ordres de symptômes doivent être envisagés à part, ainsi que les

résultats du réflexe oculo-cardiaque.

1° Cicatrice pulsatile.

Elle siège exactement en avant du bord antérieur du sterno-cléido-mas-

toïdien à la hauteur du cartilage thyroïde. Elle est donc à plusieurs cen-

timètres au-dessus du siège actuel de la balle, dont la pointe atteint en

bas le plan du bord inférieur de la deuxième vertèbre dorsale (fig. II).

L'intégrité de la carotide s'explique par l'élasticité bien connue des

artères. Le petit ganglion en avant de l'artère, dont il rend plus visibles

les battements, peuvent faire croire à un anévrysme, mais l'absence

(expansion permet facilement d'éviter l'erreur.

2° Syndrome sympathique cervical dissocié de paralysie.

Le syndrome oculo-sympathique de paralysie, lié à une paralysie radi-

culaire et réalisant le syndrome de Mme Déjerine, a été souvent vu

depuis la guerre. Avant la guerre, on l'avait observé dans environ 18 0/0

des cas de paralysie totale ou inférieure du plexus brachial et Mme Déje-

rine avait montré que sa production nécessitait une lésion attaquant la

1" racine dorsale avant qu'elle n'ait émis le rameau communiquant des-

tiné au sympathique ; et comme ce rameau se détache de la racine immé-

diatement à sa sortie du trou de conjugaison,.la lésion doit toucher la

racine entre la moelle et l'extrémité externe du trou de conjugaison.

Plus rares sont, à la suite de blessures, les syndromes de Claude Bernard-

Horner sans paralysie radiculaire. C'est ce qui fait une partie de l'intérêt

de notre cas.

348 LAIGNEL-LAVASTINE ET COURBON

Ici le syndrome sympathique cervical de paralysie, comme c'est la règle,

n'est pas complet. Odoul (1), dans sa thèse, insiste avec raison sur les dis-

sociations fréquentes du syndrome oculo-sympathique de Claude Bernard-

Horner, comme l'un de nous l'avait fait avec Cantonnet (2).

Comme nous il oppose à la constance des troubles oculaires moteurs

(ptosis, myosis, énophtalmie) l'inconstance des vaso-moteurs (y compris

l'hypotonie du globe) et des sécrétions. Il admet même que l'hypotonie

du globe est le plus inconstant de tous les éléments du syndrome :

A. Au point de vue oculaire, existent chez notre malade les modifi-

cations suivantes (1) : Le myosis, nettement marqué à droite, quel que

soit l'éclairage, est plus marqué dans la lumière. Il diminue un peu,

mais persiste quand on pique ou pince le côté du cou, ce qui produit

normalement une dilatation de la pupille (réflexe cilio-spinal). Ce myosis

disparaît presque complèlement quand on instille sur la conjonctive

quelques gouttes de sotuttoffae cocaïne au vingtième, ce qui, normalement,

provoque la mydriase avec rétraction de la paupière supérieure et légère

projection du globe (Stewart). -

Dans notre cas, -le myosis diminue nettement dans l'obscurité. Résul-

tant de la paralysie du muscle dilatateur de la pupille, cette pupille en

myosis ne se dilaterait pas, d'après Stewart, dans l'obscurité ; mais elle

se contracte rapidement à la lumière ainsi qu'à la convergence, parce que

la 3' paire, qui innerve le sphincter de la pupille à travers le ganglion

ciliaire, est indemne. -

Nous rappellerons ici avec Stewart (p. 407) le parcours des fibres dila-

tatrices de là pupille'. Emanant du centre dilatateur dans le bulbe, elles

descendent, dans la colonne latérale de la moelle, jusqu'au centre cilio-

spinal dans la région cervicale inférieure. Elles sortent de la moelle à

travers les racines antérieures des premiers et seconds segments thoraci-

ques et entrent dans le ganglion cervical 'inférieur du sympathique cer-

vical par les ramicommunicants blancs. De là, elles montent dans le nerf

sympathique cervical jusqu'au ganglion de Gasser, se rendent alors à

l'orbite, le long de la branche ophtalmique du trijumeau et aboutissent

à la pupille en suivant les longs nerfs ciliaires. Elles ne traversent pas

le ganglion ciliaire.

Pour que la cocaïne donne la mydriase que nous avons observée, il faut

donc admettre que, dans notre cas, quelques fibres dilatatrices de la pupille

(1) André Odoul, Les syndromes oculo-sympallcignes : types cliniques. Thèse 1910,

fil 408, 66 p.

(2) Laignel-Lavastine et CAUTONNET, Les dissociations du syndrome de Claude Ber-

nard-Horner selon le siège des lésions. Gazette des hôpitaux, 15 février 1910y p. 251-252.

SYNDROME SYMPATHIQUE CERVICAL OCULAIRE 349

ont échappé au traumatisme, peut-être celles qui pénètrent dans le sym-

pathique cervical, comme dans un cas analogue de Stewart (1).

L'injection d'un milligramme d'adrénaline n'a pas été suivie de modi-

fications du myosis. L'introduction artificielle d'une certaine dose d'exci-

tant spécifique du sympathique s'est donc montrée incapable, dans les

conditions de l'expérience, de contrebalancer la lésion paralytique de

celui-ci.

2° L'énophtalmie par paralysie du muscle orbitaire non strié de Muller

qui, à l'état normal, porte le globe en avant ; elle est peu marquée chez

notre sujet en raison de son exophtalmie congénitale, mais apparaît nette-

ment par comparaison, surtout quand on fait coucher le malade et qu'on

se tient debout derrière lui pour examiner de haut le front et les globes.

3° Le rétrécissement de la-fenle palpébrale lié à l'énophtalmie est

visible sur les deux photographies (fig. I et IV) ; il diminua à la suite

des instillations de cocaïne, par rétraction de la paupière supérieure et

légère projection du globe. C'est là une constatation à rapprocher de la

disparition presque complète du myosis obtenu dans les mêmes conditions,

la cocaïne apparaissant comme si son action locale atténuait les effets oculo-

pupillaires de la paralysie du sympathique cervical.

B. - Par contre, au point de vue oculaire manquent : ,

1° Le « psczido- ptosis » par paralysie de la partie non striée (tarsienne

supérieure) du muscle releveur qui s'insère sur le bord supérieur du car-

tilage tarse. Celte absence tient peut-être au degré peu marqué de l'énoph-

talmie bilatérale congénitale. Car il s'agit dans le pseudo-ptosis d'un

simple effet mécanique.

2° L'hypotonie du globe oculaire absente confirme les constatations

de l'un de nous avec Canlônnet (2). Le tonus du globe dépend du régime

vaso-moteur. L'hypotonie du globe coïncide avec la vaso-dilatation de

l'hémi-face correspondante, comme dans les expériences de François

Frank (3). '

Puisque dans notre cas il n'existe aucun trouble vaso-moteur, il est

naturel de noter l'intégrité du tonus du globe oculaire.

3° Hémianidrose cervico- faciale.

L'association des troubles sudoraux avec le syndrome de Claude Ber-

nard-Horner est assez fréquente. Il s'agit, le plus souvent, d'hyperidrose

avec où sans vaso-dilatation concomitante. L'hypersécrétion sudorale exis-

(1) Loc. cit., p. 412.

(2) LAIGNEL-LAVASTINE et CANTONNET, IOC. cil.

(3) Français FRANCK, Bull. de l'Acad. de Médoc, 23 mai 1899. -

xxvin 24

350 LAIGNEL-LAVASTINE ET COURBON

tant sans vaso-dilatation concomitante montre l'indépendance des nerfs

sudoripares vis-à-vis des vaso-moteurs, comme l'a remarqué Luchsinger.

Odoul pense que celle sudation marquée, n'existant que dans les cas de

lésion thoracique supérieure, peut être rapportée à une paralysie des nerfs

inhibiteurs.

Qnant à l'hémianidrose, son association avec le syndrome de Claude-

Bernard-Horner parait avoir été assez rarement notée. Dans notre cas

cette hémianidrose cervicô-faciale est strictement unilatérale. Limitée par

la ligne médiane verticale de la face et du cou, elle s'étend en arrière

jusqu'au bord supéro-extel'l1e du trapèze, en dehors jusqu'à l'insertion

deltoïdienne sur l'humérus et en avant jusqu'au bord supérieur de la

2e côte. L'hémianidrose occupe donc à peu près les territoires cutanés

correspondant aux 4 premières racines cervicales.

Elle est totale, c'est-à-dire qu'elle s'étend, sans excepter d'îlots, à tout

le territoire qu'elle occupe. Il n'en était pas de même chez une'malade

de Stewart (1), atteinte également de paralysie du sympathique cervical

droit avec hémianidrose. Mais celle-ci laissait indemne une petite plaque

au-dessus de l'orbite, qui transpirait abondamment, quand la malade mas-

tiquait. Sous l'influence de la pilocarpine, le côté droit du visage restait

sec, à l'exception d'une petite zone au-dessus de l'angle interne de l'oeil.

Celle persistance d'une petite zone de sudation du côté lésé pourrait

indiquer, dit Stewart, que quelques fibres sympathiques ont peut-être

échappé à la lésion opératoire; mais il est plus probable que les fibres

sudoripares de celte partie du visage sont fournies par une branche du

nerf trijumeau. Cette dernière hypothèse ne peut pas s'appliquer à notre

cas, pas plus qu'à un autre de Stewart (p. 415) où la zone non transpi-

rante prenait la moitié du visage, devenait horizontale sur la poitrine au

niveau de la 3e côte en avant et de l'épine de l'omoplate en arrière et

intéressait tout le membre supérieur.

Chez Georges, la pilocarpine n'a produit aucune sudation dans la zone

précédemment délimitée. Est à noter même qu'elle a permis démettre

en évidence, grâce au procédé de Stewart à la poudre de charbon (fig. 3),

une zone d'hyposudation occupant la 2e espace intercostal, et la 3° côte à

droite. Un pourrait donc émettre l'hypothèse qu'il en est du milieu du

thorax pour les nerfs sudoraux comme pour la sensibilité tactile et qu'un

même espace intercostal reçoit des filets de deux sources différentes.

Il se pourrajt encore que ce chevauchement des nerfs sudoraux fût spécial

à cette région du thorax qui répond à la frontière du sympathique cervical

et du sympathique thoracique.

(1) PURVKS Stewart, Le diagnostic des maladies nerveuses, trad. Scherb. Alcan,

1910, p. 409.

SYNDROME SYMPATHIQUE CERVICAL - OCULAIRE 351

4° Aphonie.

En raison des caractères de cette aphonie et du trajet de la balle, il

était facile d'éliminer une lésion récürrentielle et par conséquent de dis-

tinguer notre cas d'un autre un peu analogue présenté à la même séance

de la Société de Neurologie (1).

Connaissant l'anse sympathique périthyroïdienne supérieure de Garnier

et Villemin (2), qui née du ganglion cervical supérieur se réfléchit autour

de la face inférieure de l'artère thyroïdienne supérieure, remonte appli-

quée à la carotide externe et envoie entre autres rameaux quelques filets

au larynx, on pouvait se demander si elle n'avait pas été touchée par le

projectile. Dans ce cas on aurait pu voir dans l'aphonie l'expression fonc- .

tionnelle d'un trouble vaso-moteur du larynx lié à la lésion de cette anse

et parler d'un syndrome physiopalhiqlle sympathogénétique. Mais

l'analomie topographique ruine cette hypothèse. L'anse est au-dessus du

point le plus élevé de la blessure. ,

D'ailleurs l'aphonie hystérique, que la simple peur peut avoir suffi à dé-

terminer (vox faucibus hsesit...), et que la localisation cervicale de la

blessure n'a pu que favoriser dans son mécanisme, était facile à diagnosti-

quer par simple élimination. Et le bien fondé de ce diagnostic fut vite dé-

montré par la guérison complète après quelques séances de psychothérapie.

Naturam morborum curationes ostendunt.

5° Réflexe oculo-cardiaque.

Dans les multiples travaux qu'a fait naître l'étude du réflexe oculo-car-

diaque, nous ne connaissons pas de faits semblables à ceux que nous avons

enregistrés à part l'exagération du réflexe à droite.

Recherché'à plusieurs reprises différentes, leR. 0. C- a toujours donné

un ralentissement plus marqué à droite qu'à gauche : 16, 22 et 20 pulsa-

tions de moins à la minute pour 12, 10 et 10 à gauche.

Dix minutes après l'injection d'atropine, le R. 0. C. non modifié à

gauche (ralentissement de 13 au lieu de 12) était manifestement accru à

droite (ralentissement de 21 au lieu de 16).

Ce ralentissement paraît liéà la phase d'exaltation vagotonique produite

.

¡ ;

(1) BRANCHE J. et CORNIL L., Paralysie totale du plexus brachial gauche, paraly-

sie récùrrentielle, syndrome sympathique de Claude Bernard-Horner du même côté

consécutifs à une blessure par éclat d'obus du creux sus-cfaviculaire, Société de Neu-

rologie, 7 juin 1917. '

(2) GARNISR Ch. et VILLEMIN F., Sur une anse nerveuse sympathique non encore dé-

crite autour de l'artère thyroïdienne supérieure, Journal d'anatomie et de pbySi014,

1910, p. 405-481.

0A

332 LAIGNEL-LAVASTINE ET COURBON '

par l'atropine avant la phase de. paralysie et qu'a bien décrite récemment

Petzetakis (1).

C'est sans doute La paralysie du sympathique, antagoniste du vague,

qui a permis de mettre par le R. O. C. à droite en évidence cette exalta-

tion vagotonique trop légère pour être appréciée par le R. 0. C. à gauche.

L'adrénaline a entraîné une diminution du R. 0. C. à droite (ralentis-

sement à la minute de 20 au lieu de 22 pulsations) qu'on s'explique par

l'action sympathique de l'adrénaline qui supplée le sympathique paralysé.

Mais l'adrénaline a entraîné un accroissement du R. 0. C. à gauche (ralen-

tissement à la minute de 12 au lieu de 10 pulsations) qui paraît paradoxal,

de même d'ailleurs que l'abaissement corrélatif de la pression artérielle

du membre supérieur gauche (Mx. : 15,3 au lieu de 17 ; Mn. : 8,5 au

lieu de 10). ,

Il est vrai que l'injection d'adrénaline fut faite au bras gauche et que

la comparaison oscillométrique des deux membres supérieurs avant et

après l'injection donne des nombres identiques à droite, tandis qu'ils diffè-

rent-â gauche, comme nous venons de le rappeler, et qu'en particulier

l'amplitude des oscillations a diminué. Il semble s'être produit à gauche

une action locale vaso-constrictive, qui ne s'est pas produite à droite. Enfin

la cocaïne a déterminé une atténuation énorme du R. 0. C. presque sup-

primé à gauche (ralentissement de au lieu de 10) et très diminué à droite

(ralentissement de 12 au lieu de 20).

Il semble donc que la cocaïne se soit comportée vis-à-vis du réflexe

oculo-cardiaque comme si elle avait diminué l'excitabilité du vague ; et

la différence entre les deux côtés parait tenir à ce que le sympathique,

paralysé à droite, n'a pas pu profiter de l'inactivité passagère de son anta-

goniste pour manifestera droite son action accélératrice, comme il l'a fait

à gauche (ralentissement du R. 0. C. gauche réduit à 2 pulsations à la

minute, comparé au ralentissement du R. 0. C. droit égal à 12 pulsations

à la minute).

On voit à la fois la complexité et la délicatesse des réactions qu'entrai.

nent les scalpels chimiques, tels que l'atropine, l'adrénaline, la cocaïne,

en cas de paralysie locale du sympathique et les difficultés de leur obser-

vation et de leur interprétation.

(1) PETZBTAAIB, La phase slimulatrice de l'atropine, Démonst. exp. et clin. de facto

excitante de l'atropine sur les vagues, Tresse Médic, 1916, p. 548-551. M

LES SYNDROMES FRUSTES D'IRRITATION

DU EPLXUS BRACHIAL

PSEUDO-SYNDROMES D'ATROPHIE RÉFLEXE

a

PAR /

- M. CHIRAY, G. BOURGUIGNON et E. ROGER

du Centre Neurologique de la X' Région.

Sous le nom de syndromes frustes d'irritation du plexus brachial, nous

comprenons des cas de parésies et d'atrophies segmentaires desmembres

supérieurs, souvent compliquées de troubles trophiques cutanés, osseux

ou articulaires, cas qui au premier abord pourraient être considérés comme

d'ordre réflexe pur, mais qu'un examen plus attentif permet de rapporter

à l'irritation du plexus brachial ; ce qui est. fruste dans ces syndromes, ce

n'est pas l'expression clinique, c'est la cause nerveuse qui ne peut être mise

en évidence que par des recherches minutieuses cliniques et électriques.

L'étiologie de ces cas est assez univoque. Tl s'agit soit de commotions

compliquées de contusions ayant porté spécialement sur le membre supé-

rieur, soit de tiraillements plus ou moins brutaux du bras, soit de plaies

pénétrantes par projectiles axant passé près des racines du plexus.

Cliniquement on observe des troubles musculaires et des troubles tro-

phiques du membre supérieur.

Les troubles musculaires du membre supérieur sont quelquefois géné-

ralisés, beaucoup plus souvent segmentaires, marquant une atteinte inégale

des divers éléments du plexus brachial. Ils prédominent fréquemment

dans la. région de l'épaule, plus rarement à l'avant-bras et à la main, se

distribuant alors de telle façon qu'ils rappellent vaguement la topographie

d'un nerf périphérique, par exemple le médian. -Ils consistent en parésies

et atrophies plus ou moins marquées, les atrophies prédominant sur les

parésies. -

Les troubles trophiques affectent une distribution et des aspects variés.

Indépendamment des atrophies musculaires, on constate des altérations

de la peau, des os et des articulations. ,

La peau peut présenter des lésions épidermiques, état lisse, disparition

des crêtes, desquamation excessive, formai ion de croules épidermiques

épaisses et brunâtres (obs. II). Elle prend quelquefois l'aspect scléroder-

3J' CHIRAY, BOURGUIGNON ET ROGER

. s ,

mique (obs. IV). Les ongles, participent à ces troubles. Ils sont striés,

cassants, déformés, recroquevillés. L'importance des troubles trophiques

cutanés dans les lésions irritalives des nerfs a d'ailleurs déjà été entrevue

par James Paget quand il décrivit le glossyskin des névrites (1869). Elle

a été précisée par Weir Mitichell qui avait déjà montré leur importance

surtout dans les névrites traumatiques ne lésant que partiellement le nerf.

M. et Mme Déjerine et Mouzon (1) y sont revenus plus récemment et ont

insisté sur l'hyperkératose, l'hyperhydrose, l'exagération de la croissance

des ongles et des poils dans- les syndromes d'irritation. Mais ces auteurs

avaient en vue dans leurs descriptions les. grands syndromes d'irritation

à type causalbique-et non les syndromes frustes qui nous intéressent.

Les troubles trophiques portent aussi`souvent sur les os et les articula-

tions du membre supérieur, particulièrement celles des doigts (obs. IV

et V). Celles-ci s'ankylosent, sedéfonment, s'élargissent, prennent l'aspect

clinique du rhumatisme chronique. La radiographie montre en pareil cas

que l'ankylose est d'ordre fibreux et non osseux, caries interlignes articu-

laires ne sont pas effacés. Rappelons que M. et Mme Déjerine ont observé

et décrit des troubles et déformations analogues dans le cours de névrites

irritatives du médian. Mais dans leurs observations, il s'agissait de vraies

causalgies. On ne saurait donc trop insister sur la fréquence des troubles

trophiques dans les syndromes frustes d'irritation du plexus brachial.

Leur importance n'est nullement parallèle aux autres manifesta lions de

l'irritation nerveuse et en particulier à la douleur. ,

Les troubles de la sensibilité en paieil,cs sont assez peu marqués. Il y

a hypoesthésie au contact et à la piqûre sur une partie ou la totalité du

membre atteint. Il est d'ailleurs souvent difficile de préciser s'il s'agit

.

d'anesthésie organique ou fonctionnelle.

Les réflexes tendineux ou périostes restent normaux, ne décelant pas

par conséquent une atteinte nerveuse grave.

L'évolution de ces troubles constitue un autre de leurs caractères. Ils

sont fixes et persistants. Les observations que nous avons réunies ont

été prises respectivement ? , 10, 11, 1-3, 17 mois après le traumatisme,

et les blessés ne paraissaient pas à ce moment s'orienter vers la guérison.

L'examen électrique des muscles et nerfs par les méthodes classi-

ques ne révèle en général aucune modification des réactions. Il n'y a ni

signe de dégénérescence, ni modification apparente de l'excitabilité galva-

nique et faradique. -

On est ainsi amené à faire le diagnostic de troubles réflexes purs du

(1) Presse médicale, 1915, nos 31 et 40 ; 8 juillet et 30 août, Les lésions des gros

troncs nerveux des membres par projectiles de guerre. 1

LES SYNDROMES FRUSTES D'IRRITATION. DU PLEXUS BRACHIAL 355

type de ceux qu'ont décrit MM. Babinski et Froment. On y est d'autant

plus porté que les atrophies et parésies musculaires sont habituellement.

importantes, qu'elles prédominent soit à l'épaule, soit la main, qu'elles

sont quelquefois compliquées de contractures isolées de tel ou tel muscle

dumembre supérieur, qu'il existe enfin des troubles trophiques considé-

rables de la peau et des os et que tout ce syndrome contraste singulière-

ment avec l'absence de toute modification des réactions électriques.

La participation du plexus brachial dans la genèse des troubles obser-

vés peut être mise en lumière par un examen clinique plus soigneux et

par les nouvelles méthodes d'électrodiagnostic.

Cliniquement la lésion du plexus brachial est démontrée par l'exis-

tence de douleurs sur le trajet des troncs nerveux. Dans des cas assez

rares (obs. IV),,les douleurs sont sponlanées. Elles passent alors pour des

douleurs rhumatismales, sont exagérées par les changements de tempéra-

ture et surtout par le froid, par le mouvement et la fatigue. Elles n'ont

jamais le caractère de violence qui caractérise les causalgies et les grands

syndromes d'irritation et qui ne laissent aucun doute sur l'origine ner-

veuse des accidents. Le plus souvent même, les.douleurs spontanées man-

quent complètement, et c'est encore un caractère dp similitude avec les

syndromes Babinski-Froment. Il faut révéler par la pression digitale

l'hyperesthésie du tronc nerveux. On constate ainsi que le sujet est désa-

gréablement impressionné par la pression au niveau du point d'Erb du

côté malade et même quelquefois du côté sain. La même constatation peut

être faite pour les autres troncs nerveux du bras, médian, radial, circon-

flexe. II n'est d'ailleurs pas fatal que tous les nerfs du bras soient simul-

tanément et également douloureux. Le plus souvent, il n'en est qu'un ou

deux qui soient anormalement sensibles. En tous cas, cette hyperesthésie

constitue la constatation, clinique fondamentale du syndrome, celle qui

empêche l'erreur de diagnostic. r

En ce qui concerne le médian, l'hyperesthésie nerveuse peut encore

être mise en lumière par un autre signe que nous avons décrit (1) sous le

nom de a signe de l'élongation douloureuse ». Il consiste en ce que toutes

les manoeuvres tendant à produire l'élongation du nerf sont désagréables

ou franchement douloureuses pour le blessé. Ainsi en est-il de l'hyperex-

tension des.doigts sur la main, de la main sur l'avant-bras et de l'avant-

bras sur le bras. Parfois encore la douleur provoquée parcelle manoeuvre

retentit jusqu'au point d'Erb et se trouve objectivée par une dilatation

brusque et passagère de la pupille.

(1) M. CHIRAY et E. ROGER, Le signe de l'élongation douloureuse dans la névrite

irritative du médian. Soc. de Neurologie, 1918.

356 CHIRAY, BOURGUIGNON ET ROGER

La lésion du plexus brachial peut également être mise en lumière

par les procédés modernes d' électrodiagnostic, alors que les méthodes

classiques ne donnent aucun résultat. z

Ces procédés modernes couramment mis en oeuvre au Centre neurolo-

gique de la Xe Région par l'un de nous sont au nombre de deux :

1° La détermination des rapports des seuils de l'onde induite d'ouver-

ture et de fermeture mesurés en' quantité d'électricité (indice faradique

de vitesse d'excitabilité, procédé Bouruignon-Laugier)

2° La mesure de la chronaxie et du temps utile(I'rocéclé Bourguignon)(1),

Ces méthodes permettent de mettre en évidence l'existence de certaines

altérations de l'excitabilité des nerfs et des muscles que les méthodes clas-

siques ne laissent pas constater. Elles donnent une base objective au syn-

drome que nous décrivons, syndrome fruste d'irritation qui n'a, d'autre

part, comme base clinique qu'un phénomène subjectif, la douleur.

1° La détermination du rapport des seuils de Tonde induite d'ouver-'

t2lre et de fermeture mesurés en quantité d'électricité, ou, comme nous

disons par abréviation, le rapport des seuils du chariot d'induction, ou

mieux encore, l'indice faradique de vitesse d'excitabil.té permet de cons-

tater dans les cas d'irritation fruste du plexus brachial une légère éléva-

tion de ce rapport. La variation du rapport peut être due à la variation

des deux seuils ou seulement de l'un des deux.

Dans l'observation IV, par exemple, nous trouvons pour l'adducteur du

petit doigt du côté malade comme seuil d'ouverture 68, comme seuil de

fermeture 991, le rapport des deux seuils donnant H ,6. Du côté sain,

le seuil d'ouverture est 68, le seuil de fermeture 86 et le rapport donne

12,1. On voit donc ici que le seuil d'ouverture est le même pour le mus-

cle malade et pour le muscle sain. C'est le seuil de fermeture qui diffère,

s'étant élevé sur le muscle malade et'faisant varier le rapport.

Cette variation du rapport des seuils qui s'élève ici est l'inverse de

celle que l'on trouve habituellement dans les dégénérescences proprement

dites, c'est-à-dire dans celles que confirme l'examen par les méthodes

classiques d'électrodiagnostic. Dans ces cas, en effet, le rapport des seuils

s'abaisse.

po La chronaxie et le temps utile. ,

La chronaxie, terme introduit dans la science par Lapicque, est le temps

pendant lequel le courant doit passer pour donner le seuil avec l'intensité

(ou'le voltage) double de celle qui donne le seuil avec un courant prolongé

(Rhéobase). Lapicque la désigne par la lettre r. Bourguignon a donné le

moyen de la déterminer chez l'homme avec les décha-rges Ge condensateurs,

(1) G Bourguignon, Détermination delà chronaxie chez l'homme. C. R. de la Soc.

de biologie, le, juillet 1916 ; C.R. de l'Académie des Sciences, Il juillet 1916.

' "" ? "

LES SYNDROMES FRUSTES D'IRRITATION DU PLEXUS BRACHIAL 357 ?

Elle peut être mesurée soit sur le nerf, soit sur le muscle, tant au point

moteur que par excitation longitudinale.

Le temps utile est le temps minimum nécessaire-pour obtenir le seuil

avec la plus petite intensité de courant galvanique. En d'autres termes,

c'est le temps minimum pendant lequel le courant doit passer pour avoir

le seuil galvanique classique,' Le temps utile est désigné par la lettre T.

Pratiquement, le temps utile peut être recherché soit avec lechronaximètre

de Lapicque, soit avec les condensateurs. Le rapport du temps utile à la-

chronaxie est sensiblement constant. Il est environ de 1 à 10.

Dans les syndromes frustes d'irritation du plexus brachial, on

trouve toujours une modification de l'une ou l'autre des deux valeurs, et

leplus souvent des deux. En général, la chronaxie devient plus petite que

la normale, tandis que le temps utile devient plus grand. Par exemple

(obs. II sur le biceps), nous trouvons r = 0,00007. sec. et T = 0,0055

sec, au lieu des chiffres normaux T = 0,00011 sec. et T = 0,0011 sec.

Il y a eu, dans ce cas, variation en sens inverse de la chronaxie qui est plus

petite et du temps utile qui est plus grand. Dans-d'autres cas (obs. 1 sur

le biceps), nous trouvons : T = 0,00006 sec. et T = 0,0006 sec. La

variation est ici symétrique. L'anomalie résulte seulement de ce que les

deux chiffres sont.anormalement petils. On peut enfin trouver ^Observa-

tion II sur le long supinateur) : r = 0,00011 sec. et T = 0,006 sec. Dans,

ce. cas, la chronaxie est normale, le temps utile est élevé. - -

Ces différentes constatations, diminution de la chronaxie et augmen-

tation du temps utile, séparées ou associées, correspondent à une destruc-

tion de l'homogénéité du muscle, certaines libres devenant plus rapides,

tandis que d'autres deviennent plus lentes. Pratiquement, elles sont du

même ordre, à l'intensité près, que celles qu'a observées l'un de nous

dans les syndromes d'irritation (1). On peut d'ailleurs passer dans les cas

qui nous occupent de ce type de réaction d'irritation à celui de la dégé-

nérescence dans lequel augmentent la chronaxie et le temps utile. Nous

avons trouvé dans notre observation II un muscle plus malade que les

autres, le deltoïde, qui nous donnait 't" = 0,00044 secT et T = 0,0044

sec. au lieu de 0, 00011 et 0,0011 sec. un constate ici au point de vue

électrique le passage du syndrome d'irritation au syndrome de dégénéres-

cence. Mais il s'agit naturellement d'une dégénérescence très légère. ,

Ajoutons enfin que dans la mesure des variations de la chronaxie et du

temps utile, il faut tenir grand compte des changements de température,

d'autant plus que, dans les syndromes d'irritation, l'équilibre thermique

du membre est particulièrement instable. Des recherches en cours de

G. Bourguignon seront publiées sur ce sujet.

(1) G. Bourguignon, loc. cil,

358 CHIRAY, BOURGUIGNON ET ROGER

, De tout ceci ressort, en somme, que les procédés modernes d'électro.

diagnostic mettent en évidence l'existence d'un syndrome d'irritation

léger du plexus brachial dans des cas d'atrophie musculaire, de parésies et

de troubles trophiques du membre supérieur pour lesquels les anciens

procédés d'électrodiagnostic ne révélaient aucune lésion. Ces constata-

tions corroborent la donnée clinique que fournit l'hyperslhésie des troncs

nerveux à la pression.

Les syndromes frustes d'irritation du plexus brachial nouspamis.

sent donc avoir une existence démontrée. Au point de vue clinique,

ils rappellent avec atténuation ce que l'on voit dans les grands syndromes

d'irritation. C'est, en plus petit, les mêmes atrophies musculaires, les

mêmes troubles trophiques cutanés, osseux ou articulaires. L'hyperesthésie

atténuée des troncs nerveux, l'existence de douleurs pseudo-rhumatismales

achèvent, dans certains cas, de constituer la ressemblance.

Au point de vue électrique, nous avons indiqué que les constatations

faites dans ces cas frustes sont de même ordre que cèlles qui appartiennent

aux grands syndromes d'irritation. (Causalgies de Weir-Mittchetl.) Re-

marquons que la mesure de la chronaxie du temps utile ou de l'indice

faradique de vitesse d'excitabilité permet de déceler de légères lésions

nerveuses que n'accusent pas les procédés classiques. Ainsi, nous voyons

disparaître cette anomalie, la coexistence de symptômes cliniques impor-

tants avec des réactions électriques normales. ,

Nous nous sommes enfin demandés quels rapports pouvaient avoir les

faits qui nous occupent avec ceux qu'ont décrit MM. G. Guillain et

J. A. Barré (1) sous le nom de névrite irradiante. Ils sont vraisemblable-

ment de même nature. Mais dans la névrite irradiante de Guillain et

Barré, les manifestations irritatives sont patentes. Outre la douleur, on

constate des contractures importantes, de l'exagération des réflexes, leur

diffusibilité, l'hyperexcitabilité musculaire à la percussion. Nos observa-

tions ont une expression clinique beaucoup plus atténuée. Ce qui domine,

ce sont la parésie et surtout l'atrophie musculaire, les troubles trophiques

cutanés et ostéo-articulaires; Les douleurs sont légères et demandent à

être recherchées, les modifications de l'excitabilité électrique difficiles à

mettre en évidence. Nous croyons donc qu'il s'agit de phénomènes de

même nature se présentant sous deux aspects cliniques différents. Il est

par conséquent légi time de décrire à côté de la névrite irradiante à graves

symptômes un syndrome fruste d'irritation du plexus brachial. On trou-

vera vraisemblablement d'ailleurs tous les intermédiaires entre ces deux

formes cliniques extrêmes, c'est ce que l'avenir nous apprendra.

(1) G. GUILLAIN et J. A. BARRÉ, La névrite irradiante. Bulletin et Mém. de la Soc.

des hôp., 11 avril 1916, no 525.

LES SYNDROMES frustes d'ihrltation du plexus brachial 359

Observation. 1. -

De P... Jean. Tiraillement du membre supérieur droit par retour de

manivelle. Atrophie et parésie prédominant sur les muscles périscapulaires,

trapèze, deltoïde, grand pectoral, biceps. Douleurs spontanées légères. Au-

cune modification des réactions électriques par les méthodes classiques. La

participation du plexus brachial (C V et C VI) est démontrée cliniquement

par la douleur à la pression des divers éléments du plexus brachial et élec-

triquement par la diminution de la chronaxie du biceps.

Etiologie. Blessé en avril 1916 par un retour de manivelle; au lieu de

lâcher celle-ci, il l'a serrée et le bras entier a été entraîné et fortement tiraillé.

Douleurs et gêne consécutive dans le bras. Augmentation progressive des

symptômes vers le mois d'août. Le blessé est obligé d'abandonner le volant.

Etat en décembre 1916. - La malade présente une impotence fonction-

nelle de l'épaule droite, de l'avant-bras et de la main, prédominant à l'épaule.

Une atrophie musculaire nette complique celle parésie. Elle est surtout mar-

quée dans les muscles périscapulaires, trapèze, grand pectoral, deltoide, moins

intense au niveau du bras et encore plus faible à l'avant-bras où elle ne reste

perceptible qu'au niveau des muscles épicondyliens. Les muscles atrophiés ont

une consistance nettement diminuée. Le blessé accuse quelques douleurs spon-

tanées dans le membre atteint, sous forme de lancers et de fourmillements sur-

venant surtout la nuit et aux changements de temps. La main du côté malade

est nettement refroidie. On ne constate aucune lésion articulaire.

L'examen électrique par les procédés classiques montre des réactions nor-

males faradiques et galvaniques pour tous les muscles périjcapu ! aires et bra-

chiaux, pour le plexus brachial et les troncs nerveux du bras.

La participation du plexus brachial est démontrée cliniquement par l'

l'hyperesthésie à la pression du poiut d'Erb, du nerf circonflexe, du nerf radial

à la gouttière humérale et au niveau de la tête du radius. Les troncs du média u

et du cubital ne sont pas douloureux. De plus, tous les muscles atrophiés sont

légèrement sensibles à la pression. La distribution des lésions permet d'incri-

miner G V et C VI.

La participation du plexus brachial est démontrée électriquement d'autre

part par l'étude de la chronaxie et du temps utile. L'étude des seuils du cha-

riot d'induction n'a pu être faite. La chronaxie du biceps T est de 0,00005 sec.

et le temps utile (T) de 0,0006 sec. au lieu de 0,00011 et de 0,0011. La chro-

naxie du biceps est donc plus petite que la normale, le temps utile également.

Dans les syndromes d'irritation, la chronaxie diminue en général.

Le long supinateur a, dans le cas présent, des réactions normales.

360 CHIRAY, BOURGUIGNON ET ROGER

. Observation IL

V ? Pierre Marie. Lésion par balle dans la région du plexus brachial.

Paralysie et atrophie prédominant sur les muscles périscapulaires. Aucune

modification des réactions électriques par les méthodes classiques. Aspect

clinique du syndrome Babinski ? romeal.

La participation du plexus brachial est manifestée par la douleur à la

pression au niveau des divers éléments de ce plexus. L'étude de la chronaxie

et du temps utile démontre l'existence d'un syndrome d'irritation.

Etiologîe. Blessé le 3 octobre 19)4 par balle de fusil entrée au niveau

du creux sous-claviculaire droit à trois travers de doigt au-dessous du tiers'

moyen de la clavicule et sortie au niveau du pli axillaire postérieur. Large plaie

d'entrée intéressant la sous-clavière. Ligature de ce. vaisseau. Guérison et

retour au front. Seconde blessure par commotion le 2 juillet 1916.

Etat le 15 novembre 116. - Parésie avec atrophie du membre supérieur

droit prédominant à l'épaule. La paralysie et l'atrophie des muscles périsca-

pulaires est telle que les mouvements d'élévation et de rétropulsion du bras sont

impossibles. L'antëpulsion est moins complètement supprimée. L'atrophie est

d'ailleurs compliquée pour le grand pectoral d'une large perte de substance.

L'articulation de l'épaule reste indemne. Au niveau du bras, existe aussi de

l'atrophie et de plus les muscles -sont plus mous que du côté sain, mais les

mouvements normaux sont possibles quoique diminués de force. A l'avant-bras

existe un peu d'atrophie. Au poignet, les mouvements de flexion-extension sont

bons. Pour la main, les mouvements de flexion des doigts paraissent très

diminués de forcp, particulièrement pour les trois premiers. Les mouvements

des muscles de l'éminence thénar sont également incomplets et à ce niveau on

constate peut-être un peu plus d'atrophie.

Dans l'ensemble, parésie et atrophie diffuses du membre supérieur droit

prédominant à l'épaule d'une part, et d'autre part, prenant à peu près à l'avant-

bras la localisation du médian.

Des troubles trophiques superficiels existent en outre et produisent des

modifications des doigts qui sont légèrement effilés avec des ongles un peu

incurvés.

Enfin on constate à la main des troubles circulatoires importants liés la la

ligature de la sous-clavière.

L'élude des réactions électriques faite le 28 juillet elle 15 novembre montre

par les procédés classiques des réactions normales pour les trois nerfs du bras,

à l'avant-bras et à la main. Il n'existe aucun signe de R. D., même pour le

médian, aurun galvanotonus, aucune élévation des seuils. On pourrait donc

conclure une atrophie réflexe type Bahinski-Froment.

La participation du plexus brachial est mise eu évidence cliniquement

par l'existence de douleurs à la pression au niveau du point d'Erh, du mé-

dian, du radial et du circonflexe.

LES SYNDROMES FRUSTES D'IRRITATION DU PLEXUS BRACHIAL 361

Elle est confirmée par la mesure de la chronaxie et du temps utile. Ces

recherches donnent les résultats suivants :

362 CHIRAY, BOURGUIGNON ET ROGER

également difficiles. On se heurte à des raideurs articulaires. Au poignet,

l'extension atteint à peine l'horizontale; elle est arrêtée'par la contracture

du grand palmaire; la flexion est bonne et résistante. L'abduction est nulle,

l'adduction assez marquée, la pronation et la supination sont presque inexis-

tantes. Au coude et'à l'épaule on constate une mobilité normale.

Les troubles trophiques et vaso-moteurs de la main sont importants.

Les examens électriques pratiqués à plusieurs reprises le 29 janvier, le

4 avril et le 21 août ont montré des réactions normales par les méthodes classi-

ques au galvanique et au faradique dans tout le domaine du membre supérieur

droit.. 1

Il semble donc qu'on ait affaire à un syndrome d'atrophie et parésie réflexe.

La participation du plexus brachial est manifestée cliniquement par l'hyper-

esthésie à la pression au nivean du point d'Erb et da médian. Les autres

éléments nerveux ne sont pas. douloureux. Il n'existe auc ne douleur spon-

tanée. ..

La participation du plexus brachial est démontrée électriquement par la

mesure du rapport des seuils du chariot d'induction, La chronaxie et le temps

utile n'ont pu être cherchés, ce malade ayant été observé par nous à une

époque où cette méthode n'était pas encore décrite.

Le rapport des seuils cherché pour le médian à la main est anormalement

élevé. Pour le thénar, on trouve : côté malade = 11,3 et côté sain = 8,4.

L'élévation du rapport correspond à la diminution de la chronaxie. C'est

donc bien ce- que nous avons observé plus tard en faisant la mesure de la

chronaxie dans les syndromes d'irritation. En résumé, ces constatations permet-

tent d'affirmer l'existence d'un syndrome d'irritation pour C VIII et DI. ,

Observation IV (PL. LXI),

F... Ernest. - Contusion du membre supérieur gauche. Parésie et atl'o-

phie prédominant à t'épaule et à la main. Troubles trophiques cutanés dans

la région de l'épaule et du bras' (sclérodermie). Troubles trophiques muscu-

laires au niveau de la main (état pseudoparkinsonien des muscles de la

main). v

Participation du plexus brachial démontrée par de légères douleurs spon.

tanées et une forte hyperesthésie des troncs nerveux à la pression. L'examen

électrique ne révèle aucune lésion par les méthodes classiques et manifeste

un syndrome d'irritation par la mesure du rapport des seuils du chariot

d'induction.

Etiologie. Commotion et contusions multiples avec ensevelissement par

explosion d'une poudrière le 19 mai 1915. Dans la projection du corps, le

membre supérieur gauche a été fortement traumatisé. Il y a eu luxation de

l'épaule qu'on a réduite quinze heures après et consécutivement monoplégie

brachiale gauche qui a duré plusieurs semaines. -

Etat en février 1916. Le malade présente une paralysie incomplète

avec atrophie moyenne du membre supérieur gauche. Paralysie et atrophie

: \OU\" 1 1-1 1 [<'.n\HK,UAi'ii[i'' ni 1..\ S\1 R1 : .

T. XXVIII. PI.. 1 :

.SYNDROME DIRIZITAT10\ DU PLEXUS BRACHIAL

Ohs. II1 ? .,( w ? T ? r ? )

OI : 1'LLLt : ICONOGRAPHIE DE LA SALPÛTRILRË. T XXVIII. PL. LXI

SYNDROME D IRRL1'A'l'ION DU PLEXUS BRACHIAL (Obs. tV)

LES SYNDROMES FRUSTES D'IRRITATION DU PLEXUS BRACHIAL 363

prédominent d'une part au niveau du deltoïde ; d'autre part, à la main et aux

doigts. Il existe d'ailleurs de temps à autre du tremblement fibrillaire sur le

deltoïde et au niveau de l'éminence thénar. La motilité est moins atteinte

pour les muscles du hras. Le malade peut, avec une certaine force d'ailleurs,

plier l'avant-bras sur le bras et ce mouvement, surtout difficile au milieu de

sa course, provoque quelques douleurs. A signaler enfin comme autre trouble

moteur un tremblement total et intermittent de tout le membre supérieur

gauche, tremblement s'étendant parfois au membre inférieur du même côté.

L'importance des troubles trophiques doit surtout retenir l'attention. Ils

sont spécialement marqués au niveau de la main, et dans la région de l'épaule,

où prédominent les troubles moteurs. ,

La main présente un aspect spécial. Elle est comme contracturée dans le

prolongement de l'avant-bras, les doigts étendus et recroquevillés dans la

position classique de main d'accoucheur. Les doigts rigides sont effilés et les

ongle- incurvés et cassants. Sur leur face dorsale on voit des croûtes épider-

miqnes épaisses et jaunâtres et leur face palmaire exhale une forte odeur de

macération. Toute la main est froide, humide et violacée. Quand on mobilise

ces doigts, on constate qu'ils conservent l'attitude donnée. Il ne s'agit donc

pas de contracture comme il semblait d'abord, mais d'un trouble trophique

très spécial des muscles rappelant l'état parkinsonien et correspondant sans

doute à d'importantes modifications structurales.

A niveau de l'épaule et du bras, surtout sur la face externe, existent des

troubles trophiques cutanés sous forme de sclérodermie. La distribution de

celle-ci correspond assez exactement au territoire cutané du plexus brachial

supérieur, moins l'avant-bras Sur toute cette zone, la peau est dure, épaissie,

. rebelle à tout plissement et en outre ichtyosique. On constate également à ce

uiveau un dermographisme marqué qui d'ailleurs se retrouve, quoique moins

accentué, sur tout le territoire cutané.

L'irritabilité de la peau est telle qu'on a dû renoncer au massage qui, outre

qu'il était douloureux, déterminait un véritable oedème de la région. Les poils,

très développés chez ce sujet, se détachent avec une extrême facilité sur toute

la zone malade, à tel point que l'intérieur de la manche de chemise en est

parfois rempli.

Enfin la sécrétion sudorale est plus marquée dans l'aisselle gauche et aussi

par la face palmaire de la main malade, d'où l'odeur spéciale de macération.

La sensibilité objective au contact et à la piqûre est diminuée dans toute

l'étendue du membre supérieur. Mais il est difficile de préciser s'il s'agit d'une

anesthésie hystérique ou organique.

Les réflexes sont égaux de deux côtés, en particulier le réflexe olécrânien

qui a été recherché à plusieurs reprises et avec soin. Quant au réflexe radial,

il est peut-être un peu moins fort à gauche.

L'examen clinique ne révèle aucune lésion qui soit susceptible de rendre

compte des symplômes observés.

La circulation est normale et les deux poufs radiaux ont une pression de

12-18. L'articulation de l'épaule semble cliniquement et radiographiquement

364 Il CHIRAY, BOURGUIGNON ET ROGER

saine ; pourtant l'épaule gauche est un peu plus haute que la droite. De

ce côté, le triangle sous-claviculaire-paraft moins déprimé et les faisceaux

supéro-externes du trapèze plus saillants. Cette asymétrie est due sans duute

à une légère contracture de défense des muscles élévateurs contre la douleur.

Aucun autre trouble organique nerveux n'est à signaler chez ce malade quia,

d'une façon générale, des réflexes forts et une tendance au faux clonus uévro-

apathique :

L'examen électrique du plexus brachial par les méthodes ordinaires ne

révèle, malgré l'importance des signes cliniques, que des symptômes insigni-

fiants. Tous les muscles du domaine atteint ont des contractions vives.

On pourrait donc conclure aune atrophie avec parésie réflexe, type Ba-

binski-Froment. -

La participation du plexus brachial est rendue manifeste par les douleurs

spontanées et provoquées, surtout par celles-ci. Spontanément le blessé souffre

vaguement dans l'épaule, surtout aux changements de temps et par le froid.

La chaleur lui convient mieux. Mais ce sont surtout les douleurs provoquées

qui sont caractéristiques. Tout mouvement, par exemple la flexion de l'avant-

bras sur le bras, détermine des douleurs le long des racines du plexus brachial

depuis le point d'Erb jusqu'au-dessous de la clavicule. Même les mouvements

légers sont pénibles ; quand le blessé monte un escalier, il prétend que « cela

retentit dans l'épaule ». Il n'est pas jusqu'à la mobilisation passive de l'épaule

qui ne-paraisse douloureuse. A plus forte raison, les pressions même légères

sont-elles mal supportées. Ainsi en est-il du contact de l'omoplate sur le tra-

versin pendant la nuit et, le jour, de la pression de la capote sur les épaules.

Cette pression est si désagréable que le sujet préfère ne pas sortir. Nous

avons indiqué que le massage n'avait pu être supporté. Disons enfin que les

émotions, le sursaut causé par la chute inattendue d'un objet, provoquent

également un retentissement douloureux.

L'examen objectif du plexus brachial met aussi en lumière l'origine ner-

veuse de ces douleurs. Le point d'Erb, le circonflexe, le médian, sont en

effet nettement et électivement douloureux à la pression digitale. Au niveau

du point d'Erb, la pression paraît même intolérable. Il existe en outre une

légère, dilatation de la pupille gauche, ce qui traduit sans doute l'irritation

du sympathique au niveau du plexus lésé.

L'origine nerveuse du syndrome peut être mise en lumière par les nouvelles

méthodes d'électro-diagnostic..La mesure de la chronaxie n'a pu être faite,

cette observation étant antérieure l'époque où le procédé a été décrit. Mais

l'étude du rapport des seuils faradiques montre un mélange de lésions irrita-

tives légères et de lésions dégénératives.

Pour le cubital, il y a élévation du rapport, signe d'irritation. On trouve

en. effet pour ce nerf par l'adducteur du cinquième doigt, côté sain : 12,1

côté malade : 14,6. '

Pour le médian et pour les muscles du groupe radiculaire supérieur, il y a

~ une certaine baisse du rapport, ce qui correspond à un léger état dégénératif.

Le médian donne : côté sain : 13,7 ; côté malade : 11,6.

\oc;wrr.m : Ic : owcR.weirn m rv Sw.rf11211·.R1 : . I`. \\V111, l'L. L\II

SYNDROME O'IJUUTA'j 10 : -1 I)U PLEXUS BRACHIAL

Obs. V

(Chirav 1'/ Bourguignon .)

MM55on & Cie, Edncurs ? - - ? e ? KKS

LES SYNDROMES FRUSTES D'IRRITATION DU PLEXUS BRACHIAL 365

. Le biceps donne : côté sain : 17,2 ; côté malade : 13.

Le long supinateur : côté sain : 14,7 ; côté malade : 13,7.

Dans l'ensemble, ces constatations confirment l'existence d'une lésion mi-

irritative, mi-dégénérative du plexus brachial.

Observation V (PI. LXII).

J... Joseph. Traumatisme violent du bras. Douleurs consécutives de

l'épaule et de la main. Troubles trophiques de la main sous forme d'un

pseudo-rhumatisme chronique. Réactions électriques normales. Participation

du plexus brachial démontrée par l'existence de douleurs à la pression au

niveau du point d'Erb et du tronc du médian.

Etiologie.- Contusions violentes par éboulement de tranchée le 5 juin 1915.

Le bras droit est spécialement atteint, garde un oedème notable pendant plu-

sieurs semaines et reste le siège de douleurs d'abord et surtout au niveau de

l'épaule, plus tard la main.

Elat en mars 1916. - Les troubles sont localisés à la main et sont surtout

d'ordre trophique'. En effet, la force musculaire du bras droit n'est que légè-

rement diminuée; mais la main est modifiée dans ses fonctions et dans son

aspect. On constate extérieurement de grosses déformations des articulations

métacarpo-phaiangipnnes et phalango-phalangifiiennes. Ces articulations sont

déformées et épaissies transversalement comme dans le rhumatisme chroni-

que. Les doigts sont en extension permanente et ne peuvent se plier ni active-

ment ni passivement. La limitation du mouvement est due non à une contrac-

ture, mais à une ankylose totale des articulations métacarpo-phalangiennes et

phalango-phalanginiennes, subtotale pour les articulations phalangino-phalan-

gettieunes. Il s'agit d'une ankylose fibreuse et non osseuse, car la radiographie

ne montre aucune altération osseuse. c

Les troubles trophiques portent également sur la peau qui est lisse, amincie

et plaquée sur les phalanges.

L'examen électrique par les méthodes classiques donne des réactions galva-

niques et faradiques normales pour tous les nerfs et muscles du plexus brachial.

Les troubles trophiques de la main pourraient donc être considérés comme

d'ordre réflexe si l'on n'examinait le plexus brachial.

La pression digitale au point d'Erb et au niveau du médian détermine une

sensation douloureuse, preuve clinique de l'atteinte nerveuse. Î .

Il n'a pu être pratiqué chez ce blessé aucun examen par les nouveaux pro-

cédés d'électrodiagnostic. Mais il est vraisemblable que, comme dans les pré-

cédentes observations, on aurait trouvé une altération de la chronaxie, du

temps utile et de l'indice faradique de vitesse d'excitabilité.

xxvm - 25

CONTRIBUTION AU DIAGNOSTIC

DES LÉSIONS TRAUMATIQUES DU PNEUMOGASTRIQUE

- PAR ,

MM. COLLET et PETZETAKIS.

1

Le diagnostic des lésions traumatiques unilatérales du pneumogastrique

cervical peut être quelquefois embarrassant. Leur principal symptômeest

l'hémiplégie laryngée du côté correspondant, et cette hémiplégie est

facile à mettre en évidence, sinon par les troubles de la voix qui ne sont

pas toujours appréciables, au moins par l'examen au laryngoscope; mais

la lésion du nerf récurrent peut amener des troubles moteurs laryngés

analogues. Le siège anatomique de la blessure et les phénomènes cardia-

ques dont il va être question plus loin fournissent déjà une très- forte

présomption en faveur d'une lésion du tronc du pneumogastrique, mais

nous avons pensé pour plus de certitude à utiliser la recherche du réflexe

oculo-cardiaque connu dans ces derniers temps grâce à une série de tra-

vaux français qui ont montré l'importance de son application à la clini-

que (1).

A l'état normal chez l'homme ou chez les animaux, le réflexe se traduit

par un ralentissement du rythme, très variable suivant les individus : de

5, 10, 15 pulsations par minute. Mais quelles sont les voies de ce réflexe ?

L'un de nous a montré qu'après injection d'atropine, au maximum de

l'action de ce poison (vingt à trente minutes), le réflexe oculo-cardiaque

disparaît; or, comme nous savons que l'atropine, au moins à un moment

donné, paralyse les éléments cardiomodérateurs du vague, on pourrait

déjà en inférer que la voie centrifuge est le pneumogastrique. En réalité,

les choses sont beaucoup plus complexes et d'ailleurs l'atropine n'est pas

1

(1) Consulter les travaux suivants : Petzetakis, Le réflexe oculo-cardiaque à l'état

normal. Société médicale des Hôpitaux de Paris, 27 mars ]914, p. 562 ; Une nouvelle

épreuve, l'épreuve de la compression oculaire. Société de Biologie, il décembre 1913.

Presse médicale, 28 février 1914 ; L'abolition du réflexe oculo-cardiaque par l'atropine.

Société de Biologie, 14 février 1914, p. 247; Elude expérimentale sur les voies du

réflexe oculo-cardiaque. Société de Biologie, 25 avril 1914, p. 651 ; fié/lexe oculo-resfi-

ratoire et oculo-aaso-moteur. Société de Biologie, 14 février 1914, et Societé médicale

des hôpitaux de Paris, 1" mai 1914.

LÉSIONS TRAUMATIQUES DU PNEUMOGASTRIQUE 367

1

un poison spécifique de tel ou tel nerf. Les recherches expérimentales sur

les animaux étaient donc indispensables. Voici ce qu'elles nous appren-

nent. La section du trijumeau ou de sa branche ophtalmique fait dispa-

raître le réflexe : nul doute, par conséquent, que le trijumeau soit la voie

centripète. D'autre part, la section du pneumogastrique abolit le réflexe ;

ce nerf représente donc la voie centrifuge. Mais le phénomène est plus

compliqué; en effet, après la section des nerfs vagues on peut voir une

légère accélération du rythme sous l'influence de la compression occulaire,

constatation qui est évidemment difficile à faire, vu l'accélération qui

résulte déjà de la vagotomie. Cependant, sur des animaux qui ont sur-

vécu à cette section, alors que le rythme cardiaque quelque temps après

se régularise, on peut observer cette accélération. Par un artifice expéri-

mental, il est possible de démontrer que le sympathique participe au

réflexe : cet artifice consiste à faire une section de la moelle à la hauteur

de la 61 ou 7. vertèbre cervicale, dans le but de séparer les centres infé-

rieurs, pour la plupart accélérateurs, contenus dans la moelle dorsale des

centres supérieurs ou modérateurs. Dans ces conditions, la compression z

oculaire ne donne plus le ralentissement de 5 à 10 pulsations par minute,

mais des arrêts de 10, ils secondes, des phénomènes de dissociation auri-

cillo-ventriculaire ou même l'arrêt définitif du coeur si la compression se

prolonge. Cette expérience montre bien que le sympathique participe à

la voie réflexe. Du reste, la compression auriculaire est suivie d'autres

phénomènes, affectant la pression artérielle et la respiration, phénomènes

décrits sous le nom de réflexes oculo-respiratoire et oculo-vasomoteur, ce

qui indique que d'autres nerfs sont intéressés et que la compression ocu-

laire réalise une excitation qui par le trijumeau se transmet au bulbe où

elle influence des centres nombreux et voisins les uns des autres, notam-

ment les origines du vague et du sympathique dont l'irritation donne

naissance au réflexe oculo-cardiaque. Comme nous allons le voir dans la

suite, les faits cliniques que nous apportons contribuent à confirmer sur

ce point les recherches expérimentales en montrant que le réflexe oculo-

cardiaque est un réflxe ti-ijumeau-yago-sympatlilque. ,

Observation I.

Blessure du pneumogastrique gauche. V... Antoine, 39 ans, cultivateur,

soldat au 133° Territ., entré dans le service de M. Collet le 14 février 1916, a

été blessé le 3 février par un éclat d'obus qui a provoqué une fracture du nez.

La voix a été prise instantanément. Il présente une vaste plaie de la région

faciale et sinusale gauches avec écrasemeut du nez. Beaucoup d'éclats minus-

cules ont pénétré sur le côté gauche de la région cervicale et la radiographie

en montre au niveau de la face latérale gauche des vertèbres et en avant d'elles.

368 COLLET ET PETZETAKIS

D'après le siège delà blessure, il faut donc incriminer une lésion pneumogas-

trique et non du récurrent. La corde vocale gauche est en position cadavérique,

complètement immobile, la langue et le voile du palais sont intacts. L'aphonie

est absolue.

22 mai. Corde vocale gauche en position cadavérique. Pouls : 100-104.

Oss. 1.

Ons. 1.

28 août. Aphonie absolue et corde vocale gauche en position cadavérique.

Pouls : 116. -

20 septembre. L'aphonie paraît s'améliorer un peu et il semble qu'il y

ait une ébauche de compensation par la corde vocale droite. Pouls : 76.

25 octobre. Corde vocale gauche en position cadavérique.

17 novembre 1916. Pouls : 120 dans le décubitus dorsal. Réflexe oculo-car-

diaque, à gauche plutôt une légère accélération à 132 ou plus, à droite réflexe

normal, consistant dans un ralentissement de 15 à 20 pulsations par minute.

Observation IL Blessure du pneumogastrique gauche.

Min.... : , 20 ans, taille de 1 m. 62, ferblantier, soldat au 14e d'infanterie,

blessé le 8 juillet 1916 à ... par éclat d'obus. Entré dans le service de

LÉSIONS TRAUMATIQUES DU PNEUMOGASTRIQUE - 369

M. Collet le 25 juillet. 1916. Il y a eu transfixion de la région cervicale,

l'orifice d'entrée à la pointe de la mastoïde vers le lobule de l'oreille gauche,

l'orifice de sortie sur le bord antérieur du sterno-mastoïdien droit à un centi-

timètre environ au-dessous d'une ligne horizontale passant par le bord supé-

rieur du cartilage thyroïde ; l'examen du pharynx montre une plaie bourgeon-

nante de sa paroi postérieure à la hauteur de la base de la langue ; elle admet

le stylet qui pénètre peu profondément dans la colonne vertébrale.

L'examen pratiqué à l'entrée montre la corde vocale gauche absolument

immobile, mais de peu en dehors de la ligne médiane : la voix est aiguë dans

sa tonalité, couverte dans le bas, bien que le malade puisse encore chanter,

d'une voix très voilée il est vrai. Pouls : 106.

Il septembre. La corde vocale gauche est toujours un peu en dehors de

la ligne médiane, mais la droite se juxtapose, sauf an centre où l'excavation

de la corde paralysée est apparente. Pouls : 112.

20. Pouls : 108, voix normale, en se repérant attentivement on constate

que la corde gauche est en position cadavérique, mais la corde droite dépasse la

ligne médiane et se juxtapose à sa congénère.

16 octobre. Même constatation de l'immobilité de la corde gauche et de

l'obliquité de la glotte.

19. Pouls : 92,l'examen montre toujours la corde gauche rigoureusement

immobile. ' .. ' -

25. - Pouls : 108-120, même état de la plaie pharyngée, aucun trouble de

la motilité de la langue, du voile ou de ses piliers. La radioscopie du th6rax

(D' Barjon) ne montre aucune ombre anormale.

Ons. II.

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OBS. Il.

Ons. II.

LÉSIONS TRAUMATIQUES DU PNEUMOGASTRIQUE 371

17 novembre. - Pouls (couché) : 118, puis 132. L'arrêt respiratoire ne

modifie pas le rythme du pouls. Le réflexe oculo-cardiaque est intense à droite :

à gauche, 2 pulsations ont paru seulement retardées malgré une compression

prolongée.

Les tracés pris avant toute compression, dans le décubitus dorsal, montrent

une instabilité très marquée du pouls ; à quelques minutes d'intervalle, on voit

le rythme varier de 130 à 70, en même temps qu'on observe une légère aryth-

mie avec quelques rares extrasystoles. Sur le tracé, le réflexe oculo-cardiaque

du côté droit montre une diminution des pulsations d'une vingtaine par mi-

nute, avec arythmie et quelques extrasystoles ; du côté gauche, le réflexe est

inversé, il y a une accélération de quelques pulsations.

. Observation III. - Blessure du pneumogastrique droit.

Ch. Camille, 22 ans, taille Im.66, cultivateur. Soldat au 67e Chasseurs

alpin, entré le 22 avril dans le service de M. Collet. Blessé le 19 mars 1919 à

S... Plaie par éclat de grenade à la région latérale droite du cou. Troubles de

la respiration avec quintes de toux ayant nécessité une trachéotomie d'urgence

4 à 5 jours après : il s'agissait d'une toux quinteuse, durant quelquefois une

demi heure sans arrêt, avec reprise inspiratoire sonore simulant une sténose

du larynx. - '

1er mai 1916. - Corde vocale droite immobile, sur la ligne médiane, rouge,

l'aryténoïde basculé en avant : le gauche passe un peu en arrière et il y a

juxtaposition parfaite des cordes. Voix normale : motricité du voile du palais

intacte. Pouls : 114.

23. Pouls : 104, voix normale, corde vocale droite rouge, même position

de l'aTyténoïde gauche. La région cervicale présente deux cicatrices, l'une de

trachéotomie, l'autre de 1 centimètre 1/2 de large, dans la région thyroïdienne,

commençant à 2 centimètres de la ligne médiane.

31. - Corde vocale droite toujours immobile et roséè, un peu en dehors de

la ligne médiane. Pouls : 120.

4° septembre. - Corde vocale droite toujours rouge : l'aryténoïde gauche

passe en arrière du droit, assurant la compensation. 1

20. Même phénomène, mais la corde vocale droite commence à rede-

venir mobile.

Il octobre. - La corde droite est nettement mobile et toujours rouge,,la

corde gauche supplée à sou insuffisance, l'aryténoïde passant en arrière.

Voix subnormale. Pouls : 100.

20. Corde vocale droite beaucoup plus mobile toujours rouge, juxtaposi-

tion parfaite des lèvres de la glotte, grâce à la corde gauche qui dépasse un peu

la ligne médiane.

27. La radioscopie du thorax (D' Barjon) montre une légère obscurité

des sommets un peu plus marquée à gauche et en avant.

17 novembre. - Constaté à nouveau la mobilité relative de la corde droite et

la suppléance exercée par la gauche, l'aryténoïde gauche passant en arrière.

Pouls : 104.

372 COLLET ET PETZETAKIS

Sur les tracés du'pouls, la compression de l'oeil gauche montre une augmen--

LÉSIONS TRAUMATIQUES DU PNEUMOGASTRIQUE 373

tation énorme du réflexe oculo-cardiaque, se traduisant par des pauses de 5 à

10 secondes (voir le tracé). Après la reprise des contractions cardiaques et

malgré la cessation de la compression, le ralentissement persiste. La compres-

sion de foi ! droit donne deux ou trois pulsations un peu ralenties, au milieu

d'un rythme légèrement accéléré; on voudra bien remarquer que l'examen

laryngoscopique montrait ici un retour de la conduction nerveuse dans le

pneumogastrique : le ralentissement de quelques pulsations n'est donc pas

pour surprendre. -

Observation IV. - Blessure du pneumogastrique droit.

Ch... Marcel, 26 ans, soldat au 26e régiment d'intanterie, entré dans le ser-

vice de M. Collet le 6 juin 1916. Blessé le 6 avril 1916 à M... par éclat d'obus.

Plaie du côté droit de la nuque. Un obus. éclatant au-dessus de lui, un éclat-

est entré en arrière du sterno-cléido-mastoïdien droit, au tiers supérieur, et a

été extrait le 7 avril à T ? La voix aurait été prise de suite ; après extraction

du projectile, la voix est revenue progressivement. Pouls : 92 (il y a eu. une

Ons. IV.

Ous. IV.

374 COLLET ET PETZETAKIS

intermittence). La corde droite est immobile (oblique, à peine excavée) et la

corde vocale gauche arrive au contact. La luette est déviée à gauche, mais le

voile remonte droit. Langue bien tirée. Les cordes vocales sont un peu rouges.

18 juillet. La voix est enrouée, elle se fatigue vite et il devient alors

difficile de parler. Pouls : 76 à 80.

28 août 1916. - Voix normale. Pouls : 80, corde vocale gauche mobile,

corde droite rectiligne, sur la ligne médiane. -

11 septembre ? Pouls : 80, corde droite un peu rouge ; sur la ligne mé-

diane, immobile. · .

20. Malade à peine enroué, corde droite mobile, moins que la gauche, et

il y a juxtaposition parfaite. Pouls : 88.

25 octobre. - Voix normale. Pouls : 99.t Le tracé du pouls radial et de la

jugulaire montre qu'il n'y a pas de trouble de la conduction auriculo-ventricu-

laire, il n'y a qu'une accélération portant également sur les deux rythmes :

mais il y a instabilité du pouls très sensible sur la comparaison des différentes

tracés pris le même jour. La compression de l'oeil gauche donne un ralentisse-

ment très net, alors que celle de l'oeil droit montre quelques pulsations d'un

rythme plus rapide.

Observation V. Blessure du pneumogastrique gauche.

Ch... Jean Maurice, 31 ans, taille 1m. 74. soldat au 63e régiment d'infante-

rie, blessé le 22 juin 1916 à V..., entré dans le service de M. Collet le 3 sep-

tembre 1916. Son billet d'hôpital porte : plaie en séton de la face externe de

la cuisse droite, plaie en séton de la région scapulaire postérieure droite, plaie

pénétrante de la région latérale du cou, volumineux hématome, syndrome

d'hémiparésie alterne.

S'est présenté le 2 septembre à la consultation laryngologique de l'Hôtel-Dieu

pour aphonie.; à la fin de l'examen, il était simplement enroué. Langue tirée

droite, voile du palais normal. Pupilles à réactions égales. Pouls à il2. Em-

pâtement de la nuque à gauche. Ganglions au-dessous et en avant de l'angle

maxillaire gauche. Corde vocale gauche en position cadavérique, la corde vo-

cale droite dépasse la ligne médiane pour se juxtaposer, son aryténolde passant

un peu en avant de l'autre. '

La radiographie pratiquée le 9, septembre montre un petit éclat au-dessous

et en avant de l'angle maxillaire gauche.

11 septembre. Pouls : 92, corde vocale gauche en position cadavérique,

voix très enrouée, bien que la corde droite se juxtapose énergiquementà

l'aryténoïde opposé.

20. Corde gauche en position cadavérique, la droite se juxtapose éner-

giquement, l'aryténoïde passant en arrière, puis s'accolant dans toute la lon-

gueur. Pouls : 112.

25. Mêmes constatations.

22 novembre. Réflexe oculo-cardiaque : la tracé pris par M. Petzetakis

montre du côté droit un réflexe très net avec deux pauses ; à gauche, le ré-

LÉSIONS TRAUMATIQUES DU PNEUMOGASTRIQUE 375

llexe se traduit par une petite accélération visible sur les tracés sphygmogra-

phiques.

6 décembre. - Corde gauche en position cadavérique, la droite compense,

le blessé est toujours passablement enroué.

Comme on le voit dans ces observations, il s'agit de sujets portant, des

blessures de la région cervicale, sur le trajet anatomique du vague et

s'accompagnant d'une hémiplégie laryngée. Cette hémiplégie était sous

la dépendance du vague et non du nerf récurrent pour les raisons suivan-

376 COLLET ET PETZETAKIS

tes. Tous ces sujets qui ont été vus en général un mois après leur blessure

et suivis méthodiquement pendant plusieurs mois présentaient une accé-

lération du pouls allant jusqu'à 135, phénomène qui indique une lésion

du pneumogastrique, et une instabilité du pouls qui, sans devenir lent,

montrait cependant de grandes variations, au point que sans l'interven-

tion d'aucune cause appréciable il passait tout d'un coup de 130, à 100, à

90, à 80, ou de 120 à .75. De plus, survenait par période une arythmie

d'origine sinusale et dans d'autres cas on notait des troubles de l'excitabilité

cardiaque se traduisant par l'apparition de quelques extrasystoles. Cet

ensemble de constatations (accélération du pouls, instabilité du rythme,

arythmie, extrasystoles) permet déjà de soupçonner une lésion du vague;

la recherche du réflexe oculo cardiaque nous donne une preuve absolue de

la lésion de ce nerf. En effet, dans ces cinq observations, le réflexe ocu-

locardiaque, normal du côté opposé à la lésion et se manifestant par une'

diminution du nombre des pulsations, énorme dans quelques cas, ou par

des pauses, est au contraire absent ou même inversé dans la plupart

des cas, c'est-à-dire réalisant une légère accélération du rythme. Ce fait

ne peut s'expliquer que par l'hypothèse de la lésion unilatérale du pneu-

mogastrique, ce qui du reste concorde avec le siège de la blessure et la

présence de troubles moteurs laryngés. Nous y voyons aussi une confir-

mation des faits expérimentaux rappelés plus haut, démontrant que le

réflexe oculo-cardiaque est un réflexe trijumeau-vago-sympthique.

Nous conclurons : l°dans la recherche du réflexe oculo-cardiaque, nous

possédons un moyen très commode pour distinguer les paralysies larynx-

gées dues à la lésion unilatérale du pneumogastrique desparalysiesrécur-

rentielles. Si, du côté malade, le réJ1exe est nul (après s'être préalable-

- ment assuré qu'il existe du côté sain) ou légèrement accéléré, on peut se

prononcer en faveur d'une lésion du tronc du pneumogastrique ; 2° les

faits ci-dessus et notamment l'accélération démontrent que les voies cen-

trifuges du réflexe oculo-cardiaque sont à la fois le vague et le grand sym-

pathique.

UN CAS DE NÉVRITE HYPERTROPHIQUE DE L'ADULTE

PAR

Maurice DIDE, - itemy COURJON,

Médecin-chef Médecin-traitant

du Centre neuro-psychiâtrique de la Ville armée.

La question de la névrite hypertrophique soulève encore aujourd'hui

assez de problèmes pour que les cas d'ailleurs très rares offerts à l'obser-

vation des neurologistes soient publiés et discutés.

Nous ne saurions prétendre,, vivant aux armées, à présenter une analyse

bibliographique au point et nous devons nous borner à l'exposé clinique.

Nous tenterons à l'occasion du diagnostic de déduire quelques consi-

dérations générales.

Observation.

A... Martial, de la classe 1893, soldat de 2e classe au 38" Territorial,

entre au centre de la VIIIe armée le 11 septembre 1917, avec le diagnostic :

« Atrophie progressive des muscles, des.mains et de l'avant-bras avec trem-

blement. »

Un examen sommaire nous montrait immédiatement que l'atrophie muscu-

laire, inégalement répartie suivant une topographie que nous préciserons,

s'associait à une hypertrophie considérable des gros troncs nerveux.

Les antécédents héréditaires sont peu intéressants ; on ne relève aucune

maladie similaire parmi les ascendants ou les collatéraux.

Le malade n'eut qu'un seul frère mort à 30 ans d'embolie sans avoir présenté

d'atrophie musculaire, de paralysie, ni de tremblement.

Lui-même marcha de bonne heure, s'éleva normalement et hormis une

fluxion de poitrine à l'âge de 4 ou 5 ans et une orchite traumatique survenue

vers 18 ans, il atteignit l'âge mûr jouissant d'une santé parfaite, apte sans

restriction aux^différents travaux de culture qu'il pratiquait dans la région de

Marmande.

Il est marié et père d'un enfant bien portant. -

D'après ses dires, sa femme souffrirait d'une impotence fonctionnelle ana-

logue à la sienne, une lettre adressée au médecin de la famille en vue d'obtenir

des précisions sur ce sujet demeure actuellement sans réponse.

Disons, pour n'avoir pas à y revenir, que toute hypothèse de syphilis' doit

être écartée en raison de l'absence de tout antécédent suspect et de la recherche

378 DIDE ET COURJON

négative du Wassermann dans le liquide céphalo-rachidien, exempt de lym-

phocytose et d'hyperalbuminose, et ceci élimine d'emblée l'hypothèse d'une

spécificité conjugale, encore que cette étiologie n'ait jamais figuré dans les

observations publiées de névrite hypertrophique.

Le début de la maladie, autant qu'on en peut inférer des dires du malade,

doit se placer au début de 1914. Il est formel dans ses déclarations : jusqu'à

l'année de la guerre, A... jouissait de l'intégrité de son activité physique : il

a constaté alors la formation de callosités à la face palmaire de la main gauche

et ressenti des fourmillements au niveau des articulations métacarpo-phalan-

giennes, à la face antérieure du poignet et irradiant vers la face interne du bras.

Il a souffert alors de spasmes pénibles à la moindre fatigue dans le bras

gauche qui le contraignaient à rectifier avec la main droite la ilexion involon-

taire du membre opposé.

La diminution de la force s'accentua progressivemenl de pair avec l'atrophie

musculaire qui creusait des sillons entre les métacarpiens, tandis que les masses

musculaires de la paume fondaient.

Mobilisé dès le début de la campagne, mais classé dans la catégorie des

inaptes. Tous les trois mois la décision est maintenue, sans que nous possé-

dions aucun document sur les diagnostics posés ; il ne semble pas que la nature

de l'affection- progressive ait été reconnue puisque en avril 1916, il est jugé

apte au service du front et versé au 39e régiment d'infanterie. Mais il est

incapable de servir dans une unité active d'autant plus que la main droite se

prend et que des tremblements intentionnels très accusés ont succédé aux

spasmes. Il commence même à être fatigué en marchant, au bout d'une heure

le pied gauche devient « lourd » et pose bruyammeut à terre la pointe tom-

bante.

Cet homme de 43 ans, en janvier 1917 passe au 52'' Territorial où il est em-

ployé au bureau du sergent-major. Il y fait de son mieux, mais des douleurs

spontanées comparables à des coups de poignard surviennent sur le trajet des

troncs nerveux. La main gauche en hiver reste toujours froide, contraignant le

malade au port continuel d'un gant. La gêne fonctionnelle devient telle que

pour couper sa viande ii doit saisir sa fourchette à poignée et fixer son avant-

bras contre son thorax, tandis qu'il emploie tant bien que mal le couteau de la

main droite.

Le 10 septembre 1917, A... passe au 38e Territorial d'où le lendemain même

le médecin du bataillon l'évacua sur un autre centre neuro-psychiatrique où

nous avons fait les constatation suivantes.

Examen clinique. L'attitude du malade attire l'attention : au repos il se

présente l'avant-bras gauche fléchi sur le bras et la main pendante, l'ensem-

ble restant collé à la partie antérieure du thorax. C'est volontairement que

A... prend cette position pour éviter un tremblement spontané qui le gêne.

A. L'atrophie musculaire apparaît dès qu'on regarde les mains : elle

affecte à ce niveau le type Charcot-Marie beaucoup plus accentué à gauche

UN CAS DE NÉVRITE HYPERTROPHIQUE DE L'ADULTE 379

qu'â droite où les interosseux, les éminences thénar et hypothénar ont presque

disparu. L'atrophie d'ailleurs dépasse sensiblement les extrémités distales,

mais est plus évidente à gauche; elle s'étend à l'avant-bras, du bras et à

l'épaule. Les mensurations comparées prouvent l'accentuatiou du processus

pathologique. - , - - -

380 DIDE ET COURJON

les résultats suivants : ayant porté comparativement sur les deux membres

supérieurs, sur les nerfs (cubital, médian, radial, circomplexe), l'excitabilité

faradique est obtenue des deux côtés ; le seuil de l'excitation est un peu plus

élevé à gauche qu'à droite, sans qu'on puisse parler d'hypo-excitabilité.

Tous les muscles tributaires de ces nerfs ont été examinés et en outre les

biceps-, le brachial antérieur. ,

On constate surtout à gauche un certain degré d'hypo-excitabilité faradique,

mais la contraction est obtenue sauf dans les éminences hypothénar et thénar,

les interosseux et les lombricaux où l'on note fara : 0.

Le courait galvanique donne constamment à droite N < P dans les grands

muscles ; tendances à l'égalisation dans ceux de la main avec contractions

bonnes.

Du côté gauche, on constate une tendance à l'égalisation polaire avec secous-

ses un peu lentes dans tous les grands muscles, mais jamais inversion de la

formule et excitabilité évidente entre 2 et 5 milliampères.

Au niveau des muscles de la main on n'obtient pas de réaction certaine

avec 10 milliampères.

En résumé, l'excitabilité électrique n'est modifiée nettement dans le sens de

la R. D. qu'à une époque où l'atrophie musculaire est telle que la réaction

perd beaucoup de la valeur séméiologique.

D.- L'appareil oculaire est normal : les pupilles sont égales et réagissent

normalement à la lumière et à l'accommodation.

Le fond de l'oeil est exempt d'altérations.

L'acuité visuelle est égale à 1.

E. On constate, d'autre part, un tremblement à l'occasion des mouve-

ments volontaires du niveau des membres supérieurs, ce tremblement esta

rythme lent et à larges oscillations avec deux maxima au début et à la fin

du mouvement. Il est tel à gauche que pratiquement l'utilisation du bras est

à peu près nulle ; le phénomène est nettement progressif. Comme l'atrophie,

il manquait d'abord complètement à droite et s'est installé insidieusement.

Le malade arrive, lorsque le mouvement est terminé, à immobiliser à peu

près sa main animée vers la fin du geste d'une véritable chorée. C'est donc un

type exclusivement cynctique du tremblement.

Des contractions fasciculaires spontanées s'observent dans les muscles

touchés.

F. La nsibilité objective n'est pas altérée ; on ne constate aucune zone

d'anesthésie, ni d'hypoesthésie. Les zones de Weber ne sont pas élargies ;

la perception stéréognostique et la sym,bolie tactile sont normales.

La sepsibilité subjective est fort atteinte et des douleurs spontanées du type

fulgurant éclatent sur le trajet de tous les troncs nerveux, avec prédilection

pour les régions atteintes par les troubles trophiques et moteurs. ,

UN CAS DE NÉVRITE HYPERTROPHIQUE DE L'ADULTE 381

Par ailleurs il se plaint de fourmillements intermittents particulièrement

aux mains. La pression des troncs nerveux est douloureuse, mais ne détermine

par de fourmillement dans les territoires innervés.

" f

G.- La palpation des nerfs les montre généralement augmentés de vo-

lump ; le cubital droit est particulièrement énorme, mais le gauche atteint t

presque le volume du petit doigt; le circonflexe est perceptible aisément des

deux côtés, de même que le nerf crural. Certains segments du tronc paraissent

plus épaissis que d'autres sans présenter jamais l'aspect de grains de chapelet.

L'hypertrophie des nerfs précède nettement les phénomènes d'atrophie et les

gros troubles fonctionnels.

Par ailleurs,l'examen des organes fournit peu de renseignements importants.

L'auscultation du coeur ne révèle-pas de lésions vàlvulaires ; la pression

artérielle est augmentée (20-14) ; peut-être est-ce à cette anomalie qu'il faut

rapporter des vertiges et des mouches volantes signalées de façon intermittente.

Il n'existe pas de symptômes urinaires bien nets : ni poliakyurie, ni polyu-

rie ; les urines examinées au point de vue chimique (qualitatif et quantitatif)

offrent une constitution moyenne, elles ne contiennent pas de bacilles acido-

résistants, peu d'éléments cellulaires et-des cristaux d'oxalate de chaux en

proportion assez importante.

Le foie, les intestins, les poumons fonctionnent régulièrement.

Nous aurons épuisé le malade au point de vue clinique lorsque nous aurons

signaléune certaine tristesse habituelle, un découragement marqué et parfois

des pleurs. On ne saurait rien voir là d'anormal si on songe que ce paysan

intelligent a subi depuis la guerre une odyssée pénible et qu'il assiste, devant"

l'impuissance de la thérapeutique, à l'évolution d'une maladie progressive qui

semble devoir le priver de son gagne-pain.

Discussion.

Si d'un coup d'oeil rapide nous envisageons les symptômes cardinaux

de l'affection décrite, nous devons retenir le syndrome caractérisé par :

1° L' atrophie musculaire à localisation distale, lentement progressive,

mais à prédilection unilatérale.

2° Des troubles de la motivité également progressifs suivant la même

topographie et caractérisés par un tremblement cynétique arrivant à réduire

dans d'importantes proportions la valeur fonctionnelle.

3° Des troubles de la sensibilité subjective (douleurs fulgurantes)

sans trouble de la sensibilité objective.

4° Une augmentation considérable des gros troncs nerveux.

Ce syndrome élimine d'emblée :

A) L'atrophie myélopathique par lésion intra-médu) taire en foyer

(syringomyélie, maladie de Morvan, hématomyélie) : en effet, si une topo-

. XXVIII 26

- 382 DIDE ET COURJON

graphie et un aspect semblable de l'atrophie peuvent s'observer en pareil

cas, elles comportaient des troubles de la sensibilité objective, notamment

là dissociation syringomyélique ou une hémianesthésîe apposée aux phé-

nomènes parétiques (syndrome de Brown-Séquard).

B) Les atrophies myopathiques qui possèdent dans la règle, une topo-

graphie proximale ; la forme Aran-Duchenne semble n'avoir été signalée

en pareil cas qu'en raison d'erreurs.

Les atrophies névritiques sont seules à retenir. Dans ce groupe, nous

pouvons éliminer d'emblée le type Charcot-Marie en raison de l'hyper-

trophie considérable des gros troncs nerveux, à moins d'admettre, comme

Raymond le suggéra en 1906, une phase hypertrophique primitive de la

névrite atrophique. Dans la maladie de Recklinghausen on observe, il est

vrai, une augmentation des troncs nerveux, en grains de chapelet (on se

souvient que chez notre malade l'hypertrophie est inégale et composéede

certains renflements). Mais dans ce syndrome on observe de façon cons-

tante des tumeurs de la peau, des taches de pigmentation spéciale ; d'autre

part, l'atrophie musculaire n'affecte jamais la topographie que nous

observons ici. ,

C'estavec la névrite hypertrophique (type Déjerine et Sollas) que notre

cas affecte les plus étroites analogies. Des différences doivent cependant

être signalées. ,

Nous observons le début à l'âge adulte, alors que dans les observations

relatées, c'est dans l'enfance que le syndrome commence. On peut objec-

ter, il est vrai, un début insidieux méconnu, il n'en reste pas moins indis-

cutable que les troubles fonctionnels étaient nuls, alors qu'il serait clas-

sique de les voir apparaître de très bonne heure.

D'autre part, ici, le début est nettement aux mains, alors qu'on estgéné-

ralement averti de la névrite hypertrophique .par des troubles de la

marche.

L'affection décrite à la Salpêtrière est héréditaire ou familiale, condition

qui manque ici.

Enfin des troubles oculaires, tels que le nystagmus et le signe d'Argyll

signalés comme fréquents, sont absents.

Nous ne signalerons qu'en passant l'époque tardive la il. D. dans

certains muscles : en effet, des cas publiés se rapportent à des individus

dont l'évolution est plus avancée ; il n'en reste pas moins d'un haut inté-

rêt dogmatique de retenir que des altérations de névrite hypertrophique

peuvent précéder de longtemps la R. D. 1

Marie et Boveri, reprenant un cas familial dont l'histologie pathologi-

que était due à Lhermitte, ont isolé un type à début tardif accompagné

d'incoordination ataxo-cérébelleuse, mais qui se confond par la majorité

des symptômes avec les cas classiques.

1,

UN CAS DE NÉVRITE HYPERTROPHIQUE DE L'ADULTE 388h A

Quoi qu'il en soit, la névrite hypertrophique classique se caractérise :

a) Par des signes de la série tabétique (Romberg, ataxie des membres

supérieurs, signe d'Argyll), ici limités au minimum.

b) Par des signes de la série cérébelleuse (asynergie, tremblement in-

tentionnel, nystagmus).

On note ici l'absence de troubles oculaires, et des troubles moteurs

différents.

é) Par des signes de la série névritique (steppage, amyotrophie distale)

qui ici sont au complet.

Déjerine (1) a d'ailleurs soutenu avec des arguments précis la probabi-

lité d'identité entre le syndrome de Marie et le sien.

Devant nous cantonner sur le terrain clinique ? Nous ne signalerons

que pour mémoire la lèpre dont il ne saurait à notre sens être question ici

en raison de l'absence de troubles sensoriels et de toute notion étiologique.

Des-exemples analogues au nôtre ne sont d'ailleurs pas impossibles à

découvrir et Long (2) (de Genève) en a rapporté un en 1906 sous le nom .

d'atrophie musculaire type Aran-Duchenne par névrite interstitielle

hypertrophique; le même auteur (3) publia en 1912 une deuxième obser-

vation superposable. Hoffmann (4) en 1912 tenta une synthèse de diverses

névrites hypertrophiques tant de l'enfance que de l'adulte rapportant un

cas de cette .dernière variété. '

Depuis que nous avons rédigé les notes publiées ici, nous avons re-

cueilli de nouveaux documents nous permettant de juger légitime, au

point de vue clinique, l'isolement d'un type nouveau de névrite hyper-

trophique survenant chez l'adulte, sans hérédité ni familiarité con-

nues, débutant aux membres supérieurs et d'abord unilatérale. L'épo-

que tardive du début explique la légèreté ou l'absence des signes révélant t

une sclérose à type tabétiforme ou cérébelleux. L'étiologie de cette affection

lentement progressive demeure encore obscure. Nous travaillons actuelle-

ment à une élude plus complète de la question avec des documents histo-

logiques et cliniques nouveaux.

(1) Déjerine, Revue de médecine, 1896.

(2) Long, Soc. de Neurol., 6 décembre 1906.

(3) LONG, Soc. de Neurol., 25 janvier 1912. ,

(4) Hoffmann, Deuts. Zeits. f. Nervenheilk. 1912, vol. 44, p. 65-95.

, RHUMATISME SYPHILITIQUE TERTIAIRE

POLYARTIIROPATHIE HYDARTHROSANTE, ATTEIGNANT

LES ARTICULATIONS DES MAINS -

EA R

M. CHARTIER 1

Médecin-major de 2* classe.

Les arthropathies syphilitiques tertiaires sont d'une façon générale peu

fréquentes; mais leur localisation aux articulations des mains, et spécia-

lement aux articutations'métacarpo-phatangiennes, est d'une observation

exceptionnelle. Dans la thèse de Fouquet (1) nous ne trouvons relaté

aucun cas de ce genre; et dans la statistique de Fournier, sur 51 cas,

trois cas seulement concernent les articulations des doigts ou des orteils,

et encore s'agit-il d'arthropathies isolées ayant évolué sous la forme de la

daclylite spécifique, syndrome clinique bien différent de celui que nous

présentons. Ce n'est que dans l'article de Milian du Traité de Méde-

cine (2) que nous trouvons une photographie d'arthropathies de la main

offrant avec notre observation certaine ressemblance ; toutefois notre cas

diffère de celui de M. Milian ; dans cedernieril s'agilde rhumatismespé-

cifique ankylosant, dans lequel les articulations radio-cubitales, car-

piennes et mélacarpo-phalangiennes sont soudées par des ponts de subs-

tance osseuse néoformée ; chez notre sujet au contraire les arthropathies

sont restées hydarthrosantes et la laxité articulaire est exagérée.

L'intérêt de l'étude de cette localisation aux mains des arthropathies

syphilitiques tertiaires réside dans la difficulté de son diagnostic, en raison

de sa ressemblance d'aspect avec certaines formes de rhumatisme chro-

nique simple. Il est probable qu'une connaissance plus approfondie de la

syphilis articulaire permettra de ranger dans ce chapitre un certain

nombre de cas d'arthropathies chroniques' qui s'éloignent plus ou moins

des deux formes classiques de 'la syphilis articulaire tertiaire : l'ostéo-

arthropathie et la périsynovite gommeuse. ' '

(1) Cn. FOUQUET, De la syphilis articulaire. Thèse de Paris, 1905. "

(2) Traité de médecine, Brouardel, GILIJEIIT. Trtomor, Art. Syphilis des articulations,

T. XXXIX, 1912.

RHUMATISME SYPHILITIQUE TERTIAIRE eiôâ

Observation (PI. LXIII).

M. Ch..., 64 ans, gantier. Père mort jeune accidentellement. Mère morte

jeune, probablement de tuberculose pulmonaire. Pas d'antécédents rhumatis-

maux. Le malade présente un pied bot droit, congénital ; pas de stigmates de

syphilis héréditaire.

D'une santé générale bonne, cet homme n'a été éprouvé par aucune autre

maladie que par la syphilis, chancre induré de la verge, à l'âge de 23 ans.

Pas d'intoxication, pas d'alcoolisme, pas de goutte.

Il n'a jamais présenté d'affection dite rhumatismale articulaire ou autre,

avant l'âge de 57 ans, date à laquelle sont apparues les premières manifesta-

tions arthropathiques.

A la suite de l'accident primitif, à 23 ans, il a été soigné pendant quelques

'mois par des pilules mercurielles ; un an plus tard, l'apparition des accidents

secondaires a provoqué un nouveau traitement de peu de durée.

A 28 ans, il commence à éprouver, dans les membres inférieurs et dans la

partie inférieure du tronc, des douleurs assez mal définies, distribuées sur-

la totalité des' membres, sans localisation articulaire spéciale. douleurs surve-

nant par crises assez violentes, réveillées par le froid humide, douleurs brus-

ques, rapides, passagères, affectant parfois le type de douleurs fulgurantes.

Ces douleurs ont persisté, par crises plus ou moins espacées, jusqu'à l'âge

de 57 ans, c'est-à-dire pendant une trentaine d'années, et elles ont disparu

orsrpe sont apparues les premières manifestations articulaires. Disons de

suite que le sujet ne présente actuellement aucun symptôme objectif de la série

tabétique.

A 34 ans, une poussée d'accidents tertiaires cutanés fut traitée, avec un

résultat rapide, par des injections mercurielles : il y a lieu de noter que ce

traitement spécifique demeure sans effet snr les douleurs des membres infé-

rieurs.

A l'âge de 57 ans; c'est-à-dire 34 ans après l'accident primitif, surviennent

les premières manifestations articulaires, atteignant d'abord les articulations

plialango-pllalangiennes des doigts des deux mains, puis les épaules, les coudes,

les premières articulations cervicales. Cette polyarthropathie est fort peu dou-

lonreuse ; elle consiste en une certaine gêne douloureuse dans les mouvements,

sans douleurs spontanées, ni diurnes ni nocturnes ; aux coudes et aux doigts,

elles s'accompagnent d'un gonflement articulaire assez marqué, sans rougeur

ni chaleur. Cette polyarthropathie, considérée comme « rhumatismale », fut

traitée en Amérique par la thérapeutique antirhumatismale habituelle sans

aucun résultat. Cependant le « rhumatisme » abandonne les articulations cervi-

. cales et les épaules, tandis qu'il s'aggrave au niveau des mains ; mais alors qu'il

délaisse les articulations phalango-phalangiennes, sans y laisser aucun reli-

quat appréciables, il sa fixe sur les articulations métacarpo-phalangiennes, où

l'arthropathie eut toutde suite tendance à provoquer la déviation des doigts

vers le bord cubital de la main. Puis furent atteintes les articulations des

386 CHARTIER *

poignets et les articulations carpiennes, et enfin l'articulation du genou gauche.

Pour cette articulation, comme pour les autres d'ailleurs, le début fut pro-

gressif ; la première manifestation fut le gonflement articulaire par hydarthruse,

laquelle fut d'abord intermittente pour s'établir ensuite d'une façon définitive.

Nous examinons le malade pour la première fois le 25 août 1917. Les

arthropathies intéressent alors : le genou gauche, les articulations métacarpo-

, phalangiennes des deux mains, les deux articulations des poignets et les articu-

lations carpiennes et carpo-métacarpiennes qui sont moins gravementatteintes,

et les deux articulations des coudes qui le sont beaucoup moins encore. Les

articulations des épaules et de la colonne cervicale, qui furent atteintes au

début des manifestations polyarticulaires, sont aujourd'hui parfaitement

libres. 1

Le genou gauche est fortement augmenté de volume (circonférence 44 cm.);

ses dimensions contrastent avec l'atrophie considérable de la cuisse et de la

jambe. Il est assez régulièrement sphérique ; la peau est amincie, marbrée par

une légère circulation veineuse. Les segments sont tendus par une hydar-

throse considérable. La palpation superficielle et profonde ne décèle aucun

point douleureux ; les mouvements provoqués les plus étendus restent par-

faitement indolores ; à aucun moment de l'évolution, le sujet n'a jamais pré-

senté de douleurs spontanées. Les tissus péri-articulaires sont peu épaissis,

sans plaques de blindage ; on ne perçoit aucune fongosité. Il n'y a jamais eu

ni abcès, ni tendance à l'abcédation. La rotule mobile est élargie dans tous les

sens et semble épaissie; les plateaux tibiaux et les condyles fémoraux sont

augmentés de volume, mais régulièrement et sans hyperostoses ni ostéophytes.

Dans les mouvements spontanés ou provoqués, on perçoit quelques craque-

ments intra-articulaires et surtout de gros frottements qui paraissent dus à des

\ altérations synoviales ; on ne perçoit en aucune façon le bruit de « sac de noix »

caractéristique de grosses altérations épiphysaires. En aucun point, sur les

condyles tibiaux ou fémoraux, on ne détermine aucune douleur à la pression;

l'exploration osseuse fut beaucoup plus facile après la disparition de l'hydar-

throse sous l'influence du traitement. Malgré l'augmentation considérable du

volume du genou, les os ont gardé leurs rapports et leur direction normale.

Le genou droit est normal. . .

D'une façon parfaitement symétrique, les articulations métacarpo-phalangien-

nes des doigts et du pouce de chaque main sont considérablement augmentées

de volume; elles sont surtout gonflées par l'épanchement intra-articulaire; en

outre les épiphyses métacarpiennes et phalangiennes sont élargies, mais régu-

lièrement, sans ostéophytes ni productions cartilagineuses. Les doigts sont

versés vers le bord cubital de la main, toutefois ils peuvent être très facilement,

et sans aucune douleur, ramenés en bonne position. Là laxité articulaire est

anormale; les premières phalanges peuvent être subluxées sur la face dorsale

des métacarpiens ; l'étendue de tous les mouvements passifs de flexion, exten-

sion, latéralité, est notablement exagérée. Les.mouvements spontanés et provo-

qués s'accompagnent de gros frottements intra-articulaires. D'autre part, les

articulations métacarpo-métacarpiennes sont extrêmement lâches, et chaque

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RHUMATISME SYPHILITIQUE TERTIAIRE

(Cbarlier.)

Masson et Cie, Editeur

\

RHUMATISME SYPHILITIQUE TERTIAIRE 387

tête métacarpienne peut être facilement luxée en dessus et en dessous des deux

voisines. 1 1

De même que pour le genou, ces arthropathies sont absolument indolores ;

le malade se plaint uniquement de l'impotence qu'il éprouve. Les articulations

phalangiennes ne présentent aucune déformation ; le malade n'a jamais pré-

senté aucun phénomène de dactylite.

Les deux articulations du poignet, les articulations carpiennes et carpométa-

carpiennes sont distendues par des épanchements intra-articulaires ; les extré-

mités cubitale et radiale sont augmentées de volume et le carpe est épaissi. Les

mouvements sont libres et même un peu exagérés d'étendue, avec quelques

frottements. Lès articulations des deux coudes sont légèrement gonflées par

un certain degré d'hydarthrose. Les muscles des deux membres supérieurs

sont atrophiés d'une façon globale, sans troubles des réactions électriques. Il

n'existe aucun symptôme d'ordre neurologique, ni paralysie, ni anesthésie.

L'examen du système nerveux a été d'autant plus approfondi que la persis-

tance pendant 28 ans de crises douloureuses dans les membres inférieurs attire

l'attention sur la possibilité d'un tabes.

Or, l'examen objectif le plus minutieux ne décèle actuellement aucun symp-

tôme de tabes : les réflexes achilléens, rotuliens et les réflexes des membres

supérieurs sont normaux ; les diverses sensibilités superficielles sont intactes;

on ne constate aucun trouble de la sensibilité articulaire ou de la sensibilité -

osseuse au diapason, même au niveau des articulations et des épiphyses

atteintes, aùcune incoordination motrice, aucun trouble trophique ; aucun

trouble sphinctérien, aucun trouble visuel ; les pupilles sont égales, et les

réactions pupillaires parfaitement normales.

L'examen viscéral est entièrement négatif; la santé générale est seulement

troublée du fait de la longue immobilisation.

En résumé, il s'agit d'une polyarthropathie ayant atteint au début les

articulations des membres supérieurs et de la colonne cervicale, puis

ayant abandonné les articulations cervicales, scapulaires et phalangiennes,

pour se fixer sur les articulations métacarpo-phalangiennes et les arti-

culations des poignets de chaque main, et enfin sur le genou gauche ;

polyarthropathie à évolution chronique ayant débuté sur chacune de ces

articulations par de l'hydarthrose, progressivement ou par poussées suc-

cessives, mais sans brusquerie, et dont le symptôme primordial reste

l'épanchement synovial avec la laxité articulaire qui en résulte ;

-polyarthropathie non douloureuse, qui au début, il y a sept ans, s'est

manifestée seulement par une certaine gêne douloureuse dans les mouve-

ments, et qui depuis longtemps ne s'accompagne d'aucune douleur spon-/ /

tanée ou provoquée-

Bien que l'arthropathie du genou ait un aspect différent des arthropa-

thies des.mains, cependant elle ne peut en être séparée, car l'évolution

388 CHARTIER

de la maladie fut absolument identique pour toutes les articulations, et les

caractères cliniques généraux sont les mêmes : hydarthrose, indolence,

absence de fongosités, hypertrophie régulière des épiphyses, etc. -

Dans les antécédents on ne trouve aucune infection causale en dehors

, de la syphilis : ni blennorragie, ni tuberculose, ni poussées antérieures

, de rhumatisme aigu ; aucune intoxication, ni alcoolisme, ni saturnisme,

ni goutte. 1

Malgré une certaine analogie dans la forme des mains avec l'aspect du

rhumatisme déformant, cette polyarthropathie en diffère cependant par

tous ses caractères essentiels : les hydarthroses considérables, l'absence

dérouleurs articulaires et périarticulaires, l'absence d'ostéophytes et de

productions fibreuses, l'hyperlaxité articulaire, la facile réductibilité des

attitudes vicieuses des doigts. -" *

Pour les mêmes raisons, cette polyarthropathie diffère du rhumatisme

tuberculeux, qui, dans sa forme chronique, évolue comme le rhumatisme

déformant classique, par poussées douloureuses, vers les déformations

- ankylosantes. D'autre part l'arthropathie du genou droit se distingue net-

tement de la tumeur blanche de par le seul examen clinique : à l'hydar-

throse qui évolue depuis six ans.ne s'est ajouté aucun empâtement syno-

vial, aucune trace de fongosités ; aucune abcédation ne s'est produite;

aucune douleur ne s'est manifestée et la palpation profonde comme les

mouvements les plus étendus restent indolores.

Aussi, tant par élimination qu'en raison des antécédents de syphilis

avérée, nous avons cru devoir soumettre ce malade au traitement spécifique

intensif. L'état de la dentition ne permettant pas le traitement mercuriel,

il fut soumis à un traitement d'arsénobenzol (cinq piqûres de 20 centi-

grammes de galyl) ; une amélioration s'est aussitôt manifestée, dans la

résorption des épanchements intra-articulaires. Le traitement mercuriel

qui a suivi (piqûres de benzoate de Hg) a accentué cette heureuse évolu-

tion et actuellement le gonflement des articulations ayant de beaucoup

diminué, l'impotence des mains, qui était pour ainsi dire totale au mois J

d'août, a rétrocédé, au point que cet homme peut commencer à reprendre

son métier de gantier. Cette amélioration considérable et rapide, sous

l'influence du traitement spécifique, chez un sujet dont l'état s'aggravait

depuis plusieurs années et surtout depuis quelques mois d'une façon pro-

gressive, confirme nettement la nature syphilitique de ces arthropathies.

En dehors même de leur localisation sinon anormale, du moins excep-

tionnelle, sur les articulations métacarpo-phalangiennes des mains, ces

arthropathies spécifiques présentent certaines particularités qu'il y a lieu

de mettre en relief.

Les premières manifestations articulaires sont survenues 34 ans après

l'accident primitif. Ce fait exceptionnel mérite d'être retenu.

RHUMATISME SYPHILITIQUE TERTIAIRE 389

Les arthropathies ont atteint d'emblée un assez grand nombre d'articu-

lations, ce qui s'observe rarement dans la syphilis articulaire- tertiaire.

Enfin elles diffèrent par plusieurs points du type classique de descrip-

tion d'ostéo-arthropathie tertiaire.

la L'hydarthrose fut pour chacune des articulations la première mani-

festation clinique, et actuellement encore constitue le symptôme dominant ;

il existe bien une hypertrophie régulière des épiphyses, comme il est de

règle dans l'arthropathie tertiaire, mais aucun symptôme d'ostéite. De la a

sorte, cette observation vient à l'appui de la description de l'hydarthrose

syphilitique tertiaire selon Milian (1), et peut-être opposée à la théorie

soutenue par Fouquet dans sa thèse, selon laquelle les ostéo-arthropathies

tertiaires seraient toujours le fait du retentissement synovial d'une gomme

juxta-articulaire. Or, si les cas d'hydarthrose tertiaire mono-articulaire

peuvent rester discutables, en ce sens qu'on peut admettre que l'ostéopa-

thie primitive peut passer inaperçue, dans une semblable polyarthrite

hydarthrosante l'hypothèse de l'ostéite gommeuse primitive ne semble

plus pouvoir être soutenue. -

2° Ce cas diffère encore de la description classique par l'absence totale

de douleurs. Ce fait pourrait être expliqué par l'absence d'ostéite et cons-

tituer un caractère particulier de la forme hydarthrosante de l'arthropa-

thie tertiaire ; cependant, dans le cas de Milian, l'hydarthrose était extrê-

mement douloureuse.

En raison de cette indolence complète on aurait pu se demander s'il ne

s'agissait pas d'ostéo-arthropathies tabétiques; mais cette hypothèse ne

saurait être soutenue, d'abord parce que notre sujet ne présente aucun

signe objectif de tabes, ensuite parce que, même au genou, l'arthropathie

n'offre aucun des caractères de l'arthropathie tabétique : brusquerie du

développement, craquements articulaires, productions hypertrophiques et

déformations épiphysaires, attitudes anormales, etc. Du reste, bien qu'elle

puisse être multiple, l'arthropathie tabétique ne se présente jamais sous

une forme polyarticulaire qui puisse être rapprochée de cette observation.

Par son début tardif, par son évolution indolore, par sa localisation aux

articulations des mains, par ses caractères d'affection polyarticulaire

hydarthrosante, cette polyarthropathie syphilitique tertiaire constitue un

type clinique offrant une certaine individualité, qui méritera peut-être

de prendre place à côté des formes déjà décrites de la syphilis articulaire.

(1) Milian, 10C. cit.

DYSTROPHIE GÉNITOGLANDULAIRE

(suite)

. PAR R

Oscar de SOUZA, et Aloysio de CASTRO,

Professeur de Physiologie de la Professeur de Clinique médicale de la

Faculté de médecine de Rio-de-Janeiro Faculté de médecine de Rio-de-Janeiro

Observation XVI (Policlinique générale de Rio-de-Janeiro).

A. F. L., 44 ans, blanc, portugais, marié. Il n'y a pas de type de constitu-

tion morphologique analogue à celle du malade, dans sa famille.

' Enfance souffreteuse, pas d'information exacte quant aux infections de

cette époque. Il y a un mois, le sujet, en tombant, s'est fracturé l'avant-bras

en son tiers inférieur. 1

Marié depuis quelques années, il n'a pas d'enfants. Il affirme avoir des rela-

tions^sexuelles. , .

Stature moyenne, cheveux noirs, secs, commençant à blanchir. Face jaunie

et ridée sans vestiges de barbe. Dents mauvaises. Voix normale. Le sujet

refusant absolument de se déshabiller pour l'examen, on ne peut donner d'au-

tre description que celle permise par l'aspect général dé l'individu vêtu.

Même ainsi l'inversion des dimensions des diamètres scapulaire et iliaque est

patente. L'examen des organes génitaux à travers les habits laisse voir un

pénis très réduit et une grande atrophie des testicules. -

L'état psychique est apparemment normal, bien qu'on n'ait pu préciser

l'examen, à cause du refus du sujet.

. Observation XVII (PI. LXIV).

F... F., blanc, brésilien, 20 ans. Parents sains, cousins; il n'y a pas dans la

famille d'anomalies de constitution morphologique. F. a un frère de 4G ans,

de type normal .

Il y a près de huit ans le malade commença à ressentir des troubles de la

vision qui s'aggravèrent avec le temps : le diagnostic de choroïdite atrophique

maculaire a été établi (Prof. Abren Fialho).

Taille 1 m. 65 et poids 69 kilos. Crâne bien conformé, petit, cheveux châ-

tains, d'un brillant naturel. Face glabre, d'un rose pâle, sans rides. Voix

normale.

La conformation du corps est typiquement féminine, le développement du

1 UU\ I.LLI : Iconographie DE la Salpêtrière.

T. XXVIII. PL. LX1\

Obs. XVII

Obs. XVIII

DYSTROPHIE GENITO-GLANDULAIRE

(Oscar de ,Soya ci Aloysio de Castro.)

Masson et Cie, 1'dnems. iuv meu vtcES,vwx

DYSTROPHIE SÉNITO-GLANDULAIRE' 391"'

1

bassin, dont les diamètres transverses sont très augmentés, est remarquable.

Membres inférieurs longs. Mains allongées, de type féminin, avec hyperdis-

tensibilité des doigts. '

Adipose prononcée des seins, des fesses et de l'abdomen.

Absence de poils aux aisselles, scrotum et périnée, ils sont clairsemés sur

les membres et la région pubienne. Système veineux développé aux membres

inférieurs, les petites veines se dessinant sous la-peau. -

Organes génitaux : pénis de 2 cent. 1/2; bourse scrotale réduite, les deux

testicules se révélant au toucher comme deux haricots, de consistance moyenne,

peu sensibles à la pression. F... affirme avoir souvent des érections matinales.

Intelligence normale. Ayant fait ses études sans difficulté, F... les a aban-

données dernièrement par ennui. Caractère irascible et concentré, il cherche

à s'isoler et évite toute référence à son état génital.

Examen radiographique : selle'turcique normale. ,

Réaction de Wassermann : positive.. -

Observation XVIII (Hôpital de la « Misericordia ») (PI. LXIV).

F..., 18 ans, brésilienne, blanche, examinée par l'un de nous, avec la per-

mission de notre collègue le professeur Fernando de Magalhaès, en 1913, à la

Maternité de la Faculté.

Rien de remarquable dans les antécédents familiers ou personnels. Elle

est entrée à l'hôpital parce qu'elle ressentait dans ces derniers temps des

douleurs abdominales.

Il y a cinq ans qu'elle avait commencé à engraisser rapidement, et elle accu-

sait de la céphalée depuis cette époque, qui s'est manifestée dès le début sous

une forme violente et rapide. Au moment où nous avons observé la malade,

les douleurs avaient diminué d'intensité,' et pris un caractère latent. Il n'y

avait point de troubles de la vue.

L'examen révélait une taille moyenne, avec une adipose accentuée. Orga-

nes génitaux infantiles, la menstruation n'ayant pas encore apparu à la date

de l'examen. Cheveux abondants. Absence complète de poils dans la région

pubienne et aux aisselles. '

Examen radiographique : tumeur hypophysaire de type extra-sellaire.

Définition. Caractéristique et Individualisation.

La dystrophie génito-glandulaire consiste en un ensemble d'altérations

ou de modifications somatiques prédominant sur les organes et les carac-

tères sexuels et dépendant quant à la pathogénie de lésions des glandes

génitales, troublées primitivement dans leur fonction endocrine par

aplasie glandulaire (absence du tissu), ou par hypoplasie (insuffisance , /

glandulaire) ou encore par métaplasie (altération du tissu glandulaire),

On comprend d'après cet énoncé que dans la dystrophie génito-glandu-

laire, la lésion ou l'altération des glandes endocrines sexuelles est pri-

mitive.

392 . SOIIZA El' DE CASTRO

C'est sous l'influence de ces glandes génitales endocrines (les véritables

glandes génitales), indispensables au développement Foiiiatique normal

que les sexes se distinguent, et que se constitue ce qu'on appelle en

biologie le dimorphisme sexuel (1).

Par suite de la corrélation fonctionnelle des diverses glandes à sécré-

tion interne, d'autres glandes peuvent être atteintes, par association on

secondairement, et ainsi se créent d'autres modalités cliniques il côté des

types de dystrophie génito-glandulaire pure.

On comprend dans le groupe générique de la dystrophie génito-

glandulaire les formes suivantes :

a) Dystrophie génito-glandulaire du type infantilisme; .

b) Dystrophie génito-glandulaire du type gérodermie (sénilisme) ;

c) Dystrophie génito-glandulaire du type eunuchoïdisme ;

. d) Dystrophie génito-glandulaire du type adiposo-génital ;

e) Types associés de dystrophie génito-glandulaire (syndromes pluri-

glandulaires).

L'essai de révision auquel nous soumettons aujourd'hui le chapitre im-

(1) La multiplicité des opinions, quant au mode de définir au point de vue biolo-

gique les caractères sexuels, rend nécessaire de préciser ici au préalable le concept

sous lequel ils seronl envisagés dans ce travail.

Sous la dénomination de caractères sexuels, on comprend aujourd'hui encore Ses

caractères primaires, primitifs ou principaux et des caractères secondaires, comme

Ileinter les distingua le premier en 1872. Darwin, qui étudia si profondément la

sélection sexuelle, avait cependant déjà remarqué les difficultés que l'on rencontre

pour établir une séparation parfaite dans les caractères sexuels. Le Dantec distingue :

un sexe physiologique, c'est-à-dire déterminé par le tissu génital, et un sexe somatique,

comprenant tous les caractères supplémentaires qui différencient les sexes, sans dépen-

dre de l'appareil génital.

En 1864, Haveloch Tellis, étudiant les -caractères sexuels secondaires dans l'espèce

humaine, proposa de réserver cette dénomination aux caractères visibles, nommant

caractères tertiaires ceux qui se reconnaissent seulement par une autre analyse, comme

l'activité plus grande de la glande thyroïde euh- z la femme, le plus grand nombre

d'hématies chez l'homme, les différences sexuelles dans le squelette, etc.

Les caractères tertiaires ont été également admis par Papillaut et par Loisel, qui a

proposé la division que nous adopterons dans,ce travail en ses lignes générales.

Au point de vue physiologique et évolutif nous admettons : des caractères sexuels

primaires, secondaires, tertiaires et quaternaires. '

a) Caractères sexuels primaires : se rapportant aux glandes génitales, aux organes

sexuels internes, aux organes sexuels externes.

b) Caractères sexuels secondaires (caractères extra-génitaux). Ce sont les caractères

somatiques qui accompagnent les sexe ? , servant à la respective différenciation et

créant le dimorphisme sexuel.

c) Caractères sexuels tertiaires. Ils sont généralement génitaux, mais apparaissent

tardivement dans l'ontogenèse, et ne se forment ou n'entrent en activité qu'au moment

déjà reproduction.

d) Caractères sexuels quaternaires comprenant : caractère éliologiques et caractères

psychiques.

DYSTROPHIE GÉNITO-GLANDULAIRG 393

portant des dystrophies génitales nous a conduit à isoler un type que nous

décrirons dans la suite, et que par ses caractères on pourrait appeler

dystrophie génito-glandulaire simple, figurant à côté des autres ci-

dessus cités.

On peut donc établir le schéma suivant :

Type simple

z

Sénilisme (gérodermie Dystrophie . Infantilisme sexuel '

génito-dystrophique) f génito-glandulaire z -

x 4-'

Eunuchoïdisme Typesassociés(syndromes Type adiposo-génital

pluri-glandulaires) hypophysaire

V

Dans ces différents schémas types cliniques, que certains caractères cons-

tants permettent de grouper sous la dénomination que nous proposons de

dystrophie génito-glandulaire, nous croyons pouvoir compter les cas

multiples, étudiés sous des noms' très divers par les auteurs dont nous rap-

porterons plus loin les travaux. C'est ainsi que dans ce groupe se rangent

des cas décrits sous le nom d'hermaphrodisme et pseudo-hermaphrodisme,

androgynie, gynécomastie, féminisme (chez l'homme), virilisme (chez la

femme), eunuchisme, eunuchoïdisme, infantilisme, infantilisme régressif,

gigantisme, gigantisme eunuchoïde, gigantisme infantile, gérodermie

génito-dystrophique, sénilisme, dystrophie adiposo-génitale, obésité

d'origine génitale, hypo-génitaiisme, syndromes, pluri-glandulaires, na-

nisme, stéatopygie... -

Dans la caractéristique générale de la dystrophie génito-glandulaire,

cei tains éléments existent qui sont communs à tous les types et individua-

lisent le groupe, le différenciant des autres dysendocrinies.

Ces éléments comprennent : -

1° L'élat des organes génitaux.

2° L'état des caractères sexuels secondaires.

3° L'état du métabolisme.

1° En ce qui concerne les organes génitaux, il faut considérera parties

organes externes et ceux internes.

L'aspect morphologique des premiers se modifie considérablement selon

la réduction de volume dont ils sont affectés, pouvant aller même au point

de disparaître presque complètement.

Le pénis, même chez l'adulte, est rudimentaire, imitant souvent le cli-

loris; quand bien 'môme sa réduction ne serait pas si considérable, il

n'atteint jamais les dimensions propres à l'âge de l'individu sous examen,

et conserve toujours l'aspect du membre des adolescents dans la phase pré-

pubère.

394 SOUZA ET DE CASTRO -

Les testicules sont d'une exiguïté notable, du volume d'un grain de blé,

ou d'un haricot, plus rarement d'une amande. Dans d'autres cas, ils pren-

nent la forme d'un cordon, et quant à la consistance ils peuvent être

mous ou fibreux, ou (plus rarement) durs.

Le volume de la bourse scrotale est réduit, lui aussi, et l'on peut sentir

les testicules au travers. Assez fréquemment la bourse est vide, ou par

anorchidisme, absence des glandes génitales, ou par c1'yptorchidisme, les

testicules réduits et altérés se trouvant retenus dans la cavité abdominale

ou dans le canal inguinal.

Quant aux organes génitaux internes, il y a concordance parfaite avec

ce que l'on observe sur les externes, c'est-à-dire réduction ou absence

du tractus genitalis. Les vésicules séminales sont atrophiées, et la pros-

tale très peu développée. '

Un semblable état des organes génitaux fait comprendre immédiate-

ment que les fonctions sexuelles sont complètement supprimées ou pres-

que, selon le degré de dystrophie, et que ni l'instinct sexuel n'existe, ni

les autres manifestations qui l'escortent.

La dystrophie génito-glandulaire se rencontre beaucoup plus rarement

chez la femme que chez l'homme. Mais dans ces cas également le peu de

développement des organes génitaux est encore évident : petites lèvres

de dimensions exiguës, clitoris minuscule, vestibule vaginal étroit, Fin-

iroitus vaginal et l'hymen pouvant manquer, l'ovaire et l'utérus être

rudimentaires ou même absents.

En ce qui touche aux fonctions de l'appareil : l'aménorrhée est complète

et l'absence de l'instinct sexuel complète ou incomplète.

2° Parmi les anomalies des caractères sexuels secondaires, anomalies

constantes dans la dystrophie génito-glandulaire, les plus évidentes sont

celles du système pileux.

Chez l'homme nous avons l'absence plus ou moins absolue de poils

sur le visage, aux aisselles et à la région pubienne, au périnée, sur le

scrotum, le tronc et les membres. Quand les poils existent dans la région

pubienne, ils sont épars et disposés selon la configuration propre à la

femme, limités supérieurement par une ligne horizontale.

La voix garde en absolu où relativement les caractères de celle de l'ado-

lescent, révélant que le larynx n'a pas subi l'évolution organique propre

à la puberté et à l'établissement de la fonction sexuelle.

La même anomalie, l'absence de poils aux aisselles et à la région

pubienne se vérifie quand le sujet atteint est une femme. Chez celle-ci,

le développement des seins se réduit à tel point qu'ils se présentent

déprimés, rétractés et aplatis, sans substance glandulaire palpable, avec

des aréoles insignifiantes.

DYSTROPHIE GÉNITO-GLAPIDULAIRE 395

Parmi les caractères somatiques de cette catégorie, on signale l'absence

de formes et de développement du bassin qui sont les attributs normaux

des individus du sexe.féminin.

3° En ce qui concerne les conditions du métabolisme dans la dystro-

phie génito-glandulaire, il convient de considérer les modifications des

échanges nutritifs et leurs conséquences sur le développement somatique.

Les premières consistent principalement dans la diminution des échan-

ges respiratoires et la réduction consécutive des procédés d'oxydation.

Une autre "caractéristique est la réduction de l'élimination azotée,

ainsi que celle du phosphore et du calcium. Il faut remarquer que dans

le métabolisme de l'azote, à côté de la diminution des produits excrétés,

ceux-ci se constituent comme des dérivés cataboliques imparfaits, en con-

séquence de l'abaissement du coefficient d'oxydation.

En ce qui concerne le métabolisme des graisses, on observe une tendance

à l'adipose endogène, plus ou moins prononcée selon le degré de dystro-

phie, et pouvant même revêtir la forme de polysarcie ou obésité.

Au sujet de ce symptôme important de la dysirophiegénito-glandulaii-e,

nous ferons remarquer qu'à côté de l'adiposité proprement dite, on. doit

considérer le trouble du métabolisme des lipoïdes dont le rôle est si

important dans l'économie.

Il résulte d'études expérimentales pratiquées sur des animaux que

l'ablation de l'ovaire détermine une lipoïdémie, vérifiable aussi sous

l'influence des rayons X. D'autre part les essais remarquables d'Iscovesco,

Mulon, Fraenckel, Nafilyan et autres, sur les lipoïdes des glandes sexuelles,

nous autorisentà penser que dans la dystrophie génito-glandulaire, parmi i

les divers troubles du métabolisme, il faut compter celui des lipoïdes,

occasionnant une véritable « lipoïdémie ». Des études ultérieures, expé-

rimentales et cliniques, nous éclaireront définitivement sur ce point.

En relation aux effets des troubles du métabolisme sur le développe-

mens somatique, on compte en première ligne ceux qui portent sur le

squelette, dont la croissance est directement influencée par l'état de

développement des glandes génitales, principalement des testicules.

Quand il y a absence de l'appareil génito-glandulaire, ou arrêt du

développement génital, la croissance exagérée et disproportionnée des

membres s'effectue par un retard anormal dans l'ossification des carti-

lages juxta-épiphysaires. '

« Il s'agit d'une hypercroissance, en relation non pas avec une hyper-

activité, mais avec une persistance de l'ostéogénèse normale. » (Launois

et Roy). ..

Les altérations squelettiques doivent être tenues comme constantes dans

la dystrophie génito-glandulaire. Nous verrons dans la suite en --quel

sens elles se procèdent selon les types cliniques différents.

396 SOUZA ET DE CASTRO

En rapport avec les troubles du métabolisme, il faut considérer encore

leurs manifestations quant au tégument, où l'on n'observe pas seule-

ment l'absence des poils, ou leur imparfaite formation, mais encore des

altérations de la peau elle-même et des ongles, c'est-à-dire des altérations

du tégument et des phanères. Bien que somatiques ou de caractère mor-

phologique, de telles modifications sont de nature métabolique.

L'action des glandes sexuelles sur le métabolisme est si profonde que

Thomson et Geddes considèrent les sexes comme caractérisés par 11 pré-

dominance de telle ou telle phase du procès nutritif : la femme étant

définie par l'« anabolisme », l'homme par le « catabolisme ».

Symptomatologie spéciale.

La multiplicité de formes et de dénominations sous lesquelles on a

décrit les types divers de dystrophie génito-glandulaire a de beaucoup

contribué à jeter la confusion dans une matière dont la systématisation

est déjà par elle-même pleine de difficultés.

Après avoir signalé les éléments sur lesquels s'appuie la caractérisation

clinique générale des types différents, nous passerons maintenant à l'étu-

de de chacun de ceux-ci, tout en faisant ressortir les ^différences qui les

séparent au point de vue symptomatologique.

I. Type simple DE dystrophie GÉNITO-GLANDULAIRE (1).

Dans les cas communs, la dystrophie génito-glandulaire présente des

signes qui permettent un diagnostic immédiat, à la seule inspection des

- formes extérieures. Notre observation nous a cependant permis de véri-

fier que l'insuffisance des glandes génitales. ne se répercute pas toujours

sur l'évolution morphogénique, causant les altérations de croissance et

autres qui sont le propre des autres types de cette dystrophie.

Ainsi il y a une forme, certainement la plus rare de toutes, surtout

encore plus chez l'homme que chez la femme,- où la symptomatologie se

réduit à l'état de développement insuffisant des caractères sexuels pri-

maires et à l'absence des secondaires.

Dans ce type simple de la dystrophie génito-glandulaire (ainsi que

nous semblent devoir être nommés de tels cas), il n'y a pas la conforma-

tion somatique propre à l'infantilisme, il n'y a aucune répercussion sur

les fonctions intellectuelles, le tout se bornant à ce qui a été dit ailleurs,

quant à l'état des organes génitaux, dont le développement se trouve

compromis.

(1) Voir les observations X, XI, XII et XIV (Nouvelle Iconographie'de la Salpêtrière,

1916-1917, n, 1).

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DYSTROPHIE GÉNITO-GLANDULAIRE 39 ? ?

Nous ne connaissons pas d'explication qui justifie l'absence de pertur-

bation de la croissance générale du corps, dans ce type, quand on sait

que dans d'autres, où l'affection testiculaire est antérieure à la puberté, on

rencontre la persistance des cartilages épiphysaires et une prolongation

de croissance de heàucoup au delà de l'époque normale.

Pour ce qui se relationne avec les modifications somatiques dans ce type,

il nous paraît digne de noter que l'appareil circulatoire présente à l'exa-

men une hypoplasie cardio-vasculaire, et même en quelques cas une pré-

dominance du système lymphatique. Dans l'observation XII, exemple

formel du type simple de la dystrophiegénito-giandutaire, l'étatlympho-

adénoïde est bien prononcé. Le sujet présente de la pâleur du tégument

et une hypertrophie du système lympathique et des organes lymphoïdes.

Si, comme il arrive parfois, à cet ensemble se joint l'hypertrophie du

thymus, nous aurons l'état thymico-lymphatique de Paltauf.

C'est ici le lieu de citer les curieuses observations de Bartel et Her-

mann, sur la coexistence de lésions de l'ovaire dans les cas d'anomalies

constitutionnelles, principalement dans ceux où les attributs de l'état

thymico-lymphatique dominent. Des 83 cas observés par ces auteurs,

50 présentaient les caractères de l'état rapporté, 13 avaient un rétrécisse-

ment de l'aorte, 11 des tumeurs diverses et 9 des malformations. Les

ovaires examinés étaient petits, allongés et étroits, de type infantile, ou

grands mais polycystiqucs et de surface lisse. Microscopiquement ils pré-

sentaient un tissu conjonctif abondant et une grande diminution de folli- .

cules primitifs, les follicules de Graaf étant enveloppés dans d'épaisses

capsules. Les fonctions menstruelles étaient troublées en 32 cas, dont 13

présentaient de l'aménorrhée.

Pour Bartel et Herrmann, les lésions ovariennes et les anomalies

constitutionnelles qu'elles accompagnent plus ou moins constamment

justifient l'inclusion de ces femmes dans la catégorie des « individus sub-

pathologiques » (1).

Ces cas, selon noire manière de voir, doivent être considérés comme

de véritables exemples de la dystrophie génito-glandulaire du type

simple. -

Il est possible encore que l'on fasse entrer dans ce type simple certains -

cas du dit chétivisme de Bauer. C'est de cet état que se rapprochent les

sujets dystrophiques, chétifs, délicats, maigres, d'aspect maladif, chez

lesquels on observe les troubles provenant de l'hypoplasie de l'appareil 1

cardio-vasculaire. C'est pour de semblables cas que Brissaud a proposé le

(1) J. BAn TEL UNO E. HERRMANN, Monalsschr. f. Geburtsh. u. Gyniikolog., Feb. 1911,

Analysé in Semaine Médicale, 1911, p. 363.

MVttt - - 21

398 SOUZA ET DE CASTRO

nom de anangioplasie. Nous sommes d'accord avec Bauer pour exclure

de telscas du groupe de l'infantilisme.

Le type simple de la dystrophie génito-glandulaire ne se présente pas

toujours dans la phase prépubère, causant l'arrêt de développement des

organes génitaux et empêchant l'apparition des caractères sexueIssecon-

daires, comme on l'a dit plus haut.

Il y a des cas où, à l'âge adulte, une régression des organes sexuels

s'établit, leur volume décroit, avec périodes fonctions génésiques et chute

' des poils, sans rien déplus. Il nous parait qu'il s'agit en l'espèce d'une

forme tardive du type simple de la dystrophie génito-glandulaire,

et nous tenons pour indispensable de séparer ces cas de ce que l'on appelle

i'eunuchoïdisme tardif dont on parlera plus loin. On verra alors quels

sont les motifs qui nous portent à restreindre l'eunuchoïdisme tardif à

d'autres cas différents de ceux qui sont maintenant en cause.

II. Type infantile DE la dystrophie GÉ\1T0-GLANDULAIRE (1).

Puisque nous employons le terme type infantile, il faut avant tout

déclarer que nous n'entendrons pas par là mettre en relief l'époque de

l'attaque morbide dans l'enfance ; car à cette période peul très bien débu-

ter et, dans la plupart des cas, débute l'évolution dystrophique des types

ci-devant traités. Nous disons type infantile pour désigner d'un mot

plus bref les cas où l'aspect clinique est d'infantilisme.

Il est nécessaire d'établir d'abord l'idée que l'on doit avoir de J'infan-

tilisme, compris de façons si diverses par les auteurs.

D'accord avec les études très précises de Brissaud et de Henry Meige,

l'infantilisme peut être ainsi défini :

« L'infantilisme est une anomalie du développement caractérisée par

la persistance, chez un sujet ayant atteint ou dépassé l'âge de la puberté,

des caractères morphologiques appartenant à l'enfance. Ce retard du

développement physique a, en général, pour corollaire un retard du

développement psychique » (2). -

Dans cette formule se range, selon nous, un lype de dystrophie génito-

glandulaire, c'est-à-dire un type où les signes de l'infantilisme sont pri-

mitivement subordinés à une altération testiculaire.

Ce type se caractérise cliniquement par le retard physique manifeste,

la persistance des attributs somatiques propres à l'enfance chez un indi-

vidu qui a 4[teint-oLi dépassé l'époque de la puberté, présentant de la

sorte un amoindrissement des organes génitaux, avec absence de carac-

(1) Voir les observations XII et XV (Nouvelle Iconographie de la Salpêtrière, 1916-

1917, n° 1, p. 13).

(2) BRISSAUD, L'infantilisme vrai. Nouvelle Iconographie de la Salpêtrière, 1917, p. 3.

DYSTROPHIE GENITO-GLANDULAIRE 399

,

tères sexuels secondaires. A ceci s'ajoute un retard et une insuffisance du

développement psychique. Ainsi donc, par son aspect extérieur, l'infan-

tilisme se signale principalement par la conformation spéciale du corps

qui est particulière à l'enfance, quand l'individu a déjà dépassé et de

beaucoup cette période de l'évolution ; l'infantilisme devant, selon Henry

Meige, être surtout considéré comme un syndrome morphologique (1).

L'individu.qui présente dans une époque donnée de la vie les caractères

propres d'une époque antérieure est infantile; l'infantile est un hétéro-

chronique. Il ne nous semble, pas que l'on doive tenir l'infantilisme

comme un exemple d'atavisme ou de régression ; il s'agit clairement

d'une forme d'hétéro-chronisme.

Il est digne d'attention que la sphère psychique n'est pas toujours

aussi profondément atteinte que la somatique : si dans la majorité des cas z

on remarque de la débilité intellectuelle, de l'insuffisance de volonté, de

l'indolence de caractère, etc. ces caractères ne sont pas toujours très pro-

noncés, et en général les facultés de raisonnement, comme Souques l'a

montré, sont de niveau supérieur à celui de l'enfant.

La prédominance de l'anomalie des caractères morphologiques est donc

dans l'espèce hors de question : « l'infantilisme est avant tout un syn-

drome somatique » (Souques).

Dans le type que nous étudions, l'action morphogénique est ainsi mo-

difiée, d'une façon spéciale, par l'altération des glandes sexuelles, dans

leur participation endocrine, déterminant de la sorte l'insuffisance du

développement physique et .psychique, dont les attributs gardent la

marque infantile.

Si les manifestations propres au dysthyroïdisme sont absentes, si on

exclut l'hypothèse de myxoedèine fruste, les caractères cités ci-dessus

se rencontrant chez un individu --c'est un cas d'infantilisme d'origine

testiculaire ou ovarienne.

Les doutes et obscurités qui régnaient au début sur la question de

l'infantilisme, aujourd'hui sujets encore à controverse en pathologie,

ont été en grande partie éclaircis grâce aux travaux de Hertoghe et de

Brissaud, qui ont mis en valeur l'importance de l'altération thyroïdienne

dans cet état. Ce sont ces éludes qui marquent réellement le début de la

période scientifique dans le problème de l'infantilisme. Mais l'insuffisance

thyroïdienne ne peut plus être acceptée aujourd'hui, dans ce cas, avec

l'absolutisme exclusif que professait Brissaud. La possibilité de l'infan-

lilisme, relevant d'autres troubles endocriniques, a été admise, et c'est à

Henry Meige qu'appartient le mérite d'avoir démontré l'intervention que

(1) Henry Meiqe, art. Infantilistiae, innouv. Pratique Médico-chirurgicale, Extrait, p.3.

400 SOUZA ET DE CASTRO

la glande génitale peut avoir dans ce type clinique, ainsi que nous le

soutenons également dans le présent travail. Voici ce que dit l'illustre

neurologiste français :

« La dystrophies orchidienne n'est-elle pas, au moins dans un cer-

tain nombre de cas d'infantilisme, un fait primitif au même titre que

la lésion thyroïdienne ? Et le mauvais fonctionnement de la glande

génitale ne serait-il pas la cause même du syndrome infantilisme ? Cette

hypothèse que nous avons émise autrefois n'était pas acceptée par Bris-

saud, pour qui l'hyporchidie représentait un phénomène secondaire,

l'hypothyroïdie demeurant toujours la lésion essentielle. Un certain

- nombre d'auteurs paraissent cependant envisager notre hypothèse comme

plausible.

Il n'est pas douteux, en effet, qu'il existe entre les fonctions de la

glande thyroïdienne et celle de la glande génitale des relations très

étroites, dont la preuve est fournie par un grand nombre de faits classiques.

Richon et Jeandelise, Achard et Démanche, Vigouroux et Delmas, Parhon

et Goldstein, Dupré et Pagniez ont apporté une série de faits, qui viennent

à l'appui de l'idée que nous avons suggérée. Mais il serait prématuré, à

l'heure actuelle, d'affirmer l'origine exclusivement hypo-orchidienne de

l'infantilisme. On doit seulement prévoir que la glande génitale, soit

directement, soit indirectement, n'est pas étrangère à la production de

cet état somatique. » (1)

Dans le même ordre d'idées sur l'intervention de la glande génitale

dans la production de l'infantilisme, nous rencontrons Souques, qui voit

là le facteur prépondérant. De l'étude des relations de l'infantilisme avec

la sécrétion interne du-testicule, l'auteur cité conclut : « Les raisons

cliniques et expérimentales que j'ai invoquées plus haut me semblent

établir le rôle exclusif de la glande interstitielle-du' testicule et dé-

montrer que l'infantilisme est toujours dû l'insuffisance de sa

sécrétion interne » (2) .

Cela admis, suivant l'époque de t'attaque de la glande génitale, on peut

admettre avec Souques trois principaux types cliniques : a) infantilisme

prépubère; b) infantilisme pubère; c) infantilisme postpubère ou tardif.

Acceptant les types d'infantilisme thyroïdien et hypophysaire, Souques

écrit avec raison : « Pour que l'infantilisme s'ensuive, il faut, semble-t-il,

que la lésion primitive retentisse sur le testicule et altère sa sécrétion

interne. » Et dans un autre passage, sur le rôle du testicule : « En somme

la lésion testiculaire soit primitive, consécutive ou simultanée, me paraît

(1) Henuy Meige, op. cit., p. S.

(2) Souques. L'infantilisme et l'insuffisance de la sécrétion interne du testicule.

Elude pathogénique. Presse médicale, 1912, p. 550. ,

. DYSTROPHIE GRNITO-GLANDULAIRE 401 1

nécessaire, qu ce ine veut pas dire qu'elle est suffisante. Toute atrophie

testiculaire ne provoque pas en effet l'infantilisme. Il y a une question de

degré de la lésion et d'âgedu malade (1). »

Souques, justifiant sa restriction finale, fait allusion à l'observation de

Widal et Lutier, atrophie congénitale et complète des testicules sans signes

d'infantilisme ou de féminisme, les caractères sexuels secondaires exis-

tant. * 1

L'extrême rareté d'un semblable cas (nous ne croyons pas d'ailleurs

qu'il en existe un semblable dans la littérature médicale) en augmente

l'importance ; dans le chapitre de la pathogénie nous aurons l'occasion de

revenir à cette citation et de lui donner l'interprétation qui nous paraît

logique. ~ ' 1

Pour corroborer l'inclusion de l'infantilisme parmi les types de la dystro-

phie génito-glandulaire, nous avons encore l'opinion d'autres auteu) s mo-

dernes. Weill décrit l'infantilisme lié à l'arrêt de développement du testi-

cule « comme infantilisme par agénésie génitale » (2).

C'est à la même pathogénie que Seitz rattache quelques cas d'infanti-

lisme, ainsi qu'on peut le voir en cette citation : « On a observé l'infan-

tilisme dans des cas d'aplasie et d'hypoplasie des organes génitaux, dans

les maladies des glandes viscérales, etc. L'infantilisme peut encore avoir

de simples manifestations partielles soit du, côté des organes sexuels, ou

du système cardio-vasculaire, ou des organes vocaux qui persistent tels

qu'ils existaient-dans l'enfance (3). » '

La description consacrée à ces cas d'infantilisme par Zambaco Pacha

dans son étude curieuse et bien documentée sur « Les Eunuques d'aujour-

d'hui et ceux de jadis » n'est pas moins instructive. Zambaco Pacha ap-

pelle cette forme d'infantilisme « eunuchisme naturel, ou infantilisme

par arrêt de développement des organes génitaux » (4).

Le cas de Vigouroux et Delmas, à tous égards très intéressant, se pré-

sente aussi comme un argument de valeur pour la thèse que nous défen-

dons. Il s'agissait d'un sujet présentant le syndrome clinique de l'infan-

tilisme thyroïdien, selon les travaux de Brissaud et IL Meige. Comme

l'examen clinique du malade n'avait pas réussi par la palpation à vérifier

l'existence de la glande thyroïde, on attribua l'arrêt de développement

physique et psychique, et secondairement l'arrêt de développement de

(1) Souques, op. cit. et loc. cit.

(2) E. VE1LL, 1'11Jcis de médecine infantile, 1911, t. Il, p. 516.

(3) C. Seity, Alalattie proprie del periodo délia pi4bei-la. Trattato di Pecliatrice de

Pflaünder et Schlosstnann, trad. 11lahenne, vol. I, p. 3T ! .

(4) Zambaco Pacha, Les Eunuques d'aujourd'hui et ceux de jadis, Paris, 1911, p. 125

et 599.

402 SOUZA ET DE CASTRO

l'appareil génital, à l'hypothyroïdie. La nécropsie a constaté une glande

thyroïde atrophiée, mais de forme et d'apparence normales ; les testicu-

les (l'un d'eux se-trouvait dans l'anneau), également petils et d'aspect nor-

mal ; enfin une petite tumeur sur la tige de la glande pituitaire. L'exa-

men microscopique a révélé :

a) La glande thyroïde historiquement normale ; b) la tumeur de la

tige de la glande pituitaire n'avait pas altéré le parenchyme glandulaire ;

c) des lésions des testicules très profondes et très étendues : non seu-

lement les canalicules séminifères ne se sont pas développés, les cellules

de la série séminale n'étaient pas différenciées, mais également dans le

tissu conjonctif off ne trouvait aucune cellule interstitielle. Les diffi-

cultés apparentes pour l'interprétation de ce cas disparaissent donc, avec

cette découverte microscopique, qui a prouvé que la glande diastématique

était profondément altérée, et que c'était elle qui devait être incriminée

en premier lieu dans la pathogénie du syndrome.

Vigouroux et Delmas pour conclure (1) font entrer le cas dans l'adias-

témacie précoce, telle qu'elle fut décrite par Ancel et Bouin en 1906.

Nous rapporterons encore l'observation d'Aubry, Jeandelize et Richon,

cas typique d'infantilisme chez un individu de 31 ans, avec les organes

génitaux atrophiés au plus haut point et l'hypercroissance des membres

avec arrêt de croissance du tronc. Les auteurs cités excluent absolument

la participation de la^ thyroïde dans ce cas, admettant l'hypothèse de deux

causes morbides : une dystrophie générale indéterminée, attaquant l'en-

semble de l'individu dans sa croissance "et son développement génital, et

l'insuffisance testiculaire (2).

Cette dernière, attestée par l'hypoplasie manifeste des organes génitaux,

suffit pour l'interprétation du cas comme étant d'infantilisme testiculaire,

tous signes qui pourraient mettre en évidence la coparticipation morbide

des autres glandes endocrines. '

Un argument de grande valeur à l'appui de la conception de l'infanti-

lisme testiculaire nous est encore fourni par les observations que nous a

fait connaître notre docte collègue le Dr Carlos Chagas, au sujet d'individus

adultes attaqués par la maladie qu'il a découverte, présentant tous les si-

gnes de l'infantilisme, et inclusivement l'arrêt de développement des or-

ganes génitaux, sans aucun signe d'hypothyroïdisme. Or une fois vérifié

que la possibilité de la présence du parasite cause de la maladie est ana-

(1) ViGOUROux et DELMAS, Infantilisme et insuffisance diastématique. Nouvelle Icono-

graphie de la Salpêtrière, 1901, p. 238 et suiv. ,

(2) E. AUBRY, P. Jeandelize et L. Richon, A propos d'un type d'infantile à longs

membres avec persistance des cartilages épiphysaires. Comptes rendus de la Société

de Biologie, 1906, 4° sem.; p. 153. 1

DYSTROPHIE GÉNITO-GLANDULAIItE 403

tomiquement dans le testicule, tout conduit à admettre dans l'hypothèse

dont on traite un infantilisme d'origine testiculaire.

Dans tous les cas rapportés jusqu'ici, il est question d'infantilisme de

début précoce. Nous signalons maintenant le type dit infantilisme régres-

sif de Gandy, dont la classification a été l'objet de doutes, mais dont l'ori-

gine dans l'appareil génital est absolument indiscutable.

De tels cas, que Brissaud à juste raison appelait « infantilisme tardif»,

peuvent plutôt être considérés comme des cas d'infantilisme post-pubère,

dans lesquels le rôle prépondérant des glandes génitales se montre encore

en évidence. C'est là au moins ce qui résulte des analyses de toutes les

observations, surtout de celles de Cordier et Rebattu. Ainsi au Congrès,

réuni à Lyon en 1911, défendant l'autonomie clinique de l'infantilisme

régressif, ces observateurs s'expriment ainsi :

« Plusieurs hypothèses pathogéniques peuvent se présenter ; la plupart

des auteurs admettent en effet que la glande thyroïde joue le rôle primor-

dial ; remarquons toutefois que lorsqu'elle est seule intéressée, elle ne

réalise pas le type clinique de l'infantilisme tardif, mais bien le tableau

du myxoedème acquis de l'adulte ; il s'agit alors d'une dysthyroïdie pri-

mitive antérieure à la dysorchidie qui lui reste subordonnée. Mais il est

un certain nombre d'observations dans lesquelles l'atteinte primitive du

testicule ne saurait être mise en doute, notamment les cas de Achard et

Démanche, Gallavardin et.Rebattu, Cordier et Francillon, etc.

Souvent alors il existe des symptômes thyroïdiens, mais ils passent au

second plan, de même que les symptômes surrénaux ou hypophysaires

que l'on peut constater.

Somme toute, dans la constitution de ce type clinique, la dysorchidie,

qu'elle soit primitive ou secondaire à la dysthyroïdie, lui donne toutes ses

caractéristiques (1). -

Dans une autre publication sur le même sujet, c'est ainsi que s'expri-

ment Cordier et Rebattu : « Mais ce qui est certain, c'est que la glande

génitale est toujours intéressée, l'atrophie testiculaire ou utéro-ova-

rienne, l'impuissance ne font jamais défaut et nous croyons qu'il n'y a

pas d'infantilisme tardif sans participation des glandes génitales, que la

dysorchidie soit primitive ou qu'elle soit secondaire à la dysthyroïdie.

Le primum movens peut donc varier : c'est tantôt le corps thyroïde,

tantôt le testicule ou l'ovaire. Nous proposons de distinguer un infan-

(1) Cordier et Rebattu, Sur l'autonomie clinique el la pathogénie de l'infantilisme

régressif : Congrès français de médecine, Lyon, 1911, p. 469-410. Voir les observations

de Gandy dans les thèses de L. RoL, Contribution d l'étude des syndromes pluri-

glandulaires. Pav., 199, p. 93 et suiv., et M. SOURDEL, Contribution à l'étude analo-

mo clinique des syndromes pluriglandulaires. Pav., 1912, p. 57 et suiv.

404 SOUZA Et' DE CASTRO

titisme myxoedémateux (ou thyroïdien) et un infantilisme non m)'xoedé-

mateux (congénital) (1). '

Les nombreux cas que nous avons cités constituent, comme on le voit,

une documentation plus que suffisante pour admettre dans le vaste groupe

des infantilismes un type d'origine génitale, que nous appelons type

infantile de la dystrophie génito-glandulaire.

Les faits qui ont été discutés justifiant l'inclusion'de l'infantilisme

parmi les dystrophies endocrines, montrent le manque de raison avec

lequel certains auteurs, parmi lesquels Falta, nient l'intervention effi-

ciente des glandes génitales dans la production de l'infantilisme. Pour

cet auteur, l'état en question représente un arrêt du développement de

l'organisme à une époque infantile, à partir de laquelle la glande

sexuelle ne s'est plus postérieurement développée ; l'état génital devien-

drait donc ainsi seulement un symptôme coordonné avec tout le tableau

morbide. Les organes sexuels demeurent à la période infantile, fonction-

nant comme les glandes sexuelles pendant l'enfance.

Et comme on en peut dire autant des autres glandes endocrines, selon

cette manière de voir on ne pourrait placer l'infantilisme parmi les affec-

tions primaires des dites glandes.

Une telle conception est selon nous contredite par les faits cliniques,

appuyés sur la vérification des lésions et des altérations histologiques,

prouvant que l'infantilisme, dans beaucoup de cas, est une dystrophie

ayant pour cause une insuffisance glandulaire endocrine, et dans quel-

ques-uns d'entre eux, d'origine génitale.

Nous pouvons donc parler d'un infantilisme testiculaire ou ovarien,

et marquantson origine, d'un infantilisme génital. Et Falta lui-môme,

admettant un infantilisme pur (echter infantilismus) pour le distinguer

des cas dits d'infantilisme symptomatique, laisse percevoir qu'il ne faut

pas confondre le premier avec des états hypoptasiquesouhypotrophiques,

plus ou moins prononcés, et dépendant de causes diverses. Et plus d'une

fois l'auteur fait allusion aux formes de passage entre l'infantilisme pur

et la forme hypophysaire et eunuchoïde de la dystrophie adiposo-géni-

tale (2).

C'est qu'en réalité il existe une forme-d'infantilisme que nous appelle-

rons, avec Gilford, essentielle, pour la distinguer de la forme sympto-

matique.

La première comprend les cas typiques complets ou parfaits d'infanti-

(1) Cordier et Rebattu, L'infantilisme régressif ou tardif de l'adulte. Nouvelle

Iconographie de la Salpêtrière, 1911, p. 423.

(2) FALTA, Le malatlré delle .7landole sanguigl1e. Trad. Italiana, milans, 1914, p. 539.

DYSTROPHIE GÉNITO-GLANDULAIRE

lisme, dont la pathogénie dépend de troubles des glandes endocrines.

Si dans certains cas d'infantilisme il n'a pas été possible de mettre en

évidence le rôle de ces glandes comme cause déterminative, ce n'est pas

là une raison suftisante pour nier leur intervention efficiente dans tous

les cas, comme le veut Falta.

Pende, se rapportant à cette façon de penser, fait la réflexion suivante

qui nous paraît raisonnable : « Sur la base de ces faits, Falta admet une

forme d'infantilisme qu'il appelle echter infantilismus (infantilisme

véritable) et qu'il distingue des infantilismes résultant de maladies des

glandes endocrines, lequel seraitcaractérisé précisément par l'absence des

symptômes glandulaires. Mais les 3 exemples que Falta fournitpour cette

individualisation nosographique ne me semblent pas démonstratifs, et au

point de vue pathogénique, il vaudrait mieux admettre l'existence de

rares cas d'infantilisme cryptogénétique, à côté des cas nombreux d'in-

fantilisme dépendant des anomalies endocrines, en attendant que les pro-

grès de la'séméiologie clinique et Uistopathologique des glandes à sécrétion

interne éclairent aussi la pathogénèse de la première forme, sans affirmer

que celle-ci soit d'origine extraglandulaire (1).

Nous ne sommes pas loin de souscrire à cette opinion de Pende, au

sujet des cas où il a été tout à fait impossible de retrouver la coparticipation

de l'appareil endocrine. Quant à la dénomination de cryptogénétique

employée par l'auteur italien, il convient de rappeler qu'elle est employée

par Gilford, qui l'avait déjà adoptée pour l'infantilisme essentiel, pour

le distinguer ainsi de {'infantilisme symptomatique.

Mais le remarquable observateur anglais, loin d'exclure, àvait plutôt

accepté l'intervention des glandes génitales- comme on en peut juger

d'après ses paroles : « Infantilisme essentiel ou cryptogénique. Celui-ci

se distingue de l'infantilisme symptomatique par son degré prononcé, par

son apparence qui semble spontanée et quelquefois par son hérédité. Il y

en a deux formes : ateleiosis etprogeria. L : ateleiosis est l'infantilisme

spontané, primaire. Il peut débuter à n'importe quel âge du développe-

ment progressif, et ses caractères en grande partie sont ceux habituels à

l'âge auquel il éclate. Il débute généralement dans l'enfance ou la pre-

mière jeunesse et les proportions, la physionomie de cet âge de la vie,

sont alors perpétuées. Il est enclin à s'associer avec la cryptorchie ou avec

quelque trouble de développement correspondant des ovaires produisant

une divergence sous deux variétés, sexuelle et asexuelle. Dans l'ate-

leiosis asexuelle, tous les traits physiques de la vie infantile sont sté-

réotypés (2).

(1) PENDE, Endocrinologia, p. 889.

(2) HASTINGS GILFOItD, An Index of Diffe1'ential Diagnosis of main Symptoms. Edited

by H. French, Bristof, 1914, p. 216-218.

406 SOUZA ET DE CASTRO

III. TYPE gérodermique (1) ET TYPE EUNUGIi01DE (2)

DE LA DYSTROPHIE GÉNI'CO-GLANDULA1RE.

L'étroite analogie qui existe entre ces deux types permet de donner

une description globale des deux, ce qui évitera des répétitions, tout en

faisant ressortir à propos les signes différentiels de l'un et de l'autre.

Ce sont incontestablement les remarquables travaux de Rummo et de

Ferranini (3) qui ont le plus concouru pour l'étude de la dystrophie

génito-glandulaire. Ces auteurs, sous le nom de geroderma genilo-dys-

trophica, ont signalé en 1897 un type clinique, subordonné, comme

- l'indiquait le nom proposé, à la dystrophie génitale, et caractérisé par un

ensemble d'altérations morphologiques et fonctionnelles, parmi lesquelles

on rencontre de façon constante l'insuffisance de développement des

organes génitaux, avec son immédiate conséquence sur les fonctions qui

en dépendent, et un état spécial de la peau, dont l'aspect sénile se traduit

par le terme geroderma (4. Ciauri, élève de Rummo, a plus tard pro-

posé la désignation, préférable selon nous, de sénilisme (5).

Griffith (1894) avait décrit avant Rummo un cas d'insuffisance génitale

auquel il avait appliqué le qualificatif d'eunuchoïde, dont plus lard

Tandler et Grosz ont profité (191Q) (6) quand dans un travail mémorable

ils ont élargi la conception relative aux syndromes d'insuffisance génitale,

créant l'expression générique d'eun2lchoïdisme, commune aujourd'hui,

et dans laquelle on veut mettre en relief la ressemblance symptomatolo-

gique avec le véritable eunuchisme obtenu par la castration.

La caractéristique principale des types de dystrophie génito-glandulaire

connus sous les désignations de géroderma génitodystrophique et eunu-

choïdisme réside évidemment dans l'aspect général du corps, où sous une

forme plus ou moins pure la constitution morphologique des individus

castrats se présente, ce qui donne au sujet une apparence si particulière

que le diagnoslic s'impose à la simple inspection.

Ces types sont très rarement observés dans le sexe féminin. Nous

(1) Voir les observations I et Il.

(2) Voir les .observations III, V, VI, VII, VIII, IX, XVI et XVII. '

(3) Le travail initial sous le litre : Geroderma genito-deslrofico, nuovaentila clinica,

fut publié dans la Riforma medica, ils97, p. 3.40.

(4) Souques et J.-B. Charcot s'étaient auparavant servi de l'expression géromor-

phisme cutané, à propos de l'observation d'une fillette, dont la peau avait pris

l'aspect sénile à la suite d'une éruption. Il n'y avait toutefois dans ce cas rien qui se

.rapportât à la sphère génitale.

(5) R. C iAuRi, Il senilismu e i dismorJismi sessuali. Roma, 1912.

(6) J. TANDLER and S. GRosz, Die biologisclien Grundlagen der Sekunddren Geschlech

Scharaktère. Berlin, 1913.

DYSTROPHIE GÉNITO-GLANDULAIRE 407

examinerons d'abord sa-représentation chez l'homme, et nous en signale-

rons ensuite les différences chez l'autre sexe.

L'état de la peau est typique dans l'espèce, et concourt extraordinaire-

ment pour la physionomie spéciale de ces individus. La transformation du

tissu cutané le rend rugueux et peu élastique, d'un ton jaunâtre, spécia-

lement remarquable à la face qui est entièrement glabre. Dans certains

cas, dans le type gérodermique, les rides sont très nombreuses, ce

qui donne au visage un aspect vieilli et parcheminé, tout à fait parti-

culier (facies gerodermica) (1). Dans le type eunuchoïde les plis sont

plus discrets, la peau plus fine et moins crispée, l'accumulation de graisse

donnant un air bouffi (faciès eunuchoïde). En outre dans le premier cas

les rides sont précoces, évidentes déjà à la fin de l'enfance, tandis que

dans ce dernier elles ne se montrent qu'à l'âge adulte. Une telle diffé-

rence, on le conçoit, n'aura aucune valeur si le diagnostic se fait sur un

vieillard. L'aspect ridé de la peau, et surtout du visage, rappelle avec

exactitude, en quelques cas, la peau de certaines oranges, à laquelle on

l'a déjà comparée.

Les altérations du système pilifère sont constantes dans les types que

nous sommes en train d'étudier. Le visage est totalement glabre, ou tout

au plus couvert par un duvet délicat comme celui delà pêche, avec une

tonalité blonde. Parfois, au début de la vieillesse, de rares fils blancs

apparaissent au menton, donnant l'air d'une vieille femme (obs. I). Aux

aisselles, à la région pubienne, au scrotum et au périnée, l'absence de

poils est complète, ou s'ils existent ils sont très rares et rudimentaires

(voir les obs. I, II, V, VIII, XIV, XVII, XVIII). Dans d'autres cas les

poils n'existent qu'à la région pubienne, et manquent aux aisselles, aux

scrotum et au périnée (obs. 111). S'ilsexistenl à la zone pubienne etqu'ils

aillent au delà d'un simple duvet, leur disposition prend alors comme

dans le type féminin une forme limitée par une ligne supérieure horizon-

tale (obs. VI et IX). Il n'existe jamais de poils à la région antérieure du

thorax et sur les membres leur développement est incomplet ou nul.

(1) Il vaut la peine de reproduire à cause de son exactitude la description de

Rummo, en ce qui concerne l'ensemble des caractères cutanés dans la gérodermie :

«... un ton général de cire vieille, la peau lâche, chiffée, rugueuse, ratatinée, morbide

et sans poils avec un duvet blond doré-seulement, imperceptible sur les lèvres et les

joues ainsi qu'aux aisselles et au pubis, aussi bien à 15 ans qu'à à 50 » (peau de vieil-

lard ou gérodermie, op. cit., loc..cit.). Et plus loin au sujet des castrats : « Rien donc

qui rappelle ni la couleur spéciale de la vieille cire ou du vieux parchemin, beau-

coup de castrats au contraire sont rubiconds, ni le ratatinenlent, la flaccidité et les

rides nombreuses, qui confèrent à un jeune homme de 19 ans l'aspect d'une vieille

femme, et à un adulte de 50 ans l'aspect d'un jeune homme (ils sont jeunes et

semblent vieux ; quand vieux ils paraissent jeunes) conservant le secret de cette

jeunesse dont ils n'ont jamais possédé le flambeau a. P. 343.

408 SOUZA ET DE CASTRO

Les cheveux présentent des caractères spéciaux chez ces individus, ils

sont presque toujours durs, raides, secs et sans éclat, avec une tendance

à une blancheur précoce. On rencontre le fait, vérifié dans l'obs. Il : de

voir le malade,'bien que suffisamment âgé, n'avoir pas un cheveu blanc.

L'alopécie en plaques s'observe communément (obs. III et VI). Les sour-

cils se conservent généralement, mais on n'observe jamais de poils à la

racine du nez, et il y a en outre hypothricose des fosses nasales.

L'état des organes génitailx se caractérise par l'absence ou l'insigni-

fiance de leur développement. Ce que l'on observe dans le plus grand

nombre de cas, ce sont les testicules renfermés dans la bourse et réduits au

volume de haricots. Chez certains types, cependant, spécialement chez

ceux de début tardif, le volume des testicules reste un peu au-dessous de

la normale (obs.V1), ou bien, ce qui est excessivement rare, sans modi-

fication de volume, comme dans notre observation V, dont nous ne con-

naissons aucun exemple similaire, à ce point de vue. La cryptorchidie

n'est pas rare, uni ou bilatérale, abdominale ou inguinale, quel que soit

le point où l'organe s'est trouvé retenu. La consistance ne s'en modifie

pas toujours, bien que le durcissement du testicule ne soit pas rare

(obs. yi).

Le pénis, sauf quelques rares cas où le volume peut ne se réduire que

légèrement, se présente en général comme très rudimentaire et infantile,

de 3 centimètres de longueur en moyenne.

Dans la généralité des cas la fonction génésique n'existe pas, impoten-

tia coeîiî2di et generandi, l'instinct génésique ne s'éveille même pas,

avec les idées érotiques corrélatives. Néanmoins on a observé chez cer-

tains sujets, au moins d'une manière transitoire, le désir sexuel ou même

l'érection avec possibilité de copulation ; et l'on connaît des observations

de transmission héréditaire de la dystrophie génitale. Sur ce fait, qui

montre typiquement la dualité de la fonction testiculaire, nous reviendrons

plus loin, quand nous traiterons de la pathogénie.

Sterling admet 4 types en ce qui a trait la condition sexuelle, dans

l'hypo-7énitalisme : a) Iagpo-sexilalisme total, aplasie morphologique

et absence de fonction ; b) dissociation fonctionnelle : déficit fonction-

nel sans aplasie manifeste ; c) hypoplasie des organes génitaux et dis-

sociation des différents éléments fonctionnels comprenant 3 hypothèses :

ou conservation de l'instinct sexuel, avec stérilité, ou conservation de la

faculté de conception avec absence de libido, ou finalement impuissance,

stérilité, mais libido exagéré ; d) dissociation purement morphologique :

pénis petit, testicules bien développés, ou vice versa, etc. (1).

(t) U Sterling, Klinische Studien über den Eunuchoïdismus and vervandle krank-

heitszustânde : Spdleunuchoïdismus (Falta) Degeneratio genilo-slerodermica (Noorden).

Zeitschr. f. die ges. Neurologie u. Psychiatrie. 1913, XVI, p.235.

DYSTROPHIE GÉNITO-GLANDULAIRE '409

Un autre élément symplomalologique des types gérodermique et eunu-

choïde de la dystrophie génito-glandulaire c'est l'adiposité, qui revêt

une forme très spéciale. Quel que soit le degré qu'elle ait atteint, parfois

très considérable, l'accumulation de graisse est prédominante sur certains

points, constituant ce que Tandler et Grosz. appellent ['adiposité ennu-

choïde ; à la région mammaire, abdominale, aux régions itraques. C'est

ainsi que dans ces types et d'autres de dystrophie génito-glandulaire on

rencontre des seins comme chez les gynécomastes (voir les obs. I, II, III,

IV, V, IX, XVIII) ; le ventre, plus ou moins débordant, peut pendre au

point de recouvrir complètement ou partiellement les organes génitaux

(obs. V) ; la région sub-pubienne, élevée, se détache sous forme d'un

trapèze. Cette adiposité se constitue dès l'enfance et dans certains -cas

d'une façon très rapide.

L'adiposité est presque de règle dans ces types de dystrophie génito-

glandulaire et on constate, circonstance tout à fait notable, qu'elle résiste

d'ordinaire aux causes d'amaigrissement.

Il y a des cas, cependant, que l'on pourrait appeler eunuchoïdisme

maigre. Tandler et Grosz avaient déjà montré que dans le cas d'eunu-

choïdisme avec stature élevée, qui est le plus commun, il peut ne pas y

avoir d'adiposité. Mais nous le répétons, le plus courant c'est de rencon-

trer l'adiposilé dans le type eunuchoïde, où elle est en général plus con-

sidérable que dans le type gérodermique de la dystrophie génito-glandu-

laire.

La morphologie du squelette fourni taux types gérodermique et eunu-

choïde une caractéristique anthropologique très spéciale, ^ dont le trait

prédominant réside dans le développement disproportionné des membres'

par rapport au tronc, qui se trouve trop court en comparaison de leur

longueur. La croissance des membres, et surtout des inférieurs, excède

les dimensions habituelles du type de la race, d'où dans le commun des-

cas une tendance à la taille gigantesque (gigantisme eunuchoïde).

On observe aussi parfois dans ce type le genu valgum bilatéral. Mais

si la proportion réciproque des segments respectifs se conserve aux

membres inférieurs, il n'en est pas toujours ainsi aux membres supérieurs

qui s'allongent aussi plus que normalement par une croissance pronon-

cée surtout des os de l'avant-bras. Chez ces individus la grande enver-

gure des bras dépasse communément la hauteur du corps. En outre,

l'excessif développement des extrémités distales des membres qui s'allon-

gent est remarquable également (1). `

(t) Depuis sa première publication sur ce sujet, ltummo a signé une altération

morphologique du pied, en conséquence de l'épaississement du squelette à l'articula-

410 - SOUZA.ET DB CASTRO

Les mains ont ainsi un type long et effilé comme celui de belles mains

féminines, l'hyperdistensibilité des doigs étant spécialement notable (voir

obs. VIII et XVIII).

Selon les auteurs italiens une petite cyphose cervico-dorsale serait

commune dans ces cas, ce dont d'ailleurs notre observation discorde;

raison pour laquelle nous ne faisons pas rentrer le fait parmi les autres

stigmates squelettiques propres à l'espèce dont nous traitons.

L'augmentation des diamètres transverses est évidente au bassin, d'où

provient l'aspect féminin typique, accentué par l'adiposité des fesses et

le contraste présenté par l'étroitesse des épaules qui est également

manifeste.

JLe crâne est généralement petit, et souvent du type dolichocéphale. Les

auteurs italiens ont l'habitude de mentionner dans le type gérodermique

la proéminence des os de la face, el spécialement de la mandibule, ce qui

n'a rien de fréquent selon nous et moins encore de constant.

A propos de la constitution du squelette, il convient encore d'accentuer

la fragilité osseuse prononcée qui s'observe dans ces cas,' quand la graisse

et la stature élevée feraient croire au contraire à une certaine robustesse.

C'est ainsi que les fractures sont communes chez ces individus, comme en

on peut juger par nos observations où elles sont signalées dans deux cas

(obs. III et XVI).

Le larynx persiste à l'état cartilagineux jusqu'à un âge avancé, et la

voix dans la majorité des cas est de tonalité haute, une voix quelque peu

de fausset (voix eunuchoïde).

Les dents sont généralement de faible constitution dans les types géro-

dermique et eunuchoïde, ce qui s'explique d'après de récents travaux où

l'on prouve l'action des sécrétions internes dans la formation et le déve-

loppement du système dentaire.

Des observations nombreuses montrent des défauts de développement,

des dents anormalement écartées, avec des bords anfractueux, etc.

Sterling a rencontré dans l'eunuchoïdisme (ce que nous ne pouvons

confirmer personnellement) une intumescence osseuse au centre de la

. voûte palatine, avec une fréquence telle que cela lui a permis d'incorporer

ce signe à deux autres auxquels il donne la plus grande importance, et

qui forment une triade très caractéristique de cette espèce clinique :

hyperdistensibilité héréditaire des doigts et dilatation des cavités pneu-

matiques des os, vendable par la radiographie.

tion tibio-tarsienne et au métatarse, piede agetlo. Rummo a donné le nom de mano

dirana, à la déformation de la main qui se présente plate, large, sans interligne arti-

culaire au poignet, les bords externes de la main et ceux des extrémités inférieures du

radius et du cubitus se trouvant sur la même ligne (op. cit., p. 342).

OUVI 1 r F 1( : O' : OGlt.%PIIIE DF L.\ S.\LPL'1'IiILRI : .

T. XXV111 PL. LXY

Ob,. III

Obus. in

Obis. XVII

DYSTROPHIE GÉ\I1'O-GLA\DULAIKE

(Oscar de Soryn et Aloysio de Castro.)

Masson & Cie, Editeurs.

S{ ?

DYSTROPHIE GÉ\ITO-GLANDULAIRE 4H ?

Quant à l'examen radiographique de la selle turcique, il est admis

avec preuves à l'appui qu'en général on ne rencontre pas d'exagération

de ses dimensions, et qu'il n'y a pas d'altérations morphologiques de

l'hypophyse. Il faut savoir dès maintenant que c'est là un des caractères

qui distinguent le type eunuchoïde de la dystrophie génito-glandulaire

du type Franlich de la même dystrophie, qui, parce qu'il est accompagné

de néoplasme hypophysaire, est tenu par les auteurs comme une forme

d'origine primitivement hypophysaire ; opinion que l'on ne doit pas

accepter, selon nous, au moins en relation à tous les cas. Dans nos obser-^

valions du type eunuchoïde, la selle turcique, ainsi qu'il appert des docu-

ments que nous reproduisons ici, s'est rencontrée normale. Nous ferons

remarquer surtout que dans l'observation III, cas formel de type eunu-

choïde, l'examen radiographique a signalé un néoplasme hypophysaire,

circonstance sur laquelle nous reviendrons sous peu pour expliquer pour-

quoi nous acceptons l'origine primitivement génitale du syndrome de

Frôhlich (PI. LXV).

Pende, dans son récent traité d'endocrinologie, affirme (1) qu'il y a

augmentation de la selle turcique dans le type gérodermique. De là l'auteur

lire un argument en faveur de l'existence dans l'espèce, non seulement.

d'altérations génitales, mais aussi d'altérations hypophysaires. Ainsi

dit-il, au sujet du type gérodermique (2) : « Nous trouvons ici des

symptômes (constants et fondamentaux) qui ne sont pas particuliers à

l'insuffisance génitale : personne ne pourra nier la grande analogie du

squelette des gérodermiques avec celui du gigantisme acromégalique,

que maintenant presque tous les auteurs considèrent comme syn-

drome d'hypel'pitltitarisme primitif, par hyperplasie ou adénome de

l'hypophyse : chez les gérodermiques nous trouvons le développement

prépondérant de la face, le prognathisme, la saillie de l'occipital et la

cyphose cervico-dorsale, tous caractères propres à l'hyperpiluitarisme, et

opposés à ceux produits par la castration ; nous trouvons les mains et les

pieds grands et massifs ; la selle turcique augmentée ; enfin le fait carac-

téristique du développement rapide et précoce en longueur des mern-

bres avant la puberté et l'arrêt de la croissance à l'époque pubère : le

contraire de ce qui se passe dans l'insuffisance génitale pure. On y voit

se joindre la coexistence si fréquente du diabète insipide, syndrome si

souvent associé aux lésions de la région hypophysaire ; et il devient alors

plus que légitime de supposer que tout ce groupe important des symp-

tômes de la gérodermie ne naît pas directement de l'insuffisance testicu-

laire, mais d'un hyperpituitarisme concomitant. »

(1) l'RN9E, IndoC1'jnologie, p. 928.

(2) Pende, op. cit, p. 931.

412 SOUZA ET DE CASTRO

L'auteur tire alors la conclusion que le sénilisme est une forme de

transition entre les syndromes mono et pluriglandulaires, c'est-à-dire un

syndrome pluriglandulaire, avec prédominance des symptômes qui dépen-

dent d'une glande', et dans le cas présent, de la glande génitale. Or, une

telle opinion est selon nous tout à fait insoutenable et doit être rejetée.

Effectivement, ni nos observations personnelles, ni celles d'autres auteurs

que nous connaissions ne permettent de faire entrer dans le type géroder-

mique les signes acromégaliques que Pende pense avoir rencontrés : et

' en ce qui concerne la radiographie, la selle turcique se trouve de dimen-

sions normales dans le type gérodermiqne (voir fig. VII).

Les signes acromégaliques tirés du système osseux, auxquels Pende fait

allusion, ne nous semblent pas subordonnés par un rapport constant au

lype gérodermique.

Et pour tout, notre opinion est que ce type gérodermique est purement

et primitivement génito-gtandutaire, et que l'hypophyse n'y contribue

en rien.

Le type gérodermique, comme nous le voyons, est grandement similaire

au type eunuchoïde, c'est-à-dire aux cas auxquels les auteurs allemands

donnent le nom d'eunucho'idisme : la distinction entre eux consiste en

bien peu de chose et nous avons montré déjà quelle elle est, l'état de la

peau précocementsénile dans le type gérodermique.

L'état psychique des types que nous étudions maintenant mérite une

analyse attentive. Il résulte de la plupart des observations que les fonctions

intellectuelles se révèlent communes, sans trace de puérilité.

On connait même des cas d'individus qui sont arrivés par leur mérite

à des positions culminantes dans les affaires, la politique, ou dans les

carrières libérales. Nous connaissons le cas d'un ingénieur qui est une

des lumières de sa classe. Les observations d'une infériorité intellectuelle

évidente, ou surtout d'une complète imbécillité, sont beaucoup moins

nombreuses. '

La conscience de son incapacité sexuelle, acquise de bonne heure par

le sujet, détermine chez lui une constitution psychologique spéciale, ces

individus évitant en général toute allusion à des sujets sexuels et se mon-

trant d'ordinaire timides et craintifs. Quand on les interroge sur celle ma-

tière ils détournent la conversation, laissant croire à leur état normal ence

qui touche à ces fonctions. Ils ne se prêtent qu'à contre-coeur en général à

l'examen et quelques-uns même refusent l'inspection des organes génitaux

(obs. XVI). Dans nos observations III et XVIII il fut très difficile d'obte-

nir l'examen direct. -

Il faut encore signaler que dans un petit nombre d'observations on

rencontre même une tendance à la simulation d'une grande puissance

DYSTROPHIE GÉNITO-GLANDULAIRE 413

génitale : des individus qui se jettent publiquement dans des aventures

galantes et amoureuses pour cacher l'insuffisance dont la nature les a

gratifiés. Il est assez curieux de signaler également qu'il n'est pas rare

d'en voir se marier et plus d'une fois.

Quelques observations plus rares révèlent de patents exemples de psy-

chopathie sexuelle, avec tendances homosexuelles et autres.

Parmi d'autres exemples généralement admis dans ces types de dystro-

phie génito-glandulaire figurent la polyurie et le diabète insipide, ce

que nos observations n'ont pas confirmé.

Pour l'état de sang, sans exclure l'aspect pâle de la peau, il n'y a pas

d'anémie. Falta signale l'existence de mononucléose dans la formule san-

guine. Nous ne la tenons pas pour constante.

Les symptômes traités jusqu'ici, qui donnent la diagnose caractéristique

des types gérodermiqueeteunuchoïdedeta dystrophie génito-glandulaire,

débutent avant la crise de la puberté, condition sans laquelle les anoma-

lies de développement du squelette que nous avons rapportées ne peuvent

pas se déclarer. Il s'agit donc d'un état congénital d'hypo-génitalisme ma-

nifesté dans l'époque prépubère. Dans des' cas beaucoup plus rares il

s'agira de lésions génitales consécutives à des infections de l'enfance, scar-

latine et surtout parotidite.

Nous devons maintenant rapporter une modalité du type eunuchoïde,

où les phénomènes se déclarent dans l'âge mûr, et qui pour cela précisé-

ment se distingue de la forme commune : c'est l'eunuelioïdisrne tardif,

décrit par Falta (1), en 191 I, forme bien représentée dans notre observa-

tion VI. Ici, chez un individu dont l'organisme était arrivé à son parfait

développement, appareil génital inclus, on voit se manifester par suite

d'un traumatisme ou d'une grave orchite bilatérale, une atrophie, ou ·

mieux une régression des organes sexuels, et collatéralement des caractères

sexuels secondaires, chute de la barbe, des poils axillaires, de ceux du

tronc et de la région pubienne, le tout accompagné d'adipose et de modi-

fication de la voix, dont le timbre s'altère.

Les testicules selon Falta deviennent plus mous ; Sterling affirme le

contraire. -

Il est évident qu'à l'époque où apparaissent les symptômes, on ne ren-.

contre pas les modifications de la taille du squelette, propres à l'eunuchoï-

disme prépubère. -

Chez le malade auquel se rapporte l'observation VI, après l'atrophie

des testicules qui ont pris la dureté d'une pierre, des altérations osseuses

(t) Falta, Spcileunuchoïdismus und multiple Blutdrûen (Berl. Klin. Wochenschr.,

1911 et 1912, nos 30 et 31).

xxvm - 28

414 SOUZA ET DE CASTRO

du type transverse se sont manifestées, comme dans l'acromégalie, on a

trouvé un épaississement évident des os du crâne et des jambes (Voir l'exa-

men radiographique du crâne, fig. X).

Les cas de cette nature ont été interprétés de manières diverses, quel-

ques auteurs admettent l'existence d'une certaine débilité congénitale de

l'appareil génital, prédisposant aux effets ultérieurs du traumatisme et

des infections sur le testicule. . 1

L'action du traumatisme a été prouvée par des observations faites en

certaines régions du Mexique, sur des indigènes auxquels on donne le sur-

nom de mujerades, et chez lesquels l'habitude de monter continuellement

à cheval détermine une compression testiculaire continue, à laquelle suc-

cèdent des phénomènes d'atrophie de l'organe et la régression des carac-

tères sexuels secondaires avec la gynécomastie (1).

La majorité des ^types de dystrophie génito-glandulaire tardive se

rattache au tableau ébauché par Falta qui y classe aussi les cas décrits

sous e nom d'infantilisme régressif du type Gandy, infantilisme

réversif de l'adulte, que Gandy subordonnait au dysthyroïdisme avec

dysorchidisme. '

Mais dans d'autres cas, comme on l'a dit à propos du type simplet la

dystrophie génito-glandulaire, les phénomènes qui la caractérisent s'ins-

tallent tardivement sans revêtir le type eunuchoïde et l'adipose caracté-

ristique fait défaut. Dans ces cas, il ne nous paraît pas exact d'accepter la

dénomination d'eunuchoïdisme tardif, qui doit être circonscrite à l'hypo-

thèse où la lésion testiculaire se produit dans l'âge mûr, donnant l'indi-

vidu le caractère morphologique de l'eunuchoidisme, sinon d'une façon

complète (nous avons vu que les modifications de taille font défaut), au

moins par quelques-uns de ses signes (adipose eunuchoïde). Hors cela il

s'agira du type simple de la dystrophie génito-gandulaire, forme tar-

dive. C'est précisément ce qui arrive chez le malade de la fig. 13, que nous *

avons observé dans le service de notre distingué collègue le Dr Eduardo

Meireilles, à la « Policlinica », et chez lequel, à l'âge adulte, un trauma-

tisme testiculaire fut suivi d'un durcissement de l'organe, de la perte

de la fonction génitale et de la chute totale des poils.

La dystrophie génito-glandulaire revêt très rarement chez la femme le

type gérodermique ou l'eunuchoïde, beaucoup plus propres à l'homme.

La forme eunuchoïde tardive, en particulier, est tout à fait exceptionnelle

chez la femme. '

Ces types, dans le sexe féminin, se se révèlent par la faible accentuation

de la différenciation sexuelle. Mais dans l'eunuchoïdisme féminin (l'ex-

(t) PENDE, op. cit., p. 133.

' DYSTROPHIE GÉNITO-GLANDULAIRE 415

pression est admise aujourd'hui), les traits de la virilité s'accentuent moins

que ceux du féminisme.ne le font dans l'eunuchoïdisme masculin. Au con-

traire de ce qui se passe ici, il y a là une adiposité sous-cutanée insuffi-

sante, les seins étant peu développés et le mons veneris révélant de l'hy-

poplasie. Pour le reste on rencontre le même manque d'harmonie dans

les proportions du squelette, et les mêmes caractères de l'eunuchoïdisme

masculin du côté de la peau. .

Quant à l'évolution des types gérodermique et eunuchoïde, parfois,

dans les cas dépendant de lésions dans l'âge tendre, les manifestations peu-

vent s'effacer après la puberté, devenant ainsi transitoires, eunuchoïdisme

passager, qui montre que ce n'est pas là un cas de lésions irrémédiables.

Mais ces cas constituent une parcelle insignifiante dans la statistique de

t'eunuchoïdisme. Dans les manifestations qui datent de la phase prépu-

b8re et qui sont durables, rien ne s'oppose à la longue vie de ces individus.

La même bénignité d'évolution se retrouve dans les cas du type eunu-

choïde tardif d'origine traumatique. Il n'en est plus ainsi dans les cas d'o-

rigine infectieuse : dans ceux-ci l'état général dépérit dans un délai plus

ou moins court, puis survient l'asthénie et la cachexie finale. -

IV. TYPE ER0HL1CH DE la dystrophie génito-glandclairk (1).

Dans des cas déterminés, la dystrophie génito-glandulaire revêt un type

quelque peu divers des précédents, qui bien qu'observé d'abord par Ba-

binski en France (2), n'a été définitivement particularisé qu'avec les obser-

vations de Frôhlich, de Bartels et autres.

Il s'agissait dans le cas de Babinski d'une jeune fille de 17 ans, qui

depuis quelque temps accusait de la céphalée, aggravée à l'âge de 14 ans

avec une violente intensité. Dans les derniers mois l'affaiblissement visuel

s'était accentué, coïncidant avec des crises épileptiformes. De stature

moyenne, la patiente présentait une adipose considérable et un aspect

infantile des organes génitaux, avec absence de menstruation. A l'autopsie

on a reconnu une tumeur de la selle turcique, adhérente à l'hypophyse et

comprenant le tuber cinereum ; ovaires et utérus petits, correspondant à

l'état de développement propre à l'âge de dix ans.

Bien que classant le cas erronément comme un cas d'infantilisme, à

cause du manque de développement des organes génitaux, l'essentiel c'est

que Babinski éveilla l'attention sur le point fondamental, à savoir : si

l'arrêt de développement des organes génitaux ne serait pas lié à la lésion

hypophysaire : « // me semble que l'idée d'une relation de cause à effel

(1) Voir les observations IV et XVII I. J

(2) J. Babinski, Tumeur du corps pituitaire sans acromégalie et avec arrêt de déve-

loppement des organes génitaux. Revue Neurologique, 1900 p. 531.

416 SOUZA ET DE CASTRO .

entre la tumeur du corps pituitaire et l'infantilisme est très accep.

table (1). »

Ce fut cependant avec le travail de Frôhlich (2) que le type en question

fut bien connu, et qu'on lui donna comme nom syndrome de Frôhlich,

dystrophie adiposo-génilale, dystrophie adiposo-génitale-Iaypoplay-

saire, adipose h1spophysaÙ'e (Barlels), degeaeratio adiposo-genitalis

(Von'Noorden), hypopituitarisme.

Selon le consentement général, ce syndrome indique une insuffisance

fonctionnelle de l'hypophyse, comportant un arrêt consécutif de dévelop-

pement des organes génitaux. Nous verrons bientôt jusqu'à quel point on

. peut accepter une semblable notion.

Trois éléments sont fondamentaux pour le diagnostic du syndrome de

Frôhlich : l'adiposité, l'hypoplasie génitale, des signes de tumeurcérébrale.

L'adiposité, accentuée et s'établissant rapidement (parfois l'individu

dans l'espace de^ quelques semaines gagne étonnamment en poids), est

d'une distribution plus ou moins généralisée, dominant cependant aux

seins, fesses, cuisses, région inférieure de l'abdomen et région sub-pu-

bienne, et obéit ainsi au caractère de distribution de l'adiposité eunu-

choïde.

L'état morphologique et fonctionnel des organes génitaux est en tout

semblable à celui des types précédents, et l'on observe le même manque

de développement des caractères sexuels secondaires.

Parmi les signes de tumeur cérébrale, la céphalée, diffuse, souvent

accompagnée de désordres visuels,est le symptôme le plus fréquent. L'exa-

men radiographique révèle une tumeur hypophysaire de type extra-sellaire,

c'est-à-dire" se développant en dehors et au-dessus de la sellé turcique et

amenant comme conséquences, selon son volume, la destruction du dossier

et des apophyses clinoïdes postérieures, l'abaissement du sillon chiasma-

tique et du fond de la selle (3). '

L'extension de la tumeur peut être telle qu'il y ait, par compression,

paralysie de nerfs crâniens.

Outre les signes indiqués, on en a décrit d'autres d'importance moindre

dans le syndrome de Frôhlich.

En général -la température moyenne du corps est de 36 à 36°5 dans les

cas de ce genre.

Quant à l'étal du sang, on a,observé avec une certaine fréquence l'aug-

(1) l3nmnsm, op. cit., p. 532.

(2) A. FIIUIILICII, Tiemoi- der hypophyse ohtte akromegalie. Wien. Klin. Rundschau,

1901, no. 47 et 48. Consulter LAuxors et Clairet, Le syndrome hypophysaire adiposo-

génital Gazette des hôpitaux, 1910, p. 57, et GnAHAUT, Le syndrome hypophysaire

adtpoio-ginital. Thèse Paris, 1910.

(3) Voir la thèse du Dr JnYna R09ADO, Radio-diagnostic des tumeurs de l'hypophyse.

Rio de Janeiro, 1916. ,

DYSTROPHIE GÉNIRO-GLANDULAIRE 417

mentation des mononucléaires et surtout des lymphocytes, avec une dimi-

nution des éléments neutrophiles.

Les essais qui ont été faits à l'égard des échanges nutritifs ne sont pas

jusqu'à ce jour en nombre suffisant pour permettre d'établir une règle

absolue. On^suppose généralement que dans ce cas le pouvoir d'assimila-

lation des hydrates de carbone est augmenté, ce qui serait le contraire de

ce qui est admis pour l'acromégalie.

Nous ne nous arrêterons pas aux particularités qui se rapportent aux

caractères de la voix, à l'état de la peau et aux conditions psychiques, où

tout se règle d'une façon générale, d'accord avec ce que nous avons dit

quant au type eunuchoïde. Il est bon de remarquer que les veinules

superficielles visibles sur la peau, rapportées dans diverses observations

du syndrome de Frôhlich, se retrouvent dans le type eunuchoïde repré-

senté en notre observation XVII. -

On connaît des différences symptomatiques qui dépendent de l'époque

à laquelle se manifeste la dystrophie. Quand cela a lieu à l'âge adulte,, et

que les caractères secondaires sexuels sont déjà développés, on voit tom-

ber les poils de la barbe, du tronc et des membres, et en conséquence de

l'installation de l'adipose, le tableau déjà connu de l'eunuchoïdisme tardif

se reproduit.

Si la dystrophie commence de bonne heure, dans l'enfance ou dans

l'adolescence (ce qui est beaucoup plus commun) (1), alors l'arrêt de

croissance généralement s'établit, d'où provient que ces malades sont pour /

la plupart de petite taille. Un tel caractère servirait donc pour la distinc-

tion d'avec le type eunuchoïde de la dystrophie génito-glandulaire, où

comme on l'a vu la tendance au gigantisme est de règle (gigantisme eunu-

choïde). Et cependant, même dans l'hypothèse du syndrome de Frôhlich

de début précoce, de nombreuses observations assurent la possibilité d'une

taille élevée ; à ce sujet nous souscrivons inlotum ce que Falta écrit : « Il

me semble que deux facteurs opposés soient ici en jeu. L'un est le trouble

génital : celui-ci provoque le gigantisme et l'excès proportionnel du seg-

ment inférieur, en regard du segment supérieur ; l'autre est le trouble du

développement, en conséquence du manque de fonction hypophysaire.

Suivant que l'un ou l'autre domine, les dimensions se rapprochent davan-

tage du type eunuchoïde ou du type infantile. Dans les cas graves c'est

surtout un type infantile. » (2)

(1) Voir G. Mouriquand, Le syndrome adipo.<o,gé/11l(1l de l'enfant. Comptes rendus

de l'Associalion française de Bédialie 1914, p. 26; M. Bouvier, Les obésités glandu-

laires de. l'enfant. Thèse Lyon 1914.

(2) FALTA, Le malat/1'é delle glandole sanguigne, 1914, p. 342.

418 SOUZA ET DE CASTRO

Il importe donc de voir par quels éléments on décidera le diagnostic

différentiel du syndrome de Friiiilicli, du type eunuchoïde de la dystro-

p hie-géni to-glandula ire.

Le meilleur critérium réside assurément dans la présence, dans le syn-

drome de Frohlich, de signes de tumeur hypophysaire ou d'une, zone

voisine de l'hypophyse, "avec les phénomènes inséparables. tandis qu'on

ne rencontre point d'altérations de cette nature dans l'autre cas. Bien

qu'accepté sans exception parles auteurs, cet élément distinctif ne pourra

pas servir dans la généralité des cas. Notre observation III, où nous avons

trouvé toutes les caractéristiques du type eunuchoïde réunies d'une ma-

nière frappante, et où cependant l'examen radiographique a révélé une

tumeur de l'hypophyse, avec enfoncement de la selle turcique et destruc-

tion des apophyses clinoïdes postérieures, est bien persuasive à cet égard.

Nous pourrions donc, avec autant de raison, classer ce cas aussi bien

parmi ceux du type eunuchoïde que parmi ceux du type Frtinlich ; et

c'est pour cette raison que la désignation d' eunuchoïdisme hypophysaire,

que nous trouvons employée par Bing (1) pour qualifier le syndrome de

Frôblich, ne nous parait pas mal à propos.

Nous ne trouvons pas entièrement acceptable pour tous les cas l'opi-

nion de la majorité des auteurs, qui oppose au type eunuchoïde, dystro-

phie adiposo-génitale primaire, le syndrome de Frôhlich, dystrophie

adiposo-génitale hypophysaire, avec atrophie secondaire de la glande

génitale.

Pour nous au contraire, la génito-dystraphie dans le syndrome de

Frôhlich n'est pas toujours consécutive à l'altération hypophysaire. Car

l'attaque secondaire de l'hypophyse peut précisément avoir lieu. Il ne

serait donc pas légitime d'attribuer toujours aux lésions hypophysaires les

principaux phénomènes observés, tels que l'adiposité et le manque de

développement de l'appareil génital.

Pour admettre que dans le syndrome de Frôhlich l'adipose ait une ori-

gine hypophysaire, il serait indispensable qu'elle se manifestât avec

d'autres caractères, propres à une telle origine. Or, ce qui a été constaté,

c'est que dans le type Frôhlich la graisse se distribue selon le type de

l'adiposité eunuchoïde, c'est-à-dire de l'adiposité génitale.

Y aurait-il, par hasard, des différences^ quant à la durée de l'invasion

adipeuse dans le type eunuchoïde et dans le type de Frôhlich ?

Il a été prouvé que dans les deux cas l'adipose communément se dévé-

loppe avec rapidité. D'autre part nous savons que l'existence d'altérations

génitales, consécutives à des lésions hypophysaires, est prouvée expéri-

(1) R. Birrc, Lehrbuch der Neruenkoanlsheiten, 1 462.. '

(1) R. DING, Lehrbuch der Nervenkmnkheitell, 1913, p. 462.

DYSTROPHIE GÉN1T0-GLANDULAIRE 419

mentalement, celles-ci souvent ne causent pas les dites altérations, et

l'adipose dont elles s'accompagnent (adiposité hypophysaire) n'affecte

pas quant à sa distribution les caractères de l'adiposité génitale.

Pour ces motifs nous nous rangeons parmi ceux qui attribuent l'adipo-

sité dans le syndrome de Frôhlich à l'appareil sexuel, et qui considèrent

ce syndrome comme primitivement génital ou génito-hypophysaire.

TRAITEMENT DE LA CAMPTOCORMIE

PAR L'ÉLECTROTHÉRAPIE PERSUASIVE (1)

PAR

A. SOUQUES, J. MÉGEVAND, Miles NÀIDITCH et RATHAUS.

La guerre a favorisé l'éclosion d'un syndrome psychonévrosique,

rarement observé jusque-là, que l'on désigne sous le nom de camptocor-

mie ou de plicature du tronc. Il en existe deux variétés cliniques : l'une,

pure et isolée, l'autre, associée à une lésion organique, qu'il importe de

distinguer, particulièrement du point de vue thérapeutique.

Dans la camptocormie associée, qui doit être rare, à notre avis - nous

n'en avons observé aucun exemple sur vingt-trois cas de camptocormie --

le syndrome s'associe à une fracture, à une luxation des vertèbres, à une

spondylite traumatique, à une rétraction des muscles psoas, etc... L'exa-

men clinique (qui montre que, dans le décubitus horizontal, le redresse-

ment du tronc est généralement impossible) combiné avec la radioscopie,

met aisément sur la voie du diagnostic. Avant de traiter l'incurvation né-

vrosique de tronc, il est indispensable de guérir la lésion organique, sous

peine de voir le traitement échouer et l'incurvation ou ne pas céder ou se

reproduire aussitôt.

Dans la camptocormie pure et isolée, qui est très fréquente, si nous en

croyons et notre propre expérience et les récits qui nous ont été faits par

plusieurs médecins des centres neurologiques, le diagnostic est facile.

Non seulement la flexion du tronc et les mouvements, de latéralité s'exé-

cutent. mais encore 1 extension du tronc, qui est impossible dans les

stations debout et assise, se fait complètement et aisément dans le décu-

bitus horizontal. Nous n'avons eu à traiter que des soldats chez lesquels

l'attitude courbée datait de longtemps et durait depuis six mois au moins.

Il est évident qu'à la phase aiguë, tant qu'il y a des ecchymoses, des

contusions, des signes organiques, tant que les douleurs sont très vives,

il faut conseiller le repos, les révulsifs, les antodyniques.

Nous ne nous occuperons ici que du traitement de la camptocormie

(1) Communication faite à la Société de Neurologie, dans la séance du 4°· février 1911.

e

TRAITEMENT DE LA CAMPTOCORMIE PAR l'ÉLECTROTHÉRAPIE 421

pure et simple, à la phase chronique. Ce traitement relève de la psycho=

thérapie. e

« A l'origine, disait l'un de nous (1) à l'avant-dernière séance de la

Société de Neurologie, l'incurvation du tronc est déterminée par la dou-

leur. C'est un fait d'observation banale que, pour calmer la douleur dor-

so-lombaire ou abdominale, l'homme instinctivement fléchit le tronc et

l'immobilise en flexion. Il est donc naturel que, dans la phase initiale du

traumatisme, tant qu'il souffre beaucoup, le blessé garde cette position

de flexion et évite tout mouvement. Toute tentative d'extension exagère

la souffrance, en effet.

« Pourquoi la camptocormie persiste-t-elle indéfiniment, pour ainsi

dire j'en connais qui durent depuis le mois d'août 1914 alors que

la douleur a beaucoup diminué ou même disparu ? On a parlé d'attitude

d'habitude. Le pouvoir de l'habitude est très grand, je le sais ; il est si

grand qu'il est proverbial de dire, depuis Aristote, que l'habitude est

comme la nature : (J)a1rEp n w6Q, ro E8oç. S'il en était ainsi, comment

cette habitude pourrait-elle disparaître, en quelques minutes, sous

l'influence d'une simple persuasion Pour expliquer la persistance de

l'incurvation du tronc, on pourrait, à mon avis, invoquer avec plus de

vraisemblance là peur de la douleur. Un blessé qui, dès le débul, a

souffert dans la région dorso-lombaire, qui a courbé et immobilisé son

troncpourcalmerla douleur, qui sait par expérience que les mouvements et

surtout l'extension du rachis exagèrent cette douleur, qui souvent souffre

encore longtemps après le début du traumatisme, peut bien avoir peur

de la douleur, peur de l'exagérer si elle existe encore, de la faire repa-

raître si elle a disparu. On peut d'ailleurs invoquer aussi bien la sugges-.

tion hystérique, pure et simple : le sujet a, pendant la phase initiale, le

temps de méditer sur son cas et de réaliser un syndrome hystérique. Je

ne parle pas, à dessein, de la simulation qu'il est plus facile de soupçon-

ner que de démontrer dans certains cas de camptocormie. Nous n'avons,

en effet, aucun moyen clinique de distinguer la simulation de l'hystérie.

« S'il s'agit ou de peur de la douteur, ou de suggestion hystérique, on

comprend que les incurvations du tronc soient rapidement et entièrement

curables, à la suite d'une persuasion ou d'une contre-suggestion. »

Or, la camptocormie est curable dans ces conditions par la psychothé-

rapie. Une persuasion orale peut suffire, mais c'est très rare. On peut

utiliser, à titre persuasif, un appareil de redressement, laissé peu de

temps en place, un corset plâtré, par exemple. Nous avons obtenu ainsi

plusieurs guérisons. Mais le traitement de choix, à notre avis, est

(1) Souques, Société de Neurologie, séance du 15 décembre 1916.

422 SOUQUES ET MÉGEVAND, 111 ? NAID1TCH ET RATHAUS

celui qui a été préconisé par M. Clovis Vincent. Il est rapide et efficace .

il nous a donné une guérison complète dans tous les cas de camptocormie

pure où nous l'avons employé. -

Nous procédons de la manière suivante. Au lieu du courant galvanique.,

préconisé par Ci. Vincent, nous nous servons- du courant faradique à fil

fin, dont l'intensité varie de 2 à 10 engainements. Les deux tampons,

très rapprochés et tenus d'une seule main, sont appliqués dans la région

dorso-lombaire, le long de la masse commune ou du rachis, pendant une

seconde, puis retirés, ensuite réappliqués et retirés plusieurs fois de la

même façon rapide et intermittente. L'application est accompagnée de

paroles persuasives sur l'action curatrice de l'électricité, sur son efficacité

certaine et constante, etc. Dès les premières applications, le sujet cherche

à échapper aux contacts qui sont plus ou moins douloureux, suivant l'en-

gainement de la bobine, et tend inconsciemment à redresser son tronc.

On lui fait constater ce premier résultat et on lui en promet un plus

grand. On poursuit ainsi l'éleclrisation pendant quelques instants, puis

on accorde au patient une pause de quelques minutes pendant laquelle

on lui projette de l'air chaud, qui lui est très agréable, dans la région

dorso-lombaire. Ensuite, on reprend la séance, entrecoupée de pauses,

et accompagnée ou d'encouragements ou d'ordres énergiques suivant les

sujets et les résultats obtenus.

Au bout d'un laps de temps variable, allant de 20 ou 30 minutes à ou

3 heures, le malade est et reste redressé. On lui fait constater le résultat

et exécuter immédiatement des exercices d'assouplissement du tronc. Les

jours suivants, pendant quelques semaines, on le soumet à une séance

quotidienne d'exercices d'assouplissement, de marche et de course durant

une heure. ·

Il s'agit là, somme toute, d'électrothérapie persuasive. Sous l'in-

fluence de la douleur électrique douleur très supportable, nous nous

en sommes assurés par nous-mêmes - et avec l'aide de paroles encoura-

geantes ou d'ordres énergiques, la volonté endormie se réveille. Le sujet

néglige l'algie lombaire ou la peur de cette algie, et prend conscience de

la réalité. Il se rend compte qu'il peut étendre son tronc sans souffrir ou

sans souffrir beaucoup. Et, au bout d'un temps variable suivant les indi-

vidus, il reste redressé, soit que sa volonté soit suffisamment raffermie,

soit que, le patient étant prévenu qu'on n'arrêtera pas le traitement tant

que la guérison ne sera pas obtenue, la crainte de la douleur électrique

produise chez lui un effet salutaire.

Tous nos malades ont été guéris en une séance. Il est désirable, à tous

égards, que le redressement soit obtenu d'un seul coup, en une seule

séance, dût cette séance durer plusieurs heures. Pas un de nos campto-

TRAITEMENT DE LA CAMPTOCORMIE PAR l'ÉLECTROTHÉRAPIE . 423

cormiques n'a récidivé pendant le temps qu'il a passé dans le service, temps

qui a varié de quinze jours à trois, mois. Il est possible que le souvenir

de la première séance et la crainte d'une nouvelle application électrique

jouent un rôle dans, le maintien de la guérison. Pendant les semaines

d'entraînement qui suivent cette guérison, la volonté défaillante s'éduque

et se fortifie : la guérison est constatée par le sujet, par les camarades,

par le personnel, et une atmosphère favorable se crée qui contribue

puissamment à empêcher la rechute. -

Il est, à notre avis, très utile que des photographies soient prises avant

etaprèsja guérison. Il serait nécessaire que des épreuves photographiques

fussent annexées au dossier militaire, comme documents persuasifs et

probants.

Voici, sans commentaires, quelques observations de camptocormie

traitée et guérie par l'électrothérapie persuasive (Pl. LXVI et LXVI1).

Oj3s. 1. - Jour... a été projeté à distance par l'éclatement d'un obus, le

13 décembre 1914. Il a perdu connaissance pendant 6 à 7 heures : lorsqu'il est

revenu à lui, il était à moitié enterré dans nn trou d'obus ; auprès de lui se

trouvaient les cadavres de ses camarades. Il est resté au même endroit jus-

qu'au lendemain soir; à ce moment ses appels au secours ont été entendus,

et ou est venu le chercher : il souffrait beaucoup dans les reins et dans le

ventre, mais n'était pas courbé. Au poste de secours, on ne lui fait pas de

pansement, car il n'avait pas de blessure. De là on le transporte à B..., couché

sur le dos. C'est là qu'il constate pour la première fois que, dès qu'il n'est

plus soutenu, son tronc s'incline en avant. Il a cherché à se redresser, mais

n'a pas pu le faire à cause des douleurs lombaires.

Depuis ce moment il est resté courbé, incapable de se redresser dans la

station debout, mais il pouvait s'étendre sur le dos dans le décubitus horizon-

tal sans même souffrir.

Il a eu à partir du premier jour, et pendant 21 mois, des troubles urinaires,

qui ont, paraît-il, nécessité un sondage régulier deux fois par jour. Depuis

trois mois, il urine seul. Il faut ajouter que ces troubles étaient antérieurs à la

guerre et tenaient à-un rétrécissement uréthral.

Il a passé dans huit hôpitaux, où on lui a fait sans aucun succès différents

appareils : gouttières rigides, corsets plâtrés, ceintures orthopédiques.

En novembre 1916, alors qu'il était dans un centre de neurologie, il a été

soumis à un traitement électrique intensif, sans- modifications durables de son

état.

A son arrivée à l'hospice Paul Brousse, le 5 décembre 191t6, il se présente,

le tronc fortement fléchi sur le bassiu, la' tête en extension. Il ne peut volon-

tairement se redresser, dans la station debout, mais il peut fléchir et mouvoir

latéralement le tronc, sans douleur. On remarque trois plis transversaux sur l'

l'abdomen.

La colonne vertébrale n'est pas déviée et est indolore à la pression. Les

masses musculaires sont également indolores.

424 SOUQUES ET MÉGEVAND, lllttee NAIDITCH ET RATHAUS

Le malade peut, dans le décubitus horizontal, s'étendre de tout son long;

les épaules touchent le sol et les jambes sont étendues.

Il ne présente aucun phénomène organique : ni moteur, ni sensitif, ni réflexe.

Il se plaint cependant de quelques vagues maux de reins, de temps en temps.

Pas de troubles urinaires. L'examen radioscopique est tout à fait normal.

Le 12 décembre 1916, on le soumet à un courant faradique, à fil lin, jus-

qu'à dix engagements. Ce n'est qu'au bout de trois heures qu'il se redresse,

après avoir crié, pleuré, sauté en l'air en redressant tout à fait son tronc,

\ après s'être débattu et révolté. Dès son arrivée, il avait déclaré qu'il refuserait

de se soumettre à un traitement électrique, disant qu'il y avait déjà été soumis

et qu'il préférait partir sur le front. Le lendemain de sa guérison, il rayonnait

de joie et nous remerciait avec effusion.

Les jours suivants, il est exercé dans la marche et la course : il conserve

une attitude normale.

Ce malade a été considéré, dans une des dernières formations sanitaires

où il a passé, comme atteint d'un écrasement de la quatrième vertèbre loin-,

' - baire et d'une compression de la queue de cheval.

1OBs. II. - De A.. fait une'chute de cheval, le 7 mars 1916, à la suite de

laquelle il aurait perdu connaissance pendant cinq minutes. Lorsqu'il revint à

lui, il éprouva des maux de tête, et une douleur si vive, au niveau de la région

inguinale gauche, que, pour la soulager, il se courba en deux. C'est dans cetle

attitude qu'il fut évacué. Pendant les deux premiers jours, il souffrit de maux

de tête continuels qui diminuèrent peu à peu d'intensité et de fréquence, et

disparurent au bout de six semaines. Pendant les trois premiers jours, il aurait

eu de la pollakiurie et des douleurs dans le bas ventre. Il aurait remarqué, à ce

moment-là, une ecchymose au niveau de la hanche gauche.

Jusqu'aux premiers jours du mois d'avril, il reste complètement alité, couché

sur le côté droit, les jambes fléchies sur les cuisses, les cuisses sur le bassin.

A deux ou trois reprises, il essaya de se lever et de marcher, soutenu par

des infirmiers : le tronc était toujours plié en deux et la région lombaire

douloureuse.

' Le 9 avril, son état général s'étant amélioré, on lui permit de se lever; il

essaya de marcher à l'aide de deux cannes. Comme. on ne constatait pas d'amé-

lioration progressive, on l'envoya dans un centre orthopédique. Là, pendant

10 jours, on le laissa étendu snr le lit, avec extension au niveau des jambes,

et contre : extension sur le tronc. Puis on cessa l'extension, mais on maintint

le malade au lit. Vers la fin du mois de juillet, on lui permit de se lever. Il se

leva,commença à marcher avec deux cannes, très péniblement, le tronc toujours

courbé. C'est alors qu'on lui fit un appareil plâtré, composé de deux longues

attelles, allant du haut en bas, et de chaque côté, de la région mammaire au

genou, et maintenu par des bandes roulées. Il peut ainsi commencer à marcher

difficilement, appuyé sur deux cannes. Il est un peu moins courbé, mais les

douleurs dans la région lombaire et dans la Iranche persistent. Il ne met cet

appareil que pour marcher. C'est dans cet état qu'il entre a l'hospice Paul

Brousse, le 12 septembre 1916. "

XouvhixF. Iconographie du la S.\I.Pi11{J.IU .

T. XXVIII. 1. PL. I "

'CAMPTOCORMIE

(Avant traitement.)

(Souques, Alt'gl'1'111u/. Mlle Nardi/(b d Ra/bal/s'L

NOUN1--llli- ICONOCRAPIIII- 1)1 LA Sw.anrati ai . T. \\\'III. l'L. 1. : \\1/1

CAMPTOCORMIE

(Apres traitement.)

(Souques, Ayt ? <t;/</. ? <' Nardi/(b et Ra/halld

' off

TRAITEMENT DE LA CAMPTOCORMIE PAR l'ÉLECTROTHÉRAPIE 425

Etat actuel (13 septembre 1916). Le tronc est courbé presque à angle

droit sur les cuisses,' et le malade ne peut pas le redresser. On voit un petit

sillon transversal au-dessus de l'ombilic. Il peut se tenir sur ses jambes sans

aides, pendant une ou deux minutes ; mais bientôt ses jambes sont prises de

tremblement et le malade cherche un appui pour ne pas tomber.

La colonne vertébrale et le dos ont l'aspect morphologique qu'on trouve chez

un individu normal qui se courberait. La percussion est douloureuse, au

niveau des 3° et 4e vertèbres lombaires, ainsi qu'au niveau de la masse mus-

culaire sacro-lombaire.

L'extension volontaire du tronc est impossible dans la station debout ; l'exten-

sion passive est très incomplète, mais si on fait coucher le blessé par terre sur le

dos, le Ironc devient tout à fait droit, et les deux omoplates touchent le sol.

La motilité du membre inférieur droit est normale. A gauche, la flexion

volontaire de la jambe sur la cuisse est incomplète, et l'adduction provoque

une douleur dans la hanche. Les autres mouvements sont normaux.

Les réflexes rotuliens et achilléens sont vifs et égaux des. deux côtés. Le

réflexe plantaire se fait en flexion à droite et à gauche.

Le sujet se plaint de quelques douleurs intermittentes dans la région lombaire ,

lorsqu'il est couché ou pendant la marche ; il n'y a aucun trouble de la sen-

sibilité superficielle ou profonde. Pas de troubles trophiques, ni vaso-moteurs,

ni sphinctériens. - '

Un examen radiographique fait à Bordeaux n'a décelé aucune lésion

vertébrale.

Le 1 septembre 1916, on lui fait une séance d'électricité, courant faradique,

fil fiu, deux à trois unités, accompagné de persuasion orale. La séance dure -

une heure ; au bout de ce temps, le malade est complètement redressé. Les

jours suivants, exercices de motilité du tronc et de course au pas gym-

nastique.

Le 15 décembre 1916, le malade sort guéri sans avoir présenté la moindre

récidive. -

OBs. Il[ - Bra. a été blessé le 25 septembre 1915 par un éclat d'obus à

la région dorsale, entre la 41e et la 12e côte, à deux travers de doigt à droite

de la colonne vertébrale. A ce niveau, on voit aujourd'hui une petite cicatrice

superficielle en forme de croissant. Il se trouvait à ce moment-là dans la tran-

chée, plié en deux. Après la blessure, il a voulu se relever et n'a pas pu. Ses

camarades l'ont relevé ; son tronc, dit-il, était fortement courbé sur le bas

sin. On l'a transporté sur un brancard, mais on n'aurait pas pu l'allonger

sur ce brancard où il est resté couché sur le côté, toujours courbé. 11 a perdu

connaissance pendant : 1 heures environ, et n'est revenu à lui qu'à l'hôpital

de Châlons. Il a éprouvé à ce moment une forte douleur dans le dos et les

reins, ainsi que des maux de tète' particulièrement au niveau de' la nuque.

Il a été évacué sur Paris, toujours courbé.

Au mois de décembre 1915, on lui a fait un appareil plâtré, pour le redres-

426 SOUQUES ET MÉGEVAND, Miles NAIDITCH ET RATHAUS

ser. Il l'a gardé pendant six semaines. Au bout de ce temps, on le sort du plâtre

et ou s'aperçoit qu'il était aussi courbé qu'avant. Alors on lui applique un

second corset plâtré, dans lequel il reste encore six semaines. On le sort encore

de cet appareil, et immédiatement son tronc se courbe. On lui met encore un

troisième puis un quatrième appareil dans les mêmes conditions et toujours

sans résultat.

En juin 1916, il est proposé pour la réforme. \ .

C'est à ce moment qu'après une nouvelle visite médicale il est envoyé à

l'hospice Paul Brousse.

Etat actuel (15 juin 1916). - Le blessé arrive dans un corset plâtré, dans

lequel il,se tient droit. Ce corset est fendu en avant du haut en bas et serré

avec des boucles de cuir. On le lui fait enlever ; aussitôt son tronc se courbe,

la tête restant en extension. Un gros pli transversal se dessine au niveau de

l'ombilic, allant d'une épine iliaque antéro-supérieure l'autre. Vu de dos, on

'ne constate aucune déformation pathologique. La percussion des vertèbres

réveille une petite douleur au niveau des régions cervicale et lombaire. Au

contraire, la percussion des masses musculaires sacro-lombaires n'est pas

douloureuse.

L'extension volontaire dn tronc est impossible dans les stations debout ou

assise; il en est de même de l'extension passive. Mais en le faisant coucher

par terre, sur le dos, on redresse complètement le rachis : les deux omoplates

sont à la même hauteur et touchent le sol, les deux talons au même niveau,

la tète repose normalement sur la région occipitale.

Tous les mouvements de la tête s'exécutent normalement avec souplesse'et

sans douleur. Du côté du troue, la flexion et les mouvements de latéralité sont

indolores et se font bien ; l'extension seule, comme nous venons de le dire, est

impossible.

La motilité des membres inférieurs et supérieurs est bonne ; la force mus-

culaire est normale. '

Les réflexes rotuliens et achilléens sont égaux, mais un peu vifs des deux

côtés. Le réflexe cutané plantaire se fait en flexion des deux côtés. Les réflexes

crémastériens et abdominaux existent. Les réflexes radiaux et tricipitaux sont

normaux.

Le blessé se plaint de douleurs dans le rachis, à la région lombaire, et de

quelques rares céphalées. Il se fatigue vite, dit-il, pendant la marche et la

station debout. -

La sensibilité objective, superficielle et profonde, est normale à tous les

modes. ,

Le 15 juin 1916, il est soumis à une séance d'électrisation, courant faradiv

que à fil un (deux à six engainements) qu'on applique à différentes reprises

pendant une seconde le long de la colonne vertébrale. La séance dure une

heure, avec plusieurs intervalles de repos de quelques minutes. Dans les inter-

valles, on lui applique de l'air chaud. Le tout est accompagné de persuasion

orale. Au bout d'une heure, le blessé est complètement redressé. Il se sent

encore faible dans les reins.

TRAITEMENT DE LA CAMPTOCORMIE PAR l'ÉLECTROTHÉRAPIE 427

Le 16 juin, nouvelle séance de courant faradique à gros fil cette fois, accompa-

gnée d'exercices de rééducation, 1 savoir de mouvement, d'extension, de flexion

et de latéralité du tronc. -

Le 18 juin, on le fait courir au pas gymnastique. Les 19 et 20 juin, pas

gymnastique et exercices de rééducation.

Il sort guéri, le 17 juillet 1916.

OBs. IV. - Vig..., au cours d'une attaque, le 21 décembre 4915, a été

renversé, frappé dans le dos par un tronc d'arbre, que l'éclatement d'un obus

avait projeté. Il est tombé sur le côté, n'a pas perdu connaissance et a voulu

se relever. Mais il n'a pas pu, à cause de violentes douleurs dans le dos. Il

s'est traîné au poste de secours. Il n'avait ni plaies ni ecchymoses. Mais il

ne se souvient pas si, déjà à ce moment, le tronc était incliné en avant. Car ce

n'est que le 12 janvier 1916 qu'il s'aperçoit qu'il n'est pas droit. Jusqu'alors il

avait tout le temps gardé le lit, où il restait toujours couché sur le côté à cause

des douleurs dorso-lombaires. Après un examen radiographique qui fut négatif,

on lui a fait un appareil provisoire au moyen de bandes de diachylon pour le

redresser ; il le garde inutilement pendant 50 jours ; puis on lui a appliqué

un appareil plâtré qu'il a gardé pendant trois mois et demi. Et lorsqu'eu

octobre 1916 on lui enlève son corset, dans lequel il était droit, il se courbe

de nouveau, comme avant. Lorsqu'il entre à l'hospice Paul Brousse, le 15 dé-

cembre 1916, il est dans la même attitude qu'au début des accidents. La tête

est en extension. Le tronc est incliné en avant et à droite, et ne peut être

étendu volontairement, d'une façon complète, dans les stations debout ou

assise. Il se fléchit et s'incline latéralement d'une façon normale. Dans le

décubitus horizontal, l'extension du tronc se fait aisément et complètement.

Vu de dos et debout, le malade présente un voussure de la région dorsale

supérieure. La colonne verlébrale offre une légère scoliose à convexité droite

dans la région dorsale, due à l'inclinaison latérale droite du tronc. A deux

travers de doigt au-dessus de l'ombilic, ou constate un pli transversal très

apparent.

La percussion des masses musculaires n'est pas douloureuse, mais celle de

la colonne vertébrale révèle quelques vagues douleurs, au voisinage des 8e, 9"

et 10e vertèbres dorsales. La réflectivité est normale ; il n'y a pas de troubles

moteurs ni sensitifs. Le malade se plaint seulement de douleurs et de fai-

blesse dans les reins, disant qu'il se fatigue vite dans la marche et qu'il ne

peut se tenir longtemps debout. Le 23 décembre 1916, après l'application

d'un courant faradique à fil fin, le malade est tout à fait redressé. La séance

dure une quarantaine de minutes. '

Les jours suivants, exercices de gymnastique ; la guérison persiste quand il

retourne à son dépôt.

Cas. V. - 'ver... fait une chute le 30 août 1914 : il est tombé au

cours d'une marche dans un ravin profond d'une dizaine de mètres. Il a perdu

connaissance pendant quelques minutes.. Lorsqu'il est revenu à lui, il était

couché sur le côté ; il a voulu se mettre debout, mais n'a pas pu se redresser ;

428 SOUQUES ET MÉGEVAND, 31»e° NAIDITCH ET RATHAUS

il éprouvait de vives douleurs dans les reins et dans le bas-ventre.

Sorti du ravin, a pu continuer sa ronte, le tronc courbé en avant, fusil

et sac au dos. Au bout de cinq cents mètres, on l'a mis sur une voiture de

ravitaillement. Il s'y est couché sur le côté, en chien de fusil, à cause de

douleurs lombaires. C'est ainsi qu'il est arrivé au poste de secours. n'avait ni

plaie ni ecchymose. A l'ambulance où il a été transporté, on a dû, paraît-il,

le sonder pendant deux jours.

Dans les nombreux hôpitaux où il a été en traitement, on lui a fait de la

mécanothérapie', des massages, de l'air chaud, etc., sans obtenir de résultat. En

juin 1916, il a été présenté à une commission de réforme, et réformé tempo-

rairement. Enfin il est admis à l'hospice Paul Brousse pour complément

d'enquête, le 23 novembre 1916. -

Il se présente, le tronc fortement incurvé en avant, la tête en extension.

L'extension du tronc, dans les stations debout ou assise, est impossible volon-

tairement. La flexion et les mouvements de latéralité sont normaux. La colonne

vertébrale n'est pas déviée ni déformée. La percussion est indolore.

Par contre, les masses musculaires sacro-lombaires sont douloureuses à la

pression. Sur l'abdomen on remarque trois plis transversaux passant l'un au

niveau, les deux autres au-dessous de l'ombilic.

On ne trouve pas de phénomèmes organiques, ni moteurs, ni anesthésiques,

ni trophiques, ni vaso-moteurs. Le sujet se plaint de faiblesse des reins et de

douleurs dans la région sacro-lombaire. Il dit qu'il y souffre constamment

(mais peu), surtout aux changements de temps. Il se plaint aussi de souffrir de

temps à autre dans la région abdominale sus-pubienne. Les réflexes sont

normaux.

Si on fait coucher le malade sur le dos, les deux omoplates touchent le sol

et les jambes sont complètement étendues, c'est-à-dire que l'extension du tronc

se fait complètement et facilement.

Le 25 novembre 1916, on fait une séance de courant faradique à fil fin de

10 engagements, et, au bout d'une trentaine de minutes, le malade est redressé.

Les jours suivants, il est exercé dans la marche et la course, et il conserve

l'attitude normale. Il est renvoyé guéri à son dépôt, le Il janvier 1917.

OBs. VI. - Coq... a été enseveli le 26 février 1915 par l'éboulement de

la tranchée, dû à l'éclatement d'un obus. Au moment de l'accident, il était

debout dans la tranchée, et la chute de la terre l'a fait tomber ; il est resté à

terre, le tronc fléchi sur le bassin et les jambes sur les cuisses. Tout son

corps était enseveli, sauf la tête. Il n'a pas perdu connaissance. Il est resté

enseveli jusqu'au cou pendant trois heures environ. Ses camarades l'ont

dégagé et l'ont mis debout, mais son tronc était fortement incliné en avant. Il a

essayé de se redresser, mais n'a pas pu, à cause d'une vive douleur dans la

région lombaire.

Soutenu par ses camarades, il a pu aller jusqu'au poste de secours, toujours

dans la position courbée. Aussitôt après l'accident, il a ressenti une douleur

dans la région lombaire gauche. Cette douleur a persisté pendant dix mois,

- 1-

TRAITEMENT DE LA CAMPTOCORMIE PAR l'ÉLECTROTHÉRAPIE 439

jour et nuit. Il était obligé de se coucher sur le côté droit ; si, par hasard, il

se retournait du côté gauche, il était réveillé immédiatement par la douleur

qu'il compare à un point de côté. Au bout de dix mois, la douleur commence

à diminuer peu à peu et finit par disparaître, à telle enseigne que, depuis plu-

sieurs mois, il ne souffre plus qu'après la fatigue et pendant les changements

de temps.

Il n'avait pas de plaie, mais une ecchymose de cette région lombaire gauche.

Il n'a présenté d'autres phénomènes que l'incurvation du tronc : il aurait eu

cependant, dit-il, quelque difficulté pour uriner pendant deux jours, mais il

n'a pas été sondé. ,

Dans les nombreuses formations sanitaires où il a passé, on lui a fait subir

des traitements variés : massages, gymnastique respiratoire, pointes de feu,

ventouses, etc., sans obtenir aucune modification de son état. On lui a même

fait un corset plâtré qu'il a porté pendant 4 mois : après l'enlèvement de l'ap-

pareil, lé tronc, qui était partiellement redressé, s'est de nouveau incliné, mais -

un peu moins en avant.

Le malade rentre à Paul Brousse, le 14 novembre 1916. Il ne présente aucun

trouble moteur ni réflexe. Les réflexes sont normaux. Il a eu du côté gauche

quelques troubles anesthésiques passagers. La tête est en extension-. Le tronc

est incliné en avant et un peu à droite, et ne peut être redressé volontairement

dans la station debout ni assise. La flexion et les mouvements de latéralité se

font normalement. -

On remarque sur l'abdomen deux plis transversaux passant, l'un au- niveau

de l'ombilic, l'autre un peu au-dessus. La colonne vertébrale n'est pas déviée ;

elle est un peu douloureuse à la percussion au niveau des 1 le et 12" vertèbres

dorsales.

La masse musculaire sacro-lombaire est également douloureuse à la pression.

Lorsque l'on fait coucher le malade par terre, il s'étend de tout son long, et

les épaules touchent le sol, les jambes bien étendues.

. Le 16 novembre, on fait subir au malade un traitement électrique, courant

faradique à fil fin ; après une séance de 30 minutes environ, il est tout à fait

redressé.

Les jours suivants) on l'exerce dans la marche, la course, la gymnastique ;

l'attitude normale persiste jusqu'à sa sortie qui a lieu le 11 janvier 1917.

OBs. VII. Dut... s'est trouvé complètement enseveli, le 29 octobre 1915,

à la suite d'un éclatement d'obus. Des camarades l'ont retiré sans con-

naissance et transporté au poste de secours où il est revenu à lui. Il se sen-

tait meurtri partout et éprouvait des douleurs assez vives dans les reins. Il

n'avait ni ecchymoses ni plaies. Il avait l'impression que le tronc était un peu

incurvé, mais beaucoup moins qu'il ne l'a été plus tard. Il a été évacué sur

Paris dans un hôpital où il est resté une quinzaine de jours. C'est là, dit-il, que,

la douleur dorso-lombaire persistant, il s'est plié davantage. Il affirme que

l'incurvation s'est accentuée peu à peu et que c'est en novembre 1915 qu'elle

a atteint son maximum. Il a passé par différentes formations sanitaires etder-

xxviii 29

430' SOUQUES ET 111LGCVAVD, mules \A1DITCLI ET RATIIAUS

llièrement par l'hôpital de St-Maurice d'où il nous a été envoyé. Il a suivi de

nombreux traitements : électricité, massage, gymnastique, thermothérapie,

rééducation, etc. Aucun de ces traitements n'a amené de changement dans son

état. Les douleurs, assez'fortes pendant le premier mois,-se sont peu atténuées.

, Etat actuel (2t octobre 1916). Le malade présente une incurvation du tronc

en avant et un peu il gauche; Dans la position debout, les talons joints, le

tronc est fortement incliné en avant, faisant avec le bassin un angle de 120 à

130 degrés. Le corps repose plus sur la jambe gauche que sur la droite qui

est légèrement fléchie, par suite du hanchement que présente le malade dans

cette position. La colonne vertébrale dans son ensemble est normale : elle est

indolore à la percussion.

Vu de face, le malade se présente la tête en extension et un peu inclinée à

gauche, le regard dirigé en avant. On voit sur l'abdomen, à un travers de

doigt au-dessus de l'ombilic, un pli transversal peine marqué; au-dessous,

un second pli très accentué passant par les régions inguinales et pubienne.

L'extension volontaire du tronc est impossible il'en est de même de l'exten-

sion passive dans la station debout. Mais dans le décubitus dorsal, on arrive

sans peine à redresser le tronc, l'occiput et les épaules touchant le sol, les

jambes étant à peu près complètement étendues.

Il est à noter qu'il^est difficile de tenir longtemps le malade dans cette

position, à cause d'une gêne respiratoire qui survient.

La réflectivité tendineuse et cutanée est normale. Pas d'anesthésie. Comme

troubles de la sensibilité subjective, pas de douleurs sauf dans la région dorso-

lombaire, où de temps en temps le malade accuse une gêne plutôt qu'une

véritable douleur. '

Le 22 octobre 1916, traitement électrique (courant faradique, fil fin, trois

résistances) sous la forme d'applications rapides et intermittentes des électrodes

dans la région dorso-lombaire, accompagné de douches d'air chaud et d'exer-

cices de marche. Au boutade 30 minutes; le malade est redressé complètement.

Le 23 octobre 1916, le malade ayant de la tendance à s'incliner en avant,

on fait une seconde séance de courant, faradique à fil fin, 5 à 6 résistances :

la séance a duré une demi-heure et a été suivie d'un redressement complet

et persistant du tronc.

Ce blessé présente une prédisposition névropathique : sa mère est très

émotive et sujette à la colère. Lui-même a eu avant la guerre, pendant deux

à trois mois, un état neurasthénique, accompagné d'idées de suicide, à la suite

d'une fracture des os du nez.

Le malade est renvoyé guéri à son dépôt, le 16 décembre 1916.

1 ZD

Obs. VIII. Fré.. est projeté par une explosion, le 25 avril 1915, il ne

sait à quelle hauteur ni à quelle distance, Il aurait été presque enterré. Il

perd connaissance pendant 10 à 15 minutes. Revenu lui, il ressent une vive

douleur dans la région lombaire, et ne peut redresser son tronc.

Il est plié presque en deux, dit-il. Pour le transporter au poste 'de secours,

on ne peut pas l'allonger sur un brancard à cause des douleurs, et c'est sur

TRAITEMENT DE LA CAMPTOCORMIE PAR l'ÉLECTROTHÉRAPIE 431

le dos d'un camarade qu'il y fut porté. Le lendemain, il est évacué sur Aubigny

et Condé-snr-Noireau, dans une voiture d'ambulance, où il est obligé de se

coucher sur le côté en chien de fusil. Pendant les deux premiers jours qui

ont suivi l'accident, il n'a pas pu uriner spontanément et on a été obligé de le

sonder. Mais il n'a pas eu d'hématurie. Il y reste quatre mois. Pendant ces

quatre mois, il a gardé presque tout le temps le lit, ne se levant que les

dimanches, pendant une heure ou deux. Il dit que la station debout augmen-

tait lés douleurs lombaires. On le traite par le massage et les ventouses scari-

fiées, sans aucun succès, son incurvation du tronc restant la même.

Il fut alors évacué sur Evreux, où il passa encore deux mois, sans éprouver

la moindre amélioration. Au mois d'octobre 1915, on l'envoie à Trouville, où

on le traite par les massages, l'électrisation, les douches et la mécanothérapie,

pendant^environ quatre mois et toujours sans succès. En janvier 1916, on lui

fait un corset plâtré dans lequel il reste pendant 10 jours, tout à fait redressé.

On le lui enlève à cause des douleurs qu'il éprouvait dans la région lombaire.

A peine est-il enlevé qu'il se courbe comme auparavant. Alors on lui fait à

nouveau du massage et de l'électricité.

En avril 1916, se trouvant à l'hôpital de Lisieux, il passe devant une com-

mission médicale, qui le propose pour la réforme.

Alors on le dirige sur Clignancourt où il reste trois mois, puis est soumis à

l'examen de M. le professeur Pierre Marie à la Salpêtrière, qui a l'obligeance

de nous l'envoyer à Paul Brousse, le 5 août 1916.

Etat actuel (8 août 1916). Dans la station debout, on constate une incur-

vation du tronc très prononcée, la tête restant en extension. Un gros pli tra-

verse l'abdomen de gauche à droite, un peu au-dessus de l'ombilic. Cette incur- ,

vation ne change pas pendant la marche. On n'arrive pas à redresser le sujet

dans la station debout, mais on y parvient très bien le malade étant couché :

les deux omoplates touchent le sol et se trouvent à la même hauteur, ainsi v

que les deux talons.

A l'inspection, le rachis et le dos ne présentent aucune déformation appré-

ciable. La percussion ne détermine aucune douleur ni sur les vertèbres, ni sur

les masses musculaires sacro-lombaires.

Les mouvements actifs et passifs delà tête se font normalement et sans dou-

leur. La flexion et les mouvements de latéralité du tronc sont normaux : l'ex-

tension volontaire est seule impossible.

Les mouvements et la-force des membres supérieurs sont normaux ; il en

est de même au niveau des membres inférieurs. Ici cependant il accuse une

douleur dans la région lombaire, à chaque mouvement.

Les réflexes rotuliens et achilléens sont normaux ; il en est de même de ceux

des membres supérieurs et des réflexes cutanés.

Il n'y a aucun trouble de la sensibilité subjective, aucune anesthésie ni

superficielle ni profonde. ,

Le 12 août 1916, il est mis dans un corset plâtré, qu'on enlève le 30 août.

Mais le malade étant encore courbé on fait un second corset plâtré, dans lequel

il reste du 2 au 18 septembre. A la sortie de ce second plâtre, il est encore

courbé.

432 SOUQUES ET MÉGEVAND, b1»e' NAID1TCH ET RATUAUS

Immédiatement, le 18 septembre, pn commence le traitement électrique, au

moyen d'un courant faradique faible, le long du rachis, en y adjoignant la

persuasion orale. La séance ne dure que dix minutes, mais le malade s'est

déjà notablement redressé. -

Le 19 septembre, seconde séance qui dure une heure et demie ; courant fara-

dique, fil fin, de 6 à 8 engainements : le courant est assez douloureux et le sujet

se redresse complètement. A la suite de cette séance électrique, on lui fait

faire pendant une heure des mouvements de flexion et d'extension du tronc;

il les fait bien et se tient tout à fait droit. Le 20 septembre, mêmes exercices

de motilité du tronc ; en même temps, course au pas gymnastique pendant

une heure. Le tout se fait très bien.

Du 20 septembre jusqu'à sa sortie, exercices quotidiens de motilité du tronc

et course pendant une demi-heure.

Le 16 décembre 1916, le malade, n'ayant jamais présenté la moindre réci-

dive, sort complètement guéri et est renvoyé directement à son dépôt.

Oss. IX. Bar... a été victime le 23 août 1914 d'un éclatement d'obus

tombé près de lui. Il a perdu connaissance pendant une heure environ

et ne sait pas ce qui s'est passé. Ses camarades lui ont dit qu'il avait été

projeté en l'air, et que, quand ils l'ont transporté jusqu'à une ferme voisine,

il était plié en deux. Lui-même a constaté én reprenant ses sens qu'il était

courbé, et qu'il ne pouvait pas se redresser. Il avait à ce moment de fortes dou-

leurs dans la région lombaire et ses jambes fléchissaient. Il avait en même

temps des maux de tête, et il aurait vomi et urine du sang pendant les trois

ou quatre premiers jours. Il a été évacué sur Reims, Rouen et Trouville. A

Trouville, il a encore vomi du sang ; ses douleurs dans la région lombaire étaient

si vives qu'on a dû lui faire des piqûres de morphine pendant quatre à cinq

jours. On lui a conseillé de garder le lit. II restait couché sur le côté sans pou-

voir se redresser ni se mettre sur le dos. Il dit qu'on aurait constaté des ecchy-

moses à la la région lombaire. Le leur octobre 1914, il fut dirigé sur Paris et

séjourna dans différents hôpitaux. Il était toujours courbé et marchait à l'aide

de deux cannes. On lui a fait pendant très longtemps de la suspension, du mas-

sage, de l'air chaud, des pointes de feu, de l'électricité, sans que l'attitude du

tronc ait changé.

Après une convalescence de 5 mois, il revient au mois de janvier 1916 à

St-Maurice où il reste jusqu'en octobre, et où on le traite par la suspension,

l'air chaud et l'électricité.

L'incurvation du tronc a un peu diminué et les douleurs lombaires ont presque

disparu ; il souffre encore de maux de tête de temps en temps%

Il sort de St-Maurice le 19 octobre et entre ce jour-là à Paul Brousse.

Etat actuel (20 octobre 191G). - Dans la station debout on constate une

incurvation du tronc, la tête restant en extension. Cette incurvation ne change

pas pendant la marche. Pas de plis transversaux sur l'abdomen. Il n'y a aucune

déformation du rachis. La percussion des masses musculaires sacro-lombaires

n'est pas douloureuse, mais la percussion sur la colonne lombaire provoque

une petite douleur.

TRAITEMENT DE LA CAMPTOCORMIE PAR L'ÉLECTROTHÉRAPIE 433

L'extension volontaire du tronc est impossible dans la station debout. L'ex-

tension se fait bien, si on couche le malade par terre sur le dos : les deux omo-

plates et la tête touchent le sol. La flexion du tronc et les mouvements de laté-

aralité se font bien et sans douleur. Tous les mouvements de la tête se font

normalement. Il en est de même des mouvements des membres supérieurs et

inférieurs. )

Pas de troubles de la sensibilité superficielle ni profonde ; pas de troubles

de la sensibilité subjective, sauf quelques céphalées très rares et quelques va-

gues douleurs à la région lombaire, aux changements de temps seulement.

Tous les réflexes tendineux et cutanés sont normaux.

Le 23 octobre 1916, application de courant faradique, à fil fin, de 3 à 4 résis-

tances ; le redressement est obtenu en une séance d'une heure.

Les jours suivants, rééducation de la motilité et exercices de course.

Le 16 décembre, le malade est renvoyé guéri à son dépôt.

Ons. X. - Bi... a été commotionné le 27 septembre 1915 ; étant dans

une tranchée, il fut enterré par l'éboulement- du parapet. Il a perdu con-

naissance et n'est revenu à lui qu'au poste de secours, une demi-heure

après l'accident. Il a voulu descendre du brancard sur lequel il se trouvait et

a remarqué, à ce moment, qu'il était plié en deux. Il a essayé de se redresser

mais n'a pu le faire, à cause des violentes douleurs ressenties dans la région

lombaire et de tremblements dans les membres inférieurs. Il souffrait, en

outre, d'une céphalée occipitale, exagérée par les mouvements, qui a été vive

pendant un mois et a ensuite disparu peu à peu.

Descendu du brancard, et aidé d'une canne et soutenu par des brancardiers,

il a été à pied jusqu'au poste de secours, distant d'un kilomètre. Son tronc

était courbé. De là il a été évacué sur l'hôpital de M... où il est resté un mois.

On lui a dit qu'il avait une ecchymose dans la région lombaire droite.

Les trois premiers jours qui suivirent l'accident, il urina du sang.

Il resta alité pendant trois semaines environ; quand il se leva, son tronc

était toujours incurvé et il souffrait dans la région lombaire; ces douleurs

lombaires persistèrent assez vives pendant cinq mois, puis diminuèrent peu à

peu. , ,

Entré à l'hôpital de St-Maurice, le 5 janvier, il y fut massé, douché, élec-

trisé, etc., sans résultat appréciable; de là il a été envoyé à Paul Brousse, le

19 octobre 1916. -

Etat actuel (20 octobre 1916). Le tronc est plié sur le bassin, la tête

demeurant en extension. Dans la station debout, le sujet peut se redresser un

peu ; couché par terre, sur le sol, le tronc se redresse complètement, les omo-

plates et l'occiput touchant le sol.

Pas de déviation de la colonne vertébrale, ni de troubles de la morphologie

dorso-lombaire. La percussion du rachis provoque une douleur dans la région ~

dorso-lombaire; la masse commune, dans la même région, est également

douloureuse à la percussion, plus à droite qu'à gauche.

La flexion du tronc sur le bassin se fait très bien ; dans ce mouvement le

434 SOUQUES ET MÉGEVAND, Miles NAIDITCH ET RATHAUS

sujet éprouve dans la région dorso-lombairé une douleur qu'il compare à un

tremblement. Les mouvements de latéralité se font également bien et pro-

voquent aussi une douleur dans la même région.

La motilité des membres inférieurs et supérieurs est normale.

Les réflexes cutanés et tendineux sont normaux.

Pas d'anestbésie : ni superficielle, ni profonde. Le blessé se plaint de quelques

douleurs lombaires, de temps en temps, surtout aux changements de temps.

Le 21 octobre, séance de courants faradiques dans les conditions usitées. La

séance a duré une heure environ et le redressement a été complet. Depuis

exercices quotidiens de rééducation et de course.

Le 16 décembre, il est renvoyé guéri à son dépôt.

Cas. XL - Ca... étant dans un trou dit « trou de renard », le 10 août

1916, accroupi sur la pointe des pieds, les jambes fléchies sur les cuisses et

les cuisses sur le tronc, a été enterré par un éboulement. Tout le corps sauf

la tête était enseveli. Il est resté aiusi pendant 10 minutes. Dégagé par ses

camarades, il se met immédiatement debout, mais il remarque aussitôt qu'il

était courbé. Il a voulu se redresser, mais n'a pas pu, à cause des douleurs

éprouvées dans la région lombaire : il avait du reste des douleurs un peu par-

tout et se sentait complètement brisé.

Il est allé seul et courbé au poste de secours qui se trouvait à 300 mètres,

où il aurait eu un vomissement de sang. De là il a été dirigé sur une ambu-

lance où il est resté du 10 au 23 août. Là, on l'a radiographié, et on n'a constaté

aucune lésion. Il n'avait sur le corps, semble-t-il, ni plaies ni ecchymoses. Il

aurait eu de la rétention d'urine pendant 30 heures ; mais on ne l'aurait pas

sondé. Il est resté alité les dix premiers jours, se plaignant beaucoup de

douleurs dans la région lombaire et de céphalées. Il était obligé d'être toujours

couché sur le côté droit ou gauche, les membres inférieurs en chien de fusil.

Le décubitus dorsal et l'allongement des membres provoquaient une vive

douleur sacro-lombaire.

Il se lève le onzième jour, mais le tronc était toujours incurvé. On lui mit

alors une planche dans son lit, et on l'obligea de se coucher, le dos étendu sur

cette planche. Mais il ne pouvait rester dans cette position que quelques minu-

tes, et ne tardait pas à reprendre le décubitus latéral. Plus tard, quand il a

commencé à marcher, il était toujours plié en deux, et pour ne pas souffrir,

dit-il, il se courbait presque jusqu'à l'angle droit.

Il a fait depuis lors un séjour à St-Germain : il a enfin été à la Salpêtrière

d'où M. le professeur Pierre Marie nous l'a adressé, le 27 septembre 1916.

Etat actuel (29 septembre 1916). Le malade se présente le tronc plié

sur le bassin avec un pli transversal passant par l'ombilic. Il marche à petits

pas, sans aucun soutien, la tête dans l'extension. Debout, il peut se redresser,

mais incomplètement, et ce mouvement s'accompagne d'une douleur dans le

rachis, au niveau de la région lombo-sacrée.

La colonne vertébrale ne présente aucune déviation pathologique, aucun

trouble de la morphologie. La percussion de la colonne vertébrale décèle une

TRAITEMENT DE LA CAMPTOCORMIE PAR f ? LEC1'HOt'H$RAPJE 435

douleur dans la région lombaire et sacrée : de même la masse musculaire sacro-

lombaire est douloureuse à la pression, mais moins que la colonne vertébrale.

Si on fait étendre le malade par terre, sur le dos, le rachis se redresse com-

plètement, les omoplates touchant le sol. La motilité des membres inférieurs

est normale : à signaler simplement une douleur surtout à droite, pendant la

flexion des cuisses sur le bassin.

Les réflexes tendineux et cutanés sont normaux. Pas d'anesthésie, ni super-

ficielle ni profonde.

Le malade se plaint d'éprouver une douleur variable d'intensité dans la ré-

gion lombaire pendant la marche et de souffrir dans la région sacrée.

Le 30 septembre, séance d'électricité faradique, à fil fin, à la même inten-

sité et avec la même méthode adjuvante de persuasion : la séance a duré' une

heure environ, et le malade a été complètement redressé. /

Les jours suivants, pas gymnastique, course et exercices de motilité.

Nous notons en passant que ce blessé présente une prédisposition nerveuse :

sa mère a eu des idées de suicide et a été internée dans une maison d'aliénés.

Le 16 décembre 1916, il est renvoyé guéri à son dépôt ; pendant son séjour

dans le service, il n'a jamais eu la moindre récidive.

Cas. XII. Cou....a été renversé par l'éclatement d'un obus, en août

1916. Projeté à terre, il a reçu sur le dos de la terre et des sacs de sable.

Il pu se relever et aller faire la corvée de soupe. Ce n'est que quelques

heures plus tard qu'il a ressenti des douleurs dans le dos. Il continue son

service, malgré les douleurs, pendant cinq semaines encore. Ce n'est qu'au

bout de ce temps qu'il se met à souffrir davantage de la région lombaire, et

qu'il s'aperçoit qu'il ne se tient plus aussi droit qu'auparavaut. Son tronc s'in-

cline en avant, et cette inclinaison va eu s'accentuant. En octobre 1916, il

était tout à fait plié en deux. Il n'est pas évacué, mais exempté du service. Il

part en permission de 7 jours, le 16 octobre 1916. Le deuxième jour de sa per-

mission il se fait porter malade, et le médecin de la Place de Paris le fait entrer

à l'hôpital Itollin, avec le diagnostic : embarras gastrique et douleurs. 11 était

très courbé. Pendant son séjour à l'hôpital Rollin, il est resté alité quelques

jours. Lorsqu'il s'est levé, il était toujours très courbé, et ne pouvait pas se

redresser. Il est alors évacué sur l'hospice Paul Brousse.

A son entrée, on remarque que son tronc est légèrement incliné en avant.

Dans la station debout, l'extension volontaire est incomplète, mais la passive est

bonne ; les mouvements de latéralité et de flexion sont normaux. Dans le dé-

cubitus horizontal, l'extension volontaire est complète, les deux omoplates sont

au même niveau et touchent le sol, .les jambes sont eu extension. On ne voit

pas de plis transversaux sur l'abdomen. Il n'a pas de troubles moteurs ni

sensitifs. La réflectivité est normale. Le rachis n'est pas déformé et la percus-

sion de la colonne vertébrale n'est pas douloureuse ; par contre celle des masses

musculaires sacro-lombaires révèle des douleurs des deux côtés. '

Le 29 janvier 1917, traitement électrique, courant faradique à fil fin

(1 à 3 engagements). La séance dure 30 minutes environ, et le malade se

436 SOUQUES ET MÉGEVAND, Mlle. NAIDITCH ET RATHAUS

redresse complètement. On lui fait aussitôt faire des exercices d'assouplisse-

ment (flexion et extension du tronc) ; il les exécute avec une souplesse parfaite,

en accusant cependant quelques douleurs^ dans la région lombaire. Ce malade

va être soumis tous les jours, pendant quelques semaines, à des exercices

d'assouplissement, de marche et de course, avant d'être renvoyé à son dépôt.

CES. XIII. Les... a été projeté contre un arbre, le 22 août 1914, par la

déflagration d'un obus. Il a perdu connaissance pendant une heure environ.

Revenu à lui, il a voulu se redresser, mais n'a pas pu ; il était fortement plié

en avant. Il ressentait en même temps de fortes douleurs dans le dos et la

région lombaire. Il n'avait pas de plaie, mais une ecchymose aux jambes. Aidé

de ses camarades, il a pu marcher pour gagner le poste de secours. Puis il a

été évacué sur l'arrière. Toujours courbé, il a passé par de nombreux hôpitaux,

où il a suivi différents traitements sans être guéri : cependant il s'est amélioré

à la longue et s'est un peu redressé. En octobre 1915, il a été réformé tempo-

rairement avec gratification.

Le 16 octobre 1916, il est envoyé à l'hospice Paul Brousse, pour complément

d'enquête. Il se présente dans la station debout, légèrement incliné à gauche et

en avant, il boite légèrement de la-jambe gauche pendant la marche, et l'incli-

naison du tronc à gauche est. marquée. On ne trouve pas de déformation de la

colonne vertébrale. La percussion n'est pas douloureuse ni sur le rachis, ni

sur les masses musculaires lombaires. Il n'a pas de troubles organiques moteurs

ni sensitifs, à part quelques vagues douleurs, aux changements de temps, dans

la région lombaire. La réflectivité est normale. On arrive assez facilement à

redresser passivement le tronc, mais il ne garde pas l'attitude normale. Volon-

tairement, dans la station debout, il ne peut redresser complètement le tronc.

Dans le décubitus horizontal, ce redressement est complet et facile.

Le 2 novembre 1916,, on lui fait un traitement électrique, courant galvanique

à fil fin : après une séance de trente minutes, il est tout à fait redressé. La

guérison s'est maintenue depuis, et il est renvoyé guéri à son dépôt, le Il jan-

ier 1917.

Les 13 cas précédents ont été traités et guéris ou en moins d'une heure,

ou en trois heures au plus, par l'électrothérapie persuasive. On peut assu-

rément obtenir la guérison de la camptocormie en utilisant la psychothé-

rapie sous une autre forme, notamment sous la forme d'un corset plâtré.

Mais il faut savoir que le succès est beaucoup moins rapide, qu'il ne peut

être obtenu qu'au bout de quelques jours ou de quelques semaines, et qu'on

est exposé à des récidives plus fréquentes. Nous avons obtenu cependant

9 guérisons sur 9 blessés traités ainsi. Ces cas ont été déjà publiés par

Madame Rosanoff-Saloff dans ['Iconographie ou le seront bientôt dans

sa thèse inaugurale.

En résumé, 13 sujets atteints de camptocormie ont été traités par l'élec-

trothérapie persuasive. Tous ont été guéris complètement et rapidement

1%

TRAITEMENT DE LA CAMPTOCORMIE PAR l'ÉLECTROTHÉRAPIE 437

(en un temps qui a varié de trente minutes à trois heures). Tous ont

été soumis, pour assurer la guérison, à des exercices quotidiens d'assou-

plissement, de marche et de course. La guérison s'est maintenue intégrale,

pendant tout le temps que ces malades ont passé à Paul Brousse. Tous ont

été renvoyés à leur dépôt, aptes au service militaire.

Or il s'agissait chez tous d'une attitude chronique qui aurait pu persé-

vérer jusqu'à la fin de la guerre. Chez elle durait depuis plus de deux

ans, chez 5 depuis plus d'un an et chez les autres depuis plus de six mois.

Plusieurs d'entre eux avaient été réformés avec gratification. Nous avons

vu, du reste, certains camptocormiques être réformés n° 1 avec pension.

Il va sans dire qu'aucun malade de ce genre ne doit être réformé.

Nous avons jusqu'ici traité 22 cas de camptocormie pure par la psycho-

thérapie, soit au moyen de l'électricité, soit au moyen d'un corset plâtré,

et nous avons eu l'heureuse fortune de les guérir tous, sans exception : 9 au

moyen du corset, 13 par l'électrothérapie. L'un de nous, qui, au début

de la guerre, avait préconisé le port du corset plâtré, est aujourd'hui con-

vaincu que l'électricité doit lui être préférée. Le traitement par le corset

est, en effet, long et relativement incertain. Dans les observations rappor-

tées ci-dessus, on peut voir que, chez plusieurs malades, le corset plâtré

et divers appareils orthopédiques ont été portés sans succès. Chez nos

9 malades, dont l'histoire a été ou sera publiée par Mme Rosanoff, la gué-

rison a toujours été obtenue, il est vrai, mais elle a été longue à obtenir

et n'est survenue parfois qu'après une ou plusieurs rechutes. Au contraire,

l'électrothérapie persuasive nous a jusqu'à ce jour donné des guérisons

rapides et durables. Le souvenir de la douleur électrique et la crainte de

cette douleur, au cas de rechute, produisent probablement un effet salu-

taire, agissent sur la volonté défaillante et peuvent empêcher la récidive

qui est cependant possible, lorsque le sujet quitte l'hôpital et retourne à

son dépôt..

Il serait utile, non seulement d'écrire au médecin du dépôt ou du régi-

ment une lettre confidentielle qui le mettrait au courant de la nature et

du traitement du syndrome psychonévrosique, mais encore d'insérer dans

le dossier militaire, au vu et au su du soldat, deux épreuves photogra-

phiques, prises l'une avant, et l'autre après la guérison. Ce dossier photo-

graphique, connu du malade, ne pourrait qu'avoir une influence favora-

ble sur son esprit, qu'éveiller son amour-propre, stimuler sa volonté et

empêcher, dans certains cas, la récidive. Si malgré cela, arrivé au dépôt

ou au régiment, le sujet récidivait, il serait aisé de le guérir,, soit sur

place, dans la zone des armées, soit en le renvoyant dans le centre neuro-

logique d'où il vient. .

LES GUÉRISSEURS DE P11ANTAISIES,

PAR R

- HENRY MEIGE.

Au vie et au siècles, si l'on en juge par certaines images d'art,

la médecine empirique paraît s'être mêlée de la guérison des affections

mentales. A vrai dire, les artistes qui ont célébré les cures psychothéra-

piques ont introduit dans leurs compositions plus de satire que de res-

pect et l'on ne sait s'ils raillent davantage tesTnatheurcux dont la raison

était dérangée ou les guérisseurs audacieux qui prétendaient leur

reconstituer un bon équilibre mental.

J'ai fait connaître autrefois les singulières pratiques des Arracheurs

de Pierres de Tête (1), commémorées par un nombre imposant de

peintures et de gravures.

La méthode était simple. Elle/avait pour point de départ cette croyance

populaire que lorsqu'un individu présentait des bizarreries de l'esprit,

celles-ci étaient provoquées par une pierre incluse dans son crâne. Des

opérateurs spécialisés, ambulants ou sédentaires, se faisaient forts d'ex-

tirper avec ou sans douleur cette pierre parasite. Une légère inci-

sion du cuir chevelu, un habile tour de passe-passe faisant choir un

caillou dissimulé dans la main du chirurgien, et le patient était censé

guéri de sa vésanie. Dans les Flandres et les Pays-Bas, les Arracheurs

de Pierres de tête ont été fort en vogue. On leur doit donc les premières

tentatives de chirurgie psychothérapique. '

A la même époque, le traitement médical des maladies mentales ne

fu pas négligé. En ,cette matière comme en tant d'autres, les médecins

firent aux chirurgiens une active concurrence.

Ce sont encore les images du passé qui nous renseignent sur les

premiers essais de thérapeutique médicale des psychoses. L'honneur

parait en revenir surtout aux alchimistes, dont les préparations mysté-

rieuses convenaient bien à des maladies qui sont encore pour nous des

mystères. '

J'ai recueilli jadis à ce sujet une série de documents figurés dont

chacun, isolément, était d'une interprétation malaisée, mais qui, rap

(1) Vpy. Nouv. Iconographie de la Salpêtrière, ne 4 et 5, 1895 ; nez 2 et 4, 1898 ;

n° 1, 1899 ; n" 1, 1900. Voy. aussi Janus, n- 5, 1897. ·

- LES GUÉRISSEURS DE PHANTAISIES 439,

1 é 1 l . d,. ?

procliés les uns des autres, et comparés à d'autres images contemporain- --

nes, se complètent et s'éclairent réciproquement. -\t\ ? \'1

Le plus explicite est une gravure dont je dois la connàissance à mon

ami le Dr A. Souques. Elle n'est pas signée ; mais porte plusieurs

légendes. Elle représente l'officine d'un médecin qui est aussi pharma-

cien et alchimiste (Pl. LXVIII).

En titre :

LE médecin CUARISSANT Phantasie

Purgeant aussi par drogues LA folie.

Et en légende :

Approchez, vous qu'avez la teste pleine

de phantasie qui vous met en grand'peine,

Asseurez-vous de ce Mais Ire sçavant

quil vos humeurs seicheral lellemant

dedans ce four, qu'aurez en peu de temps

grand'allégeance de beaucop de t01'menls.

Aussi serez purgé par ses breuvages

qu'incontinent deviendrez du tout sages.

Nul doute. Il s'agit bien d'un psychothérapeute. Il soigne à la fois

la Phantasie et la Folie; et, naturellement, il guérit l'une et l'autre.

.

Phantasie est- l'ancêtre de Fantaisie. En changeant d'orthographe

le mot a aussi changé de sens. Aumvie siècle, Phantasie ou Phanlai-

sie était, disent les dictionnaires, synonyme d'imagination. Oui, mais

avec le sens péjoratif d'imagination déréglée, dévergondée, exubérante

à l'excès, bref avec la signification qu'on attache aujourd'hui au mots

imagination dans le langage psychiatrique depuis que Dupré et Logre

ont attiré l'attention sur les délires d'imagination (1). Ainsi, par des

vicissitudes qui ne sont pas rares dans l'histoire des mots, fantaisie

n'est plus guère employé aujourd'hui que comme synonyme de

(1) Si cette dernière appellation n'était pas scientifiquement consacrée, ont eût pu

réserver aux troubles pathologiques de l'imagination le vieux mot de phanla'sies qui i

les désignait spécialement. -

En grec, auvrairia évoque l'idée d'une vision de l'esprit, d'une illusion, d'une appa-

rition sans objet, en un mot d'une sorte d'hallucination.

La même racine, guvr«w, a d'ailleurs donné naissance aux mots : phantomes,

phantasmes, phanlasque, phantastique, devenus aujourd'hui fantôme, fantasque,

fantastique, et qui, tous, sont appliqués aux produits d'une imagination maladive, ..

désordonnée, à des illusions, voire même à des manifestations hallucinatoires et à

des formes délirantes. 1

440 HENRY MEIGE

caprice bizarre et passager, sans marquer davantage qu'une légère

excentricité éphémère, tandis qu'imagination, en dehors de son sens

vulgaire ou de son acception psychologique, tend à prendre, en psy-

chiatrie, la place qu'y occupait jadis la Phantaisie.

Pour comprendre le sens de notre image, il faut donc considérer que

ceux dont la tête est « pleine de phantasie- qui les met en grand'peine »

sont bel et bien des psychopathes.

C'est le vaste troupeau des déséquilibrés, des excentriques, et aussi

des monomanes et des visionnaires, de ceux qui ont des passions

étranges, déréglées, qui les tyrannisent, ou de petites manies plus ou

moins innocentes contre lesquelles ils sont incapables de réagir. Ce

sont aussi les obsédés, les nosophobes, les cénesthopathes, les cyclothy-

miques, voire les hallucinés et les délirants. On en compte aujourd'hui

tout autant que naguère. -

Des manifestations delà phantaisie, les Artistes n'ont pas manqué

de nous montrer les innombrables variantes. Images enfantées par l'ima-

gination, elles sont généralement schématisées dans un nuage de vapeurs

qui s'échappe du cerveau du patient. N

Celui-ci est soumis'à un traitement bien fait. pour évaporer ses hu-

meurs peccanles. Un vigoureux gaillard lui introduit la tête dans un

énorme fourneau de chimiste. Tout aussitôt, dans une trombe fuligi-

neuse, s'envolent.les phantaisies : - phantaisie des armes, sous forme

d'un petit gnome ailé, coiffé d'un bonnet de fou, brandissant une épée

et une dague; phantaisie de bâtir, représentée par une maison aux

pignons dentelés comme il sied dans les Pays-Bas où certainement

vivait l'auteur de la gravure ; phantaisie de la musique ou du chant

(violon, mandoline, portées et notes) ; phantaisie de la chasse (un fau-

con, un valet qui tient en laisse deux lévriers) ; phantaisie de la pêche

(un filet), du jeu (une raquette, une roulette), de)'équitation (un cheval),

du costume (des chausses, une cuirasse, un brassard). La phantaisie

féminine est symbolisée par une dame en costume Henri II. Enfin, un

singe et un perroquet avec son perchoir stigmatisent la manie grimacière

et le bavardage inconséquent.

Et, pour bien nous éclairer sur la nature psychopathique de ces sym-

boles, l'artiste a ajouté un peu partout des bêtes « phanlasliques »,

chimères et dragons volants. Il n'a eu garde d'oublier les taons, tradi-

tionnels agents provocateurs de dérèglements de l'esprit. Le taon n'est

d'ailleurs pas le seul animal que la tradition ait rendu responsable des

désordres mentaux.

LES GUÉRISSEURS DE PHANTAISIES 441

On pourrait faire une curieuse collection des insectes pschopatlaogè-'

zes, où presque toutes les familles entomologiques seraient représentées.

En tête, viennent les Diptères, et avec le taon toutes les mouches.

« Quelle mouche vous pique ? » est une locution courante dont chacun

connaît le sens.

La mouche tout d'un coup à la télé vous monte,

dit Molière dans L'Etourdi (Sc. X).

Brissaud, dans son Histoire des expressions populaires concernant

la médecine, rappelle qu'au xvir9 siècle, une société de « phantaisistes »

se réunit sous le nom d' Archiconfrérie des cervelles émouquées.

Les Hyménoptères sont représentés par les guêpes. Une des belles

gravures de T. Brueghel, consacrée aux Arracheurs de Pierres de tête,

porte cette légende : « Avez-vous la guêpe dans la tête ou sont-ce les

pierres qui vous travaillent ? »

Les Orthoptères ont deux agents nocifs : le grillon et le perce-oreille.

Nul doute que des bruits auriculaires tenaces et stridents dont certains

sujets souffrent' réellement, ou bien que des hallucinations auditives

aient été l'origine de la formule : « avoir des grillons dans la tète».

Quant au perce-oreille, on sait que son nom lui vient d'un appendice

chitineux ayant la forme des pinces qui servaient à percer le lobule de

l'oreille ; mais on l'accuse aussi volontiers de s'introduire dans les oreil-

les des dormeurs, et par là de pénétrer dans le crâne. J'ai connu autre-

fois dans le service de mon maître et ami Séglas, à la Salpêtrière, une

vieille aliénée qui rattachait tout son délire au grouillement d'un nid

de perce-oreilles qui était, disait-elle, installé dans sa tête.

La famille des Lépidoptères a pour délégué mental le papillon noir

des hypochondriaques.

Parmi les Coléoptères, le hanneton jouit encore aujourd'hui d'une

réputation fâcheuse lorsqu'il se loge dans une cervelle :

Et de même que les insectes, on a inculpé les Arachnides. Rien de

plus classique que les méfaits causés,par une araignée « dans le plafond »

crânien.

Dans cette pathogénie zoologique, une large place est réservée aux

vers. L'origine de cette croyance peut se rattacher un fait réel de la

pathologie animale : certain ver parasite du mouton, le ccenure, lors-

qu'il se loge dans l'encéphale, détermine souvent des troubles giratoires

connus sous le nom de tournis. En tout cas, le ver coquin est accusé

par le populaire de produire toutes sortes de dérangements cérébraux.

On l'appelait aussi avertin (de vertere, tourner). Ce qui est certain,

442 HENRY MEIGE 1

c'est que les vers, quels qu'ils soient et où qu'ils logent, ont de.tout

temps été accusés de provoquer les pires désordres. Leur analogie avec

le serpent - incarnation préférée 'du diable - n'est pas étrangère à

cette réputation.

Enfin, nous verrons dans un instant que les vertébrés, les mammi-

fères eux-mêmes, ont eu aussi leur place dans l'étiologie des psychoses.

Il ne faut pas oublier, d'ailleurs, que les malades ont largement con-

tribué à accréditer l'idée que leurs maux étaient provoqués par la pré-

sence d'un animal inclus dans telle ou telle partie de leur corps. Les

interprétations de ce genre sont très fréquentes chez les hallucinés, les

cénesthopathes. Et c'est pourquoi E. Dupré a pu décrire, fort judicieu-

sement, un délire dezoopathieiiîte ? ,2îe. L'examen des documents figurés,

rapproché de locutions populaires, nous permet de retrouver toute une

série de manifestations de cette zoopathologie vésanique.

Le procédé par dessication, représenté sur noire gravure, avait donc

pour effet d'expulser les taons du cerveau, et par là de guérir des Phan-

taisies ; mais il faut croire qu'il n'était pas suffisant lorsque les déran-

gements de l'esprit atteignaient un plus haut degré de gravité. C'est

alors que le psychothérapeute recourait au souverain remède de l'épo-

que : la purgation.

Une seconde scène de la même gravure nous montre le médecin « pur-

geant par drogues la folie ». Ce vénérable confrère en haut bonnet, une

fraise au cou, vêtu d'un riche manteau damassé, est en train de faire

ingurgiter à son client, au moyen d'un entonnoir, une drogue mer-

veilleuse ; le flacon qui la contient porte cette étiquette : Sagesse. C'est

évidemment le spécifique rêvé, bien supérieur à la classique ellébore.

Et son action ne se fait pas attendre. La preuve en est que le patient,

assis sur une chaise percée, se déleste incontinent de trois petits fousde

cour, issus de ses entrailles par les voies naturelles.

Pour compléter sa cure, le praticien a sous la main toute une phar-

macie destinée à remplacer les tares mentales par les qualités opposées,

'mises en bocaux et soigneusement étiquetées :

Doctrine, piété, diligence, sens, vertu, raison, bon esprit, subti-

lité, finesse, soins, intelligence, curiosité, indulgence, modestie,

honnêteté, , humilité, obéissance, remontrance, intelligence,

conseil, , tempérance, constance, patience, - , mé-

moire, considération, adresse, entendement, jugement.

Bref, de quoi reconstituer un psychisme de tout premier ordre.

Le reste de l'officine est orné des accessoires ordinaires dans ces sortes

LES GUÉRISSEURS DE PHANTAISIES 413

de figurations : un réchaud, un mortier, une cornue, un ballon, sans

oublier le parchemin qui relate les nombreux succès du guérisseur.

La guérison de la Phantaisie eut aussi les honneurs de la peinture.

Il y a une vingtaine d'années, le Dr Bonnet m'avait signalé l'existence

et envoyé la photographie d'un tableau appartenant au Dr Gillot, à

Autun, et qui représente les mêmes scènes, avec des variantes insigni-

fiantes. - . .

Le patient que l'on met au four est moins profondément enfoncé ; on

aperçoit son visage. Le médecin qui gave de «sagesse;) l'autre client

obtient le même résultat instantané. Mêmes accessoires dans l'officine;

mêmes étiquettes sur les bocaux, à quelques-unes près ; plusieurs sont

d'ailleurs illisibles (1).

Mais, d'après certains détails, il semble bien que cette peinture soit

postérieure à la gravure précédente. L'opérateur et son aide, ainsi que

les patients, portent des costumes de l'époque Louis XIII et dans un

goût plus français que flamand. Les pots de pharmacie sont aussi d'une

forme plus française.-

Enfin, ce tableau porte, également en haut. la légende :

'- Le médecin guarissant p7aaatassie

Purgeant aussy p. drogues la folie. , -

De cette curieuse peinture, le Dr Bonnet m'avait également signalé

l'existence d'une réplique que possédait alors un confrère des environs

de Chalon-sur-Saône. Elle ne différait que par la légende qui était rem-

placée par un vers de Martial.

Une autre gravure, à peu près de la même époque que la première,

fait partie d'une série d'illustrations exécutées par Théodore de Bry, né

à Liège en 1528, mort en 1598, à Francfort-sur-Mein, et qui éumula

les professions d'orfèvre, de libraire et de graveur (2). Il nous a laissé

(1) On peut lire nettement :

Doctrine, l'iélé, , Bon Esprit, Subtilité, Finesse, Soins, Fidélité, Sobriélé,

Abstinence, , Curiosité, Industrie, Modestie, Honnêteté, Humilité, Obéissance,

Justice, Constance, Bonté, Mémoire, Considération, Adresse, Entendement,

Jugement, Patience.

(2) Ses deux fils, Jean-Israël et Jean-Théodore (1561-1623) furent aussi graveurs.

444 HENRY MEIGE

un assez grand nombre d'estampes à l'eau forte et au burin, la plupart

destinées à illustrer des ouvrages contemporains tels que le Livre des

Emblèmes et le Théâtre de la vie humaine de J.-J. Boissard. Grâce

à lui, nous assistons aux pratiques médicales de son temps et s'il n'a pu

s'abstenir de les tourner en ridicule, du moins peut-on affirmer qu'il a

puisé son inspiration dans les croyances, sinon dans les spectacles fami-

liers à ses contemporains. - -

La scène'que représente notre gravure offre de grandes analogies avec

celles des documents précédents. Mais elle porte Je cachet spécial des

' figurations flamandes (PI. LXIX). ,

Nous sommes encore dans l'officine d'un guérisseur de troubles men-

taux. C'est un homme vénérable, copieusement barbu, comme il sied à

tous ceux qui se mêlent d'alchimie. Il porte un riche manteau bordé de

fourrure : son nez est chevauché par d'imposantes besicles, grâce aux-

quelles il lorgne un urinai qu'il tient de la main gauche. Car ce pra-

ticien cossu s'entend à ['Urologie. Un coup d'oeil lui suffit pour assurer

son diagnostic ; impossible de se tromper, c'est bien de folie qu'il s'agit :

ne voit-on pas dans l'urinal un petit homoncule coiffé du classique

bonnet de fou ?

Notons, en passant, cette nouvelle variété d'Urologue qui vient s'ajou-

ter à la longue série que nous avons publiée (1). Il y manquait un uro-

logue aliéniste. Le voici, grâce à Théodore de Bry.

La légende de la gravure ne permet pas d'en douter. Elle se compose

du vers latin :

Arte mea cerebrum nisi sit sapientia tolum.

«Par mon art, je refais un cerveau tout entier, s'il y manque la sagesse. »

Après le diagnostic, voyons le traitement. Il est chimique ou chirur-

gical.

Avec la première méthode, le patient est plongé dans un baquet d'eau

chaude, la tête enfouie dans une sorte d'alambic transparent où se dis-

tillent les vapeurs incongrues dont son cerveau est surchargé. On voit

fuser le par l'orifice supérieur de l'appareil, et dans ce nuage

apparaissent toutes les phantaisies.

Ce sont, à peu près, les mêmes que nous avons déjà vu s'envoler sur

la première gravure. On y reconnaît la femme, le cheval, la mandoline,

la maison aux pignons dentelés, l'épée et la dague, etc... En plus, on

distingue un canon, un jeu de cartes.et un jeu de tric-trac, un verre à

(1) Henry âlriob, Les Urologues, Arch. génér. de médecine, mai 1900. Nouv. Ico-

nographie de la Salpêtrière, nô 1, 1903.

11\ S, ,

LES GUÉRISSEURS DE PHANTA1SLES 448 ?

boire et un cadran solaire, le tout voisinant avec des bêtes chimériques.

Bien entendu, Th. de Bry n'a pas oublié les taons psychopathogènes.

Il les connaissait bien. Sur une autre de ses illustrations qui fait partie

de la même série et dont j'ai donné le commentaire, il y a quelques

années, Th. de Bry nous a montré l'officine d'un arracheur de pierres

de tête richement diplômé (1). Cette autre gravure porte en légende le

vers suivant :

Nil opus Anticyras abeas hic tollitur natrum.. `

« Point n'est besoin d'aller à Anticyre : ici l'on extirpe les taons. »

Rappelons qu'Anticyre était un médecin grec des temps héroïques qui

passait pour avoir guéri Hercule de sa folie en lui administrant l'ellé-

bore. Son nom fut donné à une ville de Phocide, située sur le golfe de

Corinthe où l'ellébore, paraît-il, poussait en abondance. Un proverbe

conseillait d'envoyer les fous à Anticyre pour les débarrasser de l'crs-

trum, du taon, cause de leur folie.

L'essaim de ces insectes, qui s'évade avec les vapeurs de l'alambic où

mijote le patient, prouve clairement que l'état mental de ce dernier était t

gravement compromis.

Mais l'évaporation n'est pas le seul effet de ce bain salutaire. Par un

conduit fixé à la partie inférieure de l'appareil casquant le patient

s'échappent de petits animaux qui tombent sur un crible et de là sur le

sol où ils meurent. Ce sont des rats.

Pourquoi ces rats ? Tout simplement parce que le rat partageait avec

le taon le privilège de faire éclore les désordres mentaux. Le taon était

surtout incriminé par les lettrés, le rat par le populaire.* On disait

couramment d'un individu dont l'esprit semblait dérangé qu'il avait « un

rat dans la cervelle ».

On dit encore aujourd'hui en Hollande, en parlant de gens obsédés par

des idées bizarres, qu'ils se sont fourré « des nids de souris dans la tête ».

Un dessin de C. Fischer (1655), gravé par Bassan et qui représente un

marchand de mort-aux-rats, porte en légende :

Si, par un rémède nouveau

J'extirpais les rats du cerveau,

Combien de gens auraient besoin du spécifique

Et combien dans Paris seraient de mes pratiques ! 1

Et d'ailleurs, dans notre langue vulgaire, l'expression : « Il a un rat 1 0

est synonyme de : « Il a un grain » -grain de sable qui, en grossissant,

(t) Voy. Janus, mars'avril 1897.

xxvm 30

446 . HENRY MEIGE

deviendra la « pierre de tète». Les artistes n'ont fait que traduire en

images les locutions du langage courant.

Voilà pourquoi l'alambic où met sa tête un aliéné distille un régiment

de rats.

Un second client est traité par une méthode toute différente, évidem-

ment inspirée par le procédé de la paracentèse. Il est assis sur un fau-

teuil, le ventre l'air, un ventre fort ballonné, transfixé par un énorme

trocart muni d'un robinet ajouré que tourne un aide. Par là se déverse

dans un baquet un flot de petits fous mélangés à des rats. Ce traitement

devait convenir plus spécialement aux formes hypochondriaques. N'était-

il pas logique, dans ces cas-là, d'évacuer les hypochondres ? La purga-

tion pouvait y suffire; mais une ponction abdominale, plus impression-

nante, a séduit davantage l'auteur de la gravure.

Nous connaissons d'ailleurs d'autres images où les interventions contre

les dérangements de l'esprit portent, tantôt sur le crâne, tantôt sur

l'abdomen. A côté des arracheurs de pierres de tête, il y eut des

arracheurs de pierres de ventre. Carolus Allaerdt nous les a montrés

opérant de concert sur une gravure que j'ai longuement commentée dans

ce recueil et où tous les procédés d'expulsion des pierres abdominales

sont représentés avec une franchise qui confine à l'incongruité.

Pour en finir avec la gravure de Th. de Bry, il reste à signaler, dans

l'officine, deux rayons chargés de pots de pharmacie, .de fioles et de mor-

tiers. Les bocaux sont munis d'étiquettes ; mais il est impossible d'en

lire les inscriptions.

En dépit des variantes qui la distinguent nettement des figurations

précédentes, cette gravure est bien née de la même inspiration et sa com-

position reste conforme à un plan qui semble avoir été traditionnel.

Une gravure allemande, qui date de 16li8, et que l'on pouvait voir au

musée germanique de Nuremberg, nous montre encore la guérison des

désordres mentaux par le procédé de la distillation du cerveau (P 1. LXX).

Un empirique alchimiste, coiffé d'un bonnet imposant, le nez chaussé

de besicles rondes, assis sur un l'auteuil doctoral, tient à la main un tison-

nier. Un panier à charbon et un large soufflet déposés à ses pieds vont

lui servir à alimenter le fourneau où s'opèrent les cures merveilleuses.

Ce fourneau, en forme de tour, est percé à mi-hauteur d'un orifice par

où le patient peut engager sa tête. Au sommet se dresse un alambic dont

le bec donne issue aux vapeurs détestables.

LES GUÉRISSEURS DE PHANTAISIES 447

Un jeune gentilhomme richement botté, qui vient de déposer son

chapeau et son épée, se précipite, tête baissée, dans le four curateur.

Aussitôt se distillent, au milieu de nuages vaporeux, toutes les turlu-

taines dont son crâne est rempli. On y voit un cheval, un carrosse, un

bateau, une tour à poivrières, des couronnes, un jeu de cartes, un tric-

trac, des épées, une coupe ouvragée, etc., etc., le tout entremêlé de 'e

taons gigantesques, d'autres insectes, de serpents, de vers et de bêtes

indéfinissables. On y reconnaît même des lièvres. z

Ceci nous donne à entendre que le seigneur en question avait la tête

férue d'une foule de phantaisies dont il était grand temps de le débar-

rasser, tout au moins pour sauvegaider son patrimoine. Car il était

joueur, querelleur, buveur, ambitieux, dépensier, dilapidant ses biens

en chevaux, voitures, bâtisses, etc. Bref, une cervelle farcie de phantai-

sies ruineuses, et de mouches, et de taons. Il y manque des rats ; mais

les lièvres sont là pour nous apprendre que ce noble insensé devait être

quelque peu phobique.

Un couple élégant assiste à l'opération. Et il semble que la jeune

femme engage son compagnon à suivre l'exemple de l'opéré, à moins

que ce ne soit le contraire, car les phantaisies élisent aussi bien domi-

cile dans les cerveaux féminins que dans ceux des hommes.

L'officine est ornée des traditionnels pots de pharmacie, d'un panier

à urinai, de balances et de parchemins. Dans le fond, entre un homme

qui porte un sac sur le dos. 1

La gravure a pour titre : Doctor Wurmbrandt : « Le docteur tueur

de vers. » Il s'agit des vers supposés dans la tête des « phantaisistes ».

Une longue légende en vers allemands et en caractères gothiques nous

apprend par le menu les prouesses du docteur, le genre de clients qu'il

guérit, et pourquoi, et comment. '

« Vous, malades, hommes et femmes, voulez-vous vous confier à un

médecin, alors confiez-vous à moi. Je suis le vrai (médecin). Je guéris

également le sexe mâle et le sexe femelle. Vous n'avez qu'à me montrer

votre urine; j'aurai tôt fait de voir ce qui s'est passé dans votre corps

et votre cerveau, ce qui vous donne des allures carnavalesques et vous

fait prendre pour des' membres de la confrérie des fous. Je suis un

maître en ces matières. Je puis rendre spirituels les sots et les insensés.

J'ai vite fait de reconnaître à l'aspect extérieur ce qui est défectueux à

l'intérieur, et ma perspicacité prévoit facilement, d'après votre physio-

nomie, ce qui vous adviendra dans l'avenir. '

« N'avez-vous aucun repos du fait des vers, accourez vers moi, mois

448 HENRY MEIGE

le Dr Wurmbrandt (exterminateur des vers). Je coupe le ver. Je guéris

habilement le cerveau vermineux et tous les autres organes.

« Quelqu'un a-t-il attrapé un rat qui le rend querelleur à se rendre

insupportable ? Pour quelques liards je m'en empare. Dans ma manche,

j'ai des chats, si agiles et si rusés qu'aucun rat n'est plus en sûreté.

« As-tu un grain de trop ? Ta folie sera aiguë ou à double forme. Y

a-t-il, au contraire, une fêlure à ton cerveau ? Pluie et vent y pénétre-

ront, tous deux extrêmement nuisibles; la folie fera de toi un pauvre

idiot, objet de la risée des enfants.

« As-tu perdu la pointe de ton bonnet ? Grillons, mouches, douves et

moustiques vont entrer et sortir constamment de ta tête qui deviendra

leur propre demeure. Par leur vol incessant, ils peuvent te piquer ; tu

sembleras blessé, ah ! combien ! et même tu seras exposé à la mort. Tout

cela, vois-tu, je puis l'enlever, y compris l'amoncellement des vertiges

et des exaltations, même si cet amas est déjà enflammé par le vin et s'il

couve et brûle comme un tas de charbon.

« Perdrais-tu même tout sens de l'orientation, ne reconnaissant plus

l'Est de l'Ouest, le Sud du Nord, n& saurais-tu plus si tu es fille ou gar-

çon, je me fais fort de te remettre d'aplomb, si toutefois l'un de ces

maux ne prend le dessus de façon à retirer l'efficacité et la force à mes

remèdes, c'est-à-dire si tu ne veux pas reconnaître qui tu es et quel

genre de folie habite en toi, et si, bouffi d'orgueil, tu t'imagines qu'il y

a plus de malice dans ton nez que dans la tête de douze hommes sages.

Malheur à toi alors : il n'y a point de remède !

« Si ma médication doit te guérir, il te faut avoir confiance, car la

foi domine tout ; sans elle, science et traitements sont impuissants. 1

« Viens, nous allons essayer, dans ma cuisine d'alchimiste où j'ai

érigé mon fourneau avec son casque. Viens, avance la tête, et ne crains

rien ; nous verrons dans peu de temps les vapeurs se dégager en épais

tourbillons avec les mille causes de foiie que j'avais nettement observées

en toi.

« Ah ! les voilà déjà qui s'envolent. Eh ! que de taons, que de mou-

ches ! quel amas dans ta tête, pauvre diable craintif comme un lièvre.

« Vraiment, tu me donnes plus de travail qu'une forêt remplie de

singes.

« Si je te délivre de cette maladie, alors affirme bien que je suis un

maître. »

(1) Une autre gravure, de D. Manasser (vers 1625), du cabinet des estampes de

Munich, est également intitulée : Le Médecin des vers.

LES GUÉRISSEURS DE PHANTAISIES 449

Nous trouvons, dans cette poésie facile, la confirmation par un texte

de ce que nous ont déjà appris les documents imagés.

Le Dr Wurmbrandt est un empirique doublé d'un alchimiste. Il sait

lorgner l'urinal et y reconnaître les germes de toutes les maladies ; au

besoin, il y lit des prédictions pour l'avenir.

Sa spécialité, ce sont les maladies du cerveau d'origine parasitaire, et

l'on sait que ces parasites sont légion : vers et douves que le docteur

coupe ou brûle, rats qu'il sait aussi détruire radicalement, grains de

blé ou de sable, semences ordinaires de la folie, et tous les insectes vé-

sanogènes, les taons, les mouches, les moustiques, les grillons, etc.

Tout cela, le Dr Wurmbrandt, grâce à son fourneau curateur, l'évapore

incontinent. Et il nous fait une leçon de pathogénie et de clinique, nous

apprenant que les blessures du cerveau peuvent engendrer des troubles

graves. L'expression « cerveau fêlé » n'est-elle pas demeurée popu-

faire ? - Et il insiste sur les désordres encéphalopathiques : les délires

d'excitation, favorisés par l'alcool ; les vertiges, les troubles de l'orien-

tation que peut entraîner une localisation parasitaire dans l'appareil

cérébelleux ou labyrinthique ; les dissociations de la personnalité, les

aberrations de la sexualité, etc.

C'est décidément un grand psychiatre que le Dr Wurmbrandt. C'est

surtout un psychothérapeute averti ; car il ne répond de ses cures que si

le patient a toute confiance en lui. Son couplet sur la foi qui guérit,

la faith healing que Charcot lui-même ne dédaigna pas de célébrer,

témoigne d'une connaissance approfondie de l'âme humaine en général

et des psychonévropathes en particulier.

Il faut croire que le traitement des dérangements de l'esprit par les

pratiques alchimistes a joui d'un assez long crédit auprès du populaire,

sous l'influence de la tradition, car l'imagerie nous montre que celte

tradition s'est perpétuée presque jusqu'à nos jours. J'en ai trouvé la

preuve dans une image d'Epinal qui date du milieu du siècle dernier

(vers 1830-1840). Elle est intitulée : L'Alambic miraculeux, et, dans

sa polychromie brutale, nous montre un médecin charlatanesque, qui

porte encore le bonnet garni de fourrures et les lunettes rondes de ses

prédécesseurs, pratiquant la distillation des phantaisies dans un alambic

monstre muni de plusieurs tuyaux d'échappement. Ici le patient est

plongé, tête première, dans l'orifice supérieur de l'appareil, il en res-

sort par le bas, complètement purgé de ses défauts qui se sont distillés

dans des flacons spéciaux étiquetés : Inconstance, jeu, violence, ivre-

450 HENRY MEIGE "-

gnerie. Au-dessus de l'alambic se chamaille un groupe symbolique

composé d'un diable vert, qui essaye de retirer l'opéré avant qu'il soit

nettoyé de tous ses vices et luttant contre une vigoureuse « Sagesse ».

armée d'un martinet à neuf queues dont elle fouaille énergiquement le

mauvais esprit.

Une copieuse légende en vers en vers d'images d'Epinal - célèbre

les succès du

grand chimiste - .

presque alchimiste

qui a ' , 1

- trouvé le secret surprenant

' de dompter tout mauvais penchant.

par le moyen d'un alambic.

A gauche de la composition sont les clients qui attendent leur tour :

Un ivrogne

qui de vin chaque jour s'emplit

vendrait pour le jus de la treille,

dès qu'il a soif, son seul habit.

Il est, en effet, en bras de chemise, presse sur son coeur une bouteille,

et sa femme le hisse péniblement sur un escalier.

Un brutal qui, armé d'un bâton,

constamment bat sa jeune épouse

la traitant comme son cheval.

Un débauché qui se montre fort entreprenant auprès d'une jeunesse,

tandis que sa moitié légitime, tout en larmes, s'efforce de le retenir sur

la pente fatale par les basques de son habit.

Un joueur qui,

quand la fureur du jeu s'allume

vendrait sans honte au plus offrant

jusqu'à sa femme et son enfant.

Mais après la distillation, quels miracles !

Elle permet de

rendre un homme au lieu d'un tonneau.

La passion du joueur

. s'éteindra dans un lourd sommeil.

Le brutal est rendu

plus doux qu'un mouton.

LES GUÉRISSEURS DE PHANTAISIES 451 i

Le volage, que son épouse dévore à présent de baisers,

trouve sous son toit paisible

paix, bonheur, fortune et santé.

Il porte le chien, la pitance, .

et même jusqu'à son marmot.

Et l'on voit tous ces clients s'acheminer, après la cure, bras dessus,

bras dessous, vers une hostellerie qui porte comme enseigne : Au ren-

dez-vous des bons ménages.

Ainsi, l'on peut aisément apprécier

quel est l'effet que sur les âmes

produit par'son pouvoir heureux

cet alambic miraculeux.

Ces divers documents figurés, éclairés par leurs légendes, sont donc,

avant tout, des compositions satiriques destinées à ridiculiser les malades

de l'esprit et les médecins qui se faisaient forts de les guérir.

Toutefois, il n'y a pas de fumée sans feu. Et de même que les désor-

dres mentaux ont été de tous les âges, de même il s'est toujours trouvé

des guérisseurs avisés prétendant posséder le souverain remède à ces

maux mystérieux. Que dis-je ? Il en existe encore... Mais ne touchons

pas au présent.

Anticyre, qui dans l'antiquité hellénique, s'illustra en prônant l'ellé-

bore, mériterait vraiment de devenir le patron des psychiatres.

Aux premiers temps du Christianisme; beaucoup de saints eurent la

réputation de guérir la folie. J'ai raconté l'histoire et les cures merveil-

leuses de deux d'entre eux : saint Dizier et saint Menoux (1). Les gué-

risons opérées par saint Dizier dans l'Est et par saint Menoux dans le

centre de la France se sont prolongées bien longtemps après leur mort.

Et, chose curieuse, elles s'obtenaient en introduisant la tête des insen-

sés dans des trous dont sont percés les tombeaux de ces saints. J'ai vu

maintes fois dans ma jeunesse le sarcophage de saint Menoux, dont la

rusticité est voilée par de pieuses draperies et où les « berdins » du

Bourbonnais - c'est-à-dire les déséquilibrés et les faibles d'esprit

al laient de temps à autre introduire leurs têtes fêlées.

(1) HENRY MEIGE et FHRNAND Rudler, Deux saints guérisseurs de fous. Nouv. Ico-

nographie de la Salpêtrière, ne 1, 1905.

452 HENRY MEIGE

Je ne puis m'empêcher d'établir un rapprochement entre ces « déber-

dinoires » et les fourneaux des empiriques alchimistes que nous ont fait

connaître les artistes du xvie et du XVII" siècles. Peut-être se sont-ils ins-

pirés de cette pratique thaumaturgique, eux ou les médecins de leur

temps ; mais, sachant tirer parti des inventions nouvelles, ils ont utilisé le

four à réverbère ou l'alambic et inauguré la distillation des phantaisies.

Un autre intérêt de ce chapitre d'histoire de la médecine mentale est

de montrer avec quelle ténacité se perpétuent les croyances populaires

concernant les causes de la folie. Des locutions remontant aux âges les

plus lointains ont été répétées pendant des siècles, contribuant ainsi à

enraciner des préjugés.

En toutes choses, ne cesse de s'affirmer la toute-puissance du Verbe...

TABLE DES MATIÈRES

Acromégalie et ~~ maladie de Recklinghau-

sen, par A. DE CASTRO, 34.

Acrotrophicité [Ankylose osseuse des arti-

culations plaalangino-phalangettiennes,

troubles d'- chez un adénoïdien), par

Rimbaud et REVAULT D'ALLONNBS, 162.

Adiposo-génital (Lésion traumatique pure

de l'hypophyse ; syndrorne - et diabèle

insipide), par MARANON et Pintos, 185.

Angle ponto-cdrébelleux (Tumeur de l'-), ),

par Monis, 196.

Ankylose osseuse des articulations phalan-

gino-phalangeitiennes des deux mains,

troubles d'acrotrophicité chez un adértoi-

dien, par RIBAUD et REVAULT D'ALLON-

NES, 162.

Aphasie et dysarthrie, à propos de deux

observations de diplégie infantile, par

d'Espine, 301.

Aphonie hystérique (Syndrome sympathi-

que cervical avec-), par LAIGNBL-LAVAS-

TINE et P. COURBON, 343.

Asthénie dans la nosologie méthodique de

Sauvages, par BENON et LEINBERGER, 297.

Atrophie musculaire pure, sans paralysie,

par tiraillement du plexus brachial, par

Léri et DAONAN-BOUVERET, 252.

- - sans pamlysle, après une fracture

méconnue de la clavicule, par LÉRI, 256.

- - syphilitique à type péronier, sirnu-

lant l'amyotrophie Charcot-Marie, par

Léri, 260.

réflexe (syndromes frustes d'irrita-

lion du plexus brachial, pseudo-syndro-

mes d'-), par CniKAT, Bourguignon et

ROGER, 353.

Blessé de guerre (Macrodactylie chez un

), par Sicard, NAUDIN et CANTALOUBE,

144.

Blessés nerveux (Déformations des mains

et des pieds chez les ), par Léri, 121.

Blessure cervicale droite (Syndrome sym-

pathique cervical avec hémianidrose et

aphonie hystériques par -), par LAIGNEL-

LAVASTINE et P. COURBON, 343.

Blessures des nerfs (Déformations de la

main par -), par Mme ATHANASSIO-

BENISTY, 65.

Camptocormie, considérations générales,

par Mme ROSANOFF-SALOFF, 28.

traitement par Célectrothérapie persua-

sive, par Souques, MÉOEVAND, Mlles NAi-

DlTCH et Rathaus, 420.

Centre cortical de la déviation conjuguée

des yeux et de la tête, par MoNis, 306.

Cerveau (Sur la symptomatologie des tu.

meurs et des abcès du -). Considérations

sur le centre cortical de la déviation con-

juguée des yeux et de la télé, par Monis,

306.

Compression des carotides dans l'épilep-

sie et l'hystérie, par Tsiminaskis, 52.

Coude flottant après résection étendue ;

rééducation musculaire exceptionnelle,

par SICARD et RORFR, 164.

Déformations de la main par blessures

- paratoniques de la main consécutives

aux plaies de guerre, par Laignel-La-

Z'AST1NE et P. Courbon, 81.

- de la main et du pied chez les blessés

nerveux, par Léri, 121.

Dercum (Syndrome de ), par TEIYEIRA-

MENDES et Monte-Serra, 288.

Déviation conjuguée (Considérations sur

le centre cortical de la des yeux et

de la tête), par MONIS, 306.

Diabète insipide (Lésion traumatique pure

de l'hypophyse ; syndrome adiposo-géni-

tal et -), par Maranon et PIICTOS, 185.

Diplégie faciale, par BAUMEL et LARDEN-

NOIS, 212. ·

- infantile (Aphasie et dysarthrie, à pro-

pos de deux cas de -), par n'Esmris, 301.

Dysarthrie et aphasie, à propos de deux

cas de diplégie infantile, par d'Espine,

301.

Dystonie (Sur le rôle de la dans la dé-

sorganisation des mouvements volonlai-

res), par W. van 'VoEIIKmr, 37.

4

454 , ' TABLE DES MATIÈRES

Dystrophie génito-glandulaire, par 0. DE

SOUZA et A. DE CASTRO, 1, 390.

Electrothérapie persuasive dans lacamplo-

cormie, par SOUQt : ES, nIÉGEVAND, Miles NAI'

ditcii et Rathaus, 420. 1

Epilepsie (Compression des carotides dans

l' -), par Tsiminaskis, 52.

Génilo-glandulai1'e (Dystrophie -), par

O. DE SOUZA et A. DE CASTRO, 1, 390.

Guérisseurs de Phantaisies, par Henry

Ii2EIGE, 438.

Hérni-anidrose cervico-faciale (Syndrome

sympathique cervical avec et aphonie

hystérique), par LAIGNEL-LAVAS'1·INE et

P. COUBBON, 343.

Hémi-hyperlrophie cranio - facio-linguale

avec trophcedème facial, par Parhon et

Mlle SÉVERIN, 282.

Hémimélie, quelques cas, par A. de Cas-

tro, 293.

Hémorragies méningées (Sur les -), par

INGVAR, 313. »

Hypophyse (Lésion traumatique pure de

l'- ; syndrome adiposo-génital et dia

bète insipide), par MARANON et PINTOS,

185.

Hystérie (Compression des carotides dans

l'-), par Tsiminaskis, 52.

Macrodactylie chez un blessé de guerre,

par SICARD, NAUDIN et CANTALOUBE, 144.

Main (Déformations de la par blessu-

res des nerfs), par Mme Athanassio-

BENIST7, 65.

(Seize déformations paratoniques de la

- consécutives aux plaies de guerre,

par Laignel-Lavastine et P. Courbon,

81.

(Dé/ormations de' la - chez les blessés

nerveux), par Léri, 121.

- (Déformations de la ; polydactylie

héréditaire), par BINARD, 147.

(Ankylose osseuse des articulations

phalangino-phalangettiennes), par RIM-

BAUD et REVAULT D'ALLONGES, 762,

(Polyarthropathie syphilitique), par

Chartier, 384.

Mercurielle (Sur la question de la poly-

névrite syphilitique ou -), par Pethex,

226.

Mouvements volontaires (Sur le rôle de la

dystonie dans la désorganisation des ), ),

par W. van Woerkom, 31.

Myélites aigués épidémiques ; deux épidé-

mies militaires, par ETIENXE, 199.

Myopathie atrophique à type scapulaire,

par CAHA1'l, 269.

Nerfs (Déformations de la main par bles-

sures des -), par Mme ATHANASSIO-

Benisty, 65.

Nerveux (Déformations des mains et-des

pieds chez les blessés -), par Li'.ri, 121.

Névrite hypertrophique de l'adulte, par

DIDE et R. COURJON, 377.

Nosologie méthodique (L'asthénie dans la

de Sauvages), par-BENON et LEINBER-

DEB, 291.

Oxycéphaliqzte(Paralysiegénérale chez une

- ), par Flournoy, 15.

Paralysie générale chez une oxycéphalique,

par Flournoy, 15.

Phalangino - phalangettiennes (Ankylose

osseuse des articulations -, troubles

d'acrotrophicité chez un adénoïdien), par

Rimuaud et Revault D'ALLONNES, 162.

Pieds (Déformations des - chez les bles-

sés nerveux), par Léri, 121.

Plaies de guerre (Seize déformations para-

toniques de la main consécutives aux -), ),

par LAIGNEL-L.1VA5'CINE et P. COURBON, 81.

Plexus brachial (Atrophie musculaire pure

par tiraillement du -), par Léri et

DAGNAN-BOUYERET, 252.

(Atrophie musculaire pure, dans le do-

maine du - supérieur, quatorze ans

après une fracture méconnue de la cla-

vicule, par Léri, 256.

- (Les syndromes frustes d'irritation du

- ), par Chiray, Bourguignon et RocER,

353. 1

Pneumogastrique (Contribution au dia-

gnostic des lésions traumatiques du-), ),

par Collet et Petzetakis, 366.

Polyarthropathie des mains, par Chartier,

384. x

Polydactylie héréditaire, neuf cas au cours

de cinq générations, par Bénard, 147.

Polynévrite (Sur la question de la -

'syphilitique ou mercurielle), par Petren,

226.

Ponlo-cérébelleux (Tumeur de l'angle ), ),

par Monis, 196.

Psychologie du tirailleur sénégalais, par

P. Courbon, 167.

Recklinghausen (Acromégalie et maladie

de -), par A. de Castro, 34. -

Rééducationmuscutai1'e exceptionnelle dans

un cas de coude flottant, par SiCAKo et

Roger, 164.

Rhumatisme syphilitique tertiaire, polyar-

thropalhie hydarthrosante atteignant les

articulations des mains, par Chartier,

384.

Sarcome profond de la partie antérieure

de la frontale ascendante à la hauteur

de la seconde frontale ; extirpation, par

Monis, 306. '

Sympathique cervical (Syndrome - ocu-

laire de paralysie avec hémianidrose

TABLE DES MATIÈRES 455 S

cervico-faciale), par Laignel-Lavastine

et P. Courbon, 343.

Syphilitique (Sur la question de la poly-

névrile - ou mercurielle), par Petren,

226. '

(Atrophie musculaire - à type péro.

nier), par Léri, 260.

- (Rhumatisme - tertiaire), par Chartier,

384.

Tirailleur sénégalais (Psychologie du-), ),

par P. Courbon, 161.

Trophcedème facial (Hémi-hypertrophie

cr·anio-facio-linguale avec -), par Par-

liON et Mlle Si' : vérin, 282.

TABLE DES AUTEURS

Athaxassio-Bénisty (Mme). Déformations

de la main par blessures des nerfs, 65.

Baijmel (J.) et LARDENNOIS. Diplégie faciale,

212.

Bénard (René). Polydactylie héréditaire

au cours de cinq générations, 147.

Benon (R.) et Lsmuaacea. L'asthénie dans

la nosologie méthodique de Sauvages,

297.

Bourguignon (G.), Chiray et ROGER. Les

syndromes frustes d'irritation du plexus

brachial, 353.

CANTALOU13E (P.), SICARD et Naudin. Macro-

dactylie, 144 : '

Carati E.). Deux cas de myopathie atro-

phique à type scapulaire, 269.

Casrao (Aloysio de). Acromégalie et ma-

ladie de Recklinghausen, 34.

Quelques cas d'hémimélie, 293.

et Souze (O. de). Dystrophie génito-

glandulaire, 1, 390.

CHARTIER (M.). Rhumatisme syphilitique

tertiaire, polyarthropathie hydarthro-

sante, 384. - z

Ciiiray (M.), Bourguignon et ROGER. Les

syndromes frustes d'irritation du plexus

brachial, 353.

Collet et Petzetakis. Diagnostic des lé-

sions traumatiques du pneumogastrique,

366.

Courbon (Paul). Psychologie du tirailleur

sénégalais, 167.

et Laignel-Lavastine. Seize déforma-

tions paratoniques de la main, 81.

- - Syndrome sympathique cervical avec

hémianidrose cervico-faciale et aphonie

hystérique, 343.

Courjon (Rémy) et VIDE. Névrite hyper-

trophique, 377.

DAGNAN-BouVERET (Jean) et Léri. Atrophie

musculaire pure par tiraillement du

plexus brachial,' 252.

D'Espine (Ad.). Aphasie et dysarthrie à

propos de deux cas de diplégie infantile,

301. 1

DiDE (Maurice) et Courjon. Un cas de né-

vrite hypertrophique de l'adulte, 377.

Etienne (G.). Myélites aiguës épidémiques,

199.

FLOOaNOY (IL). Paralysie générale chez

une oxycéphalique, 15.

INGVAR (Sven). Sur les hémorragies mé-

ningées, 313.

Laignel-Lavastine et COuRBON. Seize défor-

mations paratoniques de la main con-

sécutives aux plaies de guerre, 81.

Syndrome sympathique cervical avec

I hémianidrose cervico-faciale et aphonie

hystérique, 343.

LARDENNOIS (G.) etBAUMEL. Diplégie faciale,

272.

LHNBEMER (M.) et BENON. L'asthénie dans

la nosologie méthodique de Sauvages,

297.

Léri (André). Quelques déformations des

mains et des pieds chez les blessés ner-

veux, 121.

Atrophie musculaire pure quatorze ans

après une fracture méconnue de la cla-

vicule, 256.

- Atrophie musculaire syphilitique à type

péronier, simulant l'amyotrophie Char-

cot-Marie, 260.

et Dagnan-Bouveret. Atrophie muscu-

laire pure par tiraillement du plexus

brachial, 252.

MARANON (G.) et PINTOS. Lésion traumati-

que pure de l'hypophyse. Syndrome

adiposo-génital et diabète insipide, 185.

Meige (Henry). Les guérisseurs de phan-

taisies, 438.

MÉGEVAND, Souques, Miles Naiditch et

Rathaus. Camptocormie et électrothéra-

pie persuasive, 420.

Monis (Egaz). Tumeur de l'angle ponto-

cérébelleux, 196.

Sur la symptomatologie des tumeurs

et des abcès cérébraux. Le centre corti-

cal de la déviation conjuguée des yeux

et de la tête, 366.

Monte-Serra et TEIxBIRA-M&\DSS. Syn-

drome de Dercum, 288.

458 TABLE DES AUTEURS

NAIDIICU et RATHAUS Milles), Souques et

MéGEVnrrD. Camptocormie, 420.

NAUDIN (L.), SicARD et Cantalqude. Macro-

dactylie, 144.

PARIION (C.-J.) et Séverin (Mlle). Ilémi-

hypertrophie cranio-facio-linguale avec

trophoedème facial, 282

Petren (Karl). Sur la question de la poly-

névrite syphilitique ou mercurielle, 226.

Petzetakis et Collet. Diagnostic des lésions

traumatiques du pneumogastrique, 366.

P1NTOS (G.) et Maranon. Lésion traumati-

que pure de l'hypophyse, 185.

RATHAUS et NAIDITCII (Mlles), Souques et

IIIÉGEYAND. Camptocormie, 420.

REVAULT D'ALLONNES (G.) et RIMBAUD. Anky-

lose osseuse des articulations phalan-

gino-phalangettiennes, 162.

Rimbaud (L.) et REVAULT D'ALLO\PIE3. Anky-

lose osseuse des articulations phalan-

gino-phalangettiennes des deux mains,

162. -

ROGER (IL), CIIIRAY et Bourguignon. Les

syndromes frustes d'irritation du plexus

brachial, 353. 1

et SICARD. Coude flottant après résec-

tion étendue. 164.

RosANOFF-SALOFF (Mme). Considérations

générales sur la camptocormie, 28.

Séverin (Mlle Aspasie). IIémi-hypertrophie

cranio-facio-linguale, 282.

SICARD (J.-A.), NAUUIN et CANTALOUBE.

Macrodactylie chez un blessé de guerre,

144.

et ROGER. Coude flottant après résection

étendue. Rééducation musculaire excep-

tionnelle, 164.

SouQUSS (A.), iilÉGEVAND, M)teS NAIUITCH et

RATiIAUS. Traitement de la camptocor-

mie par l'électrothérapie persuasive, 420.

, Sou/A (Oscar de) et CASTRO (A. de). Dys-

trophie génito-glandulaire, 1,390

TEtXE[RA-ME ! \nKS (R.) et Monte-Serra. Syn-

drome de Dercum, 288.

Tsiminaskis (C.). La compression des caro-

tides dans l'épilepsie et l'hystérie, 52.

O-0ERE0\I (W. van). Rôle de la dystonie

dans la désorganisation des mouvements

volontaires, 37.

TABLE DES PLANCHES

Adiposo-génital (Syndrome) par lésion

traumatique de l'hypophyse (M \RAX01l et

Pintos), XLII et XLIII.

Ankylose osseuse des articulations pha-

langino - phalaogettiennes (Rimbaud et

RE1'1ULT D'ALLONGES), XXXIX.

Atrophies musculaires (LÉH'), XLVI à

XLVIII.

Camptocormie, considérations générales

(Mme ROSA : JFh-SALOFF), X à XV. -

- Traitement par l'électrothérapie per-

suasive (Souques, : I1ÉGEVAND, Illes 1

,CIl'CIl et Rathaus), LXVI et LXVII.

Cerveau (Symptomatologie des tumeurs et

des abcès du -. Centre cortical de la

déviation conjugée) (Moniz), fig. 1-2.

Coude flottant ; rééducation musculaire ex-

ceptionnelle (Sicard et ROGER),XL etXLl.

Déformations de la main dans les blessu-

res des nerfs (Mme ATIl.4\ASSIO-IIÉNISTT),

XVI à XXII 1.

paratoniques (LA10NEL-LAVASTINE et

COURaOV) XXIV à XXVII.

- et des pieds chez les blessés nerveux

(Léri), XXVIII à XXXIII.

Dercum (Maladie de -) (Teixeira-Mendes

et Monte-Serra), LII.

Diplégie faciale (Baumel et LABDENNOis), L.

- infantile, considérations sur l'aphasie

et la dysarthrie (d'Espine), LV et LVI.

Dystrophie génito-glandulaire (O. DE SouzA

et A. de CASTRO), LXIV et LXV.

Génito-glandulaire (Dystrophie) (O. DE

Soupa et A. de CASTRO), LXIV et LXV.

IIémianidrose cervico-faciale (LAïoNEL-LA-

VAS fIllE et Cour bon), LVIII et LIX.

Hémi -hypertrophie cranio - facio-linguale

(Pardon et Mlle Séverin), LI.

Hémimélie, quelques cas (A. de CASTRO),

LIII et LIV.

Hémorragies méningées (Ingvar), LVII.

Hypophyse, lésion traumatique. Syndrome

adiposo-génital et diabète insipide (MA-

et PliTOS), XLII et XLIII.

Macrodactylie chez un blessé de guerre

(Sicard, NUTDtN et CANTALOUBE), XXXIV

et XXXV.

Main, déformations dans les blessures de

guerre (Mme Athanassio-Bénisty), XVI à

XXIII.

- (LAIGNEL-LAVASTINE et COURB01\), XXIV

à xxvi 1 .

- (Léri), XXVIII à XXXIII.

ankylose osseuse des articulations

phalangino-phalangettiennes (Rimbaud et

REVAUT d'Allonnes), XXXIX.

Myopathie atrophique à type scapulaire

(C.1RATI), XLIX.

Névrite hypertrophique de l'adulte (DIDE

et Courjon), 1 fig.

Oxycéphalie et paralysie générale (FLOUK-

1\OY) , IX.

Paralysie générale chez uné oxycéphali-

que (FLOURNOY), IX.

Phantaisies (Les guérisseurs de -) (MEME

Henry), LXVIII à LXX.

Pieds et mains, déformations chez les

blessés nerveux (Léri), XXVIII à XXXIII.

Polydactylie héréditaire (Bénard), XXXVI

à XXXVIII.

Ponto-cérébelleux (Tumeur de l'angle -j

(Moms), XLIV et XLV.

Rhumatisme syphilitique tertiaire (Char-

TIEn), LXI11. 1.

- Sarcome profond de la frontale ascen-

dante (h9omz), 8g. 1-2.

Sympathique cervical oculaire (Syndrome

- ) (InAIGNCL-LAVAST1NE et Courbon), LVIII

et LIX.

Le gérant : O. Porée

[mp. J. Thevenot, Saint-Dizier (Haute-Marne).