NOUVELLE
ICONOGRAPHIE
DE LA
SALPÊTRIÈRE
TOME XXV
1912
, NOUVELLE ICONOGRAPHIE
DE LA
SALPÊTRIÈRE
J. M. CHARCOT
GILLES DE la TOURETTE, PAUL RICIIER ALBERT LONDE
Fondateurs
ICONOGRAPHIE MÉDICALE
ET
ARTISTIQUE
Patronage scientifique : .'
J. BABINSKI. G. BALLET., - J. DEJERINE. DENY
E. DUPRÉ. - A. FOURNIER. GRASSET
KLIPPEL. PIERRE MARIE. PITRES
REGIS. SEGLAS. J. A. SICARD. A. SOUQUES
ET
SOCIÉTÉ DE NEUROLOGIE
DE PARIS
Direction ^r^^~- ~ Rédaction : ? <0 ? .,
PAUL R1CHER : ? 5 ? Y ? ÿ' , HENRY MEIGE
; .\ ? \.1.I'¡X ? '
" 1 ,' 4 e.'L ?
TOME V'1-NG : r : CfNQUIÈME
PARIS
MASSON ET Cite, ÉDITEURS
LIBRAIRES DE L'ACADÉMIE DE MÉDECINE
120, Boulevard Saint-Germain (61) .
1912
NOUVELLE
ICONOGRAPHIE
DE LA SALPÊTRIÈBE
\
ÉTUDE DU SYNDROME OXYCÉPHALfQUC
CONSIDERE DANS SES RAPPORTS AVEC LA DIATHESE BACHI'1'IQUE
- ET L'ADÉNOÏDISME.
PAR
' M. BERTOLOTTI,
Docent-privé de physicothérapie, directeur de l'Institut de radiologie
médicale de l'hôpital majeur de Turin.
L'élude que je vais essayer de développer ici se propose d'aborder des
problèmes palhogéniques classés d'une façon si disparate dans le cadre de
la pathologie générale, que je ne peux raisonnablement pas me flatter d'ap-
porter une contribution décisive à leur solution. -
- Je me bornerai donc à coordonner les faits et à les développer à l'aide
de mes documents cliniques, anatomiques et radiologiques, sans toutefois
poser des conclusions définitives.
Les pionniers de la médecine de nos jours sont légion ; à tout instant
les problèmes les plus ardus, de la science médicale que nous cultivons,
sont percés par un éclair de lumière. A la lueur de ces éclairs, des aperçus
nouveaux s'ouvrent sur l'inconnu ; si bien que l'explorateur moderne,
animé par son esprit de recherche, peut aisément trouver, devant lui, une
route nouvelle ; il peut la suivre à son gré, se cantonner dans ce dédale .
labyrinthique ; mais quelle que soit la porte d'entrée choisie, quel que soit
le sentier suivi, il sera bientôt forcé de s'arrêter; car si notre science
contemporaine est basée sur le fait expérimental, elle reste toujours en
dernière analyse à la merci des hypothèses. '
Or, il est des hypothèses que nous faisons en médecine comme des hor-
loges à clepsydre. Prenez une clepsydre, elle marquera toujours son temps
égal dans l'espace, quel que soit le côté que vous l'ayez renversée sur votre
tapis ; de même une théorie, posée par vous, pourra être renversée par votre
contradicteur.
axv 1
2 BERTOLOTTI
L'étude que je dois développer ici devait forcément me suggérer les
quelques réflexions qui précèdent : en effet, dans le vaste. groupement
des faits pathologiques qui constituent toute la clinique, je vais essayer
de prendre des éléments différents, bien individualisés, constitués en syn-
dromes, et je m'efforcerai de les rapprocher entr'eux et de les comparer ;
mais il est à peu près sûr que je ne pourrai arrivera une conclusion défi-
nitive. Qu'il me soit donc permis de me borner à une simple exposition
de synthèse clinique.
Je me propose d'étudier ici le syndrome oxycéphalique en le considé-
rant dans ses rapports avec la dialhèse rachitique et avec le syndrome
lymphatique adénoïdien.
En premier lieu, voyons ce qu'il faut entendre par syndrome oxycé-
phalique :
Si nous nous reportons aux premières descriptions qui ont été faites
par les auteurs qui se sont occupés de cette question, nous pouvons tout
de suite remarquer que le syndrome oxycéphalique a été envisagé unique-
ment par le côté le plus saillant de ses altérations, c'est-à-dire la défor-
mation du crâne et ce qui concerne les troubles des nerfs optiques.
En d'autres termes, l'on peut retenir que, depuis Virchow jusqu'à nos
jours, on a donné le nom d'oxycéphalie à une malformation du crâne
caractérisée par une synostose précoce des sutures avec atrophie des nerfs
optiques.
On a donc restreint pendant longtemps le cadre de ce tableau morbide
à une symptomatologie très limitée, comme il est démontré par la déno-
mination même imposée à cette anomalie.
Or je crois, à l'appui de mes recherches, qu'il y aurait lieu d'élargir
considérablement le cadre symptomatique de l'oxycéphalie.
En premier lieu le mot même d'oxycéphalie, ne pouvant pas donner
une définition suffisante de cette affection, je me permettrai ici d'envisager
un véritable syndrome oxycéphalique caractérisé par une dystrophie os-
seuse étendue au crâne, à la face,et marchant de pair avec plusieurs autres
déformations du squelette.
Mais il y a plus : le type oxycéphalique, en dehors de son cortège de
symptômes nerveux bien connus (atrophie des nerfs optiques, strabisme,
exophtalmie, idiotie, etc.), doit être envisagé encore comme une dystro-
phie lymphatique 1)olyylatîdztl(tire. On verra, par l'exposé clinique de tous
les cas étudiés par moi, que dans le syndrome oxycéphalique il existe cons-
tamment une altération de certaines glandes à sécrétion interne.
Cette altération est avant tout représentée par une hypertrophie du
réseau ganglionnaire du pharynx qui constitue l'anneau lymphatique de
Waldeyer et, de plus, par des troubles il peu près constants de la
ÉTUDE DU SYNDROMie OXYCÉPHALIQUE 3
glande thyroïde et par un certain degré d'hypotrophie des glandes sexuel-
les ; je ne parle pas d'une conformation particulière de la selle turcique
qui pourrait logiquement laisser supposer une altération de la glande
pituitaire.
Comme on le voit, dans le syndrome oxycéphalique, nous trouvons une
dyslrophie osseuse généralisée en relation avec des altérations du système
pluriglandulaire.
Il est curieux de voir à présent comment ce type clinique de l'oxycé-
phalie, si étendu en réalité, est resté limité par les observateurs selon
leur spécialité. L'oxycéphalie, en effet, a été étudiée principalement par
les ophtalmologistes qui ont envisagé l'affection surtout dans ses rapports
avec les altérations oculaires ; nous chercherions inutilement dans leurs
travaux, même dans la thèse de Patry qui rapporte 63 cas d'oxcéphalie,
quelques renseignements sur l'état du rhinopharynx chez les oxycéphales.
Patry se contente de nous parler des malformations dentaires ou de l'alté-
ration de la voûte palatine, mais il ne fait jamais savoir si le rhinopharynx
de ses sujets a été examiné.
Par contre les rhinologistes ont eu maintes fois l'occasion d'étudier
l'oxycéplialie'en rapport avec le syndrome adénoïdien; ils onl vu la malfor-
mation du crâne et ils ont constaté l'hypertrophie de l'amygdale pharyn-
gienne ; ils en ont conclu simplement que des adénoïdiens avaient la tête
pointue, si bien qu'ils ont classifié l'adénoidisme selon deux types de
malformations crâniennes : les adénoïdiens à type dolichocéphale et les
adénoïdiens à-type brachycéphale. En somme les rhinologistes n'ont pas
cherché à individualiser l'oxycéphalie parmi la foule des sujets adénoï-
diens.
A ce propos, je rapporterai ici un passage très intéressant écrit il y a
1.600 ans par le grec Oribase dans son traité de médecine.
Il y a dit Oribase - cité textuellement par Soury dans son « His-
toire critique des théories et des doctrines du système nerveux » des têtes
mal conformées chez lesquelles il faut considérer la région du palais situé
dans la bouche, car vous trouverez que cette partie est creuse (nous disons
ogivale) chez les gens qui présentent une obliquité pointue et difforme du
crâne (oxycéphalie) ; ce sont, du reste, principalement ces individus dont le
vulgaire dit qu'ils ont la tête de travers (plagiocéphalie). Chez plusieurs'
d'entre eux on s'apercevra aussi que les dents ne se correspondent pas exact
tement, c'est-à-dire que les supérieures n'affrontent pas en ligne droite les
inférieures et que chez eux la bouche est pour ainsi dire ri la fois relevée et
tordue. Vous trouverez que ces individus ont continuellement des maux de
tête et des fluxions d'oreille. ' -
Il est impossible de mieux résumer en quelques mots tout le syndrome
oxycéphalique.
4 BERTOLOTTI
Oribase avait donc, il y a 16 siècles, individualisé la dyslrophie oxycé-
phalique; mais, fait curieux à signaler, les rhinologistes en étudiant le
texte d'Oribase n'y ont vu autre chose qu'une description magistrale et
prophétique de l'ctdéiioïdisme décrit par Meyer il y a seulement 40 ans.
Ce fait est confirmé du reste dans la monographie de Poppi, rhinologi¡;Le
distingué de l'Hôpital Majeur de Bologne, qui précisément rapporte le
texte d'Oribase en faisant relever comment déjà, du temps de l'ancienne
civilisation grecque, on avait eu la vision exacte du syndrome adénoï-
dien (1).
En terminant celle petite introduction à mon étude, tâchons donc de
retenir que l'oxycéphalie étudiée depuis longtemps par des pathologistes
tels que Virchow, Hirschberg, Maur, Friedenwald, Vortisch, Kraus,
Bourneville, etc., avait aussi retenu l'attention des ophtalmologistes et
des rhinologistes qui, indépendamment les uns des autres, avaient vu,
dans l'oxycénhalie, les premiers un état post-méningitique avec atrophie
secondaire des nerfs optiques, et les deuxièmes un état adénoïdien.
Nous voyons donc, à l'aide de la mise au point de cette question que,
dans le tableau que nous désirons bien mettre en lumière, c'est à la
clinique qu'il faut s'adresser si l'on veut reconstituer de la façon la plus
complète le syndrome oxycéphalique.
Au point de vue delà configuration externe de la boite osseuse du
crâne, l'on doit entendre par le mot oxycéphalie (Virchow) une mal-
formation crânienne consistant essentiellement dans un accroissement en
hauteur de la calotte. C'est l'acrocéphalie de Lucae, ou la tête et la thersile
de Hamy, ou encore le turritum caput de 'V'elcher ; cette déformation de
la boite crânienne a été dénommée plus récemment par les auteurs alle-
mands du nom de Thurmschædel ou crâne en tour.
Ce type clinique, caractérisé par une lésion des nerfs optiques el par la
déformation oxycéphalique du crâne, est connu depuis assez longtemps.
C'est en t873 que, pour la première fois, Michel établit un rapproche-
ment entre la déformation crânienne et la lésion des nerfs optiques (2) ;
.depuis, un certain nombre d'auteurs allemands relatent des cas analogues.
En Amérique, Friedenwald (3) publia un cas en 1893, et en 1902 les
observations étaient déjà assez nombreuses pour que Groenouw (4) pût,
(1) A. 1'01'1'1, L'ipoZSi cérébrale e faringea e la glaiandula pineale in patologia. Bolo-
glla, Tiposrntiftdi Pauto Neri, 1911.
(2) 1111cllF.l.. Beiliaq zur /(e'l11lnzss dei' Enlstehung .lei' sogenannlen Stauungspapille.
Arcli. f. Ileilkunde, 1813, XIV, p. 39.
3) Friedenwald, Amer. Journ. of. med. Sc., mai 1903.
(4) A. Guusnouw, Sehnervenleiden bei angebozener Missbildung des .cltaedels.
Graefes Ilandbucli der gesammten Augenheilkunde, XI, 1901, p. 257.
ÉTUDE DU SYNDROME OXYCÉPHALIQUE 5
dans le Traité d'ophtalmologie de Graefe Soemisch, établir nettement le
type clinique.
En France et en Italie les premiers travaux paraissent avoir passé
inaperçus; mais, en 1902, Bourneville et Boncourt publient l'autopsie
d'un malade de Bicêtre atteint d'oxylrigonocéphalie et d'atrophie double
des nerfs optiques (1). A peu près à la même époque, parurent plusieurs
travaux d'ensemble sur cette question, parmi lesquels il convient de citer
les '¡ ! lèses de Vorlisch (2), de Kraus (3), el surtout le travail d'Enslin (4).
Enfin la thèse de Patry parue en 1905 (5) mérite une citation toute
particulière ; elle peut être considérée avec raison comme le travaille plus
documenté qui ait paru sur celle question avant le mémoire de Mellzer
qui, en 1908, publia un travail très intéressant sur l'oxycéphalie (6).
P. Merle, dans la même année, relate dans la Nouvelle Iconographie de la
Salpêtrière deux cas d'oxycéphalie avec troubles visuels (7).
L'anatomie pathologique de celte malformation osseuse a été étudiée
d'abord par Virchow (8), par Zuckerkandl (9), ensuite par flanoUe (10),
Bourneville et Boncourt (11) et tout dernièrement par Mellzer (12). Il res-
sort des études anatomo-palhologiques de ces auteurs que la cause de
l'oxycéphalie doit être recherchée dans la synostose précoce des os du
crâne survenant dans l'enfance.
Cette synostose prématurée des os de la calotte serait causée, selon les
uns, par l'hydrocéphalie ; selon les autres, elle serait peut-être en rapport
avec la dialhèse rachitique (13). Nous verrons plus loin comment il y a
très probablement association de deux processus morbides.
L'oxycéphalie est caractérisée par deux symptômes capitaux ; la lésion
des nerfs optiques et la déformation du crâne ; viennent ensuite les
symptômes oculaires accessoires qui sont l'exophtalmie, le strabisme, le
nystagmus et quelquefois la limitation des mouvements des globes ocu-
laires.
\ 1) Boltoeville et Boncourt, Bull, de la Soc. d'Anthropologie de Paris, 1902, p. 32.
(2) Von1lscH, Thèse, Tubingen, 1901.
(3) C. FR. Kraus, Thèse, Giessen, 1902.
(4) ENSLIN, Von Graefes Arch. f. Ophtalmologie, 4904, LVIfI, p. 101.
(5) A. Patry, Thèse, Paris, 1905.
(6) Meltzer, Pathogénie de l'atrophie optique et du Turmschoedel. Neur. Centralbl.,
1908.
(7) P. Merle, Nom elle Iconographie de la Salpêtrière, 1909.
(8) Vmcnow, Ges. ilbhandlullgen f. utssensclLn/tlc7te Illedizitt, Francfort, 1856.
(9) IUC6Elili.lNDL, drirtetlmagen der aiilhropologischen Geseltscho si in Wien, 1874,
Band IV.
(10) IIAKOTTE, Anatomie pathologique de l'oxycéphalie, Thèse, Paris, 1898.
(11) Boncourt, Loc. cit.
(12) Meltzer, Loc cit.
(13) Bertolotti, Le syndrome radiologique de l'oxycéphalie, Presse méd., 17 déc.
1910.
6 BERTOLOTTI
Du côté des nerfs optiques on a observé dans l'oxycéphalie deux types
oplitalmoscopiques : la névrite en évolution et l'atrophie du nerf optique
secondaire à la névrite. La névrite primitive a été conslalée toutefois ex-
ceptionnellement, tandis que les cas d'oxycéphalie avec atrophie optique
sont beaucoup plus nombreux que les précédents. L'altération principale,
la seule qui permette d'affirmer l'atrophie, est la lésion papillaire. Les
bords de la papille sont irréguliers, sa coloration est blanchâtre, les veines
sont dilatées, sinueuses et les artères minces. Avec cette atrophie, l'acuité
visuelle reste encore relativement discrète, la cécité bilatérale est rare,
si bien que la conservation relative de la vision dans l'oxycéphalie présente
comme caractère clinique important qu'il est utile de bien retenir.
Au point de vue des troubles fonctionnels pouvant être rapportés à cette
malformation il faut bien retenir que, ni les lésions des nerfs optiques,
ni les autres troubles nerveux concomitants, ni tous les autres symptômes
oculaires qui peuvent accompagner l'oxycéphalie, ne sont constants ; mes
recherches m'ont porté à établir que l'on peut être oxycéphale sans avoir
de névrite optique; cela est démontré, du reste, par les cas célèbres de
Paracelse, de Watter Scott, c1'Hul11boldl, de Michel, etc., qui étaient des
hommes de génie et chez lesquels, en dehors de la malformation cranienne
extérieure, aucun autre trouble fonctionnel n'était décelable.
C'est là un fait connu depuis longtemps, et je ne voudrais pas m'y attar-
der, si mes recherches anatomiques et radiologiques n'eussent pas pu me
donner la clef de cette anomalie. Disons-le tout de suite : les troubles
fonctionnels de l'oxycéphalie (névrite optique, strabisme, nystagmus,
exophtalmie, anosmie, elc.) sont seulement conslalables chez les individus
oxycéphales qui présentent certaines altérations de la base du crâne déce-
lables par la radiographie, tandis que les sujets oxycéphales qui n'ont pas
de semblables altérations de la base ne sont atteints par aucun trouble, ni
de la vue, ni de l'intelligence.
Il reste entendu par ces faits que je considère l'oxycéphalie légitime
comme un syndrome osseux qui peut être bien plus étendu que ne le
prétend son nom, et qui correspond, non pas seulement à des altérations
de la calotte, mais aussi de la base du crâne, des os de la face et enfin de
plusieurs autres parties du squelette.
J'ai communiqué, il y a quelques mois, une note préliminaire à la So-
ciété de Neurologie de Paris (1), sur des recherches radiographiques et
cliniques que je poursuis depuis quelque temps sur l'o,Tycépltalie.
J'ai eu l'occasion d'étudier de près plusieurs échantillons typiques
(1) M. Bertolotti, Etude radiographique de la base du crâne sur certains aveugles.
Communication faite 1 la Société neurologique de Paris dans la séance du 10 février
1910.
OIi'CL18 s.OISOGItAYFIIi. DE LA SALP1 : 1'RILItL.
T. XXV. 1'1. 1
SYNDROME OXYCÉPHALIQUE
(Berl nlol ! i)
Obs. I
KTUDE DU SYNDROME OXYCÉPHALIQUE 7
d'oxycéphales, atteints d'une névrite optique bilatérale très grave, et pré-
sentant les caractères morphologiques de l'oxycéphalie véritable.
Mes recherches radiographiques m'ont révélé, chez tous, des altérations
absolument identiques portant sur la base du crâne. Ce sont justement
lès résultats de ces recherches que je crois intéressants, et que je compte
relater ici en détail, parce qu'ils peuvent expliquer les altérations névriti-
ques du fond de l'oeil chez certains sujets oxycéphales; de plus, ils peu-
vent donner quelques éclaircissements sur le mécanisme pathologique des
altérations osseuses que l'on rencontre dans l'oycéphalie.
En poursuivant l'étude radiographique qui m'a conduit à bien déter-
miner le syndrome radiologique de l'oxycéphalie, je suis arrivé, par des
recherches ultérieures systématiques chez les aveugles, à relever que,
dans certains cas d'atrophie névritique du fond de l'oeil, il est possible de
déceler, par la radiographie latérale du crâne, des altérationsévidentes du
corps central du sphénoïde et du plan ethmoïdal, sans que toutefois ces
altérations correspondent à des anomalies de la conformation externe de
la boîte cranienne.
Observation 1 (PI. I).
Jean San Pietro, 6 ans et demi, né à Turin.
Son père est un homme de 44 ans très bien portant, mécanicien, qui n'a
jamais eu de maladies infectieuses, ni vénériennes, n'est pas buveur, fumeur
très modéré, porte bien ses 44 ans. Il ne présente aucune anomalie somatique,
ni aucun caractère dégénératif. Il est très adroit dans sa profession et il paraît
doué d'une intelligence assez vive. Pas de consanguinité entre lui et sa femme.
La mère du petit malade est une femme chétive, d'une mauvaise santé ha-
bituelle ; elle dit avoir souffert beaucoup pendant sa grossesse. Jean a été son
premier né, après un accouchement laborieux et très long. Il est bon de rele-
ver comment deux frères de la maman présentent des altérations rachitiques :
un des frères, en effet, est bossu depuis l'enfance et l'autre est atteint d'un
genu valgum double assez accusé. Donc, rachitisme très marqué dans la fa-
mille de la mère. A sa naissance, Jean ne pesait guère que 1.800 grammes ; la
sage-femme à ce propos avait été très impressionnée de la déchéance physio-
logique de cet avorton et ayant déclaré que le nouveau-né ne survivrait que
quelques heures, l'enfant fut baptisé à la bâte de peur d'une mort subite.
Contrairement aux prévisions, l'enfant survécut malgré que sa mère n'eut
guère de lait à lui donner et malgré même qu'il ait été soumis pendant les
premiers mois à un allaitement mercenaire très mauvais et très insuffisant.
Il paraît, par les renseignements des parents que, à l'âge de six mois, le
petit fit une maladie fébrile assez sérieuse, un médecin de la ville (Dr Torretta)
8 BERTOLOTTI
consulté à ce moment, déclara qu'il s'agissait d'une broncho-pneumonie et posa
un pronostic très sombre pour la vie de l'enfant.
Déjà à celte époque, le docteur avait observé un retard très considérable
dans les soudures des fontanelles et il n'avait pas hésité à déclarer que l'en-
fant était très rachitique.
Sur ses conseils, les parents s'avisèrent de changer de nourrice, l'enfant fut
donc envoyé à la campagne chez une autre nourrice qui ne se montra guère
meilleure que la première. -
A 15 mois, il fut retiré par ses parents dans un état pitoyable : il était atrep-
siqne, avec un ventre énorme et ballonné; il était sujet à des troubles gastro-
intestinaux continuels, mou, flasque, sans force pour se tenir sur ses petites
jambes et il ne prononçait même pas les premiers mots. Détail important qu'il
faut souligner, la dentition du petit Jean fut énormément re.tardée, jusqu'à
l'âge de 16 mois, et il ne fit ses premiers pas qu'à 22 mois.
A partir de cette époque, l'attention des parents fut attirée sur la conforma-
tion anormale du crâne du petit enfant; le Dr Torretta, l'ayant revu à l'âge
de 15 mois, lui trouva la fontanelle bregmalique soudée d'une façon irrégu-
lière avec une surélévation osseuse disposée en crête tout au long de la suture
sagittale.
La tête de l'enfant à cette époque était énorme, c'était une véritable tête
d'enfant rachitique et il paraît que la soudure des os de la calotte s'est accom-
plie d'une façon brusque à l'âge de 2 ans.
Depuis cette époque, la santé du petit s'améliora, son développement phy-
sique y gagna beaucoup et à l'àge de 6 ans il commença à aller à l'école. Ce fut
à cette occasion que les parents s'aperçurent que le petit présentait une dimi-
nution considérable de la vue. Jean fut alors amené à l'Hôpital ophtalmologi-
que de la Ville où le Dr Perrod, assistant de la clinique, fit un examen complet
de l'acuité visuelle et du fond de l'oeil et l'envoya à nous pour l'examen
radiographique.
Je dois donc à l'obligeance de M. Perrod d'avoir pu étudier ce cas.
Etat présent. Jean est un enfant de 6 ans et demi qui porte à peu près
son àge.
En regardant la mine de cet enfant, on ne peut se soustraire à une impres-
sion de vive curiosité qui nous porte à regarder de près l'étrange expression
de sa figure (PI. 1).
Les yeux à Ileur de tête, la conformation du nez, la forme de la bouche et
des dents donnent, en effet, à sa mine, une expression qui rappelle assez exac.
tement celle d'un lapin.
Vu de face, on est frappé d'abord par le grand développement du crâne en
hauteur, en comparaison de la petitesse du masque facial. Le front est par
conséquent très haut et les oreilles sont implantées très bas. La largeur de la
racine du nez ou espace interorbitaire est anormal, les yeux sont saillants.
Les bosses frontales sont à peine sensibles, les arcades sourcilières sont peu
développées. Eutr'elles et les bosses frontales, au lieu de la dépression en
ÉTUDE DU SYNDROME OXYCEPHALIQUE 9
gouttière qui existe chez les sujets normaux, se trouve un méplat qui supprime
la partie externe de l'arcade sourcilière.
Les paupières épaisses et bourrelées sont tirées en dehors et un peu en haut
comme chez les Mongoliques. Le regard est louche du fait d'un strabisme
divergent et il existe une exophtalmie assez prononcée. La fente palpébrale est
plutôt restreinte. Il y a prognathisme supérieur, tandis que la mâchoire infé-
rieure est peu développée.
Vu de profil, la forme en tour du crâne est encore plus frappante et le point
le plus culminant de la voûte est donné par la surélévation bregmatique anté-
rieure (PL I) La région temporale est plutôt bombée et les veines dans les
régions frontale et temporale sont exagérément développées.
Dimensions du crâne.
10 O BERTOLOTTI
beaucoup plus considérables : les écaille ? temporales et l'écaille occipitale for-
mant trois saillies très prononcées. En palpant avec attention, on peut s'aper-
cevoir que la suture lamboïdienne de même que la suture H du ptérygion ne
sont pas synostosées.
Enfin, en examinant la région frontale, on peut nettement palper un rebord
osseux très prononcé qui correspond probablement à la suture métopique sy-
nostosée.
Voici le résultat de l'examen du rhino-pharynx pratiqué par le Profes-
seur Gradenigo, Directeur de la Clinique otoiatrique de Turin :
Nez. - Il existe un certain degré d'hypertrophie des os du nez, les cornets
sont normaux, le septum nasal ne préseute aucune déviation.
Pharynx. - Rhinite postérieure chronique, hypertrophie de l'amygdale
pharyngienne.
Le palais est eu ogive, les dents sont mal implantées et crénelées. L'enfant
présente un facies adénoïdien typique.
Oreille. M. T. avec rétraction bilatérale. Largeur plutôt anormale du
conduit auditif externe.
L'ouïe est parfaitement développée.
Appareil oculaire. - Examen du Dr Montalcini :
Exophtalmie bilatérale très prononcée. Paupières inférieures boursouflées.
Réflexes oculo-palpébraux normaux.
Les deux pupilles réagissent assez bien à la lumière et à l'accommodation.
A l'examen oplrtalmoscopique du fond de l'oeil, l'on peut relever qu'il existe
une atrophie papillaire post-névritiqne assez avancée, plus accusée à droite.
Il suffit de jeter un coup d'oeil sur les photographies ci-jointes (PI. I) pour
saisir les anomalies rachitiques présentées par notre petit sujet. Les membres
supérieurs minces et grêles paraissent très longs en comparaison du tronc.
Le thorax présente un chapelet rachitique caractéristique et la déformation
en carène du sternum. Les dernières côtes sont aplaties latéralement. Il existe
un certain degré de scoliose, les omoplates sont saillantes.
Le ventre est proéminent : véritable ventre bombé rachitique.
Les genoux sont un peu cagneux et il existe un certain degré de genu
valgus. c
Les organes génitaux sont plutôt réduits pour son âge ; testicules très petits.
Rien à signaler du côté des viscères.
Tous les réflexes sont normaux.
L'intelligence du petit est absolument normale pour l'âge de cet enfant.
Elude radiographique du crâne. - Comme il nous a été donné de le
démontrer dans un travail antérieur, les altérations du crâne dans l'oxyc6.
. phalie ont un cachet particulier, pour ne pas tomber dans des répétitions inu-
tiles, nous décrirons le syndrome radiologique de l'oxycéphalie à la suite de
toutes les observations personnelles que nous publions.
NOUVELLE Iconographie de la SALPLIRIÈRE
SYNDROME OXYCÉPHALIQUE
(Ber'lolalti)
Obs. II
ÉTUDE DU SYNDROME OXYCÉPHALIQUE 11
Observation II (PI. II).
Crosetto Giuseppe, 15 ans et demi, depuis 4 ans interné à l'Institut des
aveugles de Turin.
Ce malade m'a été envoyé par le Dr Davico, médecin de l'Asile (1).
N'ayant'que très peu de renseignements sur les antécédents personnels du
sujet, je me suis adressé directement à ses parents, domiciliés à Savigliano, en
leur envoyant un questionnaire qu'ils ont eu l'obligeance de remplir et qu'ils
m'ont renvoyé.
Voici donc les quelques détails très intéressants que j'ai réussi à rassem-
bler de cette façon :
Les parents sont vivants et bien portants ; pas de consanguinité chez eux.
Il paraît que le père n'est ni alcoolique, ni syphilitique, il n'a jamais été
malade. La mère également a toujours joui d'une très bonne santé, elle a eu
7 enfants tous vivanls et bien portants : pas de fausses couches.
La naissance de Joseph se fil dans des conditions tout à fait normales ; la
mère en était alors à son sixième accouchement et le travail ne dura qu'une
heure.
Les parents sont tous deux d'accord pour déclarer que le petit, à l'époque de
sa naissance, était un bel enfant bien développé avec une mine fraîche et rosée
et une tête ronde très bien faite. Mais voici que, tout de suite après sa nais-
sance, Joseph failli mourir d'une hémorragie du cordon ombilical et la mère
nous raconte : « Joseph vint au monde à 2 heures 1 ? un petit quart d'heure
après il était à côté de moi sous les draps. En m'étant tournée un peu pour le
regarder je m'aperçus qu'il était tout ensanglanté, même le mouchoir qu'il avait
au cou était tout mouillé. Je criai et la sage-femme le remit à nu et constata
que le noeud du cordon n'avait pas tenu et que l'enfant perdait tout son sang.
Le petit resta de 3 heures jusqu'à 6 heures sans donner aucun signe de vie.
La sage-femme lui frottait l'estomac avec du tabac, avec des oignons, mais
rien n'y faisait. Alors je dis à la sage-femme de bien le couvrir avec des linges
chauds et de le remettre à côté de moi sous ma couverture. Après une heure
il s'était réchauffé un peu et il commença à ouvrir les yeux et à pleurer ».
Mais la santé de l'enfant ne devait pas se relever de sitôt. Pendant deux mois
et demi sa vie resta en danger, il vomissait toujours le lait de la mère et tomba
dans un état de faiblesse extrême.Enfin, au troisième mois, il se rétablit un peu
et continua à se nourrir au sein de sa mère jusqu'à 18 mois. A cette époque il
fut sevré,mais il ne tarda pas à retomber malade.La dentition a été très tardive,
elle ne commença qu'après le 15e mois.
A deux ans, cet enfant n'était pas encore en état de se tenir sur ses jambes ;
la mère était obligée de le traîner d'une chambre à l'autre sur une petite voi-
ture où il passait des heures. r
(1) Je veux remercier vivement mon collègue le 1)° Davico pour l'hospitalité très
large et très courtoise qu'il m'a donnée en m'aidant dans mes recherches cliniques
sur les aveugles de son service. ,
z 2 BERTOLOTTI
De deux à trois ans, Joseph souffrit continuellement de troubles gastro-intes-
tinaux caractérisés par des vomissements et de la diarrhée. La mère était
au désespoir, ne sachant trouver un régime alimentaire toléré par l'estomac
très délicat de l'enfant.
Environ à cette époque, c'est-à-dire à l'âge de 4 ans, les parents s'aperçurent
que le petit accusait des troubles visuels assez graves. Cette diminution de la
vue progressa rapidement en deux ou trois mois, si bien que les parents alar-
més ramenèrent -Turin, où il fut examiné par le Professeur Pescarolo qui
établit à cette époque le diagnostic d'hydrocéphalie et conseilla des ponctions
lombaires répétées pour chercher à empêcher l'évolution de la névrite optique
consécutive à l'hypertension cérébrale. Le Professeur Raymond, Directeur de
la Clinique ophtalmique de Turin le vit à son tour en consultation et, confir-
mant le diagnostic d'hydrocéphalie, il établit l'existence d'une atrophie névri-
tiqne papillaire en train d'évoluer. Les parents n'ayant pas voulu suivre les
conseils donnés par les médecins consultés, l'enfant fut ramené à son pays où
il traîna une vie pénible toujours troublée par son entérite chronique.
A l'âge de huit ans. étant complètement aveugle on l'interna à l'Institut des
aveugles de Turin où il se trouvait à l'époque de notre examen.
Etat présent. - Crosetto (L. est très petit pour son âge. Sa taille ne me-
sure que 134 centimètres (PI. lI), il marche comme tous les aveugles avec
des yeux hagards et d'un pas automatique en tenant toujours la tête réclinée à
droite. C'est là une particularité que nous signalons parce qu'elle est bien
nette et on peut la constater aisément sur les photographies. Il y a asymétrie
évidente de tout le squelette.
Le crâne notamment est très anormal : c'est un crâne en dôme ; à noter,
comme dans le cas précédent, la saillie médiane très prononcée qui forme
comme une crête.
La veine frontale est anormalement développée, de même que les veines
temporales.
Vue de face (PI. II) la tête affecte dans son ensemble la forme ovoïde avec
parties les plus saillantes au niveau des deux temporaux. Cet ovale est divisé
en deux par une dépression située au niveau de la partie inférieure du tem-
poral : une portion crânienne qui est conique, en pain de -sucre mesurant
13 centimètres de hauteur, et une portion faciale plus allongée.
Masque d'hébétude, aplatissement des bosses frontales, asymétrie de la botte
crânienne avec prédominance à droite. Exophtalmie bilatérale très accusée,
paupières épaisses et bourrelées, fente palpébrale parfaitement horizontale tirée
en dehors, léger strabisme divergent, regard porté à droite. Il y a dans la
position de repos, une déviation conjuguée de la tête et des yeux vers la droite.
Aplatissement de la racine du nez, facies adénoïdien, prognathisme supérieur.
Zygomas plutôt proéminents, mâchoire inférieure étroite et longue, bouche
charnue, lèvres grosses, pavillon de l'oreille plutôt développé, menton fuyant
en arrière.
Vu de profil crâne postérieur se détache nettement du massif facial et du
ÉTUDE DU SYNDROME OXYCÉPHALIQUE 13
crâne antérieur. A signaler la dépression sus-orbitaire et la dépression sous-
occipitale.
Dimensions du crâne.
1 4 BERTOLOTTI
dire au point de jonction des sutures sagittale et coronaire. A ce niveau, on
sent une bosse véritable de la grosseur d'une demi-noix. On peut encore
constater que les sutures sagittale et coronaire sont complètement synostosées,
sauf dans la région temporo-frontafe, où l'on sent une encoche assez profonde.
Les autres sutures paraissent bien individualisées.
La forme extérieure du crâne de ce garçon est donc nettement oxycéphale et
l'on y retrouve les caractères typiques de cette anomalie osseuse, c'est-à-dire
la conformation ovoïdale de la boîte crânienne avec saillie de l'arête médiane,
et avec la surélévation exagérée du vertex.
Examen de l'appareil oculaire. Exophtalmie bilatérale très prononcée
d'autant plus évidente par le développement insuffisant des rebords orbitaires.
Ptosis moyenne des paupières supérieures qui, à l'état de repos, couvre le
tiers supérieur de la cornée.
Paupières inférieures boursouflées.
Réflexes oculo-palpébraux normaux.
Paupières, conjonctives, appareil lacrymal, cornée, chambre antérieure,
iris, cristallin, corps vitrés, sont normaux.
Les deux pupilles sont plutôt dilatées et elles réagissent très peu à la
lumière.
Nystagmus horizontal, mouvements des globes limités à droite.
Examen du fond de l'oeil. 0. D. : papille blanche nacrée, allongée trans-
versalement, bords flous et irréguliers. Atrophie papillaire très accusée post-
névritique.
0. G. Papille blanche nacrée plus régulière qu'à droite bords flous, vais-
seaux normaux, membranes normales, atrophie papillaire post-névritique.
0. G. D. Presque pas de perception lumineuse.
Examen du rhinopharynx fait par M. le Professeur Gradenigo.
Oreille. - Il existe une diminution bilatérale de l'ouïe.
Nez. A relever un certain degré d'hypertrophie des os du nez; les fosses
nasales sont plutôt rétrécies, le septum nasal présente une déviation vers la
droite.
Pharynx. - Discrète hypertrophie de l'amygdale pharyngienne.
Le palais est en dôme, les dents très irrégulières sont divergentes et mal im-
plantées.
Conformation du squelette. La conformation du squelette est très anor-
male. Joseph ressemble à un singe : il a des bras très longs qui arrivent pres-
que aux genoux. Les épaules sont courbes, il existe une cypho-scoliose très
accusée, le thorax est tassé, le ventre proéminent et le bassin est tout à fait
dévié. L'aile iliaque de droite est très évasée en comparaison de celle de gauche.
Le sternum est vicieusement conformé avec présence d'un chapelet rachiti-
que ; les épaules sont portées en avant et le cou est très court.
Les articulations des coudes et des genoux notamment sont très lourdes.
En résumé la charpente osseuse de cet enfant est empreinte de tous les
stigmates les plus évidents du rachitisme.
NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALPL1'RILRL.
T. XXV. l'1. III
Obs. IV
SYNDROME OXYCÉPHALIQUE
(M. Beriololti)
Masson & Cite, Editeurs
ÉTUDE DU SYNDROME OXYCÉPHALIQUE 15
L'état général actuellement est assez bon.
La glande thyroïde parait normale.
Les organes génitaux semblent normalement développés.
Rien à signaler du côté des viscères.
Tous les réflexes sont normaux.
A cause de la cécité presque absolue du garçon, il nous a été plus difficile
d'évaluer le degré d'intelligence. Il paraîtrait, d'après les renseignements
fournis par son instituteur, que Joseph présente un abaissement considérable
des facultés intellectuelles.
Observation III (PI. III).
Marie Raccanelli, née en 1901, actuellement âgée de 9 ans. Père et mère
sont vivants et bien portants, pas d'autres enfants, pas de fausses couches.
Notre enquête personnelle n'a pu démontrer chez les parents ni la syphilis,
ni la tuberculose, ni l'alcoolisme. Le père et la mère de l'enfant ne sont pas
consanguins. '
Il paraît, d'après les renseignements qu'on m'a donnés, que déjà à l'époque
de la naissance la tête de l'enfant avait une conformation bizarre, en pain de
sncre, de telle façon que le père en avait été frappé et en avait fait l'observation
à la sage-femme.
Marie fut nourrie au sein de la mère pendant les deux premiers mois, mais
à la suite d'une indisposition maternelle elle fut envoyée en nourrice. Il paraît
que l'enfant a beaucoup souffert pendant l'allaitement, elle maigrissait de plus
eu plus et avait un gros ventre. La dentition fut très tardive et l'enfant ne
commença à marcher qu'après un an et demi.
Marie resta auprès de sa nourrice jusqu'à l'âge de trois ans, toujours dans
un état de santé très mauvais. Elle était très maigre et déjà, à cette époque,
les parents avaient observé qu'elle avait les yeux à fleur de tête. Je n'ai pu
obtenir aucun renseignement sur l'état des fontanelles à cette époque, ce qui
est certain, c'est que l'enfant commença, environ à l'âge de trois anus, souffrir
de très forts maux de tête. Cette céphalée survenait par crises qui duraient
à peu près 24 heures et qui étaient accompagnées de vomissements bilieux.
Cette céphalée aurait été principalement localisée à la région frontale.
En- dehors des paroxysmes, les maux de tête ne cessaient jamais complète-
ment, mais ils se faisaient supportables; cependant il y avait des fois où les
crises de céphalée étaient presque intolérables.
Marie fut envoyée à l'école à l'âge de six ans. De six à huit ans elle fit les
maladies de l'enfance (rougeole, coqueluche, etc.), cependant son développe-
ment physique resta assez régulier, voire même que, dans ces derniers temps,
les crises des maux de tête auraient eu une diminution .assez marquée.
La diminution de la vue aurait été relevée à l'école à l'âge de six ans ; toute-
fois il est probable que dans ces derniers temps la vue a encore subi un abais-
sement considérable.
16 BERTOLOTTI
Etat actuel. Marie est le seul échantillon féminin du type oxycéphalique
que nous avons étudié.
Les deux photographies ici jointes (PI. III) peuvent très bien servir à la
démonstration des altérations typiques qu'elle présente.
Il est de toute évidence que Marie présente un air de famille avec les cas
précédents. Il est vrai que la riche chevelure et la coiffure enrubannée de Marie
peuvent masquer quelque peu les déformations du crâne, mais il suffit de re-
garder un peu les photographies pour reconnaître les mêmes altérations que
nous avons déjà relevées dans les observations I et II.
Vue de face, la tête affecte dans son ensemble la forme d'un ovale très allongé,
cet ovale est décomposable en deux parties nettement séparées par une dépres-
sion existant au niveau des régions temporales.
En regardant l'enfant de profil on est frappé par la distance exagérée qui
existe entre le trou auditif et le vertex, cette distance mesurée en centimètres
est d'un bon tiers supérieur à celle qui existe entre le trou auditif et le menton,
c'est là le caractère le plus typique de l'oxycéphalie.
Dimensions du crâne.
ÉTUDE DU SYNDROME OXYCÉPHALIQUE 17
frontales sont effacées, les arcades orbitaires, de même, ont peu de relief sauf
du côté externe où la région temporale est plutôt bombée. Les apophyses sont
étroites et longues.
Les yeux présentent un degré assez prononcé d'exophtalmie, la distance in-
traorbitaire est assez exagérée, les rebords orbitaires sont peu développés. Les
paupières supérieures sont épaisses et bourrelées, les inférieures sont légère-
ment éversées.
Les deux paupières supérieures et inférieures sont tirées en dehors et en
haut et donnent aux yeux de Marie une conformation qui rappelle assez bien
l'oeil mongolique.
La racine du nez est aplatie.
Examen des yeux, par le Docteur Montalcini ;
Exophtalmie bilatérale.
A l'examen du fond de l'oeil l'on note une pâleur très accusée des deux
papilles, l'acuité visuelle est de 8/20 à D. et de 9/20 à S. Comme dans la
première observation il faut relever le contraste existant entre la décoloration
de la papille et la conservation relative de l'acuité visuelle.
Voici les résultats de \ 'examen du rhinopharynx fait à la clinique otorhino-
laryngologique de Turin :
Nez : il existe un certain degré de déviation du septum nasal, sans hyper-
trophie des os du nez.
A l'examen de la cavité buccale en est frappé par l'implantation vicieuse
des dents supérieures et inférieures avec les incisives qui forment deux ran-
gées irrégulières et séparées par de larges espaces entr'elles. Les dents sont
crénelées. La voûte palatine est en ogive et très étroite. Les amygdales sont
très volumineuses, il existe une certaine hypel'trophie de l'amygdale pha-
ryngienne.
L'examen de l'ouïe n'a rien décélé d'anormal.
La bouche très large, les lèvres charnues, le menton peu prononcé complè-
tent le facies adénoïdien présenté par l'enfant.
Rien à l'examen du larynx, la glande thyroïde à la palpation est très peu
développée. '
Nous n'avons pu avoir la photographie du nu de Marie, mais il suffira de
relater ici qu'elle présentait à l'examen les mêmes altérations somatiques que
nous avons relevées chez les autres,c'est-à-dire : déformation du type rachitique
au thorax, scoliose de la colonne vertébrale, disproportion de la longueur des
membres avec le corps, et en plus un certain degré degenu-vulgum plus accusé
encore que dans notre première observation.
Rien d'autre à signaler du côté des organes internes, pas d'anomalies déce-
lables à l'examen 'de l'appareil génital de la petite fille.
Aucune symptomatologie du côté du système nerveux, tous les réflexes
sont normaux.
L'intelligence de la petite fille paraît assez bien éveillée.
18 BERTOLOTTI
Observation IV (PL III).
Alessandro Maccagno, huit ans, naquit il Turin, en 1903 ; fils unique. Ses
parents sont vivants et bien portants.
La mère, qui a 37 ans, n'a jamais été malade ; aucune tare morbide dans sa
famille.
Père âgé de 36 ans, très vigoureux, huit frères tous vivants et bien portants ;
il a été militaire, mais il nie la syphilis ou tout autre maladie vénérienne. Pas
alcoolique, pas fnmeur.
L'enfant est né à terme après un accouchement laborieux, toutefois il n'a
pas été nécessaire d'employer le forceps.
A la naissance l'enfant ét'jit tout à fait bien bâti ; il avait une tète très régu-
lière et bien faite ; la mère ne pouvant se charger du petit, il fut mis en nour-
rice et il paraît qu'il a souffert beaucoup pendant l'allaitement, de telle façon
qu'après un mois et demi, on dut changer de nourrice, car l'enfant maigrissait
à vue d'oeil. A l'âge de quinze mois il fut repris à la maison dans un état de
santé très précaire ; il n'était pas même capable de se tenir sur ses jambes ; il
était pâle, maigre, avec un gros ventre ballonné, ne disait pas les premiers
mots et n'avait même pas commencé sa dentition. Ce ne fut qu'à l'âge de
20 mois qu'il fit sa première dent et il commença à marcher à 25 mois.
Dans cet état il vécut jusqu'à l'fige de trois ans, toujours affligé de troubles
gastriques et de diarrhée. Les altérations paraissent n'avoir commencé qu'à
cet âge.
Etat présent. - A. Maccagno est peut-être le plus intéressant des sujets
atteints d'oxycéphalie que nous étudions ici. En effet chez lui nous observons
nettement une atténuation du syndrome oxycéphalique, tant du côté du crâne
que du côté des symptômes oculaires, et que par rapport aux altérations du
squelette. Le petit Alexandre en effet présente des anomalies qui sont encore
bien moins évidentes que chez les autres sujets dont nous avons relaté l'histoire.
Nul doute que le type oxycéphalique soit encore nettement caractérisé chez
lui, mais il y a toutefois une grande atténuation dans la gravité des symptômes.
Nous voyons en effet, que tout en ayant la même conformation, la boîte crâ-
nienne n'est pas aussi déformée que chez nos autres oxycéphales.
Alexandre est un enfant de huit ans, assez bien constitué et il ne présente pas
cet amaigrissement que nous avons signalé dans notre première observation.
Vu de face, son crâne n'est pas exagérément développé en hauteur, bien
que le front soit assez haut et que les oreilles soient implantées assez bas.
La largeur de la racine du nez est un peu exagérée, les yeux sont saillants,
il existe ici encore un certain degré d'exuphtalmie.
Les bosses frontales sont déprimées et au contraire les bosses temporales
sont repoussées en dehors. Les arcades sourcilières sont quelque peu effacées.
Les paupières plutôt restreintes sont tirées en dehors, il n'y a pas de stra-
bisme à proprement parler bien que le regard soit un peu vague.
ÉTUDE DU SYNDROME OXYCÉPHALIQUE 19
Le prognathisme supérieur est tout à fait net comme dans les autres obser-
vations.
De profil, on s'aperçoit que le front est fuyant en arrière et que la région
bregmatique présente une surélévation assez nette.
Dimensions du crâne
20 BERTOLOTTI
- Le palais est en ogive, les dents sont très irrégulières, le facies adénoïdien
est assez net.
Oreilles. L'ouïe est bien développée.
Appareil oculaire. Examen du Dr Montalcini fait le 25 février 1911.
Exophtalmie bilatérale assez prononcée. '
Réflexes oculo-palpébraux normaux. -
Paupières, ^conjonctives, cornée etc., sont normales.
Les deux pupilles sont moyennement dilatées et`réagissent bien soit à la
lumière, soit à l'accommodation.
Pas de nystagmus, aucune limitation dans les mouvements des globes ocu-
laires.
Examen du fond de l'oeil. - La papille est très décolorée, notamment'à
droite, mais le visus est parfaitement normal in 00. Cette décoloration de la
papille, de difficile interprétation, pourrait être due,soit à une anomalie congé-
nitale. soit encore à un commencement de dégénération des nerfs optiques.
Un an après, c'est-à-dire le 27 janvier 1912 un nouvel examen du fond de
l'oeil a été fait par le Dr Montalcini qui a cette époque m'écrit :
« J'ai renouvelé l'examen du fond de l'oeil au petit Maccagno et c'est avec une
véritable surprise que je n'aie pu saisir aucune variation dans l'aspect ophtal-
moscopique du fond de t'oei ! . Aujourd'hui, de même que dans mes examens
antérieurs (25 février 19B - mai 1911), on voit une certaine décoloration
papillaire des deux côtés, encore aujourd'hui plus manifeste à droite. L'acuité
visuelle est toujours moins bonne à droite (visus 2/3), qu'à gauche (20/20).
Conformation du squelette. Ici encore, comme chez les autres sujets
oxycéphales nous trouvons des signes certains de rachitisme, Nous avons déjà
noté l'irrégularité de la dentition ; il existe aussi un certain degré de scoliose
dorsale, le chapelet rachitique est évident, les articulations des genoux mon-
trent des altérationsqui, assurément, sont à la charge de la dystrophie rachitique.
Toutefois, en terminant l'histoire de ce petit malade, deux observations sont
à faire :
1° Après une intervention sur les adénoïdes faite à l'âge de 7 ans, c'est-à-
dire en pleine période d'évolution des troubles oxticéphalicrues, on a assistée
une véritable régression de ces symptômes.
2° Ce cas, parmi tous ceux que nous avons relatés, est le seul dans lequel,
à l'examen ophtalmoscopique du fond de l'oeil, on n'ait pas retrouvé des alté-
rations névritiques de la papille : même un an et demi après l'intervention
sur les adénoïdes.
Examen radiologique DU crâne oxycéphale
(Etude d'anatomie radiologique comparée).
Je dois dire d'abord que les éludes radiologiques de l'oxycéphalie sont
toutes récentes, el je n'ai trouvé comme documents à cet égard que le travail
Nouvelle Iconographie UE la S.-\LPÈ1RtfRE.
T. XXV. Pl. IV
l RADIOGRAPHIE LATERALE DU CRANE NORMAL
(.1. Berlololli)
X, nation. 13, basion. O, opisthion. S, ephippion. NB, ligne naso-basilaire. 013, ligne
pistho-basilaire. ACF, angle facial. 1\513, angle sphenoïdal.
Masson & Cie, Editeurs
S'IrataW ! ' at at S4
ÉTUDE DU SYNDROME OXYCÉPHALIQUE 21
de Grunmach et Hirshberg (1), qui, à propos d'un cas d'oxycéphalie, atti-
rent l'atlention sur l'intérêt du cliché radiographique montrant une
déviation du profil basal du crâne avec enfoncement de la fosse cérébrale
moyenne. Déjà Schuller, en 1908, avait montré au Congrès de Vienne
quelques clichés radiographiques de crânes en tour (2).
L'intérêt radiologique de mes recherches est constitué par la constata-
tion de l'identité parfaite qui existe dans la conformation du profil basal
du crâne dans tous mes cas d'oxycéphalie.
Tous ces détails radiologiques ont ici une importance de premier ordre,
et tous ensemble'constituent, donc le syndrome radiologique de l'oxycé-
phalie ; à lui seul, il suffit pour établir un diagnostic ; en dehors de toute
altération de la calotte, il peut donner la clef de certaines altérations névri-
tiques du fond de l'ccil d'éliologie inconnue.
Voilà le fait important sur lequel j'attire l'attention et que je vais tâcher
de résumer ici.
Toutefois, avant de commencer l'élude anatomique el radiologique du
crâne oxycéphale, il est de toute première nécessité que nous étudions
d'abord le profil radiographique de la base du crâne normal. Ensuite
nous pourrons passer à considérer les altérations du profil basal du crâne
chez les oxycéphales..
Pour bien saisir les variations pathologiques de la base il faut toujours
avoir recours à la radiographie latérale du crâne. Le profil normal du crâne,
étudié avec la radiographie latérale, présente un cachet particulier qui
mérite d'être bien fixépouren pou voi l' saisi r les al tét'alions pathologiques.
Voici par exemple dans la PI. IV le profil d'un crâne normal dans la
position latérale gauche. Antérieurement dans le point d'union du frontal
avec l'ethmoïde, dans la région sous-orbitaire, nous voyons un' espace
vacuolaire limité quelquefois par des travées osseuses : cet espace lacu-
naire correspond aux sinus frontaux.
- En poursuivant notre examen d'anatomie radiologique de la base du
crâne d'avant en arrière, nous pouvons observer que le plancher ducrâne
antérieur se présente dans son profil radiographique avec un trajet recli-
ligne assez régulier et dirigé un peu d'avant en arrière et du haut en bas.
Cette ligne est constituée par l'union de l'elhmoïde et de la branche ho-
rizontale du sphénoïde. J'ai donné à cette région le nom de ligne ethmoïdo-
sldaénoïdale. Tout de suite après le plancher ethmoïdal. nous voyons un
petit relief plus' ou moins prononcé suivant les cas; relief qui nous est
(1) GRU/OEACII et Hirshberg, Ueber doppelseiliges Selenervenleirlen bei Turmshüdel.
Rerl. klin. Winch., 1909, no H, et in Bers. med. Gesellschaft, 6 janvier 1909.
(2) Schuller, Comptes rendus de la K. li. te.,ell.clenlt der Aerzte in 11'ien, séance du
3 avril 1908 et encore : Die Schddelhasis in lo71geibil(le. Hambourg, 1905.
22 BERTOLOTTI
donné par le tubercule ptérigoïdien surmonté à son tour par les apophy-
ses clinoïdiennes antérieures.
Après ce tubercule, le plan régulier et i-ectiligiie de la région ethmoïdo-
sphénoïdale vient s'arrêter brusquement sur la figure d'une ensellure
caractéristique fournie par la projection de la selle turcique ou fosse
pituitaire. -
Nous voyons ensuite que cette ensellure est limitée en arrière par un
rebord prononcé. Cet éperon présente une concavité dirigée en avant et
correspond, sur la projection radiographique latérale du crâne, au profil
de la lamelle carrée du sphénoïde renforcée à sa partie supérieure par
les apophyses clinoïdiennes postérieures.
Nous verrons dans la suite l'importance diagnostique que peuvent avoir
les altérations du profil radiographique de cette région centrale du sphé-
noïde.
Avant de poursuivre notre examen d'avant en arrière, arrêtons-nous un
instant à étudier la conformation particulière de la région placée en des-
sous de la selle turcique. Ici on trouve le sinus : sphénoïdal qui apparaît
dans la radiographie latérale du crâne sous la forme d'une petite cavité
ovalaire avec son diamètre maximum dirigé dans le sens antéro-postérieur
et traversé parfois par de minces lamelles osseuses qui limitent de véri-
tables cellules spbénoïdales.
En poursuivant cette revue de la base du crâne, après l'éperon de
l'écaille sphénoïdale, nous observons la présence d'un promontoire osseux,
véritable massif constitué par le rocher qui, comme nous le verrons
ailleurs, est la seule région du plancher basal qui puisse résister à l'hy-
pertension cérébrale.
Après le rocher nous voyons que le profil de la base subit une dépres-
sion considérable, donnée par la projection radiographique de la fosse
cérébrale postérieure, limitée en arrière par l'écaille occipitale.
Avant de passer à l'étude radiographique du crâne oxycéphale je serai
encore obligé de donner quelques renseignements sur les mensurations
anthropologiques d'un crâne normal.
Nous pourrons étudier ainsi la valeur de deux angles très importants
en anthropologie : c'est-à-dire i'a ? eeHoMa/eti ? e/a'a/deCuvier
étudiés sur le vivant à l'aide de la radiographie.
J'ai cherché en effet à établir avec la radiographie la valeur de l'angle
sphénoïdal et de l'angle facial.
Pour obtenir la valeur de l'angle splténoïdal radiologique il suffit de
joindre les trois points de repère : N (nasion, point de jonction naso-
frontal) avec S (ephippion ou tubercule ptérigoïdien) et enfin B {bas ion,
I\OUVILL6 Iconographie de lA S,UPÉJRILRr. I. XXV. Pi. V
SYNDROME RADIOLOGIQUE OXYCÉPHALIQUE
(M. Bertololli)
Obs. I. Radiographie du crâne; enfoncement de la selle turcique; impressions digitales
dans la région fronto-ethmoïdale; inversion de l'angle sphénoidal, disparition
des sinus.
Obs. II. Radiographie du crâne ; impressions digitales arborisées ; disparition des sinus
frontal et sphénoidal, enfoncement de la fosse cérébrale moyenne ; inversion
de l'angle sphénoïdal.
Masson & Ci, Editeurs.
ÉTUDE DU SYi\DKO ! lOE 0lYl;PHALIQUE 23
limite antérieure du trou occipital). En joignant entre eux ces trois points
nous obtenons la valeur de l'angle sphénoïdal.
J'ai constaté, avec une série de mensuralions faites sur de nombreux
crânes normaux radiographiés, que la valeur moyenne de l'angle sphé-
noïdal radiologique varie enlre 130° et 135", et correspond d'une façon
très approximative à la valeur de l'angle sphénoïdal anthropologique des
anatomistes qui, pour les crânes européens, a été établi aux environs
de 133°.
Il ressort de ces données que, par la radiographie, nous pouvons avoir
entre les mains un moyen direct d'évaluer la valeur de l'angle sphénoïdal
sur le vivant, fait qui peut avoir une certaine importance étant donné que
jusqu'à présent les anlhropologistes n'avaient pu obtenir la mensuration
de l'angle sphénoïdal que sur des pièces anatomiques.
De la même façon nous pouvons étudier encore, par la radiographie, la
situation de l'angle facial de Cuvier qui, selon mes recherches radiologi-
ques, mesure sur les crânes normaux 55" exactement comme l'angle facial
anthropologique de Topinard.
Nous verrons dans la suite comment l'étude de l'angle facial radiolo-
gique peut nous fournir des données très intéressantes dans l'oxycéphalie,
de même que dans l'acromégalie et encore plusieurs autres dystrophies
systématiques du squelette.
Si nous comparons la radiographie (latérale gauche) d'un crâne nor-
mal à celle d'un crâne oxycéphale, on saisit tout de suite l'irrégularité
du profil basai de ce dernier. En effet, tandis que, dans le cliché normal,
les apophyses clinoïdes antérieures et postérieures et la selle turcique
sont étagées dans un plan à peu près horizontal de façon que, seule, la
fosse cérébrale postérieure reste située dans la radiographie latérale sur
un plan inférieur, dans le crâne oxycéphale on voit que le plan ethmoïdal
descend très brusquement d'avant en arrière, de telle façon que l'empla-
cement de la selle turcique est très enfoncé et que la fosse cérébrale
moyenne reste placée à peu près au même niveau que la fosse cérébrale
postérieure. Ce fait très important, nous permet déjà de constater que le
profil basai du crâne oxycéphale est tout à fait altéré (Pl. V et VI).
En plus nous voyons que, dans le crâne oxycéphale, tous les sinus
sont à peu près oblitérés : le sinus frontal est disparu, de même que le
sinus spliéiioïdal,.el l'on ne voit plus de traces ni des cellules elhmoïdales
ni des cellules mastoïdiennes. Un autre fait qui doit retenir l'attention et
qui, lui aussi, est très important, c'est la présence d'un réseau arborescent
qui, du plancher ethmoïdal, semble s'étayer sur l'os frontal en délimi-
tant des espaces vacuolaires qui forment des impressions digitales et qui
correspondent aux circonvolutions des lobes cérébraux antérieurs.
24 BERTOLOTTI
Une autre particularité que j'ai toujours remarquée dans mes clichés
radiographiques, c'est l'empreinte des sinus cérébraux (sinus latéral et
sinus pélreux), fait que je n'ai jamais vu à l'état normal. Enfin l'on doit
signaler la disparition des sutures antérieures (sagittale et coronaire),
tandis que les sutures du lambda, de même que le Il du plérion, parais-
sent généralement conservés ; de plus, on peut constater que ces sutures
sont irrégulièrement conformées par suite d'une hyperostose des rebords,
mais elles restent toujours bien individualisées.
Le rocher est toujours petit el le trou auditif apparaît normal ; l'écaille
occipitale suit une courbure à peu près régulière mais tous les os de la
face montrent des rapports très altérés.
Pour l'interprétation logique de toutes ces altérations de la base du
crâne, nous allons faire ici utieélude comparée avec quelques autres mal-
formations crâniennes.
Le mécanisme de l'enfoncement du corps sphénoïdal et de la selle tur-
cique offre le plus grand intérêt ; en effet, le profil basai du crâne, à la
suite de cette déviation, présente une véritable lordose basilaire : or,nous
verrons que, dans aucune autre malformation pathologique du crâne, on
ne peut absolument rien trouver qui puisse rappeler cette lordose basi-
laire.
Dans la dysostose cléidocranienne, par exemple, c'est tout à fait le cas
contraire : on trouve chez ces sujets dysostosiques une cyphose basilaire.
Je regrette de n'avoir pas de documents personnels de dysostose, mais je
me rapporte au travail très intéressant de Scheulhauer et Hullkranlz (1).
(1) J. V. HULTKIIANTZ, Les altérations du crâne dans la dysostose cléido-cranienne.
Nouvelle Iconographie de la Salpêtrière, 1908, p. 93.
SCIIÉ1LA N° 1. - Crâne dysostosique.
N, nasion ; B, basion ; 0, opisfhion ; S, éphippion ; NB, ligne naso-basilaire ; OB, ligne
opistho-basilaire ; NSB, angle sphénoïdal; Al'C, angle facial.
NOUVELLE Iconographie de la SA1.1'ÉIRIFItF. I ? SC» . hI. N,1
SYNDROME RADIOLOGIQUE OXYCÉPHALIQUE
(M. Bertohlti)
Obs. III. Altérations du profil basal typiques de l'oxycéphalie.
Obs. IV. Altérations moins accentuées, mais nettes.
MassOT1 & Cu·, l'.dneurc
ÉTUDE DU SYNDROME OXYCÉPHALIQUE 25
J'emprunte directement le schéma ci-contre (V. schéma n° 1) à
Hulthrantz : il suffit de jeter un coup d'oeil sur ce schéma pour saisir la
valeur de cette cyphose basilaire. Les mensurations craniologiques et les
rapports anthropologiques que j'ai établis sur tous mes schémas aide-
ront la compréhension de ce qui va suivre.
Nous voyons que, dans les crânes dysostosiques, la face exocrànienne
de la hase, présente toujours un renfoncement marqué de la partie médiane
correspondant au corps du sphénoïde; sur la face interne, au contraire,
on remarque le plus souvent un pli angulaire à arête assez vive de la
gouttière basilaire, un peu en dessous de sa partie médiane, en sorte qu'elle
est, dans sa partie antérieure (sagittale), plus horizontale qu'à l'ordinaire,
et, dans sa partie postérieure, elle est presque verticale.
Généralement, la lame quadrilatère apparaît allongée ou, plus exacte-
ment, soulevée de façon il. dépasser considérablement le plan du jic2cn
sphenoïdalis.
Par suite de cette courbure, l'occipital présente une inflexion plus
accusée de la partie inférieure de l'écaille, et la posilion du Irou occipital
et des condyles devient très oblique, de façon que leur plan prolongé
(ligne opistho-basilaire), au lieu dépasser, comme à l'élat normal. environ
à demi-hauteur du nez, passe dans le crâne dysostosique à 4 ou 5 centi-
mètres au-dessus du nasion. L'angle basilaire de Broca, formé parles
lignes naso-basilaire et opistho-basilaire. devient ainsi négatif et peut
atteindre les valeurs extrêmes de - 6° il .- 27°, tandis que Broca, dans
les crânes normaux,n'a jamais retrouvé un angle négatif supérieur à 2°.
On a émis plusieurs hypothèses pour résoudre définitivement la ques-
tion de la nature réelle de celle cyphose basilaire du crâne dans la dysos-
tose cléidocranienne. Hullkranlz ne croit pas qu'il s'agisse seulement d'une
déformation essentiellement passive, comme dans le rachitisme, ni d'une
soudure prématurée des synchondroses hasilaires, comme dans l'achon-
droplasie.
Muitkrantz donne comme un signe très caractéristique de la dysoslose
le développement très incomplel des différents sinus du crâne et des cel-
lules aérifères mastoïdiennes. Des examens minutieux et surtout des épreu-
ves radiographiques ont démontré l'absence totaledu sinus frontal, des
cellules mastoïdiennes et la petitesse du sinus sphénoïdal dans la dysostose.
Il était intéressant de relever ces faits, qui démontrent une certaine
analogie entre la dysostose et l'oxycéphalie, puisque, comme nous l'avons
dit plus haut, une des particularités les plus remarquables des crânes
oxycéphales, c'estjustement l'absence du sinus frontal, du sinus sphénoï-
dal el des cellules aérifères. Ce fait m'avait conduit à supposer que,
dans la dysostose cléidocranienne, et dans une certaine période précoce, il
26 l BERTOLOT'I I
y aurait eu augmentation de la pression endocranienne. L'on sait aussi
que plusieurs auteurs, se rapportant à la conformation externe de la calotte
dans la dysostose, à l'augmentation du volume du crâne et l'existence
du front olympien dysostosique, avait émis l'hypothèse que cette malfor-
mation crânienne fût sous la dépendance d'une pression cérébrale exagé-
rée. Or, cette question n'a pas encore été résolue puisque l'aplatissement
du crâne, la convexité de la base et la dépression des sutures et des bords
des fontanelles seraient autant d'arguments contre l'hypothèse de l'hyper-
tension cérébrale.
Avant de chercher à expliquer le fait de la cyphose basilaire des crânes
dysostosiques en opposition à laj lordose basilaire de l'oxycéphalie, j'ai
essayé, par une série d'épreuves radiographiques sur le vivant et par l'étude
de pièces anatomiques, d'établir des rapports du profil basai du crâne
dans l'hydrocéphalie chronique et dans le crâne rachitique.
Or, j'ai pu constater que, dans tous les états d'hypertension chronique
endocranienne, la gouttière basilaire antérieure n'est jamais enfoncée (voir
schéma n° 2), comme dans l'oxycéphalie ; c'est-à-dire que si, dans l'hy-
drocéphalie chronique post-méningitique et dans l'hydrocéphalie rachiti-
que (cranio tabes) il y a un certain élargissement de l'angle sphénoïdal,
cet élargissement est toujours inférieur à la valeur de l'angle sphénoïdal
que l'on retrouve dans l'oxycéphalie (PI. V).
Schéma n° 2. Plonl de crâne hydrocéphale.
N, nasion ; B, basion ; 0, opislhion ; S, éphippion ; NB, ligne naso-basilaire ;
Or., ligne opistho-basilairej AFC, angle facial ; NSH, angle sphénoidal.
Comme nous l'avons vu, mes études radiologiques m'ont donné la dé-
monstration que seulement dans l'oxycéphalie légitime il peut exister une
véritable lordose de la gouttière basilaire. Cette altération est tellement
NOUVELLE ICONOGRAPHIE UI LA SAIl'1.IRIl.RE.
T. XX ? PI. VII
Oxycéphalie
SYNDROME RADIOLOGIQUE 0 ? CéPHALIQUE
(M. Bertolotli)
Dans l'hydrocéphalie (enfant de 6 ans) on note l'enfoncement de la fosse cérébrale postérieure ;
dans l'oxycéphalie (crâne du musée Riberi, Hôpital St-Jean) l'enfoncement a lieu dans la fosse
cérébrale moyenne.
Masson & Cne, Éditeurs
l'JUllnl1111t ! lIerthnutl,
ÉTUDE DU SYNDROME OXYCÉPHALIQUE 27 7
importante qu'elle suffit à altérer par son existence tous les rapports du
crâne donnés par les mensurations anthropologiques normales.
Il suffit de se rapporter à mon schéma n°`2pour constater que, à la suite
de cet enfoncement de la partie centrale de l'os sphénoïde, l'angle sphé-
noïdil devient à peu près nul et peut même acquérir une valeur négative.
Ce fait m'a donc autorisé à employer le terme de lordose basilaire.
Comme nous l'avons vu par l'élude anatomique du crâne oxycéphale,
la direction du trou occipital est bien plus rapprochée du plan horizontal
qu'à l'état physiologique.
Cette rotation antérieure du trou occipital vient donc à altérer les rap-
ports de la ligne opistlio-basilaire et de la ligne naso-basilaire ; en effet,
tandis que dans le crâne normal l'angle basilaire de Broca mesure à peine
quelques degrés dans l'oxycéphalie, la ligne opistho-hasilaire peut des-
cendre à la hauteur du bord alvéolaire et l'angle basilaire, de ce fait,
atteint la valeur de + 15 à 20°.
Nous avons encore à étudier la valeur de l'angle facial de Cuvier dans
le crâne oxycéphale ; à première vue, étant donné le prognathisme supé-
rieur signalé par nous et par les auteurs précédents dans l'oxycéphalie,
on pourrait croire que l'angle facial de Cuvier serait plutôt diminué ; or,
dans l'oxycéphalie, le prognathisme supérieur est plutôt apparent que
réel et serait dû à l'atrophie de la mâchoire inférieure. En réalité, mes
recherches m'ont démontré que l'angle facial dans les crânes oxycéphales
est plul8t augmenté de 8 à 10°. Dans les crânes européens, on retrouve,
Schéma n° 3. - Profil du crâne oxycéphale.
N, nasion ; B, basion ; 0, opisthion ; S, éphippion : NB, ligne naso-basilaire ; OB, ligne
opistho-basilaire ; AFC, angle facial ; NSB, angle sphénoïdal.
28 BERTOLOTTI
en effet, une valeur de 54" pour l'angle facial de Cuvier. tandis que chez
les oxycéphales cet angle peut mesurer de 60 à 62°. Le fait que cet angle
n'est pas augmenté tient encore à ce fait que le trou auditif, dans l'oxy-
céphalie, se trouve placé un peu plus en haut qu'à l'état normal par
rapport au bord alvéolaire, ce qui justement vient confirmer le dépla-
cement remarquable des os de la face à la suite de l'enfoncement de la
partie centrale du sphénoïde, et c'est là peut-être la raison fondamentale
qui peut expliquer le faciès adénoïdien typique que l'on observe toujours
chez les oxycéphales.
Parmi les plus graves altérations de l'oxycéphalie, il faut rappeler les
altérations orbitaires, Déjà l'étude de l'indice orbitaire nous- montre
que la cavité orbitaire doit présenter des modifications intéressantes ; en
effet, mes mesures m'ont donné un indice de 94 à 110, tandis que la
moyenne normale trouvée par Broca serait de 85,7, et que dans la dysos-
tose cléidocranienne l'indice arrive à 1H ,7. En résumé, dans l'oxycépha-
lie, l'indice orbitaire serait supérieur à l'indice orbitaire normal et infé-
rieur à l'indice de la dysostose tout en étant très rapproché de ce dernier,
fait remarquable qui démontre l'analogie de la conformation des orbites
dans ces deux états pathologiques. Mes recherches radiographiques m'ont
démontré que les altérations orbitaires dans l'oxycéphalie sont caractérisées
notamment par la diminution de la profondeur des orbites à la suite de
l'inclinaison anormale qui suit brusquement la moitié postérieure de la
paroi orbitaire supérieure, fait qui peut très bien expliquer l'exophtal-
mie très accusée des oxycéphales.
Pour étudier la profondeur des orbites on peut employer deux procédés.
Le procédé classique consiste à mesurer la longueur des quatre parois
à partir du rebord externe du trou optique. Le second procédé de mensu-
ration de la profondeur de l'orbite (Papillaut-Patry) a l'avantage de rem-
placer le rebord de l'orifice optique par un point beaucoup plus fixe : le
point sphénoïdien situé au niveau du bord antérieur de la selle turcique.
Cette distance nasio-sphénoïdienne a été trouvée diminuée toujours dans
les crânes oxycéphales (Cfr. Patry, loco citato).
Mes mesures sur les crânes oxycéphales m'ont donné de 5 à 10 milli-
mètres de différence en moins, ce qui montre un raccourcissement très net
de cette région de la base du crâne.
L'orifice orbitaire externe, comme nous avons dit plus haut, ne pré-
sente pas sa forme habituelle ; et au lieu d'être allongé dans le sens hori-
zontal il est allongé dans le sens vertical (V. PI. VIII), d'où les modifi-
cations de l'indice orbitaire.
Il faut encore relever que les orbites présentent un axe très oblique en
bas et en dehors et l'angle supéro-interne est fortement attiré en haut et
NOUVELLE Iconographie de la SALPÈJIUER.
T. xxv. Pl. \'111
RADIOGRAPHIE DU CRANE D'UN CRÉTIN MYXGEDÉMATEUX .
Hypérostose des os et aplatissement global de la gouttière basilaire.
(M. Berlolotli)
ÉTUDE DU SYNDROME OXYCÉPHALIQUE 29
en dedans (Hanotte, Patry). La partie sphénoïdale delà paroi externe est
repoussée en avant au point de devenir presque transversale, fait qui avait
été constaté déjà par Weiss et Brugger.
Cette déformation serait la cause de l'exophtalmie(Papillaut). Pourtant
cette exophtalmie, selon moi, ne serait pas due seulement à la diminution
de profondeur de l'orbite, mais il est probable que la dépression de la ré-
gion frontale susjacente peut contribuer encore à faire paraître l'oeil plus
saillant (PI. VIII). '
Enfin je serais porté par mes recherches radiographiques à admettre
une inclinaison plus accusée de la moitié postérieure de la paroi supérieure
de l'orbite (V. schéma n° 2).
Du côté du trou optique, Michel, Mauz, Ponlick ont signalé un rétré-
cissement du trou optique avec épaississement de ses bords,mais Woisser,
arugger, Vortisch, Enslin, Papillaut, Patry et moi-même, avons trouvé,
dans les crânes oxycéphales étudiés, le même calibre que dans les crânes
normaux.
Je dois insister encore sur les altérations des os de la face dans l'oxycé-
phalie, ce qui revient à prouver que dans le syndrome oxycéphalique les
altérations ne sont pas limitées à la calotte. Nous avons déjà relevé le fa-
cies adénoïdien typique des oxycéphales, et nous dirons encore que le dé-
placement remarquable des os de la face est dû à l'enfoncement de la par-
tie centrale du sphénoïde. A la suite de cet enfoncement, l'angle facial
dans l'oxycéphalie serait donc plus ample qu'à l'état normal, tout en étant
moins prononcé que dans la dysostose cléidocranienne où, en raison des
dimensions très réduites de la face et à cause aussi du front surplombant,
l'angle facial est très grand.
Une autre analogie entre l'oxycéphalie et la dysostose cléidocranienne
serait donnée par la dimension des orbites.
Dans les crânes dysostosiques la hauteur des orbites est très grande par r
rapport à leur largeur et l'indice orbitaire dans la dysostose cléidocra-
nienneesten moyenne de 111.7, tandis que la moyenne normale trouvée
par Broca serait 85,7 et le maximum 107. Or, dans l'oxycéphalie, mes re-
cherches m'ont donné un index de 94 à 110.
En résumé dans l'oxycéphalie. l'indice orbitaire serait supérieur à l'in-
dice orbitaire normal et inférieur à celui que l'on trouve dans la dysostose
cléidocranienne, tout en étant très rapproché de ce dernier.
Un caractère important dans l'oxycéphalie et qui n'a pas encore été
étudié à fond est donc dénoncé par les altérations des os de la face. A la
suite de la dépression de la fosse cérébrale antérieure et de la fosse
moyenne, les os nasal, malaire el lacrymal subissent un déplacement en
bas et en avant.
30 BERTOLOTTI
A ces résultats craniologiques obtenus par mes recherches, il faut
ajouter la conformation anormale du maxillaire supérieur, qui est recourbé
en avant, et la réduction énorme des sinus maxillaires, qui sont aussi dé-
placés. Par ces faits nous constatons un allongement de tous les os de la
face, surtout dans la portion sous-nasale.
La déformation du nez ne paraît pas avoir retenu beaucoup l'attention
des auteurs ; cependant Meltzer en fait mention dans son travail (1) et
l'on peut même-la voir nettement représentée sur plusieurs des planches
photographiques de la thèse de Patry. Hanotte aussi consacre un chapitre
de sa thèse aux modifications de la face chez les oxycéphales. et il insiste
sur ce fait que l'espace inter-orbitaire est toujours anormal ; il signale les
modifications principales qui portent sur les orbites.
Enfin j'insisterai sur les altérations de la voûte palatine que j'ai tou-
jours rencontrées chez les oxycéphales et sur tout le cortège de symptômes
adénoïdiens à peu près constant chez eux.
Dans l'oxycéphalie j'ai toujours observé que la voûte palatine est 'très
étroite, haute et en ogive ; et je crois que la conformation ogivale de la
voûte palatine doit être relenue comme un signe caractéristique de l'oxy-
céphalie, ainsi que cela a été noté déjà par le grec Oribase. Anoter en pas-
sant que, dans la dysostose cléidocranienne on rencontre la même con-
formation de la voûte palatine ; si bien queflultkranz n'hésite pas à retenir
le palais en dôme comme l'une des altérations les plus typiques de la
dysostose cléidocranienne.
Si l'on cherche dans toutes les observations des cas d'oxycéphalie rela-
tées par les auteurs, on peut constater que l'irrégularité de la dentition
a été constatée maintes fois chez eux. Pour ma part je l'ai trouvée dans
tous mes cas et je crois que le retard dans l'apparition des dents de lait et
des dents permanentes, de même que leur implantation irrégulière ou
leur développement rudimentaire, soit autant des caractères très impor-
tants qui montrent les liens qui unissent l'oxycéphalie au rachitisme et à
l'adénoïdisme.
Les altérations du crâne oxycéphale révèlent deux faits importants et
indiscutables : en premier lieu une pression endocranienne augmentée,
et en deuxième lieu une exagération de l'activité ostéogénétique des os
du crâne.
L'hypertension cérébrale prodromique des états oxycéphaliques est in-
diquée par la constatation de la profondeur anormale des fosses cérébrales,
(1) Loc. cit.
ÉTUDE DU SYNDROME OXYCÉPHALIQUE 31
et notamment de la fosse cérébrale moyenne, par les altérations du pro-
fil radiographique de la base du crâne ou lordose basilaire, par l'écrase-
ment du corps central du sphénoïde, par les déviations des ailes sphénoï-
dales, par la présence des impressions digiliformes que nous avons relevées
et par l'absence des sinus fronto-sphénoïdal et ethmoïdal.
L'exagération ostéogénétique des os du crâne est manifestée par la pré-
sence des crêtes osseuses ondulées et arborisées développées notamment
sur le plan ethmoïdal, sur la face interne du frontal et sur les parties laté-
rales du sphénoïde ; ces crêtes arborisées sont capables d'un développement
énorme dans certains cas (Hanotte, Bourneville), et quelques-unes de mes
pièces anatomiques sont là pour démontrer la tendance à l'hyperoslose
des os du crâne dans l'oxycéphalie. Le fait serait confirmé encore par
les échancrures dentelées du lambda, par la synostose précoce des sutures
et par le relief des fontanelles. '
Ajoutons encore l'irrégularité du développement des apophyses clinoï-
des antérieures et postérieures très fréquemment soudées entre elles,
comme je l'ai constaté moi-même dans un cas sur un crâne du Muséum
Riberi de l'hôpital Majeur de Turin.
Je ferai remarquer d'abord que les altérations osléogénétiques constata-
bles dans l'oxycéphalie ont presque une localisation systématique, ou
tout au moins elles sont prédominantes (je dirai presque exclusives) de la
partie antérieure du crâne et notamment du frontal, de l'ethmoïde et de
l'os sphénoïde. "
Arrivé aux conclusions qui se dégagent par l'élude des documents que
nous avons rassemblés, nous devons tâcher de nous expliquer le méca-
nisme de )a pression endocranienne. H ressort à première vue que l'hyper-
tension cérébrale dans l'oxycéphalie conduit à des altérations absolument
opposées à celles que nous rencontrons dans l'hydrocéphalie et dans les
autres états pathologiques d'hypertension cérébrale de l'enfance. Je crois
que mes études radiologiques peuvent donner la clef pour l'interprétation
de cette divergence. '
Dans la compilation de ce travail, je me suis efforcé de m'en tenir stric-
tement aux faits observés sans édifier des hypothèses, le sujet ne se prêtant
pas à être traité par des vues aprioristiques. Or, les faits observés par moi
tendent à démontrer que les altérations crâniennes du type hydrocéphale
de l'enfance sont absolument opposées à celles du type oxycéphale, bien
qu'elles dépendent d'une cause identique, c'est-à-dire l'hypertension cé-
rébrale.
Il.suffit que je rappelle les faits de la lordose basilaire oxycéphalique
en opposition à la cyphose basilaire de la dysostose et la direction très
oblique du trou occipital dans l'hydrocéphalie qui peut donner à la ligne
32 BERTOLOTTI
opistho-basilaire une direction tout à fait contraire à celle que l'on trouve
dans l'oxycéphalie, pour voir que les rapports ci-aniolociquessoni très dif-
férents dans ces deux états similaires.
Or, l'explication de cette différence peut, je le répète, trouver son
explication logiquement rigoureuse dans l'étude du mécanisme hydrau-
lique qui agit dans ces deux formes pathologiques.
Pour moi, l'hydrocéphalie et l'oxycéphalie, tout en étant deux syn-
dromes cliniques parfaitement différents, dépendent tous les deux d'une
même cause anatomo-pathologique. La seule différence réside dans le fait
que, dans l'hydrocéphalie de l'enfance, la pression cérébrale trouve bon
jeu dans ! 'épanchement des os de la calotte, tandis que, dans l'oxycépha-
lie, le crâne antérieur étant enclavé par la synostose, la pression hydrau-
lique agit dans quelques endroits limités et notamment sur le plancher
sphéno'idal.
J'insiste sur ces faits parce que jusqu'à présent une étude anatomique
comparée entre l'hydrocéphalie et l'oxycéphalie n'avait pas encore été
essayée; généralement, au contraire, les auleurs qui ontétudié l'oxycépha-
lie ont tous eu une tendance à rapprocher les états oxycéphaliques de
l'hydrocéphalie, voire même du crétinisme ou de la microcéphalie, sans
chercher à déceler le mécanisme spécifique se rapportant à chacun de ces
états pathologiques.
Dernièrement encore Mellzer, dans son travail très documenté (loco
citato), parle seulement d'un épaississement du crâne chez les enfants
idiots et hydrocéphales, épaississement qu'il reconnaît aussi dans l'oxy-
céphalie.
A ce propos, je dois observer avant tout que l'hyperostose du crâne
chez les crétins n'a rien à voir absolument avec l'oxycéphalie. J'ai étudié
de nombreuses pièces anatomiques du Muséum Riberi et du Muséum
anthropologique de mon regretté maître Lombroso (1) se rapportant à
des sujets myxoedémateux ou idiots, mais toutes mes recherches radiogra-
phiques el mes mesures crâniotogiques m'ont amené à rejeter de l'étude
comparée que je poursuivais ces documents, puisqu'il ressort de toute
façon que l'hyperostose des crânes en question, de même que l'aplatisse-
ment global de la gouttière basilaire que l'on retrouve chez eux, n'a rien
à voir avec les états oxycéphaliques (pli. VIII).
L'hyperostose du crâne chez les idiots est globale et massive, soit dans
la base, soit dans la calotte; elle ne présente jamais les impressions digi-
(1) Je veux remercier ici, pour le très courtois accueil que j'ai reçu chez eux, MM. le
professeur Carrara, directeur de l'Institut de médecine légale de la l'acuité, et M. le
professeur Scagliosi, directeur de l'Institut anatomo-pathologique de l'hôpital Saint-
Jean et de la ville de Turin.
ÉTUDE DU SYNDROME OXYCÉPHALIQUE 33
tiformes qui sont typiques et palhognomoniques de l'oxycéphalie, et enfin
elle est constituée par un épaississement considérable de l'os qui augmente
d'une façon très remarquable le poids du crâne, tandis que dans l'oxycé-
phalie il faut bien relever la mince épaisseur de la calotte et la légèreté
particulière de l'os. Ajoutons encore que chez les microcéphales il y a
très rarement synostose des sutures (Gudden).
Avant de terminer cette étude comparée entre l'hydrocéphalie el l'oxy-
céphalie légitime, je dois aborder la question du cranio-tabes rachitique.
L'on sait que les lésions du cranio-tabes sonl dans la plupart des cas loca-
lisées à la partie postérieure du crâne el notamment à l'os occipital.
Elsasser, Schultz, Betz, Sleiner, Duval et Picot pensent que les zones
de ramollissement de la calotte dans les crânes rachitiques sont sous la
dépendance de l'hypertension cérébrale et que l'on peut sérieusement
envisager l'existence d'une véritable hydrocéphalie dénature rachitique.
Pour ma pari je suis absolument convaincu que la diathèse rachitique
peut provoquer de remarquables poussées d'hypertension du liquide
cépha lo-raeh idien et je crois de même que, dans l'oxycéphalie, nous avons,
comme dans le cranio-tabes, une période prodromique d'hypertension
endo-cranienne. En effet, l'évolution clinique de l'oxycéphalie est ahso-
lument analogue à celle du cranio-tabes dans sa période initiale.
Les raisons qui m'ont conduit à celle constatation sont cliniques et ana-
tomiques : Cliniquement j'ai constaté que dans plusieurs de mes observa-
tions d'oxycéphalie il y a eu une période prodromique dans laquelle a
évolué un véritable état de cranio-tabes rachitique, et plusieurs de mes
confrères, qui avaient vu en consultation les petits malades à l'âge de 2 à
4 ans, avaient tous posé le diagnostic d'hydrocéphalie et de rachitisme.
Mon argument anatomique se base sur une constatation radiographique
très intéressante que j'ai faite sur le vivant, etqui fut suivie par l'examen
du crâne à l'autopsie du même sujet, mort après une poussée d'hydrocé-
phalie aigué.
J'ai constaté dans ce cas la possibilité de l'usure extraordinairement
rapide des os du crâne en une période très courte de vingt jours.
Ces faits, très intéressants au sens radiologique (1), portent à admettre
que l'hypertension cérébrale peut retentir sur la face interne de la calotte en
y laissant des impressions digilifonncs dans une période de la vie oÙ l'os-
sification du crâne est à peu près complète.
Dans la description du syndrome radiologique de l'oxycéphalie nous
avons insisté sur la présence de ces impressions digitales, localisées de
(1) M. BRRTOLOTTI, Diagnostic différentiel entre l'hydrocéphalie aiguë sans augmen-
tation de volume de la tête et les tumeurs cérébrales au moyen des rayons de Rontgen.
Bévue Neurol., no 2, 1912.
xxv 3
34 BERTOLOTTI
préférence sur la face interne de la partie antérieure du crâne, tandis que
les mêmes impressions vacuolaires, à la suite des états méningitiques de
l'âge adulte, se trouvent parsemées sur toute la surface interne de la calotte,
fait mis en lumière par mes recherches. Il y a là un détail d'anatomie pa-
Lhologique qu'il faut bien relever ; à lui seul il nous montre que dans
l'oxycéphalie c'est véritablement le crâne antérieur qui est souffrant.
A propos des impressions digitiformes que nous avons observées du vi-
vant du malade dans l'hydrocéphalie aiguë ou méningite séreuse venti-icu-
laire, il est intéressant de constater comment, à la suite de l'hypertension
cérébrale, l'usure du plancher interne de la calotte peut se montrer
rapidement peu de jours après le commencement de la poussée hydrocé-
phalique.
Il est bien entendu que nous n'envisageons ici que l'hydrocéphalie ai-
guë de la deuxième enfance, ou même de l'âge adulte, où l'hypertension
cérébrale n'a pas pour conséquence d'altérer le volume de la tête. En effet
mes recherches radiographiques sur le crânio-tabes rachitique de la pre-
mière enfance, et en général dans tous les cas d'hypertension cérébrale du
premier âge, m'ont démontré que le mécanisme de la pression hydrauli-
que du liquide intraventriculaire est tout autre alors qu'il s'agit de
sujets chez qui la synostose des os de la calotte n'est pas encore achevée.
Dans ces cas, en effet, la poussée du liquide céphalique agit sur les os
de la calotte en les sutures des os et en élargissant les régions
Fig. 4
ÉTUDE DU SYNDHOME OXÏCÉPIIALIQUE 35
bregmatiques antérieures et postérieures. C'est la réalisation de la tête en
poire hydrocéphalique avec le front olympien classique. Mais il en est
tout autrement alors qu'il s'agit de l'hydrocéphalie aiguë de la deuxième
enfance ou de l'àge adulte, alors que les sutures des os de la calotte sont
normalement enclavées.
Dans ces cas l'hypertension cérébrale, retentissant sur la surface interne
de la calotte, ne produit aucune augmentation de volume de la tète ; mais
elle agit directement sur les us de la calotte en produisant une atrophie
très rapide de la table interne. C'est là le côté important qu'il faut retenir
pour saisir la réelle importance qui peut avoir le contrôle radiographique
fait dès le début : car la radiographie peut déceler la présence de l'usure
des os de la calotte très rapidement.
Or, le diagnostic différentiel entre la méningite séreuse venlriculaire
(hydrocéphalie aiguë) et les tumeurs cérébrales, n'est pas toujoursaisée.
Au contraire, les résultats obtenus à l'autopsie dans des cas nombreux
étiquetés « tumeurs cérébrales », ont démontré qu'il s'agissait en réalité
d'hydrocéphalie aiguë ou subaiguë. Nonne, en relatant plusieurs^cas où
par la symptomatologie; pendant la vie du malade on avait posé le dia-
gnostic de tumeur cérébrale, constata à l'autopsie qu'il s'agissait de
méningite séreuse ventriculaire; si bien que Nonne se crut autorisé à
employer dans ces cas le terme de pseudo-tumeur cérébrale. Cette déno-
mination fut dans la suite adoptée dans des cas analogues par Menneberg,
Mocquin, Muskens, etc.
De nombreux auteurs, ultérieurement, ont relaté des observations réa-
lisant le tableau de tumeurs intrâ-craniennes, et qui, en réalité, concer-
naient l'hydrocéphalie aiguë ou subaiguë. L'hydrocéphalie, non seulement
peut réaliser les symptômes d'une tumeur cérébrale, mais elle peut simuler
à s'y méprendre le syndrome cérébelleux. Quincke lui-même admet que le
diagnostic différentiel entre les tumeurs cérébelleuses et l'hydrocéphalie
peutêlre très difficile ; et il fait observer que l'unique symptômedifféren-
tiel dans ces cas pourrait être donné par la grosseur de la tête que l'on
retrouve d'ordinaire dans l'hydrocéphalie. Or il est à noter que ce critérium
n'est pas conslanl puisqu'il peut y avoir des cas d'hydrocéphalie aiguë
véritable sans aucune augmentation de volume de la tête. Il suffit de rap-
peler une observation qui a été étudiée d'une façon complète et très
documentée par MM. Battistini et Mallirolo (1). Tous les symptômes du
vivant du malade portaient à établir le diagnostic d'une tumeur cérébel-
leuse.
A la radiographie faite 24 heures avant le décès, je constatai des impres-
(1) BATTISTINI Li DIATTIIi0L0, Méningite sierosa ed idrocelalo nculo, Ilivista crilica di
clinica Medica, nu- 17 e 18, 1911. '
36 BERTOLOTTI
sions digitiformes rappelant de tous points les arborisations de crânes
oxycéphales (Voir fig. 4).
A l'autopsie on ne trouva autre chose qu'une énorme poussée hydrocé-
phalique et un petit foyer de ramollissement dans le cervelet. L'usure de
la calotte est très visible sur la radiographie, elle montre nettement l'em-
preinte des circonvolutions cérébrales. )-, dans un Li-avail paru dans Il
A ce propos, j'ai publié en 1910 (1), dans un travail paru dans la
Presse médicale, quelques remarques qui m'avaient été inspirées par ces
faits d'autopsie. Je faisais observer à celle époque comment il a été pos-
sible, grâce à la radiographie, de faire le diagnostic différentiel entre les
tumeurs cérébrales et l'hydrocéphalie aiguë (2).
Un mois plus tard, M. William G. Spiller (de Philadelphie) pu-
blia dans la Review of Neurology and Psyc/¿iatry un travail sur « le
diagnostic différentiel entre l'hydrocéphalie sans augmentation de volume
de la tète et les tumeurs cérébrales au moyen des rayons de Röntgen.
Cet auteur insiste sur l'état inégal et atrophique des os déterminé par la
pression des circonvolutions qui se retrouve dans les crânes des individus
atteints d'hydrocéphalie aiguë, fait qui peut être reconnu sur le vivant par
la radiographie.
Spiller qui avait publié son travail un mois après mon mémoire paru
dans la Presse médicale n'avait pas eu assurément le temps de prendre
connaissance de mes recherches. Il est donc d'autant plus intéressant de
relever comment cet auteur a été frappé, comme je l'avais été moi-même,
par l'importance que peut avoir le contrôle radiographique dans le dia-
gnostic de l'hydrocéphalie aiguë.
Comme nous l'avons déjà relevé, les impressions digitales caractéristi-
ques, dans l'oxycéphalie, par leur localisation à la face interne du frontal,
de l'ethmoïde et du sphénoïde, sont entourées d'une zone d'ostéite de réac-
lion ; il s'agit des crêtes minces et ondulées que plusieurs auteurs déjà ont
retrouvées et décrites dans l'oxycéphalie et qui, selon moi, répondent à un
étal inflammatoire ostéitique qui peut de même expliquer le fait de la sy-
nostose anormale, précisément localisée à la région antérieure du crâne.
Il est certain que dans une période prodromique de l'oxycéphalie, il doit
exister un étal congestif des os du crâne.
(1) Loc. cil.
(2) Des recherches radiographiques antérieures faites par SchÜl1er avaient déjà mis
en relief les changements de pression cérébrale dans le crâne. Voir à ce propos :
A. Scuuller, Die Sctuidelbasis in Hônlyenbilde, Hamburg, 1905 et encore RÕntgendia-
gnostic der Erlcrankungen des Kopfes. Supplément l1'ollmapels Handbuch der speciel-
len Pathologie und Thérapie. Holders Verlag. Wien und Leipsig, 1912
ÉTUDE DU SYNDROME OXYCIPHAL1QUR 37
Virchow parle d'un état inflammatoire des enveloppes intérieures du
crâne dans l'oxycéphalie (1) et Hamy confirme l'opinion de Virchow par
ses recherches sur la scaphocéphalie qui est due à la synostose précoce
des pariétaux (2) ; ce processus, dit-il, est le résultat d'un fait patholo-
gique susceptible d'être rangé parmi les états inflammatoires.
Mes épreuves radiographiques confirment de tous points cette hypo-
thèse ; je rappellerai en effet que,dans aucun cas on ne peut, l'état normal,
fixer parla radiographie le trajet des sinus cérébraux ; or, dans tous mes
cas d'oxycéphalie j'ai pu (16111011ll'e1', par la radiographie, que les sinus
veinenx cérébraux sont dilatés et ont laissé une empreinte très prononcée
sur les clichés (sinus latéral et sinus pétreux). Ce fait, je l'ai constaté du
reste aussi sur des pièces anatomidnes, et il a été déjà signalé par quel-
ques auteurs (Bourneville, Patry).
Donc, les troubles circulatoires doivent être excessivement marqués
dans la période initiale de l'oxycéphalie ; alors les sinus de la dure-mère
sont gorgés de sang, hypothèse confirmée par le fait que chez plusieurs
de ces sujets l'on a pu constater, soit à la région temporale, soit à la
région frontale, des dilatations veineuses très prononcées (Bourneville
et Boncourt (3), Hirschberg (4), Enslin (5), mes trois premières observa-
tions).
En résumé, donc, dans le processus anatomo-palhologique de l'oxycé-
phalie, il faut admettre d'un côté une hypertension cérébrale etde l'autre
une réaction inflammatoire des os du crâne, limitée, je le répète, dans la
grande majorité des cas, au crâne antérieur.
Tous ces faits, que j'ai rappelés, me portent donc à constater entre le
cranio-tabes et l'oxycéphalie des liens d'affinité anatomo-patholoique; i
l'état prodromique de l'oxycéphalie est assurément analogue il celui du
cranio-tabes rachitique, et non seulement ce fait est démontré par mes
observations cliniques ou anatomiques, mais aussi par la tendance qu'il y
a eu, parmi les auteurs qui se sont occupés de cette question, à signaler
des états comparables au cranio-tahes dans la première période de l'oxy-
céphalie et aussi à confondre ces deux états pathologiques, confusion très
légitime du reste, parce que, avant la synostose des sulures, le tableau
symptomatique des deux affections est parfaitement identique.
(1) Loc. cit.
(2) Cité dans la thèse de Patry, Paris, 1905, p. 60.
(3) Loc. cil.
(i) HIRSCIIBERG, Sehnervenleiden bei Schâdelt ? 21ssbildiinq, Centralblatt f Augenheil-
kunde, 1883-1885, VII, p. 25.
(5) ENSLIN, Die A lIgenve1"Cimlenmgen beim TU1'Inschiidel, Von Graefe Arch f Oph-
talmologie, 1904, 1.VIII.
38 lirRTOL07FI
J'ai traité un peu longuement cette question, parce qu'elle se rattache
évidemment à la cause pathogénique véritable de l'oxycéphalie : j'entends,
parler du rachitisme.
J'étais en train de rassembler mes documents cliniques et anatomiques
sur cet argument, lorsque je pris connaissance du travail très important
de Meltzer qui, lui aussi, attache une grande importance au rachitisme
dans la production de l'oxycéphalie (1).
Je suis tout il fait content de tomber d'accord avec Mellzer sur la cause
étiologique de l'oxycéphalie ; à la vérilé,MelLzer n'est pas très affirmatif
sur ce point; il n'apporte même pas d'arguments catégoriques, mais il a
eu le mérite, à mon avis, d'aborder le côté clinique de la question, et il a
constaté la dialhèse rachitique chez 85 0/0 de ses sujets.
Il admet, lui aussi, que la synostose doit être envisagée comme la consé-
quence d'une réaction ostéogénique à la suite de l'hypertension cérébrale
causée, soit par l'hydrocéphalie, soit par la méningite séreuse. Il admet,
chez ses sujets, l'existence d'une méningite séreuse localisée à la partie
supérieure de l'encéphale. Je ne saisis pas bien, peut-être, la pensée de
Meltzer lorsqu'il parle de méningite séreuse supérieure. Pour moi, ce se-
rait le crâne antérieur le plus compromis ; pour Meltzer, ce serait plutôt
la partie supérieure. Toutefois, comme on le voit, mes vues personnelles
sont très voisines de celles de cet auteur.
Pour moi, celle soi-disant méningite séreuse, ou hydrocéphalie aiguë
de l'étal prodromique de l'oxcéphalie, serait uniquement fonctiondeladia-
thèse rachitique. Patry, dans sa thèse, dans le chapitre dédié à la patho-
génie de l'oxycéphalie, après avoir admis l'existence d'une méningite
séreuse concomitante, se demande : « Pouvons-nous avoir des présomp-
tions à l'égard de l'étiologie de cette méningite ? H Et il conclut en disanl
que, ni dans les commémoratifs. ni dans l'évolution clinique, on ne peut
trouver aucune infection qui ait une constance suffisante.
Notons que la thèse de Patry date de 1905, et elle est peut-être le Ira-
vail le plus documenlé paru sur l'oxycéphalie.
Palry a fait un travail d'ensemhle très consciencieux ; il a rassemblé
toutes les observations d'oxycéphalie parues antérieurement, au nombre de
47, en y ajoutant 18 observations personnelles. Eh bien, dans les commé-
moratifs de presque tous les cas de Patry et des autres auteurs, j'ai cons-
taté des symptômes indéniables de rachitisme, depuis la cyphoscoliose, le
genu valgum, jusqu'aux malformations dentaires. Meltzer, je le répète,
trouve à lui seul des lares rachiliques indéniables dans 85 pour 100 des
cas, et moi, pour ma part, je les constate dans tous mes cas vu l'énorme
(1) Loc. cil.
ÉTUDE DU SYNDROME O\l'CI.PTTA1.TQUT. q ! )
retard de la première dentition et de la marche, vu les troubles gastro-
intestinaux de la première enfance, vu la scoliose, le genu valgus, le
chapelet rachitique, la déformation en carène du sternum, les malforma-
tions de la taille et une disproportion dans la longueur exagérée des mem-
bres supérieurs.
La diathèse rachitique donc est constante dans \'oxycéphalie et ce fait
clinique, joint aux considérations anatomiques que j'ai développées plus
haut, sont autant d'arguments de présomption en faveur'de la théorie de
Meltzer et de la mienne : Voxycêphalie est une dystrophie d'origine rachi-
tique.
Dans l'oxycéphalie, l'état rachitique des os et du crâne retentit sur les
méninges et donne lieu à un cercle vicieux qui se cloi avec la synostose
prématurée, l'ostéite réactionnelle et tout le syndrome oxycéphalique
complet avec ses séquelles du côté des nerfs optiques.
Mes recherches radiographiques m'ont montré que, dans la première
période, le cranio-tabes rachitique el l'oxycéphalie font partie du même
processus rachitique. Ce n'est qu'après la synostose que le tableau sympto-
matique et morphologique de l'oxycéphalie s'individualise. Alors, l'action
hypertensive de l'encéphale agit sur le plancher de la base et cause la lor-
dose basilaire. Avant l'enclavement de sutures, la lordose basilaire, dans
l'oxycéphalie, n'existe pas encore, et le profil basal du crâne hydrocépha-
lique pur et oxycéphalique est le même, avec simplement tendance à l'en-
foncement de l'écaille occipitale.
L'enfoncement de la selle turcique dans l'oxycéphalie étant l'altération
la plus grave du profil basai du crâne, il y avait lieu de se demander si, par
hasard, l'on pourrait trouver chez les sujets oxycéphales quelques traces
notions nouvelles que îlon 1 icquises difficile aujourd'hui,étant donné les
notions nouvelles que l'on a acquises sur le fonctionnement de l'hvpo-
physe, de pouvoir résoudre celle question.
Il est toutefois permis de supposer que l'altération excessivement grave
du corps central du sphénoïde que l'on rencontre chez les oxycéphales
peut altérer les rapports normaux existant entre la glande pituitaire et
le pharynx. Il suffit de se rappeler la grande importance que, dans ces
derniers temps,on a donnée à la constitution morphologique du basi-post-
sphéno'ide, à la dérivation embryologique de l'hypophyse cérébrale, il
l'existence du tissu hypophysaire du pharynx, à la permanence du canal
crânio-pharyngien, et nolammentau réseau vasculaireexistantentrel'hv-
pophyse et le pharynx, pour concevoir tout de suite le retentissement
qui peut produire une altération de cette région, principalement dans l'en-
40 BERTOLOTT1
fance, c'est-à-dire à un age.de la vie, où les rapports de ces organes sont
bien plus intimes que dans l'âge adulte (1).
Je crois, pour ma part, que le syndrome adénoïdien absolument constant
chez les oxycéphales peut trouver son explication 11 a tllOg én iq1tt ! dans les
altérations du basi-J1ost-sphénoi'rle survenues dans la première enfance.
A propos des troubles des glandes à sécrétions internes on pourrait
encore se demander si par hasard l'hypertension cérébrale dans l'oxycé-
phalie n'aurait pn retentir sur la glande pituitaire.
Je me suis posé celle question parce que dernièrement Marinesco et
Goldstein, dans un travail intéressant (2), ont relaté l'histoire clinique de
deux cas suivis d'autopsie chez lesquels l'hydrocéphalie survenue dans la
deuxième enfance, en plus des troubles cl assiques dus à la compression
cérébrale (névrite optique, asthénie, asynergie cérébelleuse, étatparéto-
spasmodiquedes membres), avait produit un syndrome hypophysaire ca-
raclérisé par l'adipose, l'hypotrophie génitale et l'infantilisme.
Les altérations histologiques constatées après autopsie dans un cas
(infiltration de grandes cellules éosinophiles et vaisseaux dilatés) pemet-
taient de mettre le syndrome clinique sous la dépendance de l'altération
hypophysaire.
Le cas de Marinesco prouve que, à la suite de l'hydrocéphalie, la com-
pression de la Lige de l'hypophyse peut produire des (roubles dans le fonc-
tionnement de celle glande. Quel rôle jouent les glandes à sécrétion interne
dans le syndrome oxycéphalique ? -
Au moment actuel il est très difficile de se prononcer sur celle question ;
toutefois il est peut-être utile de rappeler les derniers travaux des auteurs
qui ont cherché de faire du rachitisme un syndrome dystrophique pluri-
glandulaire (Bernard, Erdheim, Weichselbaum, Escherich). Pour moi, il
n'est pas question en ce moment d'étayer des hypothèses, le but de mon
travail étant de mettre en lumière le cortège des symptômes appartenant
à l'oxycéphalie. Ce qu'il importait surtout ici, c'était de mettre en valeur
les rapports existant entre les déformations oxycéphaliques, les altéra-
tions rachitiques qui les accompagnent, et enfin les troubles adénoïdiens
qui constituent un apanage constant de l'oxycéphalie. '
De plus,comme il était très intéressant de contribuer à la compréhension
de l'allure clinique de ce tableau morbide, il fallait relever comment, dans
un cas d'oxycéphalie en évolution, où le syndrome adénoïdien était au
grand complet, l'ablation des végétations du rhinopharynx a été marquée
par une influence absolument favorable sur l'évolution ultérieure de la
dystrophie oxycéphalique.
(1) A. Poppi, Lépofisie cérébrale, faringea e la ghiandola pineale in pathologia,
Bologna, Tipogriiila Neri, 1911.
(2) Marinesco et Goldstein, Deux eas d'hydrocéphalie avec adipose généralisée.
Nouvelle Icone ? de la Salpêtrière, 1909, p. 020.
Nouvelle Iconographie DE la SALIFlltfl·ItE.
ACROMÉGALIE ET MALADIE DE RECKLINGHAUSEN
. (-41ojso de Castro)
SUR LA COEXISTENCE
DE LA MALADIE DE RECKLINGHAUSEN
AVEC L'ACROMÉGALIE,
PAR
Aloysio DE CASTRO,
Professeur à la Faculté de Médecine de Rio-de-Janeiro.
Je viens d'observer dans mon service, à la Policlinique générale de
Rio de Janeiro, un cas intéressant à plusieurs points de vue.
Voici d'abord les faits :
Observation (PI. IX).
J. C. A..., homme, 33 ans, brésilien, blanc, charpentier. Un ne peut con-
naître grand'chose de ses antécédents héréditaires. Le malade affirme, toute-
fois, qu'il n'y a pas dans sa famille d'affection pareille à la sienne, ni d'affec-
tion nerveuse d'aucune sorte.
Pour ce qui est des antécédents personnels, rien in Baccho el Venere. Il
raconte qu'il a souffert dans son enfance d'ulcérations sur tout le corps ; elles
ont disparu à l'age de 17 ans, lorsque se sont présentées des saillies cutanées,
de petits nodules et tumeurs.
A l'examen du malade, ce qui frappe tout d'abord, ce sont les tumeurs, en-
viron 67, irrégulièrement distribuées sur la surface du corps ; l'une, plus
grosse, existant depuis 19 ans, fait saillie au niveau du^sternum (8 cent, dans
le sens horizontal sur 6 dans le vertical) ; il y en a d'autres, de différentes dimen-
sions ; quelques-unes sont très petites. Les tumeurs se voient surtout au tronc,
en avant comme en arrière, et moins fréquemment aux membres supérieurs,
elles sont très rares aux membres inférieurs. On en trouve une à la face, à
la hauteur de l'union du corps du maxillaire inférieur avec sa branche ascen-
dante droite.
Ridées, plus ou moins résistantes, lisses et.légèrement anfractueuses (ce qui
est très net sur la plus grande), indolores, un peu prurigineuses, de couleur
plus foncé que le restant de la peau, quelques-unes un peu violacées, ces
tumeurs, sont en certains endroits assez adhérentes, dans d'autres mobiles
entre la peau et les plans sous-jacents.
On voit à l'hypochondre une tumeur-dont l'aspect est différent des autres ;
c'est un kyste sébacé.
On aperçoit encore, sur la surface cutanée, de petites plaques pigmentées,
2 2 DE CASTRO
A la face on note un peu de mélanodermie diffuse, un teint terreux, un peu
jaunâtre.
D'autre part, on remarque que le malade a une tête et des mains acroméga-
liques, et aussi une scoliose bien évidente, avec inclinaison du tronc du côté
droit.
Les réflexes sont normaux, exceptés les rotuliens qui paraissent un peu
diminués.
Sensibilité parfaite.
Il faut encore mentionner une céphalée diffuse, des douleurs dans les mem-
bres inférieurs surtout, à peu près continues avec exacerbations de temps à
autre, de l'asthénie générale (le malade a dû abandonner son métier depuis
quelques années), de l'impuissance génitale. Tous ces phénomènes datent de
quelques années.
Rien d'anormal au point de vue psychique, ni pour les appareils respiratoire,
circulatoire, digestif et urinaire. L'examen des urines a démontré de la gly-
cosurie, avec la densité de 1030.
Enfin, il existe des troubles oculaires, une diminution de la vision, surtout
à gauche. Le malade ne sait préciser l'époque du début de ces troubles. L'exa-
men du fond de l'oeil, dont s'est chargé notre confrère le Dr Monra Brazil (fils),
a démontré de l'atrophie des deux nerfs optiques, très avancée du côté gauche.
Le champ visuel était très rétréci à l'oeil gauche (côté nasal).
Les phénomènes cliniques que nous venons d'exposer nous ontconduit
au diagnostic de maladie de Recklinghausen avec acromégalie.
Le syndrome cutané, dans son simple aspect objectif était déjà très
clair. L'examen histologique des tumeurs, pratiqué par notre confrère le
Dr E. Meirelles, en a donné la confirmation. Il s'agissait de fibromes.
L'imprégnation au nitrate d'argent d'après la méthode de Cajal n'a pas
démontré l'existence de fibres nerveuses. Mais l'examen complet des nerfs
SUR LA COEXISTENCE DE LA MALADIE DE RECKLINGHAUSEN 43
périphériques seul permettrait de décider s'il n'y a pas coparticipation
des nerfs.
En publiant ce cas, je me propose surtout de signaler la coexistence
clinique de la neurofibromatose généralisée avec l'acromégalie ; s'agit-il
d'une simple coexistence accidentelle de deux types différents que le
hasard réunit dans le même malade, ou de relations pathogéniques entre
les deux espèces nosologiques ? C'est ce qu'il faudrait discuter.
Que les phénomènes acromégaliques soient indiscutables chez notre ma-
lade ; la chose est bien certaine. Il suffit de considérer son faciès, avec un
peu de prognathisme du maxillaire inférieur, son nez volumineux, ses
lèvres charnues, ses oreilles saillantes.
Les mains sont grosses, courtes, du type large de M. Pierre Marie.
Pour ce qui est de la scoliose il est difficile de dire si elle tient dans ce
cas à l'acromégalie, vu la fréquence du développement des lésions sque-
lelliques au thorax-et à la colonne vertébrale dans la maladie de Reck-
linghausen, comme l'ont démontré MATI. Pierre Marie et Couvelaire (1).
Parmi les phénomènes communs aux deux états sont l'asthénie et l'im-
puissance ; elles étaient bien nettes dans notre cas.
Mêmes difficultés en ce qui concerne les douleurs ; il est impossible pour
le moment d'affirmer si elles ont leur cause dans des fibromes des nerfs
profonds ou si on doit les rattacher à l'acromégalie (2).
C'est à cette dernière qu'on doit subordonner, à notre avis, la céphalée,
la glycosurie et, sans doute, les phénomènes oculaires.
Cette observation de maladie de Recklinghausen rentre donc au nom-
bre de celles où il y a pluralité des manifestations du processus dystro-
phique.
D'autre part la clinique a maintes fois démontré l'origine pluriglandu-
laire de la dystrophie. On connaît de nombreuses observations dans les-
quelles, à côté de la neurofibromatose, se trouvent, sous des aspects très
variés, des phénomènes d'insuffisance ovarique, supra-rénale, thyroï-
dienne et hypophysaire.
Les fails de cette dernière espace nous semblent surtout intéressants.
Au cours des recherches que nous avons faites nous n'avons trouvé que
deux observations de mal de Recklinglausen avec acromégalie. La nôtre
est la troisième.
(t) Nouvelle Iconographie de la Salpêtrière, 1900, p. 26-40.
(2) En effet les douleurs se trouvent en 5 0/0 des cas d'acromégalie. Voir la thèse
de STATE (Paris, 1900), ou P. SAINTON et ,T. STATE, La forme douloureuse de l'acromé-
galie, Revue Neurol., 1900, p. 302.
44 DR CASTRO
Citons d'abord le cas de Feindel et Froussard (1), le moins concluant
des trois ; les signes acromégaliques se réduisaient à l'aspect caractéris-
tiques de la tête et à des troubles visuels, sans aucun des signes accessoires
de cette espèce morbide. Les auteurs s'expriment de la façon suivante :
« Notre malade a une tête d'acromégale ; est-il acromégalique ' ? L'appa-
rence extérieure de son chef, les lésions du fond de l'oeil font que cette
question ne peut être résolue par la négative. » -
Plus complète est l'observation de Piollet (2) pour ce qui a trait aux
phénomènes acromégaliques, bien marqués dans leur caractéristique mor-
phologique.
En résumé, les deux cas précédents ajoutés à celui dont nous publions
l'histoire clinique prouvent que, loin de constituer une éventualité clini-
que impossible, la coexistence de la maladie de Recklinghausen et de
l'acromégalie est parfaitement réalisable, ce qui s'explique par certaines
analogies patbogéniques.
(1) E. FEINDEL et P. Froussard, Dégénérescence et stigmates mentaux, malformation
de Vecloderme : myoclonie episodique, acromégalie possible (Pa1'OfIlyoclonus multi-
plex dans un cas de maladie dé Recklinghausen). Revue Neurol., 1899 p. 46.
(2) E. PIOL1.ET, Neurofibromatose généralisée avec énorme tumeur royale du poids
de 5 kit. 600 et 602 tumeurs satellites beaucoup plus petites (Gazette des hôpitaux,
1902, n 137, p. 1347).
NOUVELLE IGO1VOGNAYHIE DE LA SALPL71tILItE.
T. XXV. 1>1. X
UN CAS DE NEUROFIBROMATOSE
à plusieurs années de distance.
(Touche)
SOCIÉTÉ DE NEUROLOGIE DE PARIS
NEUROFIBROMATOSE GÉNÉRALISÉE
PAR
TOUCHE
(d'Orléans).
Les photographies ci-contre, qui représentent un cas de neurotibroma-
tose généralisée observé à plusieurs années de distance, peuvent avoir un
intérêt iconographique documentaire.
Voici, brièvement résumée, l'observation :
. Observation (Pl. X).
X ? âgé d'une soixantaine d'années, exerçait la profession de cultivateur.
Rien à noter dans ses antécédents. Parents bien portants, pas de tares ner-
veuxses.
Le malade a fait quatre années de service militaire sans être jamais arrêté.
A vingt-cinq ans, apparut une maladie qualifiée par lui de rhumatisme. Il
éprouva de violentes douleurs et dut garder le lit plus d'un an. Mais la guérison
fut complète et le malade put reprendre sa profession.
Il se maria et eut plusieurs enfants qui vivent encore et qui sont normaux.
Certains ont eu même déjà des enfants bien portants.
Entre 25 et 30 ans, le malade constata l'apparition sur la peau du tronc de
petites tumeurs molles, réalisant les caractères d'un molluscum pendulum.
Ces petites tumeurs ne dépassaient pas la racine des membres. Seule l'une
d'elles se développa sur le sommet de la tête au niveau d'une cicatrice du cuir
chevelu.
Pendant trente ans, lentement, progressivement ces tumeurs augmentèrent
de volume et de nombre, sans du reste gêner en rien le malade, car elles
étaient tout à fait indolores.
Vers l'âge de 50 ans, le malade fut atteint de hernie et entra à l'Iôtel-Dieu
d'Orléans pour subir la cure radicale.
L'opération eut des suites très simples; la cicatrisation fut rapide et com-
plète et on ne remarqua pas ultérieurement de tumeurs sur la cicatrice opéra-
toire.
C'est à cette époque que remontent les premières photographies, les autres
montrent l'état du malade cinq ou six années plus tard. Il avait toujours existé
une certaine pigmentation de la peau ; cette pigmentation augmenta dans les
dernières années, atteignant surtout les plis articulaires, mais il n'y avait
pas parallélisme entre la pigmentation d'une région et le nombre et le volume
des tumeurs. 1)
46 F ! . TOUCHE. - NEUROFIBROMATOSE GNÉRALISE
Le malade entra à l'hôpital général, comme vieillard, sans s'être jamais
plaint d'aucun symptôme rattaclable à son affection. Il était d'intelligence nor-
male, d'humeur paisible, sans trace de rien d'insolite dans ce psychisme.
Le malade succomba dans l'épidémie de grippe de 1910. L'examen macros-
copique des centres nerveux fut négatif. On trouva de l'infiltration tubercu-
leuse des deux sommets pulmonaires ; on outre, à gauche la plèvre très épaissie
contenait dans sa cavité un peu de liquide séro-sanguignolent. Les ganglions
mésentériques- étaient augmentés de volume et l'on voyait à la surface de l'iu-
testin de petits nodules probablement tuberculeux.
La capsule de la rate était très épaissie et farcie de nodules cartilagineux.
En somme, abstraction faite des lésions cutanées, l'autopsie nous fournissait
les pièces d'une tuberculose banale.
CLINIQUE DES MALADIES DU SYSTÈME NERVEUX DE
L'HOP1TAL PANTELIMON (BUCAREST)
DEUX CAS DE PSEUDO-TUMEUR CÉRÉBRALE : MÉNINGITE
SÉREUSE ET HYDROCÉPHALIE ACQUISE.
l'Alt
, G. MARINESCO et M. GOLDSTEIN
(de Bucarest).
Dans les derniers temps, les cas qui offrent un complexus symptoma-
tique justifiant le diagnostic de tumeur cérébrale, mais où plus tard la
marche de l'affection ou l'autopsie même sont venues démentir ce diagnos-
tic, se sont multipliés. De tels cas, assez variables comme substratum ana-
tomo-pathologique, sont généralement désignés, à l'exemple de Nonne (1),
sous le nom de pseudo-tumeur cérébrale. Ce ternie, qui n'est pas satisfai-
sant, trouve cependant son utilité en clinique. Depuis quelques années, on
tend à isoler du groupe des pseudo tumeurs cérébrales les cas où on peut
porter le diagnostic pathogénélique. Ce sont surtout ceux de méningite
séreuse et d'hydrocéphalie.
Récemment nous avons eu l'occasion de suivre deux malades chez
lesquels nous avons cru tout d'abord avoir affaire à une tumeur du
cerveau chez l'un et du cervelet chez l'autre. Pour le premier, la marche
de la maladie, chez le second l'examen microscopique du liquide céphalo-
rachidien, nous ont mis sur la voie d'un diagnostic exact. Chez tous les
deux il s'agit de la méningite séreuse, affection assez bien connue depuis
les travaux de Quincke (2). Ces cas nous paraissent d'autant plus intéres-
sants qu'ils offrent un contraste comme localisation du processus inflam-
matoire. Dans le premier, la méningite séreuse a siégé à la surface du
cerveau, dans le second à la base et dans les ventricules, donnant lieu à
une hydrocéphalie considérable qui a causé le dénouement fatal par les
phénomènes de compression.
(1) M. Nonne, Ueber Pâlle voit ymptomencouplex « Tumor cerebri » mit Ausgang in
Heilung (Psercdolumor cerebri). Ueber létal vel'lall(ene Faite von « Pseudotumor cerebri »
mit Sektionsbefund. Deutsche Zeitschrift sur Nervenheilkunde, vol. XXVII, ne 3-4.
(2) H. Quincke, Ueber Meningitis serosa. Volkmanu's Sammlung klinischer Vor-
trage, 1893, no 67 ; Ueber bleningitis serosa und vei-waeadle Zustânde. Deutsche
Zeitschr. f. Nervenhcilk, vol. IX, 1897.
48 MARINESCO ET GOLDSTE1N
Voici les observations de ces deux cas :
OBSERVATION ! .
H. B...., 37 ans, marié, employé dans un magasin de confections pour
hommes.
Antécédents héréditaires el collatéraux. Son père s'est suicidé par em-
poisonnement. Sa mère est bien portante. Il a un frère et deux soeurs tous en
bonne santé. Sa femme a avorté 3 fois, mais toujours à l'aide de différentes
manoeuvres abortives, ne voulant pas avoir d'enfants.
Antécédents personnels. Il eu à l'âge de 22 ans une blenorrhagie, il
nie d'une manière absolue la syphilis et l'alcoolisme dans ses antécédents. il
ne fume pas. Garçon de magasin étant encore enfant. Depuis quelques années
il souffre souvent de maux de tête, quelquefois intenses, le plus souvent sup-
portables. Ces maux de tête sont localisés fréquemment à la moitié gauche du
crâne.
Historique de la maladie. Quelques jours avant de tomber malade il a
eu un choc psychique. Des clients mécontents de ce qu'on leur avait refusé
l'échange d'un paletot commencèrent une querelle avec le patron du magasin,
qui dégénéra en voies de fait. II est venu à l'aide de son patron, sans avoir été
frappé, mais il a été très émotionné et fort troublé de cette scène, il a eu des
maux de tête.
Quelques jours après, le soir du 20 novembre 1910 il revient à l'heure ha-
bituelle de son magasin et pendant qu'il dinait, il sent des mouvements con-
vulsifs dans les muscles du côté droit de la face. Alarmé, il veut quitter la
table, il se lève, mais après un pas ou deux, les convulsions se communiquent
au membre supérieur droit, avec lequel il a l'air de se frotter le côté antéro-
latéral du thorax. Après quelques instants le membre inférieur droit est éga-
lement pris par les mouvements convulsifs et le malade tombe par terre.
Les convulsions se généralisent, ayant tous les caractères d'un attaque
d'épilepsie, elles persistent pendant une minute à peu près. Le malade est mis
au lit, il revient peu à peu sans se rendre compte de ce qui s'est passé.
Un médecin appelé d'urgence lui prescrit une potion bromurée qu'il conti-
nue à prendre encore le second jour, quoiqu'il se sente assez bien et il s'en
retourne au magasin.
Le second soir l'accès convulsif se répète, en commençant de la même ma-
nière que le soir précédent, avec la différence qu'il a plusieurs accès subiu-
trants à l'intervalle de quelques minutes. L'un de nous (M. le professeur Mari-
nesco) appelé, institue un traitement bromure anti-épiteptique. Le malade reste
au lit, il a des maux de tète très intenses et des vertiges.
La céphalalgie augmente, localisée dans la région fronto-pariétale gauche.
Des analgésiques (un mélange de pyramidon, bleu de méthylène, etc.) n'ont pas
d'effet calmant.
Le malade est très prostré, il gémit, il se plaint de ses maux de tête, il
prend avec difficulté les aliments qui consistent en du lait et de la soupe. Il
DEUX CAS DE PSEUI)U-I UJIEUIt CËHËHHALË 4 il
est constipé. Son état s'aggrave et le 24 novembre, eu l'examinant de nouveau
nous constatons :
Le malade est de constitution faible, le tisssu adipeux et musculaire peu
développé. Il porte continuellement sa main gauche au côté douloureux de la
tête, il gémit, et quoique un peu obnubilé et parlant avec difficulté, il se plaint
de maux de tête insupportables. 11 a vomi les aliments pris le soir précédent.
Le membre supérieur droit est parésié, il ne peut exécuter avec que des mouve-
ments limités, ni le soulever au-dessus de la tête. Le langage est à peine intel-
ligible, le malade présentant des troubles aphasiques. Le membre inférieur
droit est également faible, les réflexes rotuliens sont exagérés, surtout du côté
droit. L'excitation de la plante droite produit l'extension du grand orteil mais
pas d'une manière constante. Le malade peut rester debout et même faire quel-
ques pas mais il se plaint de vertige, il oscille, de sorte que si ou ne le soutient
pas il tombe vers le côté droit.
Le jour suivant les symptômes cérébraux se sont aggravés encore. La cé-
pbatée persiste avec des exacerbations qui le font gémir et elle est localisée
toujours à la même-région du crâne. Les troubles aphasiques et la paralysie
du côté droit ont augmenté. Il vomit tout ce qu'on lui donne. Ayant en vue
ces symptômes nous mettons le diagnostic de tumeur cérébrale. °
Un confrère appelé en consultation par la famille du malade est d'opinion
qu'on essaie un traitement antisyphilitique. Le 26 novembre on commence à
lui faire des injections avec du bibromurede mercure, tous les deux jours une
injection de 0,03 centigr.
Le mauvais état du malade progresse encore. Il ne peut plus parler du tout ;
les membres du côté droit sont complètement paralysés, les réflexes tendineux
très diminués, pas de Babinski. Les pupilles sont égales et réactionnent à la
lumière. Le malade laisse sous lui l'urine et les matières fécales. Il gémit
continuellement, sa figure exprime la souffrance. Les vomissements sont moins
fréquents.
30 novembre. La température normale jusqu'à présent, montre de légères
élévations, surtout vers le soir, quand le thermomètre indique de 3 î°8 j usqu'à
8 ? Le malade est complètement inconscient, il ne remue plus les membres
du côté gauche. Il ne peut plus être nourri à cause des troubles de la déglu-
tition. Jusqu'à présent le malade était alimenté avec du lait qu'on lui admi-
nistrait avec la cuiller; quant le liquide arrivait dans la gorge, faisait incons-
ciemment le mouvement de déglutition. A présent le lait reste dans la gorge
et suit les mouvements de la respiration, qui est stertoreuse. Pour prévenir
l'asphyxie, l'alimentation par la bouche doit être complètement supprimée. Le
malade est congestionné à la face, les artères temporales sont dilatées et pul-
satiles. On lui applique un emplâtre vésicant à la nuque.
31. L'état du malade parait être meilleur, il a ouvert les yeux et il a pu
prendre quelques cuillers de lait. Il reste toujours inerte et on le retourne
avec difficulté pour lui faire les injections mercurielles.
5 décenibre. L'état du malade commence à s'améliorer malgré que le
xxv - 4
50 MARINESCO ET GOLDSTEIN
mouvement fébrile persiste. Il est toujours gâteux, mais l'obnubilation intel-
lectuelle est moins intense.
7. - L'amélioration est assez appréciable, le malade commence à remuer
avec ses membres et à parler, mais toujours dans le jargon aphasique. Il
demande le vase pour uriner. Il déglutit assez bien son lait qu'il peut prendre
directement du verre. Il continue à se plaiudre de sa céphalée, mais celle-ci
semble céder.aux analgésiques (pyramidon et lactophénine). La température
revient à la normale et la convalescence commence.
9. Le malade se plaint de vertige et de temps en temps de maux de tète
assez intenses. Il peut faire quelques pas, mais la démarche est peu sûre de
sorte que si on ne le soutient pas il tombe. L'aphasie a complètement disparu,
de même que la paralysie, pourtant la force musculaire du côté droit est
moindre que celle du côté gauche.
ils Le malade va beaucoup mieux, il ne se souvient en rien de ce qui
s'est passé pour lui, à partir du soir de sa seconde attaque convulsive.
15. - L'amélioration est considérable. Le malade peut sortir en ville et des-
cendre tout seul l'escalier de sa demeure. On cesse les injections mercurielles
élevées au nombre de 10. Parfois, il a encore des maux de tête, mais qui
cèdent au pyramidon. Les troubles de la parole ont disparu, le malade est au
contraire très loquace et plaisante volontiers en opposition avec son caractère
habituel qui est taciturne et timide.
4 janvieo z Le malade complètement guéri reprend ses occupations
au magasin.
4 i. - Réaction de Wassermann négative.
30. Le malade est venu le soir du 27 janvier de son magasin en se plai-
gnant de maux de tête. La céphalée s'accroît rapidement et le malade tombe en
prostration. On constate de la faiblesse et de la parésie dans les membres du
côté gauche. Léger mouvement fébrile : 37"6. Le malade est congestionné et
agité. On reprend les injections mercurielles.
1er février. L'état de prostration a diminué et le malade se plaint de sa
céphalée qu'il localise cette fois nettement du côté droit de la tête. Il souffre
de l'insomnie et il délire surtout pendant la nuit. Il a la sensation qu'on le
soulève avec son lit, il croit avoir une barre de fer sous son édredou et il tâ-
tonne avec la main pour se convaincre de son existence. Pendant la journée
les hallucinations sont moins vives et il peut encore être convaincu par les
siens que ce sont des sensations fausses.
3. - Son état empire rapidement. Il se produit une hémiplégie gauche
complète. La céphalée est très intense, il tombe de nouveau en prostration
complète et en gâtisme. On lui applique de nouveau un emplâtre vésicant.
5. - Son état commence de nouveau à s'améliorer.
8. L'hémiplégie gauche, la prostration et la céphalée ont beaucoup dimi-
nué, mais les hallucinations ont augmenté en intensité et se sont accompa-
gnées d'un délire de persécution. Il croit qu'une belle-soeur qui le soigne
lui fait des sortilèges, que son lit exécute pendant la nuit des mouvements
DEUX CAS DE PSEUDO-TUMEUR CÉUÉBIIALE 51
d'ascension jusqu'au plafond et ensuite de descente, ce qui, naturellement,
l'empêche de dormir.
Le premier jour, il se maîtrise et ne communique ses doutes qu'à ses parents,
de sorte que c'est la famille qui attire notre attention sur ces troubles mentaux,
pendant que le malade nous les cache. Il parle avec nous très rationnellement,
mais nous nous apercevons qu'il est préoccupé, méfiant, et à un moment donné,
pendant notre visite, il prie l'un de nous de mettre la main sur son édredon et
de lui dire si nous ne sentons pas là un morceau de fer. La démarche est peu
sûre, titubante, si on ne le soutient pas, il tombe.
9. Le malade ne peut plus se maîtriser, et pendant la visite médicale sa
face se congestionne brusquement, il commence à pleurer et nous dit qu'il ne
peut plus supporter ses souffrances, qu'il est indispensable que nous sachions
tout ce qu'on lui fait et que s'il s'est tu jusqu'à présent, c'est qu'il avait honte
de raconter à des personnes étrangères tout le mal qu'il supporte de la part de
ses parents qu'il aime cependant beaucoup. Sa belle-soeur, dit-il, lui fait des
sortilèges pour se venger du fait qu'au lieu de s'être marié avec elle, il a
épousé sa soeur; que pendant la nuit, il est soulevé avec le lit et jeté en l'air
comme une balle, que pendant la nuit dernière il a été même soulevé avec
toute la maison et transporté ailleurs, que la maison fut soulevée très haut à
plusieurs reprises, qu'il se passe des choses bizarres autour de lui. Un vase
avec des fleurs artificielles qui reste au coin d'un garde-robe s'est transformé
pendant la nuit en une tête d'homme qui remuait, etc.
Nos exhortations le tranquillisent un peu ; à certains moments, ces troubles
ont des périodes d'exacerbation. Sa famille reconnaît d'avance leur venue par
le fait que le malade commence à s'agiter et que sa face se congestionne.
19. Les troubles paralytiques ainsi que la céphalée ont disparu presque
complètement, le malade peut marcher, mais son délire a beaucoup augmenté,
il est très agité, il veut partir et il demande avec insistance ses effets pour
s'habiller car il ne peut plus supporter ce qu'on lui fait chez lui. Il ne cache
plus à personne son délire et ses doutes. Il nous raconte-qu'eu se réveillant le
matin il a remarqué qu'on lui a changé le papier des murs de sa chambre,
dont les fleurs bleues auparavant, sont devenues grises. Pendant la nuit il a
été transporté ailleurs avec la maison tout entière. Sa femme, qu'il aime tant,
raconte-t-il en pleurant, le trahit. Tous ses parents sont conlie lui et il ne sait
pas pourquoi, car il n'a fait de mal à personne d'etitr'eux. Il n'accuse plus
de maux de tête. Il souffre de l'insomnie malgré une potion de chloral et de
bromure.
21. Son délire s'exagère encore de sorte qu'il devient menaçant pour ses
proches. Il veut s'enfuir de chez lui et il veut frapper ceux qui cherchent à
l'empêcher, de sorte que sa famille demande son internement à l'hôpital. Le
malade accepte d'entrer dans le service de la clinique des maladies nerveuses
de l'hôpital Pantélimon, seulement pour quitter sa maison, car auparavant il
refusait l'internement que nous lui avons proposé. Il s'habille en pleurant pour
aller à l'hôpital, et il nous prend comme témoins de ce qu'il possède car il est
sûr qu'où va lui prendre tout pendant son absence.
52 MARINESCO ET GOGDS'l'E1N
22. - Examiné à l'hôpital on note : rien d'important au point de vue so-
matique. Les pupilles sont égales. Le réflexe pupillaire est conservé à la lu-
mière et à l'accommodation, mais la réaction est un peu lente. Les réflexes ten-
dineux et cutanés sont normaux. La mobilité est conservée. Du côté de la
sensibilité subjective le malade dit qu'il se produit comme un brouillard devant
son oeil droit quand il fait un effort, par exemple quand il serre le dynamomè-
tre. Il n'a pas de vertige et seulement de'légers maux de tête.
La sensibilité objective et la démarche sont normales.
Etat psychique. - Le malade ne se souvient pas tout à fait de ce qui s'est
passé pour lui dans les derniers temps, il ne sait pas exactement la date du
mois, interrogé il dit que c'est le 9 mars 1911. Il raconte volubilement toutes
les misères qu'on lui a faites chez lui,comment il a été soulevé avec sou lit,avec
la maison, comment on lui a changé la couleur du papier des murs, et tout cela
à cause des sortilèges de sa belle-soeur. Il discute ses hallucinations, il dit que
nous n'y croyons pas, qu'il sait que nous rions de lui, car les hommes de
science sont ainsi qu'ils ne croient pas aux sortilèges. Lui non plus, dit-il, n'y
croyait pas auparavant et qu'il riait des autres, mais s'il nous était arrivé tout
ce qui lui est arrivé à lui, nous y croirions également. La preuve ajoute-t-il
qu'on lui a fait des sortilèges c'est qu'on l'a laissé tranquille cette nuit qu'il a
passée à l'hôpital et qu'il a assez bien dormi. Pourtant l'infirmière nous dit
qu'il est descendu plusieurs fois de son lit, qu'il est allé jusqu'aux lits des
autres malades et qu'il a été un peu agité.
Le calcul mental est bon : 7 + 8 = 15, 9 + 8 = 17, 9 + 6 = 15,
15 + 17 = 32, 18 + 19 = 37.
24. Son état psychique s'est beaucoup amélioré, il croit encore tout ce
qui lui est soi-disant arrivé chez lui, pourtant il écrit des lettres affectueuses
à sa femme, en la priant de lui envoyer différents objets. 11 n'a plus le dé-
lire de jalousie.
On lui pratique une ponction lombaire qui donne sortie à un liquide clair,
sous pression moyenne. Centrifugé et examiné au microscope on constate une
lymphocytose très abondante. La réaction des globulines est négative. Il accuse
une forte céphalée après la ponction lombaire.
3 mars. - L'état psychique du malade s'est amélioré progressivement et
depuis quelques jours il ne présente plus rien d'anormal. Il écrit à sa femme
et à ses parents des lettres affectueuses en les priant de venir le prendre, car
étant tout à fait guéri il ne veux plus rester l'hôpital, ne pouvant pas sup-
porter la vue des autres malades. Il a gardé le souvenir de son ancien délire et
il reconnaît que ces idées et ces sensations lui doivent être venues à la suite
de sa maladie cérébrale. Il n'a plus de la céphalée, il s'oppose à une nouvelle
ponction lombaire. Il quitte l'hôpital.
Il consulte encore de temps en temps l'un de nous et il suit dans un établis-
sement public une cure légère d'hydrothérapie, de plus, il prend une potion
contenant du gtycérophosphate de soude et du bromure de potassium. Il a re-
pris ses occupations au magasin.
DEUX CAS DE PSEUDO-TUMEUR CI : ldnR¡\LF. .f>3
4fï. Il commence à souffrir de nouveau de ses maux de tête, qui de-
viennent de plus en plus intenses et ne cèdent plus aux analgésiques.
20 mai. - Le malade est de nouveau en état de prostration, il gémit et
porte continuellement la main à la tête. Il ne répond qu'avec difficulté, en se
plaignant de ses maux de tête. " .
22. - L'état de prostration persiste, le malade est congestionné à la face, il
gémit et il présente de temps en temps des tressaillements dans le membre
supérieur gauche. '
23. - L'état de prostration est beaucoup plus intense, il gémit continuelle-
ment et il ne répond plus aux interrogations. Le membre supérieur du côté
gauche, surtout les doigts et les mnscles de l'avant-bras, sont le siège de tres-
saillements continuels.
24. Il s'est produit une hémiplégie gauche complète, l'état de prostration
et d'inconscience persiste. -
Le malade reste dans cet état pendant quelques jours ; après quoi, il s'amé-
liore peu à peu, l'hémiplégie disparaît et le malade se rétablit complètement.
Il part pour Campulung, station cliniatérique, où il reste pendant deux mois
en suivant une cure d'hydrothérapie. De retour, il reprend ses occupations au
magasin.
16 novembre 1911. - Nouvelle récidive, le malade se plaint de la céphalée
et commence à présenter de nouveau des troubles psychiques.
Observation II
C. V., 17 ans, étudiant l'Ecole des Arts et Métiers.
Antécédents héréditaires. - Son père est bien portant, sa mère se plaint
de temps en temps de maux de tête. Ils ont été 6 enfants dont 4 sont en vie.
L'un est mort à Page de 3 mois, probablement à la suite d'une coqueluche. Un
autre est mort à t'age de 20 ans, tué avec une arme à feu. Les autres trois
sont sains.
Antécédents personnels. Il a souffert pendant plusieurs années de fièvres
palustres. Il n'a pas eu d'autres maladies. Il est né et s'est développé norma-
lement, il a marché et parlé de bonne heure. Il n'a pas eu de maux de tête.
Les fonctions génitales semblent être normales. Il a des érections. Il dit
n'avoir jamais eu des rapports sexuels. Il nie la masturbation.
Il a fait deux classes d'un lycée et puis il a été interne à l'Ecole des Arts et
métiers où il a suivi les cours. Il n'est jamais resté répétant, dans la dernière
classe, il obtint même une prime.
Historique de la maladie actuelle. - Sa maladie date du mois de mai 1910,
elle a eu un début brusque. Dans la nuit, il est pris d'une céphalée violente
avec des vomissements bilieux. Il reste au lit pendant deux jours après quoi
ces troubles ont cessé, sauf les maux de tête qui persistent. Le médecin de
l'école consulté a attribué la céphalée au surmenage et lui a conseillé de prendre
un congé, ce qu'il a fait.
Retourné à la maison, les maux de tête deviennent de nouveau plus intenses,
54 MARINESCO ET GOLDSTEIN
les vomissements se répètent également presque journellement. Les vomisse-
ments accompagnaient les exacerbations des maux de tête, sans se compliquer
de la nausée.
Pendant ce temps, il se sentait épuisé, il se fatiguait très vite et était inca-
pable de tout travail.
Ces symptômes ont persisté, tantôt plus prononcés, tantôt plus atténués
jusqu'en septembre, c'est-à-dire jusqu'au moment où son état a empiré avec
l'apparition de symptômes nouveaux.
La céphalée persiste avec la même violence, sans avoir un siège fixe. Elle
occupe tantôt la région frontale, tantôt la région occipitale. Il survient en
outre, une sensation intense de vertige. Celui-ci se manifestait surtout quand
le malade passait de la position couchée il la station verticale. Les objets
fuyaient devant ses yeux sans pouvoir préciser dans quelle direction. Sa dé-
marche devient incertaine. Il marche en zig-zag de sorte que ceux qui le
voyaient disaient qu'il était ivre. La fatigue survenait très promptement et
il était forcé de s'arrêter do temps en temps. L'apathie el la somnolence se
sont accentuées. Son père nous dit qu'il a changé beaucoup comme état psy-
chique. Il était autrefois vif et loquace, depuis le dernier mois, il est taciturne,
il n'est plus capable d'aucun effort intellectuel, son intelligence est réduite.
Cet état continuant à s'aggraver, son père l'amène à Bucarest dans le ser-
vice de clinique des maladies nerveuses, le 2 octobre 1910.
Etat présent. - A l'entrée dans le service on constate : Le malade est de
constitution robuste. Le tissu adipeux et musculaire est assez développé
pour son âge. Son faciès est peu expressif, le regard trouble, de temps en
temps il fait une grimace provoquée par la céphalée qui a des exacerbations
sous forme d'élancements douloureux très vifs.
Il reste couché dans le décubitus latéral de préférence sur le côté droit.
A l'examen, on trouve tous les symptômes du syndrome cérébelleux, sans
qu'ils soient cependant tous bien nets. La céphalée est permanente, sous forme
d'élancements douloureux. Il dit avoir la sensation comme si un clou pénétrait
dans son crâne. D'autres fois, c'est comme si quelqu'un lui faisait des raclages
dans la tête. Au point de vue du siège, il ne peut pas préciser en quel point
la douleur est plus vive. Il dit qu'elle est également fréquente dans la légion
frontale, comme dans la région occipitale.
Par la percussion, on ne constate pas un endroit plus sensible sur le crâne.
Les vomissements semblent être devenus plus rares pendant les derniers
temps. Il dit que depuis un mois il n'a plus rendu. Auparavant, il vomissait
fréquemment, ensuite une fois par semaine. Les vomissements n'étaient pas
accompagnés de la nausée et survenaient brusquement. Ils se produisaient
pendant les exacerbations de la céphalée et étaient surtout bilieux, rarement
alimentaires.
Les vertiges persistent encore à présent, surtout quand il passe de la posi-
tion couchée à la station verticale. Il a continuellement la sensation que les
objets fuient devant ses yeux.
La force musculaire a beaucoup diminué. Il se fatigue promptement. Il ne
DEUX CAS DE PSEUDO-TUMEUR CÉRÉBRALE J'S
peut pas marcher sur une distance de plus d'un kilomètre. La marche est
titubante. Il fait de petits pas irréguliers en suivant une ligne en zig-zag. Ces
troubles sont plus manifestes quand le malade est fatigué. Dans ce dernier
cas, il a en outre la tendance de tomber en avant, de sorte qu'il est contraint
de presser le pas et de s'appuyer sur la pointe des pieds. Quand il reste de-
bout il ne peut pas garder pendant longtemps l'équilibre, cela lui fatigue la
région lombaire et il tombe sur le dos. Quand on lui demande de se soulever
du décubitus en tenant les,bras croisés sur la poitrine, il est forcé de soulever
les membres inférieurs jusqu'à une hauteur d'environ 30 centimètres pour
pouvoir exécuter ce mouvement.
La vue a beaucoup diminué. L'examen ophtalmoscopique pratiqué par M. le
professeur Stanculeanu montre de la stase papillaire des deux côtés. Les
objets qu'il regarde lui semblent être mobiles, animés de vibrations. Quand
il regarde dés objets plus lointains il les voit doubles.
Les mouvements des globes oculaires sont libres mais il présente une légère
' parésie des deux muscles droits externes, ce qui lui provoque un léger strabisme.
convergent, un peu plus accusé du côté gauche. Il n'a pas de rétrécissement du
champ visuel.
L'ouïe est conservée. Quelquefois il a des bourdonnements dans les oreil-
les.
Le malade présente des troubles sphinctériens. Pendant la journée les mic-
tions sont souvent difficiles, il est obligé de faire des efforts pour uriner. Pen-
dant la nuit il a fréquemment de l'incontinence, surtout quand il est fatigué.
La défécation est souvent très impérieuse de sorte qu'il n'a pas le temps d'ar-
river jnsqu'au cabinet. Le malade dit avoir observé que dans les derniers temps
sa mémoire a diminué. Ce fait s'observe aussi pendant l'examen,le malade oublie '
en effet de donner des renseignements sur des choses qui lui sont arrivées un
jour avant. Son intelligence semble être réduite, il reste impassible vis-à-vis de
son état, et est distrait par des faits insignifiants qui se passent autour de lui,
il a l'air ahuri, il rit très facilement. '
La sensibilité objective est conservée.
Les réflexes rotuliens sont diminués.
Les réflexes achilléens sont normaux.
Les réflexes tricipitaux sont très faibles, à peine perceptibles.
Les réflexes cutanés sont exagérés. L'excitation de la plante des pieds pro-
voque une flexion brusque dorsale du pied et la rétraction du membre inférieur
tout entier. Il ne se produit pas le signe de Babinski.
Le réflexe crémastérien est exagéré, en même temps que l'ascension du tes-
ticule il se produit la flexion de la cuisse sur le bassin. Les réflexes abdomi-
naux sont exagérés.
20 octobre 1910. On pratique une ponction lombaire qui laisse sortie à
un liquide clair sous forte pression. L'examen du liquide montre une lymplio-
cylose très abondante. Les lymphocytes présentent en majorité le protoplasma
coloré en ronge iutense à la suite de la double coloration à l'hématuxiline-éosine.
La réaction des glohulines est positive
50 MARINESCO ET GOLDSTEIN
5 novembre. Depuis quelque temps l'intensité de la céphalée a beaucoup
augmenté. A 6 heures du soir le malade tombe dans un état d'inconscience à la
suite de l'exacerbation de la céphalée. Il présente un état comateux, avec la tête
fléchie en arrière. On lui fait une ponction lombaire et on lui extrait 20 centi-
mètres cubes de liquide céphalo-rachidieo. Dix minutes après le malada revient
peu à peu à lui, en se plaignant de maux de tête insupportables. Il a eu pen-
dant ce temps des vomissements continuels.
6. - A la suite de la ponction lombaire l'état du malade s'est amélioré. La
céphalée est moins intense. L'état général est meilleur.
11. La force dynamométrique est de 85 à droite, de 75 à gauche.
12. - La céphalée a repris son intensité et le malade reste comme d'habitude
courbé sur le côté droit en gémissant et en poussant de temps en temps des
cris provoqués par les élancements douloureux de sa tête. Le malade tient la
tête rejetée en arrière et il ne peut la rapporter en avant qu'avec beaucoup de
difficulté.
95. - 2 heures de l'après-midi.
La céphalée qui a été très intense pendant le matin, détermine une nouvelle
attaque d'état comateux, ces attaques se sont répétées fréquemment ces derniers
temps, toujours pendant les exacerbations très fortes de la céphalée. A cette
heure-ci le malade se trouve dans un état d'inconscience complète, dans le dé-
cubitus latéral gauche, la tête rejetée en arrière, en extension forcée. La res-
piration, par minute, est bruyante. Le pouls fréquent et faible. La face est
congestionnée, les paupières sont entr'ouvertes, les pupilles sont dilatées et
les conjonctives injectées. Il n'a pas présenté de convulsions et reste complète-
ment immobile.
Le malade revient à lui après une injection d'éther, en disant la voix éteinte :
oh, comme j'ai mal à la tète 1 On lui fait une ponction lombaire et on lui re-
tire 15 centimètres cubes de liquide céphalo-rachidien. Son état ne s'améliore
pas et à 6 heures de l'après-midi il succombe.
A l'autopsie, le cerveau, à l'ouverture du crâne, proémine à cause de la
tension intérieure. Les vaisseaux sont congestionnés et les circonvolutions
aplaties et effacées à cause de la compression. A la base, on voit, en arrière
du chiasma du nerf optique, l'infundibulum proéminant et ayant l'aspect d'un
kyste. Les ventricules latéraux sont très dilatés, on n'y voit pas macroscopi-
quement des lésions épendymaires ou choroïdiennes.
Le quatrième ventricule est également très distendu, de sorte que son plan-
cher est constitué par une membrane faisant l'impression d'un kyste.
L'hypophyse, le chiasma du nerf optique, la protubérance, le bulbe et même
le cervelet sont aplatis.
Les méninges de la convexité ont l'aspect normal. Ceux de la surface infé-
rieure du cervelet, malgré qu'ils se détachent facilement, sont pourtant épaissis
et lactescents.
Rien d'anormal dans les autres organes.
Au microscope, on constate que les circonvolutions de la convexité ainsi que
les méninges correspondantes ne présentent pas des lésions appréciables. La
1\OUVFLI Iconographie UF la SALI'1·1RIÎItI.. T. » ? Pl. XI
DEUX CAS DE PSEUDO-TUMEURS CÉRÉBRALES
Méningite séreuse et hydrocéph ¡lie acquise.
(Marinesco et Goldstein)
A. Section du Bulbe, plancher du IVe ventricule. m m, méninges enflammées. p, plexus
DEUX CAS DE PSEUDO-TUMRUR CEREBRALE 57
pie-mère de ces régions n'est pas infiltrée sensiblement et les cellules nerveu-
ses semblent normales. A la base du cerveau ainsi que dans les ventricules
les choses changent d'aspect, l'inflammation y étant assez manifeste. Les lésions
méningitiques sont beaucoup plus intenses dans le voisinage de l'infundibu-
Inm. La pie-mère y est très épaissie, mais l'infiltration n'est pas régulière,
par endroits elle est considérable, à d'autres elle est insignifiante. L'épendyme
est également enflammée, surtout au voisinage des plexus choroïdes, lesquels
adhèrent parfois à l'épendyme par des nodules inflammatoires. Le tissu ner-
veux sous-épendymaire est infiltré dans ces endroits. La substance cérébrale
et bulbaire prend aussi part à l'inflammation, surtout dans les régions où la
méningite et l'épendymite sont plus intenses. C'est ainsi que dans la partie
postérieure des circonvolutions orbitaires, au voisinage du chiasma du nerf
optique, nous avons trouvé un grand foyer d'encéphalite. De même dans le
bulbe, sous le plancher du ventricule, là où le bulbe vient en contact avec les
méninges et avec les plexus choroïdes infiltrés on voit de petits foyers multi-
ples d'inflammation (PI. XI). Les plexus choroïdes sont abondants, surtout
dans le quatrième ventricule, et offrent l'aspect, décrit par tous les auteurs
comme indice d'une hypersécrétion. Ils présentent en outre de l'infiltration
lympbocytaire (PI.Xl). : Dans les méninges on trouve une infiltration diffuse et une autre nodulaire.
Autour des vaisseaux, ainsi que dans leurs parois on voit des accumulations de
lymphocytes et de cellules plasmatiques. A côté de ces formes cellulaires on
voit des cellules grandes, avec un noyau qui présente peu de granulations
basophiles, et possédant un corps protoplasmatique. Ces cellules correspondent
assez bien aux pseudo-plasmazellen de Papadia (1).
La méningite est encore très manifeste sur la face inférieure du cervelet,
où la pie-mère enflammée pénètre dans les anfractuosités des circonvolutions,
mais on ne constate pas des foyers inflammatoires dans la substance cérébel-
leuse même.
Nous n'avons trouvé nulle part des microbes.
Qu'il nous soit permis à présent d'aborder quelques questions que nos
cas peuvent contribuer à élucider dans une certaine mesure.
En premier lieu le terme « pseudo-tumeur » nous semble utile, malgré
que les cas ainsi désignés aientcommencé à diminuer du fait qu'à présent
on réussit mieux à préciser la cause des symptômes cérébraux, surtout
dans les cas de méningite séreuse et d'hydrocéphalie acquise. Mais ces
affections, quoique les plus fréquentes, ne sont pas les seules qui simu-
lent une tumeur cérébrale et dans de tels cas il peut être question égale-,
ment de la syphilis cérébrale,de la thrombose des sinus. Saenger est même
d'avis que certains ramollissements aigus, accompagnés d'hypertension et
(1) G. Papaiua, Le pseudoplasmacellule in alcune leucocilosi ed encefaliti sperimen-
lali, con osseraazioni sulla morfologia délie pl'1smacellllie. Revista di patol. nerv. e
ment, 1910, n- il, p. 670..
58 MARINESCO ET GOLDSTEIN
de stase papillaire, peuvent entrer dans le groupe de pseudo-tumeur. Mais
en dehors de ceux-ci, il y a encore des cas, les seuls peut-être qui méritent
le nom de pseudo-tumeur, où l'on ne trouve aucun substratum anatomo-
pathologique. C'est ainsi que Nonne (1) a publié, entre autres, les obser-
vations de six malades, chez lesquels existait cliniquement le complexus
symptomatique d'un néoplasme cérébral. Trois ont guéri et trois sont
morts. A l'autopsie de ces derniers on n'a pas trouvé une hydrocéphalie
ou des séquelles d'une méningite. Mais le plus souvent, on a affaire dans
de tels cas avec une hydrocéphalie qui simule une tumeur de la fosse
postérieure, or, si nous allons plus loin, c'est-à-dire à la cause lapins
fréquente de l'hydrocéphalie acquise, nous arrivons à la méningile
séreuse.
Un autre facteur qui peut simuler une tumeur cérébrale et auquel il
faut donner quelque attention, est la méningite de la base. Finkelnburg
et Eschbaum (2) ont trouvé parmi sept cas de pseudo-tumeurs, une fois
cette dernière el une névrite des nerfs crâniens comme cause du complexus
symptomatique. Nous-mêmes nous avons eu l'occasion de soigner un
malade qui avait présenté lous les symptômes d'une' tumeur de la base :
de la céphalée, des vomissements, l'atrophie des nerfs optiques, des phé-
nomènes de compression de la part des nerfs crâniens, etc. et à l'autopsie
duquel nous avons trouvé une méningite syphilitique de la base.
Nous n'insisterons pas sur les différents processus pathologiques qui
donnent naissance au tableau clinique d'une tumeur cérébrale, et nous
nous limiterons aux deux causes qui ont provoqué les symptômes céré-
braux chez nos malades. Dans le premier cas la méningite séreuse, dans
le second l'hydrocéphalie consécutive, et à celle occasion nous dirons
quelques mois sur les relations qui existent entre la méningite et l'hydro-
céphal ie. ·
Les manifestations cérébrales très intenses, les paralysies, l'aphasie,
la fièvre, nous font penser que dans notre premier cas la méningite
séreuse initiale s'est accompagnée d'un certain degré d'inflammation dé
l'écorce, c'est-à-dire d'une encéphalite. D'ailleurs il est très probable
qu'un processus inflammatoire plus intense des méninges de la convexité
se transmet aussi plus ou moins il la substance cérébrale. Ce fait a été
vérifié par l'autopsie dans un cas de méningite séreuse par Raymond et
(1)M. Nonne, Ueber Feille von benignen Ilirnlzautlumoren ; über atlypisch verlau/eue
Fülle von Hirnabsces sowie weitere klinische und analomische Beit ? ,âge zur Frage
von Pseiidolumor cerebri. Deutsche Zeitschr. f. Nervenheilk., vol. XXXIII, 1901.
(2) FINKELNBURG et Eschbaum, Zur Kennlniss der sogenannlen Pseudotumor cerebri
mit anatomischenz Beliiiid. Deutsche Zeitschr. f. Nervenheilk., vol. XXXVIII, ne 1-2,
1909.
DEUX CAS DE PSEUDO-TUMEUR CÉRÉBRALE f)9 9
Claude (1), qui y ont trouvé des foyers circonscrits d'encéphalite miliaire.
Dans un cas de Vrijdag (2) il y avait également une plaque d'encéphalite.
Il semble donc que Muskens(3) a raison jusqu'à un certain point en
admettant la participation de l'écorce cérébrale au processus inflamma-
toire et en intitulant ses cas : ellcéphalornéningites séreuses. D'ailleurs
Oppenheim, dans son traité bien connu sur les maladies nerveuses, men-
tionne que les formes aiguës de méningite séreuse peuvent être accompa-
gnées d'encéphalite aiguë non purulente, celte dernière donnant lieu à
des symptômes en foyer.
La participation de la substance cérébrale semble être moins intense
et moins fréquenle dans les cas de méningite séreuse ventriculaire, quand
les lésions se cantonnent seulement à ces régions. Mais dans ces cas la
substance épendymaire est toujours plus ou moins atteinte, ce qui a fait
admettre à certains auleurs que l'épendymile est la cause principale de
l'hydrocéphalie. ,
Nous sommes dans une complète obscurité en ce qui concerne les causes
qui ont provoqué l'apparition de la maladie dans nos deux cas. Le début
brusque, sans aucune maladie infectieuse précursoire, n'est pas du tout
un fadeur pouvant contribuer à élucider l'éliologie de cette affection.
Nous sommes des partisans convaincus de l'éliologie toxi-infectieuse de
la méningite séreuse et des encéphalites, pourtant nos cas plaideraient en
faveur de la théorie angio-neurotique de Quincke. En effet, dans notre
premier cas, nous ne trouvons comme cause immédiate que le choc moral
souffert quelques jours avant l'apparition de la maladie. Chez notre se-
cond malade nous ne trouvons que le surmenage et celui-ci n'est que pro-
blématique. Mais même dans de tels cas, nous sommes d'avis qu'on ne
peut pas éliminer d'une manière absolue le rôle de certains éléments mi-
crobiens, le fadeur angio-neurotique ne constituant qu'une cause favo-
rable à la pénétration el au développement de l'agent toxique ou infec-
tieux, microbes ou toxines qui se trouvent toujours il l'intérieur de notre
organisme. Il y a des faits qui plaident pour la participation du système
nerveux dans beaucoup d'états toxi-infectieux, d'aulres organes, elles
observateurs qui affirment que le plus souvent leméningisme de certaines
maladies microbiennes est le résultat de la participation des méninges au
processus morbide ont raison jusqu'à un certain point. Cela est d'autant
(1) RAYMOND et CLAUDE, Méningite séreuse circonscrite de la corticalité cérébrale.
Semaine médicale, 8 décembre 1909.
(2) Vrijdag, Een geval van Pseudotumor cerebri met status epileplictis bij dreigen-
den doordelijhen afloop, genezen door Il'epal1alie. Ned. Tijdschr. v. Gcn. z,
n° 10. Ann. in Neurologisches Centraiblatt, 1909, p. 132.
(3) 1,. J, J. MusKENS, Encephalomeningitis serosa, ihre ltlinische Unler/'ormen und
ihre Indihationen. Deutsche Zeitschr. f. Nervenheilk., vol. XXXIX, 1910.
60 MARINESCO ET GOLDSTEIN
plus probable qu'il paraît que les méninges sont atteintes même dans les
cas où il manque de phénomènes nerveux. En effet, Liebermeister (1),
parmi onze cas de pneumonie sans symptômes méningiliques et dont le
système nerveux était macroscopiquement normal, a trouvé trois fois au
microscope des lésions de méningite dans la moelle épinière. Le cerveau
n'a pas été examiné. -
La participation des méninges cérébrales semble certaine dans les ma-
ladies infectieuses où les symptômes cérébraux sont fréquents (fièvre ty-
phoïde, exanthèmes aigus, la grippe. etc.). D'ailleurs les travaux d'Hau-
shalter et Thiry, Leroux et Concetti,Munzer, Mya, Netter, Parkes-Weber,
Pâte), Biedert, Heubner, etc., etc. démontrent l'importance des infections
dans la production de la méningite séreuse. Miiiizer (2) est même d'avis
qne la théorie non-parasitaire de Quincke ne peut plus être soutenue.
La méningite séreuse prend une allure différente selon que le point de
départ du processus inflammatoire est la face externe ou bien la base du
cerveau. Naturellement qu'il peut exister toutes les formes intermédiaires,
la méningite ne se limitant pas seulement à une seule région et qu'elle
peut s'étendre à la fois à la convexité et à la base du cerveau, ou elle est
constituée par des plaques diffuses. Quand elle se limite à la convexité
cérébrale, comme cela doit s'être passé dans notre premier cas, ce sont des
symptômes corticaux d'excitation qui prédominent : attaques d'épilepsie,
tressaillements des muscles, tremblements et selon que l'écorce participe
plus ou moins au processus inflammatoire il se produit des paralysies, des
aphasies et des apraxies. '
Quand c'est la base qui est atteinte, ce sont des symptômes de la part
des nerfs craniens qui prédominent, spécialement ceux des nerfs optiques
et oculo-moteurs. Mais dans ces cas vient s'ajouter un élément nouveau
car l'inflammation, soit qu'elle se propage aux méninges ventriculaires,
aux plexus coroïdes et à l'épendyme, soit qu'elle y débute, il se produit
ou bien une stase de liquide céphalo-rachidien par suite de l'obstruction
causée par le processus inflammatoire des orifices de Mouro ou de Magen-
die, ou bien une hypersécrétion de celui-ci et un nouveau facteur vient
d'entrer en ligne : l'hydrocéphalie. C'est de celle manière que les choses
ont dû se passer chez notre second malade. En effet, à l'autopsie nous
avons trouvé une méningite de la base, plus accusée au cervelet et nous
sommes d'avis que celle-ci a été le point de départ de l'hydrocéphalie
consécutive. Dans cette localisation de la méningite séreuse ce sont
\
(1) G. Liebermeister, Die Flliu/igkeit der Meningilis bei Pneumonie. Munchener med.
Wochenschr., n° 15, 15 avril 1909, p. 151.
(2) Müwzan. Cite d'après OPPENHEIM in Lehrbuch der Nervenkrankheiten. IV. éd. 1905,
p. 945.
DEUX CAS DE PSEUDO-TUMEUR CÉRÉBRALE 61
les symptômes de compression qui prédominent, de sorte que dans la
majorité des cas on ne parle plus que de l'hydrocéphalie, la méningite
séreuse n'intervenant plus que comme fadeur causal.
L'hydrocéphalie consécutive à la méningile séreuse se produit de deux
manières : 1° l'hydrocéphalie est d'origine mécanique, l'inflammation des
méninges de la base ou de l'épendyme obstrue les orifices de communica-
tion des ventricules avec les espaces sous-arachnoïdiens et produit une
stase de liquide céphalo-rachidien qui détend les ventricules et donne
lieu il des phénomènes de compression ; 2° l'hydrocéphalie est produite
par une hypersécrétion du liquide céphalo-rachidien, hypersécrétion due
à l'extension du processus inflammatoire des méninges ou de l'épendyme
aux plexus choroïdes. Plus rarement ce sont ces derniers qui sont pri-
mitivement atteints. Cette deuxième modalité de la production de l'hydro-
céphalie à la suite de la méningite séreuse nous semble être beaucoup plus
fréquente, car presque dans tous les cas la ponction lombaire donne pas-
sage à une grande quantité de liquide et sous une forte pression, ce qui
prouve que la communication du liquide des ventricules avec les espaces
sous-arachnoïdiens est libre.
Depuis quelque temps on a donné plus d'importance au rôle des plexus
choroïdes dans la genèse de l'hydrocéphalie interne. La fonction sécré-
Loire de ces formations semble aujourd'hui indubitable. La nature glan-
dulaire de l'épi lhél i um des plexus choroïdes affirmée par Faivre (1)
encore en 1854 a été depuis confirmée par les travaux de Findlay (2),
Galeotti (3), Sludnicka (4.), Obersleinel' (5), Pettit et Girard (6), Imamura
Schinkicki (7), Loeper (8),Schlapfer(9),Francini (10),Enel (ll),Yoshi-
(1) FAIVIIE. Comptes rendus de l'Académie des Sciences, 1854.
(2) I·INDLAY, The choroïd plexus of the latéral ventricles ol the brain ; their hi.stology
normal and pathological. Journal of Neurology, 1891 et Brain, vol. XXII, part. 2,
Sommer, 1899.
(3) GALEOTTI, studio norfologico e citologico délia voila del diencelalo in alettni ver-
tebrali. Riv. di patol. nerv. e ment., 1891. -
(4) STUD\ICti4· Anatomische Ilefte. H. 48; 1900.
(5) H. Obersteiner, Nerodse Centralorgane, 1901, p. 652.
(6) Pettit et Girard, Processus secrétaires dans les cellules de revêtement des plexus
choroïdes des ventricules latéraux consécutifs à l'administration de U muscarine el
de l'éther. C. lt. de la Soc. de Biol., vol. LUI, 1901.
(7) lntnntana SCIIINKICKI, Beilrcige zur Histologie des Plexus claorioideus des 3lenschen.
'Obesteiner's Arbeiten, 1902.
(8) Loeper, Sur quelques points d'histologie normale et pathologique des plexus cho-
roïdes de l'homme. C. R. de la Soc. de Biol., s. du 18 juin 1904 et Arch. de méd.
exp. et anat. pathol., 1904.
(9) SCIIL : IPFER, Ueber den Bau hnd die funktion des plexus cltorioïdetts. Ziegler's
Beitràge, 1905, Festband fiir Arnold.
(10 FRANCINI, Sulla structura e la funzione dei plessi coroidei. Lo Sperimentale
1901, n- 4. f '
(11 ENGEL, Ueber die Sekretiortsersclteinungért in den Zellen der Plexus chorioidci
des Jleusclren. Arc/¡. fiir Zellforschuog, vol. II, 1908.
62 MARINESCO ET GOLDS 1 EIN
mura (1), Biondi (2) et Pelizzi (3).
Pourtant, malgré cette longue liste d'auteurs qui ont étudié la structure,
les fonctions et les lésions des plexus choroïdes, on n'a pas prêté suffi-
samment d'attention à l'état de ces derniers dans la méningite séreuse et
dans l'hydrocéphalie. La description anatomo-pathologique des plexus
dans de tels cas est le plus souvent très sommaire, surtout au point de vue
microscopique.-Dans ceux de date plus ancienne de méningite séreuse où
d'hydrocéphalie acquise, les cas d'Annuske (4.) (1873), deFr. Schultze (S)
(1876), d'Huguenin ((i) (1878), de Plehn (7) (1887), l'état des plexus
choroïdes n'est pas mentionné. Mais dans presque tous il a existé une
méningile de la base et l'épaississement de l'épendyme. Dans celui d'Op-
penheim (1890) on trouve noté que l'épendyme et l'arachnoïde étaient
épaissis au voisinage de l'infundibulum et que les plexus et la toile cho-
roïde étaient oedémateux mais normaux. Dans les cas autopsiés de Quincke
il n'est pas question de l'état des plexus mais seulement de la méningite
et de l'épaississement de l'épendyme.
Claisse et Lévi (8), dans un cas d'hydrocéphalie interne extrême chez
un enfant de trois ans, disent que le plancher des ventricules latéraux
était normal, mais qu'à la place des plexus choroïdes on voit de chaque
côté une formation plissée, ayant l'aspect d'une chenille. A l'examen
microscopique les plexus ne présentent pas des modifications importants,
mais les auteurs les considèrent clans le sens d'une hypertrophie et ils
sont d'avis que l'augmentation du liquide céphalo-rachidien doit être
rapportée aux plexus hypertrophiés. '
Haushalter et Thiry (9) ont examiné sept cas d'hydrocéphalie interne
et un d'hydrocéphalie externe. Chez un enfant de six mois, hérédo-syphi-
(1) YOSHiMURA, Das histochemische Ver Italien des menschlichen Plexus chorioidetts.
Arb. aus d. Wiener Neurol. Inst., vol. XVIII, n° 1, 1909.
(2) G. BIONDI, Sulla fine slrutlura dell' epitelio dei plessi coroïdei.,Arch, fiir Zellfors-
chung, vol. VI, n° 3, 1914, p. 387.
(3) B. PELIZZI, Gxperimentelle hislologische Unlersuchungen icber die Plexus cho-
rioïdei (Adergeflechte). Folia neuro-biologica, vol. V, n° 4, 1911.
(4) ANNUSKE, Die Neurilis oplica bei Tumor cerebri, Arch. f. Ophtalmologie, vol. XIX,
n° 3, 1813.
(5) Fit. Schultze, Zur Lehre von den secundàren Degenerationen. Centralbl. fiir
med. Wissenschaflen, 1816, n° 10 et Die Krankheilen der Hirnheuten und die flylro-
céphalie, 1901, p. 231.
(€) HUOUENIY, Entzündungen des Gehirns und seiner Haute, in Ziemssens, Handb.
der spec. path. et thérap., vol. XI.
(1) F. Plehn, Beitrag zur Lehre von chron. 7 ? OMp/iaMs, Thèse de Kiel, 1881.
8) CLAISSE et LEvi, Etude histologique d'un cas d' hydrocéphalie interne, Bull. de
la Soc. anat. de Paris, mars 1891, n° 7.
(9) HAUSHALTER et C. Thiry. Elude sur l'hydrocéphalie. Revue de Méd., 1897,
vol. XVII, p. 624.
DEUX CAS DE PSEUDO-'IUbIEUR CÉRÉBRALE 63
litique, avec une hydrocéphalie intense, ils ont trouvé des modifications
légères de la pie-mère et très intenses des plexus choroïdes. Dans la par-
tie centrale de ceux-ci, le tissu conjonctif était développé, avec des vais-
seaux très épaissis, entourés de cellules embryonnaires.
D'Astros et Léger ont noté dans l'hydrocéphalie, la présence de cellules
rondes et l'élargissement des mailles des plexus choroïdes. Recklinghau-
sen (1) dans l'un des cas d'hydrocéphalie chronique décrites par Rehn,
considère comme cause principale de l'affection, un processus inflamma-
toire chronique de la toile et des plexus choroïdes : « une choroïdile
chronique hyperplaslique ».
Fr. Schultze dans son livre sur les maladies des méninges et sur l'hy-
drocéphalie, dans le chapitre relatif aux lésions anatomo-pathologiques
de la méningite séreuse, dit que les plexus choroïdes sont ou normaux,
ou hyperhémiques et tuméfiés. Plus loin (p. 215) en discutant l'état des
méninges et des plexus choroïdes dans l'hydrocéphalie chronique interne
congénitale il ajoute : dans une série de cas, on n'a rien trouvé d'anormal,
mais dans ceux-ci on n'a pas le plus souvent donné attention aux plexus
choroïdes ; dans d'autres, on a trouvé surtout à la base du cerveau
un épaississement des méninges el des plexus. Lui-même a trouvé chez
un enfant hydrocéphale qui, à deux mois et demi, avait fait une ménin-
gite aiguë et qui est mort à deux ans et neuf mois, la pie-mère de la base
épaisse et lactescente. Les plexus choroïdes étaient également très altérés,
hypertrophiés et granuleux. L'épendyme présentait des granulations.
. Parkes-Weber (2) a trouvé à l'autopsie d'une femme de 28 ans présen-
tant les symptômes d'une tumeur cérébrale et morte après six mois, une
hydrocéphalie avec un liquide clair. L'épendyme était épaissi, les plexus
choroïdes semblaient normaux. Au microscope ils étaient essentiellement
caractérisés par une infiltration péri-vasculaire sous-épendymaire, sur-
tout au plancher du quatrième ventricule. Les plexus choroïdes étaient
également un peu altérés.
Beck (3) a fait l'examen histologique dans trois cas de méninaile sé-
reuse et il a trouvé, à côté des lésions inflammatoires prédominantes des
parois ventriculaires, des degrés légers de méningite et même d'encépha-
lite. Les plexus choroïdes étaient un peu congestionnés et légèrement
infiltrés par des cellules rondes. '
Gerhardt (4), dans l'un des trois cas d'hydrocéphalie chez l'adulte
(1) VON Recklinghausen il ! Rew, VerJzandhungen des Congresses fil itzttere Me-
diritt, vol. V.
(S) Parkes-Weber, Hydrocéphalie interne de l'adulte, Brain, 1902.
(3) Beck, Jah)-b. fiir Kindeheilkuude, 1903.
(4) GERIIARDT, Hydrocéphalie chez l'adulte. Congrès de 13aden-Badetz 1903, in Revue
neurologique, 1903,-p. 972. '
64 MARINESCO ET -GOLDSTEIN
communiqués au Congrès de Baden-Baden, et duquel il a fait l'autopsie, a
trouvé de l'épendymite de l'épaississement et la dégénérescence fibreuse
des plexus choroïdes du quatrième ventricule.
Anton (1), dans un article du Manuel d'Anatomie pathologique du sys-
tème nerveux, dit que dans l'hydrocéphalie les plexus choroïdes sont
hypertrophiés, mais d'autres fois aplatis et anémiés, qu'ils présentent
souvent des épaississements, séquelles d'une inflammation (méningite
venlriculaire). Dans beaucoup de cas, dit-il, l'inllammalion se propage
des méninges aux plexus choroïdes, à la toile choroïdienne ainsi qu'à la
paroi ventriculaire.
D'après Baginsky (2) l'hydrocéphalie aiguë serait identique avec l'in-
flammation aiguë non tuberculeuse des plexus choroïdes, qui produit une
exsudation exagérée. Mais il n'y a aucun doute pour lui que les parois
ventriculaires sont également prises.
Loeper, dans son travail sur les plexus choroïdes, après avoir décrit
leur structure et en étudiant séparément l'axe conjonctif et son épithélium
affirme que dans le premier on ne voit, à l'état normal, aucune espèce
de leucocyte. Dans les infections et dans les intoxications, dans les mé-
ningites, dans la paralysie générale, dans la sclérose combinée et même
dans le tabès, on voit des vasodilatations, des placards de cellules mono-
nucléaires et un afflux de polynucléaires. Ces éléments franchissent l'épi-
thélium et se répandent à sa surface.
Vigouroux (3) a présenté le 1er décembre 1904 à la Société de Neuro-
logie de Paris un homme âgé de 28 ans, qui présentait un écoulement
permanent de liquide céphalo-rachidien par le nez.Quand cet écoulement
cessait il avait des attaques épileptiques et des troubles meutaux. Il
s'écoulait, en 24 heures, approximativement 800 centimètres cubes de
liquide. Le malade est mort en 1908. A l'autopsie Vigouroux a trouvé
dans le quatrième ventricule une tumeur de la grosseur d'une noix pré-
sentant l'aspect des plexus choroïdes hypertrophiés. L'examen histologi-
que lui a montré qu'il s'agissait d'un papillome développé au compte du
plexus choroïde. Il existait encore une méningite sous-aiguë au niveau
de la face inférieure du lobe frontal.
Delamare et-Caïn (4) dans un cas d'hydrocéphalie aiguë chez un nour-
risson, ont trouvé une méningo-épendymite séreuse, tuberculeuse. Le
maximum des lésions était au niveau des récessus latéraux du quatrième
(1) ANTON, In Handbuch der pathol. Anatomie des Nervensy stems, p. 449.
(2) Baginsky, Traité des maladies de l'enfance.
(3) A. VicouRoux..E'coM<en)eK< de K ? t< : e ep/ta ! o- ? 'ac/H'o ! : e, /i)/d)'o<;ëp/taKe, papt<-
(3) A. VIGOVROVX, Ecoulement de liquide céphalo-rachidien, hdrocéphalie, papil-
lome des plexus choroïdes du IV- ventricule. Revue neurologique, no 7, 1908, p. 281.
(4) Delamare et A. CaïN, 5éalngo-épendymite tuberculeuse, séreuse (hydrocéphalie
aiguë du nourrisson). Soc. de Neurol., s. du 8 décembre 1910.
DEUX CAS DE PSEUDO-TUMEUR CKRKRHALE G5
ventricule, où on voyait au microscope une diapédèse leucocytaire trans-
cpitlléliale et une infiltration leucocytaire marquée autour des formations
gl;llIduliformes sous-épithéliales. Les plexus choroïdes présentaient une
tuberculose atypique pseudofolliculaire el diffuse. -
Merle (1) dans son intéressante thèse, attribue aux épendymites le rôle
principal dans la production de l'hydrocéphalie acquise, mais sans nier
l'importance des plexus choroïdes. Dans ses 29 cas d'épendymile, de mé-
ningite, d'hydrocéphalie el de pseudo-tumeur il ne mentionne pas, dans
la plupart l'état des plexus choroïdes, Dans le cas I il dit que les plexus
choroïdes sont complètement englobés par une couche de tissu conjonctif f
fibreux. Dans l'observation VI, cas de méningite aiguë pneumococcique,
il a trouvé du pus entre les végétations papillaires des plexus choroïdes
et des altérations des cellules épilhéliales en contact avec le pus. Dans le
cas VII, celui d'une méningile aiguë méningococcique, les plexus choroï-
des présentaient des congestions et des infiltrations avec des lymphocytes
dans la trame conjonclivo-vasculaire et des altérations des cellules épithé-
liales. Dans l'observation XI, cas de méningiteaiguë, les plexus choroïdes
présentent il leur périphérie el entre les végétations papillaires du pus :
la Irame conjonclivo-vasculaire est peu congestionnée et ne présente pas
de l'infiltration cellulaire marquée. Dans les cas XII, XIII, XIV, XV et
XXII, tous do méningite aiguë et dans lesquels il mentionne l'étal des
plexus choroïdes, il trouve à peu près les mêmes altérations. Dans le cas
d'hydrocéphalie congénitale, il dit que les plexus choroïdes semblent peu
congestionnés el que les végétations papillaires ne semblent pas modifiées
en ce qui concerne leur nombre, leur volume et la structure des épilhé-
liunis.
Rzenlkorski (2) a présenté à la Société de neurologie et de psychiatrie'
de Varsovie un malade, âgé de 39 ans, présentant des phénomènes céré-
belleux, qui est mort subitement pendant une attaque convulsive. A l'au-
topsie, il a trouvé les méninges du cerveau très tendues et après leur
incision, il s'échappe 200 centimètres cubes de liquide céphalo-rachidien.
Les ventricules latéraux sont très distendus el les plexus choroïdes,
augmentés de volume, ils présentent de nombreuses vésicules, rappelant
des petits grains de raisin, formées par l'accumulation du liquide sécrété
par les plexus.
Comme on le voil, l'analomie pathologique v ieut confirmer jusqu'à un
certain point les données anatomiques et physiologiques qui attribuent
(1) P. Merle, Etude sur les épendymiles cérébrales. Thèse de Paris, 1910..
(2) RzEXTKonsK;, Plexus choroïdes d'une femme moite de méningite séreuse t'eM/<t*
culaire, in Revue neurologique, 1911, n° 9, p. 575.
xxv t- 5
66 MARINESCO ET GOLDSTEIN
aux plexus choroïdes, le rôle principal dans la sécrétion du liquide cépha-
lo-rachidien. '
Pourtant les inflammations congénitales des méninges internes, de
l'épendyme et des plexus choroïdes peuvent avoir pour conséquence non
seulement une hydrocéphalie, mais d'autres lésions du système nerveux
central donnant lieu à des syndromes divers. C'est ainsi que dans l'inté-
ressante thèse de Mme Long-Landry (1) sur la maladie de Little, on trouve
deux observations sur quatre où elle rapporte des lésions inflammatoires
diffuses, reliquat d'un processus infectieux indéterminé, ayant frappé
primitivement les méninges internes cérébrales et spinales, l'épendyme
ventriculaire el les plexus choroïdes.
En examinant nos deux cas, nous avons trouvé dans le liquide céphalo-
rachidien, une réaction cellulaire très intense. Nous sommes d'avis que
ce résultat constitue un fadeur important pour le diagnostic différentiel
entre la méningite séreuse et une tumeur cérébrale. Mais ce résultai positif f
n'a pas été signalé dans tous les cas; il est vrai que le nombre de ceux
où on a pratiqué l'examen cytologique du liquide céphalo-rachidien, est
relativement restreint. Beaucoup d'auteurs, et surtout les allemands, qui
sont justement ceux qui se sont occupés davantage de cetle question, ont
négligé de faire cet examen. Ni Muskens (2), quoique ayant pratiqué dans
ses cas des pondions lombaires répétées, n'indique pas s'il a fait l'examen
cytologique du liquide.
L'absence des microbes et de la réaction cellulaire dans les cavités con-
tenant l'exsudat a été donnée par Qnincke comme caractéristique pour les
méningites séreuses. Mais ce fait ne constitue pas une règle absolue. En
effet, Levi (3), Ch. Leroux (4), Birnbaum (5), Tiktine (6), Knox et Sla-
den (7),ont trouvé dans les cavités cérébrales différents microbes. On a éga-
leiiient noté la présence des éléments figurés dans le liquide céphalo-rachi-
dien. Kroenig (8) donne même la lymphocytose comme pathognomonique
pour la méningite séreuse. Cet auteur, basé sur les recherches d'Hansc-
matin (9) et sur des observations personnelles, soutient que dans la mé-
(il, Mine Long-Landry, La maladie de Lcllle, Etude analomique et pathologique, thèse
de Paris, 1911.
(2) Muskens, Loc. cit.
(3) Levi, De la méningite séreuse due au pneumocoque. Arch. de méd. exp. et anat.
palh"l.. 1991, p. 'il.
(41 Leroux, Méningite séreuse lmfllltlOcoC'ciqllc, Arcli. de 111(' £ 1. des enfants, avril 1900.
,5) Uihndaum, Sur un syndrome méningé causé par le iiirningocoque sans méningite.
Munch. med. Woehenschr., 19u3, W 29.
(6) Tiktine, Ar. Ii. de rnéd. exp. et anat. pathol., 1894, p. 3
(7) KxoxetSLARRN. /7)/(/f0f;ep/)ct<te d'origine méningoroccique. Med. Record, 1908, p. 2.
(8) 1\ nOENIG, llistoloyische und physilialische Lttmbalpttnltlionsbefunde und ihre
f)eUlUJ10. VerhanJI. des 11. Kongr. f. inn. Med., 1899.
0) 11ansesu.ni, Verhandlungen des 15. lionr. r. inn. ;lIed.
DEUX CAS DE l'S EU DO-TUMEUR CEREBRALE <i7
uillgile séreuse les lymphocytes sont considérablement augmentés et que
de celait, elle se distinguerait justement de l'hydropisie par stase et des
simples collections de liquide angéo-neurotiques. Brasch (1) a signalé
aussi la présence des polynucléaires.
Merklen et Devaux (2) examinant le liquide céphalo-rachidien dans un
cas d'hydrocéphalie acquise, ont trouvé de la lymphocytose. Ils emploient
ce résultat, à juste titre, comme un argument en faveur du fait que l'hy-
drocéphalie est la conséquence d'une méningite. Mais tous les résultats
ne concordent pas. C'est ainsiqueBeck(3) soutient que le liquide cépha-
lo-rachidien de ces cas, extrait par ponction lombaire ou ventriculaire,
était clair, peu dense, ne contenait que très peu de .cellules et pas de
microbes. Sorgenle (4), au contraire, dans'lrois cas d'hydrocéphalie chro-
nique, a trouvé dans le liquide céphalo-rachidien, obtenu par ponction
lombaire, un diplocoque analogue à celui delà méningite cérébro-spinale.
La présence de ce microbe dans les méninges donnerait lieu, d'après lui,
à une irritation des plexus choroïdes ayant pour conséquence une sécré-
tion plus abondante du liquide céphalo-rachidien.
Riebold (5) insiste également sur l'importance de la ponction lombaire
au point de vue du diagnostic et du traitement. Ua 1 i III (6) est, au contraire,
d'avis que l'examen cytologique ne donnerait pas des résultats caractéris-
tiques permettant de donner un diagnostic certain. Dans le même sens est
le cas de V. Starck (7) qui, chez un enfant de quatre ans et deux mois,
hydrocéphale depuis l'âge de deux ans à la suite d'une maladie infec-
tieuse avec des symptômes méningitiques graves, a trouvé un liquide clair,
contenant peu de lymphocytes.
Merle, dans sa première observation, où il a trouvé à l'autopsie une
épendunite avec hydrocéphalie, mentionne que le liquide était jaunâtre,
sans pus et qu'au microscope il a constaté une polynucléose pure très
abondante, avec des diplocoques intra-cellulaires. Mais ces résultats ne
sont pas constants. Tout récemment, llarvier et Schreiber (8), dans un
'(1) Buascii, LumbalpullctlO1 ! bei l11Jdrocephalus chi-oiticits. Zeitschr. f. klin. INIedizin,
vol. XXXVI, 1899, p. 85,
(2) P. MEIIKLEN et A. DEVAUX, Hydrocéphalie acquise suite de gastro-entérite. Gaz.
hebd. de méd. et de chir., no 26, 1902, p. 289.
(3) BECK, l3eilrag zur Palhol. und pathol. Anatomie des Vleztingitis serosa acttla
interna. Jahrbuch fiir Kinderlwik., voI.LVIII, 1903.
(4) SOlIGEN1E, Sur l'étiologie de trois cas d' hydrocéphalie chronique. La l'ediatriu,
avril 1905, p. 267.
(5) RIEDOLD, Ueber serôse Meningitis. Deutsche med. Wochenschr, 1906, n° 46.
(6) 13nt.taT, X VIe Congrès international de Budapesth, 1909, in Neurologisches Cen-
tralblatt, 1909, p. 1184.
(1) V. SrAick, Chronischer llydl'oceplwlus inlerztus. Mediz. Gesellschaft in Riel,
s. du 13 février 1909, in Munchener med. Wochenschr., ne 20, 1909, p. ]OX1.
() P. Il.wiets et G. SCIIHEIIJEII, Hydrocéphalie ventriculaire séquelle d'une muezzin-
68 MARINESCO ET GOLDSTEIN
cas d'hydrocéphalie consécutive à une méningite cérébro-spinale méningo-
coccique, disaient que le liquide céphalo-rachidien, extrait par ponclion
ventriculaire, était normal ; sans éléments cellulaires, sans microbes.
Les cas où l'examen du liquide céphalo-rachidien fut pratiqué nous
semblent bien insuffisants pour qu'il soit possible d'en tirer une conclu-
' sion définitive. La lymphocytose abondante de nos deux cas ainsi que les
résultatsd'IIansemann, Kroenig, Merklen et Devaux, Soreute, Riebold,
Merle, de même que les données analomo-palho]ogiques plaident pour
l'existence d'un processus inflammatoire dans les méningites séreuses.
. Nous sommes d'avis qu'il serait intéressant de pratiquer également l'exa-
men du liquide eéphalo-rac11dien dans les cas de céphalée rebelle, et
même de migraine pour obtenir des indications sérieuses el savoir s'ils
peuvent être mis, à l'exemple de Riehold, sur le compte d'un processus
léger de méningite séreuse.
En admettant l'existence d'un processus inflammatoire il doit exister
un certain mouvement fébrile dans les cas de méningite séreuse. Cepen-
dant on a noté généralement l'absence d'une température élevée. Dans
notre premier cas nous avons constaté un mouvement fébrile, non pas dès
les premiers jours, mais à peine quand l'état du malade s'est beaucoup
aggravé. Dans notre second cas nous n'avons pas pu établir s'il avait
présenté au commencement une élévation de la température, laquelle z
pendant son séjour à l'hôpital fut normale.
Les cas où on a constaté un mouvement fébrile ne sont pourtant pas
bien rares. C'est ainsi que Parkes Weber indique que son malade a eu
37°7 ; Beck ne donne pas exactement la température de ses malades, mais
il mentionne qu'elle était un peu élevée mais fugace. Linn Emerson (1)
a noté dans son cas une température de 38°, Gerhardt dit que le malade
qui fait l'objet de sa quatrième observation avait de la fièvre pendant les
récidives. Fraenkel (2) a noté dans son premier cas 37°8, dans le troisième
jusqu'à h0°. Axhausen (3) mentionne également que la température de
son malade était élevée.
Ayant en vue que tous les faits plaident pour l'existence d'un processus
inflammatoire, l'élévation de la température devait être plus fréquente
dans les cas de méningite séreuse. Il est possible qu'elle soit passée sans
observation, dans beaucoup de cas, ceux où elle n'était pas trop élevée et
ile-cérébro·spirzale à méningoenques. Rapport de l'hydrocéphalie et des méningites
aiguës. Soc. de Pédiatrie, 1 : ; novembre 1910, in Revue Neurologique, 1911, I, 692.
- - (1) Linn Emerson, A case of serous meningilis mistaken for brain abcess; opération ,
recouveru, The Laryngoscope, n" 1, 1906.
(2) EVNST ('AnEiIIKEL, Ueber acule serôse leYt21zLliS, Thèse d'ileidelbet,g, 1905.
(3) G. Axhausen, 711l- Ifeuntntss der A : enitagilis serosa aculs, Berliner klin. Wo-
chenschr., n° 6, 1909.
DEUX CAS DE PSEUDO-TUMEUR CÉRÉBRALE 69
où elle a pu être masquée jusqu'à un certain point par les symptômes
cérébraux alarmants. La température peu élevée indiquerait en outre que
le processus inflammatoire n'estpas intense, ce qui expliquerait la marche
relativement favorable de celle méningite.
Dans notre premier cas nous avons noté l'existence des troubles psychi-
ques. Pendant que nous rédigions ces lignes (20 novembre 1911), nous
apprenons que le malade a une nouvelle récidive qui s'est manifestée de
la manière suivante : Dans la soirée du 16 novembre il est pris, pendant
qu'il était encore au magasin de forts maux de tête. Il part à pied pour
rentrer chez lui, mais il ne trouve pas la porte de sa maison, à cause, dit-
il, de l'intensité de la céphalée. Il s'est promené jusqu'à 10 heures du soir
aux alentours de sa demeure, il a rencontré des connaissances et des voi-
sins mais il a eu honte de demander qu'on lui indique sa maison. Peu il
peu sa tête s'est dégagée et il a réussi à monter dans son appartement.
Depuis ce soir-là il est tombé de nouveau malade au lit avec des maux de
tète intenses, se joignant il des accès de hoquets et à des hallucinations
visuelles. Il voit les gravures suspendues sur les murs tantôt déplacées,
lantôl par terre, ou bien tout près de lui. A une de ses tantes, qui est
venue le visiter, il demande si elle a gardé tout le temps son chapeau,
car il lui a semblé avoir eu ce chapeau sous son oreiller. Il regarde soup-
çOl1neusement autour de lui et se plaint de ce qu'on change les objets de
leur place habituelle. Aux observations de sa famille qui essaie de lui
faire comprendre que ce sont seulement des illusions, comme il en a déjà
eu autrefois, il se met à pleurer en se souhaitant la mort plutôt que d'en
arriver à être l'amusement du monde (1).
Des troubles mentaux ont déjà été notés dans la méningile séreuse, et ils
nesemblenl pas être exceptionnels, comme dans les méningites en général.
Bressler (2) a publié l'observation d'un homme de 48 ans, chez lequel
la maladie a duré quatre années pendant lesquelles il fut interné, plu-
sieurs fois dans une maison d'aliénés, en raison de la manifestation des
symptômes de paralysie générale et des attaques épileptoïdes.
A l'autopsie, Bressler a trouvé une hydrocéphalie chronique, des gra-
nulations sur l'épendyme et une légère méningite de la base.
Marchand (3) est d'avis que les lésions de l'écorce, séquelles des ménin-
gites, sont des causes d'aliénation mentale, Redlich (4.) insiste également
(1) Le malade s'est rétabli après quelques jours. A présent, il est bien portant,
mais il se plaint de temps en temps de cephalée.
(2) BRESLEII, MellÏ1llillis veulricularis chronica adultorum. Pldtzlichen Tod bei der-
selben, Neurologische Centralbldtt, 1898, p. 840.
(3) L. Marchand, Des méningites à évolution insidieuse comme cause d'aliénation
mentale. Gazette des hôpitaux, au LXXVII, no 49.
(4) E. REDLICH, Znr Kenntnis der psychischen Slbrungen bei den verschiedenen Ale-
ningitis formen. Wiener med. Wochenschr., 1909, ne 41-42.
70 tI Wn;Wrsco FT 0(.IS'l'RTN
sur l'existence des troubles psychiques dans'les méningites, surtout dans
les formes chroniques tuberculeuses. Sterling (1) a observé récemment des
troubles intellectuels chez une femme de 46 ans, atteinte de méningite
séreuse.
Ayant en vue l'élude de nos deux cas ainsi que l'examen des plexus
choroïdes dans diverses affections cérébrales, nous pensons être en droit de
nous rattacher à l'avis des auteurs qui considèrent la méningite séreuse
comme un processus inflammatoire n'arrivant pas jusqu'à la suppuration.
Les symptômes varient selon que le processus se localise à la convexité
du cerveau, Ù sa base ou aux ventricules. Dans le dernier cas, la partici-
pation plus intense des plexus choroïdes donne naissance par hypersé-
crétion à une hydrocéphalie acquise, laquelle est par conséquent, le plus
souvent, la séquelle de l'évolution d'une méningite séreuse. La ponction
lombaire est très importante au point de vue du diagnostic différentiel
d'avec une tumeur du cerveau ou du cervelet.
(I) Sterling, Un cas d'hydrocéphalie avec troubles psychiques. Soc. de neurol. el de
psycho de Varsovie, 19 mars 1910, Revue neurologique, 1910, t. I, p. 692.
HHRH))0-ATAXOE CEREBELLEUSE
PAR
' F. TISSOT
médecin de l'Asile d'Amiens.
Parmi les scléroses combinées congénitales le groupe des alaxies héré-
ditaires ou familiales s'est vu notablement modifié dans ces dernières
années par la publication de cas complexes, hybrides, dont la symploma-
tologie tenait il la fois des diverses entités initialement décrites. Il en est
résulté, dans ce territoire de la Pathologie nerveuse, une oeuvre de syn-
thèse qui tend à faire de ces types cliniques et des variétés intermédiaires
les formes syndromiques d'une seule et même affection consistant anato-
miquement dans l'atteinte des voies céi-ébello spinales, qui est le substra-
tum commun il toutes. Des causes secondaires et obscures, relatives à la
localisation et il l'étendue des lésions, aux dispositions individuelles héré-
ditaires, interviennent pour produire la multiple diversité des syndro-
mes.
Cependant, au milieu des nombreuses observations relatées de maladie
de Friedreich et d'hérédo-ataxie cérébelleuse atypiques, on rencontre
encore parfois des formes assez pures de l'une et de l'autre. Telle l'obser-
vation suivante d'ataxie cérébelleuse de Marie :
J. Annnnwlt, domestique, entré à l'asile de Dury-les-Ainiens eu 190L-), à
de 35 ans.
Ascendance. - Lourde hérédité vésanique du côté maternel : la mère fut
internée ;i l'asile de Clermont vers )'age de 34 ans, après plusieurs années de
troubles mentaux à forme maniaque qui s'aggravèrent à la suite d'un accou-
chement ; un oncle s'est suicidé, lassé par deux mariages malheureux ; une
tante est internée l'asile de Dury depuis 1892 : l'aliénation, qui remonte à
l'année 188u, aurait été provoquée par l'alcoolisme conjugal ; c'est une démence
maniaque ; un autre frère de la mère serait mort à onze ans de méningite ;
deux autres encore existent bien portants ; grand'mère maternelle morte subi-
tement a 78 ans ; grand père mort à 74 sans maladie.
Père mort il 67 ans d'usure physiologique; une tante et un oncle paternels
morts de vieillesse; la grand'mère avait, paraît-il, de façon intermittente, une
démarche chancelante, vacillante, sur la signification de laquelle on ne peut se
7'i TISSOT
prononcer en raison de l'absence de renseignements précis et parce que les
souvenirs qui étayent le témoignage recueilli ont trait à un âge déjà avancé de
l'aïeule en question, en sorte qu'il est impossible de savoir si cette démarche
était autre chose qu'une manifestation de la sénilité.
Rien de particulier à signaler chez les trois soeurs du malade ni chez ses
deux enfants. '
Antécédents personnels. -- On sait peu de choses sur ses antécédents per-
sonnels,ILii-même n'apportant aucune précision dans les renseignements, les
parents-qui lui restent l'ayant peu vu dans sa jeunesse et étant, de leur propre
aveu, dénués d'esprit d'observation. Peu intelligent, illettré, « il a toujours
été drôle, irritable », il n'aurait pas eu de maladies graves de l'enfance ni de
traumatisme crânien. Le début de son affection nerveuse n'a pu être déterminé,
un fait du moins paraît établi, c'est qu'à vingt ans, au moment du tirage au
sort, « il chancelait déjà », que lors de son mariage, à de 29 ans, son
attitude et sa démarche ébrieuse étaient très manifestes. C'est environ trois ans
après son mariage qu'apparurent les troubles mentaux sous la forme de chan-
gement du caractère et de misanthropie : sous l'influence de la jalousie, disent
les témoignages oraux et écrits qui ont pu être recueillis, le malade était pris
de colères subites, proférant des menaces contre sa femme et ses enfants, se
sentant impulsivement porté à les frapper. Le danger qu'il créait ainsi pour
son entourage obligea celui-ci à le faire interner. Il fit à l'asile de Dury un
séjour de 43 mois, au bout desquels il mourut dans la consomption tubercu-.
leuse, en avril 1906, à t'age de 39 ans et demi.
Au moment où fut prise cette observation, c'est-à-dire en 1903, l'intelli-
gence était considérablement affaiblie sans idées délirantes ni troubles vésa-
niques d'aucune sorte ; cet état démentiel simple paraît être primitif, en ce
sens qu'il doit être rapporté au réveil insidieux, sous des influences difficiles à
établir et à un moment critique de l'évolution individuelle, de lésions congé-
nitales obscures qui tiennent elles-mêmes sous leur dépendance la débilité
constitutionnelle. Il est en effet assez fréquent de voir ces dégénérés inférieurs
(débiles, imbéciles) verser dans la démence en abordant l'âge adulte.
Examen physique. - L'habitns extérieur est assez particulier : attitude
générale en tlexion, tête fléchie, ballante, comme trop lourde ; la figure, avec
ses yeux grand ouverts, exprime l'ahurissement mêlé d'hébétude (PI. XII).
Le phénomène qui attire le plus l'attention, c'est l'instabilité motrice : sauf
quand il est en résolution musculaire, le malade est animé d'un mouvement con-
tinuel. Toute attitude active entraîne une mobilité notable sur place : assis, il
ne peut rester en repos, il balance le corps, se frotte les mains, remue les
jambes ; debout, son corps est entraîné de côté et d'autre, ce qui l'oblige à des
rappels correctifs du tronc pour conserver l'équilibre. La démarche est un peu
titubante, le malade écartant les jambes en marchant; elle est aussi spasmodi-
que : les pieds sont tenus fléchis à angle droit sur les jambes, de sorte qu'ils
talonnent un peu ; les orteils sont en extension.
Il n'y a pas d'incoordination des mouvements volontaires; les yeux étant
fermés, le malade porte sans hésitation le doigt à son nez ; il touche facilement
}\OUVloLLE ICONOGRAl'HIE DE LA SALPf.1 Rif Rh
T. XXV. PI. XII
HEREDO-A TAXIE CÉRÉBELLEUSE
(F. Tissot)
Masson & Cm, Editcurs.
HERÉDO-ATAXIE-CRRËBELLEUSE zizi
du pied un objet que l'on place à une certaine hauteur du Iit.La main ne plane
pas au-dessus de l'objet à saisir, mais elle s'en approche avec circonspection
et le prend entre le pouce et l'index tenus en extension ; même en dehors de
toute préhension, la main et les doigts restent étendus et ceux-ci sont animés
de mouvements athétoïdes. Pas de signes de Romberg.
La parole est chuchotée, mal articulée, explosive.
Le pied est dans une attitude variable, de préférence en hyperextension ; il
est un peu creux, sans équinisme vrai.
On constate un état de raideur musculaire appréciable surtout aux membres
supérieurs : l'extension passive de l'avant-bras est presque aisée, mais la
flexion est rendue difficile par la résistance antagoniste des extenseurs.
Les membres sont sensiblement amaigris, ce qui paraît tenir autant la la
disparition de la graisse qu'à un certain degré d'atrophie musculaire ; de ce
fait, la force est très diminuée ; l'échelle de pression du dynanomètre indique
une moyenne de 11 ldlogs pour la main gauche, de 7 kil. 5 pour la main
droite. Malgré cette méiopragie, il n'y a aucune paralysie : le malade prétend
bien ne pas pouvoir fermer les yeux ni tirer la langue, et quand on lui de-
mande de le' faire, il saisit l'organe entre les doigts pour en essayer l'extrac-
tion, mais cette prétendue impossibilité semble plutôt ressortir à des troubles
apraxirlues.
L'examen de la sensibilité ne révèle rien de spécial : J... dit ressentir dans
les jambes des douleurs dont il ne peut préciser la nature. Les sensibilités
tactile et thermique sont bien conservées. Il en est de même du sens des atti-
tudes.
Les réflexes tendineux existent tant aux genoux qu'aux poignets et aux
coudes, ils sont même vifs; on provoque facilement des secousses cloniques
du pied et de la rotule. Les réflexes idio-musculaires sont faibles, la corde
bicipitale s'obtient difficilement.
Les réflexes cutanés manquent, le crémastérien comme le cutané plantaire.
Les sphincters sont intacts et le sont restés jusqu'à la fin.
Il n'existe nul trouble appréciable des sens, pas de nystagmus dans aucune
position des yeux.
Pas de scoliose.
En résumé l'on trouve chez ce malade : un état 1)al·éto-SpaSnlOdlqllf·,
avec atrophie musculaire, de l'instabilité chol'éi forme, une attitude ébrieusc,
quelques phénomènes parétiques dans la sphère lahio-glosso-pharyngée,
sans troubles de sensibilité, sans nystagmus ni déformations squelettiques.
Discussion clinique. Il ne peut être ici question de tabès : outre que
les réflexes tendineux existent, on ne trouve chez J... ni troubles sensi-
lifs caractérisés, ni symptômes oculaires, ni incoordination motrice. Le
diagnostic ne semble à discuter qu'avec la sclérose en plaques et les sclé-
roses combinées congénitales.
Ce cas se rapprocherait par quelques points de la sclérose en plaques
74 4 TISSOT
dont il y a l'élal parélo-spasmodique (exagération des réflexes, démarche
cérébello-spasmodique), mais il manque le nystagmus et surtout le trem-
blement intentionnel. De la maladie de Friedreich on relrouve ici : *
le début dans le jeune âge, l'ataxie statique, les mouvements athétoïdes,
l'absence de troubles sensitifs, la parole suspirieuse et explosive; par
contre il manque l'abolition des réflexes, le nystagmus, les déforma-
tions du rachis et du pied, le caractère familial. En ce qui concerne ce
dernier signe, on sait qu'il est inconstant dans la maladie de Frime..
reich (Ribel, Gianelli et Lévi), et d'une façon générale on admettra sans
peine que cet élément est par essence trop contingent pour servir de carac-
téristique à une affection nerveuse. Il n'en est pas de même du caractère
héréditaire : en effet, comme le soutient Jendrassik, la non atteinte de
plusieurs membres de la même famille ne prouve pas qu'une affection
ne soit pas héréditaire; or, l'hérédité manque moins souvent dans la ma-
ladie de Friedreich : rarement similaire, elle est en général constituée
par une des nombreuses formes de la névropalhie. On a vu quel legs vé-
sanique notre malade a hérité de sa mère.
L'affection de J... doit vraisemblablement être considérée comme une
hérédo-alaxie cérébelleuse ; on y trouve les troubles de la station et de la
marche désignés sous le nom d'ataxie cérébelleuse, l'instabilité sur place
l'exagération des réflexes, l'intégrité des sensibilités, du sens musculaire,
des sphincters, l'absence d'ataxie tabétique et de déformation squeletti-
que. La raideur musculaire, les phénomènes spasmodiques et un certain
degré d'amyatrophie appartiennent sans doute à la période tardive de la
maladie où l'observation a été prise.
Autopsie. Le cerveau pèse 1.066 grammes, le cervelet 130. Il existe de
la lepto-mén i ngi te légère uniformément répandue sur l'encéphale, surtout t
marquée à la convexité. La moelle est généralement diminuée de volume;
sur aucun point de l'axe nerveux on ne trouve de plaques de sclérose. Le sys-
tème des cordons postérieurs est indemne de dégénération ; même au bulbe
les faisceaux de Goll et de Burdach existent, .on reconnaît leurs noyaux.
Le système pyramidal lui aussi est intact. Seul dans les cordons de la moelle
le faisceau cérébelleux direct paraît avoir un volume inférieur à la moyenne
sans présenter toutefois de dégénérescence vraie.
On trouve une infiltration embryonnaire légère de la pie-mère avec prédo-
minance autour des vaisseaux. Au cervelet on ne constate d'autre lésion appré-
ciahlr qu'une diminution assez marquée du nombre des cellules de Purkinje fit
nn certain degré d'atrophie de la substance blanche.
Anatomiquement donc, comme cliniquement, l'affection de J... se rap-
porte hien au syndrome d'héréclo-ataxie cérébelleuse décrit par P. Marie,
el, chose digne d'être soulignée, le syndrome est ici assez pur et complet.
nKnnc-ATAxm-CKnKnRLr.Kusn 7
ce qui est loin de constituer la règle. Le plus souvent en effet on rencontre
des formes hybrides de ces maladies nerveuses dites héréditaires et fami-
liales. Soderberg en a signalé récemment un cas qui réunissait des signes
de maladie de Friedreich, d'hérédo-ataxie cérébelleuse et de paraplégie
spasmodique familiale.
Dès 1905 Raymond, Ballet et Rose, à l'occasion de cas analogues déve-
loppèrent l'opinion que ces maladies ne comportent pas de limites bien
tranchées, qu'elles sont plutôt, elles el les formes de transition qui les
relient, des modalités cliniques d'un même processus nosologique inté-
ressant le système cérébello-médiillaire. En ce qui concerne spécialement
l'ataxie héréditaire, Raymond pense que les deux formes types de celte
affection, spinale de Friedreich et cérébelleuse de Marie, et leurs variétés
at,\piql1rs,onl un lorrain anatomiquecommun : l'atteinledu syslèmecéré-
bulleux dans ses centres ou dans ses connexions. Et comme fait démons-
tratif de cette opinion, il cite le cas d'une jeune femme qui cliniquement
présentait'du Friedreich pur et anatomiquement de l'hérédo-ataxie céré-
belleuse, puisque à l'autopsie on trouva surtout des lésions du système
cérébelleux. De plus, en outre de l'existence, chez le même sujet, de
symptômes de l'une et de l'autre, on a cité au moins une observation
(Bauer el Gy, 1909 où, dans une même famille, le frère était atteint
d'hérédo-ataxie cérébelleuseet la soeur de maladie de Friedreich, les deux
syndromes étant d'ailleurs atypiques.
Suivant Ettore Levi, l'hypoplasie nerveuse congénitale el l'usure fonc-
lionnclle des éléments hislologiques sont les deux fadeurs des maladies
familiales du système nerveux. L'organisation anatomique défectueuse est
la conséquence de l'hérédité, mais les effets s'en révèlent plus ou moins
toi dans l'existence selon la rapidité de l'usure physiologique. Cette opi-
nion esl rapprocher des faits, constatés par Raymond el Rose, de la pré-
cocité d'apparition dans l'enfance des troubles de l'équilibre chez certains
sujets atteints de ces syndromes, ce qui prouve que de tels systèmes ner-
veux sont insuffisants dès presque la naissance.
(TRAVAIL DU LABORATOIRE ET DE LA CLINIQUE DU
PROFESSEUR ROCQUE A LYON.)
DE LA CONSERVATION ET DU RETOUR
DES RÉFLEXES ROTULIENS DANS LE TABES DORSALIS
A PROPOS D'UN MALADE ATTEINT DE CRISES GASTRIQUES TABÉTIQUES
l'III MM.
J. CHALIER, L. NOVÉ-JOSSERAND,
chef de clinique. chef des travaux d'anatomie pathologique.
C'est en 1875 que, simultanément, mais indépendamment l'un de l'au-
tre, Erb et Westphal signalaient l'état des réflexes tendineux chez
l'homme sain et dans les maladies de la moelle. Ce fut Westphal qui étu-
dia plus particulièrement le phénomène du genou au cours du tabes dor-
salis ; c'est là sans doute la raison pour laquelle l'abolition du réflexe
patellaire dans cette maladie porta ensuite le nom de signe de Westphal
plutôt que la dénomination de signe d'Erb.
Depuis son entrée dans la sémiologie, l'importance de ce signe est de-
venue considérable ; sa recherche n'est jamais négligée dans un examen
clinique tant soit peu approfondi ; et l'on pourrait s'étonner de voir un
symptôme inspirer semblable confiance, si l'on ne s'avisait de remarquer
qu'elle semble justifiée par l'expérience clinique. Celle-ci montre en effet
que le signe de Westphal existe avec une constance remarquable dans le
tabes ; qu'il est souvent très précoce, et parfois pendant longtemps, le
premier et aussi le seul symptôme. Son utilité est, dans ces conditions,
indiscutable : combien de fois, en effet, chez des sujets en apparence
indemnes de toute lésion nerveuse, n'a-t-il pas orienté le diagnostic vers
une syphilis méconnue, vers un tabès commençant, maladies qu'un inter-
rogatoire serré de très près, plus précis, et ayant eu le signe de Westphal
comme point de départ, permettait ensuite de dépister et de traiter plus
efficacement ? Enfin sa valeur sémiologique est facile à apprécier, car
en dehors, par exemple, des névrites périphériques, du diabète, des ma-
ladies des cornes ou des racines antérieures et des muscles, toutes affec-
tions ayant par ailleurs une symptomatologie caractéristique, la présence
du signe indique nettement un tabes. Pour ces raisons, ce symptôme ne
mérite-t-i1 pas la considération qu'on lui accorde ? Telle est l'impression
générale que chacun a du signe de Westphal. ,
DE LA CONSERVATION ET DU RETOUR DES RÉFLE11 : S ROTULIENS 77
Pointant, à bien considérer les études critiques qui ont été faites sur sa
réelle valeur, l'opinion commune doit s'inspirer de quelques réserves.
Il résulte, d'abord, des recherches cl'0. Berger (1) (de Breslau), que
certains sujets absolument sains présentent normalement une abolition
des réflexes patellaires dans la proportion de 1,56 pour 100 ; ces recher-
ches ont porté sur 1.409 sujets sains; les 22 individus qui, sur ce nom-
bre, manquaient de réflexes rotuliens ont été examinés plusieurs fois
rigoureusement avec le même résultai. Il existe d'autres statistiques par
exemple, celle deBannister (de Chicago) montre que le réflexe palellaire
fait défaut 2 fois sur 36 sujets sains examinés ; mais ces statistiques ne
présentant pas un aussi grand développement que celle de Berger, elles
ne comportent pas autant de garantie. Si l'existence d'un signe de West-
phal pour ainsi dire congénital ou physiologique était à l'abri de toute
critique, sa valeur en tant que symptôme pathologique se restreindrait
énormément. Mais, peul-être est-il bon de rappeler les résultats obtenus
par Kollàrtis (2) : sur 1.000 individus sains, il a constaté invariable-
ment la présence des réflexes patellaires, achilléens, tricipitaux, etc. ;
il conclut que ces réflexes existent toujours chez l'homme sain elque leur
absence dénoie un état pathologique du système nerveux. Cette opinion,
basée sur un nombre d'examens presque aussi grand que celui de Ber-
ger, ne mérite-t-elle pas de retenir l'attention, et la signification patholo-
gique du signe de Westphal de rester entière ?
Elle aussi, la constance du symptôme dans le tabes a été critiquée. De-
puis la discussion qui eut lieu à la Société de psychiatrie de Berlin
(1877) et où Bernardt, Reniait, Sellator, déclaraient que chez tous les
ataxiques qu'ils avaient examinés depuis la publication de Westphal, ils
avaient constaté l'abolition du phénomène du genou (3), il a paru, en
effet, de nombreuses statistiques apportant restriction sur ce point. Peut-
être y a-t-il quelque intérêt à s'étendre sur cette question de la conser-
vation des réflexes rotuliens dans le tabes.
Les statistiques permettent de se faire une idée de la fréquence de cette
exception.
Erb (4) a soigneusement relevé les signes initiaux dans 56 cas de la-
bes ; sur ce nombre, il y avait 44 cas de tabes confirmés et 11 cas de
tabes frustes ou associés, soit donc 55 cas avec abolition des réflexes ; un
(1) Berger, Ueber Selmenreflexe, Centrait, fiir Psychiatrie und nervenheilkunde,
1ts79, n 4, cité dans la thèse de Thième, Paris, 1881, et dans le Diction, encyclopi.
des Se. Medicales, art. Tabes, bibliographie, p. 410.
(2) 1\eLL.IItTI, Sur quelques réflexes chez l'homme sain el dans le tabès, Revue de
Neurologie, 1903, p. 379.
(3) Cités par Raymond, in Diction, encyclopéd. des Se. médicales, art. Tabès, 1885.
t4) Erb, cité par Raymond, même ouvrage.
78 cuaumt ET NOVÉ-.IOSSEKANl)
seul cas présentait la conservation des réflexes rotuliens : c'était un tabès
indiscutable, caractérisé par des douleurs lancinantes et en ceinture, de
la parésie vésicale, des troubles de la sensibilité et des fonctions génitales,
de l'incoordination motrice; le début de la maladie remontait à 5 ans au
moins ; au point de vue de la précocité du signe, Erb dit l'avoir trouvé
dans des cas où le début (clinique, sans doute) du Labes ne remontait pas
à plus de dix semaines ou deux mois.
- Statistique D'ERU.
DE LA CONSERVATION ET DU ItE1'(JUti DES RÉFLEXES ROTULIENS 7 ! 1
col, rapporte que son illustre maître avait observé, déjà, soit à l'hôpital,
soit à ses consultations privées, des cas semblables. Il publie quatre obser-
vations personnelles, sans autopsie.
Plus près de nous, MM. Achard et Léopold Levi (1) ont publié six cas
inédits, sans autopsie.
Dans la littérature médicale, on trouve encore quelques exemples épars
de conservation des réflexes rotuliens dans le labes. Dans le cas publié par
M. Lenoble (2), il s'agissait d'une femme de 28 ans atteinte de diplo-
pie, d'amaurose légère, d'une ophlalmoplégie totale à gauche, partielle à
droite; signe de Romberg; pas d'incoordination; conservation des ré-
flexes rotuliens et des réflexes tendineux aux membres supérieurs.
M. Babinski, en 1898, étudiant l'étal du réflexe achilléen dans le tabes,
rappelle qu'il a observé un certain nombre de cas où les réflexes rotuliens
persistaient, dans des tabès indiscutables (3).
M. Kollartis, en 1903, sur 100 cas de tabes, a trouvé que les réflexes
tendineux, rotuliens et autres, étaient conservés dans 25 cas ; que les ré-
flexes patellaires persistaient seuls dans 11 cas ().
La même année, ,,1 Ahadie publiait l'observation d'une femme de48ans,
tabétique depuis 10 ans, sans symptôme moteur, avec troubles de la sensi-
bilité el artltropatlhie ; le seul réflexe tendineux altéré est l'achilléen gau-
che.Il apporte sa statistique personnelle sur la conservation des réflexes ro-
tuliens dans 196 cas de labes et trouve qu'ils sont conservés dans 13,50/0
des cas ; il compare ce résultat à celui de Byron-Bramwell qui obtenait
12,9 0/0 et deKollartis qui trouvait40 0/0 comme pourcentage de conser-
vation (5).
En 1994 parait le cas de MM. Dupré et Camus, où un homme de 65 ans,
atteint seulement de douleurs en ceinture, de crises rectales et nasales et
de troubles de la sensibilité à disposition radiculaire,nepréseutaitni signe
de Westphal, ni signe de Romberg, ni alaxie, ni hypotonie (ti).
Signalons enfin les quelques observations lyonnaises de M. Gangolphe 7)
où il s'agit de lésions labétiques osléo-articulaires chez des malades ayant
un minimum de signes de labes et notamment pas de signe de Westpltal.
Sans aucun doute, il existe d'autres observations, publiées ou non, de
tabes avec conservation des réflexes patellaires ; sans pousser davantage
celle énumération forcément incomplète, ne détnontre-t-elle pas ample-
(1) Aciuud et LÉvi, Nouv. Icunog. de la Salpêtrière, p. 83, 1898.
(2) 1,E.I;OBLR, Nuuv. Iconog. de la Sai[oêteiè,e, 1896, n- i.
(3) l3nmrrw, Gaz. des Hôpitaux, 1898, p. 1182.
li) t : oi.t.nuus, loc. cil.
(il) Abame, Revue de Neurologie, 1903, p. 'il3. ,
(6) Durue et Camps, Revue de Neurologie, 1904, p. 101.
(7) Gnnuo.ruc, Lyon médical, 1901, p. 1008.
80 CHALIER 1·.T NOVJ-JOSSERAND
ment que dans certaines circonstances le signe de Westpllal fait défaut dans
des tabes indiscutables. Si les statistiques donnent une proportion varia-
ble, cela tient, sans doute, aux conditions différentes dans lesquelles elles
ont été établies. Mais, si l'on songe 'au nombre immense de labes dans les-
quels les réflexes rotuliens manquent, le nombre de cas publiés où ils
étaient conservés paraît somme toute bien faible ; la proportion de 13 0/0
donnée par M. Abadie, celle de 2,4 0/0 fournie par 0. Berger nous sem-
blent les plus exactes. ·
On peut conclure que, si la constance du signe de Westphal dans le tabès
reste vraie en général, celle règle comporte des exceptions. Il faut mainte-
nant examiner quelle explication on peut en donner.
C'est â l'anatomie pathologique que, depuis longtemps, les observa-
teurs avaient demandé le secret de cette conservation exceptionnelle. Les
cas avec autopsie sont malheureusement rares, ainsi qu'on peut s'en assu-
rer en se rapportant à l'article de Achard et Lévi.
Depuis leur unique cas personnel, il se peut qu'il en ait été publié
d'autres ; nos rapides recherches documentaires ne nous ont rien révélé il
cet égard. En tous cas, les examens microscopiques de la moelle ont mon-
tré avec une grande netteté que toules les fois que le tabes laissait intacte
une zone appelée par Westphal « zone d'entrée des racines » clans la ré-
gion dorso-lombaire, les réflexes rotuliens étaient conservés. « La seule
circonstance où le phénomène du genou persiste dans le tabès,c'est quand
il n'y a pas de dégénérescence grise des faisceaux postérieurs dans la partie
dorso-lombaire de la moelle » (1), écrivait \Veslphal à la suite de ses pre-
miers examens médullaires. Celle opinion a toujours été confirmée par
les recherches ultérieures, et Westphal a pu définir sa zone d'entrée des
racines (2), « une zone placée en hauteur à l'union des régions lombaire
et dorsale et limitée : en dedans par une ligne virtuelle parallèle au sillon
médian postérieur et passant par le point où la substance gélatineuse fait
un ressaut en dedans; en arrière par la périphérie de la moelle; en de-
hors par la substance gélatineuse et le point de pénétration des racines
postérieures. Cetle zone est toujours intéressée quand les réflexes rotu-
liens ont disparu, et inversement. Il existe, ainsi qu'on peut le voir dans
l'article de MM. Achard et Lévi (3), des observations dans lesquelles les
réflexes rotuliens ont été conservés jusqu'à la mort et où la zone d'entrée
des racines était intacte ; on y trouve aussi signalé un cas de Minor (4) où
l'abolition des réflexes rotuliens, seul symptôme nerveux, était en rapport
(1) In thèse de TIIIÈME, Paris, 1881.
(2) In article de M. Aciurd et L>;v5·, loc. cit. -
(3) Achard et Lévi, loc. cit., p. 92.
(4) Minor, Neurol. Centralblatt, n- 10, 1887.
DE LA CONSERVATION ET DU RETOUR DES REFLEXES ROTULIENS 81
avec une lésion de la zone de Westpha) ; dans une autre observation de
Nonne (1), un malade avait comme unique symptôme l'abolition unilaté-
rale du réflexe patellaire; la zone de Westphal était atteinte de ce seul
côté.
Est-ce une lésion de la zone d'entrée des racines qui expliquerait chez
certains sujets absolument bien portants l'abolition des réflexes patel-
laires à laquelle 0. Berger faisait allusion plus haut et que l'on constate
parfois ? C'est là une simple hypothèse, vraisemblable mais qui à notre
connaissance n'a pas encore été anatomiquement vérifiée.
L'observation suivante est celle d'un malade atteint de crises gastriques,
qui succomba à la tuberculose pulmonaire et chez lequel la conservation
des réflexes rotuliens avait fait écarter l'idée d'un tabes au début, alors
que cette lésion existait nettement : mais la zone de Weslphal était intacte.
Observation'. B..., iL;\é de io ans,manoenvre,rait un premier séjour dans le
service du 24 septembre 1909 au 2 février 1910. Les antécédents héréditaires
ou personnels ne retiennent pas l'attention. Lui-même n'avoue ni syphilis, ni
alcoolisme. Pleurésie en 1908. Paludisme lors du service militaire en Algérie.
C'est un malade amaigri, asthénique, qui se plaint de troubles gastriques
datant du début de juillet 1909. Ils consistent eu anorexie et en crises doulou-
reuses avec vomissements aqueux ou bilieux, rarement alimentaires, d'appa-
rition irrégulière, survenant tantôt à jeun, tantôt de une demi-heure à 5 ou
6 heures après le repas. En aucun cas, ils n'ont revêtu le caractère de vomis-
sement pylorique. Pas de troubles intestinaux nets, à part une lientérie pas-
sagère.
Ni toux, ni expectoration.
Urines rares, sans sucre ni albumine.
A l'examen, malade amaigri, presque cachectique. L'auscultation des pou-
mons et du coeur reste négative cependant ; le malade entrait avec un vésica-
toire à la base du thorax. 1
Langue rôtie. Epigastre douloureux. Pas de dilatation gastrique. Pas de tu-
meur perceptible dans l'abdomen. Foie normal comme dimensions.
liéflexes rotuliens normaux des deux côtés. Réactions pupillaires intac-
les. Pas de troubles oculaires.
Peu de température. Quelque 38°, puis en trois semaines la température
descend à 37°.
Au début de janvier 1910, on note que le malade est apyrétique ; il a en-
graissé de 3 kilogs. Cependant des signes d'induration et de ramollissement
aux deux sommets, soupçonnés dans les examens précédents, s'affirment. Mais
le sero-diagnostic tuberculeux est négatif; il n'existe pas de bacilles de Koch
dans les crachats.
Il y a toujours persistance des douleurs gastriques, sous forme de crises
(1) Nonne, Deutsche med. WoclienscLrift, XV, 1889.
xxv li
82 CHAL1ER ET NOVJ ? JOSSEIIAND
indépendantes de l'alimentation. Le malade accuse des crampes au creux épi-
gastrique ; il a des vomissements glaireux et des régurgitations acides.
Le malade sortie 2 février 1910.
Un deuxième séjour s'étend du 9 octobre 1910 au 7 janvier 1911, date de
la mort. Il raconte qu'il a contracté auprès de sa femme, atteinte de tabès et
héroïuomane, l'habitude de se piquer à l'héroïne pour calmer ses crises gas-
triques plus fréquentes et plus violentes que jamais. Aussi est-il couvert d'abcès
contenant du staphylocoque. Il est maigre, cachectique, presque squelettique.
. Les crises gastriques, à prédominance nocturne, durent en moyenne deux
jours, mais sont subintrantes. Elles se terminent par des vomissements glaireux.
A signaler une diarrhée abondante à l'entrée.
A l'examen, la tuberculose pulmonaire s'est notablement étendue avec signes
cavitaires des sommets et infiltration sous-jacente ; bacilles de Koch très nom-
breux dans les crachats.
Du côté du tube digestif, on ne note qu'une douleur très vive à la pression
sur tout l'abdomen mais particulièrement à l'épigastre, P,rlpation négative.
Réflexes rotuliens normaux, plutôt même exagérés.
Dans la suite, le malade se comporte comme un tuberculeux pulmonaire
avéré, cavitaire. Le seul symptôme anormal, c'était vraiment la fréquence, la
violence, la ténacité et l'intensité douloureuse de ses vomissements, toujours
d'allure un peu paroxystique, et exceptionnellement alimentaires.
Autopsie. Appareil respiratoire. Symphyse pleurale très ancienne et
totale des deux côtés. Les deux poumons sont absolument farcis de cavernes,
limitées par des nappes si bro-anthracosiques denses. Nombreux îlots caséeux
de pneumonie lobulaire. Pas de dilatations bronchiques.
Appareil cardio-vasculnine. - Aorte absolument saine sans athérome.
Coeur petit, sans lésions nettes.
Appareil digestif. Rien à l'oesophage.
L'estomac ne paraît pas dilaté. Même rempli d'eau, il ne se distend pas dans
des proportions anormales. Extérieurement, sur le pylore, on remarque une
saillie du volume d'une grosse noisette, dure et élastique, qui fait corps avec la
paroi gastrique. A l'ouverture de l'organe, le pylore est incontestablement ré-
tréci, il n'admet pas le petit doigt ; il donne la sensation d'une virole incom-
plète, de consistance élastique, nullement fibreuse. La section portant sur la
saillie précédemment décrite montre l'intégrité absolue de la muqueuse et de
la tunique péritonéale, tandis que dans la région intermédiaire, la tunique py-
torique est considérablement épaissie et hypertrophiée, au point de mesurer à
elle seule au moins 8 millimètres ; ou ne peut dire à l'examen macroscopique
si l'hypertrophie porte sur la sous-muqueuse ou sur la musculeuse; cette
hypertrophie se prolonge transversalement sur une étendue de 1 cent. 1/2. La
muqueuse, absolument normale clans toute l'étendue de l'estomac, glisse et se
déplace avec aisance sur la tunique sous-jacente,- partant même au niveau de
l'hypertrophie pylorique. Pas trace d'ulcère ancien ou récent. Pas d'exulcéra-
tions, ni de siJlrttions hémorragiques. Pas de péritonite. Pas de ganglions.
'l'. \W'. l'I. \I11
OUVfclI.h ICONOGRAPHIE DE IA A SA1.1'GIIt111tE. T. XXV. Pl. XI
CONSERVATION DES RÉFLEXES ROTULIENS DANS LE 'l'AIIES
(Chnlier et Nové-Josserard)
DE LA CONSI'RVATION ET DU RETOUR OES RÉFLEXES ROTULIENS 83
Aucune lésion appendiculaire, ni de la vésicule biliaire, ni du duodénum,
ni des voies biliaires. Rien à noter au foie, ni à la rate, ni aux reins.
Les capsules surrénales sont fermes, non cavitaires ; à la coupe, la corti-
cale présente des zones infimes d'un blanc brillant tranchant sur la coloration
foncée du reste de la glande.
Le cerveau ne présente aucune lésion. La cervelle est prélevée pour l'exa-
men histologique.
I. Examens microscopiques : Estomac Les parois stomacales ont fait
l'objet d'un examen spécial (1).
a) Dans la région pylorique, à distance de la néoproduction, il existe un
apport cellulaire léger dans les espaces conjonctifs, aussi bien entre les tubes
glandulaires qu'entre les travées musculaires, apport qui a moins les caractères
d'un exsudat inflammatoire aigu que ceux d'un processus hyperplasique lent ;
l'hypertrophie de la musculeuse est manifeste.
b) Dans la région pylorique, au niveau de la néoproduction, deux faits
sont à remarquer : d'abord la présence de petites cellules à noyau rond et
sombre et à protoplasma à peine visible, autour des vaisseaux : il n'y a pas de
polynucléaires ; il y a donc un certain degré d'inflammation dans les tuniques
gastriques, surtout dans la musculeuse; ensuite l'hyperplasie particulière du
tissu musculaire lisse, avec, par endroits, aspect véritablement myomateux du
tissu néoformé.
La séreuse ne présente rien à signaler.
c) Dans la région prépylorique et du fond, les parois gastriques ne pré-
sentent pas d'altérations notables.
IL Examen particulier du système nerveux GaST1t111UE. - Nous n'avons
malheureusement pu examiner que les éléments nerveux enfermés dans les
parois de l'estomac; il nous a manqué l'examen des filets nerveux macrosco-
piquempnt visibles hors de l'estomac ; nous nous proposons de combler cette
lacune à la première occasion en prélevant le tronc et des filets du vague et du
sympathique.
Par suite d'erreur dans l'emploi du fixateur, nous n'avons pu appliquer la
méthode de Weigert-Pal à l'étude des fibres nerveuses de la paroi gastrique,
si tant est que ce procédé soit utilisable ici.
Nous avons seulement examiné par la méthode de Nissl les groupes de cel-
lules ganglionnaires essaimés dans la paroi musculaire ; aucune altération
notable ne nous a frappés.
III. EX.l1EN DE la moelle (PI. XIII et XIV). - Fixation et mordançage dans
le liquide de Mûller pendant 3 mois. On prélève des tronçons, soigneusement
repérés, qui sont passés dans les alcools successifs, inclus dans la celloïdine,
débités eu coupes sériées, traitées enfin par la méthode de Weigert-Pal.
D'une façon générale, on peut dire que dans toute l'étendue de la moelle,
les cordons autéro-tatéraux, les cornes et les racines antérieures sont intacts.
(1) V. J. CIiALIElI et Nové-Josserand, Lyon chirurgical, octobre 1911.
84 CIIALIER ET NOVL : -JOSSERAND
Les lésions essentielles portent sur les racines postérieures et les cordons
postérieurs ; elles varient, d'ailleurs, d'une manière considérable suivant les
régions. , /
1" Région sacrée inférieure (6°, 5e, 4° sacrées). Les lésions manquent ab-
solument dans les cordons postérieurs.
Parmi les nerfs de la queue de cheval qui ont été englobés dans l'inclusion
et qu'on peut observer sur les coupes, la plupart et ce sont ceux qui avoisi-
nent de plus près la périphérie de la moelle - sont bien colorés par la méthode
de Pal ; la myéline a sa teinte et son épaisseur habituelle ; quelques-uns seul
lement, situés plus à la périphérie, sont excessivement pauvres en gaines myé-
liniques ; cette différence est des plus nettes.
2° Région sacrée supérieure (Ve sacrée). - Les cordons postérieurs ne por-
tent aucune lésion apparente ; la zone de Lissauer n'est pas sclérosée ; on voit
les racines postérieures de la région pénétrer sous forme de groupes de fibres
serrées et bien colorées dans la corne postérieure et la région adjacente des cor-
dons postérieurs. On note seulement un épaississement notable de la pie-mère
au niveau des cordons postérieurs, et toujours la présence, parmi les nerfs de
la queue de cheval, de certains d'entre eux qui sont extrêmement pauvres en
fibres à myéline, tandis que la majorité les ont conservées intactes et en nappe
compacte.
3° Région lombaire te el 4e lombaires). - On voit apparaître dans le cor-
don postérieur du côté droit une zone de sclérose assez bien délimitée dans sa
forme générale qui est triangulaire, mais néanmoins diffusant un peu en avant
et en arrière ; elle a grossièrement la forme d'un H dont la branche verticale
interne atteint le sillon médian postérieur qu'elle longe dans une partie seu-
lement de son tiers postérieur, car elle n'atteint pas le point où ce sillon ren-
contre la superficie de la moelle ; la longueur de cette branche se trouve ainsi
il peu près mesurée par la majeure partie du tiers postérieur du sillon médian
postérieur, moins une petite étendue tout il fait en arrière ; cette zone sclé4
reuse respecte un petit territoire ovalaire adjacent an sillon médian postérieur;
ce territoire intact occupe la situation du faisceau ovale de Flechsig.
L'autre branche verticale de la zone de sclérose, orientée légèrement eu ohli-
, Scliéma représentant la lésion au niveau do la 1 V. lombaire
NOUVELLE ICONOGRAIHl6 Oh LA SALLI : JRILJ2E. ? f ?
T. XXV. lit. XIV
CONSERVATION DES RÉFLEXES ROTULIENS DANS LE TABES
(Chalier et Nouo-Jossernud)
Masson & Cnr, 1-ditellis
DE LA CONSERVATION ET DU RETOUR DES RÉFLEXES ROTULIENS 85
que d'avant en arrière et de dedans en dehors, est située assez près de la corne
postérieure dont elle reste séparée cependant partout par une zone saine qui
correspond précisément à la zone d'entrée des racines de Westplial.
La branche horizontale, transversale de l'H, a une forme irrégulière ; elle
occupe le milieu du cordon postérieur, dans son tiers postérieur.
En somme, la zone de sclérose n'atteint ni la corne postérieure ni la péri-
phérie de la moelle, sauf au niveau du sillon médian postérieur, respectant
le faisceau ovale de Fleclisig ; elle reste très loiu de la commissure grise, pos-
térieure ; elle occupe Lien la région de la bandelette externe de Pierre, appe-
Ire encore zone rarliculaire moyenne de Flechsig (1),
La zone de Lissauer ne paraît pas intéressée ; la zone d'entrée des racines
de Wesiplial est intacte ; la racine postérieure, qui entre au niveau intéressé
par la coupe, est intacte. Mais on constate l'existence de quelques racines pos-
térieures sclérosées, où les gaines de myéline sont très clairsemées ; elles sont
très près de la surface de la moelle et tranchent sur leurs voisine ? .
4° Région lombaire (3e lombaire). La lésion scléreuse précédemment dé-
crite existe encore nettement, mais ses contours s'estompent et sa forme devient
imprécise ; elle occupe sensiblement la même région ; elle est traduite par une
raréfaction des tubes nerveux et par l'abondance du tissu hyalin, fibreux, où
ils sont plongés ; cet aspect tranche fortement, comparé il celui des parties
voisines du cordon postérieur droit et des régions similaires du cordon posté-
rieur gauche où les tubes nerveux sont serrés et compacts.
5° Régions lombaire supérieure et dorsale inférieure (1'E lombaire el 1 le
dorsale) . - On ne trouve plus de zone de sclérose en nappe ; toutes les raci-
nes postérieures qui sont intéressées par la coupe il ce niveau ont un aspect
normal ; il n'y en a plus de sclérosées. Le cordon postérieur droit, dans sa
partie moyenne et interne la jonction de son tiers antérieur et de son tiers
moyen, a seulement une teinte un pen plus claire, comparée à celle du cordon
postérieur gauche, comme si les fibres il myéline y étaient un peu moins den-
ses,un peu plus espacées ; il n'y aurait donc plus de territoire scléreux défini,
mais une simple raréfaction diffuse qui se serait reportée un peu plus en de-
dans et en avant à mesure qu'on remonte dans la moelle.
gaz Régions dorsale moyenne, supérieure, cervicale. Elles sont nor-
males.
-
11 '
En somme, la lésion est strictement limitée à la région lombaire de la
moelle, et là, elle occupe étroitement le segment moyen des territoires
radiculaires, c'est-à-dire la bandelette externe de Pierrot ou zone radicu-
laire moyenne. Les autres territoires radiculaires des cordons postérieurs,
savoir la zone radiculaire antérieure, les champs postéro externes, sont
(I) Cf. Naoeotte, Etude anatomique des cordons l,osféJ'iell1'S. Nouvelle Iconogra-
phie de la Salpflrière, 1904, p. 49. -
NI) CIIAL1ER ET N0VÉ-.I0SSEI1AND
intacts ; le cordon de Goll est respecté. D'autre part, la zone de Lissauer,
le triangle médian sacré, la zone marginale de Wesiplial, le réseau fin de
la corne postérieure, toutes régions considérées comme endogènes, sont
indemnes. Le faisceau ovale de )'lecllsi est regardé par les classiques
comme un faisceau endogène ; pour Nageotte (I), il serait exogène et de-
vrait être compris parmi les territoires radiculaires des cordons posté-
rieurs ; il contiendrait les fibres longues des racines sacrées inférieures.
Dans notre cas, ce faisceau était intact, mais ce fait ne saurait apporter
aucune contribution nouvelle à la question, puisque, dans l'une et l'autre
hypothèses, son intégrité ne saurait surprendre.
Notre observation n'apporte non plus aucun éclaircissement au sujet de
ce point controversé : la zone de Lissauer est-elle lésée précocement ou
tardivement dans le tabes ? Pour Dejerine et Thomas (2), l'altération de la
zone de Lissauer est la première après celle de la bandelette externe de
Pierrot; pour P. Marie (3), elle serait une altération précoce du tabès.
Nageotte (4), au contraire, la considère comme tardive, comme une dégé-
nérescence lertiaire et surtout en rapport avec les lésions du réticulum
formé par les fibres fines de la corne postérieure ; il croit la zone/le Lis-
sauer occupée par des fibres endogènes fines verticales. De ce -que cette
région était intacte dans la moelle de notre malade, on ne peut véritable-
ment rien conclure, car la lésion de la bandelette externe étant la seule
lésion constituée au moment de l'examen, nous ne savons pas où aurait
porté la première des altérations ultérieures.
Dans la question suivante, également controversée, notre cas paraît fa-
vorable à l'opinion de Nageotte. D'après Dejerine et Thomas (5), les fibres
comprises dans les bandelettes externes occupent,plus ha ut dans la moelle,
le cordon de Goll, de sorte que si ces bandelettes sont malades, les cordons
de Goll le sont aussi. Au contraire, Nageotte ((i) s'est rendu compte que
c'est avec l'état des champs postéro-externès que les cordons de Goll sont t
en rapport étroit, au point que les altérations de ces champs se répercutent
d'une manière absolument parallèle dans le cordon de Goll. Chez notre
malade le cordon de Goll était intact ainsi que les champs postéro-exter-
nes ; la lésion occupait électivement la bandelette externe dans la région
lombaire, ce qui semble bien établir l'indépendance des cordons de Goll
(1) NAGEOTTE, Etude anatomique des cordons postérieurs. Nouvelle Iconographie de
la Salpêtrière, 1904, p. 38.
(2) la Nouveau Traité de médecine BnouARoEL, Gilbert et THOI : 'iOT, art. Tabes,
p. 630.
(3) Cité par NAGEOTTE, loc. cil., p. 34.
(4) NAGEOTTE, IOC. cit., p. 35.
(5) Cites par N.GEOTrE, in Nouvelle Iconographie de la Salpfitriùre, 190, p. 46.
(6) NAGFOTTR, id., p. 46 et suiv.
DE LA CONSERVATION ET DU RETOUR DES RÉFLEXES ROTUL1ENS 87
vis-à-vis des lésions de la bandelette de Pierret, sans doute parce que cette
dernière ne renferme que des fibres radiculaires moyennes (les fibres lon-
gues des racines lombaires et sacrées occupant, dans cette hypothèse, les
champs postéro-externes), ou bien parce que les fibres longues que la ban-
(belette externe pourrait renfermer sont épargnées dans des tabes localisés
à cette bandelette : le tabès ne frappe donc pas indifféremment et en même
temps toutes les fibres des racines postérieures. Quoi qu'il en soit, il ne
faut pas admettre sans réserve qu'il n'y pas do fibres longues dans la ban-
delette externe, en se basant, pour le dire, sur l'intégrité des cordons de
Goll quancrtla bandelette est lésée, car dans le tabès le mode de dégénéra-
tion n'est pas du tout comparable à celui de la dégénérescence Wallerienne;
des fibres longues peuvent bien être interrompues dans la bandelette ex-
terne sans pour cela nécessairement dégénérer dans toute leur longueur,
comme cela se passe dans le cas d'une section.
. Enfin, pour revenir à notre sujet et terminer ces considérations ana-
tomiques, nous attirons l'attention sur le voisinage étroit, dans la région
lombaire, de cette sclérose de la bandelette externe avec l'intégrité de la
zone d'entrée des racines de Westplial, dont nous avons plus haut donné
les limites. Notre observation confirme encore une fois la justesse du rap-
prochement établi par Weslphal entre le phénomène exceptionnel de la
conservation des réflexes et la localisation anatomique de la lésion qui
permet cette anomalie. Nous pouvons maintenant, en manière de conclu-
sions, ajoutant aux notions que nous venons de rappeler, des données
bien classiques et laissant de côté évidemment les cas où l'abolition des
réflexes rotuliens tient à l'altération des nerfs périphériques ou des cor-
nes et des racines antérieurs ou encore des muscles, avancer les proposi-
tions suivantes :
1 Il y a des tabes, avec lésions très étendues des cordons posté*
rieurs, qui ne présentent pas le signe de 1,Vestphal. Ce sont des ta-
bes supérieurs, avec lésions cantonnées dans là moelle cervico-dorsale
et symptômes céphaliques, oculaires, prédominants.
Ce sont aussi des tabès qui, tout en présentant des lésions dans la
région do ? ,so-loiîibaii-e,ol7e ? îi une intégrité plus ou moins absolue de
la zone d'entrée des racines, autrement dite zone radiculaire des 3°
et si paires lombaires.
2° On voit des tabes qui méritent il peine ce nom cliniquement tant
ils présentent peu de signes de celte maladie ait moment où on les
observe, puisque souvent le seul symptôme est le signe de TVestpltal ;
dans ce cas, la lésion siège dans la zone radiculaire des : : le et se paires
lombaires.
3° Il existe enfin des tabès aussi peu caractérisés cliniqucment que les
8s CILIf.IIsIi ET N0VK-J0SSERAND
précédents - puisqu'ils peuvent n'être traduits que par des crises
névralgiques, - dans lesquels le signe de Westpltal manque, et
pourtant la lésion siège bien dans la ¡'rfgion dorso-lombai1'e de la
moelle. Mais la zone de lVestplwl ou zone radiculaire des 3e et 1°
paires lombaires est respectée par la sclérose.
Notre cas est précisément un exemple de cette dernière variété.
Les tabès dits « incipiens «présentent- ils a vécu une plus grande fréquence
que les tabès avancés celle exceptionnelle conservation des réflexes rotu-,
liens ? M. Nageotte donne la définition suivante des tabès incipiens :
« Nous savons que le labes est une affeclioit radiculaire ; nous savons de
plus que dans sa première phase, c'est une affection systématique, c'est-1-
dire qu'elle attaque électivement certains syslémesélémentail'es des fibres
radiculaires, respectant les autres (Pierrel, W estpha 1, Fleelisig). Dans les
tabès incipiens, ces deux caractères, radiculaire et systématique,sont nets.
Dans les phases ultérieures, la sclérose perd son caractère systématique
pour devenir totalement radiculaire ; déplus, elle atteint certaines libres
endogènes. Le faites incipiens est donc essentiellement un labes qui est
encore systématique. » Noire cas est certainement un exemple de labes
incipiens, au sens où l'entend I. Nageotte; il semhle bien en être de
même pour le cas,anatomo-clinique de)DI. ,\cbard 01 Lé"i. On pourrait
sans doute trouver un certain nombre de tabès incipiens analogues à ceux-
là et sans signe de Westphai. Par contre, le cas précisément de tabès
incipiens, à propos duquel M. Nageotte (1) écrivait les lignes précédentes,
paraissait présenter le signe de Westplial ; l'observation a été égarée, dit
l'auteur, et l'étal des réflexes est inconnu ; mais le fait que, sur les coupes,
les "col Latéral es" réflexes ont disparu, suggère évidemment l'idée que les ré-
flexes rotuliens devaientjmanquer. Ainsi, tout en étant vraisemblable que
la conservation des réflexes roluliens est plus souvent observée dans les
tahes incipiens que dans les tabès avancés, il n'est pas pqssible de dire
que l'absence du signe de Westplial soit une caractéristique des tabes
incipiens,. La persistance de ces réflexes peut en effet se voir dans toutes
les variétés de tabès, qu'ils soient riches ou pauvres en symptômes, ataxi-
ques ou non, étendus ou non anatomiquement, pourvu que la zone de
Westplial reste relativement intacte. La conservation ou l'abolition des
réflexes roluliens dans le tabès est une pure question de localisation
anatomo-palhologique : suivant le point où les lésions du tabès débu-
(1) Nageotte, Société de biologie, 1901, p. 31 et Nouvelle iconographie de la Salpê-
triére 190+, p. 24.
DE LA CONSERVATION ET DU RETOUR 111.S RÉFLEXES ROTULIENS 8 ! 1
tent ou se cantonnent, le signe de Westphal peut manquer, apparaître
précocement ou tardivement.
On ne saurait aborder la physiologie pathologique des réflexes rotuliens
dans le labes, el laisser de côté la question de la réapparition du phéno-
mène du genou aptes qu'il a été trouvé aboli. Sans apporter, à ce sujet,
aucune considération tirée de notre cas, il est peut-être permis de revenir
sur la difficulté de trouver ce fait une explication satisfaisante.
On répartit, en général, les observations en deux groupes. Le premier
comprend celles où la réapparition des réflexes roluliens est consécutive à
l'association d'une hémiplégie au labes. Parmi les explications proposées,
qui ne tiennent peut-être pas toujours assez compte de l'incertitude de
nos connaissances touchant la physiologie normale des réflexes rotuliens
et ses rapports avec le cervean, nous retiendrons surtout celle de \I Noi-
ca (1), très séduisante par sa simplicité. Pour lui, si les réflexes chez un
tabétique ont disparu complètement, on ne les verra jamais revenir; mais
s'ils persistent encore très faiblement, ils s'accentuent, peuvent même de-
venir exagérés, du fait de l'hémiplégie. Telle est son opinion.
Il est bien certain qu'il se trouve des circonstances où nos moyens d'in-
vestigation clinique ne nous donnent pas la mesure exacte, mais seule-
ment approximative, du fonctionnement d'une organisation malade ou
troublée ; quand la percussion du tendon est sans résultat, il est habituel
d'en conclure que le réflexe rolulien est aboli, et rien n'est plus vrai ;
mais est-ce si dire que l'ébranlement dû au choc ne se transmette pas en-
core.quelque peu travers les conducteurs altérés, trop imparfaitement
sans doute pour arriver aux régions de la moelle où l'influx centripète est
transformé en mouvement et pour déclancher le réflexe normal ? De telle
sorte que s'il survient, dans ces circonstances, une cause susceptible d'exa-
gérer des réflexes rotuliens normaux, on ne voit pas pourquoi elle ne
pourrait faire réapparaître une réflectivité,jusque-la pour ainsi dire la-
tente. A ce sujet, un rapprochement est à faire entre l'interprétation pro-
posée par Noica et que nous trouvons très juste et les résultats obtenus
dans l'étude des troubles de la sensibilité chez les tabétiques par )1. Egger,
M. Egger est arrivé à celte conviction que les anesthésies des'tabes ne
sont jamais absolues, qu'elles n'existent que pour des irritations faibles et
qu'elles disparaissent sous l'influence de la sommation. « Quand on rap-
porte ces faits, dit il, aux lésions anatomiques, qui, d'après MM. Deje-
(1) Noica, Etal des réflexes tendineux au cours du ltcbe$compliqué d'hémiplégie.
lievue de Neurologie, 1907, p. 1044.
90 CHAI.IER ET NOVÉ-JOSSERAND
rine et, Thomas, consistent ordinairement en atrophie simple du cylindraxe
avec démyélinisation lente et progressive, on acquiert l'opinion que les
troubles de la sensibilité, quels qu'ils soient, résident dans un fonction-
nement défectueux du pouvoir conducteur des fibres nerveuses. La perte
de la gaine de myéline, la nutrition défectueuse du cylindraxe, entravent
la conduction pour des excitants ordinaires, mais par la sommation, la
conduction est provisoirement rétablie (I)." »
N'est-il pas, somme toute, légitime d'établir une comparaison enlre le
réveil de la sensibilité cutanée par la sommation et le réveil d'une réflec-
tivité médullaire sous l'influence de l'hémiplégie ? Sans doute l'imperfec-
lion de nos connaissances sur la physiologie des réflexes tendineux et
leur relation avec l'encéphale demande quelque réserve. Il nous paraît,
malgré cela, infiniment probable que, chez les tabétiques, l'abolition des
réflexes rotuliens, comme les anesthésies, ne sont ahsolues qu'en apparen-
ce. Là où des excitations faibles ou normales restent sans effet, qu'il sur-
vienne une modification dans le système nerveux capable d'exagérer les
réflexes rotuliens, comme le fait habituellement par exemple l'irritation
du faisceau pyramidal consécutive à la lésion cérébrale qui conditionne
l'hémiplégie et l'on assistera au retour des réflexes rotuliens. Pourvu que
les voies anatomiques ne soient pas complètement détruites, il n'est pas
improbable que ce soit par ce mécanisme, nous ne disons pas identique,
mais comparable à la sommation de M. Egger, que les réflexes rotuliens
réapparaissent chez le tabétique frappé d'hémiplégie.
Nous envisagerons maintenant un deuxième groupe d'observations où
les réflexes rotuliens sont réapparus sans l'aide d'une hémiplégie inter-
currente. Le fait est signalé par différents auteurs. M. Donath rapporte
l'histoire d'un tabétique de 33 ans, chez qui le signe de Westplial était
apparu 5 mois après les premiers symptômes ; il fut constaté encore 3 mois,
au moins, concurremment avec l'abolition du réflexe achilléen ; le malade
fut soumis à un traitementiodo-mercuriel, hydrothérapique et électrique,
et 22 mois après la constatation de la disparition de ces réflexes tendi-
neux, on en put constater le retour progressif (2). MM. Dejerine et Ingel-
rans ont vu le réflexe patellaire réapparaître après plusieurs années d'a-
bolition chez un sujet atteint de tabes arrêté par la cécité (3). « Ce fait
tend à démontrer, disent-ils, qu'il peut se produire une régression dans
les symptômes du tabès, lorsque t'atrophiepapittaire s'installe ; il va donc
à rencontre de la deuxième proposition de Benedict ; il est encore impos-
(1) EGGER, Biologie, 1902, p. 150, et Revue de neurologie, 1903.
(2) DONATII, Revue de neurologie, 1907, p. 663.
(3) Dejerine et 1,-iGELBANS, cité par UE181SINE et Thomas, in Nouveau Traité de méde-
cine de BROUAIIDEJ., GILRBIIT et THoiNOT, p. 607.
DE LA CONSERVATION El' DU IIETOUR DES RÉFLEXES ROTULIENS \11 I
sihle d'expliquer la rélrocession des symptômes et l'arrêt dans la sclérose
des cordons postérieurs, sous l'influence de la cécité. »
A ces cas de retour des réflexes, l'explication proposée plus haut ne
saurait convenir intégralement. L'influence du traitement nous paraît,
somme toute, assez simple. Il a pu se développer chez le malade de
Donath, grâce à l'électricité et à l'hydrothérapie, une activité plus grande
des échanges nutritifs, en même temps que ces agents thérapeutiques don-
naient plus de vivacité aux fonctions dynamiques nerveuses. En outre, le
traitement spécifique, surtout dans ce cas pris au début, a bien pu favori-
ser les phénomènes de régénération décrits dans les racines postérieures
par Marinesco. C'est là assurément un état éminemment favorable il
nne meilleure conduction des impressions périphériques, condition évi-
demment que les voies anatomiques des collatérales réflexes n'aient pas
été, au préalable, complètement détruites. Mais rien dans ce mécanisme
ne rappelle le phénomène de la sommation.
Au contraire, le retour des réflexes rotuliens sous l'influence de la ré-
cité peut s'expliquer par l'intervention d'un adjuvant comparable, sinon
.identique, à la sommation d'Egger. P. Marie (1) a montré qu'il y aurait
deux variétés de tabes avec cécité : le tabes avec ati-oplilepipilliiie et l'a tro-
phie papillaire des tabétisants ; la première forme comprend des tabéti-
ques classiques avec ataxie, signe de Romberg, trouble delà nutrition
générale; clans la deuxième forme, il n'existe pas de troubles trophiques,
les malades ont un bon état général ; les douleurs, l'ataxie sont peu dé-
veloppées. Dans un cas comme dans l'autre, on peut sans doute voir sous
l'influence de l'amaurose réapparaître les réflexes rotuliens. Mais, comme
l'a montré M. Leri et comme l'a admis M. Terrien (2), on ne peut accorder
à l'amaurose une action d'arrêt sur l'évolution ultérieure de la sclérose.
Ce n'est pas ainsi qu'elle agit; ce n'est pas sur le terrain anatomique
qu'elle a prise ; mais c'est par la physiologie qu'elle intervient pour mo-
difier la symptomatologie du tabes; du moins, on peut le penser. Tou-
jours à la lumière de ces expériences si ingénieuses de M. Egger, il n'est
pas illogique de croire que dans l'immense majorité des tabes, les collaté-
rales réflexes des racines postérieures ne sont atteintes que de lésions in-
complètes, assez considérables pour gêner le fonctionnement normal,
mais insuffisantes à empêcher à jamais et définitivement tout fonctionne-
ment. La voie anatomique n'étant pas coupée complètement, la présence
ou l'absence des réflexes rotuliens devient une question de dynamisme ner-
veux, et dépend de variations dans l'intensité de fonctionnement de nos
(t)P. Marie, Nouveau Traité de médecine Ba0UrIRDEL, GILBERT et Tn01NOT, art. Ta-
bes, par Dejerine et Thomas, p. 607.
(2) Terrien, De l'atrophie labêltque, Presse médicale, 18 mars 1903, n- 22, p. 172.
92 CHAI.II.It ET NOVÉ-JOSSEiAND
organes de perception, et surtout de ^attention. C'est une notion généra-
lement admise (l) que l'attention augmente le degré de la conscience,
diminue la durée du temps qu'il faut à l'impression poùr être perçue,
renforce les sensations, à égalité d'excitation ; en même temps, par l'ell'et
de l'attention, les résidus des sensations antérieures sont rappelés et
grossissent le flot des excitations nouvelles qui circulent dans le système
nerveux. Maintes observations faciles à faire sur soi-même, par exemple
en fermant les yeux, permettent de se rendre compte que cette cécité ar-
tificielle développe l'attention, affine les autres sens et rend conscientes
beaucoup d'impressions qui ne l'étaient pas ou l'étaient moins aupara-
vant. On peut bien penser qu'il en est de même dans la cécité réelle, il
condition sans doute qu'aucune lésion .surajoutée, de la corticalité par
exemple, ne vienne gêner le fonctionnement de l'intelligence, de la cons-
cience et de la sensibilité. On peut supposer que cllez le tabétique amau-
l'otique, c'est là le mécanisme par lequel se développe une source de som-
mations pour la moelle et sa réflectivité en subit l'influence tonique et
excitatrice.
Ces aperçus théoriques ne doivent pas nous retenir davantage. Rappe-
lons, en terminant, une expérience de -\\7estpliil (2) : sectionnant, chez
un lapin, une partie des racines postérieures du plexus crural, il vit le
phénomène du genou, d'abord aboli, réapparaître ensuite. Il pense que
dans les cas humains où les réflexes pitellaires sont revenus après avoir
disparu, la lésion spinale intéressait une partie seulement des fibres qui
interviennent dans la production de ce réflexe. Il reste d'ailleurs bien
entendu que toutes les fois que la voie anatomique des réflexes rotuliens
est complètement interrompue, il n'y a rien à attendre, en ce qui concerne
leur retour, ni de l'hémiplégie, ni de la cécité, du moins dans l'état actuel
de nos connaissances. '
Notre observation se prête encore à quelques considérations d'ordre
plus pratique. Rappelons qu'en présence des crises gastriques de notre
malade, l'idée avait été abandonnée de les rattacher il l'évolution latente
d'un tabes incipiens, à cause de la persistance des réflexes roluliens. Le
cours, des événements n'en a pas été modifié d'ailleurs, car l'étendue
de la tuberculose pulmonaire condamnait fatalement le malade, à brève
échéance, et rendait bien illusoire le résultai du traitement ioclo-liydrar-
(1) J. P. Morat, Innovations spécifiques, in Traité de physiologie, p. 694, 1902 ; JOAN-
NY Roux, Mécanisme anatomique de l'attention, Arch. de Neurologie, 1898, t. 2, p. 457.
(2) Cité par RAYMOND, art. Tabes, in Dict. encyclopéd. des sciences médicales, 1885.
DE LA CONSERVATION ET DU RETOUR DES RÉFLEXES ROTULIENS 93
gyrique qu'on aurait voulu prolonger. Il n'en reste pas moins vrai qu'on
ne saurait s'entourer de trop de considérations, s'il en est de capables de
prévenir l'incertitude d'un diagnostic. A ce point de vue,notre cas démon-
tre une fois encore que la lésion du tahes peut exister, plus ou moins
localisée et étendue, sans qu'elle se traduise par plus d'un seul et unique
symptôme : ce seront par exemple des crises gastriques, ou encore, il s'a-
gira, comme dans le cas de M. Gangolphe, de fractures à répétition ou
de lésions ostéo-articulaires ou articulaires : dans ces cas, dit-il, il ne
vient pas à l'idée qu'il peut s'agir d'une lésion tabétique, ou, si l'on y
songe, on élimine, en raison de l'absence des symptômes cardinaux, celte
hypothèse qu'une observation plus prolongée mettrait en lumière ; il il
résulte de tout cela des erreurs de diagnostic plus ou moins prolongées
qui font prendre pour tuberculeuses, syphilitiques ou sarcomateuses ces
lésions trophiques. L'intérêt pratique qui découle de ces notions est
évident ».
. En ce qui concerne lescrises gastriques, l'importance de la connaissance
de tels faits n'avait il pas échappé, notamment à MM. Dejerine et Thomas (1) ;
pour eux, très souvent la crise gastrique apparaît au début du tabes, peut
donner le change et faire croire à une simple gastropathie, tant les signes de
tabès sont latents. « .1 notre avis, écrivent-ils, nous sommes convaincus
que la plupart des faits décrits sous le nom de crises gastriques essentielles
ou de vomissements périodiques paroxystiques ne sont autre chose que des
crises gastriques chez des sujets présentant à un degré minimum des si-
gnes de tabès. Il faut aussi être prévenu de ce fait que les crises gastriques
peuvent précéder de plusieurs années les douleurs fulgurantes. Il importe
de ne pas oublier que le tabes fruste, celui qu'on doit soupçonner, re-
chercher avec soin, est beaucoup plus fréquent que le tabes avec ataxie ».
En face d'une crise gastrique, on s'efforce non seulement à soulager le
malade, mais aussi à diriger une thérapeutique contre la cause du mal,
qu'il faut pour cela 'connaître. Sans doute on ne connaît pas exactement
les liens qui unissent tabès et crises gastriques ; mais ce n'est pas une
raison pour négliger, de parti pris, le traitement du tabès, dans ces cir-
constances ; soigner l'état de l'estomac ne doit pas être là l'unique préoc-
cupation. Dès lors, il n'est pas vain de soupçonner derrière ce syn-
drome la lésion nerveuse qui fait le fond de la maladie ; et nous prenons
le terme de'lésion nerveuse dans son sens le plus large, tenant compte de
ce que chez le tabétique à crise gastrique ou viscéralgidue, la sclérose des
cordons postérieurs n'est pas tout, mais coexiste, sans doute, avec des
(tu Dejerine et Thomas, in Nouveau Traité de médecine BROUARDEL, Gilbert et Tuot-
noi, p. 578.
94 CHALIER ET NOV ? JOSSERAND
lésions des systèmes pneumogastrique et sympathique, dont l'intensité
n'est pas forcément parallèle a celle des systèmes radiculaires.
En somme, l'avantage que le malade trouverait peut-être à ce que, en
face d'une symptomatologie réalisant le syndrome « crise aastl idue », on
se méfie d'un tabes, non caractérisé par ailleurs, consisterait surtout en
ce qu'on pourrait soigner plus tôt la syphilis, qui reste bien certainement
la cause prédominante du tabès. On serait ainsi à même d'espérer davan-
tage d'un traitement qui prendrait plus près de leur début anatomique
les déterminations nerveuses de la vérole, car une des raisons qui fait qu'on
ne s'accorde pas encore sur l'efficacité du traitement hydrargyrique dans
le tabes, c'est sans doute qu'on l'applique parfois bien tard et qu'on lui
demande d'agir sur des lésions anatomiquement définitives et non pas en
voie de constitution. Dans l'application aussi précoce que possible du trai-
tement, c'est non seulement sur les lésions radiculo-médullaires, qui ne
sont pas les seules ni sans doute les principales causes des crises viscéral-
giques, qu'on chercherait à avoir prise, mais encore sur les altérations du
sympathique,voire même du pneumogastrique, lésions dues probablement
au virus syphilitique et que des études ultérieures montreront sans doute
comme de très importants facteurs de ces syndromes viscéralgiques.
Voyons, en effet, comparativement, la part qu'on peut faire à l'estomac
et aux lésions nerveuses dans la pathogénie des crises gastriques du tabes.
Cette pathogénie est toujours à l'étude. Les liens qui unissent cette lésion
radiculo-médullaire avec les manifestations viscérales et, en particulier,
gastriques, des tabès nous sont encore mal connus.
En ne considérant d'abord que les lésions des racines et des cordons
postérieurs dans leurs rapports présumés avec les crises gastriques, les
faits semblent bien démontrer que des labes tout il fait comparables entre
eux comme étendue et localisations des lésions, ne présentent pas égale-
ment ces troubles gastriques ; et inversement, on observe des crises sto-
macales avec des lésions radiculo-médullaires très légères et étroitement
localisées (notre observation en est un exemple), comme aussi dans des
tabes plus étendus. En un mot, qu'il soit localisé ou non, au début ou
avancé, fruste ou caractérisé, un tabes peut s'accompagner de crises gas-
triques. Il semble bien, dès lors, que la lésion médullaire ou radiculaire
ne représente pas tout le substratum anatomique du syndrome. On peut
soupçonner qu'il faille lui adjoindre des lésions supplémentaires (peut-
être des névrites périphériques frappant les fibres stomacales des systè-
mes sympathique et pneumogastrique ; sûrement des altérations anato-
miques de l'estomac).
DE LA CONSERVATION ET DU RETOUR DES RÉFLEXES ROTULIENS yà
Quelques observations viennent d'ailleurs montrer que les lésions
radiculo-médullaires ne sont pas indispensables à l'existence des crises
gastriques ; dans la thèse de Ili vay, on en trouve deux (1). Tout en éta-
blissant qu'il peut exister des crises gastriques véritables en l'absence de
lésions médullaires tabétiques, elles autorisent aussi à penser que ce syn-
drome se trouve parfois en rapport avec des lésions névritiques. L'étiolo-
gie de ces névrites est, il est vrai, obscure ; les malades niaient la syphilis
el l'alcoolisme ; ils n'étaient pas diabétiques ; enfin la tuberculose était
absente : toutefois il est bien vraisemblable qu'il s'agit là d'une syphilis
méconnue, plutôt que d'un autre agent morbide.
Bref, on s'achemine ainsi vers une pathogénie plus comprébensive. En
elfel, d'une part, il serait sans doute exagéré de refuser aux lésions radi-
culo-médullaires du tabes toute participation aux crises gastriques, mais
elles ne jouent qu'un rôle secondaire; leur présence est inconstante,
n'est ni nécessaire ni suffisante ; de plus ces lésions semblent n'intervenir
sur l'estomac que par l'intermédiaire des lésions tronculaires du sympa-
thique, liées aux dégénérescences des racines postérieures, comme J. Ch.
Roux (2) l'a montré. Mais,d'autre part, il existe des observations, comme
la nôtre, où les lésions radiculaires et médullaires sont trop peu éten-
dues, t ! 0p localisées, et trop confinées dans des régions basses d'où, vrai-
semblablement, il ne part aucune fibre sympathique à destination de
l'estomac, pour que l'interprétation de J. Ch. Roux trouve ici son appli-
cation. On connaît enfin des cas de crises gastriques sans lésions médul-
laires tabétiques et très probablement développées au cours de névrites
périphériques. Ces faits ne permettent-ils pas de faire une place impor-
tante, dans la pathogénie des crises gastriques, à des altérations nerveuses
périphériques du sympathique et du pneumogastrique stomacal ; ces lé-
sions seront de nature névritique, comme celles des nerfs périphériques
des membres ; à l'inverse de la lésion analogue, décrite par J. Ch. Roux,
dans le sympathique, lésion secondaire aux dégénérescences radiculaires,
ces névrites seraient primitives et évolueraient pour leur compte, paral-
(1) Obs. Vil. - Pseudo-labes, crises gastriques avec hématémèses. Autopsie; ulcère
ancien gastrique, pas de lésions histologiques des cordons postérieurs ; les quelques
fragments de racines persistant sur les préparations de moelle montrent un très léger
degre de se érose diffuse, aussi hien dans les racines antérieures que dans les posté-
rieures. Les neifs pér phériques n'ont pas été étudies. Cette observation est empruntée
par M. Rmnx à la thèbe de Mme ŸAYnCOP, Paris, 1904-1905.
Obs. VIII (empruntée par M. KIY.1Y à %1\1. Tolet et Froment, Soc. Méd. des Hôpi-
taux de Lyon, 1908, 2't novembre). - Crises gastriques, au cours d'une polynévrite ;
tabès absolument a rejeter, vu l'intégrité des cordons postérieurs. Ces observations
sont extraites de la thèse de Ittvay, Lyon, l9oR : Etat anatomique de l'estomac dans
les crises gastriques.
(2) Roux, Lésions du grand sympathique dans le tabès. Thèse de Paris, 1899-1900.
96 CHALIER ET NOVÉ-JOSSEI'AND
lèlement ou non, en coexistence ou non avec les lésions médullaires du
tabes ; elles seraient causées et entretenues, comme le labes, à la manière
d'une affection parasyphiiitifiue ; ou bien elles seraient directement des
lésions syphilitiques, sous la dépendance des toxines du spirochète,
Telles sont les hypothèses qu'on peut faire ; il faudrait les vérifier par
différentes recherches en tête desquelles viennent les examens histologi-
ques. Malheureusement, ceux qui sont utilisables pour l'étude de ce point
particulier sont peu nombreux. Ceux que J. Ci). Roux a pratiqués ont
porté sur le sympathique de tabétiques à lésions radiculo-médullaires qui
paraissent très avancées et étendues d'après le compte rendu malheureu-
sement un peu bref qu'il donne de l'étal de la moelle ; ceux de Graup-
ner (1) furent effectués sur le sympathique d'un' sujet atteint de sclérose
combinée des cordons postérieurs et latéraux; ils ont montré l'intégrité
des ganglions et de leurs cellules et révélé des altérations des fibres à
myéline des troncs sympathiques. Ce sont lu des examens peu faits pour
l'étude de l'hypothèse que nous avons émise, parce que l'étendue des lé-
sions nerveuses sympathiques permet de considérer ces lésions nerveuses
sympathiques comme leur étant secondaires, conformément aux con-
clusions de J. Ch. Roux. Il faudrait étudier l'appareil d'innervation de
l'estomac chez un labéticlite à crises gastriques, et dont les lésions radi-
cuto-méduiiaires fussent légères, discrètes, bien localisées en hauteur
et en largeur, et de préférence dans la région iombo-sacrée. Quel serait
alors l'état du sympathique et du pneumogastrique ? Si leurs troncs sont
malades, on ne pourrait plus, ici, mettre ces altérations sous la dépendance
des lésions médullaires ou radiculaires; on pourrait les considérer comme
l'expression d'une névrite primitive. S'ils étaient sains, on chercherait
alors une autre solution à ce difficile problème.
En somme, les lésions radiculo-médullaires apparaissent sans rap-
port très étroit avec les crises gastriques dons le labes ; on peut soup-
çonner logiquement l'existence de relations beaucoup plus intimes
entre ce syndrome et des névrites périphériques du sympathique et du
pneumogastrique stomacal, mais il faudrait les démontrer.
Quelle est maintenant la part de l'étal de l'estomac dans la pathogénie
des crises gastriques.
Dans la thèse de Rivay, on trouvera l'indication et l'analyse des prin-
cipaux travaux qui ont paru sur ce sujet et une revue critique de MM. To-
lol et Froment résume parfaitement bien l'état actuel de la question. Il
w apparaît que les observations de crises gastriques où l'autopsie est
assez complète pour renseigner sur l'état de l'estomac sont extrêmement
(1) Graupner, cité par J. CH. Roux, loc. cil., p. 32.
DE LA CONSERVATION Er DU RETOUR DES RÉFLEXES ROTULIENS 97
rares, et plus rares encore les examens histologiques. Une observation de
M. Devic démontre que l'estomac peut ne présenter aucune lésion mu-
queuse, musculaire, périlouéale,.interslilielle, au cours des crises gastri-
ques. Mais celte intégrité est véritablement exceptionnelle. En général,
l'estomac est malade et porteur de lésions les plus diverses (ecchymoses,
gastrite, ulcérations, tumeurs, etc.). Beaucoup de ces lésions ne sont que
desgastropathies simplement concomitantes et indépendantes des lésions
nerveuses ou de la syphilis (gastrites médicamenteuse, étlylique, cancer,
ulcère simple. lésion slénosante pylorique comme dans notre observation).
D'autres seraient peut-être des altérations syphilitiques de l'estomac, car
la syphilis gastrique, d'après Pater (I), serait moins rare qu'on ne le croit
communément. Enfin, il paraît possible, d'après les données de la phy-
siologie pathologique, que des lésions très variées soient sous la dépen-
dance directe des lésions du système nerveux.
. Quelles que soient leurs causes, ces lésions prennent part sans doute il ,1
la scène clinique. Mais dans quelle mesure ? Sont-elles nécessaires à l'ap-
parition des crises gastriques ; autrement dit, pour qu'un tabétique pré-
sente ce syndrome, faut-il qu'il ait une de ces lésions stomacales ? L'obser-
vation précédemment citée de ;\1. Devic permet de répondre par la
négative. En réalité, le rôle des altérations de l'estomac parait surtout
consister, sinon à créer, du moins à provoquer ou Ù entretenir les crises
gastriques chez les malades atteints d'une affection nerveuse qui, elle, est
nécessaire^ Quelle est celle ci ? nous avons vu que ce ne pouvait être seu-
lement la lésion radiculo-médullaire du tabès et que c'était peut-être une
névrite périphérique des fibres stomacales du sympathique et du vague.
Ces questions sont bien faites pour montrer la complexité de la patho-
génie des crises gastriques du tabès. Il faut l'envisager de plus en plus à
l'aide d'examens histologiques complets portant non seulement sur le sys-
tème nerveux central, et sur les parois de l'estomac, mais encore sur le
système nerveux périphérique.
Cette impression que nous nous sommes faite par cet examen métho-
dique des faits, nous avons été heureux de la trouver exprimée dans des
termes semblables, non pas il est vrai Ù propos des crises gastriques, mais
à propos de l'incoordination.
Déjà en 1907, M. E. Long (2), après étude anatomo-clinique de deux
cas de tabes dorsalis, en arrivait à celle conclusion : « Dans le tabès, Pin-
' (il Pater, Gaz. des Hôpitaux, 1907, Revue générale sur la syphilis gastrique.
(2) E. Long, Contribution à l'étude anatomo-clinique du labes dorsalis. 170 Congrès
' des Aliénistes et Neurologistes français, Genève-Lausanne, août 1908, p. 241, vol. des
Comptes-Rendus, Masson et Cie, éditeurs, Paris.
98 CHALIER ET KOVK-JOSSERAND
(ensilé des phénomènes d'incoordination motrice n'est pas toujours pro-
portionnelle à celle des lésions des racines postérieures. De tels faits don-
nent il penser que les lésions des nerfs périphériques peuvent avoir par-
fois., dans la pathogcniode ce symptôme : une plus grande importance que
les lésions radiculaires. »
Conclusions. 1
1. - Il existe des tabes avec conservation des réflexes roluliens; le
signe de Westplial est inconstant ; il peut apparaître précocement el sa
valeur diagnostique est alors immense. Par contre, il peut ne se mani-
fester que tardivement; aussi la conservation des réflexes patellaires ne
doit-elle pas empêcher, dans des cas fort rares il la vérité, de porter le
diagnostic de tabes, si d'autres symptômes y invitent.
If. - La présence ou l'absence des signes de Westplial est unique-
ment subordonnée à la localisation anatomique de la lésion.
Quand ce signe existe, la lésion intéresse, à la région dorso-lombai re
de la moelle, une zone exactement définie appelée « zone d'entrée des ra-
cines de Wesipliil ».
Cette zone peut rester intacte dans quelques cas rares, et le signe de
Westplial manque, alors que le tabes est cliniquement et anatomiquement
très caractérisé. D'autre part, cetle zone peut être seule atteinte elle signe
de Westplial exister sans qu'il y ait aucune des autres lésions médullaires
des tabès. Est-ce une lésion de la zone d'entrée des racines qui explique-
rait chez certains sujets absolument bien portants l'abolition des réflexes
patellaires que l'on constate parfois ? C'est là une hypothèse vraisembla-
ble. En tout cas des lésions portant ailleurs que sur cette région pourraient
aussi entrer en ligne de compte pour expliquer le phénomène.
n 1
III. - Dans le cours d'un tabes, les réflexes roluliens, après avoir été
abolis, peuvent réapparaître dans trois circonstances principales : après
une hémiplégie, après le développement d'une amaurose, après un traite-
ment spécifique, hygiénique et tonique.
Le mécanisme par lequel se fait ce retour n'est pas tout à fait le même
dans ces diverses circonstances.
A la suite du traitement on peut penser qu'il s'est produit une amélio-
ration anatomique des fibres nerveuses malades et une amélioration des
DE LA CONSERVATION ET DU RETOUR DES RÉFLEXES ROTULIENS 99
fonctions nerveuses en général. L'influx autrefois incapable de passer
dans des conducteurs altérés deviendrait capable de le faire, trouvant de-
vant lui des voies moins défectueuses.
Après l'apparition de la cécité, dans le cas de préférence où le malade
est possesseur d'une activité intellectuelle suffisante, la concentration de
l'attention et le développement de l'exercice des appareils de perception,
phénomènes qui peuvent suivre la privation de la vue, réalisent, sans
doute par une sorte de mise en tension des éléments nerveux, des condi-
tions plus favorables au passage à travers la moelle de courants nerveux
renforcés et plus nombreux, ainsi qu'à leur utilisation par la moelle, en
vue des actes réflexes.
Enfin, le retour des réflexes rotuliens, après qu'une hémiplégie s'est
installée chez un tabélique, serait un effet de l'irritation que subit le
faisceau pyramidal à la suite de la lésion cérébrale, et qui, par un méca-
nisme encore mal discuté, mettrait en tension le neurone moteur.
. Dans toutes ces circonstances, une condition est absolument nécessaire
pour que les réflexes rotuliens réapparaissent : il faut que les voies anato-
miques ne soient pas complètement ni définitivement détruites, que l'abo-
lition des réflexes rotuliens ne soit absolue qu'en apparence et n'existe
que parce que les excitations habituelles sont devenues insuffisantes par
suite de l'état pathologique des voies. Si ces voies s'améliorent ou si les
excitations qui circulent dans le système nerveux augmentent, les réflexes
peuvent réapparaître.
Mais, en aucun cas, ils ne sont capables de retour, si les voies analomi-
ques sont complètement et définitivement détruites.
IV. - La pathogénie des crises gastriques dans le tabès est encore il
l'étude. L'estomac est exceptionnellement sain. Ses altérations sont, les
unes indépendantes du tabès (tumeurs, par exemple), les autres contem-
poraines ou consécutives aux crises et au tabes, et leur étant liées d'une
manière encore mal connue.
On ne connaît pas de lésions gastriques susceptibles d'être regardées
comme les seules et uniques causes des crises gastriques analogues à celles
du tabès; les crises violentes ressemblant beaucoup à celles du tabes sont
observées parfois dans l'hyperchlorhydrie ; mais certains auteurs qui se
sont occupés de la question, pensent que l'hyperchlorhydrie n'atteint ce
degré que chez les sujets à labes latent.
En tous cas, les gastropatlies, si elles ne sont ni la cause principale, ni
la conséquence, encore moins la cause unique des crises tabétiques, inter-
viennent grandement pour les déclancher et les entretenir, les rendre plus
fréquentes, plus tenaces et plus intenses.
100 CHALIER ET NOVf-JOSSERAND
Quant à la pari du système nerveux, elle demande à èlre précisée par
de nouvelles recherches. Les crises ue sont pas toujours parallèles et pro-
portionnelles aux lésions radiculo-médullaires. On peut penser que les lé-
sions des nerfs périphériques (névrites primitives du sympathique et du
vague) peuvent avoir dans la pathogénie du syndrome une plus grande
importance que les lésions radiculaires.
Nouvelle Iconographie de la SAL1'FIItIFItE. T. XXV. PI. XV
UN BARBIER-PÉDICURE
de DAVID-TI : NIERS LE Jeune
Musée de Dijon
('Rollssolle)
Masson & Ci«, Editeurs
LE CHIRURGIEN DE CAMPAGNE
PAh
le Dr BROUSSOLLE
(de Dijon).
1
Voici une nouvelle peinture qui se rattache à la série des chirurgiens de
village, et notamment des Pédicures, dont un grand nombre ont été signa-
lés, commentés et reproduits dans la Nouvelle Iconographie de la Srtlpê-
trière (1).
Il s'agit vraisemblablement d'une oeuvre de David Teniers le Jeune,
comme en témoignent les initiales D. T. qui figurent sur un des acces-
soires (pli. XV).
La scène se passe dans une grande pièce communiquant à droite avec
une seconde pièce plus petite moins éclairée et située sur un plan plus
reculé.
Une cloison verticale située à l'union des deux tiers avec le tiers du
côté droit du tableau sépare ces deux scènes d'inégale importance.
Sur le devant de la scène les personnages principaux sont au nombre
de quatre : tout d'abord le barbier et son malade placés au premier plan
et en pleine lumière. Le barbier a le genou gauche à terre et il est placé
bien en face de son malade.
Celui-ci est assis de profil sur une chaise placée légèrement de côté,
il appuie son pied gauche sur un escabeau et soutient sa jambe avec les
deux mains placées sous le jarret.
Ce blessé est un homme déjà âgé, chauve, les cheveux et la barbe gri-
sonnants. Sa figure est calme et ne révèle aucune inquiétude relative-
ment au pansement qu'il va subir.
Il s'agit en effet du changement d'un emplâtre placé sur le dos du pied
blessé.
(1) Henry AIEIGE, Les Peintres de la Médecine. Les Pédicures au Xl'llc siècle. Nouv.
Iconographie de la Salpètrière, N°s 1 et 2, 189 i.
102 BROUSSOLLE
L'habit du patient est de couleur grise de même que son feutre à plume
blanche placé sur le montant de la chaise.
La culotte courte arrêtée au genou est aussi de couleur grise, des bas de
laine et des savates complètent le costume du blessé.
Très en lumière et bien au centre du tableau est placé le chirurgien un
genou à terre, tenant de sa main gauche le pied du blessé, il soulève de
l'autre main l'emplâtre qui recouvrait la blessure.
Le barbier parait moins âgé que son blessé, sa figure est osseuse, les
traits accentués, le nez fortement busqué, le menton fort et carré, la lèvre
supérieure peu proéminente.'
Sa tête est recouverte d'une sorte de calotte de toile blanche bien posée
carrément. 1
Son costume consiste en une sorte de sarrau ou blouse de toile marron
comme le pantalon. A sa ceinture sont suspendues deux clefs ; à ses pieds
on voit des instruments et des pots.
La physionomie du barbier est très calme; il ne quitte pas des yeux
son blessé. -
Voilà pour les deux principaux personnages en scène.
Derrière ce groupe on aperçoit deux femmes, deux voisines ou deux
clientes ; l'une âgée et debout en arrière et placée entre les deux person-
nages déjà décrits ; presque de face mais tournant la tête à gauche pour
épier l'expression de la figure du patient.
Cette femme coiffée d'une capeline porte un panier et a les deux mains
croisées et placées sous son tablier.
A côté d'elle et à droite, tout à fait derrière le blessé et plus en arrière
s'ouvre une porte donnant une forte lumière et à travers cette porte appa-
rait alors une seconde voisine curieuse également de savoir ce qui se passe
dans la boutique du barbier. Celle femme plus jeune, fortement"consti-
tuée, grande, est velue d'une camisole et d'une robe rose clair ; elle aussi
tient dans son bras gauche un panier.
Un cinquième personnage également bien en vue est au premier plan
du tableau et à l'extrémité droite de la toile. C'est un apprenti qui se
lient derrière une table sur laquelle est un réchaud ; son occupation est de
tenir tout prêt un nouvel emplâtre et il attend les ordres du barbier qu'il
regarde tout en surveillant la besogne qui lui est confiée.
Dans la seconde pièce située tout à fait en arrière est un barbier den-
tiste qui exerce son adresse sur un patient assis et ouvrant largement la
bouche.
. Nous ne parlerons pas du cadre ordinaire de ces scènes de médecin de
LE CHIRURGIEN DE CAMPAGNE 10.3
campagne, les tables encombrées de pots de pommade, les étagères qui ren-
ferment les bocaux, les pots, les bouteilles nichées dans une embrasure de
mur, les serpents empaillés qu'on voit pendus au plafond, tout l'attirail
habituel des boutiques du barbier de celte époque (1).
(1) Ce tableau est actuellement au Musée de Dijon auquel j'en ai fait don (Dr 1s.13.)
Le gérant : -. Il. 130UCllEZ.
lmp. J. Thevenot, Saint-Dizier (Haute-Marne).
UN CAS DE BLESSURE PAR ARME A FEU A LA TÈTE
(GUÉRISON AVEC RELIQUAT d'hÉMIANOPSIE ET ALEXIE).
PAR
D' Sven JOHANSSON
Chirurgien à l'Hôpital de Sabbatsberg.
et
D' Harald FROEDERSTROM
Chef de service à la clinique
de psychiatrie de l'Asile de Konradsberg
aocxnomn.
. I
L'occasion nous a été fournie d'étudier un cas de blessure à la tète,
causée par une balle Mauser ; les blessures de ce genre étant, en temps
de paix, plutôt rares, et le cas présentant, en outre, un certain nombre de
troubles cérébraux intéressants, il nous a paru mériter d'être décrit.
Le 17 août 1911 aux exercices de tir effectués au champ de manoeuvres de
Hagerstalund près Stockholm, M. Blomqvist, engagé volontaire n° 27, qui fai-
sait le service de marqueur fut atteint par une balle (fusil d'infanterie de l'ar-
mée suédoise, Mauser cal. 6 mm.) tirée à 260 m. de distance. Tant par les
renseignements fournis devant le conseil de guerre que par les recherches
faites sur place, on a acquis la certitude qu'il s'agissait d'un pur accident dans
lequel, directement et sans aucun ricochet, la balle atteignit le blessé au côté
gauche de la tête. Immédiatement après l'accident, le blessé garda connais-
sance durant quelques instants, et à la question s'il était gravement blessé, il
répondit : non, pas gravement. Puis il demanda à boire. Peu après il perdit
connaissance, et des vomissements commencèrent. A ce moment, on constata
que de la substance cérébrale sortait de la plaie. Moins d'une heure après
l'accident, le blessé fut transporté à l'Hôpital de Sabbatsberg.
Le malade est examiné aussitôt son arrivée : il est sans connaissance et au-
cun appel ne peut l'éveiller. Extrêmement pâle. Le pouls, imperceptible à
certains moments, se laisse à d'autres percevoir; il est filiforme et très ra-
pide. Les mouvements passifs des bras'et des jambes s'effectuent sans diffi-
culté. On ne constate aucune paralysie des nerfs crâniens. Dans la région tem-
porale gauche, à environ 4 centimètres au-dessus du point d'attache de l'oreille,
se trouve une plaie d'une quinzaine de millimètres de diamètre et qui semble
se propager à travers l'os; sur la ligne médiane de la tête, cm. 1/2 au-dessus
de la protubérance occipitale externe, existe une plaie analogue. A peu près à
xxv 1
106 JOHANSSON ET FROEDERsrnOllI
mi-chemin entre ces deux plaies, 011 eu trouve une troisième d'à peu près trois s
centimètres de longueur,aux bords déchiquetés et au fond de laquelle des esquil-
les, de la substance cérébrale et des cheveux forment un magma. Dans le pan-
sement provisoire une certaine quantité de substance cérébrale. Après l'admi-
nistration de cordiaux (camphre et Digalen Merck) et, par voie sous-cutanée,
d'un litre de sérum cliiruical, le pouls s'améliora légèrement.
L'opération eut lieu vingt minutes environ après l'arrivée (faite par le
Dr Johansson).
Après avoir rasé et désinfecté à la teinture d'iode le champ opératoire, l'o-
pérateur pratiqua un large débridement en réunissant les deux plaies anté-
rieures par une ligne transversale qui en outre fut prolongée en arrière
jusqu'à la ligne médiane. La longueur totale de l'incision était de 10 centimè-
tres environ. -
On découvrit alors que toute la partie osseuse sous-jacente et qui était cons-
.tituée par des parties de l'écaille du temporal, de l'occipital et, surtout, du
pariétal, avait été réduite en de nombreux morceaux dont quelques-uns avaient
pénétré dans la partie sous-jacente du cerveau. La dure-mère de cette région
était complètement déchirée. Tous les fragments osseux furent enlevés et
quelques vaisseaux d'où le sang s'échappait furent ligaturés, après quoi on tam-
ponna légèrement la cavité de la plaie avec de la gaza iodoformée. En plus de
cordiaux et du sérum chirurgical par voie rectale, de l'urotropine fut prescrite
à la dose de 1 gramme trois fois par jour,
Le soir de la même journée la température du malade était tombée à
36° 2 C. Le pouls faible, 120. Perte de connaissance persistante. Le jour
suivantj'le pouls était un peu plus fort, pas tout à fait aussi rapide, La tem-
pérature du sdii~38°4 C. A part cela aucun changement.
Durant la semaine suivante, le pouls s'améliora, il se fit plus lent et plus
ferme. La température du soir resta stationnaire, légèrement supérieure à 38° C.
Tout en restant toujours sans connaissance, le malade prononça quelques paro-
les incohérentes. On était obligé de l'alimenter et de vider la vessie à la sonde.
Pas de parésie des extrémités. A chaque changement de pansement, on trouva *
une assez grande quantité de substance cérébrale tant dans le pansement
qu'autour de la plaie ; la quantité totale de substance cérébrale perdue pourra
approximativement être évaluée il près de 100 cm'. L'écoulement de liquide
céphalo-rachidien était abondant. Par contre, il n'y eut point de suppuration.
Au cinquième jour après la blessure, le malade eut une crise de contracture
tonique de l'abdomen (opistotonus) et des contractures cloniques dans la région
faciale droite inférieure. La crise dura quelques minutes pendant lesquelles le
pouls resta filiforme. Durant les vingt-quatre heures suivantes, il y eut encore
quatre crises analogues. Depuis, on constata une hémiplégie faciale légère qui
d'ailleurs n'a fait que s'amender progressivement depuis lors.
Durant la seconde semaine de la maladie, l'écoulement de substance céré-
brale et de liquide céphalo-rachidien cessèrent. Le malade commença à réagir
aux appels, il put manger seul et faiie comprendre qu'il avait besoin d'uriner.
A la fin de cette même semaine il reprit connaissance. Tout d'abord, il ne savait
NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SLPE'1'R1GRE.
If ..........
T. XXV. PI. XVI
BLESSURE DE TÊTE PAR ARME A FEU - HEMIANOPSIE ET ALEXIE
(Johansson ci Froderstrona).
Masson & CIC, Editeurs
Pho[('[ytn< : De)[)'f't'.t,t'tUt9
UN CAS DE BLESSURE PAR ARME A FEU A LA TÈTE 107
pas où il était, ne se rappelait ni son nom, ni celui de sa famille. Ses paroles
étaient presqu'inintelligibles, et il ne pouvait ni saisir, ni répéter même les
paroles les plus simples. Cependant, peu à peu son état tant physique que psy-
chique alla s'améliorant.
Or, on ne tarda pas à s'apercevoir de l'existence chez le malade d'un certain
nombre de troubles cérébraux dont la description sera donnée dans la seconde
partie de cet article.
A partir du 15 septembre le malade a une température normale et le
5 octobre on lui permit de s'habiller. Depuis la fin de novembre la plaie
est complètement cicatrisée. Il n'y a jamais eu de suppuration.
Actuellement (12 décembre) en examinant le siège de la blessure, on perçoit
nettement une pulsation cérébrale sans cependant constater de saillie anor-
male. Il y a environ 11 centimètres entre les bords antérieur et postérieur de
la lésion ; celle-ci a la forme d'une ellipse irrégulière d'environ trois centimè-
tres de largeur (Pl. XVI).
La radiographie découvre, en outre de la lésion proprement dite, plusieurs
'traits de fracture de l'os, se propageant en avant, en haut et en bas. En outre,
on aperçoit des ombres de corpuscules métalliques (Pl. XVII).
Si l'on appuie sur la partie postéro-inférieure de la lésion, le malade accuse
une douleur nette, assez prononcée. En un champ limité au milieu de la
lésion, l'épidémie est anesthésique (au tact et à la douleur) : ce sont là les
seul.; troubles objectifs de la sensibilité. '
Durant le séjour à I'Ilùpital, aucun trouble n'a été constaté au cou, ni
dans la région scapulaire. Ni la motilité, ni l'état général du malade ne laissent
rien à désirer.
II
La blessure qui nous occupe est indubitablement une blessure en selon ;
plus précisément, c'est la forme que les Allemands appellent « Furchen-n
ou « Rinnenschuss », c'est-à-dire une blessure par arme à feu caractérisée
par le fait que la partie du crâne comprise entre l'entrée et la sortie du
projectile se trouve fracturée, par éclatement, en un certain nombre de
fragments lesquels forment avec la substance cérébrale et la dure-mère
un magma enchevèti é ; dans les os environnants il y a, généralement, des
traits de fracture plus ou moins sérieux.
Les anamnestiques établissent que c'est la tempe qui doit être considé-
rée comme le point d'entrée du projectile. La structure anatomique de la
blessure ne donne aucune indication à ce sujet. A l'aide du crâniomèlre
de Kocher, nous nous sommes efforcés de faire la détermination topo-
graphique du siège de la lésion cérébrale. En adaptant ce crâniométre à
la tête du malade, on trouve que le milieu de la lésion, qui est en même
temps l'endroit où l'écoulement de substance cérébrale se manifesta sur-
108 JOHANSSON ET FnOEDERSTI\01\1
tout. correspond assez exactement au point d'intersection de la ligne
temporale et de la linea limitons de Kocher (Fig. 9 ).
Au-dessus de la ligne temporale on doit trouver le pli supramarginai et
le pli courbe, séparés par la linea limitons, et plus bas cette même ligne
séparerait les lobes temporal et occipital.
Tant par l'évolution clinique de la maladie que par la détermination
approximative du trajet delà balle l'intérieur du cerveau, il semble
prouvé que le ventricule latéral n'a pas été ouvert ; pour la discussion plus
approfondie des lésions cérébrales, nous renvoyons le lecteur à la seconde
partie de cet article.
Malgré des examens réitérés de la partie postérieure de la tète, du
cou et des omoplates, nous n'avons constaté aucune trace de ces zones
hyperalgésiques qui, signalées d'abord par Vilms comme accompagnant les
blessures par arme à feu et d'autres traumatismes de la tête, ont depuis
été étudiées surtout par Vorschutz.
Quant au traitement, il n'y a pas grand'chose à ajouter. Même les chi-
rurgiens les plus conservateurs sont d'avis que dans les cas de lésions
analogues à celle-ci, iedébridement est indiqué. Cette indication qui con-
cerne le temps de guerre, est, à plus forte raison, valable pour le temps
de paix où l'on dispose de toutes les ressources d'un hôpital moderne.
C'est dans un but de prophylaxie anti-infectieuse que nous prescrivi-
Vlu. 1.
Nouvelle Iconographie DE la Salpêtrière.
T. XXV. Pl. XVII
BLESSURE DE TETE PAR ARME A FEU
(Johmasson ei Froderstrom) .
Masson & Cne, Éditenrs.
UN CAS DE BLESSURE PAR ARME A FEU A LA TÊTE 109
mes au malade de l'urotropine, médication qui fut maintenue pendant les
premières semaines. Depuis longtemps déjà, celle préparation, combinai-
son de l'ammoniaque et du formaldéhyde, a été employée dans les pro-
cessus infectieux des voies urinaires, et son action netlement favorable a
été attribuée à sa décomposition en formaldéhyde pur.
Il y a quelques années, l'américain Crowe démontra que, pris par
ingestion, l'urotropine se dépose dans le liquide céphalo-rachidien où il
s'oppose au développement des microbes ; en conséquence, il proposa
d'employer ce médicament dans les méningites. Depuis, entre autres,
lbralim (1), qui a fait des recherches de contrôle, est arrivé au même
résultat. Dans un article publié par Cushing, le célèbre spécialiste de
chirurgie cérébrale américain, et Crowe, les auteurs rapportent que dans
82 cas d'opérations à l'intérieur du crâne Cushing s'est servi de ce médi-
cament dans un but prophylactique; dans aucun de ces cas, il n'y a eu
de méningite. En conséquence, les auteurs proposent l'emploi de l'uro-
tropine dans toutes les opérations intéressant le système nerveux central.
Actuellement, ce médicament est très employé pour la prophylaxie el
la thérapeuthique de la poliomyélite épidémique. Dans ce cas aussi, c'est
sa propriété de se déposer dans le liquide céphaio-rachidien qui ra fait
employer.
Néanmoins, des recherches bactériologiques plus approfondies sont dé-
sirables, entre autres choses pour fixer la résistance des différents micro-
bes au médicament.
Mais dès maintenant l'emploi de ce médicament est pleinement justi-
fié au point de vue prophylactique dans les cas de fractures compliquées
et de blessures par arme à feu du crâne.
III
Comme on l'a vu d'après la description chirurgicale, la lésion crânio-
cérébrale est localisée à une région dont l'importance dans la topographie
cérébrale ne saurait être méconnue, c'est-à-dire à la partie postérieure de
la convexité de l'hémisphère gauche chez un individu droitier. Malheu-
reusement, plus de deux mois s'étaient écoulés avant qu'on ait pu exami-
ner le malade au point de vue neurologique, et durant ce temps l'état du
blessé s'était amélioré sous plusieurs rapports, ce qui a évidemment
rendu plus difficile l'interprétation des symptômes persistant à cette
époqué.
Commençons par compléter les anamnestiques par les quelques ren-
seignements suivants :
(1) Iunwnu : Die VerwandGarl,cil des 0)'o/)-nn ! ns sur Behandleng der serôsen und
eitrigen hlenirtgitis, speciell des Kinderallers, Med. Klinik, 1910, II, p. 1893.
11O JOHANSSON ET FHOEOERSTROM '
B... est né le 29 septembre 1890 à Ilullaryd, commune rurale située
au sud de Stockholm. Ses parents sont bien portants ; le père est cordon-
nier, et B... l'a, autrefois-, aidé dans son métier; il a deux frères et qua-
tre soeurs, tous en bonne santé. Le 1" novembre 1910 B... s'engagea
comme recrue à la Garde royale suédoise à Stockholm, où il s'est montré
intelligent et appliqué ; son intention était de devenir instituteur
une fois libéré du service militaire, intention dont la réalisation a
été rendu impossible par suite de son accident. Le le, août, il avait ob-
tenu une permission de deux semaines pour se rendre dans sa famille, et
le 14 août, il était rentré à Stockholm ; trois jours plus lard, il fut blessé
par la balle.
Les premières paroles qu'on entendit B... prononcer lorsqu'il eut re-
pris connaissance étaient son propre prénom et ceux d'une soeur et d'un
frère : Gustaf, Disa et Teodor ; ensuite sou nom de famille et le mot Hul-
larjdlui vinrent à l'esprit. Un certain nombre de souvenirs semblent
avoir été réveillés par des associations de sons : ainsi, en entendant pro-
noncer le mot bleck qui en suédois signifie encre, il se rappela que son
beau-frère était bleckslagal'e, ce qui signifie ferblantier, et prononça cor-
rectement ce mot. L'ordre dans lequel revenaient ses souvenirs était nette-
ment antérograde : ainsi, les idées plus anciennes delà maison familiale,
du père et de la mère, les frères et soeurs, de son enfance et de sa posi-
tion sociale ne se rattachaient que lentement aux idées plus récentes de
son séjour à Stockholm comme soldat; ici, la formation des associations
fut facilitée par l'intérêt que lui portaient durant leurs visites ses supé-
rieurs et ses camarades du régiment. Mais à la fin du mois d'octobre, au
moment où commencèrent les examens méthodiques, il ne savait encore
rien de son congé passé dans sa famille au commencement du mois
d'août. A l'aide de question associatives, on réussit cependant peu à peu
à évoquer des détails l'un après l'autre ; il se rappelle le nom de la
station de chemin de fer desservant sa commune natale, il se rappela en-
suite que son père était venu le chercher avec une voiture, qu'il
avait été danser et quelques autres détails ; toutefois, ses souvenirs restent
rares et sans relief ; spontanément il dit qu'il trouve qu'il y a bien long-
temps de tout cela.
Il arrive à se rappeler que, pendant le voyage de retour, il était en
compagnie de quelques-uns de ses camarades; mais tout ce qui lui est
arrivé depuis que, le Il au soir, il est de retour à Stockholm reste, ac-
tuellement au moins, complètement effacé de sa mémoire ; c'est parles
récits de son entourage qu'il sait que, le 17 août, il prit part aux exerci-
ces de tir et que, faisant le service de marqueur, il a été atteint d'une balle,
mais à ce « fait historique » il est incapable de relier, de par son expé-
rience personnelle, le moindre souvenir.
UN CAS DE BLESSURE PAR ARME A FEU A LA TÈTE 111
Sur un croquis de cerveau (d'après Pflifer et Dejerine) nous avons, à
l'aide de clichés Rôntgen et de calculs craniomélriques, projeté la lésion
de B... ainsi que le trajet de la balle. Les variations individuelles de l'ar-
chitectonique du manteau ne pouvant pas être contrôlées, cette projection
n'a pas la prétention d'être absolument exacte ; parlant, les limites indi-
quées devront être considérées comme seulement probables.
Entre les points d'entrée et de sortie de la halle on mesure sur le crâne
une distance de 10 centimètres, ce qui correspond, en ligne droite, à un
trajet de 8 centimètres et nous donne un parcours à travers la substance
cérébrale de 7 centimètres au maximum, le point le plus profond delà sé-
canlese trouvant à 2 centimètres environ de la surface du manteau. La balle
a dû s'engager juste entre les lobes pariétal et temporal, en déchirant la
partie inférieure du pli courbe, pour ressortir par la deuxième circonvo-
lui ion occipitale ; en outre, par répercussion, la substance médullaire a
dû être détruite jusqu'aux abords de la corne du ventricule.
Dans les limites de la lésion crânienne, non seulement de grandes par-
ties de la substance cérébrale ont été détruites, mais les parties corres-
pondantes du manteau ont été dépouillées de leur enveloppe osseuse ainsi
que d'une partie de leur enveloppe durale ; en conséquence, la pression
cérébrale et la vascularisation ont subi des modifications, des faisceaux
de vaisseaux importants ayant été détruits et d'autres ayant été compris
dans la cicatrisation.Pour cette raison, était à craindre que des embolies,
de l'ischémie ou des hémorragies collatérales ne provoquassent des
troubles dans d'autres régions de l'hémisphère intéressé. Cependant, le
tableau des symptômes cliniques semble prouver que le processus des-
tructeur a été assez nettement limité aux alentours les plus immédiats du
trajet de la balle, laquelle circonstance expliquerait, en grande partie,
l'issue particulièrement heureuse.
Les troubles constatés chez B... se limitent au domaine psychique et à
l'innervation crânienne. Les organes de la cavité thoracique et du bassin
fonctionnent normalement ; la motilité du torse et des extrémités reste
intacte; les réflexes tendineux et peauciers sontnormaux : à l'examen de
la sensibilité on constata une légère différence de la sensibilité à la dou-
leur dans la partie inférieure de la jambe.
Au côté gauche du visage on constate toujours de la parésie dans la ré-
gion de la commissure : et, dans un champ limité au-dessous du sinus,on
trouve la sensibilité tant au tact qu'à la douleur émoussée sans pouvoir
rien découvrir d'analogue du côté gauche. De légers coups de marteau à
percuter dans la région du sinus droit (sur le nerf facial) occasionnent des
contractures de tous les muscles mimiques jusqu'à la narine et la com-
missure (phénomène de Chyostek) cependant qu'ic gauche cet effet ne se
produit pas.
112 JOHANSSON ET- FROEDERSTROM
L'examen des oreilles auquel s'est livré le Dr Boivie à la Clinique d'au-
rologie de l'Hôpital de Sabbatsberg démontra le fonctionnement normal
des organes de l'ouïe et le bon état de l'appareil ventriculaire.
L'examen des yeux, effectué parle Dr Forsberg, donna les résultats
suivants : l'acuité visuelle de B... est égale a 9 ; les mouvements bulbaires
ont lieu dans des proportions normales ; le pouvoir d'accommodation, qui
à de B... devrait être de 10, est rabaissé à G. La dilatation des pupilles
est modérée, tous les secteurs de champ visuel réagissent à la lumière,
mais l'amplitude de contraction esl assez faible' pour les faisceaux lumi-
neux puissants.
A l'examen du champ visuel que nous avons pratiqué personnellement,
nous avons constaté une hémianopsie binoculaire intéressant le côté droit
de l'oeil. La ligne de délimitation entre la lumière et l'obscurité qui dans
les segments inférieurs est presque perpendiculaire, subit au centre une
déviation d'à peu près 3 degrés à l'avantage de la lumière; la macula
reste donc entièrement sensible aux perceptions, bien que la fatigue su-
hile à la fixation d'un objet semble indiquer que le nombre des éléments
sensibles de la macula ait été diminué. Les tableaux montrent que l'anop-
sie intéresse dans une mesure non négligeable aussi la moitié gauche des
yeux sous forme d'un rétrécissement concentrique du champ visuel.
C'est là une ôhservation qui se'retrouve dans la presque totalité des cas
Fic. 2. 1
UN CAS DE BLESSURE PAR ARME A FEU A LA TÊTE 113
publiés d'hémianopsie analogue. Henschen en attribue la cause à un affai-
blissement des fonctions psychiques, et l'on pourrait soutenir qu'elle
correspond au rétrécissement de champ visuel des hystériques et des neu-
rasthéniques, laquelle dépend, selon Janet, d'un « épuisement cérébral ».
Une diminution analogue de l'énergie perceptive, causée par la lésion
organique, s'accuse chez B... encore par les variations des limites du
champ visuel qui varient d'une fois à l'autre bien que les examens aient
été faits au même moment de la journée, avec un éclairage constant et
en tenant compte de la fatigue. La perception du rouge el du vert est à
peu près proportionnelle à celle de la lumière blanche. Selon la théorie de
Ilenschen sur les voies de transmission des perceptions visuelles qui, en des
pointsessen tiels di fTèrede celle de Mons Row, J'hémianopsie chez B...devrait 1
tenir soit à ce que le centre optique du manteau de l'hémisphère gauche,
la partie dénommée aren striata, a été complètement détruite, soit à ce
que la communication entre le centre optique du manteau et les ganglions
a été interrompue. Il ne paraît point probable que la scissure calcarine
soit atteinte par la destruction ; le trajet de la balle n'a pas frôlé la surface
médiane de l'hémisphère, et à son point le plus profond il n'a pas pu
toucher la corne du ventricule dont l'ouverture n'aurait pas manqué
d'amener une mort subite. La surface médiane de l'hémisphère est irri-
guée par l'artère centrale postérieure, et la convexité par l'artère centrale
antérieure. Les effets de compression et de commotion produits au mo-
ment de l'accident ont été passagers, et, comme la scissure de Rolando
est restée indemne en dépit de l'effet explosif qui s'est fait sentir plus net-
tement à l'orifice d'entrée qu'à l'orifice de sortie, il est peu probable que
la scissure calcarine bien protégée ait été détruite.
Le plus probable est qu'à son passage au niveau du pli courbe la balle,
' par répercnsion, a détruit la couronne rayonnante de Graliolet. Edinger
dit que « la position de la couronne rayonnante, conliguë aux parois du
ventricule, explique pourquoi bien des fois des lésions du pli courbe et
du pli marginal provoquent de l'hémianopsie. » Selon Dejerine il faut,
dansce cas, que la destruction ait atteint aussi « le faisceau arqué, qui réu-
nit le pli courbe et la première circonvolution temporale à la zone de Broca
et à la zone motrice corticale du membre supérieur ».
13...présenleunecerlaineparésie de tout l'appareil musculaire mimique;
il parle lentement, presque sans modulations, parfois avec une légère
gêne et avec des mouvements paramimiques. Sa conversation spontanée
coule d'ordinaire sans accroc, et il répète vite et sans difficulté un mot
aussitôt qu'il a réussi à l'identifier. Mais les cas ne sont point rares où il
présente des symptômes typiques d'une surdité verbale qui, pour n'être
que passagère, est pourtant réelle : ainsi, une fois, il lui était impossible
114 JOHANSSON ET FP.OEUERSTROM
de répéter le mot « regementschef » (chef de régiment) : on avait beau
reprendre devant lui le mot, il ne cessa de répondre « bataljonschef »
(chef de bataillon).En analysant le cas, on trouva que B... avaitun souve-
nir net de son propre chef de bataillon, mais ne comprenait pas du tout
ce qu'était un chef de régiment : cette notion s'était effacée de son souve-
nir ; il ne savait pas, non plus, indiquer le rang d'un tel personnage,
mais lorsqu'on lui demanda de répéter le mot colonel, il répondit immé-
diatement « colonel Huit » (le nom de son propre colonel), et ainsi il
réussit à se représenter un colonel, les insignes de son grade, etc.
Une semaine plus tard B... savait répéter immédiatement ces mots et ex-
pliquer leur signification. Dans un très grand nombre de cas, le processus
a'été analogue : aussitôt que le malade a réussi à rattacher un assemble-
ment de sons à des perceptions visuelles préexistantes, l'association re-
constituée a subsisté et la surdité verbale été abolie.
Chaque fois qu'on demande B... de réciter l'alphabet, il commence par
le faire vite et correctement, mais vers la fin il s'embrouille toujours, il
la lettre S ou T, et il est dans l'impossibilité de continuer même si on lui
dit les lettres qui suivent immédiatement. Si on lui demande les noms des
mois, il commence avec hésitation par énumérer « a, b, c, » et il est inca-
pable d'arriver spontanément à une réponse satisfaisante ; mais si l'on
prononce le mol janvier, il continue sans hésitation toute la série. Il en
est de même pour les jours de la semaine : quand on lui demande de les
énumérer en sens inverse, il n'y réussit point. B... ne saurait réciter
aucune des prières qu'on fait habituellement réciter aux enfants (le Notre
père, etc.) ni les dix commandements, ni le credo ; mais il les recon-
naît parfaitement lorsqu'on les lui récite ; il ne se rappelle aucune mélo-
die, ni aucune chanson, mais il reconnaît immédiatement « Le père Noé» »
(chanson habituelle des enfants suédois) et en indique correctement le
titre. Cependant, grâce à l'exercice dont a profité B... entre et durant les
examens, ces lacunes ont été en partie comblées.
Si l'on verse de l'eau, si l'on fait sonner une trousse de clefs, si l'on
froisse du papier, B... peut immédiatement dire ce qu'on fait.Dans la plu-
part des cas il désigne correctement les objets que, les yeux fermés, il est
admis à tenir dans sa main ; quelquefois, ne trouvant pas le substantif, f,
il se sert de périphrases (paraphasie) ; ainsi, la première fois, il désigna
un crayon comme « une chose avec laquelle on écrit » el un billet de ban-
que comme « un petit livre » ; à l'examen suivant il nomma ces ohjets
par leur véritable nom.
Bien qu'il eût, au moment de l'accident, passé plus de neuf mois à
Stockholm,B... éprouve de très grandes difficultés à s'orienter dans la ville
à l'aide de ses souvenirs optiques. Pour commencer, il était incapable de
UN CAS DE BLESSURE PAR ARME A FEU A LA TÊTE 115
se représenter comment on va de la caserne de la Garde royale de Suède
à la caserne voisine de la Garde royale des Golfs. Il fut incapable de se
rappeler l'aspect d'une avenue par laquelle il avait dû passer tous les
jours, et à la question : quel est le bâtiment qui se trouve en face de
vous lorsque vous passez de la ville neuve par le pont du Norrbro (le Pa-
lais Royal), il répondit, après avoir longuement réfléchi, « Le Foyer des
inscrits maritimes », lequel se trouve dans une partie toute différente de la
ville.
Le sens des couleurs est en général diminué chez B..., mais reste nor-
mal au point de vue qualificatif; il arrive à assortir un paquet d'éche-
veaux de laine de différentes couleurs correctement bien que lentement
et avec une certaine hésitation pour les nuances d'une même couleur.
Les seules couleurs qu'il put désigner d'emblée correctement furent le
blanc, le noir et le bleu. Prié de désigner la couleur de roses roses,
il commença par répondre qu'elles étaient blanches, puis il prétendit
qu'elles étaient bleues, et il ne voulut pas admettre qu'elles pussent
être roses. Il fut incapable de dire quelle était la couleur de l'herbe et du
feuillage qu'il. voyait devant ses fenêtres, comme aussi de désigner
celle d'une couverture de livre rouge qu'on lui montrait. On lui donna un
écheveau de laine bleue et un écheveau jaune; spontanément il dit que
c'était là les couleurs du drapeau suédois", mais il lui était impossible de
désigner le jaune sous son nom ; lorsqu'on prononça devant lui le mot
« gut" (jaune), il répète d'un air niais « gus » ce qui constitue en suédois
un assemblage de lettres sans signification. Cependant, lorsqu'à une occa-
sion ultérieure, les mêmes expériences furent reprises, on constata qu'il
se faisait une notion exacte du rouge et du vert; la prononciation du mot
jaune, par contre, lui cause toujours des difficultés.
Cependant que B... désigne et définit correctement la plupart des objets
réels, sa compréhension des images et dessins est assez restreinte. Sur
une peinture il peut indiquer les maisons, les arbres et le ciel, et il re-
connaît l'image d'un soulier, d'un pot de fleurs, etc. ; mais il désigne in-
variablement comme des « linnéa » (les fleurs les plus communes de son
pays natal) toutes les fleurs qu'on lui présente, quel que soit l'aspect du
dessin. Il appela « table » un cube esquissé, et ne sut ni nommer, ni dé-
finir des cercles et des triangles.
La facilité avec laquelle B... reconnait les lettres de l'alphabet est des
plus inégale : il lui arrive de nommer correctement une lettre déterminée
que l'instant d'après il est incapable d'identifier. Lorsqu'il n'est pas sûr
d'avoir immédiatement réussi à identifier une lettre, il se met d'ordinaire
à réciter à part lui l'alphabet depuis le commencement, tout en regardant
le mot écrit, et il n'est pas rare qu'il trouve, grâce à cet expédient, la
11li JOHANSSON ET FROEDERSTROM
lettre cherchée ; seulement, comme il n'arrive pas plus loin qu'à l'S ou
au T, sa tentative est presque toujours infructueuse lorsqu'il s'agit des
huit dernières lettres de l'alphabet suédois. En d'autres occasions, il pro-
nonce à part lui une série de noms propres tout en regardant la lettre, et
par cette voie aussi, il lui est quelquefois arrivé d'atteindre son but :
ainsi, il identifie la lettre L en prononçant le nom Lilly, le nom d'une
jeune fille avec laquelle il a échangé des lettres; plus tard, il est arrivé il
écrire ce motsauf l'y final (fig. 3, n° 8). De rares foisB... a réussi à indi-
quer le nom d'une lettre en suivant avec un crayon le tracé de la lettre,
mais le plus souvent ce procédé ne donne pas de résultat.
B... se tire d'affaire relativement mieux avec des mots entiers qu'avec
des lettres isolées, et ses succès il cet égard sont absolument indépendants
de la longueur du mot. Un examen de tous les mots qui lui ont été soumis
montre clairement que le-; substantifs et les adjectifs sont pour lui d'une
interprétation facile, tandis que les verbes et les prépositions etc. ainsi
que les combinaisons arbitraires de lettres constituent pour lui des diffi-
cultés insurmontables. En écriture ordinaire il lit toujours ses propres
noms et encore Stockholm, Ilullarid, lysktciiid (Allemagne) Joliansson
(non patronymique suédois très fréquent) etc. : le mot Oslergolland (pro-
vince suédoise) fut immédiatement reconnu sur un annuaire des Télépho-
nes et le mot sondag (dimanche) sur un journal, mais lorsqu'on lui
demanda d'épeler le mot, le résultai fut s-o Il ne reconnaît
aucun de ces mots, si on les écrit en caractères capitales d'imprimerie,
ou si on place les lettres en ligne verticale : B.. parait donc reconnaître ces
mots en tant qu'images totales sans être en étal de distinguer les diffé-
rentes lettres qui les composent. L.
Plusieurs fois B .. reconnut les mots Grehiand (Grèce), Japon (Japon),
Peking, même alors qu'ils étaient écrits négligemment; quand au mot
Chikago, il put dire que c'était le nom d'une ville d'Amérique, mais il
lui fut toujours impossible de prononcer le mot en question ; les mots
New-York et Tripoli lui sont restés absolument inintelligibles.
Nous pouvons donc distinguer entre trois degrés différents dans le pou-
voir d'association de B... :
1" Identification suivie de la prononciation (Grèce,etc.).
2° Identification de l'image visuelle avec inhibition verbale (Chilcaao,
et enfin.
3° Incapacité d'identifier l'image visuelle (Tripoli, etc).
On serait ainsi fondé croire que la plus ou moins grande faculté d'as-
sociation dépendrait en raison directe de la richesse plus ou moins grande
des images visuelles.
Le cas suivant est caractéristique à cet égard ; durant un repos au cours
UN CAS DE BLESSURE PAR ARME A FEU A LA 1);'I'E 117 7
d'un examen de champ visuel, B... lut spontanément le nom du fabri-
cant imprimé tout en bas d'un tableau de Monnoyer : « ,Ilbeî-t Stille,
Stockholm ». L'instant d'après, il était incapable de nommer la plupart
des lettres du tableau en question et aussi de nommer les lettres compo-
sant les mots lus auparavant. Lorsqu'au cours de l'examen suivant, on lui
écrivit le mot A ! 6ert, il n'arriva point, malgré plusieurs exhortations, à
lire ce mot, mais lorsqu'on y ajouta le mot Stille, il prononça immédia-
tement les deux mois ensemble. En poussant plus loin les investigations,
on découvrit que B... avait une fois eu l'occasion de voir celte signature
sur des articles de pansements ; en outre, B... raconta qu'il y avait dans
sa commune natale un libraire qui s'appelait Slille et chez qui B... avait
souvent fait des emplettes. Il est donc probable qu'ayant accidentellement
(B... n'a pas fait partie des services sanitaires) vu la signature sur un
pansement, B... s'est rappelé le libraire de son pays ; grâce à l'association
de celui-ci avec les images vives de la famille qui, après le réveil, furent
les premières actualisées chez B... le nom d'AlGertStille en tant que tota-
lité dû être gravé dans sa mémoire d'une façon particulièrement pro-
fonde, d'où la facilité de sa reproduction.
Certains mots possèdent pourB... la même valeur associative que des
images d'objets ; comme l'illettré complet il peut reconnaître et nommer
certaines combinaisons de lettres qui ont été gravées dans sa mémoire op-
tique, mais il a perdu la faculté d'innerver directement l'appareil acous-
tico-moteur ainsi qu'on le fait à la lecture normale, et en même temps la
possibilité du contrôlesecondaire des détails, l'image des différentes lettres
ayant en grande partie été effacée de sa mémoire. Souvent il trahit aussi
cette défectuosité en interprétant mal une quantité de mots et en leur subs-
tituant d'autres complexus verbaux dont la formule écrite présente cer-
taines ressemblances avec le mot écrit ; ainsi, le mot manschell (manchette)
donna une fois manÜl}el' (manoeuvre), une autre fois marschera (marcher),
le mot jJemw (plume) devint pengar (de l'argent), Sioclibel- q Slockol iii etc.
C'est doncà l'aide de l'aspect du mot que B... devine souvent le sens de
celui-ci. Or en général ceci ne se fait pas d'une façon tout à fait arbitraire ;
d'ordinaire, c'est une partie du mot, correctement saisie, qui lui sert de
point de départ; dans tous les cas que nous avons soumis à une ana-
lyse plus approfondie, c'est l'initiale qui a joué ce rôle important de
repère. Les premières syllabes semblent donc pour l'association avoir une
importance plus grande que les syllabes finales.
Cesessais montrent que B...possède encore des fragments desôn ancienne e
faculté de lire, et à l'aide de ces fragments on peut obtenir certains aperçus
sur le mécanisme normal de la lecture. La faculté de lire couramment
présuppose que le liseur dispose d'images totales d'un grand nombre de
118 JOHANSSON ET FROJDERSTROnl
mots du texte, et que la série des perceptions optiques réveille immédia- "
tement une série d'équivalents acoustico moteurs : « le langage intérieur»,
l'identification des symboles verbaux (l'activité intellectuelle) semble, par
contre, être le résultat d'un travail récurrent auquel est soumise cette
matière première associative qui, ipso facto, est synthétisée dans la
mémoire sous forme d'images plus ou moins durables. La lecture courante,
qui économise l'énergie motrice, est une méthode exclusive qui retient
les formes générales aux dépens des détails : il s'ensuit que des coquilles
ou fautes d'orthographe de peu d'importance lui échappent complètement,
cependant que les véritables fautes de lecture qui dépendent d'une inter-
prétation erronée de la forme générale du mot sont, d'une façon secon-
daire, corrigées par la conscience, et donnent lieu à une révision du texte
lu. L'exclusion visuelle à la lecture doit, pour être utile, s'appliquer à
de tels mots ou parties de mots qui reviennent constamment dans le texte,
c'est-à-dire en premier lieu aux suffixes des substantifs, aux pronoms, aux
verbes auxiliaires et aux prépositions qui sont, cependant, toujours sup-
pléés par le langage intérieur : mais parla même ils obtiennent une valeur
associative optique relativement insignifiante à rencontre surtout des
substantifs qui constituent les points de repère les plus importants pour
la lecture courante.
Si l'on suppose que chez B .. les voies normales d'association à la lecture
courante ont été détruites par la lésion cérébrale, sa faculté d'interpréter
certains mots et parties de mots doit s'expliquer par l'activité de l'hémis-
phère droit qui partant contribuerait au travail d'association même chez
un individu droitier. Cette hypothèse pourrait à la rigueur aussi servir à
expliquer le fait que, malgré son amnésie en général fort accentuée et malgré
sa surdité psychique partielle, B... put, dès le commencement, reproduire
certaines séries de sons apprises dès l'enfance, telles que les nombres, la
plus grande partie de l'alphabet, les noms des mois et des jours. Elle
explique aussi pourquoi ce furent certains assemblages de représentations
intimes qui les premiers furent actualisés par sa mémoire. On est fondé
à croire que l'hémisphère droit possède des centres d'association auxiliai-
res dont les ressources mnésiques peuvent, au cas d'une lésion à gauche,
servir à conserver un minimum de continuité rétrospective.
La notion des chiffres est, chez B..., assez bien conservée. Il déchiffre
immédiatement les nombres à un et à deux chiffres, mais, le plus souvent,
ne réussit pas à lire les nombres à plusieurs chiffres; il est capable de
faire une addition et une soustraction; la multiplication et la division,par
contre, restent pour lui des opérations presque inintelligibles. Il répond
correctement à la question : combien font 2 X 2 et 2 X 3, mais aux
autres questions il donne des réponses absolument fantaisistes disant que
UN CAS DE BLESSURE PAR ARME A FEU A LA TÈTE 119
3 X 4 font 11, 4 X 7 14, 5 X â y etc., d'une façon absolument arbi-
traire ; de rares fois, ayant rejeta question entière, il est arrivé à y
joindre la réponse correcte, mais en général ce procédé ne donne pas de
résultats. Si on lui soumet par écrit la multiplication à faire, il arrive in-
comparablement pi us souvent à un résultat, et il écrit lui-même le résultat
cherché. Si on lui donne à déchiffrer par exemple le chiffre 4783, il com-
mence correctement par dire quatre mille,mais continue par quatre cents,
recommence et reste incapable de prononcer le nombre d'un seul trait;
il ne saurait non plus plus écrire de mémoire le nombre complet. Or ceci
prouve que les nombres sont pour B... des objets d'association relative-
ment favorisés, au même titre que les images verbales reconnues grâce
à leur forme ; déjà les observations de Redlich et de Schuster ont montré
que la lecture des chiffres reste possil3le, voire facile, dans des cas d'alexie
causée par des troubles optiques.
Les dessins qu'a.confectionés B... sont des plus primitifs.Il peut copier
un triangle ou un cercle, mais si immédiatement après vous lui demandez
de dessiner de mémoire encore un cercle, il se trouve dans l'impossibilité
de le faire. Bien que B... prétende que le dessin a été un des amusements
de sa première jeunese, c'est lentement et avec hésitation qu'il esquisse
les contours d'une maison ou d'un bateau, et le résultat devient informe
comme les premiers essais d'un enfant ; il dessine le bateau en une posi-
tion couchée, et lorsqu'on l'exhorte à munir la maison de fenêtres, il fait
deux traits horizontaux aux pignons. Même immédiatement après avoir
regardé et dénommé un arbre dessiné, il reste, si on lui demande de des-
siner lui-même un arbre, incapable de produire autre chose qu'une ligne
courbe et mal venue. Même son « bonhomme » est un personnage des
plus difformes et des plus primitifs. Pour résumer : il est évident queB...
possède certaines notions élémentaires de la plupart des objets, mais ces
notions sont, à l'instar des images verbales, assez vaguement dé-
terminées.
La faculté d'écrire de B... est également sous la dépendance directe de
sa faculté de lire : il peut écrire les mots et parties de mots qu'il sait lire,
mais rien de plus. Lorsqu'on lui soumet le mot imprimé Ferrera (mot
pour lui inconnu) en lui demandant de le recopier, il essaye d'imiter
les caractères d'imprimerie, tentative infructueuse, probablement à cause
de la fatigue visuelle qui ne tarde pas à apparaître : on lui écrit le mot en
question, et, bien qu'il ne soit pas en état de le déchiffrer,il le copie lente-
ment certes, mais avec une facilité relative, et il paraît se rendre partiel-
lement compte de la forme des différentes lettres, sans pourtant arriver à
lire ce qu'il vient d'écrire lui-même. Le nO'1l très peu commun de Fard-
derstrom donne des résultats analogues : bien qu'ayant entendu prononcer
120 JOHANSSON ET FROEDERSTROM
ce nom plusieurs fois, il n'arrive pas à se familiariser avec lui. Par con-
tre, il écrit sur simple demande (sans modèle) le nom suédois de Johalls-
son (son médecin'), nom qu'il a tous les jours entendu prononcer et avec
lequel il s'est auparavant exercé.
1, Ecrivez votre nom. - 2, Hullaryd. - 3, la date de votre naissance. - 4, votre Age.
- 3, le nom de votre soeur. 0, le nom de voire frère. - 7, Stockholm. S, Lilly.
- 0, hund (chien). - 10, (apache). - 11, nasa (nez). 12, David. - 13, les nom-
bres. - 14 à 17, additions. - 18 à 20 mots copiés. 21-24, dessinez une maison,
un bateau, un arbre, un bonhomme.
B... n'a jamais eu de signature personnelle, sa position sociale ne l'ayant
point obligé à poser souvent sa signature et par là à se créer une « griffe ».
Pour signer ses lettres et autres pièces, il s'est surtout servi de son pré-
nom Gustaf, mais relativement peu souvent de son nom patronymique.
Aux exercices d'écriture il n'a jamais raté le prénom, mais lorsqu'il s'agit
pour lui d'écrire Blonalkvist, il n'arrive pas, dans la moitié des cas, à for-
mer la seconde syllabe ; remarquons que, de façon constante, il laisse un
espace entre les deux noms comme s'il y avait ici une interruption dans
TEXTE explicatif de la do. 3.
UN CAS DE BLESSURE FAX ARME A FEU A LA TETE J 2\ 1
le processus associatif. Curieuse est aussi cette observation : Sur demande,
B. écrit correctement l'adresse de son père de la même manière qu'il l'écl'i..
rait sur une lettre (HerrF. A. Blomkvist, Hullaryd, Sonamayd) tandis
qu'il reste incapable d'écrire ou de lire le mot «heur » (monsieur) isolé :
il garde l'image visuelle formelle d'une adresse qu'il a autrefois écrite
bien des fois, mais la compréhension des différents symboles qui en font
partie dépend de combinaisons associatives tout autres. Lorsqu'on lui de-
mande d'écrire les noms de ses frères et soeurs, B. écrit correctement le
nom Disa, mais il ne réussit pas à écrire Teodor; l'analyse démontra
qu'il avait souvent été en correspondance avec sa soeur, jamais avec son
frère ; aussi le nom de sa soeur constituait-il pour lui une image verbale
fortement gravée et qui se reproduisait d'un bloc dans sa mémoire des for-
mes tandis que les tentatives de reproduction du nom Teodor échouèrent
par suite des défectuosités dans la faculté de B. de se représenter les dif-
férentes lettres.
Lorsqu'on lui demanda d'écrire le nom David (nom qui pour lui n'avait
aucune valeur spéciale), B. écrivit immédiatement Da. c'est-à-dire la pre-
mière syllabe, mais cela fait, il commença à réciter l'alphabet comme il
le fait à la lecture afin de trouvcr la lettre suivante ; n'arrivant jamais
aussi loin que le V, il finit par se décider pour un L ; après de nouvelles
recherches, il trouva un I, mais se lassant ensuite, il ajouta à tout hasard
un A. Il avait donc écrit le mot dalia (nom d'une fleur) mais lorsque,
quelques instants plus tard, on lui demanda ce qu'il avait écrit, il répon-
dit David. A une autre occasion, sa façon d'agir fut analogue : il écrivit
immédiatement Da, mais, s'étant lassé plus vite, il déposa le crayon. Il
traita de la même façon les mots hospital (asile) et Tyskland (Allemagne)
que pourtant, à d'autres reprises, il lisait sans difficulté : du premier mot,
il écrivit immédiatement Iaos, du second Ty, mais ses tentatives de com-
pléter ces mots restèrent vaines.
Il est évident que l'agraphie chez B. n'est qu'un symptôme secondaire
de son alexie : il ne peut pas écrire autre chose que ce qu'il arrive à lire.
D'autre part, ses exercices d'écriture nous semblent pouvoir servir pour
contrôler la valeur de sa faculté de lire : s'il a bien saisi le commencement
d'un mot, et si en outre, à l'aide de sa mémoire des formes, il a su deviner
la suite, alors la réalisation écrite nous indiquera oit se trouve la limite
entre les deux procédés, à condition toutefois de tenir dûment compte
de la vitesse avec laquelle apparaît toujours la fatigue chez B. et de sa
persistance. On est probablement fondé à prétendre que seuls les mots
que B. sait complètement écrire forment de véritables exceptions à son
alexie ; selon notre expérience, le nombre de ces mots ne s'élèverait pas à
xxv S
122 JOHANSSON ET FBOEDlm;;TIW1
une dizaine, et les lettres isolées que B. sait lire et écrire ne sont pasplus
nombreuses.
Les cas absolument exceptionnels où B. a pu, grâce à des mouvements
d'écriture, trouver le nom d'une lettre ne méritent pas qu'on y attache
d'importance, d'autres voies associatives simultanément empruntées ayant, t,
dans ces cas, indubitablement joué le rôle décisif ; pas une seule fois B.
n'a réussi, en copiant un mot inconnu, à en trouver l'équivalent verbal et
cela bien qu'il. lit, en recopia nt, formé les lettres d'une façon normale. La zone
motrice n'exerce donc pas d'influence notable sur la faculté de lire. Par
contre, B. arrive presque toujours à recopier les lettres qu'il a su déchif-
frer immédiatement avant ; souvent il lui est arrivé de ne pouvoir lire
la même lettre quelques instants après, et alors ses tentatives consécutives
pour écrire la lettre ont, sans exception, échoué. L'agrapbie de B. dépend
donc directement, soit de l'absence de l'élément acoustico-moteur, soit de
l'élément optique du langage intérieur et « il n'existe pas d'images mo-
trices graphiques dans le langage intérieur » (Dejerine). La théorie d'Ex-
ner d'un centre spécial graphique de l'écriture dans la seconde circonvo-
lution frontale gauche a été réfutée entre autres par Heilbronner, qui dans
un cas d'aphasie motrice subcorticale dans lequel la faculté d'écrire avec
la main gauche était bien conservée, trouva un abcès isolé précisément
dans la région désignée par Exner. Par contre, la supposition de Bas-
tiano d'un centre cénestésique pour les mouvements des bras et des mains
nous paraît aussi plausible que l'existence d'un tel centre pour la mus-
culature mimique, mais ce centre se trouve plus probablement derrière et
non devant la région locomotrice.
Bien que, par suite de la lésion cérébrale, ses facultés intellectuelles aient
été affaiblies, B. n'a subi aucune atteinte dans sa vie affective. Il reste
toujours d'un tempérament sémillant et sait voir le côté humoristique de
ses propres débilités. Loin d'être indifférent à son sort, il fait remarquer,
au cours des examens souvent fatigants pour lui, qu'il se prête volontiers
à tout ce qui pourra contribuera « le rendre comme il était avant». A
l'hôpital, il a donné des preuves du bon état de ses instincts sexuels, il est
sociable et communicatif. On peut donc considérer comme probable que
B. récupérera assez vite des fonctions intellectuelles plus riches que les
fonctions actuelles, et nos expériences viennent de démontrer que ses dé-
fectuosités ne sont nullement incurables.
Tandis que les légers symptômes d'aphasie sensorielle^ que nous avons
pu souvent constater paraissent être d'un caractère passager et de peu
d'importance pratique, les symptômes intéressant la sphère optique sont,
par contre, d'un pronostic plus grave. L'hémianopsie restera, très proba-
blement, une défectuosité permanente, car les observations de Henschen
UN CAS DE BLESSURE PAR AXME A FEU A LA TÊTE 1 ? ) 1) b
et de Wilbrandtselon lesquelles les champs anoptiques peuvent la longue
se réduire sont à classer parmi les exceptions rares lorsqu'il s'agit de
pertes de substance cérébrale réelles. L'expérience clinique tend prouver
que dans ces cas l'alexie aussi est un symptôme persistant; toutefois, dans
la plupart de ces cas, il s'est agi de foyers de dégénération ou d'hémorra-
gies chez des personnes d'un certain âge et d'une vitalité générale dimi :
nuée. Chez B. qui se trouve encore en pleine jeunesse, les possibilités de
réparations doivent être relativement grandes; il nous semble aussi qu'au
cours de nos expériences, sa faculté de lire s'est quelque peu améliorée à
mesure que ses images optiques ont été réveillées et ravivées.
De ce qui vient d'être dit il s'ensuit que B. devra, maintenant qu'il est
chirurgicalement guéri, immédiatement se soumettre à un traitement
pédagogique systématisé qui empruntera pour commencer les principes
de l'enseignement des sourds-muets, afin d'exercer ainsi son sens graphi-
que à l'égard des lettres et des mots.
A condition qu'il ne se présente pas de symptômes secondaires prove-
nant de la cicatrice crânio cérébrale susceptibles de déterminer des trou-
bles dans l'écorce sous-jacente, B. pourra probablement, dans l'exercice
tranquille de quelque métier, acquérir un certain degré d'utilité sociale ;
néanmoins, il restera toujours un invalide ayant droit à une certaine
sollicitude de la part de l'Etal. l,
GIGANTISME ACROMEGALIQUE SANS ELARGISSEMENT DE
' LA SELLE TURCIQUE. - INVERSION SEXUELLE. « FÉ-
MINISME MENTAL ».
PAR lui
Alfred GALLAIS.
Ainsi que le font justement remarquer MM. P. E. Launois et P. Roy,
dans leur remarquable ouvrage (1), « les observateurs » de géants « ne
parlent guère de facultés mentales et réservent tous leurs soins pour l'étude
de leurs anomalies physiques ». Pour ces raisons, eux-mêmes n'ont pu
que se bornera rappeler chez ces malades le seul puérilisme mental.
N'est-ce pas avouer que l'état mental des géants n'a pas encore été étu-
dié ? C'est à peine si, en lisant les principales observations de gigantisme
publiées jusqu'à ce jour, on y trouve de temps à autre un mot pour signa-
ler l'absence d'appétit sexuel.
L'observation suivante est celle d'un géant dont l'étal mental est carac-
térisé par une constitution instinctive féminine avec des manifestations
névropathiques et délirantes d'une inversion sexuelle du type passif.
Louis-Victor A..., âgé de 25 ans^sans profession, est né à Paris le 6 juin
1886. Il entre à Sainte-Anne le 10 juin 1911. A son entrée dans le service de
M. le professeur Gilbert Ballet, il présente des alternatives d'excitation et de
dépression s'accompagnant d'idées délirantes polymorphes légères.
Mais ce qui nous frappe dès l'abord, c'est d'une part sa haute stature, son
facies pouponnin, son aspect puéril, symptômes qu'il nous est vite facile de
rattacher au gigantisme ; c'est d'autre part le contenu de ses idées. Il a des goûts
féminins, des attitudes féminines, il expose des idées érotiques, contre nature
s'accompagnant de crises pithiatiques et passionnelles.
Idées délirantes et crises névropathiques évoluent autour du thème suivant :
« Il veut être femme, il se représente comme tel, il veut se faire aimer des
hommes. »
I. - Gigantisme (PI. XVIII).
Les symptômes de gigantisme proprement dits sont chez notre malade à peu
près au complet.
Sa haute stature (1 m. 86) attire au premier regard l'attention. Mais ce
symptôme nécessaire pour faire un géant n'est pas suffisant à lui seul.
(1) P. E. Launois et P. Roy, Eludes biologiques sur les géants. Paris, Masson, 1.904.
NOUVELLE Iconographie DE la SALPFRII : RE.
T. XXV. Pl. XVI
GIGANTISME ACROMÉGALIQUE - INVERSION SEXUELLE - FÉMINISME MENTAL
l ,,17("D'/ ¡;"ll ? \
GIGANTISME ACRUMÉGA1.IQLE 125
A l'inspection nous sommes immédiatement frappés par le facies glabre et
puéril du malade, son front ridé, son sourire niais, le maniérisme de ses atti-
tudes. Le thorax n'est pas plus large que le bassin ; les seins sont gras, les
fesses sont saillantes et dans le pli interfessier, on voit très nettement à l'exa-
men de la région anale une sorte de vestibule spacieux décrit autrefois par
Tardieu sous le nom d'infundibulum.
Les cuisses sont épaisses, la convergence des fémurs accusée. On ne cons-
tate pas toutefois l'existence du genu valgum.
La longueur des extrémités n'a d'égale que leur adiposité remarquable. Nous
reviendrons plus loin sur les caractères très spéciaux qu'elles présentent.
Les téguments, d'ailleurs, sont pâles et infiltrés, d'une graisse abon-
dante. Ils se signalent aussi par la présence de vergetures réparties dans les
régions pectoro-aaillaires, abdomino-crurales, qui semblent les témoins d'une
phase récente d'amaigrissement rapide. Malgré cela, notre malade, à son entrée,
pèse encore 102 kilogrammes. ? ?
Les cheveux fins sont blonds, les aisselles et le pubis'.sont pourvus d'une
toison légère châtain clair.
Le.visage est imberbe et si la lèvre supérieure se recouvre aujourd'hui d'une
moustache fine et légère, il est bon de savoir que cet ornement masculin est
d'apparition très récente.
Quant aux organes génitaux externes, ils sont apparemment normaux ; la
sécrétion du sperme est établie.
Au reste, voici les principales mensurations du squelette.
')2() GALLA1S
Main.
GIGANTISME ACR01 ! ÉGALIQUE
(Alfred Gallais).
Masson & Cie, Éditeurs.
GIGANTISME acromégalique 12-1
Circonférence de la cuisse 0,1 du bord supérieur de
128 GALLAIS
Nous sommes d'autre part frappés par la mauvaise dentition du sujet, par
la taille un peu forte du nez, par ['exagération de la tubérosité occipitale
externe et des sinus frontaux, par la saillie du ressaut post-lambdoïdien, et
la hauteur enfin de l'arcade mentonnière (PI. XXI).
Par contre nous devons signaler, les dimensions normales de la selle tur-
cique dont nous soulignons les contours, l'absence d'hémianopsie bi-lemporale.
Le fond de l'oeil est normal. La macroglossie est minime. Notons enfin inci-
demment la perméabilité remarquable des lobes frontaux aux rayons de
Roentgen.
Nous sommes donc, c'est de toute évidence, en présence d'un géant du type
acromégalique dont la selle lurcique est de dimensions normales.
De conformation physique masculine, mais d'aspect très efféminé, notre
géant, par ses pensée et ses tendances instinctives, est véritablement une
femme débile.
Etat mental. - L'étude des troubles mentaux du malade est dans cet
ordre d'idées riche en constatations curieuses. Le fond de la constitution
mentale, et en particulier des tendances sexuelles, se reflète dans l'attitude et
dans les gestes du malade ; cette constitution est tracée dans ses écrits et ses
discours, elle se synthétise eufin dans les nombreux dessins qu'il exécute de
lui-même.
D'une pudibonderie ridicule qu'il traduit constamment par des gestes fémi-
nins et lascifs, notre géant réclame ses bijoux familiers. Bien loin d'être fu-
meur il voudrait disposer de parfums de boudoir.
Pour caractériser ses tendances sexuelles et ses goûts féminins, nous n3
saurions mieux faire que de lui emprunter son langage.
Une des lettres qu'il écrivait à ses parents naguère, est particulièrement
typique et suggestive, nous en citons quelques passages :
29 juin 1911.
Chers parents,
« Je ne peux me faire à la vie commune des hommes, d'autant plus que
« ça me fait mal el que je sens le tout opposé du sens. Lorsqu'un homme
« me fixe, j'ai la sensation que l'on va me faire mal. Quand il me regarde
« en souriant, j'ai de la jouissance. Je me sens alors fille, de caractère, de
« sentiments. Hélas ! le physique n'y est pas el j'en souffre. Depuis ma nais-
« sance, j'ai été élevé comme une fille ; à la pension, on avait du mal à me
« faire jouer avec les garçons. Plus tard, dans les maisons de santé il me
« fallait mon capuchon autour de moi pour m'en faire un jupon. Sans
« cela, j'avais des crises. Il fallait être très doux, ou je tombais en syncope ; ,-
« alors on me douchait, on me suggestionnait.
« Si je suis parti de la maison de santé de Créleil, c'est parce qu'on
« voulait que je sois homme.
« Mon caractère ne peut supporter cela. Je veux bien travailler en aidant
« maman. J'aime les ouvrages de femme, le dessin, tous les travaux du mé-
Nouvelle Iconographie DE la Salpêtrière.
T. XXV. Pl. XXI
GIGANTISME ACROMÉGALIQUE
(Alfred Gallais).
Masson & Cie, Éditeurs
Pltololyple BenLaud, Pans
G1G.1NTIS\ll. ACROMÉGALIQUE 129
« nage. Je voudrais avoir une chevelure comme les femmes. Pour me rap-
« peler les jours heureux, je ne veux pas être homme, je voudrais être
« femme. Si j'étais chez ma mère, je serais gentille (sic), je l'aiderais, car
« elle se fait vieille et papa me sortirait et m'emmènerait voir de beaux gar-
« çons pour me marier. On m'achèterait une toilette à la mode (fourreau ou
« entravée), avec coiffure à la grecque ou en bandeaux à la vierge, et alors
« je serais heureuse (sic). Puis après, je travaillerais près de mun petit
« mari à la. couture, à la broderie ; j'inventerais des modes et je voudrais
« de beaux chapeaux fleuris pour plaire à tous mes amoureux, car j'en con-
« nais de bien faits el de jolis. »
Ces désirs, que le malade exprime journellement, aboutissent parfois à l'idée
délirante et il la crise passionnelle.
Notre géant réclame fréquemment des habits de femme, et parfois même il
se déguise.
Un jour, affublé d'une serviette de toilette mi-enroulée en turban sur la
tète, et mi-flottante sur les épaules et sur le cou, il nous déclare en prenant
une attitude à la fois voluptueuse et pudique : ,
« C'est une chevelure de toutes les nuances, une chevelure de femme, qui
« par son frôlement me procure une volupté délicieuse, je suis femme ! mo-
« l'alement surtout, si je devenais homme, je tournerais mol, je ne le puis
« pas. Chaque fois que je vois un regard de mon père, ça me fait mal, quand
« il est un peu sévère avec moi. J'ai ma connaissance pourtant, mais j'ai
« une mauvaise nature. Je me vois en jupons, en femme, oh oui ! Si la
cc femme veut me faire des propositions, ça m'énerve. Mais les hommes, ça
« a toujours été ma partie. J'aime beaucoup la société des femmes jolies
« qui ont une belle chevelure, j'aimais beaucoup la chevelure d'une portu-
« gaise hystérique qui était à la maison Rourzzeville ; mais elle se mourait.
« Ma cousine elle, est brune, elle m'aime, mais l'épouser ça ne me dirait
« rien. Je l'épouserais bien par raison à cause de sa fortune et parce qu'elle
« aurait de belles robes ; elle porte si bien la toilette ! Mais pour un homme
« ce n'est pas la même chose j'ai du désir pour un homme bien fait, beau,
« jeune et qui me parlerait en me brusquant avec dureté. Je n'aime pas les
« miéleux et les doux. »
Nous le prions de quitter ses vêtements, mais nous n'y arrivons qu'en em-
ployant une longue insistance. Notre géant hésite, il sourit avec un regard
langoureux, puis brusquement il se jette sur la chaise longue du cabinet de
consultation, se cambre, se renverse, écarte les cuisses, croise les jambes et
cache de ses bras son visage et ses seins en poussant, d'une voix de tête des
cris passionnels, des soupirs et en multipliant pendant quelques minutes les
contorsions pithiatiques et passionnelles d'un autre sexe que le sien.
En outre, nous devons pendant un certain temps espacer les visites des dif-
férentes personnes de sa famille, car les embrassements de sa mère sont pour
lui l'occasion de sensations pénibles dans les testicules ; plusieurs fois même
pendant que la pauvre femme embrassait son enfant, celui-ci esquissa des
manoeuvres de masturbation.
130 GALLAIS
Dans le service, fréquemment, nous l'avons observé minaudant dans des
attitudes coquettes et faisant aux personnes de son sexe des gestes significatifs
d'accueil possible et par trop bienveillant.
Enfin, notre géant dessine. Il a même quelques prétentions : il exécute
d'imagination des dessins au crayon, au pastel, il fait de l'aquarelle. L'étude
de ces diverses productions est particulièrement révélatrice (PI. XIX).
Des scènes orgiaques ou idylliques empruntées à la mythologie antique, a
des motifs d'opéra, ou simplement aux conceptions du malade font le thème.
Dans ces compositions, les nudités abondent. Les hommes ont des chairs
roses et des lignes el1'élllinées,lenr ceinture pelvienne est particulièrement déve-
loppée. Les femmes s'y font remarquer tantôt par la recherche de la mode,
tantôt par l'exhibitionnisme. Les vêtements, quand ils existent, laissent entre-
voir ou deviner les formes ; les chevelures toujours se montrent particulière-
ment opulentes.
Dans d'autres productions le malade crée une femme isolée ou suivie, elle
représente alors sa propre personnalité morale ainsi qu'en témoigne parfois
une légende de sa main. '
Tel est l'état mental de notre géant inverti.
L'histoire de son gigantisme et de son inversion sexuelle remonte très loin
dans sa vie antérieure et comme nous allons le voir peut-être a-t-elle ses
racines dans sa naissance même ?
III. - Histoire clinique.
Hérédité. - Louis-Victor A..., a une hérédité chargée au point de vue
éthylique.
Le grand-père paternel, vigneron, actuellement figé de 84 ans,est un grand
alcoolique.
Un oncle paternel est alcoolique aussi el très violent.
Les deux grand'mères sont calmes.
Le grand-père maternel (riz ans) est très violent lui aussi.
Le père a 51 ans ; il est calme et très doux.
La mère a 52 ans ; elle est, dit-elle, « aussi nerveuse, aussi impressionnable
que son garçon ».
Il faut noter que plusieurs ascendants du côté du père étaient de haute sta-
ture, mais aucun d'eux n'atteignit jamais la taille élevée du malade.
Antécédents personnels. Fils unique, dès sa naissance, il se signala par
des anomalies. Un mois avant le terme de sa grossesse, la mère eut une alel te
faisant craindre un accouchement prématuré. Cet accouchement évolua pour-
tant jusqu'au terme mais le travail dura vingt-quatre heures et l'extraction dut
être faite au forceps. Cette intervention s'accompagna d'un évanouissement
prolongé de la mère, d'un double circulaire du cordon et de cyanose prolongée
de l'enfant. Il pesait plus de neuf livres.
Elevé au biberon, le nourrisson eut à sept mois des convulsions. A dix-sept
mois, il eut une bronchite capillaire accompagnée de nouvelles crises convul-
Nouvelle Iconographie DE la Salpètrière.
T. XXV. Pl. XIX
INVERSION SEXUELLE - FÉMINISME MENTAL
(Dessins du malade.)
(Alfred Gallais).
Masson & Cie, Éditeurs
GIGANTISME ACROMÉGALIQUE 131
sives. C'est à cet âge seulement qu'il fit ses premiers pas et qu'il commença à
parler, et encore, disent les parents, ce fut avec beaucoup de mal.
A deux ans, il subit un traumatisme crânien à la suite duquel il resta plongé
dans un coma de vingt-quatre heures.
A quatre ans, une grippe infectieuse s'accompagna d'un nouveau coma de
quarante-huit heures cette fois.
Puis, une série de pneumonies et de bronchites à répétition le déprimèrent
et le laissèrent débile.
Elevé jusqu'à 8 ans 1/2 avec une cousine plus âgée que lui de quatre ans,
l'enfant est remarquablement doux et timide. Ses jeux sont ceux de la fillette :
il joue à la poupée, il découpe des papiers et cherche à dessiner. Lorsqu'il est
seul et livré a son initiative personnelle, il reprend les mêmes jeux.
A huit ans seulement, malgré ses protestations, on lui met sa première
culotte. C'est pour le jeune garçon l'occasion d'une scène de larmes. Il ne veut
pas quitter ses vêlements de fille qu'il continue à réclamer pendant un fort
long temps et en pleurant.
On nous a signalé son amour, excessif pour les animaux et fréquemment il
prend des chiens pour compagnons de lit.
L'enfant est pensionnaire de huit à quatorze ans et malgré son application
et sa grande docilité, il n'apprend qu'avec peine les éléments qu'on lui enseigne.
Il se montre timide, il ne joue pas, il est sauvage et timoré il s'isole.
Il passe ses vacances en compagnie de sa cousine ; jamais il ne veut fréquen-
ter les garçons de son âge ; il trouve à cette époque leurs jeux trop brusques
et leurs mouvements trop violents. Constamment il répète à son entourage :
« Pourquoi donc suis-je garçon' ! je voudrais tant être une fille 1 Ses pa-
rents, qu'il ne quitte ni jour ni nuit, exécutent ses nombreux caprices. La
nuit il ne veut jamais rester seul dans sa chambre et il oblige quelqu'un de sa
famille à occuper un lit voisin du sien.
En même temps son développement physigue se montre nettement anor-
mal.
A huit ans, il lui faut les habits d'un enfant de dix ans.
A quatorze ans et demi il se met pousser « comme une flèche» dit la mère,
et en un mois et demi il grandit de 20 centimètres. Il est alors très mince et
mange à peine.
A quinze ans, il a plusieurs crises nerveuses a caractère névropaihique.
Elles se produisent à la suite de plaisanteries et de récits de guerre imaginaire
que lui fait un camarade aîné pour se jouer de la pusillanimité du jeune homme.
Les crises analogues à celles que nous avons observées nous- mêmes sont cons-
tituées par des contorsions et des cris passionnels. Elles ne s'accompagnent ni
de convulsions, ni de morsure de la langue, ni de cyanose, ni de miction
involontaire. Après les crises il n'y a pas d'amnésie, mais le malade reste préoc-
cupé, craintif, anxieux, il croit à l'écroulement prochain du monde, il croit
entendre le tonnerre, il craint de voir le ciel brusquement s'obscurcir.
C'est alors qu'un garçon de ferme le viole et le masturbe. ,
A la suite de cet événement qui n'est connu des parents que plds tard, il
132 . GALLA1S '
devient sombre, les crises nerveuses se rapprochent, il en a plus de dix par
jour.
Au cours de ces crises on l'entend s'écrier fréquemment : « Je suis possédé,
je ne sais pas ce que j'éprouve ; va-t-en ! va-l-eaz ! tu me fais mal ! on m'en-
fonce un clou dans la tête. » Ses ambitions sexuelles sont toujours passives.
Il se déguise souvent en femme par plaisir ; il aime à se masquer d'un domino.
Aussi le carnaval est-il pour lui tous les ans l'occasion de satisfactions nom-
breuses.
Une photographie exécutée à cette époque nous le montre à 16 ans dans un
groupe de famille où l'intention de mettre en valeur sa grande taille est mani-
feste. Déjà nous y pouvons noter, entre autres choses, la longueur remarqua-
ble de ses extrémités.
En mars 1902. - Il passe pour les mêmes raisons quelques mois dans une
maison de santé. Rendu à sa famille, il retombe très vite dans le même état.
On lui enlève alors des végétations adénoïdes du uaso-pharynx et depuis cette
intervention, il se plaint fréquemment de céphalée en casque : « un cercle de
fer lui enserre la tête. » .
En 1907 : Nouvelles crises névropathiques avec délire onirique à caractère
terrifiant. Hallucinations visuelles, interprétations délirantes. Quelques pituites
au réveil. 1.
En 1907-1908 : Nouvel accès erotique et mystique avec onirisme, halluci-
nations visuelles. Il veut être femme. La nuit il voit des anges et de belles
jeunes filles en blanc. Il regrette amèrement de ne pas posséder une consti-
tution physique féminine, c'est dans de tels regrets qu'il élabore quelques idées
de suicide.
En même temps son adiposité devient considérable ; son poids en quelques
mois dépasse 105 kilogrammes.
En mai 1911 : Nouvelles crises névropathiques à l'occasion d'incidents insi-
gnifiants. Les crises qui n'ont jamais aucun caractère comitial conservent les
mêmes caractéristiques : gesticulations, contorsions, attitudes passionnelles.
Elles se terminent par une crise sudorale et sont accompagnées et suivies d'un
léger état onirique au cours duquel notre malade exprime quelques idées déli-
rantes polymorphes avec fausses reconnaissances. Il fait une tentative de vio-
lence contre son père d'origine passionnelle.
Actuellement, janvier 1912 : Nous ne saurions revenir sur cet état menta
que nous avons suffisamment décrit plus haut.
Nous nous contenterons d'ajouter qu'au cours de son séjour il la Clinique, le
malade est devenu un peu plus calme.
Toujours oisif et rêveur, il est connu pour la multiplicité de ses préoccupa-
tions hypochondriaques d'ailleurs très puériles et fugitives. La moindre sensa-
tion imprévue lui fait craindre la mort.
Dans l'espace des huit mois où nous venons de l'observer il a grandi encore
de 0 m. 03. A son entrée eu effet il mesurait 1 m. 83, c'est 1 m. 86 qu'il at-
teint aujourd'hui.
, GIGANTISME ACItOJII : GALIQUE 133
Sou état physique est néanmoins assez satisfaisant. Le pouls qui au début
battait à 100 pulsations par minute est aujourd'hui à 80.
Il s'est toujours montré hypotendu. -
L'auscultation ne relève rien d'anormal.
. Signalons l'existence d'une pharyngite granuleuse chronique et la fréquence
de poussées d'urticaire et dermographisme paraissant en rapport avec l'éré-
thisme nerveux.
La sensibilité d'ailleurs et les réflexes cutanés, tendineux et oculaires sont
normaux. Le fond de l'oeil ne présente rien d'anormal. La force musculaire
est minime et le malade se plaint souvent de la facilité avec laquelle il se fati-
gue. Quant à l'inversion sexuelle, avec les préoccupations corporelles, elle oc-
cupe le premier plan. '
Notre géant, qui au cours de son existence n'a eu avec les deux ou trois fem-
mes qu'il a cru aimer que des rapports passifs et incomplets,n'a aucun désir de
coït et encore moins de mariage.
Il épouserait « par raison » uue jeune fille qu'il connaît depuis très long-
temps, mais il voudrait que ce soit elle qui le demande. Il l'épouserait pour sa
fortune et parce qu'elle est très énergique et active. Elle lui plaît parce qu'elle
aime les sports et qu'elle pourrait l'intimider, le domine ? le diriger. Notre
géant la croit « capable de le soutenir >>.
Dans le service il fait constamment aux malades de son sexe des propositions
d'inverti. L'un est aimé à cause de ses yeux, l'autre parce qu'il lui dit des pa-
roles brutales. Il nous déclare qu'il voudrait « conquérir l'amour d'un homme
vigoureux qui le domine ». Cette seule pensée le fait entrer en érection et il
regrette amèrement toujours de n'être pas physiquement une femme. De tels
regrets le rendent triste parfois et pour se consoler alors, il se masturbe.
I. - En ce qui concerne les rapports existant entre le gigantisme du
malade et les symptômes d'acromégalie, notre observation n'apporte pas
d'arguments permettant de trancher une question pendante, elle n'est
qu'un cas de plus en faveur de la théorie uniciste de MM. Brissaud et
Meige (1), Launois et Roy (2), Woods Hutchinson (3). Les symptômes de
développement, anormalement rapides et excessifs, remontent à l'enfance
et ils se précipitent il de la puberté.
Il. - D'autre part, bien que ses organes génitaux soient macroscopi-
quement normaux et fonctionnent bien, que les cartilages juxta-épiphy-
saires soient soudés sur les segments soumis à la radiographie, il faut
noter qu'à 25 ans, notre géant vient encore d'augmenter sa taille de trois
(1) CMSSAUD et lllstaa, Gigantisme et acromégalie. Journ. de méd. et de chirurg. pra-
tiques, 25 janvier 1895, p. 13 et 76. - Brissaud, Sur les rapports réciproques de l'a-
cromégalie el du gigantisme . Soc. méd. des hôp., 14 mai 1896. - Hesat Meige, Le
gigantisme. Archives générales de Méd., 1902.
(2) P. E. Launois et P. Roy, loc. cit.
(3) Vooos IIurcmvsov, La glande pz 1 llitai ! 'e considérée comme facteur de l acroméga-
lie et du gigantisme. New-York med. Journ., 17 juillet 1900, t. II, p. 22.
134 GAI LAIS
centimètres en sept mois. Il a un faciès pouponnien, il est imberbe et sur-
tout son état mental est empreintde débilité. Son émotivité, ses frayeurs,
ses larmes, les caractères mêmes de ses réactions et de ses tendances fémi-
nines, son insuffisance sociale sont marqués au coin de cet étal particulier,
désigné par M. Dupré sous le nom de puérilisme mental.
Il n'est donc pas seulement un géant acromégale, il est aussi par cer-
tains traits un géant infantile. Il semble donc qu'après avoir débuté par le
gigantisme notre malade ait évolué vers l'acromégalie.
II1. - Quant à la cause du gigantisme et de l'acromégalie, elle n'est pas
toujours révélée par un élargissement de la selle turcique, témoin l'acro-'
mégalique de J. Bonhomme z1). L'existence dans la jeunesse dujenne
homme de polypes nasopbaryngiens, la permanence encore à l'heure ac-' ¡.
tuelle d'une pharyngite chronique granuleuse nous portent volontiers à
attribuer le vice de croissance à une perversion fonctionnelle de l'hypo-
physe, mais nous ne pouvons pas, devant l'absence d'élargissement de la
selle turcique, affirmer une lésion hypophysaire, les modifications de la
glande, si elles existent, ne sont probablement qu'histologiques,
IV. - Les modifications des organes sexuels ont été il différentes repri-
ses signalées chez les géants. s
Le géant de hritsche et Klehs est impuissant, ses testicules sont atro-
phiés (2), le géant de Woods Hutchinson se signale par du retard du déve-
loppement sexuel (3) ; celui de MM. Garnier et Santenoise est cryptor-
chide (4), ceux de Tanzi (5), deBuday et de Jancso (0), ceux de Dufranc,
P. E. Launois et P. Roy (7) etc., présentent uneatrophie testiculaire très.
marquée. .
Woods Hutchinson rapporte même un cas de pseudo-hermaphrodisme
chez une acromégalique géante. Chez cette géante en effet, il constate avec
un clitoris hypertrophié, l'atrophie du vagin, de l'utérus, des trompes et
des ovaires (8).
(1) .1. Bonhomme, Un cas d'acromégalie chez une imbécile. Bulletin de la Soc, clin. de
Méd. ment., n° G, juin 1911.
(2) f anscnc et lI.El3S, Le géant Peler Beyner, Ein Beitragzur Pathologie des Riesen-
\\ uchses. Klin. med. l'alhol. Anat. Untersingen, Leipsig, 1884.
(3) Woods Hutchinson, Le géant M. Incloo. New- York med. journ., 14 juillet 1900.
(4) G minier et Santenoise, Note sur un cas lèralologique complexe d'un aliéné (gigan-
tisme, féminisme, cryplorchidie). Arch. de Neurol., mars 1898, p. 201, R. IV, 1848, p. 500.
(5) Tanzi, Vue casi de acromegalia. Archivio italiano di clinica medica, 1891.
(6) Bunav et Jancso, Un cas de gigantisme patholo,qique'Sinton /lotis), Deutsches
Archiv sur klin. Med., 1898, p. 385.
(7) DUFRANC, P. E. Launois et P. Roy, Les relations du gigantisme et de l'acronté-
galie expliquées par l'autopsie du géant Constantin. Bull. et Mémoires de la Soc. méd.
des Hôp. de Paris. Séance du 8 mai 1903.
(8) Woods Hutchinson, Un cas d'acromégalie chez une gé ! tnle,Lad AU/'an, American
Journal of med. sciences, août 1895.
GIGANTISME ACROMÉGALIQUE 135
Quant à l'inversion sexuelle, nous ne l'avons pas encore trouvée signa-
lée. .
Plusieurs auteurs citent uniquement t'anaphrodisie du sujet qu'ils ob-
servent, tels sont les cas décrits pal' Alibert(1), Tanzi (2), E. Villiers (3),
Klein (4) et M. Meige (5).
Notre géant qui a, nous l'avons vu, quelques signes physiques de fémi-
nisme, présente néanmoins un développement complet de la verge, et des
testicules ; la sécrétion spermatique existe. Ce qui vraiment, à ce point
de vue, peut et doit être considéré comme sa caractéristique c'est son état 1.
mental vraiment spécial et constitué par des goûts féminins, une pudeur
eldes attitudes féminines, une inversion sexuelle passive des plus nettes
grâce à laquelle il aime les femmes comme des camarades et il recherche
les hommes vigoureux par amour. Il n'est pas jusqu'à ses crises névro-
pathiques et ses idées délirantes qui ne témoignent de sa mentalité toute
spéciale, que nous proposons de nommer « féminisme mental ».
Conclusions.
Toutes ces constatations nous permettent donc de donner de notre géant
les caractéristiques suivantes :
1° C'est un géant acromégatique du type long dès l'enfance.
2° Il a aussi quelques caractères de gigantisme infantile.
3° Il n'y a pas d'hypertrophie pituitaire visible.
4° Son état mental correspond à ce que nous proposons de nommer le
« féminisme mental » .
(1) AL1BERT, Tn. des malad. de la peau, 1822, t. II, p. 317.
(2) 1'nnz, loc. cil.
(31 E. VILLIERS, Bull. Soc. d'Anthropologie de Bruxelles, 1898, XVII, p. 11.
(4) KLEIN, Un cas de gigantisme. Soc. méd. des hôpitaux de Nantes, 20 juillet 1899
et Gaz. méd. de Nantes, 4 novembre 1899.
(5) Henri Meige, Acromégalique géant. Arch. gén. de méd., octobre 1902.
MICROMÉLIE RHIZOMÉLIQUE PARTIELLE AVEC
TROUBLES MENTAUX CHEZ UNE JEUNE ARABE
PAR R
1 MM. J. CRESPIN,
Professeur à la Faculté de médecine
d'Alger.
et
BONNET,
Interne des hôpitaux
d'ellger.
Les dystrophies osseuses forment un groupe touffu au milieu duquel
peuvent se distinguer plusieurs grands syndromes : rachitisme, achondro-
plasie, dysostose cléido-cralnienne, hérédo-syphilis, etc. Il n'y a pas de
barrière bien nette entre ces divers syndromes, et il n'est pas rare de ren-
contrer des cas limites, difficiles à classer.
Aussi convient-il de porter à la connaissance du public médical toutes
les observations susceptibles d'être recueillies, afin de faciliter le travail
de classement, qui pourra ultérieurement s'effectuer, quand une plus
grande lumière aura été projetée sur ce coin, encore trop ignoré, de la
pathologie.
L'observation suivante me paraît digne d'attirer l'attention.
Observation (PI. XXII, XXIII).
Khéroufa )·atUma, jeune mauresque de 17 ans, entre à l'Hôpital de Musta-
pha (service d'observation spécial aux maladies mentales), le 22 novembre
1911. Elle avait quitté le domicile familial depuis un mois environ, et le soir
ou la nuit, dans un passage mi-désert de la ville, elle se livrait il tous ceux
qui voulaient la prendre. Elle riait à gorge déployée et poussait des cris qui
troublaient la tranquillité du quartier. Aussi le commissaire, sur la plainte de
quelques commerçants, la fit conduire à l'hôpital.
Quelques renseignements sur sa famille et sur elle-même nous ont été
donnés par sa soeur, fille soumise, très intelligente et très bien conformée
(âgée de 20 ans, taille : 1 m. 58).
Le père est vivant et bien portant : sa taille est au-dessus de la moyenne.
La mère est morte, il y a trois ans, d'affection inconnue. Elle était également
d'une assez haute stature.
Deux frères ou soeurs seraient morts en bas-âge, en nourrice.
Un vivant, bien portant, de taille moyenne, est âgé de 15 ans,
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MICROMELIE RHIZOMELIQUE PARTIELLE AVEC TROUBLES MENTAUX
CHEZ UNE ARABE
(J. Crespin et Bonnet).
Mnccon & Cne. Éditeurs.
MICROMELIE RHIZOMELIQUE
(J Crespin et Bonnet).
Masson & Cie. Editeurs
D11C1H0\1 ? TZOLIQUE PA11T1ELLE 137
La mère était maladè'-Q1ffJ\'J11é(i("a 'grossesse qui devait aboutir la nais-
sance de notre sujet, qui }iif3 ? lll eA1mailloté, mal soigné ( ? )
l\.l1erouta ne marcna quia trols-aiffi. far contre, elle aurait parie cie très
bonne heure. Elle a toujours été assez bien portante. On signale cependant, à
l'âge de cinq ans, une variole dont elle porte quelques stigmates cicatriciels au
niveau de la face. z
Elle aurait séjourné un an à l'hôpital, il y a cinq ans, pour un abcès au poi-
gnet (ostéomyélite probable ayant nécessité une opération dont on voit les traces
sous forme de cicatrices profondes).
Son intelligence paraissait normale ; elle ne fut soumise d'ailleurs à aucuue
culture, en raison du milieu auquel elle appartenait. C'est seulement depuis
six mois, que l'on s'aperçut du désordre de ses facultés mentales, à la suite
d'une colère, dit la soeur. A noter que les premières règles apparurent seule-
ment il y a quatre mois, qu'elles s'installèrent difficilement et que depuis lors
elles furent toujours peu copieuses.
Jamais dans la famille, on ne s'était inquiété de la conformation spéciale de
Khéroufa.
A son entrée à l'hôpital, la jeune fille nous apparaît comme tout à fait dé-
raisonnable. Elle rit, elle chante constamment, soulevant ses jupes et se livrant
fréquemment à d'autres gestes obscènes. Il est impossible d'engager une con-
versation avec elle, car elle saute d'une idée à l'autre incessamment, et tient
les propos les plus absurdes. A une question précise, elle répond la plupart
du temps par un éclat de rire, suivi d'un son guttural, toujours le même.
Mais cet état se modifie peu à peu ; nous pûmes après deux semaines d'ob-
servation, converser suffisamment avec elle. Elle prit goût aux interrogations,
aux examens. C'était un plaisir pour elle de nous accompagner à la radiogra-
phie, à la Maternité, etc., et elle se prêtait volontiers à nos investigations, quand
elles ne nécessitaient pas une immobilité un peu prolongée. .
Nous constatâmes alors qu'elle n'avait pas absolument versé dans la démence.
Ainsi elle se souvenait très bien du chirurgien qu'il l'avait opérée, il y a cinq
ans, et elle le reconnaissait première vue.
Elle ne sait ni lire ni écrire,mais elle a voulu montrer un jour qu'elle pouvait
tracer quelques caractères. Elle nous a arraché le porte-plume des mains pour
dessiner quelques caractères informes, répondant, disait-elle à son propre nom.
Elle peut reproduire des dessins très simples (un carré par exemple).
Son état mental paraît donc avoir évolué formellement ; les gestes et les pro-
pos obscènes sont plus rares ; mais Khéroufa est toujours une faible d'esprit, une
imbécile, toujours insouciante, instable et incapable de se livrer à aucun tra-
vail. Elle paraît d'ailleurs satisfaite de son internement à l'hôpital, et ne ma-
nifeste jamais le désir d'en sortir. Elle ne se préoccupe pas davantage de sa
famille, qui ne paraît pas s'en préoccuper non plus ; il a fallu employer la
police pour amener sa soeur à venir nous donner quelques renseignements.
Nous n'avons pu prendre que quelques radiographies ; nous les avons re-
produites, regrettaut que l'indocilité de la malade ne nous ait pas permis de
prendre une radiographie d'ensemble,
xxv 9
138 CRESPIN ET BONNET
Mensurations.
, M1CR011ÉLIE RHIXOMÉLIQUE PARTIELLE 139
Description des diverses parties du corps.
Tête et face. - Khéroufa n'a pas le type arabe pur ; elle ne ressemble nulle-
ment à sa soeur, seule personne de la famille que nous avons pu approcher.
Ses cheveux sont crépus, laineux comme ceux des nègres. Son teint est oli-
vâtre comme celui des levantins. Sur la face, on distingue quelques petites
cicatrices blanchâtres (variole antérieure). Le nez ne présente pas d'ensellure ;
il est'court et épais.
L'oreille examinée au point de vue de la structure et de l'audition ne pré-
sente pas d'anomalies importantes, sauf que le lobule est adhérent.
L'oeil est absolument normal.
Le front est très bas, vertical.
Un léger prognathisme inférieur est à signaler ; la voûte palatine est nette-
ment ogivale. La dentition présente des modifications intéressantes. Il y a, à
la mâchoire supérieure, d'abord persistance des dents de lait, et interversion
du rang occupé par les diverses dents. Ainsi la canine se trouve en haut et de
chaque côté reportée après la première molaire, et sur un plan antérieur à
celle-ci.
Les incisives, qui sont de seconde dentition présentent des érosions et des
cannelures très marquées, surtout les incisives médianes supérieures. On ne
reconnaît pas là la dent d'Iltiteliinsoii typique. A la mâchoire inférieure, les
canines sont à leur place, les incisives ne sont pas cannelées, et il n'y a pas
de dents de lait.
L'examen et la comparaison des chiffres relatifs aux divers diamètres crâ-
niens montrent qu'il s'agit d'une brachycéphale. La grande et la petite fonta-
nelle ne sont pas fermées ; il en est de même de la plus grande partie de la
suture sagittale. Pour s'en rendre compte, il est nécessaire de raser les cheveux
de notre sujet.
Tronc. - Il est normal et correspondrait à une taille de 1 m. 56. Les omo-
plates sont bien développées. Au niveau de la clavicule gauche, on sent sur la
partie médiane un cal énorme, et l'on voit par la radiographie, qu'il s'agit là
d'une fracture; la totalité de l'os paraît ossifiée. Cependant la clavicule, comme
d'ailleurs tous les os que nous avons fait radiographier est d'une transparence
anormale. Cette fracture de date ancienne (il a été impossible d'avoir des détails
sur elle, Khéroufa ne nous donnant aucun renseignement à cet égard, pas plus
que sa soeur du reste), n'apporte aucune gêne dans les mouvements du membre
supérieur gauche. Celui-ci, ainsi que le membre supérieur droit, peut exécuter
des mouvements plus étendus que normalement, en particulier dans la projec-
tion en arrière, qui permet aux coudes d'entrer en contact très facilement.
Les articulations chondro-costales ne sont nullement tuméfiées.
La colonne vertébrale présente les particularités suivantes : '
a) Saillie obtuse au niveau de la septième vertèbre cervicale. La vertèbre
paraît plus proéminente que d'ordinaire, en raison surtout d'un bourrelet adi-
peux qui la recouvre.
G) Au niveau de la colonne lombaire (maximum 3e lombaire) ensellure très
140 CRESPIN ET BONNl'/T
marquée, comme le montre la photographie ; cette ensellure est exagérée par le
développement considérable de la musculature fessière et du tissu graisseux de
ces parties. 1
Organes génitaux. - Bien conformés. On note une grande excitation géné-
sique depuis l'établissement des règles, qui fut tardif.
Membres supérieurs. -- Le bras et Iavant-bras ont des proportions respec-
tives normales. L'indice radio-huméral est de 8'i, Les muscles épicondyltens
sont très développés. Les mains pendantes le long du corps, atteignent sur la
cuisse un point situé à cinq centimètres au-dessus de la rotule.
Les mains n'offrent de particularités qu'au point de vue de la laxité de tou-
tes les articulations des phalanges entre elles, et surtout du métacarpe avec la
première phalange. Ces dernières articulations permettent une extension forcée
en arrière, comme s'il y avait luxation en avant des extrémités phalangiennes.
Les ongles sont rongés jusqu'à leur racine. Il est impossible de faire passer
cette mauvaise habitude à Khéroufa.
Membres inférieurs. - Il y a une micromélie rhizomélique très marquée.
L'indice tibio-fémoral qui est normalement compris entre 84 et 90, s'élève
ici à 112.
La radiographie montre : 1° que le col du fémur forme un angle droit, au
lieu d'un angle obtus avec la diaphyse; 2° qu'à la jonction de la diaphyse et
de l'épiphyse fémorales il y a une coudure assez brusque n'occupant que quel-
ques centimètres en hauteur, alors que la diaphyse se continue rectiligne comme
à l'état normal ; 3° que les épiphyses ne sont pas tuméfiées.
Le genou est porté en dehors. Il y a du genu varum (jambes en 0).
Le tibia ne présente pas d'irrégularités ; il est rectiligne ; l'interligne articu-
laire tibio fémoral a une obliquité assez prononcée, ce qui s'explique par le
genu varum. ,
Le pied est un pied il il mesure 0 m. 21 du talon à l'extrémité du gros
orteil ; il n'y a pas d'excavation sur le bord interne, comme à l'état normal.
Bassin. - Légère antéversion; diminution absolue de tous les diamètres.
Bassin en général rétréci. A la radiographie, on distingue une légère asymétrie ;
le bassin est incliné de haut en bas et de gauche à droite. Cette asymétrie est
vraiment bien peu marquée.
Le poids de la jeune Khéroufa est élevé : 40 kg. 500, bien au-dessus de ce
qu'il devrait être relativement à la taille. L'obésité partielle en est la cause.
Nous avons déjà dit que le tissu cellulo-adipeux était extrêmement développé
aux fesses et aux cuisses (la circonférence maximum de la cuisse est de 0 m. 59).
Mais il y a aussi une couche assez épaisse de ce tissu dans les autres régions
du corps, uotamment au tronc et à l'abdomen. Les muscles sont également
d'un volume et d'une consistance au-dessus de la normale. La force musculaire
de Khéroufa est considérable : elle est capable de renverser un infirmier ro-
buste. Elle paraît très habile à se servir des mains et des doigts', en raison sans
doute de la laxité des articulations.
Elle a la démarche en canard, ce qui est dû. à la conformation particulière du
col de ses fémurs.
MICROMELIE RHIZO \IÉLIQUE PARTIELLE 141
En présence de ce cas de micromélie rhizomélique,on peut remarquer que
ces sortes de déformations ne sont pas très rares chez les indigènes algériens
car on en rencontre dans les promenades au milieu des aggloméra lionsarabes;
mais à ma connaissance aucune étude d'ensemble n'en a été faite encore.
On doit penser à plusieurs dystrophies ou dysosioses, en particulier aux
dystrophies congénitales et familiales, comme l'achondroplasie, la dys-
plasie périostale (de Porak et Durante), la clysoslosecléido-cranienne (P.
Marie). On peut aussi penser à 1'liérédo-sypliilis et au rachitisme.
L'achondroplasie a donné lieu à des travaux considérables parus au cours
de ces dernières années,et la majorité des auteurs sont arrivés à s'entendre
sur un type clinique défini. C'est un nanisme caractérisé par le raccourcis-
sement des membres, surtout des segments proximaux (rhizoméliques) alors
le tronc reste normal ; au point de vue clinique, par un trouble d'ossifica-
tion enchondrale, une intégrité de l'ossification périostale, au point de vue
.anatomique. Les principales déformations qu'on rencontre dans cet état
sont, en dehors de la micromélie : le développement de la musculature
fessière, l'isodaclylie, la main en trident, l'ensellure lombaire, la grosseur
de la tôle en hrachycéphalie, le nez ensellé, les déformations angulaires
juxta-épiphysaires, les saillies des insertions musculaires, l'élargissement
des épiphyses, l'élévation de la tète du péroné qui participe à l'articula-
tion du genou, ces quatre dernières caractéristiques étant décelables faci-
lement par la radiographie.
Le dysplasie périostale, dont la dysostose cléido-cranienne ne serait
qu'une variété, est caractérisée aussi par la micromélie au point de vue cli-
nique, et par le trouble de l'ossification périostale, au point de vue anato-
mique. On rencontre beaucoup de fractures dans cette dysostose, les os
étant très fragiles ; mais ce qu'il y a de plus remarquable, c'est l'absence
d'ossification de certaines parties des os à ébauche membraneuse, comme
le crâne et la clavicule.
Ces deux syndromes (achondroplasie et dysplasie périostale) sont fami-
liaux et héréditaires.
Il faut convenir que dans notre cas, il y a des particularités apparte-
nant à l'une et à l'autre de ces dystrophies. Sans doute, le caractère hé-
réditaire et familiaf ne nous apparaît pas. Mais, en réalité nous ne con-
naissons pas les vrais générateurs de Khéroufa ; si le côté maternel nous
est un peu connu, le côté paternel nous échappe complètement.
La micromélie rhizomélique n'est marquée qu'aux membres inférieurs,
aux fémurs. Mais ce ne serait pas une raison pour écarter le diagnostic
d'achondroplasie, car on a décrit l'achondroplasie partielle ; tel le cas de
Charon, Degouy et Tissot.
D'autres raisons militent aussi pour écarter le diagnostic d'achondro-
142 CRESP1N ET BONNET
plasie. Sans doute, il y a un grand développement de a musculature
fessière ; il y a une ensellure lombaire accentuée, il y a de la brachycépha- ! ie; il y a une légère coudure fémorale juxta-épiphysaire ; mais il manque
quelques signes d'une importance capitale : telle l'égalité des doigts qui
prennent une apparence boudinée, et s'écartent les uns des autres leurs
extrémités (mains en trident), telle" l'ensellure du nez, telle l'élévation du
péroné jusqu'au niveau de l'articulation du genou. Il y a en outre des
signes qui ne font pas partie du tableau clinique de l'acliondroplasie :
l'absence de soudure des fontanelles, la mauvaise dentition, un certain
degré d'aplatissement du bassin, la fracture de la clavicule, l'état mental
aussi. '
En ce qui concerne la dysplasie périostale, on peut invoquer dans
notre cas, l'absence de soudure des fontanelles, et les déformations de la
clavicule, constituées par une fracture du côté gauche ; mais ce sont là que
caractères bien peu marqués, ici, et en particulier la fracture de la clavi-
cule est unilatérale, et l'oses[ ossifié dans sa totalité. Quant aux cicatrices
de la partie inférieure de l'avant-bras, elles sont imputables vraisembla-
blement à une ostéomyélite ayant nécessité une opération assez large.
En élimina ni la dysplasie périostale, nous écartons en même temps la
dysostose cléido-crànienne qui ne serait qu'une variété de cette dystrophie.
L'hérédo-syph i 1 is ne me parait guère soutenable en la circonstance.
Sans doute les altérations et anomalies dentaires pouvaient y faire songer :
mais on ne voit là ni la triade, ni la dent d'ttutchinson, ni le tibia de
Lannelongue, ni l'enfoncement du nez, ni les cicatrices cutanées spé-
ciales.
Le rachitisme par contre doit être discuté beaucoup-plus minutieuse-
ment. S'il n'y a ni les lésions costales (chapelet) ni la cyphose dorsale, si
le bassin appartient plutôt à l'achondroplasie qu'au rachitisme, en raison
du raccourcissement de tous les diamètres, si les déformations des mem-
bres inférieurs affectent une disposition symétrique parfaite rare dans le
rachitisme, il n'en est pas moins vrai que d'autres anomalies orientent le
diagnostic du côté de cette dernière affection. Les fontanelles non soudées
avec un certain degré de brachycéphaiie, ies défectuosités de l'architec-
ture dentaire, le pied plat, le fait que Khéroufa n'a marché qu'à trois ans,
voilà un ensemble qui cadre bien avec le rachitisme, d'où le diagnostic
complet de nanisme avec micromélie rhizomélique partielle, d'origine
probablement rachitique,
Il n'est pas rare de trouver dans la littérature médicale des cas qui prê-
tent ainsi à discussion, dans le domaine des dysostoses. A l'occasion de
ces cas, des opinions contradictoires se font jour, et le diagnostic de cha-
cun est souvent déterminé par l'importance accordée à tel ou tel signe,
MICROMÉLIE RHIZOMELIQUE PARTIELLE 143
alors que pour le clinicien voisin, le diagnostic sera tout autre parce que
le précédent signe n'aura pas pour lui la même valeur.
Ainsi le cas de micromélie présenté par MM. Galliard et Lévy à la So-
ciété des hôpitaux de Paris (18 novembre 1904) est considéré par les uns
comme appartenant à la syphilis, par les autres comme relevant de
l'achondroplasie, par d'autres encore comme appartenant à un groupe
non classé, intermédiaire entre l'achondroplasie et la dysostose cléido-
cranienne. « Ce ne sont pas là des maladies, dit M. Apert, mais des varia-
tions du type humain, analogues à celles qu'utilisent les zoolechnistes
elles horticulteurs, pour former de nouvelles variétés animales ou végé-
tales. »
Mais M. Apert sépare nettement ces dysostoses (achondroplasie et
dysostose cléido-cranienne) qui sont héréditaires et familiales du rachi-
tismequi.n'est ni héréditaire, ni familial, bien qu'il puisse être congé-
nital, dans des cas tout à fait exceptionnels.
Cette séparation n'est pas toujours cliniquement possible et Porak et
Durante dans leur étude très complète, tout en indiquant parfaitement les
éléments du diagnostic, n'ont garde d'omettre la mention des formes
frustes, et des formes dans lesquelles l'achondroplasie se complique de
rachitisme. « En dehors des cas typiques, disent-ils, l'examen histotogi-
que seul permet actuellement de lever tous les doutes (3). » Nous rappe-
lons encore les cas de Papillon et de Lorrain, dont l'un était un mé-
lange d'achondroplasie, de myxoedène, de rachitisme.
Dès lors, n'est-il pas permis de rattacher toutes ces dysostoses et beau-
coup d'ostéoporoses aussi probablement, à l'altération d'une ou de plu-
sieurs glandes endocrines (thyroïde-thymus-ovaire), comme l'a proposé
P. Marie pour l'achondroplasie ?
L'opothérapie reste néanmoins sans effet, peut-être parce qu'on ne sait
encore quelle glande il faut employer, ou plutôt quelles glandes il faut
associer. Nous avons donné de l'ovarine, qui n'aurait amélioré que
légèrement les troubles mentaux. :
Certaines observations permettraient d'incriminer plus spécialement les
glandes génitales. Rappelons pour notre malade, que des troubles men-
taux ont éclaté chez elle au moment de la première menstruation qui du
reste aval tété très retardée. Ces troubles mentaux sont analogues à ceux pré-
sentés par un malade de Parhon, Shunda et Zalplachta (de Bucharest) (la),
malade achondroplasique. Notre malade est un arriéré. « Son intelligence
a un caractère infantile, et fait intéressant à noter, et signalé encore chez
d'autres achondroplasiques, le malade Anatole de Marie, le clown Sicard
d'Apert, nous trouvons chez lui une disposition gaie de l'esprit avec
une nuance lubrique ». Chez notre malade, les tendances lubriques ne
14 1 CRESP1N ET BONNET
sont pas il l'état de nuances, mais sont au contraire très accentuées,
puisqu'elles sont passées maintes fois à l'acte. Plus loin les mêmes au-
teurs disent : « Nous estimons que cette exagération du sens génésique
n'est pas quelque chose d'accidentel, mais est en relation avec un déve-
loppement plus intense de certaines fonctions des glandes génitales, qui
pour nous jouent un rôle primordial dans la pathogénie de ce trou-
ble de la croissance. » Le second malade de ces auteurs avait été interné
dans une asile d'aliénés. Poncet et Leriche (Académie de médecine,
20 octobre 1903) disent : « On peut songer au thymus ; c'est ici une
hypothèse défendable (dans l'achondrôplasie), mais jusqu'ici sans argu-
ment à l'appui. Il n'en est pas de même des organes génitaux, dont on
commence à connaître le rôle sur le développement squelettique. »
Sans doute, les troubles mentaux ne sont pas fréqnentsdans l'achondro-
plasie (5) ; ils sont également rares dans le rachitisI1leclassique,Iais n'est-
il pas rationnel de supposer une relation entre les fonctions des glandes
génitales et les altérations osseuses appartenant à plusieurs groupes clorrt
la pathogénie n'a pas jusqu'à présent été considérée comme univoque ?
Dès lors dans le rachitisme, la gastro-entérite ne serait que l'accessoire
et non le principal. Combien de gastro-entérites des plus sérieuses, des
plus flagrantes, n'ont pas conduit au rachitisme ? D'autre part, combien
de rachitiques dans les antécédents desquels on ne trouve nulle trace de
troubles digestifs dans la première enfance ?
L'accroissement des os parait dominé par le fonctionnement d'une ou
de plusieurs glandes à sécrétion interne ; l'altération de l'une d'elles ou
de plusieurs, ou simplement le déséquilibre, la désharmonie entre. les
fonctions endocrines des glandes génitales et celle des autres glandes en-
docrines peuvent engendrer de très bonne heure les malformations sdne-
letliques, et plus tard les troubles mentaux. C'est l'explication que Parhon
proposait au Congrès de Neurologie de Dijon (1908) pour les phénomènes
de dégénérescence'psychique apparaissant à la puberté ou dans la période
prémenstruelle., et c'est aussi l'explication que nous trouvons la plus ra-
tionnelle pour le cas présent.
Récemment MM. Euzière et Delmas (6) ont analysé minutieusement
un achondroplasique au point de'vue mental, en cherchant à savoir si les
troubles psychiques observés dans cette dysostose pouvaient éclairer son
origine étiologique. Ils soulèvent la question de l'influence du physique
sur le moral, hypothèse qu'ils envisagent avec quelque complaisance, en
rapprochant les troubles mentaux des achondroplasiques des mêmes trou-
bles chez les parkinsonniens, « conséquence naturelle et en quelque sorte
légitime d'une infériorité péniblement et cruellement méditée » comme
l'ont écrit Grasset et Rauzier (cités par VIU1. >Juzière et Delmas). Chez
MICROMÉLIE RH)ZOMÉL1QUE PARTIELLE 145
Khéroufa, le physique paraît n'avoir pas eu beaucoup d'influence sur son
moral : elle a accepté joyeusement son infériorité physique, et l'épisode
d'agitation maniaque avec idées et actes lubriques, avec exhibitionnisme,
qu'elle a présenté au moment de sa puberté paraît avoirévolué sur un
fond de dégénérescence, qui lui interdisait toute réflexion sérieuse sur
son état et sur la vie elle-même. Le milieu fruste auquel elle appartient
ne prêtait guère non plus au développement de son intelligence amoindrie
dès le principe. Du reste, l'observation de l'état intellectuel et mental de
notre sujet était difficile, non seulement en raison de cet étal lui-même,
mais en raison aussi de la nécessité de recourir à des interprètes de for-
tune.
Quoi qu'il en soit, nous croyons qu'il y a intérêt à diriger les études
de ce côté pour éclairer la pathogénie des manifestations de l'achondro-
plasie, du rachitisme et autres dysostoses, et à rendre publics tous les cas
observés..Nous avons la conviction que la théorie proposée par M. le pro-
fesseur P. Marie pour l'achondroplasie (7) pourra s'étendre aux malfor-
mations voisines, et la barrière qui sépare ces diverses dysostoses s'abais-
sera, une cause unique (trouble des glandes endocrines) étant parfaite-
ment capable de se traduire par des malformations osseuses d'iniquement
analogues, par des troubles mentaux variés, et par des altérations histo-
logiques différentes, le polymorphisme des manifestations de la même
altération humorale étant aussi rationnel que le polymorphisme des mani-
festations dues au même germe microbien, ou à la même toxine.
INDICATIONS BIBLIOGRAPHIQUES
1. Nouvelle Iconographie de la Salpêtrière, 1907, p. 390.
2. POR-1A et Dorante. />s micromélies congénitales. Nouvelle Iconographie de la Sal-
pêtrière, 1905, p. 514.
3. Papillon et LST1A11tE, Société de Pédiatrie, 17 décembre 1901.
4, Pauhom, StiuxoA et Zalplachta (de Bucharest). Nouvelle Iconographie de la
Salpêtrière, 1905, p. 546. '
5. Boulbnger. - Idiotie el achondroplasie. Journal de Neurologie, 1907, no 13.
6. EozltHE et Dawtas. - A propos d'une nouvelle observation d'achondroplasie ; peut-on
de la forme des troubles psychiques dans celle maladie, tirer quelque éclaircissement
sur son origine étiologique ? Nouvelle Iconographie de la Salpêtrière, septembre-
octobre DU, p. 380.
7. PIERIIE Marie. - L'achondroplasie dans l'adolescence et l'âge adulte. Presse médi-
* cale, 14 juillet 1909.
MYPERCHROMtE GÉNÉRALISÉE AVEC ACIIROMIE
ASSOCIÉE
. LÈPRE BLANCHE ET MÉLANIQUE A TYPE « PIE »
PAR
Jean ANGLADA
Chef de clinique médicale à l'Université de Montpellier.
L'observation du malade dont nous donnons ici deux photographies ne
comportera pas déconsidérations cliniques très étendues. Cet homme fit t
un séjour rapide à l'hôpital et il en sortit d'une façon trop inattendue
pour que son histoire fût définitivement complétée. Elle nous a paru ce-
pendant assez intéressante pour être rapportée à titre de document icono-
graphique.
Observation (PI. XXIV, XXV).
Ce malade, âgé de soixante-deux ans, entre en janvier 1911 dans le service
de notre maître le Professeur Carrieu et est hospitalisé au lit 30 de la salle
Combat. C'est pour une poussée subaiguë de bronchite apparue sur un vieux
fond de sclérose broncho-pulmonaire qu'il a sollicité son admission dans un
service de médecine, mais on s'aperçoit bieu vite qu'il présente un tout autre
intérêt pathologique. Par les modifications de coloration qu'ont prises ses tégu-
ments, il rappelle assez pittoresquement, dans son ensemble, la robe « pie » qui
caractérise certains chevaux.
On ne trouve rien dans ses antécédents qui puisse être noté. Il prétend n'a-
voir jamais été malade, mais se plaint de tousser et de cracher depuis quelques
années. Il aurait eu dans son enfance une variole qui a évolué sans laisser de
traces. Il ne croit pas avoir eu la syphilis, avoue un degré d'éthylisme accen-
tué et jouit d'un bon état de santé générale. Pas de traces d'infections anciennes,
pas d'intoxication de nature professionnelle ; il a vagabondé toute sa vie, s'é-
tant fixé quelque temps particulièrement dans les Alpes-Maritimes. Il n'a ja-
mais été aux colonies.
Les deux photographies qui accompagnent cette observation dispensent de
longues descriptions ; il suffit seulement de préciser certains détails et d'en
tracer un tableau d'ensemble.
Il ressemble étrangement à ces malades dont l'histoire clinique est publiée
(dans la race noire) sous le titre de lèpre blanche. Son aspect général est celui
Nouvelle Iconographie DE la Salpêtrière.
T, XXV, PI. XXIV
HYPERCHROMIE GÉNÉRALISÉE ET ACHROMIE ASSOCIÉE
(J. Al1glada).
HYPERCHROM1E GÉNÉRALISÉE AVEC ACHROMIE ASSOCIÉE 147
d'un mulâtre blanchi en certaines zones, et avec une symétrie indiscutable
pour certains points.
Les troubles de coloration constatés sur la peau donnent deux variétés. La
teinte mélanodermique,ardoisée, brun chocolat domine sur tout le corps. L'hy-
perchromie est homogène, les teintes en sont fondues; mais,en certaines zones,
notamment à la partie inférieure de l'abdomen et sur la face interne des cuisses,
la pigmentation s'accentue. Il n'y a pas à son niveau de modifications autres
du tégument. Les poils restent colorés, la peau est lisse, sèche, sans réseaux
veineux apparents, sans desquamation, sans hyperhydrose ; très épaissie.
Sur ce fond hyperchromique se dessinent des zones achromiques, décolorées
de façon assez variable. La peau est généralement blanc pâle, mais en certaines
régions et plus spécialement sur la crâne, le pourtour des mamelons, les or-
ganes génitaux, apparaît une nuance rosée qui tire sur le coloris « fleur de
pêcher » ; les zones achromiques sont irrégulières mais à.con tours bien marqués,
et ressortent nettement sur la teinte généralemélaJ10d,ermtque. La dépigmenta-
tion est massive ; il n'y a pas sur les taches blanches de modifications autres de
la peau. Les deux colorations très différentes se heurtent sur une ligne de
démarcation assez nettement indiquée : ce qui est blanchi ressort sur les por-
tions hyperpigmentées, sans qu'il y ait une transition appréciable. On passe
directement du blanc au brun sale sans que les pourtours des taches soit spé-
cialement hyperpigmentés ou hypopigmeutés, Les bords sont nets, et sur
la partie décolorée les poils et la peau (épaissie) n'ont rien d'intéressant
à signaler. Ces plaques qui simulent de très près le vitiligo sont réparties sur
une étendue bien variable.. En certains points ce sont de petites macules bien
découpées, planes, lisses; il n'y a pas d'éléments papuleux. En certains en-
droits les plaques blanches s'étendent davantage et irrégulièrement, mais, tou-
jours sans aucun relief.
A la face antérieure de la jambe et sur la face dorsale des pieds, la peau
semble avoir gardé sa coloration habituelle et son élasticité normale. La dispo-
tion de l'hyperchromie et de l'achromie est en général symétrique.
Cette symétrie s'affirme quand on examine les régions décolorées. Elle est
particulièrement évidente : pour le plan antérieur du corps, aux mamelons,
aux avant-bras, aux bras, aux mains qui semblent gantées de blanc ; pour le
plan postérieur il faut signaler la région des hanches et du creux poplité et
tout spécialement le dos où se dessine un losange qui part de la nuque pour
aboutir au périnée en empiétant légèrement sur la face interne des fesses. La
symétrie est plus manifeste dans les joues un peu étendues d'hypochromie,
les zones plus réduites sont tantôt symétriques. Par opposition la mélanodermie
prend une disposition semblable et tantôt asymétrique elle s'arrête aux deux
jambes (face antérieure) et aux pieds qui, ainsi que nous l'avous dit, ne sont
pas atteints par le processus de néocoloration tégumentaire.
Les muqueuses sont partiellement respectées on ne note que de la décolora-
tion de la lèvre inférieure et de l'hyperpigmentation de la voûte palatine qui
est capricieusement arduisée, et dont la sensibilité est émoussée.
Interrogé sur la date approximative du début de la maladie, le malade hésite.
148 ANGLADA
Quand il fit son service militaire aucun des signes actuels ne se serait encore
produit. C'est vers trente ans que seraient apparues les premières taches, bru-
nâtres, se rejoignant assez vite et la coloration présente paraît être stationnaire
depuis longtemps. Mais tout ceci reste imprécis et très sujet à caution car le
malade n'y attache aucune importance. Il repète, et c'est pour lui la constata-
tion la seule indispensable, qu'il n'a jamais souffert. Il a souvent ressenti des
démangeaisons violentes que son état de vagabondage peut amplement ex-
pliquer.Nous restons ignorants du point de départ local des manifestations pre-
mières et de l'aspect qu'elles ont pris dans le début de l'affection.
Il n'y a qu'à se reporter aux deux photographies jointes à l'observation pour
compléter cette description très brève. La face et le crâne sont aussi intéres-
sants à étudier. La face surtout, par sa ressemblance avec le masque de la sy-
philis tertiaire et mieux encore de la lèpre, peut arrêter un instant. Le nez est
déformé, aplati et écrasé à la base, sans tubercules ou lésions ulcéro-des-
tructives pourtant. Les lèvres légèrement tuméfiées restent fermées, les oreilles
saillent, les yeux sont un peu divergents, les poils sont rares. La déformation
nasale serait récente. Le malade est presque complètement chauve, un duvet
blanchâtre qui s'accentue à la nuque remplace les cheveux tombés. La peau
est décolorée régulièrement sur toute la région jadis chevelue et l'on trouve
sur l'occiput une plaque rosée rappelant une étoile à plusieurs branches.
Les téguments sont excessivement épaissis, durs, sans oedème. La peau
est plutôt froide. On n'arrive à la plisser qu'aux organes génitaux, aux paupiè-
res, à la face, aux mains, aux pieds et aux jambes, tout le reste est pachyder-
misé, et, pour donner une impression sur l'épaississement de la peau, nous
signalerons que la ponction lombaire n'a pu être faite chez ce malade.
L'aiguille taillait à l'emporte-pièce une sorte de boyau qui en obstruait la lu-
mière.
Le malade envisage avec sérénité et insouciance toutes ces modifications, l'im-
portant étant, répète-t=il, de ne pas souffrir. Il n'accuse du reste aucun trouble
fonctionnel en dehors de la toux, de la dyspnée intermittente, de l'expectoration
à caractères banaux,symptomatiqries d'nnescléroce broncho-pulmonaire passible
en grande partie de son éthylisme ancien. Le tube digestif fonctionne bien, le
foie est petit, rien à la rate. Eclat diastolique à l'aorte ; coeur fortement frappé,
pouls hypertendu, artères dures roulant sous le doigt. Pas de modifications du
côté de l'appareil urinaire, pas de crampes, pas de signes de brightisme. La
compression de la région rénale et surrénale est indolore. L'analyse des urines
donne une formule convenable. L'état général fonctionnel est celui d'un homme
en assez bonne santé. Il n'y a pas de fièvre, pas de sueurs. Le malade déclare
qu'il n'a pas maigri. Pas de troubles thyroïdiens ou hypophysaires.
La motilité est bonne. Cet homme est habitué à faire de longues courses
sur les routes, et n'accuse ni lassitude, ni asthénie générale. Il ne se plaint
pas de douleurs ; pas de fourmillements, pas d'engourdissements dans les mem-
bres, pas d'engelures en hiver. Il voit bien, et entend bien ; pas de troubles
de son intellectualité qui paraît avoir toujours été assez rudimentaire. Il répond
NOUVELLE Iconographie DE la Salpêtrière.
T. XXV. PI. XXV
HYPERCHROMIE GÉNÉRALISÉE ET ACHROMIE ASSOCIÉE
HYPERCHROME GÉNÉRALISÉE AVEC ACHROMIE ASSOCIEE 149
bien mais l'interrogatoire l'ennuie, car tout ce que l'on relève d'intéressant,
du côté de sa peau lui semble très inutile.
On ne trouve pas, si l'on. excepte l'épaississement des téguments, de troubles
trophiques du côté des poils et des ongles, et d'amyotrophie. Pas de cicatrices,
de lépromes, d'ulcérations. Ganglions aux aisselles, à la nuque, aux coudes, aux
plis de l'aine.
Nous avons recherché tout particulièrement l'état des diflérentl1s sensibilités.
Il n'y a rien d'anormal pour la sensibilité profonde. Pour ce qui est des sen-
sibilités superficielles elles sont diminuées en bloc sans systématisation et ne
sont pas abolies. Pas de thermo-anesthésie. Il semble que l'hypoesthésie au
contact, à la douleur, et pour la sensibilité thermique soit parallèlement pro-
portionnelle à l'épaississement des téguments. Aux jambes et aux pieds la sen-
sibilité pour le plan antérieur est il peu près conservée. Dans les zones que
l'on peut encore plisser l'hypoesthésie est moins marquée que daus les régions
pacbydermisées où la sensibilité est fort atténuée. Sur les plaques achromi-
ques étendues on constate que l'hypoesthésie ne varie pas ; sur tous les points
où porte l'excitation, la diminution de la sensation est égale.
Les réflexes rotuliens sont faibles ; les réflexes cutanés ont disparu, le ré-
flexe plantaire se fait en flexion . Pas de troubles pupillaires, pas de paralysies
oculaires ; un léger strabisme divergent. Pas de troubles sphinctériens.
Les nerfs ne semblent pas augmentés de volume, la pression profonde n'est
pas anormalement douloureuse. La pachydermisatiou de la peau gêne un peu
dans cette recherche.
Ayant posé l'hypothèse d'une lèpre pigmentaire nous avons' recherché des
bacilles de Hansen dans les crachats où la recherche est négative. En raclant la
muqueuse nasale nous trouvons quelques bacilles acido résistants, plus petits
que les bacilles tuberculeux, mais en petit nombre (Color. Ziehl-Niellsen), et
gardant mal la coloration au procédé de Baumgarten.
Nous avions eu l'intention de faire un prélèvement biopsique des téguments
pour en faire une étude bactériologique et anatomo-pathologique. Le départ à
l'improviste du malade ne nous l'a pas permis.
Si l'on résume les particularités cliniques qui sont fournies par cet
état pathologique on voit que les premières constatations véritablement
intéressantes sont celles qui se rapportent aux modifications pigmentaires,
l'état général du malade demeurant satisfaisant. L'associa lion d'hyper-
chromie et d'hypochromie évolue sur un terrain fonctionnel qui parait
bon.Quelles en sont la nature et le point de 'départ ? il est tout d'abord dif-
ficile de le préciser. Certains détails de l'observation n'ont pu être suivis
assez longtemps,'et les indications que fournit le malade sur l'apparition
des néocolorations, sur leur point de départ, sur la date et la géographie
de leur dissémination sont nulles où à peu près. On peut pourtant arri-
ver à un diagnostic qui parait légitime.
Ce qu'il faut retenir, c'est cet ensemble donnant une impression de
150 ANGLADA
mélanodermie combinée à du vitiligo. La disposition des différentes zones
montre pour la plupart d'entre elles une symétrie indiscutable. et si l'on
excepte le trouble partiel des sensibilités tégumentaires, trouble en partie
peut-être déterminé par l'épaississement des téguments, il apparaît que le
tableau pathologique de ce malade se ramène à cet aspect « pie a caracté-
ristique,que l'on serait tenté de qualifier d'essentiel, a un premier examen.
On peut éliminer rapidement un groupe de mélanodermies évoluant sans
hypopigmentation associée, moins accentuées ou créées par des facteurs
dont on ne retrouve pas ici de stigmates apparents. Il faut passer par consé-
quent sans les discuter davantage sur les mélanodermies paludéennes et
tuberculeuses. Nous n'avions pas eu le temps de faire une réaction de
Wassermann chez notre malade, mais on ne retrouve ni dans ses antécé-
dents (et étant donné le peu de renseignements qu'il fournit, il n'est pas
permis d'être absolument affirmatif), ni dans la répartition et l'allure
générale des manifestations tégumentaires une indication suffisante pour
affirmer ce diagnostic. De même nous éliminerons les hyperchromies
parasitaires, professionnelles, les cirrhoses pigmentaires, diabète bronzé
et autres, elles maladies s'accompagnant de troubles généralement plus
différenciés, plus systématisés comme la sclérodermie, etc. Notre malade
n'a ni l'aspect extérieur, ni les troubles concomitants, ni les différents
facteurs de ces différentes affections.
Ce n'est pas non plus, semble- : t-il, une mélanodermie addisonienne asso-
ciée à du vitiligo. La durée, l'absence de tout phénomène fonctionnel,
l'allure même de la pigmentation cutanée et bien d'autres constatations sur
lesquelles il est inutile d'insister, permettent de l'éliminer, et l'on peut
éliminer parallèlement la mélanose cutanée progressive.
Et l'on en arrive par éliminations successives, en rapprochant iconogra-
phiquement nos photographies de quelques photographies rapportées dans
les traités sur la lèpre à envisager l'hypothèse de cette maladie. Bien que
l'intensité de )'hyperpigmentation et de l'achromie lépreuses soient rare-
ment poussée à un degré aussi accentué que chez notre malade, il répond
bien à la description de ce vitiligo gravior que l'on retrouve mentionné jadis
dans la maladie de Hansen. Notre malade rappelle très étroitement ces cas
de lèpre blanche décrite dans les races noires et dont Wurtz et Thiroux
ont donnéun bel exemple (1). Ici il y a association de lèpre blanche et de
lèpre noire, Zambaco-Pachaar apporté il y a déjà longtemps ces cas où « la
peau la plus blanche, la plus caucasique, devient abyssinienne et même
d'un noir de Congo » (2).
(1) WURTZ et Tninoux, Séméiologie des maladies tropicales.
(2) Zambaco-Pacha, Les lépreux de Constantiiiople, 1897, in Mkige, Iconographie
de la Salpêtrière, 1891. La lèpre dans l'ai-1.
HYPERCHROMIE GÉNÉRALISÉE AVEC ACHROMIE ASSOCIÉE 151
A n'envisager simplement que l'aspect extérieur du malade, c'est donc
de l'hyperchromie et de l'achromie lépreuses qu'il se rapproche le plus
exactement.
Il est certain qu'il manque ici certains éléments cliniques et bactério-
logiques nets pour prouver cette hypothèse et la légitimer d'une façon abso-
lue. Ce n'est ni une forme mixte, ni une forme systématisée tégumentaire
ou nerveuse. Il n'y a-ni tubercules, ni léprômes, ni ulcères. Les nerfs ne
sont pas augmentés de volume, ils ne sont pas douloureux, il n'y a pas
de troubles trophiques musculaires ou osseux, pas de douleurs.
Mais ces différentes manifestations isolées ou associées ne se retrouvent
pas invariablement dans la maladie qui peut évoluer avec une symptoma-
lologie plus fruste comme on en retrouve certaines observations dans le
beau livre deLeloir(1).«La teinte hyperchromique,ditLeloir,peuts'éten-
dre à une grande partie de la surface cutanée. » Et c'est particulièrement
dans la lèpre systématisée nerveuse, que cet auteur a pu la relever. Ici
en faveur de l'atteinte du système nerveux,d'une part la symélrie des joues
colorées ou décolorées. d'autre part l'hypoesthésie tégumentairegénéralisée
sont des arguments appréciables. Sans doute la lésion possible des troncs
nerveux ne se manifeste pas par une hypertrophie évidente des nerfs,mais
il est net que l'appareil nerveux est en cause; dans le livre de Leloir l'ob-
servation XXVI est un exemple frappant (taches hyperémiques, il est vrai)
de la symétrie des hyperpigmentations lépreuses A côté de cette hyper-
pigmentation qui peut faire,dit Rayer, que les blancs deviennent ternes,
bronzés ou acquièrent une teinte comparable il celle des mulâtres »(2),nous
retrouvons dans la lèpre comme chez notre malade ces taches achromiques
surtout confondues avec le vitiligo. Parfois primitives, parfois secondaires
par décoloration centrale des zones byperpigmentées (et à ce sujet notre
malade ne peut nous fournir aucun renseignement), elles constituent un
signe de grande valeur dans le diagnostic de la maladie de Hansen.
Notons encore en faveur de notre hypothèse, l'atteinte ganglionnaire, la
déformation récente du nez où il n'y a pas encore, du reste, de lépromies
apparents, et où l'intégrité des os du -nez existe encore ; déformation qui
prouve que l'affection est en évolution et qui s'accorderait avec l'opinion
de certains auteurs considérant les formes pigmentées de l'infection comme
précédent de loin les manifestations tuberculeuses. Notons l'épaississement
caractéristique du derme relevé encore chez les lépreux, et enfin l'existence
de bacilles acido-résistants qui n'ont pas l'aspect de bacilles tuberculeux
et peuvent être considérés, bien que les recherches bactériologiques n'aient
(1) LELOIR, Tmité, pratique et théorique de la lèpre. Publication du Progrès médical,
1896.
(2) Rayer, Traité des maladies de la peau. Paris, 1831,
152 ANGLADA
pas pu être poussées plus loin, comme des bacilles de Hansen probables
(quoique mal colorés au procédé deBaumgarten).
Si notre malade n'offre pas, par conséquent, la symptomatologie com-
plète d'une des formes de la lèpre, celle association d'hyperchromie et d'a-
chromie difficilement explicable par toute autre cause, trouve un nombre
assez considérable d'arguments pour légitimer ce diagnostic étiologique.
Il y a très longtemps que l'affection évolue,mais des exemples d'une durée
encore plus étendue sont bien connus. Il y a tout lieu de penser que les
déformations récentes constatées à la face indiquent un acheminement lent
vers la lèpre tuberculeuse. Mais pendant de très longues années la ma-
ladie s'est limitée aux troubles de la coloration des.téguments qui en sont
la plus belle manifestation. Il est permis de supposer, cet homme n'ayant
jamais habile aux colonies, que c'est pendant son séjour dans les Alpes-
Maritimes où quelques foyers lépreux subsistent encore,rares et atténués,
qu'il a contracté le germe de l'infection actuelle.
DE L'ABSENCE DES REFLEXES AGI-IILLLL\T3 ET DES
RÉFLEXES ROTULIENS . ,
SANS AUTRE SIGNE D'AFFECTION DU SYSTÈME NERVEUX
PAR
le D' Louis DUPUY,
Médecin major de 2- classe à la Garde Républicaine
Membre externe de la Section technique de Santé.
Sous l'inspiration et avec le contrôle de M. Babinski, qui a bien voulu
venir dans mes diverses casernes examiner les sujets présentant des ano-
malies et que je tiens à remercier vivement au début de ce travail, j'ai re-
cherché systématiquement, de 1908 à fin 1911, l'état des principaux ré-
flexes de 2.304 gardes républicains faisant leur service et ne se plaignant
d'aucun trouhle. J'exposerai dans cette note les résultats observés en ce
qui concerne la présence ou l'absence des réflexes achilléens et rotuliens,
et les réflexions que ces résultats m'ont suggérées. Ces recherches m'ont
convaincu que l'absence de l'un de ces réflexes représente toujours une
abolition pathologique.
Les gardes sont l'objet d'une sélection rigoureuse à leur incorporation.
Ils exécutent obligatoirement un service assez pénible. L'âge des sujets
observés varie de 22 à 54 ans; mais la muitié d'entre- eux sont âgés de
25 à 29 ans, les trois quarts de 23 à 34 ans.
Les hommes ont été examinés nus, avec l'aide du marteau, suivant la
technique de Babinski. Tous ceux qui présentaient des réflexes douteux
ou anormaux ont été revus à plusieurs reprises. Je ne considère le réflexe
comme absent que lorsque l'excitation ne donne jamais ni mouvement ni
contraction musculaire.
Dans un certain nombre de cas, l'absence du réflexe est associée à
d'autres troubles et peut être rattachée à une affection déterminée, tabès
ignoré par exemple. Un examen clinique complet suffit ici à montrer l'ori-
gine pathologique de l'absence du réflexe, de l'irréflectivité, pour utiliser
la terminologie commode et correctement composée due à Babinski (1).
(1) Les mots « aréllexie,hyporéfleaie, hyperréflexie " employés par quelques auteurs
sont incorrectement composés, leurs deux racines étant empruntées à deux langues
différentes ; Babinski propose les termes « irréflectivité, subréllectivité, surrelleclivité
ou superréllectivité j.
xxv 10
154 DUPUY
Dans d'autres cas, le réflexe est nul en l'absence de tout autre symptô-
me nerveux. Celte absence du réflexe achilléen ou du réflexe rotulien chez
des sujets indemnes de tout autre trouble nerveux est mal connue. Les sta-
tistiques publiées à ce sujet sont très divergentes.
Albert Charpentier, en 1898,u Brianç,on, examinant tous les soldats d'un
régiment, n'a jamais trouvé ces réflexes absents. hollarils n'a jamais
trouvé le réflexe rotulien absent sur 1.000 sujets ; Glorieux l'a trouvé ab-
sent une fois sur 00 soldats. L'absence du réflexe rotulien est moins
exceptionnelle suivant Crocq que suivant Berger el suivant Chadzinski ;
elle est commune d'après Eulenhourg. Le réflexe achilléen était considéré
autrefois comme très inconstant ; Eutenbourg estimait à 80 010 la
proportion des cas où il est absent. En 1898, Babinski (1) : ) montré que
de tels pourcentages tiennent il. une technique défectueuse, et que le ré-
flexe achilléen se montre constant à l'état normal quand on le recherche
en faisant mettre il genoux le sujet examiné. Au Congrès de neurologie de
Limoges (août. 190)), Crocq considérait encore le réflexe achilléen com-
me manquant souvent chez les sujets sains. La technique de Babinski est
rapidement devenue classique ; Uplenhein déclare que depuis qu'il l'em-
ploie, il ne trouve que très exceptionnellement le réflexe absent : dans ces
cas exceptionnels, il estime qu'une cause morbide locale est en jeu (lésion
musculaire, varices, etc.). C'est avec cette technique que Cestan (Congrès
de Limoges) n'a jamais trouvé le réflexe achilléen nul à l'examen de
plusieurs centaines de sujets. D'après Chadzinski (même technique), ce
réflexe est parfois absent, mais aussi rarement que le réflexe rotulien. Un
fait semble acquis,c'est que les réflexes ach i Ileens et rotuliens peuvent être
trouvés nuls sans autres troubles nerveux à un âge avancé, vieillesse
(Mubius),au delà de 50 ans (Sommer et 0. Kopine).Bi,inwel (2),en 1901,
à un seul examen, a trouvé les résultats suivants concernant le réflexe
achilléen : entre 40 et 50 ans réflexe toujours existant sur 28 sujets,
entre 50 et GO ans réflexe absent 5 fois sur 42 sujets, entre 60 et 70 ans ré-
flexe absent 28 fois sur 80 sujets, entre 70 et 80 ans réflexe absent 4 fois
sur 65 sujets, au dessus de 80 ans réflexe absent 1'2 fois sur 15 sujets.
L'absence des réflexes acllilléens oudes réflexes rotuliens sans autre trou-
ble nerveux est estimée pathologique par Bahinsl : i,Oppenbeim,et d'autres
neurologistes; mais beaucoup d'auteurs la considèrenteomme un fait phy-
siologique et indépendant des conditions morbides,soit t que le réflexe man-
que conjénitalenleut; soit qu'il ait été ? Joli du fait de et par suite de
l'évolution normale de la vie.
\1) Babinski, Sur le réflexe du tendon (l'Achille dans le tabès. Bull, Soc. méd. des
Hôp., séance du 21 oct. 1898.
(2) l3u,wve ? Brain, vol. x\f1', p. 5." ï , 1901 .
DE L'ABSENCE DES RÉFLEXES ACHILLÉENS ET ROTULIENS 155
Dans la partie statistique de ce travail, qui a l'avantage de porter sur un
grand nombre de sujets tous soumis aux mêmes conditions bien détermi-
nées,j'ai cherché il préciser la fréquence et les caractères de celle absence
particulière, en les comparant il ceux de l'absence indubitablement patholo-
gique. Dans une deuxième partie relative à la nature et à l'origine de cette
absence, je voudrais montrer que les faits observés cadrent mal avec des
interprétations trop souvent admises; ils ne s'expliquent bien que si l'on
considère cette absence comme une abolition pathologique liée il une affec-
tion monosymplomatique. ·
Cette absence d'un ou plusieurs réflexes chez un sujet indemne de tout
autre symptôme nerveux peut être qualifiée absence monosymploma-
tique; l'étal du sujet peut être dénommé il'ré/lectÍ1'ité 111ollosym}Jtoma-
tique (1).
Statistique.
RÉFLEXE ACIiILI.ÉI;N.
//réflectivité associée à d'autres symptômes. - Chez i sujets le réflexe
achilléen a élé trouvé nul des deux côtés et l'examen du système nerveux
a décelé un tabès jusqu'alors ignoré. Un sujet présentait une abolition bi-
latérale dépendant d'une névrite scarlatineuse ignorée. Deux sujets présen-
taient une aholition unilatérale, liée à une sciatique ignorée chez l'un,
à une sciatique incomplètement guérie chez l'autre. 7 sujets au total
présentaient donc une abolition du réflexe achilléen liée à une maladie
dont l'intéressé ne se plaignait pas. La proportion moyenne est de 3 0/00 ;
mais si l'on répartit suivant t'age ces cas d'abolition, comme il est fait
dans le tableau I et le graphique I, on voit que leur proportion, nulle
avant 25 ans, insignifiante avant 30 ans, s'élève progressivement el i-égu-
lièrement avec pour atteindre vers 50 ans 9,1 0/00 c'est-à-dire près
de 1 0/0.
hréflectivité 1110llOs ! }/Ilptomatique, - Sur 2.304 sujets examinés, 59
avaient le réflexe achilléen nul, soit d'un côté, soit des deux côtés, en
l'absence de symptômes nerveux d'ordre différent; chez 7 d'entre eux
celle irréllectivité monosymptomatique dépassait le domaine achilléen,
et le réflexe rotulien était également nul. La proportion globale est de
25,61 0/00.
(1) L'adjectif monosymplomatique, couramment appliqué aux noms des maladies
peut être appliqué aussi, et plus rationnellement, au nom d'un symptôme. On dit un
tabes monosymptomatique ; en réalité, ce qui est symptomatique ce n'est pas le
tabes, c'est l'abolition des réflexes, c'est la crise gastrique, etc.
Je remercie avec M. Babinski ses collaborateurs qui m'ont aidé dans le choix de
cette terminologie, en particulier MM. Jarkowski et A. Charpentier.
156 DUPUY
La répartition par âge, faite dans le tableau I, et figurée sur le graphi-
quel, montre que le nombre des cas augmente progressivement avec
l'âge. 1 0
Tableau I. - Réflexe achilléen. Nombre et proportion des cas d'absence
du réflexe suivant l'âge.
' DE L'ABSENCE DES RÉFLEXES ACIIIIL ? PNS ET IlOrULIENS 157
ter de l'absence du réflexe achilléen ; 3° le chiffre des cas d'absence pour
1000 hommes examinés et le chiffre de )'age sont liés l'un à l'autre par
une formule très simple, à laquelle correspond exactement la ligne Am,
et qui est celle-ci : dans un groupe d'un âge donné, la proportion pour
1000 des cas d'absence monosymptomatique du réflexe achilléen est égale
au chiffre de )'age diminué de 5; exemple : il 35 ans l'on constate 30 cas
d'absence sur 1000 hommes examinés, à h0 ans 35 0/00, à 47 ans 42 0/00
etc. La formule qui précède a pour corollaire la suivante : de 25 à 55 ans
un garde a autant de chances sur mille de présenter de l'absence mono-
symptomatique du réflexe achilléen qu'il a d'années d'âge moins cinq.
Les formules mathématiques qui précèdent, comme celles qui suivront,
traduisent les faits particuliers que j'ai observés : elles ne sont nullement
susceptibles d'être généralisées. Elles peuvent sans doute convenir à beau-
coup de travailleurs manuels des grandes villes dont la pathologie se rap-
proche de celle des gardes ; elles ne s'appliquent certainement pas sans
modifications notables aux femmes, ni aux hommes qu'une vie oisive ou
des conditions hygiéniques meilleures n'exposent pas aux mêmes chances
de traumatisme, d'infection'et d'intoxication.
L'absence monosymptomatique du réflexe achilléen est donc relative-
ment fréquente; elle ne peut pas être négligée en pratique. Lorsqu'un
homme présentant cet état vient à contracter une affection nerveuse ou
susceptible d'intéresser le système nerveux et se présente à un médecin,
celui-ci peut placer faussement l'absence du réflexe dans l'appareil symp-
tomatique de la maladie actuelle : en tant que praticien, il est exposé à
une erreur de diagnostic; en tant qu'observateur scientifique, est exposé
à une errreur d'interprétation consistant à attribuer à tort l'abolition des
réflexes à la symplomalologie d'une affection.
Il y a lieu de remarquer la lenteur avec laquelle l'irrétlectivité mono-
symptomatique augmente de fréquence. Il est possible que le phénomène
augmente plus rapidement après 55 ans; mais, s'il suivait au delà de
55 ans la même formule d'accroissement qu'entre 25 et 55, sa proportion
atteindrait à peine 10 0/0 il 100 ans.
Sur les 59 cas constatés, l'absence a été2) fois bilatérale et 38 fois uni-
latérale : dans 64 0/0 des cas l'absence monosymptomatique du réflexe
achilléen est donc unilatérale. Ces cas d'absence unilatérale se trou-
vent répartis avec une égalité parfaite entre les deux côtés, 19 à gauche,
19 à droite. Sur les 19 cas d'absence du réflexe à droite, le réflexe gauche
a été trouvé sensiblement normal 13 fois, faible ou très faible 6 fois. Sur
les 19 cas d'absence du réflexe à gauche, le réflexe droit a été trouvé sen-
siblement normal 11 fois, faible ou très faible 8 fois. Ainsi, sur 38 cas
158 DUPUY
d'absence unilatérale, le réflexe du côté opposé était sensiblement intact
dans 21. cas : dans 63, 1 0/0 des cas l'absence unilatérale comporte l'inté-
grité du côté opposé.
La proportion élevée des cas d'absence unilatérale et parmi eux la pro-
portion élevée des cas comportant l'intégrité du côté opposé sont à noter.
Cette fréquence relative et cette intensité de l'inégalité ne se retrouvent
pas dans l'étude du réflexe rolulien.
J'ai observé l'absence monosymptomatique du réflexe achilléen compa-
rativement dans la cavalerie (479 sujets) et dans l'infanterie t.895 sujets).
La proportion globale est un peu plus forte dans l'infanterie 26,3 0/00
que dans la cavalerie ` ? ? , : i 0/00. Avant 30 ans les cavaliers out nne pro-
portion légèrement plus élevée que les fantassins. La proportion des cas
d'absence monosymplomatique croit avec l'âge d'une façon tout particuliè-
rement rapide dans l'infanterie. Entre 40 et 54 ans, elle est 2, 7 fois plus
forte dans l'infanterie que dans la cavalerie.
Le total des cas d'absence du réflexe achilléen observés, avec ou sans
autres symptômes, est 66, soit une proportion de 28,68 0/00. Celte pro-
portion varie avec t'age suivant la progression indiquée par le tableau I
et le graphique I. Cette progression peut être schématisée par une formule
très simple : de 25 à 55 ans, la proportion pour mille du total des cas
d'absence de réflexe achilléen permettant le travail est leprésentéeparles
chiffres de l'âge ; exemple : à 32 ans, sur 1 .000 gai des faisant leur service,
32 présentent celle absence; à 37 ans, 37 0/00, etc.. La courbe théorique
donnée par celte formule est la ligne Ta figurée eu pointillé sur le gra-
phique 1 ; avant 40 ans, elle est légèrement au-dessus de la courbe obser-
vée ; après 40 ans, elle est légèrement au-dessous. L'accroissement réel
est donc un peu supérieur à celui donné par celte formuie dont l'approxi-
mation reste cependant suffisante.
lil ? ILf.\E fi0'l'ULII : N.
7/T<'c<<t'J associée Ii d'autres symptômes. - Les 4 gardes atteints de
tabès ignoré et celui atteint de névrite scarlatineuse, qui présentaient de
l'abolition du réflexe achilléen, avaient également les réflexes rotuliens
abolis. La proportion, de 2,17 0/00 en moyenne, augmente avec l'âge
comme il est indiqué au tableau II et sur le graphique II.
L'abolition était bilatérale dans tous les cas, alors que pour le réflexe
achilléen elle était unilatérale dans 2 cas sur 7.
L'aholition pathologique du réflexe achilléen est plus fréquente que
celle du réflexe rotulien. Elle est aussi plus précoce, dans le tabes tout
au moins ; et, d'une façon générale, lorsque le réflexe rotulien est touché,
DE L'ABSENCE DES IiFLR\FS ICfIII,LIsEIS ET ROTULII ? ,N ? S 159
1 (if) ntruov
le réflexe achilléen l'est aussi (Babinski, 1898). Cette règle se trouve véri-
fiée dans mes observations : Les 5 malades présentant une abolition bilaté-
rale du réflexe rotulien avaient tous également une abolition bilatérale du
réflexe achilléen.
h réflectivité 1n911OsyrnjJtomalir¡ne. - Sur 23û\' sujets examinés, l'ab-
sence bilatérale ou unilatérale du réflexe rolulien sans autre trouble ner-
veux n'a été trouvée que Il fois. La proportion moyenne est de
4.770/00 : elle est cinq fois moins forte que celle des cas d'absence
mOllosymplomatiljne du réflexe achilléen. La comparaison des graphi-
ques I el II fait bien ressortir combien ces deux réflexes sont inégalement
intéressés. Je n'ai jamais trouvé le réflexe absent avant 25 ans. A partir
de 25 ans, les cas d'absence apparaissent ; ils se montrent de moins en
moins rares en même temps que l'âge s'élève (tableau II, graphique II).
Tableau II. - Réflexe rotulien. Nombre et proportion des cas d'absence
du réflexe suivant l'âge.
DR L'ABSENCE DES RÉFLEXES ACHILLKENS ET ROTULIENS 161
Après 40 ans, l'accroissement est plus rapide et la proportion atteint
environ 17 0/00 à 50 ans. ,
Sur les 91 cas observés, l'absence monosymptomatique du réflexe ro-
tulien était bilatérale 7 fois et unilatérale 4 fois. Cette absence n'est donc
unilatérale que dans 36, 66 pour cent des cas seulement. La forme unila-
t.êra)e,qui constitue la majorité des cas d'absence aclilléenne,ne se présente"
donc que dans la minorité des cas d'absence ratulienne. Les cas observés
se répartissent également entre les deux côtés, 2 à droite, 2 à gauche. Le
côté opposé présentait un réflexe faible ou très faible clans 3 cas, un réflexe
sensiblement normal dans un cas seulement : ainsi 25 0/0 seulement des
cas d'absence unilatérale ont comporté l'intégrité du côté opposé. L'in-
tégrité du côté opposé, fréquente dans l'absence unilatérale achilléenne,
est l'exception dans l'absence unilatérale rotulienne.
L'absence monosymptomatique du réflexe rotulien n'apparaît géné-
ralement qu'après celle du réflexe achilléen. Alors que les cas d'absence
achilléenne ont une proportion assez élevée et un accroissement ac-
centué avant 30 ans, les cas d'absence rotulienne ne s'élèvent au-dessus
des proportions négligeables et ne prennent un accroissement notable
qu'après 40 ans (comparer les graphiques). Sur 11 sujets présentant de
Graphique Il. - Réflexe rotulien. Proporlion des cas d'absence du réflexe suivant l'âge.
Am. - Courbe moyenne schématique des cas d'Absence monosymptomatique entre 25
et 40 ans. - Celte courbe s'elève de 1/1.000 en 10 ans ; chaque point donne comme
proportion p. 1.000 le chiffre de )'age divisé par 10, plus 1.
162 DUPUY
l'absence monosymptomatique des réflexes rotuliens, 7 avaient aussi de
l'absence du réflexe achilléen, 2 avaient les réflexes acliilléens nettement
inégaux et faibles d'un côté ; 2 seulement présentaient des réflexes achil-
léens sensiblement normaux. L'absence monosymptomatique du réflexe
achilléen se voit fréquemment avec conservation du réflexe rotulien
(52 fois sur 2304 sujets) et souvent avec intégrité de ce réflexe ; l'absence
du réflexe rotulien ne se montre que très exceptionnellement avec eonseï-
valion du réflexe achilléen (4 fois sur 2304 sujets) et plus exceptionnelle-
ment encore avec intégrité du réflexe achilléen (2 fois). L'irréflectivité
monosymptomatique est donc plus précoce dans le domaine achilléen que
dans le domaine rotulien ; lorsqu'elle intéresse les dem domaines, elle
débute généralement par l'acbilléen avanl de s'étendre au rolulien.
Le total des cas d'absence du réflexe rotulien observés, associée ou non
à d'autres symptômes, est 16. Sa proportion, de 6, col. 0/00 en moyenne,
s'élève rapidement avec 1 ? ige : de 4, 4 0/00 entre 25 et 2 ! ) ans, elle
atteint 22 0/00 vers 47 ans.
Discussion.
Nature et 011lGINF DE 1.'IItIiÉrLECTI\'I'l'É monosymptomatique.
Comment faut-il interpréter l'absence des réflexes achilléens ou des
réflexes roluliens constatée en dehors de tout autre trouble nerveux ? ' ?
Quelle est la nature et quelle est l'origine de cette irréllectivité mono-
symptomatique " ? '
Doit-on considérer les sujets qui présentent cette absence comme des
hommes normaux chez lesquels le réflexe manque ? Sont-ils nés privés de
leur réflexe ? Cette conception souvent admise, ne semble pas pouvoir èlre
conservée. Il ne s'agit pas d'un élat congénital, puisque les cas d'absence
augmentent de nombre avec )'age.
Le raisonnement permet de poser en principe les propositions suivan-
tes : Un phénomène congénital permanent conserve la môme propor-
lion aux divers âges s'il n'a pas de rapport avec la mortalité. - Il dimi-
nue de fréquence avec l'âge s'il augmente la mortalité ou est lié à une
affection augmentant la mortalité. Il ne peut augmenter de fréquence
avec que s'il diminue la mortalité ou est lié i des conditions dimi-
nuant la mortalité. Par suite, un phénomène permanent, qui augmentede
fréquence avec l'âge sans être lié à des conditions diminuant la mortalité,
ne peut pas être un état congénital. L'absence permanente des réflexes
acliilléens ou roluliens, qui ne peut évidemment pas être liée à des condi-
tions de vitalité meilleures, et qui a cependant une augmentation mani-
feste de fréquence avec l'âge, ne peut donc pas être rangée parmi les états
congénitaux. Dans les cas où l'absence n'est pas permanente el où le ré-
DE L'ABSENCE DES RÉFLEXES ACIIILLÉENS El' ROTULIENS 1 (;3
flexe se montre ultérieurement, il ne s'agit évidemment pas d'une inexis-
tence congénitale. Permanente ou non, cetle absence est donc acquise au
cours de la vie : c'est une abolition. S'il n'est pas impossible que quel-
ques cas soient congénitaux, la proportion de ceux-ci ne peut qu'être
infime.
L'abolition sans autre symptôme nerveux des réflexes achilléens ou des
réflexes roluliens ne représente-elle qu'un phénomène de vieillesse phy-
siologique ainsi que l'admettent divers neurologisles ? Cette interprétation
ne cadre pas avec les faits observés. Celte abolition est constatée souvent
chez des sujets très vigoureux et n'ayant aucun signe do \ vieillesse. Elle
est constatée avec une proportion déjà notable alors que l'homme n'a pas
encore terminé son dé\eloppemenl. Il est difficile d'admettre que des
jeunes gens de 25 il 29 ans, venant d'être l'objet d'une rigoureuse sélec-
tion, présentent dans la proportion de plus de 22 0/00 des stigmates de
vieillesse. Comment admettre qu'un phénomène dû aux progrès de ! 'age
soit unilatéral dans la majorité des cas comme l'est l'absence monosymp-
tomatique du réflexe achilléen ? L'hypothèse se montre encore plus diffi-
cile à conserver lorsque l'on sait que dans la plupart des cas d'absence
unilatérale, lecôté opposé n'est même pas affaibli.
Sans être un phénomène de vieillesse il proprement parler, cette dis-
parition des réflexes pourrait néanmoins être liée il révolution normale
de la vie humaine, comme le sont, par exemple, la chute des dénis de
première dentition, l'apparition de celle de seconde dentition, la soudure
des épipbyses, l'apparition des premières rides de la patte d'oie, etc.. Celte
hypothèse ne cadre pas non plus avec les faits. Les phénomènes dus à l'é-
volution normale ne sont unilatéraux que d'une façon très temporaire et
absolument exceptionnelle. Ils apparaissent à un âge déterminé ; dans un
court laps de temps,ils frappent la totalité des sujets à de très rares excep-
tions près ; ces caractères de fixité, de rapidité et de constance d'appari-
tion sont tels que l'observation de ces phénomènes est utilisée pour la
détermination de l'âge. A claie fixe et en quelques mois ou en quelques
années, la proportion de chacun de ces phénomènes pour ! 00 sujets oh
servés passe brusquement de 0 à 100 0/0 ou près de 100 0/0. Or, l'irré-
flectivité monosymptomatique qui commence à apparaître au moins à
25 ans, n'a pas encore atteint 6 0/0 des sujets il ai0 ans ! Les phénomènes
normalement liés révolution sont constants; 1'li-i-éllec[i-ité esl excep-
tonnelle, Dalis un groupe, l'apparition des premiers se fait en une poussée
très dense et pour ainsi dire en bloc; l'apparition de l'i rréflect i yi té mono-
symptomatique est dispersée et pour ainsi dire éparpillée sur une période
considérable. L'irréfleclivité augmente donc de fréquence avec t'age mais
non du fait même de Lige.
164 DUPUY
On est ainsi conduit à penser que l'absence sans autre symptôme ner-
veux des réflexes achilléens ou rotuliens est une abolition pathologique.
L'une des diverses affections, des nerfs, des racines ou des centres nerveux,
susceptibles d'abolir les réflexes est en cause : l'irréflectivité en est, au
jour où elle est constatée, la seule expression clinique, soit que l'affection
ait toujours été et doive toujours rester monosymptomatique, soit que
l'état monosymptomatique actuel représente le reliquat d'une maladie
ancienne plus complexe, soit qu'il précède un développement symptoma-
tologique ultérieur.
Cette opinion cadre avec les particularités relevées dans l'étude statis-
tique. L'Ù'1'éfiectirité monosymptomatique présente les mêmes caractères
statistiques que l'irréfleclivité due à une maladie, et ces caractères .s'e,rpli
quent aisément par l'intervention des causes pathologiques.
L'irréllectivité monosymptomatique est exceptionnelle avant la 24e
année : c'est que la blennorragie et la syphilis, de très rares, deviennent
brusquement très fréquentes après 20 ans ; c'est que les varices se déve-
loppent surtout après 20 ans ; c'est que le tabès, le diabète, etc., n'appa-
raissent qu'à l'étal d'exceptions avant l'âge adulte. ,
L'iri,éfleclivité monosymptomatique augmente de fréquence progressi-
vement avec l'àge : cela doit être si cette absence des réflexes est une abo-
lition pathologique. L'abolition pathologique des réflexes, en effet, comme
on le sait et comme il ressort des graphiques I et II, augmente de fréquence
de 20 à 55 ans tout au moins ; elle augmente même plus rapidement que
ne l'indiquent les graphiques, car mes observations ne portent que sur des
gardes faisant leur service et ne se plaignant d'aucun trouble; elles ne
comprennent donc pas les cas d'abolition liée à des affections plus avancées
qui ont obligé l'homme à quitter la caserne provisoirement ou définitive-
ment (hôpital, réforme, etc.). On conçoit aisément que plus un homme
est âgé, plus il a de chances d'avoir été touché par un traumatisme, une
infection, une intoxication susceptibles d'abolir les réflexes.
L'irréfiectivité monosymptomatique est plus fréquente dans le domaine
achilléen que dans ledomaillerotulien; cela doit être s'il s'agit d'aboli-
tion pathologique. L'abolition pathologique du réflexe achilléen est en
effet plus fréquente que l'abolition du réflexe rotulien (Babinski) ; il en
était ainsi chez les gardes faisant leur service qui présentaient une affec-
tion plus ou moins latente.
Diverses considérations expliquent bien les atteintes plus fréquentes du
réflexe achilléen par les causes pathologiques : longueur du scialique supé-
rieure à celle du crural, voisinages et contacts osseux du sciatique, lon-
DE L'ABSENCE DES REFLEXES Achillées ET ROTULIEN S 1 C)5
gueur des racines sacrées (18 à 28 cent.) près de 2 fois supérieure à celle
des premières racines lombaires (11 à 16 cent.), situation réciproque des
centres médullaires des deux réflexes (les lésions des 4° et 5e segments
lombaires et du 1er sacré ne peuvent abolir que le réflexe achiliéen), situa-
tion inférieure des racines sacrées et de leurs gaines méningées. Les lésions
de la jambe ne peuvent influer que sur le réflexe achilléen : or les vari-
ces et les traumatismes (chocs divers, coups de pied, coups de pied de
cheval, etc..) y sont tout particulièrement fréquents.
L'irréJ1ectivité monosymptomatique est plus précoce dans le domaine
achilléen. Pourquoi ? Parce qu'elle n'est qu'un cas particulier de l'irré-
flectivité pathologique. La précocité de l'abolition pathologique du réflexe
achilléen dans le tabes établie par Babinski en 1898, a été vérifiée par
Séger (Thèse 1902), Sabo, Max Biro, Van Gehuchten, Goldllam, Hertz
et Johnson, etc.
Dans les radiculites en général, l'irréllectivitésuit la même loi et débute
par le domaine achilléen. Il en est de même dans le plus grand nombre
des névriles toxiques.
Dans le diabète notamment, les réflexes acliilléens sont abolis les pre-
miers et parfois en l'absence de toute douleur et de tout malaise : Wil-
liamson (1), Goodhart (2), Hertz et Johnson (3).
Dans les névriles alcooliques, la disparition des réflexes acliilléens
précède notablement celle des réflexes roluliens suivant Williamson (4),
Goodhart (5), Hertz et Johnson (6) ; d'après ces auteurs, l'abolition du
réflexe achilléen existe parfois avant tout autre symptôme de l'intoxica-
tion, elle peul permettre de confirmer au début un diagnostic d'alcoolis-
me chronique, et d'affirmer la nature éthylique de certains troubles car-
diaques (hearl-failure) ; à ce titre ils conseillent la recherche du réflexe
chez tous les candidats à un service public ou à une assurance sur la vie.
La diphtérie semble seule apporter une exception à la règle : dans les né-
vrites diphtériques, suivant Rolleston (7), les réflexes rotuliens disparaî-
traient avant les réflexes achilléens.
Cette précocité des atteintes du réflexe achilléen'dépend des mêmes cau-
ses que leur fréquence. Elle s'explique particulièrement par la situation
inférieure occupée par les longues racines sacrées, soit dans la station de-
bout, soit dans le décubitus dorsal d'ailleurs incomplet pris par l'homme
(1) Williamson, Rev. neurol. et ps3·ch., vol. i. p. 667, 1903.
(2) Recherches non publiées citées par Hertz et Johnson.
(3) Hertz et Johnson. The 7'eitdo-acltillis-Jei,ek. Guy's Ilospital reports, vol. LXV.
(4) Williamson, Lancet. 1901, vol. II, p. 1774.
z) et (6) Goodhart, Hertz et JOHNSON, loc. cit.
(1) Rolleston, BI'ain, vol. XyVlll, p. 08, 1905.
166 DUPUY
pendant le sommeil ou la maladie. Les éléments solides en suspension
dans le liquide céphalo-rachidien obéissent à l'action de la pesanteur;
une ponction lombaire les montre d'autant plus nombreux qu'elle est pra-
tiquée plus bas (Sicard). Les leucocytes divers de tous les états méningés,
les globules rouges des hémorragies diverses, les microbes eux-mêmes,
s'accumulent ainsi dans les régions les plus inférieures où ils ne peuvent
que déterminer des réactions pathologiques.
Dans le crâne, les organes les plus précocement et les plus fréquem-
ment atteints à la suite des états méningés sont les nerfs de la base. Dans
la cavité rachidienne, les racines postérieures sont les plus bas situées
dans la position couchée où l'homme bien portant passe le tiers de sa vie :
ce sont elles qui sont essentiellement intéressées dans l'affection post-
méningée par excellence, le tabes.
Dans le tabes, dans ses formes frustes parmi lesquelles rentrent sans
doute un grand nombre de cas d'irréflectivité monosymptomatique, à la
suite de toutes les hémorragies méningées et de toutes les méningites dont
les formes frustes sont si fréquentes, ,les racines sacrées sont donc tout
particulièrement menacées ; elles doivent être intéressées avant les autres.
Il faut remarquer en outre que, du fait de l'inclinaison normale du sa-
crum, ses premières vertèbres sont presque horizontalement placées dans
la station verticale de l'homme : par suite, les particules solides, qui glis-
sent à la région lombaire, se déposent dans toute la région sacrée qui
forme fond. La longueur plus grande des gaines méningées radiculaires
plus bas situées intervient également : comme l'a fait remarquer Tinel,
tous les éléments figurés en suspension dans le liquide céphalo-rachidien,
s'accumulent dans ces gaines sous l'influence à la fois de la pesanteur et
de la circulation du liquide ; cette accumulation doit être d'autant plus fa-
cile et d'autant plus abondante que les gaines sont plus longues.
L'irréflectivité monosymptomaticlue unilatéraleest fréquente, et elle est
beaucoup plus commune dans le domaine achilléen que dans le domaine
rolulien. Pourquoi ? Parce qu'il en est ainsi de l'abolition pathologique.
Les névrites et les névralgies sciatiques, lesquelles peuvent abolir le
réflexe achilléen même dans leurs formes légères (Babinski), sont très
communes et sont presque toujours unilatérales. Un traumatisme atteint
fréquemment une seule jambe. Les varices,si fréquentes aux mollets, sont
parfois unilatérales ou beaucoup plus développées d'un côté.
Dans un grand nombre de cas d'irréflectivité monosymplomalique, I in-
terrogatoire et l'examen des sujets mettent en évidence une cause patho-
logique possible, Les causes possibles suivantes, fréquemment associées
DE L'ABSENCE DES BÉFLEXLS ACHILLUENS Er ROTULIENS 167
chez le même sujet, ont été relevées. -Dans les 59 observations d'absence
du réflexe achilléen : traumatisme des memhres inférieurs 9, varices 12,
rhumatisme 2, hlennorragie 13 dont 8 compliquées, syphilis 4, tubercu-
lose plenro-pulmouaire 2, bronchite chronique suspecte 3, érysipèle 4,
paludisme 2, fièvre typhoïde 3, troubles gastro-intestinaux graves 1,
ictère 1, appendicite 2, dysenterie 2, alcoolisme 2. -Dans les 11 obser-
vations d'absence du réflexe rotulien : traumatisme crânien avec perle de
connaissance si (des altérations radiculaires peuvent être produites par la
décantation d'un liquide céphalo-racbidien hémorragique), traumatisme
des membres inférieurs 2, varices 3, rhumatisme 2, blennorragie avec
arthrite des genoux 1, tuberculose 1, fièvre typhoïde 1, dysenterie 1.
L'origine pathologique de l'irréflectivité monosymptomatique se montre
plus précise dans certains cas, où l'absence, d'un seul côté, d'un seul
réflexe est relevée en même temps qu'une cause précise prédominant dans
le domaine de ce seul réflexe et de ce seul côté, ou limitée à ce seul do-
maine et à ce seul côté.
UB3.1. - B..., cavalier, 25 ans ; rhumatisme blennorragique à '.)Il. ans ; va-
rices des membres inférieurs surtout à droite. Le réflexe achilléen est faible il
gauche, nul à droite. Les autres réflexes existent. Pas d'autre trouble.
Ons. IL -B..., musicien, 31 ans ; troubles gastriques avec amaigrissement
il 30 ans ; varices légères à gauche, abondantes à droite. Le réflexe achilléen
existe il gauche, est nul à droite. Le réflexe rotulien, fort à gauche, est diffi-
cile à trouver à droite. Pas d'autre trouble.
Ous. III. - P..., fantassin, 25 ans ; blennorragie à 24 ans ayant nécessité
2 séjours prolongés à l'infirmerie ; varices assez volumineuses à gauche, men-
bre droit indemne. Le réflexe achilléen est nul à gauche, normal à droite. Pas
d'autre trouble.
Cas IV. - D..., cavalier, 30 ans, bronchites fréquentes. A 26 ans, contu-
sion violente à la partie supérieure de la jambe droite. Le réflexe achilléen,
faible à gauche est nul à droite. Pas d'autre trouble.
Ons. V. - S..., fantassin, 30 ans, varices moyennes. A 21 ans chute de
cheval : le cheval est tombé également, et S..., couché sur le sol, l'a reçu sur la
jambe elle pied gauches. Le réflexe achilléen, normal à droite, est nul à gau-
che. Aucun autre trouble.
0ns. VI. if..., fantassin, 27 ans. A 22 ans, contusion avec plaie, par coup
de pied de cheval, à la partie supéro-interne de la jambe gauche ; a été immo-
bilisé pendant 5 jours ; présente actuellement une cicatrice souple. Le réflexe
achilléen, normal droite, est nul à gauche. Pas d'autre trouble.
Ous. VII. M..., cavalier, 25 ans. Il y a 3 mois, contusion du pied gauche
et de l'extrémité inférieure de la jambe gauche ; a séjourné 9 jours à l'infirme-
rie. Le réflexe achilléen, faible à droite est nul il gauche. Pas d'autre trouble.
uns. VIII. 1\1..., aspirant de gendarmerie, 31 ans. A 23 ans, est tombé
168, nui'ouï
avec son cheval qu'il a reçu sur la cuisse droite ; a présenté consécutivement de
l'hémarthrose du genou droit. Le réflexe rotulien droit est nul, le rotulien
gauche étant normal ainsi que les achilléens et les autres réflexes. Pas d'autre
trouble.
Les observations suivantes peuvent servir de transition entre l'irré0ec-
tivité rigoureusement monosymptomatique et l'il'l'éf1ectivité liée à une
affection déterminée, sciatique dans l'espèce.
OBs. IX. - B..., cavalier, 34 ans. Ictère catarrhal 31 ans. Douleurs lum-
bail es pendant plusieurs semaines à 33 ans.Varices surtout marquées à droite.
Le réflexe achilléen existe il gauche, est nul à droite. Pas d'autre signe actuel-
lement.
Oust. - Ch..., fantassin, 43 ans, éthylique, porteur de varices très légères
il gauche, plus marquées à droite, présente un réflexe achilléen sensiblement
normal à gauche et nul à droite. Il se fatigue plus vite de la jambe droite
que de la gauche. Il ne s'est jamais plaint de ce trouble léger, mais il
me le signale spontanément lorsque je constate l'absence du réflexe achilléen
droit. t.
Obus. XI. - D..., fantassin, 33 ans, présente un réflexe achilléen normal à
droite, nul à gauche ; le réflexe rotulien est peut-être moins fort à gauche. Il
se rappelle avoir eu il y a J ans pendant quelques semaines des douleurs
dans les membres inférieurs surtout à gauche ; depuis, il n'éprouve ni douleur
ni gêne, mais il a des crampes assez fréquemment dans le mollet gauche.
L'irré(1ectivité monosymptomatidue est un peu plus fréquente chez les
cavaliers que chez les fantassins avant 30 ans : ce fait s'explique aisément
par les nombreux traumatismes du début de la carrière chez le cavalier
qui doit refaire ses classes à cheval et dresser sa monture. L'irrénectivité
peut ensuite augmenter beaucoup plus dans l'infanterie que dans la ca-
valerie parce que des individus tarés palhologiquemenl, qui ne pourraient
plus supporter l'exercice violent et les fatigues brutales de l'équitation,
peuvent encore marcher et servir dans la garde à pied. Les varices, beau-
coup plus nombreuses dans l'infanterie, figurent parmi les causes princi-
pales de la fréquence particulière de l'absence du réflexe achilléen chez
les fantassins âgés. Fantassins et cavaliers ne fréquentent pas les mêmes
milieux, et leurs contaminations vénériennes ne sont pas identiques. La
syphilis semble un peu plus fréquente dans la cavalerie (syphilis pri-
maire 2,15 % en 1905, z16 % en 1906) que dans l'infanterie (4,84. ?
en 1905, 1,83 en 1906). Par contre, la blennorragie est beaucoup plus
fréquente dans l'infanterie (5,81 °/0 en 1905 et en 1906) que dans la
cavalerie (3,03 en 1905, 3,04 °/0 en 1906) ; cette dernière affection cons-
titue une des causes les plus communes d'abolition du réflexe achilléen.
Dans certains cas, l'évolution montre bien que l'absence du réflexe est
une abolition pathologique : c'est un point sur lequel je reviendrai.
, DE L'ABSENCE DES REFLEXES ACHILLEENS ET ROTULIENS 169
' En considérant l'absence de ces réflexes comme une abolition patholo-
gique on s'explique mieux les divergences relevées entre les diverses
statistiques. A. Charpentier n'a jamais observé l'absence des réflexes rotu-
liens ou achilléens sur 1200 soldats d'un régiment d'infanterie : c'est que,
comme il l'a fait remarquer lui-même à la Société de Neurologie (Délimi-
tation du tabès, ses observations portaient sur déjeunes montagnards, de
18 à 24 ans environ, à antécédents pathologiques peu chargés, et en
particulier sans antécédents syphilitiques. Pelitzaeus n'a jamais trouvé le
réflexe rotulien absent sur 2403 enfants, c'est-à-dire bien avant l'âge où
apparaissent les abolitions pathologiques. Par contre, Môbius, examinant
56 malades âgés do plus de 80 ans, c'est-à-dire des sujets ayant accumulé
les causes pathologiques, trouve chez 9 d'entre eux les réflexes rotuliens
nuls sans autre signe de maladie nerveuse. Les auteurs trouvent ces ré-
flexes absents dans une proportion d'autant plus élevée qu'ils observaient
des sujets plus âgés et appartenant à un milieu plus palhologiqueinenl
taré (grandes villes, hôpital). D'autres divergences tiennent aux diffé-
rences de technique.
Conclusions.. '
Chez des hommes de 22 à 54 ans, vigoureux et exécutant un travail pé-
nible, un examen systématique peut montrer nul le réflexe achilléen ou le
réflexe rotulien.
Dans quelques cas, uu examen clinique complet décèle une affection
organique du système nerveux, soit jusqu'alors insoupçonnée, soit anté-
rieurement connue et traitée mais incomplètement guérie.
Dans d'autres cas, le réflexe est nul sans autre symptôme nerveux.
Dans les conditious où j'ai observé, cette irréflectivité monosymptoma-
tique est beaucoup plus fréquente que l'irréflectivité associée à d'autres
troubles nerveux. Elle existe dès la 25e année. Le nombre des cas aug-
mente progressivement avec l'âge. Dans le domaine achilléen : elle est
fréquente (dans le milieu observé, l'homme a autant de chances sur mille
de la présenter qu'il a d'années d'âge moins cinq) ; elle est précoce ; elle
est le plus souvent unilatérale (près des deux tiers des cas) ; lorsqu'elle
est unilatérale, le réllexe du côté opposé est généralement normal. Dans
le domaine rotulien : elle est beaucoup plus rare (cinq l'ois plus) ; elle
est tardive ; elle ne s'élève au-dessus des proportions négligeables et ne
prend un accroissement notable qu'après 40 ans ; elle est le plus souvent bi-
latérale (les deux tiers des cas) ; lorsqu'elle est unilatérale, le réflexe du
côté opposé est généralement faible. Lorsque cette irréllectivité intéresse
les deux domaines, elle débute très généralement par l'achilléen avant de
s'étendre au rotulien,
xxv li
170 DUPUY .
Or ces caractères généraux sont précisément ceux de l'abolition patho-
logique. L'irréflectivité monosymptomatique pourrait donc n'être qu'un
cas particulier de l'irréflectivité pathologique.
Les faits statistiques s'expliquent aisément avec cette hypothèse. Ils ne
peuvent cadrer avec aucune autre.
Ainsi donc, l'élude statistique établit la nature pathologique de l'absence
des réflexes acliilléens et rotuliens dans les cas où la clinique ne suffit pas à
la révéler. Ces réflexes ne manquent pas congén i talemen t et ne disparaissent
pas du fait de Leur absence est toujours pathologique, et non phy-
siologique. Ils existent toujours chez l'homme normal el parfaitementsain.
Quelques troubles très légers peuvent être associés à l'absence du ré-
flexe : ces faits relient par une transition insensible l'irréflectivité mono-
symptomatique à l'irréflectivité cliniquement et manifestement patho-
logique.
La nature et l'origine pathologiques de l'absence monosymptomatique
peuvent être précisées par l'examen complet, la recherche des antécédents,
l'observation de l'évolution, et par l'étude de quelques cas particuliers.
Les causes écologiques les plus fréquentes semblent être : les altérations
traumatiques ou post-traumatiques des nerfs, des racines ou des centres,
les névrites variqueuses, les névrites et radiculites dues à la blennorragie,
à la syphilis, à la tuberculose, à l'alcoolisme, aux affections intéressant
l'intestin et ses annexes (foie, appendice), le tabès au début.
Au point de vue pratique, l'irréflectivité monosymptomatique n'étant
pas rare, il y a lieu d'en tenir compte dans l'observation scientifique,
l'expertise médicale, et la clinique. Après avoir constaté la nullité d'un
réflexe et avant de l'interpréter, il faut rechercher, par l'étude des antécé-
dents et par un examen clinique complet, les causes possibles d'irréflec-
tivité monosymptomatique. Inversement, à la suite des traumatismes,
chez les variqueux, pendant et après les infections et les intoxications,
même en l'absence de tout trouble de la sensibilité et de la motilité, il
faut examiner les réflexes. L'irréflectivité, seule ou associée à des trou-
bles dont le sujet ne songe pas à se plaindre, peut révéler une affection
nerveuse. Sa recherche doit faire partie de la prophylaxie des névrites
et radiculites graves et du tabès. Sa recherche systématique chez les sujet s
paraissant bien portants, mais âgés de plus de 25 ans et exposés à des
causes d'infection et d'intoxication, peut faire découvrir à leur début des
affections de pronostic sérieux, et permettre d'appliquer une hygiène et
une thérapeutique qui seront d'autant plus efficaces qu'elles auront pu
être ainsi plus précoces.
Dans l'armée, l'examen systématique des réflexes est particulièrement t
indiqué chez les militaires de carrière, sous-officiers, officiers, et surtout
gardes et gendarmes.
DESCARTES ET LA PSYCHOPHYSIOLOGIE DE LA
GLANDE PINÉALE
PAR
Paul SAINTON,
Médecin des Hôpitaux.
et
Jean DAGNAN BOUVERET.
Agrégé de philosophie.
D'importants travaux ont récemment attiré l'attention des médecins et
des physiologistes sur la glande pinéale. C'est ainsi que Biedl dans son
ouvrage bien connu sur les glandes endocrines (1) lui consacre un chapi-
tre et s'efforce de décrire les symptômes de l'hyperpinéalisme, Mais si
elle commence à peine à prendre place dans la pathologie des glandes à sé-
crétion interne, depuis fort longtemps elle a occupé les anatomistes et les
philosophes. Descartes a émis au sujet de l'épiphyse une hypothèse célè-
bre et d'ailleurs fort mal connue bien qu'elle soit souvent rappelée. En
effet, la plupart des auteurs de traités d'anatomie, avant d'aborder l'étude
morphologique, topographique et physiologique de cel organe, la plupart
des auteurs d'articles de dictionnaires avant de passer au mot suivant,
ajoutent, sans s'expliquer davantage sur ce point, « Descartes en faisait
le siège de l'âme ». Le fait est donc cité partout, mais cette idée de Des-
cartes est rarement expliquée : on la tient pour singulière sans en saisir la
signification, parce qu'on ignore généralement les théories auxquelles elle
se rattache. Aussi nous a-t-il semblé qu'il pouvait être intéressant de rap-
peler l'opinion exacte de Descartes sur les fonctions de cet organe, le rôle
qu'il lui faisait jouer dans sa tentative d'explication mécaniste des
phénomènes psychologiques, et la place que tiennent ces doctrines dans
l'ensemble de son système.
Les textes où Descartes fait allusion la glande pinéale ou plutôl à la la
glande conarienne, comme il l'appelle, et ceux où il développe sa théorie
des rapports de l'âme et du corps par l'intermédiaire de cet organe, sont
(1) Prof. Arthur Biedl, Innere Sekrelion, ihre physiologischen Grundlagcn und ilire
Bedeutung sur die Pathologie. 1 vol. Wien, in-8.
172 SAINT ON ET DAGNAN-BOUVERET
assez nombreux. C'est avant tout,dans le Traité de l'Homme que nous en
trouvons l'exposé le plus complet et le plus détaillé, et c'est principale-
ment de cet ouvrage que nous nous servirons pour l'étudier. Plusieurs
chapitres du Traité des Passions s'y rapportent également, et, dans la Cor-
respondance, nous trouvons de nombreux passages où Descartes répond à
des objections qu'ont soulevées ses théories sur la glande pinéale ou com-
plète par des renseignements qui lui sont demandés, ce qu'il avait jusqu'alors
écrit sur la question. Enfin dans le Discours de la Méthode il n'y est
fait qu'une rapide allusion dans la cinquième partie où nous trouvons cette
phrase : « ayant supposé que Dieu créât une âme raisonnable, et
qu'il la joignit à ce corps en certaine façon que je décrivais. »
Le Traité de l'Homme, auquel Descartes avait à plusieurs reprises tra-
vaillé, n'a pas été publié par lui ; et, lorsque le philosophe mourut en 1650,
il le laissa manuscrit ainsi que le Monde ou Traité de la Lumière dont il
n'est d'ailleurs que la suite. Il ne parut pour la première fois en français,
qu'en 1664, quatorze ans après la mort de Descartes, publié par Clerse-
lier (1), son fidèle ami et disciple. Schuyl en avait auparavant donné une
traduction latine mais qui, l'aile d'après une copie infidèle du texte fran-
çais, contient beaucoup d'erreurs. Dans son édition, Clerselier ajouta au
Traité de l'Ilotttne la Description du corps humain (2) et les importantes
Rema1 ques de Louis de la Forge sur le Traité de l' 110mme (3). Enfin, dans
une seconde édition, plus complète et meilleure, à laquelle nous nous re-
porterons (4), il y joignit encore le Traité de la Lumière (5) qui aurait
formé la première partie d'un grand ouvrage dont le Traité de l'Homme
eut été la deuxième.
Sur le manuscrit laissé par Descartes les indications se rapportant à
des figures n'étaient accompagnées d'aucun dessin (6). Aussi les éditeurs
(1) Nous adressons tous nos remerciements à M. Vigual, externe des Hôpitaux, qui
a mis aimablement à notre disposition le volume de Clerselier pour en reproduire les
figures.
(2) Description du corps humain et de toutes ses fonctions ; lant de celles qui ne
dépendent point de l'Ame que de celles qui en dépendent et aussi la principale cause
de la formation de ses membres. Deuxième édition, Clerselier, pp. 99-154.
(3) Remarques de Louis de la Forge, docteur en médecine, sur le Traité de l'Homme
de René Descartes ; et sur les figures par luy inventées. Deuxième édition, Clerselier,
p. 155-368.
(4) L'Homme de RENÉ DESCARTEs et La formation du foetus, avec les remarques de
Louis de la honas a quoy l'on a ajouté Le monde ou traité de la lumière, du mesme
Auteur, Seconde Edition, revue et corrigée. A Paris, chez Théodore Gikard, dans la
grand'salle du Palais, au dos de la Salle Dauphine, à l'Envie, 1687. Un vol. 520 pp. in-4°.
(5) Le Monde, de René Descartes ou Traité de la Lumière. Deuxième édition, Clerselier,
pp. 405-511.
(6) Une seule figure reproduite ci-joint (flg. 1) est de Descartes lui-même ou du moins
a été dessinée d'après un brouillon assez confus laissé par lui. u Il a fallu, dit Clerselier
DESCARTES ET LA PSYCHOPHYSIOLOGIE DE LA GLANDE PINÉALE 173
du Traité de l'Homme ont-ils dû en faire établir ou en dessiner eux-mêmes.
C'est ce qu'a fait Schuyl. Quant à Clerselier, il s'est adressé a deux carté-
siens, le médecin Louis de la Forge et un anatomiste de Louvain : de Guts-
choven, qui tous deux dessinèrent des figures parmi lesquelles Clerselier
choisit celles qui lui semblèrent les meilleures, les empruntant tantôt à
l'un, tantôt à l'autre de ses collaborateurs, el leplus souvent d'ailleurs à de
Gutschoven. C'est ainsi que les figures de l'édition de Clerselier, - figures
dont nous reproduisons les principales en raison de leur intérêt- ont été
désignées par les initiales de leurs auteurs, celles qui ne portent aucune
indication étant dues à de Gutschoven.
Avant d'exposer les théories de Descartes relatives à la glande pinéale
dans sa Préface, en quelque façon deviner sa pensée, en confrontant ce brouillonavec
le texte tant il est mal dessiné. »
Fia. 1.
174 ' SAINTON ET DAGNAN-BOUVERET
et d'examiner les raisons qui lui firent attribuer à ce corpuscule la fonction
d'établir les principaux rapports de l'âme et du corps, nous devons rap-
peler que si, parmi ces raisons, la plupart sont fondées sur des considé-
rations tirées des connaissances anatomiques qu'il avait de cet organe, ce
n'est pas que Descartes se soit contenté d'étudier les oeuvres des anato-
mistes de son époque, et d'adapter à ses doctrines philosophiques leurs
découvertes. Nous savons, en effet, que, non seulement il s'était de tout
temps intéressé très vivement à l'étude de l'anatomie, et dès le collège
même(1), mais encore qu'il a été lui-même « anatomiste », qu'il a disséqué
chaque fois qu'il en a eu l'occasion et particulièrement pendant le séjour
qu'il fit en Hollande, à Santporte et à Leyde où il fréquenta plusieurs
médecins et anatomistes réputés. M. Adam, clans la Vie de Descartes qui
termine la belle édition qu'il a donnée en collaboration avec M. Tan-
nery, des oeuvres du philosophe, nous le montre vivant en Hollande à
. « Sanlporte, à une lieue de Harlem vers Alkmaer » (2), seul avec sa fille
\ Francine Descartes et la mèr de sa fille, Eléléne. Dans cette demi-solitude
il partageait le temps qu'il donnait chaque jour à l'étude entre la philoso-
phie et des recherches d'histoire naturelle, de physiologie et d'analomie,
disséquant des anguilles et des poissons de mer, des cabillauds et des mo-
rues que lui apportaient les pêcheurs, ou encore des chiens, des lapins, des
poulets dans l'oeuf, des cerveaux de moutons et de veaux (3). Il avait été très
frappé de la découverte de la circulation du sang par IIarvey (1G` ? 8) dont
il avait accepté les théories en les modifiant sur quelques points et d'une
manière d'ailleurs fort peu heureuse. On sait qu'il n'admetta.it pas que la
propulsion du sang fût causée par la contraction du muscle cardiaque, mais
qu'il l'attribuait à la dilatation du sang qui s'échauffe en arrivant dans la
1 cavité du coeur. Descartes voulait faire pour la physiologie du système ner-
veux ce qu'avait fait Harveypour la circulation du sang. A la physiologie du
temps il emprunta la notion des courants d'esprits animaux qui parcourent
les nerfs. Ces esprits constituent la partie la plus ténue, la plus subtile
et la plus légère du sang, et s'en séparent alors que celui-ci s'est échauffé
dans le coeur; puis ils se rendent au cerveau. Quant au mécanisme de
leur action dans les centres nerveux et en particulier de celle qu'ils y
exercent sur la glande pinéale, il semble bien que ce soit là une concep-
tion propre à Descartes et lui-même se l'attribue nettement à la fin du
Traité de l'llomme lorsqu'il distingue avec soin ce qu'il emprunte aux
notions alors courantes en anatomie, et ce qu'il a ajouté lui-même aux
(1) Il avait un grand-père et un bisaïeul médecins.
(2) Lettre à Pollet, Ornai 4639. OEuvres, édition et TA1OEERY, t. Il, p. 546, l, 11.
(3) Vie et OTvvres de Descartes. Elude historique, par Charles Annn. 1910.T. XII des
OEuvres complètes, pp. 125-126
DESCARTES ET LA PSYCHOPHYSIOLOGIE DE LA GLANDE PINÉALE 173
découvertes des autres. « Je désire, dit-il... que vous considériez premiè-
rement, que je n'ay supposé en elle aucuns organes, ny aucuns ressorts,
qui ne soient tels, qu'on se peut très aisément persuader qu'il y en a de
tout semblables tant en nous que mesme aussi en plusieurs animaux sans
raison. Car pour ceux qui peuvent estre clairement apperceusde la velie,
les anatomistes les y ont déjà tous remarquez ; Et quant à ce que j'ay dit
de la façon que les artères apportent les esprits au dedans de la teste, et
de la différence qui est entre la superficie intérieure du cerveau et le
milieu de sa substance, ils en pourront voir aussi à l'oeil assez d'indices
pour n'en pouvoir douter, s'ils y regardent un peu de pt ès .) (1),
Il s'agit donc bien, en ce qui concerne la glande pinéale, d'une conception
propre à Descartes qui pensait, en l'élaborant, travailler en physiologiste
autant, sinon plus qu'en philosophe. C'est en effet en disséquant des cer-
veaux que son attention a été attirée par la glande pinéale et il avait ac-
(1) Traité de l'Ilomme, éd. Clerselier, p. 96-91.
Fie. 2.
176 SAINTON ET DAGNAN-BOUVERET
quisdans la recherche de cet organe une habileté à laquelle n'atteignaient
pas toujours des anatomistes de profession, comme en témoigne la curieuse
lettre suivante où il signale les difficultés que l'on rencontre parfois lors-
qu'on recherche cette glande, sur des cerveaux mal conservés. « Je ne
trouverois pas estrange que la glande conarienne se trouvast corrompue
en la dissection des léthargiques, car elle se corrompt aussi fort prompte-
ment en tous les aulres, et la voulant voir à Leyde, il y a trois ans, en
une femme qu'on anatomisoit, quoyque je la cherchasse fort curieuse-
ment, et sceusse fort bien où elle devoit estre, comme ayant accoustumé
de la trouver, dans les animaux tous fraischement tuez, sans aucune diffi-
culté, il me fut toutesfois impossible de la reconnoistre. Et un vieil pro-
fesseur qui faisoit cette anatomie, nommé Valcher, me confessa qu'il ne
l'avoit jamais pû voir en aucun cors humain ; ce que je croy venir de ce
qu'ils employent ordinairement quelques jours à voir les intestins et autres
parties, avant que d'ouvrir la leste » (1). '
Enfin les raisons qui ont porté Descartes ;i choisir l'épiphyse pour lui
i faire jouer un rôle prépondérant dans la physiologie du système nerveux
(i) Lettre CLXXXVI il 111ersenne [t avril 164 OEuvres, édilion AOAM et TAN/OEIIV,
t. 111, p. 48-49.
.. ' Fie. 3.
DESCARTES ET LA PSYCHOPHYSIOLOGIE DE LA GLANDE PINÉALE 177
et dans la psychologie, sont avant tout des raisons tirées de l'étude anato-
mique de « la glande ». En effet, Descartes a pensé tout d'abord qu'une
première difficulté pouvait être levée par ce choix difficulté qui d'ail-
leurs s'est présentée à bien d'autres psychologues et physiologistes. - La
plupart des organes de notre corps, en particulier les organes des sens, sont
doubles ; les impressions que ceux-ci transmettent au cerveau doivent être
également doubles, et pourtant, elles se superposent, fusionnent, et nous
ne percevons qu'une seule image ; il faut donc, a pensé Descarles, qu'elles
se réunissent dans un organe impair et précisément la glande pinéale,
située au centre du cerveau, remplit cette condition (1). En outre, la
physiologie de Descartes est purement mécaniste : il tente de tout expli-
quer dans le fonctionnement du corps humain par les lois du mouvement.
L'organe qui reçoit de l'ensemble du corps et qui transmet à l'àme les im-
pressions venues du monde extérieur, l'organe qui, d'autre part, met en
mouvement toute « la machine de [notre] corps» doit nécessairement être
mobile, or la glande pinéale, d'après Descartes, remplit cette seconde con-
dition. « Pour la mobilité de cette glande, je n'en veux point d'autre
preuve que sa situation ; car n'estant soutenue que par de petites artères
qui l'environnent, il est certain qu'il faut très peu de chose pour la mou-
voir ; mais je ne croy pas pour cela qu'elle se puisse beaucoup écarter,
ny ca, ny là » ( : 3).
Nous avons vu que, d'après les physiologistes de son temps dont Des-
cartes adopta les conceptions, les esprits animaux sont formés par les par-
(1) Des Passions en générai et par occasion de toute la nature de l'homme (Traité
écrit en français vers 1646 pour la princesse Elisabeth. Remanié, il fut publié à Ams-
terdam en 1649). Première partie, art. 32. Comment on connoit que cette glande est
le principal siège de l'âme. « La raison qui me persuade que l'aine ne peut avoir en
tout le corps aucun autre lieu que cette glande où elle exerce immédiatement ses
fonctions est que je considère que les autres parties de notre cerveau sont toutes
doubles, comme aussi nous avons deux yeux, deux mains, deux oreilles, et enfin tous
les organes de nos sens extérieurs sont doubles ; et que, d'autant que nous n'avons
qu'une seule et simple pensée d'une même chose en même temps, il faut nécessaire-
ment qu'il y ait quelque lieu où les deux images qui viennent par les deux yeux, où
les deux autres impressions qui viennent d'un seul objet par les doubles organes des au-
tres sens, se puissent assembler en une avant qu'elles parviennent a Famé, afin qu'elles
ne lui représentent pas deux objets au lieu d'un ; et on peut aisément concevoir
que ces images ou autres impressions se réunissent en cette glande par l'entre-
mise des esprits qui remplissent les cavités du cerveau, mais il n'y a aucun autre
endroit dans le corps où elles puissent être unies, sinon ensuite de ce qu'elles le sont
en cette glande. »
(2) Lettre CLXXXVI à Mersenne [l^° avril 1640]. (Muvres, éd. Aonm et TANEI1Y, t. III,
p. 49.
178 SAINTON ET DAGNAN-BOUVERET
ties les plus subtiles du sang. Or, fait remarquer Descartes, ce sont « tou-
tes les plus vives, les plus fortes elles plus subtiles parties de ce sang
[qui].... se vont rendre dans les concavitez du cerveau ; d'autant que les
artères qui les y portent, sont celles qui'viennent, du coeur le plus en fi.
gne droite de toutes, et que comme vous sçavez, tous les corps qui se meu-
vent tendent chacun autant qu'il est possible à continuer leur mouve-
ment en 1 igne droi te » (1). Quelle va être l'action de ce sang et des esprits
animaux dans le cerveau ? Une partie servira à le nourrir, à « entretenir sa
substance » (2) ; mais la plus grande partie en est employée à « y pro-
duireun certain vent subtil, ou plutost une flame très vive et très pure,
qu'on nomme les Esprits Animaux. Car il faut sçavolr que les artères qui
les apportent du coeur, après s'estre divisées en une infinité de petites
branches, et avoir composé ces petits tissus, qui sont estendus comme des
tapisseries au fond des concavitez du cerveau se rassemblent autour d'une
certaine petite glande, située environ le milieu de la substance de ce cer-
veau, tout à l'entrée de ses concavitez, etontencetendroit-ià ungrandnom-
bre de petits trous, par où les plus subtiles parties du sang qu'elles con-
tiennent, se peuvent écouler dans cette glande ; mais qui sont si étroits,
qu'ils ne donnent aucun passage aux plus grossières » (2).
Après s'être pour ainsi dire filtrés dans la glande, les [esprits animaux
n'y restent pas. Ils sont en effet constamment en mouvement (3) et ils
réalisent dans le cerveau la moelle et les nerfs, une circulation analogue
à celle dont llii-vey avait peu de temps auparavant démontré l'existence
dans le coeur et les artères. En effet, une fois sortis de la glande, les es-
prits animaux trouvent devant eux les pores du cerveau, plus ou moins ou-
verts, orientés en différents sens, dans lesquels ils s'engagent. Ces pores
ouverts dans ce que Descartes appelle « les concavitez du cerveau » c'est-
à-dire à la surface interne des ventricules, comme nous dirions an jour-
d'hui, sont des orifices extrêmementpetils qui « nedoivent pas estre imagi-
nez autrement que comme les intervalles qui se trouvent entre les filets de
quelque tissu )' (4). Les filets qui constituent ce tissu sont formés d'une
matière comparable, par ses propriétés physiques, à la cire, mais plus molle
et d'une plasticité plus grande, en sorte qu'ils reçoivent et conservent
facilement l'empreinte que le passage, variable en direction et en in-
tensité, des esprits animaux imprime sur eux (5). En effet, ces petits
(1) Traité de l'Homme, éd. Clerselier, Première partie, XII, p. 8.
(2) ibis, Première partie, XIV, p. 10.
(3) « Jamais ils ne s'arreslent un seul moment en une place » lbid. Cinquième parte,
LXIV, p. 59.
(4) lbid. Cinquième partie, LxIII, p. 56.
(5) « Les principales qualitez de ces petits filets sont de pouvoir assez facilement es-
tre pliez en toules sortes de façons par la seule force des Esprits oui les touchent, et,
D1ÎSGARTES ET LA PSYCIIOPIlYS101.oGIE DE LA GLANDE PINÉALE 179
filets ménagent entre eux des interstices,des « mailles » qui « sont autant
de petits tuyaux, par où les esprits animaux peuvent entrer, et qui re-
gardant toujours vers la glande II, d'où sortent ces Esprits se peuvent faci-
lement tourner ça et là vers les divers points de cette lande » (1 ). Donc, en
sortant de la glande les esprits animaux se dirigent vers ceux de ces pores
qui leur sont le plus directement opposés ; par leur propre force ils les
ouvrent car « ils ont la force de pousser tout autour la matière qui les en-
vironne, et de l'enfler, et par ce moyen de faire tendre tous les petits fi-
lets des nerfs qui en viennent ; ainsi que le vent, estant un peu fort, peut
enfler les voiles d'un navire, et faire tendre toutes les cordes auxquelles
ils sont attachez » (2). Pendant le sommeil (fg.4) sommeil constamment
accompagné de rêves, car on sait que, pour Descartes, l'homme ne cesse
quasi comme s'ils estoient faits de plomb ou de rire, de retenir toujours les derniers
plis qu'ils ont receus,jusqu'l ce qu'on leuren imprimede contraires. Traité de [' Homme,
éd. Clerselier, Cinquième partie, LYIII, p. 58.
(1) lbid. Cinquième partie, LXIII, p. 57.
(2) lbid. Cinquième partie, LXV, p. 62.
Fig. 4.
180 SAINTON ET DAGNAN-BOUVERET
jamais de penser, et cette notion, conséquence de la définition cartésienne
de la pensée, du cogito, trouvé ici son application à la physiologie pen-
dant le sommeil, les esprits animaux sontplus faibles, mais, « du moins
ils ont la force d'en pousser ainsi et faire tendre quelques parties, pen-
dant que les autres demeurent libres et lasches, ainsi que font celles d'un
voile, quand le vent est un peu trop faible pour le remplir ». Après
la mort, comme le courant des esprits animaux s'est arrêté, « la substance
du cerveau étant molle et pliante » les pores sont tous fermés et c'est pour
cela, et aussi en raison de leur extrême petitesse, qu'on ne les peut voir en
disséquant un cerveau.
Cette disposition anatomique et la nolion physiologique d'un courant t
d'esprits animaux vont permettreà Descartes d'expliquer le mécanismede
la plupart des fonctions psychiques, d'une part de l'imagination, du sens
commun, de la mémoire (comme nous venons de voir qu'elle lui a servi
à expliquer le sommeil et les rêves) et d'autre part des mouvements mus-
culaires, volontaires et réflexes.
Le sens commun, c'est essentiellement la fonction qui forme les idées
que nous avons des choses, ce que nous appelons aujourd'hui la percep-
tion. Or cette fonction,comme l'imagination, a pour siège la glande pinéale.
Il n'y a d'ailleurs entre le sens commun et l'imagination qu'une diffé-
rence ; les idées en effet, « s'attribuent toutes au sens commun, lorsqu'elles
dépendent de la présence des objets ; mais elles peuvent aussi procéder
de plusieurs autres causes..... et alors c'est à l'imagination qu'elles
doivent être attribuées » (1). Pour nous représenter clairement la manière
dont Descartes conçoit le mécanisme sur lequel reposent le sens commun
(1) Traité de l'Homme, ibid. Clerselier. Cinquième partie, LXXI, p. 67.
Fic. 5.
DESCARTES ET LA PSYCHOPHYSIOLOGIE DE LA GLANDE PINÉALE 181
et/' 'imagination, prenons un exemple particulier et étudions ce qui se passe
dans la perception visuelle. Une fois l'image d'un objet formée sur la ré-
tine selon les lois de la physique, il s'agit d'expliquer la manière dont
se transmettra cette image jusqu'à la glande. Or les fibres du nerf opti-
que (fig. 5), qui se poursuivent jusqu'à la superficie intérieure du cerveau,
forment par leur réunion un nombre très considérable de petits tuyaux
dont le calibre est modifié par les rayons lumineux.Les tuyaux dont l'extré-
mité externe sont frappés par un rayon se dilatent. et le diamètre de leur
ouverture interne est également augmenté. L'image de l'objet se trouve
donc en quelque sorte tracée sur la superficie intérieure du cerveau parl'ou-
verture variable de chacun des petits tuyaux nerveux dont la réunion cons-
titue le nerf optique. D'autre part, le courant des esprits animaux qui de
chaque point de la glande pinéale se dirige vers un point de la superficie
Fw, 6.
182 SA1NTON ET DAGNAN-BOUVERET -
intérieure du cerveau, rencontre une résistance variable suivant l'ouver-
ture des petits tuyaux nerveux. En sorte que la glande se trouve influencée
en des points correspondant à ceux qui reproduisent l'image de l'objet sur
la superficie intérieure du cerveau et que cette image est par là même
imprimée sur la glande. 0
Cette explication doit être étendue à toutes les autres sensations aussi
bien à l'ouïe, à l'odorat, qu'à toutes les impressions visuelles, tactiles et
thermiques et même aux sensations viscérales comme la faim et la soif et
aux états affectifs. « Et notez que par ces figures je n'entens pas seulement
icy les choses qui représentent en quelque sorte la position des lignes et des
superficies des objets, mais aussi toutes celles, qui suivant ce que j'ay dit cy-
dessus, pourront donner occasion à l'âme de sentir le mouvement, la gran-
deur,la distance, les couleurs, les sons, les odeurs, et autres tel les qualitez ;
et mesme celles qui luy pourront faire sentir le chatouillement, la dou-
leur, la faim, la soif, la joye, la la tristesse, et autres telles passions. Car
il est facile à entendre, que le tuyau a par exemple sera ouvert autre-
ment par l'action que j'ay dit causer le sentiment de la couleur rouge, ou
celuy du chatouillement, que par celle que j'ay dit causer le sentiment
de la couleur blanche, ou bien celuy de la douleur; et que les esprits qui
sortent du point a, tendront diversement vers ce tuyau, selon qu'il sera
ouvert diversement, et ainsi des autres (1). »
Lorsque les esprits qui sortent de la glande y ont ainsi « reçeu l'impres-
sion de quelque idée » ils pénètrent dans les luyaux nerveux qui consti-
tuent la substance cérébrale et plus loin les nerfs.Ils ont la force d'élargir
quelque peu les intervalles des fibres, de plier légèrement celles-ci de diver-
ses manières suivant leurs propres mouvements et la disposition antérieure
des fibres, « en sorte qu'ils y tracent aussi des figures, qui se rapportent à
celles des objets ; non pas toutesfois si aisément ny si parfaitement du pre-
mier coup, que sur .'a glande H, mais peu à peu, de mieux en mieux, se-
lon que leur action est plus forte,et qu'elle dure plus long-temps ou qu'elle
est plus de fois réitérée. Ce qui est cause que ces figures ne s'effacent
pas non plus si aisément, mais qu'elles s'y conservent en telle sorte, que
par leur moyen les idées qui ont esté autrefois sur cette glande s'y peu-
vent former derechef long-temps après, sans que la présence des objets
ausquels elles se rapportent y soit requise. Et c'est en quoy consiste la
Mémoire » (2).
(I) Traité de l'Homme, ibid. Clerselier Cinquième partie, LXIX, p. 66.
(2)lbid, LXXII.p, 68,Ce n'est là d'ailleurs pour Descartes que le siège principal de la mé-
moire, mais elle réside aussi pour une part dans les nerfs etles muscles. C'est ce qu'il in-
dique nettement en répondant à unde ses correspondants qui lui demandait si le siège
de la mémoire ne pouvait être aussi dans la glande pinéale. « Pour les espèces qui ser-
DESCARTES ET LA PSYCHOPHYSIOLOGIE DE LA GLANDE PINÉALE 183
C'est encore sur le même mécanisme que repose ce que nous nommons
maintenant l'association des idées. Si en effet les esprits animaux ou-
vrent quelques-uns des pores qui ont été ouverts auparavant en même
temps que d'autres, ces derniers ont tendance à s'ouvrir également ; et
vent à la mémoire je ne nie pas absolument qu'elles ne puissent être en partie dans la
glande nommée conarienne, principalement dans les bêtes brutes, et en ceux qui ont
l'esprit grossier, car, pour les autres, ils n'auroient pas, ce me semble, tant de faci-
lité qu'ils ont a imaginer une infinité de choses qu'ils n'ont jamais vues, si leur âme,
n'était jointe à quelque partie du cerveau, qui fut propre à recevoir toutes sortes
de nouvelles impressions et par conséquent fort malpropre à les conserver. Or est-il qu'il
n'y a que cette glande seule à laquelle l'âme puisse être ainsi jointe , car il n'y a qu'elle
seule , en toutes la teste, qui ne soit point double. Mais je croy que c'est tout le reste
du cerveau qui sert le plus il la mémoire, principalement ses parties intérieuresetmesme
aussi que tous les nerfs et les muscles y peuvent servir ; en sorte que par exemple, un
joueur de luth a une partie de sa mémoire en ses mains ; car la facilité de plier, et de
disposer ses doigts en diverses façons qu'il a acquise par habitude,aide à le faire souvenir
Fie. 7.
181, SAINTON ET DAGNAN'BOUYEREI'
cela « principalement s'ils avoientesté ouverts plusieurs fois tous ensem-
ble, et n'eussent pas coutume de l'estre les uns saus les autres. Ce qui
monstre comment la souvenance d'une chose peut estre excitée par celle
d'une autre qui a esté autrefois imprimée en mesme4ems qu'elle en la Mé-
moire.Comme si je vois deux yeux avec un nez, je m'imagine aussi-tost un
front et une bouche, et toutes les aulres parties d'un visage, pour ce que
je n'ay pas accoutumé de les voir l'une sans l'autre; Et voyant du feu, je
me ressouviens de sa chaleur, pour ce que je l'ai sentie autrefois eu le
voyant » (1).
Enfin le mouvement des muscles est déterminé par la glande et soumis
à ses propres mouvements. Nous avons vu comment ceux-ci sont possibles
grâce à la disposition anatomique de la glande, et nous savons qu'il faut
fort peu de chose pour l'incliner en différents sens : il en résulte que les
esprits animaux qui sortent d'elle sont dirigés tantôt vers certains points
du cerveau, tantôt vers d'autres et vont faire contracter des groupes mus-
culaires divers. Or différentes causes peuvent influencer la glande et
répondent à diverses catégories de mouvements.
En premier lieu il faut placer les mouvements réflexes, de beaucoup les
plus importanls,Descartes,en effet,s'il ne leur donne pas ce nom en a exposé
le mécanisme avec une clarté parfaite..« Il est aisé de concevoir que les
sons, les odeurs, les saveurs, la chaleur, la douleur, la faim, la soif et géné-
ralement tous les objets, tant de nos autres sens extérieurs que de nos
appétits intérieurs excitent aussi quelques mouvements en nos nerfs, qui
passent par leur moyen jusqu'au cerveau ; et outre que ces divers mou-
vements du cerveau font voir à notre âme divers sentiments, ils peuvent
aussi faire sans elle que les esprits prennent leur cours vers certains mus-
cles plutôt que vers d'autres, et ainsi qu'ils meuvent nos membres, ce que
je prouverai seulement ici par un exemple. Si quelqu'un avance prompte-
ment sa main contre nos yeux, comme pour nous frapper, quoique nous
sachions qu'il est notre ami,qu'il ne fait cela que par jeu et qu'il se gardera
" bien de nous faire aucun mal, nous avons toutefois de la peine à nous em-
pêcher de les fermer ; ce qui montre que ce n'est point par l'entremise de
des passages pour l'exécution desquels il les doit ainsi disposer » (Lettre CLXXXVI à
Mersenne [1" avril : l6;iOj, Desca1'tes, OLuvres, éd. Aunu et Tannehy, t. III, pp. 41-48).
Ainsi le corps entier joue un rôle dans la psychologie de Descartes qui - nous revien-
drons plus loin sur ce point n'a jamais pensé que la glande pinéale fût le siège exclu-
sif, mais seulement principal de l'âme qui est unie, en réalité à tout le corps. Nous
voyons, que jusque dans le détail de sa psychologie Descartes maintient les conséquen-
ces de ce principe et qu'il réalise ainsi en quelque manière cette « décentralisation de
Famé » tentée diversement par la psychologie moderne et sur laquelle insiste si heu-
reusement dans son enseignement M. le Professeur Debove.
(1) 'fruité de / Homme. Ed. Clerselier. Cinquième partie, LXXIII, p. 69. .J
DESCARTES ET LA PSYCHOPQq)Gm DE LA GLANDE PINÉALE 185
notre âme qu'ils se ferment, puisque c*8St-eotrtrë" notre volonté, laquelle
est sa seule ou au moins sa principale action ; mais c'est à cause que la
machine de notre corps est tellement composée que le mouvement de notre
main vers nos yeux excite un autre mouvement en notre cerveau qui con-
duit les esprits animaux dans les muscles qui font abaisser les paupiè-
res (1). »
Mais ce n'est pas seulement en ce sens limité et correspondant à ce-
lui que nous donnons habituellement au mot réflexe que Descartes admet
une action directe des objets sur les mouvements, sans la participation de
Lime. Il en étend, en effet la notion à des actes très complexes qu'il conçoit
d'une manière analogue aux phénomènes décritspar Pawlow et les physio-
logistes de son école sous le nom de réflexes cérébraux. Voyons en effet,
comment « les passions sont excitées en 1 ';\mue )) et en particulier ce qui se
passe dans la peur. « Les esprits réfléchis de l'image... formée sur la
(1) Des Passions, première partie, art 13.
xxv 12
Fig. S.
186 SAINTON ET DAGNAN-BOUVERET
glande, vont de là se rendre partie dans les nerfs qui servent à tourner le
dos et remuer les jambes pour s'enfuir, et partie en ceux qui élargissent
ou rétrécissent tellement les orifices du coeur, ou bien qui agitent telle-
ment les autres parties d'où le sang lui est envoyé, que ce sang y étant ra-
rénéd'aulre façon, que de coutume, il envoie des esprits au cerveau qui
sont propres à entretenir et fortifier la passion de la peur,c'est-à-dire qui
sont propres à tenir ouverts ou bien à ouvrir derechef les pores du cer-
veau qui les conduisent dans les mêmes nerfs; car de cela seul que ces
esprits entrent en ces pores, ilsexciièiit un iiiotiveiiienpailiculier en cette
glande, lequel est institué de la nature pour faire sentir à famé une passion
et pour ce que les pores se rapportent principalement aux petits nerfs qui
servent à resserrer ou élargir les orifices du coeur,cela fait que l'âme la sent
principalement comme dans le coeur (1). »
Une seconde catégorie de mouvements est constituée par ceux qui dé-
pendent d'une idée, c'est-à-dire, pour parler en physiologiste selon Des-
cartes, ceux qui sont causés par des déplacements de la glande qui ne sont
pas en rapport avec des perceptions. Il est en effet, outre l'action de
l'âme que nous verrons plus loin - une autre cause des déplacements de
la glande, une cause d'origine interne, c'est H la différence qui se rencon-
tre entre les petites parties des esprits qui sortent d'elles » et qui «ne
manquent pas de l'agiter et faire pencher tantôt d'un costé tantôt d'un
autre » (2). Or « l'idée de ce mouvement des membres ne consiste qu'en
la façon dont les esprits sortent pour lors de cette glande » (3).
Enfin il est des mouvements à proprement parler volontaires, produits
par l'action de l'âme qui peut agir directement sur la glande et faire jouer
le même' mécanisme que nous venons de voir mettre en action par des
causes purement physiques. « La petite glande qui est le principal siège
de l'âme, dit Descartes, est tellement suspendue entre les cavités qui i
contiennent ces esprits, qu'elle peut être mue par eux en autant de diver-
ses façons qu'il y a de diversités sensibles dans les objets ; mais.... elle
peut aussi être diversement mue par l'âme, laquelle est de telle nature
(1). Des Passions, première partie, art. 36. A plusieurs reprises Descartes a insisté
- sur la critique de cette opinion commune qui localise les passions dans le coeur et il a
'montré la cause de cette erreur : « Pour l'opinion de ceux qui pensent que l'âme re-
çoit ses passions dans le coeur, elle n'est aucunement considérable, car elle n'est fon-
dée que sur ce que les passions y font sentir quelque altération; et il est aisé à
'remarquer que cette altération n'est sentie, comme dans le coeur, que par l'entre-
mise d'un petit nerf qui descend du cerveau vers lui, ainsi que la douleur est sentie
comme dans le pied par l'entremise des nerfs du pied, et les astres sont aperçus comme
dans le ciel par l'entremise de leur lumière et des nerfs optiques : en sorte qu'il n'est
pas plus nécessaire que notre âme exerce immédiatement ses fonctions dans le coeur
pour y sentir ses passions qu'il est nécessaire qu'elle soit dans le ciel pour y voir les
asties. » Des Passions, piemiére partie, art. 33.
(2) Traité de l'llomme, édit. Clerselier, cinquième partie, LXXV, p. 10.
(3) Traité de l'Homme, édit. Clerselier, cinquième partie, LXXVI, p. 71.
DESCARTES ET LA PSYCHOPHYSIOLOGIE DE LA GLANDE PINÉALE 187
qu'elle reçoit autant de diverses perceptions qu'il arrive de divers mouve-
ments en cette glande; comme aussi réciproquement la machine du corps
est tellement composée que, de cela seul que cette glande est diversement
mue par l'ume ou par telle autre cause que ce puisse être, elle pousse les
esprits qui l'environnent vers les pores du cerveau qui les conduisent par
les nerfs dans les muscles, au moyen de quoi elle leur fait mouvoir les
membres (1) ».
C'est ainsi que Descartes présente les rapports de l'âme et du corps
comme un fait. dont. déduit les conséquences mais qu'il n'analyse pas en
lui-même. Pourtant il s'est posé le problème et nous trouvons épars dans
son oeuvre les éléments de la solution qu'il lui a donnée.
Remarquons d'abord que pour Descartes la glande pinéale n'est pas, à
proprement parler, comme on le répète généralement, le siège de 1'<lme)J,
La manière dont il conçoit et définit l'âme ne lui permet pas de penser
qu'elle puisse être unie à un organe; elle deviendrait en effet comme lui
divisible, etc. « L'âme est véritablement jointe à tout le corps et... on ne
peut pas proprement dire qu'elle soit en quelqu'une de ses parties à l'ex-
clusion des autres, à cause qu'il est un et en quelque façon indivisible, à
raison de la disposition de ses organes qui se rapportent tellement tous l'un n
à l'autre que, lorsque quelqu'un d'eux est ôté, cela rend tout le corps dé-
(1) Des Passions, première partie,art. 34. Descartes résume toute sa physiologie dans
cette belle comparaison que nous ne résistons pas au plaisir de citer en entier « Et véri-
tablement l'on peut fort bien comparer les nerfs de la machine que je vous décris.
aux tuyaux des machines de ces fontaines ; ses muscles et ses tendons aux autres
divers engins et ressorts qui servent à les mouvoir ; ses Esprits Animaux à l'eau qui
les remue, dont le coeur est la source, et dont les concavitez du cerveaux sont les
regars. De plus la respiration, et autres telles actions qui luy sont naturelles et ordi-
naires et qui dépendent du cours des Esprits, sont comme les mouvemens d'une hor-
loge, ou d'un moulin, que le cours ordinaire de l'eau peut rendre continus. Les
objets extérieurs, qui par leur seule présence agissent contre les organes de ses sens,
et qui par ce moyen la déterminent à se mouvoir en plusieurs diverses façons, selon
que les parties de son cerveau sont disposées, sont comme des Estrangers, qui en-
trant dans quelques-unes des grottes de ces fontaines, causent eux-mêmes sans y
penser les mouvemens qui s'y font en leur présence ; Car ils n'y peuvent entrer qu'en
marclunt sur certains quarreaux tellement disposez, que par exemple, s'ils appro-
chent d'une Diane qui se baigne, il la feront cacher dans des rozeaux ; et s'ils pas-
sent plus outre pour la poursuivre, ils feront venir vers eux un Neptune, qui les
menacera de son trident; ou s'ils vont de quelqu'un autre costé, ils en feront sortir
un Monstre .Marin qui leur vomira de l'eau contre la face, ou choses semblables, et
selon les caprices des Ingénieurs qui les ont faites. Et enfin quand l'Ame raison-
nable sera en celte machine, elle y aura son siège principal dans le cerveau, et sera
là comme le fontenier, qui doit estre dans les regars où se vont rendre tous les tuyau\
de ces machines, quand il veut exciter, ou empêcher, ou changer en quelque façpn
leurs mouvemens. » Traité de l'llomme, édition Clerselier, seconde partie, XVI,
pp. 11-12.
188 SAINTON ET DAGNAN-BOUVERET
fectueux ; et à cause qu'elle est d'une nature qui n'a aucun rapport à l'é-
tendue ni aux dimensions ou aux propriétés de la matière dont le corps est
composé, mais seulement à tout l'assemblage de ses organes, comme il pa-
roit de ce qu'on ne sauroit aucunement concevoir la moitié ou le tiers
d'une âme ni quelle étendue elle occupe, et qu'elle ne devient point plus
petite de ce qu'on retranche quelque partie du corps, mais qu'elle s'en
sépare entièrement lorsqu'on dissout l'assemblage de ses organes » (1).
Mais, si l'âme est jointe à tout le corps, « il y a néanmoins en lui quelque
partie en laquelle elle exerce ses fonctions plus particulièrement qu'en
toutes les autres (2) ». Et c'est la glande pinéale.
Comment faut-il concevoir cette union de l'âme et du corps ? La solu-
tion de ce problème est particulièrement difficile pour Descartes dont
l'un des principaux mérites a été de séparer rigoureusement le monde des
choses matérielles et le monde de la conscience, l'étendue et la pensée,
encore en partie confondues par les scolastiques. En effet, la distinction
radicale qu'il a établie entre elles et leur définition qui posait leur exis-
tence indépendamment l'une de l'autre, sans que l'étendue suppose la
pensée, ou la pensée l'étendue, semblait lui interdire de concevoir leur
rapport autrement que comme le développement de deux séries parallèles
de phénomènes juxtaposés. C'est d'ailleurs dans ce sens que s'est développé
le cartésianisme, c'est cette solution parallélisle du problème qu'ont
adoptée les successeurs de Descartes, le rapport entre le développement
des deux séries de phénomènes étant établi par les causes occasionnelles
de Malebranche, par le parallélisme de Spinosa, par l'harmonie prééta-
blie de Leibniz.
Mais s'il semble évident que telle est la seule solution logique du pio-
blème posé à Descartes par le rapport de l'âme et du corps tels qu'il les
a définis,ce n'est pourtant pas celle qu'il lui a donnée. Pour lui, l'âme est
substantiellement unie au corps et, outre les deux notions essentiel les,
les deux natUl'æ pal'ticulares que constituent l'étendue et la pensée, il en
est une troisième, réalisée par l'union de l'âme et du corps. De même que
les figures ne peuvent être conçues que dans l'étendue, et les fails de 0
conscience que dans la pensée, « lesmanifeslations déterminées de l'union
de Lime et du corps ne peuvent être connues que dans et par l'idée de
l'union. En un mot, l'union de l'âme et du corps est un ordre à pari,
comme la pensée et l'étendue. Il faut s'y enfermer pour connaître un fait
quelconque relatif à l'union de l'âme et du corps et bien se garder de rap-
porter ce fait à la pensée ou à l'étendue (3) ». La manière dont il faut
(1) Des Passions, première partie, art. 30.
(2) Des Passions, première, partie ait 31.
(3) Le ôyslème de Desc(t7-les, par 0. IlAMELirf, Publié par L. Robin, Préface de
M. Emile DUf1K11EI11, 1 vol., T.XIV, 392 pp. in-8-, Paris, Alcan, 1911.
DESCARTES ET LA PSYCHOPHYSIOLOGIE DE LA GLANDE PINÉALE 189
concevoir cette notion hybride a été indiquée avec une grande profon-
deur et une 'parfaite clarté par l'éminent philosophe Ilamelin. Pour la
comprendre « il faut, dit-il, ne pas penser intellectuellement..., se laisser
aller à la vie et à la pensée sensibles, à l'imagination... Nous ne songe-
rons plus à expliquer commentl'aime meut le corps en nous représentant
dans l'idée intellectuelle de l'étendue, et conformément à ses exigences,
une masse qui en choque une autre. Nous nous adresserons à une certaine
conception sensible de la mise en mouvement d'une masse par quelque
chose qui n'est pas matériel. Telle est^ par exemple, la conception que
nous appliquons à tort quand nous voulons nous représenter le mouve-
ment imprimé aux corps par les qualités soi-disant réelles, et notamment
par la pesanteur. Nous avons tort de croire qu'il y a dans les corps eux-
mêmes une qualité appelée pesanteur, el, en général des qualités réelles
qui meuvent la matière. Mais il y a bien un domaine où le mouvement
est imprimé au mobile, comme nous croyons qu'il l'est aux corps pesants
par la pesanteur. Ce domaine est précisément celui de l'union de famé
et du corps : l'âme en tant qu'unie au corps, se meut comme la pesanteur
essentielle, s'il y en avait une,mouvrait les corps pesants. Et si nous avons
conçu cette opinion erronée d'un mouvement imprimé à la matière par
une pesanteur essentielle, c'est que nous avons indûment transporté hors
de son domaine, l'idée de la manière dont l'âme meut le corps (1) ».
, Une telle conception est évidemment contradictoire et verbale. Mais il
était intéressant d'en rechercher l'origine. C'est ce qu'a fait M. Ilamelin,
et il a montré qu'il s'agissait là d'une notion empruntée aux scolastiques
dont Descartes, s'il s'en est dégagé et s'il a souvent combattu leurs doctri-
nes a cependant subi t'influence et à qui il doitplus qu'on ne le croit géné-
ralement » (2). On trouve en effet des théories très analogues exposées
dans les oeuvres de nombreux théologiens et en particulier dans le Lexical !
Péripalelicum, de Signoriello (3).
Mais si la doctrine de l'union de l'âme et du corps est un des points les
plus faibles du système philosophique de Descartes, les ouvrages où il a
tenté d'étudier le mécanisme physiologique sur lequel reposent leurs
rapports, n'en constituent pas moins une tentative des plus intéressantes
pour fonder une physiologie de la pensée. Sans doute la psychologie de
l'Ecole était déjà imprégnée de physiologie (4). Mais à Descartes revient
l'honneur d'avoir, lepremier, tenté une explication générale des fonctions
psychiques par la physiologie. Les principes de sa philosophie s'y prêtaient : 1) 0. IIAUELIN, in op. laud., pp. 219-280.
(2) 0. HwueLm, in op.' laud., p. 287.
(3) Naples, Ap. Officinam bibliolh. catholicae scriptorum, 1881, p. 340.
(4) Arislote définissait la colère non seulement Õpe ? c<vnÀv1r-i¡ITÕw., mais aussi É(Tt;
Tou 1rZp ! XC1 : plJiC1 : v C1 : 'P.C1 : TO,. (Cf. rlepi fvx11.. Ed. Rodier, pop.27-37).
190 SALNTON ET DAGNAN-BOUVERET
parfaitement et comme l'a dit très justement M. Ilamelin, « convaincu
que tout ce qui n'est pas pensée est mécanisme, il a poussé le mécanisme
jusqu'aux confins de la pensée » (1).
Cette physiologie de' la pensée, il l'a constituée avec les notions que
lui fournissait la science de son temps, c'est-à-dire qu'il l'a conçue comme
purement mécaniste, de même qu'actuellement nous tenions d'expliquer
le fonctionnement du système nerveux : par des comparaisons que nous
empruntons à des phénomènes que les sciences nous ont fait connaître
depuis-sans que d'ailleurs ces comparaisons soient à l'abri de toute criti-
que ! Mais si cette conception purement mécaniste du fonctionnement
cérébral, et l'hypothèse qu'elle imposait d'un courant matériel d'esprits
animaux nous semblent aujourd'hui assez grossière, il n'enreste pas moins
que Descartes « s'est en somme représenté l'homme au milieu du monde
comme recevant des excitations et y répondant par des réactions (2) ». Et
celle physiologie de la pensée fondée sur le réflexe, nous paraît singuliè-
rement proche par quelques-unes de ses tendances, de certains essais tout
récents de psychologie objective.
Insoutenable du point de vue de l'anatomie et de la physiologie, la
théorie cartésienne relative aux fonctions de la glande pinéale fut en effet
de très bonne heure critiquée et vite abandonnée. Pourtant quelques-uns
des disciples immédiats de Descartes admirent son hypothèse. « J'estime,
dit Schuyl dans la préface dont il fit précéder la traduction latiue qu'il
publia du 7ra ! <ëMo))MHe,j'estime..... qu'il a.... très clairement prouvé
qu'il y a dans le cerveau une certaine partie qui est comme le timon ou le
gouvernail de tous les mouvemens corporels ; et que vray-semblablement
cette partie est le Conarium, ou la glande pinéale (3). » Et aux raisons
données par Descartes pour le prouver il en ajoute quelques autres. De
même Louis de la Forge, qui était médecin, écrit dans les Remarques qu'il
a ajoutées au Traité de l'Homme : « Il n'y a rien à mon avis de si beau,
ny de si bien inventé dans tous les écrits de noslre Autheur,que la descrip-
tion qu'il fait de la fabrique du cerveau; Il a mesme expliqué cette fabri-
que si nettement et si clairement, qu'il n'est presque pas possible de ne
pas se laisser persuader, que la chose est comme il le dit ; De sorte que
quoy qu'elle soit assez difficile à entendre d'elle-mesme, et que la veue
ne remarque rien de la plupart des choses qu'il avance ; néantmoinspour
peu que l'on soit attentif, et que l'on veuille jetler les yeux sur mes
(1) 0. HAA12LIN, in op. laud., p. 3 ! )0.
(2) 0. IIAMELIN, in op. laud., p. 352. Cf. Des Passions, première partie, ait. 1G.
(3) Edition du Traité de l'Homme de Clerselier, p. 401.
DESCARTES ET LA PSYCHOPHYSIOLOGIE DE LA GLANDE PINÉALE 191 1
figures, j'espère que l'on ne pourra manquer de la comprendre (1). »
Cependant la plupart des philosophes et des anatomistes n'acceptèrent
pas aussi facilement les idées de Descartes sur la glande pinéale, et Male-
branche pourtant son disciple el qui avait lu le Traité de l'Homme avec tant
d'admiration que l'émotion ressentie l'avait obligé de s'arrêter dans sa
lecture, Malebranche n'attribue pas à celle théorie une grande valeur, ni
d'ailleurs beaucoup d'importance. « Il faut remarquer, dit-il, que quand
il se serait trompé, comme il y a bien de l'apparence, lorsqu'il a assuré
que c'est à la glande pinéale que l'âme est immédiatement unie, cela toute-
fois ne pourrait faire de tort au fond de son système, duquel on tirera
toujours toute l'utilité qu'on peut attendre du véritable, pour avancer dans
la connaissance de l'homme (2). »
Mais surtout l'hypothèse de Descartes fut critiquée par les anatomistes
contemporains, en particulier par Thomas Dartholin. Il est d'ailleurs à
remarquer que les arguments qu'il donne contre cette hypothèse ne sont
pas tous beaucoup meilleurs que ceux que donnait Descartes pour la
soutenir, et qu'il la remplace par une autre hypothèse qui ne vaut pas
mieux. Bartholin fait d'abord observer (3) avec raison que les nerfs
n'aboutissent pas a la glande pinéale.- Mais il fait encore d'autres ob-
jections moins bien fondées. La glande, dit-il, ne saurait être le siège de
Famé car elle est si petite que les idées s'y confondraient ! Enfin elle est
placée à un endroit ou s'entassent les excréments du cerveau ! Pour Bartho-
lin, « son usage, comme celuy des autres glandes, est surtout de servir à
la distribution des vaisseaux qui sont dispersez par le cerveau (4). »
Dans la quatrième partie de son Exposition Anatomique, Winslow re-
produit un exposé de l'anatomiste Niels Steensen, où celui-ci fait remar-
quer que, comme on ignore ce qui remplit les circonvolutions du cerveau,
la théorie des esprits animaux peut valoir la théorie des excréments du cer-
veau. Mais il objecte à Descartes dont il admire cependant la méthode,
que la glande pinéale n'est reliée à aucun canal, qu'elle n'est pas
libre, et que la substance qui la forme est continue avec la substance
cérébrale (5).
. Nous n'entreprendrons pas de retracer ici toute l'histoire des nombreu-
(1) Edilion'du Traité de l'Ilomme de Clerselier, p. 207.
(2) I\ ! ALEBnA11CIIC, Recherche de la Vérité. Livre II. Première partie. Cil. I, 11.
(3) Thomas l3nnnuot.m. Allato11lia. Lugd. Batav. 1631, p. 356 et sqfj.
(4) Institutions anatomiques de Gasp. Bartholin, Docteur et Professeur du Roy de
Dannemarck, Augmentées et enrichies pour la féconde fois, tant des Opinions et Ob-
servations nouvelles des Modernes, dont-la plus grande parlie n'a jamais esté mise en
lumière, que de plusieurs Figures en taille douce par Thomas l3artholin.
(5) Cité d'après II. IlurrnmG, Phitowphie Moderne.
1W3 SAIN'('UPI··Lr'UAliIVA\-t3U U \' KKL'l'
ses hypothèses émises au sujet des fonctions de la glande pinéale. Happe-
lons simplement que l'épiphyse est actuellement considérée comme une
glande à sécrétion interne qui joue un rôle important dans le développe-
ment physique et intellectuel de l'homme. En effet, récemment, des faits
pathologiques rares mais significatifs, ont été recueillis à ce sujet et des cas
de tumeurs~de la glande pinéale ont été signalés qui s'accompagnaient 1
d'une notable précocité du développement physique et parfois intellec-
tuel. C'est ainsi qu'un petit malade d'0)Jstreiclt et Slawyk (1), atteint à
J'Ùge de 4 ans d'un sarcome de la glande pinéale, avait, disent ces auteurs,
une intelligence troublée, mais supérieure à celle d'un enfant de son âge,
et son développement physique, sous certains rapports tout au moins, était 1
celui d'un enfant de sept à huit ans. Un enfant de six ans observé par
Ogle (2), atteint lui aussi de sarcome de l'épiphyse présentait parmi d'au-
tres symptômes des modifications du caractère. Enfin nous citerons une
partie de l'observation plus détaillée de Franl : l-Iloclovart(3), telle que la
résument MM. Raymond et Claude dans leur mémoire sur les tumeurs de
la glande pinéale. Il s'agit d'un enfant de cinq ans et demi à l'autopsie
duquel on trouve une tumeur de 5 centimètres sur 2 cent. 5, occupant la
place de l'épiphyse. « A 3 ans, il commence à grandir d'une façon anor-
male, de sorte qu'à cinq ans, il en paraissait sept. Développement intel-
lectuel précoce, il parle de l'immortalité de l'âme, de l'au-delà, sans que
personne ne s'entretienne de ces questions autour de lui. Sensible et cha-
ritable à l'excès » (4).
On sait d'ailleurs l'influence dans le psychisme de la plupart des glandes
à sécrétion interne et les troubles nerveux dont s'accompagnent leur hy-
perfonctionnement ou leur insuffisance. Et il est permis de dire que nous
assistons à l'élaboration d'une psychophysiologie des glandes ci sécrétion
interne dans laquelle il est curieux de constater que l'épiphyse, si elle est
déchue du rôle éminent que lui attribuait Descartes dans sa tentative de
physiologie de la pensée, a cependant une place importante que l'on tend
actuellement à reconnaître et que l'on s'efforce de déterminer avec pré-
cision.
(1) OESrHEICII et SLANYK, Riesellwuchs und ZirGeldrüsen yeschwulsl, Virchow's Ar-
chiv, 1889, 13d CI.VII, S. 465.
(2) OGLE, Sa,i-o7na of. pineal body, Trans. of the palh. Soc. of London, 1899, I, p. 4.
(3) h'nn.rm.-IIocn : v,wr, Ueber Diagnose ddt' Zirbeldrilsenlumoren, Deut. Zeitsch. f.
Nervenheilk., 37 Bd, Ilel't 5, 1909.
(4) F. Raymond et Ifesw Claude, Les tumeurs de la glande pinéale chez l'enfant .
Communication à l'Académie de Médecine. Séance du 15 mars 1910. Bulletin de l'Aca-
démie de médecine, 14e année, 3' série, t. LXHI, n° 10, pp. 265-290, 21 mars 1910,
Le gérant : -. Il. l3oocnrz .
Imp. J. Thevenot, Saint-Dizier (Haute-Marne)
ESSAI DE f31OCI'7'ONLUROLOG(I : AU MOYEN
DE L'ULTRAMICROSCOPE
PAR
M. G. MARINESCO,
Professeur à la Faculté de Médecine de Bucarest.
La cytologie du neurone, comme l'étude des cellules en général, est
basée principalement sur l'étude des images obtenues à l'aide des agents
fixateurs et différents procédés de coloration pratiqués soit avec les ma-
tières colorantes, soitavec les imprégnations métalliques qui ontpour but
de mettreen évidence certaines particularités de structure du cytoplasma ou
du noyau. Ce genre d'études sur la cellule nerveuse qu'on a élevé, pour ainsi
dire, en cul te de son cadavre, a permis de réaliser de grands progrès et nos
connaissances actuelles concernant la structure du neurone à l'état normal
et pathologique se sont multipliées considérablement, de sorte que j'ai pu
consacrer deux volumes à cette question. Mais il est permis de se de-
mander si les images des cellules nerveuses que nous avons obtenues au
moyen des agents fixateurs qui tous allèrent la vraie structure de la cellule
nerveuse, correspondent à la réalité et si les conclusions que nous avons
tirées de l'analyse de ces images sans vie peuvent être considérées comme
définitives. Or les progrès réalisés pendant ces derniers temps dans le
domaine des colloïdes imposent des réserves très sérieuses sur la préexis-
tence de certaines structures que donnent les agenls fixateurs qui sont tous
coagulants et qui par conséquent altèrent la forme du complexus colloï-
dal représenté par la cellule.
En effet, la plupart des substances qui existent dans une cellule se trou-
vent à l'état colloïdal et celle remarque concerne non seulement la plu-
part des matières albuminoïdes, mais également les lipoïdes et les hydro-
carbonates. C'est pour cette raison que je crois le moment venu de faire
une révision-critique de nos connaissances actuelles sur la structure de la
cellule nerveuse et de l'examen à la lumière des données nouvelles de la
propriété des colloïdes.
Deux méthodes nouvelles s'imposent pour l'analyse de la matière
vivante du neurone ; c'est, d'une part, l'ultramicroscopie et, d'autre part, les
réactions chromatiques qu'offrent les cellules nerveuses, encore vivantes,
xxv 13
194 MARINESCO
traitées par les différentes matières colorantes. C'est de l'application de
la première méthode à la cellule nerveuse que je m'occuperai dans ce
travail, car l'avènement de l'ultramiscroscopie jette un jour tout nouveau
dans l'analyse de la constitution intime du cytoplasma. Il me semble cepen-
dant nécessaire et utile de faire précéder ces études d'une introduction sur
les propriétés générales des colloïdes, car ainsi que je l'ai dit, la cellule
nerveuse comme toute autre cellule peut être définie comme un complexus
colloïdal dont la structure est en relation avec l'organisation de ces col-
loïdes. C'est un savant anglais, Graham, qui, dans des expériences restées
célèbres, a montré qu'en opposition avec des substances cristalloïdes qui
diffusent facilement et traversent les pores des membranes organiques,
il y en a d'autres, les substances colloïdes, qui diffusent avec une extrême
lenteur lorsqu'on verse avec précaution l'eau pure au-dessus d'une solution
et qu'on détermine le temps que met une quantité de corps dissous à diffu-
ser dans l'eau extérieure. C'est encore Graham qui a montré que les col-
loïdes ne traversent pas les membranes formées d'autres colloïdes et qui
ne s'opposent pas au passage des cristalloïdes. Les solutions colloïdales
ne sont pas constituées en général par un mélange physique homogène,
elles contiennent en suspension des particules dont l'ordre de grandeur,
tout en étant de beaucoup inférieur à celui des particules existant dans
les véritables suspensions, est supérieur à celui des molécules.
Jusqu'à ces dernières années, on n'avait aucun moyen de discerner dans
les solutions colloïdales les particules dont on soupçonnait connaître
l'existence. C'est l'avènement de l'ultramicroscope qui a permis de se
rendre compte, plus sûrement, de l'existence de particules en suspension
dans les solutions. Grâce à l'admirable découverte de Siedentoff et
Zsigmondy, on a pu constater la présence de granules dans les sols des
métaux colloïdaux, des hydroxydes colloïdaux, de certaines couleurs, de
colloïdes organiques. A l'aide de l'ultramicroscope, on parvient à éclairer
latéralement l'objet qu'on peut apercevoir au lieu de l'éclairer par der-
rière.
L'ultramicroscope est ainsi nommé parce que sa sensibilité dépasse de
beaucoup celle du microscope ordinaire. Cette sensibilité varie avec l'in-
tensité de la lumière employée ; d'ordinaire, avec la lumière d'une lampe
à arc, on aperçoit sans difficulté des particules de 0. 01 1 {l- de diamètre. En
employant la lumière solaire d'un jour d'été, on peut descendre jusqu'à
0.003 N, c'est-à-dire presque jusqu'aux plus fines micelles. L'existence
de celles-ci a donc pu être prouvée dans un très grand nombre de cas.
Il y a des colloïdes non résolubles, c'est-à-dire dans lesquels on ne peut
pas distinguer des particules à l'ultramicroscope parce qu'elles sont trop
petites. Dans ce cas, la quantité de lumière diffusée devient trop faible
ESSAI DE BIOCYTONEUROLOGIE AU MOYES DE L'L,TIL ? IICRO&COPE 198
pour que les particules puissent être âhtinpiées. La limite de grosseur
en deçà de laquelle on ne voit pas dep\I"Í1t41Jln td ? E1 ! 1ltild'aillelllr3 de leur
nature. Plus les propriétés optiques ("alJU,M\Mæ, ¡¡11JIlÍ1oe de réfraction)
des particules sont voisines de celles dm liquide, pnos difficilement ces
particules sont visibles. Par des dillIlioo$illJl«esiiw¡¡ : $ ! IDDD. niwe â de5 £ o-
lutions où les grains ne sont plus ci : si>le ? aî mfa te autres propriétés
subsistent, les particules se rapprocheolalol"5 (bwlObGeel ! J ! wr de3 dimen-
sions moléculaires.
Il ne faut pas perdre de vue que les granules colloïdaux, Ionien ayant
des dimensions petites, possèdent une surface relative énorme; et c*est grâce
aux modifications de cette surface qu'il se produit différente changements
dans l'état colloïdal.
En l'état actuel de nos connaissances, nous devons admettre qu'une solu-
tion colloïdale est en général une, solution hétérogène, c'est-â-diredécom-
posable en plusieurs systèmes homogènes différents.
L'hétérogénéité d'un système peut consister en ce qu'il est constitué par
un mélange de corps à des états physiques différents, solides, liquides ou
gazeux. Mais lorsque le système ne comporte que des corps de même état
physique, il peut être encore hétérogène s'il est formé soit de plusieurs
solides différents, soit de plusieurs liquides non miscibles; par exemple :
huile et eau, éther et eau, acide phénique et eau, etc. Il est donc néces-
saire d'avoir un terme nouveau autre que celui « d'état physique » pour
désigner toutes les parties homogènes dont un système hétérogène est
formé. Gibbs a proposé le terme de « phase ». On dit d'après lui qu'un
système forme une phase (c'est-à-dire qu'il est homogène) lorsque deux
portions du système, aussi petites que l'on voudra, arbitrairement choisies
en deux quelconques de ces points, ont la même composition centési-
male.
L'examen optique d'une solution colloïdale nous montre que les parti-
cules se trouvent dans un mouvement continuel. Chaque particule éprouve
une suite de déplacements assez difficiles à décrire, parce qu'ils sont es-
sentiellement irréguliers. Ces phénomènes se produisent indifféremment
dans tous les sens et si la particule présente par sa forme quelque point
de repère,on constate aussi qu'elle tourne sur elle-même irrégulièrement.
Le mot de trépidation est celui qui donne l'idée la plus nette des appa-
rences observées, mais il ne s'agit pas d'une trépidation sur place, et la
particule peut avec le temps parcourir un chemin assez considérable comme
elle peut s'éloigner à peine de sa position initiale. Tout se passe, en un
mot, comme si elle était soumise à une suite d'impulsions absolument
fortuites orientées dans tous les sens indifféremment. Chaque particule
paraît se mouvoir indépendamment de ses voisines et si elles sont nom-
196 MARINESCO
breuses, on voit qu'elles sont toutes en mouvement dans le champ
du microscope. C'est un fourmillement et une trépidation générales
qui forment un spectacle des plus frappants. Zsigmondy a comparé ce
spectacle à celui d'un essaim de moucherons jouant à travers un rayon
de soleil. Lorsque des particules unt un diamètre inférieur à 1 tz, leurs
mouvements s'observent très bien, ils cessent au contraire lorsque ce
diamètre dépasse 3-5 (1-, Au point de vue électrique, les colloïdes présen-
tent une différence fondamentale avec les solutions vraies. Parmi ces der-
nières, les électrolyses sont capables de transporter l'électricité et pré-
sentent une dissociation des substances dissoutes en ions positifs et ions
négatifs, tandis que d'autres, les solutions non électrolytes, ne transportent
pas l'électricité. Pour les solutions vraies, le passage du courant s'accom-
pagne d'une décomposition ; au contraire, les colloïdes dépourvus d'élec-
trolytes, tels que l'albumine pure de Pauli, laissés même longtemps dans
un champ électrique, ne se déplacent pas, mais la migration apparaît dès
qu'il y a des ions électrolytes fixés sur les granules ; dans ce cas, l'addi-
tion des acides produit la migration vers le pôle négatif et l'addition de
l'alcali vers le pôle positif, car elles sont chargées avec l'électricité posi-
tive. C'est à ce phénomène de migration qu'on a donné le nom decatapho-
rèse. On a divisé les colloïdes suivant leur charge en deux classes : les col-
loïdes électro-positifs et les colloïdes électro-négatifs. Presque toutes les
substances entrant dans la constitution des corps vivants se transportent
vers le pôle positif,car elles sontélectro-négatives. Il n'y a que l'hémoglo-
bine qui soit électro-positive.
La structure des sols, des gels et des émulsoïdes présente une impor-
tance considérable, car elle touche au problème de la structure fondamen-
tale du protoplasma qui a été considéré tour à tour comme ayant une
structure granulaire, spongieuse ou fibrillaire. Précisément les premiers
auteurs : Berthold, Schwarz, Fischer et Bütschli, qui ont attaqué le pro-
blème de l'action des agents fixateurs sur le protoplasma cellulaire, ont
vérifié leurs hypothèses sur des solutions de gélatine ou peptone. C'est
ainsi que Schwarz, en traitant des solutions de gélatine de peptone ou
d'albumine d'oeufs par différents agents fixateurs a constaté les mêmes
structures granulaire, fibrillaire ou réticulée décrites par différents obser-
vateurs dans les cellules soumises à l'action des agents fixateurs. Aussi, il
est conduit à nier la présence d'un réseau préformé dans les cellules et il
nie également la préexistencedesgranulesd'Altmann. A son tour Berlhold
constate que si l'on précipite l'albumine d'oeuf qui est homogène, on cons-
tate une belle structure sous forme de charpente. Il est parti de la théorie
granulaire d'Altmann et il s'est demandé si cette structure n'est pas un
artifice dû au réactif employé. Cet auteur a fait usage de solutions de
ESSAI DE BIOCYTONEUROLOGIE AU MOYEN DE L'ULTRAMICROSCOPE 197
peptone, d'hémoglobine, de globuline, de séroalbuminoïde, etc., etc. ;
suivant les fixateurs employés, il observe tantôt une structure granulaire,
tantôt une structure réticulée. Il a vu en outre que si l'on emploie un
mélange de colloïdes tel que la peptone et la séroalbuminoïde on peut la
différencier de par la fixation et la coloration. Mais ce sont surtout les
expériences de Bütschli qui sont restées célèbres, à cause des conclusions
que l'auteur a voulu en tirer .Tout d'abord, cet auteur commence par
constater que l'albumine coagulée et la gélatine de commerce contiennent
toutes les apparences visibles dans les cellules qu'on a traitées par les fixa-
teurs. Aussi se démande-t-il si cette constatation n'enlève pas à une struc-
ture observée sur les cellules fixées toute valeur comme formation pré-
existante. Mais, comme il croit avoir vu de pareilles structures dans le
protoplasma vivant, il ne partage pas les opinions deBerthold, Schwarz et
Kiilliker qui voient dans ces structures tout simplement un effet de la cota-
gulation.
En étendant ses recherches à un grand nombre de gels, Bütschli constate
dans ceux-ci un squelette alvéolaire dans les cavités duquel se trouve une
substance liquide ; en d'autres mots, les gels sont constitués par des systè-
mes hétérogènes. La disposition des phases est très caractéristique et elles
se touchent par leur surface capillaire. Il est vrai que dans certains cas,
comme il en est pour la gélatine, on ne peut pas distinguer une phase solide
et une phase liquide, mais Bütschli, en ayant recours à des artifices de
technique, s'est efforcé de montrer que la gélatine ne représente pas une
masse homogène. Si on dissout un peu de gélatine dans un mélange conve-
nable d'alcool et d'eau et qu'on laisse se refroidir lentement sous le micros-
cope, on voit comment il se sépare de la solution des petites gouttes vis-
queuses qui se collent entre elles et, à la fin, forment une charpente réticu-
lée qui traverse le reste de la masse fluide. Si l'on prend une solution plus
concentrée de gélatine, 10 0/0 et plus, l'aspect change : les parois qui en-
tourent les gouttes sont solides, les cavités ont un contenu liquide et sont
d'autant plus grosses que le taux de la gélatine esl plus petit. Les forma-
tions produisent l'impression d'une structure alvéolaire. Entre la struc-
ture réticulée et la structure alvéolaire, il y a toutes les transitions.
Bütschli cherche à vérifier ses études sur la structure alvéolaire du pro-
toplasma en fabriquant des émulsions d'huile, des mousses très fines,
obtenues en.agitant fortement une solution épaisse de savon avec de la
benzine ou du xylol. Dans ces mousses, la masse fondamentale est de la
benzine ou du xylol, et celte masse fondamentale est parcourue par d'in-
nombrables alvéoles polyédriques dont la paroi est formée par la solution
du savon; les mousses, quoique très durables, présentent des inconvé
nients, en particulier celui de ne pouvoir être étudiées que dans la benzine
ou le xylol.
198 MARINESCO
Une meilleure mousse est celle obtenue de la façon suivante : on pul-
vérise du sucre et du sel de cuisine aussi fin que possible, on y ajoute
de l'huile d'olive veillie ou épaissie par l'action de Ko Co' humide et un
séjour d'une dizaine de jours l'éltive à 54° C. On mélange intimement
ces substances, et on obtient une bouillie bien homogène. Puis on prend
une toute petite goutte que l'on fait tomber sur le couvre-objet et on
renverse sur le porte-objet, après avoir eu la précaution de garnir les qua-
tres coins du couvre-objet de cire ou de paraffine, afin d'éviter l'écrase-
ment de la gouttelette. '
On obtient ainsi, au microscope, une mousse très semblable à une
structure protoplasmique, formée de nombreuses alvéoles très petites, pré-
sentant chacune une paroi d'huile et un contenu aqueux.
Si dans cette masse on remplace l'eau par la glycérine, la préparation
est moins opaque et peut être étudiée plus facilement. A la superficie,
comme dans le protoplasma, il y a une membrane périphérique bien
nette, formée d'un seul rang d'alvéoles et finement striée ordinairement.
Dans une émulsion semblable se produisent des mouvements actifs qui
peuvent persister plusieurs jours et rappellent ceux d'un Amoeba limax
ou d'un Polomyxa.
Après avoir émis son opinion si ingénieuse sur la structure des gels
vérifiée par ses expériences, Butschti a essayé d'expliquer les propriétés
des gels et du cytoplasma à l'aide de sa théorie. C'est ainsi que d'après
lui différentes propriétés physiques telles que les changements de forme,
l'élasticité, le gonflement, les gels, puis la plasticité de la cellule, les mou"'
vements amoeboïdes et d'autres propriétés importantes seraient en rapport
avec cette structure alvéolaire. S'il est vrai que la théorie a été admise
en partie ou totalement par des auteurs très compétents tels que Gurvilsch,
Bechhold, Gaidukow, Liesegang, d'autres auteurs non moins compétents
ont émis des doutes sur sa véracité et parmi ceux-ci nous devons citer en
première ligne Hardy, A. Mayer, Botazzi, etc. Hardy a fait des expé-
riences très étendues et très ingénieuses pour montrer le peu de fon-
dement de la théorie de Bûtschti. Il a étudié la formation de structure
à l'aide du microscope dans une solution colloïdale. Il s'est servi d'un
fil mince de soie trempé dans une solution de chlorure de calcium. à
2 0/0 déposé sur un porte-objet qu'il a couvert avec une lamelle. Puis
il a fait introduire, grâce à la capillarité entre la lame et la lamelle,
une goutte diluée d'albumine. Là où la solution d'albumine est venue en
contact avec le calcium, il se produit un hydrogel, tandis qu'au commen-
cement tout le liquide, également celui qui se trouve au voisinage du fil
de soie, ne contient pas de particules visibles, il se forme tout près du fil
des images qui, examinées avec un grossissement de 500, sont formées de
ESSAI DE BIOCYTONEUROLOGIE AU MOYEN DE L'ULTRAMICROSCOPE 199
petites granulations. Celles-ci augmentent de volume, qui a été de 6.75
jusqu'à 1 . Pendant celte agrégation, les granulations s'arrangent pour
constituer un réseau ouvert avec des mailles .polygonales qui dépassent
6 u, mais cet état n'est pas permanent, le réseau se rétracte, les mailles
deviennent plus petites pendant que les granulations deviennent de plus
en plus denses. A la fin, on ne peut plus les distinguer, elles constituent
un réticule qui présente des épaississements aux points de leur inter-
section. On obtient une image analogue lorsqu'à la place du calcium on
emploie les moyens de fixation habituels, acide osmique, formaline, cha-
leur, etc. Il apparaît dans ces conditions un réseau dont l'aspect dépend
tout d'abord du moyen de fixation. C'est ainsi qu'il a obtenu, en utilisant
une solution d'albumine de 13 jojo, que les vapeurs d'acide osmique
montrent un réseau dont le diamètre des mailles est de 0.5-0.7 p..
Avec l'emploi de vapeurs d'eau, le diamètre des mailles est de 1 p. ;
avec le bichromate de potasse, de 1.3 avec le sublimé (solution saturée
à 0.6) (Na CI), de 7.
En seconde ligne, la grosseur des mailles dépend delà concentration
de l'albumine, toutes les conditions étant d'ailleurs les mêmes. Enfin la
nature du colloïde n'est pas indifférente. En effet, si à la place de l'albu-
mine on emploie la gélatine coagulée par le sublimé, on ne voit pas de
réseau ouvert comme par l'albumine, mais il se forme des mailles fermées.
Ceci ressort de l'analyse de l'image microscopique observée dans des sec-
tions très fines (1 et même moins), lorsqu'on soumet la gélatine à une
pression mécanique ou à la force centrifuge lorsqu'il s'agit d'un réseau
ouvert, on peut exprimer à l'aide de la centrifugation au liquide ; s'il
s'agit au contraire des mailles (structure écumeuse). on ne peut obtenir le
même effet dans les mêmes circonstances qu'en faisant usage d'une com-
pression très considérable. Il est à remarquer ensujte que lorsque la con-
centration du sublimé n'atteint pas 4 0/0, le réseau formé est ouvert ;
autrement il est fermé. La gélatine traitée par la formaline se présente
toujours sous la forme d'un réseau. Mais toutes ces structures observées
dans l'albumine et à la gélatine peuvent être constatées également dans
différentes espèces cellulaires et le réseau qu'on y observe est sous la dé-
pendance de la nature et de la concentration des moyens de fixation. Aussi
il se présente à l'esprit que les structures protoplasmiques qu'on observe
après la fixation sont des produits artificiels et ces considérations d'après
Hardy s'appliquent non seulement au réseau qu'on constate dans la cellule,
mais dans beaucoup de cas aussi aux granules. Hardy a montré que dans
cet taines circonstances, comme par exemple lorsque la solution de colloïde
est très diluée, il ne se forme pas de réseau, mais il apparaît seulement
des agrégats de granulations, ce que l'on constate également après la
200 MARINESCO
fixation de protoplasma où le réseau n'est visible que par-ci par-là, tandis
que dans la majorité des cas on ne voit que des accumulations de granules.
Hardy ne veut pas tirer la conclusion que tous les granules obtenus de
cette façon peuvent être considérés comme des formes de passage au ré-
seau ; ils sont en partie tout ou moins des produits de la fonction des cellules
et non pas sous la dépendance des agents fixateurs. Hardy s'occupe égale-
ment des structures réticulées qu'on constate après la mort sans l'interven-
tion des agenls fixateurs. Il se rapporte aux recherches connues de Langley
sur les glandes salivaires. Langley a trouvé que les granulations de sécrétion
de ces glandes gonflent tellement après la mort que le protoplasma intergra-
nulaire est réduit à une lamelle très mince ; il résulte de cette manière
une formation protoplasmique ayant l'aspect de l'éponge. Ensuite, dans
les autres cellules, il apparaît après la mort une structure pose-mortelle
comparable aux modifications qu'éprouve un hydrosol chaud qui se trans-
forme en hydrogel par refroidissement.
Pauli a nié la structure spongieuse des gels limpides et a montré qu'il
s'agit là d'un produit artificiel dû à la coagulation ou à la dessiccation.
D'autre part, Pauli a donné au gonflement une autre signification et a
montré qu'il s'agit de processus chimiques et en faveur de cette opi-
nion il a fait en collaboration avec ses élèves (Handowsky, Scharr Wa-
gner) de nombreuses expériences. Plusieurs auteurs ont admis que la pro-
duction de structures spongieuses est secondaire et représente plutôt un
phénomène mortel. C'est ainsi que Kleinen a vu que le plasma des cel-
lules de la même espèce, sous l'influence de l'eau oxygénée, offre une
structure fibrillaire sous l'influence des acides et des autres poisons, une
structure granulaire pouvant simuler une structure réticulée lorsque les
granulations sont disposées d'une certaine façon et qu'enfin sous l'influence
des matières basiques la structure devient alvéolaire. Les auteurs allemands
plus récents tels que Gaidukow, Bechhold sont disposés à admettre la struc-
ture alvéolaire des gels et Gaidukow croit avoir constaté une structure réti-
culée dans les couches minces de colloïdes à l'ultramicroscope. Néanmoins
cet auteur affirme que la théorie alvéolaire ne saurait s'appliquer qu'à
une partie des recherches de Butschti. -
Bechhold pense que les gels sont constitués aussi par un système bi-
phasique. Il est vrai qu'il n'est pas possible de distinguer dans la gélatine
même au fort grossissement une phase liquide et une phase solide. A
l'aide de certaines manoeuvres, on peut montrer qu'il ne s'agit pas là d'une
masse homogène ; si on dissout par exemple un peu de gélatine dans de
l'eau et de l'alcool et qu'on laissese refroidir lentement sous le microscope,
il se sépare de la solution des petites gouttes visqueuses qui s'accolent et
traversent le reste de la mousse plus ou moins fluide, comme une char-
NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALY1.TRIRE.
T. XXV. Pl. XXV bis
5 6
BIOCYTONEUROLOGIE l'Ait 1/ULTRAMILROSCOt'E
(Marillc,\co) ,
Mwccnn$Cm. Éditeurs
ESSAI DE BIOCYTONEUROLOGIE AU MOYEN DE l'ULTRAMICROSCOPE 201
pente réticulée. En faisant usage d'une solution de gélatine plus concen-
trée, 10 0/0 et même davantage, on constate que les parois qui entourent
les gouttes deviennent solides, les cavités qui contiennent un fluide sont
d'autant plus grosses que la teneur en gélatine est plus petite. La for-
mation donne l'impression d'une structure spongieuse, aussi l'auteur
conclut que dans les gels nous avons affaire à un même colloïde pauvre
en eau à côté d'un autre qui est riche en eau et pauvre en colloïde.
Le cytoplasma des cellules des ganglions nerveux et sympathiques de
tous les mammifères et d'animaux inférieurs contient un nombre plus ou
moins considérable de granulations dont le volume et la densité varient
avec l'âge et l'espèce de l'animal. Cette constatation peut être faite sur
toutes les cellules encore vivantes, soit à l'aide de l'ultramicroscope, soit
même à la lumière directe si l'on fait usage de forts grossissements. La
préexistence de pareilles granulations ne peut pas subir le moindre doute
et cette constatation viendrait à l'appui de la théorie granulaire soutenue
par certains auteurs (Pl. XXV, fig. 1). Un fait intéressant sur lequel j'ai
attiré l'attention dans mes notes précédentes, c'est d'une part la couleur de
ces granulations et la non-existence, dans les cellules vivantes,de grumeaux
à formes géométriques connues sous le nom de corpuscules de Nissl. La
couleur de ces granulations est en rapport, d'une part, avec leur volume,
et d'autre part, avec leur densité et aussi avec leur constitution chimique.
Lorsqu'il s'agit de grosses granulations denses, nous constatons que le
cytoplasma a une tonalité blanc jaunâtre ou même jaune d'or, tandis que
s'il s'agit de granulations fines ou moins denses, nous observons une to-
nalité brun clair, gris neutre et gris bleu. Les cellules des ganglions
sympathiques prélevés sur l'animal vivant et dissociés dans le sérum n'of-
frent pas cette riche variation de tonalités et de structure ullramicrosco-
pique que nous avons notées pour les cellules des ganglions spinaux. Il y a
cependant deux sortes de cellules : des cellules gris blanc, à granulations
fines plus ou moins denses, d'autres plus près du blanc d'argent et enfin
on trouve parfois des cellules gris jaunâtre. Chez l'homme, en général. y y
a un rapport entre le volume des granulations et celui de la cellule. Les
grosses cellules ganglionnaires, les cellules radiculaires, les cellules géan-
tes montrentune dispersion très fine, dans les pelilesetmoyennespyrami-
des, les granulations sont plus grosses, tandis que dans les cellules de Pur-
kinje,elles sont intermédiaires. Les granulations se voient ég : 1lemenL dns
le protoplasma, les prolongements et l'axone dans lequel leur grosseur est
d'habitude celle des granulations du cytoplasma. L'axone montre facile-
ment des granulations colloïdales; le cylindraxe,au contraire,est homogène
et offre un vide optique presque complet; c'est là une différence que je
tiens pour importante.
202 MARINESCO
Chez les animaux à sang froid, et j'ai en vue surtout la grenouille, on
constate également la présence de-granulations plus ou moins fines qui
impriment aux cellules nerveuses une luminosité variable avec t'age et
l'espèce cellulaire de l'animal. Chez les petites grenouilles, ce qui domine
dans les ganglions spinaux ce sont les cellules plus ou moins diaphanes et
à côté d'elles on en rencontre d'autres plus lumineuses. Parfois on en
trouve quelques-unes où les granulations sont d'une si grande finesse
qu'elles sont presque invisibles. Dans les cellules diaphanes, on peut aper-
cevoir membrane nucléaire dont le pourtour est 1 umineux sur une plus ou
moins grande partie. Dans les cellules lumineuses, la membrane du noyau
est toujours invisible et la place de celui-ci on voit un vide optique plus
ou moins accusé. Au niveau de l'émergence de l'axone, il peut y avoir une
diminution dans la luminosité du cytoplasma. Comme pour les mammi-
fères, il y a aussi chez la grenouille un rapport entre la luminosité du
cytoplasma et celle de l'axone. Si le cytoplasma est fortement lumineux
l'axone l'est aussi et vice-versa ; mais d'habitude la luminosité de l'axone
n'est pas si accentuée que celle du cytoplasma. En dehors des granulations
lumineuses, on voit dans la cellule des ganglions spinaux de grenouille,
des granulations pigmentaires dont la teinte et la disposition sont varia-
])les ; elles peuvent être diffusées dans le protoplasma ou bien condensées
en amas sur une région plus ou moins considérable de la cellule, tout en
affecta ni des formes variables. Tandis que les granulations pigmentaires
examinées à l'aide du condenseur d'Abbé ont une teinte jaune orange,
elles se présentent avec des nuances toutes différentes lorsqu'on fait usage
du paraboloïde de Zeiss. On peut voir toutes les teintes entre le jaune
verdàtre et le cinabre vert en passant par différents tons d'émeraude. Au
point de vue de la forme, on peut distinguer des granulations pigmentaires,
des bâtonnets ou des filaments, parfois même des gouttelettes colorées
seulement sur une partie de leur contour, ce qui les fait paraître sembla-
bles à un croissant lunaire. Dans quelques cellules, on voit presque exclu-
sivement des bâtonnets et très peu de granulations de pigment ; les pre-
miers peuvent avoir une constitution granuleuse.
Nous nous expliquons ces variations de nuances par des phénomènes de
réflexion produits par l'éclairage latéral. Nous n'avons pas constaté le
même polychromisme dans les cellules des ganglions spinaux à la tempé-
rature de 39° prolongée.laquelle n'exerce pas d'action sur le pigment hu-
main. Nous croyons aussi avoir remarqué des formes de transition entre
les granulations lumineuses et les granulations pigmentaires, de sorte
que ces dernières pourraient être considérées comme des granulations
protéiques chargées de substances colorées.
Les granulations colloïdales dont nous avons décrit plus haut les pro-
ESSAI DE BIOCYTONEUROLOGIE AU MOYEN DE L'ULTRAMICROSCOPE 203
priétés optiques font partie intégrante de la constitution du cytoplasma
nerveux. Elles existent probablement à tous les âges et dans toutes les es-
pèces animales ; j'ai dit probablement, car je n'ai examiné le foetus hu-
main qu'à partir du quatrième mois et je ne sais pas comment ces granu-
lations se présentent pendant les périodes de la vie embryonnaire.
Comme tous les autres composants de la cellule nerveuse, elles subissent des
modifications parallèles à l'évolution de la cellule. Dans les cellules gan-
glionnaires du foetus humain et chez l'enfant, j'ai constaté qu'elles sont
plus volumineuses que chez l'adulte et chez le vieillard et chezc e dernier
j'ai vu parfois qu'elles sont extrêmement ténues. Nous verrons par la
suite les relations qui existent entre ces granulations et la formation de
pigment chez l'homme.
Toutes ces constatations nous autorisent à affirmer que les diverses
cellules nerveuses offrent une structure ultramicroscopique différente,
variable jusqu'à un certain point avec l'espèce cellulaire et qu'on devrait
mettre en parallèle avec la structure histologique telle que nous la mon-
tre l'emploi des 'différents réactifs.
Il n'est pas possible de donner une formule précise sur le degré de
constance et la viscosité du cytoplasma et du karioplasma des cellules
nerveuses, car celles-ci varient avec les différents centres nerveux chez les
différents animaux. En effet, même dans les ganglions spinaux de jeunes
chiens ou de jeunes chats, nous constatons que la viscosité varie d'une
espèce cellulaire à l'autre, ainsi qu'on peut le prouver facilement en trai-
tant ces cellules par l'eau distillée qui diminue leur consistance ; certaines
subissent une dissolution rapide de leurs granulations, elles gonflent et dis-
paraissent rapidement par cytolise; d'autres, dont les granulationss'im-
bibent plus lentement, résistent pendant longtemps.
Les modifications que détermine la compression des cellules nerveuses
peuvent nous fournir quelques données sur la consistance du cyloplasma
des cellules des ganglions spinaux. Tout d'ahord, nous constatons que le
cytoplasma, comme le noyau, jouit d'un certain degré Une
compression légère produit une déformation passagère et la cellule revient
à sa forme antérieure. Mais si la compression dure davantage ou qu'on
l'exagère, nous constatons des changements de forme qui mettent en évi-
dence le degré de consistance de la cellule et d'autre part sa plasticité.
Nous observons tout d'abord que lorsqu'il s'agit d'une compression plus
accusée, la cellule s'allonge, prend une forme plus ou moins ovoïde et
que le noyau s'adapte également à cetle modification en prenant lui aussi
une forme en conséquence. La déformation n'est pas toujours si régulière
et varie avec le sens de la compression. Mais unemodification très intéres-
sante qui dénote la plasticité de la cellules nerveuse, c'est la tendance à la
204 ' MARINESCO
lobulation (fig. 4, PI XXV). 1) apparaît,en effet,à la périphérie de la cellule,
comme une espèce d'excroissance se continuant avec le cytoplasmâ et don-
nant l'impression d'un petit lobule adhérent ; d'autres fois nous constatons
une esquisse de plusieurs lobules, ou bien une espèce de fente dans le
cytoplasma. Ces déformations qui rapprochent le cytoplasma d'un gel
visqueux nous montrent que la consistance ne peut pas être fluide comme
cela ja. été admis par plusieurs auteurs.
Malgré que nous ayons examiné quelques centaines de ganglions spi-
naux et sympathiques de chiens et chats nouveau-nés et d'animaux adultes
prélevés sur l'animal vivant, et de l'homme, immédiatement après la mort,
nous n'avons rencontré que d'une façon tout à fait exceptionnelle l'exis-
tence des mouvements browniens dans le cytoplasma. de leurs cellules.
Or, un des critériums les plus importants pour affirmer si, en présence
d'un complexus colloïdal, nous avons affaire à un sol ou à un gel, c'est la
présence de ces mouvements. Déjà leur absence nous permet de conclure
que le complexus colloïdal qui constitue les cellules nerveuses ne peut pas
être considéré comme un sol, mais comme un milieu très visqueux ou un
gel.
Si on traite les cellules avec des agents qui produisent une dilution
du cytoplasma en diminuant par conséquent sa viscosité, nous voyons
paraître les mouvements browniens et leur intensité est due dans une cer-
taine mesure à la diminution de cette viscosité. L'eau distillée, l'ammonia-
que, etc., produisent l'apparition des mouvements browniens.
Les faits essentiels qui se dégagent de toutes ces observations, c'est que
le cyloplasma et le karioplasma des cellules nerveuses ne peuvent pas être
comparés à un sol et que la vie ne peut être caractérisée par les mouve-
ments browniens de leurs granulations ainsi que cela a été soutenu par
Gaidukow dans son livre intéressant.
Les cellules des ganglions spinaux examinés à la température de la
chambre dans le sérum de l'animal ou bien dans la lymphe lorsqu'il
s'agit de ganglions de grenouille n'offrent jamais, tout au moins la tem-
pérature du laboratoire, des mouvements amoeboïdes, malgré que nous
ayons prolongé l'examen des cellules pendant plusieurs heures. Mais nous
avons constaté, exceptionnellement il est vrai, un phénomène de réaction
de la cellule vivante, consistant dans la vaiialion du degré de luminosité
de la cellule. C'est ainsi que nous avons vu que des cellules diaphanes ou
semi-diaphanes devenaientplus mates et par conséquent plus lumineuses.
Parfois celle transformation de luminosité s'opérait au bout de quelques
minutes, comme on le voit dans la figure 5. Plus rarement une cellule
très lu mineuse aurait tendance à devenir moins lumineuse sur une partie
de son protoplasma (ng. 6, PI. XXV).
ESSAI DE BIOCYTONEUROLOGIE AU MOYEN DE L'ULTRAMICROSCOPE 205
Comme nous venons de le voir, les cellules des ganglions spinaux et
sympathiques et des centres nerveux contiennent chez toutes les espèces
animales observées jusqu'à présent, des granulations, tantôt extrêmement
fines tantôt plus grosses et parfois même grossières. Elles sont toujours
isolées et ne constituent pas des agglomérations rappelant plus ou moins la
morphologie des corpuscules de Nissl. Mais si nous faisons appel à l'action
précipitante de certains acides et de certains sels métalliques coagulants et
surtout de certaines matières colorantes, nous pouvons obtenir des images
qui non seulement se rapprochent de celles que nous connaissons dans
les ganglions fixés et colorés par la méthode de Nissl, mais encore sont
complètement identiques. C'est ainsi que l'acide acétique en solution isoto-
nique produit la précipitation des corpuscules de Nissl dans les cellules des
ganglions spinaux correspondant à ceux décrits par Lugaro et moi-même
dans les types cellulaires du chien. Il est à noter que nous pouvons recon-
naître, en tenant compte de la dispositionetdeiatopograpbiedes corpuscules
précipités, au moins cinq types parmi lesquels celui où -les corpuscules de
Nissl sont disposés d'une façon concentrique (fig. 7). Au niveau de l'émer-
gence de l'axone, n'y a pas précipitation corpusculaire,mais on y recon-
naît des granulations fines. Cette zone granuleuse se continue sans ligne de
démarcation avec la zone périphérique voisine. A côté des cellules où
l'on constate celle précipitation corpusculaire et qui ont un reflet gris
jaunâtre à la lumière directe, il y en a d'autres plus petites, plus transpa-
rentes et à l'intérieur desquelles on ne voit pas de précipitation manifeste.
Par conséquent, la précipitation des granulations colloïdales produite par
l'acide acétique est accompagnée d'un changement dans la tonalité de la
cellule. Les sels des métaux monovalents et bivalents et ceux des métaux
lourds ne produisent pas des images comparables à celles réalisées par l'a-
cide acétique. Les sels de calcium, le sublimé corrosif, surtout ce dernier,
produisent l'agglomération des granulations colloïdales et la coagula-
tion du hyaloplasma, mais pas de véritables corpuscules de Nissl. Ceux-ci
peuvent être observés lorsqu'on fait usage de sels de métaux bivalents et
tétravalents.
Une autre méthode pour obtenir de très belles images de corpuscules de
Nissl,c'est de traiter les cellules vivantes ou encore vivantes, ou les cellules
fraîches des animaux nouveau-nés, par certaines substances colorantes.
C'est ainsi que si on ajoute une goutte de suspension des cellules,de gan-
glions spinaux dans du sérum d'animal à une goutte d'une solution
aqueuse, desséchée sur la lame, de bleu de méthylène, de rouge neutre
ou bien un mélange de ces deux couleurs, de bleu de toluidine, etc., on
obtient une précipitation instantanée et plus saisissante des corpuscules
de Nissl que celle obtenue par la fixation. Il y a des matières colorantes
20¡; MARIN ESCO
telles que l'éosine, le tripanblau, le tripanrouge, le crésylblau qui ne
donnent pas naissance la formation (les coi-p usctiles (le N issi. Cette iliétliode
de coloration dite supravitale produit la mort de la cellule et la précipita-
tion n'a pas lieu si la cellule est encore vivante. En effet, si on pratique
dans les ganglions des injections intravitales de rouge neutre et de bleu
de méthylène dissous dans le sérum de l'animal, il n'y a pas de précipi-
tations sous forme de corpuscules de Nissl et les granulations colloïdales
se teintent nettement en rose, tandis que dans les cellules altérées par le
traumatisme, on voit des corpuscules frais, colorés en bleu, comme cela
s'observe dans les cellules mortes. De plus, les granulations colloïdales
ne se précipitent pas lorsqu'on traite par des matières colorantes ou ba-
siques les cellules des ganglions spinaux s'il y a un certain trouble dans
l'équilibre des granulations colloïdales. C'est ainsi par exemple qu'après
les sections nerveuses, lorsqu'on traite des cellules de ganglions greffés
par le bleu de méthylène ou par le rouge neutre, on ne constate plus la
production des corpuscules de Nissl. Le même phénomène a lieu lorsque
l'on traite des ganglions en autolyse depuis assez longtemps. Dans ces con-
ditions, il y a lieu de se demande;' si la précipitation des granulations
colloïdales suus forme de corpuscules de Nissl par le traitement des cellu-
les des ganglions avec les agents indiqués plus haut constitue tout sim-
plement un phénomène artificiel créé de toutes pièces par eux ou bien s'il
ne préexiste pas un certain arrangement invisible à la lumière directe età à
l'éclairage latéral que les réactifs indiqués mettent en évidence. Je serais
enclin d'admettre plutôt cette dernière disposition. Quoi qu'il en soit, ces
recherches nous permettent d'envisager sous un tout autre aspect la nature
et la fonction des éléments cliromatophiles.
Nous louchons à une question extrêmement intéressante, à savoir la
préexistence de l'appareil neurofibrillaire qu'on ne peut pas mettre en
évidence dans la cellule vivante, ni à l'ultramicroscope, ni à la lumière
directe même en utilisant les forts grossissements. Aussi quelques auteurs
ont révoqué en doute l'existence des neurofibrilles qu'ils considèrentplu-
tôt comme un produit artificiel. C'est ainsi que Pighini considère la neu-
rofibrille comme un phénomène de précipitation spécial au système ner-
veux et il a pu réaliser, en traitant la substance cérébrale fraîche par le
nitrate d'argent et la piridine, des filaments inlerfibrillaires, lesquels
ressemblent par la structure au réticulum nerveux Mais quelques auteurs
italiens ont à leur lour opposé leurs expériences pour démontrer le peu
fondé de l'opinion dePighini. C'est ainsi que Lugaro a mis des morceaux
de moelle dans une solution saline isotonique et soumis à une température
variant de 55 à 100 °. Il les a traités ensuite au moyen des différentes
méthodes spéciales pour les neurofibrillos. Il a toujours pu, dans ces
ESSAI DE B10CYTONEUROLOGIE AU MOYEN DU L'ULTHAMICROSCOPE 207
conditions, mettre en évidence l'appareil neurofibrillaire. Lugaro pense
avec raison que la coagulation des colloïdes de la cellule aurait dû em-
pêcher l'action précipitante des agents de fixation et qu'il n'est pas vrai-
semblable que la coagulation déterminée par la chaleur puisse donner
naissance aux mêmes phénomènes que les agents fixateurs. A ceci Pighini
a répondu qu'il n'est pas démontré que le protoplasma des cellules ner-
veuses doit nécessairement contenir des colloïdes capables de subir
l'action coagulante des fixatifs et de la chaleur. A son tour, un auteur
suédois, Môllgard, qui a employé une nouvelle méthode d'investigation
consistant dans la fixation du système nerveux il l'aide d'un mélange réfri-
gérant, n'a pas pu retrouver la structure fibrillaire dans le protoplasma
des cellules nerveuses, ni dans leurs prolongements : aussi, bien qu'il ne
veuille pas encore nier l'existence de cette fibrillation, il est fort enclin à
penser qu'il s'agit là de phénomènes post-mortels. Du reste, depuis long-
temps Held a affirmé que la cellule, l'axone et dendrite ne montrent pen-
dant la vie aucune trace de structure et spécialementpas de structure fibril-
laire. Dans les pièces fixées, on voit au contraire, aussi bien dans l'axone
que dans le protoplasma, une structure alvéolaire qui occupe les intersti-
ces des corpuscules de Nissl, Auerbach, dans un travail tout récent, émet
des doutes sur l'existence des neurofibrilles qu'il considère comme des
formations inconstantes.
Cajal pense que le réticulum neurofibrillaire est constitué par des neu-
robiones ou des particules ultramicroscopiques réunies entre elles par
une substance incolorable et associées en colonies linéaires, soit épaisses
(filaments primaires), soit fins et pâles (trabécules secondaires). Les altéra-
tions chimiques du neuroplasma et les oscillations de la pression osmoti-
que qui en sont la conséquence ainsi que le froid, l'affinité fonctionnelle
et d'autres nombreuses influences provoqueraient des variations dans
l'arrangement colonial des neurobiones, lesquels fuiraient parfois les fila-
ments secondaires pour s'accumuler dans les filaments primaires. Cajal
croit aussi que les neurobiones s'usent ou subissent des pertes pendant
l'activité nerveuse. Parmi les émigrations et les métamorphoses des neu-
robiones, Cajal insiste surtout sur celles qui sont provoquées par des pres-
sions mécaniques. Cajal expose aussi des faits qui prouvent que les neu-
robiones sont capables de prolifération et que leur néoformation est réglée
par les conditions physico-chimiques. Pour la prolifération des neurobio-
nes, il est nécessaire d'une excitation externe (chaleur, changements
chimiques, excitation traumatique).
L'hypothèse ingénieuse de Cajal est en conformité avec la plupart
des faits connus et l'existence des neurobiones doit être admise ainsi
que nous le verrons par la suite, sans conteste. Elle pose ensuite le
208 MAR1NESC0
problème de la spécificité de structure colloïdale, car les colloïdes vivants
possèdent, en dehors des propriétés propres aux colloïdes organiques ou
anorganiques, des propriétés spécifiques qui caractérisent la structure
ultramicroscopique de chaque élément. C'est grâce à cette spécificité de
la structure'colloïdale qu'on peut s'expliquer les propriétés morphologi-
ques et physiologiques des cellules vibratiles, des myofibrilles, des neuro-
fibrilles, des phagocytes, etc. ~
Du moment que nous ne pouvons pas démontrer sur l'élément vivant
intact l'existence de neurofibrilles, nous devons faire appel aux images
obtenues soit à l'aide de différents procédés de coloration, soit à l'aide des
imprégnations métalliques. Aussi la question qui s'impose dans ces condi-
tions,c'est à savoir si les images ainsi obtenues sont celles des neurofibrilles,
vivantes. En ce qui concerne les imprégnations métalliques, il n'y a pas le
moindre doute que le nitrate d'argent qu'on emploie dans la méthode de
Cajal ou celle de Bielschowsky produit une modification dans l'état col-
loïdal du cytoplasma et par conséquent dans celui des neurofibrilles,
Il serait vraiment extraordinaire que l'état physique des neurofibrilles ne
changeât pas sous l'influence du nitrate d'argent; par conséquent nous
devons admettre comme démontré que l'état physique des neurofibrilles,
c'est-à-dire l'existence de neurofibrilles solides dans le vrai sens du mot
que nous voyons dans les pièces obtenues par les imprégnations métalli-
ques ne peut être celui des neurofibrilles vivantes. Cela ne veut pas dire
que les neurofibrilles de la cellule vivante seraient liquides, mais seule-
ment que leur consistance est différente de celle que nous montrent les
préparations et je pense qu'il s'agirait d'un gel fluide qui ne contient pas
de granulations ultramicroscopiques et sur lequel les variations de tem-
pérature exercent une influence indiscutable comme le montrent les nom-
breuses expériences de Cajal et les miennes. Le froid produit une espèce
de gélification passagère, réversible par conséquent, tandis que l'élévation
de température rend son état visqueux plus fluide. Les imprégnations
métalliques sont suivies également d'une gélification des neurofibrilles.
Probablement qu'un phénomène analogue se produit avec la méthode de
Bethe. En effet, le molybdate d'ammoniaque n'a pas d'action précipitante,
mais il serait soluble, d'après Bethe, dans les neurofibrilles et permet-
trait ainsi indirectement au bleu de toluidine de se fixer sur les neurofi-
brilles.
De par leur état physique, les neurofibrilles se rapprochent davantage
du hyaloplasma que de celui de colloïdes résolubles. Du reste, le fait que
les neurofibrilles sont invisibles à l'étal vivant dénote qu'elles doivent avoir
un index de réflexion très voisin de celui du hyaloplasma.
Il est fort probable que les neurofibrilles sont constituées par un gel
ESSAI DE BIOCYTONEUROLOGIE AU MOYEN DE L'ULTRAMICROSCOPE 209
visqueux homogène, transparent, contractant avec le solvant une forte
liaison et appartenant à la classe des colloïdes relativement très stables,
car ses granulations amicroscopiques se précipitent très difficilement.
En effet, malgré que dans la méthode de Cajal nous traitons les pièces
avec le nitrate d'argent, les neurofibrilles sont unies et n'offrent pas de
granulations, Je ne peux pas admettre par conséquent que les neurofibrilles
ne préexistent pas dans la cellule et qu'elles seraient un produit de coa-
gulation. On sait, en effet, que la coagulation de gels fluides comporte
certaines phases, à savoir : apparition des granules ultramicroscopiques,
arrangement de ces granules en file, arrangement de ces files en réseau.
Or, on ne constate pas de pareils phénomènes lorsqu'on traite les cellules
nerveuses par des agents coagulants et particulièrement par le nitrate
d'argent. Les neurofibrilles sont donc composées par des granules micros-
copiques qui ne deviennent microscopiques qu'au moment où il y a des
altérations vitales profondes, telles que la dégénérescence wallérien ne, etc.
Les changements -du milieu interne de la cellule retentissent sur l'état
colloïdal des neurofibrilles comme sur les autres phases de la cellule.
Un exemple très démonstratif de ce genre nous est fourni par les modi-
fications consécutives à la section ou à l'arrachement des nerfs périphé-
riques. Tandis que les granulations colloïdales qui constituent les
corpuscules de Nissl ne sont plus en état de s'agglomérer pour leur don-
ner naissance, les neurofibrilles constituant un colloïde plus stable offrent
des modifications d'un autre genre. En effet, elles sont plus pâles, légère-
ment granuleuses, et si le traumatisme est plus violent, nous constatons
une désagrégation, une véritable séparation des phases qui constituent les
neurofibrilles, celles-ci subissent la désintégration ou même la dégénéres-
cence granuleuse.
En ce qui concerne l'état physique du hyaloplasma ou de la substance
intergranulaire,il doit avoir une consistance moindre que celle des neuro-
fibrilles et cette consistance est variable avec l'espèce cellulaire.
L'invisibilité des nucléoles à l'ultramicroscope constitue un problème
des plus difficiles. En effet,ce corpuscule est la partie la plus réfringente
de la cellule lorsqu'on l'examine dans des cellules fraîches au condenseur
d'Abbé, mais il est homogène examiné même à de très forts grossisse-
ments. Donc il n'a pas une constitution granulaire. Il est facile de rendre
le nucléole visible l'ultramicroscope, soit en utilisant des agents qui dissol-
vent la plupart des granulations du cytoplasma (eau distillée, ammoniaque,
urée, antipyrine, sulfate de magnésie, etc.), et dans ce cas on voit appa-
raître à l'intérieur des nucléoles des granulations plus ou moins grosses,
lumineuses, en nombre variable ; ou bien lorsqu'on traite les cellules par
les agents coagulants. Dans ce dernier cas, ou doit constater que le cou-
xxv tu
210 MARINESCO
tour des nucléoles devient lumineux, brillant, tandis que la partie centrale
est plus ou moins lumineuse ; ou bien tout le nucléole devient lumineux.
Comment interpréter l'apparition des granulations dans le nucléole
lorsqu'on vient de le traiter par des agents dissolvants du cytoplasma ? S'a-
git-il là également d'une action dissolvante de la masse du nucléolequi se
résout en petites granulations,ou bien au contraire faut-il considérer ces
granulations comme l'effet d'une précipitation ? Ce qui militerait en faveur
de la seconde hypothèse, c'est que lorsque l'eau par exemple, après avoir
produit la précipitation de granulations, si son action se prolonge, il y a
rédissolution des granulations.
Il est possible que le nucléole contienne une quantité assez considérable
d'électrolytes qui maintiennent les substances protéiques en solution. La
dilution réalisée par l'eau distillée trouble l'équilibre de ces derniers et les
matières albuminoïdes se précipitent.
Certaines matières' colorantes, telles que le bleu brillant de Crésyl et
surtout la méthode de Ramon y Cajal par le nitrate d'argent,nous montrent
également la constitution granulaire du nucléole. Ceci montre encore quele
nucléole, quoique homogène à la lumière directe et inactif an paraboloïde,
peut se transformer en un colloïde résoluble lorsqu'on vient d'altérer son
état colloïdal ; du reste,le nucléole est très sensible à l'action des différents
agents nocifs ainsi qu'on peut le démontrer à l'aide des colorations vitales
et supravitales tant que la cellule n'est pas morte ou bien profondément
altérée, le nucléole reste incolore.
Nous allons maintenant exposer sommairement les résultats de nos
expériences sur l'action des différentes substances en solutions isotoniques
mises en contact avec les cellules des ganglions spinaux. Nous avons uti-
lisé tout d'abord des solutions d'acides anorganiques et organiques tels
que les acides chlorhydrique, phosphorique, acétique, oxalique, etc.
Ensuite, nous avons employé des solutions isotoniques, et plus rarement
des solutions hypertoniques et hypotoniques de métaux monovalents
(sodium, potassium, argent, etc.). Parmi les métaux bivalents, nous avons
choisi les sels de calcium, de barium, de magnésium et quelques sels de
métaux lourds (mercure, cuivre, zinc). Parfois aussi nous avons fait usage
de sels, toujours bivalents, de plomb et de cadmium. Comme sels de métaux
trivalents. nous n'avons eu à notre disposition que le sulfate d'aluminium
et parmi les métaux tétravalents, nous avons employé le chlorure de nickel ,
de manganèse et de cobalt. Les cellules nerveuses ont été dissociées dans
la solution correspondante. D'autres fois, nous avons gardé pendant un
temps variable le ganglion entier dans la solution pour le dissocier ensuite
ESSAI DE BIOCYTONEUROLOGIE AU MOYEN DE L'ULTRAMICROSCOPE 211
dans le même liquide'. Les résultats ont été différents dans ce cas. Parfois,
nous avons eu recours à l'examen des pièces au microscope ordinaire avec
condenseur d'Abbé et nous avons comparé aussi les résultats de l'éclairage
latéral avec ceux donnés par l'éclairage direct.
Les cellules nerveuses des ganglions spinaux dissociées dans l'acide
acétique et examinées immédiatement après présentent des modifications
du cytoplasma dont l'aspect est des plus caractéristiques. Presque toutes,
de tonalité blanc d'argent, blanc neigeux ou jaunâtre, contiennent des
blocs granuleux ou des corpuscules de précipitation dont la forme et la
disposition correspondent assez exactement à celles que Lugaro et moi
avons décrites a l'état normal dans les pièces fixées par le sublimé ou u
l'alcool. Dans certaines cellules, on peut même reconnaître la disposition
concentrique de ces corpuscules dont quelques-uns sont d'un blanc bril-
lant ou à reflet jaunâtre. Ceux-ci, dont la formation fait tout d'abord
son apparition à la périphérie de la cellule, font défaut à l'émergence et
au niveau de la colline de l'axone qui est finement granuleux et diaphane.
Le noyau de certaines petites cellules peut être lumineux et granuleux
sans qu'on puisse constater sa rétraction, il a un aspect homogène et
demi-lumineux dans les cellules d'un volume plus considérable, mais en
général il reste inactif. Le contour du nucléole, lumineux, présente cer-
tains degrés de luminosité jusqu'à l'étal brillant. Les cellules satellites
sont très visibles et lumineuses.
Après une heure et demie, il ne s'est pas encore produit de coagulation
intranucléaire, mais les corpuscules dont nous avons parlé plus haut sont
encore mieux différenciés pendant que le vide optique du noyàu est en-
core bien conservé.
D'autres acides organiques, tels que les acides oxalique et formique,
produisent des changements à peu près analogues. Dans l'acide chlolydri-
que, le cytoplasma des cellules nerveuses est parsemé de fines granulations
lumineuses, très rapprochées, qui ne sont pas comparables à celles pro-
duites par l'acide acétique. A côté des cellules lumineuses, on en voit
d'autres gris acier dans lesquelles le contraste entre le noyau elle cyto-
plasma est très accusé. Ce n'est que rarement qu'on peut voir l'agglomé-
ration des granulations en corpuscules différenciés, cependant on observe
parfois la présence de conglomérats qui simulent les corpuscules de Nissl
(fig. 10). Au point de vue de la tonalité, on peut distinguer des cellules
blanc jaunâtre, blanc d'argent et gris acier dont quelques-unes contien-
nent des granulations plus grosses dispersées dans le cytoplasma. A un
fort grossissement, on voit à la périphérie de quelques cellules des gra-
nulations très nettes constituant une sorte de couronne, parfois ces
granulations sont aussi disséminées dans tout le cytoplasma. L'axone,
212 ' MARINESCO '
moins lumineux, a un aspect granuleux. Dans l'intérieur du noyau qui
présente différents degrés de luminosité, on constate la précipitation des
granulations, le noyau se déplace, et la région péri nucléaire change d'as-
pect et de luminosité. Pendant l'examen, on dirait qu'il se produit une
rétraction et consécutivement un vide périnucléaire. On remarque parfois
la migration passive du noyau de quelques cellules le long des fentes qui
se produisent dans le cytoplasma. Ce sont surtout les cellules diaphanes
qui présentent cette rétraction delà membrane nucléaire, de sorte que
dans ces conditions on distingue deux régions, l'une, celle du noyau qui
change de forme, la seconde, une auréole vide entourant le noyau rétracté,
que l'on trouve parfois à la périphérie de la cellule : Le nucléole souvent
invisible présente quelquefois un contour un peu plus lumineux que le
reste du noyau. '
r L'acétate de plomb augmente la luminosité des cellules dont le cyto-
plasma contient des granulations très rapprochées. Un certain nombre de
cellules contiennent des granulations disséminées, plus denses qu'à l'état
normal, mais visibles, d'autres, une différenciation ou plutôt une tendance
à l'agglomération de granulations en corpuscules ; ceux-ci ne sont jamais
bien évidents. On peut également observer différentes loua li lés. L'axone
granuleux présente un degré de luminosité plus accusé que dans l'acide
acétique. Le noyau est bien conservé dans sa forme, demi-luminosité
sans coagulation inlranucléaire malgré que l'intérieur ne présente plus
le vide optique connu.
' Le nucléole se fait remarquer dans un certain nombre de cellules par
la luminosité de son contour et parfois de son contenu. Par conséquent,
ces modifications constituent un intermédiaire entre celles déterminées
par l'acide acétique et celles de l'acide chlorydrique ; elles diffèrent des pre-
mières parce que le nucléole est plus visible et des secondes parce
qu'elles ne produisent pas cette rétraction considérable du noyau.
Les phénomènes de précipitation des granulations colloïdales que nous
avons constatés dans le cytoplasma après le traitement par les différents
acides de nature organique ou anorganique sont faciles à expliquer. En ef-
fet, dans tous ces acides,c'est l'ion 11 qui joue le rôle essentiel et comme les
colloïdes vivants sont électro-négatifs, alors leur charge est neutralisée,
d'où la précipitation, Il est plus difficile peut-être d'expliquer lesphéno-
mènes de précipitation à l'intérieur du noyau. En effet, la chromaline a
des propriétés acidophiles, c'est-à-dire qu'elle serait chargée positive-
ment. Mais alors comment expliquer sa précipitation par différents acides
parmi lesquels par exemple l'acide acétique.
En ce qui concerne l'action précipitante, les acides anorganiques ont
une. action plus forte que les acides organiques et parmi ces derniers l'a-
OU\'LI LL ICONOGRAPHIE DE LA SALI'1.1121LRE
T. XXV. 1'1. XXVI
BIOCYTONEUROLOGIE PAR l'uLTRAMICROSCOPE
(Marinesco).
ESSAI DE BIOCYTONEUROLOGIE AU MOYEN DE L'ULTRAMICROSCOPE 213 3
cide acétique a une action plus forte que celle de l'acide oxalique, etc.
Pour voir les différences qui existent entre un acide organique et un
acide anorganique, on n'a qu'à citer l'action de l'acide chlorydrique qui
produit des précipitations beaucoup plus intenses, non seulement du côté
du cytoplasma, mais aussi dans le noyau, qu'il rétracte. Il ne faut pas ou-
hlierd'autre part que l'acidechlorydrique subit la dissociation électrique.
Comme exemple de sels de métaux bivalents,nous allons décrire les modi-
fications produites par le chlorure de calcium. Tout d'abord, nous consta-
tons immédiatement que la luminosité de la plupart des cellules a aug-
menté, qu'elles sont d'un blanc brillant et quelques-unes ont un reflet jau-
nâtre, pendant que d'autres, en nombre plus restreint, ont un reflet
bleuté. Le vide optique a disparu et à sa place on voit une luminosité in-
tense,le contour du noyau est brillant et son intérieur on voit une agglo-
mération de granulations qui ne va pas toujours jusqu'à la face interne
de la membrane nucléaire. Les granulations précipitées à l'intérieur du
noyau sont de grandeur différente et en faisant usage du condenseur
d'Abbé et de l'immersion, on devine plutôt qu'on ne le voit une sorte de
réseau nucléaire à l'intérieur duquel se trouvent les granulations mention-
nées. Dans le cyfoplasma, il y a également précipitationdes granulations et
rarement on peut assistera la formation de précipitations comparables aux
corpuscules de Nissl. L'eau de fontaine de l'hôpital Pantélimon a une
action très semblable à celle du chlorure de calcium, mais la coagulation
à l'intérieur du cytoplasma et du noyau est moins accusée. En effet,à l'in-
térieur du noyau, on voit des granulations fines, mais la masse précipitée
n'est pas coagulée, mais rétractée autour du nucléole, au point de laisser
entre elle et la face interne de la membrane nucléaire une région vide.
La précipitation due au sulfate de magnésium est moins accusée que
celle due au chlorure de calcium. Le sulfate de zinc et le sulfate de cui-
vre ont une action précipitante des granulations colloïdales plus intensives
et donnent naissance à la formation de grumeaux (fia. 11, PI. XXVI). Le
sulfate d'aluminium, métal trivalent, produit les modifications suivantes :
luminosité fortement accusée du cytoplasma, karyoplama, rétraction de ce
dernier dans quelques cellules, rétraction du corps cellulaire aux contours
périphériques lumineux, formation d'agglomération des granulations dans
lecytoplama simulant les corpuscules de Nissl. La tonalité des cellules est
'blanc brillant et quelques-unes sont gris bleuie.
L'alcool absolu, agent fixateur de premier ordre, a été fréquemment
employé pour la fixation des centres nerveux. Il produit des modifications
profondes de l'état colloïdal de la cellule nerveuse.. Les cellules sont évi-
demment rétractées, leur périphérie est d'un blanc bri liant, les tonalités du
cytoplasma variées ont disparu, elles sont remplacées .par une tonalité
214 MARINESCO
gris acier. Le noyau est lumineux et contraste par sa luminosité avec la
tonalité de la cellule. La précipitation intranucléaire varie avec l'espèce
cellulaire. Si on dilue l'alcool au 1/3 et au 1/6, nous constatons une
dégradation de la coagulation et même dans l'alcool an 1/6 on commence
à distinguer les granulations. Un autre phénomène important, c'est que
le corps cellulaire n'est plus rétracté, la cellule est arrondie. Fait encore
plus important, c'est que dans les solutions faibles d'alcool, le nucléole
est non seulement visible, mais encore granuleux (fig. 12, Psi. XXVI).
Il esl depuis longtemps connu que les électrolyles précipitent, clans
certaines conditions, les granulations colloïdales. Le sérum, dit physiolo-
gique, conserve assez bien pendant quelque temps la structure ultrami-
croscopique des cellules nerveuses. Mais si nous faisons usage d'une
solution hypertonique de chlorure de soude, nous constatons certaines
modifications qui peuvent s'accuser si l'on emploie dessein fions plus forles.'
C'est alors qu'on voit que la luminosité des cellules, particulièrement
des cellules gris blanc, augmente, que les granulations colloïdales se sont
rapprochées, que parfois même elles ont augmenté de volume. Lorsque la
luminosité est plus augmentée, le vide optique du noyau est légèrement
atténué. En prolongeant l'examen, les ganglions ou les cellules conservés
dans le sérum hypertonique montrent une espèce de rétraction du corps
cellulaire et à la périphérie des cellules des boules en nombre et de gran-
deur variables. Je crois avoir observé la production de ces boules-là sur-
tout où le liquide de la préparation s'est évaporé (fig. 13, PL XXVI).
Si l'on traite le ganglion conservé dans le sérum hypertonique par l'eau
distillée, on voit que les cellules dissociées dans ce dernier liquide offrent
une luminosité plus grande qu'à l'état normal et que leur cytoplasma est
parsemé de particules de volume inégal, mais en tout cas supérieur à
celui des cellules du ganglion conservé et dissocié dans le sérum hyper-
tonique. Il se produit évidemment une précipitation des petites granu-
lations pour en former d'autres plus grosses (ng, 14, PI. XXV11). Peu de
cellules ont conservé leur luminosité normale, mais leur tonalité est restée
la même.
Avant de passer à l'action des alcalis sur le cyloplasma du neurone, je
crois utile de rapporter ici l'influence qu'exercent l'eau distillée et quel-
ques matières non électrolytes telles que l'urée, l'antipyrine et la glycérine
sur la cellule nerveuse. Dès le commencement, il faut établir que l'ac-
tion exercée par ces différents corps est sous la dépendance de l'état où se
trouve la cellule nerveuse en expérience, de l'âge et de l'espèce de l'ani-
mal. Aussi, faut-il se mettre rigoureusement dans les mêmes conditions,
car parfois des influences minimes peuvent apporter une perturbation
dans les résultats de ces expériences. Ici, les ganglions extra ils de l'animal 1
Nouvelle Iconographie DI, la SALPhI1U¡'RI '1'. XXV. 1'1. XXVII
BIOCYTONEUROLOGIE PAR L'ULTRAMICROSCOPH
(Marinesco)
ESSAI DE BIOCYTONEUROLOGIE AU MOYEN DE L'ULTRAMICROSCOPE 215
vivant ont été gardés peu de temps dans le sérum propre, dissociés dans
le sérum et examinés immédiatement. Les changements produits par l'eau
distillée sont très apparents et très rapides. Nous constatons que la plu-
part des cellules ont augmenté de vol urne et qu'elles sont tuméfiées (ng.1 1S).
Consécutivement il se produit une diminution de la luminosité des cellu-
les qui changent de tonalité et cette diminution est inversement propor-
tionnelle avec la résistance des cellules à la pénétration de l'eau distillée,
car il y a des cellules hydrophiles dans lesquelles l'eau pénètre très facile-
ment et des cellules hydrophobes qui résistent pendant quelque temps à
cette pénétration et gardent pendant ce temps leur tonalité respective. A la
première catégorie de cellules, en dehors du gonflement considérable, nous
trouvons encore des phénomènes caractéristiques parmi lesquels nous devons
citer en première ligne la production d'un vide nucléaire plus ou moins
large et l'apparition d'arcs lumineux (fig. 15, PL XXVII) même brillants,
en nombre de 2 à 6 (fig. 16), qui rendent la membrane nucléaire très ap-
parente. Puis quelques cellules offrent des lésions encore plus avancées.
C'est ainsi que le vide nucléaire dont nous avons parlé et qui résulte
d'un dilution de cyloplasma peut aboutir à une véritable cytoiysepérinu-
cléaire,puis il se produit une fonte du cytoplasma qui donne naissance à
une espèce de canal communiquant avec le vide périiiueléaire et à travers
lequel le noyau se fraie un chemin pour se mettre entièrement en liberté.
La résistance opposée par la membrane du noyau qui nage dans l'eau
distillée est considérable. Dans les cellules où la lésion est moins avan-
cée, on peut voir une cytolyse périphérique, ou bien une cytolyse périnu-
cléaire ou bien encore les deux à la fois. Enfin, lorsqu'il s'agitd'unedilu-
tion diffuse du cytoplasma, on voit une raréfaction des granulations col-
loïdales qui finiront par disparaître. Avant de laisser les changements dus
à l'eau distillée, je dois insister sur deux autres phénomènes d'ordre gé-
néral. C'est,d'une part, l'apparition des mouvements browniens et de l'au-
tre les changements de tonalité des cellules envahies par l'eau distillée.
En effet, progressivement avec la dilution du cytoplasma, on observe dans
la région cytolysée et périphérique des granulations animées de mouvements
browniens; mais pour que ces mouvements se produisent, il faut un certain
degré de dilution. Au sur et à mesure que la dilution de cytoplasma fait
des progrès, la luminosité de la cellule diminue et la tonalité change. Les
cellules blanc d'argent, les cellules gris blanc prennent une teinte grisâ-
tre ou plombée.
Lorsqu'au lieu d'examiner les cellules immédiatement, on garde le
ganglion dans l'eau distillée pendant un quart d'heure à une heure, on
constate deux particularités curieuses. C'est à savoir : 1° l'apparition d'un
nucléole lumineux dont le degré de luminosité est en rapport avec celui
216 (j MARINESCO
du cytoplasma, le nucléole évidemment composé par des granulations, est
plus lumineux dans les cellules également plus lumineuses ; 2° la tuméfac-
tion des cellules n'est pas si considérable comme celle que nous avons
constaté dans les cellules immédiatement dissociées. Aussi les différences
de tonalités qui existent à l'étal normal ne sont-elles pas si effacées dans
le ganglion gardé dans l'eau pendant une heure el les lésions y sonl moins
avancées (fig. 17). C'est là un phénomène qui est difficile à expliquer, car
on devrait s'attendre à ce que les cellules du ganglion ayant séjourné
plus longtemps dans l'eau distillée fussent au contraire plus altérées.
L'urée et l'antipyrine déterminent des lésions fort analogues à celles
réalisées par l'eau distillée, mais au point de vue de leur intensité, on
pourrait admettre la dégradation suivante : anlipyrine, urée H 20.
Sans entrer dans la discussion plus ample des modifications produites
par l'urée et l'antipyrine, nous dirons seulement que ces substances pro-
duisent tout d'abord une dissolution très rapide au centre de certaines
cellules grises et qui à mesure qu'elle avance est suivie de la dislocation de
plus en plus accusée du noyau qui peut être chassé de la cellule comme par
une force intérieure. Nous le voyons nager alors dans le liquide ambiant
après une ou plusieurs minutes. Le contour de certaines cellules est échan-
cré, irrégulier et dans quelques-unes on remarque que certaines granula-
tions très lumineuses persistent et sont animées de mouvements browniens.
Il y a des cellules résistantes dans lesquelles le noyau n'est pas dislo-
qué, ce sont des cellules plus ou moins résistantes analogues aux cellules
hydrophobes que nous avons décrites plus haut (fig. 18, Pl. XXVIII).
On peut ralentir et diminuer l'action des substances dissolvantes si au
lieu d'employer des solutions isotoniques, on fait usage de solutions
hypertoniques en utilisant comme véhicule de dissolution de la substance
active non pas l'eau distillée, mais le sérum physiologique. C'est ainsi par
exemple qu'en employant une solution d'ammoniaque à 1/200 dans du
sérum physiologique, on voit, en dehors des cellules en cytolyse périnu-
claire et périphérique, des cellules blanc jaune qui sont devenues beau-
coup plus résistantes (fin. 19, l'I. XXVIII).
Il est incontestable que dans l'action des substances alcalines nous de-
vons distinguer trois catégories de faits : Tout d'ahord, c'est la classe des
substances détruisant l'édifice morphologique de la cellule d'une façon
extrêmement rapide dans l'ordre suivant : K 0 II > Na 0 H > Az II.
L'action est bru LaIe et plus ou moins instantanée. Aussi, pour l'hydrate
de potassium en solution isoionique, je n'ai pas pu me faire une opinion
sur l'état des cellules à cause de la rapidité de la cytolyse réalisée par
cette substance. En ce qui concerne l'hydrate de soude (fig. 20) et l'am-
moniaque, j'ai pu étudier les altérations profondes imprimées aux cellu-
>Jou\"1 : .1.1 l Iconographie DL la SALl'Ll't<ItHL
l'. XX\', PI. XXVIII
l3fUC1"l'ONEUROLOGIE PAR L ULTRAMICROSCOPE
(Marinesco) .
Masson & Cit, Editeus.
ESSAI DE BIOCYTONEUROLOGIE AU MOYEN DE L'ULTftAhiICROSCOPE 217
les nerveuses et qui consistent en une cytolyse rapide, par suite de l'action
dissolvante des matières protéiques et des lipoïdes. On peut ralentir l'ac-
tion dissolvante de tous les alcalis en général, non pas en utilisant une
solution, isotonique, mais une solution hypertonique. C'est ainsi par exem-
ple qu'un ganglion conservé dans l'ammoniaque pendant 12 minutes ne
montre que des cellules d'un gris nuageux sans granulations lumineuses.
Si on examine les cellules immédiatement dans la solution isotonique, on
peut alors suivre les différentes étapes de la cytolyse ; par suite de la fonte
des granulations d'un grand nombre de cellules, celles-ci prennent une
coloration gris de plomb et dans certaines d'entre elles on aperçoit dissé-
minées des granulations lumineuses. Par suite du vide produit autour du
noyau, celui-ci se disloque et est mis immédiatement en liberté après la
dislocation du cytoplasma. On ne voit pas de nucléole, mais des arcs lu-
mineux symétriques sur la membrane du noyau. L'axone des cellules qui
persistent est gonflé et légèrement granuleux. Un grand nombre de cellu-
les se délruisent et le noyau est mis en liberté, cependant il en reste quel-
ques-unes réduites en une espèce d'ombre à cause de leur diaphanité et
si leur noyau n'était pas visible, on ne saurait pas si l'on a devant soi des
cellules nerveuses. Si l'on fait usage d'une solution salée d'ammoniaque,
par conséquent d'une solution hypertonique, on voit que la membrane
des cellules consistantes augmente et dans l'intérieur de celle-ci on
aperçoit des granulations lumineuses. Par contre la granutosité du nu-
cléole est très apparente, le contour du noyau est exagéré, parfois il offre
deux arcs lumineux symétriques qui contrastent avec l'état diaphane de
la plupart des cellules.
- L'action produite par l'hydrate de barium est beaucoup moins violente,
il n'y a pas de dissolution et de la cytolyse totale de la cellule, l'action
de la substance nocive se borne plus particulièrement à la périphérie de
la cellule nerveuse, il n'y a pas de vide périnucléaire. La membrane du
noyau n'offre pas les arcs bien connus et le nucléole reste invisible. La
luminosité des cellules a diminué d'une façon considérable ; elles ont une
nuance gris fer et leurs granulations sont plus ou moins fines.
Il y a cependant des cellules avec des granulations plus grosses et plus
lumineuses. A l'intérieur du noyau on peut voir parfois un nucléole gra-
nuleux.
L'iodure de sodium et de potassium produit des phénomènes plus ou
moins semblables, mais en tout cas beaucoup moins accusés que ceux
réalisés par la potasse et la soude caustiques, par le carbonate de soude, etc.
Nous voyons que la dissolution périnucléaire est beaucoup moins in-
tense, que le noyau ne se déplacepas, que la membrane nucléaire reste inac-
tive pendant quelque temps et qu'il n'apparaît pas des arcs lumineux sur
218 MARINESCO
le contour de la membrane, mais seulement deux points lumineux qui
peuvent se transformer par la suite en arcs symétriques lumineux. Par-
fois le nucléole est apparent et granuleux, mais les modifications princi-
pales ont lieu dans le cytoplasma. Tout d'abord il y a la luminosité géné-
rale des cellules ; ensuite, il y a l'apparition d'une cytolyse périphérique et
des mouvements browniens dans quelques cellules au niveau de la cytolyse.
Le contour de la cellule est déchiré ou festonné. L'axone peut être gonflé
et ses contours irréguliers. A une phase plus avancée, certaines cellules se
résolvent en une masse diffluente granuleuse.
Enfin pour finir avec les substances alcalines je dirai quelques mots de
l'action du bicarbonate de soude et du chlorate de potassium. L'action du
bicarbonate de soude ne diffère pas beaucoup de celle du carbonate de
soude : On observe de la cytolyse pérmucléaire, apparition d'arcs lumi-
neux du côté de la membrane, cytolyse périphérique et mouvements
browniens. La cytolyse peul être partielle, une région de la cellule de-
vient plus diaphane (fit. 21, Pi. XXVIII). La périphérie de certaines cel-
lules plus ou moins altérées est finement déchirée. Le noyau est vide et
sans nucléole, l'axone à son tour est envahi par l'axolyse. Une parlicula-
rité que j'ai signalée ici, c'est qu'il peut y avoir une cytolyse à la péri-
phérie de la cellule, mais avec conservation du contour du cytoplasma, on
dirait que la cylolyse intéresse la membrane ( ? ) de la cellule et les couches
les plus externes du cytoplasma.
Le chlorate de polasse produit la dissolution du cytoplasma aussi bien
autour du noyau qu'à la périphérie, mais cette dissolution est suivie de
cytolyse moins intense que dans les cas précédents et d'autre part nous
constatons ici que le nucléole offre un contour brillant et quelques gra-
nulations.
La glycérine, de par son action sur la cellule nerveuse, occupe une place
tout à fait à part dans le cadre des dissolvants des granulations du cyto-
plasma. En effet, elle exerce une action lente et progressive sur ces gra-
nulations, ce qui s'explique bien par la viscosité de celte subslance. Suivant
le mode de diffusion de la glycérine, on a des images très variables de
l'aspect du protoplasma. En effet la cellule perd sa luminosité et prend
un aspect diaphane soit au niveau de la périphérie, soit sur une autre
région ou bien encore sur une moitié de la cellule et enfin on voit dans
celle-ci des parties lumineuses et des parties transparentes ou diaphanes ;
de sorte qu'elle a un aspect lâcheté. Cependant, la dissolution des granula-
tions n'est jamais suivie de mouvements browniens ou de cytolyse. Lors-
qu'il y a eu fonte de toutes les granulations, les cellules prennent un
aspect grisâtre, d'autres sont absolument diaphanes (fig. 22) ; dans les pre-
mières on peut distinguer encore quelques granulations fines qui font
ESSAI DE BIOCY'IONLUROLOGIE AU MOYEN DE L'ULTRAMICROSCOPE 219
défaut dans les dernières, celles-ci peuvent montrer en plus un noyau
lumineux dû à la présence de granulations et le contraste entre le noyau
lumineux et le cytoplasma est d'autant plus frappant que ce dernier est
plus diaphane. Dans certaines cellules à noyau vide, le nucléole est gra-
nuleux. Les mêmes modifications des granulations ont lieu également dans
l'axone.
Nous avons voulu nous convaincre si les modifications si caractéris-
tiques dues à la glycérine sont ou non réversibles. Voici quelle a été notre
manière de procéder : 1° Pièce conservée tout d'abord dans la glycérine
et traitée ensuite par le chlorure de calcium. Toutes les cellules contien-
nent des granulations, mais ce qui attire surtout notre attention, c'est le
précipité lumineux qui a lieu dans le noyau autour du nucléole. La masse
précipitée affecte des formes variables selon le degré de rétraction qu'elle
subit. On dirait que la contraction s'accuse de plus en plus et forme un
conglomérai lumineux autour du nucléole dont le contour est brillant. La
masse précipitée est tout d'abord ronde et ensuite ovoïde et plus tard
ellipsoïde. A mesure que la rétraction progressera zone vide qui se forme
entre la face interne du noyau et la masse rétractée devient plus large.
En ce qui concerne l'aspect du cytoplasma, on distingue non seulement
de nombreuses granulations lumineuses, mais la luminosité des cellules
est généralement accrue et nous pouvons rapprocher l'aspect de leur
cyloplasma de celui que nous avons décrit dans celles traitées tout simple-
ment par le chlorure de calcium. Mais en dehors de ces cellules fortement
lumineuses, il en existe encore un certain nombre dont l'aspect est gris
acier ou gris bleuté Enfin à la périphérie de quelques cellules on aper-
çoit un contour lumineux. Comme on le voit, les modifications que la gly-
cérine pure imprime à la cellule nerveuse ne sont pas définitives, mais en
grande partie réversibles lorsqu'on traite ensuite les mêmes cellules par
le chlorure de calcium en solution isotonique. Le vice-versa est aussi vrai :
à savoir les modifications des cellules traitées tout d'abord par le chlorure
de calcium sont réversibles si ces mêmes cellules sont ensuite traitées par
la glycérine. En effet, après avoir traité un ganglion spinal par le chlorure
de calcium pendant 23 minutes et dans la glycérine 15 minutes, on dis-
socie les cellules dans celle dernière substance, on constate en général que
les cellules sont revenues à leur élat antérieur.
Comment on le voit, ces recherches posent de nouveaux problèmes
dont quelques-uns sont susceptibles d'être résolus et ouvrent une nou-
velle voie d'investigation pleine de promesses. Nous avons rencontré des
220 MARINESCO
phénomènes que les vieilles méthodes ne pouvaient pas même permettre
de supposer car les méthodes de fixation produisent des changements
essentiels de cet élément que nous avons étudiés, c'est-à-dire les granu-
lations colloïdales. Ces granulations sont très sensibles aux changements
de milieu de la cellule et c'est grâce à cette sensibilité que les granulations
subissent des modifications'très variables suivant les propriétés physico-
chimiques employées, suivant l'espèce cellulaire et l'âge de l'animal. La
composition chimique des granulations colloïdales et les rapports qu'elles
affectent avec le solvant nous expliquent les aspects multiples ultra-mi-
croscopiques et leur mode de réaction. Ces granulations jouent donc un
rôle essentiel dans les phénomènes de la vie cellulaire et quelques-uns
de leurs changements sont réversibles, tandis que d'autres, comme ceux
qu'on observe dans la coagulation de la cellule sont permanents, irréver-
sibles. Toujours ces études nous ontpermis-de mieux comprendre l'état
physique de la cellule nerveuse et nous avons vu que le complexus col-
loïdal qui la compose se comporte comme un gel en quelque sorte fluide,
ou bien comme fluide extrêmement visqueux. Toutes les modifications des
cellules nerveuses réalisées par tous leurs- éléments constitutifs et notam-
ment par les granulations colloïdales : gonflement, dissolution, rétraction,
précipitation coagulation, adsorption, modifications delà tension desur-
face ; que l'on rencontre dans les différents processus dits vitaux ne sont
que des phénomènes physico-chimiques qui apparaissent chez tous les
colloïdes. Grâce encore à cette étude nous avons pu nous rendre compte
de l'état physique du noyau et des neurofibrilles et nous avons pu donner
une explication rationnelle des éléments chromatophiles.
LEGENDE DES PLANCHES
Planche XXV
FIG. 1. Cellules normales d'un ganglion sacré de petit chien Comme on le voit, la
figuie montre quatre sortes de cellules de volume différent : grosses, moyennes,
petites et intermédiaires entre ces dernières et les moyennes. A remarquer que la
luminosité et le volume des granulations augmentent en même temps que la cellule
devient plus petite. Le contenu du noyau est invisible et le nucléole inactif.
FiG. 2. - Deux cellules du ganglion sympathique d'un petit chien, examinè d.ms le
sérum animal à l'obj. no 6. Les granulations paraissent assez grosses précisément
à cause de l'objectif employé.
Fig. 3. Ganglion ciliaire du chien.
FIG. 4. Quatre cellules d'un ganglion de chien nouveau-né comprimé à l'aide
d'une pince.
A. Cellule allongée.
B. C. Cellules présentant à leur partie inférieure une excroissance ou globule adhé-
rent.
D. Cellule fendue partiellement en deux parties, ce qui lui donne un aspect tout
particulier.
ESSAI DE BIOCYTONEUROLOGIE AU MOYEN DE L'ULTRAMICROSCOPE 221
FiG. 5. Quatre cellules provenant d'un ganglion de petit chien examinées dans le
sérum du même animal. Les modifications de luminosité se sont produites devant
nos yeux.
A. Cellule avec des granulations de luminosité et volume moyen et oxone presque
diaphane.
Ai. La même cellule dont la luminosité a changé pendant notre examen. Les gra-
nulations sont devenues plus lumineuses et plus volumineuses.
B. Cellule à luminosité assez forte possédant 91 granulations de volume assez consi-
dérable.
B'. La même cellule qui commence à subir une modilication partielle de sa lumi-
nosité. On voit sur le segment gauche une diminution de la luminosité et du volume
des granulations.
FiG. 6. Cellules d'un ganglion dorsal de petit chien offrant des modifications très
" caractéristiques des granulations colloïdales. On voit en effet des taches lumineuses de
grandeur et de topographie variables. Parfois la région lumineuse intéresse la moitié
de la cellule, d'autres fois elle constitue deux segments symétriques ou bien elle repré-
. sente plusieurs taches plus ou moins lumineuses. Dans certaines cellules, la membrane
- nucléaire est pourvue de deux arcs lumineux.
Planche XXVI
Fin. 9. - Cellules d'un ganglion spinal traité par l'acide chlorydrique en solution
isotonique : luminosité considérable du cytoplasma produite par la précipitation des
granulations sous forme de granules ou de corpuscules ressemblant à ceux de Nissl
(N, N', N"). Rétraction considérable de noyau réduit à une petite sphère lumineuse
et visiblement granuleuse. Autour de cette sphère, on voit dans presque toutes les cel-
lules une région circulaire vide.
Fic.. 10. Cellule d'un ganglion spinal traité par l'acide chlorydrique en solution
isotonique et examinée à un fort grossissement.
On voit bien la constitution grossièrement granuleuse du noyau, le vide relatif péri-
nucléaire et la présence de grumeaux à l'intérieur du cytoplasma.
FtG. Il, - Cellules dissociées dans le sulfate de zinc en solution isotonique. Elles
contiennent presque toutes des grumeaux lumineux occupant la cellule en entier ou
en partie, ces grumeaux ressemblent aux corpuscules de Nissl. Il n'y a que la cellule
de droite en haut qui en soit dépourvue. Le noyau lumineux contient un nucléole
visible avec contour lumineux et brillant.
Fie. 12. - Cellules d'un ganglion spinal de petit chien ayant séjourné dans l'alcool
absolu au 1/6 pendant 40 minutes. Le nucléole lumineux, granuleux et même gonflé,
occupe, dans la cellule 1, une bonne partie du noyau, son contour est parfois de-
formé. Le contour de la membrane nucléaire lumineux partiellement ou totalement.
Le cytoplasma grisâtre contient de très fines granulations et sa luminosité est di-
minuée.
Fie. 13. - Cinq cellules d'un ganglion conservé dans le sérum hypertonique et dis-
socié dans le même liquide. En dehors de l'exagération de la luminosité des cellu-
les, on constate à leur périphérie des boules de grosseur différente.
Planche XXVII.
Fio. 14. Groupe de cellules provenant d'un ganglion conservé dans le sérum hy-
pertonique et puis dissocié dans l'eau distillée.Précipitation desgranulalions qui cons-
tituent des granules plus gros, de dimensions variables selon l'espèce cellulaire,
augmentant la luminosité de la cellule. Vide nucléaire atténué.
FiG. t5. - Trois cellules d'un ganglion spinal d'un chien jeune, dissociées dans l'eau
distillée, et examinées immédiatement. On voit autour du noyau une zone périnu-
222 MAfiINESCO
cléaire plus ou moins vide, le cytoplasma contient une dispersion très fine. Le con-
tour de la membrane nucléaire est fortement lumineux, le nucléole invisible.
Fio. 16. A. Cellule homogène contenant a son intérieur quelques grosses granu-
lations lu.nineuses clairsemées. Contour du noyau lumineux. Nucléole invisible.
B. Cellule complètement homogène deux arcs lumineux, symétriques à la périphérie
du noyau.
Fig. 11. Chien, sérum animal, eau distillée, examen après 5 minutes.
Planche XXVIII.
FiG. 18. - Cellules d'un ganglion de petit chien traitées par l'urée en solution isoto-
nique.
A. Cellule résistante probablement lipophile.
a3. Cellule dont toutes les granulations de cytoplasma sont en état de dissolution.
Contour lumineux de la membrane nucléaire.
C. Cellule dont la périphérie est plus touchée.
FiG. 19. Cellules résistantes d'un ganglion spinal traité par l'ammoniaque à 1/200,
les granulations Ju cytoplasma offrent une dispersion très fine. Son contour est ir-
1 éguher, voire même en cytolyse (C). Le contour du noyau lumineux et à l'intérieur
des trois cellules le nucléole est lumineux et granuleux.
F20. Cellules d'un ganglion spinal ayant séjourné 4 heures dans du sérum propre
de l'animal, mis ensuite dans une solution de soude caustique à 1/400 pendant 3/4
d'heure. Diminution considérable de toutes les cellules, dont le cytoplasma parait
presque totalement dépourvu de granulations. Vide optique nucléaire absolu, ab-
sence de nucléole, 1 volume des cellules ne parait ps augmenté.
Fin. 21. - Cellule d'un ganglion de petit chien âgé de 3 mois, dissocié dans le bi-
carbonate de soude et examine immédiatement. La dissolution des granulations
est partielle et se présente sous forme de taches plus ou moins vides.
f ic. 22. - Soude caustique, 3/4 d'heure de séjour. Pièce retirée du sérum après
4 heures.
UN CAS D'ABSENCE DES VERTÈBRES CERVICALES
AVEC CAGE THORACIQUE REMONTANT JUSQU'A LA BASE DU CRANE
(CAGE THORACIQUE CERVICALE)
PAR
M. KLIPPEL
Médecin de l'hôpital Tenon.
André FEIL
Intprne des hôpitaux.
Les anatomistes, depuis fort longtemps, se sont intéressés à l'élude des
variations ; mais tandis qu'autrefois on n'y attachait aucune importance
spéciale, parce qu'on les considérai ! comme de simples caprices de la
nature, des lusus lIrtlu/'oe ; depuis Etienne Geoffroy-Saint-Hilaire, on
s'efforce de leur trouver une explication rationnelle. On se les représente
volontiers comme des variations d'un type humain qui n'est point encore
fixé, oscillant entre ce qu'il était autrefois et ce qu'il veut devenir, mais
évoluant constamment vers un être plus simple et plus parfait.
Si les très anciens auteurs se contentaient de rapporter l'anomalie,
chaque cas publié aujourd'hui amène l'éclosion de nouvelles idées, quel-
quefois de nouvelles théories qui s'efforcent d'apporter une explication,
mais qui ne font souvent qu'obscurcir les faits en réalité plus simples. Et
ceci nous permet de comprendre que la genèse de beaucoup de ces varia-
tions soit encore si peu connue.
Aussi, chaque cas mérite-t-il d'être publié et d'attirer l'attention, ar
c'est en multipliant les observations que l'on parviendra peut-être à sou-
lever le voile qui recouvre encore ces sortes de sujets.
Cette ignorance, cette difficulté d'expliquer ces variations constituent
peut-être leur principal attrait ; leur origine, leur disposition, les diffé-
rences et les ressemblances avec ce que nous apercevons chez les êtres
vivants, tout cela suscite d'innombrables réflexions qui touchent au pro-
blème si. complexe des rapports de l'homme et des animaux.
Il est peu de sujets aussi passionnants que celui qui concerne notre ori-
gine ancestrale ; aucune science mieux que la médecine ne saurait y répon-
dre.
Les anomalies peuvent atteindre tous les tissus, tous les organes de
l'homme. Mais nous les trouvons surtout sur les parties de noire être les
224 KLIPPEL ET FEIL
plus perfectibles, celles qui n'ont point encore terminé leur évolution.
Elles sont particulièrement fréquentes sur les organes en voie d'atrophie
ou de disparitions ; dès qu'ils ont cessé d'être fonctionnels, ils n'obéissent
plus aux règles ordinaires de la stabilité du type :
Ainsi, les variations du coecum et de l'append ? sont nombreuses. Les
muscles tendent à se dissocier ou à se réunir suivant la besogne et le but
qu'ils ont à remplir : aux membres supérieurs, les muscles se perfection-
nent, ils se multiplient à cause du travail toujours plus délicat qu'ils doi=
vent accomplir. Aux membres inférieurs, au contraire, on assiste progres-
sivementà leur réunion (1).
Les artères, le coeur montrent parfois des anomalies qui sont des dispo-
sitions habituelles chez des animaux inférieurs.
Enfin, le squelette lui-même, celle charpente qui semble immuable,
qui donne aux êtres leur forme extérieute et sur laquelle viennent se
fixer les organes et les autres tissus, n'échappe pas non plus à ces varia-
tions.
Nous venons d'observer un exemple remarquable d'anomalie de la co-
lonne vertébrale et des côtes; ce sont donc spécialement les variations
de ces organes qui nous occuperont dans cette étude.
Certaines d'entre elles sont connues depuis fort longtemps, et Galien (2),
l'un des premiers sans doute, les signale dans un de ses ouvrages ;
Hunaud (3) en 1742 présente à l'Académie des sciences un rachis cer-
vical dont la 71 pièce osseuse possédait à droite et à gauche une côte arti-
culée.
Depuis cette époque, les observations se sont multipliées, des travaux
d'ensemble ont été publiés, des thèses ont été soutenues sur ce sujet (4).
Le malade dont nous rapportons l'observation est un exemple extrême-
ment rare, peut-être unique, des variations du squelette vertébro-thora-
cique : avec absence congénitale du cou et des vertèbres cervicales ; côtes
remontant jusqu'à la base du crâne pour constituer ce que nous appelle-
rions volontiers un véritable thorax cervical.
L'histoire de ce malade a été pour nous l'occasion de quelques recher-
ches dans la littérature médicale.
Nous en profiterons pour rappeler les différentes théories admises pour
expliquer ces variations et nous terminerons par les réflexions que nous
suggère ce cas très curieux.
Voici dans tous ses détails, l'observation de notre malade :
(1) Celte opinion est défendue depuis longtemps par Ledouble (de Tours).
(1) GALIBN, Labri analomica, lib. VIII, p. 95 ; /,ib. de ossibus, p. 24.
,(2) HUNAUD, Mém. à l'Acad. roy. de se, p. 377, 1142.
(3) Pour la bibliographie, voir LEDOUULE. Traité des variations des os du rachis.
UN cas d'absence DES vertèbres cervicales 225
Observation.
L. Joseph, âgé 46 ans, exerçant la profession de tailleur, entre le 13 dé-
cembre 1911 à l'hôpital Tenon, salle Bichat, lit n° 4, pour une pleurésie avec
congestion pulmonaire et néphrite.
Dès le premier examen, on est frappé par l'aspect du malade :
Le cou paraît supprimé; la tète est immédiatement appliquée sur le tronc.
On dirait que la colonne vertébrale s'est tassée à sa partie supérieure, comme
dans certains maux de Pott sous-occipitaux.
Mais, chez notre malade, nous ne trouvons rien qui puisse expliquer cette
disposition, pas de douleur le long de la colonne vertébrale, pas de mal de
Pott, pas de traumatisme antérieur.
D'ailleurs, voici l'histoire du malade, telle qu'il nous l'a racontée :
Antécédents héréditaires. Les antécédents héréditaires n'ont rien de par-
ticulièrement intéressant. '
La mère est morte à 46 ans d'une hernie étranglée, la veille du jour où on
devait l'opérer.
Son père a été trouvé sans connaissance un matin dans son lit. Il avait
67 ans et s'était couché bien portant, après un repas copieux ; il peut s'agir
d'une hémorragie cérébrale.
L'un et l'autre étaient bien conformés, leur cou était d'apparence et de lon-
gueur normales.
Nous ne trouvons rien non plus parmi les collatéraux : Notre malade a perdu
une soeur, morte à 39 ans, 8 jours après avoir été opérée d'une hernie étran-
glée à l'hôpital d'Amiens.
Un frère est encore vivant, âgé de 32 ans; il est actuellement en bonne santé ;
il a fait son service militaire.
Nous voulons insister sur l'absence de toute hérédité, sur l'inexistence d'ano-
malie du squelette dans la famille de notre malade. Nous l'avons interrogé
tout spécialement à ce sujet, et sur aucun de ses parents, nous n'avons re-
trouvé la moindre disposition pathologique.
Antécédents personnels. - Nous passerons rapidement sur les antécédents
personnels du malade, qui n'offrent aucun rapport avec l'anomalie qui nous
intéresse :
A 6 mois, il a des convulsions ;
A 4fi ans, il entre à Tenon, avec des signes d'appendicite légère : vomisse-
ments, douleur dans le ventre.
Il reste un mois salle Bichat, puis on le fait passer en chirurgie, service du
Dr Marchand ; mais l'on n'eut pas à intervenir, et le malade guérit sans com-
plication. .
L'année suivante survient une nouvelle crise d'appendicite qui dure 15 jours,
puis tout rentre dans l'ordre.
Il y a six ans, il vient encore à Tenon, cette fois salle Andral. On lui trouve
une grosse pleurésie gauche. Trois ponctions sont faites successivement et
l'on retire environ 2 litres 5 de liquide. '
xv 13
226 , KLIPPEL ET TEIL
Il sort de l'hôpital six mois plus tard et va faire sa convalescence à Vincennes.
Il y a trois ans, il entre de nouveau à Tenon, on le soigne encore pour une
pleurésie ; mais cette fois ou ne lui fait pas de ponction et il ne reste que
quinze jours.
Dans l'intervalle de ces entrées à l'hôpital, rien de spécial. Le malade tousse
un peu, il se plaint d'une vieille bronchite chronique, mais ceci ne l'empêche
pas de continuer son métier de tailleur.
C'est alors que le malade entre dans notre service. Son aspect tout particu-
lier : l'absence de cou, la tête reposant directement sur le tronc nous étonne.
Nous l'interrogeons, mais rien dans ses antécédents personnels, ni hérédi-
taires n'a le moindre rapport avec cette anomalie.
Le malade ne sait s'il avait cette disposition en naissant, il se rappelle seu-
lement que vers 7 ans on l'a montré à un médecin qui a proposé une opéra-
tion. A ce moment, il présentait, paraît-il, outre l'absence de cou, une forte
déviation de la tête à gauche, si bien que l'oreille touchait l'épaule. Cette in-
clinaison dura jusqu'à l'âge de 12 ans, époque à laquelle peu à peu elle dis-
parut. t.. -
Examen du malade (PI. XXIX). Le malade est de petite taille, la tète
est un peu grosse pour le reste du corps ; mais les rapports de longueur
du tronc et des jambes ne sont pas sensiblement modifiés.
L'aspect un peu lige du malade, son absence du cou est bien visible sur les
deux photographies qui accompagnent notre observation : -
Sur la première, vue de face, le malade relève la tête au maximum, et ceci
nous indique déjà une des particularités qu'il présente ; difficultés des mou-
vements de la tête sur le tronc.
Sur la deuxième photographie, vue de dos, on peut voir l'implantation des
cheveux se faire très bas ; elle occupe une surface triangulaire à base supé-
rieure répondant au bord inférieur de l'occipital, et dont le sommet coïncide
avec la 3' apophyse dorsale.
Ftc. 1. - Face postérieure de la tête montrant la disposition du système pileux.
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'I . xxv. PI XXX
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Masson & Cie, Editeurs
UN CAS D'ABSENCE DES VERTÈBRES CERVICALES 227
Malheureusement, notre patient s'était fait raser peu de jours auparavant,
et l'on remarque assez difficilement cette disposition des cheveux.
Nous allons maintenant examiner le squelette du malade, sa colonne verté-
brale, son thorax, tels que nous les avons étudiés de son vivant.
Colonne vertébrale (PI. XXX). - La direction générale de la coloune
vertébrale est modifiée : elle forme une courbe à convexité postérieure, ce qui
tient très probablement en grande partie à la profession du malade; étant
tailleur, il devait être constamment courbé en avant.
On voit aussi une scoliose de la partie dorso-lombaire, à concavité latérale
gauche.
Dans l'ensemble, la colonne vertébrale semble déviée vers la gauche ; l'hémi-
thorax droit paraît de ce fait plus grand que celui du côté gauche.
On repère assez mal les apophyses épineuses, les espaces inter-épineux pa-
raissent inégaux ; et les apophyses présentent aussi de grandes différences de
dimensions.
On distingue facilement les 5 vertèbres lombaires, que l'on reconnaît à leurs
apophyses larges et épaisses, et à l'absence de côtes.
Puis, prenant la 4'le et la 12e côte comme repaire, on compte à la suite
12 vertèbres dorsales.
La 4 apophyse épineuse, là plus rapprochée du crâne, est un peu plus
large, mais surtout plus longue que celles qui lui succèdent. Elle a l'aspect
de deux apophyses épineuses soudées l'une au-dessus de l'autre.
Cette apophyse épineuse est séparée de l'occipital par une dépression que
l'on augmente en mettant la tête en hyperflexion ; que l'on diminue, que l'on
fait même disparaître en redressant la tête en arrière.
Ces 12 vertèbres qui forment le segment vertébral, depuis la région lom-
baire jusqu'au crâne, sont toutes munies de côtes. Nous les considérerons donc
comme des vertèbres dorsales, et nous devons conclure à une absence totale
des vertèbres cervicales.
Nous pensons qu'il n'existe ni atlas, ni axis, et que le pivot que forme l'a-
pophyse odontoïde de l'axis en s'articulant avec l'atlas, est en partie remplacé
par l'intervalle qui sépare l'occipital de la première apophyse épineuse.
Et ceci nous explique la limitation relative des mouvements : les mouve-
ments d'avant en arrière, imprimés à la tète, donnent la sensation d'une arti-
culation formée de deux pièces, et non plus le mouvement ample et limpide
d'une colonne flexible.
Ces mouvements sont assez restreints ;
Sens anléro-poslérieur. Si nous prenons le menton comme point de re-
paire, nous voyons que la distance de la pointe du menton à la fourchette ster-
nale est de 12 centimètres dans l'extension forcée, et de 7 centimètres dans la
flexion forcée. Il n'y a donc qu'une très faible différence, de 5 centimètres,
entre l'extension et la flexion maxima.
Chez un individu à cou normal, ce chiffre est près de trois fois supérieur.
Sens latéral. Les mouvements sont encore plus réduits ; leur amplitude
très faible n'a pas été mesurée.
228 KLIPPEL ET FEIL
Les mouvements de la tête sont seuls limités ; les bras et les jambes sont
légèrement atrophiés, mais conservent des mouvements normaux.
Côtes. La cage thoracique est formée de 12 paires de côtes, qui, nettement
différenciées en bas tendent à se rapprocher et à se réunir vers la partie supé-
rieure du thorax.Ces côtes paraissent s'attacher régulièrement sur les 12 vertè-
bres qui constituent à elles seules la colonne cervico-dorsale.
Les rapports des poumons, du coeur et des vaisseaux méritent d'être préci-
sés, nous les avons étudiés : '
Par l'examen direct, clinique.
Par la radioscopie et la radiographie.
Examen direct. Poumons : on a des signes de pleurésie du côté gauche.
mais, ce qui nous intéresse, c'est la possibilité d'entendre la respiration jus-
qu'au sommet de la cage 1111)ra¡ : iqllc (Fif ! . 2).
rie 2. - La têle est ici en byperexlension ; lorsque la tête est droite, le sommet des
poumons arrive au niveau de l'orifice buccal.
NOUVELLE Iconographie DE la Salfltriirl. T.XXV. Pi. XXXI
ABSENCE DE VERTÈBRES CERVICALES ,
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Masson & Cie, Éditeurs.
Photolypie Hellhuutl, Pltll
UN CAS D'ABSENCE DES VERTRRRES CERVICALES
22't
Nons devons en conclure que le poumon a été entraîné avec la cage thora-
cique jusqu'à la base du crâne et qu'il vient finir à peu de distance de l'occipital.
Le coeur occupe sa situation habituelle ; il est seulement hypertrophié par
suite de la lésion des reins, les bruits sont un peu sourds ; il y a un rythme
de galop. La distance de l'articulation sterno-claviculaire gauche à la pointe
du coeur égale 14 cm. 5.
Les carotides sont difficiles à sentir et l'on ne peut qu'avoir des présomp-
tions sur leur trajet et leurs rapports, elles paraissent avoir une disposition
normale et se trouver en dedans des côtes.
Radioscopie el radiographie (voir radiographies Pl. XXXI). L'image ra-
dioscopique est tout à fait caractéristique; elle confirme absolument l'examen
direct en montrant l'absence complète de cou et de colonne cervicale.
Toutes les vertèbres cervico-dorsales portent des côtes, l'insertion des deux
premières côtes est même si élevée qu'il est difficile d'apercevoir nettement
l'union des deux premières côtes au squelette vertébral ; elle est en partie
Fra, 3. - Vue postérieure du thorax montrant la disposition de la cage thoracique
(à gauche] et du poumon (à droite).
230 KLIPPEL ET FEIL
cachée par le maxillaire inférieur en avant, et par la base de l'occipital en
arrière.
La présence du poumon est indiquée par une zone claire qui remplit les
deux cages thoraciques jusqu'au sommet. Les poumons remontent en avant
au-dessus de la clavicule, et paraissent atteindre en projection une ligne ho-
rizontale, passant par la bouche, lorsque la tête reste en position normale, le
regard dirigé en avant(fg. 3). -
En arrière, le poumon remonte jusqu'à la base du crâne.
On ne note que deux zones sombres :
L'une, à la base gauche, indice très certainement d'une petite quantité de
liquide que nous avait déjà révélé l'examen clinique et une ponction explora-
trice.
L'autre répond au coeur un peu hypertrophié, mais occupant sa situation
habituelle et animé des battements normaux.
L'épreuve radiographique, due à l'extrême obligeance de M. Legros et que
nous reproduisons, nous dispense d'ailleurs d'insister davantage.
Donc, en résumé, l'examen radioscopique comme l'examen clinique nous
révèle une cage thomcique remontant jusqu'à la base du crâne, occupée en-
tièrement par les deux poumons, dont les lobes supérieurs paraissent venir
se mouler sur le sommet de la cage.
C'est d'ailleurs ce que nous confirmera l'autopsie. ,
Nous n'insisterons pas sur les autres organes qui n'offrent aucun intérêt
pour le sujet qui nous occupe et qui semblent avoir leur situation normale..
Poumon : Lésions de congestion et pleurésie légère.
Coeur : Hypertrophie, bruit de galop, assourdissement des bruits.
Reins : Albumines, jambes enflées.
Foie : Gros, débordant de deux- travers de doigt le rebord costal.
Réflexe : Rotuliens abolis.
Pupilles inégales, mais réagissant bien à la lumière et à l'accommodation.
Dans les antécédents morbides du malade, rien à signaler, pas de syphilis,
pas de blennorrhagie, pas de signe de tuberculose, cependant éthylisme pro-
bable.
Notre malade est donc un rénal avec congestion pulmonaire compliquée de
pleurésie, albumine dans les urines gros coeur avec bruit de galop.
Il succombe le 19 janvier 1912.
Autopsie. - Nous n'insisterons pas sur les lésions des organes qui con-
firment pleinement l'examen clinique,' ne voulant étudier que la disposition du
squelette.
Etude du squelette. Nous examinerons d'abord le thorax et la colonne
vertébrale dans leur ensemble, tels que nous avons pu les étudier sur la table
d'autopsie.
Puis, nous envisagerons spécialement les points les plus intéressants de la
colonne vertébrale et des côtes. -
Thorax. Les deux cavités thoraciques ont sensiblement leurs dimensions
normales.
UN CAS D'ABSENCE DES VERTÈBRES CERVICALES 231
Les deux poumons les occupent entièrement et remontent comme elles
jusqu'à la base du crâne.
En introduisant la main à l'extrémité toute supérieure de la cavité thoraci-
que, on sent la première vertèbre et le bord inférieur de l'occipital.
Côtes. - Les côtes qui forment cette cage thoracique sont au nombre de
douze de chaque côté.
L'espace intercoscal qui sépare les deux dernières côtes du côté gauche est
notablement plus large que celui du côté opposé.
Les côtes ont une direction très oblique, presque verticale : cette disposi-
tion se remarque surtout pour la première côte qui limite un orifice très rap-
proché de la verticale ; tandis que chez un individu normal l'ouverture qui
fait communiquer le cou avec le thorax est presque horizontale. L'explication
en est aisée : cette première côte s'attache sur la vertèbre la plus élevée, elle
fait ainsi remonter en arrière le thorax jusqu'à la base du crâne. Mais elle est
obligée de suivre une direction très oblique pour rejoindre le manubrium du
sternum, et limite alors en avant une région cervicale qui n'existe pas à la
partie postérieure.
Espaces ihnercostaux. - Les espaces qui séparent les côtes sont générale-
ment d'autant plus larges qu'on s'éloigne davantage de la tête. A. la partie toute
supérieure, les côtes se rapprochent tellement qu'elles semblent constituer une
sorte de dôme osseux, véritable carapace où vient se loger l'extrémité de chaque
poumon.
C'est avec la plus grande difficulté qu'on arrive à séparer et à compter les
côtes.
Base du crâne. - La partie potéro-inférieure de l'occipital présente une
protubérance occipitale externe très saillante, elle atteint 1 centimètre 1/2 de
long et donne facilement l'impression d'une apophyse épineuse.
Cette disposition ne peut que plaider en faveur de la théorie vertébrale du
crâne et de l'opinion des auteurs qui considèrent l'occipital comme une ver-
tèbre et la protubérance occipitale externe comme une ébauche d'apophyse
épineuse.
Colonne vertébrale. Nous ne nous occuperons que de la partie de la
colonne vertébrale étendue de l'occipital au sacrum ; le reste nous ayant paru
normal.
Les courbures. Faces latérales : Vue par ses faces latérales, la colonne
vertébrale a une concavité dorsale exagérée.
La région, qui doit normalement correspondre aux vertèbres cervicales, ne
forme pas une courbe à convexité antérieure, mais se continue jusqu'au crâne,
en suivant la direction de la courbure dorsale.
Cette absence de courbure cervicale est liée à la non-existence des vertè-
bres cervicales, ainsi que nous le montrerons plus loin en parlant des vertè-
bres lombaires.
Face antérieure : On note une scoliose à concavité latérale droite, répondant
au tiers supérieur de la colonne vertébrale (ceci confirme les constatations cli-
niques).
232 IvLIPPEf. ET FE1L L
Face postérieure : La ligne des apophyses épineuses n'est pas régulière, les
4 premières, qui font suite à la masse cervico-dorsale soudée que nous étu-
dions plus loin, sont très légèrement déviées en arrière et à droite. ·
Les vertèbres. Cette colonne vertébrale, étendue de l'occipital au sa-
crum, est formée de 12 vertèbres nettement différenciées et d'une masse
osseuse, constituée par l'union de plusieurs vertèbres.
Cette masse située à la partie supérieure porte 4 paires de cûtes.
Au-dessous d'elle se distinguent 8 vertèbres munies chacune d'une paire de
côtes, et que pour cette raison, nous considérerons comme vertèbres dorsales.
Enfin 4 vertèbres non munies de cûtes, ce sont des vertèbres lombaires.
Nous étudierons chacune de ces portions :
Masse cervico-dorsale.
Vertèbres dorsales. ''
Vertèbres" lombaires.
Masse cervico-dorsale. - Nous l'intitulons ainsi, ne voulant préjuger en
rien sur la nature des vertèbres qui la constituent; C3lte portion est certai-
nement formée de plusieurs vertèbres qui se sont soudées entre elles au cours
du développement.
On distingue assez facilement 4 côtes de chaque côté. L'origine de ces côtes
est très rapprochée, presque soudée entre elles, à leur naissance.
Cette masse osseuse a une longueur de 8 centimètres; une largeur variable,
mais qui va en augmentant vers le haut, où elle atteint en son maximum
5 centimètres, et 3 centimètres seulement à son niveau le plus étroit.
La face antérieure est lisse, régulièrement aplatie; elle ne présente ni les
saillies des disques, ni les dépressions des corps vertébraux qui se voient nor-
malement.
A la partie supérieure de la masse osseuse se trouvent deux surfaces arti-
culaires séparées par une légère scissure, où s'articulait, peut-être, un tuber-
cule de l'occipital, disposition que l'on rencontre chez certaines espèces ani-
males (oiseaux).
Cette surface articulaire est assez étroite, elle se coutinue en arrière par un
très large et très oblique orifice triangulaire à sommet inférieur (1). Cet orifice
a une largeur de 3 centimètres 8 et une longueur de 4 centimètres 5.
L'extrémité inférieure de cet orifice se termine par une crête formée par la
réunion de 4 apophyses épineuses, cette crête épineuse est irrégulière, sa
longueur est de 5 centimètres, sa largeur est de 6 millimètres, sa direction se
rapproche de l'horizontale.
Sa partie inférieure est séparée de l'apophyse épineuse suivante par un es-,
pace long de 3 centimètres, tandis qu'entre les autres apophyses épineuses
la distance ne dépasse pas 1 cm. 8.
Cette portion supérieure de la colonne vertébrale ne possède ni atlas, ni axis ;
donc pas d'apophyse odontoïde qui puisse servir de pivot dans les mouvements
de la tête sur le tronc.
(1) Ce large orifice ressemble un peu à un spina bifida cervical ; mais c'est là un
simple comparaison, car aucune relation n'existe entre notre cas et cette lésion, .
UN CAS )) ABSENCE DES VERTÈBRES CERVICALES 233
Si, chez notre malade, ces mouvements.quoique limités, existaient en partie,
nous pouvons l'expliquer facilement par. l'existence de la petite articulation
supérieure, et surtout du large orifice triangulaire qui la prolonge en arrière.
Une particularité intéressante est à signaler :
Nous avons étudié cet orifice sur le cadavre, la tête restant unie la colonne
vertébrale ; nous avons noté que les rapports avec la base de l'occipital étaient
variables suivant la position de la tête :
Lorsque la tête est en hyperextension, l'occipital venait au contact de cette
apophyse épineuse (voir dessin).
Lorsque la tête était en hyperflexion, un espace de 2 centimètres la sépa-
rait de la base de l'occipital.
Un doigt introduit dans cet espace pénétrait directement dans le trou occi-
pital, et l'on sentait facilement le bulbe et le cervelet.
Vue par ses faces latérales, cette masse supérieure présente, en plus des
4 paires de côtes que nous avons déjà signalées, un canal que nous considérons
comme l'homologue du canal vertébral.
Ce canal transversaire destiné sans doute à contenir l'artère vertébrale est
situé au dessus de l'origine des premières côtes, il est uni au canal rachidien
par plusieurs orifices que parcouraient probablement les nerfs rachidiens (voir
dessin).
Si maintenant, nous voulons homologuer les vertèbres qui constituent
cette masse, si nous nous en tenons aux données classiques (1), nous devrions
(1) Testut et les classiques donnent la division suivante :
a) Doivent être considérées comme vertèbres dorsales, toutes les vertèbres qui por-
tent des côtes non soudées.
b) Sont vertèbres cervicales, toutes les vertèbres comprises entre la première
FIG, 4. '
Articulation anormale Articulation normale
La flèche indique le point où le doigt pouvait pénétrer directement dans la cavité
crânienne.
234 KLIPPEL ET FEIL
les considérer comme vertèbres dorsales, puisque seules ces vertèbres possè-
dent des côtes.
dorsale et l'occipital.
c) Sont vertèbres lombaires, toutes les vertèbres qui sont situées au-dessous de la
dernière dorsale, et qui ne présentent avec l'os coxal aucune connexion articulaire.
Toutes les autres vertèbres appartiennent au sacrum et au coccyx.
Ledouble n'admet pas cette division, il se base sur la phylogénèse et l'ontogénèse,
qui montra la variabilité dans la disposition des cotes, pour certifier que la colonne
vertébrale est essentiellement une et indivisible de la tête à l'extrémité de la queue ;
et les régions qu'on a pris l'habitude d'y distinguer n'ont des limites ni fixes, ni
bien déterminées.
Fiv. 5.
Comme il existe 4 paires de côtes, et qu'on peut diviser la crête épineuse
UN CAS D'* ABSENCE DES VERTÈBRES CERVICALES
235
en 4 parties, nous admettrons que cette masse est formée de 4 vertèbres dor-
sales. -
En réalité, il n'y a que la partie inférieure de cette masse osseuse qui soit
le reliquat des 4 vertèbres dorsales ; c'est dans cette partie inférieure seule-
ment que nous trouvons les 4 paires de côtes et les apophyses transverses.
Au-dessus se voit une autre portion très réduite, qui possède sur ses par-
ties latérales un canal transversale où devait se loger l'artère vertébrale ; ce
canal communique, comme nous l'avons vu, par plusieurs orifices avec la
cavité médullaire ; il est probable que chaque orifice répondait à un nerf rachi-
dien et représente le reliquat d'une vertèbre cervicale. Nous n'avons compté
que (i orifices, il semblerait donc qu'il n'y eut que 6 n.erfs rachidiens cervi-
caux ; mais comme nous n'avons noté aucun trouble d'innervation, nous
devons penser que le nombre des racines était normal et les deux racines, qui
manquaient d'orifices, devaient emprunter un autre trajet.
FfG.6.
236 KLIPPEL ET Fenil
Cette dernière partie nous paraît donc répondre à la colonne cervicale fu-
sionnée. Nous discuterons d'ailleurs ce point de pathogénie, en même temps
que nous exposerons les hypothèses que l'on a fournies pour expliquer les ano-
malies de la colonne vertébrale.
Vertèbres dorsales. - Les 8 vertèbres dorsales, que nous trouvons en-
suite, sont bien différenciées, sauf la première qui est presque complètement
soudée en avant à la masse cervico-dorsale.
Ces 8 vertèbres sont chacune munies d'une paire de côtes et d'une apophyse
transverse normale, non perforée par un trou transversaire et articulée avec
les côtes. Elles n'ont rien, eu somme, dans leur structure, qui les différencie
notablement des vertèbres dorsales d'une autre colonne.
La dernière de ces vertèbres se rapproche cependant beaucoup des vertèbres
lombaires, mais c'est là une disposition qu'on retrouve sur des squelettes nor-
maux ; et comme elle est munie de côtes, nous la considérerons comme la der-
nière vertèbre dorsale.
Vertèbres lombaires. - Il n'y a que 4 vertèbres lombaires. Mais la der-
nière a nettement les apparences d'une 4e et non d'une 5e vertèbre lombaire.
La 5e doit donc être restée soudée au sacrum.
Elles ont tous les caractères types des vertèbres lombaires : un corps large
et haut; des apophyses transverses volumineuses, véritables apophyses costi-
formes ; enfin des apophyses épineuses horizontales et très volumineuses.
Remarquons pourtant une variation intéressante : Les apophyses transver-
ses, au lieu d'avoir une direction horizontale, tendent à se diriger en haut,
en dehors et en avant, reproduisant à l'état d'ébauche une disposition qu'on
retrouve chez quelques espèces animales.
Voici, d'ailleurs, ce que nous écrit le Dr Ledouble (de Tours) à ce sujet :
« Les apophyses lombaires en antéversion de votre pièce s'expliquent par
ce fait que la courbure cervicale de la colonne cervicale ayant disparu, vous
n'aviez plus que deux courbures, ce qui constitue une disposition animale,
justifiée au point de vue mécanique, et une séparation très nette entre le train
antérieur et le train-postérieur.
« C'est même sur la rétroversion des apophyses des vertèbres du train anté-
rieur et l'antéversion des apophyses du train postérieur de la colonne verté-
brale, que je me suis appuyé pour expliquer ses variations (1). »
Voici quelques mensurations parmi celles qui nous paraissent les plus
intéressantes :
Dimensions de la colonne vertébrale (de l'oceipital au sacrum) :
UN CAS D'ABSENCE DES VERTÈBRES CERVICALES 237
Dimensions de chacune des portions de la colonne vertébrale :
238 KLIPPEL ET FEIL
Lorsque la tète est placée en position normale, les sommets des deux pou-
mons sont situés sur une ligne fictive passant par la bouche.
Coeur. -- Position normale, contre le poumon gauche auquel il adhère
intimement. °
Corps thyroïde. Occupe l'étroit espace situé entre le menton et la four-
chette sternale. Il descend de 2 centimètres environ en arrière du sternum,
occupant presque tout l'angle que forment en s'écartant les gros vaisseaux du
cou.
Le bord supérieur du cartilage thyroïde est à 3 centimètres de la fourchette
sternale.
Trachée. - A 10 centimètres de long (mesurée du bord inférieur du cri-
coïde à la bifurcation).
Slemo-cléido-mastoïdiel1. A la centimètres de long.
Vaisseaux du cou. Naissent normalement de l'aorte.
Tous ces vaisseaux ont une grande partie de leur trajet intra-thoracique.
Côté droit. - Longueur du tronc brachio-céphal. antér. droit : cm. 5.
, Longueur de la carotide primitive droite : .. 7 cm.
Sous-clavière. Naît dans la cage thoracique où elle a un parcours de
3 cm. 5 ; sa direction est très oblique en haut et légèrement en dehors ; elle
rejoint la première côte sur laquelle elle se courbe pour quitter la cage thora-
cique, elle passe sur cette première côte entre les deux scalènes.
Le pneumogastrique passe en avant d'elle dans la cavité thoracique.
Côté gauche. - Longueur de carotide primitive : 10 cm.
Sous-clavière. - A une longueur de 6 cm. 5 dans la cage thoracique.
Elle passe comme du côté droit sur la première côte entre les deux scalènes
en faisant une courbe normale à concavité inférieure.
Le sommet des poumons dépasse de 4 cm. 5 la crosse de la- sous-clavière.
La bifurcation des carotides primitives se fait à 1 cm. au-dessus du larynx.
Ainsi, cette colonne vertébrale est près anormalement constituée ; elle
mérite de retenir notre attention pour plusieurs raisons :
- 10 Vertèbres. Le nombre des vertèbres formant le squelette depuis
l'occipital jusqu'au sacrum est très réduit.
Nous ne comptons que 12 vertèbres bien différenciées, au lieu de 24
sur un sujet normal.
Nous trouvons de bas en haut :
4 vertèbres lombaires typiques (nous avons déjà dit que la 5a devait
exister, mais était réunie au sacrum).
8 vertèbres dorsales, munies chacune d'une paire de côtes.
Enfin une masse osseuse complètement soudée dans laquelle il est im-
possible de différencier des corps de vertèbres.
UN CAS D'ABSENCE DES VERTÈBRES CERVICALES 239
Cette masse a une hauteur de 8 centimètres, elle est munie de paires
de côtes plus ou moins réunies à leur origine; ce qui nous fait penser
qu'elle est constituée par les 4 premières vertèbres dorsales, qui, peut-
être, au cours du développement, se sont unies aux vertèbres cervicales.
Cette colonne vertébrale se termine par un large orifice qui était en
communication directe avec le trou occipital.
En avant de cet orifice se trouve une ébauche d'articulation qui per-
mettait les mouvements limités que l'on constatait sur le vivant.
2° Côtes. Les 8 vertèbres dorsales nettement différenciées portaient t
chacune une paire de côtes, et la masse osseuse qui continue la colonne
jusqu'au crâne possède 4 paires de côtes.
Ceci nous porte à penser que cette masse est constituée en partie au
moins par la réunion des 4 premières vertèbres dorsales.
Les premières côtes remontaient jusqu'à la base du crâne : elles consti-
tuaient ainsi avec les côtes suivantes une véritable cage thoracique cer-
vicale renfermant le coeur et les poumons.
En somme, deux faits dominent, qui dépendent d'ailleurs l'un de
l'aulre :
L'absence des vertèbres cervicales,
Cage thoracique remontant jusqu'au crâne.
Et tout cela ayant existé chez un homme de 46 ans, ne s'étant jamais
beaucoup ressenti de sa monstruosité. Il est non douteux que nous som-
mes en présence d'une malformation congénitale ; la colonne vertébrale
est saine quoique prodigieusement anormale ; elle ne présente aucune
trace de lésions pathologiques, pottiques ou autres.
Avant de discuter la genèse de cette remarquable difformité, nous
allons jeter un coup d'oeil sur l'ensemble des variations des vertèbres cer-
vicales et les théories qui les expliquent. Nous pourrons ainsi faire une
étude plus précise du cas que nous rapportons.
Nous avons recherché dans la littérature médicale si une pareille mons-
truosité avait été déjà signalée. Mais nulle part nous n'avons découvert
un cas pouvant se rapprocher du nôtre.
C'est qu'en effet, les modifications du nombre des vertèbres de la co-
lonne vertébrale sont absolument exceptionnelles. Elles comportent des
variations de nombre par défaut, et des variations de nombre par excès (1)
(i) Pour Ledouble, l'augmentation du nombre des articles de la colonne vertébrale
constitue, sans conteste, un caractère d'infériorité.
L'étude des vertèbres montre en effet que le nombre des vertèbres augmente à me-
sure qu'en descend dans l'échelle des êtres.
240 KUPPELETFUIL
qui sont compensées ou non par une diminution ou une augmentation
dans le nombre des vertèbres de la région voisine.
Les anomalies compensées sont les plus fréquentes, et la colonne ver-
tébrale conserve son nombre régulier de pièces osseuses.
Les anomalies non compensées sont beaucoup plus rares, le nombre
total des vertèbres est modifié ; mais, même dans ce cas, il se fait une
certaine compensation par un accroissement ou une diminution de la hau-
teur des corps vertébraux, et par un redressement ou une inflexion plus
marquée de la courbure de la colonne.
Ainsi, dans l'ensemble, quoique avec un nombre moindre de vertèbres,
la colonne peut conserver une longueur presque normale.
Les variations par défaut, les seules qui nous intéressent, ont été signa-
lées par quelques auteurs : Morgagni, Cruveilhier (1), Columbus (2) et
Cullen (3) rapportent chacun un exemple de 6 vertèbres cervicales ; mais
ils ne parlent pas de la composition du reste de la colonne.
Struthers (4) et Dwight (5) citent un cas de 6 vertèbres cervicales,
mais il y avait une vertèbre de plus dans la région lombaire, nous avons
déjà dit que cette sorte de suppléance était le fait le plus fréquent.
Dans un cas signalé par Staderini (6), la colonne cervicale était cons-
tituée par : 6 vertèbres cervicales, 12 dorsales, 5 lombaires, 5 sacrées et
4 coccygiennes.
Veraglia (7) en 1882, à l'Université de Turin, dissèque le squelette
d'un nain n'ayant que 5 vertèbres cervicales.
Mais le cas leplus intéressant a été. rapporté par Villet et Walsham (8),
il s'agit d'une femme décédée à l'àge de 32 ans, dont le rachis était cons-
titué seulement par les 6' et 7e vertèbres cervicales, la 4re, la 2°, la moitié
gauche de la 3a, les 40, 7°, 10e, live, 12e vertèbres dorsales et les trois pre-
mières lombaires et chez laquelle manquaient également les côtes et les
muscles correspondant aux vertèbres absentes. '
On peut penser que cette malformation était héréditaire, la colonne
(1) CIIUVEILIIIEII, Traité d'anatomie descriptive, t. I, 2° édit. Il ajoute; « Il peut arri-
ver qu'il n'y ait que 6 vertèbres cervicales, et Morgagni qui, le premier, a remarqué
cette anomalie, la considère comme une cause prédisposante de l'apoplexie,, attendu
qu'elle détermine plus de brièveté dans la région du cou, et par suite un rapproche-
ment trop considérable du cou et du cerveau. » Nous ne pouvons admettre cette hy-
pothèse qui ne s'appuie sur aucun fait. Notie malade, malgré l'absence de cou, n'a
présenté aucune tendance à l'apoplexie.
(2) Colujibus, De re anatomisa,
(3) CULLEN, Pratice of phys., p. 1107.
(4) STRUT11rIIS, Journ. of anat. and phys., 18'1, p. 72.
(5) DV'IG11T, Mem. of the Boston, soc. of. natur. history. Boston, 1901, p. 276.
(6) Staderini, Monit. zoolog. ital., 1894, p. 56-95.
(7) VERAGLIA, Giorn. d. R. accad. d. Torino, 1885.
(8) VILLET et Walsham, med. chirurg. transac., vol. 63, p. 257.
UN CAS D'ABSENCE DES VERTÈBRES CERVICALES 241
vertébrale ayant les mêmes indexions chez cette femme que chez sa mère
vivante.
Ce sont là les seuls exemples de variations par défaut des vertèbres
cervicales, que cite Ledouble dans son traité.
Elles sont rarissimes : de nombreux auteurs les ont recherchées et sur
un total de 1.420 colonnes vertébrales cartilagineuses, provenant de vieil-
lards, d'adultes,d'enfants, de nouveau-nés ou d'embryons, deux seulement
(0,14 0/0) étudiées l'une parStaderini, l'autre par Dwight avaient 6 ver-
tèbres cervicales.
Cette extrême rareté des anomalies des vertèbres cervicales est encore
confirmée par les recherches poursuivies dans la série animale.
De toutes les régions du rachis, la région cervicale est celle dont le
nombre des vertèbres est le plus fixe chez les animaux appartenant à la
classe des mammifères, à part quelques exceptions présentées par certains
édentés et certains sirénides, elle comprend 7 vertèbres, qu'il s'agisse de
t'ornithocéphate, de la girafe ou du chameau, qui ont un si long cou, ou
de la baleine, de l'éléphant ou du porc dont le cou est si court.
Sur40colonnes vertébrales d'anthropoïdes examinées par Paterson (1),
on ne note aucune modification des vertèbres cervicales, qui sont toujours
au nombre de 7, tandis que l'on rencontre des modifications nombreuses
des vertèbres des autres régions : dorsales, lombaires, etc.
Cependant, chez les Lamantins (Vlonatus) les vertèbres cervicales sont
seulement au nombre de 6, et l'Unan d'Hoffmann (Cholepus Holfmanni)
n'a également que 6 vertèbres cervicales.
La variabilité du nombre des vertèbres cervicales est donc un fait abso-
lument exceptionnel, aussi bien chez l'homme que dans la série des mam-
mifères.
La pathogénie de ces variations vertébrales est complexe et incertaine ;
de multiples hypothèses ont été imaginées, le le nombre même de ces théo-
ries est une preuve de l'obscurité qui les entoure.Toutes ces théories ont été
étudiées par de nombreux auteurs : Leboucq (2), Ancel et Sencert (3) ;
Ledouble (4) surtout vient d'en faire une magistrale étude qui doit nous
servir de guide.
Voici, rapidement résumées, ces principales hypothèses, classées pour
ordre chronologique.
1" Nous ne citerons que pour mémoire et parce qu'elle est la première
(1) Pateuson, American journ. of anat., vol. IV, n^9 2 et 3, 1905.
(2) Leboucq, blémoite du journal de médecine de Gand. 1
(3) Ancel et SENCERT, Journal de l'anatomie et de la physiologie, 1902. '
(4 LGUOUULE, Traité des variations des os de la colonne vertébrale.
1.\ v lit
242 - KLIPPEL ET FEIL
en date (1816) l'hypothèse bien peu démonstrative de Meckel (1) : il rat-
tache les anomalies par excès à une suractivité formative dans le dévelop-
pement du rachis, et celles par défaut à une faiblesse de formation.
2° Segmentation anormale de la colonne vertébrale. Une opinion
plus vraisemblable a été soutenue par Il. Geoffroy Saint-Hilaire (2),
puis reprise 47 ans plus tard par Taruffi (3).
Ils supposent que la segmentation de la colonne membraneuse chez
l'embryon se faisait anormalement ; tantôt il' y aurait une augmentation
numérique de ces segments chez les sujets qui plus lard devront avoir un
plus grand nombre de vertèbres ; une diminution de ces mêmes segments
dans le cas contraire.
Mais, si celle explication peut rendre compte des variations réelles
du nombre des vertèbres, c'est-à-dire portant sur l'ensemble delà colonne
et non sur un segment seulement; elle ne saurait être satisfaisante pour
justifier les variations numériques apparentes des vertèbres, par exemple
lorsqu'on a une diminution de vertèbres cervicales compensée par une
augmentation égale des vertèbres d'un autre segment rachidien.
De cette opinion, se rapproche celle du professeur Ph. Dwight (4). Il
admet en effet une segmentation irrégulière de la colonne vertébrale, mais
celle hypothèse n'explique pas non plus tous les faits ; c'est ce qu'a reconnu
le savant américain lui-même lorsqu'il écrit : « que la question des varia-
tions du nombre des pièces osseuses de l'épine est extrêmement embarras-
sante, embrouillée ».
3° L'absence d'une vertèbre sus-sacrée est due à la sacralisation de la
cinquième lombaire, résultant de l'ossification des ligaments qui l'unissent
au sacrum et aux os iliaques.
Malheureusement, celle théorie ne peut expliquer que la disparition
d'une vertèbre sus sacrée avec apparition d'une autre vertèbre supplé-
mentaire dans le segment sacrococcygien ce qui n'est qu'une des va-
riations numériques des vertèbres.
4° Théorie de l'ascension du bassin. - Regalia (5), en 1880, imagine
une nouvelle hypothèse basée sur un fait signalé par Rosemberg (6) :
«Le bassin, dans le cours de son développement ontogénique, n'est nul-
lement fixé, mais remonte lentement le long de la colonne vertébrale, en
(1) MECIEL, Path. anat., Bd 11, Leipzig, 1816.
(2) GEOFFMOY Saint-Hilaire, Histoire générale et parlie des anomalies de l'organi-
sation, t. 1, Paris, 1832.
(3) Tarufi-i, Mém. de R. Acad.d. Instit. des sc. de Bologna, 1879.
(4) I)WIGIIT, Jlem. of. ihe Boston soc. of nat. hist., p. 310. '
(5) Rkgilia, Arch. p. l'antropol. et l'etnog., vol. X, fasc. 3, p. 65, 1870.
(6) liosEdi3Eitu, Morpit. Jahrb., vol. I, p. 83, 1876 ; et vol. 21, p. 118, 1899.
UN CAS D'ABSENCE DES VERTÈBRES CERVICALES 243
prenant successivement contact avec des vertèbres déplus en plus éle-
vées. » .
Supposons que le bassin soit arrêté par une cause quelconque dans son
ascension, le nombre des vertèbres présacrées augmente, tandis que
diminuent les vertèbres suivantes.
Que le processus s'exagère au contraire, que le bassin continue à mon-
ter, et nous voyons l'inverse se produire : le nombre des présacrées di-
minue et celui des sous-sacrées augmente.
L'augmentation du nombre des vertèbres présacrées devra donc être
regardée comme le résultat d'un retard dans le développement du sacrum ;
la diminution sera due au contraire à un développement plus marqué.
Cette théorie simple, basée sur un fait embryologique certain, réunit
un très grand nombre de partisans.
Cependant, elle n'explique pas tout; elle rend compte des faits d'ano-
malies numériques apparentes, de ceux qui se caractérisent par une ver-
tèbre en plus ou en moins dans la région sus-sacrée ou présacrée et qui
se retrouve en moins ou en plus dans la région sacro-coccygienne ; il faut,
pour que la théorie soit exacte, que le nombre des éléments demeure
immuable.
Elle n'explique pas les faits d'augmentation ou de diminution totale et
réelle du nombre des vertèbres.
Elle ne justifie pas non plus l'apparition d'une hémi-vertèbre ou de
deux hémi-vertèbres, situées à une certaine distance l'une de l'autre, et
l'une à droite et l'autre à gauche.
Elle ne fournit pas davantage d'interprétation acceptable des cas si cu-
rieux de Willet et Walsliam, ni de celui que nous rapportons ; mais
nous verrons que, pour ce dernier, il nous semble nécessaire d'invoquer
une tout autre hypothèse.
5° Système de IoseuaGm. Un anatomiste allemand, Rosemberg, ad-
met, ce qui paraît exact, que la partie moyenne de la colonne vertébrale
est la plus stable. Les variations auraient'donc tendance à se produire
aux deux extrémités de la colonne vertébrale, à la région cervicale et aux
régions sacra-coccygiennes. Mais, ce qui est intéressant dans cette idée,
c'est le sens dans lequel se feraient les modifications.
Dans la partie inférieure de la colonne, le processus de transformation
est à direction proximale, transformant :
Les vertèbres dorsales en lombaires.
Les vertèbres lombaires en sacrées.
Les vertèbres sacrées en coccygiennes.
Dans la région supérieure, au contraire, le processus de transformation
est à direction distale et change les vertèbres dorsales en cervicales.
244 liez KLIPPEL ET FEIL
En somme, il existerait deux tendances opposées, agissant pour trans-
former la colonne vertébrale.
A l'état normal, les deux tendances constituent le type habituel.
C 7;D 4` ? ;L = 5 ;S 5;C 5-l.
Mais, qu'un trouble survienne, que l'action du processus diminue ou
s'exagère, et l'on a ainsi des colonnes anormales. Ce système de Rosem-
herg (1) s'appuie sur des faits exacts : il est probable qu'autrefois l'homme
possédait un plus grand nombre de côtes-; la première côte que l'on voit
naître quelquefois de la 7e vertèbre cervicale est le reliquat de cette dis-
parition ; de même les deux dernières côtes, dites fausses côtes, tendent
à régresser.
Au cours du développement, à un moment donné, l'embryon possède
un très grand nomhre de côtes qui finissent par disparaître : il existe
29 paires au lieu de 12, et cette évolution ontogénique n'est sans doute
que la reproduction d'une pareille disposition, qui s'est accomplie dans
l'espèce humaine à travers les siècles.
Cette théorie est séduisante, satisfaisante même pour de nombreuses
observations ; elle ne saurait tout expliquer.
Rosemberg avait supposé que ces deux tendances agissent en même
temps sur la colonne verticale et qu'il existait entre elles un certain rap-
port.
Or, nous connaissons des faits où ces deux processus de transformation
ne marchent pas toujours en sens inverse ; il existe des rachis qui offrent
à la fois des signes de réversion et des signes de progression,
. 6° Théorie de l'intercalation et de l'excalatioa. Pour Ihering, l'in-
tercalation consiste dans l'apparition d'une vertèbre et d'un segment ner-
veux supplémentaire entre deux vertèbres bien caractérisées.
Cette théorie se base principalement sur l'existence du nerf en fourche
et du nerf bigeminé.
Ihering s'appuie sur des faits qu'il a observés chez la salamandre, la
souris, la chauve-souris, elc...
Tenclini et Leboucq l'expliquent de la même façon chez l'homme.
Mais cette disposition du nerf en fourche n'est pas constante : Il res-
sort des travaux d'Eisler que la situation du nerf en fourche peut varier
vers le haut ou vers le bas, la colonne vertébrale restant normale.
Plusieurs auteurs, Cunninham (2), Bardeen (3) signalent l'inconstance
de la situation du nerf en fourche.
Ancel et Sencert rapportent deux observations personnelles où ils ont
(1) RosemnHnc, nforph. Jahlb" vol. 1, p. 83-197.
(2) Cunningiiam, Journ. of anat. and. phys., vol. XI, p. 539.
(3) BARDEEN, American journ. of anat., 1902.
UN CAS D'ABSENCE DES VERTÈBRES CERVICALES 245
' examiné le plexus lombaire de deux colonnes vertébrales présentant des
variations numériques.
Dans ces deux cas, le nerf en fourche était situé : à droite à la 25e paire,
et à gauche à la 24° paire.
Ceci tend donc à montrer que la situation du nerf en fourche n'est pas
une preuve irréfutable d'interpolation et d'expolation.
En effet, sur la même colonne, on serait amené à conclure à l'interpo-
lation d'un côté et à la descente du bassin de l'autre.
Retenons en passant la nécessité d'admettre l'association des deux proces-
sus, il en est de même dans d'autres cas, et ceci justifie l'opinion éclectique
que nous proposons plus loin.
7° Varaglia attribue une importance considérable à l'action du conte-
nant sur le contenu.
D'après lui, les anomalies de nombre par excès ou par défaut des ver-
tèbres résultent de l'apparition ou de l'absence chez l'embryon et sous
l'influence de l'atavisme d'un ou de plusieurs segments de la moelle spi-
nale.
Dans cette théorie, la segmentation de la colonne vertébrale membra-
neuse serait dirigée parcelle de la moelle spinale.
Le système nerveux naissant avant le système osseux, il est admissible
que ses variations entraînent des modifications analogues de la colonne
verlébrale, qui possède avec lui des rapports intimes.
Cependant il paraît difficile de faire jouer un tel rôle au système ner-
veux ; si même il était démontré que le cerveau ou la moelle puissent
amener des changements dans la forme du crâne ou dans la disposition du
canal verlébral, ou de certaines anomalies comme le spina bifida, on ne
saurait admettre qu'il intervienne pour diminuer ou augmenter le nombre
des segments vertébraux.
Les variations du nerf en fourche, dont nous avons déjà parlé, et sur-
tout les rapports du cône terminal avec le canal vertébral, en sont une
preuve.
Isidore Geoffroy Saint-Hilaire pensait que la moelle descend d'autant
plus bas dans le canal vertébral que la queue est plus développée, et que
c'est pour cette raison que l'homme, presque anoure, a une moelle très
haute.
De ce fait, on pouvait conclure que la moelle avait agi sur le contenant.
Mais l'anatomie comparée ne confirme pas cette explication.
Ainsi, les oiseaux, dont la queue est un organe de peu d'importance
ont une longue moelle, alors que les singes à queue prenante ont une
moelle courte.
8° Ledouble insiste sur l'existence des variations de la colonne verté-
246 6 1LIPPFL LrT REIL
brale, qui les unes marquent un pas vers le progrès, variations progres-
sives ; les autres semblent constituer un retour en arrière, variations
répressives ou d'héritage (1) ; il fait jouer le principal rôle à l'atavisme
et à l'innéité :
« A l'origine des variations numériques par excès ou réversives : l'ata-
visme ; et à l'origine des variations numériques par défaut ou progressi-
ves : l'innéité ; que ces variations numériques apparaissent dans l'un ou
l'autre ou dans chacun des deux segments vertébraux, le segment sus-sacré
ou présacré et le segment sacro-coccygien, soit par fluctuation de la limite
de ces deux segments, soit par agénése,hypergénése ou coalescence,etc...,
des vertèbres primitives dans l'un ou l'autre ou dans chacun de ces deux
segments. »
Ledouble a spécifié ce qu'il entendait dire par atavisme (2) : « C'est la
cause qui agit sur le germe pour provoquer le maintien chez l'homme
adulte d'une disposition normale pendant sa vie foetale et chez ses plus
proches voisins zoologiques, soit que cette cause réside dans le germe lui-
même ou en dehors de lui ».
9° Plus récemment encore, Guillemin (3) fait une revue critique de ces
diverses théories, dans un article qu'il intitule : Interprétations nouvelles
sur la nature des productions de côtes dites cervicales ou lombaires chez
l'homme et des modifications concomitantes observées sourent dans les di-
divers segments de la colonne vertébrale.
Il montre l'insuffisance de la plupart des hypothèses invoquées jus-
qu'ici.
Pour lui, dans le cours du développement se produirait l'union de
deux métamères voisines qui réuniraient ainsi, sur une même vertèbre, les
caractères que l'on peut constater sur deux vertèbres de deux régions
différentes.
Et l'on comprend de cette façon les cas de diminution du nombre des
vertèbres ; et de même s'expliquent les faits de 7e vertèbre cervicale avec
rôles et qui prend l'aspect de véritable vertèbre dorsale ; et de verlèbres
(1) Ledouble divise les anomalies en 3 grands groupes :
1° Les variations ayant une signification morphologique, les variations réversives
ou d'héritage qui constituent un retour en arrière et les variations fonctionnelles ou
par adaptation qui sont un progrès.
2° Les variations n'ayant aucune signification morphologique.
Les unes : mécaniques.
Les autres : pathologiques.
Les troisièmes : embryologiques.
3° Les variations monstruosités ou tératologiques.
(2) Bulletin de la Soc. d'anthrop. de Paris, 1903, p. S2, A propos d'une communica-
tion de Ledouble sur le canal crânio-pharyngien.
(3) GUILLBS11e1, Revue de médecine de l'Est, mai {911.
UN CAS D'ABSENCE DES VERTÈBRES CERVICALES 247 7
lombaires également munies de côtes et se rapprochant des vertèbres dor-
sales.
Ces caractères dorsaux des vertèbres cervicales porteurs de côtes
seraient liés « à des dissociations génétiques qui se sont produites aux
dépens de métamères voisines et qui ont mêlé dans ce cas, au profit du
somite le plus élevé, le cervical, des éléments appartenant au somite dor-
sal contigu. ,
« Ce sont là des phénomènes téralologiques et non pas d'accommodation
et de transition ou de transformation, mais bien de désaccommodation,
comme en témoignent les structures morphologique engendrées, et les in-
convénients ou les empêchements fonctionnels qui leur succèdent. »
Cette hypothèse de la réunion entre eux de quelques-uns des segments
qui constituent la colonne vertébrale primitive de l'embryon est sédui-
sante ; elle explique bien les faits de diminution du nombre des vertèbres
et les cas où l'on trouve des vertèbres de transition qui se rapprochent
des dorsales, tout en ressemblant aux vertèbres cervicales ou lombaires.
Mais-il manque à cette théorie comme à toutes les autres une preuve
objective. Qu'on découvre la réalité d'un tel processus de fusion ou de
réunion de métamères sur l'embryon, et nous acceptons aussitôt les idées
de Guillemin.
En somme, aucune des diverses hypothèses que nous venons de passer
en revue ne peut donner une satisfaction complète. Elles expliquent cer-
tains faits, elles sont impuissantes à nous faire comprendre les autres.
Mais il nous semble que cette discussion est un peu vaine ; pourquoi
vouloir retenir spécialement une seule explication ; chacune d'elles peul
renfermer une certaine part de vérité, et suivant les cas, l'une ou l'autre
doit être invoquée : La sacralisation de la dernière lombaire résultant de
l'ossification des ligaments fibreux et fibro-cartilagineux est vraie dans des
cas limités.
L'ascension du bassin, admise par la plupart des anatomistes, explique
bien certains faits, elle ne les explique pas tous ; pourquoi ne pas invo-
quer, alors, la théorie de l'intercalation et de l'excalation, les modifica-
tions de la segmentation, le rôle de l'atavisme et de l'innéité, ou même la
séduisante hypothèse de Guillemin : réunion de deux vertèbres voisines
en une seule qui présentera une partie des caractères de chacune.
C'est une opinion éclectique que nous apportons.
Et, en effet, n'est-il pas vraisemblable d'admettre que le développement
qui se fait sur une mode immuable puisse être entravé par des causes
diverses, de nous inconnues, mais qui permettront l'intervention des
divers processus que nous avons signalés.
Toutes ces hypothèses, si nombreuses cependant, laissent encore bien
248 8 KLIPl'EL ET F1Ur.
des faits dans l'ombre. Ainsi, le cas dont nous avons rapporté l'observa-
tion s'explique difficilement par l'une quelconque de ces théories.
Il s'agissait, nous le rappelons, d'une colonne vertébrale très réduite
avec 5 vertèbres lombaires, 8 vertèbres dorsales, et une masse osseuse
d'une hauteur de huit centimètres, présentant sur ses parties latérales
4 paires de côtes. Cette masse comprend donc 4 verlèbres dorsales et les
7 vertèbres cervicales.
Nous ne sommes plus ici en présence d'une variation régressive ou pro-
gressive, mais d'une monstruosité.
Nous pensons qu'il faut admettre que pendant le développement, sous
une influence quelconque, il s'est fait un tassement des vertèbres cervi-
cales et des 4 premières vertèbres dorsales.
La déterminante étiologique est incertaine : c'est peut-être une cause
traumatique ; c'est bien plus vraisemblablement par une influence patho-
logique qu'une ostéi te d'origine microbienne ou toxique a bouleversé toute
la partie supérieure du squelette vertébral.
Il y a là un point obscur ; mais c'est la seule hypothèse qui nous sem-
ble admissible.
Et cette opinion n'est point une vue de l'esprit : elle trouve un appui
sérieux dans les belles expériences de Dareste (1) sur les oeufs de poule.
On sait que cet auteur, perfectionnant les procédés autrefois employés
par Geoffroy Saint-Hilaire, a pu reproduire expérimentalement et pres-
que à volonté des foules de monstruosités : la fissure spinale ou spina
bifida, l'oeil unique médian, l'exencéphalie, le coeur double, la fusion des
deux membres inférieurs en un seul ou symélie, elc.... ;
Il lui suffisait de faire couver des oeufs de poule soumis des percus-
sions ou à des secousses pendant la période qui sépare la ponte de l'in-
cubation, ou de faire agir des températures un peu différentes de celles
qui donnent l'évolution normale, ou bien d'échauffer irrégulièrement
l'oeuf, ou de vernir partiellement la coquille, etc...
Toutes ces malformations créées artificiellement, on les retrouve chez
l'homme et les mammifères ; pourquoi ne pas en conclure que les mêmes
causes produisent les mêmes effets, chez l'oeuf de poule comme chez l'em-
bryon humain : et c'est par l'une de ces causes que s'expliquent, sans
doute, les monstruosités humaines. Nous invoquerons une pathogémie
identique pour notre colonne vertébrale, que le point de départ en soit
mécanique ou plus probablement pathologique.
(1) FunESTE, Recherches sur la production artificielle des monslruosités, 2° édition,
Paris, 1889 ; Kollikeu et Vmcllow ont fait des recherches qui complètent celles de
Daresle, ils pensent que les anomalies réversives sont des arrêts de développement
causés par un trouble de la nutrition, conséquence d'une maladie locale ou générale;
KOLLIhEa, Embryologie, édit. franc., p. 186.
UN CAS D'ABSENCE DES VERTÈBRES CERVICALES 24U ',)
Nous ne discuterons pas les causes pathologiques qu'on peut faire in-
tervenir, elles sont multiples : la tuberculose, l'alcoolisme, la syphilis, la
variole, le mal de Bright, les cardiopathies, la folie.
Ferré (1) et Raymond (2) ont montré la bien plus grande fréquence
des malformations graves ou incompatibles avec la vie chez des enfants nés
de parents présentant l'une de ces tares.
Il n'est point douteux que quelques-unes de ces affections devaient
exister chez les ascendants de notre malade ; mais leur fréquence, même
chez les individus sains et bien constitués, en même temps que la rareté
des monstruosités, montrent bien qu'elles sont insuffisantes par elles-
mêmes.
Il faut l'intervention d'un autre facteur que nous ignorons, que ce soit
un traumatisme, la souffiance du foetus ou tout autre phénomène.
Quoi qu'il en soit, nous ne ferons pas rentrer l'anomalie que nous pré-
sentons dans le groupe de ce que Ledouble (3) appelle les variations ré-
gressives ou progressives.
'Nous sommes en présence d'un fait probablement pathologique, sans
signification morphologique; d'une anomalie, monstruosité qui s'est for-
mée, c'est non douteux, dans les premiers stades du développement.
A cet exposé. nous voulons ajouter quelques mots. Notre malade ne
s'était jamais plaint de sa difformité ; et, ce qui nous paraît plus intéres-
sant, cet homme s'était présenté plusieurs fois à l'hôpital pour diverses
affections banales ; il avait été examiné, soigné, il avait même passé plu-
sieurs mois dans différents services, jamais on ne s'était douté de la dimi-
nution des vertèbres.
C'est que l'attention n'avait pas été attirée par trois signes importants :
La limitation nette des mouvements de la tête.
L'implantation basse des cheveux, venant se terminer jusque sur la li-
gne des apophyses épineuses dorsales.
L'absence de cou, la tête reposant directement sur le tronc.
Nous avons le droit de nous demander si celle triade symptomatique,
véritable syndrome clinique que l'on remarque quelquefois chez des su-
jets normaux en apparence, ne pourrait servir il dépister des cas analogues
au nôtre : qu'il s'agisse d'une absence ou d'une diminution des vertèbres
cervicales.
Il n'est pas impossible qu'un examen plus attentif révèle, dans des cas
(1) Ferré, Recherches sur les générateurs d'anomalies congénitales, Pau, 1905.
(2) RAYNOND, L'hérédité morbide, Paris, 1905.
(3) LEDOUBLE, Traité des variations des os de la face de l'homme et de leur significa-
tion au point de vue de l'anthropologie zoologique, p. 396 et suiv. Vigot, 1906.
250 KLIPPBL FT FIslL ·
exceptionnels il est vrai, une diminution du nombre des vertèbres cervi-
cales.
Cette disposition mérite d'être étudiée et recherchée, et peut-être trou-
verons-nous ainsi parmi ces individus à cou peu développé, cheveux
implantés bas, et qui sont gênés dans les mouvements de la tête, des gens
ayant une diminution des vertèbres cervicales.
Notre malade n'est donc point seulement un curieux exemple d'une
disposition exceptionnelle; il peut aussi nous servir de type pour sché-
matiser cliniquement celte monstruosité.
SUR UN CAS DE DYSOSTOSE CLl;IDO-CItANIENNE
PAR
N. MALDARESCO i
Professeur à la Faculté de Médecine,
médecin en chef l'hôpital
Philanthropie, - -
A
C. PARHON
Docent de Neurologie, médecin
en chef il l'hospice
Marcoutza.
lue uucuresy.
Peu de problèmes peuvent offrir aux pathologistes et aux biologistes en
général autant d'intérêt que celui de la trophicité.
Mais cette importante et vaste question est encore assez obscure et ici
comme sur beaucoup d'autres points, la pathologie peut éclairer parfois
la physiologie ou au moins susci ter de nouveaux problèmes et indiquer de
nouvelles voies pour les recherches à venir.
C'est pour ce motif que tous les cas qui s'écartent du type normal mé-
ritent d'être étudiés avec soin.
Il en est ainsi pour les exemplaires assez rares de cette intéressante dys-
trophie connue depuis les travaux de Pierre Marie et Sainton sous le nom
de dysostose cléido-crânienne héréditaire dont nous avons eu la bonne
chance d'observer un cas des plus typiques.
Mais avant de donner l'observation de notre malade et la discussion
qu'elle comporte, il nous a semblé bon de rappeler brièvement les travaux
des auteurs qui nous ont précédé.
Dans la séance du 14 mai 1897 de la Société -médicale des Hôpitaux,
Pierre Marie et Sainton (1) présentèrent les observations des deux malades,
père et fils, atteints de troubles de développement très analogues, intéres-
sant surtout l'ossification du crâne et de la clavicule,
Le père âgé de 39 ans avait eu deux enfants dont le premier succomba
à deux ans et demi de convulsions. La fontanelle antérieure n'était pas
encore fermée. Le second est le sujet de la seconde observation.
Le malade présentait un aspect spécial de la tête avec prédominance du
crâne, dont les dimensions transversales étaient considérablement aug-
mentées, sur la face qui était aplatie comme d'ailleurs la partie posté-
rieure du crâne Le centre des fontanelles antérieure et postérieure ne
présentait qu'une ossification rudimentaire, mais sans battements. Pro-
gnathisme de la mâchoire inférieure, dents mauvaises et irrégulièrement t
232 MALDARESCO ET PARHON
implantées. La voûte palatine présentait une fente due à la non souaure
des massifs osseux. La clavicule gauche présentait une dépression mé-
diane due, à ce qu'il semble, à la persistance d'uneportion cartilagineuse
unissant les deux portions interne et externe. Exagération des réflexes
tendineux aux quatre membres.
Le fils de ce malade, âgé de 12 ans, présentait la même prédominance
du crâne sur la face et en outre une dépression médiofrontale, ainsi que la
persistance de la fontanelle antérieure où on percevait des battements.
Saillie de l'occipital au niveau de la suture lambdoïde. Palais très ogival,
dentition irrégulière. La moitié interne de la clavicule droite était atro-
phiée. Du côté gauche, cet os était séparé en deux parties par une por-
tion fibreuse.
Les auteurs considèrent ces deux cas comme une forme spéciale d'hy-
drocéphalie à laquelle ils donnèrent le nom d'héréditaire et semblant due à
un trouble du développement, donc devant être distinguée des autres
hydrocéphalies dues à des lésions acquises du crâne ou du cerveau.
Ils croyaient que cette malformation n'avait pas encore fait le sujet
d'aucune description.
Dans la discussion qui suivit cette très importante communication,
Rendu et Jacquet soupçonnent la syphilis héréditaire comme facteur étio-
logique, mais Comby remarqua que la transmission héréditaire ne cadre
pas avec cette opinion.
Dans la séance du 20 mai 1898 de la même Société, les mêmes au-
teurs (2) apportèrent deux nouveaux cas concernant cette fois la mère et
la fille d'une famille autre que la précédente.
La mère, âgée de 47 ans, présentait encore la persistance de la fonta-
nelle antérieure avec des battements perceptibles. On constatait en outre
chez elle comme chez sa fille l'état ogival de la voûte palatine. Ses dents
étaient presque toutes cariées (comme chez le père de la première commu-
nication). Chez la fille, les dents sont venues tardivement. A 9 ans 1/2,
elle avait encore des dents de lait, sauf les incisives médianes de la mâ-
choire inférieure, les incisives étaient très écartées les unes des autres;
En ce qui concerne les deux clavicules, elles étaient représentées chez
la mère par deux rudiments parasternaux dont la longueur était de 3 cen-
timètres, donnant la sensation de cartilages terminés en puinte et se
perdant dans du tissu fibreux. L'extrémité externe de ces rudiments cla-
viculaires était très mobile. Quant à la fille, on sentait, « en parlant du
sternum, un nodule induré, dans la direction de la clavicule, se prolongeant
de 5 centimètres et allant se perdre en pointe dans le tissu fibreux' qui
semble remplacer la clavicule ».
Bien qu'aucun de ces malades ne soupçonnât l'anomalie claviculaire
SUR UN CAS DE DYSOSTOSE CLliIDO-CRAN1ENNE 253
certains troubles fonctionnels étaient présents. C'est ainsi que la mère a
remarqué de tout temps qu'elle ne peut rien porter de lourd dans la
direction horizontale, soulever seule un matelas pour faire le lit, tenir ses
enfants sur le bras, etc. Par contre, elle était capable de soulever un seau
plein d'eau et de le porter assez loin.
La fille présentait la faculté de porter les épaules en avant du thorax
et ce n'était que l'adipose qui l'empêchait de les porter en contact.
Trois sur les quatre sujets étudiés par Marie et Sainton étaient atteints
d'obésité. lé. '
A la suite de critiques de Chaslin et d'Aslros, les auteurs renoncent à leur 1-
première dénomination et donnèrent à celle dystrophie le nom très appro-
prié de dysoslose cleido- crânienne héréditaire, le mot dysostose « n'ayant
autre prétention que de désigner un trouble clans l'ossification, quelle qu'en
soit la nature ».
P. A. Pierre (3), étudiant en détail ces mêmes sujels, consacra sa thèse à
cette intéressante question.
Comme les autres travaux de Pierre Marie sur la question des dystro-
phies, ces communications eurent le mérite d'attirer l'attention du public
médical sur une question des plus intéressantes et de susciter l'apparition
de nouveaux et importants travaux sur ce sujet, et nous pouvons citer à ce
propos ceux de Couvelaire (4), de Pinard et Varnier (5), malade observée
également par Dlaygrier (6), de Hirz et Louste (T),de VillarelelFrancoz(8),
de Roger Voisin, Macé de Lépinay et Infroit (9) en France. A l'étranger,
des observations se rapportant au même sujet furent publiées par Ilult-
Kranlz (10), Schorslein (11), Carpenter (12) (l'auteur ne mentionne pas
l'état du crâne, mais les photographies montrent que la tète était volumi-
neuse), llamilton (13),V'olff (14), Preleitner (15) (caractères du crâne visi-
bles sur les photographies, mais non décrits par l'auteur), Schermann (16),
Cross (17), J. Hill : lbbram (18). -
Ces travaux confirmèrent les constatations de Pierre Marie et Sainton et
montrèrent en outre que des faits semblables avaient été déjà antérieure-
lllent publiés par quelques auteurs tels que Scheuthauer (19), Dowse(20),
Rappeler (21), Ilamillon (22) et Gibert (23), pour ne parler que de ceux
dont les descriptions minutieuses se rapportent sans aucun doute possible
à des faits de même nature que ceux observés par Marie et Sainton.
Les faits d'aplasie claviculaire dans lesquels on ne fait pas mention de
l'état du crâne publiés par Morand (24), Martin (25), Stahmann (26),
Geaenhauer (27), Niemeyer (28),Guzzoni degli Ancarani (29), Jodd (30),
Van den l3usscle (31), semblent se rapporter, ainsi que l'ont observé Cou-
velaire, Villaret etrrancoz, à cette même dystrophie.
Inutile de faire remarquer que le fait d'avoir eu des prédécesseurs ne
254 MALDARESCO ET PARHON
diminue en rien le mérite des auteurs français, ni l'importance de leurs
travaux.
Nous avons eu la bonne fortune d'observer un cas typique de cette
intéressante dystrophie.
Comme le nombre des cas publiés jusqu'à présent est assez réduit, car
nous n'avons trouvé dans la littérature que 33 cas absolument certains,
il nous a semblé utile de publier celui observé par nous.
Nous commencerons par donner son observation pour dire ensuite quel-
ques mots sur la palhogénie de cette dystrophie.
(JBSEHVAT10K&.
(PI. XXXII à XXXIV)
C., 40 ans. Le malade a perdu ses parents dans sa première enfance. C'est
pour ce motif qu'il ne peut pas nous donner des renseignements sur leur état.
Il n'a plus ni frères ni soeurs. Mais ils ont été 11 enfants,lui, le seul qui reste,
étant le plus petit. Il n'a connu personne de sa famille présentant des mal-
formations analogues à celles qu'il présente lui-même. D'ailleurs il est assez
mauvais observateur. 11 attribue la forme du crâne à la compression par la
catchula (sorte de bonnet en fourrure). Quant à sa clavicule, il ne s'est jamris
douté qu'elle présente quelque chose d'anormal.
Ce qui attire tout de suite l'attention lorsqu'on observe ce malade, est l'état
du crâne. Eu effet on constate que le frontal présente sur la ligne médiane
un sillon assez large et assez prononcé qui va encore en s'accentuant au sur
et à mesure qu'on remonte vers la région de la fontanelle antérieure. A ce
niveau, on observe une dépression assez large, car son grand diamètre atteint
4 centimètres. Cette dépression a une forme irrégulière et à son extrémité
postérieure, elle envoie du côté gauche un prolongement d'à peu près 2 centi-
mètres de longueur et de moins d'un centimètre de largeur. La dépression mé-
diofroutale donne à cet os une apparence bilobée, les bosses frontales étant
plus ou moins proéminentes, surtout vers leur partie supérieure. La moitié
droite du front (de la ligne médiane à l'insertion latérale des cheveux) est plus
petite (75 mm.) que la gauche (8 cent.). A la région occipitale on retrouve un
sillon moins accentué, se continuant en haut vers la région lambdoïde; cir-
conférence crânienne : 54 centimètres.
Diamètre antéropostérieur maximum : 180 millimètres. Diamètre transverse :
Ili-8 millimètres. Indice crânien : 82.
Les cheveux sont bien développés avec un seul vertex correspondant à la
région pariétale droite.
Les oreilles ne sont pas écartées du crâne et le pavillon ne fait pas d'angle
avec le lobule, mais se continue régulièrement avec lui. Ce dernier est bien
développé et n'adhère pas aux téguments voisins. L'antehelix fait saillie sur
un plan plus antérieur que l'hélix. Hauteur du front : 7 centimètres.
Les sourcils sont plus rares dans leur moitié externe, mais ce caractère est
Nouvelle Iconograpiiii DE la SALPLFRILRE
T. XXV. PL xxxi]4%
DYSOSTOSE CL1D0-CRANIENNE
On voit nettement le sillon frontal, la mobilité des épaules, l'ensellure lombaire et la scoliose.
(Maldaresco et Parhon). ? 1')("rr-Th , r 1 17 ?
SUR UN CAS DE DYSOSTOSE CLÉIDO-CnANIENNE 255
masqué par la longueur des poils de la moitié interne. Les globes oculaires pré-
sentent une exophtalmie évidente bien que pas trop accentuée. '
Hauteur de la face (sans le front) : 13 centimètres.
Diamètre bimalaire : 35 centimètres.
La voûte palatine excavée est plus haute du côté gauche que du côté droit.
La dentition laisse beaucoup à désirer.A la mâchoire supérieure, onobserve
du côté droit une incisive (probablement latérale) qui est très mobile. En ar-
rière de celle-ci on observe encore deux dents dont la plus antérieure présente
un sillon qui divise sa surface de section en deux moitiés, antérieure et pos-
térieure. On observe enfin du côté droit une molaire (l'avant-dernière). Du
côté gauche on observe la moitié supérieure de l'incisive latérale ainsi qu'une
molaire symétrique à celle du côté droit.
A la mâchoire inférieure, il existe deux incisives médianes dont la gauche,
très petite, donne l'impression d'une dent qui pousse maintenant ce qui
concorde d'ailleurs avec les affirmations de notre malade qui déclare que ses
dents incisives sont tombées et poussent maintenant de nouveau.A la mâchoire
inférieure, il n'existe qu'une seule molaire.
Le cou est plutôt court, n'ayant sur la ligne médiane qu'une longueur dé
56 millimètres.
Les épaules sont tombantes et proéminentes en avant. On n'observe pas de
fosses susclavières.
Les clavicules sont représentées seulement par un fragment long de 6 cen-
timètres, mobile à ses deux extrémités, surtout à celle externe. On ne sent
pas le fragment externe. L'os est d'ailleurs plus mince qu'à l'état normal.
' Taille : 1 m. 44. Longueur du tronc du manubrium au pubis : 55 cen-
timètres. Jusqu'à l'ombilic : 37 c. 5
Le sternum proémine en avant et il en est de même pour les côtes. L'hémi-
thorax gauche est plus saillant que ,la moitié droite. Périmètre thoracique au
niveau des mamelons : 85 c. 5.
Sur la région intermamelonnaire, on observe un développement modéré des
poils. Ils se continuent sur la ligne médiane en haut jusqu'au voisinage du
manubrium.
Vu de dos, on remarque une scoliose assez apparente intéressant surtout la
région dorsale moyenne. La concavité de cette scoliose regarde du côté gauche.
A cause de cette scoliose, la moitié gauche du thorax est plus grande que
celle du côté opposé. Ainsi les mensurations nous donnent 20 centimètres (de
la crête vertébrale jusqu'à la paroi postérieure de l'aisselle) pour le côté gau-
che et seulement 17 pour le côté droit.
Les omoplates ne présentent pas l'aspect ailé. Hauteur de l'apophyse épi-
neuse jusqu'à l'angle inférieur : 13 centimètres.
Les différents segments des membres sont plus courts qu'à l'état normal.
Les doigts gardent leurs proportions relatives les uns par rapportaux antres.
La longueur du bras de la tête humérale à l'épitrochlée est de 26 centimètres.
La longueur de l'avant-bras de l'olécrâne à l'apophyse styloïde du cubitus
est de 21 centimètres.
256 MALDARESCO ET PARHON
Longueur du métacarpien moyen : 7 centimètres.
OLLLI1. Iconographie DL la Salplirilrl. T, XXV. PI. XXXIII
DYSOSTOSE CLEÏDO- CRANIENNE
Radiographies du crâne très transpatent au niveau du sillon frontal et des fontanelles.
(Maldaresco,et Parhou).
DYSOSTOSE CLÉ1D0-CRAIv'IENIvTE
Radiographie du thorax ; absence des clavicules ; on ne voit que leur bec acromial.
/ \./1' y LJ .. 1 n. l 1 z
SUR UN CAS DE DYSOSTOSE CLÉIDO-CRANIENNE 257
vieilles, ce qui indique que la transparence même de la portion existante était
très prononcée, cette portion ayant probablement une consistance cartilagi-
neuse. Un observe, il est vrai, une portion transversale et amincie en conti-
nuité avec l'acromion, mais cette portion nous semble plutôt le bec acromial,
d'autant plus qu'on ne pouvait pas sentir sur le malade une portion externe
de la clavicule et que la portion interne nettement perceptible sur le malade
n'apparaît pas sur la radiographie. Sur cette même plaque on remarque
l'élargissement du canal médullaire de l'humérus.
Sur la radiographie de l'avant-bras et de la main, on ne remarque pas la
luxatiou de l'extrémité supérieure du radius notée dans le cas des auteurs plus
haut cités, ni les autres altérations notées dans le même cas, mais le cinquième
métacarpien semble plus transparent aux rayons de Roentgen.
Au point de vue psychique, le malade répond correctement à nos questions.
Il est un peu peureux. Il a peur que nous lui fassions du mal quand nous
l'examinons. Il connaît le jour de la semaine, mais ignore le mois et l'année
où nous sommes.
Berger de profession, il ne s'est jamais intéressé à ces choses. Il ignore le
nom de l'hôpital où il se trouve et des médecins qui le soignent y compris le
médecin en chef. Il ne peut faire qu'avec une assez grande approximation des
calculs avec deux chiffres. Par exemple, si on lui demande la somme de 15 +
17, il répond 23 ou 24. Il prétend dormir assez bien. Il a des rêves profes-
sionnels. Il voit dans le rêve des prairies vertes, des troupeaux, etc. Parfois
ces rêves prennent un caractère terrifiant. Il voit des loups qui lui volent des
agneaux. Parfois des chiens menaçants, plus rarement des serpents.
Il nie l'alcoolisme. Mais nous pensons que ce dernier ne peut pas être exclu,
étant même vraisemblable, vu ses rêves ainsi qu'un état de vasodilatation de
l'extrémité du nez et des pommettes. D'ailleurs il a cherché de s'informer où il
peut se procurer du via.
Il rit facilement.
Du côté du fonctionnement viscéral, notons que le coeur ne semble pas aug-
menté, le pouls bat 84 par minute, la tension artérielle semble normale. Il pré-
sente une légère albuminurie.
En résumé, il s'agit d'un homme âgé de 40 ans présentant les princi-
paux symptômes de l'affection décrite par Marie et Sainton sous le nom
de dysostose cléido-crainienlle héréditaire.
En effet nous trouvons un crâne brachycéphale avec sillon médiofrono
lal lrès prononcé, ossification défectueuse des fontanelles antérieure et
postérieure, proéminence des bosses frontales, face moins développée avec
exophtalmie apparente, voûte palatine profonde, dentition altérée en son
évolution et sa structure. Il présente en outre comme un des malades des
auteurs français précités, l'aplatissement de la région occipitale. Les deux
clavicules ne sont représentées que par leurs extrémités internes.
Il présente en outre la taille petite, une scoliose assez évidente, l'ensel-
xxv n
258 8 .MALDARESCO ET rauuox
lure lombaire (comme dans le cas de Ilirtz et Louste), une tendance au
genu valgum, des pieds plats, des troubles trophiques des ongles des or-
teils qui sont épaissis et rugueux.
Le diagnostic s'impose de soi-même et il nous semble inutile de pou-
ser plus loin la discussion de ce côté.
Il nous semble plus utile de revenir un peu sur la symptomatologie et
citer les phénomènes notés dans les différentes observations,outre les deux
troubles fondamentaux qui ont valu le nom de dysostose cléido-crànienne
à celle dyslrophie.
Nous commencerons par ceux intéressant le tissu osseux. La taille était
petite clans les cas de Scheuthauer, Rappeler, trois cas de Marie et Sain-
ton, Schorstein, Pinard et Varnier, Ilamillon, IIirtz et Louste, Gross,
Villaret et Francoz, Voisin, Macé de Lépinay et Infroit, ainsi que dans le
nôtre, en ne tenant compte ici que des cas absolument certains.
Parmi les cas d'aplasie claviculaire où l'état du crâne nous est resté
ignoré, nous trouvons signalée la petite taille dans deux cas de Gegenbauer,
ainsi que dans le cas de Guzzoni degli Ancarani.
Comme autres troubles osseux,nous trouvons nolés les suivants : la cage
thoracique aplatie (Schentheuer), le sternum aplati, les pieds mal faits
(Dowse),grande dépression du sternum, pieds-bols varies congénitaux (Kap-
peler), nombreuses disjonctions épiphysaires dans celui de Ilamillon
(âgé de 6 mois). Dans le cas de Gibert (fille de 15 ans), les os des mem-
bres étaient mous, sans consistance, la malade succomba à la suite d'une
ostéomyélite aiguë. Dans un cas de Marie et Sainton fut notée une légère
dépression du manubrium ainsi que le genu valgum. Ce dernier phéno-
mène existait d'ailleurs dans deux autres cas des mêmes auteurs. Dans un
de ces cas existaient aussi des pieds plats.
Dans le cas de Schorstein on trouve notée une petite dépression ster-
nale ainsi que des signes de rachitisme. Dans celui de Carpenter, il exis-
tait un développement anormal de l'apophyse transverse de la 7e vertèbre
cervicale ainsi que l'élargissement des têtes des premières phalanges. Chez
la malade de Pinard et Varnier, on trouva une pliure du sternum avec
angle antérieur saillant, ainsi que le bassin rétréci ayant demandé deux
interventions (césarienne et sympbyséotomie). Le malade de Ilamillon
présentait une scoliose avec lordose, des signes rachitiques pendant l'en-
fance, il ne marcha qu'à trois ans.La scoliose se trouve signalée aussi dans
le casde Wolf. Dans le cas de Ilirlz et Louste, le thorax était saillant en
avant. Il existait une ensellure lombaire, phénomène que nous avons re-
trouvé chez notre malade.
Dans le cas de Schermann, les os longs étaient incurvés et ont nécessité
l'intervention chirurgicale. Dans le second cas du même auleur, on avait
SLll UN CAS DE DYaOS'rOSE CLCIL)O-CltA[NIENNE - 259
signalé des troubles osseux dans l'enfance ; dans le troisième, le sternum
était très déformé.
Dans le cas de Gross, le thorax était déformé (poitrine de poulet) et il
existait uue forte fêlure des cotes vers la limite des cartilages, ainsi qu'une
subluxation de l'épaule.
Dans le premier cas de Villaret et Francoz, on trouve une légère sco-
liose dorsale ainsi que des déformations du bassin assez accusées pour
avoir causé une dystocie. Dans trois des cas observés par ces auteurs, on
trouve une exagération très évidente du tubercule du trapèze sur le bord
postérieur de l'épine de l'omoplate.
La malade de Roger Voisin, Macé de Lépinay et Infroit présentait une
très forte cyphose à convexité droite et postérieure avec scoliose à conca-
vité gauche. Le sternum était reporté du côté droit et projeté en avant.
Les côtés formaient une légère saillie à la partie droite. La tête était en-
fouie entre les épaules. La radiographie montrait que l'humérus était très
notablement élargi à sa partie supérieure et le canal médullaire semblait
plus large que normalement. Il y avait en outre raréfaction osseuse. L'ex-
trémité supérieure du radius qui n'affectait plus des rapports avec la pe-
tite cavité sygmoïde du cubitus ne présentait plus ni tête, ni col, continuant t
simplement la diaphyse. La tubérosité bicipilale était à peine indiquée.
Toute la partie supérieure de cet os était raréfiée. Le corps du radius
présentait en outre une courbure à convexité antérieure. On notait en-
core un raccourcissement très net des phalangines et des phalangettes
avec élargissement de ces os et augmentation de leur transparence.
Parmi les cas d'aplasie claviculaire, nous n'avons pas de données
précises sur l'état du crâne ; nous trouvons signalés dans les cas suivants
des troubles osseux :
Chez l'enfant observé par Morand, enfant qui ne vécut que 20 heures,
il y avait non seulement l'absence des clavicules, mais aussi celle du ster-
num et des cartilages costaux. Dans un cas de Gegenbauer, il existait une
forte pliure susxyphoïdienne du sternum.
Le malade de Niemeyer présentait de la scoliose. La femme étudiée par
Guzzoni degli Ancarani présentait une légère cyphose dorsale. Un malade
de Schorstein présentait une dépression sternale. Dans deux cas de Car-
penler, il existait un développement anormal de l'apophyse transverse de
la 7e vertèbre cervicale, dans un deuxième cas il existait une côte cervi-
cale, ainsi que des pieds plats. Dans un quatrième cas, on observait une
dépression sternale ayant les dimensions d'une orange.
A côté des troubles de l'ossification, il convient de citer les troubles
dentaires. Signalés dans les observations de Pierre Marie et Sainton, ces
troubles avait été déjà notés dans l'observation de et ultérieure-
260 MALDARESCO El' PARHON
ment au travail des auteurs français par Hultkrantz, Schorstein, Pinard
et Varnier, Hamilton, Wolf, Hirtz et Louste, Gross, Villaret et Francoz,
Voisin, Macé de Lépinay et Infroil.
Ces troubles sont également très accentués dans notre cas.
D'une façon générale on peut dire que les dents poussenttard, elles sont
irrégulières, crénelées, mal implantées. Il semble que chez notre malade
c'està peine maintenant que poussent les incisives de la seconde dentition.
Un autre trouble de la nutrition est la tendance à l'obésité ou l'obésité
même. Ce phénomène se trouve signalé dans les observations de Dowae,
Rappeler, dans trois sur quatre cas de Pierre Marie et Sainton, parmi les
cas que nous avons retenus comme absolument certains, ainsi que dans un
cas de Gegenbauer, parmi les cas probables. L'aspect inverse se trouve noté
dans les cas de Ilamillon, Schorstein, Carpenter, Preleilner, Gross.
Notre malade ne semble présenter rien de particulier à ce point de vue,
mais comme il est entré à l'hôpital pour des troubles rénaux et ignorant
son état dénutrition antérieur, il nous est difficile de nous prononcer.
Notons encore les troubles des ongles signalés dans le cas de Hirtz et
Louste. Dans notre cas, on trouve aussi de pareils troubles au moins en
ce qui concerne les orteils.
Rappelons encore que la malade de Dowse était épileptique, que les
convulsions furent également notées chez un enfant appartenant l'une
des familles décrites par Pierre Marie et Sainton, qu'un malade de Scheu-
tlieueir est mort aliéné, et que le malade de llirtz et Louste était asthma-
tique et emphysémateux. Un certain degré d'emphysème existe également
dans notre cas.
En ce qui concerne l'anatomie pathologique de cette singulière dystro-
phie, nous ne possédons que les nécropsies des cas de Scheutheuer et de
Fodd (et encore ce dernier cas ne fait pas partie de ceux que nous avons
retenus comme appartenant d'une façon absolument certaine à la dysostose
cléido-crânienne) ainsi que celles rapportées par Poynton et Miller (32)
et par G. Roussy et Ameuille (cas de Pierre Marie) (33).
En outre dans ces cas les auteurs se sont contenté de décrire l'état
des clavicules, des insertions musculaires de la région, l'étal du crâne, celui i
du cerveau et de la moelle, etc., ce qui n'est que d'un intérêt secondaire
pour la conception générale de la nature de cette dystrophie. Nous igno-
rons complètement en particulier l'état des glandes à sécrétion interne et
nous croyons de notre devoir de signaler cette lacune à l'attention des
observateurs qui auront l'occasion d'étudier dorénavant l'anatomie patho-
logique de pareils cas.
Disons maintenant quelques mots sur l'étiologie de la dysostose cléido-
crânienne. Cette question elle aussi est très obscure.
SUR UN CAS DE DYSOSTOSE CLIDO-CRAN1RNN1 lez, 261
Les différents facteurs toxiques ou infectieux, tels que l'alcoolisme, la
syphilis héréditaire, la tuberculose, ne sont nullement prouvés.
Dans les cas de Villaret et Francoz, les auteurs montrent qu'on pourrait
soupçonner l'hérédosyphilis en se basant sur les crises convulsives du
père, sur les fausses couches et l'état des tibias de la mère, ainsi que sur
l'état du fond de J'oeil de la fillette. Ces mêmes auteurs ont noté en outre
la consanguinité des parents.
L'hérédité est en tout cas un facteur étiologique certain et laisse suppo-
ser l'existence chez les parents d'une prédisposition spéciale et méconnue
dans son essence, en vertu de laquelle leurs enfants sont atteints de cette
dystrophie.
Quant à la pathogénie, on peut dire que c'est le côté le plus intéressant
bien que tout à fait inconnu du problème.
Guzzoni degli Ancarani suppose une anomalie régressive, la clavicule
manquant ou étant à l'état tout à fait rudimentaire chez certains animaux.
Mais cela n'expliquerait pas encore le mécanisme de la production de la
dysostose qui nous occupe.
L'hypothèse deScheutheuer, d'une inflammation se produisant avant le
deuxième mois de la vie intra-utérine et agissant sur les os atteints, ne
nous semble pas plus heureuse, d'autant plus qu'elle n'expliquerait pas
d'autres phénomènes tels que l'état des dents, la taille petite, etc., obser-
vés au cours de cette dystrophie.
Dowse admet un vice primitif de formation après avoir d'abord pensé
à une fracture de la clavicule pendant la vie intra-utérine, hypothèse qui
évidemment ne vaut pas la peine qu'on s'y arrête.
Schorstein,Gross, Sachs ont pensé au rachitisme survenant au deuxième
mois de la vie foetale. Mais le dernier auteur, au moins, rejette aussi cette
opinion, les principaux signes de rachitisme manquant chez son malade.
Couvelaire pense à la similitude d'origine embryologique des parties
malades, les os cranio-faciaux étant des os dermiques ; chez les poissons,
on peut dire la môme chose pour la clavicule.
Bruch affirme la même chose pour l'homme. Cet auteur a étudié un
embryon de 7-8 millimètres. Pour Gegenbauer,la clavicule est un os mixte
provenant d'un noyau central conjonctif et de deux nodules latéraux car-
tilagineux. Les recherches de Külliker chez le lapin le conduisent à ad-
mettre plutôt l'origine cartilagineuse. Quelques recherches de Couvelaire
ne lui'ont pas permis de trancher la question. Cet auteur pense à une
dystrophie complémentaire de l'achondroplasie, la première touchant du
squelette ce que la seconde respecte. Mais ainsi qu'il le remarqué lui-'
même, cette hypothèse ne s'accorde pas avec le fait que la dystrophie des
malades dont nous nous occupons n'est pas exclusivement, mais surtout
cléido-c1'<Înienne.
;W2 MALDARESCO ET Ranime
En outre cette hypothèse, reprise plus lard par Apert (34), qui voit dans
l'achondroplasie et la dysostose cléido-crânienne deux mutations, deux va-
riétés spéciales de l'espèce humaine.ne nous explique en rien le mécanisme
qui préside à leur production.
Porak et Duran te(3¡)) voient dansla dysostose cléido-crânienne une forme
particulière de leur dysplasie périostale et dans la palhogéniede cetteder-
nière ils invoquent un trouble trophique ou glandulaire. C'est vers relie
interprétation que penchent aussi Voisin, Macé de Lépinay etInfroit.C'est
aussi celle qui nous semble mériler le plus d'attention et qui paraît la plus
rapprochée de la vérité.
Il est plus difficile de dire quelle est la glande dont le trouble fonction-
nel intervient dans la production de cette dystrophie.
Voisin, de Lépinay et Infroit remarquent avec raison que les troubles
de la dentition qu'on observe dans cette dystrophie sont « tout à fait com-
parables à ceux que l'on constate chez les myxoeclémaLeux dont on connaît
bien l'origine thyroïdienne ».
, En effel,on trouve dans les deux cas le retard de la première comme de
la seconde dentition, la disposition irrégulière des dents, leur carie pré-
coce, etc.
On peut dire la même chose pour la persistance anormale des fonta-
nelles. Celle dernière est, elle aussi, commune aux deux dystrophies.
Nous avons vu que chez une malade de Pierre Marie, la fontanelle anté-
rieure persistait encore à l'âge de 47 ans. Siegrrl (3(i) a noté également
la persistance de la même fontanelle jusqu'à l'âge de 40 ans dans le myxoe-
dème congénital
Des déformations de la colonne vertébrale comme celles trouvées dans la
dysostose ont été égaiementnotéesdans le myaedéme. C'est ainsi queJean-
delize (37) remarque la fréquence de l'ensellure lombaire. Douillet (38),
Chipault (39) ont noté la scoliose. Jeandelize a vu une cypho-scoliose.
L'un de nous (40) a insisté dans un travail antérieur sur le rôle du. corps
thyroïde dans la scoliose de l'adolescence.
Rappelons encore que dans un cas de Raymond (41), le malade présenta
un genu valgum bilatéral et la déviation des pieds en varus.
Voici tous les troubles, auxquels il faut ajouter la petite taille el J'ohé-
sité, communs à la dysostose cléido-crâniene et au myxoedème.
Pourtant on nepeut confondre les deux dystrophies, On peut penser que
dans la dysostose cléido-crânienne interviennent encore d'autres glandes et
on doit tenir compte aussi-du moment où le trouble se produit. En effet,
un trouble agissant à un moment plus précoce du développement aura
d'autres conséquences ques'il agissait plus tard.
L'hypothèse polyglandulaire pourrait d'au tant plus être invoquée que la
SUR UN CAS DE DYSOSTOSE CLIDO-CRAN1ENNE 2G3
plupart des glandes influencent le développement des os et des dents, fait
que l'un de nous a exposé avec les détails nécessaires dans un travail an-
térieur en collaboration avec MM. Marinesco et Minea (42). Plus récem-
ment encore Josephson (43) ainsi que Peter Kranz (44) ont repris la ques-
tion des rapports entre les troubles dentaires et les altérations des glandes
endocrines. .
Nous ne voulons pas pousser plus loin cette discussion. Les faits que
nous venons de citer suffisent, pensons-nous, à montrer dans quelle voie
doivent s'engager les futures recherches sur cette question et autorisent à
classer, provisoirement au moins, la dysostose cléido-crânienne parmi les
dystrophies glandulaires.
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Nouvelle Iconographie DE la S9LP1.1'RIL`RE T. XXV. Pt. XXXV \'
DÉMARCHE DANS 1/ATHÉTOSE
(Ci ii éni itogri pli ie)
(Aloysio de Castro).
Masson & Cie, Edueurs
NOTE SUR LA DÉMARCHE DANS L'ATHÉTOSE,
ÉTUDIÉE D'APRÈS LA CINÉMATOGRAPHIE -
PAR
Aloysio DE CASTRO
Professeur à la Faculté de Médecine de Rio-de-Janeiro.
L'étude des différents types de démarches pathologiques garde toujours
un gros intérêt en séméiologie nerveuse, grâce au secours qu'elle apporle
au diagnostic. Il suffit, en effet, de voir ou- même, dans quelques cas,
d'entendre le malade marcher pour qu'on reconnaisse tout de suite l'affec-
tion de laquelle il s'agit.
C'est pour cela que ce sujet a fourni tant de travaux intéressants.
Mais si pour quelques-uns des types de démarches pathologiques la
simple inspection à l'oeil nu s'impose, dans d'autres cas il faut bien savoir
les analyser.
On sait d'ailleurs que, quel que soit le type de la marche, il y a des
détails que seul l'oeil exercé dans ces études peut bien reconnaître et sai-
sir.
C'est grâce à l'emploi de la photographie qu'on est parvenu à analyser
tous ces points. Faut-il rappeler les beaux travaux de Richer, de Londe
et encore d'autres ? Nous-mêmes y avons apporté quelques démonstrations
pour ce qui est de la démarche dans le beri-beri (1).
Nous avons employé dans nos essais la méthode de Jendrassik (2), avec
quelques petites modifications. Mais aujourd'hui il n'y a que la cinéma-
tographie pour ce genre d'études. On obtient un grand nombre d'images
pour chaque pas de façon qu'on peut se rendre compte de toutes les parti-
cularités en ce qui est des attitudes des membres, du tronc et de la tête dans
les différentes phases de la progression.
Marinesco (3) a très bien profité de ce progrès pour la description mi-
iitiiietise de la marche dans l'hémiplégie organique, dans les paraplégies
(1) ALOYSio de Cnsrno, Das desordens da marcha e seu valor clinico. Rio-de-Janeiro,
1904, p. 188.
(2) E. JENDRASSIK, Klinische Beitl'iige zum Studium des normalen und pathologis-
chen Qangarten (Deut. Arch. f. klinische Medicin, 1901, 70 Band, p. 86).
(3) Marinesco, Les troubles de la marche dans l'hémiplégie organique étudiés à l'aide
du cinématographe (Sem. méd., 1899, p. 255) ; Sur les troubles de la marche dans
les paraplégies organiques (Sem. méd., 1900, p. 71) ; Les troubles de la marche dans
l'ataxie locomotrice progressive (Sem. méd" 1901, p. 113).
2Bfi nn CASTRO
organiques et dans le tabès, et récemment encore Paul Sainton (1) mon-
trait toute la valeur de celte méthode dans l'étude et l'enseignement des
maladies nerveuses.
En ayant eu occasion d'employer la méthode cinématographique dans
notre service à la Polyclinique générale de Rio-de-Janeiro, pour l'analyse
de la marche dans l'athétose, nous pouvons présenter quelques images qui
sont très typiques et tout à fait démonstratives de la façon dont se réalise
la démarche de ces malades.
Il y a des cas où la démarche devient tout à fait impossible, il y en a
d'autres où la progression s'achève plus on moins facilement. Quoi qu'il
en soit, c'est toujours un type de démarche spasmodique (démarche spas-
mo-athétosique) ; elle peut même être une démarche digitigrade, les mala-
des marchent les genoux rapprochés, sur la pointe des pieds, si les phéno-
mènes spasmodiques sont très forts. La marche est d'aulant plus pénible
que la rigidité est plus accusée. La flexion des genoux se trouve un peu
réduite pendant l'oscillation de la jambe, la longueur du pas devient plus
courte. '
Mais ce sont surtout et la position du tronc et celles des membres supé-
rieurs qui frappent l'observateur. Les bras, dans les cas prononcés, sont
accolés au tronc ; mais d'autres fois les bras et les avant-bras sont en ex-
tension et s'élèvent latéralement à une grande distance du tronc, pendant
la marche, en oscillant comme des balanciers, les mains dans les attitudes
anormales, produites par les mouvements athétosiques.
Nous avons observé que celle dérivation dans la position des membres
supérieurs est d'autant plus prononcée que les malades veulent marcher
plus vite ou quand ils sont pris d'émotion.
Cette abduction des membres supérieurs, surtout bien visible quand on
regarde la marche de devant ou par derrière, est toujours plus forte du côté
du membre inférieur oscillant, c'est-à-dire, du côté opposé à celui vers
lequel s'incline le tronc.
Pour ce qui est des mouvements de ce dernier, il s'incline chaque pas
du côté de la jambe fixée, mais celle inclination a un rayon beaucoup plus
exagéré que les simples oscillations de la marche normale, et ainsi la dé-
nomination proposée par Charcot - démarche des gallinacés - devient
très expressive, dans les cas de ce genre. Le malade se dandine « comme
un canard ».
Dailleurs on peut juger clairement de tous ces détails en analysant les
images cinématographiques que nous donnons ci-joint (PI. XXXV el
XXXVI).
(1) P. SAINTON, Quelques considérations sur l'utilité de la cinématographie dans l'élude
des maladies du système nerveux (Encéphale, 1909, p. 410).
Nouvelle Iconographie DE la Saipîtrii're. T. XXV PI. XXXVI
DÉMARCHE DANS L'ATHÉTOSE
(Cinématographie).
1 t\ ? -
LA DORMEUSE D'OKNO
(Herold Froderstrol11).
Masson & Cie, Éditeurs
LA DORMEUSE D'OKNO.
32 ANS DE STUPEUR. GUÉRISON COMPLÈTE
PAR
Harald FRODERSTRÔM
(Stockholm).
Il y a quelques années, la presse suédoise déborda d'articles relatant
le cas de la « dormeuse d'Okno » qui, au mois d'avril 1908, se serait su-
bitement réveillée de l'état léthargique où elle se trouvait depuis 32 ans ;
cette femme, qui avait été soignée dans sa famille, fut à ce moment inter-
viewée par de nombreux journalistes, mais ni la maladie elle-même, ni
les circonstances dans lesquelles eut lieu la guérison n'ont jamais, ni
avant, ni après, été soumises à une étude sérieuse.
Par suite de l'intervention bienveillante de mon chef, le professeur Ga-
rlelius, je fus chargé, à la fin de 1910, par le journal Stockholmstidllillgen
d'aller étudier surplace cette femme dont le nom est Caroline Olsson. Du-
rant quelques jours passés dans la localité où elle habite, je fus à même
d'examiner minutieusement la malade et de recueillir sur son compte des
renseignements authentiques, fournis, d'une part, par les autorités et les
fonctionnaires de la localité, d'autre part, par les proches de Caroline qui
sont honorablement connus dans la localité et qui me firent l'impression
de braves gens dénués de tout désir de se faire remarquer.
Bien que les observations cliniques manquent complètement pour toute
la durée de la maladie, et que, par cette raison, la description de l'état
de Caroline ne puisse présenter de précision véritablement scientifique, le
cas me semble pourtant mériter un certain intérêt, ne fût-ce qu'à titre de
curiosité (PI. Z11VII).
Caroline est née, le 29 octobre 1861, à Okno, petite ile près du bourg
de Monsteraas, sur le littoral est de la Suède. Son père, qui est petit mé-
tayer et pécheur, naquit au même endroit en 1825. La mère mena,
dans sa jeunesse, une vie dissolue, et, vers ? age de vingt ans, elle était,
d'après une remarque sur le registre paroissial, soupçonnée de propager
la contagion vénérienne. Elle se maria en 1859, et eut de son mariage
six enfants, dont Caroline, qui était la seconde. Durant son mariage, la
268 FRODERSTROM
mère, qui mourut en 1905 à l'âge de 76 ans, semble avoir mené une vie
respectable et avoir apporté tous ses soins à son ménage. Un de ses frères
était impotent, mais il n'y a pas eu de cas d'anomalie psychique dans sa
famille, ni dans celle de son mari. Parmi les frères de Caroline, deux qui
étaient matelots sont morts noyés, les autres sont tous bien portants et
travailleurs.
Aucun fait ne corrobore la supposition que, durant son enfance, Caro-
line ait présenté des dispositions anormales, ni qu'elle ait été maladive ;
le père et les frères étaient d'avis qu'elle s'était comportée comme le font
les enfants en général. Pour commencer, la mère, qui avait besoin d'elle
pour le travail domestique, lui enseigna, à la maison, la lecture, et ce ne
fut que vers la fin de 1875, à l'âge de 14 ans, que Caroline commença à
fréquenter l'école communale de Kronohlick où d'ailleurs elle n'eut aucune
difficulté à suivre les cours. Or, après avoir fréquenté "l'école un mois
seulement, elle tomba malade, probablement aux environs de Noël 1875.
L'hiver, lorsque les cours d'eau environnants étaient couverts de glace,
Caroline était forcée de se rendre à pied de la maison paternelle à l'école,
distante de celle-ci de 5 kilomètres, et elle faisait le trajet dans la com-
pagnie de ses frères. Un jour, en rentrant, elle se plaignit de maux de
dents et de malaise; pendant que les frères étaient en train de mettre
leurs skis, elle les avait précédés sur la glace sans tomber ni se blesser
autrement. Mais les frères, qui me racontèrent cet épisode, pensaient,
selon les croyances populaires, que quelque chose avait dû la toucher,
qu'elle avait dû rencontrer un maléfice quelconque disposé à l'intention
d'un autre, mais qui avait exercé son action néfaste sur la première pas-
sante.
La mère fit coucher Caroline qui continua à se plaindre de son mal de
dents sans pourtant tout d'abord accuser d'autres symptômes de maladie,
du moins au su de son père et de ses frères ; ceux-ci ne savaient pas non
plus si, à cette occasion ou plus tôt, ses règles étaient apparues. Et depuis
ce jour Caroline resta alitée, pour ne se lever que 32 ans plus tard. Au-
cune cause plausible de son état n'a pu être découverte; apparemment,
sa maladie fut provoquée par un accès de mal de dents ou, peut-être, par
un rhume insignifiant qui eut une influence néfaste sur la santé psychi-
que de Caroline ; à la question de savoir si l'éclosion de la maladie avait
coïncidé avec l'apparition des fonctions sexuelles, la réponse aurait pu être
donnée par la mère ; malheureusement, celle-ci, qui avait seule soigné sa
fille sans assistance d'autres personnes, est morte.
Aucun médecin ne fut consulté au sujet de la maladie de Caroline,
mais au bout d'un certain temps, on appela auprès d'elle quelques gué-
risseurs qui, toutefois, ne purent rien faire. Ce ne fut que vers 1885 qu'on
LA DORMEUSE D'oIVNO. - 32 ANS DE STUPEUR 269
amena Caroline à l'hôpital de Oskarhamn ; seulement, les médecins de
l'hôpital n'étant point psychiatres, ne s'intéressaient guère il un cas de ce
genre. Elle resta toujours dans le même état de stupidité, sans parler,
insensible aux piqûres d'épingle, elle ne mangeait pas de son propre gré,
mais avalait la nourriture liquide lorsqu'on lui en faisait prendre. On la
déclara « hystérique », et après 15 jours, on la renvoya chez elle dans le
même état qu'à son arrivée. Depuis, elle était soignée clans la maison
paternelle, sans médecin.
Des deux frères restés à la maison, ni l'un ni l'autre n'avaient jamais,
au cours de toutes ces années, vu Caroline quitter le lit de son initiative
propre, ni ne l'avaient entendue prononcer une seule parole. Par contre,
le père raconta que, trois ou quatre fois, il l'avait trouvée levée, « sautil-
lant à quatre pattes dans la pièce ». Trois fois, il l'avait entendue parler ;
il devait y avoir une vingtaine d'années, elle s'était un jour, en sa pré-
sence, assise dans le lit, regardant autour d'elle, et lorsque, tout ébahi,
il l'avait exhortée à prier le bon Dieu, elle s'était écriée : « Doux Jésus,
aie pitié de moi. » Après quoi elle s'était blottie dans le lit, ramenant
les couvertures sur sa tête, selon son geste favori. Le vieux ne se rap-
pelait pins ce qu'elle avait dit les deux autres fois.
Tant que la mère vécut, ce fut elle seule qui soigna Caroline, et celle-ci
refusait d'accepter la nourriture offerte par toute personne autre ; pen-
dant qu'on lui soulevait la tète, la mère lui versait un verre de lait ou
deux par jour ; ni le père, ni les frères ne pensaient qu'elle eût jamais
absorbé plus que cela, et ils ignoraient tous si durant toutes ces longues
années, elle était allée à la selle ! Mais elle avait uriné chaque soir, sou-
vent, il est vrai, « à peine quelques gouttes » ; lorsque, à cet effet, la
mère l'avait soulevée du lit, elle « s'appuyait un peu sur les pieds » tout en
gardant les yeux fermés. Toutefois, les hommes travaillaient au dehors
la plus grande partie de la journée, et ainsi Caroline et sa mère restaient
presque toujours seules.
Lorsque, en 1905, la mère mourut, et que le père annonça la nouvelle
de sa mort à Caroline, celle-ci se mit à pleurer bruyamment ; sa crise de
larmes se renouvela les jours suivants pendant qu'on procédait dans la
pièce de Caroline à la toilette de la morte ; mais la mort de la mère ne
provoqua aucun autre changement dans son état. A partir de ce moment,
ce fut le père qui, une fois par semaine, faisait le lit de Caroline et qui,
chaque soir, la portait hors du lit pour uriner. Dans les derniers temps,
le plus jeune des frères l'avait remplacé. Caroline refusait les secours
offerts par d'autres personnes. Comme auparavant, sa nourriture se com-
posait d'un verre de lait, de deux au maximum, qu'on lui faisait couler
dans la bouche le soir. En 1907, le frère aîné s'était noyé ; en apprenant
270 FHODERSTUOM
cette nouvelle, elle eut une violente crise de larmes sans manifester autre-
ment ses sentiments.
Durant la période qui précéda immédiatement le réveil, le père et les
frères n'avaient remarqué aucun changement dans la manière d'être de
Caroline, et ils étaient incapables d'indiquer une cause ayant pu détermi-
ner cet événement qui, pour toute la famille, fut une grande surprise.
Après la mort de sa femme, le père de Caroline avait pris dans la mai-
son une gouvernante d'un certain âge, et lors de ma visite, cette femme
était restée dans la maison cinq ans sans interruption. Avec cette femme,
qui me parut honnête et intelligente, je pus avoir une conversation par-
ticulière au cours de laquelle elle me fournit un certain nombre de ren-
seignements d'une grande importance pour l'étude du cas.
Selon la gouvernante, Caroline était, durant les trois dernières années
de la maladie (1905-1908), restée couchée immobile, sans s'occuper des
personnes présentes ; souvent, on l'avait pourtant vue se retourner, se-
couer son coussin ou lisser le drap de dessus. En la changeant de
linge, la gouvernante n'avait jamais constaté de traces de déjections,
ni de menstruation ; les ongles de ses doigts étaient toujours d'une lon-
gueur normale, la peau n'était jamais sale et ne se desquamait pas d'une
façon anormale; elle gardait ses cheveux épars, mais ils n'étaient jamais
sales, ni emmêlés. Elle ne touchait jamais au pain, ni aux gâteaux que,
parfois, on mettait près d'elle, mais il arrivait fréquemment qu'elle man-
geait des bonbons qu'on avait posés sur le bord du lit ; toutefois, jamais
tant qu'on l'observait. La gouvernante ne l'avait jamais entendue parler,
mais il lui était, plusieurs fois, arrivé de pleurer ou de gémir.
Or, tous les jours, Caroline était, pendant plusieurs heures, voire pen-
dant la moitié de la journée, laissée seule dans la maison, lorsque les
autres membres de la famille, la gouvernante comprise, avaient leur
travail au dehors, à l'agriculture et à la pêche. En rentrant, la gouver-
nante avait souvent pu constater que des objets se trouvant dans la pièce
avaient été déplacés ou changés de place, et aussi qu'on avait louché aux
denrées qui étaient conservées dans un buffet de la chambre et que la
quantité de celles-ci avait diminué. De temps à autre, on avait pu trouver
Caroline assise droite dans le lit, le regard éveillé, mais alors elle s'était
brusquement jetée sur le coussin, ramenant la couverture sur elle; on
prétendait que les habitants de la ferme voisine (il n'y a que deux ména-
ges dans l'île de Oknô) l'avaient vue sur l'escalier lorsque les membres
de la famille étaient absents. « Depuis la mort de la mère, Caroline était
moins laissée à elle et plus sévèrement tenue », déclara la gouvernante,
et elle accompagna d'un signe de tête alfirmatif ma supposition que depuis
le décès de la mère, Caroline avait dû éprouver de plus grandes diflicul-
LA DOIlIllEUSE D'OIiN(J. - 32 ANS DE STUPEUII 271
tés à se nourrir ; seulement, par déférence pour la famille, elle parais-
sait peu encline discuter ce sujet.
Lorsque, le 3 avril 1908, la gouvernante entra dans la chambre, elle
trouva Caroline sautillant parterre sur les mains et les pieds en pleurant.
Dans le premier moment d'étonnement, elle lui ordonna. « peut-être un
peu sévèrement » de se coucher, ce que lit Caroline en demandant à
plusieurs reprises : « Où est maman ? » Lorsque les frères rentrèrent,
elle ne les reconnut pas : « Ce ne sont pas mes frères, car ils étaient si
petits. » Mais la gouvernante souligne le fait curieux que Caroline ne
manifesta d'aucun étonnement au sujet de sa présence à elle, la gouver-
nante. Caroline était fortement amaigrie, les yeux étaient extraordi-
naires », le teint d'une pâleur transparente « comme chez une personne
qui meurt de faim », cependant qu'auparavant elle avait eu assez bonne
mine. Les premiers jours, Caroline continua à rester timorée et à se dé-
tourner de la lumière, répondant comme à contre-coeur et laconiquement
aux questions qu'on lui posait, se mouvant péniblement et se tenant au-
tant que possible à l'écart. Mais elle mangea avec bon appétit la nourri-
ture de tout le monde sans en être incommodée, et dès le second jour, ses
selles étaient absolument normales, tant au point de vue de la couleur
que de la quantité.
Lorsque le 6 avril, elle reçut la visite d'un ancien proviseur de collège,
M. Goijer, de Mônsleraas, elle peut lire couramment, et raconter ce qu'elle
avait lu, elle paraissait d'une intelligence normale, se rappelait sa fréquen-
tation à l'école et les visites à l'église faites dans l'enfance, mais ne se
souvenait de rien de ce qui s'était passé durant sa maladie. Au bout de
quinze jours, elle se leva et commença à prendre part au travail do-
mestique, bien que ses mouvements fussent encore un peu hésitants. Ses
proches déclarent qu'elle ne faisait jamais de questions directes au sujet
du passé, ni concernant sa maladie ou les affaires de la maison, ni concer-
nant la mort de sa mère, ni concernant quoi que ce fût ; et pourtant,
questionnée sur ces sujets, elle répondait toujours qu'elle ne se rappelait
rien ; quelques mois plus tard, elle était complètement guérie et fit, dans
l'église paroissiale, sa première communion. Le bruit relatant sa résurrec-
tion se répandit vivement, et des quantités de gens curieux se rendirent
à Olinô pour voir le « miracle ».
A ma première visite chez Caroline, je trouvai celle-ci occupée à son
ménage.' En femme habituée à recevoir des étrangers, elle m'accueillit
immédiatement avec une gaité plaisante, non sans quelque coquetterie qui,
toutefois, ne dépassait pas les mesures. Malgré ses 49 ans, elle paraissait
jeune encore, grâce à son ! eint rose sans rides et à ses yeux riants ; sa
taille n'atteignait pas tout à fait la normale ; elle avait bonne mine et ses
272 FRODERSTROM
dents étaient bien conservées ; sa mise était simple et ses mains déjà ru-
gueuses par suite du travail domestique. Bien que par ses mouvements
et par sa manière d'être, elle semblât une femme de quelque 35 ans,
les seins atrophiés et les dépôts graisseux séniles des hanches trahissaient
une femme arrivée à la ménopause ou ayant déjà dépassé celte période.
L'examen auquel nous l'avons soumise ne releva pas d'anomalies phy-
siques. Les pupilles réagissaient normalement, le pouvoir d'accommoda-
tion semblait être très bon, et elle lisait sans difficulté un texte imprimé
en très petits caractères à 20 centimètres de distance. Je ne trouvai pas de
modification empbysématique des bruits respiratoires ; les bruits du coeur
étaient purs et vigoureux, les parois des artères souples et élastiques. Le
corps thyroïde n'était pas perceptible, les réflexes tendineux et cutanés
étaient normaux ; un examen minutieux de la sensibilité révéla partout
l'existence des réactions physiologiques normales. La musculature était
peu développée, mais les mouvements vifs et harmonieux ; sans en éprou-
ver la moindre fatigue en rentrant, elle accomplissait chaque matin une
promenade d'une dizaine de kilomètres pour faire les commissions du
ménage à Mônsteraas. Elle prétendait elle-même qu'elle avait,après sa gué-
rison, eu des règles peu abondantes,mais cette affirmation fut fortement
mise en doute par sa belle-soeur (la femme de son frère) et par la gouver-
nante qui n'en avaient jamais pu constater de traces. Caroline manifesta
le plus vif intérêt pour son neveu, âgé d'un an ; et sur ma question si elle
n'aurait pas aimé avoir elle-même un enfant, elle répondit en riant qu'il
n'était pas encore trop tard. Les membres de la famille étaient unanimes
à affirmer que maintenant elle « était comme tout le monde», calme, gaie
et travailleuse, parfaitement capable de faire les emplettes et d'effectuer
tous les travaux intérieurs de la maison.
A toutes mes questions, Caroline répondit sans hésitation, judicieuse-
ment, mais avec une certaine nonchalance et une certaine tendance à
tourner en plaisanterie les choses sérieuses. Elle n'avait pas de souvenirs
nets de sa première enfance, mais elle se rappelait qu'elle avait joué avec
ses frères et qu'elle n'avait jamais été malade. A partir de l'àge de dix ans,
ses souvenirs étaient plus riches, mais pas plus qu'ils ne.le sont chez des
sujets normaux ; elle avait des souvenirs nets des membres de la famille
voisine, elle se rappela qui avait alors été le pasteur de la paroisse, com-
ment il était, ce qu'elle avait fait à la maison et comment celle-ci avait
été aménagée. Elle savait très bien ce qui s'était passé durant son court
séjour à l'école, elle pouvait décrire l'extérieur du maître d'école et nom-
mer par leurs prénoms une demi-douzaine de camarades qu'elle n'avait
plus jamais revus; elle savait décrire minutieusement la route à suivre
pour aller à l'école ; elle s'était toujours bien entendue avec ses camara-
LA DORMEUSE D'UKNQ, - 32 ANS DE STUPEUR 273
des et ne gardait aucun souvenir désagréable de l'enseignement. A plu-
sieurs reprises, elle affirma sur ma question qu'elle n'avait pas encore en
ses premières règles lorsque la maladie éclata.
Un jour d'hiver - elle ne saurait préciser la date - comme elle s'en
retournait sur la glace, elle avait eu mal aux dents et s'était sentie légère-
ment souffrante; chemin faisant, elle ne s'était fait aucun mal et il
ni vu ni entendu rien d'extraordinaire. Lorsque la conversation tombait sur
ce sujet, Caroline paraissait plus renfermée et moins affirmative. Elle
n'avait aucun souvenir de tout de ce qui s'était passé depuis, elle n'avait
pas remarqué l'alternance entre le jour et la nuit, ne savait pas qu'elle
avait mangé ni qu'elle s'était remuée, ni ce qu'elle avait pensé et senti ; « ils
avaient dit» qu'clleavait passé quelque temps à Oskarshamn, quêta mère et
les frères étaient décédés, qu'elle n'avait pris que du lait etc., mais c'était
seulement après sa guérison qu'elle avait appris tout cela.Elle ne savait rien
des changements qui étaient survenus dans leur maison pendant sa maladie;
aussi n'avait-elle pas très bien reconnu son entourage au réveil ; ce qu'à
ce moment elle a pensé au sujet de la présence de la gouvernante, elle ne
se le rappelle plus. Du récit de Caroline, il ressort qu'elle a dû se réveil-
ler à la vie brusquemeut, car elle prétend absolument ne rien savoir de
ce qui s'est passé les jours qui i ont pl écédé le réveil. Ici les réponses de
Caroline étaient beaucoup plus brèves et données de mauvaise grâce;
elle laissa clairement voir que ces questions ne lui plaisaient pas. Elle ne
pouvait pas décrire ses senliments au réveil, mais raconta qu'elle avait eu
faim et qu'elle avait demandé du hareng, un plat qu'elle se rappela avoir
mangé dans son enfance. Elle avait été très abattue et la tète lui avait
tourné, la lumière du jour lui avait fait ma) aux yeux et elle avait surtout eu
envie de continuer à rester couchée ; le lendemain, elle avait eu une selle
abondante, et s'était à cette occasion sentie « très malade ». Lorsqu'elle
avait commencé à se lever et à rester debout, elle avait « eu des enflures
sur le corps », ce qui avait duré jusqu'au cours de l'été.
Caroline savait lire et écrire, mais à part cela, ses connaissances étaient
plutôt limitées. Elle savait le nom du roi et do la reine qui régnaient lors
de son enfance, et ceux du roi et de la reine actuels. Elle savait quel
endroit habite le préfet de son département, mais elle ignorait en quoi
consiste sa fonction ainsi que la mission du Parlement. L'histoire de Suède
lui était complètement inconnue, et ses connaissances géographiques se
bornaient à la région immédiatement voisine, elle ne savait même pas
indiquer la situation de Stockholm.
Elle exécutait correctement les additions peu compliquées, mais de la
table de multiplication elle ne connaissait que les nombres les plus bas
Elle savait définir correctement un certain nombre de notions abstraites,
xxv ls
27h FnijDE[\STllli1
comme bienfaisance, injustice, bienveillance ; elle s'acquitta d'une façon
satisfaisante des preuves de Bourdon et d'LGiaglarc2vs ; au cours de l'exa-
men de son pouvoir d'association, ses réactions furent normales. Durant
ces conversations, Caroline se montra de nouveau bien à son aise et de
bonne humeur, affirmant qu'elle ne se sentait pas du tout fatiguée, mais
qu'elle trouvait mes questions bien inutiles.
Par le docteur Almblad, à lVlünsteraas, j'ai plusieurs fois eu des nou-
velles de l'éiat de Caroline après ma visite ; la dernière fois encore, le
6 décembre 1911, il me confirma que Caroline continue à se comporter
« comme n'importe qui », s'occupant convenablement de son intérieur
et ne présentant aucun signe de troubles psychiques.
Ce cas tire son caractère rare et intéressant du fait de la guérison com-
plète de la malade après une maladie ayant duré plus de 32 ans ; main-
tenant, elle reste, depuis plus de 4 ans, absolument normale tant au point
de vue psychique que physique, voire, à certains points de vue. très bien
conservée, et en tout cas exempte de toute trace de démence ou défectuo-
sité ; les défectuosités que présentent ses connaissances ne pourront pas,
vu son cas, être considérées comme des signes d'une infériorité intellec-
tuelle.
Autant qu'on puisse en juger par la description des symptômes qui
laisse tant à désirer au point de vue scientifique, il est évident que Caro-
line s'est trouvée dans un état d'inhibition avec négativisme qui corres-
pond assez exactement à la stupeur catatonique ; pourtant, il semble
qu'il n'y ait point eu d'hallucinations, ni de phénomènes d'irritation
motrice, stéréotypies, rigidité musculaire, grimaces, ' etc. ; mais, par
contre, une certaine tendance à la simulation a dû caractériser son état,
bien que les manifestations de celle-ci aient été de caralére psychopathi-
que et combinées avec une diminution très notable de la conscience.
La ferme conviction du père et des frères que Caroline n'ait jamais
absorbé plus de deux verres de lait par jour et que, durant trente-deux
ans, elle ne soit jamais allée à la selle, ne pourra être expliquée que par
le fait que Caroline a eu dans sa mère une alliée discrète et dévouée qui
l'a soignée et nourrie à l'insu des autres ; après la mort de la mère, Caro-
line a dû faire ses besoins et se nourrir en cachette, mais ce qu'elle a pu,
de celte façon, se procurer, est à la longue devenu insuffisant, el c'est là la
cause de son amaigrissement. Il est donc possible que ce soit celle situa-
tion de détresse qui a eu pour résultat de réveiller l'instinct de conserva-
tion chez Caroline et par là sa conscience, et nous pouvons en outre sup-
poser que cette influence s'exerça juste à un moment où les processus
pathologiques qui avaient occasionné sa longue stupeur se trouvaient en
état de régression ; on a le droit de croire que Caroline aurait succombé
LA DORMEUSE D'OKNO. - 32 ANS DE STUPEUR 275
par inanition si cette situation s'était produite durant une phase moins
avancée de la maladie. Toutefois, cette supposition restera forcément à
l'état d'hypothèse.
Certaines circonstances rapportées dans notre description indiquent que,
dans une certaine mesure et au moins par intervalles, Caroline a eu cons-
cience de ce qui se passait autour d'elle et qu'elle a pu donner une expres-
sion et à ses sentiments et à sa volonté. Elle pleurait à l'occasion de nou-
velles tristes; elle oubliait son rôle négativiste lorsqu'on la tentait avec
des bonbons ; elle acceptait des soins seulement de certaines personnes
déterminées ; lorsqu'on la surprenait au cours de ses petites expéditions
dans la chambre, elle semble, évidemment dans un but démonstratif,
s'être comportée de façon extraordinaire. Elle ne salissait jamais son.lit,
et au réveil, ses ongles étaient d'une longueur normale, ses cheveux
épars bien démêlés ; comme, durant les trois dernières années de sa ma-
ladie, personne ne l'avait aidée pour cela, elle a dû faire le nécessaire
lorsqu'elle était seule. Il est impossible de discerner si ces simulations,
grâce auxquelles elle trompait son entourage, ont été provoquées par des
idées de persécutée, par une sorte de crainte obscure des gens, ou par la
tendance aux exagérations démonstratives qui caractérisent les états de
troubles hystériques.
Il est à noter que Caroline continue il rester complètement amnésique
pour tout ce qui a trait au temps passé durant sa maladie et qu'ainsi trente
années de sa vie n'auraient point laissé de trace dans sa conscience. Il est
probable que Caroline s'est trouvée dans un état très prononcé d'épuise-
ment psychique et d'inhibition associative ; les souvenirs qui, durant cette
période, ont été enregistrés ont possédé une intensité tellement minime
qu'ils n'ont point été incorporés il sa conscience tout en influençant,
comme des components psychiques subconscients, sa personnalité et en
maintenant chez elle un vague sentiment de continuité vitale. Mais, indé-
pendamment de ce raisonnement, on ne peut pas se défendre du soupçon
qu'ici aussi Caroline s'est adonnée à la simulation que, après son réveil,
elle a, avec intention, nie. l'existence de certains souvenirs dont l'aveu
aurait pu lui causer des ennuis. Il semble assez plausible qu'au réveil
Caroline ne voulut pas se rappeler la mort de la mère, ni reconnaître ses
frères, et qu'elle procéda ainsi par une sorte d'instinct de conservation,
bien que sa méthode de défense fût entachée d'un certain nombre d'in-
conséquences. Peut-être aurait-on pu arriver à une certitude à cet égard
à l'aide d'une analyse psychique approfondie ou d'un traitement hypno-
tique de Caroline, mais je ne me considérais pas comme autorisé à une
telle ingérence qui aurait pu amener des réactions désagréables. En tout
cas, il me semble important qu'en examinant les motifs, on ne se laisse
276 rRÜDERSTRÜn4
pas méduser par des théories psychologiques intéressantes, mais qu'au
contraire, on tienne aussi compte des possibilités banales lorsque les rela-
tions de cause à effet n'apparaissent pas spontanément. Et il n'est pas
douteux qu'un aliéné aussi bien qu'un être sain peut, dans un but intéressé,
sciemment nier ou taire des faits réels.
L'historique de la maladie de Caroline concorde sur divers points avec
un cas publié par ie professeur Gadélius (llygiaea 1894). Chez un tailleur
de 32 ans, marié et sans hérédité psychopathique,il se développa en l'es-
pace d'un an une psychose (angoisse) qui évolua en stéréotypie et négati-
visme. Lorsqu'au mois de novembre 1882, il fut admis à l'asile de Lund,
il était stupide et répondait à toutes les questions : « Fait beau aujour-
d'hui » ; il présentait une atonie musculaire généralisée et une anesthésie
complète pour les piqûres d'aiguille, mais il n'avait pas d'hallucinations ;
après peu de temps, il était arrivé à un mutacisme complet et refusait
toute nourriture; toutefois, il parait qu'en cachette il acceptait de la
nourriture que lui donnait un autre malade. Depuis le mois d'avril 1883
jusqu'en février 1892, il fut constamment nourri à la sonde, et son poids
augmenta considérablement. Durant cette période, il se trouva dans un
état de stupeur avec anesthésie ; cependant, on réussissait souvent, lors-
qu'il ne se croyait pas observé, à le surprendre en train de s'asseoir droit
dans le lit, de se promener dans la pièce, de rire, etc. ; mais aussitôt que
quelqu'un entrait dans la pièce ou qu'il entendait du bruit à côté, il se
blottissait et « restait couché comme une momie ». Une fois, pris en
flagrant délit de promenade par terre, il n'eut que le temps de se jeter en
travers de son lit. Au cours de l'année 1892, il commença à « se réveil-
ler », restant les yeux ouverts, prenant du lait, se remettant ;c parler et à
remuer normalement. Toutefois, il resta absolument amnésique au sujet de
sa vie antérieure et ne sut dénommer d'autres objets que ceux qui l'avaient t
entouré durant la maladie ; soumis à un enseignement approprié, il récu-
péra très vite ses capacités psychiques, pu reprendre son ancien métier et
retrouva le souvenir de sa vie antérieure, à l'exception, cependant, du temps
où il était resté malade qui continua à être effacé de sa mémoire. Au mois
dejuin 1893, il put sortir guéri, et se remit à travailler. Au mois de décem-
bre 1907, un autre psychiatre se mit en relation avec lui. C'était le
Dr Alfred Pétren qui cite l'historique du cas dans son ouvrage « Ulier
Spatlieilung der Psychosen » (Stockholm, 1908). A ce moment, le malade
avait travaillé sans interruption, gagnant ainsi la vie de sa famille ; on ne
put constater aucune défectuosité psychique; mais l'homme était d'un
caractère violent et était, dans le pays, considéré comme « matois ».
L'amnésie au sujet du temps où il avait été malade persistait, il affirmait
LA DORMEUSE 1)'OlNi. - : 3 : 2 ANS DE S'i'UPKU 277 I
n'avoir pas d'hallucinations ni d'idées fixes, disant que « C'était lu des
idées ? » Son entourage était d'avis qu'il était « comme autrefois »).
Gadélius décrivit ce malade comme un cas de stupeur en donnant une
analyse psychologique fouillée et en appliquant principalement les théo-
ries de Janet, notamment concernant l'amnésie. A cause de l'absence
d'hallucinations, de rigidité musculaire et d'un certain nombre d'autres
symptômes, Gadélius était d'avis que ce cas ne pouvait être considéré
comme une catatonie de Kahlbaum et laissa la question du diagnostic ou-
verte et indéterminée. Pétrel ! par conlre fit valoir que tant le processus
que la combinaison de symptômes prouvaient d'une façon irréfutable
qu'il s'agissait d'un cas typique rentrant dans la catégorie plus vaste de
la catatonie de Kraepelin.
Tant que la démence précoce, et en l'espèce la catatonie, ne forme
qu'un groupe purement symplomalologique, indéterminé au point de vue !
de l'étiologie, il est évident que le cas de Gadélius aussi bien que le cas
Carol ine peu ventêtre compris dans ce cadre vaste; seulement, AT/w/je/i» lui-
même considéré comme douteux que la catatonie représente une entité no-'
sologique et insiste sur l'importance qu'il y a à. distinguer les cas t) piques
d'autres cas « dont le pronostic est essentiellement différent »; il souligne
ce fait que l'historique des cas typiques ainsi que les examens pathologi-
ques du cerveau récents nous contraignent à supposer que de graves mo-
difications ont lieu dans le manteau, opinion qui est aussi celle d'un cer-
tain nombre d'auteurs français (Anglade, Régis, Sérieux etc.). Par celle
raison, on esl tenu à rester sceptique du diagnostic catatonie dans
les cas où, après une maladie particulièrement longue, on esl surpris par
une guérison complète sans défectuosités ni rechutes,et cela surtout au cas
où le tableau des symptômes considéré seul n'a pis été- absolument con-
cluant.
Le malade de M. Gadélius aussi bien que Caroline guérirent après une
période de stupeur passive sans phénomènes d'excitation et qui avait
été d'une durée exceptionnelle ; chez les deux, il y avait une forte len-
tance à la simulation sans qu'on n'ait, dans aucun des cas, pu constater des
hallucinations ni d'idées de persécution ; dans les deux cas, l'amnésie
était complète et permanente concernant le temps qu'avait duré la mala-
die, tandis que les souvenirs antérieurs étaient d'une netteté remarquable
ou furent en tout cas vile réveillés. Cependant, on ne pourra pas, de ces ana-
logies, conclure que la pathogénie des deux cas ait été identique, mais on
peut supposer que le processus pathologique chez les denx malades a été'
de nature fonctionnelle et qu'il n'y a pas eu de destruction du substratum
organique.
On ne saurait nier que, sous plusieurs rapports, les s\mptûmes concor-
278 FRODERSTROl1
dent avec ceux de V hystérie, notamment pour ce qui est de l'amnésie
totale, de l'anesthésie et de la tendance à la simulation, en même temps
que les symptômes pathognomoniques de la catatonie font défaut. Aux
« Findigkeit und Uberlegtheit, Launenhaftigkeit und Empfindlichkeit,be-
reclillende Schlauheit, Herrsucht und planmassige IIaÍ'lnÜckigki »,carac-
térisant l'hystérie, Kraepelin oppose les symptômes suivants qui caracté-
risent la catatonie « die Zcrfallenheit des Gedankenganges, die Urleilslo-
sigkei die ullsinnigen Einfalle undIdeenvercbindunen,diegemüthliclle
Stumpfheit, die Einfôrmigkeit und ZieHosigkeit des IIandelns ».
Bien que cette description succincte soit loin d'être complète pour l'une
et l'autre notion nosographique, elle met pourtant en lumière les plus
grandes différences qu'elles présentent au point de vue clinique ; seule-
ment, le tableau des symptômes de l'un aussi bien que de l'autre cas se
laissent aussi peu placer dans P un ou l'autre groupe. Dans les cas analo-
gues, on est tenu à considérer le diagnostic comme incertain, les cas
extrêmes étant impossibles à déterminer. La difficulté de distinguer l'hys-
térie de la catatonie a d'ailleurs été signalée par un grand nombre de
savants (Séglas, Sérieux,Reynaud et d'autres) ; lors d'une discussion psy-
chologique de ces questions, 1898, Gadélius souligna que « dans les deux
cas, des phénomènes psychiques primaires et subconscients donnent il la
maladie son caractère typique; qu'on trouve des deux côtés des idées
fixes, des luhies pathologiques, des obsessions et des phénomènes d'auto-
matie et que la tendance constatée de la catatonie à simuler les états psy-
chasthéniques et hystériques nous incitent à être prudents lorsqu'il s'agit t
d'établir, dans ces cas scabreux, diagnostic et pronostic.
La vieille conception de l'hystérie comme un trouble psycho-sexuel re-
vêt constamment de nouvelles formes et vient, par la théorie moderne de
Freud d'être poussée à l'extrême. Aussi sur ce point - l'étiologie - la ca-
tatonie semble entrer en contact avec l'hystérie. Kraepelin,Ré is,Marro et
d'autres comptent avec la probabilité que souvent, et spécialement à t'age
de la puberté, les fonctions sexuelles jouent un rôle prédominant dans la
naissance de la catatonie. Certains auteurs, (Paltauf, Bartel, Brosch, Karl
Petrén et d'autres) ont mis en lumière la modification profonde dans l'ac-
tivité de l'appareil lymphatique et dans la sécrétion interne qui ont lieu
lorsque les organes sexuels s'actualisent ; il se peut qu'à cette occasion
certaines circonstances prédisposantes donnent naissance à un chimisme
pathologique dans les humeurs, lequel exercerait, dans certains cas, une
influence délétère sur les parties corticales et associatives du cerveau, pen-
dant que dans d'autres cas plus favorisés, il ne comporterait que destrou-
hles fonctionnels d'une durée plus ou moins grande.
A ce point de vue, le cas de Caroline présente un intérêt tout particu-
LA DORMEUSE D'OKNO. - 32 ANS DE STUPEUR 279
lier, car son état anormal semble avoir duré pendant toute la période
d'activité sexuelle de la vie ; au commencement de la maladie, elle avait
14 ans, et elle guérit à l'âge de 46 ans et demi, ce qui correspond très
exactement aux limites de conception de la femme de la race germanique
du nord. Il y a donc des présomptions pour que son anomalie psychique
extraordinaire ait été occasionnée par des anomalies de la sécrétion in-
terne, par une auto-intoxication créée sous l'influence des organes sexuels
et cessant avec l'activité de ceux-ci : cependant, cette hypothèse n'exclut
point la possibilité que les symptômes et le cours de la maladie aient été
influencés par des circonstances extérieures qui ont donné au tableau de
la maladie leur caractère psychologique particulier.
(Trad. S. Garling-Palmer).
Le gérant : P. Bouchez.
Imp. J. Ttieyenot, Saint-Dizier (Haute-Marne)
HOPITAL CANTONAL DE GENL VC
Laboratoire de 111. le professeur Bard.
^SOCIÉTÉ DE NEUROLOGIE DE PARIS
SÉA1\CE DU 25 JANVIER 1912.
ATROPHIE MUSCULAIRE PROGRESSIVE TYPE ARAN-
DUCHENNE DE NATURE NÉVRITIQUE
(second cas SUIVI d'autopsie)
PAR
E. LONG.
Observation clinique (1).
Brandt Lucien, né en 1848, monteur de boites d'horlogerie.
Antécédents héréditaires et collatéraux . - Pas de renseignements précis
sur ses parents. De ses quatre frères, deux sont morts de fluxion de poitrine,
un par accident, le quatrième de maladie indéterminée.
Antécédents personnels. - Pas de syphilis connue ; pas d'alcoolisme.Bonne
santé habituelle. Pneumonie à l'âge de 45 ans; lumbago deux ans plus tard.
Marié, il a eu trois enfants dont deux sont bien portants : l'autre a succombé
à une affection pulmonaire qui a duré 6 mois.
Histoire de la maladie. En 1898, à l'âge de 53 ans, il a commencé à
sentir de la gêne dans l'usage de la main gauche la plus utilisée pour son tra-
vail. Uu jour, cette main lâcha l'instrument qu'elle tenait et se tourna brus-
quement en pronation forcée. Le malade fut soigné quinze jours à l'hôpital de
Besançon, puis, ne pouvant travailler, rentra dans son pays, à Neuchâtel.
En 1900, il obtient une place de gardien dans la section suisse d'horlogerie,
il l'Exposition de Paris, et en profite pour se faire soigner à la Salpêtrière,
dans le service d'électrothérapie de M. lé Dr Huet. Puis, il vient à Genève et
fait un premier séjour à l'Hôpital cantonal, dans le service de M. le professeur
Bard, du 20 janvier au 25 février 1901.
L'observation prise il ce moment-là, et que nous résumons, indique qu'il
(1) Résumé des notes prises par les D" Pugnat, Ilumbert, manoir, médecins-as-
sistants, et de notre examen personnel.
xxv ' 19 ;)
282 LONG
n'existe pas d'autres phénomènes morbides que de l'atrophie musculaire et des
troubles de la motilité.
Membre supérieur gauche : A l'état de repos, le pouce est en extension et
abduction, les autres doigts à demi-fléchis ; les muscles des éminences thénar
et hypothénar, les interosseux, les extenseurs des doigts sont considérable-
ment atrophiés. Sur la face postérieure de l'avant-bras, on voit passer fré-
quemment des contractions librillaires rapides. Les mouvements du pouce sont
limités à une légère adduction ou abduction, sans opposition. Les autres doigts
de la main gauche n'ont pas d'extension possible, ni d'écartement en éventail.
L'extension de la main sur l'avant-bras est faible.
La main droite n'est pas atrophiée, mais depuis quelques semaines, elle est
moins habile dans les mouvements fins, notamment dans la palpation.
Les réflexes tendineux des membres supérieurs sont abolis. Aux membres
inférieurs, les réflexes rotuliens et crémastériens sont aussi abolis, et le cha-
touillement de la plante du pied ne produit aucun mouvement des orteils.
Réflexes pupillaires normaux.
L'examen de la sensibilité montre la conservation des sensations tactiles,
douloureuses et thermiques.
Le malade se plaint de douleurs vagues dans les membres inférieurs. Le
trajet du sciatique droit est douloureux à la pression, et c'est à la région mal-
léolaire que siègent les douleurs les plus caractérisées.
A la fin de cette première période d'observation, l'attention a été attirée sur
quelques tremblements fibrillaires, rares, dans les muscles de la jambe gauche.
Le malade fait un deuxième séjour à l'Hôpital, du 12 décembre 1901 au 15
février 1902.
La faiblesse de la main gauche a suivi une marche progressive : elle sert
encore pour les ouvrages grossiers, mais non pour les mouvements préris, tels
que boutonner des vêtements ou attacher des souliers. Depuis trois mois envi-
ron, la jambe gauche est moins forte que la droite, et depuis un mois, les lé-
gers troubles parétiques de la main droite, relevés à l'examen clinique antérieur,
se sont aggravés. L'opposition incomplète du pouce droit rend difficile l'écriture
et la palpation des menus objets. En outre, le malade raconte que depuis sa
sortie de l'hôpital, il a eu presque constamment des contractions musculaires
brusques dans le bras et l'avant-bras gauche. Des secousses analogues sont sur-
venues dans la jambe gauche depuis 6 mois, et plus récemment dans Je bras
droit. Ces contractions sont plus fortes et plus régulières à gauche qu'à droite
et elles sont parfois assez vives la nuit pour empêcher le sommeil.
L'observation prise pendant ce deuxième séjour à l'Hôpital cantonal note :
L'atrophie musculaire est très marquée à la main gauche, à l'avant-bras
et au bras. Le deltoïde gauche, lui-même, est moins volumineux que celui du
côté droit.
A droite, l'atrophie se retrouve à un plus faible degré, à la main et à l'avant-
bras ; elle n'est pas appréciable à la vue sur les muscles du bras et de
l'épaule.
atrophie musculaire PROGRESSIVE TYPE ARAN-DUCHENNE 283
Mesures circonférentielles : '
Avant-bras gauche, à 8 centimètres au-dessous de l'olécràne, 24 cent. tri ;
à droite, au même niveau, 25 cent. 5.
Bras gauche, à 13 centimètres de l'olécrane, 24 centimètres ; à droite, 26 cen-
timètres.
Mollet gauche, 34 cent. 5; à droite, 34 cent. 5.
Cuisse gauche, à 20 centimètres de la rotule, 43 centimètres ; à droite,
44 centimètres. b
On constate des secousses musculaires dans les muscles du membre supé-
rieur gauche, depuis la main jusqu'à l'épaule : elles ont une intensité maxima
dans le deltoïde et dans le biceps. On en constate aussi, de moins fréquentes,
dans le triceps fémoral gauche et dans le gastro-cnémien du même côté.
Motilité. -- Membre supérieur gauche : Les doigts restent fléchis et le ma-
lade est incapable de les étendre. Les mouvements d'adduction et d'opposition
du pouce sont très faibles. Les doigts ne peuvent pas être écartés en éventail.
Le triceps brachial résiste mal aux mouvements passifs. Le mouvement de
flexion de l'avant-bras sur le bras est beaucoup plus énergique. L'élévation du
bras se fait encore presque normalement.
Membre supérieur droit : L'écartement des doigts en éventail est aboli comme
à gauche ; il y a une diminution assez considérable delà force des doigts, dans
l'acte de saisir et de retenir les objets ; les extenseurs des doigts ont aussi une
force inférieure à la normale. Au bras, la force musculaire est conservée.
Aux membres inférieurs, celle-ci est presque normale à droite, tandis
qu'elle est diminuée à gauche (cuisse et jambe).
Réflexes tendineux abolis aux membres inférieurs (rotuliens et achilléens).
Réflexes crémastériens et plantaires, nuls également.
Sensibilité. - Aucun trouble objectif de la sensibilité (contact, tempéra-
ture, douleur) aux membres supérieurs et inférieurs, au tronc; il n'y a aucun
retard de la perception ; même la perception des écarts relativement faibles
de température est conservée. Seules, les extrémités inférieures ont une sen-
sibitité thermique un peu moins rapide et moins exacte, ce qui s'explique par
le refroidissement.
La sensibilité profonde et la notion des attitudes segmentaires sont conser-
vées ; il n'y a pas d'ataxie dans les mouvements, pas de signe de Romberg.
Comme pendant son séjour précédent, le malade se plaint de douleurs dans
les membres inférieurs, avec une prédominance à gauche, mais on ne trouve
pas sur le trajet des nerfs sciatiques de points particulièrement douloureux
à la pression.
Troubles vaso-moteurs. - Refroidissement des extrémités. La cuisse et la
jambe gauches sont plus froides que la cuisse et la jambe droites.
Sphincters. - Pas de troubles vésicaux.
Réactions électriques,faites avec le courant galvanique, le 27 décembre 1901.
Biceps brachial droit. NFC : 9 volts, 2 milliinip. PFC 10 volts, l/2ma.
Biceps brachial gauche. NFC 8 volts, 11/2 ma. PFC : 11 volts, 2ma. ·
Triceps brachial droit. NFC : 9 volts, 10 ma.PFC : 10 volts, 13 ma.
28 1, long
Triceps brachial gauche. NFC : 9 volts, 6 ma. PFC : 7 volts, 3 ma.
Muscles radiaux à droite. NFC : 8 volts, 6 1/2 m i. PFC : 10 volts, 7 ma.
Muscles radiaux à g;mclie. L'C : 9 volts, 4 ma. Il[-'C : 9 volts, 5 1/2 ma.
Fléchisseurs des doigts. NFC : 10 volts, 3 ma. PFC : Il volts, 6 ma.
Triceps crural droit. NFC : l volts, 5 1/2 ma. PFC : 17 volts, la ma.
TI iceps crural gauche. NFC : 18 volts, 8 1/2 ma. PFC : 18 volts, 15 ma.
Pendant ce séjour à l'hôpital, malgré l'amélioration de l'état général et un il
traitcnent électrique, le m,ilado ne bénéficia d'aucun changement des trou-
bles moteurs et trophiques. L'usage de la main devint même plus difficile en-
core, et les contractions fibrillaires augmentaient de fréquence et d'intensité;
elles furent, en particulier, beaucoup plus visibles au membre supérieur droit.
Dans un troisième séjour, du 22 mars au 22 mai 1902, l'état resta encore
sans amélioration, et le malade se plaignit de contractions douloureuses mus-
culaires plus fréquentés.
Depuis le mois de mai 1902 jusqu'en 1908, le malade occupa un poste de
gardien, puis fut admis dans un asile d'incurables, c'est de là qu'il est envoyé
à l'hôpital le 26 juillet 1910, à cause de troubles digestifs graves, dus à un
cancer de l'estomac.
Dans les huit dernière : années, l'atrophie musculaire a.subi une aggrava-
tion lente : Le bras gauche pend le long du corps, absolument inerte ; l'atro-
phie a détruit complètement les éminences théuar ethypothénar : elle s'étend
à la racine du membre; les muscles deltoïde et les muscles de l'omoplate y
participent. Seuls, les 'élévateurs de l'épaule sont respectés (trapèze, grand
pectoral). ,
Au membre supérieur druit, l'atrophie a aboli presque complètement la mo-
tilité des doigts, mais cette abolition est récente : il y a deux ans, le malade
faiaitencore une partie de sa toilette, et c'est depuis quelques mois qu'il a
perdu la possibilité d'écrire. Les mouvements des muscles du bras et de l'é-
paule sont partiellement conservés.
Aux membres inférieurs, même prédominance du côté gauche où on trouve
une atrophie considérable du quadriceps crural et une atrophie en masse des
muscles de la jambe. Les troubles moteurs qui en résultent produisent la dé-
marche classique du steppage. A droite, les mêmes troubles trophiques exis-
tent, maisatténués.
Les réflexes tendineux sont abolis aux quatre membres.
Pas de troubles objectifs de la sensibilité.
Quant aux contractions fibrillaires, elles existaient encore il y a quelques
semaines : elles se sont atténuées, puis ont disparu avec les progrès de la
cachexie.
Depuis deux mois, le malade a été atteint d'une anorexie progressive avec
.dégoût de la viande, douleurs gastriques et vomissements alimentaires. L'a-
maigrissement a été rapide. La palpation fait constater dans l'épigastre l'exis-
tence d'une tumeur volumineuse, adhérente au foie.
Décès le J9 août 1910.
ATROPHIE MUSCULAIRE PR0GRUSS1VE TYPE AISAN-DUCHENNE 285
Autopsie pratiquée 7 heures après la mort. - Dans le protocole d'autopsie,
dicté par le Dr Boéchat, premier assistant de 1\l. le Professeur Askanazy, nous
relevons les faits suivants :
La rigidité cadavérique est plus prononcée aux membres inférieurs qu'aux
membres supérieurs et plus à droite qu'à gauche. La musculature du tronc
est bien conservée, en opposition avec celle des membres, atrophiée à divers
degrés. Le cerveau ne porte pas de lésions macroscopiques, corticales ou
centrales; l'axe gris de la moelle et les racines rachidiennes ne sont pas atro-
phiés. .
Dans l'estomac, néoplasme végétant de la région pylorique. Métastases gan-
glionnaires locales. Bronchite, emphysème pulmonaire. Goitre. Hypertrophie
cardiaque, sclérose des valvules aortiques et de l'aorte. Un peu de dégénéres-
cence graisseuse du foie. Rate petite.
Examen fIISTOLOGIQUE. - On prélève à l'autopsie le bulbe rachidien, une
série de segments médullaires, des racines rachidiennes avec leurs ganglions
spinaux, des troncs nerveux périphériques et des muscles choisis dans les
régions les plus atrophiées (1). 1
Bulbe HACIIIDlEN ET moelle ÉpiNiÈRE.'] On ne trouve aucune modification
pathologique dans les méninges, les plexus choroïdes attenant DU 'le ventricule,
les vaisseaux, les noyaux de la substance glise, ni dans les faisceaux de la
substance blanche du bulbe.
L'examen de la moelle a porté sur les IIP, V, VI0, Vive, 'l11° segments
cervicaux, sur les Ier, II6, Ve, IXe segments dorsaux, sur Ies Ile et IV° lombai-
res et sur le lIe segment sacré.
Les coupes de ces divers segments, colorées par les méthodes de Weigert,
(1) Nous remercions M. le Profeseur Askanazy, qui a eu l'amabilité de nous remet-
tre ces fragments, nous permettant un examen histotngique détaillé de ce cas inté-
ressant.
1'10, 1. - Premier segment dorsal (\Iethole de Weigerl).
286 LONG
et de Pal, ont une configuration générale normale ; on ne constate, à un faible
grossissement (fig. 1), ni lésions interstitielles (méninges, vaisseaux, tissu con-
jonctif), ni lésions parenchymateuses ; la substance blanche est indemne de
tonte dégénérescence, les cordons postérieurs en particulier sont intacts. Les
racines rachidiennes antérieures et postérieures sont régulièrement myélini-
sées. Il en est de même du réseau fibrillaire de la substance grise.
Les cornes antérieures ne sont pas déformées, et les groupes cellulaires ne
présentent pas de diminution numérique; mais, à un plus fort grossissement
et sur les coupes colorées par l'hématoxyline ferrique ou la cochenille, quelques
cellules ganglionnaires montrent des altérations partielles : une surcharge
pigmentaire, le déplacement du noyau vers la périphérie, des granulations
chromatopbiles moins visibles, une forme plus globuleuse par effacement des
angles, parfois une diminution de volume avec un noyau moins visible. Ces
modifications cellulaires n'existent en fait que dans les segments inférieurs du
renflement cervical ; on ne les retrouve ni plus haut dans le reste de la moelle
cervicale, ni plus bas, en particulier dans le renflement lombo-sacré. Elles
n'ont provoqué aucune dégénérescence des racines rachidiennes antérieures à
leur sortie de la moelle, et ne sont pas la cause des lésions importantes révé-
lées par l'examen des nerfs périphériques.
Nerfs périphériques. - Les nerfs suivants ont été prélevés : à la sortie du
creux axillaire, les nerfs médian, axillaire, radial, brachial cutané interne ;
à l'avant-bras, la branche profonde du cubital et la ;branche cutanée superfi-
cielle du radial ; à la cuisse, les troncs du crural et du sciatique ; à la jambe,
le nerf tibial antérieur.
A l'examen macroscopique, ces nerfs ne paraissent pas augmentés de volu-
me, mais les plus volumineux d'entre eux ont un aspect irrégulier sur la sur-
face de section : quelques fascicules sont grisâtres et vitreux. Après durcisse-
ment par le formol ou le liquide de Müller, cette particularité est encore mieux
visible, car sur des tranches fines et par transparence, certains fascicules
sont moins opaques que d'autres.
Pour l'examen histologique, des segments de ces nerfs ont été imprégnés
par l'acide osmique, et débités en coupes fines après inclusion à la paraffine :
les autres, inclus dans la celloïdine, ont été coupés dans le sens transversal et
dans le sens longitudinal et colorés par différents procédés (Weigert, Wolters-
Kulkschitzky, Van Gieson, hématoxyline ferrique, carmin, cochenille).
10 Sur des coupes transversales (PI. XXXVIII), les lésions sont com-
plexes et réparties inégalement. On note d'abord des fascicules ou des frag-
ments de fascicules qui, même vus sous un fort grossissement, conservent une
structure normale : fibres nerveuses tassées les unes contre les autres, sans
grandes différences de calibre, gaines de myéline régulièrement colorées,
gainesde Schwann linéaires, tissu conjonctif interstitiel peu abondant (Fig. 2).
Les modifications pathologiques qui apparaissent dans les autres régions
portent à la fois, mais dans des proportions très variables, sur les tubes ner-
veux et sur les éléments interstitiels : gaine de Schwann et tissu conjonctif
intra-fasciculaire.
NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALYLTRILRC.
T. XXV. Pl. XXXV111
ATROPHIE MUSCULAIRE PROGRESSIVE
(Type Aran-Duchenne)
de nature névritique. ,
(E. Long).
ATROPHIE MUSCULAIRE PROGRESSIVE TYPE ARAN-DUCHENNE 287
Les fibres nerveuses sont plus ou moins atrophiées ; on trouve tantôt des
fibres de petit calibre dont le cylindraxe est encore entouré d'une gaine de
myéline mal colorée par 1'liématoxyline, tantôt des éléments conducteurs qui
ne sont plus représentés que par un cylindraxe punctiforme entouré de tissu
conjonctif. Enfin, dans quelques espaces, où il ne reste que de rares fibres
normales ou atrophiées, il est évident qu'un grand nombre d'autres fibres ont
disparu.
Les gaines de Schwann se présentent aussi sous des aspects très variés et
sans relations évidentes avec l'état des fibres nerveuses ; il existe des gaines
de Schwann linéaires, normales par conséquent, autour de fibres bien conser-
vées, ou au contraire très atrophiées; d'autres gaines sont épaissies sur une
partie de leur circonférence ; le plus souvent, l'épaississement est régulière-
ment concentrique, formé de lames conjonctives imbriquées, contenant des
noyaux ovoïdes ou fusiformes. Ce sont ces aspects hypertrophiques qui don-
nent à certaines parties des nerfs leur aspect caractéristique;
L'analyse des altérations du tissu conjonctif intrafasciculaire est moins aisée.
Lorsque les fibres nerveuses sont tassées les unes contre les autres, entourées
de gaines de Schwann largement épaissies, il semble bien que l'hypertrophie
de ces dernières est l'élément dystrophique essentiel, et que le tissu conjonctif
interstitiel n'a pas subi de modifications importantes.
Mais, en d'autres points, les gaines de Schwann n'ont qu'un contour impré-
cis et, autour d'elles, des éléments conjonctifs dirigés en tous sens forment une
gangue interstitielle plus ou moins compacte. Quant aux régions claires, d'as-
pect vitreux à l'oeil nu, elles apparaissent, au microscope (PI.XXXVIII), occu-
pées par de rares fibres nerveuses très espacées, et composées essentiellement
d'un réticulum de fibres conjonctives entrelacées dans toutes. les directions;
entre celles-ci, se trouvent des. espaces vides, anhystes, vraisemblablement
remplis par du liquide sur le vivant.
2° Sur les coupes longitudinales des nerfs, les mêmes détails histologiques
apparaissent avec plus de netteté encore. '
Les trois figures PI. XXXIX représentent les étapes principales de la dé-
sintégration des troncs nerveux.
Sur la fig. e les fascicules contiennent encore un nombre assez considérable
FiG. 2. - Fragments des nerfs sciatique et crural (Méthode de Pal).
288 LONG
de fibres saines, en général groupées ; les autres sont en état d'atrophie rela-
tive, et entourées par des gaines de Schwann hypertrophiées ; peu d'espaces
vides.
La ligure / témoigne d'un degré plus avancé dans la destruction des éléments
nerveux : ceux qui restent paraissent dissociés, les uns encore myélinisés, les
autres réduits à des dimensions très restreintes qui mettent en relief le déve-
loppement anormal de la gaine de Schwann. Les intervalles sont occupés par
du tissu conjonctif réticulé.
Enfin (fig. g), dans les zones d'aspect vitreux, la raréfaction des fibres ner-
veuses arrive à son maximum, la partie centrale des fascicules est occupée
presque entièrement par le tissu conjonctif réticulé.
Ces coupes longitudinales des troncs nerveux périphériques permettent
d'étudier les variations de structure dans la continuité des fibres. Les gaines
de myéline présentent des segments inter-annulaires en bon état de conserva-
tion, intercalés entre des fragments déformés, monilifl1l'lnes, effilés, etc... On
y voit également que l'hypertrophie des gaînes de Schwann n'est pas propor-
tionnelle au degré d'altération de la la fibre nerveuse : il est fréquent qu'une
gaine hypertrophiée contienne une fibre normale on à peine modifiée ; inverse-
ment, on trouve des fibres arrivées à un degré avancé d'atrophie sans que leur
gaine conjonctive ait des dimensions anormales ; ceci est encore plus nette-
ment démontré par la discontinuité possible de l'épaississement de la gaine de
Schwann (fig. 3). On voit aussi cette dernière rester volumineuse, régulière-
ment cylindrique, alors que l'élément conducteur qu'elle contenait a disparu
complètement.
Une variante intéressante, assez rare cependant, est la présence dans une
même gaine de plusieurs fibres myélinisées, enroulées et de calibre très irré-
gulier. Bien que leur volume soit, en général, égal à celui des autres fibres,
il semble qu'il y ait là un processus de régénération.
Fio. 3. - Fibres nerveuses. Coupes longitudinales des troncs nerveux.
Obs. IV. oc. 6.
NOUVELLE Iconographie DE la SALPLTRIÈRE.
T. XXV. l'1. XXXIX X
ATROPHIE MUSCULAIRE PROGRESSIVE
(Type Aran-Duchenne)
de nature névritique.
1 (E. Long).
Masson & Cie, Editeurs
£ A
ATROPHIE MUSCULAUOE POG) ! ESS)V) ! TYPE Alt,N-DUCHENNF, 28 ! : J
Le tissu réticulé apparaît sur ces coupes formé de fibres conjonctives à
long trajet, dirigées en tous sens, entrelacées, avec des noyaux ovoïdes ou
fusiformes, parfois très allongés. Ces fibres sont de plus grandes dimensions
que celles qui constituent les gaines de Schwann. En employant, pour l'étude
de ces coupes, des substances (carmin, fuchsine acide) qui colorent les cylin-
draxes, on en trouve quelques-uns dans des espaces en apparence privés de
libres nerveuses : ils sont dénudés, sans gaine de myéline, ni membrane de
Schwann apparente. On doit eu conclure que la raréfaction des éléments
parenchymateux est moins avancée que ne le laisserait croire un examen
limité aux coupes traitées par la méthode de Weigert.
Tissu conjorecli'qPrifascicxclai·e et inlerfasciculaire. Vasa nervorum.
On sait qu'à l'état normal, les enveloppes conjonctives ne sont pas dévelop-
pées au même degré sur tous les nerfs, ni sur toute la longueur d'un même
nerf, ce qui rend malaisée l'appréciation d'un état pathologique de faible inten-
sité. Sur l'ensemble des troncs nerveux examinés, il ne semble pas qu'il y
ait une augmentation notable de la gaine lamelleuse. Par contre, les coupes
transversales donnent bien l'impression d'une hyperplasie légère, inconstante,
du tissu conjonctif interfasciculaire, plus marquée pour certains troncs (Voir
PI. XXXVIII, tig. 2).
De même, nous avons observé à plusieurs reprises un épaississement con-
centrique des parois des vasa nervorum, sans caractère inflammatoire, simple
augmentation numérique des éléments histologiques, également répartie sur les
trois membranes, interne, moyenne et externe. Il ne s'agit pas là, nous nous
empressons de le dire, d'une disposition générale, mais d'anomalies de struc-
ture relevées en quelques points.
Répartition des lésions dans les nerfs périphériques et les racines rachi-
diennes. - En considérant l'ensemble des fragments examinés, on voit que
la dégénérescence des nerfs n'est jamais globale. Les nerfs mixtes contiennent,
en effet, des fascicules sains ou à peu près normaux, alors que d'autres fascicules
sont profondément modifiés dans leur structure. Un fait très important, sur
lequel il faut insister, est l'intégrité du nerf brachial cutané interne (fig. 4),
intégrité que l'on retrouve presque aussi complète dans la branche cutanée
anti-brachiale du nerf radial (PI. XXXVIII) : or ce sont là des rameaux à
fonction exclusivement sensitive.
L'étude histologique a porté surtout sur les troncs nerveux de la racine des
membres : les modifications si considérables que l'on y trouve ne paraissent
pas conserver la même intensité dans les rameaux plus périphériques et plus
grêles ; ainsi, sur le nerf tibial antérieur (nerf qui innerve les muscles exten-
seurs du pied très atrophiés et parésiés), les fibres nerveuses sont moins non]-,
breuses qu'il l'état normal, les unes en bon état de conservation, les autres de
volume très réduit : le tissu conjonctif intrafasciculaire est plus abondant qu'à
l'état normal et forme des travées fibreuses, mais on ne trouve plus ici des
zones de tissu réticulé, ni un épaississement concentrique des fibres conjonc-
tives des gaines de Schwann.
Plus loin encore, notamment sur les filets nerveux intramusculaires des
290 LONG
muscles extenseurs de l'avant-bras, on constate que la disparition d'une partie
des éléments nerveux est remplacée par une sclérose de faible intensité. Les
lésions si caractéristiques des gros troncs nerveux ne se retrouvent donc plus
à la périphérie.
Pour rechercher d'autre part le début des lésions, à l'origine radiculaire
des nerfs, plusieurs racines rachidiennes avec leurs ganglions spinaux ont été
débitées en coupes longitudinales et transversales. Nous rappelons le fait, relevé
plus haut, que les racines rachidiennes adhérentes aux segments médullaires
se sont constamment révélées indemnes de toute dégénérescence atrophiqueou
sclérose interstitielle. Il en est de même pour les nerfs de la queue de cheval
examinés au-dessous du côue terminal.
C'est près des ganglions spinaux qu'apparaissent les lésions (PI. XL). Il
s'agit, tantôt d'une raréfaction diffuse des fibres nerveuses qui fait paraître le
tractus moins coloré par la méthode de Weigert-Pal, tantôt d'une dégéné-
rescence limitée à une partie de la racine, accompagnée d'une sclérose inter-
stitielle ; enfin, on retrouve aussi la même disposition histologique que dans les
troncs nerveux périphériques : atrophie des fibres nerveuses et épaississement
concentrique de leurs gaines conjonctives.
Si maintenant on considère la topographie de ces lésions initiales, on la
trouve également très variable et sans relation avec l'intensité des altérations
périphériques ; ainsi la figure i montre la ire racine dorsale, la dégénérescence
des fibres nerveuses n'apparait qu'au niveau du trou de conjugaison et reste
atténuée dans toute la traversée de ce dernier, tandis que sur la racine C 8
(fig. 13) on voit déjà au même niveau des fascicules atrophiés et 1 épaissis-
sement des gaines de Schwann ; et cependant la Ire racine dorsale est des-
tinée, comme la racine C 8, à une région où l'atrophie musculaire a débuté et
a atteint le plus de gravité.
De même dans la racine L 3 (fig. h), la dégénérescence des fibres ner-
veuses et la sclérose interstitielle s'observent déjà plusieurs millimètres avant
le pôle central du ganglion rachidien, tandis que les racines S 1, et S 2, sont
indemnes bien qu'elles se distribuent à une région encore plus atrophiée.
Il est à remarquer enfin que dans les racines examinées, les lésions dé-
génératives prédominent nettement sur les filets moteurs. Sur des coupes
longitudinales des ganglions spinaux, nous avons parfois pu suivre le trajet
des racines antérieures dégénérées, alors que les racines postérieures et les
cellules ganglionnaires gardaient leur structure normale.
Muscles. - Examen sur coupes transversales et longitudinales des muscles
de la loge antéro-externe de la jambe et des extenseurs de l'avant-bras.
Les lésions sont moins considérables que ne le ferait supposer l'impotence
presque absolue dont était frappé le malade dans les régions examinées.
La désintégration est très irrégulièrement répartie. Dans le même fragment,
il est des zones où les fibres musculaires, de volume normal, sont régulière-
ment groupées, sans autre anomalie qu'une légère augmentation des noyaux
du sarcolenime et une striation moins régulière. Dans d'autres régions, le
Nouvelle Iconographie DE la SALPLTRILRr.
T. XXV. Pl. XL
ATROPHIE MUSCULAIRE PROGRESSIVE
(Type Aran-Duchenne)
de nature névritique.
ATROPHIE MUSCULAIRE PROGRESSIVE TYPJ : ftCRENNE zvi
volume des fibres striées est tantôt exagéré, tantôt diminué; des espaces
clairs se forment à leur intérieur; les noyaux du sarcolemme se multiplient,
s'agrandissent et se fusionnent souvent. Enfin, sur d'autres segments de la
coupe, il ne reste plus que des fibres musculaires rares, très atrophiées, au
milieu d'une gangue de tissu conjonctif rempli de noyaux souvent agglomérés
en pelotons.
Le tissu conjonctif interstitiel en certaines régions parait anormalement t
développé, indépendamment de l'atrophie des fibres musculaires ; cette myosite
interstitielle est accompagnée parfois d'une augmentation de volume des parois
vasculaires.
Nous n'avons pas observé de transformation graisseuse dans les muscles
examinés.
Résumé DE l'observation clinique. - Début de l'atrophie musculaire
à l'âge de 53 ans, par les muscles de la main gauche ; la main droite est
prise trois ans plus tard, les membres inférieurs presque à la même
époque. Après douze ans d'évolution (mort à l'âge de H5 ans par cancer
de l'estomac), l'extension progressive de l'atrophie avait produit : une
impotence presque complète du membre supérieur gauche intéressé jus-
qu'au deltoïde, une parésie des muscles de la main et de l'avant-bras
droit', aux membres inférieurs, une parésie des muscles de la jambe et
de la cuisse, prédominante à gauche. Contractions fibrillaires fréquentes.
Réaction de dégénérescence partielle. Abolition des réflexes tendineux
des quatre membres. Sensations douloureuses intermittentes dans les
membres inférieurs. Pas de troubles objectifs de la sensibilité, ni d'in-
coordination motrice. Pas de troubles sphinctériens. Réactions pupillaires
normales.
Résumé DE l'examen histologique. - Moelle épinière intacte, à l'excep-
tion de quelques altérations partielles des cellules motrices dans le ren-
flement cervical. Pans les nerfs : atrophie d'un grand nombre de fibres
nerveuses ; hypertrophie fréquente des gaines de Schwann sous la forme
d'un épais manchon cylindrique ; tissu conjonctif inlra-fasciculaire
transformé en tissu réticulé ou en tissu conjonctif dense, sans augmen-
tation de volume des troncs nerveux. Quelques vasa nervorum en état
d'hypertrophie. Ces lésions des nerfs sont systématisées, elles atteignent
les racines antérieures près du ganglion spinal et les nerfs mixtes; les
nerfs cutanés et les racines postérieures sont presque indemnes . Dans les
muscles, atrophie à divers degrés des fibres striées myosite interstitielle.
Cette atrophie musculaire progressive débutant par les extrémités des
membres supérieurs (type Aran-Duchenne), dont la cause anatomique
se trouve dans les nerfs périphériques, parait de prime abord difficile à
classer. Elle se rapproche par ses caractères cliniques d'une série d'obser-
vations attribuées à l'amyotrophie type Charcot-Marie, ou atrophie mus-
292 LONG
cuiaire progressive neurotique de Hoffmann ; par ses caractères anato-
miques, elle se rattache à la fois à ces dernières affections et à la névrite
interstitielle hypertrophique de Dejerine et Sottas. Elle soulève donc un
problème de nosologie pour la discussion duquel il existe un certain nom-
bre de documents.
DOCUMENTS cliniques
Les mémoires de Charcot et Marie (1886), de Tooth, de Hoffmann
(1890 et 1891) ont fixé définitivement la notion d'une atrophie musculaire
à marche lente, débutant par les extrémités des membres inférieurs, n'at-
teignant que secondairement les membres supérieurs, et caractérisée en
outre par l'abolition des réflexes tendineux, la diminution des réactions
électriques, avec ou sans RD, la présence fréquente de contractions fibril-
laires, parfois par des phénomènes douloureux, intermittents et d'inten-
sité variable. Par droit de priorité, cette forme clinique est restée clas-
sique et a sa place dans les ouvrages d'enseignement.
C'est seulement dans des articles de périodiques que le début par les
membres supérieurs du même ensemble s5 mptomatique, est signalé.
Hoffmann, le premier, a attiré l'attention sur ce mode de début; il le
rencontrait dans des observations antérieures aux siennes (Eulenburg,
Di=i h nha l'di, Dubreuilh) et lui-même en apportait une nouvelle démons-
tralion et depuis lors le fait a été confirmé à plusieurs reprises.
De ces observations cliniques la première, celle d'Eulenburg (début
de l'atrophie à 29 ans par les petits muscles de la main, avec atteinte à
33 ans seulement des inter-osseux des pieds) est intitulée « Amyotrophie
spinale progressive ; combinaison de la forme Duchenne-Aran avec
la forme Charcot-lJarie (1) ».
Les cas de D âlinhii-clt (12) sont plus intéressanls encore que , parla
juxtaposition de deux modalités cliniques dans une môme famille. Un
des sujets est atteint dans la première enfance d'une atrophie des muscles
des pieds et des jambes, avec extension plus tardive aux mains et aux
avant-bras. Pas de contractions fibrillaires, mais douleurs dans les mem-
bres supérieurs ; les bras paraissent hypertrophiés. La soeur de ce ma-
lade ne présente d'atrophie qu'aux muscles des mains. Ici contractions
fibrillaires et douleurs. Chez tous deux, les réactions électriques sont affai-
blies, ou même abolies, sans RD. Dtihnhardt interprétait la première
observation comme une affection de nature myopathique, ressemblant au
(1) Neurolog. Centralisait, 1889, p. 207 (Compte 1 ndu de séance).
(2) l3emerlcungen zU/' Lell1'e von der Muskelalrophie. Neurolog. Centralblatt, 1890,
p. 675.
ATROI'1111 : MUSCULAIKE PROGRESSIVE TYPE ARAN-DUCHENNE 293
type Charcot-Marie, tandis que la seconde lui paraissait être d'origine
spinale.- .
Hoffmann (1) fait rentrer ces trois cas dans son atrophie musculaire
neurotique et les rapproche de ses observations personnelles. Chez deux
frères Otto G. et Gustave G., l'atrophie a commencé à l'âge adulte et a atteint t
les muscles des jambes et ceux des mains et des avant-bras; mais chez
l'un, le début s'est fait par une main, avec extension à l'autre main et à
l'avant-bras,et apparition de contractions fibrillaires; les muscles des
jambes n'ont été pris que deux ou trois ans plus tard. Pour l'autre frère,
au contraire, les membres inférieurs ont été les premiers atrophiés ;
ici, pas de contractions fibrillaires. Dans l'une et l'autre observation, les
douleurs font défaut. -
- Avec les deux autres malades de Hoffmann (enfants Louise et Karl
Willmann), l'atrophie a aussi un début et une topographie différents.
L'aînée est frappée depuis l'àge de 5 ans d'une atrophie progressive des
membres supérieurs, commençant par les muscles des mains, tandis
qu'aux membres inférieurs, on ne trouve qu'un léger degré d'équinisme.
Le cadet a, depuis la première enfance, une atrophie partielle des mus-
cles de la jambe; les mains n'ont été prises que plus tard. Chez tous
deux, on observe des contractions fibrillaiies, mais il n'y a pas de phé-
nomènes douloureux.
A la même époque, a été publiée dans la thèse de Ilânel (2) l'histoire
clinique d'une famille présentant 22 cas d'atrophie musculaire, répartis
sur quatre générations, et chez tous, les membres supérieurs seuls
étaient atteints. Le début avait lieu le plus souvent dans l'enfance, ou
avant la vingtième année ; chez d'autres sujets à 30 ou 40 ans ; les
muscles de la main étaient pris les premiers, l'atrophie remontait pro-
gressivement jusqu'à la ceinture scapulaire ; elle s'accompagnait d'un
affaiblissement des réflexes tendineux et de phénomènes douloureux.
Les contractions fibrillaires n'ont été observées que sur un sujet. Les
membres inférieurs étaient indemnes et les réflexes patellaires conservés.
Il fant rappeler aussi les cas de Heveroch (3), quatre sujets frères et
soeurs, atrophiés aux extrémités des quatre membres; le début avait eu
lieu à 20, 27, 25 et 50 ans, et pour les trois derniers malades par les
mains ; des douleurs ne se manifestèrent que chez deux d'entre eux, les
contractions fibrillaires firent défaut.
(1) l1'eilael' l3ei(rag ou,' Genre von der progressiven neurotischen Milskelai)-ophie.
Deutsche Zcitsclirift sur 1\ervenleilkunde, vol. I (1894), p. 95.
(2) Ueber eine Form von noch nicht beschriebener hereclctorer neurotischen musela-
tuoplare, Inaugural Dissertation, lena, 1890.
(3) Progressive Muskelatrophie lypus Charcot-Mai ie, Anal, in Neurolog. Central-
blatt, 1901, p. ' ! 73.
294 LONG
Ces observations cliniques (1), et d'autres que nous retrouverons avec
les documents anatomiques, ont établi que la forme d'atrophie musculaire
progressive, que l'on dénomme amyolrophie type Charcot-Marie ou encore
type péronier de Tooth., ou atrophie musculaire progressive neurotique
(ou neurale) de Hoffmann, ne compte pas dans ses caractères essentiels le
début par les extrémités des membres inférieurs, mais que les muscles
des mains et des avant-bras peuvent être touchés les premiers ; les obser-
vations particulièrement démonstratives sont celles des sujets d'une même
famille montrant ces deux modalités initiales.
Documents anatomiques.
Nous les résumerons brièvement, car, pour la plupart, ils ont été déjà
mis en discussion, afin d'en déduire une formule anatomique correspon-
dant à un groupe clinique nettement défini. Deux problèmes, notamment,
ont provoqué des opinions très divergentes. Les lésions essentielles de ces
formes cliniques sont-elles spinales ou périphériques ? Doit-on y faire
rentrer les observations qui ont été décrites sous le nom de névrite in-
terstilielle hypertrophique ?
Ces documents anatomiques peuvent être divisés en trois groupes :
1° Les observations de Virchow, Friedreich, Dubreuilh, l'attachées plus
tard par Hoffmann à la discussion des atrophies musculaires neurotiques,
et une observation deNoune qui, à notre avis, esl du même ordre.
Cas de Virchow (2). - Cette observation ne comportait d'autres ren-
seignements cliniques que ceux du caractère héréditaire de l'atrophie
musculaire progressive et de son évolution : début à l'âge de 21 ans, par les
extrémités et progression vers le tronc. A l'examen anatomique, dans la
moelle, les cordons postérieurs seuls étaient dégénérés, avec un tissu riche en
noyaux et en fibrilles entrelacées. Les racines rachidiennes étaient intactes ;
les nerfs périphériques non seulement n'étaient pas, atrophiques, mais quel-
ques-uns même étaient épaissis, bleuâtres ; sur les coupes, on voyait une
raréfaction des fibres nerveuses qui parfois atteignaient une épaisseur anor-
male au milieu d'une gangue conjonctive riche en noyaux, surtout dans les
(1) Il y a lieu cependant de faire des réserves sur la valeur globale de ces observa-
tions cliniques dépourvues d'examen histologique. La topographie d'une atrophie
musculaire n'a plus la valeur indiscutahle qu'on lui attribuait autrefois. L'observa-
tion de Oppenheim et CASSIIirR (Deuts. Zeits. f. Nervenheilk., vol. X, p. 143, 1896), par
exemple, d'une myopathie évoluant sous la forme de l'atrophie neurotique et révélée
seulement par l'examen anatomique est significative. Plus récemment, SPILLER (Journ.
of nerv. a mental disease, 1907, p. 14) a fourni un autre exemple de la possibilité
de cette erreur : une atrophie progressive débutant par les membres inférieurs avec
extension aux membres supérieurs, accompagnée de phénomènes douloureux ; à
l'autopsie : lésions myopathiques et intégrite de la moelle et des nerfs musculaires.
(2) Ein Fall vonprogressiver Muskelatrophie. Virchow's Archiv, vol. VIII, oct. 1855,
p. 537.
ATROPHIE MUSCULAIRE PROGRESSIVE TYPE ARAN-DUCHENNE 295
espaces dénudés de fibres. La plus grande partie du travail est consacrée aux
altérations des muscles que l'on considérait alors comme les lésions fonda-
mentales et les plus importantes en l'espèce.
Cas DE Friedreich. -(I) La première observation est celle d'une atrophie
progressive, datant de l'enfauce, intéressant les muscles des jambes et ceux
de la main droite. A l'examen histologique, on trouve une moelle intacte ; dans
les nerfs des régions malades, une atrophie des fibres nerveuses et une infil-
tration interstitielle par du tissu conjonctif riche en noyaux : les gaines de
Schwann, dit Friedreich, sont notablement épaissies. Ces altérations, qui
n'atteignent pas la totalité du tronc nerveux, mais laissent des fibres et des
fascicules sains, se prolongent dans le crural et le sciatique, jusqu'aux racines
des plexus sacré et lombaire; les racines rachidiennes postérieures sont nota-
blement moins dégénérées que les antérieures. Dans les muscles, myosite
chronique interstitielle avec atrophie graisseuse des fibres striées.
Dans l'observation Il du même ouvrage, l'affection, qui est familiale, avec
début dans l'enfance, a frappé les muscles des jambes, puis ceux des mains,
des avant-bras et ceux du bras gauche : l'atrophie progressive est accompa-
gnée de contractions fibrillaires et de douleurs. Les cordons postérieurs de la
moelle sont sclérosés (fibres nerveuses incluses dans une substance granuleuse
à noyaux multiples), les cordons anléro-latératix et la substance grise sont
intacts. Les racines rachidiennes antérieures sont épaissies dans la partie infé-
rieure de la moelle ; leurs libres nerveuses sont entourées d'un tissu conjonc-
tif abondant où l'ammoniaque révèle beaucoup de noyaux. Les racines posté-
rieures lombaires sont moins altérées, les racines du plexus cervical sont
indemnes. Les troncs nerveux périphériques, jusque dans les muscles, ont
un névrilème épais et un tissu conjonctif abondant, riche en noyaux, autour
de fibres nerveuses plus ou moins altérées. Ces lésions font défaut dans les
nerfs cutanés et dans les ganglions spinaux.
Cas DE Dubreuilh (2). - Publiés peu après les mémoires de Charcot et Marie
et de Hoffmann, ils n'ont cependant pas été rattachés par leur auteur à la question
des atrophies musculaires progressives, mais à celle des névrites périphériques.
Dans sa première observation, bien que l'atrophie musculaire fut progressive z
et accompagnée de contractions fibrillaires, l'auteur pouvait invoquer des bles-
sures par éclat d'obus et des gelures pour expliquer l'état des membres infé-
rieurs, et le saturnisme pour la parésie des membres supérieurs. L'examen
histologique montra l'intégrité de la moelle épinière et, dans les nerfs des
régions arrophiées, des enveloppes fibreuses remplissant les vides laissés par
(i) Ueber progressive Iluskelaikophie und über malere und faluche Muskelhyperlro-
phie, Berlin, 1813. Le livre de Friedreich contient une série de documents anatomi-
ques, tendant à faire prévaloir une théorie qui n'a pas été admise : 1 unité anatomique
des atrophiés musculaires progressives, dont le point de départ serait une myosite,
processus inflammatoire, entraînant à sa suite, par une sorte de névrite ascendante,
l'altération des nerfs intramusculaires. Dans les formes plus extensives, elle atteindrait
les troncs nerveux, les racines rachidiennes et même la moelle.
(2) Elude sur quelques cas d'atrophie musculaire, limitée aux extrémités et dépen-
dant d'altération des nerfs périphériques, Revue de Médecine, 1890, p. 441.
290 LONG
la disparition des éléments nerveux. « Certaines de ces enveloppes, qui sur
les coupes se présentent comme des anneaux, ne contiennent pas de fibre
nerveuse noire (imprégnation par l'acide osmique el le carmin), mais seulement
un point rose qui est un noyau ou un cylindraxe. »
Le second cas de Dubreuilh est une atrophie progressive, d'origine hérédi-
taire, familiale, débutant à l'àge de 20 ans par les mains avec extension
jusqu'à l'épaule et au tronc, et plus tard aux extrémités des membres infé-
rieurs. La moelle ne présentait qu'un peu de sclérose névroglique dans les
cordons de Goll, diminuant de bas en liant; les cornes antérieures étaient
normales, les racines antérieures à peine altérées. Dans les nerfs périphériques,
les fibres nerveuses avaient disparu en partie, séparées par de larges espaces
de névrite interstitielle et par des espaces incolores. Cette dernière observation
est importante pour le début de la maladie par les membres supérieurs, et pour
la névrite interstitielle qui en est une des lésions essentielles.
Nonne (1).-A ces quatre cas très souvent cités, nous semble qu'on devrait
ajouter celui de Nonne (2) publié sous le titre « Poliomyélite antérieure chro-
nique », mais qui rentre aussi bien dans la catégorie des atrophies musculaires
neurotiques ou spinales-névritiques. Il s'agit d'une femme de 36 ans, frappée
d'une atrophie progressive débutant par la racine des membres supérieurs,
avec extension consécutive aux membres inférieurs et aux nerfs crâniens,
abolition des réflexes tendineux, diminution des réactions électriques, phéno-
mènes douloureux sans troubles objectifs de la sensibilité. A l'examen histolo-
gmue : atrophie cellulaire partielle dans les cornes antérieures de la moelle, et
le noyau de l'hypoglosse ; diminution des fibres dans les cordons postérieurs
et latéraux ; dans les nerfs périphériques, mélange de fibres normales, de
fibres dégénérées et de libres entourées de couches concentriques « comme
les écailles d'un oignon ». Un dessin qui illustre ce texte montre, à n'en pas
douter, la disposition des gaines de Schwann dans la névrite hypertrophique
interstitielle.
2° Examens histologiques publiés sous le titre d'amyotrophie Charcot-
Marie ou d'atrophie musculaire neurotique de Hoffmann.
Observation de Marinesco (2). - Elle concerne un des malades du mémoire
deCharcot et Marie (cas Sultz). Débuta l'âge de 15 ans par les extrémités des
membres inférieurs avec douleurs lancinantes pendant plusieurs années,
atrophie des mains à 19 ans. Troubles de la sensibilité cutanée et profonde.
Diminution des réactions électriques allant jusqu'à la RD. A l'examen histo-
logique : dans la moelle, sclérose des cordons postérieurs, raréfaction du réseau
de la colonne de Clarke ; les cornes antérieures, presque intactes dans les
régions lombaire et dorsale, montrent dans la région cervicale des cellules
(1) Klinische und anatomiselte Unlersuchung eines Faites von Poliomyelitis ante-
rior chronica. Deuts. Zei6schrift sur Nervenheilkunde. vol. I (1891), p. 136.
(2) Contribution à l'étude de l'amyotropliie Clzarcot-l9arie, Arch. de méd. expérim.
et d'anat. path., 1891, p. 921.
ATROPHIE MUSCULAIRE PROGRESSIVE TYPE ARAN-DUCHENNE 297
motrices raréfiées, petites, avec un noyau mal coloré, et des prolongements
moins visibles ; racines antérieures intactes à la sortie de la moelle ; dans les
nerfs périphériques : dégénérescence des fibres à myéline, augmentation du
tissu interstitiel, hypertrophie de la gaine lamelleuse et légère hypertrophie
du tissu interfasciculaire. Dans les muscles, transformations variables depuis
la diminution de la striation jusqu'à la transformation graisseuse ; les nerfs
intramusculaires montrent une hypertrophie notable de la gaine lamelleuse et
une sclérose interstitielle. Tout en concluant à une lésion principale médul-
laire, Marinesco admet la possibilité d'une lésion primitive des nerfs moteurs
et sensitifs.
Observation DE SIEMEJlL1NG (1). - Début de l'atrophie entre et 7 ans par
les muscles des jambes, extension consécutive aux cuisses et aux membres
supérieurs. Abolition des réflexes tendineux, tremblements fibrillaires dans les
muscles intercostaux ; diminution des réactions électriques ; pas de douleurs,
réflexes pupillaires abolis, voix nasonnée ; psychose maniaque dépressive ;
mort à 20 ans. Examen histologique : sclérose des cordons postérieurs dimi-
nuant de bas en haut ; diminution des fibres des cordons latéraux ; diminution
des fibres et des cellules dans les cornes antérieures et la colonne de Clarke ;
atrophie des racines antérieures, intégrité des racines postérieures ; diminu-
tion des cellules dans les ganglions spinaux ; dans les nerfs périphériques,
diminution considérable des fibres et épaississement de quelques vaisseaux ;
dégénérescence musculaire très avancée.
Observation de SAINTON (2). - Début à l'âge de 42 ans par une atrophie des
muscles de la main droite ; extension aux muscles de l'avant-bras, au membre
inférieur droit, puis aux extrémités des membres du côté gauche ; secousses
fibrillaires ; troubles mentaux. Examen histologique : Dans la moelle, sclérose
très étendue des cordons postérieurs et sclérose plus faible des cordons laté-
raux ; altération de la colonne de Clarke; atrophie des cellules des cornes anté-
rieures à divers degrés. Dans les nerfs périphériques, tantôt diminution des
fibres nerveuses, épaississement de la gaine lamelleuse et développement
exagéré» du tissu interstitiel, tantôt état presque normal. Dans les muscles :
lésions atrophiques très variables, inégalement réparties, allant jusqu'à la
transformation graisseuse; les nerfs intramusculaires sont en général peu
altérés.
Observation DE CASnzzn (3). - Début à 27 ans par des douleurs dans les
extrémités; atrophie des membres inférieurs, steppage, réflexes rotuliens très
faibles, légère diminution de la sensibilité ; atrophie des membres supérieurs,
mains, avant-bras, bras, épaules ; atrophie de l'orbiculaire des lèvres. Pas de
contractions fibrillaires. Examen histologique : Dans la moelle, substance blan-
(t) Zur Genre der spitalen-neuritischea bluskelatrophie. Archiv sur Psychiatrie,
vol. XXX (1898), p. 105.
(2) L'amyotrophie type Charcol-A9aree. Thèse de Paris, 1899, p. 81.
(3) Atrofia musculaire dipendellte da alterazioni dei nervi, Il Morgagni (Milano),
ânno 42, 1900, Parte 1, p. 540.
xxv 20
298 LONG
che intacte, légère dégénérescence des cellules des cornes antérieures. Dans
les nerfs périphériques : augmentation du tissu conjonctif du périnèvre ; par-
fois augmentation des noyaux des gaines de Schwann qui contiennent des fibres
normales, ou des fibres fines, ou des fibres agglutinées en faisceaux ; un assez
grand nombre de fibres sont réduites la game de Schwann ; les cylindraxes
sont moniliformes, ou gonflés en certains points. Tontes ces lésions sont plus
fréquentes dans les nerfs intramusculaires. Dans les muscles : état lardacé,
augmentation des noyaux du sarcolemme, tissu conjonctif augmenté, sclérose
des parois vasculaires (L'auteur adopte le même titre que Dubreuilh et rap-
proche son observation des cas de Hoffmann à cause du caractère familial de la
maladie). ,
Observation DE Dejerine et Arsiand-Delille (1). - Début de l'atrophie par
les extrémités des membres, vers l'âge de 20 ans ; extension aux muscles de
la jambe, de la face antérieure de la cuisse, de l'avant-bras. Abolition des ré-
flexes tendineux. Intégrité de la sensibilité dans tous ses modes. Réactions
électriques diminuées dans les muscles atrophiés. Signe d'Argyll-Bobertson
incomplet. Mort à 80 ans. Examen histologique : Dégénérescence scléreuse des
cordons postérieurs plus marquée dans la région cervico-dorsale ; altérations
d'une partie des cellules des cornes antérieures, sans diminution numérique
(surcharge pigmentaire, raréfaction des granulations clrromatophiles, dépla-
cement du noyau, vacuolisation) ; intégrité des racines antérieures et posté-
rieures et des ganglions spinaux ; lepto-méningite postérieure chronique.
Nerfs périphériques : pas de névrite interstitielle ni de dégénération apprécia-
ble dans les troncs nerveux des membres ; les nerfs cutanés sont intacts ; les
nerfs intramusculaires montrent peu de fibres saines, beaucoup de fibres de
petit calibre et de nombreuses gaines vides. Dans les muscles, lésions fascicu-
laires d'intensité variable allant jusqu'à la transformation en tissu scléreux et
adipeux. Les artères intramusculaires présentent fies lésions d'endo-périar-
térite intense.
Observation DE DESUCr et DEBOUBAIX (2). Hérédité mentale chargée.Atro-
phie musculaire datant de l'enfance, prédominant aux extrémités et respec-
tant le tronc et la face. Réflexes tendineux abolis ; pas d'ataxie ni de troubles
de la sensibilité. Troubles vaso-moteurs périphériques. Insuffisance mentale.
Mort à 42 ans. - Examen histologique : Dans la moelle, sclérose des cordons
postérieurs; sclérose moins marquée dans les cordons antéro-latéraux; raré-
faction des éléments cellulaires et des fibrilles de la substance grise avec
sclérose névroglique ; prolifération en îlots de l'épendyme, parfois état criblé
de la substance grise. Dans les ganglions spinaux, atrophie cellulaire, dégé-
nérescence des fibres des racines postérieures. Dans les nerfs, dégénérescence
dans le sens centripète ; diminution des fibres sans prolifération des noyaux
(1) Un cas d'atrophie musculaire type Charcot-Marie, suivi d'autopsie. Revue Neu-
rologique, 1903, p. 1198.
(2) Note sur un cas d'atrophie musculaire progressive. Journal de Neurologie, 1906,
p. 161.
ATROPHIE MUSCULAIRE PROGRESSIVE TYPE ARAN-DUCHENNE 299
de Schwann ; hyperplasie du périnèvre et de l'endonèvre avec augmentation
des noyaux. Dans les muscles, états variés de régression allant jnsqu'à la
transformation graisseuse; fuseaux neuro-musculaires lésés avec atrophie des
tubes nerveux (Dans la discussion de cette observation, les auteurs défendent
la conception unitaire de l'atrophie musculaire progressive et considèrent les
lésions comme le résultat d'un état dégénératif primaire très étendu, frappant
à la fois les centres, les nerfs et les muscles).
Observation DE WESTPHAL (1).- Hérédité psychopathique. Début de l'atro-
phie à 12 ans par les muscles des jambes avec crampes fréquentes ; extension
progressive dans les membres inférieurs et supérieurs,puis arrêt de la maladie.
Réflexes tendineux faibles ; contractions fibrillaires daus la langue ; diminution
des réactions électriques ; pas de troubles de la sensibilité ; psychose mania-
que-dépressive, tics convulsifs ; mort à 45 ans. Examen histologique : Dé-
générescence des cordons postérieurs ; atrophie des cellules des cornes anté-
rieures, des colonnes de Clarke et du noyau de l'hypoglosse ; foyer cicatriciel
de poliomyélite dans les cornes antérieures sacrées ; hétérotopie de substance
grise dans les cordons postérieurs à la région lombaire ; racines antérieures et
postérieures intactes. Dans les nerfs périphériques, diminution numérique et
diminution de volume des fibres nerveuses incluses dans une sclérose inters-
titielle de quantité variable ; pas d'épaississement du périnèvre. Dans les mus-
cles, dégénérescence très avancée, transformation graisseuse fréquente, aug-
mentation du tissu interstitiel et épaississement des parois vasculaires ; des
fibres saines persistent à l'état isolé au milieu de l'atrophie; quelques-unes sont
hypertrophiées.
Observation de GIERL1CH (2). Hérédité similaire ; atrophie des muscles de
la jambe, pied-bot ; aux membres supérieurs, atrophie des muscles de la
main, puis de l'avant bras, sensibilité intacte ; diminution des réactions élec-
triques ; mort à 7 ans. Examen histologique : Dans la moelle, dégénérescence
partielle des cordons postérieurs ; éclaircissement des fibres dans les cordons
antéro-latéraux, sans systématisation nette; diminution des fibres de la colonne
de Clarke ; dans les cornes antérieures, diminution du réseau myélinisé et
du volume des cellules, sans diminution numérique ; intégrité des racines
antérieures et postérieures. Dans les nerfs, fibres en petit nombre, gaines gon-
flées ou absentes; épaississement du tissu conjonctif. Dans les muscles, tous
les degrés depuis l'aspect presque normal jusqu'à la transformation graisseuse.
Observation DE CASS)RER ET Maas (3). - Début vers 39 ans, par les mus-
cles des jambes. Atrophie musculaire, refroidissement, cyanose ; les mains et les
avant-bras pris deux ans plus tard sont moins atteints ; hypotonie sans parésie ;
abolition des réflexes tendineux ; pas de contractions fibrillaires, sensibilité
(fi Uebe)-eii2eii Fall von progressiver neurotische1' lIfuskelat1'ol'hie, etc. Archiv sur
Psychiatrie, vol. 45 (1909), p. 9d0,
(2) 13etlrng zur Pathologie der nercralen Muskelatrophie (Hoffmann). Archiv sur
Psychiatrie, vol. 45 (1909), p. 447.
(3) Beiti-ag Z/l1' pat/¡, Anatomie der p,'og¡'eSSiV8n neurotischen Dluskefatropfaie. Deut.
Zeitsch. f. Nervenheiltcunde, vol. 39 (1910), p. 321.
300 LONG
cutanée altérée seulement aux pieds, sensations pénibles dans les jambes ;
diminution de la réaction de la pupille droite à la lumière; altérations des
réactions électriques allant jusqu'à la RD. Examen histologique : Moelle nor-
male. Dans les ganglions spinaux, les racines antérieures montrent une dimi-
nution des fibres à myéline et un épaississement de l'endonèvre. Dans les
nerfs périphériques, dégénération des fibres, épaississement de l'endonèvre et
du périnèvre ; les parois des'vaisseaux sont anormalement développées ; les
lésions parenchymateuses et interstitielles se retrouvent dans les nerfs intra-
musculaires, et à un plus faible degré dans les nerfs de la queue de cheval.
Dans les muscles : atrophie ou transformation graisseuse des fibres striées ;
myosite interstitielle (Les auteurs insistent sur ces lésions primitives des mus-
cles qui tendraient à effacer la démarcation entre les myopathies et les autres
atrophies).
Observation DE AOYAMA (1). - Début vers 5 ans par la paralysie des jam-
bes ; à 9 ans atrophie des mains ; extension progressive allant jusqu'aux mus-
cles de l'épaule et du larynx ; diminution des réactions électriques, parfois
RD. ; diminution de la sensibilité cutanée aux membres inférieurs attribuée au
Kakke ; rétention vésicale passagère; mort à 25 ans. Examen histologique :
Dans la moelle, sclérose des cordons postérieurs et des faisceaux cérébelleux,
diminution des fibres des racines antérieures et postérieures; atrophie des
cellules des cornes antérieures et des colonnes de Clarke. Dans le bulbe, di-
minution des cellules des noyaux du facial, du spinal et de l'hypoglosse. Dans
les nerfs périphériques, diminution parfois considérable du nombre des fibres;
« les images en pelure d'oignon (zwiebelartig) se voient en quantité modérée ».
Nous avons dit que les observations de Oppenheim el Cassirer, de
Spiller ont été, après examen histologique, attribuées aux atrophies myo-
palhiques. De même celle de Rots(adt (2), qui est citée parfois comme
une atrophie neurotique, est en réalité une myopathie de par ses caractères
cliniques et anatomiques.
3° Les observations de névrite interstitielle hypertrophique sont encore
en petit nombre. Ce sont d'abord les quatre cas de Dejerine et Sottas,
Dejerine.et André Thomas, Gombault et Malle[, P. Marie et Boveri, qui
constituent un tout assez homogène. Pour ne pas étendre encore les di-
mensions de ce travail, nous ne ferons que rappeler les points essentiels
de ces cas, bien connus et publiés avec des dessins qui en on fixé la
caractéristique anatomique. -
Les deux observations de Dejerine et Sottas (3), Dejerine et André Tho-
(1) Ein Fall von neurotischer Muskelatrophie mit bulbli1'en Verànderungen. Deut.
Zeitsch. sur Nervenheilkunde, vol. 40 %1910), p. 201.
(2) [lebel' die progressiven Muskelat1'ophien. Analyse in Jahresb. sur Neurologie
und Psychiatrie, vol. X (1906), p. 652.
(3) Sur la névrite interstitielle hypertrophique et progressive de l'enfance. Société
de biologie, 18 mars 1893.
ATROPHIE MUSCULAIRE PROGRESSIVE TYPE ARAN-DUCHENNE 301
mas (1) concernent deux sujets, frère et soeur, chez lesquels la symptomato-
logie et l'anatomie pathologique se sont montrées identiques. Atrophie muscu-
laire débutaut dans l'enfance par les extrémités des membres inférieurs, puis
des membres supérieurs ; extension progressive avec intégrité relative de la
racine des membres ; cypho-scoliose, parésie de l'orbiculaire des lèvres,
paralysie laryngée ; contractions fibrillaires dans les muscles des membres et
de la face : abolition des réflexes tendineux ; diminution des réactions électri-
ques, parfois RD. Hypertrophie des troncs nerveux, sans nodosités, sans
douleurs à la pression. Diminution considérable de la sensibilité superficielle
et profonde, prédominant à la périphérie ; incoordination motrice, signe de
Romberg, douleurs fulgurantes ; intégrité des sphincters et des fonctions géni-
tales ; signe d'Argyll-Robertson. Examen histologique : Dans la moelle, sclérose
des cordons postérieurs, diminution du réseau de la colonne dé Clarke;
cellules des cornes antérieures, les unes normales, les autres pâles, décolo-
rées et atrophiées. Hypertrophie considérable des racines rachidiennes, des
ganglions spinaux, des nerfs crâniens, rachidiens, spinaux et sympathiques,
avec lésions parenchymateuses (atrophie des fibres et des gaines de myéline) et
interstitielles (sclérose orientée suivant l'axe de la fibre et composée d'éléments
conjonctifs imbriqués comme les lames d'une pelure d'oignon). Dans les mus-
cles, atropliie irrégulièrement répartie avec perte de la striation, prolifération
des noyaux, transformation graisseuse, quelques fibres hypertrophiées ;
parois vasculaires fréquemment épaissies.
L'observation de Gombault et Mallet (2), publiée antérieurement et
considérée par ces auteurs comme un cas de tabes infantile, a été, après
le premier mémoire de M. Dejerine, rattachée d'un avis unanime à la
névrite interstitielle hypertrophique.
Début à l'âge de 7 ans par une atrophie progressive des muscles des mem-
bres inférieurs avec prédominance aux extrémités, pieds-bots équins, mains
simiennes. Diminution de la sensibilité aux membres inférieurs et dans la
moitié inférieure du tronc; incoordination motrice ; douleurs peu fréquentes ;
sphincters intacts ; troubles mentaux, mort à 59 ans. Hypertrophie des raci-
nes rachidiennes diminuant de bas en haut et plus marquée pour les racines
antérieures. Nerfs périphériques volumineux avec sclérose conjonctive annu-
laire, engainant les fibres. Dans la moelle, dégénérescence des cordons pos-
térieurs ; diminution des fibres à myéline et des cellules multipolaires des
cornes antérieures. Dans les muscles, atrophie simple, parfois transformation
fibreuse.
L'observation de Boveri (3) publiée récemment est l'examen histologi.
que d'un malade présenté par M. Pierre Marie en 1906.
(t) Névrite interstitielle, hypertrophique. Iconographie de la Salpêtrière, 1906, n- 6.
(2) Un cas de labes ayant débuté dans l'enfance. Arch. de médecine expérimentale,
1889, p. 385.
(3) De la névrite interstitielle hypertrophique familiale (type Pierre Marie). Semaine
médicale, 1910, p. 145.
302 LONG
Atrophie musculaire familiale prédominant aux membres inférieurs, pieds-
bots, scoliose, perte des réflexes tendineux, hypertrophie des troncs nerveux,
troubles de la sensibilité cutanée : pas de phénomènes douloureux, pas d'ataxie
ni de Romberg, mais tremblement intentionnel, parole saccadée. Dimmution
des réflexes lumineux. Examen histologique : Dans la moelle, sclérose des
cordons postérieurs, raréfaction des fibres dans les cordons antéro-iatéraux.
Les racines rachidiennes sont peu hypertrophiées, les nerfs périphériques le
sont beaucoup plus, avec hypertrophie circulaire des gaines de Schwann et
gangue amorphe interstitielle. Vaisseaux sanguins épaissis. Daus les muscles,
altérations régressives variables allant jusqu'à la transformation graisseuse.
Dans ces quatre cas, Gombault et llallet, Dejerine et Sottas, Déjeune
et André Thomas, P. Marie et Boveri, on trouve un phénomène anato-
mique, l'hypertrophie des troncs nerveux, appréciable à la palpation,
et qui constitue un signe clinique de grande importance.
Mais nous rappelons que nous avons publié ici même (1) une observa-
tion dans laquelle cette hypertrophie faisait défaut en tant que signe
clinique ; or les .coupes histologiques montraient dans des troncs nerveux
de volume normal des gaines de Schwann d'une épaisseur exagérée et un
état fibreux ou réticulé du tissu conjonctif intra-fasciculaire.
Nous reproduisons le résumé clinique el anatomique de cette obser-
vation :
Femme D. Pas d'antécédents héréditaires. Déséquilibre mental habituel. A
l'âge de 44 ans, début d'une atrophie musculaire progressive au niveau de la
main gauche, type Aran-Duclenne; extension lente aux muscles de l'avant-
bras, du bras et de l'épaule gauche. Sept à huit ans après le début de la maladie,
atrophie progressive des muscles de la main droite, atrophie consécutive
incomplète des muscles de l'avant-bras. Rares secousses fibrillaires dans les
muscles atrophiés. Intégrité des muscles du bras et de l'épaule droits. Arrêt
de la marche de la maladie après une douzaine d'années d'évolution. Intégrité
de la face, du tronc et des membres inférieurs. Pas de troubles de la sensibi-
lité cutanée. Douleurs intermittentes pendant quelques années dans les mem-
bres supérieurs. Mort il 67 ans par néoplasme des voies biliaires.
Examen IIISTOLOGIQUE. - Intégrité de la moelle épinière. Dans les troncs
nerveux périphériques, diminution du nombre des fibres à myéline. Tissu
conjonctif intra-fasciculaire tantôt raréfié et transformé en tissu réticulé, tantôt
épaissi et condensé dans les intervalles des fibres nerveuses. Présence de
gaines conjonctives annulaires et volumineuses autour d'un grand nombre de
fibres des nerfs mixtes. Ces diverses lésions sont plus marquées dans les nerfs
mixtes que dans les filets sensitifs. Elles diminuent à la périphérie, dans les
nerfs intramusculaires, et au niveau des racines rachidiennes dont les anté-
(1) Atrophie musculaire progressive des membres supérieurs (type A.'ali-Duchenl1e),
par névrite interstitielle hypertrophique. Iconographie de la Salpêtrière, 1907, n 1.
ATROPHIE MUSCULAIRE PROGRESSIVE TYPE ARAN-DUCHENNE 303
rieures seules sont lésées et à un moindre degré que les troncs nerveux du
plexus brachial. Pas d'augmentation du tissu conjonctif péri-fasciculaire ni des
gaines lamelleuses des nerfs. Pas d'altérations de structure des vasa-nervorum.
Cette observation, qui s'écarte notablement de la série des formes
complètes de névrite interstitielle hypertrophique, est presque superpo-
sable à celle que nous publions aujourd'hui. Au point de vue clinique,
il faut noter avec le cas actuel (Brandi) la plus grande extension de l'atro-
phie musculaire, qui a gagné les membres inférieurs et l'existence de
contractions fibrillaires, permanentes très nettes, et non atténuées ni
transitoires, comme avec notre cas antérieur. Dans l'examen histologique
on remarque que chez Brandi, les cornes antérieures de la moelle ne sont
pas indemnes comme chez D. A cela près, les deux examens histologiques
sont concordants et montrent en particulier très clairement la prédomi-
nance des lésions sur les racines antérieures de la moelle et les nerfs
mixtes, faisant contraste avec l'intégrité relative des racines postérieures
et des nerfs cutanés.
En résumé, ces deux observations représentent au point de vue anato-
mique des formes atténuées de névrite interstitielle hypertrophique, sans
augmentation appréciable du diamètre des nerfs, mais avec l'hyperplasie
du tissu interstitiel et l'épaississement annulaire des gaines de Schwann
qui en sont les lésions caractéristiques. D'autre part,au point de vue clini-
que, elles sont comparables aux observations classées dans l'amyotrophie
Charcot-Marie ou atrophie neurotique de Hoffmann ; le début par les mem-
bres supérieursne constituant qu'une variante individuelle, ainsi que l'ont
montré les cas familiaux de Dahnhardt, Hoffmann, Heveroch. Enfin si on
se reporte aux documents anatomiques résumés plus haut, il est évident
que des lésions semblables à celles que nous avons trouvées ont été ob-
servées à plusieurs reprises dans des formes cliniques limitées, comme les
nôtres, à des désordres trophiques des muscles ; un aspect spécial des
gaines de Schwann, anormalement hypertrophiées, est noté dans le cas de
Virchow, dans les deux cas de Friedreich (il est même dit dans l'obser-
vation II que les racines antérieures étaient épaissies), dans les cas de
Dubrouilh, Nonne, Casazza, Aoyama, etc.
De ces faits, doit-on conclure à une formule anatomique unique pour
un groupe d'atrophies musculaires progressives,qui comprendrait à la fois
l'amyotrophie type Charcot-Marie et la névrite interstitielle hypertrophi-
que de Dejerine et Sottas ? Cette conceplion a été celle de Hoffmann et
de ceux qui, après lui, ont décrit et délimité l'atrophie musculaire neuro-
tique. Mais on cherchait alors à créer une maladie nettement définie par
une symptomatologie et une anatomie pathologique constantes ; on com-
304 LONG
prend que sur cette base il ait paru difficile à d'autres auteurs (Dejerine,
P. Marie) de soumettre à une même description des formes morbides
dissemblables par bien des points.
Ce qui actuellement permet de grouper de ces atrophies musculai-
res névritiques, c'est la connaissance des multiples formes de transi-
tion qui s'observent dans les maladies relevant de processus dégénéra tifs
lents des centres nerveux, des nerfs ou des muscles. Dans ces maladies
dites héréditaires (1), ou familiales ou encore maladies d'évolution, les
divers types décrits les premiers gardent la valeur que leur donnent la
priorité ou une fréquence plus grande, mais les différences qui les distin-
guent ont été atténuées par la connaissance des variantes familiales ou
individuelles nombreuses.
On ne doit donc pas perdre de vue que leur anatomie pathologique,
aussi bien que leurs manifestations cliniques, sont essentiellement varia-
bles. Ainsi, dans l'observation que nous publions ici, les lésions portent
presque exclusivement sur les racines antérieures, les nerfs moteurs et les
muscles ; mais ceci ne crée nullement une différence fondamentale avec
d'autres cas, dans lesquels non seulement l'axe gris de la moelle, mais
aussi la substance blanche participaient à la dégénérescence. De même
la systématisation des lésions a laissé à peu près intacts les racines
rachidiennes postérieures et les nerfs sensitifs ; et bien que ces lésions
soient du même ordre que celles de la névrite interstitielle hyper-
trophique de Dejerine et Sottas, la symptomatologie de nos cas est restée
limitée à des troubles trophiques des muscles et à de légères douleurs.
L'anesthésie cutanée et profonde, l'ataxie et le signe de Romberg ont fait t
défaut. Quant à l'absence d'hypertrophie des troncs nerveux, elle est
due au fait que la sclérose interstitielle n'a atteint qu'un développement
modéré.
Les altérations anatomiques que l'on trouve dans les atrophies muscu-
laires progressives, dites névritiques ou neurotiques,sont de deux sortes :
atrophiques et hyperplasiques. Dans les nerfs le processus atrophique
frappe les éléments conducteurs, le processus hyperplasique les éléments
interstitiels. Il y a là une analogie évidente avec certaines atrophies
musculaires de nature myopathique, dans lesquelles une augmentation
numérique des tissus interstitiels accompagne la dégénérescence de la
fibre musculaire.
Les rapports entre l'atrophie des fibres nerveuses et t'hypertrophie des
éléments interstitiels sont des plus variables. Le second processus peul-il
faire défaut ? Les observations de Siemerling, Dejerine et Armand-Delille
(1) Voir JENOI1ASSIK, Die hereditâren lfrankheitesa, in IIandbuch der Neurologie (Le-
wandowski), 1911, t. Il, p. 321-445.
ATROPHIE MUSCULAIRE PROGRESSIVE TYPE-ABAN' DUCHENNE oua
en indiquent l'absence ; les fibres nerveuses disparaîtraient donc dans
certains cas d'amyotrophie Charcot-Marie par un processus d'atrophie
simple, sans que les éléments interstitiels aient une autre réaction qu'une
légère sclérose cicatricielle. Il y aurait une résorption comparable à celle
que l'on observe dans la poliomyélite antérieure chronique, la sclérose
latérale amyotrophique, où la dégénérescence secondaire, dans les nerfs
moteurs, ne laisse qu'un résidu fibreux, souvent à peine appréciable.
Dans les atrophies musculaires progressives de nature névritique, il
semble au contraire que dans la règle une hyperplasie interstitielle ac-
compagne l'atrophie des éléments nerveux, sans avoir de relations pro-
portionnelles avec l'intensité et la répartition de cette dernière. Tantôt
l'hypertrophie atteint la gaine lamelleuse et le tissu interfasciculaire (cas
Marinesco, Sainton, De Buck et Deroubaix) ; tantôt c'est le tissu conjonctif
intrafasciculaire qui a subi une augmentation de volume, formant une
gangue de tissu conjonctif dense ou de tissu réticule, dans laquelle passent t
des fibres nerveuses, normales ou atrophiées (cas Westphal, Gierlich,
Cassirer et Maas). Enfin, et ce sont là les lésions les plus typiques,
qui ont attiré l'attention dans les autres observations, l'hypertrophie des
gaines de Schwa.nn constitue autour des fibres nerveuses d'épais man-
chons, cylindriques, composés d'éléments conjonctifs, imbriqués comme
les lamelles d'une pelure d'oignon, comparaison très descriptive, em-
ployée par la plupart de ceux qui ont trouvé dans leurs préparations cet
état histologique singulier (1). Mais encore ici, la dystrophie interstitielle
n'a aucun rapport avec l'état de l'élément conducteur ; on peut voir
une fibre nerveuse bien conservée, entourée d'une gaîne de Schwann
hypertrophiée à un haut degré ; et inversement un cylindraxe atro-
phié et dénudé, sans sclérose conjonctive périphérique. On doit donc
conclure que ces deux sortes de lésions, parenchymateuses et interstitiel-
les, évoluent indépendamment sans avoir de relation de cause à effet;
ce n'est pas la sclérose interstitielle qui produit par compression la dis-
parition des éléments conducteurs.
Dans ces divers états anatomiques, les lésions des nerfs périphériques
sont primitives ; les altérations des cornes antérieures, quand elles existent,
sont atténuées, en tout cas insuffisantes pour expliquer par une dégéné-
rescence secondaire les troubles trophiques des nerfs et des muscles. Dans
le débat qui s'est engagé, il y a plus de vingt ans, sur l'origine spinale
ou périphérique de l'amyotrophie Charcot-Marie, une dénomination
(1) Nous rappelons qu'il a été trouvé d'une manière fortuite par André Thomas
(Rev. Neurolog, 1909, t. I, p. 683) dans un cas de tabes amyotrophique, sur quelques
racines rachidiennes antérieures, sans extension aux nerfs périphériques.
306 LONG
mixte, atrophie spinale-névrilique, avait été proposée par Bernhardt (4 )
qui admettait une atteinte primitive à la fois des centres et de la péri-
phérie. Cette conception ne se trouve vérifiée qu'en parité, puisque nom-
bre d'observations montrent l'intégrité de la moelle épinière.
Dans cette dernière, la lésion la plus fréquente est une sclérose des
cordons postérieurs, non consécutive à une dégénérescence des racines
postérieures ; Gierlich a fait remarquer combien elle se rapproche par
sa structure et sa répartition de celle que l'on voit dans la maladie de
Friedreich. Mais là ne se bornent pas les dégénérescences primitives
médullaires. On a vu aussi des scléroses des cordons antéro-latéraux,
parfois systématisées et siégeant dans les zones des faisceaux pyrami-
daux ou des faisceaux cérébelleux, parfois diffuses sous la forme d'un
éclaircissement des fibres myélinisées. Ces dégénérescences médullaires,
dans des observations où aucun état spasmodique, ni cérébelleux ou
ataxique, n'en faisait prévoir l'existence, montrent bien qu'il s'agit d'un
état dégénératif disséminé, altérant avant tout les éléments nerveux pé-
riphériques et avec moins de gravité l'axe gris et la substance blanche de
la moelle (2). Ainsi se fait, par l'anatomie, une transition vers des formes
morbides telles que la paraplégie pasmodique familiale, la maladie de
Friedreich, l'hérédo-ataxie cérébelleuse, dans lesquelles le processus dé-
génératif a porté son action exclusive sur les centres nerveux.
Pour les muscles, la même question se pose : leur atrophie est-elle pri-
mitive, ou secondaire à la dégénérescence des nerfs moteurs ? Devant les
résultats des examens histologiques, la seconde opinion est admissible, en
partie au moins. A côté des phénomènes régressifs : disparition de la stria-
tion, résorption du myolemme, prolifération des noyaux du sarcolemme, on
trouve des lésions d'un autre ordre : augmentation du volume de quelques
fibres, distribution segmenlaire des processus dégénératifs, bien visible
sur des coupes longitudinales. On est frappé aussi de la prolifération des
tissus interstitiels, prédominante en certaines régions (Friedreich avait
déjà insisté sur ces processus de mwsite interstitielle, auxquels il attri-
buait une importance pathogénique, en en faisant le point de départ des
altérations des nerfs).
Enfin il faut rappeler que dans les muscles et les nerfs on trouve
(1) Ueber die spinal neuritische ! 'ornt der progressiven Jlusl,elall'o}ll11e, Virchow's
Archiv, vol. 133,'p. 259.
(2) A ce propos, il est intéressant de relever dans plusieurs observations d'atrophie
musculaire névritique, analysées plus haut (cas de Siemerling, Sainton, De Buck et
Deroubaix, Westphal, Dejerine et Sottas, Long), l'exislence de troubles psychiques, va-
riant depuis le déséquilibre mental jusqu'à des états constitutionnels plus caractéiisés,
tels que la psychose maniaque dépressive. Leur fréquence toute pai liculière suggère
l'idée d'une extension au cerveau du processus dégénératif.
ATROPHIE \IUSCULALItE PROGRESSIVE TYPE AiA-DUCIIRiZINE 307
quelquefois un épaississement des parois des vaisseaux, inexplicable par
un état inflammatoire ancien ou récent, et qui parait bien être un état
dégénératif hypertrophique.
Nous terminerons la.discussion de notre observation par deux remar-
ques de physiologie pathologique.
Les phénomènes douloureux rentrent dans la symptomatologie des
atrophies musculaires progressives de nature névritique, alors que les
atrophies d'origine spinale ou myopathique sont indolentes dans la règle.
Or, ces troubles subjectifs de la sensibilité sont inconstants, font défaut
dans un certain nombre d'observations ou pendant une partie de l'évolu-
tion de la maladie, et sont toujours d'intensité variable. Si donc, ils
paraissent devoir être attribués aux lésions des nerfs périphériques, on
comprend difficilement pourquoi le phénomène douleur n'apparaît pas
dans tous les cas où les lésions névritiques, parenchymateuses et intersti-
tielles,sont indéniables. Dans notre observation Brandt, il n'a pas manqué,
mais il a eu une courte durée et ne s'est manifesté que dans les nerfs du
membre inférieur et encore seulement dans le territoire du sciatique. A
égalité de lésions, les autres nerfs, ceux des membres supérieurs en par-
ticulier, n'y ont pas participé. La pathogénie de ce symptôme reste donc
obscure.
lien est de même pour les contractions fibrillaires des muscles. Elles
ont eu pendant toute la maladie, à l'exception de la période cachectique
terminale, une intensité et une fréquence très spéciales, rappelant celles
que l'on voit dans les formes rapides de sclérose latérale all1,)'otrophique,
Ce symptôme, très accusé chez ce malade,varie dans l'ensemble des obser-
vations d'atrophie musculaire progressive névritique, souvent atténué,
parfois môme absent. Ainsi dans le cas D, que nous avons publié il y a
quelques années, malgré des lésions identiques dans leur structure et
leur systématisation, les contractions fibrillaires n'avaient eu qu'uneexis-
tence passagère. On ne voit pas la cause de celle inconstance symptoma-
tique, On ne peut que restreindre le problème en notant que dans ces
deux observations, c'est bien à des altérations des nerfs qu'il faut attri-
buer la pathogénie de ces troubles de l'étal statique des muscles.. Le peu
d'importance des lésions de l'axe gris, limitées chez Brandi au renflement
cervical, alors que les contractions fibrillaires étaient disséminées sur
les quatre membres, exclut une cause spinale. ,
308 LONG
LÉGENDE DES PLANCHES
Planche XXXV111
FiG. a. - Nerf radial dans le creux axillaire (Pal et carmin) J
Grossissement : 20 diamètres).
Fin. b. - Nerf radial à l'avant-bras (Grossissement : 20 diamètres).
Fic. c. - Nerf brachial cutané interne (Grossissement : 20 diamètres).
FIG. d. - Fragment du nerf médian (Grossissement : 50 diamètres).
Planche XXXIX
Fi(3. e. - Fragment du nerf sciatique (Pal carmin. Grossissement : 30 diamètres).
Fio. f. Nerf crural (Grossissement : 30 diamètres).
FiG. g. Nerf radial (Grossissement : 30 diamètres).
Planche XL
Fio. la. - Racine rachidienne L3, au-dessus du ganglion spinal. Dégénérescence
de la racine antérieure (Grossissement : 20 diamètres).
FIG. i. - Racine rachidienne D' dans le trou de conjugaison (Grossissement :
20 diamètres).
FiG. ? Racine C8 à son entrée dans le trou de conjugaison
(Grossissement : 20 diamètres).
HOSPICE DE LA SALPÊTRIÈRE
Travail du laboratoire du Professeur Dejerine.
MÉNINGO-MYÉLITE CHRONIQUE DE LA RÉGION LOMBO-
SACRÉE AYANT DÉBUTÉ PAR L'ÉPICONE AVEC LIPO-
MATOSE SECONDAIRE
PAR
ANDRÉ-THOMAS et J. JUMENTIÉ.
Observation clinique. - D... Charles, maître d'hôtel, âgé de 51 ans, entre
dans le service de la Clinique des maladies nerveuses le 21 juillet 1911 pour
une paralysie marquée des membres inférieurs, dont le début remonte à 1899
et pour laquelle il a déjà fait plusieurs séjours dans le service. Voici résumées
toutes les notes qui ont été prises sur ce malade. Nous ne l'avons vu qu'à son
dernier séjour à l'hôpital en 1911.
On ne relève rien d'intéressant dans ses antécédents : ses parents étaient
vigoureux, il a plusieurs soeurs bien portantes, lui-même a toujours joui d'une
excellente santé jusqu'au début des accidents qu'il présente actuellement.il
nie la syphilis, il aurait toujours été sobre, il ne fume pas. Marié à 27 ans,
il a eu cinq enfants dont trois sont morts en bas âge du croup.
C'est en 1$9J, c'est-à-dire il y a 13 ans, qu'il constate les premiers symp-
tômes de la maladie actuelle ; à partir de cette époque il s'aperçoit, en effet, que
sa jambe gauche s'affaiblit progressivement, il ressent en même temps dans
les deux membres inférieurs, surtout dans le gauche, des crampes douloureu-
ses, de courte durée, s'accompagnant de raideur des membres avec contracture
des muscles. Ces douleurs sont spontanées, elles surviennent par crises.
En 1902, date à laquelle ce malade est examiné pour la première fois, dans
le service du professeur Raymond, les douleurs se sont atténuées dans la jambe
gauche, mais persistent à droite avec leurs mêmes caractères ; la pression des
troncs nerveux, la manoeuvre de Lasègue ne les réveillent pas. La colonne
vertébrale ne présente aucune déformation, elle est souple et la percussion en
est indolore. La faiblesse de la jambe gauche a considérablement augmenté en
même temps que diminuaient les douleurs, le malade ne peut marcher qu'avec
une canne et son pied tombe. Les réflexes tendineux des membres inférieurs
sont normaux, sauf l'achilléen gauche qui a disparu. Le réflexe plantaire se
fait en flexion. On constate de l'atrophie de la jambe gauche.
En 1903, l'état est sensiblement le même : les crampes douloureuses ont
toutefois notablement diminué d'intensité, par contre le malade accuse tout
le long de la jambe gauche,et particulièrement au niveau du pied, des sensations
310 1 THOMAS ET.JUfENTIÉ
de froid ; les sensibilités tactile, douloureuse et thermique semblent intactes ;
les réflexes n'ont pas varié, l'achilléen gauche est complètement aboli et le ré-
flexe plantaire est normal; la jambe gauche est toujours faible, et elle ne
peut soutenir le malade, elle est plus atrophiée et les muscles fessiers sont
touchés ; un examen électrique pratiqué par le Dr Huet décèle des troubles
électriques bilatéraux dans les muscles innervés par le sciatique, surtout par
le sciatique poplité externe, avec maximum à gauche ; il existe de la D R très
marquée dans les muscles péroniers.
~En 1906, le malade est examiné à nouveau au cours d'un séjour qu'il fait à
l'hôpital. Les jambes, fortement variqueuses, sont très atrophiées, surtout la
gauche; elle présente deux centimètres de moins que la droite au niveau de la
partie moyenne : les muscles sont particulièrement mous au mollet et à la
face postérieure de la cuisse. Les troubles moteurs sont toujours limités à la
jambe gauche,mais ils se sont considérablement accrus. Le pied ne peut exécu-
ter aucun mouvement volontaire, il est tombant et ballant, la jambe ne peut
être fléchie sur la cuisse, par contre elle peut être étendue avec force ; de même
à la cuisse,les mouvements d'extension sur le bassin, d'abduction et de rotation
en dehors sont très affaiblis, alors que ceux de flexion, d'adduction et de rota-
tion en dedans sont normaux. Même état des réflexes. Les douleurs, quoique
très diminuées, n'ont pas totalement disparu, elles sont toujours spontanées et
Fig. 1 A. - Schéma des troubles de la sensibilité constatée en septembre 1906,
à gauche, Si, SI et SI ; à droite S', S'. ·
MÉN1NG0-MYÉLITE CHRONIQUE DE L'ÉPICONE AVEC LIPOMATOSE 311 1
on ne constate ni points de Valleix, ni signe de Lasègue ; par contre la sensi-
bilité objective est nettement troublée gauche et il existe à la fesse et il la
partie postérieure de la cuisse de l'anesthésie tactile douloureuse et thermique.
Le pied gauche est violacé, toujours froid et la sudation y est abondante. Des
troubles sphinctériens sont apparus ; lès mictions sont impérieuses et le ma-
lade craint de laisser échapper ses urines ; cependant il les sent passer. Les
fonctions génitales sont troublées, les érections sont affaiblies, mais l'éjacula-
tion est possible : le malade a des pollutions nocturnes. Une ponction lombaire
pratiquée à ce moment donne issue à un liquide clair, non hypertendu, pré-
sentant une légère lymphocytose.
Au mois de septembre de la même année, les troubles moteurs sont apparus
à la jambe droite, surtout dans les muscles innervés par le sciatique ; la sta-
tion est toutefois porsible, le malade peut marcher en s'appuyant sur une
canne, il steppe surtout du pied gauche : on constate des contractions fibril-
laires dans tous les muscles atteints et les troubles électriques sont très mar-
qués. Le réflexe achilléen gauche est toujours aboli, les autres réflexes tendi-
neux existent, pas d'extension du gros orteil. Les douleurs spontanées ont
presque disparu ; toujours pas de douleur à la pression des muscles et des
troncs nerveux ; il existe une hypoesthésie à tous les modes, surtout accentuée
Fia. 2 B et C. - Face antérieure et postérieure. Topographie de l'anesthésie en 1911
4.5, S', SI, S', S' et SI. Troubles égaux des deux côtés.
312 THOMAS EN JUMENTlÉ
à gauche (voir fig. 1, A),topographiée dans le territoires', S2, S3 ; à droite, on
ne la trouve qu'au niveau de SI, S*.
En septembre 1911, après 5 ans d'absence, D... rentre dans le service et
on constate à ce moment une notable aggravation de son état ; il n'est toutefois
pas complètement impotent et peut marcher avec deux béquilles ; il steppe des
deux côtés, mais surtout à gauche. Les pieds sont tombants et les muscles in-
nervés par les branches du sciatique, surtout du sciatique poplité externe, sont
très atrophiés ; par contre les muscles innervés par le crural et l'obturateur
sont mieux conservés. Les réflexes tendineux des membres inférieurs, achil-
léens et patellaires sont abolis aussi bien à droite qu'à gauche. Le réflexe plan-
taire semble également disparu, en tout cas il n'y a pas de signe de Babinski.
Les troubles de la sensibilité sont très développés : il existe encore quelques
douleurs, de plus le territoire des dernières racines médullaires L °, S', S ',
S ', Su est complètement anesthésique à tous les modes (Voir fig. 2, B
et C), il n'existe pas de dissociation des sensibilités. Les sphincters, fortement
touchés au début (rétention d'urine), sont paralysés au bout de 3 semaines; à
ce moment la température du malade s'élève brusquement, traduisant une
congestion pulmonaire qui l'emporte en cinq jours.
Examen anatomique. 1° Aspect macroscopique A l'autopsie on trouve
au niveau de l'extrémité inférieure de la moelle, entre les racines de la queue
de cheval, une tumeur ovoïde, ressemblant à un volumineux gland de chêne
débarrassé de sa cupule et nettement limitée[surtout sur sa face postérieure et
son pôle inférieur (Voir Planche XLI, fig. 2 et 3).Elle a 3 centimètres de lon-
gueur, 1 cent. 1/2 de largeur. Elle refoule en avant le cône terminal (c) qu'elle
écrase littéralement et ne peut en être détachée. Les racines (r. a., r. p.) lom-
baires inférieures et sacrées recouvrent ses faces antérieure et postérieure,
lui adhèrent en certains points et quelques-unes la traversent même de part
en part. Les racines antérieures sont aplaties et grisâtres, très nette-
ment atrophiées, les postérieures semblent presque normales. Son extrémité
supérieure répond au cinquième segment lombaire qui est particulièrement
grêle, son pôle inférieur ne dépasse pas le dernier segment sacré de la moelle.
Elle présente une couleur jaunâtre qui fait penser à un lipome.
La moelle est fortement comprimée et semble même en certains points (S2)
avoir presque complètement disparu ; les vaisseaux médullaires antérieurs
sont volumineux et ont leurs parois blanchâtres (u) et fortement épaissies à la
hauteur de S2, SI.
2° Examen microscopique. - Un fragment de cette tumeur est prélevé
pour l'histologie, on constate qu'il est constitué uniquement par des cellules
graisseuses juxtaposées, tassées par pression réciproque, sans organisation
conjonctive, sans vaisseaux ; il ne paraît pas s'agir d'un lipome, d'un fibro-li-
pome, ni d'un angiolipome, mais d'un simple dépôt de cellules graisseuses,
comme on en voit à la suite de certains processus infectieux.
3° Rapports delà tumeur et de la moelle. - La moelle est alors débitée en
coupes sériées et colorées par les différentes méthodes, Weigert-Pal, Van
NOUVELLE Iconographie DE la SALPÉTRIÊRE. /' ? "t'" /1,\ ? \ ? t . 4$* 1 T. XXV, Pl. XLI
MENINGOMYÉLITE CHRONIQUE DE L EPICONE
AVEC LIPOMATOSE SECONDAIRE
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MÉNINGOMYÉLITE CHRONIQUE DE L'ÉPICONE'
avec LIPOMATOSE secondaire.
(André Thomas et T. TUlIlel1liéJ.
Nouvelle Iconographie DE la SALPÊTRIÈRE.
T. XXV. Pl. XLIII
MÉNINGOMYÉLITE CHRONIQUE DE L'EPICONE
AVEC LIPOMATOSE SECONDAIRE.
(André Thomas et J. Jumentié).
MÉNING0-MYÉL1TE CHRONIQUE DE LÉPICONEAVEC ! I : Î10 OSE 313 3
carmin, hématéine-éosine. L'étude de ces coupes est particulièrement instruc-
tive comme nous allons le voir.
A) Au niveau du pôle inférieur, la tumeur et la moelle sont indépen-
dantes ; le cône médullaire et le filum descendent en avant et en de-
hors du néoplasme (PI. XLI, fig. 4). Sur les coupes passant à ce niveau, la
substance grise paraît intacte, les faisceaux des cordons antéro-latéraux ne
présentent aucurfe trace de dégénérescence, les cordons postérieurs par contre
sont très réduits, leur portion médiane, sur les coupes traitées par la méthode
de Pal, reste incolore ( Triangle de Gombault et Philippe). Les méninges molles
sont épaissies et la veine médullaire antérieure distendue ; il existe partout
une néoformation vasculaire ou tout au moins une dilatatiou des capillaires
très marquée, avec épaississement de leurs parois. La tumeur à ce niveau n'est
composée que de graisse,un ou deux gros vaisseaux apparaissent 3 l'intérieur.
B) Un peu au-dessus (4e segment sacré), la moelle et la tumeur entrent en
contact, mais restent toutefois indépendantes l'une de l'autre, la( partie anté-
rieure du néoplasme est simplement déprimée par la moelle qui y est incrus-
tée (Voir PI. XLII, fig. 5 et 6). La compression exercée par la tumeur se traduit
à ce niveau par la déformation générale de la moelle qui apparaît nettement
sur la fig. 6 : elle est aplatie d'arrière en avant, la substance grise est tassée,
son diamètre transversal considérablement augmenté, les cornes antérieure
(c.a.) et postérieure (c.p.) gauches surtout sont étirées en dehors. Les altérations
sont encore peu prononcées ; il existe un bouleversement des fibres des fais-
ceaux blancs qui se trouvent sectionnées obliquement et dans des sens différents,
le triangle de Gombault et Philippe est très nettement dégénéré (G. P.,rj-. 6).
On retrouve les mêmes lésions vasculaires que plus bas. En somme.jusqu'ici
la moelle est relativement saine et on constate surtout des déformations en
rapport avec la compression. La pie-mère (p.m.) est considérablement épaissie,
surtout à la partie postérieure de la moelle ; elle se continue avec l'enveloppe
fibreuse de la tumeur qui paraît formée par elle. Les vaisseaux médullaires
sont toujours très dilatés, surtout la veine à l'intérieur de laquelle on voit des
caillots organisés ; les artères sont épaissies. Dans les parois vasculaires pas
plus que dans les couches de la tumeur, on ne trouve de noyaux témoignant
d'un processus actif. '
C) Au niveau de la partie supérieure du 3e segment sacré et inférieure du
2e (PI. XLII, fig. 7 et 8), la compression atteint son maximum, et en examinant
les coupes sériees, on assiste à la disparition de la moitié gauche (m. g.) de la
moelle qui est remplacée par du tissu fibreux ( f), analogue à celui de la pie-
mère. Ce tissu ne forme pas une masse compacte, il est infiltré par les cellules
graisseuses et il n'existe plus maintenant de limites nettes entre la moelle et la
tumeur. Cette dernière est traversée par les racines postérieures (r.p.) .) que l'on
voit éparpillées et dirigées obliquement d'arrière en avant et de dehors en dedans
(PI. XLII, fig. 8 et PI. XLIII, fig. 9); les fibres radiculaires qui les composent
sont intactes et diffèrent ainsi de celles des racines antérieures (r.a.) qui sont
complètement dégénérées. La tumeur est parsemée de petits amas de fibrilles
nerveuses enroulées (n), véritables névromes de régénération ; àsigualer éga-
xxv 21
314 il ' THOMAS ET .1T1\IENTTlt
lement Jans lapie-mprc, sur tout au niveau de la face antérieure, au voisinage du
sillon antérieur, de nombreuses libres à myéline enchevêtrées et enroulées. La
moitié droite de la moelle (11 d.) est fortement comprimée au niveau de
S2 (fig. 7et 8), la corne postérieure est considérablement réduite et le cordon
postérieur a à peu près complètement disparu : elle redevient normale à la
partie supérieure de S' (fig. 9).
D) A la partie supérieure du 2° segment sacré et au niveau du 1 ? (l'I. XLIII,
fi;.9 et 10, PI. XLIV, (ig. 11 et 12), on assiste à la reconstitution delà moitié
gauche de la moelle qui commence par les cordons postérieurs : on voit
en effet en arrière les racines postérieures se tasser en couches successives
(fig. 10, f. p.) et former une masse sans cesse grossissante qui sur la fig. 11
(c. o. p.) donne déjà l'image d'un cordon postérieur. Sur les coupes plus supé-
rieures (fig. 12), on voit apparaître la tête de la corne postérieure et en par-
ticulier la masse volumineuse de la substance gélatineuse de Rolando (gR.). A
mesure que se forme ainsi la partie postérieure de la moelle, la substance grise
de la corne antérieure droite, jusque-là intacte, se raréfie, les cellules les plus
voisines du sillon antérieur perdent leurs prolongements, deviennent globu-
leuses, puis disparaissent et bientôt la moitié interne de la corne antérieure'
est détruite (fig. 11) ; ces lésions s'accentuent en approchant de la région
lombaire inférieure et sur la figure 12, où la tumeur a complètement disparu
et où la moelle reconstituée a repris sa forme normale, les cornes antérieures
sont presque totalement détruites.
E) Au niveau du Sa segment lombaire, la moitié antérieure de la moelle a
disparu, les lésions de, myélomalacie ayant désagrégé la substance grise des
cornes antérieures (fig. 13) et même un peu de la corne postérieure gauche.
La substance blanche est moins touchée, les cordons postérieurs semblent t
relativement peu dégénérés, les cordons antéro-latéraux sont au contraire forte-
ment dégénérés. Sur cette coupe, on note l'atténuation des lésions des raci-
nes antérieures, les fascicules radiculaires les plus externes (provenant de régions
plus élevées) sont relativement bien conservés, alors que les internes, qui pren-
nent leur origine dans cette région, sont complètement détruits. Les colorations
au carmin nous montrent une grosse réaction fibreuse interstitielle à l'inté-
rieur de ces racines.
F) Au-dessus de ce point, les lésions de la substance grise s'atténuent pro-
gressivement et cessent au niveau du 3° segment lombaire (ug. 3). Par contre,
on suit dans la moelle dorsale et cervicale les dégénérescences des faisceaux
ascendants intéressés par la lésion, mais il est à noter le peu d'importance de
ces dégénérescences comparativement il l'intensité dos lésions décrites.
Les faisceaux antéro-latéraux présentent sur toute la zone marginale un
éclaircissement notable, qui s'atténue rapidement ; au niveau de la il. dor-
sale ils sont redevenus normaux.
La partie interne du cordon postérieur est notablement éclaircie : mais il ne
s'agit pas d'une dégénérescence en masse ; les fibres sont plus grêles, plus
rares, et l'éclaircissement au cordon de Goll porte non seulement sur la zone
marginale, mais également sur la profondeur jusqu'à la commissure grise au
7UVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALPÊTRIèRE,
T. XYV. Pl. XLIV
MÉNINGOMYÉLITE CHRONIQUE DE L'ÉPICONE
AVEC LIPOMATOSE SECONDAIRE
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MÉN1NG0-MYÉL1TE CHRONIQUE DE LÉPICONE AVEC LIPOMATOSE 315 5
niveau de la région cervicale supérieure, il existe encore une grande quantité
de fibres dégénérées le long du septum.
Cette atropgiedes cordons de Goll,manifeste à la région dorsale, devient plus
apparente la région cervicale et se poursuit jusqu'à la partie [inférieure du
bulbe ; elle est plus accentuée à gauche.
En résumé : les lésions destructives de la moelle s'étendent du 4" segment
lc. 3. - Schéma montrant les rapports de la masse adipeuse t et de la moelle.
Avec l'état de cette dernière aux différents segments lombaires L3,Li,L3 ; sacrés
8',8',83,8',S' et filum terminale fl.
316 THOMAS ET JUMENTIÉ
lombaire jusqu'au 3e segment sacré (inclus) ; au niveau du 5e segment
lombaire et du 1er segment sacré, elles n'atteignent que la substance grise des
cornes antérieures. Elles se localisent plus bas (2e sacré) sur la moitié gauche
de la moelle ; au niveau du 3e segment sacré, il ne subsiste qu'un petit frag-
ment de la moitié gauche de la moelle. Le schéma que représente la figure 15
donne une idée exacte de la répartition des lésions médullaires et des rapports
de la tumeur et de la moelle. Histologiquement, il s'agit de lésions dues soit à
des hémorragies (ce sont les plus fréquentes), soit à une véritable myélomala-
cie. La moelle est envahie dans les régions détruites par du tissu fibreux dis-
socié par les cellules graisseuses et en certains points orienté en tourbillons,
parsemés eux-mêmes de fibres à myéline provenant des racines postérieures
ou appartenant aux cordons : ces dernières formations rappellent tout à fait
les névromes de régénération. Les'méninges molles présentent dans toute cette
région et surtout au niveau de L5 et S' de grosses lésions irritatives ; elles sont
fortement épaissies, se continuent avec le tissu fibreux qui entoure la tumeur
et lui forme une coque, cette dernière ne paraît qu'être un dédoublement de
la pie-mère. Les vaisseaux, surtout les antérieurs, sont fortement dilatés et
leurs parois sont épaissies, les veines sont thrombosées ; ces lésions étaient
déjà visibles à l'oeil nu sur la face antérieure de la tumeur (fig. 2, v.).
Dans toute la substance médullaire soumise à la compression et non détruite,
il existe des néoformations capillaires et des dilatations vasculaires intenses ;
les vaisseaux radiculaires sont également dilatés et leurs parois, ainsi que les
gaines pie-mériennes qui entourent les filets radiculaires postérieurs, sont hy-
pertrophiées.
Les cellules graisseuses réparties entre les mailles du tissu fibreux ou ag-
glomérées en une masse compacte, comme à la partie inférieure de la pseudo-
tumeur, donnent l'impression de simples dépôts lipomateux analogues à ceux
que l'on voit se former dans d'autres régions anatomiques à la suite des lésions
irritatives et en particulier de lésions vasculaires. L'état des racines est va-
riable suivant qu'il s'agit des antérieures ou des postérieures ; les premières,
venant de régions où la substance grise est détruite, sont complètement dégéné-
rées et envahies par la sclérose interstitielle ; les autres sont intactes ; au niveau
de leur pénétration dans la moelle, leurs fibres sont dissociées, éparpillées. La
dégénération des cordons postérieurs est la conséquence de l'interruption au
niveau de S3 et de S2. Enfin la moelle dans son ensemble se montre asymétrique
et est atrophiée dans sa moitié gauche (fig. 3).
Conclusions. En présence de ces constatations anatomiques, il nous
semble qu'on est en droit de considérer les lésions vasculaires et méningées
comme étant les premières en date, et qu'on peut se représenter la pathogénie
et la filiation des accidents de la manière suivante :
1° Stade de phlébite, artérite et méningite.
2'' Dilatations vasculaires traduisant la gêne circulatoire causée par ces lé-
sions.
3° Thromboses déterminant des foyers de myélomalacie, hémorragies dilacé
111ÉNINGO·AIYÉLCfL CHRONIQUE DE L'ÉPICONE AVEC LIPOMATOSE 317
rant le tissu médullaire : accidents résultant de la fragilité vasculaire ou de la
stase due aux oblitérations.
4° Surcharge adipeuse autour de ces lésions irritatives méningo-vasculaires.
5° Phénomènes de compression dus à la tumeur graisseuse s'ajoutant aux
troubles circulatoires, les augmentant et venant ainsi faciliter encore la pro-
duction des nouvelles thromboses ou hémorragies.
Il ne s'agit donc pas, comme on pourrait le penser à première vue, d'une tu-
meur de la moelle.
La topographie et la distribution des lésions correspondent assez exacte-
ment à ce que la symptomatologie permettait d'imaginer. L'atrophie musculaire
localisée aux territoires des deux nerfs sciatiques avec intégrité relative des
muscles innervés par le crural, le territoire de l'anesthésie, occupant surtout Le,
S' et S2, l'abolition des réflexes tendineux, la disparition des réflexes achilléens
précédant celle des réflexes patellaires, faisaient penserà une lésion des régions
lombaire inférieure et sacrée supérieure, autrement dit il une lésion de l'épi-
cône (1).
La prédominance et la précocité des symptômes dans le côté gauche s'ex-
pliquent également par la plus grande intensité des lésions dans le même côté
de la moelle.
Nous n'avons pu malheureusement examiner le patient qu'à la dernière
étape de sa maladie, mais les notes que nous avons retrouvées nous révèlent t
quelques faits intéressants : la lenteur extrême de l'affectiou dont l'évolution
progressive s'est continuée pendant 13 ans, l'apparition relativement tardive
des troubles urinaires (l'incontinence des urines n'a été complète que quelques
mois avant le dénouement), une certaine dissociation dans les perturbations
des fonctions génitales (affaiblissement et diminution des érections, persis-
tance des éjaculations, etc..).
Ce cas mérite surtout de retenir l'attention par la singularité des lésions
histologiques, par l'énorme développement du tissu adipeux, qui donnait au
premier abord l'illusion d'une tumeur, tandis qu'il s'agissait d'un simple dé-
pôt, occasionné, en grande partie,sans doute, par les troubles circulatoires dans
les régions correspondantes. La disposition des cellules adipeuses, l'absence
de multiplication nucléaire ne laisse aucun doute à cet égard. La méuingo-
myélite chronique de cette région est déjà rare ; associée à une lipomatose
secondaire, comme dans l'observation précédente, elle dévient une véritable
curiosité pathologique.
(1) La région de l'épicbne est limitée en haut, par le IVE segment lombaire, en
bas par le ICI« segment sacré, et comprend par conséquent le V segment lombaire,
le 1er et le il- segments sacrés (Minor). Dans les cas typiques de lésion limitée à
cette région, les réflexes rotuliens sont conservés, l'intégrité des sphincters et des
fonctions du rectum est respectée. Dans l'observation précédente, le rétlexe achilléen
du côté gauche a disparu le premier et les réflexes patellaires n'ont disparu que long-
temps après : de même, pendant les premières années les sphincters sont restés in-
tacts. La lésion a donc intéressé au début l'épicôme, et ce n'est que plus tard que,
du fait de la destruction ou,de la compression, les limites de cette région ont été
franchies.
318 i THOMAS ET JUMENHH
LÉGENDES DES PLANCHES
Planche XLI
Fio. 2 et 3. Extrémité inférieure de la moelle et commencement de la queue de
cheval, vues par les faces antérieure et postérieure.
c. cône terminal aplati.
r. a. racines antérieures.
t. tumeur lipomateuse.
r. p. racines postérieures.
v. veine médullaire thrombosée.
Fie. 4. Coupe de la moelle au niveau du cône terminal ; coloration au Van Gieson.
c. t. cône terminal.
1. tumeur lipotnaleuse.
v. a. vaisseaux antérieurs dilatés.
PLA'CIIE XLI ! .
Fin. a et 6. - Coupe passant par S4, coloration au Pal.
t. encastrement de la moelle il la face antérieure de la masse adipeuse.
c. a. corne antérieure.
c. p. corne postérieure.
p. m. pie-mère.
t. G, p, triangle de Gombault et Philippe.
Fio. 7 et 8. - Coupes passant par la partie supérieure de SI et inférieure de Sa,
écrasement et destruction de la moitié gauche de la moelle.
f. tissu fibreux.
m. d. moitié droite de la moelle.
m. g. moitié gauche.
r. p. racines postérieures.
t. tumeur graisseure.
v. veine thrombosée.
Planche XLIII
Fio. 9. - Coupe passant sur S2, partie supérieure.
La moelle paraît intacte à droite, complètement détruite il gauche m. g., a sa place
on voit des amas de tissu fibreux f. ; de nombreux neurones de régénération il.
sont disséminés dans la masse adipeuse qui est également traversée par les fibres
radiculaires dissociées des racines postérieures ·. p.
FIG. 10 Coupe passant par la partie inférieure de Si.
Reconstitution de la moitié gauche de la moelle, formation du cordon postérieur par
les fibres radiculaires postérieures f., p. diminution de la graisse l., atrophie des
racines antérieutes r. a., aspect normal des racines postérieures ·. p.
: -11\NrNGO-MYI; : LITI CH'RONfQUR D1 : LÏUMCONE AVEC LII'0\le1'COSN : 319
Planche XLI
FIG, 11 et 12. - Coupes passant par SI.
Disparition de la tumeur graisseuse dont les dernières cellules g. forment encore
quelques niasses isolées, destruction des cornes antérieures c. a., reconstitution du
cordon postérieur gauche c. o. p. et de la substance gelalineuse de Rolando g. Il.
Ces racines antérieures sont très atrophiées r. a.
Fio. 13. - Coupe au niveau de L5.
Ces cornes antérieures c. a. sont complètement détruites, les cordons antérieur c.o. a.
et latéraux c. o. 1. sont en partie dégénérés. les cordons postérieurs c. o. p. peu
couchés. '
Fig. 14. - Coupe du 3 segment lombaire.
La moelle est redevenue normale, la moitié gauche est alrophiée par rapport à la
droite, on constate des dégénérescences ascendantes des cordons antéro-latéraux
c. a. l. et de la partie interne des cordons postérieurs, faisceau de Goll c. G. qui
est nettement plus clair que le faisceau de Burdach c. B. le cordon de Goll gauche
est du reste plus petit que le droit.
DYSTROPHIE MUSCULAIRE PROGRESSIVE
HÉMILA TÉRALE
(TYPE h'AClO-SCAPULO HUVIH;RAL
Etude clinique,
PAR
le P' G. MINGAZZINI,
Professeur de clinique des maladies nerveuses à l'Université de Rome.
Malgré tout le soin que j'ai pu mettre à étudier la littérature qui porte
sur les différentes formes de dystrophie musculaire progressive, il ne m'a
été donné de trouver, parmi les descriptions qu'on en a faites, aucun cas
dans lequel une moitié du corps ait été exclusivement frappée. Aussi,
ayant eu l'occasion d'étudier longuement le cas d'un jeune homme atteint
de cette maladie, qui s'est manifestée chez lui sous la forme facio-scapulo-
humérale exclusivement limitée la moitié droite du corps, et cela dès la
plus tendre enfance, il m'a semblé qu'il était bon d'en publier l'histoire
clinique.
Observation.
Battiata Andréa, âgé de 16 ans, de Trapani. Son père a eu quatre ul-
cères en même temps. Ces ulcères n'ont pas provoqué chez lui d'adénites,
mais la guérison en a été plutôt longue. L'un d'eux a duré deux mois.
Ce n'est pas un buveur, mais il est assez fumeur. La mère a mené trois gros-
sesses à terme. Sa seconde grossesse s'est terminée par un avortement. Elle
n'est pas buveuse. Les deux soeurs du sujet jouissent d'une santé excellente.
Rien d'intéressant à remarquer chez ses collatéraux. Lors de la conception du
sujet, son père avait 38 ans et sa mère 28. Il est né à terme, et, en dehors de
la maladie qu'il a actuellement, il n'en a pas eu d'autres qui fussent dignes
d'être remarquées.
Le sujet commença à marcher à l'âge de 10 mois, et à parler à trois ans.
Lorsqu'il avait un an et 8 mois, il glissa, tomba en battant de la tête et resta
quatre ou cinq minutes sans connaissance. Quelques mois après, les parents,
qui ne savent pas fixer exactement l'époque de ce fait, s'aperçurent que, lors-
que l'enfant riait, la moitié droite de son visage ne se contractait pas de la
même façon que la moitié gauche, et qu'en dormant il ne fermait pas bien l'oeil 1
droit.
Pendant les années suivantes, il y eut toujours désaccord entre ce côté de la
face et les gestes correspondants.
Ce n'est qu'en 1907 que l'enfant, alors'âgé de 12 ans, s'aperçut qu'il avait
Nouvelle Iconographie DE la S.11.P1 : TRIRE.
T. XXV. PI. XLV
DYSTROPHIE MUSCULAIRE PROGRESSIVE HÉMILATÉRALE
Type facio-scapulo-huméral.
(Mi/lga'{il11) .
OU1'LLLI. Iconographie de la SALPtTRrlRE.
T. XXV. Pl. XL VI
DYSTROPHIE MUSCULAIRE PROGRESSIVE HÉMILATÉRALE
Type facio-scapulo-huméral.
- (Mil1gazilli).
DYSTROPHIE MUSCULAIRE PROGRESSIVE HÉMILATÉRALE 321
moins de force dans le bras droit que dans le bras gauche. Les mouvements de
son bras droit étaient si embarrassés qu'il commença à se servir de préférence
du bras gauche. Lorsqu'il devait écrire vite de la main droite, il se fatiguait
aussitôt, au point d'être obligé de s'arrêter d'écrire. Il s'aperçut aussi en même
temps que la musculature de son épaule droite, de son thorax et de son bras
du même côté ne se développait pas comme à gauche. Un médecin, appelé
pour le soigner, lui fit l'application de courants électriques à la moitié droite
du visage et au bras. Après cette cure, l'enfant réussit à fermer presque com-
plètement l'oeil droit. Cette application de courants électriques ayant été aban-
donnée, son état empira de nouveau (1910). Alors il s'aperçut qu'il n'avait
plus dans le membre inférieur de droite autant d'énergie qu'auparavant. Il ne
pouvait plus sauter comme par le passé. Il se fatiguait facilement à marcher,
surtout en montée, et il ressentait de la fatigue dans le tronc.
Ces troubles se sont manifestés chez le sujet jusqu'à aujourd'hui sans chan-
gement (avril 1912). .
Examen morphologique. Le crâne se présente sous une forme sensible-
ment régulière. La bosse pariétale de droite est un peu plus en saillie que
celle de gauche. Il en est de même de la moitié droite du front qui est légère-
ment plus saillante qu'à l'ordinaire. Le diamètre frontal droit occipital gauche
= 172 ; le diamètre frontal gauche occipital droit = 175 : le crâne est donc
légèrement plagiocéphale. L'occiput est saillant, le front est vertical et l'arcade
sourcilière de droite est plus basse que celle de gauche. Même remarque pour
le pavillon de droite. La fosette sous-nasale est déplacée vers la droite.
Mesures du crâne et de la face.
322 MINGAZZINl
férence supérieure, surtout à droite. Les mesures suivantes permettent encore
mieux de se rendre compte que la moitié de droite du thorax est moins déve-
loppée que celle de gauche :
nYSTROPHIE MUSCULAIRE PROGRESSIVE HIÎMILATISRLLE 828
vemeut d'une manière incomplète, au point que, de ce côté-là, les lèvres sont
à peine rapprochées. Si l'on veut avoir une idée du tonus musculaire, en es-
sayant de séparer les lèvres unies, on remarque assez de résistance à gauche,
mais, à droite, aucune.
Lorsque, par quelque expédieut, on arrive à faire rire le sujet, on voit
que la partie gauche du visage se modifie seule. Il se produit un plissement
de la fente palpébrale gauche et, à gauche, également, le coin de la bouche
s'étire de bas en haut. Quant à la partie droite du visage, elle reste complète-
ment inerte (PI. XLV).
Le sujet peut tirer la langue et la mouvoir dans tous les sens. Mais, elle est
agitée d'un léger tremblement et touche le coin des lèvres à droite. Le voile
du palais se soulève bien des deux côtés, mais lors de l'émission des sons, la
voûte palatine paraît plus rétrécie à gauche, qu'à droite.
La mâchoire inférieure peut s'abaisser, et même complètement. Le massé-
ter de droite est moins développé que celui de gauche. Les mouvements laté-
raux de la mâchoire inférieure sont presque totalement possibles à gauche,
tandis que vers la droite il s'esquissent à peine.
On ne sent ni troubles ni difficultés chez le sujet lorsqu'il parle. Il prononce
bien toutes les consonnes. Dans l'explosion des labiales, moitié droite des lè-
vres se meut à peine. L'action d'avaler se produit sans aucun trouble.
Au toucher, l'on sent bien la partie supérieure et la partie moyenne du
cucullaire, mais non la partie inférieure. Le sterno-cléidu-mastoïdien de gau-
che est bien développé ; au toucher l'on n'arrive pas à sentir celui de droite.
Le sujet ne peut contracter le peaucier ni à droite ni à gauche.
Aucun trouble dans les mouvements passifs de la tète. Le sujet est en me-
sure de bien accomplir le mouvement d'extension de la tète; le mouvement
de flexion ne se produit que d'une manière incomplète et le menton ne se
trouve qu'à une distance d'environ deux doigts du sternum. Les mouvements
latéraux vers la droite et vers la gauche ne se font pas complètement. Pour
les exécuter, le sujet s'aide en haussant les épaules.
Les fosses sus-épineuse et sous-épineuse de droite apparaissent plus pleines
que celles du côté opposé. D'ailleurs on sent au toucher que les muscles corres-
pondants de droite sont atrophiés et que les fosses sont recouvertes de graisse.
Le bord supérieur de l'omoplate droite se présente plus haut que celui de
l'omoplate gauche. Le milieu en est beaucoup plus saillant et se rapproche de
la ligue médiane plus que celui de gauche (omoplate ailée). L'extrémité interne
de la clavicule droite se trouve plus bas que celle de la clavicule gauche. L'a-
cromion de droite est très saillant et il se trouve plus bas que celui de gauche :
entre celui-là et la tète de l'humérus on peut facilement enfoncer le doigt.
Pour passer de la position horizontale à la position assise, lorsqu'il est
étendu sur son lit, le sujet n'y arrive qu'en s'aidant des membres supérieurs,
et en arc-boutant fortement la tête et les pieds sur le lit, de manière à faire
décrire à son corps un arc de cercle très marqué.
Les mouvements latéraux du tronc sont aussi très difficiles et incom-
plets.
324 MINGAZZINI
Membres supérieurs. - Tandis que le sujet arrive facilement à soulever
l'épaule gauche bien que l'observateur cherche à l'en empêcher par la pression
de la main, il y parvient beaucoup moins bien à droite malgré la grande éner-
gie qu'il y emploie.
Aucun trouble affectant le trophisme, les mouvements passifs et les mou-
vements actifs des muscles de la ceinture scapulaire et des membres supérieur
et inférieur de gauche.
Membre supérieur droit. Au repos, quand le bras est abandonné le long
du tronc, l'humérus est un peu retourné à l'extérieur, l'avant-bras se trouve
dans une attitude intermédiaire entre celle de la supination et celle de la pro-
nation, la main est en état de flexion sur le' poignet et les doigts en état de
demi-flexion sur la main, sauf l'auriculaire qui présente sa première phalange
en position d'extension extrême et sa deuxième phalange en état de flexion
sur la première. Il est de toute évidence que toutes les masses musculaires de
ce membre supérieur droit sont atrophiées, mais l'atrophie est encore plus
évidente dans les muscles de l'épaule et du bras, et ceux de l'avant-bras et de
la main sont atrophiés à un degré moindre. Le muscle deltoïde est réduit à
quelques fibres seulement, à peine palpables. Bien que moins volumineux qu'ils
ne devraient l'être normalement, le muscle coraco-bracliial, le biceps brachial
et le triceps brachial sont mieux conservés. Les masses musculaires qui s'in-
sèrent à l'épitrochlée et à l'épicondyle, celles du thénar et de l'hypothénar
sont notablement atrophiées, ainsi qu'on peut d'ailleurs le constater par les
mesures suivantes :
DYSTROPHIE MUSCULAIRE PROGRESSIVE HÉVIILATÉRALE
'l'ype ficio-scapulo-liuméral. ? - - - fMiuufl71lli)- - ?
DYSTROPHIE MUSCULAIRE PRO GRES SlVg-lfeM4LÂq'ËTMLE 23
se produit normalement; il lui fait atteindre jusqu'au pavillon de l'oreille.
Dans ce mouvement, le moignon de l'épaule se trouve un peu en dehors.
S'il essaie de faire prendre à ses mains l'attitude du serment, il n'y arrive
pas avec la main droite. En effet, le malade est obligé de hausser l'épaule
droite plus que l'épaule gauche. Le bras se tourne en dehors et la main a une
tendance à tomber.
Le sujet peut soulever le membre supérieur droit tout entier, mais c'est là
un mouvement qu'il ne peut exécuter complètement. Il peut également appli-
quer à ce membre tout entier les mouvements d'adduction et d'abduction. Il ne
fléchit l'avant-bras que d'une façon incomplète et il cherche à en obtenir
le plus d'effet possible en s'aidant d'autres muscles. Il arrive à fléchir com-
plètement la main sur le poignet et à plier les doigts de la main que d'ailleurs
il ne peut étendre que bien peu. Il lui'est impossible d'étendre le petit doigt
et l'index, il n'y arrive pas complètement pour l'annulaire et pour le ma-
jeur. Il est capable d'opposer le pouce aux autres doigts.
S'il essaie d'étendre la main, le cinquième doigt un mouvement d'extension
exagéré, surtout dans la première flexion, le pouce a un mouvement d'adduc-
tion. En outre, dans cette position, le membre supérieur droit se fatigue très
vite et a une tendance à tomber. L'adduction des doigts se fait bien, tandis que
l'abduction ne se produit qu'en partie pour les trois premiers doigts et aucu-
nement pour le quatrième et pour le cinquième doigt.
Par les diagrammes tirés des ergogrammes volontaires et faradiques, on
voit qu'à droite la force dégagée par les muscles de l'avant-bras est notable-
ment moindre qu'à gauche.
L'examen radiographique de la main et du poignet ne permet de constater
aucune différence de volume, ni aucune altération de structure affectant les
os, à l'exception du cinquième métacarpe et des phalanges du cinquième doigt
qui sont moins grosses qu'à gauche. L'humérus droit présente un diamètre
transversal manifestement moins grand que celui de gauche et le tissu osseux
est un peu raréfié ( PI. XLVII).
Membre inférieur droit. - La fesse de droite est moins développée que celle
de gauche. Les proéminences des masses musculaires des fléchisseurs de la
jambe et aussi celles du quadriceps extensor sont moins développées qu'à
gauche (PI. XLVI).
Les masses musculaires de la cuisse droite sont atrophiées, comme on le
voit par les mesures suivantes :
326 VMINGAZZ1N1
pas à étendre complètement la jambe, ni à fléchir la cuisse (lorsque la jambe
est étendue).
Lorsqu'il est debout et arrêté, ou qu'il s'appuie sur sa jambe gauche, le
malade est capable de se soutenir sans oscillations. Si, au contraire, il s'ap-
puie sur la jambe droite, il lui vient dans la jambe des tremblements et il perd
plus facilement l'équilibre. Aucune oscillation dans la position de Romberg.
En marchant, il a une tendance à incliner le tronc à droite.
Je n'ai jamais remarqué de tremblements fibrillaires dans les muscles tant
des membres que de la face. L'excitabilité idio-musculaire n'est aucunement
augmentée.
Les réflexes rotulien et achilléen se produisent des deux côtés ; les réflexes
plantaires entraînent la rétraction du membre inférieur tout entier, des deux
côtés. Les réflexes du crémaster, les réflexes abdominaux et épigastriques se
produisent des deux côtés. Pas de réflexes des tendons supérieurs à droite
ceux des biceps et du triceps se produisent seulement à gauche. Les iris réagis-
sent rapidement à la lumière et à l'accommodation : les pupilles sont égales.
Le réflexe de la cornée se produit.
La perception du toucher, de la douleur, du chaud, du froid, de la position
des mouvements, le sens pallastbésique, le sens stéréognostique et celui de la
pression sont bien conservés. La vue (acuité, étendue du champ visuel,
perception des couleurs), l'ouïe, le goût, l'odorat, sont à l'état normal des
deux côtés.
Examen électro-diagnostique.
DYSTROPIIIE MUSCULAIRE. PROGRESSIVE H11LATÉItALE 327 7
328 1 MINGAZZINI
lités concrètes ; il conçoit bien les quantités mathématiques, et ainsi de suite.
Ses réponses sont lentes parfois. Sa mémoire est rapide et fidèle tant pour les
faits anciens que pour les faits récents. Le sentiment de la famille est très dé-
veloppé chez lui, et il en est de même des sentiments éthiques qui le sont
presque autant. Le sujet s'intéresse à son état dans une juste mesure, il exé-
cute scrupuleusement les prescriptions hygiéniques et thérapeutiques qui lui
sont indiquées et il se préoccupe à bon droit de son avenir. Son attitude est
très correcte.
Il s'agit donc d'un jeune homme qui, à l'âge de cinq ans environ, a
commencé, peu après un traumatisme, à présenter une maladie à cours
lent mais progressif,et exclusivement à droite : atrophie des muscles de la,
face et, beaucoup plus tard, des muscles du cou, de la ceinture scapulaire,
du bras et de l'avant-bras, enfin, depuis quelque temps, à quelques an-
nées de distance, également une atrophie des muscles de la cuisse. A
gauche, aucun signe d'atrophie, sauf la tendance de l'omoplate à prendre
la forme de l'omoplate ailée.
L'examen objectif a permis de faire ressortir que l'atrophie des muscles
chez le sujet est d'autant plus grave qu'elle date de plus longtemps quant
à ses premières manifestations, et qu'aussi les muscles atrophiés sont af-
fectés d'une diminution de l'excitabilité électrique qui va jusqu'à la dis-
parition, altération d'autant plus évidente elle-même que l'atrophie des
muscles est plus grave. L'on n'a jamais constaté de tremblements fibrillai-
res dans les muscles atrophiés. Aucun troublede la sensibilité. Les réflexes
tendineux des membres inférieurs sont faibles des deux côtés et ils man-
quent dans le membre supérieur droit, côté de l'atrophie.
Or, si l'on considère que le sujet n'a jamais eu de paresthésies,que chez
lui aucun trouble n'affecte quelque forme que ce soit de la sensibilité, que
la compression des troncs nerveux et même de la colonne vertébrale n'est
pas douloureuse, est facile d'éliminer tout soupçon d'un processus chro-
nique qui aurait affecté les méninges spinales ou d'une polynévrite. De
même, il suffit de se rappeler le cours de la maladie, la façon dont elle a
pris de l'extension, et surtout la topographie des atrophies et le temps qui
s'est écoulé entre l'invasion de la moitié de la face et celle du membre
supérieur droit, pour ne pas supposer que le jeune homme ait été affecté
d'autres formes de maladies avec lesquelles on pourrait confondre celle
dont il souffre, et qui seraient, par exemple, la polymyélite antérieure
subaiguë, ou la maladie de Heine-Medin, ou un processus destructeur
(syringomyélite), affectant la corne antérieure, ou un processus chroni-
que de dégénérescence affectant les nerfs moteurs du bulbe et de la moelle.
DYSTROPH1E MUSCULAIRE PROGRESSIVE HÉMILATÉHALE 329
Il ne me semble pas opportun de rappeler ici les signes de l'hémiatrophie
progressive de la face (et du corps), puisque les différences cliniques
entre cette maladie et celle de notre sujet sont assez claires et nombreuses.
Au contraire, le malade nous fournit un syndrome clinique qui corres-
pond (au point de vue de l'évolution et de la sypptomatolorie) complète-
ment au type hémilatéral de la variété facio-scapulo-humérale des dystro-
phies musculaires progressives. C'est en ce seus que parlent la très lente
évolution des atrophies à droite, affectant les divers muscles de la face
tout d'abord ; l'extension des atrophies, de ce côté-là seulement, aux mus-
cles de la ceinture scapulaire et à ceux du bras, puis à ceux de l'avant-
bras, de la main, et du membre inférieur ; la manière dont se présente
la fente palpébrale de droite, lorsque le sujet essaie de fermer les yeux ;
le lagophtalmus ; la lèvre inférieure tombante ; la disposition de la fossette
sous-nasale ; l'atrophie ayant frappé, à droite, le masséter, les ptérygoïdes,
le rhomboïde, le sterno-cléido-mastoïdien, le cucullaire, le serratus anti-
cus major, les grand et petit pectoraux, le biceps et le brachialis anticus,
le groupe des muscles épicondyliens (les supinateurs, les extenseurs des
doigts et surtout les radiaux), les interosseux dorsaux, et, en partie aussi,
l'abducteur du pouce, les fessiers et les muscles de la cuisse. Qu'on ajoute
à cela, qu'il n'y a pas de tremblements fibrillaires dans les muscles atro-
phiés.
Il est opportun de faire remarquer ici quelques particularités séméio-
logiques qui rendent encore plus démonstratif le jugement diagnostique
que nous venons d'énoncer. En effet, à droite, quelques nerfs ou muscles
présentent une simple diminution d'excitabilité galvanique et faradique
(nerf facial, muscle cucullaire, muscles zygoma tiques, Ilocculus menti,
biceps brachial et triceps brachial, extenseurs communs des doigts, grand
extenseur du radius, court abducteur du pouce, adducteur du pouce, mus-
cles interosseux dorsaux de la main). D'autres muscles (ou nerfs) présen-
tent une abolition complète de l'excitabilité faradique et galvanique
(muscle orbiculaire des paupières, deltoïdes, sus-épineux, grand pectoral,
nerf radial). Dans le premier groupe, il n'y avait pas d'inversion de la
formule de l'excitabilité galvanique. Toutefois plusieurs d'entre eux ré-
pondaient par une contraction nettement réduite, sans atteindre pour
cela à une réelle lenteur, d'où il serait permis de déduire qu'il n'y avait
pas là les signes de la R. D. Par contre, dans le second groupe de mus-
cles et de nerfs, l'abolition complète de l'excitabilité faradique et gatvani-
que, même lorsqu'ils étaient stimulés par un courant très intense, laisse
douter si l'on avait là plus ou moins affaire avec une R. D., ou avec une
altération quantitative quelque grave qu'elle fût. Mais, même si l'on ad-
met cette seconde hypothèse, il ne faut pas s'en étonner, car on sait que,
xxv 22
330 M1NGAZZINI
surtout dans les formes mixtes de dystrophie musculaire progressive (cas
de Erb, Abadie, K. Mendel, etc.) on a trouvé une vraie R. D.
En outre, d'après Iluet, la diminution de l'excitabilité faradique et
galvanique dans la maladie en question, n'est pas tant caractérisée par
l'apparition plus ou moins tardive de la contraction minima, que par la
réduction de l'extension et de la vigueur de la contraction. Dans mon cas,
ce second élément était présent dans le premier groupe de muscles, comme
je l'ai déjà indiqué. Il est certain que la diminution de l'excitabilité élec-
trique correspond en général au degré plus ou moins grand d'atrophie des
muscles. Et outre, il ne faut pas oublier, fait qui se présente rarement dans
la forme en question,que le masséter était frappé d'atrophie à droite et qu'il 1
en était de même des muscles abdominaux, ces derniers au point que la
cicatrice ombilicale était déviée à gauche. Il faut signaler aussi l'atrophie
des muscles de l'éminence thénar, du court abducteur du pouce, du mas-
séter et des ptérygoïdiens, fait rare, mais que quelques auteurs ont égale-
ment signalé dans la forme facio-scapulo-humérale de la dystrophie mus-
culaire.
La lenteur du cours de la maladie et le temps assez considérable qui s'est
écoulé entre l'invasion de la face et celle du membre supérieur, puis en-
tre ce dernier et le membre inférieur, ce sont là des faits qui ne sont pas
complètement nouveaux dans l'histoire des dystrophies du type facio-sca-
pulo-huméral. Gowers (1) raconte un cas de dystrophie musculaire,
type Landouzy-Dejerine, et dans lequel la face fut prise lorsque le sujet
avait 6 ans. A 12 ans, c'était le tour des membres supérieurs, et quel-
ques années encore après, les fléchisseurs des cuisses s'affaiblirent, tout
à fait comme dans le cas présent, sauf la monolatéralité.
L'examen radiographique n'a révélé à droite aucune altération appré-
ciable des os de la main. Il a montré au contraire (fiT.8 et 9) que l'humérus
est, à droite, sensiblement plus mince qu'à gauche. J'insiste sur ce point,
car jusqu'à présent l'atrophie des os des membres, que l'on signalait, ap-
partenait presque toujours à la variété du type pseudo-hypertrophique.
C'est ainsi que, dans un cas de pseudo-hypertrophie musculaire, Schultze
trouva une atrophie du fémur, et Lloyd constata une atrophie de l'épi-
physe des os constituant les articulations du coude et du genou. Mari-
nesco (1) a donc raison quand il pense que si l'on examinait méthodique-
ment les os de tous les myopathiques, on trouverait que ceux des
extrémités sont plus fréquemment atteints qu'on ne le croit, quant à la
(1) GowERS, A manual of diseases of the nervous system. London Churchill, 1899,
V. I, 3' éd., p. 590.
(2) Mamnesco, Maladies des muscles. Traité de médec.Brouardel-Gilbcrt t. X,Paris,
1902.
DYSTROPHIE MUSCULAIRE PROGRESSIVE HÉMJLATÉRALE 331
manière dont se comportent les réflexes tendineux, il est bon, comme
dans mon cas, de faire remarquer que, du côté malade, il n'y avait plus
de réflexes tendineux supérieurs, tandis que, des deux côtés, les réflexes
rotuliens se produisaient normalement. Or Landouzy et Dejerine trouvè-
rent dans la maladie en question, que deux fois sur cinq le réflexe rotulien
était aboli bien qu'il n'y eût pas diminution de volume de la cuisse.
Marinesco (1) ne croit pas que, pour expliquer l'abolition des réflexes
tendineux et la discordance qu'il y a entre la diminution de la contraction
réflexe des muscles et la conservation de leur volume dans la dystrophie
musculaire, on puisse faire appel à l'intervention du système nerveux
central ou périphérique comme dans la myopathie. Il pense que l'on de-
vrait en chercher l'explication dans les altérations dont sont affectés les
muscles qui prennent part à ces réflexes. Il me semble que le cas présenté
par moi vient appuyer cette seconde opinion. En effet, les réflexes tendi-
neux supérieurs étaient abolis du côté malade, mais les réflexes rotuliens
et ceux du tendon d'Achille s'y étaient conservés, bien que le volume de
la cuisse eût déjà diminué.
Malgré les recherches que j'ai faites dans la littérature du sujet, je ne
suis pas arrivé à y découvrir un seul cas de dystrophie musculaire aussi
nettement unilatérale. Landouzy et Dejerine parlent d'un cas de dystro-
phie musculaire, appartenant à la variété qui porte leur nom, et dans
lequel la face n'était pas également affectée. Gowers (loc. cit.) affirme
que « one side may,suffer some time before the other », mais, chez mon
sujet, il s'agit d'une dystrophie musculaire progressive, dont est affectée
exclusivement la moitié droite du corps, et cela non seulement depuis des
mois mais depuis treize ans. L'importance du cas en question consiste
donc dans le fait qu'au lieu d'être symétrique et bilatérale cette forme de
dystrophie musculaire est au contraire remarquablement unilatérale, de-
puis si longtemps. Un examen minutieux des muscles de l'épaule gauche
ferait soupçonner que peut-être ce côté-là commence aussi à être affecté
d'une atrophie de quelques muscles de la ceinture scapulaire. Cela
nous enseigne que la monolatéralilé de l'atrophie des muscles dans la
dystrophie musculaire progressive, même si elle dure longtemps, n'est
pas encore un argument suffisant pour affirmer sans contredit qu'elle se
maintiendra, sans aucun doute, toujours d'un côté,
Enfin, le cas actuel se prête à quelques considérations qui viendront
renforcer quelques-unes des théories émises pour expliquer la pathoge-
nèse de la maladie. Modifiant la théorie dite de la phagocytose, due à
Metchnikoff, d'après lequel le sarcoplasme des faisceaux musculaires se
(1) 111AncvLSCO, loc. cil.
332 MINGAZZINl
différencierait en cellules amiboïdes englobant la substance striée,
Blocq et Marinesco (1) ont soutenu une théorie spéciale pour expliquer
la pathogenèse des dystrophies musculaires progressives. D'après eux, par
suite d'une véritable inversion chimiotaxique, le myoplasme deviendrait t
incapable d'assimiler les éléments nutritifs de la lymphe qui le baigne,
et alors le tissu de soutien, grâce à la puissance de son pouvoir nutritif,
accaparerait ces éléments devenus surabondants, et prendrait la place des
fibres musculaires. Comme on le voit, cette théorie s'appuie sur plusieurs
postulats. Aussi faut-il 'recourir à d'autres hypothèses en plus grand
nombre, pour expliquer le cas présent. Elle va même à l'encontre de
difficultés plus évidentes. En effet, l'on aurait toujours le droit de deman-
der pour quelle raison un trouble chimiotaxique devrait plutôt frapper
les muscles d'un côté à l'exception de ceux du côté opposé.
Il est donc beaucoup plus rationnel de comprendre la pathogenèse de
la dystrophie musculaire progressive, suivant l'idée soutenue par Ray-
mond (2). D'après lui, l'atrophie musculaire progressive se présente
comme une affection primitive et de dégénérescence du segment inférieur
de la racine motrice (pyramidale), représentée par les neurones spino-
musculaires, qui s'étendent des cellules trophomotrices des cornes anté-
rieures de la moelle aux muscles du squelette. Parfois la dégénérescence
commence par les muscles de la périphérie et peut s'y arrêter ; parfois
elle commence par les cellules trophomotrices des cornes antérieures,
et alors elle amènera une dégénérescence secondaire des racines anté-
rieures des nerfs moteurs et des muscles. La première éventualité se
réalise en général dans le cas où l'atrophie commence dès le jeune âge,
et alors cette affection est la conséquence d'une tare originelle (mala-
dies héréditaires). La seconde éventualité, qui a son origine dans les cel-
lules trophomotrices des cornes antérieures, est celle qui se réalise régu-
lièrement quand l'affection commence pendant t'age mûr. Or, dans le cas
d'hémi-dystrophie musculaire que je viens de décrire, il suffit d'ad-
mettre que, par suite d'un fait congénital, il existait d'un seul côté,
une certaine faiblesse originelle des cellules des cornes antérieures (abio-
trophie), ou des racines antérieures, pour s'expliquer le développement
et le cours strictement unilatéral. A ce point de vue, il ne manque pas
d'exemples analogues de maladies du même genre que celle-ci. Ainsi, il
y a peu de temps que Mills et Spiller ont éclairé des cas d'hémiplégie
progressive, à localisation surtout unilatérale (3). Le Dr Geronzi (4) a
(1) Marinesco, loc. cit.
(2) Raymond, Leçons sur les maladies du système nerveux, Paris, Doin 1900, IV° s.,
p. 253.
(3) Halls et SemLLrt, Journal of nervous and mental diseases 103.
(4) Gerouzi, Conlrib. allô studio della parai, bulb. unil. Ria. di patol. nern. 1896.
Vol. I.
DYSTROPHIE MUSCULAIRE PROGRESSIVE HÉMILATÉRALE 333
même étudié, dans mon laboratoire, des exemples de paralysie unilaté-
rale labio-glosso-laryngée. Du reste les cas d'hémiatrophie progressive fa-
ciale ou d'hémiatrophie de tout le corps, se rapprochent du mien et compor-
tent la même explication. Quelques faits signalés dans l'examen du sujet se
trouvent pleinement en harmonie avec la théorie pathogénétique que nous
venons d'adopter. Ainsi, par exemple, il y avait une diminution de la
pression artérielle dans la radiale droite, et cela correspondait à ce que l'on
a signalé, des deux côtés, dans plusieurs formes de dystrophie musculaire
progressive. Je rapporterai, à ce propos, les observations méthodiques de
Guillain, qui remarqua que, chez les myopathiques, la pression artérielle
oscillait entre 11 et 14 cm. de mercure tandis que le chiffre normal en est
de 16 à 18 cm. Il concluait que cette tension inférieure devait provenir
ou bien de lésions vasculaires périphériques ou de troubles de l'inner-
vation du système sympathique. Or, il est peu vraisemblable de penser
que des lésions vasculaires périphériques frappent un seul côté. Il est,
au contraire, plus probable d'admettre la seconde hypothèse, d'après la-
quelle il s'agit d'une affection primitive du neurone spino-musculaire.
Et cela surtout, en considération des rapports qu'il y a entre les cellules
des cornes antérieures et les ramifications du sympathique. C'est là un
autre argument qui amène à penser que la dystrophie musculaire pro-
gressive est une maladie du téléneurone de la voie pyramidale.
TRAUMATISME ET SYNDROME DE PAGET
PAR
André LÉRI
Professeur agrégé à la Faculté
de médecine
et Gaston LEGROS.
Ancien interne des hôpitaux
Chef du laboratoire de radiologie iL
l'hôpital Tenon
Le 14 avril 1910. nous avons présenté à la Société de Neurologie un
malade qui offrait de très grandes ressemblances cliniques avec une ma-
ladie de Paget localisée à la jambe droite. Comme l'affection était nette-
ment d'origine traumatique et comme, à côté de grosses ressemblances, la
radiograpnie montrait quelques dissemblances avec celle d'os pagétiques
typiques, nous avions pensé qu'il s'agissait d'une ostéopathie traumatique
« simulant la maladie de Pige[. Nous devions publier l'observation
dans l'Iconographie de la Salpétrière ; nous avons préféré attendre quel-
que temps pour savoir si l'affection s'étendrait ou nonets'onenteraitvers
la maladie de Paget ; or c'est bien vers la maladie de Paget que l'affection
semble aujourd'hui évoluer.
Voici l'observation résumée :
Haf..., 63 ans,veilleur de nuit. Rien à noter dans les antécédents héréditaires :
parents morts à un âge avancé ; pas de rachitisme, pas de déformations
osseuses dans la famille.
Il a lui-même été toujours bien portant, n'a pas eu de rachitisme dans sou
enfance, n'a pas eu de douleurs rhumatismales au niveau des extrémités et
ne présente aucune déformation des mains ni des pieds C'est un homme fort,
bien constitué, ancien employé de commerce, qui n'a été réduit à la pro-
fession de veilleur de nuit que dans le courant de l'année dernière, parce que
sa jambe, devenue très déformée et douloureuse, le rendait incapable de tout
métier un peu actif, de toute marche ou de toute statian debout prolongée.
La tête est normale, nullement exagérée de volume, et ne présente aucune
hyperostose. Le dos n'est pas voûté et l'on ne voit pas à la base du thorax le
pli transversal profond que l'on est accoutumé à voir chez les pagétiques
avancés; les mains tombantes arrivent à peu près à mi-cuisses comme chez
un sujet normal et non, comme chez les grands pagétiques, jusqu'au niveau
du genou : l'attitude n'a rien d'anthropoïde. Les membres supérieurs ne pré-
sentent aucun épaississement osseux ni aucune incurvation anormale, et les
1..\..\.\" l'l.-XLVIII'
TRAUMATISME ET SYNDROME DE PAGET
(A. Léri et G. Legros).
... en 191 I. Membre inférieur droit incurvé en arc dans son ensemble ; on ne voit pas l'incurvation en avant et en dehors
de l'extrémité supérieure du fémur caractéristique de la maladie de Paget.
nlhp rlrnît-O ? IJ 0'1. : I,,pM t&p ? ? ? flJ l' f ! I.,¡A ? J1 t ,p.i ? t".M ? At ? u ? OQUlC'')Jpn'A.D 1 a 1 J.t r-Fi ¿.ç,). : Ut,t;jJ"u"\..A Il 1 Sn Il ? 1 ? t-t ? ? », ...o,....r...A ? «i 4. z
'v'EI LE Iconographie DE la Salpêtre rt.
T. xxv. p).*x[x'
TRAUMATISME ET MALADIE DE PAGET
(A. Léri et G. Legros).
A. Jimbe du malade H... en 1910 : l'augmentation porte surtout sur la partie supérieure de la crête tibiale, rugueuse et irrégulière.
li. Même jambe en 19 11 ; eczéma et ulcération accidentelle ; agmentation manifeste de la lésion osseuse.
C. J.tmbe d'une malade atteinte de maladie de Paget typique : augmentation de la totalité de la crête tibiale et l'incurvation antéro-postérieure. ? ? , M955oa.8GCie. Édtteur.lO
TRAUMATISME ET SYNDROME DE PAGET 335
clavicules ne sont pas particulièrement saillantes. La jambe gauche est nor-
male, mais, pour élargir sa base de sustentation, le malade marche en portant
en dehors la pointe du pied (PI.XLVIIf).
L'affection se trouve donc uniquement limitée au membre inférieur droit.
Ce qui frappe le plus, c'est la saillie considérable des, deux tiers supérieurs du
tibia (PI. LIX,L,LI). Cette saillie est tout particulièrement frappante quand
on regarde la jambe de profil ; la crête tibiale est nettementconvexe en avant ;
la convexité est délimitée en haut par une encoche située immédiatement au-
dessous de la rotule, elle s'arrête en bas à l'union du tiers moyen et du tiers
inférieur. En arrière le mollet fait une saillie à peu près normale, et la jambe ne
présente pas la concavité postérieure que l'on observe chez beaucoup de pagé-
tiques. L'augmentation de volume de ce segment de membre ne tient pas seule-
ment à son accroissement d'avant en arrière, mais aussi à une augmentation
transversale très nette. Le membre droit présente une circonférence de 43 cm.
au niveau de sa convexité maxima, alors que le membre gauche a seulement
35 cm. 1/2 au niveau correspondant; le membre malade a 37 cm. immédia-
tement au-dessous du genou, le membre sain n'a que 32 cm. 1/2. Toute la
longueur de la crête tibiale est légèrement rugueuse et irrégulière.
La cuisse droite parait légèrement augmentée de volume dans sa partie in-
férieure, mais son axe normal n'est pas modifié et elle ne présente pas l'in-
curvation en avant et en dehors qui est si caractéristique chez certains pagé-
tiques.
Pour marcher, le malade a les pieds légèrement écartés et l'extrémité des
pieds est tournée en dehors : la cuisse et la jambe paraissent ne faire qu'un et
décrivent ensemble un arc de cercle, de sorte que le malade fauche. Quand
les membres inférieurs sont rapprochés, la cuisse et la jambe droites forment
ensemble un arc dont le membre inférieur gauche serait la corde.
Le début de l'affection remonte nettement à un traumatisme : il y a 26 ans,
le malade, alors âgé de 37 ans, aidait un homme de peine à descendre un
poêle de fonte d'environ 100 kilogs ; il était monté sur une échelle, le poêle
tomba d'une hauteur de 1 mètre environ sur sa jambe droite en glissant le
long du bord antérieur du tibia : le malade ne tomba pas, mais ressentit une
douleur assez forte ; il put néanmoins descendre de l'échelle et continuer son
travail le jour même et les jours suivants. Mais presque aussitôt après, le
malade est très affirmatif sur ce point, il se forma sur la région qui avait été
plus particulièrement contusionnée, sur la partie supérieure de la crête tibiale,
un nodule osseux, une « bosse » douloureuse, qui persista seule pendant S
ou 6 ans. L'affection progressa alors lentement de haut en bas ; elle continue
;i progresser en même temps que, depuis 8 ou 9 ans, le tibia augmente de
volume sur tout son pourtour.
Sans souffrir réellement, le malade sent de plus en plus « le travail de sa
jambe ; elle gonfle et devient dure comme du bois par la fatigue » ; tout travail
devient de plus en plus difficile, la marche est fort gênée ; il y a des crampes
dans les mollets, mais ces douleurs cessent par le repos et il n'y a pas de dou-
leurs nocturnes.
336 LËRI ET LEGROS
Dans le,courant de 1911, le volume de la jambe semble avoir sensiblement
augmenté à la suite de traumatismes multiples : au mois de juillet, des gamins
lui ayant jeté des briques, il a été atteint à la jambe malade d'une blessure
superlicielle qui suppura et lui fut d'autant plus pénible que la jambe
était déjà gonflée et sensible; vers la même époque il se contusionna lui-
même en tombant. Il se fit des pansements pendant environ 3 mois et res-
sentit alors pour la première fois des douleurs violentes et profondes en coups
de couteau. Depuis lors la jambe est de plus en plus volumineuse et dure et
«ne dégonfle plus » ; il boite davantage, bute quelquefois en marchant et se
sert maintenant le plus souvent de deux cannes.
L'origine traumatique de cette affection semble peu discutable : le
malade est formel, la première saillie osseuse se serait faite au point le
plus fortement contusionné immédiatement après le traumatisme impor-
tant qu'il a subi ; c'est de cette saillie que serait parti ensuite l'accroisse-
ment progressif de l'os, d'une part en hauteur le long de la crête tibiale
sur les deux tiers supérieurs qui précisément avaient été plus ou moins
contusionnés aussi, d'autre part en largeur, l'os s'épaississant dans son
ensemble.
Rien ne permet de supposer chez ce malade la localisation au tibia
d'une ostéite syphilitique : il ne reconnaît aucun antécédent spécifique
et n'en présente aucun stigmate, et la réaction de Wassermann est
d'ailleurs négative ; de plus l'aspect radiographique n'est pas celui que
l'on trouve d'ordinaire dans les ostéites spécifiques où il s'agit d'une hy-
perostose engainant plus ou moins l'os et le rendant plus opaque.
Lors de notre premier examen, la radiographie nous avait paru pré-
senter aussi quelques dissemblances avec l'aspect que nous avions décrit
dans les os pagétiques typiques.
Dans la maladie de Paget, la radiographie présente en effet un aspect
« ouateux » tout à fait spécial, dû à l'existence d'une série de taches,
claires ou foncées, et à une extrême abondance de travées très fines, plus
ou moins claires ou foncées, finement réticulées, anastomosées entre
elles et prenant parfois l'apparence de tourbillons : cet aspect resterait
limité au centre de l'os ou s'étendrait jusqu'à sa périphérie. La couche
compacte de l'os peut-être épaissie ou raréfiée, mais en général la région
sous-périostée est particulièrement claire, ce qui donne à l'os sur l'épreuve
radiographique une sorte de double contour et explique qu'un os gros et
trapu sur la photographie paraît plus ou moins mince et grêle sur la ra-
diographie. -
La radiographie traduit ainsi fort exactement d'une part le mélange
des processus de raréfaction et de condensation osseuses désordonnées,
d'autre part le défaut de calcification de certaines travées, notam-
NOUVELLE Iconographie de>l$35alpêtrilrSi
T. XXV. Pl.
TRAUMATISME ET MALADIE DE PAGET
(A. Léri et G. Regros).
Radiographies de la jambe : A) dans la maladie de Paget typique (jambe B de 1.1
planche précédente). B) du malade H...
Mêmes altérations essentielles : l'aspect « ouateux » de l'os, irrégulièrement plaqué
de taches sombres et claires ; aspect flou, mal limité, d'un rebord à double contour.
Ces caractères sont surtout nets quand on compare l'extrémité supérieure malade et
l'extrémité inférieure indemne du tibia du malade H...
TRAUMATISME ET MALADIE DE PAGET
(A. Léi-i et G. Legros).
Radiographies du genou : A) dans une maladie de Paget typique, B) chez le malade H... (191 1). On voit dans les deux cas
la même incurvation de la partie supérieure du tibia, le même aspect ouateux, le même rebord flou ; mais en A la lésion se
continue sur toute la hauteur du fémur, tout l'os est massif; en B la lésion s'arrête au tiers inférieur, l'os s'effile a ce niveau.
TRAUMATISME ET SYNDROME DE PAGET 337
ment celles de la couche sous-périostée, qui caractérisent la maladie de
Paget. 1
Lors de la première radiographie de notre malade en avril 1910, nous
avions remarqué quelques différences qui nous avaient permis de penser
que cette ostéopathie n'était peut-être pas absolument semblable à celles
de la maladie de Paget. Au lieu de l'aspect ouateux léger des os pagéti-
ques, on voyait le tibia comme « plaqué » irrégulièrement de taches som-
bres d'ossification compacte, très variables de dimension et de configura-
tion, répondant sans doute aux saillies que l'on sentait au doigt ; de plus
le rebord de l'os hyperostosé, quoique sinueux, était relativement net
sans double contour (PI. L).
Une seconde radiographie, faite récemment, montre que ces dissemblan-
ces étaient passagères et dues sans doute à l'atteinte jusque-là incomplète
des différentes portions de l'os. Les plaques foncées, restes sans doute de
la couche compacte inaltérée, disparaissent, l'os devient uniformément
ouateux jusque sur ses bords ; de plus il s'élargit, mais les zones sous-
périostées nouvelles ne se calcifiant plus, le contour devient de plus en
plus pâle et flou. En somme, d'après l'aspect radiographique du tibia
de notre malade, nous pouvons dire que nous ne voyons plus actuelle-
ment aucune différence entre sa structure et celle d'un os pagétique.
La localisation des lésions n'exclut pas non plus le diagnostic maladie
de Paget : l'extrémité inférieure du tibia reste bien indemne,* quoique la
lésion ait peut-être un peu progressé en hauteur, mais il ne semble pas
que cette localisation soit exclusive de l'idée d'une maladie de Paâet,et
nous avons trouvé, dans les auteurs ou dans les radiographies que nous
avons eues entre les mains, des cas où la localisation du début semble
avoir été absolument identique. L'os n'est pas incurvé dans son ensemble,
comme il l'est généralement dans la maladie de Paget, et sa face postérieure
reste presqueplane, mais le fait est dû sans doute à l'intégrité de l'extré-
mité inférieure, et nous avons constaté la même forme sur les radiogra-
phies d'ostéites identiquement localisées auxquelles nous venons de faire
allusion.
S'agit-il donc d'une maladie de Paget limitée à la jambe droite ? s'agit-
il d'une ostéopathie traumatique ayant même aspect clinique et radiogra-
phique qu'une maladie de Paget localisée ? Pour répondre à cette question
il faudrait savoir d'abord ce qu'est la maladie de Paget et à quoi elle est
due; or nous savons seulement qu'il s'agit d'une ostéopathie chronique,
pouvant se généraliser à tout le squelette, d'ordinaire limitée à certains os
plats et à la diaphyse de certains os longs dont elle détermine l'hypertro-
phie et la déformation, mais pouvant aussi se limiter à un seul os (cas de
338 LÉRl ET LEGROS
Cadet, deThibierge, etc..) ou pouvant n'atteindre un second os que de
très nombreuses années après le premier (cas de Pozzi,de Fréchau,elo...).
A une telle affection tantôt généralisée, tantôt étroitement localisée,
certains auteurs ont voulu ne voir qu'une cause unique, et l'on sait que-
c'est à la syphilis que Fournier et Lannelongue rapportent la maladie.
Devant la multiplicité croissante des faits contradictoires, il semble au-
jourd'hui bien difficile d'admettre celle théorie univoque : chez notre ma-
lade entre autres, ni antécédents héréditaires ou personnels, ni stigma-
tes, ni réaction de Wassermann ne permettent de croire à la spécificité,
et, en revanche, le début est en relation certaine avec un traumatisme im-
portant. t.
D'autres auteurs, et ils sont de plus en plus nombreux, mettent l'ostéo-
pathie sur le compte de troubles trophiques dus à une lésion primitive
soit des nerfs soit des vaisseaux. C'est à des lésions de ce genre, surtout
à des troubles trophiques d'origine vasculaire, que paraissent pouvoir se
rattacher la plupart des scléroses hypertrophiques des différents organes :
or les examens histologiques récents de Ménétrier font de la lésion de l'os
pagétique une sclérose osseuse hypertrophique.
Dans ce cas, il n'y aurait rien d'étonnant à ce qu'un traumatisme
puisse déterminer des lésions nerveuses ou vasculaires qui, à leur tour,
provoquent au niveau d'un ou de plusieurs os des lésions identiques à
celles que des lésions nerveuses ou vasculaires diffuses pourraient déter-
miner au niveau de l'ensemble de l'ossature.
Autrement dit, un traumatisme pourrait déterminer au niveau d'un ou
de plusieurs os exactement les mômes lésions trophiques que l'artério-
sclérose par exemple peut déterminer au niveau de tous les os.
« Les conceptions étiologiques actuelles, qui font entrer en ligne de
compte dans la production de troubles trophiques observés dans les tis-
sus et les organes tant de facteurs différents, l'hérédité, les infections, les
toxi-infections, les dyscrases chimiques, les trophonévroses médullaires,
etc..., tendent de plus en plus à faire rejeter l'unicité de cause dans la
genèse d'une affection donnée. Il est dès lors facile de supposer que l'os-
téite déformante a, elle aussi, comme tant d'autres affections, des causes
diverses produisant des effets analogues » (1).
Le traumatisme a joué, il y a peu de temps encore, un rôle si capital
dans la détermination des maladies les plus diverses que, par une réac-
tion assez coutumière dans l'histoire des processus pathologiques, on tend
à lui refuser aujourd'hui tout droit de cause déterminante. En vérité la
réaction ne serait-elle pas excessive ?
(1) JACOT, L'ostéite dé/ormante de Paget, son diagnostic différentiel et ses rapports
avec les autres ostéopathies. Archives médicales d'Angers, 5 n.ai 1907, n° 9.
TRAUMATISME ET SYNDROME DE PAGET 13 ! )
Le traumatisme est bien loin d'être rare dans les antécédents des pagé-
tiques ; et, dans une thèse toute récente, Chaste ! (1) relève qu'un trauma-
tisme est signalé douze fois sur une cinquantaine d'observations. Mais cet
auteur comme les autres ne lui accorde tout au plus que le rôle de cause
adjuvante, et la plupart admettent même seulement que le traumatisme
a pu attirer l'attention des sujets sur des déformations dont ils ne s'étaient
pas aperçus auparavant. D'autres considèrent que la déformation a suc-
cédé au traumatisme à une date trop éloignée pour qu'on en puisse tenir
compte : Thibierge par exemple (2) signale chez une malade une contusion
sérieuse de la cuisse atteinte, mais il n'accorde pas d'importance à ce fait
parce que le traumatisme avait précédé de treize ans les déformations vé-
ritables du membre. Un autre malade de Thibierge etGauducltaux (mars
1910) s'était fracturé les deux jambes treize ans avant les déformations qui
atteignirent précisément les deux membres inférieurs. Ménétrier et Ru-
bens Duval (3) ont rapporté un cas où l'ostéite de Paget se manifesta à
48 ans sur un os fracturé à 7 ans.
Mais le malade le plus intéressant à cet égard est celui dont Moizard et
Bourges (4) ont publié l'observation : à l'âge de 21 ans,il se fil une contu-
sion au niveau de la partie moyenne de la jambe gauche ; dès ce moment,
le malade est très catégorique,' le tibia gauche s'incurva en avant et aug-
menta de volume progressivement sans qu'il y ait jamais eu de douleurs ;
48 ans après seulement, il se cassa la jambe droite ; à la suite de ce nou-
veau traumatisme se développa une hypertrophie du tibia droit avec incur-
vation en avant, déformation analogue à celle du tibia gauche. L'autopsie
fut faite 4 ans après, et l'examen macroscopique et microscopique montra
une combinaison de l'ostéite condensante et de l'ostéite raréfiante tout à
fait analogue à celle de la maladie de Paget.
Quoique ce malade de Moizard et Bourges n'ait eu aucun antécédent
spécifique, aucune déformation rachitique ou autre, aucun indice d'affec-
tion héréditaire, M. Lannelongue pense à l'influence de l'hérédité à cause
de l'âge relativement jeune où est survenu le traumatisme et du long in-
tervalle qui sépara l'atteinte du premier os et celle du second. Mais n'est-
ce pas un peu forcer les faits pour les appliquer il une théorie ? Car, ou-
Ire que, dans ce cas, les déformations étaient en relation indiscutable avec
les traumatismes et que rien ne permettait de croire à une hérédo-syphi-
lis, c'est précisément il un âge tardif que survient presque toujours le
début de la maladie de Paget, et, quand ce début est plus précoce, il y a
(1) Contribution à l'étude de l'ostéite déformante de Pagel. Thèse de Paris, 1910.
;2) Société médicale des hôpitaux, février 1893.
(3) Société médicale des hôpitaux, mai 1905.
(4) Archives de médecine expérimentale, 1892.
340 LÉRI ET LEGROS ,
justement un traumatisme qui est très souvent en jeu, et l'os atteint resle
alors très longtemps ou indé'inement seul atteint.
Les cas que nous venons de rapporter nous semblent montrer qu'un
traumatisme peut-être à l'origine d'une ostéopathie plus ou moins éten-
due ayant tous les caractères de l'ostéopathie pagétique, sans doute par
l'intermédiaire de lésions nerveuses ou vasculaires qu'il détermine. Notre
cas nous paraît être tout à fait analogue.
Un fait pourtant en rend peut-être à première vue l'explication un peu
moins simple, c'est que le tiers inférieur du fémur paraît atteint aussi.
En 1910, ia radiographie nous avait montré que l'extrémité inférieure
du fémur était hypertrophiée, mais cette hypertrophie nous paraissait
due seulement à une hyperossification partielle de la couche compacte ;
nous expliquions cette hyperossification par le fait qu'elle formait comme
un étai à l'os modifié dans ses conditions de statique par la courbure per-
manente du tibia. Autrement dil, nous faisions des modifications de vo-
lume de l'extrémité inférieure de ce fémurune application de la « loi
d'adaptation fonctionnelle » de Julius Wolff, en vertu de laquelle : « A la
suite de modifications portant primitivement soit sur la forme, soit sur la
fonction, soit à la fois sur la forme et sur la fonction, il se produit des
changements mathématiquement déterminés dans l'architecture intime
et des transformations secondaires également aussi réglées dans les formes
extérieures des os. »
Aujourd'hui, l'aspect de l'extrémité inférieure du fémur se trouve
modifié chez notre malade, et la nouvelle radiographie nous montre qu'il
se produit petit à petit au niveau des condyles fémoraux un aspect ouateux
analogue à celui de l'os pagétique (Pl.LI). Dès lors notre explication est-elle
encore valable ? Le fait n'a rien d'invraisemblable, si l'on pense que ré-
cemment Fréchou (1) a rapporté à cette loi de Wolff toutes les déforma-
tions osseuses qui se produisent dans la maladie de Paget et qui ne
seraient que le résultat du bouleversement du plan des surfaces articu-
laires et de la résistance osseuse.
Pourtant il est possible d'interpréter autrement les modifications de
structure à forme pagétique que nous observons sur l'extrémité inférieure
du fémur de notre malade : le traumatisme aurait déterminé les lésions
des nerfs ou des vaisseaux qui assurent la nutrition de l'extrémité infé-
rieure du fémur en même temps que celle du tibia. Le brusque redresse-
ment du genou par un traumatisme portant sur sa partie antérieure ex-
pliquerait particulièrement bien ces lésions nerveuses ou vasculaires, le
paquet vasculo-nerveux étant situé en arrière, dans le creux poplité, et
(1) Fnfciiou, Thèse de Paris, 1903.
TRAUMATISME ET SYNDROME DE PAGET 341
se trouvant ainsi brusquement tiraillé. Ces troubles auraient ainsi une
pathogénie plus ou moins analogue à celle des troubles trophiques que
Roger et Garnier (1) ont observés dans les os d'une main à la suite d'une
fracture de l'avant-bras correspondant et qu'ils ont dénommés « ostéo-ar-
thropathiemétatraumatique ». Cette explication nous parait d'autant mieux
s'appliquer à notre cas que chez le malade de Moizard et Bourges dont
l'ostéopathie tibiale était d'origine si nettement traumatique, le tiers
inférieur du fémur participait à l'hypertrophie osseuse,exactement comme
chez notre malade :
En résumé, nous pensons que le traumatisme ne doitpas être éliminé
des causes déterminantes des ostéopathies du,type pagétique : chez notre
malade en particulier, il n'y a pas lieu de se poser la question : « s'agit-
il d'une maladie de Paget ou d'une ostéopathie traumatique » ; il s'agit
d'une ostéopathie à la fois pagétique dans la force et la structure de ses
lésions et traumatique dans sa cause déterminante. Ainsi envisagée, la ma-
ladie de Paget serait en réalité un syndrome, n'ayant pour caractéristique
commune qu'une hypertrophie osseuse avec mélange d'ostéite condensante
et d'ostéite raréfiante désordonnées, hypertrophie due sans doute à une
sclérose interstitielle telle qu'on l'observe dans les différents organes à la
suite de lésions trophiques d'origine soit nerveuse soit surtout vasculaire.
Ce syndrome pourrait être plus ou moins généralisé ou avoir les localisa-
tions les plus variées : « que l'on démembre, dit Thibierge, la description
d'ensemble, qu'on la découpe en autant de fragments qu'il y a d'os sus-
ceptibles d'être atteints et que l'on combine avec la plus grande variété
les éléments ainsi obtenus, on aura une foule de petits tableaux qui re-
présentent les diverses modalités possibles de l'ostéite déformante. »
A des tableaux aussi variés les auteurs ont voulu donner une cause
unique et appliquer aux malades les plus différents l'étiologie que le ha-
sard des cas avait mise sous leurs yeux : « l'esprit de l'observateur, frappé
des antécédents qu'il observe chez le sujet qui s'est présenté à lui, a
une tendance naturelle à généraliser et à adopter des conclusions dont la
généralisation trop souvent difficile condamne en même temps l'absolu-
tisme » (2). Rien de plus naturel pourtant qu'une lésion osseuse,qui indique
uniquement des troubles trophiques, soit mise sur le compte d'une affec-
tion généralisée (infection ou intoxication avec lésions nerveuses ou vas-
culaires diffuses) quand elle est généralisée, mais qu'elle soit simplement t
(1) ROGER et GARNIER, Ostéo-ai-thropathie métatraumatique, Presse médicale, décem-
bre 1903.
(2) JAGOT, L'ostéite déformante, etc., loc. cit.
342 LER) ET LEGHOS
la conséquence d'une affection locale quand elle est nettement localisée :
or les cas de maladies de Paget limitées à un seul os ou à un très petit
nombre d'os sont de plus en plus fréquents.
Parmi ces causes locales on a, ce nous semble, trop résolument
rejeté le traumatisme sous l'influence des idées actuellement régnantes ;
il ne faut pourtant pas oublier qu'il peut à lui seul déterminer de gros-
ses lésions vasculaires ou nerveuses dont d'importants troubles trophi-
ques peuvent être la conséquence, et il serait peut-être juste de lui ren-
dre un peu le rôle de cause déterminante qu'il n'y a pas de raison de lui
refuser systématiquement. Les recherches ultérieures devront montrer
quelle est la fréquence et l'importance de ce rôle du traumatisme dans la
détermination des formes frustes du syndrome de Paget.
DU DÉLIRE CHEZ LES ENFANTS
PAR
R. BENON et P. FROGER
(St-Jacques, Nantes).
L'observation qui suit peut être considérée comme un exemple chez
les enfants de ce qu'on appelle le « délire onirique » ; les émotions dou-
loureuses nous paraissent avoir joué un rôle important dans l'étiologie
de ce cas.
Observation
OBS.- Résumé : Deux épisodes aigus hallucinatoires délirants avec anxiété :
hallucinations de la vue et de l'ouïe intenses e pénibles ; hallucinations
agréables à de très courts intervalles (visions d'anges) ; agitation anxieuse.
Pas de confusion mentale à proprement parler ; troubles de l'attention liés
au développement considérable des hallucinations. Après le retour à
l'état normal, récit détaillé des troubles psycho-sensoriels. Etiologie.
Prédisposition, émotions douloureuses (lecture de livres de magie) (1).
Ernest, 14 ans, pupille de l'Assistance Publique, nous est présenté le
22 juillet 1911.
Histoire de la maladie.- Le jeune Ernest, à la suite de conversations avec
des enfants de son âge (à l'insu de sa tante chez qui il avait été recueilli après
la mort de ses parents), écrit à Paris, vers juillet 1909, pour avoir le livre de
Magie de Mo'orys, sorcier des Roches Noires, 16, Rue de l'Echiquier. Sa tante
ne sut la chose que plus tard, par une voisine. Il ne le reçoit pas, mais un de
ses camarades lui prête un autre livre de magie qu'il lisait le soir très
tard en cachette. Trompant la surveillance de sa tante, il va aussi, dès que
la foire s'installe à Nantes, voir les baraques de prestidigitateurs et reste de
longues heures en admiration devant elles.
L'enfant est confié le '27 décembre 1909 à l'Assistance publique qui le place
chez des particuliers. Il travaillait chez des jardiniers (1910-1911) ; seul dans
sa chambre, il lisait, avant de s'endormir, des histoires de magie et ne « pensait
que dans cela » suivant son expression. On parlait dans ces livres de « Tètes
de mort, du Diable que l'on peut faire apparaître, etc. » Dans les derniers
temps, vers avril 1911, un de ses cousins lui avait procuré en outre un livre
de tours d'escamotage ; il essayait ces tours quand il était seul.
(1) Nous remercions M. Miraillé qui nous a aimablement envoyé ce petit malade.
344 BENON ET FR06
une nuit, en juillet 1 : : 111, ses patrons sont réveilles par aes cris : on ac-
court, on trouve l'enfant assis sur son lit, terrifié, croyant voir des rats et
disant les entendre gratter.
Il voyait aussi une tête de mort au-dessus de son lit et « le Diable était là ».
On essaie de le calmer : on fait semblant de chasser les rats avec un bâton,
mais il se met à crier « au voleur », puis tombe dans un mutisme absolu ; on
l'évacué sur l'ilôtel-Dieti et de là sur St-Jacques.
Examen du malade pendant l'état psychique aigu, 22 juillet 1911. A
sou arrivée à l'H. G. de N., dans le service des nerveux, le petit malade a les
yeux fixes, ouverts d'une façon démesurée ; il est en proie à une terreur très
vive. -Presque privé de la parole, il obéit à certains ordres comme de regar-
der un doigt, tirer la langue, fermer les yeux. Il s'asseoit dans son lit, les
jambes pliées légèrement sur les cuisses, les mains sur les genoux. Après avoir
refusé de s'alimenter, il boit du lait devant nous sans geste de contentement
ni de colère. L'examen physique ne révèle rien d'anormal : la sensibilité est
conservée, le malade fait une grimace très forte quand on le pince, mais il
n'exécute aucun mouvement de défense. On note de la flexibilité cireuse des
bras.
A l'Hôtel-Dieu où il avait été hospitalisé pendant trois jours, il avait refusé
de s'alimenter, serrant les dents quand on tentait de le faire boire.
23. - Après un jour de mutisme complet, l'enfant consent à se lever, à
manger, mais refuse des gâteaux que la religieuse lui offre. Ses premières pa-
roles furent provoquées par ces gâteaux ; il dit très vite et à voix basse :
« Je ne veux pas des gâteaux, ils sont empoisonnés. » '
Il se décide à parler davantage. A peine seul avec nous, il s'élance vers la
porte du cabinet, disant qu'on veut le tuer et qu'il veut s'en aller. Nous le
rassurons : « Mais que se-passe-t-il donc »-R. « Ce sont les livres de phy-
sique qui ont fait cela, je vois le Diable... des têtes de mort.» - On remarque
qu'il se rend compte à certains moments de son état, mais tout en causant il
a de fréquentes hallucinations. « J'étais placé chez les X..., je couchais dans
« un lit de fer..., j'ai entendu des rats qui grattaient le plancher. Je voyais le
« Diable. Ces rats devaient être des hommes. »
D.« Depuis quand voyez-vous le Diable 2 R.« Depuis trois mille ans ! ...
« J'ai vu tout à l'heure une tête de mort qui devait être mon père... Mon pa-
« tron, reprend-il, est arrivé et a tapé sur les rats avec un gros bâton et je n'ai
« plus rien entendu. Puis j'ai crié : Au voleur ! Je croyais entendre des voleurs.
« L'autre jour j'ai vu encore une tête de mort... que des os.. c'était lorsque
« j'étais sur la terre : maintenant je suis dans l'Eternité '...Mais non, on n'est
« pas en 1911 à présent. »
Il fixe le médecin et dit : « Il y a le Diable dans vos yeux... Tenez il est là
« aussi (sous la table). Je le vois jusque dans le papier... Je vois toutes sor-
« tes d'affaires, quelque chose d'effrayant, ce sont des choses bouleversées,
« brouillées. Je vois toutes sortes d'affaires que vous ne pouvez pas voir, des
« morts, des squelettes ! La porte n'est pas ordinaire : elle est prête à s'ouvrir
« toute seule ( »
DU DÉLIRE CHEZ LES ENFANTS ' 345
Il regarde par la fenêtre du cabinet; il pleut et il dit : « Il pleut, mais la
« pluie n'est pas ordinaire,\\ y a des saloperies dedans.Dans la cour, y a des
« oiseaux dans les arbres, prêts à sauter sur moi. Je vois des affaires qui re-
« muent... Je vois des étoffes en or, des tapis qui glissent I... )1
Il a de la joie tout à coup et dit : « Je vois des anges, ils viennent me
chercher pour aller au ciel (Il chante des chants d'église en souriant). » Puis
presque aussitôt après, il a peur : « L'Univers, dit-il est bouleversé ! » »
D. Qu'y a-t-il, avez-vous peur ? R. Oh ! oui.
D. Vous n'êtes pas en sûreté ? - R. Oh ! non. Quand j'étais sur la terre, je
n'avais pas de mal ».
Ensuite il nous raconte des hallucinations qu'il a eues chez ses patrons.
« Un soir j'étais assis sur une planche au-dessus d'un étang. ; la planche re-
« muait. Il y avait des mouches partout : les grenouilles sautaient et voulaient
« me manger... Le Créateur va venir et va juger ! ... Et le soleil s'est mis à
« baisser... Quand je suis allé me reposer dans ma chambre, il y avait des
,« mouches qui causaient entre elles. » D. Mais quand cela ? - R. C'était après
le 14 juillet (1911).
L'examen physique du petit malade donne les résultats suivants : De taille
petite, dé complexion plutôt faible, il présente une voûte palatine ogivale,
pas très profonde. On note une asymétrie de la circonférence buccale dans le
rire. Pas de strabisme. Les oreilles sont détachées, mais pas très déformées. La
sensibilité est normale. La flexibilité cireuse a disparu. Les réflexes patellai-
res sont diminués; le plantaire est normal, l'achilléen également.
24. - L'enfant chante par intervalles dans son lit, il s'agite la nuit et
se lève sans s'éloigner d'ailleurs. L'appétit est bon, mais il mange comme ma-
chinalement. Il est d'ailleurs inquiet, anxieux. Il déclare souvent aux in- z
firmières qu'il voit le Diable. ,
23. - Il paraît plus calme. Ce matin il est monté au haut d'une échelle
de couvreur : quelqu'un lui a demandé si c'était pour se faire du mal. Il a
répondu négativement.
D. Avez-vous toujours peur ? R. Oh ! oui.
Il raconte des hallucinations nocturnes : « Il y a le Diable dans mon lit.
« Mon lit ne tient pas. » Et il ajoute : « Faudrait que je sois électrisé pour
« guérir ça. »
'28. - Le petit malade a toujours des craintes ; la nuit dernière, enten-
dant des pas d'hommes dans la salle, il a eu peur et s'est dressé sur son séant
dans son lit.
Il parait cependant plus calme le jour.
D. Le Diable est-il là ? lui dit-on. R. Non, ce n'est pas vrai.
Récit du malade après la disparition des phénomènes aigus, 5 août.
L'enfant nous fait un récit détaillé de son état : Il déclare encore « C'est
la lecture qui a fait cela. » Il n'était pas confus, car il nous dit : « Je savais
«où j'étais quand j'avais peur ; je savais que j'étais à St-Jacques, mais je
xxv 23
« ou
G BENON ET FROGER
« ne savais pas comment j'y étais venu. Je croyais que j'étais venu avec le
« Diable, qu'on m'avait passé par la fenêtre, qu'on avait fermé les murs. »
Il se croyait alors alternativement entre les mains de Dieu et du Diable.
Il souffrait atrocement. Voici ce qu'il dit : « Tantôt j'étais avec Dieu, tantôt
« avec le Démon. Je disais : Dieu où m'emmenez-vous ? Je me croyais dans un
« nouveau monde : tous les gens me criaient : Glas 1 Glas Scélérat,gare ! gare ! 1
« Et Dieu croyait que c'était son fils qui se plaignait de coups, et puis c'était
« moi... Je le voyais Jésus-ClirisL Dieu en haut faisait tourner un moulin
« qui broyait tout et il fallait que je passe dedans. Dieu disait : Tu seras la
« proie de mon éternité. Broyez-le, Satan, BaU 1 Bah I... Le Diable me pea-
« daît en me disant : on va te faire voir ce que c'est que les histoires de
« Barbe-Bleue. Des rats rentraient dans ma bouche. Mon lit craquait. A
« ceux qui venaient je leur disais : Allez-vous-en, c'est la mort. »
Il raconte encore : « Les bêtes avaient la parole. Je voyais des têtes de
« Diables avec des couteaux. Une voiture m'emportait, tombait dans des cre-
« vasses ; des éclairs passaient à travers les carreaux. Le temps était noir...
« A chaque coin des lumières ! ! Tout parlait. Ps... ps... Et puis plein d'étoiles
« de l'éternité... Il y avait des Diables avec les mains saignantes. Et j'avais
« une émotion (il montre le creux épigastrique), et ça me serrait la gorge. »
Il narre le voyage qu'il fit dans son délire : « Je voyais les arènes de Nî-
« mes... Il y avait des taureaux ; je recevais tous les coups de cornes. Je pas-
« sais dans la mer polaire, dans les mines de houille.. »
L'influence de ses lectures apparaît nettement dans tout ce qu'il nous ra-
conte : « Je voyais Mo'orys, le sorcier, avec des cornes. Le mot Mo'orys
« était scié : Mo...oo...o...rys. Je croyais, dans ce voyage, que tout était houle-
« versé... J'étais puni dans l'éternité... Les morts me piquaient quand je
« mentais : Dis la vérité, on va te sauver. C'était affreux à voir ! j'écrasais des
« grenouilles qui devenaient énormes et m'écrasaient à leur tour ! Je voyais
« des images... les images des tramways de Lorient où j'ai habité ; ou bien je
« voyais le suicide du bedean de Nerville... un squelette ! ... Oh ! qu'est-ce
« que c'est ? ... je croyais alors qu'il était mon vrai père... Je voyais ma
« mère se jeter par la fenêtre. Je parlais au soleil, il fondait... Les fleurs du
« jardin montaient... montaient. »
Puis il nous raconte la joie qu'il éprouvait parfois : « C'était le Créateur qui
« venait Des légions d'anges qui accouraient me chercher pour monter au
« ciel... j'étais content et je chantais. »
Il nous dit encore : « Je me rappelle que je vous ai vu, que je regardais
« dans la glace (exact), mais alors j'étais déjà mieux. » Il termine en disant :
« C'est long... c'est long... il faudrait des livres pour dire tout ce que j'ai vu
« et entendu ? D'ailleurs quand j'ouvrais grands les yeux, il n'y avait plus
« rien ».
Retour des phénomènes aigus, 8 août. L'enfant fait un léger embar-
ras gastrique ; il se plaint de son ventre ; il dit que les aliments lui restent
sur l'estomac. L'abdomen est effectivement ballonné ; il y a de la défense mus-
DU DÉLIRE CHEZ LES ENFANTS 347 7
culaire sans point douloureux particulier. La langue est saburrale; la tempé-
rature est 37° ,le pouls à 80. Une légère purgation saline améliore beaucoup
cet état. L'après-midi, à la contre-visite, nous lui montrons le livre de tours
d'escamotage que nous lui avions retiré : à cette vue l'enfant s'excite,se dresse
sur son séant, veut nous arracher des mains le livre, manifestant de la co-
lère.
Tout le reste de la journée et la nuit il s'agite, chantonne, pousse des cris
sourds, se dresse dans son lit en ouvrant démesurément les yeux.
9. - L'enfant semble plus calme. Il nous donne des explications. Quand
« je l'ai vu, le livre, je n'en voulais pas... je voulais avoir le livre pour le
« déchirer... »
D. Pourquoi chantiez-vous hier et tout à l'heure ? - Il se frappe la poi-
trine pour toute réponse.
D. Etiez-vous content, étiez-vous heureux ? R. Non.
Le soir l'excitation grandit, il délire à nouveau, pousse des cris ; il est
anxieux.
10. - Il est plus calme. On le laisse sortir et se promener dans les cours.
H. L'enfant, après une mauvaise nuit, nous est amené le matin. Il chante
continuellement. Il n'est pas confus, car il nous dit très vite son nom, son
âge, l'endroit où il se trouve, le jour, etc.
Puis il se met à répondre toutes nos questions en chantant.
D. Pourquoi chantez-vous ? - R. Rien, parce que... « Alléluia ! ! alléluia ! !
« Glas... glas... mentir... le pain n'est pas pur... il est poussière (il a un mor-
a ceau de pain dans la main). Du moment qu'il vient de la terre... mangera...
« quoi... quoi... du fumier... vous comprenez pas ça... mystéria... glas...
« glas... on verra quand on partira... » On parle d'hallucination, il répète,
toujours en chantant sur un ton monotone : «Hallucination de quoi, hallu-
« cination de qui... Une main... à qui... qu'est-ce que c'est que ça ? ... A qui
« la main... oh la la... » - Il voit une montre : « Une montre, montre...
« tournera... » ; une épingle. Epingle piquera ? quera... quera... quera... »
Il grimace en serrant les dents.
On lui montre le livre d'escamotage, il essaie vivement de le saisir ; ou le
lui refuse, alors il répète en chantant : « Studia pas cela... (Il fait des gestes
comme pour escamoter quelque chose)... Mauvais livre, lira pas des lectures
« indécentes... les a lues tout de même... étais forcé »
On lui offre le livre, il le refuse et chante : « Ça cause du malheur... mau-
dit soit le livre. » Il s'énerve : « Il fera ça, s'il le fait pas tombera.... ne fait
« pas mal... mais c'est prêt à faire... » Il sort en chantant.
12. - L'enfant est toujours dans le même état. Il cesse de chanter cependant
pour nous dire que son oncle est venu le voir l'après-midi.
Puis il chante, le regard fixe : « Je vois des images ! oh ! la la. »
13. - L'après-midi son oncle vient le voir ; ils se promènent ensemble dans
les cours, le petit malade semble calme jusqu'au moment où il quitte son pa-
rent : à son retour, il se précipite comme pour se jeter par dessus les barrières
des préaux, dans le chemin des sections situé en contrebas.
348 BENON ET FR6%R
... ,-r
.. ? (f, : i ? t :
Il.- D. Est-ce Onl mawtenant ? - R.Nan... j'fas t(Il¡¡();rII, ! i ? 1 en chantant...
- , ? -, -, - - - -- ? ,r ... - - -
j aurais pas au allez voir le rneavre uarmeu .. il disait qu etav le puis
fort médecin du monde et il brûlait les âmes..
Puis tout à coup, il se baisse, prend du sable dans un crachoir situé sous
la table et nous dit : « La France n'a pas toujours été comme cela... il y a eu
la guerre.... Les cadavres sont morts... ils sont dans la terre... on mange tout
cela sans le savoir. » Effrayé, il ajoute : « Je vois ces cadavres dans le pain,
dans les aliments... » Le soir, à la contre-visite, la religieuse déclare qu'il
lui a dit encore : « Je vois des choses que vous ne voyez pas. »
'15. - L'excitation anxieuse est encore plus marquée que la veille. Toute la
nuit l'enfant n'a pas cessé de crier.
L'après-midi nous l'examinons. Il n'est toujours pas confus.
D. Quel jour sommes-nous ? - R. Le 15 août 1911.
Toujours en mouvement, il rit, se retourne dans tous les sens, puis se met
à parler en chantant sans que nous lui posions'de question : «Oui, oui, mal-
a heur, je ne sais pas comment faire.... ali ! ici... pour faire quoi... sera, sera,
« le mauvais esprit viendra... C'est fête aujourd'hui. »
Il se dit possédé par la magie et invoque la religion pour le défendre : il est
dans un état émotionnel douloureux quoiqu'il chante tout ce qu'il dit : « L'Eu-
charistie te mangera... Pour voir quoi... malheur ! magie ! magie ! Tropjeune
pour lire ça. Pourquoi chanter cela ? »
D. Voulez-vous que je fasse disparaître la magie ? R. « Oui, je veux bien,
« mais comment ? ... Que faites-vous, savez-vous le mystère ? ... Je sais tout...
» qui me commande et qui m'a créé. Tant que je lirai cela, je saurai tout jus-
ce qu'aux plus secrètes pensées. » Et avec une expression douloureuse du vi-
ce sage, il ajoute : 'Ah 1 purgatoire, enfer »
D. C'est la fête de la Vierge aujourd'hui ? - R. Ah 1 ne dites pas cela.
« OU ! la la ! Vous n'allez pas l'adorer...La mort viendra,mais trop tard,trop tard
« sera ! ... Qui a fait la terre ? Vous, comment comprenez-vous cela dans vos
« affaires ? C'est Dieu qui a fait la terre. Il y en a qui disent : C'est la nature,
« moi je vous apprends tout... Nous ne sommes rien sur la terre ici-bas....
rt Oui ! Dieu le père Eternel I... »
Il pousse des cris de douleur, ses yem se mouillent de larmes.
D. Expliquez-nous ce qui se passe ? - Il semble touché par cette question ;
il pleure et se pose des questions : «Qu'est-ce que c'est que cette table ? La
ce terre, le globe terrestre,qui a fait cela ? ... »
D. Qui va être le plus fort de la magie ou de Dieu ? -R. Ça va être la magie
«qui sera la plus forte.... il faut quitter la médecine si vous voulez savoir...
« Vous avez de bons esprits, mais vous n'adorez pas Dieu ; vous êtes tous les
«jours il la médecine... Les esprits invisibles sont partout autour' de nous...
« Dieu m'a parlé une fois (Il se frappe la poitrine). Jésus du monde ! Les peines
« de l'enfer ? Il t'a créé, c'est pour l'aimer.
On constate qu'il se rappelle des phrases des livres religieux qu'il a ]ils
il môle ces phrases à des imprécations contre la magie. «Dieu t'a créé pour le
« connaître, l'aimer, le servir.... Immaculée-Conception, viens, Reine des
DU DÉLIRE CHtZ LES ENFANTS 349
« Reines... crucifiée pour nous, pour moi.... les juifs.... on disait que tu étais
« le Roi des juifs ! Magie, magie, n'écoute pas cela... Gloire à Dieu au plus haut
« des cieux. Paix aux âmes de bonne volonté » (Il répète cette dernière phrase
plusieurs fois). ,
Les bras croisés sur la poitrine, il pleure abondamment ; il parle en chanton-
nant ; une quantité considérable de salive s'écoule de sa bouche. Le pouls est
rapide, dur, serré (120 pulsations).
On lui lit ce qu'il a dit dans des examens précédents : « Ça c'est le rêve,
reprend-il, c'est pas la réalité.... tout ça c'est à recommencer, à déchirer.... »
'Voilà dix minutes qu'il pleure et c'est en pleurant encore qu'il répond à
nos questions : « Oh I Chrétien.... Chrétien.... (Il se frappe la poitrine).
« Vous, vous êtes contre les chrétiens... Mais si... mais si... (Il se débat, se
frappe encore la poitrine). Vous étudiez le corps humain... oui, pas été à l'E-
« glise... Vous croyez pas à Dieu ! ... Pourquoi sommes-nous sur la terre ? Jésus
« Créateur ! ... C'est Révolution... bataille... Jeanne d'Arc ! Pourquoi manger
« du pain ! » »
Il se frappe la poitrine avec force. Puis il se prend le creux épigastrique à
pleines mains et crie en chantant : « Mon Ame ! ô mon coeur ? Il une atti-
tude inspirée, extatique, il pleure toujours : « C'est pénible... c'est affreux...
«Il me fait mal avec des fourches ! ô perdu.... Qui t'a donné la vie ? ....
«Va-t'en... Va-t'en... (Il appelle Dieu à son secours). Au nom du Père, du
Fils, du Saint-Esprit ! ... Laisse couler le sang du Seigneur. Ce n'est pas
« de la physique... ni de la magie non plus, le tonnerre, l'électricité, le soleil.
« 0 Père Céleste ! Bon pour tous, qui est partout quand même sans voir.
« Oh ! les images qui disent des tas d'affaires ! Savent-ils ce qu'ils sont ceux
« qui sont morts ! r11 ! Jésus-Christ ! Le fils de Dieu fait homme... mort sur
« la Croix pour délivrer les hommes 1 »
On lui présente un journal afin de détourner son attention, il le repousse et
reprend toujours en pleurant : « Le roman ! c'est pour plaire aux hommes
« ça ! Ça a-t-il existé ? Feuilletons ! ... C'est des affaires de malheur qui se
« passent sur la terre... Ils veulent savoir ce qui se passe ! Le firmament ! ...
« Vous ne l'adorez pas, vous ne l'aimez pas, Dieu... Vous soignez le corps,
« mais l'âme ! l'âme 1... Mais on ne peut pas faire de mal à Dieu ! »
Quelqu'un dit : Vous avez peur que le Diable vous emporte ?
R. J'ai peur qu'il me fasse mal, j'ai peur de mourir !
D. On le chassera ! R. Ah ! oui, par les prières... le Diable s'est révolté !
non... forcé de mourir ! ...
Pendant le reste de cet examen, nous causons en observant l'enfant : il
fait attention à ce que nous disons, se calme, mais répète certains mots que
nous prononçons et qui semblent le frapper, puis il dit : « Vous ne croyez pas
à Dieu ! » Il sort du cabinet où nous l'examinons plus calme ; il vacille sur
ses jambes, son regard est fixe.
Il assiste, immobile et muet, à la procession qui a lieu dans l'établissement.
Le soir, il se couche plus calme.
16. Nous soumettons l'enfant à un traitement hydrothérapique qui semble
350 BLNON ET FROGER
le calmer. Les nuits sont meilleures, le sommeil est moins agité : l'enfant se
promène dans la journée, tranquille, mais répondant difficilement aux ques-
tions qu'on lui pose.
Retour à l'état normal et récit des faits, 22 août. L'enfant nous fait
volontiers le récit de sa deuxième crise, il se souvient de tout ce qui s'est
passé : « C'était revenu... Je voyais toutes sortes d'affaires .. Tout bougeait..
« Je me souviens, c'était le jour de la Ste-Vierge (le la août). Je voyais par
« moments des affaires cassées...Le papier,le porte-plume sur la table n'étaient
« pas ordinaires, ils étaient agrandis, plus larges... J'avais dégoût du pain,
« je le croyais fait de terre ... ; dans le café il y avait de la terre grasse. La vue
« du livre m'avait surexcité. Dès quej'ai vu le livre d'escamotage (le livre que
« nous lui avions montré à la visite),je ne fus plus pareil. Cela m'a embrouillé,
« je redevenais malade encore, malade à tourner. Je ne voulais pas le voir.,I'ai
« eu peur du livre, de la magie. Je voulais casser le livre. J'avais peur...
« Après, je me suis remis à penser à ce qu'il y avait dans ce livre et j'ai revu
« des mains... J'ai vu un mort qui agitait un os... Je me souviens que j'avais
« pris un os au cimetière de Lorient... J'ai vu la tête de mon père... je tapais
« par terre... Je voyais la tête. »
Il nous explique la cause de ses chants : il chantait pour aller au paradis.
Il déclare qu'il est revenu à son état normal presque tout d'un coup...
En somme l'enfant a parfaitement connaissance de tout ce qui s'est passé.
Il précise tous les détails de son état. Depuis dix jours le calme est persistant.
L'appétit est bon, les fonctions digestives sont normales. Les nuits sont très
calmes.
24. - L'enfant précise fort bien ses souvenirs. Tout d'abord il nous ra-
conte une hallucination dont il ne nous avait jamais parlé. Il était à ce mo-
ment « en place », c'est-à-dire au début de son délire : « Une voix m'a parlé,
« dans ma place de jardinier à St-Joseph de P..., je ne voyais rien ? Elle
« me disait : Mon fils, qu'as-tu fait ? J'étais éveillé, alors je 'me suis caché
« sous mes draps... C'est ça qui m'a fait « follailler », j'ai bien entendu... La
« voix me reprochait d'avoir fait de la magie : Pourquoi as-tu fait cela ! ...
« Alors je priais, je pleurais parce qu'on me l'ordonnait et je répétais : Pleure,
« pleure parce que trop tard sera. »
Puis il reprend le récit de sa crise et nous dit : « Je me rappelais tout ...
« cela revenait en masse dans mon cerveau... la voix me parlait nuit et jour,
« mais pas fort.... » Dieu me disait : Tu demandais le Diable, tu faisais de la
« magie pour être riche... je t'ai créé beau, mais bas. »
Il nous explique la lutte entre Dieu et le Diable : « Le Bon Dieu parlait d'un
« côté, le Diable de l'autre. Dieu me disait toujours : Pleure, pleure... et c'é-
« taient les Bons Anges qui venaient, alors je chantais avec eux... je priais,
« je me frappais la poitrine : Par ma faute, par ma faute. Le Bon Dieu disait
« encore : Il viendra quelque chose avant la fin du monde, le monde est mau-
« vais... C'est Jésus-Christ le Rédempteur. »
Il nous rappelle sa tentative de suicide et prétend n'en avoir été empêché que
par ses sentiments religieux. « Un dimanche j'ai voulu me tuer, comme ma
DU DÉLIRE CHEZ LES ENFANTS 351
« mère; mais Dieu me disait : Tu ne te tueras point, tueras pas... Dieu disait
«aussi que j'étais poussière. »
Il ajoute : « Je sentais des souffrances, on m'écrasait partout. Le Diable
« me faisait crier, il était prêt à me saisir, à m'emporter. Je croyais que le
« Démon me possédait, qu'il allait me faire mourir. Il me donnait un
« moment pour crier avant de m'emporter. Partout je voyais le Diable qui me
« poursuivait ; je le voyais dans vos yeux, dans vos mains, comme la première
« fois.... C'étaient des squelettes habillés, prêts à me saisir avec des faulx....
« cela me faisait mal et je criais.Je ne voyais pas qu'un Diable... Il avait tou-
« tes sortes de formes. C'était quelquefois comme un monsieur habillé en
« rouge, d'autres fois c'était une tête comme dans la mythologie, des dragons,
« des chimères avec plusieurs têtes .. Je les voyais partout... la nuit je
« voyais des ombres « que cela bougeait »... Les murs remuaient. » Dans la
salle où il est hospitalisé se trouvent une statue de la Vierge et un Christ que
l'enfant peut voir très bien de son lit. Dans son délire il voyait remuer ces
statuettes : « Je voyais la Vierge dans la salle remuer les mains, ouvrir les
« yeux et me dire d'aller à elle... Le Christ aussi remuait la tête... Quand il
« me voyait pleurer, il remuait la tête. »
« Je me souviens aussi que je vous croyais damnés parce que vous n'ado-
« riez pas Dieu et je répétais tout ce que j'entendais dire... Je priais. »
25. L'enfant est toujours très calme. Il mange bien, digère bien et la nuit
dort paisiblement.
2 septembre . Il présente de l'otite moyenne droite ; il avait déjà eu de
l'otite de ce côté étant enfant. Il est hospitalisé huit jours à l'Hôtel-Dieu. On
lui fait des lavages, des injections, des tamponnements. Pendant son séjour
là-bas, il est très normal, très docile et ne présente aucun phénomène particu-
lier.
Il sort le 10 septembre de l'Hôtel-Dieu complètement guéri et demande,
rentré à Saint-Jacques, à être placé chez un jardinier, ce qui été fait.
Antécédents personnels,-L'enfant marche à quinze mois,se porte bien mal-
gré un écoulement de l'oreille droite laissant sourdre un liquide jaunâtre ; cet
écoulement dure jusqu'à l'âge de trois ans.
Atteint de strabisme externe de l'oeil droit, il est opéré avec succès.
Jusqu'à douze ans l'enfant eut de l'incontinence nocturne d'urine. Il avait
des frayeurs nocturnes très fréquenles. Le jour il avait souvent de fortes mi-
graines et des épistaxis.
Son caractère était très doux. Parfois vif, mais incapable de faire du mal.
Confiant, bon coeur, « on abusait de sa bonté ». Il était gai, loquace et
exubérant. C'était un enfant très affectueux et très caressant. Il avait la
crainte des revenants ; fréquemment il éprouvait des peurs subites : « Ma
tante qu'ai-je donc vu là ? » disait-il parfois tout à coup, le soir.
Antécédents héréditaires Les renseignements sontfournis par l'oncle et la
tante du petit malade. Les antécédents héréditaires sont très lourds. Le père,
bien portant jusqu'à l'âge de vingt-deux ans, part aux colonies comme
352 BENON ET FROGER
soldat : il en revient avec des « fièvres très fortes ». Rentré à Lorient, son
pays d'origine, il sort du régiment pour entrer à l'Arsenal. Il était d'une
sobriété exemplaire, paraît-il. Seize mois après son retour des colonies,
il est pris de céphalées intenses ; on l'admet à l'hôpital maritime : une nuit,
il se lève, court à la chapelle et se met à sonner la cloche eu criant « au
feu ». Il sort de l'hôpital, mais présente à partir de ce moment des troubles
psychiques très nets : il croyait que tout le monde (son entourage et les jour-
naux) disait que son père avait été assassiné. Il se croyait persécuté par
tous les gens qu'il rencontrait et disait qu'on le guillotinerait à la Roquette
par les ordres du Président de la République. Il errait sur les routes, pieds
nus, allant souvent de Lorient à Ste-Anne d'Auray. Son délire augmente : on
le fait interner à Lesvellec où il présente jusqu'à sa mort des idées de persé-
cution. - La mère, après avoir été toute sa vie une grande « nerveuse »,
est prise subitement, quelques mois après la mort de son mari, d'un accès de
fièvre chaude : elle sort par la fenêtre de sa chambre située au quatrième
étage, glisse sur la gouttière, tombe et se tue.
L'enfant est né après l'internement du père.
Ainsi lorsque ce petit malade nous fut a mené, il présentait un état aigu,
hallucinatoire, illusionne ! , délirant, avec anxiété extrême. A de rares
intervalles, l'état émotionnel douloureux était remplacé par de la joie, de
l'extase ; celles-ci étaient également en rapport avec les troubles psycho-
sensoriels. Lorsque le sujet était en proie aux hallucinations, son
attention était tout accaparée par ces sensations pathologiques et les
questions qu'on lui posait restaient sans réponse. Si les phénomènes
prenaient fin, il parlait, s'expliquait, et s'orientait presque toujours par-
faitement ; il n'était pas confus à proprement parler ; il reconnaissait les
personnes, les lieux, les choses, etc.,
La durée de ces deux épisodes aigus hallucinatoires fut d'une à deux
semaines. Un intervalle de cinq jours environ les avait seulement séparés.
Depuis cette époque, ils n'ont plus reparu. Le pronostic néanmoins doit
être réservé. 1
Quelle fut l'étiologie de ces troubles psych o-sensoriels Nous sommes
en présence d'un sujet prédisposé, à lourde hérédité, assez mal développé
physiquement, chétif, qui fait de légers troubles gastro-intestinaux au
début de son second accès hallucinatoire, qui présente de l'otite moyenne
après la disparition des troubles psychiques, mais enfin qui travaillait
régulièrement avant ses méditations sur la magie. Pourquoi l'état émotion-
nel douloureux (peurs, inquiétudes, cauchemars) que celles-ci ont en-
gendré n'aurait-il pas été la cause déterminante des accidents psycho-sen-
soriels observés ? Pourquoi serait-ce un état toxique inconnu d'ailleurs ?
Le gérant : P. Bouchez.
imp. J. ineveuot, Baint-Uizier (mute-Marnej
HOSPICE DE LA ¡jALPJ1TR1ÈRE
Service de M. Le Professeur Pierre Marie.
L'ATROPHIE ISOLÉE NON PROGRESSIVE
DES PETITS MUSCLES DE LA £ MilIN '
FtiÉQUENCE relative ET PATITOGÉNIE.
TEPIIROMALACIE ANTERIEURE
POLIOMYÉLITE, NÉVRITE RADICULAIRE OU NON RADICULAIRE
PAR
PIERRE MARIE et CHARLES FOIX
PREMIÈRE PARTIE
Lorsque Duchenne (de Boulogne) décrivit l'atrophie musculaire qui porte
son nom, il la considéra comme une maladie autonome et spécifique dé-
terminée par des lésions toujours les mêmes.
Mais les auteurs qui suivirent montrèrent qu'il n'en était lien, et qu'en
réalité le syndrome amyotrophique de Duchenne relevait des causes les
plus diverses et non pas de la seule poliomyélite antérieure chronique.
C'est ainsi que successivement la syringomyélie, avec Iiahler et Schultze,
la pachyméningite cervicale, avec Charcot et Joffro,y, enfin et surtout la
sclérose latérale s'approprièrent les cas les plus typiques de l'atrophie
musculaire progressive. La main d'Aran-Duchenne leur appartient, en
particulier, fréquemment. 1.
En dehors même de la pachyméningite cervicale dont elle est la cause
fréquente, la syphilis peut causer des syndromes très analogues.
L'on observe tout d'abord chez les tabétiques des amyotrophies diffuses
à type plus ou moins progressif, prédominant fréquemment sur les mus-
cles des extrémités, déterminant en général le double 'pied-bot névriti-
que de Joffroy et souvent des mains assez analogues à celles d'Aran-Du-
chen ne, D'après M. Dejerine, qui les a soigneusement étudiés, ces faits
relèvent d'une névrite périphérique et non d'une altération centrale.
Dans d'autres cas, par contre, tributaires également de la syphilis ner-
veuse, il s'agit de lésions centrales, et Raymond a publié en 1893 deux ob-
servations très démonstratives de syndrome d'Aran-Duchenne par mé-
ningo-myélite syphilitique.
xxv ii t
354 P. MARIE ET FOIX>
Il s'agissait dans ces deux cas de poliomyélite chronique diffuse d'ori-
gine vraisemblablement artérielle. r
Léri, dans son rapport au Congrès de Bruxelles et. dans soîi article du
traité de médecine Charcot-Bouchard, es\ revenu sur ces faits eto" définiti-
vement établi, par six observations, dont deuxa-vecautosiesx 10 ! fl..éqLlence
relative, l'importance et l'autonomie de cette entilé clinique.
Dans l'intervalle et surtout depuis lors, on en a d'ailleurs publié d'assez
nombreuses observations isolées. Nous citerons les cas de Vizioli, Lannois,
Raymond et Rendu, Raymond et Huel, Pierre Merle, Wilson, Mosny et Ba-
rat, etc. Dans son livre sur la syphilis des centres nerveux, Nonne cite trois
cas analogues. Enfin dans un cas particulièrement intéressant de M. Sou-
ques, l'atrophie à type Aran-Duchenne était associée à la sclérose combinée
à forme amyotrophique.
Nous nous sommes arrêtés quelque peu sur ce dernier point, parce que
par leur nature myélopathique et leur origine syphilitique, cespoliomyé-
lites chroniques par méningo-myélites se rapprochent des cas sur lesquels
nous voulons insister maintenant : bien qu'ils en soient en réalité fort
différents, même au point de vue clinique.
Nous n'avons en effet eu en vue jusqu'ici que des lésions évolutives at-
teignant progressivement les membres supérieurs, les membres inférieurs,
le tronc, et causant finalement des lésions diffuses dont le lien commun
est la main d'Aran-Duchenne. J.
Au contraire, dan's les cas que nous avons étudiés, il s'agit d'amyotl'o-
phies isolées des petits muscles de la main, pouvant déterminer soit la
main typique d'Aran-Duchenne avec lésion thénarienne, hypothénarienne
etinter-osseuse, soit une atrophie simple de l'éminence thénar ou de
l'éminence hypothénar.
L'on observe ainsi des syndromes plus ou moins complexes dont le
lien commun est la limitation stricte aux petits muscles de la main, et
l'absence de progression des symptômes en un mot des atrophies iso-
lées et non progressives des petits muscles de la main. ,
Ces atrophies isolées ne sont pas rares et nous en avons réuni dix obser-
vations dont quatre comportent un examen anatomique (1). Ces observa-
tions peuvent dès l'abord se diviser en deux groupes suivant qu'il existe
ou qu'il n'existe pas de signes évidents de syphilis du système nerveux.
I Sur nos quatre cas avec examen anatomique, deux se rattachent cer-
tainement il la syphilis nerveuse dont' on pouvait poser le diagnoslic
pendant la vie.
(1) Depuis la remise de ce mémoire, nous en avons observé trois nouveaux cas.
L'ATROPHTE ISOLÉE NON PROGRESSIVE DES PETITS MUSCLES 355
/ Elle est peu vraisemblable dans les deux derniers cas.
/ Aucun de ces malades n'était à proprement parler tabétique, l'un d'entre
eux cependant avait un signe de Robertson bilatéral et de la diminution
(des réflexes achilléens.
1 Sur nos six cas sans examen anatomique,,le premier se rapporte à un ! tabétique avéré. `'
Chez un deuxième, il existe de la lymphocytose avec abolition des ré-
flexes achilléens, chez un troisième de la lymphocytose et une réaction de
Wassermann positive. " ,
La syphilis est improbable dans les trois autres cas.
Cette variabilité pathogénique, cette fréquence de la syphilis nerveuse,
et en particulier l'association possible du tabes, expliquent les interpréta-
tions différentes admises par les auteurs à l'occasion dé cas semblables.
Bien qu'il n'existe pas à notre connaissance d'étude d'ensemble de cette
forme d'atrophie isolée non progressive en dehors d'un travail récent de
Ramsay Ilunt sur lequel nous reviendrons plus loin, on la rencontre men-
tionnée dans un certain nombre d'observations. 1
Dans les cas de syphilis nerveuse et plus particulièrement de tabès, elle /
est rattachée pour l'ordinaire à des phénomènes de névrite ou de radiculite. 1
Dans les autres, on a pensé surtout à la névrite, et celle-ci notamment
était en cause dans un cas publié par M. Long.
Dans son travail, RamsayHunt publie trois cas d'amyotrophie non pro-
gressive des petits muscles de la 'main et les rattache à des névrites par
compression. Il isole ainsi un type thénar ou médian, un type hypothé-
nar ou cubital et pense qu'il s'agit surtout de traumatisme professionnel,
notamment de compression au niveau du ligament annulaire antérieur du
carpe.
Aucune des observations de Ramsay Hunt ne comporte d'examen ana-
lomique,etd'autre part l'état des réflexBs, en particulier du réflexe cutané
plantaire, n'est pas indiqué dans toutes les observations.
Il est donc impossible de se faire une opinion ferme sur le bien-fondé
de ses conclusions.
Cependant l'uni latéralité des symptômes et la marche non progressive
existent également dans deux de nos observations, où la 'lésion causale
est indubitablement médullaire. Nous sommes donc amenés à penser qu'il 1
doit en être fréquemment ainsi.
. D'autres auteurs ont d'ailleurs été frappés de l'analogie des paralysies
isolées non progressives avec les amyotrophies myélopathiflues.
M. de Massary (1) notamment a publié un cas ayant cliniquement dé-
fi) A propos du même malade, et après avoir vu nos préparations, M. de Massary
356 P. MARIE ET FOIX
buté comme une paralysie saturnine dans lequel il pose le diagnostic de
poliomyélite, et. M. Muet, à ce sujet, témoigne avoir vu des cas analogues
où le diagnostic de.névrite dut être par la suite écarté et qu'il répartit en
3 classes.
Première catégorie comprenant des maladies syphilitiques. Il suppose
qu'il s'agit de radiculites ou de méningo-myétites. - Deuxième catégorie e
où se révélèrent plus lard des signes desyringomyéiie. Troisième caté-
gorie où il suppose qu'il s'agit de poliomyélite à type spécial.
Dans tous ces cas d'ailleurs, il s'aitcl'amyotropliese rapprochant plus
ou moins de la paralysie radiale saturnine.
Enfin, et pour citer des faits très différents des nôtres et se rapprochant
en réalité surtout des cas d'amyotrophie pannénlngo-my6 ! ite syphilitique
relatés parRaymond et par Léri, M. Wilson a, chez deux tabétiques pré-
sentant une amyotrophie, l'une relativement diffuse, l'autre limitée aux
membres supérieurs, observé une raréfaction et une atrophie des cellules
des cornes antérieurs des segments correspondants.
Telles ne sont cependant pas les lésions que nous avons retrouvées dans
nos cas d'amyotrophie isolée et non progressive des petits muscles de la
main, et ceci et priori se conçoit. En effet des lésions atrophiques des cel-
lules témoignent d'un processus (ischémique ou toxique, ou les deux à la
fois) diffus et par conséquent forcément progressif; il faut au contraire,
pour expliquer une lésion isolée et non progressive, qu'il existe soit une
destruction localisée des cellules de la corne antérieure, soit une névrite
interstitielle ou une radiculite de distribution correspondante.
Ce sont en effet les processus que nous avons rencontrés à l'autopsie de
nos malades. Sur la névrite, nous dirons peu de chose, bien qu'elle soit de
topographie et d'allure intéressante, mais nous insisterons sur la lésion
très particulière et mal connue que présente la moelle cervicale de trois de
nos malades au niveau des cornes antérieures.
Il s'agit dans ces trois cas d'une altération identique : c'est une deslruc-
tion localisée de la corue antérieure, destruction uni ou bilatérale ne s'ac-
compagnant ni de grande réaction inflammatoire, ni de très importante
prolifération névroglique. La substance blanche avoisinante est très sen-
siblement normale, le processus est llini(6à l'axe gris, et, à son maximum,
entraîne la fonte complète de la corne antérieure, la postérieure étant rela-
ti vement respeclée.-cët-effôndremenJ pou t se répa l'el' pa l' cica lrisa tion com-
a soulevé lui-même l'hypothèse d'une lésion médullaire, identique à celle de nos cas,
mais plus haut placée.
L'ATROPHIE ISOLÉE NON PROGRESSIVE DES PETITS MUSCLES 357
plète et et linéaire; il peut laisser à sa place une petite cavité. C'est une
véritable téphro-malacie antérieure, et c'est le nom que nous proposons
de donner à cette singulière altération.
Macroscopiquement, la lésion est déjà visible à un examen quelque peu
attentif de la moelle. On constate en effet, dans la région cervicale infé- )
rieure, un aplatissement de la moelle, visible lorsqu'on la regarde par (
sa face antérieure. Cet aplatissement, uni ou bilatéral, est fort peu étendu, '
limité à un ou deux segments médullaires, et le repérage montre dès ce
moment qu'il siège aux environs du Se segment cervical.
Unilatéral (et c'est le cas ordinaire), cet aplatissementdonneà la moelle
un aspect asymétrique, elle semble déprimée d'un seul côté par un sillon
profond -
Sur la coupe, cet aspect asymétrique s'accentue. Le côté atteint est
manifestement plus petit que l'autre, surtout dans le sens antéro-posté-
rieur. Le bord antérieur, au lieu d'être arrondi, présente une dépression
plus ou moins profonde.
L'on voit enfin, en regardant attentivement, une différence nette dans
le volume et l'aspect des deux cornes. Dans l'un de nos cas, on pouvait
même apercevoir dans l'une une minuscule cavité.
Ces lésions présentent toujours la même stricte limitation et, à peu de
distance, au-dessus et au-dessous, l'aspect de la coupe est absolument nor-
mal.
Ajoutons pour être complet qu'il s'agissait de moelles de syphilitiques
et que l'on constatait, comme il est habituel en pareil cas, un léger degré
de méningite-postérieure, et des lésions manifestes des vaisseaux de la
base. Pas de thrombose vasculaire appréciable au niveau de la lésion.
Ilistologiquemenl, on s'aperçoit qu'au niveau du maximum de la lésion,
il y a, en quelque sorte, ahrasion de la corne antérieure remplacée par
une cicatrice de tissu névroglique peu serré, et laissant, dans un de nos
cas, à sa partie interne, une petite cavité non gliomaleuse.
Une étude un peu plus minutieuse permet de distinguer ce niveau
Des lésions méningo-vasculaires ;
La téphro-maiacie antérieure proprement dite;
L'intégrité relativede la corne postérieure ellïnlégl ilé presque absolue
des faisceaux blancs.
Les lésions ménino-vasculair sont celles habituelles de la syphilis. 1
Ep,iississeincti[7piè--ii-iéieii.ivec infiltration lymphocytique. Endopénarté- l
rite syphilitique. Les lésions vasculail es sont ici intéressantes en ce qu'elles <
portent à la fois sur les grosses branches et les petits vaisseaux. La spinale ' 1
antérieure a une paroi considérablement épaissie. Les petites arlérioles
358 P. MARIE ET FOIX
centrales qui en partent sont également très épaisses et, dans l'intérieur
même de la corne malade, se voient sous forme de petits cylindres à paroi
double ou triple de la normale.
Les branches qui forment le réseau pie-mérien, et qui, de là, s'enfon-
cent dans la substance blanche pour venir au niveau de la substance grise
s'anastomoser avec les artérioles provenant de l'artère centrale, sont
malades également. Autour de chacune d'entre elles on voit un épais-
sissement très notable de tissu scléreux, cet épaississement est surtout
marqué au niveau des branches plus grosses qui pénètrent par le sillon
radiculaire antérieur.
Il n'y a d'ailleurs pas à proprement parler de thrombose et l'on peut, à
un plus fort grossissement, distinguer dans l'intérieur des vaisseaux des
globules rouges en parfait état. Il y a cependant un rétrécissement consi-
dérable du calibre artériel.
Toutes ces lésions sont d'ailleurs bilatérales,mais il y a de la corne ma-
lade à la corne saine (ou relativement saine) une différence considérable
dans l'intensité de Partériolile. La différence n'est d'ailleurs pas limitée
à la corne antérieure, et l'on voit très nettement, même sur la corne pos-
térieure, les vaisseaux à paroi peu épaisse et gorgés de sang du côté sain,
à paroi très épaisse et presque vides du côté malade.
Ces lgo-vasculaires comportent la signature histologique
de la syphilis ; ajoutons cependant que, dans un de nos trois cas, les lé-
sions méningées et la périvascularite à lymphocytes manquent et que l'on
n'observe que l'épaississement considérable de la paroi des fines artérioles.
Il semble donc que l'artério-sclérose sénile soit encore ici susceptible de
produire des lésions analogues à celles de la syphilis,
Arrivons maintenant à l'élément essentiel de la lésion, 1. ! \térhl'oJ ! -
lacie antérieure proprement dite. Elle porte sur les cellules et sur le tissu
de soutien de la corne.
Les cellules motrices ont disparu complètement au niveau de la lésion
maxima. Le tissu interstitiel est également disparu, et à leur place, on
voit une cicatrice névroglique linéaire peu serrée pal'semée d'une infi 1 tra-
tion modéréede petites cellules rondes.
Parfois il existe en un point une minuscule cavité due à ce que l'effon-
drement de la corne n'a pas été suivi de l'accolement parfait des bords de
la perte de substance ainsi créée. Cette minuscule cavité n'a pas de paroi
nettement différenciée, encore moins naturellement de membrane papil-
laire ou de revêtement épendymaire. Elle tend manifestement vers l'obli-
tération par soudure.
C'est cette soudure qui cause la diminution de volume de la moelle.
L'épaisseur de la corne est en effet remplacée par une ligne de tissu cica-
L'ATROPHIE ISOLÉE NON PROGRESSIVE DES PETITS MUSCLES 359
triciel lâche et c'est cet effondrement de la substance grise qui, associé à
la sclérose péri-vasculaire des arlérioles radiculaires antérieures, cause le
sillon profond que l'on peut voir même macroscopiquement sur la face
antérieure de la moelle.
La corne du côté opposé n'est d'ailleurs pas complètement saine et, en
dehors même des cas où la lésion est nettement bilatérale, on voit qu'elle
est comme étriquée, diminuée de volume et rèclle en cellules rondes. Les
vaisseaux sont très épaissis, et, au point maxima, les cellules paraissent
diminuées de nombre.
Elles sont en général cependant conservées et c'est là une différence re-
marquable entre ce processus et celui des poliomyélites chroniques où
l'atteinte des cellules est remarquablement précoce.
Ceci se voit encore mieux du côté malade lui-môme, en les points où la
lésion n'est pas maxima. L'on peut voir en effet à ce niveau une abrasion
complète de la partie interne de la corne avec disparition de lotîtes les
cellules du groupe anléro-inlerne et conservation des cellules les plus
aberrantes du groupe externe. Fait remarquable, colorées par la méthode
de Nissl, ces cellules se montrent sensiblement normales.
Nous arrivons au troisième élément de la lésion : intégrité relative des
cornes postérieures, intégrité presque absolue des cordons blancs.
Au premier abord, la corne poslérieure paraît saine. A un examen un
peu plus attentif, l'on voit cependant qu'elle est diminuée de volume et
comme étriquée par rapport à celle du côté opposé.
La substance gélatineuse de Rolando fait particulièrement défaut. Le
réseau myélinique de la corne postérieure est presque complètement dis-
paru. Les vaisseaux ont leurs parois très épaissies et sont presque vides de
sang.
Quant aux cordons blancs, leur intégrité parait absolue. Dans l'ensem-
ble cependant, leur volume est quelque peu inférieur à celui des cordons
blancs du côté sain, mais en même temps ils paraissent plus fortement
colorés par la méthode de Weigert-Pal, ce qui est dû vraisemblablement
à une sorte de tassement, conséquence de la rétraction de la corne anté-
rieure cicatrisée. On peut voir en outre un léger degré de sclérose péri-
vasculaire et dans deux de nos cas un état fenêtre du territoire d'une pe-
tite artériole (1) sur lequel nous reviendrons.
En outre, il existait dans ces deux mêmes cas un peu de sclérose des
cordons postérieurs. Cette sclérose, très légère dans l'un de nos cas, était
plus marquée et tabétiforme dans le deuxième. Aucun de ces deux mala-
des n'était d'ailleurs cliniquement tabétique.
(1) Voir figure.
31W P. MARIE El' F01X
Revenons maintenant à la 1,gQ.Qgraphie de la lésion téphromaiacique.
Cette topographie a ceci de caractéristique que la lésion, très limitée,
commence et finit de façon relativement brusque.
Deux de nos cas, coupés en série, permettent de la fixer d'une façon
précise. La lésion prédomine au niveau de la 8e cervicale, où l'abrasion
de la corne est totale. La moitié inférieure du 7e segment cervical estéga-
galemenl touchée, la moitié supérieure relativement indemne. Le Ipr seg-
ment dorsal, fortement atteint dans un cas, l'est beaucoup moins dans l'au-
tre, où sa partie inférieure est presque saine. Les 5' et 6''segments cervicaux
sont indemnes ainsi'que les 2°, 3° et 4° segments dorsaux. Pas de lésion
des cornes antérieures dans la partie supérieure de la moelle cervicale ainsi
que dans la moelle lombaire, la moelle sacrée elle reste de la moelle dor-
sale. Cette intégrité parfaite élimine absolument l'idée de poliomyélite
chronique.
Le 3e cas, moins bien étudié, montre également une lésion Léphiomala-
cique deslructive au niveau de la 8e cervicale. Cetle lésion est bilatérale
au contraire de ce qui se passe dans les deux premiers cas, et les deux
cornes sont abrasées La 3e cervicale et la 2c dorsale sont normales ainsi
que le reste de la moelle. La 1rB dorsale est modérément touchée.
En résumé : effondrement de la corne antérieure sur une bailleur de un
il deux segments, conservation relative de la corne postérieure. Inté-
grité des cordons blancs. Lésions artérielles associées, d'origine syphi-
litique dans deux de nos cas sur trois.
Quelle est maintenant la pathogénie de cette singulière lésion. L'im-
portance des lésions artérielles permet tout d'abord de penser qu'il s'agit 1
d'une lésion d'origine vasculaire. Cependant l'atteinte élective de la subs-
tance grise, l'intégrité des cordons blancs avoisinant montre qu'il ne s'a-
gU pas d'un ramollissement banal. D'autre part, il n'existe pas de lésions
inflammatoires très marquées ni de placard de sclérose permettant de pen-
ser à la cicatrice d'un foyer de myélite aiguë. Celui-ci d'ailleurs n'expli-
querait pas davantage la localisation exclusive à la substance grise.
L'étude de la circulation médullaire fournit un peu plus de clarté. L'on
sait que la moelle est irriguée : d'une part, par les branches centrales ou
sulco-commissurales de l'artère spinale antérieure qui, parvenue au fond
du sillon médian antérieur, se bifurquent ou obliquent à droite ou à
gauche pour pénétrer dans la corne antérieure correspondante ; de l'autre
par les bronches perforantes, émanées du réseau anastomotique intrapial.
qui fournissent l'irrigation de la corne postérieure et des cordons blancs.
Parmi ces branches perforantes, quelques-unes, plus importantes, sui-
vent l'une le sillon médian postérieur, l'autre le sillon radiculaire anté-
rieur, l'autre enfin le sillon radiculaire postérieur.
(.'arnol'uf; ISOLÉE non PROGRESSIVE DES PETITS MUSCLES Bit 1
Il existe donc deux territoires médullaires ; l'un central, dépendant de
l'artère sutco-conmissuraie,. l'attire périphérique dépendant des branches
perforantes, si bien que, comme le disait Sottas, l'on voit dans les inflam-
mations médullaires, entre le territoire central et le territoire périphéri-
que, une zone intermédiaire relativement saine. -
Cette notion, dont l'un de nous a déjà montré l'importance au sujet de
la poliomyélite antérieure aiguë de l'enfance, retrouve ici tout son intérêt
et l'on peut dire que schématiquement un territoire est sain, celui des per-
forantes, un territoire est détruit, celui de la sulco-commissurale.
S'agit-il doncd'une thrombose banalede ce territoire artériel ? L'unila-
léralité fréquente des lésions, leur limitation à un ou deux segments
médullaires, nous montrent déjà qu'il ne saurait s'agir d'une oblitération
de l'artère spinale antérieure dont la distribution est bilatérale (cette
artère est d'ailleurs perméable sur les coupes).Pour la sulco-commissurale
la chose est plus difficile à affirmer. L'on sait en effet depuis les recher-
ches de Kadyi que la sulco-commissurale ne se bifurque pas au fond du
sillon anlérieurcomme le pensait Adamkiewicz, mais fournit une rami-
[¡cation oblique, soit à droite, soit à gauche, si bien que l'unilatéralité
n'est pas ici une objection suffisante.
En réalité, cependant, nous ne pensons pas qu'il s'agisse d'une throm-
bose des sulco-commissurales,et ceci parce qu'il existe par segment médul-
laire non pas une, mais 6 à 8 sulco-commissurales dont il faudrait supposer
l'oblitération unilatérale. Il faudrait même supposer l'oblitération d'un
plus grand nombre puisque, la lésion prédominant au niveau du 81 seg-
ment, déborde celui-ci en haut et en bas.
D'aulre part la limitation stricte de la lésion est plus apparente que
réelle. Du côté malade, la corne postérieure est touchée ; autour de cha-
que perforante, l'on voit un épaississement de la gaine lympho-conjonctive,
épaississement qui s'accompagne d'une dépression marquée au niveau du
point de pénétration des radiculaires antérieures. De même, du côté sain,
la corne antérieure n'est pas complètement indemne, elle esl grêle, comme
étriquée; visiblement le même processus est en marche ainsi que le dé-
montre d'ailleurs le cas où ce processus était bilatéral.
En réalité par conséquent ce n'est pas d'une thrombose simple, mais
de l'ischémie progressive par rétrécissement considérable des artérioles de
tout un territoire médullaire que dépend cette lésion. Pourquoi y a-t-il
destruction de la corne antérieure et lésion légère de tout le reste de la
moelle ? La prédominance du processus sur le territoire des sulco-commis-
surales en fournit, semble-t-il, la meilleure explication. Peut-être faut-il
faire intervenir en outre la fragilité spéciale de la substance grise, mise
en évidence expérimentalement par la ligature temporaire de l'aorte abdo-
362 P. MARIE ET FOIX
minale du lapin (On sait que cette ligature temporaire détermine un
ramollissement limité de l'axe gris, la substance blanche demeurant
saine).
Il resterait à expliquer le pourquoi de cette prédilection singulière
pour cette région limitée de la moelle cervicale inférieure. Ce n'est pas
là le point le moins curieux du processus et nous nous proposons d'y reve-
nir plus loin.
Il nous faut décrire maintenant les lésions que l'on observait clans
notre quatrième cas anatomo-clinique, lésions de névrite interstitielle.
L'atrophie était dans ce cas unilatérale el frappait les éminences thénar
et hypothénar. A l'autopsie, moelle paraissait saine,les nerfs également,
macoscropiquement du moins, les racines étaient peut-être un peu plus
grêles du côté atteint.
Au microscope on constate des lésions de névrite interstitielle ancienne
frappant le cubital et le médian du côté droit, et déterminant une des-
truction considérable des tubes nerveux facile à mettre en évidence par le
Weigerl-Pal ou le Marchi avec surcoloration au ¡Van Gieson ou à la Sa-
franine.
Nous avons constaté ainsi : des altérations névritiques extrêmement
marquées. Une atrophie relative des racines correspondantes. Des
lésions cellulaires des cornes prédominant sur le côté atteint.
Les altérations névritiques consistent en une névrite interstitielle avec
énorme prolifération du tissu conjonctif. Endonèvre et périnèvre sont
atteints et sur les coupes colorées au Van Gieson, la sclérose se montre
extrêmement serrée.
C'est une sclérose ancienne et très pauvre en cellules. Il en existe
pourtant de loin en loin, parfois groupes en petits nodules d'aspect peut-
être inflammatoire.
Il existe en même temps des lésions vasculaires nettes consistant en une
périvascularite portant sur les artérioles dont le calibre est rétréci, et la
paroi doublée de volume. L'on constate enfin une augmentation de la
graisse à l'intérieur du nerf.
Il s'agit de névrite très ancienne et le Marchi n'y décèle plus de frag-
mentation myélinique. La lésion consiste essentiellement en la dispari-
tion des tubes nerveux, disparition qui est telle que le cubital à partir du
coude ne comporte presque plus que des tubes vides.
Sa répartition est particulièrement intéressante à étudier. En effet,
tandis que le cubital au poignet et au coude esl presque entièrement sclé-
reux et que l'on n'y voit presque plus que des gaines vides au Pal ou à
L'ATROPHIE ISOLEE NON PROGRESSIVE DES PETITS MUSCLES 363
la safranine par le procédé de Durante, le radial est à peu près complè-
tement sain ainsi que le musculo-cutané.
Sur le médian, la lésion est presque exactement dimidiée. Tandis que
l'une des moitiés du nerf est presque saine, l'autre apparaît à peu près
complètement détruite par la sclérose.
Telles sont les lésions que l'on observe du côté droit, le côté gauche
est sensiblement sain.
Cependant, même de ce côté et sur les nerfs du côté droit qui parais-
sent épargnés, il existe quelques gaines myéliniques vides, et quelques
tubes nerveux déformés, monili formes. L'on peut dire pourtant,sans grande
erreur, que les lésions sont strictement limitées au médian et surtout au
cubital du côté droit, ce qui cadre d'ailleurs avec la topographie de l'atro-
phie musculaire.
Les racines sont saines tant à droite qu'à gauche. Il existe cependant t
du côté droit, au niveau des 7e et 8e racines cervicales et de la Il' dor-
sale une diminution de volume d'ensemble, et quelques tubes grêles.
Enfin les lésions que l'on observe du côté de la moelle au niveau du
8° segment cervical sur les coupes colorées par la méthode de Nissl (di-
minution de nombre et de volume des cellules des cornes antérieures, \
chromatolyse, hyperpigmentation et vacuolisation du protoplasma, ten- 1
dance à l'exode du noyau) sont peu marquées par rapport à celles de la 1
périphérie. Les autres segments sont sensiblement indemnes.
En résumé, névrite interstitielle, du type des névrites vasculaires étu-
diées chez le vieillard par Joffroy et Achard, frappant le cubital et le
médian du côté droit.
Intégrité à peu près absolue des autres nerfs du côté droit et de tous
les nerfs du côté gauche.
Quant à l'origine et à la nature de cette névrite, ainsi qu'aux raisons de
sa localisation spéciale, il ne nous a pas paru possible de l'élucider dans
ce cas.
Des quatre cas anatomo-pathologiques dont nous venons de donner la
description, trois seulement ont été cliniquement observés. Le 4e (lésion
bilatérale des cornes antérieures) constitue une surprise d'autopsie.
Nous allons donner tout d'abord un résumé rapide des cas qui compor-
tent une vérification anatomique, pour établir ensuite,' par un certain
nombre d'observations purement cliniques, la fréquence relative du type
auquel elles se rapportent. (A
(A suivre.)- ).
CIVIQUE DES MALADIES DU SYSTÈME NERVEUX.
HOSPICE DE LA SALPÈ1HIÈRE.
Tiavail du laboratoire du professeur Dccwrrc.
SYRINGOMYÉLIE,
HYPERPLASIE DU TISSU CONJONCTIF,
FIBRES MUSCULAIRES STRIÉES DANS LA MOELLE.
PAR si
ANDRÉ-THOMAS et QUERCY.
Les premiers auteurs qui ont étudié les Jésions de la syringomyélie
ont été surtout frappés par l'hyperplasie du tissu névroglique, qu'ils ont
pour la plupart interprétée dans le sens d'un néoplasme, c'est-à-dire
comme un gliome.
L'hyperplasie du tissu névroglique n'est cependant pas tout dans l'ana-
tomie pathologique de la syringomyélie ; si les vaisseaux et le tissu con-
jonctif ont été l'objet d'observations diverses, ce sont surtout les travaux
de ces dernières années qui en ont le mieux fixé les altérations et qui ieur
ont fait jouer un rôle important dans la formation des cavités et même
clans la pathogénie de cette affection. L'un de nous a insisté sur ce point,
il y a quelques années clans un travail en collaboration avecG. lIa user (1).
Plus récemment Petren (2) a fait des constatations semblables, elles végé-
tations conjonctives lui ont paru suffisamment accentuées dans certains
cas, pour qu'il ait distingué deux types syringomyéliques : le t5pe sclé-
rotique et le type glieux.
Dans le travail en collaboration avec G. Ilauser, auquel nous faisons
allusion plus haut, l'un de nous s'est même demandé si la syringomyélie
est bien une entité morbide et si elle ne représente pas plutôt un abou-
tissant de divers processus : peut être conviendrait-il de substituer au
terme de syringomyélie celui de cavités médullaires, qui ne préjuge pas
de l'origine univoque de la maladie et qui laisse sous-entendre que dans
la moelle, de même que dans d'autres organes, le poumon par exemple,
(1) Iconographie de la Salpêtriére, 1904.
(2) KARL PnrnEre, l3eilrüge zur pathologischen Anatomie und zur pcalhogenese de,'
Syringomyelie und der Sytiiigobulbie. Virchows Arcliiv sur palh. Anatomie und l'ily-
siol. und sur klin. Medizin. 196-Band, t909.
SYRINGOMYELIE, HYPERPLASIE DU TISSU CO ? JO.NCTII,' 365
les cavités ne relèvent pas toujours du même mécanisme ou ne dépendent t
pas d'une seule et même cause.
Malgré les nouvelles acquisitions de l'anatomie pathologique, l'origine
de la syringomyélie reste toujours très obscure. Si on fait du gliome l'élé-
ment capital et primitif du processus anatomique de la syringomyélie, il
se présente, il faut l'avouer, avec des caractères très spéciaux, avec une
régularité de distribution et d'évolution, qu'on n'est pas habitué à ren-
contrer dans les néoplasmes de môme nature qui se développent dans les
autres centres nerveux. Admet-on, au contraire, l'origine inflammatoire,
mésodermique ou conjonctive, on ne connaît pas parmi les maladies fran-
chement inflammatoires du système nerveux une seule affection, dans la-
quelle les lésions vasculaires ou les proliférations conjonctives se présen-
tent sous un aspect aussi particulier. La pathogénie n'est donc rien moins
que mystérieuse.
Quoique la syringomyélie apparaisse ordinairementà à l'âge adulte ou au
moins dans l'adolescence, les anomalies du canal de l'épendyme,- la
coexistence d'hétérotopies ou d'autres malformations ont été invoquées par
plusieurs auteurs (Leyden, Kahler et Pick, Iloilmiiiii et Schlesinger)
pour faire remontera la vie embryonnaire l'origine de la maladie.
C'est précisément parce que les végétations conjonctives s'y présentent,
à côté du gliome, avec une exubérance inusitée, parce que certains aspects
peuvent être interprétés comme des malformations, et surtout parce que
nous avons trouvé en pleine moelle des éléments dont la présence n'est
guère explicable en dehors d'un accident de la période embryonnaire,
c'est précisément pour ces diverses raisons que nous avons cru devoir pu-
blier l'observation qui fait le sujet de ce travail. Elle est susceptible d'ap-
porter quelque lumière sur la pathogénie de la syringomyélie, ?
Nous n'avons malheureusement pas vu le malade nous-mêmes, et les
renseignements cliniques qui nous ont été fournis sont très succincts. Le
malade était hospitalisé à Morlaix et avait été considéré comme atteint
de maladiede Morvan ; il avait perdu tous ses doigts, très vraisemblable-
ment par un processus de nécrose et de résorption, car sur les téguments
qui recouvraient le 51 métacarpien, un ongle était encore implanté.
L'autopsie a été pratiquée par le D'' Prouf, qui a eu l'amabilité de nous
envoyer la moelle épinière, et que. nous remercions très vivement. La
moelle a été expédiée dans sa dure-mère intacte, c'est nous-mêmes qui
l'avons ouverte; aucune injection fixatrice n'a été faite dans la cavité
sous-arachnoïdienne avant l'autopsie.
Le segment que nous avons eu à notre disposition s'étend de la IVe ra-
cine cervicale jusqu'au filnm terminale. Nous ignorons par conséquent
366 ANDRÉ-THOMAS ET QUERCY
jusqu'où remontaient les lésions, et si la syringomyélie s'était compliquée
de syringobulbie.
Après fixation par le formol, imprégnation par le sulfate de chrome,
après inclusion dans la celloïdine, des segments ont été prélevés à tous les
étages, elles coupes ont été colorées par le Weigert-Pat, le carmin, le Van
Giéson, la méthode de Lhermitte, etc
Sur deux fragments prélevés à la région dorsale et inclus à la paraffine,
nous avons cherché les bacilles de la lèpre ; les résultats ont été négatifs.
Afin de mieux se rendre compte de la topographie de la cavité, du
gliome et des formations conjonctives, nous avons dessiné à la chambre
claire un certain nombre de coupes empruntées à la plupart des étages
médullaires.
Le gliome est figuré en grisé, les membranes conjonctives ou papil-
laires (mp) en traits noirs plus ou moins ondulés, les cellules épendy-
ma ires en hachures, lorsqu'elles sont disposées en palissades (ep. p), en
points noirs lorsqu'elles sont disposées en amas (ep), inclus dans le gliome.
Nous avons photographié un certain nombre de détails, dont la repro-
duction nous a paru indispensable pour la démonstration.
En examinant la série de ces croquis, on remarque tout d'abord les as-
pects très divers qu'affectent la moelle, la cavité, le gliome, voire même
les membranes conjonctives et les méninges, suivant les étages; ils varient t
constamment d'un segment à l'autre.
Aspect de la moelle. -La moelle est extrêmement aplatie au niveau
de la région cervicale, comme le montrent les coupes empruntées aux V- et
VIe segments, et son diamètre transversal s'accroît d'une manière exces-
sive. Sa configuration tend à revenir à la normale dans les étages sous-ja-
cents, mais malgré cela elle reste déformée.
A aucun étage, elle n'est symétrique, et sur toutes les coupes une
moitié est plus volumineuse que l'autre. La moitié la plus petite est figu-
rée à droite sur la plupart des dessins, cependant sur quelques-uns et
par erreur elle a été figurée à gauche (Cv, Cvu, C, Dvi). L'asymétrie
atteint son maximum au niveau de Du.
Sur toute la hauteur, ce sont les parties centrales qui ont le plus souf-
fert. Les lésions occupent constamment la région périépendymaire, en
arrière des cornes antérieures qui ont été sectionnées au niveau de leur
base ; en arrière, elles sont limitées par les cordons postérieurs, dont les
plans les plus antérieurs ont été intéressés.
Les cornes postérieures ont complètement disparu au niveau de la ré-
gion cervicale, mais elles réapparaissent peu à peu dans la région dorsale.
En Du on aperçoit déjà la partie la plus interne de la substance gélati-
neuse et de la substance spongieuse à droite; au niveau de Dv les deux
SYRINGOMYÈLIE, HYPERPLAS1E DU TISSU CONJONCTIF 367
cornes postérieures sont visibles et elles ne disparaissentpius jusqu'à l'ex-
trémité inférieure de la moelle : seule la base des cornes postérieures, ou
mieux la partie intermédiaire aux cornes antérieures et postérieures est
détruite par la lésion. Les cornes latérales sont comprimées et refoulées,
ou bien anéanties (Du, Div, Dyn, Dym, Dx).
Les lésions ont enfin entraîné des déformations considérables dans les
cordons postérieurs et latéraux, des déviations des sillons antérieurs et
postérieurs.
Au niveau de la région cervicale, elles tendent à déborder latéralement
sur les cordons latéraux, ce qui explique la dégénéra lion des faisceaux
pyramidaux croisés, qu'on observe sur toute la hauteur de la moelle : nous
n'insistons pas sur les dégénérations qui n'ont ici qu'un intérêt secondaire.
Cavité. Sa forme est variable, de même que celle de la moelle et du
gliome. Elle oscille entre deux types extrêmes. Réduite à sa plus simple
expression c'est une petite cavité plus ou moins circulaire (Dv, Dxll, Li),
A son maximum d'extension, c'est une longue fente transversale disposée
suivant une courbe à concavité postérieure et détruisant la région centrale,
la base des cornes, les zones adjacentes du faisceau pyramidal et la corne
postérieure. Elle peut atteindre aussi la pie-mère (Cvi, Du, DVII) uni ou
bilatéralement, et sectionner complètement la moelle en deux fragments
antérieur et postérieur. Mais entre ces deux types extrêmes on observe
beaucoup de variétés : en réalité, le plus souvent il s'agit de fentes, plu-
tôt que de larges cavités.
Au niveau de Du, elle coupe la partie centrale de la moelle où elle ac-
quiert son maximum ; latéralement elle s'enfonce profondément dans les
cornes postérieures sous forme de fentes, uniques à droite, multiples à
gauche. En Dvi, elle est centrale et transversale et ne déborde pas la subs-
tance grise.
Au niveau deDv, Dyi, elle affecte assez irrégulièrement le type circu-
laire, elle est exclusivement centrale, limitée en avant par le sillon anté-
rieur, dont rien ne la sépare sur une assez grande hauteur. En Dyi la
commissure antérieure fait défaut et aucun pont de substance nerveuse
ou gliomateuse, n'est jeté entre les deux côtés de la moelle.
En DVII c'est de nouveau une fente transversale, qui à droite se pour-
suit à travers le cordon latéral jusqu'à la pie-mère. Elle est à peu près
transversale et laisse derrière elle les cordons et les cornes postérieures.
En DVIll, l'aspect est très particulier. Au centre, c'est une fente qui
s'élargit latéralement ; puis elle se coude presque à angle droit pour se
continuer en arrière jusqu'à la périphérie de la moelle, à travers le cordon
postérieur. .
3G8 ANDRÉ-THOMAS ET QUI,ITCY
, Elle est comblée sur la plus grande partie de son parcours par des élé-
ments, sur la nature desquels nous reviendrons ultérieurement.
En Dix : c'est encore une fente médiane et transversale avec un cliver-
ticule postéro-latéral dans la corne postérieure. En Dx elle reste centrale.
Elle devient à peine appréciable en Dxi et en Dxn il ne s'agit plus en
réalité de fente, mais d'une raréfaction de la partie centrale du gliome.
Puis au niveau de LI, Lu, on se trouve de, nouveau en présence d'une
cavité qui disparait complètement à l'extrémité inférieure de Ln.
En résumé, si on tient compte à la fois des dimensions de la cavité et
des bouleversements qui l'accompagnent, elle a deux maxima : l'un cervi-
val et dorsal supérieur, l'autre dorsal inférieur ; et deux minima : l'un
dorsal moyen (intermédiaire aux deux maxima), l'autre dorso-lombaire.
Elle est irrégulière, car si elle occupe toujours le centre de la moelle, elle
envoie des diverticules latéraux ou postéro-latér3ux, qui segmentent la
substance grise, les cornes postérieures ou les cordons latéraux ; les uns
se terminent en culs-de-sac, d'autres fissurent complètement la moelle
jusqu'à la pie-mère. Par places, ses bords se rapprochent; ailleurs ils
s'écartent; ici cavité, là elle devient fente. Souvent ses diverticules se
bifurquent ou se trifurquent, se subdivisent même encore davantage, et
enfin se perdent dans des fissures névrogliques dont les dispositions dé-
lient toute description.
Paroi. On peut en général lui assigner deux parois : une paroi e.x-
terne, essentiellement constituée par le gliome, une paroi interne, va-
riable suivant les points d'une même coupe.
I. Paroi externe. Gliome. Il existe sur toute la hauteur de la cavité.
Sa structure n'offre aucune particularité ; il est constitué par un feutrage
de fibres névrogliques,dans les intersticesdesquelles les noyaux son tassez
rares, si ce n'est en quelques endroits, où on découvre des amas plus ou
moins serrés de cellules épendymaires. Il est peu vasculaire et les quel-
ques vaisseaux qu'on y rencontre ont une paroi fibreuse avec une tunique
adveutilielle très développée. Pas de fibres à myéline, pas de cylindres
axes. Les limites périphériques sont généralement assez bien dessinées,
surtout en arrière, où il.envoie quelques prolongements dans les cordons
postérieurs. Elles sont plus indécises au niveau des cordons latéraux, où
la ligne de démarcation entre le gliome et les zones de dégénérescence
est assez mal établie ; dans ces régions les fibrilles névrogliques sont assez
fréquemment orientées en tourbillons. Son bord cavitaire est lui-même
assez variable; généralement la névroglie est moins dense, elle est
comme raréfiée. Les fibrilles se groupent parfois en faisceaux onduleux
ou en faisceaux (VD) qui s'enfoncent dans les plis des membranes papil-
laires (PI. LUI. G).
i\OUVFLLE Iconographie DE LA Salpêtrière.
T. XXV. PI. LII
SYRINGOMYÉLIE. HYPERPLASIE DU TISSU CONJONCTIF.
FIBRES MUSCULAIRES DANS LA MOELLE
(A. Thomas et Quercy) .
NOUVELLE Iconographie DE la Salpêtrière.
15jv. Pl. LUI
SYRINGOMYÉLIE. HYPERPLASIE DU TISSU CONJONCTIF.
FIBRES MUSCULAIRES DANS LA MOELLE
(A. Thomas et Quercy).
SYRINGOMYELIE, HYPLRPLASIE DU TISSU CONJONCTIF 5f ? )
SYRI\GO\ITI;LIE, HYPERPLASIE DU TISSU C01,JONCnF 57)
372 . ANDIIÉ THOMAS ET QUERCY
SYRITG0111YÉL1E HYPERPLASIE DU TISSU CONJONCTIF 573
374- INDIiÉ-TH011rAS ET QUERCY
Sa forme embrasse ordinairement celle de la cavité, qu'il entoure
comme une ceinture. Son épaisseur est inégale, ordinairement plus forte
en arrière ou sur les côtés qu'en avant où il peul faire défaut. Il est frag-
menté, divisé en amas arrondis ou oblongs, de calibre variable, par les
diverticules de la cavité ou les fissures; il est davantage émietté aux
limites périphériques des fentes transversales par des vaisseaux, des
membranes conjonctives. Les blocs ainsi fragmentés sont parfois complè-
tement engainés de tissu conjonctif, et libres dans la cavité ; d'autres sont
pédiculés ou sessiles. coiffés ou circonscrits par des membranes conjoncti-
ves. Sur une seule coupe on peul observer tous ces aspects. Quelques uns
de ces blocs sont cependant libres de tout tissu conjonctif et recouverts de
cellules épendymaires,comme on le verra plus loin (PI. LUI, D. E.1. G.).
II. Paroi interne. Elle est constituée par divers éléments ; soit par
une bande névroglique plus ou moins raréfiée (et alors c'est le gliome qui
borde immédiatement la cavité, c'est plutôt rare),soit par l'épendyme, soit
par une membrane conjonctive, le plus souventpapillaire ou des vaisseaux.
Plus rarement la cavité est bordée, sans intermédiaire, par le tissu ner-
veux ; cela se voit surtout à la région cervicale au niveau des cornes an-
térieures, et encore à un examen minutieux découvre-t-on quelques mailles
de tissu névroglique très lâche.
Ependyme. - La paroi interne est partiellement formée par l'épen-
dyne : celui-ci affecte des rapports assez variables avec la cavité et avec
le gliome, mais on peut affirmer que sur toute la hauteur de la moelle
l'épendyme n'est jamais normal. Lorsque les cellules épendymaires tapis-
sent la cavité, elles se disposent sur une seule rangée, comme une palissade
(indiquée par des hachures sur les croquis). Cette disposition s'observe
un peu partout, mais elle a lieu avec une certaine élection dans la partie
centrale de la cavité, où les cellules tapissent sur un ou plusieurs endroits
les bords antérieur et postérieur ou un seul des deux. Quelquefois la
membrane conjonctive vient s'insérer sur le gliome à leur voisinage im-
médiat, ou bien encore les cellules en palissade ne forment la bordure
que sur un prolongement latéral ou postérieur de la fente (Du). En Dxn,
la traînée de raréfaction qui occupe le centre du gliome, contient une
rangée de cellules cubiques épendymaires (PI. LIV, J).
Puisque nous en sommes au canal épendymaire, nous ferons remarquer
encore une fois que nulle part il n'est normal ; il n'a ni sa place, ni sa
forme habituelles. On trouve des amas de cellules polyédriques (épendy-
maires) en divers points du gliome, et parfois à des distances assez
grandes sur une même coupe. Des blocs gliomateux libres dans la cavité
ou pédiculés sont couronnés par des cellules épendymaires, disposées en
palissades (Div, Dv). Le canal de l'épendyme contribue donc à former la
NOU\'EI LE Iconographie DE la SALPÉIRILRE.
'r('. : oN. Pl. LI\'
SYRINGOMYÉLIE. HYPERPLASIE DU TISSU CONJONCTIF.
FIBRES MUSCULAIRES DANS LA MOELLE
(A. Thomas et Quercy).
SYRI\GO\1Y1 : LIR, IIYPI1 : RPLASIE DU TISSU CONJONCTIF 375
cavité, et les cellules épendymaires sont alors disposées en bordure sur
une seule rangée, mais cette contribution est faible par rapport à celle
des autres éléments qui, avec lui, entrent dans la constitution de la paroi
interne.
Tissu conjonctif. Bandes conjonctives. Membranes papillaires.
Ces éléments méritent qu'on s'y arrête, en raison de leur richesse, de leur
répartition et du rôle qu'ils ont joué dans l'édification des lésions. On les
retrouve sur toute la hauteur de la s,iin,,oiii3,élie ; ils ne font guère défaut
qu'en Dv et plus bas ai partir de Dxu, jusqu'à la linlile inférieure de la
cavité. Partant ailleurs ils tendent il former la doublure du gliome, sans
y réussir complètement; à tous les étages il y a des interruptions, l'en-
cerclement n'est jamais complet.
Ces éléments se présentent sous plusieurs modes : généralement ce sont t
des bandes plus ou moins épaisses de tissu conjonctif, soit rectilignes, soit
repliées plusieurs fois sur elles-mêmes, comme un ruban feslonné et go-
dronné, dont les sinuosités rappellent l'aspect de hautes papilles ou des
circonvolutions cérébrales (ce sont les membranes papillaires) . Les plis
sont eux-mêmes variables dans leurs dimensions, les festons sont plus ou
moins profonds, plus ou moins larges (PI. LUI, G et LIV, II). Ailleurs ces
membranes son Là l'étal d'ébauche ; ce sont des traînées, des hachures, des
feutrages de libres conjonctives. Il peut y avoir superposition d'une
membrane rectiligne et d'une membrane papillaire.
Ces membranes rectilignes tapissent le gliome. en s'insérant plus ou
moins solidement ils surface, quece soit l'effet du durcissement ou qu'il
en soit ainsi réellement, elles n'adhèrent pas également sur toute leur
étendue. Les membranes papillaires paraissent plus solidement attachées,
par les pinceaux névrogliques qui pénètrent dans les festons.
Les membranes conjonctives sont accompagnées par des vaisseaux de
petit calibre qui occupent leurs deux faces; ils sont du reste assez irré-
gulièrement distribués et s'accumulent en certains points. A la face ex-
terne de la membrane, entre elle et le gliome il exisle assez souvent des
globules rouges disposés sur une seule rangée.
Quand le gliome est nettement fragmenté les membranes conjonctives
envoient des pointes dans le tissu névroglique plus ou moins profondé-
ment ; elles tendent à se rejoindre et à former ainsi des séquestres, des
îlots gliomateux. On trouve alors, comme nous l'avons déjà vu, sur les
bords ou dans la cavité, des blocs gliomateux qui se "comportent de diver-
ses manières vis-à-vis des membranes conjonctives : 1° Blocs libres entou-
rés d'une membrane conjonctive, centrés parfois par un vaisseau, sur la
structure duquel nous reviendrons; véritables ilots conjonclivo-lioma-
teux ; 2° Blocs pédicules encerclés partout par une membrane conjonctive
376 ANDRH-THOMAS ET QUEIICY
ou papillaire, sauf au niveau du pédicule qui parait étranglé par elle;
3° Par endroits il y a des gaines conjonctives vides, comme si le contenu
s'était résorbé.
Les coupes sériées pratiquées, à plusieurs étages, permettent de se re-
présenter ainsi la genèse de ces diverses formations. Il semble bien dé-
montré (ainsi que l'un de nous l'a signalé déjà avec G. Hauser) que les
membranes conjonctives pénètrent dans le tissu gliomateux, et que par
un processus de morcellement elles en détachent des blocs d'abord sessiles,
puis pédicules, et enfin libres. Parfois même le tissu névroglique finit par
disparaître, et il ne reste plus que des bandes ou des membranes conjonc-
tives, formant des boucles ou des anneaux, qui 's'insèrent à un moment
donné sur une membrane plus importante. >
La part qui revient au tissu conjonctif dans l'édification des fissures et
des fentes est démontrée par le fait qu'elles sont occupées par des mem-
branes conjonctives qui se terminent en culs-de-sac, à, l'extrémité delà
fente, et décrivent des anses très profondes (VC).
Enfin là où les fentes sont très étroites et complètement comblées par
du tissu conjonctif, les membranes prennent l'aspect de franges qui s'insi-
nuent dans le gliome. :
Les membranes conjonctives affectent avec les vaisseaux et les méninges
des rapports, qui ne laissent aucun doute sur leur origine.
Vaisseaux. Les vaisseaux qui sont compris dans la cavité, dans le
gliome, ou dans les tissus environnants présentent des altérations 1res
remarquables.
1° Ils sont très nombreux, surtout aux extrémités des fentes, à la limite
des diverticules latéraux. Nul doute qu'à un moment donné il y a eu néo-
formation. Un certain nombre rayonnent sur les méninges : les autres
convergent et contribuent également à cloisonner le gliome. Plusieurs
enfin se confondent avec les membranes conjonctives qui tapissent les culs-
de-sac.
2° Ils ont une adventice énorme; entre elle et le vaisseau existe un
espace clair, de même qu'entre elle et les tissus voisins. L'adventice est
constituée soit par des couches de fibres conjonctives concentriques, soit
par un réticulum épais, à mailles plus ou moins larges, rappelant le tissu
arachnoïdo-pie-mérien et tendant à s'infiltrer dans les tissus (fig. 14.). En
plusieurs endroits, on voit l'adventice se détacher d'un vaisseau pour se
continuer avec une membrane conjonctive de bordure, ou pour morceler
le gliome.
Les vaisseaux à adventice hypertrophiée se rencontrent encore assez
loin du gliome jusque dans les cordons latéraux.
Dans plusieurs régions, les petits vaisseaux, même les capillaires, ont
SYR1NGOAfI,LIE, IIYPERPLAS1E DU TISSU CMHMMn-tt ? 377
une paroi fibreuse très épaisse, et sont complètement oblitérés ; ils siègent
souvent au milieu de foyers hémorragiques.
Méninges. Les méninges molles sont altérées ; elles sont épaissies
en certains endroits, ailleurs elles sont au contraire amincies au 'point de
disparaître complètement comme cela a lieu en Dviii. Les symphyses
entre l'arachnoïde et la pie-mère ne sont pas rares. . '
Dans plusieurs régions, les éléments conjonctifs tendent à pénétrer dans
la moelle en iorme de coins et élargissent ies sepla ; ils s'infiltrent ainsi
dans les racines, il la périphérie des cordons latéraux. Au milieu des infil-
trations conjonctives qui viennent des méninges; les vaisseaux présentent
des altérations analogues (mais moins prononcées) il celles qui ont été
précédemment signalées.
Des méninges partent des tractus conjonctifs qui accompagnent les
vaisseaux et qui convergent vers les lésions centrales, ils se continuent en
plusieurs endroits avec les membranes conjonctives.
Ce fait est particulièrement net : 1° dans les sillons des cordons posté ?
rieurs et latéraux, vis-à-vis des culs-de-sac cavilaires (Dvll et Dvlo), et
surtout ; '20 au niveau du sillon antérieur. Il est habituel de voir lesvais-
seaux du sillon antérieure ! les faisicux de tissu conjonctif qui les accom-
pagnent, s'engager profondément de chaque côté, entre la commissure
antérieure et la corne antérieure qu'ils décollent. Au niveau de Dvi, la
commissure antérieure a disparu et le tissu conjonctif du sillon antérieur
se continue sans interruption avec les membranes papillaires qui tapis-
sent la cavité ; en examinant toutes les coupes de Dv et de Dvi on se rend
parfaitement compte de cette continuité. Cette particularité'est bien mise
en lumière sur la planche LIV, Il. 1.
Fibres musculaires striées. -- Sur toute la bailleur de la moelle
depuis Civ jusqu'à Dxl, il existe en diverses régions des fibres musculai-
res striées.
Ces éléments, qui ne sont autres que des faisceaux primitifs, se présen-
tent avec une telle netteté qu'il n'y a aucun doute sur leur nature : cer-
tains ont une striation quasi-schématique, sur d'autres la striation trans-
versale est un peu moins nette, tandis que la striation longitudinale est
très accusée; sur d'autres encore la striation longitudinale est seule appa-
rente. Plusieurs fibres sont partiellement nécrosées. granuleuses ou vi-
treuses. Quelques-unes sont dissociées.
Ces libres sont isolées ou groupées par amas irréguliers de trois, quatre
ou cinq éléments ; il ne saurait être question d'un processus néoplasique.
Le sarcolemme contient de rares noyaux.
On trouve les fibres musculaires dans la cavité, entre les membranes
conjonctives et le gliome (partie postérieure), dans les boucles des mem-
378 ATDfil ? THO\fA5 ET QUERCY
branes conjonctives, entre les extrémités latérales de la cavité et la pie-
mère, dans les fissures et dans l'intérieur même du gliome, dans la pie-
mère (au niveau de l'espace inter-radiculaire postérieur), au voisinage du
tissu conjonctif, qui occupe le'sillon antérieur, à côté ou à l'intérieur des
filets radiculaires antérieurs et postérieurs, dans les espaces sous-arachnoï-
diens ; on n'en découvre que quelques-unes par coupe.
Ils font défaut dans les parties saines, dans la substance grise, dans la
dure-mère.
Voici quelques exemples de leur distribution : En Civ les fibres mus-
culaires sont accolées à un petit amas de tissu cellulo-graisseux, le tout
inclus dans le gliome ou exactement circonscrit par une bande conjonctive.
En CvII, elles siègent dans deux filets radiculaires antérieurs, immédia-
tement après leur émergence de la moelle (PI. LV, L).
En 1)vn,, leur disposition est particulièrement intéressante et est inti-
mement liée à une lésion complexe qu'on met bien en évidence en exami-
nant la série des coupes. Nous décrirons l'aspect rencontré sur trois cou-
pes choisies à différents intervalles. Ainsi sur une première coupe, la cavité
centrale envoie en arrière et à gauche un diverticule situé en dedans de la
corne postérieure, en plein cordon postérieur. A ce diverticule fait suite
une traînée gliomateuse qui se poursuit jusqu'à la circonférence de la
moelle. A ce niveau la pie-mère qui recouvre le cordon postérieur est très
mince, tandis qu'elle s'épaissit brusquement en dehors des racines posté-
rieures. A la jonction du diverticule postéro-latéral de la cavité centrale,
celle-ci se dilate autour d'un petit amas de fibres musculaires striées ac-
compagnées de tissu cellulo-graisseux (Pl. LU, B). La membrane papi I-
laire s'applique exactement sur cet amas qu'elle entoure et sert d'inser-
tion aux mailles du tissu cellulaire. Les fibres musculaires sont nettement
striées ; à leur voisinage on voit quelques fibres nerveuses, dont quel-
ques-unes viennent s'appliquer à leur surface (Pl. LV, M).
Sur une deuxième coupe, la pie-mère disparaît de chaque côté de l'ex-
Fi(;. 14
Nouvelle Iconographie de la SALPÊTRIÈRE.
' T. KXV. PI. LV
L ,
SYRINGOMYÉLIE. HYPERPLASIE DU TISSU CONJONCTIF.
FIBRES MUSCULAIRES DANS LA MOELLE
(A. Thomas et Quercy). -
SYRINGOMYELIE, HYPERPLASIE DU TISSU CONJONC11F 379
trémité postérieure de la traînée gliomaleuse, ainsi que la couche névro-
glique sous-pie-mérieqne. Les tubes nerveux les plus périphériques sont
dissociés par places, par des traînées conjonctives ; au-delà sur le cordon
latéral ou le cordon postérieur de l'autre côté, la pie-mère reparaît, très
épaissie et adhérente. Il existe des fibres musculaires striées dans l'épais-
seur de la pie-mère, dans la partie la plus superficielle du cordon posté-
rieur, et dans la traînée névroglique qui s'étend depuis le coude de la
cavité jusqu'à la périphérie. Le centre de la cavité est encore occupé par
des fibres musculaires striées, du tissu cellulo-graisseux et un petit bloc
de tissu, névroglique.
Sur une troisième coupe, trois modifications importantes sont à men-
tionner. La traînée gliomateuse est traversée par une fissure assez large
ouverte dans le cordon de Burdach ; celle-ci est occupée par des amas de
tissu conjonctif (PI. LII, C) au milieu desquels gisent des fibres muscu-
laires striées, d'aspect vitreux (PI. LII, A) ; quelques-unes de ces fibres
s'incrustent dans le bloc névroglique qui forme la paroi du diverticule.
Au lieu d'être occupé par l'amas musculaire et cellulo-graisseux, le centre
de la cavité est comblé par un peloton de fibres myélinisées, orientées en
divers sens, en continuité avec le cordon de Burdach ; il s'agit sans doute
d'une hétérotopie. Sur le bord postéro-interne de ce peloton il existe
une très belle fibre musculaire striée (PI. LV, K).La membrane papillaire
a disparu à ce niveau.
Enfin plus bas la fissure disparait et la cavité centrale reste seule, la
pie-mère reparaît, mais encore très mince.
Contenu de la cavité. D'après les descriptions précédentes, il est
aisé de comprendre qu'il varie suivant les étages. En résumé, on y trouve :
1° Des blocs névrogliques, tapissés pour la plupart par du lissu conjonc-
tif, quelques-uns par des palissades de cellules épendymaires.
2° Des membranes conjonctives (rectilignes ou papillaires),
3° Des vaisseaux, surtout au niveau des extrémités des diverticules la
téraux. '
4° Des fibres musculaires striées et du tissu conjonctif cellulo-graisseux.
5° Plus rarement des globules rouges.
(i° Il y a encore un élément dont la présence ne peut être prouvée sur
les coupes, mais elle est très vraisemblable : c'est le liquide céphalo-ra-
chidien, qui sans doute a dû filtré à travers les fissures et le sillon anté-
rieur' jusque dans les cavités et les fentes.
De la description précédente, il y a deux choses fondamentales à rete-
nir : 1° L'énorme hyperplasie du tissu conjonctif ;
380 ANDHÉ-THOMAS ET QUERCY
2° La présence des fibres musculaires striées dans la moelle; c'est la
première fois, à notre connaissance, que ce fait est signalé.
L'hypérplasie du tissu conjonctif a été mentionnée dans plus d'un cas
de syringomyélie ; on ne lui a accordé tout d'abord qu'une importance se-
condaire et cependant dans quelques cas, tels que celui qui a été publié
par l'un de nous avec Hauser, elle semblait, avec les lésions vasculaires,
constituer la lésion fondamentale, tandis que le gliome ne paraissait avoir
joué qu'un rôle secondaire dans l'édification du processus morbide. Nous
avons rappelé dès 1e début de ce travail, la distinction anatomique établie
par Pétren, et qui vient à l'appui de la précédente manière de voir : sy-
ringomyélles type sclérotique, syri ngomyél ies Lypeglieux. Dans l'obser-
vation précédente, les végétations du tissu conjonctif occupent le premier
plan à cause de leur richesse et de leur participation presque constante
aux lésions : mais le gliome existe sur toute la liauteuret môme il y a des
segments médullaires où les membranes conjonctives font défaut, alors que
le gliome existe. Il est difficile d'établir quels sont les liens de causalité
qui unissent ces deux éléments. Le gliome est-il une réaction secondaire
contre l'invasion' primitive du tissu conjonctif, au contraire les proliféra-
tions conjonctives sont-elles subordonnées au bourgeonnement néoplasi-
que ? Quoi qu'il en soit, il est incontestable qu'il existe un.certain parai ? `
lélisme dans la topographie des membranes conjonctives, du gliome, des
fentes et des cavités. Il serait téméraire, en présence de lésions cicatri-
cielles aussi anciennes, d'accorder la première place aü point de vue chro-
nologique^ tel ou tel élément ; mais certains faits tendent à démontrer que
l'hyperplasie conjonctivo-vasculaire n'est pas commandée par le gliome.
Tout d'abord dans plusieurs observations, la prolifération conjonctive n'est
pas toujours uniformément accompagnée par les néoi forma lions gl iomiteu-
ses ; dans la précédente observation il y a des régions où les fentes et les
cavités sont tapissées par des membranes conjonctives, tandis que le gliome
fait défaut, cela se voit surtout au niveau de la paroi antérieure. En outre
dans les cordons latéraux on voit des membranes conjonctives se détacher
des vaisseaux, tandis que dans le voisinage, il n'y a pas de gliome à pro-
prement parler, mais plutôt delà sclérose névroglique qui occupe les zones
dégénérées.
Le tissu conjonctif qui parcourt sous forme de bandes ou de membra-
nes les régions centrales de la moelle, se continue en diverses régions
avec l'adventice des vaisseaux ou les méninges molles ; or l'hypertrophié
adventitielle, qui est si spéciale, se rencontre dans des territoires où il n'y
a pas de gliome. L'inflammation des méninges, et encore moins la conti-
nuation des membranes papillaires avec les prolongements méningés du
sillon antérieur et du sillon postérieur ne nous paraissent subordonnées
l'évolution du gliome.
SYRINGOMYÉLIE, HYPERPLASIE DU TISSU CONJONCTIF 381
La prolifération du tissu conjonctif, que ce soit au niveau des membra-
nes, des méninges ou des vaisseaux n'est pas la conséquence du gliome.
On ne saurait affirmer encore une fois les rapports inverses, mais une
telle hypothèse ne peut être complètement rejetée, et quand on considère
les énormes anses ou culs-de-sac formés par le tissu conjonctif, et la part
qui leur revient dans la dislocation des parties centrales de la moelle, on
est enclin à supposer qu'une telle poussée a été susceptible de provoquer
une réaction névroglique intense. Le fait qu'à certains étages le gliome
existe, tandis que les membranes conjonctives font défaut, ne peut être
envisagé comme un argument contre cette manière de voir : les végéta-
tions conjonctives existent dans les étages sus et sous-jacents et ont pu
exercer une répercussion sur les étages voisins. Ce ne sont encore là que
des hypothèses eton peut admettre avec Pétren que les végétations conjonc-
tives et le gliome sont deux processus contemporains, qui ont évolué si-
multanément, sous l'influence d'une même cause et en'quelque sorte in-
dépendamment l'un de l'autre.
Il est encore à remarquer que les néoformations conjonctives sont ex-
clusivement constituées par du tissu adulte etque nulleparton ne trouve
des traces d'une prolifération d'éléments jeunes et d'une inflammation en
activité. En tout cas le tissu conjonctif a joué un rôle décisif dans la for-
mation des cavités ; l'adventice des vaisseaux (et en certains endroits il y
a eu néoformation vasculaire évidente) et les membranes conjonctives ont
.largement contribué à l'organisation des cavités, des fentes et des diver-
ticutes, en morcelant le tissu nerveux et le gliome, en poussant des bour-
geonnements ; elles ont indiscutablement contribué leur donner leur
forme et leur topographie. Dans ce cas il ne semble pas que les cavités
soient la conséquence de la fonte des parties centrales du gliome, en tout
cas ce processus ne serait qu'une intervention d'ordre tout à fait secon-
daire. Nulle pari on ne découvre de transformations hyalines, d'homogé-
néisation du protoplasma. Les cavités et les fentes se sont agrandies sans
.doute, sous l'influence de processus secondaires, tels que les foyers hé-
morragiques, les nécroses par refoulement.
, Les dilatations plus grandes qui occupent la moelle au niveau de la Ve
et la VIe racines dorsales laissent entrevoir que l'absence de commissure
antérieure et l'ouverture directe du sillon antérieur dans la cavité ont laissé
filtrer le liquide céplialo-i-acliidieii, qui distendu les cavités pathologi-
ques. Quant au canal de l'épendyme, il ne semble pas avoir joué un rôle
actif dans la formation des cavités, il les subies plutôt qu'il ne les a
faites.
Comment peut - on se représenter l'origine d'un tel processus qui
aboutit à la formation de cavités, mais qui consiste avant tout dans la pro-
382 ANDRÉ-THOMAS ET QUERCY
lifération parallèle de deux éléments : l'élément conjonctif et l'élément
névroglique.
Il existe dans cette moelle des lésions d'un ordre assez particulier;
telles que les anomalies des méninges molles, absentes par places, raré-
fiées ailleurs, hypertrophiées dans d'autres endroits ; les irrégularités de
la circonférence de la moelle qui a subi plusieurs enfoncements ; les ano-
malies des vaisseaux, néoformations vasculaires, développement exagéré
de l'adventice, dont les éléments tendent à se disjoindre et à s'infiltrer
dans les tissus voisins ; les dispositions si particulières du canal de l'épen-
dyme qui peuvent, il est vrai, être envisagés comme des déformations
secondaires ; l'ouverture du sillon antérieur de la moelle dans la cavité
et l'absence de commissure antérieure au même niveau ; des hétérolopies,
telles que des amas de fibres nerveuses dans la cavité.
La présence de fibres musculaires striées peut être interprétée de deux
manières : ou bien il y a eu transformation sur place du tissu conjonctif,
c'est l'hypothèse qui nous a été proposée par le professeur Prenant,ou bien
il s'agit d'une hétérotopie remontant à la période embryonnaire, d'un
processus tératologique ? On peut objecter à la première hypothèse que si
les fibres musculaires striées se trouvent presque constamment situées
dans le voisinage du tissu conjonctif, elles n'entrent pas avec lui en con-
nexion si intime qu'on puisse entrevoir le mode suivant lequel se serait
effectuée cette transformation. En faveur de la deuxième hypothèse, on
peut invoquer la disposition si spéciale de la fissure et l'absence de pie-
mère à la périphérie du cordon postérieur, sur le même étage médullaire
(Dvm). li
Une telle anomalie ne peut guère s'expliquer que par t'intervention
d'un processus inflammatoire qui aurait frappé le mésoderme au début
de la période embryonnaire, et sous l'influence duquel des fragments de
myotomes auraient été entraînés dans les méninges et dans la moelle.
C'est sans doute par l'intervention du même processus inflammatoire,
qu'il faut expliquer l'ouverture du sillon antérieur dans la cavité et l'ab-
sence de connaissance antérieure au niveau du Dvl.
La présence de fibres musculaires striées est encore plus une curiosité
qu'un argument que l'on peut introduire dans la discussion sur la patho-
génie de la syringomyélie en général ; c'est en effet une réelle curiosité
de trouver dans une moelle adulte des fibres musculaires, dont quelques-
unes sont clans un état de conservation aussi remarquable que les fibres
d'un muscle qui a normalement fonctionné.
En résumé, on est amené à se demander si le processus syringomyéli-
que n'est pas préparé par des lésions anciennes d'ordre inflammatoire qui
dans certains cas frapperaient la moelle et les méninges dès la période
SYRING01l1YÉLIE, HYPEIIPLASIE DU TISSU CONJONCI1F 383
embryonnaire, lésions qui,se traduisantpar des malformations, laisseraient t
aux éléments conjonctifs et névrogliques dans des proportions variables
une certaine irritabilité, susceptible de se manifester accidentellement
à l'âge adulte sous la forme de végétations conjonctives et liomateuses.
Cette hypothèse n'est d'ailleurs pas une nouveauté, puisqu'elle rentre
dans la théorie de l'origine congénitale de la syringomyélie ou de l'ano-
malie de développement, soutenue par Kahler et Pick, Hoffmann, Schle-
singer, Préobrajeinski, etc. Nous ferons cependant remarquer que ces
auteurs se sont surtout appuyés sur les anomalies de développement du
canal central (occlusion défectueuse, diverticules), propres expliquer les
déformations épendymaires et, à la rigueur, la formation de gliome, mais
tout il fait insuffisantes pour rendre compte de l'exubérance du tissu con-
jonctif.
ÉPILEPSIE TARDIVE ET TROUBLES MENTAUX CONSE-
CUTIFS A UN `'fOLEVT TRAUMATISME CRANIEN
PAR
Georges PETIT,
Interne de la Maison de Charenton. '
Il est souvent difficile de déterminer de façon précise, dans l'étude
des épilepsies dites traumatiques, les liens de causalité qui unissent
l'apparition des accidents convulsifs aux traumatismes crâniens antécé-
dents. Le traumatisme crânien est-il à lui seul capable de provoquer l'ap-
parition de crises convulsives, ou bien joue-t-il seulement un rôle palho-
génique secondaire d'appel sur un terrain prédisposé ou préparé par un
processus pathologique antérieur resté latent jusque-là ? La notion des
antécédents et de l'âge du sujet, de la gravité et de la localisation du
trauma, de l'intervalle plus ou moins prolongé écoulé entre celui-ci et
l'apparition des crises convulsives, de la forme même de ces crises, consti-
tuent des éléments étiologiques et patloéniques esentiellementdifférenls
dans chaque cas particulier. Très fréquemment, il est malaisé de faire le
départ entre ce qui revient au ll'iluma et ce qui peut être attribué au ter-
rain, ces deux facteurs étant du reste le plus souvent associés.
Dans le cas rapporté ci-dessous, il nous a paru cependant que le trau-
matisme crânien avait une part pathogénique prépondérante, et peut-être
même essentielle, dans l'apparition, après une longue période de latence,
des crises convulsives et des troubles mentaux observés chez notre ma-
lade.
Observation (PL LVI).
Th. Jules, 41 ans, cultivateur, entre le o juillet 1908 à l'asile de Blois, pour
épilesie et troubles mentaux.
Antécédents héréditaires et collatéraux. - Père mort d'obstruction intes-
tinale. Mère, accuse fréquemment, depuis plusieurs années, des céphalal-
gies. Une tante maternelle est bizarre et d'un caractère irascible. Un oncle
maternel a été interné à la suite d'excès alcooliques et est mort à l'asile. Les
deux frères du malade sont bien portants.
Antécédents personnels. - Th. n'a présenté, durant son enfance, ni convul-
NOUVELLE Iconographie de la SALPL'TRIL`RE
T. XXV. Pl. LVI
EPILEPSIE TARDIVE ET TROUBLES MENTAUX
consécutifs à un traumatisme crânien
(E. Petit).
I : PILEPS11 ? 'J AHDln; ET TIIOUH ? klhÑTMir ? {1
EPILEPS1E '1ARD1VE ET 'I'liOUBL à ÀLEI-4 TârtiUf --
335
sions, ni maladie grave. D'une intelligence moyenne, il travaillait convena-
blement à l'école et a obtenu, à l'âge de 12 ans, le certificat d'études pri-
maires. Il montrait déjà un caractère vif et emporté et était sujet à de violents
accès de colère.
A l'âge de 12 ans, Th. subit accidentellement un grave traumatisme crâ-
nien : un violent coup de pied de cheval l'atteint à la région frontale. Voici les
constatations du certificat rédigé par le médecin qui le soigna à cette époque :
« Le 3 juillet 1879, je fut appelé auprès du jeune Th., qui venait d'être atteint
parmi coup de pied de cheval. Le bord antérieur du fer avait littéralement
tranché la voûte crânienne. J'ai constaté à la partie moyenne de la région
frontale une plaie de 6 centimètres environ de [longueur et dont la largeur
permettait l'introduction du doigt dans la Lotie osseuse. La substance céré-
brale venait faire hernie à travers cette plaie. Les accidents inflammatoi-
res, la méningo-encéphalite que je redoutais en présence d'un traumatisme
aussi grave ont pu être évités, ou tout au moins localisés, et la guérison a
été rapide. Mon blessé a repris ses occupations habiluell.es. -- Dr Soubise. »
On ne nota en effet aucun phénomène pathologique particulier, à part quel-
ques céphalalgies, durant les années qui suivirent le traumatisme crânien.
Th. se développa physiqnement et intellectuellement d'une façon normale et
exerça régulièrement son métier de cultivateur-vigneron. Vers la dix-huitième
année il commença cependant à faire quelques excès alcooliques.
A l'âge de vingt ans, c'est-à-dire huit années seulement après le trauma-
tisme, survint la première crise convulsive : chute brusque, sans cri initial,
convulsions toniques et cloniques généralisées, stertor, morsure de la langue,
pas de gâtisme ; aucun phénomène particulier post on pré-paroxystique. La
deuxième crise eut lieu quatre mois après et affecta les mêmes caractères. Puis
les crises convulsives se succédèrent à intervalles de trois ou quatre mois,
malgré le traitement bromure institué dès le début des accidents. Th. n'en
continua pas moins ses occupations, et se maria à l'âge de 25 ans. De ce ma-
riago naquit une fille, âgée actuellement de 19 ans, bien portante, n'ayant pas
présenté de convulsions dans son enfance, mais « nerveuse » et assez facilement
irascible. La femme de Th. n'a jamais eu de fausse-couche.
Progressivement, les crises convulsives augmentèrent de fréquence : une
crise toutes les trois' semaines environ à l'âge de 28 ans, une crise toutes les
semaines à l'âge de 30 ans. Depuis plusieurs années, les crises convulsives se
succédaient au nombre de quatre à cinq par semaine, survenant anssi bien la
nuit que le jour. Elles affectaient toujours les mêmes caractères classiques. A
noter que depuis trois ans, l'urination involontaire accompagne chacune des
attaques convulsives.
Enfin, le malade présentait également, depuis plus de dix ans, alternant
avec les crises convulsives, des vertiges et des absences, et accusait de fré-
quentes céphalalgies.
Th. était devenu plus irascible et plus violent depuis une dizaine d'années.
Mais les troubles mentaux n'ont éveillé l'attention de son entourage que cinq
xxv 26
38G TETU' r
années environ avant son entrée à l'asile, alors qu'il était âgé d'environ trente-
cinq ans. Fréquemment, après ses crises convulsives, le malade était sujet
à des impulsions dangereuses : il se mettait à courir devant lui, d'un air égaré,
en prononçant des paroles incohérentes, insultant et frappant les personnes
qu'il rencontrait. Il tenta une fois, dans ces circonstances, d'étrangler sa
femme. Plusieurs fois, il partit eu courant et en criant à travers champs, jus-
qu'à une assez grande distance de sa demeure. Il restait obnubilé pendant plu-
sieurs heures après ces fugues Depuis denx ans, les actes impulsifs se multi-
plièrent, rendant Th. dangereux pour son entourage. Dans les intervalles des
crises convulsives, il apparaissait également troublé, monologuait d'une façon
incohérente, ou brusquemment, faisait des menaces immotivées aux personnes
de son entourage. Il ne se livrait plus, depuis quatre ans, à aucun travail
suivi.
Examen direct. A son entrée à l'asile, Th. nous apparaît désorienté
dans l'espace et dans le temps. Il se croit à Vendôme, où il s'imagine être
arrivé depuis une quinzaine de jours ; il ne pent indiquer ni la date actuelle,
ni la date exacte de sa naissance. Il sait cependant son nom et son âge appro-
ximatif.
Sous ce masque confusionnel, se cache un véritable déficit des facultés in-
tellectuelles, comme le montre l'examen prolongé de notre malade. Les acqui-
sitions scolaires ont à peu près totalement disparu : le malade est incapable de
faire correctement une addition ou une soustraction très simple, fait des
erreurs constantes dans la table de multiplication. Il est incapable de donner
des détails précis sur son existence passée et sur des faits récents de notoriété
courante : il sait cependant qu'il a eu un accident dans sa jeunesse, qu'il a des
crises qu'il ne sent pas venir et durant lesquelles il tombe à terre, qu'il est
marié et qu'il a une fille. Il n'avoue point les autres lacunes de sa mémoire
et essaye d'éluder les questions auxquelles il ne peut répondre en plaisantant
grossièrement dans son patois solognat. Il ne se rend aucun compte de sa situa-
tion et de son état actuel et déclare qu'il va faire venir sa femme et sa fille et
partir avec elles en pèlerinages remercier saint Gilles qui l'a sauvé.
Il expose, au milieu de propos souvent incohérents, des idées délirantes
absurdes, polymorphes et mal systématisés de grandeur, de persécution et de
teinte mystique. Il a été baptisé par un général prussien qui lui a donné des
millions. Il a des milliards depuis qu'il est sorti de l'Autriche. Il possède le
château de Blois, le château d'Amboise et vingt-trois autres châteaux. Son
oncle également possède des millions : on le dit tous les jours dans les journaux.
Le Président de la République lui a écrit, en mars, pour le faire venir à Paris. Il
va racheter avec Dieu les églises du département de Loir-et-Cher. Il parle d'une
façon incohérente des Prussiens, des Sairazins, de coups de fusil, des rues de
Jérusalem, s'excitant peu à peu et criant d'un ton déclamatoire « Les bras
et les mains crucifiés pour l'amour de Dieu... le coeur de Jésus, etc... ». Il
raconte également qu'on veut le mettre en prison à Vendôme, que les employés
d'assurances le poursuivent parce qu'il a prêté quarante-sept milliards à la
ÉPILEPSIE TARDIVE ET TROUBLES MENTAUX 387
France et racheté l'Alsace et la Lorraine, que les Princes sout venus délivrer
la France et ramener le Pape à Paris, etc.
Th. présente de nombreuses illusions de fausse reconnaissance : les gens
qui sont autour de lui sont des gendarmes ou des soldats, l'infirmier est briga-
dier, le médecin qui l'interroge est un juge. Il croit reconnaître à l'asile de
nombreux habitants de sa commune, les interpelle grossièrement en leur repro-
chant des méfaits imaginaires.
Des hallucinations de la vue et de l'ouïe paraissent également exister, chez
le malade, pendant la nuit : Th. raconte qtie'lorsqu'il est couché, saint Gilles
et la Sainte Vierge lui apparaissent et qu'ils ont avec lui des conversations pro-
longées. ,
Le malade s'exprime souvent avec incohérence. Il s'excite en parlant, fait
de grands gestes, vocifère, se lève tout à coup de son siège en déclarant qu'il
ne veut pas donner sa signature. Parfois, il se met à pleurer, ou brusquement,
il éclate de rire quand on lui adresse une question, y répondant parfois par
une plaisanterie solognate.
Au point de vue somatique, nous relevons les particularités suivantes :
Le facies est hébété, le regard fixe. A la partie moyenne de la région frontale,
on remarque un enfoncement transversal légèrement oblique en haut et à gau-
che, long de 6 centimètres, profond d'environ 1 centimètre à la partie médiane ;
la lèvre supérieure de la cicatrice chevauche légèrement. Le cal osseux parait
partout constitué, et le pouls cérébral n'est pas perceptible dans la cicatrice.
Les os du nez sont fracturés ; la racine de cet organe est aplatie, lui donnant
ainsi la conformation dite en lorgnette. On note de nombreuses cicatrices,
provenant de chutes récentes, au niveau du visage et du cuir clievelu. La
langue présente des traces de morsure. La voûte palatine est ogivale.
Les pupilles sont égales et réagissent à la lumière et à l'accommodation. On
constate un tremblement léger des mains et de la langue : il existe également
du tremblement fibrillaire des muscles de la face quand le malade ferme les
yeux. Pas de troubles de l'articulation des mots ; l'écriture n'est pas tremblée.
Les réflexes pupillaires et les autres réflexes tendineux sont très exagérés.
Clonus du pied droit et réflexe plantaire du même côté en légère extension.
Ebauche de Romberg. La force musculaire est conservée, mais paraît plus
accentuée du côté gauche. Pas de perle du sens de position des membres. Les
mouvements des membres supérieurs et inférieurs sont normaux ; la marche
ne présente rien de particulier. La sensibilité à la piqûre est diminuée, avec
retard à la perception. Enfin il existe du dermographisme.
Les autres appareils n'offrent rien de particulier à l'examen.
Trois jours après son entrée à l'mile, Th. est pris, sans motif apparent,
d'un accès subit de fureur. Il se précipite sur un autre malade, veut le
frapper, et injurie les infirmiers accourus. Pendant deux heures, il ne cesse
de proférer des menaces, exposant en termes incohérents des idées délirantes
analogues à celles relatées plus haut « il est le Bon Dieu, il va détruire les
méchants, rappeler Jeanne d'Arc ; on veut le mettre en prison pour lui voler
388 PETI r
ses milliards, etc. ». Il se calme peu à peu, mais ne peut donner aucun rensei-
gnement sur son accès de fureur.
Le lendemain, Th. est calme : il présente dans la journée un léger vertige,
durant lequel il urine dans son pantalon.
Le jour suivant, en note une crise convulsive généralisée qui affecte
les caractères classiques : chute brusque sur la face, sans cri initial ; courte
période tonique, puis convulsions généralisées, sans prédominance d'un côté,
d'une durée d'environ quatre minutes : stertor consécutif,urination involontaire,
Après la crise, le malade présente un état confusionnel plus accentué : ses pro-
pos sont absolument incohérents, il menace les inlirmiers et tente de les frapper,
marche à grands pas en vociférant. Il devient plus calme dans la soirée.
Dans la suite, Th., a présenté il intervalles assez rapprochés, des absences,
des vertiges, des crises de fureur, des accès convulsifs revêtant le même type
que l'accès décrit ci-dessus. Chaque attaque convulsive est suivie pendant plu-
sieurs heures d'un état crépusculaire, durant lequel le malade tient des propos
incohérents et tente de se livrer à des violences sur son entourage.
Il présente également, assez fréquemment, des équivalents épileptiques, sous
forme d'accès d'automatisme procursif. Alors que, paisible, il est assis dans la
cour, lisant son journal, Th. se lève brusquement, se met à marcher 1'1 grands
pas durant vingt à trente minutes autour d'une statuette de bronze située au-
près du massif central de la cour. Durant sa course circulaire, il chante sans
discontinuer, sur un rythme monotone de mélopée, une complainte où.re-
viennent fréquemment les mots de Sacré-Coeur, Sainte Vierge, France, etc. Il
est alors irritable et tente de frapper ceux qui essayent de l'approcher. Durant
les heures qui suivent ces déambulations, il est d'ordinaire plus calme et dé-
clare parfois se souvenir de sa promenade et de sa chanson : il a invoqué,
dit-il alors, la Sainte Vierge qui l'a guéri et va revenir avec Jeanne d'Arc et
les Princes sauver la France.
Dans les intervalles de ces divers épisodes épileptiques, Th. conserve un
a ffaiblisssement très marqué des facultés intellectuelles ;les idées délirantes per-
sistent. Ses idées de persécution et ses illusions de personnalité le poussent
fréquemment, en dehors de ses accès de fureur immotivés, à des actes violents
sur son entourage : il considère notamment certains malades comme des vo-
leurs et des assassins, indignes de vivre avec lui, et veut les chasser et les
maltraiter.
Depuis plusieurs mois, les crises convulsives, surtout nocturnes sont deve-
nues moins fréquentes, mais les périodes confusionnelles qui les suivent, s'é-
tendent souvent durant une semaine, se prolongeant parfois jusqu'à un nouvel
accès convulsif. Th. se trouve presque constamment dans un état d'obnubila-
tion très accentué : ses propos mégalomaniaques et mystiques deviennent de plus
en plus confus, ses actes sont désordonnés, il se perd dans la salle, va se coucher
dans le lit d'autres malades, gâte sur le plancher et sur les meubles ; il est extrê-
mement violent et tente fréquemment de se livrer à des brutalités sur son en-
tourage. Il parait actuellement s'acheminer rapidement vers un état démentiel
de plus en plus accentué.
ÉPILEPSIE TAKD1VE ET TROUBLES MENTAUX 389
En résumé, un sujet, sans antécédent, vésaniques, névropathiques ou
convulsifs héréditaires ou personnels, est atteint, à l'âge de 12 ans,
d'un violent traumatisme crânien dont les conséquences psychiques immé-
diates paraissent bénignes malgré la gravité de la fracture - Huit ans
après cet accident, apparaissent des crises convulsives généralisées, deve-
nues dans la suite de plus en plus fréquentes, et qui s'accompagnent vers
(le 35 ans de troubles mentaux sous forme d'idées délirantes poly-
morphes, de crises de fureur, d'absences et de vertiges, d'accès de confu-
sion mentale et d'automatisme procursif qui amènent l'internement du
malade dans un asile d'aliénés, à l'âge de 41 ans. Les troubles mentaux
s'accentuent rapidement et paraissent aboutir à un état démentiel de plus
en plus marqué. '
La pathogénie des accidents convulsifs et des troubles mentaux relevés
chez notre malade nous paraît essentiellement déterminée par le violent
traumatisme crânien survenu à Page de 12 ans. Notre sujet, dont les
antécédents héréditaires et personnels sont indemnes au point de vue
névrosique, n'avait présenté antérieurement aucune de ces affections fébri-
les, souvent convulsives, du jeune âge, qui, comme on le sait actuellement,
conditionnent souvent des lésions du système nerveux, demeurées silen-
cieuses pendant de longues années,mais pouvant se manifester tardivement t
sous l'action d'une cause adjuvante. Il semble que l'enfoncement crânien,
avec plaie extérieure plus ou moins infectée et hernie cérébrale, ait amené
l'éclosion d'une méningite, d'abord localisée au point frappé et ne s'ac-
compagnant d'aucun trouble moteur ou psychique; mais, dans la suite,
en vertu d'une loi générale en pathologie cérébrale, cette méningite s'est
étendue progressivement au reste de la corticalité et a provoqué tardive-
ment, après une longue période de latence et peut-être sous l'influence
adjuvante d'excès alcooliques, les crises convulsives et ultérieurement les
troubles mentaux que nous avons rapportés. Ce processus à longue
échéance nous parait assez comparable à celui observé chez les sujets
ayant présenté durant leur enfance des méningites plus ou moins insidieu-
ses, accompagnées quelquefois de convulsions passagères : les lésions sem-
blent guérir en apparence, mais les séquelles nerveuses, qui subsistent
d'abord silencieuses, se traduisent ultérieurement, souvent après de nom-
breuses années et sous des influences banales ou inaperçues (intoxication
par l'alcool, infections, etc.) par J'apparition de crises convulsives parais-
sant alors ressortir à l'épilepsie dite essentielle.
Dans le cas particulier des traumatismes crâniens, les crises convulsives
surviennent après le trauma de façon assez variable. Tantôt, les attaques
épileptiques se produisent immédiatement après le trauma, cessant bien-
tôt pour ne plus reparaître dans la suite ou se répétant ultérieurement
390 PETIT
avec une plus ou moins grande fréquence durant de longues années ; tantôt
au contraire comme dans notre observation, le traumatisme n.e provoque
aucun phénomène moteur immédiat et les crises convulsives ne font leur
apparition qu'après un intervalle latent plus ou moins prolongé. Dans la
statistique de Finkh (1), qui comprend 45 cas d"épilepsie traumatique,
nous relevons 16 cas où le traumatisme datait de 5 ans, 9 cas où les crises
convulsives apparurent 10 ans après le trauma, 4 cas où elles se manifes-
tèrent après une période silencieuse de 15 ans, 6 cas après 20 ans, 1 cas
enfin après 23 ans. Notre maître, le Dr Marchand, dans une statistique
encore inédite portant sur 48 cas d'épilepsie consécutive à des traumatis-
mes exclusivement crâniens, n'a relevé qu'un cas survenu 8 ans après le
trauma (celui de noire observation), 1 cas après 9 ans, 2 cas après 13 ans.
(1) FMKH, Arch. f. Psych., 1903.
SERVICE DES MALADIES SERVEUSES DU D' FLATAU
A L'1101'ITAG ISRAÉLITE DE VARSOVIE.
CARIE DES VERTÈBRES
MAL DE POTT SANS GIBBOSITÉ
A UN AGE AV\l'\CÉ
par
J. ROTSTADT.
Lorsqu'il est question de mal de Pott, on pense généralement à une
déformation de la colonne vertébrale sous forme de gibbosité plus ou
moins accentuée due à l'écrasement des vertèbres malades par suite de
la résistance et du poids des parties saines des vertèbres et du tronc.
L'expérience apprend toutefois qu'il n'en est pas toujours ainsi et que
surtout chez les adultes et a t'age avancé, la tuberculose des vertèbres
peut surgir et suivre son cours sans signe apparent de'déformation, et que
les seuls symptômes peuvent être : un abcès froid latent ou visible causé
par la dépression, ou bien des troubles nerveux provenant de la compres-
sion médullaire. La gibbosité naît le plus souvent et le plus facilement
au premier âge et chez les adolescents, lorsque la colonne vertébrale ne
possède pas encore la consistance nécessaire qui amène la soudure des
vertèbres entre elles, et que la tuberculose, affectant une forme aiguë
ou subaiguë, le processus pathologique envahit tout le corps de la
vertèbre, le détruisant complètement, allant même jusqu'à atteindre les
arcs vertébraux. Là où la colonne vertébrale ne se déforme pas, ce qui
est fréquent à l'âge adulte, les masses caséeuses s'amoncellent en un
endroit distinct, irritent la face externe de la dure-mère, provoquent son
hypertrophie, rétrécissant graduellement la lumière du canal rachidien,
ce qui aboutit à la compression de la moelle. Ainsi donc, dans l'enfance et
dans l'adolescence l'apparition du tableau clinique de la carie des vertèbres
se marque avant tout par une déformation plus ou moins accentuée de
l'épine dorsale,- alors que les troubles radiculaires et médullaires ou bien
n'apparaissent pas du tout, ou bien ne surviennent que comme symptômes
passagers, par suite de conditions défavorables à la déformation.
Par contre l'absence de déformation de la colonne vertébrale s'observe
avant tout, comme il a été dit, dans t'age adulte.
Jouche cite dans son travail 20 cas du mal de Pott dont 9 sans
392 ROTSTADT
gibbosité. Alquier, clans son travail sur le mal de Polt sans gibbosité,
cite les cas de Lionville, de Berber, de Sirecley, de Verger, de Laubie et
4 observés par lui-même et présentés avec Raymond au Congrès interna-
tional de la tuberculose en 1905. Dans 3 cas sur 14, réunis par Fickler,
la gibbosité faisait défaut. Ascenzi, dans le N° Il de l'Encéphale de 1910,
traite en détail un cas où la tuberculose de la colonne vertébrale apparut
pour la première fois à un âge avancé et sous la forme d'affection com-
primante de la moelle, et suivant son cours sans 1a moindre déformation
de la colonne vertébrale. C'est dans la même catégorie d'observations qu'il 1
y a lieu de comprendre le cas de carie des vertèbres chez un vieillard,
cité plus bas. Dans tous les cas mentionnés il y avait pal' contre' des symp-
tômes plus ou moins accentués et très compliqués de compression de la
moelle et des racines médullaires.
. Fidder; parlant de la compression dans le mal de Pott, prétend que
celle affection peut surgira tout âge; toutefois son apparition à l'âge
avancé ou chez les vieillards est très rare. Deux de ses malades avaient
68 ans ; Schwam observa la carie chez une femme de 76 ans. Parmi les
malades d'Alquier, l'une se trouva atteinte à l'âge de 70 ans, une autre à
69 ans pour la première fois de la tuberculose des vertèbres qui amena
des symptômes violents de la moelle. Le malade d'Ascenzi avait 68 ans.
C'est pourquoi dans certaines conditions il peut être très difficile de dia-
gnostiquer la maladie de Pott avec symptômes nerveux à un âge avancé et : sans qu'il y ait signe extérieur évident de tuberculose des vertèbres.
Alquier, dans son travail Principales formes des troubles nerveux dans le
mal de Pott sans gibbosité, lâche de distinguer plusieurs formes cliniques
principales de l'affection et d'en compléter la symptomatologie. Le cas
ci-dessous nous prouvera quelles difficultés présente parfois un exact
diagnostic de l'affection.
Observation.
Ch. K..., 72 ans, entré le 16 février 1901. C'est à peine s'il se rappelle quel-
ques détails sur le cours de sa maladie. Cinq mois avant son entrée à l'hôpital,
il a constaté un affaiblissement des extrémites supérieures. quatre mois plus tard
c'était le tour des extrémités inférieures. Il a remarqué en outre que ses mains
ont commencé à maigrir ; surtout la paume gauche. Il croit que la maladie
progresse rapidement II n'a jamais eu de maladie grave. Ses enfants sont
bien portants ; sa femme n'a pas eu de fausses couches.
Etat actuel. Le malade est un vieillard à ligure pâle, de taille moyenne ;
nutrition modérée, complexion normale ; mimique faciale bonne ; la vue,
l'ouïe,' la parole, la déglutition, la mastication normales. Le fond des yeux
sans changement ; les pupilles sont égales, la' réaction à la lumière et à l'accom-
modation-bien conservée ; mobilité des yeux régulière, de dimension suffisante
CARIE DES VERTÈBKES 393
sans tremblements. Extrémités supérieures : le bras droit cassé dans l'enfance
est plus court que le gauche et atrophié. Le gauche présente l'atrophie des
muscles du thénar et de l'hypothénar et des muscles de la face antérieure
de l'avant-bras. Les mouvements du bras gauche sont bien conservés dans
toutes les articnlations, sauf dans celles des doigts; la flexion, la déflexion,
l'abduction et l'adduction de même que l'opposition des doigts sont peu agiles et
limitées. La déflexion des doigts et de la main est plus faible que la flexion.
On observe des contractions fibrillaires dans les muscles de l'avant-bras. Le
réflexe du muscle triceps et du périoste est assez vif.
Membres inférieurs : la démarche est spastique ; le malade avance lentement
en écartant les jambes ; couché, il déplace les membres, surmontant la résis-
tance au moyen d'un effort sensible, lorsqu'il s'agit de soulever les jambes éten-
dues, surtout la gauche ; on constate cependant un certain affaiblissement des
mouvements.
Tension musculaire insensiblement augmentée. Les réflexes patellaires et
achilléens sont exagérés; au côté gauche, trépidation du pied. Le phénomène
de Babinski bilatéral est facile à provoquer.
Les troubles de la sensibilité (à la douleur, au chaud et au froid) comme
sur la figure 1.
Fit. 1. Troubles de la sensibilité (d'après les schémas de Flatau).
Sensibilité à la douleur (16 février 1904).
394 ROTSTADT
11 mars 1904. Au-dessus de l'anus, petite escarre superficielle. Sensa-
tion de froid sur tout le membre supérieur gauche.
12. Ne peut plus marcher seul, chancellement, chute ; fourmillement dans
les jambes.
15. La pupille droite légèrement plus élargie que la gauche.
21. Sensation de froid dans les jambes et les pieds.
31. Dans les articulations des hanches et des genoux fortes douleurs
pendant la nuit; contractions douloureuses des membres inférieurs.
7 avi,il 1904. Etat actuel. Membre supérieur gaucho plus faible que le
droit. Le malade surmonte plus difficilement la résistance lors de l'élévation
.qu'au moment de l'abaissement; il lui est de même plus facile de faire l'ad-
duction du membre que l'abduction. La flexion du coude et de la main est
plus forte que leur extension. Les mouvements des doigts de la main gauche
sont lents et faibles; surtout l'opposition du pouce aux 5e, lit, 3e doigts est
difficile, faible et peu étendue ; le pouce ne peut approcher de l'index. Les mus-
cles de l'éminence thénar et hypothénar de même que ceux de l'avant-bras
sont atrophiés. Le réflexe du muscle triceps manque. Le réflexe périostal est
faible.
Dans la position couchée le malade exécute lentement et avec effort tout
mouvement avec ses membres inférieurs. L'étendue de ces mouvements est
beaucoup moindre qu'en temps normal et à portée très faible.
Les réflexes tendineux (patellaires et achilléens) sont très vifs ; phénomène
de Babinski bilatéral ; trépidation de la rotule et du pied des deux côtés. Les
réflexes abdominaux manquent. Rétention d'urine ; constipation. Contractions
spontanées douloureuses des extrémités.
16. Les troubles sensitifs augmentent. Ils envahissent également tout
le membre inférieur droit sur sa face antérieure (flg. 2).
Examen de l'excitabilité électrique :
CARIE DES VERTÈBRES 3'je 0
complète des doigts de la main gauche. La flexion du coude est meilleure que
son extension.
Le membre inférieur droit est plus faible que le gauche ; le malade peut à
peine le soulever de manière même insensible.
Flexion pénible du genou droit, immobilité du pied droit. Les orteils exécu-
tent des mouvements limités. Le membre inférieur gauche conserve des mou-
vements un peu plus étendus, mais aussi à portée faible et inégale dans les
différents groupes musculaires. Rétention d'urine ; incontinence des matières
fécales.
Les troubles de la sensibilité au toucher comme sur la figure 3.
1t. Au côté gauche du cou, derrière le muscle sternocléido-mastoïdien,
gonflement de la peau douloureux au toucher.
24. Phénomènes spastiques très prononcés aux membres inférieurs.
3 juin 1904. Paralysie des membres inférieurs un peu moindre; le ma-
lade les soulève assez haut, fléchit les genoux.
28. Gonflement du cou plus accentué à l'endroit cité plus haut; il est
élastique, mobile, indolore, n'adhère pas à la peau. Il s'agit d'un abcès froid.
11 juillet 1904. Fortes douleurs aux membres inférieurs ; affaiblissement
général ; insomnie. Sensation de brûlure aux membres inférieurs.
Fig. 2. Sensibilité au chaud et au froid (1G avril 190,t).
396 ROTSTADT
13. Douleurs moindres. Contractions spontanées très sensibles dans les
membres inférieurs. -
17. Réapparition de fortes douleurs aux jambes.
22. - Douleurs aux jambes. Paraplégie. Exagération des réflexes tendineux.1'
Phénomène de Babinski. Rétention complète d'urine.
25. Douleurs aux jambes et aux bras. Augmentation de la paralysie des
membres inférieurs. Affaiblissement général.
27. Insomnie, cachexie.
29. - Décès.
Voilà en termes généraux les oscillations et le développement de la
maladie pendant un séjour de 5 mois à l'hôpital. L'anamnèse étant peu
satisfaisante, il a fallu diagnostiquer le cas en se basant sur les faitsclini-
ques. Le symptôme le plus frappant au moment de l'entrée du malade à
l'hôpital était l'atrophie de petits muscles de la paume gauche du type
Aran-Duchenne avec réaction de dégénérescence (muscles de l'éminence
thénar, hypothénar et interosseux) et troubles sensitifs (types dedissocia-
Fig. 3. Troubles de la sensibilité tactile (10 mai 1904).
CARIE DES VERTÈBRES 397
tion), comme il a été indiqué sur les figures. Si donc on se base sur ces
symptômes on peut dire qu'il s'agissait d'un cas de syringomyélie. La lésion
devait se trouver localisée dans le 81 segment cervical et le le, dorsal. En
localisant ainsi le processus histo-pathologique et en observant sa progres-
sion lente pendant la première période de séjour du malade à l'hôpital
nous arrivons facilement à expliquer la parésie et les phénomènes spasti-
ques-des membres inférieurs. Nous savons en effet que la syringomyélie,
surtout localisée dans la partie cervicale de la moelle épinière, se ramifie,
provoque des lésions plus ou moin étendues de la substance blanche, occa-
sionne une solution de continuité des voies nerveuses et comme résultat
final, on a des symptômes de parésie spas tique et des troubles variés de
Ja sensibilité sur toutes les parties du corps situées au-dessous du niveau
de la lésion médullaire. La diagnose cependant se trouvait en face de l'in-
certitude dès la première période de séjour du malade. C'était à cause de
la progression rapide de la faiblesse des jambes, malgré les oscillations
constatées des troubles progressifs dans le fonctionnement de la vessie et
de l'anus ; des douleurs et des phénomènes -douloureux des contractions
spontanées. Trois mois après son entrée à l'hôpital, nous voyons chez le
malade les troubles de la sensibilité tactile s'ajouter aux troubles de la
sensibilité douloureuse et thermique notés plus haut. La limite de la
sensibilité tactile troublée a été parallèle- à celle des autres troubles,
mais un peu moins haute ; les douleurs se sont encore plus accentuées de
même que les phénomènes spastiques. L'expérience enseigne toutefois
que la dissociation dite syringomyélique de la sensibilité n'est pas le pro-
pre uniquement de celte maladie, comme l'ont pensé Kahler et Schultze
et que les symptômes comme des douleurs (souvent très vives même à l'o-
rigine de la maladie), des troubles sphinctériens, des contractions sponta-
nées, des parastésies, y ont été également notés. Toutefois l'apparition si-
multanée et assez rapide de tous les symptômes ci-dessus pouvait faire
penser qu'il s'agissait d'une affection progressive comprimante dans la di-
rection transversale plutôt que d'une syringomyélie qui ne progresse pas
si vite. La mort du malade interrompt toute observation subséquente
sans nous permettre d'expliquer la cause réelle de la compression.
Autopsie.
L'autopsie a indiqué les lésions suivantes : les vertèbres cervicales inférieu-
res étaient ramollies, affaissées et se laissaient'enlever facilement par fragments.
Au même niveau la dure-mère se trouvait hypertrophiée et adhérente à la
surface interne des vertèbres dégénérées ; l'hypertrophie de la dure-mère a
frappé presque exclusivement la face postérieure et les faces latérales de la
moelle. Le maximum de son développement se trouve à la hauteur du 8° seg-
398 ROTSTADT
maut cervical, il atteint un degré moindre an niveau du 71 pour diminuer
progressivement jusqu'au 4e segment cervical inclusivement. Dans le sens des-
cendant, l'hypertrophie de la dure-mère atteint son côté droit correspondant
du premier segment dorsal. A la surface postérieure de la dure-mère dans la
région correspondante au 8e segment cervical, on aperçoit une masse caséeuse
entourant la moelle sous forme d'anneau complet; au-dessus et au-dessous de
cette région à l'oeil nu on ne constate pas la présence de masse caséeuse. Sur
toute l'étendue à partir du 4B segment cervical jusqu'au premier dorsal inclu-
sivement on constate une adhérence entre la surface interne de la dure-mère
et la moelle. Jusqu'à la bordure inférieure du 6° segment cervical, la moelle
conserve son aspect normal et une circonférence régulière. Dans la partie in-
férieure du 6e cervical ou plutôt dans la partie supérieure du 7e cervical la con-
formation de la moelle commence à changer. Les sillons antérieur et postérieur
ne sont plus médians, mais dévient légèrement vers la droite. La même chose a
lieu pour la corne antérieure droite qui n'est plus sur le même niveau que la
corne gauche.
Dans le sens descendant les sillons antérieur'et postérieur s'écartent de plus
en plus dans leurs parties périphériques de la ligne médiane vers la droite ;
en un endroit distant de près de 200 micrones du bord supérieur du 7e cervi-
cal ils forment une ligne courbe, arquée dont la convexité est tournée vers la.
gauche. En même temps la moelle s'aplatit de plus en plus visiblement dans
le sens antéro-postérieur. Les cornes antérieures s'étendent dans le sens laté-
ral ; la corne droite antérieure et surtout la corne latérale s'écartent encore
davantage vers la droite, se confondent, deviennent plus petites. La commis-
sure postérieure dévie à droite, le sommet du faisceau postérieur gauche
avance par dessus celui de droite, se recourbe à droite, et couvre le sommet
du faisceau droit postérieur.
L'aplatissement de la moelle augmente encore un peu dans la direction du
8° segment cervical ; à cette hauteur il demeure presque sans changement,
pour commencer disparaftre, A l'endroit correspondant au bord supérieur du : leur segment-cervical la circonférence de la moelle, sa substance grise repren·
Fig. 4.
CARIE DES VEIUÈBRES 39U
nent une structure régulière ; les faisceaux postérieurs retournent à la ligue
médiane. La dure-mère dans les limitas de la déformation maxima dela moel-
le grossit dans la direction descendante, entoure la moelle d'un anneau com-
pact de tissus fibreux, adhérent, la presse d'avant en arrière et sur les côtés, dé-
formant la circonférence en plusieurs endroits. La partie gauche paraît être le
plus comprimée, à savoir la partie postérieure de la ceinture circulaire du fais-
ceau latéral et la zone antérieure de la périphérie du faisceau antérieur; à
droite par contre la pression s'exerce sur l'endroit correspondant à la ceinture
de Waldayer, et de même qu'à gauche quoique à un degré moindre, la par-
tie postérieure de la zone périphérique du faisceau latéral. Sur la dure-mère
hypertrophiée à l'endroit présentant le plus grand aplatissement de la moelle,
on constate un tissu granuleux ainsi qu'une masse caséïnée tuberculeuse qui
comprime le plus la moelle du côté de la partie postérieure de la zone péri-
phérique du faisceau latéral gauche.
L'examen microscopique constate déjà à la hauteur du 4e segment cervical
une transparence sous forme de filament dans la moitié gauche des faisceaux
postérieurs entre le faisceau de Goll et celui de Burdach. On constate également
dans la moitié droite des faisceaux postérieurs une transparence de développe-
ment identique et localisée au même endroit. Dans les endroits transparents vus
sur les pièces colorées par la méthode de v. Gieson, on aperçoit beaucoup de
ce que l'on appelle « rondelles solaires » complètement dépourvues de myéline,
mais ayant conservé leurs cylindraxes. Ces fibres sans gaine myéiiuique aug-
mentent vers la périphérie. La commissure antérieure est normale, la posté-
rieure contient par-ci par-là des corpuscules amylacés que l'on aperçoit égale-
ment isolés dans les faisceaux antérieurs, antéro-latéraux et postérieurs. Les es-
paces périvasculaires sont un peu élargis dans la substauce grise. Au niveau du
5" segment cervical, la transparence commence dans la moitié gauche des
faisceaux postérieurs, sur le devant un peu plus bas et sous forme de croissant,
elle se dirige vers le lieu d'entrée de la racine postérieure gauche ; à droite
la transparence se trouve dans les limites sus-indiquées. Toutefois la compa-
raison avec les autres faisceaux démontre que déjà tout le champ des faisceaux
postérieurs est un peu transparent (à part quelques endroits avoisinant la
substance grise). Dans les racines postérieures des deux côtés, à l'endroit où
elles pénètrent du dehors dans les faisceaux postérieurs, on constate l'absence
des fibres nerveuses isolées. Le faisceau de Goll dans sa partie postérieure
présente une augmentation de névroglie ainsi que des cellules de Deiters isolées.
Les vaisseaux et les espaces périvasculaires sont dilatés. Les cellules nerveuses
des cornes antérieure et postérieure sont normales, pour la plupart remplies
de pigment. Sur les pièces préparées d'après la méthode de Marchi, on ne voit
pas trace de granulations noires. Au niveau du 6e segment cervical, la trans-
parence des fibres apparaît surtout dans la zone périphérique des faisceaux
postérieurs, là où pénètrent les racines postérieures, et puis dans les limites
indiquées ci-dessus surtout à gauche. Au niveau du 7e segment cervical, les
lésions sont encore plus visibles au microscope. La corne antérieure droite est
aplatie, la commissure antérieure à peiue indiquée, le réseau des fibres myé-
400 ROTSTADT
liniques dans les racines antérieures est raréfié. Le nombre des cellules dans
toutes les cornes est quelque peu diminué, quelques-unes s'atrophient, d'autres
sont malformées, comme ridées, souvent dépourvues de cylindraxes, gonflées,
avec noyau excentrique également déformé. Beaucoup de mailles vides appa-
raissent le long de la base des racines postérieures, dans la zone radiculaire et
dans la partie postérieure du faisceau de Burdach. On constate une certaine
raréfaction dans les voies'latérales, dans le voisinage de la substance grise,
surtout à droite, ainsi que dans ces voies antérieures et antéro-latérales. Beau-
coup de mailles vides apparaissent en certains endroits, dans les environs de
la fissure antérieure et dans la moitié postérieure de la zone périphérique des
faisceaux latéraux. Dans les racines antérieures on constate des symptômes
de dégénérescence des fibres myéliniques moins prononcée du côté droit ; dans
les racines postérieures, les lésions sont encore plus fortes sans que le cas
pathologique ait un caractère de processus nouveau ; les faisceaux internes
des racines postérieures sont plus dégénérés, les externes moins.
En allant vers le 80 segment cervical et à son niveau même, les lésions sus-
indiquées augmentent encore ; les racines postérieures, la gauche surtout, per-
dent leur structure normale, ainsi que la racine gauche antérieure ; elles sont
en effet presque tout à fait démyélinisées ; par contre la droite antérieure est
bien conservée. La transparence frappe aussi le centre des faisceaux posté-
rieurs. Aussi bien dans les racines lésées que dans la substance médullaire, il
y a augmentation des tissus névrogliques. La substance grise des cornes a une
teinte très pâle et le réseau des fibres des racines antérieures et postérieures
est considérablement appauvri Pas trace de dégénérescence secondaire à ca-
ractère défini. Les pièces préparées d'après la méthode de Marchi indiquent peu
de masses dégénérées ; on en constate davantage dans la région correspondant
aux racines postérieures. La substance grise se trouve parsemée des deux
côtés d'une poussière noire sans que l'on y aperçoive des masses dégénérées,
ce qui prouve que le processus pathologique n'est pas récent.
En approchant du 1er segment dorsal, les lésions indiquées plus haut dimi-
nuent pour disparaître complètement à son niveau. Pour compléter les des-
criptions de lésions ci-dessus indiquées, il faut appuyer sur fait qu'il n'y a
pas eu de symptômes inflammatoires : ils manquent également à l'endroit direc-
tement comprimé par l'accroissement excessif de la dure-mère a insi que dans
les parcelles de la moelle les plus proches dans la direction descendante et as-
cendante ; nous n'avons remarqué nulle part la moindre trace d'infiltration cel-
lulaire dans la moelle. Ainsi donc les lésions constatées à l'endroit de l'aplatis-
sement maximum de la moelle sont en relation d'une part avec la compression,
c'est-à-dire avec un facteur mécanique causé par la matière caséinée tuberculeuse
sur la dure-mère hypertrophiée ; d'autre part la pression exercée provoquant
une circulation irrégulière du sang, de la lymphe, du liquide céphalo-rachidien
dans les veines méningées et les espaces lymphatiques, cette pression expli-
que également les lésions dont il s'agit. Il faut aussi admettre la possibilité
d'une action exercée sur le processus pathologique par des substances toxiques
produites par la décomposition des masses tuberculeuses dans les vertèbres
CARIE DES VERTÈBRES 401 l
et la dure-mère. Il est bien difficile de se prononcer définitivement pour dé-
cider lequel de ces facteurs a été prépondérant.Toutefois l'absence presque com-
plète de dégénérescences secondaires bien qualifiées dans la direction ascen-
dante ou descendante ainsi que les oscillations fréquentes dans le cours de la
maladie, tout cela ferait supposer qu'il s'agit plutôt d'une influence prépon-
dérante de l'oedème de la substance nerveuse et des troubles circulatoires. Il
y a lieu de souligner le fait que malgré la forte compression de la moelle (voir
le dessin), les changements anatomiques ont été en général bien modérés, ne
comprenant presque exclusivement que l'endroit comprimé et consistant avant
tout dans la démyélinisation des fibres, la dilatation des vaisseaux, des espa-
ces périvasculaires et péri-ce Ilulaires est dans une prolifération légère de la
névroglie. Les cylindraxes étaient gonflés et souvent excentriques, sans toute-
fois être jamais atteints par la dégenérescence proprement dite ; il n'y avait
pas non plus de foyers de ramollissement ou d'hémorragie ; la substance grise
était relativement indemne. Les méninges molles ne présentaient nulle part
de trace de foyers tuberculeux provenant de la surface extérieure de la dure-
mère ; ce fait explique pourquoi la moelle épinière est restée intacte sous ce
rapport. Les données fournies par l'étude microscopique démontrent jusqu'à
un certain point ce fait que si du vivant du sujet le tableau clinique peut don-
ner des symptômes très caractéristiques de la compression médullaire, l'au-
topsie par contre peut ne pas découvrir de changements plus profonds, ni
même des symptômes de lésion mécanique de la moelle. La meilleure preuve
de cette susceptibilité plastique extraordinaire et de cette résistance de la
moelle à la compression est fournie par les expériences faites sur les animaux
d'une part, et de l'autre les cas de tumeurs médullaires opérées ou une fois
la tumeur éloignée, au bout d'un temps plus ou moins long, la capacité motile
des extrémités lésées commence à revenir et l'on voit s'affermir graduelle-
ment la jonction normale des vois sensibles comprimées.
Si nous mettons en parallèle les changements histo-pathologiques avec
le tableau clinique dans sa marche initiale et dans sa période de dévelop-
pement consécutif, nous arriverons facilement à expliquer tous les symp-
tômes de la maladie. Les altérations de dégénérescence et d'atrophie dans
les cellules de la corne antérieure gauche au niveau du 7e et du 8° segment
cervical conjointement avec la démyélinisation presque complète des raci-
nes antérieures suffisent à expliquer l'atrophie de petits muscles de la
main gauche avec réaction partielle ou totale de dégénérescence, ainsi que
l'affaiblissement des fonctions de ces muscles de la main et de l'avant-bras
gauche. La compression transversale de la moelle cervicale inférieure a
provoqué l'interruption totale ou partielle dans la conductibilité nerveuse
des voies sensitives et motrices amenant, par suite des phénomènes spasti-
xxv 21
402 ' ROTSTADT
ques transitoires, des troubles de la sensibilité à limite circulaire comme
cela a lieu généralement dans les affections transversales de la moelle. Au
début, il n'y avait que des troubles de la sensibilité à la douleur (Voir
sch. I), au chaud et au froid, mais à mesure que la dure-mère s'hypertro-
phiait et que les masses tuberculeuses caséinées augmentaient, l'analgésie
devint complète et les voies de la sensibilité tactile se trouvèrent égale-
ment soumises à la compression. Les troubles des sphincters sont un phé-
nomène habituel et apparaissent de bonne heure (surtout la constipation)
lors de la compression de la moelle épinière. Parmi les autres symptômes,
il y a lieu de mentionner spécialement l'apparition à une période avancée
de la maladie d'un abcès froid au côté gauche du cou, ce qui resta cepen-
dant sans effet sur le cours de la maladie et sur les phénomènes de com-
pression. Si nous représentons l'ensemble des symptômes cliniques obser-
vés lors du passage du malade à l'hôpital, il nous faut reconnaître que cet
abcès froid était le premier et l'unique indice pouvant suggérer l'idée que
l'action compressive dépendait d'une affection tuberculeuse des vertèbres
cervicales ou bien d'une pachymeningitis hypertrophica externa. Il man-
quait dans notre cas non seulement le signe visible de la déformation de
la colonne vertébrale (bosse), mais encore tous les autres indices de la
lésion, comme raideur du cou, douleurs dans les mouvements actifs ou
passifs de la tête, de la ceinture scapulaire et pendant la pression de la
partie cervico-dorsale de la colonne vertébrale. Encore plus caractéris-
tique et extraordinaire était dans le cas présent l'absence des douleurs dans
la première période de la maladie, ce qui ne permettait pas de croire au
développement du mal de Pott. Ce n'est que six semaines après l'entrée du
malade à l'hôpital que les douleurs apparurent dans les membres et dans
le tronc pour persister en augmentant toujours jusqu'à la mort. Pourtant
dans le mal de Pott, les douleurs doivent être considérées comme un des
premiers symptômes de compression; ce fait a été observé par de nom-
breux neurologistes, surtout chez les adultes ou les vieillards atteints de
tuberculose vertébrale. Sur 15 observations cliniques d'Alquier, vérifiées
ensuite par l'autopsie, les douleurs n'ont fait défaut dans aucun cas ; au
contraire, les douleurs ont été toujours le premier messager parfois très
trompeur du développement d'une action compressive. La même observa-
tion avait été faite auparavant par Fickler et citée par lui dans sa mono-
graphie sur le mal de Pott : dans 14 cas, les douleurs d'intensités et d'as-
pects les plus divers ont été le premier symptôme de la maladie. Dans
son travail sur les principales formes du mal de Pott sans gibbosité, Alquier
souligne justement le rôle important des douleurs dans la première période
de la maladie pour arriver à la diagnostiquer ; elles peuvent pendant long-
temps être le seul symptôme de l'affection et apparaissent sous des formes
CARIE DES VERTÈBRES 403
variées, quoiqu'elles aient le plus souvent le caractère de douleurs radicu-
laires ; parfois elles présentent les symptômes de névralgies ; dans ce cas
leur nature et leur cause peuvent donner lieu à une fausse interprétation.
Parmi les observations récentes, mentionnons le cas cité par d'Ascenzi et
pareil au nôtre (également sans gibbosité) ; là encore des douleurs dans
tout le thorax et surtout dans la région de l'omoplate gauche, durant nuit
et jour, ont été le premier symptôme maladif. L'apparition tardive des
douleurs dans notre cas a été précédée de paresthésies fréquentes et dou-
loureuses, de chaleur, de fourmillements et contractions comme symptômes
subjectifs des troubles de la sensibilité qui accompagnent ordinairement
les douleurs et qui sont l'expression d'une excitation des racines posté-
rieures et des voies sensitives.
L'absence de douleurs dans la première période de la maladie conjointe-
ment avec l'absence continue de gibbosité, ont mis en évidence dans l'ob-
servation clinique des symptômes tels que l'atrophie des muscles de la
main gauche du type Aran-Duchenneetdes troubles de la sensibilité sous
la forme de dissociation ; l'ensemble de ces symptômes pouvait facilement
faire naître la supposition qu'il s'agissait de syringomyélie. La dissocia-
tion de la sensibilité s'est montrée une fois encore un symptôme trompeur
ce qui a été constaté souvent dans les processus de compréssion de la
moelle est surtout au cours du mal de Pott ; ce sont surtout les auteurs
français qui ont attiré l'attention sur l'apparence trompeuse de ce phé-
nomène. Alquier par exemple mentionne un cas très rapproché du nôtre
gibbosité peu apparente) et prouvant combien insuffisant et incertain est
le symptôme de la dissociation de la sensibilité pour diagnostiquer la sy-
rinbomyélie. Une malade âgée de 55 ans souffrait depuis longtemps de
douleurs aigues à la nuque et aux mains suivies d'un affaiblissement nota-
table des membres supérieurs et d'atrophie des muscles du type Aran-Du-
chenne, les réflexes tendineux et périostaux des membres supérieurs fai-
blirent, les membres inférieurs ont présenté des phénomènes spastiques
avec exagération des réflexes. L'observation de la sensibilité présenta la
dissociation typique ; à l'autopsie on constata le mal de Pott avec carie des
6" et 7° vertèbres cervicales.
Dans le cas d'Ascenzi, un vieillard de 68 ans sans gibbosité se plaintde
douleurs ; successivement apparaissent les paresthésies et la paralysie
flasque des membres inférieurs. L'observation de la sensibilité découvre
également la dissociation aux membres inférieurs. L'autopsie ne constate
pas la syringomyélie, mais bien une tuberculose caractérisée des 2e et 3e
vertèbres dorsales et des phénomènes d'hypertrophie inflammatoire de la
dure-mère de même origine et au même endroit.
Si nous résumons ce qui a été dit plus haut, nous devons conclure que
404 4 ROTSTADT
le diagnostic du mal de Pott sans gibbosité chez un vieillard était dans no-
tre cas, au cours de la première période de l'affection, impossible à poser.
Dans le cours subséquent de la maladie, alors que le tableau clinique
pouvait suggérer l'idée d'un processus comprimant dant l'action s'effec-
tuait dans le sens transversal de la moelle, le seul indice de la carie des
vertèbres était l'abcès froid. Si la mort prématurée du malade n'avait pas
interrompu les observations, cet abcès froid aurait permis probablement
d'aboutir à un diagnostic adéquat.
BIBLIOGRAPHIE.
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2. ALQon.K. Quinze autopsies de mal de Poil chez l'adulte. Nouv. Icon., 1906,
t. XIX.
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gibbosité. Nouv. Icon., t. XIX.
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bei Wirbelcaries. D. Z. f. Ner., 1900, XVI.
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8. ScEiMAND. Vorle Sungen liber die patholog. Anatom, des Ruckenmarks, 1901.
OSTÉO-ARTHRITE CHRONIQUE DU RACHIS
COMPRESSION RADICO-MÉDULLAIRE
INVERSION BILATÉRALE DU RÉFLEXE DU RADIUS
PAR
C. PASTINE
(Assistant à la Clinique Médicale du Pr. E. Alaregliano, à Gênes)
Le cas que nous publions présente plusieurs caractères cliniques et ana-
tomiques intéressants, autant qu'on peut juger pour ces derniers par l'exa-
men radiographique. C'est une forme mixte, croyons-nous, de spondylose
ankylosante et d'arthrite déformante, dans laquelle on trouve, parmi les
symptômes décompression radico-médullaire, l'inversion bilatérale du ré-
flexe du radius, que Babinski a signalée dans une communication faite il
la Société médicale des hôpitaux de Paris, le 14 octobre 1910.
Voici, brièvement, l'observation :
D. Monteverde, 48 ans, paysan.
Antécédents héréditaires. Le père aurait souffert de rhumatisme articu-
laire et mourut à 69 ans d'une affection cardiaque. La mère aurait souffert
longtemps de maux de tête (migraine ? ) et mourut à l'âge de 58 ans, quelques
jours après une chute. Le malade eut 4 frères et 2 soeurs, une desquelles est
morte. Un de ses frères souffrirait également de rhumatisme.
Antécédents personnels. Rien à noter. Il n'a pas eu la syphilis, il n'est
ni buveur, ni fumeur. Il s'est marié à l'âge de 30 ans. Sa femme, qui vit
encore, eut deux avortements (première et cinquième grossesses) ; un fils est
mort à l'âge de 4 mois ; 2 garçons et 3 filles sont vivants et bien portants.
Histoire de la maladie. Il y a environ un ans il était tourmenté la nuit,
pendant une ou deux heures, par des fourmillements tenaces aux mains. Mais
cela ne dura que peu de temps. Plusieurs mois après, il s'est aperçu que ses
jambes et ses bras, surtout du côté droit, commençaient à s'affaiblir. La fai-
blesse, légère d'abord, alla en augmentant et puis elle est restée stationnaire,
telle qu'elle est aujourd'hui, à peu près. Un mois après ce début, à la faiblesse
s'est jointe une constriction assez forte au niveau de la région lombo-sacrée,
qui s'étendait latéralement, à la région hypogastrique, à la région périnéale,
aux membres inférieurs (sensation de rigidité dans ces derniers ? ). En outre il
devenait impuissant (absence d'érection) et de temps en temps il avait comme
une sensation de clialeur dans tout le corps ; quelquefois cette sensation, plus
gênante que d'habitude, se bornait au côté gauche du tronc, au flanc.
406 PAST1NE
Plus tard, ses membres du côté droit ont commencé à trembler, mais seule-
ment à l'occasion des mouvements, de la marche, après une fatigue.
Les trois doigts internes (III, IV, V) de sa main gauche et la région anté-
rieure de la plante des pieds se sont engourdis.
Il ne s'est jamais plaint de douleurs et il n'a jamais eu aucun trouble des
sphincters. Maintenant il est obligé de se servir de lunettes pour lire. Ce
trouble date de l'année dernière.
Le malade est entré dans la Clinique médicale de Gênes, section du Profes-
seur Barlocco, le 2 du mois de mai. Depuis son entrée jusqu'à la fin de juin,
époque de sa sortie, nous n'avons observé ni amélioration ni aggravation.
Etat actuel. C'est un homme bien musclé, à la peau plutôt brune, qui
mesure 1 m. 60, qui pèse 60 kilogr. 1/2 (avant pesait 63 kilogr.).
Il n'y a rien d'anormal du côté du coeur, des poumons et des autres viscères.
La pression maxima au Pacbon est 160, celle minima 120.
Pas de céphalée. Les pupilles ne sont pas parfaitement égales : la pupille
droite paraît un peu plus grande. Les réflexes à la lumière, et à la distance
sont normaux. En variant les conditions de lumière on remarque une vive,
soudaine mobilité des pupilles qui changent transitoirement même de forme.
Les yeux sont enfoncés, l'espace libre entre les paupières n'est pas grand,
mais le malade nous dit qu'ils ont toujours été comme ça et il n'a pas de pho-
tographie à nous donner.
Les mouvements des yeux sont parfaits. L'examen du fond de l'oeil, prati-
qué par l'ophtalmologiste professeur Grignolo, ne révèle aucune altération. Le
visus et le champ visuel sont normaux. Il existe une légère hypermétro-
pie : 0.25
Il n'y a aucun symptôme traduisant une lésion quelconque des nerfs crâ-
niens. Les mouvements de la tête et du cou sont libres et ils ne causent au-
cune douleur. ,
Démarche. Le malade ne fauche pas. Les pieds sont un peu plus écartés
que normalement, celui du côté droit est beaucoup moins soulevé que l'au-
tre, le pas est court, la progression se fait avec quelque difficulté.
La force est à peine diminuée aux membres du côté gauche, beaucoup plus
h. ceux du côté droit, et pour le membre supérieur c'est surtout la flexion de
l'avant-bras sur le bras qui est moins énergique, Les mouvements volontaires
de ce même côté sont souveut troublés par la trépidation ; ceux des trois doigts
internes de la main gauche sont quelque peu gênés par l'engourdissement.
Au repos la trépidation ne se produit pas, mais on voit dans les muscles
des épaules, du bras et de l'avant-bras du côté droit des contractions fibrillai-
res.
Il n'y a pas de mouvements involontaires des membres et les réflexes cuta-
nés de défense ne sont nullement exagérés. '
Réflexes. Membre supérieur gauche. Position de ce membre pour l'exa-
men : l'avant-bras est fléchi presque à angle droit sur le bras, la main de l'exa-
minateur est prise dans la main du malade, qui est légèrement fléchie dans ses
doigts, mais sans effort, et se trouve en demi-pronation.
OSTÉO-ARTHRITE CHRONIQUE DU RACHIS 407
a) En percutant sur l'apophyse styloïde du radius, ou mieux encore un peu
au-dessus de cette apophyse, sur l'extrémité inférieur de cet os, il ne se pro-
duit aucune flexion de l'avant-bras sur le bras, mais une très nette flexion des
doigts, que l'examinateur sent aussi, comme un serrement très sensible de sa
main. C'est l'inversion du réflexe du radius, récemment signalée par Babinski.
Le biceps et le long supinateur ne se contractent pas, mais presque toujours
on voit une contraction partielle et'minime des radiaux et d'autres muscles
voisins, qui ne donne aucun mouvement appréciable.
b) En percutant sur l'apophyse styloïde du cubitus ou sur l'extrémité infé-
rieure de cet os, on obtient encore la même flexion des doigts, sans flexion de
l'avant-bras, mais associée à un mouvement de pronation de la main.
c) Si, maintenant, l'avant-bras étant toujours fléchi sur le bras, mais la
rnain tombante en pronation complète, on percute un peu fort sur la région
supérieure de la face dorsale de l'avant-bras, sur le muscle extenseur commun
des doigts, on obtient un mouvement d'extension de la main et de flexion des
doigts ; en descendant graduellement, jusque vers la moitié de l'avant-bras on
obtient la même chose, au-dessous de celle-ci jusqu'à toute la région métacar-
pienne, on provoque la seule flexion des doigts. L'extension de la main et des
doigts, on peut seulement l'avoir en percutant très doucement en haut sur le
muscle extenseur commun.
Le réflexe du biceps est très vif. ,
Membre supérieur droit a) En plaçant les segments du membre dans la
première position décrite et en percutant sur les points indiqués pour la re-
cherche du réflexe ostéo-radial, il se produit toujours la même inversion. Ici
le mouvement est plus fort, plus brusque que du côté gauche. Quelquefois la
percussion donne lieu à une légère contraction partielle, non seulement des
radiaux et des muscles voisins, mais aussi du long supinateur, sans que cela
entraîne pourtant une flexion appréciable de l'avant-bras.
b) Le mouvement de flexion des doigts est plus énergique quand la percus-
sion porte sur l'apophyse styloïde ou sur l'extrémité inférieure du cubitus, et
il est alors associé au mouvement de pronation de la main.
c) En percutant sur la face dorsale de l'avant-bras, tout le long de la ligne
médiane, on a les mêmes résultats que du côté gauche, mais d'une façon en-
core plus nette. Même en percutant très doucement en haut, sur le muscle
extenseur commun, les doigts se fléchissent plus ou moins toujours.
d) Si, enfin, la main étant toujours tombante en pronation complète, on
percute sur la face dorsale de l'apophyse styloïde du radius, on obtient pres-
que constamment un léger soulèvement de la main (action des radiaux), seul
ou associé à la flexion des doigts. '.
Le réflexe du triceps est encore plus vif, plus brusque que du côté gauche.
On provoque toujours l'extension de l'avant-bras; même envariant un peu le
point de la percussion. ?
Pour la recherche de tous ces réflexes du membre supérieur droit il faut pren-
dre encore quelque précaution, le laisser en état de repos, le faire appuyer
408 PASTtNR *
du coude sur le lit, le tenir avec la main, etc., puisque en faisant durer quel-
que peu l'examen il se produit facilement de la trépidation.
Membres inférieurs. Les réflexes rotuliens et achilléens sont très vifs des
deux côtés, plus brusques à droite. De ce même côté on provoque de temps en
temps le clonus de la rotule et presque constamment le clonus du pied, vrai et
parfait.
En chatouillant la plante du pied droit, surtout dans son bord externe, on
obtient, mais pas toujours, l'extension du gros orteil (signe de Babinski) ; au
pied gauche on n'a ni extension ni flexion, généralement.
A droite, il existe aussi le signe de MenJei-Bechterew et il est plus évident
quand on percute sur le bord externe du Ve métatarsal.
Par les manoeuvres d'Oppenheim et de Gordon on obtient quelquefois l'ex-
tension du gros orteil, mais toujours associée à d'autres mouvements des orteils,
du pied, de la jambe.
Le signe de Marie-Foix est positif quand la manoeuvre, flexion forcée des
orteils sur le métacarpe, quoique faite avec les précautions données, devient
douloureuse. Les réflexes cutanés abdominaux et crémastériens sont conservés.
Tronc. On ne remarque aucune asymétrie, aucune déviation du rachis.
Le malade s'assied sur son lit très facilement. Etant debout, il peut se pen-
cher et ramasser un objet placé devant ses pieds : le mouvement de la colonne
vertébrale paraît tout à fait libre, normal. On peut dire la même chose quand
le malade se courbe sur un côté. En arrière, on dirait il peine que le tronc se
voûte moins bien, surtout en bas. Pendant tous ces mouvements, il n'accuse
jamais aucune douleur.
Il n'y a pas d'amyotropbie, nulle part, pas d'autres troubles trophiques, pas
de troubles sphinctériens. L'impuissance sexuelle persiste.
Sensibilité. Le malade se plaint toujours de la sensation de constrictiou
déjà signalée, qui néanmoins n'existerait pas quand il est couché au lit, dans
l'état de repos absolu. Du reste, pas de douleurs, ni aux membres ni au tronc.
Toute sensibilité objective est conservée dans le domaine des nerfs crâniens
et dans les différentes régions du cou.
Aux membres supérieurs, il existe une très faible, minime diminution de
la sensibilité superficielle (tact, douleur, chaleur) dans la moitié externe du
bras et de l'avant-bras. Le sujet ne se trompe presque jamais pour le froid et
le chaud, surtout si l'eau est très, chaude ou glacée, mais il les perçoit moins
bien dans les régions indiquées. Une semblable diminution, toujours très faible,
existe en arrière au niveau de la région lombo-sacrée et en avant sur la face
antérieure des cuisses et des jambes. Ici, on dirait qu'elle est plus manifeste
à gauche. Dans les régions postérieurs des membres inférieurs et dans le
périnée, la sensibilité superficielle semble conservée. Elle l'est encore mieux
dans la région des fesses.
La discrimination tactile (compas de Weber) est fort diminuée dans la moitié
interne de la main gauche et dans les trois doigts correspondants engourdis.
Le sujet ne distingue pas les deux pointes il 2 centimètres et commet des erreurs
il 3-5 centimètres.
OSTÉOARTHRITE CHRONIQUE DU RACHIS
(Pastille) .
I. - Région cervicale, projection antéro-postérieure ; grossissement et irrégularité de contour des apophyses latérales ou articulaires.
Les corps des vertèbres et les disques intervertébraux semblent normaux. ^ ^ ^ ^^
OSTÉO-ARTHRITE CHRONIQUE DU RACHIS 409
Dans tous les autres doigts des deux mains, cette sensibilité n'est.pas non
plus parfaite. Pour éviter les erreurs, il faut un écartement de 1 centimètre sur
les dernières phalanges, de 2 centimètres sur les premières.
Le sens des attitudes est conservé, ainsi que la sensibilité à la pression.
Les vibrations du diapason sont perçues faiblement sur les os des doigts
engourdis de la main gauche, sur les rotules, sur les tibias, sur les malléoles
et sur les os du pied gauche, et elles sont perçues seulement comme contact
sur les os du pied droit.
La perception stéréognoslique est conservée, mais elle est assez lente, à
gauche bien plus qu'à droite, et surtout dans sa reconnaissance secondaire.
On ne voit pas de troubles vaso-moteurs. ,
Urine. L'examen n'a révélé ni sucre ni albumine.
Examen du liquide céphalo-rachidien. Pression minime (liquide sortant
par gouttes), aspect normal, densité 1005. Albumine (globuline) légèrement
augmentée ; chlore : 2.94 0/00 ; glucose : absence.
Examen microscopique : à peine quelque lymphocyte par millimètre cube
à la cellule de Nageotte.
Réaction de Wassermann. - Négative dans le sang et dans le liquide
céphalo-rachidien.
Réaction à la tuberculine. Négative à un demi, à 1 et à 2 milligrammes.
Examen électrique. On n'a qu'à noter une légère hyper-excitabilité
faradique et galvanique des nerfs et de presque tous les muscles du bras et de
l'avant-bras du côté droit. Aucune diminution appréciable, nulle part.
Examen radiographique de la colonne vertébrale. Région cervicale. a)
Projection antéro-postérieure (PI. LVII). Ou remarque un grossissement et une
irrégularité de contour des apophyses latérales ou articulaires, surtout de
la IIIe à la VIe vertèbre. Les corps des vertèbres et des disques intervertébraux
semblent normaux.
b) Projection latérale (PI. LVII). On remarque seulement quelque irrégu-
larité de contour du bord antérieur des corps vertébraux, surtout au niveau
de la IVe vertèbre.
Région dorsale. - Aspect normal.
Région lombaire. - Projection antéro-postérieure (PI. LVIII). A gauche, on
voit des néoformations osseuses qui partent de l'extrémité latérale du bord infé-
rieur des corps vertébraux (I, II, III) et se dirigent en bas jusqu'à contact du
corps des vertèbres sous-jacentes. Ce sont comme des ponts osseux de conjonc-
tion entre une vertèbre et l'autre ; le plus développé appartient à la IIe vertèbre.
A droite, on a des néo-ossifications à peu près du même type, mais beaucoup
moins développées, qui partent de l'extrémité latérale du bord supérieur ou
inférieur des corps vertébraux. Ce sont comme des éperons osseux, le plus
gros desquels appartient à la IVe vertèbre et se dirige en haut.
La portion centrale des corps des vertèbres et les disques intervertébraux
semblent normaux. Enfin, on peut encore noter dans cette région une très
légère déviation du rachis, à convexité droite.
Région lombo-sacrée. Entre la dernière vertèbre lombaire et le sacrum,
410 PASTINE
on distingue nn processus d'ossification et de soudure, diffus et irrégulier,
Le sacrum et le coccyx semblent normaux.
A propos du malade que nous avons observé, nous ne répéterons pas
l'histoire des maladies chroniques delà colonne vertébrale. Les travaux de
Strümpell, de Pierre Marie, de Bechterew et de beaucoup d'autres, après
eux, qui ont séparé du cadre du rhumatisme chronique de la colonne ver-
tébrale, des variétés cliniques et anatomiques indépendantes les unes des
autres, d'après les auteurs, sont trop connus. Une étude très détaillée,
clinique et histologique, a été récemment consacrée à cet argument parle
docteur Eldaroff (1), dans cette même revue. ,
A. Léri (2) a donné, ici aussi, dans d'autres revues, et dernièrement
dans le gros Traité de Neurologie de Lewandowsky, une très intéressante
différenciation clinique et anatomique entre la spondylose rhizomélique
de Pierre Marie et les autres affections similaires.
Mais malgré tant de travaux, l'accord des neurologistes à ce propos n'est
pas encore fait. -.
A côté de ceux qui séparent, et ils sont peut-être les plus nombreux,
existent ceux qui réunissent encore toutes les maladies chroniques verté-
brales sous les termes vagues de rhumatisme chronique, goutte, arthrite
déformante. C'est qu'ici, comme ailleurs, existent beaucoup de formes
mixtes, de formes de passage, qui troublent les diagnostics différentiels,
si précis et si justifiés soient-ils. '
Notre cas n'appartient pas à l'inflammation chronique ankylosante du
rachis et des articulations des hanches ou à la spondylose rhizomélique de
Pierre Marie, parce que les grandes articulations des racines des membres
ne sont pasatteintes, parceque les altérations osseuses de la région lombaire,
révélées par la radiographie (Pl. LVIII), ne sont pas propres à la spondy-
lose rhizomélique, où l'on constate une « ossification des ligaments, qui
se fait sur place, sans saillie, fibre par fibre, de façon presque absolument
régulière » (A. Léri).
Il n'appartient pas évidemment à la cyphose hérédo-traumatique, dé-
crite par Bechterew, par l'absence de l'hérédité et du traumatisme et par
l'aspect extérieur normal de la colonne vertébrale.
(1) N. Eldaroff, La spondylose rhizomélique entité morbide spéciale, Nouv. Icon.,
1911, n" 2 et 3. 1
(2) A. Léri, Pierre Marie et A. Léri, Nouv. Icon., 1906, n° 1 ; A. Léri, Diagnostic
clinique et anatomique des maladies tcn7tlosanEes de la colonne vertébrale,
Iteview of Neurology and Psychiatry, 1908.
. La Clinique, 1908, nos 40 et 41 ; llandbucla der Neurologie, LuwANDOwsKy, Berlin,19B,
II, p. 524. ,
Nouvelle Iconographie DE la SALPE'TRII : RE.
T. XXV. Pl. LVI11
III
OSTÉOARTHRITE CHRONIQUE DU RACHIS
(Pastille).
III. Région lombaire, projection antéro-postérieure ; à gauche, ponts osseux de conjonction entre une
vertèbre et l'autre ; à droite, éperons osseux.
OSTÉO-ARTHRITE CHRONIQUE DU RACHIS 411
Est-ce du rhumatisme vertébral chronique, une banale spondylose ?
Par ses antécédents héréditaires, comme on a déjà vu, ce cas pourrait
rentrer dans le grand cadre du neuro-arthritisme, mais ce particulier
étiologique à part, le malade n'a jamais souffert de rhumatisme articulaire,
il ne s'est jamais plaint de douleurs, ni des extrémités, ni du rachis.Ce
n'est pas donc la forme la plus commune, la forme la plus fréquente du
rhumatisme chronique, qui commence toujours par les petites articu-
lations des extrémités, surtout des mains et des pieds.
Pour la même raison, il n'appartient pas non plus à la maladie anl,ylo-
sante progressive et chronique de Raymond et de Berger (1).
Au point de vue anatomique, « ce qui domine dans le rhumatisme ver-
lébral chronique, c'est la saillie et l'irrégularité des néoformations os-
seuses ; elles empiètent sur les os, sur les cartilage, sur les ligaments,
sur toutes les parties péri-articulaires. L'extrême difformité du rachis
frappe à première vue. L'hyperossification est surtout marquée au niveau
de la région lombaire, et des saillies osseuses, irrégulières, des ostéophy-
tes, en sont la marque la plus caractéristique ; aussi le professeur Tissier
a justement proposé la dénomination de rhumatisme vertébral ostéophy-
tique » (Léri).
Mais ces altérations anatomiques,ces néo-ossifications saillantes, irrégu-
lières, n'existent pas dans tous les cas. Les corps vertébraux et les disques
intervertébraux peuvent être respectés. Et alors de l'arthrite déformante
on a séparé une variété simplement ankylosante, où l'altération principale
se trouve dans les apopyhses articulaires et dans les ligaments.
Fraenkel (2) appelle cette variété : Arthritis chronica attlckylopoetica
der Wirbelsaule.
Simmonds (3) l'appelle : Syndesmistis ossificans. Notre première radio-
graphie - région cervicale, projection antéro-postérieure nous mon-
tre que l'hyperossification est bornée aux apophyses latérales ou articu-
laires, comme ça été déjà dit, et que les corps des vertèbres et les disques
intervertébraux semblent normaux. Seulement a la surface antérieure
de quelque corps vertébral (PI. LVII) on observe quelque irrégu-
larité de contour. Est-ce une ossification initiale du grand ligament
antérieur commun, qu'on trouve généralement, dans l'arthrite vertébrale
déformante, irrégulièrement épaissi, moniliforme, surtout au niveau des
disques intervertébraux ? Nous ne pouvons pas être affirmatifs, car nous
ne pouvons juger que d'après les radiographies, mais nous rappelons que
tous les mouvements de la tête étaient parfaitement libres. Ce ne pourrait
(1) Bull. méd., 1905.
(2) (3) Lehrbuch der Nerven ICrankheiten, H. Oppennheim. Berlin, 1908, I, p. 337.
z12 CASTINE
être, par conséquent, qu'une ossification de ce ligament tout à fait au
début.
La radiographie de la région lombaire (Pl. LVIII) nous montre qu'ici
l'altération principale est donnée par des saillies osseuses régulières ou
éperons osseux et par des néo-ossifications beaucoup plus développées ou
ponts osseux de conjonction entre une vertèbre et l'autre. Le centre des
corps vertébraux et les disques intervertébraux semblent, dans cette
région aussi, respectés.
Il s'agit donc, nous semble-t-il, d'une forme particulière d'arthrite ver-
tébrale' chronique, sans aucune participation des grandes ou des petites
articulations des extrémités, sans participation de la région dorsale, avec
des caractères propres à la variété ankylosante et à la variété déformante.
D'autres caractères intéressants sont : l'absence absolue de douleurs, la
conservation presque parfaite delà motilité de la colonne vertébrale, les
symptômes de compression radico-médullaire.
Ces derniers ne sont pas la règle dans les ostéo-arthrites du racbis, mais
ils peuvent se présenter et être dus soit au rétrécissement des trous inter-
vertébraux, soit aux néoformations osseuses qui siègent ou font saillie à
l'intérieur, dans le canal rachidien.
Tout dernièrement encore, les docteurs PearceBailey et L.Casamajor (4 )
ont attiré l'attention sur l'importance de cette compression osseuse au
point de vue du diagnostic et du traitement, qui quelquefois peut être
chirurgical. Chez notre malade les symptômes d'une probable compression
osseuse sont : des troubles très légers de la sensibilité subjective et objec-
tive, à caractère radiculaire, l'inversion bilatérale du réflexe du radius
(signe de Babinski), la parésie spastique des quatre membres, beaucoup
plus accusée à droite, l'impuissance sexuelle. Nous avons déjà décrit en
détail tous ces symptômes et nous n'y revenons pas. Nous voulons seule-
ment ajouter qu'au premier examen du malade, le nouveau signe de
Babinski inversion du réflexe du radius dont les publications jus-
qu'ici parues ont confirmé la signification, lésion de CI ou C5.-C., nous a
été très précieux, puisqu'il a tout de suite dirigé nos recherches. Les
rayons de Roentgen (2), si souvent utiles au neurologiste, nous ont éclairé
sur la nature de la lésion que nous cherchions.
1
(1) PEARCE BAILEY ET L. CASAMAJOR, Ostéo-arlhrites du rachis en tant que cause de
compression de la moelle et de ses racines, The Journal of the Nervous and mental
Disease, 1911, vol. XXXVIII, n' f0.
Revue Neurologique, 1912, no 10, p. 691.
(2) Nous prions M. le Professeur V. Maragliano, radiologiste de la Clinique et de
l'hôpital, d'agréer tous nos remerciements.
NOUVELIE Iconographie DE la SALPÉIRIÈRE'
'I'. XXV. Pl. LIX
SPONDYLOSE RHIZOMÉLIQUE
(Coli/0).
Masson & Cie, éditeurs.
UN CAS DE SPONDYLOSE RHIZOMÉLIQUE
PAR
le Professeur CONTO,
de Rio de Janeiro.
Depuis que le Professeur Pierre Marie a appelé l'attention sur les états
de rigidité vertébrale avec ankylose des racines des membres, les obser-
vations s'en sont multipliées de telle sorte que leur étude, aujourd'hui,
pourrait peut-être dispenser de la publication de nouveaux faits. Nonobs-
tant, le cas que j'ai pu longtemps suivre est si curieux sous plusieurs
points de vue, que je l'enregistre ici, profitant de cette circonstance pour
évoquer encore une fois les controverses soulevées autour de ce sujet.
Observation (Pl. LIX). ,
lIIUe Az..., 66 ans.
Anamnèse. - La malade ne se souvient pas de ses aïeuls ; ses parents sont-
morts à un âge avancé, son père d'une maladie du coeur à 62 ans, et
sa mère à 54 ans d'une pneumonie. Ils ne souffraient pas de rhumatisme ni
d'aucune autre affection méritant mention. La malade a eu trois frères : un d'eux
est mort jeune d'une maladie aiguë, et les autres sont encore vivants (un
frère de 69 ans, goutteux depuis l'âge de 34 ans, et une soeur de 67 ans, rela-
tivement bien portante).
Histoire de la malade. Jusqu'à 15 ans elle a joui d'une santé parfaite.
A cet âge, tout à coup, sans cause appréciable, elle commença à souffrir de
fortes douleurs à la région lombaire ; elles se prolongeaient vers les fesses et
les cuisses, et ne lui permettaient pas de faire le moindre mouvement, car
alors, elles devenaient lancinantes et intolérables. Au bout de quelques jours,
ces douleurs s'étendirent aussi à la nuque et aux épaules, moins violentes que
les premières, mais toujours exagérées par les mouvements; de ces régions
elles ont bientôt disparu, pour rester cantonnées aux lombes, toujours atroces.
Quand, au bout de trois mois, environ, ces souffrances eurent cessé, la ma-
lade voulut se lever; elle était ankylosée des hanches, avec les cuisses fléchies
sur le bassin. Elle calcule que cet état est resté le même deux ans, pendant
lesquels les douleurs lombo-sacro-coccyaiennes revinrent une ou plusieurs
fois, mais jamais aussi intenses qu'auparavant.
Un jour des douleurs se présentent, avec les mêmes caractères que les an-
414 CONTO
ciennes, à la nuque, avec irradiations vers les épaules et les bras. Ce sont de
nouvelles souffrances qui persistent pendant plusieurs mois, et dont la ma-
lade sort finalement, mais avec une immobilité presque complète de la tête.
Quelque temps après l'épaule gauche est aussi prise et ses mouvements limi-
tés, - Dès le commencement, la malade s'était aperçue que, outre l'immobilité
des hanches et du cou, son épine dorsale s'inclinait eu avant, toujours davan-
tage.
1883. - Encore étudiant en médecine, je rencontrai cette malade; j'aurai
dès lors à l'accompagner jusqu'au terme de ses souffrances; elle avait à ce mo-
ment 38 ans d'âge et 23 ans de maladie.
Des cuisses au sommet de la tête; elle est comme constituée d'une seule
pièce. La tête, presque complètement immobile, conserve à peine la possibilité
d'une légère inclinaison de 2 à 3 centimètres dans le sens antéro-postérieur
ou latéral ; de la 5e vertèbre cervicale au sacrum, la lordose lombaire ayant
disparu, la rachis présente une courbure régulière, en arc de cercle ; les quatre
premières vertèbres cervicales, ankylosées, forment avec cet arc rachidien un
angle faiblement obtus ; les mouvements propres du rachis, flexion et exten-
sion, inclination latérale, rotation, sont abolis.
Les cuisses, en demi-flexion et demi-abduction forcées et permanentes sur
le bassin, peuvent encore, surtout la droite, faire de petites excursions dans le
sens de la flexion.
L'épaule gauche, repoussée en avant et demi-ankylosée, ne permet qu'un
court écart des bras et aucun mouvement d'élévation ; la main ne dépasse pas
l'épaule opposée ; l'épaule droite, les coudes, les mains, les genoux, les pieds
sont intacts et libres de leurs mouvements.
La malade a seulement un décubitus pour dormir : le latéral de l'un ou de l'au-
tre côté; elle est forcément repliée sur elle-même ; d'ailleurs, pendant la jour-
née, pour se reposer, elle préfère la réclination dorsale sur des coussins. Cou-
chée, si on la prend solidement par les cuisses, il est facile de la tourner et
retourner, d'une pièce, à gauche ou à droite. Pour se lever, elle s'appuie sur le
matelas par les mains et les talons, et se traîne jusqu'au bord du lit ; à ce
point elle bascule les jambes au dehors et, par un dernier effort, se lève. C'est
naturellement la série opposée de précautions qu'elle prend pour se coucher.
La malade marche difficilement, mais elle marche ; d'abord comme les cuis-
ses sont presque fixées en demi flexion, elle a besoin, pour maintenir l'équili-
bre vertical, de fléchir aussi les jambes ; d'autre part, comme c'est le membre
droit qui conserve le mieux les petits mouvements, c'est lui seul qui fait les
frais de la marche et le corps pour ainsi dire le suit, avec des inclinations
salutatoires rythmées de la tête.
Venue de l'intérieur pour se soigner à la capitale, et reçue par une famille
aussi pauvre qu'elle-même, la malade en vue de gagner quelque argent, fait de
la couture à la main ou à la machine à pied.
Sauf la torture de l'immobilité, la malade n'a pas, actuellement, d'autres
souffrances ; les moyennes et petites articulations sont exemptes ; il y a long-
UN CAS^DE SPONDYLOSE RH ! ZOMÉL1QUE 415
temps que toutes les douleurs ont disparu. Les fonctions organiques se font
bien, la menstruation est régulière. Réflexes patellaires abolis, réflexes super-
ficiels de l'abdomen conservés.
9 890. - La courbure du rachis est plus accentuée ; la distance verticale du
menton au plan supérieur des cuisses est de 28 centimètres. L'épaule droite
est douloureuse, sans enflure, mais avec des craquements, et ses mouvements
sont déjà restreints.
1898. - L'inflexion de la colonne a bien augmenté et elle se fait de telle
façon que l'épine du pubis se dirige vers le corps du sternum, dont elle
n'est séparée que par l'espace de 2 ou 3 centimètres. La courbure rachidienne
a la régularité d'un cercle de tonneau.
Invasion des articulations moyennes jusqu'ici épargnées, poignets, genoux ;
elles sont le siège de poussées de douleurs, sans phénomènes inflammatoires
appréciables, et qui disparaissent laissant la mobilité respective diminuée. La
malade ne marche plus.
1904 (Photographie;. - Entre le corps du sternum et l'épine pubienne
il n'y a la moindre solution de continuité ; au contraire, le pubis a remarqua-
blement enfoncé la paroi thoracique en arrière. Les épines iliaques supérieu-
res et inférieures sont en contact avec les côtes libres. La malade regarde ses
cuisses.
Les articulations des genoux et des coudes, ankylosées en demi-flexion, ne
consentent que de très petites excursions dans le sens même de la flexion ;
le peu de mobilité de la mâchoire rend la mastication difficile.
Les doigts se déforment sans suivre aucun des types classiques du rhumatis-
me progressif. Le médius, l'annulaire et le petit doigt des deux côtés sont en
flexion forcée, par les articulations métacarpo-phalangiennes, contre la paume
de la main ; l'index présente l'ankylose en demi-flexion de l'articulation méta-
carpo-phalangienne et l'extension forcée de l'articulation de la 4''8 avec la
2e phalange, la phalangine et la phalangette étant ankylosées en ligne droite ;
le doigt et le métacarpe correspondant forment un Z. Le médius et les pieds
sont intacts.
9908. - La pression réciproque du sternum et du pubis est encore plus
grande ; la malade est complètement pliée comme un portefeuille ; son menton
est venu se placer entre les cuisses, et comme l'ankylose de la tête est en ex-
tension, elle regarde ses genoux. La respiration est extrêmement pénible, car
avec l'immobilité inspiratoire du thorax coïncide une inexpansion de l'abdo-
men. L'administration de la nourriture exige une gymnastique spéciale ; la
mastication est impossible et la déglutition difficile.
Toutes les articulations sont plus ou moins ankylosées, sauf celles des deux
médius et des pieds. ,
Amaigrissement général, avec atrophie bien prononcée des masses sacro-
lombaires et des interosseux et moins des muscles des fesses et des bras. Sen-
sibilité parfaite.
9991. - La malade meurt en asystolie après les plus douloureuses souf-
frances. L'autopsie ne fut pas possible.
416 6 - CONTO
*
x t
Il y a principalement à retenir de cette observation :
I. Le fait qu'il s'agit d'un sujet du sexe féminin, ce qui constitue une
rareté clinique.
II. La longue durée de la maladie, qui a embrassé plus d'un demi-
siècle, depuis les 15 ans jusqu'aux 66 ans de la malade.
III. L'extrême courbure de la colonne vertébrale, telle que le pubis a
enfoncé le corps du sternum en arrière, et que les épines iliaques antérieu-
res et supérieures comprimaient fortement les fausses côtes. La malade pliée
en portefeuille présentait une attitude en point d'interrogation.
Prenant pour paradigme les schémas de M. Leri, on pourrait, en effet,
figurer de cette façon l'attitude dernière de la malade.
IV. L'évolution longuement progressive de la malade. Depuis qu'elle
a commencé, elle progresse toujours, elle s'accentue toujours, au contraire
de ce qu'on observe sur la plupart des malades, chez lesquels le processus
se développe pendant quelque temps et finalement s'arrête, laissant une
difformité définitive.
V. La division possible de celle évolution en deux périodes : dans
la première, d'une durée de 30 ans, environ, le processus se cantonne
dans le rachis et les articulations adjacentes, comme les cas purs de la
spondylose rhizomélique : dans la seconde, le processus envahit toutes les
articulations par un processus d'arthrite ankylosante progressive..
Le gérant : P. Bouchez.
lmp. J. Thevenot, Saint-Dizier (Haute-Marne)
TROIS CAS DE
TUMEURS DE L'ANGLE PONTO-CÉRÉBELLEU1
par
Egas MONIZ,
Professeur à la Faculté de Médecine de Lisbonne.
Des trois observations que nous publions, la première est la seule con-
firmée par l'autopsie. La tumeur a été diagnostiquée quinze mois avant t
la mort du malade; mais il ne s'est laissé opérer que dans la dernière
phase.
Les deux autres observations sont assez typiques pour qu'il n'y ait pas
de doute au point de vue du diagnostic.
Nous les publions ensemble comme contribution à l'étude des symp-
tômes des tumeurs de l'angle ponto-cérébelleux, question qui, en ce
moment, attire l'attention des neurologistes.
Observation I.
C. de S., 27 ans, employé de commerce.
Il est venu à la consultation externe des maladies nerveuses de Santa Mar-
tha le 28 février 1912.
Il a commencé à souffrir il y a deux ans. Moi-même, je l'ai observé il y a
neuf mois dans mon cabinet de consultation sur la maladie de laquelle il se
plaint et qui a commencé par une grande tristesse et une anorexie qui persiste
encore. Il y a un an et demi est apparu un certain déséquilibre dans la
marche.
Quand il se promenait avec ses amis il les heurtait involontairement. Un
jour de février 1911, au moment où il passait sur le trottoir d'une rue de Lis-
bonne, il a éprouvé une latéropulsion droite,^violente, qui l'a obligé, irrésisti-
blement, à traverser la rue, et il entrer par la porte d'un magasin, ne s'arrê-
tant que quand il s'est trouvé appuyé au comptoir. Il s'incline généralement il
droite dans ses manques d'équilibre ; mais ce n'est que, il y a quelques jours,
qu'il a eu une impulsion comparable à cille-là.
Il a eu des périodes de moindre déséquilibre et rarement il s'est senti en-
traîné à gauche. Quand il est obligé de se letourner. son déséquilibre est en-
core plus intense. Chez lui, il se désolieute facilement, ayant besoin de s'ap-
puyer aux meubles et aux murs pour ne pas tomber.
xxv 213
418 E M0N1Z
II e sent faible des jambes : la marche devient de plus en plus pénible et
hésitante. Il lui est impossible de monter ou de descendre les escaliers sans
s'appuyer, et il est incapable de monter ou de descendre d'un tramway sans
que celui-ci soit complètement arrêté. Et même dans ce cas il le fait avec un
grande difficulté.
Les vertiges, qui lui rendent la marche difficile, ne l'ont jamais fait tomber.
Ils surviennent également qu'il soit debout ou couché, et ils sont plus fré-
quents après les efforts et spécialement après le coït.
Il n'a jamais perdu connaissance.
Il a des céphalées depuis deux ans. Elles ont été constantes avec des recru-
descences et des périodes de repos relatif. Elles ont été déjà plus fortes qu'ac-
tuelles. Les efforts les augmentent et surtout le coït. Elles sont localisées dans
la région occipitale. Aujourd'hui il lPS trouve aussi fortes à droite qu'à gauche,
mais quand il est venu me consulter pour la première fois, au mois de juin de
l'année dernière, il disait qu'elles étaient plus fortes à droite.
Il perçoit un bruit incessant dans l'oreille droite, de laquelle il est entière-
ment sourd.
Au commencement de sa maladie il a souffert des fourmillements et picote-
ments du même côté. Il se plaint aussi d'une confusion à la tête, qu'il ne sait
pas préciser.
Il a eu des vomissements. Ils ont apparu il jeun et spécialement après le
coït ou après les vertiges. Aujourd'hui il n'a plus de vomissements. Les der-
niers ont disparu depuis quatre mois.
Il déclare qu'il n'a pas eu la syphilis. Il avoue seulement un chancre mou,
contracté il y a sept ans, et qui a guéri sans laisser de vestiges. Il n'a eu ni
chute des cheveux, ni taches sur la peau, ni plaques dans la bouche, ni gan-
glions appréciables.
Dernièrement, au cours des repas, les aliments restaient malgré lui davantage
du côté droit de la bouche que du côté opposé; il lui fallait souvent s'essuyer
les lèvres du côté droit à cause de la chute hors de la bouche de petits détritus
de nourriture.
Il a, parfois, des envies de dormir irrésistibles.
Il a maigri beaucoup.
Antécédents héréditaires . Il a eu un oncle tuberculeux. Rien de plus à
noter.
Antécédents personnels. - Il a eu la rougeole et la variole dans son en-
fance. Il a subi à 17 ans une amygdalotomie.
Observation actuelle. Marche. - Il marche avec la préoccupation constante
de suivre bien son chemin, ayant besoin de toute son attention pour arriver à
son but. Quand il se lève pour commencer sa marche, elle est plus hésitante et
ressemble à la marche, d'un ivrogne. On remarque, presque toujours, qu'il a,
dans sa marche, une déviation a droite ; mais ce n'est pas constant parce qu'il
s'efforce de se corriger. Quand il marche les yeux fermés la déviation à droite
est constante, aussi bien dans la marche en avant que dans la marche en
arrière.
Il y a ébauche de Romlmrg.
TROIS CAS DE TUMEURS DE L'ANGLE PO\TO-CÉHI : BELLEU1 Il 1 ! ) )
Quand le malade regarde en haut il ressent une impression désagréable à la
tête, perd l'équilibre ; il a des vertiges et de la céphalée.
En se soulevant sur la pointe des pieds il a peine à se maintenir, les yeux
ouverts ; il tombe ci droite les yeux fermés.
Il se maintient mieux en équilibre sur la jambe gauche que sur la jambe
droite. Quand il s'appuie sur celle-ci il perd rapidement son équilibre et tombe,
généralement, à droite. Les yeux fermés tout cela s'aggrave.
La marche sur un seul pied est difficile à gauche, impossible à droite.
La percussion de la tête détermine une douleur parfois plus prononcée à
droite. Dernièrement il lui semblait que la douleur était égale des deux côtés.
Il y a adiadococinésie dans le membre supérieur droit. Dans les membres in-
férieurs, soit de gauche, soit même de droite cette perturbation n'existe pas.
Il y a catalapsie cérébelleuse des jambes.
Il y a nystagmus spontané, horizontal, plus piononcé à droite.
Il présente un léger degré de lagophtalmie à droite. Qnand le malade ferme
les yeux lentement, l'oeil droit montre une petite fente qu'on continue à voir,
an premier moment de l'occlusion, et qui finit par disparaître.
Il n'y a pas de déviation oblique ovalaire de la bouche (Pitres).
Les divers mouvements du visage s'effectuent avec régularité des deux côtés.
Réflexes. Les pupillaires sont normaux' la lumière, l'accommodation et
la convergence. Le cornéen est aboli à droite, normal à gauche. Le massétérien
existe. Le pharyngien n'existe plus à droite et est seulement perceptible à
gauclie.
Les réflexes tricipitaux, radiaux, rotuliens et achilléens sont normaux.
Les abdominaux et crémastériens existent.
Les plantaires sont normaux : pas de Babinski.
Sensibilité. La sensibilité totale est diminuée dans toute la région du triju-
meau droit, mais la diminution est plus accentuée dans la région de l'ophtal-
mique.
La sensibilité des muqueuses conjonctivales, cornéennes, pituitaires, lin-
guales est diminuée à droite. La sensibilité du pharynx est également diminuée
à droite.
Les sensibilités musculaire, tendineuse, osseuse, articulaire, sont normales.
Sens stéréognostique parfait.
Vision. Il est myope. L'examen ophtalmologique a montré les fonds des
yeux normaux. L'observation a été faite le 26 février 1911 (DI' Borges de Sousa).
et dernièrement (Dr Eurico Lisbôa).
Audition. L'examen de l'ouïe a été fait par Der Roberto d'Almeida.
L'oreille externe et moyenne n'a rien d'anormal.
L'examen de l'oreille interne (épreuves acoumétriques) a donné les résultats
suivants :
420 É. MONIZ
^Nouvelle Iconographie de la SALl'E7RII : RE.
T. XXV. Pl. LX
Tumeur de l'angle PONTO-d : REBELLEUX
- (E. Ilaniz).
TROIS CAS DE TUMEURS DE L'ANGLE PONTO-CÉRÉBELLEUX 421
Le VIIIe nerf cranien est englobé dans la masse de la tumeur ; le VIIe est
aplati et adhérent à la tumeur; le Ve est aussi aplati et contourne la tumeur
dans sa partie antérieure ; les IXe. Xe et XI" comprimés, le VIe intact.
L'examen histologique de la tumeur montre que c'est un fibrome. Nous
donnons ci-jointe la microphotographie de la préparation histologique de la
tumeur, préparation faite par le premier assistant de neurologie, le Dr Antonio
Flores (PI. LX).
Observation II
B. C..., de 38 ans, couturière.
Elle est venue à la consultation externe des maladies nerveuses de l'Hôpital
Santa Martha le 29 mai 1912.
Il y a trois ans elle a commencé à sentir une impression désagréable à la
tête, qu'elle ne sait pas décrire, et une sensation de froid au front.
Les moindres bruits la gênaient. Quelques mois après, les impressions de la
tête se transformèrent en céphalées et la marche commença à être difficile et
hésitante. En même temps apparurent les vertiges. Les objets tournaient
autour d'elle sans qu'elle pût.préciser la direction de cette rotation.
Au commencement de cette période de marche difficile, quand elle se pro-
menait dans la rue, elle heurtait les personnes qui l'accompagnaient et sentait
(elle sent encore aujourd'hui) qu'elle tombait de préférence à droite.-
Elle se plaint de faiblesse et surtout du côté droit, le bras et la jambe,
mais cette faiblesse est plus prononcée à la jambe.
Il lui est difficile de coudre : l'aiguille lui tombe de la main et les ouvrages
qu'elle confectionne actuellement ne sont pas aussi parfaits qu'autrefois.
Aujourd'hui tout son travail se réduit à couper et il est même pénible pour
la malade.
Quand elle se retourne, l'équilibre lui manque. Elle descend avec difficulté
les escaliers et elle a besoin de bien s'appuyer à la rampe. Chez elle, elle est
même déjà tombée deux fois en se promenant de plain-pied. Son attitude est
défectueuse : elle a le corps penché à gauche.
Les céphalées sont plus prononcées au front et à la nuque, où elles apparais-
sent par accès. Elles sont accompagnées de bruits dans l'oreille droite. Elle avait
la sensation d'entendre le bruit des voitures ou celui de la pluie. L'audition a
commencé à diminuer de ce côté droit. Aujourd'hui elle y-est complètement
abolie.
Elle n'a jamais eu de vomissements. Elle dit qu'elle ne peut pas mâcher et
qu'elle ne peut pas avaler du côté droit. Elle s'étrangle facilement, en man-
geant, depuis un an. Quand elle boit, les liquides lui sortent par le nez.
Au commencement elle avait des insomnies, mais depuis un an elle souffre
du contraire.
Elle éprouve un besoin irrésistible de dormir, ce qui, quelquefois, l'oblige à
se coucher pendant la journée, contrairement à ses habitudes. Depuis quelque
temps l'assoupissement est si intense qu'elle voudrait être toujours au lit.
Elle ressent une grande fatigue.
422 E. MONIZ
Antécédents héréditaires. Mère hystérique. Père aveugle par kératite ( ? ).
Il n'y a pas de tuberculose dans la famille.
Antécédents personnels. Elle a souffert de névralgies à la face, côté
droit, et dans le thorax. Elles ont été, surtout, intenses il y a sept ans. Elles
ont passé avec l'usage de la morphine.
Observation actuelle. Marche hésitante d'ivrogne, avec déviation cons-
tante du chemin qu'elle veut suivre, déviation qui se produit ou à droite ou à
gauche.
Marche les yeux fermés en avant et en arrière avec hésitation, mais sans
prédilection de déviation pour aucun des côtés. Pas de Romberg.
Elle s'équilibre mal sur la jambe gauche et pis encore sur la droite. La mar-
che sur un seul pied est impossible.
Adiadococinésie des membres supérieur et inférieur droits.
Nystagmus bien prononcé, rotatoire, en regardant en face et horizontal en
regardant à gauche. La malade ne peut pas regarder à droite.
Facial paralysé à droite : lagophtalmie, déviation oblique ovalaire de la
bouche à gauche, signe du peaucier de Babinski.. "
Le VIe nerf droit est paralysé et le muscle droit interne de l'oeil gauche
semble être parésié : la malade présente un certain degré de déviation conju-
gué des deux yeux il gauche. Quand on la force à regarder à droite ou à faire
la convergence, le droit interne gauche fait des mouvements, mais ils sont t
moins intenses qu'ils ne devraient l'être.
Le voile du palais est paralysé à droite, la luette est écartée à gauche.
Réflexes. Les pupillaires sont normaux ; le cornéen existe à gauche, il
n'existe pas à droite ; les massétériens normaux ; le pharyngien droit aboli, le
gauche normal ; les radiaux et tricipitaux normaux; les abdominaux, les rotu-
liens et achilléens normaux ; les plantaires en flexion à droite, sans flexion à
gauche.
Sensibilité. Le trijumeau est pris à droite. La sensibilité sous toutes ses
formes est diminuée surtout aux zones de l'ophtalmique et du maxillaire supé-
rieur, moindre dans la région du maxillaire inférieur.
La sensibilité conjonctive, cornéenne, labiale et linguale est plus diminuée à
droite qu'il gauche. La sensibilité pharyngienne est aussi atteinte du même
côté. '
Vision. La malade se plaint d'une certaine diminution de vision. L'exa-
men du fond de l'oeil (Prof. Gama Pinto) montre une névrite optique double
peu prononcée. On devait faire un nouvel examen pour préciser la tuméfac-
tion des papilles, mais la malade, de difficile observation, est partie de Lis-
bonne sans s'y prêter.
Audition. Perte complète de l'audition à droite. Weber latéralisé à
gauche.
L'épreuve de la chaise tournante donne les résultats suivants : quand on
tourne la malade à droite (10 tours), le nystagmus s'exagère à gauche et quand
on la tourne à gauche, il diminue. La malade ne sent pas de vertiges pendant
ces épreuves. L'épreuve calorique ne donne aucun résultat appréciable.
TROIS CAS DE TUMEURS DE L'ANGLE rOM'O-CÉRÉBELLEUX 423
Odorat. - Normal.
Goût. N'existe pas il droite, et se présente diminué à gauche.
Vertige voltaïque de Babinski. Pôle positif à gauche, la tête tombe en
arrière entre 15 et 20 milliampères. Pôle positif droite, la tête ne commence
à tomber à droite qu'à 8 milliampères.
Le membre supérieur droit présente un certain tremblement. Quand on
oblige la malade à mettre le doigt de sa main droite sur son nez, le doigt os-
cille avant d'atteindre le but et continue à trembler après. On n'observe pas
ce phénomène il gauche.
La percussion de la tête ne montre pas une localisation des douleurs.
Ponction lombaire. Liquide sans pression. Pas de lymphocytes.
La malade a suivi un traitement par le mercure et par l'iodure sans aucun
résultat.
6 septembre 1912. La malade écrit de la ville où elle réside. Elle ne va
pas mieux. Les céphalées, les déséquilibres et tous les phénomènes observés
du côté droit, sont plus accentués qu'auparavant. Maintenant elle ne peut pas
se promener sans être accompagnée par une autre personne.
Je n'ai pas pu l'observer il nouveau.
Observation III.
J. C..., 34 ans, cordonnier. Il vient me consulter le 5 juin 1912.
Au mois d'avril 1911, le malade a obtenu, par concours, une place dans les
ateliers de l'armée.
Il a travaillé beaucoup pour ce concours. Un mois après, il a commencé à
avoir des céphalées qui étaient plus fortes au front. Quand il se penchait, les
douleurs devenaient plus intenses. Elles augmentaient aussi après le coït.
Il a eu des vomissements pendant deux ou trois mois. Ils ont apparu avec
les céphalées. Ils avaient lieu surtout quand le malade se levait.
Les céphalées ont diminué il y a cinq mois. Aujourd'hui elles apparaissent
seulement quand le malade se lève et il y a même des jours où il ne les ressent
pas.
Les vertiges ont apparu avec les céphalées. Il heurtait les personnes avec
qui il se promenait et quelquefois il frappait maladroitement la jambe droite con-
tre la jambe gauche. Il est tombé une fois chez lui sur le côté droit. Il tombe
toujours de ce côté. Jamais il n'a vu les objets tourner devant lui, mais il les
voit osciller et se trouble quand il les fixe.
Il sent de la faiblesse dans les membres du côté droit. Cette faiblesse est
venue progressivement.
Il est très sourd de l'oreille droite. La surdité est apparue graduellement,
mais il n'a jamais entendu des bruits et n'a pas éprouvé d'autres perturbations
auditives.
Il a des envies de dormir irrésistibles. Il est obligé de se coucher pendant
la journée et s'endort sur la table, surfont après les repas.
Il déclare qu'il n'a pas eu la syphilis. Il ne présente pas de symptômes de
cette infection. Il a des enfants bien portants et sa femme n'a pas eu d'avorte-
ments.
424 E.' MONIZ .
Antécédents héréditaires. Père alcoolique, mort. Mère bien portante. Il
n'y a pas de tuberculose ni de tumeurs dans sa famillp.
Antécédents personnels. Il a eu de l'impaludisme à 6 et à 7 ans quand il
habitait la petite ville de Mertola.
Observation actuelle. Mal cite. Il sent une déviation à droite. Parfois
il est forcé d'abandonner les trottoirs.
Quand il marche le pied droit se lève excessivement pour retomber avec
précipitation (dysmétrie). La marche en arrière, les yeux ouverts, se fait ré-
gulièrement.
Marche les yeux fermés. - Il y a toujours déviation à droite (en avant et
en arrière).
Il a des difficultés à se retourner. Quand il se tourne à droite il perd tou-
jours l'équilibre. A gauche le déséquilibre n'est pas si accentué. Pas de Rom-
berg.
Il se soutient sur le pied gauche, les yeux ouverts. Il perd l'équilibre les
yeux fermés. Il ne peut pas se maintenir sur la jambe droite seule, même
les yeux ouverts.
La marche à cloche-pied est possible sur le pied gauche, tout à fait impossible
à droite. Il a la diadococinésie très prononcée dans les deux membres du côté
droit.
Catalepsie cérébelleuse.
Nystagmus. Quand le malade regarde en haut le nystagmus est vertical et
légèrement rotatoire ; quand il regarde à droite, nystagmus horizontal : ses
cousses longues et peu fréquentes ; lorsqu'il regarde à gauche, nystagmus
horizontal et légèrement rotatoire : secousses rapides et moins longues qu'à
droite.
Il présente un très léger degré de lagophtalmie à droite, seulement percep-
tible quand le malade ferme les yeux lentement. Pas d'autres signes de para-
lysie faciale.
Réflexes. Pupillaires normaux ; cornéens, aboli à droite, normal à gau-
che ; pharyngien diminué à droite. Les autres réflexes, un peu vifs. Peut-être
un peu plus vifs à droite. Le signe de la flexion combinée du tronc et des jam-
bes (Babinski) est positif. a les signes de Raimiste et Grasset à l'état d'ébauche.
Sensibilité. -Elle est affectée dans la région du Ve nerf. Anesthésie tactile
dans la région de l'ophtalmique et du maxillaire supérieur : hyposthésie dans
la zone maxillaire inférieure.
Les autres sensibilités sont normales.
Vision. Lorsqu'il éprouve les céphalées il sent une diminution de vision.
L'examen ophtalmoscopique (Dr.Enrico Lisbôa) donne les fonds normaux.
Audition. Très diminuée à droite, normale à gauche. Weber latéralisé à
gauche.
L'épreuve de la chaise tournante donne les résultais suivants : le malade ne
sent pas de vertiges apràs la centrifugation. Quand on le tourne à droite le
nystagmus augmente à;[gauche, diminue à droite. Quand on le tourne à gau-
che il se produit le phénomène inverse.
Odorat normal.
TROIS CAS DE TUMEURS DE L ANGLE Y'USTO-CEREBELLEUX 4Li7
Goût. Ageusie à droite pour le sel et pour le sucre, hypogeusie pour le
quinquina et le vinaigre. Normal à gauche.
Vertiges voltaïque de Babinski. Pôle positif à droite ; le malade tombe
de ce côté avec 7 milliampères. Pôle positif à gauche ; pas de vertige avec
20 milliampères.
La percussion de la tête ne donne rien : il sent le choc partout également.
Ponction lombaire Liquide normal. Pas d'hypertension.
Wassermann. - Négatif.
Rythme cardiaque. - Normal. 90 pulsations par minute. Force musculaire
diminuée à droite.
Je l'ai examiné de nouveau au mois de septembre. Il était, à peu près, dans
le même état.
19 octobre 1912. Depuis quelque temps il jette de la bave à droite sans
s'en apercevoir. Le tremblement de la main droite, dans les mouvements,
est plus intense.
L'épreuve de recherche d'un point fixe dans l'espace avant et après la cen-
trifugation est positive. Avant et après la manoeuvre le malade cherche, le
point de la même manière, surtout à droite.
L'examen de l'urine ne montre que de légers vestiges de sérine.
Entre les symptômes généraux d'hypertension intercranienne nous pou-
vons signaler, dans nos cas, les particularités suivantes :
Céphalée. Elle a existé avec des modalités différentes dans les trois
cas. Dans le premier cas, au commencement elle a été localisée à droite
de la région occipitale et ensuite aux deux côtés de la, même région. Les
céphalées ont eu lieu avec des intermittences.
Dans le second cas la céphalée est localisée au front et à l'occipilal par
accès.
Dans le troisième cas la céphalée a eu de grandes intermittences et est
plus forte quand le malade se lève. Elle a diminué dans deux des cas et
est plus forte après les efforts des malades. La percussion de la tête n'a
pas précisé la région douloureuse.
Vomissements. Ils ont existé dans le premier et le troisième cas ;
jamais dans le second.
OEdème papillaire. Dans deux cas (I et III) il n'existe pas. Chez
l'autre malade (II) il y a névrite du nerf optique et on ne peut pas assu-
rer qu'il existait.
Somnolence et sommeil. Ils existent dans les trois cas.
Ralentissement du poids. Le pouls estnormal chez les trois malades,
Ponction lombaire. Hypertension dans un seul cas, le premier. Pas
de lymphocytose dans aucun des trois cas.
426 E. MONIZ
Etat psychique. Le premier malade a présenté un certain degré d'af-
faiblissement intellectuel surtout dans les derniers temps. Il avait de l'in-
décision et croyait des choses qui auraient dû répugner à sa culture intel-
lectuelle moyenne : il se croyait empoisonné par le menstrue que devait
lui avoir donné, disait-il, une ancienne maîtresse (Idées de persécution).
La mentalité des deux autres malades était normale.
Les symptômes de localisation sont bien précis dans les trois cas.
Vertige. Tous les malades présentent des vertiges, tombant toujours
du côté de la tumeur, à droite dans les trois cas. C'est un des symptômes
les plus précoces.
Vertige voltaïque. L'épreuve de Babinski est positive dans les trois
cas.
Au tabouret tournant. Les trois malades n'ont pas présenté de ver-
tiges.
Nystagmus. - Horizontal plus prononcé 'en regardant à droite (côté
' de la lésion dans le premier cas) ; rotatoire dans le second ; horizontal et
rotatoire dans le dernier.
Surdité. Complète dans le premier et le troisième cas ; incomplète
dans le second cas, avec latéralisation de Weber.
Troubles dans le domaine du facial. Il est atteint du côté droit dans
les trois cas. Dans le second ! rès pris ; très peu dans le premier et le troi-
sième. Dans les premières observations de ces malades on n'observait
qu'un petit degré de lagophtalmie quand les malades fermaient lentement
les yeux. La paupière dioite n'accompagnait pas le mouvement de des-
cente de la paupière gauche et s'arrêtait quand l'autre avait déjà accompli
tout son parcours.
Le VIe nerf droit est pris à droite chez la seconde malade avec parésie
des mouvements conjugués de l'autre ceil. Normal dans les deux autres
cas. ,
Le trijumeau est paralysé dans les trois cas (anesthésie et hypoesthésie).
Le réflexe cornéen est aboli chez les trois malades yUppenlieim). ,
Le IX. nerf est pris chez les trois malades.
Troubles cérébelleux. Dysmétrie surtout très accentuée dans le troi-
sième cas, adiadococinésie très nette dans les trois cas, catalepsie cérébel-
lieuse très appréciable chez les trois malades.
Pas d'as,ljncrgie et pas de parole scandée.
Troubles des voies motrices. Accentués à droite. Parésie dans les
trois cas, plus accentuée dans le second.
Nous n'avons pas trouvé de perturbations de la sensibilité générale.
HOSPICE DE LA SALL)l l'l ! 1t : liE
Service de M. Le Professeur Pierre Marie
L'ATROPHrE ISOLÉE NON PROGRESSIVE
DES PETITS MUSCLES DE LA MAIN
FRÉQUENCE RELATIVE ET PATHOGÉNIE.
TÉPHROMALACIE ANTÉRIEURE
1
POLIOMYÉLITE, NÉVRITE RADICULAIRE OU NON RADICULAIRE
(Suite et fin)
' PAR R
- - PIERRE MARIE et CHARLES FOIX.
Nous avons, dans la première partie de ce travail, montré quels étaient
l'intérêt et la fréquence des atrophies musculaires isolées non progressi-
ves des petits muscles de la main. Nous avons vu quelles étaient les lésions
qui, dans nos cas personnels, constituaient leur substratum anatomique.
Nous rapportons ici nos observations justificatives, et l'examen anatomi-
que de nos cas avec autopsie.
Observation I
Pa..., mort à 81 ans en décembre 1910, cordonnier, anciencolonial. Syphilis
non avouée. Mais Wassermann positif, liquide, céphalo-rachidien et sérum.
Lymphocytose rachidienne abondante. Grosse augmentation de l'albumine ra-
chidienne.
Histoire clinique. Elle comprend deux parts :
Une hémiparésie droite par lésion pédonculaire ;
Une amyolropbie théna ro-h ypothénarienue non progressive.
Sur le premier point nous n'insisterons pas. L'hémiparésie débute en 1903
par un léger ictus sans perte de connaissance. A la suite, parésie du bras et de
la jambe droite. En 1905, lors d'un premier examen, on constate une diminu-
tion de la force du côté droit sans déviation de la face. Les réflexes tendineux
sont diminués des deux côtés, mais existent.
Il n'y a pas de signe de Babinski. Les réactions pupillaires sont normales.
La sensibilité est normale.
Même état dans un deuxième examen en 1908.
On note des vertiges, quelques troubles de l'équilibre. Les troubles de la
marche sont disproportionnés avec les signes d'hémiplégie.
428 P. MAR1E ET FOIx
En 1910, toujours même diminution de la force à droite.
Le malade est très obnubilé et l'examen difficile.
Les réflexes rotuliens droit et gauche sont très diminués, les achilléens sont
extrêmement diminués s'ils existent. L'examen est très difficile vu l'état de fai-
blesse extrême du malade.
Le réflexe cutané plantaire manque souvent, se ferait plutôt en flexion. En
tout cas, pas de signe de Babinski net.
Pas de troubles de la sensibilité. Pas de douleurs fulgurantes. Parésie du
moteur oculaire commun gauche.
Inégalité pupillaire. Réaction à la lumière, perdue à droite, faible à gauche.
Réaction à l'accommodation conservée avec signe de Robertson unilatéral.
Le malade meurt le 9 décembre 1910 emporté en sept jours par un nouvel
ictus avec hémiplégie droite. Abolition des réflexes cutanés du même côté,
abolition terminale des réflexes tendineux de la rotule et du tendon d'Achille,
signe de Babinski positif à droite.
A l'autopsie, lésion ancienne du pédoncule. Ramollissement récent du pont
de Varole et de l'hémisphère cérébelleux gauche.
Atrophie musculaire non progressive de la main droite avec main d'Aran-
Duchenne.
C'est en 190S, deux ans après son hémiplégie, que le malade a, pour la pre-
mière fois, remarqué que sa main droite, déjà plus faible et plus maladroite,
présentait un degré remarquable d'amaigrissement. Le premier examen médi-
cal à ce point de vue remonte à 1908. A cette époque le malade racontait
avoir autrefois souffert de douleurs assez vives dans les membres supérieurs
et surtout dans la main notamment au niveau des articulations ( ? ). Il n'en
souffrait plus quand il remarqua ! 'amyotrophie. L'impotence fonctionnelle avait
augmenté en même temps, et la difficulté des mouvements d'opposition l'em-
pêchaient de prendre le porte-plume pour écrire.
On notait à ce moment :
Une atrophie thénarienne très marquée avec grosse difficulté des mouve-
ments d'opposition.
Une atrophie hypothénarienne modérée.
Un certain degré d'atrophie des membres interosseux.
Pas d'autre atrophie musculaire. La main gauche paraît normale. Les ré-
flexes du poignet sont très diminués mais existent. Il n'y a pas à ce point de
.vue de différence d'un côté à l'autre. Pas de troubles de,la sensibilité.
En 1910, à un nouvel examen, on note également unéatrophie très marquée
de l'éminence thénar du côté droit, une atrophie de l'éminence hypothénar du
même côté, une atrophie modérée des muscles interosseux avec amaigrisse-
ment et dépression au niveau des espaces. Les mouvements des petits muscles
delà main se font sans force, l'opposition du pouce surtout est très mal exécu-
tée. Il en est de même des autres mouvements du pouce et des muscles inter-
osseux.
A l'examen électrique, on constate une réaction de dégénérescence complète
pour les muscles de l'éminence thénar (abolition de la contractilité faradique
Fic. 1. Obs. n° I. Téphromalacie unilatérale droite. C (i complètement indemne.
Fir. 2. Obs. no I. Téphromalacie unilatérale droite. C 6-7 (la coupe a été retour-
née). Noter l'atrophie légère de l'hémi-moelle droite (à gauche sur le dessin), la
diminution du volume de la substance grise, portant à la fois sur les cornes anté-
rieure et postérieure, la dépression du bord antérieur de la corne antérieure du
même côté.
Fie. 3. Obs. n° I. Téphromalacie unilatérale droite. La lésion est ici maxima. Du
côté droit la corne antérieure est complètement disparue et remplacée par une cica-
trice linéaire transversale : la corne postérieure est diminuée de volume et comme
étriquée par rapport à l'homologue du côté opposé. Noter le sillon de la face anté-
rieure de l'hémi-moelle droite, correspondant il l'effondrement de la substance grise.
Dans l'ensemble l'hemi-moelle droite est très atrophiée. La substance blanche est
sensiblement indemne sauf en un point limité du cordon antérieur où elle présente
un élat réticulé spécial et sauf une paieur modéree el diffuse des cordons postérieurs.
Du côté gauche la substance grise est un peu diminuée de volume par rapport à la
normale. Noter le sillon du bord antérieur de la corne antérieure.
Fic.. le. - obs. n° 1. Téphromalacie antérieure. C 8 (partie intérieure;. Aspect ana-
logue à celui de la coupe précédente. Cependant l'hémiatrophie est beaucoup moins
marquée L'effondrement de la corne anlérieure droite laisse subsister à sa partie
externe un petit groupe cellulaire isolé. A la partie interne, petite cavité triangulaire
sans gliomatose. Du côté gauche la substance grise a repris un aspect sensiblement
normal. Noter toujours du côlé droit le sillon de la face antérieure. Dans la substance
blanche, il reste dans le cordon antérieur quelque trace de l'état réticulé de la coupe
précédente, dans le cordon postérieur toujours une pâleur diffuse par sclérose com-
mençante.
Fia. 3. Obs. n° I. Téphromalacie unilatérale droite. D 1 (moitié inférieure). La
moelle est presque redevenue normale. La corne du côté droit est cependant plus
grêle que celle du côté opposé. Elle est en même temps plus sombre (ce qui est dû
à un feutrage plus épais de libres myéliniques). Le bord antérieur présente encore
la trace du sillon des coupes précédentes. Les cellules disséminées sont rejetées à
l'angle externe de la corne.
FiG. 6. Obs. no I. - Téphromalacie unilatérale droite. D 2-3. La moelle a repris son
aspect normal sauf un peu de pâleur du cordon postérieur.Ce cas a été débité en coupes
sériées depuis C 1 jusqu'à D 5. La lésion louchait C 8 en entier et s'étendait sur C 7
(partie inférieure) et D 1 (partie supérieure). Le reste de la moelle était indemne.
L'ATROPHIE ISOLÉE XOX PROGRESSIVE DES PETITS MUSCLES 431
et galvanique), incomplète pour les muscles de l'éminence hypolhéuar et les
interosseux.
La main gauche, un peu amaigrie, paraît respectée à l'examen fonctionnel
et à l'examen électrique. L'avant-bras est toujours complètement sain d'un côté
et de l'autre, pas d'autre atrophie musculaire. Le réflexe radial est extrême-
ment faible des deux côtés, mais on peut l'obtenir. Il eu est de même du 1'('-
Fie.. 7. Obs. n° I. Téphromalacie antérieure unilatérale (Pal-cochenille). Cette
figure constitue un agrandissement de la figure n° 1 (le dessin a été retourné par
erreur). Elle montre les détails de la lésion, idenliques d'un cas à l'autre. CA corne
antérieure, côté sain. CA' corne antérieure, côté malade CP corne postérieure, côté
sain. CP' corne postérieure, côté malade. CdA cordon antérieur. CdP cordon posté-
rieur. V vaisseau, côté sain. V' vaisseau, côté malade. Z aspect réticulé d'une partie
du cordon antérieur.
L'on voit sur cette coupe : 1° La méningo-vascularite syphilitique, avec infiltration
lymphocytique de la pie-mère et manchons péri-vasculaires. En outre les vaisseaux
ont leur paroi épaissie ; 2° l'absence de la corne antérieure remplacée par une cica-
trice presque linéaire infiltrée de cellules rondes (du côté sain l'on reconnaît aisé-
ment les cellules normales de la corne) ; 3" la corne postérieure du côté' malade est
étriquée et ne contient pas autant de fibres myéliniques ; 4° les gros vaisseaux sont de-
meurés perméables et sont pleins de globules rouges colorés en noir par le Pal.
Quant aux petits vaisseaux, perméables et gorgés de sang du côté sain, ils sont
extrêmement réduits, mais cependant perméables ; 5° en Z aspect réticulé de la subs-
tance blanche centré par un petit vaisseau ; 6° On note en outre une pâleur des cor-
dons postérieurs avec sclérose et démyélinisation commençante, et un épaississement
manifeste des gaines vasculaires. Les autres détails, hémiatrophie, sillon anlérieur, se
voient ici comme sur la figure 3.
432 P. MARIE ET FOIX
flexe cubital. Quant aux réflexes du coude, on peut le provoquer, mais il est
diminué également. La sensibilité au tact, à la chaleur et à la piqûre est tou-
jours intacte. Le courant électique est aisément perçu, et le sens stéréognos-
tique conservé.
Mort le 9 décembre 1910.
A l'examen anatomique. Macroscopiquement dépression à prédominance
droite sur la face antérieure de la moelle au niveau de C 8. Celte dépression
se prolonge sur 1 cent. 1/2 environ.
Histologiquement téphromalacie unilatérale limitée à la corne antérieure
droite. La lésion est limitée au 8e segment cervical et empiète en haut sur le
7e, en bas sur le leur segment dorsal.
Au même niveau, la corne postérieure est plus grêle, les vaisseaux moins
abondants et moins volumineux que du côté droit, la substance blanche paraît
intacte. La destruction de la corne antérieure est complète au niveau de la
moitié supérieure du 8e segment. Elle est remplacée par une cicatrice linéaire
d'où une hémiatrophie très marquée de la moelle.
Les cellules motrices les plus externes persistent au niveau de la partie in-
ferieure de ce même segment et de la partie supérieure du 1er segment dorsal.
A ce niveau petite cavité sans gliome à l'angle interne de la cicatrice rempla-
çant la corne abrasée.
Destruction du même type au niveau du 7e segment cervical.Simple atrophie
sans destruction complète au niveau de la partie supérieure du 7e segment cer-
vical et inférieure du le, dorsal. Les 3e, 4e, 5°,6° segments cervicaux et 2e, 3',
4' segments dorsaux sont indemnes. Pas de lésion de poliomyélite. Pas de
lésion dans le reste de la moelle dorsale, lombaire et sacrée, sauf un certain
degré de pâleur des cordons postérieurs. Grosse méningite syphilitique avec
endo-périartérite et rétrécissement sans thrombose du calibre des artérioles.
Observation II
Ch..., garçon de magasin.
Mort il 76 ans.
Son histoire présente également à étudier deux choses :
10 Une atrophie des petits muscles de la main gauche.
2° Une hémiplégie droite, aphasie terminale survenue longtemps après
l'amyotrophie.
L'atrophie des petits muscles de la main n'a été observée que dans les der-
niers jours de la vie du malade à l'occasion de son ictus.
On a donc peu de renseignements sur elle. Elle a débuté 6 ans auparavant
sans grande douleur par les muscles du pouce. Le malade attribue cette amyo-
tropbie à son métier et ne s'en est pas autrement inquiété :
A l'examen : l'atrophie porte sur la main gauche où elle est nettement
prédominante au niveau de l'éminence thénar. Tous les muscles sont frap-
pés surtout l'opposant et le court abducteur; l'éminence hypothénar est éga-
lement considérablement amaigrie, les espaces inetrosseux sont très apparent
L'ATROPHOE ISOLÉE NON PKOGRESSIVE DES PETITS MUSCLES 433 3
par suite de l'atrophie des membres interosseux. Les mouvements de la main
se font sans force, surtout l'opposition du pouce et les mouvements d'écarte-
ment des doigts. A droite la main est un peu amaigrie, mais il est impossible
d'affirmer une amyotrophie. Les muscles de l'avant-bras et du bras sont res-
pectés des deux : côtés. La face est conservée, le malade serre assez bien la
main. Il n'y a pas d'autre amyotrophie. Le réflexe radial est conservé des
deux côtés. Le réflexe cubital diminué du côté gauche (Ces réflexes/sont exa-
gérés à droite du fait de l'hémiplégie). Les réactions électriques''n'ont'pas été
recherchées.
En résumé, grosse amyolrophie strictement limitée à l'éminence thénar, à
l'éminence hypothénar et aux muscles inter-osseux du côté gauche. Nous
renvoyons plus loin l'étude des réflexes .
Hémiplégie droite, aphasie terminale.
Le 10 mai. '
Hémiplégie droite à début diurne. Le malade s'est trouvé paralysé en éplu-
chant des pommes de terre. L'hémiplégie droite s'accompagne d'une raideur
des membres sans déviation nette de la face. La sensibilité parait légèrement
diminuée du côté hémiplégie. La motilité est fortement touchée; cependant la
marche est possible. Du côté des yeux pas de signe d'Argyll Robertson, pas
de paralysie oculaire, mais hémianopsie droite très nette. En même temps le
malade est aphasique. '
Réflexes rotuliens et achilléens plus forts à droite. Réflexe cutané plantaire en
extension des deux côtés.Pas de clonus. Réflexes abdominaux etcrémastériens
très diminués. Le pouls est régulier.
Le 17 mai. Le malade qui s'est amélioré progressivement s'aggrave à nou-
veau. Il a de la fièvre et une escarre.
Le 21 mai. Mort dans le marasme,température 0°7.
En résumé : Atrophie musculaire isolée des petits muscles de la main. Cette
atrophie est limitée aux éminences thénar et hypothénar. Les bras sont in-
demnes, le réflexe radial conservé, le réflexe cubital diminué. Le début de
l'affection s'est fait de façon lente, progressive et à peu près non douloureuse.
Mort par ictus s'accompagnant d'hémiplégie droite avec aphasie et hémia-
nopsie. ,
Ponction lombaire : lymphocytose modérée.
A l'autopsie : La moelle présente sur la face antérieure entre C 8 et D 1, un
aplatissement il prédominance latérale gauche. Elle est déprimée à ce. niveau
sur une hauteur de 1 cent. 1/2 comme par un sillon profond.
Histologiquement téphomalacie unilatérale de la corne antérieure gauche.
La lésion frappe le 8e segment cervical et le 1er segment dorsal et s'étend sur
le 7e. Elle prédomine de beaucoup au niveau du 8e segment.
Au même niveau : Corne postérieure plus grêle. Vaisseaux moins abondants
et moins volumineux que du côté droit. La substance blanche parait intacte sauf
l'existence d'une dégénération des cordons postérieurs à type radiculaire avec
dégénération des bandelettes de Charcot-Pierret. Cette lésion du cordon posté-
xxv 29
434 P. MARIE ET FOIX
rieur s'étend assez loin dans la moelle. (Il n'y avait cependant pas de gros si-
gnes de la série tabétique.)
La destruction de la corne antérieure est totale au niveau du 8e segment,
incomplète au niveau du 70 et du' 1er segment dorsal. Les 3°, 4e@ 5°, 6° seg-
ments cervicaux, et 2e, 3e, 4e segments dorsaux sont indemnes. Pas de polio-
myélite. Pas de lésion de la moelle dorsale, lombaire et sacrée sauf la dégéné-
ration postérieure déjà signalée. Méningite syphilitique avec endopériartérite
et rétrécissement sans thrombose du calibre des artérioles.
Observation III
Sur ce cas, les renseignements cliniques manquent, le malade n'ayant pas
rrc. 8. - Obs. Il. Téphromalacie antérieure gauche. C 8 (la coupe a été retournée).
Du côté gauche (côté droit du dessin). Téphromalacie antérieure, avec effondrement
complet de la corne antérieure qui est remplacée par une cicatrice linéaire. La corne
postérieure est étriquée et grêle. Il existe un notable degré d'hémialrophie de la
moelle avec sillon très marqué de la face antérieure. Du côté droit (côté gauche du
dessin), la substance grise est peut-être un peu diminuée de volume. La substance
blanche présente une sclérose modérée, mais nette du cordon postérieur, et au niveau
de l'angle inferieur du cordon antérieur, le même état réticulé que dans l'observa-
tion 1 (voir fig. 3). Ce cas a été débité en séries depuis C 3 jusqu'à D 5 par segments
étagés ensuite. La lésion touchait C 8 en entier et s'étendait sur C 7 (partie inférieure)
et D 1 (partie inférieure). Le reste de la moelle était indemne.
Fie. 9. Obs. III. C 8 D 9. Téphromalacie bilatérale il prédominance droite. Abrasion
complète et bilatérale des deux cornes antérieures. Aspect grêle des cornes posté-
rieures. Atrophie de la moelle avec aplatissement antéro-postérieur et sillon profond
de la face antérieure prédominant à droite. Du même côté, état réticulé de l'angle
supéro-interne du cordon antérieur. Cordons postérieurs et latéraux sensiblement
indemnes. Dans ce cas la moelle coupée par : (sep;menls étagés ne montrait de lésion
qu'à ce niveau. C 6, U 3 et le reste de la moelle étaient indemne.
L'ATROPHIE ISOLÉE NON PROGRESSIVE DES PETITS MUSCLES 435
été examiné avant sa mort. A l'autopsie, on remarque un aplatissement de la
moelle au niveau du segment cervical portant sur sa face antérieure. Sur les
coupes, téphromalacie antérieure bilatérale prédominante à droite, étendue au
80 segment cervical et aux parties avoisinantes du 7- segment cervical et du
1" segment dorsal. Les cornes postérieures sont grêles et mal vascularisées.
La substance blanche est indemne. Pas de lésions des cordons postérieurs.
Les lésions d'endartérite sont ici encore extrêmement marquées, mais il
n'existe que peu de méningite chronique et de périartérite, si bien qu'il est
difficile d'affirmer l'origine syphilitique de la lésion. Peut-être s'agit-il simple-
ment d'artério-sclérose sénile.
L'absence des lésions des cordons postérieurs qui existaient dans nos deux
autres cas, est également en faveur de cette hypothèse.
Observation IV
IL ? 82 ans, ménagère.
La malade est une grande sénile et l'interrogatoire est impossible, car elle
est dans le demi-coma au moment où on l'examine. Ce demi-coma est lié à une
broncho-pneumonie avec fièvre modérée 38°, 38°5. Elle présente à étudier, ou-
tre son état général et des arthrites chroniques des hanches, de la colonne
vertébrale et des genoux, une atrophie thénaro-hypothéuarienne très marquée
et limitée au côté droit.
1° Examen général. Mise à part la broncho-pneumonie qui n'a pas d'im-
portance en l'espèce, l'examen permet d'établir les points suivants :
Il existe une ankylose en demi-flexion des deux genoux. L'extension des
jambes est impossible. Les mouvements des hanches sont relativement libres,
cependant l'abduction est très limitée. Le cou est raide ; la tête fléchie et
tournée vers la gauche ne peut être redressée complètement. Le dos est voûté,
un peu cyphotique, sans scoliose.
En résumé, arthrite chronique des genoux et de la colonne cervicale. Ar-
thrite modérée des articulations coxo-fémorales.
Les autres articulations sont complètement libres, notamment celles des
membres supérieurs de l'épaule, du poignet et de la main. En particulier, les
articulations du carpe et des doigts paraissent saines. Les coudes sont un peu
raides, mais tous les mouvements sont faciles.
Examen du système nerveux. - Rendu difficile par les ankyloses et l'état
de la malade.
Réflexes rotuliens : impossibles à obtenir, en raison de l'ankylose. Réflexes
achilléens également impossibles à obtenir, mais il n'est pas possible de les re-
chercher convenablement.
Signe de Babinski. En flexion bilatérale. Réflexes abdominaux abolis. Les ré
llexes du coude paraissent abolis également.
Les réflexes du poignet cubital et radial sont abolis du côté droit et exis-
tent du côté gauche. Les réflexes pupillaires existent ; pas de strabisme ni d'hé-
miopsie (autant qu'il est possible de juger de ce dernier point). Pas de trou-
bles de la sensibilité.
4.36 P. MARIE ET FOIX
3° Atrophie théna1'o-hYJ1Othénal'ienne. Il existe du côté droit une atro-
phie extrêmement marquée de éminence thénar et hypothénar ainsi que des
muscles interosseux. Les muscles de l'éminence thénar, notamment l'abducteur
et l'opposant, paraissent complètement détruits. Il en est de même de l'émi-
nence hypothénar ainsi que dès interusseux dont l'atrophie se traduit par de
profondes dépressions sur le dos de la maiu. Du côté gauche la main est un
peu maigre mais parait normale.
Les réflexes du poignet, radial et cubital, existent à gauche et sont abolis à
droite. Enfin, l'examen électrique montre une abolition de l'excitabilité élec-
trique des muscles de l'éminence thénar et hypothénar du côté droit. Du côté
gauche, la contraction se fait normalement. Les muscles de l'avant-bras et du
bras paraissent égaux des deux côtés.Le sous-épineux paraît un peu atrophié à
droite. Le sterno et le trapèze sont normaux. Pas d'autres atrophies musculai-
res sauf celles qui sont en rapport avec l'ankylose des genoux.
Il est difficile de savoir la date exacte à laquelle remonte cette amyotrophie.
Elle est en tout cas sûrement très ancienne (au moins 5 à 6 aus au dire de sa
lille), ce qui cadre bien avec l'intensité de l'atrophie et l'état des réactions
électriques.
En résumé, chez une malade atteinte d'arthrite chronique de la colonne et
des genoux sans signe d'affectation caractérisée du système nerveux on
note une atrophie de date ancienne isolée et non progressive des petits muscles
de la main. Cette atropliie est limitée au côté droit.
A l'autopsie, la moelle et les centres nerveux paraissent macroscopiquement
indemnes, sauf que les 7e et 8e racines cervicales droites paraissent un peu plus
FIG. 10. Obs. IV. Névrite interstitielle, Coloration Marchi-safranine. G.111. gaine
myéliniques conservées. g.v. gaines vides. a.g. amas de graisse. Lésion massive du
cubital. Il ne reste plus que quelques tubes nerveux conservés groupés en un fais-
ceau minuscule et encore la plupart sont-ils très altérés et moniliformes. Le reste est
étouffé par du tissu scléreux dont on devine les tourbillons non colorés par la safra-
nine. Augmentation légère de la graisse intra-nerveuse.
L'ATROPHIE ISOLÉE NON PROGRESSIVE DES PETITS MUSCLES 437
grêles que les correspondantes du côté gauche. Les muscles thénar et hypothé-
nar du côté droit sont cependant à peu près complètement disparus. Les fibres
sont pâles, jaunes et clairsemées. ,
On prélève pour l'étude : des fragments de la moelle, des racines et des
nerfs périphériques à différentes hauteurs. L'on constate ainsi : 1° au niveau
des nerfs une névrite interstitielle intense (Ces lésions ont été étudiées dans la
première partie de ce mémoire. Nous n'en répéterons pas la description. Rap-
pelons qu'elles portaient sur le cubital droit, presque entièrement scléreux, et
sur le médian du même côté, dont l'une des moitiés est presque complètement
saine, l'autre étant presque complètement scléreuse).
2° Au niveau des racines une diminution nette du volume des racines du
côté droit sans fibrose interstitielle ni processus inflammatoire apparent.
Pas de dégénération sur les fragments colorés au Marchi.
3° Au niveau de la moelle, les cellules des cornes antérieures du segment
cervical et un peu du 7e et du ler dorsal sont plus clairsemées, plus petites et
moins nombreuses. Beaucoup sont en voie de chromatolyse.
En résumé, grosse lésion de névrite scléreuse ancienne portant sur les nerfs
cubital et médian à partir du coude. Atrophie réflexe modérée des 7" et 8° racines
cervicales et de la 1 ? dorsale.
Observation V
F..., 61 ans, menuisier; syphilis à 20 ans, 7 enfants dont 3 morts en bas âge.
Le malade vient consulter pour faiblesse des mains surtout de la gauche.
\
Fio. 11. Ohs. IV. Névrite interstitielle, coloration : Marchi-sllfranine, mêmes lettres
que dans la figure précédente. Lésion dimidiée du médian, à droite tubes nerveux
relativement conservés (un grand nombre d'entre eux à un fort grossissement présen-
tent des lésions manifestes), à gauche, tubes nerveux vides, étouffés par le tissu
scléreux. Augmentation modérée de la graisse intra-nerveuse.
438 P. MARIC ET FOIa
Début de l'affection il y a 18 ans sans douleur par la main gauche qui a
commencé à maigrir et à s'affaiblir. Depuis 10 ans la main droite a été prise
à son tour. Depuis lors plus de changement.
Examen. - L'attention est attirée d'emblée sur l'atrophie musculaire qui
reproduit assez exactement le type Aran-Duchenne. Elle est bilatérale plus
marquée à gauche et porte sur les muscles thénariens,hypothénariens et interos-
seux. Vue de dos, la main esfamaigrie, chaque espace interosseux est marqué
par une dépression au niveau du 1er espace, la saillie normale est remplacée
par un méplat profond.
Vue de face, l'éminence thénar est aplatie, effacée, la peau ridée. Tous les
muscles participent à cette amyotrophie, qui permet la palpation facile du
le, métacarpien ; l'adducteur est peut-être encore plus touché que les muscles
thénariens proprement dits (PI. LXI).
Il en est de même de l'éminence hypothénar dont la saillie normale au bord
interne de la main est remplacée par une dépression permettant de suivre aisé-
ment le 5e métacarpien. Amyotrophie thénarienne et hypothénarienne, plus
marquée du côté gauche. Les muscles des membres supérieurs, avant-bras,
bras et épaules sont d'aspect normal. Il n'y a pas de tremblement fibrillaire à
leur niveau. On n'en constate d'ailleurs pas de nets au niveau des muscles des
mains. Rien d'anormal il la face, au thorax, aux membres inférieurs du niveau
à la simple inspection. La force est conservée à tous les segments du membre
inférieur. Le malade marche bien. La force est conservée également au niveau
du bras et de l'avant-bras. Les mains sont moins fortes et le malade accuse une
faiblesse dans la façon dont il serre la main. Les mouvements des interos-
seux sont très gênés, le malade écarte mal les doigts à droite et à gauche, l'ex-
tension des 2e et 3e phalanges se fait mais sans force. Il en est de même pour
les mouvements du pouce qui se fout sans force, le malade est incapable
de s'opposer au passage du doigt entre son pouce et son index réunis. Les mou-
vements du petit doigt se font bien, sauf l'adduction et l'abduction. Le malade
parvient sans trop de difficulté à prendre une épingle sur un plan solide.
Réflexes. Les réflexes tendineux, rotulien, achilléen sont normaux. Les
réflexes du coude et du poignet, radial et cubital sont également conservés et
normaux. Le signe de Babinski se fait en Ilexion. Il n'y a pas de clonus. Les
réflexes abdominal et crémastérien existent.
La sensibilité est normale au tact, à la figure, la chaleur.
La notion de position, le sens stéréognostique sont conservés.
Les pupilles sont égales et réagissent à la lumière et à l'accommodation. Il
n'y a pas de trouble de la vue, pas d'hémianopsie.
Ponction lombaire. Lymphocytose très légère, mais existante, 4 à lym-
phocytes par champ d'immersion.
Albumine sensiblement normale.
Réaction de Wassermann positive. Est devenue négative à la suite de deux
injections de 6
28 juin DU. Examen électrique par M Uuet.
A droite : dansée domaine du cubital à la main, on constate encore des ma-
NOUVELLE lc..ONO&RAPHl1 : . D6 LA SALPJ : 1RIÈRE.
T. XXV. Pl. LXI
Obs. VI. - Type thénarien pur.
Obs. V. Type diffus.
Atrophie ISOLÉE NON progressive DES PETITS MUSCLES DE la main
('Pierre Marie et C. Foix).
l'atrophie isolée NON progressive DES PETITS muscles 439
nifestations de D. R. à une période avancée. Cette D. R. n'est pas complète,
car l'excitabilité faradique et galvanique du nerf au poignet n'est pas abolie,
mais elle est très diminuée. L'excitabilité faradique directe des muscles de
l'émiuence hypothénar est aussi très diminuée, mais non abolie. L'excitabilité
galvanique de ces muscles est très diminuée avec inversion polaire,sans grande
lenteur des contractions. Sur les interosseux et l'adducteur du pouce l'excita-
tion galvanique est très diminuée.
Dans le domaine du médian à la main, on constate aussi de la D. R. moins
avancée.
L'excitabilité galvanique directe des muscles de l'éminence thénar, est moins
diminuée, les C. sont assez lentes avec NFC PFC.
L'excitabilité faradique directe est assez diminuée mais conservée.
L'excitabilité galvanique et faradique du nerf du poignet est conservée mais
assez diminuée.
Dans le domaine du cubital à l'avant-bras, on constate de ]'hypoexcitabi ! ité
faradique et galvanique par le nerf et sur les muscles, sans altération qualita-
tive de D. R.
Dans le domaine du médian et du radial à )'avant-bras, pas d'altérations ac-
cusées des réactions.
A gauche : état sensiblement le même, pour le médian et le radial à l'avant-
bras.
Diminution plus accusée dans le domaine du cubital à l'avant-bras sans
D. R. constatable. Inexcitabilité à peu près complète, faradique et galvanique
sur le nerf et sur les muscles dans le domaine du cubital à la main.
Même état qu'à droite dans le domaine du médian à la main.
En résumé, amyotrophie non progressive avec main de type Aran-Du-
chenne, évoluant depuis 18 ans chez un syphilitique avec Wassermann
positif, sans autre signe clinique de syphilis des centres nerveux.
Observation VI
Ga..., 70 ans, ménagère. Mariée, pas d'enfants, pas de fausses couches. Pas
de syphilis avouée. La malade a refusé la ponction lombaire. Elle présente une
atrophie tbénarienne droite.
L'affection a débuté il y a dix ans. A ce moment, la malade ressentit des
douleurs assez vives dans la main droite. Ces douleurs, passagères et du type
lancinant, ont disparu à peu près complètement. Depuis huit ans environ, elle
présente en outre des douleurs dans les jambes. Ce sont des douleurs lancinan-
tes qui passent comme des éclairs. L'amyotrophie a débuté vers la même épo-
que, elle n'évolue plus au dire de la malade depuis six, sept ans déjà. Cepen-
dant elle a de temps en temps quelques fourmillements dans la main gauche et
craint, dit-elle, que celle-ci ne se prenne. Malgré son atrophie la malade peut
coudre, et cependant l'opposition lui est impossible, et il lui est impossible,
par exemple, de ramasser une épingle sur une surface plane. Mais la malade
y supplée par un mouvement d'adduction du pouce.
440 P. MARIE ET FOIX.
L'examen montre en effet que l'amyotrophie. d'ailleurs très marquée,est stric-
tement limitée à l'éminence thénar droite (PI. LXI). L'éminence hypothénar et
les interosseux paraissent complètement respectées et égales d'un côté à l'autre.
Au niveau de l'éminence thénar,le mouvement d'adduction du pouce se fait bien,
malgré que sa force soit inférieure à celle du côté opposé. La flexion de la pre-
mière phalange sur le métacarpe s'exécute sans grande force,l'adduction et sur-
tout l'opposition sont très mal exécutées. Celle-ci est remplacée par un mouve-
ment de flexion-adduction. '
Ces données sont confirmées par l'examen électrique qui montre :
Du côté gauche, réactions électriques normales au courant faradique et gal-
vanique.
Du côté droit, réaction électrique normale au niveau de l'éminence hypothé-
nar et des interosseux.
Contractilité faradique et galvanique abolies au niveau de l'opposant et de
l'adducteur du pouce. Très affaiblie sans réaction de dégénérescence au niveau
du court fléchisseur et un peu affaiblie au niveau de l'adducteur du pouce.
Dans l'ensemble troubles à peu près exclusivement limités au territoire du
médian (court abducteur et opposant).
L'examen de la réflectivité montre une abolition des réllexes achilléens, et
une très forte diminution des réllexes rotuliens qui associés aux douleurs ful-
gurantes doit faire suspecter un tabes incipiens.
Réflexes cutanés plantaires, pas de mouvement d'un côté ni de l'autre. Ré-
flexe abdominal existe. Le réflexe pupillaire existe.
Enfin la réflectivité du membre supérieur donne les résultats suivants :
Les réllexes du coude et les réflexes cubitaux paraissent abolis. Le réflexe
radial très diminué du côté gauche, existe du côté droit (côté atteint). Pas de
troubles de la sensibilité, superficielle ou profonde. Pas de troubles de la sen-
&o)'t/t<6. Troubles sphinctériens et tropbiques nuls. Pas d'autre amyotrophie.
En résumé, t : 11les incipiens probable.
Atrophie thénarienne respectant l'adducteur du pouce.
Observation VIf
13..., manoeuvre, 52 ans. Nie la syphilis et l'éthylisme. Pas d'antécédents sa-
turnins.
Depuis 1 an 1/2 environ, le malade ressent de vives douleurs dans la main
droite. Ce sont des élancements qui surviennent a intervalles assez éloignés.
Ces élancements étaient peu vifs les premiers temps, et s'accompagnaient
de fourmillements. Au bout de 15 jours, ils ont augmenté rapidement d'inten-
sité. Enfin depuis 6 mois ils ont beaucoup diminué. En même temps la main
droite perdait sa force, le malade avait beaucoup de peine pour écrire, il lais-
sait tomber les objets, et était très gêné pour les ramasser, surtout s'il s'agis-
sait d'un objet de petite taille. La main gauche n'a jamais rien eu.
A l'examen, la force musculaire du bras et de l'avant-bras est bonne et égale
l'atrophie ISOLHR non PT1.0GIIESSIYE DES PETITS MUSCLES 441 1
d'un côté à l'autre. La main droite serre la main beaucoup moins fort que la a
main gauche. Les mouvements du pouce se font sans force, l'opposition est ce-
pendant possible. Les mouvement d'écartement des doigts sont également très
gênés, ainsi que l'extension des deux dernières phalanges, les premières étant t
soutenues. )
A l'inspection, on note une amyotrophie siégeant uniquement à droite et pré-
dominant sur les petits muscles de la main et surtout sur les interosseux. Le
dos de la main est creusé de sillons profonds dessinant les métacarpiens, le
1e'' espace interosseux est le plus déprimé.
L'éminence hypothénar est profondément touchée, la peau y est lisse par
suite de l'atrophie du palmaire cutané. On ne peut pas déterminer la contrac-
tion de ce muscle par pression sur le pisiforme alors que ce réllexe existe a
gauche. L'atrophie de l'éminence thénar est diffuse et discrète, l'adducteur du
pouce est pris comme le court abducteur et l'opposant. '
La main gauche paraît indemne ainsi que les membres supérieurs et infé-
rieurs.
L'examen du système nerveux ne révèle rien de spécial. Les réflexes rotu-
liens sont normaux et égaux d'un côté à l'autre. De même pour les achilléens.
Le réflexe cutané plantaire se fait en flexion.
Le réflexe abdominal et le réflexe crémateux sont conservés. Les réflexes
du membre supérieur méritent une mention spéciale. Il n'y a pas de modifica-
tion du réflexe du coude ni des réflexes radial et cubital qui existent et sont
égaux d'un côté à l'autre.
Ponction lombaire refusée par le malade.
Wassermann négatif.
Pas de troubles de la sensibilité. Pas de signe Rien du côté de la
sensorialité. Mouvements commandés bien exécutés. En résumé chez un ma-
lade niant la syphilis, apparition en un an environ d'une atrophie mixte frap-
pant à la fois l'éminence tbénar et hypothénar et les muscles interosseux.
L'examen clinique a été confirmé par l'examen électrique dû à l'obligeance
du Dr Delherm.
Territoire du cubital : Inexcitabilité faradique des muscles adducteurs du
pouce, hypothénar, interosseux à droite ; concentrations lentes des mêmes
muscles au galvanique (avec 40 M. A. pour hypothénar).
Les muscles de la main innervés par le nerf médian présentent l'hypo-exci-
tabilité faradique et galvanique.
Rien à la main gauche.
Par conséquent, lésions très marquées de l'éminence hypothénar et des
interosseux, lésion moindre de l'éminence thénar. Rien à la main gauche. Les
réllexes sont conservés et normaux.
Observation VIII
Wa..., 78 ans, ménagère.
Atrophie thènariennc congénitale .
La malade dit avoir été toujours plus faible de sa main gauche. Elle était en
442 P. MARIE ET FOIX
même temps plus maladroite et, notamment, le pouce gauche était dénué de
force, les mouvements d'opposition très difficiles.
Elle sait qu'elle a toujours eu de l'atrophie de l'éminence thénar.
Rien de semblable du côté droit.
La malade n'a jamais souffert, mais l'accouchement de sa mère aurait été
particulièrement difficile et l'on a craint qu'elle ne fût estropiée. Rien de très
notable en dehors de cela dans les antécédents. Pas de syphilis avouée.
A l'examen, la main gauche est dans l'ensemble plus petite que la main
droite, les doigts sont plus minces et plus effilés, le 5" en camptoctadylie. L'é-
minence thénar est nettement atrophiée par rapport l'autre sans que cette
atrophie présente l'intensité de l'atrophie dans les cas précédents. Elle porte
surtout sur l'opposant et l'abducteur. Les interosseux sont également touchés,
mais moins, enfin l'éminence hypothénar paraît égalemeut quelque peu atro-
phiée. L'avant-bras gauche est un peu plus mince que le droit, le reste nor-
mal.
La force est normale à droite pour tous les mouvements des membres supé-
rieurs.
A gauche, la flexion et l'extension de l'avant-bras sur le bras sont normales.
La flexion de la main se fait bien, l'extension de la main peut être un peu
moins bien qu'à droite. La malade serre également un peu moins fort à gauche
qu'à droite.
Les mouvements des doigts sont plus touchés : tout d'abord l'écartementqui
se fait sans force, l'abduction du petit doigt qui se fait moins bien qu'à droite,
et surtout les mouvements de l'éminence thénar. L'abduction du pouce est
mauvaise. L'opposition complète est impossible et remplacée par un mouve-
ment d'adduction. L'adduction se fait relativement bien. Les mouvements de
latéralité de l'avant-bras se font bien, la force de pronation est un peu dimi-
nuée.
En somme, atrophie et affaiblissement nets des muscles de l'éminence thé-
nar à gauche surtout de l'abducteur et de l'opposant.
Atrophie et affaiblissement légers de l'éminence hypothénar et des muscles
interosseux.
La sensibilité de la main est normale. Les réflexes tricipitaux sont normaux
et égaux. Le réflexe radial est un peu plus fort à gauche. Le réflexe cubital
est diminué du même côté. Le réflexe du pisiforme est beaucoup plus marqué
à droite qu'à gauche.
Examen général. - Légère cyphose cervico-dorsale (cyphose sénile) sans
points douloureux, hypertrophie de l'articulation médio-sternale. Réflexes ro-
tuliens normaux. Réflexes achilléens diminués, presque abolis à gauche. Ré-
flexe cutané plantaire en flexion bilatérale. Réflexes oculo-pupillaires conservés.
Réflexe abdominal existe.
On note en outre une inégalité pupillaire avec pupille 'gauche plus petite,
mais sa valeur est plus que douteuse, car il y a une cataracte à gauche,et l'oeil
droit a été opéré et iridectomisé pour la même raison.
L'ATROPHIE ISOLÉE NON PROGRESSIVE DES PETITS MUSCLES 443 3
Sensibilité normale, marche bonne. Rien de très notable à l'examen
viscéral.
En résumé, atrophie thénarienne congénitale atteignant quelque peu l'émi-
nence hypothénar et les interosseux d'origine vraisemblablement obstétricale
par lésion radiculaire.
Observation IX
B...,49 ans, journalier. Nie la syphilis, présente une atrophie des petits mus-
cles de la main droite frappant les interosseux, l'éminence thénar et un peu
l'éminence hypothénar. En outre, grand strabisme qui frappe dès le premier
a bord.
A) Le malade est un tabétique ou tout au moins un tabétisant. Depuis un
an et demi il a des douleurs lancinantes dans les membres inférieurs et les
membres supérieurs. Pas de crises gastriques, mais mictions impérieuses. En
même temps strabisme divergent.
A l'examen, les réflexes achilléens existent, le réflexe rotulien conservé
à droite, est aboli à gauche. Réflexe cutané plantaire en flexion.Réflexe du mem-
bre supérieur (voir plus loin). Pas de clonus, pas de raccourcissement. Pas de
signe de Romberg net. Pas de troubles marqués de la sensibilité.
Du côté des yeux, signe d'Argyll Robertson bilatéral complet. Paralysie bila-
térale du moteur oculaire commun, portant sur les trois branches du nerf.
En résumé, signe d'Argyll Robertson, douleurs fulgurantes. Paralysie bila-
térale du moteur oculaire commun, abolition du réflexe rotulien gauche.
Ponction lombaire. Grosse augmentation de l'albumine rachidieune. Lym-
phocytose.
B) Atrophie des petits muscles de la main :
Remonte également à un an environ. Elle est strictement limitée à la main
droite, bien que les douleurs aient été bilatérales. Elle porte à ce niveau sur
les interosseux, d'où profonde dépression du dos de la main ; sur l'éminence
thénar qui est amaigrie en masse mais non pas complètement perdue comme
dans les cas plus anciens ; enfin sur l'éminence hypothénar dont l'épaisseur
est également diminuée.
Le malade se plaint en même temps d'une diminution de la force et d'une
maladresse dans les mouvements. Il peut écrire mais est obligé de s'arrêter au
bout de o minutes. La force de l'avant-bras et du bras est bien conservée et
absolument semblable à celle du côté gauche. De ce côté, la main est indemne.
Du côté de la main droite on note une diminution des mouvements de latéralité
des doigts, qui sont cependant possibles. Les mouvements du pouce notam-
ment l'opposition sont possibles, mais exécutés sans force. Il en est de même
de l'extension des deux dernières phalanges.
Réflexe du membre supérieur : coude, paraît aboli des deux côtés.
Poignet, cubital, paraissent abolis des deux côtés.
Radial paraît aboli à gauche. L'ou n'observe pas de mouvement, mais en
regardant attentivement on voit une contraction modérée du biceps. A droite
nettement conservé.
/il 4. It P. 111AlIm ET FOIX
Ainsi donc, abolition à peu près complète des réflexes du membre supérieur,
sauf du réflexe radial droit (côté amyotrophié).
A l'examen électrique on note : du côté gauche réactions normales, du côté
droit : abolition de la contractilité faradique des muscles de l'éminence tbé-
nar et des interosseux, notamment du premier. Hypo-excitabilité faradique de
l'éminence hypothénar. Au niveau de l'éminence tbénar l'adducteur du pouce
et le court fléchisseur sont pris au même titre que l'abducteur et l'opposant.
Hypoexcitabilité et réactions lentes dans les mêmes muscles au courant gal-
vanique.
En résumé, c'est un malade atteint de syphilis nerveuse, à type de tahes
supérieur.
Atrophie isolée des petits muscles de la main du côté droit.
Il est difficile de dire si cette atrophie sera ou non progressive puisqu'elle
ne remonte qu'à un an. La stricte unilatéralité est cependant en faveur de
la non progressivité.
Observation X
M..., 6(¡ ans, représentant de commerce. Nie la syphilis, présente une atro-
phie strictement limitée il l'éminence thénar du côté droit et portant presque
exclusivement sur le court abducteur et l'opposant.
Depuis deux ans, fourmillemeuts dans les trois premiers doigts de la main
droite, un peu dans le quatrième. En même temps sensation d'engourdisse-
ment et de faiblesse dans le pouce.
L'atrophie musculaire fut remarquée par son médecin. Elle est très stricte-
ment limitée au côté externe de l'éminence thénar, où elle creuse une fossette
au fond de laquelle le métacarpien est directement sous la peau. Du côté gau-
che au contraire la masse musculaire est bien conservée. Les mouvements d'ab-
duction et d'opposition se font sans force. Le malade est très gêné pour écrire,
il ne peut pas ramasser une épingle sur un plan lisse. L'éminence hypothénar,
les interosseux, l'avant-bras et le bras sont normaux.
Les réflexes olécraniens, radial, cubital existent. Pas de troubles objectifs
nets de la sensibilité. Le malade perçoit le pinceau, mais dit le sentir diffé-
remment du côté droit et du côté gauche au niveau des trois premiers doigts.
Pas d'autres troubles sensitifs. L'examen somatique du système nerveux ne
révèle rien autre chose.
Les réflexes rotuliens et achilléens sont normaux. Il n'y a pas de signe d'Ar-
gyll, pas de signe de Babinski, pas d'inégalité pupillaire, ni de paralysie ocu-
laire.
En résumé, troubles subjectifs de la sensibilité dans les trois premiers doigts
de la main droite, atrophie thénarienne limitée à l'abducteur et à l'opposant.
L'examen électrique montre :
Main gauche : thénar, hypothénar, normaux.
Main droite : hypoexcitabilité faradique du fléchisseur et de l'adducteur : abo-
lition de la contractilité faradique de l'abducteur et de l'opposant. Eminence
hypothénar normale.
L'ATROPHIE ISOLEE NON PROGRESSIVE DES PETITS MUSCLES zizi
Si nous essayons de dégager les traits communs de ces observations en
éfiminantiescasttop disparates tels que le casW..., où il s'agit d'amyo-
trophie congénitale, due bien probablement à des lésions radiculaires
par traumatisme obstétrical, nous voyons qu'il en est de remarquables
par leur constance, permettant d'individualiser une forme clinique
d'amyotrophie isolée non progressive. Ce sont :
Au point de vue de la topographie : la prédominance unilatérale ; la
limitation stricte aux petits muscles de la main.
Au point de vue de l'évolution : la lenteur et l'absence de progression
vers les autres groupes musculaires. Nous ajouterons enfin les troubles
de réactions électriques.
Par contre l'état des réllexes, l'existence ou l'absence de troubles sensi-
tifs, constituent des éléments variables dont nous aurons à envisager la
valeur diagnostique.
Considérons d'abord les premiers points.
La prédominance unilatérale va le plus souvent jusqu'à ]'unilatéralité
absolue. Il en est ainsi dans 3 sur 4 de nos cas anatomo-cliniques, dans
S sur G de nos cas exclusivement cliniques. Les 2 cas où l'amyotrophie
est manifestement bilatérale comportent cependant une prédominance
manifeste d'un côté.
Le côté droit et le côté gauche sont atteints de façon quelque peu iné-
gale. Sur nos 8 cas unilatéraux la main droite est touchée G fois, la gau-
che 2.
L'un des 2 cas bilatéraux aurait une prédominance marquée du côté
gauche. On peut dire par conséquent que la main droite est touchée
2 fois sur 3.
La limitation stricte aux petits muscles de la main constitue un carac-
tère absolu et - pour ainsi dire - de définition de cette forme. Il n'y
a pas d'amyotrophie, il n'y a pas d'affaiblissement ou de paralysie nota-
ble des muscles de l'avant-bras. Lorsque ces symptômes existent, associés
à une atrophie thénaro-hypothénarienne, l'affection sera généralement
évolutive ; et l'extension progressive et diffuse des lésions achèvera de
dissocier les 2 tableaux cliniques.
L'atteinte globale de la main est loin d'ailleurs d'être la règle absolue
et l'on peut à ce point de vue distinguer un type diffus tlcénuno-hypotlhé- z
narien et des types limités thénarien et h ! JJ1otlu ! lIal'ien.
Le type diffus est en réalité de beaucoup le plus fréquent lorsqu'on y
regarde de près. 11 comporte oulre l'atteinte des éminences thénar et
446 P. MARIE ET FOIX
hypothénar l'atteinte des interosseux. A ce type se rattachent nos 3 cas
anatomo-cliniques et 4 sur 6 de nos cas cliniques.
Le type thénar peut être pur. C'est à lui que se rattachent nos 2 cas
limités.
Quant au type hypothénar auquel se surajoute une atrophie des inté-
rosseux nous ne l'avons pas rencontré isolé. Dans la majorité des cas
diffus, l'amyotrophie prédomine sur l'éminence thénar, plus rarement
sur les interosseux. Cependant notre observation VI a trait un type hy-
pothénar avec association d'une atrophie thénarienne modérée.
A côlé de ces caractères typographiques, il existe des caractères évolu-
tifs, qui les corroborent et les complètent.
La lenteur de l'évolution constitue en effet un élément caractéristique.
L'amyotrophie peut mettre 5 ans, 10 ans, 15 ans à parvenir à son maxi-
mum. Plus souvent, après avoir marché pendant 1 an de façon assez
rapide, elle demeure stable et ne progresse plus. Elle peut ainsi réaliser
une maind'Aran-Duchenne presque complète,et cependant les muscles de
l'avant-bras demeurent complètement indemnes.
Ce caractère est important car il sépare de façon absolue ces amyotro-
phies non progressives des amyotrophies par poliomyélite ou par méningo-
myélite syphilitique avec lésions cellulaires diffuses, où l'atteinte des
membres supérieurs est à la fois diffuse et plus ou moins rapidement
progressive.
Les modifications des réactions électriques sont constantes. Elles vont
de l'hypoexcitabilité simple avec réaction de dégénérescence jusqu'à l'abo-
lition complète des réactions faradiques et galvaniques. Cette dernière
est de règle dans les muscles les plus atteints.
Ces troubles sont importants pour éviter de confondre une amyotrophie
thénarienne d'origine nerveuse avec une atrophie parlésion simple de
voisinage articulaire, par exemple. L'erreur est d'ailleurs facile à éviter
par le simple examen clinique.
Nous arrivons maintenant aux éléments variables.
Les troubles de la sensibilité objective sont rares. Ils manquaient dans
nos 2 cas anatomo-cliniques d'atropliie thénarieune par téphromalacie,
quant au cas d'atrophie thénarienne par névrite, il est difficile de rien
affirmer sur ce point, la malade était au moment de l'examen dans l'im-
possibilité de se prêter d'une façon convenable il la recherche de la sen-
sibilité.
Ces troubles manquent également dans nos (i cas uniquement cliniques.
Par contre les troubles de la sensibilité subjective sont fréquents. Ce
sont des douleurs qui, en général, accompagnent le début de l'amyotrophie
pour se calmer plus ou moins complètement par la suite. Ces douleurs
L'ATROPHIE ISOLÉE NON PROGRESSIVE DES PETITS MUSCLES 447
sont notées dans deux de nos cas anatomo-cliniques. Elles existent égale-
ment dans 4 sur 6 de nos cas purement cliniques.
Quant à l'étude des réflexes, elle est quelque peu décevante et cela pour
deux raisons
La première est que ces malades ont souvent autre chose que leur
atrophie thénarienne ; et qu'ainsi, les modifications de la réflectivité que
l'on observe peuvent être dues à de tout autres causes. Citons comme exem-
ple notre observation n° 2 qui concerne une hémiplégie aphasique, nos
observations 6 et 10 qui concernent, l'une un tabes franc, l'autre un tabes
fruste.
La deuxième est que le réllexe qui normalement correspond aux seg-
ments médullaires intéressés (8 CI D) est le réllexe de flexion des doigts,
réflexe inconstant dont l'existence a seule de la valeur.
Pour les réflexes cubital et radial, nous voyons en dépouillant nos
observations :
a) Qu'ils étaient conservés et normaux dans 4 cas. Dans un de ces cas
il y a eu autopsie et il s'agissait de téphromalacie.
b) Qu'ils étaient abolis ou du moins extrêmement diminués bilatérale-
ment et sans différence d'un côté à l'autre dans un cas seulement. Dans
ce cas, il y a eu autopsie : il s'agissait de téphromalacie et il existait
en outre une lésion peu marquée des cordons postérieurs.
c) Qu'ils étaient abolis uniquement du côté malade dans un autre cas.
Dans ce cas il y a eu autopsie et il s'agissait de névrite.
d) Dans 2 autres cas qui concernaient l'un un tabétique, le deuxième
une labétisante avec abolition des réflexes achilléens, nous avons observé
la dissociation suivante :
« Le réflexe cubital est aboli des deux côtés.
« Le réflexe radial est aboli ou extrêmement diminué du côté sain, net-
tement plus fort du côté malade. »
e) Enfin dans un cas d'atrophie congénitale, le réflexe radial était un peu
plus fort du côté malade, elle réflexe cubital très diminué du même côté.
En résumé : La conservation des deux réflexes radial et cubital est
fréquente.
Dans un de ces cas il s'agissait de téphromalacie.
Leur abolition bilatérale peut s'observer. Elle ne s'oppose pas au dia-
gnostic de téphromalacie.
Leur abolition du côté malade a coïncidé avec une névrite unilatérale
également.
Il existe des cas où l'on observe du côté malade un réflexe radial plus
fort que celui du côté sain.
Cette dissociation est difficile à expliquer, le centre du réflexe radial
étant situé au-dessus du centre des petits muscles de la main.
118 P. MARIE ET FOIX
Quelle que soit l'interprétation qu'elle comporte, elle nous parait quand
on l'observe, plaider en faveur d'une lésion centrale plutôt que d'une
lésion périphérique, radiculaire ou névritique.
Ainsi donc, malgré la variabilité de l'état des réllexes, l'atrophie isolée
non progressive despetits muscles de la main constitue par son siège, ses
réactions électriques, son évolution, une enfilé clinique parfaitement
définie.
De tels faits n'ont pas échappé à l'attention des auteurs, et l'on trouve
étudiés des cas plus ou moins identiques que l'on peut dès l'abord répartir
en trois groupes distincts.
Le premier groupe comprend les cas analogues à ceux réunis par
M. Dejerine dans son travail de la Revue de Médecine sur les atrophies
musculaires des tabétiques.
Dans ce travail qui comporte 9 cas avec autopsie, M. Dejerine a cons-
tammentretrouvé une névrite périphérique intense avec intégrité des cen-
tres nerveux.
Or plusieurs de ces malades avaienl des mains dulype Aran-Duclienne
et ceci parait au premier abord aller à l'encontre de notre opinion, quant
à la fréquence relative des lésions téphro-malaciques sur lesquelles nous
venons d'insister.
Mais il faut bien dire, qu'en dehors môme de la question de terrain (il 1
s'agit ici uniquement de tabétiques), l'examen un peu plus approfondi
des observations deM. Dejerine montre qu'elles ont trail en réalité un tout
autre type d'amyotrophie. Ce sont des malades atteints de lésions diffuses,
ayant presque tous le double pied-bot tabétique de Joffroy, et chez qui
l'atrophie bilatérale des petits muscles de la main, s'accompagne d'a-
myotrophie considérable de tout le membre supérieur.
Il s'agit donc en réalité d'atrophie musculaire diffuse symétrique,
bilatérale et progressive prédominant sur les extrémités, type en effet
essentiellement névritique et non pas d'atrophie musculaire isolée des
petits muscles de la main.
L'atrophie isolée non progressive peut d'ailleurs, comme le montre
notre observation avec autopsie n° 4, être également causée par une né-
vrite localisée aux nerfs médian et cubital.
Le deuxième groupe concerne des atrophies musculaires plus ou moins
progressives chez des malades atteints de syphilis cérébro-spinale.L'on peut
y ranger aujourd'hui un assez grand nombre de cas dont quelques-uns
avec autopsie, et l'on en trouvera l'énumération dans les articles récents
de Lllermitte et de Rose el Rendu. Les cas avec autopsie relatent pres-
que tous des lésions analogues, c'est-à-dire une atrophie des cellules des
cornes antérieures.
l'atrophie ISOLÉE 1\0l'\ PROGRESSIVE DES PETITS MUSCLES li 41)
A cette atrophie s'ajoutent des lésions vasculaires plns ou moins mar-
quées, lésions de périvascularite syphilitique subaigué dans les cas de
Raymond, de Launois et Porot, lésions d'endo-périvascularile chronique
dans les cas de Leri, de P. Merle, lésions très anciennes et peu marquées
dans les cas de Wilson.
Tous ces faits présentent d'ailleurs un point commun qui les sépare com-
plètement des nôtres. Il s'agit de lésions progressives revêtant plus ou moins
le type de l'atroplliemusculaireAran-Duchenne, bilatérales, symétriques,
envahissantes.
Dans nos cas, au contraire, il s'agit d'un processus généralement unila-
téral, toujours asymétrique, strictement limité aux petits muscles de la
main, parfois môme à un seul groupe, thénar ou hypothénar. Ce sont
justement ces faits, qu'on peut ranger dans un troisième groupe, et l'on
trouve également quelques cas se rapportant à ce type, mais l'amyotrophie
n'y est signalée qu'en passant et non expliquée.
Nous n'avons trouvé comme travail d'ensemble se rapportant directe-
temen t à ce su jet que l'article récen t de Ramsay Hunt que nous avons déjà
cité.' Dans cet article, Ramsay Hunt rapporte, ainsi que nous l'avons dit,
3 cas 'd'atrophie isolée thénarienne ou hypothénarienne et les rattache à
des compressions d'ordre professionnel. Enfin Dana, dans un travail
comportant l'examen anatomo-pathologique d'un cas d'atrophie muscu-
laire progressive d'origine syphilitique, cite incidemment au cours de
l'énumération succincte d'un grand nombre de cas d'atrophie musculaire se
rapprochant plus ou moins de l'atrophie musculaire progressive, des cas
d'atrophie professionnelle ou de fatigue qui doivent se rapprocher des
précédentes. Rappelons enfin qu'il peut exister dans les névrites alcooli-
ques ou saturnines des formes limitées au type Aran-Duchenne.
Somme toute, on en était réduit aux hypothèses sur la pathogénie des
atrophies non progressives du lype thénaro-hypothénarien et les auteurs
qui s'en sont occupés semblent surtout penser soit à des lésions muscu-
laires protoptlliques, soit à des lésions de névrite localisée.
Nous venons de voir qu'en réalité il n'en est rien et que,mis à part les
cas où elle constitue un reliquat de poliomyélite antérieure aiguë, l'atro-
phie isolée non progressive des petits muscles de la main peut reconnaître
comme cause une lésion destructive et localisée de la corne antérieure,
véritable téphromalacie limitée à un ou deux segments médullaires.
D'autre part, cette lésion léphromalacique n'est pas la seule à pouvoir
causer ce syndrome. Dans un de nos cas il s'agissait de névrite, et il est
vraisemblable que la névrite radiculaire de Nageolle, el peut-être une
poliomyélite chronique localisée peuvent également être son origine.
axv 30
450 P. MARIE ET FOIX
Comment faire cliniquement le départ entre ces diverses lésions. Ceci
comporte une double question.
Quelle est la maladie causale ? ' ?
Quelle esl la lésion anatomique déterminante.
Pour ce qui est de la maladie causale, il faut avant tout mettre hors de
pair la syphilis.
De nos 4casanatomo-cliniques, 2 sont d'origine sûrement syphilitique.
. Parmi nos 6 cas cliniques, 3 présentent des signes de syphilis nerveuse.
La syphilis sera donc d'emblée soupçonnée, et reconnue par les procédés
ordinaires : examen clinique général, procédés de laboratoire (ponction
lombaire et réaction de Wassermann).
En dehors de la syphilis on peut penser a l'artério-sclérose sénile (qui
déterminait un de nos cas de téphromalacie) ou a une compression névri-
tique, souvent bien hypothétique. Dans notre cas de névrite avec autopsie,
les lésions frappaient à la fois le cubital et le médian, si bien qu'il est
difficile d'invoquer une compression unique dont nous n'avons d'ailleurs
pas trouvé la trace à l'autopsie.
Il reste alors à définir le siège de la lésion et ce dernier diagnostic nous
parait particulièrement difficile.
Au premier abord il semble que l'argument topographique soit de pre-
mier ordre : qu'une anyotrophie strictement localisée, thénarienne par
exemple ou hypothénarienne, doive relever d'une névrite du médian du
cubital ; qu'une amyotrophie diffuse soit plutôt d'origine centrale ou
radiculaire.
En réalité il n'en est rien, car sur ce point la topographie médullaire
se confond avec les topographies névri tiques.
C'est ainsi que nous avons eu l'occasion d'examiner une malade atteinte
de poliomyélite antérieure ancienne et typique, chez laquelle existait des
deux côtés une semblable dissociation : « Eminence thénar atrophiée,
eminence hypothénar respectée ainsi que les interosseux. Comme dans
les lésions du nerf médian, l'adducteur du pouce est respecté, le court
fléchisseur partiellement conservé.
Cette disposition.nettedes deux côtés était surtout évidente du côté droit,
où malgré une atrophie thénarienne complète, les interosseux fonction-
naient si bien que leur réflectivité se trouvait exagérée donnant à l'excita-
tion de la la styloïde radiale la dissociation signalée par M. Babinski (flexion
des doigts avec abolition de la flexion de l'avant-bras sur le bras).
La localisation exclusivement thénarienne ne suffit donc pas à faire por-
ter le diagnostic de névrite ; peut-on par contre, en raison de la diffusion
thén aro-hypothénarienne des symptômes, éliminer ce diagnostic ? Pas
l'atrophie isolée non progressive DES PETITS MUSCLES 451
davantage, et notamment il en était ainsi dans notre observation IV, où il
s'agissait de névrite du cubital et du médian.
La douleur ne fournit pas un meilleur moyen de diagnostic. Elle existe
dans tous les cas : Névrite périphérique ou radiculaire, téphromalacie
antérieure, poliomyélite par méningo-myélite syphilitique.
L'existence de troubles objectifs de la sensibilité constitue évidemment
un argument important en faveur de la névrite ou de la radiculite, mais
il manque le plus souvent. Nous avons vu l'incertitude où laisse l'état des
réflexes. Il semble, à voir nos observations, que leur abolition unilatérale
soit en faveur de la névrite, leur conservation du côté atteint en faveur
de la lésion centrale.
Nous pensons également que l'existence du côté atteint d'un réflexe
radial exagéré par rapport à celui du côté sain est en faveur de l'origine
médullaire des accidents.
Enfin la ponction lombaire fournit une dernière base. Une lympho-
cytose marquée avec augmentation de l'albumine rachidienne plaide en
faveur d'une lésion centrale, médullaire ou radiculaire. (On sait cepen-
dant qu'il existe des névrites chez les tabétiques, mais les troubles qu'elles
déterminent sont d'ordinaire plus diffus).
On le voit, tout cela reste un peu flou, et, le diagnostic de lésion de-
meure en partie une affaire d'impression. Nous en résumérons pourtant
les éléments.
1° Quand chez un malade à liquide céphalo-rachidien normal on consta-
tera une atrophie isolée avec abolition des réflexes radial et cubital, on
conclura à la lésion périphérique névritique.
2° Quand chez un malade à liquide céphalo-rachidien pathologique, on
constatera une atrophie isolée avec conservation des réflexes radial et cubi-
tal du côté malade, on conclura à la lésion centrale, médullaire.
3° L'existence de troubles subjectifs de la sensibilité n'a pas de valeur,
l'existence de troubles objectifs est en faveur de la névrite ou de la radi-
culite.
Ce ne sont là évidemment encore que des règles appuyées sur un nom-
bre insuffisant de faits, et il est assez vraisemblable que d'autres faits les
modifient. Elles résument cependant, pour nous l'état actuel de la ques-
tion.
Un point demeure obscur et d'interprétation délicate : c'est la curieuse
prédilection de la syphilis pour ce segment inférieur de la moelle
cervicale.
ira2 P. marie et FOIX
Cette prédilection ne lui est d'ailleurs pas spéciale, et la syringo-
myélie par exemple, ou la pacllyméningite hypertrophique débutent ou
prédominent en cette même région. C'est encore en ce point que débu-
tent et prédominent les lésions cellulaires de la poliomyélite chronique et
de la sclérose latérale amyotrophique.
Quelle est la raison de cette singulière fragilité. EsL-ce une question
d'irrigation ? L'axe nerveux est-il à ce niveau plus débile ou moins bien
nourri ?
Il est évidemment inutile de faire ai ce sujet des hypothèses sans fonde-
ment, mais le fait est en lui-même indéniable, et mérite d'être mis en
lumière.
Nous en apportons dans ce travail une preuve nouvelle, remarquable
à la fois par la stricte limitation des symptômes, et la stricte limitation
des lésions.
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ACROMÉGALIE ET UREMIE
Par
E. PALLASSE J; MURARD
(de Lyon).
Les faits d'acromégalie aujourd'hui publiés sont loin d'être rares. Cepen-
dant les rapports de l'hypertrophie hypophysaire et de certaines affections
qu'on serait d'abord tenté d'appeler all'ections intercurrentes n'ont pas
été précisée. Nous croyons que l'urémie, qui est souvent un des modes
de terminaison de la maladie, constitue plus qu'un modus moriendi ainsi
que la nommait Uuchesnean (1), qui déjà en 1892, apportant l'observa-
tion d'une femme morte avec des lésions dégénératives de néphrite chro-
nique, remarquait d'autres cas analogues parmi ceux publiés avant lui.
D'autre part, depuis que la chirurgie a tenté de s'adresser à la tumeur
pituitaire, les interventions n'ont pas été si fréquentes que l'examen ana-
tomique d'une pièce de ce genre,étudiée au point de vue de ses connexions
et de sa voie d'abord, ne puisse servir de document démonstratif pour la
précision de la technique.Ces deux raisons nous ont engagé à publier l'ob-
servation d'une malade acromégale que nous eûmes l'occasion de voir pour
la première fois dans le coma, en état decrises presque subsistantes, qu'en
raison des renseignements fournis et de la présence d'albumine dans
l'urine, nous rattachâmes à l'urémie. Devant l'échec des moyens médi-
caux, nous nous crûmes autorisé à lui faire pratiquer une intervention,
néphrotomie d'un côté, décapulation de l'autre. La mort survint néan-
moins cinq heures après, et à l'autopsie on trouva une tumeur hypophy-
saire qui fut enlevée en bloc avec la base du crâne, en même temps que
l'examen macroscopique et microscopique des reins montra des lésions de
néphrite subaiguë. Voilà les grands traits de celte histoire clinique, en
voici le compte-rendu détaillé.
Observation (PI. LXII)
B. G. C., 47 ans, entre à la salle Carnot, dans le service rlu Dr Leclerc le
28 août 1912, dans le coma.
(1) DucuasSNEAu, Contribution à l'élude analomique et clinique de l'acromégalie et en
particulier d'une forme amyotrophique de celle maladie, Thèse de Lyon, t891-,892,
NOUVFLLE Iconographie DE la SALPÊTRIÈRE.
T. XX\'. Ili. L\1
ACROMÉGALIE ET UREMIE
(E. Pallasse et J. Murard).
A. Malade. B. Photographie de la tumeur. C. Radiographie de la tumeur hypophysaire ;
l'encoche de la partie supérieure à été prélevée pour l'examen histologique.
ACROMÉGALIE ET URÉMIE 455
Son entourage donne les quelques renseignements suivants :
Elle se portait bien jusqu'à cette année, n'ayant jamais eu de maladie grave,
elle s'était mariée, avait eu plusieurs enfants bien portants.
Au mois de mai dernier, elle eut une petite affection fébrile, u'ayant d'ail-
leurs duré que quelques jours, à l'occasion de laquelle on trouva de l'albumine
dans ses urines. Depuis lors, elle menait une vie normale, se plaignait de temps
à autre de troubles de la vue, et de céphalée. Mais néanmoins elle se livrait à
ses occupations, on ne remarqua rien de spécial chez elle.
Le 22 août, elle se plaignit de céphalée violente et s'alita. Le même jour,
apparaissait la première crise convulsive, les crises se renouvelèrent le mémo
jour, on en compta dix-sept. Le lendemain, onze crises, puis seulement deux
les deux jours suivants. Ces crises commençaient du côté gauche, et rapide-
ment du membre supérieur se généralisaient à tout le corps, avec contraction des
muscles de la face. Cependant la malade, plongée dans un état de torpeur, cau-
sait par intervalles, pour retomber ensuite dans une asthénie profonde. Le taux
des urines était normal, peut-être une légère pollakiurie.
Hier, de nouveau, les crises se sont reproduites, mais en commençant cette
fois par le côté droit. Elles sont nombreuses,violentes,mais la malade ni ne se
mord la langue, ni n'écume. Un médecin a été appelé qui a constaté la pré-
sence d'albumine dans les urines, mais leur quantité n'a pas été mesurée : en
tous cas, l'entourage dit qu'elle n'a jamais été au-dessous de 1.000 grammes.
La malade arrive ce matin fui, l'hôpital, dans le coma. Elle est secouée de
temps à autre par des crises convulsives généralisées, avec participation des
muscles de la face, et contraction de l'orbiculaire des paupières.
Dans l'intervalle des accès, mâchonnement bref, et tics spasmodiques de l'oeil
droit.
A l'examen, tout le côté droit est paralysé, mais il s'agit seulement de
parésie.
Les réflexes rotuliens sont abolis des deux côtés.Babinski en extension à droite
seulement.
Rien de particulier aux autres appareils.
Au coeur, les bruits sont forts, mais réguliers, sans souffle, ni galop. Le
pouls est rapide : à 140, de tension moyenne.
Les urines sont claires, elles renferment un signe moyen d'albumine à teinte
un peu rosée ; pas de sucre.
On remarque seulement à ce moment-là les dimensions des mains qui sont
en battoir, le volume du nez, le prognathisme : la malade est certainement une
acromégale ; mais on ne s'attarde pas en ce moment à ce détail, en raison de
son état.
Le soir, la malade reste dans le coma. Elle a pris sept crises dans la jour-
née. Une saignée de 300 grammes est pratiquée, ainsi qu'une ponction lom-
baire, qui donne issue à un liquide très clair, limpide, d'apparence normale.
Le 29, on apprend que la nuit s'est passée dans un état de crises subin-
trantes. Le matin, les convulsions sont continuelles, surtout prononcées à gau-
che pour le visage, mais généralisées pour le reste du corps;
456 PALLASSE LT MURARD
7H<e)'uet ! <to ? Anesthésiea l'éther (.1f.DesLyouttes,cliii-ur(yien des hôpitaux) :
1° Incision lombaire droite. L'atmosphère graisseuse péri-rénale est extrême-
ment abondante. La capsule fibreuse lui est unie par des adhérences très
nombreuses, qu'il faut par endroit couper aux ciseaux, mais qui ne sont pas
très solides.
Le rein extrait de sa loge est de consistance molle, un peu gros, et de couleu r
bleu ardoisé. Décapsulation et résection de la capsule, elle est assez facile et se
fait presque sans hémorragie. La surface du rein est légèrement granuleuse.
La capsule enlevée est épaisse et dure.
2° Incision lombaire gauche. Le rein offre les mêmes caractères que le rein
opposé. Les adhérences de la capsule fibreuse à la graisse péri-rénale sont assez
nombreuses, mais pas très solides. La capsule fibreuse par contre est très
épaissie.
Néphrotomie. La coupe du rein faite sans compression préalable du pédicule
saigne beaucoup. On pénètre en profondeur jusqu'au bassinet dans lequel on
glisse un gros drain. Les deux valves n'offrent pas de lésions apparentes. On
les suture l'une à l'autre par cinq points doubles au catgut.
La néphrotomie est ensuite complétée par la décapsulation.Celle-ci s'exécute,
en faisant une incision à la capsule, parallèle à la néphrotomie. mais en dehors
de la ligne de suture au catgut, des deux côtés, et en rabattant jusqu'au bile le
feuillet fibreux qu'on résèque. Si bien qu'il reste sur chaque valve une bande
de capsule destinée à supporter les points de catgut.
Dans les heures suivantes, le coma persiste, se produit encore trois petites
crises convulsives, la malade succombe il z heures de l'après-midi.
Analyse de l'urine recueillie pendant les 24 premières heures :
ACROMÉGALIE ET UREMfK 457
sont très pâles ; leur surface est presque blanche, non granuleuse, mais lisse
et onctueuse.
Rein droit : à la coupe, le parenchyme est composé d'îlots ovalaires noyés
dans un tissu environnant uniformément blanchâtre et mou. On ne distingue
plus ni substance médullaire, ni substance corticale.
Rein gauche : la tranche de néphrotomie est ecchymotique, mais en profon-
deur on retrouve immédiatement un tissu analogue au rein opposé.
. Coew' de Trauhe typique. Poids : 700 grammes. Le coeur droit est peu déve-
loppé, par comparaison avec le ventricule gauche très dilaté, dont la paroi est
très épaisse sans être dure. Pas de sclérose macroscopiquement, rien d'appa-
rent aux valvules.
Rien au péricarde. ,
[/aorte présente des plaques discrètes d'athérome.Elle est imbibée de sang.
Le foie est gras, onctueux, saignant peu à la coupe. Poids : 1340 gr.
La rate pèse 230 gr.
Poumon : Adhérences du sommet gauche. Légère congestion des hases.
Rien de particulier à la coupe.
Le corps thyroïde offre un noyau goitreux dans les deux lobes, le lobe mé-
dian est aussi le siège d'un nouveau noyau des dimensions d'une petite prune,
et pendant à l'entrée du médiastin. Ce noyau médian est hémorragique.
Le thymus n'est pas retrouvé.
Les surrénales ne sont pas grosses.
/encéphale. - En relevant l'encéphale, on découvre une tumeur de l'hypo-
physe, emprisonnée dans la selle turcique.
Le cerveau lui-même n'offre à la coupe aucune particularité. Il pèse avec le
cervelet et le bulbe 1.240 grammes.
Examen de la tumeur. - La tumeur se présente comme un petit champi-
gnon qui fait saillie hors de la selle turcique (PI. LXIi). La partie visible a les
Fio. 1. - On voit la pièce par sa partie antérieure. L'ouverture des sinus sphénoï-
daux a été agrandie par effondrement de la paroi antérieure. La tumeur proémine
de' chaque côté dans le sinus.
458 PALLASSE ET MURARD
dimensions d'une cerise, elle est molle, tremblottante et lisse, comme la subs-
tance cérébrale. Elle a une couleur blanche, et de fins petits vaisseaux cou-
rent sur elle, l'orifice de la selle pituitaire n'est ni déformé, ni agrandi.
Pour étudier les rapports avec les cavités voisines, on a découpé dans la hase
du crâne un segment quadrangulaire dont la selle turcique occupe le centre.
Rapport avec les sinus sphénoïdaux. - L'entrée des sinus est assez facile
à trouver; elle se présente comme un orifice de la grosseur d'une lentille à
gauche, un peu moindre il droite (une tête de grosse épingle en verre). On
peut effondrer aisément la paroi antérieure du sinus au-dessous de l'orifice, et
on aperçoit alors la paroi supérieure refouiée par la tumeur. Celle-ci a même
en arrière détruit la coque osseuse et fait hernie dans la partie la plus reculée
du sinus. Le reste de cette paroi est extrêmement mince, rosé, présentant l'as-
pect d'une membrane fibreuse légèrement vascularisée.
La tumeur fait également saillie d'un côté et de l'autre ; la lame perpendi-
culaire de l'ethmoïde qui est exactement médiane la divise en deux parties à
peu près symétriques.
Rapports avec l'encéphale. - Sur la partie droite de la tumeur, et vers sa
face postérieure, se trouve le point d'implantation de la tige pituitaire. Celle-ci
est courte et trapue, encore perméable.
Sur l'encéphale, la masse a laissé son empreinte,et modifie l'aspect du chiasma
et de la région infundibulaire.
L'infundibulum est soulevé, proéminent, gonflé, mais il semble tiré du côté
droit où se trouve le pédicule, si bien que l'ensemble de la région est dissy-
métrique, comme si la tumeur avait exercé une traction l'attirant en masse à
à droite. Le chiasma est normal, mais son bord postérieur se confond avec la
saillie de l'infundibulum, dont on ne le sépare à la vue que par la constata-
tion d'une ébauche de gouttière.
La tumeur avait contracté une petite adhérence en avant avec la pie-mère
qui tapisse le cul-de-sac creusé au-dessus du chiasma. Cette adhérence s'est
déchirée au moment de l'ablation du cerveau, de même que le pédicule s'est
détaché spontanément, la tumeur étant très friable.
Caractères somatiques particuliers étudiés à l'autopsie :
Taille : 1 m. 75.
Longueur du membre inférieur (de l'épine iliaque antéro-supérieure à la
malléole externe) : 0, 85. Le pied est plutôt petit.
Longueur du membre supérieur (de l'acromion à l'extrémité du médius) 0,75.
Longueur de la main : de l'interligne radio-carpien à l'extrémité du médius :
0, 18 1/2.
Le décalque de cette main (femme) est plus large et plus trapu que celui
de la main des auteurs. C'est une main en battoir.
En somme, à part la largeur de la main et les dimensions boudinées des
doigts, les membres ne sont pas sensiblement allongés, le sujet étant de grande
taille.
Il n'y a aucune déformation thoracique.
Au vertex, le crâne n'offre rien de particulier. La calotte crânienne pèse
450 grammes.
ACROMÉGALIE ET UREMIE 459
Du côté de la face, le nez est très typique, le profil est véritablement vol-
tairien.
Le prognathisme de la mâchoire inférieure est peu accusé. Cependant le
visage a un aspect rude, mâle, avec un développement anormal des poils.
Examen histologique des pièces prélevées.
Rein (fragment prélevé à l'intervention) (n° 3).- Fixation par le mélange de
Van Gehuchten. Coloration par 1'liématéine-osine et lirmatéine picro-ponceau .
Les glomérules ont relativement peu de lésions, la capsuieestseuie épaissie ;
certains sont ratatinés, mais la plupart conservent un aspect normal.
Les tubes au contraire sont extrêmement altérés. L'épithélium est tuméfié,
les pôles cellulaires se confondent, faisant disparaître la lumière centrale. D'au-
tres sont remplis de débris qui agglutinent les parois et oblitèrent le caual.
Dans la plupart, la cellule est elle-même en partie détruite.
Les colorations au picro-ponceau montrent l'augmentation du tissu conjonc-
tif, qui forme d'épaisses et lourdes travées. Quelques-unes se poursuivent dans
l'intérieur des glomérules.
Il n'y a peut-être pas de tubes sains dans la coupe, ce qui contraste avec
l'intégrité des Anses de Henle, dont la lumière est régulière, avec seulement t
quelques petits déchets à l'intérieur.
Corps thyroïde. - Goitre banal.
Hypophyse. - On reconnaît les cellules hypophysaires, mais il est difficile
de préciser la nature de la tumeur.
Cette observation est pour nous le sujet de divers ordres de réflexions,
les unes comprennent la discussion de l'urémie, les autres sont d'ordre
chirurgical, et nous les énumérons en dernier lieu.
1. - Le premier point consiste il savoir si le coma et les crises convul-
sives constatés chez notre malade doivent être rattachés à l'urémie. En
remarquant les chiffres donnés par l'analyse de l'urée dans le sang, dans
le liquide céphalo-rachidien, chiffres qui ne sont guère éloignés de la nor-
male ; en constatant d'autre part la très faible quantité d'albumine que
renferment les urines, on pourrait être tenté de mettre plutôt l'ensemble
des phénomènes sur le compte de l'acromégalie, et d'en faire un syndrome
terminal. L'examen du fond d'oeil nous serait dans cette discussion d'un
grand secours, mais, étant donné les circonstances dans lesquelles la
malade fut observée, le peu de temps que nous pûmes la suivre, nous don-
nions la plus grande importance aux signes urémiques, et cette hypo-
thèse ne fut même pas envisagée.
Cependant, les recherches histologiques effectuées, non pas sur le rein n
prélevé à l'autopsie, mais sur un fragment recueilli au moment de l'inter-
vention, nous ont montré des lésions évidentes de néphrite grave, et il
460 PALLASSE ET MURARD
suffit de se reporter à la notice pour être convaincu de l'existence des
lésions rénales.
Comment donc pourtant concilier la gravité du tableau clinique avec
la faible rétention uréique dans le sang ? Répondre à cette question, c'est
aborder un des plus gros problèmes de la pathologie rénale. Cependant,
sans vouloir entamer le moins du monde ces discussions, il est un fait
certain, c'est que l'urémie et la toxhémie ne sont pas choses tout à fait
synonymes. Nous n'avons aucun chiffre témoignant de la quantité d'azote
total, mais grossièrement l'urée est en général prise comme témoin suffi-
sant pour apprécier l'élimination azotée. D'autre part, il existe un certain
degré de rétention chlorurée. Mais néanmoins, ces divers facteurs sont
malgré tout insuffisants à expliquer la violence des crises, et leur rapide
évolution.
C'est pour répondre à cette objection que nous émettons l'hypothèse
très logique de l'influence de la lésion nerveuse. La tumeur pituitaire a
pu jouer un rôle favorisant très sérieux dans le mécanisme de l'intoxica-
tion. Ces rapports entre l'axe nerveux et le rein sont d'ailleurs bien connus.
Ascoli et Figari (1) dans leurs expériences avaient démontré l'action
de la néphrolysine sur le système nerveux, action presque élective, et on
a presque universellement admis le rôle de l'imprégnation nerveuse dans
la pathogénie des accidents urémiques. Si bien que le coma, les crises
cloniques sont bien plus sous la dépendance de ce facteur que de la
rétention uréique. Et si nous admettons que l'existence d'une tumeur l'
hypophysaire constitue déjà pour le système nerveux une lésion qui le
rend plus vulnérable, il est très raisonnable de penser que chez une pré-
disposée, du fait de la lésion encéphalique, l'évolution d'une poussée
aiguë au cours d'une néphrite devait être particulièrement grave, et se
présenter presque fatalement comme une intoxication rapide à forme
nerveuse.
II. - Ceci pourrait déjà constituer quelques rapports enlre les deux
affections, puisque la première impose à la seconde sa forme, sa marche,
et presque sa terminaison. Mais nous croyons qu'il y a plus encore. Il
n'est pas rare de noter chez les acromé5ales des troubles carclio-vascnlaires.
Fournier (2) a consacré sa thèse à cette étude, notre maître, Monsieur Le-
clercen a signalé (3). Mais peut-être v 1-1-11 plus qu'une coexistence entre
la néphrite et la dystrophie. L'existence de lésions rénales n'est pas men-
tionnée spécialement dans la plupart des observations. Cependant la malade
(1) Ascoi.iet F¡f1AHI, Ueben néphrolysine, Berliner klinische Wochenschrift, 10 juin
1902, n° 24, p. 560, et 7 juillet 1902, no 27, p. 634, vol. 39.
(2) FOUIINIEII, Artomégalies el troubles cai-dio-v(iqc ? ilaires, Thèse de Paris, 1896-1897.
(3) LFci,Fnr.. Lyon médical, 14 juillet 1912, t. CXIX, n, 28, p. 73.
ACROMÉRALDS Ex URÉMIE Il 1
de Duchesneau meurt avec les signes d'une néphrite intolérante, on trouve
des cas semblables parmi les nombreuses observations que nous avons
lues.. Souvent, ce fait peut être expliqué parce qu'il s'agit assez souvent
de sujets âgés, mais cependant il y a ta peut-être plus qu'une coïncidence.
On a davantage insisté sur l'étal du coeur, mais les détails sont bien
incomplets. On noie parfois un petil coma, mais assez fréquemment l'or-
gane est augmenté de volume et de poids. Les trois malades de Huchard
étaient des cardio-vasculaires, avec lésions rénales, mais Klebs désigne
l'hypertrophie cardiaque comme une cardio-mégalie, sans distinguer, lui
attribuant la même origine que la déformation des extrémités. Nous man-
quons d'arguments pour discuter ce point, mais nous relirons de notre
observation une particularité : c'est que le coeur pesait 700 grammes, et
que cependant il s'agissait non pas d'une cardio-méâalie, mais d'un coeur
de Trabe typique : la paroi du ventricule était mince, l'hypertrophie
portait presque exclusivement sur le ventricule gauche. C'est assez frap-
pant, si on oppose à ceci cette autre remarque qu'il existait sur le même
sujet d'autres méga ! opathies; le côlon distendu, depuis la terminaison du
grêle dans un cæcum énorme jusqu'à la partie supérieure du rectum,
représentait une des formes de l'affection connue sous le nom de méga-
côlon.
Comme on le voit, nous ne pouvons ni ne voulons démontrer des
rapports évidents entre l'acromégalie et la néphrite avec hypertrophie du
ventricule gauche. Nous signalons seulement un fait, sur lequel l'atten-
tion n'a pas été attirée.
III. - Mais, s'il reste établi que nous avons bien assisté à l'évolution
rapide d'une néphrite subaiguë, ou plutôt d'un accident aigu au cours d'une
néphrite chronique ancienne (car il y avait des travées épaisses de tissu
conjonctif courant entre les canaux), la conduite thérapeutique doit être
justifiée. Nous n'avons pas l'intention d'entrer dans la discussion du traite-
ment opératoire de ces épisodes aigus. L'un de nous, qui s'intéresse par-
ticulièrement à la question, doit faire de cette étude le sujet d'un prochain
travail.
Il est certain que l'intervention dirigée contre ces variétés d'urémie
ont logiquement peu de chances de donner quelques résultats; les ré-
flexions auxquelles nous étions amenés tout à l'heure au sujet des chiffres
paradoxaux révélés par l'analyse chimique des urines et du sang, devaient
faire prévoir l'échec d'un traitement dirigé exclusivement sur les reins.
D'ailleurs, en fait, non seulement les cas d'urémie par imprégnation ner-
veux, pourrait-on dire, mais encore ceux où le chiffre des urines est di-
minué, où il existe de la rétention uréique, et où l'incision du rein sem-
blerait pouvoir posséder une action mécanique utile,ont donné cependant
de mauvais résultats.
462 PALLASSE ET MURARD
Orientés vers cette chirurgie, il nous a semblé, en désespoir de cause,
que nous pouvions lui demander secours. La néphrotomie ou la décapu-
lation ne constituent pas des opérations graves en elles-mêmes,l'anesthésie
ne reçoit aucune contre-indication particulière des signes d'excitation du
système nerveux. C'est une thérapeutique de dernière analyse, elle est peu
efficace, et cependant les quelques améliorations qu'elle a obtenues doi-
vent, au moins pour le moment, ne pas la faire complètement délaisser.
IV. Le dernier groupe de remarques suggérées par cette observa-
tion a trait à l'acromégalie envisagée au point de de vue la thérapeutique
chirurgicale.
Nous avons en effet étudié soigneusement la tumeur hypophysairedans
ce but. La pièce a été prélevée en détachant un bloc de la base du crâne
au ciseau; c'est ce bloc qui est reproduit sur la figure ci-jointe.
L'observa tion noteen détailles rapports de la tumeur avec la base de l'en-
céphale, et surtout avec les sinus sphénoïdaux. Nous avons fait radiogra-.
phier la pièce pour avoir une idée approximative des renseignements que
nous aurions pu avoir ainsi sur le vivant,si les circonstances nous l'avaient
permis. On y voit l'usure de la lame quadrilatère, mais cependant les
apophyses clinoïdes ne sont pas disparues. L'aggrandissement de la selle
turcique est peu considérable, par contre les sinus sphénoïdaux donnent
une tache claire très étendue.
L'évolution spontanée de la tumeur se faisait vers ces sinus, et comme
en régie générale c'est dans le sens d'évolution naturelle des tumeurs que
doivent être comprises leurs voies d'abord chirurgicales, c'est donc par la
voie sphénoïdale que les tumeurs de l'hypophyse doivent être le plus logi-
quement atteintes. La thèse de Toupet constitue à cet égard une étude cri-
tique des différentes voies proposées, et il semble que la voie qui sera
suivie dans les interventions de ce genre sera celle que cet auteur décrit,
confirmant la technique réglée déjà par Proust.
Obésité chez LES paralytiques généraux
(A. Obregia, C Parhon, C. Urechia).
Obs. I.
CONTRIBUTION A L'ÉTUDE DE L'OBÉSITÉ DES
PARALYTIQUES GÉNÉRAUX
l'Ali
Al. OBREGIA,
Professeur de Psychiatrie à la Faculté de Médecine de Bucarest, directeur et
médecin en phef de l'Hospice Marcoutza.
C. PARHON,
Professeur de Clinique des Maladies Nerveuses et Mentales à la Faculté de Médecine
de Jassy, Médecin en chef de l'Hospice Marcoutza.
C. URECHIA,
Docent de Psychiatrie, chef du Laboratoire de l'Hospice Marcoutza.
Les troubles de la nutrition dans les psychoses et dans la paralysie
générale surtout, sont un phénomène très fréquent et lesauteurs signalent t
en passant l'obésité ou l'amaigrissement des paralytiques.
Pourtant cette question n'a pas été l'objet des études lui étant spéciale-
ment consacrées, bien qu'elle mérite une attention particulière. En. effet
le problème de l'obésité des paralytiques touche à une double question.
Il pose celle du mécanisme de cette obésité et les relations de ce mécanisme
avec ceux des obésités qu'on observe dans d'autres circonstances, ensuite
les rapports de l'obésité avec la paralysie générale elle-même et à ce point
de vue nous rappellerons que Kraepelin considère la maladie de Bayle
comme un trouble général de la nutrition ayant certaines analogies avec
le myxoedème, l'acromégalie, le diabète, etc.
Ayant eu l'occasion d'observer récemment quatre cas d'obésité dans la
paralysie générale il nous a semblé utile de rapporter leurs observations,
d'autant plus que dans l'un de ces cas nous avons pu faire aussi l'examen
nécropsique et étudier les glandes endocrines, ces grands régulateurs de
la nutrition générale. Nous n'avons pas, bien entendu, la prétention
d'épuiser la question désirant plutôt attirer de nouveau l'attention sur
son importance et essayer à chercher le mécanisme qui préside à la pro-
duction de ce trouble trophique général et le lien qui l'unit à la maladie
dont nous parlons.
Nous donnons d'abord les observations de nos malades (en résumé).
Observation I (PI. LXIII).
A. \L ? 35 ans, mariée. Les parents de la malade ainsi que sou frère et sa
4 lt)1 Il OBREGIA, PAHHON ET URECHIA
soeur ne vivent plus, mais la malade ne peut pas nous préciser de quoi ils sont
morts.
Notre malade n'aurait pas eu la syphilis (mais cette information est sujette
à caution). Elle a fait grand usage d'alcool. Elle n'a eu qu'un seul enfant mort
deux semaines après la naissance. La malade a suivi les quatre classes de
l'école élémentaire.
Les premiers troubles psychiques ont commencé au mois de mai 1911 par
un état de somnolence. '
Ensuite elle devint très irascible, elle criait, déchirait ses vêtements, cou-
rait après les enfants.
Ces troubles ont déterminé son internement.
Dans l'hospice on fut frappé au point de vue somatique par l'obésité de la
malade. Son poids est de 97 kil. 500.
La taille 1 m. 483. Circonférence abdominale maxima = 1 m. 17.
La graisse infiltre surtout la région abdominale qui est distendue, proémi-
nente et en même temps tombante au devant du pubis. Les mamelles tombent
également.
A la région dorsale l'infiltration graisseuse détermine la formation de trois
plis dont l'un transversal passe d'un côté à l'autre au-dessus des crêtes
iliaques, et les deux autres occupent la région postéro-latérale du thorax un
peu au-dessous du dernier.
La figure de la malade est arrondie, bouffie, les fentes palpébrales sont ré-
duites à cause de l'infiltration des paupières. Le nez est un peu aplati, on note
la présence d'un double menton.
Notons encore au point vue somatiquc un léger tremblement des doigts et
l'exagération des réflexes rotuliens. On ne trouve pas de troubles pupillaires
prononcés.
L'examen du liquide céphalo-rachidien a montré la présence des globulines
ainsi que 10-12 lymphocytes dans un champ microscopique.
Au point de vue psychique, on constate un certain degré d'euphorie, avec
délire de grandeur absurde. Elle va acheter 400 bobines de fil pour travailler,
ou 20 kilogrammes de viande pour préparer les aliments de son mari. Déso-
rientée dans le temps et l'espace. Affaiblissement prononcé de la mémoire.
Le sentiment de la pudeur est perdu, la malade se déshabille et garde des
altitudes indécentes. Elle rit parfois sans aucun motif. Gâteuse. L'appétit est
bon, le sommeil également.
Observation II (PI. LXIV).
Voici maintenant la seconde observation : '
V. G..., 46 ans, fonctionnaire à la douane. Marié. Reçu dans le service de
l'un de nous le 16 février 1911.
Ses parents ne vivent plus. Sa mère a été bacillaire. Ils ont eu 12 enfants
dont ne vivent plus que 4, parmi lesquels notre malade.
Le malade a souffert de variole pendant l'enfance. 11 y a 15 ans, il subit
NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALPTR1L`RE.
T. XXV. Pl. LXIV
OBÉSITÉ chez LES paralytiques généraux
(A. Obregia, C. Parhon, C. Urecbia).
Obs. II.
DE L'OBÉSITÉ DES l'AItAL111QI;LS GÉNÉRAUX Il (1).' i
l'infection syphilitique et blennorragidue. Il a souffert aussi d'une paralysie
faciale, il y a sept ans.
En 1907, le malade - d'après ses propres déclarations - était excité, ne
pouvait pas dormir, était continuellement fatigué et son intelligence semblait
affaiblie, ce qui l'a décidé d'entrer dans un hôpital, où il suit un traitement
spécifique. Bien qu'amélioré et pouvant continuer son service, il faisait
contrôler ses travaux ayant remarqué lui-même l'affaiblissement de sa mé-
moire el la possibilité des erreurs dans ses travaux. Un mois avant son inter-
nement on lui fit une injection d'arsenobenzol qui aurait produit une légère
amélioration, de courte durée en tout cas, car peu de temps après il com-
mença à menacer sa femme et ses enfants qu'il va les tuer ce qui a nécessité
son internement.
A son entrée dans le service on nota que le tissu cellulo-adipeux et le tissu
musculaire étaient « relativement développés ».
On signala encore l'inégalité pupillaire avec perte du réflexe à la lumière,
une certaine atonie du côté droit de la face, l'adhérence des lobules des oreil-
les, des cicatrices varioliques sur le nez.
Epaississement des clavicules. Notons encore que les membres supérieurs
sont trop courts, leur extrémité digitale atteignant à peine le pli inguinal. Les
réflexes achilléens et rotuliens abolis.
Au point de vue psychique on ne trouva à noter que des idées de persécu-
tion ; il accusait sa femme d'infidélités et de l'avoir interné pour pouvoir
vivre avec d'autres. Il accusait également le commissaire de police de l'avoir
maltraité et voulait lui faire un procès. Mais il est à remarquer que ces idées de
persécution ont été précédées par un délire de grandeur absurde avec troubles
psychiques beaucoup plus importants. L'un de nous (Obregia) (1) a vu le malade
(en ville) pendant qu'il présentait cet état. Ce n'est qu'à la suite d'une amé-
lioration que les idées de persécution ont commencé à se manifester. A ce
point de vue notre malade représente un exemple du trouble que l'un de nous
a décrit sous le nom de paranoïsme métaparalytique, termes qui indiquent
l'absence de systématisation du délire qui rappelle celui des paranoiques sans
le simuler complètement ainsi que son apparition à la suite d'une amélioration
ou d'une rémission des symptômes paralytiques les plus fréquents. Ou remar-
qua également une légère diminution de la mémoire.
La ponction lombaire pratiquée 3 jours après l'internement donna des réac-
tions positives.
5 ou 6 jours après l'internement le malade devint irascible, adresse des inju-
res il ceux qui vivent en contact avec lui. Urine dans les crachoirs et dans les
tasses d'eau.
Se déshabille complètement et veut laver ses linges et ses bas dans la vais-
selle de l'hôpital. Insomnie.
Sort amélioré le 27 mars 1911 et revient le 4 novembre même année. Le ! 1) OBRHGIA, Le paranoïsme mélopaialylique et l1"elfl ? phih¡iqlle. Iievista Stiintelor
médicale, n° 11, 1909.
xxv .il
466 OBREGIA, PARHON ET URECHIA
malade répond cette fois avec difficulté aux questions qu'on lui pose, refuse
les aliments. Affaiblissement considérable des fonctions psychiques. Désorien-
tation complète dans le temps et l'espace. Dysarthrie. Propos incohérents.
Tremblements des mains, de la langue, des muscles du visage.
Suit depuis le 9 novembre-J6 décembre 1911 un traitement au bibromure
de mercure, 2 centigrammes tous les deux jours.
15 février. Le malade parle un peu plus, la mémoire semble meilleure, il
est mieux orienté. Boulimie. A commencé il engraisser.
Le poids du malade au mois d'août fut trouvé de 97 kilogrammes. Sa taille :
1 m. 68. La circonférence périabdominale= 1 m.175. Le malade a présenté
dans l'hospice plusieurs ictus avec convulsions consécutifs.
Observation III.
Nous résumons maintenant la troisième observation.
.1. R..., 45 ans, reçu dans l'hospice le 20 juin 1911. Son père ne vit plus,
mais nous ignorons la cause de sa mort. Sa mère est bien portante. Nous igno-
rons si le malade a eu la syphilis. Il a une fillette de 6 ans. Est veuf. Ses pre-
miers troubles mentaux se sont manifestés deux ans avant son internement.
Dans l'hospice on nota comme phénomènes somatiques que la face semble
infiltrée, infiltration surtout accentuée aux paupières, et rappelant celle du
myxoedème. Le tissu adipeux du tronc et des membres plus développé qu'â
l'état normal couvre les reliefs musculaires et donne aux membres des formes
arrondies, rappelant celles des femmes. Le système pileux de la face est bien
développé. Inégalité pupillaire avec diminution prononcée du réflexe lumi-
neux.
Tremblements dans les muscles faciaux, dans la langue et les doigts. Dy-
sarthrie prononcée. Poids du malade : 72 kilos. Au point de vue psychique
ou constate un état de démence simple sans phénomènes délirants. On note en
outre une boulimie accentuée, le malade mange tout ce qu'on lui donne et
ramasse toutes les miettes de pain, les mangeant gloutonnement.
Observation IV.
Dans la quatrième observation il s'agit d'un malade (A. P.), âgé de 42 ans,
ayant subi l'infection syphilitique 15 ans auparavant. A fait usage d'alcool .
Sa femme n'eut pas d'enfants.
La maladie se manifesta d'une façon nette en 1909. Le malade devint vio-
lent. Il voulait étrangler sa femme.
Dans l'hospice on nota que le malade est d'une « constitution médiocre ».On
trouve encore signalé l'adhérence des lobules des oreilles,des tremblements des
mains et de la langue, la diminution des réflexes pupillaires. Une cicatrice
dans le sillon halano-prépulial.
Au point de vue psychique on observe que le malade est assez bien orienté,
la mémoire, l'attention ne montrent pas un affaiblissement notable. Le calcul
mental assez bon. On observe des idées délirantes de grandeur. Le malade,
DE l'obésité DES paralytiques généraux 467
avocat en province, se croit en train de devenir ministre. Il a l'habitude d'é-
crire ses mémoires et dit que ses mémoires sont mieux rédigés que ceux du
roi Charles 1er, etc.
Malgré un traitement spécifique (injections de calomel), l'état du malade
s'est empiré. Il commença en outre à engraisser au sur et à mesure que son
état psychique déclina. Il eut à plusieurs reprises des attaques convulsives.
Le malade succombe.
A la nécropsie on nota que la longueur du corps est de 165 centimètres; on
constata que le tissu adipeux sous-cutané est très richement développé sur
toute la surface du corps. On observe la même chose en ce qui concerne le
tissu adipeux de l'épiploon et du mésentère. Le système pileux richement dé-
veloppé surtout sur la région thoracique.
Encéphale 1370 grammes. Epaississement notable des méninges avec opa-
cifité et petites hémorragies méningées dont l'une dans la région motrice du
côté droit.
Le péricarde est couvert sur sa face externe d'une couche adipeuse très
abondante.
Le coeur pèse 370 grammes. L'aorte présente de nombreuses plaques atlié-
romateuses.
Corps thyroïde : 26 grammes (fixé dans le formol à 10 0/0).
Le foie pèse 1465 grammes ; le tissu conjonctif semble augmenté, la consis-
tance est également plus grande qu'à l'état normal.
La rate (125 grammes) ne semble pas altérée. Les deux surrénales : 18 gram-
mes. La gauche semble augmentée de volume et sur sa surface on observe de
petits nodules jaune orange appartenant à la substance corticale. La substance
corticale et médullaire sur les coupes semble normale. Le rein gauche :
180 grammes, le droit : 155 grammes. Les deux présentent une vascularisa-
tion évidente (reins vaso-paralytiquesl.
Le pancréas, 80 grammes, est entouré d'une riche masse adipeuse. Les
deux testicules; 50 grammes, un petit kyste dans l'épididyme. La mu-
queuse vésicale très congestionnée. La prostate 32 grammes.
Le panicule adipeux atteint à la face antérieure de la cuisse 3 cm. 5.
L'artère fémorale contient de nombreuses plaques d'athérome.
Les os sont bien développés, le canal médullaire n'est pas augmenté et
la moelle semble normale.
Nous donnons maintenant l'examen microscopique des organes :
Le corps thyroïde est représenté par des follicules de dimensions variables,
un certain nombre étant dilatés, mais la plupart ayant des dimensions moyen-
nes ou petites. Tous ces follicules contiennent du colloïde à réactions tinctoria-
les normales dans leur grande majorité. On trouve pourtant aussi des follicu-
les dont le contenu est hématoxylinophile ou des blocs de cette substance dans la
masse de colloïde éosinophile.Dans un grand nomhre de follicules, les cellules
sont aplaties, présentant même une apparence endothélioïde dans certains d'en-
m8 OBREGIA, PARHON ET URECHIA
tre eux. La coloration au rouge Scliarlach montre des granulations lipoides de
moyenne abondance dans la plupart de follicules, dans d'autres pourtant ces
granulations sont très abondantes. Dans certains follicules on trouve aussi des
cellules desquamées dont une bonne partie contiennent des granulations li-
poïdes en très grand nombre. Le tissu conjonctif est peu abondant et sans sclé-
rose. Nous n'avons pas trouvé de canaux lymphatiques remplis de substance
colloïde.
Les paralhijroides contiennent beaucoup de vésicules adipeuses. Dans la
substance parathyroïdienne elle-même, on trouve des cellules dont certaines ont
une structure réticulée, d'autres contiennent des fines granulations éosinophi-
les pas trop nombreuses, enfin dans d'autres le protoplasma est plutôt chro-
mopUobe"
L'hypophyse est représentée par de belles et grandes cellules dont la plu-
part du type éosinophile, avec de belles granulations. Les cellules chromo-
phobes et dont le corps cellulaire est plus réduit ne sont pas très rares non
plus. Dans beaucoup de cellules, la coloration au Scharlach montre de nom-
breuses granulations lipoïdes. Dans d'autres ces granulations sont moins abon-
dantes, on en trouve en revanche de rares mais volumineuses granulations
colorables par le même colorant. La substance colloide dans les alvéoles est peu
abondante, excepté toutefois la région d'union du lobe épithélial et nerveux.
Notons encore une riche vascularisation de l'organe avec ectasie des capil-
laires.
Les capsules surrénales montrent une couche glomérnlaire dont les limites
ne sont pas toujours nettes vers la couche fasciculée. Dans cette dernière, on
trouve dans plusieurs endroits des portions qui semblent continuer la couche
précédente et pauvres en granulations lipoïdes comme les cellules de la couche
glomérulaire de la région correspondante. On trouve pourtant aussi des ré-
gions de cette dernière où les lipoïdes sont assez abondantes.
Dans la portion la plus interne de la région fasciculée et dans la réticulée
les lipoïdes, en granulations ou gouttes sont en grande abondance. La colora-
tion des granulations - par le Schariach - est rouge franche dans la région
fasciculée et rouge châtain dans la région rétractée.
La zone médullaire est bien représentée formée de belles cellules dans les-
quelles on peut observer des fines granulations prenant faiblement l'hémato-
xyline (coupes au microtome de congélation) et des rares granulations colora-
bles par le Sctarlach.
Les testicules. - La coloration au Schariach-hématoxyiine montre que la
glande interstitielle est bien représentée et ses cellules riches en granulations
lipoïdes. Cette glande présente donc une apparence normale.
En ce qui concerne les tubes séminifères, on trouve des granulations lipoï-
des surtout dans les cellules de la première couche. La coloration par l'héma-
toxyline-éosine montre que certains tubes contiennent des cellules desqua-
mées.
Dans d'autres on trouve la disposition en couches. Seulement les noyaux
DE L'OBÉSITÉ DES PARALYTIQUES GÉNÉRAUX <t6\) 9
cellulaires sont pauvres en chromatine, les cariokinèses sont rares et la sper-
matogénese exceptionnelle.
Le foie montre de nombreux foyers d'infiltration cellulaire, constitué par
des lymphocytes. Entre ces cellules, on voit des cellules hépatiques atrophiées.
Mais en dehors de ces foyers, les cellules hépatiques sont bien conservées. On
observe encore une ectasie capillaire (foie vaso-paralytique).
Le rein ne présente pas d'altérations prononcées. Pourtant la coloration au
Scbarlacfl montre une grande abondance de granulations lipoïdes dans les cel-
lules des tubes collecteurs ainsi que dans ceux des tubes droits. On ne trouve
pas de granulations - ou peu nombreuses - dans les tubes contournés.
Partant les cellules de ces derniers ont pris aussi faiblement et d'une façon
homogène la coloration par le Scharlach qui leur a donné une faible nuance
orange.
Le pancréas présente une sclérose de moyen degré. Les acini ainsi que les
îlots de Langerbans ne présentent rien de particulier.
Ainsi que nous l'avons dit la plupart des auteurs des traités de psy-
chiatrie ont noté la possibilité de l'obésité ou par contre d'un amaigrisse-
ment prononcé dans la paralysie générale. Pourtant le phénomène n'est
pas étudié de plus près.
Nerman (1) a publié un cas curieux où pendant l'évolution de la para-
lysie générale une douzaine de gros lipomes se développèrent sur le corps
du malade.
Ce cas montre que la surcharge adipeuse dans la maladie del3aylepeut
se montrer non seulement sous la forme diffuse, mais aussi sous une forme
circonscrite rappelant celle qu'on trouve dans beaucoup de cas d'adipose
douloureuse.
Dans cette dernière, on tend à invoquer une pathogénie glandulaire et
il est intéressant d'examiner aussi à ce point de vue les cas de paralysie
générale avec obésité. '
Mais nous ne trouvons pas à ce point de vue non plus, dans la littéra-
ture médicale, une documentation suffisante.
Dans le travail que l'un de nous (2) a consacré aux rapports des glandes
endocrines avec la pathologie mentale, on trouve l'observation d'un para-
lytique obèse à la nécropsie duquel on trouva un nodule adénomateuxgros
comme un noyau de cerise dans une capsule surrénale, nodule d'origine
corticale. Les deux capsules pesaient 10 grammes. Le corps thyroïde
pesait 36 grammes. Les deux testicules 30 grammes, l'a rate 164 grammes.
(1) Novntnrr, Journal of. med. Science. Vol. LVI, janv. 1906. Analysé dans la Revue
neurol., 1906, p. 461.
(2) C. Parhon, Cemtà¡'¡ asupra glandelorae secretunie in/e¡¡1a in rapostal lor, in Pa-
thologia mentala, Bucarest, 1910.
470 OBREGIA, PARHON ET URECHIA
Au point de vue microscopique on nota dans ce cas l'état du corps thy-
roïde, de la surrénale du côté opposé à celle adénomateuse, de la rate et
des reins.
Le corps thyroïde présentait des follicules dilatés riches en substance
colloïde et dont un certain nombre présentaient des cellules aplaties d'as-
pect endothélioïde, tandis que dans d'autres follicules les cellules sem-
blaient plutôt en état hyperfonctionnel. On nota aussi un petit kyste gros
comme une lentille.
Dans la surrénale on nota surtout l'aspect spongiocytaire de la plupart
des cellules de la corticale, En outreil existaitquelques ectasies capillaires.
Le pigment n'était pas abondant.
La capsule adénomateuse conservée à part, a été égarée et l'examen
histologique ne put pas être pratiqué. En tout cas on nota macroscopi-
quement l'abondance de substances lipoïdes.
Les reins outre l'aspect vaso-paralytique, présentaient des altérations
scléreuses.
La rate était fortement vascularisée et on y trouvait même des hémor-
ragies.
Dans ce cas on peut très bien penser à une obésité à pathogénie glan-
dulaire ou mieux encore polyglandulaire. En effet les deux testicules ne
pesaient que 30 grammes au lieu de 40 grammes leur poids moyen normal.
Malheureusement leur étude microscopique n'a pas été faite. En tout cas
on peut penser à un certain degré d'insuffisance testiculaire et on sait que
celte dernière peut constituer une cause d'obésité.
Ensuite l'état adénomateux d'une des capsules - surtout associé à
d'autres facteurs - est aussi à prendre en considération car Apert a noté
l'obésité dans la symptomatologie des troubles en rapport avec les tumeurs
de la corticale surrénale.
On peut même penser au corps thyroïde. Le rôle de ce dernier dans
l'obésité est bien connu. Nous ne discuterons pas ici cette question,
renvoyant pour les détails au chapitre respectif du livre que l'un de nous
a consacré avec Goldstein à la question des sécrétions internes dans son
ensemble (1).
Nous remarquons pourtant ici que le corps thyroïde peut intervenir
dans la pathogénie de l'obésité non seulement par son insuffisance mais
même lorsque sa fonction est légèrement exagérée, ce qui a été peut-être
le cas chez le malade de l'observation en question, car l'aspect histologi-
que de certains follicules et le poids du corps thyroïde le laisse supposer.
En effet une légère exagération de la ponction thyroïdienne produit
(1) PARHON et GOLDSTEM, Les sécrétions internes, Paris; 19091
DE L'OBÉSITÉ DES PARALYTIQUES GÉNÉRAUX 471
une exagération de l'appétit et les malades se nourrissant abondamment
peuvent arriver à l'obésité surtout lorsque l'état d'autres organes (testicu-
les, surrénales, etc.) en constitue une prédisposition.
Quant à notre cas nous devons nous demander aussi si on pouvait
incriminer les glandes.
L'intervention d'une insuffisance thyroïdienne ne semble pas improba-
ble étant donné l'aspect endothélioïde des cellules d'un grand nombre de
follicules ainsi que les autres modifications que nous avons signalées. Mais
d'autre part ces modifications peuvent se rencontrer dans des cas où on
ne trouve pas d'obésité. Il faut alors voir si l'état d'autres glandes ne peut
contribuer également à expliquer l'obésité.
Parmi les glandes incriminées, il ne semble pas que les altérations des
testicules ont pu intervenir dans notre cas, car la glande interstitielle ne
semble pas altérée. '
On pourrait plutôt penser aux capsules surrénales, qui semblent dans
notre cas en pleine activité ainsi qu'à l'hypophyse dont la richesse en
cellules éosinophiles indique également une grande activité fonctionnelle,
car on sait que certains auteurs, tels que BENDA, pensent que l'obésité hy-
pophysaire serait due à une hyperfonction de cet organe. Il est vrai que
d'autres auteurs ne sont pas de cet avis et qu'on a signalé même un en-
graissement important chez des aimaux ayant subi l'ablation de )'typo"
physe et d'autre part on a observé l'amaigrissement chez des obèses par
le traitement hypophysaire.
, Il ne serait pas complètement impossible qu'un certain état d'hyper-
fonction conduisît à l'obésité et que l'insuffisance produisit un semblable
résultat, car des manifestations analogues dans le domaine des échanges
nutritifs ont été signalées pour d'autres glandes.
Les toxines syphilitiques ou parasyphilitiques pouvaient avoir également
leur part, en agissant sur un terrain déjà prédisposé par les troubles des
fonctions des autres organes.
D'autres facteurs sont également à prendre en considération. Il en est
ainsi pour la boulimie des malades, leurs antécédents alcooliques, leur
alimentation. »
On peut penser aussi à l'état du tube digestif, à la vasodilatation des
organes ainsi qu'aux troubles de l'innervation végétative et à ce point de
vue nous rappellerons que l'un de nous avec Pitulesco (1) a noté des alté-
rations des ganglions solaires chez les paralytiques généraux,
D'ailleurs nous n'avons nullement la prétention de résoudre dans ce
travail la question de l'obésité des paralytiques en voulant plutôt appor-
(1) OBRfiGIA et PITULESCO, Studiu clinico-islologic asupra simpaticului solar in boa
lelementale. Rivista Stiintelor medicale, 1909.
1ï2 0BIIEG1A, I'\UI10N ET URECI11A
ter quelques documents et d'attirer de nouveau l'attention sur ce phéno-
mène.
Ce n'est que par l'élude approfondie d'un grand nombre de cas qu'on
arrivera à trouver la pathogénie de ce trouble nutritif.
Au point de vue symptomatique, notons que 2 de nos 4. malades ont
présenté des ictus avec convulsions épileptoides. L'étal mental de nos
malades a été un étal de démence progressive. Ce n'est que chez le ma-
lade de la première observation que nous avuiis observé une amélioration
des troubles psychiques en même temps que l'apparition de l'obésité.
'ELLE Iconographie DE la SALPÊTRIÈRE.
T. XXV. Pl. LXV
Adipose SEGMENTAIRE DES MEMBRES INFÉRIEURS
(Laignel-Lavastine et M. Viard).
Masson & Cm, Editeurs.
SOC ? T/ : Mi NEUliOLOUIE DE 1'.\11/ S
SÉANCE DU il JUILLET 1912.
ADIPOSE SEGMENTAIRE DES MEMBRES INFÉRIEURS
PAU lui
M. LAIGNEL-LAVASTINE,
Agrégé, médecin des hôpitaux.
et
M. VIARD,
Externe des hôpitaux.
« La parenté de l'oedème chronique avec la lipomatose a depuis long-
temps frappé les auteurs » (1).
Le cas actuel que nous publions aujourd'hui, après l'avoir présenté en
quelques mots il la Société de Neurologie (2), vient à l'appui de cette
réflexion d'Achard et L. Lévi.
Observation (PI. LXV).
Il s'agit d'une brodeuse de 39 ans, Mlle Eugénie B..., venue a notre consul-
tation de l'hôpital 1 Laënllec pour grosseur anormale des membres inférieurs.
Antécédents héréditaires. - La mère est morte à 25 ans, de tuberculose
aiguë (alcoolisme possible). Son père est mort a 56 ans, très probablement
d'un cancer du pylore.
Eugénie B... a une soeur âgée de lift ans, bien portante.
Une de ses tantes aurait eu, pendant longtemps, de la difficulté à marcher.
Antécédents personnels. - Mlle B... n'a jamais été malade. Elle se souvient
que, vers l'âge de 8 ans, elle avait déjà de gros mollets qui faisaient l'admira-
tion de ses camarades ; néanmoins, en promenade, elle se fatiguait plus vite
que ses compagnes. Elle n'a jamais ressenti de douleurs vives dans les mem-
bres inférieurs.
A 14 ans ses règles apparaissent régulières, avec un peu de dysménorrhée.
A 22 ans, elle s'aperçoit que, sans aucun doute, ses jambes grossissent et
non le reste du corps. L'oedème aurait envahi; par étapes, les jambes, les
cuisses et les fesses.
Elle est examinée et traitée à Lille, à Amiens et à Paris.
A Lille elle prend de la tyroïdine (2 pilules par jour), et de l'iode, pendant
15 jours. Elle maigrit sous l'influence de ce traitement.
(1) ACHARD et L. Llvi, in Traité de méd. de Gilbert et THOINOT, t. XXXI, Sémiolo-
logie nerveuse, p. 559.
(2) Laionel-Lavastwe et VL\RI1, Adipose localisée ou trophoedème d'Henry Meige.
Soc. de Neurol., 11 juillet 1912, R. Neurol., p. 136-137.
lit LAIGNEL-LAVASI'JNE ET V1ARD
A Amiens elle est vue par MM. Caraven et Merle, qui parlent d'éléphantia-
sis et voudraient lui mettre un séton.
A Laënnec M. Bourcy lui fait de la compression et la met au régime lacté.
En mars 1912 elle se présente à la Salpêtrière,où on prononce le mot d'élé-
phantiasis et où elle suit un traitement électrique, qui n'améliore guère son
état.
Les articulations de ses genoux deviennent pourtant plus souples.
Premier examen. - Le 27 mai 1912, la malade qui, de prime abord,
donne l'impression d'être délicate, mesure 1 m. 50 et pèse 53 kilos. Les
membres inférieurs sont très augmentés de volume et contrastent avec le reste
du corps. La pression du doigt ne laisse pas d'empreinte. La peau, douce au
toucher, a une couleur normale, mais il est difficile de la pincer. On est en
présence d'un tégument blanc, dur, élastique, indolore, recouvrant les mem-
bres inférieurs. Les pieds sont normaux. Les jambes ont conservé leur forme
générale. Au niveau des genoux l'articulation a gardé son modelé et sa sou-
plesse.
En avant la tuméfaction s'arrête au pli de l'aine. En arrière, au contraire,
elle occupe les fesses.
Comme on le voit sur les photographies, l'anatomie des formes est profondé-
ment modifiée.
De face (Fig. 1) on remarque le contraste entre la gracilité de la moitié su-
férieure du corps et le volume exagéré des membres inférieurs.
La face et le cou sont normaux, les bras grêles, les seins petits, la poitrine
maigre, la taille mince,l'abdomen normal; mais immédiatement au-dessous de
l'arcade crurale commence l'hypertrophie.
La petite lèvre droite est nettement visible entre les deux cuisses.
Les membres inférieurs sont volumineux et inégalement déformés. La cuisse
droite est surtout augmentée à sa partie supérieure; la gauche, plus grosse et
régulièrement cylindrique jusqu'au genou ébauche, à ce niveau, l'aspect de la
culotte de zouave. Les deux jambes sont moins déformées; les pieds sont in-
demnes.
En arrière (Fig. 2) la malformation est encore plus visible qu'en avant.
C'est la taille de guêpe au-dessus d'un train postérieur d'obèse. L'hypertrophie
du membre inférieur gauche, surtout à la fesse et à la cuisse, l'emporte de
beaucoup sur l'hypertrophie correspondante du coté droit.
Enfin, de profil (Fig. 3), le. torse maigre, dont la peau mince laisse voir les
digitations du grand dentelé, paraît appartenir à un adolescent, tandis que le
train postérieur, dans la lourdeur de ses lignes, l'ébauche du bourrelet fessier
et l'épais capitonnage des téguments paraît d'une femme après la ménopause.
Pour fixer les idées, voici les résultats de quelques mensurations.
Mensurations.
ADIPOSE SEGMENTAIRE DES MEMBRES INFÉRIEURS 475
476 LAIGNEL-LAVASTINE ET VIARD .
Le corps thyroïde est un peu augmenté de volume. Les seins sont très petits.
L'examen des organes génitaux met en évidence une petite lèvre droite en-
viron quatre fois plus grosse que la gauche.
Les règles ne durent que deux jours .
Rien à signaler du côté des systèmes pileux et dentaire.
La force musculaire est conservée.
La raie vaso-motrice de Vulpian est différente aux membres supérieurs et
aux membres inférieurs. Aux membres supérieurs son évolution est normale ;
aux membres inférieurs la raie blanche persiste très longtemps.
Les réflexes tendineux sont normaux ainsi que les réflexes pupillaires.
L'excitation de la plante du pied droit ne détermine aucun mouvement.
L'excitation de la partie interne du pied gauche produit une flexion du pied;
l'excitation de sa partie moyenne produit un mouvement d'adduction.
La sensibilité et la motilité sont normales. La malade accuse de la lassitude
et un peu d'engourdissement des membres inférieurs après une marclie ou
une station debout prolongées, mais pas de douleurs vives.
Ni troubles nerveux, ni troubles psychiques.
L'exploration des viscères et des différents organes ne décèle rien de pa-
thologique. Il faut noter toutefois une submatité légère au tiers moyen du
poumon droit en arrière, et une diminution du murmure vésiculaire de ce
côté.
On ne perçoit pas de souffle à l'auscultation du coeur, mais un deuxième
bruit aortique un peu claquant.
La pression artérielle est, au spnygmomanomètre de Pachon, de 14 cm. et
8 cm. 5 de Hg. *
L'analyse des urines, que la malade dit être celles de 24 heures, faite le
5 juin 1912, par M. Dacheux, interne en pharmacie du service (après un ré-
gime lacté de 3 jours), a donné les résultats suivants :
ADIPOSE SEGMENTAIRE DES MEMBRES INFÉRIEURS 477
.Juillet 1912. Au moment de notre présentation il la Société de Neurolo-
gie ce traitement n'avait amené aucun résultat. Il avait consisté en cachets de
0 gr. 10 d'ovarine du 5 au 25 juin, et en une pilule de thyrénine et d'ovarine
au dîner à partir du 30 juin.
Novembre 1912. Malgré l'opothérapie associée l'état morphologique ne
s'est pas modifié.
Au premier abord et superficiellement, ce cas répond, dans l'ensemble à
la description, aujourd'hui classique, du trophoedème de M. Henry Meige.
Plus infirme que malade, cette femme présente parallèlement à l'hy-
pertrophie de ses membres inférieurs une augmentation énorme de l'épais-
seur des plis de sa peau. Comme on l'a vu sur les photographies, il existe
un contraste plastique entre la grosseur massive des membres inférieurs
et la gracilité des membres supérieurs et du tronc presque juvénile.
En outre,si le membre inférieur gauche est plus massif que le droit, on
remarque que c'est la cuisse gauche surtout qui est très développée.
Enfin les pieds et particulièrement les orleils sont tout à fait normaux.
Dans cet ensemble étaient en faveur du tropheedéme d'Henry Meige
comme de l'oedème segmentaire de Debove la disposition segmentaire de
la tuméfaction limitée aux jambes, aux cuisses et aux fesses, la marche
ascendante^de l'affection, l'impossibilité du pincement, l'absence de godel t
sous la pression du doigt, la forme cylindrique de la cuisse, l'absence de
phénomènes douloureux et de cause pathologique appréciable.
Par contre sont contre le tl'ophoedëme et en faveur de l'adipose l'inté-
grité parfaite des pieds qui ne présentent pas le moindre oedème mou,
l'absence de toute poussée aiguë et de toute modification de couleur, cha-
leur et sensibilité dans les changements de position et la consistance
des téguments avec aspect de capitonnage qui donne l'impression d'une
infiltration graisseuse beaucoup plus que d'nn oedème.
Nous pensons donc pouvoir conclure qu'il s'agit d'une adipose segmen-
taire des membres inférieurs , qui nous paraît être un exemplaire exagéré
jusqu'à l'infirmité, d'une disposition très commune chez les femmes.
Après cette discussion nous ne citons que pour mémoire les diverses
affections avec lesquelles on pourrait à la rigueur confondre cette adi-
pose.
L'éléphantiasis des pays chauds transforme, en général, les membres
inférieurs en un tronc de cône à base inférieure ; le malade a un passé
exotique ; l'oedème est plus ou moins mou ; on trouve des filaires dans le
sang.
L'éléphantiasis ii osti-as, d erm i Lech i,oii 1 que le plus souvent d'origine stre-
ptococcidue,s'établit par poussées aiguës, fébriles et douloureuses. Il snffit
478 LAIGi'E[,-LAVASI'IXE ET VIARD
d'en avoir vu un cas (1) pour faire immédiatement le diagnostic. Les
oedèmes liés aux affections des veines, du coeur ou du rein sont mous, ou
du moins l'on[ été lors de leurs premières manifestations.
L'oedème angionelt1'otique de Quincke est aigu.
L'oedème dit historique est simulé.
Sous le nom d'oedème rhumatismal sont rangées des tuméfactions va-
riées plus ou moins liées à des douleurs articulaires.
Le pseudo-cedème enta tonique de Dide est élastique,indolore, non influencé
par le repos, mais il se localise aux extrémités, surtout aux pieds et s'ac-
compagne de crises d'asphyxie symétrique.
Le myxædème dans une forme généralisée, avec le facies lunaire et le
cortège des troubles d'insuffisance thyroïdienne, est trop caractéristique
pour être confondu avec l'adipose de notre malade ; mais des formes atté-
nuées et localisées sont beaucoup plus délicates à reconnaître.
Il en est de même du pseudo-éléphantiasis neuro-arthritique de Mathieu
et Weill : la limitation brusquede l'infiltration des membres par un bour-
relet, l'intégrité des pieds le rapprochent beaucoup de notre cas ; mais il
s'accompagne de douleurs assez violentes et survient en général, chez les
femmes après la ménopause.
Ces derniers caractères font partie du syndrome de Dercum,adipose dou-
loureuse segmentaire rhizomélique, qui s'accompagne de plus d'asthénie,
de troubles mentaux et souvent de lésions nodulaires sous-cutanées.
Ces lipomatoses nodulaires, lipomatoses symétriques douloureuses, éta-
blissent la transition entre le syndrome de Dercum et les lipomatoses mul-
tiples symétriques de Crémieux (2).
Le caractère circonscrit de ces tumeurs les écarte de l'adipose de notre
malade, également distincte des liponzes simples et de l'adénolipomatose à
prédominance cervicale de Launois et l3ettsaude.
L'adipose segmentaire reconnue et admise chez notre malade, nous
avons cherché dans la littérature médicale des observations analogues.
Pic et Gardère (3) ont publié sous le nom d'atrophie généralisée de la
face et de la région sus-ombilicale du corps avec yM'eMo-A6r'op ? e de
la région pelvienne et des membres inférieurs un cas qui par plusieurs
points se rapproche du nôtre.
Le voici, résumé :
A son entrée à l'hôpital, le 4 ? décembre 1908, la malade présente de l'amai-
(1) ]3ouRc-y et Laignel-Lavastine, Lymphangite dermique hypertrophique récidivante
(éléphalltiasls nostras), Soc. méd. des h0p., 30 mars 1900.
(2) H. FENABD, L'adipose douloureuse segmentait-e rhizomélique, thèse Paris, 1911,
n° 136.
(3) Pic et SARDÈRE, Soc. méd. des hôp. de Lyon, Lyon méd., 1909, t. 11, p. 61.
ADIPOSE SEGMENTAIRE DES MEMBRES INFÉRIEURS 479
grissement de la face, des membres supérieurs et du thorax. Par contre, on
constate un développement anormal des membres inférieurs.
Dans ses antécédents, rien à relater en dehors d'une rougeole et d'une scar-
latine. Réglée à 15 ans et depuis lors régulièrement, sauf en 1904, où elle fut
aménorrhéique pendant 6 mois. C'est à cette époque qu'a débuté l'affection ac-
tuelle par de l'amaigrissement (perte de 10 kil. en quelques mois), de l'asthénie
et des troubles digestifs avec anorexie. Un traitement par le repos et la surali-
mentation fut immédiatement institué : les forces revinrent... et les membres
inférieurs se mirent à augmenter de volume indépendamment du reste du corps !
Depuis cette époque l'état général s'est amélioré d'une façon constante, mais la
face et les bras restent maigres, tandis que les membres inférieurs grossissent
toujours.
Le teint est bien coloré. Les seins sont normaux. La maigreur du thorax
est moins accentuée dans le dos que sur la poitrine. La taille rappelle celle
d'une guêpe. Les fesses, les cuisses et les jambes ont un développement anor-
mal.
La peau y est épaisse, parsemée de vergetures et doublée d'une large couche
de tissu cellulo-graisseux.
Aux membres inférieurs, les réflexes rotuliens sont très forts. Le réflexe
plantaire se fait en flexion Il n'y a pas de troubles sensitifs. Les masses mus-
culaires ne sont pas atrophiées. La démarche est normale, et les membres
résistent à la fatigue.
Aux membres supérieurs, les masses musculaires sont atrophiées, mais la
force est relativement conservée. Les réflexes tendineux sont forts. Il n'y a
pas de troubles sensitifs.
L'examen électrique a été négatif en tout point ; pas de diminution de l'exci-
tabilité des muscles et des nerfs ; pas de réaction de dégénérescence.
A la face, pas de troubles musculaires ni de paralysie. Pas de troubles sen-
sitifs. Les lèvres et les orbiculaires des paupières sont intacts.
Les pupilles sont paresseuses ; la dilatation pupillaire est anormale.
Le sommet du poumon droit sonne mal, on y constate une obscurité mar-
quée sans bruits anormaux.
Un point qui doit faire rejeter la myopathie, est l'exagération très marquée
des réflexes tendineux.
D'autre part l'absence complète de troubles sensitifs ne permet pas de pen-
ser à la syringomyélie.
« Ainsi, disent Pic et Cardère, nous ne pouvons rapporter ni à la moelle, ni
aux nerfs, ni aux muscles l'origine de ces troubles trophiques.
Il nous semble logique de penser que dans ce cas l'infection tuberculeuse a
pu déterminer au niveau des éléments nerveux des lésions se traduisant à la
périphérie par deux sortes de manifestations : d'une part le développement
exagéré du tissu adipeux au niveau des membres inférieurs, d'autre part
l'atrophie de ce même tissu et aussi du tissu musculaire au niveau de la face,
du thorax et des membres inférieurs, faits qui ont déjà été signalés parmi les
manifestations non spécifiques de la tuberculose. »
480 LAIGNGL-L.1VAST1'E ET VIAIiD
Nous devons faire remarquer qu'il ne parait y avoir eu aucun trouble
ovarien ou thyroïdien. ,
D'autre part chez noire malade comme chez celle-ci existaient des mani-
festations pulmonaires.
Quoiqu'il soit plus éloigné de notre observation, nous tenons à signaler
pour mémoire le cas de Barraquer (1).
Il s'agit d'une jeune fille de 25 ans, qui, depuis sa treizième année,
maigrit rapidement de la face et de la moitié supérieure de la poitrine.
Cet amaigrissement, qui survint à la suite d'une grippe, contrastait avec
l'état de parfaite nutrition qu'accusait le reste du corps et ne s'accompa-
gnait d'aucun autre signe pathologique.
On peut se demander si l'épithète grippe ne marque pas une atteinte de
tuberculose. '
Il semble qu'il s'agisse dans ces divers cas de troubles régionaux de
l'adiposité tégumentaire, peut-être liée à une infection tuberculeuse plus
ou moins torpide et légère.
Négligeant l'étiologie faute de renseignements suffisants pour la patho-
génie, d'ailleurs très obscure, il nous semble que ces faits permettent
d'émettre celle idée qu'à côté des hyperadiposités tégumentaires segmen-
taires ou localisées il y aurait lieu de décrire des hypoadiposités tégumen-
taires de même ordre.
Il ne s'agirait d'ailleurs que d'une exagération dans la répartition nor-
male du tissu cellulo-graisseux sous-cutané, dont on connaît l'importance
dans l'anatomie des formes.
Comme l'a dit parfaitement Henry Meige (2) à propos de notre malade
« la répartition du pannicule adipeux sous-cutané est la principale raison
de la morphologie féminine. M. Paul Richer a bien indiqué les lieux
d'élection de ces amas graisseux qui donnent à la femme sa plastique
spéciale (région des flancs, face supéro-externe des cuisses, pourtour du
genou). C'est dans ces régions que normalement la graisse s'accumule et
c'est là aussi qu'apparaissent surtout les hypertrophies graisseuses. 11
existe également dans la partie supérieure du corps des lieux de prédi-
lection pour les développement adipeux (région du cou, région deltoï-
dienne, région mammaire, pour ne ciler que les principales). Et ce qui
est particulièrement remarquable chez cette malade,c'est le contraste entre
la maigreur de tout le haut du corps et l'énormité des membres infé-
rieurs. J'ai eu l'occasion d'observer plusieurs fois une conformation ana-
logue chez des sujels entachés d'infantilisme, mais chez ces derniers il
(t) L. BARRAQUER, Histoire clinique d'un cas d'atrophie du tissu cellulo-adipeux,
L'avenç. Barcelone, 1906.
(2) II. MEIGE, Soc. de Neurol., 11 juillet 1912, R. Neurol., p. 138.
ADIPOSE SEGMENTAIRE DES MEMBRES INFÉRIEURS 481
m'a paru que l'épaississement adipeux remontait jusqu'à la région ombi-
licale, le haut du corps et les bras restant relativement grêles.
« On ne peut pas ne pas être frappé d'une autre ressemblance : je veux
parler de la conformation des myopathiques du type pseudo-hypertrophi-
que, chez lesquels l'énormité des membres inférieurs contraste avec la
gracilité de la partie supérieure du corps. Chez eux également le tissu
conjonctif et le tissu adipeux participent à la déformation ; mais ici la
répartition des hypertrophies correspond à celle des masses muscu-
laires et non à celle du pannicule sous-cutané. »
Ce contraste, remarquable dans notre cas, entre la partie inférieure du
corps et la partie supérieure, n'est, d'ailleurs, nous semble-t-il, que
l'exagération d'une disposition très fréquente chez beaucoup de femmes
et qui s'individualise parfois en un type clinique,voisin de celui que nous
présentons aujourd'hui, chez certaines basedowiennes.
En 1897, M. Babinski (1) avait attiré l'attention de l'un de nous sur ce
contraste entre la grosseur des membres inférieurs et la maigreur de la
moitié supérieure du corps à propos d'une basedowienne avec myxoe-
dème des membres inférieurs, qui guérit de son myxoedème par opothé-
rapie thyroïdienne.
Depuis, avec M. Thaon (2), l'un de nous a étudié un fait analogue.
Une aménorrhée totale de 6 mois et partielle de 12 coïncida avec le syn-
drome de Basedow auquel goitre simple et trophoedéme paraissent avoir
été antérieurs.
Pour en revenir à notre malade, en raison de la- brièveté des règles, de
la petitesse des seins, du torse plus masculin que féminin, dunervo-
sisme ? et du contraste entre la maigreur du torse et la grosseur des mem-
bres inférieurs, nous avons essayé l'opothérapie thyroïdienne, malgré les
insuccès antérieurs, dont nous avons enregistré un cas personnel, chez
une jeune fille atteinte de trophcedème (3). Nous y avons ensuite associé
l'opothérapie ovarienne.
L'opothérapie associée ne paraît pas avoir mieux agi que la simple.
Pour situer le cas actuel dans la série croissante des adiposes des
membres inférieurs dont on voit la fréquence chez la femme surtout à
(1) Babinski, Congrès des aliénâtes et neurotogisles, Clermonl-Ferrand, 1894.
(2) LAIG1OEL-LAYASTIi'OE et P. TIIAON, Syndrome de Basedow chez une goitreuse avec
t¡'ophoedème, Soc. de Neurol., novembre 1906, R. Neurol., p. 1106.
(3) Sicard et LAIGNEL-LA VASTIIOE, Un cas de lrophcedème acquis, Société de Neurolo-
gie, 15 janvier 1903 ; Nouv. Iconographie de la Sa)petr ! 6re, janvier 19U3.
xxv ;1-2
482 LAIGNEL-LAVASTINE ET VIARD
partir de la ménopause, nous avons institué une étude systématique de
l'épaisseur des divers plis de la peau, mesurée au compas de sculpteur.
Cette épaisseur du tissu cellulaire sous-cutané n'a d'importance au point
de vue auquel nous nous plaçons que si elle n'est pas répartie d'une façon
uniforme.
En effet, nous avons noté, chez des femmes normales, de même âge
que notre malade, des différences dans cette épaisseur liés entre autres
facteurs, aux divers degrés d'embonpoint. Chez l'une, les plis de la peau,
à la cuisse, suivant les endroits pincés, étaient de 4 à 5 centimètres, chez
une autre ils n'étaient plus que de 3 à 3 cm. 8.
Nous reviendrons d'ailleurs bientôt, dans une étude d'ensemble, sur
les rapports du syndrome de Il. Meige et des adiposes localisées et sur les
variations de l'adiposité régionale selon l'âge, le sexe, les moments de la
vie génitale, le tempérament et les perturbations plus ou moins évidentes
des sécrétions internes et du métabolisme des substances de l'organisme.
La thèse de l'un de nous dont cette observation est l'amorce envisagera,
en effet, les variations du pannicule adipeux selon les diverses conditions
physiologiques - enfance, puberté, grossesse, lactation, castration, mé-
nopause - et pathologiques - syndromes endocrines, simples ou asso-
ciés, thyroïdiens, hypophysaires, ovariens, testiculaires, surrénaux, para-
thyroïdiens - leurs relations avec le trophaedème d'Henry Meige, l'adipose
douloureuse de Dercum, les affections intermédiaires entre ces deux syn-
dromes, certains états d'épaississement tégumentaire associés à des affec-
tions variées du névraxe, du sympathique ou des glandes à sécrétion in-
terne, et la part qui revient dans leur genèse aux troubles de la nutrition
en général et du système endocrine et sympathique en particulier.
n'ELLE Iconographie DE la SALV1 : RI1 : RE
'1 . XXV. PI. LXVI
Adénolipomatose
(Trenel et Fassou).
SOCIÉTÉ DE NEUROLOGIE DE l'ARIS
SÉANCE DU 7 NOVEMBRE 1912.
UN CAS D'ADÉNOLIPOMATOSE
. (TYPE LAUNOIS)
. PAR
M. TRÉNEL et F ASSO u.
Le malade D..., maçon, âgé de 58 ans, entre a l'asile de Ville-Evrard
le 28 août 1912 pour un accès aigu de délire alcoolique.
Cet homme est atteint, depuis )'age de 40 ans, d'adénolipomatose; l'af-
fection a débuté par le cou et la nuque, pour se propager successivement
aux reins, à la région épigastrique, et, en dernier lieu, aux deux aines.
En 1903, il entre à Lariboisière chez le I)1' Launois, qui le garde pen-
dant 5 mois 1/2 dans son service; il passe ensuite en chirurgie et le
Dr Poirier pratique une première intervention chirurgicale au niveau de
la nuque : on enlève au malade 1.600 grammes de tissu graisseux.
Nouvelle opération quelques années après ; un chirurgien de l'hôpital
Lariboisière intervient sur la région cervico-scapulaire. Après 4 mois de
séjour, D... quitte l'hôpital et n'y revient que pour demander quelques
consultations médicales ou chirurgicales.
C'est donc bien longtemps après ces divers traitements qu'il nous a été
donné d'examiner l'adénolipomatose dont est atteint le malade depuis dix-
huit ans environ.
Il s'agit d'une adénolipomatose symétrique à prédominance cervicale,
très marquée dans la région dorso-lombaire, épigastrique, et commençant
à évoluer dans les régions inguinales (Pl. LXVI).
Dans la région ceraico-faciale, l'affection est constituée par de volumi-
neuses tumeurs ; il en résulte un gros élargissement du cou et de la base
du cou. Un premier et énorme bourrelet péricervical surplombe un nou-
veau bourrelet un peu moins développé, et qui répond à la ligne biclavi-
culaire ; au niveau de chaque clavicule existe une tumeur du volume
d'une grosse orange ; une troisième tumeur, grosse comme un oeuf, com-
ble l'espace sus-sternal.
En arrière, le cou est complètement déformé, très élargi, tombant sur
les épaules dont il est séparé par un sillon transversal très marqué que la
tumeur déborde nettement dans tous les sens. A ce niveau, on voit en
deux endroits deux cicatrices verticales, longues de 8 à 10 centimètres :
ce sont les cicatrices laissées par la première intervention chirurgicale.
484 TRÉNEL ET FASSOU
Au-dessous du sillon cervico-scapulaire précité, et parallèlement à lui,
court une cicatrice transversale, longue de 30 centimètres environ, réu-
nissant à peu près les deux apophyses coracoïdes ; cette ligne cicatricielle
résulte de l'incision pratiquée lors de la deuxième opération, laquelle a
également intéressé la région dorso-lombaire droite.
La limite supérieure -des tumeurs cervicales est constituée, en avant,
par le bord du maxillaire inférieur, et en arrière par un sillon transver-
sal très net qui réunit la partie moyenne des deux pavillons auriculaires
en passant par la protubérance occipitale externe ; les fossettes rétro-mas-
toïdiennes sont occupées par du tissu graisseux.
Les deux régions scapulaires paraissent notablement hypertrophiées ;
de chaque côté les tumeurs, symétriquement disposées, débordent en dehors
et en bas le creux de l'aisselle auquel elles constituent une paroi postéro-
externe anormalement développée. Les régions delLoïdiennes sont égale-
ment envahies par la lipomatose qui se continue, insensiblement, avec les
parties du bras demeurées normales.
Dans cette région axillo-brachiale, notons la présence, dans l'aisselle e
gauche, d'une tumeur volumineuse ; de même la palpation fait sentir, au
niveau du coude droit, une tumeur épitt-ocliléentie assez grosse et une Lu-
sus-épilrochléenne petite et plus dure.
Les régions dorsale et surtout lombaire présentent, principalement
marques à gauche, de gros amas de petites tumeurs agglomérées mais
séparées par des sillons superficiels. Tout l'espace compris entre le rebord
costal et la région fessière gauches est rempli par de nombreuses masses
lipomateuses, mamelonnées, se prolongeant en pointe dans la région
sacrée pour se terminer à 5 centimètres au-dessus du coccyx. Dans toute
son étendue, le dos du malade prend un aspect capitonné dont une de
nos photographies rend parfaitement compte; par places, on remarque
plusieurs noevi dont un très marqué, au niveau et un peu à gauche de la
lIe vertèbre dorsale.
La tumeur épigastrique est médiane, lisse, bombée et grosse comme
une tête de foetus. Au niveau et à droite de la pointe du sternum existe un
petit lipome, gros comme une mandarine.
Les tumeurs inguinales sont constiluées par des masses lisses, non
mamelonnées, occupant, de chaque côté, le triangle de Scarpa.
D'une façon générale, ces tumeurs cervicales, lombaires, épigastriques
et inguinales ont une consistance molle, pâteuse et sont parcourues, en
surface, par un réseau veineux assez marqué.
Elles sont indolores et ne déterminenl pas de gêne fonctionnelle nota-
ble, sauf pour la tumeur de l'épigastre : à ce niveau, le malade éprouve
une sensation continuelle de lourdeur qui nécessite le port d'une ceinture
UN cas D'ADRNOLIPOIllATOSE 480
comprimante ; il se plaint parfois de troubles dyspnéiques, mais intermit-
tents et cela depuis fort longtemps. C'est à se demander si la tumeur épi-
gastrique ne pousse pas quelque prolongement médiastinal, ou si le tissu
cellulo-graisseux du médiastin n'est pas en état de prolifération lipoma-
teuse. On comprend que le pronostic de la maladie en soit aggravé d'au-
tant, les cas n'étant pas rares de terminaison par l'asphyxie. Parmi les
nombreux auteurs qui se sont occupés de la question, M. Mauclaire a ap-
porté à la Société de chirurgie un cas typique de ce genre avec les résul-
tats de l'autopsie.
Ces tumeurs, qui tendent vers un développement progressif, n'auraient
pas, d'après le malade, un volume constant ; elles traverseraient des pério-
des d'accroissement et de diminution.
L'examen des différents organes nous a fait constater la petitesse des
testicules, surtout marquée pour le droit qui est atrophié : le scrotum est
rétracté.
On ne sent pas, chez notre malade, le corps thyroïde, atrophié, ou
rendu inaccessible par les volumineuses masses lipomateuses du cou.
Une prise de sang a été faite : nous n'en donnons le résultat que sous
toutes réserves, car il s'agit d'un examen extemporané qui n'a pas été
renouvelé, le malade n'ayant fait que passer dans le service ; voici les
chiffres trouvés :
400 si TRENEL ET PASSOU
sence déjà signalée de nombreuses tumeurs au membre supérieur ; s'il en
était besoin, ce détail aiderait à ruiner l'hypothèse émise par Marçais,
dans sa thèse, à savoir que les tumeurs du genre de celles que nous avons
décrites reconnaissent une origine musculaire.
Cette hypothèse, aujourd'hui abandonnée d'ailleurs, a fait place à d'au-
tres théories qui ont cherché à expliquer la pathogénie de cette affection.
Mais il faut bien dire que cette pathogéhie demeure toujours aussi obscure.
Après Hayem qui considérait son malade comme atteint deiymphadénome
ganglionnaire, variété aleucémique, forme lipomateuse, Launois défendu
une théorie analogue. Les cas multiples où l'on a cherché inutilement
trace de tissu lymphatique dans les tumeurs vont à l'encontre de celte
théorie. Il en est de même des examens du sang, mais il est vrai de dire
que ceux-ci ont généralement été bien insuffisants et peu nombreux.
Nous devons rappeler que, dans notre cas, il existe une tumeur épitro-
chléenne en voie de développement, correspondant, exactement, au gan-
glion épitrochléen. Celle tumeur, déjà grosse comme une noisette est
surmontée, à 2 centimètres environ d'une petite tumeur du volume d'un
grain blé, allongée, roulant sous le doigt et réunie à la première par un
cordon dur, un peu irrégulier, qui se prolonge au-dessus ; il semble que
ce soit un ganglion sus-épitrochléen ; on peut se demander si l'on n'assiste
pas là au début de la lésion ; mais il ne faut pas moins reconnaître, dans
notre cas particulier, que dans les régions épigastrique et surtout dorso-
lombaire, les tumeurs lipomateuses sont nombreuses, nettement dévelop-
pées, et cependant, les ganglions lymphatiques n'existent pas dans ces
régions. 1
Faut-il mettre, comme le voudrait Poncet, l'adénolipomatose sous la
dépendance du poison tuberculeux ? la preuve exacte de cette hypothèse
est encore à faire.
Les chirurgiens se sont beaucoup occupés de la question. Tandis que
M. Tuffier acceptait la dénomination d'adéno-lipome pour un lipome sus-
elaviculaire englobant des ganglions calcifiés et concrétés, M. Delbet
repoussait ce terme ; d'après lui « ces tumeurs sont des lipomes périglan-
dulaires se développant autour des ganglions comme des lipomes péri vis-
céraux, périrénaux par exemple se développent autour d'un viscère. Il
n'y a pas plus de raison de dire adéno-lipome que recto-lipome, vésico-
lipome ; c'est lipome péri-ganglionnaire qu'il faudrait dire ». Au cours
de celle discussion qui eut lieu à la Société de Chirurgie le 13 janvier
1904, MM. Reclus, Schwarz, Lejars, Le Dentu, Ricard déclarent avoir
toujours trouvé du tissu lipomateux pur chez les malades de ce genre
qu'ils ont opérés ; ils font remarquer d'ailleurs, que souvent les masses
occupent des régions du corps où normalement il n'y a pas de ganglions.
UN cas d'adénolipomatose 487
M. Nattan-Larrier, montrant, à la Société anatomiqne, des coupes d'une
pièce de lipome symétrique, se demande si elles répondent à la structure
classique du lipome. Le tissu est relativement très fibreux et les axes
fibreux renferment une proportion notable de fibres élastiques. Les points
lymphatiques sont assez nombreux, mais on ne trouve pas de ganglions
proprement dits. '
Quelle que soit l'étiologie de l'affection qui nous occupe, elle répond
à un type clinique qu'on ne saurait confondre avec : .
Les lipomes congénitaux, qui ne donnent pas des déformations mons-
trueuses ;
Le lymphadénome qui est plus ferme, qui s'accompagne de cachexie et
de lésions du sang ;
L'adéno-lymphocèle où l'on constate des dilatations lymphatiques ;
Les pseudo-lipomes de Verneuil et de Potain qui sont d'origine rhuma-
tismale. -
La lipomatose discrète de Bard (lipomatose symétrique multiple cir-
conscri te) où les tumeurs sont petites, encapsulées, prédominant aux mem-
bres ; 1
Ces caractères différentiels ont été rappelés dans la Revue de chirurgie
(1909), par MM. Lenormand et Verdun, à propos d'un cas d'adéno-lipo-
matose qui nous paraît être celui de notre malade lui-même.
Schéma tiré de la Revue de chirurgie, 1909. Malade de Lenormant et Verdun. Les traits noirs
marquent les points ou ont porté les diverses opérations chirurgicales.
488 TRÉNEL ET FASSOU
Ce qui fait surtout l'intérêt de ce malade, c'est que son affection cons-
titue un des cas les plus typiques d'adéno-lipomatose qu'on puisse ren-
contrer : typique par la symétrie, la topographie des tumeurs ; typique et
intéressant avant tout par l'énorme développement de ces masses lipoma-
teuses.
C'est à ce litre que nous avons donné pour illustrer l'observation du
malade, quelques-unes des photographies que l'un de nous a prises dans
le service.
INDEX
Hayem. - Un cas de lymphadénome aleucémique avec lipomatose, Soc.méd.des hôp.,
1891.
Launois et BE.NSAUDE. L'adéno-lipomatose symétrique d prédominance cervicale. Nouv.
Iconog. de la Salpêtrière, Ilo' : 1 ? 3, 1900 (avec bibliographie). Presse médicale,
1'r juin 189S, Revue neurologique, 1898, p. 691 ; Hev. neur., 1900, p. 954.
LEV(1R\IANT et VEnDUN. Rev. de Chirurgie, 1909, p. 724.
LuiGi BORIJONI. - Lipomatose douloureuse symétrique. Riforma medica, an XVII, vol.
III, n° 62, p. 735 ; 91 sept. 1910.
111ARÇAIS. Contribution à l'élude des lipomes du COlt. Th. Paris, 1894.
111AI : CLAIItG. Société de Chirurgie, 31 juillet 9907.
NATTAX-LAnr.iER. Lipome symétrique, Soc. Anatomique, 23 mars 1906.
PO\CRT. -Sur les lipomes multiples symétriques. Soc. de Chirurgie, 20 avril 1910.
Société de chirurgie. V. le compte-rendu des séances du 13 janvier 1904, des 7, 14 déc.
190S.
NOUV. ICONOGRAPHIE DE LA SALPÊTRIÈRE.
T. XXV, PL. LXVII.
PROCOPE VENCESLAS DIVIS (1698-1765)
(L. Haskovec.)
MASSON et Ci», Éditeurs.
DEUX ÉLECTROTHÉRAPEUTES DU XVIIIe SIÈCLE
EN BOHÊME
PROCOPE VENCESLAS DIVIS (1698-1765)
JEAN-BAPTISTE BOHAC (1724-1768) (1).
Par
Ladislas HASKOVEC
(de Prague).
A l'occasion du 6° Congrès international d'éleclroloie et de radiologie
il m'a paru intéressant de rappeler l'histoire des premiers efforts de l'é-
lectrothérapie des deux célèbres éiectrotiiérapeutes tchèques du x\ me
siècle : du Procope Venceslas Divis et de Jean-Batispte Bohàc. Il est de
toute justice de rendre hommage à leur mémoire.
I
Procope Venceslas Divis
(1698-1705).
PI. LXIII
Venceslas Divis, en religion Procope, né en 1698 à Helkovice, près de
Zamberk en Bohême, prêtre du cloître des Prémontrés à Louka et curé à
Primétice, près de Znojmo en Moravie, célèbre physicien et inventeur
du paratonnerre, célèbre écrivain du Traité sur l'électricité a enseigné
que le feu électrique et élémentaire est la base de toute la vie et il a em-
ployé déjà l'électricité dans le traitement des malades. Il a guéri plus de
50 malades.
Dans son célèbre écrit : Dlagia nat'uralis ou traité théorique sur l'élec-
tricité atmosphérique, au chapitre Ier il parle du feu naturel ; dans le
deuxième chapitre du feu élémentaire et électrique ; dans le troisième
chapitre de la météorologie ou de l'éleetrisation macrocosmique ou en gé-
néral des orages.
(1) Noies historiques présentées au 6' Congrès international d'Electrologie et Radio-
logie à Prague, 1912.
490 HASKOVEC
Il nous entretient dans le deuxième chapitre (§§ 19-24 et autres) de ses
idées sur l'électrothérapie. Ses explications gardent leur intérêt même
de nos jours au point de vue scientifique et social.
Divis connaît la fonction spécilique des organes des sens, accélère le
développement des plantes par l'électrisation et prévoit presque dans son
esprit génial et universel, l'explication moderne de l'action de l'électricité.
Voici quelques extraits de son traité :
§§ 19-24.... « La vie de l'homme consiste dans le feu naturel qui est la
hase du suc nerveux et du balsame électrique lequel est-introduit par
lui dans les organes du corps, ce qui est la cause de l'électrisation natu-
relle.
« L'expérience quotidienne nous apprend que l'homme ne meurt d'ail-
leurs que quand les pl'incipia vitx s'affaiblissent lentement ou vite, et
quand les organes se dépouillent du feu naturel. Par cela les organes du
corps dépérissent et l'électrisation naturelle cesse ». «Selon la division
naturelle il y a des parties du corps qui sont électriques et d'autres qui
sont électrisahles et il en résulte l'électrisation naturelle de la vie Au
moment où ce phénomène naturel s'affaiblit par la constipation ou
par d'autres obstacles, le suc nerveux ne peut être, ni tontine par le hal-
same du feu naturel, ni distribué dans les vaisseaux. Le corps toinbeniu-
lade de même quand l'action électrique naturelle acquiert un tel potentiel
qu'elle surmonte la force naturelle ordinaire. Puis il est aussi nécessaire de
prévenir la maladie par les médicaments soulageants. Et quand les médi-
caments n'y suffisent pas, il faut les aider par l'électrisation artificielle. »
Dans les paragraphes suivants, Divis nous entretient des éléments et de
leurs composés ainsi que de l'importance de ces derniers, des principes
el passifs de l'influence du l'eu naturel (yriuciJirtua 7eaizersale) qui
vllilie l'aine, qui dirige la croissance et tout mouvement, qui devient
avec les organes l'âme vivante du corps dans lequel il produit aussi des
effets vivants tandis qu'il apparaît dans un objet sans organes (ja pierre,
l'or, etc.) seulement comme un phénomène pur (phenomena }lu/'u11t) ».
Dans le paragraphe 29 il continue : -« Il arrive souvent que j'ai guéri
par électrisation d'une demi-heure ou selon les circonstances dans un délai
plus long un malade atteint de paralysie, ce que l'on ne pouvait pas faire
par des médicaments ordinaires. Quel homme raisonnable et consciencieux
voudrait expliquer la cause de la guérison d'une autre façon que par l'é-
iertrisation ? [puisqu'on n'a pas pris pendant l'éleclrisalion d'autres re-
mèdes] qui dissipe la constipation, fortifie le suc nerveux, lequel conduit
dans les vaisseaux. Je crois alors que la nature vivante produit un travail
électrique, si petit soit-il, en soutenant le corps dans la vie (On peut voir
les phénomènes électriques par exemple dans les yeux, surtout pendant les
NOUV. ICONOGRAPHIE DE LA SALPÊTRIÈRE.
T, XXV, PL, LXVIII.
LE PREMIER PARATONNERRE EN EUROPE
Édifié en 1754 en Moravie, à Primétice, près Znojmo, par Procop Divis.
(L. Haskavtc.)
Figure extraite de l'article : Prokop Divis Vylicèni jeho pivota a àsluch vèdeckych,
par le professeur Fr. Nusl. Prague, 1899. (Publications de l'Académie tchèque.)
MASSON et Ci', Éditeurs.
- DEUX 9LECTROTHERAPEUTES DU XVIIIe SIECLE EN BOHÈME 491
ténèbres, quand on les frotte tout doucement du côté extérieur sur le
"canthus). Cette électrisation naturelle dans le corps diminuant, il faut
l'aider par les médicaments et quand ils n'ont aucun effet il faut aider par
l'électrisation mais à temps, quand il n'est pas encore trop tard. »
Dans le paragraphe 30, l'auteur traite des manières d'agir des médica-
ments et de leur rapport avec le feu naturel. Il explique pourquoi il faut
parfois fortifier l'électrisation naturelle par une électrisation artificielle
rendant les médicaments électriques et élémentaires plus efficaces et il
conseille d'étudier les médicaments en rapport avec l'électricité.
Dans les paragraphes 31-32 Divis réfute quelques objections qu'on lui
faisait.
Feu naturel comme P1'Ù¡Cl1J1'Iln2 p,'i1ll1l1n formate naluræ ne peut être
utile à chacun, disait-on, parce qu'il réchauffe le sang des pléthoriques
et accélère la circulation. A cette objection Divis répond que l'on n'a pas
besoin d'éleclriser plus que la nature exige, et que le fait que la circula-
tion du sang s'accélère par l'électrisation n'est pas contre la nature, mais
mais un fait naturel.
Il s'étend sur quelques qualités de l'électricité, sur ses connaissances
concernant l'action de l'électricité sur la pulsation et leur influence bio z
logique.
Il distingue deux électrisations naturelles : macrocosmique et microcos-
mique c'est-à-dire dans l'homme. et dans les animaux. Il y en a trois caté-
gories : dans les yeux, dans le larynx et dans les vaisseaux. Le sang est
électrisable et d'autres particules internes du corps sont électriques. Des
frôlements du sang qui circule dans les vaisseaux proviennent des minima
électriques qui électrisent les parties voisines électrisables surtout le flui-
dU1n nerveum qui s'écoule dans tout le corps. Il rejette le reproche
qu'on lui a fait de s'être aventuré trop loin dans le domaine de la méde-
cine. Il se défend très modestement, rappelant la vieille maxime : Ubi de-
sictit physicus, 21b. incipit médiats.
En réponse au reproche qu'il ne lui est pas permis comme prêtre de
soigner les malades par l'électricité et que c'est contre la justice chré-
tienne d'enlever aux médecins et aux pharmaciens le pain quotidien il
dit : « Il est très juste qu'on ait défendu l'exercice de la médecine aux
prêtres parce qu'il leur est arrivé beaucoup de désagréments par les
médicaments, mais le traitement électrique au contraire n'a point besoin
de médicaments et il n'est point dangereux d'ailleurs; Dieu a recommandé
aux prêtres de soigner partout les malades par les mois : Iteet curale ubi.
que ill si nnos.
Comme il demandait un jour à Van Soieten l'explication relative au
traitement électrique en exigeant l'explication du fait que l'électricité
492 HASKOVEC
guérit les uns et non les autres, il reçut la réponse que la défense aux prêtres
touche l'exercice de la médecine est non l'étude et ne s'étend pas à l'élec-
trisation. L'électricité ne peut pas aider, dans les cas où la matière res-
serrante adhère déjà aux parois de la cavité et où elle est viciée à cause de
la maladie. C'est toujours une grande chose que ]'électrisation a déjà
secouru beaucoup d'hommes. »
Dans le paragraphe 39 Divis se défend avec succès contre le reproche
qu'il enlève le pain aux médecins et aux pharmaciens et cela d'une façon
tout à fait moderne et presque dans le sens des instructions des chambres
médicales d'aujourd'hui.
Divis conseille au malade de consulter tout d'abord le médecin qui
prescrit les médicaments et quand ils n'ont aucun effet il prescrit de nou-
veaux médicaments et quand ils n'ont non plus de succès, le malade doit
essayer l'électricité, qui naturellement n'est plus valable dans l'agonie.
Il y a assez de remèdes que l'on n'obtient pas dans la pharmacie, continue
Divis, et que l'on ne peut pas employer par exemple en hiver, tandis
qu'on peut bien se servir de l'électricité.
Il en est de même dans les cas où les médicaments n'ont aucune effica-
cité, comme par exemple dans les maladies nerveuses, dans la goutte,
dans les maladies des yeux où l'on peut en toute conscience prescrire
l'électricité comme plus utile que les médicaments.
Dans ces cas le médecin ne doit pas prescrire au contraire les médica-
ments aux malades surtout aux pauvres, car si l'électricité ne produit ici
aucun résultat favorable elle n'est au moins nocive ni à la santé ni à la
bourse du malade. Du reste les pharmaciens pourraient électriser eux-
mêmes les malades à la prescription du médecin, dit Divis en terminant
sa défense.
' II
Jean-Baptiste Bohac
(1724-1768).
Jean Bohàc a étudié la médecine à l'Université de Prague et il a fré-
quenté les écoles de Paris, de Padoue, de Montpellier et d'autres encore
en Allem,yne,et il écrivit la thèse : De ittililate eleclrisalionis in arte me-
dica, seu in curandis morbis etc.. grâce à laquelle il fut promu docteur
en médecine. Devenu professeur d'histoire naturelle il a écrit beaucoup
de traités d'histoire naturelle. Je veux citer quelques extraits de sa thèse
qui se trouve dans la bibliothèque de l'Université de Prague (1) (XL VIII,
C. 22).
(1) Dissertatio inauguralis philosophico-medica de utilitate eleclrisalionis in arte
DEUX ÉLECTROTHÉRAPEUTES DU XVIIIe SIÈCLE EN BOHÊME 493
Bohac a dédié sa thèse à son bienfaiteur le comte français Venceslas
Wrsba, seigneur de Konopist, Tynice et Mrac (suyrevao hæreditario the-
sauro in Regno Bohemiæ).
Après la préface, il traite dans le premier chapitre de l'action de l'élec-
tricité sur les matières diverses. Les expériences qu'il a faites et qu'il cite
in extenso lui ont démontré que l'électricité diminue le poids de la ma-
tière électrisée, que l'électricité augmente l'évaporation des liquides, sauf f
de l'huile, que l'évaporation se fait plus facilement au sur et à mesure
que le liquide est plus volatil, que l'électricité agit davantage sur les
liquides contenus dans un vase plus conductible de l'électricité (vase
métallique), que l'électricité accélère l'écoulement des liquides dans les
capillaires, que l'électricité accélère l'accroissement des plantes, que
l'électricité augmente la transpiration naturelle des animaux.
Dans le If chapitre, 4e', l'auteur traite la théorie des maladies dans
lesquelles il faut employer l'électricité et il parle tout d'abord de l'hémi-
plégie.
Au point de vue thérapeutique il distingue plusieurs formes d'hémiplé-
gies dont quelques-unes peuvent être traitées de préférence par l'électri-
cité. L'hémiplégie est causée par l'imperméabilité du fluide nerveux dans
les nerfs du côté paralysé ce qui a lieu aussi dans le cas où la moelle épi-
nière ou le bulbe ont été atteints d'un processus morbide du côté opposé.
L'imperméabilité du fluide nerveux provient ou bien d'une faiblesse de
la force motrice centrale ou bien d'une résistance et d'obstacles dans les
médina, seu in curandis morbis quam sub gloriosissimis auspiciis augustissimae in-
victissimae ac potentissimae Romanorum imperatricis Marias Theresise Germanise,
Hungariae, Bohemiae, Daimatiae, Croatiae, Sclavoniae, etc. etc. reginae, archiducis Aus-
triae, etc. etc. piae, felicis, inclytae, in atmacaesarea, regiaque universitate Carolo-
Ferdinandea Pragensi, sub rectoratu admodum reverendi ac eximii patris P. Ber-
nardi Weber, e societate Jesu, S S. Theologiae doctoris, Cesareo-Academici collegii
ad S. Clementem Vetero-Pragae,nec non almae caesarae, regiaeque universitatis Carolo-
Ferdihandea Pragensis p. t. rectoris magnifici. Sub decanatu nobilis generosi, doc-
tissimi ac excelentissimi viri D. francisci Ferdinandi Kirchmayer de Heiclawitz, A A
L 1. Philosophioe et Medicinae doctoris, inclyti regni Bohemiae, per regiam urbem neo-
pragensem Physici jurati, nec non inclytae facultatis Medicae p. t. spectabilis decani.
Praeside nobili, generoso, doctissimo ac excelentissimo vira D. Joanne Antonio Jo-
sepho Serinai, auratae Militiae Equitae Sacrae Aulae Lateranensis et apostolici Palati
Comite, Philosophiæ et Medicinae doctore, ne( : non in praefata alma universitate Ca-
rolo-Ferdinandea Pragensi Praxeos medicae, chirurgiae Pharmacentiae, Chimiae atque
Physicae experimetitatis Professore regio, publico ac ordinario. Annuente excelentis-
simo facultatis medicae Collegio pro suprema doctoratus Medici Laurea publico eru-
ditorum examini submittit Author et defendens.
Joannes Bohac
A A. L 1. et Philosopliioc Doctor, medicinae candidatus. Anno MDCCLI Mense-Die
- horis Pra,-8B Bohemorum, Typis Sophiae Viduae fiosenmüllerianae, Regiae Typo-
graphae per franciscum Ignatium Kirchner factorem.
! ·9l· ' HASKOVEC
nerfs mêmes causés par les inflammations, par les traumatismes ou par
d'autres processus morbides qui ont interrompu la continuité du nerf.
L'auteur explique ensuite la dépendance de la faiblesse de l'énergie de la
force motrice, de la nutrition générale ou l'énergie vitale et psychique
et donne quelques renseignements intéressants sur la physiologie surtout
du système nerveux central qui valent la peine d'être lus dans l'original.
Il connaît l'effet de la paralysie : la guérison, la raideur et la contracture
des membres paralysés et il essaie d'en donner une explication. Il s'étend
ensuite sur le fluide nerveux qui est un fluide électrique et dont on peut
prouver la présence par diverses expériences. Le fluide électrique est le plus
léger des fluides du corps. L'auteur s'occupe ensuite de la thérapeutique de
l'hémiplégie. II prér.onise tout d'abord la thérapeutique causale et ensuite
l'électrothérapie au moyen de laquelle on donne des forces au fluide
nerveux et on dissout les obstacles dans les nerfs.
- On employait à cette époque l'électricité produite par le frottement.
L'auteur traite ensuite les divers modes d'électrisation. On touchait
avec les doigts les fils électrisés (1) ou l'on prenait un vase en verre rempli
d'eau chaude dans une main et l'on plongeait dans le verre un fil électrisé
et on touchait ensuite de l'autre main le fil du vase (commotio).
Enfin on a essayé de transmettre les médicaments dans le. corps au
moyen de l'électricité. L'auteur en cite quelques essais qu'il a vuspendant
ses voyages surtout en Italie, et il communique 4 observations d'hémiplégie
traitées avec succès par l'électrisation simple et par la commotion.
Voici les conclusions de la thèse que nous voulons rapporter en latin :
TIIESES EX DISSERTATIONE DEPROMTAE
I. Electricitas in arte Medica est adhibenda.
II. Electricitas auget naturalem animalium tra2zspiralionem.
111. llaec acceleratio transpiratzo2zis in hominibus sit pervasa capillaria exhalan-
lia, et non per glandulas subcutaz2eas.
IV. Fluidum nerveum fluidum eleclricum dici potesl.
V. Nervi sensorii a motoriis non snnt distincti.
VI. Hemiplegix causa proxima est immeabililas fluidi neruei pe,' ne vos.
VII. Ilemiplegia prie reliquis morbis eleclrisatione curanda.
VIII. Eliam febris intermitlens eleclrisatione delelari potest.
IX. Ya2'alJS2S in latere corporis sinistre causam suam aynoscil in latere cerebri dex-
tro, et vice versa.
X. Ira multo1'llm malorum atrox mater, paralylicoruri interdum solatium.
XI, Du-ni membra paralsllica rigescunt, arliculorum capsulas, et tendinu2n vaginas
sinovia sua destitui m-ticium est. ,
XII. Non omnis paralysis ab obstruclis aul comp1'es31s nervis dependet.
0. A. M. D. G.
1) Electrisation simple, electrisalio 1Julgatissima.
TABLE DES MATIÈRES
Acromégalie {Coexistence de la maladie de
Recklinghausen avec l' -) (1 pl.), par DE
CASTRO, 41.
- et urémie (1 pl.), par PALLASSE et NU-
luuu, 454.
Adéaoidisme (Elude du syndrome oxycépha-
lique considéré dans ses rapports avec la
diathèse rachitique et l'-) (8 pl.), par
Bertolotti, 1.
Adénolipoln2tose type Launois (1 pl.), par
Trénel et FASSOU, 483.
Adipose segmenlaire des membres inférieurs
(1 pl.), par LA1GNEL-LAVASTINE et Viard,
473.
Alexie (Blessure par arme à feu à la tête.
Guérison avec reliquat d'hémianopsie et
- ) (2 pl.), par JoHANSSON et FROEDERSTMM,
105.
Aran-Duchenne (Atrophie musculaire type -
de nature névritique) (2 pl.), par LONG,
281.
Athétose (Démarche dans l'- étudiée d'après
la cinématographe) (2 pl.), par de CASTRO,
265
Atrophie isolée non progressive des petits
muscles de la main, fréquence relative et
pathogénie . Téphromalacie antérieure, po-
liomyélite, névrite radiculaire pl., 9 fig.),
par Marie et Foix, 353 et 427.
- musculaire progressive de type Aran-Du-
chenne de nature névritique (2 pl.), par
Long, 281.
Biocytoneurologie étudiee au moyen de l'ul-
tranzicroscope (4 pl.), par MABINESCO. 193.
Chirurgien de campagne (1 pl.), par Bnous-
SOLLE, 101.
Crâne (Absence des vertèbres cervicales avec
cage thoracique remontant jusqu'à la base
du ) (3 pi.), par KLIPPEL et Fr..IL, 223.
Crânien (Epilepsie tardive et troubles men-
taux consécutifs a un traumatisme -) )
(I Pl.), par PETIT, 384.
Délire chez les enfants, par BENON et FROGER,
343.
Démarche dans l'athélose étudiée d'après la
cinématographie (2 pl.), par de CASTRO,
263. '
Descartes et la psychophysiologie de la glande
pinéale, par Sainton D.1GNAN-BGDVEItET,
171. ·
Dormeuse d'Oknô, 32 ans de stupeur, guéri-
son complète (1 pl.), par FHOEDERSTHO(,267.
Dysoslose cléido-crtlnienne (3 pl.), par Mal-
DARESCO et Parhon, 251.
Dystrophie musculaire progressive hémilaté-
rale, type facio scapulo-huméral (2 pl.),
par P11\GAZZINI, 320.
Electrothérapeutes (Deux - du XVlIl' siècle
en Bohême : Procope Venceslas Divis, Jean-
Baptiste Bohac) (2 pl.), par Haskovec, 489.
Epicône (illéitinqoinyélite de l'- avec lipo-
matose secondaire) (4 pl.), par ANDRÉ-
Thomas et JouENTIt', 309.
Epilepsie tardive et troubles mentaux consé-
cutifs il un traumatisme crdnien (1 pl. ),
par PETIT, 384.
Féminisme mental (Gigantisme acromégali-
que sans élargissement de la selle turcique.
Inversion sexuelle, -) (4 pl.), par GnL-
lais, 124.
Fibres musculaires striées dans la moelle
dans un cas de syringomyélie, par ANDIIÉ-
Thomas et (2UEPCY (4 pl., 14 fig.), 364.
Gigantisme acromégalique sans élargissement
de la selle turcique, inversion sexuelle,
féminisme mental (4 pl.), par Gallais, 124.
Hémianopsie (Blessure par arme a feu de la
tête, guérison avec reliquat d'- et alexie)
(2 pl.), par JOIL1NSSON et Fit0rDERSTROM, 105.
Héredo-ataxie cérébelleuse (1 pl.), par Tis-
SOT, 71.
Hydrocéphalie (Deux cas de pseudo-tumeur
cérebrale : méningite séreuse et - acquise)
(1 pl.), par ALInINE5C0 et Goldstein, 47.
Hyperchromie généralisée avec achromie
associée. Lèpre blanche et mélanique à
type pie (2 pl.), par ANGLADA, 146.
Inversion sexuelle (Gigantisme acromégalique
sans élargissement de la selle turcique. -
féminisme mental) 14 pl.), par GALLAIS, 124.
Lepre blanche (Hyperchromie généralisée
avec achromie associée. - et mélanique à
type pie) (2 pl.), par ANGLADA, 146.
Lipomatose (ilIéningomyelite de l'épicône
avec - secondaire) (4 pl ), par ANnn>i-
TIIOM 18 et J UMENT1É, : 109.
Main (Atrophie isolée non progressive des
petits muscles de la -, fréquence relative
et pathogénie . Téphromalacie antérieure,
poliomyélite, névrite radiculaire ou non
radiculaire), (1 pl., 9 fig.), par Marie et
Foix, 353 et 427.
Méningite séreuse (Deux cas de pseudo-tu-
meur cérébrale : - et et hydrocéphalie ac-
496 TABLE DES MATIÈRES
quise) (1 pl.), par 111.%RINEsco et (;OLDSTEI ?
47.
Meningo-myélite de l'épicône avec lipomatose
secondaire (4 pi.), par Awrs-1'noxas et
.1 UMENTIÉ, 309.
Mentaux (Epilepsie tardive et troubles ? consécutifs à un traumatisme crânien)
(1 pl.), par Petit, 384.
Micromélie rhizontélique partielle avec trou-
bles mentaux chez une jeune arabe (2 pl.),
par Crispin et Bonnet, 137.
Neurofibromatose (Coexistence de la - avec
l'acromégalie) (1 pl.), par DE CASTRO, 41.
- généralisée (1 pl.).·par Touche, 45.
Obésité chez les paralytiques généraux^ pl.),
par Obregia, Pariion et Urechia, 463.
Osteo-arthrite chronique du rachis. Compres-
sion radiculo-médullaire. Inversion btlaté-
rale du réflexe du radius (2 pl.), par Pas-
TmE, 40.
Oxycéphalique (Elude du syndrome - consi-
déré dans ses rapports avec la dialhese
rachitique et l'adénoïdisme) (8 pl.), par
BEHTOLOT1'I, 1.
Paget (Traumatisme maladie de -) (4 pl.),
par LÉRI et LECrsos, 334.
Paralytiques généraux (Obésité chez les -)
(2 pl.), par OBREGIA,, Parhon et Urechia,
463.
Pinéale (Descartes et la psycho-physiologie
de la glande -), par S.11\TO ? et DAGNAN-
BOUVERET, ni.
Ponto-cérébelleux (Tumeurs de l'angle ), 1,
par Moxiz, 417.
Poil (Carie des vertèbres. Mal de - sans
,gibbosité),par ROTSTADT, 391.
adiculo-ntédullaire(Osléo-arthrzle chronique
du rachis. Compression-. Inversion bila-
térale du réflexe du radius) (2 pl.), par
PASTINE, 405.
Réflexe du radius (Ostéo-arthrite chronique
du rachis. Compression radiculo-médul-
laire. Inversion bilatérale du -) (2 pl.),
par Pasrrvc, 41)5.
- achilléens (Absence des - et des réflexes
rotuliens sans autre signe d'affection du
système nerveux), par Dupuy, 153.
- rotuliens (Conservation et retour des - z
dons le tabès, a propos d'un malade at-
teint de crises gastriques tabétiques) (2 pl.),
par Chalier et NOVÉ-Jo5slm INIJ, 76.
- (Absence des réflexes achilléens et des z
sans autre signe d affection du système
nerveux), par Dupuy, 153.
Spondylose rhizomélidue (1 pl.), par CONTO,
413.
S.yrin,t7onziléli'e, hyperplasie du tissu conjonc-
tif. Fibres musculaires striées dans la
moelle (4 pl.), par André-Thomas et QUEIICY,
364.
Tabes (Conservation et retour des réflexes
lotuliens dans le - ; à propos d'un malade
- atteint de crises gastriques tabettques)
(2 pi.), par Cil ILlE ! ! et n'OVÉ-,TOSSEItAND, 76.
Téphromalacie (Atrophie isolée non progres-
sive des petits muscles de la main, fré-
quence relative et pathogénie. - antérieure,
poliomyélite, névrite radiculaire) (1 pl.,
9 fig. ), par Muue et Fon, 353 et 427.
Traumatisme et maladie de Paget (4 pl.),
par LÉ ! ! 1 et LFcitos, 334.
Tumeurs de l'angle ponto-cérébelleux (1 pl.),
par ION17, 417.
Ultramicroscope (Essai de biocyto-neurologie
au moyen de l'-) (4 pl.), par MAIUNESCO,
193.
Vertèbres (Carie des -. Mal de Poil sans
gibbosité), par ROTST.1DT, p. 391.
- cervicales (Absence des - avec cage lhora-
cique remontant jusqu'à la base du crâne)
(3 pl.), par ICLIPPEL et FEIL, 223.
TABLE DES AUTEURS
André Thomas et Jumentié (J.). Méningo-
myélite de l'épicône avec lipomatose se-
condaire (4 pl., 3 fig.), 309.
AKDRÉ-TnoM\s et Quercy. Syringomyélie.
Hyperplasie du tissu conjonctif. Vibres
musculaires striées dans la moelle (4 pl.
14 fig.), 364.
A.NGLADA (Jean). Hyperchromie généralisée
avec achromie associée. Lèpre blanche
et mélanique à type pie (2 pl.), 146.
BENON (R.) et Fnocsrs (P.). Du délire chez
les enfants, 343.
BERITOLOTTI (M.) Etude du syndrome oxy-
céphalique considéré dans ses rapports
avec la diathese rachitique et l'adénoï-
disme (8 pl., 4 fig.), 1.
Bonnet et CRESPIN (J.). Micromélie rhizo-
mblique partielle avec troubles mentaux
chez une jeune arabe (2 pl.), 137.
BROUS SOLE (de Dijon). Le chirurgien de
campagne (1 pl.), 101.
Cistro (Aloyso de). Sur la coexistence de la
maladie de Reckhnghamen avec l'acro-
mégalie (1 pl.), 41.
- Note sur la démarche dans l'athétose
étudiée d'après la cinématographie (2 pl.),
265.
CHALIEII (J.) et 1'ov> ? JossEnu\o (L.). De la
conservation et du retour des réflexes ro-
tuliens dans le tabes dorsalis ; à propos
d'un malade atteint de crises gastriques
tabétiques (2 pl.), 76.
Conte. Un cas de spondylose rhizomélique
(1 pi.), 413.
Dagnan-Bouveret (Jean) et SANTON (Paul).
Descartes et la psychophisiologie de la
glande pinéale (8 dessins), 171.
Dupuy (Louis). De l'absence des réflexes
achilléens et des réflexes rotuliens sans
autre signe d'affection du système ner-
veux, 153.
1<'.\S50U et Trénel (i%l.). Adénolipomatose
type Launois (1 pl., 1 fig.), 483.
FEiL (André) et Klippel (M.). Absence des
vertèbres cervicales avec cage thoracique
remontant jusqu'à la base du crâne (3 pl.,
6 hg. ), 2 ? 3.
Foix (Ch.) et Marie (P.). Atrophie isolée non
progressif des petits musclesdela main;
fréquence relative et pathogénie. Téphro-
malacie antérieure, poliomyélite, névrite
radiculaire ou non radiculaire (4 pl.,
9 dessins), 353 et 427.
Froederstrom (Ilarald).La dormeuse d'Okno ;
32 ans de stupeur ; guérison complète
(1 pi.), 267.
Froederstrom (Harald) et Johansson (SvEN).
Un cas de blessure par arme à feu à la
tête Guérison avec reliquat d'hémianop-
sie et d'alexie (2 pl., 3 dessins), 105.
GALLAIS (Alfred). Gigantisme acromégalique
sans élargissement de la selle turcique.
Inversion sexuelle, féminisme mental
(4 pl.), 124.
Goldstein (M.) et IIL\RINESCO (G.). Deux cas
de pseudo-tumeur cérébrale : méningite
séreuse et hydrocéphale acquise (1 pl.),
47.
HASKOVEC (Ladislas) (de Prague). Deux élec-
trottérapeutes du Xl'Ill' siècle en Bo-
hême : Procope Venceslas Divis et Jean-
Baptiste Bohac (1 pl.), 489.
L.11GNEL-LAV.1STINB et VIARD (M.). Adipose
segmentaire des membres inférieurs(l pl.),
473.
LE(;ROS (G.) et LÉRi (André). Traumatisme
et slndrome de Paget (4 pl.), 334.
Long (E.). Atrophie musculaire progressive
type Aran-Duchenne de nature névriti-
que. Second cas suivi d'autopsie (2 pl.,
3 fig.), 281.
MAWAIIESCO (N.) et PARIION (C.) de Buca-
rest (C.). Sur un cas de dysostose cléido-
crânienne 3 pl.), 251.
MAIII1\ESCO (G.). Essai de biocytoneurologie
au moyen de l'ultramicroscope (4 pl.,
22 fig.), 193.
Mingazzini (G.).Dystrophie musculaire pro-
gressive hémilatérale (type facio-scapulo-
huméral) (2 pl.), 320.
9lowz (f;gns). Trois cas de tumeurs de l'an-
gle ponto-cérébelleux (1 pl.), 417.
Murard (J.) et Paillasse (C.). Acromégalie
et urémie (1 pi., 1 fig.), 454.
Pariion (C.), OBREGI (Al.) et UIIECII1A (C.).
Contribution il l'étude de l'obésité des
paralytiques généraux (2 pl.), 463.
PASTI,NC (C.). Ostéo-arthrite chronique du
498 TABLE DES AUTEURS
rachis. Compression radiculo-médullaire
Inversion bilatérale du réflexe du radius
(2 pi.), 405.
Petit (Georges). Epilepsie tardive et trou-
bles mentaux consécutifs à un violent
traumatisme crânien (1 pl.), 384.
ROTSTADT (J.). Carie des vertèbres. Mal de
Polt sans gibbosité (4 fig.), 391.
TissoT (F.) (d'Amiens). Hérédo-ataxie céré-
belleuse (1 pl.), 71.
Touche 1, d'Orlé,,tns)..Neuro fibromatose géné-
ralisée (1 pl.), 45.
TABLE DES PLANCHES
Absence des vertèbres cervicales (KLIPPEL et
FEIL), XXIX à XXXI.
Acromégalie avec neuro-fibromatose (DE
CASTRO), IX.
Acromégalie et urémie (PALUS SE et Mu-
ssanu), LXII.
Adénolipomutose (TRENEr. et FAssou), LXVI.
Adipose segmentaire des membres infé-
rieurs (L.11GNEL-LAVASTINE et Viard), LXV.
Alexie. Coup de feu de la tête (Johansson
et FsoruEnsTrsol, XVI et XVII.
Aran-Duchenne de nature névritique
(Long), XXXVIII à XL.
Athétose, démarche (A. DE CASTRO), XXXV
à XXXVI.
Atrophie isolée des petits muscles de la
main (Marie et Foix), LXI.
Barbier pédicure (f3rsoussor.r.r), XV.
Biocytoneurologié par l'ultramicroscope
(Marinesco), XXV bis à XXVIII.
Coup de feu de la tête. Hémianopsie et
alexie (JOIIANSSON et FnOGDEP5Tli0ùf), XVI
et XVII.
Démarche dans l'athétose (A. de CASTRO),
XXXV et XXXVI. '
Dormeuse d'Olcnd (FROEDEnsTnost), XXXVII.
Dysostose cléido-crfinienne (11.1LDAnE5c0 et
PAIIIION), XXXII à XXXIV.
Dystrophie musculaire progressive hémi-
latérale (J¡NGAZZINI ? XLV il XLVII.
Epilepsie tardive et troubles mentaux con-
sécutifs à un traumatisme crânien (Petit),
LVI.
Fibres musculaire dans la moelle dans la
syringomyélie (André-Thomas et Quesscv),
LII à LV.
Gigantisme acromégalique. Inversion
sexuelle (GALL.17S), XVIII à XXI.
Hémianopsie. Coup de feu de la tête
(.10HANssoN et FROEDERSTROM), XVI à XVII.
Hérédo-ataxie cérébelleuse (TisSOT), XII.
Lèpre à type pie (A1\GLADA), XXIV et XXV.
nléningo-myélite chronique de répicôni :
avec lipomatose secondaire (André-Tho-
MAS et JUEI6NTIÉ), XLI à XLIV.
llficromélie rhizomélique (Crespin et BON-
NET), XXII et XXIII.
Neuro-Sbromatose (Touche), X.
Neuro-fibromatose avec acromégalie (De
CASTRO), IX.
Obésité des paralytiques généraux (ODREGIA,
Pariion et URECIIL\), LXIII et LXIV.
Ostéo-arthrite chronique du rachis (Pas-
TINE), LVII et LVIII.
Oxycéphalique (Syndrome) (BEfiTOLOTTI), I à
VIII.
Paget et traumatisme (Llhu et LEGRos),
XLVIII à Ll.
Paralysie générale, obésité (OBREGII, Par-
lION et URECRI.1), LXIII et LXIV.
Procope Venceslas Divis, électro-théra-
peute (IlASKo\Ec), LXVII.
Pseudo-tumeur cérébrale (Marinesco et
GOLDSTEIN), XI.
Rachis, ostéo-arthrite chronique (PASTINr),
LVII et LVIII.
Réflexes rotuliens dans le tabès (CIIALIEIL et
NovÉ-JosseHnNn), XIII et XIV. ,
Spondylose rhizomèlique (CoNTO), LIX.
Syringomyélie, hyperplasie du tissu con-
jonctif, fibres musculaires dans la moelle
(ANDRÉ-TiIO31AS et QUEl\CY), LII à LV.
Tabes, conservation des réflexes rotuliens
(CIIALI6ft et Nové-Josserand), XIII et XIV.
Traumatisme et syndrome de Paget (péri
et LEGROS), XLVIII à LI.
Tumeur de l'angle ponto-cérébelleux
(nIo.l7), LX.
Le gérant : P. Bouchez.
Imp. J. Thevenot, Saint-Dizier (Haute-Marne).