(1913) Nouvelle iconographie de la Salpétrière [Tome 26] : iconographie médicale et artistique
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(1913) Nouvelle iconographie de la Salpétrière [Tome 26] : iconographie médicale et artistique

NOUVELLE

ICONOGRAPHIE

DE LA

SALPÊTRIÈRE

TOME XXVI

1913

NOUVELLE ICONOGRAPHIE

DE LA

SALPÊTRIÈRE

J. M. CHARCOT

Gilles de la TOCRETTE, PAUL RICIIER, ALBERT LONDE

Fondateurs

ICONOGRAPHIE MEDICALE

ET

ARTISTIQUE

Patronage sC٠: It͡j.'que : .'

J. BABINSKI. G. BALLET. J. DEJERINE. DENY

E. DUPRÉ. - A. FOURNIER. GRASSET

, KLIPPEL. - PIERRE MARIE. PITRES

REGIS. SEGLAS. J. A. SICARD. A. SOUQUES

ET

SOCIÉTÉ DE NEUROLOGIE -

. DE PARIS

Direction :

PAUL RICHER

Rédaction :

HENRY MEIGE

MASSON ET Cie, ÉDITEURS

LIBRAIRES DE L'ACADÉMIE DE MEDECINE

j2o. Boulevard Saint-Germain, Paris (VI*)

NOUVELLE

ICONOGRAPHIE

DE LA SALPÊTRIÈRE

LES FORMES NERVEUSES

D'UNE NOUVELLE TRYPANOSOMIASE

CTRYPANOS01lA CRUZI INOCULÉ PAR l'mitTOMA MAGISTA )

(Maladie DE CUAGAS)

PAR

Carlos CHAGAS,

Cher de service de l'Institut Oswaldo Cruz

(Rio de Janeiro).

[La Nouvelle Iconographie de la Salpêtrière a la bonne fortune de pouvoir

offrir à ses lecteurs une étude sur les accidents nerveux causés par une affection

parasitaire encore peu connue en France, mais qu'on appelle déjà, juste titre,

la Maladie de Chagas, du nom du savant brésilien qui en a fait connaître

l'agent pathogène (Trypanosoma Cruzi), et l'insecte inoculateur, un hémi-

plère du groupe des Réduviens, Triatoma magista.

Les localisations de prédilection du Trypanosoma Cncisur les glandes vas-

culaires sanguines, là thyroïde notamment, et aussi sur les centres nerveux

donnent à la Maladie de Chagas un intérêt tout particulier pour les neurolo-

gistes.

A l'instigation du Professeur Miguel Couto, de Rio de Janeiro, M. Carlos

Chagas a bien voulu écrire spécialement pour la Nouvelle Iconographie de la

Salpêtrière un résumé de ses observations sur les manifestations nerveuses

de la curieuse affection qu'il a étudiée, et nous envoyer de rares documents

conographiques dont nous tenons à le remercier grandement. N. D. L. R.]

Parmi les faits les plus importants qui concernent la biologie du typa-

Itosoma Cruzi, agent de la nouvelle maladie inoculée par la Triatoma ma-

XXVI 1

2 CHAGAS

gista, figurent des localisations dans la profondeur des tissus et, en ou-

tre, dans l'intérieur de l'élément analomique lui-même, comme cela a

été constaté par notre collègue le Dr Gaspar Vianna.

C'est ainsi que, dans le myocarde, le trypauosome se localise à l'inlé-

rieur de la cellule noble; il s'y multiplie, eu formant de nombreuses uni-

tés, qui se présentent sous une forme arrondie, munies de noyau et de ? 6pharopfasLo,non ! 'iageUces au commencement, mais acquérant ulté-

rieurement le Ilagellum.

Dans les muscles striés, on trouve le protozoaire sous le même aspect,

à l'intérieur des libres; il y constitue de grandes agglomérations parasi-

taires. Il en est de même dans d'autres systèmes organiques et dans d'au-

tres organes, dans les capsules surrénales, dans les testicules, dans

l'utérus, etc. Le système nerveux peut devenir également et il devient

souvent le siège du protozoaire ; de celte localisation et des lésions qui

Fiu. 1. Triatoma î ? 2agisia. Hémiptère inoculateur du 1'oypanoso>nc Cruzi.

' LES FORMES NERVEUSES D'UNE NOUVELLE TRYPANOSOMTASE 3

accompagnent résulte un syndrome clinique presque toujours de grande

intensité et très bien caractérisé en ses liaisons immédiates avec les pro-

cessus anatomiques qui l'occasionnent.

Le trypanosome a été observé dans toutes les régions de l'encéphale,

aussi bien dans la substance grise que dans la substance blanche. Il s'y

présente aussi sous l'aspect d'agglomérations parasitaires constituées,

quelquefois, par de nombreuses unités, tantôt sans flagellum et tantôt fla-

gellées. Ces foyers de protozoaires sont épars dans toute la masse ner-

veuse, sans aucun rapport arec le système vasculaire. De tels foyers,

envahis par les cellules migratrices, se transforment en foyers d'infiltra-

tion leucocytaire, d'où le protozoaire finit par disparaître ; on le trouve

toujours dans les foyers inflammatoires récents, rarement dans les anciens.

Dans le cortex cérébral, dans les noyaux centraux, dans la protubérance,

dans le bulbe, dans le cervelet, etc., ces agglomérations parasitaires ont

été trouvées, avec les lésions qui les accompagnent.

Dans la moelle épinière, le môme fait a souvent été observé chez les

malades atteints de la forme nerveuse de la maladie. On a également cons-

taté, en petite quantité, ce parasite dans le liquide céphalo-rachidien; il

faut alors inoculer le liquide à des animaux sensibles pour que le parasite

llagellé se révèle.

Les localisations du parasite dans le système nerveux central sont cons-

tatables dans des cas aigus de trypanosomiase, et dans ses formes chroni-

ques. Dans les cas aigus, qui sont principalement caractérisés par la pré-

sence d'un grand nombre de protozoaires dans le sang périphérique,

lorsque le parasite se localise dans le système nerveux central, il déler-

Fio. 2. Kystes de la protubérance de forme ronde formés

par le TI ? pa1l0soma Cruzi.

i CHAGAS

mine l'apparition des signes cliniques d'une méllingo-encéphalite aiguë,

rapidement mortelle. Les autopsies des malades de ce groupe démon-

trent l'existence d'une méningite des plus intenses et d'une encéphalite

diffuse ; des foyers parasitaires nombreux, répandus dans tout le système

nerveux central, sont décelés par l'examen histo-pathoiogique. Ici encore

la localisation primitive du protozoaire a lieu dans l'intérieur d'un élément

anatomique, qui parait être, en règle générale, une cellule de la névrolo-

gie. Dans celle-ci, le parasite se multiplie par divisions binaires succes-

sives et il finit par détruire la cellule et constituer une agglomération

d'éléments libres, entourés des tissus voisins.

Des observations que nous possédons jusqu'ici, des cas cliniques de

cette nature, résulte l'extrême gravité du pronostic, les malades qui sur-

vivent aux formes nerveuses aiguës de la trypanosomiase étant bien rares.

La mort survient dans un laps de temps qui varie entre 8 et 20 jours.

Nous avions d'abord cru que c'était des altérations anatomiques consé-

cutives aux processus méningo-encéphaliques des infections aiguës, que ré-

sultaient les syndromes nerveux chroniques de la maladie. Mais des consta-

tations ultérieures nous ont démontré que le parasite se localise souvent

dans le système nerveux et qu'il y détermine des processus inflammatoi-

res chroniques, non précédés d'incidents aigus. On ne pourrait, du reste,

harmoniser autrement l'existence de nombreuses formes nerveuses chro-

niques de la trypanosomiase avec la haute léthalité des formes nerveuses

aiguës. Il est certain que l'anamnèse décèle, parfois, dans les cas nerveux

chroniques, l'existence antérieure des phénomènes aigus, survenus géné-

ralement aux premiers âges de la vie. Mais de tels faits doivent constituer

le petit nombre, vu l'extrême gravité des formes méningo-encépbafiques

aiguës. Les formes nerveuses chroniques de la trypanosomiase présentent,

ce n'est pas douteux, dans la majorité des cas, des localisations primitives

du parasite dans la masse encéphalique, avec évolution chronique des

processus anatomiques.

Comme conséquence de la diffusion des foyers parasitaires dans le

système nerveux et de leur indépendance par rapport au système vascu-

lairejes syndromes nerveux de cette trypanosomiase se caractérisent prin-

cipalement par des troubles moteurs généralisés et, en règle générale, bi-

latéraux. Nous n'avons jamais observe de cas d'hémiplégie ; il est seule-

ment possible de trouver, rarement d'ailleurs, des cas avec prédominance

des troubles moteurs d'un seul côté du corps.

Dans la forme nerveuse chronique de la maladie, le syndrome le plus

fréquent est la diplégie cérébrale, ce qui est en rapport avec les localisations

du protozoaire dans le cortex et dans d'autres régions du cerveau, répar-

ties dans les deux hémisphères. La grande majorité de nos sujets est repré-

NOUVELLE Iconographie DE la Salpêtrilke.

T. XXVI. Pl.

FORMES NERVEUSES DE LA MALADIE DE CHAGAS

1. Syndrome de Little ; méningo-encéphalite chronique ; parasites dans le cerveau.

2. Diplégie cérébrale spasmodique (8 ans). 10. Diplégie cérébrale spasmodique. Idiotie. ? j« ? aiLJMfeiC,Çir^l ? rglf' L.parasites,dans.les sinus.

NOUVELLE Iconographie DE la Salpêtrière.

T. XXVI. Pl. II

FORMES NERVEUSES DE LA MALADIE DE CHAGAS

6. Paralysie supra-bulbaire. - 9. Diplégie cérébrale ; rires et pleurs spasmodiques.

7. Diplégie cérébrale spasmodique.

Masson & Cie, Editeurs.

NOUVELLE Iconographie DE la Salpêtrière.

T. XXVI. PI. III

FORMES NERVEUSES DE LA MALADIE DE CHAGAS

3. Diplégie cérébrale spasmodique. Idiotie. 24 ans. Méningo-encéphalite chronique ;

parasites dans le cerveau et les muscles.

8. Diplégie cérébrale spasmodique. Idiotie.

Masson & Cie, Editeurs

LES FORMES NERVEUSES D UNE NOUVELLE TRYPANOSOMIASE

sentée par des diplégiques anciens, dont la maladie date des premières

années de leur existence. Il s'agit donc ici, le plus souvent, de diplégies

spasmodiques, sous des aspects variés. La paralysie et la contracture,

en règle générale, prédominent dans les membres inférieurs, mais les cas

de contracture et paralysie généralisées dans lesquels le syndrome de

Liltle se montre avec évidence, ne sont pas rares (PI. 1 il V).

L'intensité de la paralysie et de la contracture est extrêmement variable

chez les différents malades ; elles ne gardent pas entre elles de rapport

constant. Dans les cas les plus bénins, la diplégie n'est décelée que par

l'exagération des réflexes tendineux, par des dysbasies plus ou moins

accentuées et par de légers phénomènes de contracture, mis en évidence

dans la marche, au moment du changement des pas. Au contraire de ceux-

là, il existe d'autres malades chez qui paralysie el contracture atteignent

le degré le plus élevé ; certains restent tout à fait privés de locomotion,

tandis que d'autres ne peuvent se mouvoir qu'accroupis et avec l'aide

des membres supérieurs, généralement moins atteints.

Chez les diplégiques, aussi bien chez ceux dont le syndrome est très

intense que clans, les cas bénins, les mouvements anormaux, principale-

ment athétosiformes, sont fréquents. Quelquefois, chez des malades pré-

sentant des phénomènes de paralysie et de contracture minimes, les mou-

vements anormanx sont extrêmement intenses ; mais on ne les observe

pas chez des malades ne souffrant pas de troubles nerveux, lorsqu'il

n'existe pas de déficit de la motilité normale des membres.

Les éléments du syndrome de diplégie cérébrale sont, presque toujours,

accompagnés de signes cliniques de la paralysie pseudo-bulbaire. Celle-ci

se présente, quelquefois, d'une façon complète, par les troubles de la

parole, l'ouverture de la fente inter-rabiale, l'attitude de la langue, etc.

Quelques cas curieux sont à signaler, dans lesquels la paralysie supra-

bulbaire constitue un élément prédominant, peu d'anormalité étant observé

du côté des fonctions motrices des membres(PI. TI, ph. G).

Dans les cas de diplégie cérébrale ancienne et de grande intensité, on

observe, le plus souvent, l'idiotie complète, avec absence absolue d'idéa-

tion. L'idiotie peut être, cependant, dans ses différents degrés d'intensité,

observée dans des cas où les troubles moteurs sont minimes (PI. III,

IV, V). Chez des malades dénués de perturbations dénonciatrices de lé-

sions du système nerveux, nous n'avons jamais observé l'idiotie complète ;

on ne remarque chez eux qu'une infériorité mentale, plus ou moins, ac-

centuée, que l'on doit attribuer à l'insuffisance de la glande thyroïde.

Quoiqu'elles soient constantes dans la trypanosomiase, les lésions du

corps thyroïde, avec formation de goitres, quelquefois volumineux, nous

n'avons jamais observé^ dans les différentes formes cliniques de la main-

(i chagas

die, pas même dans celles qui étaient accompagnées des signes les plus

intenses d'hypotityroïdisme, l'idiotie myxoedémateuse typique de Bourue-

ville. Ici, les idiots complets présentent simultanément des troubles delà

motilité, dénonciateurs de lésions cérébrales; il s'agit donc de l'idiotie

organique.

Du côté du langage, nous avons observé de grandes perturbations dans

la trypanosomiase. Chez les diplégiques idiots, l'absence d'idéation amène

souvent le mutisme absolu ; mais, nous avons vu des diplégiques ayant

conservé leur intelligence, qui présentent bien évidemment une aphasie

totale caractérisée dans tous ses éléments.

Le syndrome convulsif est souvent observé chez les diplégiques, soit

dans les phases initiales de la maladie, soit pendant son évolution. En

outre, il n'est pas rare que l'on constate des convulsions chez des malades

dénués de troubles moteurs et qui ne présentent que les signes d'insuf-

fisance thyroïdienne, sans compter les autres éléments de la trypanoso-

miase. Nous avons encore eu l'occasion d'observer une malade, ayant une

infection qui datait de deux mois, dont la grande thyroïde était hyper-

trophiée et douloureuse ; chez elle, le syndrome convulsif avait un aspect

comparable il la tétanie, par ses crises répétées. Cette malade est morte

pendant une des crises convulsives, et les recherches histo-patlrolonirlues

ont décélé des lésions du corps thyroïde; il n'y avait pas de processus

inflammatoire du côté du système nerveux central.

Nous possédons quelques observations dans lesquelles le syndrome cé-

rébelleux se manifeste de la façon la plus évidente. Ce sont de véritables

cas d'ataxie cérébelleuse, dans lesquels on rencontre aussi tous les signes

de la diplégie cérébrale. Nous donnons, comme spécimen des faits de ce

genre, une observation intégrale (PI. IV). En oulre de la véritable ataxie

cérébelleuse, nous possédons des exemples (deux, jusqu'à présent) de

syndrome pselldo-cérébelleux, par hypertension du liquide céphalo-ra-

chidien. Je note en passant que, dans ces deux cas d'ataxie pseudo-céré-

helleuse, l'inoculation du liquide céphaio-racbidien il des cobayes révéla

le parasite. Les deux malades retirèrent une amélioration considérable,

l'ataxie ayant même disparu complètement, des ponctions lombaires qui

ont diminué la tension du liquide.

Nous avons encore observé, dans cette maladie, quelques cas de troubles

mentaux intenses, liés à des perturbations de la glande thyroïde ; quel-

ques-uns on[ été influencés d'une façon bienfaisante par l'opothérapie

thyroïdienne.

Relativement il la fréquence des formes nerveuses de la trypanosomiase,

nous possédons des observations nombreuses, qui nous autorisent, ri affir-

mer que cette maladie esl celle qui, llellt-l : f/'e, 11/'0 ? or¡11e, en pathologie lw-

NOUVELLE Iconographie DE la Salpêtrière.

T. XXVl. Pl. IV

FORMES NERVEUSES DE LA MALADIE DE CHAGAS

12. Diplégie cérébrale spasmodique. Idiotie.

4. Diplégie cérébrale. Syndrome cérébelleux.

NOUVELLE Iconographie DE la Salpêtrière.

T. XXVI. Pl. V

-FORMES NERVEUSES DE LA MALADIE DES CHAGAS

Diplégie cérébrale spasmodique. Idiotie.

Masson & Cie, Éditeurs.

LES FORMES NERVEUSES D'UNE NOUVELLE TRYPA.NO';OIIA.$E 7

maille, le plus grand nombre d'affections organiques du système nerveux

central. En faisant nos études dans des zones d'une population diffuse,

dans l'intérieur du Brésil, nous avons déjà eu l'occasion d'étudier, en moins

de deux années de travail, une quantité remarquable de manifestations

nerveuses de Iryp : 111()s()misr, ; )e nombre de malades que nous avons vus,

présentant la l'orme nerveuse chronique, s'élève : ') plus de deux cents.

Malgré cela, les cas nerveux de la trypanosomiase représentent, nous sem-

hie-t-il, moins d'un dixième de l'ensemble des formes cliniques dans les-

quelles nous divisons la maladie.

La léthalité, dans les cas aigus, ainsi que nous l'avons vu, est repré-

sentée par presque totalité des malades; dans les formes chroniques,

les malades supportent longuement la maladie, et ils arrivent môme à la

vieillesse; ils meurent alors d'accidents sur aigus de la trypanosomiase.

- Observation.

Observation résumée d'un cas de diplégie cérébrale spasmodique, avec syn-

drome cérébelleux :

Joseph, de race noire, âgé de 20 ans (PI. IV).

Antécédents morbides héréditaires obscurs.

Histoire morbide. - La maladie date de la première année de sa vie, au

cours de laquelle le sujet présenta différentes crises convulsives pendant' une

longue infection fébrile.

Etal actuel. Examen physique :

Hypertrophie bien apppréciahle de la glande thyroïde.

Nombreux ganglions dans la région cervicale, quelques-uns volumineux.

Ganglions volumineux sous les aisselles et dans les régions inguino-crurales.

Petite infiltration mucoïde du tissu sous-cutané du visage. Volume du foie

augmenté.

Système nerveux. Tremblement intense et généralisé, qui disparait d'une

manière presque complète, ou même complète, dans le décubitus dorsal.

Impossibilité absolue de maintenir le malade dans l'attitude verticale, quoi-

qu'il ait de la force musculaire dans les membres inférieurs et dans le tronc.

La titubation cérébelleuse des plus intenses. Dans l'attitude verticale, sans

appui, le malade perd vite l'équilibre, le tronc penche en avant, et de rapides

mouvements ataxiques, qui déterminent aussitôt la chute, agitent les membres

inférieurs.

Pendant la marche, appuyé à une autre personne, il manifeste 'son asy-

nergie musculaire d'une façon très nette. Pendant le mouvement il présente

l'attitude suivante : le tronc, penché en avant, comme s'jl précédait dans la

marche les membres inférieurs forme avec ceux-ci un angle obtus ; les mem-

bres inférieurs restent très éloignés, ce qui donne une large amplitude au pas.

Pendant la marche, les membres font des mouvements ataxiques et la chute

a lieu dulcôlé où penche le tronc. Le tremblement augmente considérablement,

8 CHAGAS

lorsque le malade marche. Le malade cherche avec la vue à maintenir son

équilibre; on observe dans la titubation et dans les mouvements ataxiques,

beaucoup de ressemblance avec ce qui a lieu chez les ivrognes.

Le tremblement généralisé persiste, dans toute son intensité, quand le malade

est assis sur le sol ou accroupi.

Phénomènes pseudo-bulbaires de grande intensité. La bouche se maintient

constamment demi-ouverte, la fente interlabiale très large, et d'une manière

continue une grande quantité de salive s'écoule par les commissures.

Parésie linguale. La propulsion de la langue hors de la cavité buccale se

fait d'une manière très- incomplète et sa pointe est déviée vers la droite. Les

mouvements dans le sens latéral ont lieu aussi d'une façon très incomplète,

les mouvements dans le sens vertical sont impossibles. Profondes perturba-

tions de la mastication et de la déglutition. L'ingestion de substances liquides

se fait avec une grande difficulté. Lorsque le malade boit de l'eau, celle-ci

tombe par ses fentes gingivo-labiales et s'échappe.

Du côté du facial inférieur, on remarque un plus grand écart de sa com-

missure labiale droite, dans le rire.

Aucune anomalie appréciable du côté du facial supérieur.

Réflexes.- Réflexes patellaires remarquablement exagérés des deux côtés,

la percussion des tendons rotuliens provoquant des mouvements énergiques

d'extension de la jamhe sur la cuisse, la contraction des muscles de la cuisse

et, quelquefois, la flexion de la cuisse sur le bassin.

Réflexes du tendon d'Achille aussi très exagérés, la percussion déterminant

la contraction des muscles de la région postérieure de la jambe et, quelquefois,

de légers mouvements d'extension des jambes sur les cuisses.

Les réflexes tendineux des membres supérieurs ne donnent pas d'indications

précises ; mais il semble qu'il y ait exagération du réflexe épitrochléen.

Réflexes plantaires considérablement exagérés, sans toutefois présence du

signe de Babinski. L'excitation de la plante des pieds détermine de forts mouve-

ments de flexion des pieds sur les jambes ; différentes contractions sont quel-

quefois consécutives à une excitation. Trépidation épileptoïde bien accentuée.

Réflexes abdominaux des deux côtés, supérieurs et inférieurs, considérable-

ment exagérés. L'excitation des régions respectives provoque de rapides et

énergiques mouvements dans toute la paroi abdominale et suscite encore, d'une

façon intense, le réflexe crémastérien.

Réflexes crémastériens, des deux côtés, considérablement exagérés, d'éner-

giques et rapides contractions étant provoquées par la moindre excitation d'un

point quelconque de la face interne de la cuisse, depuis la base jusqu'au ge-

nou ; ce réflexe est tellement exagéré que même les excitations sur la face

extérieure des cuisses peuvent se provoquer.

Force musculaire dans ses membres inférieurs bien conssrvée. Le malade

exécute des mouvements d'extension et de flexion des jambes sur les cuisses,

d'une façon normale, quand il est en décubitus dorsal.

Maintien parfait des mouvements volontaires des muscles du bassin; Le ma'

LES FORMES NERVEUSES D'UNE NOUVELLE TRYPANOSOMIASE 9

lade passe du décubitus dorsal à la réclinaison sur le dos avec une grande fa-

cilité en s'appuyant légèrement sur ses coudes.

Réflexe photo-moteur des deux côtés. Egalité des pupilles. Intelligence assez

atteinte; il existe un certain degré d'insuffisance mentale, mais assez éloigné

de l'idiotie. Le malade a l'audition générale et l'audition verbale normale, il

comprend bien tous les mots et exécute régulièrement tous les ordres qui lui

sont transmis.

Langage. - Il dispose de plusieurs vocables, mais il les prononce d'une

façon très défectueuse, l'expression des mots étant rarement compréhensible.

Dysarthrie trés accentuée.

L'inoculation du liquide céphalo-rachidien et du sang périphérique de ce

malade à des cobayes, a révélé dans les deux cas, la présence du typanosome

Cruzi.

Réaction de Wassermann négative.

SOCIÉTÉ DE NEUROLOGIE DE PARIS

Séance du 25 Janvier 191.

MÉNINGITE CERVICALE HYPKHTt ! OPH)QUH

PAR

J. BABINSKI, J. JUMENTÉ, J. JARKOWSKI

Les lésions hypertrophiques des méninges de la région cervicale de

la moelle, malgré leur fréquence, ne nous semblent pas avoir été suffisam-

ment étudiées. Nous pensons que les .notions classiques sur ce sujet mé-

ritent d'être révisées et à l'appui de celle allégation nous relatons l'obser-

vation complète d'un cas de méningite cervicale hypertrophique dont

la vérification anatomique vient augmenter l'importance. Les pièces et

coupes de cette observation ont du reste fait l'objet d'une communication

à la Société de Neurologie (1).

Il s'agit d'une malade qui fut examinée pour la première fois par l'un

de nous en 1909 à la Salpêtrière (2) : et qui ensuite fut remise à la Pitié.

époque.

Observation (1" période).

12 aoûl 9 90J. - La nommée L..., âgée de 48 ans, est entrée il l'hôpital se

plaiguant de douleurs vives dans la tête, le cou et les épaules et de faiblesse

progressive dans les jambes.

Rien à relever dans ses antécédents héréditaires. Bien portante dans l'en-

fance ; mariée à 16 ans, elle ne fit jamais de fausses couches et eut trois en-

fants dont deux sont morts de méningite en bas âge ; à 28 ans à la suite de sa

dernière couche elle eut une métrite; à 3S ans elle souffrit durant quatre mois et

demi de douleurs dans les articulations des épaules et quelques mois plus tard

d'une crise d'entérite. En 1908, à 41 ans, elle présenta des troubles de

la marche se manifestant de la façon suivante : elle se fatiguait au bout de

quelques minutes, sentait ses jambes comme coupées et était obligée de s'arrê-

ter ; après quelques instants de repos elle était en mesure de repartir. A la

même époque elle était sujette à de fréquentes migraines. Ces divers troubles

après avoir duré quelques mois disparurent; elle resta pendant cinq aunées

bien portante. ,

Il y a un an elle atteignit la ménopause et c'est d'après elle il ce moment

qu'a u rait débuté sa maladie actuelle : elle fut prise de vomissements incoerci-

(1) Séance du 25 janvier 1912. Rev. Neurol., 1912, p. 221.

(2) Service du Professeur Dejerine.

"11 ? INGll CERVICALE HYI'I' : nTllOPHIQUg , Il l

bles avec intolérance gastrique absolue ; ces vomissements d'abord alimentai-

res puis muqueux et bilieux survenaient après des efforts douloureux, sans

être toutefois précédés ni accompagnés de douleurs épigastriques. La malade

tomba rapidement dans un état de faiblesse profonde se sentant sans cesse

étourdie et vertigineuse. Les vomissements, incessants pendant un mois en-

viron, devinrent ensuite intermittents mais ne cédèrent complètement qu'au

bout de six mois ; son état général s'améliora alors, toutefois, les vertiges et les

étourdissements subsistèrent et les jambes commencèrent à s'affaiblir, ce qui

rendit rapidement la station difficile. En même temps survinrent des douleurs

dans les membres et la ceinture et la malade fut prise de rétention d'urine

qui nécessita le cathétérisme.

EXAMEN. - La marche est pénible, la malade avance a petits pas, elle ne

titube pas au départ, mais après avoir franchi une petite distance elle éprouve

de la fatigue, se sent étourdie, festonne puis perd l'équilibre et se trouve dans

la nécessité de s'appuyer pour ne pas tomber ; se repose-t-elle quelques minu-

tes elle peut repartir.

Elle maintient assez bien l'équilibre les yeux fermés et les talons rappro-

chés quand l'expérience est faite après qu'elle s'est reposée, mais dans le cas

contraire elle ne peut y parvenir et son corps oscille. On ne trouve aucune

trace d'ataxie ni dynamique ni statique; tous les mouvements sont coordon-

nés. On constate aux membres supérieurs un léger tremblement à l'occasion

des mouvements intentionnels.

La force musculaire est assez bien conservée. Il n'y a ni hypotonie ni atro-

phie musculaire.

Les réflexes tendineux des membres supérieurs et inférieurs sont très forts

surtout du côté gauche. Il existe de l'extension du gros orteil bilatérale, mais

plus marquée il gauche.

Nous avons signalé déjà les troubles subjectifs de la sensibilité, les dou-

leurs dont se plaint la malade dans les membres et le tronc ; elles varient

d'intensité et de caractère suivant les moments ; tantôt il s'agit de simples

engourdissements, tantôt ce sont des douleurs lancinantes constrictives, véri-

tables douleurs en ceinture. L'examen de la sensibilité objective nous montre

l'existence d'une légère hypoeslhésie à la douleur au niveau de la partie supé-

rieure du tronc dans la région mammaire et à la face interne des bras ; leur

bord externe est par contre hyperesthésique dans le domaine de C° CI.

La malade .attire l'attention sur quelques troubles de la vue qui semblent

devoirêtre mis sur le compte d'une accommodation défectueuse ; elle voit mieux

les objets éloignés, ceux qui sont près manquent de netteté et lui semblent

« couverts de brouillard ». Il n'existe pas de paralysies de la musculature ex-

terne des yeux, tous les mouvements des globes oculaires sont bien conservés,

toutefois à différentes reprises, surtout le matin, la malade a vu double. Les

pupilles sont inégales, mais régulières, il existe un signe d'Argyll très net. Le

fond de l'aeil est normal.

L'ouïe est diminuée ; L... se plaint de bourdonnements d'oreilles accompa-

gnés de sifflements et de vertiges. Le goût et l'odorat sont conservés.

'12 BABINSKI, JU111ENT1É ET JARKOWSKI

Il y a de la céphalée qui se manifeste sous forme d'accès fréquents et vio-

lents s'accompagnant de sensation de battements et de douleurs dans la nuque,

le cou et les épaules.

Il existe enlin des troubles de miction, la malade n'nrine qu'avec effort et

on doit avoir recours fréquemment au cathétérisme.

L'état de cette malade malgré un traitement hydrargyrique énergique reste

stationnaire. Elle quitte l'hôpital après y avoir séjourné deux mois.

rT 2e Période.

Le 13 juin 1910 neuf mois après sa sortie de la Salpêtrière la malade est

transportée à la Pitié, son état s'étant considérablement aggravé.

On a dû la porter jusqu'à son lit car elle ne peut ni marcher, ni se tenir

debout ; assise sur une chaise elle doit être soutenue, car autrement son corps

s'affaisse.

Ses membres inférieurs sont étendus complètement inertes et présentent

un certain degré de contracture qui augmente durant les jours qui suivent

l'entrée à l'hôpital. La peau est cyanosée et froide ; au niveau de la région

sacrée elle est macérée par le contact des urines et il existe de profondes es-

carres ; il n'y a pas d'atrophie musculaire.

Les membres' supérieurs sont allongés le long du corps, les mains sont

ouvertes et les doigts étendus ; la peau à leur niveau est blanche et lisse ; il

existe un léger degré d'oedème au niveau de la paume. On est frappé de suite

par une atrophie marquée localisée aux muscles de la ceinture scapulaire :

deltoïde, sus et sous-épineux et du groupe Erb-Duchêne : biceps, brachial

antérieur, long supinateur. La-motilité volontaire est extrêmement affaiblie ; la

malade est simplement [capable de soulever un peu les épaules, d'imprimer

quelques mouvements aux doigts et d'étendre bien qu'imparfaitement l'avant-

bras sur le bras. Il existe à l'avant-bras et à la main un peu de raideur.

Les réflexes tendineux des membres inférieurs sont forts, les réflexes ten-

diueux des membres supérieurs sont en partie exagérés en partie affaiblis. Le

réflexe de flexion de l'avant-bras sur le bras est très faible, surtout à droite

où il semble parfois faire défaut; la percussion de l'omoplate ne parait pas

provoquer de contraction du deltoïde mais elle est suivie d'une réaction du

grand pectoral, du triceps et peut-être du biceps.

Par contre les réflexes tendineux et osseux ayant une localisation plus basse

sont nettement exagérés ; le réflexe d'extension de l'avant bras est très vif, on

le provoque non seulement par la percussion du tendon du triceps et de l'ex-

trémité inférieuredu cubitus, mais encore par la percussion de l'omoplate, des

os du coude et de la partie supérieure du cubitus qui, a l'état normal, donne

lieu à une flexion de l'avant-bras. De même les réflexes des doigts et de la

main sont exaltés et si on percute l'extrémité inférieure du radius, la flexion

des doigts prédomine sur la flexion de l'avant-bras, il y a donc tendance à

l'inversion du réflexe du radius surtout du côté droit. La flexion des doigts

peut du reste être provoquée par percussion de toute la moitié inférieure du

radius.' On Il obtient ( ? ÍI11'(¡f ¡ni" Ieifrl IW h"f1"I' de flexion' rlnir.iny

MÉNINGITE CERVICALE HYPERTROPHIQUE 13

abduction et adduction de la main. En outre on peut provoquer parfois de la

trépidation épileptoïde de la main droite.

Les réflexes abdominaux et anal sont abolis ; le réflexe plantaire se fait en

extension des deux côtés.

L'excitabilité faradique et l'excitabilité galvanique des muscles atrophiés est

très affaiblie mais on ne constate pas de réaction de dégénérescence.

La sensibilité objective est très peu troublée : toutes les excitations tactiles,

douloureuses et thermiques sont perçues, il semble pourtant que le chaud et

le froid soient sentis moins nettement dans le territoire des 2° et 3" dorsales,

les excitations déterminent plutôt une impression douloureuse. La sensibilité

profonde paraît intacte. La malade se plaint de douleurs dans les épaules et la

région cervicale de la colonne vertébrale, douleurs qu'exagèrent les moindres

mouvements des membres ; les douleurs lancinantes des membres inférieurs

et les douleurs constrictives du début ont disparu.

On peut provoquer par l'application des différents excitants sur les membres

inférieurs et le tronc des réflexes de défense qui consistent comme d'habitude

en une flexion de la cuisse, de la jambe et du pied. Ces mouvements relative-

ment faibles au moment de l'entrée à l'hôpital se sont exagérés ultérieurement

el il est possible de les faire apparaître par l'excitation des téguments du tronc

jusqu'au-dessus de la ligne mamelonnaire. En excitant la face interne des deux

bras et la région thoracique correspondant aux 2e et 3e dorsales (Voir schéma)

on obtient des mouvements réflexes de défense aux membres supérieurs : ils

consistent en une extension de l'avant-bras aux pronation de la main, adduc-

tion et rotation interne de tout le membre.

Il existe des troubles des sphincters : la malade urine par regorgement et

ses urines sont troubles et purulentes ; elle a de la rétention des matières

fécales.

Une ponction lombaire est pratiquée et on constate une lymphocytose nette;

la réaction de Wassermann est positive dans le liquide céphalo-rachidien.

L'état général de cette malade est très précaire du fait de ses escarres sa-

crées et de ses émissions involontaires d'urine. Au bout d'un mois environ

l'infection urinaire augmente, la température s'élève, la malade tombe dans

un demi-coma et meurt au bout de trois jours : »

L'analyse seule des troubles observés chez celle malade nous avait

permis de préciser la nature et le siège des lésions qui les avaient déter-

minés. Le rapprochement des deux observations prises à une année d'in-

tervalle nous avait montré qu'il s'agissait d'une affection à marche pro-

gressive, à évolution relativement lente, d'un processus chronique dont

nous avions pu suivre les différents stades : irritation radiculaire au dé-

but, quadriplégie progressive par la suite.

Le début de cette affection par des troubles radiculaires précédant les

symptômes médullaires nous avait autorisés à affirmer que le processus

pathologique avait pris naissance en dehors de la moelle.

14 BABINSKI, JUMENTé ET JARKOWSKI

Plus tard l'exagération des réflexes tendineux, l'exaltation des réflexes

de défense nous conduisirent à reconnaître l'existence d'une lésion spi-

nale.

Enfin la lenteur de l'évolution, l'intensité des réflexes de défense, les

phénomènes douloureux cadraient avec l'hypothèse d'une compression de

la moelle.

Si' contrairement à ce qui a lieu d'habitude dans les compressions de la

moelle il n'y avait pas dans ce cas de troubles objectifs de la sensibilité

permettant de localiser la lésion. L'examen comparatif des divers réflexes

tendineux et le siège de la limite supérieure des mouvements réflexes de

défense autorisait à supposer que la limite inférieure de cette compres-

sion siégeait entre les 6" et 7e segments cervicaux. En effet alors que le

réflexe du triceps (C 7) était nettement exagéré, le réflexe de flexion de

l'avant-bras (C v) était considérablement affaibli, en outre on pouvait

provoquer des mouvements réflexes de défense non seulement sur les

membres inférieurs et le tronc, mais encore au niveau des membres supé-

rieurs dans leur partie interne (C7, C s, D'). De plus,certains signes nous

montraient que la lésion devait s'étendre en haut ; l'atrophie des deltoïdes

et celle des muscles de l'épaule traduisaient la participation, ce n'est des

5e, 4e et ;3e segments cervicaux tout au moins de leurs racines antérieu-

res. D'autres symptômes faisaient même supposer une extension du pro-

cessus aux nerfs crâniens et à la base du cerveau (diplopie, diminution

de l'ouïe et des troubles vertigineux.

Enfin en raison de l'absence de troubles de la sensibilité sur les mem-

bres inférieurs et le tronc, il y avait lieu d'admettre que la compression

de la moelle ne devait pas être très profonde.

Il nous restait à savoir quelle cause nous devions attribuer cette com-

pression cervicale ; la lymphocylose du liquide céphalo-rachidien avec

réaction de Wassermann positive, la constatation du signe d'Argyll

Robertson et l'étendue de la lésion nous conduisaient au diagnostic de

méningite syphilitique hypertrophique.

Nous avons pu avoir la vérification anatomique de ce cas et elle vient

compléter cette observation ; aussi la rapportons-nous en détail ainsi que

nos examens anatoI1lo-palhologiques.

Autopsie

Examen macroscopique. A l'ouverture du canal rachidien la moelle en-

core comprise dans ses enveloppes apparaît renllée il sa partie supérieure; ;i

l'incision de la dure-mère on constate en approchant de la région cervicale des

adhérences surtout marquées à la face postérieure. En ce point les méninges

forment dans leur ensemble un véritable manchon fibreux enserrant la partie

MÉNINGITE CERVICALE HYPERTROPHIQUE Li)

supérieure de la moelle. Cette fusion des enveloppes médullaires est, nous ve-

nons de le dire, beaucoup plus étendue sur la face postérieure que sur l'anté-

rieure, elle se prolonge en effet en bas jusqu'à l'émergence des filets radiculai-

res postérieurs de la 7e racine cervicale alors qu en avant elle ne descend que

jusqu'à la partie inférieure du 4e segment cervical ; on peut facilement se ren-

dre compte de cet aspect sur les photographies (P. 1, fige et 3). Au-dessous de

chem" ulU'1Lrdt les territoires dans lesquels un peut provoquer Irs mouvements réflexes de défense ltd.i.

aux membres inférieurs, dont la limite supérieure est en X et aux membres supérieurs R d. s. dont la il

mite supérieure est en X'.

16 BABINSKI, JUMENTIÉ ET JARKOWSKI

ces limites la dure-mère est libre mais il subsiste sur les deux faces de la moelle

une irritation très accentuée des méninges molles, l'arachnoïde épaissie, d'un

blanc laiteux a perdu sa transparence sur toute sa hauteur. L'anneau fibreux

se prolonge en haut sur la région cervicale supérieure et, entre les 2e et 3c

segments, la face antérieure de la moelle dans sa moitié droite est déprimée

par une petite tumeur arrondie un peu lobulée incluse dans la gaine méningée,

ayant l'aspect d'une gomme (PL VI, fig. 1, G). Les lésions des méninges

molles se poursuivent sur le bulbe, la protubérance, le cervelet et les pédon-

cules cérébraux, formant une couche blanchâtre qui englobe les vaisseaux et

les nerfs crâniens à leur émergence (PI. VI, fig. 1).

Examen microscopique. -- Nous avons fait de ces pièces un examen mi-

croscopique en coupes sériées qui nous a permis d'étudier non seulement les

lésions méningées et vasculaires,mais encore les lésions médullaires et radicu-

laires résultant de la compression produite par l'anneau fibreux.

1° Lésions méningées. L'anneau fibreux est constitué par la coalescence

des trois méninges.

La dure-mère est nettement épaissie, mais son volume est beaucoup moins

important que celui de l'arachnoïde ; elle est composée de nombreuses couches

concentriques de tissu conjonctif. Les éléments cellulaires sont presque ab-

sents ; par place seulement on aperçoit un noyau allongé accolé à une fibre.En

certains points les différentes couches de cet anneau fibreux s'écartent et font

place à des capillaires dont les parois sont fortement épaissies et dont quelques-

uns sont thromboses. Il est à remarquer que la face externe de la dure-mère

est absolument libre, ne présentant aucune trace de lésions et qu'il y a là par

conséquent quelque chose de très différent de la pachyméningite tubercu-

leuse.

L'arachnoïde est certainement celle des trois méninges qui a le plus participé, à

l'infection, et sur une coupe transversale de la moelle au nivean de l'anneau,

sans aucune préparation, on. était déjà très frappé de l'aspect de cette couche

moyenne formée de deux feuillets également volumineux. L'examen microsco-

pique de coupes colorées à l'hématoxyline éosine et au Van Gieson révèle

une infiltration cellulaire considérable formée de noyaux ronds s'insinuant en-

tre des mailles conjonctives clairsemées. Dans son ensemble ce tissu est beau-

coup plus lâche que celui de la dure-mère et on y trouve une quantité consi-

dérable de vaisseaux aux parois altérées fortement épaisses : toutes ces lésions

ont le caractère des lésions syphilitiques. C'est du reste l'intérieur de cette

couche, qu'existait la tumeur gommeuse que nous avons signalée plus haul

(PI. VI, fig. 1 et PI. VIII, fig. 8 G) autour de laquelle s'était faite une hémorragie

enkystée dont on retrouve des traces sous forme de pigments dans l'intérieur

des leucocytes accumulés autour de cette gomme.

La pie-mère est également épaissie, mais à un degré moindre que l'arach-

noïde.En examinant les coupes de la région cervicale de bas en haut (fig. 4, 5,

6, 7) on se rend compte de la façon dont s'opère la coalescence de ces différen-

tes couches, d'abord sur la face postérieure de la moelle, puis latéralement sur

le pourtour des racines jusqu'aux ganglions et enfin sur la face antérieure.

MÉNINGITE CERVICALE HYPERTROPHIQ¡;E 17

L'arachnoïde et la pie-mère sont complètement soudées alors que la dure-mère

est encore libre sur la face antérieure (fig. 6). La fusion complète des trois mé-

ninges ne se fait qu'au niveau du 4e segment cervical (fig. 7).

En somme il ne s'agit pas à proprement parler d'une pachyméningite, déno-

mination par laquelle on a coutume de désigner ces lésions, puisque les alté-

rations de la dure-mère ne sont pas isolées, qu'elles ne prédominent même

pas, il existe en réalité des lésions irritatives des trois méninges : pachymé-

ningite, arachnitis, et leptoméningite,les lésions de l'arachnoïde étant les plus

accentuées. Il nous semble donc préférable d'appliquer à ces altérations l'éti-

quette de méningite hypertrophique.

2° Lésions radiculaires. Les racines qui traversent cette gaîne fibreuse

pour gagner la moelle ou en sortir présentent des lésions, surtout prononcées

à la partie postérieure comme on pouvait s'y attendre ; mais malgré l'intensité

du processus de compression elles sont relativement peu atteintes, leur dégé-

nérescence n'est que partielle, il s'agit plutôt de démyélinisation segmentaire

et le nombre des fibres saines est encore très grand. La coloration de Marchi

permet de voir un certain nombre de grains noirs et la méthode de Van Gie-

son et du carmin révèleut une infiltration conjonctive interstitielle des racines

malades. Les lésions radiculaires n'existent du reste qu'au niveau où la fusion

des trois méninges est complète.

3° Lésions médullaires. - L'examen des coupes sériées de la moelle cervi-

cale nous a permis de suivre les dégénérescences des racines postérieures dans

leur trajet intra-médullaire. Elles se traduisent sur les cou pes colorées au Pal

(fig. 5) par une bande claire au niveau du cordon de Burdach ; la zone radicu-

laire externe correspondant à ces racines est considérablement éclaircie et les

cylindraxes manquent en bien des points.Sur les coupes colorées au Marchi on

peut les suivre également grâce à l'existence des grains noirs qui sont localisés

presque exclusivement dans les cordons de Burdach. Ceci est surtout net au

niveau de CI-CI. Cette dégénérescence s'atténue du reste rapidement et déjà au

niveau du 3e segment les grains ont en partie disparu.

Comme cela est fréquent malgré une compression aussi étendue la moelle pré-

sente très peu de lésions. Il n'existe d'abord aucune lésion infectieuse en foyer

coïncidant avec cette méningite, comme cela a déjà été signalé dans quelques

cas ; il n'y a pas davantage de cavité .médullaire comme dans certaines ob-

servations. Les lésions médullaires semblent dues beaucoup plus à l'irritation

méningée qu'à la compression; elles se traduisent 1° par une zone marginale

de dégénérescence et d'oedème qui se poursuit sur toute la hauteur de la moelle

et que l'on retrouve même dans les coupes les plus inférieures ; 2° par une dé-

générescence des voies pyramidales légères portant sur une très faible hauteur ;

on constate en effet au niveau des 4e et 5e segments cervicaux (fit. et 6) une

assez grande quantité de grains noirs dans les faisceaux pyramidaux croisés,

mais on n'en retrouve déjà plus dans le 6e segment. La voie motrice est

du reste dans ce cas lésée sur un autre point, à la partie moyenne du bulbe

(Pl. III, fig. 9) la pyramide droite est en effet envahie par du tissu de sclé-

rose (S) et semble en partie détruite, mais il ne s'agit là encore que d'une dé-

xxvi 2

18 BABINSKI, .IUMENTET JARKOWSKI -

myélinisation locale des fibres parce qu'il n'existe aucune dégénérescence sous-

jacente. »

Les résultais de cet examen anatomique. viennent confirmer les données

de la clinique et en vérifier tous points de notre diagnostic. Il s'agissait

en effet d'une compression de la région cervicale de la moelle par un

anneau méningé fibreux d'origine syphilitique (infiltration cellulaire,

gomme, endartérite).

Il est certains côtés de cette observation qui nous ont paru particu-

lièrement intéressants et sur lesquels nous tenons il insister en terminant.

1° Les lésions méningées observées rentrent dans ce que l'on a décrit

sous le nom de pachyméningite cervicale bypertrophique, mais nous

ferons remarquer que dans ce cas ce terme est impropre, les lésions de

la pachyméninge passent en effet au second plan et celles de l'arachnoïde

prédominent au point que l'on pourrait dire qu'il s'agit.surtout d'arachni-

tis ; il nous paraît préférable de les désigner sous le nom de méningite

cervicale bypertrophique.

2° La compression qui macroscopiquement semblait très grande (défor-

mation de GJ C4 n'a cependant pas amené de lésions profondes de la

moelle. Il n'existe pas en effet de dégénérescences de ses faisceaux longs

et cliniquement la sensibilité était conservée.

3° Les racines, quoique plus altérées que la moelle (état clair, dégéné-

rescence ascendante du faisceau de Burdach), ont fait preuve d'une tolé-

rance très grande puisque la sensibilité objective était presque intacte et

que dans les groupes musculaires atrophiés il n'y avait ni abolition com-

plète des réflexes, ni réaction de dégénérescence.

4° Enfin nous avons constaté des mouvements réflexes de défense aux

membres supérieurs que nous avons pu utiliser pour la localisation de la

lésion. ,

Légende des Planches.

PLANCHE VI.

Fie. 1. Méningite de la base englobant le bulbe B., la protubérance Po., les pédon-

cules cérébraux P., le cervelet, les origines des nerf*, crâniens : III. moteur ocu-

laire commun, V. trijumeau, VIII, acoustique, G. gomme encastrée dans l'anneau

méningé qui enserre la partie supérieure de la moelle cervicale.

FiG. 2. Moelle cervicale (face antérieure) la dure-mère n'a pu être incisée à partir

du 4e segment; l'arachnoïde A. est épaissie et blanchâtre ; C. 5. 5° racine anté-

rieure ; D. 1. : 1'" racine dorsale.

FiG. 3. Moelle cervicale (face postérieure) ; la fusion des méninges P. descend

jusqu'à l'origine de la 1° racine cervicale C. 7, on voit également une importante

arachnitis A.

PLANCHE VII.

FiG. 4. le segment cervical : coupe colorée à la méthode de Pal ; épaississement

NOUVELLE Iconographie de la Salpêtrière.

T. XXVI. PI. VI

MÉNINGITE CERVICALE HYPERTROPHIQ.UE

(J. Babinski, J. j/ll/lel1tié, J. Jarkowski).

NOUVELLE Iconographie DE la Salpêtrière.

T. XXVI. PI. VII

MÉNINGITE CERVICALE HYPERTROPHIQUE

(J. Babinski, J. Jumentié, J. jarkowski).

Masson & Cie, Editeurs

NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALPêTRIèRE.

T. XXVI. PI. VIII ICI

MÉNINGITE CERVICALE HYPERTROPHIQUE

(J. Babinski, 1. JUl1lelltié, ] ? Jarkowski) .

MÉNINGITE CERVICALE HYPERTROPHIQUE 19

des méninges postérieures qui commencent à se fusionner; la pie-mère in itée

pénètre en coins dans les cordons postérieurs : A. arachnoïde; D. dure-mère;

P. pie-mère.

FiG. 5. ô' segment cervical ; la coalescence des méninges est complète sur la face

postérieure de la moelle On voit sur cette coupe qui est également colorée au

Pal une dégénérescence notable des zones radiculaires externes dans les cordons

postérieurs au niveau des faisceaux de Burdach : A. arachnoïde ; CB. faisceau de

Burdach; D. dure-mère; P. pie-mère; Zm. zone marginale de démyélinisation.

FiG. 6. 5° segment cervical, coloration au Marchi : l'anneau méningé tend à se

fermer en avant par soudure des différentes enveloppes médullaires A. D. ; elles

englobent latéralement les racines antérieures R. A. et postérieures Il. P. ; on voit

. sur cette coupe avec netteté la zone de démyélinisation marginale Zm ; et des grains

noirs abondants dans les deux faisceaux pyramidaux croisés Py. c. et dans le fais-

ceau ne Burdach C. B. le faisceau de Goll étant intact.

PLANCHE VIII.

FiG. 7. 4° segment cervical : anneau méningé complet formé surtout par l'arach-

noide A. et doublé sur ses faces par la dure-mère D. et la pie-mère P. ; les dégé-

nérescences des cordons postéiieurs s'atténuent ainsi que celles des faisceaux pyra-

midaux ; la zone de démyélinisation marginale ZM, est intense. *

Fig. 8. Exubérance des méninges qui englobent une gomme G. à ce niveau la

partie antérieure de la moelle est fortement déprimée.

FiG. 9. Coupe du bulbe passant par la partie inferieure des olives 0. i. ; S. tache

de sclérose dans la pyramide. Py. droite au voisinage de la pie-mère fortement

irritée ; Cio, couche interolivaire ; XII. noyau de l'hypoglosse.

FACULTÉ DE MÉDECINE D'ALBANY, NEW-YORK

CONTRIBUTION A L'ÉTUDE

- DES

LOCALISATIONS DE L'APHASIE (1)

PAR

LA. SALLE ARCHAMBAULT

Professeur-adjoint de Clinique Neurologique

à la Faculté de Médecine d'Albany, New-York.

Nous avons actuellement, parmi nos pièces de laboratoire, les cerveaux

de deux malades dont l'état clinique a été très soigneusement observé.

Les lésions que présentent ces cerveaux nous paraissent apporter à la

question de l'aphasie des documents d'une valeur positive incontestable.

Ainsi que nous le verrons, les faits qui se dégagent de l'élude de ces cas

vont nettement à l'encontre des données classiques.

Observation I.

Dans la première observation, il s'agit d'un homme âgé de 70 ans, père de

trois enfants, et dont le métier était celui de buandier. Ce malade passa les

dernières années de sa vie à l'Hospice de Bicêtre, où il avait été admis pour

des troubles médullaires affectant le type de la sclérose combinée sénile. Les

renseignements que nous possédons sur son état clinique ne laissent rien à

désirer, car cet homme était couché dans une salle de Sibérie où la visite se

faisait chaque jour, et où l'on s'est entretenu maintes fois avec lui, jusque dans

les derniers jours qui ont précédé sa mort. Le fait est bien établi que cet

homme était droitier.

Le malade eut, en février 1910, une pneumonie du sommet à allure parti-

culièrement sévère, ù.la suite de laquelle il demeura pendant assez longtemps

dans un état d'affaissement très marqué. C'est à cette époque que l'on re-

marqua les premiers indices d'une affection cérébrale. Bien que l'on ne pût en

préciser le mode d'apparition, une hémiplégie incomplète s'était installée du

côté droit. M. le Dr A. Barré, qui était alors l'interne du service, a eu l'ex-

trême obligeance de me fournir, à cet égard, des renseignements très détaillés.

Voici, du reste, ce qui a été noté dans l'observation de ce malade sur les phé-

nomènes qu'il présentait à ce moment : la moitié droite de ia face est un peu

(1) Communication faite à la XYZV111° séance annuelle de la Société Américaine de

Neurologie. Boston, mai 1912.

DES LOCALISATIONS DE L'APHASIE 21

flasque et les traits sont nettement tirés du côté gauche. Le peaucier gauche e

se contracte bien, et même d'une façon quasi-constante, tandis que le peaucier

droit ne peut être vu sous la- peau. Les yeux ont conservé leurs mouvements ;

il n'existe pas de nystagmus, ni d'hémianopsie. La pupille droite est un peu

plus petite que la gauche. Le membre supérieur droit est à demi fléchi et en

pronation constante ; il reprend immédiatement cette position quand on l'en a

écarté. Le membre supérieur gauche garde une attitude quelconque et remue

normalement, à l'inverse du bras droit dont les mouvements sont assez limi-

tés. Les deux membres supérieurs sont agités d'un tremblement qui existe au

repos et pendant les mouvements. Ce tremblement est plus marqué à droite

qu'à gauche. Les membres inférieurs gardent une attitude normale. Des deux

côtés on trouve, à diverses reprises et très nettement, une flexion du gros or-

teil et des petits. Les petits orteils sont ordinairement écartés et agités de pe-

tits mouvements involontaires. Les réflexes tendineux du côté droit sont plus

forts que ceux du côté gauche. Il existe parfois une ébauche légère de trépi-

dation épileptoïde, mais des deux côtés.

N

Ce malade présentait donc une hémiplégie droite à distribution très

inégale. Alors que le membre supérieur était presque complètement im-

mobilisé, la face n'était que légèrement prise et ce membre inférieur ne

semblait pas atteint de tout. Or, ce malade n'a jamais exhibé la moindre

trace d'aphasie. Le seul trouble de la parole qu'on ait pu constater était

un peu de scansion et de monotonie de la parole, et, quelquefois, un peu

de difficulté dans la prononciation de la première lettre ou de la première

syllabe d'un mot. Ces désordres, toutefois, s'expliquent facilement par

l'atrophie sénile du cervelet dont cet homme était atteint. Il comprenait t

fort bien tout ce qu'on lui disait, lisait bien, et jusqu'au jour où sa para-

lysie brachiale l'en a empêché, écrivait autant que le lui permettait un

certain degré d'asynergie cérébelleuse.

Malgré l'asthénie que la pneumonie avait provoquée, le malade vécut

encore quelques mois, mais ses forces déclinèrent rapidement ; il tomba

plus tard dans un état de demi-coma et mourut le 10 juin 1910. Durant

toute celle période il a été soumis à une observation très soutenue et l'on

peut affirmer que l'état de la parole n'a subi aucune modification. Jus-

qu'au jour où le coma est survenu, ce malade a conservé intégralement t

ses facultés de compréhension et d'articulation.

A l'autopsie, nous avons constaté un épaississement généralisé de la

pie-mère, une atrophie corticale très accentuée et une dilatation assez

considérable des ventricules. Les vaisseaux sanguins présentent partout

des lésions très manifestes d'artério-sclérose. En plus de ces altérations

diffuses qui caractérisent le cerveau sénile, il existe un foyer de ramol-

lissement très circonscrit au niveau de l'hémisphère gauche. Cette lésion

22 0 ARCHA : lIBAI1LT

(Pl. IX) détruit complètement le tiers postérieur de la troisième circonvo-

lution frontale et empiète sur la partie voisine de la circonvolution fron-

tale ascendante dont l'écorce, toutefois, n'est que légèrement touchée. La

configuration extérieure de la troisième circonvolution frontale ne semble

guère modifiée ; ce qui frappe surtout c'est l'extrême gracilité du pied de

cette circonvolution, d'où il résulte que les sillons avoisinants'paraissent

passablement élargis. Or, en réalité, il ne s'agit pas d'une simple atrophie

ainsi qu'on pourrait bien le croire ; la consistance de la troisième fron-

tale à cet endroit est très diminuée, elle est mollasse et cède à la moindre

pression du doigt. Enfin, nous venons de pratiquer des coupes vertico-

frontales de cet hémisphère, et nous constatons que le ramollissement a

complètement excavélepiedde la troisième frontale (rig.1), etqu'il atteint

le tiers moyen de la frontale ascendante beaucoup plus profondément que

ne le laisse supposer l'aspect extérieur.

11 ne peut donc subsister aucun doute sur la valeur démonstrative de

ce cas ; il prouve nettement que la lésion de la troisième circonvolution

frontale gauche chez un droitier ne détermine pas nécessairement l'apha-

sie motrice, ou, si l'on veut dire autrement, l'aphémie ou ]'anarthrie.

Observation II

La seconde observation a trait à une femme de Si ans, mère de deux enfants ;

c'est une personne extrêmement cultivée.

On ne relève dans ses antécédents personnels rien de particulièrement inté-

ressant, sauf que la malade était atteinte depuis longtemps d'endocardite et

de brightisme.

Ftc. i. - Première observation. Destruction presque complète du pied de la troisième

circonvolution frontale gauche.

.Nouvelle Iconographie'de 'la Salpêtrière.

T. XXVI. Pl. IX

ÉTUDE DES LOCALISATIONS DE L'APHASIE

Obs. I

(La Salle Arcbambault).

Masson & Cie, Editeurs.

DES LOCALISATIONS DE L'APHASIE 23

Les premières manifestations de son affection cérébrale sont survenues dans

les conditions suivantes. Le 12 juin 1908, notre patiente, accompagnée de

quelques amis, était allée se promener en bateau sur l'Hudson et s'était ren-

due dans une ville voisine. Alors qu'au moment du départ elle paraissait jouir

de son état de santé habituel, on s'aperçut plus tard dans la journée qu'elle ne

répondait plus lorsqu'on lui adressait la parole. Fait assez étrange, la malade

elle-même n'a dû guère s'émouvoir de la circonstance, car ses compagnons ont

prit son mutisme pour de la mauvaise humeur, et, craignant de l'irriter, ils se

sont bien abstenus de lui dire mot durant le reste du voyage. De retour en

ville, et juste au moment où elle entrait en gare, la malade fut brusquement

saisie d'un accès convulsif très violent au cours duquel, elle perdit connais-

sance. Ce ne fut qu'alors que la gravité de son état s'imposa, et aussitôt l'on

manda auprès d'elle le médecin de famille. Ayant repris connaissance, la ma-

lade demeura aussi muette qu'auparavant, et le médecin, qui est un praticien

très avisé, ne tarda pas il reconnaître qu'il s'agissait d'une aphasie motrice

déterminée, vraisemblablement, par une lésion cérébrale d'origine vasculaire.

Cette aphasie était absolue, et demeura ainsi pendant une semaine environ.Au

bout d'un mois, la malade avait recouvré intégralement l'usage de la parole.

Une agraphie, complète également, s'était associée à l'aphasie motrice, mais

disparut en même temps que celle-ci. Après la disparition de ces phénomènes,

on ne constata, à l'examen, aucun déficit résiduaire. Non seulement la malade

pouvait dire tout ce qu'elle voulait et parlait même aussi couramment qu'elle

le faisait avant le début de ses accidents, mais il n'existait pas la moindre

trace, soit de dysarthrie, soit d'aphasie sensorielle.

Malheureusement, cet état de guérison apparente ne dura que peu de temps.

Pendant près de trois ans, notre patiente fut atteinte de crises épileptiformes

qui se manifestèrent régulièrement à intervalles de six semaines. Ces accès

étaient toujours très violents et, particularité intéressante, chaque convulsion

était suivie d'aphasie motrice dont la durée ne dépassa jamais trois jours. Dès

lors, tout rentrait dans l'ordre, et cette pauvre femme reprenait courage jus-

qu'au jour où la crise suivante venait l'abattre de nouveau.

Le 20 février 1911, la malade eut un véritable ictus apoplectique et fut plon-

gée dans le coma le plus profond pendant près de vingt-quatre heures. Elle

présenta, à la suite, une hémiplégie droite accompagnée d'aphasie motrice com-

plète et de désorientation assez marquée. Au bout de quatre ou cinq jours,son

psychisme se réintégra et elle put dire quelques mots très simples, mais ce

n'est que beaucoup plus tard qu'elle réussit à mettre plusieurs mots ensemble.

Cette fois. en effet, une aphasie motrice très nette s'était définitivement ins-

tallée. La malade continua à enrichir quelque peu son vocabulaire pendant en-

viron huit semaines, mais elle ne parvint à le reconstituer au-delà de la sixiè-

me partie. La parole spontanée était à peu près nulle; tout ce que la malade

disait était donné en réponse aux questions qui lui étaient posées. Il lui arrivait

rarement de terminer une phrase ; presque toujours il fallait la compléter pour

elle, ce qui ne fut pas toujours facile ni commode. Assez souvent, en effet, les

meilleures intentions de la garde-malade ou des membres de la famille, n'a-

24 ARCHAMBAULT

boutissaient pas au résultat le plus heureux, et l'on devait assister alors à de

vives protestations de la part de la malade jusqu'à ce que sa pensée ou son

désir fût intégralement rendu. De même, ne manqua-t-elle jamais de se rendre

compte de son erreur aussitôt qu'il lui arrivait de ne pas employer le mot

juste, ce qu'elle fit du reste assez rarement. Il n'existait donc pas, chez cette

femme, de surdité verbale, proprement dite. Ainsi qu'il en est presque tou-

jours chez les aphasiques, les noms des personnes et des choses étaient les

mots qui lui faisaient le plus complètement défaut. La malade pouvait généra-

lement répéter, après les avoir entendus, les mots qu'elle ne pouvait dire spon-

tanément, mais quelquefois cela lui était impossible, même lorsque le mot lui

était redit plusieurs fois de suite. Reconnaissant parfaitement la gravité de son

état, notre patiente était visiblement déprimée et exprima maintes fois le

désir que la mort vînt terminer sa misère. En raison de sa profonde mélanco-

lie, ses facultés d'attention et de perception paraissent beaucoup plus atteintes

qu'elles ne l'étaient en réalité. Le fait est que cette femme qui parlait peu,com-

prenait tout, et semblait bien avoir conservé la presque totalité de sa vigueur

intellectuelle. Il faut dire, cependant, que la malade ne pouvait pas lire, ce qui

était peut-être dû. à une hémianopsie, que l'examen superficiel laissa plusieurs

fois soupçonner, mais dont l'existence, malheureusement, n'a jamais été con-

firmée au périmètre.

Du côté des troubles paralytiques, 'il se fit une amélioration progressive et

assez notable. Au bout de quelques semaines, la malade pouvait marcher faci-

lement à l'aide d'une canne et se promenait régulièrement tous les jours dans

son jardin. Dans le membre supérieur, également, la force motrice revint

suffisamment pour lui permettre de fléchir l'avant-bras et de porter la main à

la bouche. Cette femme continua, cependant, à présenter périodiquement ses

anciennes manifestations épileptiformes. et, chaque fois, sa parole maintenant

peu abondante s'éteignait complètement pendant deux ou trois jours. Elle vécut

ainsi plusieurs mois, lorsque son insuffisance cardio-rénale s'aggrava brus-

quement et elle succomba à l'oedème pulmonaire.

AUTOPSIE. - Bien que cette malade ne fût pas un cas d'hôpital nous eûmes

cependant le privilège de pratiquer l'autopsie. L'aspect extérieur du cerveau

ne présentait rien de particulièrement anormal, sauf que les troncs vasculaires,

tant au niveau de la convexité qu'au niveau de la base, étaient le siège d'une

artério-sclérose extrêmement accusée. Sur des coupes horizontales macrosco-

piques intéressant à la fois les deux hémisphères, nous avons constaté à gauche

la présence de trois lésions nettement distinctes (fig. 2). La plus grosse de ces

lésions, représentée par un foyer hémorragique assez récent, occupe et dé-

truit complètement les deux tiers postérieurs du segment externe du noyau

lenticulaire, et intéresse également la partie correspondante de la capsule

externe, de l'avant-mur, et de la substance profonde de l'insula de Reil. Ce

foyer se trouve situé dans la moitié ventrale ou inférieure du putamen, et ne

semble pas dépasser en haut une ligne horizontale prise au niveau du bord

supérieur du corps genouillé externe. En dedans, la lésion atteint légèrement

l'extrémité postérieure du globus pallidus, mais respecte toutefois. bras pos-

DES LOCALISATIONS DE L'APHASIE 25

térieur de la capsule interne. Il en est tout autrement des segments rétrolen-

tirulaire et sous-lenticulaire de la capsule interne, lesquels se trouvent presque

complètement sectionnés dans le voisinage immédiat du putamen. En arrière,

la lésion ne s'étend pas au delà d'une ligne rasant le bord postérieur de la

couche optique. Elle respecte entièrement, à ce niveau, les couches sagittales

profondes, et se cantonne étroitement dans la zone sous-corticale de la circon-

volution temporale profonde et de la première temporale.

Les deux autres lésions que présente l'hémisphère gauche sont beaucoup

plus anciennes et n'ont qu'un volume peu considérable Il s'agit de deux pe-

tits kystes hémorragiques, nettement délimités, dont l'un occupe la pre-

mière circonvolution frontale, et l'autre le pli courbe. Le foyer antérieur est

situé dans la partie moyenne de la première circonvolution frontale et présente

l'aspect d'un triangle aplati dont la base est pourvue de deux prolongements

linéaires. Sur une coupe horizontale passant immédiatement au-dessous du

corps calleux, on voit que ces prolongements, nettement dirigés en bas, se

rendent jusque dans l'écorce de la partie moyenne de la seconde circonvolu-

tion frontale. A cet endroit, la lésion est située en avant et en dehors du

crochet que forment, au niveau de l'angle antéro-externedu ventricule latéral,

les radiations convergentes du corps calleux. La troisième circonvolution fron-

tale est absolument intacte.

Le foyer postérieur est constitué par un petit kyste ovalaire de la grosseur

d'une lentille, et siège dans le lobule antérieur du pli courbe à l'endroit même

où vient se terminer le premier sillon temporal.

Fio. 2. - Deuxième observation. Les zones délimitées par une ligne pointillée

représentent les foyers hémorragiques.

26 ARCHAMBAULT

- En présence de ces diverses constatations anatomiques, il devient pos-

sible d'expliquer, dans une certaine mesure, les manifestations cliniques

que nous avons observées chez notre malade. Il serait logique, nous sem-

ble-t-il ; de supposer que c'est bien le kyste hémorragique ancien du

lobe frontal qui a donné lieu, pendant trois ans, aux attaques convulsi-

ves à type épileptiforme. Cette lésion atteignant, en effet, l'écorce en deux

points différents, était évidemment susceptible de déterminer beaucoup

d'irritation corticale. L'aphasie motrice complète qui s'est manifestée lors

du début des accidents convulsifs et qui a persisté pendant plusieurs

jours, a pu être due à l'un ou à l'autre de deux mécanismes fort diffé-

rents : On pourrait très bien supposer,' en premier lieu, que cette apha-

sie a été sous la dépendance de la compression et de l'oedéme dont le

voisinage a souffert lors de l'épanchement sanguin au niveau de la

première circonvolution frontale, et l'on sait le rôle très important que

peuvent jouer ces troubles circulatoires secondaires ; en second lieu, il

est également possible que celte aphasie n'ait été qu'un phénomène d'in-

hibition corticale - les faits de ce genre sont loin d'être rares. Pour ce

qui en est de l'aphasie motrice transitoire qui a suivi régulièrement cha-

que crise épileptiforme, l'interprétation en est de beaucoup plus déli-

cate. Nous n'avons guère acquis, en effet, jusqu'à présent, de données bien

édifiantes sur les altérations, vasculaires ou autres, qui précèdent, qui

accompagnent, ou qui suivent les manifestations convulsives, qu'il s'a-

gisse de l'épilepsie dite idiopathique, ou des accès épileptiformes surve-

nant au cours des lésions circonscrites de l'écorce cérébrale. Tout ce que

l'on peut dire c'est que chez notre malade, l'aphasie passagère qui a suc-

cédé à chaque crise épileptiforme a dû relever d'une perturbation, elle-

même passagère, du physiologisme cortical. Bien que nous ne puissions

émettre que des hypothèses à cet égard, il nous semble que l'oedème fu-

gace expliquerait ce phénomène clinique mieux que toute autre cause.

La prochaine question qui s'impose est la suivante : quelle est la ré-

gion dont la perturbation périodique a déterminé ces manifestations apha-

siques de courte durée ? Si nous étions localisateur endoctriné, la troi-

sième circonvolution frontale nous retiendrait presque de force, étant

donné qu'il y a actuellement contiguïté de domaines entre cette circonvo-

lution et le siège de la lésion qui nous intéresse. Ce n'est pas, cependant,

sur des hypothèses de ce genre que doit reposer l'importante doctrine de

l'aphasie. A cet égard, nous rappellerons le cas d'un homme que nous

avons eu l'occasion d'observer, il y a quelques années, et dont l'histoire

clinique se superpose exactement à celle de la malade dont nous venons

de rapporter l'observation. Cet homme avait eu, pendant plusieurs mois,

de l'épilepsie Jacksonienne dont le spasme initial se localisait toujours

DES LOCALISATIONS DE L'APHASIE 27

aux muscles de la main et de l'avant-bras du côté droit. Les accès reparu-

rent assez régulièrement à toutes les cinq ou six semaines, et furent in-

variablement suivis d'aphasie motrice complète, laquelle disparaissait

généralement en moins de vingt-quatre heures, et même, quelquefois, au

bout de trois ou quatre heures. Ces manifestations avaient paru suffi-

samment nettes pour légitimer l'intervention chirurgicale, et c'est ainsi

que l'on trépana largement au niveau de la région rolandique gauche,

dans l'espoir d'extirper un néoplasme voisin du pied de la troisième cir-

convolution frontale. Or, il n'en fut rien; on ne constata, à l'opération,

ni trace d'hypertension intracranienne, ni aucune altération des ménin-

ges ou de l'écorce cérébrale. Le malade mourut un an plus tard d'une

affection intercurrente, et, à l'autopsie, tout ce que l'on trouva, c'est un

ramollissement de l'hippocampe et de la partie antérieure du lobule fusi-

forme. Ce cerveau nous ayant été remis, nous l'avons étudié à l'aide de

coupes sériées pour les dégénérescences secondaires et nous pouvons dire

positivement qu'il n'existe aucune autre lésion dans l'hémisphère gauche.

Quoi qu'il en soit de la pathogénie de l'aphasie motrice transitoire si

fréquemment observée chez notre malade, le fait sur lequel aucun doute

ne peut subsister, c'est que celle malade n'a jamais présenté d'aphasie

motrice permanente qu'après l'apparition de son hémiplégie causée par

la lésion de la zone lenticulaire gauche. Cela n'implique pas du tout que

celte aphasie relève de la destruction du noyau lenticulaire lui-même,

puisqu'il y également lésion de la capsule externe et de la substance

profonde de l'insula. Tout ce qu'il est permis d'affirmer, c'est que la lé-

sion de la région lenticulaire suffit à elle seule à déterminer une aphasie

motrice à la fois très marquée et permanente. Dans notre cas, non seu-

lement la troisième circonvolution frontale est parfaitement intacte, mais

nous sommes convaincu que les fibres de projection qui en proviennent ne

sont pas interceptées par le foyer lenticulaire en raison du siège trop

éloigné de celui-ci. Il est possible que les lésions lenticulaires,produisen t

l'aphasie motrice grâce à ce fait qu'elles atteignent presque toujours le

faisceau uncinatus.

L'analyse impartiale des faits qui nous sont fournis par les deux ob- 1

servations que nous venons de détailler nous permet donc de conclure,

ainsi que l'a fait, il y a déjà plusieurs années, M. Pierre Marie.

1° Que la lésion de la troisième circonvolution frontale gauche chez un

droitier ne détermine pas nécessairement l'aphasie motrice;

2° Que la lésion de la région lenticulaire gauche chez un droitier suffit, z

en elle-même, à produire une aphasie motrice ou anarthrie très marquée

et permanente.

FACULTÉ DE MÉDECINE 'DE MONTPELLIER

HÉMIATROPHIE, HÉMIPARÉSIE ET HÉMIHYPOESTHÉSIE

LINGUALE GAUCHE, AVEC DÉVIATION DE LA LUETTE

PAR NÉCROBIOSE OU HÉMORRAGIE BULBAIRE.

HÉMIPARÉSIE CONCOMITANTE DE LA MOITIÉ DROITE

DU CORPS, PRÉDOMINANT A LA FACE,

PAR LÉSION CÉRÉBRALE

PAR

G. RAUZIER et H. ROGER

(de Montpellier).

Rich... Gustave, âgé de 52 ans, employé au laboratoire deSalins-de-Giraud,

entre le 17 janvier 1912, dans le service du professeur Rauzier, salle Fouquet,

N 20, pour de légers troubles de la-parole.

Au début du mois de juillet 1911, le malade se réveille,un matin,avec de la

difficulté pour parler, alors que, la veille au soir et les jours précédents, il

n'avait constaté aucune anomalie du langage, ni aucun trouble d'aucune sorte.

Il trouve très bien les mots qui correspondent à sa pensée, mais il a beaucoup

de difficulté à les prononcer. Pendant les premiers jours, il doit parler très

lentement pour être compris : il bredouille encore, mais de moins en moins,

pendant une vingtaine de jours. Puis tout paraît rentrer dans l'ordre. Mais

récemment, depuis trois semaines à un mois, il éprouve un trouble très léger

de l'articulation des mots (par exemple dans la prononciation des « s » qu'il

prononce c, ch »), qui s'est installé peu à peu. C'est moins pour les accidents

actuels que dans la crainte du retour des accidents passés,que le malade vient

nous consulter.

Rich... accuse, en outre, de la difficulté à mouvoir sa langue, surtout à la

porter vers la droite. Depuis le début, il ne peut plus siffler, alors qu'antérieu-

rement il le faisait fort bien. Appelé, par son métier d'employé au laboratoire des

Salins, à se servir fréquemment de pipettes, il a remarqué que, les premiers

jours de sa maladie, il ne pouvait pas du tout aspirer les liquides ; depuis il ne

« pipette » pas aussi facilement qu'avant les accidents actuels,et il est obligé de

s'y reprendre à plusieurs fois, quand il veut effectuer une « pipetée » un peu

forte. Il n'a jamais eu de déviation de la face, a toujours bien dégluti, ne s'est

jamais engoué.

NOUVELLE Iconographie DE la SALPÈ'IRIÈRE.

T. XXVI. PI. X

HÉMIATROPHIE LINGUALE

(G. Rauzier et H. Roger).

Masson & CIC, Editeurs.

H1111ATRGPHIG LINGUALE 29

Il se plaint d'une sensation anormale de chatouillement pharyngé, et il a

une légère diminution dugoût, tout au moins pour certains aliments, tels que

le poisson, les légumes ; il sent fort bien les aliments salés et vinaigrés, qu'il

affectionne assez. L'odorat est resté aussi fin qu'auparavant : le malade diffé-

rencie très bien les odeurs qui se dégagent dans le laboratoire.

Le malade accuse une très légère faiblesse dans les membres inférieur et

supérieur droits. Il ne monte pas ni ne descend pas les escaliers aussi facilement t

qu'autrefois,mais il marche bien et longtemps, n'a pas de dérobement des jambes,

ne tombe jamais. Il ne lâche jamais les objets qu'il tient dans sa main droite,et ne

tremble pas. Il n'a jamais eu d'ictus ni de phénomènes convulsifs, d'inconti-

nence ni de rétention des sphincters.

Il ressent, depuis cinq à six mois, une légère céphalée aux tempes et à la

nuque, surtout la nuit, quelques douleurs dans l'épaule et le genou droit, sans

gonflement articulaire. Pas de troubles de l'ouïe, pas de bourdonnements

d'oreille. Pas de diplopie ; légère diminution de la vue, corrigée par le chan-

gement de verre du lorgnon.

Pas de troubles trophiques.

Les appareils circulatoire,respiratoire,urinaire et digestif ont un fonctionne-

ment parfait. Il n'y a, dans les urines, ni albumine, ni sucre.

Le malade n'a pas maigri, n'a pas eu de fièvre.

Antécédents personnels. - Une fièvre typhoïde à l'âge de 2 ans, suivie

d'une névralgie intercostale. Pas de commémoratifs de syphilis.

Deux enfants bien portants, trois enfants morts en bas âge.

Pas de fausse-couche chez la femme.

Ethylisme prononcé ; 1 à 2 apéritifs, 1 à 2 petits verres, deux litres de vin

par jour. Tabagisme : un paquet de tabac et deux cigares par jour.

Employé au laboratoire (analyses de soude caustique), Rich... ne manipule

aucun toxique capable de produire une intoxication générale ou locale de son

système nervenx.

EXAMEN. - Ce qui frappe tout de suite, quand on fait ouvrir la bouche au

malade, c'est la déviation de la langue du côté gauche, l'liémiatrophie de ce

côté et les tremblements dont elle est le siège (PI. X).

Dans l'intérieur de la cavité buccale, la langue, au repos, a sa pointe nette-

ment dirigée et même incurvée vers la commissure labiale gauche. Le raphé

médian décrit une courbe à concavité regardant en arrière et à gauche, au

lien de sa direction antéro-postérieure habituelle.

La moitié gauche est près de deux fois moins large que la moitié droite,

surtout dans les 2/3 antérieurs ; elle est également située sur un plan un peu

inférieur. La palpation des deux moitiés, entre le pouce et l'index montre

une diminution d'épaisseur et de consistance très notable du côté gauche. Ce-

lui-ci présente, en -outre, des plis plus nombreux et plus profonds, comme

si l'enveloppe muqueuse était devenue trop large pour son contenu.

La langue exécute dans son ensemble quelques légers mouvements de tré-

mulation ; en outre, elle est parcourue, uniquement dans sa moitié gauche,

30 RAUZIER ET ROGER

de tremblements fibrillaires, de quelques secousses vermiculaires, soulevant,

par moments et par places, la muqueuse.

Quand on fait exécuter des mouvements de la langue, il faut distinguer en-

tre les mouvements exécutés à l'extérieur et à l'intérieur de la cavité buccale.

A l'extérieur, le sujet a de la difficulté à projeter en avant la langue, qui

dépasse à peine la région labiale et qui conserve sa déviation vers la gauche.

L'on aperçoit alors, que le point où aboutit le raphé médian, présente une

incisure verticale, plus marquée que normalement et qui divise la pointe en

deux parties inégales, la droite plus haute, plus large et plus saillante, la gau-

che plus mince, plus inégale et plus en retrait. Le malade porte assez bien sa

langue en haut et en bas, dans les limites toutefois où il peut la sortir. Il ne

peut la disposer en gouttière antéro-postérieure. Les mouvements de latéralité

offrent un contraste frappant : à gauche (côté de la déviation et de l'hémia-

trophie), ils s'exécutent facilement et l'organe dépasse même la commissure la-

biale ; pour le porter à droite (côté sain), le malade le sent pesant et lui fait

à peine dépasser la ligne médiane.

A l'intérieur de la cavité buccale, lorsqu'on dit au malade de redresser la

langue et de porter la pointe en arrière vers les dents supérieures, il exécute

faiblement ce mouvement du côté droit, alors qu'il ne peut diriger la pointe

du côté gauche de la voûte palatine, à l'inverse des mouvements de latéralité

exécutés à l'extérieur de la cavité buccale.

/ La sensibilité superficielle de la langue à la piqûre, au tact, est moindre à

la pointe qu'à la base, à gauche qu'à droite. La sensibilité profonde à la pres-

sion de la langue entre l'index et le pouce est plus marquée à droite qu'à gau-

che (côté atrophié).

La sensibilité gustative a été déterminée pour les substances salées, sucrées,

vinaigrées. Les morceaux de sel ou de sucre frottés contre la face supérieure

et le bord de la langue ne déterminent pas la sensation salée ou sucrée à la

partie antérieure de la moitié gauche de la langue ; ils sont perçus à la hase,

mais moins à gauche qu'à droite. Le vinaigre, perçu dans toute l'étendue de la

langue, l'est mieux à droite qu'à gauche. Sel, sucre et vinaigre sont très bien

sentis par la muqueuse de la voûte palatine.

L'excitabilité galvanique et faradique est égale de deux côtés : le passage

du courant est également perçu par le malade tant à gauche qu'à droite.

Malgré les troubles de la motilité de la langue, la déglutition n'est nulle-

ment gênée. Quant à la parole, en dehors du « chuintement » des s sur le-

quel le malade a attiré l'attention et qui aurait passé inaperçu à un examen

superficiel, elle n'est pas autrement troublée : pas de parole scandée, pas d'hé-

sitation, pas d'achoppement des syllabes. ,

Le voile du palais se contracte bien et également des deux côtés : toutefois

la luette se dévie un peu du côté gauche, mais cette déviation existe aussi au

repos. Il y a une légère inflammation de la muqueuse pharyngée. Pas d'anes-

thésie pharyngée.

Le larynx, examiné par 4. le professeur Mouret, a ses cordes vocales qui

HÉMIATRONHE LINGUALE 31

s'écartent bien, mais avec une « légère hésitation » ; il n'y a pas de paralysie ni

d'atrophie. La voix n'est ni.enrouée ni bitonale.

Du côte de la face, il n'y a pas d'asymétrie notable. Toutefois, en l'exa-

minant à plusieurs reprises, on constate une légère déviation vers la droite

de la commissure labiale. Les rides de la face et du front sont à peu près

également creusées. Le malade souffle assez bien ; pour siffler, il appointe ses

lèvres, mais sillle très mal ; il fait mieux la grimace à gauche qu'à droite ;

quand il serre les lèvres et qu'on veut essayer d'ouvrir la commissure labiale,

on éprouve plus de résistance à gauche qu'à droite. Il en est de même quand

on veut vaincre la résistance de l'orbiculaire au niveau de la paupière supé-

rieure. Pas de tremblements au niveau des lèvres ni de la face. Pas de trou-

bles sensitifs. Pas d'inégalité entre les deux côtés dans les excitabilités galva-

niques et faradiques pour les muscles explorés : releveur du nez, releveur de

la lèvre supérieure, orbiculaire des lèvres et carré du menton. Trophicité de

la face normale.

Yeux. - Motilité oculaire normale. Pupilles égales, régulières et contrac-

tiles. ,

Membres supérieurs. Motilité conservée et égale des deux côtés, dans les

divers segments ; au niveau de la main, la force est de 38 à droite et de 35 à

gauche,au dynamomètre (le sujet est droitier). Sensibilité égale des deux côtés.

Trophicité normale.

Membres inférieurs Les mouvements actifs s'exécutent avec égale force,

à droite et à gauche. Les petites épreuves, destinées à rechercher les légères

différences de motilité (stabilisation, position gynécologique, épreuve de Gras-

set-Gaussel),ne montrent aucun degré, même léger, d'hémiparésie. Sensibilité

égale des deux côtés. Les réflexes rotuliens sont un peu vifs, déterminant

quelques secousses de fausse trépidation à droite ; pas de clonus ni du pied,ni de

la rotule. Réflexe plantaire de défense.

Rien à l'examen du coeur, du poumon, ni du tube digestif. Tension arté-

rielle : 14,5 au sphygmomanomètre Potain. '

Rich... ne reste qu'une douzaine de jours dans le service : il part après

avoir subi une dizaine d'injections de biiodure cacodylé à 0,01. Il se sent mieux.

Il n'a plus de difficulté pour parler, et la motilité de sa langue est nettement

augmentée. La projection en avant est beaucoup plus étendue : dans cet acte

la pointe reste toujours déviée à gauche. Les mouvements de latéralité abou-

lissent à la commissure labiale tant à droite qu'à gauche, toutefois ils sont

toujours plus énergiques et plus étendus à gauche. Quand le malade veut

appointer sa langue, on constate un soulèvement plus marqué de la moitié

droite. L'hémiatrophie persiste, à peu près égale, mais les mouvements fibril-

laires ont diminué.

Du côté de la face, il y a toujours un certain degré de parésie à droite, mais

peut-être moins marqué qu'au début : le malade siffle mieux.

Il est difficile de mettre toutes ces améliorations sur le compte du traite-

ment biiodure; certaines d'entre elles, notamment l'amélioration des mouve

ments de latéralité, étant survenues déjà dès le 3e on 4e jour.

32 RAUZIER ET ROGER

En résumé, nous trouvons chez notre malade, un syndrome complexe,

comprenant une iiémiatkopiiie linguale gauche, avec tremblements fibrillai-

res, signe le plus net, une déviation légère de la luette, une parésie faciale

droite, une sensation de faiblesse, sans signes objectifs nets, dans la moitié

droite du corps, quelques troubles du goût et une diminution légère de la

sensibilité de la langue prédominant dans la moitié gauche. Le début s'est

fait brusquement, il y a 6 mois, par de la dysarthrie assez marquée,qui a

ultérieurement rétrocédé ; mais, depuis quelques jours, ont réapparu

quelques troubles dans l'articulation de certaines lettres (1).

L'hémi atrophie ET L'lIE41t1' : 1HI.SIE linguales, symptômes objectifs les

plus saillants de ce tableau, correspondent bien aux descriptions classi-

ques. Les troubles fonctionnels sont réduits au minimum ; pas de difficulté

de la mastication ni de la déglutition, à peine une certaine gêne dans la

prononciation des s. Les signes physiques sont caractéristiques : incurva-

lion en croissant de la moitié gauche atrophiée, la pointe dirigée à gauche

du côté de l'atrophie ; rides nombreuses et profondes, consislance moindre

de celte moitié. La paralysie, correspondant à l'atrophie, répond bien au

type décrit par Babinski (Soc. 7aaéd. hôl)., 1896) : en dehors de la cavité

buccale. la langue se meut très facilement du côté atrophié ; dans la bou-

che, les mouvements sont au contraire plus faciles, quand le malade la re-

lève vers le côté sain. Cette parliculaiilé, au premier abord paradoxale,

s'explique par la physiologie : les deux moitiés ont à exécuter un mouve-

ment croisé, chaque côté doit porter la langue en avant et du côté opposé,

en arrière et du même côté.

La présence des tremblements fibrillaires complète le tableau.

Chez notre malade, comme dans la plupart des cas d'hémiatrophie lin-

guale, cette lésion n'est pas isolée. Les symptômes les plus fréquemment

associés sont les paralysies du voile du palais, du larynx, du trapèze et du

sterno-cléido-mastoïdien, des muscles oculaires. Dans d'autres cas, l'hé-

miatrophie linguale fait partie du tableau de l'hémiatrophie faciale (Cal-

metteetPagés, Icon. Salpêtrière, 1903, p. 21). Nous avons ici la dévia-

tion de la luette, et une hémiparésie droite totale et incomplète, prédomi-

nant à la face. Généralement l'hémiatrophie linguale ne s'accompagne

pas de troubles sensitifs : soulignons chez notre malade certaines modifica-

tions dans les sensibilités tactile et gustative.

A QUELLE LÉSION RATTACHER L'IIÉMIATROPIIIE LINGUALE ET LE COMPLEXUS

symptomatique présenté par NOTRE MALADE. - Ce diagnostic, en particu-

Il) D'après les renseignements qui nous sont transmis par le médecin traitant,8 la

date du 6 décembre 1912, l'état ne s'est guère amélioré, depuis que le malade a quitté

l'hôpital : déviation de la langue à gauche peut-être plus prononcée, parfois retour des

aliments par le nez, parole mieux articulée, parésie du membre supérieur droits,

sensation de cuisson au niveau de la gorge, céphalée qui disparaît la nuit ainsi qu'au

repos. Le malade a subi trente injections hydrargyriques.

hémiatrophie linguale 33

lier celui de l'hémiatrophie linguale, symptôme prédominant, a besoin

d'être sérieusement discuté.

A. L'hypothèse d'une manifestation névrosique étant complètement

écartée, l'hystérie fait de l'hémispasme glossolabié et ne produit pas

d'atrophie, on doit se demander d'abord, ou siège la LÉSION, à la péri-

phérise (trajet de l'hypoglosse), dans les centres (bulbe, écorce).

1° Les lésions périphériques, susceptibles de provoquer l'hémiatrophie

linguale, sont assez nombreuses. Elles portent sur le trajet extracrânien

de l'hypoglosse ou sur sa traversée intracrânienne d'une part, trauma-

tisme sectionnant le nerf, tel que chute sur un bâton pointu ayant traversé

le plancher buccal (Pitres), ou sur une tige de fer (Babinski, Soc. méd.

hop., septembre 1896), ablation chirurgicale d'une adénite rétromaxillaire

(Brissaud et Bauer, Soc. neurol., 12 janvier 1905) ; d'autre part, lésions

osseuses vertébrales ou plutôt occip 1 to-a Li oïcli ennes, avec ou sans pachymé-

ningite, telles que mal de Pott sous.occipital (Vulpius, ! 89o : Marie 1896 ;

Ricochon,Soc.aaécl.la0p.,9896,p. 791 ;Marinesco, Soc. nlmrol., 3 novembre

1904 ; Sainton et Trémolières, Soc. méd. hôp., 19- décembre 1908), myxo-

chondrosarcome de la base du crâne (Wenhardt, Neurol. Central 1.,45 juin

1898), tumeur des méninges ou méningites des méninges molles. Dans

d'autres circonstances, c'est la totalité du nerf qui est atteinte, comme

dans les névrites infectieuses (Marina) ou toxiques (Gino-Riva, Riv. spé-

rim. di ¡l'en. 1905).

Chez noire malade, la lésion périphérique peut être écartée ; nous

n'avons aucun symptôme de lésion vertébrale, aucun trauma à l'origine. Le

début assez brusque et la présence de tremblements fibrillaires sont

contraires à l'idée d'une polynévrite, dont l'origine infectieuse ou toxique

manque. D'ailleurs n'admet-on pas de plus en plus que la névrite est

rarement isolée ? ne s'accompagne-t-elle pas le plus souvent d'une lésion

des centres, lésion secondaire comme dans le cas de lésion de l'hypoglosse

avec atrophie de son noyau d'origine publiée par Laignel-Lavastine (Soc.

anat., 1907) ou même lésion primitive, neuronite motrice, frappant à la

fois les cellules des cornes antérieures et leurs prolongements dans les

nerfs périphériques ?

2° L'origine cérébrale de l'hémiatrophie linguale a pu être discutée.

Il existe, dans l'écorce, des centres moteurs de la langue, qui ont, à

travers la capsule interne, leurs conducteurs spéciaux. Mais, d'une façon

générale, les lésions corticales ne donnent naissance à de l'atrophie que

par l'intermédiaire des neurones bulbo-médullaires et de leurs prolonge-

ments périphériques. Senator (Berl. /clin. Woch., 1879), Quincke (D.A.

f. k. lled., 1888), Borgerini (Riv, speriaaa. di fren., 1890), ont cependant

reconnu à l'écorce un certain rôle trophique, et Parhon et Popesco (Rom.

xxvi 3

34 RAUZIER ET ROGER

méd., 1898), lioth et Muratolf (Arclt. de neurol., 1891, p. 296), un rôle

vaso-moteur, facteur de troubles trophiques.

Une lésion cérébrale et non une hémiatrophie linguale gauche, avec

hémiparésie des membres droits, comme dans notre cas, ne pourrait pro-

duire qu'une hémiatrophie linguale du même côté que l'hémiplégie

comme dans le cas de Gaussel (Montpellier médical, 1904).

3° Reste la localisation BULBAIRE, la lésion du noyau d'origine de

l'hypoglosse, cause la*plus fréquente de ces hémiatrophies. En sa faveur

plaident, chez notre malade, l'atrophie très marquée et les tremblements

fibrillaires, qui restent de bons signes des lésions des neurones moteurs

bulbo-médullaires, et les quelques autres troubles susceptibles d'être

interprétés par une altération bulbaire, déviation de la luette, troubles

légers du goût et de la sensibilité tactile de la langue.

On sait combien se sont multipliés, ces derniers temps, les syndromes

bulbaires unilatéraux,décrits par divers auteurs,et dont les lésions siègent

dans la région inférieure du plancher du quatrième ventricule, lieu d'o-

rigine des nerfs pneumogastrique, glossopharyngien, spinal, hypoglosse

et même trijumeau : syndrome d'Avellis (hémiplégie palato-laryngée),

syndrome de Schmidt (hémiplégie palato-laryngée avec paralysie homo-

nyme du sterno-cléido-mastoïdien et du trapèze), syndrome de Jackson,qui

n'est un syndrome d'Avellis ou qu'un syndrome de Schmidt, auquel s'ajou-

tent tl'hémi plégieet l'hémia trophie 1 ingua les homonymes (Iiéiiii plécieulosso-

palato-Iaryngée avec ou sans participation du trapèze et du sterno-cléido-

mastoïdien), syndrome de Tapirc (hémiplégie giosso-taryngéeavec ou sans

atteinte de la branche externe du spinal). En réalité, suivant l'extension

des lésions et la combinaison des symptômes, le nombre des syndromes

bulbaires peut être encore étendue d'une façon presqu illimitée.

Notre cas se rapproche du syndrome de Jackson, à cause de l'atteinte

simultanée du voile du palais el de la langue, mais il y manque la para-

lysie laryngée, et il y a,en plus,d'une part, les troubles homonymes de la

sensibilité linguale, qui ne rentrent dans aucun des syndromes précités,

mais qu'une lésion bulbaire au voisinage de l'hypoglosse peut bien causer

d'autre part et surtout,une parésie faciale et une hémiparésie subjective du

côté opposé à l'hémiatrophie linguale, qu'une lésion bulbaire aurait beau-

coup de difficulté à expliquer (1).

(1) RISPAL et NAXTA viennent de publier (Province méd., 16 novembre 19t2 un cas

complexe de syndrome de Jackson, qui, aux paralysies non moins glosso-palato-laryn-

gée, sterno-cléido-mastoïdien et trapèze, unit une paralysie faciale et des troubles sym-

palhiques du même côté. En outre, la malade offre une ophtalmoplégie ancienne,

probablement en rapport avec le tabes, dont elle est atteinte. Fait particulier, re syn-

drome de Jackson n'avait pas une origme centrale, mais avait été consécutif à des

lésions nerveuses périphériques, lors de l'extirpation de ganglions sous-maxillaires.

hémiatrophie linguale 35

La paralysie faciale est assez rarement associée à l'hémiatrophie lin-

guale. Koch et Marie nient même^celte association, les deux noyaux du

facial et de l'hypoglosse étant assez éloignés. Huet et Lejonne ont ce-

pendant signalé un cas de paralysie faciale et d'hémiatrophie linguale ho-

monymes (Soc. neur., 11 janvier 1906), seule combinaison qu'une lésion

bulbaire unique puisse anatomiquement expliquer. Pour produire une

atrophie linguale et une paralysie faciale alterne, il faudrait deux lésions

bulbaires de siège opposé (1), et, encore dans ces conditions, une lésion

bulbo-protubérantielle droite, susceptible de provoquer la paralysie faciale

droite, ne s'accompagnerait, au cas où elle se compliquerait d'hémiplégie,

que d'une hémiplégie alterne et non comme ici d'une hémiparésie du

même côté. Par contre paralysie faciale et hémiparésie des membres ho-

monymes s'expliquent très bien par une lésion corticale.

Malgré la multiplicité des syndromes bulbaires récemment décrits, notre

cas ne peut donc s'expliquer par une seule lésion bulbaire. Il faut admettre

une double lésion : bulbaire pour r hémiatrophie linguale gauche, cérébrale

pour la paralysie faciale et l'hémiparésie droites.

B. - 8ans discuter l'étiologie de la lésion cérébrale concomitante, il

nous reste à établir la nature de la lésion bulbaire occupant le noyau de

l'hypoglosse et causant l'hémiatrophie linguale. Nous n'envisagerons pas

les hypothèses d'une tumeur (gomme, tubercule) rarement aussi limitée,ni

celle d'une pol ioencépha 1 i te inférieure progressive, généralement bi laté-

rale et à début beaucoup plus lent. Le tabes, auquel Charcot rattachait

la plupart des hémiatrophies linguales et dont le rôle a été ultérieure-

ment démontré par Cu(ier, Grasset, Ross, Vestph111, Ballet (Arch. de

neur., 1884), Arnaud (Thèse, Paris, 1885), la syringomyélie, citée par

Raymond (Leçons clin., t. Il), Schultze, Hoffmann, la sclérose en plaques

(Ebstein, Jellinek) ne sont pas en cause chez notre malade.

La lésion la plus probable parait, à cause du début assez brusque, une

hémorragie ou une nécrobiose limitée du bulbe, étiologie qui a le mérite

de s'appliquer également à la lésion cérébrale, cause de l'hémiparésie

droite totale.

C.- Quant à la cause même de celle hémorragie.ou de cette nécrobiose,

elle doit être rattachée à la sclérose vasculaire, sclérose banale ou sclérose

syphilitique. ,

(1) A moins qu'il ne s'agisse de .lésions périphériques comme dans les deux cas que

Babinski (1898) rattache à une polynévrite.

SERVICE DES MALADIES NERVEUSES DU Ur ED. FLATAU A L'HôPITAL

ISRAÉLITE, A CZYSTE (VARSOVIE).

TRAITEMENT CHIRURGICAL

DES TUMEURS DE LA MOELLE,

par

Julian ROTSTADT.

Grâce aux progrès de la technique opératoire, d'une part, et de l'autre

grâce aux nombreux résultats favorables à la suite du traitement, l'inter-

vention de la chirurgie dans toute une série de tumeurs de la moelle est

tout indiquée, logique, et indispensable pour sauver le malade.'

Arriver à la dure-mère de la moelle épiniére peut être considéré

comme une opération relativement facile ; toutefois, mettre à jour, en cas

de besoin, la moelle, par une incision longitudinale de la dure-mère

(écoulement du liquide céphalo-rachidien), déplacer la moelle dans la

recherche d'une tumeur, souvent latente, puis enfin pratiquer l'opération

compliquée en rapport avec l'énucléation de la tumeur de ses adhérences,

tout cela doit être considéré comme une opération difficile et délicate,

exigeant en même temps une sûreté de main notable et des outils parfaits.

Dans ces conditions, toute opération nouvelle corrobore l'expérience déjà

acquise et l'augmente ; elle contribue également à faciliter la distinction

entre les divers tableaux cliniques souvent très compliqués, à l'époque du

processus initial latent.

C'est pour ces raisons que nous allons présenter ici quatre cas de tu-

meur médullaire, dont les trois premières ont été opérées à l'Hôpital Is-

raélite à Czyste (Varsovie) et la quatrième par le professeur Fed. Krause

à Berlin.

Observation 1.

M. W... 5t ans,inscrit le 23 février 1911, fait remonter l'origine de son mal

jusqu'en août 1910. Les seuls symptômes morbides pendant les 12 premières se-

maines ont été des douleurs lancinantes coliques dans le côté droit et dans la

partie droite du dos au niveau'des vertèbres 6, 7, 8, 9 et à un degré moindre

au niveau des vertèbres 10 et il. Les douleurs au début n'apparaissaient que

de nuit, pour durer de 10 à 15 minutes jusqu'à une demi-heure, interrom-

pant le sommeil ; pour trouver un adoucissement à la douleur, le malade devait

se lever et marcher. L'intensité de la douleur, sa localisation restèrent invaria-

traitement CHIRL'RGIC.1L des tumeurs DE la moelle 37

bles pendant cette période. Vers la fin de 1910, après avoir été mis en obser-

vation dans une clinique à l'étranger pendant un mois, le malade subit la sec-

tion de plusieurs nerfs intercostaux, au côté droit, au niveau de la zone doulou-

reuse. La névrotonomie pratiquée, les douleurs disparurent du côté du dos ;

elles persistèrent cependant au côté droit, faisant aussi leur apparition sur le

devant de deux côtés du thorax,apparaissant dès lors fréquemment sous forme

de tiraillement douloureux, en ceinture, au niveau des vertèbres 6, 7, 8, 9,

10 du thorax.

Parfois les douleurs avaient, tout comme à la période initiale, le caractère de

piqûre, de déchirement, d'arrachement. De retour chez lui, dès la troisième se-

maine, après la névrotomie pratiquée, le malade commença à ressentir un affai-

blissement des membres inférieurs, surtout dans les mouvements du pied ; après

5 jours de parésie il cessa complètement de remuer les pieds ainsi que les or-

teils. Successivement apparut l'affaiblissement de plus en plus notable des

mouvements du genou et enfin celui des articulations des hanches. Presqu'en

même temps que la parésie, peut-être un peu plus tard, apparurent des con-

tractions involontaires, des crampes, des redressements des jambes, des trem-

blements spastiques augmentant sous l'influence de la plus petite excitation de

la peau, ou bien au contact du froid. Dans cette même période, le malade res-

sentit les premières douleurs sous forme d'arrachement au pied et dans les ge-

noux jusqu'aux pieds inclusivement. Depuis six semaines, constipation tenace :

depuis 4 jours rétention d'urine passagère à peine accentuée.

Avant la maladie actuelle le patient se sentait bien portant, était actif et

énergique ; cependant toujours très nerveux. Point de crachement de sang,

de toux, ni de maladies vénériennes ; usage modéré des boissons alcooli-

ques.

Le malade se plaint principalement de la paralysie des membres inférieurs et

de douleurs continues, d'intensité notable, sur le devant et sur les deux côtés

du thorax. Surtout à droite au niveau de la IVe côte. L'intensité est moins

forte dans le dos, dans la direction des vertèbres 7, 8, 9 et 10. Il éprouve

souvent de vives douleurs à la surface du ventre, dans les environs du

nombril et également aux extrémités inférieures, à partir des genoux jus-

qu'aux pieds inclusivement. Les mouvements plus vifs du tronc sont accom-

pagnés de douleurs, accentuées dans les endroits indiqués ci-dessus.

Etat actuel.-Le malade est grand, maigre,bien bâti. Nerfs crâniens,membres

supérieurs en bon état. Les membres inférieurs sont absolument inertes, les

muscles sont flasques. Il ne peut s'asseoir sur le lit ,ni se coucher sur le côté,

sans aide ; toute tentative dans ce sens provoque une douleur intense dans le

côté droit et dans la colonne vertébrale dans la zone des vertèbres dorsales 6,

7, 8, 9, 10 ; aux mêmes endroits il éprouve une douleur aiguë lorsque, dans

la position assise, on appuie sur les épaules et la tête; alors la douleur est

plus forte dans la région au bas du mamelon droit ; les vertèbres dorsales 3

et 4 sont légèrement endolories ; par contre, la compression des vertèbres

dorsales dans le sens descendant jusqu'à la 8e vertèbre inclusivement est de

plus en plus douloureuse ; à partir de la 8a vertèbre la douleur faiblit ; ver-

38 ROTSTADT

tèbres lombaires sans douleur. La pression du thorax sur les côtes et sur le

devant, surtout à l'apophyse xyphoïde, provoque aussi des douleurs aux en-

droits mentionnés plus haut ; la pression des côtes 6 et 7 à droite, paraît la

plus douloureuse au malade. Réflexes patellaires vifs, le droit plus vif ; ré-

ilexes du tendon d'Achille vifs, le droit davantage avec symptôme clonique ; des

deux côtés phénomène de Babinski. La sensibilité à la douleur, et à la chaleur

est complètement annihilée depuis la zone supérieure démarcative au niveau

de la ligne xyphoïde (schéma de Ed. Flatau), jusqu'aux pieds inclusivement ;

la sensibilité tactile est également affaiblie à partir de cette ligne démarcative,

et en outre le degré d'affaiblissement augmente vers la périphérie. Le malade

ne reconnaît pas du tout le sens du mouvement des orteils pas plus que leur

position ; il lui arrive parfois de se tromper dans l'indication des mouvements

des pieds. Absence de réflexes abdominaux; réflexe crémastérien droit faible,

le gauche plus vif.Poids 981ciI.Ecoulement du liquide céphalo-rachidien à faible

pression : quantité d'albumine dans le liquide considérablement augmentée,

pas de pléacytose. Réaction de Pirquet positive.

7 mars. Application de l'appareil d'extension.

Dans les deux premiers jours absence de symptômes d'amélioration dans un

sens quelconque, après quoi l'état empira sérieusement, les douleurs dans les

genoux et dans les pieds augmentèrent ainsi que les symptômes spastiques dans

le membre droit inférieur.

13. -Tiraillement douloureux en ceinture, dans la partie basse de la cage

thoracique ; mouvements involontaires douloureux. Enlèvement de l'appareil

d'extension à cause des résultats négatifs. Constipation ; tonicité des muscles

dans le membre gauche plus forte, cependant moindre que dans le droit.

25. - Douleurs constantes dans les endroits indiqués plus haut.

Ainsi donc un homme de 51 ans ressent des douleurs dans le côté droit

et dans la moitié droite du dos; les douleurs persistent pendant 12 se-

maines dans un endroit exactement défini (côtes 6,7 maximum d'inten-

sité 8.9,10.91) et ne disparaissent pas après le traitement décrit ci-dessus.

Au contraire elles augmentent sur le devant, embrassent la moitié gauche

de la cage thoracique, commencent à se faire sentir sous forme de douleur

fixe, entourant le bas du thorax. Peu après apparaissent des symptômes

de parésie des membres inférieurs, suivis de mouvements involontaires,

accompagnés de la diminution de la sensibilité sur tous les modes, à partir

dune ligne supérieure de démarcation située au niveau de l'appendice

xyphoïde, jusqu'aux pieds inclusivement.

Le tableau clinique (6 mois après le commencement de la maladie)

présente les traits principaux suivants : douleurs persistantes à l'endroit

indiqué, surtout au côté droit, paralysie complète des membres inférieurs,

suppression de la sensibilité à la douleur, au chaud et au froid et affai-

blissement prononcé de la sensibilité tactile dans les limites sus-indiquées ;

traitement CHIRURGICAL DES TUMEURS DE la MOELLE 39

mouvements involontaires, accroissement des réflexes tendineux, des

deux côtés phénomène de Babinski ; constipation.

Tels sont les symptômes indubitables du processus progressif, pen-

dant six mois, de la compression médullaire. La démarcation supérieure

segmentaire des troubles de la sensibilité ainsi que le rôle prépondérant

dans le développement du tableau clinique des douleurs persistantes au

côté droit, à type radiculaire, indiquaient qu'il fallait rechercher le lieu

de la compression sur le côté droit, plus ou moins à la hauteur du 5-6e

segment dorsal (4" et 5e vertèbres dorsales).

Le prétendu résultat positif de la réaction de Pirquet, n'écarte que

pour un instant l'idée d'une tumeur de la moelle, conseillant par suite

l'emploi de l'appareil d'extension. Toutefois son résultat négatif, et l'aug-

mentation, par la suite, des symptômes spastiques font décider une opé-

ration chirurgicale à laquelle le malade se prête volontiers.

27 Laminectomie (Dr L. Krause) avec narcose au chloroforme, position du

malade latérale. Ablation des apophyses épineuses des vertèbres dorsales 3,

4,5 ; mise à jour de la moelle par incision longitudinale de la dure-mère. Le

bord inférieur de la 5e verlèbre dorsale montrant, sous la dure-mère, le pôle su-

périeur d'un corps étranger,on enleva encore l'apophyse épineuse de la 6e ver-

tèbre dorsale. Comme on le constata, la tumeur (angio-fibro-sarcome), d'une

longueur de 2 centimètres et demi, largeur 1 cm. 65 et grosseur 1 cm.l, avait

poussé dans le canal rachidien, au niveau de la 6° vertèbre dorsale (8e segment

dorsal) tout contre la ligne dorsale de la dure-mère ; elle adhérait à sa surface

intérieure, comprimait la moelle directement du côté droit, par devant et par

derrière ; la tumeur était reliée à la moelle au moyen d'une membrane qui l'en-

serrait comme une gaine. Après quelques incisions faites à la membrane, la

tumeur se laissa énucléer totalement et apparut sous forme d'une pruue forte,

de consistance assez molle. La moelle ne donnait pas de pulsation sous la dure- '

mère ; elle était aplatie, affaissée à l'endroit comprimé.

27. 4 heures de l'après-midi, le même jour.

Paralysie spasmodique ; mouvements involontaires; réflexes très vifs ; tem-

pérature 38°, pouls 140. Etat général satisfaisant.

28. - Paralysie spasmodique ; le genou gauche replié, commence à remuer

les orteils du pied gauche ; redresse tant soit peu le genou droit.

Douleurs dans les jambes. La limite supérieure de l'insensibilité descend de

3-4 doigts en travers.

4 avril. Pulsations du coeur égales. Paralysie spasmodique. Réflexes très

vifs ; première apparition des phénomènes de pronation et de supination aux

deux extrémités inférieures -redressement des genoux repliés, de plus en plus

facile. La sensibilité tactile reparait complètement ; le malade commence à per-

cevoir l'attouchement à froid et il distingue convenablement le sens des mou-

vements du pied.

40 ROTSTADT

12. Premiers symptômes des mouvements du pied gauche, il remue légè-

rement les orteils du pied droit ; douleurs en ceinture au niveau de l'endroit

opéré, douleurs dans les membres inférieurs.

25. Le malade remue le pied droit, rapproche les membres écartés, dans

la direction de la ligne médiane.

15. - Il remue facilement sur son lit les deux membres inférieurs ; étendue

et force d'extension des articulations plus prononcées. Il s'assied seul sur son

lit. Réflexes patellaires et achilléens très vifs ; symptôme de trépidation épilep-

toïde patellaire et plantaire bilatéral ; phénomène de Babinski bilatéral ; réflexes

abdominaux et crémastériens très faibles. Sensibilité à la douleur, au toucher

et à la chaleur affaiblie depuis la ligne ombilicale (schéma de Flatau) jusqu'aux

pieds inclusivement ; sensibilité musculaire des orteils amoindrie ; pas de trou-

bles sphinctériens.

Dans le cours ultérieur de la maladie l'amélioration progresse rapidement sans

oscillations ou sans que l'état empire même momentanément ; dans les com-

mencements d'août le malade commence à se servir de la voiture d'Eulenbourg.

Retour des troubles cardiaques (allorythmie et arythmie). Dans le milieu

d'août il marche avec des béquilles, conserve l'équilibre un instant sans point

d'appui ; la motilité devient normale, et la force est relativement suffisante.

Sensibilité tactile et à la douleur ; le sens musculaire revient à l'état normal ;

seule la chaleur se fait moins sentir aux jambes et aux pieds, et il arrive au

malade de prendre le froid pour la chaleur. Au commencement d'octobre il

quitte son lit sans aide, se tient debout pendant quelques minutes, fait quelques

pas sans appui. De temps en temps il éprouve une douleur dans la moitié droite

du thorax, et accidentellement et de moins en moins des crampes. Les symp-

tômes de trépidation épileptoïde patellaire faiblissent, le clonus du pied droit

disparait, tandis que le phénomène de Babinski persiste bilatéral. A la mi-oc-

tobre il commence à marcher sans canne ; dans les commencemets de novembre

réapparition pour quelques jours des troubles cardiaques (allorythmie et ary-

thmie).

Dans l'ensemble des symptômes du tableau clinique, avant le traitement, les

phénomènes principaux étaient des douleurs localisées très exactement dès le

commencement de la maladie, douleurs persistantes fixes. Ces douleurs, pen-

dant 12 semaines ont été le seul indice du processus initial, mais encore latent

de la compression médullaire ; ces douleurs devinrent à juste titre, comme on

l'a vu après, l'indice principal de l'endroit comprimé, car le malade se plaignait

surtout de douleurs au niveau de la 5e côte à droite et la tumeur apparut à la

lisière inférieure de la 5e vertèbre dorsale et àja supérieure de la 6e vertèbre

également à droite. Dans le développement subséquent des symptômes de

compression il y a lieu de remarquer, jusqu'au dernier moment avant l'opé-

ration, ^'absence complète de troubles dans le fonctionnement de la vessie ; il

y avait cependant des symptômes de lésion transversale de la moelle, marqués

par la paralysie complète spasmodique des extrémités inférieures et l'insensi-

bilité à la douleur, à la chaleur et au toucher, avec limite segmentaire très

clairement indiquée au niveau de la ligne xyphoïde,.

traitement CHIRURGICAL DES TUMEURS DE la MOELLE 41

Il faut noter particulièrement d'un côté la présence excessive d'albumine

dans le liquide céphalo-rachidien,tandis que d'un autre côté il y avait pléocytose.

Ce phénomène très prononcé, a déjà fait le sujet des observations de Nonne dans

6 cas de tumeur médullaire et de Reichmann dans un cas. Pareille disproportion

dans le résultat de l'observation du liquide céphalo-rachidien n'a jamais été cons-

tatée par Nonne dans aucun autre processus organique du système nerveux ;

nous de même, malgré le nombreux matériel à notre disposition. Aussi ce phéno-

mène mérite-t-il une attention particulière ; la présence de l'excès d'albumine

dans le liquide céphalo-rachidien, dans le cas présent, doit être considérée

comme dépendant d'un mélange du transsudat, de la lymphe avec le liquide

céphalo-rachidien, en relation avec des phénomènes d'arrêt,ou même d'oedème

au haut de l'endroit comprimé.

Dans l'évolution du tableau clinique après le traitement, en dehors

de la persistance de la paralysie à caractères spasmodiques, considérée

comme symptôme favorable, et en dehors du retour rapide, quoique

progressif, de nombreux mouvements volontaires, il y a lieu de noter par-

ticulièrement l'abaissement, au 58 jour, de la limite supérieure de l'in-

sensibilité, de 3-4 doigts en travers jusqu'à la ligne ombilicale (d'après

le schéma de E. Flatau). Il y a lieu de penser qu'au-dessus de l'endroit

de la compression directe de la moelle par la tumeur, il s'était formé un

oedème et une accumulation de liquide céphalo-rachidien causés notam-

ment par l'engorgement des libres amenant la sensibilité dans les segments

dorsaux 5 el 6, sans en détruire cependant, en cet endroit, la structure

anatomique. Le néoplasme une fois enlevé, la circulation des liquides,

dans les espaces d'écoulement et sous-arachnoïdien et les vaisseaux vei-

neux, reprit son état normal, la limite supérieure de l'anesthésie tomba

du niveau de la ligne xyphoïde (5e segment dorsal) jusqu'à la ligne om-

bilicale, répondant au 7 ? 8° segment dorsal, c'est-à-dire à l'endroit de

l'aplatissement ou plutôt de la lésion plus ou moins continue de la moelle

par la compression de la tumeur, compression qui dura G mois.

Observation II.

L. G..., 56 ans, inscrit le 4 juillet 1910, ressent pour la première fois, en no-

vembre 1910 une douleur au côté droit, au niveau du passage des côtes 8, 9, 10,

11. Dès lors la douleur réapparaît transitoire, mais de plus en plus fréquente ;

elle se fait sentir le plus fortement pendant la nuit et exclusivement à l'endroit

indiqué. Toutefois la localisation exacte commence à varier ; la douleur gagne

la ligne médiane du dos, apparaît dans la partie basse des vertèbres dorsales.

En mars 1910, la sensation douloureuse sous forme de déchirement, d'arra-

chement avance encore plus loin, vers le côté gauche, se localisant de même

à la hauteur des vertèbres 8, 9, 10, 11. Dans la même période apparaît, bien

définie, une sensation de douleur en ceinture, large de 7-8 centimètres, dans la

42 ROTSTADT

moitié inférieure de la cage thoracique. Vers la fin de mai, les douleurs aug-

mentent ; plus prononcées pendant la marche, elles apparaissent dans le mol-

let droit et dans la cuisse, puis dans la jambe gauche. Le malade,contraint sou-

vent à s'aliter par suite de la douleur, cesse de travailler. Depuis quelques

mois il urine avec arrêts et après un certain effort; ses forces diminuent.Deux

ans auparavant, maladie des reins ; pas de toux, pas de crachements de sang.

Enfants bien portants, sa femme n'a eu ni fausses couches, ni vérole, pas

d'abus de boissons alcooliques.

Etat actuel. - Mince, pâle, légèrement voûté, par suite d'une ancienne

déviation légère de la colonne vertébrale à la partie basse du dos. Coeur nor-

mal, pouls rythmique; foie légèrement augmenté à contour dur et douloureux à

la palpation. Les nerfs crâniens fonctionnent régulièrement ; il se sert norma-

lement des membres supérieurs, dans des proportions et avec une force suffi-

sante. Les réflexes tendineux (m. tricip.) vifs, les périostaux des deux côtés

normaux. Sensibilité normale.

Couché, le malade remue convenablement les extrémités inférieures, la

force déployée, pour tous les mouvements, est cependant légèrement affaiblie.

Il avance, mais marche lentement à petits pas, parfois il a l'air de traîner le

pied droit ; on n'aperçoit pas cependant de symptômes de parésie nettement

indiqués. Réflexes patellaires considérablement accrus ; réflexes achilléens des

deux côtés très vifs sans clonus du pied ; réflexe plantaire sous forme de

flexion dorsale du pied ; pas d'ataxie ; tous les mouvements vifs, volontaires

ou passifs, provoquent souvent de la douleur dans les endroits indiqués plus

haut. Le malade supporte saus douleur la pression exercée sur la tête et les

épaules ; par contre la pression sur la 12e vertèbre dorsale, ainsi que sur les

vertèbres lombaires supérieures est douloureuse; réflexes de l'abdomen fai-

bles, ceux du crémaster normaux. Constipation ; l'urine (absence de corps pa-

thologiques) est rendue avec un certain effort. Troubles de la sensibilité : lé-

ger affaiblissement de toutes les formes de la sensibilité depuis la ligne du

tronc (D. I. E plus ou moins) jusqu'aux pieds inclusivement.

31 août 1910. Douleurs au côté droit le long de la ligne axillaire, des

deux côfés au niveau de l'arc costal, souvent au sacrum.

24 septembre 1910. Clonus du pied bilatéral, le réflexe plantaire gau-

che commence à apparaître sous la forme du phénomène de Babinski. Dou-

leurs dans le dos, aux côtés et dans la région des vertèbres lombaires ; le ma-

lade ne peut rester couché sur le dos. La force et l'amplitude motrice des deux

membres dans l'articulation de la hanche est lente et incomplète ; les extré-

mités levées ne sont maintenues qu'avec peine (la gauche est plus obéissante),

les mouvements des genoux sont plus réguliers ; il n'a pas la liberté du pied

et des orteils droits ; les mouvements correspondants du pied gauche sont

conservés mais dans une proportion très limitée ; marche à caractère paréto-

spastique ; il ne peut déjà plus marcher sans aide; limite des troubles de

la sensibilité sans changement.

2 octobre. Appareil d'extension, immédiatement suivi le lendemain,

d'une augmentation des douleurs.

TRAITEMENT CHIRURGICAL DES TUMEURS DE LA MOELLE 43 3

3. - Douleurs violentes ne cédant pas après le retrait de l'appareil d'exten-

sion. Contractions rapides, engourdissement douloureux de la plante des pieds

et des jambes. Clonus du pied ; phénomène bilatéral de Babinski ; paralysie

des pieds et des orteils ; parésie des mouvements du genou ; faible rétention

d'urine.

Ainsi donc un homme de 56 ans, ressent subitement une douleur au côté

droit, douleur qui augmente d'intensité, gagne le côté gauche puis, sous

forme de tiraillement douloureux entoure la partie basse de la cage thora-

cique au niveau des vertèbres 8,9,10,11; la douleur cependant est toujours

plus forte au côté droit à la hauteur de ces côtés. Dans le cours ultérieur

de la maladie,surviennent successivement des troubles dans le fonctionne-

ment de la vessie, l'affaiblissement du mouvement dans les articulations des

hanches et des genoux, la paralysie des mouvements pour les pieds et les

orteils (d'abord à droite). Les réflexes, la tension musculaire augmentent ;

phénomène de Babinski bilatéral, la sensibilité au toucher,à la douleur, au

froid et au chaud diminue à partir de la ligne du tronc (d'après le schéma

de E. Flatau) jusqu'aux pieds inclusivement; la démarche devient déplus

en plus spasmodique et impotence. L'influence particulièrement nuisible

de l'appareil d'extension sur les douleurs et l'état général du malade, le

résultat négatif de la réaction de Pirquet, l'absence de symptômes de tu-

berculose, écartent la pensée d'un processus de compression dans le mal de

Pott, mais confirment par contre le diagnostic d'une tumeur comprimant

la moelle, et relativement les racines postérieures, sur le côté droit

surtout, à la hauteur environ du dixième segment dorsal. La nécessité

de l'intervention chirurgicale gagne du terrain et le malade donne son ac-

quiescement. t.

14 octobre 1910. - Laminectomie (Dr L. Krause) dans la zone des ver-

tèbres dorsales 7, 8, 9, 10. Après l'énucléation des parties molles on aperçut

sur le côté droit, la masse abondante et étalée d'un néoplasme mou. Le néo-

plasme perçait vers l'ouverture entre les vertèbres 7 et 8, doublant à l'exté-

rieur la 7e vertèbre dorsale.

Dans le canal mis à jour on n'aperçut pas de tumeur ; la dure-mère ne fut

pas mise à découvert et il n'y eut pas de pulsation de la moelle. Après élimi-

nation détaillée complète du néoplasme et après avoir nettoyé les alentours

de la partie malade, les plaies ont été tamponnées.

Ainsi donc le néoplasme (sarcome) se trouva être une tumeur extraver-

lébrale, s'insinuant dans le foramen intervertébral, entre les vertèbres 7

et 8 à la hauteur du 9-)0'segment dorsal,sans pénétrer dans le canal rachi-

dien ; la tumeur comprimait principalement la septième racine dorsale

44 ROTSTADT

postérieure, du côté droit, sans léser l'ensemble du tissu osseux de la

colonne vertébrale.

Les douleurs, qui tourmentèrent sans cesse le malade, leur localisation

stricte depuis la période initiale de la maladie, se trouvent expliquées faci-

lement par la compression et les progrès du néoplasme à l'endroit indiqué

plus haut. Quant aux symptômes d'affection transversale, il faut les ratta-

cher d'une part à l'influence toxique de la masse tumescente en décompo-

sition, d'autre part à la nutrition défectueuse de cette partie de la moelle,

par suite de la compression des vaisseaux contigus aux racines.

' Pour l'évolution de la maladie dans la période immédiatement consécutive

à l'opération, nous notons les tendances et les oscillations suivantes.

15 octobre 1910. Muscles des membres inférieurs sans flaccidité, leur

tension bien nettement accrue, ainsi que les réflexes tendineux; des deux

côtés persistance du phénomène de Babinski. Fonctionnement de la vessie bon;

crampes : tension de l'extrémité inférieure droite ; pouls rythmique, plein.

19. Premier symptôme de récupération du mouvement dans les pieds

et les orteils, dans des amplitudes très limitées de force faible ; trépidation des

pieds bilatérales ; souvent le malade donne des indications erronées sur la po-

sition et la direction du mouvement des petits orteils aux deux pieds.

23 novembre . - Dans la position couchée le malade remue les deux

extrémités inférieures dans des proportions suffisantes et avec assez d'aisance ;

il se met seul sur son séant, se lève, reste debout un instant sans aide, con-

duit,il risque quelques pas ; il avance avec facilité dans la voiture d'Eulenbourg.

12 décembre. - Il avance sans aide ; les mouvements du pied droit sont les

plus faibles.

23 janvier 1911. - L'état général empire notablement ; réapparition des

douleurs dans le côté droit, dans la région sous-costale.

En mouvement ou au repos, douleurs sur les côtés de la colonne vertébrale,

au niveau des vertèbres lombaires ; constipation ; incontinence d'urine à un

faible degré ; douleurs dans la région cardiaque; symptômes de réapparition

de la parésie du mouvement dans les articulations des pieds, tenu par la main,

le malade avance encore, mais avec précaution ; il est de nouveau incapable

de garder l'équilibre sans appui ; fonctionnement des extrémités inférieures

mais avec une certaine limitation et un faible degré de paralysie ; réflexes ab-

dominaux (supérieurs seuls) faibles; réflexes patellaires etachittéens exagérés;

clonus du pied gauche, phénomène de Babinski bilatéral.

4 mars 1911. - Douleur très prononcée dans la moitié inférienre du ster-

num.

10. - Douleurs très violentes an moindre mouvement du tronc et à la pres-

sion sur toute la région du sternum (moins le manubrium sterni). Sensation

d'arrêt des liquides dans l'oesophage, souvent même, rejet du liquide ingur-

gité.

16. Douleurs dans la ligne médiane de la cage thoracique ; nausées ;

T1L11TI ? IENT CHIRURGICAL DI'S TUMEURS DE LA MOELLE 45

difficulté lors de l'ingurgitation ; allai blisseirieii général ; manque d'appétit.

22. Douleurs en ceinture dans la partie inférieure de la cage thoracique

et le ventre; incontinence d'urine partielle, constipation prolongée. Accrois-

sement de l'état de faiblesse générale ; douleur légèrement amoindrie dans la

région du manubrium sterni ; médication.

Comme nous le voyons, les douleurs, qui font l'objet principal des plaintes

du malade, disparaissent pour un mois tout de suite après l'opération (14 oc-

tobre 1910) ; cinq jours après le traitement, réapparition du mouvement dans

les pieds et les orteils ; la parésie des articulations du genou et de la hanche

s'améliore ; l'amélioration est constante et rapide ; la portée des mouvements

augmente, le malade recommence à marcher. La démarche devient de plus en

plus sûre ; l'état général est bon ; mais cela ne dure guère. Un mois plus

tard (16 novembre 1910), les douleurs reprennent à leur endroit ordinaire,

comme avant l'opération et à la fin de janvier (23 janvier 1911), le malade

recommence à marcher plus difficilement. Les douleurs reprennent dans la

cage thoracique, le long du manubrium sterni, dans la région de l'omoplate

gauche, dans le dos (4 janvier 1911), causent des insomnies, gênent par mo-

ments le passage des aliments par l'oesophage,minent les forces du malade,qui,

découragé, quitte l'Hôpital.

Si nous considérons le tableau de la réapparition progressive des symp-

tômes de parésie des extrémités inférieures et la série des douleurs dans

les endroits indiqués, on pouvait supposer malgré tout, que les douleurs

dans la région du manubrium sterni et dans sa longueur, dans les côtés

entre les omoplates et persistant pendant les trois dernières semaines de sé-

jour du malade il l'hôpital, on pouvait croire, disons-nous, que ces dou-

leurs annoncent des symptômes de compression exercée par une tumeur

se développant en quelque endroit inconnu du thorax, d'où la masse

néoplasique, découverte pendant l'opération, pouvait s'étendre. Cet en-

droit pouvait également devenir l'issue de nouvelles masses néoformées

qui, suivant la même voie ou une autre, se rapprochent à nouveau de la

moelle. Il y a cependant lieu de noter que l'on n'a pu constater de

symptômes objectifs d'un néoplasme dans le thorax, ce qui du reste, étant

donné la proportion minime et la localisation de la tumeur, par exemple

dans le médiastin postérieur, peut facilement arriver.

Cinq semaines après sa sortie de l'hôpital, le malade se trouve encore plus

mal. Simultanément avec les douleurs sous forme de piqûre, de brûlure, dans

les pieds, d'engourdissement des deux membres inférieurs, augmentent les

symptômes de parésie, surtout dans l'extrémité inférieure droite, les crampes

réapparaissent. Le malade commence à uriner avec difficulté; son état général

empirant, il se décide à retourner l'hôpital.

8 avril 1911 . Etat actuel. Le malade ne peut se lever ; c'est à peine s'il

46 ROTSTADT

arrive à soulever l'extrémité inférieure droite ; il ne peut presque pas remuer

le pied, les orteils ;

La tonicité des muscles est accrue : la force des mouvements est minime.

Des deux côtés, dans les orteils, troubles profonds de la sensibilité; réflexes

tendineux très vifs ; symptôme patellaire et clonus du pied bilatéral (clonus

de droite intermittent), signe de Babinski ; crémastérien faible, absence de

symptômes abdominaux ; sensibilité à la douleur, au toucher et à la chaleur

affaiblie à partir de la ligne ombilicale jusqu'aux pieds inclusivement.

18 juin. - La compression de la cage tboracique de côté et dans la direc-

tion du manubrium sterni, cause une violente douleur. Douleurs dans la ré-

gion sacrée et dans celle des vertèbres lombaires. Accroissement des symp-

tômes de paralysie.

L'ensemble des symptômes indiqués formant progressivement un tableau

clinique en tout pareil au cours de la maladie avant l'opération, témoignait une

affection nouvelle de la moelle et suggérait l'idée d'un amas de nouvelles mas-

ses néoformées à l'endroit du premier traitement. La nécessité d'une seconde

opération s'imposant de plus en plus, elle fut répétée le 30 juin 1911 par le

Dr Krause.

Par une incision dans la région des vertèbres dorsales 7, 8, 9, 10, la cica-

trice laissée par le premier traitement fut rouverte et on élimina les adhéren-

ces qui se trouvaient dessous. Après la suppression des adhérences ou mit à

jour sur la ligne médiane une masse abondante néoformée, molle, ayant l'appa-

rence d'une forte tumeur aux contours effacés, grande comme la demi paume

de la main. Le tissu du néoplasme faisait corps avec la moelle au-dessus de la

dure-mère, se fondait des deux côtés avec les muscles, s'épanchait de l'inté-

rieur. La masse néoplasique fut scrupuleusement séparée de la cage tboraci-

que, de la dure-mère et de côté, le long du tissu pulmonaire, puis on en dé-

burrassa, aussi complètement que possible, l'espace entre la moelle et la paroi

du canal et son extérieur ; quant à la plaie, elle fut préservée par un drain et

recouverte, sans que la moelle ait été mise à nu sous la dure-mère. Dès le

jour suivant le malade commença à remuer les orteils ; il pliait et redressait le

genou dans une proportion assez forte, lorsqu'on lui soutenait avec la main la

jambe qu'il avait levée. Dès lors, les mouvements libres gagnèrent en force et

en amplitude ; les troubles de la sensibilité douloureuse, tactile et thermique

disparurent; par contre la sensibilité musculaire dans les orteils continuait à

être affaiblie. Les réflexes patellaires très vifs présentaient des symptômes de

trépidation épileptoïde ; mouvements achilléens également très vifs avec trépi-

dation des pieds. Signe de Babinski bilatéral ; pas de réflexes abdominaux et

ceux du crémaster faibles. Fonctionnement de la vessie satisfaisant; l'absence

de fièvre et l'état général du malade témoignaient d'un résultat étonnamment

heureux dans la période subséquente à l'opération.

10. - 15 juillet. - Mouvements plus libres ; le malade ne distingue pas

toujours exactement-la direction du mouvement des orteils ; douleurs sous le

sternum et dans la cage thoracique.

20-30 juillet. Le clonus du pied faiblit des deux côtés.

TRAITEMENT CHIRURGICAL DES TUMEURS DE LA MOELLE 47

2-28 août. Le malade fait ses premiers pas avec aide. La sensibilité

musculaire dans les orteils n'est plus que légèrement atteinte.

5-21 septembre. -'Le malade marche seul sans symptômes de paralysie

ou caractère spastique ; on n'aperçoit l'augmentation de la tonicité des muscles

que dans les mouvements violents du pied gauche et du genou. Réflexes pa-

tellaires vifs avec trépidation ; réflexes achilléens vifs et faible clonus du pied ;

le signe de Babinski persiste. Lorsque le malade respire plus profondément ou

fait un faux mouvement, il ressent une douleur dans la région du mamelon

gauche ; absence de symptômes extérieurs de formation néoplasique, le long

de la cicatrice ainsi que, en général, à l'endroit traité.

28 septembre-'^ octobre. Le sens musculaire dans les orteils revient

à son état normal ; la trépidation du pied disparait; les douleurs reparaissent

cependant dans la région du coeur, au-dessus du mamelon gauche, près de

l'omoplate gauche, dans les reins et au niveau des vertèbres lombaires. Les

symptômes douloureux augmentent dans les mouvements du tronc, dans le

changement de position d'un côté sur l'autre, ainsi que dans la pression de la

partie basse du sternum et de l'apophyse xyphoïde.

Dans les dix derniers jours de son séjour à l'hôpital,le malade fut atteint de

refroidissement; il en résulta une pleurésie sèche au côté gauche et des symp-

tômes de broncho-pneumonie ; les crachats ne renfermaient pas de bacille

de Koch. Comme le malade avait la fièvre, toussait, ce qui influait en mal sur

son état général, on l'envoya dans un sanatorium où les symptômes pulmo-

naires commencèrent à diminuer, la température revint à son état normal, la

toux cessa. Pendant ce temps l'état nerveux du malade n'empirait pas ; au

contraire la démarche gagnait en sûreté et le malade continuait à marcher

normalement sans le secours de la canne.

Ainsi donc, grâce à un second traitemeut chirurgical, les symptômes

d'affection ou mieux de compression créés par la masse néoplasique

sur la dure-mère, commencèrent à disparaître rapidement, comme après

la première opération ; en effet, deux jours après, les orteils, les pieds

et les genoux recommencèrent à fonctionner. L'amélioration conti-

nua régulière et le malade recommença à marcher. Dans la période finale

de l'observation, comme trace d'une affection de la moelle, il ne resta

uniquement que des réflexes tendineux très prononcés, le signe de Ba-

binski bilatéral et une démarche lente encore, mais sans caractère d'ataxie

ou de phénomènes spastiques.

Malgré le résultat favorable très prononcé des deux opérations, il n'y a

pas lieu de prédire un retour complet à la santé. Et cela, d'un côté, par

suite de la réapparition, péu après le premier traitement chirurgical, de

symptômes' morbides parésiques en rapport avec l'amas prononcé de nou-

velles masses néoplasiques dans le canal rachidien et de l'autre les symp-

tômes douloureux dans les reins dans la région des vertèbres lombaires,

48 ij ROTSTADT

aux côtés, surtout à droite et souvent dans la cage thoracique, douleurs

qui, quoique moins fortes, persistent.

Quant à dire où réside le foyer primitif, d'où la masse néoplasique

a pu gagner en si grande qualité le canal rachidien les deux opérations

ne l'ont pas indiqué.

Il est cependant très probable que l'origine du mal est une tumeur dans

le médiastin postérieur provoquant la série entière des symptômes dou-

loureux ci-dessus, dans la cage thoracique. -

Observation III.

S. S..., 43 ans, inscrite le 15 janvier 1911, indique avoir commencé, fin

1910, à ressentir des douleurs passagères dans les reins, à portée légère. Il y

a 9 mois, apparitiou subite d'une lourdeur et d'une faiblesse dans les deux

extrémités inférieures; dès lors la faiblesse augmente, gagne les mouvements

des genoux et l'articulation de la hanche. La malade marche, mais la démar-

che devient de moins en moins certaine ; depuis un mois elle est incapable de

faire un pas. A la fin de l'été dernier, paresthésies thermiques, surtout la

nuit; c'était un refroidissement douloureux (d'abord dans les pieds et les

orteils) des jambes, surtout dans la droite, au point qu'il fallait les réchauffer.

Peu après, apparaît une sensation de brûlure dans les orteils, le pied droit,

qui gagne graduellement toute l'extrémité droite, puis la gauche ; après la

sensation de brûlure viennent des paresthésies sous forme de fourmillement.

Dapuis trois mois, les douleurs dans le sacrum augmentent, et persistent sans

avoir cependant le caractère de douleurs en ceinture, et sans apparaître sur le

devant ; depuis deux mois, mouvements involontaires ; depuis un mois, l'émis-

sion de l'urine se fait avec difficulté ; depuis une semaine, faible oedème des

deux extrémités; depuis plusieurs jours douleurs dans l'aine, rétention com-

plète de l'urine. La malade, quoique anémique, était jusque-là assez bien

portante ; elle a 3 enfants. n'a pas eu de fausses couches, ni la vérole.

Etat actuel. Nerfs crâniens, extrémités supérieures normales; extrémi-

tés inférieures dans l'état de tonicité spastique extrême, paralysie presque

complète; soulèvement des extrémités, impossible; adduction et abduction

presque nulles pour la droite, un peu meilleures pour la gauche; flexion et

extension du genou gauche avec effort de faible portée et à force presque nulle ;

le genou droit et le pied n'ont pas de mouvements ; elle remue les orteils len-

tement et avec une amplitude insuffisante. Les mouvements ci-dessus sont un

peu plus agiles,ont une portée un peu plus prononcée,en faisant les essais voulus

en élevant les extrémités au-dessus du lit. La tonicité de tous les groupes muscu-

laires, comme il a été dit, se trouvait particulièrement accrue. Les réflexes

patellaires très vifs ; des deux côtés trépidation patellaire ; réflexes achilléens

très accrus avec clonus des pieds.

Signe de Babinski bilatéral ; pas de réflexes abdominaux. Sensibilité tactile

légèrement affaiblie dans les extrémités inférieures ; la sensibilité à la douleur

et à la chaleur affaiblie aussi à partir d'une ligne de démarcation horizontale

TRAITEMENT CHIRURGICAL DES TUMEURS DE LA MOELLE 49

passant deux doigts au-dessous de l'ombilic (d'après le schéma de E. Flatau)

jusqu'aux genoux ; affaiblissement de plus en plus grand de la sensibilité

à la chaleur et à la douleur.

Dans la suite apparaît la rétention complète de l'urine, et )'oedème des deux

extrémités jusqu'à la moitié des mollets ; disparition presque complète du sens

musculaire pour les mouvements des orteils et des pieds ; pression des vertè-

bres lombaires également douloureuse partout; douleurs plus fortes dans la

partie sacrée de la colonne vertébrale, à chaque changement de position et

dans les mouvements du tronc; parfois douleurs au côté gauche. La ponction

lombaire donna un liquide transparent sans albumine et sans augmentation

de la quantité d'éléments morphologiques ; écoulement du liquide à tension

très minime; paralysie des extrémités inférieures.

Ainsi donc une femme de 43 ans, après une courte période de douleurs

dans le dos, perd progressivement la sensibilité dans les extrémités infé-

rieures ; après 9 mois de paresthésie, elle cesse de marcher, puis finitpar

devenir incapable du moindre mouvement des jambes. Après un mois

d'incontinence d'urine partielle, arrive la faiblesse complète de la vessie ;

la constipation augmente. La sensibilité du toucher, de la douleur, du

chaud et du froid, décroît à partir de la ligne supérieure démarcativepassant

2 doigts plus bas que la ligne ombilicale; sur les extrémités inférieures

la sensibilité à la chaleur, à la douleur et le sens musculaire (pieds et

orteils) disparaît complètement.

Les symptômes d'une affection transversale toujours grandissante de la

moelle font penser à un cas de tumeur progressive à la hauteur approxi-

mative du 9-10e segment dorsal (vertèbres dorsales 7-8) et poussent la

malade à consentir à l'opération. ' .

21 janvier midi. Opération (Dr Oberfeld) par narcose mixte. Les arcs

vertébraux de la 6e à la 10e vertèbre dorsale inclusivement ont été supprimés

et la dure-mère mise à jonr; absence de pulsation de la moelle. La table d'o-

pération une fois placée dans une position de biais très accentuée, par une in-

cision longitudinale de la dure-mère, la moelle a été mise à nu ; écoulement du

liquide céphalo-rachidien minime ; au niveau des vertèbres dorsales 7-8

opacité des méninges molles ; au niveau de la 9e vertèbre, une certaine tumé-

faction de la moelle et déviation de celle-ci vers l'arrière. Vers le côté gauche

antéro-latéral de la moelle, à la hauteur'des segments dorsaux 9-10 on trouve

une tumeur ; l'énucléation se fit assez facilement avec un instrument émoussé,

la tumeur n'étant pas unie à la dure-mère et ne faisant qu'en apparence

corps avec la moelle. La tumeur (fibrome) à forme distinctement fuselée, sur-

face inégale, dure, se ratatina légèrement après l'énucléation, s'arrondit ; elle

mesurait alors environ 1 1/2 cm. de long sur 8 millimètres de large et de

haut. La moelle, à l'endroit comprimé au côté gauche antéro-latéral, était

aplatie.

xxvi t

50 ROTSTADT

27, 5 h. du soir. Paralysie flasque des extrémités inférieures ; réflexes

tendineux manquent ; suppression complète de la sensibilité à partir de, la

limite supérieure, indiquée dans ta description de l'état présent ; faible réflexe

plantaire bilatéral.

28-29. - Paralysie flasque ; réflexes patellaires et achilléens très faibles ;

température 38c.

30. - Continuation de la paralysie des extrémités inférieures; escarre ex-

térieure dans la région sacrée ; rétention complète de l'urine et des fèces ;

absence du sens musculaire dans les orteils, les pieds et les genoux ; rétention

d'urine ; constipation.

31. - Paralysie flasque ; manque de réflexes patellaires ; réflexe achilléen

gauche et plantaire gauche nuls ; purulence superficielle de la plaie.

9-14 février. - Accroissement des escarres. Liquide céphalo-rachidien

jaunâtre, stérile, transparent. Paralysie flasque.

23. Etat général empirant avec manque de purulence et de cicatrisation

normale de la cicatrice après l'opération. Décès au bout de quelques jours en

dehors de l'hôpital.

La localisation de la tumeur,siégeanten majeure partie en avant,explique

pourquoi les douleurs ont joué un rôle secondaire dans le développement

du tableau clinique et dans le cours de la maladie, pourquoi elles n'avaient

pas le caractère de douleurs radiculaires et en ceinture, et pourquoi elles

apparaissaient au contraire en une zone éloignée de l'endroit le plus com-

primé. La paralysie flasque des extrémités inférieures, immédiatement après

l'opération, succédant au caractère particulièrement spasmodique avant le

traitement, pouvait être considérée comme un signe défavorable; nous

savons cependant que la paralysie flasque peut avoir un caractère passager.

Toutefois, comme la paralysie flasque continuait, comme les escarres

devenaient de plus en plus profondes et l'étal général empirait, le pronostic

quoad vitam devenait douteux. Soulignons, que l'examen du liquide

céphalo-rachidien après l'opération n'a pas découvert de symptômes de

méningite suppurée (la suppuration de la blessure était superficielle et put

être facilement supprimée). Ainsi donc l'issue défavorable du traitement

(paralysie flasque, escarres, constipation grave rebelle, suppression com-

plète des réflexes et de la sensibité sous loules ses formes, à partir du

niveau indiqué dans la description de l'étatactuel, doit être mise probable-

ment sous la dépendance de l'affection transversale complète de la moelle

au niveau de l'endroit opéré. Celle affection a pu être motivée dans une

proportion sérieuse par la nécessité où l'ont s'est trouvé de remuer et de

déplacer d'une façon assez marquée la moelle à l'endroit le plus comprimé,

aplati et gonflé, pour arriver à mettre au jour, dans les meilleures condi-

tions, la tumeur située sur le devant, et à l'énucléer dans son enlier.

TRAITEMENT CHIRURGICAL DES TUMEURS DE LA MOELLE "51

f

Observation IV.

C. M..., 40 ans, inscrite à l'hôpital le 22 octobre 1910 indique avoir com-

mencé à éprouver une année auparavant un affaiblissement insignifiant des

extrémités inférieures, surtout à la droite, avec parfois chute sur les genoux.

Environ à la même époque apparurent des paresthésies thermiques principa-

lement dans la jambe droite et depuis plusieurs mois des paresthésies sous

forme de fourmillement ainsi que des contractions involontaires dans les deux

extrémités inférieures.

Il y a 3 mois, après ablation de la matrice (myome en état de dégénérescence

myxomateuse), augmentation de la' parésie des extrémités inférieures, notam-

ment de la droite. La malade cesse de marcher, ne quitte pas le lit ; appari-

tion d'une douleur insignifiante en ceinture sur la cage thoracique, d'une durée

de quelques semaines. A cette même époque et pour la première fois, douleurs

légères et passagères dans les jambes et sous la poitrine. Depuis 6 semaines

elle perd ses forces ; depuis 5 semaines, le soir, plus rarement dans le jour, elle

a des crampes dans les pieds et éprouve la sensation d'un courant électrique,

qui, rapide comme l'éclair, parcourt la profondeur des jambes. Depuis un mois

accroissement de la parésie de l'extrémité inférieure gauche, jusque-là à mou-

vements assez libres. La malade a deux enfants bien portants ; a eu une fausse

couche, n'a pas connaissance de la vérole. Elle se plaint surtout de la parésie

des extrémités inférieures et de paresthésies multiples dans la moitié droite

inférieure de l'abdomen et de la fesse droite ; sensation de chaud sous les seins

surtout sous le gauche et tressaillement des muscles dans la région lombo-sa-

crée ; pas de douleurs ; constipation, parfois incontinence d'urine.

Etat présent. Organes intérieurs, nerfs crâniens, extrémités supérieures à

l'état normal. Extrémités inférieures : la droite ne fonctionne pas dans l'articu-

lation de la hanche ; soulevée, elle ne peut être maintenue et la jambe retombe

sur le lit; la malade ne peut accomplir l'abduction de la jambe.

Par contre, si on lui soulève la jambe, la malade redresse avec effort et de

façon insignifiante le genou plié, et elle peut dans une faible mesure ramener

la jambe vers la ligne médiane ; lui arrive-til de tenter un effort pour vaincre

la résistance afin de baisser la jambe, elle l'accomplit dans une mesure très in-

signifiante ; le pied droit et les orteils du pied droit ne bougent pas. Mouve-

ments correspondants avec la jambe gauche un peu plus libres, plus fortes ;

toutefois la malade ne peut pas remuer du tout le pied gauche ainsi que les or-

teils. Réflexes patellaires bilatéraux très vifs avec une trépidation patellaire ;

réflexes achilléens de vivacité moyenne, sans clonus du pied ; signe de Babinski

bilatéral.

Réflexes abdominaux faibles. Toubles de la sensibilité ; disparition du senti-

ment de la douleur et de la chaleur aux membres inférieurs, affaiblissement

de ces deux formes de la sensibilité sur le ventre, au niveau du sacrum et des

fesses, avec ligne supérieure délimitative répondant plus ou moins il la ligne

ombilicale (schéma de E. Flatau). Tonicité des muscles sans augmentation,

sensibilité tactile, sens musculaires normaux.

52 ROTSTADT

17 mars 1911. Douleurs lancinantes, dans les deux extrémités inférieu-

res ; sensation passagère de courant électrique, surtout au côté droit; oedème

du pied.

23. - Douleurs au sacrum dans la fesse droite, tiraillement douloureux en-

tourant la partie basse de l'abdomen.

30. - Douleurs avec tiraillement dans le sacrum, dans les jambes. Le ma-

lade ne se rend pas compte de la direction de mouvements et de la position des

orteils ; faible incontinence de l'urine et des fèces.

Tel est dans les termes généraux le développement du tableau clinique

d'une maladie de la moelle, par laquelle passe pendant une année,

une femme de 40 ans. Le cours inégal, l'origine et l'accroissement de

la paralysie du membre inférieur droit et beaucoup plus tard celui

du membre gauche, durant 9 mois,. sans aucun symptôme doulou-

reux avec des troubles de la sensibilité sous forme de changements disso-

ciés, tout cela pouvait faire croire qu'il s'agissait d'une tumeur intra-

médullaire. Cette supposition n'était vraisemblable que jusqu'à un certain

point si nous considérons, d'un côté les difficultés de distinction entre

une tumeur intra ou extra-médullaire et de l'autre, le rôle prépondérant

des douleurs dans le cours subséquent de la maladie. Du reste même les

troubles de la sensibilité du type des changements dissociés ne sont pas

toujours uniquement un symptôme de processus intra-médullaire; ils

peuvent en effet être parfois causés par la pression d'une tumeur extra-

médullaire ; par contre, comme le prouve l'observation de Krauss, ils

peuvent ne pas apparaître dans le cas de tumeur intra-médullaire.

Comme il a été dit, l'opération a été faite à Berlin par le profes-

seur Krause qui découvrit en effet une tumeur intra-médullaire à la

hauteur de la 9e vertèbre dorsale. L'absence de détails plus précis concer-

nant la localisation de la tumeur, sa taille, l'opération elle-même et ce

qu'est devenue la malade, tout cela ne nous permet pas d'analyser plus

complètement le cas en question.

En considérant certaines particularités des observations interprétées

plus haut, nous voulons avant tout souliguer la signification particulière

des symptômes douloureux, persistants, à localisation précise, pour exami-

ner la première période dans le développement de tumeurs extra-médul-

laires, et aussi extra-vertébrales. Dans l'observation IV en effet, durant

9 mois, dès l'origine de la maladie, les douleurs ont fait complètement

défaut, malgré la parésie progressive et toujours plus étendue des extré-

mités inférieures ; elles manquèrent également, en tant que symptôme

TRAITEMENT CHIRURGICAL DES TUMEURS DE LA MOELLE 53

fixe dans'la maladie subséquente. Aussi, vu l'évolution irrégulière avec

troubles de la sensibilité à type de modifications dissociées, a-t-on judi-

cieusement supposé l'existence d'une tumeur intra-médullaire.

Par contre, dans les observations 1 et II les douleurs constantes, à type

radiculaire, à force variable et à localisation précise, ont été, dès le com-

mencement de l'observation, à juste titre l'indice prédominant de la loca-

lisation d'un néoplasme, comprimant les racines postérieures, à l'exté-

rieur de la moelle.

Notre observation 1 rappelait, dans sa période douloureuse, sous

bien des rapports', le cas de Martius, dans lequel la névralgie, à type

radiculaire, exactement localisée, a été pendant 6-7 mois le seul symp-

tôme d'une compression initiale de la moelle par une tumeur extramé-

dullaire. Malgré l'absence de symptômes médullaires le malade a été

opéré (Sick) et on découvrit en effet, partant de l'arachnoïde, une tumeur,

dont l'énucléation supprima les douleurs, rendant en même temps la santé

au malade. Dans les deux cas décrits plus haut l'influence nettement

néfaste de l'appareil d'extension sur les phénomènes de compression en

général et sur l'intensité des douleurs en particulier, contribua notable-

ment à faciliter le diagnostic. Oppenheim a attiré l'attention sur ce symp-

tôme dont l'importance diagnostique est également souligné par Flatau

dans sa monographie sur les tumeurs médullaires.

Dans les observations 1 et II, malgré la localisation des néoplasmes sur

le côté de la moelle, d'un seul côté, l'ensemble des symptômes de Brown-

Sequard firent défaut. Par contre, dès le développement des symptômes

compressifs, apparut l'affaiblissement dominant d'une extrémité, la droite,

c'est-à-dire du côté où la tumeur était localisée. Dans l'observation III

pareille prépondérance de l'affaiblissement attaquant l'extrémité infé-

rieure gauche (la tumeur a poussé du côté gauche) n'a pu être observée

par nous par suite des symptômes spastiques particulièrement développés.

Flatau attire surtout l'attention dans sa monographie sur l'affaiblisse-

ment prédominant d'une extrémité et justement du côté de la localisation

de la tumeur et sur l'importance diagnostique de ce symptôme dans la

période de développement des symptômes de compression. Nous ferons

remarquer du reste que l'observation I, témoignant du développement de

la paralysie des extrémités inférieures dans le sens ascendant, à mesure de

l'accroissement de la pression par la tumeur méningée, confirme l'opinion

déjà établie,- d'après laquelle le type ascendant dans le développement des

symptômes médullaires peut apparaître autrement que sous l'influence

de l'épanchement d'une tumeur intramédullaire.

Au point de vue pratique les observations 1 et II méritent une atten-

tion particulière : la première, eu égard aux symptômes cardiaques qui

54 ROTSTADT

se manifestèrent à plusieurs reprises pendant la période de convalescence,

la deuxième par suite de la double opération chirurgicale.

Dans l'observation I, l'arythmie prononcée et l'allorythmie étaient

parfois si angoissantes que le malade croyant sa mort prochaine, de-

manda à voir sa famille. Quoique le malade prétendit que des symp-

tômes pareils, cependant à un degré très faible, se soient manifestés éga-

lement avant l'opération, il y a cependant lieu de penser que leur pa-

roxysme répété était le fait cependant d'une modification dans la moelle,

survenue après l'ablation de la tumeur. En effet simultanément avec les

troubles cardiaques caractéristiques, apparaissaient toujours des douleurs

en ceinture dans la région sous-costale très violentes; la disparition de

ces douleurs était suivie graduellement de la disparition des troubles du

coeur. Il est possible que la cicatrisation de la 'plaie de la moelle, rela-

tivement dans le canal de la colonne vertébrale après le traitement, ait

causé l'excitation des méninges ainsi que des racines postérieures à ca-

ractère passager. Ces douleurs pouvaient agir par contre-coup sur le

muscle cardiaque affaibli par une autre cause. En outre de cette hypo-

thèse, il en est une autre encore possible, c'est que, malgré l'ablation de

la tumeur, la dynamique de la circulation libre du liquide céphalo-ra-

chidien dans son conduit un peu changé ne s'équilibre pas immédiate-

ment et définitivement, mais au contraire est sujette, pendant un certain

temps encore, à des hésitations momentanées qui à leur tour se répercu-

. lent sur les fonctions des noyaux bulbaires. Cela a été observé du reste

dans certains cas de tumeurs de la moelle. Cette hypothèse, légèrement

différente, n'exclut pas le moins du monde le rôle et l'influence sur le

développement des symptômes cardiaques, des irritations des mé-

ninges en relation avec la cicatrisation de la plaie à la suite de l'opéra-

tion. Pour la guérison des symptômes cardiaques en question, ainsi que

des douleurs dans la région sous-costale, nous appliquions des prépara-

tions de digitale, de codéïne (0.02) et de camphre monobromé avec ré-

sultat tout à fait satisfaisant ; les symptômes cardiaques disparaissaient,

le pouls redevenait plein, rythmique au bout de quelques jours.

L'observation II nous enseigne qu'il ne faut pas reculer devant une

double opération chirurgicale, dans les cas où la nature de la tumeur n'en

permet pas l'énucléation complète ; cela peut concerner principalement

les néoplasmes extramédullaires comme cela a justement eu lieu dans

notre observation II. Malgré la paralysie récidivée des extrémités infé-

rieures,l'amélioration des mouvements se produisit plus rapidement encore

après la deuxième opération qu'après la première. Ensuite, quoique, à

vrai dire, le second traitement n'ait pas, en définitive, complètement

guéri le malade, toujours est-il qu'il améliora considérablement, son état,

TRAITEMENT CHIRURGICAL DES TUMEURS DE LA MOELLE 55

lui rendant le mouvement dans les extrémités inférieures, ce qui lui per-

met de recommencer à marcher. En outre l'état général s'améliora nota-

blement ; le malade se sentirait après l'opération tout à fait bien sans le

retour des douleurs qui, jusqu'alors continuaient à le tourmenter.

Nous aimerions attirer encore ici l'attention sur une circonstance qui, à

notre avis, possède une importance pratique particulière. Dans la pre-

mière opération, tout comme dans la seconde on n'a pas considéré comme

indispensable d'inciser la dure-mère; on s'est bOl'l1ésimplemen t à en séparer

la tumeur. En agissant ainsi on est parti de cette thèse que, premièrement

pour les tumeurs sarcomateuses, la dure-mère constitue généralement la

limite au delà de laquelle généralement la masse néoplasique ne pénètre

pas ; secondement nous avons considéré et nous considérons l'écoulement t

rapide et excessif du liquide céphalo-rachidien comme étant un fait souvent

très dangereux, qu'il y a lieu d'éviter autant qu'on lepeut.

Revenant une fois encore à l'observation II nous soulignerons l'appa-

rence trompeuse pour le diagnostic différentiel des douleurs dans la cage

thoracique, non loin du sternum et à l'endroit de jonction des côtes

avec le sternum. Ces douleurs apparaissaient de temps en temps, se ma-

nifestaient avec une telle violence qu'elles attiraient toute l'attention du

malade. La pression sur ces endroits provoquait une douleur encore plus

grande, et particulièrement forte, aussi croyait-on, dans les commence-

ments, à la possibililé d'une métastase de la tumeur dans le tissu osseux.

Cependant le cours subséquent de la maladie ainsi que l'état actuel du

patient ont démontré tout le caractère illusoire de ce symptôme ; les dou-

leurs disparurent et dans la suite on ne constata nulle part des métas-

tases. Les remèdes ordinaires contre la douleur avaient toujours un résul-

tatfavorable, diminuant pour un temps plus long les douleurs dans la

cage thoracique.

Les observations 1 et II accroissent le nombre de tumeurs de la moelle

opérées avec succès, même avec guérison complète dans notre cas I. La

littérature de ces quelques dernières années, discutée par Martius dans sa

dissertation, témoigne de la quantité toujours croissante d'opérations réus-

sies, dans les cas de tumeurs méningées. D'un autre côté, le traitement

opératoire dans les observations de Krauss, Auerbach, Veraguth, Schlap,

prouvent aussi que la chirurgie des tumeurs intramédullaires est entrée

dans une période prospère.

PSYCHOSE A BASE D'INTERPRÉTATION PASSIONNÉE

UN IDÉALISTE PASSIONNÉ DE LA JUSTICE ET DE LA BONTÉ

PAR

Maurice DIDE,

Directeur-Médecin

et

Mlle Juliette LEVÈQUE,

Interne en médecine

(de l'Asile de Toulouse).

L'un de nous (1) a récemment fixé les limites d'un nouveau groupe-

ment clinique où l'interprétation passionnée, opposée à ['interprétation

délirante, sert de lien pour grouper une série d'anormaux étudiés de

façon un peu disparate jusqu'ici. Cette notion trouve trop souvent son

application, pour que nous résistions au plaisir de poursuivre son analyse

à l'occasion d'un cas concret.

Il est hors de doute que l'observation des malades a toujours quelque

chose de plus touffu qu'un enseignement doctrinal théorique, mais on se

rendra compte que la notion qui vient d'être introduite en séméiologie,

permet une connaissance plus adéquate du sujet qui nous occupe.

Afin de fixer les idées, nous rappellerons très sommairement les carac-

tères généraux de l'interprétation passionnée et ses limites. On verra

combien la distinction est facile avec le délire d'interprétation.

L'il1terprélateUI' passionné a brusquement la révélation de la voie qu'il

doit suivre ; c'est une psychose d'intuition, d'inspiration et aussi d'imagi-

nation, basée sur l'euphorie de la certitude.

L'interprétateur délirant, au contraire, procède par étapes successives ;

son délire s'étend graduellement et n'arrive qu'après de longues années

à sa formule intégrale. C'est une psychose d'incertitude, d'interrogations,

de perplexité pessimiste (Sandberd).

L'interprétateur passionné a pour axe de sa psychose, d'après Wernicke,

une idée prévalente, d'après l'un de nous (2) une inclination fixe, car en

l'espèce un état affectif puissant réalisera une systématisation presque

primitive.

(1) Maurice Dide, Les Idéalistes passionnés, 1 vol. de la Bibliothèque de Philosophie

contemporaine, chez Alcan, 1913.

(2) Maurice DIDE, La Médecine mentale du praticien, en préparation chez Masson.

UN IDÉALISTE PASSIONNÉ DE LA JUSTICE LT DE LA BONTÉ 57

1.'interhrétatealr délirant aura toujours plusieurs idées directrices dans

-son délire et c'est tardivement que leur nombre diminuera ; l'état affectif

incertain conduira à une systématisation progressive et plus lointaine.

Les modalités de l'interprétation passionnée seront fournies par les

plus hautes aspirations humaines : l'amour abstrait, l'amour divin, la

recherche de la boulé, de la beauté, de la justice.

Les modalités de l'interprétation délirante seront moins riches, moins

- truculentes et auront surtout à leur base des idées de préjudice, et,

comme l'un de nous le montrera prochainement, les formes cliniques en

sont fournies par l'association avec d'autres troubles affectifs (délire mé-

lancolique, délire hypochondriaque, délire maniaque, etc.).

Une première tentative a été faite dans le sens que nous indiquons par

.Sérieux et Capgras (1) qui ont nettement séparé le délire de revendica-

tion du délire d'interprétation.

Nous élargissons la conception de nos savants confrères Parisiens et

surtout nous montrons l'importance de la fixité des inclinations et le rôle

des interprétations passionnées : la psychose de revendication est pour

ainsi dire le terme du passage des idéalistes passionnés vers le délire

d'interprétation, mais l'axe de la synthèse psychologique nouvelle est

assez distant de cette dernière forme, aujourd'hui classique.

Le caractères généraux des idéalistes passionnés sont accusés et per-

mettent aisément de les reconnaître : généralement tarés, héréditairement,

fils de mystiques ou d'aliénés, ces anormaux entrent dans la psychopathie

au sortir la puberté; ils sont habituellement mystiques et frigides au

point de vue général ; en tous cas, les anomalies de la sphère génitale sont

très fréquentes. Leur tendance idéaliste, révélée de très bonne heure, ne

se manifeste qu'après une période de rumination intellectuelle. Ils évo-

luent durant toute leur vie, sans extension appréciable de leurs phéno-

mènes morbides et si la traduction en est variable, elle correspond à une

identité de tendance. On ne note jamais ni hallucinations ni alfaiblisse-

ment intellectuel, et si l'exagération de la personnalité esl essentielle,

jamais elle n'arrive aux idées méâalomoniaques ; si des interprétations

délirantes sont notées elles sont épisodiques et contingentes.

Les'réactions sont variables suivant la modalité : elles sont souvent t

cruelles et résultent de la poursuite outrancière de la vérité supposée ;

les amoureux mystiques veulent voir à tout prix réaliser leur rêve ; les

idéalistes de la bonté originale aboutissent souvent a l'anarchie ; les idéa-

listes de la beauté arrivent au sadisme,; les idéalistes de la justice, s'ils

sont altruistes, fournissent les réformateurs politiques, les régicides, et

(1) Le délire d'interprétation, 1 vol., chez Alcan, 1909.

58 ' DIDE ET LEVÈQUE

constituent,'au moment des grands mouvements populaires, de véritables

calamités sociales ; s'ils sont égoïstes, ils produisent les revendicateurs.

Dans l'exemple qui va suivre, on voit se développer chez un homme

d'intelligence moyenne une psychose à base d'interprétation passionnée,

portant surtout sur l'idéalisme de bonlé et de justice.

On y constaterai à titre épisodique, quelques interprétations délirantes ;

Observation (pal. XI).

Le « Père Eternel », ainsi qu'on le nomme à l'Asile, réalise le type achevé

du CI beau vieillard ». Petit de taille, mais portant haut le front, avec un clair

regard bleu qui luit sur un visage bronzé, la tète toujours découvel tp, nimbée

de cheveux blancs en auréole de patriarche, vif et alerte, il remplit avec une

honnête ponctualité les fonctions d'aide-jardinier. On le voit souvent traverser

les cours, affairé, traînant un peu la jambe gauche, plus courte depuis un ac-

cident ; niais, dès qu'on l'interpelle, il s'approcha joyeux, car il a toujours un

bon petit discours à placer. La voix est agréable, bien timbrée, et, sans le voir,

on peut deviner sa présence à son ton un peu oratoire à ses phrases senten-

cieuses empruntées à la forme imagée des sermons évangéliques.

L... appartient à une famille doublement tarée : l'un de ses frères pst mort

aliéné ; il y plusieurs tuberculeux parmi ses ascendants. Les antécédents

pathologiques du malade sont peu intéressants.

Au point de vue psychologique, au contraire, en remontant dans son passé,

on constate en lui une personnalité qui s'aflirme précocement. Dès l'âge de

six ans, un gros chagrin déchira son coeur de petit eufaut.

Il fut jaloux de son frère qui allait naître et, longtemps, sa tendresse pour

sa mère s'en trouva bouleversée.

Il fut hou écolier, nous dit-il. Ambitieux déjà, il voulait travailler pour être-

général. Il se souvient des moindres détails qui concernent cette époque loin-

taine de sa vie. Le jour de la distribution des prix, ie président dit à sa mère

qu'il était regrettable de ne point prolonger ses études. Mais le père, charcutier

par profession et tra,litionnaliste par tempérament, jugea inutile de mettre à

profit ses remarquables dispositions, et lui assigna une place dans la boutique

familiale.

Il se consola derrière l'étal en lis : mt Buffon, et les oeuvres de Dumas père

contribuèrent il lui donner sou « caractère généreux ». Plus heureux que le

duc de Bourgogne, il pourra profiter plus tard des aventures de Télémaque-

dont, à 13 ans, il comprenait la portée politique et morale.

A 17 ans, il se sent esclave sous l'Empire, et veut la République. Il assiste,

eu 86J, à une réunion politique et reproche à son père d'avoir volé pour

l'empereur. Mais celui ci, qui ne considérait pas comme vulgaires les leçons*

de choses empruntées à son métier, lui répliqua : « Uu empereur est un gros-

cochon qui s'est engraissé de la sueur du peuple, quand il y aura plusieurs

petits, ce sera pire. »

Dans le commerce, il aspira toujours à la fortune. Mais le sort n'eu décida.

NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALPÊTRI1' : RE.

T. XXVI. PI. XI

PSYCHOSE A BASE D'INTERPRETATION PASSIONNÉE

UN IDÉALISTE PASSIONNÉ DE LA JUSTICE ET DE LA BONTÉ

(M. Dide et Mlle J. Levéque).

Masson & Cie, Editeurs

UN IDÉALISTE PASSIONNÉ DE LA JUSTICE ET DE LA BONTÉ 59

point ainsi, heureusement pour ses doctrines, car sans cela il eût failli à sa

mission. « Un riche ne pense qu'à lui, nous dit-il, et Dieu se sert de la misère

pour développer le génie. »

Il se maria à l'âge de 24 ans, dans le secret espoir de faire aussi mieux pros-

pérer ses affaires. Mais il se trompa, car le manque d'ordre de sa femme le

força plus tard à abandonner une situation péniblement acquise. Il ue tarda

pas à se brouiller avec elle et lorsqu'il chercha une occupation à Paris, elle

refusa de l'y suivre. Depuis lors, sa conduite ne fut plus régulière. Ayant eu

la preuve de ses légèretés, il lui proposa une séparation à laquelle sa famille

s'opposa. Des lors, il partit pour l'Algérie afin de mettre entre eux une bar-

rière légale suffisante pour u'avoir point à légitimer des bâtards.

Ce fut une précaution inutile, car elle devint tuberculeuse et, peu de temps

après, il lui envoya son fils, « par commissération pour elle. »

En Algérie, il devint boucher. Ce changement de métier lui profita, mais

treize jours de garnison lui causèrent de nouvelles mésaventures. Il confia la

gestion de ses affaires à un camarade peu scrupuleux, qui abandonna sa mai-

son en emportant sa caisse. Dès son retour du service, il se vit donc contraint

de céder son londs pour redevenir simple ouvrier. Peu de temps après, il fit

la connaissance d'une femme de moeurs légères. Ses malheurs passés n'avaient

point découragé son optimisme et il tenta sa rédemption morale. « Puisque

une femme honnête m'a trompé, se dit-il, si je puis-m'attacher celle-ci, qui

ne l'est point, elle me restera fidèle. 1) Il s'établit une liaison entre eux avec

promesse de l'épouser si elle était raisonnable. En revenant en France pour

régler la succession de son père, il songea sérieusement à s'engager envers

elle, mais, redoutant les obligations d'un lien religieux, il se maria civilement

en séparation de biens. »

Il s'établit à Anzin où il fut ruiné par les grèves, puis encore une quatrième

fois par une coopérative d'ouvriers du faubourg de Cambrai, à Valenciennes.

La même année, employé chez un industriel, en 1886, il ouvre la série de ses

découvertes. Parmi les moindres, nous pouvons citer celle du mouvement

perpétuel dont l'application fut réservée par un brevet. devait payerlOO francs

par an pour en conserver la propriété ; l'Etat en bénéficie depuis longtemps,

nous dit-il, mais c'est « une serrure sans la clef qu'il conserve en sa posses-

sion. »

Il ne veut plus ensuite travailler dans la charcuterie ni la boucherie, car il

se refuse à se laisser exploiter par des patrons qui profiteraient de ses capaci-

tés. Il a découvert, en effet, le moyen d'empêcher la viande de se gâter. Il

entre alors chez un industriel, fabricant de baleines. Il reste vingt ans dans

cette maison. En 1891, il découvrit le moyen d'empêcher les cheminées de

fumer ; pour cela, les gaz de combustion allaient se noyer dans une nappe

d'eau ; il immergeait ainsi les suies et les gaz seuls se dégageaient.

Mais les événements politiques allaient le faire entrer dans sa période d'ac-

tivité doctrinale.

Vaillant condamné à mort, il réclama sa grâce à Carnot par une lettre,

disant qu'il avait jeté sa bombe sur un Parlement parjure à ses devoirs.

60 D1DE ET LEVLQUE

Si justice n'était point rendue, la condamnation- de l'anarchiste retomberait

lourdement sur la tête du Président et il lui arriverait malheur. On l'interna

à la suite de cet écrit. En cherchant à s'évader, L... sauta un mur et se cassa

la jambe. Le jour même où il quitta l'asile, Carnot fut assassiné, réalisant sa

prophétie lugubre.

C'est pendant ce court séjour dans une maison d'aliénés, qu'il entendit la

voix de son père lui dire : « Alexandre, tu iras à l'hôpital ». Cette phrase,

sans grande portée,- lui révéla cependant l'immortalité de son père et, eu rai-

sonnant par analogie, la sienne; immortalité sur laquelle il édifie son rôle

« social et humain ». C'est la seule hallucination verbale que le malade ait eue

dans sa longue période délirante. Le soir, avant de se coucher, il fait sa prière

et aussitôt après il entend un concert d'oiseaux, tantôt d'une espèce, tantôt

d'une autre. La nuit, quand il se réveille, il les entend encore et de même

quand il s'ennuie dans la journée. 'Dieu le console ainsi. Quand Dieu a une

communication à lui faire, il lui donne un rêve qui lui indique la route à

suivre.

Après sa sortie de l'Asile, il revient dans la même fabrique. Il s'occupa

beaucoup, dit-il, de politique, de médecine et d'agriculture. u L'agriculture,

«'est l'avenir prochain ; d'ici peu, tons les produits du sol seront travaillés sur

place et cela entraînera la dépopulation des villes. » Lecteur assidu du Petit

Journal, il suivait la politique et les articles scientifiques, car cela seul l'inté-

ressait.

Du 1898, il se décide à poser sa candidature à la députai ion ; il affiche la

déchance du Parlement et appelle le peuple aux armes, en déclarant la patrie

en danger. Le Parlement comprit par là qu'il était l'Empereur du siècle passé

(Napoléon ¡<rJ, devenu pacifique, c Je suis l'homme primitif qui a traversé

l'humanité pour remettre le peuple en place. Je suis le fondateur de la reli-

gion humaine. L'homme ne meurt pas. Quand la république existera, l'homme

sera très heureux et ce sera la loi de Dieu qui régnera par ses dix commande-

ments. L'avenir de la France a été écrit par moi en 1894. » On lança contre

lui un mandat d'arrêt, mais il était protégé par sa candidature politique, scien-

tifique et humaine. Il arriva sans ressources aucunes à réunir un comité

d'élection qui paya toutes les dépenses de sa campagne électorale. Au moment

des élections, il écrivit la constitution de l'Etat futur : « Le gouvernement qui

succédera à celui-ci sera un gouvernement scientifique. Le Conseil d'Etat sera

composé des membres suivants : du Président de la République et des prési-

dents du Conseil des Ministres, des familles royales ayant régné en France et

des hommes de loi en nombre suffisant pour préparer les lois. Tous ces gens

étant tombés du pouvoir par leur faute auront l'expérience acquise. Les lois

préparées à la Chambre (il n'y en aura qu'une), seront acceptées par le chef

du gouvernement. Refusées, elles seront présentées au peuple par le Conseil

d'Etat. Le chef de l'Etat sera nommé par le peuple ; il sera le représentant de

la loi qu'il jurera de faire respecter, soit à la représentation nationale, soit à

l'étranger, et il aura le droit de choisir ses Ministres.

Après son échec à la députation, il revint chez lui et travailla comme simple

UN IDÉALISTE PASSIONNÉ DE LA JUSTICE ET DE LA BONTÉ il)

ouvrier. Plus tard, il'se présenta aux élections municipales, seul, sans s'inféo-

der à aucun parti. « Aux Lilas » (Seine), sur la vue de son programme affiché,

les habitants de la localité se cotisèrent pour payer les frais. Il ne fut pas

nommé. Il se présentait en même temps comme conseiller général. Il échoua,

nous dit-il, parce que ses concitoyens et électeurs disaient qu'il visait trop

haut.

En 1903, il voulut faire valoir son invention pour supprimer la fumée des

cheminées, mais alors sa femme chercha à le faire interner. Il souffrait d'une

hernie. Le médecin, consulté, lui donna un billet d'entrée pour l'hôpital, per-

suadé que ce papier le conduirait à l'asile, il s'échappa le soir même et coucha

à l'Asile de nuit. Opéré à Necker. En rentrant chez lui, il trouva sa maison

vide, car sa fpmme était partie. Effrayé alors, il s'évada comme un malfaiteur

et vécut en vagabond pendant six mois. Il ne souffrit jamais de la faim, car

lorsqu'il trouvait un paquet sur son chemin, il savait qu'il était préparé pour

lui. Mais, après quelque temps d'oisiveté, il se remit à travailler pour faire

imprimer ses écrits sans se décourager, car il savait bien, nous dit-il, que ses.

épreuves tourneraient à son profit.

« Le passé pour moi est mort, car il ne reviendra plus ; l'avenir seul m'in-

téresse, car il appartiendra aux savants et aux vieillards, qui sont les sages des

nations. Etant le plus vieux el le plus expérimenté des hommes, j'en aurai ma

part de revient ». « Vous êtes le plus vieux des hommes ? ... ». - « Mais oui,

puisque j'ai été le premier homme Adam ! ... ». - « Vous avez été aussi

Napoléon ? ... ». « oui. et Louis XIV également. Avec lui, j'étais l'Etat, de

même avec l'Empire. C'est la deuxième Constitution qui corrige la première

L'homme revient de siècle en siècle. Comment s'expliquerait-on autrement

les enfants prodiges qui jouent du piano à cinq ans comme des virtuoses. Le

corps meurt, mais l'esprit ne meurt pas et revient dans le corps d'un autre.

Je suis indestructible d'esprit. Ma lutte homérique avec Dieu est terminée. Il

m'a vaincu par sa bonté. Il a parlé à mon coeur de père et m'a fait voir l'abîme

où la France et l'humanité crouleraient, sans les idées qu'il m'a mises dans le

cerveau. Elle est commencée avec l'hérésie, avec la civilisation qui est la bar-

barie dégénérée, l'asservissement des peuples et leur exploitation. Elle durera

jusqu'à ce qu'il n'y ait plus de combattants. Je passe ici-bas pour former la

ligue des croyants qui doit lutter contre celle des civilisateurs... Je ne veux

ni action ni réaction, la réaction serait un retour au passé qui est une erreur,

l'action est l'erreur du présent. Je dois en France réconcilier les deux frères

ennemis, pour en faire deux amis. Je dois supprimer les octrois, rétablir les

provinces, imposer les contributions à la source des produits, empêcher les

spéculations des jeux de bourse.

« Je dois aussi faire l'essai de la chasteté dans le mariage et je serai ainsi la

dernière expression de Dieu sur la terre. Dieu, qui après avoir envoyé son fils

sur la terre a donné aux hommes l'exemple de la chasteté et leur en avait fait

une loi ne peut les condamner sans essayer une dernière entreprise en leur

faveur. Il sera donc induit en tentation au péché de la chair, tout en ayant une

femme jeune et aimable. D'autres femmes non moins belles s'offriront à lui.

62 DIDE ET LEVNQUE

Mais il ne croit pas être vainqueur de ce dernier combat des sexes, car lut-

terait contre la nature. Et, de ce fait, pour lui et à cause de lui, l'Humanité

pécheresse ne sera point condamnée ».

Comme on le voit par cette observation, notre malade a poursuivi en

dépit de tous les obstacles la mission qu'il s'était donnée. Il veut le triom-

phe de la justice au point de vue social, l'égalité pour tous. Au point de

vue des sexes, il confère à la femme un rôle aussi important qu'à l'homme

dans la société, mais il la veut surtout mère de famille. A l'homme, l'ex-

térieur et la politique ; à la femme, la direction de la maison. Il rêve d'une

Bonté dirigeante qui obtiendra le pardon de l'humanité coupable, au mo-

ment où la sévérité de l'être suprême proclamera un solennel verdict.

Ainsi que l'un de nous le dit ailleurs, la critique rationnelle est évi-

demment très diminuée chez ce genre de malades, soit que la passion

l'inhibe, soit qu'elle reste faible congénitalement. Les idéalistes passion-

nés peuvent se recruter chez des gens d'une intelligence normale, aussi

bien que chez des débiles. Chez ceux dont la personnalité intellectuelle

est éminente, les erreurs passionnelles se trouvent ultérieurement recti-

fiées ou atténuées à un tel point qu'elles sont d'importance réduite.

Il nous a paru intéressant de signaler les conceptions d'un homme dont

le rang social et l'instruction très inférieure, le préparaient si peu à des

préoccupations d'un tel ordre. Son existence met bien en valeur l'auto-

rité croissante prise en lui par ses tendances naturel les vers la Justice et la

Bonté devenues pathologiques et non réfrénées par son jugement, tandis

que son substratum intellectuel ne lui permettait pas d'entrevoir la fra-

gilité et la naïveté de ses espérances.

NOUVELLE Iconographie DE la Salpêtrière.

T. XXVI. PI. XII

UNE VERTÈBRE LOMBAIRE SURNUMÉRAIRE CHEZ UNE MOMIE ÉGYPTIENNE

DE LA XIe DYNASTIE

(M. Bertolotti).

Masson & Cie, Editeurs.

UNE VERTÈBRE LOMBAIRE SURNUMÉRAIRE COMPLÈTE

CHEZ UNE MOMIE ÉGYPTIENNE DE LA XIe DYNASTIE

TROUVAILLE RADIOGRAPHIQUE

PAR

M. BERTOLOTTI (de Turin),

Directeur de l'Institut Radiologique de l'Hôpital Majeur de Turin,

Docent privé à la Faculté.

C'est en mars 1911 que M.le Professeur Schiapparelli,l'éminentDirec-

teur du Muséum anthropologique de la Ville de Turin nous proposa de

bien vouloir transporter une petite installation radiographique dans l'in-

térieur même du Muséum pour pouvoir étudier, à l'aide des rayons de

Rôntgen, des momies Egyptiennes de la plus grande valeur archéologique

qu'il avait fait transporter dernièrement du Caire. Il s'agissait en effet de

vérifier par la radiographie si, à l'intérieur de leurs bandes anciennes de

plus de 3.000 ans, l'on pouvait relever la présence d'objets précieux no-

tamment d'amulettes enfermées à la place du coeur, selon la coutume des

Egyptiens.

Notre investigation radiologique fut faite sur toute une série de momies

de la XIe dynastie appartenant au Xe siècle avant- J.-C. Pendant le cours

de nos examens systématiques, il nous a été donné de radiographier une

petite momie qui nous montra une anomalie curieuse; c'est-à-dire la pré-

sence d'une vertèbre surnuméraire complète de la région lombaire.

Nous donnons ici le cliché de la momie radiographiée (PI.XII). Il s'agit

d'un enfant probablement âgé de 6 à 8 ans.

On peut fixer avec une certaine précision l'âge de l'enfant en étudiant

la configuration de la mâchoire inférieure.

L'on voit en effet que les deux incisives inférieures ont déjà percé le re-

bord alvéolaire, tandis que les dents canines et les prémolaires de deux côtés

sont encore enfermées complètement dans leurs capsules germinatives.

L'état des cartilages épiphysaires correspond du reste à cet âge ; nous

ferons remarquer en effet, que si l'état des cartilages de conjugaison

des os longs n'est pas bien démonstratif à cause de leur mauvaise conser-

vation et encore à cause de la posture de la momie, il en est tout autrement

64 BERTOLOTTI

pour l'état d'ossification des vertèbres. L'on peut voir très bien les cartilages

épiphysaires des vertèbres lombaires.

La momie est placée dans la position classique avec les deux avant-bras

croisés sur la poitrine, et l'on peut voir que la main droite est distendue

à plat sur l'épaule gauche, tandis que la main du côté opposé est fermée

en poing. Les taches marbrées que l'on voit dans la cage thoracique et en

particulier dans l'abdomen sont dues au papyrus employé dans le procédé

d'embaumement, par les Egyptiens. -

La cage thoracique n'étant pas abîmée, l'on peut constater avec exacti-

tude le nombre des vertèbres de la région dorsale et le nombre des côtes.

Nous relevons donc la présence de 12 vertèbres dorsales et de 12 côtes.

Après la 12° vertèbre dorsale nous comptons encore, en toute évidence

6 segments vertébraux individualisés avant d'arriver il la 1" vertèbre

sacrée ; nous sommes donc en présence d'un cas présentant une vertèbre

lombaire surnuméraire complète chez une momie égyptienne d'un âge

très reculé.

Il est oiseux de dire que nous n'avons pas relevé semblable anomalie

chez les autres momies nombreuses radiographiées et que cette constata-

tion est demeurée isolée.

C'est qu'en effet les modifications du nombre des vertèbres de la co-

lonne vertébrale sont absolument exceptionnelles. Elles comportent des

variations de nombre par défaut et des variations de nombre par excès

(Testut). 1

Selon Ledouble, l'augmentation du nombre des segments de la colonne

vertébrale constituerait sans conteste un caractère d'infériorité ; l'ontogé-

nèse montre en effet que le nombre des articles rachidiens augmente à

mesure que l'on descend dans l'échelle des êtres.

Encore faut-il bien distinguer les cas où les segments d'une région ra-

chidienne étant augmentés de nombre, il y a compensation dans le nom-

bre des vertèbres de la région voisine,qui sont diminuées en proportion.

Les anomalies compensées, en réalité, sont les plus fréquentes, tandis

que les anomalies non compensées sont beaucoup plus rares.

Dans notre momie égyptienne il s'agit bien d'un cas d'anomalie non

compensée, puisque le nombre des vertèbres dorsales est normal et que

nous avons trouvé six articles lombaires au lieu de cinq.

Nous devons ajouter toutefois que dans notre cas il ne nous a pas été

donné d'étudier, ni le nomhre de vertèbres cervicales, ni le nombre de

vertèbres sacrées. Notamment l'étude du nombre de ces dernières aurait t

été très- intéressante pour voir si réellement l'existence de vertèbres

VERTEBRE L011BA1R1. SURNUMERAIRE COMPLETE CHEZ UNE MOMIE 65

surnuméraires de la région lombaire pourrait s'expliquer avec la théorie

de l'ascension du bassin donnée par Regalia en 1880.

Selon Regalia en effet le bassin dans le cours de son développement

ontogénique n'est pas fixé, mais remonte lentement au long de la co-

lonne vertébrale en prenant rapport avec des vertèbres de plus en plus

élevées.

Supposant donc que chez notre momie, pour une cause quelconque,

le bassin se soit arrêté dans son ascension, le nombre des vertèbres lom-

baires se trouverait augmenté, tandis que resteraient diminuées les ver-

tèbres suivantes.

Malheureusement il ne nous a pas été possible de vérifier la théorie de

Regalia en déterminant le nombre des vertèbres sacrées.

Quoi qu'il en soit il ne reste pas moins intéressant, celte curieuse ano-

malie ayant trait à l'existence d'une vertèbre surnuméraire lombaire,

véritable trouvaille radiographique faite à 3.000 ans de distance chez

une momie égyptienne de la XIe dynastie.

Le gérant : P. Bouchez.

Imp. J. Thevenot, Saint-Dizier (Haute-Marne).

INFANTILISME HYPOPIIYSAIRI';

PAR

A. SOUQUES et STEPHEN CHAUVET.

Il suffit de parcourir les publications de ces dernières années, relatives

aux troubles de la croissance, pour s'apercevoir immédiatement que le

sujet est des plus confus et que les opinions des auteurs divergent à

maints points de vue.

A côté de questions de pathogénie sur lesquelles l'accord n'est pas

fait, il existe des questions de terminologie qui contribuent à embrouiller

les discussions. Des termes multiples ont été créés pour désigner les

mêmes syndromes; par contre aussi les mêmes termes sont souvent

employés, par des observateurs différents, pour étiqueter des syn-

dromes dissemblables. Aussi importe-t-il, avant toutes choses, de définir

de façon précise ce que l'on doit entendre par « infantilisme » .

La définition suivante nous semble satisfaisante : « L'infantilisme est

un syndrome somatique, caractérisé par un arrêt général du développement

de l'organisme, c'est-à-dire par la persistance, chez un sujet ayant dépassé

l'âge de la puberté, des principaux caractères morphologiques propres à

l'enfance : hypoplasie ou atrophie des organes génitaux, absence des carac-

tères sexuels secondaires, petitesse ordinaire de la taille, existence des

cartilages de conjugaison, conformation puérile du tronc. »

L'infantilisme a été considéré, jusqu'à présent, comme relevant toujours

de l'insuffisance thyroïdienne. Celle-ci semblait une condition sine qua

non, et, si l'on admettait que les autres glandes endocrines (hypophyse,

testicules, ovaires, surrénales) pouvaient être plus ou moins altérées, et

trahir leurs altérations par différents troubles, on pensait que ces

altérations étaient très secondaires, presque négligeables, et ne jouaient,

en tout cas, aucun rôle décisif dans la genèse du syndrome infantilisme.

Celui-ci étant donc, en quelque sorte, le privilège morbide de l'hypo-

fonctionnement thyroïdien, on ne le concevait qu'accompagné d'un état

myxoedémateux, plus ou moins marqué suivant les cas.

xxvi 5

70 SOUQUES ET STICPHEN CHAUVET

Vouloir décrire un infantilisme non thyroïdien, vouloir assigner il

ce nouvel infantilisme une origine hypophysaire, en le faisant relever

d'un trouble de la pituitaire qu'on considérait jusqu'à ces derniers temps

comme ayant la propriété exclusive d'exalter la croissance (acromégalie

ou gigantisme), cela pourrait paraitre téméraire. n'en est rien cependant :

il existe un infantilisme hypophysaire. Nous en avons observé un cas indis-

cutable, dont voici les détails (1) :

. OI;r.IvwrION.

Lescoublet, 27 ans (PI. XIII).

Antécédents héréditaires. - Son père, mort des suites d'uu accident, était

de taille moyenne et bien portant. Sa mère, encore vivante, est également de

taille moyenne et en parfaite santé. Elle a eu 6 grossesses : 5 filles, toutes

bien bâties, et en dernier lieu notre petit malade.

Antécédents personnels . - A 8 ans, l'enfant commence à avoir des maux

de tête presque journellement. Ces maux de tête s'accompagnaient parfois de

vomissements. A 9 ans, épistaxis fréquentes. A 10 ans, il s'aperçoit par

hasard, en jouant, qu'il ne voyait plus du tout de l'oeil droit, alors qu'il avait

une vision parfaite de son oeil gauche.

A partir de ce moment, il cesse de grandir. Les maux de tête deviennent

plus fréquents, survenant plusieurs fois par jour et s'accompagnant de vomis-

sements lors du paroxysme céphalalgirfue. Deux ou trois fois par semaine ap-

paraissaient des crises de bourdonnements d'oreilles durant un quart d'heure

environ chaque fois. Pas d'hypoacousie ni de vertiges. Pas d'obnubilation' pas-

sagère visuelle de l'oeil gauche. Constipation assez marquée il cette époque ; le

petit malade restait trois ou quatre jours sans se présenter à la selle.

De l'âge de 8 ans à 18 ans, L... n'a ni grandi, ni grossi. Il était alors em-

ployé, aux environs de Vannes, à garder les bestiaux. A 18 ans, il vient à

Paris. Ou le mesure, et l'on trouve 1 m. 16. Alors survient une sorte d'amé-

lioration dans son état ; de plus il s'alimente plus copieusement qu'aupara-

vant ; il grandit un peu et à 20 ans mesure 1 m 25 et pèse 30 kilogs environ.

A cette époque, il va consulter à Lariboisière pour un corps étranger du cul-de-

sac conjonctival de l'oeil gauche. Il entre (6 mai t901) dans le service du

Dr Morax, où l'on examine l'état de sa vision. On trouve, du côté droit, une

cécité absolue avec perte du réflexe lumineux direct et réflexe consensuel

conservé, et l'examen ophtalmoscopique révèle une papille à type atrophique

entièrement décolorée. Du côté gauche l'acuité visuelle est de 5/7, le champ

visuel et normal, et il n'existe aucune modification pathologique de la papille.

A 23 ans, il entre à l'hôpital Saint-Louis dans le service du Dr pour

des engelures et y reste deux mois. Pendant son séjour, il s'aperçoit que sa

vue baisse un peu : Il voit les objets dans leur totalité, mais de façon un peu

imprécise.

(1) Communication faite à la Société de Neurologie de Paris, le 7 décembre 191 ! .

NOUVELLE Iconographie DE la Salpêtrière.

T. XXVI. Pl. XII !

INFANTILISME HYPOPHYSAIRE

(A. Souques et Stephen Cbauvet)

Masson & Cie. Editeurs

INFANTILISME HYPOPHYSAIRE 71

A 25 ans, il retourne à Saint-Louis et entre dans le service du D' Balzer

pour engelures avec ulcérations. M. Burnier, alors interne dans le service et

qui a, ultérieurement, rapporté son observation à un point de vue différent du

nôtre, le vit à ce moment et l'envoya à nouveau consulter M. Morax pour son

amblyopie qui progressait (octobre 1910). Il pesait à cette époque 32 Ici 500

et mesurait toujours 1 m. 2o. On lui fait des injections de benzoate de mer-

cure et d'hectine sans aucun résultat.

A cette époque il souffre toujours de la tête et vomit, mais pas plus qu'aupa-

ravant. -

Par contre il se plaint « d'élancements dans l'oeil gauche », « comme si on

lui enfonçait une aiguille dans l'oeil ». Ces élancements, fort douloureux, durent

4 à S minutes. puis disparaissent pour réapparaître ultérieurement. Les crises

douloureuses qui survenaient 5 à 6 fois par jour durèrent deux mois environ.

La vue baissant toujours, L... retourne voir le Dr Morax. L'examen de février

1911 décèle : des pupilles égales, la droite ne réagissant pas à la lumière, la

gauche réagissant encore. Acuité visuelle de l'oeil droit = 0. Décoloration

atrophique de la papille. Acuité visuelle de l'oeil gauche = 1/50. Champ visuel

de cet oeil rétréci spécialement aux dépens de la moitié temporale du champ

visuel (fis. 1). Décoloration atropliique de la papille.

Ultérieurement la vue continue à baisser. Le malade va successivement aux

Quinze-Vingts, chez le Dr Morax, et enfin chez le Dr Galezowki qui eut l'obli-

geance de nous l'adresser el llicètre oit il entre le 16 novembre 1911, salle Laen-

nec, n° 16. Depuis un mois il est complètement aveugle. Il dit être passé

brusquement d'une amblyopie fort accentuée à la cécité totale. Après être

sorti une après-midi et s'être suffisamment bien dirigé par les rues, il serait

rentré chez sa soeur. Assis chez elle depuis quelques instants, il lui aurait de-

mandé, trouvant qu'il ne voyait rien et croyant seulement que le jour baissait,

pourquoi elle n'avait pas allumé la lampe. Celle-ci était précisément allumée.

En novembre 4941, L..., complètement nu, mesure 1 m 27 de taille et pèse

flG. 1.

72 SOUQUES ET STEPHEN CHAUVET

29 kil. 500. Il se présente sous l'aspect d'un infantile (PI. XIII). Son

crâne est symétrique et régulièrement conformé. Sa face est un peu ridée, de

couleur-jaunâtre, non infiltrée, vieillotte en un mot. Son cou, très court, est en-

foncé dans ses épaules. Il est impossible de se rendre compte, par la vue et la

palpation, de l'état de la thyroïde. Le larynx est petit. Son corps est petit, mais

bien proportionné et sans stigmates de rachitisme et d'ostéomalacie. Les mem-

bres, sans reliefs musculaires accusés et sans adipose, ont le galbe des

membres des enfants. Ils ne sont pas infiltrés ; les mains sont rosées et pote-

lées au niveau de la face dorsale. Le thorax est resté infantile. Les seins ne

sont pas augmentés de volume. La paroi abdominale est un peu replète comme

celle des enfants, mais il n'y a pas d'adipose.

Les cheveux n'ont rien de singulier, les sourcils sont assez fournis mais les

aisselles et le pubis sont absolument glabres. Les organes génitaux sont infanti-

les. La voix est fluette. Elle ne s'est pas, dit le malade, modifiée depuis l'en-

fance.

Examen du malade (novembre 1911). - 1. Etat fonctionnel des muscles. -

Parfait pour le développement musculaire. Station debout et marche correctes.

Aucun trouble de la coordination, aucun mouvement anormal.

II. Réflexes. - Tendineux : massétérin, olécrâniens, périosto- radial, rotuliens,

acliilléens, normaux des deux côtés, peut-être un peu plus vifs à gauche. Pas

de clonus de la rotule ni du pied. Réflexe de Bechterew-Mendel en extension.

Réflexe de Gordon en flexion.

Cutanés : Plantaire, crémastérien, abdominaux, normaux.

III. Sphincters. - Aucun trouble des sphincters vésicaux et rectaux.

IV. Sensibilités :

u) Subjective : Rien à signaler, sauf la céphalée qui devient de moins en

moins forte et de plus en plus rare, et ne s'accompagne plus de vomissements.

p) Objective : Superficielles (tact, douleur, chaud, froid), normales partout.

Profondes (baresthésie, pallesthésie, sens des attitudes et des mouvements

passifs), normales.

Sens stéréognostique normal.

V. Organes des sens : Odorat. Différents parfums usuels ont été parfaite-

ment reconnus, donc normal.

Goût. -Le sucre, le sel, la quinine, le sable sont discernés de façon précise

sur tout le territoire lingual.

Ouïe. 1° Fonctionnement subjectif : pas d'hypoacousie, parfois quelques

bourdonnements d'oreille, pas de vertiges.

2° Fonctionnement d'après l'examen objectif :

u) Oreille moyenne : normale des deux côtés.

Oreille interne : nerf cochléaire, normal des deux côtés. Nerf vestibulaire,

est hyperexcitabie et cela des deux côtés. L'injection d'eau à 27° provoque au

bout de 20 secondes à peine un violent nystagmus en position directe avec

vertiges et chute du côté opposé. Ce symptôme relèverait pour Ifalplen de

l'hypertension crânienne.

NOUI'ELLL ICONDGRAPIIIE DF. 1,A SALPÈ'IRILRE. 1'. Pl xi,

INFANTILISME HYPOPHYSAIRE

(A. Souques et Siepheit Cbauvet)

Masson & CI', Editeurs.

NOUVEll.L Iconographie DE la SA LI' £ 'IlUi.1\h. T. XXVI. PI. XV

INFANTILISME HYPOPHYSAIRE

(A. Souques et Stepbm Cbauvet)

Masson & Cie, Editeurs.

INFANTILISME HYPOPHYSAIRE 73

Feux. Pas d'exophtalmie ni d'enophtalmie. Mobilité externe des yeux,

normale. Nystagmus horizontal spontané, amplifié.dans les mouvements pro-

voqués de latéralité.

Réflexes conjonctivo-cornéens normaux des deux côtés.

Réflexes pupillaires l'accommodo-convergencenormaux à droite et à gauche.

Réflexes pupillaires à la lumière, directs et consensuels, abolis des deux

côtés.

Pupilles régulières, mydriatiques, égales entre elles.

Iris normaux. Milieux éclairables.

Fond d'oeil : atrophie optique bilatérale plus accentuée à droite.

Acuité visuelle : 0.

VI. Troubles t1'ophiques. - Peau un peu sèche. Engelures fréquentes aux

mains et aux pieds.

Retard d'ossification des os. La radiographie (PL XIV) des divers os des

membres montre la persistance des cartilages épiphysaires (doigts, orteils,

métacarpe, carpe, métatarse, tarse, tibia et péroné, radius et cubitus, etc...).

Les sésamoïdes ne sont pas visibles.

En outre la radiographie du crâne montre que celui-ci a une épaisseur nor-

male, un smus frontal non exagéré, mais que la selle turcique est très notable-

ment élargie (PI. XV)..

VII. Phénomènes vaso-moteurs. Nuls. Aucune infiltration myxoedéma-

teuse.

VIII. Phénomènes sudoraux. Il transpire peu au niveau des aisselles et

des régions plantaires. Il faut de très grandes, chaleurs pour que les mains se

couvrent de sueurs.

IX. Phénomènes thermiques. L... st très frileux. Il est toujours assis

auprès du poêle.

La température (rectale)) est constamment normale : 36°8 le matin, 37°2 le

soir. Il n'y a jamais eu d'hypothermie.

X. Etat intellectuel . - Etant données son origine, le peu d'instruction

qu'il a reçue, l'entrave apportée à la lecture par ses troubles visuels, l'intelli-

gence de L... peut être considérée comme normale. De caractère enjoué,

il a une mémoire et un jugement satisfaisants et s'exprime facilement.

Dans la journée il bavarde avec ses voisins de lit. Il n'a jamais de somno-

lence. Il est droitier.

XI. Ponction lombaire. '- Liquide clair, hypertendu. Pas d'hyperalbumi-

nose. Pas de lymphocytose.

XII. Différents appareils. Appareil digestif et annexes. - Dents normales

et bien implantées ; voûte palatine bien conformée. Bon appétit : bonnes diges-

tions ; constipation.

Appareil respiratoire. - Voix fluette, infantile. Larynx petit. Poumon

gauche normal. Poumon droit, au sommet : légère élévation de tonalité et ex-

piration prolongée.

Appareil cardio-vasculaire. Coeur : normal.

74 SOUQUES ET STEPHEN CHAUVET - %

Aorte : pas de lésions valvulaires ; pas de dilatation.

'Pouls : régulier, bien frappé, battant à 84 par minute en moyenne. Pression

artérielle 12 maxima au Puchon et 9 minima.

Pas de ganglions.

Appareil urinaire. - Pas de polyurie. Ni sucre, ni albumine.

Appareil génital. - Organes génitaux externes infantiles ; testicules gros

comme des pois. Le malade n'a ni désirs, ni érections. Il n'a jamais eu de rap-

ports et ne s'adonne pas à l'onanisme. Il n'a jamais fait de perte séminale.

Voilà donc un cas dans lequel l'arrêt de la croissance est indéniable-

ment subordonné au développement de la tumeur hypophysaire. D'abord

apparition de symptômes de tumeur hypophysaire et arrêt de croissance

consécutif.

Persistance de cet état jusqu'à 18 ans. Puis régression épisodique des

phénomènes néoplasiques et reprise parallèle de la croissance. Enfin re-

crudescence des signes de tumeurs et de nouveau arrêt de développe-

memt.

La tumeur pituitaire a donc perturbé, tari peut-être la sécrétion hypo-

physaire, et ce trouble a entraîné à la fois et l'arrêt de développement de

tout le corps et du squelette en particulier, et la persistance des caractères

somatiques propres à l'âge auquel L... a été frappé.

Mais si l'insuffisance hypophysaire doit être considérée, selon nous,

comme ayant déclenché ces différents troubles, elle ne saurait être rendue

responsable de la genèse directe de chacun d'entre eux. Nous pensons, en

effet, que si l'arrêt de développement du squelette est à mettre sous sa

dépendance, par contre l'hypoplasie des organes génitaux et l'absence des

caractères sexuels secondaires relèvent, ainsi que l'un de nous l'a sou-

tenu (1), de l'insuffisance de la sécrétion interne du testicule (2). Mais

cette hypoorchidie, sans laquelle ces caractères ne sauraient exister, doit

être regardée ici comme consécutive à l'insuffisance hypophysaire.

Pour expliquer cette subordination, deux hypothèses peuvent être émi-

ses : ou bien elle est la conséquence d'une sorte d'induction dans le

testicule, consécutivement à l'insuffisance hypophysaire, et cela n'a rien

qui doive nous étonner, étant données les synergies fonctionnelles bien

connues des glandes endocrines ; ou bien elle dépend de l'arrêt du dé-

veloppement général de l'organisme, arrêt qui a « figé » le le testicule [au

même titre que les autres tissus] en lui laissant sa sécrétion « contempo-

(1) A. Souques, L'infantilisme et l'insuffisance de la sécrétion interne du testicule.

Presse médicale, 26 juin 1912.

(2) Pour simplifier les choses, nous n'envisagerons ici que le sexe masculin.

INFANTILISME HYPOPHYSAIRE 75

raine », normale pour l'âge auquel les accidents sont .apparus mais in-

suffisante, ultérieurement, à déterminer la puberté et sa métamorphose

somatique. '

Mais ce sont là des considérations que nous reprendrons à la fin de cette

étude, et que nous compléterons alors, en nous demandant quelle est la

partie de l'hypophyse qui doit être accusée d'engendrer, sous l'influence

de certaines lésions, cet infantilisme hypophysaire.

Il importe auparavant d'étudier les cas cliniques et les résultats expé-

rimentaux qui viennent corroborer cette conception de l'infantilisme hy-

pophysaire. Nous citerons, successivement :

1° Les cas cliniques sans contrôle histologique;

2° Les cas cliniques avec contrôle histologique ;

3° Les faits expérimentaux.

I. Cas cliniques sans CONTRÔLE histologique.

Cas de 7A</io. Fillette de 14 ans, en paraissant 9, seins peu dévelop-

pés, absence de poils. En outre : céphalée, vomissements, atrophie blanche des

deux papilles. Réaction hémiopique de Wernicke abolie.

Cas de Ettore Levi. -Jeune fille de 20 ans 1/2. Développement normal

jusqu'à 10 ans. Elle cesse alors de grandir et aucun signe de puberté n'appa-

raît. Quelques années plus tard (à 17 ans), elle commence à souffrir de la tête et

à s'apercevoir que sa vue baisse.

A 20 ans 1/2, elle ressemble à une fillette de 17 ans. Taille 4 m. 33, poids :

28 kilos. Aspect infantile sans adiposité. Seins non développés ; atélie. Absence

de poils. Organes génitaux externes atrophiés. Utérus infantile. Pas de règles.

Larynx infantile (examen laryngoscopique). Epiphyses osseuses non soudées.

Céphalée, vomissements. Cécité avec atrophie blanche bilatérale des papilles.

Grand élargissement de la selle turcique.

Cas de Peclkranz et Jack (cités par Scllüller). Ces auteurs observèrent,

dans un cas de tumeur de l'hypophyse, une constitution squelettique infantile

et de l'hypoplasie des testicules.

Cas de Aernan el van Wart. - Femme de 24 ans. Aspect infantile.

Absence de soudure des épiphyses. Absence de poils(aisselles, pubis). IIémia-

nopsie bitemporale pour les couleurs. Elargissement de la selle turcique. Trai-

tement par extrait hypophysaire : céphalée s'amende, vue s'améliore, cheveux

repoussent, poids augmente.

Cas de De Laper sonne et Canlonnel. Homme de 23 ans. Aspect infantile.

Testicules très petits. Frigidité génitale. Visage glabre. Seins un peu hyper-

tropliiés : céphalée. Hémianopsie latérale droite. Pâleur de la papille droite.

Atrophie de la papille gauche. Elargissement énorme de la selle turcique.

Cas de liüznmell. Homme de 23 ans. Taille d'un enfant de 14 ans. Facies

ridé, vieillot. Organes génitaux infantiles. Absence de poils. Pas d'adiposité.

Céphalée. Hémianopsie bitemporale avec atrophie optique.

76 SOUQUES ET STEPIIEN CHAUVET

II. Cas CLINIQUES avec contrôle IIISTOLOGIQUE.

Cas de Bartels. - Homme de 21 ans qui, à partir de t'age de 14 ans, avait l

cessé de grandir. Atrophie des organes génitaux. Cryptorchidie du côté droit.

Léger degré d'adiposité.

Autopsie : Epithélioma malpighien de la région hypophysaire, de la grosseur

d'un oeuf de poule.

Cas de Nazari. Homme de 26 ans. Développement somatique et intellec-

tuel arrêté à l'âge de 7 ans. Apparence et taille-d'un enfant (1 m. 25). Testi-

cules petits, infantiles.

Autopsie : Tumeur kystique de l'hypophyse. Persistance du thymus. Thy-

roïde normale.

Cas de Vigoureux et Delmas. - Malade de 42 ans, considéré comme un

infantile hypo thyroïdien. Testicules très petits et scléreux.

Autopsie : Corps thyroïde normal tant macroscopiquemeut que microscopi-

quement (vésicules normales). Pas de lésions de l'hypophyse, mais tumeur cal-

cifiée de la tige pituitaire (1). Atrophie testiculaire avec absence de cellules

interstitielles et canalicules sémiuipares peu développés.

Cas de Cushing. - Jeune fille de 16 ans en paraissant à peine 12. Retard

du développement sexuel. Céphalée. Papillite (sans hémianopsie).

Il s'agissait d'un tératome.

Cas de Zôllner. Femme d'aspect infantile. Atrophie optique bilatérale.

Autopsie : Carcinome du lobe antérieur de l'hypophyse.

Cas de Zutaka lion. - Homme de 37 ans, mesurant 1 m. 27 et pesant

25 kilos. Organes génitaux externes et internes atrophiés. Absence de poils.

Troubles visuels.

Autopsie : Tératome calcifié de l'infundibulum écrasant l'hypophyse.

Cas de Dlixler et Qttacquenboss. Homme de 27 ans ayant la taille d'un

adolescent. Atrophie des organes génitaux. Absence de poils. Hémianopsie bi-

temporale avec décoloration atr.ophique papillaire. Elargissement de la selle

turcique.

Opération (voie intra-nasale, technique de Kanavel) : Epithélioma kystique

de l'hypophyse d'origine congénitale. A l'ouverture du kyste, 45 grammes en-

viron de liquide trouble s'écoulent.

Résultats post-opératoires : Amélioration des troubles visuels.

Cas de Raymard. - Homme de 17 ans, infantile au point de vue de la

taille et des organes génitaux.

Autopsie : Tumeur de la base de l'encéphale (adénome kystique) ayant amené

la disparition totale de l'hypophyse.

(1) Expérimentalement, il est prouvé que la section du pédicule équivaut à l'hypo-

physectomie totale (expériences de Paulesco). Livon explique le fait en faisant de la

tige pituitaire une sorte de canal excréteur.

INFANTILISME HYPOPHYSAIRE 77

III. - Expérimentation.

Aschner, Gemelli, Fichera ont observé que l'ablation de l'hypophyse

chez de jeunes animaux entraînait un infantilisme extrême.

Aschner opéra 52 chiens. Les animaux survivants furent frappés d'un

arrêt absolu de la croissance. Les cartilages épiphysaires persistèrent. Le

corps tout entier présentait un aspect infantile. Les glandes génitales étaient

profondément atteintes (aoospermie ; [absence de mitose au niveau de

l'épithélium séminipare; dégénérescence des cellules interstitielles; ré-

gression des follicules ovariens).

Caselli a remarqué un arrêt de développement très marqué des jeunes

chiens sur lesquels il avait pratiqué l'ablation du lobe antérieur de l'hy-

pophyse. f ,

Cushing, Biedl ont vu l'extirpation partielle du lobe antérieur entraîner

un certain degré d'adipose et chez les chiens plus âgés une régression

sexuelle.

G. Ascoli el F. Legnani (de Pise) ont pratiqué l'hypophysectomie sur

de jeunes chiens. Ceux opérés à l'âge de 3 ou 4 mois subirent un arrêt de

développement complet. Ils restèrent nains, difformes, avec une très légère

tendance à l'embonpoint. La soudure des épiphyses et de la dentition

étaient retardées. Il en résultait des malformations osseuses et des fractures

il type spontané. Les organes sexuels étaient infantiles.

Il serait superflu de faire remarquer que la superposition des faits cli-

niques et des faits expérimentaux est complète. Il est donc démontré que

la suppression pathologique ou expérimentale de la pituitaire détermine,

quand elle survient dans le jeune âge, un arrêt de développement général

qui constitue l'infantilisme. Quand elle apparaît à adulte, alors que

le corps a son développement normal et que par conséquent elle ne peut

plus influer sur la croissance du squelette, elle peut déterminer une ré-

gression des organes génitaux et des caractères' sexuels secondaires.

Cette influence considérable de l'hypophyse sur les phénomènes de

croissance et de puberté est-elle réservée exclusivement au lobe antérieur

ou au lobe postérieur de la glande, ou bien est-elle commune aux deux

lobes ? Etant données les difficultés extrêmes de l'expérimentation -dif-

ficultés qui limitent le nombre des expériences alors qu'il en faudrait de

très nombreuses, toutes concordantes entre elles, pour se prononcer caté-

goriquement il est difficile de résoudre définitivement le problème.

Tout porte à croire cependant que c'est le lobe antérieur qui seul, en

78 SOUQUES ET STEPHEN CHAUVET

l'occurrence, doit-être incriminé. Si telle est la réalité, quelle est la lésion

perturbatrice de ce lobe antérieur qui détermine le syndrome infantilisme ' ?

Il semble, de par les données cliniques et expérimentales, qu'il faille

mettre en cause l'insuffisance ou l'abolition fonctionnelle, que cet hypo-

pituitarisme antérieur soit réalisé par un processus de sclérose (avec atro-

phie macroscopique) ou par une transformation cancéreuse (avec hyper-

trophie macroscopique).

Cette façon de comprendre l'enchaînement des faits parait logique. On

conçoit sans difficulté que le lobe antérieur de l'hypophyse, dont l'hy-

perfonctionnement crée l'acromégalie, et le gigantisme, engendre par

hypofonctionnement ou stérilité sécrétoire le syndrome infantilisme.

Quant à savoir si, pathogéniquement, cette action du lobe antérieur de

la pituitaire est directe et exclusive ou si elle s'associe a une action (se-

condaire chronologiquement) d'autres glandes endocrines, c'est soulever

le problème des corrélations fonctionnelles interglandulaires qu'il n'est pas

possible de résoudre d'une façon formelle. Nous ferons remarquer simple-

ment qu'une conception pathogénique pluriglandulaire primitive irait,dans

notre cas, à rencontre et de la chronologie des accidents et du tableau cli-

nique des phénomènes morbides.

Aussi admettons-nous l'enchaînement des faits suivants : L'hypofonc-

tionnement du lobe antérieur de la pituitaire a arrêté la croissance de tout

l'organisme, du squelette en particulier, et les cartilages épiphysairesont

persisté. Cet hypopituitarisme antérieur a letenli sur les glandes génita-

les, soit parce que celles-ci ont participé à l'arrêt de développement géné-

ral, soit parce que, de par la suppression de la sécrétion interne de l'hy-

pophyse antérieure, l'harmonie fonctionnelle interglaudulaire s'est trouvée

rompue, et que les autres glandes endocrines, et les génitales en particu-

liers, ont été troublées de ce fait.

Cette dernière perturbation a empêché la puberté et ses conséquences :

augmentation de volume des organes génitaux, apparition des poils,

élargissement du thorax chez les hommes, du bassin chez les femmes,

développement des seins chez celle-ci, accentuation des reliefs musculaires

dans l'un et l'autre sexe, modification du larynx et de la voix, transforma-

tion du psychisme, apparition des désirs sexuels.

Bref, l'hypofonctionnement du lobe antérieur retenti sur les glandes gé-

nitales et détermine l'hypoorchidie ou l'lypo-ovarie, au même titreque ies

perturbations fonctionnelles du lobe postérieur retentissent, semble-t-il,

sur ces mêmes glandes et engendrent le syndrome, adiposo-génilal dit de

Frôhlich.

Ce syndrome, dont le premier cas a été publié par M. Babinski, com-

porte des symptômes de tumeur hypophysaire, de l'adiposité et souvent L

INFANTILISME HYPOPHYSAIRE 79

des signes d'aaéplaébie (1) ; hypoplasie ou aplasie des organes génitaux,

absence des caractères sexuels secondaires.

Les faits précédents prouvent, que les lésions pathologiques et expéri-

mentales de (hypophyse antérieure (diminuant ou tarissant sa sécrétion)

déterminent directement ou indirectement un arrêt de la croissance, qui

est un type d'infantilisme

Il y a donc un infantilisme d'origine hypophysaire qui doit prendre

place à côté de l'infantilisme d'origine thyroïdienne. Cette place lui était

naturellement préparée par les parentés d'origine, de structure et de

fonction qui unissent entre elles la thyroïde et l'hypophyse.

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NOTE SUR LA DÉMARCHE LATÉRALE DANS

L'HÉMIPLÉGIE ORGANIQUE

PAR R

ALOYSIO DE CASTRO

Professeur à la Faculté de Médecine de Rio-de-Janeiro.

Voilà longtemps que l'on connaît assez bien les caractères de la démar-

che des liémiplégiques, soit qu'il s'agisse de l'hémiplégie flaccide, soit de

l'hémiplégie spasmodique avec contracture.

Les dimensions des pas, l'attitude que présente aux différentes phases

de la progression le membre inférieur paralysé, les courbes qu'il décrit,

l'écartement latéral des pieds, les mouvements du tronc et du bassin,

tout cela est parfaitement connu depuis les travaux de Charcot (1), de

Gilles de la Tourelle (2) et de Marinesco (3).

Mais il n'y a que peu d'années que l'on a analysé la marche de flanc

dans l'hémiplégie et Schnller (4), à qui l'on doit la première contribution

dans ce sens, est arrivé à croire que l'épreuve de la marche latérale pou-

vait rendre des services jusqu'à dénoncer une hémiplégie que la simple

démarche en avant n'avait pas réussi à démontrer.

Voyons tout d'abord la façon par laquelle se réalise chez l'homme nor-

mal ce type de marche. Placé devant l'observateur, les pieds rapprochés,

l'individu incline le tronc dans le sens opposé à celui de la marche, de

façon à décharger le poids du corps sur un des membres inférieurs, après

quoi l'autre membre subit un mouvement d'élévation et d'abduction, jus-

qu'à ce qu'à la fin de celte phase d'oscillation latérale il touche le sol du

pied. Le tronc se penche alors de l'autre côté, à l'inverse de ce qu'il a fait t

antérieurement, et le membre qui jusqu'à ce moment était resté ployé se

transporte par un mouvement d'adduction, en complétant le pas.

(1) Charcot, De la démarche chez les hémiplégiques (Clin. des mal. du syst. nerv.,

1892, p. 363). .

(2) G. de la TOURKTTE, Etudes cliniques et physiologiques sur la marclie, Paris, 1885

(3) Maiunesco, Les troubles de la marche dans l'hémiplégie oiganique étudiés à l'ai-

de du cinématographe, Sem. médicale, 1899, p. 225.

(4) A. SCULLLEII, liber die Storung des Flankensganges bei Hemiplegikern. Neurol.

Centralbl., 1903, p. 50,

82 ALOï'SIO DE CASIIO .

Eh bien, dans l'hémiplégie organique spasmodique, la démarche de

flanc se passerait, d'après Schiiller, de la façon suivante : si la marche a

lieu vers le côté malade, il n'y a aucune différence; mais elle se réalise

vers le côté normal, l'attitude du membre paralysé empêcherait son ad-

duction complète et pendant cette phase le pied raclerait le sol par son

bord interne, ce qui produit un bruit spécial.

Grasset (1) a cependant démontré qu'on ne peut pas admettre le type

décrit par Schüller comme le seul rencontré dans l'hémiplégie et, quoi-

qu'il l'avoue comme bien plus rare, il a décrit un type renversé. C'est-à-

dire : progression normale de la jambe puralysée vers le côté contraire, et

alors, an commencement de l'abduction, le pied malade racle le sol par son

bord externe

Ce n'est pas à l'allongement du membre paralysé (type Mann de l'hé-

miplégie) qu'on doit, d'après Grasset, attribuer le trouble décrit par

Schüller pendant la marche de flanc dans l'hémiplégie organique. Bien

au contraire, c'est la paralysie du tibial antérieur et du postérieur (rele-

veurs du bord interne du pied) et à celle des adducteurs de la cuisse,

qu'on doit attribuer le trouble, chute du bord interne du pied, et par

conséquent son raclage pendant la phase d'adduction, dont les dimensions

se réduisent.

D'autre côté c'est à la paralysie des péroniers, antérieur et postérieur,

à celle de l'extenseur commun des orteils (chute du bord externe du

pied) et du petit fessier ainsi que du moyen fessier (abducteurs de la

cuisse) qu'on doit attribuer l'embarras dans la marche vers, le côté malade.

Entre le type Schüller et le type Grasset, Cassiapuoti a décrit un type

intermédiaire.

Cet auteur a publié une très intéressante étudesur la démarche latérale

dans l'hémiplégie (2) et a démontré graphiquement la réduction que subit

dans les différentes types la dimension du pas. Dans des cas il y a, en effet,

adduction limité du membre paralytique ; dans d'autres il y a réduction

dans l'abduction du même membre ; eufin dans un troisième groupe de

cas (type Cacciapuoti) la grandeur du pas latéral est égale, dans n'importe

quel sens de la marche.

Ayant eu l'occasion d'étudier de notre côté, chez un grand nombre

d'hémiplégiques à la Polyclinique générale de Rio de Janeiro et à l'asile

St-François d'Assise la question de la marche de flanc, voici les points

qui nous ont paru dignes d'être signalés.

Chez les malades dont la démarche latérale obéit au type Sclnller, nous

(t) Grs.sscr, Les centres nerveux. Paris, 1905, p. 120.

(2) G. B. CACCIAPUOTI, Il cammino latérale nelle emiplegie. Annali di nevrologia,

1909, p. Il.

NOUVELLE Iconographie DE la SALPLTRIÈRE.

T. XXVI. Pl. XVI

DÉMARCHE LATÉRALE DANS L'HÉMIPLÉGIE ORGANIQUE

(Aloysio de Castro)

Masson & C1C, Editeurs.

NOTE SUR LA DÉMARCHE LATÉRALE DANS L'HHMirLEGH ! ORGANIQUE 83

avons observé que le pied parétique s'appuie, à la fin de chaque pas, dans

un plan de plus en plus antérieur à celui de l'autre pied, en même temps

qu'il essaye de changer la direction longitudinale, de façon à ce que, au tri

bout de quelques pas le malade se tourne peu à peu autour de l'axe du

corps, vers le côté sain, tout en changeant de cette manière le sens géné-

ral de la marche, qui devient tout à fait en avant, si l'on ne prend la

précaution d'en avertir le malade.

Ce fait nous a semblé très habituel et nous l'avons encore observé

quand le malade suit le type Grasset. Mais comme dans ce dernier type,

la difficulté de la marche est plus grande vers le côté paralysé, le corps

tend à tourner plutôt dans la direction du membre malade.

La démonstration des troubles que nous venons de signaler se trouve

très facilitée d'après les épreuves cinématographiques.

Dans les figures que nous publions ci-joint (hémiplégie organique du

côté gauche), on voit reproduites les différentes attitudes du corps dans la

démarche de flanc. La figure 1 et la Planche XVI reproduit la marche vers

le côté sain ; on y voit le raclement du bord interne du pied parétique,

au commencement de l'adduction (1 et 2). On y voit aussi que le pied, à

la fin de l'adduction, s'est placé dans un plan antérieur par rapport à

l'autre (4). Les figures S à 8 représentent l'abduction du membre normal.

La progression vers le côté paralytique est représentée à la figure 2 et

Fie. 1. Empreintes des pas dans la démarche latérale vers le côté paralysé.

FiG. 2. Empreintes des pas dans la démarche latérale vers le coté sain.

84 ALOYSIO DE CASTRO

sur la planche XVI; on y voit que l'abduction du membre ne produit

pas le raclement du sol par le bord externe du pied (2, 3, 4).. b

Passons maintenant à l'analyse des empreintes dans la démarche laté-

rale. L'ichnogramme que nous présentons, choisi parmi plusieurs d'autres,

se rapporte encore à un malade avec une hémiplégie organique spasmo-

dique à la gauche.

L'inspection des empreintes démontre le raclement du pied paralytique

par la partie antérieur de son bord interne, pendant l'adduction, la ré-

duction du pas, la situation antérieure du pied malade et la modification

dans le sens de l'axe longitudinal de ce pied, avec tendance au change-

ment du sens de la marche.

N'oublions pas que la marche latérale a été d'autre part proposée comme

moyen diagnostique entre l'hémiplégie organique, et l'hémiplégie hystéri-

que. D'après les vérifications de Schüller, confirmées par Ciouzon et

Campbell (1), dans l'hémiplégie hystérique, quelle que soit la direc-

tion de la marche, soit que le malade chemine vers le côié hémiplégique,

soit vers l'autre, le pied paralytique se traîne toujours sur le sol. Mais ce

qui caractérise le plus ce type hystérique est le manque d'uniformité, de

façon à ce que le trouble n'a pas les caractères de fixité qu'on observe dans

l'hémiplégie organique.

En conclusion, l'étude de la marche latérale dans l'hémiplégie devient

très utile pour reconnaître avec détail les groupes musculaires pris de pré-

férence au membre inférieur dans les différents cas.

Nous devons encore rappeler que, depuis quelque temps, nous avons

l'habitude d'employer l'épreuve de la marche latérale parmi les exer-

cices indiqués pour dépister l'ataxie au début.

Comme il s'agit d'un type de marche absolument inusité dans le cas

normal, ce moyen réussit très bien pour dénoncer l'ataxie même quand

elle est très peu prononcée.

(1) CAMI'llELL et Cuouzox, Etude de la c ntaclte de flanc chez les hémiplégiques.

liev. Neurol., 1903, p. 233.

MYOCLONIES ESSENTIELLES

PAR

E. MONIZ

Professeur de Neurologie à la Faculté de Médecine de Lisbonne.

Les myoclonies sont caractérisées par des contractions musculaires spon-

tanées, brusques, rapides, illogiques, involontaires, arythmiques, suivies

ou non de déplacements.

Dans l'étude des hyperkinésies, il fautbien caractériser les myoclonies,

en leur attribuant un tableau syptomatologique qui puisse leur donner

une autonomie complète. Le langage scientifique à ce propos estencoreun

peu confus et embrouillé. Il y a des maladies qui sont classées, soit dans

le groupe des myoclonies, soit dans les chorées, soit dans les tics. C'est ce

qui arrive, par exemple, pour la chorée élecl1'lque de Bergeron-IJenoch qui

est, comme nous le verrons, une myoclonie. Cette désignation de chorée

électrique a été employée pour la première fois, en 1846, par le médecin

italien Dubini, pour désigner le symptôme d'une maladie très probable-

ment infectieuse, avec localisations cérébrales, d'après les travaux de Ca-

vagni et Stefanini. La maladie de Dubini, encore mal étudiée, a été clini-

quement bien définie par les cas présentés. La désignation maladie au lieu

de chorée a été donnée par Groco, non seulement pour éviter une confu-

sion possible avec la chorée de Bergeron-Ilenoch, mais encore parce que

les secousses myocloniques ne sont, dans la maladie de Dubini, qu'un

symptôme. En effet, par les cas publiés on voit que la maladie commence

brusquement par céphalées continues, douleurs à la nuque et, parfois, de

la région lombaire. La fièvre existe toujours, mais elle manque quelquefois

dans sa période initiale. Après, viennent les secousses des membres : rapides

instantanées, semblables à celles qui proviennent des effets d'une commo-

tion électrique. Elles commencent, en général, par les extrémités supé-

rieures : doigts, mains, face, et se généralisent, progressivement, sous

forme hémiplégique ou bien à tout le corps. L'évolution se fait en quel-

ques jours ou en quelques semaines. Ces secousses sont accompagnées par

des sensations douloureuses et finissent par se généraliser en grandes atta-

ques convulsives sans perte de connaissance. Quelquefois (Bonardi), ce

sont ces attaques qui précèdent les convulsions. La marche est rapide et

xxvi 6

86 MONIZ

la mort s'ensuit presque toujours. Elle survient 90 fois sur 100 (Bianchi).

A côté de la maladie de Dubini, dans laquelle les secousses myocloni-

ques sont un symptôme, nous devons mettre d'autres descriptions dans les-

quelles les contractions musculaires ne sont également que des symptômes.

Ainsi Valobra a décrit deux cas de myoclonus infectieux. Il ne s'agit pas

de la maladie deDubini, mais de deux infections dans lesquelles sont ap-

parues les contractions myocloniques chez une jeune fille de ils. ans et

chez un garçon de 11 ans. -

Emile Meynier a publié également des cas de myoclonies infectieuses,

différents de la maladie de Dubini.

Papillon et Gy ont présenté à la Société de Pédiatrie un malade de

18 mois myoclonique, probablement atteint d'une infection méningée.

Tinel et André Cain ont décrit une myoclonie du membre inférieur, chez

un malade, comme équivalent jacksonien dans une monoplégie corticale de

nature syphilitique.

Simonelli a publié aussi un cas de paramyoclonus d'origine syphilitique.

Mosny et : Vlalloizel ont trouvé des mouvements myocloniques chez un hé-

miplégique, mouvements qui étaient plus prononcés du côté paralysé que

de l'autre.

Dejerine et Camus ont présenté à la Société de Neurologie une malade

avec des mouvements myocloniques congénitaux, laquelle était une hémi-

plégique cérébrale infantile congénitale. Les mouvements étaient localisés

au membre supérieur droit du côté paralysé.

Unverricht a décrit un type myoclonique- épileptique héréditaire spé-

cial et d'autres auteurs ont trouvé des mouvements myocloniques dans

l'épilepsie. Je reviendrai sur ce sujet un peu plus loin, à propos de la

classification des myoclonies.

Les descriptions des contractions musculaires de la maladie de Dubini

et celles des contractions de tous les autres cas sont tout à fait identiques à

celles qui sont décrites dans les myoclonies qui ne sont pas liées à d'autres

états pathologiques. Mais elles ne sont dans ces cas-là que de simples symp-

tômes, comme les mouvements choréiques dans les chorées symptoma-

tiques.

Les mouvements myocloniques d'imitation des hystériques sontdans le

même cas. Nous l'avons constaté chez une malade qui était dans notre ser-

vice en même temps que les deux myocloniques dont nous publions les

observations. 1

A côté de ces myoclouies symptomatiques, il y a les myoclonies que nous

pouvons nommer essentielles el qui ont la même valeur nosologique que

les chorées essentielles comparées aux chorées symptomatiques.

MYOCLONIES essentielles 87

La désignation de myoclonie (1) a paru pour la première fois, avec un ca-

ractère de généralisation, en 1888, dans le travail deZiehen comme devant

englober des états semblables qui, auparavant, se trouvaient séparés.

Mais avant celte époque, en 1881, une description était publiée, sous la

désignation de paramyoclonus multiplex par Friedreich, d'un nouvel état

morbide et qui est devenu classique. Il est intéressant de rappeler les to-

piques principaux de cette observation.

Le malade de Friedreich, un homme de HO ans, présentait des contrac-

tions musculaires, symétriques, mais indépendantes, qui se produisaient

ou d'un côté, ou de l'autre, localisées dans quelques muscles des membres,

tantôt supérieurs, tantôt inférieurs, mais respectant les muscles du tronc

et de la face. Leur fréquence oscillait entre 10 et 40 par minute. Elles

étaient arythmiques, de fréquence, d'intensité variables. Parfois, quand la

fréquence était plus rapide, un certain degré de tétanisation avait lieu, et

il apparaissait aussi un état de contractilité simultanée de plusieurs mus-

cles. A chaque contraction la masse musculaire devenaitsaillante et dure,

mais très rarement se produisaient de petits mouvements du pouce et de

l'avant-bras ou un petit déplacement de la rotule.

Quand le malade était éveillé, les secousses étaient constantes. Elles aug-

mentaient dans le décubitus, dans l'immobilité et surtout au moment où le

malade s'endormait. Les émotions, le froid, le relâchement musculaire

les exagéraient.

Elles disparaissaient complètement pendant le sommeil. Très rarement

le malade était réveillé par de brusques flexions des cuisses sur le ventre.

Les mouvements volontaires avaient une action modératrice sur ces con-

tractions. Il n'y avait que les réflexes roluliens qui étaient exagérés. La

sensibilité était normale. La maladie était apparue il la suite d'une forte

émotion. Elle a duré quelques années, mais elle a disparu pendant quelque

temps pour revenir plus tard.

Cette description a été confirmée par d'autres observations qui,en grande

partie, présentent des variations.

Par exemple, t'age préféré par la maladie est très variable. Dans le cas

de Remak (1884) la maladie est apparue à 11 ans, dans celui de Pierre

Marie (1886) à 52 ans et dans un cas de Raymond (1896) à 71 ans.

L'intensité des secousses présente aussi les plus grandes différences.

Chez le malade de Friedreich, apparaissait très rarement des déplace-

ments, dans d'autres cas on observait de grands déplacements.

(i) La désignation de myoclonie a été adoptée par Remak en 1884. Avant lui on

connaissait déjà la paramyoclonie de Friedreich.

88 MONIZ

Raymond, dans sa première leçon sur les myoclonies, demandait si on

devait, étant donné que les contractions musculaires de sa malade pro-

duisaient des effets locomoteurs, séparer les deux types myocloniques.

Raymond défend leur identification et se justifie au moyen des cas publiés.

On ne peut même pas faire de distinction entre les secousses musculaires

qui donnent de petits déplacements et celles qui en produisent de nets et

de violents.

Dans le cas de Friedreich les muscles du tronc et de la face n'étaient

pas atteints; mais, dans beaucoup d'autres observations très semblables

à la description primitive, ces muscles ont été atteints.

Dans quelques cas (Bechterew, Venturi, etc.), les secousses ne cessent

pas pendant le sommeil.

Tout cela démontre qu'il n'y a qu'un petit nombre des cas publiés qui

correspondent, dans la pureté de leur symptomatologie, à la description

de Friedreich.

De cette apparente discordance est né le besoin de rapprocher les diffé-

rents cas décrits avec une symptomatologie similaire, au moins dans leurs

lignes générales, en prenant pour base les secousses musculaires produites

dans les conditions et avec les caractères de l'observation primitive. Et,

en même temps, nous devons étudier la parenté et ies relations qui exis-

tent entre les myoclonies et les autres affections nerveuses déjà étudiées

et qui avec elles présentent une certaine similitude dans l'expression

symptomatique dominante : la secousse musculaire.

Et ainsi, dans le sens des contractions sans déplacement, nous devons

rapprocher la maladie de Friedreich des myokimies et de la dite chorée

fibrillaire de Morvan. Dans le sens des contractions musculaires avec

déplacements, nous devons mettre en confrontation les pseudo-claorées élec-

triques de Ilenoch-Bergeron et la maladie de Gilles de la Tourette.

Les myokimies, étudiées d'abord par Kny et ensuite parSchultze, lequel

leur a donné leur nom, sont caractérisées par des secousses fibrillaires

continues dans les mollets; muscles des extrémités et du tronc. '

Dans les premières descriptions, les douleurs et les hyperidroses sont

signalées comme symptômes de la maladie.

Dans d'autres descriptions on trouve les contractions fibrillaires dans

des groupes musculaires mais les douleurs et les perturbations vaso-

motrices n'ont pas été constatées.

Dans le cas de Meinertz le tremblement fibrillaire s'est généralisé à

presque toute la musculature; et dans les cas publiés par Bernhardt,

MYOCLONIES ESSENTIELLES 89 9

Newmark et Frenkel il était réduit au territoire du facial. Ces trois der-

niers cas doivent être rattachés au spasme facial, Henry Meige ayant montré

que les « contractions parcellaires » sont un des signes caractéristiques de

ce spasme facial (1).

En résumé : Dans le groupe des myokimies publiées, il y a des cas,

comme ceux dans lesquels les secousses sont localisées au territoire du

facial, qui doivent rester liés aux spasmes faciaux et il y en a d'autres,

comme les cas de Kny, de Schultze, de Meinetz, etc., qu'on ne peut pas

séparer du paramyoclonus multiplex avec lequel ils se confondent. En

effet, la différence consiste simplement en ce que les contractions sont

fibrillaires et non fasciculaires. Les unes et les autres ont été décrites dans

les cas de paramyoclonus et il 'n'existe aucun caractère distinctif entre

elles. Les premières observations de Kny (1888) ont même été présentées

sous le titre : « Sur un type clinique voisin du paramyoclonus multiplex »

Morvan est du même avis.

Ces myokimies sont de vrais cas de myoclonies et, par conséquent,

la désignation de myokimies qui a été créée en 1894 par Schultze doit

être abandonnée.

Que cette désignation soit ahandonnée ou non, elle ne sera qu'une

forme du paramyoclonus multiplex, c'est-à-dire une variété de myo-

clonie (2).

La chorée fibrillaire de Morvan est ainsi décrite par l'auteur lui-même :

«La maladie est caractérisée par des contractions fibrillaires apparaissant

tout d'abord dans les muscles des mollets et de la partie postérieure des

cuisses, pouvant ensuite s'étendre aux muscles du tronc et même à l'un des

membres supérieurs, mais respectant toujours les muscles du cou et de la

face. »

Celte pseudo-chorée et la myokimie sont identiques. Il suffit de con-

fronter les cas et les descriptions. C'est toujours le paramyoclonus. L'au-

teur, lui-même, écrivait en 1890 « que le caractère fibrillaire des

secousses musculaires ne peut suffire, à lui seul, à établir un type dis-

tinct du paramyoclonus multiplex, quand tous les autres signes de l'affec-

tion (début, durée, évolution, tendance à la généralisation, etc.) sont

(1) Les myokimies éphémères étudiées dernièrement par René Cruchet ne doivent

pas être englobées dans ce groupe. Comme le dit Cruchet, ces phénomènes sont plus

près de l'état physiologique que de l'état morbide. Ce sont de petites secousses pal-

pébrales de courte durée et qui paraissent et disparaissent quelquefois inconsciemment.

Ces petites secousses peuvent avoir d'autres localisations, mais elles n'ont pas de

valeur au point de vue pathologique parce qu'elles existent fréquemment chez des

individus sains.

(2) Cruchet propose que cette désignation soit réservée aux myokimies éphémères.

90 MONIZ

identiques ». EL après avoir bien étudié les relations des deux maladies,

il finit par conclure qu'elles sonl analogues (1).

La chorée électrique de flerjeron-IIenoch estune hypercinésie qui rentre

dans la définition que nous présentons des myoclonies.

La première élude de cet état morbide a été la thèse de Berland

publiée en 1880, sous l'inspiration de Bergeron. Dans ce travail on n'a

pas oublié que les symptômes de cette maladie avaient déjà été signalés

dans les descriptions des chorées. «Bien que l'on n'ait pas encore décrit,

dit l'auteur, en la détachant de la danse de Saint-Guy, la variété que

nous étudions, nous en voyons cependant les symptômes les plus caracté-

ristiques nettement indiqués au milieu de la description de la chorée vul-

gaire dans plusieurs auteurs. » Maisjusqu'à ce moment-là les mouvements

choréiques et les mouvements myocloniques étaient confondus. Ce sont

même les résultats obtenus, dans certains cas, par le traitement au moyen

du tartre stibié, qui ont déterminé la séparation. Et toutefois la cure ra-

pide faite par ce traitement, la façon avec laquelle les contractions sont

apparues, sa forme spéciale, nous donnent l'impression que ces secousses

n'étaient que des manifestations hystériques. Cela a déjà été signalé par

Pitres. La description faites par Berland montre bien lescaractères spéciaux

de ces contractions pseudo-choréiques. « Les symptômes, dit Berland, sont t

donc constitués par des mouvements brusques, rapides, involontaires, el

pouvant être comparés aux secousses électriques. » Ils peuvent présenter

un degré variable d'amplitude et de fréquence, « mais la brusquerie, com-

me électrique, leur est particulière ». La localisation des secousses a

dans quatre cas une préférence pour l'extrémité céphalique. Dans un cas

seulement (obs. 111), parmi les cinq qui ont été observés par Bergeron, ces

secousses se sont généralisées au bras et à la jambe gauches.

Henoch a minutieusement étudié la maladie en 1883. Elle est même

connue sous le nom de chorée électrique de Bergeron-Ilenoch. Henoch

avait déjà adopté, en 1881, le nom de chorée électrique proposé antérieure-

ment par Hennit. avait observé à cette époque-là dix cas et avait

montré la différence entre les mouvements de cette maladie et les mouve-

ment choréiques. Ils étaient comme produits par des « courants induits ».

Les secousses musculaires siégeaient sur divers segments : tête, jambes,

bras, etc. La maladie était extrêmement opiniâtre.

Il parle d'un cas probable de guérison, et d'un autre casdeRemakdans

lequel le bromure de potassium aurait donné de bons résultats ; mais

1

(1) La description de Morvan est antérieure à celle de la myokimie de Kny-Schullze.

MYOCLONIES ESSENTIELLES 91

Henoch ne croit pas au succès du médicament. On pourrait penser dans

ce cas-là à l'hystérie.

En 1883, Remak et I-Ieldenberg ont proposé la séparation de la chorée

électrique du groupe des chorées, et Remak a parlé pour la première fois

de l'identification de certains de ces cas avec le paramyoclonus.

Avant tous ces travaux, en 1865, Trousseau a décrit une espèce de

chorée qu'il a nommée clcorecc saltatorla, qui se rapproche beaucoup de

la myoclonie à déplacements qui a été décrite sous le nom de chorée élec-

trique. Dans la phrase du grand maître, c'était une chorée « bien diffé-

rente de la danse de Saint-Guy ». La description est basée sur l'étude de

deux cas. Un d'eux très typique est celui d'un garçon de 12 à 13 ans,

plein d'intelligence. Au milieu de ses convulsions, il conservait les mouve-

ments volontaires avec une certaine régularité. Le malade disait qu'il

n'avait rien perdu de son agilité habituelle, qu'il franchissait sans diffi-

culté, et aussi bien que ses camarades, les obstacles par dessus lesquels

il lui fallait sauter, qu'il montait sans peine les escaliers trois à trois;

qu'il n'était en rien gêné pour sauter à la corde. Il pouvait manger et

boire aisément.

Les vrais choréiques ne peuvent faire aucune de ces choses (Trousseau).

Or, cet enfant était pris de mouvements bizarres, de contractions mus-

culaires involontaires, qui le projetaient en avant comme s'il avait été

lancé par un ressort et le faisaient se lever brusquement ou sauter en

avant. C'est cet acte qui a amené Trousseau à donner à la maladie la

désignation de chorea sallatoria.

D'autres travaux et d'autres observations (Bouveret et Devic, Massa-

longo, etc.) ont pu établir le tableau symptoinatologique que les traités

reproduisent.

En résumé, la maladie est caractérisée par des secousses brusques,

rapides, qui paraissent être l'effet d'une décharge électrique, qui se répè-

tent à courts intervalles ou avec une durée de quelques minutes. Ces

secousses, malgré leur intensité, ne peuvent pas empêcher les mouvements

volontaires. Elles sont involontaires et exagérées quand les malades cher-

chent à les éviter.

Les régions du corps atteintes sont asymétriques. Nous extrayons de

la description de Blocq et Grenet les phrases suivantes qui offrent un

certain intérêt, comme préambule aux deux observations que nous publions

ci-après :

« Quant à leur répartition, elles peuvent être localisées à la tête et aux

membres, mais le plus ordinairement elles sont généralisées. A la tête les

spasmes déterminent des brusques mouvements d'ensemble, d'extension

ou de flexion. Au tronc, on constate une rapide inclinaison en avant ou

92 MONIZ

en arriére : les épaules s'élèvent et s'abaissent brusquement, puis les bras

se rapprochent et s'écartent du tronc. Les secousses sont tellement vives

et fréquentes que, d'ordinaire, le sujet doit renoncer à toute occupation.

Parfois elles s'organisent en véritables paroxysmes dans l'intervalle des-

quels s'observe un calme relatif. Les muscles respiratoires peuvent parti-

ciper aux spasmes, et il en résulte des bruits involontaires, parfois des

sortes d'éructations. Les mouvements sont exagérés par les émotions de

toute nature.»

En rapprochant cette description de celle présentée par Friedreich

sous le nom de paramyoclonus et de celles qui lui ont suivi, nous ne

trouvons, comme caractère différentiel, qu'une très grande intensité des

secousses, très violentes, lesquelles produisent des déplacements qui,

dans le paramyoclonus, sont exceptionnels. Mais les secousses ont les

mêmes caractéristiques et la maladie présente dans l'un et dans l'autre

cas la même marche. La sensibilité est normale dans les deux cas, la force

dynamométrique est aussi conservée, les réflexes ne présentent pas, en

général, de modifications ; l'état mental persiste intact ou est très légère-

ment affecté.

Les deux observations qui suivent sont, comme nous le verrons, deux

cas de myoclonie essentielle, à grands déplacements, qui ne sont pas

dépendantes d'un état pithiatique ni d'une lésion organique quelconque.

Observation I (PI. XVII).

La malade M. A., de 15 ans, est entrée à l'infirmerie des maladies nerveuses

de notre service à l'hôpital de Santa-Martha, au commencement de cette année

1912. Auparavant elle a été hospitalisée en 1909 à l'infirmerie de Ste-Marie de

l'hôpital S. José. Sur sa maladie M. Ferreira da Costa a publié sa thèse dans

laquelle l'observation de cette jeune fille est reproduite avec soin. Nous nous en

servons, en signalant quelques modifications qui, depuis cette époque, se sont

produites. Nous avons utilisé le cinématographe pour bien étudier les mouve-

ments et bien mesurer le temps dans lequel ils ont eu lieu.

Antécédents héréditaires. - Père bien portant. Pas de syphilis, pas d'al-

coolisme. Mère morte il y a trois ans. Pas d'informations précises sur la ma-

ladie qui l'a emportée. Elle était facilement irritable. Elle a eu quatre accou-

chements normaux et deux fausses-couches, de cause inconnue. Un de ses

frères, âgé, aujourd'hui, de 21 ans,.a eu une méningite, et est aujourd'hui

interné dans un asile. Il a des attaques qui, d'après la description faite par le

père, doivent être épileptiques et il présente des perturbations mentales. Un

oncle paternel est épileptique et une tante maternelle hystérique. Sur les aïeux

il a élé impossible d'obtenir des renseignements précis.

^Antécédents personnels. - 1\1. A., née d'un accouchement à terme et normal,

a eu la rougeole à 4 ans. Elle a joui d'une bonne santé jusqu'à dix ans, âge

NOlJHLI Iconographie DE la Salpeirilke. zip. XXVI. Pl. XVII

MYOCLONIE ESSENTIELLE

(E. Mont[)

Masson & Cie, Editeurs

MYOCLONIES ESSENTIELLES 93

auquel, après une peur, elle a perdu la voix et a commencé à sentir des secous-

ses dans les membres, ensuite dans le tronc et enfin dans la tête. Un an après,

elle a récupéré la voix et les secousses ont un peu diminué.

A cette époque survient la mort de sa mère. L'émotion réveille l'aggravation

de son mal, les secousses musculaires deviennent plus fortes et produisent des

mouvements involontaires très rapides et brusques, localisés aux quatre mem-

bres et à la tête. Ces contractions ne l'empêchent pas de marcher et d'exécu-

ter les actes usuels de la vie et même quelques travaux domestiques.

Elle a suivi un traitement par les bains sulfureux et par les médicaments

arsenicaux sans résultat jusqu'à son entrée à l'hôpital S. José le 16 octobre 1909.

Etat actuel. - La malade est de faible constitution, mais elle est gaie et

répond avec facilité et précision aux questions qu'on lui fait. En l'observant on

voit que. quelquefois, elle est secouée comme si elle avait été traversée par un ici

courant électrique. Le phénomène se produit quand la malade est debout,

assise ou couchée. Ces mouvements sont déterminés par des contractions

musculaires involontaires, très brusques et rapides, qui se répètent souvent-

avec des intervalles irréguliers et arythmiques. Le nombre de ces contrac,

tions est très variable. Elles sont de 10 à 40 par minute.

Ce phénomène se produit souvent dans les muscles des membres inférieurs.

En 1909 les contractions avaient une prédilection initiale pour le membre

inférieur droit, d'où elles passaient aux muscles du membre inférieur gauche

en se propageant ensuite presque instantanément aux membres supérieurs et

quelquefois à la face. Quand la malade était debout on constatait un déplace-

ment et l'entraînement du pied gauche. , .

Aujourd'hui les contractions déterminent des mouvements et des déplace-

ments si rapides qu'il est impossible de vérifier leur succession.

La cinématographie nous a montré, mieux qu'une description, comment se

comportent ces mouvements.

Les mouvements peuvent être localisés à la tèle (PI. XVII, fig. C et D), aux

bras et à la jambe droite ou plus généralisés au tronc et aux membres (fig. E)

et encore à la tête ( fig. B). Nous ne pouvons pas donner une grande longueur du

film cinématographique, mais. les figures I et V donnent l'impression de la

succession de ces mouvements. Par le cinématographe on peut mesurer exac-

tement la rapidité des mouvements qui obtiennent le maximum figure A,

dans laquelle nous avons noté un mouvement presque symétrique de contrac-

tion des membres supérieurs avec soulèvement des épaules, une petite

rotation de la tête et un entraînement de la jambe droite. Pour bien détermi-

ner la rapidité de ces mouvements, il faut savoir que chaque passage de plaque

se fait dans 0,06 de seconde et que tous les mouvements sont réalisés dans

trois passages. C'est-à-dire que tous les mouvements décrits sont faits dans

une période de moins d'un cinquième de seconde.

La figure V montre un mouvement de latéralisation droite, avec extension

du tronc et des membres supérieurs, notamment du bras droit. La durée de

ces mouvements est plus longue, mais ne dépasse pas un tiers de seconde.

94 MONIZ

Les muscles de la face sont aussi atteints. Il est difficile de bien préciser

tous les muscles qui entrent en contraction. Les masséters, les risorius, les orbi-

culaires des paupières et des lèvres, les zygomatiques, les carrés du menton,

sont les plus atteints par les secousses fulgurantes, lesquelles produisent des

grimaces qui disparaissent rapidement ou même seulement s'ébauchent.

Les masséters font quelquefois des contractions énergiques, et forment des

saillies sous la peau ; d'autres fois ce ne sont que quelques fascicules muscu-

laires qui entrent en contraction.

La tête exécute aussi des mouvements-latéraux, dans le sens antéro-posté-

rieur, de rotation. La secousse se réduit, parfois, à un de ces mouvements.

Les muscles du tronc entrent en scène sous des formes variées et répétées.

Un des mouvements qui apparaît souvent, c'est le soulèvement des épaules

compliqué ou non de flexion des bras.

Le diaphragme et les muscles de la phonation sont atteints et obligent la

malade à faire une expiration subite qui est suivie d'un ou de deux petits cris.

En 1909, quand la malade a été observée par M. Ferreira da Costa, elle

prononçait, parfois, un mot obscène, toujours le même. Actuellement elle ne

le prononce jamais. Cette coprolalie a disparu. L'insistance employée auprès

de la malade pour éviter la prononciation de telle expression a contribué à

obtenir ce résultat. Cela paraît un symptôme involontairement greffé sur

l'état morbide que nous sommes en train d'étudier. Quand la malade est assise,

elle exécute les mêmes mouvements que debout. Ils ont été en 1909 plus ac-

centués à droite. Aujourd'hui ils présentent encore une certaine prédilection

pour ce côté et arrivent à ébaucher, parfois, un coup de pied à droite.

En décubitus dorsal la malade exécute des mouvements similaires à ceux

observés dans les autres positions. Dans les membres inférieurs les secousses

produisent des mouvements de projection latérale, de surposition des jambes,

de flexion des orteils conjointement ou séparément, des jambes sur les cuisses

et des cuisses sur le tronc. Ces mouvements sont un peu plus intenses du côté

droit. Les membres supérieurs exécutent des mouvements similaires et les

muscles du tronc, du cou et de la tête, subissent aussi des secousses égales à

celles déjà décrites dans les autres positions.

La marche de la malade est normale. Elle est altérée seulement par l'appa-

rition des secousses. De temps en temps elle s'arrête pour continuer, tout de

suite, sa marche régulière. D'autres fois elle fait un pas incomplet ou un faux

pas qui rappelle celui que fait le soldat pour se mettre au pas (Ferreira da

Costa).

Quelquefois elle frappe le sol avec un des pieds, plus à droite qu'à gauche,

comme si elle exécutait le mouvement qu'en escrime on appelle « un appel »

(Ferreira da Costa).

En somme, on voit que les mouvements ont toujours les mêmes caratéris-

tiques. Ils sont toujours rapides, arythmiques, asymétriques et tout à fait

similaires à ceux produits par une faradisation intense.

Il y a corrélation entre la fréquence et l'intensité de ces secousses. Plus elles

MYOCLONIES ESSENTIELLES 95

sont fréquentes plus elles sont intenses. Les émotions et les contrariétés les

augmentent. Il en est de même pour le froid.

Pendant le sommeil ces contractions et ces mouvements involontaires dis-

paraissent complètement.

Réflexes normaux. Sensibilités normales.

La malade, après l'apparition des secousses, n'a jamais cessé d'en avoir. Elles

sont, ou plus fortes ou plus faibles, mais il n'y a aucune période d'accalmie. La

maladie a aujourd'hui une durée de cinq ans sans augmentation sensible dans les

derniers temps etsansqne les médications employées aient donné aucun résultat

Comme traitement on a employé, inutilement, les calmants, les arsenicaux,

y compris le salvarsan, la psychothérapie, tout sans aucune amélioration pour

la malade. ,

On ne constate que la disparition du commencement de coprolalie qu'elle

avait.

Elle est partie de l'infirmerie dans le même état.

OBs. IL G. M.. 18 ans, domestique, est entrée le 25 janvier 1912 dans

notre service de neurologie à l'Hôpital Sta Martha de Lisbonne.

Antécédents héréditaires. - Le père est robuste, mais, selon la malade, il a

quelquefois un spasme ou tic de l'olbiculaire de l'oeil droit qui se propage à

la face. L'unique tante paternelle qu'elle a est normale. La mère n'a aucune

maladie nerveuse. Elle raconte qu'un de ses frères avait des attaques qui

l'obligeaient à porter les mains au visage et poussait des cris. La description

est vague et ne mérite pas un grand crédit. v

Antécédents personnels. Elle a été scrofuleuse. Elle a eu une fièvre ty-

phoïde a 7 ans. Elle n'a jamais d'atlaques nerveuses. A 13 ans elle commence à

éprouver des contractions dans les muscles orbiculaires des paupières et des

lèvres. Elle ferme involontairement les yeux et fait des mouvements de la

bouche et de la face qui ont augmenté avec l'âge.

Il y a trois ans elle a,senti des secousses dans les membres et dans le tronc

Au commencement elles étaient rares et petites ; ensuite elles sont devenues de

de plus en plus violentes et fréquentes jusqu'à l'intensité qu'elles présentent

aujourd'hui. Ces contractions n'ont pas un siège fixe. Ou elles paraissent aux

membres inférieurs, ou au bras, spécialement au bras droit, ou sont localisées

au tronc et aux épaules, au cou et à la face.

La maladie s'est aggravée depuis un an et demi et surtout quand elle est

entrée, il y a un an, à l'Hôpital de l'Université de Coimbra. La malade a

commencé à cette époque-là à pousser des cris qui ont augmenté de plus en

plus. Tout cela n'a pas eu d'origine émotive. La malade n'a pas subi de

grands chocs moraux.

Les contractions ne l'empêchent pas de marcher, ni de faire les actes usuels

de la vie. Elle peut s'habiller, manger et vaquer aux petits services domesti-

ques. Mais les contractions nuisent un tant soit peu à tous ces actes.

Elle a subi divers traitements médicamenteux et hydrothérapiques sans

bénéfice.

96 MONIZ

Etat actuel. -La malade estune jeune fille très développée, intelligente,

qui raconte avec précision la marche de sa maladie.

La menstruation, qui a apparu à 13 ans, est régulière. Elle se nourrit bien

et il n'y a rien de spécial du côté des appareils digestif, circulatoire et respi-

ratoire.

Les contractions ébranlent tous les segments de son corps comme si elle

avait été traversée par un fort courant électrique. A ces ébranlements corres-

pondent des mouvements brusques, rapides, involontaires, désordonnés, inco-

hérents et variés qui se répètent arythmiquement avec de très petits inter-

valles ou sont séparés par des intervalles de deux ou trois minutes. On peut

observer 35 et 40 aux périodes de plus grande agitation. '

Les mouvements produits par les contractions sont les plus divers et les

plus bizarres. Néanmoins ces mouvements, si divers et si bizarres soient-ils, se

répètent pendant la journée; mais la fréquence des uns est plus grande que

celle des autres.

Il est impossible de préciser, à une ou deux exceptions près, quels sont les

plus fréquents.

Les contractions musculaires qui déterminent les mouvements d'élévation

de l'épaule droite et du bras du même côté, qui est levé en extension au-dessus

de la tête, -sont des plus fréquentes.

Souvent ce mouvement est accompagné d'autres mouvements du membre

supérieur, du déplacement de la tête et de mouvements des muscles de la face.

Il arrive aussi que ce mouvement se généralise à tout le corps avec flexion des

membres inférieurs et flexion du tronc sur les cuisses. Quelquefois chacun de

ses mouvements est isolé ou d'autres mouvements se produisent. L'extension

du tronc et le redressement en arrière de la tête, la flexion du tronc et le soulè-

vement du bras gauche, les contractions des muscles de la face, la flexion des

bras, etc., sont des formes diverses des contractions musculaires de la malade.

D'autres fois les contractions sont localisées seulement aux membres infé-

rieurs. Alors surviennent des flexions des orteils, des jambes sur les cuisses

et des cuisses sur le tronc, et tout revient, de suite, à l'état normal probable-

ment par l'action adjuvante des extenseurs.

A la face se produisent aussi des mouvements divers : les yeux se ferment

ou s'ouvrent avec exagération ; la bouche s'ouvre et la langue sort en dehors

ou bien s'élève contre le palais ; les dents se serrent; la lèvre supérieure s'é-

lève, etc.

La tête est aussi atteinte par des mouvements de latéralisation, en avant et

en arrière.

Le diaphragme et les muscles de la phonation entrent aussi en contraction

et la malade émet des cris, deux ou trois notes aiguës, mais elle ne prononce

jamais un mot.

Quand la malade est assise elle présente les mêmes mouvements que quand

elle est debout; mais les mouvements des membres inférieurs sont plus pro-

noncés. Elle frappe très violemment le sol et fait d'autres mouvements d'ex-

MYOCLONIES ESSENTIELLES 97

tension et de flexion, surtout la flexion des cuisses sur le tronc. Le tronc tombe

quelquefois en avant comme si la malade allait se précipiter dans une chute

volontaire.

La malade a trouvé une position dans laquelle les secousses ne sont ni si

fortes ni si fréquentes. Elle place les bras en arrière et se cramponne avec les

mains au fond de la chaise.

Quand la malade est couchée les mouvements sont les mêmes. Il n'y a pas

de grandes différences dans le nombre des accès. Le tronc s'incline dans le

lit en flexion sur les cuisses. Les membres inférieurs font des mouvements

les plus divers de projection latérale de flexion totale ou partielle, d'adduction

et d'abduction. Les membres supérieurs exécutent les mouvements habituels

d'élévation, d'extension et de flexion, soit isolément, soit avec des mouve-

ments de la face plus ou moins complexes.

La malade, quand elle est couchée, a trouvé aussi une position dans laquelle

les secousses ne sont pas si fortes. Elle se met en décubitus dorsal' et saisit

les fers du lit avec les mains.

Dans celte position elle obtient non la diminution en quantité, mais en in-

tensité, des accès.

En marchant, les secousses des membres inférieurs l'obligent à faire de pe-

tits sauts qui lui font presque perdre l'équilibre et alors elle est obligée de

s'arrêter pour ne pas tomber.

Quand l'accès est moins fort elle fait des faux pas ou frappe le sol avec le

pied.

Néanmoins la malade marche et peut traverser les rues sans grandes diffi-

cultés.

La malade a moins de contractions quand elle est distraite; mais quand on

lui demande de dominer ses accès l'effet est le contraire. Si on la prie de serrer

ses mains violemment on voit dominer les accès pendant quelque temps.

G. M... n'a jamais cessé d'éprouver ces contractions, depuis le moment où

elles ont commencé, avec des alternatives d'intensité. La malade estaujourd'hui

dans le même état qu'il y a un an.

Pendant le sommeil elle n'a pas de contractions, mais quand elle se couche

elles sont violentes et au réveil elles recommencent tout de suite leur cours.

Les contrariétés ont de l'influence sur les secousses. Elles sont exagérées.

J'ai pu constater cette influence.

Le froid aussi les augmente.

La malade peut vaquer au service domestique, manger et boire sans casser

les verres ou les assiettes, et elle écrit assez facilement.

Les réflexes radiaux et tricipitaux sont vifs. Les autres normaux.

Il n'y a pas de nystagmus, mais dans les positions latérales extrêmes on voit

parfois de petits mouvements, surtout quand la malade regarde à droite; ces

mouvements sont arythmiques et inconstants.

Sensibilités normales. Réactions électriques des muscles également nor-

males. ,

98 MONIZ

Il n'y a pas d'atrophies ni de douleurs dans les muscles qui entrent en con-

traction. La malade semble, parfois, fatiguée ; mais elle ne se plaint que des

contractions et des mouvements qui lui rendent la vie insupportable.

De tous les traitements que nous avons employés ce n'est que la psycho-

thérapie aidée par le bain statique qui a pu donner un résultat éphémère. Les

accès ont diminué en intensité et sout restés plus courts et plus instantanés,

sans qu'ils aient jamais perdu les caractéristiques que nous avons décrites.

Quant à la quantité je n'ai pas fait un jugement sûr. Si elle a diminué, la

diminution a été peu appréciable. -

Après ce traitement la malade a eu une petite contrariété et, tout de suite,

elle est revenue à l'état primitif.

Dans les deux cas il y a des particularités intéressantes. Nous préférons

les mettre en évidence dans une description d'ensemble des myoclonies,

en nous servant des observations dont nous avons parlé et d'autres aux-

quelles nous ferons allusion.

Nous avons déjà parlé des myoclonies symptomatiques, c'est-à-dire, des

myoclonies,qui, comme les chorées symplomaliques, sont liées à des

maladies organiques ou à des névroses.

Mais à côté de ces myoclonies nous devons mettre les myoclonies essen-

tielles qui, n'élant pas liées à d'autres états morbides, ont des caractéris-

tiques suffisantes pour être séparées des chorées, des spasmes, des tics

etc. Ces caractéristiques leur donnent la valeur d'une entité nosologique.

Les autres hypercinésies ne sont pas mieux caractérisées.

Dans cette orientation nous allons chercher à définir autant que -pos-

sible celle espèce morbide.

Symptômes.

Les myoclonies, comme nous l'avons dit dans leur définition, sont

caractérisées par des contractions musculaires spontanées, brusques, rapi-

des, illogiques, involontaires et arythmiques. Ces secousses peu vent donner

ou non origine à des déplacements ; mais cela n'est pas une caractéris-

tique à accentuer. Tout dépend du degré de ces contractions, qui peuvent

être fibrillaires dans un degré minimum et produire de violents déplace-

ments dans un degré maximum.

Ces secousses peuvent traverser tous les muscles de l'organisme. Elles

préfèrent ceux de la vie de relation, mais les muscles de la vie organique

peuvent aussi être atteints. Les muscles les plus atteints sont ceux des

membres supérieurs et inférieurs, du tronc, du cou, de la face et de la

langue (Lemoine et Lemaire).

MYOCLONIES ESSENTIELLES 99 9

Dans tous les cas de myoclonies que nous avons examinés, depuis les

cas qui sont décrits sous le nom myokimies ou chorée fibrillaire de Morvan

jusqu'aux cas qui portent la désignation de chorée électrique, les secousses

sont toujours spontanées. Les émotions, le froid, les courants électriques,

la palpation, l'attention, etc., peuvent les augmenter; le sommeil, des

distractions, la marche, les occupations usuelles, ont, au contraire, une

action inhibitoire.

Les contractions sont brusques. Elles arrivent inopinément sans qu'on

puisse prévoir, avant l'accès, l'intensité qu'elles auront, ou la forme qu'elles

revêtiront. Cette brusquerie est surtout appréciable dans les myoclonies il

grands déplacements, comme dans les deux cas que nous publions. Les

cinémaphotographies que nous présentons montrent bien ce que nous

disons. Ainsi dans la fig. 1 (obs. I) nous voyons que la malade, entre la

première et la seconde photographie,a fait la flexion des bras, le soulèvement

des épaules, la projection de la tête en arrière, a fermé les yeux, etc., en

six centièmes de seconde. La fig. XVI (obs. II) montre bien la brusquerie

des mouvements. Ce caractère a été déjà décrit par Friedreich chez le

malade qui a servi à définir la maladie .

Cette brusquerie des secousses différencie les myoclonies des chorées

dans lesquelles les mouvements sont ronds,pour nous servir d'une heureuse

désignation, plus lents, commencés toujours avec une certaine suavité. -

A côté de cette brusquerie on doit noter la rapidité. Les contractions

musculaires ne se maintiennent pas. Elles se succèdent, parfois, avec une

telle fréquence qu'elles peuvent produire l'impression d'une contraction

tétanisante. Nous avons déjà dit que chez une de nos malades les contrac-

tions musculaires avec déplacements ontpu avoir lieu en un cinquième de

seconde. Les plus lentes de l'observation 2 ont duré moins d'une seconde.

La moyenne de durée des contractions dans les deux cas ne dépasse pas

une demi-seconde. Cetle rapidité de contraction, qu'on ne trouve pas dans

les mouvements choréiques, est signalée par tous les auteurs. Il est diffi-

cile de dire le temps moyen de leur durée ; mais on sait qu'on peut isoler

dans certains cas 100 et même 180 secousses par minute, ce qui montre

qu'elles peuvent avoir lieu en quelques dixièmes de seconde.

La fréquence est très variable. Variable pour chaque malade sous les

influences accélératrices ou inhibitoires, ou même sans cause appréciable,

et variable de malade à malade suivant les types myocloniques.

Dans le cas de Ilomen on a compté 100 secousses par minute, 120 dans

le cas de Ziehen et 180 dans le cas de 13echterew.

Chez nos malades la fréquence des contractions est très inconstante,

fait qui a été aussi constaté dans les autres observations. Quelquefois nous

avons compté entre 10 et 40 secousses par minute dans les deux cas et quel-

100 MONIZ

quefois nous avons vu se passer deux et trois minutes sans aucune con-

traction.

Ces secousses n'ont pas de type fixe, inaltérable. Elles diffèrentpar leur

qualité, leur durée et la quantité de masse masculaire atteinte.

Généralement les contractions sont cloniques; mais il y des observa-

tions publiées avec contractions toniques. Nikitine, par exemple, a publié

un cas de paramyoclonus avec contractions cloniques et toniques séparées.

Sur la fréquence, l'importance de ces contractions toniques il n'y a pas

de données précises. En tous cas nous devons retenir que, pour le moment,

les contractions cloniques sont, seules, caractéristiques de la myoclonie.

Elles peuvent se succéder avec une telle rapidité que les intervalles qui

les séparent ne sont pas appréciables. Elles se confondent et ne produisent

qu'une unique contraction de forme tétanique.

Pierre Marie, qui a publié en 1886 le premier travail français sur le

paramyoclonus, a étudié graphiquement, par le myographe, les contrac-

tions musculaires de son malade. Dans certains cas il a vu se produire

simplement une secousse brusque, unique, caractérisée par une seule

oscillation complète de l'aiguille de l'enregistreur (ligned'ascensionetligne

de descente). C'est une secousse clonique. Dans d'autres cas, il a obtenu

des séries de secousses agglomérées dont l'amplitude va en décroissant

progressivement jusqu'à ce que la ligne de niveau soit définitivement

atteinte ; quelquefois ces secousses, en se continuant, donnent naissance

à une courbe d'apparence tétaniforme. Mais elles sont fondamentalement

des contractions cloniques.

Ces contractions ont encore la caractéristique d'être illogiques. Par cette

dénomination nous voulons dire que les contractions myocloniques ne

reproduisent pas des mouvements coordonnés ou systématisés pour un but

déterminé. Ils sont incoordonnés et bizarres. Contrairement à ce qui arrive

dans les tics dans lesquels les mouvements conservent une coordination

relative, les mouvements myocloniques sont désordonnés, polymorphes

et variables. ,

Pendant longtemps on a mis les tics dans le groupe des myoclonies. La

définition de Vanlair, qui est habituellement citée, les metencore, mais

après les dernières études sur ce sujet il n'y a pas de raison pour qu'on ne

sépare pas ces états morbides.

Le tic est, d'après Henry Meige et Feindel, « un acte primitivement

commandé par une cause extérieure ou par une idée, et coordonné vers un

but ; par la répétition, cet acte passe à l'état d'habitude et finit par se repro-

duire involontairement, sans cause et sans but, en s'exagérant dans sa

forme, dans son intensité et dans sa fréquence ; il prend ainsi les carac-

MYOCLONIES ESSENTIELLES 101

tères d'un mouvement convulsif et intempestif, répété à l'excès ; son exé-

cution est souvent précédée d'un besoin impérieux, et sa répression d'un

malaise. La volonté, la distraction peuvent le surprendre; il disparaît dans

le sommeil. Le tic apparaît chez les prédisposés ; il coexiste fréquemment

avec d'autres manifestations du déséquilibre mental ». Cette définition est

bien précise : les tics sont des convulsions cloniques localisées avec des

caractéristiques spéciales de formation qui a toujours une base psychique.

Primitivement ce sont des contractions musculaires orientées vers une fin

déterminée. Ensuite elles se transforment, s'exagèrent, mais on peut, pres-

que toujours, les reconnaître comme « la systématisation originelle de

l'acte » (Henry Meige).

Dans les mouvements myocloniques ces caractères manquent. Il n'est

pas question d'une perturbation psychomotrice, mais d'une perturbation

fondamentalement motrice.

Les mouvements myocloniques sont si loin d'imiter les mouvements

volontaires cordonnés qu'il suffit de prendre en considération leur cons-

tant polymorphisme et leur séquence illogique pour les séparer des lies.

Le diagnostic entre les deux états morbides peut être quelquefois diffi-

cile, mais ce que nous connaissons aujourd'hui est suffisant pour séparer,

avec le critérium présenté, les tics des myoclonies.

Les contractions myocloniques sont involontaires. Elles surviennent ino-

pinément, sans que rien les provoque, contre la volonté du malade. Chez

nos deux malades et spécialement chez la seconde, quand on appelle son

attention pour dominer son accès, ils augmentent en quantité et en inten-

sité. C'est la règle générale dans les observatious publiées.

Quand la malade est au repos les contractions sont plus intenses, au

contraire quand elle exécute quelques mouvements, quand elle marche,

par exemple, les contractions diminuent. Les distractions ont, comme nous

l'avons dit, une action inhibiloire. Cela n'est pas une règle générale. Il

y des exceptions, mais la majorité des descriptions confirme ce fait.

Chez notre seconde malade les contractions sont plus fortes quand la

malade est au lit et surtout avant de s'endormir. C'est déjà un fait consi-

gné dans l'observation de Friedreich.

Pendant le sommeil les mouvements cloniques n'existent pas. C'est ce

qui arrive dans nos deux cas. Mais il y a des exceptions. Ainsi dans le

cas de Friedreich le malade était quelquefois réveillé par une brusque

flexion des jambes. C'est même le mouvement le plus étendu qu'il signale

chez son malade. Dans les cas de Loewenfeld, SeeligmiU 1er (second cas),

Bechterew. Venturi, Feletti, etc., les contractions persistent pendant le

sommeil. Mais ce sont des exceptions.

xxvi 7

102 , MONIZ

. Les actes volontaires ne sont pas modifiés chez les myocloniques. Comme

nous l'avons vu, nos malades peuvent marcher, manger, écrire, coudre,

etc., sans que les contractions leur nuisent. Déjà Trousseau l'avait remar-

qué dans ses choréiques saltatorias.

L'émotion exagère les contractions des myocloniques. Chez la première

de nos malades l'émotion est la cause appréciable de la maladie et surtout

de son exagération. Les secousses de la seconde malade ont augmenté,

une seule fois, après une petite contrariété ; mais la maladie n'a pas eu

son origine dans une perturbation émotionnelle.

Le froid, les courants électriques ont aussi une action exagérative.

Les contractions myocloniques sont arythmiques. Il y a de très rares

cas (Ziehen et Silvestrlni) dans lesquels on parle d'un certain rythme

dans la succession des secousses; mais presque la totalité des cas signale »e

l'arythmie et, quant au rythme des deux cas cités et de celui du chien de

l'observation de Vanlair, on peut faire des objections.

Nous considérons avec Huchard et Fiessinger que l'arythmie est un

symptôme très important et que le rythme est plus particulier aux mouve-

ments pithiatiques. Lemoine et Lemaire ont vu des mouvements de flexion

et d'extension des doigts parfaitement rythmiques, mais à côté de ces

mouvements il y avait des contractions tout à fait arythmiques.

Quelques auteurs onl observé une certaine symétrie dans les muscles

ou groupes musculaires atteints. On l'a même considérée comme un carac-

tère des contractions myocloniques. Eu effet on trouve souvent la symétrie,

mais elle manque souvent aussi. Chez notre première malade il y a symé-

trie de certains groupes musculaires, par exemple, les muscles des épaules

et des bras ; mais la symétrie n'existe pas dans les muscles du membre

inférieur.

Chez la seconde malade la symétrie existe aussi, mais pas parfaite.

Symétrie ne veut pas dire que les muscles symétriques se contractent

en même temps, elle signifie que les muscles symétriques sont atteints

par la même contraction, mais dans divers moments. C'est ce qu'on voit

chez nos deux malades.

Les contractions sont asynchroniques.

Déjà Friedreich l'avait remarqué.

a L'affection, disait-il, occupait d'une façon symétrique les muscles du

côté droit et du côté gauche, mais chacun de ces muscles présentait dans

ses contractions une indépendance complète, et tantôt l'un, tantôt l'autre,

se conctractait isolément et indépendamment des autres.

S'il survenait une contraction simultanée de plusieurs muscles, ce n'était t

que par un effet de hasard assez compréhensible, étant donné la fréquence

des contractions. »

MYOCLONIES ESSENTIELLES 103

Les mesures rigoureuses prises par Pierre Marie montrent que, même

quand il semble exister une simultanéité de contraction, il y a toujours

une petite différence entre un côté et l'autre côté, différence minime qui

oscille entre 7/50 et 4/50 de seconde.

Quant au siège de préférence de ces contractions il est difficile de faire

une classification exacte des muscles préférés. Mais il semble que les

muscles des membres inférieurs sont les plus atteints et spécialement le

quadriceps fémoral, le demi-tendineux, les péroniaux, les extenseurs

des doigts et les adducteurs. Du bras : le deltoïde, le biceps, le brachial

antérieur, le long supinateur et les extenseurs sont les plus atteints. Du

ventre : les muscles abdominaux antérieurs et surtout le droit antérieur.

Du thorax : les pectoraux. Du cou : les muscles de la région postérieure

et le sterno-cléido-mastoïdien. De la face : les orbiculaires, le frontal, les

zygomatiques, etc. Mais ces indications ne sont pas certaines. Les obser-

vations publiées ne nous permettent pas de faire une statistique qui puisse

nous donner des conclusions précises et exactes.

Chez nos malades tous ces muscles et bien d'autres sont également

atteints, d'où résulte la multiplicité de mouvements que nous avons

décrits surtout chez la seconde malade.

Ce n'est que rarement que les contractions peuvent atteindre un muscle

seul (Hucbard et Fiessinger).

Relativement à l'intensité des secousses nous avons déjà noté que plus

elles sont répétées plus elles sont fortes. C'est ce qu'on observe pour notre

seconde malade chez laquelle on voit de vraies crises de contractions

suivies et très fortes.

Les contractions myocloniques ne sont pas douloureuses. Les malades

se plaignent d'une légère fatigue des muscles les plus atteints. La sensa-

tion désagréable qu'ils éprouvent est de ne pas pouvoir dominer leurs

secousses.

La force musculaire n'est pas altérée.

Les réflexes sont généralement normaux.

Quelques auteurs ont observé une exagération des réflexes rotuliens.

Chez notre seconde malade les réflexes radiaux et tricipitaux sont vifs;

mais les rotuliens sont normaux dans les deux cas.

Les sensibilités sont normales.

Les organes des sens sont intacts. Quelquefois on a observé des mou-

vements nystagmiformes comme nous l'avons constaté chez notre seconde

malade.

Dernièrement Lenoble et Aubineau ont décrit une nouvelle variété

myoclonique dans laquelle le nystagmus est la contraction dominante.

C'est une maladie héréditaire et familiale de laquelle nous nous occupe-

104 MON1Z

rons tout de suite à propos des myoclonies symptomatiques et de la mala-

die d'Unverriclrt.

L'état physique des myocloniques est bon.

L'état psychique ne subit pas d'altérations sensibles. Dans certains cas

on a cité un petit affaiblissement de la mémoire et de la volonté. Ce sont

des exceptions et il faut savoir si on a constaté cela dans les myoclonies

essentielles ou si cet affaiblissement apparaît dans les myoclonies sympto-

matiques.

Le début de la maladie est, en général, lent et insidieux et très varia-

ble suivant les formes myocloniques.

Il y a des cas (comme chez notre première malade) dans lesquels les

contractions surviennent avec intensité après une émotion. Dans d'autres

cas (comme chez notre seconde malade) les secousses sont au commence-

ment localisées à quelques muscles de la face, et se généralisent lentement

et par poussées à presque tous les muscles.

Leur durée est très variable. La myoclonie est susceptible d'améliora-

tion et on a cité des cas de guérison ; mais presque toujours la maladie

persiste, résiste à tous les traitemenls, et si elle disparaît c'est pour récidi-

ver. Dans nos cas les mouvements sont bien définis et ont les caractéris-

tiques et l'intensité d'aujourd'hui, depuis cinq ans, chez notre ptemière

malade et depuis trois ans chez la seconde.

Aucune des deux malades n'a eu de périodes de repos, mais toutes les

deux ont éprouvé des périodes d'intensité diverse.

Avant de nous occuper du diagnostic des myoclonies nous devons trai-

ter de leur classification.

Classification des myoclonies.

Nous avons déjà parlé des myoclonies symptomatiques et essentielles :

les premières sont liées à d'autres états morbides et les secondes ne sont

associées à aucune maladie connue. Il est difficile de préciser, pour le

moment, les relations qui existent entre les myoclonies maladies et les

myoclonies que nous appelons symptomatiques ; mais nous devons faire

cette séparation comme nous l'avons fait pour les chorées. Des études ana-

tomopathologiques ultérieures résoudront le problème. Quant à présent

nous devons seulement constater les faits que la clinique nous impose.

Dans le groupe des myoclonies symptomatiques nous mêlions :

1) les myoclonies infectieuses auxquelles nous avons déjà fait allusion

au commencement de ce travail et qui doivent comprendre les cas de la

maladie de Dubini, les cas de Meynier, de Papillon et Gy, de Valobra,

etc. ;

MYOCLONIES ESSENTIELLES 105

2) les myoclonies des hémiplégiques (cas de Dejerine et Camus, de

Mosny et Mal loizel, etc.) ;

3) les myoclonies syphilitiques (cas de Simonelli et de Tinel et André

Cain) ;

4) Les myoclonies hystériques à qui appartiennent quelques-uns des

cas décrits comme myoclonies essentielles ;

5) les myoclonies des dégénérés (la chorée variable des dégénérés de

Brissaud;

6) les myoclonies épileptiques.

De toutes ces myoclonies symptomatiques celles qui sont liées à l'épilep-

sie méritent une attention spéciale. Elles se présentent dans l'épilepsie

jacksonienne et dans le grand mal comitial.

Les myoclonies épileptiques partielles peuvent se trouver sous deux for-

mes diverses : comme équivalent jacksonien ou comme symptôme concur-

rent dans les épilepsies partielles. Comme exemple de la première forme

nous pouvons citer le cas de Tinel et André Cain qui ont observé des

mouvements myocloniques du membre inférieur comme équivalentjachso-

nien dans une monoplégie corticale d'origine syphilitique, et le cas de

Simonelli dans lequel les secousses myocloniques étaient limitées aux

muscles du côté gauche, vrai équivalentjacksonien par lésion syphilitique

du cortex moteur à droite.

La seconde forme constitue le syndrome de Kogewnikoff, c'est-à-dire,

l'existence chez le même malade des crises d'épilepsie jacksonienne et des

secousses myocloniques qui alternent continuellement. Cet état morbide

est aussi appelé épilepsie partielle continue.

Les relations des myoclonies avec l'épilepsie essentielle sont bien plus

complexes.

On peut séparer trois variétés :

10 la myoclonie épileptique intermittente (Euzière et Maillet);

2° la myoclonie familiale épileptique ou la maladie d'Unverricht, et

3° le nystagmus-myoclonie de Lenoble et Aubineau.

Dans la myoclonie épileptique intermittente les secousses myocloniques

paraissent par accès et doivent être considérées comme auras motrices ou

équivalents épileptiques. Dans les cas décrits on ne peut pas prendre ces

secousses comme la manifestation d'une maladie surajoutée.

Ces crises myocloniques peuvent avoir des formes diverses : ou elles

se réduisent à de petites contractions difficilement perceptibles (Russel

Raynold), ou elles sont du type du paramyoclonus multiplex de Fried-

reich (Sizaret et Havarit, Santenoise et Laignel-Lavastine), ou alors les

contractions produisent des mouvements similaires à ceux que nous avons

106 MONIZ

décrits chez nos deux observées : mouvements larges, avec localisations

diverses. Dans un cas de Shanahan les mouvements étaient localisés au

visage, au cou et aux membres supérieurs et dans l'autre cas ils étaient

généralisés aux quatre membres.

Les myoclonies familiales rl'Iliauerniclit ont une individualité nosolo-

gique bien authentique. Il s'agit toujours d'épileptiques chez lesquels les

crises ne sont pas très intenses.

Entre 10 et 15 ans elles sont moins- fréquentes et peuvent disparaître

pendant que les secousses myocloniques commencent à se développer.

Les contractions musculaires sont surtout accentuées aux membres et au

tronc, moins appréciables à la face.

Dans quelques cas les crises épileptiques ne disparaissent jamais ; elles

persistent indéfiniment. Les secousses dans ces cas coexistent, précèdent

les crises et c'est à ce moment qu'elles sont le plus fortes et le plus vio-

lentes.

Les malades finissent généralement par s'immobiliser au lit et meurent

en cachexie. Le pronostic est toujours réservé.

La particularité spéciale de cette variété morbide est son caractère

familial. La première description d'Unverricht, qui date de 1891, parle

de cinq frères, fils 'd'un père alcoolique. Weiss et Cavaleri ont examiné

sept malades appartenant à quatre générations. Lundborg se réfère à quatre

cas du même mal dans la même famille. Les observations des cas de cette

maladie sont aujourd'hui nombreuses, et cette myoclonie familiale grave,

avec crises épileptiques, mérite bien une placeà part dans le groupe

des myoclonies symptomatiques, comme une entité morbide bien carac-

térisée et définie.

Le nystagmus-myoclonie dernièrement décrit par Lenoble et Aubineau

qui l'ont observé en Bretagne est, surtout, caractérisé par le nystagmus.

C'est une affection congénitale, souvent héréditaire et familiale, et qui

persiste toute la vie avec les mêmes caractères. Les malades présentent

souvent avec le nystagmus (qui est toujours indépendant de toute lésion

pathologique qui puisse l'expliquer) d'autres symptômes, notamment les

secousses musculaires, fibrillaires ou fasciculaires, qui attaquent un mus-

cle ou un groupe musculaire.

Il y a habituellement, chez ces malades, des anomalies de développement

et des stigmates de dégénérescence. Les auteurs classifient en cinq types

différents les cas qu'ils ont étudiés. Dans un des cas il y avait des crises

épileptiformes, ce qui a fait dire à Crouzon qu'il y a peut-être des analogies

entre ces myoclonies chez les épileptiques et la maladie d'Unverricht.

Nous pensons de la même manière.

MYOCLONIES ESSENTIELLES 107

Lesmyoclonies symptomatiques étant énumérées et définies, il reste les

myoclonies qui ne sont pas liées à d'autres états morbides, qui ont une vie

autonome, et que nous appelons myoclonies essentielles.

Elles peuvent présenter les formes suivantes :

1° La myoclonie fibrillaire essentielle dans lesquels le symptôme prin-

cipal est la contraction fibrillaire. La myokimie de Kny-Schultzeet la cho-

rée fibrillaire de Morvan, qui s'identifient par leurs tableaux symptoma-

toloiques, représentent ce premier type de myoclonies essentielles.

2° Le para11¿ ! Joclonus multiplex de Friedreich ou myoclonie sans

déplacements, dans lequel les contractions fasciculaires des muscles, par-

fois très intenses, ne produisent pas de déplacements vifs. Ce type, défini

par Friedreich, a des caractères spéciaux et les observations rares qui

sont adjointes au premier cas de l'auteur, justifient son individualité

morbide autonome, comme une variété à maintenir entre les myoclonies

essentielles.

3° La myoclonie à grands déplacements dans laquelle lesmaladescomme

chez nos deux observées présentent de grands mouvements des membres,

du tronc, du cou, de la face, etc., comme conséquence des contractions

spontanées, brusques, involontaires, incohérentes, illogiques, des divers

muscles qui actionnent ces segments.

, Ètiologie.

Sur t'étiologie des myoclonies essentielles nous ne savons rien de posi-

tif. On accuse les émotions, ce qui n'est pas constant, et le fond neuropa-

thologique des malades.

Le froid est aussi incriminé. Dans un cas de Seeligmüller les secousses

ont commencé après une douche froide.

Les traumatismes et les grands efforts (cas de Starr) sont cités, ainsi

que l'anémie, le rhumatisme, l'affaiblissement général par la tubercu-

lose, etc.

L'âge est le plus variable. Il semble que le type paramyoclonus est plus

particulier aux âges avancés et le type à grands déplacements aux per-

sonnes plus jeunes.

Le climat maritime aurait une influence favorable à la production de

la myoclonie.

La marche est. continue et progressive.

Le pronostic est réservé. La guérison, si elle existe, est très rare ; mais

la myoclonie n'affecte ni la vie physique ni la vie psychique du malade.

108 MONIZ

Anatomie pathologique. - Pathogénie.

L'anatomie pathologique de la myoclonie est obscure. Les autopsies de

Friedreich, Rossi et Gonzales, Lundborg, Ferrero, Paviot et Nové-Josse-

rand, Edoardo Poggio, Lenoble et Aubineau, Santenoise et Laignel-Lavas-

tine, n'arrivent pas à des conclusions' concordantes. Il y a les autopsies

négatives et dans les autres on a trouvé l'ischémie des organes centraux

et surtout celle des zones rolandiques et pieds des troisièmes circonvolu-

tions frontales, droite et gauche (Rossi et Gonzales) ; oedème cérébral

(Ferrero) ; lésions de méningo-encéphalite \Paviot et Josserand) ; et

lésions des cellules du cortex et des cornes médullaires signalées par

Edoardo Poggio qui admet l'irritation chronique des cellules radiculaires

antérieures dans le paramyoclonus.

Sur la pathogénie des myoclonies règne la plus grande incertitude.

Les uns considèrent la myoclonie une simple affection fonctionnelle,

une névrose spéciale, les autres la font dépendre des altérations du sys-

tème nerveux central, périphérique ou encore des muscles.

Le plus grand nombre des auteurs est en faveur de son origine corti-

cale, ce qui semble être confirmé par les expériences de Roncoroni (exci-

tation de la région corticale motrice) ; mais il nous manque pour le

moment des éléments indispensables pour établir sur des bases sûres cette

orientation.

Diagnostic.

Le tableau symptomatologique des myoclonies étant exposé, leur clas-

sification faite, le peu que nous savons de l'étiologie, pathogénie et ana-

tomie pathologique étant décrit, nous allons aborder la question du dia-

gnostic de cette maladie. A cause de la confusion des descriptions de ces

hypercinésies, tantôt présentées avec une désignation, tantôt avec une

autre, nous trouvons parfois des difficultés dans leur diagnostic.

Les bornes des myoclonies ne sont pas les mêmes pour tous les auteurs

et leur classification n'est pas admise par tous, sur le même critérium.

Conséquemment il arrive que la même maladie a des désignations diffé-

rentes. Nous avons déjà abordé ce sujet et nous l'aborderons encore tout à

l'heure.

Il ne vaut pas la peine de parler du diagnostic différentiel entre les

mouvements myocloniques et les tremblements : secousses brèves, rapides,

de petite amplitude, qui se reproduisent avec un rythme régulier et qui

appartiennent généralement à des états pathologiques définis.

MYOCLONIES ESSENTIELLES 109

Les secousses qui peuvent paraître dans l'hystérie sont aussi de facile e

séparation.

La confusion entre la myoclonie et les spasmes n'est pas possible. Ceux-

ci sont limités à un territoire nerveux; les autres n'obéissent pas à la

distribution anatomique des nerfs.

Nous avons déjà parlé de la possibilité d'une confusion entre les chorées

et les myoclonies à grands déplacements.

Trousseau, Henoch, Bergeron, en ont montré les caractères différentiels.

Charcot et Gilles de la Tourette ont fait la séparation à propos de l'étude

d'une affection nerveuse caractérisée par de l'incoordinatiozz motrice, écho-

lalie et coprolalie et ensuite dénommée maladie des tics convulsifs.

Les mouvements myocloniques sont plus violents, plus brusques, plus

anguleux, suivant la phrase de Gilles de la Tourette, plus répandus, que

les mouvemenls choréiques qui sont, au contraire, plus mous, plus lents,

plus « arrondis », comme l'a écrit Sydenham, lui-même, à propos de

l'affection qui porte son nom.

En outre, les choréiques sont maladroits. Ils ne peuvent pas exécuter

les actes usuels de la vie. Au contraire les myocloniques ne sont pas

incommodés dans l'exécution de ces actes. Notre première malade peut t

enfiler une aiguille et coudre comme avant sa maladie ; la seconde malade

écrit avec une facilité relative et dans ses lettres personne ne peut décou-

vrir la maladie dont elle souffre.

Ces faits ont été déjà remarqués par Trousseau à propos d'un cas auquel

nous nous sommes déjà référé.

Dans la chorée il y a une inquiétude motrice constante (Oppenheim) ;

le malade n'a pas d'intervalle de repos.

Dans la myoclonie il y a des périodes de quiétude qui séparent les

crises de secousses musculaires.

On peut encore rappeler que la marche des chorées est différente de la

marche des myoclonies et que la mentalité des choréiques est atteinte

(chorée de Sydenham, chorée paralytique, chorée Iluntigton), tandis que

dans les myoclonies il n'y a pas, généralement, de perturbations psy-

chiques. -

Ces caractéristiques séparent très nettement la chorée de la myoclonie ;

mais il y a des formes intermédiaires dans lesquelles le diagnostic peut

offrir des difficultés comme, par exemple, le cas d'André-Thomas pré-

senté à la Société de Neurologie (11). '

Il semble aussi .que les deux maladies peuvent exister associées et on

donne comme un des exemples de la troisième observation de Bergeron

(1) Séance du 10 mars 19)0.

HO MONIZ

(in thèse de Berland) ; mais ces mouvements myocloniques doivent avoir

été de nature hystérique.

Il nous faut, aussi, établir le diagnostic différentiel entre les myoclonies

et les tics.

La délimitation des tics s'imposaitcliniquemeut. Déjà Trousseau, Charcot

et Friedreich avaient'ébauché leur séparation du groupe des spasmes, en

mettant en évidence le facteur psychique dans leur production. Oppenheim,

Brissaud et spécialement Henry Meige et Feindel ont bien étudié la nou-

velle entité nosologique. Ces deux derniers auteurs l'ont définie, ont mar-

qué ses limites, ont montré ses éléments étiologiques et ont indiqué son

traitement. En résumé, le tic est le résultat de la répétition d'un acte

primitivement coordonné pour obtenir un but déterminé et qui finit par

se produire involontairement, sans cause et sans but.

Ces actes sont exagérés dans la forme et l'intensité, mais conservent t

toujours une certaine systématisation.

Les tics ainsi définis, rendus dépendants de l'élément psychique qui leur

donne l'origine, méritent bien d'être séparés de tous les autres mouvements

convulsifs qui leur sont semblables quant à la forme, mais qui fondamen-

talement ont une signification diverse. Par exemple, entre un spasme qui

est le résultat de l'irritation d'un point de l'arc réflexe (Brissaud) et un

tic qui provient toujours d'une intervention des centres corticaux supé-

rieurs, il y a la différence qui existe entre le résultai d'une lésion irritative

et le produit d'une action psychique.

Les myoclonies essentielles n'appartiennent pas au groupe des tics.

Quelques unes peuvent leur ressembler dans leur période initiale, mais

les mouvements n'ont pas la même pathogénie, ils se compliquent rapide-

ment et il n'y a pas la coordination et la systématisation qu'on devine

toujours chez les liqueurs. Le tic est généralement un mouvement localisé,

il se répète toujours d'une manière stéréotypée (Oppenheim), le malade

peut toujours l'éviter pendant quelque temps sous l'action énergique de

la volonté. Nous n'avons trouvé rien de cela chez nos malades. Les mou-

vements sont les plus divers, les plus désordonnés possibles et ils se succè-

dent de manière que, dans leur début, nous ne pourrions pas préciser,

d'avance, leur développement. Ce serait vouloir aller trop loin de voir

des mouvements coordonnés ou leurs caricatures (Charcot) dans ceux que

nous observons chez nos malades.

En admettant cela, on pourrait voir des systématisations et coordina-

tions dans tous les mouvements les plus divers et les plus variés.

Et, bien au contraire, dans les mouvements des tiqueurs on reconnaît

toujours ces caractéristiques. 1

MYOCLONIES ESSENTIELLES i 1 f

En outre la volonté n'a pas chez nos malades une action inhibitoire sur.

les secousses et dans les tics la volonté domine toujours, pendant un cer-

tain temps les mouvements.

Les tics ont d'ailleurs un siège fixe où ils ont été créés. Dans nos cas

les mouvements atteignent presque tous les muscles, ils n'ont pas de

siège fixe, ils sont si différents et si variés que difficilement on pourrait

comprendre le travail psychique de la formation de chacun d'eux. En

outre, ils se sont généralisés rapidement, presque tout d'un coup, sous

une action émotive ou sans cause appréciable, ce qui contrarie l'hypo-

thèse formatrice des tics.

Mais les tics ne sont pas toujours localisés. Quelquefois ils peuvent

aussi se multiplier en conservant toujours la même pathogénie.

Ce sont des cas qui donnent parfois de vraies difficultés de diagnostic.

Gilles de la Tourette et, après lui, Guinon et Charcot ont fait connaître

des cas d'une maladie qu'ils ont nommée la maladie des tics convulsif s

avant la définition des tics que nous avons acceptée et que les travaux de

Henry Meige et Feindel ont divulguée.

En passant en revue tous les cas décrits sous cette désignation, nous

trouvons que la plupart de ces cas sont tout à fait identiques aux nôtres

et nous trouvons d'autres cas dans lesquels les malades ont de vrais tics,

une grande tendance imitative : écholalie, échocinésie, coprolalie ainsi

qu'un état mental particulier qui se manifeste surtout par la présence

d'idées fixes (Guinon).

Ces derniers cas doivent être séparés des premiers. Ils ne présentent,

généralement, ni le même polymorphisme, ni la même soudaineté, ni la

même brusquerie.

Ces malades présentent, d'ailleurs, une certaine coordination de mou-

vements et ils peuvent les dominer par la volonté.

Au contraire, chez nos malades nous n'observons pas l'imitation. Elles

ne reproduisent pas les mots que nous leur disons ni les mouvements

que nous exécutons devant elles. Elles ne peuvent pas dominer par la

volonté leurs mouvements ; au contraire, quand on l'a fait intervenir ils

augmentent.

D'ailleurs, l'étal mental de nos malades n'est pas atteint tandis que

chez les liqueurs un déséquilibre psychique existe (Henry Meige). Déjà

Charcot disait que le tic était « un produit direct de la vésanie» et Bris-

saud l'appréciait comme un « état mental spécial, des bizarreries, de l'ex-

centricité, bref, une tournure d'esprit qui marque plus ou moins de désé-

quilibration ».

Nous avons vérifié tous ces caractères spéciaux et différentiels dans un

112 2 MONIZ

cas de notre service. C'était une jeune fille de 17 ans avec des mouve-

ments plus accentués à la face et au cou, mais qui existaient aussi aux

membres ; mouvements qui ont apparu successivement et lentement ;

mouvements toujours figurés, de formalion psychique, pas si brusques

que ceux que nous avons observés chez nos myocloniques. Elle présen-

tait aussi de l'écholalie et une échoeinésie notables. Elle ne pouvait pas

résister à répéter des mots qu'elle entendait et auxquels elle en ajoutait

d'autres. Par exemple, on parlait de pain : elle disait beaucoup de pain.

Ce mot beaucoup (muito, en portugais) était le plus répété et presque

toujours associé à d'autres mots qu'elle entendait. En outre elle exécutait

les mouvements qu'elle voyait faire. L'imitation était plus facile quand

elle était distraite. 1

La volonté pouvait dominer les mouvements et l'imitation, dans cer-

taines limites.

La malade avait un état psychique spécial.

Entre ce cas que nous pouvons, peut-être, appeler tic généralisé elles

deux que nous publions il y a les différences que nous avons déjà signa-

lées entre quelques-uns des cas publiés par Gilles de la Tourelle, Charcot,

Guinon, etc.

La majorité des cas de tics généralisés et de la maladie de Gilles de la

Tourelle ont été décrits, dernièrement, entre les myoclonies, les pseudo-

cborées électriques et, même, comme variétés du paramyoclonus. C'est

une confusion dans le langage médical qu'il faut éviter.

On peut demander si les caractères que nous avons appréciés comme

éléments de diagnostic différentiel entre les tics généralisés et les myo-

clonies, sont suffisants pour faire une séparation entre les deux hyperci-

nésies.

En effet, la difficulté du diagnostic est parfois énorme dans les cas

intermédiaires et les deux maladies ont certainement beaucoup de points

de contact. Mais il y a des tics généralisés, qui ont la même pathogénie

psychique que les tics isolés et ceux-ci ont des caractéristiques qui les sépa-

rent de tous les autres mouvements.

Je sais bien que la base psychique est quelquefois difficile à surprendre

et à reconnaître ; mais tous les médecins ont vu des cas cliniques où elle

est bien évidente. En outre, les liqueurs présentent d'autres symptômes,

et la thérapeutique rééducative produit chez eux des bénéfices que les myo-

cloniques n'obtiennent jamais. Mais plus ils se généralisent plus ils se

rapprochent de la myoclonie. Et voilà la difficulté du diagnostic.

On dit même qu'il y a des myoclonies qui ont commmencé par des

vrais tics. Voilà une affirmation qu'il faut démontrer. Pour affirmer que

les tics et les mouvements myocloniques à leur période initiale sont quel-

MYOCLONIES ESSENTIELLES 113 : 3

quefois identiques, il faudrait connaître leur genèse, leur évolution, le

psychisme du malade, etc.

Je pense qu'on a trop généralisé les idées sur les tics à des mouvements

apparemment égaux mais qui ont des origines différentes.

Mais, au contraire, faire des tics des mouvements myocloniques (Van-

lair) c'est affaiblir la valeur psychique de leur formation qu'il faut con-

server comme une vérité scientifique bien démontrée.

La maladie de Gilles de la Tourette a, par l'extension des mouvements,

qui souvent surviennent subitement, par sa forme toujours progressive,

un caractère particulier (Henry Meige).

Nous le trouvons chez nos deux malades et dans la majorité des cas

décrits.

Il est bien différent de ce que nous trouvons chez les liqueurs.

A propos d'un de ses malades Gilles de la Tourelle disait en 1899 dans

une remarquable leçon : « il vous suffira d'observer notre malade pour

noter que les secousses musculaires qui l'agitent n'ont rien de figuré :

elles sont brusques, soudaines, essentiellement variables dans leur forme,

leur expression et leur intensité.

Et comme nous l'avons vu, les tics sont toujours des mouvements systé-

matisés ou leur caricalure. L'oeuvre de Gilles de la Tourette reste : l'étude

des cas de cet auteur est parfaite, mais nous devons y ajouter les cas

semblables, pour éviter une complication de langage médical toujours

nuisible. Lui-même a montré la difficulté dans un de ses derniers travaux

sur ce sujet, à propos du diagnostic différentiel de sa maladie : « je ne

fais, disait-il, que mentionner la chorée électrique ou maladie de Dubini,

maladie probablement infectieuse qui, d'après cet auteur lui-même, n'a

aucune analogie avec la chorée; la chorée de Bergeron, la chorée fibril-

laire de Morvan, le paramyoclonus multiplex de Friedreich, autant

d'affections qui n'ont pas de place définie dans le cadre nosologique.

Ces myoclonies comme on les a appelées si vaguement pour masquer l'in-

suffisance de leur identité appartiennent soit, aux tics convulsifs, soit à

l'hystérie. »

Nous suivons cette opinion et nous pensons que toutes ces hyperciné-

sies, variées dans leurs formes, ont des caractères communs et on peut

bien les mettre dans le même chapitre. Seulement, en acceptant la sépa-

ration des tics de Henry Meige et Feindel, comme entité morbide, nous

devons leur donner une autre dénomination.

La désignation myoclonie est acceptable. Elle signifie le symptôme

principal et nous séparons ainsi ces hypercinésies des lies qui ont aujour-

d'hui une autre signification clinique. D'un autre côté, le cadre symptô-

malique des myoclonies est aussi bien défini que le cadre des autres

114 MONIZ

hypercinésies. Dans ce chapitre général nous avons séparé les formes

diverses qui onl été décrites avec différentes désignations en montrant

leurs particularités spéciales, mais toutes groupées dans la même descrip-

tion.

Traitement.

Les traitements employés jusqu'à ce jour n'ont pas donné de résultats.

Les médicaments, l'hydrothérapie, l'électrothérapie, l'isolement, la psy-

chothérapie, la discipline psycho-motrice (Brissaud et Meige) n'ont pas

apporté d'amélioration ou ont donné des résultats éphémères. Dans ce

chapitre de la thérapeutique les diverses formes des myoclonies essen-

tielles se ressemblent parce qu'elles se comportent de la même manière.

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\\vi 8

SEIN HYSTÉRIQUE ET SUGGESTION

PAR

René CHARON et Paul COURBON

Médecins de l'Asile d'Aliénés d'Amiens.

La question de la nature des troubles vasomoteurs que l'on rencontre

parfois chez les hystériques est encore l'objet des plus vives contestations.

Pour certains auteurs, partisans de l'Ecole ancienne, ces troubles seraient

essentiellement symptomatiques de la névrose. Pour d'autres, partisans de

la doctrine du pithiatisme, ils dépendraient d'une cause surajoutée à l'hys-

térie et cela parce que la suggestion et la persuasion seraient toujours im-

puissantes à les provoquer et à les supprimer.

Nous rapportons ici un cas d'érythème et d'oedème mammaires qui,

étant donné la rigoureuse observation des circonstances dans lesquelles il

se produisit, nous a paru mériter d'être consigné. De l'examen auquel

nous nous sommes livrés avec la plus grande conscience et la plus grande

impartialité possibles, il nous semble permis de conclure que chez notre

sujet, la production des troubles vasomoteurs ne saurait être attribuée

à d'autre cause qu'à l'autosuggestion et que seule la persuasion médicale

est responsable de leur guérison.

Observation.

M ... Charlotte, âgée de 13 ans 1/2, entre à l'Institut médico-pédagogique de

Dury-les-Amiens le 30 décembre 1911 pour crises de nerfs et attaques de

sommeil.

Antécédents héréditaires. - Sa mère, nous dit-elle, est morte en juin 1910

d'un cancer du sein opéré deux fois, et était sujette à des pertes de connaissance

avec gesticulation intense. Son père est un pilier d'hôpital et souffre de l'esto-

mac et du genou. '

Personnellement, c'est une fille courtaude et solide avec une poitrine plus

développée que ne comporterait son âge. Elle rougit facilement, mais s'exprime

très bien.

Elle a été opérée deux fois à l'âge de 12 ans pour des abcès de l'aine gauche

n'ayant pas laissé de grosses cicatrices, et a eu la fièvre typhoïde pendant les

trois premiers mois de l'année 1911 qu'elle passa à 1'llôtel-liieu d'Abbeville.

Elle a été réglée une première fois en décembre dernier pendant 4 jours, et

une seconde fois seulement en juillet dernier du 4 au 8.

SEIN HYSTÉRIQUE ET SUGGESTION 119

Le début de ses crises nerveuses date de novembre 1911. Il lui arrivait de

s'endormir pendant son travail à l'occasion d'une réprimande ou d'une émotion

quelconque. Elle ne sait pas exactement ce qui se passe pendant son sommeil,

quelquefois elle se rappelle avoir entendu des tambours ou des cris et éprouve

généralement dans le gosier comme une sensation de boule. Elle se réveille en

pleurant et reprend rapidement connaissance.

Les patrons chez qui elle était en service depuis la convalescence de sa fièvre

typhoïde, inquiets de la fréquence de ces sommeils soudains, la conduisirent à

l'hôpital où le traitement bromure et l'hydrothérapie furent sans résultat; on

la traasféra à l'hospice St-Charles, puis finalement à l'Institut médico-pédago-

gique.

Le développement intellectuel est normal, elle a son certificat d'études, elle

est docile, mais d'une grande susceptibilité.

L'examen physique ne révèle rien qu'une exagération assez marquée des

réflexes rotuliens, une sensation douloureuse persistante-au niveau de la

glabelle frontale avec paroxysme au moment des crises, une raucité congéni-

tale de la voix.

5 janvier 1912. - Hier soir en se couchant la malade est tombée à terre,

se raidit, écumant de bouche ; elle est restée endormie jusqu'à ce matin

8 heures 1/2.

10. Une crise convulsive de 3 heures, soubresauts, cris, puis sommeil.

18. - Depuis hier soir elle est en crise. Elle s'était couchée, quand soudain

elle s'est jetée la tête contre terre, poussant des cris, se plaignant, de souffrir,

d'entendre des tamhours, appelant « Maman » Hypoesthésie généralisée. Hyper-

esthésie des globes oculaires, le moindre attouchement à ce niveau provoque

des cris, mais non le réveil.

A 11 heures du matin, la malade revient à elle ne se souvenant de rien. Plus

d'hyperesthésie.

19. - Hier soir, à 7 heures du soir, voyant une camarade tomber en crise,

elle tombe aussi en appelant « maman *, « maman », et s'endort rapidement

d'un sommeil stertoreux, les sourcils froncés, les membres raidis et présentant t

un certain degré de raideur cataleptoïde (flexibilitas cirea), se réveille ce

matin à 10 heures.

20. Léthargie depuis hier soir à 7 heures jusqu'à ce matin 11 heures.

23. - Léthargie de 1 heure à 4 heures 1/2 de l'après-midi.

24. Léthargie de 7 heures 1/2 à 11 heures du matin.

17 février. Convulsions généralisées, pendant 20 minutes.

21. - Convulsions et léthargie depuis 8 heures 1/2 du soir à 1 heure de

l'après-midi.

24. La malade est en état de sommeil depuis le 22 à 5 heures du soir

jusqu'à cette après-midi à 4 heures; pendant ces 47 heures n'a pas bougé ni

pour uriner, ni pour s'alimenter. Contracture des sourcils, raideur des mem-

bres sans catalepsie.

8 mars. Convulsions pendant une demi-heure.

15 avril. Léthargie pendant deux heures à la suite d'une contrariété.

120 CHARON ET COURBON

16. Léthargie à l'occasion de la douche.

6 mai. Convulsions pendant deux heures.

7. - Léthargie pendant toute la nuit.

10 juin. - Convulsions de 8 heures 1/2 il 5 heures 1/2.

20. Crises convulsives de 1 heure 1/2 à 5 heures du soir.

1"' juillet. Deux crises convulsives. Toutes ces crises succèdent il une

émotion. L'enfant ne porte aucun stimgate d'épilepsie, aucune cicatrice, aucune

morsure de la langue, ne gâte jamais.

Pendant leur intervalle, la malade suit avec régularité et succès les cours

pédagogiques et fait preuve d'une instruction moyenne pour son âge.

31. La surveillante de son quartier, qui depuis quelques jours souffrait

d'un abcès du sein droit, est opérée il midi par le chirurgien. Dans le courant

de l'après-midi, une abondante hémorragie se produit, et traverse le panse-

ment ; les infirmières s'affolent, envoient chercher interne et médecin, parlent

de danger de mort, et les enfants elles-mêmes sont ainsi mises an courant de

ce qui se passe dans la chambre de la surveillante. L'interne accourt, réclame

ergoline, seringue, sérum, appareils hémostatiques et arrive enfin à arrêter

l'écoulement sanguin, pendant que tout le petit monde des malades se demande

avec terreur ce qui se passe derrière la porte de leur maîtresse.

Notre fillette est très impressionnée, elle se targue des connaissances parti-

culières que le cancer du sein de sa mère lui a données pour expliquer la gra-

vité du cas à ses compagnes. Elle tarde beaucoup à s'endormir, ayant toujours

sous les yeux le spectacle émouvant de l'après-midi. Et le lendemain à son

réveil, elle ressent une vive douleur dans son propre sein droit qui est gonflé

et rouge, mais elle n'ose s'en plaindre encore au médecin. Ce n'est que le jour

suivant, jour de douche, que l'on constate l'état de l'organe.

La glande est tuméfiée, immobile et couverte d'une coloration rouge bleue

qui teinte uniformément mamelon, aréole et mamelle. Le contraste est frap-

pant avec l'autre sein qui a conservé sa mobilité avec sa pâleur, sur laquelle

se détachent nettement les deux nuances aréolaire et mamelonnaire physiolo-

giques.

La peau est chaude, mais souple, sans le moindre capitonnage. La palpation

n'efface pas la rougeur diffuse et exagère la douleur qui n'est pas très marquée ;

ni empâtement, ni ganglions, ni sécrétion, ni température, ni phénomènes

généraux, z

Interrogée, l'enfant déclare n'avoir pas osé montrer son sein la veille, espé-

rant que a ça ne passerait » ; elle demande si c'est grave. Le médecin répond

que ce n'est rien du tout, qu' « il n'y a rien à y mettre et que ça disparaîtra

tout seul ».

Dans l'après-midi même, la rougeur se flétrissait et le lendemain matin l'or-

gane avait repris son aspect et son volume normaux.

L'examen des photographies du sein opéré de l'infirmière et du sein hysté-

rique de la fillette permet bien de se rendre compte du mimétisme physiopa-

thologique qui caractérise notre cas (PI. XVIII).

NOUVELLE Iconographie DE la Salpêtrière.

T. XXVI. Pl. XVIII

SEIN HYSTÉRIQUE

(R. Cbaron et P. Courbou)

Masson & CIC, Editeurs

SEIN HYSTÉRIQUE ET SUGGESTION 121

r

Il s'agit donc d'une enfant de 14 ans, en traitement depuis des mois pour

crises convulsives et léthargiques, qui le lendemain du jour où sa surveil- -

lante avait été opérée d'un abcès du sein, se réveilla avec une mamelle

engorgée, violacée et douloureuse et fut débarrassée le jour suivant de

tous ces signes subjectifs et objectifs, dès que le médecin l'eut rassurée

sur leur bénignité.

L'examen complet de tous les organes de cette jeune fille et bien plus

encore celui des conditions dans lesquelles évoluèrent ces manifestations

vasomotrices n'autorisent pas, croyons-nous, à les rattacher à autre chose

qu'à un trouble purement fonctionnel du système nerveux.

Il ne saurait être question de supercherie. Outre que l'éruption ne pré-

sentait aucun des caractères d'une irritation externe et que l'enfant étroi-

tement surveillée jour et nuit n'avait aucune substance vicariante sa dis-

position, la rapidité de la guérison, sans l'administration du moindre

médicament, du moindre traitement, sans la moindre expression d'éton-

nement de la part du personnel médical prouve assez clairement que nous

n'avions pas affaire à une pantomime désireuse de se rendre intérressante.

On ne pourrait pas davantage incriminer une affection organique. Il

n'y eut aucun des phénomènes généraux qui auraient atteint une inten-

sité extrême, si ces apparences phlegmoneuses eussent répondu à la

réalité. De plus la résorption complète ne se serait pas effectuée en

quelques heures.

Le mécanisme pathogénique de cet engorgement inflammatoire du sein

semble donc uniquement psychique. ,

Chez cette enfant, le choc émolionnel causé par l'opération de son infir-

mière fut d'autant plus grand qu'une hémorragie survenue quelques heu-

res après le départ du chirurgien affola tout le quartier. Le sein opéré

fut l'objet de ses conversations pendant toute la journée et celui de ses rê-

ves pendant toute la nuit. Si bien qu'au réveil le propre organe de la

malade présentait l'apparence des meurtrissures de celui dont l'image

l'obsédait.

Nous ne voulons pas à l'occasion d'un seul fait recommencer la discus-

sion d'une des questions les plus controversées entre aliénistes et neurolo-

gistes. Le sein hystérique a déjà été l'objet de nombreux travaux. C'est à

cause des conditions rigoureuses d'examen dans lesquelles s'est déroulé

ce phénomène que nous avons cru intéressant d'en publier l'observation.

MANIE CHRONIQUE

PAR

R. BENON et PrDENËS

Hospice Général (Nantes)

La manie chronique n'est pas l'agitation chronique. Les états d'agita-

tion chronique comportent plusieurs variétés. La manie chronique ou

hypersthénie chronique est l'agitation maniaque pure chronique ; elle doit

notamment être différenciée de l'agitation maniaque associée à d'autres

syndromes. La manie chronique vraie s'oppose à l'asthénie chronique.

Voici un exemple de manie chronique vraie.

. Observation (PI. XIX).

Résumé. Entrée à l'asile en 1878 à 40 ans : mélancolie vraie avec agitation

anxieuse. La mélancolie a été remplacée par la manie. Manie chronique

certainement depuis 1884 jusqu'à 1912, soit durant 28 ans. Etat d'hypo-

manie (pas de fureur maniaque). Hype¡'myasthénie : marche alerte,parole

facile et claire, mimique active, gestes vifs, rires, sourires, chants, danses,

etc. Excitation intellectuelle très marquée. Mémoire rapide, précise. Atten-

tion éveillée. Jugement normal. Idées érotiques et religieuses. Moquerie.

Bouffonnerie. Tendance à la colère. Activité tantôt normale, tantôt

désordonnée. Collectionnisme. Tenue malpropre. Insomnie habituelle.

Probablement manie chronique pas/-mélancolique (mélancolie vraie) :

asthénomanie suivie de manie chronique.

Pierre, 40 ans, tisserand, entre à l'H. G. de Nantes le 23 mars 1878.

Etat du malade à son entrée. - D'après les notes de l'observation de 1878,

le malade était atteint à son entrée de mélancolie avec idées d'empoisonnement,

idées de suicide, refus de nourriture, agitation violente (agitation anxieuse pro-

bable).

Etat actuel 19 mars 1912. -Le malade, âgé actuellement de 74 ans,est un

hypomaniaque typique.

Il marche d'un pas alerte ; il parle avec facilité. « Ma santé est parfaite. Moi

malade ? Je suis plus amoureux que malade... amoureux du travail et de la

bouteille. Je me sens fort, vigoureux, comme à vingt ans... mais j'en ai 74. »

Il va et vient dans la salle d'examen, rit aux éclats, sourit, grimace ; ses gestes

sont souples, aisés, variés ; il ne cesse de causer sur ce qu'il voit, sur ce qu'il

NOUVELLE Iconographie DE la Salpêtrière.

T. XXVI. Pl. XIX

MANIE CHRONIQUE VRAIE

(Benon et P. Denès)

Masson & Cie, Editeurs.

Photoljpie Bertliaud, Paris

MANIE CHRONIQUE ' 12B

entend. Sa mimique est riche et expressive. Il chante, crie, danse, saute, court,

joue, etc. Ses chansons sont tantôt grivoises, tantôt religieuses.

L'hyperidéation est manifeste. Il parle pour ainsi dire de tout et sur tout.

Il évoque, quand il veut, aussi aisément les faits anciens que les faits récents

ou actuels. Il est attentif ; il passe souvent d'un sujet à un autre, mais il sait

parfaitement reprendre le sujet qu'il a abandonné. 11 a une notion précise du

temps et du lieu. Son jugement est normal.

Voici par exemple comment il se présente : la fuite des idées est générale-

ment très marquée. Il est impossible de diriger l'interrogatoire. Il vaut mieux

simplement écouter.

D. Voyons, voulez-vous dire en quelle année nous sommes ? R. 1912.

D. En quel mois ? R. Mars... le 10, la fête de St-Joseph, le patron des

cocus...

Le mois de Mars lui fait évoquer un dicton de la campagne : « En mars, je

somme ; en avril, je roupille; en mai, je dormirai malgré té. »

Puis il raconte ce qu'il a fait avant de venir nous voir, parle des gens qu'il

a rencontrés...

Tout à coup, il se met à faire des prières. D. Mais pourquoi ces prières ?

R. Eh bien dame, c'est toujours bon à quelque chose.

Il reprend : « Tiens, voyez-vous la pendule... et cet encrier... et le porte-

plume. » Il saisit ce dernier et se met à écrire. Il écrit très lisiblement et

presque sans tremblement son nom, son prénom, le nom de la commune où il

est né.

Il connaît la date de son entrée à l'asile.

D. Etiez-vous riche ? - R. J'ai un peu d'argent. J'ai trois cents francs.

Placés à cinq du cent, ça fait quinze francs de rente. J'avais un peu de vigne...

elle était à ma mère...

Il n'a pas d'idées de grandeur.

D. Vous avez 74 ans. Mais en quelle année êtes-vous né ? R. Le 19 jan-

vier 1838 (exact).

Il compte assez vite mentalement (il n'a eu qu'une instruction très élémen-

taire) : 14 6 = 8; 28 19 = 9 (très vite); 9 X 7 z il compte 9X4 = 36...

9 X 5 = 45... 78... Il passe à un autre sujet.

Il dit : «M. Olivier est un métayer de la Cafinière. Son fils Joachim avait

tiré un an avant moi. Il a été exempté du service... à cause des dents...

« Je me rappelle bien du Dr Petit. C'est le Dr Biaute qui l'a remplacé. Je

connais bien le Dr Biaute. Je connais son habitation aussi (il la décrit en dé-

tails)... » Tout ce qu'il dit est exact.

« Je me suis cassé la jambe à la porte de la 4e section (exact)...

«Mon beau-frère S... est un voleur... il m'a volé cent écus... »

Il parle parfois de son « temps » de soldat. Il a tiré le n° 40. Il a été incor-

poré au 92e de ligne à Paris, caserne Reuilly; puis il a été envoyé à Lyon.

Libéré, il a été rappelé en 1870, est allé à Marseille, puis à Montauban etc.

Il est ironique, moqueur. Il singe devant nous la colère d'une religieuse.

124 BENON ET DENÈS

Il aime faire des allusions aux choses génitales soit en paroles, soit par ges-

tes. Il sait toutefois observer une certaine réserve suivant la qualité des per-

sonnes.

Par moments dans la conversation il prononce quelques phrases dont on

ne saisit pas bien l'enchaînement avec le présent : « Il n'y a plus de pain...

J'aurai ta peau... Mes nièces sont les bourgeoises... » Il est probable qu'elles

ont une origine précise et une signification logique.

Etat émotionnel. Toujours gai, jamais triste ni inquiet. Devant nous il

ne s'attendrit pas lorsqu'il évoque le souvenir du passé, des siens, mais dans

le service il se montre doux, affectueux pour les malades qui souffrent. Il a

quelques sous qu'il gagne en chantant dans l'établissement, il en donne volon-

tiers aux enfants qui lui plaisent. - Il se met assez facilement en colère,

d'autant que ses camarades l'excitent, le contrarient. Il n'arrive jamais à

la manie furieuse. Il menace, injurie grossièrement, mais ne va pas plus

loin. Il fuit du reste ceux qui lui ont fait des misères : il les,insulte quand il

les rencontre.

Activité. - Il se promène dans l'hospice. Il est la joie de la maison par ses

rires, ses chansons, ses réparties, ses histoires, ses blagues. Il ne travaille

plus : autrefois, il travaillait au service de la « répurgation ». Il remplit ses

poches et sa chemise de toutes sortes d'objets (collectionnisme) ; par exemple,

on trouve sur lui aujourd'hui : une boîte carrée en carton, un couvercle

rond en carton, de la ficelle, un cordon, un chiffon blanc, un foulard déchiré

et usé, un morceau de couverture, une vieille tabatière, une petite bouteille

où il a mis du tabac à fumer.

Sa tenue est toujours très malpropre, quoiqu'on le change assez souvent. Le

jour où nous l'examinons, il arrive débraillé, la chemise déboutonnée, le pan-

talon tombant, une casserole à la main. Sa tenue ne peut guère être correcte à

cause des vêtements dont il est affublé, vêtements trop longs et trop larges, ou

alors trop courts et trop étroits.

Etat somatique. - Excellent. Le malade est de petite taille et un peu

voûté. Le regard est vif, intelligent, malicieux. Les artères ne sont pas'athé-

romateuses. Il trouve des occasions de boire dans l'établissement et rentre

quelquefois à la section en état d'ivresse.

Voici quelques renseignements sur sa vie journalière.

25 mars. - Il n'a presque pas dormi la nuit dernière (insomnie). Il s'est

levé souvent, causait seul, déplaçait les objets qui lui tombaient sous la main :

effets, sabots, brosses, etc. Il faisait peu de bruit et ne réveillait pas ses ca-

marades.

Dans la matinée, jusque vers 10 heures, il n'a fait que dormir sur une

chaise . Par moments il se réveillait et jurait après ses voisins.

Comme on retardait pour le laisser sortir de sa section, il se mit à supplier,

puis à se fâcher :

«Laisse-moi sortir, j'ai du travail à faire (il fait des commissions pour les

uns et les autres), tas de v..., tu n'auras pas ma peau..., va donc trouver X...,

il est aussi bête que toi... »

MANIE CHRONIQUE 123

Dans la journée, une fois sorti, il a circulé dans la maison ; il est allé à la ,

salle de garde des internes, on l'a vu dans les jardins, à la ferme, toujours

attentif, pressé, souriant, quelquefois en colère.

Le soir en rentrant, il s'est mis à crier et à jurer : il avait été frappé par

quelqu'un de la maison.

26. - Toute la matinée, à la section, il a été gai. Il emportait le charbon.

Il prenait les balais, les mettait dans un coin. Il cachait les brosses.

Le soir, s'est fâché parce qu'on l'a changé d'effets.

A peu dormi.

27. - Avant de sortir de la section a chanté et juré. Il a chanté la Mar-

seillaise, les Hymnes de la messe et des Cantiques. Le soir, en rentrant, était

dans un état de malpropreté repoussante ; il était couvert de poussière, la che-

mise en bannière...

28. - A joué aux cartes dans la matinée. A dormi l'après-midi, en attendant

le coiffeur. Il a fait ensuite des commissions dont on l'avait chargé : il connaît

presque tous les noms du personnel de l'hospice ; il connaît toutes les issues

de la maison. Au retour il a raconté tout ce qu'il avait vu. Il a rapporté de

menus objets qu'il avait dérobés là où il était allé.

29. Se promène dans l'hospice avec un bouquet de fleurs à la main.

30. Cris, chants, insomnie.

31. Toute la journée, humeur « massacrante ».

fer avril. -Insulte les religieuses : « v..., p..., marie-salope... etc. »

2. - Dort dans la matinée.

6. - Hargneux, irascible, a fait au lever un tapage infernal. A monologué

toute la nuit.

7. - A chanté toute la matinée, tantôt des chants religieux, tantôt des chants

érotiques.

10. - Coléreux, mais redevient très vite gai.

Renseignements sur la durée de cet élat hypomaniaque. - Tous les rensei-

gnements que nous avons recueillis sur ce malade concordent. Le Dr Biaute,

médecin de l'asile depuis 1884, connaît le malade P... depuis cette époque; il

l'a toujours vu tel qu'il est à ce jour ; il l'a vu vieillir sans changement no-

table dans le tableau clinique.

Antécédents. - Nous tenons les renseignements du malade et aussi de sa

soeur actuellement âgée de 66 ans. Les parents sont morts âgés (80 et des

années). Le père était « un peu » buveur. La mère a eu six enfants (une gros-

sesse gémellaire). Les deux jumeaux sont morts, l'un à dix-huit mois, le second

Il ans : « rougeole avec transport au cerveau ». Un garçon est mort à

42 ans de la fièvre typhoïde. Un frère vivant, assisté par la commune de F...,

âgé de 70 ans, ancien tisserand, a toujours été « drôle », mais n'a jamais été

placé à l'asile. La soeur est bien portante.

Personnellement, n'a jamais été malade. Il a fait sept ans de service mili-

taire. C'était un bon ouvrier tisserand. Il était intelligent et de caractère paisible.

Histoire de la maladie mentale. - Il serait « tombé » dans la mélancolie

à la suite de chagrin d'amour. Le malade dit aussi parfois qu'il est venu

12G RENON ET DENÈS

à l'asile à la suite d'un mariage raté. Sa soeur ne peut donner d'autres ren-

seignements sur le début de la maladie : elle ne vivait pas près de lui quand

il a commencé à (' folailler ».

Cette observation est un exemple typique d'hypomanie chronique,

vraie, pure, non associée à d'autres symptômes ou syndromes. Il n'existe

ici que des phénomènes d'ordre hypersthénique.

Comment s'est constitué cet état maniaque chronique ? Voici ce que

nous supposons en attendant de le démontrer à l'aide d'autres malades.

Notre sujet, au cours de sa mélancolie, aurait présenté des phénomènes

asthéniques ; la mélancolie a guéri, l'asthénie aussi, mais cette dernière

progressivement a été remplacée par un état maniaque resté chronique

(asthénomanie post-mélancolique compliquée de manie chronique).

Quant au diagnostic entre la manie chronique vraie et la manie chroni-

que associée, nous ne pouvons l'aborder à ce jour : la maladie qu'on ap-

pelle la démence précoce en fournit les plus beaux exemples.

Nous estimons que notre malade représente un des types de bouffon du

temps passé. Il est certain qu'à l'hospice, ce chronique joyeux contribue

pour une large part à égayer la collectivité.

SERVICE DES MALADIES NERVEUSES DU PROFESSEUR HASKOVEC

DE L'HOl'lTAL DES FRERES DE LA MISÉRICORDE DE PRAGUE.

CONTRIBUTION A L'ÉTUDE DU SYSTÈME NERVEUX .

DANS LA PARALYSIE AGITANTE

PAR

LAD. HASKOVEC et J. BASTA.

(de Prague).

I

Nous avons eu l'occasion d'examiner le système nerveux dans deux cas

de paralysie agitante typique et avancée.

Dans le premier cas, il s'agissait d'un homme de 53 ans qui mourut

d'une tuberculose pulmonaire disséminée.

Dans l'autre il s'agissait d'un malade.de 62 ans atteint d'une paralysie

agitante très prononcée accompagnée d'une raideur des muscles générali-

Fio. 1. Moelle 'épinière. Racine postérieure (Formol, celloïdine, Gieson).

sée. Marasme général. Décubitus dans la région sacrée. A l'autopsie :

tuberculose pulmonaire sclérosée aux sommets, atrophie sénile. Le tissu

du cerveau est dur, sec, blanc, sans aucun ilot hémorragique ou ramolli.

128 HASKOVEC ET BASTA

Dans le premier cas, les nerfs périphériques nous ont fourn des données.

intéressantes que nous avons pu constater surtout dans les racines et dans

les nerfs de la queue de cheval (Voir nos communications sur ce sujet

dans la Revue neurologique tchèque et dans le Neurologisches Central-

blatt, 1912. Nous y empruntons quelques détails importants).

A l'examen des coupes(l) provenant de la section longitudinale des nerfs,

on remarque à un faible grossissement que la structure des fibres rappelle

l'épi de blé (fig. 1). Un grossissement plus fort nous permet de constater

qu'il s'agit de certaines formations rayonnant en étoile, placées symétri-

quement au milieu dé la gaine médullaire (fig. '2 et 3). Nous avons désigné

les formations sus-dites sous le nom de formations stellilol'lnes intramé-

dullaires. Leur grand axe se dirige obliquement du cylindraxe à la gaine

de Schwann parallèlement à l'axe des incisures de Lantermann. De ces

formations proviennent des fibres qui se dirigent en forme d'arc vers le

cylindraxe et vers la gaine de Schwann. A côté de ces fibres principales,

d'autres unissent les autres formations stelliformes.

Sur le parcours des fibres principales, on rencontre à côté des forma-

tions slelliformes intramédullaires près du cylindraxe des formations qui

ne diffèrent des formations intramédullaires que par leurs dimensions

plus réduites (formations pé ? ,ia.2-iales) ; et, près des gaines de Schwann

il en est d'autres (pél'il1u ! dullail'es) (fig. 4).

De toutes ces formations sortent des fibres, dans des directions diffé-

rentes, qui forment un réseau intramédullaire très compliqué.

Par endroits on voit que les libres sortant transversalement des for-

mations stelliformes et les fibres qui en dérivent prennent une direction

(1) Les pièces ont été fixées au formol (1 : 9), renfermées dans la celloïdine et colo-

rées en grande partie d'après van Gieson à l'hématoxylineferrique de Weigert.

Fic. 2 et 3. - Racine postérieure (grossissement plus fort).

DU SYSTÈME NERVEUX BANS LA PARALYSIE AGITANTE 129

oblique, sont épaissies et forment dans leur ensemble la figure d'un enton-

noir, d'une poire ou d'un cornet. Plusieurs de ces formations sont en-

veloppées d'un réseau sans structure distincte comme une toile d'arai-

gnée.

On peut trouver des formations en forme d'entonnoir qui vont se

rétrécissant régulièrement, à côté d'autres dont le rétrécissement cesse

brusquement vers le milieu. Les formations de cette dernière sorte res-

semblent alors à la corolle des fleurs campanulées au milieu desquelles

passe le cylindraxe (fig. 3).

Quelques formations en entonnoir sont enveloppées, non d'un réseau

sans structure distincte, mais d'un réseau à mailles serrées. Ce réseau se

compose de fibres fines et de formations stelliformes plus petites (fig. 4).

Ces enveloppes entourent non seulement les formations en forme d'en-

tonnoir. mais ça et là même une plus ou moins longue partie du manteau

de la gaine médullaire (fig. 5). .

Quant aux noyaux de la gaine de Schwann, la plupart des noyaux

oblongs ont la membrane nettement dessinée et sans prolongement. En ce

qui concerne les noyaux ronds, on peut les trouver entourés de réseaux

formés généralement de fibres extrêmement fines, continues ou pointillées

colorées en rose (fig. 6, 7, 8). Par endroits on trouve des noyaux dont

naissent des fibres du même calibre que celles du réseau intramédullaire

décrit plus haut (fig. 9). ' .

FiG. 4 et 5. Racine postérieure (Immersion).

130 HASKOVEC ET BASTA

Nous n'avons pas constaté un rapport intime entre le réseau des noyaux

de la gaine de Schwann et notre réseau intramédullaire.

neflzlojj 1) qui a necru un réseau sortant des cellules, nommées à

(1) Uber die l3eziehung der sog. Zellen der Sclnoannsctien Scheide zeun MyeZhl inden

Nervenfasern ion Siiugetieren. Arch. f. mikr. Anat. und. nlwichelungsgeschichte

llert 4, 1911.

b'm. 6. Même cas. Pièce provenant de l'effilage (Gieson, après extraction

de la myéline par alcool et éther, à des niveaux différents).

Fig. 1 et 8. Même cas (Immersion ; a et b niveaux différents).

DU SYSTÈME NERVEUX DANS LA PARALYSIE AGITANTE 13 L

tort cellules de Schwann, et ressemblant à celui que nous avons constaté

autour des noyaux de Schwann, essaie de démontrer que ce réseau proto-

plasmatique ne se borne pas à la surface de la gaine médullaire, mais

pénètre même à son intérieur et qu'il est identique au réseau nommé névro-

kératinique. 1

Dans les coupes transversales des nerf s périphériques , on aperçoit plu-

sieurs travées fines du réseau intramédullaire qui rayonnent autour du

cylindraxe qui est alors le point central du disque de la coupe transver-

sale et se dirigent vers la gaine de Schwann. Çà et là elles sont interrom-

pues dans leur parcours par les formations stelliformes.

. II

Les coupes longitudinales de la moelle épinière traitées de la même

manière que les nerfs périphériques offrent dans leur structure deux espè-

ces de réseaux (fig. 10). Le premier, Composé de fibres un peu fortes,

- 1

Fig. 9. Même coupe que figure 5.

Fio. 40. Section longitudinale de la substance blanche de la

moelle épinière (Immersion).

132 HASKOVEC ET BASTA

-colorées en violet, est situé dans le voisinage immédiat des cylindraxes.

Aux points de croisement des fibres, on trouve des formations stelliformes

semblables à celles des nerfs périphériques.

L'autre réseau est formé de fibres colorées en rose, fibrilles de soutien

de Weigert. Plusieurs de ces fibres s'approchent de très près des fibres

du premier réseau ainsi que des cylindraxes. Toutefois on ne trouve

aucune corrélation directe entre ces deux réseaux (fig. 11).

Si l'on compare les coupes de la substance blanche de la moelle épinière

avec celles des nerfs périphériques, on trouve que le réseau du voisinage

des cylindraxes dans la moelle épinière est analogue au réseau intramé-

dullaire dans les nerfs périphériques. La ressemblance entre ces deux

réseaux est particulièrement apparente dans les coupes traitées par l'hé-

matoxyline ferrique de Ileidenhain.

Quant aux éléments cellulaires de la substance blanche de la moelle

épinière, les coupes longitudinales nous montrent que la disposition des

cellules de la névroglie est tout aulre que celle des cellules de Schwann.

Ces dernières cellules se trouvent, avec une certaine régularité, alternati-

vement placées des deux côtés de la gaine de Schwann ; par contre une

telle régularité fait défaut dans la substance blanche de la moelle épinière.

Les cellules de la névroglie sont disposées irrégulièrement, par endroits

nous voyons des groupes de deux ou même de plusieurs cellules. On expli-

que facilement celle différence de disposition par la différence de struc-

FiG. 11. Même coupe. Cellules névralgiques.

DU SYSTÈME NERVEUX DANS LA PARALYSIE AGITANTE 133

ture anatomique des nerfs périphériques et de la substance blanche de la

moelle épinière. Chaque fibre nerveuse du nerf périphérique présente

un tube strictement isolé de son voisin par l'endoneurium d'origine méso-

dermique et il n'y a aucune communication entre les éléments constitutifs

de la gaine médullaire des fibres nerveuses.

Les fibres nerveuses de la substance blanche de la moelle épinière qui

ne possèdent pas de gaine de Schwann forment au contraire des faisceaux

dont le réseau névroglique avec ses travées parcourt toutes les directions.

Les coupes longitudinales de la substance blanche du cerveau et du cer-

velet offrent un aspect semblable à celui des coupes longitudinales de la

substance blanche de la moelle épinière. Les cylindraxes des fibres ner-

veuses à myéline sont en effet entourés par les réseaux névrogliquesdans

le cerveau, dans le cervelet et dans la moelle, de même que les cylin-

draxes des nerfs périphériques le sont par les réseaux intramédullaires que

nous venons de décrire plus haut. Ces deux sortes de réseaux sont en rap-

port plus moins intime avec les cylindraxes. Cependant le réseau intra-

médullaire dans les nerfs périphériques apparaît vu sa structure et sa

disposition spéciale - plus régulier et plus serré que les réseaux névro-

gliques le long des fibres nerveuses dans la substance blanche du système

nerveux central.

Plusieurs auteurs nient absolument l'existence intra-vitale des réseaux

intra-médullaires, les considérant comme artificiels. A propos du dernier

travail deNageotte (1) sur les réseaux intra-médullaires, travail de haute

importance, nous nous sommes efforcés de démontrer (2) qu'il ne s'agit

pas dans le cas étudié par nous d'un réseau artificiel, mais tout au moins

« d'un phénomène équivalent » dans le sens de Nissl. Considérant l'exis-

tence intra-vitale de ce réseau comme démontrée, nous avons émis même

l'hypothèse sur sa nature nêvroglique. Nemiloff (loc. cit.) croit que son

réseau issu des cellules, de Schwann et les réseaux intra-médullaires ne sont

que les parties constitutives d'un seul réseau, ce qui est bien probable,

mais la preuve absolue manque ici encore. Lorsqu'elle sera faite, la nature

névroglique de notre réseau intra-médullaire sera démontrée.

La grande ressemblance de notre réseau intra-médullaire des nerfs

périphériques dans le premier cas de paralysie agitante avec le réseau

névroglique dans la substance blanche du système nerveux central a attiré

(1) Betrachlungen uber den lalsachliclien Bau und die Iiiinstlich hervorgenufenen

De(01'llIatione¡¡ der markhalligen Nervenfasern . Arch. f. mikr. Anatomie, 71 Bd

l'tteft. ..

(2) IIaskovec und Basta, Zur {rage der Nevroglia der markhaltigen peripheren Ner-

ven mil besonderer Bereichsichlig2411g der Paralysies agilans (Neurolog. Centralblatt,

1912, n° 22).

xxvi ' 9

134 HASKOVEC ET BASTA

notre attention particulière sur la structure de la névroglie en général.

En poursuivant nos études, nous nous sommes servi non seulement de

la coloration d'après van Gieson et d'après Weigert, mais encore de la

méthode de Ziveri (1) et de la fixation d'après Eiserth (2), suivie par la

coloration d'après Alzheimer (3).

Les coupes longitudinales de la moelle (substance blanche) colorées

selon Ziveri offrent un aspect semblable à celles colorées selon van Gieson.

Cependant les fibres issues du voisinage des cellules névrogliques et tra-

versant obliquement les espaces entre les cylindraxes sont dans les premiè-

res coupes pour la plupart plus rectilignes, tandis que le parcours de ces

fibres dans les préparations colorées selon van Gieson est plus onduleux.

L'étude du tissu névroglique dans les coupes transversales de la moelle

traitées selon Ziveri est des plus instructives. La méthode van Gieson

permet, il est vrai, de colorer le cytoplasme autour des noyaux des cellu-

les arachnoïdes aussi bien que les cercles fins névrogliques par lesquels

sont entourées les coupes transversales des fibres nerveuses, ce que ne

permet pas la méthode Wcigert. Néanmoins la méthode de Ziveri offre

ici sur la méthode van Gieson l'avantage d'être plus élective.

Nous avons déjà dit que les préparations provenant du cerveau et du

cervelet offrent, quant à la nature du tissu névroglique dans le voisinage

des cylindraxes dans la substance blanche, un aspect tout semblable à

celui que nous trouvons dans les coupes longitudinales de la moelle. Il

s'agit ici de réseaux formés d'éléments sans doute cellulaires, de fibres et

de formations stelliformes. Nous disons sans doute « cellulaires » pour

marquer la différence qui existe entre les cellules névrogliques avec leurs

noyaux ronds de volume remarquable et les formations stelli formes. Toute-

fois il est difficile de décider si les formations stelliformes appartiennent

aux.éléments fibrillaires ou s'il ne s'agit pas ici de cellules ou de noyaux

névrogliques ratatinés, tels que nous en rencontrons souvent dans le

tissu névroglique du système nerveux central, et que l'on avait désignés

(1) Rivista di pat. nerv. e ment., 1910, fasc. 9, formol 10 p. c. (plusieurs jours

jusqu'à un mois) ; couper à l'aide de microtome congélateur, colorer après le passage

par le liquide de Fol-Anglade (3 jours) dans l'hematéine 0 gr. 50, alcool absolu 10 centi-

mètres cubes, l'alun. ammon. à 5 p. 100 (5-10 minutes), Gram (2 min.), alcool,

xylol.

(2) Arch. f. Psych. u. Nerv., 1911, p. 896 : fixation dans leq. dert. 1000, Kali-

fichrom. 23, Natr. sulph. 15, formol 15 (le dernier immédiatement avant l'usage).

Au bout de quatre semaines on peut couper sans inclusion.

(3) Lavage dans l'eau acidulée par l'acide glacial (1 goutte pour 10 centimètre

cubes d'eau) 2 minutes, colorer dans l'hématoxyline de Mallary bien diluée 4-5 gout-

tes pour un verre de montre d'eau distillée, la solution ne doit pas être transparente

2 minutes ; lavage à l'eau dist. quelques minutes, alcool, xylol.

DU SYSTÈME NERVEUX DANS LA PARALYSIE AGITANTE 135

sous le nom de cell ules araclllwïdes (astrocy tes, etc.). Dans le cas contraire,

les formations stelliformes appartiennent aux éléments fibrillaires.

Les auteurs qui considèrent le tissu névroglique comme un tissu de sou-

tien pourraient, à cause de leur apparence rigide, compter nos formations

stelliformes parmi les appareils de soutien. Nous avons trouvé, principa-

lement dans les coupes longitudinales provenant de la substance blanche

du cervelet, des parties de tissu névroglique qui semblent jouer le rôle de

soutien. Dans le trajet des fibres nerveuses,on distingue çà et là des parties

moins colorées que leur voisinage. Un grossissement plus fort montre à

ces endroits-là que les fibres névrogl illues accompagnant le cy lindraxe sont

plus éloignées l'une de l'autre, car elles sont écartées par une fibre trans-

versale bien grosse réunissant les formations slelliformes disposées des

deux côtés du cylindre. Mais nous sommes loin de considérer le tism né-

vroglique exclusivement comme un tissu de soutien. \

La structure des éléments fibrillaires du tissu névroglique est la même

dans le second cas que dans notre premier cas.

Il en est de même des réseaux intra-médullaires des nerfs périphériques.

Quant à l'élude des éléments cellulaires du tissu névroglique du cerceau

et du cervelet, nous avons traité les coupes par la méthode Eisath-

Alzhei mer.

Dans les figures 12, 13, 14 et 15 sont reproduits quelques-uns de ces élé-

ments. Ce sont tout d'abord des cellules rondes (fig. 13) semblables à

celles que nous avons eu l'occasion d'observer dans un cas d'épilepsie et

représentant en général la plupart des éléments cellulaires névrogliques

cellules jeunes ou à leur plus haut point de vitalité selon Eisalh. A leur

côté nous trouvons plusieurs cellules névrogliques à l'état d'involution

(Eisath). On voit assez,souvent dans les cellules névrogliques de la subs-

tance blanche du cervelet (fig. 9 i) des signes d'involution bien avancée

(raréfaction et vacuolisation du cytoplasme, rétraction du karyoplasme).

Le long de quelques vaisseaux, nous trouvons des groupes de cellules

Fie. 12 et 13. Cas d'épilepsie. Ecorce cérébrale, fixation Eisath. Coloration d'après

Alzheimer. Immersion. Cellules névrogliques jeunes.

136 HASKOVEC ET RASTA

névrogliques portant les signes d'altérations régressives qui, presque con-

fluentes, donnent ainsi l'impression d'un syncyticum.

Avant de continuer nos études, qu'une remarque sur le tissu névrogli-

que en général nous soit encore permise. La possibilité de distinguer les

éléments cellulaires des fibrilles de Weigert serait d'une grande impor-

tance quant au tissu névroglique, bien que nous ne possédions pas de

signes absolument certains de différenciation. Weigert admettait lui-même

que sa méthode de coloration de ses « fibrilles de soutien » n'est pas abso-

lument sûre et qu'elle échoue souvent. La méthode de Weigert suffisait

avant que nous ne connaissions mieux le cytoplasme des cellules névro-

gliques. Aujourd'hui que nous connaissons le cytoplasme de ces cellules

avec ses prolongements (plasmatiques), il est souvent difficile de distinguer

la fibre de Weigert d'un prolongement plasmatique grêle ou même d'une

fibre de Weigert enveloppée par un prolongement plasmatique.

Enfin il ne nous reste plus qu'à les distinguer les uns des autres par

leur aspect fin ou gros, par leur coloration plus ou moins foncée et enfin

par leur plus ou moins d'affinité à l'une ou à l'autre matière colorante

(l'hématoxyline ou la fuchsine par exemple).

Held préconise avec raison l'étude comparative du tissu névroblidue

embryonnaire avec celui des animaux adultes.

Fig. 14 - Premier cas de paralysie agitante. Ecorce cérébrale.

Mêmes méthodes. Cellules névrogliques.

DU SYSTÈME NERVEUX DANS LA PARALYSIE AGITANTE 137

Nous avons eu l'occasion, de même, de comparer des coupes du tissu

névroglique provenant d'un nouveau-né et d'un foetus de 6 mois avec

celles de personnes adultes. Le tissu névroglique du cerveau, par exemple

dans le système nerveux des foetus, se compose de cellules et d'une subs-

Fie. 15. Second cas de paralysie agitante. Cervelet. Même méthode.

. Cellules névrogliques.

138 IIASKO1VEC ET BASTA

tance fondamentale formant un réseau de structure uniforme à travées

plutôt épaisses que fines. La connexion de ce réseau avec les cellules

névrogliques est facile à discerner.

Ces mêmes coupes chez le nouveau-né ne diffèrent pas beaucoup des

coupes provenant du foetus. Dans le système nerveux central adulte, on

trouve dans le tissu nêvroglique toutes les espèces d'éléments plasmatiques

depuis les cellules rondes sans prolongement jusqu'aux cellules à pro-

longements bien ramifiés. Mais ce n'est que dans le tissu névroglique

d'un adulte ou tout au plus d'un enfant assez âgé, que nous trouvons en

nombre plus considérable les fibres « rigides », fibres de Weigert qui

courent, tantôt librement, tantôt à la périphérie du corps de la cellule

névroglique, tantôt enveloppées sur une partie de leur trajet par une

couche plus ou moins épaisse de cytoplasme. Un coup d'oeil sur les figu-

res 6 à 19 suffit pour nous montrer la grande différence entre le tissu

névroglique d'un nouveau-né et la rigidité de ce même tissu dans un cas

de paralysie agitante.

Nous sommes d'accord avec les auteurs qui attribuent une nature névro-

glique à toute la substance du système nerveux central sauf aux éléments

nerveux (cellules et, cylindraxes) et aux vaisseaux.

En conséquence nous devons considérer tout ce que nous voyons dans

FiG. 16. Nouveau-né. A gauche écorce cérébrale d'après Eisath-Alzheim er, réseau

nêvroglique. A droite substance blanche de la moelle épinière. Gieson. Réseau

névroglique avec un noyau.

Fio. Il. - Même cas. Ecorce cérébrale. Eisath ? Izheimer. Réseau névroglique'

avec jeunes cellules rondes.

DU SYSTÈME NERVEUX DANS LA PARALYSIE AGITANTE 139

la figure 29, excepté les fibres rigides, comme substance protoplasmatique,

laquelle ne diffère du syncytium de la substance fondamentale du tissu

nêvroglique, chez un foetus ou chez un nouveau-né, que par son épaisseur.

loo. 1S. Epilepsie. Homme de 35 ans. Cerveau. Eisath-Alzheimer. Cellules névrogliques de divers âges

(d'après la classification d'Eisath).

140 HASKOVEC ET BASTA

Etant donné que les fibres « rigides » du tissu névroglique augmentent

avec t'age. il est bien probable que l'augmentation de la consistance du

système central chez un adulte et chez un vieillard est due en partie ai la

richesse en fibres rigides du tissu névroblique.

Ces libres « rigides » du cerveau que nous venons de décrire, nous les

trouvons également le long des cylindraxes dans la substance blanche

de la moelle épinière. Ces fibres se croisent en formations d'aspect

arachnoïde qui ne diffèrent en rien des cellules arachnoïdes si l'amas du

protoplasme qu'elles contiennent a un volume considérable. Dans la plu-

part des cas, ces formations ne sont dues qu'à « l'épaississement n des

fibres rigides. Nous avons décrit ces formations dans les nerfs périphéri-

ques sous le nom de formations slelliformes.

Nos recherches et nos figures peuvent laisser croire que le tissu névro-

glique du système nerveux central est de formation syncytiale, qu'il le

reste même dans un âge avancé et que ce syncytium s'étend le long des

axons jusque dans les nerfs périphériques en forme de réseaux intrmnédul-

laires.

Nous croyons avoir démontré l'analogie qui existe entre le réseau

névrotique le long des cylindraxes dans la substance blanche du système

nerveux central et les réseaux intramédullaires des nerfs périphériques.

ni

Quant aux cellules nerveuses, la richesse de leur pigmentation attire

aussi particulièrement notre attention.

Les cellules nerveuses de la moelle épinière offrent tout d'ahord en

tous les points une pigmentation très nette. Cette pigmentation, par exem-

ple, est très apparente dans la coupe provenant de la corne antérieure

et sa granulation apparaît très clairement dans la figure 20.

FIO, 19. Premier cas de paralysie agitante. Ecorce cérébrale.

Stratum zonale. Eisath-Alzheim er.

DU SYSTÈME NERVEUX DANS LA PARALYSIE AGITANTE 141

. La figure 2 représente les coupes colorées au bleu de toluidine ou

à la thionine. Les cellules offrent outre leurpigmentation quelques signes

de picnomorphie et d'altération du noyau. De même la grande cellule py-

ramidale présente une pigmentation bien avancée comme d'ailleurs toutes

les cellules de l'écorce cérébrale qui offrent des altérations régressives

évidentes (fig. 20, thionine et bleu de toluidine)etdansquelqués cellules

on y observe également les signes de la neuronophagie.

Dans les coupes provenant du cervelet et colorées d'après van Gieson,

les cellules de Purkinje présentent une vacuolisation plus ou moins avan-

cée. Pour mettre en évidence les neul'ofibrilles, nous avons traité les cou-

pes en partie d'après Bielschowshy et en partie d'après Cajal. La pig-

mentation des grandes cellules pyramidales de l'écorce cérébrale offre le

même aspect caractéristique que la pigmentation des cellules de la corne

antérieure de la moelle épinière. L'épaississement des fibrilles intracellu-

laires dans ces régions, sur lequel Marinesco insiste dans son traité La

cellule nerveuse, apparaît bien clairement dans la fig. 22 (oc et p).

Les cellules des olives inférieures ne présentent pas d'altérations impor-

tantes.

La coloration des gaines médullaires dans la substance blanche de la

moelle épinière selon Weigert n'a montré aucune altération particulière

dans notre premier cas. ,

Fig. 20. Second cas de paralysie agitante. Flemming.

Cellules radiculaires. Immersion.

142 2 HASKOVEC ET BASTA

Dans l'autre cas par contre, la moelle épinière, traitée selon Marchi,

présente dans la zone périphérique une coloration assez forte des gaines

médullaires par l'arcade osmique et une raréfaction de la substance blan-

che accompagnée de l'infiltration d'un exsudat amorphe sans lymphocytes.

La richesse de pigmentation des cellules radiculaires dans la moelle épi-

nière a été constatée par tous les auteurs qui se sont occupé de la question.

Il nous serait néanmoins-difficile de préciser la part de l'augmentation du

pigment jaune due à l'âge et celle due à la maladie de Parkinson même.

Nous n'avons constaté aucune altération particulière dans les prolon-

gements plasmatiques de ces cellules (Dana) (1).

(1) Voir LEWY (Handbuch der Neurologie von Levandowsky, 1912). '

FIG. 21. Premier cas de paralysie agitante. Lobe frontal et précentral (Formol.

Celloïdine. Thionine. Immersion). « et 6 à divers niveaux.

Fic. 22. La cellule « z3 du premier cas de paralysie agitante (LÜelschowsyy), ' »

la cellule du second cas (Cajal). a et à à un différent niveau.

DU SYSTÈME NERVEUX DANS LA. PARALYSIE AGITANTE 143

De même nous n'avons pu trouver de changements appréciables ni dans

les éléments, ni dans les libres nerveuses de l'0 ! i1'e inférieure.

Nous n'avons pas trouvé non plus, sauf une pigmentation avancée,

d'altérations remarquables dans les noyaux des nerfs crâniens.

En ce qui concerne les cellules de Purkinje, leur nombre paraît être

réduit et leur situation moins régulière qu'ailleurs. Les ramifications de

leurs prolongements ne laissent rien à désirer,quoi qu'en diseMoriyasu(l).

A l'aide de la méthode de. Bielscbowsky, nous avons obtenu, en ce qui

concerne des neurofibrilles de ces cellules, l'imprégnation parfaite tant du

réseau intracellulaire que du réseau extracellulaire.

La raréfaction de la substance blanche dans la moelle épinière constatée

par plusieurs auteurs, surtout dans les cordons postérieurs, intéressait

dans notre second cas toute la zone périphérique de la moelle sans aucun

rapport avec les cordons.

La névroglie joue, selon Spielmeyer (2), un rôle important dans la

pathogénie de la paralysie agitante. Il décrit une forme particulière des

cellules névrogliques trouvées dans la substance blanche du système

nerveux central dans six cas de paralysie agitante. s'agit de cellules assez

volumineuses ressemblant aux cellules amiboïdes, toutefois elles en dif-

fèrent en ce qu'elles forment des groupes et restent en connexion syncy-

liale. Elles se distinguent également des cellules amiboïdes vraies par la

pauvreté de leurs signes de métamorphose régressive.

Lewy (3) ne croit pas que ces altérations de la névroglie soient patho-

gnomoniques pour la paralysie agitante. Il insiste sur le fait qu'on les

trouve aussi dans d'autres processus morbides.

IV

Dans les vaisseaux dans nos deux cas de paralysie agitante, nous avons

trouvé des signes d'une légère artério-sclérose et çà et là une dégénérescence

hyaline des capillaires.

Les hypophyses n'ont rien fourni d'important.

Dans le tissu de la glande thyroïde dans le premier cas, on a trouvé

quatre endroits de la grosseur d'un pois différents par leur aspect du tissu

fondamental. Dans toute la glande, richesse particulière en éléments

cellulaires. Quant à la disposition des cellules épi thél iales, toute la thyroïde

est en général de type parenchymateux : cellules épithéliales formant des

groupes sans lumen; follicules de volume variable, mais sans cyctes

prononcés; tissu fibreux extrêmement restreint. Les cellules épithéliales

(1) Voir LEWY, loc. cit.

(2) Voir LEWY, loc. cit.

(3) Voir LEWY, loc. cil.

144 HASKOVEC ET BASTA

agglomérées en amas sans lumière offrent une forme ronde, tandis que

celles dont les follicules sont composés présentent une forme tantôt cubi-

que, tantôt cylindrique. La coloration peu foncée de leurs noyaux permet

de bien distinguer la structure de ces derniers. La coloration du contenu

des follicules est plus faible que la couleur du colloïde dans les follicules

des formations adénomateuses décrites plus bas. On rencontre çà et là,

surtout au voisinage des vaisseaux, de petits groupes de cellules rondes

(lymphocytes). Lors de la dissection de la glande en coupes minces, nous

avons trouvé dans son intérieur, à des profondeurs diverses, quatre forma-

tions ressemblant aux inclusions adénomateuses.

L'une des deux inclusions éloignées de la surface de la glande et l'une

des deux autres sont séparées de leur entourage par du tissu fibreux. L'une

des deux inclusions situées plus profondément dans le tissu de la glande

thyroïde a un diamètre de 3,5 millimètres. Elle est composée de follicules

dont le volume est variable et la forme ronde ou polyédrique. Les cellu-

les épithéliales des follicules sont fortement aplaties. A cause de leur pau-

vreté en cytoplasme elles donnent l'impression d'une rangée de noyaux

fortement colorés. La plupart des follicules se touchent immédiatement

par leur périphérie, les éléments du tissu coujonctif étant très rares dans

les interstices. Par-ci par-là seulement ils sont séparés par les capillaires.

Les follicules forment ainsi un réseau à mailles lâches remplies d'une

substance colorée, dans les coupes traitées d'après van Gieson, en bleu

foncé. A côté des follicules on ne rencontre dans l'inclusion que quelques

rares groupes de cellules épithéliales sans aucun lumen. A l'inclusion

adhère d'un côté une exsudation fibrineuse bien épaisse colorée fortement

par l'hématoxyline ferrique de Weigert. Une exsudation de même sorte

se trouve également dans le voisinage des vaisseaux en plusieurs régions

de la glande. L'autre des deux inclusions situées plus profondément est

plus volumineuse que la première et est formée par deux corpuscules

séparés l'un de l'autre par une cloison de tissu conjonctif. Sa structure

ne diffère pas sensiblement de celle de la première inclusion. Le diamètre

de la troisième inclusion n'est pas supérieur à un millimètre. Elle n'est

séparée de son entourage que par une bande étroite de tissu conjonctif

bien fin. Elle est, en général, formée de follicules semblables à ceux des

inclusions précédentes. Mais, à côté de ces follicules, on voit, surtout dans

la zone périphérique, des follicules et des groupes de cellules épithéliales

qui offrent le même aspect que le tissu de la thyroïde. La quatrième inclu-

sion est moins ronde que les autres, elle est même plutôt ovale et elle

n'est pas nettement séparée de son entourage, surtout d'un côté.

Dans les capsules surrénales du premier cas, quelques tubercules dissé-

minés.

DU SYSTÈME NERVEUX DANS LA PARALYSIE AGITANTE 145

Quant aux vaisseaux dans la paralysie agitante, plusieurs auteurs insis-

teut de même sur l'artério-sclérose en tant que l'acteur important dans

l'étiologie de la paralysie agitante. La dégénérescence hyaline des capil-

laires a été également décrite -dans quelques cas.

En ce qui concerne les glandes endocrines, Lewy ne leur accorde pas une

grande importance dans la pathogénie de la maladie de Palkinson.

V

CONCLUSIONS.

1. Nous avons montré le développement très marqué du réseau néaro-

glique le long des cylindraxes dans la substance blanche du système

nerveux central et le réseau intramédullaire dans les nerfs périphé-

riques, surtout dans notre premier cas de paralysie agitante.

Dans les éléments cellulaires du tissu névroglique de la moelle épinière,

nous n'avons pu déceler aucune trace d'altérations régressives. Au con-

traire, ces altérations sont très avancées dans les cellules névrogliques

DU CERVELET.

2. Les altérations régressives et celles de la sénilité dans les cellules

nerveuses consistent dans la pigmentation, la picnomorphie, dans les

altérations des noyaux, dans la raréfaction du cytoplasme et même dans

la vacuolisation et enfin dans une neurunophagie plus avancée que L'AGE

DE NOS MALADES NE LE COMPORTE.

3. Nous attirons l'attention aussi sur les réseaux inlramédullaires

dans les nerfs périphériques el dans la substance blanche du système

nerveux central dans la paralysie agitante au point de vue pathogénique,

surtout en ce qui concerne l'origine de la rigidité musculaire et du trem-

blement.

4. La thyroïde présente des altérations bien intéressantes. Son exsudat

ftbrineux aussi bien que l'infiltration de lymphocytes sont probablement

de date récente et en rapport avec l'exacerbation du processus tubercu-

leux. L'aplatissement des cellules épithéliales dans les follicules des

inclusions citées et la richesse en éléments cellulaires à divers endroits

de la thyroïde méritent d'être marqués. Les inclusions offrent l'aspect

d'une hyper fonction terminée par un étal d'épuisement suivi alors par

une hypofonction. Peut-on considérer la richesse en éléments cellulaires

constatée dans les autres parties de la thyroïde comme une réaction

contre celte altération des inclusions, comme le signe d'une hyperplasie

supplémentaire, d'une réaction contre l'altération des capsules surré-

nales atteintes par les tubercules miliaires ?

5. Si l'on veut accorder aux glandes endocrines un rôle quelconque

dans la pathogénie de la paralysie agitante, on pourrait soutenir que

l'altération de la fonction de ces glandes, et spécialement de la thyroïde

dans notre premier cas, influe sur LE tissu NEVUOGLIQUE du système NER-

VEUX CENTRAL ET SUR LA STRUCTURE DES GAINES MÉDULLAIRES DES NERFS PÉRI-

PIIÉRIQUES.

L'AMOUR DE LA MOHT CHEZ LES HABSBOURG,

PAR

M. LAIGNEL-LAVASTINE et P. MERSEY.

« La pathologie historique est propre-

ment l'explication des données que nous

fournissent les textes historiques, données

réunies et contrôlées suivant les fentes de

la critique scientifique, dans le double but

de servir tantôt à la science médicale, tan-

tôt à la science historique); u ((BncneT) (1).

II nous a semblé intéressant, à l'aide des documents historiques décou-

verts depuis une cinquantaine d'années, d'étudier une famille royale dont

les membres présentèrent des troubles mentaux nfultiples : les Habsbourg

d'Espagne. Nous avions été frappés, en étudiant Jeanne la Folle, de sa

préoccupation constante d'avoir toujours auprès d'elle le cadavre de son

mari.

Or, chez presque tous les descendants de Jeanne, de Charles-Quint à

Charles II mort sans postérité, nous avons trouvé ce même amour de la

mort, la hantise du tombeau et des cérémonies funèbres. Celle hérédité de

caractère funèbre, pourrait-on dire, nous paraît digne de remarque.

L'un de nous vient d'en faire le sujet de sa thèse (2).

A l'hôpital, rien n'est ingrat et fallacieux comme l'étude des antécédents

héréditaires de nos malades. Au contraire l'histoire des familles illustres

nous fournil des documents d'une inappréciable valeur.

Alors que dans une famille quelconque, tout caractère qui aurait eu

tendance à se fixer peut disparaître sous l'intrusion d'un sang étranger,

dans les familles dynastiques et surtout celle de Habsbourg, les mariages

consanguins sont élevés à la hauteur d'un principe et constituent une véri-

table hérédité de famille. C'est ainsi que M. Galippe, dans son livre sur

l'hérédité des stigmates de dégénérescence, décèle le prognatihsme infé-

rieur, au xive siècle, chez un Habsbourg, Ernest de Fer, et le trouve

encore aujourd'hui chez le roi Alphonse XIII.

(1) Pathologie mentale des rois de France. Louis Xl el ses ascendants. Une vie hu-

maine étudiée à travers six siècles d'hérédité. Paris, 189G, p. XII. '

(2) P. MERSEY, Thèse Paris, 1912. Ollier.

NOUV. ICONOGRAPHIE DE LA SALPÊTRIÈRE.

T. XXVII PL. XX.

l'Amour DE la MORT chez LES HABSBOURG

(Laigncl-Lavastine et P. Mersey.)

JEANNE LA FOLLE

BASSON et CI", Editeurs.

l'amour DE la mort chez les HABSBOURG 147

Vers le mi ! ieu du siècle dernier, les archives d'Espagne, jusqu'alors

impénétrables, s'ouvrirent à la curiosité des savants. Mignet en France,

Prescolt en Amérique, Stirting en Angleterre, M. Gachard, en Belgique,

publièrent sur Charles-Quint et sa lignée des travaux en partie puisés aux

sources nouvelles.

Celles-ci, grâce à leurs parties purement narratives, nous ont permis de

poser certains diagnostics cliniques et de faire la critique d'affirmations

contradictoires.

JEANNE LA FOLLE

(PI. XX).

Nous nous sommes particulièrement attachés aux antécédents hérédi-

taires de Jeanne la Folle et de Charles-Quint. Alors que chez les parti-

culiers la légitimité des enfants est impossible à démontrer, dans les

familles dynastiques, la réalité de la descendance est plus certaine, en

Espagne surtout, en raison de la très grande surveillance. Nous admet-

tons donc la généalogie officielle comme authentique. L'élude de Jeanne

la Folle a servi de base à noire travail. Mais si nous avons mis en avant

la personnalité de cette reine, nous pensons néanmoins qu'on ne doit la

considérer que comme l'un des anneaux de cette longue chaîne royale ;

la psychose qu'elle présenta n'est pas un phénomène erratique. Ses an-

cêtres préparent et expliquent son état mental et elle-même imposa son

hérédité à ses descendants et surtout aux Habsbourg d'Espagne.

Le père de Jeanne, Ferdinand d'Aragon, mourut mélancolique en

4516 (1). 1

Sa grand'mère, Isabelle de Portugal, fut aliénée pendant plusieurs an-

nées, vers la fin de sa vie (2).

C'est en 1503 que nous découvrons chez Jeanne les premiers symptômes

de son mal. Violemment troublée par le départ de son mari, Philippe le

Beau, pour les Pays-Bas, elle tombe, dit un historien, dans une profonde

mélancolie. « C'est dans cet état qu'elle accouche, le 10 mai 1503, de

Ferdinand, son second fils. Elle est la seule personne en Espagne qui ne

témoigne aucune joie de la naissance de ce prince, insensible à toute es-

pèce de plaisir » (3).

Nous avons un irrécusable témoignage de l'étal de la princesse à cette

époque dans ce rapport médical publié par M. Villa : « 11 y a grand péril

pour la reine Isabelle dans la vie qu'elle mène avec la princesse Jeanne et

l'on ne saurait s'en étonner; l'état de la princesse est tel, en effet, qu'il doit

(1) Biri), Allgenl. Zeitsch. Psych., 1890, VII, p. 227.

(2) BIIACHET.

(3) Kodhiguez Villa, La reins dona Juaua la Loca, Madrid, 1892.

148 LAIGNEL-LAVASTINE ET MERSEY

non seulement causer grand chagrin à une reine qui l'aime si fort, mais

à n'importe quelle personne étrangère. Elle dort mal, elle est très sombre

et faible, quelquefois elle refuse de et cet indice, aussi bien que

plusieurs autres, font juger que sa maladie s'aggrave (1). »

Dès cette période, Jeanne présente donc les signes caractéristiques du

syndrome mélancolique : inertie motrice, trislesse, anéantissement et

indifférence psychiques.

La séparation conjugale, au cours d'une grossesse, semble avoir été

l'occasion du mal. Jeanne rejoint son mari en juin 1504 ; on constate alors

une rémission.

Par ailleurs, elle fait preuve en maintes occasions d'une jalousie mor-

bide. «La jalousie delà malheureuse princesse avait dégénéré, dit un

contemporain, en une très malvaise coustume et jusqu'à la rage d'amours

qui est une rage excessive et inextinguible. »

En 1506, Philippe le Beau meurt : Jeanne ne répand pas une larme ;

muette et immobile, elle ne répond plus à ceux qui lui parlent. C'est

encore au cours d'une grossesse qu'elle fait ce deuxième accès.

Dès lors, sa psychose se caractérise par d'incessantes préoccupations

funèbres. Quelques jours après les obsèques. Jeanne se rend dans le sanc-

tuaire où est déposé le corps de Philippe. Elle ordonne d' ouvrir le cer-

cueil et d'enlever les linges qui enveloppent le cadavre ; elle se jette

sur lui, lui baise les pieds et les mains, lui adresse tout haut les paroles

les plus tendres. Pendant deux ans, elle traîna à sa suite le cadavre de son

mari, à travers toute l'Espagne, et renouvela chaque jour les mêmes em-

brassements ().

Une lettre datée de 1507 du roi Ferdinand au D' Puebla nous donne

des détails particulièrement intéressants : « Vous saurez, écritFerdinand,

que la reine, ma fille, a continuellement auprès d'elle le corps du roi

Philippe, son mari. Avant mon arrivée, jamais on ne put obtenir d'elle

qu'on lui donnât la sépulture. Depuis que je suis venu, elle a témoigné

le désir qu'on ne l'inhume point et moi, par rapport à sa santé et son

contentement, je ne la contredis en rien, mais je tâcherai peu à peu de

l'amener à trouver bon que le dit corps soit inhumé. »

En 1509, Jeanne est reléguée au château de Tordesillas qu'elle ne quit-

tera plus et elle exige que le cercueil soit déposé dans un lieu du monas-

tère de Santa-Clara, où elle peut l'apercevoir des fenêtres de son apparte-

ment (3).

Certains documents prouvent qu'à Tordesillas elle a de nouveaux accès

(1) ibis.

(2) Délation du second voyage de Philippe le Beau.

(3) Gnenmcn, Sur Jeanne la Folle, p. 11.

NOUV. ICONOGRAPHIE DE LA SALPÊTRIÈRE.

T. XXVI, PL. XXI.

l'Amour DE la Mort chez LES HABSI30URG

(Laignel-Lavastine et P. Mersey.)

CHARLES-QUINT

MASSON et Cl, Éditeurs.

I.'AMOUR DE LA MORT CHEZ LES HABSBOURG 149

de dépression mélancolique. Elle néglige tout soin de propreté, porte des

vêlements sordides. Quand on la contrarie, elle refuse de manger pendant

plusieurs jours (1). Enfin, elle meurt en 15-55 après une apparence de

retour à la raison.

La reine Jeanne a donc présenté à Page de vingt-trois ans un premier

accès de dépression mélancolique qui dura un an environ; et à la mort

de son mari, un nouvel accès, un peu plus long que le premier. ,

A Tordesillas, son étal devint chronique etnous ne notons guère qu'une

rémission en 1520. Nous sommes ainsi autorisés à conclure que Jeanne

la Folle était atteinte de psychose périodique, à forme de mélancolie in-

termittente.

Ce diagnostic n'est pas celui qui fut toujours posé. A la suite de l'alle-

mand l3ergemotll eu de Forneron (2), M. Cabanes a nié la folie de Jeanne :

« La jalousie conjugale, écrit-il dans ses Indiscrétions de l'Histoire, la

répugnance ci se plier à certaines pratiques, de l'obstination dans le carac-

tère, suffisent-ils à constituer les symptômes de la névrose rés(li21qtie ' ?

Nos lecteurs on[ répondu pour nous (3). » M. Cabanes a d'ailleurs, récem-

menl, modifié son opinion (4).

Certains auteurs ont proposé le diagnostic de neurasthénie, d'hystérie

ou encore d'hysLéro-neurasthénie. L'observation de Jeanne la Folle prise

à l'aide des documents originaux, que nous possédons maintenant, montre

comhien sont fantaisistes ces différentes hypothèses.

CHARLES-QUINT

(PI. XXI).

Si l'on jette un coup d'oeil d'ensemhle sur les différentes branches an-

cestrales de Charies-Quint, on constate partout une forte hérédité patho-

logique : qu'il s'agisse de la souche espagnole (Jeanne la Folle), de la

souche franco-bourguignonne (Marie de Bourgogne et Chartes le Témé-

raire) ou des Habsbourg même, lous sont atteints de prognathisme (5).

De fait, Charles-Quint n'a pas échappé son hérédité : il avait la face

asymétrique, la voûte palatine ogivale et un prognathisme marqué. Au

point de vue psychique, nous trouvons chez lui un peu de ces préoccu-

pations funèbres qui baillèrent Jeanne la Folle. Il pensait constamment à

1

(1) Recueil de M. Beiioemotii, p. 143, 269.

(2) Fornkhon, Histoire de Philippe Il, 1882, 1. I, p. 409.

(3) Dr Cabanes, Les ImliscH ! lions de V Histoire, 1905, t. V.

(4) D' CAi3A-,is, Jeanne la Folle, in /Esculape, juillet 1912.

(5) GAL[piE, L'hérédité des stigmates de dégénérescence el les familles cttuo'o'MM.

l'aris, loua-, in-8°.

xxvi 10

150 LA1GNEL-LAVASTINE ET MERSEY

la mort : il observait avec rigueur les anniversaires funèbres de sa famille

et faisait célébrer des services extraordinaires pour tous les siens. Dans le

couvent de Yuste, où il s'était retiré, il prenait un étrange plaisir, au dire

des historiens eux-mêmes, à faire célébrer les obsèques de toute personne

qui paraissait avoir droit à cet honneur par sa position. « Celaient là,

dit Pr8scott, les fêles de la vie monastique de Charles et ces lugubres

cérémonies avaient pour lui un attrait puissant. » '

Charles-Quint a-t-il fait célébrer ses funérailles de son vivant ? Ce

fait, mis en doute par Mignet, est typique pour notre étude, s'il est exact.

Nous trouvons dans l'IIistoi1'e de l'ordre de St- Jérôme, par le P. de Si-

guenza,le récit suivant : « L'Empereur, ayant fait célébrer le service funè-

bre de son père, de sa mère et de l'impératrice, ordonna qu'on commençât t

aussitôt ses obsèques. Tous les serviteurs de Sa Majesté descendirent en

babil de deuil.Le pieux monarque, également vêtu de deuil et uncie1'[Je el

la main, y vint aussi pour se voir enterrer et célébrer ses funérailles. Ce fut

un spectacle qui arracha des larmes et des soupirs à ceuxquiélaienlprésenls

et qui ne l'auraient pas pleuré davantage s'ils l'avaient vu réellement mort.

« Aussitôt, sans laisser passer le milieu du jour, il appela son confesseur

et lui dit combien il était joyeux d'avoir fait ses funérailles (1). »

Cette description apparaît si exempte de toute préoccupation historique

qu'elle est pour nous le témoignage irrécusable de la mérité. La cérémonie

s'explique même en ce sens qu'elle n'est pas un événement isolé, mais

suit ou précède à travers la vie des Habsbourg une série de faits qui frap-

pent l'esprit par leur analogie.

PHILIPPE II

Ce roi, si différent de son pèreChailes-Quinl par la valeur, en a cepen-

dant hérité le caractère funèbre. La mort est le sujet préféré de ses entre-

tiens.

Il ne manquait pas une seule pompe funèbre de personne de quelque

rang, soit que ce fussent des funérailles effectives, soit qu'on célébrât seu-

lement un anniversaire. « La plupart des jours de fêtes, dit G. Leti, il

ordonnait à son chapelain de dire la messe des morts, quelquefois même

pour le repos des âmes de ces malheureuses victimes que sa haine ou ses

soupçons avaient envoyées en l'autre monde (2). n

Philippe passe les dernières années de sa vie enfermé dans sa chambre

de l'Escurial. Son cercueil est dans un coin de la pièce.

(t) Siocenza, Histoire de l'ordre de Si-Jérôme, Ch, XXXVttt et XXXIX.

(2) G. LEri, Histoire de Philippe II, 't. Y1, p. 103.

L'AMOUR DE LA MORT CHEZ LES HABSBOURG 151

Il s'entretient de sa sépulture, écrit un historien, comme il aurait pu

le faire du jour de la solennité de son couronnement. Il se fait montrer sa

bière capitonnée de blanc et recommande de placer d'abord le corps dans

un celcueil de plomb pour ne pas souiller la soie : « Voyez mon fils, dit-

il au futur Philippe III, voyez où aboutissent les grandeurs de ce monde,

voyez ce que c'est que la mort, car demain vous allez régner (-1). »

L'ambassadeur Soranzo ,nous décrit ainsi les préoccupations de Phi-

lippe : « Il fit porter près de son lit la bière, où devait être déposé son

cadavre, ordonnant d'en modifier en sa présence les mesures. Il se faisait

lire dans les Ecritures toutes choses concernant la mort, tenant presque

toujours les yeux fixés vers une fenêtre située près de son lit, d'où il

voyait l'autel de l'église (2). »

Enfin, nous avons trouvé dans l'Histoire Universelle d'Agrippa d'Aubi-

gné le texte même des ordres de Philippe concernant ses funérailles : « Je

veux 'qu'après que mon âme sera sortie de ce corps, il soit embaumé et

vestu en habit royal et mis dedans le cercueil de bronze qui est ici et

après l'y avoir tenu le tems accoustumé, que l'on le mène au sépulcre de

celle façon : que le guidon de l'archevêque marche devant, puis la croix,

les moines el le clergé. Mon corps sera porté par huit de mes serviteurs en

chef, habillés de deuil, leurs torches allumées. Que mon corps soit mis en

un tombeau qui se fera et après que le service sera dit par le prélat,

on me mettra en la cave qui sera la dernière maison que j'aurai pour

jamais (3). » Si Philippe II n'a pas fait célébrer ses obsèques, lui vivant,

ce document nous montre qu'il a eu une vision nette de ce qui allait arriver

bientôt pour lui, comme disait Chartes-Quint, et cette vision, il ordonne

qu'elle se réalise, lui mort. '

DON CARLOS

Il y a dans la vie de don Carlos un fait qui nous intéresse par le rôle

qu'y joua son père Philippe II : à l'âge de 16 ans, ce prince fait une chute

en descendant un escalier et l'on constate qu'il s'est fait, derrière la tète,

une blessure que l'on se met en devoir de panser. Mais bientôt l'état

devient grave et Vésale soutient qu'il faut trépaner. Après de longs débats,

on opère. Le même jour, se souvenant que dans un couvent de francis-

cains on conserve le corps d'un religieux mort une centaine d'années

auparavant en odeur de sainteté, Philippe II ordonne de le tirer du

(1) Forneron, Histoire de Philippe 11, t. IV, p. 290.

(2) Relazione de Spaglla de Sorsnjo. serie I, t. I, p. 151.

(3) Amurra D'Aui31GNÉ, Histoire universelle, t. IX, p. 416.

152 LAIGNEL-LAVASTINE ET MERSEY

cercueil où il est enfermé, de le porter processionnellement dans la

chambre de don Carlos et de le coucher dans son lit (1). Philippe, attri-

buant par la suite la guérison de son fils à un miracle, exigea la canoni-

sation du religieux. Cependant la trépanation, pratiquée par Vésale, dut

avoir un rôle plus effectif que la funèbre et caractéristique cérémonie

imaginée par Philippe II.

- MARGUERITE D'AUTRICHE

Chez Marguerite d'Autriche, femme de Philippe III et arrière-petite-

fille de Jeanne la Folle, les images de la tombe et les idées de mort altei-

gnirent un degré extraordinaire, unique peut-être parmi les Habsbourg :

« Notre reine, écrit son contemporain, le P. de Gusman, était toujours

pensive et attentive à l'heure qu'il faudrait s'embarquer pour l'autre vie.

Tous ses discours et pensées n'étaient que de cela. Sénèql1e, parlant des

travaux de la mort, dit qu'on ne les peut éviter, trop bien les mépriser, ce

qu'on fera en y pensant souvent; notre reine n'attendait pas seulement ce

succès, mais il semblait qu'elle le désirait, puisqu'elle en parlait avec

tant de goût, elle en discourait tous les jours, le répétant à ses servantes

qui se lassaient de lui ouïr dire qu'elle ne vivrait plus guère. Elle

parlait plus ordinairement de sa mort que des choses de ce monde, el

se plaisait en ce discours qui est si ennuyeux aux autres.

« Sa Majesté, peu avant sa dernière couche, brodait avec soin et plaisir

un parement d'autel el en travaillant, elle donnait des sentences de sa

mort et contre soi-même (2). » On saisit ici cette curieuse similitude

entre la mentalité d'un Charles-Quint déclarant combien il était joyeux

d'avoir célébré ses funérailles et celle de cetle reine qui se complaisait

en de continuelles conversations sur la mort et brodait avec plaisir pour

les trépassés.

PHILIPPE IV

(PI. XXII).

Philippe IV s'était fait fabriquer d'avance son cercueil et l'on dit qu'il

s'y couchait parfois comme pour en prendre la mesure. Le 16 mars 1054,

il fit transporter au Panthéon de l'Escurial les rois et les reines de la

dynastie de Habsbourg. Le prédicateur dut prendre pour texte ce verset

(1) GACIIAIID, Philippe Il el don Carlos, t. I, y. 12.

(2) DE GAU : lJAN, Histoire de la vie et de la mort de Madame Marguerite d'Autriche,

femme de Philippe Ill. Traduit de l'espagnol, Paris, 1620, p. 590 et suiv.

NOUV. ICONOGRAPHIE DE LA SALPÊTRIÈRE. T. XXVI, PL XXII.

l'Amour DE la MORT chez les Habsbourg

et P. Maser.)

PHILIPPE IV

.MASSON et CH', Éditeurs.

NOUV. ICONOGRAPHIE DE LA SALPÊTRIÈRE.

T. XXVI, PL. XXIII

l'Amour DE la MORT CHEZ LES HABSBOURG

(Laignel-Lavastine el P. Mersey.)

CHARLES II

MASSON et Ci,, Éditeurs.

L'AMOUR DE LA MORT CHEZ LES HASBOURG 153

d'Ezéchiel : r'r Ta propllétiseras sur ces ns et lu leur diras : vous, os dessé-

chés, écoulez la parole du Seigneur. » Sa péroraison fut la paraphrase de ce

verset : « Le Seigneur dit ces os : j'introduirai en vous un souffle et vous

vivrez. » « Le cercueil de Charles-Quint ferma la marche. Avant qu'il

occupât l'urne qui lui était destinée, Philippe IV fil ouvrir le double

cercueil. On eût pu croire que la vision d'Ezéchiel allait se réaliser lilté-

ralement pour l'Empereur, tanL sa-conservation élait parfaite, mais le

souffle ou l'esprit attendait une parole plus puissante que celle du prédi-

cateur de la Cour : Spirilum non habebal. » -

CHARLES II

(PI. XXIII).

Charles II visitait très souvent le Panthéon de l'IJscurial et aimait re-

garder les cercueils de ses aïeux et celui qui l'attendait lui-même (L). Il

y a dans sa vie un fait qui le rapproche de son ancêtre Jeanne la Folle :

s'étant fait ouvrir un jour les cercueils de ses parents, il voulut voir, en

dernier lieu, le corps de sa femme, Louise d'Orléans. Il embrassa longue-

ment la morte et on l'entendit s'écrier : « Je serai bientôt près d'elle (2). »

Nous devons enfin noter cette réponse typique que lit Marie-Thérèse à

Aune d'Autriche, qui lui demandait, ce qu'elle pensait de sa réception au

Louvre, lors de son mariage avec Louis XIV : « Je pense, dit la fille de

Philippe IV, celle autre pompe qui doit un jour m'accompagne/'aux

caveaux de Saint-Denis. »

Il ressort de l'étude, que nous avons faite des Habsbourg d'l.spajne,qu'en

dehors des cas de psychoses nettes, constatées chez Jeanne la Folle et

Charles II, la plupart des membres de cette famille ont présenté des ma-

nifestations morbides remarquables par leur analogie, ce qui confir-

me d'ailleurs l'opinion qu'entre l'aliénation mentale caractérisée qui s'im-

pose aux esprits les moins avertis et l'état psychique normal, il existe une

série ininterrompue d'états anormaux, qui doivent êlre recherchés avec

soin. En secontl lieu, nous pensons avoir montré qu'à côté des nombreux

caractères bien classés : gai, triste, léger, primesautier, orgueilleux, in-

quiet, susceptible, etc., on peut décrire un caractère tlaanaloplailiqlce,

dont les préoccupations funèbres forment le fond. Nous croyons de plus

(1) A. PicnoT, Chronique de Chai les-Quint, p. 482. ,

(2) R. St-IIILAIIig, Histoire d'Espagne, t. XI, p. 468.

154 LAIGNEL-LAVASTINE ET MERSEY

que l'on est en droit d'établir pour les individus de celle lignée, qu'ils

aient été aliénés ou qu'ils ne l'aient pas été, une formule psycholo-

gique familiale, qui est représentée par le caractère Lhanatophilique

même, caractère fixé par une hérédité consanguine extrêmement forte.

Enfin nous ne sommes pas éloignés d'admettre que chez Jeanne la Folle

et chez Charles II la psychose a présenté une physionomie un peu spé-

ciale, du fait que cette reine et ce roi possédaient un caractère funèbre,

Le gérant : P. Bouchez.

Imp. J. Thevenot, Saint-Dizier (Haute-Marne).

R. UNIVERSITÉ DE PARME. - CLINIQUE MÉDICALE

dirigée par M. le prof. A. limn.

ACHONDROPLASIE ET CHONDROHYPOPLAS11;

, CONTRIBUTION CLINIQUE

PAR

FERRUCCIO RAVENNA

Chef de clinique, privat-docent de Pathologie interne.

Ce n'est pas un grand intérêt qu'offrirait une contribution clinique à

la question de l'achondroplasie si elle se bornait à rapporter des cas typi-

ques de cette affection ; on sait en effet que dans ces dernières années on a

recueilli de nombreuses observations d'achondroplasiques accompagnées

d'examens cliniques très minutieux.

Du côté morphologique on ne pourrait, peut-être, désirer des données

plus précises ; les recherches radiographiques, venant en aide à la cli-

nique, ont permis de se rendre compte avec la plus grande exactitude des

allérations du squelette qu'on aperçoit macroscopiquement. D'ailleurs il

n'y a pas pénurie de résultais des autopsies ; ils ont été complétés par de

soigneuses recherches histulogiques.

Désormais nous savons que les altérations du squelette dans l'aclion-

droplasie dépendent d'une atrophie du cartilage épiphysaire primordial,

qui accompagne la première poussée ostéogénétique du 3° au Ge mois de

la vie embryonnaire, et qui a parcouru toute son évolution pendant le der-

nier tiers de la grossesse (Parrot).

La maladie est donc congénitale. Du fait de cetle sclérose du cartilage

de conjugaison il résulte que, pendant le développement ultérieur de

l'individu, l'accroissement dans le sens longitudinal des os longs est très

réduit, tandis que l'ossification d'origi ne périostale proréthnt sans obstacle

ou mieux, semblant subir une hypertrophie compensatrice, les os appa-

raissent déformés hyperplastiduement dans le sens de leur axe transversal.

Par suite l'aspect dé ces sujets est modifié d'une façon caractéristique.

Us se présentent comme des individus de taille de beaucoup inférieure à

la normale, de sorte qu'on les range vulgairement parmi les nains. On est

xxvi ' Il t

158 l1ERRtJCCIO lATEN14A

frappé tout d'abord par l'énorme réduction en longueur de tous les mem-

bres. Les bras pendant le long des flancs ne parviennent pas à dépas-

ser du bout des doigts le grand trochanter, tandis que par régie ils attei-

gnent l'union du tiers supérieur avec le tiers moyen de la cuisse. On

pourrait faire les mêmes constatations pour les membres inférieurs. Et le

tronc ayant poursuivi son développement normal, on a l'impression que

sous un tronc d'adulte, on voit adaptées les jambes d'un enfant de

5 ou 6 ans. La brièveté des membres est due à la réduction de toutes les

parties qui les composent. Dans les cas typiques la microméiie est du

type rli3,zomélique par Ji réduction prévalente de l'humérus ou du fémur.

Les omoplates sont courtes el les clavicules fortement courbées. Voici

encore d'autres caractéristiques de ces sujets ; un certain degré de ma-

crocéphalie, généralement brachy-céphalique; le nez aplati à sa racine,

ce qui donne souvent un aspect de crétinisme que confirme un degré

plus ou moins marqué d'adiposité s'étendant au visage. Le dos est plat ;

il y a là une lordose lombaire bien évidente en rapport avec un certain

degré d'antéversion et de rétrécissement du bassin. La main est courte,

grosse, du type carré. M. P. Marie a décrit un aspect particulier de cette

main à laquelle il a donné le nom de main en trident par le fait que les trois

doigts du centre, à peu près de la même longueur, posés sur un plan ho-

rizontal, divergent par leurs extrémités distales. Le pied aussi est court.

On a remarqué une certaine tendance aux luxations en rapport avec le

relâchement des ligaments articulaires : ce fait est secondaire au dévelop-

pement exagéré des épiphyses qui, ne s'accordant pas entre elles, donnent

lieu à des efforts et à des tensions des ligaments mêmes.

Le développement musculaire est parfait ; on peut dire même que les

sujets atteints d'achondroplasie sont des petits athlètes, et en effet ils

jouissent d'une excellente santé. La peau et le système pileux sont nor-

malement développés et en rapport avec l'âge; il en est de même des

organes génitaux ; les caractères sexuels secondaires ne s'écartent pas or-

dinairement de la règle. La poteiitla coeundi est intacte. L'intelligence,

sauf quelques particularités en relation surtout avec cet état d'infériorité

dans les rapports sociaux, où les place leur déformation, ne présente

aucun déficit, ni caractère d'infantilisme.

L'examen radiographique a mis en évidence l'ossification complète et

parfois précoce (l'ossification précoce de la synostose tribasilaire est la

cause de l'enfoncement de la base du nez) de tous les cartilages épiphv-

saires, l'épaisseur parfois très grande des diaphyses et des épiphyses; sur

les premières on note quelquefois des courbures et le développement,

exagéré des crêtes d'insertion musculaire en rapport avec la relative

hypertrophie des muscles ; jamais nous n'avons de traces de fractures. La

ACHONDROPLASIE ET CHONDROllYPOPLASTE 159

courbure des os est souvent dépendante de l'inégale réduction en longueur

des os formant le squelette du même segment d'un membre. Un tel fait

est plus évident à la jambe où le péroné, étant moins raccourci que le

tibia, la tête du premier remonte de manière à s'articuler avec le condyle

externe du fémur, tandis que la malléole externe est notablement plus

basse que l'interne. Dans de nomhreux cas on a trouvé que le 4e doigt de la

main, et parfois du pied, a une base d'implantation postérieure, due à la

petitesse anormale du z métacarpien et, respectivement, métatarsien.

Voilà, brièvement, quel les sont les données les plus importantes à relever

dans un cas d'achondroplasie typique, telles que je les ai trouvées dans la

littérature vraiment copieuse sur ce sujet.

Désormais les cas décrits, avec plus ou moins de précision, arrivent à

la centaine, et je ne cite pas la bibliographie existante, d'autant plus

que celle antérieure à 1905 on peut la trouver résumée dans l'excellente

monographie de MM. Porak et Durante, et celle de 1905 à 1911 dans le

mémoire récent de MM. Franchini et Zanasi.

Je tiens cependant à noter que l'achondroplasie est probablement

moins rare qu'on ne voudrait généralement l'admettre. Il ne s'est pas

écoulé longtemps depuis l'époque où j'ai commencé par fixer mon attention

sur ce sujet, et tout en demeurant dans un cercle borné, j'ai rencontré

trois individus qui, au premier coup d'oeil, se présentaient comme des

achondroplasiques typiques ; malheureusement il ne m'a pas été possible

de les étudier avec soin (il s'agissait de deux femmes et d'un homme) ;

d'un naturel timide el soupçonneux, comme le sont souvent les personnes

ignorantes, ils ne voulaient absolument pas se prêter aux recherches

auxquelles je désirais les soumettre. Comme ils jouissaient d'une excel-

lente santé, ils refusaient avec défiance toute visite médicale ; même

l'argent ne put les convaincre. Cependant la stature très réduite, une

évidente micromélie, la tête grosse au nez retroussé, une lordose lombaire

marquée, le grand développement des masses musculaires, ne laissaient

aucun doute sur la nature de leur nanosomie.

A côté de ces formes typiques, il y en a d'autres déjà décrites dont le

tableau clinique est beaucoup moins complet et caractéristique, ou bien

il est compliqué par l'adjonction et la superposition de symptômes propres

à d'autres dystrophies ou arrêts de développement.

Comme on le sait, on a distingué différentes formes de nanisme : les

principales sont le nanisme myxoedémateux, le pottique, le rachi tique, l'os-

téomalacique, le mitralique..1e parlerai plus loin, quand il sera question

du diagnostic différentiel, des principales caractéristiques de ces dystro-

phies. ,

Maintenant il me suffit de dire qu'en général il s'agit d'individus qui

160 FERRTJCCIO RAVENNA

de manière ou d'autre sont difformes, et chez lesquels le manque d'har-

monie des différentes parties du corps, bien qu'il puisse ne pas frapper

tout d'abord, peut être toujours mis en évidence par un examen précis

et systématique.

On a voulu par opposition réserver le nom du microsomie à ces formes

où, bien qu'un développement somatique et psychique complet ait été

atteint, l'on se trouve devant des individus à taille très petite et aux pro-

portions réduites, mais d'une façon si harmonique, qu'on reçoit l'impres-

sion d'être en présence d'hommes en miniature, de personnes comparables,

suivant une heureuse expression, à des adultes vus par le grand bout

d'une lorgnette. Ces types correspondraient à celui que Virchowa déjà

décrit et que V. llansemann a appelé ensuite « nanosomia primordialis »,

pour la distinguer de la « nanosomia infantilis » chez laquelle on trouve

des caractères d'infantilisme.

M. E. Lévi qui a dédié une excellente monographie à la question de la

microsomie primordiale ou essentielle, après une cri tique profonde sur tous

les cas décrits dans la littérature, met de côté ceux qui pour leurs carac-

tères d'infantilisme, ou d'achondroplasie, ou d'autre, ne pouvaient pas

servir à l'individualisation du type cherché, et finit par conclure que les

exemples connus de microsomie essentielle pure sont très rares. II apporte

une contribution personnelle de quatre observations.

Lui-même, qui tout d'abord définit la microsomie essentielle comme

une simple petitesse du corps dans laquelle tous les caractères soma-

tiques et psychiques de l'homme adulte se conservent intacts et sont

normaux pour l'époque de leur développement, finit par admettre que

les microsomidues sont différents des nains par le manque de toute grave

difformité. Aussi lui est-il possible de faire rentrer dans le cadre de la

microsomie sa première observation dans laquelle les difformités ne sont

pas légères, où au contraire la micromélie des membres supérieurs est bien

évidente. Mais je ne peux pas suivre le dit auteur sur ce terrain, car sa

distinction entre la microsomie et le nanisme est trop élastique, étant

subordonnée à une impression d'ensemble qui peut se trouver erronée.

Il arrive en effet non rarement que des individus,qui à un examen super-

ficiel semblent constitués suivant la règle, se montent disproportionnés

d'une façon notable si on les soumet à des mensurations exactes et à un

examen soigneux ; on peut de cette manière dépister des symptômes qui z

permettent de ranger ces sujets parmi des types morbides dont ils repré-

sentent un exemple certain, bien qu'incomplet. M. Taruffi lui aussi pense

que pour établir un jugement différentiel il faut se baser seulement sur des

mesures exactes ; il a noté,par exemple, que c'est par les mesures qu'on

trouve la disproportion du crâne même lorsqu'elle n'apparaît pas à la vue,

ACHONDROPLASIE ET CHO\DROHYPOPLAS1E 161

et que l'on peul rencontrer des disproportions même dans le rapport

des segments des membres.

Ainsi à côté des cas d'achondroplasie classique, chez lesquels il ne man-

que aucun des symptômes les plus communs, et qui sont constitués d'une

manière si caractéristique qu'on peut en faire tout de suite le diagnostic,

on a observé des formes incomplètes chez lesquelles, soit par exclusion, ou

sur la base de symptômes positifs, on doit admettre des formes atypiques

d'achondroplasie, seplaçanl entre le nanisme et la microsomie essentielle,

de même qu'est déjà hors de doute l'existence des formes combinées de

nanisme achondroplasique et rachitique, myxoedémateux, infantile, etc.

M. Lugaro, quoiqu'il n'accepte pas les associations fréquentes admises

par M. Leblanc entre myxoedème et achondroplasie, décrit un cas certain

de crétinisme sporadique associé à l'achondroplasie.

MM. Porak et Durante ont admis l'existence de cas dans lesquels dif-

férents symptômes peuvent manquer, ou être très atténués ; ainsi les

difformités des membres peuvent être à peine marquées, la tête peu

volumineuse, les mains avoir leur conformation normale. Ils rappellent des

exemples d'achondroplasie partielle, entre autres ceux de MM. Lampé et

Salvetti où manquait la synostose crânienne, un squelette de M. Regnault

dans lequel était intéressé un seul humérus ; enfin un cas de M. Variot t

avec des lésions limitées aux membres inférieurs.

M. Dufour a fait le diagnostic d'achondroplasie incomplète dans un cas

parce que les membres supérieurs n'étaient pas raccourcis, les doigts arri-

vant au-dessous de la crête iliaque la inict,omélie relative n'y était pas du

type rhizomélique.

Dans une observation de MM. Cbaron, Degouy et Tissot le membre

inférieur droit était de beaucoup plus court que le gauche et il manquait

les déformations caractéristiques des mains.

M. Schrumpf a cité un cas où les déformations se seraient produites à

partir de la 7e année de vie,

MM. Danlos, Apert et rlandin ont étudié un sujet atteint de micromélie

congénitale limitée aux deux humérus.

MM. Stannus et Wilson firent des observations analogues dans la terre

de Nyassa sur des individus par ailleurs normalement constitués.

Récemment M. F. Regnault a voulu rassembler, sous le nom de micro-

mélie segmentaire symétrique, deux de ses anciennes observations sur des

squelettes aux humérus anormalement petits, qu'il avait classées autrefois

parmi les achonrlroplasies partielles, avec les cas de MM. Danlos, Apert et

Flandin, et ceux de MM. Stannus et Wilson. Il y ajoute aussi une récente

observation de MM. Crespin et Bonnet, sur une femme arabe atteinte

de micromélie rhizomélique des membres inférieurs (index tibio-fé-

moral = 112).

162 FERRUCCIO RAVENNA

M. Molodenkov, tandis que dans deux observations il note des déforma-

tions de la cage thoracique qu'il voudrait attribuer à une combinaison

avec le rachitisme (il s'agit probablement d'altérations pseudorachitiques),

trouve que dans un cas la macrocéphalie était très peu évidente et que la

micromélie n'était pas rhizomélique.

M. Robin et M. Weil, à la séance du 7 juillet 1911, présentèrent à la So-

ciété médicale des Hôpitaux de Paris un malade atteint d'achondroplasie

partielle avec dischondroplasie localisée qui mérite une description soi-

gnée parce qu'il présente quelques points non négligeables de ressemblance

avec une de mes observations.

Il s'agit d'un homme de taille bien peu réduite, et atteint de paraplégie

spasmodique probablement en rapport avec une spondylite tuberculeuse

des 4e et 5e vertèbres dorsales. Il présentait aussi des déformations osseuses

qui apparaissaient de nature aclondroplasique; en effet les membres in-

férieurs étaient anormalement petits en rapport avec la longueur physiolo-

gique du tronc; les altérations osseuses prédominaient aux extrémités

distales des membres ; les cuisses, les jambes, les pieds et les mains

étaient fort raccourcis. Cependant dans ce cas, selon les auteurs, l'achon-

droplasie apparaissait des plus frustes. La macrocéphalie était à peine

marquée, les bosses frontales et pariétales n'étaient pas exagérées, le

visage non élargi, la stature n'était pas celle d'un nain, la micromélie des

membres inférieurs, bien que manifeste, était loin d'être grotesque ; il y

avait un léger degré de micromélie rhizomélique aux membres supérieurs,

les doigts des mains ne présentaient pas la disposition dite à « trident ».

A cette symptomatologie très réduite on doit ajouter un arrêt très marqué

de développement au 4° métacarpien, à droite et à gauche ; par conséquent

les deux annulaires étant placés en arrière de la position normale, et en

paraissaientde beaucoup plus petits.Ce trouble de l'ossification était localisé

aux deux os cités plus haut, et symétrique pour la localisation aussi bien

que pour l'intensité. Il faut noter que la grand'mère, et trois oncles

paternels du malade étaient achondroplasiques, le père ne l'était pas, mais

sa main était à trident et présentait la même atrophie des métacarpiens

qu'on a trouvée chez le fils. '

Des deux observations que je vais rapporter la première regarde un

sujet de taille très réduite chez lequel le cadre de l'achondroplasie ne se

présente pas complet comme dans le type classique. Cependant, bien que

les altérations du squelette ne soient pas des plus fortes, je ne crois pas

que ce soit le cas d'élever des doutes sur la forme fondamentale, tandis

qu'on pourra discuter si l'on n'a pas affaire aussi à quelque autre associa-

lion morbide.

NOUVELLE Iconographie DE la Salpêtrière.

T. XXVI. Pl. XXIV

ACHONDROPLASIE ET CHONDROHYPOPLASIE

(F. Ravenna).

Masson & Cie, Editeurs

ACHONDROPLASIE ET CHONDROHYPOPLASIE 163

Mon deuxième sujet, de stature moins, réduite, apparaissait d'abord

bien proportionné, mais un examen plus soigné m'a permis de relever

un défaut d'harmonie non indifférent dans les proportions réciproques du

tronc et des membres et des différents segments de ceux-ci. En outre, à

l'aide de la radioscopie, on a noté une tendance à des dystrophies osseuses,

ce qui rendra intéressante la question de décider de quelle entité noso-

graphique se rapproche le plus le'tableau symptomatolobidue observé.

Voici, sans m'étendre plus longuement, l'histoire el l'examen clinique

au complet de mon premier sujet.

Observation 1 \

Mario Ventisei, âgé de 24 ans, garçon et chanteur, de Lucca. Ses parents

sont encore vivants et sains, de stature et d'aspect normaux. On peut dire de

même de ses trois soeurs. Il semble que sa mère ait accouché à terme et nor-

malement ; cependant dès les premiers temps de sa vie on avait noté sa petitesse

anormale. Pendant l'enfance il eut la rougeole, puis le ténia. A part cela il fut

toujours sain et vigoureux, de sorte qu'il peut faire de longs voyages à pied.

Et il en profita pour gagner sa vie, surtout eu parcourant les brasseries et les

cafés, où il chantait les refrains populaires d'une; voix de baryton assez fausse.

Le développement sexuel se fit comme à l'ordinaire et depuis plusieurs années

il a des rapports sexuels : bien plus il raconte qu'il a eu quelques intrigues

amoureuses. Il affirme qu'il n'a jamais eu ni de maladies vénériennes, ni de

syphilis. Et lorsqu'il gagne suffisamment, il e,st bon mangeur, buveur et fumeur.

A tout prendre notre sujet paraît bien constitué, sa peau est blanche sur

toute la surface du corps, élastique, rosée au visage : les muqueuses visibles

sont bien colorées, le système pileux est abondamment développé. Il a des poils

sur le thorax, sous les aiselles, sur le pubis et aux jambes. Il a les cheveux

bruns, et se rase complètement barbe et moustache, qui du reste ne seraient

pas touffues ; le tissu adipeux est distribué d'une façon uniforme et abondante.

Les muscles sont bien développés. La température est normale. On ne relève

pas des glandes lymphatiques tuméfiées.

Si l'on jette un regard sur les photographies (PI. XXIV) ou relève la

disproportion entre le développement du tronc et celui des membres. Cette

impression est amplement confirmée par les mesures suivantes :

164 FERRUCCIO RAVENNA

ACHONDROPLASIE ET CHONDROHYPOPLASIE 165

Extrémités inférieures.

166 FERRUCCIO RAVENNA

Il sait lire, ne sait pas écrire, il lui manque les notions élémentaires qu'ont

en général les individus de son âge et de sa condition. Il n'a point de métier

fixe, se bornant souvent à vaguer dans les environs où il gagne quelques sous,

par ses chansons'. Cependant il a une certaine intelligence ; il sert même de

guide etde cicerone dans sa ville natale, et alors il donne les nouvelles qu'il il

croit, et non à tort, les plus intéressantes.

Il possède aussi un peu d'oreille pour la musique.

Son cou n'est pas court, mais gros, cylindrique; le cartilage thyroïde est

proéminent : au-dessous l'isthme de la glande thyroïde est palpable.

Chez lui le thorax est large, bien conformé, l'angle de Louis n'est pas mar-

qué ; les mamelles sont très bien développées et à cause de l'abondant dépôt

de tissu adipeux elles forment à la base du sternum une sorte de fossette entre

elles. Les mamelons et les aréoles sont évidents, tout autour il y a aussi

quelques poils assez longs. Il n'y a aucune trace de chapelet racbitique ; les

angles antérieurs des côtes sont marqués ; celles-ci sont assez grosses, de même

les clavicules, dont les courbes n'apparaissent pas trop exagérées. Les omopla-

tes sont très courtes, légèrement ailées, aux proéminences osseuses assez mar-

quées. Le dos est plat, ses muscles sont saillants. Bien que peu exagérée, il y

a une évidente ensellure lombaire. Le ventre est adipeux et proéminent ; les

réflexes abdominaux et crémastériens sont normaux. Après un examen diligent

des organes internes on ne relève rien d'anormal du côté des appareils respi-

ratoire et circulatoire. Les fonctions gastro-intestinales se font régulièrement,

de même qu'il apparaît normal pour la forme et le volume des organes abdo-

minaux, pour la qualité et la quantité de la sécrétion urinaire. '

Quant aux organes génitaux on note que le pubis est recouvert de poils

abondants, la verge est,pour sa longueur et sa grosseur, supérieure à la moyen-

ne de celle des adultes Les testicules sont tous les deux dans le scrotum et

de consistance et de dimensions normales. Notre sujet s'est masturbé et se

masturbe encore quelquefois, bien qu'il aime les femmes et qu'il prétende qu'il

en est recherché. Le bassin est quelque peu rétréci et ne semble pas dévié.

Aux extrémités supérieures la micromélie est mise en évidence par le fait

que les doigts n'arrivent pas au niveau du grand trochanter, qui à son tour

est plus bas que de règle. Cette micromélie résulte encore mieux du fait qu'avec

un développement normal du thorax, la grande ouverture des bras est infé-

rieure de 6 centimètres à la hauteur, de sorte que la grande ouverture est à la

hauteur ce qu'est 95,8 à 100, au lieu d'être supérieure a cette dernière. De plus

le membre supérieur n'atteint pas 40/100 de la hauteur totale, au lieu d'être

égal à 48/ion comme chez l'homme normal.

Si l'on veut analyser les chiffres correspondants aux divers segments du

membre lui-même exprimés en centièmes de stature, on trouve pour le bras

15.5 au lieu de 19.5, pour l'avant-bras 13.2 au lieu de 14, pour la main 10.8

au lieu de 11.30.

Donc la micromélie est à type nettement rhizomélique, de sorte que l'index

radio-huméral est supérieur au normal.

Les bras sont un peu écartés du tronc. Les avant-bras inclinent à se met-

NOUVELLE Iconographie de la Salpêtrière.

T. XXVI. PI. XXV

ACHONDROPLASIE ET CHONDROHYPOPLASIE

Obs. I.

(F. Ravenna).

Mnzson 8c Cm,$drtcurs

ACHONDROPLASIE ET CHONDROHYPOPLASIE 167

tre en pronation, la paume de la main tournée en arrière. Les mains sont gros-

ses, courtes, carrées, les doigts ne présentent pas de modifications digues de

note, sauf la possibilité de les mettre passivement de façon que leurs phalan-

ges proximales étant rapprochées, les distales soient séparées entre elles en

reproduisant ainsi le type de main il trident.

Les muscles sont bien développés et les réflexes tendineux et périostaux

sont vifs.

Extrémités inférieures. - S'il ne suffisait pas d'un seul coup d'oeil pour

voir qu'il y a une micromélie marquée, on pourrait s'en convaincre, en consi-

dérant que la distance du grand trochanter au sol en rapport à la stature est

égale à 46.5 au lieu du normal 52 ; même ici le raccourcissement est plus mar-

qué au segment proximal de façon que l'index tibio-fémural est supérieur à 100.

Les cuisses sont grosses et charnues, les jambes légèrement arquées en dehors

de sorte que les membres inférieurs apparaissent un peu trapus, mais sans

déformations particulières.

Les muscles des fesses, des cuisses et des jambes sont très bien développés.

Les pieds sont moins courts et moins larges que les mains ; au reste rien

d'anormal. On ne note pas de laxité^dans les ligaments des articulations.

Les réflexes patellaires et achilléens sont vifs, les plantaires se font en

flexion. La motilité et la sensibilité sont tout à fait normales. '

A l'examen radiographique du crâne on note au premier abord que le

développement de la voûte surpasse de beaucoup celui de la base. L'épais-

seur des os n'est pas constante, plus forte pour les pariétaux, elle semble un

peu moindre pour les frontaux et pour l'occipital dont la surface se pré-

sente même irrégulière. Les os du nez sont peu proéminents et se trouvent

dans un plan postérieur au bord libre des mâchoires, de sorte qu'il en résulte

un peu de prognathisme. La selle turcique semble petite en comparaison du

développement total du crâne, mais pas trop si l'on ne considère que la base.

Quant aux membres supérieurs, la tête de l'humérus apparaît grosse spécia-

lement si on la compare avec la cavité glénoïde de l'omoplate. Au contraire

l'épiphyse distale ne semble pas augmentée en volume. La diaphyse de l'os

est épaisse, trapue, pourvue de différentes courbes ; par ce fait elle semble

toute sinueuse. De même l'apophyse olécranienne du cubitus est grossie, et

apparaît de proportions, qui ne sont pas en rapport avec la fosse correspondante

de la face postérieure de l'humérus. Rien d'anormal ne présentent ni la dia-

pliyse, ni l'extrémité distale;du. cubitus. Du côté du radius on note que le

col est trapu ; il y a une grande tubérosité bicipitale, sous laquelle la diaphyse

s'élargit et se renfle en s'arquant pour en revenir aux proportions normales

et constituer enfin l'épiphyse distale à la forme de pyramide. Les cartilages

épiphysaires sont partout complètement ossifiées, même l'ossification des os

du carpe, y compris le pisiforme, est complète. Les mains (Pl. XXV) sont

courtes, les métacarpiens, les phalangines et les phalangettes sont trapus et

robustes. On observe nettement la présence de l'os sésamoïde normal près de

la face interne de l'épiphyse distale du 1°r métacarpien. On note en outre que

le 4' métacarpien est plus court que les autres, excepté le jar. En effet ce

168 FERRUCCIO RAVENNA

dernier mesure 43 millimètres près des 44,5 du 5a, tandis qu'ordinairement

il arrive le contraire.

La cage thoracique présente une constitution normale : on relève la peti-

tesse des omoplates et la largeur des côtes.

Membres inférieurs. - Le col du fémur est gros, tassé et, puisqu'il est

moins oblique que d'ordinaire, il forme avec la diaphyse un angle moins ouvert.

Le petit et le grand trochanter sont très développés. La diaphyse est courte,

très grosse, légèrement courbée, les condyles du fémur sont bien développés

et épais. Ce qui frappe le plus ce sont les deux tubérosités du tibia, qui a

grossi sur toute sa longueur jusqu'à la malléole interne. La tête du péroné

au lieu de rester au-dessous de l'articulation du genou, s'avance jusqu'au

niveau de celle-ci. Cet os a une forme régulière. La malléole externe n'est

point plus haute que de règle, ce qui porte à la conclusion que le péroné est

proportionellement moins raccourci que le tibia.

Pour le squelette du pied il faut noter la brièveté et la forme extrêmement

trapue des phalangines et des phalangettes. De plus les `e, 3e et 4" métatarsiens

sont de longueur sensiblement égale et de forme normale, tandis que le pre-

mier est gros ; l'augmentation en volume est surtout évidente à l'épiphyse dis-

tale et pour le 51 à l'épiphyse proximale. L'ossification est complète dans tous

les segments des membres.

Bref, nous sommes en présence d'un homme dont l'hérédité n'est pro-

bablement point tarée el la taille est de beaucoup inférieure à la normale

de la population à laquelle il appartient. Chez lui sont en outre caracté-

ristiques la macro-et la brachy-céphaiie (circonférence maxima du crâne =

à 44/100 de la hauteur totale du corps), et la micromélie (la grande ouver-

ture des bras est à la hauteur ce que 95,5 est à 100), les membres infé-

rieurs et les supérieurs réprésentant respectivement 46. 5 et 39. 5/100

de la hauteur au lieu du normal 52 et 45. De plus la micromélie est à type

nettement rhizomélique. Si l'on ajoute encore que la microsomie a été

remarquée tout de suite après la naissance et que l'intelligence ne pré-

sente pas un grand déficit, on doit conçlure que nous avons réuni ici tous

les symptômes principaux que M. Schrumpf exige pour poser le diagnos-

tic d'achondroplasie.

Mais à l'examen systématique nous avons en outre relevé que le nez

est aplati à sa racine, que dans son ensemble notre sujet a l'air un peu

crétin, que les muscles et le tissu adipeux sont bien développés , il y a

de la lordose lombaire, les organes génitaux sont bien conformés et les

caractères sexuels secondaires sont au complet. La main est carrée et on

peul lui faire prendre passivement la forme caractéristique en trident. Le

bassin est étroit. Par la radiographie on a noté l'inégale épaisseur des os

du crâne, la grosseur et la brièveté des diaphyses, dont quelques-unes sont

un peu arquées, l'énorme développement de certaines épiphyses, l'absence

ACHONDROPLASIE ET CHODIDItOHYPOPLA51E 169

de fractures ou de cals osseux, la disproportion entre le raccourcissement

du péroné et celui du tibia, la brièveté anormale, bien que non excessive,

des quatrièmes métacarpiens et métatarsiens, enfin la parfaite ossification

de tous les cartilages de conjugaison. Il manque, il est vrai, la laxité des

ligaments, la micromélie n'est pas des plus prononcées, la main n'est pas

en trident d'une façon évidente, mais d'ailleurs, comme il y a là les sym-

ptômes les plus importants en faveur de l'achondroplasie, je ne vois pas

dans quelle autre forme de nanisme (sans aucun doute il s'agit d'un

- nain) il serait possible de classer la symptomatologie que présente ce sujet.

Chez le nain rachitique le tronc est déformé, on note souvent de la

cyphose et de la scoliose; la lordose lombaire est rare. On trouve souvent

des altérations de cOtes (chapelet rachitique) et de la forme du thorax

dans son ensemble (thorax à carène). Les extrémités supérieures ne sont

pas raccourcies, les courbes des diaphyses sont très prononcées ; enfin il

s'agit ordinairement d'individus faibles, tandis que ceux qui sont atteints

d'achondroplasie jouissent d'une rare vigueur.

Il ne vaut pas la peine d'insister sur le diagnostic différentiel avec

le nanisme ostéomalacique et lepoltique : en effet il manque tout indice

des maladies qui primitivement provoquent ces déformations. On en di-

rait autant pour le nanisme mitralique.

Contre une forme d'infantilisme du type Lorain ou Brissaud déposent

le parfait degré d'évolution de l'appareil génital et de tous les carac-

tères sexuels et l'ossification désormais assez complète, pour qu'à l'exa-

men radiographique on aperçoive parfaitement les os sésamoïdes adjacents

au 1e' métacarpien et métatarsien.

Le type légèrement crétineux ne manque pas chez de nombreux sujets

atteints de simple achondroplasie : c'est un aspect que favorise le nez

aplati à sa racine. Mais le visage, quoique large et potelé, n'est point pâle,

au contraire, il est rubicond. Les paupières ne sont pas bouffies, la langue

n'est pas grosse, la dentition est complète, la thyroïde n'apparaît pas atro-

phiée. Enfin notre sujet balbutie légèrement, et ses facultés psychiques ne

peuvent pas être considérées normales. C'est un vagabond, un timide, un

menteur, mais, ces caractéristiques, plutôt qu'un arrêt de développe-

ment, me semblent celles d'une déviation. Voilà pourquoi, tout en parta-

geantl'opiniondelL1'ellizzi sur la grande importance que l'on doit attribuer

aux phénomènes psychiques pour le diagnostic de l'infantilisme, même là

où les signes somatiques ne sont pas le plus caractéristique, je suis per-

suadé que dans ce cas on ne peul pas parler d'achondroplasie associée à

l'infantilisme (naturellement type Brissaud). Il s'agit ici d'achondroplasie

pure où il y a tant de symptômes caractéristiques qu'on ne peut concevoir

de doutes là-dessus. Ces symptômes cependant ne sont pas trop manifes- -

170 FERRUCCIO RAVENNA

tes et donnent lieu à une forme légère, de laquelle on pourra aisément

passer à d'autres tableaux cliniques, où les signes d'achondroplasie sont

si peu prononcés, qu'il faut faire un effort pour affirmer que ces sujets sonl

atteints d'achondroplasie. Seulement un examen clinique et radioscopique

très diligent et précis peut permettre une juste classification de ces sujets

qui autrement seraient inscrits parmi les microsomiques purs, ou parmi

les simples microméliques et même parmi les normaux.

Et mainlenunt je passe à ma deuxième observation.

Observation II

Frassi Francesco, âgé de 30 ans, né à Caprona, domicilié à Pisa, journalier,

célibataire.

Son père est mort âgé par suite d'une broncho-pneumonie. Sa mère est vi-

vante et bien portante. Tous les deux étaient de taille normale et il ne semble

pas que parmi les ascendants paternels et maternels il y en ait eu aucun de

taille inférieure à la moyenne ou difforme. Un frère et une soeur sont morts

en bas âge, d'une maladie qu'on n'a pu préciser; une soeur encore jeune a suc-

combé à une maladie de coeur. Il ne semble pas que F. soit né d'accouchement

dystocique.

A l'âge de 3 ans, ayant par mégarde mangé des grains de belladone, il faillit

mourir empoisonné. A 20 ans il eut la rougeole à forme grave. Au reste il a a

toujours joui d'une excellente santé, et comme il était vigoureux et doué de

bons muscles, il a toujours pu s'occuper à des travaux pénibles. Il est bou

mangeur, peu fumeur, il y eut un temps où il s'était adonné à la bière et à

l'alcool. Il dit qu'il n'a jamais eu de maladies vénériennes, ni syphilitiques.

Il a été plusieurs fois en Allemague où il travaillait à la fabrication des bri-

ques ; il apprit là à parler l'allemand assez bien, mais par son intempérance

il dut quitter son emploi.

Frassi démontre une bonne intelligence ; il parle bien. Il dit qu'il a aban-

donné l'alcool à la suite de l'impression reçue de ses lectures au sujet du mal

que cause l'alcoolisme. L'« Assommoir» de Zola l'impressionna beaucoup.

Il a un tempérament assez nerveux avec quelques tendances hypocondria-

ques. Il est bon observateur et décrit bien ses troubles. Il s'intéresse aux re-

cherches dont il est l'objet. Enfin sa mentalité est de beaucoup supérieure à ce

que l'on pourrait attendre d'un homme de sa condition sociale.

Examen objectif.

Au premier abord on note que, bien que de taille de beaucoup inférieure à

la moyenne, Frassi est cependant assez bien conformé (PI. XXIV). Voici le

résultat des mesures principales.

Sa musculature est presque celle d'un athlète, le tissu adipeux n'est pas ex-

cessivement développé, les poils sont très abondants sur tout son corps : visage,

thorax, abdomen, aisselles, puhis et jambes, tout en est recouvert. La peau est

brunâtre. Les muqueuses visibles sont rosées. On ne palpe pas de tuméfactions

glandulaires. La température est normale.

ACHONDROPLASIE Et CHONDROHYPOPLASIE E 171

172 FERRUCCIO RAVENNA

ACHONDROPLASIE ET CHONDROHYPOPLASIE 173

quelque peu de la culture de son père. Il sait lire et écrire en italien et, comme

il a vécu longtemps en Allemagne, il parle et lit correctement l'allemand.

Dans ses loisirs il vend des journaux, et il peut ainsi satisfaire sa passion

pour la lecture. Il aime le travail, peut-être est-il un peu impulsif; il est très

alfectionné à sa vieille mère. Sensible aux reproches et aux moqueries, il se

fâche, se renferme en soi-même et ne parle plus ; traité avec douceur il parle

volontiers et avec un certain esprit. Comme il a appris qu'il est l'objet de re-

cherches scientifiques, il s'est prêté très volontiers à tous les examens néces-

saires.

Son cou est robuste, cylindrique, sa nuque est un peu aplatie. La trachée est

proéminente et la glande thyroïde apparait développée normalement.

Son thorax est bien conformé, couvert de poils abondants et longs, qui en-

tourent aussi le bout des mamelles et sont nombreux sous les aisselles et sur

le ventre. L'angle de Louis est évident, le sternun long, l'apophyse xyphoïde

est articulée. Les courbes des clavicules sont exagérées. La courbe antéro-in-

terne a un rayon notablement plus court que chez le normal, le diaphyse os-

seuse est forte et on relève nettement les saillies osseuses des insertions mus-

culaires. Les courbes des côtes sont prononcées, elles aussi, antérieurement.

On ne trouve trace de chapelet rachitique. Les espaces intercostaux sont assez

larges. Les omoplates sont courtes et légèrement ailées. Il y a un peu de lor-

dose lombaire. Les réllexes abdominaux sont faibles. Rien du coté des appareils

respiratoire et circulatoire sauf que les tons du coeur sont un peu sourds et

comme lointains. Cependant Frassi peut supporter, sans le moindre dérange-

ment, un travail pénible quelconque.

Estomac, foie, pancréas apparaissent dans les limites normales. Les fonc-

tions gastro-intestinales s'accomplissent à la perfection. La sécrétion urinaire

est physiologique en qualité et en quantité.

Les organes génitaux sont bien conformés, la verge a les dimensions de celle

d'un homme de stature normale. Les poils sur le pubis sont abondants. Les

testicules sont normaux pour la position, la consistance et les dimensions. Les

fonctions sexuelles se font régulièrement. Frassi, qui pendant l'adolescence

s'était quelquefois masturbé, ne s'adonne plus depuis un certain temps à ces

habitudes, et il a des rapports, quand il peut, avec les femmes ; cependant il

ne vante pas, comme la font certains nains, ses aventures amoureuses.

Extrémités supérieures. - En regardant simplement les diverses photogra-

phies de ce sujet, un oeil exercé, non seulement relève une brièveté à peine

marquée des membres supérieurs, mais il s'aperçoit que cette micromélie est à

type rhizomélique. C'est une impression qui est bien confirmée par les mesures

prises ; en effet si l'on rapporte les chiffres obtenus à la hauteur égale à 100,

pour les confronter avec les données de l'homme normal, on trouve pour le

membre supérieur entiér 40. 8 au lieu de .45 ; pour le bras 14.8 au lieu

de 19.5, pour l'avant-bras 4 ? au lieu de 14 : d'où il résulte que l'index

radio-huméral doit présenter une notable déviation de la normale, et il est en

effet supérieur à 100. Les mains au contraire ont une longueur sensible-

ment normale ; les doigts surtout, bien que gros, sont allongés. On ne note

xxvi 12

174 FERRUCCIO RAVENNA

aucun indice de la main dite « en trident ». La position des membres supé-

rieurs est normale, et très grande la force que Frassi peut fournir.

Membres inférieurs. Les membres inférieurs eux aussi présentent à

l'examen un raccourcissement in toto mis encore mieux en évidence par les

chiffres rapportés sur le pourcentage de la hauteur. De fait, du grand trochanter

au sol, au lieu de 52, on a 47.1, et le raccourcissement est aux dépens de la

jambe z1.8 au lieu de 23) et de la cuisse, avec prépondérance de la micromélie

rhizomélique ; voilà pourquoi l'index tibio-fémural est égal à 100.

Sauf cette brièveté anormale, les membres inférieurs sont bien conformés.Les

jambes apparaissent un peu arquées, pour le développement exagéré des mol-

lets. Du reste la musculature des fesses et des cuisses est puissante et contribue

à donner à Frassi l'aspect d'un petit athlète. Les pieds sont grands. Au pied

droit le 4° orteil apparaît beaucoup plus court que les autres. Tous les mouve-

ment sont normaux aux membres supérieurs aussi bien qu'aux inférieurs. La

sensibilité est parfaite. Les réflexes tendineux et périostaux sont vifs, surtout

les patellaires. Il n'y a pas de clonus du pied, ni de la rotule.

Examen radiographique. La radiographie du crâne ne présente aucun

détail digne d'être rapporté, aussi ne l'ai-je pas reproduite.

Pour les membres supérieurs on peut confirmer la brièveté anormale de l'hu-

mérus. La diaphyse est trapue, très robuste, sans courbes particulières, les

épiphyses ne sont pas excessivement épaissies. Au niveau de l'avant-bras, on

note le grand développement de l'apophyse coracoide du cubitus, qui du reste

a une forme normale. Le radins(PI.XXVI), outre présenter une grosse tubé-

rosité bicipitale, se courbe rapidement au dessous de celle-ci de façon à former

au bord externe une saillie, presque un angle obtus, qui se trouve près du cen-

tre de la diaphyse. On ne remarque rien de particulier sur la forme et la posi-

tion de ses épiphyses. Le squelette de la main est complètement ossifié, de

même que les cartilages épiphysaires de l'humérus,du radius et du cubitus. On

voit aussi le petit os sésamoïde près de la face interne de l'épiphyse distale du

1er métacarpien. Celui-ci est le plus court de tous, mesurant 45 millimètres de

longueur : viennent ensuite le IV" et le V', tous les deux longs de 53 millimètres,

le IIIe 55 millimètres et le lie 58 millimètres. Les phalanges sont grosses,

robustes.

Pour les membres inférieurs, est évidente la direction nettement oblique de

dehors en dedans du fémur, dont la diaphyse est épaissie, non sinueuse; les

condyles sont très développés.

Au genou, la tête du péroné n'arrive pas à l'articulation. Les deux os de

la jambe sont robustes, de forme normale avec un développement marqué des

éminences osseuses correspondant aux insertions musculaires.

Quant au squelette du pied gauche on peut noter tout d'abord qu'il est

complètement ossifié, de manière, qu'on voit nettement l'os médial et le laté-

ral sésamoïdes du 1er métatarsien. Rien de particulier ne présentent les os

du tarse. Au métatarse on note la grosse diaphyse du 1 or, les 2° et 3e méta-

tarsiens sont normaux. Le 4e métatarsien est visiblement plus court que tous

NOUVELLE Iconographie DE la SALPËDULKE.

T. XXVI Pl. XXVI

ACHONDROPLASIE ET CHONDROHYPOPLASIE

(F. Ravenna).

Radiographie de l'avant-bras (Obs. II).

Masson & Cie, Editeurs

ACHONDROPLASIE ET CHONDROHYPOPLASIE 175

les autres, bien qu'il ne présente aucune différence dans sa configuration et

dans son épaisseur.

Les mesures donnent respectivement : ....

170 FER RU CC 10 HAVENNA à

du pied gauche est ;sous la dépendance d'une base d'implantation postérieure

pour la remaquable hypotrophie du 4e métatarsien.

Parmi quels types devons-nous ranger Frassi ? ' !

Est-ce qu'il appartient vraiment à cette catégorie d'hommes qu'on ap-

pelle vulgairement des nains ? ' ?

Si nous voulons attribuer ce mot la signification de difformité, de

quelque chose de grotesque, pour Frassi nous ne devons pas nous en ser-

vir. En effet on ne note pas chez lui de déformations ni de dispropor-

tions propres à altérer visiblement l'harmonie de ses formes. -

Cependant il est de taille notablement inférieure à la moyenne normale

des Italiens parmi lesquels, comme on lésait, il y a aussi desgensqui sont

au nombre des moins grands en Europe.

Je n'irai pas redire ici ce que j'ai exposé sur le cas précédent, pour exclure

les causes les plus communes de réduction de la stature : ce n'est vérita-

blement pas le cas de supposer une forme quelconque d'infantilisme : il

manque de la façon la plus complète le psychisme caractéristique, l'arrêt

du développement sexuel et de l'ossification. Je voudrais laisser de côté

les formes toxi-infectieuses mal précisées pour faire remarquer que dans

notre cas la microsomie est dépendante de la micromélie et que celle-ci

peut être déterminée, entre autre, par la dysplasie périostale et parle

rachitisme. Quant à la première, qui est rarement compatible avec la vie,

elle détermine la micromélie par de nombreuses fractures auxquelles est

sujet l'os rendu fragile par l'excessive résorption diaphysaire ; chez

Frassi à la radiographie on n'a pas trouvé traces de fractures.

Le rachitisme est la cause du raccourcissement des membres parce qu'il 1

produit des courbures dans les os. Ces. courbes, qui, sont il grand rayon,

ont leur siège dans la continuité des diaphyses, qui dans les endroits où le

squelette est formé par deux os (avant-bras et jambe), sont recourbées

parallèlement. Chez Frassi la courbe est seulement aux frais du radius,

elle estbrusque et son siège est près de l'épiphyse proximale.

Quelquefois la micromélie du rachitisme peut dépendre d'un arrêt de

développement et alors, selon ? 11VI. Poral; et Durante, il n'est pas facile

de la séparer de celle que produit l'achondroplasie : en général dans le

premier cas les os auraient une surface plus lisse, les insertions mus-

culaires seraient moins évidentes ; cependant un jugement décisif ne

pourrait être donné que d'après un examen histologique.

Toutefois, faute de celui-ci, les arguments cliniques peuvent fournir de

solides présomptions. Chez Frassi il manque toute trace de rachitisme. Il

n'y a pas de chapelet costal, pas de déformations thoraciques, pas d'ab-

domen proéminent, pas de courbes des os longs, le front n'est pas olym-

pien ; bref, sa constitution très vigoureuse est en complète contradiction

avec l'aspect maladif et la sénilité précoce des rachitiques.

ACHONDROPLASIE ET CHONDROHYPOPLASIE 1 77 Î

Il nous reste alors : i discuter de l'achondroplasie, de la microsomie

essentielle et de la micromélie segmentaire symétrique de Rebnault.

On peut exclure tout d'abord la forme typique d'achondroplasie : il

manque une excessive réduction de la taille, une micromélie marquée,

l'aplatissement du nez à sa racine, l'exagération de la lordose ; de façon

qu'on en devrait conclure que, si ce n'est pas un type des plus caractéris-

tiques, parce qu'il n'est pas très petit, Frassi pourrait être rangé parmi les

exemplaires de microsomie essentielle.

Deux ordres de faits s'opposent cependant à cette conclusion.

Pour rendre la discussion plus facile, je traiterai d'abord des images

radiographiques. Outre à mettre en évidence que tout le squelette a la

solidité de structure que pourrait présenter un adulte vigoureux, elles

nous ont permis de relever que la partie supérieure delà diaphyse du

radius droit décrit une brève courbe à convexité externe, tandis que le'

cubitus est d'aspect normal ; de celle façon il en reste élargi l'espace in-

terosseux.

Il y a donc là un développement insuffisant du cubitus vis-à-visdu radius,

développement auquel ce dernier s'est adapté en formant une courbe. On

ne pourrait cependant attribuer à cela une très grande importance (bien'

que MM. Zosin et Dufour aient observé une déformation semblable dans

des cas d'achondroplasie) si le fait était isolé, mais il acquiert une certaine

valeur quand on le met en rapport avec d'autres signes de dystrophie

relevables dans notre sujet. Parmi ceux-ci, outre le palais ogival, la peti-

tesse des omoplates, l'exagération des courbes claviculaires, la raréfaction

du tissu osseux des orteils et enfin, outre la micromélie avec ses caractères

spéciaux sur lesquels nous insisterons dans la suite, a la première place

l'anormale brièveté du 4e doigt du pied gauche.

Celui-ci, comme on peut facilement voir dans la radiographie, atteint a

peine la longueur du 5e, de sorte qu'après le 3e doigt on voit deux doigts

d'égale longueur, bien moindre que celle du 3.

En examinant, la radiographie nous avons constaté qu'une telle défor-

mation est dépendante, non de l'absence de quelque phalange, le 4e or-

teil étant formé de 3 phalanges plus ou moins atrophiées que celles des

autres, mais d'une implantation postérieure du doigt lui-même, due à

l'anormale brièveté du 4e métacarpien. D'ailleurs ni sur les pal tiers

molles, ni sur le squelette du pied, nous n'avons pu noter aucune trace de

lésions préexistantes auxquelles on pourrait attribuer l'anomalie décrite;

et du reste l'histoire-clinique ne nous dit rien là dessus.

Rien de semblable nous n'avons pu rencontrer dans le squelette de l'au-

Ire pied et des mains.

Ce genre de dystrophie, uni à d'autres signes du développement dés-

178 FERRUCCIO RAVENNA -

harmonique des os, avait déjà été signalé par M. P. Marie dans les mains

de quelques achondroplasiques.

M. Lévi dernièrement, dans la description d'un de ces cas, a insisté sur

ce point, en reconnaissant sa cause dans l'insuffisant développement du

jeu métacarpien à la main et respectivement du 4° métatarsien au pied.

Il admet ce symptôme comme étant peut-être d'ordre général et constant

dans l'achondroplasie.

En examinant la littérature et les radiographies relatives à ce sujet,

j'ai pu me convaincre que, quoiqu'il soit fréquent, le symptôme n'est

pas constant ou du moins qu'il peut se présenter de façons très diverses et

qu'il peut être localisé tantôt au seul métatarse, tantôt au seul métacarpe,

d'une façon symétrique ou asymétrique.

Ainsi dans un cas de MM. Franchini et Zanasi l'anomalie en question

n'existait qu'au pied droit; point à l'égard de l'autre pied et des mains.

Chez l'individu étudié par M. Zosin ce n'est que le 4e métacarpien

droit qui était atteint. Rébattu constata l'hypotrophie bilatérale mais seu-

lement dans les métacarpiens. On peut en dire autant pour le cas décrit

par MM. Robin et Weil où, et le fait est digne d'être remarqué, une telle

anomalie avait été relevée aussi chez le père et la grand'mère en ligne

paternelle du sujet étudié. Enfin dans ma première observation, comme

les différents signes de dystrophie, bien qu'existants, étaient peu marqués,

ainsi on notait que, bien que de peu, les 4° métacarpien et métatarsien

étaient bilatéralement raccourcis, car, au contraire de ce qu'il arrive en

général, ceux-ci étaient respectivement plus courts que le o.

Il est donc permis de croire que ce fait est d'ordre général ; c'est-à-dire

qu'il représente un des nombreux signes de dystrophie que l'on peut trou-

ver chez les achondroplasiques. Gomme ces symptômes en général ne sont

pas tous constants, ainsi l'anormale brièveté du 4e métacarpien ou mé-

tatarsien ne l'est pas non plus ; il ne saurait, d'ailleurs, être question d'un

symptôme pathognomonique d'achondroplasie, car il a été trouvé par

M. Chevalier dans d'autres dystrophies osseuses.

Si nous appliquons ces conclusions à l'élude de noire sujet nous en in-

férons que chez lui se trouvent des traces indubitables, bien que sans gra-

. vite, d'un dérangement dans le développement du squelette, et cela forme

le premier ordre de faits par lesquels nous nous approchons de la concep-

tion d'une l'orme, voire même larvée, d'achondroplasie.

Un deuxième ordre de données tout autant, sinon plus importantes dans

leur ensemble, résulte de la comparaison des chiffres obtenus en mesurant

les membres et les différents segments du corps de notre sujet avec les

données de l'homme normal.

J'ai emprunté ces données à la classique « Anthropologie générale » de

ACHONDROPLASIE ET CHONDROHYPOPLASIE 179

Topinard et au « Canon des proportions du corps humain « de M. Paul

Ricber. Les chiffres rapportés par ces deux auteurs s'accordent presque

tout à fait et, comme c'est le résultat de nombreuses observations, ils

o(frent les plus grandes garanties d'exactitude.

Ces auteurs, pour que la comparaison soit possible et facile, ont mis la

hauteur égale à 100, et donnent les autres mesures réduites en proportion :

il va sans dire que j'ai fait la même réduction pour les données de

Frassi.

Et voici les résultats :

180 FERRUCCIO RAVENNA

dystrophies osseuses asymétriques. Il nous paraît donc juste de soustraire

ce sujet à la catégorie des microsomes, et de le faire rentrer parmi les for-

mes incomplètes d'achondroplasie. On pourrait même penser à une forme

de micromélie segmentaire symétrique diffuse aux membres supérieurs

et aux inférieurs ; mais nous avons ici, en outre, des traces de dystrophies

osseuses; d'ailleurs celle micromélie segmentaire ne semble pas jouir

d'une telle autonomie qu'elle nous permette d'en décrire déjà des variétés.

Ces formes d'achondroplasie partielle dont ma première observation

représente une variété avec des caractères plus exagérés el nombreux,

tandis que dans la seconde les altérations somatiques sont si légères qu'on

pourrait facilement s'y tromper, je les appellerais volontiers c7aotch·o7 ?

]¡aplasies pour les distinguer nettement de l'achondroplasie classique avec

laquelle elles peuvent' n'avoir qu'une lointaine ressemblance, d'autant

plus qu'il s'agit encore d'observations cliniques sans examen anatomique.

Du reste, quoique la contribution de mes observalions personnelles ne

soit pas très importante, je suis d'avis que ces formes sont moins rares que

l'on ne pense, el qu'un examen soigné fait, soit dans la littérature, soit

chez les sujets de petite taille et sans déformations évidenles, en ferait

augmenter de beaucoup le nombre. Ainsi quelque cas de ce que l'on ap-

pelle nanisme pur el de microsomie essentielle serait probablement rangé

parmi cette catégorie.

Précisément, dans la publication déjà citée de M. Levi sur la microsomie

essentielle, si l'on peut considérer la troisième observation comme un

exemple suffisamment typique de cette affection, je serais d'avis que la

première pourrait être retirée. de la catégorie de la microsomie pure pour

la faire peut-être accepter parmi les types que je viens de décrire, de

sorte qu'elle représenterait un anneau de la chaîne qui, de l'achondropla-

sie, conduirait par la chondrohypoplasie avec ou sans dystrophies locali-

sées, à la microsomie essentielle et à l'individu normal.

Dans le tableau ci-dessous j'ai comparé certaines données de l'homme

normal à celles que j'ai tirées à la suite de l'examen d'un achondroplasique

typique, de mes deux observations et' de deux cas que M. Lévi appelle

microsomiques.

ACHONDROPLASIE ET CHONDROHYPOPLASIE 181

considération ne peut être défini microsomique dans le sens propre du

mot, c'est-à-dire comme un individu chez lequel les différents segments

du corps et des membres sont de dimensions harllloniquemeut réduites.

Celui qui s'approche le plus de cet idéal de beauté en proportions

réduites c'est le sujet de la troisième observation de M. Lévi, bien qu'il

ait une tête assez grosse et un léger degré de microsomie nettement rhizo-

mélique aux membres supérieurs.

Quant au sujet de la première observation, la macrocéphalie et la

microsomie des membres supérieurs sont si prononcées qu'elles consti-

tuent une vraie difformité qui ne s'accorde pas avec la définition delà

microsomie pure. Même en prenant comme longueur totale du membre

la somme des différents segments qui est supérieure à la mesure prise

in tolo, la micromélie est toujours très marquée.

Enfin, à mesure que l'on continue la lecture du tableau, on note combien

les données s'éloignent peu il peu de celles de l'homme normal, pour s'ap-

procher des chiffres de l'achondroplasique typique.

Il va sans dire que ce passage graduel doit être entendu dans un sens

un peu relatif et il faut le prendre comme critérium d'ensemble. En effet

on peut noter que si Frassi, mon deuxième sujet, est, pour ce qui se rap-

porte à la circonférence du crâne et à la longueur des membres supérieurs,

mieux proportionné que le premier cas de microsomie, celui-ci a, par'

exemple, les jambes presque normales, landis que Frassi les beaucoup

plus courtes : toutefois le premier de ces deux sujets est atteint lui aussi

de micromélie inférieure nettement rhizomélique, car la distance du pu-

Ilis au sol est de beaucoup inférieure à la normale, tandis que, comme

nous avons dit, la longueur des jambes s'éloigne bien peu de la mesure

de l'homme type.

Je suis d'avis que des faits que je viens d'exposer je puis tirer deux

conclusions certaines.

La première regarde la valeur de symptôme général, mais non 1)(ilho-

gn01ll0nique, que pour le diagnostic de l'achondroplasie faut attribuer : \ la petitesse anormale du ft." métacarpien ou métatarsien, rencontrée

dans un membre ou dans tous les membres. La raison principale de celle

localisation nous échappe encore.

Le deuxième et le plus important résultat de mon étude réside, à mon

avis, dans la démonstration du fait qu'il y a des formes d'achondroplasie

légère, où l'on trouve tous les symptômes caractéristiques et beaucoup

d'autres moins importants, qui servent tous à donner au sujet un cachet

net ; cependant aucun de ces symptômes n'est très prononcé; mais une

182 FERRUCCIO RAVENNA

étude faite avec soin permet d'établir le diagnostic avec certitude. Dans

d'autres formes, l'achondroplasie est pour ainsi dire latente, et au pre-

mier abord on pourrait exclure ce diagnostic ; mais des mesures exactes par

comparaison permettent d'établir des disproportions que l'on ne sup-

posait pas, et un examen radiographique soigné peut faire constater des

dystrophies osseuses non graves, mais qui révèlent et jusqu'à un certain

point, caractérisent un arrêt, non pas dans l'ossification, mais dans le dé-

veloppement de quelque cartilage de conjugaison. Pour ces formes de

dystrophies j'ai proposé le nom de chondrohypoplasie, pour les distinguer

des formes typiques, très évidentes dont elles diffèrent beaucoup, et pour

signifier par ce nom même un degré moins avancé des lésions.

Après ces considérations qui, bien que bornées à un champ exclusive-

ment morphologique, n'ont pas été tout à fait sans résultats, il serait bon

de faire quelques réflexions sur l'étiologie des formes qu'on vient de dé-

crire. Il faut cependant remarquer qu'il s'agit ici de l'origine de l'a-

chondroplasie pure, et je suis d'avis qu'une longue discussion sur son étio-

logie et sur les formes relatives serait presque inutile.

La question a été jusqu' ici amplement débattue et l'on peut dire que

le plus grand nombre des A. A. sont désormais d'avis d'admettre comme

cause de ce genre de dérangement une intoxication qui agit sur le foetus,

dans les premiers mois de la vie intra-utérine. La différence dans les opi-

nions commence alors que l'on veut préciser le genre d'intoxication. Les

uns croient à une origine exogène, c'est-à-dire qu'ils admettent que le dé-

rangement dans l'évolution normale des cartilages épiphysaires doit se rap-

porter à un poison venu de l'extérieur, comme par exemple l'alcool, ou

fabriqué dans l'organisme, mais par des agents pathogènes tels que ceux

de la tuberculose et de la sypliilis.

Les autres pensent que l'on doit admettre un état d'auto-intoxication,

produit par le mauvais fonctionnement d'une ou de plusieurs glandes

endocrines.

Ces deux hypothèses sont séduisantes, mais il faut cependant remarquer i-

que toutes les deux manquent de points d'appui solides.

Contre la première opinion surtout on peut dire que de ces intoxications

(alcoolisme, syphilis, tuberculose) il manque assez souvent toute trace

chez les parents ; que la réaction de Wassermann essayée en quelques cas

a donné un résultat négatif, que ceux qui sont atteints d'achondroplasie,

quand ils survivent, diffèrent essentiellement des hérédo-sypliililitlues ou

des descendants des tuberculeux ou des alcooliques, en ce qu'au lieu de

présenter le type de la misère physiologique, ce sont en général des in-

dividus très bien portants et de constitution très robuste. Il faudrait donc

admettre que la substance toxique, bien que circulante, se fût localisée

d'une façon spécifique aux cartilages épiphysaires,

ACHONDROPLASIE ET CHONDROHYPOPLASIE 183

Pour la théorie qui fait remonter l'origine de l'achondroplasie à un'

désordre des sécrétions internes, si l'on n'a pas assez de preuves directes,

on peut en revanche apporter des arguments d'analogie. Tout le monde

sait désormais quel rôle jouent les glandes endocrines dans le développe-

ment harmonique de l'organisme animal. Parmi les faits que les recherches

modernes ont mis en évidence, quelques-uns ont vraiment un caractère de

certitude. Ainsi il est certain que la castration pendant )'age prépubéral

conduit à un développement plus marqué du squelette dans sa longueur,

à un retard dans l'ossification et au manque des caractères sexuels secon-

daires. L'extirpation de la thyroïde, ou encore le défaut ou l'insuffisance

de sa sécrétion produisent un arrêt de développement du squelette avec

des signes d'infantilisme somatique, psychique et sexuel, qui peuvent

s'améliorer ou disparaître par l'opothérapie.

Bien que la question des rapports entre l'hypophyse et l'acromégalie

soit débattue, les données cliniques el expérimentales s'accordent pour

faire admettre une fonction qui règle la croissance du squelette et le dé-

veloppement somatique spécialement dans le loue antérieur de la glande

pituitaire.

La glande pinéale elle-même ne reste pas étrangère il cette fonction

comme le prouvent les cas de tumeur de cet organe accompagnés d'un dé-

veloppement précoce du corps, des fonctions psychiques et sexuelles. Ces

faits et beaucoup d'autres que ce n'est pas le cas de citer ici, et qui se rappor-

tent il d'autres glandes à sécrétion interne (glandes surrénales, thymus,

pancréas, ovaires, para thyroïdes) sont des arguments pour soupçonner que

même l'achondroplasie, où le fait prédominant est fourni par un arrêt

dans le développement des os d'origine cartilagineuse, résulte d'une alté-

ration des sécrétions internes.

Cependant il nous est tout à fait impossible de faire remonter la cause

à l'une plutôt qu'à l'autre de ces glandes ; ni les examens cliniques, ni les

examens histologiques n'ont pu jusqu'ici éclaircir cette question ; à mon

avis je ne me suis pas trompé en attribuant une valeur très limitée à la

constatation que la thyroïde était normale à la palpation, et que dans ma

première observation la selle turcique apparaissait plus petite que de

règle. On doit donc affirmer que la solution du problème ne peut nous

venir que de la pathologie expérimentale.

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NOUVELLE Iconographie DE la Salpêtrière.

T. XXVI. PI. XXVII

ACHONDROPLASIE

(C. Parhon et A. Schunda).

(Obs. I et Il).

Masson & Cm, Editeurs

FACULTÉ DE MEDECINE m : J.\SSY

NOUVELLE CONTRIBUTION A L'ÉLUDE DE

L'ACHONDROPLASIE

C.PARHON

Professeur de clinique des

maladies nerveuses et men-

tales à la Faculté de méde-

cine de Jassy.

et.

ATH. SCHUNDA

Médecin des hôpitaux de

Bucarest.

La question de l'achondroplasie mérite toujours de retenir l'atten-

tion. Elle est intéressante à plusieurs points de vue.

D'abord au point de vue purement clinique on peut observer cer-

taines variations, complications ou simplifications de la symptomatologie

qu'il est bon de connaître et dont on devra- chercher la raison.

Toujours au point de vue clinique il est intéressant d'étudier l'état psy-

chique des achondroplases et des micromèles en général, car quoi qu'on en

dise il semble bien que dans beaucoup de ces cas il existe un état d'infé-

riorité ou au moins de vulnérabilité psychique.

Le problème de la pathogénie malgré les hypothèses en cours reste

toujours comme une des intéressantes énigmes posées par la physiolo-

gie et la pathologie du développement.

Enfin au point de vue de l'anatomie pathologique, le nombre des cas

étudiés est si réduit que toutes les constatations qu'on aura encore l'occa-

sion de faire ne peuvent pas manquer d'intérêt.

Le but de ce travail est d'apporter quelques modestes contributions

cliniques et anatomo-palhologiques à l'étude de l'achondroplasie et d'at-

tirer l'attention sur les recherches qu'il y aura lieu à faire au point de

vue pathogénétique.

Nous donnerons d'abord les observations des malades que nous avons

eu la bonne chance d'étudier.

Observation I.

H. Jung (PI. XXVII), 31 ans, né à Ingramsdorf (Silésie). Son père et sa

mère n'avaient rien présenté d'anormal comme taille. H. J. a' eu 12 frères

ou soeurs dont la taille était normale.

186 PARHON ET ATH. SCHUNDA

Il attire immédiatement l'attention par sa petite taille (1 m. 19) et surtout

par la disproportion entre la longueur du tronc qui ne présente rien de parti-

culier et celle des membres ni est très réduite.

La tête est volumineuse. La protubérance occipitale externe très accentuée.

La circonférence crânienne : 60 centimètres. La distance entre l'insertion anté-

rieure des cheveux et le sommet du menton : 24 centimètres. Les cheveux pré-

sentent le développement normal.

La demi-circonférence mesurée entre les deux oreilles et passant par la région

crânienne correspondante : 37 centimètre ?

La demi-circonférence antérieure : 33 centimètres. Les demi-circonférences

droite et gauche : 30 centimètres chacune.

Le diamètre antéro-poslérieur : Il centimètres. Le diamètre transverse

maximum : 175 millimètres. Les obliques droit et gauche sont égaux (185 mm.).

Le diamètre du vertex au sommet du menton : 22 centimètres.

La hauteur du front de la racine du nez à l'insertion antérieure des cheveux :

9 centimètres. Le front est plat sans bosses accentuées.

La longueur du nez : 45 millimètre. Le nez est enfoncé à sa racine et comme

aplati dans sa partie inférieure. Légère exophtalmie surtout du côté droit.

Les sourcils sont normaux sans imbrication ni raréfaction externe.

Les oreilles ont la conformation normale et la longueur de 7 centimètres.

Les moustaches sont bien développées. La. barbe au contraire n'est développée

que sur le bord de la région mentonnière. La région latérale de la face est par

contre complètement glabre.

Le maxillaire inférieur présente un prognathisme assez accentué. Les dents

assez régulières. Au maxillaire supérieur on constate l'absence (par carie) de

l'incisive latérale de la prémolaire droite. Du côté gauche les deux premières

molaires sont petites. Plusieurs molaires cariées.

La longueur du cou de l'angle du maxillaire inférieure à l'extrémité interne

de la clavicule : 75 millimètres.

Le bras de l'acromion à l'épi trochée ; 18 centimètres. L'avant-bras de la

cupule radiale à l'apophyse styloïde du même os : 135 millimètres.

La région carpométacarpienne : 9 centimètres. Le médius : 8 centimètres.

La main présente la forme en trident caractéristique.

L'index et le médius sont égaux en longueur du côté droit. Du côté gauche

le dernier est plus long. Par contre de ce côté le petit doigt est presque aussi

long que l'annulaire.

Il faut encore noter que les avant-bras sont demi-fléchis et que leur exten-

sion ne peut pas se faire complètement. L'extrémité inférieure de la main

n'arrive du côté droit qu'au niveau du pli inguinal. Du côté gauche elle reste

même au-dessus de ce dernier.

Le diamètre biacromial : 30 centimètres. Le bitrochantérien : 31 centimètres.

Le diamètre antéro-postérieur du thorax (par l'appendice xyphoïde) : 16 cen-

timètres.

Le sternum présente une excavation en gouttière dans sa partie inférieure.

Cette dernière mesure (en longueur) 8 centimètres.

NOUVELLE CONTRIBUTION A l'ÉTUDE DE L'ACHONDROPLASIE 187

La partie supérieure : 6 centimètres.

La distance qui sépare l'ombilic de l'appendice xyphoïde : 24 centimètres.

Entre l'ombilic et le pubis : 17 centimètres.

La ligne médiane entre l'ombilic et le pubis est couverte de poils. Il en est

de même pour la région pubienne et les aisselles.

Les omoplates sont bien développées (1 cent.).

Dans la région lombaire on constate l'ensellure caractéristique. Pas de sco-

liose ou autre déviation excepté l'ensellure.

Les fesses sont proéminentes, avec beaucoup de tissu adipeux. Ce dernier est

d'ailleurs généralement abondant chez ce malade et les muscles excepté les

gastrocnémiens ne présentent pas l'aspect athlétique.

La longueur du fémur, de la tête trochantérienne à l'interligne articulaire du

genou : 21 centimètres. La tête du péroné semble prendre part à l'articulation

du genou. La longueur de la jambe, de la tête, du péroné au bord inférieur de

la maléole externe : 19 centimètres. La longueur du pied, du calcanéum à l'ex-

trémité unguale du gros orteil : 19 centimètres.

Le gros orteil : 7 centimètres. Le second : 9 centimètres.

Le pénis court et gros : 7 centimètres. Le grand diamètre des testicules :

5 centimètres.

Pas de troubles de la sensibilité. Les réflexes rotuliens exagérés surtout du

côté gauche. Les réflexes achilléens normaux. Les réflexes plantaires faibles.

Du côté droit nous pensons avoir remarqué une ébauche du signe de Babinski.

L'intelligence de ce malade ne semble présenter rien d'anormal. Il a suivi

l'enseignement inférieur (8 classes). '

Pas de troubles viscéraux apparents. Sur les téguments quelques nxvi pig-

mentaires. '

(Le malade prétend qu'il a fait l'objet d'une leçon clinique du Professeur

Stricker, dé.Breslau).

OBSERVATION .11.

G. Ottée, 24 ans (PI. XXVII). Les parents ont, d'après les dires du malade,

la taille normale. Il a encore 5 frères. Il provient, dit-il, d'une grossesse gémel-

laine. Son frère jumeau est de taille normale. Il aurait été aussi bien développé

que son frère jumeau jusqu'à 4 ans (opinion sur laquelle il faut faire évidem-

ment toutes les réserves)..

Ce qui frappe chez G. 0., c'est surtout sa petite taille et l'exiguïté des mem-

bres qui sont très courts. Sa musculature a par contre l'aspect athlétique. Le

tissu adipeux est plutôt peu abondant.

La taille : 0 cent. 97. La circonférence crânienne : 0 cent. 54.

La demi-circonférence verticale entre les deux oreilles : 32 centimètres. La

demi-circonférence antérieure : 0 cent. 28. Celle du côté droit : 265 millimètres.

Les bosses frontales sont bien développées. La protubérance occipitale externe

est bien accentuée.

Le diamètre crânien antéro-postérieur : 17 centimètres. Le transverse maxi-

188 PARHON ET ATH. SCHUNDA

muni : 15 centimètres. Les obliques droit et gauche sont égaux (155 mm.). La

hauteur du front de l'insertion des cheveux jusqu'à la racine du nez : 8 centi-

mètres.

La distance entre le vertex et le menton : 24 centimètres. Les sourcils sont

un peu plus rares dans le tiers externe et avec une très légère tendance à l'im-

brication.

Le nez est normal sans l'enfoncement de sa racine sur la ligne médiane. La

voûte palatine ogivale, les dents supérieures, normales, bien sériées. A la mâ-

choire inférieure les deux incisives moyennes ainsi que la canine droite sur un

plan plus antérieur que les autres. Le maxillaire inférieur présents un progna-

thisme évident. Les oreilles sont normales. Les moustaches sont bien dévelop-

pées. Les poils de la barbe plus rares du côté droit sur la région massétériue

et sur la joue. Dans la région mentonnière ils sont assez abondants.

La longueur du cou entre l'angle du maxillaire inférieur et l'extrémité in-

terne de la clavicule : 8 centimètres. Le corps thyroïde impalpable sur la ligne

médiane. Les lobes latéraux semblent perceptibles.

Le membre supérieur est court. La tête humérale se sent de deux côtés dans

l'aisselle. L'extrémité du médius arrive à peine au nivaeu du pli inguinal.

La distance entre l'acromion et l'épicondyle : 17 centimètres.

La distance entre la cupule radiale et l'apophyse styloïde du radius : 12 cen-

timètres.

De cette apophysejusqu'à l'extrémité unguéale du médius : 135 millimètres.

Du côté droit l'index et le médius ont Ja même longueur (6 cent.) et la main

présente l'aspect en trident caractéristique. Cet aspect existe aussi du côté

gauche où l'index et l'annulaire divergent aussi entre eux..Mais de ce côté la

proportion relative entre la longueur des doigts est conservée (PI. XXX).

Les clavicules ne présentent rien d'anormal.

Le sternum dans sa partie supérieure et sur une longueur de 14 centimè-

tres présente l'aspect normal. Mais sa partie inférieure forme avec la précé-

dente un angle obtus qui proémine en avant. Le thorax est comme enfoncé à

ce niveau et présente de chaque côté une excavation.

La distance qui sépare la proéminence de l'angle sternal et le pubis : 17 cen-

timètres. Entre le pubis et l'ombilic : 12 centimètres.

La longueur du pénis : 11 centimètres. L'extrémité inférieure de cet organe

arrive au niveau des genoux.

Les testicules semblent normaux. Leur grand diamètre : 5 centimètres.

Disons ici que le malade déclare avoir l'appétit sexuel normal et même qu'il lui

arrive de pratiquer le coït deux fois par nuit.

Il est vrai que les occasions ne doivent pas se présenter souvent.

En examinant la face postérieure du tronc on constate que la distance entre

l'angle inférieur de l'omoplate, et la tête de son apophyse épineuse : 14 centi-

mètres. La région vertébrale interscapulaire est légèrement excavée.

Les régions dorsale inférieure et lombaire forment une véritable cyphose. Par

contre la région sacrée est excavée et les muscles de la masse lombairefont une

saillie de chaque côté..

NOUVELLE Iconographie DE la Salpêtrière.

T. XXVI. Pl. XXVIII

ACHONDROPLASIE

(C. Parhon et A. Schunda).

Radiographia de 1. er. os. y.

NOUVELLE Iconographie DE la SALPÊTRIIIOE.

T. XXVI. PI. XXIX

ACHONDROPLASIE

(C. Parhon el A. Schlmda).

Radiographie du bras et de la jimbe. (Obs. II)

NOUVELLE CONTRIBUTION A L'ÉTUDE DE L'ACHONDROPLASIE 189

Le diamètre biacromial : 26 centimètres. Le bitrochantérien : 24 centimè-

tres. Le diamètre antéropostérieur maximum du thorax : 17 centimètres.

La distance du trochanter à l'interligne de l'articulation du genou : 18 cen-

timètres. La jambe, de la tête du péronée (qui prend part à l'articulation du

genou) jusqu'au bord inférieur de la malléole externe : 17 centimètres.

Les tibias présentent une courbure à concavité interne. Entre l'extrémité

postérieure de la région calcanéenne et l'extrémité unguéale du gros orteil :

16 centimètres. La longueur de ce dernier : 5 centimètres.

La longueur des orteils en général semble normale et leurs proportions rela-

tives conservées.

Les pieds surtout celui du côté gauche sont plats.

Le malade ne présente pas de troubles de la sensibilité. L'existence des

réflexes rotulien, achilléen et plantaire est resté douteuse car il ne nous fut

pas possible de les produire pendant le temps que nous avons eu disponible. En

tout cas, ils ne se produisent pas facilement. Pas de troubles viscéraux impor-

tants. Le pouls plutôt rare, 64 par minute.

L'état psychique ne semble présenter rien de particulier. Il a suivi 8 clas-

ses de cours inférieur.

Examen RAD10GRAPHIQUE.

Voici ce qu'on constate sur les radiographies : ,

Sur celle qui représente le crâne (PI. XXVIII) du malade de la première

observation on remarque une dilatation des sinus frontaux ainsi que la saillie

de la protubérance occipitale externe.

Nous ne pouvons pas connaître, d'après cette radiographie, l'état de la base

du crâne. Dans l'autre observation la radiographie du crâne ne fut pas pratiquée.

Sur la radiographie qui représente le thorax on est surtout frappé par la

forme peu arrondie de la tête humérale.

La radiographie du membre supérieur montre que l'humérus présente

une forte saillie correspondant, à ce qu'il semble, à l'impression deltoïdienne

(fait que nous avons constaté directement par l'examen des os dans l'obser-

vation qui suit) (PI. XXIX).

Le radius présente une coudure et un épaississement vers son miliau et on

peut se demander si cela n'indique le calus d'une ancienne fracture. On remar-

que facilement les faibles dimensions longitudinales des os.

Sur la radiographie des mains on observe nettement la disposition en tri-

dent des doigts.

La radiographie du bassin et des membres inférieurs du malade H. Y... n'est

pas bien réussie. 11 semble exister dans ce cas, un certain agrandissement de

la cavité médullaire des fémurs.

Sur la radiographie du genou de ce cas (Pl. XXIX) on remarque l'évase -

ment des surfaces articulaires surtout du fémur.

La tête du péroné semble participer à l'articulation. Nous avons, sur cette

xxvi 13 3

i 90 PARHON ET ATH. SCHUNDA

planche aussi, l'impression que le canal médullaire du fémur et du tibia est

élargi.

Sur la radiographie du genou du malade G. 0... (Pl. XXIX), on remarque

également l'évasement des surfaces articulaires. Ici aussi la tête péronéale

semble participer l'articulation.

OBSERVATION 111 (Pl. XXX).

L'un de nous a publié jadis avec Marbé l'observation détaillée d'un autre

cas d'achondroplasie. Le malade succomba depuis lors et nous avons pu

pratiquer l'examen squelettique ainsi que celui des glandes endocrines.

Bien que dans ces dernières les altérations peuvent être en rapport avec

l'âge avancé du malade, son alcoolisme et la maladie dont il est mort,

nous avons jugé utile de donner aussi cet examen. Nous donnerons d'abord

un résumé de l'observation clinique de ce malade.

N. R., 57 ans (en 1905). Les parents du malade ainsi que sa soeur ont

eu la taille normale. Personne de sa famille ni même de son village n'avait

eu une taille semblable à la sienne qui n'atteint que 123 centimètres. On

remarque en outre chez ce malade un crâne volumineux et presque globuleux

par la proéminence des bosses pariétales et frontales. Le diamètre transverse

maximum : 15,su , l'antéro-postérieur : 18 ; l'oblique droit : 17 ; l'oblique

gauche : 16 centimètres. L'index céphalique : 86 centimètres. Donc une bra-

chi-céphalie prononcée. Le nez assez développé est un peu enfoncé vers sa

vacine. Les yeux exophtalmiques, ce phénomène étant plus prononcé du côté

gauche. De ce côté la pupille est plus dilatée que du côté opposé. La denti-

tion très altérée, manque complètement au maxillaire supérieur. Au maxil-

liaire inférieur on ne trouve plus que les incisives qui sont inégales, sales

et mobiles.

La circonférence du cou au niveau du cartilage cricoïde : 17 centimètres. Le

corps thyroïde palpable semble augmenté de volume.

La clavicule droite présente un calus consécutif à une fracture.

Le dos' est plat dans sa région dorsale, mais présente l'ensellure lombaire

caractéristique. La circonférence'du thorax : 82 centimètres, au niveau des

mamelons. La musculature est forte. La circonférence abdominale au niveau

de l'ombilic : 73 centimètres. La longueur du tronc de la septième vertèbre

cervicale au coccyx : 39 centimètres ; de la fourcette sternale au pubis : 50 cen-

timètres.

Les deux membres supérieurs sont très courts et asymétriques, celui du

côté gauche étant un peu plus court que le droit (excepté les doigts).

Le bras droit : 19 centimètres. L'avant-bras droit : 22 centimètres. La main

droite : 10 centimètres

Le bras gauche : 17 centimètres. L'avant-bras gauche : 17 centimètres. La

main gauche : 9 centimètres.

L'index droit : 7 centimètres ; gauche : 7 cent. 5.

NOUVELLE Iconographie DE la Salpêtrière.

T. XXVI. PI. XXX

ACHONDROPLASIE

(C. Parhon et A. Schunda).

Masson & Cie, Editeurs

NOUVELLE CONTRIBUTION A L'ÉTUDE DE L'ACHONDROPLASIE 191

Le médius droit : 8 cent. 5 ; gauche : 8 cent. 4.

L'annulaire droit : 7 cent. 5 ; gauche : 8 cent. 1.

Le petit doigt droit : 6 cent. 7 ; gauche : 7 centimètres.

La déformation des mains en trident pst à peine ébauchée. Les doigts

n'atteignent que le niveau du pubis. La micromélie est surtout rhizomélique. ,

Les membres inférieurs sont également très courts, mais, ici celui du côté

gauche est plus long de 3 centimètres que le droit : 75 pour 72 centimètres.

La longueur de la cuisse droite : 48 centimètres ; gauche : 50 centimètres.

La longueur de la jambe droite ; 24 centimètres ; gauche : 23 centimètres.

La longueur du pied droit : 22 cent. 5 ; gauche : 23 cent. 5.

La radiographie montra la participation du péroné à l'articulation du genou.

La longueur de la taille : 123 centimètres. La moitié de la taille au lieu de

tomber vers la région pubienne tombe au voisinage de l'ombilic (la distance

du vertex à l'ombilic étant de62 centimètres, celle de l'ombilic au sol de 62 cen-

timètres).

Au point de vue de la sensibilité générale notons une légère hypoesthésie

tactile du gland ainsi que de la face externe des jambes. Hypoesthésie vibra-.

toire de la colonne vertébrale au niveau de l'ensellure lombaire.

La vue est un peu affaiblie à cause d'une cataracte commençante.

Au point de vue des réflexes, notons l'abolition des réflexes abdominaux,

l'exagération du rotulien droit, ainsi que la présence du signe de Babinski du

côté droit. Du côté gauche, l'excitation plantaire ne détermine aucune réaction.

Pas de clonus du pied.

Les mouvements volontaires des dill'érents segments sont normaux, excepté

une certaine diminution de l'amplitude de l'adduction des bras ainsi que de

l'extension et de la supination des avant-bras. Mêmes remarques pour les

mouvements passifs.

Les organes génitaux sont bien développés. Mêmes remarque pour le sys-

tème pileux. Musculature d'apparence athlétique.

Respiration 22 par minute. Pouls 132.

Au point de vue psychique remarquons que l'attention est éveillée facilement,

mais fixée avec difficulté. La mémoire pour les faits anciens est bonne, par

contre la mémoire de fixation est très affaiblie. L'éducation du malade, très

rudimentaire, ce qui tient peut-être aussi à une certaine difficulté d'apprendre,

car il ne sait compter au delà de 15 et n'additionne qu'avec des difficultés et

, souvent d'une façon erronée l'argent qu'on lui présente. Il a une bonne opi-

nion de lui-même, se croit intelligent, mais dit qu'il a eu le malheur de n'être

pas instruit. Très irascible et très émotif en général. Pleure facilement. Il a

un caractère soupçonneux et superstitieux. Il s'acquitte d'une façon suffisante de

,son métier d'aide cordonnier. Il ne fait d'ailleurs que raccommoder des bottines

usées. Tendance aux ironies et au persiflage. Fait usage et même abuse

d'alcool. Il prétend que dès petites quantités de ces substances ont sur lui une

forte influence.

Voici maintenant le résultat de l'examen nécropsique :

Le cerveau 1450 grammes sans modifications notables. Pourtant il faut signa-

lU2 PARHON et ATH. SCHUNDA

1er une dilatation modérée des ventricules latéraux. Le corps thyroïde sur lobe :

10 grammes, l'isthme 4 gr. L'autre lobe a été enlevé par un autre confrère avant t

que nous ayons eu connaissance de la mort du malade. Nous ignorons donc le

poids total de la glande thyroïde. Pourtant en jugeant d'après ce que nous pos-

sédons on doit conclure qu'elle était normale. L'hypophyse petite : 37 centi-

grammes. La capsule surrénale gauche : 10 grammes. La droite n'a pas été

pesée. La coeur : 270 grammes. Le foie, petit, atrophique, d'apparence cirrho-

tique ne pèse que 370 grammes. La rate : 93 grammes. Le pancréas : 65 gram-

mes. Le rein droit : 150 grammes, le gauche : 170 grammes. Ils sont pâles,

jaunâtres. L'aorte sans athérome. Le muscle biceps du côté droit : 30 gram-

mes. 1

Passons maintenant à l'étude histologique des organes :

La glande thyroïde présente des altérations scléreuses intenses qui disso-

cient l'organe en des pseudolobules et dans ces derniers isolent les vésicules

les unes des autres. On observe par-ci par-là des vaisseaux il paroi épaissie.

On note en outre une intense vaso-dilatation capillaire. Ces capillaires dilatés

entourent dans un lacis très apparent un grand nombre de vésicules thyroï-

diennes. Ces dernières ont en général une forme arrondie. Celles de petit t

volume sont les plus nombreuses. Mais on trouve aussi des vésicules de moyen

volume et un moindre nombre sont même peut-être un peu dilatés. La col-

loïde surtout dans les petites vésicules, donc dans la plupart d'entre elles est

nettement hématoxylinophile. Dans d'autres, dans les moyennes ou les gran-

des vésicules, on peut observer une goutte hématoxylinophile entourée par

une bande de colloïde éosinophile. Dans d'autres follicules, parmi les grands

surtout on trouve un contenu éosinophile mais faiblement coloré et donnant

l'impression d'une consistance moindre que la normale. La colloïde franche-

ment éosinophile et d'apparence normale manque ou est exceptionnelle dans

nos préparations. La desquamation cellulaire est assez fréquente. Dans certains

follicules on remarque plusieurs amas de colloïde hématoxylinophile qui

semblent résulter précisément de la transformation des cellules desquamées.

L'épithélium de la paroi des follicules est aplati. La coloration par le

scharlach montre une très grande abondance de granulations ou gouttelettes

lipoïdes dans les cellules de la paroi folliculaire et plus encore dans les cellules

desquamées.

Dans l'hypophyse on observe aussi un léger degré de sclérose ainsi que des

capillaires dilatés et remplis de sang. Les cellules sont pour la plupart éosino-

philes. Les autres types cellulaires ne sont pas fréquents. Par-ci par-là on n

observe des formations pseudoacineuses avec une goutte de colloïde au centre.

A la limite du lobe épithélial et nerveux on peut rencontrer des follicules plus

grands avec du colloïde rose, rappelant les follicules thyroïdiens. La colora-

tion au scharlach montre des granulations lipoïdes assez abondantes. Dans le

lobe nerveux on rencontre des cellules pigmentaires de forme irrégulière à

granulations de couleur châtain. Leur nombre n'est pas trop grand.

Les capsules surrénales présentent la couche corticale assez riche en gra-

nulations lipoïdes. Pourtant les cellules sont peu volumineuses et leurs aréoles

0 NOUVELLE CONTRIBUTION A L'ÉTUDE DE L'ACHONDROPLASIE 193

petites. Elles n'ont pas l'aspect franchement spongyocytaire. On observe des

capillaires injectés de sang. Le pigment n'est pas abondaut. La médullaire

contient un grand nombre de petites cellules appartenant à sa propre subs-

tance (n'étant pas par conséquent dps cellules d'infiltration) et on peut se

demander s'il ne s'agit pas d'un processus prohfératif. Les cellules plus volu-

mineuses sont moins nombreuses.

Le foie présente une sclérose diffuse évidente bien que pas trop avancée.

En certains endroits on observe une infiltration microcellulaire. La disposition

en lobules n'est pas reconnaissable. Les cellules contiennent souvent des gra-

nulations pigmentaires. Leur volume semble réduit dans certaines régions bien

que l'atrophie ne soit pas manifeste.

On observe aussi des îlots où les cellules ont subi une véritable transforma-

tion adipeuse rappelant les vésicules graisseuses du tissu cellulaire sous-cutané.

Excepté ces îlots riches en lipoides ces substances ne sont pas très abondantes

dans les cellules hépatiques.

Les reins présentent de la sclérose interstitielle. On observe aussi des glomé-

rules sclérosés bien que pas trop nombreuses. On trouve, dans ces organes

aussi, des régions avec infiltration microcellulaire. Nous n'avons pas trouvé des

cylindres. Les cellules des tubes contournés semblent aplaties.

Etude DES os. Nous avons étudié avec nos internes Mlle Matéesco et

Tupa les os de cet achondroplase.

On trouve le D. AP = 17, 3 et le D. Tr = 16 chez l'acbondroplase pour

D. AP = 20,5 et D. Tr = 16,5 sur un crâne d'aliéné sans déformations.

En ce qui concerne la tête on remarque que les os nasaux sont plus larges

et en même temps plus concaves qu'à l'état normal (PI. XXXII).

L'apophyse basilaire de l'occipital est très courte car elle n'atteint que

1 cent. 7. Sur un crâne normal on trouve 2 cent. 5. Le sillon du sinus latéral,

le trou déchiré postérieur ainsi que le trou occipital sont beaucoup plus étroits

sur le crâne achondroplase.

Les fosses occipitales inférieures sont beaucoup plus profondes et plus éva-

sées sur le crâne achondroplase que celles supérieures (Pl. XXXII) tandis que

sur le crâne normal leur différence est beaucoup moins prononcée. Le diamètre

antéro-postérieur des fosses occipitales inférieures est de 5 centimètres sur le

crâne achondroplase et de 4 centimètres sur le crâne normal, celui de la fosse

occipilale inférieure n'est que de 2 cent. 8 sur le crâne achondroplase et de

4 centimètres sur le crâne normal.

La crête qui sépare les deux fosses occipitales inférieures a, an moins dans sa

partie antérieure, une direction oblique d'arrière'en avant et de la gauche vers

la droite sur le crâne achondroplase.

Notons encore que. les impressions digitales et les éminences mamillaires sont

beaucoup plus prononcées -sur le crâne achondroplase que sur le crâne normal.

Le conduit auditif externe est beaucoup plus étroit sur le crâne achondroplase

(pie sur le crâne normal.

Los condyles occipitaux, surtout celui du côté gauche,sont aplatis et leur sur-

194 PARHON ET ATH. SCHUNDA

face articulaire - convexe sur le crâne normal -- est concave chez l'achon-

droplasie. La dépression qui correspond l'insertion du ventre postérieur du

digastrique est plus large et plus profonde sur le crâne achondroplase.

Sur le maxillaire inférieur on remarque que les apophyses geni sont sail-

lantes. Sur la face interne de l'angle du maxillaire on observe plusieurs crêtes

prononcées correspondantes aux insertions du ptérygoïdien iut erne. Sur le

maxillaire normal on n'observe à ce niveau qu'une surface rugueuse.

Sur la face antérieure du maxillaire d'un côté et de l'autre de l'éminence

mentonnière on observe deux tubercules correspondant à l'extrémité inférieure

de la ligne oblique.

En ce qui concerne les os longs (PI. XXXII), notons que l'humérus présente

une tête un peu aplatie et non pas franchement sphérique, de sorte que le

diamètre transversal prédomine sur celui longitudinal. La tête humérale forme

avec le corps de l'os un angle de 90°. Sur l'humérus normal on trouve un

angle obtus. Le col anatomique se continue par un véritable sillon au-dessous de

la tête de l'os. La partie supérieure de la diaphyse humérale semble aplatie

d'avant en arrière.

L'impression deltoïdienne est représentée par une véritable tubéroséit lon-

gue de 3 centimètres et qui se continue par une impression rugueuse sur la

face postérieure de l'os jusqu'au sillon occipital qui est délimité par deux crêtes

rugueuses proéminentes.

Le trochanter surplombe la tète humérale tandis que sur l'humérus normal

il arrive le contraire.

Le sillon de torsion est très accentué et délimité en haut par la crête de l'im-

pression deltoïdienne et en bas par une crête très proéminente.

La longueur de l'humérus : 18 cent. 5 chez l'achondroplase.

La longueur de l'humérus : 24 centimètres chez l'homme normal.

La circonférence de ce même os : 6 cent. 5 dans le premier cas ; 7 cent. 3

dans le second.

Le radius : 16 centimètres (longueur) et 4 cent. 7 (circonférence) chez l'a-

chondroplase et 24 centimètres (longueur) et toujours 4 cent. 7 (circonférence)

chez le normal.

La surface d'insertion du rond pronateur est très rugueuse et saillante. Le

cubitus présente lui aussi une accentuation des crêtes et des tubérosités. Sa

longueur est de 17 cent. 75 pour 27 cent. 3, celle d'un cubitus normal. La cir-

conférence de ce dernier est de 5 cent. 7. Celle- de l'os de l'achondroplase :

4 cent. 5. Les dimensions des 4 premiers métacarpiens sont de 4 centimètres ;

4 cent. 5 ; 5 centimètres et 4 cent. 5. Le Ve a été égaré.

La longueur du fémur est de2o cent. 8'dans le dernier cas^et de 44 centimè-

tres dans le premier. La circonférence est de 9 cent. 5 pour l'os normal et de

7 cent. 5 pour celui de l'aclrondroplase. Le fémur gauche est un peu plus

long (26 cent.) que le droit.

Lecol fémoral est très courtde sorte que la tête fémorale n'est séparée du grand

trochanter que par une distance de 1 centimètre, tandis que sur le fémur que

nous avons choisi par comparaison, cette distance est de 2 cent. 8. En outre, le

NOUVELLE CONTRIBUTION A L'ÉTUDE DE L'ACHONDROPLASIE 195

grand trochanter dépasse en hauteur la tête fémorale. La crète trochantérienne

du fessier moyen est très prononcée.

Le petit trochanter très saillant présente une direction de haut en lias et

de dehors en dedans en formant avec la diaphyse fémorale un angle aigu

ouvert en bas. Sur l'os normal, cet angle est obtus. La ligne âpre est rugueuse

et présente nn sillon médian et deux crêtes latérales. Son extrémité supé-

rieure forme une véritable tubérosité longue de 5 centimètres et large de

1 cent. 5.

En ce qui concerne le tibia on observe que les crêtes d'insertion du ligament

croisé sont plus hautes et plus rapprochées sur l'os achondroplase que sur le

normal. La largeur du premier est de 21 centimètres à gauche, de 22 à droite.

Celle de l'os normal est de 38 centimètres. La circonférence est de 6 cent. 5

pour le premier et de 9 cent. 2 pour le dernier.

Pour le péroné achondroplase on trouve 24 cent. 5 (longueur) et 5 centi-

mètres de circonférence. Les chiffres respectifs de l'os normal sont de 34 cen-

timètres et de 4 cent. 5.

Le péroné est en outre très incurvé avec la concavité en dedans et aplati

dans le sens antéro-postérieur. Sur la face postérieure et dans sa moitié supé-

rieure on remarque un sillon profond délimité par deux crêtes accentuées, dis-

position qui, sur un péroné normal est peu remarquable. La surface articulaire

de la tête du péroné s'articule avec une facette similaire de l'extrémité supé-

rieure du tibia, de sorte que les deux extrémités supérieures de ces os sont

presque sur le même plan.

L'os coxo-iliaque : 18 cent. 5 chez l'achondroplase et 28 cent. 5 chez le nor-

mal. La fosse iliaque interne plus excavée chez l'achondroplase.

La hauteur de l'épine iliaque antéro-supérieure jusqu'à l'ischion : 20 centi-

mètres sur l'os normal et seulement de 14 cent. 5 sur l'aclondroplase. Le

grand diamètre de la cavité cotyloide est de 5 cent. 5 sur l'os achondroplase

et de 6 cent. 5 sur le normal.

La longueur du calcanéum : 6 centimètres chez l'achondroplase et de 8 cen-

timètres chez le normal. En outre chez le premier, l'os semble comme affaissé

dans le sens antéropostérieur de sorte que les différents sillons sont plus pro-

fonds que sur l'os normal.

L'astragale : 5 centimètres chez l'achondroplase et 7 centimètres chez le

normal.

Le grand diamètre du scaphoïde : 5 centimètres chez le dernier et 4 centimè-

tre chez le premier.

Le ier métatarsien : 5 centimètres chez l'achondroplase ; 6 centimètres chez

le normal.

Le IVe métatarsien : 6 centimètres chez l'achondroplase ; 7 cent. 5 chez le

normal. 1. '

Le Ve métatarsien : 6 centimètres chez l'achondroplase; 7 cent. 4 chez le

normal.

Notons encore la longueur de l'omoplate : 17 centimètres chez l'achondro-

196 PARHON- ET ATH. SCHUNDA

plase et 24 cent. 5 chez le normal. Pour le sacrum on trouve respectivement

les chiffre de 10 cent. 2 et de 12 centimètres.

La rotule présente 5 centimètres de hauteur et 5 cent. 5 de largeur chez le

normal pour 3 cent. 5 et 4 centimètres chez l'achondroplase.

En général, le tissu osseux paraît, chez l'achondroplase, d'une spongiosité

exagérée et d'autre part les rugosités, les crêtes, les tubérosités prononcées, la

profondeur des sillons sur les os longs et sur les os du crâne, l'accentuation

des éminences maxillaires et des impressions digitales indiquent une grande

plasticité des os dans les cas d'achondroplasie.

Nous avons eu l'occasion d'observer une malade avec micromélie sur-

tout rhizomélique et qu'on pourrait considérer comme un cas d'achondro-

plasie fruste (Pl. XXXI). Cette malade a été internée dans l'hospice Màr-

coutza) pour des troubles mentaux. Nous donnons ici les quelques rensei-

gnements que nous avons trouvés notés dans les registres de l'hospice.

La malade P. P., âgée de 22 ans, entre dans l'hospice le 24 février 1910. Dans

ses antécédents héréditaires on trouve que le père est alcoolique et épilepti-

que. Nous ignorons les antécédents de la malade elle-même.

Au point de vue somatique on trouve que le crâne est très développé et bra-

chycéphale. Sa circonférence est de 580 millimètres et les deux moitiés du crâne

sont symétriques. Les oreilles sont petites avec lobules adhérents et hélix peu

développé. Le front est grand avec les bosses frontales proéminentes. La face

est asymétrique, la moitié droite étant moins développée que la gauche. La

bouche est petite, sur la lèvre supérieure quelques poils; de même aux com-

missures buccales. La voûte palatine est excavée avec une crête sur la ligne

médiane.

Micromélie surtout rhizomélique, le bras : 20 centimètres, le fémur : 35 cen-

timètres. Le membre inférieur : 65 centimètres. La circonférence de la cuisse :

57 centimètres (vers son milieu), celle de la jambe : 35 centimètres.

. Malheureusement on n'indique pas la taille de la malade mais celle-ci était

bien réduite et cela à cause des faibles longueurs des membres inférieurs, car

le tronc ne semblait pas réduit ainsi qu'on peut le voir sur les photographies.

Pas de troubles des réflexes, de la sensibilité et de la motilité. Ponction

lombaire négative. '

En ce qui concerne son état psychique on constate un état d'agitation. La

malade chante, crie, pleure, est toujours en mouvement, gesticule, fait des gri-

maces. Insomnie. Elle est mauvaise avec l'infirmière et les autres malades.

Elle ne prend pas garde aux soins de propreté les plus élémentaires, crache sur

elle, urine dans le lit, etc.

L'attention est facilement attirée mais difficilement fixée.

Elle connaît le nom de son village, celui de ses parents, se rend compte de

la saison où nous sommes, du jour de la semaine. Mais très souvent ses répon-

NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALPÊTRIÈRE.

T. XXVI. Pl. XXXI

ACHONDROPLASIE

(C. Parbou el A. SclJ/l1lda).

(Obs. IV)

MEisson & Cne, Editeurs

ti,A....(;1t ! 'PI ?

NOUVELLE CONTRIBUTION A L'ÉTUDE DE L'ACHONDROPLASIE 197.

ses sont évasives et comme intentionnellement absurdes. Les exemples sui-

vants rendent compte de ces réponses.

Où êtes vous ? Au bon Dieu.

Pourquoi êtes-vous venu ici ? Pour vous demander vous-mêmes.

Pour nous demander ? Pour nous donner du pain.

15 mars. La malade de mauvaise humeur, ne répond pas à nos questions

ou elle donne des réponses comme celles-ci : Taisez-vous. Laisez-moi tran-

quille. Elle ne veut pas exécuter nos ordres ou seulement après beaucoup d'in-

sislance. Ne garde pas les attitudes imprimées.

14 juin. - La malade est mieux disposée. Répond facilement à nos ques-

tions. Elle nous dit qu'elle est dans l'hospice depuis une année, qu'elle se

trouve à l'hôpital Racovitza (l'hôpital près de sa ville natale). Elle ne semble

pas se rendre compte du mois où nous sommes même d'une façon approxima-

tive. Elle dit que dans deux mois auront lieu les fêtes de Pâques. Reconnaît les

monnaies. Peut calculer exactement 3 + 4 = 7. Si on lui demande 9 + 8, elle

répond qu'elle pourrait écrire si on lui donnait une plume. Si on lui donne du

papier et la plume elle trace quelques lignes sans signification, puis nous dit

en riant qu'elle ne sait pas écrire.

Elle nous dit qu'elle a été malade, étourdie. Si on lui dit de tirer la langue

pour que nous la piquions elle commence à rire et refuse.

Elle nous dit qu'elle veut se marier, elle rit, cherche la société des

hommes.

La malade sortit guérie.

Nos trois premiers cas constituent, pensons-nous, des exemples indis-

cutables d'achondoplasie. Pourtant quelques particularités sont à retenir.

Dans le second cas on trouve une intéressante déformation thoracique et

vertébrale. Le premier malade présente le sternum en partie creusé en

gouttière. '

Les déformations du tronc manquent d'habitude dans l'achondroplasie.

Mais elles peuvent pourtant exister et le malade dont nous avons jadis

publié l'observation ici même présentait une scoliose accentuée.

Signalons encore l'absence de l'enfoncement du nez dans notre second

cas el surtout la très petite taille de ce malade due en partie aussi à l'état

de flexion des jambes sur la cuisse présenté par lui.

Chez le troisième malade la main en trident n'était pas bien nelte. Si-

gnalons dans ce cas les altérations osseuses que nous avons constatées el

surtout les crêtes de L'angle du maxillaire (face interne), les faibles di-

mensions de l'apophyse basilaire de l'occipital, du trou déchiré postérieur

et du tronc occipital lui-même, la profondeur et l'étroitesse du sinus laté-

ral, la forte saillie déterminée par l'insertion deltoïdienne, que la radio-

graphie montre aussi chez le malade G.O.

198 PARIION LT ATH. SCHUNDA

Nous n'avons pas constaté la petitesse du IVe métatarsien noté par G.

Lévy (1).

Notons encore les altérations thyroïdiennes rencontrées dans ce cas ainsi

que le petit poids de l'hypophyse. Malheureusement t'age avancé du ma-

lade, l'alcoolisme, la maladie qui l'a emporté peuvent intervenir pour

expliquer ces altérations et on ne peut rien affirmer sur leur rapport pos-

sible avec l'achondroplasie.

La malade de la quatrième observation rappelle l'achondroplasie par sa

petite taille due la micromélie surtout rhizomélique, par le fort volume de

sa tète. Mais le nez n'était pas enfoncé, la main ne présente pas le carac-

tère en trident (PI. XXXII), l'ensellure lombaire est plutôt .absente. On

peut penser dans ce cas à un état d'achondroplasie fruste.

Cette malade a présenté des troubles psychiques qu'on peut étiqueter,

pensons-nous, du diagnostic de confusion mentale agitée ou si l'on

préfère mieux de manie confuse (agitations, cris, chants, érotisme, cer-

taine désorientation).

A ce propos il convient de dire quelques mots sur l'état psychique dans

l'achondroplasie.

Certai ns auteurs pensent que cet état psychique est normal.

Pourtant ce phénomène est loin d'être la règle car sur un nombre de

16 cas avec indications à ce point de vue que nous avons rassemblés dans

un travail antérieur (2) on trouve 9 fois une intelligence plus ou moins

réduite. Deux fois elle était par contre supérieure à la moyenne et : i fois

elle était considérée comme normale. '

Il nous a même semblé exister un certain rapport inverse entre le vo-

lume de la tête et le développement de l'intelligence.

De nos deux cas que nous avons rapportés, alors l'un était un arriéré,

l'autre un alcoolique aliéné.

Lauze (3) a noté récemment la fréquence de l'alcoolisme dans l'achon-

droplasie. Cette intoxication se trouvait également chez le malade dont

l'un de nous a publié l'observation avec Marbé (4) (Observation III de ce

travail).

Zosin (5) en publiant l'observation d'un cas d'achondroplasie parle de

la « démence achondroplasique ». Ce serait une démence avec conserva-

tion de l'affectivité. ,

Le terme de démence achondroplasique ne nous semble pas bien heu-

reux, la démence étant un processus acquis tandis que l'achondroplasie

suppose un processus congénital,

(1) On constate cette même saillie osseuse sur les radiographies publiées par

d'aulres auteurs, par exemple dans un cas de Lannois (Quelques cas de nanisme,

Lyon médical, 1902.

'NOUVELLE ICONOGRAPHIE'DE la Salpêtrière. ' "* T. XXVI. PI. XXXII

COMPARAISON DES OS NORMAUX ET DES OS ACHONDROPLASIQUES

(C. Parhon. et A. Schunda).

NOUVELLE CONTRIBUTION A L'ÉTUDE DE L'ACHONDROPLASIE 199

En outre, on ne saurait non plus généraliser d'un seul cas en ce qui

concerne l'état de l'affectivité dans l'achondroplasie, caruziére et Delmas

ont noté récemment dans leur cas précisément l'instabilité de l'équilibre

affectif. r.

Lauze qui consacra récemment sa thèse à l'état mental des achondro-

plases pense pouvoir parler d'une manie achondroplasique.

Si ce phénomène ne constitue pas la règle, il n'en est pas moins vrai,

ainsi que l'auteur le soutient, qu'on trouve dans certains cas des caractè-

res psychologiques rappelant ceux de la manie.

Dans le cas de Lauze la malade a présenté un état maniaque. Ii s'agis-

sait d'ailleurs, ainsi que cela résulte de l'observation de l'auteur, de la

manie confuse, ou si l'on veut mieux de la confusion mentale agitée.

Crespin et Bonnet (6) ont relaté récemment le cas d'une jeune fille

arabe, faible d'esprit, imbécile, instable, incapable de se livrer à aucun

travail, toujours insouciante, ne manifestant jamais le désir de quitter

l'hôpital.

Cette malade qui présente une micromélie rhizomélique et qui nous

semble présenter un état voisin de l'achondroplasie, a présenté une pé-

riode d'excitation maniaque qui a nécessité son internement.

Elle rit, elle chante constamment, soulevant ses jupes et se livrant fré-

quemment à d'autres gestes obscènes. Il est impossible d'engager une

conversation avec elle car elle saute d'une idée à l'autre incessamment et

tient les propos les plus absurdes. A une question précise, elle répond la

plupart du temps par un éclat de rire, suivi d'un son guttural toujours le

même.

Lecas de cette malade présente une certaine ressemblance avec celui

qui fait l'objet de notre IV observation.

Au point de vue étiologique il convient de retenir le fait que notre se-

cond maladeest issu d'une grossesse gémellaire. L'autre jumeau était

normal. Le même fait se retrouve dans l'observation de Hutschinson (7).

La question de la pathogénie de l'achondroplasie mériterait, elle aussi,

d'être discutée.

Dans notre travail antérieur nous avons soutenu une hypothèse adoptée

depuis lors par plusieurs auteurs, savoir que l'achondroplasie serait due

à unehyperfonction des glandes génitales avec hypofonction de la thyroïde

de l'hypophyse et peut-être du thymus.

Rebattu (8) a soutenu récemment la même chose et Lauze se montre

également le partisan du rôle de l'hyperfonction des glandes génitales

dans l'achondroplasie.

Dans notre travail antérieur, dans celui que l'un de nous a publié avec

Marbé et dans l'article consacré à cette question par l'un de nous avec

200 PARHON ET ATH. SCHUNDA

Goldstein (9) dans leur livre sur les sécrétions internes. On trouvera les

raisons qui plaident pour cette hypothèse ainsi que les réserves qu'il y a

lieu de faire à son égard.

Rappelons aussi que dans un cas de Cavazzani (10) l'achondroplasie

s'était manifestée chez un nouveau-né dont la mère a pris des fortes doses

de glande thyroïde pendant sa grossesse et que le malade de V.Z.Cope (9 t )

était porteur d'un goitre et fils d'une goitreuse.

. Nous ne discuterons pas ici à fond cette question de la pathogénie de

l'achondroplasie, mais nous devons dire qu'a notre avis l'expérimentation

pourrait contribuer à sa solution. On devra par exemple traiter des femel-

les gravides par des substances ovariennes ou thyroïdiennes, ce dernier

traitement pour réaliser un état semblable à celui qui a dû exister chez la-

mère du petit achondroplase observé par Cavazzanni. ,

Il serait également intéressant au même point de vue de faire l'étude

comparative des glandes endocrines chez des animaux bassets et chez ceux

à membres habituels.

On devra étudier le poids et l'état fonctionnel des différentes glandes et

le rapport qui existe entre le poids de ces organes et le poids du corps de

l'animal ainsi qu'entre les glandes elles-mêmes, par exemple le rapport

du poids des ovaires ou des testicules à celui du corps thyroïde et de l'hy-

pophyse, etc.

Nous dirons encore que les cas d'achondroplasie héréditaire parmi les-

quels celui rapporté récemment par Franchini et Zanazi (12) s'accordent

mal avec la théorie qui regarde l'achondroplasie comme due à la sclérose

des cartilages de conjugaison causée par une infection ou une intoxication.

Les faits rapportés par Porak et Durante (13) gardent certainement leur

valeur mais il reste à voir s'il n'y a pas lieu de parler dans ces cas d'un

syndrome achondroplasique distinct des cas héréditaires comme ceux rap-

portés parPorak (14), Baldwin (15), Doeckh (16), Eicholz'(17),el auxquels

peuvent appartenir également un bon nombre de cas d'achondroplasie

non héréditaire et qui peuvent être regardés comme une variété spéciale

de l'espèce humaine, rapprochable des variétés basselles des autres espèces

animales.

Cette interprétation donnée par Apert (18) et acceptée par d'autres au-

teurs peut s'accorder parfaitement avec la théorie endocrinienne de l'a-

chondroplasie.

L'étude des glandes endocrines ainsi que celle des cartilages de conju-

gaison serait bien intéressante dans les cas d'achondroplasie héréditaire; z

mais comme l'occasion d'une pareille élude ne peul se présenter que très

rarement, on pourrait,pensons-nous, étudier avec profit au même point de

vue les animaux bassets, les chiens par exemple. On pourra probablement

NOUVELLE CONTRIBUTION A l'ÉTUDE DE L'ACHONDROPLASIE 201

tirer de pareilles recherches des données applicables à l'élude de l'achon-

droplasie humaine.

BIBLIOGRAPHIE

(Nous indiquerons ici seulement les travaux cités dans ce travail. Dans notre travail

paru ici même en 1905 et dans la revue générale publiée la même annee par l'un de

nous avec 111arbé, on trouve la bibliographie des travaux antérieurs. Dans le travail

de E.Lévi, on trouvera la bibliographie des travaux parus depuis 1905. Voir aussi au

point de vue bibliographique la récente thèse de Lauze.)

1. E. LE\'1. - Sur un nouveau cas d'achondroplasie chez l'adulte. Nouvelle Icono-

gr. de la Salpêtrière, p. 133, 1909.

2. PARHON, SHUNDA et ZALCLACIITA. Sur deux cas d'achondroplasie. Nouvelle Icon.

de la Salpêtrière, p. 105, 1905.

3. LAUZE. - De l'achondroplasie spécialement au point de vue mental. Thèse de Paris,

1910.

4. PARHOA et NIAaÉ. - Achondroplasia. Revista stintelor médicale, n° 7, 1905.

5. Zosin. Un cas d'achondroplasie. Nouvelle Iconogr. de la Salpêtrière, n° 1, 1910.

G. Cnesrlrr et BONNET. - Micromélie rhizomélique avec troubles mentaux chez une

jeune arabe. Nouvelle Icon. de la Salpêtrière, n° 2, 1912.

7. Hutschinson. - Achondroplasie chez une iumelle.Proceedings of the royal Society

of medicine oC London.Secüon /or the sludy of Disease in Chitdren,26 novembre

1909, p. 41, analysé in Rev. neurologique, p. 711, 1910, t. I.

8. Rebat. - Un nouveau cas d'achondroplasie. Nouvelle Iconogr. de la Salpêtrière,

n° 5, 1911.

9. PARIION et GOLDSTEIN. - Les sécrétions internes . Paris, 1909, éd. Maloine.

10. CAvAzANr. Sur la pathog. de l'achondroplasie. Pédiatrie piatique. Lille, 1907.

11. V. Z. Cape. - Un cas d'achondroplasie. Proceedings of the royal Soc. of Me-

dicine, vol. V, n° 2 ; Clinical section, p. 97, 8 décembre 1910, analysé in Rev.

neurol., n° 14, p. 107, 1912.

12. FBANCHINI et ZANASI. L'achondroplasie est-elle héréditaire ? Quatre cas d'achon-

droplasie chez des adultes. Nouvelle Iconogr. de la Salpêtrière, n° 3, 1910.

13. PORAK et DURANTE. - Les micromélies congénitales ? Nouvelle Iconogr. de la Sal-

pêtrière, 1905.

14. PORAK. - De l'achondroplasie. Nouv. Arch. d'obstétrique et de gynécol., Paris,

1889-1890.

15. BALDWIN. - Médical News, p. 138, 1890.

16. DOECKH. - Arch. für Gynekol., p. 360, 1890.

17. EICIIOLZ. Britisch med. journal, 21 mai 1910 (analysé in Rev. neurologique,

p. 506, 1910, tome II).

18. Arstem. Quelques remarques sur l'achondroplasie avec deux observations nou-

velles d'achondroplases adultes. Nouvelle Iconogr. de la Salpêtrière, n° 4, 1901.

FACULTÉ DE MÉDECINE DE MONTPELLIER

L'ACHONDROPLASIE RÉPOND-ELLE A UNE INSUFFISANCE

HYPOPHYSAIRE PARTIELLE ?

A PROPOS D'UN cas d'achondroplasie

PAR a

J. BAUMEL et J. MARGAROT

Chefs de clinique à la Faculté de médecine de Montpellier.

La pathogénie de l'achondroplasie est encore incertaine. Cependant,

malgré son aspect clinique spécial qui lui donne une place à part dans le

cadre nosologique, elle paraît se rapprocher de dystrophies dont la nature

est mieux connue.

L'observation (1) d'une malade attteinte d'achondroplasie avec adiposité

démontre la parenté étroite qui unit les diverses formes de nanisme; elle

permet de penser que certaines de leurs manifestalations communes ont

peut-être une même origine.

Observation (PI. XXXIII à XXXV).

L. D., originaire de l'Avyron, est âgée de 29 ans.

Les antécédents héréditaires ne comportent aucune particularité bien inté-

ressante. Le père, cultivateur, a toujours joui d'une bonne santé ; il n'était ni

alcoolique, ni syphilitique.

La mère est morte à l'âge de S4 ans, probablement de tuberculose pulmo-

naire.

Elle a mis an monde Il enfants vivants. Six sont morts en has-àge, aucun

n'a présenté de signes de nanisme. La malade est la dixième.

Une cousine germaine de la branche maternelle est sourde-muette. On ne

trouve aucune dystrophie du squelette chez les divers membres de la famille.

Dès la naissance de l'enfant, on a constaté qu'elle avait la tête très volumi-

neuse et le corps tout petit. Jusqu'à 5 ans, elle a eu a peu près la taille des

enfants de son âge ; mais à dater de ce moment, le défaut de proportion qui

existait entre l'extrémité céphalique et les membres est devenu plus sensible.

La difformité est apparue plus nettement encore vers la 13" année, quand

sont survenues les premières règles; l'évolution pubérale a été également

marquée par le développement d'une adiposité considérable.

(1) Nous avons recueilli cette observation dans le service des maladies des vieil-

lards pendant que l'un de nous suppléait M. le professeur agrégé Leenhadt. Nous

remercions ce dernier d'avoir bien voulu nous autoriser à la publier.

- \ NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE la SALPÊTRIÈRE.

T. XXVI. PI. XXXIII

ACHONDROPLASIE

(J. Baumel et J. Margarot)

Masson & CI., Editeurs.

A PROPOS d'un cas d'achondroplasie 203

Les différentes fonctions organiques se font normalement.

L'appétit est bon. La malade digère bien, elle accuse simplement un peu de

constipation et quelques poussées hémorroïdaires.

Elle se plaint d'éprouver parfois des palpitations; une sensation d'étouffe-

ment les accompagne et oblige le sujet à courir à la fenêtre pour mieux respi-

rer.

Elle accuse un certain degré d'asthénie qui la rend incapable de travailler.

La menstruation est normale. Les règles durent S à 6 jours, sont abondan-

tes ; ellas n'entraînent pas de fatigue, ni de phénomènes douloureux. Dans

l'intervalle se produisent des pertes blanches. La malade est vierge.

La vue est bonne, mais l'acuité auditive est diminuée des deux côtés.

Au point de vue psychique, cette femme paraît moyennement développée.

Elle n'est pas très intelligente, mais on ne peut pas dire qu'elle soit atteinte

de débilité mentale. Elle a reçu une éducation sommaire et l'on comprend

qu'elle soit peu forte en calcul et qu'elle fasse des fautes d'orthographe; sa

mémoire est bonne, ses sentiments affectifs sont bien développés. Elle fait

preuve de beaucoup de bon sens. Elle n'est pas paresseuse, ne montre pas de

mauvais instincts. D'un caractère plutôt gai, elle accepte avec assez de résigna-

tion son infirmité^ Elle ne se met pas facilement en colère, ne manifeste au-

cune jalousie vis-à-vis des autres malades. Elle est d'une propreté méticuleuse.

Examen. - Le crâne est énorme, les bosses orbitaires sont très dévelop-

pées ; la chevelure est abondante, mais permet de sentir la suture pariétale et

l'oblitération incomplète de la'grande fontanelle.

On note de l'asymétrie faciale ; le nez est un peu dévié à droite, l'arcade

sourcilière gauche est surélevée par rapport au côté droit.

La mâchoire inférieure présente un très léger degré de prognathisme. Dans

son ensemble, la face est aplatie et revêt un aspect vieillot. Les yeux ont de

l'éclat, les paupières sont animées de nombreux battements ; la voûte palatine

est ogivale ; les dents sont en mauvais état. La langue a un volume normal,

elle est le siège de légères trémulations. Les oreilles sont bien ourlées, le

lobule est nettement détaché. ' `

Le tronc est court, trapu ; les seins sont fortement développés, l'abdomen

est très saillant, l'ensellure lombaire est exagérée, les fesses sont proéminentes.

L'adiposité est très marquée. Elle se traduit par une exagération de toutes les

dimensions transversales du corps et par la formation de nombreux bourrelets.

Quand la malade se tient debout, dans la position du soldat sans arme, les

mains atteignent à peine le grand trochanter. L'avant-bras n'est pas plus court

que le bras. If ne peut être complètement étendu sur ce dernier : allongé, il

forme avec lui un angle' de 145° environ.

La main est en trident, aplatie, les doigts sont excessivement courts, épais.

On remarque la largeur, des attaches, surtout au niveau des petites articula-

tions. Les extrémités des membres inférieurs présentent. des particularités

analogues. La jambe est beaucoup plus courte que la cuisse. Nulle part on ne

trouve d'oedème.

La motilité et la sensibilité sont normales, le réflexe plantaire se fait en

flexion à droite. Le système génital est bien développé.

204 BAUMEL ET MARGAROT

L'examen des différents appareils ne montre rien d'anormal.

On constate simplement un peu d'otite scléreuse bilatérale.

Ni albumine ni sucre dans les urines. -

Examen radio graphique (PI. XXXIV et XXXV). - L'examen des divers

clichés radiographiques se rapportant à toutes les régions du squelette montre

qu'il existe une exagération du volume des épiphyses.On note en même temps

un trouble de l'ossification portant sur l'ensemble du tissu spongieux. Au ni-

veau des épiphyses et des os courts la transparence est très grande.

Le bassin est élargi, déformé dans toutes ses dimensions.

Le col du fémur est très court ; l'extrémité supérieure de cet os semble

s'écraser contre le bassin.

Au niveau du crâne, on note un élargissement très net de la selle turcique.

Données anthropométriques.

mmï 8 ? }N ? n î1f ? ¡'i;m

- T. xxvi. Pl. XXXIV

ACHONDROPLASIE

(J. Baumel et J. Margarot).

Masson & Cie, Éditeurs.

NOUVElLE rCONOGRAI'IIIE DE LA SALPLrRIÈRE. ,1- r ? J ? J> ? r- 1`7'L"n· ? aaJ.në ? a..sxa ? cM ? a.a ? a...,aW<naas-...n...,... ? t.yx-s ? n ? XXVL'PI^XXXVy·

ACHONDROPLASIE

(J. Baumel et J. Mm,;arot).

Radiographie de la tête.

Masson & Cie, Editeurs

A PROPOS D'UN CAS D'ACHONDROPLASIE ? Ú5

206 ' BAUMEL ET MARGAROT

Le diagnostic de la dystrophie présentée par cette malade nous parait

facile. D'une façon générale, la micromélie permet d'éliminer l'hypothèse

d'une autre variété d'infantilisme (atéliose, nanisme mitral, infantilisme

par hérédo-sypliilis). Dans le nanisme myxoedémateux on noterait, non

seulement l'absence de inicromélie, mais une infiltration des téguments

bien différente de l'adiposité'; les poilsseraient rares.

Le rachitisme peut bien dans certains cas donner lieu à une réduction

de longueur des membres, mais on observe en même temps des incurvations

osseuses et des nouures ; le crâne n'est pas augmenté de volume.

La micromélie, la macrocéphalie et le développement à peu près nor-

mal du tronc permettent de conclure à l'existence d'une achondroplasie.

Mais, s'il est facile d'accorder au syndrome présenté par la malade une

individualité clinique précise, il est plus malaisé d'en déterminer l'étiolo-

logie et la pathogénie. .

Nous ne trouvons dans l'étude de l'hérédité que des causes banales

créant une prédisposition générale incertaine. Nous n'avons aucune raison

de penser que nous sommes en présence d'une dystrophie atavique ou

simplement héréditaire.

L'hypothèse d'une infection atteignant directement les cartilages ne pa-

rait pas mieux démontrée.

Peut-on, à la suite de nombreux auteurs, incriminer un trouble des

glandes vasculaires sanguinaires ?

Pour diverses raisons, il semble que le fonctionnement de certaines

d'entre elles soit altéré.

C'est au moment de la puberté que la difformité a pris son complet dé-

veloppement ; en même temps^se manifestaient les premiers signes de

l'adiposité. On trouve chez la malade des bouffées de chaleur, des palpi-

tations ; elle accuse une asthénie profonde qui l'empêche de travailler. Ces

diverses particularités indiquent l'existence des troubles pluri-glandulai-

res, sans cependant permettre d'en préciser l'origine.

Une radiographie du crâne montre un élargissement très net de la selle

turcique et nous autorise à supposer qu'il existe à ce niveau une lésion

dont la nature nous échappe, mais qui, par son siège, parait intéresser

l'hypophyse.

Peul-on concevoir l'achondroplasie comme un syndrome hypophysaire ?

Chez les animaux, l'ablation totale de la glande donne lieu à des trou-

bles nombreux (Ascoli et Legani) (1).

(t) ASCOLI et LPGAGNI (de Pavis), Les conséquences de l'extirpation expérimentale de

l'hypophyse. Mûnsch. med. Woch., t. LIX, n° 10, 5 mars 1912, p. 518-521.

A PROPOS D'UN cas d'achondroplasie 207

10 Elle entraine un retard de l'ossification, lié à la fois à un arrêt de

développement du cartilage épiphysaire, à une diminution de l'activité

ostéogénique du périoste et à un trouble du métabolisme des substances

calcaires et phosphatées.

2° Elle provoque divers troubles de la nutrition, soit en modifiant elle-

même les échanges, soit indirectement en délerminant des altérations des

autres glandes endocrines. D'une façon générale, on note une adiposité

considérable et une hypoplasie des organes génitaux.

Les recherches analomo-cliniquesonldémonlré l'existence chez l'homme

de troubles et de lésions entièrement superposables à ceux que détermine

l'ablalion expérimentale de l'hypophyse (2). L'hypopituitarisme se tra-

duit par des manifestations différentes suivant que se trouve lésé le lobe

antérieur ou le lobe postérieur de la glande.

L'altération du lobe antérieur donne lieu au syndrome décrit par Ilas-

tings Gilfort sous le nom d'atéliose. Il s'agit d'une variété de nanisme

absolument analogue à l'arrêt de développement des animaux ayant subi

l'extirpation du corps pituilaire. Le trouble dystrophique porte à la fois

sur le cartilage, sur l'activité du périoste et sur le métabolisme dessubs-

tances minérales. Les sujets atteints d'atéliose sont de petite taille, leur

visage a un aspect infantile, les os sont courts et minces, les épiphyses ne

sont pas soudées. Les extrémités sont fines ; la peau est peu épaisse,

délicate.

L'altération de lobe postérieur de l'hypophyse a pour conséquence un

syndrome essentiellement caractérisé par une adiposité très marquée et

par un arrêt de développement des organes sexuels. C'est la dystrophie

adiposo-génitale de Frôhlich.

L'adiposité et l'hypoplasie génitale sont habituellement réunies chez un

même sujet, mais chacune d'elles peut exister isolément.

L'hypopituitarisme se résout ainsi en un certain nombre de syndromes

élémentaires répondant chacun à une insuffisance partielle de la glande.

Ne peut-on pas pousser plus loin celle dissociation et considérer l'achon-

droplasie comme une variété d'atéliose dans laquelle le trouble sécrétoire

hypophysaire entraînerait simplement une dystrophie cartilagineuse sans

entraver l'action ostéogénique du périoste ?

On sait que, contrairement à l'achondroplasie, la dysplasie périostale

de Duranton est caractérisée par un arrêt de l'ossification périostale avec

intégrité de l'ossification chondrale. Les os ont leurs longueurs normales,

mais sont minces, fragiles. -

Si l'on suppose l'évolution simultanée chez un même sujet d'une dys-

trophie pénostaie et d'une achondroplasie, on obtient un complexus,

symptomatique ayant les caractères cliniques de l'atéliose. Ce dernier

208 BAUMEL ET MARGAROT. - A PROPOS D'UN CAS d' ACHONDROPLASIE

syndrome résulte de la suppression totale du fonctionnement de lobe anté-

rieur. Il semble logique de considérer les deux premiers comme répondant

chacun à une insuffisance partielle de ce même lobe.

Les fonctions de l'hypophyse seraient troublées soit dans leur ensemble,

soit isolément. Dans ce dernier cas le corps pituitaire présenterait une

altération limitée ou encore serait suppléé incomplètement par d'autres

glandes vasculaires sanguines.

Les différents syndromes de l'insuffisance hypophysaire pourraient être

classés de la façon suivante.

A. - Insuffisance du lobe antérieur.

a) Totale : atéliose. ,

b) Partielle : achondroplasie. dystrophie périostaie.

B. Insuffisance du lobe postérieur.

a) Totale : Dystrophie adiposo-génitale de Frohlich.

b) Partielle : Adiposité sans hypoplasie génitale, hypoplasie génitale,

sans adiposité.

Si l'on admet cette explication schématique, on comprend aisément que

les divers syndromes élémentaires résultant d'une insuffisance hypophy-

saire partielle se combinent volontiers entre eux ou s'associent à des trou-

bles ayant pour origine d'autres glandes endocrines. C'est ainsi que chez

notre malade s'expliquerait l'adjonction aux manifestations achondropla-

siques d'un syndrome adiposique, d'une asthénie profonde, de bouffées

de chaleur et de troubles circulatoires.

(1) ASCOLI ET Legagm (de Pavis), Lts conséquences de l'extirpation expérimentale

de l'hypophyse. Mùnsch. med. Woch., t. LIX, n° 10, 5 mars 1912, p. 518-521.

(2) TAMESON EVENS (de l31rminghan), Quelques manifestations des tumeurs de

l'hypophyse. The British médical Journ., n. 2637, 2 décembre 1911, p. 1461-1465.

ÉCOLE DE NEUROPATHOLOGIE DE L'UNIVERSITÉ ROYALE DE ROME

Professeur G. Minga/zini.

RÉACUTISATION DE L'HYDROCÉPHALIE INTERNE

CONGÉNITALE AVEC SYMPTOMES BULBAIRES

PAR

le P' PUBLIO CIUFFINI

Assistant à la Clinique Royale Médicale.

C'est un fait maintenant connu que l'hydrocéphalie latente et chroni-

que, dans certains cas spéciaux, pour des causes parfois bien déterminées

et parfois parfaitement inconnues, peut présenter des symptômes aigus

dont le diagnostic ne donne-pas lieu, en général, à de remarquables diffi-

cultés. J'ai toutefois jugé utile l'étude clinique du casque j'ai observé, soit

pour la riche symptomatologie bulbaire présentée par le malade et qui ne

rendait pas facile l'interprétation diagnostique, soit pour les résultats

vraiment merveilleux du traitement suivi. A ma connaissance, nulle part

dans la littérature on ne parle d'une semblable observation, dans laquelle

l'attention a été entraînée par l'ensemble symptomatique vers une nette et

décisive forme bulbaire, étant donné la symptomatologie tout à fait sem-

blable à celle qu'on a à la suite de lésions localisées dans la moelle allon-

gée, ou par quelques autres lésions de la fonction de cette partie de l'encé-

phale.

Je commence par l'exposition de l'observation clinique :

Observation

Di M. Costantino, de 8 ans, entra à la Clinique le 26 mai 1912, prove-

nant d'Otricoli. Le père est vivant ; c'est un fort buveur, il nie avoir jamais

contracté de maladies vénériennes ou syphilitiques. -

La mère est vivante : elle a eu deux accouchements à terme, aucun avorte-

ment. Elle a deux soeurs en bonne santé, mais cependant elles sont insuffisantes

au point de vue de la mentalité. Les deux frères de notre malade sont morts :

l'un à la suite d'une pneumonie, l'autre à la suite d'une méningite.

L'enfant est iié-à terme', il a eu l'allaitement maternel. A sa naissance ses

parents remarquèrent que la tête de l'enfant. commençait à grossir plus qu'à

l'état normal et les yeux à paraître plus saillants que d'ordinaire, troubles

qui ne furent cependant pas accompagnés d'autres phénomènes.

210 0 PUBLIO CIUFFINI " '

A l'âge de 2 ans, l'enfant commença à marcher et jusque-là il a eu un dévp-

loppement squelettique plutôt lent, de sorte que même maintenant il n'a pas at-

teint la stature des enfants de son âge.

Vers la première dizaine de mai, sans cause apparente, le père s'aperçut

que l'enfant avait des troubles dysarthriques très évidents. Environ 8 jours

après le début de ces accidents, le père observa que les objets, que pre-

nait l'enfant, lui tombaient des mains et que, quand il marchait, il était tout

de suite fatigué. Quelques jours après il perdit graduellement la motilité des

jambes, ensuite celle des bras, de sorte qu'il restait complètement paraplé-

gique. Bans la dernière semaine de mai, étant donné ce que les parents disent,

il commença à présenter de la difficulté à respirer et à sangloter. Dans les

derniers temps apparurent des symptômes du côté de la déglutition, de

sorte que l'enfant ne réussissait pas à avaler les aliments solides. Le malade

n'a jamais présenté de pertes des urines, ni de matières, il ne s'est jamais

plaint de douleurs dans aucune partie du corps, il n'a pas accusé de troubles

de la vue, et a toujours donné l'impression de bien voir ; on n'a pas remarqué

de convulsions épileptiformes, ni de vomissements, encore moins de douleur

de tête, ni de vertige.

C'est dans ces conditions qu'il fut porté à la Clinique neuropathologique, où

fut pratiqué l'examen objectif suivant, le 26 mai 1912.

Crâne. - Il se présente augmenté de volume, le front est bas et un peu

bombé, la voûte crânienne est très étendue et un peu aplatie. Les tubérosités

pariétales sont plus proéminentes que d'ordinaire et l'occiput est saillant.

Le crâne étant vu du haut, on remarque que la bosse frontale gauche est

plus saillante que la droite et la bosse occipitale droite plus que la gauche.

Dans l'ensemble, la forme du crâne ressemble à la forme pentagonoïde des petits

enfants.

En regard de la suture frontopariétale, on observe une espèce d'échelle

plus saillante à droite qu'à gauche (cymbocéphalie) et de même la saillie du

pariétal est plus marquée à droite.

Les yeux sont saillants, les oreilles petites, avec tendance des anthélix à

saillir plus que d'ordinaire : le tragus est presque manquant. Le nez est camus.

Les incisives latérales supérieures manquent, les inférieures sont il peine

ébauchées.

Mesures du crâne et de la face :

RÉACUTISAT10N DE L'HYDROCÉPHALIE INTERNE 211

Examen neurologique. Rien du côté de l'oculomotion. L'eufaut ne

rit pas, il a la face caractéristique de la stupeur, la bouche demeure demi-ou-

verte et les yeux peu mobiles. La pointe de la langue est entre les arcades

dentaires et on la voit se mouvoir lentement de droite à gauche.

Dans le rire, les muscles mimiques de gauche se contractent plus facilement.

Le malade pousse souvent des cris, mais il ne réussit pas à dire une seule

syllahp, ou une seule lettre, même avec une voix aphonique. Il comprend toutes

les questions qu'on lui adresse, et les ordres qu'on lui donne, quoiqu'il lui

soit difficile de le démontrer à cause de la paralysie des membres, du cou, de

la déglutition et l'impossibilité de parler. On ne constate rien de particulier pour

mouvements passifs du cou et l'enfant ne réussit cependant à faire spontané-

ment aucun mouvement avec la tête.

Le malade n'accomplit aucun mouvement des membres supérieurs et

inférieurs ; dès qu'on soulève ceux-ci, ils retombent lourdement sur le lit.

Dans les membres on ne remarque pas de troubles tropbiques et il n'y a

pas tendance à aucune position obligée. Cependant on observe que la résis-

tance aux mouvements passifs varie un peu d'un moment à. l'autre, toutefois

ou ne remarque jamais ni contractures, ni spasmes. La sensibilité si la douleur

est conservée : l'enfant réagit immédiatement à la piqûre d'une épingle. On ne

peut rien dire de sûr au sujet des sensibilités thermiques, tactiles et stéréo-

gnosiques.

Les réflexes rotuliens et achilléens sont abolis à droite, très vifs à gauche :

faibles sont les tendineux supérieurs. Il n'existe pas de Babinski, les crémas-

tériens sont absents ainsi que les abdominaux et les épigastriques. Les ré-

flexes iriens à la lumière sont conservés, il y a de la mydriase.

La malade semble amblyopique, et on ne peut, d'autre part, juger avec sû-

reté en ce qui concerne le visus. L'examen du fond de l'oeil est normal, ainsi

que l'examen laryngoscopique ; la réaction de Wassermanu (sang) est négative.

On ne peut donner un jugement certain sur l'état du goût et de l'odorat, à

cause du mutisme du malade. L'ouïe ne présente pas d'altération importante,

étant donné que le malade prend rapidement les ordres.

Pulsations : 104 à la minute : la température varie entre 37°2 aux premières

heures de l'après-midi et 36° aux premières heures du matin. La respiration

est du type abdominal. L'examen de l'appareil respiratoire fut négatif, de

même que celui de l'appareil circulatoire, l'abdomen et les organes abdomi-

naux. Ponction lombaire : 'le liquide sort d'abord très rapidement, après il vient

goutte à goutte : on obtient 50 centimètres cubes de liquide cérébro-spinal,

globuline absente, l'albumine 1/2 0/00 ; la recherche du réticulum après

24 heures de repos est négative ; dans le liquide les lymphocytes sont rares.

Le 27 mai 1912, c'est-à-dire peu d'heures après ponction lombaire, l'en-

fant réussit à faire des mouvements avec les bras, plus étendus avec le droit

qu'avec le gauche et peut même serrer avec une certaine force le doigt de

l'examinateur. Le malade lit aussi des tentatives pour prononcer quelques

mots, et il y réussit de manière à se rendre intelligible, cependant parole

a toujours un timbre aphone.

212 PUBLIO CIUFFINI

Etal du 28 mai 1912. - L'enfant repose tranquillement toute la nuit. Le

type respiratoire n'est plus exclusivement abdominal mais costo-abdominal.

Le malade, invité à mouvoir les membres supérieurs, réussit assez bien à exé-

cuter l'ordre, cependant les mouvements ne s'accomplissent pas tout de suite

et ils sont faits par détentes. Il met également en mouvement les membres in-

férieurs, mais l'activité est plus limitée que pour les parties supérieures.

Dans les tentatives pour répondre aux questions qui lui sont posées, on dis-

tingue difficilement quelques syllabes, qui sont prononcées d'une voix aphone.

Pouls rythmique, de pression normale : -la température est comme dans les

journées précédentes.

Etat du 2 juin. - On pratique la deuxième ponction lombaire ; la pression

du liquide obtenu au moyen de l'instrument de Quincke donne 198 millimètres.

L'enfant, après cette seconde ponction commença à dire quelques paroles

compréhensibles, d'abord d'une voix aphone. Les mouvements actifs des

membres supérieurs et inférieurs s'accomplissent mieux que dans les jours

précédents, L'état général est bon : pouls valide, rythmique (80 pulsations à

la minute), la température est normale (toujours sous 37°). '

On observe dans les membres supérieurs et inférieurs des mouvements cho-

réiformes involontaires, plus marqués à gauche. Le malade réussit à se tenir

seul debout. Cependant, en cette position, il tend à tomber soit en avant,soit en

arrière. Dans la marche, il a l'allure d'un véritable ivrogne et ne suit pas la

ligne droite. L'ataxie est du type cérébelleux.

II réussit, avec difficulté, à dire d'une voix aphone quelques syllabes : ma,

pa, re.

On commence un traitement de frictions à la pommade mercurielle. Le poids

du corps est presque invariable, 22 kil. 300. Le 6 juin, troisième ponction lom-

baire. On extrait 30 centimètres de liquide cérébro-spinal, on constate 180 mil-

limètres de pression. A l'examen cytologique, chimique et bactériologique on

ne constate rien d'anormal : pas de globuline, ni de lympliocitose.

8 juin. - Conditions générales bonnes : l'enfant parle avec une voix claire

et répond promptemeut aux questions : on obtient cette réapparition du ton nor-

mal de la voix rapidement, après la deuxième ponction. Il persiste une légère

ataxie dans la démarche.

10 juin. - La déambulation s'accomplit mieux, bien qu'il existe encore

une légère incertitude, et il se manifeste un peu de fatigue après avoir fait

quelques pas. Il persiste encore de légers mouvements choréiformcs à la charge

des membres supérieurs.

la juin. - L'allure est encore moins incertaine que les jours précédents et

n'est plus à type cérébelleux : l'enfant maintenant réussit à rester longuement

debout sans soutien. Les réflexes rotuliens de gauche sont moins vivaces. Pouls

et respiration normaux (Pulsations 68 à la minute). Poids du corps 23 kil. 200.

22juin. Tous les symptômes ont complètement disparu.

29 juin. Conditions générales bonnes : poids du corps 23 kil. 400.

Pupilles égales mydriatiques ; elles réagissent bien à la lumière. Rien d'anor-

mal il la face ; la langue est poussée hors de la bouche sur la ligne moyenne,

RÉACUTISATION DE L'HYDROCÉPHALIE INTERNE 213

sans tremblements; les mouvements passifs et actifs des membres sont amé-

liorés. Les réflexes superficiels sont vivaces des deux côtés ; on ne réussit pas

à provoquer les rotuliens et les achilléens ; la marche est normale. L'enfant ré-

siste à une longue marche et il reste levé toute la journée. Les différentes

formes de sensibilité et les sens spécifiques sont complètement normaux.

L'intelligence est développée en rapport de l'âge et aux conditions sociales de

l'enfant. On renvoie l'enfant à ses parents.

Résumé. - Il s'agit donc d'un enfant de 8 ans, avec quelques lares

héréditaires, lepère est buveur, deux tantes maternelles sont dementalité

plutôt faible, un jeune frère est mort de méningite. Depuis les premiers

mois de sa vie, le malade présentait un accroissement du crâne supérieur

à la normale et il commence à marcher très tard. '

La maladie actuelle commença vers les premiers jours de mai 1912

avec des troubles dysarthriques, auxquels fit suite une forte diminution de

la force dans tous les membres. Celle-ci très vite et en peu de jours devint

une tétraparésie et plus tard une vraie tétraplégie.

Dans les derniers temps, le malade présenta des troubles de la respira-

tion, des sanglots et de la difficulté à la déglutition des aliments solides.

On n'observa jamais de troubles vésicaux ni de la défécation. L'examen

pratiqué le 26 mai fait constater à la charge du crâne les notes cliniques,

pas très marquées, de l'hydrocéphalie chronique congénitale. L'enfant ne

parle pas, semble amblyopique et présente une parésie du VIl" à droite,

liée à une paralysie des quatre membres, des muscles du cou, de la dé-

glutition : la sensibilité douloureuse, la seule qu'on pût explorer, est bien

conservée.

Les réflexes rotuliens et les achilléens sont abolis à droite, vivaces à

gauche, pas de Babinski. L'examen du fond de l'oeil est normal. Il n'est

pas possible de donner un jugement exact sur le résultat de l'examen des

sens spécifiques à cause du mutisme du malade, à l'exception de l'ouïe,

qui ne présentait pas d'altération importante. Le pouls est fréquent, la

température s'élevait légèrement au-dessus de la normale dans les heures

de l'après-midi. La respiration est type abdominal, l'examen de l'ap-

pareil respiratoire, circulatoire et des organes abdominaux, négatif.

Avec la ponclion lombaire on a extrait un liquide à pression fortement

augmentée, avec un contenu d'albumine supérieur à la quantité physio-

logique, sans lymphocitose et sans globuline.

Peu d'heures après la première ponction lombaire, le malade réacquit

en partie la motilité des.membres et réussit à prononcer quelques paroles

d'une voix aphone. Le type respiratoire devient costo-abdominal.Aprés une

seconde ponction, l'amélioration s'accentue encore, l'enfant réussit ,\ pro-

noncer des paroles compréhensibles, la fréquence du pouls diminue no-

214 PUBLIO CIUFFINI

tablement (de 104 il 80 à la minute) ; la température du corps devient

normale. Alors l'enfant présente dans les membres supérieurs et inférieurs

des mouvements choréi formes ; laissé debout, il a de la tendance à tomber,

Candis que dans la marche il a l'allure d'un ivrogne : le ton normal de la

voix est réapparu.

Le 6 juin on pratique une troisième ponction lombaire (la dernière)

après laquelle on put constater une diminution dépression du liquide céré-

bro-spinal, lequel avait alors un caractère entièrement normal. Dans les

jours suivants, les conditions générales du malade s'améliorèrent encore

davantage, de même que l'allure, les mouvements choréirormes; il per-

sistait seulement un peu de fatigue après quelques pas ; les réflexes rotu-

liens de gauche perdent la vivacité rencontrée dans le premier examen.

Le 22 juin 1912, environ 26 jours après l'entrée du malade à la Clini-

que, on constata que tous les symptômes déjà nommés ont complètement

disparu. Le 29 juin un rigoureux examen clinique permet de constater le

retour aux conditions normales de toutes les fonctions du petit malade. Il

persiste seulement une exagération des réflexes superficiels, ahsents dans

l'état aigu de la maladie, tandis que les réflexes rotuliens et achilléens

sont bilatéralement absents. '

Si actuellement, étant donnés la symptomalologie clinique, le cours,

la guérison du petit malade, grâce au traitement pratiqué, il est facile de

se prononcer sur la maladie qui donna lieu à une si riche et grave phéno-

ménologie, il était au contraire, au début, très difficile de se faire une

opinion certaine et indiscutable. Les hypothèses diagnostiques étaient t

nombreuses et aucune d'elles ne pouvait donner suffisamment raison de la

symptomatologie clinique.

La première idée fut que nous nous trouvions en présence d'un malade

atteint d'un commencement de méningite purulente, ou mieux encore de

méningite tuberculeuse.

Quelques symptômes permettaient cependant de ne pas être en doute

au sujet des deux maladies. Chez mon malade, en somme, les troubles de

la vue étaient très prononcés, il n'existait pas de rigidité de la nuque, la

céphalée ne semblait pas tourmenter excessivement le malade, la tem-

pérature était légèrement fiévreuse, il n'existait pas de vomissements, ni

de constipation : le pouls n'était pas rare, l'intelligence était entière,

l'humeur indifférente; il manquait cependant les données principales

sur les bases desquelles on pouvait affirmer l'existence d'une suite ménin-

gitique du genre de celles déjà nommées.

Ensuite les résultats de l'examen du liquide cérébro-spinal étaient en

RÉACUTISATION DE L'HYDROCÉPHAUE INTERNE 215

harmonie avec les données de l'examen du malade et avec nos déductions

diagnostiques.

Etant exclue la pensée d'une méningite cérébrale, on devait penser, en

premier lieu, que la cause du complexus symptomatolo51que résidait en

une lésion d'une partie du cerveau et éventuellement qu'il s'agissait d'une

forme de paralysie pseudo-bulbaire des enfants.

Cela est dû ou à des lésions bilatérales, ou à des déformations de la partie

supérieure des circonvolutions rolandiques, ou bien à une suite encépha-

lytique, qui blesse symétriquement la même région en ces cas dans lesquels

la symptomatologie se développe après le naissance. De même dans

celle forme spéciale il existe une diplégie avec paralysie, ou parésie des

lèvres, de la langue, du palais, du pharynx et du larynx, avec dysarthrie,

dysphagie etc.

Oppenheim a observé un cas dans lequel, comme dans le mien, il exis-

tait un mutisme complet ; un autre malade, observé également par lui,

était aphone et avait un spasme de la phonation.

Le tableau clinique ne pourrait donc être plus ressemblant à celui pré-

senté par notre malade. Toutefois certains faits donnèrent l'idée de se

tourner vers d'autres conceptions diagnostiques. Avant tout la lenteur rela-

tive avec laquelle se présenta l'ensemble symptomatique,entre l'apparition

des troubles dysarthriques et l'apparition de la tétraplégie, environ 15 jours

s'écoulèrent, et 20 jours au moins jusqu'à l'apparition des symptômes

à la charge de la respiration et delà déglutition. II n'y eut, en oulre,

jamais de convulsions épileptiformes, ni aucun mal à la tête. La forme

spéciale du crâne, les notables troubles de la respiration, les résultais de

la ponction lombaire étaient autant de raisons pour une autre conception

diagnostique. Nous pûmes plus facilement éliminer le soupçon d'une pa-

ralysie bulbaire aiguë, due à des ramollissements par thrombose ou embolie

de l'artère vertébrale, delà basilaire, ou d'une de leurs branches, ou encore

une forme de poliencéphalite inférieure aiguë.

Dans ces cas l'ictus apoplectique souvent commence la maladie ; il

peut y avoir aussi desconvulsionsgénéralesdu type épi leptique. D'autrepart,

s'il existe dès le principe dysarthrie, anarthrie, dysphagie, paralysie des

muscles de la mastication, de la VII paire, glossoplégie, parésie, ou pa-

ralysie du palais et du larynx, aphonie, la paralysie du corps est unilaté-

rale et il peut aussi y avoir des formes alternes de paralysie. Il existe en

outre de fréquents (roubles de la sensibilité. A part donc l'identité des

symptômes que nous nommons bulbaires, tout le reste du tableau cli-

nique de mon cas se détache complètement de la paralysie bulbaire aiguë

des enfants. C'est d'autant plus vrai, qu'en ce qui concerne le développe-

ment des symptômes, il existe une forme à évolution subaiguë, laquelle

216 17 ' PUBLIO CIUFF1NI

exige plusieurs semaines de traitement, comme chez mon sujet, pour l'

atteindre une évolution complète, mais elle ne s'observe du'exceptionnel-

lement, dans très peu de cas de myélite et de poliencéphalite du bulbe.

D'autre part, la poliencéphalomyélite est caractérisée par une paralysie

essentiellement amyotrophique, fait qui ne se trouve pas, lui non plus,

dans mon cas.

Une lente compression de la zone bulbo-prolubérantielle, produite par

une maladie des os/par des tumeurs, par des anévrismes de l'artère verté-

brale et du tronc basilaire, peut produire une symptomatologie clinique

telle qu'elle ressemble sur divers points à celle développée chez mon ma-

lade. Dans ces cas, enfin, les symptômes bulbaires sont accompagnés, ou

précédés,par des phénomènes irritatifs (contractions des muscles mimiques,

douleurs névralgiques dans l'espace de la Ve paire, bourdonnements dans

les oreilles) ; la parésie, ou la paralysie des extrémités, est fréquemment

unilatérale d'abord, pour devenir ensuite bilatérale, les paralysies peu-

vent aussi être alternes. Dans mon observation, au contraire, bien dif-

férente par l'évolution des symptômes cliniques, il manquait en outre

stase papillaire, céphalalgie, vomissements, attaques épileptiformes, pouls

rare, tous symptômes en relation avec une augmentation de pression

endo-crànienne, due à l'éventuelle existence d'une tumeur, qui de quelque

manière endommageait l'intégrité fonctionnelle du bulbe,

L'évolution de la maladie était un autre argument en opposition avec

cette hypothèse diagnostique ; d'autant plus que quelquefois les gliomes du

bulbe peuvent maintenir la continuation des fonctions; toutefois dans

mon cas la symptomatologie s'était trop rapidement développée pour

qu'elle puisse être expliquée par une tumeur qui avait commencé son

évolution.

On ne pouvait, d'autre part, dans mon cas, invoquer que dans une

minime partie, les différents principes donnés par Bonhoeffer, pour dis-

tinguer l'hydrocéphalie des néoformationsdefa fosse crânienne postérieure,

du cervelet et du IVe ventricule ; ce qui évidemment augmentait les dif-

ficultés diagnostiques. L'auteur qui vient d'être cité retient que l'ataxie

cérébelleuse est un fréquent et précoce phénomène de l'hydrocéphalie,

de même que les vomissements, la rigidité de la nuque, le nystagmus, les

variations, des réflexes des tendons, le vertige dans la position debout et

surtout dans la marche, sont autant de phénomènes qui parfois se ren-

contrent dans cet étal. Pour cela déposerait ensuite, surtout s'il s'agit

d'un individu jeune, chez lequel on a observé une cause traumatique ou

une maladie infectieuse, un précoce début el la successive disparition de

paraplégies ou paraparésies flaccides, une précoce stase-papillaireel cécité,

une oscillation des symptômes des nerfs cérébraux et du cortex.

RÉACUTISATION DE L'HYDROCEPHALIE INTERNE 217

Oppenheim retien tqu 'en certainscas l'hydrocéphalieseprésenle comme

la tumeur cérébrale, et que l'identité de l'ensemble symptomatique est si

exacte, qu'il n'est pas possible de donner aucun jugement différentiel cer-

tain entre les deux affections. Deux points seuls pourraient fournir un

appui pour le diagnostic : dans certains cas on voit l'origine de l'hydrocé-

phalie en une anomalie congénitale, laquelle se révèle par un énorme vo-

lume du crâne ; en outre l'épanchement dans l'hydrocéphalie idiopa-

thique peut présenter rémissions et intermissions d'une durée de plusieurs

années. Cet auteur dit qu'un certain indice peut être également

donné par l'examen du liquide cérébro-spinal, puisque le contenu d'al-

bumine dans la tumeur cérébrale est augmenté, tandis que dans l'hy-

drocéphalie il se maintiendrait normal ; celle preuve cependant ne pré-

senterait pas une véritable garantie. Chez mon malade, comme je le dis

plus haut, tandis que bien peu de profit on pouvait retirer des déduc-

tions de Bonhoeffer pour le diagnostic différentiel avec les néoformations

de la fosse crânienne postérieure, les deux premiers jugements énoncés

par Oppenheim pouvaient y aider, et ils y aidèrent de fait, d'accord avec la

symptomatologie clinique spéciale du cas, à exclure le néoplasme pour

lequel, au contraire aurait témoigné l'augmentation d'albumine dans le

liquide extrait par la ponction lombaire. '

On devait exclure une compression due à d'autres facteurs en dépen-

dance de maladie des os ou d'un anévrisme, soit pour certaines des rai-

sons déjà nommées, soit parce qu'il manquait ici des symptômes des lé-

sions osseuses, et manquaient de même les principales causes, qui peu-

vent produire les anévrismes (artériosclérose, syphilis, traumatisme, etc.).

La névrite multiple pouvant blesser aussi les nerfs qui ont leur origine

dans la moelle allongée, il était nécessaire de penser, pour mon cas, aussi

à cette possibilité diagnostique, et exclure pour cela la névrite bul-

baire aiguë. Il suffit cependant d'avoir simplement montré celte hypothèse

pour l'exclure avec une facilité relative. Dans l'anamnèse de mon malade,

il n'a pas été démontré, de fait, ni douleurs des troncs nerveux, ni trou-

bles vasomoteurs et sécrétoires dans les parties périphériques des mem-

bres, ni paresthésies ni douleurs, premiers symptômes ordinairement

d'une polynévrite, laquelle porte avec elle l'abolition des réflexes, tandis

que chez mon malade dans le membre inférieur les achilléens étaient

vivaces, ainsi que les rotuliens, la motilité volontaire étant cependant chez

lui complètement abolie. Dans la polynévrite en outre, qui atteint spécia-

lement les fibres motrices et tout particulièrement lorsqu'elle a atteint

un développement considérable jusqu'à envahir tous, ou presque tous les

troncs nerveux, l'absence de troubles sensitifs est exceptionnelle, de même

qu'une aussi grave et étendue participation de presque tous les nerfs mo-

218 PUBLIO CIUFFINI

leurs, comme on devrait l'admettre chez mon malade, sont des faitsexcep-

tionnellement rares. La paralysie spinale aiguë ascendante (forme de Lan-

dry), qui a beaucoup de ressemblance clinique avec la polynévrite.pouvait à

cause de cela s'exclure presque par les mêmes raisons. En outre, l'évolu-

tion spéciale avec ascension successive des membres inférieurs aux muscles

des lèvres, de la langue, du pharynx, à ceux de la respiration et delà dé-

glutition, ou plus rarement en sens inverse, contribuait à rendre abso-

lument improbable cette forme spéciale, dans laquelle en outre, les fonc-

tions cérébrales sont, au contraire de mon cas, presque toujours intactes.

D'autre part les caractères chimiques du liquide cérébro-spinal évacué

avec une si notable pression, ne pouvaient s'adapter à cette conception,

aussi bien pour un processus névritique que pour une paralysie de Landry.

L'existence d'une forme de myasthénie grave pseudo-paralytique pouvait t

tout au plus entrer en discussion au début chez mon malade. Sur cette

paralysie bulbaire spéciale l'attention pouvait se porter, alors que l'en-

fant, dans les premiers jours de mai 1912, présentait les premières

légères difficultés dysarthriques, commençait à se fatiguer facilement

dans la marche ; les objets lui tombaient souvent des mains. D'un

autre côté, dans la maladie d'Erh-Golclllam, la fugacité des symptômes

paralytiques est particulièrement remarquable, et spécialement le fait de

l'insuffisance musculaire augmentée pendant le travail, de sorte que celle-

ci estl'effet d'une facile fatigue musculaire, plutôt qu'une vraie paraly-

sie.Le contraire précisément se trouve dans mon observation. En outre, dans

la myasthénie pseudo-paralytique, les réflexes sont généralement normaux,

les altérations psychiques manquent ; très souvent on observe une ophlal-

moplégie externe et on a les caractéristiques rémissions de l'évolution :

un ensemble symptomatique en somme, lequel, faisant abstraction d'autres

troubles, ne se pouvait certainement invoquer comme base d'une rigoureuse

conception diagnostique chez mon malade. Comme il s'agissait d'un malade

qui venait de la campagne, nous avons dû penser à la possibilité de nous

trouver en présence d'une infection pernicieuse avec symptômes bulbaires,

d'autant plus que la fièvre peut aussi manquer, bien qu'exceptionnelle-

ment, dans les formes dénommées larvées. Ces symptômes furent, de fait,

décrits dans cette forme : dysarthrie, anarthrie, voix nasale, parésie du

facial inférieur, diminution des mouvements de la langue, déglutition, dif-

ficile ou impossible, trouble de l'innervation oculaire, respiration difficile

et stertoreuse, troubles de l'équilibre, allure ébrieuse, avec ou sans

diminution de la force d'un côté du corps. Dans ces derniers cas toutefois,

on n'atteint jamais la complète paralysie de tous les membres, comme on l'a

constaté chez mon malade. D'autre part, comme Marchiafava le remarque,

quand on examine un malade atteint d'infection pernicieuse avec symptô-

RÉACUTISATION DE L'HYDROCÉPHALIE INTERNE 219

mes bulbaires, on peut tout au plus, suspecter qu'il s'agit d'un indi-

vidu, lequel, atteint de paralysie bulbaire, a été atteint d'infection mala-

rienne. Cependant, au point de vue clinique, on n'avait, de cette

dernière, les caractéristiques à la charge des organes internes et du sang.

Rien donc ne pouvait déposer pour l'infection pernicieuse malarienne avec

symptômes bulbaires. Ainsi', par exclusion on diagnostiqua qu'il s'agissait

de réacutisation d'une hydrocéphalie chronique congénitale à localisa-

tion dans le IVe ventricule.

Pour cela déposait avant tout l'examen anthropologique lequel, comme

nous le voyons dans l'examen objectif, montrait des signes indéniables de

cette maladie. Je résume les résultats principaux de l'examen du crâne :

cymbocéphalie, front un peu olympien, tubérosités pariétales très sail-

lantes, occiput saillant, nez camus, légère exophtalmie et circonférence

crânienne plus forte que la normale.

On sait en outre, que les malades qui ont pendant quelque temps souf-

fert d'hydrocéphalie interne sont sujets à des rechutes de celte maladie,

localisée dans tel ou tel district encéphalique. En somme il n'y a rien

d'extraordinaire dans le fait que la très légère hydrocéphalie congénitale,

qui existait chez mon malade, ou spontanément, ou par l'action d'une

cause physique, ou par un cause inopinée psychique (Nonne), ou par un

coup de soleil, ou toute autre cause inconnue, soudainement se soit réacu-

tisée en prenant des proportions notables, jusqu'à donner des troubles gra-

ves. Que cette augmentation se soit vérifiée ici d'une manière spéciale dans

le IVe ventricule, qui en général est moins frappé que les autres, avec une

élévation relative de la pression endoventriculaire il ne pouvait y avoir

de doute, parce qu'elle donnait la raison du syndrome bulbaire. De fait

la compression avant tout de l'hypoglosse et puis des pyramides, de même

que du vague et en général des noyaux des IXe-Xe paires, donnait l'explica-

tion, non seulement du mutisme, de la paralysie de la langue, du facial

droit, des membres ajoutés à la dysphagie, dyspnée, etc., mais éclairait

même la cause de la succession spéciale, parce que le noyau de l'hypo-

glosse, par sa position dorsale, a été le premier à ressentir l'effet direct

de la compression, tandis que les pyramides, plus éloignées, ont été les

dernières atteintes.

Cet ensemble de raisons et de considérations cliniques m'entraîne à ad-

mettre le diagnostic exposé plus haut, et j'en conclus qu'une ponction

lombaire pratiquée de suite, non seulement aurait éventuellement donné

une nouvelle contribution pour l'interprétation diagnostique du cas, mais

aurait aussi amélioré les conditions du malade.

Les faits donnèrent raison à l'hypothèse que nous avons admise comme

la plus probable. Pour ce qui regarde la façon de se comporter du liquide

220 l'U13LI0 CIUFFINI

cérébro-spinal, Bonhoeffer fait observer comme en certains cas d'hydrocé-

phal ie on arrive à des élévations de pression considérables. Le liquide

a un aspect clair, incolore, avec une forte augmentation des lymphocytes,

comme dans un cas de Nonne, ou avec une peu notable augmentation,

comme en divers cas de Bonhoeffer vus à l'autopsie. Il semble toutefois

que l'augmentation des lymphocytes soit en général légère, et l'albumine

en divers cas augmentée ; il n'existe pas de tendance à la coagulation du

liquide. Selon l'expérience de cet auteur, aussi bien le sang que le liquide

cérébro-spinal ne présentaient la réaction de Wassermann. Selon Leube

le liquide hydrocéphalique serait incolore et sans albumine, ou avec des

traces seulement ; de même pour Oppenheim, l'albumine serait normale.

Dans notre observation le liquide cérébro-spinal sortit avec une pres-

sion notablement supérieure à la normale, sans globuline, sans tendance

à la coagulation, avec rares lymphocytes et avec proportion d'albumine

considérablement augmentée, résultats qui s'accordent parfaitement avec

ceux de Bonhaeffer, obtenus aussi dans des cas qui eurent le contrôle de

l'observation nécroscopique et qui ne sont pas en parfait accord avec ce

que disent à cepropos Leube et Oppenheim. La ponction lombaire a donc

servi dans mon cas à nous confirmer le diagnostic.

Le résultat thérapeutique ne pouvait être meilleur. De fait après

une première ponction, après quelques heures seulement, la motilité des

membres tendait à se rétablir et l'enfant réussissait à prononcer quelques

mots à voix aphonique. Après la deuxième ponction, la motilité générale

et la phonation s'améliorent encore, pendant que des mouvements choréi-

formes et des troubles cérébellaires se rendent évidents. Une troisième

ponction lombaire, pratiquée à un intervalle de 10 jours de la première,

permit de constater la diminution notable de la pression intrarachidienne

et le retour à l'état normal du liquide cérébro-spinal.

C'est dans les jours qui suivent la troisième et dernière ponction que

tous les troubles disparaissent ou s'améliorent tellement que, le 15 juin,

c'est-à-dire 9 jours après la troisième ponction lombaire, le malade pou-

vait se dire tout à fait guéri.

Comme moyenne nous avons extrait plusieurs fois 30-50 centimètres

cubes de liquide cérébro-spinal, autant-que dans l'hydrocéphalie infantile

on en a extrait de plus grandes quantités, jusque 100 centimètres cubes; les

dangers de la ponction lombaire étant, en cette maladie, moindres que

dans les tumeurs. Les résultats thérapeutiques que j'ai obtenus sont

d'accord avec ceux de Quincke, Lenhartz, Hiebold, Segelken, etc., lesquels

eurent dans l'hydrocéphalie des grands et durables succès avec des ponc-

tions répétées. Bonhoeffer fait remarquer que des succès passagers, en

RÉACUT1SATION DE L'HYDROCÉPHALIE INTERNE 221

forme d'amélioration de l'état subjectif et des phénomènes objectifs, dus

à la pression, s'observent dans des cas nombreux.

Peu d'autres considérations me sont permises au point de vue clinique.

Les troubles de la parole et les symptômes cérébelleux furent les derniers

à disparaître. L'explication de ce phénomène n'est certainement' pas dif-

ficile, alors que l'on- pense que chez mon malade l'hydrocéphalie était lo-

calisée d'une façon prépondérante dans le IVe ventricule, où au moins pres-

que tous les symptômes déposaient pour ce siège. Alors on comprend

comment, bien que la pression intrarachidienne fut notablement diminuée

après la première ponction, de manière à effacer, pour ainsi dire, toute

la symptomatologie bulbaire, les effets de la compression devaient par

nécessité persister encore sur le vermis cérébelleux et sur le noyau de l'hy-

poglosse, respectivement, l'un au-dessus, l'autre au-dessous de la collection

intraventriculaire, avec laquelle ils étaient en rapport immédiat.

Vraisemblablement, chez mon malade,les premiers à apparaître devaient

être les troubles du langage, et les symptômes cérébelleux, furent certai-

nement les derniers à disparaître.

Une difficulté spéciale du diagnostic différentiel existe quelquefois

pour déterminer s'il s'agit d'hydrocéphalie acquise, ou d'exacerbation

d'une hydrocéphalie latente chronique. Celle question pouvait et devait

se poser même dans mon cas. Les données sur lesquelles doit se baser mon

jugement diagnostique sont résumées par Bonhoeffer : s'il se trouve, dit

celui-ci, chez un adulte malade, avec les signes d'une hydrocéphalie hy-

diopalhique, une tête énormément grande, sans sensibilité à la pression

des sutures, on est autorisé à penser la réacutisation d'une hydrocéphalie

congénitale, parce qu'exceptionnellement, chez les adultes, on peut avoir

un agrandissement de la circonférence du crâne par une hydrocéphalie

et dans ce cas on a une forte sensibilité de la suture à la palpation. Des

raisons différentielles suffisaient, chez mon malade, à faire admettre l'exa-

cerbation d'une hydrocéphalie congénitale, que Quinke croit plutôt fré-

quente. Quelles causes pouvaient dans mon cas être accusées par la

manifestation avant tout de ce spécial état infectieux et par sa successive

réacutisation ?

Parmi les causes de la forme congénitale il faut rappeler l'alcoolisme, la

syphilis, la cachexie des parents : donc dans mon cas, on pouvait incul-

per l'alcoolisme du père.Je n'ai pas la possibilité de pouvoir rechercher à

quel fait on doit attribuer la réacutisation de l'hydrocéphalie que, comme

j'ai dit plus haut, la plupart attribuent à une cause traumatique physique

ou psychique, à un coup de soleil, etc. Je ne veux pas ici discuter sur le

mécanisme de formation de l'hydrocéphalie, soit congénitale, soit acquise.

Quelle que soit l'opinion que l'on veuille accueillir pour expliquer l'éla-

xxvi 15

222 PUBLIO CIUFFINI. - RÉACUTISATION UL L'IIYDROCe,,PHALIE INTERNE

blissement de la condition, de laquelle on l'ait dépendre l'hydrocéphalie

congénitale latente de mon malade, quelles que soient les hypothèses qui

puissent expliquer l'exacerbation, je crois avoir clairement démontré de

manière à n'admettre aucun doute à ce sujet, que dans certains cas très

rares I 'hydroc phalie peut se manifester avec une symptomatologie

nettement bulbaire.

Il reste pareillement démontré aussi, dans ce cas absolument exception-

nel, que la ponction lombaire répétée avec extraction modérée et lente de

liquide cérébro-spinal réussit à ramener les conditions du malade à l'état

primitif.

BIBLIOGRAPHIE

1 Oppenheim. - Trattato delle Malallie nervosa, vol. II, Milano, 1904.

2 Leube. Diagnostica diffe/'enziale delle malallie interne, vol. Il, : .\11lano, Ed. Val-

lardi. i.

3 MARCIIIAFAVA E Bignami. La infezione 11Lnlariea, Milano, Ed. Vallardi.

4 LE1VAND0\\'SICT. - Hundbuch der Neurologie, Bellin, 1912.

5 NONNE. - Deutsche Zeitschr. J'. Ncrvenheilk., 27.1904.

6 K. Bonhoeffeii. V. LEWANHOWSKY. loc. cil.

7 QufNCKE. Deutsche Zeitschr. f. Nenenheilk., 1909.

8 LENIIAIITZ, Ueber den diagnoslischen und therapeulischen Wert der Lunibalpunk,

1896.

9 RlEBOLD. Deutsche med. Wochenschr., 1906.

10 SECELKEN nommé par BO411OFFFEli.

POLYCLINIQUE MEDICALE DE L'UNIVERSITÉ TCHÈQUE, A ['RAGUE

SUR UN CAS D'OMOPLATES AILÉES PHYSIOLOGIQUES

PAR

le Professeur D' J. HNATEK,

Directeur de la polyclinique

J'eus, il a 9 ans, l'occasion d'observer un sujet dont les omoplates mon-

traient une position anormale que nous rencontrons dans le cas de para-

lysie du muscle grand dentelé. N'ayant encore eu connaissance d'aucun

cas analogue à celui qui se présentait, je fus d'abord embarrassé, car je ne

savais à quel état pathologique l'attribuer.

La première pensée qui me vintfut qu'il s'agissait peut-être d'une forme

de myopathie d'une certaine catégorie. Afin d'obtenir plus de certitude,

je crus utile d'attendre et d'observer l'évolution ultérieure des symptômes

que j'avais découverts.

Durant le cours de mon observation, j'eus l'agréable surprise de prendre

connaissance d'un cas semblable, publié en 1905, par MM. Rudler

et Rondot, médecins militaires, dans la Nouvelle Iconographie de la Salpê-

trière. Ce cas s'appliquait à un sujet de 25 ans, qui s'adonnait avec succès

à tous les sports, et, par suite de cette circonstance, se distinguait par une

musculature très développée. Il lui arrivait souvent de sentir, après les

exercices sportifs, une fatigue aux épaules qui lui causait de vives douleurs.

La mobilité anormale de ses épaules a été découverte à l'occasion d'une

revaccination. A l'examen du sujet au repos, on n'a observé aucune défor-

mation appréciable. Pour provoquer la difformité, il a fallu que le sujet

plaçât, son avant-bras fléchi à angle droit en rotation interne et le fixât sur

la région lombaire. Les auteurs décrivent la position des omoplates

comme il suit : « l'omoplate subit tout à coup, avec son angle supéro-in-

terne comme pivot, un mouvement de bascule qui porte sa partie supé-

rieure en haut et en avant. L'angle inférieur est fortement projeté en

arrière, en haut et en dehors ». « Les deux angles inférieurs s'écartent et

la distance qui les sépare est de 27 centimètres ». « Les omoplates sont

ailées. Chaque scapulum forme, avec le thorax, un angle fortement ouvert

en dehors et en arrière, évaluable à 45" «.Celle déformation n'existait

pas à l'état de repos et exigeait toujours une intervention active d'un cer-

224 ' HNATEK

tain groupe de muscles. Les muscles : grand dentelé, sous-épineux, sus-

épineux, les rhomboïdes et trapèze étaient normaux.

De plus, toutes les fonctions des muscles que je viens de nommer étaient t

intactes, parfaites et très vigoureuses, comme on les voit se produire chez

un athlète professionnel.

L'examen de l'excitabilité électrique ne dévoila aucun changement

pathologique. On n'a pu conslaler aucun des symptômes observés dans le

cas d'atrophie musculaire quelle qu'elle soit.

Les auteurs expliquent ce phénomène par la rupture de l'antagonisme

qui existe, normalement. enlre les muscles scapulo-huméraux et les mus-

scapulo thoraciques par suite du travail plus grand qui leur a été imposé.

L'insertion des muscles scapulo-huméraux a renversé leur point fixe;

normalement, il est sur le scapulum et, chez le sujet observé, il faut le

chercher sur l'humérus.

OBSERVATION (PI. XXXVI).

L'histoire du cas que je décris est la suivante : Au mois de juin 1904 se

présenta à notre polyclinique un jeune étudiant de 19 ans, qui se plaignait

d'une hyperhydrose des pieds, très accentuée depuis 3 semaines. En outre, en

examinant le patient, je fus frappé de constater une mobilité singulière de ses

omoplates, amenée par un mouvement fortuit et dont il ne put me dire depuis

quand elle existait. Il n'avail fait que remarquer jusqu'alors qu'en dessinant il

ressentait parfois un chatouillement dans les umoplates. La saillie de celles-

ci augmentait en raison de la diversité des mouvements, de sorte qu'elle deve-

nait perceptible même iL travers des vêtements d'hiver.

Dans la famille du sujet, ou ne trouve aucun antécédent héréditaire au poiut

de vue du système nerveux. Le patient assure que personne, dans toute sa

parenté, n'a été atteint de psychose, ou d'une maladie nerveuse ou muscu-

laire quelconque. Il n'a aucune connaissance de. l'existence, dans sa famille,

d'un cas de paralysie ou d'atrophie musculaire, ou d'une difformité quelconque.

Les parents sont encore en vie, jouissent d'une bonne santé et ont eu 8 enfants,

dont l'un, un garçon, moulut d'une néphrite laye de 6 ans. Tous les autres

se portent bien. Le patient avait été jusqu'alors bien portant et ne se rap-

pelle pas avoir jamais été malade. Il était venu à la polyclinique demander

conseil au sujet de l'hyperhydrose des pieds, dont la fétidité occasionnée par la

sueur le gênait.

Maintenant il est contraint de marcher beaucoup. Autrefois, son corps ne

transpirait que rarement, ses mains pas du tout. Sa peau ne montre aucun

trouble vasomoteur, tel que refroidissement ou chaleur. Il est myope faible, et

sa myopie tend à s'améliorer. Taille assez haute ; nutrition moyenne ; sque-

lette assez fort. Naturel flegmatique. Qualités psychiques, normales. Pendant

le temps de ses études au collège, il a exécuté sans fatigue beaucoup d'exer-

cices de gymnastique. Jamais il n'a observé qu'un bras fût plus faible que

l'autre.

NOUVELLE Iconographie DE la Salpêtrière.

T. XXVI. PI. XXXVI

OMOPLATES AILÉES PHYSIOLOGIQUES

(J. Hnatek)

Masson & Cie, Éditeurs.

Illiotot3liie Berthaud - Pans

SUR UN CAS D'OMOPLATES AILÉLS PHYSIOLOGIQUES 225

Son visage symétrique ne porte aucune trace pathologique d'innervation.

Les pupilles réagissent normalement et ne diffèrent pas l'une de l'autre. Mobi-

lité des yeux normale. Sillons nasolabials, symétriquement tracés. Langue,

normalement innervée. Impressions du goût et de l'odorat, bien perçues ; sen-

sibilité de la peau, parfaite.

Les fondions mimiques de ses muscles ne laissent rien à désirer ; de plus,

il est à tel point maître de ses muscles que même les auriculaires fonctionnent,

suivant sa volonté, d'une manière exceptionnelle, en exécutant un mouvement

rythmique se dirigeant de l'arrière à l'avant. Les muqueuses visibles de la

conjonctive et des lèvres conservent leur couleur naturelle. L'expression du

visage ne trahit aucune morbidité. Les parties latérales du cou sont quelque

peu asymétriques, ce qui doit être attribué à ce fait que le bord du muscle

trapèze droit s'abaisse un peu plus lentement que celui du muscle gauche, et

laisse à l'observateur l'impression que ce bord est plus long que celui de l'autre

côté. A droite, le bord de ce muscle est un peu plus bas.

Il est évident que la position plus basse de l'articulation scapulo-humérale

se fait sentir ici. Vu non seulement de la partie antérieure, mais aussi du dos,

le contour du bras droit apparaît plus bas que celui de gauche. Les épines

des omoplates sont de hauteur inégale, celle de droite s'abaisse jusqu'à 1 cen-

timètre. Quand le sujet est au repos, l'angle inférieur de droite est légèrement

projeté en arrière, et on reconnaît, au toucher, sa position, qui est plus basse

de 1 centimètre. Sur la surface des omoplates, on remarque une différence.

L'omoplate gauche est située davantage sur le plan frontal ; l'omoplate droite

est tournée un peu vers l'axe vertical du corps, le bord externe dirigé vers l'a-

vant.

L'angle inférieur saille légèrement vers le côté gauche. La distance de cha-

que omoplate, mesurée à partir de l'épine dorsale est inégale.

La distance qui sépare les apophyses vertébrales de l'angle supéro-interne

mesure 10 centimètres de chaque côté ; celle des apophyses, à l'angle inférieur

est de 5 centimètres 1/2 il gauche, de 8 centimètres à droite.

La distance de l'extrémité acromiale de l'épine de l'omoplate jusqu'à la ce-

lonne vertébrale est la même de chaque côté.

La thorax, mesuré à hauteur des mamelles, a une circonférence de 83 centi-

mètres, dont u3 pour le côté droit, et 40 pour le côté gauche. Les mouve-

ments des extrémités supérieures s'exécutent sans aucune gêne. Les mouve-

ments des deux omoplates ne sont pas seulement libres, mais capables d'une

excursion extraordinaire, de sorte que le sujet peut projeter en arrière, à vo-

lonté, les deux omoplates à la fois, ou chacune d'elles isolément, ce qu'une

personne normate ne peut faire, et cela aussi souvent qu'on le lui demande.

Ceci s'applique surtout à la position des omoplates dans la direction dorso-an-

térieure, mouvement pendant lequel, l'extrémité acromiale de l'omoplate étant

fixée à l'articulation scapulo-humérale, l'angle inférieur est fortement projeté

en arrière. Ce phénomène est plus visible, quand le sujet fléchit les avant-

bras en leur faisant exécuter une rotation interne, et en les maintenant réci-

proquement.

22H HNATEK

Quand le sujet lève les bras, nous constatons que la musculature de la proxi-

mité de la colonne vertébrale est moins puissante à gauche qu'à droite. Mais

cette ànomalie ne saurait être considérée comme un état pathologique de la

musculature de cette région. Dans cette position des extrémités supérieures,

on reconnaît mieux que dans toute autre que le sujet est atteint d'une sco-

liose sinistro-couvexe dorso-lombaire, qui est suivie d'une déviation compensa-

toire de la colonne vertébrale de la partie supérieure de la colonne vertébrale

cervicale. Les muscles de toute l'extrémité supérieure droite sont plus forts

que ceux du côté gauche. Quant au reste, le contour des articulations scapu-

lo-humérales est tout à fait régulier. Les fonctions de chacun des muscles ou

des groupes de muscles sont entièrement'normales. Nulle part, les muscles ne

montrent d'affaiblissement ou de diminution de volume. Tous réagissent

promptement au courant galvanique et faradique, et la contraction qui en ré-

sulte est la même de chaque côté du thorax.

Tous les mouvements du deltoïde, du sous-épineux, du sus-épineux,du sous-

scapulaire, du grand et petit rond, du trapèze, du grand dentelé, des rhom-

boïdes sont normaux et fonctionnent régulièrement. Il faut surtout mention-

ner que les mouvements s'exécutent avec une force suffisante, capable d'oppo-

ser avec succès une résistance suscitée par l'observateur.

A l'épreuve dynamométrique, on constate que le sujet possède une vigueur

remarquable. Sur les muscles soumis à l'examen, on ne voit ni tremblement,

ni contractions fibrillaires, ni spasmes, ni atrophie, ni même hypertrophie ou

pseudohypertrophie.

En examinant l'état de la sensibilité cutanée, je pus constater en explorant

tous les modes de cette sensibilité, qu'il était intact.

Les irritations tactiles, douloureuses, thermiques électriques, sont bien per-

çues. Le sujet n'a point de paresthésie des membres; sur la région des omo-

plates, il sent de temps en temps un fourmillement gênant.

La circonstance la plus importante, selon moi, c'est que, depuis que le sujet

est soumis à mon observation, c'est-à-dire, depuis près de neuf ans, cet état

des omoplates ne se modifie ni n'empire.

Appelé devant le conseil de révision, le sujet fut déclaré propre au service

et envoyé dans l'infanterie. Le médecin militaire, informé par lui de la défor-

mation de ses omoplates, lui dit : Nous vous donnerons un corset de fer - il

voulait dire par là un sac - qui remettra votre dos au point.

En effet, le sujet a supporté toutes les fatigues de la vie militaire sans aucune

gêne, ni suites fâcheuses.

Il a réintégré ses foyers et mène la vie tranquille d'un simple citoyen.

Du fait qu'il fut incorporé, je conclus que la cyphoscoliose mentionnée

on le reconnaît sur la photographie, -était peu accentuée.

Je veux maintenant passer rapidement, en revue les états morbides indri-

SUR UN CAS D'OMOPLATES AILÉES PHYSIOLOGIQUES 227

viduels, qui pourraient être communs avec le cas décrit, ou chez lesquels

on pourrait le trouver.

Quant à la question de savoir depuis combien de temps existe cette po-

sition « ailée » des omoplates, je suis obligé d'avouer que les antécédents

du sujet ne me fournissent aucun indice capable de me renseigner. D'a-

près tout ce qui vient d'être dit, et surtout après-la déclaration du sujet

il me semble que la sensation de fourmillement éprouvée de temps en temps

provoque chez lui une tendance à se gratter et que, ne pouvant y parvenir

avec les ongles, il en est arrivé, à force d'exécuter des mouvements extra-

ordinaires, à acquérir la souplesse décrite plus haut.

Il convient d'admettre que la musculature présente ici une certaine dis-

position qui doit exister depuis la naissance de l'individu. La première

question qui se pose serait de savoir si la cause de la difformité décrite

doit être attribuée à un état pathologique et s'il s'agirait ensuite de cons-

tater si cet état, physiologique ou pathologique, est un état stationnaire,

et enfin s'il n'y a pas combinaison d'un état pathologique avec un état

physiologique.

On pourrait expliquer les omoplates ailées par des myopathies primiti-

ves progressives.

En examinant des sujets de ce genre, on trouve souvent qu'il est possi-

ble de hausser toute la demi-ceinture scapulaire, c'esl-à-dire, en avant la

clavicule, en arrière l'omoplate, jusqu'au niveau des pavillons. De même

nous sommes accoutumés à voir que, chez les malades atteints de lapa-

ralysie du grand dentelé, les omoplates s'écartent du thorax en forme

d'ailes. Mais pour le cas qui nous occupe, chacune de ces éventualités,

est dénuée de cause.

L'examen ne m'a pas permis de juger s'il s'agissait d'une myopathie la-

tente ou bien masquée par les muscles du voisinage.

On connaît beaucoup de travaux où il est décrit que les muscles sains

suppléent à la fonction des muscles altérés, faibles ou atrophiés, et même

de telle sorte qu'on ne remarque pas facilement ce défaut, car la substitu-

tion de la masse musculaire peut être complète. Ni l'idée de la forme

juvénile d'Erb, de la forme héréditaire de Leyden-Môbius sans

hypertrophie, ni le type facio-huméral sans hypertrophie Landouzy-

Dejerine, ni la pseudo-hypertrophie musculaire n'ont pu soutenir la cri-

tique. ,

Nous n'avons pu trouver la preuve ni de la combinaison de formes dif-

férentes ni de l'existence d'intermédiaires d'une forme à l'autre, ni de

formes frustes de quelqu'une des maladies mentionnées. Il n'y avait guère

de raison de diagnostiquer des troubles amyotrophiques. Contre ces der-

28 HNATEK

nières. on a pu objecter le manque de contractions fibrillaires et l'exis-

tence de la réaction normale électrique. 1

Il est vrai qu'il existe des travaux qui pourraient'nous faire soupçonner

qu'une partie seule du muscle est privée de son centre nutritif et qu'ainsi

se trouverait provoquée une amyotrophie latente. Mais alors, nous trouve-

rions dans un tel muscle une défectuosité de fonction, et c'est ce que je

n'ai pas réussi à constater. Je n'ai pu également réussira constater aucune

affection congénitale de muscle ou même l'absence d'un muscle.

Il me reste à expliquer la déviation- de la colonne vertébrale. Cette dé-

viation n'était que légèrement marquée et non en connexion avec la dif-

formité des omoplates. Sans doute, elle existe dès la première enfance et

doit être considérée comme une suite de la nutrition générale faible (ra-

chitisme ? ). La différence que présentent les dimensions des longs muscles

dorsaux s'observe, chez le sujet, sur une partie du côté droit du thorax,

qui est physiologiquement plus fort, car nous savons que, sur celle partie,

les dimensions dépassent de 3 centimètres celles du côté gauche. L'asymé-

trie des épaules ne peul également nous fournir aucune conclusion en

faveur de l'un ou l'autre état morbide, soit nerveux, soit musculaire. Il

est plus que probable que cette asymétrie provient de la déviation rachi-

dienne. La proéminence de l'omoplate droite, quand le sujet est au repos

et que les extrémités supérieures pendent le long du corps, ne peul être

considérée que comme un symptôme provoqué par les efforts musculaires.

C'est un signe de constitution que l'on désigne ordinairement par le

terme « dos rond », et qu'on observe souvent chez les hommes qui exer-

cent un métier pénible, ou chez ceux qui s'adonnent ci un sport vio-

lent. t..

Nous devons penser, après avoir passé en revue et éliminé les différents

états pathologiques,qu'il s'agit ici d'une dextérité musculaire spéciale, per-

mettant au sujet de modifier le mode de contraction des muscles scapulo.

huméraux, si bien que le point fixe, situé normalement sur l'omoplate,

change de place en transformant en point fixe le point d'insertion qui se

trouve sur l'humérus. De ce nouveau point fixe situé dans la proximité du

col de l'humérus, les muscles en question exécutent le mouvement sur

l'omoplate, qui est attiré en avant, et crée ainsi la difformité décrite ci-

dessus, à la condition toutefois que l'avant-bras soit fixé en rotation in-

terne el immobilisé par la main du côté opposé. Ce point de vue est bien

fondé par la circonstance que le sujet il su atteindre une grande agilité

dans l'innervation des petits muscles auriculaires. Les muscles qui prennent

part à ce mouvement pendant ce changement de position des omoplates,

sont : la partie la plus élevée du trapèze, du sus-épineux, du sous-épi-

neux, du deltoïde, du coraro-brachial, et du biceps, qui a pour rôle de

SUR UN CAS D'OMOPLATES AILÉES PHYSIOLOGIQUES 229

fixer l'omoplate. Il va sans dire que, chez les muscles d'un type renversé,

que je viens d'énumérer, la possibilité de se contracter suppose une inhib i-

lion de l'innervation du grand muscle dentelé.

Quoi qu'il en soit, j'espère avoir contribué ici à l'étude d'un cas très

rare dans la neuropatholoie, car en dehors du cas décrit par MM. Rudler

et Ronot, il n'existe pas là-dessus, que je sache, d'autre travail dans la lit-

térature médicale. ,

UNIVERSITE DE BUCAREST

PARALYSIE PUERPÉRALE DU NERF SCIATIQUE POPLITÉ

EXTERNE, DU COTÉ GAUCHE

PAR

NOICA,

Docent des maladies

. nerveuses.

et

N. ZAHARESCU,

Médecin adjoint de la

Maternité.

Les névrites puerpérales onl été observées el ont fait le sujet de plu.

sieurs discussions dans les réunions des accoucheurs, mais comme elles

intéressent aussi les neurologistes, nous nous sommes décidés de publier

ici le cas suivant.

Il s'agit d'une jeune femme primipare qui est enlrée à la Maternité, la

période du travail étant déjà très avancée. Comme l'accouchement retardait

beaucoup, à cause de la présence d'un rétrécissement du bassin, et parce

que la jeune femme présentait des accès éclamptiques, l'un de nous lui a

fait immédiatement une application de forceps. Malheureusement on a

relire l'enfant déjà mort.

La mère a eu encore quelques accès éclamptiques, après l'accouche-

ment, et de la liévrejusrlu'à 3)° 3 pendant 3 ou 4 jours.

Le quatorzième jour, quand les phénomènes d'éclampsie, la fièvre, et

l'albumine dans l'urine, étaient disparus depuis plusieurs jours, et la

jeune femme se trouvait par conséquent dans un état général des plus

satisfaisants, sont apparus les phénomènes de névrite dans le membre in-

férieur gauche.

Observation.

M. T..., âgée de 18 ans, entrée à la Maternité le 10 'avril 1912, ayant des

accès d'éclampsie. A l'entrée dans le service, elle reprenait sa counaissance,

car elle avait eu,avant de venir il la Maternité, trois accès éclamptiques.

Au premier examen, un s'est rendu compte qu'on avait affaire il une pri-

mipare, au neuvième mois de sa grossesse, et avec un foetus en présentation

céphaliqne. Le travail était déjà très avancé, car l'orifice utérin était presque

complètement dilaté, et le liquide amniotique était déjà écoulé depuis plusieurs

heures. Comme on constata un léger rétrécissement du bassin, en rapportavec

les diamètres de la tête du foetus, on lui fait tout de suite une application de

forceps. L'enfant est extrait mort :

PARALYSIE PUERPÉRALE DU NERF SCIATIQUE POPLITÉ EXTERNE 231

Après l'accouchement, la jeune femme a eu encore trois accès d'éclampsie,

d'une intensité moyenne.

L'urine contenait plus de deux grammes d'albumine par litre.

Il avril. Revenue complètement de son état comateux, elle se plaint de

voir trouble. Rétention d'urine : 600 grammes en 24 heures, go. 50 d'albu-

mine par litre. Pouls et température normaux.

12. Température 37°2 le matin, 37°4 le soir, pouls 82. Rétention

d'urine, 720 grammes en 24 heures. Albumine : 1 gramme par litre. A 9 heures

du soir un frisson qui a duré 15 minutes avec 39° de température.

13. - 39°3 le matin, 39° le soir. On lui a fait une irrigation intra-utérine.

Rétention d'urine, 1000 grammes en 24 heures. Albumine 1 gramme par

litre.

14. 37°7 le matin, 38°5 le soir.

15. 37°3 le matin, 37° le soir.

La température décroit régulièrement les jours suivants, et le 20 avril elle

arrive à 37°. De même quantité d'urine a augmenté régulièrement jusqu'à

la normale et l'albumine n'existait plus le 16 avril.

A cause de la rétention d'urine, on a dû la sonder tous les jours jusqu'au

18 avril.

22. La jeune femme se plaint de douleurs il la partie postérieure du

memhre inférieur gauche. Ces douleurs spontanées s'exagèrent .quand oh

comprime le pli du genou, le mollet ou le pied correspondant.

Les jours suivants les douleurs augmentent tellement d'intensité, qu'on est

obligé de lui donner des analgésiques et des opiacés en grande quantité. La

malade souffre tellement qu'elle ne peut faire aucun mouvement que nous lui

demandions avec le membre malade, et elle nous empêche de lui toucher son

membre. ,

4 mai : Le membre inférieur garde la position qu'il a prise dès le début de

FIG. 1.

23 NOICA ET ZAUARESCU

l'apparition des douleurs, c'est-à-dire que la malade tient le genou légèrement

fléchi, et la jambe renversée en dehors, le pied s'appuyant sur le lit par son bord

externe, tandis que sa face interne regarde légèrement en dedans, la pointe du

pied est tombante. Cette chute du pied est permanente, même quand nous lui

demandons de le soulever, comme elle fait d'ailleurs avec le pied sain (fig. 1) ;

mais la malade peut abaisser le pied malade si nous lui soulevons passivement

la pointe du pied. Elle est incapable de tourner le pied en dedans, si nous l'avons

redressé d'avance, mais la malade peut faire un loger mouvement de rotation

en dehors. Les orteils sont immobiles, tombants et tous sur le même plan. Les

mouvements dans les articulations du genou et de la hanche sont conservés.

Les réflexes rotulien et achilléen sont conservés.

Le réflexe plantaire de flexion est très diminué et l'excitation avec l'épingle

réveille des douleurs sensibles à la malade.

La sensibilité superficielle objective est conservée pour le toucher, tandis que

pour la douleur, il existe de l'hyperalgésie, on constate aussi une légère dyses-

thésie pour les sensations thermiques sur le bord externe du pied.

Du côté du membre inférieur droit on n'observe rien d'anormal.

Les dimensions de la jambe gauche à l'endroit du tiers moyen mesure

23 cent. 5, et la droite au même niveau 24 cent. 5.

8. Au courant faradique, les muscles jambiers antérieurs, extenseur

propre du gros orteil, extenseur commun des orteils ne réactionnent pas. Au

contraire les muscles péroniers et les muscles postérieurs de la jambe réaction-

nent bien.

An courant galvanique, les muscles qui ne réactionnent pas au courant fa-

radique, réactionnent à ce courant, et même plusieurs à la fois. Même avec

des courants faibles avec lesquels on produitdes réactions uniminusculaires du

côté droit, on ne peut pas provoquer des contractions bien limitées à un seul

muscle. De plus ces contractison, contrairement à celles du côté sain, sont

tentes et traînantes. Il existe par conséquent des phénomènes de réaction de

dégénérescence complète dans les muscles jambier antérieur, extenseur propre

du gros orteil et dans l'extenseur commun des orteils.

On recommande à la malade des massages, des bains et de l'électrisation

avec des courants galvaniques bien faibles.

18. - Les douleurs ont cessé presque complètement, sauf une certaine sen-

sation de brûlure sur la plante du pied.

20. - La malade commence à marcher, mais elle steppe avec le pied gau-

che, car il lui est impossible de soulever la pointe du pied.

23. La malade très améliorée quitte la Maternité, mais toujours steppant.

On l'a revue au mois d'août, dans un état légèrement plus amélioré qu'à la

sortie.

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l'index bibliographique à la dernière page.

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Bonnaihe et ROSEVZ\Vi'r7·· - Névrites transitoires de la puerpérrtlilé. Presse médicale,'

1909, no 75, p. 651.

P. S. Nous remercions Mme le D' Rainer pour l'obligeance qu'elle a eue, de nous

avoir aidé dans ces renseignements bibliographiques.

FACULTÉ DE MÉDECINE DE LYON

PARALYSIE ISOLÉE DU LONG EXTENSEUR

PROPRE DU POUCE

PAR

CLUZET,

Professeur de physique médicale

L. NOVÉ-JOSSERAND,

Chef de laboratoire de clinique

a la faculté de médecine de Lyon.

Dans la clinique du Prof. G. Roque, nous avons observé le cas suivant

qui nous a paru digne d'être publié.

Observation (PL XXXVII).

Homme de 63 ans, ayant toutes les apparences de la santé. Sa mère est morte

à 82 ans d'une broncho-pneumonie, à la suite d'une fracture du col du fémur ;

son père, à 79 ans, d'affection indéterminée ; il était asthmatique. Ses frères

et soeurs sont bien portants ; un frère est diabétique et porteur de rhuma-

tismes.

Personnellement : bonne santé dans l'enfance ; de même pendant qu'il a fait

les campagnes de 1870. A aucune époque de sa vie il n'aurait fait usage immo-

déré d'alcool ou de vin. Marié, il a eu un enfant qui mourut à 6 mois d'affec-

tion indéterminée, en nourrice. La femme du malade est bien portante, mais

obèse. Le malade nie la syphilis. Il a exercé les professions de maçon et de

menuisier depuis l'âge de 20 ans jusqu'à celui de 33 ans. A cette époque il

entre comme valet de chambre au service d'une famille de collectionneurs ; là

son rôle consistait surtout à entretenir les meubles d'art en excellent état. De

33 ans à 60 ans il frotte donc les meubles, au nombre de trois ou quatre par

jour, consacrant une heure ou une demi-heure à chacun, suivant leur gros-

seur, à l'aide presque exclusif du pouce gauche, qui était pendant une

moyenne de trois à quatre heures par jour au contact d'une solution de cire

dans de l'essence de térébenthine additionnée d'une faible quantité d'alcool.

Pendant ces vingt-sept ans, on ne relève pas de trace certaine d'alcoolisme,

ou d'oenilisme, ni d'intoxication même fruste par l'oxyde de carbone ; le malade

couchait dans une chambre sans feu et à distance de. la cuisine ; il ne passait

dans la cuisine que peu de temps. A signaler cependant chez lui des maux de

tête assez fréquents, et surtout pendant dix ans des crises douloureuses gastri-

ques, à type Iryperclrlorydrique, survenant la nuit vers heure du matin et

l'après-midi à 5 heures ; jamais de vomissements. Il y a cinq ans, séjour dans

le service de M. le Prof. Jaboulay, qui parla d'une opération que le malade

Nouvelle Iconographie DE la Salpêtrière.

T. XXVI. Pl. XXXVII

PARALYSIE ISOLÉE DU LONG EXTENSEUR PROPRE DU POUCE

, (Chizet et Nové-Josseralld).

Masson & Cie, Éditeurs.

PhototH)I Beiiliaud - Pans

PARALYSIE ISOLÉE DU LONG EXTENSEUR DU POUCE 235

refusa ; on ne peut avoir plus de détails ; en tout cas, pas d'amaigrissement,

et le malade fut soulagé par la médication alcaline et du charbon.

Il y a quatre ans le malade tomba d'un marchepied sur le pouce gauche en

flexion ; seul un endolorissement passager en résulta, sans fracture ni luxation

ni raideurs ni paralysie ou parésie consécutives.

Il y a trois ans il quitte sa place, cesse de frotter les meubles, devient ren-

tier, et se faisant bâtir une petite maison, aide les maçons et les menuisiers.

Il ne manie pas de plomb ; il ne boit pas d'alcool ni de vin pur. Son estomac

ne le fait plus souffrir. Il a quelquefois froid aux doigls, mais pas plus qu'au-

trefois en hiver, et n'a pas de fourmillements. Jamais de traumatismes ayant

pu sectionner ou écraser un des nerfs de la main.

Affection actuelle. Il y a environ deux mois et demi, le malade fait 15 kilo-

mètres en automobile un jour qu'il faisait très froid ; il garde pendant tout ce

temps sa main gauche devant son cou pour tenir son col fermé, et son pouce

fut de ce chef exposé à un froid très vif. Trois heures après, chez son tailleur,

il tenait une étoffe entre le pouce et l'index gauches, lorsqu'il ressentit une

« piquée » dans le coude gauche au niveau de la tête du radius et une autre

« piquée » au poignet, vers l'apophyse styloïde du radius, et aussitôt son pouce

ne put plus se mettre en extension, se dresser droit perpendiculairement à

l'axe anti-brachial. Il eut beau frictionner le pouce, appliquer des pommades,

tout fut inutile et la paralysie persista telle quelle, les jours suivants.

Examen DU malade.

Système nerveux :

Sensibilité : est intacte à la face, au tronc, aux membres supérieurs et infé-

rieurs, à tous ses modes, objectivement et subjectivement, même au niveau

du pouce.

Motilité : est intacte à la face, aux yeux, au voile du palais, aux membres-

inférieurs et aux membres supérieurs dans ses trois segments. Au dynamo-

mètre, main droite : 26 kilogrammes ; main gauche : 28 kilogrammes. Le

malade est aussi bien gaucher que droitier.

Pouce gauche : tous ses mouvements de flexion, d'adduction et d'opposi-

tion sont conservés. Seul le mouvement d'extension du pouce est aboli ; la taba-

tière anatomique ne peut plus être creusée.

Réflexes tendineux : achilléens, rotuliens, conservés ; le phénomène de

l'orteil se fait en flexion des deux côtés. Les réflexes radiaux de flexion de

l'avant-bras sur le bras, et d'extension en masse de la main sur l'avant-bras

sont conservés des deux côtés.

Organes des sens : normaux ; rien au fond d'oeil ; pas de stigmate d'hystérie.

Appareils splanchniques : rien à signaler d'anormal. Pas de sucre, pas d'al-

bumine.

Examen électrique : L'examen électrique, effectué successivement au moyen

des décharges de condensateurs, des courants faradiques et des courants galva-

niques,, montre que les réactions sont normales pour les nerfs et pour tous les

muscles, à l'exception du long extenseur du pouce gauche. Ainsi, la décharge

231) CLUZET ET NOVÉ-JOSSERAND

de 2 centièmes de microfarad chargés à 110 volts et la fermeture (pôle négatif)

d'un courant de 2 milliampères déterminent, des deux côtés, le seuil apparent

de l'excitation pour le nerf radial au bras, le court extenseur et le long abduc-

teur du pouce, l'extenseur propre de l'index et l'extenseur commun, les nerfs

cubital et médian au poignet, l'adducteur du pouce, les interosseux, les fléchis-

seurs, les muscles des éminences thenar et hypothénar. De même, les muscles

du tronc, des bras et des membres inférieurs, les nerfs sciatiques présentent

une excitabilité normale.

Au contraire, le long extenseur du pouce gauche est inexcitable, soit au

moyen des courants faradiques les plus forts, soit au moyen des plus fortes

capacités (1200 cent. de microf. chargés à 110 volts), soit enfin au moyen d'un

fort courant continu (25 milliamp.) (1). Cette inexcitabilité est d'autant plus

frappante que le long extenseur propre du côté opposé est normal : l'excita-

tion faible de celui-ci fait apparaître très nettement l'extension des dernières

phalanges du pouce droit, leur rapprochement du 2° métacarpien et, en même

temps, la saillie du tendon qui limite la tabatière anatomiqne en dedans.

Que faut-il conclure de ce résultat de l'examen électrique ?

D'une manière générale, l'inexcitahilité électrique est la preuve d'une dispari-

tion à peu près complète des fibres musculaires : on peut admettre que, dans

le cas actuel, les fibres qui subsistent encore sont incapables de produire par

leur contraction une saillie apparente du tendon ou un mouvement correspon-

dant du pouce.

On peut être surpris de constater cette inexcitabilité, et par suite cette dis-

parition à peu près complète du muscle, deux mois et demi seulement après le

début de la paralysie ; on aurait pu s'attendre à trouver encore soil une exci-

tabilité normale ou légèrement modifiée, soit la DR partielle ou la DR totale.

Mais on n'est pas certain que l'affection est récente. Comme elle n'atteignait

qu'un muscle isolément, elle a pu ne se révéler d'une manière sensible que

lorsque celui-ci a été en grande partie dégénéré. De plus, il y a une difficulté

technique qui doit entrer en ligne de compte. Le long extenseur du pouce est

peu volumineux et ses fibres sont profondément situées au-dessous du cubi-

tal postérieur et des extenseurs des quatre derniers doigts ; aussi, il est impos-

sible de voir le gonflement du muscle pendant sa contraction, gonflement qui

serait peut-être encore apparent si l'on avait affaire à un muscle plus volumi-

neux ou superficiel.

Quoi qu'il en soit, en raison de l'absence de la réaction de dégénérescence,

l'examen électrique seul ne permet pas de conclure à l'existence d'une lésion

du neurone moteur périphérique. Cependant, comme l'inexcitabilité observée

peut être la suite d'une DR passée inaperçue, le diagnostic de névrite peut par-

faitement être accepté.

Considérations cliniques. Ce malade présente une paralysie du mou-

vement d'extension du pouce ; l'adduction reste intacte, ainsi que la flexion

(1) La réaction longitudinale n'existe pas.

PARALYSIE ISOLÉE DU LONG EXTENSEUR DU POUCE 237

et que les mouvements d'opposition du pouce ; tels sont les phénomènes

qui s'imposent d'emblée à l'observation.

L'examen électrique, dont nous soulignons l'importance, s'il ne clôt

pas d'emblée toute discussion sur la nature de cette paralysie, apporte, on

va le voir, au débat, des éléments de diagnostic très précieux. Il nous per-

met, de préciser que le muscle long extenseur du pouce gauche est le

seul paralysé. C'est donc, non seulement, une paralysie isolée, du pouce,

mais encore une paralysie dissociée, élective car elle a respecté tous les

muscles du pouce à l'exception d'un seul ; mieux encore, parmi les 3 mus-

cles du pouce innervés par le radial (long abducteur, court extenseur) elle

a choisi un seul d'entre eux. En possession de cette certitude, nous pouvons

rechercher la nature et le siège de cette paralysie.

Il ne s'agit sûrement pas d'une paralysie hystérique. L'absence de tout

stigmate et les résultats de l'examen électrique en font foi. Nous ne som-

mes certainement pas en présence d'une paralysie organique Ce n'est pas

non plus, une paralysie d'origine cérébrale corticale. Le tableau clinique

qu'a tracé des paralysies corticales du pouce Lemonon dans sa thèse (1),

ne ressemble pas du tout à celui que notre malade a présenté ; chez lui ni

hémiplégie, ni ictus. En outre, les réactions électriques des muscles para-

lysés, avec ou sans atrophie, chez l'hémiplégique ne sont généralement

pas modifiés ou le sont très peu ; quant à celles des nerfs périphériques,

les auteurs s'accordent pour les considérer comme normales (2).

Enfin on peut affirmer que celte paralysie n'est pas due à une section

nerveuse, le malade n'ayant reçu- aucun coup d'un instrument tranchant

ou contondant sur le membre supérieur. Il est au contraire permis d'hé-

siter entre une lésion primitive du muscle, une myopathie au sens étroit

du mot et une lésion du neurone périphérique (nerfs ou cellules du cen-

tre trophique médullaire). Ici, l'examen électrique est impuissant à ré-

soudre le problème.

En effet, dans les myopathies primitives, les altérations de l'excitabilité

électrique des muscles ne se traduisent généralement pas par la réaction

de dégénérescence. Les réactions électriques restent en général normales,

et conservées, même dans des cas anciens ; quand elles sont diminuées

elles le sont seulement quantitativement et au prorata de l'atrophie ; enfin

parfois et exceptionnellement, le phénomène révélé par l'excitation fara-

dique ou galvanique de muscles très atrophiés est une diminution telle

de l'étendue et de la puissance de la contraction qu'elle peul paraître

(1) Les paralysies corticales du pouce, Thèse de LEMONON, Lyon, 1907.

(2) Art.' Hémiplégie, in Traité de Pathologie de BI10UARDEL, GILBERT et Tlio1\0'C, par

P. Marie et A. LERI, p. 328.

XXVI )Ci

238 CLUZET ET NOVÉ-JOSSERAND

manquer totalement (1). Or, ici l'examen électrique pratiqué par l'un

de nous laisse la porte ouverte à cette interprétation. Les réserves justi-

fiées insérées dans le compte-rendu montrent qu'il n'est pas impossible

que quelques fibres musculaires excitables restent au sein du muscle,

alors que tout se passe au contraire, comme s'il n'en restait point, en rai-

son des difficultés matérielles qu'il y a à percevoir des contractions aussi

diminuées. Malgré tout, nous inclinons peu à admettre une myopathie

primitive. Notre cas en serait une forme à coup sûr bien étrange.

Devons-nous plutôt considérer celte paralysie comme le résultat d'une

névrite ? Il est vrai, non seulement il n'y a pas de réaction de dégénéres-

cence, mais encore il n'y a pas de réactions électriques du tout. Au début

des névrites, il peut ne pas y avoir de DR nette ; dans les névrites confir-

mées, elle est plus ou moins marquée mais en général constante. Peut-on

concevoir qu'à la fin des névrites, lorsque le nerf a disparu, elle vienne à

céder la place à une absence totale de n'importe quelle réaction ? Cela se

voit effectivement, notamment dans certains cas très accentués de névrites.

Il est plausible de penser qu'une névrite latente a évolué pendant de longs

mois chez notre malade ; un examen électrique aurait sans doute alors re-

levé une DR. Une fois la dégénérescence complète la paralysie serait ap-

parue d'une manière apoplectiforme et il était alors trop tard pour qu'une

réaction électrique quelconque fût décelable.

Nous n'envisagerons pas l'hypothèse d'une poliomyélite localisée au

noyau du long extenseur, d'une hematomyélie, etc.; l'existence de ces

affections chez notre malade, sinon impossible, est trop incertaine.

C'est, en somme, la névrite qui nous parait être ici la lésion la plus

probable.

Considérations sur l'éliologie. Très difficile aussi à élucider est l'é-

tiologie de cette paralysie : aucun traumatisme, aucune section nerveuse.

On ne voit pas du tout d'infection à incriminer. Quant aux intoxications,

on ne saisit pas très nettement celle a laquelle le malade aurait été sou-

mis, hormis, peut-être, l'action de la térébenthine combinée à l'alcool

qu'il manipulait. On pourrait concevoir ainsi l'influence nocive de ces

agents chez lui, la peau de ses mains aurait absorbé ces substances, dans

l'exercice de sa profession. Mais elles n'auraient pas agi par action directe

en raison des objections suivantes que cette interprétation ne manque-

rait pas de soulever. Il se'servait de ses deux mains, quoique plus sou-

vent de la gauche ; une seule est atteinte. L'agent nocif était absorbé par la

peau de l'éminence thénar ; or ce ne sont pas ces muscles qui sont atteints,

mais un muscle dont la masse charnue estanti-brachiale. Ce n'est donc

(1) Maladies des musclés, in Traité de Pathologie de Brouardel, Gilbbrt et TuoINoT !

par MARiNEsco, p. 20.

PARALYSIE ISOLÉE DU LONG EXTENSEUR DU POUCE 239

pas par l'action directe de la térébenthine sur le muscle et les terminai-

sons nerveuses, après absorption par la peau, que le corps chimique a pu

agir, mais par l'intermédiaire d'une intoxication générale, la térébenthine

étant très bien absorbée par la peau (1) ; en outre elle l'est aussi parfaite-

ment par le poumon et nul doule que le malade n'en ait absorbé ainsi, la

tête penchée sur son travail.

L'essence de térébenthine ne paraît pas compter, il est vrai, au nombre

des poisons électifs des nerfs; dans l'intoxication chronique profession-

nelle on ne signale pas de névrites (2) ; parmi les causes des névrites loca-

lisées expérimentales (3) on ne parle pas de la térébenthine. Nous n'avons

pu, il est vrai, consulter sur ce point, le travail américain de Carlhysur

a les changements produits dans les nerfs périphériques par l'application

de substances toxiques sur la peau ». Aussi ne devons-nous pas considé-

rer comme négligeable la dose d'alcool, toujours faible il est vrai, que le

malade ajoutait à son essence, et qu'il absorbait par les voies aériennes,

et sans doute aussi par les téguments externes. '

On sait en effet que l'intoxication chronique par l'alcool peut être réa-

lisée par l'inhalation, dans certaines conditions spéciales. C'était le cas,

par exemple, de deux jeunes femmes observées dans son service par M. le

Dr Bonnet (4) ; elles y étaient entrées pour des névrites des membres in-

férieurs contractées dans l'exercice de leur profession qui consistait à

vernir des chaises dans des locaux insuffisamment ventilés et dont l'air se

chargeait continuellement d'émanations alcooliques.

Il nous paraît ainsi que s'est réalisé chez lui, une intoxication générale

mixte où l'alcool a joué le plus grand rôle, quelque petite qu'ait pu être

la dose absorbée chaque fois, car ce fut tous les jours plusieurs heures par

jour et pendant 27 ans.

Que la paralysie n'ait frappé qu'un seul muscle de l'économie, cela

n'est pas si étonnant qu'il peut paraître de prime abord. L'étude de di-

verses névrites toxiques, les saturnines par exemple, nous a appris que

les muscles les plus surmenés étaient les premiers à se paralyser et pen-

dant longtemps, les seuls à l'être. Or, chez notre sujet nul doute qu'il

ait été l'objet d'un surmenage ancien, professionnel, prolongé des années et

très accentué en raison de l'effort à fournir et qui portail surtout sur

l'extension. L'exposition au froid qui a précédé l'apparition foudroyante

(1) Soulier, Traité de Thérapeutique, t. 1, p. 145.

(2) Art. Térébenthine, du Dict. Encyclopédique des Sciences Médicales, t. 95, p. 427.

(3) Art. Névrites, par DURANTE, in Traité d'Histologie pathologique de CORNIL et

HANVIER, t. 3.

(4) Névrites périphériques par intoxication alcoolique professionnelle chez des

vernisseurs de chaises. - Communication orale de M. Boninet, médecin des hôpitaux.

faite à la Société Médicale des hôpitaux, le 4 mars 1913.

240 CLUZET ET NOVÉ-JOSSERAND

de la paralysie ne fut qu'une circonstance occasionnelle ; le terrain était

depuis longtemps préparé, ce qui nous explique l'absence complète des

réactions électriques, l'inexcitabilité absolue du muscle paralysé environ

2 mois et demi seulement après le début apparent de l'affection, et alors

que la cause de l'intoxication avait cessé déjà depuis à peu près 3 ans.

Les ouvrages médicaux français n'ont pas enregistré de cas semblables

au nôtre, à noire connaissance du moins. Notamment les thèses parisien-

nes déjà anciennes, d'OEttinger (1) et de l3oisvert (2) sur les paralysies

alcooliques ne contiennent aucune observation se rapprochant de la nôtre

par une électivité aussi grande de la paralysie.

A défaut de faits semblables, nos recherches, forcément incomplètes, nous

ont mis en présence de cas analogues. Ho/jmann (3) a publié une observa-

tion de paralysie alrophique isolée du nerf musculo-cutané, très exacte-

ment limitée à ce nerf. Malheureusement l'examen électrique manque. L'é-

tiologie est imprécise. Il ne trouve à incriminer que le surmenage, «à à

moins dit-il, d'admettre une névrite spontanée, fait sans précédent n.

Souques et Castaigne (4) on[ observé une paralysie isolée du muscle

grand denlelé. Ils signalent que les réactions faradiques étaient nulles, les

réactions galvaniques presque nulles, dans le muscle, et que l'excitabilité

du muscle par le nerf était extrêmementdiminuée. Notre cas est tout fait

comparable au leur à ce point de vue, bien que l'absence de réaction soit

dans le nôtre plus absolue. « Il est possible, disent-ils, que la paralysie

du muscle soit incomplète, mais les excitations les plus fortes que peut

supporter le malade ne donnent rien.» Comme étiologie, ils admettent

la fièvre typhoïde à la base de cette névrite. Mais pourquoi l'intoxication

s'est-elle localisée ainsi ? Ils font une grande place à la fatigue musculaire :

« le rôle du surmenage est hors de doute » ; et à ce sujet ils rappellent que la

paralysie des tambours, d'après les travaux de Bruns et Zender, est locali-

sée aux muscles du pouce gauche et due à leur excès de fonctionnement.

Au surplus, parmi les cas connus de paralysie isolée da grand denlelé, la

grande majorité n'a aucune étiologie précise : l'effort, la fatigue, le froid,

ou même une absence totale de circonstances étiologiques, voilà ce qu'on

peut relever dans la plupart des observations de celle curieuse affection.

Peut-être une intoxication alcoolique, facile à méconnaître en raison

des circonstances particulières qui l'auraient entourée, expliquerait-elle,

(1) Elude sur les paralysies alcooliques à type de névrites multiples. Thèse de

OETTINGEII, Paris, 1885.

(2) Etude clinique des formes atténuées de la paralysie alcoolique : paralysie d'un

seul nerf. Thèse de BOISVFRT, Paris, 1888.

(3) Archives de Neurologie, 1902, t. I, p. 318.

(4) Contribution à l'élude de laparalysie isolée du muscle grand dentelé, Nouv. Icon.

de la Salpêtrière, 1899.

PARALYSIE ISOLEE DU LONG EXTENSEUR DU POUCE 241

au fond, ces paralysies à étiologie si imprécise et attribuées, bien à re-

gret, au seul surmenage, par les auteurs qui en ont publié des exemples ;

tel par exemple, le cas d'nonmann où il en est réduit il émettre l'hypo-

thèse d'une névrite spontanée, tout en reconnaissant le peu de consis-

tance d'une telle supposition ; tels aussi ces paralysies du pouce des jeunes

tambours.

Au moins, notre observation si elle n'établit pas absolument surdesba-

ses scientifiques l'étiologie alcoolique de ces paralysies si localisées, d'al-

lure si curieuse, aura du moins montré la difficulté du problème et attiré

l'attention sur l'intérêt qu'il y aurait par des études dirigées dans ce sens

à creuser l'étiologie de ces paralysies localisées à l'extrême et dites « de

surmenage».

En terminant, insistons sur le pronostic sévère de la paralysie que nous

avons observée ; la fonction parait devoir ne se rétablir jamais ; le traite-

ment électrique est resté sans effet ; la paralysie, aussi complète qu'au

premier jour, semble définitive.

TROUBLES DE L'ÉCRITURE PAR ARTHROPATHIE DE

L'ÉPAULE CHEZ UN TABÉTIQUE

PAR

MANHEIMER GOMMÈS.

Chez les névropathes, dont les observations sont en général si soigneu-

sement prises, on ne-recherche pas assez, en généra l,les signes fournis par l'

l'écriture. On y relève cependant, souvent, de curieuses particularités,

diagnostiques.Ainsi l'écriture des tabétiqdes porte en elle des caractéristi-

ques nettes, qui permettent de la reconnaître à l'examen le plus rapide.

M. de Fursac mentionne : les crochets irréguliers comme fréquence et

comme amplitude, modifiant brusquement la direction des traits, une

remarquable irrégularité des dimensions des lettres différentes et aussi,

dans les parties différentes d'une même lettre, des traits supplémentaires

résultant des écarts de plume. On le voit par le spécimen ci-joint (fig. 1)

provenant d'un tabétique dont nous allons publier une brève observation.

Dans cette écriture, les signes d'incoordination sont très nombreux. Les

plus caractéristiques à noter sont les crochets de inférieurs, la forme bizarre

de a de aucun, l'ébauche de e d'environ et du d de douleurs. - Une

pareille altération du graphisme a pour cause à la fois la contraction dés-

ordonnée des muscles moteurs des articulations des doigts ou du poignet,

elle trouble du sens musculaire, la diminution, perle ou perversion dé

Fig. i.

TROUBLES DE L'ÉCRITURE PAR ARTHROPATHIE DE L'ÉPAULE 243

la sensibilité influant sur tous les mouvements réflexes automatiques et

volontaires.

Nous venons d'observer un trouble scriptural encore plus accentué. Le

cas en est d'autant plus intéressant, d'autantplus facile àsuivre, que le

malade dont il s'agit est un comptable, vivant uniquement de son métier,

et ayant, cela va sans dire, une grande habitude delà plume. -Il a 40 ans,

son chancre date de 1892, ses troubles urinaires (lenteur de miction), de

1900, et les douleurs fulgurantes, dans les membres inférieurs, de 1902.

- Signes de tabes classiques à début lombaire. Parésie de la Ille paire.

Les membres supérieurs sont aussi pris actuellement (surtout le gauche) :

abolition des réflexes du poignet et du coude, astéréognosie, signe de

Biernacki, engourdissement dans la zone du cubital. - Notre traitement

a consisté en des injections intrarachidiennes d'électromercurol qui pa-

raissent avoir donné une amélioration dans la marche, par suite d'une

meilleure équilibration.

Le 5 novembre dernier, le malade vient nous revoir, pour une compli-

cation imprévue, une impossibilité d'écrire qui vient de se constituer en

l'espace de quelques jours, accident qui le désole, naturellement, car il

s'est vu, depuis, obligé de prendre à son bureau un aide comptable,

étant incapable de « rien entreprendre par lui-même ».

Nous le faisons mettre à une table, et voici le spécimen de son écriture

il ce moment (fig. 2).

On remarquera que plusieurs lettres sont absolument méconnaissables,

certains mots (I3agzolet) presque illisibles, le tremblement, les crochets,

les zig-zags sont des plus accentués. Les lignes n'ont plus aucune direc-

tion.

Quelle est, ici, la cause efficiente du trouble ? ' ?

Nous faisons déshabiller le malade,un peu malgré lui, après cette consta-

tation que la main ni le poignet n'ont rien. Avant-bras, coude, bras, égale-

ment normaux. Mais en recherchant les mouvements de l'épaule, on voit le

Feu. 2.

244 MANHEIMER GOMMÉS

creux sous-claviculaire légèrement bombé dans sa partie la plus externe.

L'élévation du bras, possible jusqu'à l'horizontale, est impossible au-des-

sus. L'adduction en arrière et en bas est limitée. Par le palper de l'épaule

joint à la mobilisation du bras, on sent une crépitation sourde. La tête de

l'humérus est légèrement en avant et en dedans, c'est une luxation très

incomplète d'ailleurs -dans la direction sous-coracoïdienne.

On saitcombien, dans le tabès, les arthropathies obscures, latentes, non

douloureuses, sont fréquentes, qu'elles viennent d'une lésion des cornes

antérieures, du bulbe, ou d'une névrite périphérique. De plus l'épaule

est une des articulations les plus fréquemment touchées, par le peu de

profondeur de sa cavité glénoïde,le relâchement relativement facile de ses

ligaments capsulaires, assez lâche et intra-articulaire, enfin l'hypotonie

musculaire habituelle aux tabétiques. De là les luxations, sl1bluxations et

dislocations diverses, sous l'effet du trauma ou même spontanément.

On comprend comment, dans un cas de ce genre, le graphisme, déjà

déformé, du tabétique cervical a subi une altération plus profonde en-

core : la libre et facile abduction du bras, donnée par l'épaule, est essen-

tielle pour l'écriture d'une ligne entière et le passage aux lignes inférieu-

res. Déplus, le pivotage sur le coude mis en jeu dans toute la durée de

l'écriture, a besoin d'un bras solidement fixé par les muscles scapulaires.

De cela, la preuve nous a été facile à fournir immédiatement. Nous ré-

duisons en effet très aisément, et en maintenant solidement avec la paume

de la main, nous sentons la région reprendre sa forme normale Chose cu-

rieuse, l'écriture faite à ce moment même sous nos yeux, reprend son ca-

ractère habituel. Nous avons alors l'idée de faire maintenir cette fixation

par des procédés orthopédiques appliqués tout au moins pendant les pério-

des delà journée où le malade travaille. Nous conseillons une bande élas-

tique, de 5 à 6 centimètres de large sur mètres environ de long, faisant le

tour du corps, prenant point d'appui sur la taille, et, par un renversé,

comprimant la face antérieure de l'épaule droite. Ce bandage ne doit, sem-

ble-t-il, provoquer aucune gêne, il sera facile de s'y habituer, il aidera

même les autres mouvements de la main.

Ces vues se sont trouvées confirmées. Le bandage très simple et peu

coûteux, a été fabriqué par le malade lui-même. Il le met pour s'en

aller au travail et le retire le soir. z

Comme nous n'avons pu retrouver dans les auteurs d'observation de

ce genre, elle nous a semblé intéressante à publier.

SERVICE DES MALADIES NERVEUSES DE L'HOPITAL JUIF A ODESSA

D' J. M. BAÏMISTE.

LES MODIFICATIONS DANS LA MOELLE ÊPINIÈRE AU

COURS DES TUMEURS SIÉGEANT DANS LA FOSSE POS-

TÉRIEURE DU CRANE -

PAR

J. M. RAIMISTE et M. NEID1NG

Le syndrome complexe produit par les tumeurs siégeant dans la fosse

postérieure du crâne présente certains signes dont l'origine ne peut

tre expliquée par les seules modifications constatées dans les tissus

environnant] la tumeur, mais plutôt par le dérèglement des fonctions de

parties du système nerveux assez éloignées et notamment de la moelle

épinière. Nous pouvons rattacher à ces signes les troubles de la mic-

tion, le malade se trouvant en pleine conscience, l'abolition des réflexes

rotuliens et les douleurs lombaires, tous symptômes se rencontrant assez

souvent au cours des tumeurs siégeant dans la fosse postérieure du crâne.

Les recherches anatomo-pathologiques pourraient sûrement nous donner

l'explication de la genèse des susdits symptômes.

On a publié jusqu'à présent si peu de travaux consacrés à ce sujet que

nous nous sommes décidés à nous en occuper.

Ce travail est basé sur l'examen de trois moelles dorsales, appartenant à

trois malades dont l'histoire clinique est cilée plus loin.

Après avoir traité nos moelles par la solution de bichromure de potas-

sium à 3 0/0, nous les avons colorées d'après Van Gieson et Weigert-Pal

(modification Kulschitzky).

Etant donnée la pénurie des travaux consacrés à ce sujet et la diversité

de leurs résultats, nous avons résolu de ne nous occuper'quede la recher-

che des modifications assez grossières de la moelle épinière (ce n'est

qu'après l'étude détaillée de ces modifications qu'on pourra se consacrer à

l'examen des lésions plus fines dans la structure fibrillaire et de Nissl de

la cellule nerveuse).

La conservation assez prolongée de nos moelles dans la solution de for-

246 RAIMISTE ET NE1DING

maline nous a rendu impossible de les préparer d'après la méthode de

Marchi.

Avant la description des résultats de l'examen microscopique, nous ex-

poserons d'abord brièvement l'histoire clinique de nos trois malades.

Premier cas. M. N..., juif, âgé de 26 ans, entre dans le service des mala-

dies nerveuses le 19 février 1907. Il y a un an qu'il a ressenti des douleurs

dans la moitié droite de la nuque, suivies d'accès de vertiges : quelques

semaines plus tard bourdonnements dans l'oreille droite, affaiblissement de

l'ouïe du même côté, paresthésies dans la moitié droite de la face et parfois la

diplopie. Six mois avant son entrée à l'hôpital, vomissements fréquents et diffi-

culté à avaler ; cinq mois après, démarche titubante et ébrieuse.

Etat actuel.- Névrite optique gauche (1). Le fond de l'oeil droit est impossible

à examiner à cause d'un ulcère et de l'opacité de la cornée. Kératite neuroparaly-

tique de l'oeil droit. Nystagmus insignifiant horizontal de deux yeux. Hypoesthé-

sie du Ve à droite. Réflexe cornéen du côté droit 0, du côté gauche -1-. Atrophie

du muscle masséter droit et du muscle temporal droit avec diminution de l'ex-

citabilité électrique. Parésie du nerf facial droit. Abaissement notable de l'ouïe

du côté droit. Les réflexes rotuliens et achilléens sont à droite < qu'à gauche.

Hémiparésie insignifiante gauche. Le malade ne se tient pas debout sans l'aide

d'autrui ; il est noté chez lui aussi la tendance à tomber à gauche, quand il

reste debout; quand il marche, il traîne la jambe gauche ; la ligne de sa

marche présente une déviation à gauche.

Avec le diagnostic, « tumeur de la région du Ville droit (Kleinhirnbrûcke-

winkeltumor) se dirigeant d'une part vers la moitié correspondante du cervelet

et d'autre part vers la moitié droite du pont», le malade est envoyé dans le ser-

vice de chirurgie du Dr Silberberg. L'opération du trépan fut pratiquée le

5 mai 1907 sans que la tumeur fût trouvée. Le 21 mai mort subite du malade.

L'autopsie a donné le tableau suivant (2) :

La dure-mère est très tendue, la pie-mère est exsangue. Le pont de Varole

est un peu déplacé à gauche ; sa moitié droite est notablement reculée en

arrière par une tumeur, occupant la surface externe de la moitié droite du pont

et faisant corps avec l'hémisphère droit du cervelet, couvrant le tiers de sa sur-

face antérieure. La néoformation est dure au palper, du volume d'un oeuf de

pigeon. La moelle épinière et ses enveloppes ne présentent macroscopiquement

rien d'anormal.

L'examen microscopique de la tumeur a montré que nous avions affaire

à un gliosarcome.

L'examen microscopique des coupes faites sur les segments cervicaux infé-

(1) Nous saisissons l'occasion pour exprimer à M. le Dr L. Rosenfeld notre vive

gratitude pour l'amabilité avec laquelle il a pratiqué l'examen du fond de l'oeil de nos

trois malades.

(2) Les trois autopsies furent pratiquées avec l'aide du prosecteur de l'Hôpital de la

Ville, le D'A. Sineff.

LES MODIFICATIONS DANS LA MOELLE EPINIERE 247

rieurs dénote un oedème des fibres radiculaires antérieures dans leur partie

intramédullaire. L'examen des coupes, prises sur les IVe-Ya segments dorsaux ne

montre rien d'anormal ni dans les cellules, ni dans les méninges, ni dans les

racines. Les substances blanche et grise sont hyperémiées. Le faisceau pyra-

midal latéral est d'une coloration pâle. Des moditications assez notables se

constatent sur les coupes des segments I-II lombaires (fig. 1). Le canal épen-

dymaire est dilaté et'd'une forme irrégulière (L). Tout près de lui on remarque

des espaces périvasculaires assez dilatés ; le vaisseau qui se trouve à leur

centre, est parfois thrombose. La corne gauche antérieure a moins de fibres

que la corne droite. Les racines antérieures, surtout celle du côté droit, sont un

peu oedématiées dans leurs parties intramédullaires. Le même oedème, mais

d'un moindre degré, est aussi noté dans les racines postérieures. Les parties

latérales et dorsales de la préparation sont assez faiblement colorées. La

dégénérescence ne présente pas de caractère systématisé, et les différentes

parties des mêmes faisceaux ont pris une coloration différente.

Deuxième cas. - S. P., juive, âgée de 30 ans, vient dans le service le 4 no-

vembre 1907 pour des bourdonnements dans l'oreille droite, vomissements,

maux de tête et démarche titubante. Ces phénomènes se sont développés chez

elle, au cours des quatre derniers mois, assez lentement.

Etat actuel. - Névrite optique bilatérale. Le fond de l'oeil présente de mul-

tiples hémorragies de dimensions différentes. Nystagmus horizontal des deux

côtés. Le réflexe cornéen gauche est faible. L'ouïe du côté gauche est très affai-

blie.La parole est lente et embarrassée. Ataxie et diadoacinésie de la main gauche

«

(1) Cette dilatation n'est pas suffisamment nette sur le microphotogramme.

Fio. 1

248 RAIJ11SIE ET NEIDING

Hémiparésie gauche assez légère. Les réflexes rotuliens et achilléens sont con-

servés des deux côtés. Pouls 104, respiration 9-10 à la minute, la malade étant

couchée. Nous avons diagnostiqué une tumeur cérébelleuse, probablement

de l'hémisphère gauche. Le 10 décembre l'opération fut proposée à la malade.

Le 12 la malade meurt subitement.

A l'autopsie nous avons constaté que l'hémisphère gauche du cervelet était

une fois et demie plus graude que l'hémisphère droit et contenait dans son inté-

rieur un kyste de la-forme d'un oeuf irrégulier à contenu jaune-paille transpa-

rent où se trouvait un coagulum fibrineux assez mou, du volume d'un pois. Le

kyste avait 4 centimètres de longueur, 3 centimètres de largeur et 2 centi-

mètres 1/2 de hauteur. La surface interne du kyste est lisse et couverte de

petits vaisseaux superficiels, bien développés. Le quatrième ventricule est

assez dilaté et semble être dévié à droite. La moelle épinière ne présente rien

d'anormal.

Examen microscopique. Segments cervicaux inférieurs : hyperémie

de la substance médullaire et surtout de la substance grise. Les espaces péri-

vasculaires et péricellulaires sont dilatés. La partie périphérique des faisceaux

cérébelleux, ainsi que les faisceaux pyramidaux directs et la partie médiane des

cordons de Goll sont' faiblement colorés. Les vaisseaux de la pie-mère sont

dilatés. Rien d'anormal dans le reste.

Sur les coupes prises des IVe-Ve segments dorsaux (fig. 2) on voit une dilata-

tion assez marquée des vaisseaux et surtout de la substance blanche. La plupart

des vaisseaux sont thromboses. Excepté la moitié dorsale des faisceaux posté-

rieurs, toute la préparation présente une faible coloration d'une intensité iné-

gale. Des fibres isolées des faisceaux sont tuméfiées et raréfiées. On rencontre

parfois des espaces vides dont les fibres ont disparu.

l'io. 2.

LES MODIFICATIONS DANS LA MOELLE ÉPINIÈRE 249

Segments lombaires supérieurs (fig. 3). Les racines antérieures présentent

des modifications assez marquées. La partie extramédullaire ne présente rien

d'anormal, tandis que la partie intramédullaire est constituée de fibres tumé-

fiées et séparées les unes des autres. Cette tumescence est plus marquée dans

la partie périphérique de chaque fibre et surtout au point de sa pénétration

dans les enveloppes de la moelle. Des modifications du même caractère et

identiquement localisées - surtout dans la partie périphérique - sont égale-

ment notées dans les racines postérieures. Ici aussi nous observons plus de

modifications au point de pénétration des fibres radiculaires dans les méninges.

Somme toute, les racines antérieures out subi plus de modifications que les

racines postérieures. Le côté dorsal et dorsolatéral de la préparation se colore

faiblement. Les vaisseaux de la pie-mère sont distendus et gorgés de sang.

Troisième cas. G., juif, âgé de 40 ans, entre dans le service le 5 novem-

bre 1907 (1). On note chez lui des bourdonnements dans l'oreille gauche depuis

un an et demi et la perte progressive de l'ouïe du même côté. Un an et demi

après le début de la maladie : céphalées, vomissements, insomnie, démarche

titubante. La diplopie fut notée quelques mois avant.

Etat actuel. - Papillite double. Le réflexe cornéen est diminué du côté gau-

che. Parésie du trijumeau gauche. Surdité du côté gauche. Parole paresseuse et

embarrassée. Le malade, restant debout et marchant, penche à gauche. Hémi-

(1) Pour la description détaillée de l'histoire clinique de ce cas, req. Neurolog. Cen

tralblatt, 1908, M. Dl 1. Raimiste, Zur Kasuistik der Kleinhirniumoren.

Fia. 3.

250 RAIMISTE ET NEIDING

parésie gauche. Le réflexe rotulien est moins marqué à gauche qu'à droite.

Diagnostic : « Kleinhirnbrückewinkeltumor il gauche». Sous l'influence du

traitement spécifique, amélioration notable et le 22 novembre le malade sort de

l'hôpital. Il rentra de nouveau le 8 avril 1908. Cécité complète. Atrophie papil-

laire des deux côtés. Parésie du nerf facial gauche. Hémiparésie gauche plus

marquée qu'auparavant. Le malade ne peut ni se tenir debout, ni marcher sans

être soutenu. Réflexes rotuliens tantôt + =, tantôt à gauche <qu'à droite.

Le malade - est passé dans le service chirurgical du Dr Silberberg pour l'opé-

ration. II est opéré le 12 avril ; forte hémorragie veineuse au cours de l'opé-

ration. Mort le lendemain.

A l'autopsie nous avons trouvé que la majeure partie de la moitié gauche

du cervelet et notamment ses deux tiers antérieurs sont occupés par une néo-

formation dure, de couleur jaune, ayant la forme et les dimensions d'un oeuf

de poule. La tumeur avait 8 centimètres de longueur et 5 centimètres de lar-

geur et pesait 5 grammes. La moitié gauche du pont et de la moelle allongée

sont déprimées. Le quatrième ventricule est enfoncé et dilaté. La dilatation

marquée est aussi notée dans les autres ventricules. La moelle épinière ne pré-

sente macroscopiquement rien d'anormal. - L'examen microscopique de la

tumeur a montré que nous avions affaire à un gliosarcome.

L'examen des coupes, prises sur les segments cervicaux inférieurs n'a

montré rien d'anormal. L'examen des III 8-Ve segments dorsaux a dénoté un

oedème des fibres des racines antérieures dans leur partie intramédullaire,

surtout marquée au point de leur pénétration dans la pie-mère.

On note aussi des fibres tuméfiées dans tous les faisceaux, ils abondent surtout

dans les faisceaux pyramidaux latéraux. Les. cellules ne présentent rien d'a-

normal. Les segments supérieurs lombaires présentent des modifications des

racines antérieures et postérieures identiques à celles que nous avons obser-

vées dans les segments dorsaux, mais plus marquées. La partie ventrale des

cordons postérieurs prend moins bien les couleurs.

En analysant les modifications microscopiques ci-dessus décrites,

nous pouvons les diviser en deux groupes : 1° modifications notées dans la

substance médullaire proprement dite et 2° modifications du système vas-

oculaire. Nous mettons tout à fait à part la dilatation du canal épendymaire,

noté par nous dans le premier cas. Sa nature reste pour nous encore très

incertaine : est-ce une anomalie du développement de la moelle ou est-

elle produite par la stase et augmentation de la pression du liquide céré-

bro-spinal dans la région lombaire ? Dans nos deux autres cas ainsi que

dans les cas analogues de différents auteurs qui nous sont connus dans la

littérature, le canal épendymaire ne présentait aucune modification ni

- dans sa forme, ni dans sa structure.

En analysant les lésions de la substance médullaire, nous pouvons

constater quej dans aucun de nos cas, en nous servant des méthodes d'exa-

LES MODIFICATIONS DANS LA MOELLE ÉPINIÈRE 251

men habituelles, nous n'avons noté de lésions cellulaires. Batten et Col-

lier (1), qui se sont servi dans leurs neuf cas de coloration par la méthode

de Nissl, n'ont noté, eux non plus, rien d'anormal dans les cellules médul-

laires. Et examinant quatre moelles épinières de malades, qui avaient la

tumeur siégeant dans la fosse cérébrale postérieure, Jacobsohn et Ja-

mane (2) ont noté dans un seul cas l'absence presque complète des cel-

lules de cornes antérieures sur les coupes appartenant à la partie dorsale

inférieure et leur diminution dans la partie lombaire de la moelle.Dans les

trois autres cas, rien d'anormal dans les cellules.

La substance blanche de la moelle n'a présenté, dans aucun des cas,

examinés par nous, de dégénérescence systématisée de type descendant ou

ascendant. Voilà ce qui est plus digne à noter : les fibres d'un même fais-

ceau présentaient une coloration différente.Les fibres moins colorées parais-

saient, à un fort grossissement, tuméfiées; dans quelques préparations on

pouvait même noter des régions absolument privées de fibres.

L'absence de dégénérescence systématisée dans la plupart des cas et le

degré différent des modifications des fibres appartenant au même faisceau,

nous permet à croire que ces modifications dans les faisceaux ne dépend

pas du tout de la pression ou de la destruction produite par la tumeur sur

les voies conductrices voisines.

Des modifications assez marquées furent notées par nous dans les raci-

nes et surtout dans les racines antérieures. Ces modifications figuraient

dans nos trois cas ; elles prédominaient surtout dans le second cas sur les

coupes prises des segments lombaires. Alors que la partie extramédlullaire

des racines ne présentait rien d'anormal, leur partie intramédullaire pré-

sentait des fibres tuméfiées et séparées les unes des autres. L'oedème est

surtout marqué au point où les fibres pénètrent dans la pie-mère ; on y

observe même dans quelques préparations des fibres déchirées. En com-

paraison avec les racines antérieures, les racines postérieures sont moins

lésées. Le caractère des lésions est toujours le même : oedème et désagré-

gation des fibres. Ce n'est que dans un seul cas deJacobsohn et Jamane,

cité par nous plus haut, que nous avons trouvé des lésions des racines

antérieures. L'état des racines postérieures, si intimement lié aux réflexes

rotuliens a surtout fixé l'attention des auteurs. Wollenberg (3) a le

premier trouvé dans un cas de gliosarcome cérébelleux la dégénérescence

(1) BATTEZ and Collier, Spinal cord changes in cases of cérébral tumour, Brain,

Part. IV, 1899.

(2) Jacobsohn UND JA51ANE,Zile- Pathologie der Tunzoren der hintere.n Schâdelgrube .

Archiv. sur Psychiatrie, 29 Band, Heft 1, 1897.

' (3) VOLLS113BRG, Z·ecei Pâlie von Tumor der hlnteren Schüdèlgrube. Archiv sur

Psychiatrie, 21 Band Heft 3, 1890.'

252 RA1MISTE ET NEIDING

des racines postérieures et des faisceaux. Cette dégénérescence avait le

caractère tabétique et frappait la moelle épinière dans toute son étendue;

la dégénérescence des racines postérieures fut notée sur les coupes, prises

de différents segments, mais elle prédominait dans la partie moyenne

du segment dorsal. Dans trois cas de tumeur de la fosse postérieure

cérébrale, Jacobsohn et Jamane n'ont noté rien d'anormal dans la moelle

dorsale, mais dans le quatrième cas ils ont trouvé la dégénérescence des

faisceaux antérieurs et latéraux, et dans les régions isolées aussi la dégé-

rescence des racines antérieures et postérieures. La dégénérescence très

marquée des racines postérieures fut notée une seule fois dans neuf cas de

Batten et Collier ; elle fut absente dans un cas; dans sept autres cas les

racines postérieures ne furent pas examinées. La dégénérescence des

faisceaux postérieurs fut trois fois assez marquée dans les cas de Batten et

Collier, elle ne fut pas remarquée trois fois et fut assez faible dans les

trois derniers cas. Ce n'est que dans un seul cas qu'on a trouvé la dégé-

nérescence du faisceau pyramidal et du faisceau cérébelleux direct dans

un autre. Il est intéressant à noler que dans tous les cas de Batten et

Collier présentant, après avoir été traités par la méthode de Marchi, une

dégénérescence très marquée, on n'a trouvé rien d'anormal en leur faisant

subir la coloration par 'Veigert-1'al. Ce fait démontre que, dans les cas de

Batten et Collier, nous avons affaire à des lésions médullaires de date ré-

cente.

Dans un cas de gliosarcome du cervelet, Hoche (1) a noté, en se servant

de la méthode de Marchi,une dégénérescence nette des racines postérieures,

plus marquée dans les régions cervicale et lombaire. Ce même auteur a

attiré d'une façon particulière l'attention sur le fait intéressant que le maxi-

mum de dégénérescence se trouve au point de la perforation de la pie-mère

par les racines, dans leur « taille » (d'après Hoche).

L'état du système vasculaire et lymphatique dans la moelle dorsale au

cours des tumeurs siégeant dans la fosse cérébrale postérieure est assez

rarement noté dans la littérature. Jacobsohn et Jamane n'en parlent pas du

tout, Batten et Collier font seulement mention qu'ils ont constaté les

vaisseaux tantôt vides, tantôt gorgés de sang. Wollenberg a noté que cer-

tains faisceaux des racines postérieures, appartenant à la partie moyenne

du segment dorsal, sont très vascularisés (sehr gefâssreich).Dans tous nos

propres cas les vaisseaux étaient dilatés et gorgés de sang, surtout dans le

second cas. Quelques vaisseaux étaient thromboses. Dans le second cas

celte dilatation et engorgement des vaisseaux fut notée non seulement

(1) Hoche, Ueber die bei Hirndruck im Rückenmarke auftretenden)Vé·ündenden.

Deutsche Zeitschrift für Nervenheilkunde, XI Band.

LES MODIFICATIONS DANS LA MOELLE EPINIERE 253

dans la moelle, mais aussi dans les méninges. Dans quelques préparations

appartenant à ces cas on pouvait même observer un épanchement du sang

entre la substance médullaire et la pie-mère, dû problablement à la rup-

ture d'un petit vaisseau. Les parois des vaisseaux ne présentaient rien

d'anormal ni dans nos cas ni dans ceux cités dans la littérature.

Nous avons noté dans notre premier cas et à un moindre degré aussi dans

le second une dilatation des espaces périvasculaires lymphatiques. Cette

dilatation fut surtout marquée dans le premier cas sur les coupes appar-

tenant à la région lombaire.

Les lésions ci-dessus décrites présentent un intérêt tout à fait particu-

lier grâce à leurs relations avec ies histoires cliniques. Le maximum de

lésions nous le trouvons dans le second cas, kyste du cervelet. C'est,d'après

ce qui nous est connu, le premier cas décrit, où on se trouve en pré-

sence des lésions dans la moelle dorsale au cours d'une tumeur non solide.

Dans tous les cas décrits jusqu'ici ainsi que dans nos deux autres cas il

s'agissait de tumeurs solides (gliomes, gliosarcomes, tubercules) (1).

Les premiers symptômes cliniques de la maladie se sont déclarés quatre

mois avant la mort dans notre deuxième cas, un an avant dans le premier,

et un an et demi dans le troisième. Dans le cas de Jacobsohn et Jamane,

cité par nous plus haut, et présentant des lésions dans la moelle dorsale,

les premiers symptômes se sont déclarés un an, et dans les deux autres cas,

avec les moelles dorsales normales à l'examen microscopique, vingt et un

mois avant la mort. Dans les cas de Wollenberg et Hoche nous notons une

période d'un an. Il est évident qu'il est impossible,en se basant sur ces chif-

fres, de trouver une relation de cause à effet entre la durée de la maladie

d'une part et le tableau anatomo-pathologique que présente la moelle

dorsale d'autre part. Batten et Collier émettent un avis identique d'après

leurs propres cas. Ceci est tout naturel, puisque la durée de la période

clinique de la maladie ne peut pas nous donner l'expression exacte de

l'âge des lésions anatomo-pathologiques au cours du développement de la

tumeur.

Dans les cas de Hoche, de Wollenberg et dans un des quatre cas de

Jacobsohn et Jamane où furent trouvées des lésions médullaires, existait

la stase papillaire. Dans trois des huit cas de Batten et Collier et dans

trois cas de Jacobsohn et Jamane,dont la moelle dorsale ne présentait rien

d'anormal, on se trouvait en présence d'une névrite optique. Dans tous

(1) Notre travail étant déjà fini, nous avons fait connaissance du travail de M. Angela

d'après l'extrait du journal. Les lésions de la moelle dans les cas de tumeur intracra-

nienne. Manière de se comporter des Réflexes, par CAilLa Angela, Revue Neurologique,

1912, n. 10, p. 185. Cet auteur a décrit les lésions qu'il a constatées dans la moelle

dans un cas de tumeur kystique de l'hémisphère droit du cervelet.

254 RAIMISTE ET NEIDING

nos trois cas présentant des lésions de la moelle dorsale d'une intensité

différente, nous avions affaire à une névrite optique très marquée.

Ainsi nous ne trouvons pas de relations étroites entre la présence et le

degré de la stase papillaire et des lésions de la moelle dorsale.

Les réflexes patellaires étaient conservés dans les cas de Jacobsohn et

Jamane, faibles dans les cas de Hoche (dégénérescence des racines posté-

rieures) et absentes dans le cas de Wollenberg (dégénérescence des racines

postérieures et des faisceaux postérieure). Dans un cas de Batten et Col-

lier, où les réflexes patellaires étaient absents, on a noté une dégénéres-

cence insignifiante des faisceaux postérieurs ; dans deux autres cas, où la

dégénérescence des faisceaux postérieurs était plus prononcée, les réflexes

patellaires, présents au commencement de la maladie, ont disparu dans la

suite. Il est intéressant à noter que, dans nos cas, les réflexes patellaires

étaient conservés malgré les lésions assez prononcées (deuxième cas) des

racines antérieures et postérieures.

Il s'agit maintenant de tenter l'exploration de la cause de toutes ces lé-

sions de la moelle dorsale. Dinkler cherche à les expliquer par l'action

des toxines, élaborées par la tumeur ; les autres auteurs les attribuent

aux changements de la pression du liquide céphalorachidien. Nous som-

mes portés à croire que les résultats de nos recherches parlent aussi en

faveur de cette dernière hypothèse. L'oedème et la désagrégation des fibres

dans la partie intramédullaire des racines antérieures peuvent s'expliquer

facilement par la supposition de la dilatation des voies lymphatiques pas-

sant parmi les fibres des racines. Nous avons noté des espaces périvascu-

laires et péricellulaires dilatés dans nos préparations. Ce phénomène

peut être expliqué tout simplement par l'action mécanique du liquide cé-

phalo-rachidien augmenté de volume et présentant une forte pression. En

faveur de la supposition du rôle de l'augmentation de la pression dans la

production des lésions de la moelle dorsale plaide d'après Hoche le fait,

constaté égalemenlpar nous, avant que nous ne fîmes connaissance de son

travail, que les fibres radiculaires présentent le maximum des lésions aux

points de leurs passages par la pie-mère, où les conditions mécaniques

existant dans cet endroit présentent un moment favorable pour l'action

de la pression augmentée. Le même auteur en notant la fréquente coexis-

tence, au cours des tumeurs du cerveau, de la stase du fond de l'oeil avec

des modifications dans la moelle dorsale, croit avoir affaire ici avec un

phénomène constant ; la stase papillaire et les modifications dans la moelle

dorsale sont dues, d'après Hoche, à la même cause, à l'augmentation de

la pression du liquide cérébro-spinal.

Le mécanisme par lequel la pression augmentée produit dans la moelle

dorsale les modifications décrites, nous parait être le suivant : subissant

LES MODIFICATIONS DANS LA MOELLE ÉPINIÈRE 255

une forte pression, le liquide cérébro-spinal présente un obstacle, d'une

part,â la circulation en retour de la lymphe de la moelle dorsale, et d'autre

part pénètre lui-même par les vaisseaux lymphatiques dans la substance

médullaire ; d'où dilatation des espaces lymphatiques et stase lymphatique.

En comprimant les vaisseaux et surtout les veines dont les parois sont

moins résistantes, le liquide cérébro-spinal provoque aussi la stase vei-

neuse, produisant à son tour la stase de la lymphe dans la moelle dorsale.

Cette stase veineuse et lymphatique et l'augmentation de la pression

intramédullaire, qui s'ensuit, nous paraissent être la cause principale des

modifications que nous avons remarquées dans les fibres nerveuses :

oedème et même dégénération, si elles ont subi une pression prolongée.

On peut croire avec Batten et Collier que les modifications dans la

moelle dorsale sont dues non seulement à l'intensité de la pression intra-

médullaire, mais aussi et dans une large part à la vitesse par laquelle elle

entre en scène.

Le gérant : P. Bouchez.

Imp. J. Thevenot, Saint-Dizier (Haute-Marne).

GIGANTISME EUNUCHOÏDE

Étude DES TROUBLES DE la SÉCRÉTION INTERNE DU TESTICULE. -j

Dissociation DES SÉCRÉTIONS INTERNE et EXTERNE DU TESTICULE.

Retard DE l'établissement DE la SÉCRÉTION interne.

par R

J. REBATTU, et L. GRAVIER,

de Lyon

L'étude des troubles du développement du squelette a donné lieu ces

dernières années à l'éclosion d'un grand nombre de travaux. De toutes

parts, des faits cliniques bien observés ont été apportés. On a pu indivi-

dualiser ainsi un certain nombre de syndromes et l'on a créé pour les dé-

signer toute une série d'appellations auxquelles on peut faire le reproche

de manquer de précision et d'exiger, parfois même, pour être comprises,

une véritable définition.

On en est arrivé ainsi à des discussions interminables sur la valeur du

mot infantilisme dont les auteurs restreignent ou élargissent indéfiniment

la portée. Depuis que le rôle des divers facteurs pathogéniques a com-

mencé à se préciser, on voit se dessiner une tendance à substituer aux

termes généraux, jusque-là usités, des appellations plus exactes tirées de

la nature même du trouble.

Mais les problèmes pathogéniques ne se solutionnent que graduelle-

ment, et à vouloir être trop précis, on serait tenté de s'appuyer souvent

sur de simples hypothèses, et non sur des faits solidement établis. Nous

croyons néanmoins que, dès maintenant, nos connaissances sur le rôle de

la glande interstitielle du testicule, basées sur l'expérimentation, les

constatations histologiques, cliniques et anatomo-pathologiques, nous per-

mettent de rapporter à un trouble de sa fonction certains syndromes jus-

qu'ici mal individualisés, perdus dans le chaos de l'infantilisme et notam-

ment un grand nombre de cas de gigantisme.

L'acception de ce terme de gigantisme a été très bien précisée en 1902

par H. Meige. Cet auteur élimine la haute stature avec conservation des

proportions harmonieuses des différents segments du corps, réalisant ce

que certains auteurs désignent sous le nom de gigantisme normal physio-

xxvi ' 17

258 REBATTU ET GRAVIER

logique, pour réserver cette appellation à un état anormal, pathologique,

avec rupture des proportions normales.

Déjà, dans ses conclusions, il distinguait un gigantisme acromégalique

et un gigantisme infantile et reconnaissait, à la base de ce dernier, une

dysorchidie fréquente, sans éliminer complètement les troubles des autres

glandes à sécrétion interne, notamment de la thyroïde. Actuellement, des

travaux récents nous autorisent à admettre, à côté du gigantisme acromé-

galique dû à un trouble hypophysaire, un gigantisme causé par un trouble

de la sécrétion interne du testicule. C'est ce que nous appellerons le

gigantisme eunuchoïde.

Ce terme n'est pas nouveau, mais a été employé à plusieurs reprises

déjà, notamment par Widal et Vigne (1) en 1904, et tout récemment par

Clerc (2). Sous ce nom, ces auteurs ont décrit des cas d'infantilisme ; leurs

malades, d'ailleurs fort comparables, sont en effet des cryptorchides

géants qui n'on[ aucun des caractères sexuels secondaires, et sont de plus

affligés d'une remarquable obésité et de troubles psychiques. Il semble que

Widal et Clerc aient répugné à employer le mot d'infantilisme pour des

sujets dont un des principaux caractères est la haute stature.

De toute évidence la pathogénie de pareils cas n'est pas uniquement

testiculaire. Il s'agit là d'un syndrome pluriglandulaire (Claude et Gou-

gerot) (3), et surtout biglandulaire : thyroïdo-testicutaire. Si l'on ne veut

pas les désigner d'une façon précise et pathogénique par le terme de syn-

drome thyréo-génital ou hypophyso-génital, nous ne voyons aucun avan-

tage à ne pas employer le mot d'infantilisme, ou, si l'on veut préciser

davantage, de gigantisme infantile.

En effet, si les eunuques ont assez souvent, mais secondairement, des

troubles glandulaires divers, thyroïdiens, hypophysaires, il s'en faut de

beaucoup que ce soit là un point constant, obligé; aussi croyons-nous

préférable de réserver le terme d'eunllchisme ou toute épithète dérivée,

à un trouble pur immédiat de la sécrétion interne du testicule.

Sous le nom d'eunucltisme, il nous semble qu'il faudrait comprendre

tous les castrats (naturels ou opératoires) qui ne présentent que les

troubles classiques de l'insuffisance testiculaire : gigantisme à type un

peu particulier, absence de caractères sexuels secondaires. Et nous ré-

servons J'épithète d'eunuchoïde aux faits de gigantisme infantile dont la

tare squelettique est le seul indice du trouble de la fonction glandulaire du

testicule, tandis que les caractères sexuels secondaires ont fait leur appari-

tion, plus ou moins tardive il est vrai.

(1) Widal et Vigne, Soc. méd. des hôp. de Paris, 14 mars 1904.

(2) Clerc, Gigantisme eunuchoïde, Gaz. méd. des hôp. de Paris, mars 1913.

(3) CLAUDE et GOUGEROT, Journal de physiol. et pathol. génér., mai 1908, et Revue de

médecine, 1908.

NOUVELI.E Iconographie DE la SALPLTRI1 : RE.

T. XXVI. Pl. XXXVIII

GIGANTISME EUNUCHOÏDE

Malade de l'Obs. I. - Radiographie du poignet.

(J. Rebattu et L. Gravier).

Masson & Cie, Éditeurs

GIGANTISME EUNUCHOÏDE 259

C'est ce qui a été encore désigné sous le nom ^infantilisme prolongé,

dans la thèse de Magdinier. Mais si ce dernier terme indique bien le

caractère passager du trouble glandulaire mis en cause, il a le double

tort, à notre avis : 1° de demander une définition préalable, car il n'ex-

prime pas, de lui-même, le symptôme clinique important que présente le

sujet; 2° et surtout de ne pas marquer la pathogénie unique, purement

testiculaire, du fait observé, puisque pour le désigner, l'on emploie un

terme fort compréhensif, s'appliquant à des états dont la palhogénie n'est

souvent pas univoque. C'est peut-être là précisément une des causes du

désaccord qui persiste entre partisans des théories pluriglandulaires et

partisans de la théorie purement testiculaire en ce qui concerne certaines

variétés d'infantilisme.

L'élude attentive des deux malades dont nous allons maintenant rap-

porter l'observation (1), et leur comparaison avec les divers faits sem-

blables antérieurement publiés nous paraissent justifier ces appellations

et ces distinctions.

Observation 1 (PI. XXXVIII).

(Service du Dr GALLAVARDiN.)

Résumé : Atrophie testiculaire sans doute congénitale. Absence de la sécré-

tion externe du testicule. - Troubles de la sécrétion interne du testicule :

1° Exagération de la taille par allongement disproportionné des mem-

bres inférieurs, avec soudure incomplète des cartilages de conjugaison du

tibia et du radius, sans acromégalie. 2° Apparition tardive des ca-

ractères sexuels secondaires (système pileux, mue de la voix, désirs, érec-

tions).

La... Adrien, âgé de 31 ans, eutre dans le service de notre maître le Dr Gal-

lavardin le 3 septembre 1912.

L'affection qui l'amène, une simple trachéite, ne nous retient pas, car de

suite l'on est frappé par la taille du malade.

Il est en effet « tout en jambes », et a des membres supérieurs d'une lon-

gueur quelque peu démesurée. Lorsqu'il est assis sur son lit, notre sujet parait

absolument normal, mais dès qu'il se tient debout on est étonné de le voir

grandir si brusquement. Rapidement d'ailleurs on se rend compte que le seg-

ment jambier est particulièrement développé, et la photographie ne laisse non

plus aucun doute.

La taille, mesurée à la toise, est de 1 m. 78.

La mensuration de divers os, pratiquée avec beaucoup de soin, nous a donné

(1) Nous remercions MM. LECLERC et GALLAVARDIN, médecins des hôpitaux, qui ont

bien voulu nous permettre d'utiliser ces observations recueillies dans leur service.

260 REBATTU ET GUA VIER

les résultats suivants que nous comparons dans le tableau ci-joint avec les

chiffres que nous aurions dû trouver chez un sujet normal, de même taille.

Longueur des os.

GIGANTISME EUNUCHOÏDE 261

lement il y a soudure de l'épiphyse et de la diaphyse de 18 à 22 ans, au plus

tard à 24 ans, et notre sujet en a 31. Au contraire l'épiphyse inférieure du

fémur parait déjà soudée au corps fémoral, comme normalement.

Au poignet enfin, on aperçoit le cartilage de conjugaison du radius, dont la

soudure est encore incomplète, alors qu'elle aurait dû se produire avant 24 ans.

La radiographie du crâne ne montre d'ailleurs aucun agrandissement de la

selle turcique. La face ne revêt pas le masque acromégalique ; pas le moindre

prognathisme du maxillaire inférieur. Enfin on ne trouve pas d'hypertrophie

des extrémités.

Notre sujet, plutôt maigre, est d'un embonpoint normal. Aucune surcharge

graisseuse du derme.

Les sourcils sont moyennement développés, et un interrogatoire minutieux

ne révèle ni sensation de lassitude, ni oedèmes même fugaces. Toutefois le ma-

lade se plaint d'une sensation de froid fréquente aux, extrémités et au niveau

des genoux. \

La palpation du corps thyroïde montre d'ailleurs des lobes latéraux absolu-

ment normaux, et on sent bien l'isthme thyroïdien. : i

Aucun trouble non plus qu'on puisse rapporter aux surrénales. Il n'existe

pas de pigmentation, cutanée ou muqueuse, anormale. Pas de raie de Sergent.

La tension artérielle,au tonomètre de Recklinghausen, est normale : 115/70.

La température est aussi normale et régulière, de 3riz4 le matin et de 37°3

le soir.

L'état intellectuel est normalement développé pour un. homme de cette con-

dition. Notre malade raisonne très bien, n'est pas vantard, a une excellente

mémoire. Jamais dans son histoire, pourtant compliquée, il ne s'est contredit

et nous n'avons rien pu relever de suspect. Son caractère n'est pas triste ni

mélancolique ; sa façon de se comporter avec les autres malades est sans re-

proches. Pas d'émotivité exagérée, pas d'irritabilité excessive, mais au con-

traire un grand sang-froid.

L'examen somatique des divers organes est négatif.

Les réflexes tendineux et pupillaires sont normaux. Aucune névralgie.

L'abdomen est normal. Aucun trouble des fonctions digestives.

Matité hépatique normale ; la percussion et la palpation ne décèlent rien

d'anormal du côté de la rate.

Pourtant le malade avoue une moyenne de 2 litres de vin par jour, d'assez

fréquentes absinthes et parfois même quelques petits verres de liqueurs.

L'examen du coeur ne révèle rien d'anormal.

Les deux poumons sont normaux et l'auscultation attentive montre des som-

mets absolument sains.

Pas de ganglions au niveau des carrefours. Aucun signe d'hérédo-syphilis

au niveau de la bouche ou des dents.

En somme, n'étaient sa taille et l'atrophie de ses testicules, notre homme

serait absolument normal.

Toutefois son histoire pathologique est assez chargée et parfois fort com-

pliquée.

262 REBATTU UT GfiAVIER

Notre malade est né à la Martinique.

Son père était créole et tous les ascendants paternels dont on ne lui a jamais

parlé étaient déjà créoles.

Sa mère était aussi créole, née de mère créole et de père Breton.

Il avait 5 frères ou soeurs, et chez tous la taille était absolument normale.

Il ne lui reste plus qu'une soeur, bien portante d'ailleurs.

A part un frère mort à l'âge de 2 ans d'une affection fébrile, tous ses parents

ont péri dans la catastrophe de la Martinique.

Notre sujet ignore la façon dont il a été nourri, ainsi que la date de ses pre-

miers pas. Il ne semble pas avoir eu de rachitisme dans l'enfance.

A l'âge de 2 ans il fut atteint d'une affection fébrile qui l'aurait tenu douze

mois au lit et sur laquelle on ne peut avoir le moindre renseignement.

Il ne croit pas avoir eu de maladie éruptive quelconque, pas d'oreillons.

A 6 ans, angine avec dysphagie et adénite.

De 6 à 12 ans, état de santé absolument normal.

A 12 ans, notre malade s'engage comme mousse à bord d'un petit bateau de

commerce, et il y reste jusqu'à l'âge de 19 ans. C'est pendant cette période

qu'à l'âge de 13 ans, sans avoir jamais eu de rapport sexuel de quelque nature

que ce soit, il présenta un écoulement uréthral jaunâtre, d'abondance moyenne,

empesant le linge, s'accompagnant d'oedème du gland et de douleur pendant

les mictions. Le capitaine du bateau le soigna en lui donnant du copahu et au

bout de 2 mois, comme l'écoulement persistait encore un peu, il alla finir de

se guérir à terre chez ses parents, grâce à de simples infusions. On ne lui lit

aucun lavage uréthral. Il n'y eut aucune complication, notamment pas d'or-

chite ; depuis lors jamais l'écoulement n'a réapparu. Le malade ne connaissait

pas d'homme de l'équipage qui fût atteint d'uréthrite, même chronique. Il

reconnaît d'ailleurs que, par suite de l'encombrement, les matelots se servaient

souvent des serviettes de leurs camarades.

De 19 à 24 ans, il travaille à terre, dans une miroiterie, où il fait l'ébau-

chage. Il ne touche pas au mercure.

A 24 ans, il reprend du service sur un bateau et séjourne pendant 40 jours

à St-Pétersbourg. Il boit pendant tout ce temps de l'eau des bassins, où étaient

amarrés les navires, eau souillée par une foule de déchets...

Quelques jours plus tard il rentre à Londres où il part en bordée pendant

3 ou 4 jours, buvant de l'alcool,whisky, bière, etc. Mais il tombe alors malade,

il est soigné dans un hôpital anglais.

Il est impossible de savoir ce que fut cette maladie qui aurait duré 16 mois.

Il semble y avoir eu une ou deux rechutes. La fièvre était très élevée à 40°, il

n'y avait pas de diarrhée, et on le soigna pendant plus d'un mois au moyen de

trois ou quatre bains par jour. Il y eut de plus une complication de nature

inconnue dans les membres supérieur et inférieur du côté droit, complication

que l'on traita par le massage. En tous cas, après deux mois de convalescence,

notre malade redevient un solide gaillard et s'établit alors en France, en 1905.

Il exerce successivement les métiers de manoeuvre, portefaix, miroitier, et

depuis 8 mois il est garçon livreur.

GIGANTISME EUNUCHOÏDE 263

On ne trouve guère à signaler pendant cette période de 7 années que quel-

ques furoncles et quelques douleurs rhumatismales, localisées à l'épaule et au

genou du côté droit, douleurs durant deux ou trois jours, survenant au début

de l'hiver et n'empêchant d'ailleurs pas le travail.

En 1911, petite crise hémorroïdaire...

Enfin depuis 2 mois, laryngo-trachéite qui arrive actuellement 8. la fin de

son évolution.

Mais ce sont surtout les renseignements que nous fournit notre malade, sur

sa croissance et sur sa vie génitale, qui sont intéressants.

Croissance.- Il n'y a pas eu de développement brusque, à un moment donné,

notamment vers la puberté. La taille s'est accrue progressivement, et à 4 uns

déjà, il dépassait un peu les enfants de son âge. Mais il ne peut donner de

chiffre exact.

Caractères sexuels secondaires. - En revanche, il est très précis et très

affirmatif sur la date d'apparition de ces derniers, et cette apparition fut très

tardive.

Ce n'est en effet qu'à 19 ans que le pubis et les aisselles commencent à se

garnir de poils.

La moustache et la barbe n'apparaissent qu'à 25 ans, 6 ans plus tard.

C'est à peu près à la même époque que se fait la mue de la voix, et lors de

son mariage, il étonnait, paraît-il, ses invités, par sa voix enfantine.

Organes génitaux. La verge, actuellement de proportions normales,

semble s'être développée de façon très progressive, comme il est d'habitude.

Quant aux testicules, ils sont nettement atrophiés, et pourtant jamais l'atten-

tion du malade ne fut attirée à ce sujet, soit spontanément, soit par des obser-

vations de camarades ou de femmes. Il se souvient toutefois, que dans son

enfance, vers l'âge de 4 ou 5 ans, une vieille femme de sa famille l'aurait à

plusieurs reprises plaisanté sur le peu de développement de ses testicules.

Mais s'agissait-il de propos rabelaisiens ou d'une véritable surprise d'observa-

tion ? En tout cas, il nie absolument toute orchite et tout traumatisme. '

Histoire génitale. - Notre sujet ne fut certainement pas un de ces enfants

précoces et vicieux. Jusqu'à l'âge de 13 ans, il garde sa naïveté complète.

Les matelots au milieu desquels il vit depuis lors, ne tardent pas à l'ins-

truire à ce sujet, mais leurs propos n'excitent ni son imagination ni ses désirs.

Il a parfois une érection au moment du réveil, mais jamais de pollution. Il

part même, lors des escales, en bordée avec les anciens. Il assiste ainsi à quel-

ques scènes suggestives, et à 4 ou 5 reprises des caresses in loco amènent une

érection, mais jamais il n'y a aucun rapport sexuel. La curiosité, plus que le

désir, l'y pousse pourtant, mais il est retenu par le manque d'argent, la timi-

dité et la peur de la vérole. D'ailleurs dès qu'il remet le pied sur le bateau, il

ne tarde pas à tout oublier et jamais un désir ne vient le taquiner.

Quant aux manoeuvres solitaires ou pédérastiques, jamais le malade ne s'y

adonna, fût-ce une seule fois.

A 16 ans, premier coït. Il faut quelques manoeuvres pour amener l'érection.

Il y a intromission, mais l'érection cesse assez vite et il n'y a pas d'éjaculation.

264 · REBATTU ET r,ItA'1FR

L'épreuve ne procure pas grande satisfaction, aussi ne la tente-t-il pas à nou-

veau jusqu'à l'âge de 22 ans.

Les érections, le matin au réveil, continuent et depuis lors, une ou deux fois

par mois, apparaissent des pollutions nocturnes.

A 22 ans, notre sujet est plus heureux dans ses tentatives. A quatre repri-

ses différentes et chaque fois à un intervalle d'une semaine il passe la nuit avec

une femme et pratique 3 coïts chaque nuit. L'éjaculation est absolument nor-

male, et procure une certaine jouissance à notre sujet qui ne devient pas néan-

moins très excité. Il est vrai que peu de temps après survient la longue mala-

die de 18 mois dont nous avons déjà parlé.

Ce n'est qu'au moment de son mariage, à l'âge de 20 ans, qu'ont lieu de

nouveaux rapports sexuels. Mais sa femme, atteinte depuis 2 ans de coxalgie

listulisée, porte un volumineux pansement, si bien que l'essai de la première

nuit de noces est infructueux, sans même intromission. Ce n'est qu'au hout

d'un mois seulement, alors que les fistules sont cicatrisées, que se consomme

le mariage.

Depuis lors, c'est-à-dire depuis septembre 1905, jusqu'en 1911, il y a deux

ou trois coïts par'semaine, mais jamais plus d'un par nuit. C'est toujours notre

malade qui réclame son dû ; chaque fois il arrive à l'éjaculation.

Depuis septembre 911, époque à laquelle sa femme présenta quelques acci-

dents salpingiens, les coïts sont un peu douloureux, aussi sont-ils pratiqués

plus rarement, une fois par mois seulement. Le malade ne semble pas d'ailleurs

en être très ennuyé.

En ce qui concerne la salpingite pour laquelle sa femme fut traitée l'an der-

nier à la Charité, il nie toute responsabilité, et jamais d'autre part il n'y eut

ni enfant, ni fausse couche.

L'examen du sperme a pu être pratiqué. Il est d'aspect ahsolument normal.

D'abord en gelée il se liquéfie au bout de 4 ou 5 minutes.

Sur plusieurs préparations microscopiques, faites à l'état frais, l'examen

montre quelques corpuscules amyloïdes, des globules blancs et des cellules

épithéliales, d'ailleurs en petit nombre, mais pas le moindre spermatozoïde.

Aucun élément même qui puisse laisser un doute. Il s'agit donc certainement

d'un produit de sécrétion prostatique.

En somme, chez notre sujet aucun des caractères sexuels secondaires

ne fait défaut : système pileux moyennement développé, voix masculine,

verge de volume normal, désirs sexuels, érection, éjaculation. Ce qui

frappe, c'est la stature, dont la hauteur est due uniquement au dévelop-

» pement exagéré des membres inférieurs ; les membres supérieurs présen-

tent aussi une longueur anormale, alors que le buste est de dimension

moyenne.

Qu'il s'agisse d'ailleurs des membres supérieurs ou inférieurs, l'excès

de développement porte il peu près exclusivement sur le segment distal 1

(avant-bras, jambe). Le segment proximal (bras, cuisse) est sensiblement

ATOUVELIE ICONOGRAPHIE DE LA SAI.PLTRitRE.

T. XXVI. Pl. XXXIX

GIGANTISME EUNUCHOÏDE

Obs. II.

(J. Rebattu et L. Gravier).

Masson Bc C,e, Editeurs

Nouvel ! ICONOGRAPHIE DE la SALPPTRILRE.

T. XXVI. PI. XL

GIGANTISME EUNUCHOÏDE

Obs. Il. - Radiographie du genou et du poignet.

(J. Rebattu et L. Gravier) .

Nouvelle Iconographie DE la SALPÊTRIÈRE.

T. XXVI. P). XLI

GIGANTISME EUNUCHOÏDE

Obs. II - Radiographie du crâne.

(J. Rebattu et L Gravier).

Mncvon Il. E.I,u....r...

GIGANTISME EUNUCHOÏDE 265

normal. Il n'existe aucune déformation acromégalique (développement

exagéré des extrémités, élargissement de la selle turcique).

Remarquons aussi que la radiographie a montré la persistance du car-

tilagede conjugaison, au niveau de l'extrémité inférieure du radius et de

l'extrémité supérieure du tibia, alors que la soudure devrait être com-

plète au moins depuis 6 ou 7 ans, notre sujet étant actuellement âgé de

31 ans.

Observation II (Pi. XXXIX, XL, XLI).

(Service du D'' LECLEnc.)

Diagnostic résumé. Troubles de la sécrétion interne du testicule : exagé-

ration de la taille par accroissement disproportionné des membres infé-

rieurs, sans déformation acromégalique. - Retard dans l'apparition des

caractères sexuels secondaires (pilosité, mue de la voix, désirs, érections).

Actuellement, présence des caractères sexuels secondaires. - Vie gé-

nitale normale. Testicules de volume normal. - Présence de sper-

ynatozoïdes.

C... Henri, âgé de 21 ans, employé de commerce, entré salle St-Bruno dans

le service du Dr Leclerc, le 25 mars 1913.

Antécédents hé1'édiaires. - Né dans le Jura, près de Lons-le-Saunier, il a

perdu son père à 61 ans d'une affection pulmonaire ; sa mère, asthmatique, est

morte à 51 ans. Un frère et une soeur sont en bonne santé ; une soeur est morte

de tuberculose pulmonaire à 24 ans.

Antécédents personnels. Nourri au sein, il a fait ses premiers pas à

12 mois. Il n'a fait aucune maladie dans l'enfance. Engagé à 18 ans dans un

régiment de cuirassiers il fut réformé au bout d'un an pour une bronchite. Il

n'a plus été solide depuis lors. Il tousse et crache depuis six mois. Jamais d'hé-

moptysie. Il fit un premier séjour à St-Bruno au mois de janvier dernier. On

lui trouva alors des signes de tuberculose pulmonaire bilatérale.

A son second séjour, on constate des signes cavitaires au sommet gauche, et

l'on perçoit des râles humides au sommet droit. L'expectoration est peu abon-

dante. L'appétit est bien conservé, et il n'existe aucun trouble digestif.

Les urines ne contiennent pas d'albumine. La température ne dépasse pas

38° le soir.

Ce qui frappe surtout l'attention, c'est la haute stature du malade. Assis, il

paraît d'une taille moyenne. Mais vient-il à se lever, sa taille s'accroît d'une

façon démesurée.

Interrogé sur la façon dont s'est effectuée sa croissance, et sur le dévelop-

pement de ses organes génitaux ainsi que sur sa vie génitale, il nous donne les

renseignements suivants :

Ses parents étaient de taille à peine moyenne, ainsi que ses frères et soeurs.

Lui-même étant enfant, était plutôt gros et joufflu, jusqu'à 13 ans. Il ne com-

mença à grandir qu'à partir de 13 ans, et il fut alors un peu fatigué. On parla

de « troubles de croissance ».

266 REBATTU ET gravier

Lorsqu'il s'engagea, à 18 ans, sa taille était de 1 m. 80. Lorsqu'il fut réformé

définitivement à 20 ans 1/2, il mesurait 1 m. 84, et il a encore grandi depuis

puisque actuellement, à 21 ans 1/2, sa taille est de 1 m. 86.

Il était complètement imberbe à 18 ans : son menton, ses aisselles et son

pubis étaient complètement glabres. Ses testicules étaient à peine gros comme

une noisette, et les dimensions de sa verge n'atteignaient pas celles de l'extré-

mité du petit doigt. Mais, pendant les premiers mois de sa vie militaire ses or-

ganes génitaux augmentèrent rapidement de volume pour atteindre les dimen-

sions tout à fait normales qu'ils présentent actuellement. Lorsqu'il était enfant

et adolescent, il était mortifié de l'exiguïté de ses organes génitaux, qui lui va-

laient les plaisanteries de ses camarades.

En ce qui concerne l'exercice des fonctions génitales, il raconte qu'il n'eut

aucune érection avant l'âge de 17 ans, et encore s'agissait-il d'érections incom-

plètes. Entraîné par ses camarades, il essaye d'avoir des rapports pour ne pas

leur paraître inférieur. Il n'avait à ce moment aucun désir sexuel. Ce n'est que

depuis 1 an ou 2, c'est-à-dire depuis l'âge d'environ 20 ans qu'il a des désirs,

et que le coït s'effectue normalement, suivi d'éjaculation. Toutefois, ainsi

qu'il le dit, il est peu porté sur les plaisirs vénériens.

Testicules et verge sont de volume normal. Normal aussi le développement

des poils du pubis. L'aisselle est moins richement fournie, le menton et les

lèvres ne présentent que de rares poils.

Il n'y a pas trace de myxoedème, de surcharge adipeuse. Notre sujet est

maigre. On ne relève aucun des petits signes d'hypothyroïdisme, si ce n'est

peut-être un peu de frilosité. Le corps thyroïde parait normal. Aucun signe

d'insuffisance surrénale ou hypophysaire. Pas de raie blanche. La tension ra-

diale est de 13,5 au Potain. Il n'existe aucune déformation acromégalique de

la face ou des extrémités. Il n'y a pas d'hémianopsie.

Seul le développement exagéré des membres, surtout des membres infé-

rieurs, attire l'attention. Lui-même a remarqué ce fait depuis longtemps. Voici

quelques-unes des principales mensurations effectuées comparées à celles qu'on

devrait trouver chez un sujet normal de même taille.

Longueur des os.

GIGANTISME EUNUCHOÏDE 267

s 2fi8 REBATTU ET ~GRAVIER

De plus, la sécrétion externe existe chez le malade de l'observation Il,

dont les testicules sont de volume normal, tandis qu'elle fait défaut chez

le malade de l'observation I, dont l'atrophie testiculaire persiste.

Ces différences mises à part, nos deux cas sont à peu près identiques et

se caractérisent tous deux par : 1

1° Un gigantisme de même morphologie avec exagération du développe-

ment des os longs, surtout du segment distal des membres inférieurs :

2° Un retard dans l'apparition des caractères sexuels secondaires, dont

aucun ne fait actuellement défaut ; .

3° L'absence de tout symptôme pouvant être attribué à un trouble fonc-

tionnel d'une autre glande endocrine.

Il est difficile, croyons-nous, de trouver des exemples aussi purs de ce

que peut réaliser l'insuffisance de la sécrétion interne du testicule. La plu-

part des cas qui ont été étudiés sont très complexes et ressortissent à plu-

sieurs facteurs pathogéniques.

Malgré une observation minutieuse, nous n'avons relevé aucun signe

qui puisse permettre d'incriminer un trouble de la fonction thyroïdienne :

non seulement il n'y a ni goitre, ni myxoedème, mais aucun des petits

signes d'insuffisance thyroïdienne n'a pu être décelé.

Les surrénales nous ont paru fonctionner d'une façon tout à fait nor-

male.

Quant à l'hypophyse, elle ne joue certainement aucun rôle. Le gigan-

tisme qu'elle peut réaliser présente un aspect caractéristique, soigneuse-

ment décrit par II. Meige. Nous n'en trouvons aucun des caractères.

D'une part, l'hypophyse est de volume normal : les radiographies mon-

trent une selle turcique non élargie, et il n'y a pas d'hémianopsie.

D'autre part, à supposer qu'il existe un trouble de la sécrétion interne,

sans hypertrophie de la glande, nous n'avons constaté ni obésité, ni défor-

mation des extrémités, ni augmentation du massif osseux facial, ni pro-

gnathisme du maxillaire inférieur.

Il n'est pas impossible toutefois que des troubles acromégaliques sur-

viennent ultérieurement, par atteinte secondaire de l'hypophyse, etvien-

nent, ainsi que l'a montré Meige, surcharger le tableau du gigantisme

eunuchoïde.

Par contre, les seuls troubles que nous avons pu mettre en évidence

chez nos sujets sont absolument identiques dans leurs caractères aux trou-

GIGANTISME EUNUCHOÏDE 269

bles que provoque l'insuffisance de la fonction diastématique du testicule

et que les travaux de nombreux auteurs, à la suite de Brown-Séquard,

Poncet, Ancel et Bouin, etc... nous ont appris à connaître.

On ne discute plus en effet que la sécrétion interne du testicule ne com-

mande aux différents caractères sexuels secondaires : système pileux, mue

de la voix, etc...

Enfin, les troubles squelettiques que l'on a observés chez les eunuques

et chez les animaux castrés expérimentalement, se distinguent précisé-

ment par les caractères que l'on retrouve dans nos deux observations :

hyperaccroissement des os longs, surtout ceux du segment distal des mem-

bres inférieurs, persistance ou tout au moins retard de soudure des carti-

lages de conjugaison.

Mais si ces troubles sont actuellement assez bien connus, et si on sait

les rapporter à leur véritable cause, on n'a peul-être pas assez remarqué

qu'ils ne se présentent pas d'une manière uniforme, mais peuvent réaliser

de véritables formes cliniques. En ce qui concerne nos deux cas, par exem-

ple, il existe chez l'un un développement continu mais lent, de la glande

interstitielle du testicule, si bien qu'elle est restée longtemps insuffisante;

chez l'autre, au contraire, après avoir fait pendant longtemps complète-

ment défaut, elle a rapidement acquis son développement normal.

On peut aussi se demander si cette glande ne peut présenter parfois

une insuffisance passagère. On connaît bien en effet les poussées de crois-

sance dans la convalescence de certaines pyrexies. Elles sont habituelle-

ment attribuées à une irritation toxinique des cartilages de conjugaison.

Peut-être la succession des faits est-elle plus compliquée : la fertilité

exagérée des cartilages de conjugaison relevant alors de l'inhibition de

l'influence frénatrice du testicule brusquement sidéré par l'infection.

Toutefois, de nouvelles observations sont nécessaires pour mieux pré-

ciser ces diverses modalités cliniques.

Les cas de gigantisme eunuchoïde pU ? dus à des troubles testiculaires

isolés, sont peu nombreux. Nous ne parlons pas des observations publiées

par Clerc, par Widal et Digne, car le testicule n'est certainement pas seul

en jeu, et il s'agit alors d'infantilisme ressortissant, pour ces cas, à une

pathogénie pluriglandulaire.

Quant au cas de Launois et Roy (1), le testicule semble bien être seul à

intervenir, ainsi que dans quelques observations de Pirsche (2), Mais le

(1) Launois et Roy, Soc. de Biologie, 1904.

(2) Pmscus, Thèse de Lyon, 1902-1903.

27o , REBATTU ET GRAVIER

trouble fonctionnel persiste : aucun des caractères sexuels secondaires n'est

apparu. C'est donc de l'eacmcclaisae,ou si l'on veut du gigantisme infantile

pur, d'origine purement testiculaire.

L'observation de Magdinier (1 ) publiée sous le nom d'infantilisme pro-

longé, est la seule que nous ayons trouvée de comparable aux nôtres. Son

sujet est aussi un homme dont la haute stature (1 m. 86) est due au déve-

loppement exagéré des membres inférieurs. L'apparition des caractères

sexuels secondaires s'est faite tardivement, mais aucun ne fait actuelle-

ment défaut et la vie génitale est tout à fait normale. On ne relève par

ailleurs aucun symptôme d'insuffisance des autres glandes endocrines.

On peut encore en rapprocher le cas qui fut présenté en 1902 par Widal

et Lutier (2). Ces auteurs s'étonnent de ne trouver ni infantilisme, ni

féminisme, chez un sujet atteint d'atrophie testiculaire congénitale. Aussi

croient-ils à la persistance d'ilots endocrines dans les glandes génitales,

pour expliquer la présence des caractères sexuels secondaires, et rappro-

chent-ils leur malade des cryptorchides bilatéraux. Pareille hypothèse

cadre absolument avec les idées que- nous avons développées, mais il

aurait été intéressant de préciser la date d'apparition des caractères sexuels

secondaires et d'apporter quelques mensurations, car il est expressément

noté que la taille du sujet est supérieure à la moyenne. Peut-être bien

y a-t-il eu aussi quelque trouble, probablement un retard, de la sécrétion

interne du testicule.

De tels faits ne doivent pas être très exceptionnels, et nous sommes

persuadés qu'avec l'observation attentive et l'interrogatoire minutieux des

sujets présentant un développement exagéré des membres, de nouveaux

documents seront produits, dont bénéficiera l'étude du gigantisme eunu-

choïde.

Si donc nous voulions donner une classification des divers syndromes

réalisés par les troubles des sécrétions testiculaires pour situer le gigan-

tisme eunuchoïde que nous avons étudié, nous pourrions dresser le tableau

suivant : '

1° En premier lieu nous avons l'homme normal, le mâle, avec tous les

caractères de la virilité (caractères sexuels secondaires et sécrétion sper-

malique).

2° Que la sécrétion spermatique fasse défaut, tandis que la sécrétion

diastématique persiste absolument normale, et le sujet devient infécond,

(t) MAGDINIBH, L'infantilisme prolongé, Thèse de Lyon, 1910-1911.

(2) WIDAL et LUTIEIi, Soc. méd. des liôr). de Paris, mars 1902.

GIGANTISME EUNUCHOÏDE 2 ? i i

mais son habitus extérieur est normal, identique à celui de l'homme

complet.

C'est par exemple le cas des sujets qui présentent une section opéra-

toire ou une oblitération pathologique des deux canaux déférents, et sou-

vent aussi des cryptorchides bilatéraux.

3° Un degré de plus, et la sécrétion interne du testicule ne s'établit

que tardivement, la sécrétion externe pouvant ou non apparaître.

Nous avons alors le gigantisme eunuchoïde. Le sujet n'a plus une taille

normale.

Les dimensions exagérées de ses os restent là comme la cicatrice du

trouble fonctionnel. De plus ses caractères sexuels secondaires ont apparu

tardivement, si bien que malgré sa haute taille il a conservé plus long-

temps que normalement l'aspect infantile (infantilisme prolongé).

4° Enfin la suppression des testicules, la castration, telle qu'on la pra-

tique chez certains peuples d'Orient, entraîne l'eurauclzisme dont les ca-

ractéristiques morphologiques sont essentiellement : le gigantisme et l'as-

pect infantile. Les caractères sexuels secondaires n'apparaissent pas. Il

n'est pas rare dans ces cas de voir survenir d'autres troubles glandu-

laires, mais il convient de ne pas les comprendre dans le tableau de l'eu-

nuchisme.

5° Une autre éventualité, un peu particulière, nous reste à envisager.

C'est le cas de sujets dont le trouble testiculaire s'établit, non plus dans

l'enfance ou même l'adolescence, mais à l'âge adulte, alors que tous les

caractères sexuels secondaires ont apparu déjà et que la taille est arrivée

à son développement définitif... -

Le système osseux ne semble alors nullement influencé, mais les carac-

tères sexuels secondaires s'atténuent, en même temps que peut apparaître

un certain degré d'obésité, sans doute par suite d'un retentissement fonc-

tionnel sur les autres glandes à sécrétion interne. Si bien que de pareils

sujets reprennent plus ou moins l'aspect infantile (infantilisme Tét'e1'sij

deGatady) ou plus rarement évoluent vers une sorte d'état asexué, que l'on

a désigné parfois sous le nom de féminisme.

6e Tels sont les types que peut, suivant son degré, réaliser l'insuffisance

testiculaire.

Mais, très fréquemment, l'insuffisance d'autres glandes à sécrétion in-

terne.vient apporter une note particulière à ce tableau.

Les types alors réalisés peuvent varier à l'infini, suivant le mode de

combinaison des divers troubles. D'un syndrome testiculaire pur on passe

ainsi à un syndrome pluriglandulaire.

CLINIQUE DES MALADIES DU SYSTÈME NERVEUX

(Hôpital PATEI.IMO ! lo', 13UCAItEST)

SYNDROME DE BASEDOW ET SCLÉRODERMIE

PAR R

G. MARINESCO et M. GOLDSTEIN

L'association de la sclérodermie avec le goitre exophtalmique ayant été

observée par un certain nombre d'auteurs ; ceci a fait penser qu'il pour-

rait y avoir un rapport pathogénétique entre ces deux syndromes. Cepen-

dant une telle relation n'est pas simple malgré l'existence d'un assez

grand nombre de cas où la sclérodermie s'est associée fui. des troubles

basedowiens. En effet, à côté des cas présentant les symptômes du goitre

exophtalmique, il y en a encore toute une série où l'on a constaté des

troubles sclérodermiques associés il des manifestations d'insuffisance

thyroïdienne.

Or, il y a quelque difficulté pour expliquer l'association de la scléro-

dermie avec la maladie de Basedow dans un certain nombre de cas alors

que, dans d'autres, on note l'atrophie du corps thyroïde. On doit donc en

déduire que la relation entre la sclérodermie et les troubles thyroïdiens est

probablement plus compliquée qu'elle ne le semble au premier abord.

L'insuffisance thyroïdienne simple ne peut pas être mise en cause, les

cas de myxoedème accompagnés de sclérodermie étant tout fait exception-

nels. D'autre pari, l'hyperthyroïdisme pur ne semble pas non plus, à lui

seul, donner lieu à l'apparition de la sclérodermie, car nous n'avons pas

trouvé des cas de ce syndrome avec des symptômes d'hyperlhyroidisme.

Même les cas de Basedow présentant l'association avec la sciérodermiesont

le plus souvent des formes frustes du goitre exophtalmique. Les cas de

Basedow typiques, surtout les formes graves de ce syndrome, qui se sont

accompagnés de sclérodermie sont peu nombreux.

Notre cas pourrait être rangé parmi les derniers, mais, comme on le

verra plus loin, même chez noire malade, il vient de se produire un chan-

gement dans la marche de l'affection. Tandis qu'auparavant la maladie

avait pris une allure progressive au point que la malade était tombée dans

un tel état d'émaciation qu'aucun chirurgien n'avait voulu intervenir

malgré les accès de suffocation, un peu pluslard un changement s'opère

dans la marche de la maladie ; notre patiente commence il engraisser, sur-

tout dans la moitié inférieure du corps, le volume de la glande thyroïde.

Nouvelle Iconographie DE la Salpêtrière. T. XXVI. PI. XLII

SYNDROME DE BASEDOW ET SCLÉRODERMIE

(Marinesco et Goldsteill).

Masson & Cie, Editeurs.

SYNDROME DE BASEDOW ET SCLÉRODERMIE 273 à

diminue un peu, mais les autres symptômes basedowiens,l'exophtalmie, la

tachycardie, les tremblements, la transpiration, la diarrhée, etc., persis-

tent avec la même intensité. L'apparition des plaques de morphée, locali-

sées aux jambes, coïncide avec le commencement de l'amélioration.

Ces considérations nous font penser que, malgré la fréquence relative

de la sclérodermie dans les affections du corps thyroïde et les améliora-

tions plus ou moins marquées de la sclérodermie à la suite du traitement

thyroïdien, il est évident que le syndrome sclérodermique ne dépend pas

seulement d'une perturbation dans le fonctionnement du corps thyroïde,

mais que cette perturbation exerce une certaine action sur le système

sympathique pour réaliser de la sorte l'apparition de la sclérodermie.

Observation (Pl. XLII).

N. B..., 20 ans.

Antécédents héréditaires. - Le père est d'une constitution physique faible,

il est de haute taille, il tousse très souvent. Sa mère est nerveuse et très émo-

tive. La malade a un frère plus jeune qui présente une scoliose et une soeur,

âgée de 10 ans, bien portante. Excepté le père, tous ont la taille au-dessous

de la moyenne.

Antécédents personnels. - A l'âge de 7 ans, elle a eu la rougeole, et quel-

que temps après, une scarlatine. A la suite de cette dernière infection elle gran-

dit rapidement, de sorte qu'à l'âge de 15 ans elle avait déjà la taille d'aujour-

d'hui (1 m. 72). A 15 ans elle est menstruée, ses règles, au commencement,

viennent régulièrement mais en petite quantité.

Histoire de la maladie actuelle. Les premiers symptômes sont apparus

vers l'âge de 15 ans et se sont manifestés par des transpirations profuses avec

des crises de diarrhée alternant avec des époques de constipation ; mais les pre-

mières étaient beaucoup plus fréquentes et duraient plus longtemps. Elle était

très émotive, avait fréquemment de la céphalée, se fatiguait facilement et avait

des palpitations lursqu'elle montait un escalier.

Vers le même âge son cou commence à augmenter de volume, et quelque

temps après apparaît l'exophtalmie. Au commencement elle n'y prête pas at-

tention ; au contraire, sa mère admire son cou rond et ses yeux grands. Les

autres symptômes s'aggravent, les tremblements deviennent très manifestes,

les transpirations sont plus profuses et surtout la diarrhée la tourmente beau-

coup, la réveillant même plusieurs fois pendant la nuit.

La maladie progresse rapidement, elle maigrit beaucoup, l'exophtalmie est

plus prononcée, et vers l'âge de 17 ans la menstruation cesse tout à fait. Le

corps thyroïde s'hypertrophie tellement qu'il provoque des accès de suffocation.

L'un de nous la voit,pour la première fois à cette époque et lui conseille un

traitement avec le sérum antithyroïdien de Moebius. Mais elle ne prend qu'un

seul flacon de 10 centimètres cubes, après quoi un praticien lui fait suivre pen-

dant quelques mois une cure d'iode qui aggrave beaucoup son état. Elle mai-

grit excessivement, sa faiblesse est extrême, elle ne peut plus se tenir debout,

xxvi 18

274 MARIN ESCO ET GOLDSTEIN

l'exophtalmie progresse tellement qu'il se produit des luxations fréquentes des

globes oculaires, luxations qui sont réduites facilement mais qui l'effraient

beaucoup. '

A cette époque la malade avait un aspect effrayant à cause de l'exophtalmie

excessive et de sa maigreur extrême. Elle ne pesait plus que 36 kilos étant

habillée et malgré sa haute taille. Le pouls dépassait 160 par minute. Devant

la gravité du cas, l'un de nous lui conseille de se soumettre à la thyroïdec-

tomie, mais elle ne peut pas s'y décider et elle continue à suivre différents trai-

tements toniques. Son état ne s'améliorant pas, elle entre il l'hôpital Coltzà pour

se soumettre à l'opération, mais à cause de son état de faiblesse excessive elle

est mise d'abord dans un service médical pour y suivre une cure tonifiante.

Elle n'y fait que pleurer et le second jour elle retourne chez elle.

Vers cette époque elle commence un traitement aux rayons X, en faisant

des séances de 15 en 15 jours d'une durée de dix minutes. Son état s'améliore

un peu, elle peut se promener dans sa chambre, elle commence à engraisser

un peu, surtout dans la moitié inférieure du corps.

L'apparition des plaques de morphée coïncide avec ce commencement d'amé-

lioration. La malade dit qu'il apparaît une tache brunâtre ayant une bordure

plus intensément colorée. La peau durcit à cet endroit, puis elle se déprime.

L'apparition des premières plaques sclérodermiques aurait eu lieu vers l'àge de

18 ans, c'est-à-dire il y a deux ans. Elle ne peut pas être très précise, car

elle n'aurait observé la première plaque qu'après que la dépression fut très

manifeste. Les premières plaques dans leur ordre d'apparition sont celles du

milieu du mollet.

Elle a suivi depuis lors, plus ou moins régulièrement; à côté d'une médica-

tion tonifiante, le traitement aux rayons X et son élat général continue à

s'améliorer. L'amélioration a fait de grands progrès pendant l'été de 1912,

qu'elle passe à Campulung, station climatérique située à 600 mètres au-dessus

du niveau de la mer. Il est à remarquer que dans, cette région on trouve des

goîtreux en grand nombre. Au retour de ce séjour à Campulung elle pèse

71 kilos C'est dans cette période que la moitié inférieure du corps prend un

tel développement qu'il devient un peu anormal. Les plaques sclérodermiques

se multiplient et progressent en devenant plus profondes :

Etat présent. - Jeune fille bien développée, mesurant 1 m. 71. Le tissu

adipeux se montre fortement développé à l'abdomen, aux hanches, cuisses et

mollets. Les mamelles sont très petites et très peu proéminentes. Le visage

est maigre par rapport avec le reste du corps.

Tous les symptômes basedowiens sont très manifestes. L'exophtalmie est

excessive et elle a eu deux fois encore, depuis qu'elle suit notre traitement

(novembre 1912), des luxations des globes oculaires. La glande thyroïde a le

volume d'une petite orange, cependant elle est moins grande qu'autrefois et

n'occasionne plus de suffocations. Les deux lobes sont hypertrophiés, celui

du côté droit d'une façon plus accusée. La glande thyroïde, ainsi que les caro-

tides, présente des pulsations.

La circonférence du cou est de 39 cent. 5.

SYNDROME DE BASEDOW ET SCLÉRODERMIE 275 j

Le pouls bat; pendant le repos, à 130 par minute. La malade est très émo-

tive, elle est fatiguée après le plus léger exercice et le pouls augmente de

suite de 20-30 pulsations.

Les tremblements sont très manifestes, la malade est toujours agitée et pré-

sente des tressaillements. Quand on lui prend le pouls on sent les tremblements

et les tressaillements des membres.

Les accès de transpiration et de diarrhée persistent. Depuis trois ans elle a

pour la première fois, au mois de janvier 1913, sa menstruation, et fort

peu abondante. Eu février et mars, à l'époque voulue, la menstruation appa-

raît de nouveau, en quantité à peu près normale.

Les plaques de sclérodermie, au nombre de 12, sont assez symétriques. Excepté

deux, situées sur la partie antéro-externe des jambes, toutes occupent la face

postérieure de celles-ci. Les deux plaques antéro-externes sont les moins sy-

métriques, celle de la jambe gauche est située au niveau de l'union du tiers

inférieur avec les deux tiers supérieurs, tandis que celle de la jambe droite se

trouve immédiatement au-dessus et en avant de la malléole externe.

La première plaque apparue est celle de la partie moyenne de la jambe droite ;

elle est la plus profonde et elle est allongée dans le sens transversal, de sorte

qu'elle produit une espèce d'étranglement du mollet. Regardée de profil, la

jambe apparaît amincie brusquement. On voit très bien ce détail sur la radio-

graphie faite pour voir jusqu'à quelle profondeur va l'induration de la peau.

La malàde ne peut pas préciser l'ordre dans lequel sont apparues les autres

plaques sclérodermiques.

La plupart des plaques sont légèrement pigmentées, offrant un aspect brunâtre

avec une bordure plus accusée. La pigmentation est très peu manifeste, de sorte

que, sur la photographie, on voit seulement les plaques profondes à cause de

l'ombre qu'elles projettent et non grâce à leur pigmentation.

La grande plaque de la partie inférieure du mollet gauche et quelques autres

présentent même un fond décoloré, ayant un aspect légèrement nacré.

La sclérodermie, d'après la littérature médicale, peut avoir une patho-

génie vasculaire, nerveuse, glandulaire et sympathico-glandulaire. Nous

ne nous occuperons pas des cas purement vasculaires et nerveux non sym-

pathiques, sans avoir pour cela l'intention de nier l'existence de sembla-

bles cas, - la sclérodermie pouvant être réalisée probablement par divers

facteurs; -nous discuterons plus longuement les cas présentant des trou-

bles thyroïdiens, notre cas faisant partie de ces derniers.

Les premiers cas offrant une relation entre la sclérodermie et la glande

thyroïde sont ceux qui présentent une association entre ce syndrome et le

goitre exophtalmique. Il nous semble pourtant que plus fréquents sont

les cas accompagnés d'une insuffisance thyroïdienne, en prenant en con-

276 MARINESCO ET GOLDSTEIN

sidération les résultats favorables obtenus avec le traitement thyroïdien

chez un nombre considérable de sujets atteints de sclérodermie.

Les cas de Basedow avec sclérodermie dont nous avons pu prendre con-

naissance sont les suivants :

Leube (1) a vu apparaître des plaques de sclérodermie au visage et aux

mains chez un malade atteint d'un goitre exophtalmique. La galvanisa-

tion du sympathique ayant produit une amélioration dans l'état du malade

et ayant fait en même temps disparaître les plaques sclérodermiques, l'a

porté à conclure qu'entre les deux affections il doit exister une relation

étiologique.

GutteUing (2), dans une thèse soutenue à Leyden en 1884, décrit un cas

de sclérodermie présentant en même temps des symptômes basedowiens

et une atrophie de la face.

Eichhorst (3), dans son Traité de pathologie interne, dit avoir vu appa-

raître chez une basedowienne une sclérodermie.

Dans le cas de Bouttier (4) il s'agit d'un goitre exophtalmique avec des

lésions sclérodermiques au visage et aux doigts.

De Sainte-Marie (5) a publié l'observation d'une basedowienne présen-

tant de la sclérodermie faciale et de la sclérodactylie.

P. Meyer (6) a noté également l'apparition de la sclérodermie à la suite

d'un goître exophtalmique.

Kahler (7) a publié le cas d'une femme chez laquelle, pendant l'évolu-

tion du syndrome basedowien, il survint une paraplégie douloureuse

avec des amyotrophies et des contractures, accompagnée d'un état de sclé-

rose de la peau des membres inférieurs. Plusieurs auteurs mettent en

doute l'existence d'une véritable sclérodermie dans ce cas.

Jeanselme (8) a communiqué le cas d'une femme âgée de 58 ans, qui

était atteinte, depuis l'âge de 20 ans, d'un goitre simple. Trente années

plus tard apparaissent des symptômes basedowiens, et cinq ans après ceux

de sclérodermie. Ces derniers commencent avec l'asphyxie locale des

doigts, puis de la sclérodactylie et de la sclérodermie de la face. L'auteur

(1) Leube, Klinische Berichte von der medizinischen Abteilung des Laudeskranken-

hauses zu Jena. Erlangen, 1815, et Spezielle Diagnoslik innerrrkrankheilen, chapitre

Basedowsche Krankheit.

(2) GGTTELLING, Thèse de Leyden, 1884.

(3) Ecvno;sr, Handbuch der inneren Pathologie, 1885.

(4) Bouttier, Thèse de Paris, 1886-1887.

(5) De Sainte-Marie, Thèse de Paris, 1886-1887.

(6) P. ŸiFYSR, Gaz. méd. de Strasbourg, 1x87.

(1) KAHLHR, Ueber de,¿ Geitungswiderstand der Haut bei Morbus Basedowii. Prager

Zeitschr. für Heilkunde, 1888.

(8) Jeanselme, Cosxistence du goitre exophtalmique el de la sclérodermie. Assoc.

française pour l'avancement des sciences. Session de Caen, du 10 août 1894, in Semaine

méd" 1899, p. 357. '

SYNDROME Dur BASEDOW ET SCLÉRODERMIE 277

est d'avis que l'origine de la sclérodermie, ou tout au moins de certaines

variétés de dermato-sclérose, doit être recherchée dans un trouble de la

nutrition cutanée relevant d'une perturbation fonctionnelle de la glande

thyroïde.

Parmi 5 cas de sclérodermie communiqués par Beer (1), l'un présen-

tait des symptômes basedowiens (goître, exophtalmie et tachycardie) et

chez un second le corps thyroïde, augmenté de volume au commencement,

finit par s'atrophier.

Ditisheim (2) a donné les observations de 17 cas de Basedow, dont

8 auraient été compliqués de sclérodermie. Nous n'avons pas pu nous

procurer sa thèse, mais d'après l'exposé,que Krieger en a donné, il paraît

que la plupart de ces cas ne présentaient pas une véritable sclérodermie.

En effet, dans les observations des cas IV, VII, IX et XII. il n'est men-

tionné aucune modification sclérodermiquc. Dans le cas I il dit que la

peau de la jambe est épaissie par une sclérose ; dans le cas XII, il est noté

la sclérodermie et la pigmentation de la partie antéro-externe des jambes.

Dans les cas II et VIII, il s'agit seulement d'une coloration brunâtre

de la peau, dans le cas XVII, la peau est lisse, brune, sèche.

Dans le cas de Jonas (3), ce sont des symptômes basedowiens qui vien-

nent s'ajouter à une ancienne sclérodermie. Osier (4) a publié également

un cas où l'apparition du syndrome de Basedow a succédé à celui de

la sclérodermie.

Grünfeld (5) décrit l'observation d'une femme âgée de 33 ans, qui

souffrait depuis 8 ans d'un goître exophtalmique, et depuis 2 ans d'une

sclérodermie prononcée au tronc. L'opothérapie thyroïdienne produisit

l'amélioration de toutes les deux. i

Raymond (6) présente, dans une leçon clinique, un nouveau cas, observé

également par Jeanselme, et qui, en dehors d'une sclérodermie diffuse,

offre des symptômes basedowiens.

Fox (7) a également présenté un cas d'association du syndrome de

Basedow avec la sclérodermie.

Guillain et Dupré (8) ont communiqué le cas d'une femme, âgée de

(1) BEER, Club médical de Vienne, séance du 24 octobre 1894.

(2) Ditisheim, Ueber Morbus Basedowii, Thèse de Zurich, 1895.

(3) Jotas, Thèse de Bonn, 1896. '

(4) W. OSLER, On diffuse scleroderma vith spécial référence to diagnostic and the

use of the thyroïd gland extracf. Journal of eut. and genito-urin. diseases, vol. 16,

1898, n', 2-3, p. 91 et 127.

(5) GRUNFELD, Ein Fait von Sklerodermie kombiniert mit Morbus Basedowii. Wiener

med. Bldlter, n° 0, 989ti.

(6) Raymond, De la sclérodermie. Semaine médicale, n° 10, 1898.

(7) Fox, Soc. de dermatol. de Londres, 9 juin 1897.

(8) E. DornE et G. GUILLAIN, Association des syndl'omeJbasedowien, sclérodermique

et tétanique. Soc. méd. des Hôpitaux, séance du 4 mai 1900,

278 MARINESCO ET GOLDSTE1N

34 ans, chez laquelle les premiers symptômes de Basedow sont apparus à

l'âge de 13 ans. Onze ans après on constate une sclérodactylie au petit

doigt et à l'annulaire de la main droite. A l'âge de 29 ans, crises de

tétanie. La malade, au moment de la présentation, avait tous les symptô-

mes du syndrome basedowien : un goitre, de l'exophtalmie, de la tachy-

cardie, des tremblements, des troubles oculaires, des crises de diarrhée,

des bouffées de chaleur, etc. La sclérodermie occupait le front, le nez,

les doigts. Crises fréquentes de tétanie. Mais il la discussion qui a suivi

cette présentation de la malade, Joffroy fait des réserves sur le diagnostic

de sclérodermie.

Samouilson (1) relate le cas d'une femme qui présente, à l'âge de 38 ans

un goitre, à 42 le syndrome de Basedow, et 9 ans plus tard, une scléro-

dermie au front et à l'aile du nez. Il admet la théorie nerveuse, mais il est

d'avis que le dysthyroïdisme serait la cause des modifications nerveuses

produisant la sclérodermie.

Dans le cas de Krieger (2), il s'agit d'une femme de 59 ans, qui avait

été reçue, dans la clinique d'Erb, 4 ans auparavant, avec le diagnostic de

Basedow. Depuis deux ans elle souffre de troubles cardiaques, de la mala-

die de Raynaud et de sclérodactylie. L'auteur admet que les deux affec-

tions ontune relation étiologique et incline, à l'exemple deSamouilson; <)

mettre la sclérodermie en relation avec des lésions nerveuses, produites

par des troubles thyroïdiens.

Môller (3) a publié un cas d'association de goitre exophtalmique à la

sclérodermie.

Fuchs (4) a présenté à la Société de Psychiatrie et de Neurologie, de

Vienne un malade, âgé de 29 ans, souffrant d'un Basedow grave et typi-

que depuis un an. Après 6 à 7 mois de maladie la sclérodermie fait son

apparition de la manière suivante : il se produit des oedèmes indolores

aux deux jambes, lesquels rétrocèdent après 4 semaines, sauf à la face an-

térieure où ils persistent et deviennent durs. La peau y subit une infiltra-

tion, devient luisante, légèrement brunâtre, les poils y sont rares et la

sensibilité moins prompte. Fuchs ne se prononce pas sur la pathogénie,

mais il rappelle les principaux cas de Basedow avec sclérodermie publiés

avant lui.

(1) SAMOUILSO;V, La coexistence de la sclérodermie et des lésions du corps thyroïde.

Thèse de Paris, 1898.

(2) Il. Krieger, Ein Fait von Sklerodermie nach vorausgegangenen Morbus Basedowii.

Mûnchener med. Wochenschr., n° 41, 1903.

(3) MOELLE, Diffuse symetrische Sklerodermie und Morbus Basedowii Dermatolo-

gische Gesellschaft in Stokholm, 26 mars 1903, in Monatshefte sur praktische Derma-

tologie, vol. 37, n* 6, p. 271, 15 septembre 1903.

(4) A. Fucus, Soc. de Psych. et de Neurol. de Vienne, séance du 9 février 1904, in

Wiener klinische Wochenschr., n° 19, 1904. -. '

SYNDROME DE BASEDOW ET SCLÉRODERMIE 279

Leven (1) a publié également un cas où la sclérodermie s'est établie

après un Basedow.

Le cas présenté par Wick (2) se rapportait à une femme ayant des mu-

tilations aux doigts et aux orteils et des déformations rhumatismales aux

articulations et aux gaines des tendons; de plus on observait des modi-

fications sclérodermiques intenses et prononcées aux extrémités supérieu-

res et inférieures et en partie au tronc. La malade présentait en outre un

goître assez développé, une tachycardie manifeste quoique pas trop in-

tense, une légère exophtalmie et le signe de Stellwag positif. Wick consi-

dère comme base étiologique de la sclérodermie dans son cas le processus

rhumatismal chronique. ·

Kornfeld (3) présente une femme chez laquelle il est apparu d'abord

les troubles sclérodermiques, puis les symptômes de Basedow, après quoi

ceux de sclérodermie progressent et s'étendent aux bras, à la poitrine et

au visage. Au moment de la présentation, la thyroïde n'est pas augmentée

de volume, mais elle est le siège d'un nodule de la grosseur d'une petite

noix. Le regard de la malade est fixe, on remarque une exophtalmie très

légère, le signe de Stellwag est positif, la convergence des yeux est limi-

tée, la sensibilité est obtuse au niveau des plaques sclérodermiques. Le

pouls, de 100-130, monte à 150 après une légère fatigue. Elle a maigri de

12 kilos en 10 mois. Le massage et l'ingestion de tablettes de thyroïdine

ont produit une amélioration assez nette. Il admet une relation entre le

Basedow et la sclérodermie.

Freund (4) publie le cas d'une femme âgée de 39 ans, chez laquelle la

maladie a débuté par des douleurs articulaires, puis il s'est produit l'in-

duration et la pigmentation de la peau. Plus lard il apparaît des palpita-

tions, la tuméfaction de la thyroïde, et de temps en temps des crises de

diarrhée. Amaigrissement, pouls 88, goitre mou, transpiration dans les

régions indemnes de sclérodermie. L'auteur est d'avis que son cas peut

être considéré comme un appui pour la démonstration de l'existence d'une

relation entre la sclérodermie et le syndrome de Basedow.

Lissogorenko (5) donne l'observation d'une femme âgée de 34 ans, la-

quelle avait souffert pendant sa cinquième grossesse de rhumatismes et

(1) LEVEN, Kurze Mitleilung zu dem Fall von Skledoderniie. Dermatol. Zentral-

blatt, février 1904, n° 4.

(2) Wick, K. li. Gesellschaft de/' Aerzte in 1Vien. Wiener klin. Wochenschr., n 7,

p. 194, 1906.

(3) F. RoRNFEt.n, Zur Pathologie der Sklerodermie und des Morbus Basedowii. Wie-

ner med. Presse, n° 14-15, 1906.

(4) R. Freund, Ueber den Zusan2nie;zhaiig von Sklerodermie mit Morbus Basedowii.

Wiener klin. Rundschau, n) 36, 1906.

(5) W. Lissogorenko, Ueber die Beziehung der Sklerodermie tu Schilddrüsenerkran-

kungen. Thèse de Bâle, 1909.

280 l\IAIHNESCO ET GOLDSTEIN

chez laquelle, trois semaines après l'accouchement, a commencé la scléro-

dermie par un oedème des doigts de la main gauche qui s'étend ensuite

aux mains, au visage, au cou, moins aux pieds, avec pigmentation intense

de la peau. Après quelque temps, au cours de la même année, il apparaît

la tachycardie et la tuméfaction du cou. Ensuite et peu à peu se montrent

d'autres symptômes basedowiens tels que la faiblesse, l'agitation, une

grande irritabilité nerveuse, des pulsations intenses des carotides, le signe

de Stellwag et le goitre qui atteint le volume d'un poing d'enfant. Le pouls

bat à 100 pulsations par minute. Elle n'a pas de tremblements, la mens-

truation est régulière. Prurit au dos et à la poitrine.

Staehelin (1) a présenté un cas typique de goitre exophtalmique chez

une femme où, peu de temps après l'apparition des symptômes hasedo-

wiens, il a observé deux plaques de sclérodermie sur la face antéro-externo

des jambes.

Rasch (2) a vu une femme de 26 ans, atteinte de la maladie de Raynaud,

de sclérodermie, de goitre, de tachycardie et de pigmentations de la peau.

Il est d'avis que dans ce cas il s'agit d'une affection pluri-glandulaire (hypo-

physe, thyroïde, capsules surrénales), il ne peut pas dire quelle est la

glande qui a été atteinte la première, mais la sclérodermie est assurément

sous la dépendance des glandes endocrines, peut-être surtout dans celle du

lobe antérieur de l'hypophyse.

Sur deux cas de sclérodermie publiés par Kôlle (3) et traités avec de

l'extrait des glandes mésentériques, l'un se rapporte à une femme, âgée de

37 ans, avec sclérodermie diffuse et qui souffre depuis 6 ans de Basedow.

L'auteur admet comme pathogénie une lésion ou une névrose du sympa-

thique à laquelle il s'ajouterait des troubles glandulaires et des autotoxi-

nes intestinales, consécutives à l'insuffisance fonctionnelle des glandes,

spécialement des glandes mésentériques.

A cette liste, assez longue, de cas d'association du syndrome scléroder-

mique à celui de Basedow, nous en ajouterons une autre, non moins lon-

gue, concernant les cas de sclérodermie où l'on a noté des lésions atrophi-

ques, la diminution de volume de la glande thyroïde ou un simple goitre.

Schâffer (4) a publié un cas de sclérodermie avec atrophie du corps thy-

roïde. Dans celui communiqué par Friedheim (5). la glande thyroïde était

très peu développée.

(1) STAEIIELIN, Gesellschaft der Charile-Aerzle, Séance du 16 janvier 1908, in Berliner

klin. Wochenscftr., ne 21, 1908.

(2) C. Rasch, Sklerodermie mit Affeltlion der Mundschleimhatit und Basedow, Addi-

son, Symptomen. Dermatol. Zeitschr., ne 3, XIX, 1912.

(3) W.KoELLE, a : U ? xeAMKMci7'Ae)'apeM< ! sc/tex : u ? '$/f ! erocferwts. Afunchpnermed.

Wochenschr., n° 6, lFi2.

(4) Schiffer, cité d'après Lewin et HELLER, Die Sklerodermie, eine monograpliisches

Studie. Berlin, 1895. Obs. 462, p. 115.

(5) Friedheim, Beilr(iq ;Met : )t ! tss der Sclérodermie. Munchenermed.Wochenschr.,

1895, no 19, p. 440.

SYNDROME DE BASEDOW ET SCLÉRODERMIE 281

Morselli (1), Archangelli (2) et Schubiger (3) ont publié des cas de

sclérodermie avec goitre simple.

Panegrossi (4) a vu apparaître la sclérodermie chez une malade de

60 ans, goitreuse et parkinsonienne. Il a obtenu une amélioration avec le

traitement thyroïdien, et il déduit que dans certains cas il existerait une

relation entre la sclérodermie et les modifications pathologiques de la thy-

roïde.

Chauffard (5) note, chez une femme de 59 ans avec sclérodermie dif-

fuse, que le corps thyroïde était petit et que l'opothérapie thyroïdienne

fut sans résultat.

Dans le cas de sclérodermie généralisée l'homme momie-de Gras-

set (6), il mentionne que le corps thyroïde était imperceptible.

Sachs (7) a observé dans un cas des signes d'insuffisance thyroïdienne.

Von Nôthhaft (8) mentionne dans un autre que le corps thyroïde était

très petit.

Hektoen (9) a publié un cas de sclérodermie où il a observé l'atrophie,

la sclérose et la disparition d'un goitre, la dégénérescence hyaline et l'ar-

tério-sclérose des vaisseaux. A l'autopsie la thyroïde était très petite, elle

ne pesait que 14 grammes. L'hypophyse était également très réduite de

volume, n'ayant plus que 3, 4 grammes. 1

Dans le cas communiqué par James (10), il y avait de la sclérodermie

et le syndrome de Raynaud avec une atrophie du corps thyroïde.

Dans le IIP cas d'Osier (11), celui d'une femme de 40 ans avec scléro-

dermie diffuse, la thyroïde était imperceptible et l'opothérapie thyroï-

dienne a eu un résultat favorable.

Uhlenhut (12) a noté la disparition complète de la glande thyroïde

(1) A'IORSSLLI, Riforma medica, n° Il, 1895.

(2) ARCHANf1ELLI, Bull. della Soc. lancisiana d'Osped. di Roma, ne 2, 1894-1805.

(3) Schubiger, Monatshefte sur prakt. Dermatol., 1897.

(4) PANFGRossi, Bull. della Soc. lancisiana, vol. XVI.

(5) CHAUFFARD, Sclérodermie avec hémiatrophie linguale ayant débuté par le syn-

drome de la maladie de Raynaud. 13u11. et Além, de la Soc. médicale des hôpitaux,

28 juin 1895, p. 516.

(6) Grasset, On « homme momie ». Sclérodermie généralisée congénitale. Nouvelle

Iconographie de la Salpêtrière, 1896, n° 5.

(7) SACHS, Acad. de méd. de New-York, 16 avril 1896.

(8) V. NoTUnnrT, Zentralbl. f. allg. Pathol. u. pathol. Anat., 1898.

(9) IIexTOEN, Zentralbl. f. allg. Pathol. u. pathol. Anat., 1997.

(10) A. James, Scleroderma associated with Raynalld's disease. Edimb. med. chir.

Society, 2r déc. 1898, in Scott. Med. and Surgic. Journal, vol. IV, n° z, 1599.

(11) W. OsLER, On diffuse sclero-derma with spécial référence to diagnostic and the

use of the thyroïd gland extract. Journal of eut. and genito-urin., 1898, vol. 16, nos 2

et 3, p. 97 et 127.

(12) Uhlenhut, Berliner klin. Wochenschr., 1899.

282 MARINESCO ET GOLDSTEIN

dans un cas de sclérodermie, le traitement thyroïdien n'a donné pour-

tant aucun résultat.

Lancereaux et Paulesco (1) mentionnent que le corps thyroïde n'était

pas apparent chez une femme de 28 ans, avec sclérodermie généralisée,

laquelle s'est améliorée par l'opothérapie thyroïdienne.

Dehu (2), dans un cas difficile à diagnostiquer, car il présentait des

caractères de myxoedème ainsi que ceux de la sclérodermie, dit que le

corps thyroïde n'était pas perceptible et que le traitement thyroïdien a

produit la guérison.

Parmi trois cas de sclérodermie publiés par Sternthal (3), nous avons

trouvé mentionné dans le cas II que la thyroïde était très petite, et que

dans le cas 111 l'opothérapie thyroïdienne a produit une amélioration.

Eddowes (4), dans un cas de sclérodermie en plaques avec alopécie et

leucodermie, dit que le corps thyroïde était imperceptible et qu'il a ob-

tenu une amélioration avec l'opothérapie thyroïdienne.

Porter (5) a vu chez une femme de 39 ans, atteinte d'une sclérodermie

diffuse, une atrophie considérable du corps thyroïde.

Kronheimer (6) a noté également l'atrophie de la thyroïde chez une

femme de 23 ans présentant une sclérodermie diffuse et de la sclérodac-

tylie.

L'un de nous (Marinesco) (7) a communiqué un cas de dystrophie gé-

néralisée (avec sclérodermie) qu'on pouvait rapprocher de l'homme mo-

mie de Grasset, et à l'autopsie duquel il a trouvé une thyroïde petite et

altérée. '

Ménétrier et Bloch (8) ont publié le cas d'une femme de 27 ans avec

(1) Lancereaux et Paulesco. L'iocloiliysine dans le traitement des affections dites rhu-

malismales (Rhumatisme chronique, artériosclérose, troubles vaso-moteurs et lrophi-

ques des extrémités, sclérodermie..., etc.). Journal de méd. interne, 1"' janvier 1899.

(2) Dehu, Sclérodermie ou inyxoedème Ann. de dermatol. et de syphil., juin 1899.

(3) STER-iTll.4L, Beitrag zur Casuislsk der Sclerodermia. Archiv für Dermatologie und

Syphilis, 1898, vol. 43. '

(4) Eddowes, Alopecia, Leucoderma and Scleroderma. Dermatological Society of

Great Britain and Ireland, 28 juin 1899, in British Journal of Dermatology, août 1899,

p. 325.

(5) W. S. PORTER, Sheffietd medico-chil'llrgical Society, 28 février 1901,. in The Bri-

tish med. Journal, 13 avril 1901, p. 893.

(6) Kronheimer, Ein Fait von diffuser, symelrische Sklerodermie mil Sltlerodactylie.

Nûrnberger medizinische Gesellschaft in Mûnchener med. Wochenschr., 1903, no 41,

p. 1940.

(7) G. Marinesco, Un cas de dystrophie généralisée. Bull. de la Soc. des sciences

méd. de Bucarest, n° 2, 1904.

(8) P. Ménétrier et L. Bloch, Un cas de sclérodermie diffuse. Amélioration considé-

rable par le traitement thyroïdien. Bull. et mém. de la Soc. méd. des hôp. de Paris,

21 février 1905, p. 146. ' ' ' '

SYNDROME DE BASEDOW ET SCLÉRODERMIE 283

sclérodermie diffuse, chez laquelle le corps thyroïde était réduit de volu-

me. L'opothérapie thyroïdienne fut suivie d'une amélioration considé-

rable. '

Huismans (1) a noté dans un cas de sclérodermie, parmi divers troubles

des glandes endocrines, ceux de l'insuffisance thyroïdienne.

Vincent (2) a communiqué le cas d'un malade chel lequel un rhuma-

tisme aigu fut suivi d'une thyroïdite. Après quelque temps il est apparu

une sclérodermie progressive, et le corps thyroïde s'est atrophié.

Claude, Rose et Touchard (3) ont également vu un cas'avec évolution

simultanée et parallèle du rhumatisme chronique, de la maladie de Ray-

naud et de sclérodermie chez une femme de 60 ans. Le corps thyroïde

était atrophié.

Tsuchida (4) a trouvé à J'autopsie d'un cas de sclérodermie avec aspect

bronzé une augmentation de volume de l'hypophyse et un goitre

colloïdal.

Laignel-Lavastine (5) a observé une atrophie appréciable du corps thy-

roïde chez une jeune fille de 18 ans, chez laquelle se sont succédé le

syndrome de Raynaud, la sclérodactylie et puis la sclérodermie.

Dupré et Kahn (6) mentionnent l'atrophie du corps thyroïde chez une

femme de 57 ans avec sclérodermie et maladie de Raynaud.

Dans le cas I de sclérodermie diffuse de Pedrazzini (7), il est noie

l'atrophie du corps thyroïde et l'opothérapie thyroïdienne fut suivie

d'une amélioration. Dans son cas IV, celui d'une femme de 30 ans avec

sclérodermie diffuse, il est noté la présence d'une nodosité dans le corps

thyroïde. Il y obtient également une amélioration en leur administrant t

de l'extrait thyroïdien.

Klippel (8) a publié un cas de goître simple accompagné de scléroder-

mie. Il met en rapport cette dernière avec le dysthyroïdisme.

(1) L. Huismans, Ueber die Beziehungen 1 ! °n lntektion, GefiÜs-ul1d Blutd1'lisene¡-kl'or¡-

kungen zur Sklerodenmie. D9ünchener med. Wochenschr., 1905, no 10.

(2) H. VINCENT, Atropine thyroïdienne et sclérodermie consécutives au rhumatisme.

Bull. et mém. de la Soc. méd. des hôp. de Paris, 21 mars 1907, p. 282.

(3) CLAUDE, Rose et Touchakd, Maladie de Raynaud, sclérodermie et rhumatisme

chronique. Bull. et mém. de la Soc. méd. des hôp. de Paris, 21 mars 1897, p. 277.

(4) TsucHiDA, cité d'après LICHTWITZ.

(5) LAIGNEL-LAVASTINE, Sclérodermie généralisée mélanodermique. Soc. méd. des

hôp. de Paris, 31 janvier 1908, p. 186.

(6) Dupré et Kahn, Sclérodermie maladie de Baynaud (syndrome polyglandulaire).

Bull. et mém. de la Sot, méd. des hôpitaux, 17 juin 1909, p. 1230.

(1) F. PEURAZZINI. Sclerodermia ed ati"oïdi,'111o. Gazzeta degli Osped. e delle Cli-

niche, leur août 1909, nu 91, p. 953.

(8) A9AURICE Klippel, La sclérodermie dans le goitre simple. Semaine médicale,

n- 18, 1910.

284 MARINESCO ET GOLDSTEIN

Lichtwitz (1) a trouvé dans un cas de sclérodermie combinée avec le

syndrome d'Addison, à côté des lésions d'une capsule surrénale et des

ganglions sympathiques voisins, un corps thyroïde très petit et alrophi-

que. Le lobe médian était à peine visible et la glande était.fibreuse etpré-

sentait une dégénérescence colloïdale.

Turrettini (2) publie le cas d'une jeune fille atteinte de la maladie de

Raynaud et de sclérodermie et chez laquelle le corps thyroïde était peu

développé. Il en déduit que l'insuffisance thyroïdienne serait le substra-

tum pathogénétique de la sclérodermie.

Un cas intéressant esl celui présenté par Pauchet (3). Il s'agit d'une

malade, âgée de 44 ans, qui depuis 2 ans présentait un goitre asphyxiant,

une exophtalmie prononcée, le pouls il 150, de l'oedème des jambes, de

l'insomnie, un amaigrissement considérable et de la mélanodermie. Après

une hémilhyroïdeclomie, il obtient une amélioration manifeste : engraisse-

ment, euphorie, reprise des occupations ; mais, deux mois après l'opé-

ration, apparaissent des douleurs rhumatoïdes et un syndrome scléro-

dermique.

En dehors de ces cas où on a noté des modifications alrophiques ou

dégénératives du corps thyroïde, on a publié un grand nombre d'observa-

tions de sclérodermie dans lesquelles l'opothérapie thyroïdienne a donné

des résultats favorables, ce qui fait supposer l'existence d'une insuffisance

de la glande thyroïde chez ces malades. Nous avons déjà noté dans cer-

tains cas avec lésions du corps thyroïde, que l'administration des prépara-

tions thyroïdiennes a été suivie d'une amélioration plus ou moins mani-

feste ou même d'une guérison. Nous y pouvons ajouter le tableau suivant

qui contient des cas chez lesquels on a ohtenu les mêmes résultats favo-

rables sans avoir noté des modifications du corps thyroïde appréciables à

l'examen clinique des malades.

(1) L. Liciitwitz, Ueber einen Fait von Sklerodermie und Morbus Addisonii nebst

Bemerkungen icber die Physiologie und Pathologie des Sympathikus und «et, Nebennie-

ren. Deutsches Arch. f. klin. Med., vol. 94, no 5-6, 1910..

(2) G. Turrettini, Sclérodermie et asphyxie symélrique des extrémités. Revue méd.

de la Suisse Romande, no 4, 1910.

(3) PARCHET, Soc. de chir. Séance du 16 novembre 1910, in Semaine méd., 1910,

ne 47, p. 562.

SYNDROME DE BASEDOW ET SCLÉRODERMIE 285

286 MARINESCO ET GOLDSTEIN

SYNDROME DE BASEDOW ET SCLERODERMIE 287

Feréol (1), Willrich (2), Leloir (3), Naunyn (), etc., ont publié des

cas d'association de la sclérodermie avec le syndrome d'Addison. Licht-

witz (5) a trouvé dans son cas de sclérodermie une capsule surrénale

altérée. Claude, Rose et Touchard (6) se demandent si l'hypofonclionne-

ment des surrénales ne joue pas un rôle dans les phénomènes vaso-mo-

teurs et s'il n'y a pas lieu d'admettre une hypertrophie surrénale compen-

satrice de l'atrophie thyroïdienne.

Strumpell (7) a émis l'opinion théorique que la sclérodermie sérail

l'opposé de l'acromégalie, étant donné qu'elle est la conséquence d'une

insuffisance de l'hypophyse. Les cas de Roux (8) et de Lafond (9) se-

raient en concordance avec cette manière de voir.

On a encore noté l'association de la sclérodermie avec la paralysie agi-

tante [Panegrossi (10), Palmieri (11), Frankel, Lundborg (1 '), Luz-

zalo (13), Rasch (14)]. D'après certains auteurs [Hillairet (15), Grün-

feld (16)], les ovaires participeraient également à la pathogénie du syn-

drome sclérodermique.

- Alquier et Touchard (17) ont trouvé des lésions pluriglandulaires dans

deux cas de sclérodermie.

Dans leur premier cas ils ont constaté une sclérose très prononcée de

la thyroïde, des capsules surrénales, des testicules, un peu moindre de

l'hypophyse. Dans le second cas existait une sclérose beaucoup plus

(1) Feréol, Bull, et mém de la Soc. méd. des hôpitaux, 1879, p. 243.

(2) WILLIiICH, Thèse de Gdttingen, 1892.

(3) Leloir, Thèse de Paris, 1881.

(4) NAUNYN, Verhandlungen des unterelsàssischen Aerztevereins in Strassburg,

Sitzung von 21 Jûny 1896.

(5) L. Lichtwitz, Ueber einen Fall von Sklerodermie und Morbus Addisonii nebst

Bemerkungen Uber die Physiologie und Pathologie des sympatizicns und de)' Neben-

nieren. Deutsches Archiv sur klin. Med., vol. 94, no- 5-6, 1910.

(6) CLAUDE, Rose et Touchard, Maladie de Raynaud, sclérodermie et rhumatisme

chronique, Bull. et mém. de la Soc. méd. des hôpitaux de Paris, 21 mars 1907,

p. 277.

(7) Strumpell, Deutsche Zeitschr. f. Nervenheilk., vol. XI.

(8) J. Roux, Sclérodermie et corps pituitaire, Revue neurologique, 1902, n° 15, p.121-

(9) PLAFOND, Sclérodermie el corps pituitaire, Th. de Lyon, 1902, ne 149.

(10) PANEGRossi, Bull. de la Soc. Lancis; XVI.

(11) PALMIERI, cité par LUZZAT.0,

(12) Cité d'après Lrzznro, 1904, p. 753.

(13) A.-M. LuzzATti, l'aralisi agitante e sclerodermia, Il Morgagni, vol. 46, no 12.

(14) C.Rescu, Sklerodermie mit Attektioii der Mundschleimhaut eénd Basedow-.4ddi-

son symplomen. Dermatolog. Zeitschr., vol. 19, 1912, n" 3.

(15) IhLLAIRET, Ann. de dermatol. et de syphil., 1872.

(16) GeüvrEu, Thèse, 1894.

(17) ALQuiR et P. Touchard, Lésions des glandes vâsculaires sanguines dans deux

cas de sclérodermie généralisée. Arch. dé méd. exp. et d'anat. pathol., n» 5, 1907,

p. 687.

288 MARINESCO ET (iOLUSTEIP1

légère de ces organes, sans altérations des cellules ; on notait la présence

d'adénomes dans les surrénales.

Les glandes à sécrétion interne étant sous l'influence du grand sympa-

thique, il était naturel de chercher à unifier tous ces cas par une théorie

unique, à savoir que la sclérodermie serait due aux lésions du système

sympathique. Huismans (1) ayant trouvé des lésions glandulaires multi-

ples dans un cas de sclérodermie, est d'avis que les glandes endocrines

sont altérées et que le sympathique intervient dans la production de ces

troubles.

Cependant la sclérodermie ne serait pas, dans toutes ses étapes une né-

vrose pure, mais une névrose du grand sympathique qui ouvre la voie de

l'éruption de la maladie,sans être en état de produire à elle seule la sclé-

rodermie, pour laquelle il est nécessaire que se produise une intervention

secondaire des glandes à sécrétion interne.

Malgré qu'une pathogénie sympathique expliquerait assez bien beau-

coup des cas que nous venons d'énumérer, elle ne peut pas pourtant être

généralisée à tous. La théorie de Brissaud (2) que toute sclérodermie re-

lève d'une affection primordiale du système du grand sympathique nous

semble trop généralisatrice. En admettant une telle pathogénie, les lésions

pluriglandulaires devraient être beaucoup plus fréquentes et le syndrome

sclérodermique beaucoup plus uniforme. Or les cas avec troubles thy-

roïdiens sont très fréquents, tandis que ceux avec lésions d'autres

glandes endocrines sont assez rares. Pour expliquer ce fait on devait ad-

mettre la prédominance d'une lésion du sympathique cervical. Celte hy-

pothèse est applicable aux cas où coexistent des troubles thyroïdiens avec

la sclérodermie de la face et des membres supérieurs, mais elle n'est pas

en concordance avec les cas, parmi lesquels peut se ranger le nôtre, où

les plaques sclérodermiques occupent exclusivement les jambes. Dans de

telles conditions il est plus probable que les modifications des systèmes

sympathique etaulonome sont secondaires à des troubles thyroïdiens.

Nous ne sommes pas les partisans d'une pathogénie unique de la sclé-

rodermie.

C'est un syndrome qui peut être réalisé de plusieurs manières. Il y a des

cas qui confirment toutes les théoriespathogénétiques : trophonévrose,angio-

trophonévrose, sympathique, vasculaire, hypophysaire, pluriglandulaire.

Mais aucune de ces théories ne peut être appliquée à la totalité des cas.

La cause la plus fréquente est sans doute les troubles thyroïdiens. Mais

(1) L. HUIS11AN8, Ueber die Beziehungen von Infeklion Gefâss, und Bluldrùsenerkran-

kungen zur Sklerodermie. l\1únchcner med Wochenschr., 1905, n° 10.

(2) E. Bmssauo,Palleogénie du processus sclérodermique. Presse médicale, 1897, n* 51,

p. 285.

* SYNDROME DE BASEDOW ET SCLERODERMIE 28)

même les cas ayant celle pathogénie ne seraient pas le résultat d'un môme

mécanisme. Le fait que chez certains sujets il y a de l'hypersécrétion de

la glande, tandis que chez d'autres on a noté l'hypothyroïdisme a forcé

les auteurs de recourir à diverses explications. Migliacci (1), tout en ad-

mettant que la théorie thyroïdienne explique assez bien le phénomène de

la sclérodermie, dit que si le traitement thyroïdien ne réussit que quel-

quefois, c'est parce que la glande n'est pas toujours dans le même état.

Gauthier (2) distingue même deux formes de sclérodermie : à l'hyperthy-

roïdisme correspondrait la sclérodermie ordinaire, la plus fréquente,

tandis qu'à l'hypolhyroïdisme correspondrait un type spécial différant de

la forme ordinaire par un moindre parcheminage de ia peau et donnant

au toucher la sensation d'une sorte d'adipose sous-cutanée.

Cassirer (3) met sur le compte du système végétatif (sympathique et

autonome) les névroses vasomotrices et trophiques parmi lesquelles il

range aussi la sclérodermie.

La sécrétion des glandes endocrines est sous l'influence du système ner-

veux végétatif, et le syndrome de Basedow représenterait seulement une

localisation spéciale d'une altération générale du système végétatif. Il se

distingue des affections apparentées par la modification des conditions

, d'innervation de la thyroïde. D'après Cassirer on peut admettre que dans

les angiotrophonévroses, les centres de la sécrétion interne ne sont pas

habituellement lésés, mais seulement les centres spéciaux vasomoteurs et

sécrétoires sympathiques ainsi que para-sympathiques.C'est à peine, quand

les troubles s'étendent aux centres de la sécrétion interne, que les symptô-

mes propres au syndrome de Basedow apparaissent. D'après cette concep-

tion, ce ne sont pas les glandes à sécrétion interne qui joueraient le rôle

principal mais le système nerveux végétatif qui innerve leurs centres ainsi

que ceux des vaisseaux. La relation intime entre le groupe basedowien et

les angiotrophonévroses trouverait de celte manière une explication. Cas-

sirer arrive à la conclusion que les symptômes des angiotrophonévroses-

névroses organiques - seraient des manifestations d'excitation des diffé-

rents segments du système végétatif. Leur cause réside dans un trouble

héréditaire ou acquis de ce système.

De l'existence fréquente de troubles thyroïdiens dans des nombreux cas

de sclérodermie et des diverses considérations faites en différents endroits,

nous sommes d'avis qu'on peul déduire que le rôle du corps thyroïde est

(1) Migliacci, Gazeta degli Ospedali e delle Ctiniche, 1908, n" 92, p. 982.

(2) Ch. Gauthier, Fonctions du corps thyroïde. Revue de médecine, 1900, p. 442.

(3) Cassirer, Die vasol1lotorische-l1'ophische Neurosen. Berlin, 1912 ; Die Rolle des

vegataliven Systems in der Pathologie der oasomotorisch-trophischen Neurosen. Medi-

zinisches klinik, 1912, n" 47.

xxvi 19

290 MARINESCO ET GOLDSTEIN *

indubitable dans certains cas de sclérodermie, et que sa sécrétion interne

intervient dans les cas accompagnés de Basedow autant que dans ceux avec

d'autres manifestations thyroïdiennes,par l'action sympatliicotrope de celte

sécrétion. Ce mécanisme explique autant les cas où le syndrome de Base-

dow est apparu le premier, la sclérodermie ensuite, que ceux où leur

apparition a suivi l'ordre inverse. La sécrétion thyroïdienne, produisant

par son action sympalhicotrope l'un ou l'autre de ces syndromes ou tous

les deux associés chez le même individu, n'ordonne pas expressément

l'apparition, première dans le temps, de l'un des deux.

Dans les cas de sclérodermie avec goitre simple ou dans lesquels on a

noté des altérations atrophiques du corps thyroïde, on doit de même ad-

mettre que les troubles sclérodermiques apparaissent seulement dans les

cas où a lieu une modification de la sécrétion thvroïdienne donnant lieu

à une certaine action sympathicotrope. "

ÉTUDE RADIOLOGIQUE D'UN CAS DE SCLÉRODERMIE.

ANALOGIES DE LA SCLÉRODERMIE AVEC LE SYNDROME

DE PROFICHET.

PAR

, M. M. BERTOLOTTI,

Directeur de l'Institut radiologique de l'Hôpital Majeur de Turin.

Docent privé à la Faculté.

La sclérodermie date seulement du siècle dernier; c'est donc une mala-

die de connaissance relativement récente. Pourtant il paraît que déjà Hip-

pocrate aurait donné la description de celte maladie; le grand clinicien grec

rapporte en effet dans son Traité des épidémies l'histoire d'un certain athé-

nien dont la peau était si indurée qu'on ne pouvait la pincer ; Galien aussi

dans son Traité dé thérapeutique signale une maladie qu'il nomme la

stegnose et qui consistait en une sorte d'obstruction des pores de la peau ; il

décrit encore comme symptômes de celle affection la dureté et la blancheur

de la peau, la pigmentation fréquente et l'absence de sueurs, qui en effet

est un phénomène fréquent au niveau des plaques de sclérodermie.

Mais c'est Thirial qui, le premier en 1845, a publié une description

régulière d'un cas de sclérodermie et, dans la suite, c'est à partir de 1871-

1872 que la pathogénie de cette maladie devient l'objet d'études vraiment

scientifiques. Ce fut notamment à la Société de Biologie de Paris que à cette

époque commencèrent les débats sur la nature de l'affection : Bail, Char-

cot, Hallopeau, Laborde et d'autres encore y apportèrent chacun le con-

tingent de ses idées personnelles.

D'abord interprétée comme une maladie proprement localisée aux tissus

cutanés, Thibtere en 1890 montra que la sclérose, loin de se limiter à la

peau, est très envahissante et il insista sur l'atrophie des muscles, qu'il

croyait secondaire à une lésion du système nerveux central. Plus tard, en

effet, Arnozan (1890) et Jacques de Saint-Germain montrèrent des pièces

anatomiques avec lésions médullaires très nettes. '

Depuis, Raymond, Grasset et Brissaud ont insisté longuement, dans

leurs cliniques, sur les rapports étroits de la sclérodermie avec le sys-

tème nerveux et enfin, en 1897, à l'occasion d'un cas d'acromégalie, Strum-

292 ' BKHTOLOTTI

pell a publié une note dans laquelle il posait la question du rôle que pour-

rait avoir le corps pituitaire dans l'étiologie de la sclérodermie.

Dans ces derniers temps, la littérature médicale sur cette dystrophie a

acquis une extension remarquable et il serait déplacé ici de rapporter,

même en abrégé, les centaines de publications qui ont été faites sur la sclé-

rodermie ; qu'il suffise de relever seulement la tendance qui s'est accusée

parmi les auteurs d'en faire un trouble consécutif à une altération des

glandes à sécrétion interne, soit au dysthyroïdisme (Osier, Beurmann,

Laroche, Vernis, etc...), soità à l'insuffisance des glandes surréna les (Licht-

witz, Haushalter, Spillmann), soit à des troubles des ganglions mésentéri-

ques (Schwerdt), soit encore à l'hypophyse (Lafond, Wernik) et soit enfin

à un déséquilibre polyglandulaire (Laignel-Lavastine).

Nous laissons de côté cette histoire bibliographique qui comporterait

une analyse forcément trop complexe pour l'extension de notre travail, et

abordons directement notre sujet par l'élude clinique et radiologique

d'un cas de sclérodermie généralisée, avec polymyosite interstitielle, ten-

dinite calcifiante, et présentant encore l'existence de petits nodules calci-

fiés dans le tissu cutané. Qans ce cas nous pûmes relever par la radiogra-

phie la présence d'une selle turcique volumineuse et cliniquement des

signes indéniables d'hypothyroïdisme.

Notre cas se prête donc à soulever plusieurs questions intéressantes,

notre intention justement est de relever : ' ,

1° Les relations existant entre la sclérodermie, l'atrophie thyroïdienne

et l'hypertrophie hypophysaire;

2° Les rapports étroits que, dans plusieurs cas, on put relever entre la

sclérodermie et la maladie dite pierres de la peau ou syndrome de Profi-

chet.

Observation.

Cattano Ernesta, 36 ans, née à Occiniano, nous est amenée en mars 1910

à l'Institut de Radiologie de l'hôpital Saint-Jean par le Docteur Quadrone,

médecin directeur de la consultation externe de l'Hôpital.

Le père de la malade est mort de choléra à 30 ans, sa mère est vivante et

bien portante. Ses parents originaires du Monferrat n'ont jamais quitté le

pays : un frère et deux soeurs se portent bien.

La malade a été réglée très tard (17 ans), toujours régulièrement, elle n'est

pas mariée. Elle nie l'alcoolisme, la syphilis ou toute autre affection vénérienne.

Pas de trace d'impaludisme.

L'affection pour laquelle la malade se présenta à la consultation externe de

l'hôpital, aurait commencé environ à l'âge de 30 ans, c'est-à-dire G ans aupa-

ravant.

Le premier symptôme qui attira son attention a été donné par la cyanose des.

extrémités supérieures; peu après elle ressentit des douleurs à l'articulation

ÉTUDE RADIOLOGIQUE d'un CAS DE SCLÉRODERMIE 293

du genou gauche puis à l'épaule droite et enfin à l'autre genou, de façon qu'il

lui était très pénible de se baisser. Peu à peu, sans cause déterminée, les deux

avant-bras prirent une teinte blanche diffuse, notamment sur le côté cubital,

depuis les doigts jusqu'au coude.

Cette teinte blanche dura quelques mois, puis elle céda la place à une colora-

tion violette et la malade ressentit en même temps une sensation subjective de

froid très vif et de douleurs aiguës quand elle touchait l'eau froide.

Depuis le commencement de ses troubles, ses règles sont devenues incons-

tantes d'abord, et depuis quelques mois ont complètement cessé.

Depuis quelque temps presque simultanément sont apparus, sur le bras et

l'avant-bras de chaque côté, des boutons gros comme une tête d'épingle, indo-

lents, évoluant progressivement pendant plusieurs semaines, pour s'élargir et

ensuite donner lieu à une formation croûteuse blanchâtre d'apparence calcaire

sans aucun signe de suppuration bien nette au niveau de ces boutons. Les

concrétions croûteuses ainsi produites atteignaient une forte épaisseur, demeu-

raient pendant trois ou quatre semaines et puis tombaient progressivement en

laissant des cicatrices de dimensions variables, quelques-unes atteignant même

les dimensions d'une pièce de 2 francs. De semblables boutons, à évolution

identique, apparurent à la suite sur les deux genoux, sur la face dorsale du

pied, et quelques-uns isolément sur le front jet sur le cuir chevelu.

La malade a noté une exacerbation très nette de ces troubles et de ces dou-

leurs pendant l'hiver; alors elle souffre de nombreuses engelures, ses extré-

mités deviennent très froides, violacées, les mouvements des doigts se font

difficiles. La peau se durcit, se rétracte, présente des traînées scléreuses

aux poignets, qui empêchent les mouvements de flexion et d'extension de la

main.

Depuis quelque temps les douleurs aux genoux sont devenues continuelles,

la peau et même le tissu sous-cutané de la région prérotulienne se sont

endurcis.

La figure n'a été atteinte que depuis quelques mois et encore d'une façon

relativement bénigne, tandis que les localisations plus sérieuses se sont can-

tonnées aux extrémités, aux coudes et aux genoux, de façon à rendre la malade

à peu près impotente à tout travail.

L'état général pourtant n'a pas beaucoup souffert, elle est amaigrie un peu,

l'appétit est conservé, mais elle est sujette à des crises intestinales dans les

intervalles d'une constipation opiniâtre. La malade est soumise à un traite-

ment par les comprimés de thyroïdine pendant un mois sans résultats appré-

ciables.

Etat actuel (mars 1910). Femme amaigrie, la peau est fortement pig-

mentée, d'une coloration qui rappelle le facies addisonien ; parmi cette pigmen-

tation brunâtre,des taches de vitiligo sont très visibles notamment sur le front,

sur les régions temporales et sur le cou. Le nez est un peu effilé, lisse d'aspect,

la peau est adhérente et sèche, les yeux» paraissent profonds et petits ; les

oreilles ont un aspect lisse avec contour un peu induré, une p'aqne durcie,

blanchâtre, d'apparence calcaire de la dimension d'une pièce de 50 centimes

294 BERTOLOTTI

siège sur l'oreille gauche; les lèvres sont plutôt effilées et minces. La peau dé

la région faciale est un peu épaissie et peu mobile, la muqueuse buccale ne

présente pas une pigmentation anormale, au cou le tissu cutané présente une

coloration brune, bronzée sans croûtes et sans adhérences aux plans plus pro-

fonds.

Les muscles de la région cervicale antérieure sont tendus ; à la palpation on

ressent qu'ils ont acquis une consistance plus dure qu'à l'état normal (Voir

Fig. 4 PI. XLIII).

Nous attirons l'attention surtout sur une particularité digne de remarque,

et qui est l'exagération des plis paralabiaux.

Au cou la palpation révèle une atrophie absolue,complète, du corps thyroïde,

qui n'est absolument pas perçu à l'exploration la plus minutieuse ; de même on

note l'absence de ganglions lymphatiques perceptibles.

A l'inspection du thorax on relève l'exagération des fosses sus-claviculaires,

la saillie des acromions. On note dans la région sternale une plaque de

sclérose en bande horizontale qui est nettement perçue à l'inspection et qui, au

toucher, se présente de l'épaisseur d'environ 1 centimètre ; cette bande sclé-

reuse, qui siège justement à la hauteur de la région axillaire, atteint 20 centi-

mètres de longueur sur 4 centimètres de hauteur. Les deux seins sont petits,

atrophiques. Aux bras on aperçoit une série de plaques disposées sur la ré-

gion externe depuis le coude jusqu'au bord cubital de la main,ces plaques, de

dimensions variables, ont une couleur blanchâtre comme des écailles de pois-

son, elles intéressent aussi le tissu sous-cutané, et parfois sont adhérentes au

plan musculaire. Il n'y a pas d'ectasies vasculaires arborisées autour des pla-

ques, qui sont complètement indolentes, et la pression à leur niveau n'est nul-

lement douloureuse.

Les mains sont le siège des altérations les plus graves ; les doigts ont un as-

pect cireux, leur courbe est continue, ils sont écourtés au bout, la peau qui les

recouvre est très dure, presque ligneuse, sèche, lisse et ne se laisse absolument

ni pincer, ni soulever en plis. Sur la face dorsale des doigts, au niveau des

articulations interphalangiennes, il y a de petites lésions érosives un peu suin-

tantes qui mettent à découvert une substance crétacée qui tombe en croûtes.

Depuis deux ans les ongles sont tombés et à leur place sont apparus de nouveaux

ongles atrophiés infléchis en crochets, avec striatures, et accompagnés d'une

production cornée péri-unguéale.de façon que les ongles n'ont plus de lunule et

semblent même avoir perdu leur matrice.

Les mouvements des doigts sont très limités, sans qu'il y ait cependant une

véritable ankylose des articulations.

Les doigts sont très froids au toucher, l'index et le médius présentent ces al-

térations au maximum, tandis que le pouce est relativement indemne. La paume

de la main est bridée dans toute son étendue par une adhérence profonde qui

la fixe aux gaines des fléchisseurs et qui rappelle absolument la véritable forme

de Dupuytren sans les saillies des cordes tendineuses. Malgré ces graves mo-

difications de structure et de circulation sanguine, la sensibilité est à peu près

intacte ; à peine est-elle un peu émoussée à l'index et au médius.

Nouvelle Iconographie DE la Salpêtrière.

T. XXVI. Pl. XLIII

SCLÉRODERMIE

(BerioloUi).

Masson & Cie, Editeurs

ÉTUDK RADIOLOGIQUE d'un CAS DE SCLÉRODERMIE 29 ? )

Toutes les lésions que nous avons décrites sont parfaitement symétriques ;

elles semblent évoluer parallèlement (Voir Fig. 2, PI. XLIII).

Dans la région dorsale du poignet il existe des deux côtés nne induration sclé-

reuse parfaitement symétrique placée dans le sens vertical ; cette bande de

tissu sclérosé se soulève d'un centimètre environ sur le plan de la surface

cutanée du poignet en produisant deux creux latéraux ; la photographie des

mains que nous donnons ici montre assez bien cette induration qui englobe

tous les tendons des muscles extenseurs au niveau du poignet.

Les éminences thénar et hypothénar sont aplaties ; il y a un certain degré

d'atrophie musculaire.

La paume des mains est toujours humide et moite par une sudation abon-

dante et continue. La malade a remarqué depuis longtemps cette hyperhydrose

des mains.

Au tronc la peau est lisse, sauf sur le ventre ; les poils sont rares au pubis

et aux aisselles ; partout elle présente une pigmentation brune anormale ; sur

le tronc il n'y a pas d'éruptions, ni de nodosités. Les parties génitales ne pré-

sentent aucune trace de pigmentation.

Aux membres inférieurs, au contraire, les lésions sont plus marquées, on

rencontre une plaque à la face externe de la cuisse droite et deux grandes

plaques à la face antérieure des deux genoux dans la région prérotulienne ; ces

plaques ont une dimension d'une pièce de 5 francs et elles sont douloureuses

à la palpation. A leur niveau l'on sent que le tissu cutané est adhérent à la

région sous-jacente, et aux pourtours de ces plaques sur la crête du tibia, il y

a une quantité de petits nodules gros comme un pois, de consistance pierreuse,

qui sont adhérents à la peau, ces nodules sont le siège de douleurs fort péni-

bles lorsque la malade se met à genoux, de façon telle que cette position est

devenue insoutenable pour elle.

Les jambes présentent une déformation singulière ; vus de profil, les mollets

sont très atrophiés, aplatis ; à la palpation des muscles gastrocnémiens, on

relève qu'ils sont durcis et douloureux, tellement qu'ils paraissent avoir été le

siège d'un véritable processus de myosite interstitielle, analogue à celle que

l'on rencontre dans les formes myopathiques. En regardant toujours de profil

cette région, l'on perçoit encore que les tendons achilléens sont rétractés d'une

façon anormale, tellement que la dépression sus-calcanéenne est complètement

abolie et qu'il existe un véritable méplat formé par le tendon. A la palpation

on sent que ce tendon est très endurci, volumineux, presque fusiforme,

avec son épaississement maximum à quelques centimètres au-dessus de la

malléole interne. Cette sclérose du tendon achilléen donne à la région un as-

pect tout spécial que l'on peut voir dans la photographie ci-jointe (Voir

Fig. 3, PI. XLIII).

Aux pieds il y a encore des plaques disséminées au talon et sous la plante

au niveau des orteils ; elles sont recouvertes de croûtes blanchâtres assez

épaisses. Les ongles sont atteints par les mêmes troubles trophiques que

nous avons décrits aux doigts des mains ; la peau est lisse, de couleur bru-

nâtre, parsemée de taches dépigmentées ; elle se présente collée sur les tissus

290 BERTOLOTTI

- profonds, sans rides et sans sillons épidermiques. Le derme épaissi fait corps

avec les gaines tendineuses. La coloration brunâtre que nous avons décrite est

encore altérée par une cyanose intense qui la rend violacée. Au niveau des

orteils on observe une diminution très notable de la sensibilité tactile et dou-

loureuse. La sensibilité au froid est bien conservée, tandis que la sensibilité

au chaud est légèrement diminuée dans les régions sclérosées. L'aponévrose

plantaire est rétractée, le pied est plat et le talon, à cause de la rétraction des

tissus, est anguleux.

L'atrophie musculaire, très accusée -aux mollets, diminue à la racine des

membres et à la ceinture pelvienne.

Les mouvements articulaires aux hanches sont normaux, mais ils sont dou-

loureux aux genoux et assez limités au niveau de l'articulation tihio-tarsienne

des deux côtés.

Le thorax présente une légère cyphose dorsale, pas de douleur à la pression

du rachis.

L'examen du système nerveux donne les résultats suivants : pas d'asymétrie

faciale, pas d'hémiatrophie linguale, rien du côté des yeux. Réflexes à la lu-

mière et à l'accommodation parfaitement conservés, acuité visuelle normale des

deux côtés, L'ouie estdiminuée à droite par suite d'une ancienne otite que la

malade a eue dans l'enfance.

Réflexe massétérin normal.

Le réflexe du tendon rotulien est nettement exagéré à gauche, quoique vif

des deux côtés ; le réflexe du tendon achilléen, au contraire, est affaibli no-

tamment du côté gauche.

Les réflexes tendineux et périostés aux membres supérieurs sont plutôt vifs.

Pas de troubles du côté des sphincters. Du côté du système lymphatique, il

faut relever les troubles vasomoteurs, les crises sudorales et les altérations

thermiques que nous avons relatées.

L'examen des sensibilités objectives n'a rien donné en plus des résultats

que nous avons relatés plus haut. L'examen de la température centrale n'a

démontré aucune modification, seulement un certain degré d'hypothermie aux

extrémités.

Le tube digestif fonctionne assez bien, bien que depuis quelque temps la

malade soit sujette à des crises de diarrhée.

Rien aux poumons, coeur en limites normales, rythme régulier, pas de

troubles du côté de l'innervation cardiaque, pas de signes de lésions orifi-

cielles.

Le foie et la rate présentent leur volume normal. Rien n'attire l'attention

du côté du système uro-génital : simplement un peu de pollakiurie, mais pas

d'albuminurie. L'analyse des résidus minéraux des urines a marqué une aug-

mentation des sels phosphatiques.

L'examen chromocytométrique du sang a donné une diminution du nombre

des hématies (3.520.000) avec leucocytes en proportions normales (O.S00) et

90 d'hémoglobine.

. Examen chimique des concrétions crétacées. Nous avons enlevé quel-

NOUVELLE Iconographie DE la Salpêtrière.

T. XXVI. l'1. XLIV

SCLÉRODERMIE

Radiographie de la main et du crâne.

(Bertolotti) .

ÉTUDE RADIOLOGIQUE D'UN CAS DE SCLÉRODERMIE 297

ques-unes des croûtes recouvrant les nodules au niveau des coudes, des genoux

et des mains. L'analyse chimique de cette substance faite par M. le Dr Percival,

a montré l'existence de sels de calcium (carbonates), mêlés à de la substance

cornée.

Examen électrique. - Au niveau des muscles intrinsèques des mains, des

muscles, des avant-bras et des muscles du mollet, l'excitabilité électrique gal-

vano-faradique est très diminuée sans présenter toutefois une altération de la

formule qualitative; il n'y a pas trace de réaction de dégénérescence ; les

réactions de l'électro-diagnostic sont dans notre cas parfaitement analogues à

celles que l'on retrouve dans les muscles atteints de myopathie essentielle.

Diagnostic radiologique.

Mains (position dorso-palmaire).- L'examen des épreuves (Voir PI. XLIII,

Fig. 4 et 5), montre qu'il s'agit de véritables troubles trophiques qui n'intéres-

sent pas seulement les parties molles, mais encore les os, qui sont nettement

altérés. L'atrophie osseuse est localisée aux extrémités digitales, et en effet,

dans la première rangée des phalangettes l'on voit qu'il s'agit d'un travail de

résorption progressif. -

Nous avons pu suivre, à un an de distance (mars 1910-avril 1911), le pro-

grès de la destruction osseuse. Si l'on examine par exemple la projection laté-

rale de quelques doigts, l'on voit que dans ces radiographies les premières

phalanges ne sont pas complètement détruites ; elles apparaissent seulement

comme amputées dans leur continuité et les altérations osseuses paraissent

s'arrêter en ces derniers points (PI. XLIV).

Ces radiogrammes en position latérale ont été exécutés à l'époque de notre

premier examen ; à un an de distance, c'est-à-dire en avril 1911, nous voyons

que le processus de résorption osseuse a fait beaucoup de progrès, comme on

peut le voir dans la radiographie de la main complète en position dorso-pal-

maire. Il est inutile d'ajouter que les lésions d'atrophie osseuse se sont montrées

parfaitement symétriques de deux côtés.

L'on peut remarquer encore que toutes les phalanges sont claires ainsi que

les métatarsiens et que l'interligne articulaire entre la première et la deuxième

phalange des doigts.au lieu d'être bien claire comme l'interligne métacarpo-

phalangienne, se présente au contraire, complètement trouble par un processus

ankylosant qui rappelle absolument celui de l'arthrite déformante chronique.

Au niveau de la pulpe des doigts, de même que sur la face dorsale de ces

derniers, dans les points où existent les nodules calcifiés, nous n'avons pu

mettre en évidence aucune opacité aux rayons X.

Avant-bras (position latérale côté cubital).-Au niveau de la région dorsale

du poignet et encore tout au long du tiers inférieur de l'espace interosseux, l'on

peut voir, sur la radiographie, l'existence d'une zone opaque aux rayons X

allongée dans le sens longitudinal et qui correspond parfaitement à la bande

scléreuse de la région dorsale du poignet que nous avons décrite plus haut.

A relever encore une légère opacité dans l'interligne articulaire radio-car-

pienne.

Au coude, les os ne présentent aucune anomalie^

298 BÉHTOLOTTI

Genoux (position latérale). -Au niveau de la région prérotulienne l'on re-

lève distinctement une traînée opaque aux rayons X réunissant le bord infé-

rieur de la rotule à la grosse tubérosité du tibia et qui correspond parfaite-

ment à l'existence d'une tendinite calciliante du tendon rotulien (PI. XLV).

Articulation libio-tarsienne (position latérale). - Dans la radiographie de

cette région l'on voit, nettement individualisé, tendon achillien qui prend son

point de naissance à l'apophyse d'insertion calcanéeone et toujours en grossissant

se porte au mollet. La sclérose tendineuse et la myosite interstitielle sont bien

démontrées (Voir Fig. 7). -

Pieds. Ici encore la radiographie met en évidence de véritables troubles

trophiques, surtout au niveau des dernières phalanges, qui sont complètement

atrophiées. L'os sésamoïde du gros orteil présente une irrégularité de son con-

tour, les interlignes articulaires des phalanges sont troubles. Les altérations

osseuses s'arrêtent au niveau des métatarsiens.

Crâne (position latérale). La radiographie de cette région nous a montré

l'existence d'une dilatation nette de la selle turcique (Voir Fig. 8) ; sur cette

constatation radiographique nous aurons occasion de. revenir ; ce qu'il im-

porte de retenir à présent, c'est la conformation même de la selle turcique

qui rappelle par bien des côtés celle que l'on rencontre dans l'hypothyroïdisme.

Nous avons montré récemment (1) que l'hypophyse, dans le myxoedème, peut

subir une phase hypertrophique, mais la dilatation de la selle turcique dans

l'hypothyroïdisme, au contraire de ce que l'on rencontre dans les états acro-

mégaliques, ne s'accompagne pas d'une dilatation concomitante du sinus sphé-

noïdal. Dans notre cas le sinus sphénoïdal n'est pas dilaté, au contraire il est

plutôt rétréci, fait important qui nous aidera tout à l'heure dans l'interpré-

tation de la nature de cette hypertrophie pituitaire.

Dans notre cas il existe encore un certain degré d'hyperostose du plan

ethmoïdal, une dilatation moyenne du sinus frontal et un élargissement de

l'angle sphénoïdal : tous ces faits sont intéressants à relever pour leur identité

avec les altérations du même ordre que l'on rencontre dans le crétinisme en-

démique par insuffisance thyroïdienne.

En résumé, femme de 36 ans présentant des signes certains d'hypo-

thyroïdisme (atrophie de la glande, suspension des règles) depuis 6 ans,

atteinte d'altérations sclérémateuses de la peau el des tissus sous-jacents,

présentant leur maximum d'intensité au niveau des quatre extrémités.

L'acrocyanose et la sclérodactylie sont encore accompagnées par des

troubles d'asphyxie locale des doigts, identiques à ceux que l'on observe

(1) M. Bertolotti, La diagnosi radiologica delle allerazioni dell ipofisi, in Ri-

vista Critica di Clinica Medica, Anno XII, n° 99, 1911. Comp. notamment le chapitre

sur l'anatomie descriptive et radiographique de la base du crâne introduit dans la

traduction italienne du vql. 39 du Traité de Médecine et de Thérapie de Brouardel et

Gilbert sur les Maladies des os, page 576.

Nouvelle Iconographie de la SALYETRILRE.

T. XXVI. Pl. XLV

SCLÉRODERMIE

Radiographie du pied et du genou.

(Bertolotti).

Masson & Cie, Editeurs

ÉTUDE RADIOLOGIQUE D'UN CAS DE SCLÉRODERMIE 299

dans la maladie de Raynaud. Cette femme présentait encore des atrophies

musculaires localisées. Dans'certains endroits les muscles ont subi une

induration scléreuse par un processus de myosite interstitielle ; les ten-

dons qui partent de ces muscles sont rétractés, indurés, et présentent des

signes véritables de tendinite calcifiante (tendon rotulien, achilléen, ten-

dons des extenseurs du poignet). Dans d'autres endroits, au contraire

(cou, épaules, ceinture pelvienne), cette atrophie musculaire n'est pas

accompagnée d'une induration scléreuse et présente des analogies avec

la myopathie essentielle primitive.

En plus, notre malade présente encore, au pourtour des bandes de sclé-

rose les plus accusées (coude, genou,,face dorsale des pieds), de petits

nodules indurés remplis d'une substance sableuse et qui rappellent de

très près les productions calcaires que l'on rencontre, avec la même

localisation, dans le syndrome de Profichet ou « maladie ries pierres de la

peau ».

Enfin à la radiographie du crâne, celte femme nous a démontré un

certain degré d'hypertrophie hypophysaire.

En plus de l'examen radiographique, on soumit la malade à un traite-

ment par les rayons X en lui faisant des applications sur le rachis cervical

et dorsal selon la méthode employée dans le traitement de la syringo-

myélie. Nous n'avons obtenu aucun résultat appréciable, ni aucune

modification des troubles trophiques. Nous croyons que si le doute de

syringomyélie a pu être soulevé dans ce cas, le résultat négatif du

traitement radiothérapique ne plaide pas pour cette hypothèse.

Divers points sont à prendre en considération dans l'étude clinique

de notre cas : nous toucherons d'abord quelques mots à propos des détails

moins importants,pour nous arrêter ensuite sur les quelques particularités,

dignes de remarque, que nous avons pu observer chez notre malade.

Il n'y a pas de doute à propos du diagnostic : il s'agit bien d'une forme

de sclérodermie généralisée. ,

Le facies est typique : quoique le front soit encore épargné et que, jus-

qu'à présent, il n'y ait pas disparition des rides de celte région. A propos

du facies nous faisons remarquer l'exagération des plis paralabiaux : c'est

là un fait que nous trouvons déjà signalé dans quelques rares observa-

tions (1) et qui pourrait démontrer une curieuse anomalie dans la rétrac-

tion des tissus sous-cutanés et probablement du muscle orbiculaire des

lèvres.

(11 M. Lafond, Sclérodei mie et corps pituitaire, Obs. I, Thèse de Lyon, 1902.

300 BERTOLOTT)

Un autre symptôme exceptionnel se rapporte à l'exagération des ! phé-

nomènes de diaphorèse au niveau des mains. En général, c'est le phé-

nomène inverse qui fait la règle. Curzio a été le premier auteur qui

signala l'abolition des sueurs dans ses observations. Depuis on a discuté

beaucoup pour savoir si, dans la sclérodermie, il y avait ou non un trouble

de cette sécrétion, et si ce trouble consistait en diminution ou exagération

des sueurs. Il semble que, malgré les avis partagés des auteurs, la majo-

rité a constaté une diminution de la diaphorèse ; les cas de Marotte, Dufour

et Vidal où il y avait llypersudation sont -restés raretés et le nôtre, à ce

point de vue, mérite justement d'être mis à côté des cas analogues excep-

tionnellement observés.

Nous avons constaté encore, chez notre malade, une légère diminution

de la sensibilité au niveau des extrémités. Les auteurs sur ce point s'ac-

cordent généralement à dire que ces troubles sont peu accusés, bien que

le plus souvent on rencontre un peu d'anesthésie tactile et doulouieuse.

La thermo-anesthésie est variable, mais comme dans notre observation,

en règle générale, le sclérodermique est sensible au froid, car ce dernier

lui donne le plus souvent le phénomène de l'onglée et il provoque des

crises d'asphyxie locale.

Comme chez tous les malades atteints de sclérodermie, nous avons ob-

servé encore dans notre observation des lésions musculaires et articulai-

res assez graves. Le processus atrophique responsable au premier chef de

toute la maladie est loin de se borner à la peau ; et c'est là justement ce

qui caractérise la sclérodermie et permet de la distinguer des scléroses

banales de la peau. Après le derme et le tissu cellulaire hypodermique,

les muscles eux-mêmes sont envahis et participent à la sclérose ; bientôt

ils deviennent durs et pâles en perdant leur élasticité et leur tonicité nor-

male ; ce qui se traduit cliniquement par une diminution progressive de

la force et par la lenteur et la maladresse des mouvements volontaires.

Cette myosclérose ne fait aujourd'hui de doute pour personne et le

professeur Raymond a bien insisté sur ce fait qu'elle ne résulte pas

seulement de la compression de la peau contractée, mais qu'elle peut en-

core se rencontrer souvent sous le derme normal, devançant par consé-

quent la sclérose superficielle.

Notre malade justement a présenté des phénomènes de myosite inters-

titielle aux mollets, dans un endroit recouvert par une peau presque nor-

male.

Ces déformations musculaires,en se produisant aux extrémités supérieu-

res, ont déterminé chez notre malade la production d'une griffe spéciale

avec inflexion marquée des dernières phalanges donnant lieu à une grande

limitation des mouvements.

ÉTUDE RADIOLOGIQUE D'UN CAS DE SCLÉRODERMIE 301

Les ligaments des articulations, comme il nous a été donné de voir,

peuvent encore être atteints par le processus scléreux.

Dielzchya a relaté dernièrement (1) un cas de sclérodermie qui en outre

tJl1'e1 le présentait des phénomènes de polymyosi te interstitielle, était encore

caractérisée par l'existence d'une tendinite calcifiante. A ce point de vue,

nous avons pu, à l'aide de la radiographie, mettre en relief une véritable

calcification des tendons rotuliens et achilléens. Il ne s'agit donc pas seu-

lement d'un processus de sclérose atrophique, mais encore d'une infiltra-

tion anormale de dépôts calcaires dans les tissus rétractés.

Pour ce qui a traita la coloration brune constatée chez notre malade,

nous ferons observer qu'elle affectait de préférence la face, le cou, les

mains et les jambes, mais qu'à l'inverse de ce qui se passe dans la maladie

d'Addison, cette pigmentation bronzée respectait les parties génitales et

les muqueuses.

Cette constatation toutefois n'est pas la règle ; en effet on a relaté aussi

quelques cas de sclérodermie de l'adulte avec pigmentation de la muqueuse

buccale (Andry et Boireau) (2) et aussi avec des symptômes sûrs de méla-

nodermie généralisée (Laignel-Lavastine).

Il paraît donc que, dans la sclérodermie, les glandes surrénales, de

même que les autres glandes endocrines peuvent être intéressées, ce qui

soulève justement un problème important à propos de la pathogénie de

cette dystrophie et qui démontre comment ces dyschromies pigmentaires

relèvent certainement d'un trouble profond de la nutrition générale.

A propos de l'étal des viscères, nous n'avons pu relever chez notre ma-

lade aucune trace de cirrhose, bien que dans l'évolution terminale de

cette maladie, il n'est pas douteux que ces cirrhoses existent (Méry, Bris-

saud, Grasset) ; mais il faut tenir compte dans notre cas du début précoce

delà sclérodermie qui avait commencé seulement six ans auparavant.

Dans l'évolution ultérieure du processus il est très probable que la sclé-

rose viscérale pourra se montrer avec toutes les conséquences de cette

grave complication.

Dans notre cas, un symptôme important a été constaté du côté du fonc-

tionnement du corps thyroïde : cette glande présentait un état d'atrophie

complète avec retentissement sur les glandes génitales, fait démontré par

la suspension des règles à un âge encore relativement peu avancé.

Cette atrophie du corps thyroïde, fréquente dans la sclérodermie, avait

été interprétée par les premiers auteurs comme la conséquence du fait de

(1) Dmrzcur, Pol,ymyosile interstitielle et tendinite calcifiante avec sclérodermie. Zeits-

chrift sur klin. Med., Bd. 64, H-5-6, p. 37, 1907.

(2) ANi)ny et Boireau, Scléremie de l'adulte avec pigmentation de la muqueuse pig-

nientaire buccale. Revue neurologique, p. 342, 1901.

302 BEIITOLOTIL

la sclérose viscérale, mais dernièrement elle a donné lieu à une théorie

imprévue basée sur l'insuffisance thyroïdienne ; on a observé en effelque

celle atrophie était le plus souvent unilatérale et que, par conséquent, on

ne pouvait prétendre qu'elle fut secondaire à l'envahissement du tissu de

sclérose (Brissaud) ; de plus on a remarqué la précocité de cette insuffisance

glandulaire et les bons résultais thérapeutiques obtenus dans quelques

cas par la médication thyroïdienne.

Or, ce n'est pas toujours une atrophie thyroïdienne qui se produit au

cours de la sclérodermie, mais quelquefois une hypertrophie qui, dans cer-

tains cas,a fourni au grand complet les éléments du syndrome Basedowien.

Même chez plusieurs malades le syndrome de Basedow a été le premier en

date et la sclérodermie n'est apparue qu'ensuite. M. Jeanselme (1) a vu par

exemple tous les symptômes du goîlre exophtalmique survenir chez une

femme de 52 ans atteinte de goitre simple depuis l'âge de 20 ans, et qui

ne fut atteinte de sclérodermie que six ans après l'apparition du syndrome

de Basedow. Un autre cas publié par Grûnfeld (2) se rapproche beaucoup

de celui de Jeanselme en ce que la sclérodermie survint six ans après un

goitre exophtalmique ; une situation analogue a été démontrée par

Booth (3).

Mais si l'on songe à la fréquence avec laquelle les hypertrophies du

corps thyroïde sont suivies d'une atrophie de cette glande, en dernière

analyse l'on peul arriver à penser que la sclérodermie reste subordonnée

dans ces cas à une lésion thyroïdienne primitive. De celte façon ce sont

prononcés Beer, Singer, Arcangeli, Sachs et d'autres auteurs.

, Comme on sait, les rapports entre la sclérodermie et les affections

thyroïdiennes ont soulevé l'hypothèse que l'hypertrophie et l'atrophie

consécutive de cette glande sont liées à des troubles de la circulation

thyroïdienne, commandés eux-mêmes par une altération organique ou

fonctionnelle du troisième ganglion sympathique cervical (Brissaud).

Nous ne pouvons dans le présent travail entrer en discussion à propos de

la pathologie du nerf grand sympathique; nous devons plutôt traiter la

question des rapports qui, dans notre cas, peuvent exister entre la scléro-

dermie et la constatation radiographique d'une hypertrophie pituitaire.

Dans un article relatif à la pathologie et à l'anatomie pathologique de

l'acromégalie, Strumpell (4) a fait remarquer les analogies et les contrastes

qui peuvent exister entre la sclérodermie et l'acromégalie, si bien qu'il

(1) Jeanselme, Association française pour l'Av. des Sciences, Caen, 1894.

(2) GnuN.'Ew, Wiener Med. Blalter, 1896, n° 20.

(3) Boom. Acad. méd. de New-York, 16 avril 1896.

(4) STIIUMPELL, Ein Beitrag fiir Palh. und Anal, der Acromegalie, Deutche Zeitschrift

f. Nervenheilkunde, XI-3.

ÉTUDE RADIOLOGIQUE D'UN CAS DE SCLERODERMIE 303

en était arrivé à penser que la sclérodermie pouvait avoir des relations

étroites avec la pathologie du corps pituitaire. Strumpell, pour expliquer

sa théorie, rappelle que dans la sclérodermie, comme dans l'acromégalie,

il se fait une localisation bien nette au nez, à la bouche, au menton et aux

extrémités.

Or pendant que dans l'acromégalie la peau devient hyperplasique et

que les os qu'elle recouvre deviennent plus ou moins épais, dans la sclé-

rodermie la peau s'atrophie, se rétracte, et à cette atrophie les os sous-

jacents et surtout ceux des dernières phalanges des doigts, prennent une

si grande part, qu'il en résulte une véritable résorption des dernières

phalanges.

Ainsi donc, tandis que dans l'acromégalie il s'agit d'un trouble d'hy-

pertrophie progressive, dans la sclérodermie nous voyons un trouble de

résorption endogène atteignant les mêmes parties. En se basant sur ces

faits, Strumpell conseille de toujours examiner à l'autopsie en quel état

se trouve l'hypophyse cérébrale.

En 1902, Lafond (1) publia un mémoire sur ce sujet, en relatant plu-

sieurs observations de sclérodermie, parmi lesquelles il en donnait une

avec les résultats d'autupsie et les examens histojogiques du corps pitui-

taire. Dans l'observation personnelle de Lafond il s'agissait d'un cas de

sclérodermie avec hypertrophie de l'hypophyse qui démontrait nettement

des lésions dégénératives des grosses cellules épithéliales.

Plus lard, en 1908, Wernik publia plusieurs travaux sur celte ques-

tion (2) en insistant sur les rapports entre la sclérodermie et J'acroméo-a-

lie ; cet auteur avait en particulier étudié quelques cas où le syndrome

acromégalique était associé à des symptômes nettement sclérémateux.

Comme on peut voir par cet exposé, ne s'agirait plusseulement, selon

Wernik, d'un antagonisme entre les deux dystrophies, mais d'une vérita-

bleassociation de phénomènes appartenant les uns à l'acromégalie et les

autres à la sclérodermie.

Il est difficile à l'heure actuelle de se prononcer sur cette question, d'au-

tant plus qu'avant d'établir la légitimité des rapports entre l'acromégalie

et la sclérodermie, il faudrait encore savoir donner une interprétation

exacte de l'hypertrophie pituitaire ; en d'autres termes, faut voir si cette

hypertrophie est à considérer comme une lésion primitive, ou si, au

contraire, elle ne serait pas la conséquence d'un retentissement à distance

provoqué par l'altération d'un autre organe.

Il ne faut pas oublier en effet que la sclérodermie est très fréquemment

/1) nl. Lafond, Sclérodermie et corps pituitaire. Thèse de Lyon, 1902.

(2) Wernik, Sclérodermie und Acromegalie. Polnische Zeitschrift für Dermatologie

und Venerologie, 1908, no 6.

304 BERTOLOTTI

liée à une atrophie du corps thyroide. Or, depuis les recherches de

Rogowitch, de Stiéda et des nombreux auteurs plus récents, on sait que

l'ablation expérimentale du corps thyroïde peul provoquer une hypertro-

phie de l'hypophyse. Les expériences de Gley ont confirmé de tous points

ces faits. En plus, depuis les recherches radiologiques, on a pu encore

constater sur le vivant l'existence d'une hypertrophie pituitaire chez les

hypothyroïdiens ; mes recherches sur le crétinisme endémique ont donné

des résultats probants à cet égard (1). Il parait donc démontré, soit parle

côté expérimental, soit par le côté clinique, que les altérations thyroï-

diennes peuvent retentir sur l'hypophyse en donnant lieu à une hypertro-

phie de cet organe. Nous disons altérations, car non seulement dans les

lésions de déficit du corps thyroïde l'hypertrophie pituitaire se déve-

loppe, mais il en est encore ainsi dans les cas d'hyperthyroïdisme ; qu'il

suffise de rappeler à ce propos la fréquence de l'association des deux syn-

dromes Basedowien et acromégalique et encore les constatations, encore

inédites, faites par moi sur une série de Basedowiens, qui ont montré à

l'examen radiographique une hypertrophie de l'hypophyse. Comme on le

voit par cet exposé, il est très difficile de croire à l'existence d'une lésion

primitive du corps pituitaire dans la sclérodermie, et au contraire plus

facile d'admettre qu'elle soit vraiment sous la dépendance d'un trouble

thyroïdien .

Je passe enfin à traiter la question qui m'a paru la plus intéressante et

qui a trait aux rapports étroits,que dans plusieurs cas on peut relever entre

la sdérodermie et la maladie dite : pierres de la ]Jean ou syndrome dePro-

fichet. '

Un rapprochement entre le syndrome de Profichet et la sclérodermie

n'a pas, que je sache, encore été fait. A lire pourtant attentivement les

observations, rares jusqu'à présent, des cas appartenant à la maladie des

pierres de la peau, on peut constater que plusieurs des sujets atteints par

cette curieuse dystrophie ont présenté en même temps des lésions scléro-

dermiques.

On connaît depuis longtemps, sous le nom de pierres de la peau, des

exemples de calcification des tissus sous-cutanés ou de la peau elle-même.

La première observation qui ait rapport à ce sujet semble être celle de

Trincavella qui professait à Padoue vers le milieu du me siècle. Fallope

el Ambroise Paré ont signalé la présence des pétrifications au niveau des

athéromes et des kystes sébacés; Hichting en 1834. publia une observa-

il) M. BERTOLOTTI, La diagnosi radiologica delle alterazioni dell'ipofisi. Rivista cri-

tica di clinica medica, n° 21, 1911. -

ÉTUDE RADIOLOGIQUE d'un CAS DE SCLÉRODERMIE 30S

lion très intéressante de calcification de la peau chez un homme de 30 ans,

et Vogel en 1843 faisait dessiner dans son Atlas d'histologie pathologique

des pierres qu'il avait trouvées dans le scrotum. Après Wilckens (1858),

Malherbe, Chenautais, Reverdin, Poiiier et Derville ont signalé isolé-

ment quelques cas de calcification delà peau, mais ce ne fut que Profichet

qui le premier publia un travail d'ensemble sur celte question en créant

ainsi une véritable entité morbide (1).

Depuis cette thèse, quelques autres faits et travaux ont été publiés, ci-

tons ceux de Riehl, de Wildholz, de Thimm, de Milian, Darier, Bayle et

tout dernièrement un travail radiographique très important publié par

Busi de Bologne (2).

Par l'étude analytique de toutes ces observations, on peut affirmer

que le syndrome de Profichet ou maladie des pierres de la peau est carac-

térisé par la présence dans les tissus sous-cutanés de nodosités calcaires

(phosphate de calcium) différentes de volume et de nombre, qui peuvent

avoir leur siège dans toute la surface du corps, mais particulièrement au

niveau des grandes articulations et qui évoluent lentement et. progressi-

vement, sans réaction inflammatoire, sans hypertrophie des ganglions,

avec tendance à l'ulcération et à la cicatrisation spontanée. Presque tou-

jours on a signalé encore des symptômes généraux graves concomitants,

caractérisés par de l'atrophie musculaire, des troubles vaso-moteurs, tro-

phiques et des troubles de la sensibilité.

En plus nous ajouterons qu'il n'est pas rare de rencontrer dans les nom-

breuses observations appartenant au syndrome de Profichet un état spé-

cial de la peau qui est lisse, luisante, rétractée, d'une couleur blanc vio-

lacé par places ; fréquemment à côté de ces lésions nettement scléroder-

miques il existe encore des taches pigmentaires, des troubles thermiques,

des lésions atrophiques, des altérations articulaires et des limitations dans

le mouvement des grandes articulations, qui auraient une tendance à

l'ankylose.

Tous ces troubles d'ordre trophique ont donné lieu à des erreurs de

diagnostic ; ainsi, dans l'observation de Renon, en se basant sur la coexis-

tence des taches, des tumeurs et de l'atrophie musculaire, on avait cru

pouvoir conclure à une variété de la maladie de Recklinghausen, de même

dans un cas de Profichet le syndrome clinique de Recklinghausen pouvait

être discuté. Mais plus souvent encore la maladie des pierres de la peau

(1) G. Cil. Profichet, Sur une variété de concrétions plaosptealiques sous-cutanée

(pierres de la peau). Thèse de Paris, 1900.

(2) A. Busi, Un cas de la maladie dite pierres de la peau. Annales d'électro-biologie

et de radiologie, 1909, ne 12, et Bolletino delle scienze mediche di Bologna,, vol. VII,

1907.

xxvi 20

306 RERTOLO'rTl

peut être confondue avec la maladie de Raynaud ou asphyxie locale des~

extrémités; tels seraient les cas de Derville (1) et de Busi (2) où plusieurs

médecins antérieurement avaient tous porté le diagnostic de gangrène

symétrique des doigts.

Fréquemment encore le syndrome de Profichet peut être confondu avec

la goutte, mais comme fait justement relever Busi, la radiographie peul

aisément corriger le diagnostic, car les tophi goutteux sont facilement

traversés par les rayons dé Roentgen, tandis que les nodules calcifiés ont

une grande opacité.

En résumé, tandis que les observations du syndrome de Profichet sont

encore rares (une vingtaine au plus), il est facile de constater parmi elles

l'existence de troubles trophiques de la peau à allure franchement sclérotÍel'-

mique. A ce'point de vue la première observation de Profichet est typique :

son malade, âgé de 61 ans, était maigre, à teint pâle ; la peau est pigmentée,

le système musculaire est atrophié, les articulations sont raides, la peau

est lisse, luisante, rétractée, épaissie, l'insertion de certains muscles est

calcifiée (tendon d'lcliille) ; l'atrophie musculaire dans certains endroits

atteint un degré extrême; les biceps sont à peine gros comme le petit

doigt, les éminences thénar et hypothénar ont subi une atrophie énorme,

la flexion et l'extension des doigts sont impossibles, la face dorsale des

mains est lisse, mince, atrophiée, violacée, avec hypothermie. Tous ces

symptômes sont concomitants à l'existence de tumeurs dures, indolores,

de dimensions et de formes différentes, siégeant sous la peau. Ajoutons

encore qu'à l'autopsie on constata la sclérose du myocarde et un état

atrophique des viscères.

Il n'est pas douteux que ce cas a présenté, en plus de l'existence des

pierres de la peau, un véritable syndrome sclérémateux généralisé tel

qu'il a été décrit d'une façon classique par Brissaud et Grasset.

L'observation de Lexa (3) est analogue : le malade est émacié, les

masses musculaires sont atrophiées, le facies est adénoïdien, il y a des

troubles articulaires et la peau est sclérémateasse.

Dans le cas de Derville (4) il y a des fourmillements, des douleurs dans

les extrémités, les mains sont froides et cyauiques, la peau est durcie, il

y a de l'ichthyose, des eschares, un état pigmentaire des téguments. Le

malade est cachectique.

Mêmes constatations dans le cas de Renou et Dufour (5). Douleurs,

(1) Derville, Congrès français de médecine, Lille, 1909, p. 600.

(2) Busi, loc. cit.

(3) LEXA, Thèse de Lyon, 1899.

(4) Loc. cil.

(5) RElVOU et DUFOUR, Bull. et mémoires de la Soc. Méd. des Hôp. de Paris, 12 juil-

let 19C0.

ETUDE RADIOLOGIQUE D'UN CAS DE SCLERODERMIE 307

troubles articulaires, limitation des mouvements, troubles de la sensibi-

lité, troubles vaso-moteurs et trophiques ; les extrémités sont violacées, la

peau présente des taches pigmentaires, le malade est cachectique. Voici

ce que l'on trouve dans l'observation de Bayle (1) : femme rhumatisante,

artères dures, douleurs lancinantes, limitation dans les mouvements arti-

culaires, la peau adhère aux plaques sous-jacentes.

Enfin la malade de Busi présentait : des douleurs violentes dans les

articulations des épaulés, des coudes et des mains, les doigts des mains

étaient tuméfiés, rouges, froids, presque insensibles, fourmillants aux

extrémités;- tous ces phénomènes disparaissaient temporairement par

l'immersion prolongée des mains dans l'eau chaude. Les mains étaient

cyanoiiques, recouvertes d'une peau dure, scier èmateuse, particulièrement à

leur face palmaire, l'extension des doigts était difficile. A la radiographie

l'auteur constata, en plus de l'existence de concrétions calcaires au niveau

des doigts, du poignet, des genoux, les traces d'une résorption osseuse

plus marquée aux extrémités des phalangettes.

Il est facile de conclure, par l'exposé de ces observations, que dans la

maladie dite : pierres de la peau, très fréquemment il y a des troubles

franchement sclérodermiques.

Pour mieux établir les rapports qui, selon nous, intercèdent entre le

syndrome de Profichet et la sclérodermie, il faut voir encore si; parmi

les nombreuses observations publiées, on ne peut trouver quelques cas de

sclérodermie présentant des dépôts sous-cutanés calcifiés. Cette consta-

tation n'est pas rare dans la sclérodermie ; qu'il suffise de citer les cas

de Dietzchy, de Nigon et le mien où l'on a pu constater l'existence d'une

véritable calcification tendineuse. Pour ce qui a trait à la question des

nodules cutanés ou sous-cutanés, il est très fréquent, dans les formes de

sclérodermie généralisée, de rencontrer l'existence de nodules durs, indo-

lents, évoluant progressivement pendant plusieurs semaines pour s'élargir

ensuite et se transformer en croûtes qui peuvent atteindre une forte

épaisseur, d'une coloration blanchâtre assez vive comme des écailles de

poisson, et qui tombent ensuite en laissant des cicatrices plus ou moins

pigmentées. Nous avons constaté précisément l'existence de ces nodules

daris notre cas, mais cette constatation n'est pas exceptionnelle : il y a de

nombreux cas analogues dans la littérature comme ceux de Lafond, de

Pie, de Fox,- etc., où l'on peut voir décrit ce processus de formation des

nodules cutanés chez des malades sûrement sclérodermiques. Seulement

jusqu'à présent on n'avait pas encore étudié la constitution chimique de ces

concrétions que l'on peut rencontrer au cours de la sclérodermie.

(1) J. BAYLE, Elude sur les calcifications de la peau. Thèse de Paris, 1905.

308 BERTOLOTTI

Or comme il a été dit, nous avions prié notre distingué confrère le

Dr Percival, médecin de l'hôpital, de nous faire l'analyse chimique des

écailles que nous avions pu enlever à notre malade ; le résultat de cette

analyse révéla l'existence de sels de calcium et notamment de carbonate

de calcium, mêlé à de la substance cornée.

Le résultat de cet examen clinique est donc très intéressant et nous

montre comment au cours d'un processus sclérodermique, ci côté de calci-

fications tendineuses, l'on peut rencontrer des dépôts calcaires dans le

derme. Cette constatation faite, les analogies entre la sclérodermie et la

maladie des pierres de la peau restent, croyons-nous, assez bien démon-

trées.

Il est très probable même que le syndrome de Profichet, dans la plu-

part des cas, n'est que l'exagération d'un processus décalcification cuta-

née et sous-cutanée qui se fait au cours d'une véritable sclérodermie.

Les observations que nous avons citées plus haut sont probantes à cet

égard, et en plus l'analyse chimique que nous avons faite dans notre cas

nous a révélé l'existence d'une calcification cutanée chez une scléroder-

tique.

Comme Busi le fait remarquer dans son travail (1), le syndrome de

Profichet n'est qu'une forme d'attente et il est probable que des observa-

tions ultérieures et plus complètes pourront le diviser en groupes diffé-

rents tout à fait distincts.

Parmi ces groupes, il y aura donc lieu de retenir dès à présent l'exis-

tence d'une forme spéciale de sclérodermie, caractérisée par des dépôts

calcaires dans les tendons et clans les tissus cutanés et présentant au com-

plet les allures du syndrome de Profichet.

Nous ne pouvons pas ici entrer dans l'étude du mécanisme pathogéni-

que de cette dystrophie, seulement il est probable, selon nous, que la ma-

ladie des pierrres de la peau, alors qu'elle s'associe à la sclérodermie, doit

être considérée comme un processus secondaire ; en d'autres termes nous

croyons que c'est le terrain même du processus sclérodermique, qui fa-

vorise la production de ces dépôts calcifiés. La sclérodermie serait donc

le trouble trophique initial qui entraînerait à sa suite la transforma lion

calcaire des tissus. Nous pouvons citer de nombreuses analogies en patho-

logie médicale ; telles seraient les dégénérescences calcaires des tumeurs

bénignes ou malignes de la peau, celles des athéromes multiples calcifiés

et des cas de tuberculose cutanée avec transformation calcaire.

Nouvelle Iconographie DE la Salpêtrière.

T. XXVI. Pl. XLVI

VITILIGO A TOPOGRAPHIE EN CEINTURE

(C. Bacaloglu et C. Parhon).

Masson & Cie, Éditeurs

SUR UN CAS DE VITILIGO A TOPOGRAPHIE EN CEINTURE

PAR a

Q. BACALOGLU et C.-I. PARHON,

Professeurs à la Faculté de Médecine de Jassy.

Nous avons eu l'occasion d'observer le cas d'une malade présentant un

vitiligo, d'origine congénitale - au moins d'après les informations qu'on

nous a données et dont la topographie nous semble se prêter à une

discussion intéressante.

En elfel, cette topographie en ceinture met en question le problème de

la métamérie, sur lequel le regretté professeur Brissaud (1) avait attiré

l'attention dans ses magistrales leçons cliniques.

Ce cas est en outre intéressant au point de vue étiologique, car avec

d'autres faits que nous allons citer, il plaide pour le rôle important de la

syphilis dans l'étiologie du vililigo.

Nous donnerons d'abord l'observation de cette malade pour discuter

ensuite la topographie de la dystrophie pigmentaire ainsi que son étio-

logie et sa pathogénie dans-ce cas.

Observation (Pl. XLVI).

La malade N. IL ? 27 ans. Ses parents ne vivent plus. Le père succomba à

la suite d'une maladie consomptive dont la nature resta ignorée par la malade,

alors petite ; sa mère est morte à la suite d'un accouchement prématuré (dans

le septième mois).

Elle a eu encore 6 frères ou soeurs ; il ne reste qu'une saur qui aurait été

soignée dans le service des maladies urinaires pour lithiase vésicale, et un

frère souffrant depuis longtemps d'otite.

La malade avait eu la coqueluche pendant l'enfance. A Page de 10 ans elle

éprouve des douleurs dans les membres inférieurs, se répétant de temps eu

temps et qui disparaissent spontanément dans la suite.

Les règles apparurent à t'age de 12 ans. Elles ont été toujours irrégulières.

Mariée a 20 ans,' elle n'a pas eu d'enfant ni de fausse couche. Son mari n'au-

rait pas eu de maladies vénériennes, mais la malade affirme qu'il présente sur

les jambes des cicatrices qu'il attribue il des morsures de chien.

La malade entre dans le service de la Clinique médicale pour des phéno-

310 O BACALOGLU ET PARHON

mènes du côté de l'appareil respiratoire ; ils datent de quelques mois et la

malade les attribue à un refroidissement. Elle aurait eu alors de la fièvre et

un point de côté. ,

Dans le service, on nota outre des phénomènes subjectifs tels que la cépha-

lalgie, des phénomènes de l'appareil respiratoireà savoir : extinction de la voix,

enrouement, dyspnée avec cornage respiratoire, et tirage dans les respira-

tions. L'épiglotte est irrégulière. A l'examen laryngoscopique on observe que

cette dernière a les bords crénelés, sa face inférieure ulcérée. La corde vocale

droite est tuméfiée. -

On constate en outre d'autres faits plus intéressants que nous allons signa-

ler maintenant et qui nous ont déterminés à publier cette observation.

.La malade est de petite taille, 1 m. 38 seulement. Le front est d'apparence

olympienne. La fente palpébrale gauche est plus large que la droite. La pommette

droite, sur un plan plus antérieur, est un peu plus haute que la gauche qui est

située plus bas et regarde plus en dehors. Adhérence des lobules des oreilles.

Tibias recourbés et épaissis. Les ongles des orteils et, moins, ceux des

doigts sont épaissis et déformés. Mais le fait le plus digne de retenir l'atten-

tion est une zone, assez régulière, de téguments dépourvus de pigment et qui

fait un contraste frappant avec le reste du corps. Cette zone a la forme d'une

ceinture dont le bord supérieur est plus régulier, l'inférieur étant plus ou

moins dentelé surtout sur la face antérieure. Son bord inférieur commence

en avant au-dessus de l'ombilic et passe en arrière au niveau de la troisième

vertèbre lombaire. Sur les flancs elle passe au-dessous des crêles iliaques.

Plus étroite en arrière où elle n'atteint qu'une largeur de 3 cm., spn diamètre

transversal est plus grand en avant (5 cm.) pour atteindre le maximum dans

la région des flancs (8 cm.). Cette région est lisse comme le reste des tégu-

ments. Sa coloration ou mieux sa décoloration n'est pas uniforme, car on

trouve par-ci par-là des points plus intensément colorés. La sensibilité tactile,

thermique et à la douleur est diminuée dans cette zone. Dans la région verté-

brale, à peu près au niveau de-la 3e vertèbre lombaire, on observe une petite

excroissance, de forme ovalaire et dont les téguments ont une coloration brune

intense. La surface de cette excroissance présente une apparence croûteuse et

la malade dit qu'elle se desquame pendant l'été. Elle présente en outre des

poils par-ci par-là. Cette excroissance se trouve entourée d'une auréole déco-

lorée se continuant du côté gauche avec la zone en ceinture plus haut dé-

crite, étant par contre séparée de cette zone du côté droit par une bande étroite

de tégument normal (voir les photographies PI. XLVI).

On observe en outre deux petits taches achromiques ayant il leur centre

des excroissances rappelant par leurs apparences celle que nous venons de dé-

crire, mais naturellement ayant des dimensions beaucoup plus réduites. Ces

taches occupent le côté gauche du thorax entre la ligne scapulaire el celle

axillaire et vers l'union de leur tiers inférieur avec le tiers moyen. Une sem-

blable tache s'observe aussi dans la région inférieure gauche de la nuque.

On observe également une petite tache blanche, de forme irrégulière, au ni-

SUR UN CAS DE VITILIGO A TOPOGRAPHIE EN CEINTURE 311

veau de la première vertèbre dorsale. Cette tache est entourée d'une zone où

la pigmentation est diffuse.Dans la région mastoïdienne gauche on trouve égale-

ment une tache achromique. Enfin une autre tache se trouve dans la partie

antéro-supérieure de la région temporale. Celle région est couverte par des

cheveux blancs.

On trouve en oulre une tache marbrée ayant les dimensions d'une pièce

de deux francs dans la région su péro-i nterne de l'avant-bras gauche.

Le liquide céphalo-rachidien est clair et sans albumine ni réaction cytologi-

que. La réaction de Wassermann dans le sang fut trouvée fortement positive.

La malade fut soumise dans le service à un traitement mercune) et sortit

améliorée de ses phénomènes laryngés, l'état des téguments restant inaltéré.

En résumé, il s'agit d'une malade présentant de multiples symptômes

(je syphilis tels que déformations tilriales, troubles laryngés, réaction de

Wassermann et en même temps, outre quelques taches de vitiligo dissémi-

nées i l ? égu 1 ièreplelll, une tache plus étendue à topographie très remar-

quable rappelant tout à fait celle d'une ceinture, autrement dit une topo-

graphie métamérique dans le sens de Brissaud.

Comment interpréter ce cas rare et intéressant' ? Pour répondre à cette

question il faut se rappeler lotit d'abord ce que l'on sait sur l'étiologie et

la pathogénie du vitiligo.

Celle dystrophie pigmentaire doit être considérée, ainsi que Gaucher (2)

le soutient, comme la conséquence des intoxications, des troubles de la nu-

trition générale, des infections telles que la lèpre on la syphilis ainsi que

de lésions nerveuses.

Pour Gaucher la syphilis agi t en déterminant des troubles de la nutri-

tion.

Pierre Marie et Crouzon (3) ont également insisté sur le rôle de la syphi-

lis dans l'étiologie du vitiligo. Ils ont observé un malade atteint d'un viti-

ligo très étendu et s'étant développé progressivement depuis environ vingt

ans. Il présentait aussi une leucoplasie buccale très accentuée. On notait

encore une double atrophie de la papille avec troubles du réflexe pupil.-

laire. Ils rappellent à cette occasion les cas de Du Castel et de Tenneson,

ainsi que la coexistence du vitiligo avec le tabès. Tous ces faits appuyant

l'hypothèse de l'origine syphilitique de certains cas de vitiligo.

Dans la discussion qui suivit la communication de Pierre Marie et

Cronzonl Darier cita un cas de vitiligo chez une femme âgée de 35 ans

présentant une sclérose superficielle de la langue qui imposait le diagnos-

tic de syphilis bien qu'elle n'ait pas présenté d'autres symplômes de cette

maladie. Mais elle était mariée depuis dix-sept ans à un syphilitique avéré.

A son tour, Brocq rappela avoir signalé, quatre ou cinq ans avant celte

communication, la présence du vitiligo chez un certain nombre d'anciens

syphili tiques.

312 BACALOGLU ET PARHON

Par contre Renault fut d'avis que dans ces cas il s'agit de simples coïn-

cidences, car il a vu un malade atteint d'un vitiligo ancien contracter la

syphilis.

Il est évident que ce dernier cas n'exclut nullement le rôle de la syphi-

lis dans l'étiologie du vitiligo ; il montre seulement que cette cause ne

doit pas être considérée comme la seule possible.

Tlibiere (l), à son tour, tout en reconnaissant l'existence du vitiligo en

dehors de la syphilis, insiste sur lerôle de cette dernière maladie dans

l'étiologie de ce trouble trophique. L'infection spécifique agirait par l'in-

termédiaire du système nerveux. Dans certains cas, les lésions syphiliti-

ques des téguments serviraient de point de départ au vitiligo, jouant à son

égard le même rôle que les pressions répétées ou des lésions traumatiques

banales. Enfin la syphilis pourrait déterminer parfois des troubles de la

pigmentation, rappelant ou simulant le vitiligo sans se confondre avec lui.

Tout récemment encore Gaucher et Gougerot Uj) rapportérentlecas d'un

homme atteint en même temps de syphilides tertiaires et de vitiligo, asso-

ciation qui parle en faveur de l'origine syphilitique de ce dernier.

Notre cas parle également dans le même sens, car la syphilis est cer-

taine. Mais comme le trouble trophique cutanéest congénital, il faut admet-

tre alors que la syphilis a dû être héréditaire dans ce cas, ce qui concorde

bien avec la petite taille de la malade et avec les importantes déformations

tibiales qu'elle présente.

Dans l'étiologie ou dans la pathogénie du vitiligo on a incriminé aussi

les troubles delà nutrition, produits dans certains cas par des altéra-

tions endocriniennes. ,

C'est ainsi que dans le cas de Delmas et Roger (6), la dystrophie pig-

mentaire apparaît au cours d'une grossesse chez une femme atteinte d'hy-

pothyroïdie. Ces auteurs citent encore le cas de Marfan où le vitiligo était

associé au iiiyxoedème et celui de I)ujardin-Beaumetz où il se trouvait as-

socié au goitre exophtalmique.

Ainsi que nous l'avons vu, Gaucher pense que la syphilis agit en déter-

minant des troubles de la nutrilion.

En ce qui concerne ces troubles, nous pensons qu'ils pourraient agir de

deux façons différentes, soit directement sur les téguments, soit par l'in-

termédiaire du système nerveux. L'infection spécifique en outre pour-

rait d'ailleurs déterminer le vitiligo par une atteinte directe du système

nerveux.

L'influence des troubles nerveux dans la pathogénie du vitiligo nous

semble certaine.

D'après Podiapolsky (7), le vitiligo pourrait apparaître ou disparaître

sous l'inlluence des étals psychiques.

SUR UN CAS DE VITILIGO A TOPOGRAPHIE EN CEINTURK £ 313

Roudnew (8) a publié un cas de vitiligo chez un aliéné et l'un de nous

a vu la même association chez un délirant chronique de son service de

l'Hospice Marcoutza.

Dans d'autres cas, le vitiligo peut être mis en rapport avec des altéra-

tions névri tiques ou spinales.

C'est ainsi que, dans le cas d'Emery (9), le vitiligo en plaques sur le

visage, les avant-bras et le scrotum, se développa chez un homme travail-

lant avec l'essence de pétrole et présentant en outre des phénomènes né-

vritiques (paralysies, douleurs).

Ballet et Bauer (10) ont présenté à la Société de Neurologie de Paris,

deux malades présentant, outre quelques symptômes tabétiques, un viti-

ligo des plus caractéristiques. Dans les deux cas, la syphilis était niée et

en tout cas incertaine. Ils rappellentqueBulkley, Leloir,Chabrier,Lebrun

ont étudié des cas de vitiligo cliez des tabétiques.

/ Dans la discussion Pierre Marie remarqua que le bassin et la cuisse

droite d'un de ces malades rappellent ce qu'on observe dans la maladie de

Paget ; sans s'arrêter à ce diagnostic il (il des réserves sur le diagnostic

de tabes dans les cas précités.

Souques (11) rapporta, lui aussi, un cas de vitiligo chez un malade pré-

sentant le signe d'Argyll,du myoss,une paralysie de la corde vocale gau-

che, mais sans troubles des réflexes tendineux et sans douleurs fulguran-

tes. Le malade niait la syphilis, mais il était pourtant en pleine évolution

d'une éruption franchement spécifique qui guérit d'ailleurs par un traite-

ment approprié.

P. Marie et Guillain (12) sur six malades atteints de vitiligo trouvèrent

trois fois une diminution considérable des réflexes rotuliens. Chez un de

ces trois malades on nota en outre des maux perforants et d'autres trou-

bles nerveux très difficiles à diagnostiquer. Chez un autre malade, le viti-

ligo coexistait avec une double atrophie des'nerfs optiques. Deux malades

ne présentaient pas de troubles du névraxe. Les auteurs pensent que

dans les quatre cas que nous venons de citer, il ne s'agit pas de tabes,

mais les malades doivent présenter, probablement, des lésions non labéti-

ques des cordons postérieurs.

Le malade de Souques présentait un l'p'iissiscment des téguments de

la verge et du scrotum ainsi qu'une véritable hypertrophie mammaire,

. malformation d'un caractère sexuel secondaire. II. \Ieie, qui insista sur ces

faits dans la discussion qui suivit les communications précédentes, fit re-

marquer que pareils troubles de développement se rencontrent dans la

syphilis héréditaire.

Nous rappellerons que l'hypertrophie mammaire a été aussi signalée

dans des cas d'hypothyroïdie et à ce dernier point de vue il conviendrait

314 . . BACALOGLU ET PARHPN

peut-être de rapprocher le cas de Souques de celui de Delmas et Roger.

D'autre part, il convient aussi de rappeler queStern (13) a insisté récem-

ment sur le fait que le terrain d'insuffisance testiculaire favorise les alté-

rations des cordons postérieurs.

Rappelons encore que Ferrio (14) a relaté le cas d'un homme atteint de

vitiligo et dans la moelle duquel on trouva une tumeur névroglique de la

région centrale. En outre, d'après Delmas et Roger, le vitiligo a été ob-

servé aussi dans d'autres affections nerveuses telles que l'épilepsie et les

névralgies, et de la moelle en particulier, telles que la pachyméningite et

la syringomyélie.

Dans notre cas existe-t-il une lésion nerveuse et plus particulièrement

spinale ?

La topographie de la lésion nous porterait à l'admettre et cela d'autant

plus que les cellules d'origine du sympathique sont disposées dans la

moelle sous forme de groupes superposés, ainsi que les recherches de

Parhon et Mme Parhon (15), et celles plus récentes de Bruce (16) l'ont

démontré. On pourrait donc penser que la topographie, si caractéristique

du vitiligo dans notre cas, se trouve en relation avec une lésion bilatérale

des groupes d'origine du sympathique à une région déterminée de la moelle

épinière.

Les troubles de sensibilité, bien que légers, notés dans ce cas,plaideraient

également pour une lésion spinale. Mais la topographie ne semble pas

rappeler complètement la topographie radiculaire ou spinale, et d'autre

part une topographie, fort semblable existait dans le cas de Delmas et

Roger, topographie que ces auteurs mettent en rapport ayec la compres-

sion du corset.

Pourtant une pareille supposition ne saurait être faite pour notre ma-

lade, car elle nous a affirmé que son trouble existe depuis sa naissance,

ce qui nous a été confirmé par sa famille.

En outre, elle ne porte pas de corset.

La position fléchie pendant la vie foetale aurait pu peut-être favoriser

cette topographie pour la région abdominale, mais cette explication ne

pourrait pas s'appliquer pour la continuation dorsale de la tache en cein-

ture.

De sorte que nous inclinons plus pour une pathogénie nervepse (spi-

nale) que pour une influence localisatrice périphérique dans notre cas.

L'excroissance médiane plus haut décrite, semble indiquer el jp aussi que

l'a topographie de ce trouble pigmentaire n'est pas accidentelle.

On pourrait d'ailleurs faire des réserves à l'égard de l'iuterpyétation

donnée par Delmas et Roger, même pour le cas de ces auteurs.

Mais d'autre part, nous neppuvprls affirmer, sans restriction, la pallie-

génie spinale même pour notre cas.

SUR UN CAS DE VITILIGO A TOPOGRAPHIE EN CEINTURE 315 5

Comme dans le cas de Delmas et Roger, on peut penser, dans le nôtre

aussi, à des troubles endocrines constituant une cause générale pour les

troubles de la pigmentation. La petite taille de la malade ainsi que ses

troubles menstruels justifient cette manière de voir.

Mais en tout cas, cette cause générale ne saurait être invoquée pour

expliquer la topographie dp vitiligo chez noire malade.

Une influence nerveuse nqus semble, ajnsi que nous venons de le dire,

et malgré les restrictions qu'il y a à faire, le facteur le plus probable dans

le déterminisme de cette topographie.

En tout cas, ce fait nous a semblé digne d'être publié et il couvientque

l'attention des neurologistes soit attirée sur pareils cas, dont des recher-

ches ultérieures pourront probablement donner une interprétation exacte

et complète.

BIBLIOGRAPHIE

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2. GAUCIIEII. - Etiologie du mtilign, Revue de Médecine, 1900, n° 12, analysé dans la

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R. neurol., 1903, p. 418.

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9. EMERY. VIlit(qo aigu lié au développement d'une 11/ ! v/I{e yirthlzérique chez un

sujet intoxiqué par l'essence de pétrole, Soc. de <le/mat. et syphiligr., 1 : ! mai'

1898, analysé dans la Rev. neurol.

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neurol., p. 247, 1902, n" 6. 6

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13 mars 1902, Revue neurologique, 1902, p. 213.

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.14. FEIIIIIO. Vitiligo et tumeur nêvroglique de la moelle, Revue neurologique, 1905,

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15. C. Parhon et Mme C. Parhon. - Corzliibtttiuni la studiul anatomiei microscopice

a muduvei spinarei, Presa medicala romana. nOS 12-14, 1902.

16. Bruce. - Sur la segmentation de la colonne latérale de la moelle. Tractas inter-

médiolaléral, Review of neurology and Psych., analyse in Rev. neurol., p. 29,

1905.

OEDÈME CONGÉNITAL FAMILIAL DES EXTRÉMITÉS

INFÉRIEURES (1),

PAR

Dr D. B. BOKS,

Chef-Chiiurgien de l'IlôpitalBergweg à Rotterdam.

Messieurs,

Je vous présente un jeune homme de 21 ans, qui au mois de décembre

de l'année passée était admis à l'hôpital pour une hydrocèle du testicule

droit, et qui est atteint également d'une maladie intéressante.

Peu après qu'il fut admis, on s'aperçut qu'il avait de l'oedème des deux

jambes. Il raconta qu'il n'y avait là rien d'extraordinaire, attendu que ses

jambes étaient ainsi enflées depuis sa naissance et que même d'autres per-

sonnes de sa famille avaient les jambes enllées. Alors il me vint à l'esprit

que nous nous trouvions en face d'un cas d'oedème rare ; l'examen que

je fis justifia mes prévisions. -

Regardons cet homme, on voit de suite que ses jambes, par comparai-

son avec les cuisses et tout le reste du corps, sont plus grosses que celles

d'une personne normale, et que la jambe droite est plus grosse que la gau-

che (Pl. XLVII).

Nous voyons également que les jambes ne sont pas partout de la même

grosseur, mais qu'il y a des marques profondes là où les babils les ont

comprimées, par exemple où les cordons du caleçon sont attachés. Obser-

vons aussi que le scrotum est remarquablement distendu. Quand on presse

un peu sur la peau des jambes, il s'y marque une empreinte, qui dure un

certain temps; les mêmes empreintes se présentent si l'on presse entre les

doigts la peau du scrotum. Nous avons donc affaire : ') un oedème. Ce qui le

prouve également, c'est l'examen fait au microscope d'un morceau de scro-

tum excisé lors de l'opération de l'hydrocèle avec une partie de la tunica

testis.

Mon confrère, le D de Josselin de Jong, qui fil l'examen au micros-

cope, nous apprit que dans la peau scrolaleentre les larges faisceaux mus-

(1) D'après une démonstration faite le 1" novembre 1912, devant l'Association clini-

que à Rotterdam,

NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SA LPÊTRI1' : RE.

T. XXVI. PI. XLVII

OEDÈME CONGÉNITAL FAMILIAL

DES EXTRÉMITÉS INFÉRIEURES

(B. Boks).

Masson & Cie, Editeurs.

OEDÈME CONGÉNITAL FAMILIAL DES EXTRÉMITÉS INFÉRIEURES z7 7

éulaires du dartos se répandent des vaisseaux lymphatiques très dilatés

avec un tissu pariétal à fibres épaisses, que l'endothélium est bien visible

à quelques endroits, et qu'il est en général plat et non épithélial de carac-

tère. Ceci est tout différent dans le morceau de la paroi de l'hydrocèle ; là,

l'endothélium est cubique avec cellules rondes ou ovales à la surface il

y a de nombreuses cavités souvent ramifiées et également couvertes d'un

endothélium fortement cubique; celles-ci ont l'air de tubes glanduleux. On

a tout à fait l'impression d'un endothélium fonctionnant fortement, c'est-

à-dire en sécrétion. L'examen radiologique d'une jambe nous a montré

que le périoste est peu atteint. Ainsi nous pouvons admettre qu'il y a de

l'oedème dans tous les tissus des jambes.

L'oedème est assez dur et il se limite aux jambes ; il est plus fort en

arrière et aux chevilles et va en diminuant jusqu'aux genoux ; les cuisses

ne sont pas oedématiées du tout. Il existe encore, comme je l'ai déjà dit,

de l'oedème au scrotum.

L'oedème a toujours existé là, il devient plus fort après que le malade a

marché pendant quelque temps, et diminue lorsqu'il est couché ; mais

il persiste toujours de l'oedème même après un long repos.

Examinons maintenant les testicules : nous trouvons que tous deux sont

gros. A droite je fis l'opération radicale de l'hydrocèle testiculaire. On

pourrait croire que l'accroissement du testicule de droite est venu à la

suite de l'opération ; mais déjà, en opérant, ce testicule paraissait am-

plifié. Il y a 15 jours' que je vis le malade à nouveau, et alors nous pû-

mes constater que le testicule de gauche s'était accru et qu'il y avait un

épanchement à l'en tour. A présent que le malade a été couché durant

15 jours on n'y trouve plus de liquide ; mais ce testicule parait à présent

deux fois aussi grand que celui d'un homme normal.

Quand nous regardons, ce qu'il y a encore à remarquer à la peau des

jambes, nous trouvons qu'elle est en général rugueuse, qu'elle desquame

un peu et qu'il y a en quelques endroits des crevasses ; tout ceci prédomine

en arrière des pieds et encore davantage entre les orteils ; à ces endroits

et sur le cou-de-pied la peau est plus dure que normalement et ici et là

entre les doigts des pieds se trouvent de petites papilles.

De plus on peut encore constater aux pieds que les ongles sont anor-

malement petits. La peau des jambes est aussi plus foncée de couleur

qu'à l'état normal ; pendant qu'on soignait le malade à l'hôpital. la peau

a été presque tout le temps normale de couleur, à l'exception de quelques

intervalles, où elle était d'une couleur rose tirant sur le rouge. La tem-

pérature de la peau des jambes est normale et n'a jamais été, pendant le

séjour à l'hôpital, anormalement froide.

On voit encore, chez le malade, qu'il y a quelques cicatrices sur le

318 s BOKS

,

devant et le dedans de la cuisse droite, qu'il y a un léger eczéma clans les

plis cutanés entre le scrotum et la cuisse et dans les aines. Ces cicatrices

sont des reliquats d'un ulcère superficiel, sur lequel se trouvaient,quand on

a examiné le malade il y a 15 jours, de petites croûtes sales sous lesquelles

existait une sérosité provenant des plaies. Ces ulcères se sont guéris par

le repos et d'autres soins. Sur l'assurance formelle du malade ces petits

ulcères se sont formés sans qu'il se soit gratté ni cogné ; il ne peut

donner aucune raison pour leur existence. Il se trouvait aussi de petites

cicatrices sur les cous-de-pied ; là, il y eut autrefois, d'après la décla-

ration du malade, des petites plaies; venues sans raison connue.

Par ailleurs on ne voit rien d'anormal chez cet homme, sauf qu'il a de

grands yeux ; peut-être pourrions-nous songera de l'exophtalmie ; mais

les autres symptômes de la maladie de Basedow manquent.

Le malade nous assure qu'il n'est pas incommodé par ses grosses jam-

bes. Il dit que l'enflure ne le gêne pas dans son travail ; il admet qu'il est

peut-être plus vite fatigué qu'une autre personne, mais assure qu'il n'a

jamais mal aux jambes, et de plus, après avoir été questionné, il raconte

que ses pieds ne sont jamais vraiment froids, mais plutôt chauds.

Nous avons, durant le temps que le malade a été soigné à l'hôpital, cher-

ché les différentes causes ordinaires de l'oedème, mais nous n'avons pas

réussi à en trouver une seule.

11 est certain que le coeur et les poumons sont sains, qu'il n'y a ni sucre

ni albumine dans l'urine, qu'il n'y a ni cylindres ni caillots de sang blancs

ou rouges et que la quantité d'urine, mesurée par 24 heures, est normale,

ainsi que son poids spécifique. Il n'y a rien d'anormal au fond de l'oeil.

L'examen du sang montre aussi qu'il n'y a rien d'anormal, qui puisse

causer l'oedème, et le malade ne souffre pas d'artério-sclérose. Il n'y a pas

non plus d'anomalie des organes internes de l'abdomen et pas de tumeurs

dans le bassin qui puisse causer une pression anormale sur les vaisseaux

sanguins ; pas de ganglions tuméfiés dans les aines, pas de varices aux

jambes; ni phlegmasia alba; ni phlébite. Les radiogrammes qui ont été

pris des jambes ont montré qu'il n'y a rien d'anormal dans les os, excepté

une légère tuméfaction du périoste.

L'homme n'a jamais souffert d'une maladie infectieuse quelconque, et

chez lui il n'y a pas de symptômes de syphilis ; la réaction de Wassermann

a été négative.

Cet homme ne fait pas d'excès d'alcool et il n'a jamais souffert de rhu-

matisme. L'existence de l'ulcération des cuisses donnait à penser qu'une

anomalie du système nerveux pourrait être cause des oedèmes ; mais après

un examen précis, on a constaté qu'il n'y avait pas de troubles du ses-

tème nerveux. Le malade n'est pas hystérique.

OEDÈME CONGÉNITAL FAMILIAL DES EXTRÉMITÉS INFÉRIEURES 3(9

J'appris, du père, que son (ils à la naissance avait déjà les jambes enflées

sans que la cause lui soit connue et que l'enflure ne s'est jamais accrue

soudainement, mais graduellement avec la croissance.

Et j'ai trouvé que, chez quelques membres de la famille du malade, il

existe de l'oedème des extrémités inférieures, et sur ce point j'ai noté ce

qui suit (voir le tableau) :

Les parents du malade sont tous les deux vivants et ni l'un, ni l'autre,

n'ont de l'oedème. Le père n'a jamais entendu dire que ses parents ou

ses grands-parents ou même arrière-grands-parents, ni ceux de sa femme

aient eu les jambes enflées.

Les parents du malade ont huit enfants, desquels le malade estleplus

jeune. "

De ces huit enfants, l'ainé est du sexe féminin, et n'a pas d'oedème.

Elle s'est mariée et a huit enfants. De ces huit enfants, il y en a trois qui

ont un oedème des jambes, dont on s'est aperçu dès la naissance, tandis

que les cinq autres n'en ont pas.

Le deuxième enfant est du sexe féminin ; elle est venue au monde avec

de l'oedème à une des deux jambes ; elle n'est pas mariée.

Le troisième enfant est du sexe féminin ; elle est venue au monde avec

de l'oedème aux deux jambes ; elle est mariée, mais n'a pas d'enfants.

Le quatrième enfant est du sexe masculin, et n'a pas d'oedème ; il est

marié, a quatre enfants, qui n'ont pas d'oedème.

Le cinquième enfant est du sexe masculin et n'a pas d'oedème; il a

trois enfants, qui n'ont pas d'oedème.

Le sixième enfant est du sexe masculin, et n'a pas d'oedème; il est

marié, il a un enfant sans oedème.

Le septième enfant est du sexe féminin, et n'a pas d'oedème ; non

mariée.

Le huitième enfant est notre malade, qui est venu au monde avec de

l'oedéme aux deux jambes et qui en a aussi au scrotum ; il n'est pas

marié.

Nous voyons que, dans cette famille, il y a un certain nombre de mem-

bres, qui ont de l'oedènle des jambes, et de plus que des enfants d'un des

membres qui n'en a pas lui-même, ont des enfants avec de l'oedème des

jambes. Chez tous les membres de celte famille qui ont de l'oedème et qui

sont venus ainsi au monde, la famille ne peut attribuer aucune cause

marquante. J'ai vu tous les membres de la famille qui onl de l'oedème

excepté un ; je puis donc en certifier l'existence.

Nous avons donc affaire, chez notre malade, à un cas d'anomalie,

dans lequel existe l'oedème chronique des jambes; et dans lequel l'oedème

est congénital et familial, ce que l'on appelle de l'oedème congénital fami-

OEDÈME CONGÉNITAL FAMILIAL DES EXTRiLNI[rS INFERIEURES 3.) 1

liai des extrémités inférieures et ce que les Américains et les Anglais

appellent la maladie de Milroy, quoique Nonne ait parlé le premier de

ce cas et l'ait décrit. ,

Je crois que les exemples de cette maladie sont très rares, car dans

l'histoire de la médecine, on ne parle que de six familles, dont quelques

membres en sont atteints.

J'ai trouvé des cas donnés par Nonne (1), Milroy (2), Tobeisen (3),

IIope et French (4), Sutherland (5) et Griffith et Newcome (6) ; je ne

compte pas les cas décrits par Meige (7) et par Lannois (8), qui d'après

Cassirer (9) en fontpartie aussi, car comme Meige et Lannois le disent eux-

mêmes, l'oedème n'existait pas dans leurs cas à la naissance, mais surve-

nait beaucoup plus tard ; il n'était donc pas congénital. Je ne sais si les

cas décrits par Griffith et Newcome appartiennent à ce groupe, car je n'ai

pu lire leurs propres écrits.

Le nombre des membres des familles, qui souffrent de cette maladie,

est différent. Nonne trouvait sur 3 générations d'une même famille su-

jets affligés de cette maladie ; Milroy trouvait, sur G générations de 97 per-

sonnes d'une même famille, 22 affligés de cette maladie ; Tobeisen trouvait,

sur 3 générations de 7 personnes d'une famille, 4 affligés de celte maladie ;

Hope et French trouvaient, sur 5 générations d'une famille de 42 membres,

13 affligés de celle maladie, pendant que dans notre famille de 2 généra-

tions et de 24 personnes, il y en a G qui ont les mêmes symptômes.

Lorsqu'on revoit les divers symptômes de cette maladie relevés dans

les différents cas, on trouve en premier lieu l'oedème. Chez le plus grand

nombre l'oedème chronique se trouve aux deux jambes ; un petit nombre

seulement a de l'oedème à une jambe. Comme on le voit chez la plupart l'oe-

dème se limite aux jambes et, seulement en quelques cas, comme dans les

exemples donnés par Hope et French, on trouve de I'oedème aux cuisses.

Puis chez un malade de Milroy il a été constaté de l'oedème au scrotum,

ainsi que chez notre malade qui en a également au scrotum. Dans leplus

grand nombre des cas l'oedéme existait déjà à la naissance, et dans quel-

ques autres, comme dans ceux de Hope et French, on s'en est aperçu peu

après la naissance.

Il est difficile de savoir exactement si l'oedème existait vraiment à la

naissance ou est survenu peu après, parce que pour cela il faut se fier au

dire des parents des malades et de plus il n'est pas facile de constater

sûrement l'oedème chez des nouveau-nés.

L'oedème existait chez quelques membres d'une famille et n'existait pas

chez d'autres membres de la même famille et l'oedème se montrait chez les

enfants de certains membres d'une famille, qui n'en avaient pas eux-

mêmes.

xxvi 21

322 BORS

Dans la plupart des cas on trouve mentionné, que l'oedème augmentait

graduellement avec la croissance du corps et dans quelques autres, comme

chez les malades de Hope et Ii'reuch, que l'oedème s'étendait plus loin, avec

des intervalles aigus. On trouve signalé que l'oedème était assez dur ou

élastique ; dans notre cas la peau oedématiée est rugueuse et desquame

un peu, tandis qu'elle est de temps en temps d'une couleur rose tirant sur

le rouge. C'est seulement dans quelques cas que ceux qui sont affligés de

cet oedème en sont incommodés.

Milroy raconte de l'un de ses malades, qui avait de l'oedème au scrotum,

que ses testicules étaient fort gros, et que l'un des testicules lui causait

tant d'ennuis, que Milroy dut le lui enlever. Nous trouvons également

que chez notre malade les testicules ont grossi. Dans aucun cas on n'a pu

trouver une anomalie anatomique comme raison étiologique.

Nonne, qui regarde celle anomalie comme une forme d'éléphantiasis

congénital et qui croit que ses cas sont des cas d'éléphantiasis congénital

héréditaire, fait remarquer que Virchow a dit que les formes congénitales

d'éléphantiasis ne sont pas rares chez des acéphales et en cas d'autres mons-

truosités. Et comme dans la famille où Nonne a fait ses observations il y a

quelques personnes nées avec de l'oedème, et aussi un acéphale né avec de

l'eedéme, il croit pouvoir avancer qu'il y a des cas d'éléphantiasis congé-

nital stationnaires intra aitanz dont la cause est une anomalie de certaines

parties du système des vaisseaux lymphatiques, qui a déjà pris naissance

durant la vie intra-utérine et qui est héréditaire.

Tobeisen se rend partiellement à cette opinion et croit que la cause de

l'oedème est plutôt dans une maladie du système des vaisseaux lymphati-

ques et du système veineux et, d'après lui, ces raisons sont justifiées, puis-

que chez quelques malades on a trouvé des varices aux extrémités inférieu-

res. Mais, parce que les varices ont été seulement trouvées par exception,

que la plupart des malades n'en ont pas et que dans aucun cas on n'a

prouvé que ces varices avaient un rapport avec l'oedème, l'existence des

varices ne peut quand même pas confirmer beaucoup cette opinion, que

des anomalies du système veineux sont la cause de la maladie.

D'après l'examen au microscope du morceau de scrotum que j'ai excisé,

nous savons que rien n'a indiqué que la cause de l'oedème du scrotum

résidât dans une maladie primaire du système des vaisseaux lymphatiques ;

l'oedème du scrotum et celui des jambes ont très probablement la même

cause. Nous devons donc, quant à présent, admettre qu'il n'y a pas d'ano-

malie de vaisseaux lymphatiques qui puisse causer l'oedème des jambes.

Il est plus probable que les anomalies des vaisseaux lymphatiques sont

consécutives à l'oedème et qu'ainsi elles ne sont que secondaires.

L'oedème congénital familial est regardé de nos jours comme unoedème

OEDÈME CONGÉNITAL FAMILIAL DES EXTRÉMITÉS INFÉRIEURES 323

chronique d'origine trophique (trophoedëmedeMeige (7, 10, 11), Hope et

French (4), Lannois (8), Cassirer (9). Meige, et aussi Cassirer, distin-

guent trois groupes d'oedème chronique, dystrophique : celui des cas

isolés, celui des cas héréditaires familiaux et celui des cas congénitaux.

Dans ce dernier existent encore deux groupes : celui des cas congénitaux

et celui des cas congénitaux familiaux, à ce dernier appartiennent les cas

de la maladie décrite ci-dessus.

On peut .admettre que dans nos cas, nous avons affaire à un oedème

congénital familial, parce que l'oedème est congénital et familial. Comme

il n'y a aucune anomalie cliniquement démontrable qui puisse expliquer

l'existence de l'mdème et pour les raisons que l'oedème est héréditaire,

qu'il est congénital, qu'il est dans la plupart des cas symétrique, et qu'il

y a des signes de troubles trophiques, tels que les petits ulcères sur les

pieds et à la cuisse, la rugosité particulière de la peau, les papilles entre

les orteils, la mauvaise croissance des ongles des pieds, el la grosseur des

testicules des deux côtés, tout ceci plaide pour l'opinion que l'oedème est

d'origine trophique.

Peut-être avons-nous affaire à une névrose et ainsi serait justifiée

l'observation de Milroy, dans laquelle I'oedème des deux jambes de son

malade disparut, après qu'il eut retiré un des testicules.

BIBLIOGRAPIIIE

1. Nonne. - Vier Edile von Elephanliasis congenila hereditariu. Virchow's Archiv,

' Band 125.

2. Milroy. An undiscribed variely of heredilai-il oedema. New-York Médical jour-

nal, 1892.

3. TOBEISEN. - Ueber Elephanliasis congenila hei-editai-ia. Jahrbuch sur Kinderhéil-

kunde, XLIX, Band.

4. Iloii, et French. OEdème persistant héréditaire des jambes avec exacerbations

aiguës. Nouvelle Iconographie de la Salpêtrière, 1908.

5. Sutherland. Tèvo cases of congénital oedema or a Family type. Proceedings of

the Royal Society ol medecine, Volume the second, 1909.

6. Gmr11T11 AND NKWCOME. Transactions of the association of american Physicians,

XII, blz. 411. '

7. MEiGE. - Le troyhcedènze chronique héréditaire. Nouvelle Iconographie de la Sal-

pêtrière, 1899. ,

8. LAXKOts. Une observation de tiophoedènbe chronique héréditaire. Nouvelle Ico-

nographie de la Salpêtrière, 1900. ,

9. Cassirer. Die vasomolorisch-trophschen Neurosen, 1912.

10. MEME. Dystrophie oedémateuse héréditaire. Presse médicale, 1S98.

11. Meige. Sur le trophoedème. Nouvelle Iconographie de la Salpêtrière, 1901.

A PROPOS D'UN CAS DE JNÉVROME D'AMPUTATION

PAR

A. P. DUSTIN,

Professeur d'histologie à la Faculté de

Médecine de Bruxelles.

et t

Adrien LIPPENS,

Chef du service de chirurgie à la

, Policlinique Ste-Anne.

Il est fort rare d'avoir l'occasion d'examiner, dans de parfaites conditions.

de technique, les névromes d'amputation chez l'homme, et surtout de pou-

voir étudier simultanément deux névromes, l'un très ancien, l'autre tout

récent du même nerf.

L'observation suivante est, à cet égard, tout à fait intéressante, non seu-

lement au point de vue analomo-pathologique, mais aussi au point de vue

des déductions de technique chirurgicale qui en découlent.

Observation (PI. XLVIII).

M. Ernest V..., pharmacien, âgé de 42 ans, n'a guère d'antécédents morbides.

Il a souffert quelque peu de l'estomac et du foie.

Il y a 23 ans, en sautant d'un train en marche, il a eu la cuisse. gauche

écrasée. Le Dr Leblus ampute, à l'hôpital de Malines, le membre au quart infé-

rieur de la cuisse et le réampute 20 jours plus tard au tiers inférieur pour gan-

grène du moignon. La guérison est obtenue par seconde intention après une

suppuration prolongée.

Le patient se porte parfaitement durant 15 ans ; il vaque à sa besogne jour-

nalière sans ressentir ni douleur, ni gêne, ni fatigue.

Il y a 9 ans environ, notre malade se plaint pour la première fois de dou-

leurs accompagnées de mouvements spasmodiques dans tout le moignon. Ces

douleurs, violentes, durent une nuit et deux jours.

Depuis cette époque, les contractions spasmodiques, douloureuses se repro-

duisent en moyenne deux fois l'an. Et, chose curieuse, aucun des sédatifs du

système nerveux n'a sur elles la moindre influence.

Janvier 1912. - Les crises réapparaissent avec une intensité beaucoup plus

forte et se prolongent. La scopolamine procure un certain soulagement; l'aco-

uitine demeure sans effet.

21 février. Une nouvelle série de crises plus violentes et plus persistantes

encore immobilisent le patient.

le' avril. - Les mêmes phénomènes s'installent à nouveau, plus intenses

que jamais. A ce moment, les contractions spasmodiques douloureuses se rap-

Nouvelle Iconographie DE la Salpêtrière.

T. XXVI. Pl. XLVIII

NÉVROME D'AMPUTATION

(A. P. Diistiii et A. Lippel1s).

Masson & Cie, Éditeurs

A PROPOS D'UN cas DE névrome d'amputation 325

prochent de minute en minute. Les douleurs partent du milieu de la face posté-

rieure de la cuisse et s'irradient dans toute l'extrémité inférieure du moignon,

spécialement du côté interne. Elles acquièrent leur maximum au milieu de la

nuit et diminuent par contre par la grande fatigue ; néanmoins, dans l'inter-

valle, les muscles se contractent encore.

A l'examen objectif, on perçoit une tuméfaction au niveau du sciatique, et

celui-ci manifeste une sensibilité exquise au moindre attouchement. Il s'agit à

n'en point douter d'un névrome d'amputation.

C'est avec ce diagnostic que le malade est opéré le 4 avril 1912 sous anes-

thésie chloroformique. On pratique l'exérèse du névrome et de 4 à 5 centimè-

tres du nerf sus-jacent. Guérison per primam le 10 avril.

A dater du jour de l'intervention, les douleurs, sans disparaître complète-

ment, s'atténuent beaucoup.

Dès le 10 avril, des douleurs s'installent au point de section du nerf.

Complètement localisées, ces douleurs s'accompagnent de secousses minimes

et très espacées (4 à 5 en 24 heures).

13, 14 et 15. L'opéré éprouve une sensation d'éclatement dans la jambe.

L'insomnie est totale. Les calmants donnés à haute dose ont un effet peu pro-

noncé et en tout cas très passager.

16. - L'un de nous fait une injection endoneurale d'alcool antipyrine à

50 0/0. L'effet en est immédiat. Après quelques élancements au point de pi-

qûre et quelques tiraillements, toute souffrance est dissipée.

2G...... ? Le malade remet son membre artificiel et, après un séjour il la cam-

pagne, reprend son travail.

7 et 8 mai. - Il ressent quelques secousses qui disparaissent spontané-

ment.

Quelques jours après, les contractions douloureuses reprennent; elles ont

leur pqint de départ au niveau de l'extrémité sectionnée du nerf. Nous conseil-

lons une injection endoneurale d'alcool, tandis que le Professeur Van Gehuch-

ten consulté recommande plutôt une nouvelle intervention.

Celle-ci est pratiquée le 20 mai 1912. On ne constate rien d'anormal, sauf

la trace évidente de la piqûre endoneurale faite précédemment.

, Le nerf n'est pas tuméfié.

Le sciatique est élongé énergiquement, puis sectionné très haut.

Les surfaces de section des deux tranches adjacentes du sciatique sont sutu-

rées face à face, de manière à supprimer la tranche nerveuse avivée et à

éviter, dans la mesure du possible, toute prolifération nouvelle.

La guérison s'est effectuée normalement; elle semble définitive. Toutefois,

au début de juillet, à l'occasion d'une forte grippe, le malade a ressenti encore

quelques secousses douloureuses et ce qu'il appelle « un travail intérieur ».

La convalescence a été contrariée encore par des accès d'angine de poitrine.

Novembre 191. =Toute douleur a disparu ; le nerf n'est plus du tout

sensible à la pression.

Actuellement, M. V... est en excellente santé.

Il est intéressant de noter,avant tout, le long laps de temps écoulé (15ans)

326 DUSTIN ET LIPPENS

entre l'amputation et le moment où le névrome s'est révélé. Dans la

majorité des cas, en effet, c'est dans les premiers mois qui suivent l'inter-

vention que les crises à caractère névralgique trahissent l'existence du né-

vrome. Au demeurant, dans notre cas, il n'est nullement prouvé que la

tumeur n'existait pas depuis longtemps peut-être ; certains névromes pré-

sentent une indolence remarquable. On peut admettre avec raison que

sous l'influence d'une cause qui nous échappe sans doute, le névrome s'est

enflammé et est devenu douloureux.

Le second fait susceptible d'attirer notre attention est la récidive rapide

après la première intervention. En effet, s'il est peu fréquent d'observer

une longue période s'écouler entre l'intervention et le moment où le né-

vrome se signale, il est plus exceptionnel encore de constater les phéno-

mènes aigus presque immédiatement après l'opération. On serait tenté de

croire que la première résection a été incomplète. L'étude histologique

nous démontre qu'il n'en est rien.

1° Névrome (1'" opération). - A l'extrémité du nerf sciatique s'observent

différents nodules blanc nacré, fibreux, très résistants à la coupe. Le plus

gros de ces nodules atteint à peu près le volume d'une petite olive. Ces no-

dules font corps avec l'extrémité du nerf sciatique.

La pièce a été divisée en différents fragments comprenant chacun un frag-

ment de nerf sciatique et des nodules fibreux y attenant, les pièces ont toutes

été traitées par la méthode de Cajal (formule Il, fixation préalable à l'alcool),

débitées en coupes longitudinales intéressant l'extrémité du nerf et les ne-

vromes, suivant leur grand axe. Certaines des coupes ont été ultérieurement,

traitées par un virage à l'or et colorées par le crésylviolet.

Structure générale du névrome. - A mesure que l'on se rapproche de

l'extrémité sectionnée du sciatique on voit augmenter considérablement d'une

part : le tissu conjonctif périnerveux, d'autre part, le tissu conjonctif inters-

titiel ; puis ces différents tissus conjonctifs se fusionnent l'un avec l'autre à

l'extrémité du nerf, affectent une disposition tourbillonnaire et constituent la

masse fondamentale du névrome. L'examen après l'emploi de méthodes histo-

logiques bauales donne, à première vue, l'aspect d'un fibrome typique ancien,

riche en fibrilles collogènes et parsemé de cellules conjonctives à noyaux allon-

gés. L'examen par les méthodes électives (Cajal) montre, qu'en réalité, cette

masse conjonctive est parcourue par un nombre vraiment prodigieux de fila-

ments nerveux.

Tous ces filaments nerveux proviennent -est-il nécessaire de le dire de

la prolifération des fibres du nerf sciatique. Leur structure et leur disposition

méritent quelques instants d'attention. On remarque que la majeure partie des

si bres qui innervent le névrome sont des libres amyéliniql1es très fines, de con-

tours irréguliers et se colorant fortement en noir par l'argent réduit. Entre ces

fibres, s'observent quelques fibres myélinisées à cylindraxes plus volumineux,

plus irréguliers et moins argentophiles. Ces fibres myélinisées sont d'autant

plus rares que l'on s'éloigne de l'extrémité sectionnée du nerf sciatique pour

pénétrer dans la profondeur du névrome.

A PROPOS D'UN CAS DE NÉVROME D'AMPUTATION 327

Tous ces filaments nerveux suivent des trajets extraordinairement compli-

qués, exactement superposables aux trajets suivis par les trousseaux fibreux.

Dans une même coupe on peut observer des faisceaux fibro-conjonctifs coupés

en long, en travers ou obliquement, fait attestant une disposition tourbillon-

naira très caractéristique du tissu névromateux.

Outre les fibres nerveuses suivant fidèlement les faisceaux fibreux, s'obser-

vent de nombreuses fibres nerveuses s'égarant dans le tissu conjonctif entou-

rant le névrome et dessinant à ce niveau des trajets, sinueux et compliqués.

La terminaison de ces différentes fibres nerveuses néoformées à la suite de la

première amputation est particulièrement intéressante à étudier. Ces terminai-

sons sont, toutefois, assez difficiles à découvrir à cause des trajets récurrents

des fibres nerveuses et de ieurs terminaisons à différents niveaux.

D'une façon générale, les fibres se terminent par une extrémité mousse,

souvent renflée en une petite massue terminale. Dans ce premier névrome

nous n'avons trouvé aucune des formations compliquées que l'on trouve d'ha-

bilude là où la régénération d'un nerf est arrêtée par un cal conjonctif épais.

Les fibres à extrémités ramifiées, à extrémités en boules volumineuses, les

appareils de Perroncito paraissent faire complètement défaut dans ce névrome ;

nous reviendrons plus loin sur les déductions qu'on peut tirer de cette dispo-

sition.

D'une façon générale nous retiendrons de ce qui précède, que ce névrome

d'amputation ancienne est essentiellement constitué par un stroma conjonctif,

à disposition tourbillonnaire et renfermant un nombre colossal de fibres ner-

veuses surtout amyéliniques. Il s'agit donc d'un névrome vrai.

2' Névrome (2" opération). - Macroscopiquement ce second névrome est de

dimensions restreintes. L'extrémité amputée du sciatique est légèrement ren-

flée et d'aspect nacré. L'examen à un plus fort grossissement montre que cette

extrémité est entièrement recouverte par une coque conjonctive d'environ

5 mm. d'épaisseur. Cette coque est formée, d'une part de trousseaux fibreux

issus du tissu conjonctif interstitiel de chacun des faisceaux nerveux du sciati-

que et d'autre part d'une coque issue de la gaine conjonctive générale du nerf et

se développant transversalement de façon à recouvrir complètement la cicatrice

produite à l'extrémité du nerf lors de la seconde intervention ; les trousseaux

fibreux d'origine interstitielle suivent d'abord des trajets parallèles à peu près

rectilignes puis s'iutriquent eu une masse compacte sans orientation spé-

ciale et finalement se continuent avec la coque cicatrisante périphérique.

Ce tissu conjonctif néoformé est richement vascularisé et parcouru notam-

ment pas de grosses artères dont la tunique moyenne est nettement myoma-

teuse. Les cellules musculaires lisses de cette tunique paraissaient se multiplier

activement, leurs noyaux se divisant par amitose ; les cellules ainsi néofor-

mées essaimaient dans le tissu conjonctif environnant.

La tunique interne de ces artères présente également des modifications in-

téressantes en ce sens que par place la lame élastique interne et le tissu con-

jonctif sous jaceut-manquent et que par suite l'intima se trouve réduit il l'en-

dothélium. Au sein du tissu conjonctif- cicatriciel s'observent de place eu

328 , DUSTIN FT LTPPNN9

place des nodules de cellules inflammatoires et des mastzellen en assez grande

abondance.

Mais ce qu'il y a de plus intéressant à étudier, c'est la réaction nerveuse au

niveau de la cicatrice.

A la suite de la seconde opération les cylindraxes du bout central ont

présenté une vive réaction régénérative ; nous les voyons, dans nos prépara-

tions, suivre les travées conjonctives cicatricielles néoformées, s'insinuer

le long des insterstices existant dans ces travées et aboutir enfin à la zone de

tissu conjonctif compact que nous avons signalé plus haut à l'extrémité du

nerf.

Arrivés là,les cylindraxes paraissent rencontrer d'insurmontables obstacles.

Nous les voyons se diviser, former de grosses boules terminales, donner nais-

sance à des appareils compliqués rappelant les appareils de Perroncito, mais

n'atteignant jamais leur degré de complication et ne présentant que rarement

leur disposition spiralée caractéristique. Nos préparations montrent avec

une netteté très particulière un phénomène que nous avions déjà rencontré au

cours de nos études antérieures, mais qui dans le cas actuel prend une impor-

tance considérable : nous venons de dire que lorsque les fibres en croissance

rencontrent un obstacle difficilement surmontable, elles se divisent, présentent

le phénomène appelé neurocladisme par Cajal et arrivent à constituer des

formations rappelant de très près des appareils terminaux tels qu'on les ob-

serve au niveau des muscles striés notamment. Ces appareils ne représentent

pas des formations définitives; il semble même, qu'ils dégénèrent rapidement

en se fragmentant en une multitude de petits corpuscules annulaires très forte-

ment argentophiles ; après la destruction de ce pseudo-appareil terminal, le

cylindraxe peut parfaitement continuer il croître et essayer de forcer l'ohs-

tacle que lui oppose la cicatrisation.

Les images que l'on observe dans cette région du nerf sont d'un polymor-

phisme qui défie toute description. Nous retrouvons la la plupart des aspects

décrits par Cajal, Marinesco, Dustin et d'autres, lors de la régénération des

nerfs périphériques.

L'étude de ces deux névromes d'amputation comporte quelques déduc-

tions intéressantes à propos desquelles nous nous arrêterons un moment.

Beaucoup d'observations que nous avons pu faire au cours de l'élude de

ces deux névromes d'amputation sont 1 exti ènieiiieti instructives en ce qui i

concerne le mécanisme général de la réparation nerveuse. L'un de nous

devant prochainement reprendre la question de la régénération normale

et pathologique, nous ne vouions pas insister davantage actuellement sur

ce point.

Pour la même raison nous avons supprimé de la présente note les in-

dications historiques et bibliographiques concernant la régénération ner-

veuse, la classification et. la nomenclature des névromes, le rôle des cel-

lules de Schwann dans les néoplasies nerveuses, etc.

Quelles conclusions pouvons-nous tirer de cette étude ?

A PROPOS D'UN CAS DE NEVROME D'A,IPUTéTION 329

1° Malgré l'ancienneté de l'amputalion (23 ans) la cicatrice terminale

exubérante d'un nerf est encore parcourue par un nombre énorme de fibres

nerveuses appartenant pour la plupart à la variété amyélinidae.

2° Les appareils neurocladiques (boules, formations de Perroncito) ne

paraissent pas persister à l'intérieur de la cicatrice. Ce sont des forma-

tions extemporanées qui régressent complètement avec le temps.

3° Malgré la première amputation et le très long repos fonctionnel du

fragment nerveux, une nouvelle section du nerf est suivie d'une réaction

régénérative d'une extraordinaire exubérance ; les cellules centrales d'ori-

gine des fibres du sciatique ont donc conservé intactes leurs aptitudes

régénératrices.

Dans les lignes qui précèdent nous n'avons guère parlé des effets ana-

tomiques produits par l'injection d'alcool pratiquée entre la première et la

seconde résection du sciatique. Nous n'avons guère trouvé de lésions ana-

tomiques pouvant être rapportées à cette injection. Celle-ci u'a peut-être

qu'imparfaitement imprégné le fragment de sciatique ; peut-être aussi les

lésions produites s'étaient-elles déjà, en tout ou en partie, réparées ? ?

Il ne nous parait toutefois pas impossible que la fragmentation des

pseudo-appareils terminaux en anneaux argentophiles, - phénomène exis-

tant dans ;la régénération normale, mais ayant pris dans le cas actuel

un développement anormal, ne puisse être en partie rapportée à l'ac-

tion destructrice de l'alcool.

Au point de vue pratique nous attirerons encore l'allention sur un fait

structural que nous n'avons pas signalé plus haut : au-dessus du névrome

d'amputation, après la première, comme après la seconde intervention,

un grand nombre de fibres du sciatique présentent des altérations delà

gaine myélinique, pouvant aller jusqu'à la démyélinisation complète. Ces

lésions peuvent s'élever sur un trajet de plusieurs centimètres au-dessus

du point de section. Peut-être cette dénudation des cylindraxes inter-

vient-elle, comme facteur de tout premier ordre, dans l'apparition des

douleurs ?

En terminant, nous attirerons l'attention du lecteur sur les figures qui

accompagnent celte courte note (Pl. XLVIII).

La fig. 1 montre l'aspect du premier névrome enlevé 23 ans après

l'amputation initiale.Nous y voyons les fibres amyéliniques fines et innom-

brables cheminant en tous sens au sein d'alvéoles conjonctives irrégulières.

La fig. 2 montre la régénération du bout central du sciatique, après

la première névrectomie. Un petit faisceau nerveux prolifère énergique-

ment ; ses cylindraxes s'accroissent et envahissent le tissu cicatriciel,

beaucoup de ces cylindraxes s'éparpillent, dévient de leur trajet rec-

tiligne, et présentent même fréquemment des trajets récurrents.

330 DUSTIN ET LIPPENS

La fig. 3 - montre l'exubérante innervation de la cicatrice conjonc-

tive développée après la première névrectomie. Les fibrilles nerveuses

néoformées cheminent en tous sens dans le tissu conjonctif.

La fig. 4 - montre ce que nous appellerons les « phénomènes neuro-

clasliques ') de fragmentation des appareils pseudo-terminaux avec mise en

liberté au sein du conjonctif d'un très grand nombre de petits- anneaux

ii-geniopliiles.

Ces diverses constatations nous amènent à insister quelque peu sur le

traitement de l'extrémité sectionnée du nerf après une amputation.

Tous les chirurgiens sont d'accord actuellement pour élonger le ou les

nerfs qui traversent la ligne de section et pour les couper tous de manière à

éviter toute adhérence entre leur surface de section et la cicatrice. Cela

suffit-il ? Nous ne le pensons pas. Il faut s'opposer il la prolifération par-

fois excessive qu'entraîne le travail de la réparation nerveuse. Le meilleur

moyen est de l'enfermer.

Pour réaliser cette idée, on a enfoncé l'extrémité nerveuse dans une

boutonnière musculaire et on l'y a fixée par un point de suture. Cette

méthode n'offre guère d'avantages et ne paraît pas s'opposer à la forma-

tion du névrome.

C'est au nerf lui-même qu'il faut raccorder la surface de section pour

éviter une porte de sortie aux axones de néoformation.

Bardenheuer a décrit sous le nom de Neurinkampsis une opération plas-

tique pouvant s'effectuer selon différents modes. La surface de section

du nerf est anastomosée soit par reploiemenL et application du bout à la

face latérale avivée ou fendue du tronc, soit par reploiement et perfora-

tion du tronc, soit par redoublement du nerf et suture des faces avivées

après reploiement.

De ces diverses méthodes, la deuxième nous parait quelque peu com-

pliquée et nous ne voyons pas l'avantage qu'il y a faire traverser le tronc

par le bout sectionné pour implanter ce dernier sur l'autre face latérale. '

S'il va deux nerfs, Bardenheuer conseille d'aviver leurs surfaces sur

une certaine longueur et de les suturer l'une à l'autre Il est certes plus

simple d'unir face à face les tranches de section de manière ;i former une

anse. Rien n'empêche d'ailleurs d'unir par un point de suture les troncs

adjacents ou voisins. "

Celte manière de faire offre cet autre avantage, d'être d'une exécu-

tion facile. Il est très malaisé de pra tiquer le reploiement et la suture du

nerf dont on a pratiqué la section haute.

Si la nécessité de fermer le champ à la prolifération névrobiastique

s'impose dans toute amputation, elle est plus impérieuse encore quand il

s'agit d'exciser un névrome.

DE LA RESTAURATION DU LANGAGE DANS

L'APHASIE DE BROCA,

A PROPOS DE DEUX CAS SUIVIS D'AUTOPSIE.

PAR R

J. DEJERINE et ANDRÉ-THOMAS.

L'étude anatomo-clinique de l'aphasie démontre que la restauration du

langage est très variable d'un sujet à l'autre, et que chez ceux qui ont été

atteints d'aphasie motrice avec troubles du langage intérieur, autrement

dit d'aphasie de Broca, l'amélioration, lorsqu'elle se produit,ne porte pas

également sur tous les éléments du langage. Chez les uns c'est la parole

qui fait le plus de progrès, chez d'autres c'est la lecture et l'écriture : il

y a même des malades qui passent successivement par les trois périodes

d'aphasie totale, aphasie de Broca, aphasie motrice pure.

Nous avons déjà eu l'occasion de passer en revue un certain nombre de

causes qui interviennent pour expliquer les différences que l'aphasie est

susceptible de présenter dans son évolution (1).

Les unes sont d'ordre individuel : ce sont t'age du sujet, son degré d'in-

telligence et d'instruction, son entraînement la conversation, le polyglot-

tisme, etc... l'éducation respective de ses deux hémisphères cérébraux

(droitier, gaucher,ambidextre); les autres d'ordre anatomique : lésions uni-

latérales ou bilatérales, degré de leur étendue en surface et en profondeur,

lésions corticales ou sous-corticales, section des faisceaux d'association,

participation du corps calleux ; d'autres enfin d'ordre exogène : influence

du milieu, absence de traitement ou usage des procédés de rééducation,

leur précocité, etc... etc...

Quoi qu'il en soit, dans la grande majorité des cas, l'aphasie tend à s'a-

méliorer spontanément et pour quelques malades on peut presque par-

ler de guérison. La 1'estitlltio ad inlegrum est néanmoins exceptionnelle

et ne s'observe qu'avec des lésions très peu étendues ; au contraire, dans

les grosses lésions de la zone du langage, est rare qu'on obtienne d'aussi

(1) J. Dejerine et André-Thomas. Deux cas d'aphasie de Broca suivis d'autopsie.

L'Encéphale, n" 12, décembre 1911. Contribution à l'étude de l'aphasie chez les

gauchers. Revue Neurologique, 30 août 1912.

il32 DEJERINR ET ANDRÉ-THOMAS

beaux résultats : la rééducation spontanée ou provoquée peut être cepen-

dant poussée assez loin pour que les malades communiquent librement

avec leurs semblables.

C'est ce qui a eu lieu pour les deux malades, dont nous rapportons les

observations au cours de ce travail. Elles ont été suivies pendant plusieurs

années dans le service de l'un de nous, à la Salpêtrière : l'une s'est réé-

duquée en quelque sorte spontanément, l'autre a été rééduquée au moyen

de procédés pédagogiques, ayant pour base la physiologie pathologique

des troubles du langage. Chez ces deux malades le langage s'était recons-

titué très notablement, et cependant l'autopsie a révélé de grosses lésions

dont l'examen histologique sur coupes sériées a permis d'évaluer l'éten-

due en surface el en profondeur (1).

Observation 1 (PI. LI) (2).

Examen clinique. - Cécile B. Fourn., âgée de 27 ans, entre le 12 fé-

vrier 1896 à l'infirmerie de la Salpêtrière, salle Pinel, dans le service de M. De-

jerine.Sans antécédents héréditaires ou personnels, elle fut frappée d'hémiplégie

droite avec aphasie en décembre 1893. Elle eut une perte de connaissance trois

jours après une couche (c'était son troisième enfant, qui était à terme, et dont

l'accouchement avait été normal). Elle avait eu auparavant un premier enfant

venu à 8 mois, et une fausse couche de cinq mois. On ne trouve pas chez elle

de spécificité avouée. Six semaines après l'attaque la malade a pu marcher.

Elle est restée 4 mois sans pouvoir parler ; elle ne disait que « concon »

A son entrée dans le service on constate une hémiplégie droite avec aphasie

améliorée, due à un rétrécissement mitral (dédoublement du 2e bruit, souille

diastolique et présystolique).

Parole spontanée. Encore difficile; elle cherche longtemps les mots

avant de pouvoir prononcer. ·

Parole répétée. Répète correctement les mots qu'on prononce devant elle

(artillerie, constitutionnel)

Lecture à haute voix. - Troublée ; elle ne lit que les mots usuels.

Chant. - Troublé : amnésie de l'air et des paroles.

Lecture mentale. Epreuve d'André-Thomas et J. Ch. Roux.

DE LA RESTAURATION DU LANGAGE DANS L'APHASIE DE BROCA 333

Sous dictée. On lui dicte : ma belle-soeur viendra me voir aujourd'hui.

Elle écrit : ma belle soeur veins ate de aveur aujourd'hui.

Copiée. - Elle transcrit correctement l'imprimé en manuscrit.

Calcul. - Ecrit 15, 108 sous dictée. Addition presque nulle. Multiplication

3X4 =10.

Le 5 janvier 1897 on note que depuis son entrée à l'hôpital la malade a fait

quelques progrès au point de vue de l'écriture. Elle peut écrire spontanément

un certain nombre de mots et de noms, mais est incapable de comprendre une

phrase, de lire un journal ou un livre. La parole du reste n'est pas encore

complètement revenue. Elle construit difficilement des phrases, cherche long-

temps ses mots ; les troubles augmentent sous l'influence de l'émotion.

Le 28 mars 1898, spontanément la malade écrit : il fait du soleil, il y a un

concert, il a du monde, sous dictée, pour : je vais aller au cours ce soir : je fait

aller au cour ce soir. La copie d'imprimé est très bonne.

Examen du 16 août 1899.- Parole spontanée. - On demande à la malade ,

le récit du début de sa maladie. Elle répond : « J'avais plus confiance, et puis

j'avais ma fille qui est là, mon mari est venu, moi je ne savais plus. J'avais de

l'eau ou du lait, je ne sais pas, là (elle montre son bras), et au pied. C'est tout.

Mon mari avait voulu à l'hospice et deux médecins. Paralysée. Alors il faudra

à l'hospice. Voilà, ça y est. J'ai été à la Charité. Je n'en ai pas... mal à la tête ».

Il faut poser plusieurs fois la question à la malade pour qu'elle continue à

répondre, car elle parle très brièvement. v

Avez-vous eu des convulsions ? Non.

Avez-vous perdu connaissance ? Non.

Que faisiez-vous comme profession ? -J'ai fait tout, la confection, coiffeuse,

des perles, le chapeau, couturière ; j'ai fait la layette pour mon enfant. J'étais

chez nous.

Parole répétée. - Constitutionnel - constitu... te... te... je peux pas,

constitutionnel, ça y est.

Polytechnique - exact.

Amabilité - amabinité.

Profusion - exact.

Artilleur d'artillerie - artilleur... puis... artillerie.

Con(lans Sainte-Honorine exact.

Architecture - archi... tecture.

Elle répète bien les mots en général; elle sépare chaque syllabe, mais n'a

pas de troubles d'articulation, ni d'omission ou d'altération de syllabes.

Pusillanimement pusillani... mement.

Le ciel est beau et clair le ciel est beau... et clair.

Je vais aller me promener demain toute la journée - je vais aller... pro-

mener... toute la journée.

Je mange avec beaucoup d'appétit malgré temps chaud je mange...

appétit... malgré le temps chaud.

J'irai me promener sur la hauteur s'il fait beau j'irai promener sur la

hauteur s'il fait beau.

334 DEJERINE ET ANDRÉ-THOMAS

Je dors toute la nuit sans rêves ni cauchemars je dors... toute la nuit...

sans rêves ne cauchemars.

Je peux écrire et lire sans la moindre fatigue et sans la moindre émotion -

je peux écrire et lire... sans fatigue... sans la moindre... é... motion.

Je suis capable de faire le tour de la Salpêtrière en une heure et demie-je

suis capable... le tour de Salpêtrière... en une heure et mie.

La prononciation des phrases est parfois un peu tronquée pour certains mots,

mais les mots essentiels de la phrase sont répétés exactement.

Récitation. La malade savait des fables de La Fontaine. Elle ne peut plus

maintenant réciter la Cigale et la fourmi, ni le Corbeau et le Renard. Lors-

qu'on les lui demande, la malade dit : Je sais, eh bien ! je ne peux pas rappeler.

Chant. - Elle chantait plusieurs romances. Actuellement elle ne peut dire

l'air d'aucune. Elle ne peut chanter la Marseillaise, elle donne les paroles

suivantes :

Allons, enfants de la Patrie -

Le jour de gloire est arrivé

Contre nous... de la... patrie

et ne peut aller plus loin. « Je sais bien les paroles, mais la langue ne peut pas

dire ». Si je lui dis : Allons, enfants de la Patrie, le jour de terreur est

arrivé, elle dit : ce n'est pas terreur, c'est jour de gloire. - Contre nous de la

tyrannie l'étendard terrifiant est levé, elle dit : ce n'est pas terrifiant.- Est-ce

sanglant ? Oui, c'est sanglant.

Lecture à haute voix. Je lui donne à lire le texte imprimé suivant :

« Nous avons établi que les artères sont, d'une façon constante, soumises à un

certain degré d'excitation vaso-motrice, qui maintient leur tunique... » Elle

lit : « Nous avez, non, avons établi que le ar-tisse sont d'une fan (non, ce

n'est pas fan, je ne peux pas) con... tante sou...- mise à une certai (je ne peux

pas, là) de... gra exti... t-a, ta... t-i-o-n, tion lasomo.. t-r-i, tri... qui main..

t-i- m, non, e-n-t, (c'est ça) leur tuni.. que... ». Je lui donne un texte un peu

p ! us facile : « A Cabourg,une des plus délicates distractions balnéaires a été une

poule au fusil, dont la championne est une tireuse de premier ordre ». Elle lit :

0... bourg, une des plus déli-cherié dis-tractions bal-né-naires a chez (non,é)

une poule au fusil dans la cham... pique... je ne peux pas)... une tireuse de

premier o-r.- (je ne peux pas). La lecture est extrêmement lente ; il faut plus

d'une demi-heure pour faire lire à la malade les deux phrases précédentes. Elle

s'arrête après chaque syllabe et se rend à peu près compte qu'elle fait des

erreurs. Elle dit : je sais que ce n'est pas cela, mais je ne peux pas dire.

Lecture des lettres. - Elle lit bien la plupart des lettres ; pour L, elle dit

d'abord N, puis L. Pour K, elle dit V. Pour Q, elle dit 0, puis Q. Il y a donc

un degré très léger de cécité littérale. Elle comprend la lecture et se rappelle

ce qu'elle vient de lire.L'émission des syllabes est difficile, quelquefois impos-

sible, parce qu'elle ne se rappelle pas le son formé par l'assemblage des lettres.

Souvent elle épelle bien un mot et ne peut arriver à le prononcer.

Lecture des chiffres. Montrez-moi la page 317. Elle montre 319.

Est-ce cela ? - Non, voilà (elle montre 317).

DE LA RESTAURATION DU LANGAGE DANS L'APHASIE DE BROCA 335

Montrez-moi la page 225. Exact.

Montrez-moi les pages 431 et 523. - Exact.,

Montrez-moi la page 590 (le livre n'a que 568 pages). - Elle cherche long-

temps, puis dit : il n'y en a pas.

Montrez-moi la page 106. - Elle montre 160, puis 106.

Lecture mentale . - Epellation. - Cube - elle épelle QOBE ; matin et

nuit sont exactement épelés, lundi également. Les mots fou et cou écrits avec

des cubes alphabétiques placés verticalement sont lus four et cour. Les mots

soir et loi ne sont pas lus verticalement, ils le sont horizontalement. Poire est

lu Paris. Jamais écrit verticalement n'est pas lu, écrit horizontalement les let-

tres écartées il n'est pas lu non plus ; il n'est lu qu'horizontalement les lettres

accolées. Il y a donc des troubles latents de la lecture mentale très prononcés;

l'épellation mentale est défectueuse.

Surdité verbale. - Comprend tout ce qu'on lui dit sans hésitation. Les

phrases longues sont saisies dans tous leurs détails. - Elle évoque spontané-

ment les images auditives verbales, mais avec une lenteur exagérée.

Dénomination des objets. Exacte. Elle est obligée souvent de chercher

assez longtemps pour se rappeler le mot, mais elle ne se trompe jamais.

Ni aphasie optique, ni cécité psychique. - Elle lit bien l'heure sur une

montre. Elle reconnaît le dessin d'une roue, d'une maison, d'un âne, d'un

triangle, d'une chaise.

Expérience de Lichtheim-Dejerine. Réussit, elle indique facilement avec

ses doigts le nombre de syllabes composant le mot correspondante un objet

montré.

Ecriture. - De la main gauche. Spontanée. - Elle écrit des mots sans

construire de phrases régulières ; ce mode d'écriture est encore très altéré.

Sous dictée. - Il y a beaucoup de mots qu'elle ne parvient pas à écrire. Je

lui dicte : il fait très chaud aujourd'hui et je vais aller au Jardin des Plantes

voir les lions et les tigres. J'emporterai mon ombrelle contre le soleil. - Elle

écrit : il fait très chaux au jour eh je vais av au jartin de voi des lions et les

tigres. Jean potre mon obrese contre le solei.

Copiée. - Transcrit très exactement l'imprimé en manuscrit.

Avec les cubes. Même résultat qu'avec la plume.

Chiffres et opérations. - La malade dit qu'elle ne savait pas compter.

Intelligence. -- Un peu affaiblie, mais très largement suffisante pour bien

comprendre et bien répondre.

Mémoire. - C'est ce qui manque le plus à la malade.

Emotivité. Assez grande. La parole, comme l'écriture, se fait avec

beaucoup plus de difficulté, si ou regarde ou si on reste à côté de la malade.

Mimique. - Entièrement conservée.

Vision. - Bonne. Pas d'hémianopsie.

Il est à noter que la malade a eu la grippe en mai 1898 ; pendant 15 jours

elle a eu de la pleurésie avec épanchement. La convalescence a été assez longue.

Pendant cette convalescence on remarque très nettement que l'aphasie a

subi une recrudescence notable, marquée surtout pendant deux mois et qui a

336 DEJER1NE ET ANDRÉ-THOMAS

été très lente à diminuer ; la malade est revenue ensuite, au point de vue de

la parole, à l'état où elle se trouvait avant cette grippe.

Examen du 2 mars 1900. - Parole spontanée. Où avez-vous été hier ?

Au bazar de... hôtel de ville. J'ai acheté deux pelotes, du savon, une

cuiller à pot, pas pour moi, mais enfin... c'est tout.

Comment y êtes-vous allée ? - J'ai suivi la... attendez, au pont, vous savez

bateau parisien... au bazar. En revenant j'ai pris le bateau toujours.

Etes-vous sortie les jours précédents ? J'ai été samedi et dimanche chez

maman, et lundi chez mon frère. Ma belle-soeur en courses, j'ai gardé Andrée

ma nièce. ,

Quand avez-vous eu la grippe ? Deux ans... je crois.

Comment parliez- vous à ce moment ? - Vous savez... je rappelle plus. Je

ne peux pas expliquer, c'est la tête... depuis deux ans.

Avez-vous des enfants ? - J'en ai un garçon, et puis une fausse couche, et

ma fille. Trois enfants en trois ans.

Quand êtes-vous tombée malade Y Trois jours après ma fille.

Aviez-vous eu une grossesse normale ? Non ? j'ai rendu, mais c'est pas

comme cela... Dimanche je rends... et puis toute la semaine, non.

Une fois par semaine ? Oui, jusqu'au bout.

Avait-on examiné vos urines ? Non.

L'accouchement s'est-il bien passé ? A huit heures je suis mariée, non,

je faisais le marché ; à huit heures et demie couchée, l'enfant est venu. La

sage-femme est pas venue, puisqu'elle était à onze heures.

Qu'est-ce qui vous a délivrée ? - Personne... tout était sorti, quand la

sage-femme est venue. Trois jours après fièvre de lait, figure comme cela et

puis ça y est. Ça me coûte cher ma fille.

Parole répétée. - Constitutionnel - constitusonel.

Paralysie -(exact).

Perplexité - perplexiqueté.

Mirobolant microbo ! ant.

Kamtchaska - Katdhat...

Amsterdam Astermdam :

Polissonnerie - (exact).

Saint-Pétersbourg - (exact).

Je vais me promener - (exact).

Je suis sorti pendant 4 jours en permission - (exact).

La Salpêtrière renferme 5.000 hospitalisées (exact).

On a toujours besoin d'un plus petit que soi on a toujours besoin d'un

petit que soi.

Ni l'or ni la grandeur ne nous rendent heureux (exact).

Récitation. Elle ne se rappelle plus ni prières ni fables.

Chant. - Elle ne peut chanter l'air, ni séparément ni avec les paroles. Si

on lui demande les paroles de la Marseillaise, voici ce qu'elle dit : -.

DE LA RESTAURATION DU LANGAGE DANS L'APHASIE DE BROCA 337

Allons, enfants de la Patrie,

Le jour de gloire est arrivé.

. Contre nous de la tyrannie.

, L'étendard est arrivé...

Lecture à haute voix. - Je lui donne à lire : L'hirondelle est un oiseau

voyageur dont le vol est rapide et léger. Elle saisit au passage une quantité

d'insectes nuisibles dont elle fait sa nourriture en débarrassant nos arbres frui-

tiers. - Elle lit : L'hirondelle un oiseau voyageur dont le vol rapic et léger.

Elle saisit au passage une... dont elle fait la nourrice...la nourriture en débar-

rasser nos arbres de fruits.

Elle conserve un certain temps le souvenir de la lecture faite et l'a parfai-

tement comprise. Les mots détachés sont bien compris. Il y a certains mots

sur lesquels elle hésite, par exemple : paradis, entonnoir, bouquetin, caramel,

réséda. Pour certains mots. elle devine la dernière syllabe au lieu de la lire ;

ainsi pour paradis elle dit parapluie : pour caramel, carafon ; pour réséda, ré-

sédence. Mais elle s'aperçoit chaque fois de son erreur et cherche à la corriger,

sans toutefois y parvenir toujours.

Lecture des lettres. - Conservée.

Lecture des chiffres. - Bonne, celle des nombres également. Elle trouve

facilement une page qu'on lui indique dans un livre, mais est quelquefois obli-

gée de chercher d'abord le chiffre rond correspondant comme point de repère.

Lecture mentale. - Elle lit bien les mots suivants écrits les lettres les unes

au-dessous des autres et à une certaine distance : PARIS, PATRIE, MARIAGE,

BONJOUR. NAPOLÉON, MADEMOISELLE, BOULEVARD, ANGLETERRE.

Pour BOULET, elle lit BOULA ; le même mot écrit horizontalement est lu

bouleverse, puis boule. FOURMI est lu FOURNI. Le mot MAJUSCULE n'est

pas lu verticalement; il l'est avec difficulté, écrit horizontalement.

Surdité verbale. La malade comprend tout ce qu'on lui dit sans hésita-

tion. Les phrases les plus difficiles sont saisies immédiatement.

Evocation des images auditives (Epreuve d'André Thomas et J.Ch.Roux).

- Elle évoque spontanément la première syllabe, plus difficilement la der-

nière syllabe du mot correspondant à un objet montré. Mais cette évocation

est lente et pénible, et n'existe que pour les mots tout à fait usuels.

Ni cécité psychique, ni aphasie optique. Dénomination et reconnais-

sance des objets parfaites.

Reconnaît bien les dessins, sait lire l'heure exacte, reconnaît la valeur des

différentes pièces de mounaie et peut les additionner.

Expérience de Lichtheim-Dejerine . Réussit bien chez elle.

Ecriture. De la main gauche.

Spontanée. - La malade écrit : J'ai été au bateau de la j'ai été au ba de

bote de ville j'ai achetée de la laine et un cuire (elle a été au bazar de l'Hôtel-

de-Ville acheter de la laine et une cuiller).

Dictée. - Elle écrit : le lapin est un animal très doux et si timide que lors-

que il vit à l'état sauvage il creuse sa demeure dans la terre au fond du bois.

Copie. - Parfaite.

xxvi 22

338 DEJERINE ET ANDRE-THOMAS

Calcul. - Addition et soustraction bonnes. Multiplication et division erro-

nées. Calcul de tête ; nombreuses erreurs.

Dessins. - Spontanés et copiés : bons.

Etat intellectuel. L'intelligence est bien peu touchée; la mémoire a cer-

tainement diminué, mais non dans des proportions considérables. L'émotivité

est bien moindre qu'il y a quelque temps. Elle s'impatiente assez facilement,

mais ne se met pas en colère. L'attention ne se fatigue pas très vite. La mi-

mique est conservée.

Jamais la malade n'a eu de crises convulsives. Elle a continué à faire des

progrès pour la parole, l'écriture et la lecture jusqu'à sa mort qui est survenue

subitement le 17 avril 1904.

Examen anatomique.- L'autopsie a été faite vingt-quatre heures après

la mort.

1° Examen macroscopique (PI. LI). L'examen de la surface du cerveau à

travers la pie-mère,ne laisse constater aucune lésion,ni sur l'hémisphère droit,

ni sur l'hémisphère gauche. Par contre, sur une coupe horizontale de l'hémis-

phère gauche,pratiquée après quelques jours de durcissement dans le formol, au

niveau de la face supérieure du corps calleux, on découvrait un vaste foyer de

ramollissement sous-cortical. La réduction notable de l'hémisphère permettait

de supposer que ce foyer atteint une assez grande étendue en hauteur.

Rien de semblable n'était observé sur l'hémisphère droit qui paraissait abso-

lument normal.

Le pédoncule cérébral gauche est considérablement atrophié, il en est de

même de l'étage antérieur de la protubérance et de la pyramide bulbaire.

Après quelques jours de durcissement dans le formol, les pièces ont été con-

servées dans le liquide de Millier.

Plus tard, après inclusion dans la celloïdine, l'hémisphère gauche a été

débité en coupes horizontales sériées, l'hémisphère droit en coupes vertico-

transversales, la protubérance et le bulbe en coupes transversales.

Les coupes ont été colorées par la méthode de Weigert-Pal.

2" Examen microscopique. - Hémisphère gauche. L'examen successif des

coupes sériées a révélé des lésions beaucoup plus étendues que ne l'avait fait

prévoir le simple examen macroscopique.

Les lésions sont à la fois corticales et sous-corticales.

Lésions corticales. - L'insula a été presque entièrement détruit , il ne sub-

siste que le pôle et la partie la plus antérieure de l'insula, ainsi que la limite

postérieure (PI. LI, a et b).

L'écorce de la face externe de la circonvolution de Broca n'a pas été primi-

tivement intéressée, mais la face insulaire de l'opercule de cette circonvolution,

ainsi que de l'opercule rolandique, est très atrophiée dans les coupes les plus

inférieures; dans les coupes les plus supérieures, l'écorce et la substance

blanche de la région operculaire sont en grande partie détruites, davantage au

niveau de l'opercule de la pariétale ascendante et de la pariétale inférieure.

Le reste des circonvolutions frontales et des circonvolutions rolandiques est

intact, du moitis en ce qui concerne l'écorce, et encore celle-ci est-elle secon-. z

DE LA KESTAURATION DU LANGAGE DANS L'APHASIE DE BROCA 339

dairement atrophiée Quant il la substance blanche, elle est très endommagée ;

il persiste malgré tout, un plus ou moins grand nombre de fibres qui tapis-

sent le fond des circonvolutions et leurs irradiations dans les circonvolutions

voisines (fibres en U).

Il existe, en outre, quelques petits foyers de ramollissement dans les cir-

convolutions temporales. Déjà, sur les coupes les plus inférieures passant par

le pôle de l'insula, la 1™ et la ` ? ° circonvolutions temporales présentent de pe-

tites lésions destructives. Celles-ci s'étagent sur presque toute la longueur

de la 2e temporale ; elles ne sont que partiellement destructives et relativement

peu étendues - d'ailleurs elles étaient passées inaperçues à l'examen macros-

copique fait à travers les méninges ... elles ne sont pas continues; elles

apparaissent, disparaissent, puis reparaissent de nouveau. La ire temporale,

qui a été légèrement intéressée à son extrémité antérieure sur sa face insu-

laire, l'est plus sérieusement à son extrémité postérieure, et plus haut la lé-

sion se prolonge dans la région intermédiaire au gyrus supramarginalis et au

pli courbe. Le noyau amygdalien a été respecté, mais la circonvolution du

crochet est atrophiée. La temporale profonde n'est atteinte que dans une très

petite portion de son bord antérieur (PI. LI, a, b, c).

Les lésions sous-corticales occupent la substance blanche de l'hémisphère et

les noyaux gris centraux.

La substance blanche de l'hémisphère a complètement disparu dans la région

insulaire, elle ne persiste que dans les régions de l'insula, dont l'écorce a été

épargnée ; on peut considérer la capsule externe et l'avant-mur comme n'exis-

tant plus. '

Plus haut la substance blanche a été interrompue au-dessous des circonvo-

lutions rolandiques et de la 3e circonvolution frontale, aussi bien au niveau

du pied, qu'au niveau du cap et de la région orbitaire (PI. LI, d). Les fibres

de la couronne rayonnante ont été complètement sectionnées.

Sur les coupes qui passent au-dessus de la couronne rayonnante, la destruc-

tion de la substance blanche s'étend depuis la 2e circonvolution frontale jus-

qu'à la 2e pariétale. Les lésions dimiunent ensuite, à mesure qu'on examine

des coupes de plus en plus élevées. Elles disparaissent à peu près à mi-hauteur

des circonvolutions rolandiques.

En ce qui concerne les circonvolutions temporales, leur substance médullaire

a plus ou moins participé à la destruction de l'écorce, cependant la substance

blanche non différenciée du lobe temporal a été relativement épargnée par les

foyers de ramollissement : elle est moins épaisse que sur un cerveau normal,

mais cette réduction est secondaire et consécutive aux lésions de voisiuage.

L'écorce de la 2° circonvolution temporale et le pli courbe (partie inférieure)

sont assez sérieusement endommagés par les lésions ; il en est de même de la

substance blanche sous-jacente.

Ganglions centraux. - La destruction du Noyau lenticulaire comprend

le 3e segment, sauf son extrémité antérieure ; la plus grande partie du 2e seg-

ment, et l'extrémité supérieure du premier.

Du noyau caudé, il ne reste que la tête, partiellement endommagée dans sa

moitié antéro-externe, et la queue ; le corps fait complètement défaut.

340 DEJERINE ET ANDRE-THOMAS '

La couche optique est extrêmement réduite dans les plans supérieurs ; il

ne s'agit pas d'une atrophie primitive, 'mais plutôt d'une atrophie secondaire.

C'est sans doute à la dégénérescence des fibres de projection qu'il faut attri-

buer l'atrophie extrême du thalamus dans sa partie la plus supérieure. La

couche optique est non seulement réduite dans tous ses diamètres, mais les

fibres à myéline y sont clairsemées et faihlement colorées. Dans cette atrophie

sont compris le noyau externe, le noyau interne, le noyau antérieur, et le

pulvinar. Il faut tenir compte aussi dans une certaine mesure de la diminution

des fibres striothalamiques, dans les plans correspondant à la destruction totale

du noyau lenticulaire. -

Tout le reste de la couche optique est normal, on n'y observe qu'un cer-

tain degré de déformation due très vraisemblablement à la dégénérescence

et à l'atrophie de la capsule interne. Le noyau de Luys parait plus petit que

normalement.

Dégénérescences. A. Fibres de projection. - La section de la couronne

rayonnante a eu pour conséquence la dégénérescence totale du segment posté-

rieur de la capsule interne, qui est extrêmement réduite eu longueur et en lar-

geur. Au contraire, le segment antérieur de la capsule interne n'a subi aucune

altération dans les plans inférieurs ; plus haut il a subi le même sort que le

noyau lenticulaire et le noyau caudé qui l'encadrent.

Le segment rétroienticuiaire de la capsule interne est intact.

Dans les plans inférieurs la capsule interne est segmentée par les libres

strioluysiennes qui tranchent par leur belle coloration bleue sur le fond blanc

de la dégéuération et dont la conservation est expliquée à ce niveau par l'inté-

grité du segment interne du noyau lenticulaire.

Sur les coupes perpendiculaires du pédoncule cérébral, l'étage inférieur est

très rétréci ; la partie externe ou faisceau de Turck a ses dimensions normales

et se colore intensivement par la méthode de Weigert-Pal, le bord interne

contient un très petit faisceau de fibres bien colorées, le reste est dépourvu de

fibres et peut être considéré comme totalement dégénéré

Le petit faisceau interne peut être suivi plus haut dans le segment anté-

rieur de la capsule interne, par l'intermédiaire duquel ses libres se prolon-

gent dans la substance blanche du lobe frontal.

Plus bas la dégénérescence du pédoncule cérébral se poursuit dans l'étage

antérieur de la protubérance et de la pyramide qui est complètement atrophiée.

B. Faisceaux d'association . - Le faisceau longitudinal supérieur ou arqué

a été complètement détruit dans sa portion fronto-pariétale.

Les fibres du faisceau longitudinal inférieur ont été partiellement atteintes

en deux régions : 1° dans ses irradiations les plus antérieures et inférieures

(la lésion est légère) ; 2° sur le bord externe de la corne sphénoïdale du ven-

tricule latéral par un très petit foyer qui a coupé, sur une certaine hauteur, le

tapetum et les radiations thalamiques (PI. LI, a). Il eu résulte une dégénéres-

cence de la couche sagittale qui peut être poursuivie en arrière jusqu'au

niveau de la scissure calcarine.

Le faisceau uncinatus est un peu plus pâle dans les étages supérieurs de son

DE LA RESTAURATION DU LANGAGE DANS L'APHASIE DE BROCA 341

trajet insulaire que dans les étages inférieurs, mais en réalité il a été fort peu

touché par le foyer de ramollissement, qui a respecté le pôle de l'insula. On ne

suit pas sa dégénérescence dans la substance blanche du lobe orbitaire.

Corps calleux. - On ne trouve pas de tache de dégénération dans le tronc

du corps calleux; mais.de même que dans la plupart des cas semblables, la

dégénération se traduit davantage par une atrophie globale que par la décolo-

ration sur les coupes colorées par la méthode de Weigert-Pal.

L'hémisphère droit examiné sur coupes vertico-transversales ne présente

aucune trace de lésion.

Observation II (PI. XLIX, L) (1).

Examen clinique. Antoinette Ch.... âgée de 33 ans, entre salle Vul-

pian, dans le service de l'un de nous, en avril 1896. Sans antécédents hérédi-

taires ou personnels, ette a 3 enfants de 8 ans, ans, et 14 mois.

Trois semaines avant le deuxième accouchement, elle eut une otite moyenne

du côté gauche (avec écoulement de pus assez abondant) qui fut suivie d'une

paralysie faciale. L'accouchement fut normal. Quinze jours plus tard, elle res-

sentit, du même côté que la paralysie faciale, une céphalée extrêmement vio-

lente. On diagnostiqua alors un abcès cérébral. La trépanation fut aussitôt

pratiquée par M. Quénu. La trépanation faite il fut impossible de constater la

moindre lésion : on lit trois ponctions sans obtenir aucun résultat. Aussitôt

après l'opération il se produisit une hernie cérébrale, hernie qui augmenta

peu à peu de volume pendant la première semaine, et qui, au moment où elle

avait atteint son maximum de développement, se présentait sous la forme d'un

gâteau aplati assez régulièrement arrondi, de 6 à 7 centimètres de diamètre sur

1 centimètre d'épaisseur.

En même temps se développait une hémiplégie droite avec aphasie. Au dé-

but, d'après les renseignements obtenus, la malade semblait étrangère à tout

ce qui se passait autour d'elle, mais elle reconnaissait ses enfants et pleurait

dès qu'elle les apercevait. Nous n'avons pu obtenir aucun renseignement précis

sur l'état du langage à cette époque. Jamais la malade n'a eu d'épilepsie jackso-

nienne.

Examen en avril 1896 (cinq ans après le début des accidents). - L'hémi-

plégie droite est très intense. Le membre supérieur est contracture en flexion

très marquée ; la malade peut exécuter quelques petits mouvements de flexion

des doigts ; elle réussit encore à porter la main sa bouche. La percussion des

tendons radiaux détermine un clonus de la main extrêmement fort et durant

plusieurs secondes. Le réflexe olécranien est très exagéré.

La paralysie et la contracture sont beaucoup moins marquées au membre

inférieur. La résistance aux mouvements de flexion de la jambe sur la cuisse

est très énergique,' celle aux mouvements d'extension l'est beaucoup moins. Le

réflexe patellaire est très exagéré, mais le phénomène du pied ne peut être cons-

taté, pas plus que la trépidation rotulienne. A gauche la force musculaire est

conservée ; le réflexe olécranien est exagéré, le réflexe rotulien est normal.

(1) Observation XXV de la thèse de'M. Bernheim.

342 DEJERINE ET AN DRÉ-THOMAS

A la face on constate une paralysie faciale gauche totale (facial supérieur et

facial inférieur). Au repos la fente palpébrale est largement ouverte ; l'occlusion

complète est impossible. Le sourcil est sur un plan moins élevé' £ ¡ gauche qu'à

droite. La commissure labiale droite est très élevée et la gauche très abaissée :

cette déviation s'accuse beaucoup quand on fait rire ou pleurer la malade ;

mais le côté gauche de la face ne reste pas complètement immobile ; l'éléva-

teur de la lèvre supérieure n'est pas tout à fait paralysé. La malade ne peut ni

siffler, ni souffler, ni faire la moue..

Dans tout le côté gauche de la face, il existe de petites contractions ou se-

cousses apparaissant et disparaissant brusquement, analogues celles que dé-

termine l'excitation électrique des nerfs. Les nerfs et les muscles ne réagissent

pas aux excitations faradiques et galvaniques. Le voile du palais est légèrement

procident, sans déviation ni au repos ni pendant la phonation. Il existe une

légère déviation de la pointe de la langue du côté gauche. Les mouvements de

latéralité à droite se font moins bien que du côté gauche.

L'examen laryngoscopique, pratiqué par le Dr Natier, n'a relevé aucune mo-

dification dans la disposition et le fonctionnement des cordes vocales.

La sensibilité tactile est conservée, sauf pour une petite zone, qui répond à

la face dorsale de la main et des doigts ; mais la perception quantitative de la

sensibilité n'est pas aussi nette que du côté sain. La sensibilité à la douleur et

à la température est diminuée sur tout le côté droit, sans disparition complète.

La notion de position est altérée : la malade ne se rend pas un compte exact

de la position qu'on donne à son membre supérieur droit; de même quand on

la touche, elle ne localise pas exactement le point touché.

L'ouïe est abolie à gauche. L'examen otoscopique du Dr Natier donne les

résultats suivants :

Côté gauche : le tympan est complètement sclérosé, épaissi, il existe des

adhérences du tympan au promontoire à sa partie moyenne.

Côté droit : tympan scléreux, mais sclérose moins prononcée qu'à gauche.

L'essence de girofle n'est pas sentie à gauche ; du même côté, l'acide acéti-

que provoque une sensation vive et désagréable.

Il y a une très grande diminution de la gustation à gauche (sel et sulfate

de quinine).

La vue est bonne ; il n'y a pas de rétrécissement du champ visuel.

Parole spontanée. - La malade ne peut dire que oui et non.

Parole répétée el lecture à haute voix. Impossibles.

Chant. - La malade chantait assez bien avant son aphasie ; actuellement

elle ne peut chanter aucun air. avec ou sans les paroles.

Audition verbale. La malade comprend bien ce qu'on lui dit.

Evucation des images auditives (Epreuve d'A nd1'é- Thomas el J.-Ch. Houx).

Est impossible ; elle est incapable de dire si telle ou telle syllabe fait partie

du mot qui désigne un objet quelconque, qu'on lui montre.

Expérience de Lichtheinz-Dejerine. Négative.

Lecture mentale. - La compréhension des mots usuels est seule conservée ;

car la malade ne comprend aucune phrase, à moins que cette phrase ne soit

DE LA RESTAURATION DU LANGAGE DANS L'APHASIE DE BROCA 343

composée que de deux ou trois mots usuels. Les mots usuels, écrits par lettres

séparées, ne sont pas compris. Elle comprend bien la valeur des chiffres, et

montre autant de doigts qu'il y a d'unités dans le chiffre qu'on lui montre.

. Ecriture spontanée. Elle peut écrire son nom et son âge, et rien de plus.

Sous dictée. - Nulle (elle ne peut écrire que des lettres).

Copie. Conservée ; la malade copie très exactement de la main gauche

le»texte qu'on lui donne et transcrit l'imprimé en manuscrit,

La malade n'est pas plus capable d'écrire avec des cubes alphabétiques qu'avec

une plume.

Calcul. - Elle ne peut écrire correctement que les nombres de deux ou

trois chiffres. L'addition de deux nombres de deux chiffres est encore pos-

sible, mais elle ne peut faire ni soustraction, ni multiplication. '

Etat intellectuel. - A été relativement peu touché. La malade se rend très

bien compte de son état. '

Cette malade est donc bien atteinte d'aphasie motrice. En prenant les me-

sures exactes de la trépanation, et en s'appuyant sur les données fournies par

la topographie crânio-cérébrale, il est facile de figurer sur un cerveau normal

la topographie probable de la lésion. On voit alors qu'elle a son centre au ni-

veau de la partie antérieure de la scissure de Sylvius, couvrant le cap et le

pied de la 3" frontale, l'opercule frontal, la partie antérieure de l'opercule ro-

landique, et la portion adjacente de la partie supérieure de la première tempo-

rale.

Rééducation.- Le 22 avril 1896, l'un de nous cn commence à lui faire ré-

péter les lettres en lui montrant les mouvements des lèvres et de la langue. Elle

réussit très bien et très vite à répéter A, E, 1, U, U ; de même les consonnes M,

B, T, suivies d'une voyelle quelconque. Avant de lui faire prononcer des mots

il lui a fait prononcer toutes les syllabes simples, c'est-à-dire la combinaison

d'une consonne avec toutes les voyelles, en adoptant l'ordre suivant (conseillé

par Goguillot pour l'éducation des sourds-muets) :

P. T. K. - F. S. CH. - B. D. G. - V. Z. J. - L. R. M. N.

Ici le miroir n'a pas été employé, à cause de la répugnance qu'éprouve la

malade à s'y regarder (paralysie faciale gauche) ; on y a suppléé par le toucher,

en mettant sa langue et ses lèvres dans la position convenable pour la pro-

nonciation de chaque lettre, ou bien en lui faisant répéter des mouvements,

imitant de près ou de loin la prononciation de quelques lettres (par exemple

l'action de souffler une bougie pour la prononciation de l'F). Les progrès fu-

rent très rapides, puisque le 4 mai la malade articulait correctement toutes les

consonnes avec les voyelles. Elle aurait pu sans doute prononcer plus rapide-

ment les syllabes mais il valait mieux procéder lentement, faisant précéder la

prononciation d'une syllabe de mouvements simples, l'acheminant progressi-

vement vers la prononciation de cette syllabe.

Avant de lui apprendre des mots, on lui a donc enseigné l'épellation des sylla-

Il ANDRB-THONAS, Essai sur la rééducation de la parole dans l'aphasie motrice cor-

ticale. Société de Biologie, 1897.

344 DEJERINE ET ANTRE-THOMAS

bes simples : b,a = ba,etc. En quelques jours l'épellation devint très correcte ;

puis on lui a appris la lecture et l'écriture des syllabes simples. Les progrès

furent très rapides encore dans cette deuxième partie de la rééducation. La

malade faisait tons les jours des exercices d'écriture : elle copiait.

Ce n'est qu'après lui avoir appris ces éléments simples du mot, qu'on lui a en-

seigné à répéter des mots d'une syllabe, puis des mots de deux ou trois syllabes ;

en même temps elle fit des exercices de lecture dans les livres d'enfants, sur-

tout composés de mots usuels, écrits syllabiquement, faciles à épeler. Enfin

elle fut exercée à répéter des syllabes composées (deux consonnes plus une

voyelle par exemple) ; pour cela, la syllabe était décomposée en deux syllabes

simples par l'interposition d'un e muet entre les deux consonnes; on faisait

répéter à la malade de plus en plus vite les deux syllabes ainsi décomposées,

si bien que l'e muet disparaissait bientôt dans la prononciation, et la malade

répétait exactement la syllabe composée.

Peu à peu cette malade a pu répéter les mots simplement entendus, sans

être obligée de regarder les mouvements des lèvres et de la langue ; aupara-

vant la vue des mouvements nécessaires à la prononciation de la première

syllabe suffisait pour lui faire repéter le mot tout entier.

Au bout de six semaines, toute cette partie de la rééducation était termi-

née. La malade pouvait dire quelques mots spontanément, répéter tous les

mots et lire à haute voix les mots les plus usuels et les plus simples. Beau-

coup de ces mots n'étaient compris qu'après avoir été prononcés (par consé-

quent les troubles de la lecture mentale persistaient). Enfin l'écriture ponta.

née était toujours réduite à l'écriture du nom ; l'écriture sous dictée ne s'était

pas modifiée, et la copie était toujours très correcte.

Depuis le mois de juin, la malade n'a été examinée qu'à des intervalles

assez éloignés. Elle a continué à faire des exercices de lecture et d'écriture.

Les progrès ont été très grands.

Examen du 1r° septembre -1896. - Parole spontanée. - Elle dit presque

tous les mots, mais ne construit pas de phrases, elle parle nègre. Elle a suffi-

samment de mots à sa disposition pour se faire comprendre.

Parole répétée. -Elle répète tous les mots et quelques phrases courtes.

Lecture à haute voix. - Très améliorée ; elle lira consécutivement plu-

sieurs phrases d'une manière très correcte ; mais elle ne se rappelle pas bien

ce qu'elle a lu, et ne comprend pas ou comprend mal le texte, si elle ne le lit

pas tout haut,

En résumé, progrès très sensibles pour la parole sous ses différents modes

mais beaucoup moins marqués pour la parole spontanée que pour la parole ré-

pétée et la lecture à haute voix.

Lecture mentale. Encore très altérée ; la malade ne comprend la plu-

part des mots qu'après les avoir lus à haute voix. Elle ne comprend pas, sans

les prononcer, la plupart des mots écrits en syllabes ou en lettres séparées.

Evocation des images auditives. - Améliorée ; il y a pourtant beaucoup

de mots qu'elle ne peut évoquer, et dans un certain nombre d'expériences

elle ne reconnaît la syllabe qui fait partie du mot qu'après avoir prononcé le

mot à voix basse.

DE LA RESTAURATION DU LANGAGE DANS L'APHASIE DE BROCA 345

Ecriture spontanée. - Telle qu'elle était au premier examen ; au-dessous

de son nom (Chassergue), et de son prénom (Antoinette), elle essaye d'écrire

Bernadaux, le nom de son mari. et écrit : Bran, Brenadus.

Sous dictée. - Les lettres sont très correctement écrites.

L'écriture des syllabes est encore très altérée : pour chu elle écrit son ; pour

bai elle écrit de ; pour mi, elle écrit mo, puis mi ; les syllabes dictées mi, voi

et puis sont bien écrites ; pour bro, elle écrit, grot.

L'écriture des mots usuels est conservée (main, pied, rue, chemise, panta-

lon). Celle des phrases est incompréhensible. On lui dicte : je suis tombée ma-

lade il y a cinq ans, elle écrit : n chesui bondal la malade yn yei d. La même

phrase est mieux écrite quand on épelle chaque mot : je suis p tomben malade

il y a cip ans.

Copie. Très correcte. Elle est obligée de regarder très souvent le texte.

Ecriture avec les cubes alphabétiques :

Spontanée. - Pour son nom et son prénom elle écrit : ANTOINETTE

CHASSEGU.

On lui montre un crayon, en lui demandant d'écrire le nom de cet objet,

elle ne peut y arriver.

Sous dictée. - Elle écrit plusieurs mots : PAIN, TABLE. Pour chapeau,

elle écrit TAPEAX ; elle répète les mots avant de les écrire.

Copie. Parfaite.

Calcul. - Elle écrit bien sous dictée les nombres de deux ou trois chiffres

et en comprend bien la valeur. Elle peut faire des additions de deux nombres

et de deux chiffres, mais les additions plus compliquées, les soustractions,

les multiplications sont impossibles.

Examen du 7 juin 1898. La malade qui a quitté l'hôpital vient de temps

en temps à la Salpêtrière.

Parole spontanée. La malade a un assez grand nombre de mots à sa dis-

position ; elle parle nègre. On lui demande comment elle est tombée malade;

elle répond avec hésitation « malade... enceinte... mal... bête... médecin...

mon mari... malade... médecin... Cochin... malade... tête « . Elle désigne bien

et sans hésiter plusieurs objets qu'on lui présente (marteau, porte-plume,

lampe, verre).

Parole répétée. Egalement altérée. On dit à la malade de répéter la

phrase : « il a fait un orage hier, il est tombé beaucoup de grêle », elle dit

« fait un... a... hier... tombé... grêle».

Lecture à haute voix. La malade lit syllabe par syllabe, détachant bien

tontes les syllabes du mot.

Après celte lecture elle ne se rappelle pour ainsi dire plus ce qu'elle a lu.

Lecture mentale. Est très atteinte ; après avoir lu trois lignes relatives à

un bombardement d'une ville, elle ne peut montrer qu'elle a compris ce dont

il s'agissait. Si on lui écrit une phrase très simple (montrez-moi tel objet), elle

comprend.

Chant. - Elle ne peut plus chanter aucun air avec les paroles ; mais elle

se rappelle encore et fredonne quelques airs de danse de son pays, qu'elle a

quitté à l'àûe de 9 ans.

346 DEJERINE ET ANDRÉ-THOMAS

Audition verbale. - La malade comprend incomplètement ce qu'on lui dit,

sitôt que la phrase est un peu longue. On lui lit à haute voix et lentement trois

lignes, où il est question des ouvriers italiens arrivés de Suisse à Milan au

moment de la révolte. Elle prétend avoir très bien compris, mais elle est abso-

lument incapable de prouver qu'elle sait de quoi il s'agit, même si on l'aide.

On lui résume alors ce que contient ce texte; elle a mieux compris cette fois,

mais encore incomplètement.

Ecriture. - Elle écrit assez bien son nom, celui de son mari, mais est in-

capable d'écrire spontanément moindre phrase. L'écriture sous dictée est

également très altérée, au lieu de : il a fait un orage hier, elle écrit : il fait un

ole. La copie d'imprimé est moins mauvaise : la malade écrit : t Ru Bun Aux

ptite procès bien parisien hier à la 6° chambre civile : il s'agissait d'une de-

mande....;

Examen du 23 juin 1900. - Parole spontanée. - Quand avez-vous été

opérée ? - 9 ans... avril... premier.

Où ? Cossin... matégnité.

Combien de temps après l'opération êtes-vous restée sans parler ? Trois

ans... petit peu... ,

Compreniez-vous ce que l'on vous disait ? Non, non... rien.

Quand avez-vous pu comprendre ? Trois ans... six ans.

Saviez-vous lire et écrire avant d'être malade ? - Oui, oui .. très bien...

trois ans à l'école.

Avez-vous eu des crises ? Non, non... Cochin... la tête.

Avez-vous essayé de lire ? - Oui... peux pas... la tête.

Et d'écrire ? Mon nom... c'est tout.

Qu'avez-vous fait ce matin ? -Mon lit... du lait... midi... bouillon.

De combien êtes-vous enceinte ? Sept mois.

Sentez-vous remuer ? - Oh ! oui.

Que fait votre mari ? - Chemin de fer... Choisy.

Avez-vous des enfants ? Trois... deux garçons... une petite cinq ans et

demi.

La malade prononce difficilement à cause de sa paralysie faciale gauche,

extrêmement accentuée et du manque presque total de dents. Elle ne construit

pas de phrases et évoque très péniblement les mots dont elle a besoin. Elle n'a

ni jargonophasie, ni paraphasie.

Parole répétées Les mots Paris, Batignolles, Seine-et-Oise, polichinelle,

parapluie, universelle, Californie sont exactement répétés.

Pour Amsterdam elle répète A...mé...dam.

Fontainebleau - Fontaibleau.

constitution consitution.

exposition - opposition.

Trocadéro - Cadèro.

Elle répète bien la phrase suivante : le temps s'est mis au beau.

La Salpêtrière est une grande ville. - Sai..pi..ti..ère...

J'ai mal à la tête. - J'ai mal... la tête.

DE LA RESTAURATION DU LANGAGE DANS L'APHASIE DE BROCA 347

J'ai en deux opérations. - Deux ... pérations.

Si on lui répète chaque mot de la phrase, elle arrive toujours à la dire exac-

tement ; mais si on lui énonce la phrase d'un seul trait, elle ne peut se la rap-

peler, et par conséquent pas la répéter. Les difficultés d'articulation sont les

mêmes que pour la parole spontanée.

Chant. Elle ne peut se souvenir des paroles de la Marseillaise, et lors-

qu'on lui demande de chanter sans les paroles, elle fredonne un air inconnu

et croit avoir chanté la Marseillaise. Elle ne se rappelle pas mieux : Au clair de

la lune.

Récitation. « Salue... Marie... pleine... grâce... Seigneur... avec vous.

Vous êtes bénie... entre toutes les femmes. Jésus... sais pas ».

Lecture à haute voix. Lecture mentale. - Je lui donne à lire : u Ay-

mousseux », elle lit » ay pousseuse ». Pour Epernay, elle lit : « é-mé-re-

nal. »Elle lit bien : fournisseur des hôpitaux de Paris, Au lieu de : journal

d'un solitaire à Paris, elle lit : journal un solitaire à Paris.

Texte : Que veux-tu de moi, ma bien-aimée ? Lu : Un faut tu de moi, ma

bien-aimée ?

Je voulais te voir et être avec toi. Lu exactement.

Etes-vous triste, êtes-vous fatiguée ? Voulez-vous que je chante ! Que puis-

je faire pour vous ? Elle lit bien, sauf le mot triste qu'elle prononce trique

et qu'elle ne peut corriger.

Etes-vous heureux ? Je le suis parce que vous m'aimez. - Cela ne vous

ennuie jamais ? - Tout ceci est lu très exactement. La lecture est assez ra-

pide ; la malade lit en syllabant et articule comme dans la parole spontanée.

Elle comprend la lecture mais en perd rapidement le souvenir.

Les lettres sont toutes reconnues et immédiatement dénommées : toutefois

les consonnes sont accompagnées d'un e muet lorsqu'elle les prononce ; ainsi

pour le b elle dit be, etc. (c'est peut-être l'effet du procédé de rééducation em-

ployé chez elle).

La lecture du manuscrit se fait également bien ; si nu lui donne à exécuter

des ordres manuscrits, elle ne les fait que si on écrit avec des lettres ma-

juscules, et encore non sans hésitation. Il y a donc encore chez elle un cer-

tain degré de cécité verbale.

Il y a aussi des troubles latents de la lecture mentale. Les mots PARIS et

RUE sont lus écrits les lettres placées les unes au-dessous des autres, mais les

mots CHAT, POT, BOUTON, BE131'ADAU1 (le nom de son mari), RICHE,

IVRY ne peuvent être lus qu'écrits horizontalement les lettres juxtaposées.

La lecture des chiffres est bonne; celle des nombres est plus pénible. La

malade peut ouvrir un livre à telle page indiquée.

Audition verbale. - Dans les phrases il y a des mots dont le sens lui

échappe, mais les -mots isolés sont tous compris. On est souvent obligé de lui

répéter deux ou trois fois une question, à cause de la sclérose des tympans ;

mais alors qu'elle a parfaitement entendu, il y a des mots qu'elle n'a pas com-

pris. Elle n'évoque pas spontanément les images auditives verbales.

Elle n'a ni aphasie optique ni cécité psychique.

348 DEJERINE ET ANDRÉ-THOMAS -

Epreuve de Hc ? <e ! N : -Z)'e)'tMe. Impossible à essayer, la malade ne

pouvant comprendre ce qu'il lui faut faire.

Reconnaissance et désignation des objets parfaites.

Elle sait lire l'heure et les minutes, reconnaît la valeur des dessins, des

symboles, sait la valeur des pièces de monnaie et peut les additionner.

Ecriture. - De la main gauche. ,

Spontanément et sous dictée elle ne peut absolument rien écrire. Elle cher-

che à écrire son prénom (Antoinette), elle fait un A et ne peut aller plus

loin.

Elle ne peut écrire son nom, ni les lettres de l'alphabet, ni la série des chif-.

fres. Toutefois sous dictée elle écrit bien, 10, 13, 27, et ne peut écrire 100.

Elle transcrit l'imprimé en manuscrit pour les mots mousseux, maladie. An

lieu d'Epernay, elle écrit epesnu. Le mot billet est transcrit en imprimé. La

copie du manuscrit est meilleure,mais présente cependant quelques altérations.

Calcul. - L'addition facile est seule faite, les autres opérations ne peuvent

être effectuées.

La copie des dessins est bonne.

Etat intellectuel. Bon ; la mémoire a fortement baissé, mais l'activité

cérébrale est suffisante. L'attention est capable de se fixer assez longtemps sans

se fatiguer. La malade ne se met pas en colère facilement, et n'est pas émotive.

La mimique est conservée, autant toutefois que la paralysie faciale gauche le

permet.

Paralysie faciale gauche extrêmement prononcée ; impossibilité de fermer la

paupière gauche ; tiraillement de l'ouverture buccale vers la droite, efface-

ment des traits du côté gauche; bout du nez rejeté à droite. Pas de paralysies

oculaires. La langue et le voile du palais ne sont pas déviés. Pas de troubles

pupillaires. Vue bonne. Diminution notable de l'acuité auditive du côté

gauche.

La malade est enceinte de sept mois. Elle a eu il y a un mois des crises

d'éclampsie ; elle a encore de l'oedème malléolaire, .mais actuellement pas d'al-

bumine dans ses urines.

Depuis 1897 elle n'a plus été rééduquée et n'a fait que peu d'exercices de

lecture ou d'écriture.

Le manque d'exercice, depuis sa sortie de l'hôpital, ainsi que la diminution

de l'ouïe et les crises d'éclampsie dont elle vient d'être atteinte sont les prin-

cipales causes du peu de progrès constaté dans son état.

Elle n'a plus été revue qu'a de rares intervalles jusqu'à sa mort, le 7 octobre

1906. Opérée pour une mastoïdite, elle a succombé trois jours après l'interven-

tion, son état ne s'étàit pas modifié.

Examen anatomique.- Autopsie faite vingt-quatre heures après la mort.

10 Examen MACROSCOPIQUE. - Hémisphère gauche. - Il existe une vaste cavilé

occupant le centre de l'hémisphère et recouverte par les méninges (PI. XL1X).Ce

n'est qu'après leur incision qu'on peut se rendre compte de l'étendue des lésions.

La destruction a porté sur la 3° circonvolution frontale, sauf la portion orbi-

tai re, sur la moitié inférieure des circonvolutions centrales, frontale et parié-

DE LA RESTAURATION DU LANGAGE DANS L'APHASIE DE BROCA 349

1

tale ascendantes : en arrière, elle s'arrête il l'opercule de la 2° circonvolution

pariétale, dont l'extrémité antéro-inférieure a été directement intéressée ; en

avant, elle entame l'extrémité postérieure de la 2° circonvolution frontale.

Dans la profondeur de la cavité, en haut et en avant, on découvre des débris

de circonvolutions atrophiées qui appartiennent vraisemblablement à la 3° cir-

convolution frontale, la 2° frontale, aux circonvolutions centrales et aussi à

l'insula.

Au-dessous de la scissure de Sylvius, la cavité s'est creusée aux dépens de

la 1° temporale, dont il ne subsiste que l'extrémité antérieure, qui concourt à

former le pôle temporal, et l'extrémité postérieure qui se continue en haut

avec le gyrus supra-marginalis, et de la 2° temporale, qui a été détruite sur

une étendue à peu près équivalente. Les extrémités antérieure et postérieure

des deux premières circonvolutions temporales sont modifiées dans leur orien-

tation, de telle sorte que ces circonvolutions décrivent un angle aigu ouvert

en bas.

L'examen du fond de la cavité, qui est très profonde, ne laisse voir aucune

circonvolution, à part les débris précédemment signalés. L'insula a donc été

gravement endommagé par la lésion. Les coupes microscopiques sériées per-

mettront d'ailleurs d'en apprécier encore mieux la répartition.

Hémisphère droit. Sur la convexité, comme sur la face interne, il

n'existe aucune lésion apparente.

2° Examen microscopique. Après durcissement par le formol et le bichro-

mate, et inclusion à la celloïdine, les deux hémisphères ont été coupés eu série,

l'hémisphère gauche en coupes horizontales, l'hémisphère droit en coupes

vertico-transversales. Les coupes ont été colorées par l'hématoxyline de Wei-

gert (méthode de Pal) et montées de 5 en 5.

Hémisphère gauche. - 1° Sur les coupes passant par la limite inférieure

de la cavité, ou remarque que celle-ci est taillée à l'emporte-pièce dans le lobe

temporal. En avant elle respecte l'écorce de l'extrémité antérieure de la pre-

mière et de la deuxième temporales, mais elle envoie un petit prolongement

dans leur substance blanche, prolongement qui est limité en avant par l'avant-

mur, et en dedans par un faisceau compact qui comprend les fibres du faisceau

longitudinal inférieur et les radiations thalamiques. En arrière elle entame

légèrement l'écorce de la portion restante de la deuxième temporale. En

dedans la cavité est séparée du ventricule latéral par un mince pont de subs-

tance nerveuse, dans lequel on ne distingue plus aucune fibre à myéline. A la

limite postérieure de la lésion, les radiations thalamiques et le faisceau longi-

tudinal inférieur sont très amincis.

Un peu plus haut, les lésions présentent à peu près la même disposition :

sur quelques coupes la cavité paratt communiquer avec le ventricule latéral,

mais la brèche est très étroite, et peut-être ne s'agit-il que d'une communi-

cation artificielle qui. s'est effectuée au cours des manipulations.

Peu à peu le pont de substance nerveuse, qui constitue le fond de la cavité

se garnit de fibres à myéline, qui appartiennent aux radiations thalamiques et

au faisceau longitudinal inférieur, de sorte que dans les coupes qui passent par

350 DEJERINE ET ANDRÉ-THOMAS

la région sons-thalamique, la cavité est limitée, dans la profondeur, par le

faisceau longitudinal inférieur dont les fibres les plus externes sont encore

interrompues par la lésion. Sur les coupes passant par la région thalamique,

le faisceau reste épargné et constitue le fond même de la cavité.

2° Sur les coupes passant par l'insula et le noyau lenticulaire, la cavité

s'arrête dans la profondeur au bord externe du noyau lenticulaire. Tout l'in-

sula a été détruit, sauf la lèvre antérieure de la première circonvolution anté-

rieure ; par contre la substance blanche de cette'circonvolution a été grave-

ment endommagée. Dans les mêmes plans la capsule externe et l'avant-mur

ont disparu : il n'en subsiste que-1'extrémité antérieure. Plus en arrière, le

faisceau longitudinal inférieur forme le fond de la cavité (PI. L, B).

Au niveau'du tiers supérieur de la couche optique et du noyau lenticulaire,

le faisceau longitudinal inférieur et les radiations thalamiques ont été partielle-

ment coupés par deux petits foyers, qui ont déterminé une dégénérescence dans

ces deux parties et dans la partie postéro-supérieure du noyau externe du tha-

lamus (PI. L, A).

Dans toute cette région les limites antérieure et postérieure de la cavité

sont nettement tranchées ; cependaut, de même qu'en avant la substance blanche

de la première circonvolution de l'insula a été en grande partie détruite,de même

en est-il en arrière pour la substance blanche de la première et de la deuxième

temporales, de l'opercule de la deuxième pariétale, dans la portion de ces cir-

convolutions qui borde la cavité. Mais la lésion de la substance blanche ne se

prolonge guère ni en avant ni en arrière.

On voit apparaître enfin les lésions de la troisième circonvolution frontale,

dont la plus grande partie a été détruite (cap et pied). C'est à ses dépens ainsi

qu'à ceux de l'opercule rolandique et partiellement aussi de l'opercule de la

deuxième pariétale que s'est formée la cavité dans sa moitié supérieure.

31 Sur les coupes passant par l'extrémité supérieure du noyau caudé et

la couronne rayonnante (PI. L, C et D), la lésion atteint dans la profondeur la

couronne rayonnante qu'elle coupe dans ses trois quarts antérieurs, et s'arrête

au bord externe de l'extrémité supérieure du noyau caudé. Le tiers postérieur de

la couronne rayonnante est relativement épargné. En examinant des coupes de

plus en plus élevées on voit réapparaître les circonvolutions, mais sur une

certaine hauteur la substance blanche (aussi bien la substance blanche ra-

diée que la substance blanche non différenciée) est détruite ou complètement

dégénérée, principalement au niveau de la troisième circonvolution frontale,

de la frontale et de la pariétale ascendantes, de la 2e circonvolution pariétale.

Enfin les circonvolutions se reconstituent progressivement.

Le ventricule latéral est extrêmement dilaté sur toute son étendue.

Dégénérations SECONDAIRES. Faisceaux d'association. - Le faisceau lon-

gitudinal supérieur ou arqué a été compris dans la lésion, sur la plus grande

partie de son trajet. C'est à la dégénération de ses fibres qu'il faut attribuer la

pâleur de la substance blanche dans le lobe frontal, dans le lobe pariétal, au

niveau du gyrus supra marginalisât enfin dans la lre circonvolution temporale,

mais il faut tenir également compte des lésions primitives de cette dernière

circonvolution.

DE LA RESTAURATION DU LANGAGE DANS L'APHASIE DE BROCA 351

Le faisceau longitudinal inférieur a étii sectionné en plusieurs endroits

par de petits foyers, mais surtout dans les plans les plus inférieurs qù il a

été interrompu. C'est par la dégéuération partielle de. ce faisceau qu'il faut

expliquer la pâleur de la substance blanche dans le lobe occipital, au niyeau

de la scissure calcarine. -

Le faisceau uncinatus a été coupé au niveau du pôle antérieur du lobe

temporal, la dégénérescence de ses fibres peut être suivie dans les coupes

inférieures du lobe frontal.

Fibres de projection. Voie pédonculaire. Le pied du pédoncule est dé-

généré dans sa partie moyenne (le tiers moyen environ). Le faisceau interne

est intact et volumineux. Le faisceau externe dépasse de beaucoup la zone du

faisceau de Türcl. En réalité la dégénérescence est beaucoup plus marquée

qu'elle ne le paraît sur les coupes, parce qu'il faut tenir compte du tassement

qui se produit et de l'atrophie secondaire de l'étage inférieur.

Le faisceau externe comprend le faisceau de Tùrck plus un assez grand

nombre de fibres qui occupent surtout le tiers postérieur du segment postérieur

de la capsule interne, tandis que les deux tiers antérieurs du segment posté-

rieur de la capsule interne sont complètement dépourvus de fibres.

La dégénération du segment postérieur de la capsule interne est la consé-

quence de la section de la couronne rayonnante. La conservation d'un certain

nombre de fibres dans le tiers postérieur est due à l'intégrité du tiers pos-

térieur de la couronne rayonnante.

Le faisceau interne du pédoncule cérébral passe par le segment antérieur de

la capsule interne, comme nous avons déjà eu l'occasion de le démontrer avec

Madame Dejerine.

La dégénérescence de l'extrémité supérieure du pulvinar s'explique par les

lésions qui ont été signalées sur le trajet des radiations thalamiques et dans

la substance blanche du lobe pariéto-temporal. Les fibres du noyau externe du

thalamus sont moins nombreuses dans les parties correspondant à la dégéné-

rescence de la capsule interne.

La commissure antérieure est atrophiée.

Hémisphère droit. Il n'existe de grosse lésion nulle part : ou ne découvre

que quelques petits foyers de raréfaction presque microscopiques dans la sub-

stance blanche, deux au-dessous de la deuxième circonvolution frontale, un sur

le corps calleux au uiveau du lobe frontal, un au-dessous de la deuxième cir-

convolution pariétale. Les coupes vertico-transversales permettent de se rendre

compte que le tronc du corps calleux (dans sa moitié antérieure) est atrophié,

La commissure antérieure est également atrophiée.

Ces deux observations sont instructives à divers points de vue.

La première malade a été frappée très jeune, à l'âge de 25 ans, et mal-

gré cela l'amélioration a été très lente pendant 5 ans. L'aggravation qui

s'est produite pendant la grippe et que Bernheim a expliquée par la fixation

352 DEJEH1NE ET ANDRÉ-THOMAS

de l'infection sur un point de moindre résistance nous parait susceptible

de recevoir une autre interprétation.

Les lésions ne consistent pas chez elle en un foyer de ramollissement

unique, mais en une série de foyers distribués sur la zone du langage, non

seulement au niveau delà circonvolution de Broca, mais encore au niveau

des centres des représentations auditives (circonvolutions temporales) et

des représentations visuelles verbales (pli courbe) ; ces lésions ne sont

pas forcément contemporaines, et il est vraisemblable que, sous l'in-

fluence d'une infection telle que la grippe, il s'est produit de nouvelles

embolies la malade était atteinte de rétrécissement mitral qui ont

donné lieu à autant de foyers de ramollissement. Leur répartition exclu-

sive dans l'hémisphère gauche vient encore à l'appui de cette hypothèse.

Quoi qu'il en soit, l'intérêt de l'observation réside avant tout dans le

degré très marqué d'amélioration qui s'est produit, malgré l'étendue et la

dissémination des lésions. Celles-ci étaient en effet réparties à la fois dans

le domaine de l'aphasie motrice et de l'aphasie sensorielle, et pendant

les premières années ou les premiers mois, la malade s'est comportée

sans doute comme une aphasique totale ; lorsque nous l'avons examinée

pour la première fois, l'aphasie remontait déjà à trois ans et elle se com-

portait alors cliniquement comme une aphasie de Broca. Les fonctions

du langage s'étaient donc en partie restaurées, et aussi bien au point de

vue des éléments sensoriels que du langage articulé lui-même, car en

ce qui concerne l'audition verbale el la lecture mentale, ainsi que l'écri-

ture, la malade ne donnait pas l'impression d'une aphasique sensorielle,

mais celle d'une aphasique motrice.

Nous ignorons si la malade a été rééduquée (intentionnellement ou non)

par sa famille et son entourage pendant les premières années, mais nous

avons pu nous rendre compte que dès son entrée à l'hôpital, elle écoutait

volontiers ses voisines et essayait souvent de converser avec elles : sur

notre conseil, elle faisait tous les jours des exercices d'écriture sur un

cahier semblable à ceux dont se servent les écoliers. Bien qu'elle n'ait ja-

mais été soumise à une rééducation méthodique par des exercices pédago-

giques, on peut donc considérer en partie l'amélioration assez considéra-

ble qui est survenue chez elle à partir de celle époque comme le résultat

de la rééducation. Son jeune âge, son intelligence entrent encore en ligne

de compte, pour expliquer le degré de restauration vraiment remarquable

qu'ont atteint chez elle les facultés du langage, si l'on a égard à l'extrême

étendue des lésions.

Chez la deuxième malade, il s'agit encore d'une très grosse lésion, qui

est particulièrement intéressante par les conditions dans lesquelles elle

s'est produite. La porencéphalie est ici la conséquence d'une vaste hernie

cérébrale qui s'est effectuée au coûts d'une trépanation, et l'examen des

DE LA RESTAURATION DU LANGAGE DANS L'APHASIE DE BROCA 353

coupes sériées permet d'évaluer la quantité énorme de substance cérébrale

qui s'est écoulée à travers la brèche crânienne. La circonférence de la ca-

vité cérébrale correspond à celle de la partie trépanée : ses limites sont

nettes et tranchées, et les lésions s'arrêtent assez exactement dans la

substance blanche au même niveau que sur l'écorce ; on ne trouve dans

le voisinage ni pertes de substance,, ni foyers lacunaires. C'est en somme

une cavité creusée à l'emporte-pièce. A la limite supérieure on distingue

cependant, aussi bien sur la photographie macroscopique que sur les

coupes, des résidus d'écorce cérébrale plus ou moins tassés et recroque-

villés, qui semblent indiquer qu'à ce niveau, la substance blanche a été

plus éprouvée que l'écorce elle-même.

Cette cavité s'est creusée très profondément aux dépens de la substance

blanche et de l'insula, et s'est arrêtée très brusquement aux noyaux gris

centraux et à la paroi du ventricule latéral, qui en forment le fond ; elle

ne paraît pas avoir communiqué avec le ventricule latéral. Les fissures

que l'on voit sur les coupes paraissent artificielles : en tout cas on peut

affirmer qu'aucune large brèche ne fait communiquer l'une et l'autre.

Dans cette cavité ont disparu la plus grande partie de la troisième cir-

convolution frontale, l'opercule rolandique, l'extrémité inférieure de la

frontale et de la pariétale ascendantes, une grande partie de l'opercule

pariétal, une partie également des circonvolutions temporales ; mais la

partie postérieure des deux premières temporales et le pli courbe,qui appar-

tiennent davantage à la zone du langage ont été relativement épargnés. On

ne peul nier cependant qu'ils ne soient atrophiés par retentissement, c'est-

à-dire consécutivement aux dégénérations ou aux atrophies secondaires.

Bien que nous n'ayons pu obtenir de renseignements très précis sur

l'état du langage pendant les premières années qui ont suivi l'apparition

de l'aphasie, on est en droit de supposer que la malade a été atteinte tout

d'abord d'aphasie totale : « elle semblait étrangère à tout ce qui se passait

autour d'elle, mais elle reconnaissait ses enfants et pleurait dès qu'elle

les apercevait ». Lorsque nous la vîmes pour la première fois, cinq ans

après le début des accidents, le tableau clinique était celui de l'aphasie

motrice de Broca- ; elle était encore muette et ne pouvait dire que oui et

non.

Ce cas devait être particulièrement démonstratif pour expérimenter les

méthodes pédagogiques de rééducation. Lorsque l'un de nous fit les pre-

mières tentatives, il fut surpris par la facilité avec laquelle la malade put

répéter les syllabes d'abord en lisant sur les lèvres, comme les sourds-

muets, puis en écoutant simplement. Elle avait conservé des mots en série,

tels que les jours,' les mois, les prières ; il suffisait de prononcer le pre-

mier mot d'une série, pour qu'elle répétât ensuite la série, en partie ou

XXVI 23

354 DEJERINE ET ANDRÉ-THOMAS

en totalité,c'est-à-dire des mots qu'elle n'avait pas prononcés depuis qu'elle

était tombée malade et qu'on ne lui avait même pas fait répéter au cours des

exercices de rééducation. La rapidité avec laquelle la prononciation s'est

restaurée est d'autant plus surprenante que la malade était atteinte simul-

tanément d'hémiplégie droite et de paralysie faciale gauche, et que les

mouvements des lèvres ne pouvaient être ainsi commandés que par les

fibres qui relient le centre cortical droit de la face au noyau bulbaire du

facial homolatéral.

Ce fait démontre une fois de plus que le pouvoir d'articuler les mots

n'est pas aussi compromis chez les aphasiques que le prétendent certains

auteurs, et que si l'aphasie coïncide parfois avec l'anarthrie ou la dysar-

[brie, elle en est tout à fait indépendante. En outre, la manière dont la

rééducation s'est faite prouve que cette malade a utilisé les anciennes re-

présentations verbales, et que la rééducation des aphasiques consiste peut-

être moins à leur apprendre à parler, qu'à mettre en valeur un capital

verbal qu'ils ne savent plus exploiter.

Cela est surtout vraipour le langage articulé ; la rééducation consistesur-

tout àcréer de nouvelles associations avec des représentations ou images qui i

ne sont isolées que d'apparence, et à fournir aux aphasiques le moyen de

se mettre en relation avec elles et de les évoquer. On ne peut comparer la

rééducation d'un aphasique adulte et droitier avec l'éducation d'un enfant

auquel on veut apprendre à parler, à lire et à écrire ; le premier a en-

registré dans son hémisphère droit comme dans son hémisphère gauche

les images correspondant aux divers équivalents du mot (auditives, mo-

trices, visuelles, etc.) ; mais il n'a jamais ou plutôt de moins en moins

utilisé son hémisphère droit. Lorsque l'hémisphère gauche vient à lui

manquer, il est tout dérouté, il cherche encore à s'en servir, tant il en a

l'habitude, tandis qu'il ne fait pas appel à son hémisphère droit dont

le mécanisme fonctionnel lui est moins familier ; les images verbales y

sont moins intimement associées entre elles et aux idées qu'elles dési-

gnent.

Chez l'enfant qui apprend parler, à moins qu'il n'existe préalablement

une lésion cérébrale, les images verbales ne se sont pas encore localisées

avec autant de sélection dans l'hémisphère cérébral gauche (s'il est droitier)

ou sur le droit (s'il est gaucher) : il apprend d'autre part à se servir d'un

mécanisme tout neuf, et il n'est pas gêné par des hahitudes invétérées.

C'est pourquoi l'aphasie de l'enfant est plus fugace que celle de l'adulte.

Ce sont les rééducations pédagogiques de malades, dont l'aphasie a per-

sisté très longtemps et a été causée par de très grosses lésions cérébrales

(comme dans le cas présent où la IIIe circonvolution frontale gauche a

presque complètement disparu), qui démontrent le mieux la part qui

DE LA RESTAURATION DU LANGAGE DANS L'APHASIE DE BROCA 355

revient à l'hémisphère cérébral sain dans les suppléances, et combien les

reliquats des images verbales interviennent dans la restauration du lan-

gage. Cependant il est très rare, quelque étendues que soient les lésions,

qu'elles détruisent complètement la zône du langage, et il est légitime

d'admettre que les territoires épargnés de l'hémisphère malade jouent

aussi leur rôle dans les phénomènes de suppléance, principalement la zone

sensorielle (partie postérieure des deux premières temporales et pli

courbe) dans la récupération de la lecture et de l'écriture. La preuve

en est fournie par le cas de Madeleine R..., que l'un de nous a communi-

qué récemment avecPélissierà la Société deNeurolobie(191y) ; à l'autopsie

de cette malade, successivement aphasique totale, puis aphasique de Broca,

et enfin aphasique motrice pure, il existait des lésions dans les deux hé-

misphères, différemment réparties ; dans l'hémisphère gauche c'était

une droitière - les lésions correspondaient à celles de l'aphasie mo-

trice ; dans l'hémisphère droit, elles étaient topographiées comme celles

de l'aphasie sensorielle. La restauration de la lecture et de l'écriture n'avait t

vraisemblablement pu se faire que par l'hémisphère gauche.

Sans vouloir discuter plus longtemps le mécanisme de la restitution

du langage, nous nous bornons à résumer dans une formule de quels prin-

cipes doit s'inspirer toute méthode de rééducation pédagogique des apha-

siques : utiliser les reliquats des images verbales et multiplier entre elles

et les idées qu'elles désignent les associations psychiques ; entraîner les

aphasiques à parler, à écrire et à lire par tous les procédés dont on

se sert usuellement pour l'éducation des muets ou des enfants. Le résultat

très remarquable obtenu chez notre deuxième malade, dont une très

grosse partie de la zone du langage a été détruite, nous autorise à affir-

mer qu'il y aurait un très grand avantage pour les aphasiques à se réé-

duquer le plus tôt possible et à ne pas attendre la guérison spontanée.

Nul doute que celle-ci ne puisse survenir, surtout chez un sujet jeune,

même si la lésion est très vasle, comme chez noire première malade ; nul

doute également que chez elle l'amélioration n'eût été plus rapide et plus

complète, si elle avait été éduqué'e et entraînée dès le début.

Notre deuxième malade n'était âgée que de 28 ans, quand elle fut frap-

pée d'aphasie, et malgré cela elle est restée sans parler pendant cinq ans ;

cependant la zone du langage était chez elle relativement moins compro-

mise que chez la première malade qui n'est restée que quelques mois sans

pouvoir parler. En effet, chez celle-ci les foyers de ramollissement inté-

ressaient à la fois la région motrice et la région sensorielle de la zone du

langage comme nous l'avons déjà fait remarquer, tous ces foyers ne

sont pas contemporains et quelques-uns ne se sont produits probablement

que plusieurs années après le début des accidents, au moment où sous l'in-

356 DEJERNE ET ANDRÉ-THOMAS

fluence de la grippe il y eut une recrudescence dans les troubles du lan-

gage - ; la restauration de la lecture et de l'écriture n'a pu vraisembla-

blement se faire alors que par l'hémisphère droit. On peul se deman-

der si la moindre participation de l'hémisphère gauche à l'élaboration

de la parole n'a pas facilité, en quelque sorte, les suppléances par l'hé-

misphère droit, la malade n'étant plus gênée par les restes d'un méca-

nisme désorganisé et ayant pu lui substituer aisément un mécanisme plus

simple. 1

En résumé, pour expliquer le retard de la récupération de la parole chez

les aphasiques, il faudrait peut-être tenir compte à la fois de la difficulté

qu'éprouve le malade à se servir d'un appareil au maniement duquel il

n'a pas été entraîné (hémisphère droit chez les gauchers) et de l'obstacle

apporté par les débris d'un mécanisme que le malade se croit encore en

mesure de faire jouer, tandis qu'il est inutilisable. Cette hypothèse, très

paradoxale, ne saurait être proposée qu'avec les plus grandes réserves.

D'ailleurs, suivant la remarque de Ed. Long(l), il I y a de nombreusesvaria-

tions individuelles dans la physiologie pathologique de l'aphasie : ainsi

un certain nombre d'observations prouvent que l'hémisphère qui parait

le moins actif pour la motilité volontaire peut avoir une prédominance

pour la fonction du langage. Le déplacement de la fonction qui donne lieu

à l'aphasie croisée de Byrom Bramwell lorsqu'il est total, pourrait n'être

que partiel et Ed. Long apporte à l'appui de celle opinion une observa-

lion suivie d'autopsie ; « un hémisphère garderait sa prépondérance pour

l'écriture et la lecture, l'autre pour l'articulation » ; dans de telles con-

ditions une lésion de la zone du langage donnerait lieu à de l'aphasie

dissociée. L'extrême variabilité des conditions individuelles dans la phy-

siologie du langage est sans doute, avec la diversité des lésions, un des

principaux facteurs- des différences observées d'un malade à l'autre dans

l'évolution de l'aphasie et de la restauration du langage.

LÉGENDE DES PLANCHES

PI. XLIX

Face externe de l'hémisphère gauche de Chass... - Porencéphalie, comprenant le

pied et le cap de la 3* circonvolution frontale, la moitié inférieure des circonvolu-

tions centrales (frontale et pariétale ascendantes), l'extrémité antérieure de l'oper-

cule de la 2« circonvolution pariétale, la partie moyenne des Ira et 2° circonvolutions

temporales. - Dans la profondeur l'insula a été gravement endommagé.

PI. L

Fio. A. Coupe horizontale passant par le tiers supérieur des ganglions centraux.

, Destruction de l'insu la. de la capsule externe, de l'avant-mur, de la 3' circonvolu-

(1) ED. Long, Un cas d'aphasie par lésions de l'hémisphère gauche chez un gaucher.

L'Encéphale, 10 juin 1913, n° 6.

DE LA RESTAURATION DU LANGAGE DANS L'APHASIE DE BROCA 357

tion frontale, de l'opercule rolandique, s'arrêtant en arrière à l'extrémité antérieure de

l'opercule de la 2- circonvolution pariétale. - Le faisceau longitudinal inférieur es t

intéressé au niveau de ses irradiations antérieures. - Dégénération du segment

postérieur de la capsule interne. - Atrophie de la couche optique.

le,(;. B. - Coupe horizontale de l'hémisphère gauche passant par la partie inférieure

des ganglions centraux, destinée à montrer la lésion de l'insula, de l'avant-mur, de

la capsule externe, se prolongeant en anière jusque dans la substance blanche de

la 2' circonvolution temporale. Dégénération du segment postérieur de la cap-

sule interne

Fic,. C. Coupe horizontale passant au-dessus du tronc du corps calleux. Les cir-

convolutions frontale et pariétale ascendantes réapparaissent, mais leur substance

blanche, sauf une partie des fibres en U. est complètement dégénérée ou détruite.-

Dégénération de la couronne rayonnante dans sa moitié antérieure : la moitié pos-

térieure est au contraire relativement épargnée et correspond aux faisceaux conservés

dans le segment postérieur de la capsule interne.

1-'io. D. - Coupe horizontale passant par l'extrémité supérieure du noyau caudé et

par la couronne rayonnante, en même temps que par le corps calleux. Vaste lé-

sion corticale comprenant la 3e circonvolution frontale, la frontale et la pariétale

ascendantes. Dégénération de la couionne rayonnante et de la substance blanche

non différenciée, se poursuivant en arrière jusqu'au niveau de la 2e circonvolution

pariétale et du gyrus supramarginalis.

Pl. LI

Fto. a. Hémisphère gauche de Fourn... - Coupe horizontale passant par la région

sous-thalamique. - Destruction de la plus grande partie de l'insula. -Lésions des-

tructives dans la substance blanche de la 2* circonvolution temporale. - Dégénéra-

tion de la capsule interne.

FIG. b.- Coupe horizontale passant par l'extrémité supérieure des ganglions centraux.

Vaste lésion ayant détruit le noyau lenticulaire, l'insula, la capsule externe et l'a-

vant-mur, ainsi que la capsule interne, ayant empieté sur la moitié antérieure de la

temporale profonde. - Atrophie du thalamus. Atrophie de l'opercule rolandique

et de la 3, circonvolution frontale, de l'opercule de la 2° pariétale, de la 1'" circon-

volution temporale. "

Fto. c. Coupe horizontale passant par le corps calleux. Le foyer de ramollisse-

ment a détruit la couronne rayonnante, l'extrémité supérieure de l'insula : l'opercule

rolandique, pariétal et frontal, est atteint dans sa face profonde. -Atrophie du gy-

rus supramarginalis et de la 2- circonvolution temporale.

Ftn. d. Coupe horizontale passant un peu au-dessus de la précédente. Destruc-

tion et dégénération de la substance blanche non difl'érenciée, de la substance blan-

che radiée des circonvolutions, s'étendant depuis F3 jusqu'à Pl. La substance

blanche est complètement dégénérée jusqu'au bord ventriculaire.

MANIE ET IDIOTIE

, - PAR

R. BENON

Médecin-adjoint des Quartiers d'Hospice (Nantes).

Si la manie, chez les dysthéniques périodiques, se montre dans toute sa

pureté, elle peul, comme du reste le syndrome asthénie, s'associer à d'au-

tres états morbides, créant des tableaux cliniques complexes. Voici un

exemple d'byperstbénie chez un sujet atteint d'idiotie.

Observation.

Résumé. Convulsions vers le sixième mois en 1879; dix à douze mois

après, « congestion » au cerveau : cécité, surdité à peu près complètes,

langage parlé extrêmement réduit ; depuis cette époque, c'est-à-dire depuis

1881 environ, excitation maniaque chronique. Etat actuel, 1912, à

33 ans : agitation légère d'ordre hz/persl)cénique ou maniaque : danse, ges-

ticulations, sauts, chants, cris, rires, excitation génésique. Disposition peu

marquée à la colère : internement tardif. Intellectuellement : idiotie.

Paul, 33 ans, entre à l'H. G. de N., le 15 juin 1912.

Antécédents héréditaires. Mère morte « paralysée » à 68 ans. Père, pein-

tre sur vitraux, âgé de 66 ans, atteint d'une maladie de coeur. Deux enfants;

le premier est mort en venant au monde. Il n'y aurait pas eu de maladie ner-

veuse ou mentale dans la famille.

Antécédents personnels. - Né à terme. Développement normal jusqu'à « la

pousse des dents », jusque vers le sixième mois environ. A cette époque, ap-

parition de convulsions, répétées, intenses, puis vers l'âge de dix-huit il vingt

mois « congestion au cerveau ». Les suites de cette affection ont été très gra-

ves. Le malade ne voit pas ou presque : il voit un peu la lumière. Il n'entend

pas, ou mieux il n'entend que son prénom. Il ne parle pas : il n'émet que des

sons incohérents; il n'a jamais dit papa ni maman. Enfin depuis cette maladie,

il présente de l'agitation.

Histoire de l'excitation maniaque actuelle.- Depuis l'âge de deux ans envi-

ron, c'est-à-dire depuis 1881,le malade est atteint d'excitation maniaque; celle-

ci ne s'est pour ainsi dire pas modifiée dans le temps. Il a marché un peu tard,

après ses deux ans, mais il a bien grandi et s'est bien développé physique-

Nouvelle Iconographie de la Salpétrilre. ? ? - ? " ™l ii™'4- - «seoj«i«w" » mh«T. XXVI. ,P1. XLIX,

APHASIE DE BROCA

Obs. II. Chass. - Face externe de l'hemisphère gauche.

(J. Déjerille et A. Tijoijias).

Masson & Cie, Editeurs

Nouvelle Iconographie de la Saipttrilre. T. XXVI. PL L

APHASIE DE BROCA

Obs. II. Chass.

(J. Déjerille et A. Thomas) .

Nouvelle Iconographie DE la SALPÈ11UÈRE. T. XXVI. PI. LI

APHASIE DE BROCA

Cas Fourn.

(J. Déjeril1e et et Thomas).

MANIE ET IDIOTIE 359

ment : « c'est un gars bien planté », dit assez justement sa tante. Seule la mas-

turbation s'est ajoutée au tableau clinique vers l'âge de 8 à 10 ans.

Durant des heures entières, le malade qui ne voit ni n'entend, ni ne parle,

danse en gesticulant et chantant; il ne pleure jamais ; il est peu coléreux ;

quelquefois il se mord les mains, mais il ne casse pas les objets mobiliers, il

ne cherche pas à frapper.

Il reconnaît les personnes par l'odorat.

Il ne gâte pas, si on a soin de le conduire assez fréquemment aux cabinets.

Il ne mange ni ne s'habille seul.

Le malade est amené à l'asile parce que sa mère est morte récemment et

son père est malade au lit. '

A la maison il restait seul, entouré de chaises. Il y est resté 30 ans.

Etat actuel : 16 juin 1912. Le malade est déshabillé : on constate qu'il

est dans un état excellent au point de vue somatique genéral. Le corps est bien

proportionné : cependant la taille est un peu au-dessous de la moyenne, le tho-

FiG. 1. - Le malade danse, saute sur la pointe des pieds ; les bras sont toujours

fléchis et agités de haut en bas. Il danse dans un espace très restreint (aveugle).

Les mouvements sont très rapides.

,360 BEN ON

rax est plutôt long et les jambes courtes : celles-ci sont bien musclées : la che-

ville est fine. La tête est un peu grosse et en pointe (acrocéphalie). La région

mammaire est relativement développée. Les organes génitaux sont normaux ;

la verge est forte. '

77 ! /joefënte. Après quelques minutes d'examen du malade debout, on

constate qu'il se met à danser. Il danse sur la pointe des pieds avec beaucoup

de souplesse, sautant d'un pied sur l'autre. Mais les mouvements qu'il exé-

cute sont peu étendus. Il danse presque sur place ou en tout cas ne se meut

que dans un cercle très étroit.à cause sans doute de son amaurose. C'est alors

surtout qu'on remarque le développement sculptural de l'appareil musculaire

des membres inférieurs ainsi que la délicatesse des attaches articulaires. Les

membres supérieurs, pendant la danse, sont fléchis à angle droit, en même

temps qu'ils sont agités de mouvements incessants mais courts dans le sens ver-

tical. La tète est animée de petits mouvements de haut en bas. Il danse une ou

deux minutes et termine en mettant la main droite sur la bouche et, en pous-

sant un cri prolongé de tonalité basse ; enfin, pas toujours, il souffle brusque-

ment avec le nez dans ses mains. Puis la scène recommence. Par moments,

elle est agrémentée d'un chant très simple à trois ou à deux temps; ah la-la,

la-la, la-la, ou des paroles suivantes : ba-ba, bi-bi, ba-ba, bi-bi; oua-oua, oui-

oui ; boua-boua, bi-bi, boua-boua, bi-bi ; ouai-ouai, ouai-ouai ; yeu-enn, yeu-

eun, yeu-eun. Il sourit fréquemment et parfois intercale dans son langage parlé

des cris étranges, sauvages. Il lui arrive de ne pas sauter d'un pied sur l'autre,

mais de soulever les deux pieds à la fois. Par moments encore il porte les deux

mains sur la joue droite ; c'est surtout dans cette attitude qu'il articule un son

rauque, sourd, prolongé. Il nous semble que cette danse peut être rapprochée

de la danse de certaines peuplades primitives.

Assis, le malade, ne garde pas davantage l'immobilité. Le buste est bientôt t

animé d'un mouvement transversal de gauche à droite et d'avant en arrière et

réciproquement ; la tête reste immobile, cependant que les doigts des mains

qui reposent sur les cuisses, font de petits mouvements de frottements, les uns

avec les autres. Les yeux sont tantôt fermés, tantôt ouverts. Le front se plisse

par intervalles. Le sujet sourit, chante son chant monotone, fait claquer sa

langue ou prononce les mêmes paroles que lorsqu'il danse : ba-ba, bi.bi, ba-ba,

bi-bi, etc... Il cesse les mouvements du corps pour exécuter des mouvements

des membres supérieurs ; il se touche les oreilles, surtout de la main droite : il

ne touche pas plus souvent une oreille que l'autre; il met sa main droite sur

son visage, etc. Quelquefois il croise les jambes, puis les décroise. Il fait aussi

des mouvements de rotation du tronc, etc.

Spontanément, il se lève, se balance, «sautille, agite le pouce avec rapidité.

Quand il se rasseoit, il porte les mains en arrière pour se protéger. Il met

alors la jambe droite sur la cuisse gauche, frappe de la main droite son pied

droit, agite la tête activement, crie, chante, puis passe à un autre ordre d'exer-

cices, cligne des yeux, rit, contracte la commissure droite ou gauche de sa

bouche, fronce les sourcils. Sa mimique est toujours très act ve. Finalement

MANIE ET IDIOTIE 361

il se met à sauter et danser en criant, ou chantant. C'est cet exercice qu'il

exécute le plus longtemps, quelquefois durant plusieurs heures.

Sens. - La cécité est presque complète : la lumière vive seule l'attire. La

surdité est également presque complète : il tend la main quand on l'appelle

Paul : les bruits intenses le laissent indifférent. Il se dirige, grâce au toucher

qui paraît normal. Lorsqu'il touche quelqu'un, il le sent. Odorat 'et goût pa-

raissent normaux. L'excitation génitale est très marquée : il se masturbe une

ou plusieurs fois par jour, naturellement sans tenir jamais compte du lieu où

il se trouve.

Emotivité. Il est presque toujours bien disposé ; son excitation est d'or-

dre agréable ; il danse, saute, chante, crie, gesticule. Quelquefois il s'énerve,

par exemple lorsqu'on l'habille ou lorsqu'on le change; il s'énerve même,

semble-t-il, spontanément ; il se mord alors le dessus des mains au niveau

de la racine des premières phalanges (durillons très anciens). Les cris qu'il

pousse ne sont jamais des cris de douleur.

Activité générale. En dehors de son excitation, il vit d'une vie assez

voisine de la vie végétative. Incapable de manger et de s'habiller seul, gâteux

si une attention active et continue ne s'exerce pas autour de lui, il n'est tou-

tefois presque jamais violent : il se mord les mains, mais ne cherche pas à

frapper ou briser.

Insomnie habituelle. Appétit excellent.

Fio. 2. Par intervalles, le malade reste immobile. Euphorie. Il a croisé sponlané-

ment ses jambes. Il se gratte l'oreille droite. Netteté du dessin des jambes : mus-

cles contractés.

362 BENON

Examen somatique. En dehors de l'aspect général déjà décrit, on ne

note ni prognathisme, ni modification de la voûte palatine, ni malformation

des oreilles, etc. ; seules les dents de la mâchoire inférieure sont petites et

striées transversalement. La marche est normale, ainsi que la sensibilité et

la réflectivité.

Août 1913. Etat stationnaire.

Il n'est pas douteux, à notre avis, que nous soyons ici en présence d'un

état maniaque . Sans doute nous faisons le diagnostic objectivement,

puisque le malade est incapable d'exprimer verbalement ses sensations et

ses sentiments. Mais le diagnostic n'en est pas moins certain. L'excitation

du sujet est de l'excitation joyeuse : il danse, saute, rit, chante, crie, se

masturbe, etc. Le tableau clinique surajouté à l'idiotie est uniquement

constitué par des éléments d'ordre hypersthénique. Du reste la muscula-

ture et l'ossature du sujet sont en rapport avec cette variété d'excitation,

de même que la souplesse de ses mouvements, leur rapidité et leur durée.

Ce malade qui est en définitive un danseur,- un danseur primitif,- tous

les caractères somatiques du professionnel. Les photographies et le cro-

quis d'après nature que nous donnons du malade, permettront de se

rendre compte de ce que nous écrivons.

Cette excitation avec gesticulation ne pouvait être confondue avec aucune

autre maladie nerveuse ; ni la chorée chronique, ni la maladie des tics,

ni les myoclonies ne pouvaient être cause d'erreur.

Le gérant : P. UOUCUEZ.

Imp. J. Thevenot, Saint-Dizier (Haute-Marne).

FACULTÉ DE MÉDECINE DE BORDEAUX

Hli : MISPASMCS SYNCINÉTIQUES DE LA FACE

LIÉS AU CLIGNEMENT DES PAUPIÈRES DANS LES PARALYSIES FACIALES

PÉRIPHÉRIQUES ANCIENNES, SIMULANT LES TICS UNILATÉRAUX ET

LE SPASME FACIAL ESSENTIEL,

PAR R

A. PITRES,

0 Professeur

et

J. ABADIE,

Agrégé

de la Faculté de médecine de Bordeaux.

On sait que les paralysies faciales périphériques, d'intensité moyenne,

sont souvent suivies de la contracture des muscles primitivement para-

lysés. Duchenne (de Boulogne) a décrit avec une remarquable préci-

sion les caractères cliniques de cette contracture tardive. Les muscles

du côté paralysé, dit-il en substance, sont au début de la maladie flas-

ques et inertes, tandis que ceux du côté sain ont conservé toute leur to-

nicité : la face est de ce fait déviée vers le côté sain. Après quelques se-

maines ou quelques mois, les muscles paralysés recouvrant peu à peu leur

force tonique la régularité des traits se rétablit. Si alors la contracture

se développe, elle détermine très vite un entraînement des traits vers le

côté malade, c'est-à-dire une déformation inverse de celle qui existait au

début (1).

Cette contracture tardive des muscles faciaux s'accompagne, dans un

bon nombre de cas, de mouvements convulsifs, sur la fréquence et la

nature desquels Ililzig (2) a le premier nettement attiré l'attention, bien

queCh. Bell, Marshal Hall, Duchenne lui-même, Remak, Meyer, Bene-

dikt en aient antérieurement signalé l'existence dans le cours d'observa-

tions isolées. Ces mouvements convulsifs sont mentionnés depuis long-

temps dans la plupart des livres classiques, notamment dans ceux de )Jrb (3)

et de Bernhardt (4), qui en décrivent deux variétés : l'une comprend des

contractions fibrillaires, survenant brusquement, en éclairs (blizartig),

quand la face est au repos; l'autre se rapporte à des contractions invo-

lontaires de certains muscles faciaux se produisant au moment de la con-

traction volontaire d'autres muscles de la face.

Dans ces dernières années, sous l'influence des intéressantes recherches

(1) Dcciienue (de Boulogne), De l'électrisation localisée, 2" édit., 1861, p. 672.

(2) IIlT7.IG, Zur peripherischen l'acialislahmung, Berliner klin. Woch., 1869.

(3) Ens, Ilandbuch der Krankheit ? n des Nervensy stems, Leipzig, 1874.

(4) BKKNHARDT, Die Erkrankungen des paipheren Ne, ven, Wien, 1S95.

xxvi . 24

366 PITRES ET ABADIE

sur les tics et les spasmes faciaux, de Brissaud, Meige, Thomas, Babinski,

etc., l'analyse de ces mouvements convulsifs survenant après la paralysie

du nerf facial est devenue plus précise, et l'on en distingue aujourd'hui

un plus grand nombre de variétés.

L'une d'entre elles a trait aux contractions fibrillaires brusques sur-

venant quand la face est au repos, que nous venons de rappeler d'après

Erb et Bernhardt. Des observations déjà anciennes faisaient mention de

secousses cloniques plus ou moins prononcées qui s'étaient montrées dans

les élévateurs de l'aile du nez, de la lèvre supérieure ou dans les zygoma-

tiques, au moment où la paralysie faciale quittait la période de flaccidité

pour entrer dans la phase de contracture. On remarqua plus tard que des

contractions analogues se montraient, dans les mêmes circonstances, non

seulement dans les muscles précédents, mais dans la presque totalité des

muscles innervés par le nerf facial atteint. On constata encore que ces

contractions persistaient quelquefois pendant toute la durée de la phase

de contracture. Pareilles constatations ont été faites surtout par les élec-

trothérapeutes qui assistent de très près à l'évolution des paralysies facia-

les, et, en 1905, M. Huet (1) donnait une description très minutieuse de

ces secousses unilatérales post-paralytiques. Elles sont involontaires,

brusques, brèves, n'intéressant que quelques fibres ou faisceaux des

muscles dans lesquels elles se montrent, fronçant rapidement la peau et

disparaissant aussi rapidement qu'elles sont venues. Leur intensité est

variable; quelquefois peu apparentes à l'état de repos du visage, elles

deviennent manifestes à l'occasion des mouvements qui mettent en action

les muscles de la face, pour parler, rire, pleurer, siffler, souffler, faire la

moue, renifler, froncer les sourcils, mastiquer, etc., etc. ; elles s'exagèrent t

aussi à l'occasion des impressions psychiques, des excitations extérieures

comme la lumière, le froid, le contact d'une électrode, l'exploration élec-

trique, etc.; elles ne sont nullement influencées par l'attention ou les

efforts de volonté ; elles sont susceptibles, quand elles sont légères, de

n'être pas perçues par le malade, et, quand elles sont intenses, d'être

pour lui un sujet de gêne ; elles disparaissent généralement dans le som-

meil. De telles convulsions faciales succédant à la paralysie de la VIIe paire

ont pu même être décrites sous le nom de tic paralytique.

Une deuxième variété, plus rarement quoique plus anciennement ob-

servée, comprend de grandes secousses, intermittentes et rythmiques,

survenant dans l'hémiface atteinte de contracture post-paralytique, et ana.

logues à celles que provoque chez un sujet sain l'excitation du nerf facial

par un courant faradique à intermittences lentes. Dans cette forme, en effet,

(1) Huet, Soc. de Neurologie de Paris, 6 avril 1905, in Revue Neurologique, 1905-,

p. 448.

HÉMISPASMES SYNCINÉTIQUES DE LA FACE 367

on voit, à intervalles irréguliers mais cependant assez rapprochés, les

paupières se contracter énergiquement en même temps que s'élève brus-

quement comme, par un effort synergique, la commissure labiale du même

côté : c'est le blépharospasme intermittent avec élévation rythmée de la com-

missure labiale que signale Dejerine (1) dans la période de contracture de

la paralysie faciale périphérique. La répétition monotone de ces secousses,

leur persistance, la grimace disgracieuse qu'elles provoquent, jointes à la

contracture permanente à laquelle elles se surajoutent, sont pour les

malades qui en sont atteints l'objet d'une gêne considérable que seul le

sommeil vient interrompre.

La troisième variété est un peu différente des deux précédentes, en ce

sens que les contractions musculaires, au lieu de se présenter sous la

forme de secousses cloniques, affectent la forme de convulsions toniques, ne

se manifestant qu'à l'état d'activité de la face. Cette variété est constituée

par les mouvements associés involontaires, que Ilitzig a plus particulière-

ment étudiés et qui, depuis, sont abondamment signalés dans tous les

traités et dans beaucoup d'observations de paralysie faciale avec contrac-

ture. Ces mouvements associés involontaires se définissent par leur nom

lui-même : ils consistent, en effet, en mouvements, soit d'élévation involon-

taire de la commissure labiale dans l'occlusion volontaire de l'oeil, soit,

de fermeture de l'oeil dans l'ouverture de la bouche ; soit encore de ferme-

turede l'oeil dans l'acte de parler, de rire ou de mouvoir les lèvres ; soit,

en général, dans la contraction synergique involontaire d'un ou de plu-

sieurs muscles provoquée par la contraction volontaire ou réflexe d'un

ou de plusieurs autres muscles. Ces mouvements associés s'observent en

général dans le côté paralysé uniquement : exceptionnellement ils peuvent

s'étendre au côté sain. Ils apparaissent quelquefois dans les muscles dont

la motilité volontaire est encore complètement abolie.

Enfin, dans une quatrième variété, de date plus récente, on peut obser-

ver des mouvements associés involontaires, analogues aux précédents,

mais qui se distinguent essentiellement d'eux, en ceci que non seulement

ils ne répondent à aucun acte fonctionnel connu, mais encore qu'ils sont

en opposition avec de pareils actes. Quand, par exemple, l'oeil se ferme

sous l'influence de la volonté, normalement le sourcil s'abaisse en même

temps. Or, chez certains malades, atteints de paralysie faciale ancienne

parvenue au stade de contracture, le sourcil se relève pendant l'occlusion

de l'oeil, au moins dans sa partie interne. On peut voir encore le muscle

peaucier se contracter en même temps que la commissure labiale se porte

en haut et en arrière, etc. C'est le phénomène de la synergie paradoxale,

(1) DEJEniNE, Sémiologie du système nerveux. Traité de pathologie générale, t. V,

p. 759.

3G8 PITRES ET ABAD1E

décrit par Babinski '(1) et étudié par Lamy (2) dans la paralysie faciale

périphérique : d'après ce dernier observateur, la contraction synergique

paradoxale pourrait s'observer même dans les muscles où la contraction

volontaire est abolie. .

Contractions fibrillaires brusques, labio-blépharospasme intermittent,

mouvements associés involontaires, contractions synergiques paradoxa-

les, telles sont les principales variétés, aujourd'hui connues, des mou-

vements convulsifs qui peuvent s'observer la période de contracture

de la paralysie faciale périphérique. Bien que, de ces phénomènes, les

uns se trouvent décrits avec assez de précision dans les traités classi-

ques, et que les autres aient été analysés longuement par la presse médi-

cale dans ces dernières années, il ne nous a point paru inutile de revenir

sur certains d'entre eux, en raison même de l'erreur que pourraient com-

mettre à leur égard des observateurs insuffisamment prévenus.

Les contractions fibrillaires brusqués dont nous avons fait une pre-

mière variété, pourraient en effet être facilement confondues, soit avec

des tics simples, soit avec quelques-unes de ces formes encore mal dé-

terminées d'hémispasmes faciaux dont les intéressantes recherches de

Brissaud, Meige, Babinski, etc., nous ont fait connaître les curieuses

modalités cliniques. Or, nous avons remarqué que, dans un certain nom-

bre de paralysies faciales anciennes, d'origine périphérique, s'accompa-

gnant de contractions fibrillaires brusques, ces dernières étaient en rela-

tion étroite avec le clignement physiologique des paupières et plus généra-

lement avec la contraction de l'orbiculaire des paupières du côté paralysé,

L'observation suivante nous paraît justifier cette proposition et mettre en

évidence ce caractère distinctif.

Observation I (PI. LII.

Marie L..., âgée de 40 ans, exerçant le métier de repasseuse, vient à la con·

sultation des maladies nerveuses, le 18 février 1905, pour une paralysie faciale

ancienne.

Rien n'est signaler dans ses antécédents héréditaires. Elle-même a toujours

eu une excellente santé : jamais de maladies infectieuses d'aucune sorte; ja-

mais de symptômes d'intoxication quelconque.

Histoire de la maladie. Au commencement d'août 1903, la malade, déjà

en proie à des chagrins domestiques, surmenée par son travail qui l'obligeait

à veiller une partie des nuits, fut atteinte d'une paralysie du côté gauche de

(1) Babinski, Hémispasme facial périphérique. Soc. de Nemologie de Paris, 6 avril

1905, in Revue neurologique, 1905, p. 443 ; et Nouvelle Iconogr. de la Salpêtrière, 1905,

p. 419.

(2) Lame, Note Sur les Conlraclions synergiques paradoxales observées à la suite de

la paralysie faciale périphérique. Nouv. Iconogr. de la Salpêtrière, 1905, p. 424.

NOUVELLE Iconographie de la Salpltrilre. T. XXVI. III, LII ]ï

HÉMISPASMES SYNCINÉTIQUES DE LA FACE

(A. Pilres et J. Abadie)

Masson & Cie, Editeurs

HÉMISPASMES SYNCINÉTIQUES DE LA FACE 369

la face. Elle ressentit un jour, sans la moindre douleur préalable, une sensa-

tion de tiraillement de la commissure de la lèvre gauche, surtout accentuée

quand elle parlait ou riait : elle constata elle-même à ce moment une légère

déviation de la bouche qui était entraînée vers l'oreille droite.Deux jours après,

la malade s'expose à un courant d'air et éprouve tout à coup, dans l'oreille

gauche au fond du conduit auditif, une sensation de froid intense comparée

par elle à la sensation que pourrait produire un morceau de glace enfoncé

brusquement dans l'oreille. Immédiatement après, une sensation de chaleur

très grande envahit la face tout entière qui se congestionne également des deux

côtés. La malade s'étant mise à la fenêtre, éprouva une seconde fois la sensa-

tion de froid glacial dans l'oreille gauche. Aussitôt après, la sensation de ti-

raillement de la bouche devint plus intense, la déviatiofl de la bouche plus

accentuée, en même temps qu'apparaissait une gêne légère de la paupière

gauche : la fente palpébrale gauche s'agrandissait et les larmes s'écoulaient

sur la joue. Pendant la nuit qui suivit, la malade très inquiète ne dormit

point, elle ne cessait de se regarder à son miroir et put ainsi constater elle-

même que la fente palpébrale s'élargissait tandis que la bouche se déviait de

plus en plus du côté droit. Le lendemain matin, elle était dans l'impossibilité

absolue de fermer l'oeil gauche ; la déviation de la bouche était très apparente

au repos et s'exagérait quand la malade parlait ou riait; il existait une dou-

leur sourde au niveau de la paupière inférieure gauche et un picotement

très désagréable au niveau de la commissure labiale du même côté; le lo-

bule du nez était lui-même fortement dévié à droite ; la joue gauche était com-

plètement aplatie. En somme, tout le côté gauche de la face était immobile,

atteint de paralysie complète : avec cela, le goût avait diminué, la malade

trouvait tous les aliments fades, elle ne reconnaissait pas leur saveur ha-

bituelle ; elle eut, paraît-il, à ce moment quelque peu de fièvre.

Cette paralysie faciale gauche s'améliora spontanément, mais au bout de

quelques jours son état restait stationnaire. Sur les conseils de son médecin,

la malade commença alors un traitement électrique qu'elle suivit très régu-

lièrement trois fois par semaine pendant 7 mois à la clinique de M. le profes-

seur Bergonié. A la suite de ce traitement, l'oeil gauche se fermait plus faci-

lement, les traits étaient moins déviés, lorsque apparut un état spasmodique de

l'hémiface gauche qui fit progressivement place à la paralysie de ce côté : les

traits se dévièrent une seconde fois mais en sens inverse de la première, ils

furent entraînés vers l'oreille gauche. Les pratiques électrothérapiques furent

interrompues, des massages furents faits au niveau du côté gauche de la face,

mais comme l'état spasmodique persistait après trois mois de ce nouveau trai-

tement, la malade fut adressée à la consultation des maladies nerveuses.

Etat DE la malade LE 18 février 1905. - Au premier aspect, on est frappé

par une asymétrie très manifeste de la face dont tous les traits sont entraînés

vers l'oreille gauche.

Examen de la face à l'état de repos (PI. LU). - Au front, les rides sont

totalement absentes du côté gauche. Le sourcil gauche est légèrement plus

élevé cependant que le sourcil droit ; il a conservé son arc régulier mais il est

370 PITRES ET ABAD1E

légèrement plus arrondi que celui du côté droit. La fente palpébrale gauche

est plus large que la droite, mais le sillon qui sépare la paupière inférieure de

la joue est moins profond à gauche qu'à droite. Le nez est incurvé sur toute

sa longueur et son lobule est entraîné assez fortement vers la gauche. Le sillon

naso-labial gauche est plus profond et plus arrondi que celui du côté droit. La

pommette gauche est plus saillante que la droite et, au palper, toute la joue

gauche est plus ferme que la joue droite. La bouche est nettement déviée ; la

commissure labiale gauche est attirée en arrière et en haut ; la gouttière naso-

labiale médiane est fortement oblique en bas et à gauche; aussi la moitié

gauche de la lèvre inférieure paraît moins large que l'homologue du côté opposé.

Le menton est attiré en haut dans toute sa portion gauche ; on remarque

que le sillon transverse sous-labial est oblique en haut et à gauche et que le

menton présente une série de fossettes irrégulières qui sont disposées en arc

de cercle de la commissure labiale gauche à la portion médiane du menton, et

qui n'existent pas du côté droit. En dehors du sillon labio-génien, peu marqué

des deux côtés, existe, du côté gauche, un deuxième sillon parallèle au premier,

surtout appréciable dans la partie inférieure du visage. La tête dans son en-

semble est légèrement inclinée vers la droite, le menton tourné légèrement à

gauche. Hien de particulier à signaler à l'inspection du cou.

Examen de la motilité de la face. - Dans l'acte de plisser le front, ou de

froncer les sourcils, les rides s'accusent plus fortement à droite, elles restent

complètement absentes à gauche. Mais l'effort fait par la malade entraîne dans

l'hémiface gauche une série de mouvements associés qui sont : fermeture de

l'oeil avec battements rapides de la paupière supérieure, contraction de l'orbi-

culaire des lèvres avec relèvement plus marqué de la commissure labiale

gauche, relèvement de la joue en masse, direction franchement oblique du

sillon naso-labial, incurvation plus marquée du nez, accentuation du sillon

labio-génien, profondeur plus grande des fossettes mentonnières et contraction

du peaucier lui-même dont les fibres se dessinent nettement sous la peau du

cou. Cet ensemble donne à la physionomie du côté gauche un aspect franche-

ment pleurard. ,

L'occlusion des paupières est possible du côté gauche, mais les mouvements

de la paupière supérieure gauche sont plus lents que ceux de la paupière

droite. La résistance palpébrale est un peu moins forte à gauche .qu'à droite.

Dans l'acte de fermer l'oeil gauche, on voit, de même que précédemment,

l'hémiface gauche se contracter tout entière jusqu'au peaucier, présenter les

mêmes mouvements associés et prendre le même aspect pleurard.

Les actes de siffler, de souiller, de faire la moue étaient absolument impos-

sibles au début de la paralysie faciale. Actuellement, la malade peut silller,

souffler, faire la moue, mais la moitié gauche des lèvres est moins mobile et

moins habile que la moitié droite. Dans les efforts ainsi faits, on remarque la

même contraction de l'hémiface gauche avec mêmes mouvements associés, et,

en plus, la fermeture presque complète de l'oeil gauche.

L'acte de parler n'entraîne aucune modification appréciable de la moitié

gauche de la face ; mais on constate encore la parésie du côté gauche de l'orbi-

HÉ1111SPASMES SYNCINÉTIQUES DE LA FACE 37l

culaire des lèvres. La parole articulée est normale aujourd'hui ; au début de

la paralysie faciale, au contraire, Pair gonflait la joue gauche et s'échappait

par la commissure labiale du même côté.

Dans l'acte de rire, la déviation des traits s'accentue d'une façon intense ;

l'hémiface gauche se contracte fortement, le sourcil s'élève, l'oeil se ferme, la

joue remonte, le menton est attiré en haut et en arrière, les fossettes menton-

nières se creusent, le peaucier devient très apparent.

Dans l'ouverture forcée de la bouche (PI. LII), l'orifice buccal prend la for-

me franchement oblique ovalaire, les dents sont plus découvertes à droite,

l'orifice est plus étroit et moins arrondi à gauche. Eu même temps, tous les

muscles du côté gauche de la face entrent en action comme précédemment :

quelques rides apparaissent au front du côté gauche, le sourcil s'élève notable-

ment mais sans perdre sa courbure régulière, l'oeil se ferme presque en entier,le

sourcilier se contracte, la pommette devient plus saillante, le nez s'incurve

davantage, et les mêmes contractions se retrouvent dans le territoire du facial

inférieur et dans le peaucier.

La malade ne peut presser et maintenir un objet peu volumineux entre ses

lèvres du côté gauche, alors qu'elle le fait parfaitement du côté droit. Elle dé-

clare qu'elle n'y possède aucune force, et les efforts qu'elle fait entraînent encore

la contraction de la plupart des muscles du côté gauche de la face.

La mastication est facile, mais elle s'accompagne d'un tremblement asspz

marqué des paupières gauches. Si l'aliment est gros, résistant, s'il se place

entre les mâchoires du côté gauche, les mouvements de mastication s'accom-

pagnent de contraction de l'hémiface gauche, plus particulièrement de l'occlusion

presque complète de l'oeil gauche avec écoulement de larmes.

La langue tirée hors de la bouche n'est pas déviée, elle ne tremble pas; tous

ses mouvements sont possibles.

Le voile du palais est normal, la luette n'est pas déviée, les piliers du voile

possèdent leurs courbures normales. Le voile se contracte bien. Jamais de

régurgitation des aliments par le nez.

Le peaucier se contracte très bien des deux côtés, mais la contraction du

peaucier gauche est beaucoup plus apparente dans les mouvements associés que

dans l'exploration directe de la motilité de ce muscle.

Secousses musculaires de l'hémiface gauche. Pendant l'examen de

l'hémiface gauche, il est facile de constater l'existence, dans la presque tota-

. lité des muscles de ce côté de la face, de secousses cloniques, brusques, brèves,

ressemblant à des tics. Ces secousses sont exclusivement localisées au côté

gauche de la face. Elles siègent plus particulièrement au niveau des zygomati-

ques, des élévateurs de la lèvre supérieure et de l'aile du nez, de l'orbiculaire

des lèvres (partie supérieure et partie inférieure), dans les muscles du menton

(houppe, carré et triangulaire), dans toute l'étendue du peaucier ; on les re-

trouve aussi, mais moins fréquents et moins intenses, au niveau de la paupière

inférieure, de l'angle externe de l'oeil, au-devant de l'oreille. Ces secousses

sont involontaires, et la volonté est incapable de les modifier, de les suspendre

ou de les arrêter. Elles sont perçues par la malade mais ne sont nullement

372 PITRES ET ABADIE

douloureuses. Elles consistent en petites contractions parcellaires occupant

tantôt un faisceau, tantôt plusieurs, tantôt quelques fibres seulement des mus-

cles intéressés. Elles sont très rapides et se montrent en apparence d'une

manière irrégulière et avec une intensité variable. Elles apparaissent de temps

en temps, après des intervalles de repos complet : à certains moments elles se

succèdent assez rapidement, se montrant partout à la fois, disparaissant

ensemble pour reparaître en même temps. Ces petites contractions fibrillaires

ou fasciculaires impriment ainsi à la peau susjacente de petites ondulations

plus ou moins marquées. Elles ne modifient que très légèrement ou pas du

tout la grimace d'ensemble provoquée par l'état spasmodique de l'hémiface

gauche. Elles ont, d'après la malade, une tendance à s'étendre à toute cette

hémiface et surtout à devenir plus intense. Elles disparaîtraient, paraît-il,

pendant le sommeil, en même temps que s'atténuerait légèrement, dit encore

la malade, l'état spasmodique de la face. Elles ont apparu avec cet état spas-

modique, elles semblent suivre ses variations, augmenter ou diminuer avec

lui, mais elles n'ont jamais disparu complètement depuis leur apparition. La

malade reste cependant quelquefois plusieurs heures sans les ressentir.

En recherchant les caractères de ces secousses musculaires, on constate le fait

suivant : ces contractions parcellaires sont en rapport étroit avec le clignement

des paupières. On remarque d'abord facilement que les secousses musculaires

ne se montrent que lorsque les paupières exécutent leur mouvement physio-

logique de clignement. Si on fait cligner les paupières d'une façon rythmique,

toutes les secondes par exemple, les secousses apparaissent à chaque cligne-

ment et ne se produisent pas dans l'intervalle. Si on fait fermer doucement

les paupières pour éviter le clignement physiologique, les secousses sont sus-

pendues aussi longtemps que les paupières restent closes. Si on maintient les

paupières abaissées avec le doigt, on ne constate de secousses musculaires que

lorsque le doigt sent une contraction de l'orbiculaire. Si au contraire on

maintient les paupières relevées ou si la malade garde ses yeux grands ouverts,

des secousses n'apparaissent plus du tout. Si l'on provoque un clignement

involontaire des paupières en touchant la cornée ou la conjonctive avec la tête

d'une épingle par exemple, on provoque du même coup l'apparition des

secousses musculaires. Le clignement d'une paupière entraînant toujours à

l'état normal le clignement de l'autre, toute excitation portant sur l'oeil du

côté sain amène un clignement synergique des deux paupières et par suite la

troduction des contractions fibrillaires de l'hémiface gauche. En règle géné-

rale, plus le clignement est brusque et fort, plus les contractions sont généra-

lisées et intenses.

. Les excitations extérieures, telles que la lumière, le chaud, le froid, l'explo-

ration électrique, le contact d'une électrode, les impressions psychiques, les

mouvements de la face, les actes de parler, rire, souffler, siffler, renifler,

mastiquer, faire la moue, ne déterminent pas l'apparition de ces secousses

musculaires, sauf dans le cas où ces excitations, ces impressions ou ces mou-

vements s'accompagnent de clignement des paupières ou s'ils provoquent eux-

mêmes le clignement. Il faut signaler qu'en faisant exécuter une moue très

HÉMISPASMES SYNCINÉTIQUES DE LA FACE 373

énergique à la malade (acte qui s'accompagne chez elle, comme chez tout

sujet normal d'ailleurs, d'abaissement des paupières supérieures et de rétré-

cissement des fentes palpébrales), ou voit apparaître les secousses musculaires

précédentes, sans clignement apparent cependant. De même, dans l'occlusion

très énergique des paupières, les secousses musculaires apparaissent très fortes

et très nombreuses. Enfin, l'occlusion très énergique des paupières gauches

amène le même résultat.

Il semble donc que ces secousses musculaires sont liées à l'action de l'orbi-

culaire des paupières dans le clignement physiologique, dans le clignement

volontaire, dans le clignement réflexe provoqué, dans la contraction synergique

de l'orbiculaire, enfin dans la contraction forte et volontaire de l'orbiculaire.

En poursuivant l'examen de la face de la malade, on ne constate d'aucun

côté, de troubles trophiques ou vaso-moteurs, pas de sudation, pas de larmoie-

ment de l'oeil gauche. La sensibilité de toute la face esl normale à tous ses

modes et des deux côtés : il faut signaler cependant qu'au début de l'état spas-

modique, la peau de l'hémiface gauche était le siège d'une hyperesthésie très

marquée qui a disparu complètement depuis. Les troubles du goût qui se mon-

trèrent au début de la paralysie ont disparu aujourd'hui ; pas de salivation.

La vue ni l'odorat n'ont jamais été altérés. L'ouïe est parfaite : jamais de bruits

subjectifs auriculaires.

L'examen somatique de la malade a révélé une intégrité de tous les organes

splanchniques et leur fonctionnement parfait. En particulier, le système ner-

veux et musculaire est par ailleurs absolument normal.

Exploration électrique des muscles de Thémiface gauche. L'explora-

tion a été pratiquée depuis le début de la paralysie à plusieurs reprises. A la

date du 20 février 1905, les réactions électriques n'avaient pas varié, malgré

l'apparition de l'état spasmodique qui succédait à l'état paralytique. Elles

étaient les suivantes :

Excitabilité faradique : abolition complète pour le tronc et les branches du

facial gauche.

Excitabilité galvanique : secousse lente ; inversion de la formule.

Une deuxième exploration faite le 20 mars, c'est-à-dire un mois après, alors

que l'état spasmodique ne s'était uullement modifié, montrait un retour léger

de l'excitabilité faradique pour le tronc et les branches du facial et une réac-

tion ambiguë à l'excitabilité galvanique pour la branche supérieure.

Une troisième exploration, faite le 17 juillet 1905, donnait les résultats sui-

vants : '

Excitabilité faradique : diminution très grande pour le facial et ses bran-

ches.

Excitabilité galvanique : secousse lente, formules normales.

La fusion des secousses est beaucoup mieux obtenue du côté malade que du

côté sain. L'excitabilité électrique des muscles du côté gauche de la face exa-

minés un uu est diminuée. L'excitabilité des muscles de hémiface gauche

ne détermine pas de contraction appréciable des muscles du même côté. Mais

les excitations qui provoquent un mouvement de clignement des paupières

374 PITRES ET ABADIE

(sourcilier, orbiculaire des paupières) entraînent aussi l'apparition des secous-

ses musculaires mentionnées plus haut. ,

Il est à'noter qu'à cette dernière date, et malgré toutes les médications anti-

spasmodiques employées, l'état paréto-spasmodique de 1'liémiface gauche ne

s'était nullement amélioré.

Enfin, à aucun moment des divers examens, la percussion mécanique de

muscles de cette hémiface n'a révélé d'hyperexcitabiiité ; ils ont toujours été

moins excitables mécaniquement que ceux du côté opposé. Les excitations por-

tées sur la peau recouvrant ces muscles ou sur la face interne de la joue du

même côté n'ont jamais provoqué de contractions musculaires ou de secousses

dans les muscles de la face du côté gauche.

Cette observation peut se résumer ainsi :

Une femme de 38 ans est atteinte de paralysie faciale gauche périphé-

rique, du type a frigore. Elle est traitée électriquement pendant 7 mois.

Au bout de ce temps, apparaît un état spasmodique du côté paralysé

avec déviation des traits en sens inverse de la déviation première. Exami-

née à ce moment, la malade présente :

1° Des reliquats de paralysie faciale gauche, se traduisant, à l'état de

repos, par l'absence de rides frontales, l'agrandissement de la fente palpé-

brale et la diminution du sillon sous-palpébral, et se manifestant dans les

mouvements de la face par l'immobilité complète du frontal et du sourci-

lier, la paresse et le défaut de résistance de la paupière supérieure, enfin

par la parésie de la moitié gauche de l'orbiculaire des lèvres dans l'acte

de parler, de presser un objet entre les lèvres et surtout dans l'ouverture

énergique la bouche, laquelle se présente alors avec un contour très

nettement oblique ovalaire.

2° Un hémispasme facial gauche permanent, très apparent. Il se traduit

par l'élévation du sourcil, la saillie de la pommette, la fermeté plus grande

de la joue, l'incurvation du nez, l'accentuation du sillon naso-labial, la

déviation de la bouche et du menton, la présence de fossettes menton-

nières unilatérales, la formation d'un deuxième sillon labio-génien. 1

3° Des mouvements associés dans l'hémiface gauche. Le moindre effort

faitpar un groupe de muscles détermine la contraction de toute l'hémiface

et du peaucier correspondant, accentuant ainsi la déviation permanente

des traits. Dans ces mouvements, on voit le frontal, le sourcilier et le

peaucier qui explorés directement ne se contractent pas, se contracter

dans l'ouverture de la bouche, par exemple. Ces mouvements associés ne

se transmettent en aucune façon au voile du palais.

4° Des secousses musculaires dans l' hémiface gauche, caractérisées par des

contractions involontaires, brèves, fibrillaires ou fasciculaires, soulevant

la peau en ondulations légères, siégeant dans presque tous les muscles de

HÉMISPASMES SYNCINI ? TIQUES DE LA FACE 375

cette hémiface, y compris le peaucier. Ces contractions sont synergiques

des mouvements de clignement physiologique involontaire des paupières.

Le clignement des paupières, volontaire ou provoqué, les fait apparaître

à l'exclusion de toute autre cause. Toute excitation périphérique, toute

impression psychique, tout mouvement de la face qui entraîne le cligne-

ment palpébral provoque par cela même leur apparition. Le battement

des paupières, volontaire ou provoqué, détermine de même l'apparition

de secousses plus fortes et plus nombreuses. L'arrêt du clignement ou du

battement des paupières fait disparaître complètement ces secousses pen-

dant toute sa durée.

On pourrait, à première vue, prendre pour des tics les contractions

de la face que présentait la malade précédente. Comme dans le tic convul-

sif, les secousses musculaires observées chez elle étaient brusques, rapides,

involontaires, se succédant en apparence d'une façon intempestive, à

intervalles plus ou moins réguliers. Mais une observation plus attentive

ne permet pas celte confusion : le caractère d'unilatéralité absolue de ces

contractions, leur répétition monotone, leur localisation parcellaire, l'ab-

sence de grimace significative, l'impossibilité de les reproduire ou de les

arrêter par la volonté seule permettaient de les distinguer des tics convul-

sifs. Ils en différaient surtout par leur subordination étroite à certains mou-

vements volontaires ou réflexes des paupières : c'est là un caractère essen-

tiel. Le tic n'est pas seulement une secousse musculaire brusque et inter-

mittente ; il est encore une secousse spontanée. Si cette secousse est liée à

un phénomène sensitif ou musculaire antécédent, il ne s'agit pas d'un tic,

mais d'un spasme, d'après la terminologie adoptée par Brissaud, Meige

et Feindel. La malade de l'observation précédente était donc atteinte de

spasmes unilatéraux de la face.

Dès lors une comparaison s'impose à l'esprit : celle qu'on peut établir

entre les phénomènes relatés chez notre malade et les caractères donnés

dans ces dernières années comme distinctifs du spasme facial essentiel

(Henry Meige). Ces caractères sont : l'unilatéralité des mouvements con-

vulsifs, leur aspect fasciculaire ou parcellaire, leur apparition sur un

fond de contracture permanente, leur brusquerie, leur manque d'adap-

tation à un but et leur apparence illogique, leur ressemblance avec les

contractions provoquées par l'excitation électrique du nerf facial. etc.,

etc. N'existent-ils pas tous chez la malade de l'observation qui précède ?

Si, d'autre part, on passe en revue les observations qui ont servi à la des-

cription du spasme facial essentiel, on trouve, dans certaines, l'existence

d'une paralysie faciale périphérique antérieure il l'apparition du spasme ;

37fi PITRES ET ABADIE

certaines autres font textuellement mention, à côté de l'hémispasme fa-

cial, de symptômes actuels de paralysie faciale plus ou moins accentuée.

N'est-on pas alors en droit de se demander si, parmi les faits tenus

pour 'démonstratifs de l'hémispasme facial essentiel, il ne se serait pas

glissé quelques hémispasmes post-paralytiques analogues au nôtre ? En

tous cas, il y a lieu désormais d'établir une différence, d'une part, entre

le troisième type du spasme facial primitif qui, « sur un fond de contrac-

ture en masse qui semble définitive », offre sans rémission des « collirac-

tions parcellaires, erratiques, petites palpitations faciales dont le frémis-

sement fugitif ne fait qu'effleurer, sans la modifier, la grimace permanente

d'ailleurs elle -même inexpressive (1) ; et, d'autre part, les cas semblables

à l'observation précédente, dans lesquels, sur un fond de contracture en

masse, définitive, réalisant une grimace sans expression, s'observent éga-

lement, sans rémission, des contractions parcellaires, effleurant sans la mo-

difier la grimace permanente et qui, en apparence spontanées et irrégu-

liéres, sont en réalité toujours synergiques des mouvements de cligne-

ment physiologique des paupières (2).

Pour distinguer ces états de « contracture frémissante », peut-on se

fier à un signe donné comme distinctif du spasme facial essentiel : la per-

sistance des contractions faciales pendant le sommeil ? Evidemment non,

car il est d'abord rare qu'on puisse observer soi-même ce caractère, et l'on

est obligé de se lier entièrement aux dires du malade ou plus exactement

de son entourage. Ensuite, pendant le sommeil, existent souvent des fré-

missements palpébraux qui peuvent fort bien entraîner des secousses mus-

culaires analogues à celles de l'observation précédente. A notre avis, le

signe différentiel le plus important dans ce diagnostic serait la consta-

tation à l'état de veille de la relation étroite qui unit ces mouvements

convulsifs de la face au clignement, spontané ou provoqué, des pau-

pières, si, comme nous le verrons plus loin, celle relation n'avait pas été

signalée même dans certains cas d'hémispasme facial primitif.

(1) Henry Meige, Le spasme facial, ses caractères cliniques distinctifs, Revue neu-

rologique, 30 octobre 1903, no 20.

(2) Cette ressemblance entre les phénomènes convulsifs du spasme facial essentiel

et de l'hémispasme post-paralylique a été déjà signalée par MM. Huet et Lejonne. qui

ont observé « des phénomènes analogues à ceux que Al. Meige ct décrits sous le nom

de contractions parcellaires, de petites palpitations faciales », chez une jeune fille de

quinze ans, atteinte d'une paralysie faciale survenue à l'âge de trois ans, offrant en-

core les caractères d'une paralysie flasque sans aucune apparence de contracture

secondaire. - Iluer et Lejonne, Paralysie faciale el hémialropliie linguale droites

ayant vraisemblablement comme origine une polioencéplialate inférieure aiguë ancienne.

Société de Neurologie de Paris, 11 janvier 1906, in Revue neurologique, 15 février

1906, n" 3, p. 105. ,

HÉMISPASMES SYNCINÉTIQUES' DE LA FACE 377

Enfin, nous ferons remarquer en passant que notre malade présentait ;

comme éléments de la contracture de son hémiface anciennement para-

lysée, de l'incurvation du nez, des fossettes mentonnières unilatérales,

de la contraction synergique paradoxale, symptômes que M. Babinski a

signalés dans l'hémispasme facial primitif, désigné par lui du nom d'hénai-

spasme facial périphérique. Cette remarque nous semble justifier l'hypo-

thèse émise par M. Babinski, d'un lien étroit de parenté entre le spasme

facial essentiel de Meige, l'hémispasme facial périphérique de Babinski

et l'hémispasme qui succède quelquefois à la paralysie faciale périphérique.

D'ailleurs, cette hypothèse a reçu déjà un commencement de démonstration

par les constatations faites par M. André Thomas de symptômes de parésie

faciale dans deux cas de spasme facial primitif et la découverte de névromes

de régénération situés sur le trajet du nerf facial au niveau du ganglion

géniculé dans deux cas d'hémispasme facial post-paralytique (1).

Mais laissons de côté les faits précédents qui appellent de nouvelles

recherches pour nous occuper exclusivement des secousses musculaires

que l'on observait dans t'hémiface paralysée et contracturée de notre

malade.

Il ressort nettement de l'étude des caractères de ces secousses que, en

apparence spontanées, elles sont en réalité associées à la contraction de

l'orbiculaire des paupières. A la réflexion, pareille constatation n'a rien

de choquant. Chez un sujet normal, le clignement physiologique des pau-

pières, toujours très léger, ne s'accompagne d'aucun mouvement apparent

de la face ; de même le clignement exécuté volontairement avec forcé. Au

contraire, l'acte de fermer énergiquement les yeux détermine la contrac-

tion synergique de presque tous les muscles de la face : de gros plis cutanés

se dessinent sur le front,autour des yeux, à la racine du nez ; les pommettes

remontent et font saillie, les narines s'élèvent et s'entrouvrent, les com-

missures labiales sont attirées en haut et en arrière, le menton se creuse

de chaque côté de la ligne médiane, les peauciers, enfin, tendent la peau

de la partie supérieure du cou. Si maintenant on ferme énergiquement

(1) André-Thomas et RIEDEII, llemispasme facia l périphérique avec parésie faciale. Soc.

de Neurologie, 4 juillet 1907, in Revue neurologique, 1907, p. 746 ; Awné-Tnouns, Contri-

bution à l'étude de l'analomie pathologique de la paralysie faciale périphérique et de

l'hémispasme facial. Soc. de Neurologie, 5 décembre 1901, in Revue neurologique,

1907, p. 1213. Voir aussi Ni7pio, Ilérnispasme facial comme équivalent de la para-

lysie faciale périphérique. Gazetta degli O,pitati e delle Clniche, 9 septembre 1906,

"0 108,'p. 1139 ; Raymond, Lém et SAUROL'ix, Origine périphérique du spasme facial,

Congrès des neurologistes et aliénistes, Lille, 1906.

378 PITRES ET ABADIE

un seul oeil au lieu des deux, la même grimace apparaît mais d'un seul

côté seulement : il est à remarquer même que la grimace est plus accentuée

que dans l'occlusion des deux yeux. Donc, à l'état normal, l'occlusion

énergique des paupières s'accompagne de mouvements associés des muscles

de la face : ces mouvements s'observent d'un côté de la face ou des deux,

suivant qu'on ferme un seul oeil ou les deux.

Dans l'état spasmodique qui succède à la paralysie faciale, les phéno-

mènes ne se passent pas autrement, mais ils empruntent à l'augmentation

du tonus des muscles une facilité plus grande à se produire. Il n'est besoin

que d'une très légère contraction de l'orbiculaire, celle qui suffit au cligne-

ment physiologique, pour provoquer, dans certains cas analogues au pré-

cédent, des mouvements synergiques des muscles voisins et plus particuliè-

rement des muscles de la région moyenne de la face. Mais comme tous ces

muscles ne sont pas également hypertoniques, certains faisceaux ou quel-

ques fibres se contractent à l'exclusion des autres : d'où la production de

secousses brusques, fibrillaires ou parcellaires, en apparence spontanées,

irrégulières, arythmiques, en réalilé synchrones à la contraction de l'orbi-

culaire des paupières.

A un degré plus élevé d'hyperlonicité des muscles de l'hémirace ancien-

nement paralysée, ce ne seront plus quelques fibres ou quelques faisceaux,

mais le muscle tout entier ou plusieurs groupes de muscles qui se contrac-

teront. L'orbiculaire des paupières, lui-même hyperlonique, exécutera

au lieu d'un clignement léger une contraction soutenue qui affectera la

forme d'un blépharospasme clonique. A chaque clignement réflexe,

apparaîtra une brusque occlusion de l'oeil accompagnée d'une contraction

synergique aussi brusque des muscles de la région naso-labiale du même

côté : ainsi sera constitué le blépharospasme intermittent avec élévation

rythmée de la commissure labiale. Ce labio-blépharospasme, en apparence

spontané et irrégulier, aura un rythme réglé simplement par celui du

clignement banal des paupières et offrira des intermittences égales aux

temps qui séparent les clignements successifs entre eux.

Sans pénétrer plus avant dans l'explication physio-patbologique des

mouvements convulsifs posl-paralytiques de la face, on peut dès à présent

envisager les deux premières variétés de ces mouvements comme les ébau-

ches plus ou moins accusées des deux autres. Mais, alors que les mouve-

ments associés reconnaissent pour cause la contraction volontaire d'un ou

de plusieurs muscles de la face, les secousses fibrillaires et le labio-blépha-

rospasme trouvent la leur dans la contraction réflexe de l'orbiculaire des

paupières dans l'acte physiologique du clignement. On comprend ainsi

facilement pourquoi les premiers ne se montrent qu'à l'état de repos. Les

HÉ : iISPAS11ES SYNCINÉrrQUES DE LA FACE 379

mouvements convulsifs port-paralytiques de la face, malgré la différence

des aspects cliniques sous lesquels ils se montrent, se rangent par consé-

quent tous dans la classe des mouvements associés involontaires puisqu'ils

sont tous provoqués par la contraction, tantôt volontaire, tantôt réflexe,

d'un ou de plusieurs muscles de l'hémiface correspondante.

Cette interprétation n'est pas une simple vue de l'esprit. En premier

lieu, l'observation que nous venons de rapporter n'est pas un fait isolé.

Nous avons pu observer en effet une vingtaine de cas de paralysies faciales

périphériques, parvenues à la phase de contracture, dans lesquels exis-

taient des contractions fibrillaires ou fasciculaires de l']¡émiface paralysée.

Dans tous ces cas, sans exception, il était facile de constater la relation

étroite qui unissait les secousses brusques au clignement des paupières :

chez tous ces malades, les secousses apparaissaient en même lemps que

clignaient les paupières ; elles ne se montraient jamais dans l'intervalle

de deux clignements ; le malade provoquait leur apparition aussi souvent

qu'il clignait volontairement; il empêchait leur retour aussi longtemps

qu'il résistait au besoin de cligner ; l'observateur pouvait les faire éclater

à son gré en déterminant le clignement palpébral, il pouvait même graduer

pour ainsi dire leur intensité en faisant apparaître des clignements plus

ou moins forts; enfin, seuls les actes et les excitations qui s'accompa-

gnaient d'un clignement palpébral étaient suivis de secousses de la face.

Après toutes ces observations, faites sur un nombre assez élevé de mala-

des et à plusieurs reprises pour chacun d'eux, cette relation est pour nous

hors de contestation.

En second lieu, nous avons observé dans six cas de paralysies faciales

périphériques anciennes t'existenced'untabio-btépharospasme intermittent

qui accompagnait la contracture permanente de t'hémiface anciennement L

paralysée. L'observation attentive permettait, chez tous ces malades, d'é-

lablir un rapport étroit entre tetabio-btépharospasme et le clignement des

paupières. Toutes les constatations, faites au sujet des contractions fibril-

laires et que nous venons de rappeler quelques lignes plus haut, s'appli-

quent intégralement aux cas de labio-blépharospasmes intermittents obser-

vés par nous. Chez deux malades, on voyait même apparaître, suivant

j'intensité du ci ignemen t palpébral, tantôt des secousses fibrillaires simples

si le clignement était léger, tantôt du labio-blépharospasme si le cligne-

ment était plus fort. Chez les quatre autres, le moindre mouvement

de clignement volontaire ou réflexe entraînait aussitôt l'élévation en

masse de la commissure labiale et de la joue. Chez tous les six malades,

il existait des mouvements associés involontaires très apparents, tels

que, fermeture de l'oeil dans l'ouverture de la bouche, élévation de la

commissure labiale dans l'occlusion des yeux, etc., etc. Tous ces faits

380 PITRES ET ABAD1E

viennent donc à l'appui de notre hypothèse, à savoir que, contractions

fibrillaires brusques, labio-blépharospasme intermittent, mouvements

associés involontaires, sont les manifestations de plus en plus intenses

et étendues d'nn même phénomène morbide.

Pour achever cette démonstration, il fallait chez un malade atteint de

paralysie faciale ancienne, du type périphérique, parvenue à la phase de

spasmodicité et ne présentant ni mouvements associés ni secousses muscu-

laires spontanées, provoquer à volonté l'apparition de ces dernières par

le clignement palpébral et plus généralement par la contraction de l'orbi-

culaire des paupières. Ce cas nous l'avons facilement rencontré et étudié :

il est relaté dans l'observation suivante.

Observation II.

Mme L..., âgée de 33 ans, sans profession, se présente à la consultation

des maladies nerveuses, le 8 juillet 1905. Elle est atteinte de paralysie faciale

ancienne et se plaint de troubles cérébraux divers.

On ne trouve rien à signaler dans ses antécédents héréditaires qui mérite

d'être retenu.

Antécédents personnels. La malade a euune bonne santé dans son enfance

et son adolesecnce. A 20 ans, elle se marie, devient enceinte trois mois après

et fait une fausse couche de quatre mois environ ; depuis elle n'a jamais plus

eu de grossesse, mais elle a souffert d'une métrite hémorragique assez intense.

A 23 ans, elle subit un curettage utérin qui met fin aux accidents utérins. De

23 à 31 ans, elle jouit d'une parfaite santé, vivant sobrement et sans excès

d'aucune sorte : on ne peut retrouver dans son passé aucune trace de syphilis.

Histoire de la maladie. - Il y a deux ans, en juin 4903,1a malade qui avait

alors 31 ans, se trouvait un jour en voyage par une chaleur accablante. Elle

ressentit subitement une sensation de coup de massue sur la tète ; elle s'affaissa

sur la banquette du wagon sans perdre connaissance. Dès ce moment, sa face

se paralysa insensiblement du côté gauche : au bout de sept à huit heures, la

paralysie faciale était complète, la malade était dans l'impossibilité de fermer

l'oeil gauche, les liquides s'écoulaient par la commissure labiale gauche quand

elle voulait boire, et tous les traits étaient déviés fortement du côté droit.

Avec cette paralysie faciale apparurent bien d'autres symptômes qui alar-

mèrent fort la malade. D'à bord un tremblement convulsif des membres supérieurs

et du haut du corps, qui persista pendant 4 jours. Des sensations de fourmil-

lements et de picotements avec rongements dans les articulations se montrè-

rent dans les membres du côté droit : ces sensations douloureuses furent per-

manentes pendant huit jours et disparurent ensuite pour ne plus revenir. Des

troubles de la vue apparurent aussi en même temps : les globes oculaires s'exor-

bitèrent, la vision devenait rapidement troublé quand la malade fixait son re-

gard un moment; il n'y eut cependant jamais de paralysies oculaires; ces

troubles de la vue persistèrent pendant dix-huit mois et s'atténuèrent ensuite.

Enfin des maux de tête très violents s'étaient installés dès le début de ces ac-

HÉMISPASMES SYNCINÉTIQUES DE LA FACE 381

cidents ; ils survenaient brusquement, disparaissaient de même après deux ou

trois heures de durée, mais se montraient presque quotidiennement, le jour

comme la nuit, sans prédilection pour cette dernière ; la malade les compare à

la sensation très douloureuse d'un grand poids dans la tête avec élancements

douloureux sur le front et les yeux ; la moindre pression exercée sur le crsne

ou la moindre commotion imprimée à la tête augmentaient considérablement les

douleurs ; ces céphalées persistent encore. Enfin la malade était atteinte d'in-

somnies qui ne l'ont pas quittée depuis ; l'état général devint mauvais ; le ca-

ractère devint impressionnable, emporté et méchant.

Quant à la paralysie faciale, elle ne fut jamais traitée par l'électrothérapie,

Le traitement suivi consista en administration de strychnine à faibles doses,

de bromures et d'iodures à doses assez élevées. La paralysie resta trois mois

sans la moindre amélioration, puis peu à peu elle s'atténua; les mouvements

revinrent lentement, les traits furent moins déviés, mais l'asymétrie du visage

était toujours très manifeste.il y a deux mois, c'est-à-dire deux ans après le début

de la paralysie faciale, les phénomènes paralytiques en étaient au même degré,

quand, sans raisons connues, la malade ressentit des tiraillements dans le côté

paralysé de la face et elle remarqua dès ce moment que les traits tout d'abord

déviés du côté sain étaient entraînés de plus en plus du côté malade; au bout

de quelques jours, la déviation du visage était très marquée et en sens inverse

de la déviation primitive.

Inquiète de l'apparition de ce nouveau phénomène et de la persistance des

céphalées et des insomnies, la malade quitta son pays et vint à Bordeaux pour

s'y faire soigner.

Etat actuel le 17 mai 1905. En regardant la malade, on est immédiate-

ment frappé par l'asymétrie de son visage dont tous les traits sont entraînés

vers le côté gauche.

Examen de la face à l'état de repos. Les rides frontales sont également

marquées des deux côtés, elles sont horizontales de côté et d'autre. Le sourcil

gauche est légèrement abaissé, mais son arc est régulier et semblable à celui

du côté opposé. La fente palpébrale gauche est légèrement moins ouverte que

la droite. Les plis de la paupière supérieure sont également marqués des deux

côtés, mais ceux de la paupière inférieure gauche sont plus accentués. Le sil-

lon sous-palpébral inférieur gauche est plus profond à gauche qu'à droite.

Le sillon naso-labial gauche est plus profond et possède une courbure plus

arrondie que celui du côté droit. Le nez dans son ensemble n'est pas incurvé ;

son lobule n'est pas dévié ; mais la narine gauche est plus relevée que la

droite ; les orifices des narines sont à peu près égaux. La pommette est plus

saillante du côté gauche que du côté droit et toute la surface de la joue gau-

che e st plus ferme au palper que la joue droite. La" bouche est asymétrique ;

la partie gauche des lèvres est plus courte et plus renflée que la partie droite ;

la commissure labiale gauche se termine eu fossette, elle est nettement attirée

en haut et en dehors. Le sillon médian de la lèvre supérieure est situé à gau-

che de l'axe de la face, ainsi que le bourgeon médian de cette lèvre. A cause

de l'élévation de la commissure labiale, la partie gauche de la lèvre supérieure

xxvi 25

382 PITRES ET ABADIÉ

paraît moins large, celle de la lèvre inférieure, an contraire, plus étendue que

les régions homologues [du côté opposé. Le menton lui-même est attiré en

haut; le sillon labio-mentonnier transverse n'est plus horizontal mais nette-

ment oblique en haut et à gauche ; au niveau du menton, se dessine, mais

seulement du côté gauche, une fossette irrégulière. Sur les autres parties de la

face, rien à signaler. Le cou non plus ne présente aucun symptôme anormal.

Examen de la motilité de la face. - Quand on fait plisser le front ou fron-

cer les sourcils à la malade, on voit le frontal et le sourcilier gauches se con-

tracter, mais les plis cutanés qui résultent de cette contraction sont moins

nombreux et moins profonds à gauche qu'à droite : l'effort ainsi fait par la

malade n'amène aucun mouvement associé dans les muscles du côté gauche

de la face.

La fermeture des paupières peut se faire, même très énergiquement ; les

paupières se contractent également à gauche et à droite ; les plis palpébraux

supérieurs et inférieurs sont aussi marqués à gauche qu'à droite. Les pau-

pières résistent également à l'effort fait pour les ouvrir. Dans ces actes, au-

cun mouvement associé n'apparaît dans le côté gauche de la face.

Les actes de siffler, de souffler, de faire la moue sont possibles aujourd'hui ;

la malade les exécute même fort bien ; mais on remarque que la moitié gauche

des lèvres est moins mobile que la moitié droite. On remarque aussi que les

plis déterminés par la contraction des muscles mis en jeu dans ces mouvements

sont moins nombreux et surtout moins accusés du côté gauche que du côté

droit. Pas de contraction synergique des autres muscles de la face ; au contraire,

dans ces actes, la déviation des traits se corrige très notablement ; cela se

remarque surtout au niveau du menton qui se replace en position médiane et

qui a plutôt une tendance à être entraîné du côté droit.

Dans l'acte de gonfler les joues; mêmes remarques que précédemment, au

sujet des plis faciaux. Dans cet acte, non seulement il n'apparaît pas de contrac-

tion synergique de l'hémiface gauche, mais encore les traits sont franchement

déviés du côté droit, c'est-à-dire du côté sain.

Dans l'acte de parler, au contraire, et dans le rire surtout, l'hémiface gauche

se contracte plus fortement que la droite et les traits sont entraînés légèrement

du côté gauche. Mais on ne constate pas de mouvement synergique des autres

muscles. La paroie articulée, gênée légèrement au début de la paralysie, est

normale aujourd'hui.

Dans l'ouverture de la bouche grande ouverte, l'orifice buccal est très légère-

ment oblique ovalaire : les dents sont plus découvertes à droite qu'à gauche ;

la partie gauche des lèvres, supérieure et inférieure, est moins arrondie et

recouvre complètement les dents de ce côté. L'effort fait pour ouvrir la

bouche n'entraîne pas davantage de contraction synergique des muscles de

l'hémiface gauche; quelques fibres du peaucier gauche se dessinent cependant

à la partie antéro-interne de ce muscle.

La pression d'un objet de petit volume se fait à peu près également bien

des deux côtés des lèvres, mais la malade déclare avoir moins de force dans

la moitié gauche des lèvres.

HÉMISPASMES SYNCINÉTIQUES DE LA FACE 383

Là mastication est aujourd'hui normale : autrefois, au début de la paralysie

faciale et pendant longtemps, la malade était obligée de repousser vers le côté

droit les aliments avec les doigts et de maintenir fermée la commissure labiale

gauche.

La langue, tirée hors de la bouche, n'est pas déviée ; elle se meut parfaite-

ment en tous sens.

Le voile du palais, la luette, les piliers du voile sont normaux et nullement

déviés à droite ou à gauche. Pas de troubles de la déglutition.

Le peaucier se contracte très faiblement à gauche : dans l'effort pour main-

tenir le menton abaissé, on voit quelques rares fibres se contracter à la partie

postéro-externe de ce muscle ; aucune fibre de la partie moyenne et de la partie

antérieure ne se contracte dans cette manoeuvre.

Secousses musculaires de l'hémiface gauche. - A l'état de repos de la face

ou dans les mouvements habituels de la mimique faciale, il n'existe, pi d'un

côté de la face, ni de l'autre, aucune contraction involontaire des muscles

faciaux, aucune secousse fibrillaire ou fasciculaire.

Dans les mouvements forcés de la face (ouvrir grandement la bouche, tirer

la langue hors de la bouche, faire la moue, siffler, souffler, gonfler les joues,

renifler, mastiquer, froncer les sourcils) aucune secousse n'apparaît encore,

en particulier dans l'hémiface gauche.

Le clignement physiologique et involontaire des paupières s'effectuant d'une

manière très légère ne détermine pas la production de secousses musculaires

dans l'hémiface gauche.

Mais, si on fait exécuter volontairement à la malade des mouvements de

clignement des paupières, ce clignement volontaire est plus accentué que le

clignement physiologique. A chaque clignement volontaire, on voit apparaître

dans l'hémiface gauche de légères contractions musculaires en plusieurs

points à la fois. Ces contractions consistent en de petits frémissements sous-

cutanés, suffisants cependant pour plisser légèrement la peau, présentant

l'aspect de contractions fibrillaires ou fasciculaires ; elles sont brèves, appa-

raissent brusquement et disparaissent de même ; elles sont absolument syn-

chrones aux mouvements de clignement des paupières et ne se montrent

jamais dans l'intervalle de deux clignements ; elles sont involontaires, la

malade les perçoit légèrement mais ne peut les empêcher de se produire ou les

modifier ; elles sont assez légères pour ne pas imprimer à la physionomie une

grimace disgracieuse. Elles se montrent toujours aux mêmes points de la face,

ainsi qu'il est figuré sur le schéma ci-joint; mais elles n'apparaissent pas tou-

jours dans tous ces points à la fois (Voir fig. 1). Les contractions se montrent

aux points 1, 2, 3, 4 dans tous les clignements ; elles s'étendent aux points 5,

6, 7, 8 dans les clignements plus forts ; elles n'atteignent les points 9 et 10

que dans les clignements plus intenses encore. Il est à remarquer en effet que

plus le clignement est fort, plus les contractions sont nombreuses et accusées.

Le contact du globe oculaire avec la tête d'une épingle provoque un cligne-

ment réflexe que l'on peut graduer pour ainsi dire par l'intensité plus ou

moins grande de l'excitation : un attouchement léger donne un clignement

384 PITRES ET ABADIE

modéré et amène l'apparition de secousses fibrillaires dans 1, 2, 3 et 4; un

attouchement plus fort provoque avec un clignement brusque et violent la pro-

duction de secousses fibrillaires et fasciculaires dans la totalité des points men-

tionnés ci-dessus ; dans ce dernier cas,les contractions se montrent sous la forme

de frémissements répétés, d'aspect ondulatoire. En règle générale, plus le cligne-

ment volontaire ou provoqué est fort, plus les secousses musculaires sont nom-

breuses et'appareates. En examinant chaque groupe de secousses musculaires,

on est amené à constater ce qui suit : aux points 1 et 2, on constate des tiraille-

ments musculaires dirigés respectivement au premier point directement en haut,

au deuxième point latéralement et vers la gauche. Au point 3, on voit se plisser

la portion gauche du menton qui se creuse ainsi d'une nouvelle fossette.

Au point 4, se contractent deux ou trois faisceaux verticaux ou obliques du

peaucier ; cette contraction est toujours très apparente ; il est à remarquer à

ce sujet que ces contractions se manifestent toujours à la partie antéro-iuterne

du peaucier, c'est-à-dire dans sa portion la plus paralysée, ainsi que nous l'a-

vons reconnu en examinant la motilité de ce muscle. Aux points 5 et 6, les

secousses musculaires, quand elles y apparaissent, sont constituées par la

contraction de deux ou trois faisceaux obliques très apparents. Au point 7, ce

n'est qu'un léger frémissement très localisé à peine apparent. Le point 8 est

constitué par la contraction de trois ou quatre faisceaux obliques généralement

très bien dessinés sous la peau. Aux points 9 et 10, apparaissent quelquefois,

plus rarement qu'ailleurs, des frémissements ondulatoires très légers.

Toutes les excitations extérieures qui entraînent suit un clignement éner-

Fm. 1. - Obs. Il

HÉMISPASMES SYNCINÉTIQUES DE LA FACE 385

gique, soit une contraction un peu violente de l'orbiculaire provoquent les

mêmes secousses musculaires : il en est de même de la contraction volon-

taire et soutenue de l'orbiculaire.

Il n'existe jamais de secousses musculaires analogues sur les autres parties

de l'hémiface gauche, eu particulier au niveau du frontal ou du sourcilier;

Rien de semblable ne s'observe dans l'hémiface droite ni au niveau du

peaucier droit.

La langue, le voile du palais, la luette, les piliers ne présentent aucune

contraction musculaire synchrone au clignement des paupières, ni d'un côté

ni de l'autre.

L'examen de la face ne révèle l'existence d'aucun côté de troubles trophi-

ques ou vaso-moteurs ; ni sudation ni larmoiement de l'oeil gauche. La sensi-

bilité de la face est normale des deux côtés et à tous ses modes. La malade a

eu de la salivation pendant trois ou quatre mois après l'apparition de sa paralysie

faciale. Elle n'a pas eu de troubles de l'ouïe. Le goût et l'odorat sont normaux.

Examen électrique des muscles de l'héntilace gauche. - La malade n'a

jamais été traitée électriquement. L'exploration de ces muscles faite pour la

première fois deux ans après le début de sa paralysie faciale donne les résul-

tats suivants :

Excitabilité faradique : diminuée pour le tronc du facial et la branche supé-

rieure ; très diminuée pour la branche inférieure ; diminuée pour les muscles

accessibles à l'exploration.

Excitabilité galvanique : diminuée pour le tronc et la branche supérieure,

presque abolie pour la branche inférieure ; pas d'inversion de la formule ;

secousse un peu lente.

D'autre part,la percussion mécanique des muscles de l'hémiface ne dénote pas

d'hyperexcitabilité de ces muscles. Les excitations faites au niveau de la surface

externe de la joue ou sur la surface interne ne provoquent pas de contractions

volontaires ou de secousses musculaires des muscles de l'héiniface gauche.

En poursuivant l'examen de la malade, on ne constate aucun trouble de la

motilité des globes oculaires. Les pupilles sont égales; les réflexes irienssont

tous normaux; il n'existe pas de nystagmus. Les réflexes cornéens sont nor-

maux des deux côtés. Les réflexes massétérins sont égaux des deux côtés. Le

réflexe pharyngien est aboli.

Le peaucier se contracte parfaitement du côté droit. Il n'existe pas de signe

de l'épaule, ni à droite, ni à gauche. Tous les mouvements volontaires sont

conservés dans les membres tant supérieurs qu'inférieurs, droits que gauches.

Mais la malade se plaint d'avoir moins de force dans le bras et la jambe du

côté droit, elle sent sa jambe droite plus lourde et plus maladroite que la gau-

che. En réalité, il y a une très légère diminution de la force à la pression de

la main droite et de la force de résistance des membres supérieurs et inférieurs

droits. La marche est en apparence normale. Pas de flexion combinée de la

cuisse et du bassin. Les réflexes tendineux des radiaux, des palmaires, rotu-

liens, achilléens, sont plus vifs du côté droit que du côté gauche. Les réflexes

plantaires sont égaux et identiques des deux côtés ; on a, par grattage de la

386 PIIRES ET ABADIE

plante : réflexe planti-crnral vif, réflexe planti-tibial moins vif, réflexe planti-

digital moins vif encore et en flexion des deux côtés. Pas de trépidation épi-

leptoïde du pied ni de la rotule.

Il n'existe pas de troubles de la sensibilité cutanée du tronc ou des mem-

bres; Pas de troubles du sens stéréognostique ni à droite ni à gauche.

- Les organes splanchniques fonctionnent normalement. Pas de troubles

des sphincters. Rien au coeur ni aux poumons. Hien d'anormal dans les

urines.

L'état mental, sauf les modifications du caractère signalées plus haut, est

normal. Les céphalées et les insomnies persistent toujours. Pas de douleurs

spontanées dans les membres.

La malade est revue deux mois après, le 8 juillet 1905. Elle a suivi un trai-

tement au bi-iodure de mercure. Elle revient très améliorée, les céphalées

ont.disparu, le sommeil est revenu, l'état général s'est remonté, le caractère

est devenu meilleur. Mais l'état spasmodique de son hémiface gauche est tou-

jours le même avec les mêmes reliquats de paralysie faciale. On constate de

nouveau les mêmes secousses musculaires synchrones au clignement des pau-

pières. Il est ordonné à la malade deux pilules de Méglin par jour.

Elle est revue le 13 septembre 1905. L'amélioration a persisté. L'état spas-

modique de la face est moins marqué, mais la déviation des traits vers la gau-

che est toujours très apparente. Les secousses musculaires de l'hémiface

gauche provoquées par le clignement existent toujours, mais elles sont moins

intenses et moins nombreuses. : La malade est revue de nombreuses fois, dans les années 1906, 1907, 1908.

Elle a suivi un traitement spécifique régulier : elle est en parfaite santé. En

septembre 1908, elle conserve encore une légère déviation de la face vers la

gauche, à peine apparente à l'état de repos de la face, plus perceptible dans la

mimique. Le clignement des paupières fait toujours apparaître quelques secous-

ses musculaires dans 1'liémiface gauche ; mais ces secousses sont à peine visi-

bles, elles ne' se montrent plus guère qu'aux anciens points 1 et.2 ; il est

nécessaire pour les provoquer de faire exécuter des clignements très forts à la

malade. Les mêmes phénomènes ont persisté à ce dernier degré depuis 1910.

Celte deuxième observation peul se résumer ainsi : .

Une femme de 33 ans est atteinte de paralysie faciale gauche du type

périphérique. Elle n'estpas traitée électriquement. Au bout de deux ans,

apparaît un état spasmodique du côté paralysé avec déviation des Irai en

sens inverse de la déviation première. Examinée à ce moment, la malade

présente :

1° Des reliquats de paralysie faciale gauche, se traduisant par une dimi-

nution des mouvements du frontal et dusourcilier,par la parésie de la moitié

gauche de l'orbiculaire des lèvres dans les actes de siffler, de souffler, de

faire la moue et surtout d'ouvrir grandement la bouche qui prend alors

l'aspect nettement oblique ovalaire, enfin par la parésie du peaucier (fibres

antérieures).

HÉMISPASMES SYNCINÉTIQUES DE LA FACE 387

2° Un hémispasme facial gauche permanent, très apparent. Il se traduit

par l'abaissement du sourcil, le rétrécissement de la fente palpébrale,

l'accentuation des plis palpébraux, l'exagération du sillon naso-labial, le

relèvement de la narine, la saillie de la pommette, la fermeté plus grande

de la joue, la déviation de la bouche et du menton, la présence d'une

fossette mentonnière unilatérale.

3° Une absence de mouvements associés dans l'hémiface gauche. L'action

d'un groupe musculaire du côté gauche n'entraîne pas la moindre action

synergique de groupes musculaires du même côté ou du côté opposé.

4" Une absence de secousses musculaires dans l'hémiface gauche à l'état

de repos ou dans les mouvements habituels de la mimique faciale.

5° L'apparition de secousses musculaires dans l'hémiface gauche sous

l'influence du clignement, volontaire ou provoqué, des paupières. Ces

secousses sont caractérisées par des contractions involontaires, brèves,

fibrillaires ou fasciculaires, se manifestant sous forme de frémissements

et de plissements de la peau. Elles ne se montrent jamais en dehors du

clignement des paupières ou de la contraclion de l'orbiculaire des pau-

pières du côté gauche. Elles sont d'autant plus fortes et plus étendues que

le clignement ou la contraction sont plus énergiques. Toule cause déter-

minant le clignement ou la contraction palpébrale les fait appaiaitre à

l'exclusion de toute autre. Elles se montrent enfin dans presque tous les

muscles de l'hémiface gauche, y compris le peaucier. Elles sont surtout

apparentes sur la ligne qui va de l'oeil au menton. Elles existent encore

cinq ans après leur apparition avec les mêmes caractères : elles se sont

cependant atténuées dans leur intensité et leur étendue, au sur et à mesure

de l'atténuation de l'hémispasme gauche permanent.

La relation étroite entre les secousses convulsives faciales et les mou-

vements des paupières, que l'analyse clinique permettait déjà d'affirmer

dans la première observation et dans un certain nombre d'observations

analogues, ressort plus clairement encore de l'étude de la deuxième ob-

servation. Ici, ces secousses, nulles à l'état de repos et dans la mimique

habituelle, apparaissent toujours et exclusivement sous l'influence des

mouvements énergiques des paupières et plus particulièrement des

paupières du même côté.

L'observation précédente n'est pas unique. Depuis que notre attention

a été attirée sur ce rôle de la contraction palpébrale dans la production

des secousses fibrillaires, nous avons observé un nombre relativement

élevé, plus d'une vingtaine assurément, de cas absolument comparables.

Tous avaient trait à des paralysies faciales périphériques anciennes,

avec état spasmodique quelquefois même fort léger. Quelques-unes de

ces paralysies dataient de l'enfance, et certaines avaient plus de vingt

ans de durée. Dans tous ces cas, il nous a été donné de faire apparaître

388 1 PITRES ET ABADIE

1 volonté des contractions fibrillaires ou fasciculaires dans )'hémiface

paralysée en provoquant un clignement plus ou moins énergique des

paupières, particulièrement de celles du côté paralysé. Ces constatations

ont achevé de confirmer notre opinion.

Il nous parait démontré que, dans les paralysies faciales du type péri-

phérique parvenues à la période de spasmodicité, les secousses fibrillaires

ou fasciculaires en apparence spontanées que l'on y peut rencontrer cons-

tituent de véritables spasmes syncinétiques liés à la contraction de l'or-

biculaire des paupières. Pareille relation ne se retrouve jamais dans les

tics vrais de la face : elle peut donc être prise en considération pour le

diagnostic différentiel des mouvements convulsifs de la face. Elle n'a ja-

mais été signalée, du moins à notre connaissance, dans le spasme facial

primitif : elle le serait, que cela ne nous étonnerait point, car elle est loin

d'être incompatible avec ce que l'on sait aujourd'hui de celle affection.

Elle a cependant été observée plus ou moins incidemment par quelques

auteurs dans ces dernières années. Dans une publication contemporaine

de nos premières recherches sur ce point, Raymond et Egger (1) signa-

lent sans y insister, chez un malade atteint d'une affection bulbaire inté-

ressant les cinquième, sixième, septième, huitième et neuvième paires,

les phénomènes suivants :

« vue paire : la moitié droite de la face est le siège d'un tic. Le grand zygoma-

tique se contracte environ toutes les secondes et l'élévation de l'angle droit de

la bouche est isochrone avec le clignement des paupières. Quand on ferme l'oeil

droit, le tic du zygomatique s'arrête pour reprendre ses secousses rythmiques

dès qu'on rend à la paupière la liberté de son clignement. »

Plus récemment, en 1907, MM. André Thomas et Rieder (2), dans leur

communication sur deux cas d'hémispasme facial périphérique avec pa-

résie faciale, précisent davantage. Dans leur observation I, on lit :

« Les contractions spasmodiques de l'orbiculaire des paupières peuvent se

produire isolément, tandis que celles des autres muscles de la face sont tou-

jours associées à celle de l'orbiculaire : elles se produisent en même temps et

leur sont rigoureusement proportionnelles en intensité. Ce synchronisme et

cette subordination quantitative sont constantes. On les retrouve d'ailleurs

non seulement dans ces contractions anormales, mais encore dans Ips mouve-

ments volontaires ou réflexes ou dans les contractions électriques... Si on

applique la tête d'une épingle sur la conjonctive droite, la contraction de l'or-

(1) RAYMOND et EOGEH, Sur un cas d'ataxie aeslibulaire, Revue neurologique, 30 juin

1905, p. 610.

(2) André-Thomas et Rieder, loc. cit., p 141 et 748.

HÉMISPASMES SYNC1NETlQUES DE LA FACE 389

biculaire s'accompagne également de celle des autres muscles. Il en est de

même si on percute à droite la région sus-orbitaireou l'apophyse zygomatique

avec le marteau à réflexe, ou bien encore si on projette un courant d'air froid

sur le globe oculaire. La contraction de l'orbiculaire droit est constamment

associée à des contractions synchrones des autres muscles de la face... En

outre, l'application de l'électrode sur une région déterminée de l'apophyse

zygomatique droite produit à la fois la contraction de l'orbiculaire et des zygo-

matiques... L'excitation électrique des filets nerveux de l'orbiculaire palpébral

au voisinage immédiat de l'oeil détermine des secousses non seulement dans

l'orbiculaire palpébral, mais encore dans les muscles zygomatiques et l'éléva-

teur de la commissure labiale. »

Dans leur observation II, ces mêmes auteurs signalent que :

« Chaque fois qu'il se produit des contractions de l'orbiculaire, on observe

simultanément un déplacement en haut de la commissure labiale : c'est ce qui

a lieu pendant le clignement, le regard en bas, il suffit de dire à la malade de

fermer les yeux pour se rendre compte du phénomène. Il est incontestable qu'il

existe des mouvements associés entre l'orbiculaire palpébral et l'élévateur de

la commissure. Le premier ne peut pas se contracter seul ; par contre la com-

missure peut s'élever sans l'abaissement de la paupière... L'excitation (électri-

que) des filets nerveux de l'orbiculaire palpébral produit des contractions

non seulement dans l'orbiculaire palpébral, mais encore dans l'élévateur de la

lèvre : on retrouve dans l'axcitation électrique la même association des mou-

vements que dans la contraction volontaire ou même réflexe de l'orbiculaire. »

Plus loin, à propos d'une troisième malade atteinte d'hémispasme fa-

cial survenu à la suite de névralgie faciale et d'injections sous-cutanées

au niveau de la face :

« Il est à remarquer que toutes les contractions spontanées, réflexes ou com-

mandées de l'orbiculaire palpébral s'accompagnent de contractions exactement

synchrones des muscles zygomatiques et de l'élévateur commun de l'aile du

nez et de la lèvre. »

Ces auteurs comparent les contractions syncinétiques ainsi observées

chez leurs malades aux mouvements associés involontaires qui ont été

décrits dans les paralysies faciales périphériques.

Dans son travail sur l'anatomie pathologique de l'hémispasme facial (1),

M. André-Thomas fait des constatations analogues au sujet de sa malade

de l'observation III :

« Par intervalles, il existait des contractions spasmodiques dans l'orbiculaire

des paupières, dans l'orbiculaire des lèvres et dans les zygomatiques, dans le

muscle peaucier; ces contractions étaient rigoureusement synchrones. Le

retour des contractions était facilement provoqué par le clignement des yeux

ou bien encore par les efforts que faisait la malade pour parler, etc... »

(t) André-Thomas, loc. cit., p. 1275.

390 PITRES ET ABADIE

L'examen détaillé de celte dernière malade n'a pu être pratiqué, mais,

d'après M. André-Thomas, l'aspect clinique était celui de l'hémispasme

secondaire à une paralysie faciale périphérique ancienne en grande partie

restaurée.

Les observations précédentes sont jusqu'à un certain point confirmati-

ves de nos propres recherches. Elles prouvent que, parmi les mouvements

convulsifs de la face, certains sont en relation directe avec le clignement

physiologique et plus généralement avec la contraction de l'orbiculaire

des paupières. Une d'entre elles, la dernière, paraît être tout à fait com-

parable aux nôtres. La première tend à prouver que cette relation peut se

rencontrer dans les lésions bulbaires. Les autres semblent démontrer que

pareil phénomène existe même dans quelques cas d'hémispasme facial du

type dit périphérique.

Cette relation existe encore dans le cas suivant qui se rapporte à un

hémispasme facial, de date récente, où les phénomènes spasmodiques

strictement unilatéraux sont uniquement constitués par de petites palpi-

tations faciales constantes, sans accès paroxysmique de contracture frémis-

sante, sans fond de contracture permanente, et sous lesquelles on décou-

vre quelques traces de parésie du nerf facial. Ici, les contractions

involontaires observées constituent à elles seules les phénomènes hémi-

spasmodiques : même à ce degré, il est facile de mettre en évidence que

ces contractions sont synergiques des mouvements de clignement physio-

logique des paupières et sont conditionnées par cette seule cause à l'exclu-

sion de toute autre.

Observation III.

G... Pierre, âgé de 39 ans, exerçant le métier de boulanger, entre le

5 novembre 1907 à l'hôpital Saint-André de Bordeaux, service de M. le pro-

fesseur Pitres, pour une pleurésie droite dont le début date de huit jours.

En l'examinant, on constate l'existence, dans la moitié droite de la face, de

mouvements convulsifs intermittents : on découvre aussi dans cette même

moitié de la face des traces très légères de parésie faciale. L'observation de ce

malade est prise en détail surtout sur ces points.

Antécédents héréditaires. - Rien de particulier à signaler. Le père du ma-

lade est en vie, il a 72 ans, il n'a jamais été malade, il a toujours été sobre.

La mère est morte à Page de 2S ans à la suite de couches. Deux frères et une

soeur, qui sont tous trois bien portants. Pas de maladies nerveuses, pas d'in-

toxications à signaler dans la famille.

Antécédents personnels. - Sauf quelques affections sans gravité de l'enfance,

le malade a toujours eu une santé robuste. Il a fait cinq ans de service dans

la Légion étrangère. Là il ne fut atteint d'aucune maladie infectieuse, mais il

contracta l'habitude de boire des quantités immodérées de vin, jusqu'à dix et

douze litres par jour, et cela d'une façon régulière. De retour en France, il a

toujours habité Bordeaux, où il a continué à boire du vin : depuis plus de dix

HÉMISPASMES SYNCINÉTIQUES DE LA FACE 391

ans, il boit en moyenne quatre à cinq litres de vin rouge ou blanc par jour :

aux repas, à jeun, avant les repas en guise d'apéritif; il ne consomme jamais,

sauf à de très rares exceptions, de rhum, d'eau-de-vie ou de boissons alcooli-

ques industrielles. Il a constaté lui-même que ces excès de vin lui « portaient

au cerveau » : il signale pour justifier son dire de la perte de la mémoire, du

tremblement des mains au point de ne pouvoir pas écrire, de l'irritabilité de

son caractère, des rêves et des cauchemars (précipices, chiens enragés, serpents

surtout) et depuis ces dernières années des pituites matinales et de l'anorexie

complète; n'ayant jamais faim, il ne mangeait depuis plusieurs mois qu'un

sou de pain par jour pour tout aliment solide ; il attribue sa pleurésie à son

intempérance pour le vin et au manque de nourriture qui en est résulté.

Début des mouvemenls convulsifs de la face. Il y a quatre à cinq mois

environ, quelqu'un de son entourage attira son attention sur l'existence, dans

le côté droit de la figure, de mouvements intermittents, analogues à de légers

tics. Il ne s'en était jamais aperçu lui-même ; Mais depuis que ce fait lui a été

signalé, il se rend parfaitement compte de l'apparition de ces secousses mus-

culaires lorsqu'il y prête attention ; mais en temps ordinaire il ne les perçoit

guère, et dès lors il ne s'en est jamais inquiété. On a remarqué en outre autour

de lui que lorsqu'il avait bu plus que de coutume, les mouvements étaient

plus forts. A aucune époque de sa vie, et en particulier avant l'apparition de

ces mouvements de la face, le malade n'a eu de paralysie faciale quelconque.

Examen du malade. Le malade est examiné spécialement au point de

vue des mouvements convulsifs que présente sa figure.

Ces secousses musculaires siègent dans la moitié droite de la face ; on n'ob-

serve jamais de secousses analogues dans la moitié gauche, et plus générale-

ment le malade n'a jamais de secousses musculaires convulsives ailleurs, à la

tète, au cou, au tronc et aux membres. Exclusivement localisées à l'hémiface

droite, ces secousses ne se montrent dans cette hémiface que dans le territoire

compris entre l'arête du nez en dedans, la ligue' buccale en bas, la ligne inter-

palpébrale en haut,et,en dehors, la ligue qui joint la commissure palpébrale à la

commissure buccale. Elles ne sont pas constantes mais intermittentes, séparées

par des intervalles de temps irréguliers qui vont de une à sept ou huit secondes

au plus. Elles n'apparaissent pas isolément et successivement, mais bien toutes

à la fois pour disparaître ensemble, et leur disparition laisse les muscles dans un

état de repos apparent. Elles se présentent sous la forme de secousses musculaires

à fleur de peau, brèves, rapidement effacées, déplaçant légèrement le revêtement

cutané et le laissant revenir immédiatement à sa position primitive : ce sont

de petites ondulations, de petites palpitations de la peau, ne modifiant en rien

la physionomie du malade. Elles sont si légères qu'à une distance de 1 m. 50

du malade, on ne les perçoit plus. Elles offrent des caractères un peu différents

suivant le point où on les observe (voy. fig. 2).

Au niveau du point 1, les secousses siègent dans la partie inférieure de

l'orbiculaire palpébral et dans la moitié externe de cette partie. Chaque fois que

la secousse apparaît en ce point, on voit tressaillir très légèrement la pau-

392 PITRES ET ABADIE

pière inférieure qui se plisse plus fortement que du côté opposé : on dirait

que quelques fibres du muscle orbiculaire se contractent plus fortement que

les voisines. On constate que cette contraction parcellaire de la portion infé-

rieure de l'orbiculaire ne se montre que dans la contraction normale de ce

muscle pendant l'acte du clignement physiologique, dont elle paraît être une

exagération localisée.

Au niveau du point 2, la secousse est moins apparente, moins étendue,

moins constante ; elle se montre seulement quand les voisines sont plus fortes

que d'habitude. Elle consiste en une petite contraction déplaçant vivement la

peau sans la froncer.

Au niveau du point 3, les secousses sont aussi constantes qu'au point 1.

Elles paraissent même faire suite à celles du point 1 : la peau est en effet en-

traînée à cet endroit par les secousses du point 1 avec une petite exagération

au niveau du point marqué 3 ; il n'existe pas à proprement parler de plisse-

ment de la peau, mais d'un déplacement cutané en masse sur une surface d'en-

viron un centimètre carré.

Au point 4, les secousses sont très appréciables ; elles siègent dans tout le

triangle formé par l'aile du nez, le sillon naso-génien et la ligne supérieure

d'implantation des moustaches : ce sont à ce niveau des secousses vives, appa-

raissant et disparaissant en même temps que le* précédentes. Elles sont parti-

culièrement apparentes, parce qu'elles soulèvent la moustache du côté droit,

dont les poils enregistrent en les amplifiant les déplacements de la peau située

au-dessus.

Fw. 2. - Obs. Il 1.

HÉMISPASMES SYNCINÉTIQUES DE LA FACE 393

Enfin au point 5; c'est-à-dire au niveau de la commissure labiale, existent

des secousses musculaires de l'orbiculaire des lèvres, synchrones aux secousses

précédentes. Elles se traduisent d'une façon très visible par des tiraillements

brusques de la commissure labiale qui est attirée chaque fois en haut et en

dehors.

Ailleurs, au niveau du menton, au-devant de l'oreille, il n'existe pas de

secousses musculaires analogues. Pas plus d'ailleurs qu'au niveau du peaucier

du même côté.

Toutes ces secousses sont involontaires et la volonté n'a aucune action sur

elles pour les augmenter, les arrêter ni les modifier.

Les mouvements de la face, dans la mimique ou volontairement exécutés,

n'exagèrent pas les contractions musculaires précédentes. Au contraire même,

quand le malade met en action les muscles intéressés par les secousses, celles-

ci disparaissent.

Il existe d'autre part un rapport important entre l'apparition des mouve-

ments convulsifs de l'hémiface droite avec la contraction de l'orbiculaire

des paupières, réflexe ou volontaire. Ce rapport se démontre ainsi : i° les

secousses musculaires de l'hémiface droite apparaissent au moment du cligne-

ment physiologique : on ne les observe jamais en dehors de ce clignement;

2° si le malade résiste au clignement, les secousses sont suspendues, tant que

l'effort est efficace : elles ne reparaissent qu'avec le premier clignement qui

échappe à la volonté du malade ; 3° les secousses apparaissent chaque fois

que le malade cligne volontairement et elles sont d'autant plus apparentes et

plus étendues que ce clignement volontaire est plus fort ; 4' si on provoque

le clignement bilatéral par l'attouchement de la conjonctive d'un oeil ou de

l'autre à l'aide de la tête d'une épingle par exemple, on fait apparaître à

chaque contact les secousses musculaires du côté droit, qui sont d'autant plus

intenses que le clignement provoqué est lui-même plus fort; 50 l'occlusion

simple des paupières est accompagnée d'un frémissement palpébral très marqué

qui est suivi lui-même d'un frémissement très appréciable des régions marquées

4 et 5 sur la figure. Dans l'occlusion des paupières, forte et persistante, au

contraire, on voit apparaître la grimace habituelle mais sans secousses de

l'hémiface droite ; no toutes les excitations sensitives, motrices ou psychiques

qui provoquent ou exagèrent le clignement des paupières, provoquent ou exa-

gèrent les secousses. Inversement toute cause sans effet sur le clignement ou

la contraction de l'orbiculaire est incapable de faire apparaître les secousses

musculaires ; 7° enfin, dans le sommeil naturel, les paupières sont closes natu-

rellement sans frémissement, et les secousses sont nulles. Si le frémissement

palpébral apparaît, même sans que le malade se réveille, les secousses ap-

paraissent aussi si le frémissement est assez intense (c'est un fait que nous

avons constaté nous-même). '

Il faut ajouter qu'à aucun moment le malade ne présente et n'a présenté

de contraction persistante et tonique des muscles de la face, en particulier du

côté droit. Jamais les secousses musculaires précédentes n'ont amené d'occlu-

sion complète ou incomplète, mais d'une durée appréciable, de la fente palpé-

394 PITRES Er ABADIE £

brale, de contracture^ passagère frémissante ou non de l'hémiface droite, de

déformation des traits ou d'asymétrie du visage.

Examen de la motilité de la face. Il n'existe aucun trouble de la moti-

lité de la face du côté gauche.

Du côté droit, la face ne présente pas de symptômes très apparents d'une

parésie faciale. C'est ainsi que l'on constate, l'intégrité des rides frontales,

l'égale ouverture des fentes palpébrales, l'aspect normal de la fente buccale,

la rectitude de la langue, la contraction normale du peaucier. Mais à un exa-

men plus attentif on note aussi les phénomènes suivants :

Dans les mouvements du frontal et du sourcilier, le sourcil droit s'élève

moins haut que le sourcil gauche.

La résistance palpébrale, recherchée par la manoeuvre de Legendre, est plus

faible à droite qu'à gauche.

L'aile du nez est légèrement plus abaissée du côté droit que du côté gauche.

Le pli naso-génien droit est moins marqué que le gauche.

La commissure labiale droite paraît plus allongée et plus basse que la gau-

che. La bouche grande ouverte montre une déviation oblique ovalaire légère

mais très appréciable surtout au niveau de la lèvre inférieure. Dans les mou-

vements des lèvres enfin, la partie droite est légèrement moins mobile que la

partie gauche.

Il existe en somme des traces très légères d'une parésie faciale droite.

La motilité des membres est parfaite. Les réflexes sont normaux. Pas de

troubles de la sensibilité ou des organes des sens.

Les organes splanchniques sont normaux. On constate seulement quelques

troubles digestifs et une augmentation du volume du foie. La pleurésie pour

laquelle le malade est entré à l'hôpital est entrée rapidement en voie de régres-

sion. Légère induration douteuse du sommet gauche.

Le malade quitte l'hôpital deux mois après, complètement guéri de son af-

fection pleurétique.

Pendant toute la durée de son séjour les secousses musculaires de l'hémi-

face droite ont toujours présenté les mêmes caractères. Le malade est revu par

hasard sept mois après ; les secousses n'ont ni augmenté ni diminué ; les symp-

tômes de parésie faciale ne sont ni plus étendus ni plus accusés (1).

(1) Dans le numéro du 15 janvier 1909 des Comptes rendus de la Société de Biolo-

gie de Paris, a paru une communication de M. Al. Obregia à la Réunion biologique

de Bucarest sous le titre : Sur un réflexe pathologique particulier conjortclivo-men-

tonnier. Dans cette communication, l'auteur annonce qu'il a observé, chez une

vingtaine de malades qui avaient présenté une lésion centrale ou périphérique dans

la sphère du facial inférieur (nombreux cas de paralysie faciale, deux cas de paraly-

sie générale précédés d'ictus, un cas d'hémiplégie cérébrale infantile, deux cas d'hé-

miplégie par foyer hémorragique ou embolique), un phénomène qu'il dénomme ré-

.flexe conjonctivo-mentonnier et qui consiste en une contraction fibrillaire, plus ou

moins évidente, dans la région mentonnière du côté correspondant à la lésion, con-

traction provoquée par un mouvement alternatif de fermeture et d'ouverture des yeux

exécuté par l'observateur. La manoeuvre à opérer est celle de la recherche du réflexe

.pupillaire à la lumière. Il suffit quelquefois, pour obtenir le phénomène d'un simple

HEM1SPASMES SYNCINETIQUES DE LA FACE 395

Des considérations qui précèdent, il nous parait logique d'énoncer les

propositions suivantes, en manière de conclusions de notre travail.

Parmi les mouvements convulsifs de la face, il faut distinguer ceux qui

apparaissent dans certains cas de paralysies faciales, du type périphérique,

parvenues à la phase dite de contracture. Cette contracture se mani-

feste en clinique par une hypertonicité permanente qui entraîne les traits

du côté anciennement paralysé, et qui peut s'accompagner d'incurvation

du nez, de fossettes mentonnières, de mouvements synergiques para-

doxaux.

Les mouvements convulsifs, observés dans ces conditions, sont exclusi-

vement limités à l'hémiface atteinte et ne s'observent que dans le domaine

du facial paralysé. Ils apparaissent de préférence sur la ligne oculo-men-

tonnière, au niveau des muscles zygomatiques, élévateur de la narine et

de la lèvre supérieure, canin, buccinateur, orbiculaire des lèvres, carré

et houppe du menton ; ils s'observent encore sur toute l'étendue du peau-

cier ; ils sont plus rares au niveau de la région inférieure et externe des

joues; ils sont exceptionnels au niveau du sourcil el. du front.

Ils ne se localisent pas en général sur tout un groupe musculaire à la

fois et ne réalisent pas un mouvement de la mimique que la volonté peut

reproduire.

Ils consistent au contraire en petites contractions parcellaires, fibrillaires

ou fasciculaires, isolées, erratiques, apparaissant sur plusieurs points à

la fois, sous la forme de palpitations faciales, de frémissements et d'ondu-

lations très localisés.

Ils sont intimement liés à l'activité musculaire des paupières du côté

attouchement à la conjonctive, d'effleurer même dans certains cas quelques cils de

l'oeil du coté malade. D'autres fois, il faut au contraire presser fortement sur les

paupières en les remuant. Parfois le mouvement se produit seulement à la clôture ou

à l'ouverture des paupières. Les contractions fibrillaires ainsi obtenues se montrent

dans le triangulaire et l'orbiculaire des lèvres, dans le carré du menton et dans la

houppe, même dans les fibres supérieures du peaucier du cou. Elles ont été observées

en particulier dans une paralysie faciale vieille de vingt ans et qui pouvait être con-

sidérée comme absolument guérie depuis plus de douze ans. La voie centripète de

ce réflexe est, d'après l'auteur, représentée par les nerfs sensitifs de la conjonctive, la

voie centrifuge par les filets du facial inférieur.

En comparant les résultats obtenus par M. Obregia à nos observations, il est fa-

cile de s'apercevoir qu'il ne s'agit probablement pas, dans les cas relatés par cet au-

teur, d'un réflexe a point de départ sensitif conjonctival, mais de spasmes syncinéti-

ques liés à la contraction de l'orbiculaire des paupières, en tous points comparables

à ceux étudiés par nous dans ce travail. Le point intéressant à retenir de la commu-

nication de M. Obregia est que cette syncinésie peut se rencontrer dans certains cas

de paralysie faciale d'origine centrale. '

396 . PITRES ET ABADIE

atteint. Ils sont synchrones avec les mouvements de clignement spontané

physiologique des paupières. Leur fréquence et leur intensité sont directe-

ment proportionnelles à la fréquence et à l'intensité du clignement palpé-

bral, réflexe, volontaire ou provoqué. Toute excitation sensitive, tout t

phénomène moteur, toute impression psychique qui modifient le cligne-

ment les modifient aussi : inversement, toute cause sans effet sur le cli-

gnement reste sans effet sur eux. Quand ils n'existent pas, on peut souvent

les faire apparaître en provoquant un clignement plus intense ou en faisant

exécuter une contraction volontaire de l'orbiculaire plus forte que celle

du clignement automatique habituel.

Ils peuvent être considérés comme de véritables spasmes syncinétiques

des mouvements des paupières. Ils constituent l'ébauche, pour ainsi dire,

des mouvements associés de la face, depuis longtemps décrits dans la

phase de contracture de la paralysie faciale périphérique. Spasmes syn-

cinétiques liés à l'activité des paupières, blépharospasme intermittent

avec élévation rythmée de la commissure labiale, mouvements associés,

mouvements synergiques paradoxaux, constituent les termes d'une même

série pathologique dont on retrouve la base physiologique dans les mou-

vements synergiques qui s'observent dans la face à l'étal normal. Il s'agit

d'une syncinésie musculaire qui devient d'autant plus facile et plus

étendue qu'elle s'exerce sur un territoire neuro-musculaire plus hyperto-

nique.

En pratique, le caractère que nous venons de reconnaître aux mouve-

ments syncinétiques post-paralytiques permetlra de les distinguer plus

facilement des tics vrais de la face à localisation unilatérale. Peut-être

permettra-t-il aussi de les distinguer de certaines formes de spasme facial

primitif. ,

FACULTÉ DE MÉDECINE DE MONTPELLIER

TUBERCULOMES MULTIPLES DU CERVEAU

ET DES MÉNINGES

PAR

Ur.KAUZiER,

Professeur de clinique médicale

J. BAUMEL,

Chef de clinique

ae la Faculté ae meaecme ae Montpellier.

Observation.

All... Virginie, âgée* 25 ans, entre, le 6 avril 1913, salleEspéronnier,n° 29,

pour crises nerveuses et céphalée intermittente à apparition tantôt diurne tan-

tôt nocturne ; le tout semblant avoir subi une recrudescence depuis un mois

et s'accompagnant actuellement de fièvre (voir courbe).

Les crises nerveuses sont assez fréquentes et datent de 7 ou 8 mois (9 ou 10

dans ce laps de temps). Elles débutent brusquement après quelques prodromes

qui consistent en mouvements incoordonnés portant sur les mains et sur les

membres inférieurs. Ces mouvements sont aussi marqués à droite qu'à gauche.

Survient ensuite une perte de connaissance totale. n'y a jamais de sensations

de boule oesophagienne. La perte de connaissance dure quelques minutes pen-

dant lesquelles il y a incontinence d'urines, morsure de la langue et présence

d'écume à la bouche. Il semble que la crise, avant d'éclater, permette à la ma-

lade de s'asseoir ou de s'allonger. Dans ses chutes elle ne s'est jamais fait

mal.

Il n'y a aucun trouble moteur portant sur les bras ou les jambes. La parole

est bien conservée. All... peut siffler et souffler sans difficulté.

Du côté de la sensibilité subjective, quelques légères douleurs rénales.

Depuis une quinzaine de jours la vue a considérablement baissé; il n'y a pas

de diplopie mais de l'amblyopie, et,malgré que la lecture soit possible, un léger

degré d'amaurose.

La mémoire est conservée; cependant l'attentionné peut être soutenue trop

longtemps sans fatigue.

Pas de paralysie des sphincters en dehors des périodes de crise.

Ni toux ni expectoration : pas de points de côté ; légère dyspnée même au

repos.

Anorexie, sans dégoût toutefois ; digestions bonnes, selles normales, pas de

constipation.

Les mictions sont fréquentes, surtout la nuit ; urines foncées avec dépôt

fibrineux et même purulent, contenant, à une analyse sommaire, environ

0.20 d'albumine. Leur émission'ne s'accompagne ni de sensation de cuisson ni

de douleur vésicaie.

xxvi 26

398

KAUZ1ER ET BAUMEL

Les règles sont régulières, peu abondantes, non douloureuses.

Dans les antécédents personnels nous relevons un accouchement en août

1912, à terme (enfant en bonne santé), mais qui eut comme suites, aux

dires de la malade, une infection puerpérale (frissons, fièvre à grandes oscilla-

tions pendant un mois environ). Auparavant V. A... jouissait d'une bonne

santé. On ne note ni éthylisme ni spécificité ; pas de fausses couches, de maux

de gorge. D'ailleurs le Wassermann fait dans le service a été négatif. On ne

relève pas non plus de traumatisme crânien.

A l'examen on est d'abord frappé de l'aspect déprimé et presque cachectique

de la malade, qui paraît beaucoup plus que son âge.

La face est asymétrique, surtout dans la zone du facial inférieur ; il semble

qu'il y ait une paralysie faciale gauche. Cette apparence est bientôt transfor-

mée en certitude.il y a impossibilité à faire la grimace unilatérale de ce côté.

L'orbiculaire des lèvres résiste beaucoup moins à gauche qu'à droite quand on

veut essayer de l'ouvrir malgré la volonté dela patiente. La bouche est oblique,

ovalaire, à grosse extrémité droite. La langue se meut très bien dans les deux

sens, ne paraît pas déviée. Le voile du palais est contractile ; cependant il y a

difficulté pour boire et on note de l'engouement.

Le facial supérieur est également atteint, les rides frontales sont moins

nettes à gauche. L'oeil droit se ferme très bien ; il y a un certain degré de pa-

ralysie du côté de la paupière gauche, qui ne peut être complètement abaissée

et que l'observateur ouvre facilement, ce qui est impossible à droite.

Du côté des membres supérieurs et inférieurs, la motilité spontanée est nor-

male ; la marche se fait sans difficulté, mais le membre supérieur gauche est

nettement plus faible que le droit (mouvements empêchés, opposition du pouce

et du médius) dans tous les segments. Cette différence ne se perçoit pas aux

membres inférieurs.

Les réflexes sont vifs des deux côtés aux membres supérieurs. Il en est de

même des rotuliens. Le Babinski se fait en flexion des deux côtés.

Les pupilles sont dilatées, inégales, la gauche plus grande que la droite.

TUBERCULOMES MULTIPLES DU CERVEAU ET DES MENINGES 399

Elles semblent se contracter mais sont très paresseuses. Pas de strabisme ni de

paralysies oculaires.

La sensibilité dans tous ses modes est normale et égale des deux côtés.

Le signe de Kernig est très net.

L'examen des autres appareils ne révèle rien. Au coeur, légère tachycardie

avec cardiasthénie. Pouls mou et dépressible à 92. Pas de signes pulmonaires.

Appareil digestif normal.

Les jours suivants, l'état fébrile à grandes oscillations se maintient. L'incon-

tinence d'urine est permanente et due à une rétention vésicale, la malade

urine par regorgement. La céphalée, vive au début, a été bien calme par la ponc-

tion lombaire, mais la constipation est opiniâtre. Les lavements ne réussissent

pas à faire aller à la selle.

Le 18 avril, l'aggravation est presque subite, le pouls monte à 160, de plus

en plus dépressible, l'asthénie cardiaque est très marquée. On continue à

sonder la vessie, mais la mort ne tarde pas à survenir. Elle a lieu dans la nuit

du 21 au 22 avril 1913.

, Analyses d'urines.

4UU' ' RAUZIER ET BAUMEL -

des méninges) sur leur surface interne la présence de 3 volumineuses néoforma-

tions qui y sont appendues comme des grappes de raisin nune treille. Ces tu-

meurs, qui ont une consistance ferme, sont de la grosseur d'une bille à jouer.

Le corps de la 78 dorsale a subi une transformation purulente presque totale,

et il est facile de se rendre compte que l'abcès qui bombait dans le canal ra-

cbidien se continue par son intermédiaire avec une poche purulente qui a le

volume d'un oeuf de poule.

Les vertèbres sus et sous-jacentes sont intactes.

A l'ouverture du crâne, rien d'anormal ; le cerveau est légèrement diffluent ;

on ne trouve pas trace d'exsudats méningés à la base. Mais, une palpation mé-

thodique de la masse encéphalique, on a la sensation qu'il y a des parties beau-

coup plus résistantes que d'autres, et ces portions dures donnent l'impression

de corps plus ou moins arrondis (PI. LUI).

FIG. I. Face interne des méninges t t' t", tuberculomes en grappes.

Nouvelle Iconographie de la Salpêtrière.

T. XXVI. PL LUI

TUBERCULOMES MULTIPLES DU CERVEAU ET DES MÉNINGES

Hémisphère droit. t, tuherculome de la couche optique. ? tuberculomes des lobes occipitaux.

(G. Ralszier et J. Baulllel)

Nouvelle Iconographie DE la SALPÊIRILRE.

T. XXVI. Pl. LI\'

TUBERCULOMES MULTIPLES DU CERVEAU ET DES MÉNINGES

A. Hémisphère droit. Tuberculomes de la frontale ascendante : m, dans le centre du membre

supérieur ; f, dans le centre de la face.

B. Cervelet. t, tuberculome.

(G. Ratifier et J. Baumel)

Masson & Cie, Éditeurs.

TUBERCULOMES MULTIPLES DU CERVEAU ET DES MÉNINGES 401

Par une coupe médiane on sépare les deux hémisphères l'un de l'autre et, à

la partie inférieure de l'hémisphère droit, on a la même sensation de corps

résistant déjà éprouvée au niveau de l'écorce ; en faisant une pression un peu

plus forte, on énuclée de la couche optique, dans laquelle elle était logée, une

masse arrondie du volume d'une grosse noisette, assez régulière. Le noyau

caudé et le corps strié sont normaux (Voir PI. LIV, coupe longitudinale du

cerveau).

Toujours dans l'hémisphère droit, et aux endroits où on perçoit une résis-

tance identique, on arrive à énucléer une dizaine de corps semblables, siégeant

pour la plupart dans la région occipitale et quelques-uns (deux ou trois dont un

aussi volumineux que celui trouvé dans la couche optique) au niveau de la fron-

tale ascendante, au voisinage de la scissure de Rolando où il occupait les centres

moteurs de la face et du membre supérieur gauche. Deux autres sont retrouvés

dans les lobes frontaux. Il n'y a rien dans le lobe temporal.

Le cerveau gauche ne présente rien de semblable.

Des coupes perpendiculaires et parallèles, faites dans toute la masse encé-

phalique, ne décèlent ni épanchement sanguin ni ramollissement ; à peine

note-t-on un léger ponctué hémorragique disséminé dans toute la substance

blanche.

Dans le cervelet on sent une induration au cerveau du lobe droit. Le vermis

et le lobe gauche sont intacts. Par une coupe pratiquée sur l'induration perçue

on tombe sur une masse identique aux précédentes, de la grosseur d'un gros

pois (Pl. LIV).

A l'ouverture de la cavité thoracique, le coeur est petit mais normal ; la

plèvre et les poumons sont remplis d'un semis de granulations, mais il n'y a

pas de cavernes.

Dans l'abdomen on retrouve la même éruption granulique au niveau du

péritoine et de l'intestin. Il n'y a pas d'ascite. Le foie est sain, pèse 1.300 gr.,

n'a pas de tubercules ou de granulations dans son parenchyme. Il en est de même

des reins (substance corticale et médullaire normale), qui pèsent, le gauche

120 grammes, le droit 130, et de la rate qui fait 90 grammes.

Après enlèvement de tous ces organes on, arrive sur la colonne vertébrale

et on retrouve la poche purulente qui partait du corps de la 7e vertèbre dorsale ;

elle est du volume et de la forme d'une grosse poire et fait saillie dans le

thorax. -

Étude microscopique. - L'examen microscopique des pièces pratiqué au

laboratoire d'anatomie pathologique avec M. le docteur Ed. Bosc, montra que

les tuberculomes étaient formés d'un magma caséeux comprenant çà et là quel-

ques restes de cellules géantes détruites. A la périphérie de la masse caséifiée,

se trouvait une zone d'infiltration qui faisait le tour du granulome, mais dans

laquelle il n'y avait pas de cellules géantes. Une coloration au Ziehl a décelé

de nombreux bacilles de Loch.

Les méninges dures présentent un stroma conjonctif qui forme charpente

et dans lequel se trouvent des vaisseaux très nombreux, dilatés et gorgés de

sang. Sur toute l'étendue il y a une infiltration des méninges très intense,

'402 RAUZ1ER ET BAUMEL

mais pas de cellules géantes. L'infiltration est à prédominance polynucléaire.

Une coupe de la moelle au niveau de la 7e dorsale, à l'endroit où la portion

antérieure de cette partie du névraxe était en contact avec l'abcès pottique

signalé précédemment, montre que les méninges molles sont fortement épais-

sies et infiltrées de nombreux polynucléaires ; on y retrouve quelques cellules

géantes. Il y en a une dans la moelle elle-même, en pleine substance blanche,

au voisinage de la corne antérieure.

Le symptôme le plus important relevé dans l'histoire clinique que nous

venons de rapporter est sans contredit la présence de crises comitiales.

Mais ici, il nous est permis d'éliminer d'emblée comitialité essentielle.

Les paroxysmes ont apparu, depuis six ou sept mois environ, chez une

femme âgée de 25 ans, et qui, dans son enfance, n ! a présenté ni attaques

ni équivalents épileptiques. Nous nous trouvons donc en présence d'une

épilepsie symptomatique, mais symptomatique de quoi ? Telle est la ques-

tion qui se pose la première.

A priori. il serait séduisant de rattacher cette comitialité à une in-

suffisance rénale. Les urines sont purulentes, contiennent quelques traces

d'albumine.Or l'urémie peut s'accompagner de céphalée,de troubles visuels,

de paralysies plus ou moins complètes, de Kernig (méningites urémiques

de Lépine). 11 semblerait que tous les symptômes constatés sont suscepti-

bles de recevoir de cette manière une explication suffisante. Malheureuse-

ment,contre l'origine rénale des accidents, nous avons trois signes capitaux.

D'abord l'absence de cylindres dans le culot urinaire obtenu après centri-

fugation. Déplus, l'urémie évolue presque toujours avec une température

normale, voire même hypothermique. Ici nous avons de la fièvre (Voir la

courbe). Enfin, nous ne trouvons aucune trace de rétention urémique. Le

tableau des analyses d'urine montre que l'élimination d'urée par cette voie

est satisfaisante. Le dosage de l'urée dans le liquide céphalo-rachidien (0.1

centigr.) montre que cette substance se trouve dans l'organisme à des doses

normales. On sait en effet que la quantité d'urée contenue dans ce liquide

est égale à celle contenue dans le sang. Il n'y a donc pas urémie au sens

propre du mot, ce terme signifiant rétention d'urée dans le sang elles hu-

meurs.

Etant donné que nous pouvons dissocier les signes observés en deux

grandes catégories, des symptômes cérébraux (céphalée, troubles visuels,

paralysies de la face et du membre supérieur gauches) des symptômes

médullaires (Kernig et troubles sphinctériens),nous nous trouvons en pré-

sence d'une affection cérébro-spinale.

, Celle-ci peut être syphilitique, méningococcique, tuberculeuse ou

TUBERCULOMES MULTIPLES DU CERVEAU ET DES MENINGES 403

consécutive à une infection banale, puerpérale en l'espèce. En faveur de

cette dernière, il existe bien, semble-t-il, tout à fait au début des accidents,

un accouchement avec état fébrile consécutif, mais il ne parait pas y avoir

eu infection puerpérale nette. Il n'a été noté aucun trouble utérin (réten-

tion de membranes, hémorragies), il n'y a jamais eu de suppuration quel-

conque.

L'absence de fausses couches, le Wassermann négatif font éliminer la sy-

philis.

Restent la tuberculose et la méningococcie. Contre cette dernière nous

avons la longueur de l'évolution. On a bien signalé des méningites à

méningocoques qui évoluaient très lentement, six mois et plus, mais,

nous ne relevons aucune trace d'épidémie locale dans l'entourage de la

malade. Le liquide de la rachicentèse est clair, ne renferme aucun diplo-

coque. La réaction albumineuse est loin d'être aussi abondante que dans

les cas où le microcoque de Weichselbaum est en cause. Cependant les

recherches cytologiques et chimiques montrent qu'il existe plus qu'un

processus méningé marqué ; il y a méningite au sens propre du mot.

Après les éliminations successives que nous venons de pratiquer, il ne

reste guère que la possibilité d'une serite bacillaire pour expliquer tous

les symptômes que nous venons d'observer. Aussi, malgré les recherches

négatives du bacille de Koch dans le liquide de ponction lombaire, recher-

ches directes et indirectes (1), est-ce le diagnostic qui fut porté. Pour

avoir plus de garanties, une inoculation au cobaye fut pratiquée. Avant la

vérification de cette dernière, nous avons eu la bonne fortune de pouvoir

faire des constatations anatomiques chez Morgagni, qui furent du plus

haut intérêt.

Nous trouvons tout d'abord l'existence d'un mal de Pott tuberculeux

au niveau de la 7" dorsale, avec abcès confluent. Le tout avait passé com-

plètement inaperçu pendant la vie. Des recherches méthodiques du côté

de la colonne vertébrale n'avaient pas révélé de douleur à la percussion

des apophyses épineuses. Il n'y avait pas la moindre gibbosité. La malade.

ne se plaignait d'aucune sensation subjective pouvant mettre sur la voie

de ce diagnostic. Seul un signe pouvait être rapporté à la lésion verté-

brale, et encore dans notre cas il relevait tout autant sinon plus de la

méningite que de l'ostéite,-nous voulons parler du Kernig.

L'abcès ossifluent bombait à la fois dans le thorax et dans le canal sous-

arachnoïdien ; mais, malgré que la surface antérieure de la moelle à ce

(1) Plusieurs ensemencements qui furent négatifs. Nous regrettons de ne pas avoir

connu le milieu de Besredka présenté le 26 mai 1913 à l'Académie des sciences, pour

faire pousser en 24 heures le bacille de Koch. Avec lui, peut-être aurions-nous été

plus heureux.

404 RAUZIER ET BAUMEL .

niveau fut comprimée et corrodée, et que la substance médullaire fut

atteinte par le processus tuberculeux (granulations dans le voisinage de

la corne antérieure), il n'existait pas de cloisonnement sous-arachnoïdien

et par suite pas de syndrome de Widal et Froin. Il y avait hyperalbumi-

nose et hyperocytose, donc lésion durale (Sicard et Soix).

La lésion durale était-elle tuberculeuse ? L'examen chimique du liquide

céphalo-rachidien, si l'on s'en tient aux règles formulées par Mestrezat à

ce sujet, devait faire répondre non. Toutefois n'est-il pas trop absolu de

proclamer que la méningite tuberculeuse se caractérise par un abaissement

du taux des chlorures au-dessous de 6 pour 1.000 ? En médecine rien n'est

absolu, et peut-être aurait-il intérêt à dire simplement que la serite ba-

cillaire s'accompagne d'une hypochlorurie souvent plus marquée que dans

ies autres méningites, allant avec une hyper-albuminose moindre.

On pourra bien nous dire que les méninges ne présentaient aucune lé-

sion spécifique, que la recherche du bacille de Koch avait été négative,

que nous avions affaire à une méningite chez une tuberculeuse, que

les altérations méningées étaient tout au plus susceptibles de relever d'une

atteinte de la séreuse par les toxines du bacille de Koch. En un mot que

nous avions une méningite tuberculinique et non une méningite tubercu-

leuse. Nous répondrons que les bacilles de Koch étaient nombreux dans

les tuberculomes enlevés, que la réaction polynucléaire et non lymphocy-

taire était plus en faveur d'une lésion due au bacille de Koch qu'à des

toxines.Lorsque ces dernières sont seules en jeu la réaction est lymphocy-

taire, le processus est plus torpide, plus atténué et ne fait pas réagir

la séreuse de la même façon. Enfin, fait capital, l'inoculation au cobaye fut

positive; une méningite tuberculinique n'aurait pas donné ce résultat.

Nous ne croyons pas, d'ailleurs, que l'examen chimique du liquide céphalo-

rachidien permette de différencier ces deux sortes d'atteinte méningée.

L'intérêt de ce cas ne résidait pas seulement dans la moelle,les méninges

rachidiennes et les vertèbres dorsales. L'ouverture du crâne nous réser-

vait d'autres surprises : la présence d'une douzaine de tuberculomes iden-

tiques aux tubercuiomes méningés et répandus dans la masé encéphalique

droite.

La diffusion des lésions expliquait la diversité des symptômes observés

et la difficulté à poser un diagnostic avant une vérification anatomique.

L'un de nous a montré récemment dans une étude sur les tuberculomes

du cervelet la rareté d'après Allen Starr des tuberculomes multiples de

l'encéphale (7 fois sur 41 cas).

Si les troubles paralytiques et jacksoniens pouvaient être expliqués

facilement par les deux tumeurs siégeant au voisinage de l'écorce dans

la frontale ascendante, au niveau des centres droits du membre supérieur

TUBERCULOMES MULT1PLFS DU CERVEAU ET DES MÉNINGES 4 os

et de la face; si les troubles visuels trouvaient leur justification dans la

lésion des lobes occipitaux et à la rigueur de la couche optique, il n'en

reste pas moins que nous n'avions pas de troubles psychiques malgré

l'atteinte des lobes frontaux (présence de 3 tuberculomes), que nous ne

relevions pas de syndrome cérébelleux même fruste malgré la lésion de

l'hémisphère droit du cervelet. En dépit de l'existence des tumeurs situées

dans la partie postérieure des cavités crâniennes nous n'avions pas le

moindre trouble des sensations gustatives.

Enfin, seul l'hémisphère droit était intéressé comme nous l'avons déjà

dit d'ailleurs. Le gauche était absolument intact, ce qui permettait d'ex-

pliquer l'absence d'aphasie malgré les lésions de la frontale ascendante et

surtout du centre de la face.

De cet ensemble de faits assez compliqués il se déduit naturellement

qu'un diagnostic rigoureusement exact était impossible à atteindre par

l'analyse clinique seule.

Notons que, parmi les moyens thérapeutiques employés, la ponction

lombaire a été le seul qui ait été suivi de quelque soulagement. La cépha-

lée fut bien amendée par soustraction de 20 centimètres cubes de liquide.

Celte évacuation n'amena pas le moindre malaise. Notre malade était

cependant atteinte de plusieurs tumeurs cérébrales. Nous n'avions pas

fait ce diagnostic, par suite nous ne pouvions guère nous méfier de la noci-

vité possible de la rachicenlèse. Ceci montre bien, une fois de plus, que

cette dernière ne doit pas être systématiquement bannie de la thérapeu-

tique palliative des tumeurs cérébrales, et, en terminant, nous ne pour-

rions mieux faire que de donner ici les conclusions de Sicard, reprises

récemment par l'un de nous dans sa thèse de doctorat. « La ponction

lombaire n'est dangereuse, dans les néoplasmes (1) de l'encéphale, que

tout autant que les troubles de l'équilibre sont augmentés parla position

couchée. »

En somme, les tuberculomes des méninges et du cerveau étaient secon-

daires à la lésion vertébrale. La mort survint du fait de la généralisation

du processus tuberculeux au milieu d'une véritable granulie.

BIBLIOGRAPHIE

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suivie d'injection médicamenteuse sous-arachnoïdienne, Coulet et fils éditeurs, Mont-

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et P. tiRVh.ILIIP : . - Paraplégie spasliqae par compression médullaire extra-durale

chez un syphilitique. Dissociation llibumino-cytologiqne du liquide céphalo-rachidien,

Soc. des Sciences médicales, Montpellier, 1913.

(1) Par ce terme, nous entendons toutes les tumeurs cérébrales.

406 RAUZ1ER ET BAUMEL

BESREDKA. Etude sur le bacille tuberculeux, Académie des sciences, 26 mai 1913.

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partie postérieure des cavités crâniennes, Mitt. a. d. Grenzgebiet d. Mediz. u. Chi-

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STARR. - La chiruigie de l'encéphale. Trad. Chipault, 1895.

IIOSPICE DE BICÊTRE

UN CAS D'AGÉNÉSIE PARTIELLE DU CORPS CALLEUX

· PAR R

J. ROUBINOVITCH et A. BARBÉ

Médecins de Bicêtre.

L'absence du corps calleux à déjà été signalée dans un grand nombre

d'observations, et sa constatation n'aurait qu'un intérêt relatif s'il n'était

paru à ce sujet, il y a trois ans, un travail d'ensemble sur lequel nous

aurons l'occasion de revenir tout à l'heure et qui mettait en question le

point de savoir s'il y a vraiment une agénésie complète du corps calleux.

C'est en considération de ce point anatomique et embryologique récem-

ment discuté que nous publions aujourd'hui l'observation d'un enfant dont t

l'examen du cerveau permet d'apporter une contribution à cette recher-

che.

Comme ledit très justement Lévy-Valensi (Thèse Paris, 1910), c'est

généralement chez des idiots que l'on constate l'agénésie et l'atrophie du

corps calleux, et nous avons recherché dans les publications de Bourne-

ville (recherches cliniques et thérapeutiques sur l'épilepsie, l'hystérie et

l'idiotie), si cet auteur n'avait pas mentionné des résultats de ce genre à

l'autopsie des enfants morts dans son service : nous en avons relevé deux.

Le premier se trouve dans le volume publié en ,1902 (Cas. Bea...) et

concerne un enfant de seize ans, atteint d'idiotie avec rachitisme et mort

de tuberculose généralisée. Le crâne était en forme de trigone, les os peu

épais, durs, avec de nombreuses plaques transparentes ; il avait une

synostose des trois quarts de la suture interhémisphérique, une petite

tumeur sur les plexus choroïdes et une absence complète du corps calleux.

Quant à la seconde observation, elle se trouve page LXXXI de l'année 1904

(cas IIam...) et se rapporte à un enfant de dix-sept ans, atteint d'imbécil-

lité avec hémiplégie gauche, épilepsie, et mort par congestion pulmonaire.

L'observation résumée mentionne : os du crâne durs, moitié plus épais à

droite qu'à gauche; pas de synostose. Atrophie considérable de l'hémis-

phère cérébral droit, sa longueur est de douze centimètres (celle de l'hé-

misphère gauche est de 19). Il offre une sclérose vermicellée occupant

tout le lobe frontal. Le lobe pariétal et le lobe occipital sont séparés par

une bande de sclérose qui a envahi tout le lobe temporal. Absence du

408 ROUBINOVITCH ET BARBE

corps calleux; atrophie du lobe gauche du cervelet. Plus récemment,

Kotzowsky (Journal de Neuropatloloio et de Psychiatrie du nom de

S. S. Korsakoff, I. 4, 1910) a trouvé, à l'autopsie d'un vieil épileptique,

une absence partielle du corps calleux.

Il nous reste maintenant à parler du travail auquel nous faisions allu-

sion plus haut : c'est celui de Lasalle-Archambaultclui, dans une publica-

tion parue dans la « Nouvelle Iconographie de la Salpêtrière » (septembre-

décembre 1910) sous le titre de : Contribution il l'anatomie et à la patho-

génie de la soi-disant agénésie du corps calleux, mettait en doute l'absence

complète du corps calleux et soutenait que dans les cas publiés, il ne s'a-

gissait que d'une absence partielle de cet organe. Dans ses conclusions,

Lasalle-Archambault disait que, dans les cas de soi-disant agénésie du

corps calleux, il ne s'agit que d'une absence de la commissure calleuse

proprement dite. Cette dernière proposition nous a paru tout à fait con-

forme au casque nous avons observé. Voici d'abord l'observation clinique

(résumée) :

Guerr..... Valentin, né en 1908, entra à l'hospice de Bicêtre au mois

d'octobre 1912 pour idiotie complète, station debout et marche impossi-

bles, par défaut d'équilibre. Son intelligence est nulle; il ne comprend

rien, ne parle pas, ne peut manger seul, et porte avec difficulté les objets

à sa bouche; il ne marche pas et replie ses jambes sur lui-même si on

veut le mettre debout; s'intéresse peu à ce qui l'entoure, est indifférent.

Gâtisme continuel, meurt le 7 février 1913 de broncho-pneumonie.

Autopsie le lendemain.

AUTOPSIE (PI. LV et LVI)

Cerveau : il n'y a pas de différence sensible entre le volume de l'hémis-

phère droit et celui de l'hémisphère gauche; quand on écarte légèrement

les deux hémisphères l'un de l'autre en regardant le cerveau par sa face

convexe, on ne voit pas de traces du corps calleux dans le fond de la scissure

interhémisphérique,les circonvolutions de la face externe.de la face interne,

et de la face inférieure de chaque hémisphère ne présentent rien de par-

ticulier à signaler. Si l'on examine ensuite la face interne des deux hémis-

phères,après les avoir séparés, on constate sur chacun d'eux le fait suivant :

au-dessous de la circonvolution du corps calleux se voit une forte dépres-

sion, s'enfonçant très avant dans l'hémisphère et occupant tout l'espace

compris entre celte circonvolution et la couche optique. En avant cepen-

dant de celle-ci'se voit une membrane mince, coupée au niveau de sa ligne

médiane, et qui n'est très vraisemblablement qu'un vestige du trigone;

en somme, au niveau de la ligne médiane, on ne constate aucun vestige de

VtiVELIE ICONOGRAPFItE DE LA SALPTRIÎ HE. T. XXVI li. 1, !

Hémisphère gauche.

Hémisphère droit.

AGÉNÉSIE PARTIELLE DU CORPS CALLEUX

(J. Roubinouitcb et A. Barbe)

Masson et Cie, Editeurs

NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALI> ? r R11 RE.

T. XXVI. l'1. LVI

AGÉNÉSIE PARTIELLE DU CORPS CALLEUX

(G. Roubinozuitcb et A. Barbé)

Masson & Cie, Éditeurs.

UN CAS D'AGÉNÉSIE PARTIELLE DU CORPS CALLEUX 409 9

la commissure calleuse. Si maintenant,nous faisons une coupe horizontale

des deux hémisphères, coupe, passant un peu au-dessus des cuuchesopti-

ques et par conséquent au point présumé où devrait se trouver le corps

calleux, on voit qu'il subsiste une bande de substance blanche s'étendant

le long de la paroi interne du ventricule latéral et joignant le lobe frontal

au lobe occipital. Il y a donc un vestige du corps calleux dans chaque

hémisphère, et ceci nous amène à cette constatation que s'il n'y a pas de

commissure unissant les deux parties symétriques du cerveau, chacune

d'elles a cependant un système d'association qui lui est propre.

Dans ces conditions, l'examen de cette pièce nous paraît être une nou-

velle confirmation de l'opinion de Lasalle-Archambault, à savoir que dans

ce cas qui aurait pu faire croire à une agénésie complète du corps calleux,

il n'y avait en réalité qu'une absence de la commissure calleuse propre-

ment dite.

Ajoutons que l'examen en série de la protubérance annulaire, du bulbe

rachidien et de la moelle épinière, étudiés par la méthode deWeigert-Pal

pour la myéline, l'hématéine-éosine, et le picrocarmin, ne nous ont révélé

aucune altération de ces différentes parties du névraxe.

DIABÈTE INSIPIDE ET INFANTILISME

RÔLE PROBABLE DE L'HYPOPHYSE

par

P. LEREBOULLET, M. FAURE-BEAULIEU et E. VAUCHER.

L'attention des cliniciens s'est fixée avec une prédilection toute parti-

culière, au cours de ces dernières années, sur les syndromes liés aux

lésions ou aux troubles fonctionnels des glandes à sécrétion interne. Dans

les cadres de cette nosologie endocrinienne, aujourd'hui incomplète et

en partie provisoire, sont venus se ranger plusieurs syndromes jusqu'alors

obscurs d'interprétation. La tendance primitive fut de rapporter chacun

d'eux à la lésion d'une glande endocrine ; mais on sait maintenant que

très souvent plusieurs glandes à sécrétion interne sont prises simultané-

ment : celle conception des syndromes pluriglandulaires, émise d'abord

par MM. Claude et Gougerot (1), développée depuis dans de nombreux

travaux groupés dans l'importante thèse de Sourdel (2), prend de jour

en jour plus d'importance, si bien qu'il y a déjà trois ans M. le professeur

Grasset pouvait écrire (3) : « L'insuffisance isolée d'une seule glande à

sécrétion interne apparaît de plus en plus comme une rareté ou une

création artificielle... Je crois que le groupe des syndromes pluriglandu-

laires est destiné à envahir de plus en plus, si même il ne remplace pas

un jour, tous les autres. » Voilà ce qui confère à ce nouveau chapitre de

la pathologie interne une complexité souvent déroutante.

Ces syndromes endocrines peuvent revêtir deux types principaux.

Tantôt il s'agit de syndromes dystrophiques : parmi ceux-ci un des plus

importants est l'infantilisme, dont on avait, au nom de la seule clinique,

isolé plusieurs modalités assez tranchées, et dont commencent à se dégager

(1) Il. CLAUDE. Syndrome d'hyperfonctio1lnernent des glandes vasculaires sanguines

chez les acromégaliques, Soc. de Biol., 28 octobre 1905.

II. CLAUDE et GOUGEROT, Insulfisanse pluriglanclulaire endocrinienne, Journal de

physiol. et de pathol. générales, 3 mai 1908 (deux mémoires).

(2) Voir surtout M. SouRDEL, Contribution à l'élude anatomo-clinique des syndromes

pluriglandulaires, Th. de Paris, 1912. On trouvera dans cette remarquable thèse une

bibliographie complète de la question.

(3) J. Grasset, Traité de physio-palhologie clinique, 1910, t. 1, p. 630.

DIABÈTE INSIPIDE ET INFANTILISME 411 1

des variétés anatomo-cliniques, selon que le substratum lésionnel primi-

tif réside en telle ou telle glande endocrine : thyroïde, testicule, hypo-

physe.

Tantôt il s'agit de perturbations profondes du métabolisme : parmi

celles-ci la plus étudiée est le diabète sucré,-dont on entrevoit maintenant

la relation fréquente avec des lésions des glandes à sécrétion interne.

Nous observons précisément, depuis plusieurs mois, un malade qui

présente un mélange de troubles dystrophiques à type d'infantilisme, et

de troubles métaboliques à type de diabète insipide. Certaines particu-

larités cliniques, et notamment cette coexistence de diabète insipide et

d'infantilisme, nous induisent à admettre en l'espèce, comme ]J1'imum

movens des troubles observés, une altération de l'hypophyse, sans nier

toutefois que l'atteinte simultanée d'autres glandes, en particulier des

glandes génitales, soit de nature à faire rentrer notre cas dans le vaste

cadre des syndromes pluriglandulaires.

Voici l'observation de notre malade.

Le malade BI... Fernand,21 ans,entre à l'Hôpital Privé (Fondation Chaptal)

le 8 janvier 1913. Ses parents sont bien portants, sa mère a eu 6 enfants tous

vigoureux et normaux. Le malade a une soeur jumelle normale, mariée et

mère d'un enfant bien portant. Aucun des membres de cette nombreuse

famille ne présente d'anomalie congénitale ni acquise et en particulier aucun

symptôme d'hérédosyphilis ou d'hérédo-tuherculose.

Lui-même a eu la coqueluche et la rougeole dans son enfance et à 12 ans

une éruption généralisée de furonculose. Jusqu'à l'âge de 14 ans il s'est déve-

loppé normalement ; à cette époque, il fit une chute dans l'eau froide en tom-

bant d'un canot et resta dans l'eau 4 à 5 minutes. Il fait remonter cette chute

et à la frayeur qu'il ressentit alors tous ses accidents. Peu de temps après

celte chute, il commença à éprouver une polydypsie très intense, et à uriner

7 à 8 litres par jour. Cette polydypsie et cette polyurie ont persisté depuis lors ;

jamais l'analyse des urines n'y a révélé de sucre ni d'albumine.

Vers l'âge de 16 ans, ses dents tombèrent presque toutes à la fois; cette-

chute des dents fut précédée d'ulcérations gingivales très douloureuses avec

perte de substance. Les dents déchaussées tombaient une à une bien que très .

saines et nullement cariées. Lorsque toutes les dents furent tombées, en l'es-

pace de quelques mois, les lésions buccales se cicatrisèrent et n'ont plus reparu

depuis.

A 18 ans survint une poussée éruptive généralisée. Cette poussée revêtait

des caractères différents suivant les régions du corps.Sur le thorax et les mem-

bres c'étaient des lésions rouges prurigineuses et non suintantes ; au niveau des

plis interfessiers et du scrotum la rougeur était plus intense et s'accompagnait

de douleurs et d'un suintement persistant.

Enfin, au pourtour des lèvres, des oreilles, dans les aisselles et au pourtour

immédiat de l'anus, il existait de véritables ulcérations assez profondes. De-

412 LEREBOULLET, FAURE-BEAULIEU ET VAUCHËR

vant l'insuccès des moyens de traitement habituels par les pommades on re-

courut à la radiothérapie qui provoqua une cicatrisation rapide de ces ulcé-

rations.

Depuis cette époque, à diverses reprises, les ulcérations buccales et anales

reparurent, et chaque fois guérirent par la radiothérapie. Mais depuis le mois

de mai dernier elles reparaissent constamment, et comme la peau du sujet ne

supporte plus guère les rayons X, il se décide à entrer à l'Hôpital Privé. En

dehors de ces éruptions cutanées, qui ont surtout attiré l'attention du malade,

sa famille nous raconte qu'elle a toujours été frappée par l'aspect infantile du

sujet, contrastant avec l'aspect tout à fait normal de ses frères et soeurs.

Le médecin qui le suit depuis son enfance a remarqué que les testicules ne

se sont jamais développés et que le sujet n'a jamais présenté aucun des carac-

tères sexuels secondaires.

En outre ce médecin a constaté chez lui depuis plusieurs années des signes

de bacillose indiscutables des sommets. Ces lésions du poumon ont du reste

progressé pendant le séjour du malade à l'Hôpital Privé.

On est frappé dès le premier abord d'un certain nombre de particularités.

C'est un sujet de taille plutôt petite (1 m. 53) qui présente un aspect à la fois

juvénile et sénile. Il a l'air d'un enfant car sa peau est glabre et rappelle ceile

d'une vieille femme. Il est aussi ambigu au point de vue de l'âge qu'à celui

du sexe (PI. LVII).

Un autre caractère qui attire l'attention est le développement du système

adi peux en certains points du corps (fesses et ventre). Au niveau des mem-

bres les masses musculaires sont peu saillantes, et la graisse assez abondante,

si bien que ses membres ont un aspect fuselé féminin. Malgré le développe-

ment de la graisse en certaines régions, la peau n'est nullement infiltrée com-

me celle des myxoedémateux. Les photographies, que nous devons à l'obli-

geance de M. Cliabert mettent bien en lumière ces particularités morpho-

logiques.

La face n'est pas bouffie, les traits sont bien accentués ; il existe des bour-

relets graisseux derrière l'angle des mâchoires, au niveau du menton et près

des ailes du nez. La peau* du visage n'offre pas de rides anormales. Dans la

région du front et des commissures palpébrales elle est légèrement froide et

rugueuse au toucher. La cloison du nez est légèrement déviée vers la gau-

che. Au niveau des paupières on remarque des traces d'eczéma chronique,

les yeux ne sont pas anormalement saillants. Les dents sont absentes, et il

existe au niveau des maxillaires une résorption des arcades dentaires, com-

me sur une mâchoire de vieillard ; cependant une dent de sagesse a poussé

récemment au niveau de la mâchoire inférieure à droite. Il n'existe pas ac-

tuellement d'ulcérations gingivales ni buccales ; on remarque au pourtour des

lèvres les cicatrices des ulcérations péribuccales anciennes. Les cheveux roux,

d'une abondance normale, sont bien plantés, il existe des poussées fréquent

tes d'eczéma au niveau du cuir chevelu, les cils et les sourcils sont bien déve-

loppés. Les lèvres, le menton et les joues sont glabres ; le malade dit n'avoir

jamais eu de poils sur la face. Au niveau du cou on ne sent pas les lobes du

NOUVEL ! Iconographie DE la SALPÊIRILHE.

T. XXVI. l'1. L\'1

DIABÈTE INSIPIDE ET INFANTILISME

Rôle probable de l'hypophyse.

(P. Lereboitllet, M. Faure-Beaulieu et E. Faucher)

Masson et Cie, Editeurs

DIABÈTE INSIPIDE ET INFANTILISME - 413 a

corps thyroïde sur les côtés de la trachée. Les mains sont un peu allongées

et peu musclées, un peu grasses au niveau des paumes et des premières pha-

langes digitales, tandis que l'extrémité des doigts est mince comme celle des

doigts de femme.

Sur le dos des mains la peau est légèrement craquelée, froide et sèche; du

côté des ongles il n'y a pas de troubles trophiques. Les aisselles sont presque

entièrement glabres, on y remarque cependant quelques rares poils qui ont

poussé vers l'âge de 18 ans.

Le thorax est bien constitué, sans déformation du squelette ni du rachis, le

pannicule adipeux e,t normalement développé au niveau des seins, le mamelon

et l'aréole sont à peine indiqués.

Au niveau des membres inférieurs on remarque simplement la saillie parti-

culièrement marquée des fesses et le peu de développement des masses mus-

culaires ; la peau est normale et il n'existe pas de troubles trophiques du côté

des ongles des pieds.

Les organes génitaux sont à peine développés ; ils ne l'ont jamais été et

n'ont pas subi de régression. Le scrolum a la taille de celui d'un enfant, le

testicule droit réduit au volume d'une noisette ne présente pas la sensibilité

spéciale à la pression, on ne sent pas l'épididyme séparé du testicule.

Le testicule gauche, plus petit que le droit, se trouve au niveau de l'orifice

du canal inguinal. La verge présente à peine le volume d'un doigt. Il n'existe

aucun poil dans la région pubienne. Le malade n'a jamais eu ni désirs sexuels,

ni érections, ni éjaculations. La voix est enfantine, très grêle ; elle n'a jamais

mué. '

La peau du corps ne présente pas de pigmentation anormale, il n'existe pas

non plus de taches pigmentées au niveau des muqueuses. Disséminées sur le

thorax, les bras et les membres inférieurs, on remarque des lésions eczéma-

teuses très prurigineuses, non suintantes, très rebelles au traitement par les

pommades. Au niveau de la dépression anale il existe trois ulcérations déchi-

quetées, peu profondes, à bords anfractueux, séparées par un intervalle de

peau rouge et tuméfiée. Le fond de ces ulcérations très enflammées sécrète

une sérosité mêlée de pus. Tout autour de ces ulcérations et dans toute l'éten-

due du pli interfessier, la peau est rouge et enflammée, au niveau des plis in-

guinaux-cruraux il existe une zone rouge et suintante sans ulcération nette.

La peau du scrotum présente également des lésions eczématiformes.

Le malade transpire très peu, il n'a presque jamais de sueurs même lorsqu'il

se livre à un exercice violent dans un endroit très chaud ; il se plaint d'être

très spécialement sensible au froid depuis son enfance. L'examen du système

nerveux est entièrement négatif, les réflexes tendineux, cutanés et oculaires

sont normaux. Il n'y a pas d'hémianopsie bitemporale ni d'autres troubles de

la vision ; l'examen du fond de l'oeil ne révèle rien d'anormal à la papille.

L'examen viscéral révèle au niveau des poumons des lésions certaines de

bacillose au second degré du sommet droit vérifiés par l'examen radioscopique.

Les crachais contiennent des bacilles de Koch. Il existe en outre des frotte-

xxvi 27

414 LEREBOULLET, FAURE-BEAULIEU ET VAUCHER

ments pleuraux à la base droite. Ces lésions pulmonaires se sont accentuées

pendant le séjour du malade à l'hôpital.

Le foie présente des dimensions normales. La rate est normale, le coeur éga-

lement. La tension artérielle prise à diverses reprises oscille entre 10 et 13

(au Pachon). Le psychisme est normal, l'intelligence est bien développée, la

mémoire bonne, l'état intellectuel est celui d'un adulte; le malade n'est pas apa-

thique, il se rend bien compte de ce qui lui manque, mais n'en est pas autre-

ment affecté. Il exerce la profession de comptable et est bien doué, dit-il, pour

les mathématiques. -

La radiographie du crâne a été faite à deux reprises. Nous publions ici la

belle radiographie due à M. le Directeur Lebard et sur laquelle la selle tur-

cique est nettement visible mais semble normale ou peut-être plus étroite que

normalement. La radiographie des mains, faite également, n'a montré aucune

particularité digne d'être signalée, l'ossification des phalanges étant achevée.

Ce malade a fait dans notre service un séjour de quatre mois. Pendant

toute la durée de ce séjour la quantité d'urine a oscillé entre 6 et 10 litres par

24 heures. Les urines étaient jaune pâle, limpides, sans dépôt, de faible den-

sité. Deffins a pratiqué plusieurs analyses qui ont montré des chiffres relati-

vement bas de chlorures et d'urée.

Voici une de ces analyses :

Quantité d'urine, 10 litres. \

NaCI, par 24 heures, 12,87.

Urée, 9,72.

P205 2,10.

Les variations du régime ne modifièrent pas cette polyurie. La restriction

des boissons diminuait naturellement le chiffre des urines, mais cette res-

triction était péniblement supportée par le sujet.

Il y avait dans l'urine des traces légères d'albumine, mais pas de sucre.

L'épreuve de la glycosurie alimentaire était néanmoins positive avec 50

grammes de glucose.

Les diverses opothérapies, hypophysaire, testiculaire, thyroïdienne et pan-

créatique ne modifiaient en rien l'état du malade. Les ulcérations périanales

se cicatrisèrent lentement grâce au traitement par Pair chaud.

En résumé, nous sommes en présence d'un jeune malade de 24 ans qui,

depuis environ dix ans, est affecté de manifestations morbides diverses que

l'on peut ranger- sous deux chefs :

1* Un trouble du développement portant sur le squelelte et le système

musculaire, les organes génitaux, le système pileux, peut-être aussi les tissus

adipeux, et aboutissant à un habitus général d'infantilisme eunuchoïde;

2° Un trouble de la nutrition générale caractérisé non seulement par une

polyurie permanente, mais par un certain nombre de complications - chute

des dents, éruptions cutanées analogues aux diabétides qui montrent

derrière le diabète insipide un complexus morbide qui l'apparente plus ou

moins au diabète sucré.

Nouvelle Iconographie DE la SALPFTRILRE.

T. XXVI. Pl. LVIII

DIABÈTE INSIPIDE ET INFANTILISME

Région de la selle turcique vue de profil par la région temporo-faciale droite.

(P. Lereboullet, M. Faure-Baulieu et E. Faucher)

Masson & Cie, Éditeurs.

DIABÈTE INSIPIDE ET INFANTILISME 415 t

Comment peut-on interpréter ces divers symptômes, à quelle lésion

commune les rattacher ?

Notre malade est en premier lieu un infantile.

On peut écarter la nature thyroïdienne de son infantilisme. Il n'a en

effet aucun des attributs de l'infantilisme myxoedémateux : l'infiltration

caractéristique des tissus sous-cutanés manque totalement; l'intelligence

est bien conservée (à part les lacunes qu'entraine l'absence de tous sens

sexuels); notre malade ne reproduit nullement le masque figé et abruti du

myxoedémateux infantile; enfin et surtout, unmyxoedème qui se serait

installé à l'âge de 14 ans n'aurait pas manqué d'engendrer un arrêt beau-

coup plus prononcé de la croissance.

Ce n'est pas à dire que le corps thyroïde de notre malade doive être

affirmé égal à celui d'un individu normal de son âge : il a pu soit parti-

ciper à l'hypotrophie générale de l'organisme, soit subir une influence

plus directe du fonctionnement troublé de l'hypophyse, puis à son tour

intervenir dans la constitution de certains troubles trophiques, comme

l'agénésie pilaire. Même dans cette hypothèse, que nous ne pouvons

d'ailleurs démontrer, bien que paraisse plaider en sa faveur l'amélioration

de l'eczéma cutané au cours de l'opothérapie thyroïdienne, le premier

rôle ne peut être dévolu à la glande thyroïde dans la genèse de l'infan-

tilisme.

Faut-il l'attribuer à l'insuffisance testiculaire ? On sait que M. Sou-

ques (1) entre autres, a particulièrement insisté sur les rapports entre l'in-

fantilisme et la sécrétion internedu testicule.Dans l'infantilisme testiculaire

décrit par cet auteur, on trouve comme chez notre malade des organes

génitaux - testicule, bourses, verge atrophiés, une impuissance

sexuelle corrélative avec absence de tout sens génital, un aspect féminin

de l'habitus général par absence de tous les caractères sexuels secondaires

à la puberté (anéphébie) : le tout sans affaiblissement de l'intelligence ni

myxoedème. On serait donc tout naturellement tenté au premier abord de

considérer notre malade comme un type d'infantilisme testiculaire, bien

que la description de M. Souques se rapporte surtout à des faits d'infan-

tilisme régressif post-pubéral et non agénésique.

Plus récemment, on a observé des cas d'infantilisme tout à fait analo-

gues cliniquement, et que l'existence d'une tumeur hypophysaire - lésion

évidemment primitive à laquelle toutes les autres lésions glandulaires

peuvent être subordonnées permet de concevoir autrement.

(1) A. Souques, L'infantilisme et l'insuffisance de la sécrétion interne du testicule.

Presse médicale, 26 juin 1912.

416 LEREBOULLET, FAURE-BEAULIEU ET VAUCHER

A propos d'un malade déjà étudié par M. Burnier (1) sous le nom de

nanisme hypophysaire, et qu'ils ont pu suivre avec soin, MM. Souques et.

Chauvet (2) inclinent, en raison de signes nets de tumeur pituitaire, à faire

jouer un rôle de second plan à l'insuffisance testiculaire, responsable sans

doute de l'apparence féminine des contours somatiques, du timbre eunu-

choïde de la voix, bref des traits a anéphébiques » du syndrome, mais non

de l'arrêt général du développement,commandé pal' la lésion hypophysaire.

Quant aux rapports entre l'atrophie testiculaire et la lésion primitive du

corps pituitaire, on peut ouvrir, sans la résoudre, la même discussion que

nous avons soulevée plus haut à propos de la thyroïde : y a-t-il action

synergique directe « hormonique» de l'hypophyse sur le testicule, ou bien

l'arrêt de développement général de l'organisme a-t-il « figé le testicule au

même titre que les autres tissus en lui laissant la sécrétion contemporaine

normale pour l'âge auquel sont apparus les accidents ? » (Souques et Chau-

vet). '

Nous sommes ainsi amenés à mettre en cause l'hypophyse dans l'inter-

prétation de.notre cas, par analogie avec les données positives d'autres

observations cliniques analogues.

La description de M. Burnier, celle de MM. Souques et Chauvet, ainsi

que les belles figures qui ornent leurs mémoires, nous montrent en effet

un malade presque superposable au nôtre, et qui n'en diffère que par un

caractère positif en plus, à savoir l'existence de stigmates objectifs de

tumeur hypophysaire (signes de compression infra-crânienne, troubles

graves de ,la vue, élargissement de la selle turcique) et par un caractère

négatif en moins, à savoir l'absence de diabète insipide. A part ces deux

différences, il n'y a guère que des similitudes entre les deux cas. Les traits

principaux de la description de MM. Souques et Chauvet sont en effet les

suivants : aspect infantile ; face vieillotte, un peu ridée, mais non infiltrée ;

corps petit mais bien proportionné; membres sans relief, présentant le

galbe de ceux d'un enfant; paroi abdominale replète, sans adipose pro-

prement dite ; aisselles et pubis glabres; organes génitaux infantiles et

anaphrodisie ; voix fluette ; peau sèche; etc.

Or les auteurs citent à l'appui de leur observation personnelle six

observations cliniques dont l'analogie, contrairement à ce qui distingue

la nôtre, va jusqu'à la coexistence de signes indéniables de tumeur hypo-

physaire (on peut ajouter une observation plus récente de MM. Sainlon

(1) R. l3mtmen, Tumeur de l'hypophyse avec arrêt de développement du squelette

(nanisme hypophysaire), Presse médicale, 25 novembre 1911, p. 973.

(2) A. Souques et Stépiien CIIAUVET, Infantilisme hypophysaire, Nouvelle Iconogra-

phie de la Salpêtrière, n* 2, mars-avril 1913, p. 69. On trouvera dans ce mémoire, ainsi

que dans le précédent, une bibliographie des travaux cliniques, anatomo-pathologi-

ques et expéiimenlaux concernant les rapports de l'infantilisme et l'hypophyse.

DIABÈTE INSIPIDE ET INFANTILISME 417

et Roi (1), concernant une jeune fille atteinte de diabète juvénile et d'in-

fantilisme). A côté de ces cas purement cliniques, ils en rangent neuf autres

avec contrôle anatomique où furent constatées des tumeurs diverses de

l'hypophyse ou de sa tige, et même parmi ces neuf cas il en est deux (cas

de Nazari, de Vigouroux et Delmas) où est nettement spécifiée l'absence

de toule lésion thyroïdienne. Si l'on ajoute enfin que l'expérimentation,

entre les mains de Ashner, Caselli, Cushing, Ascoli et Legnani, a montré

que l'hypophysectomie, portant sur le lobe antérieur et pratiquée sur de

jeunes animaux encore en voie de croissance, amène dans un grand nombre

de cas un arrêt de développement, et une atrophie génitale, on voit que

l'on est autorisé à décrire avec M. Burnier un nanisme hypophysaire,

ou avec MM. Souques et Chauvet, un infantilisme hypophysaire, dont,

par analogie, notre malade parait fournir un nouvel exemple.

Dans le même ordre d'idées, signalons un cas de MM. P. Carnot et

J. Dumont (2) concernant un syphilitique qui à l'âge de 24 ans fut

alteint de troubles oculaires graves, de céphalée et d'accidents délirants,

puis d'atrophie testjculaire avec syndrome eunuchoïde sans infantilisme

proprement dit : la selle turcique n'était pas élargie, malgré un léger

épaississement des apophyses clinoïdes postérieures et un élargissement

très prononcé des sinus frontaux, maxillaires etsphénoïdaux. Les accidents

ayant rétrocédé sous l'influence du traitement spécifique, les auteurs en

font un syndrome hypophyso -génital d'origine syphilitique, à précession

hypophysaire et à prédominance génitale secondaire.

Syphilis à part, c'est la même filiation des accidents qui a dû se trouver

réalisée dans notre cas, et les dimensions normales de la selle turcique

viennent compléter l'analogie, à cela près que celle de notre malade semble

même diminuée d'étendue, ce qui est de nature à évoquer l'idée d'atrophie

hypophysaire.

Quoi qu'il en soit, l'absence de tout signe physique de tumeur hypophy-

saire - fait tout négatif qui n'implique nullement l'intégrité de l'hypo-

physe, car la sécrétion pituitaire peut se trouver tarie aussi bien que par

un processus néoplasique, par un processus de sclérose ou d'atrophie -

fait que notre interprétation demeure jusqu'ici seulement vraisemblable,

et demande à être étayée par d'autres arguments.

Ces arguments plus convaincants, nous les trouvons dans l'association à

(1) P. SAIN'TON et L. Rot, Contribution à l'étude des syndromes polyqlandulaires.

Diabète infantile, tumeur de l'hypophyse et infantilisme, Revue Neurologique, 30 juin

1913, p. 185.

(2) P. Carnot et J. Dumont, Syndrome hypophyso-génital d'origine syphilitique,

Soc. méd. des hôp., 8 novembre 1912.

418 LEREBOULLET, FAURE-BEAULIEU ET VAUCHER

l'infantilisme, chez notre malade, d'un diabète insipide bien caractérisé.

Voyons donc en quoi celle coexistence symptomatique nous parait plaider

en faveur de l'origine hypophysaire du syndrome.

Dans l'hypophyse on doit maintenant distinguer trois portions :

1° Une portion antérieure qui commande la croissance du squelette, et

dont les lésions produisent l'acromégalie ou le gigantisme quand elles

aboutissent à l'hyperfonctionnement, et l'infantilisme quand elles abou-

tissent à l'hypofonctionnement; -

po Une portion postérieure, de fonction plus obscure,mais dont la lésion

semble conditionner le syndrome adiposo-génital deFrôhlich, étudié en

France par MM. Launois et Cléretet dont M. Mouriquand vient de faire

un très complet exposé. '

, 3° Une portion moyenne, riche en colloïde, dont les recherches expéri-

mentales de Schiifer (1) ont montré l'influence sur la diurèse, soit par

un trouble général du métabolisme de l'eau, soit par une aciion mal dé-

terminée sur le rein.

Or, certains faits cliniques, en harmonie avec ces expériences sur le

rôle diurétique de l'hypophyse, montrent la corrélation du diabète insipide

avec des lésions du corps pituitaire.

C'est là un des côtés qouveaux de la physiopathologie de l'hypophyse (2),

et que l'on peul rapprocher des notions plus anciennement connues

sur le diabète vrai d'origine hypophysaire ; étudiée surtout dans ses rap-

ports avec l'acromégalie, qu'elle vient compliquer dans un tiers op la

moitié des cas d'après M. Pierre Marie, cette glycosurie hypophysaire a

été ensuite étudiée au point de vuepalhogénique et expérimental, entre

autres par MM. Claude et Baudoin ; cliniquement, elle vient d'être obser-

vée par MM. Sainton et Roi chez cette infantile par tumeur hypophysaire

à laquelle nous faisions allusion plus haut.

Malgré un certain degré, faible il est vrai, de glycosurie alimentaire,

malgré l'existence d'un certain nombre d'accidents communs aux diabètes

sucrés et insipides (diabétides cutanées et muqueuses, chute spontanée et

sans carie préalable des dents),notre malade ne présente pas cette perturba-

tion du métabolisme hydrocarhoné qui est un des : éléments constitutifs du

diabète sucré.

Il est donc à rattacher à ces faits plus nouvellement connus où l'on voit

coexister polyurie et lésion hypophysaire.

(1) Scu.easa, Die Funkliunen des Gelairn-anlaanges, Berner Universitiits-schriften, Il.

III, 1911.

(2) Les rapports du diabète insipide et de l'hypophyse viennent d'être exposés

dans un mémoire de Cushing (Boston med. and Surg. journal, 19 juin 1913) dont

nous n'avons pu avoir connaissance que par un extrait du Paris -Médical du 2 août

1913.

DIABÈTE INSIPIDE ET INFANTILISME 419

C'est ainsi que E. Meyer (1), chez un adulte présentant le syndrome

adiposo-génital et des signes objectifs locaux de tumeur hypophysaire,

observa une polyurie permanente qu'il ne put que rattacher à la lésion

hypophysaire.

Franck (2) observa un homme de 39 ans présentant une polyurie très

marquée atteignant certains jours le chiffre de 7 litres. Cet homme avait

tenté de se suicider quelques années auparavant en se tirant deux balles

de revolver au niveau du temporal droit.

Peu de temps après le malade avait commencé à engraisser ; en même

temps était survenue une diminution du sens génital. On constatait que

les testicules étaient légèrement atrophiés, néanmoins les érections et les

éjaculations étaient conservées et le sperme contenait des spermatozoïdes

vivants. Il n'existait aucun trouble de la vue. La radiographie montra

une balle siégeant sur la ligne médiane au niveau de la partie postérieure

de la selle turcique.

Simmonds (3), dans un cas suivi d'autopsie et où la polyurie était mon-

tée jusqu'à 19 litres d'urine dans les 24 heures, trouva une tumeur ayant

complètement détruit le lobe postérieur de l'hypophyse, respecté le lobe

antérieur et la }Jars itttervnedia : c'est par l'hyperfonctionnement de celle-

ci, sous l'influence de l'irritation exercée par la tumeur du lobe posté-

rieur, que l'auteur explique l'exaltation permanente de la diurèse.

Plus récemment MM. Pierre Marie etBoutier (4) rapportèrent à la So-

ciété de Neurologie l'histoire d'un jeune adolescent devenu presque subite-

menlpolydipsique elpolyurique chez lequel, en raison de troubles d.pstro-

phiques encore assez discrets (étant donné l'âge du sujet) du squelette, des

organes génitaux et du système pileux, ils concluent à la probabilité d'une

lésion hypophysaire, bien que dans leur cas, comme dans le nôtre, n'aient

pas été notés de stigmates oculaires ou radioscopiques locaux, de tumeur

hypophysaire. Celle conclusion se trouve étayée sur plusieurs cas analo-

gues résumés par ces auteurs : ceux de Pechkram, Morley, Fletcher,

Williams et Belfield, Berblisinger, celui-ci avec autopsie.

Nous pouvons encore signaler le travail de M. Farini (5) qui a tenté

le traitement par l'opothérapie hypophysaire d'un cas de diabète insipide.

(1) E. Meyer, Berliner klin. Wochenschrift, n° 34, 19 avril 1912, p. 1642.

(2) Franck, Ueber Beziehun,gen der Hypophyse zum Diabètes insipidus, Berl. klin.

Woch., 1912, n° 9, p. 393.

(3) Simmoniis, Hypophysis und Diabetes insipidus, Munchner med. Woch., p. 121,

21 janvier 1913.

(4) Pierre Marie et BOUTIBR, Diabète insipide avec infantilisme, Soc. de Neurologie,

3 avril 1913 et Revue Neurologique, p. 555,1913.

(5) F. FARINI, Diabète insipide et opothérapie hypophysaire. Gaz. degli Ospedali a

della Gliniche, n° 109, 11 septembre 1913. ,

420 LEREBOULLET, FURE-BEAT1LIEU ET VAUCHER

Chez un malade de 29 ans qui urinait 5 litres, la pituitaise dès la pre-

mière injection fit tomber les urines de 5 il : 3 2 litres 1/2. En continuant

les injections on parvint à maintenir l'élimination urinaire aux environs

et au-dessous de deux litres ; l'effet obtenu ne persistait qu'autant qu'on

continuait les injections ; dès qu'on les cessait la polymie et la polydipsie

reparaissaient.

Mouriquand signale le cas d'une fillette présentant un syndrome adipo-

sogénital associé à de la polydipsie et de la polymie sans albuminurie,

ni glycosurie et dont la selle turcique est petite.

Comme nous n'avons pas la prétention d'épuiser la bibliographie du

sujet, nous nous contenterons des faits qui précèdent pour montrer que

chez notre malade l'existence de diabète insipide vient corroborer notre

hypothèse de la nature hypophysaire des troubles dystrophiques qu'il

présente. Il est en effet satisfaisant pour l'esprit de pouvoir rattacher à

une même lésion les deux éléments du syndrome observé. Il est vrai qu'a-

lors, avec les notions physiopathologiques actuelles, l'un de ces éléments

symptomatiques, l'infantilisme, se présenterait comme une manifestation

d'hypopituitarisme, et l'autre, le diabète insipide, comme une manifesta-

tion d'hyperpituitarisme. Mais, outre que chacun d'eux est sous la dépen-

dance d'une portion distincte de tissu hypophysaire, on sait que l'étude

des syndromes endocrines nous a habitués à des dissociations physio-

pathologiques analogues. ,

Après cette discussion sur le siège de la lésion glandulaire qui nous pa-

raît commander les troubles observés, il y aurait lieu de rechercher si

l'on peut lui assigner une étiologie satisfaisante.

Ici nous sommes sur un terrain moins solide. La syphilis ne peut être

invoquée comme dans le cas de MM. Carnot et Dumont; notre malade

n'en présente aucun stigmate, et son sérum ne donne pas la réaction

de Wassermann. La seule cause à retenir pourrait être la tuberculose.

Nous trouvons en effet des lésions bacillaires très nettes du poumon

droit : il ne leur manque même pas la signature du bacille, présent

dans les crachats. Aussi, se rappelant les idées de MM. Poncet et Leriche

sur la « tuberculose inflammatoire » des glandes endocrines et sa grande

- fréquence selon les auteurs, pourrait-on être tenté de faire de la lésion

hypophysaire une lésion tuberculeuse non folliculaire. Pareille étiologie

est assignée par MM. Poncet et Leriche (1) à deux cas de syndromes by-

(1) PONCET et Lmsices, La tuberculose inflammatoire, p. 304, in Bibliothèque de la

tuberculose, O. Doin, 1912.

DIABÈTE INSIPIDE ET INFANTILISME 421

pophysaires par eux observés, l'un concernant un syndrome de Frohlich,

et l'autre une acromégalie typique ; mais ce sont deux cas d'ordre pure-

ment clinique qui appellent par conséquent quelques réserves. Celles-ci

sont d'autant plus indiquées dans le cas qui nous occupe qu'en l'espèce

il est plus probable, de par l'évolution clinique, que la tuberculose pu ? -

- monaire est venue se greffer secondairement sur un terrain préparé par

l'état dystrophique antérieur.

OXYCÉPHALIE ET SYNDROME OXYGÉPFIAL(QUE

PAR

René CHARON ~ et Paul COURBON,

Médecins de l'Asile d'aliénés d'Amiens.

Le terme oxycéphalie, par une extension légère de sa signification éthy-

mologique, sert à désigner toutes les déformations en hauteur de la voûte

cranienne. Celles-ci ont en outre un nom particulier suivant l'aspect

spécial qu'elles impriment à la tête de celui qui en est porteur. L'acro-

céphalie ou hypsocéphalie donne au crâne l'apparence d'un plateau

abrupt et surélevé ; quand ce plateau se resserre dans le sens antéropos-

térieur comme un cimier de casque ou une carène de vaisseau on dit qu'il

y scaphocéphalie; quand il s'étale en forme de triangle à sommet géné-

ralement antérieur c'est la trigonocéphalie. Si l'os frontal prolonge son

ascension verticale comme une tour s'élevant au-dessus du visage, il

y a pyrgocéphalie ou turritum caput, ou tlurmschoedel. La déformation

au lieu d'être médiane est-elle limitée à un seul côté donnant l'apparence

d'un aplatissement ? C'est la plagiocéphalie. Enfin il y a oxycéphalie pro-

prement dite lorsque les lignes crâniennes ont une direction fuyante et

convergente en arrière comme celles d'un cône.

Tous ces noms tirés du grec, du latin, de l'allemand et auxquels on

pourrait en ajouter bien d'autres à étymologie différente et ayant une va-

leur pittoresque analogue expriment, au fond, le même état pathologique

du squelette : l'ossification prématurée de tout ou partie du crâne.

On sait que les os craniens, chez le vivant, s'accroissent par leurs bords,

parleur face interne et par leur tissu interstitiel. Ces propriétés vitales

très actives pendant l'enfance et l'adolescence persistent dans l'âge adulte

et ne commencent à disparaître normalement, dit Sauvages (1),qu'après la

cinquantaine. Jusqu'à cette date il y a permanence de la membrane sulu-

rale, véritable cartilage de conjugaison du squelette crânien, de la couche

externe de la dure-mère, et des cellules interstitielles ostéogènes de Gud-

den (2). Une fois obtenue la transformation en cellules osseuses de tous

ces éléments, il y a fixation définitive de la forme cranienne.

Si celte ossification a lieu d'une façon précoce il y a ai-rêt.d'évolution

du crâne et la malformation varie avec le territoire prématurément ossi-

OXYCÉPHALIE ET SYNDROME 0XYCÉPHAL1QUE 423

fié. Le plus fréquemment c'est au niveau de la membrane suturale que

cela se produit et il y a synostose des 2 pièces voisines ; quelquefois c'est

simplement dans le tissu interstitiel que ce processus reste cantonné

comme l'a montré Gudden (8). Quoi qu'il en soit la région ossifiée ne se

développe plus parallèlement avec le reste du squelette, d'où oxycéphalie.

Celle-ci se complique de microcéphalie quand elle est généralisée et a lieu

dés les premières années.

La date d'apparition de l'oxycéphalie est en effet très variable. Cette

malformation peut être, selon l'affirmation de Pommeroll (3), congéni-

tale, infantile ou juvénile, quelquefois même, ce qui est beaucoup plus

rare, mais a été constaté par Welker (2), elle peut ne se manifester qu'a-

près l'âge adulte.

Le squelette n'est pas toujours seul à être intéressé et parfois les trou-

bles de la morphologie osseuse s'accompagnent de lésions portant sur

l'appareil oculaire et sur l'encéphale. Déformation de la voûte crânienne,

exophtalmie, atrophie des nerfs optiques, pouvant se compliquer de fai-

blesse intellectuelle, constituent une réunion assez fréquente de symp-

tômes à laquelle on a donné le nom de syndrome oxycéphalique.

Ce sont les anatomistes et les anthropologistes qui tout d'abord se sont

livrés à l'étude de l'oxycéphalie et du syndrome oxycéphalique. C'est

Virchow (1) qui signala ces faits, en attribuant la cause « à des états in-

flammatoires des enveloppes internes du crâne, de même que les formes

hydrocéphaiiques peuvent se ramener à des états inflammatoires des

enveloppes du cerveau ». Welcker (2) admet, après Virchow, que la sy-

nostose prématurée en constitue la lésion anatomique essentielle. Il en

est de même de Pommeroll (3), puis de Zuckerkandl et de I-Ianotte (17),

Gudden (8) a montré par des expériences, ligature des jugulaires externes

et internes, qu'il pouvait y avoir déformation sans synostose.

Les ophtalmologistes eux aussi étudièrent la question. Michel (4) publia

son premier travail en 1873.Hirschberg(16) accusa la méningite concomi-

tante de produire la névrite optique, Schüller (10) publia de nouveaux cas,

Ponfick (11) attribua les troubles oculaires à une stase papillaire par ré-

trécissement du canal osseux, Mantz (12) incrimina l'étranglement du nerf

optique lui-même, Friedenwald (14) donna le principal rôle à l'exagéra-

tion de tension intracranienne dans une boîte trop étroite. Il faut encore

citer les recherches de Weiss etBrugger (13), Vortisch (18), Groenow (19),

Krauss (20), Enslin (22), Palry (23), et Grummarch et Hirschberg (28).

Les travaux.des aliénistes et neurologistes sur ce sujet sont moins nom-

breux, et cela pour deux raisons. La première c'est que l'oxycéphalie a

été considérée comme un des stigmates physiques ordinaires de la dégéné-'

rescence et que sa description en a été rarement isolée. Il faut néanmoins

424 CHARON ET COURBON

signaler l'article de Bourneville (13) sur t'oxytrigonocéphaiie et l'épilep-

sie,sa communication avec Paul Boncourt ('2 1) il la Société d'anthropologie,

le travail de Weber (16) et le mémoire très documenté de Merle (25) pré-

senté à la Société de neurologie de novembre 1908. La seconde raison de la

rareté des études psychiatriques sur l'oxycéphalie est due à ce que celte

malformation n'entraîne de troubles mentaux qu'autant qu'elle se com-

plique de microcéphalie et de méningite. Malgré le préjugé populaire,

aussivieux qu'Homère dont le sot et turbulent héros Thersite était oxy-

céphale, préjugé qui fait loger la perversité ou la bêtise derrière les fronts

fuyants, dans les têtes en forme de poire et sous les crânes en pains de

sucre, l'oxycéphalie peut recouvrir une belle intelligence. Témoins les

exemples célèbres de l'alchimiste Paracelse, du philosophe Ilumbold, du

romancier Waller Scott et du savant Meckel, tous affligés d'une calotte

osseuse plus ou moins pointue.

Ces dernières années la pathogénie de cette difformité a été l'objet de

nouvelles recherches, la radiographie étant venue fournir des moyens d'in-

vestigation nouveaux. Grunmach et Hirschberg (28), Schüller (24-27-33),

et Bertolotti (29-34) ont apporté des clichés rendant perceptibles les

lésions concomitantes de la base crânienne. Virchow (1), avons-nous vu,

expliquait le syndrome oxycéphalique par une inflammation des enve-

loppes internes du crâne. C'est à une opinion analogue que se rangent

Hirschberg (6), Patry (23) et Hamy. D'autres auteurs, à la suite des expé-

riences de Gudden (8) citées plus haut, incriminent un défaut de nutri-

tion par insuffisance ou viciation de la circulation. Pour Fournier la

syphilis suffirait à produire ce résultat. Pour Meltzer (26) ce serait tantôt

la méningite séreuse, tantôt le rachitisme qui amènerait ces déformations.

C'est également au rachitisme que dans un travail paru ici même en 1912

Bertolotti (34) donne le rôle étiologique.

D'après cet auteur, le syndrome oxycéphalique serait constitué par une

dystrophie osseuse d'origine rachitique conditionnée elle-même par une

dystrophie lymphatique polyglandulaire. Tous les sujets qu'il examina

étaient en effet porteurs, soit de végétations adénoïdes, soit de troubles de

la thyroïde, soit d'hypotrophie sexuelle, soit d'une malformalion de la

selle turcique laissant présumer une altération de l'hypophyse. Enfin

Gatti (35), à l'occasion de 2 cas d'oxycéphalie avec exophtalmie bilatérale

très prononcée, datant de la première enfance, mais sans troubles visuels

graves, conclut, lui aussi, en présence d'autres déformations osseuses

concomitantes, à la nature rachitique du syndrome. L'exophtalmie est la

conséquence, dit-il, de l'aplatissement des bosses frontales et de la dimi-

nution de profondeur de la cavité orbitaire.

Nous apportons ici l'observation de 2 idiots porteurs l'un d'oxycéphalie

Nouvelle Iconographie DE la SALYFIRIFRE.

T. XXVI. Pl. LIX

OXYCÉPHALIE ET SYNDROME OXYCÉPHALIQUE

(René Choron el P. Courbon)

Masson & Cie, Editeurs.

OXYCÉPHALIE ET SYNDROME OXYCÉPHALIQUE z5

simple, l'autre de syndrome oxycéphalique incomplet (PI.LIX). Ni l'un, ni

l'autre ne présente de troubles fonctionnels ou physiques des glandes pha-

ryngiennes, thyroïde,testiculaires ou surrénales. Chez le second il y a dé-

formation de la selle turcique mais sans signe d'insuffisance hypophysaire.

Tous deux ont une capacité visuelle normale. Pour plus de sûreté nous

avons eu recours à trois médecins spécialistes, professeurs à l'école de

médecine d'Amiens qui ont bien voulu les examiner et nous communi-

quer les résultais de leur examen ; le Dr Degouy à qui nous sommes rede-

vables de la radiographie ci-jointe (PL LX), le Dr Labarrière, oto-rhino-

laryngologiste el le Dr Fage, ophtalmologiste.

L..., né le 23 décembre 1843, a aujourd'hui 70 ans. Il a été placé l'asile de

Clermonten 1857, âgé de 14 ans et depuis n'a pas cessé d'être interné ; il fut

transféré l'asile d'Amiens dès que celui-ci fut construit, c'est-à-dire en 1891.

Il n'a plus aucun parent. Nous n'avons,pu recueillir aucun renseignement

sur ses antécédents. Il ne sait ni lire ni écrire, ni compter, a été incapable

d'apprendre aucun métier, ni même de vaquer seul au nettoyage du quar-

tier; son langage est rudimentaire, sa prononciation vicieuse. Il est habi-

tuellement euphorique avec parfois des accès de colère soudains.

Il a une lionne santé, n'a jamais eu de maladie, a une vigueur encore très

considérable pour son âge, est d'une taille et d'une corpulence normales.

La malformation de son crâne est d'une date ignorée. L'oxycéphalie est à

forme scapliocéphalique comme le montre la photographie ci-jointe (PI. LIX).

L'examen organique ne décèle rien : corps thyroïde non perceptible mais

sans trouble thyroïdien. Testicules et système pileux normaux. Pas de syn-

drome surrénal. Rien à signaler dans les membres, ni dans les viscères si ce

n'est une légère courbure des fémurs en parenthèse.

Examen de M. Fage : Aucune lésion fonctionnelle ni physique de l'organe

de la vision.

Examen du Dr Labamere : Les 2 conduits auditifs externes sont normaux.

Au point de vue du calibre, de la forme, de la profondeur, il n'y a rien de par-

ticulier à signaler. La membrane tympanique ainsi que les osselets présentent

les mêmes particularités que chez les personnes saines. Il existe une déviation

de la cloison avec convexité dirigée du côté latéral gauche. Le cavum et le

pharynx sont tapissés par une muqueuse bien rosée et tout à fait saine.

L'examen du Dr Degouy, ne révèle aucune anomalie de la base du crâne,

ni de la constitution de ses parois. Voyez figures 3 et 4 (PI. LIX).

G...,né le 23 août 1901, a aujourd'hui 12 ans. C'est un enfant de l'assistance

publique du département de l'Aisne sur les antécédents héréditaires duquel on

n'a pas de renseignements. Il sait lire, écrire, compter, a assez bonne mé-

moire et ne comprend à peu près rien de ce qu'il récite, confond Lafontaine

avec Louis XIV, la France avec son village, n'a pas pu acquérir les notions

426 CHARON ET COURBON

nécessaires pour s'orieuter dans le temps. Il est calme, docile, mais apathique

et indifférent, n'a fait que de légers progrès depuis les 8 mois qu'il suit les

cours de l'institut médico-pédagogique. Il se laisse examiner avec une extra-

ordinaire passivité, ne manifestant ni effroi, ni même étonnement devant les

appareils pourtant très impressionnants des spécialistes, pas plus que devant

les explosions sonores et lumineuses des machines électriques dans la chambre

noire de la radiographie.

L'examen physique ne révèle rien qu'une sensibilité un peu marquée des

crémasters qui, au moindre attouchement, remontent dans le canal inguinal

les testicules. Ceux-ci existent bien cependant, sont d'un volume normal et

siègent habituellement dans les bourses.

L'enfant n'a jamais été malade et se porte très bien, a une taille et un déve-

loppement normaux. Pas de signe.s d'insuffisance glandulaire.

Examen du Dr Fage : Exophtalmie sans strabisme, ni aucune autre lésion de

l'appareil oculaire, vision, pupilles et nerf optique normaux.

Examen du Dr Labarrière : L'otoscopie montre 2 membranes tympaniques

normales, un peu foncées cependant vers la paroi labyrinthique de la caisse,

ce qui indique un peu d'insuffisance respiratoire. L'acuité auditive est par-

faite : la montre est perçue à plus d'un mètre de distance, la voie parlée à plus

de 8 mètres. La cloison est déviée avec convexité dirigée du côté latéral droit.

Il existe du côté gauche un tubercule de la cloison très développé et donnant

un peu d'insuffisance respiratoire. La voûte palatine est ogivale : les dents

sont implantées irrégulièrement et le cavum dont les dimensions en hauteur

sont plutôt réduites est tapissé au niveau de la voûte, de quelques rares gra-

nulations lymphatiques représentant un vestige de l'amygdale de Luschka.

Examen du Dr Degouy. Les radiographies ci-contre montrent un abaisse-

ment de la selle turcique tel que la fosse cérébrale moyenne au lieu d'être

dans un plan horizontal supérieur à celui de la fosse cérébrale postérieure se

trouve à peu près au même niveau que celle-ci. Elles révèlent en outre sur

l'occipital et sur les pariétaux de nombreuses impressions digitales. Ces signes

sont les mêmes que ceux des sujets de Bertolotti et sont, d'après cet auteur,

pathognomoniques de l'oxycéphalie. Voyez figures PI. LIX, 1, 2 et LX.

Voilà donc deux idiots porteurs tous les deux de la déformation oxycé-

phalique et dont l'un présente en outre de l'exophtalmie. En d'autres

termes nous nous trouvons en présence d'un cas d'oxycéphalie simple et

d'un cas de syndrome oxycéphalique incomplet (absence de lésion des

nerfs optiques) avec idiotie dans les deux cas.

L'existence de cette dernière permet de conclure à un processus inflam-

matoire ancien des méninges. Et si l'on considère le rachitisme avec les

auteurs contemporains, non plus comme une affection limitée au tissu

osseux, mais comme une maladie générale de tout l'organisme, on peut

attribuer au seul rachitisme, la paternité des malformations osseuses et de

l'arrêt intellectuel ; les premières résultant de la réaction de l'os à l'in-

Nouvelle Iconographie UE la SALYI'EIÎRC.

T. XXVI. 1. Pl. LX

SYNDROME OXYCPHA1.IQUF

(R. Chnroll et P. Courbon)

Masson & CiC ? Edite1.1r'i ?

OXYCÉPHALIE ET SYNDIIOME OXYCÉPHALIQUE 427

toxication rachitique, les secondes résultant de la réaction du tissu mé-

ningé. A ce point de vue nos malades se rapprochent de ceux de Berto-

lotti (34) ; ce sont des rachitiques. Le plus âgé a en effet les fémurs tordus

en parenthèse, et la présence de nombreuses impressions digitales sur le

frontal de l'enfant ne peut-elle pas être considérée comme un stigmate de

rachitisme ? Les impressions digitales résulteraient d'après Bertolotti, de

l'hypertension cérébrale prodromique des états d'oxycéphalie; or l'amin-

cissement des os, décrit par Elsasser dans le craniotabès rachitique, n'est-il 1

pas une condition nécessaire pour que la pression intracrânienne puisse

déterminer son empreinte sur les parois ?

Mais nos malades se distinguent de ceux de l'auteur italien par leman-

que de troubles glandulaires. Notre enfant a bien une déformation de la

elle turcique, mais aucun signe d'insuffisance pituitaire ; la malformation

du contenant n'implique pas fatalement l'altération fonctionnelle du con-

tenu, comme le prouve l'intégrité intellectuelle de certains cerveaux en-

fermés parfois dans la plus difforme boite crânienne. Toutes les autres

glandes de ce sujet ont un volume et un fonctionnement, normaux ; les

vestiges de l'amygdale de Luschko doivent naturellement exister â cet âge,

puisqu'elle ne disparaît qu'après la vingtième année (36). Quant à l'autre

individu, il ne présente lui aussi aucune anomalie fonctionnelle ou phy-

sique des organes glandulaires et la radiographie donne une conformation

normale delà base de son crâne.

Nous ne pouvons donc pas admettre que le rachitisme de nos malades

soit un syndrome dystrophique pluriglandulaire. Bertolotti en faveur de

cette pathogénie cite l'opinion de Bernard, Erdheim, Weicliselbaum et

Escherich. Mais si la coexistence des troubles fonctionnels glandulaires

avec les signes classiques du rachitisme est fréquente, est-on en droit de

subordonner toujours l'apparition de ceux-ci, à la présence antérieure de

ceux-là ? Les végétations adénoïdes au lieu d'être considérées avec

111eltzer (26) et Bertolotti, comme une des causes du rachitisme, ne pour-

raient-elles pas par exemple être interprétées comme des adénopathies

consécutives à l'intoxication rachitique ? C'est là, la conception de Bar-

barin (32) qui les compare aux adénopathies tuberculeuses et syphilitiques.

Troubles glandulaires, troubles osseux, et troubles intellectuels ne

pourraient-ils pas être envisagés dans certains cas, comme étant la consé-

quence des effets sur des territoires différents du même agent infectieux

ou toxique ? Il n'y.a aucune spécificité étiologique du rachitisme. Comme

le (liltlutiiiel (30),différents facteurs microbiens toxiques ou dystrophiques

peuvent s'associer et superposer leurs effets. Toutes les infections ou

intoxications chroniques survenant dans la période de l'ossification active,

écrit Marfan (31), causent le rachitisme.

428 CHARON ET COURBON

Quant à l'exophtalmie qui fait toute la différence de nos deux malades,

elle n'est qu'une conséquence mécanique de la malformation osseuse;

l'individu qui en est porteur ayant en plus de son oxycéphalie une défor-

mation de la base crânienne que n'a pas l'autre sujet.

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... ' ? S

YXIX -3

SUIt UN CAS D'ATROPHIE MUSCULAIRE CHEZ UN [NÈGRE

PAR R

A. AUSTREGÉSILO,

Professeur il la Faculté de Médecine de Rio de Janeiro.

Dans nos services de clinique les cas d'atrophie musculaire ne sont pas

rares. Cependant, nous n'avions jamais vu l'atrophie musculaire progres-

sive dans la race noire où nos collègues brésiliens sont aussi de l'opinion

que la maladie est rare.

L'observation suivante mérite donc d'être enregistrée. L'atrophie pré-

sentée par le malade est semblable au type pseudo-hypertroplique de

Duchenne.

Observation (PI. LXI)

A. L., âgé de 12 ans, noir, brésilien, né à l'Etat de Rio de Janeiro, est en-

tré à l'hôpital le 3 février 1908.

Le malade ne peut renseigner sur ses antécédents de famille.

Examen du malade. - Système musculaire el nerveux. A l'inspection

on voit la disproportion du développement de certains groupes musculaires.

Le malade a le facies myopathique ; la bouche reste demi-ouverte; les

lèvres tombent;, la physionomie est hébétée. Les muscles grands et petits

pectoraux se présentent très atrophiés. Les deltoïdes ne sont pas très atro-

phiés, le malade pouvant faire encore l'abduction des bras et les maintenir en

position presque horizontale. Les rhomboïdes se montrent considérablement

diminués dans leur volume, le patient ayant les scapulæ alaise. On ne voit

pas l'invasion de l'atrophie aux mains ni aux régions thénar, hypothénar, ni

aux interosseux. Il semble que l'atrophie ait commencé par la racine des

membres, dans la région scapulo-humérale.

Les muscles des mollets sont durs, hypertrophiés, donnent l'aspect carac-

téristique qu'on peut voir par la photographie (PI. LXI).

Le malade présente de la lordose lombaire (ensellure de Duchenne) qui

pour les auteurs est sous la dépendance de la parésie des muscles extenseurs

de la colonne vertébrale, mais pour M. Sacara est un phénomène actif com-

pensateur. En ellet, l'atrophie des muscles extenseurs des cuisses sur le

bassin produit une tendance à se pencher en avant, ce qui sollicite un effort

de la part du malade pour porter son centre de gravité en arrière ; la consé-

quence, c'est la lordose. Le périmètre thoracique supérieur est égal à l'infé-

Kouvei.le Iconographie DE la Salpêtrière.

T. XXVI. Pl. LXI

ATROPHIE MUSCULAIRE CHEZ UN NÈGRE

(Auslrcgesito)

Mnsson & C^, Ehteurs

SUR UN CAS D'ATROPHIE MUSCULAIRE CHEZ UN NÈGRE 431

rieur, le malade ayant le thorax en guêpe de Pierre Marie. On voit encore

une petite scoliose et un défaut de tonus des muscles abdominaux.

L'examen électrique des muscles atrophiés, fait par le Il Silva, assistant

de la clinique, a donné une diminution de l'excitation galvanique et faradi-

que, sans réaction de dégénération de Erh (Entartungs-Reaktion).

Le même phénomène fut constaté du côté des nerfs, qui n'étaient pas

hypertrophiés ni douloureux la pression.

Locomotion . En observant le malade debout, on voit qu'il écarte d'une

manière exagérée ses pieds, augmentant de cetle façon son polygone de susten-

tation. La marche est traînante, lenle, avec le même écartement des pieds.

L'agilité naturelle de son âge lui manque. Pour se coucher, il se met d'abord

à quatre pattes. Si on lui demande de se lever, il s'incline sur un des côtés

puis se met il quatre pâlies, eu cherchant à rapprocher ses mains des mem-

bres inférieurs pour prendre enfin des points d'appui sur les malléoles et

grimper sur ses jambes et ses cuisses.

Sensibilité. L'examen de la sensibilité a été difficile à faire à cause du

niveau mental du petit nègre, habitant de l'intérieur du pays, sans aucune

éducation. Cependant, il nous a paru que la sensibilité subjective et objective,

superficielle et profonde, était parfaite.

Réflexes. Les réflexes examinés ont donné le résultat suivant :

Réflexes rotuliens, achilléens, des poignets très affaiblis ; celui du biceps

diminué; plantaires, abdominaux, crémastériens, pupillaires normaux.

L'examen des autres appareils donne en résumé :

Appareil circulatoire. - Le coeur est normal ; son choc précordial bat au

quatrième espace intercostal. Le pouls radial est régulier, rythmique et fort.

La numération des globules rouges a fourni 3.800.000 leucocytes : lym-

phocytes 18 0/0 ; médio-mononucléaires 9 0/0 ; grands mononucléaires 3 0/0;

formes de transition 0 0/0 ; polynucléaires neutrophiles 70 0/0 ; polynucléai-

res éosinophiles, 0 ; polynucléaires basophiles, 0 ; Mastzellen, 0.

Appareil respiratoire : Normal, y compris l'examen bactérioscopique

des crachats.

Appareil digestif. Nous n'avons trouvé rien d'anormal à l'examen cli-

nique de cet appareil non plus qu'il l'examen microscopique des fèces.

L'examen des urines a montré une couleur jaune claire, aspect limpide,

sans dépôt, odeur sui generis, réaction acide, densité à 15° 1010. Il y avait

10,61 0/00 d'urée, 4 grammes de chlorure ; pas d'éléments pathologiques.

Ce cas ne présente pas les difficultés diagnostiques de celui que ré-

cemment A. Thomas a présenté à la Société de Neurologie de Paris

(Séance du 12 janvier 1911). Il s'agit, en effet, d'une atrophie musculaire

progressive..

L'atrophie est nette dans plusieurs muscles de la ceinture scapulaire,

dans quelques muscles de'la cage thoracique delà paroi abdominale et

de la ceinture pelvienne.

432-, lTJ8fiREGtSIC,d Li

Les mollets se montrent augmentés de volume, el d'une consistance

dure; un tel aspect n'implique pas une vraie hypertrophie ; comme l'ont

montré P. Marie et Guinon en 1885, l'atrophie musculaire n'a rien a

voir avec le volume du muscle. Il s'agit dans notre cas d'une fausse

hypertrophie due plutôt à une prolifération du tissu conjonctif qu'a un

dépôt de graisse. Ce n'est pas seulement la palpation et l'inspection qui

montrent l'atrophie par la mollesse et la dépressibihté des autres masses

musculaires et par l'absence des modifications il la contraction ; la phy-

siologie révèle la diminution de la force, la difficulté de la marche, etc.

La séparation qu'on faisait autrefois entre les atrophies musculaires

par lésion de nutrition primitive et isolée de la fibre musculaire (prolo-

spathiques) et les atrophies par lésion des centres trophiques, c'est-à-dire,

du système nerveux central ou périphérique (deutéropathidues), est en

voie d'être abandonnée ; l'absence de lésions du système nerveux n'est pas

démontrée d'une façon certaine, il se peut que dans certains cas une alté-

ration réelle des centres ou des voies nerveuses échappe Ù nos moyens

actuels d'investigation (A. Leri).

Erb, Clarke, Heubner, Schuitz et Singer ont publiés des cas d'anno-

trophies classées comme prolopathiques où des lésions du système nerveux

furent plus tard vérifiées.

Tous les signes cliniques, donnés pour distinguer les amyotrophies

protopathiques des deutéropathiques ont présenté des exceptions.

En passant, cependant, nous signalons la difficulté d'anamnèse, qui

ne nous a pas permis de vérifier l'existence d'autres cas dans la famille

permettant de supposer qu'il s'agit d'une maladie héréditaire ou familiale ; ;,

il n'y avait pas, de contractions fibrillaires ; l'examen électrique ne mon-

trait qu'une diminution de l'excitabilité faradique el galvanique des mus-

cles et des nerfs. Le début a eu lieu dans l'enfance et par les racines des

membres; l'existence de la psemlo-liypertropltie et l'évolution lente sont

des signes qui viennent à l'appui d'une atrophie musculaire dite primitive

progressive, myopathique.

La lecture de l'observation ci-jointe suffit pour qu'on voit qu'il s'agit

de la forme myo-scléreuse (ou pseudo-hypertrophique de Duchenne) de

la myopathie dite primitive.

L'intérêt du cas présent est dans la manifestation de l'amyotrophie pro-

gressive chez un individu de la race noire ; l'extrême rareté de ce t'ait est

incontestable. Marinesco cite Eschner qui, dans ses études statistiques sur

la myopathie progressive, prétend que cette affection n'a pas encore élé

observée chez les nègres. C'est pour ce motif que l'observation présente

doit être enregistrée.

DU PROCESSUS DE RÉPARATION DANS LE CERVEAU.

UN CAS DE M1 : IVINGO-rNClPIIALIT1 CHRONIQUE

AVEC, ATTAQUES ÉPILEPTIQUES,

PAR R

P. SNESSAREFF,

Médecin en chef de la colonie psychiatrique du gouvernement de IW eslroma.

L'étude de reproduction des fibrilles conjonctives (1) et la colora-

tion du proloplasma nérroglique nous procurent quelques données pour

l'analyse du processus de réparation dans le cerveau. L'attention des

investigateurs a été jusqu'à ces derniers temps attirée par la question du

rapport de la force régénératrice (re5enerative Wucherungsfahigkeit. repa-

ratorische Kraft, Reconstructionsfahigkeit des auteurs allemands) du lissu

conjonctif d'un côté, du tissu nêvroglique de l'autre (v. E. ]Mû ! )er) (2). On

avait fait des travaux sur le matériel pathologique, on avait fait des

expériences, mais grâce aux différentes méthodes de recherches, surtout

grâce à la plus ou moins grande perfection de la technique microscopique,

on avait émis différentes opinions, les unes en partie excluant les autres.

Il nous semble que la solution de la question ne dépend que du perfection-

nement des méthodes de la technique et la voie progressive que feront les

recherches dans ce domaine se présente à notre esprit comme une lutte

successive avec des armes de plus en plus perfectionnées pour les droits

niés du lissu névrotique, lutte terminée par le fait qu'on a reconnu à ce

dernier une large faculté de reproduction et de modification [(Weigert (3),

Merzlacher, Uyeda (4)]. Nous en resterons là pour notre introduction, et

(1) Communication faite au 1er Congrès de I Union russe de Psychiatres et \euro-

logues ! \Moscou. septembre 1911. - ZNEss,lnEw, Ueber die Ilodifizieiulig der Bietscohw-

shyschen Silburmelkode Zwecks Di-sielliiii.41 von Bindegeu'ebs-fib. illelll1et=en. Anat.

Anzeiger, Bd. XXXVI, 1910; Démonstration der bill'leyewebsfibl illdren Gzbilde. Ana-

tomischer Anzeiger, 1912, Bd. 40.

(2) E. l\1, ULLI : I\ Uebu die lieteiligung der i\'euro,glia an der Narbenbildurg im Go ? )')).

Deutsche Zeitschrift f. Nei,venlieillunde. Bd. 23, Heft 3, n, 4, 1903.

(3) C. Wawrrcr, Zur ]101 holagie/¡. Histologie der ¡Ve1'1'eIi fle1'iistes . Cmlrel bl. f. allg.

Patch. u. pallz. Aualomie, 23, 1890.

(4) l\fr.nzuAcIIEIl et VIEn", Das 1 eacli¡'e Gliozzz und die i-eaclive Giiose. Zeitschrift

f. die gesamte Ncullliogie und Psychiatrie, 1910, Erst. Bd,

434 SNESSAREFF

ayant admis la participation, dans le processus de réparation, et du tissu

conjonctif et de la névroglie, nous nous en occuperons au détail.

Uu cas de méningo-encéphalite chronique avec attaques épileptiques

nous a fourni le malériel de notre étude microscopique. On avait amené à

l'hôpital « Notre-Dame des Affligés » un jeune homme de 19 ans, né de

parents inconnus (il vennitde l'asiledes Enfants-Trouvés). On avait appris

qu'il était en retard de développement par rapport aux sujets du même

âge, mais qu'il avait beaucoup grandi les derniers temps; lous les prin-

temps il souffrait d'héméralopie; il souffrait souvent de maux de tête,

avait parfois des vomissements, et périodiquement (une fois par mois) il

tombait dans un état que ses proches appelaient léthargie. Il était de carac-

tère modeste, tranquille, religieux. Il a été placé à l'hôpital à cause de

l'étal crépusculaire de sa conscience. Objectivement on pouvait constater

la dilatation des pupilles, dont la droite est plus large que la gauche ; la

réaction à la lumière est affaiblie ; le visage est asymétrique surtout pen-

dant le mouvement ; la mimique est lente ; tremblement des muscles de la

langue ; la parole est assez nette ; les réflexes des muqueuses sont conser-

vés, les réflexes tendineux diminués; toute la musculature est flasque;

pas d'ataxie, ni de rigidité, ni de signe de Romberg. A l'hôpital on constata

des attaques convulsives, accompagnées de morsure de la langue et suivies

de sommeil et d'amnésie. Le malade fut remis bientôt à l'hôpital de son

étal pénible, mais il se plaignait souvent de maux de tête qui s'accen-

tuaient par l'effort, ce qui l'empêchait par exemple de travailler dans

l'atelier de cordonnerie. Quelques mois après il tomba malade de la

scarlatine et mourut de la néphrite.

Des constatalions d'anatomie pathologique on peut retenir : une néphrite

parenchymateuse aiguë, et dans la cavité crânienne, une pachy- lepto-

méningo-encéphalite chronique. Du côté des lobes frontaux et des parties

voisines des lobes temporaux les méninges étaient adhérentes entre elles

et à la substance cérébrale sous-jacente, surtout sur l'hémisphère gau-

che ; la dure-mère était hyperémiée, épaissie; pie-mère opaque, oedé-

mateuse et aussi hyperémiée ; le tissu cérébral présentait les mêmes

caractères d'hyperémie, d'oedème et d'infiltration des vaisseaux. Dans

certains endroits les adhérences des méninges à la substance cérébrale

étaient si fortes qu'on ne pouvait pas les séparer ; dans d'aulres endroits

les adhérences étaient plus lâches et cédaient facilement à la traction.

En examinant les endroits lésés sur des coupes obtenues au moyen du

microtome à congélation et colorées à la gentiane et au violet de méthyle

(après fixation préalable dans une solution d'aluminale de fer), nous re-

marquons tonte une série de modifications pathologiques que nous décri-

rons dans l'ordre suivant.

DU PIIOCESSUS DE RÉPARATION DANS LE CERVEAU 435

Tout d'abord on remarque que tout le champ visuel est parsemé de

leucocyles-poly et mononucléaires. Ils remplissent les espaces périvascu-

laires el tantôt par groupes, tantôt isolément, ils se trouvent dans les

fentes du giiareticuli. Une bonne coloration laisse vo'r les contours de

leurs corps et les granuialions du protoplasma grâce il quoi il est facile

de les différencier des cellules névrogliques. A part les leucocytes on

rencontre encore des lymphocytes et des cellules plasmatiques (plasma-

zellen), surtout dans les espaces périvasculaires et au niveau de la pie-

mère. Pour finir le tableau nous ajouterons qu'on rencontre dans les

méninges el dans la substance cérébrale des foyers microscopiques d'hé-

morragies et des érithrocytes disséminés; dans un endroit on trouve un

foyer de tissu nécrotisé (vaisseau).

Passant à l'étude du tissu néuoglir¡1te, nous devons remarquer que la

substance cérébrale de l'hémisphère présente ses modifications patholo-

giques à des profondeurs différentes : ce n'est que dans certains endroits

que la modification occupe tout l'espace allant de la périphérie à la subs-

tance blanche; dans d'aulres ce n'est que la périphérie qui est modifiée,

mais bien des cellules nerveuses n'en restent pas moins normales. (Juant

à la technique, 110115 a'ons renoncé complètement à la méthode faisant

ressortir les fibres névrogliques et nous ne nous servons que de la méthode

de coloration du protoplasma nêvroglique. On arrive à colorer ce dernier

par la méthode simple et la méthode Bielschowsky modi-

fiée, et surtout bien nettement par la méthode de coloration par la gen-

tiane et le violet de méthyle.

Nous avons devant les yeux le tableau d'un lissu ]I/'otoplaslItÏr¡lle, réti-

culé, continu, le gltnteliculttnt, ouïe gliaspongium - arec des centres

vitaux séparés, les cellules névrogliques (Schulze, Kôiiiker. dis, Gre-

pin, llardesty (I), Ileld (2), Spielmeyer (3), Frankhauser (4).] Comme

nous le savons (Ileld) (5), ces dernières se présentent dans le tissu normal

sous deux formes principales : sous forme de petites cellules fondamen-

tales (Geriislgl iazellell) et sous forme de cellules plus différenciées, plus

lIeltes, plusgrandes et plus autonomes, les cellules névrogliques marginales

(1) IAwnlarv J , The neuroglia of the spinal cord of the éléphant with Some preli-

9ninary observations upon the deuelopewent ol nevtroglia fibres. Tlie American Jour-

nal of Anatomy, V. il, 1902; On the devellopent and rature of the ne,,7-r) ! ilia. Ame-

rican Journal of Anatomy. V. III, July, 190t.

(2) Ilrr.n, Ueber den Rait der Neuroglia' etc., Abhandlttngen der Stclt,rischen,

Gesellschaft d. ·4`t>senschrl'trn. 'S,3 ? 01.

(3) Sl'IEL)11,YEII, l'un de¡¡ proloplasmatischen und faseriçen Slitt;.suGslan.. des Central

nerven Systems, Arch. f. Psychiatrie. 1901, Bd. 42. ri. 303.

(4) FI\.\);KII,IIJoEI1. XIII' liettnluis des piotopl. Glia. Journ. f. l'sycli. Il. "ellrol., 1910.

(5) IIFLn, Ueber die Neuroglia marginalis des mellschliclzen Groszliirnrinde. lfonats-

schr. f. Psych. u. Neurol. Ergânzing Zu B. 26. Festschrift Flechsig, S. 360-il6.

436 SNESSAREFF

(Marginazlgliazellen) qui, par leurs prolongements, prennent une part active e

dans des formations névrogliques spéciales se trouvant à la surface péri-

vasculaire et externe du cerveau (membrana g)im perivascularis et super-

ficialis). Elles sont aidées en cela par le gliaspongium intercellulaire fine-

ment réticulé qui forme par exemple les membranes névrogliques autour

des espaces lymphatiques péricellulaires et périneuraux. Dans le proto-

plasma liomateux les fibrilles gliomateuses représentent comme des élé-

ments indépendants. Si on ajoute que les espaces situés entre les mailles du

gliaspongium présentent des voies communiquant entre elles et avec les

espaces lymphatiques susdits pour la circulation de la lymphe cérébrale,

la signification fonctionnelle du gliaspongium sera claire. Le fait de

reconnaître au tissu névroglique non seulement le rôle de tissu de sou-

lien, mais encore et de plus de tissu prenant part à la formation des

voies lymphatiques et aussi, grâce ci sa contractilité, dans le perfectionne-

ment de la circulation lymphatique (voir plus loin), formera la base de

notre raisonnement ultérieur sur la pathogénie de ses modifications.

Dans notre examen du tissu névroglique des foyers lésés du cerveau

nous irons petit à petit depuis le tissu normal des couches profondes du

cerveau jusqu'à sa périphérie. Nous remarquons que le gliospongium

finement réticulé du tissu normal devient un réliculum à mailles larges ;

dans le champ visuel on observe une quantité de leucocytes, mais on

remarque surtout les grosses cellules névrogliques dites marginales (lari-

nalgliazellen ou amoeboïden Zellen d'alzlieimer, nu. PI. LXII, 1). Leurs

corps renferment deux, trois gros noyaux clairs, tantôt placés l'un à côté

de l'autre comme au centre delà figure, tantôt séparés. Par places leur

protoplasma est envahi par des leucocytes (petits noyaux ronds, obscurs).

Les cellules névrogliques, qui ont conservé leurs contours laissent voir

les leucocytes la périphérie, tandis que les cellules détruites présentent

tout un groupe de leucocytes au centre de leur corps.

Ainsi nous avons devant nous des cellules névrogliques géantes ci plu-

sieurs noyaux ayant encore conservé, grâce : 1 leurs prolongements, leurs

relations avec le gliaspongium commun (clans certains cas ce lien disparait

et lescellulea névronliques apparaissent rondes). Elles ne se sont pas sépa-

rées complètement, mais elles sont devenues plus autonomes, plus actives

individuellement dans la lutte pour l'existence. On dirait qu'elles ont (

comme absorbé le protoplasma du gliaspongium qui, grâce cela, est devenu

plus raréfié, r1 mailles plus larges. En outre, les corps voisins se sont fusion-

nés. En somme, la masse totale du protoplasma du gliaspongium, à part,

celui qui a été partiellement détruit, n'a pas diminué mais a servi a aug-

menter les corps cellulaires. Cependant le tableau général du gliaspon-

gium modifié n'est pas le même, notamment ses mailles ne sontpas éga-

LÉGENDE DES PLANCHES

PLANCHE LXII

Fio. 1. Les cellules névrogliques amiboiJes (Alzheimer) et les leucocytes.

Fic. 2. Un gros capillaire. V li, espaces périvasculaires de Virchow-Robin ; epc,

cellules épithélioïdes ; atle,celltile adventice ; glc, cellules névrogliques 8/"c,ér.thr()-

cytes.

Fie.. 3. La névroglie atypique. Forme protoplasmatique en granulations. Au milieu

un îlot de cetle névroglie.. Une granulation. Autour, les espaces lymphatiques (VU)

de Virchow-Robin ; epc, cellules épithélioides (endothéliales).

Fig. 4. - Nevroôlie atypique, forme libreuse.

PLANCHE LXI11

Fie 5. - Un vaisseau de la pie-mère. Stroma reticulaire de la couche musculaire.

L. lumen.

FiG. 6. -- A la partie supérieure, fibres collagènes des méninges ; à la partie infé-

rieure, réseaux fibrillaires d'écorce.

Fto. 7. -Réseaux fibrillaires intervasculaires. V H, espace périvasculaire de Virchow-

Robin autour des capillaires de l'écorce ; ntad, membrane réticulaire adventiciPlle ;

mlr, membrane réticulaire terminale.

FiG. 8. Un gros vaisseau de l'écorce avec l'espace périvasculaire élargi et rempli

de tissu réticulaire. L. lumen : mlr, membrane réticulaire terminale : gale, cellules

névrogliques.

NOUVELLE Iconographie DE la SALPêTRIèRE.

T. XXVI. Pl. LXII

11ENINGO-ENCf; : PHALIQUE CHRONIQUE

(P.511essare[j)

Masson & Cie, Editeurs

Phototypie nrrOnauJ, rn,

DU PROCESSUS DE REPARATION DANS LE CERVEAU 437

les, tantôt elles sont plus grosses, tantôt plus petites. On rencontre dans

l'endroit lésé le gliaspongium à petites mailles se rapprochant comme

grandeur de la norme sous forme d'ilois séparés. Dans les endroits où le

gliaspongium est à grosses mailles, on constate par places une déchirure

du réseau protoplasmique grâce à quoi il se forme des petites excavations.

Comme on rencontre dans ces excavations des érythrocytes, on peut en

conclure que la déchirure du réseau s'est produite du fait d'une hémor-

ragie.

Que peut-on dire des mailles du gliaspongium au point de vue des

voies lymphatiques ? Elles sont élargies et ainsi sont modifiées plutôt du

bon que du mauvais côté au point de vue de la circulation lymphatique;

ce n'est que la tension générale du gliaspongium qui est diminuée, ce qui

crée des conditions favorables à la stagnation de la lymphe.

Les mêmes modifications se produisent dans les espaces périvasculaires.

La ligure 2 présente un gros capillaire (Vorkapillar) ; en dehors de lui

nous avons les contours peu nets des grosses cellules marginales. Paral-

lèlement à la paroi du vaisseau s'étend la membrana glix perivascularis

en laissant un large espace périvasculaire. Dans l'angle formé par la

bifurcation du vaisseau, on voit qu'à la membrana glise perivascularis

adhèrent des cellules allongées (cellules épitliélioïdes). Ce sont des cellules

non du tissu névronlique, maisdu tissu conjonctif, car elles présentent un

lien organique et génétique très intime avec les fibrilles conjonctives, le

tissu réticulé (voir plus bas).

Voyons plus loin comment se modifie le tissu névroglique en allant

de la région lésée vers la périphérie. Nous rencontrons d'abord des foyers

isolés, puis, à la périphérie, des territoires continus de gliaspongium

fortement modifiés. Nous voyons cela sur la figure 3 prise à la périphérie.

L'espace clair du côté gauche de la figure se rapporte à la pie-mère; il

est la continuation de la lumière d'un large vaisseau lymphatique qui se

divise en plus dans la profondeur du tissu. A la périphérie le gliaspongium

s'est différencié en ilols isolés séparés par des espaces lymphatiques en

fentes. Nous avons sur la figure trois îlots de gliaspongium (le supérieur,

moyen et inférieur), le moyen est le plus marqué. Au centre de ce dernier

on remarque les corps des grosses cellules névrogliques du type marginal.

Elles sont unies par le gliaspongium intermédiaire finement réticulé qui

fait la continuation de leur prolongement protoplasmique ; ce groupe

cellulaire central est enveloppé par des cellules névrogliques allongées

faisant partie du même gliaspongium. Dans l'ilot inférieur les cellules

névrogliques allongées forment le centre (la coupe a passé sensiblement

dans le sens de leur longueur). Dans un autre endroit on aurait pu voir

que, perpendiculairement à un tel groupe cellulaire central s'étendent

438 SNESSAREFF

d'autres cellules du même genre, d'autres encore les entourent à la péri-

phérie mais toutes ensemble elles forment une unité qui est un 'îlot. Si

nous avons parlé plus haut de grosses cellules névrogliques, de ce qu'elles

deviennent à un certain degré autonomes, on peut parler ici de l'autono-

mie de toute une portion de tissu nêvroglique. Là les cellules névrogliques

changent un peu de place, ne modifiant que faiblement le tableau normal

de disposition, ici le tableau typique de la structure de la périphérie de

l'écorce est tout il fait changé. On a un aspect pathologique particulier du

tissu névroglique très caractéristique pour les granulations de l'épendyme.

Les îlots que nous examinons ainsi que les granulations de l'épendyme

sont entourés d'une partie du gliaspongium différenciée (avec des cellules

névrogliques du type marginal) grâce il la compression centripète ; à cause

de cela la direction de la croissance normale du tissu est modifiée et l'on

n'a plus la disposition normale des éléments composants. Grâce à la com-

pression générale bien marquée de tout le protoplasme et à l'allongement

de certaines parties il se forme des cellules névrogliques allongées qu'on

appelle fusiformes. Enfin, grâce à celle compression, d'un côté les mailles

du gliaspongium se resserrent, d'un autre côté les memúrrtnm glioe pel'i-

vasculares et 'Sttpelfîciales sont adirées de la surface voisine (externe et

périvasculaire) du cerveau. Le tissu névroglique devient impénétrable

pour la lymphe, en même temps les membranes perdent leur capacité

de produire une pression sur elle dans les espaces périvasculaires. L'es-

pace périvasculaire étroit du vaisseau voisin devient large, comme sur

le dessin le vaisseau lymphatique efférent. Le petit capillaire qui s'y

trouve démontre nettement son origine. En examinant de plus près,

nous verrons encore que ces parois du côté de la névroglie sont recou-

vertes des mêmes cellules épithélioïdes dont nous avons parlé à propos

de la figure 2 (de la memhrane réticulaire plus bas).

Nous avons examiné une forme pathologique du tissu névroglique riche

en protoplasma (endoplasma cellulaire). Mais au même endroit, il la pé-

riphérie, se trouve une autre forme pathologique du tissu névroglidue ca-

ractérisée par sa richesse en fibrilles névrogliques s'étendant en faisceaux

(PI. LXII, fig. 4). Les cellules faisant partie de ce tissu névroglique s'éten-

dent perpendiculairement à la surface de l'écorce cérébrale ; dans la même

direction s'étendent les mailles du gliaspongium qui prennent l'aspect de

fentes très minces. Cette forme de la névroglie ressemble, grâce à ses

fibrilles, au tissu conjonctif fibrillaire, mais il en est nettement différencié

par les traits suivants : 1° cette forme de tissu névroglique est continuée

immédiatement par d'autres formes dont nous avons parlé plus haut, fai-

sant un avec elles; 2° les noyaux de ses cellules ont une forme ovoïde,

sont assez gros, avec deux, trois nucléoles, ont une substance chromatique

NOUVl : .1 LE ICONOGRAPHIE DE LA SA1.1'ÉTRII'.RE.

T. XXVI. 111. LXIII

MÉNINGO-ENCÉPHALITE CHRONIQUE

(P. SlIessarefJ) '

Masson & CI., Editeurs

DU PROCESSUS DE RÉPARATION DANS LE CERVEAU 439 9

bien prononcée et présentent des contours nets ; 3° quelques noyaux ont

beaucoup d'endoplasme ; 4° les fibrilles occupent la partie qui correspond

a l'exoplasma des cellules névrogliques. On peut ajouter encore que les

fibrilles présentent des éléments indépendants et s'étendent en faisceaux

dans l'exoplasma des cellules névrogliques et encore plus loin dans les

Irabécules protoplasmiques du gliaspongium; elles ne peuvent pas être

considérées comme appartenant à telle ou telle cellule, car elles s'étendent

dans le protoplasme de plusieurs cellules. En outre, un faisceau de

fibrilles d'une cellule s'unit au faisceau d'une autre cellule, ce qui sert

à la formation du réseau fibrillaire.

Ainsi nous avons examiné deux tableaux pathologiques du tissu névro-

glique ayant des propriétés bien définies. En se basant sur deux traits

principaux : 1° sou caractère autonome et son développement en dehors

du type de structure de la région donnée du cerveau; '1° le fait qu'il

perd sa fonction de tissu lymphoïde, nous l'appelons tissu 1aéo)-nliqiGe

«typique, cette formation correspondant au tissu conjonctif cicatriciel.

Voyons maintenant le rôle du tissu conjonctif dans le processus de ci-

catrisation. En employant les méthodes habituelles de coloration des fibres

conjonctives, nous n'obtenons ordinairement qu'une certaine partie de

fibrilles de la région donnée revêtue de substance collagène (fibres colla-

gènes), rien de plus ; tandis que si l'on emploie des méthodes de prépara-

tion spéciales, on fait voir aussi la partie du système général de fihres con-

jonctives qui n'est pas revêtue de substance collagène. Pour cela nous em-

ployons la méthode de BielscllOwsky modifiée par nous (fixation du tissu

dans une solution d'aluminate de fer-ferro-ammonium sulfaricum). En

employant l'expression « système de libres conjonctives», nous voulons

marquer celte particularité que toutes les fibrilles conjonctives d'un or-

gane quelconque (revêtues de substances collagène on non), forment un

seul réseau continu. Le cerveau normal contient peu de fibres collagènes

(elles se trouvent dans l'adventice des gros vaisseaux), par contre il

contient un réseau très fin de fibrilles conjonctives (réticulum, tissu réti-

culé d'après Ranvier, Boeld, Weidenreich, Tischoutkine) se trouvant à

la surface externe et interne du cerveau. Ainsi les membranse glix

preriv«sculares et super ftciales ne sont pas recouvertes uniquement de

cellules éplthélioïdes (synonyme : les cellules d'adventice de Rohin-Bis

d'après Duval, de péritbéiiuu) d'après Eberth, les cellules endolhéliales

d'après Key-Retzius) dont nous avons déjà parlé mais aussi d'un très fin

tissu réticulé à mailles étroites qui forme avec les cellules ce qu'on peut

nommer la membrana terminalis du cerveau,rnembrana accessoria (pia inti-

ma'et sa continuation). En outre le réticulum prend part à la formation dn

stroma des parois des vaisseaux encéphaliques (pli. LXIII, fig. 5) en formant

un stroma reticulaire de la couche musculaire des gros vaisseaux et une

440 SNESSAREFF

membrane réticulaire de l'adventice des capillaires, la membrane adventi-

tielle réticulaire des capillaires, ou membrana propria. Celle dernière est

unie par des branches de communication avec la membrana terminalis

réticulaire se trouvant en dehors d'elle, tandis que l'espace qui se pro-

duit entre elles est justement l'espace lymphatique périvasculaire de Vir-

chow-Robin. Normalement les deux membranes sont intimement accolées

l'une à l'autre et il n'y a pas de cellules épithélioïdes, mais les cellules

adventicielles seules ; en outre, par places les membranes réticulaires de

deux capillaires voisins sont réunies par des fibrilles allant dans le tissu

cérébral intervasculaire (S. Ramon y Cajal). Que voyons-nous donc dans

le cas que nous [examinons, où, grâce à l'adhérence des méninges à la

substance cérébrale, on peut s'attendre à trouver un développement consi-

dérable du tissu conjonctif ? En faisant l'examen de l'endroit lésé nous

irons, dans un sens inverse au précédent, depuis la dure-mère dans la pro-

fondeur du tissu.

La partie supérieure de la figure 6 appartient aux méninges, la partie

inférieure à la périphérie de l'écorce cérébrale modifiée. Nous voyons

comment les fibres collagènes se dirigent en faisceaux dans la substance

cérébrale et là, en se débarrassant de la substance collagène, se continuent

en un réseau de fibrilles conjonctives. On peut noter que les fibrilles élé-

mentaires des faisceaux conjonctifs collagènes, après s'être débarrassées de

la substance collagène, se soudent pour ainsi dire en une fibre collagène.

Mais la formation de celte fibre collagène de fibrilles élémentaires se dé-

montre dans le trajet ultérieur de la fibre : tantôt elle donne une branche

collatérale formée d'une ou de deux fibrilles, tantôt elle se décompose

en ses composantes, elle se défait sur son trajet et à cause décela il s'y

forme des mailles.

La figure 6 servait de démonstration évidente de ce que le réticulum

(le tissu réticulé) ne présente que la continuation des fibres collagènes.

En allant plus profondément dans le tissu cérébral, nous nous occupe-

rons exclusivement de l'examen des réseaux de fibrilles conjonctives.

Comment se fait leur prolifération à la périphérie du cerveau au ni-

veau des ilots du tissu névroglique atypique ? Les réseaux fibrillaires les

pénètrent et entourent de tous côtés ; les espaces lymphatiques élargis sont

recouverts comme normalement, du côté de la névroglie, par la mem-

brane réticulaire qui saisit dans ses mailles les cellules épithélioïdes en pé-

nétrant en partie dans leurs corps protoplasmiques. On peut voir aussi que

les réseaux fibrillaires proliférés pénètrent dans les fentes du gliaspongium

et attirent la paroi de l'espace lymphatique périvasculaire de la même

façon que la névroglie atypique; ils jouent tous les deux un certain rôle

dans son élargissement pathologique. Nous avons décrit quelque chose de

bu PROCESSUS DE RÉPARATION' DANS LE CERVEAU 441

semblable dans notre article : Ein hall atypischer paralysis progressival 1

u.s. w. Neurologisches Centralblatt, 1911, n° IL

On peut voir sur la figure 7 (PI. 1,Xlll) l'aspect que présente le tableau

complet de réseaux conjonclifs fibrillaires proliférés à la périphérie de l'é-

corce; en bas il y passage au tissu normal. La prolifération des réseaux

conjonctifs fibrillaires dans les espaces intervasculaires se fait voir sur

la même figure 7. On peut voir que ces réseaux inlervasculaires se conti-

nuent en membranes réliculaires des espaces périvasculaires et des capil-

laires (les espaces périvasculaires 'sont élargis grâce à ce que les réseaux

intervasculaires attirent la membrane terminale).

Sur la figure 8 on voit les espaces périvasculaires des gros vaisseaux

palhologiquement élargis et remplis par le tissu réticulaire. Les points plus

sombres représentent*les vaisseaux dont la lumière est rempliede cellules.

Dans les espaces périvasculaires nous voyons des mailles de différentes

largeurs les plus larges remplies de leucocytes, et de toutes petites, plus

petites que les noyaux de leucocytes. La membrana tenninalis est aussi

formée d'un réticulum à petites mailles ; quant à la structure de la mem-

brana adventitialis et de la membrana termiztalis en général il faut dire

que leurs fibrilles présentent pour la plupart une direction spirale. Sur la

dernière figure on peut voir à la membrana terminalis des coupes de tuyaux,

ce sont les bourgeons latéraux.

En passant en revue les tableaux de tissu conjonctif que nous avons

examinés, nous pouvons dire que nous avons vu le tissu conjonctif anor-

malement proliféré en forme de réseaux fibrillaires (réticulum, tissu réti-

culé) ; c'est un réseau continu qui, à la périphérie, se continue par les

fibres collagènes des vieilles cellules conjonctives des méninges et dans la

substance cérébrale par les membranes réticulaires des espaces périvascu-

laires et des vaisseaux qui de leur côté présentent un lien organique et géné-

tique avec les cellules dites adventicielles des vaisseaux du cerveau et avec

les cellules épithélioïdes qui leur sont identiques et qui tapissent les es-

paces lymphatiques périvascnlaires. La réunion de toutes les cellules s2lsy

dites par un réseau fibrillaire continu sert de meilleure preuve de leur

proche parenté .

Nous ne pouvons pas passer en silence la question du développe-

ment du réseau fibrillaire que nous avons étudié, quoique nous ne

ferons que des suppositions. Il faut tout d'abord admettre que les fibrilles

des fibres collagènes peuvent croître distalement comme la fibre nerveuse ;

ensuite que les fibrilles sont produites par les cellules dites adrenticielles

des vaisseaux (c'est un fait prouvé) (1)et, à ce qui paraît, par les cellules

(1) ZIEGLER, Heilung von Ilil'l1w, ulldell Silz-Ber. der phys.-med. Gesellschaft in

Wùrzburg, 1818, beschr. v. Kahlden ; V. KAHLDEN, Ueber die Heilung von Gehirn-

wunden, Centr. f. allg. Path., 1891. Bd. II, S. 737; CaRL&TTC, Die GefdssvesmeJrrung

im Zentral germen. system., Nissl. Alzheimers Arbeilen, Bd. IV, H. 1 ; Aciiucarro.

Darslellung von neugebildeten Fasern des Geliissbindegeloebes in der Hirnrinde dM;'c/t,

442 2 SNESSAREFF

parentes épithélioïdes des espaces lymphatiques (1) et enfin que les fibres

collagènes forment des réseaux grâce et ce que les fibrilles qui les composent

croissent le long du trajet ce qui produit la formation de mailles. Ces libres

là avec des petites mailles se formant le long de leur trajet se rencontrent

très souvent. C'est le processus consécutif de formation des mailles et de

leur croissance qui produit le réliculum (2).

Quant à la signification générale de la prolifération du lissu conjonc-

tif dans le cerveau sous forme de réseaux fibrillaires, nous pouvons appeler

ce processus une hyl)ei-1)1(isie de fibrilles conjonctives ; nous voyons ici sous

forme pathologique ce qui est commun à la structure normale du cerveau.

Par rapport aux systèmes vasculaire et lymphatique du cerveau le tissu

conjonctif continue sa l'onction qui lui est commune normalement. Le

réticulum proliféré peut être considéré comme un drain du tissu, utile

à la circulation lymphatique; l'élargissement des espaces lymphatiques

aux endroits de formation du tissu névroglique atypique peut être considéré

jusqu'à un certain point comme un phénomène utile. En somme, en nous

fondant sur les deux signes que nous avons mis comme base de différen-

ciation entre le tissu névroglique typique et atypique, nous pouvons dire

que le réliculum pathologique du cerveau est un tissu typique. Mais dans

notre cas déjà on peut voir par places à la périphérie de la substance céré-

brale, aux endroits représentés sur les figures, le commencement de for-

mation d'une forme atypique de tissu conjonctif, tissu cicatriciel. Il faut

croire que la nouvelle couverture de la fibre formée par la substance colla-

gène vient du côté de ces fibres collagènes dont elle forme la continuation.

Pour finir, revenons au tableau clinique du cas donné el prononçons

nous sur l'origine des attaques épileptiques. On peut considérer que les

attaques épileptiques proviennent de l'état anormal des voies lymphati-

ques du cerveau el de l'activité lymphogène du gliaspongium. Nous avons

examiné ces voies plus haut et nous nous arrêterons maintenant sur les

propriétés problématiques du gliaspongium, sa conlraclilité grâce à

laquelle devient possible son action lympttogene. Le matériel pathologique

dont nous disposons, nous offre certaines données qui parlent pour la

contractilité pathologique du gliaspongium. Ainsi, en examinant le glias-

pongium des individus morts du choléra asiatique, nous avons vu que

les noyaux des cellules névrogliques étaient amassés dans certains endroits

eine neue Tannin-Silbermelhode, Zeitsch. f. d. g. Neurol. u. Psychiatrie, Bd. VII,

Il. 4.

(1) HOSSLE VOSCIIIDA, Das Gillerfasergeriist der Lyml'ltdrüsen unrer uormalen und

palhologiscleen Verhüllnissen, Ziegler's Beilrage, 1909, Bd. 45; R t;SSA KOFI'. Uber die

pa</ ! o<ot ! c/ten fe)'/ta«);Msfn, Ziegter's Beitruge, t909, Bd. 45; nt;ssAMFF, U&e'' dt'e

Gillerfasern der Luttas unler-normul und pathologischen Verltiiltnissen, Zieglers Bei-

trage, 1909.

(2) S11ESSAIIEW, Ein Fall atypischer progressiver Paralyse verbunden mit Enlwick-

lung von Fibrilennetzen des Bmdegewebes in der Ilirnsubstanz . Neurol. Centralbl, Jun.

1911.

DU PROCESSUS DE REPARATION DANS LE CERVEAU 443

en groupes et que la membrana glice perivascularis était attirée anonna-

lement loin des parois vasculaires. En admettant la contractilité dit glia-

spongium on peut se présenter la fonction lymphogène du gliaspongium

de la façon suivante : le gliaspongium en se contractant, chasse la lymphe

de ses mailles ou plutôt des espaces en fentes dans les espaces périvascu-

laires autour des vaisseaux du système veineux qui en même temps s'ou-

vrentgràce à la traction des membranoe glioe perivasculares et s2ther/iciales ;

en se relâchant il absorbe la lymphe et la chasse en même temps dans les

espaces périvasculaires par la compression des dites membranes. La con-

traction et le relâchement se font 1. ! }tluniq1lemel/t, synchroniquement aux

mouvements dits respiratoires du cerveau.

Il est sur que l'appareil décrit doit être bien parfait pour ne pas nuire

à l'activité neuropsychique. L'accélération ou le ralentissement de l'activité

contraclile étant de longue durée pourraient, nous parait-il, conduire à

un étal maniacal ou dépressif dans la sphère mentale. L'augmentation de

l'activité du gliaspongium, l'hypertonie d'un hémisphère peut amener

une hémicranie ; l'atonie régionale du gliaspongium peut donner lieu

a une pseudo-tumeur du cerveau et ainsi de suite. Les modifications orga-

niques du gliaspongium, par exemple l'augmentation de la masse protoplas-

mique cellulaire, c'est-à-dire une lésion du système lympatluque cérébral

en général, jouent à ce qui parait non le dernier rôle dans le tableau

clinique de la démence précoce. Même le grossissement extrême de la mem-

ú1'rlnæ glioe perivascularis par lui-même peut entraver la circulation lym-

plraticluc.

Mais si nous avons dans la région motrice comme dans le cas donné le

développement du tissu névroglidue atypique qui lui est nuisible et du

tissu cicatriciel, en oulre des espaces lymphatiques élargis, nous devons

supposer ce qui suit : le gliaspongium en se contractant pompe la lymphe

vers la région périphérique lésée où cette dernière, trouvant un obstacle,

s'accumule d'abord dans les espaces périvasculaires et dans le gliaspongium

lui-même ; ensuite, ou bien en faisant la compression par sa masse sur les

cellules nerveuses ou en provoquant une contraction tonique du gliaspon-

gittiti, ou bien encore en agissant d'une façon toxique, elle amène une attaque

de convulsions. Pendant l'attaque par les contractions musculaires, il se

produit des conditions favorables pour l'écoulement de la lymphe de la

cavité crânienne dans le corps par aspiration.

L'état atonique général du protoplasma produit le sommeil qui suit la

crise.

Le gérant : P. 130UCIlEZ.

lmp. J. Thevenot, Saiut-Dizier (Haute»Marne).

L'HYPERTROPHIE CRANIENNE SIMPLE FAMILIALE

par

M. KLIPPEL

médecin de l'hôpital Tenon

et

E. FELSTEIN

interne des hôpitaux de Paris.

Nous avons eu l'occasion d'étudier récemment à l'hôpital Tenon une

dystrophie crânienne sur laquelle l'attention, nous semble-t-il, n'avait

pas encore été attirée jusqu'à présent.

En voici l'observation :

Observation.

M. Jean L..., 49 ans, scieur de long, entre à l'hôpital Tenon, salle Gérando,

le 9 avril 1913, pour un fait relativement banal : bronchite, avec emphysème.

N'insistons pas davantage sur ce point, car ce qui attire tout de suite le re-

gard, c'est l'aspect véritablement anormal, par son volume, du crâne du malade

(la photographie et le dessin ne rendent d'ailleurs qu'insuffisamment cette

impression).

Ou ne découvre rien de particulier dans les antécédents personnels du

malade : ni syphilis ni maladie infectieuse ou traumatique quelconque.

La conformation de son crâne est, à ce qu'il raconte, congénitale : « il s'est

toujours connu ainsi » et fait remarquer que plusieurs membres de sa famille

ont la même dystrophie : son grand-père maternel, son grand-oncle, sa mère,

son frère et son propre fils enfin sont comme lui « camards ».

Nous avons, autant qu'il a été possible, dressé un arbre généalogique :

xxVi .il)

446 6 KLIPPEL ET FELSTEIN

TABLEAU GÉNÉALOGIQUE

Arrière-grands-pères inconnus.

NOUVELLE Iconographie DE la SALPÊTRIÈRE.

T. XXVI. Pl. LXIV

HYPERTROPHIE CRANIENNE SIMPLE FAMILIALE

(Klippel et Felsteil1).

Masson et Cie, Editeurs

L'HYPERTROPHIE CRANIENNE SIMPLE FAMILIALE 447

Notons tout de suite que le malade n'éprouve aucun trouble fonctionnel,

de quelque espèce que ce soit. Son intelligence est celle d'un homme de sa

condition.

Examen. PI. LXIV. - Dès l'abord, l'examen montre une augmentation

notable des dimensions de la boîte crânienne. Par la mensuration on trouve

en effet que diamètre antéro-postérieur (de l'inion à la racine du nez) =

36 centimètres; le diamètre transversal (entre les parties les plus saillantes

des pariétaux) = 31 centimètres; le tour du crâne (passant par l'inion) =

62 centimètres.

Le frontal surtout est saillant, presque à pic, surplombant les fosses orbi-

taires qui sont profondes, avec relief très marqué des arcades sourcilières. Les

yeux d'ailleurs sont écartés l'un et l'autre et montrent un léger strabisme di-

vergent. Les pariétaux montrent par l'examen de face une saillie, marquée.

Les fontanelles sont ossifiées. Le nez est relativement court avec une racine

large et des ailes étalées. La mâchoire inférieure est élargie et saillante, don-

nant au visage un aspect bestial. Les autres os de la face ou du crâne ne pré-

sentent pas un aspect anormal. Les dents sont implantées normalement. La

voûte palatine a une courbure normale. Le squelette du tronc et des membres

n'a rien de particulier à signaler. Les deux membres supérieurs identiques ont

les dimensions suivantes dans leurs différents ossements : 1° de l'extrémité ex-

térieure de la clavicule à l'interligne du coude = 38 centimètres, 2° de l'inter-

ligne du coude à l'interligne radio-carpien= 26 centimètres. Les deux membres

inférieurs ont une longueur totale de 88 centimètres.

Les os dit membre supérieur, à la palpation, sont normaux. Les mains sont

volumineuses, avec une forme de battoir et une peau ferme et épaisse.

Les os du membre inférieur sont normaux et ne présentent pas non plus

de modifications dans leur forme ou leur aspect. Il n'y a ni déformation ni

exostoses.

Le sternum est long de 20 centimètres.

Les clavicules sont semblables et normales.

Le thorax est un peu en tonneau (le malade est emphysémateux), le

tour de poitrine, à l'endroit le plus saillant, est de 98 centimètres.

Le rachis ne présente ni saillie ni déviations pathologiques.

Le bassin semble normal.

La marche et l'attitude du malade debout n'ont rien de spécial.

Les réflexes, quels qu'ils soient, sont normaux.

Il n'existe aucun trouble de la sensibilité cutanée, aucun trouble trophique

soit au niveau de la peau soit au niveau des articulations.

Les différents appa1'eils - sauf le poumon, bronchitique et emphysémateux

sont normaux. Le coeur bat normalement ; la tension artérielle est de 16 à

17 au Potain.

Les urines ne contiennent aucun élément pathologique.

Les appareils sensoriels fonctionnent bien; notons seulement une myopie

légère.

Le corps thyroïde, les testicules n'offrent rien d'anormal.

448 KLIPPEL ET FELSTE1N

L'examen radiographique du crâne a été fait et nous nous sommes reportés

pour étudier et comparer l'épreuve aux schémas qu'a publiés en 1912 Bartolotti

dans la Nouvelle Iconographie, dans un article sur l'oxycéphalie. L'épreuve,

faite de profil, montre à notre avis : 1° une obliquité normale de la base du

crâne, sans enfoncement ou saillie anormale de la selle turcique (lordose et

cyphose basilaires de Bartolotti) ; 2" une selle turcique non modifiée dans

sa forme ou ses dimensions ; 3° un aplatissement peu marqué de la voûte

crânienne,à la partie antéro-supérieure ; 4" un épaississement très prononcé

de la voûte crânienne tout entière, uniforme et sans modification appréciable

du diploé.

Ainsi, chez le malade qui nous occupe, les modifications osseuses por-

tent uniquement sur le crâne (voûte crânienne surtout); elles existent

depuis la naissance, se rapprochent des modifications identiques rencon-

trées chez d'autres membres de la même famille el rappellent enfin

quelques caractères de malformations crâniennes déjà décrites, tout en

s'écartant de celles-ci par d'autres caractères que nous allons voir. Voici

en effet les différentes affections auxquelles on pourrait songer chez notre

L'HYPERTROPHIE CRANIENNE SIMPLE FAMILIALE 449

malade, mais l'absence de certains signes cardinaux de ces affections nous

permettra de les éliminer successivement.

l°Nous écarterons rapidement le syndrome y.secclo-Payet décrit par

Marie, dû à l'osléoporose sénile.

2° Nous éliminerons également vite l'oxycéphalie. Notre sujet n'a ni

les troubles fonctionnels ni les caractères osseux de celle dystrophie et on

pourrait presque l'opposer même à notre cas.

3° Pour mémoire nous écarterons une dystrophie rarissime : Leontiasis

ossea de Virchow, où le crâne présente des saillies irrégulières, exubéran-

tes, bosselées.

On pourrait songer à une forme fruste de la maladie de Paget : le

volume du crâne est en effet augmenté, avec un front considérable, mais

tout le reste du squelette est normal chez notre malade : les os longs ne

450 KLIPPEL ET FELSTEIN

sont augmentés ni déformés, la marche est normale. Rappelons pourtant,

à cause du caractère familial du trouble qui nous occupe, l'observation

d'OEttinger et Agasse-Lafont signalant plusieurs cas de maladie de Paget

dans une famille de blanchisseurs. Mieux encore, on pourrait penser à

une forme de maladie de Paget céphalique (Catala, N. I. S., 1909) ou à une

forme anormale et fruste de maladie de Paget, analogue à celle décrite par

Léri (Soc. méd. des Hôpitaux, 17 janvier 1913) avec « tête énorme et

déformations presque symétriques des mains et des pieds sans aucune

déformation des os longs des membres ». Notre sujet a en effet de fortes

mains, mais elles n'ont pas de lésions spéciales même à la Radiographie ;

de plus, les pieds sont normaux.

5° L'acromégalie pourrait être envisagée, mais chez notre malade,

pieds, mains et thorax sont normaux. Seule l'extrémité céphalique pour-

rait y faire penser et encore il n'y a comme point commun que la saillie

assez marquée des arcades sourcilières. Tout le reste du squelette crânien

est normal. Le nez est un peu camard, mais notre malade n'a pas une face

épaisse, aux lèvres grosses, à la peau bistrée, comme les acromégaliqutJs.

A l'examen radiographique enfin, la selle turcique nous semble normale.

6° L'ostéoctalacie nous arrêtera peu : le crâne n'est ici atteint que

tardivement, bien après le bassin et les membres : le crâne s'épaissit, le

visage se raccourcit, mais toujours existent auparavant d'autres déforma-

tions du squelette.

7° Nous pourrons éliminer encore d'autres dystrophies : le rachitisme

à forme tardive, à cause de la saillie du front, mais les autres manifesta-

tions rachitiques manquent chez notre malade. L' hydrocéphalie chronique,

avec son front haut et large qui surmonte une face rapetissée par contraste,

pourrait nous arrêter davantage ; les troubles intellectuels peuvent y être

absents (le diplomate et le sculpteur de Bouchut), mais contre cette hypo-

thèse, dans notre cas, il faut remarquer l'absence de caractère familial ou

héréditaire de l'hydrocéphalie. Déplus, l'examen radiographique montre,

selon l3artolotti; des caractères très spéciaux, que nous n'avons pas ici.

8° Deux dystrophies surtout sont à discuter : l'achondroplasie et la dy-

sostose cléido-crânienne héréditaire. Le crâne de notre malade se rappro-

che un peu du crâne des achondroplasiques, avec ses bosses frontales et

pariétales saillantes, son nez court et enfoncé, implanté sur une large

base, avec un épaississement marqué des os, les os de la face et les dénis

demeurant normaux.

Mais si, ici, on trouve la plupart des caractères du crâne des achon-

droplasiques, on ne retrouve point les autres caractères de ces malades :

micromélie rhizomélique, saillie des fesses, arrêt de développement du

bassin, déformations spéciales des mains leur donnant un aspect carré;

NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE TA SALI'L'J'fURH.

T. XXVI. Pl. LXV

HYPERTROPHIE CRANIENNE SIMPLE FAMILIALE

(lliel et Felsleiu).

Masson et Cie, Edueurs

L'HYPERTROPHIE CRANIENNE SIMPLE FAMILIALE 4.51

enfin la taille courte des achondroplasiques qui les fait comparer des

athlètes en miniature, à des Augustes de cirque. Notons, pourtant, à cause

du caractère familial de la dystrophie qui nous occupe, que M. Souques

a présenté à la Société de neurologie, en 1912, une famille grecque, où

sur 6 enfants quatre sont achondroplasiques. Launois et Apert en 1905

ont rapporté également 12 observations d'achondroplasie héréditaire ou

familiale. D'autres cas ont été observés par Decroly, HQuston Porter,

Apert, Eicholy ; Franchini et Zanasi ont publié enfin l'observation d'un

enfant achondroplasique né de parents achondroplasiques.

9° Si nous comparons le portrait de notre sujet à certaines figures de

(lysosiose cléidn-crcîcaiemce de la collection P. Marie, la ressemblance est

plus frappante encore qu'avec toutes les dystrophies précédentes. La dy-

sostose cléido-crânienne, elle aussi, se transmet par hérédité comme la

dystrophie qui atteint notre sujet. Mais, à côté des caractères communs,

nous ne trouvons pas l'aplasie des clavicules, l'inocclusion des fonta-

nelles, la forme ogivale de la voûte palatine et enfin loules les altérations

crâniennes sur lesquelles insiste Hullkrantz (N. I. S., 1908), en particu-

lier cette sorte de cyphose de l'apopliyse basilaire, accompagnée d'une

dislocation de l'occipital.

C'est néanmoins du crâne de la dysostose cléido-crânienne héréditaire

que se rapproche le plus notre cas et comme il est impossible de le ran-

ger malgré lotit sous la même étiquette, nous préférons désigner le cas

que nous avons observé de cette appellation : « Hypertrophie crânienne

simple familiale ». caractérisée en résumé par : 1° son type familial ;

2° l'atteinte presque exclusive de la voûte crânienne, avec intégrité de la

base du crâne et de tout le reste du squelette, sauf le maxillaire inférieur

qui est volumineux et dont les angles sont saillants ; 3° l'augmentation des

diamètres et l'épaississemeut uniforme delà boite crânienne ; 4° l'absence

complète de troubles fonctionnels.

ÉTUDE DE LA BASE DU CRANE DANS

LA MALADIE DE PAGET

par

André LÉRI

Professeur agrégé à la Faculté de Paris.

La maladie de Paget est communément considérée comme une ostéopa-

thie chronique et lentement progressive, plus ou moins localisée ou dissé-

minée, mais presque toujours limitée aux os longs des membres, aux os du,

tronc et et la voûte du crâne : c'est à tort, selon nous, qu'on la limite ainsi.

Nous avons indiqué ailleurs (1) que les petits os des extrémités, des mains

et des pieds, prennent très souvent part au processus. Nous avons pu

nous assurer qu'il en est de même de la base du crâne, et que l'altéra-

lion de cette base n'est pas sans jouer un grand rôle dans les troubles

morphologiques et peut-être dans les troubles biologiques qui surviennent

au cours de cette affection.

Jusqu'ici quelques très rares auteurs, comme Gilles de la Tourelle,

avaient observé une altération de la base qu'ils considéraient comme un

fait exceptionnel. Le hasard de deux autopsies consécutives a attiré notre

attention sur la fréquence de cette lésion basilaire (2); l'examen de 5 crânes

conservés au musée Dupuytren, et réunis d'ailleurs sous des étiquettes

variées, nous a révélé la presque constance de semblable altération dans

la maladie de Paget (3).

Nos deux observations offraient chacune une particularité intéressante :

dans l'une, où la déformation des membres était caractéristique, la voûte

du crâne était restée intacte cliniquement et même anatomiquement ; *,

dans l'autre, où la voûte crânienne était L énorme (PI. LXVIII, fig. 1), toute

(1) ANDRÉ LÉRi, Les lésions des extrémités, mains et pieds, dans la maladie de Paget.

Société médicale des hôpitaux, 17 janvier 1913.

(2) PIERRE 111aae, Andhé U;I\I et CHArEI.IN, Dé I or mal Uni de la base du crâne dans la

maladie de Paget. Société médicale des hôpitaux, 12 juillet 1913.

(3) Nous avons pu constater des altérations semblables sur plusieurs crânes de la

belle collection du Collège royal des chirurgiens de Londres, et notamment d'une

façon très nette sur l'un des crânes qui ont servi à la description de sir James Paget

lui-même.

ETUDE DE LA BASE DU CRANE DANS LA MALADIE DE PAGET 453

déformation des membres faisait défaut, de sorte que le diagnostic ne put

être établi avec certitude qu'en constatant à l'autopsie une légère hypertro-

phie d'un fémur et en, trouvant sur les coupes microscopiques du crâne el

des os des membres les lésions historiques typiques de la maladie de

Paget. Ainsi, les lésions de la base du crâne que nous allons décrire peu-

vent exister, et être extrêmement prononcées, même en l'absence de toute

déformation soit des membres, soit de la voûte. Semblable constatation est

tout à fait conforme au tableau ordinaire de la maladie de Paget qui,

comme on lésait, procède par sauts, atteignant au hasard un os ou une

partie d'un os et laissant souvent intacts pendant de nombreuses années

les os voisins ou même les parties voisines du même os.

La déformation de la base du crâne dans l'un de nos cas (cas 1) était tout

à fait considérable et très frappante : elle consistait en une énorme saillie

de la base émergeant au niveau du sphénoïde etde la portion basilaire de

l'occipital et s'enfonçant dans l'intérieur de la cavité crânienne : il y avait

là ce que l'on peut appeler une véritable « convexobasie » (PI. LXVIII,

fis. 2). La selle turcique élait tout à fail aplatie, elle n'avait plus qu'un

ou deux millimètres de profondeur. Le trou occipital paraissait fortement

diminué d'avant en arrière, ainsi que les fosses cérébelleuses. Par suite

du soulèvement du massif splléno-basilaire, il y avait une sorte de nivel-

lement des différents étages de la base.

Dans notre seconde observation (cas 2), les lésions de la base étaient

nettement moins prononcées que dans le premier cas ; elles consistaient

encore en un certain degré de convexobasie, refoulant le bord antérieur'

du trou occipital et diminuant son étendue ; ces lésions étaient manifes-

tement de même nature que celles de notre premier malade.

Parmi les 3 crânes de pagétiques que nous avons pu réunir au musée

Dupuytren, un seul présentait des déformations énormes, analogues il

celles de notre premier cas (crâne 7) ; les 4 autres offraient des altérations

moindres, mais pourtant toujours manifestes (PI. LXVI-LXVII).

Par la comparaison et l'étude de tous ces crânes, nous sommes arrivés

il expliquer et à schématiser, pour ainsi dire, les curieuses altérations

que la maladie osseuse de Paget produit au niveau de la base.

Les altérations de la base sont de deux ordres, tout à fait comparables

en cela aux altérations des membres, à savoir : l'hypertrophie et la défor-

mation par ramollissement.

I. Hypertrophie. - Les os de la base sont hypertrophiés. L'épaississe-

ment osseux se constate avec la plus grande facilité au niveau de toutes

les parties de la base que l'on peut pincer entre les doigts : il en est ainsi

pour le pourtour du trou occipital, pour la portion basilaire comme pour

454 -il LÉRi i

l'écaillé ; il en est ainsi pour les petites ailes du sphénoïde dont le rebord

perd son tranchant et devient arrondi et mousse; il en est ainsi pour

les rochers qui dans toute leur largeur ont une dimension manifestement

accrue ; il en est ainsi pour les voûtes orbitaires qui, au lieu d'être minces

et transparentes, ont sur certains crânes secs une épaisseur de plus de

un centimètre.L'un des crânes secs, le plus atteint (tir 7),est coupé sagit-

talement sur la ligne médiane : on voit t nellemen sur celle coupe l'épais-

sissement considérable de lous les.os de la base, en particulier de ceux

qui bordent le sinus sphénoïdal, apophyse basilaire de l'occipital, sphé-

noïde, ethmoïde ; on y voit l'épaississement énorme de l'écaillé de l'occi-

pital (1 centimètre immédiatement en arrière du trou, au lieu de 2 à 4

millimètres); on y constate aussi l'épaississement plus modéré de diffé-

rents os de la face, os propres du nez, maxillaires supérieurs, notamment

dans leur rebord alvéolaire, apophyses ptérygoïdes, etc.. (Voir schéma,

PI. LXIX, n° 3 et fig. 3).

Les os de la base n'augmentent pas seulement en épaisseur, mais aussi

en largeur. Le fait se constate très nettement quand on regarde un crâne

sur sa face interne ou surtout sur sa face externe, notamment au niveau

de certains os (PI. LXVI et LXVII) : ainsi l'apophyse basilaire a norma-

lement au niveau de sa partie moyenne une largeur de 1 centimètre 1/2

à 2 ; sur tous les crânes pagétiques, elle a une largeur de 2 centi-

mètres 1/2 à 3 (comparer la fig. 1 de la PI. LXVII, avec les figures

suivantes de la même planche).

L'élargissement des os se manifesle surtout parle rétrécissement de

tous les trous de la base. Le trou occipital est rélréci; moins dans son dia-

mètre antéro-poslérieur que dansson diamètre transversal et, dans ceder-

nier diamètre, sensiblement moins dans la partie postérieure, rétro-con-

dylienne, que dans la partie antérieure, inlerconciylienne. Voici les

dimensions que nous avons observées (1) :

ÉTUDE DE LA HASE DU CRANE DANS LA MALADIE DE PAGET 455

Tous les trous de la base du crâne participent au rétrécissement : il en

est ainsi au niveau des trous déchirés, antérieur et postérieur, qui sur

certains crânes (crâne 3 par exemple) sont presque linéaires, subdivisés

par des lamelles osseuses ; il en est ainsi au niveau des trous condyliens

antérieur et postérieur, ce dernier étant sur certains crânes (crânes 3, 5,

6 et 7) complètement oblitéré ; il en est ainsi au niveau des trous grand

rond, ovale et petit rond, ces deux derniers trous se trouvant séparés sur

un des crânes (crâne 7) par un prolongement osseux de l'apophyse ptéry-

goïde externe ; le canal carotidien lui-même n'échappe pas au rétrécisse-

ment, ainsi qu'on le voit d'une façon tout à fait manifeste sur les crânes

3, 6, 7. II est à peu près impossible de prendre des dimensions exactes

deces différents orifices, mais un simple coup d'oeil jeté sur les photo-

graphies (PI. LXVI et LXVII) en dit plus que ne pourraient le faire des

chiffres forcément sujets à quelque erreur.

L'orifice des fosses nasales est assez nettement rétréci sur certains

crânes.

Enfin il est d'autres orifices qui sont très nettement rétrécis par le fait de

l'épaississement osseux, ce sont les alvéoles dentaires. Le fait apparaît très

manifeste sur- les photographies que nous produisons, notamment au ni-

veau des crânes 4 et 3 ; sur ce dernier, les alvéoles postérieurs très rétré-

cis se sont en partie juxtaposés latéralement l'un à l'autre, comme s'ils

manquaient de place dans le sens- normal antéro-postérieur. Une consé-

quence de ce rétrécissement alvéolaire est une expulsion des dents pro-

gressive, que nous pouvons prendre sur le fait sur l'un de nos crânes

(crâne 6) où l'on voit les racines de presque toutes les dents restantes, ca-

nines, petites et surtout grosses molaires, être pour ainsi dire complète-

ment extériorisées (1). Celle constatation nous a fait examiner à ce point

de vue spécial deux pagétiques actuellement à la Salpêtrière, et chez l'une

d'elles, qui n'a plus actuellement qu'une seule dent extrêmement allon-

gée, nous avons appris que toutes les autres. dents étaient tombées sans

être cariées il y a une vingtaine d'années, au moment où la maladie a

commencé à faire des progrès notables. L'alvéolite expulsive n'a pas, je

crois, été signalée jusqu'ici comme une conséquence de la maladie de Pa-

get : aussi dans la thèse de Vincent (1904), où se trouve l'observation de-

notre malade, le fait n'est pas rapporté.

Les os de la base du crâne ne sont pas seulement gros, épaissis et élargis,

Dupuytren pour toutes les mensurations qui ne peuvent être faites que sur des os secs.

Nous comparons ces différentes mensurations avec celles que nous avons prises sur

deux crânes normaux. '. ,

, (1) Nous avons constaté le même fait, au Collège des chirurgiens de Londres, sur l'un-

rles crânes de Sir James Paget.

456 LÉRI

ils sont encore poreux et friables. Tant sur leur face endocrânienne que sur

leur face exo-crânienne, ils sont piquetés d'une infinité de petits orifices

qui leurdonnent un aspect vermoulu contrastant avec l'aspect lissodes crânes

normaux. Cet aspect grenu est encore accru sur la surface interne de cer-

tains crânes par l'existence de petites saillies verruqueuses irrégulières et

par les profondes dépressions que creusent les vaisseaux méningés. La fria-

bilité apparaît surtout sur quelques crânes, comme le crâne 3 par exemple,

à la surface duquel on constate la structure « en meringue » classique des

os pagétiques. La fragilité extrême de ces os s'est fait sentir notamment

dans notre première autopsie où, malgré l'épaisseur énorme des os, le

crâne s'est brisé rien qu'en le dépouillant partiellement des parties

molles.

Cette friabilité et cette fragilité sont d'ailleurs variables au niveau de la

base du crâne comme au niveau de tous les os chez les pagétiques : chez ces

malades,en effet,il y a,en dehors d'une ostéopathie raréfiante généralement t

prédominante, une ostéopathie condensante quelquefois très importante.

Celte condensation osseuse est surtout manifeste sur le crâne 4; et il

semble que le processus pathologique soit peut-être moins prononcé, que

l'hypertrophie soit moins facilement diffuse quand elle s'accompagne d'une

certaine condensation osseuse : ainsi le crâne 4 est relativement un de ceux

qui paraissent le moins atteints.

Une conséquence de cette hypertrophie constante et de cette. porosité

variable est que le poids des crânes, comme généralement de tous les os,

est le plus souvent augmenté, mais de façon très variable et nullement en

proportion de l'hypertrophie osseuse. Les poids que nous pouvons fournir

n'ont pas grande valeur, parce que les crânes n'ont pas été coupés exacte-

ment au même niveau : on pourra pourtant juger approximativement des

différences, si nous disons que deux bases de crânes normaux pesaient

353 et 341 grammes, deux crânes pagétiques (5 et 6) 368 et 434 gram-

mes, c'est-à-dire l'un un poids à peu près normal, Vautre un poids nota-

blement supérieur ; l'énorme crâne pagétique 7 pesait mu grammes (1).

Les deux caractères essentiels de l'os pagétique, hypertrophie et faible

densité, apparaissent nettement sur les épreuves radiographiques de la

hase du crâne, comme sur celles des os des membres. Nous avons attiré

l'attention, avec notre ami leDr G. Legros, sur l'aspect flou, diffus, irré-

gulièrement plaqué de taches sombres et claires, ouateux, à rebord mal

(t) Nous avons laissé de côté les bases des crânes 3 et 4, parce que à )'une'(poids :

531 gr.) était restée adhérente une partie de la voûte, alors qu'à l'autre (poids : 377 gr.)

on avait au contraire enlevé une portion de la région fronto-temporale de la base. Re-

marquons que malgré cette large Ablation, cette dernière base (4) pesait encore plus

qu'une base normale, et que le morceau de voûte resté adhérent à l'autre base (2)

était manifestement insuffisant pour expliquer seul l'énorme augmentation de poids.

ÉTUDE DE LA BASE DU CRANE DANS LA MALADIE DE PAGET 4a7

délimité, de l'os pagétique : c'est exactement le même aspect que l'on

trouve sur les radiographies de la base du (crâne PI. LXX). Les os y

apparaissent gros ; les traits fins et biens noir, qui limitent normalement

la selle turcique, le pourtour du sinus sphénoïdal, les voûtes orbitaires,

les cellules mastoïdiennes ou les branches du maxillaire supérieur, sont

représentés ici par autant de bandes larges. De plus, ces bandessontirré-

gulièrement foncées, plus pâles dans l'ensemble que les parties corres-

pondantes de l'os normal, plutôt grises que nettement noires, et leurs

bords sont estompés et manquent de limites précises. Dans l'ensemble,

les radiographies de bases du crâne apparaissent à première vue moins

nettes, moins pures, plus floues, plus uniformes, les oppositions entre

les blancs et les noirs sont moins marquées chez les pagétiques que chez

les sujets normaux (Comparer les figures 2 et 3 avec la figure 1 de la

Planche LXXII). C'est tout à fait ce que l'on voit sur la radiographie d'un

tibia ou d'un fémur% de pagétique, avec celle différence pourtant que

l'aspect ouateux est plus net sur les os des membres, sans doute simple-

ment parce que, sur une base du crâne vue de profil, l'épaisseur osseuse

esl beaucoup plus grande.

II. Déformations. - L'hypertrophie osseuse n'est pas tout dans le pro-

cessus de la maladie de Paget; il y a aussi des déformations dues au ra-

iiiollissemenl des os. Ces déformations existent au niveau de la base du

crâne comme au niveau des membres, ainsi que l'a justement fait obser-

ver tout récemDlentFélix Regnault(1) ; elles avaient été déjà remarquable-

ment décrites en 1862, 14 ans avant la première description de Paget,

par Barnard Davis dans un mémoire sur les « Déformations plastiques du

crâne » dont les figures représentent à n'en pas douter un crâne de pagé-

tique typique (2).

L'essentiel dans les déformations est l'enfoncement dans le crâne du

pourtour du trou occipital et des parties voisines; plus exactement, la

pesanteur se faisant évidemment sentir de haut en bas, on devrait dire

qu'il y a abaissement total de la base du crâne sous le poids du cerveau,

il l'exception du pourtour du trou occipital, seule partie qui soit sou-

tenue. C'est cette pénétration qui caractérise surtout la « platybasie », et

que l'on observe d'une façon généra le dans toutes les affections qui s'accom-

pagnent d'un ramollissement osseux, tels le rachitisme, l'ostéomalacie,

etc... Généralement modérée dans la maladie de Pagel, cette déformation

est parfois extrêmement intense, comme par exemple dans notre premier

cas et sur le crâne 7, qui sont précisément de beaucoup les plus altérés.

On peut apprécier facilement cet enfoncement en regardant un crâne

(1) FLux HMNAULt, Société anatomique, février 1913.

(2) Joseoi Bannqaa Pavis, Mémoires de la Société d'anthropologie, 5 juin 1862.

458 LÉRI

par sa face inférieure : alors qu'à l'état normal les condyles occipitaux

sont plutôt au-dessous de l'écaille occipitale et que le bord antérieur

du trou occipital est au-dessous du bord postérieur, c'est diamétralement

l'inverse qui s'observe sur presque tous les crânes de Paget. Cette der-

nière déformation, surélévation du bord antérieur du trou occipital, était L

très frappante sur les deux crânes frais que nous avons examinés ; il en

résultait que le système nerveuxparaissait presque étranglé à ce niveau, le

trou occipital, vu par l'intérieur du crâne, paraissant extrêmement aplati

Ces schémas, calqués sur des photographies, représentent le na 1 un crâne normal

à tendance verticobasique, le na 2 un crâne normal à tendance platybasique, le na 3

le crâne pagétique n° 7. Sur ce dernier schéma on voit l'épaississement de tous les

os, la surélévation sphéno-basilaire et la convexobasie, l'obliquité et le rétiécissement

antéro-postérieur du tronc occipal (le rebord antérieur étant nettement au-dessus du

rebord postérieur), la dépression de la fosse cérébrale antérieure, la bascule de la face

(comparer la direction des os propres du nez).

ÉTUDE DE LA BASE DU CRANE DANS LA MALADIE DE PAGET 459

d'avant en )-riëre(P).LXVIH.f).2). Sur le crâne 7, on peut voir que la por-

tion basilaire de I occipital est à un bon centimètre au-dessus de sa portion

écailleuse (schéma 3). Aussi, si l'on joint par une ligne médiane le bord

antérieur et le bord postérieur du trou occipital, la ligne aboutit à l'état

normal au niveau du tiers inférieur des choanes, presque de la voûte pa-

latine ; dans tous nos cas de Paget, la même ligne aboutit au niveau du

tiers supérieur des choanes, tout prés du sphénoïde; et sur le crâne 7, la

même ligne s'arrête sur l'apophyse basilaire elle-même, à quelques milli-

mètres en avant du trou occipital.

Cet enfoncement du pourtour du trou occipital dans le crâne a des

conséquences multiples, directes et indirectes, sur la morphologie de

toutes les autres parties du crâne et sur celle de la face.

Si l'on regarde un crâne par l'intérieur, une des conséquences directes

les plus nettes, c'est que la partie de l'écaille qui est immédiatement en

arrière du trou occipital devient oblique en bas et en arrière, ce qui a

pour effet de diminuer la dimension antéro-postérieure et verticale des

fosses cérébelleuses : le cervelet se trouve pour ainsi dire étalé, tout en lar-

geur. Celte disposition est particulièrement nette sur le crâne 7 (Pl. LXVI,

fig. 2) : et dans notre première observation (PI. LXVIII, fig. 2), où

l'écaille de l'occipital est à peu près coudée à angle droit à environ

1 centimètre ]/2 en arrière du trou occipital et à peu près à égale dis-

tance de la protubérance occipitale interne. La traduction en chiffres de

cette déformation n'a pas une valeur absolue, étant donnée la difficulté

d'obtenir des mensurations très précises (1); voici pourtant celles qui

nous ont paru les plus probantes : - 1

460 LÉ RI

des fosses cérébelleuses, même dans les cas où il n'y a pas de plicature

de l'écaille, et un élargissement léger de ces mêmes fosses.

En avant, la conséquence directe de cet enfoncement du pourtour

du trou occipital est le soulèvement du corps de l'occipital et de la partie

postérieure du sphénoïde. Le soulèvement est parfois tel que l'apophyse

basilaire, presque verticale à l'état normal, devient presque horizontale,

par exemple sur le crâne 1 observé frais et sur le crâne sec 7 (voir

PI. LXVIII, fig. 2 et PI. LXVIII, fig. 2) : c'est dans ces cas surtout qu'on

pourrait vraiment parler de platybasie. Sur les côtés,on constate en. même

temps un certain soulèvement de la partie interne des rochers.

Toutes ces déformations sont celles que l'on observe au pourtour pres-

que immédiat du trou occipital : elles consistent toutes en un soulèvement.

Au delà au contraire, aussi bien en avant que sur les côtés, il y a un

abaissement des fosses cérébrales.

En avant, il y a un abaissement de la fosse cérébrale antérieure, moins

sùr jes côtés, où les voûtes orbitaires sont hypertrophiées, qu'aux envi-

rons de la ligne médiane, où les fosses ethmoïdales et la partie antérieure

du sphénoïde sont nettement déprimées : le fait s'observe avec netteté sur

plusieurs crânes, le crâne 5 notamment et surtout les crânes 7 et 1.

De ce soulèvement de l'apopliyse basilaire et de cet abaissement de la

fosse cérébrale antérieure résulte, pour ainsi dire, une cyphose de la base

qui transforme la platybasie en une véritable « convexobasie » : il y a une

bosse qui s'enfonce dans la cavité crânienne, et c'est ce qui frappe surtout

dès le premier abord.Mais cette cyphose basilaire est très différente de celle

que Virchow a décrite, que l'on constate notamment dans l'achondroplasie,

et qui s'observe avec la verticobasie : dans ce cas, l'a pophyse basi la ire étan L

devenue plus verticale, l'angle sphéno-basilaire se ferme. Dans les cas de

maladie de Paget,cet angle n'aurait de raison de se fermer que par l'abais-

sement de la partie antérieure du sphéuoïde, mais cet abaissement est

plus que compensé par la surélévation de l'apophyse basilaire, de sorte que

l'angle sphéno-basilaire esl plutôt plus ouvert qu'à l'état normal. Entre la

cyphose basilaire verticobasique de Virchow et la cyphose basilaire con-

vexobasique des pagétiques,on peut dire que la différence est la même, au

pointde vue morphologique, qu'entre unegibbositéangulaire 1 imitée il une

vertèbre et une cyphose à large rayon étendue à toute la région dorsale.

La selle turcique qui se lrouve juste au sommet de la saillie est pour

ainsi dire écrasée : elle conserve une certaine dimension antéro-posté-

rieure et tranversale, mais dans les cas les plus accentués (crânes 1 et 7) elle

perd toute profondeur.

Sur les côtés,, la surélévation de la masse sphéno-basilaire a pour con-

séquence l'abaissement relatif déS fosses cérébrales moyennes et de la

ÉTUDE DE LA HASE DU CRANE DANS LA MALADIF DE PAGET 461 1

partie externe des rochers. Alors qu'à l'étal normal la partie externe des

rochers est sensiblement au-dessus de leur partie interne, c'est diamétra-

lement l'inverse que l'on observe, à un degré plus ou moins accentué,

sur la plupart des crânes pagétiques. Dans l'ensemble d'ailleurs, toutes

les parties saillantes des portions latérales de la hase se trouvent dépri-

mées, les petites ailes du sphénoïde par exemple comme les rochers : il

en résulte une sorte de nivellement relatif de la surface endocrànienne

de la base, nivellement que Gilles de la Tourelle avait déjà noté.

Mais l'abaissement de toutes les parties périphériques de la base, fosses

cérébrales antérieures et fosses cérébrales moyennes, n'est pas seulement

relatif et dû au soulèvement du massif central sphéno-basilaire : il est

aussi absolu et dû à ce que, la pression du cet veau étant exagérée par

l'enfoncement dans le crâne du massif sphéno-basilaire, une contre-pres-

sion s'exerce partout ailleurs sur les os, et parois osseuses la cavité crâ-

nienne regagne en avant et latéralement ce qu'elle perd en hauteur au

pourtour du trou occipital. Celle dilatation de compensation, pour ainsi

dire, se fait donc tout naturellement sous l'influence du poids du cer-

veau et de la pression intracrânienne ; elle se l'ait aisément sur un crâne

ramolli comme est celui des pagétiques ; et c'est très certainement à cela

qu'on doit de ne jamais observer de signes d'hypertension intracrânienne

chez les pagétiques, malgré l'hypertrophie de leurs parois osseuses et

malgré le bombement de leur massif sphéno-occipital dans l'intérieur du

crâne.

Outre l'abaissement « compensateur » de tout le pourtour de la base,

on peut constater nettement, autre signe de compensation, que tous les

diamètres de la 'cavité crânienne autres que le diamètre vertical sont

augmentés : le diamètre antéro-postérieuraugmente peu, parce qu'il est

bridé par le massif facial ; les diamètres transverses augmentent au

contraire très notablement, et l'on peut s'assurer facilement que la largeur

excessive de la tête des pagétiques n'est pas due seulement à l'hypertrophie

des parois osseuses, mais aussi à la dilatation transversale de la cavité elle-

même. Cette dilatation transversale n'est pas limitée à la région pariétale :

on trouve une dilatation peu près semblable du diamètre maximum,

qui passe par la partie externe des rochers, et des diamètres plus petits,

qui passent par exemple par la partie postérieure de la selle turcique ou

par la base de l'apophyse crista galli. Les chiffres que nous avons obtenus

à cet égard sont démonstratifs :

a« < 30

462 LÉÉI

ÉTUDE DE LA RASE DU CRANE DANS LA MALADIE DE PAGET 463

verses. Assurément ils ne permettent pas d'évaluer le volume exact des

crânes, évaluation qui est toujours très délicate sur les crânes entiers et à

peu près impossible sur des crânes déjà coupés; ils nous permettent

pourtant d'arriver à une approximation relative de la capacité des crânes

normaux et des crânes pagétiques.

Si, en ell'et, nous considérons les crânes comme des ovoïdes ou mieux

comme des troncs de pyramides dont la hauteur est antéro-postérieure,

dont la petite base est au niveau du plan vertical passant par la base de

l'apophyse crisla galli, dont la grande base est au niveau du plan vertical

passant par le plus grand diamètre transverse, nous obtenons les chiffres

suivants pour nos deux crânes normaux coupés horizontalement et pour

le crâne pagétique 7 :

1 Cr crâne normal :

464 LÉRI

fres, si approximatifs qu'ils puissent être, de ce que nous avions cru

pouvoir conclure par le simple examen des différentes parties de la base

du crâne, à savoir que la cavité crânienne subit une simple dilatation com-

pensatrice.

Une conséquence extra-crânienne des différentes altérations que nous

venons de signaler est la déviation en arrière de tout le massif osseux

de la face. Le squelette de la face est attiré en arrière par l'enfoncement

dans le crâne du IllaSSlf splléno-hasilaire, il est aussi repoussé en arrière

par l'abaissement de la fosse cérébrale antérieure : il bascule pour ainsi

dire, ce qui donne à la face des pagétiques un aspect fuyant très spécial,

extrêmement net sur la tête de notre malade n° 1 (PI. LXVIII, fig. 1)

et sur le crâne sec.n" 7 (PI. LXVIII, fig. 4 et schéma 3). On peut aussi

, constater dans ces cas, par suite de cette bascule de la face, une obliquité

très exagérée de la voûte palatine en arrière et en haut (Comparer les

ligures 1, 2, 3 des planches LXIX et LXX).

Si dans l'ensemble on regarde un crâne de pagétique coupé sagitlale-

ment sur la ligne médiane, on est frappé de la similitude des déforma-

tions avec celles que l'on constate, par exemple, sur un os long des membres

on peul dire qu'il y a une incurvation totale du crâne hypertrophié de

la même façon qu'il y a une incurvation totale d'un tibia pagétique

hypertrophié. Ici le bord antérieur du tibia serait représenté par la voûte

crânienne, la face postérieure serait représentée par la base ; le centre de

courbure serait au niveau de la région qui subit l'enfoncement absolu ou .

relatif, c'est-à-dire au niveau du pourtour du trou occipital : toutes les

parties de la tète tendent à converger vers ce centre, crine et cerveau en

dehors, en haut et en avant, face en avant et en bas.

Ici comme au niveau des membres, on peut dire que jusqu'à un cer-

tain point l'incurvation pathologique n'est que l'exagération extrême

d'une déformation normale : il suffit pour s'en convaincre de comparer

la coupe verticale d'un crâne de foetus ou de nouveau-né à celle d'un

crâne d'adulte (PI. LXIX, fig. 4. On voit nettement que chez le nouveau-

né la hauteur du crâne est relativement beaucoup plus grande au niveau du

trou occipital que chez l'adulte et que le massif sphéno-basitaire, non encore

soudé,est beaucoup plus vertical : c'est donc dans le cours de t'existence que

petitil petit le pourtour du trou occipital s'enfonce, pour ainsi dire, dans

le crâne. Cet enfoncement est minime chez les sujets normaux, il devient

plus prononcé et parfois considérable chez les sujets dont les os sont

particulièrement ramollis, et notamment chez les pagéliques.

Les différentes déformations que nous venons de signaler apparaissent

sur l'image radiographique, comme l'hypertrophie dont nous avons

parlé.

FI'LTDE DE LA BASE DU CRANE DANS LA MALADIE DE PAGET 465

Sur quelques crânes très déformés (crânes 1 et 7), on voit nettement

une plicature de l'écaille de l'occipital qui apparaît sous forme d'un

angle aigu d'environ 70° (PI. LXX, fig. 2). Plus en avant, la base fait

une large saillie convexe en haut, une cyphose à grand rayon qui s'enfonce

dans la cavité crânienne : la « convexobasie » apparaît particulièrement t

nette sur les radiographies. Plus en avant encore, on voit l'épaisse saillie

des voûtes orbitaires hypertrophiées.

Sur une radiographie de tous les autres crânes pagétiques, la déforma-

tion est certes moins frappante, mais elle est encore très nette (PI. LXX,

fig. 3). En arrière, les fosses cérébelleuses sont moins profondes qu'à l'état t

normal, elles sont moins « en contre-bas » des rochers et des cellules mas-

toïdiennes. Plus en avant, la base apparaît non pas convexe, mais plus

plate, plus rectiligne, plus nivelée que sur les crânes normaux ; si l'on

cherche à analyser la cause de ce nivellement relatif, on voit qu'il est dû

en grande partie à l'évasement de l'angle obtus, ouvert en haut, qui est

formé en avant par les voûtes orbitaires, en arrière par le bord supérieur

des rochers, et dont le sommet se trouve un peu en arrière de la selle

turcique. Les mensurations approximatives de cet angle sur 7 radiogra-

phies de crânes normaux nous ont donné les chiffres suivants : 420°,

125°, 130°, 137°, 140°, 1,'i8o, 160°; des mensurations analogues sur les

crânes de 7 pagétiques nous ont donné les chiffres : 140°, 155°, 170°,

170°, 180°, 185°, 9 ! li". Si l'on prend la moyenne, cet « angle orbilo-

pétreux » mesure sur les radiographies de crânes normaux 137", sur les

radiographies de crânes pagétiques 170°. Cet évasement parait être dû à

la fois à l'élévation du massif sphéno-basilaire et de la partie interne des

rochers et à l'abaissement de la partie externe des rochers d'une pari,

des fosses cérébrales antérieures el des voûtes orbitaires d'autre part.

On constate en outre sur la plupart des radiographies un degré plus

ou moins prononcé^le bascule de la face en arrière, avec une obliquité

excessive de la voûte palatine et une diminution de l'espace entre les

apophyses ptérygoïdes et les apophyses masloïdes.

Conclusions.

Si nous voulons résumer cette étude du crâne pagétique, basée sur

l'examen de deux pièces recueillies personnellement et de 5 crânes secs,

nous pouvons dire :

1° Il existe au niveau de la base du crâne chez les pagétiques des allé-

rations qui sont plus ou moins accentuées, mais qui paraissent constantes,

car elles existaient dans nos 7 cas, même en l'absence d'atteinte eliui-

quement appréciable soit des os de la voûte, soit des os longs des membres.

466 LÉRI

Ces altérations consistent en une hypertrophie et en une déformation

par ramollissement, tout comme au niveau des os longs.

L'hypertrophie épaissit et élargit tous les os de la base el en rétrécit

tous les trous : trou occipital et orifices vasculaires et nerveux.

Le point de départ de la déformation est l'enfoncement relatif dans le

crâne du pourtour du trou occipital ; il a pour conséquences l'abaissement

relatif des fosses cérébrales antérieures et moyennes, l'incurvation antéro-

postérieure du crâne et la bascule de la face en arrière, l'élargissement

transversal de la cavité crânienne. Par cet élargissement latéral et par

cette incurvation antéro-postérieure, la cavité crânienne, plus ou moins

ramollie, récupère le volume qu'elle perd en hauteur ; la capacité crâ-

nienne reste ainsi à peu près fixe. \

Par ce mécanisme de « dilatation compensatrice » la déformation de la

base contribue puur une grande part à la déformation bien plus connue

et plus classique de la voûte : l'augmentation de la voûte n'est pas due

exclusivement à l'épaississement de ses os, mais aussi à l'agrandissement

transversal de la cavité crânienne elle-même.

2° Ces différentes altérations se constatent sur les images radiographi-

ques, de telle sorte qu'on peut dire qu'il existe une formule radiogra-

phique assez complexe de la maladie de Paget.

L'hypertrophie et la porosité osseuses se manifestent parl'épaississement t

et l'aspect flou des os de la base : au lieu de lignes noires, nettes, franches

et bien limitées, on voit des bandes larges, grises, entremêlées, confuses,

à rebords indécis. '

Les déformations se manifestent par uneplicalure de l'écaille de l'occi-

pital ou pl us souvent par une moindre profondeur des fosses cérébelleuses ;

par une large saillie dans le crâne des os de la base(convexobasie) ou plus

souvent par un nivellement général avec évasement de « l'angle obtus

orbito-pétreux » ; souvent par un épaississement des voûtes orbitaires,

par une bascule de la face en arrière, par une obliquité plus grande de la

voûte palaline et par une faible étendue de la distance entre l'ombre des

apophyses ptérygoïdes et celle des apophyses mastoïdes.

La connaissance de celte formule radiographique peut être utile pour

le diagnostic des cas douteux (comme nous en avons observé un exemple),

puisque^les lésions de la base peuvent s'observer en l'absence de lésions

de la voûte ou de lésions des membres.

3° Les altérations de la base du crâne des pagétiques sont intéressantes

à connaître au point de vue de la physiologie pathologique de celte

affection, parce qu'elles déterminent un rétrécissement parfois extrême-

ment prononcé du trou occipital et des différents trous de la base, y com-

pris les orifices vasculaires et nerveux. Or il est assez logique de supposer

ÉTUDE DE LA BASE DU CttANE DANS LA MALADIE DE PAGET 467

que bien des troubles, assez fréquemment signalés dans le cours delà ma-

ladie de Paget et dont la pathogénie paraissait tout à fait obscure, sont en

réalité dus au rétrécissement des orifices traversés par le système nerveux

central, par les vaisseaux et les nerfs qui vont dans le crâne ou qui en

sortent : il en est ainsi sans doute de divers troubles mentaux, de troubles

auriculaires ou oculaires, de troubles vaso-moteurs et tiopliiques, peut-

être aussi de quelques-uns des troubles circulatoires et respiratoires dont

cerlains sont extrêmement fréquents au cours de cetle affection.

Ces déformations de la base sont en tout cas l'origine la plus impor-

tante des déformations de la face (facies fuyant, etc.) et de l'obliquité ex-

cessive de la voûte palatine qui s'observent souvent. Enfin l'hypertrophie

excessive des alvéoles dentaires détermine chez certains sujets une expul-

sion spontanée des dents saines, comme chez certains tabétiques ou dia-

bétiques.

On voit que l'élude, jusqu'ici négligée, de la base du crâne des pagéti-

ques n'est pas sans présenter un certain intérêt pratique.

LÉGENDE DES PLANCHES

Pt. LXVI. - Face interne de 5 crânes pagétiques via figure 1 est un crâne normal

pour servir de terme de comparaison).

On voit sur ces 5 crânes l'épaississement des os de la voûte, épaississement énorme

sur le crâne n° 1 ; sur le crâne n' 3 on voit l'aspect « en meringue » de Iajsur-

face de coupe, sur le crâne n° 4 la condensation osseuse de cette même suirace.

La diminution du trou occipital est tiès apparente sur tous les crânes, si on les com-

pare au ciâne nutma) ; de façon très manifeste, la laigeurde ce trou diminue sur-

tout dans sa partie antérieure, ce qui lui donne parfois un aspecta en feuille de

trèfle..

Tous les autres orifices, notamment les trous déchirés antérieurs et postérieurs, les

trous ovale et grand rond, sont nettement rétrécis.

L'apophyse basilaire de l'occipital est devenue plus horizontale, ce qui est surtout ap-

parent sur le crâne 1 ; la surélévation du massif spheno-tmsilaire se voit nettement,

avec la plicatnre de l'écaillé de l'occipital et le nivellement général de la base.

La largeur de la cavité iranienne est augmentée sur tous les crânfs, tout particuliè-

rement sur l'énorme crâne 1.

Enfin la surface interne du crâne a perdu son aspect lisse et apparait partout poreuse,

piquetée et verruqueuse, incrustée de profondes dépressions vasculaires.

PL. LXVII. Face externe de la base des mêmes crânes, rangés de la même façon

que sur la planche précédente.

On voit plus nettement encore que sur la face interne le-rétrécissement du trou occi-·

pital et de tous les orifices de la base et surtout l'élargissement considérable du

corps de l'occipital et de ses masses latérales.

L'épai.,siQsempnt du rebord alvéolaire et le rétrécissement des alvéoles dentaires se

voit aussi distinctement, notamment sur le crâne 3 où les alvéoles rétrécis se sont

juxtaposés latéralement.

1,1,. LXVIII. Fio. 1 et 2. Cas n° 1 (personnel).

Sur la figure 1, on voit l'énorme 'augmentation transversale de la tête et l'aspect

fuyant de la face.

4B8 LEHJ

Sur la ligure 2, on voit, plus nettement encore que sur les crânes secs des planches pré-

cedentes : l'énorme épaississement des os ; leur fragilité, car le trait de fracture qui

traverse la fosse cérébelleuse gauche s'est produit spontanément quand on détachait

les parties molles ; - la large gouttière creusée par l'artère méningée moyenne

(à droite) ; - la surélévation du massif sphano-basilaire avec horizontalité du

corps de l'occipital, nivellement des étages antérieur et moyen du crâne, aplatis-

sement de la selle turcique, rétrécissement antéro-postérieur du trou occipital,

écrasement antéro-postérieur et étalement transversal des fosses cerébelleuses avec

plicature de l'écaille occipitale ; la dilatation transversale de la cavilé crânienne.

Fio. 3 et 4. - Crâne nO 7, vu de face et de profil.

Enorme élargissement transversal ; diminution de la portion occipitale ; faciès

fuyant.

PL. LXIX. - Coupes sagittales médianes. - Fio. 1 et 2. - Les crânes normaux des

figures 1 et 2 ne diffèrent que par la disposition plus ou moins verticale de l'apo-

physe basilaire et par l'ouverture plus ou moins grande de l'angle sphénoLasi=

laire.

FM. 3. La convexobasie si apparente du crâne pagétique n" 1 n'est pas due à une

veiticalité excessive du corps de l'occipital ; au contraire celui-ci est beaucoup plus

horizontal que normalement; elle est due à l'enfoncement de tout le massif sphé-

no-basilaire et à sa bascule autour d'un axe transversal qui passe à peu près par

la selle turcique.

On voit ainsi la surélévation toute du massif sphéno-basilaire, la dépression de la

fosse cérébrale antérieure, l'aplatissement de la selle turcique, la plicature de l'é-

caille occipitale et le rétrécissement de l'étage postérieur du crâne.

Dans l'ensemble, on est frappé par l'incurvation totale du crâne hypertrophié et de la

face autour d'un centre qui correspond au massif sphéno-basilaire.

FiG. 4. Sur le crâne du nouveau-né, le massif sphéno-basilaire, non encore soudé,

est beaucoup plus vertical que sur les crânes d'adulte, même à tendance vertico-

basique ; de plus la hauteur relative du crâne au niveau du trou occipital est beau-

coup plus grande que chez l'adulte. Ce crâne se rapproche manifestement beau-

coup plus du crâne adulte normal que du crâne pagétique; mais il semble que,

sous l'influence de la station, il se produise normalement dans le cours de l'exis-

tence une, ébauche de la déformation qui sera considérablement exagérée chez les

pagétiques par le ramollissement osseux.

PL. LXX. Radiographie d'un crâne normal et de deux crânes pagétiques.

Sur les crânes pagétiques, on voit l'épaississement énorme des travées osseuses, qui

deviennent larges, irrégulières, Moues et imprécises. On y voit aussi la convexo-

basie (crâne 7) ou la platybasie (crâne 5), l'évasement de 1' a angle orbito-pétreux », la

diminution des fosses cérébelleuses. L'épaississement des voûtes orbitaires (surtout

sur le crâne 1), l'obliquité excessive de la voûte palatine.

Nouvelle Iconographie DE la Salpêtrière.

T. XXVI. Pl. LlVI

Fig. 1. - Crâne normal.

Fig. 2. - Crâne n° 7.

Fig. : l, - Crâne n° 3.

Fig. 4. - Crâne n° 4.

Fig. 5. - Crâne no 5.

Fig. 6. - Crâne na 6.

LE CRANE DANS LA MALADIE DE PAGET

(A. Leri).

Masson & CIel Editeurs.

NOUVELLE Iconographie de la Salpêtrière.

T. XXVI. Pl. LXVII

Fig. 1. - Crâne normal.

Fig. 2. - Crâne n" 7.

Fig. 3. - Crâne na 3.

Fige. - Crâne n° 4.

I· ig. 5. - Crâne nu 5.

Fig. 6. - Crâne n° (i.

LE CRANE DANS LA MALADIE DE PAGET

(A. Léri).

Maccon k Cie Editenr<;

NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALP1 : 7R11`RE.

T. XXVI. Pl. LXVIII

Fig. 1. - Cas no 1.

Fig. 2. Cas ilo 1, face interne

de la base du crâne.

Fig. 3 et 4. - Le crâne no 7, vu de face et latéralement.

LE CRANE DANS LA MALADIE DE PAGET

(A. Léri).

Masson & Cie, Editeurs

PhoLoLypie Bertliand, Paris

Nouvelle Iconographie de la Salpêtrière. ? ? ? - ? T. XXVI. Pl. LXIX

NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALPtTRIÈRI : . T. XXVI. Pl. LXIX

Fig. 1 et 2. - Crânes normaux : 1) à tendance vcrticobasique ; 2) à tendance platybasique.

Fiv. 3. Cr : Îl1e nI) 7 (reproduction d'un dessm)

Fig. 4. Crâne d'un nouveau-né.

LE CRANE DANS LA MALADIE DE PAGET

NOUVELLE Iconographie DE la Salpêtrière. T. XXVI. Pl. LXX

LE CRANE DANS LA MALADIE DE PAGET

(A. Léri).

Masson & Cie, Éditeurs.

ACROMEGALIE ET TABES

PAR

ALOYSIO DE CASTRO

Professeur à la Faculté de Médecine de Rio de Janeiro.

L'étude des associations morbides, soit qu'il s'agisse d'associations de

simples syndromes ou de vraies maladies, présente toujours un gros inté-

rêt clinique, même dans les cas où de tels syndromes et de telles maladies

paraissent indépendants les uns des auLes et où l'on ne peut les relier au

point de vue pathogénique.

En effet, ils sont de plus eu plus nombreux les exemples fournis par

la pathologie ayant trait à des affections observées simultanément chez le

même individu et qui, entrevues d'abord comme le résultat d'une

combinaison, se sont trouvé à la fin considérées d'une tout autre façon,

c'est-à-dire comme le résultat d'une seule cause et donc du même

processus éliopalbogénique.

Or, pour ce qui est de l'acromégalie, on peut dire que ces associations

constituent la règle; c'est seulement dans des rares cas que ce syndrome se

présente seul. Les récentes observations d'acromégalie signalent toujours,

à côté des phénomènes d'origine hypophysaire, d'autres symptômes subor-

donnés à d'autres glandes endocrines, thyroïde, testicules, glandes surré-

nales, etc. C'est ainsi que se réalisent les combinaisons les plus variées de

syndromes (acromégalie avec myxoedème, acromégalie avec hyperthyroï-

disme, acromégalie avec atrophie testiculaire, acromégalie avec insuffi-

sance surrénale, etc.). Etant donnée la synergie chaque fois plus évidente

entre les différentes glandes à sécrétion interne, il n'y a rien d'extraor-

dinaire dans l'existence de telles associations symptomatiques.

La chose est tout autre quand il s'agit d'acromégalie coexistant avec des

syndromes ou affections indépendantes du système glandulaire endocri-

nien, c'est-à-dire avec des états morbides qui n'ont rien à faire avec

l'acromégalie, du moins d'après nus connaissances actuelles. Serait-ce

le cas du tabes ?

C'est ce que nous allons examiner, en apportant la contribution du

cas que nous venons de suivre dans notre service à la Policlinique géné-

ralè de Rio de Janeiro. -

470 ALOYSIO DE CASTRO .

Observation (Pl. LXXI).

C. 0..., 43 ans, brésilien, ouvrier.

Rien de remarquable pour ce qui est des antécédents héréditaires du malade.

Dans ses antécédents personnels on trouve la variole à l'âge de 20 ans et la

syphilis à celui de 21 ; le malade n'a suivi aucun traitement spécifique pour

la syphilis, si ce n'est une injection de néo-salvarsan il y a seulement quelques

mois. Dans ces derniers mois il est allé voir de temps à autre le médecin pour

ses yeux.

Etal actuel. Il s'agit d'un'homme de 1 m. 67 de taille, avec 73 kilos de

poids. Un s'aperçoit à l'inspection d'un certain degré d'adipose, le système

pileux étant normal, d'un genu recurvalum des deux côtés, bien visible sur-

tout quand on regarde de côté.

On voit aussi très nettement les caractères acromégaliques de la tête, des

mains et des pieds (Voir Pl. LXXI). Il y a du prognathisme du maxillaire

inférieur (L'examen radiographique, dont s'est chargé notre confrère le pro-

fesseur Dodsworth, a démontré une certaine augmentation de la selle turcique,

l'hypophyse se trouvant un peu incliné en arrière, et de la dilatation des

sinus frontaux). Il y a de l'exophtalmie des deux côtés. Les mains sont tout

à fait acromégaliques (type large), avec des troubles trophiques aux ongles,

excepté pour les pouces. Le malade rongeait ses ongles durant un certain

temps, mais par la suite leur état s'est trouvé très mauvais et ils ont presque

disparu. Les pieds ont tous les caractères des pieds acromégaliques, et y a

.aussi des troubles trophiques sur les ongies Il y a de la macroglossie.

Quand le malade se met à marcher, l'ataxie des jambes est évidente ; elle a

commencé il y a quelques années, mais s'est aggravée dans ces derniers temps.

Pas d'ataxie aux membres supérieurs. Signe de Rllmbprg très net. L'examen

de la motilité démontre encore de l'hypotonie musculaire, surtout des muscles

de la partie postérieure de la jambe {genu recurvatvm) et de la cuisse.

Les réflexes tendineux sont abolis aux membres inférieurs; les réflexes

cutanés sont faibles. Le signe d' \ rgyll-Roht'I'tsou est très net.

Pas de troubles de la sensibilité objective. Le malade se plaint de douleurs

dans le corps, surtout aux membres inférieurs, parfois assez aiguës. Il y a

aussi de la céphalée.

L'examen des yeux a rencontré de la chorio-rétinite du bord interne de la

papille, à l'oeil gauche, avec décollement de la rétine.

La vision est presque abolie de ce côté.

Pas de troubles psychiques.

Rien de remarquable en ce qui concerne les appareils digestif et respira-

toire. Pour l'appareil génital, il y a à signaler l'impuissance sexuelle existant

depuis quelques années. Les urines sont bonnes, pas de sucre. Rien au coeur,

si ce n'est un certain degré de tachycardie (96 pulsations). La pression sanguine

prise au Riva-Rocci est dans les chiffres normaux.

D'après ce qu'on vient de lire, on voit qu'il y a chez notre malade deux

NOUVELLE Iconographie DE la Salpêtrière.

T. XXVI. Pl. LXXI

ACROMÉGALIE ET TABES

(Alo),sio de Castro).

Masson & Cie, Editeurs

ACROMÉGALIE ET TABES 471 i

sortes de phénomènes cliniques : des symptômes acromégaliques et des

symptômes tabétiques, les uns et les autres au grand complet.

Il est curieux de signaler que nous trouvons ici des symptômes qui

sont communs aux deux maladies : l'impuissance, des troubles trophiques,

des troubles de la vision, des douleurs, qu'il est important de bien si-

gnaler, peuvent avoir parfois dans l'acromégalie les mêmes caractères que

les douleurs du tabes.

Ceci posé, s'agira-t-il dans ce cas d'une simple coïncidence des deux

étals morbides, acromégalie et tabes. ou y aurait-il entre les deux quel-

ques relations réciproques ? Voilà qui est difficile de trancher pour le mo-

ment. Je dois, d'ailleurs, signaler que j'ai trouvé au cours de mes recher-

ches à ce sujet d'autres observations, évidemment analogues au cas actuel.

Ce sont les cas de Debierre (1) et deBonardi (2), quoique le diagnostic

de tabes eut été mis en doute par Petren (3). Mais il y a encore le cas de

Bassi (4) et plus récemment ceux de Hostoski (5) et de Dercum (6).

Il ne faut pas oublier, d'autre part, qu'il y a des cas de coexistence

d'acromégalie avec syringomyélie (7), et malgré les différences entre la

nature des deux processus morbides, syringomyélie et tabes, cette circons-

tance n'a pas moins de valeur. Rappelons enfin qu'on a trouvé plus d'une

fois des lésions médullaires dans l'acromégalie (8).

On pourra dire, d'ailleurs, que ces lésions ont été trouvées seu-

lement dans quelques cas; mais n'oublions pas que les observations

d'acromégalie avec autopsie et vérification de l'état de la moelle se

comptent.

Quoi qu'il en soit, il est bien certain qu'il nous manque encore des

(1) Daatsarec, Un cas d'acromégalie avec symptômes tabétiques. Rev. d'ophtalm.,

1891, p. 12.

(2) Bonnardi, Contribua clin id ed analomo-patologiche alla conoscenza dell'acrome-

galia. Il 1orgagni, 1899, p. 541-579.

(3) Petren, Uber des gleichzeiliqe Vorkommen von dkromegalie und syringomyélie.

Vir.-h nv's Archiv, 1907, Bd. 190, p. 60.

(4) Bassi, D'uno caso di aCI'ol/legal1a prevalentemenle cefalica complicata ad alassia

locomotrice (forma giovarxile). La Clinica med. italiana, 1899, p. 652.

(5) Kotoscki, Akromegalie und labes. Gesell. f. Nat. u. HeiJk, Dresden. Munch.

med. Woch., 1908, p. 1851.

(6) Dercum, Tabes -associaled with trophic changes suggesling acromegaly. Journ.

of nervous and mental disease, 1908, p. 508.

(1) PETREN, op. cit. ; Peterson, .4 case of acromeg.xly combined with sYI'Ùzqomyelie.

Médical' lecoi-J, 1893, p. 391 ; Bassi, Un caso d'acromcialia ce{atzr'a asçocirrta a

siringomielia. Atli. de ! real. accad. Lucclrese, 1848, p. l2L; 111%EL, Syringomyélie

verbunden mil ak1'omegolic/¡en Veranderungen. Inaug. Diss. Erfnrgn, 1905.

(8) Cagnetto, Allerazi ni del niiuollo spinuh III un caso di arrumegulia. Ri sperilII.

di frematrra, 1904, p. 267 : ¡';P1LLEH, The barn ind the spiiial curd ln a case of acro-

megaly. Journ. of nerv. and ment. dis.. 1898, p. 42.

472 ALOYSIO DE CASTRO

renseignements pour décider la question des rapports possibles entre

l'acromégalie et le tahes et savoir si dans certains cas le processus tabétique

sera capable d'agir sur les glandes à sécrétion interne.

Peut-être dans l'avenir les vérifications relatives à l'état du sympathique

dans le tabès apporteront quelque lumière à la question.

D'après les relations du sympathique avec le système chromaffine, on

peut se demander si ce n'est pas dans cette voie qu'on doit chercher l'ex-

plication de ces cas. -

Nouvelle Iconographie DE la Salpêtrière.

T. XXVI. Pl. LXXII

DÉFORMATIONS DU PIED CHEZ LES TABÉTIQ.UES

1 et 2. Pied tabétique. - 3. Pied bot tabétique. - 4. Pied ballant tabétique.

(Pierre Marie et Boitiller).

Masson & Cie, Editeurs.

SOCIÉTÉ DE NEUROLOGIE DE l'ARIS

sénvc : DU 6 NOVEMBRE 1913

SUR UNE VARIÉTÉ DE DÉFORMATION DU PIED

CHEZ UNE TABÉTIQUE,

PAR

PIERRE MARIE etBOUTTIER.

Les malades que nous avons l'honneur de présenter à la Société sont

tous les trois atteints de tabès ancien, puisque le début de l'affection

remonte pour deux d'entre eux à plus de quinze années et pour le troi-

sième à plus de cinq années. Le point qui nous a paru intéressant dans

leur histoire est l'étude des déformations que présentent leurs pieds et

qui semblent répondre à des types cliniques bien différents (Pl. LXXII).

Chez le premier malade nous observerons en effet le pied tabétique de

Charcot et Féré; il y a un affaissement de la voûte plantaire tel que celle-

ci devient plate, une tuméfaclion du dos du pied surtout marquée au ni-

veau des articulations tarso-métatarsiennes, un épaississement du bord

interne qui est arrondi, un raccourcissement du pied avec une immobilité

très marquée des différents segments l'un sur l'autre. La radiographie

faite par M. Infroit montre ici des lésions ostéo-articulaires (Pl. LXXIII).

La deuxième malade présente le pied-bot varus équin décrit par Jolfroy.

Nous ne ferons que rappeler ici brièvement ses caractères dont les prin-

cipaux sont constitués par des rétractions musculaires et aponévrotiques

sans spasmodicité, parla flexion des orteils, les muscles de la région antéro-

externe de la jambe restant flasques. Mais nous insisterons immédiatement

sur quelques caractères particuliers : dans ce cas, malgré ce fait que la

malade est confinée au lit depuis de longues années, ii n'existe aucun phé-

nomène de paralysie ; la malade exécute très correctement des mouvements

de flexion, d'extension et de circumduction du pied. La lésion est bila-

térale et l'intégrité fonctionnelle au point de vue des mouvements de l'ar-

ticulation tihio-tarsienne est aussi complète d'un côté que de l'autre. Nous

avons demandé à M. Bourguignon de bien vouloir faire l'exploration élec-

trique des muscles de la région antéro-externe de la jambe : il n'existe à

leur niveau aucune réaction de dégénérescence.

Assez différente par ses caractères cliniques nous semble être la défor-

mation du pied que présente notre troisième malade. Ici lorsque nous

474 MARIE ET BOUTTIER

imprimons un mouvement à la jambe, le pied est secoué dans tous les

sens : il est. « ballant ». La malade est dans l'impossibilité complète d'exé-

culer le moindre mouvement de l'articulation tibio-tarsienne et même les

mouvements qu'elle imprime aux orteils sont pour ainsi dire nuls. Le pied

est un peu cambré, les doigts sont légèrement fléchis sans contracture :

on n'observe pas là de déformation du pied qui soit comparable à celle qui

constitue le pied-bot tabétique. Notons l'existence d'une amyolrophie

considérable, à prédominance unilatérale, très localisée, portant sur les

muscles de la région antéro-externe de la jambe. L'unilatéralité de cette

déformation constituée maintenant depuis quatre années en constitue le

dernier caractère. Au niveau de l'autre pied en effet, c'est à peine si on

note une légère modification de ses caractères normaux.

En résumé, en étudiant cliniquement à l'heure actuelle les altérations

physiques et fonctionnelles que présente le pied de cetle malade, on cons-

tate qu'elles ne rentrent ni dans le cadre des pieds tahétiques de Charcot

ni dans celui des bots tabétiques de JoIIroy. La question se pose donc de

savoir à quelle variété on a affaire.

Une simple remarque s'impose tout d'abord : c'est que dans ce dernier

cas la paralysie l'emporte de beaucoup sur la déformation. Ce fait est

démontré encore par la radiographie qui faite par M. Infroit

montre l'intégrité des articulations.

L'examen électrique pratiqué par M. Bourguignon vient à l'appui de

ces constatations cliniques : il montre à droite des traces de réaction

de dégénérescence au niveau de l'extenseur commun des orteils, à gauche,

c'est-à-dire du côté malade, une inexcitabilité complète des muscles de la

région antéro-externe de la jambe : l'existence de traces de D. R. à droite

permet d'affirmer qu'il y a eu de la D. R. dans les muscles du côté gauche

actuellement inexcitables.

Le résultat de cet examen électrique s'oppose donc à celui qu'a fourni

le même examen pratiqué sur le pied-bot tabétique.

Le diagnostic de notre dernier cas avec le pied tabétique se pose à

peine : énorme déformation dans un cas avec lésions constatées par la

radiographie, déformation presque nulle dans l'autre avec intégrité des

surfaces ostéo-articulaires.

Le pied-bot tabétique se 'différencie de notre pied ballant par l'inté-

grité presque complète des mouvements de l'articulation tibio-tarsienne,

par l'intensité des rétractions musculaires et aponévrotiques, par la bila-

téralité des lésions, par le peu d'intensité des amyotrophies, enfin par

l'absence de la réaction de dégénérescence.

(1) PIERRE Marie et Foix, L'atrophie isolée non progressive des petits muscles de la

main, etc. Nouvelle Iconographie de la Salpêtrière.

NOUVeLLE 1C61vOGEAYF11E DE LA SALPÈrIULHE.

r. xxvi. PI. L7CRI11

DÉFORMATION DU PIED CHEZ UN TABETIQUE

Pied ballant chez un tabétique.

(Pierre Marie et Boutlier).

Masson & Cie, Éditeurs.

SUR UNE VARIÉTÉ DE DÉFORMATION DU PIED CHEZ UNE TARETIQUE 475

Il semble donc que nous soyons ici en présence non pas à proprement

parler d'une déformation tabétique du pied avec lésions articulaires,

mais bien de phénomènes de paralysie qui, localisés au niveau des muscles

de la région antéro-externe de la jambe du côté gauche, auraient déterminé

une attitude du pied absolument comparable à celle qu'on observe dans

les poliomyélites par exemple ou dans les névrites périphériques. Nous

ne voulons pas essayer d'interpréter ce fait : nous ne ferons que rappeler

le rôle attribué par certains auteurs aux névrites périphériques dans la

production des amyotrophies; s'agit-il au contraire dans ce cas d'un petit

foyer très limité siégeant dans la substance grise et comparable à ceux que

l'un de nous a observés avec M. Foix et qui peuvent expliquer certains

faits d'atrophie des petits muscles de la main (1). Il serait prématuré de

répondre à cette question : toujours est-il que cliniquement la déforma-

tion présentée par le pied de cette malade tabétique semble rentrer

dans un autre groupe de faits que les déformalions bien classiques qui

constituent le pied tabétique d'une part, le pied-bot tabétique d'autre

part et dont nos deux premiers malades offrent des types très complets.

UN CAS DE MÉGALODACTYLIE UNILATÉRALE

DES ORTEILS

PAR R

J. CHARPENTIER.

de l'asile de Prémontré (Aisne).

La malforma lion qui fait l'objet de la présente noie a été observée chez

un paralytique général du nom de T..., interné à l'asile de Prémontré

(Aisne) el mort le 3 janvier 1913 à ! 'age de trente-neuf ans.

Elle était congénitale et ne portait que sur un côté. Le pied gauche

était absolument normal

Le malade ne présentait aucune autre anomalie de développement. A

l'autopsie furent relevées les lésions ordinaires de la paralysie générale;

à noter en outre l'existence d'une petite tumeur de la capsule surrénale

gauche qui, à l'examen histologique, a été reconnue pour être de nature

myxomateuse.

Mieux que toute description, les dessins ci-joints Fig.9 et permettent de

se rendre compte des différents aspects de l'anomalie en question. Elle est

constituée en somme par l'hypertrophie considérable des 2e et 3e orteils,

FIG. 1.

UN CAS DE MÉGALODACT'YLIE UNILATÉRALE DES ORTEILS 477

jointe à l'atrophie du le', à l'atrophie légère des 4e et 5*, les autres parties

du pied offrant des dimensions normales. Le 2° orteil est particulièrement

énorme. La partie antérieure de la planle du pied forme une grosse tubé-

rosité correspondant aux'20 et 3e articulations mélatarso-phalangiennes.

Tandis que le diamètre antéro-postérieur maximum du pied gauche

mesure 23 centimètres, celui du pied droit mesure 27 centimètres.

Ce dont il était déjà possible de se rendre compte par la palpation du

vivant du malade et qui s'est trouvé pleinement confirmé à l'autopsie,

c'est que le gros volume des orteils tenait en grande partie à l'exubé-

rance du tissu osseux.

Voici en effet la description du squelette :

Le tarse est normal. La malformation ne porte que sur le métatarse et

les orteils :

1° Hypertrophie des 20 et 3' orteils et des métartasiens correspondants.

Ce qui frappe avant tout, c'est l'hypertrophie considérable du'sque-

lette des 2e et 3e orteils, et ce n'est pas là la seule anomalie qu'ils pré-

sentent, mais on relève aussi dans chacun d'eux la soudure en un seul os

des l'e et 211 phalanges. L'os résultant de cette soudure mesure 60 milli-

mètres sur le 2e orteil, 55 millimètres sur le 3e, tandis que, sur le sque-

lette normal, la longueur des 1ro et 2e phalanges réunies est respective-

ment de 35 et de 31 millimètres sur les orteils envisagés.

xxvi 31

FIG. 2.

478 . CHARPENTIER

Sur le 20 orteil, la ligne suivant laquelle la phalangine est soudée à la

phalange est marquée d'un sillon nettement visible à la face plantaire,

beaucoup plus vague à la face dorsale.

Fic. 3.

UN CAS DE MÉGALODACTYLIE UNILATÉRALE DES ORTEILS 479

La tête de la phalange, facile à reconnaître, bien que la phalangine lui

soit intimement soudée, est beaucoup plus développée du côté externe que

du côté interne. II en résulte que celle-ci et la phalangette qui est arti-

culée sur elle sont fortement déviées en dedans.

Sur le 3e orteil, la ligne de soudure des 1 re et2" phalanges est marquée

la face dorsale par un profond sillon. La tête de la lre phalange est

facile à distinguer.

La phalange unguéale est, sur l'un et l'autre orteil, considérablement

hypertrophiée, la base et la demi-couronne qui en forme l'extrémité

sont exubérantes et poussent de chaque côté des prolongements qui, sur le

3e orteil, se réunissent en circonscrivant d'étroits perluis.

Les articulations métatarso-phalangiennes sont flanquées d'énormes os

sésamoïdes : un pour celle du 2e orteil, deux pour celle du 3a (1).

L'hypertrophie osseuse s'étend sur les métatarsiens correspondants. Ils

sont beaucoup plus gros et plus longs que sur le squelette normal :

Longueur du 2e métatarsien : 96 millimètres (à l'état normal, 76 mm.

environ).

Longueur du 3e métatarsien : 86 millimètres (à l'état normal, 70 mm.

environ).

De plus, toutes les parties de ces os, mais surtout leurs extrémités, pré-

sentent une exubérance remarquable du tissu osseux : des apophyses sont

disséminées à leur surface dont les plus saillantes sont situées du côté

plantaire. Celte exubérance osseuse se prolonge même sur la face plan-

taire du 3e cunéiforme.

2° Atrophie du gros orteil.

Elle est très marquée, mais peut-être moins que l'hypertrophie des

2' et 3e orteils.

Il y a aussi une atrophie légère du 1e' métatarsien portant surtout sur

la tête de l'os.

Le squelette des 4e et 5e orteils offre à peu de chose près des dimensions

normales; il est peut-être légèrement atrophié.

(1) Les sésamoides ont été artificiellement placés sur la figure à la face dorsale du

pied, dans le but de les mettre en vue.

TROPHOEDÈME

OEDÈME CONGÉNITAL FAMILIAL

DES EXTRÉMITÉS INFÉRIEURES (1)

PAR

le D D. B. BOKS,

Chef chirurgien de l'hôpital au Bergweg, à Rotterdam.

Peu de temps après l'envoi de ma dernière communication sur l'oedème

congénital familial des extrémités inférieures à la rédaction delà Nouvelle

Iconographie de la Salpêtrière, j'ai eu l'occasion d'observer à nouveau un

homme atteint d'oedème congénital des extrémités inférieures, et il m'a

paru, après une recherche plus minutieuse, que j'avais encore affaire à

un cas d'oedème des extrémités inférieures, cas congénital et se présen-

tant chez plusieurs membres de la famille, pareillement congénital chez

tous (voir tableau généalogique).

Il me semble superflu maintenant de raconter à nouveau exactement ce

qui a été observé dans cette famille, parce que les déviations dans ces cas-

ci sont exactement pareilles à celles qui ont été décrites dans mon article

précédent concernant cette maladie (2).

Sur quelques points je crois quand même devoir attirer votre attention.

Chez le jeune homme, dont j'ai reproduit l'image dans un numéro pré-

cédent de cette revue, il a été observé qu'il avait de l'oetléme du scrotum,

qu'il avait des deux côtés une hydrocèle du testicule et que les deux tes-

ticules étaient hypertrophiés.

Dans cette nouvelle famille, je n'ai pu examiner personnellement que

les organes génitaux de deux hommes et j'ai trouvé que chez tous les deux

(1) D'après une démonstration faite le 26 janvier 1913 devant l'Association clinique

à Rotterdam.

(2) Nouvelle Iconographie de la Salpêtrière, 1913, n"4, p. 316.

Nouvelle Iconographie DE la Salpêtrière.

T. XXVI. Pl. LXXIV

TROPHOED : E11E CONGENITAL FAMILIAL DES MEMBRES INFÉRIEURS

(13. Bocks).

Masson & Cie, Éditeurs

Photolypie Bertlmod, Pane

Nouvelle Iconographie DE la Salpêtrière.

T. XXVI. Pl. LXXV

TROPHQtDÈME CONGENITAL FAMILIAL DES MEMBRES INFÉRIEURS

(B. Bocks).

Masson & Cie, ElitelHs.

TROPHOEDÈMI ? dème CONGENITAL FAMILIAL DES EXTRÉMITÉS 481

il existait des anomalies de ces organes (Pl. LXXIV). Ni l'un ni l'autre

ne présente d'oedème du scrotum, mais chez l'un existe du côté gauche une

hydrocèle du testicule et le testicule droit est très augmenté. Chez le

deuxième existe des deux côtés une hydrocèle du testicule et probable-

ment les deux testicules sont agrandis. Pourtant on ne peut en être

certain, parce qu'il y a une hydrocèle de chaque côté.

Parce qu'un grand nombre d'hommes souffrent d'anomalies des organes

génitaux, il me semble possible que chez les femmes il existe aussi des

anomalies de ces organes.. 1

J'ai eu seulement l'occasion d'en examiner trois souffrant de cette

maladie et j'ai constaté que chez aucune il n'y avait d'oedème des

grandes lèvres.

,

Chez deux sur les trois (Pl. LXXV), un de mes assistants n'a pu

constater aucune anomalie des organes génitaux internes; quant à la

troisième nous n'avons pas pu en faire l'examen.

Quoique le résultat des recherches des anomalies de ces organes chez

les femmes affligées de cette maladie ait été nul, il me semble pourtant

désirable d'examiner de très près dans l'avenir les organes génitaux de

ce genre de malades.

482 BOCKS

i

TABLEAU

CLINIQUE DES MALADIES DU SYSTÈME NERVEUX

(Hôpital PANTEUMON, BUCAREST)

SUR LE SYNDROME DE LA XANTOCHROMIE ET DE LA COA-

GULATION MASSIVE DU LIQUIDE CLLHALO-RAE11U11N

Pd lt

Prof. G. MARINESCO et Dr A. RADOVICI

(Bucarest).

Le syndrome de la coagulation massive, indiqué pour la première

fois par G. Froin en 1903, fut observé dans 26 cas pendant l'espace des

dix dernières années. Tous ces cas ont été réunis par G. Aubry dans sa

thèse (1909), et puis par Mestrezat dans sa monographie sur le liquide

céphalo-rachidien normal et pathologique. Avant Froin, Picard a com-

niuniqué un cas, observé par Ballet, et presque dans le même temps

Lépine a publié l'observation d'un malade qui n'a présenté que des dou-

leurs de la colonne lombaire, mises sur le compte du rhumatisme.

Le mérite de Froin, qui a donné son nom au syndrome de la coagu-

lation massive, a été de réunir dans le cours de l'année 1903 une série

d'observations, de l'étude desquelles s'est dégagé un complexus symptoma-

tique unitaire. La conception pathogénique primordiale fut celle d'une

hémorragie méningée, et c'est sur la base de celle idée que Froin s'est

mis à étudier de près les modifications que subit le liquide céphalo-rachi-

dien au cours des épanchements sanguins. Il est arrivé à la conviction

que l'hémorragie méningée, tout en étant un facteur important, n'est

pas en état de déterminer à elle seule le syndrome de la coagulation

massive.

Au cours de la même année, Babinski, ayant eu l'occasion d'observer

un cas de paraplégie spastique, avec;xantochromie, coagulation massive

et leucocytose, admet la pathogénie d'une méningite hémorragique fihri-

neuse. Le traitement mercuriel a amené la complète guérison.

En 1904 Cestan et Ravaut publièrent le premier cas suivi de nécrop-

sie ; la lésion trouvée fut une pachy-méningo myélite du cône terminal.

Pour l'interprétation, ils se sont rangés à l'opinion de Babinski, laquelle

fait intervenir deux facteurs déterminants : l'inflammation et l'hémorragie

méningée. Les auteurs ont insisté sur la richesse des substances albumi-

noïdes qu'on trouve dans le liquide obtenu.

SUR LE SYNDROME DE LA XANTOCHROMIE ET DE LA COAGULATION 485

Sicaid et Descomps ont trouvé à l'autopsie de leur cas une gaîne péri-

médullaire, depuis le Xe segment dorsal jusqu'au 1[° segment sacré, formée

par le grossissement des méninges et leur symphyse.A leur avis l'inflamma-

tion n'est pas suffisante pour réaliser ce syndrome. « La région enflammée,

écrivent ces auteurs, doit être circonscrite par un processus symphysaire,

qui réalise une compression vasculaire et l'oedème local consécutif. Dans

cette poche méningée stagne quelque temps l'exsudation plasmatiquepro-

duite par la diapédèse rouge et blanche du plasma sanguin. »

Tedeschi (1902) a aussi publié un cas de syndrome du cône terminal,

chez lequel la nécropsie a démontré une symphyse méningo-médullaire

avec néoformations inflammatoires englobant les méninges et la moelle

(cône terminal). Il parait toutefois que non seulement la symphyse mé-

ningo-médullaire est en état de rendre le syndrome, mais aussi tout procès

morbide déterminant une compression de la moelle et constituant en

même temps un obstacle pour la circulation du liljuldecéphalû-rachidien.

C'est ainsi que Rindfleisch, Dufour, Lejonne et 131anchetiére ont observé

la xantochromie et la coagulation massive, les deux premiers chez deux

sujets atteints de méningite sarcomateuse diffuse, les deux derniers dans

un cas de paraplégie spasmodique, causée par un sarcome vertébral qui

comprimait le VIII0 et le IXe segment dorsal.

En 1909, Froin et Foy ont trouvé le même syndrome dans un cas de

méningite cérébro-spinale, survenue après la rachi-slovaïnlsation. On voit

donc que ce syndrone peut être quelquefois l'expression d'une inflam-

mation diffuse des méninges, sans pouvoir - du moins au point de vue

clinique - déterminer aucune espèce de localisation. -Dans les derniè-

res années, Mestrezat el Roger ont publié quatre observations, tendant à

faire valoir la théorie de « la cavicé close » sur laquelle nous insistons

plus loin.

Enfin une question qui touche de près notre sujet est celle relevée par

Sicard en France et par Nonne etRaveneiiAlleiiiaciie sur l'état du liquide

céphalo-rachidien dans les différentes compressions médullaires (mal de

Pott, tumeurs rachidiennes). D'après les résultats de ces auteurs, les élé-

ments du syndrome qui nous occupe peuvent être esquissés en quelque

sorte dans toute compression, et le premier indice pourrait être fourni

par la dissociation albumino-cytoloique (Sicard), c'est-à-dire une réac-

tion des globulines positive (Phase 1) avec absence de lymphocytose.

Nous passons maintenant à l'histoire clinique des quatre malades que

nous avons eu ^occasion d'observer dans le service de maladies nerveuses

de l'hôpital l'antelimon :

486 MARINESCO ET RADOVICI

Observation I.

C. J.'Ned..., âgé 4b ans. Entré le 14 mars 1912.

Le malade vient à l'hôpital pour des douleurs dans la région lombaire et

impotence fonctionnelle des membres inférieurs. - A l'age de 29 ans, il con-

tracta un chancre qui a disparu après deux semaines, et aussi une adénite

inguinale suppurée. Sa femme a avorté une seule fois et accouché de deux

enfants sains. Fumeur et grand buveur.

La maladie actuelle a débuté il y a 17 ans, date à laquelle il a senti une faiblesse

dans le membre inférieur gauche. Cette faiblesse disparaissait parfois, mais elle

s'est surtout exagérée il y a 11 ans à la suite d'une fièvre typhoïde. La faiblesse

a gagné ensuite l'autre jambe, de telle sorte que le malade ne pouvait plus

marcher sans l'aide d'une canne ; avec le progrès de la maladie, il usait de deux

cannes dans le même but.

L'année passée il a été obligé de garder le lit à cause de la faiblesse des

jambes qui se dérobaient sous lui dans la station debout. Les douleurs, qui

ont fait leur première apparition il y a 6 ans, tourmentaient aussi le malade à

la même date. L'impotence des membres inférieurs est restée telle jusqu'à

l'entrée du malade dans notre service.

A l'examen du malade, on constate que dans le décubitus dorsal il ne peut t

relever le membre inférieur droit qu'à 5-10 centimètres seulement au-dessus

du plan du lit. La répétition du même mouvement provoque la contracture du

membre. La jambe gauche est tout à fait immobilisée.

La motilité passive est difficile, à cause de la contracture qui survient lorsque

le mouvement est fait un peu brusquement, surtout à droite. Les réflexes

rotuliens sont tous les deux exagérés, le mouvement d'extension de la jambe

est parfois accompagné d'une trépidation. Les réflexes achilléens sont de même

exagérés. Le réflexe crémastérien, aboli à gauche, est beaucoup diminué à

droite. Le réflexe abdominal inférieur aboli, le supérieur maintenu.

Phénomène de Babinski présent.

Le malade accuse des douleurs violentes dans les flancs, surtout il gauche,

irradant sous les fausses côtes. Il sent des fourmillements et des engourdisse-

ments des jambes.

La sensibilité tactile, thermique et douloureuse, est abolie aux membres

inférieurs et à la région abdominale inférieure jusqu'à deux travers de doigt

sous l'ombilic.

La sensibilité au diapason, la sensibilité profonde et le sens articulaire sont

tout à fait abolis pour le squelette de ces régions.

On constate de la part des réservoirs la parésie de la vessie et des sphincters

uréthral et anal.

19 mars. - Ponction lombaire (111°-IV8 vertèbres lombaires). On obtient

4 centimètres cubes de liquide jaune citrin, limpide. Deux heures après l'ex-

traction, le liquide se prend en un coagulum fibrineux massif. Réaction de

Wassermann négative dans le sang et le liquide céphalo-rachidien.

SUR LU SYNDROME DE LA XANTOOHHOMIE ET DE LA COAGULATION 487

27. Ponction (lr8-Ile vertèbres lombaires). On obtient 4 centimètres cubes

de liquide jaune citrin. Après un quart d'heure on voit des flocons dans la

masse du liquide et après 2o minutes la coagulation est complète.

Dans la môme journée on a pratiqué une ponction entre la XI" et la XII° ver-

tèbres dorsales, obtenant quelques gouttes qui se sont coagulées sur l'aiguille.

20 avril. Ponction (11-lIl° vertèbres dorsales). On extrait un liquide peu

opalescent, qui est resté sans se coaguler.

24. - Ponclion (VII°-VIII° dorsales) négative. Pratiquée entre les XIe et

XII° dorsales, on obtient 2 centimètres cubes de liquide qui se coagule immé-

diatement sur l'aiguille.

On constate dans le liquide céphalo-rachidien la présence de 0 gr. 62 0/0

de glucose.

Dans le cours du mois'de mai, on a pratiqué une série de 5 ponctions à diffé-

rents niveaux entre la VIe et la XIe vertèbres dorsales sans pouvoir obtenir du

liquide.

Nous nous sommes expliqué ce résultat toujours négatif en admettant qu'à ce

niveau les méninges spinales sont soudées de telle sorte que les espaces sous-

arachnoïdiens sont tout à fait réduits ou complètement disparus.

Au commencement du mois d'août on constate une faible amélioration dans

l'état du malade : il peut fléchir à demi le genou droit. Il semble que la limite

de la zone d'anesthésie soit descendue de quelques travers de doigt. Les dou-

leurs ont cédé presque tout a fait.

12 août. La sensibilité de la face interne de la cuisse (tiers supérieur)

est quelque peu revenue.

10 septembre. -Nouvelle ponction (111°-IVe vertèbres lombaires). Le liquide

est sous petite pression, jaunâtre, faiblement opalescent. Réaction Nouue-Spelt

franchement positive. Un quart d'heure après, le liquide prend une consistance

sirupeuse. Après une demi-heure on voit nager un petit coagulum fibrineux.

Après 2 heures le liquide se prend en une masse consistante, translucide.

L'état du malade reste le même ; il nous affirme toutefois que les ponctions

lombaires lui ont procuré une amélioration réelle, mais passagère.

Observation II.

P. Gh., 37 ans. Le malade entre le 16 avril 1911 à l'hôpital pour la faiblesse

des jambes qui est tellement prononcée que la marche est tout à fait impossible.

Il nie la syphilis. Sa maladie actuelle date de l'automne 1909 ; depuis cette

époque il souffre de douleurs lombaires qui se sont aggravées pendant l'hiver

et le printemps suivant. Il a continué pourtant à travailler le malade est

laboureur - jusqu'au mois de septembre 1910, mais pendant ce mois la force

musculaire des jambes faiblit tellement qu'il dut recourir aux béquilles. Il

sentait des fourmillements et des engourdissements accentués des membres in-

férieurs. Pendant deux semaines il a été soigné dans un hôpital rural et après

cet intervalle il se sentit effectivement amélioré. Cette rémission s'est main-

tenue jusqu'au commencement de l'année 1911. Au mois de janvier, les douleurs

488 MARINESCO ET RADOVICI

lombaires apparaissent de nouveau, avec irradiations dans les membres infé-

rieurs, engourdissement, de sorte qu'il se voit obligé de garder le lit. Quelques

mouvements du membre gauche ont persisté jusqu'à son entrée dans le

service.

A l'examen du malade on constate une impotence complète des membres

inférieurs qui sont maintenus dans l'attitude suivante : la jambe gauche reste

en extension, à la droite le genou est en flexion de 45°, le malade ne peut le

mette en extension qu'en se servant de ses mains. Atrophie musculaire à la jambe

et aux cuisses. -

La motilité active des membres inférieurs est tout à fait abolie. La motilité

passive de toutes les articulations est possible, nous trouvons seulement quel-

que résistance à l'extension du genou droit. Les réflexes tendineux (rotuliens

et achilléens) du membre inférieur droit sont exagérés. On obtient aussi la

trépidation épileptoïde. Babinski positif. r.

A la jambe gauche les mêmes réflexes sont abolis. Clonus et Babinski absents.

Les réflexes crémastériens et cutanés abdominaux sont maintenus. Le réflexe

épigastrique aboli. Le malade accuse des douleurs lombaires intenses avec

irradiations dans les membres. La sensibilité objective, tactile, thermique et

douloureuse est profondément atteinte. La sensibilité tactile est abolie sur les

membres inférieurs et se continue sur une zone d'hypoesthésie qui atteint

les fausses côtes. L'anesthésie haresthésique s'étend jusqu'au même niveau.

La sensibilité articulaire des orteils, du cou-du-pied et du genou est abolie. La

sensibilité au diapason est abolie pour le squelette de la moitié inférieure du

corps. -

Comme troubles sphinctériens, le malade présente incontinence des urines

et constipation. 1

A la ponction lombaire, on extrait un liquide cilrin sous pression diminuée.

La réaction des globulines avec le sulfate d'ammonium donne un gros nuage

occupant toute la masse du liquide. A lacenlrifugation on constate une fai-

ble lymphocytose. Une guantilé de liquide laissée en repos se prend en masse

après deux heures.

On constate deux eschares du diamètre d'une pièce de 5 francs à la région

fessière.

L'évolution de la maladie pendant le séjour du malade dans notre service

fut toujours progressive. A cause des douleurs, il avait recours chaque soir

aux injections de morphine. Les troubles vésicaux nécessitaient un cathété-

risme journalier. Urines purulentes. Le malade a fréquemment des frissons

avec ascensions thermiques.

15 décembre. On constate un trouble du rythme respiratoire. A quelque

intervalle, d'habitude de 10-12 respirations, on voit se produire une violente

contraction des muscles abdominaux et probablement du diaphragme aussi.Le

malade perçoit, un instant avant cet accès, une vive douleur épigastrique, puis

commence une inspiration profonde qui coïncide avec la contraction mention*'

née. A cause de la douleur,' le malade fléchit la colonne vertébrale.'

SUR LE SYNDROME DE LA XANTOCHROMIE ET DE LA COAGULATION 489

Les réflexes achilléens sont abolis aux deux membres.Le phénomène de Ba-

binski s'est effacé à droite.

L'infection urinaire n'a pas pu être enrayée et le malade a succombé dans

un marasme général le 18 mars 1902.

A la nécropsie, la moelle cervicale et lombo-sacrée ne présente rien de par-

ticulier; la huitième racine cervicale gauche postérieure est beaucoup élargie

par rappert aux autres et de consistance gélatineuse. 0

D'autre part, il y a une tuméfaction au niveau de tous les segments mé-

dullaires compris entre les VI" et XIe racines dorsales. La moelle présente à ces

niveaux des dimensions exagérées, de sorte que les méninges sont tendues à sa

surface. On note que les méninges ne sont pas épaissies, mais elles sont très

adhérentes à la surface médullaire, de sorte qu'on ne peut les enlever sans

entamer la substance nerveuse. La consistance de la moelle est gélatineuse,

demi-fluide, de coloration gris-brunâtre, le tissu fait saillie sous la section,

et on ne peut discerner nulle strutcure. C'est seulement à la limite de cette

masse gélatineuse qu'apparaissent des néoformations ; on reconnaît encore

quelques petits îlots de matière blanche qui font un réel contraste avec la

substance environnante.

A la région médullaire terminale, on trouve les racines sacrées agglutinées

en une masse très adhérente de tissu de nouvelle formation.

Observation III.

J. Jur..., âgé de 32 ans, laboureur. Entré le 16 mai 1912. Diagnostic : sar-

come de la colonne vertébrale ( ? ).

Nie la syphilis, il dit pourtant avoir eu il y a 14 ans une éruption cutanée

pustuleuse qui s'est maintenue pendant 5 années, laissant jusqu'à présent des

vestiges pigmentaires (cuisse, avant-bras).

Depuis le mois de janvier, le malade souffre de douleurs lombaires avec ir-

radiations dans la cuisse gauche, survenant par accès, le malade étant obligé

de garder le lit pendant les exacerbations. Les douleurs étaient si vives que le

malade criait et était très agité.

La démarche était possible pendant les périodes d'accalmie, il sentait pour-

tant parfois des élancements douloureux dans la jambe gauche, qui descen-

daient jusqu'à la plante du pied.

Avec le progrès de la maladie, la force musculaire de la jambe gauche a fai-

bli, et le malade n'a plus pu marcher qu'à l'aide d'une et puis de deux cannes.

Depuis 3 semaines des douleurs atroces dans les lianes et les deux jambes re-

tiennent le malade au lit.

Etat présent. Le malade a un facies altéré, presque cachectique. La

motilité des membres supérieurs est normale. Dans la région lombaire gauche,

on remarque une tuméfaction solide, qui fait que cette région entière se trouve

élevée de 3-4 centimètres au-dessus de celle de droite.

La peau n'est pas hyperhémiée, on ne sent pas de fluctuation superficielle, la

palpation profonde très douloureuse indique un certain degré de résistance.

490 MARINESCO ET RADOVICI

La ponction de cette tuméfaction. faite deux reprises, n'a rendu que quelques

gouttes de sang.... On ne constate nulle déformation de la colonne vertébrale,

la pression de la l'a et de la 11e vertèbres lombaires est douloureuse.

L'examen des membres inférieurs indique une paraplégie flasque. La mo-

tilité active est tout à fait abolie. Réflexes rotuliens et achilléens abolis. Le

phénomène de Babinski ne se produit pas.

Les réflexes crémastériens sont abolis. Atrophie musculaire massive dans la

cuisse et les jambes. Sensibilité tactile, douloureuse et thermique profondé-

ment altérée. Les douleurs intenses des membres inférieurs persistent. In-

continence et rétention d'urine, constipation opiniâtre.

3 juin. - L'état général va empirant. Le malade a heaucoup maigri, vraie

fonte musculaire, cachexie intense, alimentation très réduite. Incontinence

des fèces. La tumeur du flanc gauche a augmenté de volume, nouvelle ponc-

tion avec résultat négatif.

15. -Le malade maigrit toujours; depuis quelques jours, il est tombé

dans un état d'apathie, il reste indifférent, somnolent, avec quelques mani-

festations délirantes tranquilles. Les membres inférieurs sont réduits pres-

qu'au squelette Eschare sacrée.

Ponction lombaire : liquide /aune citriii qui se coagule quelques minutes

après l'extraction. On trouve après centiifugalion de rares lymphocytes

déformés. ,

La précipitation des globulines avec le sulfate d'ammonium se fait en masse.

Le malade a quitté le service le 28 juin. Son état s'est continuellement

aggravé de sorte que dans les derniers jours on pouvait dire qu'il était dans

le coma. Sa famille l'a transporté à la maison presque agonisant.

Observation IV.

J. M..., 38 ans. Reçu dans le service le 24 décembre 1911. Il se présente à

l'hôpital avec une paraplégie et des troubles de motilité dans les mains.

Comme antécédents, il aurait eu la fièvre palustre à 23 ans ; nie la syphilis

et toute autre maladie infectieuse.

Le 28 novembre de la même année, étant interné à l'hôpital Colentina. pour

la cure d'une phymose, on lui a fait une injection intrararhidienne de 0 gr. 03

stovaïne et 0 gr. OUI sulfate de strychnine, et puis une circoncision. Trois jours

après l'opération, le malade commence à présenter une difficulté de la démarche,

et après jours il est obligé de garder le lit. Le 15 décembre, la motilité des

mains, et principalement celle des doigts, est altérée. En même temps, le ma-

lade accuse des douleurs intenses dans les membres inférieurs, surtout dans

la région postérieure.

Comme état général nous notons, à la réception, un organisme bien bâti,

pas d'attitudes vicieuses des membres supérieurs et inférieurs, pas de défor-

formations ou atrophies musculaires. L'expression de la figure présente un cer-

tain degré d'inertie, les sillons naso-géniens effacés, surtout du côté droit. La

commissure droite abaissée en rapport avec la gauche.

SUR LE SYNDROME DE LA XANTOCHROMIR ET DE LA COAGULATION 491

La motilité active des membres inférieurs est complètement abolie au niveau

de toutes les articulations. Passivement, on peut exécuter tous les mouvements.

Aux membres supérieurs, il n'est gardé de la motilité des doigts que la flexion

et l'extension. L'opposition des gros doigts est abolie. La motilité de l'articulation

du coude est intacte. L'élévation des bras n'est possible que jusqu'à la posi-

tion horizontale.

Le malade est incapable de rester debout et de marcher.

A la face, la fermeture des yeux n'est pas possible complètement ; il reste

toujours une petite fente.

On note le signe de de Graefe (les paupières supérieures n'accompagnent pas

les mouvements d'abaissement des globes oculaires). Le plissement du front

est possible; le froncement des sourcils est aboli. Il ne peut pas siffler.

492 MARINESCO LT RADOVICI

quelque temps (1/2 heure), on obtient une coagulation en masse du liquide

extrait dans les deux tubes.

5 janvier 1912. - Pendant la visite médicale, le malade perd subitement

connaissance, la tête pend inerte à gauche, l'expression de la face est hagarde, la

bouche est ouverte. La respiration s'est arrêtée, le pouls 90 par minute. Cette

syncope a duré deux minutes, puis tout est revenu dans l'ordre.

6. - La musculature des jambes est flasque, sans être atrophiée. Les dou-

leurs persistent avec la même intensité. Il présente quelque amélioration dans

les mouvements des globes oculaires : il' ferme bien les yeux, il a commencé

à exécuter des mouvements dans les muscles de la face, il siffle, éteint le cierge

à une distance de 16 centimètres. Il présente des troubles du sens coenesthé-

sique, ainsi, il dit sentir les jambes énormément gonflées.

13. - Les douleurs se sont quelque peu améliorées. Le regard est hagard,

le maxillaire inférieur est abaissé et animé de faibles tremblements. Ces

tremblements se transmettent à la tête entière.

24. On note une remarquable amélioration de la motilité. Aux membres

supérieurs il exécute le mouvement actif d'opposition du gros doigt, il porte

l'index au médius et à l'annulaire ; ne peut pas encore le porter au petit doigt.

La flexion et l'extension des doigts s'exécute normalement, et aussi les

mouvements de l'articulation du poignet et du coude. Il peut relever les bras,

jusqu'à la position verticale.

Aux membres inférieurs, l'amélioration de la motilité est moins marquée.

Il peut exécuter des faibles flexions et extensions des articulations tibio-tar-

siennes ; les doigts sont encore immobiles. Les mouvements passifs sont diffi-

ciles et engendrent des douleurs.

26. - Il garde l'attitude de la flexion des jambes sur la cuisse et de celle-

ci sur le bassin. L'extension est possible, mais douloureuse. Les mouvements

de la jambe sont un peu plus libres ; il ne peut pourtant relever les membres

inférieurs du plan du lit. Les douleurs spontanées ont disparu presque entiè-

rement ; il est plus calme, dort bien la nuit, n'a plus d'hallucinations.

3 mars. Le malade peut relever, étant en décubitus dorsal, les jambes

au-dessus du plan du lit, mais pas jusqu'à la verticale. Il ne peut pas remuer

les orteils ni l'articulation ti ! Jio-tarsienne. II présente quelque raideur des ar-

ticulations des genoux, il se soutient en position verticale et peut même tenter

quelques pas, il s'appuie sur les meubles du salon, écarte les jambes pour

agrandir la base de l'équilibre. La démarche se fait avec les genoux un peu

fléchis. Les réflexes rotulien, achilléen et crémastérien sont reparus, mais en-

core très faibles. De même les réflexes abdominaux. Pas de signe de Babinski,

pas de troubles sphynctériens.

9. Le signe de de Graefe n'est plus constatable.

28. Le malade marche seul sans s'aider, mais à petits pas. Le pied est

tombé. On note un degré de steppage.

25 mai. - La sensibilité vibratoire est reparue au niveau des os des

pieds.

25 septembre. Le malade est presque complètement rétabli ; il persiste

SUR LE SYNDROME DE LA XANTOCHROMIE ET DE LA COAGULATION 493

pourtant un peu de steppage, plus accentué à droite. Psychiquement tout à

fait rétabli, il reste encore quelque temps dans l'hospice, faisant office de

bûcheron.

En résumé les observations précédentes indiquent quatre cas de syn-

drome complet de la coagulation massive et de la xantochromie. C'est par

hasard que nous avons pu épuiser avec ces quatre malades presque toutes

les possibilités cliniques et pathogéniques du syndrome.

En effet la majorité dus cas observés par divers auteurs ont présenté

des troubles des membres inférieurs - paraplégie - et l'examen indi-

quait presque toujours une lésion dans la région inférieure de la moelle.

Dans 20 cas, sur les 6 publiés, la paraplégie formait l'élément essentiel

du complexus symplonnlique. Trois de ces cas ont continué par une pa-

ralysie ascendante.

Il est à noter que la paraplégie fut signalée même dans les cas avec

réaction méningée diffuse.

La paraplégie peut présenter toutes les variantes possibles, de la forme

légère avec petits troubles de la démarche, douieurs lombaires et sur le

trajet des sciatiques, signe de Lasègue (Lépine), jusqu'à la complète

impotence fonctionnelle des membres inférieurs et atrophie musculaire

massive (le 3e de nos cas). On a noté des paraplégies flasques avec aboli-

tion des réflexes et résolution des sphincters (Froin, Cestan et Ravaut,

Donath, notre 3° cas), de même que des paraplégies spasmodiques, avec

exagération des réflexes, signe de Babinski, contracture musculaire

(Babinski, Sicard et Descomps, Blanchetière et Lejonne, Roger et Mes-

trezat). L'un de nos malades (n° 2) représente une phase de transition

ayant des phénomènes spastiques à un membre, pendant que l'autre avail

les réflexes abolis et complète résolution musculaire.

Les signes de localisation de la lésion manquent parfois, le tableau cli-

nique indiquant une diffusion du procès morbide dans les territoires

supérieurs du névraxe. Ainsi un cas de Froin a présenté un syndrome

Landry, atteignant après 15 jours le point culminant (tétraplégie, para-

lysie des muscles de la face, phénomènes bulbaires, délire), après quoi le

malade a commencé peu à peu à se rétablir, de sorte qu'il était complète-

ment guéri après 3 mois.

Au point de vue clinique, nous nous trouvons donc presque toujours en

face d'une méningo-myéiite, d'une compression médullaire, d'une para-

lysie ascendante ou d'une réaction méningée généralisée.

Chez nos deux- premiers malades, nous avons porté le diagnostic de

méningo-myélite avec symphyse méningée, ayant en vue, chez le premier,

les résultats obtenus parla ponction faite à différents niveaux, chez le

xxvi 32 '

494 MARINESCO ET RADOVICI

deuxième les faits anatomo-pathologiqnes obtenus à la nécropsie. Les

observations de Cestan et Ravaul, Tedeschi, Sicard et Descomps se ressem-

blent en plusieurs points avec les nôtres. La troisième de nos observa-

tions, tout en étant privée de vérification nécropsique, concerne presque

sûrement un malade atteint d'un sarcome vertébral, et regarde ainsi

la question encore controversée du liquide céphato-rachidien dans les néo-

plasmes rachidiens.

Le tableau clinique du quatrième malade n'indique nullement une

compression médullaire, le névraxe ayant été progressivement atteint, et

les symptômes étant l'expression d'une lésion tout à fait il diffuse. Les troubles

ont paru trois jours après une rachianesthésie stovaïnique et dès les pre-

miers symptômes, le malade a présenté une intense réaction méningée.

Il nous a été envoyé en pleine période d'état, en sorte que nous n'avons

pas pu suivre les étapes de transition du liquide céphalo-rachidien.

L'examen du liquide céphalo-rachidien réunit ces diagnostics variés

dans un même chapitre. En effet la ponction lombaire rend toujours un

liquide présentant les trois signes caractéristiques :

1° Coagulation spontanée ou provoquée ;

2° Coloration jaunâtre (xantochromie) ; -

3° Formule cytologique insignifiante, souvent absente.

Ces modifications sont conditionnées par l'existence tout ;Irait anormale

d'une quantité notable de fibrinogène, et de quelques pigments dérivés de

l'hémoglobine.

La coloration du liquide varie d'un cas à l'autre, ayant parfois un reflet

verdàlre (Notre obs. n° 4), brun (Froin, Picard et Descomps), doré on rosé

en rapport avec les pigments trouvés (hémoglobine, pigments biliaires,

urobiline, pigments dérivés).

Le chiffre moyen de la densité est 1015 0 = 0°57 0°59.

Le dosage de l'albumine totale a indiqué des quantités qui dépassent

toutes celles constatées dans diverses affections. Ainsi Tedeschi a trouvé

28 gr. 80 0/00, Forcana 4 gr. 17, Blanchetiére et Lejonne 25 gr. et

27 gr. 0/00.

La coagulation du liquide est sans doute le symptôme caractéristique du

syndrome; il importe de noter pourtant que ce phénomène n'est pas

conditionné seulement par la présence du fibrinogène, mais aussi du fibrin

ferment. Tous les signes peuvent donc indiquer le syndrome de la coa-

gulation massive, la coagulation spontanée restant toutefois absente.

Dans ces occurrences, Mestrezat conseille d'ajouter à tout liquide xanto-

chromique, comme précaution, quelques gouttes de sérum sanguin frais.

Donath a mentionné dans son cas aussi la présence des albumines,

fait observé par Sicard dans le mal de Pott.

SUR LE SYNDROME DE LA XANTOCHROMIE ET DE LA COAGULATION 495

La perméabilité de dehors en dedans est nulle pour les iodures (Froin)

et pour les nitrates (Mestrezat el Roger).

Les caractères des liquides obtenus chez nos deux premiers malades

coïncident avec ceux observés par presque tous les auteurs dans les syndro-

mes dont il s'agil. En ce qui concerne le malade avec sarcome vertébral, le

résultat de la ponction confirme les faits constatés par Nonne et son élève

Raven qui ont considéré comme signe distinctif de tout néoplasme rachi-

dien l'hyper-albuminose (spécialement la réaction des globulines) avec

l'absence ou l'exiguïté de la réaction cytologique. Ce caractère, constaté

après aussi par Sicard dans le mal de Pott, fut attribué par Mestrezal à

un trouble mécanique, il la stase du liquide céphalo-rachidien, el par

conséquent considéré comme signe distincte de toute compression médul-

laire : symphyse méningée, néoplasme rachidien, mal de Pott, etc.

Avec notre 'le malade, nous abordons la question du liquide céphalo-

rachidien après la rachianesthésie. Guinard en collaboration avec Ravaut

et Aubourg ont cherché une explication pour les troubles de différente

nature, ottsetvés en telles occasions. Les liquides extraits après la rachi-

cocaïnisation, montrent une pluie diapédétique de polynucléaires et

lymphocytes, sorties des vaisseaux de la pie-mère, en rapport avec les

troubles méningés observés. On trouve même parfois des liquides fran-

chement opalescents, laissant déposer un caillot de pus sanguinolent,

avec formation d'un coagulum f1brinenx, comme dans un liquide de

pleurésie. Guinard met celle réaction, qu'il désigne aseptique, sur le

compte de l'anizotonie de la solution injectée.

Il est hors de doule qu'en dehors de la réaction méningée, notre malade

a présenté aussi des troubles indiquant 'des lésions notables des éléments

nerveux et précisément des racines des nerfs rachidiens.

Toute anesthésie résulte d'une action physique ou plutôt physico-chi-

mique, de la substance employée sur les éléments conducteurs de l'influx

nerveux. Celle action doit êlre passagère, réversible ; en certaines occasions

pourtant, des troubles de plus longue durée et même persistants, peuvent

survenir, soit que l'individu ait une lare prédisposante, soit qu'on trouve

dans les antécédents personnels quelque intoxication ou infection anté-

rieure ou chronique.

Notre malade, de par sa profession et son milieu d'existence, et en

considérant aussi le délire onirique présenté, est un alcoolique. La loca-

lisation radiculaire est exprimée par les douleurs extrêmement violentes,

la paralysie flasque avec atrophie musculaire, la modification des réac-

tions électriques. Cette radiculite pourrait être due à une réaction inflam-

matoire parallèle avec celle méningée ou à l'action directe de la subs-

tance anesthésiante.

'496 si MARINESCO ET HADOV1CI

Il résulte de l'exposition précédente que le syndrome de Froin a été

observé dans diverses affections du névraxe, suites des maladies les plus

différentes au point de vue étiologique. Plusieurs fois la cause est restée

inconnue, et même l'examen analomo-patholo'ique n'a pas toujours per-

mis de déterminer la nature des lésions. En effet s'il s'agit de méningo-

myélites chroniques ou de pachyméningites, ces lésions peuvent avoir

pour cause la syphilis, la tuberculose, ou bien être le reliquat de quelque

infection aiguë ancienne, ou les suites de quelque intoxication chronique

(alcool, plomb).

Les cas de Froin, de Babinski, de Cestan et Ravaut ont été rigoureuse-

ment attribués à la syphilis. De même dans plusieurs observations à marche e

chronique, le traitement anti-syphilitique a pu seul indiquer la nature de

l'infection (Aubryj. Au point de vue de la tuberculose nous citons les cas

de Sicard et Descomps, qui ont attribué au bacille de Koch les cellules

géantes qu'ils ont trouvées ; ensuite, celui de Froin, où il s'agissait d'une

réaction méningée survenue chez une jeune fille à la suite du grattage

d'une ostéite bacillaire. On a mis parfois les troubles observés sur le compte

des infections par les microbes banals de la suppuration. Ainsi par exem-

ple dans un cas de Froin, la maladie a débuté brusquement à la suite d'un

refroidissement, dans un autre publié en collaboration avec Foy, les trou-

bles, parus 10 jours après une rachianesthésie stovaïnique, ont été consi-

dérés comme ayant une origine infectieuse.

Donath a observé le syndrome chez un paludique, Lépine dans un cas

de rhumatisme vertébral. Dans une série de six cas relevés surtout par les

auteurs allemands (1) la coagulation massive a élé attribuée à un néoplasme

médullaire ou de voisinage.

En résumé syphilis, tuberculose, microbes banals, néoplasme ou autles

agents irritants toxiques peuvent provoquer une réaction méningée à

caractères identiques, parce que tous ces agents divers peuvent déterminer

une altération uniforme de la gaine des méninges rachidiennes. En effet

l'examen anatomo-pathologique a indiqué en général un processus morbide

envahissant les espaces sous-arachnoïdiens, et isolant de cette manière

dans la cavité formée, une partie du liquide céphalo-rachidien circulant.

Cestan et Ravaut qui ont pratiqué la première nécropsie ont trouvé une

méningo-myélite transverse, intéressant le segment supérieur de la queue

de cheval et le cône terminal. Le processus, premièrement une lepto-

(1) HEILI(I, BLANCIIETIEDE et LEjONNE, REICHMANN u. ROPIiC, KLIENEDEDOEP, SCIlNIT1LER

cités par W. Raven).

SUR LE SYNDROME DE LA XANTOCHROMIE ET DE LA COAGULATION 497

méningite, a invahi la moelle d'une part, la dure-mère de l'autre, cons-

tituant ainsi une pachi-méningite circulaire. - Le cas de Tedeschi

concerne une symphyse méningo-médullaire au,niveau du cône terminal

(extrémité inférieure de la Ire vertèbre lombaire), le tissu granuleux

englobant la partie correspondante des méninges molles, de la moelle et

des racines nerveuses. L'examen histologique n'a pas pu déterminer la

spécificité de la lésion.

Sicard et Descomps décrivent aussi une pachi et lepto-rnénincile cons-

tituant une gaine périméclullaire depuis le Xe segment dorsal jusqu'au

IIe segment sacré. Se basant sur l'existence des cellules géantes, les au-

teurs considérant la lésion comme étant de nature bacillaire; la recherche

des bacilles de Koch est restée pourtant négative.

Dans le cas de Lejonne et Blaiiclietièi-e, 1 la lésion trouvée fut une tumeur

de la dure-mère, de la grosseur d'une petite noix, située sur la face

dorsale de la moelle.qu'elle comprimait au niveau des VIl", VIIIe et IXe seg-

ment dorsaux. Il s'agissait d'un sarcome cellules rondes, très vascularisé,

présentant dans sa grosseur plusieurs foyers hémorragiques. Les cinq cas

réunis par M. Raven dans sa monographie concernent toujours des néo-

plasmes : psamll10me sphériql18 (Jleillg), neurofibromeintradural et intra-

médullaire, opéré, guérison (Ileiclmann, Itôple), un fibrome et une

tumeur indéterminée opérés (Klieneberger), sarcome de la pie-mère

(Schnitzler).

\lestrezat et Roger clans leur dernier cas publié ont trouvé une compres-

sion médullaire causée par un anneau de pachi-méningite sur une hauteur

de 2-3 vertèbres (VIl-, VIlle, Il dorsales).

Nous avons trouvé les mêmes particularités à l'autopsie de notre 2° cas.

Depuis le Ile segment dorsal jusqu'au XI0, les méninges et la moelle étant

adhérentes, il nous a été impossible de les séparer sans entamer en même

temps la substance nerveuse. La consistance de la moelle, l'aspect

macroscopique sur section et aussi l'examen des coupes microscopiques

ont indiqué des altérations profondes des méninges et de la moelle.

Nous avons montré jusqu'ici que la symphyse méningée, le néoplasme

et plus rarement quelques réactions généralisées des méninges constituent

les trois mécanismes pathogéniques capables de produire le syndrome de

la xaniochromie et.de la coagulation massive. Il nous reste maintenant,

après avoir regardé de plus près les procès morbides qui se passent au

niveau de l'endothélium sous-arachnoïdien, à tenter une interprétation

ptn'sio-pathojogique de chacun des éléments qui constituent le syndrome;

498 MARINESCO ET RADOVICI

a) Xantochromie. La coloration jaunâtre plus ou moins foncée du

liquide doit être attribuée incontestablement il l'invasion du pigment

sanguin dans les espaces sous-arachnoïdiens. Les recherches de Guillain

et Troisier, de Widal et Abrami et consignées par Troisier dans sa thèse de

doctorat, ont eu pour objet les modifications subies par le globule rouge

et le pigment hémoglobinique depuis l'invasion dans le liquide céphalo-

rachidien jusqu'à leur destruction. La fragilité globulaire, constatée dans

ce nouveau milieu, est toujours exagérée, va même jusqu'à leur complète

dissolution el la mise en liberté du contenu des globules rouges. Consé-

cutivement l'hémoglobine subit une série de transformations en pigments

dérivés (bilirubine, urobiline, etc.) lesquels, au point de vue de leur l'

origine et aussi de leur constitution chimique, sont des corps apparentés.

Par ordre décroissant de dégradation, on peut considérer la bilirubiue

comme étant lepremier dérivé de l'hémoglobine, l'urobiline venant après.

La parenté de ces trois pigments est démontrée aussi par une série de

réactions chimiques. « Eu effet, l'action des acides énergiques sur l'héma-

tine (dérivée de l'hémoglobine) produit 1'liélilliopoi-plivi-iiie, izomèrede la

bilirubine. Traitant la bilirubine par l'hydrogène natif, \laly a obtenu

l'hydrobilirubine, pigment identique avec l'urobiline · (I).

La transformation de l'hémoglobine en pigments dérivés se l'ait sur

place dans tous les liquides d'épanchements sanguins et aussi dans le

liquide céphalo-rachidien xantochromique, suivant le phénomène décrit

par rloin, Guillain et Troisier sous le nom de biligénie hémolytique

locale. C esl ainsi que Sil hraset et Mu ratet ont nolÓ la présence de l'ut obi-

line dans le liquide céphalo-rach id ien de l'hémorragie cérébrale, Bard a

décrit « la coloration biliaire du liquide céphalo-rachidien d'origine

hémorragique ».

La coloration jaunâtre des liquides xantocllromiques est certaine-

ment l'expression du même phénomène, c'est ce qui prouve la réaclion de

Gmelin trouvée plusieurs fois positive. Il resle pourtant un point

obscur, concernant le mécanisme de pénétration des éléments sanguins

origine des pigments xantochromiques dans les espaces sous-arachnoï-

diens. Force est d'admettre une série de petites hémorragies méningées

répétées, ou bien le passage des hématies par l'endothélium capillaire

intact provoqué par la formation de la cavité close et la stase consécutive

du liquide céphalo-rachidien.

Contre la deuxième hypothèse plaident plusieurs constatations faites

' dans des cas de compression médullaire de longue durée avec augmenta-

tion de la quantité des substances albuminoïdes - c'est-à-dire obstacle

(1) Jean Troisier, Rôle des hémolysines dans la genèse des pigment 3 biliaires Ci de

l'urobiline, Thèse Paris, 1909, p. 39.

SUR LE SYNDROME DE LA XANTOCHROMIE ET DE LA COAGULATION 499

manifeste dans la circulation du liquide céphalo-rachidien - et dans

lesquels la xantochromie faisait défaut. En tous cas, les hémorragies ménin-

gées doivent être anciennes, si l'on a en vue qu'en de telles occurrences,

on ne trouve plus des hématies ni de l'hémoglobine.

b) Coagulation massive. - Au point de vue biologique, la coagulation

massive du liquide céphalo-rachidien représente le même phénomène que

celui qui se passe dans le sang après toute émission sanguine. Une substance

albuminoïde du liquide (le fibrinogène) sous l'action d'un ferment (le

fibrin-ferment), étant données aussi quelques conditions secondaires, subit t

une modification chimique, en vertu de laquelle elle se transforme en

fibrine et précipite sous la forme de filaments qui s'enchevêtrent, consti-

tuant le coagulum.

La question qui se pose est de savoir d'où vient l'énorme quantité de

substances albuminoïdes et surtout du fibrinogène qu'on trouve dans les

liquides céphalo-rachidiens étudiés, étant donné que normalement le li-

quide ne contient que des quantités infinitésimales d'albumine et pas du

tout de fibrinogène (Sicard, Arthus, 111estrezat).

La proportion normale de l'albumine est sous la dépendance de l'épi-

thélium choroïde et de l'intégrité de l'endothélium sous-arachnoïdien.

Touteaffection de ces éléments permet l'invasion dessubstances albuminoï-

des du sang clans le liquide céphalo-rachidien. En première ligne c'est l'in-

flammation, c'est-à-dire le procès méningitique, qui provoque l'altération

des parois des cavités sous-arachnoïdiennes. L'inflammation de faible

intensité, autrement ditla congestion exagérée par l'exode figuré et sérique,

est caractérisée principalement par l'augmentation de la quantité d'albu-

mine du liquide céphalo-rachidien. Il est vrai qu'en de telles circonstances

presque tous les éléments du sang envahissent les espaces sous-arachnoï-

diens, mais en considérant les formules exactes chimiques et cytolo-

giques, on voit s'esquisser une fine électivité, en venu de laquelle les

éléments ne sont pas uniformément attirés, de sorte que, en général, à

chaque cadre clinique correspond une composition déterminée du liquide

cèphalo-rachidien.

Chaque agent infectant provoque habituellement une albuminorachie

type, avec laquelle tend à s'identifier chaque cas similaire donné. Les

chiffres les plus notables se rencontrent dans la méningite cérébro-spinale

méningococcique : 3 grammes et aussi G et 8 grammes par 1 i tre.lVIestrezat a

trouvé exceptionnellement dans une méningite pneumococcique 11 gr.60

par litre. Les autres infections méningées : tuberculeuse, streptococcique,

pyocyanique, avec bacille coli sont marquées par une proportion décrois-

sante d'albumine jusqu'à 0. 50 à 1 gramme.

Dans les inflammations chroniques, la quantité d'albumine est peu aug-

500 MARINESCO ET RADOVICI

mentée et toujours proportionnelle avec l'intensité de la réaction mé-

ningée. La quantité moyenne dans le tabes est 0 gr. 50-0 gr. 68.

Ce chiffre peut être déterminé aussi par une syphilis du névraxe, ou par

les méningites alcooliques. Dans la paralysie générale la proportion varie

de la normale jusqu'à 2-3 grammes.

Dans aucune des affections considérées l'llyperalbuminorachie n'atteint t

le degré de celle décrite dans le syndrome de Froin. Eu effet dans-

ce complexus symptomatique, caractérisé en première ligne par la coa-

gulation massive, Mestrezat a trouvé 9 gr. 50 ; 9 gr. gag ; 8 gr. î0 ;') 9 gram-

mes : Ggr. 20; 40 grammes par litre. D'autre part Tedeschi a noté 28 gr. 80,

Fornaca 4. gr, 17, Blauclletiére et Lejonne 20 gr. a0; 27 grammes.

Comme le syndrome dont il s'agit est loin d'être toujours l'expression

d'une réaction inflammatoire, ces chiffres nous démontrent que l'hyper-

albuminorachie peut être provoquée aussi par d'autres mécanismes

paihogéniques.

En effet Nonne et son élève Raven considèrent ce phénomène avec

l'absence de lymphocytose comme l'indice presque certain d'un néoplasme

rachidien (1).

Parmi les substances albuminoïdes qui envahissent les espaces sous-

arachnoïdiens, on compte aussi le fibrinogène, qui, d'après ses pro-

priétés chimiques, peut être rangé dans le groupe des globulines. La réac-

tion Nonne-Apel t (1 r. phase) est particulièremen t i utense dans les liquides

contenant du fibrinogène.

Quelques fins filaments de fibrine sont d'observation courante, dans

les méningites aiguës (tuberculeuses, cérébro-spinales) ; ce fait a été noté

premièrement par Furbringer (t897). Dans les cas de coagulation

massive, il s'agit pourtant d'une invasion tellement abondante, et le coa-

gulum formé est tellement consistant, que parfois nous pouvons retourner

complètement l'éprouvette sans que le liquide coule (Donatii). La quantité

de fibrine a été dosée par Fornaca à Ogr. 60 pour -1000 ; Blanclletiére et

Lejonne 1 gr. 70 ; 1 gr. 6 : t gr. 63 pour 1000 ; Mestrezat 0 gr. 05. Une

comparaison entre ces chiffres et les quantités notées par Moral et Doyon

pour le sang (1 gr. 18; 2 gr. 15 pour le chien), nous montre que

l'accumulation de la fibrine dans le liquide céphalo-rachidien surpasse

dans ces cas pathologiques le taux de fibrine du sang.

Au point de vue du mécanisme de l'épanchement du fibrinogène dans

les espaces sous-arachnoïdiens, considérant les données "cliniques et

(1) Dernièrement Nonne a communiqué à la Société médicale de Hambourg un cas

nouveau (séance de 25 juin 1912) dans lequel, basé sur ces signes, il a pu dingnos-

tiquer une tumeur médullaire au niveau des V* et VI segments pliinchener med. Woch, :

du 43, 1912).

SUR LE SYNDR0MK DE LA XANTOCHROMIE El' DE LA COAGULATION 501

anatomo-patllolo;iqnes, trois hypothèses peuvent être discutées, chacune

ayant le mérite d'expliquer quelque côté de la question.

Premièrement nous pouvons concevoir qu'une hémorragie méningée,

rendant au liquide céphalo-rachidien tous les éléments du sang, mette en

liberté aussi le fibrinogène. El pourlanl, dans les hémorragies méningées,

cliniquement diagnostiquées, la coagulation du liquide céphalo-rachidien

extrait n'a jamais été observée, et même Froin (Gazelle des hôpitaux,

5 novembre 1903) a indiqué comme éléments constants dans ces cas

l'absence du coagulum fihrineux. Celle remarque a élé faite aussi par

Chauffard et Froin (Soc. méd. des hôpitaux. 23 octobre 1,103. Froin et

Boidin (Gazelle des hôpitaux, 7 janvier 1904), Follet et Chevrel (Gazelle

des hôpitaux, 5 avril 1910).

L'explication de ce fait paradoxal n'est pas difficile à donner. En effet

à la nécropsie des cas de grandes hémorragies méningées on constate [ou-*

jours des coagulums librineux occupant diverses régions delà surface-

dû névraxe. Le liquide extrait par la ponction sera donc exempt de fibri-

nogène, celui-ci étant précipité sous la forme de fibrine dans les espaces,

sous-arachnoïdiens.

Il résulte donc que l'hémorragie méningée seule ne peut pas provoquer

le syndrome si caractéristique de la coagulation massive; d'autres consta-

tations viennent pourtant prouver qu'elle n'est pas tout à fait étrangère à

la palhogénie de ce syndrome. C'est ainsi que la présence, plusieurs fois

mentionnée, des hématies dans les centrifugats, faits après la dissociation z

du coagulum, la formule leucocytaire qui dans quelques cas s'approche,

àcausedeJ"augment¿ltion du nombre des polynucléaires, de celle du sang,

enfin les lésions des vaisseaux méningés, trouvées dans tel cas à la

nécropsie, démontrent que presque toujours il se produit dans ces cas un

épanchement sanguin. Il s'agit probablement d'hémorragies capillaires,

petites et répétées, sans lésions accentuées des parois, de sorte que l'inté-

grité de l'eudothélium sous-arachnoïdien n'étant pas tout à fait coin-'

promise, la coagulation du sang peut-être écartée. Sicard et Descomps.

admettent même une transsudation au niveau de l'endovhélium capillaire

intact.

Un autre fadeur, qui contribue incontestablement à la pathogénie de

la coagulation massive, est l'inflammation méningée. L'exsudat qui passe

par les séreuses enflammées est caractérisé en première ligne par l'abon-

dance des substances albuminoïdes et spécialement du fibrinogène, fait

sur lequel on a basé une mélhode de diagnostic différentiel entre les

transsudats passifs et les exsudais inflammatoires.

Il résulte donc.que l'endothélium sous-arachnoïdien en état cl'intlam-

mation laisse passer dans le liquide céphalo-rachidien le fibrinogène.' -

502 MARINESCO ET RADOVICI

A ce point de vue les recherches de A. Oscvald sur l'étal colloïdal des

cellules enflammées sont intéressantes ; elles montrent que le colloïde

de la membrane cellulaire subit une altération, en vertu de laquelle

elle attire dans une solution solide feste Losung) le fibrinogène du sang,

et parallèlement le passe au liquide céphalo-rachidien par diosmose.

Dans quelques inflammations spécifiques le passage du fibrinogène et.

la précipitation de la fibrine surpassent de beaucoup les autres subs-

tances albuminoïdes du sang et quant-au syndrome de la coagulation

massive, plusieurs auteurs l'ont considéré comme étant l'expression d'une

méningite hémorragique fibrineuse.

Au point de vue du mécanisme pathogénique par lequel le néoplasme

rachidien peut faire apparaître le syndrome dont il s'agit, et spéciale-

ment la coagulation, Aubry considère comme facteurs déterminants les

toxines élaborées qui irritent les surfaces vasculaires, puis, l'exsudation

fibrineuse serait favorisée aussi par la stase du liquide céphalo-rachidien,

provoquée par la compression de la masse néoplasique. Cependant,

il est probable qu'ici aussi interviennent à titre d'éléments pathogéniques

secondaires l'inflammation méningée et les hémorragies. Dans plusieurs

cas on a trouvé à la nécropsie, dans la masse du néoplasme, les vestiges

de vieilles hémorragies.

L'examen cytologique du culot obtenu par centrifugation du liquide

céphalo-rachidien des cas de xantochromie et coagulation massive indique

des éléments différents : hématies, lymphocytes, polynucléaires, macro-

phages, cellules endothéliales, néoplasiques, etc., de sorte qu'il est im-

possible d'établir une formule précise. On note presque toujours que la

réaction cytologique est faible, et en tous cas ne correspond pas à la

grande quantité de substances albuminoïdes épanchées.

Comme nous l'avons vu, Nonne a abouti à la conviction que nous de-

vons considérer le résultat paradoxal de ces deux réactions comme un

précieux élément de diagnostic des néoplasmes rachidiens (1). Enlre les

47 cas avec hyperalbuminorachie, réunis par Raven (1912), 27 sont tout

à fait exempts de réaction lymphocytaire, et dans les aulres le nombre des

éléments cellulaires était faiblement exagéré.

D'après cet auteur la dissociation des deux réactions serait un caractère

différentiel pour toule compression médullaire.

(1) Tout dernièrement le D'Jancke a publié deux cas de tumeurs rachidiennes,

vérifiées par opération et nécropsie, dans lesquels la quantité excessivement abondante

d'albumine du liquide céphalo-rachidien coïncidait avec une lymphocytose de 9-20

mmc. L'un des cas présentait aussi xantochromie et coagulation spontanée (Munchener

med. Wochensch., no 19, 1913).

SUR LE SYNDROME DE LA XANTOCHROMIE ET DE LA COAGULATION 503

Considérant que les aulres caractères physiques et chimiques de ces

liquides ont présenté plusieurs fois de la ressemblance avec le syndrome

de la xantochromie, et de la coagulation massive, el en six cas l'ont repro-

duit intégralement, nous sommes portés à voir dans la simple dissociation

albumino-cytologique une première étape pour la constitution du syn-

drome décrit parFroin. Entre les caractères des liquides céphalo-rachi-

diensde toute compression médullaire et ceux qui rendent complètement

tous les éléments du syndrome dont nous parlons, il n'y aurait qu'une

question de degré. -

Pour dire le mot final sur la pathogénie du syndrome de Froin, nous

devons mentionner l'hypothèse synthétique de Mestrezat, laquelle

embrasse tous les facteurs déterminants mentionnés plus haut. Cet auteur

empruntant l'heureuse expression trouvée par Dieulafoy pour la patho-

génie de l'appendicite, considère en première ligne comme élément patho-

génique la stase du liquide céphalo-rachidien produite par la « cavité

close ». En effet, basé sur des arguments physiologiques, chimiques et

cliniques, il conclut que le syndrome de la xantochromie et de la coagu-

lation massive dépend :

« 1 De l'existence d'une cavité close isolée du circulus général, dans

laquelle viennent s'accumuler les éléments issus du sang (par voie trans-

sudative ou hémorragique) ;

2° D'une altération (infectieuse ou toxique) des vaisseaux de cette

cavité créant une transsudation ou multipliant les hémorragies microsco-

piques (plaque de méningite, lumeurs vasculaires, etc.) (1). »

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TABLE DES MATIÈRES

Achondroplasie et cllOndrohl/poplasie, contri-

bulton clinique, par Ravenna, 157.

- (Nouvelle contribution), par PABIION et

Schunda, lS5.

- (f{é/lon'¡-Ile à une insuffisance hypopha-

saire partielle), par B.UÀIEL et nInIiGStiOT,

202.

Acromégalie et tabes, par ALOYSIO de Castro,

4H9

Agénésie partielle du corps calleux, par

fiOUDINOVITCII et Harbé, 407.

Amour de la mort chez les Habsbourg, par

L.11GN1 : L Lavas une et Mersey, 146.

Aphasie (Coizirtbulioiz si l'étude des localisa-

tions de 1'-), pttr Lv Snt.c 1%11( : IlAhIBAUIT,

20.

- de Broca {Restauration du langage dans

l'-), ), pur J)KJEH1NE et André Thomas, 331.

Arlhropathie (1roubles de l'ecriture par -

de 1 épaule chez un tabé/ ! que), par Goi-

31L,s, 242.

Atrophie musculaire chez un nègre, par

AUSTEIEGESILO, 430.

Base du crâne dans la maladie de l'agel,

pal' LÉ"I. 452.

Basedow (Syndrome de -) et sclérodermie,

par Marinesco et Goldstein. 2 : 2.

Bulbai, es (ReacUlisalwn de l'hydrocéphalie

interne avec symptômes -), par Croerm,

209.

Céplialo-rachidien (Sur le syndrome de la

xantochromie et de la coagulation massive

du liquide -), par Marinesco et Radouci,

484.

Cerceau (Processus de réparation dans le -.

Un cas de menillgo-encéphallte chronique

avec attaques épileptiques), par SNESSAIIBFF,

433.

- (Tuberculomes multiples du -), par si \u-

ztsn et l3nontEr" 397

Chondrohypoplasie (Achondroplasie et .

Contributron clinique), pur Ravenna, 157.

Coagulation massive du liquide céphalo-ra-

chidien et aantochromie, par Marinesco et

Radouci, 484.

Corps calleux (Agénésie partielle du -), par

Roubinovitch et Daubé. e07.

Crttae (htlule de la base du - dans la ma-

ladie de l'age/), par 1 Éiii, 452

- (Hypertrophie simple familiale), par

KLIPPEL et FELSTEIN, 445.

- (Modifications dans la moelle au cours

des tumeurs siégeant dans la fosse posté-

rieure du -), par Raimiste et NEIDING,

245.

Déformation du pied chez une tabélique, par

et BOUTTIER, 4Î3

Démarche latérale aans l'hémiplégie organi-

que, par ALOYSIO DE Castro, 81.

Diabète m.ifnde el infantilisme, rôle de l'hy-

pnpltyse, par Leuebocllet, FAUllr.-BEAULH : U

et AUCitEn, 410.

Ecriture ( Troubles de l'- par arthropathie

de l'épaule citez un tabétique), par Gommés,

242.

Eunuchoïde (Gigantisme -. Etude des trou-

bles de la serreliort interne du testicule),

pur n'BATTU et GR.IIOEII, 251.

Gigantisme eunuchoide (Etude des troubles de

la sécréttort interne du testicule. Dissocia-

tion des sécrétions interne et externe du

testicule. Retard de l'établissement de la

sécrétion interne), par Rebattu et Gravier,

257.

Habsbourg (l'amour de la mort chez les ),

par J.IlGl'OEL Latistine et MERSEY. lk6.

Ilémifllrophie, hémiparésie et hemlhypoesthé-

sie linguale gauche avec déflation de la

lueile par necrob" se ou hémorragie bul-

baire Hémiparésie concomitante de la

moitié droite du corps prédominant à la

face, par IIAUZIER et ROGER, 28.

Hémiparésie concomitante [Hémiatrophie,

hémiparésie et hénnh,ypooslhésre linguale

gauche avec déviation de la luette par n ?

crobwse ou hémorragie bulbaire. - de la

moitié droite du corps, prédominant à la

face), l'dl' Rauzier et Roger, 28.

Hémiplégie organique (Démarche latérale

dans l'-), par ALOYSIO DE C.ISTRO, SI.

Hém., pasmes syncinellques de la face liés au

cliqllP1/leni des pau filé, es dans les pa. aly-

sies (adale. périphériques allcienne ? slmu-

lant les tics unilatéraux et le spasme facial

essentiel, par Pitres Pt AnnutE, 365.

Hémorrartte bu boire (flémrrrlrophre, hémi-

parésie et héniihqpoesihesie linquale avec

déviation de la luette par nécrobiose ou -.

Hémiparésie concomitante de la moitié

droite du corps, p, édol1lmanl à la face),

pur Rauzier et Roger. 28.

Hydrocéphalie interne (Réaculisatioit de l'-

congénitale avec symptômes bulbaires), par

CIUFFINI, 209.

508 TABLE DES MATIÈRES

Ilyperli opine crânienne simple familiale, par

fILIPPEI. et FELSTEIN, 445.

Hypophysaire (Infantilisme -), ), par Souques

et Chauvet, 69.

- (L'achondl aplasie répcnd-elle à une insuf-

sance - partielle' ! ), par Baumel et 1.I11-

GAI\OT, 202.

Hypophyse rôle dans le diabète insipide et

l'infantilisme, par 1,ERPIIOULLET, FAUITE-

BE %ui.iru et VAUCIIER, 410.

Idéaliste passionné (Psychose il base d'inter-

prétation passionnée . Un - de la justice

et de la bonté), par DInE et Mlle Levèquk,

56.

Idiotie et manie, par Benon, 358.

Infantilisme et diabète insipide Rôle de V hy-

pophyse, pur I RREDOULLET, FaUHE-Be ÏULIEU

et Vauciier, 410.

- /1l/pophysai1'e, par Souques et Chauvet,

69.

Insuffisance hypophysaire (L'achondroplasie

repond-elle a une partielle ? ;, par Baumel

et M \I;caROT, 202.

Interprétation passionnée (Psychose a base

d ? Un idéaliste passionné de la justice

et de la bonté), par DIDE et Mlle Lzs\I`UE,

56.

Linguale (Rénitatrophie, hémiparésie et hé-

nllhypoesthesie - gauche avec déviation de

la luelle par necrobiose ou hémorragie bul-

baire. Hémiparésie concomitante de la

moitié droite du corps, prédominant à la

face), par Hauzier et ROGER, 28.

Localisation de l'aphasie, par La Salle

ARCfiAIIDAU1.T, 20.

Long extenseur propre du pouce, paralysie

isolée, Par CLUZET et NO\ ? IOSSEI;ANU, 234.

Manie el idiotie, par RENON, 358.

Manie chronique, par et Denès, 122.

lYfé,gulo-doct,ylie unilatérale des orteils, par

Charpentier, 476.

Méningite cervicale hypertrophique, par

Babinski, JU11EVTIH;Pt Jarkowski, 10.

Ménitigo-eiicéphalite chronique, par Smîssv-

REFF, 433.

Moelle (Modifications dans la - au cours des

tumeurs siégeant dans la fosse posiérieu, e

du crâne), par Raimiste et Neiding, 245.

Moelle (tumeurs), traitement chirurgical,

par IIOTSTAOT, 36.

Momie égyptienne (Vertèbre lombaire Sl1rml' z

méraire complète chez une - de la

XI' dynastie), par Bertolotti, 63.

Myoclonies essentielles, par Moniz, 85.

Nerveuses (Formes -d'une nouvelle trypano-

somiase), pur Chagas, 1.

Nerveux (Système) (Contribution à l'étude

du - dans la paralysie agitante), par

Haskovec et HAST.\, 127.

Névrome d'amputation, un cas, par Dustin

et LIPPE,;%, 32,.

OEdème congénital familial des extrémités

inférieures, par BoKS. 316, 480.

Omnplates ailées physiologiques, par Hnatek,

223.

Orterls (Un cas de mégrtlodnctylie unilatérale

des -), par t'1111tPENTIER, 476.

Oxycéphalie el syndrome 0 rycéphalique, par

Ciuron et Courbon, 42.

Paget (Elude de la base du crâne dans la

maladie de -), par LI : RI, 452.

Paralysie a.qitanie (Contribution à l'étude du

système nerveux dans la -), par IlA"KOVbr.

et It.tTa, Ui. i.

- isolee du long extenseur propre du pouce,

pur Cluzet et Novt ? Io,su : n,tNn, 234.

- puerpérale du nerf sciatique poplité ex-

temp, du côté gauche, pur Noica et Z IIIA-

resca, 230.

Paialysies faciales (Hemispasmes syncimi- 1-

tiques de la face liés au clignement des

paupières dans les - périphériques an-

ciennes, simulant les tics unilatéraux et le

spasme facial essentiel), par Pitres et

Au IUlE, 365.

Pied (Une variété de déformation du - chez

une tabétique). par Marie et ItooTten,473.

Processus de réparation dans le cerveau.

Cas de mpninqo-eflcephabte ? ironique avec

at tiques épileptiques. pur SNESS,\lil·EN, 43-3.

Profichet (Srlndrome de' (1- tude , adioloyique

d'un cas de sclérodermie. Analogies avec

le -), ), par Bertolotti, 291. '

Psychose a base d'interprétation passionnée.

Un idéaliste passionné de la justice et de

la bonté, par DIDE et Mlle LEC2QOE, 56.

Puerpérale (Paralysie - du nerf sciatique

poplité externe du côté gauche), l'al' NOICA

et 7AII%BFSCU, 230

Restauration du lanq,7ge dans l'aphasie de

Broca, par Dejerine et André-Thomas, 331.

Sciatique (Paralysie puerpérale du nerf - z

poplité externe du c"té gauche), par XOICI

et Zaharescu, 230.

Sclérodermie et syndrome de Basedow, par

1111HIXESCO et Goldstein. 272.

- (Elude radiologique d'un cas de -. Ana-

logies avec le syndrome de Profichet), par

BERTOLOTTI, 291.

Sein hystérique et suggestion, par Ciiaron

et COUHHON, 118.

Spasme facial essentiel (Hemispasmes synci-

nétiques de la face liés au clignement des

paupières dans les paralysies faciales pé-

riphériques O1lCiennes,simulant les tics uni-

latéraux et le -), par Pnucs et ABADIE,

365.

Suggestion tSein hystérique et -), par CIIA-

ron et COI I\BON. 118.

Tabes et acromégalie, par ALOr,co de CASTRO,

469.

Tabélique (Troubles de l'écriture par arihro-

pathie de l'épaule citez un -), par Gou-

ntès, 242.

- (Sur une variété de déformation du pied

chez une -), par Marie et BOUT11r : U, 473.

Testicule (Troubles de la sécrétion interne

du -. Gigantisme eunucho'tde), par

Rebattu et Gravier, 257.

Tics unilatéraux (Hemispasmes syncinétiques

de la face liés au clignement des paupié-

res dans les paralysies faciales périphéri-

que.. anciennes, ,.Í1l1alantle.y - et le spasme

facial essentiel), par Pitres (.t Abuhe, 365.

Tnafoma magista (Formes nerveuses d'une

nouvelle 1,-tip,711osontiase. 7r ! llj(iiosoii(i

Cruzi inoculé par-). pal' Cil le; ts, 1 .

TrfJp"oedpme congénital familial, par Itohs,

3t6, 580.

Trypanosomiase (Formes nerreuses d'une

nouvelle -. Trypanosonla Cruzi inoculé

par triatoma magista), pal' Cwcns, 1 !

TABLE DES MATIÈRES 309

Tuberculomes multiples du cerveau et des

méninges, par Rauzier et Baumel, 397.

'Tumeurs (Modifications dans la moelle au

cours des - siégeant dans la fosse poste-

rieure du crâne par Raimiste et NEIDING,

2/.5.

- de la moelle (Traitement chirurgical des

- par Rotstadt, 36.

Vertèbre lombaire surnuméraire complète

chez une momie égyptienne de la XI' dy-

nastie, par BERTOLOTTI, 63.

Vitiligo à topographie en ceinture, par 13.cA-

Lncu et Parhon, 309.

Xantochromie et coagulation massive du li-

quide céphalo-rachidien, par Marinesco et

RADOVICI, 484.

TABLE DES AUTEURS

Aamc (J.) et PIfH> ? lIél1lispasl1les synci-

nétiques de lu face liés un clignement

des paupières dans les paralysies fa;iules,

36a

André-Thomas et Déjerixe. De la restaura-

tion du langage dans l'aphasie de Broca,

331.

AUSTIOEGE'ILO (A.) (de Itio-de-Janeirol. Sur

un cas d'atropine musculaire chez un

nègre, 430.

Babinski (,J.). JU.\OE ? II (J.) et J Ali KOWSKI (.1.)

Méningite cervicale hypertropliique, 10.

Bic,%i,uGi,u C.) et «le Sur

un rus de vitiligo il topographie en cein-

turne, 309.

Barbé (A.) et Roubinovitch. Un cas d'agé-

nésie partielle du corps calleux. 407

IJ\ST\ 1.1.) et IIAsKovEc (Lad.) F.tu<1e du

système, nerveux dans la paralysie agi-

tante, 127.

Itvouet. (J.) et lAHG\ROT (J ) (de Montpel-

lier, A propos d'un rus d arhondropl,"le.

L'achondroplasie répon l-elle il une IIlsuf-

fisancp hypophy<air ? partielle ? 202.

Baumel (J.) et Rauzier. Tuberculomes mul-

tiples du cerveau et des méninges, 397.

Rwoa (R.) (de Nantes). Manie et idiotie,

358.

Benon (R.) et Denès (11.) (de Nantes). Manie

chronique, 122.

Bertolotti (M.) (de Turin). Une vertèbre

lombaire surnuméraire complète chez

une momie égyptienne de la XI" dynas-

tie. Trouvaille radiographique, 63.

Etude radiologique d'un cas de scléro-

dermie. Analogies de la sclérodermie

avec le syndrome de Profichet, 291.

Bos (D. B.) (de Rotterdam). OEdème con-

génital familial des extrémités inférieu-

res, 316. 480.

BOUTTICR et P. Marie. Sur une variété de

déformation du pied chez une tabétique,

473.

CASINO (AlOygiO de) (de Rin-de-Janeiro).

Note sur la démarche latérale dans l'hé-

miplégie organique. 81.

Acromégalie et tabès, 469.

Chagas (Carlos) (de Rio-de-Janeiro). Les

formes nerveuses d'un- nouvelle trypu-

nosomiase (Trypallosoma Cruzi inoculé

par Triatoma magista), 1.

Charon (René) et Courbon (Paul) (d'Amiens).

Sein hystérique et suggestion, 11 S.

- Oxycéphalie et syndrome oxycéphali-

que, 422.

Ciiariëxiier (J.) (de Prémontré). Un cas de

mégulodactylie unilatérale des orteils,

476.

Chauvet (Stephen) et Souques. Infantilisme

Impopllys;lrr, 69.

CIUFFINI Publio) (de Home). Réacutisation

de l'hydrocéphalie interne congénitale

avec symptômes bulbaires, 209.

CLUZET et Novii JOSSEI1.1ND. Paralysie isolée

du long extenseur propre du poure, 234.

Coonnoa ( ! 'au)) et Charon. Sein hystéri-

que et suggestion. 118.

Oxycéphalie et syndrome oxycéphali-

quP, 422.

DE.JIo : RINE et André Thomas. De la restaura-

tion du langage dans l'aphasie de Broca,

331.

Denès 'P.) et Benon Manie chronique. 122.

Dloc (Maurice) et LKVËQOE (Mlle) (de Tou-

lousr), Psychose ,1 base d'interprétation

passionnée Un idéaliste passionné de la

justice et de la bonté, 56.

DusTIN (A. P.) et LIPPENS (Adrien) (de

l3rmrIIPS). A propos d'un cas de névro-

me d'amputation, 324.

F.%uitE-1F.IULIru, LEIIEBOIILLET et Vaucher.

Diabète insipide et infantilisme, 410.

FELSTEIN (E.) et Klippel. L'hypertrophie

crânienne simple familiale, 445.

GOLDTE1Y (11.) et Marinesco. Syndrome de

Basedow et srldrudermie, 272.

Gravier (L.) et Rebattu. Gigantisme eunu-

choïde, 237.

IIASI(o1'EC (Lad ) et Basta (de Prague).

Contribution à l'étude du système ner-

veux dans la paralysie agitante, 127.

Hnvtek (J. (de Prague) Sur un ras d'omo-

plates ailées physiologiques. 223.

JAIIKOWSKI (J.), Rabinski et JUMENTIÉ. Mé-

ningite cervicale llypertrophyne. 10.

Jumentié (J ? Babinski et Iarkowski. Mé-

niuglte cervicale llyprrtroplmlue. 10.

Klippel (,1.1 et FEL%TEIN L'hypertrophie

1 crânienne simple familiale, 445.

LAIGNFL-[,,iV,tl;'I'INE ej Mersey (P.). L'amour

de la mort riiez les Habsbourg. 146.

La Salle AncIIA31BAULT (tlAtt71L11y, New-

York). Contribution à l'étude des locale

sations de l'aphasie, 20.

TABLE DES AUTEURS 5LL

LEIIEUOULLET (P.).FAUHE-BEAULIEU et VAUCIiER.

Diabète insipide et infantilisme. Rôle

probable de l'hypophyse, 410.

LÉRI (André). Etude de la base du crâne

dans 1,( maladie de Paget, 452.

Lévêque (Mlle Juliette) et DITE (6Maurice).

Psychose à base d'interprétation passion-

née. Un idéaliste passionné de la justice

et de la bonté, 56.

LII'PENS (Adrien) et Destin. A propos d'un

cas de névrome d'amputation, 324.

Manheimer Gommés. Troubles de l'écriture

par arthopathie de l'épaule chez un ta-

bétique, 242.

MAHG \HOT (J.) et Baumel. L'achondroplasie

répond-elle à une insuffisance hypophy-

saire partielle ? 202.

Marie (Pierre) et LIOUTTIER. Sur une variété

de déformation du pied chez une tabé-

tique, 473.

Marinesco G.) et GOLDSTEIN (de Bucarest).

Syndrome de Basedow et sclérodermie.

272.

Marinesco (G.) et Radovici. Sur le syndrome

de la xantochromie et de la coagulation

massive du liquide céphato-rachidien,

484.

Mersey (P.) et LatcaEL-L1VASTIME. L'amour

de la mort chez les Habsbourg, 146.

MONIZ (E.) (de Lisbonne). Myoclonies essen-

tielles, 85.

Neiding (\1.) et RAi3llSTE. Les modifications

de la moelle dans le cas de tumeurs sié-

geant dans la fosse postérieure du crâne,

245.

Noie* et Zaiiarecu (N.) (de Bucarest). Para-

lysie puerpérale du nerf sciatique poplité

externe du côté gauche, 230.

Nové-Josserand iL.) et CLUZET. Paralysie

isolée du long extenseur propre du pouce,

234

Parhon (C. I.) et Bacaloglu. Sur un cas de

vitiligo il topographie en ceinture, 309.

Parhon (C.) et Sciihnda (Ath.) (de Bucarest).

Nouvelle contribution à l'étude de

l'achondroplasie, 185.

PITRES (A ) et ADAUIE (J.) (de Bordeaux).

Hémispasmes sycinétiques de la face

liés au clignement des paupières dans

les paralysies faciales, 365.

Radovici lA.) et Marinesco Sur le syn-

drome de la xantochromie et de la coa-

gulation massive du liquide céphalo-

rachidien, 484.

RumsTE (J. M.) et NEIDING (M.) (d'Odessa).

Les modifications dans la moelle épinière

au cours des tumeurs siégeant dans la

fosse postérieure du crâne, 245.

RAUZIER (G ) et BAUMEL (J.) (de Montpellier).

Tuberculomes multiples du cerveau et

des méninges. 397.

RAuziER (G. et Roger (H ) (de Montpellier).

Hémiatrophie, hémiparésie et hami-hp-

poeslhésie linguale gauche avec déviation

de la luette par nécrobiose ou hémor-

ragie bulbaire Hémiparésie concomitante

de la moitié droite du corps, prédomi-

nant à la face, par lésion cérébrale, 28.

Ravenna (Ferruccio) ide Parme). Achon-

droplasie et chondrohypoplasie. Contri-

bution clinique. 157

Rebattu J.1 et Gravier (L.) (de Lyon). Gi-

gantisme eunuchnïde. 257.

ROGER (11.) et Rauzier. Hémiatrophie, hémi-

parésie et hémi-liypoesthésie linguale

gauche par nécrobiose ou hémorragie

bulbaire. 28

ROTSTADT (Julian) (de Varso%ie). Traitement

chirurgical des tumeurs de la moelle, 37.

Roubinovitch (J.) et Barbé (A.). Un cas

d'agénésie. partielle du corps calleux, 407.

Schunda (Ath.) et Parhon. Contribution à

1 Ptudp de t'achondruptasie, 185.

Snessmieff (P.). Du processus de répara-

tion dans le cerveau Un cas de méningo-

encéphulite chronique, 433.

Souques (\.) et Chauvet tStephen). Infan-

tilisme hypophysaire, 69.

VAUCHER. LERËBOULLET et 1"URF-BE4,ULIPU.

Diabète insipide et infantilisme, 410.

ZAHAHESCU (N.) et Noïca. Paralysie puer-

pérale du nerf sciatique poplité externe

du côté gauche, 230.

TABLE DES PLANCHES

Achondroplasie et chondrohypoplasie

(Ravenna), XXIV à XXVI.

Achondroplasie, contribution clinique

(Parhon et SCHUNDA), XXVII â XXXIII.

Achondroplasie. Répond-elle à une irisuf-

Ilsance hypophysaire partielle ? (Baumel

et 111ARG.\ROTI, 'XXIII à XXXV.

Acromégalie et tubes (DE CASTRO), LXXI.

Agénésie du corps calleux (I\OUB11\OVITCli et

LV et LVI.

Amour de la mort chez les Habsbourg

(Laignel-Lavastine et Mersey), XX à

XXIII.

Aph,ISie,locrUiations (LAS.1LLE-ARCILIAIBrIULT),

IX.

Aphasie de Broca, cerveau (Déjeiune et

ANDR6; THOaIS), XLIX à LI.

Atrophie musculaire chez un nègre (Aus-

THEGÉSILO). LXI.

Basedcw (Syndrome de) et sclérodermie

(Marinesco et GOLDSTEIN), XLII.

Cerveau, lésions dans un cas d'aphasie

(UEjEBtKE et AN[)nÉ-THO : ns), XLIX à LI.

Cerveau, localisations de l'aphasie (LASALLE-

aRCHauD.uLTI. IX.

Cerveau (Processus de réparation (Snessa-

REes). LXII et LXIII.

Cerveau (tuberculomes multiples) (Rauzier

et Baumel). LUI et LIV.

Chagas (maladie de), formes nerveuses

(CHAGAS), I à V.

Chai-les Il (LAIG;\O; : L-LAYASTINE et Mersey),

XXIII.

CharIeS-(,ülnt(LAIGNEL-LAVASTtNE et Mersey),

XXI.

Corps calleux, agénésie partielle (Roubino-

vITCII et Barbé LV et LVI.

Crâne, hypertrophie simple familiale

KLIPPRL et FENSTEIN), LXIV.

Crâne dans la maladie de Paget (LÉRI), LXV

à LXX.

Démarche latérale dans l'hémiplégie orga-

nique (DE CrISTRO), XVI.

Diabète insipide et infantilisme (I ERE-

BOULLET, I'aure-Beaulieu et VAUCHER),

LVII et LVIII.

Gigantisme eunuchoïde (Rebattu et GRA-

VIER), XXXVIII à XLI.

Hémiatrophie linguale (RAUZIER et Roger), X,

Hémiplégie organique, démarche latérale

(de CASTRO), X \ 1.

Hémispasmes syncinétiques de la face

(Pitres et 1,11.

Hypertrophie crânienne simple familiale

(KLIPPEL et FENSTEIN), LXIV.

Hypophysaire (Infantilisme) (Souques et

Chauvet), XIII à XV.

Idéaliste passionné de la justice et de la

bonté et Mlle LÉYÈQUI,), XI.

Infantilisme et diabète insipide (l,riii,iioui-

LET, Faure-Beaulieu et Vaucher), LVII et

LVIII.

Infantilisme hypophysaire (Souques et Cunu-

m..·rl, \III à XV.

Jeanne la folle \L.\IGIOEL-LAvA'oTII\E et lllen-

scxl, X.

Manie chronique (RENOM et Dcni.·), XIX.

Méningite cervicale hypertrophique 1 BA-

binski, ,1U ! IENTII et JaRowsso, VI il VIII.

Ménll1go-enc)éphalile chronique, processus

de réparation du cerveau (SnLSSalsEFr),

LXII et LXIII.

Myoclonies essentielles (Moniz), XVII.

Nerveuses (Formes) d'une nouvelle tryp,l'

nosomiase (Chagas), I V.

Névrome d'amputation (DUSTI" et Lippes),

XLVIII.

lxdéme congénital familial des extrémités

inférteures(HoKS).XLVH LXXIV et LXXV.

Omoplates ailées physiologiques (Hnatek),

XXXVI.

Oxycéphalie et syndrome oxycéphalique

(Charon et Courbon), LIX et LX.

Paget (Maladie de), hase du crâne (Léri),

LXV à LXX.

Paralysie isolée du long extenseur propre

du pouce (Cluzet et Novt;-Jossrnnrru),

XXXVII.

Philippe IV (Laignel-Lavastine et Mersey),

XXII.

Profichet (Syndrome de), analogies avec la

sclérodermie (Bertolotti), XLIII il XLV.

Psychose à base d'interprétation passion-

née (DIDE et L ? l;QUE), XI.

Sclérodermie et syndrome de Basedow

(Marinesco et Goldstein), XLII.

Sclérodermie, analogies avec le syndrome

de Profichet (BEEiroLOTii). XLIII 'il XLV.

Sein hystérique (Charon et Counnos). XVIII.

Tabes, déformation du pied (Marie et

Bouttier), LXX et LXXIII.

Trypanosomiase, formes nerveuses

(Chagas), I il V.

Tuberculomes multiples du cerveau (IIAU-

ZIER et Baumel). LUI et LIV.

Vertèbre lombaire surnuméraire chez une

momie (Bertolotti). XII.

Vitiligo à topographie en ceinture (BACALO-

GLU et Parhon), XLVI.

Le gérant : P. BOUCLIEZ.

Imp. J. Thevenot, Saint-Dizier (Haute-Marne).