(1910) Nouvelle iconographie de la Salpétrière [Tome 23] : iconographie médicale et artistique
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(1910) Nouvelle iconographie de la Salpétrière [Tome 23] : iconographie médicale et artistique

- . NOUVELLE

ICONOGRAPHIE

DE LA

. SALPÊTRIÈRE

TOME XXIII

Avec de nombreuses figures intercalées dans le texte et 83 planches hors texte

1910

NOUVELLE ICONOGRAPHIE

DE LA

SALPÊTRIÈRE

J. M. CHARCOT

GILLES DE la TOURETTE, PAUL RICIIER, Albert LONHE

Fondateurs .

ICONOGRAPHIE MEDICALE

ET

ARTISTIQUE

. Patronage scientifique :

J. BABINSKI. - G. BALLET. J. DEJERINE

E. DUPRÉ. - A. FOURNIER. GRASSET. KLIPPEL

PIERRE MARIE. PITRES. RAYMOND

REGIS. SEGLAS. J. A. SICARD. A. SOUQUES

ET

SOCIÉTÉ DE NEUROLOGIE

DE PARIS

Direction : Rédaction : .'

PAUL R1CHER HENRY MEIGE

TOME VINGT-TROISIÈME

Avec de nombreuses figures intercalées dans le texte et 83 planches hors texte

PARIS

MASSON ET Cle, ÉDITEURS

LIBRAIRES DE L'ACADÉMIE DE MÉDECINE E

iao, Boulevard Saint-Germain (6')

1910

NOUVELLE

ICONOGRAPHIE

DE LA SALPÊTRIÈRE

HOPITAL MAJEUR DE LA VILLE DE TURIN

CONTRIBUTION A L'ÉTUDE DU' GIGANTISME

. ACROMJGALO-INFANTILE

M. BERTOLOTTI

Médecin-directeur de l'Institut de Radiologie médicale.

Dans ces derniers temps on a vu paraître des nombreux travaux sur le

gigantisme et la littérature d'aujourd'hui est assez riche sur cet argument.

Le gigantisme qui jadis passait pour un état somatique privilégié de quel-

ques hommes, à présent a été classé parmi les anomalies pathologiques.

On doit à Brissaud et Meige d'avoir ouvert la voie à ces éludes ; mais si

la plupart des auteurs qui se sont occupés de cette question sont d'accord

pour considérer le gigantisme commeune manifestation morbide de lacrois-

sance, il en est tout autrement quant l'interprétation de cette anomalie;

les problèmes sur la pathogénie et la mécanisme du gigantisme, sont

encore loin d'être résolus. Il est permis d'affirmer que les hypothèses les

plus contradictoires ont été émises sur ces questions.

Le cas que nous allons relater peut en fournir un exemple : il s'agit en

effet d'un cas de petit gigantisme à type acromégalo-infantile,qui,par bien

des côtés, est superposable à un cas publié récemment par MM. Thibierge

et Gastinel. Et bien, tandis que les deux auteurs tendent il rattacher leur

cas au dysthyroïdisme, je ne crains pas, pour ma pari, de me rallier à la

théorie hypophysaire et l'on verra par l'exposé de mon cas si mon inter-

prétation est admissible.

Observation.

Filippa Michèle, âgé de 48 ans, garde d'octroi. Son père et sa mère sont

X : CII1 1

- BERTOLOTTI

morts depuis longtemps. Son père était un véritable géant, il mesurait au

moins 1 m. 95 de hauteur et il paraît qu'il était un homme assez vigoureux et

bien portant. Il mourut à de Go ans d'une maladie de coeur après une

quinzaine de jours d'alitement. Sa mère était elle aussi de taille assez élevée

pour une femme, sans toutefois être anormale. Elle mourut à l'âge de 70 ans

d'hydropisie.

Michel eut cinq frères et trois soeurs,atuellemellt deux frères et deux soeurs

sont encore vivants. L'aîné mourut à l'âge de 61 ans à la suite d'une maladie

épidémique( ? ), il était plutôt haut de taille (environ 1 m. 75). Le deuxième

fut frappé d'un coup accidentel à 57 ans ; lui aussi était un homme de grande

taille : 1 m. 85. Le troisième des frères alla en Amérique et mourut à Rosario

d'une attaque de choléra, il atteignait 1 m. 75 environ.

L'aînée des soeurs succomba à 51 ans d'une tumeur abdominale, elle était

d'une taille absolument exceptionnelle pour une femme et mesurait au moins

1 m. 85.

Les deux frères encore vivants sont bien portants ; le plus âgé a 57 ans,

il est d'une constitution assez solide, mais il n'est pas trop grand (1 m.75) ;

le dernier aussi est assez bien bâti et d'une taille supérieure à la moyenne

(1 m. 80).

Ses deux soeurs actuellement vivantes,sont elles aussi de taille plutôt élevée.

Michel eut une croissance assez rapide ; à l'âge de 7 ans, à l'école, il dé-

passait de toute la tête les compagnons de sa classe.

Pendant la première et la seconde enfance.il jouit constamment d'une excel-

lente santé et jamais il ne prit les maladies de l'enfance. A l'âge de 17 ans sa

croissance s'arrêta et au conseil de révision il mesurait 1 m. 89 comme trois

ans auparavant.

Jamais il n'eut de maladie vénérienne, du reste il faut remarquer tout de

suite, qu'il n'a jamais eu un tempérament érotique et qu'il a eu très peu de

commerce avec les femmes. Jamais il n'a cherché à se marier et il est resté

célibataire.

A l'âge de 28 ans il commença à s'accroître en largeur et environ à cette

époque il remarqua que ses mains étaient devenues plus volumineuses, mais

il n'en fit aucun cas et attribua l'accroissement des mains à l'exercice de son

état de laboureur des champs.

A l'âge de 30 ans,sans cause appréciable, sous la paupière inférieure gauche

commmença à se former un petit bouton, qui, au lieu de s'en aller, avait ten-

dance à s'ulcérer. Il fit plusieurs traitements, mais aucun n'aboutit ; le petit

bouton peu à peu devint plus volumineux, et se couvrit d'une croûte qui de

temps en temps tombait en laissant à découvert un ulcère à contours irré-

guliers et des dimensions d'une pièce de 10 centimes.

A part ce fait, il n'a jamais souffert d'aucune autre maladie et a toujours

joui d'une excellent santé.

En octobre de cette année, il entra à l'hôpital pour se faire soigner de son

épithélioma et fut dirigé dans ce but à mon laboratoire radiologique

Etal actuel. Lorsqu'on examine cet homme, on est frappé tout de suite

Nouvelle Iconographie UL la S.wCmW e. l'. ? i\I11. l'l. I

GIGANTISME ACROfGALO-INFANT1L1 :

Nouvelle 1conograijhif de la SA[·1·EL'RILRη

T. XXIII. hl. il

GIGANTISME ACIZOIÉGALO-l ? I : ANI'11.1-.

(Berlololti).

MBSSOn & Cte, éditeurs.

l'IwtohPIC U¡'rllluuJ

ÉTUDE DU GIGANTISME ,CRONll'GALO-1NFANIILE 3

par sa taille assez élevée et par l'état glabre de son visage qui lui donne un as-

pect absolument infantile (Voir PLI et II).Sa taille en effet dépasse la moyenne,

1 m. 89 de hauteur, et il faut remarquer que le développement des membres

inférieurs est considérablement exagéré en comparaison de la longueur du

tronc. Cet allongement des membres inférieurs apparaît encore augmenté par le

fait que le dos de notre sujet est uu peu voûté et qu'il présente une cyphose dor-

sale assez prononcée. Les membres supérieurs aussi apparaissent plutôt allon-

gés - en effet la grande ouverture des bras atteint 1 m. 94 de longueur.

Voici du reste la mesure des différents segments du corps de Michel :

4 BERTOLOTTI

Examen somatique. Notre sujet présente une asymétrie faciale énorme,

le côté gauche de son visage est de quelques centimètres plus large que le

côté droit. Cette asymétrie est causée presque complètement par le dévelop-

pement exagéré de la branche montante de la mâchoire inférieure qui, à gauche,

est plus volumineuse.

On est frappé par le contraste remarquable existant entre les dimensions de

la boîte crânienne qui paraît petite en comparaison du développement de la

partie inférieure du visage.

Le crâne a une conformation tout à fai anormale, le front est fuyant, les

fosses temporales sont très prononcées, l'inclinaison des deux os pariétaux

donne à leur suture un aspect relevé en crète, accentué par la disposition des

cheveux qui sont courts et hérissés.

Le front est déprimé, les bosses frontales sont peu proéminentes, mais les

arcades sourcilières sont plutôt accentuées, les sourcils sont à peine ébauchés.

La peau du visage est pâle et légèrement teintée en ivoire. L'aspect de sa figure

présente un contraste étrange ; l'état complètement glabre de la peau et les

rides nombreuses qui sillonnent les joues, le front et le menton lui donnent

un aspect vieillot et infantile en même temps. Il n'existe aucune trace de

barbe ni de moustache, c'est à peine si quelques rares poils duvets sont

visibles sur le menton.

Les oreilles sont énormes, l'ouïe est normale, le nez est plutôt grand, mais

il n'est pas épaté, les narines sont amples, l'odorat est bon.

La bouche est large, les lèvres sont plutôt minces, les muqueuses labiales

et buccales sont décolorées.

Les dents sont très fortes, volumineuses et ne présentent aucun signe

dystrophique.

La langue est très large et longue, le palais est en ogive.

La mâchoire inférieure est très développée et il existe un certain degré de

prognathisme.

Dans la partie horizontale de la mâchoire inférieure, on sent d'une façon très

prononcée le rebord des apophyses lénauriniqves.

Comme nous l'avons déjà remarqué, il existe une asymétrie faciale très

accentuée.

La voix de Michel n'a pas le type eunuchoïde, pourtant elle a un timbre

infantile.

Le cou est assez gros et court, le larynx est suffisamment développé et les

cartilages thyroïdes sont proéminents. La glande thyroïde est difficilement

palpable.

Le thorax de Michel est assez bien conformé, les épaules sont carrées, mais

les masses musculaires sont très peu développées et atoniques, le tissu adipeux

est plutôt abondant. Les mamelles ne sont pas exagérément prononcées, au

contraire elles sont petites et les aréoles sont à peine ébauchées et de couleur

très pâle, les pointes sont très atrophiées. Chez notre géant, les seins ont une

conformation parfaitement infantile et du type masculin.

L'examen du rachis montre une cyphose cervico-dorsale de moyen degré

Nouvelle Iconographie DF rn SALPËIRtÈRE.

T. xxiii. I'1. III

GIGANTISME ACROIvtÉGALO-INPAN'I'ILE ? I'tOlOll2 .

Masson & Cie, Editeurs.

Phototynie Itrrtliaiiff

ÉTUDE DU GIGANTISME ACRODiÉGALO-1NFANTILE 5

sans scoliose et avec une lordose lombaire de compensation. Les hanches sont

plutôt étroites et fines, les masses musculaires des fesses sont très peu déve-

loppées, le pli fessier médian est un peu asymétrique, le pli sous-fessier est

peu accentué : dans son ensemble, l'aspect infantile de cette région est tout à

fait particulier.

De même l'abdomen n'est pas trop volumineux, il n'est pas tombant, mais on

sent au toucher que les muscles des parois abdominales, de même que tous les

autres, sont très flous.

Organes sexuels. La -verge et le scrotum ont des dimensions plutôt

réduites, le pénis est très court et retracté, les bourses aussi sont relevées,

les testicules sont gros comme deux noisettes, mais bien conformés. Le réflexe

crémastérien existe des deux côtés, les érections sont rares, le désir sexuel

très émoussé.

Le pubis est complètement dépourvu de poils.

Extrémités supérieures. Les bras sont longs et fins, ils présentent dans

leur ensemble un aspect infantile.

' Les deltoides sont très réduits et aplatis, les pectoraux très minces, les biceps

sont absolument atrophiques et effacés comme chez les enfants, l'avant-bras

est un peu plus lourd, mais les masses musculaires de cette région sont molles

et flasques et ne présentent pas de relief.

La force dynamométrique est assez réduite (35 kil.).

Vu de profil, on s'aperçoit que les membres supérieurs sont un peu tombants

en avant à cause de la cyphose dorsale qui donne à notre homme un aspect

un peu voûté.

Les mains sont très volumineuses en comparaison du bras (V. fig. 5),

elles ont une véritable conformation en battoir, les doigts sont élargis et épais,

ils sont carrés à leur extrémité.

La région métacarpienne est exagérément développée et très épaisse. Le

pouce mesure 7 centimètres de long, et Il centimètres de circonférence, le

médius ne dépasse l'index qne d'un demi-centimètre ; l'annulaire de 3 milli-

mètres et l'auriculaire de 2 centimètres.

Les ongles aplatis et déformés, présentent des rayures dans le sens longi-

tudinal, l'ongle du médian montre les traces d'un traumatisme ancien.

Ce qui est le plus intéressant à étudier dans la main de Michel c'est la peau.

En effet les téguments des mains de notre sujet présentent les caractères d'une

véritable peau de batracien : la peau du dos de la main est fine, lisse et tout

à fait glabre : on observe enfin que cette région est ridée d'une façon exagérée

et qu'elle est traversée par des raies assez profondes qui ont une direction

oblique d'avant en arrière et de dedans en dehors.

Cette peau est lisse et luisante comme du parchemin et ne présente absolu-

ment aucune trace de crevasse.

Cette conformation particulière de la peau du dos de la main dépend de

l'absence totale de glandes sébacées et sudoripares. En effet, en regardant avec

une loupe à fort grossissement on peut relever que tous les pores sont com-

plètement obstrués. En résumé la main de ce petit géant est remarquable,

G BERTOLO'I Tl

elle frappe avant tout par ses dimensions et par sa forme qui présente

tous les caractères de l'acromégalie. Le dos de la main est gros, plat et élargi

dans le sens transversal, les doigts sont courts et leur extrémité digitale est

élargie en spatule. On peut de même remarquer que l'articulation des pre-

mières phalanges se fait à peu près au niveau pour les quatre derniers doigts.

Extrémités inférieures. Comme il est aisé de voir'par la photographie,

les extrémités inférieures sont plutôt allongées en comparaison avec le tronc.

Les masses musculaires sont ici encore très peu développées et l'on peut s'en

apercevoir très facilement en regardant les cuisses de notre géant qui, au

niveau du droit interne, au lieu d'être un peu saillantes sont au contraire enca-

vées de façon a former un vide losangique depuis les genoux jusque la racine

des cuisses (V. PI. I).

Les jambes sont assez bien proportionnées, toutefois elles se présentent en-

flées à la région malléolaire à cause de varices anciennes qui se sont déjà ulcé-

rées plusieurs fois et qui ont laissé sur la peau une pigmentation anormale.

Les pieds sont très volumineux, ils mesurent 29 centimètres en longueur et

12 centimètres en largeur au niveau du pli de flexion des orteils.

La voûte plantaire est affaissée et le pied complètement plat. Le gros orteil

est très gros et carré. L'extrémité des orteils forme une ligne oblique très pro-

noncée de façon que l'extrémité du cinquième orteil est de 7 centimètres plus

en arrière que celle du gros orteil.

Les ongles des pieds présentent quelques traces de dystrophie.

La station debout et la démarche de notre géant n'offrent aucune particula-

rité, digne de remarque.

L'examen de toutes les formes de sensibilité superficielle et profonde ne

montre aucune altération. L'examen des réllexes tendineux et cutanés n'a

relevé aucun fait anormal. Les réflexes rotuliens et achilléens sont normaux,

les réflexes cutanés plantaires aussi.

Il existe pourtant un degré d'hypotonie musculaire assez prononcé. L'exa-

men électrique n'a rien relevé de particulier, nous n'avons trouvé aucune trace

de la réaction myasthénique.

L'examen des viscères n'a permis de constater aucune anomalie. Le choc

du coeur est normal dans le 5° espace intercostal. A l'auscultation, on entend

les bruits du coeur un peu faibles, mais il n'existe aucune trace de souffle

cardiaque. L'aire du coeur et des gros vaisseaux, contrôlée à la radioscopie, est

assez volumineuse.

Nous n'avons pu relever à l'examen radioscopique aucune trace de persistance

du thymus.

Rien du côté pulmonaire. Le tube gastro-intestinal est normal. Le foie

ne dépasse pas l'arc costal.

Le fonctionnement des sphincters est normal.

Avant de terminer l'examen somatique de notre sujet, il est bon d'insister

sur l'aspect spécial des téguments de cet homme.

Sa peau est lisse, luisante et très blanche ; au toucher on sent qu'elle est très

fine. Il s'agit, il n'en pas douter d'une peau véritablement atrophiée et l'on ne

ÉTUDE DU GIGANTISME ACROJiL : G ? iL0-INIa`i'l'ILE 1

pourrait trouver sur toute la surface du corps de Michel un seul poil, pas la

trace d'un duvet.

Nous faisons remarquer encore que l'atrophie des téguments ne porte pas

seulement sur le système pileux, mais aussi sur les glandes sébacées et que la

peau est sèche et luisante sans toutefois présenter aucune trace de desquama-

tion. -

Examen des urines.

8 BERTOLOTTI

ticularités intéressantes et qui peuvent bien montrer les liens qui unissent

l'acromégalie au gigantisme et à l'infantilisme.

La radiographie du crâne en particulier a été d'un intérêt exceptionnel comme

nous le verrons tout à l'heure. On connaît les difficultés que l'on rencontre en

général dans l'étude radiographique du crâne des géants.

Cette difficulté tient dans l'espèce à l'épaisseur de la boîte crânienne et à ses

dimensions exagérées. Nous avons au contraire rencontré un crâne assez per-

méable qui nous a permis de faire un examen radiographique assez démonstra-

tif (V. PI. II). -

Si l'on passe à présent à l'étude du profil de la base du crâne de Michel donné

par la radiographie en position latérale on est frappé par quelques particularités

dignes de remarque.

On note tout de suite que les sinus frontaux sont bombés et volumineux sans

présenter toutefois le degré d'hypertrophie propre des crânes acromégales. Le

sinus maxillaire aussi est plutôt agrandi.

Un détail qui vaut la peine d'être souligné est donné par la projection des

deux temporaux qui montre une image zébrée et qui peut démontrer l'inégalité

d'épaisseur des parois crâniennes de Michel.

Mais l'intérêt radiographique le plus remarquable est donné par la confor-

mation et par les dimensions de la selle turcique.

Dans cette radiographie, on voit très bien que la fosse pituitaire est creusée

profondément dans le corps du sphénoïde et qu'elle se dessine assez nettement

sur le fond clair correspondant à la portion écailleuse du temporal.

La forme et les dimensions de la selle turcique sont très nettes. Elle apparaît

avant tout énormément augmentée de volume ; on voit que les apophyses cli-

noïdes antérieures sont poussées en avant, tandis que la lame perpendiculaire

du sphénoïde et ses extrémités terminales ou apophyses clinoïdes postérieures,

sont repoussées en arrière.

La partie plus déclive de la fosse pituitaire apparaît enfoncée en bas et en

avant par une dépression du sphénoïde.

Les dimensions de la selle turcique d'avant en arrière entre les apophyses

clinoïdes antérieures et postérieures mesurent 44 millimètres de longueur, ce

qui donne un chiffre absolument exceptionnel, puisque une selle turcique nor-

male, chez un individu de haute taille, ne mesure jamais plus de 10 à 16 milli-

mètres dans le sens antéro-postérieur.

En poussant plus loin l'étude détaillée de la base du cràne, nous devons faire

remarquer un fait anormal.

En effet dans notre radiogramme on note dans l'emplacement de la selle tur-

cique la présence de quelques points plus foncés au nombre de cinq à six. La

plupart de ces points ont une disposition presque circulaire à convexité supé-

rieure qui forme un tracé pointillé au-dessus de la selle turciqne. De cette façon

reste délimitée une zone ovalaire avec son diamètre maximum dans le sens an-

téro-postérieur et qui présente les dimensions d'une noix. Dans le centre de

cette zone on peut distinguer un point central plus foncé.

Il est de toute évidence que ces points sont constitués par des foyers calcifiés

et que le contour dessiné par eux est bien celui de l'hypophyse.

NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SAL

T. XXIII. 1'1. IV

A. (Obs. F. Micliele)

Gigantisme acromégalo-infantile.

B. (Obs. Giuseppe Bracco)

Acromégalie.

GIGANTISME ACROIÉGALO - INFANTILE

7 ! er/«A) ? J.

C. (Obs. Z)

Gigantisme infantile.

ÉTUDE DU GIGANTISME ACROMÉGALO-INFANT1LE 9

Nous nous trouvons donc en présence d'une selle turcique énorme et l'exa-

men radiographique, en plus de cette constatation, permet encore de voir les

dimensions mêmes de l'hypophyse qui acquiert dans le cas présent un volume

tout à fait exceptionnel.

Sur cette calcification de la glande pituitaire nous reviendrons plus loin ;

nous faisons remarquer seulement qu'elle constitue le côté le plus intéressant

de notre observation.

Avant de terminer cette étude radiographique du crâne, nous ferons mention

des dimensions du rocher et de la largeur du trou auditif.

Examen radiographique des extrémités. - La radiographie des mains de

Michel est aussi assez intéressante. Elle présente une foule de caractères acro-

mégaliques (V. PI. IV).

Les métarcarpiens sont courts et très augmentés de volume dans le sens

transversal. Le premier métacarpien de la main arromégalique est absolument

typique.

Les phalanges aussi 'sont peu allongées, mais très épaisses et elles présentent

quelques traces de raréfaction atrophique.

On a décrit comme caractéristique de l'acromégalie une altération de la struc-

ture des phalangettes qui prennent une forme de petits plumeaux. Or, il suffit

de regarder cette radiographie pour voir que cette déformation particulière

est absolument très nette et très prononcée. L'extrémité des phalangettes se

présente en effet épaissie et raréfiée avec des aréoles punctiformes très carac-

téristiques.

Dans l'acromégalie on a trouvé souvent une altération des surfaces osseuses

auxquelles s'attachent les tendons ; or il est aisé de voir cette altération sur les

bords des premières phalanges qui présentent des épines osseuses bien déli-

mitées.

Les cartilages épiphysaires sont parfaitement ossifiés ; seulement, au niveau

du cartilage de conjugaison du radius on peut voir uue ligne un peu sombre

qui témoigne d'une calcification irrégulière.

Les mêmes faits que nous avons relevés dans la main sont visibles aussi aux

pieds. Le calcanéum est très gros et il présente des traces d'hyperostose dans

son rebord postérieur.

Les métatarsiens aussi présentent quelques petites exostoses.

Si nous comparons à présent les lésions osseuses que nous avons consta-

tées dans notre cas avec celles que l'on retrouve en général dans l'acromégalie,

nous voyons tout de suite qu'il y a identité presque absolue, puisque les défor-

mations du crâne et des extrémités sont tout à fait caractéristiques.

Nous insistons encore sur ce fait que l'examen radiographique nous a révélé

que l'ossification des cartilages épiphysaires était complète partout, ce qui n'a

rien d'anormal, étant donné l'âge de Michel.

Le nouveau géant dont nous publions l'observation est intéressant à

plusieurs titres.

10 O TEBTOLOTTI

En premier lieu, il présente confondus ensemble des caractères propres à

des états différents : chez lui il y a, à n'en par douter, des signes certains

d'infantilisme, de gigantisme et d'acromégalie. Pour les caractères de

l'infantilisme, il n'est pas nécessaire de s'arrêter longtemps pour en faire

ressortir les traits les plus évidents. Il suffit de relever la disproportion

qui existe entre le développement du tronc et des membres, le faciès

imberbe, la voix haute, la peau fine et blanche, le bassin infantile, l'hypo-

trophie génitale, les caractères sexuels effacés et l'absence totale de poil au

pubis et aux aisselles, pour admettre que ce géant présente un véritable

état d'infantilisme. Ajoutons encore l'état mental absolument puéril, son

manque d'intelligence, son caractère enfantin et nous aurons rassemblé

chez Michel les traits les plus importants du véritable infantilisme.

Notre géant infantile n'a rien qui le rattache pourtant au type féminin

de l'infantilisme. En effet, le bassin n'est pas exagérément développé, les

saillies mammaires font défaut, de même que la ptose des parois abdomi-

nales. A cet égard, ce cas est encore plus intéressant étant donné la pureté

du type infantile qu'il représente. Dans la grande majorité des cas chez les

géants infantiles, on observe presque toujours les caractères propres

à l'infantilisme féminin, tandis que chez Michel tous ces caractères font

défaut et il apparaît au contraire comme le vrai type de l'infantilisme

masculin.

Son appareil génital n'est pas complètement atrophié et il est donc na-

turel que les caractères eunuchoïdes soient en défaut chez lui. Michel a une

petite virilité comparable à celle d'un garçon de 14 ans et son hypoplasie

testiculaire n'a pas retenti d'une façon complète sur son développement

somatique.

L'élévation rapide et inusitée de la taille, déjà acquise a t'àge de 17 ans

justifie également le diagnostic de gigantisme dans notre cas. Cet homme

de 48 ans, depuis trente ans au moins, mesure 1 m. 89 de hauteur.

Il semble aussi que sa croissance a subi une forte poussée dans la

première enfance. Michel nous a dit en effet qu'à (le 7 ans, il dépas-

sait,de toute la tête les enfants de son Age.

Il s'agirait donc d'une association d'infantilisme et de gigantisme. De

semblables associations, quoique un peu paradoxales à première vue, ne

sont pas rares. Déjà M. Capitan en 1897 en avait signalé un cas. De même

Brissaud, Meige, Launois et Roy ont, à plusieurs reprises, attiré l'attention

des observateurs sur ces faits. Dernièrement encore, MM.ThibiergeetGas-

tinel ont publié dans la Nouvelle Iconographie de la Salpêtrière un cas

qui est par bien des côtés absolument superposable au nôtre. Enfin

M. E. Lévi, de Florence, est en train de publier un travail très intéressant

sur cet argument dans la Nouvelle Iconographie de la Salpêtrière.

ÉTUDE DU GIGANTISME ACR0MÉGAL0-1NFANT1LE 11"

A propos des états de gigantisme infantile, une remarque qui n'a pas

encore été faite et qui pourtant ressort des observations qui ont été pu-

bliées jusqu'ici, c'est que dans tous les cas de gigantisme infantile, il

s'agit toujours d'individus qui ont terminé leur croissance avec la fin de

leur puberté. Tous les grands géants avec activité épiphysaire persistante

après l'âge normal des soudures épiphysaires ont au contraire un aspect

viril et acromégalique. Notre sujet ayant cessé de grandir depuis l'âge

de 17 ans, après une poussée exagérée de sa croissance, a conservé

des caractères infantiles ; sa période d'accroissement étant arrêtée depuis

trente ans, il était tout à fait logique que, à l'examen radiographique, l'on

ne trouve aucune trace des cartilages de conjugaison; le contraire en

effet aurait été anormal.

A ce propos, je crois qu'il est nécessaire de bien nous entendre. D'après

les études radiographiques entreprises sur les géants, on s'attend presque

toujours à voir confirmer le diagnostic clinique de gigantisme par la

persistance des cartilages de conjugaison. Or, pour ma part, j'ai déjà ren-

contré plusieurs cas où il s'agissait de vrai gigantisme et où j'avais relevé

à la radiographie la-soudure parfaite des cartilages épiphysaires. Vouloir r

nier cette possibilité a priori, ce serait vouloir s'exposer il bien des erreurs.

En effet, si l'on doit s'attendre à la persistance des cartilages épiphysaires

chez les géants en activité de croissance permanente, la chose n'est pas

possible chez les géants qui ont vu leur croissance déjà arrêtée depuis long-

temps. Il est donc de toute nécessité de bien distinguer chez les géants :

ceux qui sont encore en activité de croissance et qui rentrent dans le cas

que j'appellerai volontiers du grand gigantisme, des autres qui ont pré-

senté une croissance tumultueuse dès la première enfance et chez lesquels

la soudure des cartilages épiphysaires se serait accomplie à l'âge normal,

ceux-ci ce sont de petits géants véritables arrêtés dans leur croissance.

Cette distinction est d'autant plus utile que mes études radiographi-

ques entreprises sur les anomalies d'accroissement m'ont permis de con-

tr6ler de nombreux faits cliniques et de démontrer quelques points jusqu'à

présent encore débattus et incertains.

On a dit que le gigantisme est une anomalie de croissance dû à une

altération de l'hypophyse et qui se manifeste alors que les carlilages de

conjugaison sont encore en leur pleine activité, tandis que l'acromégalie

serait l'expression de la même anomalie osseuse chez les individus à car-

tilages épiphysaires soudés ; autant dire que l'on ne pourrait jamais voir

de vrais acromégales à cartilages de conjugaison non encore ossifiés.

Or je soutiens, pour ma part, que s'il est certain que le gigantisme ne

peut se manifester que pendant le fonctionnement actif des cartilages

épiphysaires, il n'est pas du tout prouvé que l'acromégalie puisse se

12 BERTOLOTTI

manifester seulement alors que les cartilages de conjugaison sont déjà

soudés.

Dans la grande majorité des cas d'acromégalie, il est vrai, on retrouve

l'ossification des cartilages épiphysaires, de telle façon qu'il est logique

de dire avec MM. Brissaud et Meige que l'acromégalie est une anomalie

trophique du système osseux qui commence à s'établir alors que les car-

tilages épiphysaires sont ossifiés ; mais toutefois cette règle n'est pas

absolue et elle admet des exceptions nombreuses.

J'ai eu pour ma part plusieurs fois l'occasion de voir de véritables

acromégales qui n'étaient pas même de petits géants et qui avaient encore

leurs cartilages épiphysaires parfaitement conservés sans toutefois pré-

senter le moindre signe de gigantisme.

A ce propos, je ne crois pas inutile de relater ici même, le résumé d'une

observation clinique ayant trait à un cas typique d'acromégalie. Il s'agit

d'un jeune homme de 19 ans interné dans notre Hôpital en mai 1908

et où il resta pendant plusieurs mois, fut suivi attentivement pendant tout

son séjour et fut enfin étudié à l'autopsie après sa mort survenue en oc-

tobre de la même année.

. Résumé de l'observation. - Bracco Guiseppe, 19 ans. A 1 ans ont

débuté ses premiers troubles : maux de tête, affaiblissement de la vue, ano-

rexie, mauvais état général, déformations vertébrales et crâniennes.

Depuis deux ans, il est presque complètement aveugle, il entre à l'Hô-

pital en mai 1908.

Les conditions étaient à cette époque absolument graves : il avait des

vomissements, de la faiblesse cardiaque et vasculaire, un pouls rare (50 à

la minute) et de la céphalée persistante. A l'examen ophtalmoscopique,

on constata une double névrite oedémateuse très avancée.

L'examen somatique du sujet fournissait les renseignements suivants :

Hauteur 1 m. 65, tête énorme : 63 centimètres,mains exagérément lourdes

et longues (25 cent.), pieds énormes (31 cent,), cyphose dorsale très pro-

noncée. gros nez, gros menton, très grosse langue; enfin tout le riche

cortège des caractères acromégaliques.

On fit la radiographie du crâne qui démontra une selle turcique plutôt

agrandie.

Après quelques mois de séjour à l'Hôpital, le malade mourut, on fit

l'autopsie qui confirma l'existence d'une tumeur hypophysaire des di-

mensions d'une noix et qui poussait ses prolongements sur le plan eth-

moïdal en avant et avait comprimé le chiasma et le nerf optique.

Nul doute que dans ce cas il se soit agi d'un véritable état acroméga-

lique ; les déformations somatiques et la nature de la lésion hypophysaire

sont tout à fait très nettes.

ÉTUDE DU GIGANTISME ACROMÉGALO-INFANTILE 13

Or dans l'étude radiographique de cet acromégale, nous avons été frappé

par le fait de la persistance de tous les cartilages épiphysaires. Dans ce

cas donc, au lieu d'avoir une soudure précoce des épiphyses, faits signalés

plusieurs fois chez les acromégales, on avait constaté un retard d'ossifi-

cation puisque notre sujet avait 19 ans et que, à l'état normal, l'ossification

des cartilages de conjugaison se fait généralement à 17 ou 18 ans. Il suffit 1

de regarder la radiographie de la main de cet homme (V. Pl. IV, B) pour i-

voir qu'il s'agit d'une véritable mainacromégalique. On peut observer que

le premier métacarpien est énormément développé dans le sens transver-

sal, le cinquième métacarpien aussi est très déformé, il est très gros et il

présente son rebord extérieur courbé en dehors au lieu de se dessiner

avec une concavité externe comme les autres métacarpiens.

Les premières phalanges présentent des zones de raréfaction aréolaire,

enfin tous les cartilages épiphysaires des phalanges, des phalangettes,

des métarcapiens et du radius sont parfaitement conservés.

Il faut remarquer tout de suite que ce sujet n'était nullement un géant,

sa taille était à peine de 1 m. 65, c'est-à-dire une taille moyenne. Donc

nous nous trouvons ici en présence d'un cas typique d'acromégalie sans

aucun rapport avec le gigantisme où pourtant l'on peut voir que tous

les cartilages épiphysaires sont en plein état d'activité.

On peut donc se demander comment ce cas peut rentrer dans la règle

posée par Brissaud et son école, suivant laquelle l'acromégalie serait l'ex-

pression d'une hyperactivité hypophysaire dans une période à cartilages

épiphysaires soudés, je crois que, à l'appui du cas qui nous avons résumé

l'on pourrait soutenir :

1° Que la soudure des cartilages épiphysaires n'est pas indispensable

pour aboutir à l'acromégalie.

2° Que l'acromégalie peut se développer chez un individu el cartilages de

conjugaison parfaitement conservés, sans aboutir au gigantisme.

A part ces faits, je crois que l'on pourrait faire à la loi de Brissaud une

objection d'ordre plus général et aborder la question de l'acromégalie

héréditaire. Existe-il, oui ou non, des états acromégaliques héréditaires ou

à plus proprement parler des enfants acromégaliques ?

Depuis quelque temps, on a publié plusieurs cas d'enfants acromégales

issus d'un père ou d'une mère elle aussi acromégale. Fraënzel a décrit

une femme acromégalique, qui eut un enfant acromégalique, Bonardi a

publié l'histoire d'un père et d'un fils acroméaliques,Fraënkel,Schvoner,

Narda et d'autres ont étudié des cas d'acromégalie héréditaire. Enfin, un

des plus beaux exemples qui soit venu à ma connaissance se rapporte au

cas de MM. Franchini et Giglioli paru dans la Nouvelle Iconographie de

la Salpêtrière en 1908.

14

BERTOLOTTI

Il est difficile à présent de donner un aperçu sur l'état des cartilages

épiphysaires dans les cas d'acromégalie héréditaire chez des adolescents.

La plupart des observations se rapportent à une époque où l'élude radiogra-

phique de ces altérations osseuses n'était pas encore à l'ordre du jour ; or

c'est là une lacune qu'il faudra comblera à l'avenir, d'autant plus que même

dans les observations les plus récentes, celte question n'est pas élucidée

et que dans le dernier travail paru sur cet argument, celui de Franchi ni

el, Giglioli, j'ai cherché inutilement quelques renseignements sur ce point;

les deux auteurs ne parlent pas de l'état des épiphyses chez la fillette âgée

de 14 ans qui présentait le type le plus intéressant de l'acromégalie hé-

réditaire. '

Si l'on regarde de près la radiographie du poignet de Michel, on peut

apercevoir que l'extrémité inférieure du radius est séparée de la diaphyse

par une ligne sombre.

Or il ne faudrait pas interpréter cette ligne comme une imperfection

de la soudure épiphysaire, il en est tout autrement au contraire.

Cette ligne qui est plus claire sur la plaque radiographique est là pour

nous révéler une calcification plus accentuée de la ligne épiphysaire. Celle

irrégularité de l'ossification des cartilages de conjugaison, nous la retrou-

vons dans plusieurs altérations du système osseux. On peut la retrouver

par exemple dans les cas anciens de genu-valgum, et encore chez les

anciens rachitiques.

Elle doit donc être interprétée comme une marque cicatricielle de l'ossi-

fication des cartilages qui s'est accomplie après un fonctionnement dé-

sordonné ou pathologique.

Il n'est pas rare de retrouver cette ligne cicatriciel le chez les géants

infantiles et c'est là un point intéressant que je dois souligner.

Déjà M. Brissaud avait observé ce fait qu'il avait interprété comme

une ossification non encore parachevée, tandis que pour moi ce sérail

le contraire.

J'ai eu occasion il y a deux ans de voir par hasard un géant infantile

typique qui ne présentait absolument aucun signe d'acromégalie.

Il s'agissait d'un prêtre, jeune encore, trente ans environ ; il était venu

chez moi en curieux.

Il avait une taille imposante, au moins 1 m. 95, et tous les signes de

l'infantilisme classique. Sa voix, son teint, sa figure étaient celles d'un

adolescent. Je le priais de me permettre de lui prendre une radiographie

de la main, ce qui me coûta pas mal de peine pour le convaincre. Or la

ÉTUDE DU GIGANTISME ACR0MÉGAL0-1NFANTILE 15

radiographie de cette ma'n (V.P1.IV, C) présentait, elle aussi, l'ossification

complète des cartilages de conjugaison (il s'agissait donc là aussi d'un vé-

ritable cas de gigantisme infantile avec croissance décidément arrêtée) et

en plus elle montrait une ligne un peu irrégulière à la place de l'ancien

cartilage épiphysaire du radius. J'interprétai ce fait comme un trouble

d'hypercalcification des épiphyses.

Il nous reste à présent à étudier les signes acromégaliques présentés

par notre sujet : ils ne sont pas douteux. Il suffit de se rappeler ses pieds

et ses mains, la voussure du dos, l'hypertrophie des os de la face. et en par-

ticulier de la mâchoire inférieure, la conformation du crâne, les dimen-

sions de la langue et enfin toutes les altérations osseuses relevées parla

radiographie. Il est donc inutile de s'arrêter sur ces faits; mais il y reste

un point qui n'est pas banal et qui mérite d'être un peu discuté. Je veux

rappeler la conformation et les dimensions de la- selle turcique et la pré-

sence de points de calcification constatés par la radiographie dans l'empla-

cement même de la fosse pituitaire. Il s'agit là, à n'en pas douter, de

points de calcification de l'hypophyse.

L'étude radiographique de la base du crâne dans l'acromégalie, depuis

Oppenheim et Béclère, avait déjà démontré d'une façon très documentée

la dilatation de la selle turcique chez les acromégales. Cette étude radio-

graphique fut ensuite entreprise sur les géants avec des résultats ana-

logues : ce sont là autant de questions bien connues aujourd'hui et je ne

veux pas ici entretenir sur ces points, mais je désire simplement fixer

l'attention sur cette trouvaille radiographique d'une énorme hypophyse

calcifiée et décelée par la radiographie chez un individu de haute taille

(1 m. 89) qui n'était pas un grand géant ni même un acromégalique véri-

table mais simplement un petit géant acromégalisé et infantile.

Il n'existe pas dans toute la littérature d'autre cas radiographiquement

analogue. On a pu quelquefois délimiter le profil de l'hypophyse par

l'examen radiographique et moi-même dans le cas de Bracco Giuseppe j'a-

vais réussi à fixer le soupçon de tumeur de la glande pituitaire, mais dans

notre cas l'intérêt principal n'est pas donné seulementpar les dimensions

de l'hypophyse, mais plus encore par la démonstration de son état histo-

logique. ,

En effet, l'histoire pathologique de cet homme (Michel) s'éclaircit d'une

façon toute spéciale par le fait d'un simple examen radiographique que

l'on aurait pu à priori supposer complètement négatif.

Il suffit de se rappeler la poussée de croissance de Michel : à 7 ans il

était un grand enfant, à 17 ans, il avait atteint sa hauteur complète. Il est

donc indéniable que cette hyperactivité de ses cartilages épiphysaires au-

rait cessé tout à coup à l'âge de 17 ans. Maispar quelles raisons ce phé-

nomène d'arrêt se serait-il produit d'une façon tellement précoce ? ' ?

16 BERTOLOTTI

Il est très probable que cet arrêt brusque de développement des os

longs doit être mis en rapport avec un trouble survenu dans l'activité

sécrétrice de certaines glandes et de la glande pituitaire en particulier.

En effet, ce trouble serait dû à la calcification de l'hypophyse. 11 ne faut

pas oublier que Michel, pendant la première et la seconde enfance, aurait

eu une croissance supérieure à la moyenne du fait de l'hypertrophie de

sa glande pituitaire. Or cet adolescent, qui était issu d'une famille où se

dessinait le gigantisme héréditaire, qui était, lui aussi,en train de devenir

un géant (il se présentait dejà à 17 ans comme un infantile gigantisé par sa

croissance trop rapide), vit un beau jour son allongement s'arrêter à cause

probablement de la calcification de son hypophyse.

Je ne crois pas, pour ma part, qu'une telle interprétation soit trop ha-

sardée ; il suffit de se rappeler l'évolution clinique de ce cas et de consi-

dérer son état hypophysaire démontré par la radiographie pour admettre

que cette hypothèse est au moins logique.

Je ne veux pas entretenir plus longtemps des théories hypothétiques.

Dans ces derniers temps on a relaté des observations nombreuses sur le

gigantisme, l'infantilisme et l'acromégalie et l'on s'est efforcé, à la suite

de ces observations, de donner une interprétation théorique aux faits cli-

niques relatés.

Ce qui se dégage des travaux des auteurs, c'est le rôle toujours plus

prépondérant des glandes à sécrétion interne sur le trophismedu système

osseux.

Or, tout le débat actuel consiste à décider quelles seraient les glandes à

sécrétion interne qui auraient le plus directement une action active dans

la production du gigantisme et de l'acromégalie.

Pour la plupart des auteurs, ce serait l'hypophyse, tandis que pour

beaucoup d'autres, ce serait la glande thyroïde. La conception d'un hyper-

thyroïdisme capable d'amener l'hyperfonctionnement épyphysaire était

séduisante, en effet, si l'on se rappelle quels sont les troubles que l'hypo-

thyroïdisme peut amener dans le sens contraire. Un auteur distingué,

M. Hertoghe, s'est érigé en paladin de cette théorie ; on connaît les beaux

travaux de cet auteur sur la question de l'hypothyroïdisme et du myxoe-

dème fruste. Or M. lIertoghe croit encore en fervent apôtre que des états

tels que le gigantisme infantile peuvent être secondaires uniquement à un

trouble thyroïdien.

Telle est la conclusion qui se dégage du travail de MM Thibierge et

Gastinel paru dans la Nouvelle Iconographie de la Salpêtrière de cette

année, où il s'agit d'un cas remarquablement analogue au mien (même

taille, même conformation, mêmes détails somatiques) et chez lequel l'hy-

pothèse d'un trouble hypophysaire n'est pas seulement soulevée. Les deux

ÉTUDE DU GIGANTISME ACRO\IGALO-li'$A1VTIL1; 17

auteurs ont cru suffisant de relever que la glande thyroïde de leur sujet

était difficilement palpable pour conclure à un fonctionnement anormal

de cette glande comme cause du gigantisme infantile de leur malade. Il

est noter pourtant qu'ils n'ont fail aucune étude radiographique du

crâne du sujet en question.

L'étude des glandes à sécrétion, interne chez Miche ! nous a révélé l'ab-

sence du thymus et la présence d'une thyroïde apparemment normale.

Nous avons constaté enfin que les testicules étaient hypotrophiques et que

la glande pituitaire se montrait hypertrophiée et calcifiée. Il est donc logi-

que d'admettre que les troubles du développement osseux survenus chez

Michel, soient en rapport avant tout avec l'état pathologique de l'hypo-

physe, et que les autres glandes à sécrétion interne aient été influencées

d'une façon réflexe ou secondaire.

Dans l'état infantille de Michel, plusieurs faits sont à relever : avant

tout, le tropllisme du système pileux réduit à une atrophie extrême, l'état

hypotrophique de l'épiderme et la présence de rides nombreuses du

visage et des mains.

Il s'agit donc là d'un trouble général de tous les téguments et des

glandes du derme.

Les glandes génitales de Michel ne sont pas très atrophiées; tout le

système génital et la virilité de cet homme se présentent amoindris mais

non abolis, de telle façon que l'on pourrait penser plutôt à un trouble

réflexe qu'à une altération directe des glandes génitales.

C'est là un point qui mérite d'être bien fixé, et il est permis, je crois,

d'avouer que cet infantilisme n'est pas dû à une lésion primitive de l'ap-

pareil génital, mais à une hypotrophie secondaire.

Le mélange d'infantilisme et de gigantisme que présente notre sujet

peut bien servir à démontrer que l'infantilisme peut coexiter avec lesano-

malies les plus différentes du système osseux. L'infantilisme n'est donc pas

seulemenlen rapport avec le nanisme, mais il peut-être associé soi t à l'obé-

sité, soit à l'adiposis ultiversalis, soit encore au gigantisme ou à l'acromé-

galie.

Les états de gigantisme et d'infantilisme ne sont donc pas contradictoires

et le simple examen de l'habitus et du facies permet de constater qu'un

certain nombre de géants présentent les caractères extérieurs de l'infan-

tilisme.

Parmi les géants il y en a qui affectent le type du gigantisme acro-

mégalique,- et d'autres qui s'attachent au type infantile, mais n'oublions

pas que parmi ces deux types principaux, on peut trouver des formes

intermédiaires chez lesquelles les caractères propres à l'infantilisme età à

l'acromégalie sont confondus ; notre cas en serait un des plus beaux

xxiu 2

18 BERTOLOTTI

exemples. On peut encore retenir, selon moi, que chez les géants, l'infan-

tilisme apparaît d'une façon précoce, tandis que les troubles acroméga-

liques seraient plutôt tardifs. En d'autres termes je crois avec Brissaud et

Meige que les géants peuvent évoluer du gigantisme infantile envers l'étape

du gigantisme acromégalique, de façon à perdre avec l'age les caractères

primitifs de leur infantilisme. Un des exemples le plus démonstatif a été

donné récemment par M. E. Lévi.

Il resterait à expliquer quelles sont les causes qui produisent ce trouble

étrangement caractéristique qu'est l'acromégalie. Il est certain que l'état

des cartilages épiphysaires doit jouer un rôle prépondérant dans cette

anomalie et que le gigantisme et l'acromégalie sont deux états qui dépen-

dent d'une cause unique. Je me rallie donc à la théorie uniciste qui veut

que le gigantisme et l'acromégalie soient dépendants d'un trouble hypo-

physaire. Toutefois j'ai cherché à démontrer par des faits d'ordre général

et par des documents radiographiques, que l'acromégalie typique peut se

montrer déjà dans un tige où les cartilages de conjugaison sont encore en

pleine activité, ce qui reviendrait à dire, je le répète, que la soudure des

cartilages épiphysaires tout en étant un facteur important, n'est pas indis-

pensable à la production de l'acromégalie. Il y aurait donc là un point

obscur que toutes les recherches cliniques, jusqu'à présent entreprises,

n'ont pas encore éclairés.

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INSTITUT D'ÉTUDES SUPÉRIEURES DE FLORENCE

CLINIQUE MÉDICALE GÉNÉRALE

dirigée par M. le Professeur P. GRocco.

ENCORE SUR LA QUESTION DES INFANTILISMES

A PROPOS D'UNE NOTE DE M. A. BAUER SUR CE SUJET,

PAR

le Dr ETTORE LÉVI,

Assistant à la Clinique Médicale Générale.

Une note que M. Bauer a fait paraître tout récemment dans la Presse

Médicale (4 décembre 1909), sous le litre Infantilisme et Chétivisme,

m'invite à reprendre brièvement la parole sur ce chapitre, que j'ai traité

assez largement dans mon mémoire sur l'Infantilisme du type Lorain,

paru en 1908 dans le numéro h de la Nouvelle Iconographie de la Sal-

pêtrière.

M. Bauer qui semble avoir pris connaissance de mon mémoire, persiste

cependant à ne considérer comme des Infantiles vrais que les individus

présentant les caractères du type clinique décrit par M. Brissaud (infan-

tilisme dysthyroïdien), soit sous la forme complète, soit sous la forme

fruste. -

M. Bauer pense donc comme 1\1. Brissaud, que les infantiles du type

Lorain n'ont rien d'infantile, et s'accorde avec M. Meige à les considérer

comme des hommes en miniature ou des hommes vus par le gros bout de

la lorgnette.

M. Bauer n'arrive pas jusqu'à étiqueter franchement les infantiles du

type Lorain comme de faux infantiles, mais propose, comme nouvelle

définition clinique le mot chétivisme qui, selon lui, suggérerait l'image J

clinique du syndrome et fixerait la note dominante du tableau morbide.

Je tiens à affirmer ici, que l'usage de ce mot nouveau chétivisme, qui

devrait être appliqué aux infantiles du type Lorain, ne me semble ni

utile, ni parfaitement exact au sens clinique du mot, et surtout je tiens ai t

affirmer une fois de plus ce que je crois avoir démontré par la descrip- »

tion des trois cas publiés dans V Iconographie de la Salpl'trière, que les

Infantiles du type Lorain ne sont aucunement de faux infantiles, mais

ENCORE SUR LA QUESTION DES INFANTILISMES 21

qu'au contraire ils peuvent présenter tous les caractères somatiques et

psychiques de l'infantilisme vrai, et que par conséquent la conclusion

générale de M. Halmagrand (basée sur les travaux de M. Brissaud), selon

laquelle il n'y aurait qu'un seul infantilisme vrai, celui du type Bris-

saud, n'est pas, à mon avis, acceptable.

Avant tout, le nouveau terme clinique proposé par M. Bauer me sem-

ble imparfait, car il ne suggère pas du tout, selon moi, l'image clinique

du type morbide en question ; les infantiles du type Lorain sont en effet

des chétifs, mais ils ne le sont pas toujours, et ce que j'ai dit des soeurs

Servi dans mon mémoire, en est la meilleure preuve : ces deux femmes

n'avaient pas du tout l'air vieillot, elles n'étaient pas des fruits petits,

mais mûrs ; elles nous montraient au contraire tous les attributs d'un

développement incomplet et retardé, mais non définitivement arrêté, avec

tous les caractères somatiques et quelques caractères psychiques de la

première adolescence.

Souvent les infantiles du type Lorain sont en effet des chétifs, mais ils

nous donnent toujours et surtout l'impression d'enfants chétifs, or le ter-

me « chétif ne rappelle pas du tout à notre esprit le caractère fondamental

du syndrome ; c'est-à-dire l'arrêt de développement somatique et psy-

chique.

Le mot « chétivisme », proposé par M. Bauer, pourrait s'appliquer bon

nombre d'adultes ou même de vieillards, qui tout en étant des chétifs par

constitution ou par acquisition maladive, n'ont cependant rien en eux

d'infantile. '

Dans mon mémoire, j'ai affirmé ma conviction à ce sujet, en modifiant

à peine la définition acceptée par tous de l'infantilisme en général, et je

l'ai formulée de la façon suivante : « l'infantilisme est la persistance chez

un sujet déterminé, de caractères somatiques et psychiques propres à un

âge beaucoup moins avancé que l'âge réel (quel qu'il soit) du sujet en

question ». Dans cette définition, nous trouvons affirmé bien clairement,

il me semble, le caractère fondamental de l'infantilisme; l'arrêt ou le

retard du développement psychique et somatique, caractère qui est parfai-

tement bien exprimé par le mot même « infantilisme», qui me semble eh

conséquence le seul propre. Bien de tout cela ne nous est exprimé par le

mot chétivisme, qui implique nécessairement un état plus ou moins

athrepsique ou cachectique des sujets (et souvent, comme dans mes cas, ils

ne le sont pas du tout), et qui surtout, n'exprime pas la disproportion entre

l'âge réel et le développement somatique. Ajoutons en outre que le mot

« chétivisme est tout physique, il ne s'applique qu'à l'apparence exté-

rieure de nos sujets, il n'évoque en rien leur état psychique, tandis que le

22

ETTORE LEVI

mot, « infantilisme » caractérise bien mieux l'arrêt de développement glo-

bal, somatique et psychique.

Voilà très brièvement les raisons qui m'obligent à considérer comme

superflu et imparfait le nouveau terme proposé par M. Bauer; 111a1S je

n'aurais pas pris la plume pour défendre cette cause s'il s'élait agi d'une

simple question de nomenclature clinique, quoique je crois qu'en général

il faut toujours chercher il simplifier notre terminologie, et ne pas com-

pliquer les tableaux morbides par des subdivisions inutiles.

J'ai pris surtout la parole, parce que M. Bauer acceptant en tout les

conclusions de M. Brissaud, ne considère comme des infantiles vrais,

que les individus présentant le type décrit par cet auteur.

Dans les conclusions de son mémoire, M. Ilalmagrancl, en exprimant

les idées de M. Brissaud, se prononce de la façon suivante : « la non-sou-

dure des épyphyses appartient normalement à l'enfance, tant que cet

état persiste, la morphologie générale sera celle de l'enfant ».

Eh bien, si cela est vrai, et je l'admets, les trois infantiles que j'ai dé-

crits dans mon mémoire sont « des infantiles vrais », car ils ont dans la

non soudure des épyphyses, le caractère fondamental de l'enfance. J'ai pu

en effet montrer, par des exemples très clairs, que le prétendu caractère

différentiel entre l'infantilisme de Brissaud et l'infantilisme de Lorain

n'existait pas; les infantiles les plus typiques du type Lorain peuvent

avoir des cartilages épyphysaires nettement persistants.

J'ai revu ces jours-ci les deux soeurs Servi, et je les ai radiographiées;

chez elles les cartilages épiphysaires sont toujours persistants.

J'ai étudié en outre, au cours de ces dernières années, plusieurs

autres cas d'infantilisme du type Lorain le plus classique, et qui

étaient, à plusieurs points de vue, très intéressants ; chez tous, les car-

tilages épiphysaires étaient nettement persistants. L'un de ces cas, qui

fera l'objet d'un prochain mémoire, présentait une maladie de Banti qui

fut la cause de sa mort, mais, dans sa phase initiale, précéda la détermi-

nation de l'infantilisme; dans ce cas, la lésion spléno-hépalique été

probablement la cause de l'infantilisme général. Dans un autre cas

d'infantilisme de Lorain, la cause de la dystrophie était probablement

une grave lésion cardiaque, peut-être congénitale. Dans ces deux cas, la

cause déterminante du syndrome « infantilisme » était donc très différente

etcependant, aussi bien l'un que l'autre présentait le tableau classique

de la forme clinique de Lorain ; forme clinique que je continuerai à

appeler « Infantilisme », car ces deux jeunes hommes de 17 à 18 ans

avaient l'air d'enfants de 10 il 1 I ans tout au plus , ne présentaient pas

du tout le type de petits hommes vieillots « vus par le grand bout de la lor-

gnette », mais avaient somatiquement et psycliiquement le type infantile;

ENCORE SUR LA QUESTION DES 1NFANTILISMES 23

chez tous les deux les cartilages épiphysaires étaient encore largement

translucides; cela revient à dire qu'ils avaient ce caractère absolu d'infan-

tilisme qui devrait, selon certains auteurs, appartenir seulement aux in-

fantiles vrais, c'est-à-dire, aux infantiles d'origine disthyroïdienne décrits

par M. Brissaud.

De même que chez les infantiles dont j'ai donné la description dans mon

premier mémoire, ni l'un ni l'autre de ces deux nouveaux cas ne prê-

sentait le moindre symptôme, soit même très fruste, d'laypothyroïdisme,

cependant que, pendant la vie, les glandes à sécrétion interne les plus tou-

chées semblaient être les testicules.

Le premier de ces deux cas vint à mourir en conséquence de la maladie

de Banti qui avait été probablement la cause première de son infantilisme

par une action toxique indéterminable mais probable, dérivée de l'altéra-

tion fonctionnelle de la rate et du foie; altération fonctionnelle qui a pro-

bablement fait sentir son action sur les différentes glandes à sécrétion in-

terne, et surtout sur les testicules, pendant la période pubérale.

L'autopsie montra, en dehors des lésions classiques de la maladie de

Banti concernant la rate et le foie, une persistance très nette du thymus

(avec des altérations intéressantes dont je me réserve de parler dans un

prochain travail), la thyroïde, les parathyroïdes et l'hypophyse com-

plètement normales, et une complète atrophie des éléments nobles de la

glande séminale dont la totalité était formée de tissus fibreux.

Voilà donc un nouveau cas qui, par les caractères susdits, mérite le

nom d'Infantilisme V1'ai du type Lorain, dans lequel soit in vita soit post

vtortent rien ne nous autorise à admettre une lésion soit anatomique soit

fonctionnelle de l'appareil thyroïdien.

Je dirai enfin qu'ayant assujetti pendant deux ans les deux soeurs Servi

(infantiles du type Lorain dont l'histoire est publiée dans la Nouvelle

Iconographie de la Salpêtrière, 1908) à un traitement thyroïdien intensif,

je n'ai vu se produire ni chez l'une ni chez l'autre la moindre modification

du syndrome; après deux années de traitement thyroïdien, cesdeux femmes.

sont encore complètement impubères et chez elles les caractères sexuels

secondaires ne se sont aucunement annoncés ; l'aînée des deux soeurs

montre au contraire une tendance à faire de l'adiposité : je rappelle aux

lecteurs que chez cette jeune fille une grave lésion hypophysaire existait

certainement. Malgré le traitement, la taille des deuxsoeurs n'est augmen-

tée pendant ce temps que d'un centimètre et demi à peine.

J'ai largement exprimé mes convictions sur la question des'infantilismes

dans mon mémoire sur ce sujet; je ne veux donc pas me répéter ici et je

tiens seulement à affirmer une fois de plus à la suite de la publication de

M. Bauer, que sur la foi de mes anciens documents cliniques et sur les

24 4 ETTORE LÉVI-

observations nouvelles que j'ai pu faire dans ces derniers temps, je me

sens obligé à résumer mes conclusions à ce sujet de la façon suivante : z

I) Les infantiles du type Lorain ont droit à être compris dans la cas

tégorie des infantilismes vrais. !

II) Les infantilismes vrais ne peuvent pas être considérés, tous, comme\

d'origine ltyotlayroïdietne.

J'ajouterai enfin que l'expression nouvelle chétivisme proposée par !

M. Bauer neme semble pas exprimer correctement le tableau cliniquede; i

l'infantilisme du type Lorain. ,

BIBLIOGRAPHIE

BAUER. - Infantilisme et Chétivisme. La Presse Médicale, 4 décembre 1909, p. 870. 1

HALMAGIIAND. - Etal actuel de l'infantilisme. Thèse de Paris, Plon-Nourrit, 1907.

LEVI ETTORE. - Contribution à l'étude de l'infantilisme du type Lorain. Nouvelle'

Iconographie de la Salpêtrière, no 4, septembre-octobre 1908. !

SUR LE CHÉTIVISME

(RÉPONSE A M. ETTORE LEYiÎ

PAR R

A. BAUER

Ancien interne des Hôpitaux de Paris.

Un court travail que j'ai publié récemment sous le titre « Infauti-

lisme et chétivisme » (1) vient d'être l'objet de quelques critiques de la

part de M. Ettore Levi (2).

Avant de répondre à ces critiques je tiens à remercier M E. Levi de la

courtoisie avec laquelle il a permis que je prisse connaissance de son

travail sur épreuves, autorisant ainsi l'exposé parallèle de nos opinions

réciproques dans le même fascicule de cette Revue.

Je rappellerai que, dans mon précédent travail, j'insistais sur la né-

cessité d'éviter tout abus dans l'emploi du mot infantilisme, touteconfu-

sion sur la valeur du terme, et j'avançais, en résumé, les deux propositions

suivantes : W réserver le nom d'infantilisme au type clinique décrit par

Brissaud ; 2° remplacer par le nouveau mot de chétivisme la déno-

mination d'infantilisme de Lorain.

Les critiques, formulées par M. E. Levi dans les pages précédentes,

s'étendent aux deux propositions et résultent, dans leur ensemble, d'un

désaccord fondamental, d'un désaccord dans les définitions. Cet auteur,

en effet, définit ( l'infantilisme en général » : « la persistance, chez un

sujet déterminé, de caractères somatiques et psychiques propres à un âge

beaucoup moins avancé que l'âge réel - (quel qu'il soit) du sujet en

question ».

Il n'est point étonnant qu'après avoir défendu cette définition, M. E.

Levi se refuse à adopter les conclusions de mon article, car c'est précisé-

ment contre de telles définitions de l'infantilisme, à mon avis, trop va-

gues et trop compréhensives, que je m'élève. En effet, la formule de

M. E. Levi permet d'appliquer le nom d'infantilisme à une série de syndro-

(1) Presse médicale, 4 décembre 1909, no 91.

(2) Voir le présent numéro de la Nouvelle Iconographie de la Salpêtriére.

26 BAUER

mes dystrophiques plus ou moins complexes, pouvant survenir à tout

âge, et n'ayant pas nécessairement les caractères morphologiques qui

appartiennent en propre à l'enfant.

Avec cette formule on serait en droit de dénommer infantile un vieux

dystrophique, sous prétexte qu'il n'a de poils ni au pubis ni aux ais-

selles !

Suivant cette formule l'infantilisme devient encore plus vague qu'il ne

l'était d'après Lasègue et Lorain. Ces observateurs, on le sait, considé-

raient l'infantilisme comme un état caractérisé par la persistance de cer-

tains attributs physiques et psychiques de l'enfance. Il est vrai que

malgré cette délimitation relative, ils avaient placé côte à côte et des sujets

présentant vraiment'les caractères de l'enfance, et des sujets malvenus, 1

retardataires, de petit esprit et de petite taille, qui n'avaient rien de l'en-

fance si ce n'est quelque vague apparence, déterminée par une dystrophie

plus ou moins systématisée. -

Ce fut l'oeuvre de Brissaud et Henry Meige de dégager de la confusion 1

qui régnait alors, le vrai type clinique de l'infantile, l'infantile dysthy- i

roïdien. Ce qui fait l'infantile vrai, dit Brissaud, c'est une conformation

particulière du corps, qui est celle de l'enfant.

Or, d'après les définitions mêmes, les sujets qu'on disait infantiles du

type Lorain se distinguent des infantiles de Brissaud parce qu'ils ne

présentent pas les principaux caractères de la conformation de l'enfant.

Lorsque Brissaud et Meige décrivirent l'infantilisme vrai dysthyroïdien : .'

et l'infantilisme de Lorain, ils voulurent avant tout mettre en relief les

différences cliniques essentielles, jusque-là méconnues, qui distinguent

deux syndromes morphologiques, deux états somatiques dissembla-

bles. Cette division morphologique qui, avec raison, tendait surtout à

mettre en vedette le type clinique si spécial, si frappant qu'est l'infanti-

lisme vrai, est établie sur un terrain très solide. Fût-il un jour démontré

que le' type clinique de l'infantilisme de Brissaud peut être fonction

directe d'une insuffisance de telle glande endocrine autre que le corps 1

thyroïde, ainsi que Meige en avait émis l'hypothèse dès 1895 (dystropliie 1

d'origine testiculaire), ce type clinique n'en resterait pas moins distinct |

des types cliniques groupés sous le nom d'infantilisme de Lorain. 1

11 en est de l'infantilisme vrai comme de l'acromégalie. Le type mor-

phologique de l'acromégalie révélé par M. Pierre Marie représente une

entité clinique définitive ; quelle que soit l'origine réelle du syndrome,

(1) BRISSAUD, Leçons sur les maladies nerveuses. - Henry Meige, L'infantilisme, t

le féminisme et les hermaphrodites antiques. L'Anthropologie, 1895, t. IV. - Hewr

Dlrics, Deux cas d'hermaphrodisme antique. Nouv. Iconographie de la Salpêtrière 1895, * ,

n° 4.

SUR LE CHÉT1VISD1E 27

qu'un trouble des fonctions de l'hypophyse en soit toujours directement

la cause, ainsi qu'on l'a pensé pendant longtemps, ou que cette cause soit

différente, l'acromégalie n'en restera pas moins un syndrome morpholo-

gique parfaitement défini.

D'autre part, les critiques formulées par M. E. Levi contre la proposi-.

tion de réserver le mot infantilisme au type clinique de Brissaud, repo-

sent aussi, me semble-t-il, sur un malentendu, d'ailleurs très explicable.

M. E. Levi admet que la non-soudure des épiphyses est un signe patho-

gnomonique de l'infantilisme de Brissaud. Il est vrai que, pendant une

courte période, Brissaud et Meige ont attaché une certaine importance à

ce fait. Mais, du jour où il fut démontré par les travaux de Ilertoghe, de

Jolfroy, de Joachimsthal, de .Teandelize, confirmés dernièrement par.

M. E. Levi, que la non-soudure des épiphyses pouvait fort bien s'obser-

ver dans certains cas d'infantilisme de Lorain, ce retard dans l'ossification

perdit, aux yeux de Brissaud et Meige (1), la valeur diagnostique qu'ils

avaient cru momentanément pouvoir lui attribuer ; pour eux, aujourd'hui,,

des caractères morphologiques suffisent amplement à établir la diffé-

rence entre l'infantilisme franc et les syndromes plus ou moins voisins,

confondus avec lui, que je propose de désigner sous le nom de chéti-

visme.

En somme, dans le chétivisme, la non-soudure des épiphyses peut,

s'observer, mais elle n'est pas de règle comme dans l'infantilisme de

Brissaud.

Je comprends donc l'origine du malentendu : dans son travail sur l'in-

fantilisme de Lorain 2), M. E. Levi, croyant sans doute que Brissaud et

Meige attachaient encore une grande valeur à la non-soudure des épi-

physes, a tenu grand compte de ce signe. Il en est résulté que, dans

ce travail, M. E. Levi a formulé, à propos des trois sujets dont il rapporte

l'histoire, des conclusions auxquelles il me paraît difficile de souscrire.

Nos trois infantiles, dit cet auteur, sont des infantiles vrais, car ils onl

dans la non-souduredes épiphyses le caractère fondamental de l'enfance »,

et plus loin : « nos trois sujets, qui sont donc des infantiles vrais, n'ont

aucunement le type anthropologique de la première enfance... » -

Il va de soi, à mon sens, que si les sujets en question « n'ont aucu-

nement le type anthropologique de la première enfance » leur place est

bien dans le chétivisme (infantilisme de Lorain) et non dans l'infanti-

(1) Dans une récente communication orale, que je suis autorisé à reproduire,

M. Henry Meige m'a déclaré de façon formelle que, contrairement à ce qu'il avait cru

pouvoir déduire de l'examen des premières radiographies d'infantiles, il ne croyait plus

pouvoir attribuer à la non-soudure des épiphyses la valeur d'un caractère différentiel

permettant de distinguer à coup sur l'infantilisme vrai de l'infantilisme de Lorain.

(2) E. LEvi, Contribution à l'étude de l'infantilisme du type Lorain. Nouvelle

Iconographie de la Salpêtrière, 1°OS, p. r37. -

28 ' BAUER

lisme. Il ne suffit pas d'avoir constaté chez ces sujets la non-soudure des

épiphyses pour affirmer qu'ils doivent être classés dans l'infantilisme

vrai.

Tout en me gardant de discuter à distance le diagnostic énoncé par

M. E. Levi, je me crois autorisé à faire quelques remarques au sujet de

deux des malades, les soeurs Servi, sur lesquelles a porté spécialement son

étude. Il me semble tout d'abord, à en juger d'après les photographies et

l'observation, que la soeur aînée représente un type qu'il est impossible

actuellement de placer dans un cadre déterminé : à cela rien d'étonnant,

puisque cette malade car il s'agit là d'une vraie malade est atteinte

d'un syndrome cérébral qui semble déterminé « par une forme d'hydro-

céphalie idiopathique ou de méningite séreuse primitive, d'origine hé-

rédo-syphilitique, qui aurait compromis secondairement l'hypophyse ».

D'autre part, étant donné la complexité de ce syndrome cérébral, il me

semble que les arguments tirés par M. E. Levi de l'examen psychologi-

que, d'ailleurs fort intéressant, de sa malade, n'ont peut-être pas, au point

de vue de la classification des infantiles, la valeur que l'auteur leur

attribue.

- Enfin, cette malade, « à voix rauque et dissonnante », dont les parents

syphilitiques semblent avoir présenté quelques signes d'hypothyroïdie,

a « tendance à faire de l'adiposité » (1). Sur la photographie, elle donne

l'impression d'une hypothyroïdienne. On m'opposera l'échec du trai-

tement thyroïdien... Cet échec ne suffit pas à démontrer l'intégrité de la

fonction thyroïdienne. Mais encore une fois je me garde d'insister.

Ce qui n'est pas douteux, c'est qu'il s'agit là d'un état pathologique très

complexe. Que M. E. Levi se refuse de le classer parmi les syndromes qui

constituent provisoirement le chétivisme, peu importe; il n'en reste pas

moins qu'il est impossible d'assimiler un tel ensemble clinique l'infan-

tilisme de Brissaud en se basant sur la non-soudure des épiphyses.

Quanta à la jeune soeur, Adrienne, Ùgée de 15 ans, cerleselle ne fait point

songer à l'infantilisme de Brissaud ; elle est, ainsi que le dit M. E. Levi,

un exemple d'infantilisme de Lorain ; je dis de chétivisme, car, si j'en

juge d'après les photographies, la physionomie de cette jeune fille ne

semble pas celle d'une enfant, elle paraît même porter plus de 15 ans. Son

corps ne semble point avoir les attributs de l'enfance, si ce n'est l'absence

de poils et l'absence de seins. C'est d'ailleurs l'opinion deàl. E. Levi, puis-

que cet auteur écrit à propos des deux soeurs : elles avaient « tous les

caractères somatiques et quelques caractères psychiques de la première

adolescence ». Or la SOEU1' Adrienne a 15 ans.

(1) E. LIVI, Nouvelle Iconographie de la Salpêtrière, 1910 no 1,

1 I

. SUR LE CHÉTIVISME 29

Arrivons maintenant à la question de terminologie.

M. E. Levi reproche au terme de chétivisme « d'impliquer nécessaire-

ment un état plus ou moins athrepsique ou cachectique des sujets ». Les

termes d'athrepsique et de cachectique dépassent peut-être la mesure;

mais, question de mots mise à part, telle est parfaitement l'idée que je

défends et qui est celle de nombreux observateurs.Ferranini,entre autres,

disait que l'infantilisme de Lorain est l'expression de la misère physiolo-

gique. Le terme de chétivisme répond le mieux aux principaux caractères

de l'infantile du type Lorain : la débilitera gracilité, la petitesse du corps

et désigne ces états dystrophiques qui sont la conséquence des infections

et intoxications les plus diverses.

M. E. Levi reproche au terme de chétivisme de ne pas exprimer « la

disproportion entre l'àge réel et le développement somatique ». Telle

était justement mon intention, car cette disproportion n'est pas habituel-

lement le fait de l'infantilisme de Lorain. Sans doute, il y a des sujets

chez lesquels on constate cette disproportion; mais beaucoup plus nom-

breux sont ceux qui ne se rapprochent des infantiles vrais de Brissaud que

par l'absence plus ou moins complète des caractères sexuels secondaires.

D'ailleurs, je répète que, dans certains cas, infantilisme vrai et syndrome

dystrophiques de Lorain voisinent de près, mais que ces deux syndromes

cliniques ne sauraient être confondus si, au lieu de considérer les formes.

mal caractérisées, on tient surtout compte des formes typiques.

Dans ses discussions, M. E. Levi parait ne comprendre dans l'infanti-

lisme de Lorain que les sujets le plus voisins des infantiles vrais ; c'est

peut-être la seule raison de la divergence qui nous sépare. Les types clini-

ques qu'on a groupés sous le nom d'infantilisme de Lorain sont dispa-

rates. « L'aspect de ces sujets, disions-nous dans noire travail précédent,

est tantôt celui d'un adolescent à la période pubérale, petit et délicat,

tantôt celui d'un adulte grêle et maladif, tantôt celui d'un petit vieillard,

sec et rabougri. »

M. E. Levi ajoute : « le mot de chétivisme est tout physique, il ne s'ap-

plique qu'à l'apparence extérieure de nos sujets, il n'évoque en rien leur

état psychique, tandis que le mot infantilisme caractérise bien mieux

l'arrêt de développement global, somatique et psychique ». A mon avis,

c'est précisément un des avantages du terme de chétivisme de ne s'appli-

quer qu'à l'apparence extérieure des sujets. Les individus, dont le grou-

pement constitue le chétivisme, ne présentent pas un état psychique tou-

jours de même ordre ; cet état psychique peut être voisin de celui qu'on

retrouve chez les infantiles vrais, mais il peut aussi être différent. Il n'y

a donc point de raison pour que le terme de chétivisme évoque, par défi-

nition, tel ou tel état psychique déterminé; tout au plus peut-il évoquer

30 BAUER

une certaine débilité, petitesse de l'esprit aussi bien que le mot d'infan-

tilisme évoque, par définition, un état d'esprit plus ou moins enfantin.

Enfin M. E. Levi estime superflu l'emploi du mot de chétivisme, car

dit-il, « il faut toujours chercher à simplifier notre terminologie, et ne pas

compliquer les tableaux morbides par des subdivisions inutiles ». Réunir

dans un même groupe nosologique tous les syndromes dystrophiques qui,

de près ou de loin, se rapprochent du type vrai de l'infantilisme dysthy-

roïdien décrit par Brissaud, c'est évidemment tendre à simplifier, ou

plutôt, à ne pas augmenter le nombre des termes employés en pathologie.

Mais cette simplification n'entraînerait-elle pas des confusions regretta-

bles ? Je le crois. A vouloir mettre sous la'même étiquette l'infantilisme

(infantilisme de Brissaud) et le chétivisme (infantilisme de Lorain), on

place côte à côte des syndromes par trop distincts tant au point de vue

clinique qu'au point de vue pathogénique. D'ailleurs, chacun recon-

naît, avec Brissaud, la nécessité que chaque chose ait un nom; que

chaque chose n'ait qu'un nom; que ce nom ne désigne qu'une seule

chose ».

En résumé, les arguments présentés par M. E. Levi contre l'adoption

du terme de chétivisme reposent sur une conception beaucoup trop

compréhensive de l'infantilisme. Le terme de chétivisme trouve sa raison

d'être dans la nécessité d'éviter l'abus qu'on fait du mot infantilisme. Le

mot infantilisme doit être réservé à l'infantilisme vrai, infantilisme de

Brissaud. Le terme de chétivisme est applicable aux divers types dystro-

phiques qui ont été qualifiés infantilisme de Lorain.

Il est à présumer que le groupement morbide auquel j'ai proposé le

nom de chétivisme soit un jour l'objet d'un démembrement; je suis le

premier à reconnaître son polymorphisme et,dans mon esprit,il ne s'agit là

que d'un groupement, provisoire. Mais il m'a semblé utile de montrer

combien il est nécessaire de limiter la signification du mot infantilisme,

combien il serait regrettable de confondre avec les divers états dystrophi-

ques qui constituent actuellement le chétivisme, type clinique ayant des

caractères bien distincts : les caractères somatiques et psychiques de l'en-

fance. Ce faisant, nous croyons, suivant le précepte de Brissaud, appli-

quer la règle d'après laquelle les vrais progrès en science se font par

restriction successive du sens des mots.

FACULTÉ DE MÉDECINE DE JASSY

UN CAS D'ACHONDROPLASIE

PAR

le D, P. ZOSIN

Docent, chargé du cours des maladies nerveuses et mentales

à la Faculté de Médecine de Jassy (Roumanie).

On entend par dystrophies (5ùS) mal, et °pop'h, nourriture) « un trouble

de la nutrition, localisé à un organe, à un système » (Littré-Gilbert, Dic-

tion. de Médecine). C'est la définition classique; mais il faut reconnaître

qu'en général, ce sont les troubles de la nutrition ou plutôt du dévelop-

pement d'un système qui s'appellent dystrophies. Dans ce sens, on com-

prend bien qu'on peut avoir diverses espèces et formes de dystrophies.

Les plus communes et les plus anciennement connues sont les dystrophies

osseuses et musculaires; cependant, en donnant un sens beaucoup plus

étendu à la notion de dystrophie, on pourrait très bien établir aussi des

dystrophies vasculaires, splanchniques et même des dystrophies nerveuses,

auxquelles on pourrait rattacher les arrêts et les anomalies du développe-

ment du système nerveux et aussi presque toutes ses affections constitu-

tionnelles congénitales, parce que dans tous ces états pathologiques, il

s'agit en définitif d'une mauvaise nutrition, d'un mauvais développement.

Nous croyons que c'est dans ce sens qu'on peut se faire une idée plus

complète et plus nette de la notion de dystrophie.

La chose est bien établie pour le système musculaire, où on a déterminé

cette grande entité dystrophique, la myopathie primitive progressive ou

la dystrophie musculaire progressive, manifestée par tant de formes ou

types cliniques. Entre toutes les formes de dystrophie musculaire mises

en évidence jusqu'aujourd'hui, il semble exister une certaine parenté qui

les fait réunir et interpréter pathogéniquement de la même manière. Cela

n'est pas le cas des dystrophies et surtout des dystrophies osseuses, sur

lesquelles nous allons un peu insister.

Il n'y a pas longtemps,une vingtaine d'années peut-être, qu'on réunis-

sait presque toutes les dystrophies osseuses sous la dénomination de

rachitisme. La plupart des nains et beaucoup de crétins présentant des

déformations osseuses, étaient considérés comme rachitiques tout simple-

ment. On faisait une certaine différence entre le rachitisme extra-utérin

32 zostN

et le rachitisme intra -utérin, dit aussi foetal ou congénital, parce qu'on

remarquait sans doute leur développement spécial : mais si on les distin-

guait comme formes on les confondait comme origine. Winckler (18î1)

avait observé un caractère distinctif chez les rachiliques foetaux et pour

cela il avait dénommé cette forme rachitis micromelica. Mais c'est Parrot

qui en 1876 sépare nettement du rachitisme la forme foetale, la considé-

rant comme une maladie spéciale qu'il appele achondroplasie (de « priv.

XÓ.1;O;, cartilage, et 7 ! ')aITûm, former). La remarque de Parrot passa pour-

tant inaperçue; Kirchberg et Marchand (1889) parlent encore de micro-

melia claoaada·omalacia etILaufranu (189) ayant une plusjuste conception

de la chose, parle de claoad·odistroplcica foelalis.

C'est à Pierre Marie (1900) qu'est due la séparation définitive de l'achon-

droplasie du rachitisme, en ajoutant aux descriptions antérieures des traits

importants qui ne permettaient plus de les confondre. En sorte qu'on peut

nommer encore l'achondroplasie à juste titre la maladie de Parl'ot-Ma1'ie. i

Par la détermination de cette entité morbide. il commence à se faire un 1

peu de lumière dans le champ si inextricable des dystrophies osseuses.

Ces deux formes, l'achondroplasie et le rachitisme, sont au moins bien

connues sous le rapport clinique et leur étude sous les autres rapports va

nous permettre de débrouiller le champ si obscur des autres dystrophies,

comme le nanisme, le gigantisme, le crétinisme, etc., où l'on rencontre des

formes qui ne se touchent le plus souvent que par un caractère trop secon-

daire et superficiel. Par exemple dans le nanisme on mélange souvent, et '

autrefois on confondait toujours des cas qui sont des achondroplases

ou des rachitiques. i

Si nous consultons des travaux plus anciens, nous pouvons reconnaître 1

facilement, considérés au hasard comme des rachitiques, crétins, nains, 1

scrofuleux même... des achondroplases typiques. Un seul ca l'actère super- 1

ficiel décidait le classement dans une des formes citées. Ainsi parmi les i

nains il y en avaitde toute sorte; parmi les crétins, il y avait desrachiti- è

ques, des achondroplases et aussi des nains.

En nous arrêtant à l'achondroplasie seulement,que nous avons particu-

lièrement en vue, nous trouvons, par exemple, dans le travail du Dr Paul

Moreau (de Tours) : Fous et Bouffons (1888), des traits qui mettent en'

évidence l'achondroplasie. Et comme l'auteur mentionne beaucoup d'au-

teurs anciens pour soutenir sa thèse, nous avons sous les yeux des

documents anciens qui prouvent l'existence de l'achondroplasie.

D'abord la définition que P. Moreau donne du rachitisme confirme ce

que nous avons dit, que le mot rachitisme était presque synonyme de.

dystrophie osseuse..« Sous le nom de Rachitisme, dit P. Moreau, on entend ?

on le sait, une maladie caractérisée physiquement par des troubles delà;

UN CAS 1)'ACHOiNbIlOPfASIE 33

nutrition et du développement du tissu osseux, troubles entraînant des

déformations diverses du squelette et, psycbiquement par un développe-

ment exaeéré, anormal, mais le plus souvent passager, des facultés intellec-

tuel les » Cette définition embrasse très bien l'achondroplasie « physique-

ment» ; « psychiquement » elle présente une erreur, même au point de vue

du rachitisme, parce que dans les dystrophies en général, le développement

anormal des facultés intellectuelles est plutôt permanent que passager.

D'ailleurs sans doute,qu'il s'agit des cas d'achondroplasie quand, parlant

des imbéciles, P. Moreau dit : « Chez eux, on trouve assez souvent des

déformations rachitiques ( ? ) plus ou moins prononcées et surtout des

mains courtes et massives... » De même on reconnaît l'achondroplase dans

la description de la statuette en pierre trouvée à Saqqarah et faisant partie

du musée Boulaq : « L'expression de la figure est lourde et niaise, dit

Maspero. La poitrine est forte et bien développée, mais le torse n'est pas

en proportion avec le reste du corps. L'artiste a eu beau s'ingénier à en

dissimuler la partie inférieure sous le couvert d'une vaste jupe blanche,

on sent malgré tout qu'il est trop long pour les bras et les jambes. Le ventre

est porté en avant et les hanches se rejettent en arrière pour faire con-

trepoids au ventre. Les cuisses n'existent guère qu'à l'état rudimentaire,

et l'individu entier, porté qu'il est sur de petits pieds contrefaits, semble

être hors d'aplomb et prêt à tomber face contre terre... » « Au musée

Egyptien du Louvre, dit plus loin P.Moreau, on peut voir le portrait du

dieu Besou-Bas : originaire de la Clialdée ; il a été importé de la Phéni-

cie.Sur les tombeaux où il figure, il est gros, jambes courtes, nez épaté)).

Dans cette description succincte nous reconnaissons un achondroplase.

Il y a eu donc dans tous les temps des achondroplases qui passaient le

plus souvent comme nains, comme il y a eu toutes sortes de maladies,

dont la plupart n'ont été reconnues que dans le siècle dernier. En nous

rapportant aux documents anciens et considérant qu'une chose était rele-

vée chez les anciens plutôt à titre de règle qu'à titre d'exception, nous

serions entraînés à voir dans ces documents, dont nous n'avons fait qu'in-

diquer quelques exemples, la preuve que les achondroplases étaient beau-

coup plus nombreux qu'aujoud'hui. Sans aucun doute c'était eux qui

étaient utilisés comme fous et bouffons à la cour des empereurs, des princes

et des seigneurs de l'antiquité et du moyen-âge. Réclamés dans ce but, on

s'occupait indubitablement de leur existence et de leur prolifération ; ce

qui n'était pas le cas dans tous les temps et chez tous les peuples, par

exemple on sait que chez les Spartiates on donnait la mort à tous ceux de

leurs enfants qui « nés avec des membres déformés courbes, ne promettaient

pas à l'Etat des hommes capables de soutenir toutes les fatigues de la

guerre ».

MUI 1

34

ZOSIN

Les documents statuaires d'Egypte et de Phénicie indiqueraient peut-

être que les achondroplases, dont ils nous transmettent l'image, étaient

des types presque communs et que la tradition homérique qui nous parle

des Pygmées luttant avec « le peuple ailé des grues » contient beaucoup

de vérité. Dans ce sens, lesachondroplases actuels seraient les descendants

des Pygmées, race qui aurait fourni même des idoles et des dieux : Il y

aurait par conséquent une sorte de preuve archéologique pour la doctrine

qui considère l'achondroplasie comme le type d'une race d'homme dispa-

rue. La chose serait plausible, car s'il y avait d'autres causes auxquelles

on attribue habituellement cette sorte de dystrophie, on ne voit pas pour-

quoi ces causes agiraient moins aujourd'hui qu'autrefois, tandis que si

on cherche l'explication dans la diminution et donc dans la rareté des

germes, le nombre actuel beaucoup plus réduit s'expliquerait naturelle-

ment.

Mais avant de conjecturer sur la pathogénie des dystrophies osseuses en

général et de l'achondroplasie en particulier, nous aurons à retenir le fait

qu'aujourd'hui les cas d'achondroplasie sont sporadiques que depuis qu'on

a établi scientifiquement cette entité on n'en a recueilli qu'un nombre très

restreint et qu'il importe beaucoup d'ajouter un nouvel exemple. Je pré-

senterai mon cas et je lâcherai ensuite de mettre en relief ce qu'il a de

particulier et s'il suggère quelques considérations étiologiquement et pa-

thogéniquement.

Observation (PI. V et VI).

Jon Pierre, 21 ans, paysan deHeci-Lespezi, district Sucéava, entre au mois

de mai 1909 dans le service du Professeur Bottez, chirurgien en chef de

l'hôpital Saint-Spiridon, pour un abcès froid dans le tiers supérieur de la ré-

gion du sternum. Il a été opéré et c'est à cette occasion que nous l'avons

observé.

L'acte d'identité qu'il porte sur lui présente les données suivantes : profes-

sion : mendiant; taille : petite (nain); cheveux : châtains foncés; yeux :

bruns : liez : gros, un peu aplati ; bouche : grande ; menton : rond ; visage :

teint foncé ; signes divers : les membres courts et courbés.

Antécédents. Ses parents sont bien portants : père aproximativement

âgé de 60 ans ; mère, 50. Quatre frères, dont deux plus âgés que lui,tous bien

portants. Dans sa famille, on ne se souvient pas de cas similaires : ni rachi-

tisme, ni autre déformation.

Dès son enfance, on a remarqué que ses membres ne se développaient pas

et qu'il bégayait ; ce qui a fait qu'on lui a coupé le frein de la langue sans trop

de résultat car il bégaie toujours. Il était bien portant sauf que ses membres

ne grandissaient pas. Il se plaint qu'il ne peut pas travailler comme les autres

jeunes gens de son âge. Quand il court, à peine s'il peut suivre le pas habituel

UN CAS D'ACHONDROPLASIE

(Zosin).

Masson&Cic, Éditeurs.

IW ototypie Brthaud

... ? rntb uc I.A JALI'1 rRILRE.

T. XXIII. PI. VI

UN CAS D'ACHONDROPLASIE

(ZOSil1) .

Masson & Cie, Editeur ?

f'tatotypnr Ito·rt6awl

un cas d'achondroplasie 35

d'un homme normal, et il ne peut que faire paître les oies, les canards, les co-

chons et les vaches et quand cette occupation lui manque, il mendie.

État actuel. - Il a la taille de 1 m. 18 et le poids de 36 kilogrammes.

1'éte. - Sa tête attire l'attention par sa grosseur (Voir les PI. V et VI) ;

il est un peu macrocéphale, ce qui nous détermine à mettre en évidence quel-

ques données céphalométriques. Nous disons exprès cép/wlo1l1étrie, pour indi-

quer les mensurations de la tête sur le vivant ou sur le cadavre, qu'il ne faut

pas confondre avec celles prises sur le squelette où il s'agit de craniométrie dans

le vrai sens du mot ; il faut donc faire une certaine différence et ne pas con-

fondre la céplialométrie avec la craniométrie. Sa tête présente les mensura-

tions suivantes :

36 ZOSIN

des membres sont, par rapport aux membres normaux, d'autant plus courts

qu'on approche de leurs racines (micromélie rhizomélique). Peu modifiés dans

leur conformation générale, les mains et les pieds sont évidemment plus courts

qu'à l'état normal : les avant-bras et les jambes ont presque la longueur des

mains et des pieds respectifs, tandis que les bras et les cuisses sont encore

plus réduits, les bras surtout ont, d'après leur aspect, presque la moitié de la

longueur des avant-bras, les cuisses ayant aproximativement la même longueur

que les jambes,

Etant debout, au repos (V. Pl. V), les membres supérieurs de notre sujet

tombent sans s'approcher du tronc, semblant nous montrer par ce fait qu'ils

sont trop petits pour le corps dont ils dépendent. Les membres supérieurs

descendent à peine au niveau des grands trochanters : les doigts louchent à

peine une ligne qui passerait par le pubis.

Les membres inférieurs sont courbés avec concavité en dedans, ce qui

fait que les genoux sont éloignés presque d'une largeur de poing, même quand

les talons se touchent. La tête du péroné se met en évidence, faisant partie de

l'articulation du genou.

Regardées de plus près, les mains de notre sujet (V. PI. V) présentent

certaines particularités caractéristiques. Elles sont carrées ; les doigts, index,

médius et annulaire, sont de dimensions presque égales et puis, surtout pour

la main droite, les doigts sont accolés deux à deux, présentant l'aspect d'un

trident : la première dent est représentée par le pouce isolé, la seconde par

l'index et le médius réunis sur toute leur longueur et la troisième par l'annu-

laire et l'auriculaire réunis de même, car le médius ne se juxtapose à l'annu-

laire qu'au niveau de la première phalange et il s'en écarte à partir de la pha-

langine.

Un signe digne de remarque est qu'on peul imprimer à la main et au pied

des mouvements beaucoup plus amples qu'à l'ordinaire : ainsi par exemple, on

peut porter la main et le pied avec leurs faces dorsales respectivement du côté

de l'avant-bras ou de la jambe, en formant un angle aigu, ce qu'il n'est pas

possible de faire avec une articulation normale du poiguet ou du cou-de-pied ;

mais c'est tout le contraire avec les autres articulations : du coude et de l'hu-

mérus, du genou et de la cuisse; pour ces articulations, les mouvements sont

beaucoup plus limités que d'ordinaire. Ainsi on ne peut fléchir ni étendre

complètement l'avant-bras sur le bras, la jambe sur la cuisse et de même on

n'obtient que des mouvements limités en voulant lever le bras ou porter la

cuisse sur l'abdomen. Les mouvements actifs du sujet sont généralement limités

pour toutes les articulations ; ce qui doit tenir sans doute, d'abord, à la dispo-

sition des surfaces articulaires qui se juxtaposent beaucoup moins qu'à l'état

normal à cause de la grandeur relative des extrémités osseuses qu'ou constate

par la pression et puis encore à cause de la musculature qui est réduite en

s'accommodant à la brièveté des os.

Les dimensions, en longueur, des membres de notre sujet sont les suivantes :

bras 17 centimètres, avant-bras 16 centimètres, main 13 centimètres (largeur,

UN cas d'achondroplasie 37

y compris le pouce, 11 centimètres) ; cuisse 21 centimètres, jambe 21 centi-

mètres, pied 20 centimètres. *

Tronc. Quoique moins frappant, le tronc de notre sujet présente pourtant

certaines particularités : ce n'est pas tout à fait le tronc d'un homme de son âge,

La longueur de la fourchette sternale au pubis est de 46 centimètres (un sujet

normal mesure habituellement 51 cm.). La circonférence de son cou est de

31 centimètres La distance entre les apophyses coracoïdes est 30 centimètres.

La périmètre thoracique au niveau des aisselles 77 centimètres, au niveau de

l'appendice xyphoïde 74 centimètres. La ceinture, 64 centimètres.

Sa colonne vertébrale (V. PI. V) présente dans la région dorsale une sco-

liose avec la convexité du côté gauche, d'où résulte une asymétrie du tronc,

l'épaule gauche étant plus relevée que la droite. La courbure dorsale n'existe

pas, l'espace entre les omoplates est aplatie.

Dans la région lombaire, surtout quand on regarde de profil, on distingue

uneensellure très marquée.

Les réflexes patellaires sont exagérés; on obtient aussi le clanisme du pied.

Autrement on ne remarque rien de pathologique, sauf qu'il paraît atteint de

tuberculose, vu son abcès froid et sa respiration un peu âpre avec des crépita-

tions aux sommets des poumons. Il a de temps en temps de la température

vespérale et des sueurs profuses.

Examen radiographique. A cause d'un défaut de l'appareil radiogra'phi-

que nous n'avons obtenu que deux images suffisantes, celles de la main droite

de l'avant-bras et du coude droit (PI. VI), quoique nous ayons essayé de

photographier.aussi d'autres parties du corps de notre sujet. Ces deux radio-

photographies mettent en évidence la conformation générale des os longs de

notre sujet. En regardant surtout la radiophotographie de la main nous

voyons la dysharmonie qui est résultée par rapport à la corrélation dans la

croissance des os : les os métacarpiens et les phalanges sont développés d'une

manière inégale, presque normale pour le pouce et l'index ; leur développement

est beaucoup altéré surtout pour le médius et l'annulaire. Outre la brièvetédes

diapliyses on remarque aussi une altération du côté des épiphyses et c'est sur-

tout l'épiphyse condylienne qui est plus'touchée, cela se voit sur le médius où le

condyle radial de la phalange est moins développé, ainsi que la phalangine qui,

pour s'adapter, a dû dévier de la ligne médiane, ce qui explique l'accolement du

médius à l'index, tandis que l'annulaire, pour la même raison, s'accole à l'auri-

culaire, en s'écartant du médius par la phalangine et la phalangette. On mention-

ne, toujours d'après les radiographies, des « épiphyses hypertrophiées dans tous

les sens avec productions ostéogéniques exubérantes (Souques), ce qui n'est pas

la seule vérité, parce que, d'après nos radiographies, on voit qu'il s'agit aussi

d'épiphyses atrophiques qui expliquent la déviation de la direction des doigts. '

Sur nos radiophotographies on voit à l'extrémité inférieure du cubitus une

bande claire qui pourrait, peut-être, être interprétée comme nue persistance du

cartilage de conjugaison, restant non ossifié chez notre sujet.

Etat mental. - Son intelligence est fort médiocre, presque d'un imbécile.

D'ailleurs il est timide et docile ; c'est justement ce que dit Esquirot : « Les

38

ZOSIN

imbéciles sont généralement timides, craintifs et obéissants.» Il n'a aucune

instruction et aucun métier probablement parce qu'il n'a rien pu apprendre.

Il nous renseigne bien sur son état et sur sa famille pour laquelle il mani-

feste beaucoup d'affection ; mais il ne peut calculer qu'avec des chiffres trop

petits qu'il additionne seulement ou soustrait avec beaucoup d'efforts. Ainsi

pour 3 X 4, il nous répond 6, 8, 14,16 ; pour 3 -I- 4, il répond 6 et aprèsdeux

minutes 7 ; pour 7 5 il répond 5 et après deux miuutes il répond 2.

Le malade est resté à l'hôpital seulement trois semaines, juste le temps

de guérir de son abcès et pour lui prendre son observation, en sorte que nous

n'avons pu essayer aucun traitement.

Le cas tel que nous l'avons présenté, prouve cliniquement que l'achon-

droplasie est une affection spéciale de l'organisme, et qu'on peut la consi-

dérer à juste titre comme une entité pathologique. On voit bien que

l'achondroplasie n'a rien à faire avec le rachitisme intra-utérin ou foetal

sauf si on entend sous cette dénomination l'achondroplasie manifestée de

la vie intra-utérine (cas du Prof. Herrgott, cummuniqué à la Société de

Médecine de Nancy, 9889).

Quant à l'état mental de notre sujet, caractérisé comme nous l'avons vu

par un discernement limité dont il ne dépasse pas les bornes ce qui à

première vue ne lui donne pas l'air d'un arriéré, si nous le rattachons à

l'achondroplasie, nous croyons pouvoir le considérer comme une variété

spéciale de débilité mentale : la débilité mentale achondroplasique qu'on

peut différencier des autres variétés surtout par la conservation de l'affec-

tivité, l'achondroplase manifestant de la sympathie, de l'amitié et de l'in-

térêt pour ses parents et ses connaissances, tandis qu'on est frappé de

l'indifférence et même de l'aversion qu'ont les débiles et les imbéciles en

général pour leur entourage

Mais palhogéniquement pouvons-nous apporter une certaine contribu-

tion avec notre cas ? Du moment que nous ne pouvons avoir la nécropsie

de ce cas, nous sommes forcés de faire seulement des conjectures sur les

théories pathogéniques qui ont été invoquées pour la compréhension de la

genèse de l'achondroplasie. Nos recherches radiographiques seules peuvent

nous faire relever encore une fois l'origine épiphysaire, parce qu'on voit

bien quece sont les cartilages épiphysaires qui ont souffert dans leur dé-

veloppement ; que c'est à leur malformation ou même à leur disparition

qu'est dû l'arrêt dans le développement de la longueur des os. La com-

paraison des radiophotographies des achondroplases avec celles des ra-

çhitiques montre bien la différence anatomo-pathologique entre ces deux

affections : dans le rachitisme, les os du tronc et de la tête sont habituelle-

UN cas d'achondroplasie 39

ment intéressés (chapelet costal, front olympien, crâne natiforme, etc.),

plus rarement les os longs et alors leur brièveté tient à leurs incurvations

et à leurs nouures, tandis que dans l'achondroplasie, ce sont toujours les

os longs qui frappent par leur brièveté, les os de la tète et surtout du

tronc étant très peu modifiés et encore cette modification est due sans

doute à leur adaptation à la mécanique générale du corps et non à des

troubles intrinsèques comme c'est certainement le cas pour le rachitisme.

Mais à quoi faut-il attribuer la dystrophie du cartilage de conjugaison

dans l'achondroplasie ? En d'autres termes, quelle est la nature intime

de cette affection, étant bien établi que c'est la dystrophie épiphysaire qui

la détermine ? On sait que jusqu'aujourd'hui, à ce point de vue, nous en

sommes encore réduits aux hypothèses ; est-ce que notre cas pourrait

servir plutôt pour une hypothèse que pour une autre ' ?

À première vue notre cas ne sert pas une hypothèse plus qu'une autre.

On peut bien supposer que le patient dont il s'agit a été atteint dans la

vie intra-utérine par une infection (j re hypothèse) ou une intoxication

(2< hypothèse) dont a souffert sa mère, que ces deux causes ont touché di-

rectement le cartilage de conjugaison ou indirectement en frappant une

glande vasculaire sanguine (corps thyroïde, thymus, organes génitaux,

etc.) qui par les altérations de la sécrétion interne (3e hypothèse) a ralenti

l'ostéogénése épiphysaire (théorie de P. Marie). Cette conception n'est sou-

tenable surtout dans cette 31, hypothèse que parce qu'on a obtenu, par

l'opothéraphie thyroïdienne, une amélioration notable dans quelques cas,

ce que nous n'avons pas pu essayer avec le nôtre.

De même nous pouvons très bien rattacher l'achondroplasie de notre

cas à une altération primitive congénitale du germe cartilagineux (4e l1y-

pothèse), théorie de la dystrophie du cartilage primordial, soutenue par

Parrot et reprise récemment par de Buch. « Une preuve en faveur de la

nature dégénérative de l'achondroplasie me semble résider dans la coexis-

tence presque régulière- de stigmates profonds de dégénérescence et dans

la propriété de se transmettre par l'hérédité, à tel point qu'elle pourrait

devenir un caractère de race, comparable à la race des chiens bassets (de

Bücl.). «Gomme tel notre cas serait un simple dégénéré : la pathogénie

de l'achondroplasie s'identifierait avec la pathogénie de la dégénérescence

et on sait à, combien de dissensions et d'hypothèses a donné naissance

cette dernière conception dont nous ne nous occuperons pas ici.

Un seul fait dans les considérations de de Brick est intéressant, c'est

que l'achondroplasie « pourrait devenir un caractère de race, comparable

à la race des chiens bassets ». Ce rapprochement a suggéré à Launois, Apert, 1

l'idée d'identifier l'achondroplasie avec la conformation observée chez cer-

tains animaux (5hypothèse) : chez les veaux, les bouledogues, parexemple,

40 7.0SIN

on voit que le péroné qui normalement est réduit à deux épyphyses im-

parfaites, est complètement développé et participe à l'articulation du gel

nou comme chez les achondroplases. Comme telle l'achondroplasie serait

une variété de l'espèce humaine qui serait susceptible, dans certaines

circonstances favorables, d'aboutir à une race bien fixée.

D'où Poncet et Leriche ont pu concevoir facilement que les achondro-

plases seraient les descendants de races anciennes à peu près disparues

aujourd'hui (6° hypothèse). D'après ce que nous avons dit au commence-

ment de cette étude, cette idée n'est pas nouvelle : Paul Moreau (de Tours)

considère les nains parmi lesquels il y avait sans doute beaucoup d'achon-

droplases, comme les représentants des anciens Pigmées. En pareil cas,

l'achondroplasie serait un état physiologique, car d'un tel état il s'agit

chez les animaux avec lesquels on compare les achondroplases.

Le fait que parmi les hommes il y a moins de cas d'achondroplasie,

autrement dit de ces variétés bizarres, qui se trouvent parmi les animaux

domestiques, où on est frappé de la multitude de ces variétés, s'explique

par cela que ces variétés chez les animaux sont cultivées et multipliées spé-

cialement dans ce but, tandis que les hommes évitent d'avoir parmi eux

de tels exemplaires. Je ne doute pas que si on choisissait des achondroplases

mâles et femelles et si on les accouplait, avec toutes les difficultés qui

s'opposent quelquefois organiquement à leur multiplication, on arriverait

tout de même à en avoir. Mais sans doute personne ne peut se per-

mettre cette sorte de sélection du moment que cette variété constituerait

une régression pour l'espèce humaine.

On lâche bien de faire une différence parmi les achondroplasiques, en

faisant une classe à part des achondroplases adultes chez qui la radiogra-

phie montre que l'ossification des cartilages de conjugaison est achevée

comme il semble dans notre cas : ceux-ci seraient les achondroplases phy-

siologiques, tandis que ceux chez qui la soudure des épiphyses ne se fait

pas (P. Marie) formerait une autre classe, celle des achondroplases patho-

logiques. Pour ceux-ci, P. Marie invoque l'origine toxi-infectieuse directe-

ou indirecte par la viciation des fonctions des glandes vasculaires san-

guines.

Cette différence anatomo-pathologique et pathogénique aurait de l'im-

portance si on avait des preuves irréfutables sur la genèse de l'achondro-

plasie. Autremement on peut très bien considérer les deux états anatomo-,

pathologiques des cartilages de conjugaison comme des phases diverses et

extrêmes d'un seul et même processus pathologique ou plutôt dystro-

phique. Nous supposons bien qu'il y aurait beaucoup de cas où on ne

pourrait pas faire cette différence histologique.

En revenant à notre cas, nous pouvons faire sur lui la plupart des hy-

UN cas d'achondroplasie 41

pothèses que nous avons passé en revue, sauf une seule : celle de la dégé-

nérescence. D'abord dans sa famille il n'y a pas eu de cas similaire : ni

dans l'ascendance, ni chez les collatéraux, comme on voit par son obser-

vation. Les signes et les troubles qui seraient à considérer comme des

stigmates dégénératifs, nous les considérons plutôt comme les suites de

l'adaptation des organes et des fonctions à l'état dystrophique. D'ailleurs

notre cas est le seul exemplaire dans ces lieux, personne ne se rappelle,

même les plus vieux, avoir connu un cas semblable.

Si nous repoussons l'hypothèse de la dégérérescence qui d'ailleurs ne

nous serait d'aucune utilité, étant par elle-même encore très peu précise,

nous ne pouvons pas passer par dessus d'autres considérations qui pour-

raient jusqu'à un certain point, jeter un peu de lumière sur la' question

si intéressante de la genèse de l'achondroplasie.

Si on jette .les yeux sur les observations et surtout sur les photogra-

phies des achondroplases, on est frappé de la similitude de leurs manifes-

tations et de leurs traits. Quelle que soit la condition des familles dont ils

sortent, quel que soit le pays où ils naissent, quelle que soit la race même

dont ils tiennent, les achondroplases se ressemblent comme s'ils étaient

de la môme souche; on dirait qu'ils sont sortis tous des mêmes parents

tant l'un est la copie de l'autre sauf de très légères différences. C'est ce

caractère de similitude qui, rapprochant pour nous les achondroplases,

nous déterminent.à les considérer à peu près comme une varilé humaine

ou plutôt comme un vestige de race humaine.

Et ici qu'il nous soit permis de nous adresser aux théories de l'hérédité

pour essayer d'expliquer l'origine de l'achondroplasie : car n'oublions pas

de relever que les achondroplases de tous les temps se ressemblent : le

descriptions et surtout les illustrations les plus anciennes nous prouvent

ce fait. Et sans entrer dans les développements de toutes les théories de

'l'hérédité, sur laquelle il règne encore beaucoup d'obscurité, nous croyons,

basés sur nos dernières considérations, pouvoir donner raison, au moins

en partie, à la théorie de Veissman sur l'hérédité, et surtout à son hypo-

thèse des germes ancestraux ; cela serait la 7' hypothèse appliquée par

moi cour expliquer la genèse de l'achondroplasie.

On sait que, d'après Veissman, le plasma germinatif est une substance

d'une grande complexilé, étant formée d'une quantité énorme de plasmas

ancestraux représentés en lui par autant de parcelles qu'il a eu d'ancêtres.

Qu'une de ces parcelles, par un concours de circonstances inextricables,

vienne à se développer toute seule et voilà comment les difficiles problèmes

de l'hérédité et de l'atavisne se trouvent tout naturellement expliqués par

la présence des plasmas ancestraux.

S est vrai qu'il y a eu autrefois une race de Pygmées, de nains qui

42

ZOSIN

n'étaient que des achondroplases, ou si au moins par un concours inattendu

de circonstances, des achondroplases sont nés, alors on peut concevoir

très bien, d'après les considérations de Veissman, que le plasma germi-

natif a été imprégné dans la descendance et qu'une parcelle dite ancestrale

s'est formée. Cette parcelle ancestrale achondroplasique a pu très bien

rester assoupie dans le plasma germinatif pendant des générations jusqu'à

un certain moment quand des circonstances fortuites l'ont fait revivre et se

développer. Nous pourrions nous expliquer de cette manière l'apparition

singulière d'un achondroplase de nos jours quand il n'existe pas propre-

ment dit une telle variété humaine et dans ce sens il n'est plus besoin

qu'on trouvé des cas dans l'ascendance connue ou qu'il y ait eu à tout

prix des infections ou des intoxications dans la famille. Et pour cette raison

encore les achondroplases de tous les lieux et de tous les temps se ressem-

blent à merveille.

Sans doute ce n'est qu'une simple hypothèse, ce] que nous avançons

sur la genèse de l'achondroplasie et nous croyons qu'elle n'est pas moins

judicieuse et moins fondée que les autres hypothèses; au contraire, car

on ne peut pas nier la complexité intime du protoplasma germinatif, soit

qu'il soit composé commedit Veissman soit qu'il soit composé autrement.

En tout cas l'achondroplasie considérée organiquement et historiquement

est un fait qui met encore une fois en évidence le difficile problème de

l'hérédité et des autres phénomènes qui s'en rattachent et prouve que c'est

dans le germe animal qu'il faut chercher l'éclaircissement de la plupart

des questions physiologiques et même pathologiques.

Nouvelle Iconographie DF la SA1,161'RIL`RF : .

T. XXIII. Pl. VI

UN CAS D'ACHONDROPLASIE CHEZ UN CHINOIS

(S. Molodmko{f).

Masson & Cie, Editems.

JlhoWI\pW Htllhau.l

UN CAS D'ACHONDROPLASIE CHEZ UN CHINOIS

- PAR

.. S. S. MOLODENKOF

Ancien médecin en chef de l'Hôpital mobile de la Crois-Rouge

de l'Organisation de la Noblesse à l'Extrême-Orient.

. (Pl. VII).

L'achondroplasie peut être tenue jusqu'à présent comme une forme

de maladie très rare. Il est vrai que depuis le travail remarquable de

Pierre Marie, à qui nous devons une description si parfaite de l'achon-

droplasie typique, le nombre de cas publiés s'éccroit vite. Ainsi, dans

l'article d'Apert en 1901 nous ne voyons notés que 20 cas, tandis qu'en

1905 Parhon, Shunda et Zalplachla pouvaient déjà recueillir 42 cas

d'achondroplasie chez les enfants et les adultes. Depuis, le nombre a

encore augmenté.

Néanmoins l'étiologie et la pathogénie de cette malformation restent

encore bien obscures et chaque cas nouveau nous parait être d'une certaine

valeur.

Pendant la guerre russo-japonaise, l'auteur de cet article a eu l'occasion

d'observer un cas d'achondroplasie typique chez un chinois. Les condi-

tions exclusives du temps de la guerre nous ont ôté la possibilité de

donner dans la description de ce cas tous les détails désirés. A notre grand

regret le malade ne consentit à aucun prix d'être photographié nu. Cepen-

dantnous parvînmes à faire toutes les mensurations nécessaires et la figure

du nain chinois nous parait toutefois être typique même dans le vêtement.

En étudiant la littérature de la maladie en question, nous n'avons

pas pu trouver un cas de cette malformation chez les représentants des

races de couleurs à ce point de vue on peut considérer notre cas comme

étant d'une rareté qui le rend intéressant, malgré le manque des illus-

trations détaillées, auxquelles sont habitués les lecteurs de ce journal.

Le nain chinois Li, âgé de 33 ans, permet de deviner en lui dès le pre-

mier aspect un achondroplase typique. On est frappé tout d'abord par

la brièveté- de sa taille, 115 centimètres, et par le trouble caractéristique

des proportions habituelles du corps : sa- tôle est assez grande même pour

un homme d'une taille normale, tandis que ses membres sont trop.court;

44 MOLODENKOF

relativement au tronc, dont les dimensions ne dépassent pas les limites

ordinaires.

Un simple calcul nous montre clairement le trouble des proportions

normales du corps et prouve ci l'évidence que la petitesse de la taille

dépend uniquement du raccourcissement des membres inférieurs.

Chacun sait que la distance du vertex au pubis et celle du pubis

au sol sont ordinairement à peu près égales, c'est-à-dire le pubis divise

la longueur totale du corps en deux parties égales. Cependant chez notre

sujet la distance du pubis au sol = 37 centimètres et la distance du vertex

au pubis = 78 centimètres ; ainsi la partie supérieure est presque deux

fois plus grande que la partie inférieure.

Si les proportions normales étaient conservées, la partie supérieure (du

vertex au pubis) correspondrait il peu près à la taille un peu au-des-

sous de la moyenne mais ne dépassant pas les limites normales. Quant

à la partie inférieure de notre malade (du pubis au sol), elle ne pouvait

appartenir qu'à un nain d'une taille d'environ 80 centimètres.

En ce qui concerne la tête, nous trouvons que le crâne est brachycé-

phale, la circonférence totale est de 57 centimètres. La racine du nez est

visiblement enfoncée et aplatie, ce qui est habituel du reste pour la

race mongole. Les oreilles sont bien formées, leur longueur est de (i cen-

timètres. La voûte palatine a la forme normale, Les dents ne représentent

riend'arnomal.

La hauteur du tronc de la fourchette sternale au pubis est de 50 centi-

mètres Le dos est plat. La colonne vertébrale est d'une mobilité normale;

il existe une très petite scoliose dans la région dorsale à convexité gauche ;

l'ensellure lombaire est très prononcée.

Les membres supérieurs sont très courts, l'extrémité des doigts, les bras

pendants, arrive à peine à la région de l'épine iliaque antéro-supérieure,

tandis qu'ordinairement ils atteignent le tiers inférieur de la cuisse.

Il existe aux membres supérieurs une légère flexion de l'avant-bras

et l'extension complète en est impossible. Tous les segments des membres

sont réduits, mais on observe la plus grande réduction au serment pro-

ximal-micromélie rhizomélique de Pierre Marie. Les mains ont la forme

typique pour l'achondroplasie, décrite par le même auteur, la main en

trident. Les doigts sont gros et courts, la différence entre l'index, le mé-'

dius et l'annulaire est minime. Les trois doigts du milieu sont rapprochés-

par leurs premières phalanges et s'écartent les uns des autres par leurs

extrémités.

Au membre supérieur droit nous trouvons lesdimensions suivantes :

sa longueur totale = 35 cent. 5, la longueur du bras^= Il cent. 5, la Ion-1

UN CAS D'ACHONDROPLASIE CHEZ UN CHINOIS 45

gueur de l'avant-bras = 13 centimètres, celle du carpe et du métacarpe =

4 cent. et celle du médius =. 6 cent. 5.

Les dimensions du membre supérieur gauche sont presque les mêmes,.

sa longueur totale est d'un demi-centimètre en moins que celle du membre

droit.

Les membres inférieurs sont aussi raccourcis avec le même caractère de

micromélie rhizomélique..

Voici les mesures prises sur le membre inférieur droit : la longueur

totale = 39 cm. 5, la longueur de la cuisse = 17 cm. 5, la longueur

de la jambe = 19 centimètres, la longueur du pied = 13 cm. 5. ,

Les épiphyses des os longs paraissent assez volumineuses ; les diaphyses,

n'offrent pas de courbures visibles et semblent avoir le diamètre normal,

mais par rapport leur brièveté elles ont l'air d'être épaissies.

Les membres inférieurs sont un peu arqués, ce qu'on observe souvent

chez les achondroplases, mais cette déformation dépend de l'élargisse-

ment du plateau tibial et de la position de la tête du péroné, qui remonte

plus haut que d'ordinaire (Pierre Marie), ce qui crée un certain trouble

de la forme de la région de l'articulation du genou. L'aulre cause de ce

phénomène, la proéminence des muscles antéro-externes de la jambe très

développés (Porak et Durante), existe aussi dans notre cas.

La forme du thorax ne présente pas de troubles appréciables. Notons

encore que les organes génitaux sont bien développés et le réflexe crémas-

térien est vif.

La peau ne présente rien d'anormal, elle est souple et sans transpira-

tion exagérée. Les cheveux sont foncés ; la tresse de notre chinois est assez

épaisse et luisante. Les poils sont assez abondants au pubis et sous les

bras. 1

Les organes intérieurs ne présentent pas de changements notables.

Le pouls = 80 par minute.

Les réflexes tendineux sont vifs.

Li possède une musculature très bien développée et une force tout à fait

, suffisante.

1 La profession de Li est du même genre que celle des deux achondro-

\ plases, Sicard et Fouroff, décrits ici-même par le Dr Apert, il est un

, prestidigitateur et jongleur nomade. Ses mouvements sont agiles et pleins

,d'adresse. Il court avec une grande vitesse, vraiment extraordinaire pour

ses petites jambes ; il jongle habilement avec un couteau et une lance,

¡ attrape le cerceau, etc.

1 En ce qui concerne le degré de développement psychique de notre

j malade, la réponse catégorique à ce sujet est embarrassante vu notre man- ! que de connaissance de sa langue maternelle.

40 - T10LODENIiOE

En tout cas Li ne faisait pas l'impression d'une intelligence réduite :

il savait plusieurs mots russes, était très gai et très vif et faisait beaucoup

rire par ses plaisanteries ses spectateurs chinois. Il paraissait mener une

existence indépendante, du moins les deux fois qu'il visita notre hôpital

il n'y avait personne qui l'accompagnât.

Autant qu'il fut possible de l'apprendre par l'interprète, Li tient son

affection pour congénitale ; ses parents étaient d'une taille et d'une stature

normales et en général il n'y avait plus de cas de nanisme dans la famille.

Dans le problème de notre court article n'entre pas l'analyse de la ques-

tion compliquée de la pathogénie et de l'éliologie de l'achondroplasie,

question qui est encore loin d'être résolue.

Assez récemment ont été publiées ici-même une revue générale très

détaillée des opinions et des théories de cette dystrophie dans le mémoire

de Porak et Durante, et la statistique intéressante des cas publiés de

l'achondroplasie dans l'article de Parhon, Shunda et Zalplachta.

La littérature des toutes dernières années n'a rien donné de nouveau

sur la théorie de l'achondroplasie. En ce qui concerne la symptomatologie

de cette affection on ne trouve de nouveaux faits que dans les descriptions

de l'achondroplasie atypique et incomplète. Quant aux symptômes de

l'achondroplasie typique du type de Pierre Marie, ils ont reçu apparem-

ment une description presque définitive dans les travaux de Pierre Marie

d'Apert, de Cestan, de Porak, de Durante et d'autres auteurs.

. Notre cas est un des plus typiques ; on n'y trouvera de nouveau que la

race du malade.

SERVICE DES dl. LA D1ES .VEI JE USL`S (D E. FLATAU)

A L'IlOPlTAL ISRAÉLITE A VARSOVIE

TUMEURS DE LA MOELLE ÉPINIÈRE

ET DE LA COLONNE VERTÉBRALE

Par

Edouard FLATAU.

' Une des questions des pl us importantes au moment actuel est sans doute

'celle des tumeurs du système nerveux central. Après une longue époque

pendant laquelle les neurologistes les plus illustres s'efforçaient unique-

' ment de faire les diagnostics les plus précis, le moment est venu où la préoc-

cupation de la thérapeutique de ces cas ressort au premier plan. Le scepti-

cismeen ce qui concerne la thérapeutique de différentes maladies nerveuses

j même organiques cède sa place à un point de vue plus optimiste et l'espoir,

si si minime qu'il soit, nous guide surtout quand il s'agit des tumeurs

du cerveau et de la moelle épinière. C'est de ces dernières que nous

1 traiterons ci-dessous.

' Il y a 22 ans, Gowers, le premier, a attiré l'attention sur cette question.

Il diagnostiqua une tumeur de la moelle épinière et décida de l'opérer.

L'opération fut exécutée par Horsley (1887). C'était un fait d'une im-

' portance inouïe et pourtant pas assez apprécié durant les dix premières

années. Dans la monographie de Bruns publiée dix ans après l'opération de

Horsley nous apprenons que de pareils traitements ne furent appliqués ! que dans 20 cas. Il a fallu des résultats très favorables obtenus dans quel-

ques opérations des tumeurs médullaires pour que les neurologistes et

les chirurgiens étudient à fond la question des diagnostics et des indica-

tions opératoires.

Le travail de Ilursherg (1908) nous enseigne combien l'intérêt des neu-

rologistes pour cette question s'est accru. Dans son travail, ainsi que dans

ceux qui le suivent, nous voyons que le nombre de cas de tumeurs ex-

tramédullaires opérées et publiés était lia6 jusqu'à l'an 1908. Et il

= augmente tous les jours.

i Chez nous, en Pologne, la première opération fut exécutée par le

, D hraïewshi en 1899 chez le malade observé par le D' Dunin et moi (Voir

ci-dessous l'Observation XIII). Ensuite des opérations de tumeurs de la

48 FLATAU

moelle épinière furent faites à Varsovie par les docteurs Czarkowski,

Krause, Oderfeld ; à Lodz-Krusche par le Dr Golclmàn.

Grâce à la technique toujours plus perfectionnée les résultats des opé-

rations sont devenus de plus eu plus favorables. Les cas publiés jusqu'ici

sont suivis de succès dans 52 0/0 (dans 35 0/0, c'était une guérison com-

plète ou une notable amélioration).

La classification des tumeurs de la moelle épinière les divise en deux

grands groupes. Le premier contient les tumeurs localisées dans les tissus

avoisinant la moelleépinière(les méninges et la colonne vertébrale) et

qui la compriment secondairement; dans le second groupe, les tumeurs

de la moelle même (tumeurs intraméciullaires). Bruns, dans sa mono-

graphie divise le premier groupe en deux classes : a) tumeurs à point

de départ dans la colonne vertébrale ou tissus mous voisins (tumeurs

vertébrales) et b) les tumeurs des méninges (tumeurs intravertébrales).

A celte dernière classe, appartiennent : 1° les tumeurs qui ont comme

point de départ le périoste de la colonne vertébrale ou la face externe

de la dure-mère ou le tissu graisseux environnant (tumeurs extradurales).

Bruns considère tout à fait à part les tumeurs qui, par un bout entrent

dans le canal rachidien et par l'autre en sortent. Les deux bouts communi-

quent par les trous de conjugaison. Ce sont des tumeurs en forme de sablier

(Sauduhrge-Schrvülsle) ; 2° les tumeurs à point de départ de la face in-

terne de la dure-mère de l'arachnoïde, du ligament dentelé, des racines

médullaires ou de la pie-mère.

Comme matériel pour ce travail je me suis servi de 21 cas observés par

moi-même. Je lésai étudiés pour la plupart à l'hôpital Israélite à Varsovie ;

j'ai eu la chance d'en examiner quelques-uns dans le service du Dr Sawicki

qui les a mis libéralement à ma disposition.

J'ai divisé la description de tous les cas en trois parties : dans la première

je traite des tumeurs vertébrales ; dans la seconde, des tumeurs que j'aurais

nommées extravertéGrales, ce sont des tumeurs qui ont leur point de départ

dans les parties environnantes de la colonne vertébrale et qui pénètrent

ensuite pour la plupart du temps par les trous de conjugaisons dans le canal

rachidien (il y a des cas où les tumeurs,sans pencher môme dans ce canal,

donnent des symptômes de compression médullaire) ; enfin, dans la troi-

sième partie il s'agit des tumeurs inlravertébrales.

Des 22 cas ci-dessous, 3 ont été publiés avec les Drs Klichen, Sterling Z)

et Mlle Zylberbast. ' .

Tumeurs de la moelle épinière et DE la COLONNE vertébrale 49

PREMIÈRE PARTIE

TUMEURS VERTÉBRALES

Observation I.

La malade A. K..., âgée de 54 ans, est entrée le 15 septembre 1906 dans

le service du D1' Sawicki ...

Au mois de mai 1906 elle a remarqué une petite tumeur au sein gauche qui

grossissait peu à peu. Au mois de juillet, amputation du sein gauche ; depuis

la mois de juin la malade seutant des douleurs le long du membre supérieur

droit. Depuis 5 semaines, douleurs en ceinture ; elles atteignent les plis de l'aine.

Etat actuel (16 septembre 1906). Malade d'une bonne taille, état

général médiocre. Dans la région de la mamelle gauche, on voit une cicatrice. Au

bord interne de la cicatrice, sur le sternum, on palpe une induration de la peau

sous forme d'une tumeur de la grandeur d'une prune. Des petites tumeurs

rosâtres se trouvent dans le voisinage.

Le membre supérieur droit pend inerte le long du corps. La main et les

doigts conservent leurs mouvements. La partie supérieure de l'avant-bras et le

bras sont modérément oedématiés. Les XI0, XIIe vertèbres dorsales et la I° lom-

baire sont douloureuses à la pression. Quand on appuie sur toute la colonne

vertébrale, la malade sent la douleur dans ces mêmes vertèbres. La malade ne

peut pas se lever sans être aidée. Les réflexes patellaires sont exagérés des deux

côtés. Trépitation épileptoïde du genou. Le réflexe du tendon d'Achille est

normal. La sensibilité aux membres inférieurs est conservée,

2 novembre. - Depuis quelques jours, les membres inférieurs sont parésiés

' surtout celui du côté droit. Hier il y avait des mouvements actifs dans le mem-

t.bre inférieur gauche (la malade ne pouvait pas le lever tout entier, mais

les mouvements de flexion du genou, du pied et des orteils étaient encore pos-

sibles). Le membre inférieur droit a perdu toute faculté de mouvement

(la hanche aussi bien que la jambe et le pied). Aujourd'hui la malade est sans

connaissance, ronfle, sa figure est cyanosée. Incontinence d'urine. Le mem-

bre inférieur droit est en état de paralysie flasque, le gauche ne tombe pas

' inerte quandon le soulève(tonus musculaire conservé). Les réflexes rotuliens

, et du tendon d'Achille sont vifs. Les réflexes plantaires sont normaux. De

profondes piqûres ne provoquent pas de réactions (perte de connaissance). Le

' même soir, la malade est morte.

1 , A l'autopsie, on a trouvé de nombreuses métastases visibles à l'oeil nu dans les

' corps vertébraux (dans la VII° cervicale et depuis la X° dorsale vers le bas)

' aussi bien que dans les trous de conjugaison. Nulle part on ne constate les

'métastases envahissant le canal rachidien et comprimant la moelle épinière.

On voit des métastases dans les cotes. La surface de la moelle épinière est sans

tumeur. De même les organes internes.

L'exameu microscopique a démontré des altérations insignifiantes. Il n'y

xxm 4

50

FLATAU

avait ni foyers inflammatoires, ni dégénérescence secondaire dans aucnn seg-

ment. Les coupes colorées par la méthode de Weigert montrent que le réseau

fibrillaire dans la substance grise est partout normal. La substance blanche

est également tout à fait normale. Dans la partie cervicale aussi bien que dans

la dorsale et la lombo-sacrée les cloisons sont devenues plus larges et les vaisseaux :

sanguins augmentés en nombre. Ils sont dilatés et remplis de sang. Quelques

vaisseaux ont leurs parois un peu épaissies et par place on aperçoit les espaces

périvasculaires élargis. -

De semblables changements nous décèlent la méthode de V. Gieson, mais

on les voit plus distinctement. Les segments dorsaux inférieurs et lombo-

sacrés sont les plus touchés sous ce rapport. La riche vascularisation est

surtout visible dans la substance grise. Au niveau de renflement lombaire la

substance grise est tellement vascularisée qn'elle semble être injectée par

un liquide. Les cellules nerveuses sont souvent entourées par de fins capil-

laires qui forment une sorte de réseau à cloisons très fines. Quant aux cel-

lules mêmes, elles ne présentent pas de changements dans les cornes anté-

rieures. Quelques-unes se colorent faiblement. Les méninges sont normales.

Leurs vaisseaux sont dilatés et remplis de sang.

On ne constate pas de foyers inflammatoires, ni sur ces coupes, ni sur d'au-

tres colorées par l'hématoxyline et l'alun. La méthode de Marchi n'a pas

montré de changements pathologiques dans ces coupes.

Dans ce cas, il faut attirer l'attention sur le fait que la moelle ne pré-

sentait presque pas de changements anatomo-pathologiques, tandis que

cliniquement, on constatait des symptômes nerveux.

Pour m'assurer définitivement de la vérité de ce fait j'examinai ultérieu-

rement toute la moelle épinière. On pouvait supposer qu'un petit segment

malade était passé inaperçu, ma is ce second exa men, m i nutienx, n'a pas donné

d'autres résultats. On ne pouvait noter nulle part de foyer pathologique.

OBSERVATION II.

Le malade Zieutz., âgé de U3 ans. est entré à l'hôpital le 21 mai 1908.

Il est malade depuis 7 moi. Il a de fortes douleurs, surtout dans la région

de la XIe côte. Elles débutent sur la face antérieure droite du thorax et de là

s'irradient en arrière vers la colonne vertébrale. Les douleurs sont vives,

presque constantes, elles augmentent pendant la nuit de sorte que le malade

ne dort pas depuis quelques mois. A côté de ces douleurs, le malade se

plaint de douleurs symétriques du côté gauche, mais elles sont plus faibles. Les

douleurs augmentent quand le malade bouge, quand il se lève du lit,ou quand il

se courbe. Pendant l'accès de fortes douleurs du côté gauche, le malade sent

parfois une étrange douleur. comme si l'on cassait sa hanche droite et sa gauche;

« le membre inférieur droit lui semble alors plus court que le gauche ».

La marche lui était possible jusqu'aujourd'hui; il ne se fatiguait pas et n'avait

pas de douleurs dans les membres inférieurs. Pendant ces dernières années

TUMEURS DE LA MOELLE ÉPINIÈRE ET DE LA COLONNE VERTEBHALE 51

il avait le sentiment de courbature dans la région dorsale de la colonne ver-

tébrale. Dans ces derniers temps aussi cette partie se courba ; le malade sou-

tient qu'auparavant, il se tenait tout il fait droit. Il n'eut jamais de troubles

d'urines ; toujours constipé Jamais sérieusement malade.

Il a eu de sa première femme deux enfants, qui sont morts jeunes. De sa

seconde femme il n'a pas d'enfants. Nie la syphilis. Son père est mort d'une

maladie du cerveau, sa mère, dans la profonde vieillesse (artério-sclérose).

Pas d'antécédents tuberculeux. -

Etat actuel. - Le malade est d'une haute taille ; état général médiocre.

Les organes internes ne présentent rien de particulier. Les pupilles, assez

étroites, la gauche plus que la droite. Elles réagissent faiblement à la lumière.

Les autres nerfs crâniens sont normaux.

La force musculaire des membres inférieurs est bien conservée. Les ré-

flexes du muscle triceps et périostaux sont faibles des deux côtés. La sensibilité

est bien conservée. Les membres inférieurs conservent leur force muscu-

laire normale, excepté les muscles fléchisseurs de la hanche (forte douleur).

Les réflexes patellaires sont faibles des deux côtés. Le réflexe du tendon d'A-

chille est faible du côté gauche, il est vif du côté droit. Le plantaire est nor-

mal. Les réflexes abdominaux sont faibles. La sensibilité est conservée (le

malade se trompe de temps en temps et donne de fausses réponses quand on

applique le froid ou le chaud sur sa jambe et son pied droits). Les XIe et Xe côtes

sont douloureuses des deux côtés, surtout dans l'espace qui sépare la ligne

axillaire antérieure et postérieure. Des douleurs siègent aussi dans les Ve et VIe

espaces intercostaux et dans les côtes correspondantes (entre la ligne axillaire

antérieure et postérieure), la douleur la plus forte est en dehors du mamelon

droit. Dans le Xe espace intercostal gauche, sur la ligne verticale qui passe par

le sommet de l'aisselle, se trouve une petite tumeur de volume d'un pois, mobile

sous la peau. Elle n'est pas douloureuse au palper. Mais cette région, en de-

hors de la tumeur et en bas, est douloureuse.

Sur la face antérieure du corps,sur la poitrine, dans la région du muscle del-

toïde il y a de nombreuses taches brunâtres. On constate aussi des verrues

dans le pli de l'aine gauche, sur la poitrine, sur le tronc, la nuque.

Sur la ligne médiane du cou un peu il gauche de la pomme d'Adam, on

voit une tumeur de la grosseur d'une prune, molle et lobulée.

26 avril.- On opère. On extirpe une petite tumeur dans le Xe espace inter-

costal gauche.

29 mai. Le malade ne sent plus de douleurs du côté gauche, à droite elles

persistent. kid

4Juin. -Le malade se plaint de très fortes douleurs en ceinture. Elles pas-

sent sous l'ombilic et vont en arrière, en s'arrêtant de 2-3 travers de doigt de

la colonne vertébrale (des deux côtés). 0

Il iyin. Pendant 4 jours, le malade souffrait de douleurs dans la région

supérieure de l'abdomen, sous les côtes, et sur la ligne ombilicale. La force

musculaire des membres supérieurs est bonne. Le gros orteil du pied droit a

une tendance à se placer en extension. Le réflexe du tendon d'Achille droit

52 FLATAU

est plus vif. Les réflexes plantaires sont très faibles. Les abdominaux des deux

côtés sont conservés ; le gauche est plus vif. La sensibilité est conservée. La

colonne vertébrale n'est pas douloureuse.

15 juin. - Le malade se plaint de douleurs en ceinture au-dessous de la

XIIe côte ; les douleurs partent de la colonne vertébrale, vont en avant et enva-

hissent l'abdomen (elles sont plus fortes du côté droit).

Le 17 juin, le malade est sorti de l'hôpital pour aller à Bousk (eaux sulfu-

reuses). Son état ne s'améliore pas et il part il Berlin où il reste pendant un

certain temps sous l'observation du Prof. Oppenheim, qui nota (le 25 août 1908)

les choses suivantes : douleurs dans la région dorsale inférieure, le dernier

temps aussi dans la jambe droite. La colonne vertébrale est peu mobile et pré-

sente une lordose lombaire tandis que la partie supérieure de la région dorsale

présente une cyphose. La lordose lombaire commence un peu plus haut que

d'habitude. On remarque du premier coup d'oeil l'atropliie musculaire générale

et surtout des muscles fessiers. La pression des dernières côtes à gauche est

douloureuse, A la percussion, le sang est plus mat de ce côté qu'à droite. La

peau de la région fessière est tout à fait flasque. Les mouvements de tous les

muscles de celte région sont affaiblis. L'excitabilité mécanique est augmentée

mais non ralentie. L'examen électrique n'a pas démontré dé changements ap-

préciables. Constipation opiniâtre. La sensibilité du périnée et des organes gé-

nitaux est normale.

La palpation de la région gauche de l'abdomen est douloureuse, on sent des

ganglions mais la résistance des parois n'est pas augmentée. Les ganglions du

pli de l'aine gauche sont mieux palpables que les droits.

Diagnostic : tumeur de la colonne vertébrale au niveau des vertèbres dor-

sales inférieures ou lombaires supérieures.

Le malade retourne a Varsovie dans un état pire qu'il n'est parti. Je l'ai vu

le 18 septembre. Il a maigri, ne quitte plus son lit. La marche est possible mais

lente, difficile. Le malade éprouve de la difficulté à s'asseoir sur son lit. La po-

sition la moins gênante est d'être couché sur le dos. Les compresses chaudes

calment les douleurs, qui sont si fortes et si constantes que le malade reçoit tou-

tes les 3-4 heures une injection de morphine. Les douleurs ne sont pas bien

localisées. La région la plus douloureuse est la partie inférieure de la colonne

vertébrale (lombo-sacrée). En outre il a des douleurs dans les hypochondres

surtout à droite et des douleurs en ceinture. La colonne vertébrale est arquée

au niveau des vertèbres dorsales moyennes et inférieures. La pression de la

XIIe vertèbre dorsale est douloureuse.

Le malade immobilise sa colonne vertébrale. La pression des dernières côtes

à droite est douloureuse aussi bien que certains espaces intercostaux infé-

rieurs à droite. Météorisme. Membres inférieurs atrophiés surtout dans la

région des fesses. Les réflexes tendineux sont conservés assez vifs, les plan-

taires sont normaux. On ne peut pas obtenir les abdominaux. Le réflexe cré-

mastérien est conservé. La sensibilié est intacte. Le foie, la rate sont normaux.

Pas de tumeurs palpables sous la peau. Mort dans la seconde moitié d'oc-

tobre 1908.

TUMEURS DE LA MOELLE ¡;PINIÈRE ET DE LA COLONNE VERTÉBRALE 53

L'examen microscopique (Dr Dmochovski) delà petite tumeur extirpée le 26 mai

nous enseigne que c'est une néoformation maligne assez bien délimitée, riche-

ment infiltrée tout autour. On y distingue deux sortes de tissus. Premièrement

des foyers des grandes cellules à gros noyaux vésiculeux sans substance inter-

cellulaire. Ces foyers sont entourés des faisceaux de tissu conjouctif à noyaux

fusiformes. Par place, le tissu conjonctif pénètre dans les foyers des grandes

cellules sous forme de filaments bien tenus. Par place, les faisceaux conjonctifs

sont assez larges et constituent un réseau distinct. Les mailles de ce réseau ne

sont pas remplies par les grandes cellules mais elles y sont disposées en une

ou quelques rangées. La disposition n'est pas régulière, elle rappelle les cellu-

les endothéliales proliférantes.

Diagnostic. Endothéliome tabulaire. Il faut supposer que c'est une mé-

tastase hypodermique d'une tumeur primitive de la colonne vertébrale (égale-

ment endothéliome).

Résumé. Nous sommes en présence d'un homme âgé de 63 ans qui

7 mois avant d'entrer à l'hôpital (et un an avant sa mort) ressent dans la ré-

gion de la XIe côte droite de fortes douleurs qui s'irradient vers la colonne

vertébrale. Les douleurs sont presque constantes, augmentent la nuit. Du

côté gauche,douleurs semblables, mais moins fortes. Pendant les crises dou-

loureuses,la cuisse droite estle siège des douleurs rappelant celles des frac-

tures. Dans les derniers temps est apparueune courbure de la colonne ver-

tébrale dans sa partie dorsale. A l'examen on constate que la pression des

fil° eLX' côtes à droite et à gauche est douloureuse (à quelques travers de

doigt de la colonne vertébrale et surtout sur la ligne axillaire). Les Ve et

VIe espaces intercostaux droits sont douloureux, (et plus en dehors du

mamelon, on trouve une petite tumeur dans le Xe espace intercostal gau-

che sur la ligne axillaire qu'on extirpe et examine (endothéliome tu-

bulaire).

Sur tout le corps, on voit de nombreuses verrues et des taches^ bru-

il ? Iresel une tumeur assez considérable en dehors de la pomme d'Adam.

Quant aux nerfs crâniens et aux membres, on n'y trouve pas de change-

ments. Le réflexe du tendon d'Achille gauche est faible, le droit vif. Le

malade se trompe de temps en temps quand on examine sa sensibilité

thermique sur la jambe et le pied droit.

Pendant son séjour à l'hôpital, le malade a éprouvé de fortes douleurs

des deux côtés, sous les côtes, dans différentes régions de l'abdomen (de

même que des douleurs en ceinture). Le réflexe du tendon d'Achille droit

était plus vif que le gauche, tandis que les abdominaux présentaient le

contraire. Avant sa sortie de l'hôpital (4 semaines de séjour), il commença

à éprouver des douleurs sous la XIIe côte ; de la colonne vertébrale elles

allaient en avant (en ceinture). Le malade est parti à l'étranger. On y a

54 FLATAU

constaté une lordose et la raideur de la colonne vertébrale, une gibbosité

dans la partie dorsale. Les côtes gauclies inférieures étaient douloureuses.

Atrophie appréciable des masses musculaires fessières et diminution de

leurs mouvements. Diagnostic : tumeur de la colonne vertébrale dans la

partie inférieure de la région dorsale et dans la partie supérieure de la

,région lombaire. Le malade retourne à Varsovie. Un mois avant sa mort il

nequitteplus son lit, quoique la marche lente soit encore possible. Une

forte douleur dans la partie inférieure de la colonne vertébrale, dans les

côtés et des douleurs en ceinture. Tous les 3-4 heures, des injections de

morphine. La pression sur la colonne vertébrale au niveau de la XIIe ver-

tèbre dorsale provoque des douleurs. La colonne est immobile. La pression

sur les dernières côtes du côté droit est douloureuse. Météorisme. Les

réllexes tendineux et peauciers des membres inférieurs sont conservés;

les abdominaux impossibles à produire.

Dans ce cas il s'agit sans doute d'une tumeur. Mais il nous semble

qu'elle n'était pas localisée uniquement dans la colonne vertébrale. La

petite tumeur excisée pendant la vie avait le caractère d'une néformation;

il est possible qu'à côté de celle-là il y en avait d'autres cachées.

Les symptômes principaux dépendaient tout de même de la tumeur de

la colonne vertébrale. Il faut prendre en vue spécialement le point sui-

vant : une gibbosité accentuée existait dans la région dorsale inférieure.

Jusqu'à la mort, celle cyphose est restée régulière sans trace d'une fracture

quelconque, ce qui arrive le plus souvent dans les caries. On ne pouvait

non plus noter des douleurs bien localisées et limitées, ce n'est que quel-

ques semaines avant la mort que la douleur a atteint son point culminant

dans la région de la XIIe vertèbre dorsale. De ce point aussi les douleurs

s'irradiaient vers les dernières côtes, surtout du côté droit et sur l'abdomen.

La tumeur se trouvait comme il faut l'admettre dans l'os même et com-

primait les racines postérieures, et, probablement les antérieures aussi

(preuve : l'atrophie des muscl,es fessiers). Quant aux symptômes qui dépen-

dent de la moelle épinière même, on ne les a pas notés. Il est vrai que le

réflexe du tendon d'Achille droit était plus vif et l'abdominal plus faible

que du côté opposé, il y avait une constipation opiniâtre (sans troubles

urinaires). Mais c'est trop peu pour se prononcer pour une maladie de la

moelle épjnière. La tumeur était maligne. Le docteur Dmochovski qui a

eu l'obligeance d'examiner les coupes suppose qu'il s'agissait d'une tumeur

primitive de la colonne vertébrale (endothéliome), avec une métastase

hypodermique.

Observation III.

La malade Sz., âgée de 43 ans, est entrée à l'hôpital le 5 juillet 1 ! J08,

TUMEURS DE LA MOELLE ÉPINIÈRE ET DE LA COLONNE VERTÉBRALE 55

Il y a 15 mois, la malade ressentit une douleur dans la région lombaire et des

douleurs en ceinture dans le ventre. Au début les douleurs étaient d'une

moyenne intensité mais stables. Peu à peu elles ont envahi les membres infé-

rieurs et toute la colonne vertébrale. Elles augmentaient toujours et se cal-

maient, pour de courtes durées seulement sous l'influence de la morphine. La

malade commence à avoir des paresthésies (sensations de chaud et de fourmil-

lement) dans le dos, le ventre et les membres inférieurs. Elle marche difficile-

ment à cause des douleurs qui augmentent-par le mouvement.

Il y a 6 ans, la malade a subi une opération : on a extirpé une tumeur de

l'utérus. Pas d'autres maladies. Elle a 7 enfants bien portants. Une fausse

couche au troisième mois. Elle était déjà à l'hôpital (aux mois de novembre et

décembre 1907) au servicte du Dr Bregman. Son état à ce moment-là était

le suivant : le membre inférieur gauche est plus faible que le droit. Le signe de

Lasègue de deux côtés (faiblement marqué). Les réllexes patellaires bien vifs,

surtout du côté droit. La trépidation épileptoïde du pied droit (à gauche quel-

ques mouvements classiques). Le réflexe plantaire a une tendance à mettre les

orteils en extension (Babinski pas sûr). Les abdominaux supérieurs sont égaux

des deux côtés, inférieur droit aboli, la gauche faible. Région lombaire doulou-

reuse, à un degré plus considérable celle des fesses. Les nerfs cruraux sont

douloureux à la pression. La sensibilité intacte.

Etat actuel. Malade d'une taille moyenne, bien conformée, pâle. Les

organes internes sans changements appréciables. Les nerfs crâniens normaux.

Les membres supérieurs fonctionnent normalement. Les réflexes du muscle

triceps et périostal, normaux des deux côtés. Les membres inférieurs, au point

de vue des mouvements, sont normaux. Quanta leur force, le membre gauche

en jouit à un degré plus grand que le droit, surtout en ce qui concerne le mou-

vement d'extension de la cuisse et de flexion du genou (il est possible que la

douleur plus forte du côté droit explique ce mouvement affaibli). Réflexes

abdominaux droits abolis, gauches faibles. Les réflexes patellaires des deux

côtés sont très vifs, de même que ceux des tendons d'Achille. Le signe de Ba-

binski du côté droit, est faiblement marqué, du côté gauche le grand orteil reste

immobile. Signe de Lasègue, à droite. La sensibilité est conservée, excepté sur

un petit espace dans l'hypochondre droit, où les sensations sout un peu con-

fuses. La malade marche sans appui, tient raide sa colonne vertébrale. Quand

elle se penche, la douleur dans la région lombo-sacrée augmente.

La pression exercée sur toute la colonne vertébrale depuis les dorsales

moyennes vers le bas est douloureuse. Douleurs spontanées dans le sacrum

(qui de là vont en ceinture vers les hypochondres et l'abdomen). La malade

éprouve une sensation comme si ou « la coupait avec un couteau) ». Tout le

membre inférieur droit lui fait mal. Les douleurs, nocturnes l'empêchent de

dormir, elles sont de la même intensité que les diurnes.

L'examen des organes génitaux montre qu'ils sont normaux. La vulve et le

vagin sont normaux. Les annexes droits ne sont pas palpables. L'utérus petit,

mobile, indolore. Ectropion du col (saigne pendant l'examen). Les annexes

gauches sont hypertrophiées, douloureuses, peu mobiles.

56 FLATAU

Réaction de Pirquet positive.

Pendant le séjour à l'hôpital, la malade souffrait énormément à cause des

douleurs qui ne se calmaient qu'avec la morphine. Un certain soulagement lui

était procuré par la compresse chaude électrique. '

Au mois de juillet les pieds ont enflé. La colonne vertébrale, surtout au

niveau des lie-IVe vertèbres, est toujours très douloureuse. Au mois de sep-

tembre l'état persiste. La malade marche en se tenant raide. La force muscu-

laire des membres inférieurs est bonne. Les réflexes patellaires sont exagérés :

un faible coup donné, la rolule provoque des -mouvements classiques plus

forts à droite qu'à gauche. Réflexes du tendon d'Achille très vifs ; droite,

trépidation épileptoïde. Réflexe plantaire indéfini. La sensibilité est conservée.

La malade gémit de douleurs. Elle tente de se suicider (en vaiu). Douleurs

dans le dos, en ceinture et aux membres inférieurs (à droite plus fortes). De

temps en temps les membres inférieurs se plient automatiquement même quand

la malade reste tranquille. Parfois tout le tronc saute. La dose de 0,015 de

morphine suffisante autrefois pour calmer les douleurs doit monter à présent

à 0,025 sans grand effet.La malade reste toujours sous la compresse électrique

qui la'soulage un peu. La malade quitte l'hôpital le 12 septembre 1908, sans

changements appréciables dans son état.

Résumé. Il y a 15 mois, la malade âgée de 43 ans éprouve pour la

première fois des douleurs persistantes dans la région sacrée qui s'irra-

diaient vers la région abdominale. Les douleurs envahissaient peu à peu

les membres supérieurs et toute la colonne vertébrale.

Au début, d'intensité moyenne, elles sont devenues intolérables et ne

cessaient que sous l'influence de la morphine. Des paresthésiesdans ledos

et le ventre. Il y a 6 ans, ablation d'une tumeur utérine ; 8 mois avant

l'entrée à l'hôpital, elle présentait l'affaiblissement du membre supérieur

droit, de vifs réflexes patellaires, une trépidation épileptoïde du côté

droit, le signe de Babinski non appréciable (tendance des orteils de

s'étendre), te signe de Lasègue des deux côtés. Douleurs à la palpation de

l'os sacré, des fesses et des nerfs sciatiques et cruraux.

Etat actuel. - Nerfs crâniens et membres supérieurs sans changement.

Membres supérieurs : le droit un peu plus faible ; les réllexes tendineux

un peu exagérés, signe de Babinski à peine marqué à droite ; signe de

Lasègue à droite.

Sensibilité intacte (de temps en temps, sensations fausses dans l'hypo-

chondre droit). La malade immobilise sa colonne vertébrale. La douleur

augmente quand la malade s'abaisse. La malade se plaint de douleurs

extrêmement fortes dans toute la' colonne vertébrale et principalement

dans le sacrum.

Elle décrit sa sensation : « comme si l'on coupait avec des couteaux ».

Les douleurs s'arradient vers les hypocbondres et l'abdomen. Les douleurs

TUMEURS DE LA MOELLE ÉPINIÈRE ET DE LA COLONNE VERTÉBRALE 57

nocturnes sont également pénibles, mais ne dépassent pas celles du jour.

On était obligé de lui donner à chaque instant de la morphine. Pendant

son séjour à l'hôpital, est apparu le gonflement des pieds. La douleur de

la colonne vertébrale commence à se localiser dans la région entre les Ile et

IVe vertèbres dorsales. Les réflexes patellaires étaient exagérés à tel point

qu'une faible percussion de la rotule provoquait des mouvements cloniques

de la jambe (du côté droit ce réflexe est surtout vif). Trépidation épilep-

toïde du côté droit. Tout le temps pendant son séjour l'hôpital la malade

gémissait de douleurs. Une tentative de suicide à cause des douleurs

intolérables. De temps en temps des soubresauts automatiques des jambes

et même du tronc. La dose de 0,025 de morphine ne calme plus lesdou-

leurs. La malade quitte l'hôpital sans amélioration.

Dans ce cas il s'agissait sans doute d'une tumeur des vertèbres. En faveur

de ce diagnostic partent les douleurs incessantes dans toute la colonne

vertébrale, s'irradiant vers les membres inférieurs et l'abdomen, douleurs

qui ne la quittaient pas un instant,même sous l'influence de la morphine.

On pouvait éliminer la tuberculose des vertèbres, vu son absence ailleurs,

l'absence' d'élévation de température, et de tout changement dans la co-

lonne vertébrale ; les douleurs dans le cas de tuberculose rarement attei-

gnent pareille intensité et ne durent pas si longtemps.

Quant aux symptômes médullaires, on constatait déjà clans les 6 pre-

miers mois de la maladie que la jambe droite était plus faible que la gauche,

que les réflexes tendineux aux membres inférieurs étaient exagérés, le

signe de Babinski, légèrement marqué du côté droit. Pendant son second

séjour à l'hôpital, on constatait outre les symptômes précités, une douleur

localisée dans les Ile et IVe vertèbres dorsales. Jusqu'au dernier moment de

son séjour à t'hôpi talon ne constatait pas de symptômes médullaires im-

portants (/ ! an 1/2 depuis le début de la maladie). Cela nous fait penser

que la tumeur n'a pas provoqué de changement organique grave dans

la moelle épinière. II est possible que dans une région de la moelle (la a

dorsale supérieure peut-être) des changements de structure peu prononcés

se soient produits dans la moitié droite. Ce sont eux qui ont donné l'affai-

blissement de la ïambe droite, la trépidation épileptoïde avec signe de

Babinski léger.

Observation IV.

Le malade Su ? âgé de 54 ans, est entré à l'hôpital le 20 août 1908.

Il y a 5 ans, le malade a remarqué que son corps thyroïde était augmenté

de volume peu à peu apparaissait dans cette région une tumeur. Elle croissait

audébntassez vite, puis (il y a quelques années) est restée stationnaire. Depuis

2 ails la tumeur croit dans la partie supérieure du sternum. Au début on y

sentait une tuméfaction qui augmentait toujours. Un peu plus tard apparurent les

58

FLATAU

douleurs et une certaine immobilité de la nuque. Depuis un an le malade ressent

des douleurs dans la colonne vertébrale, qui s'irradient dans les hypochondres.

Les douleurs étaient plus fortes dans la position assise, dans la position de-

bout et dans la marche. Quand le malade se reposait couché elles se calmaient.

Il y a un an apparurent des crampes de la jambe gauche. Le malade se plaint

encore d'une sensation de pesanteur dans la région précordiale, et de la respi-

ration difficile. Pas d'autres maladies. La famille est bien portante.

Etat actuel. - Malade d'une haute taille, bien amaigri. Le corps thyroïde est

augmenté de volume, dans le lobe droit on sent une tumeur dure. Dans la par-

tie supérieure du sternum, tumeur du volume d'un oeuf, molle. A la percus-

siou, matité sur le rnanubrium du sternum. On ne constate pas une limite

bien nette entre la tumeur du corps thyroïde et celle du sternum.

La colonne vertébrale est douloureuse à la pression exercée sur la XIIe dor-

sale et la I''8 lombaire vertèbre. Dans la région supérieure des vertèbres dorsales

du côté droit, tout près de la colonne même, on constate une tumeur bien dou-

loureuse la palpation. Les mouvements de la colonne vertébrale sont limités,

le malade la ménage (douleurs 1). Mouvements de la tète exécutés avec atten-

tion et avec peine (douleurs 1). La douleur atteint le maximum d'intensité quand

le malade fléchit la tête en avant ou de côté plus librement, il la tourne des

deux côtés. '

Les nerfs crâniens ne présentent rien de notable. Les pupilles sont égales,,

réagissant bien à la lumière. Les membres supérieurs et inférieurs ne présen-

tent aucun trouble dans ces mouvements et dans la sensibilité. La force muscu-

laire des jambes est normale. Pas d'ataxie. Pas d'atrophie visible. Réflexes

périustaux bien faibles de même que les réflexes patellaires.

Les réflexes du tendon d'Achille très faibles. Les plantaires normaux.

17 septembre. Les réflexes patellaires très faibles. Le réflexe gauche du

tendon d'Achille à peine marqué, le droit aboli. Les abdominaux et crémasté-

riens très vifs. '

1er octobre. - Le malade se plaint de douleurs le long de la face postérieure

de la cuisse et de la jambe droite et d'un engourdissement sur la fice externe

du pied droit. A l'examen objectif sent mal les piqûres au bord externe du

pied droit.

16. Les réflexes du tendon d'Achille abolis. Les patellaires faibles.

26. - Le 'malade gémit sans cesse à cause de douleurs dans la région de la

nuque et du dos. Autour de l'appendice typhoïde et sur la Ire côte droite sont

apparues des tumeurs molles bien douloureuses.

34.- On a appliqué les rayons de Roentgen : 8 fois sur la tumeur du sternum

et9 fois sur la colonne vertébrale (6, dans sa partie cervicale, 3 dans la lom-

baire). La région de XIIe dorsale est douloureuse et empâtée. Quand le malade,

reste un peu longtemps assis il éprouve des douleurs dans la partie dorsale su-

périeure. Le réflexe du tendon d'Achille gauche à peine marqué, le droit aboli.

La flexion du pied droit est notablement plus faible que du gauche, l'extension

reste bonne. La sensibilité est intacte aux membres inférieurs. Les réllexes

peauciers (plantaire, abdominaux et crémastérien) très vifs.

TUMEURS DE LA MOELLE ÉPINIÈRE ET DE LA COLONNE VERTÉBRALE 59

Il novembre. Le malade quitte l'hôpital dans le même état. Pplaintes

constantes contre les fortes douleurs de la nuque. Le malade reste toujours

couché. Tout mouvement lui est pénible. L'examen du sang (Dr Klein) montre

qu'il y a :

Gaz 0/0 de leucocytes.

57 0/0 lymphocytes.

39,5 0/0 transitoires.

1,5 0/0 neutrophiles ( ? ) (avec granulations pas tout à fait distinctes).

2,0 où Mastzellen. --

Se basant sur ces données, le D'' Klein supposait qu'il s'agit dans ce cas de

myélome lymphoplastique. La formule sanguine cadre aussi bien avec le chlo-

rure, mais les modifications des vertèbres et l'absence de tout changement

dans les nerfs crâniens parle en faveur de myélome.

HÉSUMIL -11 s'agit d'un homme de 54 ans qui assiste depuis 5 ans à

l'augmentation de son corps thyroïde ; finalement il s'y forme une tumeur.

Depuis deux ans, une autre tumeur sur la région supérieure du sternum.

Douleurs de la nuque, une certaine immobilité de la colonne, fortes dou-

leurs dans la région moyenne de la colonne vertébrale, douleurs en cein-

ture sous les côtes.

Etat actuel. - Tumeur dure dans le lobe droit du corps thyroïde.

Une tumeur dans la région supérieure du sternum. Les vertèbres XII°

dorsale et Ire lombaire, sont douloureuses à la pression. Une tuméfaction

très douloureuse du côté droit des vertèbres dorsales supérieures. Le ma-

lade ménage sa colonne vertébrale (douleurs ! ). Maximum de douleurs

pendant l'abaissement de la tête. Pas de changements dans les nerfs crâ-

niens, ni dans les membres. Réflexes tendineux aux membres inférieurs,

supérieurs faibles. On constate au cours de la maladie que le réflexe du

tendon d'Achille droit disparaît (abdominaux très vifs), et qu'il intervient

une douleur le long de la face postérieure de la cuisse, de la jambe et du

pied; les réflexes du tendon d'Achille disparaissent des deux côtés ; des

tumeurs douloureuses apparaissent sur l'appendice xyphoïde et sur la Ve

côte à droite. Les rayons de Roentgen restent sans effet. La région de la XIIe

vertèbre dorsale est très douloureuse, molle, la flexion du pied droit, affai-

blie. Les douleurs de la nuque le font gémir.

Dans ce cas, la tumeur croissait lentement depuis plusieurs années.

Tout d'abord on constate une tumeur dans le corps thyroïde. Puis des

néoformations dans les 'différentes parties du squelette osseux, entre

autre au niveau de la XII8 dorsale et lombaire.

L'examen du sang montra qu'il s'agissait de myélome lymphoplastique.

Quant aux phénomènes nerveux on peut les expliquer facilement. Les

fortes douleurs dans la région de la nuque, l'immobilisation de la colonne

60

FLATAU

vertébrale pendant les mouvements, l'irradiation des douleurs étaient

produites soitpar la compression des nerfs périphériques, soit par celle des

racines au sein même des vertèbres par les néoplasmes. Il n'y avait pas

de symptômes médullaires. Il nous faut surtout rappeler que le malade n'a

pas eu de troubles urinaires ou de défécation. Malgré son état grave, il n'a

pas eu d'escarre. La sensibilité est tout fait intacte. L'abolition du réflexe

achilléen, l'affaiblissement du pied droit et des douleurs le long de la

face postérieure de la cuisse, de la jambe et du pied droit, sont expliqués

par la compression des racines sacrées exercée par la tumeur. Il est possi-

ble que la tumeur placée dans la le, vertèbre lombaire comprimât du Côté

droit les racines sacrées supérieures, qui à, ce niveau partent de la moelle

vers la queue de cheval. Par suite de cette compression pouvait bien naître

la douleur de la face postérieure de la cuisse et de la jambe, la pareslhé-

sie du bord externe du pied avec l'abolition du réflexe du tendon d'Achille.

Les symptômes radiculaires sacrés pourraient provenir aussi de la com-

pression des racines sacrées exercée par une tumeur située dans' l'os

sacré même, mais une telle localisation de la tumeur n'a pas été constatée

et le malade n'a pas eu de douleurs dans cette région (l'examen par la

voie anale n'était pas fait). Pas de symptômes de névrite.

' ' Observation V.

Le malade Jed, âgé de 40 ans, s'adressa à moi au mois d'août 1904.

Il y a 3 ans il avait des douleurs du ventre. Cet état dura deux ans,

puis les douleurs disparurent. Il y a 6 mois il a ressenti une douleur au

sacrum ; elle a envahi le membre inférieur droit (face antérieure). Une

semaine après, ces douleurs ont passé. A leur place ont apparu les douleurs

dans le pli de l'aine gauche s'irradiant vers la fesse gauche et vers la face anté-

rieure de la cuisse. Depuis deux mois ces douleurs se sont propagées dans

la région de la jambe gauche le long de sa face autérieure. A ce moment il n'y

avait pas de douleurs au sacrum ni dans la jambe droite. Ce n'est que depuis

quelques jours que les douleurs de la cuisse droite réapparurent et en plus des

douleurs du genou droit et du sacrum (sensation de chaleur dans la moitié

gauche du sacrum principalement). A la fin d'avril, début d'incontinence de

l'urine. Constipation habituelle. Depuis le mois de mai, pas d'érection. A la

fin d'avril le malade pesait 172 livres, il y a deux semaines, 140, maintenant

143 livres.

Durant les deux derniers mois, il calmait ses douleurs par des injections de

morphine à hautes doses. A fin de mai et au mois de juin il a passé en Cau-

casie où il prenait des bains sulfureux et de boue. C'est là'que ses membres

inférieurs surtout le gauche commencèrent à maigrir.

Pas de syphilis; en 1892, il fait une fièvre typhoïde avec une psychose

aiguë. La famille est bien porlante. I

tumeurs DE la moelle épinière ET DE la COLONNE vertébrale 61

Etat actuel.- Le malade est amaigri. Il marche lentement, boitant un peu

du côté gauche (comme dans la sciatique).

La jambe gauche est plus faible que la droite. Il ne peut pas la lever tout

entière. La flexion de l'articulation de la hanche et du genou est lente et in-

complète. La cuisse ne peut surmonter aucune résistance dans le mouvement

d'élévation. L'extension de la cuisse est assez bonne. L'adduction est plus

faible, l'abduction encore plus faible. L'extension du genou gauche est assez

bonne, la flexion visiblement plus faible.- Les mouvements du pied sont bons

(la flexion dorsale aussi bonne que la plantaire). Mouvements des orteils nor-

maux. Atrophie visible sur la face antérieure de la jambe. La jambe droite

ne présente rien de notable par rapport à ses mouvements mais le malade dit

qu'il est devenu plus faible et lourd ces derniers temps.

Les deux membres inférieurs sont maigres (surtout le gauche). Les mouve-

ments passifs sout normaux (pas de tonus augmenté), plutôt hypotonicité. La

sensibilité est intacte (aux membres inférieurs aussi bien qu'au niveau du sa-

crum et du périnée). Le réflexe patellaire droit est vif à la première excitation ;

les suivantes t'épuisent déjà, et à la lin il n'apparaît plus. Du côté gauche ce

réflexe est aboli (de temps en temps on voit une contraction du vaste interne).

Le réflexe du tendon d'Achille est très faible des deux côtés (à gauche il est

plus faible). -

Le réflexe lombaire, les réflexes abdominaux et crémastériens sont con-

servés.

Les 111, file et IVe vertèbres lombaires sont douloureuses, et à l'examen de

ces vertèbres, le D'' Krajëwste y constata une tumeur.

L'examen électrique ne montre rien d'anormal dans les muscles cruraux

péroniens et les quadriceps (bilatéralement). Quant au tibia antérieur gauche,

il ne réagissait ni au courant faradique ni au galvanique (à droite, lent et

normal).

L'opération de la tumeur fut impossible ; le malade gravement atteint quitta

Varsovie et mourut bientôt après.

RÉSUMÉ,- Dans ce cas,les symptômes débutèrent par la région sacrée et

la face antérieure delà cuisse droite. (Quant aux douleurs du ventre qui ap-

parurent quelques années auparavant, on ne peut pas fixer leur nature.)

Lesdouleurs disparurent, à leur place le malade a eu des douleurs dupli de

l'aine gauche, de la fesse gauche, à la face antérieure de la cuisse gauche,

finalement à la face antérieure de la jambe gauche et au dos du pied.

Quelques mois après, les douleurs du côté droit sont de nouveau réappa-

rues : au sacrum, à la cuisse etau genou. Le malade commença à maigrir.

Les membres inférieurs devenaient plus faibles, surtout le gauche La

fonction génitale est abolie, les troubles urinaires se sont installés. A l'exa-

men du malade,on constate que le membre inférieur gauche a la force mus-

culaire diminuée dans les mouvements de l'articulation de la hanche et du

genou, tandis que ceux du pied et des orteils sont tout à fait normaux.

62 FLATAU

Les masses musculaires de la jambe gauche sont atrophiées et réagissent

mal au courant électrique. L'hypotonicilé, le réflexe patellaire droit, faible,

le gauche, aboli, le plantaire est normal, la tumeur des In, n., III" et IVe

vertèbres lombaires est palpable à travers les parois abdominales. Des

douleurs fortes et constantes. La morphine se donne plusieurs fois

par jour.

Nul doute qu'il s'agisse d'une tumeur. Les vertèbres (II, III, IV) lom-

baires douloureuses et la constatation d'une masse néoplasique englobant

ces vertèbres en avant ne laissaient pas de doutes quant à la cause de la

maladie. La tumeur se développait évidemment dans les vertèbres mêmes

et comprimait les racines lombaires, du côté gauche principalement.

Les douleurs localisées surtout à la face antérieure des deux membres

inférieurs font supposer cette situation de la tumeur. L'absence de dou-

leurs sur la face postérieure des membres supérieurs fonl présumer que

les racines sacrées sont restées intactes. Les troubles moteurs cadrent bien

avec cette localisation.

Il y a encore une question à résoudre : la tumeur comprimait-elle les

racines en dehors des corps vertébraux ou dans le canal rachidien même

(c.-à-d. au niveau de la queue de cheval). Il est difficile de donner une

réponse absolue. Contre la seconde supposition parle le fait que les symp-

tômes morbides étaient principalement unilatéraux (le côté gauche plus

touché) et qu'il n'y avait presque pas de lésion des racines sacrées.

D'autre part les faibles troubles dépendant de racines sacrées inférieures

(absence d'érection, troubles urinaires) parlent en faveur de lésion de la

queue de cheval ; il est en effet difficile d'expliquer ces symptômes par

l'existence de la tumeur dans les vertèbres sacrées. Ces dernières n'étaient

pas douloureuses à la pression, et à la palpation ne donnaient pas d'im-

pression d'être envahies par la tumeur (qui se terminait au-dessus du

sacrum). Enfin contre cette dernière supposition parle l'absence absolue

de douleurs et de troubles sensitifs sur la face postérieure des jambes et

dans la région du périnée.

En résumant toutes ces données, nous pouvons supposer que les symp-

tômes morbides provenaient de la compression des racines lombaires en de-

hors du canal rachidien par une masse néoplasique. Les troubles urinaires

minimes de même que les troubles plus considérables dans la sphère gé-

nitale peuvent être mis sur le compte de la cachexie.

Observation VI.

La malade Sarok, âgée de 36 ans, est entrée le 28 décembre 1908 dans le

service du Dr Sawicki.

Il y a deux mois et demi elle a ressenti des douleurs au sacrum. Pendant

TUMEURS DE LA MOELLE ÉPINIÈRE ET DE LA COLONNE VERTEBRALE 63

la marche elles se calmaient et s'exaspéraient la nuit. Au début les douleurs

restaient strictement localisées sans se propager ailleurs. Les douleurs la tour-

mentaient toujours, elles ne cessaient parfois que pour 1 ou 2 heures. Il y a

3 semaines, les douleurs du sacrum commencèrent à se propager vers le mem-

bre inférieur gauche, vers le genou, le long de la face postérieure de la cuisse.

La douleur a atteint le maximum d'intensité dans la région de la fesse gauche

et sur la face postéro-interne de la cuisse gauche. Depuis 4 jours, les douleurs

ont envahi tout le membre inférieur gauche. Presque simultanément le mem-

bre est devenu oedémateux. Les douleurs au sacrum se calmèrent un peu. Le

membre supérieur droit est libre des douleurs jusqu'à présent. Il y a trois

semaines elle a eu la sensation comme « si elle accouchait », cela a duré

2 semaines. Pendant les dernières 5 semaines la malade reste couchée sur

le ventre, cette position lui est la plus commode. Depuis 4 jours au contraire

elle préfère se reposer sur le côté droit. La jambe droite lui fait mal mainte-

nant au moindre mouvement. La malade ne la laisse pas toucher. Depuis

une semaine, la malade souffre d'une rétention complète de l'urine. Depuis

3 semaines il y a constipation (la malade va à la selle uniquement après un

lavement et alors « ça coule »). '

Depuis trois semaines la jambe gauche est devenue plus faible et depuis

2 jours le pied gauche a perdu tous ses mouvements.

Etat actuel. -Tout le sacrum est douloureux surtout dans sa partie supé-

rieure. La malade ne peut rester couchée sur le dos qu'un temps très court,

même sur un coussin mou. Les nerfs crâniens et les membres supérieurs ne

présentent rien de notable. Les mouvements du membre inférieur droit sont

conservés,avec une force et amplitude normales. Le membre inférieur gauche

a les mouvements très limités. Les mouvements de l'articulation de la hanche

sont conservés mais très limités et faibles. De fortes douleurs accompagnent

l'abduction de ce membre. Au genou gauche, mouvements limités et fai-

bles. Les mouvements du pied et des orteils sont abolis. Les réflexes patel-

laires, du tendon d'Achille et plantaire du côté droit sont conservés, du côté

gauche, tous ces réflexes sont abolis.

La sensibilité (tactile, douloureuse et thermique, et le sens musculaire) est

conservée excepté dans la région de l'anus, des fesses (5 travers de doigt de

l'anus) et des organes génitaux (la malade n'y sent pas le toucher, les piqûres, le

froid et le chaud).Rétention et incontinence des matières fécales (les selles seule-

ment après un lavement et alors les matières aqueuses coulent sans que la

malade puisse les retenir, la même chose pendant le toucher rectal). Rétention

de l'urine. Les sphincters externe et interne de l'anus sont paralysés. Le ré-

flexe anal est aboli. Le membre inférieur gauche est très douloureux il la pal-

pation même superficielle. Il est enflé (le droit est normal).

Au toucher rectal, on a constaté : au niveau de la XIe vertèbre sa-

crée à peu près une tumeur dure, élastique, à surface lisse, douloureuse

à la palpation. La tumeur occupe la face antérieure du sacrum et prend sa nais-

sance entièrement sur le côté gauche du sacrum. De là, elle passe sur la moitié

droite du.sacrum et finit par un enfoncement qui la sépare d'une autre tumeur,

64 flatau '

allongée occupant le bord droit du sacrum. Ainsi il y a deux tumeurs séparées

par une gouttière. La tumeur gauche occupe la moitié gauche et une partie de

la moitié droite du sacrum la droite, la partie droite du sacrum. Vers le haut on

peut palper les tumeurs encore au niveau de la 11-1 vertèbre sacrée, puis elles

disparaissent graduellement. On ne peut pas préciser leur limite supérieure.

L'utérus est augmenté de volume, dure, mobile.

Résumé. Il y a 2 mois et demi apparaissent des douleurs au sacrum.

Depuis 3 semaines ces douleurs commencèrent à se propager vers la face

postérieure de la hanche gauche. Le maximum de douleur siège dans la

région de la fesse gauche et sur le côté postéro-interne de la partie supé-

rieure de la hanche.

Successivement, douleurs dans tout le membre gauche et gonflement

de ce membre. Hyperesthésie de la jambe. Depuis 3 semaines, réten-

tion et incontinence des matières fécales. Depuis une semaine, rétention

complète de l'urine. Depuis 3 semaines, affaiblissement du membre in-

férieur gauche, depuis 2 jours, paralysie du pied gauche.

État actuel. Le sacrum est douloureux, surtout dans sa partie infé-

rieure. Le toucher rectal démontre l'existence des tumeurs sur la face

antérieure de l'os (vers le haut on peut suivre du doigt la tumeur jusqu'à

la 11-1 vertèbre sacrée, mais sans pouvoir atteindre sa limite supérieure).

Anesthésie typique de la région anale fessière et des organes génitaux. En

dehors de cela, la sensibilité est intacte. La force musculaire du membre

droit est normale. La force musculaire de la jambe gauche est diminuée

principalement dans le segment distal. Le pied gauche est immobile. Ré-

flexes tendineux et plantaire du côté droit conservés, à gauche abolis.Gon-

flement de tout le membre inférieur gauche. Rétention et incontinence

des matières fécales, rétention de l'urine. Réflexe du sphincter anal

aboli.

Se basant sur le cours de la maladie et surtout sur l'examen par le rec-

tum, on peut affirmer ici l'existence d'une tumeur de l'os sacré, dans sa

moitié gauche principalement.

Les douleurs du sacrum, de la face postérieure de la hanche gauche, le

plus fortes dans sa région supérieure et de la fesse gauche non loin du pé-

rinée montrent que l'affection a débuté par les racines sacrées inférieures.

L'affaiblissement prédominant aux segments distaux du membre gauche

(immobilité du pied) confirme celle supposition.En sa faveur parlent aussi

l'anesthésie du périnée (bilatérale) tellement typique pour ces racines, les

troubles de la fonction des sphincters vésical et anal, et l'abolition du ré-

flexe anal.

L'affaiblissement de tout le membre inférieur gauche ainsi que l'aboli-

tion du réflexe patellaire peut être attribué à l'affection de racines loin-

TUMEURS DE LA MOELLE ÉPINIÈRE ET DE LA COLONNE VERTÉBRALE 65

baires. Elles pouvaient être touchées à cause de l'envahissement des

vertèbres lombaires par la néoformation. Cette supposition est peu

probable, parce qu'alors il y aurait lieu d'admettre des néoplasmes très

considérables, leur localisation uniquemenl dans la moitié gauche, etc.

Il est plus probable que la tumeur en s'étendant de plus en plus vers

la gauche et en avant a comprimé la veine iliaque, le nerf crural et le

plexus sciatique ; de cette façon elle a produit ainsi l'affaiblissement de

tout le membre gauche, l'abolition du réflexe patellaire, le gonflement du

membre et la paresthésie de la peau sur l'étendue de tout le membre (1).

Observation VII.

Le malade J. R..., âgé de 65 ans, est entré à l'hôpital le 6 août 1908.

Au mois d'avril l'année passée il a ressenti des picotements et des fourmil-

lements dans les deux pieds (à gauche un peu plus). Puis cette sensation a en-

vahi les membres inférieurs tout entiers. A la fin du mois de mars est

apparu l'affaiblissement des membres, le malade dut se servir d'une canne.Tout

le mois d'avril il est resté dans le service du Dr Bregmann. A ce moment-là

il pouvait bien marcher sans canne. Il se plaignait d'engourdissement et de

fourmillement des jambes. On constata alors la présence du phénomène de

Babinski et la trépidation épileptoïde du pied. Affaiblissement du pied gau-

che. En général pendant la durée de la maladie, il se plaignait davantage de la

jambe gauche. L'affaiblissement des membres croissait toujours et au bout de

deux semaines le malade ne peut plus marcher. Depuis quelques semaines,

troubles urinaires minimes (rétention d'urine de faible degré). Du côté du

rectum pas de troubles. Pas de maladies dans l'anamnèse.

Elat actuel. - Malade d'une taille moyenne, bien conformé. Les nerfs crâ-

niens ne présentent rien de notable. Les membres supérieurs de même. Les

réflexes tendineux et périostaux sont normaux.

Membres inférieurs : le malade ne peut pas marcher sans être aidé. Tenu

sous les bras,il marche lentement avec effort. La marche est paréto-spastique.

La jambe est plus touchée, un peu ataxique.

Le malade ne peut rester debout sans s'appuyer. Il chancelle. Couché il

exécute des mouvements minimes avec les membres inférieurs, surtout avec

celui du côté gauche. La jambe droite est levée en masse à la hauteur de 7 cen-

timètres au-dessus du lit,la gauche à 3 centimètres. Après quelques mouvements

le membre gauche retombe inerte. La flexion des genoux est incomplète. Les

mouvements du pied et des orteils sont plus faibles que normalement, surtout

du côté gauche. Hypertonie musculaire. La force musculaire aux mouve-

ments actifs est diminuée (à gauche plus qu'à droite). Réflexes patellaires un

peu exagérés. Réflexes du tendon d'Achille très vifs. Phénomène de Babinski

(1) La malade est morte. L'autopsie a démontré l'existence d'un sarcome de l'utérus

tt du cul-de-sac de Douglas et d'un sarcome de sacrum. La moelle épinière était in-

tacte.

nm 5

66 FLATAU .

des deux côtés. Trépidation épileptoïde du pied. La sensibilité tactile, doulou-

reuse et thermique est atteinte sur les membres inférieurs et l'abdomen jus-

qu'à la ligne passant à deux travers de doigt au-dessous de l'ombilic. La

sensibilité est plus atteinte à droite qu'à gauche. Il n'y a pas d'anesthésie com-

plète. Le malade donne des réponses fausses : le toucher est ressenti comme

une piqûre, le froid comme le chaud, et vice versa ! Des piqûres profondes sont

bien senties. Il se trompe plus rarement quand on pique son membre inférieur

gauche. La plus atteinte sous ce rapport est la zone au-dessous de l'ombilic. Le

sens articulaire est troublé des deux côtés. Il ne distingue pas la position des

doigts et même quelquefois celle du genou et de la hanche. Escarre sacrée

dans la région sacrée.

Les réllexes abdominaux supérieurs sont faibles, les inférieurs abolis. '

Le réflexe crémastérien est conservé.

Les organes internes ne présentent rien de notable. On administre le traite-

ment spécifique.

10 septembre. Le malade affirme que dans les respirations profondes, la

toux, ou quand il se mouche, il éprouve une sensation comme s'il était serré

par une ceinture. La colonne vertébrale ne présente pas de déformation. La

douleur apparaît quand on comprime la Ire. vertèbre lombaire. Le matin il

marche habituellement mieux. La nuit les jambes se plient automatiquement,

de temps en temps il y a des secousses, surtout dans la jambe droite.

23. - La marche est toujours la même. La nuit, contractions musculaires

aux jambes, surtout adroite.

Sensation de constriction en ceinture au niveau de l'ombilic. Douleurs à la

palpation des vertèbres lombaires inférieures.La sensibilité reste en même état.

Le malade refuse de se laisser opérer. Il quitte l'hôpital le 9 octobre 1908.

Résumé. Il y a 6 mois, il a ressenti des paresthésies des deux jambes,

puis des membres inférieurs tout entiers. Lesjambes sont devenues faibles,

il était forcé de se servir de canne. Douleurs du sacrum et sensation de

serrement du ventre. Affaiblissement du pied gauche puis des membres

inférieurs surtout du gauche. Depuis quelques semaines des troubles

urinaires légers.

Etat actuel. Les nerfs crâniens et les membres supérieurs ne présen-

tent rien de notable. La marche est paréto-spastique, impossible sans aide,

la jambe gauche plus faible, la tonicité musculaire augmentée dans les deux

jambes, les réllexes tendineux exagérés. Le phénomène de Babinski bila-

téral, la sensibilité (dans ses trois genres) est atteinte sur l'abdomen, au-

dessus de l'ombilic et sur les membres inférieurs (plus marquée du côlé

droit). Escarre sacrée. La sensation de serrement en ceinture doulou-

reuse, surtout pendant une profonde respiration et la toux. La nuit, des

contractions automatiques des muscles des jambes. Les vertèbres lombaires

inférieures sont douloureuses.

TUMEURS DE LA MOELLE EPINIERE ET DE LA COLONNE VERTÉBRALE 67

Dans le cas présent, les symptômes apparurent peu à peu sans dis-

continuer, en présentant des troubles toujours plus profonds. Le syndrome

de Brown-Séquard est bien marqué. Comme symptômes radiculaires il

faut considérer la sensation de serrement de l'abdomen. On ne constate

ni tuberculose ni syphilis. Le diagnostic de la tumeur médullaire au niveau

des VIlle-IX" segments dorsaux nous a paru le plus probable. Nous avons

cru devoir faire une laminectomie vu le .caractère toujours progressif

de la maladie.

L'opération fut exécutée le 29 juin 1909. On a constaté un sarcome de

la Vile vertèbre dorsale qui comprimait la moelle. Le malade est mort le

30 juin 1909.

OBSERVATION VIII.

M. Dab (1), homme de 75 ans, est entré à l'hôpital le 17 mars 1907.

Il est malade depuis 10 ans. Il a ressenti alors des douleurs du côté droit au-

dessus des côtes et en même temps commençait à boiter.

La douleur du côté gauche de même que l'affaiblissement de la jambe droite

augmenta continuellement pendant quelques années. II y a 4 an 1/2, le membre

supérieur droit est devenu faible et contracture, les membres gauches, quoique

faibles pouvaient bien exécuter tous les mouvements. Il y a 5-6 semaines et

malade fut renversé avec la petite voiture dans laquelle on le promenait et fu-

contusionné. Depuis ce temps,-dit-il, les membres gauches se contractèrent

aussi. Il n'avoue pas d'autres maladies, pas de syphilis. Sa femme n'a pas eu

de fausses couches. Il y a quelques années il a été traité par des injections (mer-

curielles) ?

Etat actuel, 17 mars 1907. Son état général est assez bon. La tête est

mobile normalement dans tous les sens. La pupille droite est plus large que

la gauche, cette dernière est grande comme la tête d'une épingle. Les deux réa-

gissent faiblement à la lumière. Les autres nerfs crâniens sont normaux.

Membres supérieurs : le membre supérieur droit est constamment con-

tracture (il est fléchi au coude, la main étendue sur la poitrine, les premières

phalanges des doigts fléchies, les deux autres étendues, les doigts en adduc-

tion marquée excepté le premier qui est étendu et en abduction). Le mem-

bre supérieur gauche pour la plupart de temps, reste étendu le long du corps.

Les contractures de la main et des doigts sont moins marquées que du côté

droit. 0

Membres inférieurs : le membre inférieur droit est contracture en

flexion, la hanche aussi bien que le genou. Le pied repose sur le lit principa-

lement par son bord interne. Le membre gauche est étendu sur le membre

droit de telle façon que le tiers inférieur de la cuisse et la creux poplité reposent

sur le dos du pied droit. Le pied gauche est en position de varus-équin.

(1) Ce cas sera publié prochainement par MM. les D' Bornstien et Sterling.

68 FLATAU

Mouvements actifs : le membre supérieur droit dispose seulement du mouve-

ment d'élévation de l'épaule, de l'adduction et de la flexion du coude à un faible

degré. La main et les doigts sont absolument immobiles. Quand le malade fait

des efforts, on voit apparaître des mouvements associés de la tête et de la main

gauche. Le membre supérieur gauche peut être levé légèrement à l'épaule,

éloigné du tronc et très lentement fléchi au coude. Ces mouvements sont ac-

compagnés des mouvements de la main droite et de la tête. Le tronc est immo-

bile. La jambe droite immobile absolument. La gauche peut encore exécuter

de faibles mouvements des doigts et une flexion minime du genou.

Mouvements passifs : Le membre supérieur droit peut être élevé en haut

jusqu'à la ligne horizontale, plus loin le mouvement est impossible à cause

d'un obstacle insurmontable qu'on rencontre dans l'articulation de l'épaule. On

constate aussi un obstacle considérable dans l'articulation du coude, de la main

et dans la métacarpo-phalangieune ; les doigts peuvent être remués facilement.

Le membre supérieur gauche a les muscles extenseurs du coude et du carpe

très contractés. Quand on fléchit la main (la gauche aussi bien que la droite)

avec effort, on voit ensuite que les doigts s'étendent lentement et se mettent

en abduction. La jambe droite peut être étendue seulement jusqu'à l'angle

droit (plus loin apparaît douleur et résistance). Les muscles adducteurs de la

cuisse résistent de même. Le pied et les orteils conservent des mouvements

passifs suffisants. La jambe gauche a les muscles adducteurs contractures

aussi bien que le genou.

Mouvements automatiques : le malade se plaint que le membre inférieur

gauche se fléchit et s'étend malgré lui.

Réflexes : le membre supérieur droit a les réflexes du triceps et périos-

tal très vifs, à gauche, ces mouvements sont même cloniques. Les réflexes patel-

laires des deux côtés très vifs (malgré les contractures). Les réflexes du tendon

d'Achille sont abolis des deux côtés (à droite on constate une flexion du pied

lente et tardive).Phénomène de Babinski des deux côtés. Les abdominaux et les

crémastériens sont abolis.

Vessie et rectum : incontinence de l'urine et des matières fécales à un faible

degré, escarre sacrée sur la fesse droite.

Sensibilité : sensibilité tactile est conservée excepté sur les doigts de

la main droite (abolie), la main même (affaiblie) et sur les deux pieds. La sen-

sibilité douloureuse est diminuée aux membres supérieurs (plus sur les doigts),

hypoalgésie sur le tronc (plus notable du côté gauche) et troubles considéra-

bles sur la jambe et le pied gauche (à droite les troubles seulement sur les

doigts). La sensibilité thermique est très atteinte sur les membres inférieurs

supérieurs et le tronc jusqu'au 11° espace intercostal.

Le froid est moins bien perçu que le chaud. Le sens musculaire troublé aux

doigts des pieds et de la main droite.

L'examen électrique n'a pas démontré de changements.

Traitement mercuriel. Il y avait des moments où il semblait qu'il y ait une

certaine amélioration (il pouvait lever sa main droite vers la hanche, exécuter

des mouvements plus amples avec sa jambe gauche. Pendant son séjour â l'60-

TUMEURS DE LA MOELLE ÉPINIÈRE ET DE LA COLONNE VERTÉBRALE 69

pital c'est-à-dire jusqu'au 15 octobre on n'a pas constaté de changements nota-

bles dans son état (La sensibilité tactile et douloureuse s'est troublée davan-

tage).

Le malade est mort le 7 novembre 1907.

L'autopsie a démontré des déformations considérables dans le canal rachi-

dien de même que dans la conformation de la moelle cervicale et dorsale.

La moelle épinière cervicale et dorsale est amincie dans le plan frontal sur

ria. 1. - 1, 2. 2. Ostéomes des corps vertébraux vus du côté du canal rachidien.

3. Arc vertébral. if. Coupe du corps vertébral.

70

FLATAU

toute sa longueur. Elle a l'aspect d'un ruban large et épais qui porte sur sa face

postérieure des dépressions sous forme de nids peu profonds.

Ces enfoncements sont tantôt plus profonds du côté gauche, tantôt du droit.

Les racines postérieures sont très modifiées.

Les enfoncements ci-dessus décrits sont des empreintes d'ostéomes ronds

et ovales qui se trouvent sur la face postérieure des corps des vertèbres. On a

scié les vertèbres cervicales dans le sens sagittal et on a pu se persuader que

ces excroissances osseuses viennent de l'os même des vertèbres (flg. 1). Nulle

part on ne trouve de traces de lésion tuberculeuse ou inflammatoire. C'étaient

par conséquent de vrais ostéomes des vertèbres. La moelle épinière est le plus

mince dans sa partie correspondant aux ne et IIIe segments cervicaux. Elle est

mince à tel point qu'on voit à travers, surtout dans sa moitié droite. Il faut

encore noter que la dure-mère était adhérente à la face postérieure du corps de

vertèbre sur un parcours de 1 centimètre dans la partie moyenne de la moelle

cervicale. La limite supérieure de cette pachyméningite externe correspond à

la IVe racine cervicale, c'est-à-dire qu'au-dessus bientôt commence la partie la

plus mince de la moelle. La plaque de pachyméningite se trouve exclusivement

sur la face antérieure de la moelle et envoie un seul prolongement vers le haut.

La dure-mère sur la face postérieure de la moelle est normale.

Les enfoncements cités plus haut correspondent aux segments suivants : un

enfoncement considérable se trouve dans la région des Ve, VIe et VILe racines

cervicales (compression évidente de la moitié droite de la moelle et des fais-

ceaux postérieurs, la moitié gauche semble n'être que déplacée). Le second en-

foncement beaucoup plus petit correspond la Ir. racine dorsale (les deux fais-

ceaux postérieurs et la moitié droite de la moelle).

L'enfoncement suivant correspond à la IIe racine dorsale (la compression de

la moitié droite est ici également plus considérable que celle de la gauche) et

aux IVe et Ve racines dorsales postérieures (peu profond, atteignait seulement

la courbe externe de la moitié droite de la moelle). Au-dessous on ne constate

pas de lésions macroscopiques. Les méninges, excepté la plaque de pachyrné-

Fm. 2. - 1. Corne antérieure gauche. -- 2. Sillon longitudinal antérieur. - 3. Cor-

don antérieur droit. 4. Corne antérieure droite. - 5. Cordon latéral droit. -

6. Racine. - 7. Cordon postérieu droit.

TUMEURS DE LA MOELLE ÉPINIÈRE ET DE LA COLONNE VERTÉBRALE 71

uingite cervicale mentionnée plus haut, ne montrent pas de lésions. Au cer-

veau pas de lésions.

Examen microscopique. Les coupes colorées par la méthode de \\reicl t

montrent que les lésions les plus considérables frappent les 11° et IVe segments

cervicaux. La coupe provenant du IIe segment cervical (fig. 2) confirme ce

qu'on a trouvé à l'examen macroscopique ; un amincissement exceptionnel

de toute la moitié droite de la moelle. La déformation externe de même que la

modification de la conformation interne ont atteint un tel degré, qu'au premier

coup d'oeil on n'arrrive même pas à distinguer la substance blanche de la grise.

Ce n'est qu'après un examen bien attentif qu'on réussit à reconnaître d'après

les points caractéristiques les deux substances. On voit alors que la moitié gau-

che est beaucoup mieux conservée que la droite. Dans la moitié gauche on dis-

tingue encore la corne antérieure bien pauvre en fibres myéliniques et cellules

nerveuses, tandis que de la corne postérieure, il ne reste plus rien à décrire.

. Dans les cordons antéro-latéraux on voit des faisceaux de libres dégénérés

sans aucune systématisation ; les mieux colorées sout les fibres autour du sillon

antérieur : assez bien aussi, une large zone autour de la racine antérieure;

presque aussi bien la région des faisceaux pyramidaux et celle de Gowers ; le

cordon postérieur est encore plus lésé; ses parties antérieure et médiane sont

sclérosées, il n'y a que quelques faisceaux de fibres tout à fait postérieurs qui

se colorent bien ; elles pénètrent comme des festons dans la profondeur des

cordons postérieurs. Il faut encore remarquer que les fibres n'ont pas la direc-

tion normale, au lieu d'obtenir leur coupe transversale comme d'habitude

on voit sous le microscope les fibres roulées en lire-bouchon ou d'une autre

manière quelconque. Le plus grand nombre de fibres coupées transversalement

se trouve dans les cordons postérieurs et par place a la périphérie des cordons

antéro-latéraux. La fibre myélinique porte le caractère de dégénérescence (ir-

régulière : amincissement et gonflement). La moitié droite de la moelle est

beaucoup plus changée : elle se présente sous l'aspect d'un triangle dont le

sommet bien effilé s'étend vers le côté externe. Il est impossible d'y reconnaî-

tre la substance grise excepté un petit reste dans la corue antérieure. Dans les

cordons antéro-latéraux se voient par place des faisceaux irréguliers de subs-

tance blanche; dans le cordon latéral la moitié antérieure ne conserve presque

plus de fibres myéliniques, sa partie moyenne a encore quelques faisceaux

myéliniques qui se sont groupés sur la périphérie et une toute mince zonule

de fibre communique avec la corne antérieure dans sa partie postérieure ;

enfin on voit les restes des libres dégénérées. Le cordon postérieur droit est

^analogue par ses modifications à celui du côté gauche : on y voit des faisceaux

raréfiés à la périphérie seulement, et de là les uns pénètrent sous forme de fes-

tons étroits vers le centre de cordon, d'autres finissent sur place. Les racines

antérieures et postérieures sont bien conservées, la racine antérieure montre

très peu de libres dégénérées. 1

Dans le IV. segment cervical, la moelle épinière comprimée d'avant en

arrière a pris la forme d'un mince ruban, plus large à son bout gauche, plus

étroit à droite.

72 FLATAU .

Quant à la configuration interne elle y est mieux conservée. La substance

grise conserve la forme caractéristique d'un H, mais elle est très clairse-

mée (réseau des fibres myéliniques peu serré). Les mieux conservés restent

les cordons postérieurs,surtout les faisceaux de Goll ; les faisceaux de Burdach

démontrent une démyélinisation diffuse surtout du côté gauche. Les cordons an-

téro-latéraux sont également lésés, on y voit la dégénérescence des fibres dif-

fuses et des foyers de sclérose. La disposition de ces foyers est ici également

assez étrange, et le trajet des différents faisceaux prend la forme en zig-zag.

Les racines postérieures sont dégénérées des deux côtés, les fibres coupées

longitudinalement sont irrégulières en chapelet. La dure-mère pèse par son

épaisseur sur la face antérieure de la moelle.

Dans cette partie de la moelle tout à fait défigurée on constate en allant vers

le haut et vers le bas les modifications suivantes :

Dans le premier segment cervical la substance blanche et la grise conservent

leur configuration habituelle et leur rapport mutuel, tandis qu'extérieurement

la moelle a changé sa forme : elle est comprimée latéralement, et sa moitié

gauche occupe une position beaucoup plus antérieure que la droite. La moitié

gauche est plus large que la droite. La substance blanche et grise vient de

pair avec cette épaisseur inégale de la moelle. Le réseau myélinique de la

substance grise est normal. Les cordons postérieurs de la substance blanche

sont sclérosés, surtout le faisceau de Goll et la partie voisine du faisceau de

Burdach; dans ces foyers sclérosés on trouve des îlots des fibres normales qui

vont sous forme d'étroites languettes vers le centre. On constate aussi une

zone de fibres assez bien conservées le long de la commissure grise et à côté

de la partie antérieure des cornes postérieures. Dans les cordons latéraux : on

voit une dégénérescence notable sur la périphérie du cordon droit et bien moins

nette du côté gauche. Dans les cordons antérieurs il y a une démyélinisation

diffuse sans foyers scléreux distincts. Il faut attirer l'attention sur un point

que nulle part les fibres ne sont coupées transversalement mais qu'elles par-

courent obliquement ou horizontalement comme on le voit dans le bulbe.

Fio.3 3

TUMEURS DE LA MOELLE ÉPINIÈRE ET DE LA COLONNE VERTÉBRALE 73

Quant à la nature de ces lésions, nous les considérons dans les cordons posté-

térieurs et latéraux comme une dégénérescence secondaire en partie au moins.

Plus bas on constate dans les segments cervicaux inférieurs de même que

dans les dorsaux supérieurs et moyens des défigurations de différentes sortes :

Tantôt la moelle est comprimée dans le sens frontal, tantôt dans le sens sagit-

tal, sa moitié gauche étant déplacée plus en avant ou plus en arrière elle

porte des enfoncements plus ou moins profonds de sa périphérie. En outre,

dégénérescence descendante dans les deux faisceaux pyramidaux latéraux et

antérieurs (fig. 3), mais pas de dégénérescence dans les cordons postérieurs. A

côté de ces lésions (dégénérescence descendante) on voit sur les différentes

coupes des places clairsemées (démyélinisation) dépendant des compressions

exercées par les ostéomes à différents niveaux. La dégénérescence secondaire

des voies pyramidales croisées se poursuit jusqu'à la moelle lombaire et sacrée,

tandis que la voie directe devient normale déjà au niveau des segments cervi-

caux inférieurs. Les coupes colorées par la méthode de Weigert démontrent

une augmentation notable des vaisseaux sanguins qui sont dilatés en même

temps que gorgés de sang. Sur les coupes colorées par'l'hématoxyline et l'éosine.

cela se voit mieux.

Cette dernière coloration démontre encore que les changements les plus

considérables correspondent à la moelle cervicale la plus comprimée. Outre la

configuration modifiée dont on a parlé plus haut, on y voit sur toute la péri-

phérie de la moelle et surtout le long de sa moitié droite plus mince, la pie-mère

et l'arachnoïde épaissie, rappelant par sa structure la toile choroide du cerveau.

Sur les coupes on est frappé par le nombre considérable des vaisseaux sanguins

et par la quantité notable de noyaux. Les parois vasculaires sont par place

épaissies, les vaisseaux dilatés gorgés de sang. Les cloisons de la pie-mère

accompagnent les vaisseaux ; comme elles sont épaissies, les colorations sur la

coupe les montrent comme de larges faisceaux rouges dessinant un réseau assez

étrange. Le nombre de vaisseaux est sans doute augmenté, et sur les coupes

colorées par la fuchsine on peut se persuader qu'il s'agit non seulement des

capillaires dilatés mais des vaisseaux néoformés.

On voit des corpuscùles amyloïdes assez nombreux et davantage que dans

un segment moins atteint, le troisième par exemple ; ils sont disposés dans la

substance blanche aussi bien que dans la grise, les plus nombreux correspon-

dant aux cordons postérieurs.

L'augmentation du nombre des vaisseaux sanguins et des noyaux se voit

dans tous les segments comprimés par les ostéomes, et cela est surtout marqué

dans le segment le plus atteint.

Dans le Il- segment cervical on ne trouve presque plus de cellules nerveuses ;

ça et là on distingue le contour d'une cellule pâle, [sans cylindraxe avec les

restes de corpuscules de Nissl décolorés. L'examen des noyaux vus sous l'im-

mersion démontre, qu'il s'agit non seulement des noyaux de névroglie mais

aussi des cellules qui sont en rapport avec les vaisseaux (pour la plupart des

cellules endothéliales). On y voit une néoformation de vaisseaux, les cellules

se groupent le long de la lumière vasculaire bien étroite, par place elles sont

74 FLATAU

tellement serrées qu'on ne distingue pas entre elles de globules rouges. Par

place ces cellules restent tout à fait isolées, elles rappellent les Stâbchenzellen

de Nissl. Quant aux cellules nerveuses, d'autres segments.médullaires, elles

présentent toutes des caractères de dégénération plus ou moins prononcée :

sur les coupes provenant du ZIP segment cervical par exemple on constate

un nombre'de cellules nerveuses diminuées et toutes les cellules des cornes

antérieures plus ou moins dégénérées. Cette dégénérescence consiste en ce

qu'elles sont plus petites, rondes, souvent privées des prolongements ou

n'en présentent qu'un seul qui bientôt se perd. On peut voir encore les corpus-

cules de Nissl mais à l'état de chromaltoyse. Le noyau n'a pas de limites bien

tranchées ; le nucléole sans changement ; la chromatine en quantité normale.

Dans les cas ci-dessus décrits,il s'est agi de 7 tumeurs malignes (carci-

nomes, sarcomes) de la colonne vertébrale et d'une tumeur seulement de

nature bénigne (ostéome).Ces quelques cas,de même que ceux publiés par

d'autres médecins, nous serviront comme illustration de l'état actuel du

diagnostic de l'anatomie pathologique et de la thérapeutique des tumeurs

vertébrales.

La description détaillée de ces tumeurs se trouve dans la monogra.

phie de Schlesinger (1898).

Pour 35.000 autopsies faites à l'hôpital de Vienne pendant 18 ans, on

a eu 151 cas de tumeurs de la moelle épinière ou des méninges et des

parois c'est-à-dire de la colonne vertébrale.

Quant à la nature des tumeurs vertébrales (au cours de 17 ans, à l'Ins-

titut anatomique à Vienne, on autopsiait 97 cas), voici la classification :

TUMEURS DE LA MOELLE ÉPINIÈRE ET DE LA COLONNE VERTÉBRALE 75

émettent la même opinion (Schlesinger, Oppenheim, Bruns, etc.). Dans

la statistique de Schlesinger nous lisons que le carcinome de la colonne

vertébrale, qui est probablement toujours secondaire, atteint le plus sou-

vent les personnes qui l'ont eu au sein. Oppenheim de même a eu 22 cas de

carcinomes de la colonne vertébrale, dont 18 avaient eu leur localisation

primitive au sein. Assez souvent aussi, la tumeur primitive siège dans les

bronches, l'oesophage, le corps thyroïde, l'utérus, l'estomac, les reins, etc.

Il faut toujours se rappeler que les fortes douleurs de la colonne verté-

brale (ou de la région des nerfs sciratlryees comme on le verra plus loin)

survenant chez une femme d'dge moyen on avancé, qui a eu déjà une

tumeur au sein, font penser (1 la possibilité d'une métastase dans la co-

lonne vertébrale. L'aspect de la cicatrice post-opératoire après l'ablation

du sein et les fortes douleurs éprouvées dans la colonne vertébrale sont

tellement caractéristiques que le diagnostic s'impose par soi-même.

Billroth affirme qu'il rencontrait le carcinome de la colonne vertébrale

chez les femmes qui ont eu la forme spéciale (squirrhe) du carcinome, la

néoformalion du sein était si minime qu'il a fallu que le médecin attirât

sur elle l'attention de la malade. Charcot également a remarqué que le

cancer de la colonne naît à la suite de formes dures du cancer du sein.

Le temps, qui sépare la tumeur primitive de sa métastase dans la colonne,

est différent. Le plus souvent il n'est pas long. Dans un de nos cas (obs.l)

depuis l'opération du cancer du sein jusqu'à la mort il s'est écoulé six mois

seulement. Dans d'autres (obs. III), depuis la première opération de

l'utérus (cancer) jusqu'à l'apparition des symptômes de la tumeur de la

colonne vertébrale, il s'est écoulé cinq ans. Quelquefois cette période est

encore plus longue. Dans ma pratique privée j'ai vu des cas où elle était de

plus d'une dizaine d'années. Oppenheim également, dans des cas excep-

tionnels a constaté un intervalle aussi long (onze ans).

Dans le cas publié par Spiller et Weisenburg, l'opération du cancer

du sein fut exécutée douze ans avant l'apparition du carcinome de la

colonne. Il y a un cas publié par Rénon et Tixier où 28 ans se passèrent

avantque la tumeur primitive du sein donnât la métastase dans le cerveau.

Quant aux tumeurs d'autre nature, nous dirons seulement à propos

du sarcome, qui occupe la deuxième place parmi toutes les tumeurs, qu'il

peut naître primitivement dans les vertèbres.

Mais le plus souvent la tumeur vertébrale provient des organes voisins

(médiastin, péritoine, rectum, pharynx) d'où elle passe dans la colonne

vertébrale, souvent aussi à travers l'es trous de conjugaison, dans le canal

rachidien et la moelle.

Les autres tumeurs peuvent être des métastases ou naître dans diffé-

rentes zones de la colonne vertébrale (myélome). Les ostéomes peuvent être

76

FLATAU U

primitifs dans les vertèbres. De même les échinocoques, qui peuventpéné-

trer aussi bien en dedans du canal rachidien qu'en dehors de la colonne

(Wilms). Borchardt et Rothmann supposent que l'échinocoque se déve-

loppe surtout dans la plèvre et non dans l'os de la vertèbre.

Quant aux symptômes de la maladie, on distingue dans le tableau cli-

nique des tumeurs vertébrales des symptômes osseux, radiculaires et mé-

dullaires. Dans le cas de carcinome de la colonne vertébrale, le symptôme

osseux le plus remarquable c'est une cyphose arquée (Bruns, Schlesinger),

rarement une bosse pointue, rappelant celle de la spondylite tuberculeuse.

On observe quelquefois un aplatissement latéral des vertèbres (Schlesin-

ger). Parfois les malades diminuent de taille, il se produit du tassement

(Guinon, Chai cot). Les myélomes de la colonne vertébrale peuvent donner

également une cyphose arquée (Thomas), un aplatissement des vertèbres

(Zahn) et un raccourcissement de tout le corps (ilarchwald). Il faut avoir

toujours présent à l'esprit que même dans le cas de carcinomatose très

abondante et diffuse, la colonne peut ne pas présenter de déformations

(localisation centrale des tumeurs). Comme trait le plus caractéristique

du carcinome vertébral il faut considérer la lente et graduelle apparition

d'une saillie arquée (on note ce caractère dans l'observation II). Quant

aux autres symptômes il faut mentionner la douleur des vertèbres à la

palpation. Néanmoins ce caractère manque souvent (Schlesinger, Thoma-

yer). Quelquefois une seule vertèbre est douloureuse, tandis que la lésion

est très étendue (Bruns). Schlesinger attire l'attention sur ce fait que la

douleur est provoquée non par la compression sur la ligne médiane mais

un peu vers le côté (aux lieux correspondant aux foyers carcinomateux).

Assez souvent, apparaît la raideur de la colonne. Nous basant sur l'expé-

rience personnelle nous pouvons affirmer que ce caractère n'est pas

aussi prononcé que dans le cas de spondylite tuberculeuse ou dans la

maladie de Bechterew ou de Marie.

Nous passons aux symptômes radiculaires et voulons tout au débutatli.

rer l'attention sur leur valeur diagnostique. Les douleurs sont tellement

fortes et pénibles qu'on ne peut les comparer il celles d'aucune autre

affection. Billroth dit qu'il ne connaît pas de maladie plus désespérante,

surtout à cause de sa longue durée. Dans un de nos cas, la malade quoi-

que en pleine santé psychique voulait attenter à ses jours... tant ses

douleurs étaient atroces. Fort rarement les douleurs sont insignifiantes

(Oppenheim).Il peut arriver aussi qu'ij y ait des périodes d'accalmie (Mun-

delius), mais leplus souvent les douleurs sont constantes. A ces malades

on doit donner la morphine. Un de mes malades s'en injectait plusieurs

fois par jour dès quelques mois avant sa mort.

Il y a des cas où les douleurs disparaissent pendant un certain temps,

TUMEURS DE LA MOELLE ÉPINIÈRE ET DE LA COLONNE VERTÉBRALE 77

puis reviennent avec une force redoutable. Quelquefois elles sont provo-

quées par un effort musculaire (Bruns).Les douleurs siègent dans la colonne

vertébrale et se propagent de là sous forme des névralgies intercostales ou

sciatiques. La sciatique bilatérale surtout doit évoquer le soupçon qu'il

s'agit plutôt d'une tumeur vertébrale (Charcot). Minor et d'autres font

remarquer que la douleur dans la région sciatique peut être le premier

symptôme d'une métastase du cancer du sein dans les vertèbres. Dans le

cas décrit par Friedeberg la douleur sciatique-fut le premier symptôme

d'un échinocoque du sacrum. Outre les nerfs précités la névralgie peut

frapper le nerf cubital. '

Il arrive que les malades se plaignent d'une hyperesthésie générale de

la peau. Le simple toucher leur fait mal.

Les douleurs peuvent siéger dans d'autres endroits que la colonne ver-

tébrale. Il n'est pas rare que les malades ne ressentent pas de douleurs

dans les vertèbres, mais dans les espaces intercostaux (obs. III) ou dans

les membres. Quelquefois la douleur apparaît dans les vertèbres à une

période avancée de la maladie.

Quant aux autres symptômes radiculaires, les anesthésies sont très rares.

Il y a parfois des symptômes du côté des racines antérieures, sous forme

de contractions spastiques, paralysies et atrophies des différents muscles.

Il ya des cas où, à la suite de compression des racines médullaires (sans

atteindre la moelle épiiiièt-e), se produit la paraplégie ou l'hémiplégie

(paraplégie ou hémiplégie douloureuse des cancéreux, Charcot). Ces cas

rares surviennent surtout au cours des tumeurs siégeant dans la région

lombaire ou cervicale, on note alors l'apparition d'herpès, d'atrophie

musculaire et de contractures (Charcot).

Un tableau analogue (paraplégie douloureuse) peut s'observer dans le

cas de sarcome vertébral comme par exemple dans le cas décrit par Deje-

rineet Spiller (sarcome de l'os sacré avec lésion des racines sacrées et de

quelques lombaires sans lésions de la moelle). Mais en général tous ces cas

ne font qu'exception. Le plus souvent la masse néoplasique des vertèbres

passe par les méninges, la dure-mère, la moelle épinière et provoque des

symptômes médullaires. Quant à ces derniers ils rappellent tout à fait le

tableau clinique d'une myélite transverse. Les symptômes entrent en scène

rapidement ou insidieusement ; dans le premier cas nous voyons une para-

lysie flasque avec troubles profonds des sphincters, avec perte des réflexes

et de la sensibilité ; dans le second, une paralysie spastique.

En somme les symptômes rappellent ceux qu'on observe au cours de la

carie vertébrale.

Les troubles trophiques (herpès) et vasomoteurs (oedème) surviennent

rarement.

78 FLATTA U '

Le tableau décrit ci-dessus est nécessairement un peu schématique. Il

faut se rappeler que dans chaque cas les symptômes peuvent se combiner

de différentes manières Il arrive assez souvent aussi que malgré l'exis-

tence incontestable du cancer vertébral, le malade pendant un temps assez

long ne présente d'autres symptômes que de fortes douleurs caractéris-

tiques. Dans quelques cas nous avons pu observer que longtemps il n'exis-

tait que l 'exagération des réflexes tendineux des membres inférieurs, sans

affaiblissement de la force musculaire, sans troubles sensitifs ou sphincte-

riens ; à côté des douleurs c'était l'unique symptôme qui indiquât l'exis-

tence de la tumeur.

Dans d'autres cas il y a des atrophies musculaires localisées sans réac-

tion de dégénérescence (par exemple la région fessière d'un côté, les mus-

cles du bras, etc.).

Il est facile de comprendre que dans ces cas nous ne pouvons diagnosti-

quer la nature de la maladie que lorsque les symptômes cliniques et

l'existence de tumeurs dans d'autres régions du corps indiquent la possi-

bilité de métastase vertébrale. Pour démontrer à quel point les symptômes

sont inconstants on peut citer le fait que Schlesinger a pu constater des

cancers vertébraux dans des cas qui durant la vie ne décelaient aucun

symptôme clinique.

Dans le tableau décrit ci-dessus nous avons donné la description d'une

forme de néoformation : « cancer de la colonne vertébrale u. Quant aux

aulres tumeurs malignes, leurs traits caractéristiques sont à peu près ana-

logues. Le diagnostic différentiel se déduit de la nature du néoplasme

(sarcomes, myélomes, etc.).

Il faut attirer l'attention sur ce point encore que le tableau clinique

même des tumeurs malignes peut être interrompu par une rémission.

Ainsi par exemple dans un cas (obs. V) après deux années de douleurs il

est survenu une accalmie de six mois. Oppenheim dit que dans le cas de

sarcome cette période exempte de douleurs peut durer encore plus long-

temps, quelques années par exemple.

Dans les cas de tumeurs d'autre nature il y a également des combinai-

sons des symptômes osseux, radiculaires et médullaires. Quelquefois la

maladie débute brusquement. Dans le cas décrit par Bliss le malade res-

sentait auparavant des douleurs de la colonne vertébrale et de la raideur de

la nuque. Tout d'un coup il éprouve la sensation de froid, la douleur

et une paraplégie complète s'établit (sarcome des vertèbres). Nonneégale-

ment a décrit des cas de sarcomatose et carcinomatose vertébrale qui se

développaient sous l'aspect de myélite aiguë transverse. Ballet et Barbé ont

décrit un cas où la malade s'est réveillée avec une paraplégie complète

(aclinomycose des VIIc et Xle vertèbres dorsales). Frich a décrit un cas

TUMEURS DE LA MOELLE ÉPINIÈRE ET DE LA COLONNE VERTÉBRALE 79

où la paraplégie avec des symptômes d'inflammation aiguë de la moelle

est apparue un mois après le début de la maladie.

Mais il faut bien se rappeler que les myélites aiguë ou subaiguë peu-

vent résulter d'une intoxication au cours du développement de tumeurs

malignes, la compression peut donc ne pas intervenir dans la production

du tableau de la myélite. Ce fait a une importance énorme quand il s'agit

du traitement opératoire. Nous en parlerons plus loin, lorsque sera exami-

née la structure anatomique de la. moelle frappée par la tumeur maligne.

Une forme de tumeur bénigne, l'ostéome de la colonne vertébrale, mé-

rite une attention spéciale. Dans notre cas (obs. VIII) de même que dans

ceux décrits par Bielschovsky, Schlesinger, le tableau clinique se déve-

loppa très lentement et donna en fin de compte des phénomènes spastiques

très prononcés et des contractures des membres. Notre malade faisait l'im-

pression d'un individu auquel le courant électrique a contracté les

fléchisseurs des mains et des jambes et les a laissés dans telle position

forcée.

Dans le cas de Schlesinger la paralysie spastique a fait place à la para-

lysie flasque ; dans notre cas de même que dans celui de Bielschovsky ces

contractures ont persisté jusqu'à la mort, ou jusqu'au moment de l'opéra-

tion avec issue mortelle.

Dans les cas d'enchondrome de la colonne vertébrale la maladie peut

devenir chronique (par exemple d'urée de 5 ans dans le cas d'Oppenheim et

Krause).

Le tableau clinique dans d'autres formes de tumeurs (échinocoque,

angiome, endothéliome) ne diffère pas sensiblement de celui de la com-

pression ordinaire de la moelle (les symptômes de la compression médul-

laire en combinaison avec les symptômes du côté des vertèbres)

La nature des tumeurs est décelée seulement sur la table d'autopsie.

Quant au diagnostic différentiel des tumeurs vertébrales, il est très

difficile de les distinguer de la carie vertébrale. La ressemblance est telle

qu'il y a des auteurs qui décrivent une forme spéciale de sarcome vertébral

sous le nom de mal de Pott sarcomateux (Haymond -Alq uier, cas de Poufain,

Pfeiffer). C'est une forme bien rare, puisque Raymond et Alquier n'eu

ont constaté qu'un cas sur 950 autopsies faites à la Salpêtrière depuis

1895 jusqu'à l'année 1907.

Schlesinger donne les indications suivantes pour distinguer la tumeur

delà carie. Premièrement la forme de la saillie vertébrale (dans le cas de

carie elle est rarement arquée, dans le cancer, souvent). Le déplacement

latéral des apophyses épineuses (dans la carie il ne se produit pas, dans le

cancer, assez souvent). L'apparition des douleurs des corps vertébraux, qui

restent indolores à la palpation parle plutôt en faveur du cancer. Les

80 O FLATAU '

douleurs apparaissant à la compression de la région voisine de la colonne

vertébrale sans douleurs des corps vertébraux mêmes et sans douleurs

pendant les secousses rapides imprimées à la colonne vertébrale parlent

en faveur du cancer. Les troubles trophiques de la peau et le zona parlent

en faveur du cancer. La dégénérescence des tumeurs de même que la

formation des abcès froids parle en faveur de la carie. La constatation de

la tuberculose dans d'autres organes ou des tumeurs primitives surtout

osseuses. Tare héréditaire dans l'une ou l'autre direction. Les douleurs

radiculaires pendant de longues années parlent en faveur du cancer. Les

fractures des os longs parlent en faveur des tumeurs.Examen du sang : une

leucocytose parle en faveur du néoplasme, sarcome en particulier.

Tous ces points distinctifs peuvent induire en erreur, surtout quand

existe la lièvre, ce qui arrive souvent au cours de carcinomatose aussi

bien qu'au cours de sarcomatoses (Bruns). Ce n'est que le développement

ultérieur de la maladie qui met le diagnostic sur la vraie voie.

En outre, Bruns attire l'attention sur le fait qu'au cours du cancer ver-

tébral les symptômes osseux et radiculaires peuvent prendre naissance

en un point éloigné du foyer principal, de sorte qu'on constate uniquement

les symptômes médullaires. Même la paraplégie aiguë peut constituer le

premier symptôme morbide. Quelquefois quand la tumeur occupe la par-

tie postéro-latérale des corps vertébraux ou leurs apophyses transverses,

les symptômes décompression radiculaires peuvent apparaître sans qu'il

y ait des troubles du côté de l'os ou de la moelle épinière (Bruns).

L'année dernière nous avons eu recours systématiquement à la réaction

de Pirquet et de Calmette pour déceler la forme discrète de spondylite

tuberculeuse. La réaction de Calmette fut bientôt mise de côté à cause

de l'inflammation de la conjonctive qui s'installa dans quelques cas. La

réaction de Pirquet était en général très bien supportée. Bien qu'il nous

soit encore difficile de dire si cette réaction a une valeur réelle, nous pou-

vons affirmer que souvent elle nous a rendu de bons services, notamment

dans quelques cas où l'on hésitait entre la carie vertébrale et la tumeur

de la moelle. La réaction de Pirquet était positive et dans la suite la

maladie s'est montrée de nature tuberculeuse. Souvent pour la contrôler

nous l'avons appliquée dans différentes maladies nerveuses de nature non

tuberculeuse (sclérose en plaques, hémiplégie, etc.) et la réaction fut pour

la plupart négative. Quant aux autres moyens de faciliter le diagnostic, les

roentgenogrammes n'ont pas rendu de services. Il n'y eut que quelques

cas detumeurs osseuses dans lesquels cette méthode s'est montrée utile

(exostose dans le cas de Bielschovsky, le cancer de la moitié gauche du sa-

crum dans le cas de Leyden-Bassenge).

Le diagnostic différentiel doit être fait avec les névralgies, l'ostéite dé-

TUMEURS DE LA MOELLE ÉPINIÈRE ET DE LA COLONNE VERTÉBRALE 81

formante, la rigidité de la colonne vertébrale, l'anévrisme de l'aorte,

J'actinomycose, etc.

ANATU31lE PATHOLOGIQUE.

Les lésions qu'on peut constater dans la moelle épinière au cours d'une

tumeur vertébrale peuvent être différentes selon la manière dont se com-

portent les masses néoformées ; pénètrent-elles dans le canal rachidien

ou se limitent-elles dans les corps vertébraux mêmes en touchant les ra-

cines à travers les trous de conjugaison. Il est à noter ici deux faits im-

portants : a) que malgré l'existence d'une tumeur vertébrale la moelle épi-

nière peut être parfaitement normale macro et microscopiquement

(quoique pendant la vie les symptômes médullaires forment une partie

du tableau morbide) ; b) qu'il y a des cas dont le tableau clinique simule

entièrement celui d'une tumeur vertébrale maligne avec troubles mé-

dullaires et où l'autopsie démontre qu'il y avait des tumeurs ailleurs (non

dans la colonne vertébrale), et dans la moelle des changements toxiques

(myélite toxique).

L'anatomie pathologique des lumeurs vertébrales se présente schéma-

tiquement comme il suit : '

I. Tumeurs vertébrales malignes sans lésions médullaires ou avec

des lésions nécrobiotiqztes. (pendant la vie existence de symptômes

médullaires).

Il est décrit un cas de sarcome vertébral, qui donna tout d'un coup une

paraplégie, l'examen microscopique ne démontra rien d'anormal dans la

moelle (Bruns). Dans un autre cas on fit le diagnostic de carcinome des

vertèbres cervicales ; il y avait des phénomènes spastiques du côté des

membres inférieurs ; l'autopsie n'a démontré aucune lésion macro (Bruns)

ou microscopique de la moelle suffisante (Spiller-Veisenbur). Dans un

de nos cas (obs. I) il n'y avait pas de lésions macroscopiques de la moelle

au cours du cancer vertébral. Les lésions microscopiques étaient minimes

(une vascularisation plus riche des segments dorsaux inférieurs et lom-

baires supérieurs, de même qu'un léger épaississement et la dilatation des

vaisseaux et cloisons dans d'autres régions de la moelle). Quant à cette

vascularisation des différentes régions médullaires, il faut dire que dans

un cas de carcinome du sein (Spiller- Weisenburg) où il y avait de symp-

tômes cérébraux, on constata à côté de lésions insignifiantes des cellules

'nerveuses et des cylindraxes, une congestion notable de l'isthme de l'encé-

phale et de l'écorce. Dans un cas décrit par Nonne (une paraplégie flas-

que) où il y avait un carcinome multiple de la prostate, des os et des

XXIII (j

82 FLATAU

vertèbres, on constata une récente dégénérescence nécrotique de toute la

coupe transversale de la moelle lombaire supérieure et dorsale inférieure,

Nonne en conclut qu'au cours d'une carcinomatose générale une affection

aiguë de la moelle peut naître sans qu'il y ait une localisation médullaire

des masses néoformées.

IL Les tumeurs vertébrales malignes compriment les racines,

sans pénétrer dans le canal rachidien .

A cette catégorie appartiennent des cas décrits ci-dessus. Dans l'un d'eux

(obs. I) on constata des masses cancéreuses diffuses dans la colonne verté-

brale sans pénétration dans le canal rachidien. Les fortes douleurs en

ceinture que le malade a éprouvées doivent être mises sur le compte d'une

compression des racines médullaires ou de leur envahissement par le

processus néoplasique.

Dans l'autre cas (obs. VI) on constata à l'autopsie l'envahissement des

vertèbres et des trous de conjugaison par la néoformation. Le canal

rachidien était resté tout à fait libre. A la même catégorie appartiennent

les cas d'autres auteurs qui constatèrent à l'autopsie des tumeurs verté-

hrales, tandis qu'ils constataient pendant la vie les douleurs à type radi-

culaire.

ITL- Les lumeurs vertébrales pénètrent dans le canal rachidien jus-

qu'à la dure-mère, mais la laissent intacte en comprimant tout de

même la rnoelle.

Il y a toute une série de cas décrits où les masses néoformées dans les

vertèbres augmentent dans la direction de la moelle et arrivent à la

dure-mère. On peut l'observer dans les cas de cancer (Bielschovsl.y,Spiller-

Weisenburg et d'autres) aussi bien que dans ceux de sarcome (Raymond-

Alquier, Stertz) et d'actinomycose (Ballet-Barbé). Dans ces cas la

moelle était comprimée et mollasse. A l'endroit de la compression la moelle

présente des contours internes modifiés, c'est-à-dire que les limites entre la

substance blanche et la suhstance grise disparaissent et les deux substances

perdent leur structure normale. L'examen microscopique démontre ordi-

nairement l'aspect aréolaire de la substance blanche. Le gonflement des

gaines de myéline, leur dégénération, la formation de larges mailles vides,

le gonflement ou la disparition des cylindraxes, une faible prolifération

de la névroglie. La dégénération frappe les fibres d'une manière diffuse

ou se dispose en petits foyers. Les changements les plus notables ont lieu

dans les cordons postéro-laléraux. On peut souvent reconnaître une rela-

tion entre les changements précités et l'étal des vaisseaux et des cloisons

TUMEURS DE LA MOELLE ÉPINIÈRE Er DE LA COLONNE VEUTÉBRALE 8,1

(nous en parlerons plus loin quand il sera question des lésions histopatho-

logiques de la moelle au cours des tumeurs extravertébrates).

Nous mentionnerons ici brièvement que, dans les cas de tumeurs bé-

nignes (ostéome) qui pénètrent dans le canal rachidien et compriment la

moelle, peuvent apparaître des lésions considérables à l'endroit de com-

pression et de dégénérescence secondaire. Ces lésions sont analogues à

celles qui se produisent sous l'influence des tumeurs intradurales (v. plus

loin IIIe partie). - 1

IV. - Les tumeurs vertébrales pénètrent dans le canal rachidien, tra-

versent la dure-mère et attaquent la moelle épinière même.

Ce sont les cas où les masses néoformées, après avoir envahi la dure-

mère, pénètrent le long des racines médullaires ou à travers la pie-mère

vers la moelle même (le cas de Stertz, sarcome des vertèbres, et de

Taylor-Waterman, cas de cancer). Exceptionnellement les foyers des tu-

meurs métastatiques se produisent au sein de la moelle (Chiari).

Lorsque la tumeur est localisée dans le sacrum, peuvent être attaqués

uniquement les filets de la queue de cheval (cas de Dejerine-Spiller).

Dans un cas d'angiome sortant de l'os, la moelle a pris la forme d'un

mince ruban (Gerhardt). ,

Nous avons déjà mentionné de ces cas étranges et paradoxaux, mais

néanmoins très importants ? oùles tumeurs malignes localisées dans diffé-

rents organes donnent des symptômes qui simulent entièrement la tumeur

vertébrale avec ses phénomènes médullaires. Ainsi par exemple de Buck

a décrit un cas du cancer du sein et du foie, où il y avait de fortes dou-

leurs du nerf sciatique, des deux membres inférieurs, des vertèbres, dou-

leurs en ceinture, rétention des urines, paralysie, affaiblissement ou

abolition des réflexes et enfin la mort quelques mois après l'opération

du cancer du sein. A l'autopsie on constata l'infiltration cancéreuse du

foie. La moelle et les vertèbres étaient normales macroscopiquement.

L'examen microscopique démontra des lésions des nerfs périphériques et

delà moelle. Cette dernière présentait le tableau d'une myélite toxique

(décrit par Meyer, Crocq et d'autres) ou celui de la moelle des gens

atteints d'anémie pernicieuse (Minnich, etc.). De Buck croit avec raison

que ces lésions sont dues à l'influence des toxines.

L'examen détaillé de cette importante question nous mènerait trop loin

(v. l'anatomie pathologique des tumeurs extravertébrales dansla IIepar-

tie). Nous ferons seulement remarquer que les tumeurs malignes des or-

ganes même très éloignés de la moelle et du cerveau peuvent s'accompagner

de symptômes médullai l'es aussi bien que de symptômes bulbaires et céré-

84

FLATAU

braux (périphériques aussi) et que l'autopsie a) ne démontre rien dans

cesorganes nerveux ou b) révèle des dégénérations qui n'ont pas de caractère

cancéreux ou c) fait connaître des lésions cancéreuses (tumeurs ou inlil-

tration cancéreuse des méninges et envahissement du tissu nerveux).

Dans les deux premiers cas il s'agit évidemment de « toxines » inconnues

(d'origine cachectique ou provenant des cellules du néoplasme malin)

qui ont une action chimique et dynamique sur la cellule nerveuse et

provoquent des troubles dans son fonctionnement, sans produire toutefois

des changements de tissu nerveux (a) constatables avec nos moyens d'in-

vestigation, ou donnent des lésions sous forme de dégénérations diffuses

ou en foyer (b).

Dans le troisième cas (c) les lésions cancéreuses peuvent naître dans le

cerveau et rarement dans la moelle et y former des foyers cancéreux ou

une infiltration cancéreuse des méninges molles et du tissu nerveux.

L'infiltration cancéreuse occupe alors les espaces lymphatiques périvas-

culaires et péricellulaires. Bruns décrit un cas où l'infiltration cancé-

reuse occupe uniquement la face interne de la dure-mère et les racines,

tandis que les méninges molles et la moelle sont restées libres.

Parmi les auteurs qui s'occupent de la questionnes uns veulentplutôt voir

l'influence des toxines dans la production de ce phénomène, ou tout au

moins l'acceptent pour certains cas (Oppenheim, Nonne, Spiller-Weisen-

burg, Finkenburg, Rénon Tixier, Meyer, de Buck, Homén, Lubarsch) ; les

autres au contraire sont d'avis que les symptômes cérébraux et médullaires

dépendent du processus cancéreux, que nous ne pouvons pas constater

à l'oeil nu, mais qui est décelé au moyen du microscope (infiltration can-

céreuse) (Fischer, Marchand, Saenger, Heyde-Curschmann, Peabody,

Rehn, etc.).

Il nous semble le plus probable que dans certains cas entrent en jeu les

lésions cancéreuses proprement dites, dans d'autres les lésions produites

par les toxines.

En tous cas il faut avoir présents à l'esprit les faits mentionnés quand

on diagnostique la tumeur vertébrale, surtout quand on cherche à expli-

quer anatomiquement les symptômes médullaires.

Dans notre premier cas on pouvait supposer que la tumeur avait passé

des vertèbres dans la moelle ou au moins dans les méninges. L'autopsie dé-

montra la fausseté de cette supposition. L'examen microscopique fut

presque négatif. Il nous reste à penser que le cancer vertébral a donné

des toxines qui produisirent des changements dynamiques imperceptibles

ou presque imperceptibles dans la moelle (congestion sanguine ! ). Ces

changements ont été capables de donner des symptômes médullaires.

TUMEURS DE LA MOELLE ÉPINIÈRE ET DE LA COLONNE VERTÉBRALE 80

THÉRAPEUTIQUE.

Le traitement chirurgical des tumeurs vertébrales n'a pas jusqu'à pré-

sent été suivi de succès. La plupart des neurologues et chirurgiens sont

d'avis qu'il faut travailler assidûment pour perfectionner la technique et

les indications opératoires.

Les résultats qu'on a obtenus jusqu'à présent dépendent bien de la na-

ture des tumeurs. On a opéré quelquefois les cancers vertébraux (Saenger,

cas de cancer des Villa et IXe vertèbres dorsales; Putnam etElliot, cas de

cancer des dorsales inférieures et lombaires supérieures, etc.). L'issue fut

mortelle. Il n'y eut même pas d'amélioration passagère.

On obtient de meilleurs résultats dans les cas de sarcome. L'opération

de Kümmell en est un exemple. Il enleva la moitié gauche du sacrum. La

guérison s'en suivit, puis une autre tumeur apparut dans les ne-Va vertè-

bres dorsales (elle pénétrait dans le canal rachidien). Seconde opération.

Guérison complète.

Oppenheim mentionne un cas de sarcome qui siégeait¡dans les vertèbres

cervicales et pénétrait dans le canal rachidien. Après l'opération, amélio-

ration durant 9 ans. '

Dans le cas deThornburn-Gardneron opéra un sarcome de la Ile vertè-

bre cervicale. Les phénomènes de compression disparurent (le malade a

survécu 2 ans). - - "

Caller parle d'un cas de sarcome qui prenait naissance dans le périoste

et adhérait aux Ve et VIe vertèbres dorsales. On excisa les arcs vertébraux.

La tumeur n'adhérait pas à la dure-mère. La moelle était comprimée. Après

l'opération, amélioration notable. La malade récupéra la possibilité de

marcher au bout de 6 semaines.

Putnam et Elliot opérèrent un sarcome du sacrum. La tumeur avait pro-

duit une raréfaction de l'os et envahi la dure-mère. Amélioration lente pen-

dant les années subséquentes à l'opération. Nombreuses rechutes. Pendant

5 ans (c'est-à-dire jusqu'à l'année de sa publication) il n'y eut pas de ré-

cidive.

Wallon et Paul opérèrent un cas de myélome vertébral (amélioration).

Les cas opérés avec résultats favorables fontpourtant exception. Le plus

souvent après l'opération des sarcomes vertébraux on obtint une amélio-

ration passagère suivie de mort.

Saenger décrit 3 cas. Dans le premier le sarcome avait pour pointde

départ le périoste de la première vertèbre lombaire. Exitus. Danslesecond,

sarcome du sacrum. Opération, six mois plus lard douleurs dans l'omo-

plate gauche, dans les espaces intercostaux, paraplégie, métastase dans la

vertèbre dorsale. Deuxième opération, amélioralion. Nouvelle métastase,

86 ' FLATAU

mort. Dans le troisième cas on a opéré un sarcome de la IIIe vertèbre

dorsale.

Stertz décrit un cas, où il y avait une amélioration après l'opération,

dix mois plus tard mort de la malade.

Dans les cas de Gerster, Sonnenburget d'autres, une amélioration pas-

sagère se produisait, mais après un temps pi us ou moins long les malades

succombaient (récidives, cachexies, complications). Dans certains cas

(celui de Kron par exemple) les douleurs apparaissaient le lendemain de

l'opération et la mort frappait les malades quelques jours après.

En dehors du cancer et du sarcome on a opéré différentes autres tumeurs

vertébrales. Notamment l'enchondrome des vertèbres (Sick, une récidive

après 4 ans, une seconde opération, guérison incomplète ; Stertz, une amé-

lioration; Oppenheim, Krause, mort 8 jours après l'opération) ; le myélome

(Thomas, 6 mois après l'opération le malade est encore en bon état ; Wal-

ton et Paul, un résultat favorable) ; l'échinocoque (Wilms, l'échinocoque

multiloculaire des vertèbres lombaires et sacrées, opération, améliora-

tion, récidive et mort). (La bibliographie complète concernant l'échinoco-

que citent Borchardt et Rothmann). L'opération des kystes hydatiques a

donné de bons résultats à Ramson-Anderson, Hahn, Wood, Llyod, Beltzer

(v. Oppenheim). Il faut encore mentionner les opérations d'ostéome et

d'exostose vertébrale (Bussen. Bielschovsky, Israel, F. Krause). Caselli a

obtenu une guérison complète dans un cas analogue.

Dans la courte description ci-dessus nous n'avons pas pris en considé-

ration toutes les opérations de tumeurs vertébrales exécutées jusqu'à main-

tenant. Nous avons voulu esquisser seulement les différents tableaux, se

modifiant suivant la nature et le siège de la tumeur.

D'après la statistique de Stursberg il parait que jusqu'à l'année 1908 on

a opéré 22 tumeurs ayant comme point de départ les vertèbres ou les en-

vahissantes. Dans 13 d'entre elles le résultat fut favorable (dans 3 la gué-

rison fut complète ou l'amélioration considérable), dans 8 la mort est

survenue (dans 4 cas peu après l'opération ou par suite de complica-

tions, dans 4 indépendamment de l'opération), dans 1 cas l'opération ne

fut suivie d'aucun effet.

D'après la statistique nous voyons que malgré les résultats opératoires

peu brillants (13, 6 0/0 de guérisons ou d'améliorations notables) il ne

faut pas hésiter à opérer les cas où l'état général est bon,le nombre de ver-

tèbres lésées peu considérable, et où les grandes métastases n'ont pas eu

lieu. Il nous reste à mentionner qu'on a pratiqué à titre d'opération pal-

liative une section des racines postérieures, pour calmer les douleurs

Quant à la valeur de cette méthode elle est encore à discuter.

En ce qui concerne la localisation des tumeurs vertébrales il suit des

TUMEURS DE LA MOELLE ÉPINIÈRE ET DE LA COLONNE VERTÉBRALE 87

données de Cassirer (Congrès des neurologistes de Dresde) que les moin-

dres chances sont pour les tumeurs de la région inférieure (la queue de

cheval).

Parmi les autres moyens thérapeutiques les neurologistes proposent

un traitement arsenical énergique surtout dans le cas de sarcome. Schle-

singer constate à l'autopsie la diminution des masses sarcomateuses (le

lymphosarcome) dans les os (mais non dans la colonne vertébrale). Sick

seul décrit un cas de guérison après traitement.

Schlesinger recommande le traitement spécifique (le mercure et l'iode)

dans tous les cas de tumeurs vertébrales même non syphilitiques, excepté

le cancer. Il administre des extraits de la glande thyroïde dans les cas de

carcinome, métastase de la glande thyroïde, mais sans obtenir d'effet.

Nous devons nous servir encore des antinévralgiques et narcotiques.

Dans la plupart des cas nous sommes forcés d'administrer la morphine.

Nous voudrions noter encore, que dans notre service on a employé

comme moyen calmant les douleurs une compresse électrique permanente

(le long de toute la colonne vertébrale). La compresse (élastique, se

moulant bien à la courbure vertébrale) est parcourue par le courant élec-

trique, s'échauffe, le malade reste couché dessus ou marche avec, la com-

presse recevant le courant électrique par un long câble. La chaleur calmait

parfaitement la douleur. - - (A suivre.)

(/4 suivre.)

SOCIÉTÉ DE NEUROLOGIE DE PARIS

Séance du 2 décembre 1909.

SUR UN NOUVEAU SIGNE D'HÉMIPLÉGIE ORGANIQUE

par'

M. VINCENZO NERI.

Je désirerais attirer l'attention sur un signe que j'ai constaté avec une

certaine fréquence dans des cas d'hémiplégie organique dans le membre

inférieur paralysé. Peut-être paraît-il inutile d'insister sur ce sujet de-

puis que M. Babinski nous a donné toute une série de signes d'hémiplégie

organique d'une valeur si fondamentale

Je le fais parce que si dans la plus grande partie des cas ce signe se pré-

sente associé aux autres signes classiques du côté du membre inférieur,

dans quelques autres cas plus rares, je l'ai trouvé isolé, car il manquait le

phénomène de l'orteil et un ne pouvait pas, vu des conditions spéciales

( le malade étant dans le coma ) faire les recherches méthodiques des t

mouvements du membre inférieur. Voici en quoi consiste le phénomène.

Le malade étant debout les jambes écartées et les bras croisés sur la

poitrine, si on lui fait fléchir le tronc sur le bassin, en lui disant de tenir 1

les jambes droites on observe qu'à un certain moment (lorsque le tronc a

presque atteint la ligne horizontale ) la jambe du côté paralysé fléchit d'un

certain degré tandis que la jambe saine reste raide (PI. VIII). ,

Avant de tenter l'explication du phénomène voyons, comment se passent ii

les choses dans un individu normal. I

Lorsqu'on fléchit tronc sur le bassin, il se fait une distension des Ij

muscles postérieurs de la cuisse et au moment où le tronc s'approche de ¡

la ligne horizontale, une contraction du quadriceps.

Il y a donc deux conditions nécessaires pour que, dans ce mouvement,

les jambes restent raides.

Dans un premier temps, une suffisante distension des fléchisseurs de la

jambe sur la cuisse ; et dans un second temps une contraction normaledes

extenseurs de la jambe. i

Tout obstacle la distension normale des premiers ou à la la contraction; !

normale des seconds aura pour effet la flexion de la jambe. ¡

Il Iconographie DE la J.1LI'C1RIRE.

T. XXIII. Pl. VIII

UN NOUVEAU SIGNE D'HÉMIPLÉGIE ORGANIQUE

(péri) .

Masson & Cie, Editeurs.

SUR UN NOUVEAU SIGNE d'hÉMIPLÉGIE ORGANIQUE 89

Cela dit, la flexion de la jambe dans l'hémiplégie organique est-elle due

à une hypertonie des fléchisseurs ou bien à une contraction moins valide

des extenseurs ?

Probablement la raison est double ; on voit bien chez certains malades }

au moment de la flexion horizontale du tronc, une série de secousses cloni-

ques du quadriceps, une vraie trépidation de la rotule, qui semble attester

l'effort inefficace de la contraction du quadriceps pour s'opposer à la fle-

xion de la jambe. 1

Cependant j'incline à croire que la cause principale du phénomène est

due à l'hypertonie des fléchisseurs et voici pourquoi :

Le malade étant dans le décubitus dorsal, si on lui soulève passivement

et alternativement les deux jambes, comme pour provoquer le phénomène

de Lasègue, on observe que du côté sain, on peut soulever la jambe sans

flexion jusqu'à environ 65 ou 70 degrés.

Si on exagère cette distension on voit sur les bords inférieurs et pos-

térieurs de la cuisse les tendons des semitendineux, semimembraneux et

biceps tendus comme des ligaments qui limitent une extension ultérieure.

Si on dépasse 70 degrés, la jambe fléchit sur la cuisse. '

Du côté malade, au contraire, la jambe fléchit entre 40 et 50 degrés et

on voit alors se dessiner d'une façon très nette les muscles susdits. Il est

évident que si la cause du phénomène avait été la paralysie des extenseurs

on n'aurait pas obtenu la flexion de la jambe avec ce procédé puisque la'

jambe est soulevée passivement.

, Cette hypertonie des. fléchisseurs semble s'établir dans plusieurs cas,

dès les premiers temps de l'hémiplégie, car je l'ai constatée dans des cas

d'hémiplégie tout à fait initiale, quelquefois même dans le coma.

J'ajouterai enfin, que dans les cas de paraplégie spasmodique, le phé-

nomène que je viens de décrire se produit des deux côtés.

Je ne sais si l'explication que je viens de donner du phénomène est la

vraie, mais quel que soit le mécanisme du phénomène, le fait existe.

Peut-on considérer ce signe comme pathognomonique d'hémiplégie or-

ganique ? Certainement non. Nous pouvons le constater comme une mani-

festation d'autres états morbides : dans la paralysie du quadriceps, ou dans

la sciatique,comme expression de défense à la douleur, et, bilatéralement,

dans les affections douloureuses ou dans la rigidité des portions infé-

rieures de la colonne vertébrale ; mais cependant la valeur séméiologique

d'hémiplégie devient certaine en association avec d'autres symptômes

d'altération du système pyramidal, soit dans la jambe même, soit dans le

membre supérieur ou dans le domaine du facial. Car un symptôme équi-

voque assume une haute valeur séméiologique s'il s'associe à d'autres

symptômes, de la même affection et dans la majorité des cas c'est par l'asso-

ciation caractéristique des symptômes péremptoires qu'on fait le diagnostic

PARALYSIES RADIALES LÉPREUSES (1) -

paii MM. -

. DE BEURMANN et GOUGEROT

Médecin de l'Hôpital Saint-Louis Ancien Interne Médaille d'or.

Il est classique de dire que dans la lèpre '< la diminution de la force

musculaire esl, d'une façon générale, proportionnelle à la diminution du

volume des muscles....Pourtant, remarque avec juste raison Jeanselme,

on ne saurait nier qu'il existe dans la lèpre des paralysies proprement

dites ». Ces paralysies sont peu connues et a peine citées ; elles sont cepen-

dant incontestables et peuvent être relativement précoces, apparaissant

avant que l'amyotrophie ait détruit le muscle.

Parmi un certain nombre de faits observés en Extrême-Orient, deux cas

de paralysies radiales que nous avons pu examiner d'une manière com-

plète au tt-Jolara Leper's Asylw/2 à Mandalay sont particulièrement dé-

monstratifs.

Le premier malade se trouvait dans un groupe de cinq jeunes lépreux

birmans présentant tous des déformalions très marquées des mains et des

pieds sans aucune lésion tuberculeuse de la face (2). Chez ce jeune

homme,l'attitude des deux mains tombantes était caractéristique (PI. IX).

On constatait tous les signes d'une double paralysie du nerf radial, sans

atteinte du cubital ni du médian ; le long supinateur était atteint comme

les extenseurs, la perte du mouvement était complète et il n'y avait pas

atrophie appréciable des muscles paralysés. On notait un peu d'anesthésie

diffuse des mains sans localisation spéciale ; la diminution des diverses

sensibilités, très marquée au niveau de la pulpe des doigts, était déjà

moins accentuée sur'la paume et sur le dos des mains.

(1) Communication faite au Congrès de la Lèpre à Bergen en août 1909.

(2) Remarquons à celsujet que la lèpre purement nerveuse, ou presque uniquement

nerveuse, est très fréquente en Birmanie et au Siam, contrairement à ce que nous

avons observé en Perse, en Asie centrale, en Indo-Chine et à Canton, où les formes

tuberculeuses à prédominance culnée étaient au contraire beaucoup plus nombreuses.

La différence est facile à apprécier sur les lépreux des asiles que nous avons pu visiter

et chez les malades que nous pouvions observer dans les rues, ou aux abords des villes

et des temples où ils se tiennent souvent pour solliciter la charité des passants.

Nouvelle ICONOGRAi'IIIL DE la SALPÊI'RII`.RL.

T.XXI ! I.P).fX

PARALYSIES RADIALES LEPREUSES

(De Beiirmami el GOIIgnol).

Masson & Cie, Editeurs.

PIIULtJtH)le n'rlhl\ud

PARALYSIES RADIALES LÉPREUSES i 1

Au niveau de la partie inférieure des avant-bras, la sensibilité était nor-

male. Le malade ne se plaignait d'aucune douleur ; il avait bonne mine

et ainsi que ses compagnons il n'était nullement attristé par sa maladie.

Sur l'autre malade, âgé de trente-cinq ans environ, les lésions étaient

plus avancées. Tous les muscles de l'avant-bras étaient fort diminués de

volume, mais à droite surtout, la paralysie radiale prédominait nette-

ment et le malade ne pouvait contracter-les extenseurs alors que les flé-

chisseurs agissaient encore proportionnellement à leur volume si l'on

avait soin de relever la main.

Dans ces deux cas et dans d'autres encore, la paralysie radiale s'impo-

sait dès le premier examen : les malades avaient les mains tombantes et

ballantes, ils les portaient en avant comme le font les saturnins, mais chez

eux le long supinateur était atteint comme les extenseurs et ce signe, joint

à la présence des troubles de la sensibilité des extrémités, aurait au besoin

évité une erreur de diagnostic qui ne pouvait guère être faite dans les con-

ditions où nous observions.

Ces faits prouvent l'existence des paralysies radiales bilatérales hansé-

niennes. Ces paralysies ne doivent pas être confondues avec l'impotence

musculaire due à l'amyotrophie hansénienne. Il est bien connu en effet

qu'après avoir produit la-main simienne « t'amyotrophie, à une période

tardive, gagne l'avant-bras; elle s'attaque alors de préférence aux exten-

seurs et le poignet ne peut plus être relevé ». Dans les cas que nous avons

observés, il s'agit de paralysie et non d'atrophie musculaire.il s'agit de

sujets jeunes qui n'avaient à aucun degré la main en griffe et chez les-

quels les muscles de l'avant-bras avaient conservé leur volume normal ou

presque normal.

Ces faits indiquent encore que si le signe du cubital a une valeur capi-

tale dans le diagnostic des formes nerveuses de la lèpre, le nerf, radial

peut être également atteint une période peu avancée. Dans un cas douteux

il ne faudrait donc pas rejeter le diagnostic de lèpre parce que le cubital,

ordinairement atteint, paraît intact, tandis qu'une paralysie typique in-

dique une lésion du nerf radial, habituellement épargné au moins pendant

longtemps par cette infection.

En résumé, si les névrites lépreuses sont le plus souvent sensitives et

trophiques, elles peuvent être quelquefois motrices et déterminer des pa-

ralysies indépendantes de l'amyotrophie.

ORNITHOMANCIE MÉDICALE : LE CHARADRIOS

PAR R -

- Ernest WICKERSHEIMER

Le charadrios (xxpapos), oiseau vorace d'après Platon (1), oiseau de ri-

vière d'après Aristophane (2), est, selon Aristote, fort laid de couleur et

de chant ; il habite les ravins (xappa signifie ravin), et s'y cache tout

le jour, ne se montrant que de nuit (.3).

Cette description, par trop succincte, ne permet pas d'identifie¡' aveccer-

titude l'oiseau que les Grecs appelaient charadrios. Il est cependant bien

probable qu'il s'agit là d'une espèce de pluvier, peut-être du gros pluvier

ou courlis de terre (4), et c'est à cette hypothèse que se sont rangés les natu-

ralistes modernes en donnant au genre des pluviers le nom de Chara-

drius.

C'est ce nom de charadrios que les traducteurs grecs de la Bible don-

nèrent à l'un des oiseaux que leur loi interdisait aux Juifs de manger (Lé-

vitique, XI ; Deutéronome, XIV), et le charadrios fut conservé dans la

Vulgate, alors que les auteurs des versions allemandes, anglaises ou fran-

çaises en rirent généralement une cigogne.

Le Physiologus est un traité anonyme de théologie populaire, très

apprécié au moyen-âge, composé à Alexandrie dans la première moitié du

premier siècle de notre ère, et dont les exemples sont tous empruntés à

l'histoire des animaux ( i).11 n'a garde d'oublier le charadrios et lui attri-

bue la faculté de prédire l'issue des maladies.

En effet pour savoir si un malade va guérir ou mourir, il suffit de lui

présenter un charadrios. Si la maladie est mortelle, l'oiseau détourne sa

(1) Gorgias, § 48.

(2) Les Oiseaux, vers 1141. '

·(3) ARISTOTE. Histoire des animaux. Livre IX, chap., XII.

(4) BARTHÉLÉMY l'anglais dit que la partie inférieure de la cuisse de cet oiseau

« vault contre la chaleur des yeux » ( pars znferioe, fentorispui-gatcaliginem o( ! ulnr ? 4"1).

Or les jambes du courlis de terre présentent d'après nurtrov un renflement au-dessous

du genou. Il se peut que ce soit ce renflement qu'on ait songé à utiliser en thérapeu-

tique.

(5) LAUCHERT (Friedrich).CMc/MC/t/e des Physiologus, Strassburg,Karl J.Trübner, 1889.

in-8», XIII-312 pp.

ORNITHOMANCIE MÉDICALE : LE CHARADRIOS 93

tête ; si au contraire le malade doit guérir, l'oiseau le regarde en face, et

aspire en quelque sorte la maladie par les yeux. Tel le Rédempteur qui a

détourné ses yeux des Juifs, mais les a tournés vers les Gentils, qu'il a

sauvés en se chargeant de leurs péchés.

Cette croyance aux propriétés merveilleuses du charadrios devait'être

assez répandue dans l'antiquité. Plutarque (1) et Elien (2) (mort en l'an

260 après Jésus-Christ) en font tous deux mention, mais limitent à la

jaunisse le pouvoir curateur de l'oiseau -(3). On en retrouve l'écho dans

les écrits d'Héliodore, évoque grec qui vivait au cinquième siècle (4).

La parabole du charadrios était trop belle pour qu'on ne cherchât pas

à l'embellir encore. On attribua à cet oiseau un plumage blanc symbole

de sa pureté, alors que le pluvier est de couleur gris-sale. t< II est fort

laid de couleur et de chant », disait le vieil Aristote.

Selon saint Ambroise, il porterait une corne ; le Bestiaire de Pierre

le Picard, publié par le P. Cahier, lui en prête deux « droites com de

chièvre » (5).

C'est en Orient, où la légende avait pris naissance, qu'on place généra-

lement l'habitat de l'oiseau merveilleux. Reprenant une tradition an-

cienne d'après laquelle Alexandre, roi dé Macédoine, l'aurait rencontré

dans le palais de Xerxès (6), le grand Albert tui assigne la Perse pour pa-

trie(7). Selon Guillaume, clerc de Normandie, on le trouverait « au pays

de Jérusalem » (8). ?

Quant au mot de charadrios, son véritable sens fut bientôt oublié. Les

auteurs du moyen-âge latin lui substituèrent celui de calandre, dont

l'étymologie est encore controversée, mais qui, à coup sûr, désigne un

oiseau tout différent du pluvier. La calandre est une grosse alouette (9).

Si quelques savants bien avisés, tels l'auteur de la glose interlinéaire

de la Bible et Barthélemy l'Anglais, différencient encore les deux oiseaux,

cette distinction échappe à la plupart de leurs contemporains, et les au-

teurs romans du moyen-âge attribuent généralement à la calandre les

propriétés dont le Physiologus avait doté le charadrios.

Du domaine de la théologie, la calandre passa dans celui de la poésie

(1) Propos de table, Livre XVII. '

(2) Dénatura animalium. Lib. XVII, cap. 13.

(3) Pour YLINE (f11t. nal., lib. XXX), ce n'est pas le charadrios, mais un oiseau

jaune, le galgulus, probablement le loriot, dont le regard guérit l'ictère.

(4) /Ethiopicæ hist., lib. III.

(5) Mélanges d'archéologie... t. Il, p. 129.

(6) Historia de prseliis. Edition ZINGIERLE, § 122.

(7) ALBRRTUS 'IAGMUS, De animalibus. Lib. XXIII.

(8) Le Bestiaire divin. Edition C. Hipigtu. Caen, 1852, p. 89. ,

(9) Alauda calundra L.

91 WICKERSHEIMER

profane, et c'est ainsi que Gaidifer d'Aulions, poète français du xme siècle,

compare la dame qu'il aime à la calandre sauvage. Elle a détourné de lui

son regard ; aussi va-t-il mourir : -

« ..... Mais jou ne puis trouver

Fors que ma mort, car calendre sauvage

Est ma dame ; qi bien i veut penser,

C'est uns oisiaux c'on seut porter en cage

Au malade, à le fois par usage

Quant on n'i veut mort, u santé trouver ;

Mais qant ne veut son vis vers li tourner,

Lors le jugent à morir li plus sage.

Se ma dame mevausist regarder '

De ses vairs ieux doucement el visage,

Bien péusse de mes maux respasser,

Mais ne me veut faire tant d'avantage, .

Ains veut ma mort : et jou ne l'os véer.

Nul ne m'en puet garir ne respiter,

Fors seul pités s'en li prendroit ostage. » (1)

De même John Gower, un Anglais du XIV. siècle qui écrivit des poésies

françaises, compare sa maîtresse à la calendre (2).

Il n'y a pas lieu de rapporter ici les nombreuses allusions aux pro-

priétés de l'oiseau, éparses dans les oeuvres théologiques ou poétiques

du moyen-âge.

Le P. Cahier (3), C. Ilippeau (4), Lucy Toulmin Smith et Paul

Meyer (5), ont successivement consacré à ce sujet des notices d'importance

inégale, mais qui en se complétant l'une l'autre, constituent une biblio-

graphie très détaillée de la question (6).

(1) Bibliothèque de l'Ecole des Chartes, 4e sér., t. V, pp. 333-334. La Cum

de SAINTE-P.11.AYR. Dictionnaire historique de l'ancien langage françois. Edition L.FAVHE,

t. III, p. 189.

(2) GO-,VER (Joax). The complète works, ediled by G. C. MACnm.px. Vol. I. Oxford,

1899, pp. 124, 348. Cf. HENSEL (W.). Die Vdgel in der provenzalischen u. l1ol'd/ran : usl-

schen Lyrik des Mitlelallers, pp. 12-13. Thèse de Kônigsberg, 1908.

(3) MARTIN (A.) et Chilien (Ch.). Monographie de la cathédrale de Bourges. Paris, 1841-

1844, in-fol., pp. 127-130. - Des mêmes auteurs : Mélanges d'archéologie... t. Il,

p. 129.

(4) Voir ses éditions du Bestiaire divin de Guillaume, clerc de Normandie (Caen,

1852, in-8°) et du Bestiaire d'amour de R\CHART DE FOUII1>IVAL (Paris, 1860, in-8,).

(5) Voir leur édition des Contes moralises de NICOLE Bozon (Paris, 1889, in-8°), publiée

par la Société des anciens textes français.

(61 Voir aussi les naturalistes du xvu siècle : Belon (Pcams). L'histoire de la nature

des oyseaua;. Paris, 1555, in-fol., p. 183. ALDOVRANDI (U.).Ortaithologia. Francofurti,

1610-1613, in-fol., t. 111, pp. 207-208.

Nouvelle Iconographie DE la SALIIÈTRIÈRE.

T. \ 1 I II. PI. x

LE CHARADRIOS

(E. Wickersbci1l/er).

Masson & Cie, Éditeurs.

Pllolotlple 1kr ? JI

ORNITHOMANCIE MEDICALE LE CHARADRIOS 95

La calandre qui avait inspiré les poètes, ne laissa pas les artistes indif-

férents, témoin ce vitrail de la cathédrale de Lyon : « ... Ce vitrail de

Lvon représente une personne assise, dont la pose annonce le malaise et

l'affaiblissement. Près d'elle un oiseau blanc à long cou avance la tête

comme s'il voulait la poser sur ses genoux, et dans les airs plane un oiseau

tout semblable qui tourne ses regards vers cette scène. L'inscription porte

gladl'ius ou glabrilis. » (1)

Après la verrière du xm° siècle, voici une- gravure de la Renaissance.

Elle orne l'édition du commentaire du Physiologus, parEpiphanius, im-

primée par Plantin en 1582, et nous monlre (p. 98) deuxmalades couchés

dans une même salle. Sur chaque lit un oiseau : sur l'un, l'oiseau lixe le

malade, sur l'autre il détourne la tête.

Les miniatures représentant cette scène sont très nombreuses dans les

Bestiaires ou livres de bêtes du XIII" et du xiv° siècle. Voici la liste de

celles que j'ai trouvées dans les grandes bibliothèques publiques de

Paris.

A la Bibliothèque Nationale :

l.Ms. fr. 412. Date : 1285. Bestiaire de Richart de Fournival (2).

Feuillets 230 verso (1 miniature), et 239 verso (2 miniatures). Ces deux

dernières ont été reproduites par la gravure sur bois'dans l'édition de

C. Hippeau. u, '

2. Ms. fr. 144,4, XIII" siècle, Bestiaire de Richart de Fournival. Feuil-

)et 259 recto. Une autre miniature du même manuscrit (feuillet 242 verso),

ornant le Bestiaire de Guillaume le Normand, représente l'oiseau non pas

dans la chambre d'un malade, mais en plein air, au repos et tenant dans

son bec un serpent.

3. Ms. fr. 1951. xm" siècle. Bestiaire d'amour en vers. Feuillet

8 recto. L'oiseau, au plumage gris-brun, est assez semblable à l'alouette

calandre.

4.Ms. fr. 12469. XIIIe siècle, Bestiaire de Richart de Fournival. Feuil-

let 6 recto. L'oiseau est coloré en vert.

5. Ms. fr. 15213. rive siècle. Bestiaire de Richart de Fournival.

Feuillet 69 recto. Ici l'oiseau est gris-brun, et présente l'aspect d'un

rapace.

6. DZs. lat. 2843 E. xive siècle. D'origine italienne. Bestiaire anonyme.

Feuillet 76 verso. C'est cette miniature que je reproduis ici (PI. X).

(1) MARTI.9 (A.) et CAHIER (Ch ? Monographie de la cathédrale de Bonrges, p. 127.

Une gravure en noir accompagne le texte.

(2) RICIIAIIT de Fournival était le fils de Robert de FouRNIVAL, médecin de Philippe-

Auguste.

96 WICREHSHEIMER

7. Ms. lat. 3630. XIV" siècle. Bestiaire anonyme. Feuillet 86 verso.

A la Bibliothèque de l'Arsenal :

Ms. 3516. xIn° siècle. Bestiaire de Pierre le Picard, publié par le

P. Cahier (1). Feuillet 199 verso. Conformément au texte, l'oiseau est

« tos blanc et si a deux cornes droites com de chièvre ».

A la la Bibliothèque Sainte-Geneviève : -.

Ms. 2200. Date : 1276-1277. Bestiaire en prose anonyme. Oiseau blanc

semblable à une mouette. -

(1) Mélanges archéologiques, .. t. Il, pp. 106-228.

Le gel'ant : P. BoucuEZ.

Imp. J. Thevenot, Saint-Dmer (Haute-Marne).

HOPITAL MAJEUR DE SAINT-JEAN-BAPTISTE ET DE LA VILLE DE TUR1N

ÉTUDE CLINIQUE SUR TROIS CAS DE MALADIE FAMILIALE

DÉGÉNÉRATIVE DU SYSTÈME NERVEUX

ASSOCIATION DE L'IDIOTIE,'DE L'AMAUROSE, DE TROUBLES MULTIPLES

BULBO - PROTUBÉRANTIELS ET DE L'ATROPHIE SPINO-NEUROTIQUE

CHARCOT-MARIE.

. PAR

M. BERTOLOTTI

Médecin-Directeur de l'Institut de radiologie médicale. ,

Il y a quelques mois, appelé en consultation par un de mes amis, mé-

decin de campagne à Collaretto (l),j'eus l'occasion de voir de près et d'étu-

dier sur place, quelques heures de marche du village, le plus saisissant

tableau morbide qui jamais m'eut été donné de voir dans ma vie profes-

sionnelle de médecin.

La relation qui va suivre a été le résultat de plusieurs voyages fatigants,

véritables petites expéditions scientifiques, que je fis avec l'aide de mon

photographe de laboratoire, avec mes instruments transportables d'élec-

tricité médicale et l'appareillage nécessaire pour l'examen du fond de l'oeil

à la chambre noire.

De cette façon, j'ai réussi à peu de chose près à rassembler l'historique

et l'état actuel de mes trois malades, vivant dans une pauvre chaumière de

bergers dans nos Alpes, à 1700 mètres au-dessus du niveau de la mer.

Il était nécessaire, ce petit préambule, pour que la relation qui va suivre

fût jugée avec l'indulgence qu'elle mérite en raison dés lacunes inévi-

tables que l'histoire clinique des malades doit contenir.

Il va sans dire que les circonstances de temps et de lieu, qui ont accom-

pagné le début de cette étude, n'ont qu'une importance secondaire pour

la clinique; toutefois je ne peux m'empêcher de remarquer comment l'in-

térêt dramatique que peut inspirer la vue d'une maladie familiale frap-

pant plusieurs membres dans la même nichée et dans le milieu même où

elle est éclose et a vécu depuis de nombreuses années, ne pourrait pas être

comparé il. la sensation fragmentaire qu'éprouve l'observateur en pré-

(1) Je dois un remerciement public à mon ami le Dr Ferrari, qui eu l'amabilité de

me procurer ce matériel clinique intéressant, et qui me fut un guide infatigable dans

mes excursions.

xxm 7

98 BEBTOLOTTI

senced'un échantillon isolé de cette maladie familiale transporté par ha-

sard dans une clinique d'hôpital.

Cest le 15 avril de cette année que je fis la première rencontre avec

ces trois individus atteints d'un syndrome dégénératif du système nerveux

à caractères tout à fait exceptionnels.

Avant de relater l'histoire clinique de chacun de mes malades, je don-

nerai ici quelques renseignements complémentaires sur les ascendants de

cette famille qui, bien que de source apparemment saine, se trouva tout à

coup entachée par le développement d'une tare morbide familiale non

héréditaire, mais probablement produite par des mariages entre plusieurs

personnes du même arbre généalogique.

Il arriva en effet que trois frères de la maison Martinetto épousèrent

trois soeurs de la maison Chiodo ; or les gens Marlinetto et Chiodo étaient

cousins au troisième degré.

Cette alliance entre consanguins devait à la deuxième génération se

faire bien plus intime ; en effet,un fils de Jean Marlinetto épousa en 1881

une fille de Joseph Chiodo. Or ces deux jeunes gens, qui étaient cousins

au premier degré, et qui avaient leurs parents consanguins, furent

le père et la mère de nos trois malades.

La grand'mère du côté maternel est encore vivante, elle a aujourd'hui

81 ans, et elle se porte très bien. J'ai eu tout le loisir de l'examiner ; elle

se présente comme une vieille femme très alerte et très vive qui a eu neuf

enfants tous vivants et bien portants. Aucun de ses fils ne mourut en bas

âge ; une fille seule est morte à la suite d'un accouchement, et un des

fils, qui était mineur, périt victime d'un accident au Gothard.

Je fis un examen détaillé du système nerveux de cette femme, examen

qui resta complètement négatif. Seulement les réflexes rotuliens étaient

très affaiblis; mais ici il faut tenir compte de l'âge de cette femme, et

nous savons tous qu'il n'est pas rare de trouver les réflexes tendineux

affaiblis chez les vieillards.

Son mari, le grand-père de nos malades, mourut en 1898 à l'âge de

70 ans d'une maladie pulmonaire. Il parait qu'il a été toujours bien por-

tant.

La mère, dont nous donnons ici la photographie (PI. XI), est une

femme de 45 ans, d'apparence tout à fait normale. Elle ne présente aucune

altération du système nerveux central ou périphérique. Les réflexes ten-

dineux et cutanés sont normaux, rien au fond de l'oeil, les réflexes à la

lumière et à l'accommodation sont bons,les mouvements associés des mus-

cles de l'oeil se font parfaitement bien dans tous les sens.

L'intelligence de cette femme est assez éveillée, on peut môme dire que

pour une paysanne, son intelligence est au-dessus de la moyenne. Elle ne

Nouvelle Iconographie DE la SALPÊTRIÈRE.

T. XXIII. Pl. XI

1. M-1 Ch. et son fils Charles, 7 ans.

MALADIE FAMILIALE DÉGÉNÉRATIVE

(Iertolot t i) .

Masson & Cie, Éditeurs

11.0toi,l.,e nNlh.111

ÉTUDE CLINIQUE SUR TROIS CAS DE MALADIE FAMILIALE z)9

présente enfin, aucune trace de caractères dégénératifs. On ne peut trou-

ver chez elle qu'une glande thyroïde actuellement un peu hypertrophiée,

mais c'est là un fait qui s'est manifesté seulement depuis trois ans. En plus

elle présente quelques caractères adénoïdiens : conformation du nez et du

palais en ogive.

Réglée à 15 ans, elle s'est bien développée et a joui toujours d'une ex-

cellente santé. Elle se maria avec son cousin en 1881. Pas de maladies

infectieuses, pas d'intoxication, pas d'éthilisme, bref elle a toujours mené

une vie saine et régulière dans l'intérieur de son ménage.

Son mari était un homme bien portant, brun, plutôt de petite taille,

mais très vigoureux.

Il parait d'après renseignements que j'ai pu tirer, que cet homme avait

un défaut de prononciation.

Il n'était pas un gros buveur, jamais plus d'un. demi-litre de vin par

jour, et sa femme nie de la façon la plus absolue avoir jamais eu des

rapports avec son mari pendant un état plus ou moins grave d'alcoolisme

aigu.

Suivant la coutume des gens de son pays, il pratiquait l'émigration

périodique et dernièrement encore il travaillait' au tunnel de Simplon

lorsque après trois ans de la vie démineur, il tomba malade d'anthra-

cose pulmonaire, revint chez lui et mourut dans sa chaumière en 9 : )OU., à

l'îige de 50 ans. - -

Son père et sa mère étaient morts âgés depuis peu de temps. Jamais

aucun membre de sa famille n'avait souffert de troubles nerveux plus ou

moins analogues à ceux de ses filles.

Sa femme devint enceinte pour la première fois après trois ans de

mariage ; elle eut toujours ses grossesses parfaitement normales.

Voici par ordre chronologique un petit tableau synoptique de ses ac-

couchements :

1885. Marguerite (naissance à terme, pas de dystocie), vivante, ma-

lade de t'observation I.

1887. Jean (naissance à terme, pas de dystocie) mort, à 1 an, après

une attaque convulsive.

1889. Aurélie (naissance à terme, pas de dystocie), vivante, malade

de l'observation II.

1892. Marie (naissance à terme, sans dystocie), morte à 2 ans, après

une coqueluche très grave.

1895. Dominique (naissance à terme, sans dystocie), vivant et très

bien portant.

1898. Elisabeth (naissance à terme, sans dystocie), vivante, malade

de l'observation III.

100 BERTOLOTTI

1902. Charles (naissance à terme), vivant et très bien portant.

Il est donc aisé de constater que cette maladie familiale a frappé seule-

ment les individus du sexe féminin, en épargnant complètement les

mâles.

A ce propos, je dois dire tout de suite que j'ai eu la possibilité d'exa-

miner les deux enfants mâles de cette famille, et voici en deux mots leur

état présent.

Domitzigue : c'est un garçon de 14 ans, très bien portant. Il travaille u

la campagne, il est très développé pour son âge. A l'examen systémati-

que du système nerveux, aucun symptôme morbide n'est décelable. Son

intelligence est absolument normale. Il n'y a pas de trace de caractère

dégénératif. Il a suivi toutes les classes de l'école du village.

Charles : c'est un petit garçon de 6 ans et demi. Son développement

physique est très satisfaisant comme on peut en juger parfaitement par

la photographie (PI. XI) où il paraît à côté de sa mère.

Je dois dire qu'il est très dégagé et absolument normal dans son état

mental.

L'examen le plus complet du système nerveux demeure complètement

négatif. Charles va à l'école et commence régulièrement ses premiers es-

sais d'écoliers.

Observation I.

Résumé. Fièvres et attaques convulsives dans la première enfance. -

Idiotie progressive. Nombreux caractères dégénératifs somatiques

et psychiques.

Atrophie presque complète de la papille. Amaurose très avancée. -

Paralysie des mouvements associés des globes oculaires dans le plan

vertical. Strabisme divergent. - Défaut de convergence et d'accom-

modation.

Légers troubles bulbo-prolubéranliels (facial-hypoglosse) Aucun trouble

du côté des autres sens spécifiques. Aucun trouble dans la sphère

cérébelleuse.

Atrophie musculaire énorme en jarretière aux membres supérieurs et

inférieurs. Valgisme et équînisme des pieds, main en griffe totale,

position simienne du pouce. Rétractions tendineuses très accusées.

Pas de contractions fibrillaires. - Début de l'atrophie par les extré-

mités supérieures. Atrophie musculaire rigoureusement identique

au type Charcol-Marie. Aucune hypertrophie des troncs nerveux. -

Aucun autre caractère de la névrile interstitielle de Dejerine et Buttas.

Intégrité de la sensibilité objective. Intégrité des sphincters.

Marguerite naquit en parfait état de sauté. Venue au monde dans les meil-

ÉTUDE CLINIQUE SUR TROIS CAS DE MALADIE FAMILIALE 101

leures conditions possibles, c'était une jolie enfant qui fut allaitée au sein de sa

mère pendant 16 mois consécutifs.

Elle a eu un développement assez normal ; à 11 mois elle disait les premiers

mots, mais il est à relever que Marguerite n'a commencé à marcher qu'à l'âge

de 19 mois.

A deux ans et demi, tout à coup en plein état de santé, elle fut atteinte par

de la lièvre avec convulsions des membres, spasmes des yeux et raideur géné-

ralisée. " 1

Le médecin du pays déclara qu'il s'agissait de fièvres convulsives et cet état

se maintint pendant une semaine. Après une huitaine, cet état fiévreux dis-

parut, mais la mère s'aperçut que l'enfant présentait encore un certain degré

de contracture aux membres inférieurs. En effet Marguerite traînait légère-

ment les jambes en marchant et ses pieds avaient tendance à se porter un peu

en dedans.

Toutefois, on ne fit pas grand cas de ces faits, d'autant plus que la petite

semblait avoir repris un état de santé florissant.

A trois ans, Marguerite était une fillette assez jolie ; elle articulait bien les

mois et à part sa démarche un peu lente, sa mère n'avait pas remarqué jus-

qu'à cette époque aucune altération évidente.

Ce fut à l'âge de 5 ans que la mère releva une position anormale dans les

doigts de Marguerite : elle ne pouvait plus plier ses dernières phalanges. Il

parait donc que chez Marguerite l'atrophie aurait débuté par les extrémités

supérieures.

L'attention de la mère fut ensuite attirée par les modifications survenues

dans les membres inférieurs. En effet les pieds prenaient une position vicieuse

(pied ballant avec steppage), tandis que la démarche allait peu à peu en em-

pirant.

. A l'âge de 6 ans, la petite Marguerite n'était absolument pas en état de faire

deux fois par jour la route de sa maison à l'école du village, situé à une bonne

heure de marche au bas de la montagne.

Selon les renseignements donnés par la mère, il paraît que les phénomènes

d'atrophie musculaire, débutant par les extrémités des membres, soient restés

isolés pendant plusieurs années.

L'évaluation du développement intellectuel de cette enfant présente bien des

difficultés. Il parait probable, toutefois, que cette petite fille n'a jamais eu

qu'une intelligence rudimentaire. Il est certain, en tout cas, que ses facultés

psychiques ont commencé à baisser à peu près entre 10 et 12 ans.

C'est à cette époque, en effet, que la mère remarqua chez Marguerite des

altérations dans la prononciation des mots. La voix était nasonnée et traînante.

En même temps l'enfant prenait un mauvais caractère. Entêtée et colère, elle

se fâchait facilement avec tout le monde.

A 13 ans, les troubles paralytiques dus à l'atrophie musculaire avaient déjà

atteint un degré considérable.

La jeune fille ne pouvait marcher qu'avec une paire de béquilles, ses pieds

102 BERTOLOTTI

et ses jambes étaient complètement atrophiés et les rétractions tendineuses

débutaient aux extrémités inférieures.

Les premiers troubles visuels n'auraient commencé que plus tard, c'est-à-dire

à 15 ans. Il faut noter qu'en même temps que la vue baissait, il se serait

produit des troubles paralytiques dans les muscles extrinsèques des yeux; en

effet, le strabisme a été remarqué par l'entourage environ à cette époque.

Pendant que tous ces symptômes à la charge du système nerveux évoluaient

d'une façon lente et progressive, l'état général de la jeune fille demeurait assez

satisfaisant.

Elle fut réglée l'âcye de 16 ans, la mère nous a bien précisé cette époque,

car elle s'attendait de voir s'amender tous ces phénomènes morbides à la suite

de l'apparition du flux menstruel ; mais il en fut tout autrement.

Bientôt la jeune fille ne put marcher même à l'aide des béquilles; elle était

obligée de se traîner à quatre pattes et passait son temps assise dans un coin

dans la position où l'avait placée sa mère, en se rongeant les ongles et en at-

tendant qu'on lui donne à boire et à manger. L'appétit chez Marguerite a été

toujours assez vif. Les fonctions digestives et les fonctions intestinales n'ont

jamais été troublées.

A aucun moment, Marguerite n'a présenté des altérations du côté des sphinc-

ters, n'ayant jamais perdu ni ses urines ni ses matières (1).

Etat actuel de Marguerite. - Marguerite est actuellement âgée de 26 ans.

Un coup d'oeil donné à la photographie (V.PI.XH) suffit pour rendre une image

assez fidèle de son état actuel.

Elle a une apparence farouche et sauvage qui frappe à première vue. Ses

cheveux drus et hérissés encadrent un visage laid et repoussant, empreint

d'une expression de méchanceté toute particulière.

Son regard est louche et perçant, quoiqu'elle soit complètement aveugle. Le

front, rond, est assez haut, les sourcil ? sont bien dessinés, le nez est petit : la

bouche, très large, a des lèvres minces et décolorées ; le menton et la mâchoire

inférieure sont très prononcés. Les oreilles sont petites, la lèvre supérieure

est ombragée d'un duvet noir. Les zigomas sont très prononcés et très saillants.

Tout le masque facial est figé et immobilisé dans une même expression féroce.

Le relief osseux de sa figure est très accusé et angulaire.

Le cou est plutôt court et fort. La veine jugulaire est très visible. La direc-

(t) J'ai été témoin moi-même de la façon dont elle et ses soeurs se prennent pour

satisfaire à leurs besoins. Elles passent leur temps entassées à côté l'une de l'autre

sur un balcon de bois. Marguerite, qui ne peut même pas se tenir assise sur sa ban-

quette, est toujours à genou sur le plancher avec les bras appuyés sur un monceau

de bois et la tête sur ses bras.

Quand l'envie d'uriner ou d'aller à la selle se fait sentir chez l'une d'elles, un appel

vibrant à peu près inarticulé sort de sa bouche. La mère, qui est toujours en éveil,

accourt, empoigne la malheureuse et la traîne par terre jusqu'à un emplacement de

la terrasse où un trou a été pratiqué dans le plancher. Ce pèlerinage s'accomplit à tour

de rôle ; dans l'espace de deux ou trois heures, j'ai pu compter jusqu'à 6 voyages.

NOUVELLE Iconographie DE la SALPÊrRIÈRJ : .

T. XXIII. Pl. XII

2. Marguerite

5. Aurélie

7. Elisabeth

MALADIE FAMILIALE DEGENERATIVE

(Bertolotti).

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Phototypie Berthiud

ÉTUDE CLINIQUE SUR TROIS CAS DE MALADIE FAMILIALE 103

tion du cou est portée en avant et donne encore plus d'évidence à la voussure

du des.

Elle reste accroupie par terre comme une bête rauve blessée. La photogra-

phie ci-jointe a été prise pendant un instant où Marguerite avait été placée

sur une chaise, mais cette position assise n'est possible pour elle que pour

quelques secondes.

On ne peut juger de la hauteur de la taille de Marguerite, étant donné son

accroupissement ; il est possible toutefois de se rendre compte tout de suite

qu'elle est plutôt de petite taille : 1 m. 50 à peu près.

Le tronc est lourd et carré, le dos est voûté.

Les membres à leur racine sont très gros et très forts. Il est très curieux

d'observer la diminution de volume de ses extrémités qui vont en s'amincis-

saut d'une façon tout à fait extraordinaire, pour aboutir à des mains et des pieds

déformés et atrophiés au degré le plus extrême.

Examen psychique. Si l'on cherche à se mettre en communication avec

Marguerite, on s'aperçoit qu'il est difficile de l'arracher à son mutisme. Elle

passe les journées dans son coin, avec la tète reclinée sur la poitrine, dans un

morne silence. Elle semble se ranimer seulement à l'heure des repas pour at-

traper avec ses mains déformées un morceau de pain qu'elle mange avec une

extrême avidité. ,

Il suffît de la regarder un instant pour comprendre tout de suite dans quelle

déchéance psychique elle est tombée.

La mère nous a répété plusieurs fois comment cette diminution des facultés

intellectuelles s'était accomplie d'une façon lente et progressive. A 4 ans, la

petite était une enfant comme tant d'autres ; elle avait appris par coeur ses

prières du matin et du soir, elle parlait assez bien, était questionneuse comme

tous les enfants et avait une mine assez jolie et un regard intelligent. Or, peu

à peu la parole, mémoire, le langage, tout alla en empirant, tandis que la

voix s'altérait, la mémoire diminuait et le sensorium s'émoussait.

A présent, c'est à peine si elle répond par quelques monosyllabes aux plus

simples questions qu'on lui pose. Elle montre par moment des sentiments

ébauchés de haine, de vengeance et d'ennui. Le fond de son caractère est

aigri et ce qui domine dans le tableau psychique de cette pauvre fille, c'est

l'instinct dans toute sa puissance animale. Elle est gourmande, avide et rapace

et si elle peut arriver sur les mets de ses soeurs, elle les dérobe brutalement et

rapidement.

La pudeur, la honte, la pitié, la douceur et enfin tous les sentiments un peu

élevés font complètement défaut chez elle. L'affectivité même parait complète-

ment perdue, elle hait ses soeurs et je ne crois pas qu'elle affectionne sa mère,

bien que la mère pour elle soit l'ange gardien de ses jours et de ses nuits.

Je n'ai pu contrôler la mémoire de Marguerite que d'une façon sommaire :

Je lui donne un sou et je lui demande :

« Qu'est-ce que je t'ai donné, Marguerite ? »

Elle répond : « Un tout (un sou). » v

Je lui donne un sou, un pain, un bonbon et je lui demande :

104 13ERTOLOTTI

« A présent qu'est-ce que je t'ai donné ? » »

Et elle répond : « Un tout, du tain (un sou, du pain). »

Je lui ordonne de répéter des mots, son nom, par exemple, et elle répète len-

tement : « Marterite (pour Marguerite). »

Je lui demande enfin ce qu'elle veut faire des sous que je lui ai donnés et

qu'elle serre dans sa main crispée, et elle répond encore : « Pour atélu des

tontons (pour acheter des bonbons). »

On voit par ces exemples de quelle façon rudimentaire est réduit le langage

parlé chez Marguerite. Elle parle comme un enfant de deux ans et le t est em-

ployé dans tous ses mots à la place d'autres consonnes.

Elle est peureuse : l'obscurité de la nuit, les bruits, et spécialement le ton-

nerre exercent sur elle une terreur véritable. La mère, à ce propos, nous dit

qu'alors que la montagne est mauvaise, que le ciel est chargé et que l'orage

s'approche, Marguerite et ses soeurs ont la prescience des bêtes des étables.

Elles restent agitées, et alors que le tonnerre éclate, terrorisées, affolées, elles

cherchent à s'échapper en criant et dans leur impuissance, elles se pelotonnent

toutes les trois comme des moutons surpris par la tourmente.

Il n'est pas besoin de pousser plus loin l'analyse des facultés psychiques de

cette créature pour évaluer son état mental ; il est de toute évidence que Mar-

guerite présente un état d'idiotie assez prunoncé. Comme nous l'avons fait re-

marquer, elle n'est pas gâteuse et, quoique difficilement et d'une façon tout à

fait primitive, elle répond encore avec son pauvre langage aux questions qu'on

lui pose.'

Examen somatique : Face. - Il n'existe aucune asymétrie notable dans le

domaine du nerf facial, soit dans la position de repos, soit dans les mouvements

mimiques du visage ; l'occlusion des paupières et l'occlusion de la] bouche se

font assez bien. Le sillon nasolabial est symétrique, la bouche est bien en place,

la langue est tirée dans la ligne médiane et projetée dans toutes les directions.

Il n'existe absolument aucune atrophie de la langue, ni de tremblements fibril-

la ires. Les muscles masticateurs sont indemnes ; la malade peut serrer les mâ-

choires avec force ; l'état des dents est très mauvais. Le réflexe massétérin

existe et il est exagéré.

Les peauciers du visage et du cou ont leur contractilité normale.

Examen des yeux. Il existe un strabisme divergent assez prononcé (V.

PI. XII) ; les pupilles, très dilatées, réagissent très mal à la lumière et à l'ac-

commodation.

En examinant les mouvements associés des yeux, on est frappé par le fait

qu'il existe une limitation énorme dans les mouvements des globes oculaires

en haut. Cette paralysie des mouvements associés des yeux est à peu pi-ès corn-

plète pour le regard en haut et pour la convergence, tandis qu'elle est très

incomplète pour les mouvements de latéralité à droite et à gauche et pour les

mouvements en bas.

Il n'existe aucune trace de nystagmus ni de secousses nystagmiformes.

Examen du fond de l'oeil. - A droite comme à gauche, la papille appa-

rait décolorée avec une teinte blanche bleuâtre très caractéristique. Les bords

ÉTUDE CLINIQUE SUR TROIS CAS DE MALADIE FAMILIALE 105

de la papille sont très nets et plus marqués notamment du côté temporal. On

peut très bien distinguer la lame cribreuse au milieu des faisceaux nerveux très

atrophiés. Les vaisseaux artériels et veineux sont aussi réduits de volume. Sa

papille apparaît aplatie et légèrement excavée.

Il existe eu somme une atrophie primitive bilatérale de la papille, portée à

son plus haut degré.

Examen de l'acuité visuelle. - Marguerite est à peu près complètement

aveugle, elle n'est plus capable de distinguer la forme des objets. Si on lui

place sous le nez un objet quelconque,un morceau de pain par exemple,et qu'on

l'invite à le prendre, elle ne peut le saisir qu'après avoir essayé des nombreux

tâtonnements avec ses mains. C'est à peine si elle peut distinguer la lumière

du jour de la nuit.

Examen des autres sens spécifiques. Le pavillon de l'oreille est attaché

un peu bas ; il est du reste assez petit et bien conformé. L'ouïe est normale,

on peut s'en apercevoir aisément : Marguerite entend très bien la voix chucbo-

tée à quelques pas de distance. La transmission aérienne des sons se fait douc

d'une façon normale, de même que la transmission osseuse.

L'examen otoscopique n'a pas été fait.

En interrogeant la malade,à cause de la difficulté de se mettre en communi-

cation avec elle, on ne peut pas constater s'il existe des vertiges, des bour-

donnements, etc.

L'examen du goût a été pratiqué d'une façon sommaire ; il paraît pourtant

qu'elle soit encore capable de distinguer, bien que d'une façon assez grossière,

les dilférents goûts (amer, doux, salé, etc.).

L'odorat serait chez Marguerite assez bien conservé.

Nous avons examiné Marguerite pendant ses repas et nous avons constaté

que la déglutition était un peu gênée. Elle peut mâcher les aliments assez bien,

mais elle ne peut déglutir que d'une façon assez lente. Jamais pourtant elle ne

s'engourde. Le voile du palais est un peu relâché. La vuix de Marguerite est

impressionnante : c'est une voix lente, monotone, nasonnée. Nous verrons dans

la suite que cette voix spéciale est tout à fait identique chez les trois soeurs.

L'examen de la sensibilité dans le domaine de la Ve paire paraît normale.

Marguerite réagit à la piqûre de même qu'elle entend l'attouchement fait avec

un petit blaireau sur sa figure. Les sensations de froid et de chaud sont éga-

ment bien perçues. La branche motrice du trijumeau parait également indemne.

Nous avons déjà signalé l'attitude de Marguerite. Elle est toujours accrou-

pie et blottie sur elle-même. Elle ne peut plus marcher. Depuis plus de dix ans

elle est clouée sur place ; c'est il peine si elle peut se traîner par terre en s'ai-

dant avec les genoux et les coudes.

Ce qui frappe le plus dans l'examen somatique de Marguerite,c'est l'atrophie

énorme et la difformité singulière de ses quatre extrémités.

Si on examine la malade de par l'examen clinique et électrique, on peut t

constater que cette atrophie est absolument limitée à la portion périphérique

des membres et que le côté proximal, c'est-à-dire la racine des membres, est

complètement épargnée.

106 -BERTOLOTTI

Il suffit de regarder la photographie (Pl. XII) pour rester frappé par le con-

traste qu'il y a entre l'extrémité et la racine des bras et des jambes.

Le corps de Marguerite est plutôt lourd ; ses épaules sont carrées, sa taille

est très épaisse, ses hanches sont peu saillantes. Le cou est gros,court et porté

en avant. Il existe une cyphose dorsale assez prononcée. La poitrine est plate,

les seins sont très peu développés. Le système pileux au pubis et aux aisselles

est à peu près normal. Il est difficile de se prononcer sur l'état des muscles

de la gouttière vertébrale ; l'attitude affaissée de Marguerite porterait à croire

qu'ils sont plutôt parésiés. -

La motilité du cou est assez bien conservée. Elle peut tourner la tête à droite

et à gauche, en haut et en bas et très rapidement. Le mouvement d'élévation

des épaules est normal. Les mouvements inspiratoires du thorax paraissent

aussi tout à fait normaux. La respiration se fait avec le type costal supérieur. r.

Le mouvement de pronation et de supination des bras se fait d'une façon

assez maladroite. La flexion et l'extension de l'avant-bras sont un peu gênées,

la flexion et l'extension du poignet sont nettement diminuées.

La pronation et la supination de la main sont à peu près impossibles.

Tous les mouvements de la main : opposition des doigts et du pouce, flexion,

adduction et abduction des doigts, sont complètement abolis.

La main de Marguerite (V. PI. XIII) atteint un degré d'atrophie musculaire

extrême.

Les doigts sont fléchis sur la face palmaire qui présente un méplat assez

prononcé. La paume de la main est sillonnée par des rides nombreuses très

profondes et très irrégulières.

Le pouce est porté en arrière, sur le plan des autres doigts. L'attitude de la

main simienne ici est très caractéristique. Elle est encore jointe à la position

en griffe totale des doigts. Les éminences thénar et hypotbénar sont complè-

tement effacées. Le dos de la main est profondément atrophié ; on y voit le

relief des os métacarpiens produit par l'atrophie des interosseux.

L'attitude vicieuse des doigts en griffe est donnée par la rétraction des

tendons des fléchisseurs, qu'on ne peut vaincre qu'avec une certaine difficulté.

L'extension active des doigts n'est possible que dans l'articulation des pre-

mières phalanges.

Le rebord interne de la main, au lieu de présenter sa convexité normale, est

excavé par l'atrophie profonde des muscles du côté cubital ; de même le sillon

existant entre le pouce et l'index est très accusé en raison de l'atrophie des

muscles de cette région.

Les ongles sont profondément rongés ; ils présentent en plus des troubles

trophiques évidents; toute la main est cyanosée; les téguments sont lisses et

atrophiques, de couleur livide et très froids au toucher.

Les mouvements actifs de la main sont réduits à l'extension 'et à la flexion

des premières phalanges ; toutefois chez Marguerite la préhension des petits

objets se fait encore entre la première phalange du pouce et l'index. Elle réa-

lise de cette façon une véritable main en pince.

La région du poignet se présente aussi très atrophiée. Cette atrophie est de

NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALI'ÊTRIÈRE.

T. XXIII. PI. XIII

- "" , ,, m i r : ; : "TTlMl Il " ' ? 8

3. Main de Marguerite.

6. Main d'Aurélie.

8. Main d'Elisabeth.

4. Jambes et pieds de Marguerite.

MALADIE FAMILIALE DÉGENÉRATIVE

(Bertolotti).

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PhototTjne Berthaud

ÉTUDE CLINIQUE SUR TROIS CAS DE MALADIE FAMILIALE 107

beaucoup plus accusée au tiers inférieur de l'avant-bras, au commencement du

tiers moyen ; en effet l'avant-bras est plus arrondi et les masses musculaires

sont plus prononcées. On peut dire en conclusion que l'atrophie des membres

supérieurs chez Marguerite s'arrête en forme de gant au milieu de l'avant-bras

(atrophie en manchette).

La pronation et la supination de la main sont presque complètement abolies

de même que l'adduction et l'abduction, tandis que les mouvements d'extension

et de flexion du poignet sont encore conservés en partie.

Les réflexes périostés et osseux-du poignet sont très vifs, le réflexe tendineux

des fléchisseurs a disparu. Le réflexe cubital au coude est affaibli.

On ne peut relever au toucher aucune trace d'hypertrophie des troncs ner-

veux.

Extrémités inférieures. Ici l'atrophie musculaire commence au tiers infé-

rieur des cuisses et il s'agit d'une véritable atrophie en jarretière qui com-

mence à peu près à quelques centimètres au-dessus de la rotule. Cette atrophie

atteint son degré maximum à la hauteur des chevilles et des pieds qui sont ré-

duits à un véritable état de squelette (V. PI. XIII).

Les pieds sont dans une position vicieuse de varus-équin très prononcé, les

orteils sont pliés en griffe, le talon est porté en haut par la rétraction du tendon

achilléen et les pieds sont en adduction forcée.

Le dos du pied est très arrondi et dans le milieu de la face dorsale est placé

uu durillon très dur et épais. Le bord interne du pied, à cause de la position

ea varus, est profondément excavé. 1

Tous les mouvements actifs-des orteils sont complètement abolis, de même

les mouvements d'extension, flexion, abduction et adduction des orteils sont

impossibles.

Les rétractions tendineuses aux extrémités inférieures sont très prononcées.

La flexion des cuisses sur le bassin est normale, l'extension est affaiblie de

même que les mouvements d'adduction et d'abduction. Les mouvements de

flexion et d'extension de la jambe sur la cuisse sont très peu valides.

Les réflexes rotuliens sont abolis, mais les ré%lexes osseux sont très exagé-

rés. En percutant en effet sur la grande tubérosité du tibia on observe un

mouvement brusque d'adduction de la, cuisse ; de même il existe un réflexe

con : ro-latéral des adducteurs, par le fait qu'en percutant sur le tendon rotulien

d'un côté, l'on provoque un mouvement d'adduction dans la cuisse du côté

opposé.

Le réflexe achilléen est aboli. Le réflexe cutaué plantaire est absent. Tous

les mouvements passifs des membres inférieurs sont assez faciles ; on ne peut

relever qu'une certaine rigidité.

Dans les deux tiers inférieurs de la jambe et aux'pieds, la peau se présente

rouge, cyanosée et froide.

Les troubles trophiques des téguments des extrémités inférieures sont telle-

ment évidents qu'il suffit de regarder la planche XIII pour en saisir les détails :

la peau qui recouvre les genoux est rugueuse avec un certain degré de kéra-

108 8 BERTOLOTTI

tose,de même les téguments qui recouvrent les pieds sont très épais et présen-

tent des altérations évidentes dans leur état trophique.

Examen de la sensibilité. Nous avons examiné l'état de la sensibilité

superficielle et profonde chez Marguerite sans arriver à pouvoir déterminer

l'existence d'altérations bien nettes. Cet examen a été entravé par les condi-

tions psychiques du sujet, qui ne se prêtait pas docilement à l'examen, et par

son esprit de jugement très insuffisant et mauvais.

D'une façon générale, l'on peut retenir que les sensations de froid et de chaud

sont bien perçues chez Marguerite et qu'il n'existe aucun degré d'anesthésie

thermique. -

La sensibilité à la douleur paraît encore bien conservée. Pour ce qui a trait

à la sensibilité tactile, il semble qu'elle est émoussée aux pieds et aux mains,

ce qui ne serait pas extraordinaire,étant donné leur mauvais état de circulation

artérielle et veineuse.

L'action des muscles sphinctériens paraît assez bien conservée ; à l'examen

des urines, on n'a pu relever rien de pathologique.

Les fonctions de la vie végétative chez Marguerite seraient tout à fait régu-

lières : le pouls est rythmique (80 à la minute), la respiration est normale

(lu-15 à la minute).

La sensibilité subjective n'a jamais paru altérée.

Examen des réactions électriques. Nous avons employé dans l'examen

électrique notre petit appareil transportable de Gaiffe. C'est une machine

galvano-faradique de 40 éléments avec milliampère et rhéostat de réglage.

Nous avons pu relever une diminution considérable de l'excitabilité galvani-

que sur les territoires innervés par le nerf facial et l'hypoglosse, sans toutefois

déceler des altérations qualitatives sur les muscles.

Les muscles du cou ont présenté des réactions électriques à peu près nor-

males.

Les altérations sont nettes sur les muscles de la ceinture scapulo-humérale.11

existe en effet dans cette région une très grande diminution de l'excitatihilité

neuro-musculaire galvanique et faradique.

Aux membres supérieurs, sur le deltoïde, le biceps et le triceps brachial des

deux côtés, on peut relever une lenteur anormale des secousses avec le cou-

rant faradique. ·

Avec le courant continu,ces muscles ont des réactions lentes avec hypoexci-

tabilité électrique assez marquée, sans toutefois présenter l'inversion nette

de la 1). R.

Les troncs nerveux des bras et des avant-bras sont à peu près inexcitables,

soit avec le courant galvanique, soit encore avec le courant faradique.

Sur les muscles de l'avant-bras, il y a production de réactions électriques

très altérées avec prévalence de la contraction musculaire à la fermeture

de l'anode.

Aux mains, tous les muscles sont complètement inexcitables avec le plus fort

courant électrique.

ÉTUDE CLINIQUE SUR TROIS CAS DE MALADIE FAMILIALE 109

Les nerfs radial, cubital et médian au poignet ne donnent pas de réactions

motrices.

Aux extrémités inférieures,au-dessous du genou, l'excitabilité électrique, soit

galvanique, soit faradique,est complètement abolie sur les nerfs et sur les mus-

cles.

Dans la région des cuisses, sur le droit interne et le droit externe, on note

l'inversion des réactions normales avec réaction dégénérative assez prononcée.

Le droit antérieur est à peu près 'inexcitable. Sur les autres muscles de la

région supérieure des cuisses, 'il existe une diminution globale de l'excitabilité

électrique.

Les muscles de la région pelvienne ont donné des réactions électriques à

peu près normales.

Observation II.

Résumé. Pas de convulsions dans la première enfance.

Etal mental caractérisé par une déchéance progressive de toutes les

facultés intellectuelles. ,

Atrophie complète bilatérale de la papille avec amaurose complète.

Troubles dans les mouvements associés des globes oculaires.- Strabisme

divergent. Paralysie partielle des muscles intrinsèques et extrin-

sèques des yeux.

Diminution des autres sens spécifiques (goût, odorat).

Troubles bulbo-prolubérantiels à la charge des nerfs facial et hypo-

glosse. - - z

Asynergie cérébelleuse.

Rigidité spasmodique aux membres inférieurs avec abolition des réflexes

tendineux et exagération des réflexes osseux.

Atrophie musculaire énorme des quatre extrémités, avec tous les caractè-

res du type spino-neurotique Charcot- Marie. Début de l'atrophie par

les pieds. Pas de contractions fibrillaires. - Aucune trace d'hyper-

trophie des troncs nerveux.

Intégrité de la sensibilité objective et subjective.

Intégrité des sphincters.

Aurélie est née en octobre 1889. Sa naissance fut tout à fait normale. L'ai-'

laitement maternel se fit d'une façon heureuse jusqu'à l'âge de 16 mois.

Aun an Aurélie, commença à bégayer quelques mots, mais elle aussi mon-

tra un retard dans ses premiers pas ; en effet, elle ne commença à marcher qu'à

l'âge de 20 mois.

Aurélie n'a pas souffert d'attaques convulsives dans sa première enfance,

jamais elle ne fit les maladies de cet âge. Son développement physique fut as-

sez bon et à 4 ans elle ne montrait aucune altération ni somatique, ni psychique.

Ce fut à )'age de 6 ans que la 'mère commença ;i relever dans la démarche

d'Aurélie une altération particulière : elle n'était jamais dans un équilibre

stable, elle piétinait souvent sur place et traînait ses pieds en marchant.

110 13ERTOLOTTt

Bientôt cette forme de steppage alla en empirant et la marche devint im-

possible sans le soutien des béquilles.

En même temps apparaissaient des altérations trophiques aux membres in-

férieurs : les pieds maigrissaient, la peau était devenue livide, les extrémités

étaient toujours froides. '

La mère, qui avait suivi avec tout son regret maternel les progrès du mal

chez l'aînée, vit donc avec effroi les mêmes altérations se produire chez Auré-

lie.

L'atrophie des- mains s'installa assez rapidement et en- peu de temps

l'attitude de la main en griffe se dessina chez la petite de la même façon que

chez la soeur.

Aurélie jamais n'a pu aller à l'école. Il parait bien probable du reste que

l'état psychique d'Aurélie, au lieu de progresser avec l'âge, s'est empiré encore

plus rapidement que chez Marguerite.

La mère nous a dit que le timbre de la voix d'Aurélie aurait changé vers

l'âge de 10 ou 12 ans. A cette époque, en effet, elle se mit à parler avec

la même lenteur et la même intonation chantante et monotone que sa soeur.

. A 10 ans, c'est-à-dire quelques années plus tôt que chez la soeur, débutè-

rent les troubles visuels. Actuellement Aurélie est complètement aveugle et

cet état se serait constitué assez rapidement.

Le strabisme divergent se serait produit aussi chez Aurélie d'une façon plus

précoce que chez sa soeur.

Elle fut réglée à 15 ans ; dès lors son flux menstruel a toujours été régu-

lier. '

Etal actuel. - Elle a un air stupide et dans son visage n'apparaît pas la

moindre lueur d'intelligence. Sa figure est épanouie, elle sourit constamment

et son sourire a une expression de bêtise absolue (V. PI. XII). °

Les traits de son visage ne présentent pas la laideur repoussante de sa soeur

aînée. Elle présente des linéaments moins altérés ; toutefois il suffitde la re-

garder un instant pour saisir tous les stigmates de dégénérescence qui sont

empreints sur son visage.

Son front est bombé, ses yeux hagards sont en strabisme divergent, son nez

est légèrement épaté. Sa lèvre supérieure est aplatie et rehaussée, les dents

sont mal implantées et la lèvre inférieure, abaissée et relâchée, est projetée en

avant. Aurélie présente une véritable bouche de poisson.

Son menton est énorme, sa mâchoire inférieure esttrès développée, les oreil-

les sont implantées très bas.

Le cou d'Aurélie est plutôt mince, quoique son visage soit assez gros et sa

tête carrément dessinée. Le crâne est assez développé, il n'y a pas trace ni de

microcéphalie, ni d'hydrocéphalie.

Il existe une asymétrie faciale assez évidente, le côté gauche est plus déve-

loppé et le pli naso-labial de ce côté est plus accentué. Le sourire d'Aurélie

est tout à fait particulier par la disposition que prend sa lèvre supérieure qui

se relève d'une façon exagérée, en laissant apparaître non seulement les dénis.

ÉTUDE CLINIQUE SUll TROIS CAS DE MALADIE FAMILIALE 1'll 1

mais aussi la muqueuse gingivale. Il s'agit donc d'un rire type parfaitement

transversal comme chez les myopathiques.

On peut dire que le nerf facial n'est pas complètement épargné chez elle ;

son rire transversal, le relâchement des lèvres, l'asymétrie du pli naso-labial

sont autant de faits qui doivent faire soupçonner une atteinte du nerf fa-

cial.

La langue peut être tirée droit et projetée dans tous les sens ; il n'existe

aucune atrophie de la langue, les muscles masticateurs sont indemnes, mais

il est évident que la déglutition est assez gênée.

il y a de la sialorrhée et une réelle difficulté dans la déglutition de la salive

et du bol alimentaire.

Les muscles peauciers du visage et du cou semblent bien un peu relâchés ;

la sensibilité dans le territoire du trijumeau paraît normale.

Le réflexe massétérin est très exagéré, le réflexe pharyngien est absent, le

voile du palais est un peu relâché.

Examen psychique. La déchéance psychique chez Aurélie est encore plus

profonde que chez Marguerite.

Elle est gaie, elle n'a aucune conscience de son état, ni aucune pres-

cience de l'avenir. Elle reste assise sur son grabat, toujours en souriant, et elle

ne se révolte pas aux coups que sa soeur lui donne de temps en temps.

Son affectivité pourtant paraît encore un peu conservée. Elle se met à pleu-

rer si sa mère menace de l'abandonner. Si on lui propose de laisser sa chau-

mière et de se faire interner dans un hôpital pour se faire soigner, elle pleure.

Elle ne voudrait pas abandonner -ses parents. Je lui demande si elle aime ses

saellrs : elle me répond que oui.

Elle montre une véritable prédilection pour sa petite soeur Elisabeth qui i

est sa compagne de jeux et d'enfantillage. Pendant que Marguerite passe son

temps absorbée dans son morne silence, Elisabeth et 'Aurélie ont toujours quel-

ques mots à échanger. Il est très difficile de saisir la valeur de leur conversa-

tion ; pour moi, c'est un langage à peu près inarticulé,cependant pour la mère

ce murmure est encore compréhensible.

Aurélie a le même timbre de voix que sa soeur. C'est la même façon de par-

ler du nez, avec une intonation lente, monotone. Sa prononciation des mots

se fait de la même façon, le r est très mal prononcé et le t est substitué à

plusieurs lettres. Le langage est absolument réduit à ses éléments primitifs.

. En résumé, Aurélie présente un état de puérilisme mental très net. Ses fa-

cultés psychiques sont profondément altérées, tandis que ses facultés affectives

sont encore assez conservées. Son caractère est bon, son intelligence est

éteinte.

La vie psychique de cette fille de 21 ans est réduite à l'évaluation de son

instinct animal. Elle a peur des bruits, du tonnerre, des reproches de sa mère,

mais tout le reste pour elle est plongé dans le néant.

Examen des yeux. - Aurélie présente un strabisme divergent assez pro-

noncé, en particulier du côté gauche.

112 BERTOLOTTI

Les pupilles sont dilatées et ne réagissent pasà la lumière. Le réflexe à l'ac-

commodation existe.

Les réflexes cornéen et conjonctival sont encore présents. En étudiant les

mouvements associés des globes oculaires, on peut déceler la présence d'un nys-

tagmus dans les mouvements du plan horizontal. Les mouvements associés de

latéralité à droite et à gauche ont leur amplitude normale, tandis qu'il existe

une véritable paralysie des mouvements conjugués vers le haut.

Les mouvements associés en bas sont encore possibles.

La convergence est très incomplète.

Examen du fond de l'oeil. - L'atrophie bilatérale de.la papille chez Aurélie

est absolument complète, soit du côté temporal, soit du côté nasal. Les bords de

la papille sont extrêmement nets. Le fond apparaît excavé comme dans l'atro-

phie primitive très avancée. Les vaisseaux sont très réduits de volume et très

pâles. La couleur de la papille est typique avec une teinte blanche resplendis-

sante légèrement azurée. La lame cribreuse est visible dans sa totalité, on ne

voit même plus la trace des faisceaux nerveux atrophiés.

La vue chez Aurélie est complètement perdue, elle distingue difficilement

le jour de la nuit.

Examen des autres sens spécifiques. L'ouïe est très bien conservée chez

Aurélie. Elle reconnaît ses parents, non seulement par le son de leur voix,

mais encore par leur démarche. Elle est capable de distinguer de cette façon

l'approche de sa mère ou de ses frères.

L'odorat au contraire parait assez compromis chez Aurélie. Nous n'avons pu

faire à cet égard un examen détaillé, mais si l'on en veut juger par les rensei-

gnements de la mère, il est très probable que l'odorat et le goût sont très émous-

sés chez elle. En effet, elle n'est pas même capable de distinguer les goûts;

quoique très avide et affamée, elle mange avec indifférence tout ce que la

mère lui apporte, sans faire de distinction. Elle n'est pas capable d'avoir

des préférences, pas même pour les bonbons, tandis que Marguerite, comme

nous l'avons décrit, est très gourmande.

L'atrophie musculaire chez Aurélie n'est pas encore arrivée au degré extrême

que nous avons constaté chez sa soeur. Son dos n'est pas voûté, elle ne présente

aucune déviation de la colonne vertébrale. Elle est encore capable de se tenir

assise sur une chaise sans s'écrouler, chose très difficile pour Marguerite.

Elle présente un symptôme nouveau, non relevé chez sa soeur : il s'agit d'un

léger tremblement statique de la tête avec balancement régulier à droite et il

gauche. Les mouvements volontaires sont empreints d'une certaine incoordina-

tion motrice ; il n'y a du reste aucun signe ni de chorée, ni d'athétose.

L'atrophie musculaire se manifeste chez elle avec une localisation absolu-

ment identique à celle de Marguerite. Cette atrophie est très accusée aux

extrémités et va en diminuant de la périphérie à la racine des membres.

Les masses musculaires du tronc sont un peu moins développées que chez

sa soeur, mais on ne relève aucun signe d'atrophie musculaire dans cette

région.

Le cou est un peu amaigri, mais parfaitement mobile dans tous les sens.

ÉTUDE CLINIQUE SUll TROIS CAS DE MALADIE FAMILIALE 113

On remarque tout de suite, dans la silhouette d'Aurélie, l'absence totale des

rotondités féminines. Elle semble taillée dans le bois. Ses épaules sont car-

rées, ses hanches étroites, les seins sont à peine développés, la taille est plutôt

lourde. Le système pileux au pubis et aux aisselles est très peu abondant.

Comme nous l'avons déjà remarqué, les phénomènes paralytiques et atrophiques

sont limités aux quatre membres.

Voici (PI. XIII) la photographie de la main gauche d'Aurélie ; elle est très in-

téressante à étudier. Cette main présente en effet une atrophie poussée à son

degré le plus extrême. --

L'éminence thénar est complètement effacée et à sa place on observe une

véritable excavation ; de même la paume de la main est creusée ; du côté cubi-

tal,fatrophie est un peu moins avancée ; l'éminence hypothénar est très réduite,

mais sa fonte n'est pas complète ; le rebord interne de la main n'est pas atro-

phié comme chez Marguerite, mais il présente encore une légère convexité

extérieure.

En résumé, les faits atrophiques dans la main d'Aurélie sont un peu moins

prononcés que chez sa soeur, notamment du côté cubital.

L'attitude de la main simienne est aussi nette que possible, avec griffe cubi-

tale plus accusée. Les rétractions tendineuses des fléchisseurs sont moins com-

plètes que chez Marguerite.

La face dorsale de la main présente, elle aussi, une atrophie très grave. Les

mouvements actifs de la main et des doigts sont très réduits, moins pourtant

que chez l'aînée.

Aurélie peut encore fléchir ou étendre les doigts,bien que d'une façon incom-

plète, mais l'extension et la flexion de la première et de la deuxième phalange

n'est pas complètement abolie.

L'opposition du pouce fait complètement défaut ; les mouvements d'adduction

et d'abduction des doigts sont limités ; toutefois il faut relever que la préhen

sion des objets cliez Aurélie se fait par l'adduction du pouce comme chez sa

soeur. La flexion et l'extension des premières phalanges se fait encore assez

bien.

L'avant-bras aussi se présente très atrophié; cette atrophie est nettement limi-

tée à l'union du tiers inférieur avec le tiers moyen. En effet à ce niveau, comme

on peut le voir dans la photographie, il semble exister un arrêt brusque des

altérations trophiques.

L'avant-bras en effet, au-dessus du tiers inférieur,acquiert un développement

à peu près normal, avec une certaine rondeur correspondant à une nutrition plus

abondante des masses musculaires.

Il est très important à relever que les troubles trophiques qui semblent s'ar-

rêter au tiers moyen de l'avant-bras ne sont pas limités seulement à l'atrophie

musculaire. La peau aussi semble y participer d'une façon très particulière ;

en effet, tandis que les téguments de la main et du poignet présentent des alté-

rations trophiques extrêmement graves, la peau de l'avant-bras est souple et

à peu près normale.

Il suffit de regarder notre photographie pour s'en apercevoir : la peau de la

XXIII g

114 BCRTOLOTTI

maiu est traversée par des raies nombreuses, disséminées dans tous les sens;

la peau est cyanosée, livide et très froide au toucher ; enfin les os de la main

semblent aussi avoir participé à l'atrophie.

Les mouvements de pronation et de supination de la main, quoique limités,

sont encore possibles ; les mouvements d'adduction et d'abduction de la main

sont assez réduits. La flexion et l'extension de l'avant-bras sur le bras, la ro-

tation de l'avant-bras et tous les autres mouvements des bras et de l'épaule

sont parfaitement conservés.

La respiration s'accomplit d'une façon tout à fait normale. Il n'existe aucune

trace d'atrophie musculaire sous la région scapulo-humérale. Les deltoïdes, les

biceps sont assez bien conservés et la force musculaire développée daus les

mouvements du moignon de l'épaule est encore considérable.

Les réflexes périostes et osseux du poignet sont très exagérés. Par coutre

le réflexe des fléchisseurs est aboli.

Le réflexe cubital au coude est absent.

Nulle part l'on ne peut relever trace d'hypertrophie des troncs nerveux;

de même la palpation sur le trajet des nerfs est absolument indolore.

Extrémités inférieures. - Comme nous l'avons décrit aux membres supé-

rieurs, l'atrophie musculaire aux extrémités inférieures est rigoureusement

limitée aux pieds, aux jambes et au tiers inférieur des cuisses.

Il s'agit donc d'une véritable atrophie en jarretière.

Cette atrophie commence à quatre travers de doigt au-dessus du genou et

atteint son maximum aux jambes et aux pieds qui sont réduits dans un état

d'atrophie extrême. Dans cette région, les parties molles sont réduites à la peau,

au tissu sous-cutané et à quelques traînées de fibres musculaires sclérosées

et rétractées.

Les pieds sont en varus exagéré, mais la rétraction du tendon achillée

n'est pas encore arrivée au degré que nous avons constaté chez Marguerite; de

cette façon s'explique l'absence d'équinisme dans les pieds d'Aurélie.

Sur la photographie (V. PI. XII), les pieds paraissent très volumineux, mais

ce fait, qui ne correspond pas à la réalité, tient à un défaut de la pose, les pieds

étant vis-à-vis de l'objectif dans un plan beaucoup plus avancé que -le reste

du corps. Bref, les pieds n'étaient pas au point.

Au contraire, comme nous l'avons relevé chez Marguerite, les pieds d'Aurélie

sont petits. Le dos du pied est très arrondi. Les durillons que nous avons cons-

tatés chez Marguerite sur la face dorsale des pieds, chez Aurélie au contraire

se retrouvent sur le bord externe du pied ; cette disposition différente, selon

moi, est due simplement à la disposition des pieds pendant la marche, alors

que cette marche avec des béquilles était encore possible chez elle.

Le bord interne du pied est incavé cause de l'atrophie musculaire et à cause

aussi du varisme très prononcé.

Tous les mouvements des orteils sont abolis, la rétraction des fléchisseurs

chez Aurélie est pourtant moins avancée que chez la soeur.

Les mouvements des pieds sur la jambe sont complètement abolis, les mou-

ÉTUDE CLINIQUE SUR TROIS CAS DE MALADIE FAMILIALE 115

vements de flexion et d'extension des jambes sur les cuisses sont encore pos-

sibles.

Les réflexes rotuliens et achilléens sont abolis, mais' on note la présence de

réflexes osseux très vifs, que l'on peut provoquer en percutant soit la. grande

tubérosité du tibia (réflexe homolaléral et controlatéral des adducteurs),soit

encore en'percutant la malléole interne. , , :

Le réflexe cutané plantaire est-aboli.

La rigidité 'des membres inférieurs chez Aurélie est plus' accusée que

chez sa soeur. Cette rigidité n'est pas seulement due aux rétractions tendiueu-

ses, mais aussi à un certain degré de spasticité des membres inférieurs.

Ses genoux sont eh adduction forcée.et les jambes sont dans une position

qui rappelle celle de la maladie de Little.

L'examen'de.la sensibilité chez Aurélie n'a relevé aucune altération bien

nette. Il n'existe aucun signe de thermo-anesthésie ; de même la sensibilité à

la douleur parait encore bien conservée ; il semble toutefois que la sensibilité

tactile soit émoussée aux extrémités. 1

L'action des muscles sphinctériens est encore bien conservée.

Rien d'anormal du côté des organes internes.

Examen des réactions électriques. - Dans le territoire incurvé par le nerf

facial, l'excitabilité neuro-musculaire est nettement diminuée.

L'exatnen électrique des muscles de la langue, très difficile chez Aurélie, à

cause de sa résistance, n'a pas donné de renseignements bien précis. Nous

avons pu relever une diminution certaine des réactions électriquès sur les mus-

cles du cou,des épaules,dans ces mêmes groupements musculaires qui dévelop-

paient des mouvements volontaires à peu près normaux.

Cette diminution de l'excitabilité galvanique et faradique atteint un degré

assez élevé sur le deltoïde, le biceps, le triceps brachial : l'on note aussi une

grande lenteur des secousses musculaires avec le courant faradique.

Sur tous les muscles de l'avant-bras, on peut relever des réactions nette-

ment altérées dans leur formule avec les manifestations les plus certaines

de la D, R..

Les troncs nerveux des bras et de l'avant-bras sont presque inexcitables. Au

poignet et à la main, les muscles atrophiés sont absolument inexcitables et ne

répondent plus d'aucune façon aux plus forts courants dont nous disposons

(30 m A.).

Dans la région des cuisses,on peut relever les mêmes altérations des contrac-

,' tions électriques : bien que les muscles de cette région soient encore valides : dans leur contraction volontaire, les réactions électriques sont constamment

altérées avec hypoexcitabilité neuro-masculaire très manifeste.

Au-dessous des genoux, l'excitabilité galvanique et faradique est complète-

ment abolie sur les uerfs et sur les muscles.

Les muscles de la région pelvienne donnent des réactions inférieures à la

normale sans altération de la formule.

116 BERTOLOTTI

· Observation 111.

Résumé. Rougeole dans la première enfance. - Pas d'attaques convul-

sives. Déchéance intellectuelle en train d'évoluer. Parole lente,

monotone (bmdylalie), avec troubles graves dans la prononciation.

Atrophie assez avancée de la papille. - Acuité visuelle encore assez con-

servée. '

Paralysie des mouvements conjugués des globes oculaires vers le haut. -

Réflexes à la lumière et à l'accommodation parfaitement conservés.

Convergence bonne. Aucun trouble des autres sens spécifiques.

Troubles bulbo-protubérantiels ( ? ), sialorrhée, rire transversal du type

myopalhiq ue.

Aucune trace de rigidité ni de contracture aux membres. - Diminution

des réflexes tendineux. - Exagération des réflexes osseux.

Atrophie musculaire débutant par les mains.

Troubles trophiques en train d'évoluer.

Contractions fibrillaires évidentes. Sleppage des pieds (pied ballant).

Rétractions tendineuses à peine ébauchées au gros orteil.

Atrophie des jambes en jarretière.

Type amyotrophique Charcot- Marie.

Intégrité de la sensibilité. -Intégrité des sphincters.

Elisabeth, 11 ans. Elle est née après un accouchement parfaitement normal

en 1898 et c'était la sixième de la nichée. Elle aussi fût allaitée par sa mère.

Il paraît que Elisabeth aurait montré un développement physique et psychique

plus précoce que ses soeurs. A 8 mois elle commençait à bredouiller les

premiers mots et à 14 mois elle marchait déjà . Jusqu'à l'âge de 3 ans, Elisa-

beth jouit d'une excellente santé. Elle était une enfant très jolie et très éveil-

lée. A3 ans, elle fit une maladie fébrile avec tuméfaction et rougeur du

visage, probablement un érysipèle qui dura trois semaines, au bout desquelles

Elisabeth s'était complètement rétablie. A l'âge de 5 ans, elle fit la rougeole et

la coqueluche, mais elle n'eut jamais aucune manifestation convulsive.

Sa mère commençait à croire qu'Elisabeth serait épargnée -par la maladie

de ses soeurs, lorsque, vers l'âge de 7 ans, elle commença à noter avec déses-

poir que la petite Elisabeth devenait de plus en plus maladroite dans l'usage

des mains ; elle laissait tomber à tout moment quelque chose, elle cassait

ses écuelles; bref, les mains d'Elisabeth maigrissaient. Après ce fut le tour

des pieds qui devinrent ballants et très flous dans leur articulation tibio-

tarsienne.

Bientôt elle aussi fut obligée de se servir de béquilles pour marcher.

La déchéance des facultés psychiques aurait commencé à peu près à celle

époque. Ce qui est certain, c'est que les troubles visuels sont apparus les

derniers.

Etat actuel. Elisabeth présente encore une mine rose et rondelette

ÉTUDE CLINIQUE SUR TROIS CAS DE MALADIE FAMILIALE 117 7

(V. PI. XII). Les attributs de son âge et de sou sexe chez elle ne sont pas com-

promis comme chez ses soeurs. Elle démontre son état infantile; sa peau est

blanche et fine, ses traits sont presque jolis, ses yeux sont grands et noirs,

ses cils sont longs.

Elle conserve encore une lueur d'intelligence dans le regard. Le bas de sa

figure toutefois porte l'empreinte de son idiotie qui commence. Son faciès infé-

rieur est compromis, le rebord de sa bouche est très large, la lèvre inférieure

est relâchée, les dents sont mal plantées, avec diastase dentaire et les signes

les plus évidents d'altération trophique avec raies longitudinales. Le palais est

en ogive, la langue est longue et rosée ; elle est mobile dans tous les sens.

Elisabeth est atteinte par une sialorrhée abondante, la bave s'écoule aux

coins de sa bouche et elle tire sa langue à tout moment pour lécher ses lèvres

humides. Elle présente un véritable tic de léchage. Le pli naso-labial à droite

est plus accusé, la bouche est une véritable bouche de poisson.

Le sourire est ligé sur sa figure ; c'est un sourire à la fois bête et un peu

moqueur.

Les muscles masticateurs sont forts, le voile du palais et les piliers ont

un fonctionnement normal. Le réflexe massétérin est vif. Le réflexe cornéal et

le réflexe pharyngien sont normaux.

L'attitude de la petite fille est un peu relâchée ; son dos est légèrement voûté,

ses épaules sont plutôt saillantes, elle ne peut marcher sans béquilles. Elisa-

beth est assez bien développée pour son âge. '

Examen des sens spécifiques : Examen des yeux. - Il existe un strabisme

divergent assez prononcé, les pupilles sont plutôt dilatées, le réflexe à la lu-

mière est paresseux, le réflexe si l'accommodation est bien conservé.

En examinant les mouvements associés des globes oculaires, on note une di-

minution remarquable dans l'excursion des globes oculaires en haut. La con-

vergence est défectueuse.

Le réflexe cornéal est présent, le réflexe conjonctival aussi. Il n'y a pas trace

de nystagmus ni de secousses nystagmiformes.On ne peut relever aucun signe

de diplopie.

Examen de l'acuité visuelle. Elisabeth présente une diminntion nette de

l'acuité visuelle. Elle est encore capable de distinguer les objets environnants,

mais elle le fait d'une façon maladroite.

Son regard est un peu incertain et vague. A quelques mètres de distance,

elle ne voit plus les objets un peu menus (un morceau de pain, une montre,

etc.) qu'on lui présente.

Examen du fond de l'oeil. - L'examen du fond de l'oeil démontre une dé-

coloration de la papille déjà assez avancée et qui contraste avec l'état relative-

ment suffisant de l'acuité visuelle.

Les bords de la papille sont découpés d'une façon nette. La papille est pâle

notamment du côté temporal. Il n'y a pas encore à proprement parler une exca-

vation du fond de la papille et les vaisseaux sont encore assez bien' dessinés,

mais les fibres nerveuses sont très atrophiées et la lame cribreuse commence il

se montrer.

It8 - BERTOLOTTI

Examen des autres sens spécifiques. L'ouïe est parfaitement normale,Gli-

sabeth entend très bien comme ses soeurs. En effet, l'on doit remarquer que

l'ouïe chez nos trois malades a été complètement épargnée. Il paraît de même

que le goût et l'odorat sont assez bien développés chez Elisabeth.

Bien que les phénomènes morbides présentés par Elisabeth soient à peine à

l'état d'ébauche en comparaison de ses soeurs, on peut remarquer que la voix

est absolument identique.C'est la même voix nasale traînante et monotone,sans

expression. On ne peut dire qu'il s'agisse d'une véritable voix scandée comme

dans la sclérose en plaques, parce que ici la prononciation n'est pas nette,mais

au contraire elle est tout à fait anormale.

En effet Elisabeth présente les mêmes défauts de prononciation que ses

soeurs. Le r est très mal prononcé et le t est substitué à beaucoup d'autres

lettres.

La déglutition est bien conservée, les fonctions respiratoirés ne sont abso-

lument pas troublées, les cordes vocales ne semblent pas intéressées (pas d'exa-

men laryngologique).

La langue est très bien tirée et mobile. Le voile du palais et les piliers ne

sont pas relâchés. Le réllexe pharyngien est vif. Le réflexe massétérin est très

fort. La mastication est parfaitement conservée.

L'examen de la sensibilité dans le domaine de la Ve paire n'a rien décélé d'a-

normal.

Examen psychique. Il est aisé de voir qu'Elisabeth est en train d'arri-

ver à cette déchéance intellectuelle que nous avons déjà relevée chez ses soeurs.

Elle présente à l'état d'ébauche les troubles psychiques qui chez Marguerite et

chez Aurélie ont déjà atteint une gravité extrême.

La mère nous a dit qu'Elisabeth était une enfant très éveillée et que jusqu'à

l'âge de 7 ans elle s'était montrée intelligente absolument comme une autre

petite fille du même âge.

Actuellement, au contraire, Elisabeth se présente comme une enfant très

arriérée ; elle n'offre pas cet état d'abrutissement complet dans lequel sont

plongées ses soeurs, mais il est certain que ses facultés psychiques sont en

train de subir un abaissement progressif.

Son langage primitif et rudimentaire traduit assez fidèlement ses conditions

psychiques. Elle n'a pas conscience de son état, elle n'est pas même capable

de regretter son impotence fonctionnelle. Elle regarde ses frères, qui sont en

train déjouer dans la cour, sans une lueur d'envie ou de désir dans ses yeux.

Elle est bavarde et passe son temps à jaser dans son langage estropié avec

Aurélie, sa soeur bien-aimée.

L'affectivité chez Elisabeth est en effet encore bien conservée ; elle est très

attachée à sa mère, à ses frères et à sa soeur Aurélie. Sa mémoire est assez

bonne, elle se rappelle des faits antérieurs qui l'ont impressionnée. De cette

façon, elle me reconnaît très bien à mon second voyage, après 15 jours d'ab-

sence. Elle se réjouit de ma présence et elle attend les bonbons que je lui

avais promis la première fois.

ÉTUDE CLINIQUE SUR TROIS CAS DE MALADIE FAMILIALE 119 9

En résumé, Elisabeth présente un état de déchéance intellectuelle lentement

et fatalement progressif : elle est en train de tomber dans l'idiotie. ,

Chez Elisabeth, l'insuffisance fonctionnelle due à l'atrophie musculaire est

encore peu prononcée en comparaison de ses soeurs.Les rétractions tendineuses

chez elle n'ont pas encore commencé et elle pourrait encore se traîner sur ses

pieds si l'articulation tibio-tarsienne eût été fixée.

Elisabeth se présente comme une enfant assez bien développée pour son âge

(H ans), elle ne présente aucune-déviation de sa colonne vertébrale. 1

L'atrophie musculaire, au lieu.d'être complète, est à peine en train de se dé-

velopper. Ce qui est certain en tout cas, c'est sa localisation absolument iden-

tique chez toutes les trois. Il s'agit en effet d'une atrophie musculaire localisée

aux quatre membres avec prédominance aux extrémités.

Le cou est un peu long et un peu aplati en arrière. Les saillies du sterno-

cléïdo-mastoïdien sont assez prononcées. La glande thyroïde est bien déve-

loppée, le cou est parfaitement mobile dans tous les sens. Le thorax est assez

hien conformé, les pointes des seins sont à peine prononcées, pas de poils ni

au pubis ni aux aisselles.

Le bassin est encore parfaitement infantile.

Les phénomènes atrophiques et paralytiques sont absolument localisés aux

extrémités.

Un simple regard jeté à la photographie de la main droite d'Elisabeth

(V. PI. XIII) est suffisant pour faire saisir le degré de l'atrophie musculaire.

Cette atrophie est plus accusée du côté radial. L'éminence thénar, tout en

n'étant pas complètement effacée, .se présente toutefois assez aplatie ; l'éminence

hypothénar conserve-encore un certain relief; de même la paume de la main

n'est pas beaucoup creusée, elle ne présente pas les rides nombreuses et entre-

croisées que nous avons vues chez ses soeurs. Le pouce n'est pas repoussé en ar-

rière ; l'attitude simienne chez Elisabeth n'est pas encore évidente, les trois

derniers doigts sont un peu fléchis, mais la rétraction tendineuse des fléchis-

seurs n'est pas encore établie et, dans les mouvements passifs, cette flexion est

très facile à vaincre. Le bord interne de la main est encore assez arrondi.

La main d'Elisabeth présente une conformation particulière ; elle est longue

et fine, elle est aristocratique. A ce propos, il est bon de faire remarquer un

point sur lequel nous reviendrons,c'est la petitesse des extrémités chez toutes

mes malades. Il y a là quelque chose de spécial qu'il faut discuter.

Le poignet présente une atrophie absolument limitée en manchette au tiers

inférieur de l'avant-bras, ce qui est très net dans la photographie (V.PI. XIII).

L'on voit en effet que dans son milieu l'avant-bras acquiert une rotondité qui

contraste étrangement avec la maigreur du poignet et de la main.

Le bras aussi est absolument indemne de toute trace d'atrophie. Les mou-

vements du bras et de l'avant-bras s'accomplissent d'une façon parfaitement

normale.

Il n'y a que les mouvements des muscles intrinsèques de la main qui soient

120 BERTOLOTTl

compromis ; en effet, l'opposition du pouce et des autres doigts n'est presque

plus possible.

La pronation et la supination de la main se font encore assez bien. Les mou-

vements d'extension et de flexion, de même que l'abduction et l'adduction du

poignet, sont discrètement conservés. ,

Les réflexes périostés et osseux du poignet sont plutôt exagérés. Le réflexe

tendineux des fléchisseurs au contraire est affaibli, le réflexe cubital aussi est

très diminué.

On ne peut relever au toucher aucune trace d'hypertrophie des troncs ner-

veux.

Les troubles vasomoteurs et trophiques sont déjà assez accusés à la main

d'Elisabeth, mais y a encore loin du degré atteint chez ses soeurs.

Extrémités inférieures. -- Les membres inférieurs d'Elisabeth sont bien

loin de présenter le degré d'atrophie que nous avons pu constater chez les

autres.

Ici les masses musculaires ne sont pas totalement disparues.Les mollets,bien

que flous, sont encore assez prononcés, la jambe d'Elisabeth n'est pas une

jambe de coq véritable comme nous l'avons relevé chez ses soeurs.

Les pieds d'Elisabeth ne sont pas trop déformés ni. atrophiés, les rétractions

tendineuses sont à peine en train de commencer.

Les pieds de la petite fille sont ballants, l'atrophie des muscles intrinsèques

est assez avancée, mais il y a surtout atrophie des péroniers, du jambier

antérieur, des extenseurs communs et de l'extenseur propre du pouce qui do-

mine et qui est la cause de l'attitude paralytique de ses pieds.

Les mouvements de flexion des orteils sont encore possibles, sauf pour

le gros orteil, qui a déjà subi un certain degré de rétraction. L'extension des

'orteils est au contraire complètement abolie.

Les pieds d'Elisabeth sont en équinisme paralytique. On n'observe aucune

trace de varisme. L'adduction et l'abduction des pieds font complètement

défaut.

Le bord interne du pied n'est pas déformé ; la face dorsale se présente un

peu arrondie, mais l'on n'observe aucune trace de durillons.

L'atrophie musculaire ne s'arrête pas aux jambes, mais elle remonte plus

haut, jusqu'aux cuisses, et ici encore il s'agit d'une véritable atrophie en

jarretière limitée à quatre travers de doigt au-dessus de la rotule.

La flexion et l'extension de la jambe sur la cuisse se font assez bien, la flexion

des cuisses sur le bassin est normale, l'extension est affaiblie, de même que

les mouvements d'abduction et d'adduction.

Le réflexe rotulien est faible, le réflexe achilléen est complètement absent.

Les réflexes osseux, tout en étant présents, sont de beaucoup moins accentués

que chez les deux scenrs.

Le réflexe cutané plantaire est absent. '

Il faut rétorquer que chez Elisabeth les membres inférieurs sont parfai-

tement souples et qu'il n'existe aucune trace ni de rigidité musculaire, ni

de contracture.

ÉTUDE CLINIQUE SUR TROIS CAS DE MALADIE FAMILIALE 121

Tous les mouvements passifs sont complètement libres.

Les troubles trophiques chez Elisabeth sont encore à peine ébauchés : les

pieds sont un peu froids et cyanosés, mais ils ne présentent pas ce degré excep-

tionnel d'atrophie des téguments et de troubles vasomoteurs que nous avons

relevé chez les deux autres.

Examen de la sensibilité. L'examen de la sensibilité cutanée et du sens

musculaire chez Elisabeth est bien plus aisé. Il a pu être fait avec una certaine

facilité, étant donné son état psychique relativement meilleur.

Nous n'avons pu relever l'existence d'aucune altération, partout l'état des

sensibilités superficielles et profondes nous a paru absolument normal.

La sensibilité subjective aussi n'est pas troublée. Elisabeth ne se plaint t

jamais de douleurs. La palpation sur le trajet des troncs nerveux est complè-

tement indolore.

L'action des muscles sphinctériens est assez bien conservée. Rien de patho-

logique dans l'analyse des urines.

Les fonctions organiques chez Elisabeth sont tout à fait régulières. Le pouls

est régulier et rythmique (70-80 à la minute), la respiration est paisible et nor-

male.

Examen des réactions électriques. Les muscles du cou, de la nuque, de

la région cervicale et de la ceinture scapulo-humérale démontrent des réactions

électriques normales, soit avec le courant galvanique, soit avec le courant

faradique.

De même les muscles de la région pelvienne sont doués d'une excitabilité

électrique normale. -- -

Dans la région lombaire et dans l'abdomen, l'examen électrique démontre

une hypoexcitabilité assez marquée, galvanique et faradique.

Les troncs nerveux des bras et des avant-bras sont encore excitables, mais

les muscles : deltoïde, biceps et triceps brachial, présentent des altérations

qualitatives et quantitatives avec le courant électrique.

Sur les muscles de l'avant-bras, on peut décéler des réactions de la contrac-

tilité musculaire profondément troublées dans leur formule avec les manifes-

tations les plus évidentes de la réaction dégénérative.

Dans la main on peut encore provoquer des contractions à la fermeture de

l'anode sur les interosseux et sur les muscles de l'éminence thénar et hypo -

thénar ; avec l'inversion complète de la réaction dégénérative, les petits muscles

delà main sont inexcitables au courant faradique.

Aux membres inférieurs, on trouve une excitabilité électrique galvanique et

faradique un peu au-dessous de la normale sur les muscles des fesses et des

cuisses, exception faite pour le quadriceps antérieur qui est altéré qualitative-

ment avec réaction partielle de dégénérescence et très peu excitable avec le

courant faradique.

Les nerfs péroniers et tibial sont inexcitables, de même que tous les muscles

innervés par eux. Les jumeaux au contraire présentent des réactions relative-

ment moins altérées.

122 BERTOLOTTI

A présent que nous avons relaté en détail l'histoire clinique de nos

observations, il s'agit d'en discuter la valeur, de poser un diagnostic et

enfin de s'arrêter un moment sur une foule de détails intéressants que

l'on retrouve dans la symptomatologie très chargée de ces sujets.

Il s'agit à n'en pas douter d'une maladie familiale qui a frappé seule-

ment les individus du sexe féminin en épargnant les mâles. Des faits de

tel genre sont très fréquents dans les maladies familiales, il n'est pas

nécessaire de s'y arrêter. De même nous nous bornerons à souligner la

valeur du facteur héréditaire produit par des mariages entre consanguins.

C'est là un autre fait qui lui aussi a été déjà relevé plusieurs fois dans les

maladies familiales.

Dans notre première observation, nous avons relevé l'existence d'atta-

ques convulsives dans la première enfance ; or il faut encore ajouter que

deux autres enfants de cette famille sontmorts en bas-âge, respectivement à

1 an et à 2 ans, à la suite d;attaques convulsives analogues. Il s'agissait de

deux enfants mâles; il resterait donc à savoir si ces rejetons, empreints

déjà à cette époque d'une tare morbide dégénérative n'auraient pu, avec

leur survie, donner lieu à la manifestation du même syndrome familial.

Il est de toute évidence que déjà à leur naissance ces enfants étaient

tous exposés à une atteinte grave du système nerveux. En effet, sur les

sept membres de cette famille deux sont morts à la suite d'attaques convul-

sives, trois ont donné lieu à la mani festation d'un syndrome nerveux d'une

gravité exceptionnelle et deux seuls jusqu'à présent ont été épargnés. En

résumé il est certain qu'il existe dans cette famille une labilité dégénéra-

tive du système nerveux poussée à son plus haut degré.

Je ne m'attarderai pas beaucoup dans le diagnotic différentiel ; on peut

éliminer tout de suite la sclérose en plaques, la sclérose cérébrale primi-

tive, la diplégie cérébrale familiale de Freud, la paraplégie familiale de

Strumpell, la maladie de Little familiale et la maladie de Friedreich.

Nous nous trouvons en présence d'un syndrome étendu qui englobe

soit le système nerveux central, soit le système périphérique.

Il y a dans ces trois cas deux ordres de symptômes bien évidents.

D'un côté des symptômes cérébraux qui rappellent les formes de la

diplégie familiale, c'est-à-dire l'idiotie, l'amaurose, la bradylalie, le

strabisme, le nystagmus, les paralysies oculaires et enfin l'exagéra-

tion des réflexes profonds et la spasticité des membres.

De l'autre côté ,on retrouve des symptômes d'ordre médullaire et névri-

tique qui sont absolument identiques à ceux que l'on rencontre dans la

forme amyotrophique spino-neurotique de Charcot-Marie.

ÉTUDE CLINIQUE SUR TROIS CAS DE MALADIE FAMILIALE 123

Existe-t-il des cas similaires dans la littérature médicale ?

Nous avons passé en revue les observations cliniques des maladies fami-

liales parues dans ces derniers 30 ans ; or nous n'avons trouvé aucun cas

de maladie familiale semblable à celle que nous avons décrite.

Deux ou trois observations pourtant méritent cependant d'être rappelées

ici, parce qu'elles présentent une certaine analogie avec les miennes. ,

Citons en premier lieu l'observation d'IIigier (1) : .

Cette observation est classique, elle a été citée par beaucoup d'auteurs

et présente en effet un tableau symptomatique très particulier qui servi-

rait de trait d'union entre les diplégies cérébrales familiales et les para-

plégies spinales familiales.

Voici en deux mots le résumé de cette observation :

Il s'agit de quatre soeurs, chez lesquelles la maladie débuta dans la pre-

mière enfance. Les parents de ces filles étaientcousins. Le tableau morbide

était constitué par de la diplégie avec amyotrophie des membres supérieurs,

avec nystagmus, strabisme, bradylalie, déglutition difficile et diminution

progressive de l'intelligence et de la vue.

Ici aussi, dans cette observation d'Iligier, il y avait, en plus des phé-

nomènes cérébraux, des signes certains de participation médullaire, par

le fait de l'amyotrophie des membres supérieurs.

Je suis parfaitement d'accord avec M. Dejerine (2) pour vouloirconsidé-

rer l'observation d'IIigier comme un fait de transition entre la diplégie

infantile familiale et la paraplégie familiale.

L'analogie entre les cas d'IIinier et mes trois observations est vraiment

remarquable : même cause héréditaire qui frappe le sexe féminin, même

élat consanguin des parents, même début dans la première enfance, enfin

tous les symptômes cérébraux sont identiques : la déchéance psychique,

l'amaurose, le strabisme, le nystagmus, la bradylalie, les troubles de la

déglutition et l'atrophie des membres, sont communs chez eux.

Seulement, dans les cas d'IIigier, cette atrophie musculaire n'est pas

décrite avec les caractères de l'amyotrophie à type Charcot-Marie ; or il

ne faut pas oublier que nos observations ont ceci de tout à fait caractéris-

tique de présenter une amyotrophie localisée aux membres et parfaitement

identique au type Charcot-Marie.

Je dis ceci, non seulement à cause de la topographie des troubles tro-

phiques des extrémités, mais encore en raison de l'existence chez eux d'une

foule d'autres symptômes qui ont une assez grande importance et qui,bien

qu'à l'étal d'ébauche, se retrouvent dans la forme Charcot-Marie.

(1) ITIGIEIt, Deutche Zeitschrift f. Nervenheilkunde, 1896.

(2) DEJERINE et Thomas, Maladies de la moelle, in Traité de Méd. de Brouardel et

Gilbert, t. IX, 1902, p. 895.

124 BERTOLOT,ri

Mais nous reviendrons sur ce point.

Pour le moment, voyons si, par des recherches bibliographiques, l'on

pourrait trouver quelque chose d'analogue à mes observations. Je dois dire

que j'ai été dérouté dans mes recherches et que, à part le fait d'1-Iigier, je

n'ai pas trouvé autre chose dans le chapitre des maladies familiales à type

cérébro-spinal, tandis que nous pouvons trouver des affinités encore plus

importantes dans le chapitre des maladies familiales amyotrophiqueset

notamment dans la forme Charcot-Marie. -

Avant de passer à cet ordre de discussion, je ne peux me dispenser

de citer l'observation de Freud (I), observation qui a fait époque dans les

annales neurologiques. On connaît cette observation qui a trait à deux

frères qui, dans leur première enfance, avaient été frappés par une rigi-

dité spasmodiquedes membres avec strabisme, nystagmus, atrophie des

nerfs et bradylalie. On voit tout de suite queles phénomènes amyotrophi-

ques manquent dans les observations de Freud, de même que dans tous

les autres cas analogues, déjà assez nombreux dans la littérature médicale.

En remontantplus en arrière, on trouve dans la Deutcheï4ledical Wo-

chenscrift, 1876 (2), l'observation de Seeligmüller ayant traita quatre cas

(trois soeurs et un frère) qui, dans la première année de leur vie extra-

utérine (9e mois), avaient été frappés par un état spasmodique des mem-

bres avec atrophie musculaire, bradylalie, mouvements athétosiques et

idiotie.

Cette observation est analogue à celle d'IIigier et de même peut être

classée parmi les formes de passage, c'est-à-dire à califourchon entre les

diplégies cérébrales infantiles familiales et les paraplégies infantiles fa-

miliales.

' Mais dans nos trois observations, nous le répétons encore, les symp-

tômes spino-névritiques sont au premier plan ; ils ont une importance de

premier ordre et ils rappellent la forme de Charcot-Marie avec une analogie

clinique tellement évidente que nous devons logiquement nous y arrêter.

Voyons donc à présent en détail quelles sont les analogies cliniques

qui existent entremes observations personnelles et les formes plus nettes

d'amyotrophie Charcot-Marie.

L'amyotrophie Charcot-Marie, qui est une forme éminemment familiale

et héréditaire (Lorens), débute dans la première ou la seconde enfance,

rarement dans l'âge adulte. Elle frappe le plus souvent dans une même

famille les individus du même sexe, de préférence le sexe masculin, et com-

mence à se manifester par une atrophie des petits muscles des mains et

des pieds. '

(1) Frïud, Neurologische Centralblatt, 1893. '

(2) SESLIGMULLER, Deutche Médical Wochenscrift, 1876.

ÉTUDE CLINIQUE SUR TROIS CAS DE MALADIE FAMILIALE 125

L'atrophie musculaire débute généralement par les pieds et envahit

après les extrémités supérieures. La localisation topographique de l'atro-

phie est classique : il s'agit d'une forme d'amyotrophie en manchette à

l'avant-bras et en jarretière à la cuisse.

Aux jambes les troubles trophiques sont plus accusés dans le tibia

antérieur, les muscles péroniers, les extenseurs des orteils et les petits

muscles du pied. A la suite des rétractions tendineuses, l'altitude du pied

est en équin ou en varus-équin. '

Si enfin les jumeaux sont pris, nous avons alors cette conformation

particulière de la jambe de coq (Sainton).

' On connaît de même les troubles vasomoteurs très caractéristiques que

l'on rencontre dans les formes d'amyotrophie Charcot-Marie à évolution

déjà avancée et la présence des durillons à la plante du pied ou quelque-

fois à la face dorsale du pied.

Et bien, tous les caractères les plus saillants de la forme Charcot-Marie

sont très évidents chez nos trois malades : même localisation, même dé-

but, même topographie en manchette et'en jarretière, même évolution

des déformités et des rétractions tendineuses, rien n'y manque jusqu'à la

disposition des troubles vasomoteurs, au caractère des altérations de la

sensibilité aux extrémités et à la présence des durillons sur la face dor-

sale des pieds.

Nous pouvons donc établir de cette façon un' rapprochement indispen-

sable entre la symptomatologie classique de l'amyotrophie Charcot-Marie

et les tableaux morbides présentés par les sujets de mes observations.

Mais il y a encore plus ; voyons en effet si parmi les symptômes aty-

piques de la forme Charcot-Marie et les symptômes additionnels pré-

sentés par mes malades, on ne pourrait truuver des analogies vraiment

sérieuses.

A ce propos je dois dire que cette étude de rapprochement des symptô-

mes atypiques de la forme Charcot-Marie est dans le cas actuel du plus

haut intérêt clinique.

Les symptômes atypiques, c'est-à-dire les symptômes qui ont été con-

sidérés jusqu'à présent comme exceptionnels dans la forme Charcot-Marie,

peuvent être résumés de la façon suivante :

le Troubles visuels constitués par l'atrophie primitive de la papille

avec amaurose plus ou moins avancée (symptôme de Vizioli).

2° Troubles bulbo-protubérantiels caractérisés par l'anosmie, la dis-

phabie, par l'atteinte des muscles de la face et par certaines altérations

particulières de l'équilibre statique.

3° Troubles dans le domaine du caractère et dans la sphère intellectuelle,

126

BERTOLOTTI

4° Troubles de la réflectivité profonde avec exagération de certains

réflexes osseux.

Or tous ces symptômes que nous avons énumérés dans la catégorie des

altérations atypiques de la forme Charcot-Marie, nous les retrouvons dans

mes observations personnelles avec une analogie parfaite. 1

Je crois donc nécessaire d'aborder l'élude analytique des symptômes

atypiques de la forme Charcot-Marie pour deux raisons : avant tout pour

démontrer leur analogie avec la maladie familiale que nous étudions ici,

et en deuxième lieu parce que je crois d'après mes recherches personnelles

qu'il y aurait lieu de mettre un peu plus en évidence certains symptômes

de la forme Charcot-Marie considérés à tort jusqu'ici d'une importance

clinique secondaire.

Parmi tous les troubles atypiques de l'amyotrophie Charcot-Marie, les

plus importants sont les altérations du fond de l'oeil ou à plus proprement

parler l'atrophie primitive des nerfs optiques.

Le premier auteur qui ait attiré l'attention des observateurs sur l'atro-

phie primitive de la papille dans la forme familiale Charcot-Marie a été

Vizioli qui, en 1889, a décrit trois cas (1) d'atrophie musculaire familiale

sans hérédité directe similaire ; dans les cas de Vizioli il y avait une atro-

phie localisée aux extrémités, avec troubles trophiques, troubles vasomo-

teurs, abolition des réflexes tendineux, déformation de la main en griffe

et du pied en varus-équin.

Il y avait en outre des altérations de l'équilibre statique, des contrac-

tions fibrillaires, des troubles des réactions électriques, des troubles de la

sensibilité objective à la périphérie des membres et enfin, fait très impor-

tant à relever, on pouvait constater chez tous une atrophie assez avancée

des nerfs optiques.

Dans la littérature médicale, les altérations du fond de l'oeil dans la for-

me Charcot-Marie sont demeurées très rares : Sainton (1) en a publié un

cas, deux autres ont été décrits ensuite par Ballet et Rose (2), il faut ajou-

ter encore le cas de Brasch (3), celui de Gordon (4) et enfin mes trois

observations personnelles. En résumé, comme il est aisé de le constater,

l'atrophie primitive de la pupille constitue dans la forme Charcot-Marie un

(1) Vision, Dell'alrofia muscolareprogressiva neurolica. Reale Accad. medico chirur-

gica, Napoli, Agosto, septembre 1889.

(1) SAINTON, Nouvelle Iconographie de la Salpétnère, 1902.

(2) Ballet et Rose, Un cas d'amyolrophie du type Charcot-Marie avec atrophie des

nerfs optiques, Revue neurol., n° 10, 1904. '

(3) BRASCH, Ueber eine besondre forum der familiaren neurotischen Murkelalrophie,

Virchow Archiv, 1893, p. 259.

(4) Goaooa, Remarks on primary neurotic atrophy. Journ. of new. and meut. dit

seases, juin 1903.

ÉTUDE CLINIQUE SUR TROIS CAS DE MALADIE FAMILIALE 127

symptôme assez rare, puisque en tout on ne peut compter que sur 6 ob-

servations ; mais, tout en étant exceptionnelle, la décoloration bilatérale de

la papille constitue, selon moi, un symptôme qui est très intéressant à

étudier dans l'amyotrophie spino-névritique de Charcot-Marie.

Je ferai observer d'abord un fait qui n'a pas encore été relevé et qui

pourtant ressort de toutes les observations publiées : savoir, que la déco-

loration de la papille, ou symptôme de Vizioli, est toujours le dernier à

apparaître; les symptômes oculaires en effet ne sont jamais aperçus ou

constatés que plusieurs années après le début de la maladie.

Dans les cas de Vizioli nous voyons l'atrophie musculaire précéder les

altérations du fond de l'oeil.

De même dans les cas de Ballet et Rose, de Brasch et de Gordon et en-

core dans mes observations, nous avons constaté que l'atrophie des nerfs

optiques n'avait débuté que cinq ou six ans après le commencement de la

maladie.

Il est bon de faire observer que l'atrophie de la papille peut déjà être

assez avancée, sans toutefois que l'acuité visuelle soit compromise d'une

façon assez prononcée pour attirer l'attention des observateurs. A ce pro-

pos je crois donc qu'il y aurait lieu d'examiner d'une façon systématique

le fond de lui dans les cas douteux d'amyotrophie, puisque la constata-

tion du symptôme de Vizioli pourrait avoir une valeur pathognomonique.

On a confondu un peu en réalité les troubles oculaires de l'amyotrophie

Charcot-Marie avec les troubles oculaires de la névrite hypertrophique de

Dejerine et Sottas (1), de telle façon que par la plupart des auteurs les al-

térations oculaires communes aux deux formes ont été considérées comme

un argument en faveur de la théorie uniciste ; or sans entrer dans le fond

de celte question, il est nécessaire de faire observer que, contraire-

mentà l'opinion la plus courante, les altérations oculaires que l'on retrouve

dans la forme Charcot-Marie ont un caractère nettement défini et spécifique,

puisqu'il s'agit toujours d'une altération du fond de l'oeil, c'est-à-dire

d'une atrophie bilatérale de la papille, tandis que, au contraire, dans la

névrite hypertrophique de Dejerine et Sottas on peut constater des alté-

rations oculaires caractérisées par du myosis, par le signe d'Argill-Robert-

son, l'abolition du réflexe à l'accommodation, le nystagnus, sans toutefois

que le fond de l'oeil soit altéré. Ce fait a déjà été constaté par Pescarolo (2).

Il y aurait donc une systématisation différente dans les troubles ocu-

(1) DEJERl ! OE et SoTTAS, Névrite interstitielle hypertrophique de l'enfance, Revue de mé-

decine, p. 881, 1896,

(2) B.PESCAIIOLO¡ Dell'alrofia, 111t1scolorB progression diroffmatiti, in Trattato ltaliano

di patologia medical, vol. II, parte IV, p. 420.

128 BERTOLOTTI

laires de la névrite interstitielle hypertophiquede Dejerine et l'amyotro-

phie type Charcot-Marie.

Passons maintenant à l'étude des autres symptômes atypiques que

l'on peut retrouver dans la forme Charcot-Marie.

En ce qui concerne les troubles bulbo-protubérantiels quel'onpeutobser-

ver d'une façon exceptionnelle dans la forme spino-névritique de Charcot-

Marie, il faut rappeler les troubles de la déglutition. La dysphagie, bien

que rare, a été relevée plusieurs fois dans l'amyotrophie Charcot-Marie.

Il suffit de citer les cas de Dubreuilh (1) et de Marinesco (2), qui sont là

pour démontrer comment dans les formes plus avancées de celte maladie

l'atrophie musculaire, au lieu de rester limitée aux membres, peut aussi

se propager aux muscles du visage et de la langue. De même dans le cas de

Marinesco, on avait constaté la participation des muscles masticateurs à l'a-

trophie et enfin il faut encore ajouter à ces troubles d'ordre bulbo-protubé-

rantiel, des altérations des sens spécifiques et dans l'espèce de l'anosmie.

En effet des altérations de l'odorat ont été relevées dans les cas de

Dubreuilh, (3) de Cassirer(4) et de Siemerlin (â).

On a écrit souvent que les facultés psychiques sont toujours intactes

dans l'amyotrophie Charcot-Marie ; ceci répond en effet à la règle générale,

mais il y a toutefois des exceptions. Déjà Vizioli en 1889, dans la publica-

tion de ses trois cas, relevait qu'il y avait diminution des facultés intellec-

tuelles chez un de ses sujets.

Ensuite P. Sainton (6) insistait encore sur certaines altérations psychi-

quesque l'on peut rencontrer dans l'amyotrophie Charcot-.\1arie,altérations

qui seraient caractérisées par une instabilité de caractère et de bizarrerie

particulière. Enfin dernièrement E. Levi, dans un remarquable travail sur

cette maladie (7), a confirmé les faits énoncés par Sainton.

Certainement nous ne pouvons pas assimiler cet état de simple irrita-

bilité cérébrale à l'état mental de nos trois malades, mais il faut d'autre

part remarquer comment dans la maladie étrange familiale,que nous avons

décrite, tous les symptômes morbides ont acquis une importance extrême-

ment grave; il en est de la déchéance psychique comme des troubles visuels,

(1) DUDREUILH, Sur quelques cas d'atrophie musculaire des extrémités. Revue de méd.,

p. 44, 1890.

(2) MARINESCO, Société de Neurol. de Paris, 11 avril 1907, in Revue Neurol., p. 416-

417.

(3) Dubreuilh, IOC.Cit.

(4) CASSIRER, Berlin klin. Wochenscrift, n' 5, 1898.

{o) SIE51BRL1NG, Ref. Neurolog. Centralblatt, p. 569,1891.

(6) Sainton, Nouvelle Iconographie de la Salpêtrière, 1899, p. 206-317.

(7) E. Levi, Contribulo allo etudio delle amiotrope neuritico-spinali in rapporta am le

malatie eredo familiari del sislema nervoso, Rivista critica di clinica medica, 1907.

ÉTUDE CLINIQUE SUR TROIS CAS DE MALADIE FAMILIALE 12H

des atrophies musculaires, etc. ; chacun de ces symptômes domine le tableau

morbide, chacun d'eux a évolué avec une violence inouïe ; voilà pourquoi

on estembarrassé au milieu de ce grand tableau symptomatique de définir

quels sont les symptômes qui remplissent le premier plan et quels sont

au contraire les symptômes secondaires.

A propos des altérations atypiques de la réflectivité profonde que l'on

peut rencontrer dans la forme Charcot-Marie, la plupart des auteurs sont

d'accord à relever que dans cette maladie il n'y a ni exagération du

tonus musculaire, ni exagération des réflexes tendineux ; au contraire, dans

cette amyotrophie les réflexes profonds auraient tendance à disparaître.

Toutefois, selon la statistique de P. Sainton (1), les réflexes tendineux

seraient abolis seulement dans 50 0/0 des cas, tandis que dans 10 0/0

des autres cas, les réflexes profonds seraient nettement exagérés.

Dans quelques cas (Marinesco) on a assisté une diminution progres-

sive du réflexe rotulien qui était peu de temps auparavant très exagéré.

Dans un cas présenté à la Société de neurologie de Paris par MM. Le-

jonne et Rose (2), on pouvait constater une exagération manifeste tant

du réflexe rotulien que du réflexe du tendon d'Achille ; nous ferons

remarquer encore que dans le cas de Lejonne et .Rose, la percussion

du tendon rotulien provoquait une contraction des adducteurs du même

côté. Enfin les réflexes olécraniens, ceux du poignet et le réflexe massé-

térins étaient exagérés. Cette- exagération manifeste de tous les réflexes

profonds avait été considérée avec raison par les auteurs comme un signe

d'irritation non douteuse du faisceau pyramidal.

Dans la monographie publiée sur les amyotrophies progressives spino-

névritiques par M. E. Levi (3), nous pouvons relever l'exagération des

réflexes rotuliens dans deux cas sur quatre, c'est-à-dire dans 50 0/0

des cas, et enfin ce qui est tout à fait intéressant à souligner (c'est là jus-

tement le point sur lequel je veux attirer l'attention), dans le troisième cas

de Levi, chez lequel on avait constaté l'abolition des réflexes rotuliens, on

pouvait relever la présence du réflexe homolatéral des adducteurs : c'est-à-

dire qu'en percutant à droite le tendon du quadriceps fémoral on provo-

quait un mouvement brusque d'adduction de la cuisse du même côté.

Eu résumé nous pouvons retenir que l'exagération des réflexes pro-

fonds aux membres inférieurs, bien que rare, n'est pas exceptionnelle

dans les formes Charcot-Marie. Ce qui est plus important encore à rele-

ver, c'est que déjà dans plusieurs cas, de même que chez mes trois malades,

(1) P. SAINTON, loc. Ctl.

(2) Lejonne et Rose, Amyotrophie juvénile progressive. Société de neurologie, 7 fé-

vrier 1907, p. 113 de la Rev. neurol., 1907.

(3) E. Levi, loc. cil.

xxii 0

130 BERTOLOTTI

on avait déjà signalé la présence d'un réflexe. homolaléral des adduc-

teurs chez des amyolrophiques du type Charcot-Marie qui présentaient

pourtant l'abolition complète du réflexe du tendon rotulien.

Il a là un point intéressant qui doit être discuté : nous avons déjà in-

sisté en effet sur l'anomalie qui avait décelée l'exploration des réflexes

profonds chez tous mes malades. J'ai démontré que, en réalité, il y avait

un antagonisme entre les réflexes tendineux et les réflexes osseux par ce

fait que les réflexes tendineux étaient abolis, tandis que les réflexes osseux

étaient au contraire très exagérés.

Comment peut s'expliquer l'exagération des réflexes osseux à côté de

l'absence complète des réflexes tendineux ?

J'ai déjà abordé cette question en 1905, en collaboration avec mon col-

lègue et ami Valobra, dans plusieurs communications faites à l'Académie

de Médecine de Turin, à la Société de Neurologie de Paris et enfin dans

le Neurologisches Centralblatt, 1906 (1).

La conclusion de notre travail, basé sur de nombreuses observations

cliniques, était justement que en réalité les réflexes osseux peuvent per-

sister encore dans quelques cas où les réflexes tendineux sont complète-

ment abolis (scléroses combinées, tahes, névrites périphériques, etc.). De ce

fait,on démontrait l'existence d'un véritable antagonisme entre les réflexes

tendineux et les autres réflexes profonds des membres inférieurs (réflexe

homolatéral ou controlatéral des adducteurs), ce qui ne peut être expliqué

que par l'existence d'une voie centripète des réflexes osseux différente de

la voie suivie par les réflexes tendineux.

En nous basant sur la démonstration de ces faits, nous avons encore

cherché à démontrer que le soi-disant réflexe controlatéral des adducteurs

de P. Marie n'estpas absolument un réflexe tendineux, mais au contraire

un véritable réflexe profond osseux que l'on provoque, non pas par la

percussion du tendon rotulien, mais plutôt par l'excitation de l'os sous-

jacent et en particulier de la grande tubérosité du tibia.

Les quelques exemples que nous venons de relater viennent donc

à l'appui de notre manière de voir. Il suffit encore de se rappeler que

dans nos trois observations où le quadriceps fémoral était très atrophié et

où il existait tous les signes d'une lésion névritique intense des membres

inférieurs, il était encore possible de provoquer soit un réflexe homolatéral,

soit un réflexe controlatéral des adducteurs, voire même que dans un

cas (deuxième observation) l'on pouvait provoquer lesdits réflexes par la

percussion de la malléole interne.

Ces faits viennent donc confirmer une fois de plus que les réflexes

(1) Bertolotti et VILOBRA, Elude sur quelques réflexes osseux des membres inférieurs

à l'état normal et pathologique . Communication à la Société de Neurologie de Paris,

séance du 12 janvier 190.

ÉTUDE CLINIQUE SUR TKOIS CAS DE MALADIE FAMILIALE 1 ï1 1

profonds (osseux) des membres inférieurs doivent suivre une voie centri-

pète qui n'est pas celle des réflexes tendineux. Ce point important, étant

posé, il est logique d'admettre que les réflexes osseux des membres infé-

rieurs peuvent avoir une importance assez grande dans la séméiologie de

certaines maladies nerveuses.

Si l'on se rappelle à présent la tendance à la rigidité spasmodique

constatée chez l'une de mes malades (observation II), les troubles bulbo-

protubérantiels, les paralysies oculaires, l'exagération de certains réflexes

(massétérin, olécranien), il est juste d'admettre chez eux une altération du

faisceau pyramidal. L'exagération des réflexes osseux que nous avons re-

levée dans tous nos cas vient donc confirmer cette hypothèse.

On a relevé plusieurs fois, dans l'amyotrophie Charcot-Marie, des altéra-

tions particulières de l'équilibre statique, caractérisées par une certaine

instabilité dans la station debout à laquelle on a donné le nom de piétine-

ment sur place.

Ce symptôme a été envisagé d'une façon différente : selon les uns, il se-

rait seulement la conséquence de l'atrophie musculaire des membres infé-

rieurs ou des durillons douloureux des extrémités, tandis que pour

d'autres le dit symptôme serait l'expression d'une' véritable altération

de l'équilibre statique.

Sans vouloir entrer dans cette discussion, il est certain que dans mes

trois observations les tremblements, les troubles de la synergie musculaire,

les altérations de la parole, le nystagmus, les oscillations de la tête, etc.,

doivent faire songer à une atteinte des voies cérébelleuses.

Dans l'amyotrophie Charcot-Marie, la sensibilité objective n'est jamais

profondément troublée. En général, dans la très grande majorité des cas,

toutes ces altérations se réduisent à des légers troubles anesthésiques des

extrémités. Des altérations semblables ont été constatées par nous dans

toutes les trois observations ; chez mes malades, en effet, il existait seule-

ment une simple diminution de la sensibilité tactile des extrémités.

Nous n'avons pu relever aucune altération des sensibilités subjectives.

On a écrit souvent que dans la forme spino-névritique de Charcot-Ma-

rie, l'atrophie des extrémités s'accomplit seulement aux- dépens du sys-

tème musculaire et que les os des extrémités ne présentent jamais un ar-

rêt de développement. Je crois à ce propos qu'il serait bon de préciser :

si, en effet, la maladie commence dans la deuxième enfance ou dans la pu-

berté, les os ayant atteint déjà un certain degré de développement, on ne

peut certainement déceler un arrêt dans l'état trophique des os des ex-

trémités, mais si la maladie commence dans la première enfance, est à

peu près certain, selon moi, que le système osseux peut participer à la

dystrophie,

132 BKRTOLOTTr

- J'insiste sur ce point par le fait que mes trois cas,qui justement avaient

subi l'atteinte de la maladie dès leurs premières années, m'ont démontré

les traces les plus évidentes d'une atrophie osseuse assez prononcée.

. Je regrette de n'avoir pu étudier par la radiographie le degré de cette

atrophie qui était du reste assez évidente à un simple examen clinique.

En effet l'atrophie des extrémités dans mes cas était à peu près globale,

c'est-à-dire qu'elle intéressait également le derme, l'hypoderme, le sys-

tème musculaire et le système osseux. -

Or je dois faire remarquer en passant que cet arrêt de développement

des extrémités observé dans mes cas n'avait pas les caractères de l'atrophie

osseuse que l'on rencontre dans les diplégies cérébrales infantiles, mais que

plutôt cette atrophie globale des extrémités était analogue à celle que l'on

rencontre dans la poliomyélite aiguë des enfants : en d'autre termes, il

s'agissait vraiment d'une dystrophie consécutive à des troubles médullai-

res et névri tiques.

J'ajouterai encore que Hoffmann (1) avait constaté l'atrophie des os

dans la forme amyotrophique Charcot-Marie et que MM. Ballet et Rose,

dans leur cas d'amyotrophie avec atrophie des nerfs optiques, avaient re-

marqué en passant que les pieds de leur malade étaient restés petits et

déformés.

Nous avons essayé par ce qui précède de faire une étude analytique du

tableau symptomatique présenté par les trois échantillons de cette maladie

familiale.

Nous avons souligné avant tout les symptômes cérébraux communs chez

eux et analogues à ceux que l'on rencontre dans les diplégies cérébrales

infantiles du type familial.

Ensuite nous avons décrit leurs symptômes spino-névritiques parfaite-

ment identiques à ceux que l'on rencontre dans la forme classique de

Charcot-Marie et enfin nous avons cherché à démontrer que plusieurs

symptômes, tels que l'atrophie primitive bilatérale de la papille, les alté-

rations des autres sens spécifiques, les troubles trophiques et les troubles

intellectuels, bien que d'une façon exceptionnelle, peuvent rentrer dans

le cadre de l'amyotrophie Charcot-Marie.

Il y aurait encore quelques points par souligner, notamment par rapport

aux paralysies conjugées des globes oculaires. Il s'agit ! ad'un symptôme

qui n'a jamais été constaté dans la forme Charqot-Marie, même dans les

cas les plus atypiques.

(1) Hoffmann, Ueber progressive ncw'ollsche Muekelalrophie, Archiv sur Psych. u.

Nervenkranh., t. XX, p. 660, 1859.

ÉTUDE CLINIQUE SUR TROIS CAS DE MALADIE FAMILIALE 133

A ce propos, il faut observer seulement que la maladie familiale que

nous avons décrite ici présente un tableau morbide tellement étendu

qu'il serait difficile de vouloir la faire rentrer dans un cadre nosologique

bien déterminé. En réalité,toutes les recherches bibliographiques faites par

moi n'ont pu m'amener en présence d'un seul cas analogue à ceux que

j'ai relatés ici. Il s'agit d'un syndrome familial de dégénérescence qui s'im-

pose par sa gravité et par sa' diffusion à toutes les parties du système ner-

veux central ou périphérique : Tous trois, les rejetons de cette famille

présentent un tableau morbide saisissant, qui est là pour démontrer la dé-

générescence globale de leur système nerveux.

Si, comme le dit très bien Strûmpell (1), les maladies familiales

représentent une forme spéciale des maladies héréditaires des systè-

mes, il est bien certain que la maladie familiale éclose dans ce milieu

consanguin présente tous les caractères d'une forme d'altération héré-

ditaire étendue à plusieurs systèmes.

On ne peut en effet envisager dans cette maladie familiale un facteur

étiologique autre que l'hérédité. -

C'est une cause héréditaire qui a réalisé ce tableau morbide ; aucune in-

fection, ni intoxication ne saurait être admise que d'une façon tout à

fait secondaire. Dans nos cas la tare héréditaire, comme la plupart

des maladies familiales, a donc produit une dégénérescence nerveuse sys-

tématique. On ne peut même invoquer dans mes cas la cause de l'usure

fonctionnelle, puisque la dégénérescence nerveuse a commencé chez elles

à un âge de la vie dans lequel on ne peut absolument pas attribuer la

moindre importance à une dépense excessive d'énergie (surmenage).

Il m'a paru dans cet état des choses pouvoir ranger cette maladie fa-

miliale dans la forme Charcot-Marie qui représente, selon moi, une mala-

die dégénérative systématique très intéressante à étudier par ses limites

variables et par sa façon élastique d'être plus ou moins envahissante.

Considérons en effet que, dans la grande majorité des cas, la forme

Charcot-Marie peut rester à l'état fruste et être limitée au système péri-

phérique de façon à simuler une simple polynévrite.

Dans quelques cas plus étendus on peut observer un cortège des symp-

tômes tabétiformes (douleurs, anesthésies, troubles trophiques, troubles

de l'équilibre, etc.), qui sont là pour démontrer la participation des autres

systèmes ; fait d'autant plus évident alors que les sens spécifiques peuvent

participer à l'atrophie (décoloration de la papille, anosmie, etc.).

Je serais donc disposé à considérer mes cas comme les exemples d'une

(t) STRUMPELL, Zun Lehre von der progressiven Mushelalrophie, Deutsche Zeitschrift

sur Nervenheilkunde, III, B. VI, Ileftl893.

134 BERTOLOTTI

forme Charcot-Marie chez laquelle la dégénération nerveuse a subi une

extension tout à fait particulière.

Chercher de faire de celle maladie familiale un échantillon type d'une

nouvelle forme dégénérative du système nerveux, serait commettre sim-

plement une faute grossière. Pour ma part, je pense, d'après l'étude clini-

que que j'ai entreprise, pouvoir ranger mes observations dans un cadre

morbide qui rappelle absolument la forme familiale de l'atrophie spino-

névritique Charcot-Marie, en faisant simplement observer que dans les cas

en question ce n'est pas la moelle ni le système périphérique seulement

qui a été frappé. ,

Il ressort des considérations énoncées par nous que l'on ne peut séparer

d'une façon par trop systématique les nombreuses maladies familiales du

système nerveux.

Elles doivent forcément se rallier entr'elles par des liens bien étroits

d'affinité pathologique.

Dans les différentes formes familiales, on doit distinguer avant tout

l'extension delà lésion dégénérative, qui, tout en étant systématique, peut t

s'étendre à un seul ou à plusieurs réseaux nerveux.

Envisagée de cette façon uniciste, toute maladie familiale doit entrer

avant tout dans le grand cadre primaire de la dégénérescence, et ensuite

peut être rangée dans un sous-ordre variable donné simplement par l'ex-

tension de la lésion nerveuse.

La conclusion logique qui en découle, c'est que toute forme dégénérative

familiale, héréditaire ou non, s'enchaîne avec une autre plus ou moins

semblable, sans qu'il existe vraiment une possibilité de les séparer par une

classification rigoureuse. L'on doit dire simplement que les maladies

familiales constituent des syndromes plus ou moins étendus selon les cas,

et que à côté des formes plus systématisées el plus connues, il en existe

d'autres intermédiaires reliées entr'elles par les nombreux anneaux

qui conslilctenl la lourde chaîne de la dégénérescence.

MAISON NATIONALE DE CITA RENON

TRAUMATISME CRANIEN, ÉPILEPSIE JACKSONIENNE,

MÉLANCOLIE DÉLIRANTE, TROUBLES 'I'ROPHIQUES;

GUÉRISON. -- -

PAR

- L.MARCHAND

Médecin en chef de la Maison nationale de Charenton.

L'influence trophique du cerveau se manifeste'surtout pendant lespre-

mières années de la vie ; l'arrêt de développement des membres paraly-

sés est d'autant plus prononcé que la paralysie est survenue à un âge plus

jeune. Chez l'adulte, les troubles trophiques d'origine cérébrale, sans

être très rares, ne sont jamais ni profonds, ni étendus. Dans l'observation

suivante, outre quelques particularités relatives à la succession de divers

syndromes moteurs et mentaux apparus à la suite d'un traumatisme crâ-

nien, des troubles trop.hjques de la main d'origine cérébrale ont abouti à

des déformations des doigts persistant encore malgré la guérison complète

des autres symptômes.

M. A..., rentier, âgé de 62 ans, entre à l'asile de Blois le 16 avril 1903.

Antécédents héréditaires. - Père mort de congestion cérébrale à l'âge de

79 ans ; mère morte à l'âge de 78 ans. Un frère est mort à 40 ans à la suite

d'un accident ; un autre frère est vivant et bien portant.

Antécédents personnels. Pas de maladie dans l'enfance. Développement

physique et intellectuel normal jusqu'à l'âge de 12 ans. A cet âge, M. A...,

est tombé dans un fossé et a présenté à la suite de cet accident au niveau

des articulations des poignets et des cous-de-pied,des plaies suppurées dont on

observe encore les cicatrices ; la guérison fut complète après plusieurs mois de

traitement.

Rien de particulier pendant l'adolescence ; M. A..., s'est marié et a eu trois

enfants ; l'un est mort d'entérite dans le jeune âge; un fils est âgé actuelle-

ment de 33 ans, une fille de 32 ans ; tous deux sont bien portants.

A l'âge de 52 ans, M. A..., fut atteint d'une lièvre infectieuse ( ? ),très grave.

A 59 ans, il présenta de la glycosurie ; le sucre a persisté pendant un an ; on

notait 25 à 30 grammes de sucre par litre d'urine.

136 MARCHAND

L'affection actuelle a débuté il y a neuf mois à l'âge de 61 ans. M. A. fut

victime d'un accident ; il reçut une poutre sur la tête et fut atteint de

deux plaies du cuir chevelu situées l'une, au niveau du lobe frontal droit,

l'autre à la région pariétale supérieure gauche ; pas de fracture du crâne. Au

moment de l'accident, perte de connaissance pendantune heure. Les jours sui-

vants, M. A. se plaignit de violents maux de tête, mais ne resta pas alité. Douze

jours après l'accident, M. A. fut pris brusquement d'engourdissement du bras

droit et deux jours après de crises d'épilepsie jacksonienne qui se renouvelè-

rent pendant dix-huit heures consécutives ; la durée des crises était de deux

minutes en moyenne. Les mouvements convulsifs, d'abord très limités, étaient

localisés au niveau de la commissure labiale du côté droit, puis gagnèrent la

moitié inférieure de la face et le bras droit ; In perte de connaissance fut com-

plète pendant toute la durée des accidents convulsifs.

Après les crises d'épilepsie jacksonienne, il persista une paralysie flasque

de la moitié droite de la face et du bras droit ; M. A. resta aphasique. Ces

troubles persistèrent pendant cinq jours, puis les mouvements réapparurent

progressivement au point que M. A. reprit complètement l'usage de ses mem-

bres ; il ne persista que de la difficulté dans les mouvements du pouce et de

l'aphasie motrice avec agraphie. L'intelligence était intacte. Pendant toute la

durée des accidents, les urines ne contenaient ni sucre, ni albumine. Dix jours

après le début des accidents paralytiques, M. A. put articuler quelques mots ;

t'agraphie commença à s'améliorer et le malade put écrire spontanément après

plusieurs essais le mot « omelette » (fig. 1).

Les mois suivants, les troubles s'atténuèrent progressivement ; cependant

Fic. 1

TRAUMATISME CRANIEN, ÉPILEPSIE JACKSONIENNE 137

il persista des troubles de la mémoire des mots et des troubles de l'écriture.

L'urine examinée régulièrement tous les quinze jours ne contenait ni sucre, ni

albumine.

Au mois d'av·il 1903, c'est-à-dire huit mois après le traumatisme crânien,

M. A. devient inquiet, sombre, taciturne. Il ne s'intéresse plus à rien et dit

qu'il est perdu ; il menace à plusieurs reprises de se suicider ; son internement

a lieu le 16 avril.

A son entrée à l'asile, IVL-A. a l'attitude d'un individu découragé et écoule

avec ironie les paroles réconfortantes des médecins. Il n'a pas beaucoup de

sang, son cas est très grave ; il ne peut pas vivre avec si peu de sang. Il pré-

tend qu'il va mourir dans quelques moments ; il nous supplie à genoux

d'écouter ses dernières volontés. Les sentiments affectifs sont très émoussés.

Au point de vue physique, on relève les symptômes suivants. Les divers

modes de la sensibilité superficielle sont conservés. Les sensibilités profondes

sont intactes. Pas de troubles de l'ouie, de la vue, du goût et de l'odorat. Le

sens stéréognostique est conservé.

L'équilibre et la marche sont normaux. Pas de signe de Romberg. Léger

tremblement des extrémités.

Les réflexes patellaires sont exagérés des deux côtés; le réflexe cutané plan-

taire est conservé à droite, diminué ii gauche. Les réflexes du poignet sont

exagérés des deux côtés. ·

Les pupilles réagissent à la lumière et à l'accommodation ; la pupille gauche

est plus dilatée que la droite.

Pas de troubles de l'audition verbale et de la vision verbale. La parole arti-

culée est traînante, légèrement scandée ; le sujet éprouve de la difficulté à trou-

ver ses mots. Les mouvements de la langue sont moins étendus du côté droit.

L'écriture est tremblée ; M. A. passe des lettres dans les mots'ou omet des

mots entiers.

Rien à noter du côté des appareils respiratoire et circulatoire. L'appétit est

conservé et M. A. se nourrit bien quoi qu'il dise qu'il ne peut plus avaler les

aliments. Le poids du corps est de 65 kilos. Les urines contiennent du sucre.

Les jours suivants, on ue constate aucun changement dans l'état mental.

M. A. dort peu et gémit sans cesse. On tente le traitement antisyphilitique

(0, 05 centigr. de protoiodure de mercure par 24 heures).

21 avril. M. A. fait deux tentatives de suicide. A table, il essaie de se

couper les veines au niveau du poignet. Dans cour du quartier, il cherche

àseblesser avec une pierre coupante.

22. Même tentative de suicide que la veille ; M. A. tente de s'ouvrir une

veine au niveau du bras : il se fait même une plaie superficielle.

24. M. A. cherche à se frapper la tête contre les murs. Mêmes idées mé-

lancoliques et hypochondriaques.

2 mai. - Le poids du corps est de 67 kil. 500. Le traitement mercuriel

est suspendu. On ordonne 3 grammes d'iodure de potassium par jour.

16. M. A. se frappe la tète contre les murs.

21. M. A. est plus calme ; l'anxiété est moins vive. Les urines ne con-

tiennent plus de sucre. Le traitement ioduré est suspendu.

138 MARCHAND

4 juin. M. A. veut à plusieurs reprises se frapper la tête contre le mur;

il tente de s'étrangler avec ses bretelles. Le traitement ioduré est repris et est

continué jusqu'au 20 juin.

5. Les urines contiennent 22 grammes de sucre par litre. Total du sucre

en 24 heures, 50 grammes.

8. M. A. se jette sous les roues d'une voiture pour se faire écraser.

13. Les idées délirantes se transforment ; des idées de négation et d'im-

mortalité apparaissent. M. A. prétend qu'il n'a plus de sang, plus d'estomac ;

il peut vivre sans manger et est immortel ; il- est condamné à mourir dans

8000 ans.Depuis quelques jours, M. A. fait des difficultés pour s'alimenter; le

poids du corps est de 66 kilos.

4 juillet. - Même état mental. Les urines ne contiennent plus de sucre.

Le traitement ioduré est ordonné de nouveau.

28. Mêmes troubles mentaux et physiques. Les réflexes patellaires sont

faibles. M. A. s'alimente mieux. Suspension du traitement ioduré.

9 août. Les urines ne contiennent pas de sucre. Le poids du corps est

de 69 kilos.

15 septembre. M. A. se plaint d'une douleur violente localisée à l'épaule

droite au niveau de l'articulation scapulo-humérale et a de la difficulté à sou-

lever le membre supérieur droit au-dessus de la ligne horizontale ; la force

musculaire de la main droite est diminuée. Mêmes idées délirantes de négation

et d'immortalité.

20. Même douleur localisée à l'épaule droite ; parésie du bras droit et de

la jamhe droite. Pas de troubles de la sensibilité objective. Les troubles de la

parole sont les mêmes que ceux observés à l'entrée du malade à l'asile. Les

urines ne contiennent pas de sucre. Le poids du corps est de 65 kilos.

20 octobre. - M. A. se plaint de douleurs comparables à un arrachement

dans les membres du côté droit. Contre l'insomnie nous ordonnons tantôt le

chloral, tantôt l'opium.

8 novembre. M. A. se traite d'imbécile ; il aurait dû se détruire avant

son internement ; maintenant les mêmes occasions ne se présenteront plus et

le courage lui manque. M. A. se plaint de ne pouvoir bouger les doigts de la

main droite et d'éprouver de fortes douleurs dans tout le membre supérieur

droit. Pas de troubles de la sensibilité objective.

9. La main droite est violacée ; toutes les articulations paraissent gonflées.

La température de la main est normale. Douleurs violentes dans tout le mem-

bre droit qui est parésié ; douleurs moins violentes dans le membre inférieur

droit. L'artère radiale droite est souple ; le pouls est bien frappé. Le trajet des

nerfs du membre supérieur droit n'est pas particulièrement douloureux à la

pression.

12. La peau des doigts de la main droite est lisse ; les ongles sont cas-

sants et incurvés à leur extrémité. Les mouvements des doigts sont très limi-

tés. Même état mental. M. A. gémit sans cesse ; il se dit le plus malheureux

des hommes. Il se nourrit bien quoiqu'il prétende le contraire.

15. Mômes idées d'humilité, de négation, d'immortalité. M. A. dit qu'il

TRAUMATISME CRANIEN, ÉPILEPSIE JACKSONIENNE 139

pisse du sapin, il est en sapin : il vivra 80.000 ans. Sa famille est perdue,

déshonorée, mais immortelle comme lui.

Au point de vue physique on constate les troubles suivants : la sensibilité

tactile et douloureuse est intacte au niveau des membres parésiés ; le sens sté-

réognostique est conservé et M : A. reconnaît les objets qu'on lui met dans la

main droite ; le sens de position est normal. Les réflexes patellaires sont exa-

gérés des deux côtés. Pas de signe de Babinski à gauche. Du côté droit, les

orteils se mettent est extension quand on excite la face plantaire du pied, mais

le gros orteil reste immobile ?

Pas d'inégalité pupillaire ; les réflexes pupillaires sont normaux.

La force musculaire du membre supérieur droit est très diminuée ; celle

du membre inférieur l'est beaucoup moins. Les mouvements du bras sur

l'épaule et de l'avant-bras sur le bras sont très limités et douloureux. La main

et les doigts ne peuvent accomplir que quelques légers mouvements. Les mou-

vements de la face du côté droit sont peu étendus ; la commissure labiale est

tirée du côté gauche ; les muscles de la face sont animés d'un tremblement fin.

Le membre supérieur droit est atteint de secousses convulsives continues

aussi bien au repos que pendant les mouvements ; les secousses sont plus

étendues et plus rapides dès que le malade cherche à mouvoir son membre. Les

secousses musculaires ont lieu en même temps dans tout le membre et détermi-

nent une flexion de l'avant-bras sur le bras et de la main sur l'avant-bras ; les

secousses sont au nombre de huit à dix par minute. Elles persistent pendant le

sommeil, mais sont moins accusées.

Les troubles de la parole sont exactement les mêmes que ceux que nous

avons constatés au moment de l'entrée du malade à l'asile.

Les troubles trophiques se sont accentués. Les articulations des doigts de

la main droite paraissent ankylosées ; la peau des doigts est luisante, lisse,

amincie, cyanosée. Le tissu cellulaire a perdu toute élasticité ; les plis de la

face dorsale des doigts sont disparus. Au toucher, on a la sensation que les

doigts sont en bois. La température de la peau n'est pas modifiée. Les dou-

leurs sont violentes ; M. A. les compare à une sensation de brûlure. Sous

l'influence d'un enveloppement ouaté, les douleurs diminuent légèrement

d'intensité. Les ongles des doigts sont cassants et incurvés. -

Les muscles de l'avant-bras, du bras et de l'épaule ne présentent aucune

atrophie. La douleur localisée à l'articulation scapulo-humérale est toujours

très accusée.

20 novembre. - M. A. cherche à tromper toute surveillance. Il se plaint

continuellement. Les douleurs de la main droite et de l'épaule sont toujours

très vives. Mêmes symptômes physiques. Les spasmes du membre droit sont

cependant moins accusés.

30. - Les secousses spasmodiques ont disparu. Les mouvements de l'avant-

hras sur le bras et du bras sur l'épaule sont encore peu étendus. On note encore

du tremblement intentionnel. Les douleurs sont moins vives. Les troubles tro-

piques sont stationnaires. Mêmes idées mélancoliques, de négation, d'immor-

talité. M. A. gémit moins et dort mieux. '

140 MARCcIInD

15 décembre. Une amélioration notable s'est produite dans l'état mental.

M. A. est plus calme ; il ne gémit plus, il prétend encore qu'il est un homme

perdu, mais n'émet plus d'idées de négation et d'immortalité.

20 janvier 1904. Les troubles mentaux sont en voie de disparition. Les

douleurs au niveau de l'articulation scapulo-humérale et au niveau de la main

du côté droit sont très atténuées. Les mouvements du membre supérieur sont

plus faciles. M. A. commence à mobiliser légèrement les articulations des

doigts. La peau conserve son aspect luisant ; quelques rides apparaissent au

niveau des articulations.

27 février. M. A. ne présente plus de troubles mentaux ; il persiste

seulement un affaiblissement léger de la mémoire. Les troubles paralytiques et

trophiques sont très améliorés. Les réflexes patellaires sont encore exagérés ;

la parole est scandée. Les mouvements des articulations du médius droit sont

très limités ; la phalangine est légèrement fléchie sur la phalangette et cette

dernière est en extension sur la première phalange. Au niveau de l'articulation

de la première et de la deuxième phalange, le doigt est aplati d'avant en arrière.

Sur une radiographie, on ne constate aucun épaississement des surfaces arti-

culaires.

En janvier 1905, M. A. sur notre demande se soumet à notre examen.

Nous notons les troubles suivants. Un léger affaiblissement de la mémoire des

mots persiste ; la parole est encore un peu scandée ; l'écriture est normale. Les

mouvements du membre supérieur droit et la force musculaire sont normaux,

Le réflexe patellaire est absenta gauche, faible à droite. Les troubles trophiques

sont en partie disparus, mais il persiste un état lisse de la peau et une sensi-

bilité spéciale de la main au froid. La déformation du médius droit s'est encore

accentuée (V. PI. XIV). Lesarticulations dece doigtsont assez mobiles, quoique

la flexion complète du doigt soit encore impossible. La deuxième phalange est

en extension forcée sur la première phalange. L'articulation de la première

phalange sur la seconde est assez mobile, mais sa flexion est limitée. L'articu-

lation métacarpo-phalaugienne paraît normale. Comme autre déformation, on

note la forme en boudin de l'annulaire droit, son extrémité étant égale et peut-

être un peu plus épaisse que sa racine.

Depuis, nous avons revu M. A. plusieurs fois. Aucun changement ne s'est

produit dans son état physique. La parole est restée légèrement scandée ; le

médius et l'annulaire droits présentent les mêmes déformations. Les facultés

psychiques sont intactes.

En résumé, un sujet, atteint de glycosurie intermittente, est victime

d'un traumatisme crânien suivi immédiatement d'une perte de connais-

sance d'une durée d'une heure. Maux de tête les jours suivants sans au-

tres troubles. Douze jours après l'accident, engourdissement du bras droit

et peu après crises d'épilepsie jacksonienne localisée à la moitié droite de 1

la face et au bras droit ; paralysie flasque de la moitié droite de la face et

Nouvelle Iconographie DE la SALPÊTRIÈRE.

T. XXIII. PI. XIV

TROUBLES TROPHIQUES D'ORIGINE CÉRÉBRALE

(Marchand)

Masson & Cie, Editeurs.

PlnotoUpie Bertliaud

TRAUMATISME CRANIEN, ÉPILEPSIE JACKSONIENNE 141

du bras droit et aphasie. Pendant toute la durée de ces accidents, absence

de sucre dans les urines. Dans la suite, disparition des troubles paralyti-

ques,mais persistance des troubles de la mémoire des mots et des troubles

de l'écriture ; la parole est légèrement scandée. Huit mois après l'accident,

mélancolie avec idées de suicide ; réapparition de la glycosurie. Quelques

mois plus lard, aux idées mélancoliques s'associent des idées de négation,

des idées d'immortalité, un délire d'énormité. Cinq mois après le début

des troubles mentaux, douleurs violentes localisées à l'articulation scapu-

lo-humérale, parésie du bras droit et de la jambe droite, troubles trophi-

ques des articulations et de la peau des doigts. Quelques jouis plus tard,

apparaissent des secousses convulsives localisées au membre supérieur

droit; les troubles trophiques s'accentuent. Dans la suite, amélioration

lentement progressive des troubles paralytiques, trophiques et mentaux.

Dix mois après le début des troubles mentaux, il ne persiste plus qu'un

léger affaiblissement de la mémoire et une légère scansion de la parole ;

les troubles trophiques sont limités au médius droit.

Les diverses phases de l'affection sont bien particulières. Entre le mo-

ment du traumatisme et l'apparition des crises d'épilepsie jacksonienne

il s'estécoulé une période de douze jc>urs pendant laquelle le sujet a pu

s'occuper de ses affaires malgré une céphalalgie continue. Les crises fu-

rent suivies d'une paralysie transitoire de la moitié droite de la face et du

bras droit avec aphasie-Survint ensuite une nouvelle phase pendant la-

quelle il ne persista que des troubles de la mémoire des mots et des trou-

bles de l'écriture. Ce n'est que sept mois après le traumatisme crânien

qu'apparut une succession d'accidents consistant eu troubles psychi-

ques, paralytiques, convulsifs et trophiques. Malgré la gravité du cas, les

différents symptômes s'atténuèrent lentement, finirent par disparaître et

le sujet put être considéré comme guéri.

La lésion cérébrale, cause de ces divers troubles, est difficile à préci-

ser. D'après l'évolution même des symptômes, nous avons rejeté l'hypo-

thèse d'une hémorragie cérébrale. La succession des divers symptômes

et la lenteur de leur évolution nous paraissent plutôt en rapport avec une

lésion de nature inflammatoire. La prédominance des troubles sensitifs,

paralytiques, convulsifs et trophiques au niveau du bras droit permet de

conclure à une lésion localisée dans la région m.otrice gauche, à la partie

supérieure de la frontale et de la pariétale ascendantes ; cette lésion ne

devait occuper que les couches superficielles du cortex et consister très

vraisemblablement en une plaque de méningo-encéphalite. La disparition

presque complète des divers symptômes s'accorde avec cette hypothèse.

La pathogénie des troubles mentaux est plus obscure. Ceux-ci n'ont

débuté que plusieurs mois.après les premiers accidents aigus paralytiques

42 MARCHAND

et convulsifs : ils ont présenté une symptomatologie et une marche sem-

blables à celles des accès mélancoliques aigus. Nous les attribuons à des

lésions corticales diffuses ayant eu pour point de départ la lésion localisée

qui avait provoqué les crises d'épi lepsie j acksonienne. Il est probable que

ces lésions ont consisté en une encéphalite légère. Ce sont d'ailleurs les

altérations que nous avons rencontrées chez plusieurs sujets atteints de

troubles mentaux aigus. A cette inflammation cérébrale diffuse s'est asso-

ciée une recrudescence dans les phénomènes inflammatoires de la plaque

de méningo-encéphalite qui primitivement avait été cause des accès d'é-

pilepsie jacksonienne et qui plus tard se traduisit par les troubles moteurs,

convulsifs et trophiques du bras droit.

C'est un l'ait exceptionnel chez l'adulte de voir une lésion corticale don-

ner lieu à des troubles trophiques aussi localisés et aussi prononcés que

ceux présentés par notre sujet. La forme des accidents rappelait celle de

la sclérodermie ; aux lésions de la peau et des ongles s'associaient des al-

térations des articulations des doigts. Notre cas présente plusieurs points

de ressemblance avec celui de M. André, du moins en ce qui concerne les

accidents aigus. Dans l'observation de M. André (1), il s'agit d'un sujet

qui,atteint de céphalée depuis plusieurs années,éprouva à l'âge due45 ansles

sensations suivantes : les doigts de la main droite, quoique immobiles,

semblaient se diriger de tous côtés. Un an après le début des accidents

apparurent des contractions cloniques des muscles de. la main qui allèrent

en augmentant d'intensité et d'étendue. A l'âge de 52 ans, les mouve-

ments épileptoïdes se compliquèrent de contractions musculaires à la

tempe droite,' à la joue et aux paupières avec sensation de chaleur à la

tempe, d'affaiblissement de la vue et de bourdonnement d'oreilles ; pas de

troubles intellectuels.Des crises avec chute et perle de connaissance appa-

rurent ensuite ; elles débutaient par des fourmillements aux doigts et des

secousses convulsives dans le membre supérieur droit avec scotome scin-

tillant. Un an après survinrent des douleurs très vives dans l'épaule et les

phalanges droites ; les doigts s'amincirent et le derme s'atrophia ; puis

l'atrophie porta sur tout le membre supérieur. La sensibilité était légère-

ment diminuée dans la moitié droite du corps ; les réflexes rotuliens étaient

exagérés. L'auteur admet comme cause de ces troubles une lésion corticale

très superficielle.

De notre observation, comme de celle de M. André, il ressort nette-

ment que, chez l'adulte, des troubles cutanés et articulaires graves peu-

vent être sous la dépendance d'une lésion corticale très superficielle ; le

pronostic dans de tels cas peut être favorable ; les accidents peuvent

disparaître totalement, ne laissant après eux qu'une difformité des doigts.

\1) ANDBÉ, Cas d'épilepsie jacksonienne avec troubles trophiques graves. Congrès de

Toulouse, 1897, vol. II, p. 716.

SERVICE DES MALADIES NERVEUSES (Dr E.' li'LA1'AV)

A L'HOPITAL ISRAÉLITE A VARSOVIE

TUMEURS DE LA MOELLE EPINIERE

- ET DE LA COLONNE VERTÉBRALE

- (Suite)

· PAR

- Edouard FLATAU

IIe PARTIE

Les tumeurs extravertébrales.

Observation IX

La malade R. Lew. (1), âgée de 42 ans, est entrée le 1 e' septembre

1903.

Au mois de février 1903 elle a éprouvé des crises pénibles dans la région

précordiale et des douleurs entre les omoplates; puis toux et oppression. On

constata un exsudat pleurétique qu'on ponctionna. Amélioration, puis de

nouveau douleurs dans la poitrine et oppression. Au mois de septembre

on constata à la percussion une matité sur toute la hauteur du poumon gauche

et la respiration bronchique. Le diagnostic de pleurésie gauche avec épanche-

ment fut prononcé. On évacua 300 centimètres cubes de liquide, mais la

dyspnée ne diminua pas, les points de côté persistèrent. Il est apparu de la

douleur au dos. Deux semaines plus tard les membres inférieurs commencè-

rent à faiblir, trois jours après ils étaient paralysés. La jambe droite était

hypotonique, la gauche hypertonique. Les réflexes patellaires étaient vifs,

les achilléens abolis, les plantaires normaux. Sensibilité troublée sur les

jambes. La paralysie des membres inférieurs est devenue flasque ! ,le 26 sep-

tembre), troubles sensitifs aux membres inférieurs et dans la moitié infé-

rieure de l'abdomen, phénomène de Babinski bilatéral, réflexes patellaires

vifs, tandis que les achilléens étaient abolis. Muscles du tronc affaiblis, ré-

flexes abdominaux abolis, colonne vertébrale douloureuse surtout dans la

région des IV et Ve vertèbres dorsales. La malade avait constamment la sensa-

tion de froid aux jambes et des douleurs qui apparaissaient et croissaient par

accès. Les sphincters ne présentaient pas de troubles. Eschare sacrée ; les mem-

bres inférieurs et la figure sont oedématiés, le sein gauche enflé, puis les mains

aussi ; dyspnée toujours plus forte, au-dessus de la clavicule gauche une

(1) Ce cas fut publié par moi et le D' Koelichen dans la Medycynaen 1906. Ici il n'y a

qu'un résumé.

141 - FLATAU

tumeur du volume d'un oeuf de poule passait sur la cage thoracique. La

malade meurt le 12 octobre 1903.

L'autopsie (Dr Steinhaus) montra dans le quart supérieur du sternum une

tumeur plate. Au même niveau, sur la face postérieure du sternum, on voyait

une tumeur adhérente au sommet du poumon droit et à la masse néoplasique

située derrière le poumon gauche. Du côté gauche la tumeur passait au-dessous

du sternum et se réunissait avec la masse néoformée sur la face postérieure des

côtes. Dans la moitié gauche de la cage thoracique la plèvre est adhérente aux

parois. Le poumon est refoulé en bas et en arrière. La partie antérieure et supé.

rieure de la cavité thoracique est occupée par la masse néoformée molle, rosée,

constituée par une quantité de tumeurs et comprimant le coeur et les gros

vaisseaux. Le médiastin antérieur est'occupé par cette masse de même que le

médiastin postérieur, la tumeur englobe l'aorte. La bronche gauche se trouve au

sein de la tumeur. Dans la vésicule biliaire, une métastase. Colonne ver-

tébrale : au niveau de la Ire lombaire on voit une masse néoformée adhérente

au corps de la vertèbre. Sur les IIe, IVe vertèbres dorsales on trouve des tu-

meurs ressemblant à des queues d'écrevisses et qui par les trous de conjugaison

pénètrent dans le canal rachidien.Après avoir ouvert le canal rachidien on cons-

tate une tumeur du côté droit adhérente à la dure-mère dans l'étendue des Il[,

VIe racines dorsales. Dans le cerveau il n'y a pas de lésions.

La tumeur médullaire (se trouvait en dehors de la dure-mère (fig. 4).

Les coupes sériées démontrent que la tumeur apparaît pour la première fois au

niveau du III° segment dorsal. Elle est placée en dehors du point central de la

moitié droite de la moelle. Au-dessous du IIIe segment la tumeur commence à

augmenter de volume dans la direction latérale et dorsale, et atteint son maxi-

'de développement au niveau du IVe segment dorsal (le diamètre sagittal

12 mm., frontal - 10,5 mm.). La tumeur englobe à cette hauteur presque

toute la moitié droite de la moelle, excepté sa partie antérieure. En allant vers

le bas'on voit la tumeur diminuer, elle disparaît au-dessus de .l'entrée de la

VIe racine dorsale dans la dure-mère. Cette dernière est épaissie, hypertrophiée

dans la moitié droite et la partie postérieure de la moitié gauche (son épais-

seur atteint 1/2 mm.). La tumeur est un sarcome à cellules rondes.

Dans la moelle même on constate des lésions dans une région qui correspond

à la tumeur extravertébrale, c'est-à-dire au niveau des IVe et V" segments dor-

saux.Dans le IVe segment dorsal le foyer de lésion avait une forme triangulaire à

base orientée vers la périphérie, siégeait dans le cordon latéral droit et présen-

tait une démyélinisation (fig. 5). Les limites du foyer ne sont pas très nettes.

Une dégénérescence du tissu nerveux ressort au premier plan. Larges mailles

vides par suite de la disparition de la myéline et cloisons névrogliques épaissies.

De temps en temps on voit un cylindre axe gonflé considérablement, la myé-

line a presque complètement disparu, il ne reste que des traces de masses

granuleuses produits de la myéline dégénérée, çà et là près des parois des lacu-

nes, des cellules avec granulations.

Le tissu nerveux est alors aréolaire, troué comme un tamis ; il rappelle par

TUMEURS DE LA MOELLE ÉPINIÈRE ET DE LA COLONNE VERTÉBRALE 145

son aspect du tissu médullaire au cours de la myélite. Mais on n'y voit pas

d'infiltration, les vaisseaux ne mon-

trent pas de lésions notables.

Dans d'autres points de cette coupe

on constate des vaisseaux augmentés

de nombre, à parois épaissies, en-

tourés d'un étroit liseré de la névro-

glie. Certains espaces périvasculaires .

sont dilatés. Les coupes qui provien-

nent du Ve segment dorsal ne présen-

tent plus de traces du foyer de lésion

triangulaire. La coupe est par contre

comme pointillée (quantité de petits

foyers, les moins nombreux sont dans

les cordons antérieurs et dans la subs-

tance blanche autour des cornes anté-

rieures). Ces foyers ne se colorent pas

(méthode de Weigert) ou se colorent

faiblement et présentant une démyéli-

nisation.

Les parois vasculaires et les tissus

ambiants contiennent des noyaux plus

nombreux que normalement.

Beaucoup de corpuscules amyloïdes

sont visibles autour des vaisseaux et

des cloisons névrogliques. Dans la

substance grise il y a des lésions ana-

logues (vaisseaux à parois un peu

épaissies, lumière vasculaire rétrécie,

infiltration peuconsidérableetde temps

à autre dilatation des espaces péri-

vasculaires).

Dans toute l'étendue de la moelle,

aussi bien en haut qu'en bas de la tu-

meur, on voit des changements dans la

structure vasculaire, comme nous ve-

nons de les décrire (épaississement des

parois avec légère prolifération de la

névroglie leur pourtour).

Les changements s'effacent à mesure

qu'on' s'éloigne de la tumeur. On ne

constate pas d'autres grands foyers de

lésion.

Dans les coupes colorées par la mé-

thode de Marchi on voit que la région

correspondant à la tumeurprésente une

dégénérescence diffuse des cordons pos-

térieurs (plus notable autour des cor-

nes postérieures) et, à un degré moins

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considérable, des cordons antéro-latéraux. En outre, on constate une dégéné-

rescence secondaire ascendante (des faisceaux de Goll et de Burdach et dans la

zone périphérique des cordons antéro-latéraux).

Au-dessous de la tumeur jusqu'au XIIe segment dorsal on remarque des

masses noires dispersées dans toute la coupe, surtout groupées dans le faisceau

pyramidal croisé (droit principalement) et dans le faisceau de Hoche (gauche).

Dans la moelle lombaire, les masses noires sont plutôt accumulées dans le

fascicule dorso-médian des cordons postérieurs et dans les voies pyramidales

latérales. A gauche, dégénérescence notable de la zone radiculaire (depuis les

IIe et Ici' segments lombaires). Dans le ne segment lombaire on constate une

dégénérescence du champ ovale de rlecUsig,de la zone radiculaire gauche et une

dégénérescence moins prononcée de la racine postérieure gauche. Dans la moelle

sacrée, le triangle de Gombault-Philippe est dégénéré. La zone radiculaire

gauche se rapproche davantage de la normale.

Dans ce cas les corpuscules amyloïdes attirent notre attention. Ils occupent

surtout la substance blanche. Dans la substance grise ils sont moins nombreux

et se localisent principalement il la périphérie des cornes antérieures. Ils se ren-

contrent en plus grand nombre dans les cordons postérieurs et dans la partie pos-

térieure des cordons latéraux.Ils sontaussi assez nombreux dans la zone nommée

névroglique périphérique, surtout là où les cloisons pie-mériennes pénètrent

Fig. 5.

Sarcome à cellules rondes.

1. Racines postérieures. 4. Foyer de lésion dans le cordon latéral

2. Dure-mère. droit.

3. Racine antérieure. 5. Tumeur.

TUMEURS DE LA MOELLE épinière ET DE LA COLONNE VERTÉBRALE 147

dans la moelle, le long de ces dernières, dans l'espace épispinal ; autour du canal

central, entre les cellules épendymaires, ils sont très nombreux dans les espaces

périvascnlaires. Nulle part les corpuscules amyloïdes ne se disposent le long

d'un faisceau nerveux. Les coupes longitudinales montrent par contre la

disposition des corpuscules le long des vaisseaux. Les différentes méthodes de

coloration ont prouvé que les corpuscules sont des produits cellulaires, dont

l'origine n'est pas connue.

Résumé. Dans le cas actuel la marche de la maladie fut tellement

atypique qu'on a fait le diagnostic d'épanchement pleurétique. Il est

évident que déjà à ce moment-là l'épanchement était dû à la tumeur

se développant dans le médiastin. Les symptômes médullaires n'apparu-

rent qu'au septième mois après le début de la maladie; ils consistaient

en un affaiblissement des jambes qui furent atteintes de paralysie en quel-

quesjours. Au commencement le tonus musculaire dans le membre su-

périeur gauche était exagéré (à droite diminué). Mais bientôt la paralysie

a pris le type flasque avec réflexes patellaires vifs, phénomène de Ba-

binski bilatéral et réflexes du tendon d'Achille abolis. Sensation de froid et

douleurs paroxystiques aux jambes. Les sphincters fonctionnaient norma-

lement. La mort est survenue un mois après l'apparition des symptômes

médullaires. '

L'autopsie découvrit une tumeur du médiastin et sa pénétration dans

le canal rachidien à travers les trous de conjugaison dans la région des IULE

et Vie racines dorsales droites.

La tumeur était extérieure par rapport à la dure-mère. L'examen mi-

croscopique fit voir deux sortes de lésions : 1° dans un seul segment, le

IVe dorsal précisément, s'estforméun foyer considérable, occupant la moitié

postérieure du cordon latéral droit, et caractérisé par une dégénérescence

accentuée du tissu nerveux ; 2° le long de toute la moelle, des lésions vas-

culo-scléreuses diffuses dans la substance blanche et grise, plus évidentes

dans la moelle qui correspond à la tumeur. Enfin comme résultat de ces

lésions on constata de faibles dégénérescences secondaires ascendantes et

descendantes (color. IVIarchi).

Les changements vasculo-scléreux étaient un peu analogues à ceux

décrits par Minnich et Nonne dans les cas d'anémie et de pyémie (Nonne),

dans les moelles des vieillards et dans la maladie de Parkinson (Redlich),

dans Ja méningo-myélite syphilitique (Bikeles). Une dépendance évidente

avec le système vasculaire fait penser qu'il s'agit d'un processus infectieux

ou toxique et que le principe actif de la maladie siège dans les vaisseaux.

Il faut attirer l'attention encore sur ce point, que les racines posté-

rieures lombo-sacrées sont dégénérées. C'est grâce à elles que le réflexe

achilléen est aboli. Il faut supposer que ces lésions sont analogues à celles

118 FLATAU

constatées maintes fois dans les cas de tumeurs cérébrales et surtout cé-

rébelleuses. Grâce aux recherches de Batten, Collier, Mayer, Hoche, Fin-

kelnburg et surtout Nageolle et Philippe-Lejonne (v. Raymond, Revue

neurol., 1904, n° 97) on est parvenu à la conclusion que ces chan-

gements des racines sont dus à la pression exagérée du liquide céphalo-

rachidien.

Observation X.

R. Nad., âgée de 4o aus, est entrée à l'hôpital le 7 septembre 1905.

Il y a dix semaines, douleurs dans la région occipitale. En même temps, gon-

flement de la face et du cou. Les mouvements de la tête sont limités et doulou-

reux. La malade pouvait quand même marcher, travailler ; elle se sentait assez

bien. Il y a une semaine elle a ressenti de la raideur de tout le membre supérieur

droit. En même temps le membre est devenu le siège d'une douleur s'irra-

diant vers l'omoplate. Le membre était froid ; sur sa face postérieure les veines

se gonflèrent. Peu à peu le membre s'affaiblissait davantage.

Les mouvements sont devenus impossibles dans l'articulation de l'épaule et

du coude ; ils persistaient jusqu'à hier dans l'articulation du poignet et des

doigts. Depuis trois jours, paresthésies dans tous les doigts de la main droite

et certains de la gauche. Depuis deux jours la main gauche tremble. Hier la

malade a ressenti une douleur et de la raideur de la main gauche. Une demi-

heure après, les deux membres supérieurs étaient paralysés. Les inférieurs

conservaient encore leurs mouvements. Une heure après, la malade s'est endor-

mie et elle dormit deux heures de suite. Quand elle se réveilla les membres

inférieurs étaient aussi paralysés. Auparavant toujours en bonne santé. Elle a

eu 6 enfants dont 3 sont morts. Une fausse couche. La famille est bien por-

tante.

Etat actuel. Déformation notable de la cage thoracique. Le sternum

est bombé et la voussure se confond insensiblement avec la tumeur qui envahit

le corps thyroïde et la partie inférieure du cou.

La tête est immobile et un peu fléchie. Le cou est un peu élargi. Les ver-

tèbres cervicales inférieures et dorsales supérieures sont douloureuses à la

pression. La tête peut exécuter des mouvements bien limités sans provoquer de

douleurs. Les fentes palpébrales et les pupilles sont normales. La réaction à la

lumière est conservée. Les mouvements des globes oculaires sont bons. Les

membres supérieurs sont complètement paralysés. Les réflexes du muscle tri-

ceps sont faibles ; les périostaux, abolis ; les mouvements du tronc, nuls. La

malade se compare à « une pâte », elle reste sans aucun mouvement.

Les réflexes abdominaux sont abolis.

Les membres inférieurs sont presque complètement paralysés. Il ne reste

que de faibles traces de mouvements (la mieux conservée est l'extension et

l'adduction de la cuisse, tandis que son abduction est abolie). La flexion des

genoux ne se fait presque plus, l'extension est notablement affaiblie, on peut dire

la même chose des articulations du cou-de-pied et des orteils. Les réflexes ten-

TUMEURS DE LA MOELLE ÉPINIÈRE ET DE LA COLONNE VERTÉBRALE 149

dineux sont conservés, normaux. Le réflexe plantaire est très faible (le plus

souvent, flexion plantaire; du côté droit ou observe quelquefois une rapide

extension du gros orteil, phénomène de Babinski ? ).

Rétention de l'urine et des matières fécales.

A la palpation on constate une matité sur le sternum et en arrière,des deux

côtés de la ligne médiane, une respiration prolongée. La figure est enflée, cya-

nosée. Hier on a remarqué une dilatation veineuse sur la face antérieure de la

cage thoracique. Ni les membres supérieurs ni les inférieurs ne présentent

d'oedèmes.

Les troubles sensitifs consistent en ce que la malade sent moins bien le

toucher sur tout le corps depuis les clavicules ou le bord supérieur des omo-

plates (les membres supérieurs y compris). La sensibilité thermique etdoulou-

reuse est abolie dans les membres inférieurs et affaiblie dans les supérieurs

et tout le tronc.

9 septembre. - L'état général devient moins bon. La malade se plaint de

sensation de brûlure dans les doigts de la main gauche. La respiration - 24, le

pouls = 130. La figure est enflée et couverte de sueur. Il ne persiste aux mem-

bres inférieurs qu'un mouvement d'adduction minime de la cuisse gauche, de

rotation de la cuisse droite, d'extension des genoux et des mouvements à peine

perceptibles des orteils droits. Le réflexe patellaire gauche est aboli, le droit est

très faible. Le réflexe achilléen est faible, le droit un peu plus vif, le plantaire

très faible. Le toucher est aboli dans les membres inférieurs et sur l'abdomen

jusqu'aux côtes inférieures. Dans ces régions la sensibilité douloureuse a dis-

paru ; depuis les dernières côtes jusqu'aux VA et IVe espaces intercostaux elle

est affaiblie. Dans les membres supérieurs la sensibilité tactile et douloureuse

est affaiblie. Au membre supérieur gauche les troubles sensitifs se localisent

surtout du côté radial. T. = 38°5.

L'examen du sang démontre 14,160 leucocytes. Rétention d'urine. Dans

l'urine pas de sucre, pas d'albumine.

La malade est morte le 10 septembre dans la nuit.

La moelle épinière ne présentait pas de lésions macroscopiques. On ne cons-

tatait nulle part de tumeurs sa surface.

Examen microscopique. On a constaté des lésions uniquement dans les

111° et IVe segments cervicaux. Ni au-dessus ni au-dessous de cette région on

n'a décelé de modifications dans la structure médullaire (coloration de Weigert,

Marchi, v. Gieson, d'hématoxyliue, de Nissl).

Au niveau du Ille segment cervical, sur les coupes colorées par la méthode

de Weigert,on voit des foyers de lésion surtout dans les cordons latéraux et dans

les postérieurs. Les cordons antérieurs par contre sont presque tout à fait in-

tacts (fig. 6). -

Dans les cordons latéraux il y a des raies claires qui vont radialement de la

périphérie vers le centre. Les raies ne sont pas nettement limitées. Elles se

réunissent l'une avec l'autre en constituant des rangs irréguliers. Les unes

sont longues, les autres courtes. Les unes sont continues, les autres interrom-

150

FLATAU

pues par le tissu bien conservé. Les raies ne pénètrent pas dans la substance

grise, elles s'arrêtent à une certaine distance.

A côté de ces lésions linéaires on voit aussi des foyers arrondis au sein des cor-

dons latéraux.

Tous les foyers ci-dessns décrits n'ont pas de limites nettes ; ils ne ressem-

blent pas aux foyers de la sclérose en plaques, ni aux festons qu'on rencontre

dans la méningo-myélite syphilitique. Leur trait caractéristique est leur passage

graduel au tissu normal. 1.

On constate de plus, à un faible grossissement, l'aspect alvéolaire de ces

foyers.

Les cordons postérieurs sont aussi lésés, mais beaucoup moins que les laté-

raux. On voit des lésions principalement à la périphérie. Çà et là sont disper-

sés de petits foyers au sein des cordons et dans le voisinage de la commissure

grise.

Quant aux cordons antérieurs les lésions s'y voient dans la zone périphé-

rique antérieure.

La zone périphérique médiane (autour du sillon antérieur) est presque nor

maie, les lésions, si elles existent, y sont minimes. Pas de foyers diffus.

Les racines antérieures et postérieures sont intactes. Le réseau dans la subs-

tance grise est normal. Les méninges sont normales. En outre, même à

un faible grossissement,'on remarque des cloisons bien nettes. Elles sont plus

larges que normalement. Avec des grossissements plus forts on voit que la

lésion a frappé surtout les gaines myéliniques. Elles sont très gonflées ; on voit

des gaines atteignant des dimensions considérables, de couleur bleuâtre avec

un fin liseré noir. Quelques-unes se présentent sous l'aspect de larges alvéoles

Fig. 6.

.Moelle épinière dans un sac de tumeur extra-vertébrale

, sans pénétration dans le canal rachidien.

TUMEURS DE LA MOELLE EPINIÈRK ET DE LA COLONNE VERTEBRALE 151

incolores, seulement limités par ce liseré noir. A côté de ces grands alvéoles

irréguliers il y a de petits points noirs au milieu des foyers de lésion, qui sont

également le produit de la dégénération myélinique.

Sur les coupes colorées par la méthode de v. Gieson ou par l'hématoxyline-

éosine se remarquent d'autres détails. Dans la plupart des foyers on voit

de grands alvéoles vides (à aspect aréolaire cribriforme, fig. 7). Par places se

voient des masses rondes rouges ou roses qui ne sont autre chose que les cy-

lindraxes gonflés ou des fibres gonflées et dégénérées.

Dans quelques-unes de ces masses on peut distinguer un point plus rouge

(cylindraxe) et une zone rosée (la gaine de myéline). Les masses roses les

plus grandes sont amorphes et se colorent faiblement. Dans quelques foyers,

les petits précisément, on voit une mosaïque de ces masses roses, c'est-à-dire

qu'elles se pressent l'une contre l'autre. On n'y constate pas d'alvéoles vides.

Ce doivent être des foyers plus jeunes.

Les vaisseaux n'ont pas de lésions notables. Ils sont partout dilatés dans les

foyers surtout. Les parois vasculaires sont un peu épaissies. il est exceptionnel

Fig. 1.

1. Vaisseau sanguin infiltré. 4. Cylindraxe gonflé.

2. Hémorragie. 5. Maille vide de la névroglie.

3. Masse dégénérée. 6. Vaisseau sanguin infiltré.

152 `I FLATAU ,

de voir une agglomération de noyaux autour des vaisseaux. Par places se voient

de petites hémorragies fraîches au milieu de tissu. Les méninges sont in-

tactes. Il faut spécialement appuyer sur ce fait que nulle part on n'a observé

la prolifération de la névroglie (ni aux foyers ni ailleurs). Les coupes colo-

rées par la méthode de Marchi ne montrent pas de lésion notable. Dans le

voisinage de certains foyers se trouvent de petits amas noirs. ·

Les coupes colorées par la méthode de Nissl montrent des changements

considérables des cellules des cornes antérieures (dans le voisinage du foyer de

lésion au niveau du IV, segment cervical). Les cellules sont arrondies et pres-

que privées de prolongements. La chromatolyse est complète. Dans certaines

cellules, le noyau est excentrique. Au-dessous de cette région, par exemple

au niveau du Vle segment cervical, les lésions cellulaires sont moins pronon-

cées, et au niveau du VIIe segment cervical ils ne sont presque plus consta-

tables.

Les coupes du IVe segment cervical contiennent des foyers de lésion iden-

tiques à ceux décrits ci-dessus, en ce qui concerne la structure histo-patholo-

gique ; leur volume est moindre. Les cordons antérieurs sont normaux ; les

postérieurs, très peu lésés (seulement à la périphérie et vers la commissure

grise). Dans le cordon latéral gauche, une zone périphérique claire et un foyer

allongé dans la partie postérieure du cordon. Les lésions du côté droit res-

sortent d'autant mieux. Le même caractère de taches et de raies s'y retrouve.

Deux grands foyers dans la partie postérieure du cordon sont surtout à noter.

Comme il est dit plus haut ni au-dessus ni au-dessous de ces*segments cer-

vicaux,il n'y a de foyers de lésion; pas de dégénérescences secondaires non plus.

RÉSUMÉ, - Dans ce cas il s'agit d'une femme de 45 ans, qui ressent

dix semaines avant sa mort des douleurs et des élancements derrière la

tête. En même temps la face et le cou enflent. Neuf semaines plus tard tout

le membre supérieur droit devient raide, la malade y ressent des douleurs

et le membre s'affaiblit peu à peu. Quelques jours avant la mort il y avait

des paresthésies dans les membres supérieurs, la main gauche tremble, de-

vient douloureuse et se raidit. Très vite se développe la paralysie complète

des membres supérieurs. Après deux heures de sommeil la malade se ré-

veille avec les membres inférieurs paralysés. A l'examen de la malade fait

trois jours avant sa mort on constate une tumeur de la région supérieure du

thorax envahissant le bas du cou et le corps thyroïde. La figure est enflée.

La tête reste immobile, raide. Membres supérieurs complètement paralysés

Réflexes tendineux faibles, périostaux abolis. Le tronc reste immobile.

Membres inférieurs presque complètement paralysés. Réflexes tendineux

normalement vifs. Plantaire très faible (du côté droit Babinski ? ). Ré-

tention de l'urine et des matières fécales. La sensibilité est abolie aux

membres inférieurs et à l'abdomen, diminuée depuis les dernières côtes

jusqu'aux Ve-I ? espaces intercostaux. Le sang contient 14.160 leucocy-

TUMEURS DE LA MOELLE ÉPINIERE ET DE LA COLONNE VERTÉBRALE 153

tes. L'autopsie de tout le corps ne put être faite. Tl s'agissait d'une tumeur

sans aucun doute, de lymphosarcome probablement.

Ni la colonne vertébrale (les corps vertébraux n'ont pas été sciés) ni le

canal rachidien ne contenaient de masses néoformées. La moelle épinière

était normale à l'examen macroscopique. Mais microscopiquement on

voyait des lésions dans les Tille et IVe segments cervicaux. Les lésions con-

sistaient en foyers peu nettement limités, en forme de taches et de raies.

Les cordons latéraux sont surtout lésés. Les postérieurs sont beaucoup

moins touchés, les antérieurs presque intacts. Racines antérieures et

postérieures, dure-mère et pie-mère sans changements. Dans les foyers

de lésion, la coloration de Weigert a montré les gaines de myéline

très gonflées. La coloration par la fuchsine et par l'hématoxyline-

éosine décèle des masses rondes plus ou moins colorées (roses et rouges).

Ces masses étaient constituées par les fibres dégénérées (cylindraxe ou

toute la fibre). A côté de cela beaucoup d'alvéoles vides. Les vaisseaux

étaient très peu modifiés. Pas de prolifération de la névroglie.

Dans d'autres régions de la moelle, pas de lésion. Nulle part de dégé-

nérescences secondaires.

Ce cas nous prouve que lorsqu'il va une tumeur dans l'organisme, même

tout à fait en dehors de la moelle, cette dernière peut être lésée, Les masses

néoplasiques n'ont pas eu le temps de pénétrer dans le canal rachidien à

travers les trous de conjugaison, pourtant la moelle offrait des lésions

qui ont provoqué la paralysie de tous les membres. L'autopsie de tout le

corps n'ayant pu être faite, on ne sait pas si la tumeur a pénétré jus-

qu'aux corps des vertèbres. La matité à la percussion des deux côtés de la

ligne médiane et les vertèbres cervicales douloureuses parleraient en fa-

veur de celle supposition. Il faut insister sur le point suivant : les foyers

médullaires, par leur localisation,correspondaient en partie au moins à la

tumeur (gonflement du cou, immobilité de la tête). La structure histo-

logique des foyers de lésion ressemblait au gonflement hydrémique qu'on

note dans l'anémie pernicieuse, la carcinomatose, la néphrite chronique,

etc.

Observation XI. '

Le malade de 45 ans,est venu me consulter le 13 novembre'

1906.

Au mois d'avril de cette année il a en une hémoptysie de peu de durée, sans

récidive. 1 mois 1/2 plus tard, fortes douleurs brûlantes dans la région du sein

droit. Les douleurs au début n'ont pas eu le caractère continu, elles venaient puis

disparaissaient pour quelques jours. Elles croissaient pendant la marche et le

travail. Le malade est allé Bousk, où il a été soumis au traitement spécifique

154 FLATAU

(il y a 4 ans il acquit la syphilis) et prenait des bains sulfureux. Après ce trai-

tement son état empira. Les douleurs dans le sein droit sont devenues plus

fortes, plus fréquentes et duraient plus longtemps. Le malade est parti en

Crimée, s'est mis au traitement arsenical sans effet. Il retourne à Varsovie.

On pensait qu'il s'agissait d'une tuberculose pulmonaire et le malade fut ins-

tallé dans un sanatorium. Son état s'aggrava bientôt. Douleurs toujours plus

fortes, presque constantes et se propageant vers l'épaule droite. Les douleurs

du sein avaient un caractère brûlant, celles de l'épaule, perçant. Après sa

sortie du sanatorium il marchait avec peine. Les douleurs atteignaient leur

maximum dans la position couchée. Malgré l'aggravation de son état il a pris

15 livres de poids dans le sanatorium. Les derniers temps le malade a maigri

et s'est affaibli. -

Elat actuel. Malade de haute taille, d'une conformation médiocre, état

général mauvais. Le pouls est à 92. Le coeur a des limites normales. Le pou-

mon gauche ne présente rien de notable au point de vue de l'auscultation et de

la percussion,si ce n'est une expiration soufflante à son sommet,qu'on considère

comme un souffle propagé du côté droit. Au poumon droit, matité accen-

tuée depuis le sommet jusqu'au bord inférieur de l'omoplate. La respiration y

est rude, et au-dessous du sommet droit à côté de la colonne vertébrale, elle

est bronchique. En avant au-dessus de la clavicule et au-dessous jusqu'à la

Ve côte, matité avec tympanisme et respiration rude.

Près du sternum on entend de l'inspiration stridente. Aux organes abdomi-

naux rien de notable. Pas de ganglions dans l'aisselle ou dans le pli de l'aine.

L'articulation sterno-claviculaire droite est augmentée de volume.

Les vertèbres IVe, Ve et VI" dorsales sont douloureuses à la pression. Le

Ve espace intercostal est douloureux sur la ligne parasternale et mamillaire. Les

nerfs crâniens fonctionnent normalement. La force musculaire et la sensibilité

sont intactes dans tous les membres. Les réflexes patellaires et achilléens sont

très vifs. Léger clonus des deux pieds. Le réflexe plantaire est normal. Le

réflexe abdominal gauche est plus faible que le droit. Le roentgenogramme

(Dr Barszczewski) montre une tumeur au-dessous de la clavicule droite et

dans la région des IVe-Vle vertèbres dorsales.

Le malade se plaignait constamment de douleurs très fortes dans les régions

mentionnées. Injections d'arsenic et de morphine.

Puis il a ressenti un engourdissement de tout le membre inférieur gauche.

Les douleurs augmentaient dans la marche à tel point que le malade était

obligé de rester couché.

Dans la fosse sus-claviculaire gauche on constate une côte supplémentaire.

Le malade dans un état de jour en jour plus grave quitte Varsovie au mois

de décembre 1906.

Résumé. Dans ce cas il s'agit d'une tumeur occupant la région des

vertèbres dorsales moyennes et pénétrant dans la partie supérieure de la

cavité thoracique droite.

TUMEURS DE LA MOELLE ÉPINIÈRE ET DE LA COLONNE VERTÉBRALE 155

La tumeur (le lymphosarcome ? ) provoquait des douleurs localisées au

début dans la région mammaire droite, instables, qui peu à peu se pro-

pagèrent vers le membre supérieur droit et tourmentèrent le malade

jour et nuit. Pendant tout le temps de l'observation on n'a pas noté de

symptômes du côté de la moelle. Les réflexes tendineux étaient exagérés

pathologiquement et il y avait une trépidation épileptoïde légère. Ce n'est

que plus tard que le membre inférieur gauche s'engourdit. Ee malade

a quitté Varsovie et nous ne pouvions. plus en avoir de nouvelles. Il est

probable que ce symptôme (l'engourdissement) était un signe précurseur

dénotant le début de la maladie de la moelle. Il est connu que dans des

cas analogues-une tumeur extravertébrale peut ne pas donner de symptô-

mes médullaires pendant un temps assez long. Tout d'un coup d'une ma-

nière rapide se développent les phénomènes paralytiques du côté des mem-

bres inférieurs et des sphincters.

Au début la maladie était tellement masquée qu'on supposait une affec-

tion pulmonaire.

Dans un autre cas analogue il celui-ci (obs. IX) on a posé le diagnostic

d'un épanchement pleural et ce n'est qu'une exacerbation rapide de la

maladie, l'apparition de la tumeur au-dessus de la clavicule et la paraplé-

gie qui ont fait changer le diagnostic.

.. - Observation XII.

Le malade M. Gas., âgé de 45 ans, est entré à l'hôpital le 14 juin 1905.

Le malade a eu il y a six ans des douleurs dans l'hypochondre gauche et le

flanc gauche. Elles n'étaient pas très fortes et durèrent un an et demi. Puis

elles ont disparu et- ne revenaient qu'en hiver 1905 sous les côtes droites, un

peu en arrière, avec propagation vers la fesse droite et le dos. Dernièrement

elles ont envahi aussi le côté droit de l'abdomen. Depuis le mois d'avril les

points symétriques du côté gauche sont douloureux. Les douleurs sont devenues

très fortes depuis une semaine, les membres inférieurs sont lourds, le malade a

de la peine à marcher. Le jour suivant en quittant le lit il est tombé et depuis

ne peut plus mouvoir les jambes. Eu même temps il s'est produit une réten-

tion de l'urine (cathétérisme). Le jour suivant, incontinence de l'urine.

Jusqu'aujourd'hui l'urine s'élimine par gouttes. Le malade n'a pas eu d'autres

maladies, pas de syphilis ; 4 enfants bien portants. Sa femme n'a pas eu de

fausses couches. '

Etat actuel. Bonne conformation, bon état général. Les nerfs crâ-

niens sont normaux. Les pupilles réagissent bien à la lumière. Les mouvements

des globes oculaires sont bons. Pouls 132. Les membres supérieurs ne pré-

sentent rien d'anormal.

Le malade ne peut même pas s'asseoir sur son lit. Les vertèbres lombaires

supérieures et dorsales inférieures sont douloureuses. La paralysie des membres

156 FLATAU

inférieurs est complète et fiasque. Pas même de traces de mouvements (ni à

l'articulation de la hanche, ni dans celle du genou, du cou-de-pied, des orteils).

Les réflexes patellaires sont faibles (le droit plus fort) ; les achilléens, plus

vifs (le droit plus que le gauche). Phénomène de Babinski bilatéral. Réflexe cré-

mastérien faible et lent. Réflexes abdominaux faibles (l'épi et l'hypogastrique

gauche, à droite l'épi est présent quelquefois, l'hypogastrique manque).

Troubles sensitifs (tactiles : sur les pieds et les jambes ; douloureux : dans les

segments distaux des membres inférieurs la sensibilité douloureuse est affaiblie,

sur le pied droit elle est abolie ; thermiques : affaiblissement de ce sens sur

les membres inférieurs, abolition sur la jambe et le pied droits). Le sens des

attitudes est aboli aux orteils, à l'articulation du cou-de-pied et au genou.

17 juin. On a remarqué aujourd'hui du sang dans l'urine (lavages de la

vessie).

19 juin. - Le réflexe patellaire gauche est devenu plus faible.

27 juin. - Pouls 120. Le malade se plaint de douleurs dans la région lom-

baire. Affaiblissement général. L'urine est un peu plus claire. Incontinence

d'urine. Le malade parle à voix basse, enrouée. Pendant la visite du docteur le

malade a émis quelques sons enroués et il expira.

Autopsie. Entre les IX6 et XIe côtes ou espaces intercostaux se trouve au

sein des muscles une masse néoplasique, en partie rouge et en partie jaunâtre.

Elle se détache nettement du fond musculaire. La partie principale de la tu-

meur se trouve dans l'enfoncement que forment les corps vertébraux avec

les côtes. Les parois latérales des corps vertébraux et des arcs sont remplacées

par la masse néoplasique qui passe par ici dans le canal rachidien sous forme

d'un tissu mou, blanchâtre. La masse adhère à la dure-mère et au niveau de

la IX" vertèbre dorsale se réunit avec la méninge.

Organes internes : Les deux poumons adhèrent légèrement aux parois

de la cavité thoracique (en arrière). Les lobes inférieurs sont congestionnés.

Le coeur est dilaté transversalement ; orifice et valvules normaux. Le

coeur gauche est un peu hypertrophié. La rate est augmentée, du double de son

état normal,sa capsule est grise, la coupe rouge sale, sans structure constata-

ble, très molle. Le foie est augmenté de volume, clair-brunâtre, la coupe

jaune sans structure. Reins augmentés de volume, zone corticale élargie, pyra-

mides très rouges ; dans la zone corticale, raies jaunâtres et rouges (dilata-

tion vasculaire, dégénérescence graisseuse).

La vessie urinaire est dilatée, sa paroi antérieure adhérant à sa paroi abdo-

minale, la muqueuse hypertrophiée, hyperémiée avec de nombreuses extra -

vasations sanguines, couverte d'une couche épaisse de mucosités et de pus.

Intestins normaux. Au niveau de la Xi* vertèbre dorsale la masse néopla-

sique pénètre au-dessus des muscles et les soulève.

Examen, microscopique.

La tumeur est un sarcome mixte.

Moelle épinière : Les coupes colorées par la méthode de Weigert démontrent

les altérations suivantes :

TUMEURS DE LA MOELLE ÉPINIÈRE ET DE LA COLONNE VERTÉBRALE 157

Dans les segments cervicaux et dorsaux supérieurs il n'y a pas de change-

ments notables. Dans les segments dorsaux moyens, ils sont peu intenses

et il faut un examen attentif pour les déceler. On {constate alors un aspect

aréolaire des zones périphériques des cordons antéro-latéraux, les cloisons

élargies dans tous les cordons et les vaisseaux des méninges dilatés et

gorgés de sang. Avec un fort grossissement on constate dans la zone péri-

phérique des cordons antéro-latéraux des mailles vides et des fibres dégéné-

rées gonflées parmi d'autres normales. A mesure qu'on s'approche du centre

le nombre des fibres dégénérées diminue. Nulle part de dégénérescence secon-

daire. Dans les cloisons élargies de la substance blanche on voit des vaisseaux di-

latés et souvent entourés de larges espaces périvasculaires. Dans ces derniers

on réussit (en employant le diaphragme) à voir une masse amorphe, finement

granulée. Des corpuscules amyloïdes y sont disposés en petit nombre. Les

vaisseaux ont augmenté de nombre dans la substance blanche aussi bien que dans

la grise. Les vaisseaux de la périphérie de la moelle et des méninges sont très

dilatés et gorgés de sang. Parois non épaissies. ^Dans la substance grise le»

cellules des cornes antérieures sont entourées des espaces péri-cellulaires

élargis. Racines médullaires normales (vaisseaux dilatés et gorgés de sang).

Méninges normales.

On observe des lésions analogues dans les segments dorsaux inférieurs.

Au niveau du XIIe segment dorsal déjà la lésion en foyer prend place (fig. S).

Ui ? s.

1. Foyer de lésion dans le cordon latéral gauche.

2. Foyer de lésion dans le cordon latéral droit.

3. Foyer de lésion dans le cordon postérieur droit.

TUMEURS DE LA MOELLE ÉPINIÈRE ET DE LA COLONNE VERTÉBRALE 159

Au premier abord on pourrait penser qu'il s'agit d'une dégénérescence se-

condaire des voies pyramidales croisées. Deux foyers distincts se voient préci-

sément dans ces deux régions et le foyer gauche est plus considérable que le

droit. A un examen plus attentif on s'aperçoit qu'on a affaire à un autre type

de lésion, ce n'est pas la dégénérescence secondaire, mais des foyers qui sont

localisés dans les voies pyramidales.

A côté de ces deux foyers de grandes dimensions il y ena de plus petits, ovales,

dans le cordon postérieur droit, près de la zone périphérique, non loin de la

ligne médiane. -- "

La structure de tous ces foyers est la suivante (coloration de Weigert) :

A un faible grossissement déjà on voit la structure aréolaire, c'est-à-dire

beaucoup de mailles vides surtout sur la limite du tissu normal. Ces alvéoles vides

se voient aussi à une certaine distance du foyer. Dans le foyer même les gaines

de myéline ne sont pas dégénérées complètement : on les voit à un faible

aussi bien qu'à un fort grossissement. Les forts grossissements (Leitz, ocul.

1, obj. 6 = 255 X) montrent dans le foyer une quantité de masses myélt-

niques gonflées, irrégulières, de grandes et d'autres petites, sous forme de

fines granulations avec un grand nombre de formes intermédiaires. Au milieu

du foyer, vaisseaux dilatés gorgés de sang. Dans le foyer gauche on voit

encore des cercles jaune clair accumulés dans un endroit. (Sur les coupes

colorées par la méthode de v. Gieson ce sont des masses gonflées rose-rou-

geâtre, des fibres nerveuses dégénérées, gonflées considérablement.)

A côté de ces changements on voit une certaine démyélinisation à la périphérie

des cordons antéro-latéraux et des alvéoles vides dans les cordons postérieurs.

Les cloisons élargies dans toute la coupe contiennent des vaisseaux gorgés de

sang. Dans les espaces péricellulaires on voit des corpuscules amyloïdes (surtout

dans les cordons postérieurs non loin de la périphérie). Le réseau myélinique

de la substance grise est normalement dense ; les espaces péricellulaires légè-

rement élargis ; les- méninges normales. Les vaisseaux y sont dilatés, gorgés

de sang. La moelle conserve sa configuration interne et externe normale. La

dure-mère ne se réunit nulle part avec le sarcome. Eu dehors de la dure-mère

on voit la masse néoplasique qui dans un endroit seulement adhère à la dure-

mère. (La localisation de ces masses correspond au faisceau postérieur droit et

latéral droit voisin du précédent.)

Au-dessous de cette région les foyers de lésion changent de place. Déjà

dans le premier segment lombaire les foyers des cordons latéraux disparaissent

presque complètement (dans les voies pyramidales croisées), il n'en reste que

des traces sous forme de petits ilots d'alvéoles vides et de myéline dégénérée.

Par contre dans les cordons postérieurs apparaissent de grands foyers irrégu-

liers ; ils se trouvent dans la zone radiculaire aussi bien que dans le voisinage

de la commissure grise. Ils ne sont pas bien délimités du tissu sain mais y

envoient des prolongements irréguliers en formant une sorte de toile d'araignée.

La structure de ces foyers est semblable à celle décrite plus haut.

Un peu plus bas (entre le ler et le 11, segment lombaire) les foyers changent de

nouveau de forme et de localisation (fig. 9). On n'y voit plus de grands foyers»

160 FLATAU

Par contre il y en a de petits : 1) dans le cordon antérieur gauche, 2) dans le

latéral gauche et encore des lésions diffuses dans les parties antérieures des

deux cordons postérieurs. Alvéoles vides isolés dans les cordons latéraux et

postérieurs. Légère démyélinisation dans les zones périphériques des cordons

latéraux et antéro-latéraux. La configuration interne de la moelle est normale.

A la face externe de la dure-mère on voit un peu de tissu néoplasique (en

arrière et à droite). Ces petites masses néoformées se trouvent à une certaine

distance de la méninge. Les racines en dehors de la dure-mère présentent une

dégénérescence évidente (elles passent à travers la dure-mère). Les racines

antérieures et postérieures en dedans de cette méninge ne présentent pas de

lésion.

Dans le IIe segment lombaire de nouveau nous constatons de grands foyers.

Ils sont dispersés dans toute l'étendue des deux cordons postérieurs et dans la

partie postéro-médiane des cordons latéraux (fig.30). Ils sont ovalaires,allongés,

à contours irréguliers, quelquefois même étoilés. Le diamètre longitudinal

de ces foyers est perpendiculaire à la périphérie (correspond à la direction

des vaisseaux ou des cloisons). La masse néoplasique adhérente à la dure-mère

de dehors (dans la partie dorsale) est minime.

Dans les cordons antérieurs, pas de lésion (seulement dans la zone radicu-

laire droite antérieure'une légère démyélinisation diffuse).

Dans le IIIe segment lombaire il n'y a pas de foyer dans le cordon latéral

Fig. 10.

TUMEURS DE LA MOELLE ÉPINIÈRE ET DE LA COLONNE VERTÉBRALE 161

gauche. Dans le droit se voit un grand foyer nettement limité sous forme d'un

oeuf ; dans les cordons postérieurs,des foyers irréguliers, étoilés.

Nulle part de masses néoplasiques. Depuis le IVe segment lombaire jusqu'aux

derniers sacrés on ne constate plus de foyers. Pas de dégénérescences secon-

daires.

D'autres méthodes de coloration nous ont servi pour mieux détailler le carac-

tère des lésions.

Les coupes colorées par la méthode de v. Gieson démontrent une structure

alvéolaire des foyers lésés. On y remarque précisément des alvéoles dilatés

qui donnent ce caractère tamisé. Les vaisseaux dans le foyer même et à sa

périphérie sont augmentés dénombre. Ils sont dilatés, gorgés de sang. Mais

pas d'épaississement des parois ou de thrombus. Les alvéoles sont vides ou

contiennent des masses irrégulières, rondes et en même temps angulaires qui

prennent la couleur rose pâle. Elles se disposent quelquefois par groupes, for-

ment des ilots (fig. 11) ou sont dispersées isolément. (A côté de leur localisa-

tion dans les grands et les petits foyers des lésions, on note leur présence

même tout à fait isolée.) Les unes de ces masses sont les cylindraxes gon-

flés ; les autres doivent être considérées comme le produit de dégénérescence

de toute la fibre nerveuse. Il est exceptionnel de voir dans ces masses énormes

un cylindraxe gonflé au centre. Le plus souvent elles sont amorphes. Tout ce

XXIII 11

Fig. 11.

i. Vaisseaux sanguins.

2-4-7. Masses gonflées (cylindraxes gonflés, masses dégénérées).

3-5-6. Mailles élargies de la névroglie (vides ou contenant les masses dégénérées).

162 FLATAU

qu'on peut y voir c'est une fine granulation (les coupes colorées par l'héma-

toxyline-alun montrent les masses bleues indistinctement stratifiées). Les

contours de ces masses sont parfois tellement irréguliers qu'ils rappellent les

cartes géographiques.

Tout le foyer est semblable à celui du gonflement hydrémique, qu'on ren-

contre dans la moelle au cours de toute une série de maladies : l'anémie per-

nicieuse, la néphrite chronique, la carcinomatose. Le tableau de cette lésion

est presque le même que celui de la néphrite chronique que Schmaus cite dans

ses Leçons sur l'anatomie pathologique de la moelle (Vorlesungen über die

palholog. Anat. des A : <cA6Nma ! <'/M, 1901, p. 248, fig. 126). Il faut remar·

quer spécialement que la névroglie ne prolifère pas.

Les mêmes traits caractéristiques se voient sur les coupes colorées par

1'liéiiiatoxyliiie-ilun. Outre les changements cités plus haut, on y remarque

des corpuscules amyloïdes. Ils occupent principalement la zone périphérique

névroglique (gliüse Randschichte). On peut en voir un nombre considérable

dans la zone périphérique des cordons postérieurs. De là ils pénètrent dans la

profondeur de la moelle et surtout dans la substance gélatineuse de Rolando des

cornes postérieures. A côté de cette localisation ils sont dispersés dans la subs-

tance blanche entre les fibres et dans les espaces périvasculaires dilatés. Dans

la substance grise ils sont tout à fait sporadiques dans la périphérie. Ces cor-

puscules sont ronds, très fortement colorés, avec un noyau plus foncé.

Dans les foyers mêmes nous observons les noyaux de la névroglie. Dans

un endroit seulement,dans la région d'un petit foyer situé dans le cordon anté-

rieur (XIIe segment dorsai@fr8 lombaire) leur nombre est augmenté. En dehors de

cet endroit nulle part de réaction du côté de la névroglie. On ne constate, pas

non plus d'infiltration cellulaire des vaisseaux ou de leur voisinage.

Quant à la tumeur même, elle adhère à la face externe de la dure-mère. Cette

dernière constitue une limite que la tumeur ne franchit pas. Pourtant dans un

endroit on voit les cellules sarcomateuses qui ont envahi une portion dure-

mérienne. Là on trouve une congestion sanguine et du pigment sanguin (hé-

morragie méningée).

Le colorant de Marchi montre des corpuscules noirs en quantité notable

autour des foyers. Mais le tableau ne correspond pas à celui qu'on rencontre

au cours du processus aigu d'inflammation ou de dégénérescence.

La coloration du Nissl montre les cellules nerveuses dégénérées dans une

région qui correspond à la tumeur. Il y a précisément la chromatolyse péri-

phérique, le gonflement des cellules, quelquefois même la cellule prend la

forme de poire avec le noyau excentrique et un petit nombre de prolongements.

En résumant ce cas nous pouvons dire que chez cet homme de -15 ans les

premiers symptômes sont apparus six ans avant que la maladie soit définiti-

vement installée; c'étaient des douleurs dans l'hypochondre gauche. Elles

ont duré un an et demi,puis ont disparu pour reparaître six mois avant la

maladie définitive. Elles croissaient peu a peu, atteignaient leur maximum

et alors survint la paralysie presque instantanée des membres inférieurs

TUMEURS DE LA MOELLE ÉPINIÈRE ET DE LA COLONNE VERTÉBRALE 163

avec troubles urinaires. Depuis, le tableau clinique ne présenta pas de

rémission, et trois semaines après le début des symptômes alarmants, la

mort frappa le malade brusquement.

Ce n'est que tardivement que certains symptômes observés long-

temps avant la maladie définitive sont devenus compréhensibles et assez

explicables. Nous sous-entendons les douleurs qui dépendaient probable-

ment de la tumeur. ' `

Il est un fait connu, c'est que les tumeurs peuvent rester longtemps

sans donner de symptômes graves, même ne pas donner de symptômes

du tout et puis tout il coup alarmer le malade. Le cours de la maladie, la

paralysie intervenue brusquement, le bon état général, tout parlait en

faveur d'une affection aiguë on subaiguë inflammatoire de la moelle. Il

nous semblait qu'il s'agissait dans ce cas d'une forme de myélite aiguë

ou subaiguë.

L'autopsie démontra la présence d'une tumeur, qui au début était sans

doute localisée uniquement en dehors du canal rachidien. La masse néo-

plàsiclue principale occupait en avant aussi bien qu'en arrière l'angle

situé entre les côtes et les corps vertébraux au niveau des IXe-XIe vertèbres

dorsales. -

Evidemment à un moment de la maladie (quelques semaines avant la

mort) la tumeur a augmenté rapidement de volume et a pénétré dans le

canal rachidien en provoquant l'exacerbation des symptômes cliniques.

L'examen microscopique démontra qu'il s'agissait d'un sarcome.La masse

néoplasique avait une influence sur la moelle. Elle se trouvait en dehors

de la dure-mère et dans un endroit seulement elle a rongé la méninge et

pénétré jusqu'à sa face interne. Nulle part elle n'a atteint l'espace arachnoï-

dien. On ne notait pas non plus la compression de la moelle. La configura-

tion de la moelle était partout normale. Pourtant les coupes de la moelle

au niveau des segments correspondant à la localisation de la tumeur dé-

montrèrent des lésions notables. Dans les cordons latéraux et postérieurs

il y avait des foyers plus ou moins grands qui rappelaient les foyers des

fibres gonflées et dégénérées hydrémique'ment, c'est-à-dire des lésions

qu'on rencontre dans la néphrite chronique, l'anémie pernicieuse, la car-

cinomatose, etc. Ces foyers dans certaines coupes faisaient l'impression

de dégénérescences secondaires. Mais l'examen minutieux de ces foyers de

môme que des segments situés au-dessous et au-dessus d'eux démontra

qu'il ne pouvait pas en être question.

Il est important de noter que ni dans les grands foyers ni dans les pe-

lits, ni là où le processus commençait seulement, on ne trouva de lésions

inflammatoires des vaisseaux ou de prolifération réactionnelle de la

névroglie. Toute la lésion consistait en une dégénérescence du tissu ner-

164 FLATAU

veux lui-même. En outre on observait dans les foyers et en dehors d'eux, à

une certaine distance de la tumeur, un élargissement des espaces péri-

vasculaires et péricellulaires.

Quant à la cause qui a provoqué ces lésions, il est difficile de l'indi-

quer d'une façon certaine. La tumeur ne comprimant pas la moelle il est

risqué d'évoquer les causes mécaniques. Mais d'un autre côté la tumeur

se trouvait sur la face postérieure de la dure-mère el y pouvait compri-

mer les vaisseaux qui pénètrent dans la moelle. On doit rappeler que les

racines qui se trouvaient en dehors de la dure-mère et les parties qui la

traversaient étaient dégénérées, tandis que celles qui étaient immédiate-

ment à côté delà moelle sont restées saines. Ce point n'explique pas suffi-

samment la question. Il est possible que certaines toxines produites par la

tumeur même ont joué un rôle important, comme c'est le cas par exemple

dans la carcinomatose, quoique la tumeur même n'ait aucun rapport immé-

diat avec la moelle. Le fait que les cordons postérieurs et latéraux sont

principalement le siège de la lésion n'est pas en contradiction avec la sup-

position ci-dessus émise, puisque ces cordons comme lieux de moindre ré-

sistance sont les premiers louches dans des cas analogues. Le fait que les

foyers de lésion se trouvent au niveau de la masse néoplasique peut être

expliqué par ceci, que les toxines arrivent à la moelle par le chemin le

plus court et que la cause mécanique y a joué un rôle adjuvant.

Le cas présent est bien instructif dans ce sens qu'il démontre comment

la tumeur extramédullaire peut simuler cliniquement une myélite trans-

verse sans que la compression de la moelle y intervienne.

La lésion n'appartient pas à la catégorie destructive, car elle ne fait

pas disparaître les cylindraxes et ne provoque pas de dégénérescence

secondaire.

Observation XIII.

La malade Paw., âgée de 18 ans, est entrée dans le service du Dr Sa-

wicki le 10 juin 1907.

Il y a neuf mois elle a remarqué, du côté gauche du cou une petite tumeur qui

augmentait toujours. Il y a six semaines elle était du volume d'un citron. Depuis

elle croissait vite. Depuis une semaine, douleurs dans l'épaule et le bras gauches

et affaiblissement de la force musculaire du membre. Pendant que persis-

tent les douleurs, intervient l'engourdissement de la moitié gauche de la

face.

Etal actuel. - Etat général assez bon. Du côté gauche du cou, une tumeur

du volume d'une grosse orange, aplatie. En avant elle n'arrive pas à la ligne

médiane (deux travers de doigt), en haut jusqn'à la branche du maxillaire, en

arrière elle est séparée de quatre travers de doigt de la ligne médiane, en bas, de

deux travers de doiglau-dessus de la clavicule. La tumeur est assez molle, par

TUMEURS DE LA MOELLE ÉPINIÈRE El' DE LA COLONNE VERTÉBRALE 465

places seulement dure, elle est constituée de quelques petites tumeurs réunies

ensemble. Sa mobilité est moyenne, la peau glisse dessus librement, elle est

normale et ne présente qu'une dilatation veineuse. Quand la tête se fléchit du

côté droit on voit en bas les faisceaux sterno-cléido-mastoldiens se tendre.

L'omoplate droite est séparée de la ligne médiane par une distance de cinq tra-

vers de doigt, la gauche de six. On voit une atrophie notable des muscles

deltoïde, splénius et sus-épineux du côté gauche. Les mouvements de la

tête sont normaux. Le membre supérieur gauche ne peut pas être élevé jusqu'à

la ligne horizontale. Quand la malade porte le membre supérieur gauche en

avant, l'épaule s'élève en même temps et l'omoplate se sépare du tronc comme

une aile. Les mouvements de ce membre : la flexion et l'extension du coude

sont affaiblis (la première surtout). La force des mains est à peu près égale.

Au poumon du côté gauche, matité évidente en bas jusqu'à l'angle de l'omo-

plate, respiration faible, matité dans la fosse sus-claviculaire gauche. A droite

rien de notable.

16 juin. - On fait des ponctions répétées dans le IX. espace intercostal

gauche. Une fois seulement on retire 3 centimètres cubes de liquide jaune

séreux.

13 juillet. - Opération de la tumeur. '

15 août. Il y a quelques semaines, après l'opération de la tumeur située

du côté gauche du cou, la malade- commença à ressentir des douleurs, de ce

côté, dans le membre supérieur et sur le tronc, surtout au niveau des dernières

côtes gauches. Quelques jours après, rétention d'urine qui fait place à une

difficulté d'uriner, à un affaiblissement des deux membres inférieurs, surtout

du gauche. Il y a une semaine les membres inférieurs et le tronc sont

devenus faibles à tel point que la malade ne pouvait ni marcher ni s'asseoir

sans aide. Maintenant elle n'a pas de douleurs dans la nuque, mais se plaint

de fortes douleurs dans la moitié gauche du tronc et d'une sensation de serre-

ment dans la partie inférieure du thorax et supérieure de l'abdomen.

Etal actuel. Les nerfs crâniens sont normaux. Les pupilles réagissent

bien. La malade se plaint d'une difficulté d'avaler les solides, elle avale mal

aussi les liquides. Les mouvements de la tête sont très restreints, elle peut

seulement faire une minime flexion latérale et en avant. Les mouvements pas-

sifs s'accompagnent d'une forte douleur de la nuque. Les vertèbres cervicales

ne sont pas douloureuses à la pression et à la percussion, par contre les muscles

de la nuque sont très sensibles à la pression. Atrophie des muscles splénius,

deltoïde, rhomboïde, surtout du côté gauche, des muscles sus et sous-épineux.

Atrophie des muscles de l'avant-bras et de la main du côté gauche. L'éléva-

tion de l'épaule est possible seulement du côté droit et avec une force moyenne.

Le mouvement des épaules en arrière vers la ligne médiane est tout à fait

aboli. Les deux omoplates (surtout la gauche) n'adhèrent pas à la cage tho-

racique. Le mouvement des bras en haut est possible seulement du côté droit

et il est très limité, leur abaissement quand on les soulève passivement se

fait très faiblement surtout du côté gauche. Mouvements du coude droit

très limités, à gauche impossibles. Mouvements des mains et des doigts

166 FLATAU

limités et faibles, surtout du côté gauche. Réflexe du muscle triceps vif bilaté-

ralement ; périostal aboli.

La sensibilité douloureuse est affaiblie sur la moitié gauche du cou et de la

nuque et, à un moindre degré, sur l'épaule gauche. Partout ailleurs, elle est

conservée.

Les deux membres inférieurs sont très affaiblis. Dans la position couchée

tous les mouvements sont possibles mais limités et faibles, surtout du côté droit.

Sensibilité intacte. Réflexes patellaires vifs ; achilléens moyens ; plantaires

difficiles à obtenir (flexion plantaire). Le grand orteil reste le plupart du temps

immobile. Les mouvements du tronc sont faibles, mais la malade peut quand

même se redresser (avec de la peine). Réflexes abdominaux abolis.

26 août. Les douleurs du dos et de la nuque persistent toujours. La force

musculaire des membres inférieurs et du supérieur droit est augmentée. Au

cou, au-dessous de l'apophyse mastoïde, il y a une petite tumeur à contours mal

définis, immobile, dure. Dans le pharynx (du côté gauche et sur la face posté-

rieure), tuméfaction qui adhère à l'arc palato-pharyngien. La malade se plaint

de la difficulté d'avaler et du mal à la gorge, au maxillaire gauche et à l'oreille

gauche et d'une respiration par le nez qui est devenue difficile.

6 septembre. - Fortes douleurs du dos et de la tète. Rétention d'urine.

Fièvre. Rien aux poumons.

8 septembre. - Mouvements de la tête impossibles. Dans le membre

supérieur gauche, l'unique mouvement qui a persisté est une extension

légère des doigts. Dans le droit, mouvements minimes au coude, à la main

et extension et flexion des doigts. Aux membres inférieurs : à gauche abduc-

tion et adduction minimes de la cuisse, abaissement du membre, mouve-

ments minimes dans l'articulation de la hanche, du genou, du cou-de-pied

et des orteils. Réflexes patellaires et achilléens des deux côtés très vifs. Au

plantaire, extension de tous les orteils.

17 septembre. - Douleurs du cou et de la tête. Rétention de l'urine et

des matières fécales. Fièvre.

2'l. Les mouvements de la tête sont limités (elle tient la tête toujours

du côté droit et se plaint d'une sensation de contracture pendant les mou-

vements). Nerfs crâniens normaux. Fentes palpébrales, pupilles, égales.

Membres inférieurs, complètement paralysés (paralysie flasque), les doigts

fléchis légèrement. Mains froides. Réflexes du muscle triceps conservés,

périostaux très faibles ou absents. Membres inférieurs à l'état de paralysie

flasque. Dans le droit, il ya des mouvements minimes dans l'articulation du

genou, de la hanche età peine perceptibles aux orteils. A gauche, ces faibles

restes des mouvements n'existent presque pas. Réflexes patellaires assez vifs

Trépidation épileptoide du pied. Phénomène de Babinski des deux côtés (à gau-

che il s'épuise vite). Réflexes abdominaux abolis. La sensibilité est conservée

à la face. Au cou du côté gauche elle ne sent pas les piqûres, à droite, elle

les sent. Analgésie sur le membre supérieur gauche, à droite, la malade sent

les piqûres sur les bras, au-dessous, ne les sent pas.

Sur le tronc elle ressent des piqûres jusqu'au 3°espace intercostal droit,

TUMEURS DE LA MOELLE EPINIÈRE ET DE LA COLONNE VERTÉBRALE 167

mais pas plus bas, à gauche ne les sent pas. Aux membres inférieurs elle sent

les piqûres sur les jambes et les pieds.Incontinence de l'urine et des matières

fécales.

La malade est morte le 29 septembre.

A l'autopsie on a trouvé : les deux poumons remplis d'une multitude de

masses néoplasiques du volume d'une noix ou plus petites encore (lympho-

sarcome secondaire). A la coupe 'on voit le liquide purulent s'écouler. Reins

un peu augmentés de volume. Muqueuses stomacales et intestinales pâles,

celle de la vessie rouge. Le foie est augmenté, à la coupe rouge-brunâtre. La

rate est augmentée, rouge, se déchire facilement. Ganglions bronchiques

très augmentés, à la coupe lisses et d'une consistance cérébrale. Au cou, le

long des gros vaisseaux, les ganglions lymphatiques sont très gros et transfor-

més en une masse grisâtre, molle, entourant ! 'oesophage ; les corps vertébraux

et cervicaux sont pleins de masses néoplasiques, qui atteignent la dure-mère et

compriment la moelle.

L'examen macroscopique de la moelle montra : des masses néoplasiques

molles dans la partie cervicale qui entoure la moelle. Les masses intraver-

tébrales étaient réunies directement avec de pareilles masses extravertébrales.

Pendant qu'on faisait sortir la moelle on a vu dans cette région un liquide

laiteux s'écouler. Les masses néoplasiques s'étendaient le long du côté gauche

de toute la moelle cervicale, puis passaient en ayant sur la face antérieure de

la dure-mère et sur le côté droit de la moelle, mais ici elles occupaient

moins d'étendue longitudinale qu'à gauche. En arrière la moelle épinière n'est

pas recouverte de la tumeur dans toute son étendue. La moitié droite préci-

sément est libre en grande partie. Eu avant la moelle est recouverte par la

tumeur seulement sur une étendue de 1 1/2 à 2 centimètres là où la tumeur

passe de gauche à droite. Les segments cervicaux supérieurs ont leur face

antérieure tout fait indemne.

Examen microscopique.

La tumeur est un sarcome alvéolaire à petites cellules.

Examen de la moelle. - Le premier segment cervical coloré par la méthode

de Weigert était presque normal excepté une légère démyélinisation dans le fais-

ceau de Burdacli du côté gauche, le long de la corne postérieure, et une légère

raréfaction des fibres dans les cordons postérieurs. Dans le II" segment cervical

on note déjà des masses néoplasiques surtout du côté gauche dans le faisceau

pyramidal croisé, et à la périphérie de la moelle à côté du cordon droit an-

térieur et postérieur. La moelle est aplatie des deux côtés. L'aspect de toute

la coupe de la moelle est un peu plus clair que normalement, la substance blan-

che aussi bien que la'grise (il est pourtant difficile à dire si,en partie au moins,

cela ne dépend pas de la faute de fixation dans le chrome).

Dans les cordons postérieurs la partie moyenne est le moins intensivement

colorée et l'on remarque une raie distincte de dégénération le long de la corne

gauche postérieure. A côté de l'aspect un peu clairsemé de toute la coupe mé-

168

FLATAU

dullaire on voit deux foyers de dégénération irréguliers et petits dans le cordon

droit antérieur.

Les racines postérieures et antérieures sont bien conservées.

Dans le Il[,, segment cervical 'on voit des masses néoplasiques surtout du

côté gauche de la moelle. Celle-ci est aplatie des deux côtés. La substance

grise est pâle. Les cordons sont eu général pâles, et les postérieurs sont un

peu mieux colorés que les antéro-latéraux ; ces derniers sont plus pâles du

côté gauche de la moelle qu'il droite, cette différence est surtout marquée dans

les cordons latéraux. En approchant de la substance grise on voit les fibres

nerveuses plus pâles que dans la zone périphérique de la moelle. Le long de

la corne postérieure gauche, une zone très pâle. La racine postérieure gauche

est tout à fait dégénérée. Les autres racines sont bien conservées. Cloisons

élargies. Il n'y a pas de foyers isolés.

Dans le Ve segment cervical les masses néoplasiques sont disposées du côté

gauche de la moelle. La configuration de la moelle est presque normale. La

substance grise est clairsemée mais moins que sur les coupes décrites ci-dessus.

A côté de l'aspect clairsemé général de la substance blanche il y a deux foyers

minuscules asymétriques dans les deux cordons postérieurs, non loin du sillon

longitudinal postérieur et un foyer en forme allongée allant de la périphérie

vers le cordon droit antérieur. La différence entre les cordons latéraux droit et

gauche est moins prononcée (le droit est mieux coloré). Dans les cordons pos-

térieurs les faisceaux de Goll sont plus fortement colorés, Les cellules ner-

veuses sont normales.

Dans le VIII° segment cervical les masses néoplasiques se trouvent du côté

gauche et en avant de la dure-mère. La coupe est mieux colorée déjà. Le réseau

dans la substance grise est normal. Dans la substance blanche, les cordons

antéro-latéraux droits montrent une coloration normale (excepté 1 ou 2 foyers

plus clairs dans le faisceau latéral). Dans le cordon antéro-latéral gauche, une

légère démyélinisation dans la zone périphérique et un petit foyer dans le cor-

don antérieur, non loin du sillon longitudinal antérieur. Les cordons postérieurs

sont plus clairs que les antéro-latéraux. Du côté gauche une racine antérieure

tout à fait normale près de la moelle et dégénérée à une certaine distance de

celle-ci. La racine postérieure est presque complètement dégénérée (il n'y a que

des traces des fibres fines).

Au-dessous de cette région la coupe de toute la moelle est comme dessinée

par des raies claires (cloisons élargies). Par places (dans le faisceau gauche

de Burdach, dans la partie postérieure du cordon latéral gauche), il y a des

foyers irréguliers, qui envoient leurs prolongements dans le tissu voisin. Ici

également les masses néoplasiques sont placées du côté gauche de la moelle.

Dans le 1°r segment dorsal on ne voit que des traces des changements décrits

plus haut.

Un peu plus bas encore on ne voit pas de lésion de la moelle. Les coupes de

la moelle lombaire inférieure et sacrée sont un peu plus pâles, mais la subs-

tance grise contient un réseau myélinique normal et les cordons dans la

substance blanche sont tout à fait bien constitués.

TUMEURS DE LA MOELLE ÉPINIÈRE ET DE LA COLONNE VERTÉBRALE 169

La coloration de Marchi n'a pas montré de lésions. Les'coupes colorées par

la méthode de v. Gieson montrent les lésions suivantes dans la région de la

moelle cervicale : lit où la coloration de Weigert donnait une démyélinisation

du tissu, se voyait une coloration plus intense rouge rosé. Avec de forts

grossissements on pouvait facilement apercevoir une prolifération de la né-

vroglie dans ces endroits. Elle n'était pas très abondante, et assez uniforme,

c'est-à-dire qu'il n'y avait pas d'accumulation névroglique dans un endroit. Les

cloisons étaient également élargies. Les vaisseaux n'avaient subi que des

changements minimes (parois un peu épaissies peut-être). Cylindraxes partout

conservés. Par places ils étaient un peu gonflés, souvent aussi plus fins que

normalement. Gaines de myéline sans doute trop fines, pas bien nettement

limitées. '

Dans les endroits correspondant aux foyers on peut voir à côté de ces chan-

gements des alvéoles larges et vides ou contenant au milieu un cylindraxe

Des cylindraxes gonflés se voient aussi ainsi que des masses rosées rondes et

mates (produits de la fibre nerveuse).

Au-dessous de la moelle cervicale, pas de lésions notables. Un certain épais-

sissement de la dure-mère du côté des cordons postéro-latéraux.

Les coupes colorées par l'hématoxyline alunée démontrent comment se

comportent les masses néoplasiques envers la moelle et les méninges. Elles sont

disposées principalement sur la face externe de la dure-mère (fig. 12). Elles

occupent en grande partie le côté gauche de la moelle, mais on les voit aussi,

quoique à un moindre degré, du côté droit et en arrière et encore moindre en

avant. On note aussi des ilôts isolés de cellules sarcomateuses placés entre

Fig. 12.

Sarcome alvéolaire de la moelle épinière.

1. Masses néoplasiques autour de la moelle épinière.

2. Amas de cellules néoplasiques sur la face interne de la dure-mère.

3. Amas de cellules néoplasiques dans les méninges molles. »

4. Amas de cellules néoplasiques sur la face externe de la dure-mère.

170 FLATAU

les couches de la dure-mère. Dans certains segments de la moelle ces cellules

néoplasiques se trouvent sur la face interne de cette méninge et pénètrent

jusqu'aux méninges molles. Une participation des méninges molles dans le

processus morbide se voit au niveau du Il. segment cervical. Les masses néo-

plasiques ont ici détruit tout à fait les méninges molles du côté gauche de la

moelle épinière. On peut voir des cellules isolées sarcomateuses môme dans la

zone périphérique névroglique (aliiise Randschichte). Il est difficile de dire si

elles pénètrent plus profondément dans la moelle, puisqu'il nous était impos-

sible de les distinguer de la névroglie. -

Nulle part de traces d'inflammation : ni dans la substance blanche ni dans la

substance grise.

Les coupes colorées par la méthode de Nissl ont montré des lésions des

cellules nerveuses dans les segments cervicaux de la moelle. Elles ont eu sou-

vent la forme de poires, présentèrent la cliromatolyse et dans quelques-unes

les noyaux furent excentriques. Les cellules étaient en grande partie dépour-

vues de prolongements. Les espaces péricellulaires semblaient être élargis.

Mais il faut ajouter que de semblables lésions se trouvaient presque uniquement

dans la corne .gauche, c'est-à-dire du côté du plus grand développement des

masses néoplasiques et de la plus grande compression. Dans la corne droite

au contraire les corpuscules de Nissl étaient bien conservés, les cellules en

moins grand nombre mais de forme ordinaire, sans déplacement excentrique

des noyaux.

' En résumé, dans ce cas il s'agit d'une jeune fille de 18 ans qui

neuf mois avant d'entrer à l'hôpital a remarqué une petite tumeur du côté

gauche du cou. La tumeur croissait peu à peu, huit mois après sont apparus

les premiers symptômes nerveux sous forme de douleurs dans l'épaule

et le bras gauches et un affaiblissement des membres inférieurs, l'atro-

phie des muscles de l'épaule gauche et l'affaiblissement du membre supé-

rieur gauche (d'origine périphérique). Deux mois après son entrée à

l'hôpital c'est-à-dire onze mois après le début de la maladie, les troubles

urinaires ont commencé et l'affaiblissement des membres inférieurs a

atteint un tel degré que la malade ne marchait plus. Douleurs du côté

gauche du tronc. L'atrophie musculaire dans l'épaule, le bras, l'avant-bras

et la main augmentait toujours (surtout à gauche), en même temps que

s'affaiblissaient les mouvements des membres supérieurs. La sensibilité A

cette époque était intacle. Quelques semaines plus tard les mouvements de

la tête sont devenus impossibles, aux membres supérieurs très limités, et

aux inférieurs également restreints. Réflexes tendineux des membres

inférieurs plus vifs. Rétention de l'urine el des matières fécales. Enfin il

survient une paralysie flasque presque complète des membres inférieurs

et supérieurs. Sensibilité troublée. La malade est morte un an à peu

près après le début de la maladie. L'autopsie montra une masse néo-

TUMEURS DE LA MOELLE ÉPINIÈRE ET DE LA COLONNE VERTÉBRALE 171

plasique molle dans la partie cervicale de la moelle entourant la dure-

mère surtout du côté gauche. Les masses se réunissaient avec de sembla-

bles néoplasmes situés en dehors des vertèbres.

L'examen microscopique démontra que la tumeur était un sarcome globo-

cellulaire. La moelle cervicale présentait des lésions qui sont le mieux

reconnaissables dans les coupes colorées par la méthode de Weigert. A

côté d'une configuration changée de la moelle (aplatissement des côtés) il

yavait un aspectplus clairsemé que normalementde toute la coupe (subs-

tance blanche et grise). Cet aspect était surtout marqué dans les segments

cervicaux supérieurs (excepté le premier) et moyens, beaucoup moins visi-

ble dans le VHP segment cervical et disparaissait dans la moelle dorsale.

Ce trait était le plus prononcé dans les cordons antéro-latéraux et du côté

gauche c'est-à-dire à l'endroit où la masse néoplasique était le mieux dé-

veloppée et comprimait le plus. Il était pourtant difficile de savoir si ce

caractère des coupes ne dépendait pas à un certain degré d'une fixation

insuffisante par le chrome.

Les coupes colorées par d'autres méthodes démontrèrent une légère

prolifération uniforme de la névroglie dans les endroits clairsemés. Les

vaisseaux ne présentaient pas de changements notables. Pas de caractères

inflammatoires. Quant aux cylindraxes ils étaient sans doute conservés

quoique souvent trop fins ou gonflés légèrement.

A côté de ce caractère (de raréfaction des fibres) de toute la coupe, on

notait des foyers petits et irréguliers au sein des différents cordons. Dans

ces foyers l'aspect tamisé du tissu était plus prononcé et il yavait des ilôts

de cylindraxes gonflés ou des masses constituées par les fibres nerveuses

dégénérées.

Il est très important de noter que les coupes colorées par la méthode de

Nissl démontrèrent des lésions dans les cellules nerveuses de la corne

antérieure gauche, là où les grandes masses néoplasiques comprimaient

la moelle.

Quant aux masses sarcomateuses et à leur rapport avec la moelle, on

peut dire qu'elles se limitaient ! a face externe de la dure-mère. Excep-

tionnellement elles traversaient la dure-mère et apparaissaient sur sa

face interne, pénétraient même dans les méninges molles et s'appro-

chaient vers la périphérie de la moelle. On pouvait y voir avec une

certaine certitude la présence de cellules sarcomateuses isolées dans la

zone périphérique de la névroglie.

Les racines médullaires sont restées généralement intactes ou très peu

lésées. Dans quelques segments seulement on pouvait constater leur dégé-

nérescence myélinique à laquelle faisait suite une légère dégénérescence

secondaire du faisceau gauche de Burdach dans les segments supérieurs de

la moelle.

172 ' FLATAU

Dans ce cas les symptômes cliniques dépendaient de différentes causes

anatomo-pathologiques. Les phénomènes par exemple du côté des membres

inférieurs (douleurs, etc.) et de la partie inférieure du tronc étaient sans

doute d'origine centrale, c'est-à-dire dépendaient de la compression de la

moelle cervicale. Tandis que les phénomènes du côté de l'épaule et des

membres supérieurs dépendaient de deux causes. Il y a lieu de supposer

tout d'abord que l'atrophie musculaire de l'épaule gauche était causée par

les nerfs périphériques lésés par les grandes masses néoplasiques extra-

vertébrales. Mais les symptômes plus tardifs dans les membres supérieurs

(affaiblissement,atrophie, paralysie) étaient en grande partie produits par

les lésions médullaires cervicales.

Il nous reste à dire comment il faut expliquer ces lésions médullaires.

Comment elles se sont produites,c'est-à-dire quelle est leur histogenèse et

quelle signification elles ont pour la fonction de la moelle.

Ici de nouveau il faudra invoquer une histogenèse mixte. Il est de plus

difficile à expliquer pourquoi toute la moelle cervicale est clairsemée.

La compression exercée par la tumeur en était probablement la cause.

En faveur de cette supposition parle le fait que ce caractère de la lésion

était le plus prononcé dans la moitié gauche de la moelle, dans le cordon

antéro-latéral, point où la compression atteignait son maximum. L'ab-

sence de tout phénomène inflammatoire éloigne la possibilité des causes

toxique et inflammatoire. Nous pensons donc que dans le cas présent la

compression mécanique exercée sur les fibres nerveuses jouait le rôle prin-

cipal dans la production de tout le tableau anatomo-pathologique. Les

fibres nerveuses ont changé de forme (le plus souvent sont devenues

fines) et de consistance chimique (coloration peu intense ou décoloration

presque complète). La compression n'était pas assez forte pour détruire

les fibres, puisque nous voyons que leurs cylindraxes ont persisté. Mais

ils présentaient aussi des changements (leur finesse) à cause de la com-

pression.

Puis nous arrivons à une autre question : faut-il se contenter de la

compression mécanique comme cause unique ou peut-être faut-il en invo-

quer une autre : la stase ? Il est connu qu'au cours d'une compression mé-

dullaire, des lésions peuvent naître sous forme d'élargissement des espaces

lymphatiques (périvasculaires et péricellulaires).

Il y a des auteurs qui pensent que dans ces espaces s'accumule la lymphe

en quantité plus grande que normalement et provoque la destruction du

tissu nerveux. Eh bien ! dans notre cas cette dilatation des espaces n'était

pas accentuée. Mais il estpossible que cette cause contribuait à un certain

degré à produire les lésions médullaires.

Les lésions dans les cellules nerveuses sont aussi à notre avis provoquées

TUMEURS DE LA MOELLE ÉPINIÈRE ET DE LA COLOGNE VERTÉBRALE 173

par compression. Le point important à noter est que les cellules étaient

lésées dans la corne gauche, tandis qu'à droite elles étaient presque nor-

males. Dans la corne gauche les cellules nerveuses lésées rappelaient tout

à fait celles qu'on rencontre au cours de la dégénérescence rétrograde.

Cette lésion naît dans les cellules motrices quand on coupe les nerfs péri-

phériques, après l'amputation des membres, etc. Eh bien ! nous pouvons

admettre que dans le cas présent également la tumeur comprimait les ra-

cines antérieures et les nerfs périphériques du côté gauche et que par suite

de cette cause mécanique agissant à la périphérie les cellules nerveuses de

la corne gauche antérieure ont subi une dégénérescence. Si au contraire

nous voulons admettre l'action nocive des toxines néoplasiques, il nous

est impossible d'expliquer pourquoi ces toxines n'ont pas agi sur les cel-

lules de la corne droite mais uniquement sur la corne gauche.

Il faut également invoquer la cause mécanique pour expliquer la dé-

générescence secondaire du faisceau gauche de Burdach dans les seg-

ments cervicaux supérieurs. Elle se développa par suite de compression et

de dégénération des racines postérieures gauches (surtout au niveau du

segment cervical inférieur).

Il reste à expliquer l'apparition de petits foyers irréguliers dans dif-

férentes régions de la moelle. Leur structure rappelle tout à fait celle

des foyers que nous avons vus dans les cas X et XII, c'est-à-dire là où il

n'était pas question d'line compression de la moelle par les masses néo-

plasiques.

Il faut donc supposer que ces foyers ont une autre pathogénèse, c'est-

à-dire que ce n'est pas la compression qui a provoqué leur apparition,

mais bien d'autres causes capables de produire la dégénérescence primitive

du tissu sans phénomènes inflammatoires.

Nous passons maintenant à la description générale des tumeurs extra-

vertébrales : nous dirons quelques mots à propos de leur localisation, de

leur diagnostic, de leur anatomie pathologique et de leur thérapeutique.

Localisation ET diagnostic

Des cas précités il résulte que la tumeur se localise assez souvent ail-

leurs que dans la colonne vertébrale et qu'elle ne présente des symptômes

médullaires que secondairement. Nous avons vu dans nos cas une tumeur

dans le médiastin. dans les muscles du cou, du tronc ou dans la plèvre.

L'autopsie de ces cas démontra que les tumeurs pénétraient la plupart du

temps dans le canal rachidien à travers les trous de conjugaison et se

mettaient en contact avec la dure-mère. Cette méninge restait intacte ou

était traversée par la tumeur. En tout cas la compression de la moelle

174 FLATAU

n'était pas bien accentuée. La colonne vertébrale elle-même restait in-

tacte. Dans un de nos cas (obs. IX) les masses néoplasiques ne se bor-

naient pas à occuper le médiastin mais elles entouraient les corps ver-

tébraux sous forme de queues d'écrevisse. ,

Cette catégorie de tumeurs possède ses traits caractéristiques, bien que

jusqu'ici dans les descriptions elles aient été traitées dans le chapitre des

tumeurs delà colonne vertébrale ou des tumeurs intravertébrales. Bruns

les réunit aux tumeurs intravertébrales et il a tort à notre avis. Ces tu-

meurs ont un point de départ en dehors de la colonne vertébrale, c'est

pourquoi il faut les nommer extravertébrales (1).

Quant à la nature de ces tumeurs, ce sont le plus souvent des sarcomes

de différentes sortes (Iiollarits, Luce, R. Pfeiffer, Bregman-Steinhaus,

Flatau-Koelichen, Cohen, Mundelius et d'autres) ; des myélomes (Rus-

titzky) ; des neurofibromes avec dégénérescence sarcomateuse (Banse), des

fibromes (Boerner Zinn-Koch), des enchondromes (Sick), des carcinomes

(Alexander, Bechterew, Heymann), des échinocoques (Behier, Szekres,

Pedkow ? ), des angiolipollles (Berenbruc).

La localisation primitive de ces tumeurs est surtout dans le médiastin,

ou dans les muscles du cou, du tronc, dans la cavité abdominale ou enfin

dans d'autres parties du corps (Kollarits, Luce, Kinichi-Naka,Scllesinge ?

Bregman-Steinhaus, 111undelius, Benett, Pfeiffer et d'autres). Quelque-

fois on peut noter des tumeurs multiples du corps, par exemple un carci-

nome de l'estomac et des ganglions cervicaux et des masses cancéreuses

qui du cou pénètrent dans le canal rachidien (Heymann). Dans les cas

exceptionnels elles naissent dans les plexus nerveux et de là pénètrent à

travers les trous de conjugaison dans le canal rachidien (dans le cas de

Schultze du plexus brachial). Comme nous l'avons déjà dit la colonne

vertébrale dans ces cas reste intacte. Mais il arrive que les tumeurs extra-

vertébrales rongent l'os de la colonne et ainsi se frayent un chemin dans

le canal rachidien, alors nous avons affaire à une combinaison de tu-

meurs extra et intravertébrales. Mais comme forme typique de ces tumeurs

nous considérerons la tumeur extravertébrale qui pénètre dans le canal

rachidien à travers les trous de conjugaison sans attaquer l'os.

Le diagnostic de ces cas est quelquefois facile, pour les malades préci-

sément chez lesquels la tumeur primitive médiastinale ou cervicale est

visible, et il survient au cours de la maladie des symptômes médullaires.

Dans beaucoup de cas pourtant le diagnostic se heurte à de grandes diffi-

cultés, par exemple dans les cas où la tumeur primitive n'est pas décelée

(1) Oppenheim note un cas de Fischer où la tumeur médullaire pénétrait dans la

cavité abdominale à travers les vertèbres. Mais ce cas comme celui de Schultze (où

la tumeur de la queue de cheval pénétrait dans les muscles lombaires et de la cuisse),

ne peuvent être considérés que comme des exceptions.

"- if

TUMEURS DE LA MOELLE ÉPINIÈRE ET DE LA COLONNE VERTÉBRALE 175

et où interviennent tout à coup des phénomènes médullaires. Des neuro-

logistes illustres faisaient dans des cas semblables le diagnostic de myélite

aiguë ou subaiguë, d'abcès extraduraux, de sclérose en plaques et ce n'est

que sur la table d'autopsie que le diagnostic devenait clair.

Quant au tableau clinique de l'affection, il dépend entièrement de la

localisation primitive de la tumeur.

Dans le cas d'une tumeur médiastinale les symptômes primitifs corres-

pondent à ceux qu'on rencontre ordinairement dans les tumeurs de cette

région.Les phénomènes nerveux peuvent être de deux sortes : 1° la tumeur

peut comprimer les nerfs et les plexus nerveux périphériques ; alors nous

constatons des douleurs dans un membre supérieur, douleurs fortes,

s'irradiant vers les doigts, l'engourdissement du membre, des douleurs

de la nuque et de l'occiput entre les omoplates, dans la région de l'un

ou l'autre sein. Bientôt l'affaiblissement de tout le membre supérieur

s'ajoute aux douleurs (quelquefois les deux phénomènes sont simultanés)

ou l'affaiblissement des muscles dépendant de quelques nerfs en particu-

lier. Des atrophies musculaires et des troubles sensitifs diffus ou limités

à la région de certains nerfs, le cubital par exemple, peuvent prendre

place dans le tableau clinique. Tous ces phénomènes peuvent se limiter

d'abord à un membre seulement. Dans certains cas des paresthésies dans

le membre du côté opposé apparaissent secondairement (obs. X). Ces

symptômes peuvent persister quelques semaines et même quelques mois

avant que les symptômes médullaires entrent en jeu. Ils débutent brusque-

ment, quelquefois violemment.

Dans un de nos cas (obs. IX) l'affaiblissement des membres inférieurs

(après la période des douleurs dans la partie supérieure du corps) durait

à peine deux semaines après lesquelles, en quelques jours, se développa

la paralysie complète des membres. Dans un autre cas (obs. X), la malade

après deux heures de sommeil se réveilla avec les membres inférieurs

paralysés. Le malade décrit parBehier se coucha tout à fait bien portant et

il se réveilla avec les membres inférieurs paralysés (l'échinocoque du mé-

diastin pénétrant à travers les trousde conjugaison dans le canal rachidien).

Quant à la nature de la paralysie, elle est dans la plupart des cas flasque

et accompagnée d'affaiblissement ou d'abolition des réflexes tendineux.

La paralysie envahit les membres inférieurs et le tronc. Simultanément

ou un peu plus tard apparaissent les troubles sensitifs (affaiblissement,

abolition), urinaires et de défécation. Quelquefois la colonne vertébrale

est à un certain niveau douloureuse. La mort frappe vite (après quelques

jours) ou bien quelques semaines ou quelques mois.

Tous ces phénomènes périphériques et médullaires sont à réunir à

ceux qui sont provoqués par la tumeur médiastinale, par exemple : la

dyspnée, l'oedème et stase visibles à la face et à la cage thoracique, la

176 FLATAU

constatation de la tumeur au-dessus de la clavicule, la proéminence d'une

moitié du thorax, la matité, etc.

Tous ces symptômes sont tellement caractéristiques que le diagnostic

ne présente pas de difficultés.

A côté des tumeurs médiastinales qui pénètrent dans le canal rachidien

il y a d'autres localisations. Dans nos observations XII et XIII les masses

néoplasiques sortaient de la région cervicale et du tronc (de l'angle formé

par les IXe et Xe vertèbres dorsales et les côtes, en arrière et en avant). De

là les masses néoplasiques pénétraient à travers les trous de conjugaison

dans le canal rachidien jusqu'à la dure-mère (ou même jusqu'à la moelle).

Dans le cas de Kollarits, la tumeur poussait des muscles du tronc ; dans

celui de Luce, du tissus au-dessous de la plèvre ; dans celui de Kinichi-

Naka, de la plèvre (la tumeur primitive était le sarcome du scrotum) ;

dans le cas de Schlesinger, des parties molles de la nuque ; dans le cas de

Schultze, du plexus brachial.

Le tableau clinique dans ces cas ressemble à celui décrit plus haut avec

la différence, que suivant la localisation la tumeur provoque des phéno-

mènes médullaires supérieurs ou inférieurs, c'est-à-dire que tous les

quatre membres sont paralysés ou seulement les inférieurs.Si le Ier segment

dorsal est attaqué, peuvent apparaître les symptômes sympathiques du

côté de la pupille et de la fente palpébrale (la même chose arrive bien

entendu dans le cas de tumeur médiastinale avec envahissement de la

moelle comme c'était le cas dans l'observation de l3reqman=Steinhaus).

Là aussi la paralysie est du type flasque. Les phénomènes spastiques et

réflexes exagérés n'apparaissent que dans les périodes du début et puis

disparaissent.

Dans ces cas également les tumeurs peuvent persister longtemps et don-

ner des déformations de la région correspondante (par exemple du cou, de

la nuque) et des symptômes périphériques. Peu à peu ou tout d'un coup

éclatent les phénomènes médullaires. Souvent le tableau clinique se dé-

veloppe rapidement en simulant ta myélite aiguë. La période de paralysie

de cause médullaire ne se prolonge pas trop longtemps, quelques semaines,

quelques mois au plus. Quelquefois on voit des rémissions (Kollarits).

Apparaissent les troubles sphinctériens, les eschares et la mort. Dans un

de nos cas (obs. XII) la mort est survenue rapidement sans phénomènes

précurseurs. Elle rappela celle des malades atteints d'une affection du

bulbe (par exemple le cas de tumeur dans la région du IVe ventricule, la

mort rapide des tabétiques, etc.). ,

A côté des cas où la tumeur extravertébrale pénètre dans le canal rachi-

dien et comprime la moelle, il en existe d'autres où la tumeur extraverté-

brale donne un tableau de lésion médullaire, mais l'autopsie ne montre

pas de masses néoplasiques daus le canal rachidien.

TUMEURS DE LA MOELLE ÉPINIÈRE ET DE LA COLONNE VERTÉBRALE 177

Dans ces cas la tumeur en augmentant peut arriver jusqu'à la colonne

vertébrale, même jusqu'aux trous de conjugaison, y provoquer la com-

pression des nerfs et des vaisseaux radiculaires, mais n'avoir pas le temps

d'entrer dans le canal rachidien.

Comme nous le montrerons plus loin,cela suffit dans quelques cas pour

provoquer la lésion de la moelle et amener la paralysie. Dans un de nos

cas (obs. X) la tumeur envahissait la moitié supérieure de la cavité thora-

cique, le bas du cou avec le corps thyroïde, mais le canal rachidien était

indemne, et pourtant on a constaté des foyers de lésion dans les segments

cervicaux moyens (non néoplasiques). Dans ce cas probablement la tu-

meur arrivait jusqu'à la colonne vertébrale même (immobilité de la tête

et du tronc pendant la vie ! ) et comprimait les nerfs et les vaisseaux dans

le voisinage des ganglions spinaux.

Il existe une autre catégorie de tumeurs où apparaît la lésion médullaire

sans que la tumeur extravertébrale pénètre dans le canal rachidien.

Ce sont précisément des cas où la tumeur se trouvait à une telle distance

de la colonne qu'on ne pouvait pas supposer un contact quelconque entre

la tumeur et cette dernière, et pourtant dans ces cas des phénomènes mé-

dullaires avaient été observés. En lS9y Oppenheim a décrit un cas simu-

lant la polioencéphalite subaiguë (diplopie, troubles de déglutition et de

mastication, douleurs des mains, démarche incertaine, incontinence

d'urine, ophtalmoplégie externe, excitabilité électrique affaiblie dans les

muscles masséters, affaiblissement des jambes, respiration difficile et

mort). A l'autopsie on a constaté un lympho-sarcome du médiastin

ayant probablement pour point de départ le reste du thymus. L'examen

microscopique a démontré un ancien foyer inflammatoire sous forme d'une

raie dans la moelle cervicale, des petites hémorragies dans l'isthme de

l'encéphale et l'augmentation du nombre des noyaux dans la région de l'a-

queduc de Sylvius. Oppenheim ajoute que ces lésions anatomo-patholo-

giques n'expliquent pas suffisamment le tableau clinique et il pense que

certaines substances toxiques produites par la tumeur causaient les

troubles médullaires.

Les lésions médullaires nées à distance sont souvent plus considérables

que celles décrites par Oppenheim. 11 y a toute une série de travaux où

sont décrits des cas de tumeurs extravertébrales éloignées de la colonne,

avecdes lésions considérables de la moelle constatées par l'examen micros-

copique (Lubarsch, Nonne, Martini, et d'autres). Il faut encore attirer

l'attention sur un point : c'est que les symptômes médullaires (provoqués à

distance) peuvent naître non seulement à cause de l'action toxique des

produits tumoraux, mais aussi par suite d'infiltration des méninges et de

la moelle par les cellules néoplasiques (cancéreuses, sarcomateuses).

XXIII 12

178 FLATAU .

Il y a donc une analogie complète avec les cas décrits dans la première

partie de ce travail. Là aussi nous avons démontré la possibilité des lésions

médullaires sans intervention de la compression de la moelle par les

masses néoplasiques.

.Ces faits sont très importants et il faut les prendre en considération

quand on discute la nécessité de l'intervention chirurgicale. Avec nos con-

naissances actuelles il est souvent impossible de distinguer les cas où la

tumeur extravertébrale a pénétré effectivement dans le canal rachidien

des cas où elle donne des symptômes analogues sans avoir envahi le canal

(myélite toxique, infiltration par les cellules néoplasiques). C'est pour-

quoi l'opération peut ne pas déceler de tumeur intravertébrale quand

même il existe la tumeur extravertébrale et des symptômes typiques de

l'affection médullaire (obs. de Martini). Comme règle générale on

peut considérer que la tumeur qui se trouve le plus près de la colonne

vertébrale franchit la limite le plus vraisemblablement, et pénètre

dans le canal rachidien. Plus elle est éloignée de la colonne plus il

est vraisemblable qu'elle provoque la lésion myélitique ou l'infil-

tration néoplasique.

ANATOMIE PATHOLOGIQUE.

Dans les cas de tumeurs médullaires extravertébrales qui pénètrent

dans le canal rachidien et compriment la moelle, nous pouvons constater

à un niveau correspondant des masses néoplasiques entourant la dure-

mère (il s'agit le plus souvent de sarcomes ou de tumeurs rapprochées

de ceux-ci par la structure). Les masses néoplasiques se disposent le plus

souvent sur la face postérieure (dorsale) de la dure-mère. Quelquefois elles

n'occupent qu'une de ses moitiés, quelquefois elles l'entourent des deux

côtés et passent même sur sa face antérieure (abdominale). Elles occupent

l'étendue d'un ou de plusieurs segments médullaires'. Elles sont réunies

lâchement avec la dure-mère ou quelquefois lui adhèrent intimement. La

compression exercée par ces masses sur la moelle est ordinairement faible.

Dans des cas exceptionnels on note un ramollissement complet du tissu

médullaire au niveau de compression (Luce) ou une sclérose complète

transverse de la coupe médullaire (Nilsen). Les méninges sont le plus

souvent intactes, rarement un peu épaissies.

L'examen -microscopique démontre que les masses néoplasiques restent

en dehors de la dure-mère ou la traversent, apparaissent sur sa face in-

terne, envahissent même les méninges molles et la moelle. Dans un de nos

cas (obs. IX) la tumeur est restée uniquement en dehors de la dure-mère-

Dans un autre (obs. XII) la tumeur a rongé dans un endroit seulement la

méninge et s'est disposée sur sa face interne. Dans un autre (ohs. XIII)

TUMEURS DE LA MOELLE ÉPINIÈRE ET UE LA COLONNE VERTÉBRALE 179

les masses néoplasiques ont infiltré les méninges molles et des cellules

isolées pouvait être constatées dans la moelle même (dans la zone névro-

glique périphérique).

En parlant de la sarcomatose de la moelle Westphal attire une atten-

tion spéciale sur le fait que la moelle est surtout réfractaire à l'en-

vahissement de la tumeur tandis qu'elle se laisse très facilement envahir

par les masses tuberculeuses et syphilitiques. Schlesinger par contre af-

firme que le sarcome traverse assez souvent la dure-mère et les méninges

molles et pénètre dans la moelle, tandis que les masses carcinomateuses

d'après lui ne traversent presque jamais la dure-mère. Bruns au contraire

est d'avis que les tumeurs endothéliales et les sarcomes alvéolaires nés

des cellules endothéliales de l'arachnoïde et de la pie-mère montrent une

tendance insignifiante à la destruction du tissu nerveux. En me basant sur

l'observation personnelle je serais d'avis que les tumeurs citées plus haut,

surtout les sarcomes venant du dehors, manifestent une tendance destruc-

tive peu notable par rapport aux méninges et au tissu nerveux médul-

laire.

Quant à la moelle elle ne démontre pas de lésions à l'examen macros-

copique. Le microscope y décèle par contre des lésions en foyers et des

lésions diffuses.

Les foyers de dégénérescence apparaissent dans la moelle au niveau

des masses néoplasiques et dans leur voisinage immédiat. Ils occupent uu

seul ou plusieurs segments médullaires. On les constate surtout dans les

cordons latéraux et postérieurs (quelquefois dans les antérieurs). Us affec-

tent une forme en coin, ou en bandelette et correspondant à la direction

des vaisseaux ou des cloisons. Quelquefois ils siègent seulement dans une

moitié de la moelle, quelquefois dans les deux. Il y a des cas où les foyers

se disposent symétriquement dans les cordons latéraux et' postérieurs et

alors ils simulent la dégénérescence secondaire. Avec de forts grossisse-

ments on constate dans ces foyers des lésions profondes du tissu nerveux,

de grandes places vides avec les restes de myéline dispersés, des cylin-

draxes gonflés et des masses dégénérées, des cellules granuleuses, quelque-

fois un grand nombre de corpuscules amyloïdes. Les vaisseaux sont nor-

maux ou un peu épaissis. La névroglie est faiblement proliférée ou

normale. Parfois on remarque la prolifération de la névroglie autour des

vaisseaux épaissis. Pas de lésions inflammatoires. Rarement dans les parois

vasculaires on voit des noyaux augmentés de nombre. Les espaces péri-

.vasculaires sont quelquefois élargis.

Outre ces lésions on peut constater au niveau des masses néoplasiques

qui compriment la moelle épinière des foyers diffus occupant toute la

coupe (aspect alvéolaire, comme d'un tamis). Ce sont des mailles névro-

4 80 FLATAU

gliques élargies, dispersées, çà et là vides ou contenant le reste de myéline

ou des cylindraxes modifiés. Les vaisseaux sont partout élargis et remplis

de sang (aussi bien dans le tissu nerveux que dans les méninges).

Dans quelques cas rares on trouvait au niveau des masses néoplasiques

ou dans leur voisinage une lésion profonde de la substance grise sous forme

d'une hémorragie (Bregman -8 tei n ha us) ou même le ramollissement com-

plet de la coupe transversale (Luce).

Il faut dire tout spécialement que les racines médullaires restent quel-

quefois intactes, dans d'autres cas elles dégénèrent et alors nous voyons des

tableaux correspondant aux dégénérescences « radiculaires » secondaires

dans les cordons postérieurs (le cas de Pfeiffer, notre observation XIII).

Les cellules des cornes antérieures montraient des signes de lésions qui

dépendent des lésions des racines antérieures (dégénérescence traumatique

ascendante).

A côté de ces lésions qui correspondent topographiquement aux masses

néoplasiques (ou aux régions voisines), d'autres peuvent naître en partie

sous la dépendance des lésions précitées (dégénérescence secondaire),

en partie spontanées (par intoxication ou par compression).

Les dégénérescences secondaires sont absentes dans la majorité de nos

cas, ce qui nous démontre que les lésions produites il l'endroit de la com-

pression sont peu nocives. Pourtant dans quelques cas on notait de vraies

dégénérescences secondaires ascendantes et descendantes. Nous voulons

attirer l'attention sur un point : nous avons remarqué dans notre IX0 cas

un fait étrange : dans la moelle dorsale médiane et inférieure on ob-

servait des masses dégénérées dispersées dans toute la coupe transver-

sale (surtout dans les cordons latéraux pyramidaux, et dans le fais-

ceau de Hoche). Dans la moelle lombaire ces niasses ont été réunies

davantage dans le fascicule dorso-médian et dans le cordon latéral

pyramidal, tandis que dans les segments lombaires inférieurs et dans

la moelle sacrale on pouvait déjà distinctement voir une dégénéra-

tion compacte du champ ovale, de Flechsig et du triangle de Gom-

bault-Philippe.

Nous expliquons cela par le fait que les segments des voies longues (sensi-

tives et motrices) qui sont plus éloignés de leurs centres trophiques, dégé-

nèrent plus vile. Kollarits pu[ observer le même phénomène dans son cas

(néoplasme des tissus mous du tronc pénétrant dans le canal rachidien).

Dans ce cas également on trouvait des lésions insignifiantes immédiatement

au-dessous de l'endroit comprimé, tandis que dans la moelle lombaire on

voyaitdes dégénérescences secondaires considérables. Kollarils mentionne

des cas analogues de Bikeles (Neurol. Cent., 1900, p. 116) et de Bruns

(Arch. f. Psych., 18U3).

TUMEURS DE LA MOELLE ÉPINIÈRE ET DE LA COLONNE VERTÉBRALE 181

A côté des dégénérescences secondaires on voit souvent des lésions

vasculaires légères dispersées le long de toute la moelle : c'est l'épaississe-

ment de leurs parois et la prolifération névro,,11(lue (ot)s. IX). Ces change-

mentsrappellent ceux qui sont décrits dans les moelles anémiques (Minriicli,

Nonne), septicémiques (Nonne), les moelles séniles dans la maladie de

Parkinson (Redlich),daus les cas de mén i ugo-myél i tesyphil itique (l31keles).

Elles sont provoquées probablement par l'intoxication.

Nous voyons aussi' dans les segments éloignés des endroits comprimés

des dégénérescences dans la zone radiculaire des cordons postérieurs

(compression des racines par distance dans notre obs. IX). On peut aussi

noter à une grande distance du lieu de compression l'élargissement des

espaces lymphatiques périvasculaires et péricellulaires.

La question se pose de savoir quelle est la genèse de ces lésions diffuses

et en foyers.

Il faut se rappeler que dans notre cas X (la moelle y était libre de néo-

plasme, c'est-à-dire que la tumeur n'a pas eu le temps de pénétrer dans le

canal rachidien) nous avons vu des changements analogues à ceux qui se

produisent dans les moelles entourées par les masses néoplasiques. Ce fait t

nous aide à comprendre jusqu'à un certain point la genèse de ces lésions.

Il nous enseigne que les foyers de lésion médullaire peuvent naître indé-

pendamment de la compression exercée par les masses néoplasiques

sur la dure-mère. Dans le cas cité (obs. X) les foyers médullaires (dans la

région cervicale) correspondaient à la localisation des masses néoplasiques

extra vertébrales (dans la moitié inférieure du cou et supérieure du mé-

diastin), on ne peut pas les expliquer par une cause toxique (le reste de la

moelle est. normal). Il faut donc supposer que la tumeur se pressait con-

, tre la colonne vertébrale même, y causant la compression des nerfs (non

loin des ganglions spinaux) et des vaisseaux, et par suite, des lésions de

la moelle par ischémie.

Pour mieux comprendre ces lésions nous allons en résumer les observa-

tions suivies par Fickler dans les cas de caries vertébrales. II constate des

lésions médullaires en foyer, et diffuses des foyers de ramollissement.

En cherchant minutieusement la cause de ces lésions il arrive à la con-

clusion que la plupart du temps c'est le trouble circulatoire lymphatique

provoqué par la compression exercée par les granulations tuberculeuses

épidurales qui amène les changements pathologiques du tissu médullaire.

A la suite de celte compression une dégénération hydropique a lieu. Son-

vent s'ajoute encore l'ischémie générale causée par la compression des

grands vaisseaux radiculaires ou l'ischémie locale causée par l'affection des

vaisseaux. Comme causes rares Fickler mentionne les lésions immédiates

de la moelle, les thrombus et les embolies vasculaires. Fickler appuie

182 FaTu .

spécialement sur le fait qu'il ne faut pas croire que les granulations tuber-

culeuses qui entourent la dure-mère et compriment les vaisseaux lympha-

tiques de cette méninge provoquent l'oblitération des voies lymphatiques

médullaires. Non, il faut d'après lui distinguer deux systèmes de voies

lymphatiques : 1° le système de la dure-mère et de l'espace épidural et

2° le système lymphatique de la moelle épinière et des méninges molles.

Le système lymphatique de la dure-mère et de l'espace épidural com-

munique avec'l'espace subdural, mais il ne montre pas de communication

avec le système lymphatique médullaire et des méninges molles. Par

conséquent les masses qui entourent la dure-mère ne peuvent pas produire

l'oblitération des vaisseaux lymphatiques de la moelle même. Mais elles

peuvent engendrer des troubles circulatoires dans la moelle et comme

suite de ces troubles, des lésions en foyers et diffuses.

Quanta la deuxième cause qui produit des modifications histopathotogi-

ques, c'est-à-dire quant il l'ischémie, Fickler tente de l'expliquer également.

Il attire l'attention sur le fait que dans certaines régions médullaires

(nous pouvons dire vertébrales), et précisément dans les segments cer-

vicaux inférieurs et dorsaux supérieurs, nous voyons que les plus gros

vaisseaux sanguins pénètrent à travers les trous de conjugaison. Eh bien,

la compression de ces régions peut provoquer l'arrêt de la circulation

et sanguine par suite des lésions médullaires (Cette hypothèse pourrait

expliquer bien les lésions dans notre obs. X).

Par analogie nous pouvons dire que dans les cas de tumeurs extraver-

tébrales où les masses néoplasiques entourent la dure-mère comme la gra-

nulation tuberculeuse, les lésions du tissu nerveux doivent être expliquées

de la même manière (troubles dans la circulation lymphatique et san-

guine). Là où la tumeur a pénétré dans le canal rachidien même, les

deux causes invoquées agissent en même temps; dans d'autres cas où le

canal rachidien reste intact et où la tumeur arrive seulement jusqu'à la co-

tonne vertébrale, elle comprime les vaisseaux des racines et provoque des

lésions par ischémie. Enfin dans les cas cités plus haut où la tumeur est

très éloignée de la colonne et où pourtant la moelle épinière présente des

lésions, il faut chercher l'explication dans cette hypothèse, que les pro-

duits néoplasiques toxiques agissent sur le tissu nerveux et le détruisent.

Il est compréhensible que dans les cas où la tumeur extravertébrale pénètre

dans le canal rachidien ces mêmes toxines néoplasiques exercent une action

nocive ; elles peuvent accentuer la dégénérescence du tissu là où les Iroubles

circulatoires préparent le terrain. En outre elles peuvent provoquer des

lésions diffuses non seulement là où se trouve la tumeur, mais à une dis-

tance plus ou moins grande.

TUMEURS DE LA MOELLE ÉPINIÈRE ET DE LA COLONNE VERTÉBRALE 183

THÉRAPEUTIQUE.

Quant à la thérapeutique, la seule vraie et radicale, c'est-à-dire la théra-

peutique chirurgicale, elle est très restreinte dans ces cas. On ne peut pas

parler de l'intervention chirurgicale dans les cas de tumeurs médiasti-

nales. Par contre il est indiqué d'opérer les tumeurs primitives, surtout

les sarcomes, localisées au cou dans ses parties molles, à la nuque, au

tronc, quand elles sont uniques bien entendu. On peut obtenir des résul-

tats favorables, comme c'est le cas dans certains sarcomes vertébraux

(v. la 1 partie). Même quand les symptômes médullaires prennent place

dans le tableau clinique la guérison peut être complète puisque, comme

nous l'avons dit plus haut, les lésions médullaires provoquées par les

masses néoplasiques qui entourent la dure-mère sont peu graves et dis-

paraissent tout à fait. t.

En effet dans le cas décrit par Boerner (fibrome du cou avec pas-

sage à travers les trous de conjugaison, paraplégie spastique inférieure)

le malade s'est rétabli et put marcher six semaines après l'opération. Dans

le cas de Sick la tumeur (enchondrome) avait pour point de départ le

lieu d'attaclie des Ve-VII° côtes gauches, envahissait la colonne vertébrale,

les arcs vertébraux et les corps mêmes et comprimait la dure-mère. On a

éloigné à l'opération les parties malades et la guérison eut lieu. Dans le

cas décrit par Székres la tumeur (échinocoque) était localisée sur le dos

et pénétrait dans le canal rachidien en provoquant des symptômes de com-

pression de la moelle. Bien que au cours de l'opération on ait éloigné uni-

quement la tumeur primitive du dos, huit semaines après le reste du kyste

et les arcs vertébraux malades s'éliminèrent et la guérison s'installa. La

malade décrite par Tyller-Williamson a eu un kyste hydatique de la co-

lonne vertébrale ; on lui enleva au cours de l'opération quinze kystes hyda-

tiques de la face interne de la dure-mère et pourtant la malade guérit

complètement.

On appliquait quelquefois les rayons de Roentgen. Ils ont donné dans

certains cas (lymphosarcome du cou, de la cage thoracique) une améliora-

tion dans le sens que la tumeur diminuait et même disparaissait. Mais

elle récidivait après un certain temps et provoquait la mort (cas de

Martini).

On doit souvent se servir des médicaments symptomatiques.

(A suivre).

ASILE CLINIQUE DE BEL-AIR (GENÈVE)

LA BASE ANATOMIQUE DES PSYCHOSES (1),

- D' Ch, LADAME,

privat-docent à l'Université, médecin-adjoint

à l'asile-clinique de Bel-Air, Genève.

Les principaux problèmes que l'étude des lésions anatomiques des

psychoses soulève me semblent assez bien se résumer dans les deux ques-

tions suivantes :

1° Existe-t-il, comme base anatomique des maladies mentales, des lé-

sions cérébrales typiques, constantes et faciles à démontrer ?

2° Est-il possible d'attribuer la priorité au trouble psychique ou à la

lésion organique dans la genèse des psychoses ?

Pendant longtemps, on ne voulut se résoudre à admettre que les psy-

choses, maladies de l'âme pussent relever d'une cause matérielle, d'une lé-

sion organique.

Cette notion des lésions anatomiques de la folie s'imposa peu à peu, en

dépit des attaques, parfois violentes, auxquelles étaient exposés les savants

qui osaient affirmer l'existence des lésions qu'ils avaient observées.

Force fut bien alors d'admettre la réalité de ces altérations. Mais on se

retrancha derrière quelques entités morbides, les vésanies, dont la lésion

anatomique pouvait être controversée. Pour affirmer l'irréductibilité de

ces vésanies, qui restaient des maladies purement psychologiques, des

maladies sine materna, on ne tint aucun compte des altérations multiples,

mais mal coordonnées, que l'on signalait dans le cerveau des malades

atteints de folie, de démence précoce, par exemple.

De nouvelles recherches, favorisées par le perfectionnement des techni-

ques microscopiques, démolissaient enfin ce dernier refuge en démontrant

que, dans les vésanies aussi, l'écorce cérébrale ne restait pas indemne,

que les cellules, les fibrilles nerveuses et la névroglie étaient le siège de

processus pathologiques divers.

Les partisans des lésions anatomiques, les « matérialistes », comme on

(1) Rapport présenté à la deuxième assemblée annuelle de la Société suisse de Neu-

rologie le 1 novembre 1909, à Zurich.

LA BASE ANATOMIQUE DES PSYCHOSES

183

les appelait dédaigneusement à l'époque de Leuret, n'étaient toutefois pas

au bout de leurs peines ; car, si l'on admît enfin la réalité des altérations

anatomiques dans les maladies mentales, on souleva dès lors la question

de priorité des troubles psychiques où des lésions histologiques.

Nous examinerons cette question dans la seconde partie de cette étude.

Le clinicien parfois est fort perplexe à l'autopsie de certaines formes de

psychoses. Le malade présentait des symptômes très nets, qui permettaient t

d'attendre avec assurance une démonstration anatomique typique. Il s'agit t

surtout de cas de psychoses foudroyantes ou suraiguës, couramment dé-

nommées « Délire aigu ». L'autopsie est muette ou peu s'en faut dans ces

cas-là, c'est à peine si l'on, note ça et là une hyperémie ou un oedème céré-

bral souvent d'une appréciation difficile et délicate.

L'examen microscopique dans quelques-uns de ces cas montre une sub-

stance cérébrale qui n'est pas indemne, il y a des altérations, souvent mê-

me considérables par leur étendue, leur généralisation et leur intensité,

altérations mises en évidence par les nouvelles méthodes techiques qui i

permettent la coloration des substances de désintégration du protoplasma

cellulaire, seulement possible sur des coupes exécutées à l'état frais ou

après un durcissement superficiel. Ces mêmes coupes, traitées par les mé-

thodes usuelles, ne révèlent pas grand'chose ; tout au plus une certaine

dilatation des espaces lymphatiques péricellulaires et périvasculaires.

C'est qu'en effet ces substances a protagoïdes » ou lipoides » se dissolvent

.au cours des manipulations diverses que nécessite la confection des coupes

microscopiques,

Voici donc un premier fait à retenir, le cerveaudes aliénés morts de dé-

lire aigu dans l'espace d'une semaine environ après le début de la maladie

et dont naguère encore on ignorait complètement les lésions, présente sou-

vent des altérations considérables de ses éléments cellulaires, altérations

aiguës du protoplasma qui révèlent un métabolisme énorme. Mais voici

une autre série de faits.

Les recherches expérimentales entreprises sur les animaux nous four-

nissent de nombreuses preuves des altérations fines, plus ou moins consi-

dérables, de la substance cérébrale, sous l'action d'agents toxiques tandis

que l'étude macroscopique de l'encéphale ne nous avait apporté jusque-là

que peu d'éléments pathologiques. Citons les nombreux travaux parus

sur la rage expérimentale, sur la fatigue prolongée, sur l'action de divers

toxiques, etc.

La physiologie du cerveau, elle aussi, ne restait pas en arrière, elle ap-

186 LA DAME

portail sa large contribution à nos connaissances sur le fonctionnement 1

de l'écorce et sur les modifications fonctionnelles qui accompagnent l'ac-

tivité cérébrale, le travail intellectuel et la fatigue.

Gley, dans son ((Elude de Psychologie physiologique et pathologique» »

résume les nombreuses séries d'expériences qu'il a entreprises avec une

méthode sûre et fructueuse dans les conclusions suivantes :

1) tous les actes psychiques, quels qu'ils soient, ont besoin pour se pro-

duire, d'un temps-mesurable ; -

2) ces actes déterminent dans le cerveau une élévation de tempéra-

ture mesurable ;

3) ils s'accompagnent d'une décomposition de la substance nerveuse,

d'où proviennent des produits de désassimilation dosables.

L'examen microscopique du cerveau des sujets expérimentés a pu cor-

roborer parfois les notions fournies par ces recherches.

Ce sont là des faits d'observation et d'expérimentation de grande valeur

pour l'argumentation des questions dont la solution nous occupe en ce

moment.

En effet, si l'on est parvenu à étudier d'une façon précise les modifica-

tions que subit le cerveau normal pendant son activité physiologique ;

Si l'un a pu analyser les éléments de la désintégration bio-chimique

qui s'effectue pendant le fonctionnement de l'encépliale t'état normal;

Si l'on a réussi à connaître quelques particularités du fonctionnement

du cerveau à l'état pathologique ;

Si, enfin, on peut démontrer au microscope des altérations des tissus

nerveux, cellules et fibres, dans des coupes provenant de cerveaux d'ani-

maux mis en expérience ;

Forts de toutes ces preuves solides et bien établies, on est en droit

d'admettre que tout processus mental normal ou pathologique qui s'effec-

tue, doit nécessairement avoir un corrélatif organique, que ce soit une

modification passagère dans le chimisme cellulaire, un trouble dynami-

que ou une altération plus profonde et plus durable, 'dont le terme peut

être la destruction irrémédiable, la mort de l'élément cellulaire.

L'hypothèse du parallélisme nous permet d'accepler la concomitance de

l'acte psychique et de la modification moléculaire de l'élément nerveux,

sans préjuger pour cela du rapport de causalité de ces deux phénomè-

nes.

L'adoption de ce point de vue est amplement suffisant pour le but par-

ticulier que nous nous sommes proposé dans ce travail. Car la solution de

ce problème du parallélisme dans un sens ou dans l'autre n'a aucune pro-

tée pratique, son intérêt utilitaire est nul présentement.

Il est bien évident toutefois que le jour où l'on pourra démontrer que

LA BASE ANATOMIQUE DES PSYCHOSES 187

l'activité psychique s'accompagne de modifications physico-chimiques de

la substance cérébrale ou qu'un trouble psychique est constamment lié à

la lésion d'une zone cérébrale toujours la même, ce jour-là la preuve sera

faite des relations de causalité de ces phénomènes ; alors l'hypothèse très

commode du parallélisme, devenue inutile, aura vécu !

Comme il ne m'est pas possible d'exposer en détail dans ce travail tou-

tes les altérations anatomiques des différentes psychoses décrites par les

auteurs et dont j'ai déjà fait un résumé dans un précédent mémoire, je

me bornerai à un aperçu sommaire du sujet.

Nous pouvons, d'ores et déjà, affirmer qu'il n'y a pas une affection men-

tale pour laquelle on ait trouvé l'écorce cérébrale indemne de toute altéra-

lion. Que l'on se trouve en présence de coupes provenant de cerveaux

d'individus atteints de troubles psychiques chroniques, chez lesquels

l'affection mentale est évoluée depuis longtemps, ou d'individus décédés

après une maladie suraiguë et de courte durée, le microscope (si non déjà

l'examen nécropsique) dévoile toute une série d'altérations de la subs-

tance corticale.

Parfois les lésions paraîtront minimes et ne seront bien mises en évi-

dence que par des procédés techniques spéciaux. Dans d'autres cas, la

maladie mentale ayant évolué depuis de nombreuses années, il s'ajoutera

aux lésions propres à la psychose, des altérations provenant d'affections

» intercurrentes qui peuvent les voiler d'une façon plus ou moins complète.

Dans un certain nombre de cas, enfin, avant tout dans les psychoses

diles organiques, les lésions seront manifestes et facilement démontrables.

On a abondamment décrit les lésions de tous les systèmes histologiques,

les cellules ganglionnaires, les fibrilles nerveuses, les tissus névrogliques

et le système connectivo-vasculaire qui entrent dans la constitution anato-

mique du cerveau. Nous ne nous y arrêtons pas. On peut rencontrer toutes

les associations possibles des altérations de ces tissus, mais il est possible

d'établir deux groupes de psychoses assez nettement caractéristiques, selon

que prédomine la lésion connectivo-vasculaire, ou que les altérations soient

essentiellement parenchymateuses.

Cette distinction correspond assez bien à celle que l'on a l'habitude de

faire en clinique mentale, lorsque l'on parle des psychoses dites fonction-

nelles et des psychoses dites organiques.

On peut parfaitement, dans un but purement didactique, cela va sans

dire, continuer à utiliser ces dénominations, en sachant bien toutefois,

que les psychoses fonctionnelles ont leur base anatomique tout comme

les psychoses dites organiques.

On aurait donc : .

9. le groupe des psychoses à lésions essentiellement p,'aenchymateuses,

188 LADAME

2. le groupe des psychoses à lésions connectivo-vasculaires prédominantes .

Tandis que dans le premier groupe le tissu connectivo-vasculaire est

relativement intact, dans le second groupe, le tissu parenchymateux est

toujours lésé (PI. XV et XVI).

Les diverses psychoses connues viennent assez aisément prendre place

dans ces deux groupes. C'est ainsi que les psychoses dites fonctionnelles

appartiendraient au premier, qui cliniquement comprendrait : les démen-

ces précoces, la folie maniaque-dépressive, l'amentia,les psychoses aiguës

pures, les psychopathies, etc.

Au second groupe, celui des psychoses dites organiques, appartiendraient

cliniquement : la paralysie générale, la démence artériosclérotiques, la dé-

mence sénile, les épilepsies graves, les idioties, etc.

Nous nous empressons d'ajouter que ce groupement est tout ce qu'il y

a de plus transitoire, car nous manquons actuellement des arguments in-

dispensables pour établir une classification rationnelle des maladies men-

tales. Il est évident,d'autre part,qu'aussi longtemps que les caractéristiques

cyto-et myélo-architectoniques nous feront défaut, nous ne pourrons pas

établir scientifiquement la classification des diverses psychoses dans leurs

groupes respectifs.

Le second groupe comprend deux divisions importantes, celle des arrêts

de développement (idioties, imbécillité,) et les psychoses acquises (para-

lysie générale, etc.).Qui pourraitprévoirceque les recherches ultérieures

nous révéleront au sujet des psychopathies, par exemple, et d'autres psy-

choses fonctionnelles ! Où classer les épilepsies ? car depuis les formes

frustes jusqu'aux formes graves, progressives et avec démence terminale,

il y a toutes les possibilités pour les faire entrer dans les deux divisions.

Ces considérations nous invitent à la plus grande circonspection. Nous

ne pouvons mieux faire qu'accumuler des matériaux pour établir, dans

un avenir peut-être encore lointain, la classification anatomique désirée

sur des bases réelles et indiscutables.

' Les trois rapports et les discussions qui viennent d'avoir lieu au congrès

de Budapest, sur la classification des maladies mentales, ne nous montrent-

ils pas,dans les divergences profondes des auteurs,combien nous sommes

encore éloignés du but '1

Nous ne saurions trop insister, la méthode qui nous semble être la vraie

pour arriver à un résultat dans ce domaine, c'est l'étude des altérations

cérébrales en utilisant les données architecturales fournies par Brodmann.

Les altérations histologiques des éléments cellulaires et des tissus de

l'écorce cérébrale observées dans les maladies mentales sont, en fait, les

lésions banales de la pathologie générale que l'on rencontre dans les affec-

tions de tous les autres organes de l'économie ; en tenant compte toutefois

Nouvelle Iconographie DE la Salpêtrière.

T. XXIII. Pl. XV

LA BASE ANATOMIQUE DES PSYCHOSES

(Cb Ladame).

1. Démence précoce. Femme de 40 ans. Fragment de l'écorce de la paracentrale.

^Bleu de toluidine). La lésion cellulaire est la plus marquée, l'écorce a ses dimensions et son

architecture normales.

IL Paralysie générale. Homme de 48 ans. - Fragment de l'écorce de la para-

centrale. (Bleu de toluidine). Les lésions vasculaires, le désordre architectonique frappent par

leur intensité Les plus petits capillaires sont mis en évidence.

Les cellules ueneuses sont dégénérées ou sclérosées.

Nouvelle Iconographie DE la Salpêtrière.

T. XXIII. Pl. XVI

LA BASE ANATOMIQUE DES PSYCHOSES

(Ch. Ladame).

III. Démence artériosclérotique. Homme de 60 ans. Fragment de l'écorce

de la paracentrale. (Bleu de toluidine). Lésions marquées des cellules ganglionnaires, du tissu

interstitiel et dégénérescence des vaisseaux.

IV. Démence sénile. Homme de 70 ans. Fragment de l'écorce de la paracentrale.

(Bleu de toluidine). Atrophie de l'écorce, les lésions sont interstitielles et aussi cellulaires,

cesderniércs sont atrophiées ou dégénérées.

LA BASE ANATOMIQUE DES PSYCHOSES 1 89

de l'allure spéciale que peuvent avoir les diverses altérations de la subs-

tance cérébrale du fait de la présence de la névroglie.

La combinaison entre elles de ces différentes altérations et leur locali-

sation pourront seules nous donner les éléments indispensables pour éta-

blir anatomiquement la distinction qui existe entre les différentes formes

de psychoses connues.

Aucune de ces altérations ne possède en soi les caractères particuliers

qui lui permettraient de définir une entité morbide psychique. La péri-

vasculite de la paralysie générale elle-même peut être observée dans d'au-

tres affections mentales, sans compter les inflammations aiguës spontanées

ou expérimentales.

Si, d'une part, aucune de ces altérations ne saurait caractériser par

elle-même une psychose, et si, d'autre part, comme nous l'affirmons sur

la foi de nombreuses observations, aucun des cerveaux provenant d'aliénés

n'a été trouvé sain ou normal, c'est-à-dire indemne d'altérations de l'un ou

de l'autre de ses tissus ; comment alors concevoir la base anatomique des

maladies mentales ?

Je répète ici ce que j'ai déjà dit ailleurs. Laissant de côté la lésion his-

topathologique, nous estimons qu'il faut examiner le cerveau en entier

par la méthode des coupes sériées. L'étude de l'encéphale des aliénés,

par ce procédé seulement,nous révélera un jour ce qu'en vain on a cherché

jusqu'ici dans de -petits fragments du cerveau prélevés dans toutes les

'régions de l'écorce.

Une vue d'ensemble nous fait encore défaut actuellement et, c'est à

n'en pas douter, la base indispensable à posséder pour être autorisé à par-

ler de l'anatomie palhologique de la folie.

L'idée première de cette conception nouvelle de l'anatomie pathologi-

que des maladies mentales nous a été suggérée par l'étude des beaux

travaux de Brodmann sur la cytoarchitecture de l'écorce de l'Encéphale

des mammifères et de l'homme.

Les recherches que l'on sera appelé à entreprendre pour pouvoir adop-

ler ou combattre cette hypothèse, sont considérables, elles demandent du

temps et de nombreux collaborateurs, mais elles ne sont pas irréalisables.

C'est aussi en examinant méthodiquement des centaines de coupes sériées

que l'on parviendra sans doute il sa;sir les particularités de constitution

individuelles qui président aux différences psychologiques des individus

normaux. C'est alors que l'on saura s'il y a des voies préétablies et héri-

tées ou seulement des prédispositions, qui, travaillées par l'habitude,

deviennent des chemins plus faciles qu'une incitation quelconque suit de

préférence, car elle rencontre peu ou pas de résistance dans cette direc-

tion là ?

90 LADAIIiE

C'est encore par ce procédé que l'on sera a même de déterminer dans

quelles régions et dans quelles couches évoluent les processus pathologi;

dues qui caractérisent les diverses psychoses.

De la comparaison des données fournies par le microscope et par la

clinique, on pourra peut-être saisir la corrélation que ces phénomènes

peuvent avoir les uns avec les autres et prévoir la lésion par symptôme ? Il

est évident que la lésion delà même couche dans la même région doit L

constamment produire le même symptôme : Cette supposition n'a rien de té-

méraire, elle est au contraire parfaitement conforme à la théorie des loca-

lisations cérébrales, physiologiques et anatomiques.

Les psychoses sont, en somme, des entités morbides excessivement

polymorphes ; un grand nombre de symptômes se retrouvent dans certains

cas et pas dans d'autres, même parmi ceux que l'on a l'habitude de consi-

dérer comme pathognomoniques ; ce qui donne à chaque cas sa physiono-

mie bien particulière, c'est à tel point que bien des auteurs ne veulent

voir dans certaines formes que des syndromes et non des maladies bien dé-

finies. Nous pensons qu'il en sera ainsi aussi longtemps que l'on n'aura

pas une base pour déterminer les caractères fondamentaux de chaque

groupe ou espèce de maladie. Ce desideratum ne sera réalisé que lorsque

nous serons en possession d'un critère anatomique, comme la chose existe

pour les affections des autres organes de l'économie.

Comme les symptômes fondamentaux des psychoses sont constants, il

faut bien supposer qu'il se trouve à leur base une lésion anatomique,

constante elle aussi. C'est elle qu'il nous reste à déterminer pour pouvoir

étayer avec plus de précision le fondement organique des diverses affec-

tions mentales.

Pour ne citer qu'un exemple, ne serait-il pas étonnant que les phases

si identiques à elles-mêmes de la folie maniaque-dépressive fussent unique-

ment d'origine psychique ? Ne doit-il pas y avoir là quelque vice originel

de constitution de la corticalité ? On a de la peine à se représenter autre-

ment que chaque phase puisse débuter, évoluer et se déterminer d'une

façon quasi schématique, au point que celui qui a connu le malade pour-

rait en dicter presque mot à mot les diverses péripéties sans être contre-

dit par les faits 1

Nous pourrions passer ainsi en revue toutes les psychoses et retrouver

des caractères identiques sous les apparences les plus diverses, ce qui

nous donne l'espoir de démontrer un our que la base anatomique n'est

pas une vaine hypothèse, mais que c'est une conception reposant sur la

réalité des faits.

Cette idée du reste commence à être prise en sérieuse considération.Cer-

tains auteurs,analysant les lésions qu'ils ont observées, disent par exem-

LA BASE ANATOMIQUE DES PSYCHOSES 191

ple que les altérations étaient plus marquées dans telles ou telles couches

corticales ; qu'elles étaient uniquement localisées dans telles couches de

l'écorce !

D'autres savants même, ont déjà notéque dans certains cas telle couche

de l'écorce ne s'était pas développée du tout. C'est ainsi que Iülpin cite

un cas de chorée dont il examina le cerveau au microscope, il trouva que

la couchegranuleuse avait subi un arrêt de développement. Dans la dis-

cussion que souleva cette communication, Brodmann expliqua qu'il s'agis-

sait là de la persistance partielle du type infantile de la couche intéres-

sée.

Janet, dans son dernier volume sur les psychoses et Claparède, dans sa

communication à la première séance de la Société suisse de Neurologie,

ontmontré qu'il fallait s'efforcer d'étudier les maladies mentales en se

plaçant sur le terrain biologique, car nombre de manifestations de ces

malades ne sont autre chose qu'un retour ancestral ? s'il en est ainsi et nous

n'avons aucune raison d'en douter, à plus forte raison quand on a long-

temps vécu parmi les aliénés, que l'on a l'occasion de voir journellement,

s'il en est ainsi, dis-je, on se demande comment la transmission et la ma-

nifestation de ces caractères pourraient s'effectuer s'il n'y avait pas une em-

preinte organique profonde. Comme ces manifestations sont ancrées dans

le cerveau de l'individu, comme ce sont en somme des caractères généraux,

impersonnels, d-es caractères de race, ils ont dû se former lentement à

travers les générations et mettront aussi bien du temps pour disparaître.

Aussi l'organe, l'aire cérébrale d'où ils proviennent doit-elle continuer à

réapparaître dans l'organisation générale du cerveau. Ne savons-nous pas

que les fonctions les plus anciennes sont aussi les plus tenaces.

Si l'on rapproche cette hypothèse de l'opinion émise par Pilez que la

base anatomique de la folie maniaque-dépressive pourrait bien être un vice

de conformation de l'écorce cérébrale, quelque chose comme une aberra-

tion, un retour ancestral, on voit converger vers la même pensée, mais

par des voies différentes, les chercheurs préoccupés de trouver les preuves

de la base organique des psychoses.

Bien que ces recherches soient encore isolées, elles n'en sont pas moins

symptomatiques des tendances des savants contemporains. Cependant la

marche en avant ne pourra s'opérer tant que le cerveau normal nous sera

mal connu, tant que la physiologie de l'écorce cérébrale n'aura pas expli-

qué le fonctionnement des nombreux champs dont on nous parle, tant

enfin, que la chimie du cerveau en sera à ses premiers essais.

Pouvons-nous seulement, dans l'étal actuel de nos connaissances, établir

un rapport défini et constant entre une maladie mentale donnée et les

altérations histologiques constatées au microscope ?

192 LADAME E

Pouvons-nous affirmer qu'une différence de structure ou de fonctionne-

ment explique les particularités psychiques des différentes individualités

psychologiques ?

Que savons-nous, en fin de compte, du cerveau normal, de sa physiolo-

gie, de ses structures cyto et myéloarchitectoniques individuelles ? Que sa-

vons-nous du chimisme des cellules et des fibrilles nerveuses ?

Les altérations histologiques que nous observons au microscope sont-

elles bien l'image réelle et fidèle des troubles qui provoquent ou accom-

pagnent une psychose ?

Il s'effectue sans nul doute, dans les cellules et les tissus de l'encéphale

des échanges nutritifs fugaces, des modifications dynamiques et chimiques

que nous ne connaissons pas, ne pouvant pas les fixer avec nos moyens

techniques actuels, ou que nous ne savons pas reconnaître !

Les lésions anatomiques fines observées et décrites ne sont-elles pas en

quelque sorte le stade ultime de toute une chaîne de processus qui nous

échappent encore et dont nous ne fixons que le dernier terme !

Ce qui reviendrait à dire, d'une façon quelque peu paradoxale, que

nous ne connaissons de la vie du cerveau que l'image de sa mort.

Ces constatations, pour pessimistes qu'elles soient, n'enlèvent rien à la

valeur des recherches que l'hypothèse des champs corticaux incite à entre-

prendre pour se justifier.

En résumé, nous formulons notre réponse à la première question dans

les thèses suivantes : *

9 ° < La base anatomique » est un terme général qui comprend aussi bien

les modifications chimiques fugaces que les altérations constantes et défi-

nitives des éléments nerveux; on pourrait la définir : tout changement

effectué dans la formule physico-chimique du protoplasma cellulaire.

2° La constitution anatomique et histologique, la cyto-et myélo-archi-

tecture du cerveau normal offre de grandes variations individuelles, enco-

re peu connues et mal déterminées ; on pourra peut-être un jour y

rapporter les variétés psychologiques des individus normaux.

3° Les altérations pathologiques du cerveau dans les maladies mentales

frappent cet organe, soit pendant son évolution première, soit pendant

sa vie adulte. On a alors les arrêts de développement (idioties, imbécillité)

et les psychoses proprement dites.

4° Ces altérations ont été décrites pële-mêle,sans aucun ordrejuslluïci ;

aucun système ni aucune idée directrice n'ont présidé à leur classifica-

tion.

5° Nous estimons que la constitution cyto et myéloarchitectonique de

l'écorce cérébrale, qui nous permet de diviser le manteau encéphalique

en aires ou en zones à caractères nets et distincts, nous fournira dans un

LA BASE ANATOMIQUE DES PSYCHOSES 193

avenir plus ou moins prochain les moyens de fixer la base anatomique des

psychoses, en ordonnant les nombreuses constatations histopathologiques

recueillies jusqu'à ce jour et à l'examen microscopique de la plupart des

maladies mentales.

6° Il y a, dans les psychoses, des lésions constantes et faciles à démon-

trer. Elles ne sont pas typiques quoi qu'on en ait dit. Aucune des lésions

histologiques décrites jusqu'ici n'a pu nous donner l'explication d'un

symptôme psychique quelconque (idées délirantes, hallucinations, etc.,

etc.). -

7° Les troubles fonctionnels les plus légers et les plus fugaces sont

certainement conditionnés ou accompagnés par des troubles correspondants

dans les échanges nutritifs et par des modifications dans la constitution

bio-chimique du protoplasma des élémenls nerveux.

Examinons maintenant la deuxième question.

Est-il possible d'attribuer la priorité au trouble psychique ou ci la lésion

anatomique dans la genèse des psychoses ?

C'est le trouble psychique qui est primaire, disent les uns, c'est lui qui

est le générateur des altérations histologiques que l'on démontre au mi-

croscope.

C'est au contraire la lésion anatomique qui provoque les désordres

psychiques, disent les autres.

Cette discussion, dont l'allure scolastique a tout lieu de surprendre,

peut avoir des conséquences pratiques que l'on aurait bien tort de mécon-

naître.

Certains auteurs, et certes ils ne sont pas les premiers venus, attachent

une importance considérable à la priorité des troubles psychiques dans

la genèse des psychoses. Ils sont fermement convaincus de l'efficacité d'une

intervention médicale psychothérapeutique dans un grand nombre de cas de

maladies mentales, parce que, disent-ils, la base anatomique est encore

bonne, ce n'est que le fonctionnement qui est dérangé, et nous nous char-

geons bien de remettre de l'ordre dans ce mécanisme, de faire en quelque

sorte de l'orthopédie psychique par une dialectique serrée et logique. On

refait la mentalité dévoyée d'un individu malade, on redresse celui qui a

une façon anormale de penser ! Tandis que s'il y avait lésion organique,

primaire, tont effort serait vain et loute peine perdue, cela reviendrait,

comme le disait un de mes maîtres, à coller un emplâtre sur une jambe de

bois.

Peu importe, semhle-t-il au premier abord, qu'une psychose débute par r

un désordre psychique ou par une lésion anatomique.

XXIII 13

J 94 LADAME

Il faut bien reconnaître en effet que dans l'immense majorité des cas,

le malade vient trouver le médecin, de gré ou de force, lorsque la maladie

a déjà quelques mois au moins de durée. Si la psychose est d'origine

psychologique, depuis le temps qu'elle dure, elle a bien pu provoquer

des désoidres organiques. Si, au contraire, elle est provoquée par des

modifications dans les échanges nutritifs, dans le chimisme cérébral, il y

a bien des chances pour qu'on en soit au même point que dans le cas

précédent. Au point de vue pratique du traitement, il est bien indifférent

qu'il en soit ainsi ou autrement. La conduite du psycho-thérapeute sera la

même à l'égard de son malade. Comme les décès de la plupart des aliénés

n'ont lieu que de nombreuses années après que la maladie a évolué, les

renseignements que l'autopsie pourra nous fournir dans l'occurrence, alors

qu'il s'agit de déterminer le point de départ de la maladie, ne sera d'au-

cune valeur.

Nous sommes donc obligés de nous adresser aux cas aigus ou suraigus,

qui n'ont que quelques jours, une semaine tout au plus, de durée et dont

le nombre est très restreint, Il est indispensable dans ces cas de pratiquer

l'autopsie le plus tôt possible et l'examen microscopique exige des métho-

des spéciales.

' On constate alors qu'il existe des lésions étendues, diffuses et souvent

considérables des éléments cellulaires. En effet, les cellules névrogliques,

les cellules endothéliales des vaisseaux sont remplies, gorgées de granula-

tions fines, colorées en orange par le Scharlachrot. Ces granulations, ces

gouttelettes pour leur donner une dénomination appropriée à leur état phy-

sique, représentent une des phases de la désintégration du protoplasma cel-

lulaire. Les substances produites sont appelées substances protagoïdes, li-

poïdes ; elles témoignent d'une oxydation active du protoplasma cellulaire.

Elles sont la preuve des modifications chimiques intenses qui s'effectuent

dans les éléments cellulaires de l'écorce sous l'influence d'un processus

pathologique qui évolue dans l'écorce cérébrale et dont les manifestations

psychiques se traduisent par le délire avec ses symptômes variés.

Ce phénomène est en quelque sorte l'analogue de la tuméfaction trouble

du parenchyme du rein ou des autres organes du corps humain.

Dans ces cas de délire aigu transitoire, la maladie éclate le plus souvent

d'une manière brusque dans un organisme jusque-là apparemment sain,

et elle est de courte durée, les altérations observées témoignent de l'acuité

du processus morbide, aussi il est permis d'admettre, avec quelque appa-

rence de raison, que les modifications bio-chimiques constatées (et nous

ne voyons que peu de chose encore) sont concomitantes des désordres

psychiques, les symptômes du délire.

Ne serait-on même pas en droit d'affirmer que l'état d'intoxication et

LA BASIC -4NA['ONIIQUE DES PSYCHOSES 193

conséquemment,les troubles organiques ont précédé l'apparition des symp-

tômes'psychiques ? N'est-ce pas, en effet, ce que l'on observe journelle-

ment pour les maladies infectieuses, le typhus, la pneumonie, l'influenza ?

N'en est-il pas ainsi dans les intoxications médicamenteuses ?

On objectera peut-être qu'il n'est pas possible de comparer ces affections

là' avec les psychonévroses et les psychoses dites fonctionnelles ?

Comment expliquer alors le fait que bien des auteurs, même parmi ceux

qui défendent brillamment la thèse de l'origine psychologique des

psychoses, adoptent avec empressement la grande hypothèse à la mode, je

veux dire l'autointoxication, pour expliquer la genèse des psychoses.

Jung, dans sa magistrale étude sur « la psychologie de la pémence pré-

coce », n'écrit-il pas à la page 41 ce qui suit : « On ne peut pas contester

la possibilité que l'intoxication surgisse primordialement de causes soma-

tiques, et, qu'ensuite, le complexus psychologique survenu par hasard

le dernier, soit saisi et pathologiquement transformé. » -

Cet aveu, venant d'un savant si compétent, est précieux à recueillir.

S'il faut admettre un X, une toxine, pour expliquera fixation d'un com-

plexus, ce qui n'est autre chose qu'expliquer l'origine d'une psychose, c'en

est fait alors de l'origine psychologique des psychonévroses et à plus forte

raison des maladies mentales ! Si le. psychisme primaire a besoin d'un tel

adjuvant, c'est nous mettre tous d'accord, car admettre la toxine, c'est ad-

mettre la'base organique, la base anatomique, c'est reconnaître que cet X

agit sur les éléments cellulaires en modifiant leur formule bio-chimique

par le trouble qu'apporte la toxine dans les échanges nutritifs normaux.

Jung insiste particulièrement sur la fixation par la toxine de cecomplexus

qui devient ainsi durable, ce que l'on constate dans de nombreux cas de

démence précoce. C'est là encore un argument de plus en faveur de la

thèse des matérialistes.

Nous laissons complètement décote, dans cette argumentation, les ré-

sultats importants que nous fournit l'expérimentation chez les animaux ;

les réactions histologiques consultables au microscope ne peuvent pas se

rattacher à un équivalent psychique homologable. Notons seulement la

valeur des images livrées d'heure en heure, pour ainsi dire, parles modi-

fications que l'on provoque dans les échanges nutritifs. Ces expériences

jettent une vive lumière sur les premières réactions du protopiasmacetiu-

laire à la plus légère modification de la circulation sanguine des centres

nerveux, soit par un agent physique, soit par une substance chimique,

soit enfin par les poisons microbiens.

On le voit, il n'est pas aisé de prendre position pour l'une ou l'autre

des deux possibilités. Faut-il donner la priorité aux processus anatomiques

ou au contraire aux troubles psychologiques ? '¡

196 LADAME

En dépit des apparences, les faits d'expérimentation et d'observation

ne sont ni assez nombreux, ni assez concluants pour qu'il soit scientifi-

quement possible de considérer l'un ou l'autre de ces deux facteurs

comme le générateur des psychoses.

Il estplus sage pour le moment de collationner le matériel d'observa-

tions indispensables qui permettra de trancher un jour la question. 1

Importe-t-il, en fin de compte, que la solution soit donnée dans un sens

ou dans l'autre ? .- -

Certes, il n'est pas indifférent au point de vue pathogénique que la

priorité soit attribuée aux troubles psychiques plutôt qu'aux lésions or-

ganiques. Mais pour ce qui concerne le traitement de la maladie, it notre

avis, cela revient au même.

130UV. ICONOGRAPHIE DE LA SALPÊTRIÈRE, T XXIII, PL. XVII.

DERMOGRAPIIISME ROUGE ET BLANC

(7 ! o ? CM'.)

Masson C'e, Éditeurs.

FACULTÉ DU MÉDECINE D'ODESSA (RUSSIE).

DERMOGRAPHISME ROUGE ET BLANC

- PAR

~ M. ROUDNEW

Privat-Docent de l'Université d'Odessa.

(PI. XVII) .

C'est ainsi qu'on désigne un phénomène qui se produit sur la peau de

certains malades sous l'influence d'irritations locales, d'ordre tout mécani-

que, et qui consiste dans l'apparition de raies rouges ou blanches sur les en-

droits irrités. L'étude de ce phénomène est de date toute récente ; le dermo-

graphismerougea été décrit par Dujal'din-Beaumelz en 1879, qui a observé

une malade sur la peau de laquelle, à la suite d'irritations mécaniques,

apparaissaient des raies rouges en bourrelet (proéminentes) et qui persis-

taient pendant des heures (femme autographique). L'éminent Barthè-

lem (1) a observé 70 malades qui présentaient le phénomène du dermogra-

phisme rouge et seulement deux avec le dermographisme blanc, ce qui

paraît indiquer la rareté relative de ce dernier phénomène. Nicolshy (2), au

contraire, considère le dermographisme blanc comme très commun chez les

personnes atteintes de maladies cutanées, dont certaines (prurigo) semblent

y prédisposer particulièrement. Les savants auteurs du traité intitulé « Le

Dermographisme chez les aliénés » (Séglas et Darcanne) (3) ou trouvé, sur

204 malades, soumis à leurs examens, le phénomène du dermographisme

chez plus de 76, soit à peu près 38 0/0.

Les auteurs décrivent deux sortes de dermographisme les raies rouges

plates- non proéminentes et un autre qu'ils désignent sous le nom de der-

mo-stéréographisme et qui consiste en un bourrelet blanc bordé de deux

lignes rouges. Séglas et Darcanne ne foulque constater la fréquence rela-

tive de ce phénomène, Nicolsky, au contraire, tâche de déduire de ces

faits quelques conclusions utiles pour J'étiologie des maladies de la peau.

Il est hors de doute, que chez les aliénés, les désordres du système

vasculaire jouent un rôle prépondérant; déjà 11'Ieinert avait étudié et dé-

montré l'influence des troubles de la circulation du sang dans le cerveau

sur l'étiologie des maladies mentales. Il a émis l'opinion que lamélancolie est

(t) BARTHKLEn, Etude sur le dermographisme, 1893.

(2) INICOLSKI, Dermographisme blanc, 1902.

(3) SCOLAS et Dahcanne, Le dermographisme chez les aliénés, 1902.

198 It 0 U I)N E \'

produite par l'anémie et la manie par l'hyperémie des couches corticales

du cerveau. Ceci nous montre de quelle importance est l'étude des phé-

nomènes morbides dont il est question ici même pour la connaissance de

l'état des centres nerveux, qui régissent le système de la circulation du

sang. D'un autre côté, étant donné que le mécanisme du rétrécissement

et de la dilatation des vaisseaux sanguins, capillaires et autres, n'est pas

suffisamment connu et étudié, nous pouvons présumer que l'examen

approfondi des phénomènes pathologiques'dans ce domaine peut contri-

buer éclaircir bien des points obscurs de la question. Pour apporter

quelques lumières dans ce qui reste encore d'obscur dans cette partie de

la physiologie, j'ai entrepris l'examen détaillé de plusieurs aliénés qui

présentaient les phénomènes du dermographisme.

L'idée de faire du phénomène de la dermographie l'objet de mes études

m'a été suggéré par une observation que jai eu l'occasion de faire dans mon

service de l'hôpital des aliénés d'Odessa d'une malade qui présentait un

cas en apparence insolite des deux sortes de dermographisme, blanc et rou-

ge, selon le degré de l'intensité de l'irritation locale. Outre ceci, le sujet

présentait au plus haut degré les troubles vasomoteurs, des rougeurs in-

tenses ou la pâleur extrême de telle ou telle partie du corps : visage, poi-

trine, partie supérieure du dos, la teinte marbrée de la peau des bras,

jambes, cuisses elle cyanose des mains et des pieds. La plus légère irrita-

tion,une ligne tracée par un objet mousse est suivie immédiatement de l'ap-

parition d'une raie d'un blanc de craie, dermographisme .blanc; une ligne

tracée avec force, amène l'apparition d'une raie d'un rouge intense, dermo-

graphisme rouge ; l'irritation de moyenne intensité provoque l'apparition de

raies rouges accompagnées de raies blanches. De cequi précède on voit qu'un

même malade peut présenter le phénomène du dermographisme sous tous

ces trois aspects qui semblent pourtant être très différents, fait qui ne

peut pas ne pas arrêter votre attention. Cherchons l'explication de ce fait

qui semble insolite. Adressons-nous à la physiologie du système vasculaire.

On sait que le système vasomoteur est constitué de deux sortes de nerfs,

les constricteurs et les dilatateurs des vaisseaux qui sont régis par des centres

nerveux particuliers, logés dans la moelle épinière et par le centre vaso-

moteur commun qui se trouve dans la moelle allongée dont l'excitation

produit la contraction générale des vaisseaux produite par le jeu des fibres

musculaires logés dans leurs parois.

La physiologie qui reconnaît l'existence d'un centre vasomoteur princi-

pal, sait expliquer le mécanisme de la construction des vaisseaux, mais se

trouve très embarrassée quand il s'agit du phénomène contraire, la dilata-

tion, vu qu'il n'existe pas dans les membranes des vaisseaux de fibres mus-

culaires dont l'action produirait leurdistention. Evidemment, la seule ma-

DERMOGRAPHISME ROUGE ET BLANC 199

nière d'expliquer le phénomène est d'admettre la parésie des nerfs qui

produisent la constriction. Nous ignorons où. se produit cette action para-

lysante : il la périphérie ou dans les centres.Mai s nous savons qu'un centre

vasomoteur, dont le siège est dans la moelle allongée, existe ; que ce cen-

tre, comme le prouvent les expériences, est extrêmement sensible ; que

les irritations de ce centre sont suivies de retrécissement et non de la di-

latation des vaisseaux (1).

Le centre vasomoteur appartient à la vie végétale ; son action sur les

muscles est purement réflexe et présente la forme la .plus classique du

réflexe; là est son rôle biologique, l'abolition de son influence est suivie de

la dilatation des vaisseaux. La question se pose d'elle-même : ne serait-il

pas permis d'expliquer la dilatation des vaisseaux, qui est produite par

l'irritation locale comme le résultat de l'activité de ce centre vasomoteur,

c'est-à-dire d'admettre que les irritations locales (extérieures) de faible in-

tensité augmentent sa tonicité et partant la contraction des vaisseaux

sanguins tandis que les irritations fortes produisent l'effet contraire ?

Les faits analogues il celui-ci sont d'ailleurs connus des physiologistes.

Ainsi : la pression faible sur la patte de derrière de la grenouille amène

l'augmentation notable du réflexe de préhension, la pression forte, au

contraire, produit son abolition.

Revenons à notre observation. Le malade que nous étudions présente

le phénomène de dermographisme sous ses deux aspects ou formes : rouge

et hlanc. Nicolsky en opposant ces deux formes trouve qu'elles sont le ré-

sultat de deux actions vasomotrices contraires l'une l'autre; dans l'un des

cas les dilatateurs des vaisseaux sont en état de très forte excitation, dans

l'autre, au contraire, ce sont les constricteurs. Donc les deux centres, si

on en admet l'existence, sont dans le même état (Il serait peut-être oppor-

tun pour certains cas, d'admettre la parésie d'un genre de nerfs accompa-

gnant l'excitation de leurs antagonistes). Cette explication du phénomène

de dermographisme est admissible chaque fois que l'on observe un seul

genre. Avec le blanc on admettrait l'irritation des centres de la constriction,

avec le rouge, celle de la dilatation. Mais où la chercher en présence d'un

sujet qui présente le dermographisme sous ces deux formes et chez lequel

on peut faire apparaître à volonté l'un ou f'autre ? A l'excitation de quels

nerfs penserons-nous ? : ' haut-it admettre : Il que les deux centres de la

dilatation et de la constriction se trouvent dans un état d'excitation, mais

que l'action de l'un commence à la suite d'une irritation peu intense, tan-

disque l'action de l'autre n'entre en jeu qu'après une très forte ; 2° un seul

centre est en état d'irritabilité, mais qui répond à l'irritation extérieure

de deux manières différentes selon l'intensité de l'irritation ?

(1) Patrizi, Re/lexz vasculosi. Riv. di. freniatr., 1897.

200 ROUDNEW

Encore plus de difficulté présente le cas dans lequel une forme de der-

mographisme fait place à l'autre où nous observons tantôt le rouge, tantôt

le blanc et où le dernier finit par prédominer. Dans le cas observé par le

Professeur Nicolshy, par exemple,,le dermographisme blanc a fait place

au dermographisme rouge et sous l'influence de bains sulfureux est rede-

venu blanc.

C'est dans le but d'éclaircir tout ce qu'il y a d'obscur dans ces questions

de physiologie d'un si grand intérêt que j'ai entrepris l'examen et l'étude

de 87 aliénés dont la plupart étaient atteints de paralysie progressive. Mes

observations m'ont conduit à des conclusions que je vais exposer :

I 1° Il existe une catégorie de malades chez lesquels on peut provoquer

alternativement l'apparition de raies tantôt blanches tantôt rouges selon

l'intensité de l'irritation déterminatrice.

2° L'irritation faible provoque le dermographisme blanc,et si par mégar-

( de l'on appuie plus forlemenlle rouge apparaît.

Il n'est pas aisé, faute d'instruments et d'appareils, de déterminer le

degré de l'irritation nécessaire pour la provocation de ce phénomène, les

dispositions individuelles du malade jouent d'ailleurs aussi leur rôle.

Tout ceci nous explique ce fait, que l'irritation faible amène la contrac-

tion, l'irritation forte a pour effet le phénomène contraire.

3* Le dermographisme blanc est plus rare que le rouge.

4° Le dermographisme biancne se transforme pasordinai rement en rouge.

5° Le dermographisme rouge n'est provoqué que par une irritation rela-

tivement intense.

6° Le dermographisme rouge est quelquefois accompagné de dermogrn-

phisme blanc.

7° Plus les raies rouges sont intenses, plus les raies blanches sont ac-

cusées.

8° Le dermographisme rouge se change quelquefois en dermographisme

blanc. .

9° Les malades chez lesquels on peut provoquer l'apparition des deux

dermographismes sont sujets aussi aux troubles vaso-moteurs, tels que

l'état cyanotique des mains et des pieds, la teinte marbrée de la peau, et

quelquefois une abondante sécrétion de sueur.

Mais comment s'expliquer tous ces phénomènes ?

Détermann (1), qui a bien étudié les névroses des vaisseaux sanguins,

avoue qu'il ne peut comprendre les désordres d'origine nerveuse des vais-

seaux sans admettre un désordre dans les centres qui régissent le système

vasculaire et dont le siège est dans la moelle allongée. Si nous admettons

(1) Detehmaxn, Les neuroses du cceur, 1895. '

DERMOGRAPHISME ROUGE ET BLANC 201

que dans tous les cas de dermographisme ce centre se trouve en désoldre,

tous les phénomènes dont il s'agit dans cette étude se laissent expliquer

d'une manière plausible par le degré plus ou moins grand de ce désordre

notamment :

a) Le dermographisme blanc, quand il survient seul, indique l'irritation

du centre vasomoteur (spasme) ;

b) Le dermographisme rouge seul, indique la fatigue de ce même centre

(parésie) ; -

c) Le blanc et le rouge, quand ils apparaissent simultanément ou bien

sont immédiatement remplacés l'un parl'autre,fontpenserà à la neurasthé-

nie de ce centre

Toutes ces observations ont été faites en 1902 ( ! ). Les auteurs (2) qui

ont écrit ultérieurement sur ce sujet, paraissent ignorer la coexistence des

deux dermographismes et la possibilité de les provoquer chez le même

sujet.

(t) RouDNew, Le dermographisme rouge et blanc chez les aliénés, 1902. Rapport medi-

cal. Odessa.

(2) Ntcotesy·, Obosren psychiatr. russe, 1906-45; SinocuawsAV, ibis., 1906-529;

1901-469.

Cet intéressant travail avait été adressé à la Nouvelle Iconographie de la

Salpêtrière quelques jours avant la mort prématurée de son auteur. La Nouvelle Ico-

urographie de la Salpêtrière s'associe aux douloureux regrets causés par la perte

du neurologiste érudit et distingué qu'était Johanny Roux.

DE L'HYSTÉRIE TRAUMATIQUE

- PAR -

Johanny ROUX (de St-Etienne) '

§ 1 . - Nature et pat/wqéllie de l'hystérie.

Pour bien comprendre, et enfermer dans les limites qui leur convien-

nent, les manifestations de cette maladie, il faut d'abord avoir une concep-

tion nette de l'hystérie, telle qu'elle se dégage des travaux récents.

C'est Babinski surtout qui a contribué à démembrer l'hystérie tradition-

nette, suivant son expression. Depuis 1901, dans une série de travaux, et

surtout au Congrès de Genève (1907) et à la Société de Neurologie (1908),

il a eu le mérite d'établir définitivement : 1° que les prétendus stigmates

n'avaient aucune espèce d'importance, attendu qu'ils étaient le résultat

de la suggestion produite par l'examen, comme l'avaient déjà dit Bernheim

et Schultze (de Bonn) (1) ; 2" qu'il fallait délibérément rattachera la su-

percherie consciente et plus ou moins volontaire les oedèmes, les troubles

trophiques, la fièvre que l'on croyait autrefois pouvoir être produits par

l'hystérie ; 3° que cette maladie était également incapable de produire des

troubles viscéraux tels que hémoptysies, hématémèses, hématuries, anu-

rie... Comme d'autre part il a montré que très souvent on a pris pour

des accidents hystériques, soit des lésions organiques indubitables, soit

d'autres états névropathiques, l'hystérie s'est trouvée réduite, comme nous

l'avons dit, à part la crise, à quelques paralysies, quelques contractures,

certains mouvements anormaux, quelques troubles de la sensibilité.

Ce démembrement de l'hystérie n'a pas été l'oeuvre d'un seul homme,

mais de toute une époque, à partir de la mort de Charcot. Il faut laisser à Ba-

binski le très grand mérite d'avoir précisé les notions ci-dessus, et opiniâ-

trement lutté pour les faire triompher. A la dernière discussion de la So-

ciété de Neurologie, admises à la trcs grande majorité, elles ont soulevé

quelques doutes, mais pas de contradictions sérieusement motivées. Nous

les admettons sans réserves; il y a d'ailleurs dix ans que nous avions

cessé de rechercher les stigmates de l'hystérie ; quant aux oedèmes, trou-

(1) Schultze (de Bonn), Congrès des neurologistes allemands, Bade, 1891.

DE L'HYSTÉRIE TRAUMATIQUE 20a

hies trophiques, troubles organiques... il ne nous avait jamais été donné

d'en attribuera l'hystérie.

Babinski a été moins heureux quand il s'est agi de faire accepter sa

définition des accidents hystériques. Il ne considère comme tels, que

ceux dont la suggestion est susceptible de provoquer l'apparition et la

disparition et qui sont curables par la persuasion. Il les appelle des

accidents pithiatiques de 7WO", persuasion et cz7c guérissable. L'hystérie est

dès lors un étal qui rend les sujets qui en sont atteints, capables de

s'auto-suggestionner.

Cette définition a le tort de définir une chose par une autre chose guère

mieux définie. Ils est aussi difficile de délimiter la suggestion que l'hys-

térie. Aussi Babinski 1-t-il trouvé sur ce point des oppositions irréduc-

tibles.

Il lui aurait été facile de présenter ses idées sous une forme plus aisé-

ment acceptable.

« On trouve,sans cesse la simulation dans l'histoire de l'hystérie» (1).

dit-il. A une interrogation de Brissaud, il répond : « Pour moi, il n'existe

aucun critérium permettant de distinguer les phénomènes suggérés des phé-

nomènes simulés. Ce ne sont que des considérations d'ordre moral qui

peuvent porter le médecin à écarter l'hypothèse de simulation » (2).

S'il y a identité objective entre les phénomènes suggérés et les phéno-

mènes simulés, comme il est heaucoup plus facile de s'entendre sur le

domaine de ces derniers, ne vaudrait-il pas mieux définir l'hystérie par

la simulation plutôt que par la suggestion et dire : ne devront être admis

comme accidents hystériques que ceux sitsceptibles d'être reproduits par

la simulation.

Il y a là plus qu'une question de mot et de comparaison.

Tous les auteurs ont fait ressortir le rôle considérable de la simulation

dans l'hystérie. On peut aller plus loin et dire : l'hystérie tout entière

n'est que simulation.

Le blessé qui cupidement, sournoisement, tout à fait consciemment et

volontairement, simule des malaises pour obtenir une indemnité, celui-) : '),

évidemment, n'est pas un hystérique.

Le pathomime dont Dieulafoy a présenté l'observation à l'Académie de

médecine était bien un hystérique. Il avait poussé, jusqu'à se faire ampu-

ter le bras, une simulation consistant à faire passer pour des troubles tro-

phiques des ulcérations dues à l'application de potasse caustique. La si-

mutation est ici tout à fait désintéressée, pleinement consciente, en partie

volontaire, en partie impulsive. Il faut ranger dans la même catégorie le

(1) l3amnssr, Démembrement de l'hystérie traditionnelle, Semaine Médicale, 1909.

(2) Revue Neurologique, 1908, p. 391.

204

ROUX

malade de Balzer qui se cautérisait au fer rouge, la jeune fille citée par

Brissaud qui s'enfonçait des aiguilles so s la peau, toute la série de mala-

des ayant, par des moyens variés, simulé de la fièvre, des hémoptysies, des

hématuries, des anuries, de l'anorexie Tous étaientdes hystériques.

il n'y aura personne pour le nier.

Chez l'hystérique qui, à la suite d'un coup insignifiant sur la main,

présente une paralysie de l'avant-bras, la simulation est aussi certaine. A

quel point consciente et volontaire ? Personne ne saurait le dire, pas même

la malade, car en vérité elle ne sait pas jusqu'à quel point elle est sincère.

Dans les anesthésies, il en est de même, simulation en partie consciente et

volontaire, en partie inconsciente et impulsive. Dans les contractures, sur-

tout lorsque elles sont extrêmes au point d'enfoncer les ongles dans la

peau, et tenaces au point d'amener des rétractions fibro-tendineuses, la

simulation est à fait inconsciente et involontaire.

Nous insistons là-dessus : entre cette simulation qui- est évidemment

inconsciente et involontaire et celle qui, tout fait consciente, est presque

entièrement volontaire, il y a tous les degrés, tous les intermédiaires. Donc

aucune raison de ne pas admettre identité de nature, car nous savons bien,

c'est là une notion psychologique classique, que le même acte peut être

tour à tour volontaire et conscient, puis involontaire, automatique ,mais

encore conscient, enfin complètement automatique et inconscient

Nous avions donc raison de dire : toute l'hystérie n'est que simulation.

Cette conception, si elle n'est pas tout à fait celle de Babinski est directe-

ment inspirée de ses travaux.

En dehors de ce caractère tout subjectif et impossible à contrôler, d'être

plus ou moins inconsciente et involontaire, la simulation hystérique offre

quelques particularités, qui la distinguent de la dissimulation vulgaire,

cupide.

L'hystérique simule sans but, pour rien, pour le plaisir de simuler,

très souvent même à l'encontre de ses intérêts. Ce désintéressement abso-

lu'n'apparait pas dans les accidents du travail, et toutes les fois qu'une

indemnité pécuniaire est en question. Il est trop naturel, en vérité, qu'un

blessé cherche à tirer parti souvent en y ajoutant de son crû, presque

toujours en l'exagérant, d'un trouble, dont évidemment il méconnaît la

nature. Cependant malgré cela, les hystériques apparaissent dans leurs

revendications moins âpres, plus indifférents à l'issue de leurs procès que

la plupart des autres blessés.

Ce qui est surtout remarquable, c'est la perfection et la ténacité avec

lesquelles les hystériques simulent, d'ailleurs sans effort. Il n'est pas aussi

facile qu'on le croit de simuler une maladie. Pour une simple monoplégie;

l'accident le plus facile à imiter, il faut déjà une surveillance de tous les

DE L HYSTERIE TRAUMAT1QUE

205

instants, dont peu sont capables. Dans les anesthésies, lorsqu'il s'agit de

supporter, avec un visage impassible et serein, les piqûres, les pincements

les torsions des membres, tout ce que l'expert imagine de plus doulou-

reux compatible avec l'intégrité corporelle, il y faut vraiment de l'héroïs-

me. Enfin la contracture qui enfonce les ongles dans la peau, dont la

ténacité est attestée par l'accumulation dans la paume de la main de

toutes les sécrétions cutanées, par la production, à la longue, de rétractions

fihro-tendineuses, cette contracture paraît impossible à celui qui ne pré-

sente pas une prédisposition spéciale. Et cependant, pour'chacun de ces

exemples, on possède des cas de simulation avérée, avouée et souvent

cupide. En réalité cependant, la simulation n'atteint un tel degré de per-

fection et de ténacité que chez les hystériques et il ne faut pas hésitera à

qualifier comme tels même ceux qui avouent avoir agi consciemment,

volontairement, cupidement. Le pathomime de Dieulafoy ne serait-il pas

encore un hystérique, même si la simulation avait pu lui rapporter une

petite rente ?

La simulation tout entière est-elle donc de l'hystérie ? Non assuré-

ment, il reste d'abord la simulation naive, grossière, intermittente elcliaii-

geante, plus ou moins facile à mettre en défaut. Et puis, en disant que

chez les hystériques seuls, la simulation atteint un merveilleux degré de

perfection et de ténacité, cela ne veut pas dire que nous fassions toujours

de la maladie simulée un accident hystérique. Autant que les autres, les

hystériques sont capables de calculs intéressés, alors ils- simulent et ils

simulent mieux que les autres, mais le résultat de leur simulation n'est

pas un accident hystérique. .

Il y a donc une faculté spéciale, qui est celle de simuler et nous ton-

chons ici au problème de la nature de l'hystérie, que Babinski n'a pas osé

aborder. En cette faculté tient toute la prédisposition héréditaire, congé-

nitale, admise de tout le monde. Faculté n'est pas assez dire, car il y a

toujours un besoin parallèle, un véritable instinct de simulation, une ten-

dance générale à mentir, à tromper, à mystifier, à inventer des histoires

extravagantes, comme le font par exemple les mythomanes de Dupré, qui

sont bien des hystériques. Tous, mais inégalement, nous apportons cet

instinct en naissant. Chez les uns il est rudimenlaire, contrebalancé par

l'instinct contraire de franchise et de droiture ; quelle que soit l'éduca-

tion, il ne se développe pas. Plus accentué chez d'autres, il ne demande

pour se manifester qu'une certaine éducation, un certain milieu, que nous

verrons. Chez d'autres enfin, dominateur et il il apparaît quels

que soient l'éducation et le milieu, et régente toute l'existence. Personne

ne niera l'existence de ces trois catégories : il est des personnes qui ne

peuvent pas devenir hystériques ; il en est qui le deviennent dans certai-

206 roux

nes circonstances ; il en est enfin qui le sont toute leur vie, en toutes

circonstances.

En ce qui concerne l'influence sur le développement de l'hystérie, de

l'éducation, du milieu, des circonstances, il faut noter un fait extrême-

ment intéressant. Nous pouvons voir apparaître cette tendance chez l'en-

fant et l'adolescent comprimés dans leur famille, chez la femme en puis-

sance de mari, la maîtresse en dépendance d'amant; elle est fréquente

chez les domestiques, dans les pensionnats, dans les maisons de correction

les pénitenciers, les prisons. Ellefleuril avec une exubérance inaccoutumée

dans les orphelinats, où trop souvent l'hypocrisie estérigéeen vertu. Je ne

l'ai jamais vue chez un homme libre, maître de ses destinées. Je ne l'ai i

jamais vue chez ces femmes, que les circonstances ont placées à la tète d'un

commerce ou d'une industrie,ou qui ont su simplement se créer une exis-

tence indépendante, qui se sont affranchies des compressions sociales et

aussi des préjugés. La mentalité hystérique est une mentalité de dépen-

dance, de servage.

Essayons de déterminer comment elle se développe, dans l'individu

d'abord, dans la race ensuite.

Il y a plusieurs façons de se comporter, dans l'état de dépendance et de

servage. Il y a d'abord ceux qui acceptent et se résignent ; ils ne nous

intéressent pas. Il y a ceux qui cherchent à en sortir par la culture de soi,

le travail, de justes revendications, parfois la révolte et la violence. Il y a *

enfin ceux qui s'adaptent et veulent de cet état tirer le meilleur profit,

par la ruse sournoise, le mensonge, la simulation, tout cela bien entendu,

instinctivement, plus ou moins inconsciemment, sans l'avoir raisonné.

Pour peu que l'hérédité ait mis en eux la faculté de simuler, ils feront

sûrement des hystériques. Enfants, ils mentiront, pleureront, accuseront

des souffrances imaginaires pour se faire gâter, Adolescents, ils dissimu-

leront leurs sentiments réels, feront parade de ceux qu'ils n'ont pas, se

livreront à des démonstrations affectueuses à tort et à travers, imiteront

dans leur entourage tout ce qu'ils croiront de nature à les rendre sympa-

thiques ou intéressants. A cela, comme à un sport, en dehors même des

avantages qu'ils peuvent en attendre, ils prendront goût. Comme d'ailleurs,

ilsontacquis peuà peu une virtuosité spéciale, ils se comportent ainsi, tout

naturellement, sans effort ; ils connaissent alors le plaisir de tromper, de

mystifier, et partant de se croire supérieurs à ceux qu'ils trompent et mys-

tifient. Enfin la répétition amène ses effets habituels ; ils s'identifient tel-

lement il leur rôle qu'ils ne savent plus qu'ils en jouent un. L'hystérie

est dès lors définitivement constituée. L'éclosion en est plus ou moins ra-

pide, suivant le degré de la prédisposition. Il n'y a là d'ailleurs rien de

spécial, c'est l'évolution ]¡¡¡biLu.elle de tous les mécanismes psychologiques;

t)E L'HYSTÉRIE TRAUMATIQUE 207

manière d'agir d'abord volontaire et calculée, puis automatique et encore

consciente, enfin automatique et inconsciente. Bien de bien spécial non

plus au point de vue de l'hérédité : tantôt on hérite du mécanisme com-

plet, d'emblée parfait, tel le mécanisme de la marche chez le poussin ;

c'est alors l'hystérique de notre dernière catégorie, celui qu'on pourrait

appeler l'hystérique-né. Tantôt on hérite d'un mécanisme incomplet qui

a besoin d'être perfectionné, tel le mécanisme de la marche chez l'homme.

Est-il besoin de faire remarquer que l'hystérie ainsi comprise n'est pas

une maladie ? - C'est une faculté spéciale, une manière d'agir résultant

d'une certaine structure des centres, un type particulier d'humanité.

L'hystérique n'est pas plus un malade qu'Inaudi le calculateur prodige,

que tels génies musicaux invraisemblablement précoces, que ce juif au nez

crochu, que ce Mongol aux pommettes saillantes De tous ceux-là l'hys-

térique ne diffère que parce que ses manifestations sont actuellement anti-

sociales et nocives. Je souligne actuellement, nous allons voir pourquoi.

L'hsytérie n'étant plus une maladie, mais une propriété vitale, soit

simple tendance, soit véritable instinct, le problème de son origine n'ap-

partientplus à la pathologie, mais à l'histoire naturelle.

Dans 'ce problème extrêmement obscur il y a d'abord trois points que

nous pouvons solidement établir, puisqu'ils ne sont que l'application des

lois incontestées de l'évolution.

L'instinct de simulation n'a pu apparaître : 1° qu'avec une extrême

lenteur ; 2° en des temps très reculés ; 3° parce qu'il présentait alors une

certaine utilité.

Il n'a pu apparaître qu'avec une extrême lenteur, car l'exercice de tout

instinct, même incomplet, embryonnaire, suppose un mécanisme nerveux,

des connexions, certaines associations de neurones. Or, si parfois on peut

voir apparaître des variations brusques de forme ou d'ornement (muta-'

tions de de Vries),les variations de mécanismes ne peuvent que lentement

s'acquérir, par perfectionnement progressif : adaptation (variations La-

marckiennes), et sélection (Darwin),

Il n'a pu apparaître qu'en des temps très reculés, car nous savons que

les instincts ne sont que des habitudes de l'espèce. Chaque individu les

perfectionne, les rend plus automatiques, plus inconscientes. Lorsqu'un

instinct est devenu automatique et inconscient, on peut affirmer que ses

origines sont extrêmement reculées.

Dans sa période d'apparition, l'instinct de simulation a dû présenter

une certaine utilité dans la lutte pour l'existence ; sans cela, la sélection

ne lui aurait pas permis de se développer.

208 ROUX

Je n'insiste pas. Tout cela n'est que l'application de lois bien démon-

trées ; pas plus que pour les autres instincts, on ne peut les récuser pour

celui de simulation, si l'on admet qu'il existe.

Se rattachant aux faits bien connus de mimétisme, dérivé de l'instinct

d'imitation, plus général, plus ancien encore, puisqu'il existe chez nos

ancêtres pré-humains, et, avec celui de solidarité a présidé à la formation

des premières sociétés, l'instinct de simulation a dû apparaître, dans des

circonstances analogues à celles qui le voient actuellement se développer,

chez les peuples serfs ou esclaves, alors que le maître tout puissant dis-

posait de la vie et de la mort, etqu'il fallait, par la ruse sournoise, échap-

per à sa colère ou se concilier ses faveurs (1).

Si l'hystérie, pourrait-on objecter, n'est pas autre chose qu'une ten-

dance, .un instinct, un caractère acquis par adaptation et sélection et fixé

par l'hérédité, pourquoi ne se transmet-elle pas sûrement ? Pourquoi les

enfants d'hystériques ne sont-ils pas toujours hystériques ? Il n'y a pas là

de difficulté sérieuse. Toute propriété vitale demande pour se manifester

un certain milieu ; si le milieu n'existe pas, la propriété reste latente.

Qu'on nous permette un exemple tiré du règne végétal.

La Renouée amphibie (Polygonum amphibillm) est une plante qui s'est

successivement adaptée pour la vie aquatique et la vie terrestre. Lors-

qu'elle vit dans l'eau, les liges étalées à la surface de l'eau ou submergées

ont des feuilles ovales ou oblongues, glabres et longuement pétiolées. Les

plantes terrestres sont dressées, presque dépourvues de ramifications,

plus ou moins poilues sur toute leur surface ; leurs feuilles sont lancéolées,

à courts pétioles et souvent même presque sessiles (2). Le changement

de milieu provoque l'apparition brusque des caractères correspondants,

même après de nombreuses générations.

C'est ainsi' que la mentalité hystérique peut rester latente pendant de

nombreuses générations, et réapparaître soudain, lorsque s'y prêtent les

circonstances, le milieu, surtout l'éducation.

Dans cette histoire naturelle de l'hystérie, il n'y a évidemment qu'une

hypothèse impossible à vérifier, mais qui, par une construction logique

satisfaisant l'esprit, apporte néanmoins son appui à la conception de l'hys-

térie, simple manifestation de l'instinct de simulation.

(1) Il serait intéressant de rechercher, si la mentalité hystérique a réellement été

plus fréquente, chez les peuples serfs ou esclaves assez proches de nous, pour que ces

recherches puissent aboutir ; par exemple, chez les serfs du moyen-âge, et les nègres

de l'Amérique du Nord.

(2) De Varies (Ilu"o), Espèces et variétés. Traduction de Blaringhem, chez Alcan.

I>E L'HYSTÉRIE TRAUMATIQUE 20H

§ 2. Diagnostic des accidents de l'hystéro-traumalisme.

Ce préambule un peu long n'était pas inutile ; il nous permettra de pré-

ciser en quelques lignes ce que l'on peut observer en matière d'hystérie

traumatique.

Tout d'abord le traumatisme ne crée pas l'hystérie ; il est l'occasion

qui fait apparaître une manifestation. Je crois que tout le monde est d'ac-

core à ce sujet, - '

L'hystérie traumatique, en ceci il faut admettre la doctrine de Charcot,

ne se distingue en rien de l'hystérie d'autre origine, Cela est évident puis-

que le traumatisme n'est que la', cause occasionnelle d'une ou plusieurs

manifestations.

On pourra donc observer à la suite des traumatismes : des crises, des

paralysies, des contractures, certains mouvements anormaux, des anes-

thésies, des hyperesthésies, peut-être des troubles psychiques.

1° Les crises. Les crises, assez rares d'ailleurs, apparaissant presque

uniquement après les accidents ayant occasionné une émotion vive, sont

essentiellement protéiformes. A moins que le blessé n'ait eu dans son en-

tourage, ou à l'hôpital un cas à imiter, il imagine sa crise : ce ne sont alors

que contorsions, grimaces, mouvements désordonnés, tremblements con-

vulsifs, soubresauts, donnant immédiatement l'impression que le sujet se

moque de son entourage. Simulation ? cela est certain. Mais consciente

et volontaire ou bien inconsciente et involontaire ? ? voilà le point délicat

à fixer. Plus tard, le malade perfectionne sa technique, stéréotype ses ma-

nifestations, et le problème devient encore plus difficile. Un hystérique

qui a été à même de voir une crise d'épilepsie, l'imite souvent avec une

grande perfection. Cependant dans cette imitation il y a presque toujours

des nuances : la chute est moins brutale, les phases cloniques et toniques

moins nettes, les mouvements plus désordonnés, comme si le malade voit-

lait trop bien faire. En tout cas, il y a une manifestation (à la vérité in-

constante et pas toujours facile à constater dans l'épilepsie vraie), que

l'hystérie ne peut imiter, c'est la mydriase a la fin de la crise.

2° Les paralysies. Les paralysies hystériques, monoplégies, hémiplé-

gies, paraplégies, soit absolues, soit incomplètes, sont avec les contrac-

tures et les algies, les accidents le plus fréquemment observés à la suite

des traumatismes. Le cadre de cet ouvrage ne me permet ni de les décrire

ni même d'exposer leur diagnostic différentiel d'une façon complète. le

voudrais seulement donner au praticien le fil directeur qui lui permettra

- \\ni . li

210 U ROUX

de se reconnaître parmi les innombrables signes qui ont été donnés. Il

suffit de se souvenir de ceci : une paralysie hystérique n'est pas autre chose

qu'une paralysie simulée, simulée inconsciemment. je veux bien,mais simulée.

Pour éliminer l'hypothèse d'hystérie, il faudra donc tout simplement

s'attacher à dépister quelque signe, que volonté, parlant.la simulation,

soit impuissante à reproduire.

l°La volonté est impuissante à diminuer le tonus : dans la paralysie hys-

térique, le tonus n'est jamais diminué. Si parfois il y abaissement de la

commissure des lèvres, c'est par contraction des muscles abaisseurs de ce

côté, ou élévateurs de l'autre (Babinski). Il n'y a jamais dans l'hystérie

d'effacement des plis du front (Babinski), jamais de flaccidité permettant

aux segments de membre des excursions exagérées les,uns sur les autres,

jamais d'abaissement des plis cutanés....

2° La volonté est impuissante à produire des troubles trophiques ou

vaso-moteurs : Dans la paralysie hystérique : ni atrophie, si ce n'est celle

résultant de l'inactivité prolongée ; ni oedème, si ce n'est le léger gonfle-

ment de la main avec un peu de cyanose et de refroidissement résultant

de la situation pendante avec inactivité ; ni modification des réactions élec-

triques ; ni aucun trouble de la nutrition des tissus.

3° La volonté est impuissante à modifier les réflexes tendineux : ils res-

tent normaux dans la paralysie hystérique. A ce sujet cependant il faut

s'expliquer.Non seulement dans l'hystérie, mais aussi dans la neurasthénie

et chez un grand nombre de névropathes, il est très fréquent d'observer

des réflexes rotuliens qui semblent exagérés : lorsqu'on percute le tendon

'rotulien, la jambe est vivement projetée,mais au lieu de retomber immédia-

tement, elle est soulevée par plusieurs secousses successives, en même

temps que se produisent d'autres contractions musculaires qui fléchissent

la cuisse, et parfois agitent tout le membre d'un tremblement convulsif.

Tout se passe comme si le malade voulait simuler une exagératian dllré-

flexe, C'est là ce que Babinski a décrit sous le nom de réflexe tendineux

illégitime. Nous-mêmes l'avons signalé en plusieurs publications. Il est

très caractéristique d'un état névropathique, sans autre épithète.

Le réflexe achilléen, plus sûr, n'est jamais modifié dans l'hystérie-

Pour la trépidation épileptoïde dupied et de la rotule, il en est comme

du réflexe rotulien : il y a là vraie qui est symptomatique d'une lésion

du faisceau pyramidal, et la fausse qui s'observe dans un grand nombre

d'états névropathiques, en particulier dans l'hystérie. La première sepro-

duit lorsque le malade relâche ses muscles, elle est absolument régulière

comme rythme et amplitude des secousses ; la seconde apparaît à condi-

tion que le malade oppose une résistance (Babinski) à la main qui soulève

le pied, elle est très irrégulière, et souvent se généralise a tout le membre,

DE L'1115'rliRLB 'rLiAU11.1T1QUU 2ll I

parfois à tout le corps. Cette distinction habituellement facile à faire, de-

vient parfois extrêmement difficile, lorsque le malade s'y est longue-

ment exercé ; il faut alors avoir recours à des tracés pour déceler les irré-

gularités des secousses.

4' La volonté est impuissante à modifier le réflexe crémastérien ; il

persiste dans l'hystérie. Il est vrai que sa variabilité à l'état normal, ne

permet guère d'en tirer des conclusions. Il en est de même du réllexe ab-

dominaI.

5° La volonté est impuissante à réaliser des paralysies dissociées : il n'y

a dans l'hystérie que des paralysies de membres, de segments de membres

ou de groupes musculaires fonctionnellement associés. On ne voit jamais

par exemple, de paralysies hystériques comprenant exactement et unique-

ment le territoire d'un nerf périphérique ou d'une racine. Il n'y a jamais

de paralysies oculaires.

6° Pour simuler une parésie, faire en sorte qu'en paraissant donner l'

tout son effort, en faisant durcir le muscle parésié, celui-ci ne donne ce-

pendant qu'une contraction sans force, la volonté dispose d'un moyen : le

neutraliser par la contraction des antagonistes ; l'hystérique l'emploie par-

fois. Soit par exemple une parésie du membre inférieur : placez celui-ci

en demi-flexion, ordonnez au malade de l'étendre en vous opposant à ce

mouvement; lorsque le malade paraîtra donner tout son effort, lâchez

brusquement; sur un sujet normal ou atteint de paralysie organique, le

membre s'étendrait aussitôt ; vous le verrez au contraire rester un moment

immobile car les antagonistes étaient contractés (signe de Hosslin) (1).

7° La volonté ne sait pas commander aux mouvements associés, parce

qu'elle les ignore : dans l'hystérie, ces mouvements persistent dans des

muscles soi-disant paralysés. Un grand nombre de signes sont basés là-

dessus.

Dans la soi-disant paralysie faciale hystérique, il y a bien asymétrie

des traits, moitié relâchement d'un côté, moitié contraction de l'autre :

ordonnez au malade de regarder le plafond, le front se plissera symétri-

quement.

Ordonnez à quelqu'un de fléchir la tête avec force, en vous opposant à

ce mouvement par une main sous le menton ; vous verrez, s'il s'agit d'une

paralysie organique, le peaucier du cou dessiner des cordes sous la peau,

seulement ou tout au moins d'une façon prédominante du côté sain. Les

cordes seront égales des deux côtés chez un sujet sain ou un hystérique

qui ignore ce point de physiologie. S'il le connaissait, rien ne lui serait

plus facile que de contracter inégalement ses deux peauciers (signe du

peaucier de Babinski).

(1) I\, Von IIOSSLIN, Munch. med. TT'och., il mars 1899.

212 5 ROUX

Lorsque, étendu sur le dos, les bras croisés sur la poitrine, on essaye

de s'asseoir, le tronc est soulevé à la fois par les muscles abdominaux et

par les psoas. Mais ces derniers prenant leur point d'appui sur les fémurs,

il est nécessaire que ceux-ci soient préalablement immobilisés, en particu-

lier par les extenseurs du bassin fléchisseurs de la jambe. Si ces muscles

sont paralysés, lorsque le sujet essaye de s'asseoir, on voit tout le membre

inférieur se soulever au-dessus du lit, sous l'action du psoas qui n'est plus

contrebalancé-(signe de Babinski de la-flexion combinée de la cuisse et

du tronc). L'hystérique ignorant ce point de physiologie musculaire se

comporte dans cette épreuve comme un sujet non paralysé.

Lorsque, étendu sur le dos, nous soulevons un membre inférieur au

dessus du plan du lit, nous devons, pour offrir un point d'appui solide

aux muscles fléchisseurs de la cuisse, immobiliser le bassin. Cette immo-

bilisation se fait en particulier par la contraction des extenseurs du bassin

de l'autre côté (Grasset,Gaussel). Pendant que vous faites faire ce mouve-

ment à un sujet normal, placez votre main sous le talon du membre qui i

doit rester immobile, vous sentirez qu'il appuie plus fort, lorsque se

soulève l'autre. Il en sera de même chez l'hystérique, qui ignore ces points

de physiologie ; sans s'en douter, il contractera des muscles soi-disant

paralysés. Dans la paralysie organique au contraire, le membre reste

inerte et n'appuie pas davantage sur la main de l'observateur.

On pourrait multiplier ces expériences : elles reviennent toutes, à mon-

trer que des muscles paralysés en apparence, se contractent très bien, dans

les mouvements associés, ignorés du malade. Celui-ci se comporte absolu-

ment comme un simulateur, ce qui n'a rien d'étonnant puisqu'il en est un.

8° Il est enfin un signe, dont nous n'indiquerons pas la physiologie patho-

logique, parce qu'elle est très complexe. Lorsque dans la recherche du

réflexe plantaire, il y a extension du gros orteil, il s'agit presque toujours

d'une lésion organique (signe du gros orteil de Babinski). Malheureuse-

ment il. est trop fréquentque le réflexe so i t i IIdi IT éren t, c'est-à-d ire ne s'ac-

compagne d'aucun mouvement du gros orteil.

9" Signalons enfin que presque toujours à la paralysie se superpose une

anesthésie complète ayant les mêmes limites. Dans son raisonnement un

peu trop simpliste, l'hystérique s'imagine que les deux troubles doivent

aller de pair. ,

3° Les contractures . Il faut distinguer celles qui sont indolores et

celles qui s'accompagnent de douleurs et d'hyperesthésies.

Indolores, elles ne pourraient Cire confondues qu'avec les contractures

symptomatiques d'une lésion du Fy. Elles s'en distinguent facilement :

a) par le début brusque ; b) l'intensité d'emblée très grande ; c) la coexis-

. de l'hystérie TRAUMATIQUE 213

lence habituelle d'anestllésie ; dj l'absence de signes de lésion organi'que, et

le contraste qui existe entre celle absence et l'intensité ou la localisation

de la contracture, par exemple : une contracture du pied, sans modifica-

tion du réflexe rotulien ; une contracture des deux membres inférieurs

sans aucun trouble des sphincters ; une contracture du membre supérieur

avec intégrité complète du membre inférieur.

Lorsque les contractures s'accompagnent de douleurs, le diagnostic,

plus difficile,-se pose avec la contracture réflexe, secondaire à une lésion

nerveuse, soit névrite, soit irritation de voisinage; dans des tissus en-

flammés, est d'autant plus délicat que précisément les douleurs rendent

l'examen très difficile. Ces cas, décrits le plus souvent, sous le nom d'ar-

thralgies, sont connus depuis longtemps ; Brodie en 1837 avait déjà décrit

la coxalgie hystérique. Il est impossible de formulera leur égard des rè-

gles diagnostiques fixes. Par un examen méthodique complet de toute la

région et de chaque tissu, il faudra éliminer successivement toutes les

hypothèses de lésion organique possible. La diffusion de la douleur, im-

possible a localiser en aucun point précis, en aucun tissu ; l'hyperesthé-

sie de la peau elle-même ; l'absence de gonflement, de rougeur; la possi-

bilité de déterminer dans l'articulation douloureuse des mouvements, sans

que le sujet s'en doute, par exemple, en portant son attention sur le pied,

lorsqu'il s'agit de la hanche ; l'absence de douleurs dans les petits chocs

a distance 'retentissant cependant sur l'articulation, l'absence de modifi-

cation des réactions électriques... tout cela permettra de se rendre compte

que la douleur n'a pas de substratum organique.

Enfin toutes les fois que cela sera possible, il faudra rechercher si la

contracture disparaît dans le sommeil, soit naturel, soit anesthésique.

4° Les troubles de la sensibilité. En dehors de ces hyperesthésies ac-

compagnant ou non des contractures, il y a les anesthésies. Elles ont tenu

dans l'histoire de l'hystérie un rôle considérable.... Qu'on se souvienne

des considérations auxquelles elles donnaient lieu : aux divers examens, de-

vant les appareilsdes spécialistes, destinés à dépister la simulation,toujours

les hystériques affirmaient ne pas sentir, ne pas voir, ne pas entendre et

cependant se comportaient comme s'ils sentaient, voyaient, entendaient

parfaitement. Le cas de la vision binoculaire conservée dans l'amaurose

hystérique est bien typique à cet égard. Actuellement le problème est

moins compliqué : les hystériques se comportent comme des simulateurs

pour la bonne raison qu'ils le sont.

En matière d'accident du travail, la question est bien simple : il n'y

a pas à s'en occuper. Il n'y a pas à les rechercher puisque leur valeur,

comme stigmates, est nulle et qu'en les recherchant, on risque fort de le

214

ROUX

créer. Si toutefois le blessé, fort d'un certificat médical ayant fait son

éducation, les signale votre attention, après vous être assurés de leur

nature hystérique, vous déclarez qu'il vous est impossible de vous pro-

noncer sur leur existence, mais qu'en tous cas ils ne sont pas de nature

à produire une incapacité de travail, puisque leur caractère est précisé-

ment de n'apporter aucun trouble. En quelques années, ils auront disparu

de la symptomatologie.

Il faut, il est vrai, les distinguer tout d'abord des anesthésies organi-

ques : leur localisation ne répondant à aucun territoire déterminé, leur

intensité toujours beaucoup plus grande, l'absence de lésion pour les ex-

pliquer rendent ce diagnostic facile.

S" Les mouvements anormaux, - Ils sont extrêmement variables selon

ce que le malade trouve à imiter ou imagine. On peut cependant les ran-

ger en trois groupes : les tremblements, les myoclonies et les spasmes.

Il y a d'abord un tremblement spasmodique généralisé qui se voit sur-

tout pendant l'examen, chez un grand nombre de névropathes, et semble

être un stigmate d'émotivité. Il ne faut pas le prendre pour un tremble-

ment pathologique. Il se produit pendant l'examen, lorsqu'on fait étendre

les mains et alors se traduit surtout à la racine du membre par les mou-

vements transmis à la chemise, lorsqu'on recherche le réflexe rotulien

et alors prend ordinairement le rythme et la forme de la trépidation épi-

leploïde, Il se généralise souvent à tout le corps et alors ressemble tout

à fait au frisson de la fièvre. Il faut connaître cette manifestation de ner-

vosisme simple ou d'émotivité; nul doute qu'on ne l'ait prise souvent

pour un phénomène pathologique.

L'hystérique s'essaye parfois Ù imiter les tremblements pathologiques,

il y réussit fort mal, car cela est très difficile. Il est toujours facile de

déceler des irrégularités, des dissemblances, des exagérations surtout.

Parmi les signes distinctifs qui ont été donnés, trois (1) sont très bons :

les tremblements organiques s'exagèrent par la fatigue, les autres

s'atténuent ; pour les membres inférieurs, le tremblement disparaît lorsque

le sujet couché à plat ventre fléchit les' jambes à angle droit (signe de

Seeligmuller) ; dans le tremblement des membres supérieurs, occupez une

des mains à un travail quelconque qui demande de l'application : écrire,

tracer un dessin et, vous verrez l'autre main cesser de trembler (signe

deFuchs).

En fait de myoclonies, ce que l'on voit surtout ce sont des pseudo-.cho-

rées, constituées le plus souvent par des mouvements rythmiques, quel-

(t) Ils ont été donnés surtout pour la simulation volontaire, mais ils s'appliquent

aussi à l'hystérie.

DE l'hystérie TRAUMATIQUE 215

quefoispar des gesticulations étranges donnant immédiatement l'impres-

sion de la simulation. J'ai vu récemment deux de ces cas : devant la cons-

tance du phénomène, l'absence de tout indice de fraude consciente et

raisonnée, j'ai dû m'incliner. L'un d'eux' est entré à la Charité comme

incurable. Les mouvements rythmiques, ont chez la femme une prédilec-

tion pour la région du bassin et imitent d'une façon parfaite les mouve-

ments de physiologie passionnelle. Il est rare qu'une myoclonie vraie

puisse être imitée. Babinski' a pu obtenir cependant par la suggestion

l'imitation parfaite de la chorée de Sydenham.

Les spasmes fonctionnels peuvent être multiples, se localisant dans n'im-

porte quel muscle à l'occasion de n'importe quelle fonction. En voici un

exemple curieux que j'ai observé. A... débile mental et hypothyroïdien

en soulevant un fût le 17 août 1905, ressent une vive douleur au niveau

de la paroi abdominale. A partir de ce moment il n'a jamais pu travailler,

uniquement occupé à faire valoir ses droits, en de nombreux procès, allant

de médecins en médecins, avec toujours un diagnostic nouveau, beau type

de sinistrose en même temps que d'hystérie. Je le vis pour une expertise

au criminel touchant sa responsabilité ; il venait de tirer un coup de re-

volver sur le greffier de justice de paix l'accusant d'avoir mal fait J'enquête

pour son accident du travail. Il présentait entre autres le trouble suivant :

pendant la marche, la cuisse gauche était immobilisée en flexion sur le bas-

sin ; il en résultait une boiterie intense ressemblant à celle des anciens

coxalgiques ankylosés en flexion ; dès qu'il s'arrêtait, la cuisse se remettait

en posilion normale, en extension parfaite, sans inclinaison ni courbure

de compensation de la colonne. Donc par le seul examen de la marche et

de.la station debout on arrivait à cette constatation : immobilisation de

l'articulation de la hanche en flexion, se produisant seulement à l'occa-

sion de la marche. Le reste de l'examen confirmait l'hypothèse de spasme

en montrant l'intégrité parfaite de tous les tissus et des nerfs. Commeori-

gine du spasme voici ce que l'on trouvait : à droite de la ligne médiane,

dans la paroi abdominale, un peu au-dessous de l'ombilic, on trouvait un

petit lipome douloureux de la grosseur d'une noisette. Dans le reste du

corps on trouvait d'autres lipomes semblables ce qui, joint à quelques si-

gnes d'hypothyroïdisme, permettait de faire le diagnostic de maladie de

Dercum. Dans une contraction brusque de la paroi, ce lipome était devenu

douloureux, et cela avait été l'origine de toutes les suggestions et auto-

suggestions.

En un court chapitre il est évidemment impossible d'épuiser la sympto-

matologie de l'hystérie traumatique. Fût-ce d'ailleurs en un volume,

216 ROUX

qu'il en serait de même, car chaque hystérique réalise une s ! j1njJlomatolo-

gie qui lui est propre, au hasard de ce qui lui est suggéré ,de ce qu'il trouve

à imiter ou imagine. Ce qu'il importe d'avoir, c'est une idée directrice

pour l'examen, et une caractéristique générale des phénomènes permettant t

de les reconnaître, sous leur aspect protéi l'orme.

Même si elle est discutable au point de vue de la nature et de la patho-

génie de l'hystérie, notre théorie peut rendre des services, en fournissant

cette idée directrice et cette caractéristique générale. Il faut examiner

les malades avec celte idée préconçue que toute hystérie est simulation et

n'admettre comme accidents hystériques que ceux susceptibles d'être re-

produits par la volonté. Dans les quelques exemples de manifestations

hystériques que nous avons donnés, c'est à dessein que nous avons répété

cette phrase : le sujet se comporte comme un simulateur. Nous aurions pu a

multiplier ces exemples, nous aurions pu prendre les épreuves que l'on

a l'habitude de faire subir, lorsqu'on soupçonne la simulation cupide, et

montrer là encore que l'hystérique se comporte comme un simulateur (1).

Voici par exemple un blessé qui affirme ne rien voir d'un oeil ; l'examen

objectif ne révèle aucune lésion. Par une série d'expériences, soit avec

des verres colorés et des lettres de la couleur complémentaire, soit avec

des appareils stéréoscopiques, soit avec le diploscope, l'ophlalmologiste va

très facilement le mettre en contradiction avec lui-même, en montrant,

que l'ceil, prétendu amaurotique, voit parfaitement, lorsque le sujet, les

deux yeux ouverts, ignore ce qui doit être vu par l'oeil sain et ce qui de-

vrait ne pas être vu par l'oeil malade. C'est parfait pour éliminer l'hypo-

thèse d'une amblyopie organique. Mais l'amblyopie hystérique ? Il y a

quelques années, je dis il y a quelques années parce que actuellement les

ophtalmologistes semblent faire le silence sur ce cas embarrassant,onadmet-

tait généralement que la conservation de la vision binoculaire était préci-

sément la caractéristique de l'amblyopie hystérique.

Toute l'hystérie n'est que simulation, mais toute simulation n'est pas

de l'hystérie. Du simulateur plus ou moins inconscient et involontaire,

qui a droit à une indemnité, comment distinguer le simulateur tout à fait

conscient de sa tromperie, qui s'efforce de duper pour avoir une rente et

(1) Sur le diagnostic de la simulation voir : CoUSTAN, La.simulalion dans les accidents

du travail. Th. Montpellier, 1901, no 19 ; GIRAUn, Th. Paris, 1894-1898 ; Cnnvtcw,

Diagnostic des maladies simulées ; BAILLIÈRE, 1906 ; SAI;D, La simulation et l'interpréta-

tion des accidents du travail. l3ruxelles, 1907 ; Forguc et JEANi3n,,Lu, Guide du médecin

dans les accidents du travail. Masson, 1909, p. 284.

DE l'hystérie 1'liAUi<IATIQUE 217

mériterait la correctionnelle ? Sur quoi se baser ? Uniquement sur des

raisons d'ordre moral, répondent Brissaud etllabinski. .

Il s'agit en somme de déceler l'intention de tromperie. Par/étude de ses

antécédents, de son caractère, de ses habitudes, de sa manière de vivre, de

sa moralité générale, on essayera de se rendre compte si le blessé en est

capable. Chez l'ouvrier honnête, travailleur, menant une vie régulière,

la simulation cupide est tout à fait exceptionnelle. Dans les grands porls

de commerce, dans ce milieu cosmopolite et interlope de débardeurs, de

travailleurs intermittents, d'apaches et de vagabonds spéciaux, elle serait

au contraire fréquente, comme autrefois dans les cours des miracles.

Dans tout cela il n'y a évidemment matière qu'à présomptions.

Tandis que doué d'une faculté spéciale, l'hystérique simule tout natu-

rellement, sans effort et sans fatigue, il faut au simulateur cupide une

énergie et une ténacité peu communes. Il est rare qu'elles ne soient jamais

mises en défaut : cette énergie et cette ténacité ont des défaillances, non

pas chez le médecin ou l'expert, car le blessé est en représentation et se

surveille, mais lorsqu'il se croit en dehors de toute surveillance. Il est

classique pour l'expert d'observer par la fenêtre de son appartement le

blessé qui sort de chez lui, car celui-ci après la fatigue de l'examen, éprou-

ve, il ce moment plus qu'a tout autre, le besoin de se détendre et oublie

parfois son rôle.

L'hystérique n'oublie jamais son rôle, car il ne sait pas qu'il en joue

un. On peut le faire surveiller, le surprendre à l'improviste, il y aura de

la variabilité mais pas de rémission dans la symptomatologie. On peut exa-

miner la main prétendue affaiblie, il n'y aura pas de callosités; on peut

examiner les chaussures, l'usure répond au type de l'impotence observée.

La paralysie est constante au point d'amener un gonflement, de la cya-

nose, du refroidissement de la main tenue en position déclive; de l'atro-

phie des muscles paralysés; des rétractions fibro-tendineuses dans les

muscles contracturés. Il n'y a pas trace de lavage dans la main herméti-

quement fermée. Le simulateur cupide n'a jamais cette constance.

L'hystérique simule automatiquement, sans y penser, en portant son

attention ailleurs : le simulateur cupide doit avoir son attention toujours

tendue sur le phénomène simulé. Par des expériences multiples, qu'il est

impossible de décrire, qu'il faut imaginer séance tenante, suivant les cas,

les sujets, les circonstances, l'expert s'attachera à endormir la défiance du

malade, à porter son attention loin du symptôme en litige, tout en conti-

nuant à l'observer.

Dans tout ce qui précède, il faut bien avouer que c'est le plus souvent

affaire de nuances, que l'on juge non avec des faits précis bien nets, bien

contrôlés, mais avec une multitude de petites observations fugitives, d'où

218 ô , roux

naît la conviction, non la certitude. Il n'y a pas de diagnostic plus difficile

que celui de la simulation cupide.

Chez l'hystérique, nous l'avons dit, il est fréquent,- habituel même,

qu'à la simulation involontaire et inconsciente, s'ajoute de la simulation

volontaire et intéressée. Le problème diagnostic est alors tout à fait inso-

luble, car, en vérité, le blessé lui-même ne sait pas jusqu'à quel point il

est sincère. Il ne peut plus être question ni de certitude, ni même de con-

viction. L'expert a seulement l'impression que le malade exagère et c'est

ce qu'il devra mettre dans son rapport.

LES TROUBLES MENTAUX DANS LA LÈPRE

L'ÉTAT PSYCHIQUE HABITUEL DES LÉPREUX (1),

' PAR MM.

DE BEURMANN et GOUGEROT

Médecin de l'Hôpital Saint-Louis Ancien interne Médaille d'Or.

L'étude des troubles mentaux dans la lèpre a été une des parties les

plus négligées de la léprologie et les nombreux auteurs qui se sont occupés

de la lèpre ne semblent avoir eu que de rares occasions d'observer jus-

qu'à présent des troubles psychiques au cours de cette maladie.

Dans les travaux anciens de Danielsen (1841) et de Boeck (1842) on ne

trouve rien de précis. D'après ces deux auteurs, dont l'opinion est repro-

duite dans la plupart des publications ultérieures sur la lèpre « l'intelli-

gence qui conserve son intégrité jusqu'à la fin peut faiblir pendant la

dernière période de la maladie ». A propos de la forme anesthésique de la

lèpre, Hardy et Labarraque, dans leur article de 1875 du Nouveau Dic-

tionnaire de Médecine et de Chirurgie pratiques, disent : « Au début,l'état

moral est mauvais; le malade a des idées noires et se laisse volontiers

absorber par son chagrin ». Les mêmes auteurs insistent à l'exemple de

Tlillairet (1862) sur l'affaissement moral, le découragement, l'expression de

tristesse, la tendance à la solitude,troubles observés depuis la période d'in-

vasion jusqu'à la cachexie terminale.

Les auteurs modernes, dont les travaux sont résumés dans la Bévue

internationale « Lepra », n'ont pas remarqué autre chose et Jeanselme

s'exprime ainsi dans son Cours de dermatologie exotique (190 i) : « le

lépreux conserve toute sa lucidité jusqu'à sa dernière heure; mais une

apathie étrange s'empare de lui. Plongé dans une profonde stupeur, il

assiste indifférent, suis optimisme ni terreur, à la mutilation, à la décom-

position graduelle de son corps ».

C'est plutôt dans les oeuvres littéraires que nous trouvons quelques

éludes approfondies du psychisme des lépreux. Toutes les particularités

(1) Communication faite au Congrès de la Lèpre à Bergen, août 1909. 1

220 0 DE BEURJI[ANN ET GOUGEROT

relatives à l'état mental normal des lépreux européens on[ été admirable-

ment décrites en 1812 par Xavier de Maistre dans son livre célèbre Le

lépreux de la cité (l'Aoste. Quelle étude élevée et touchante sur l'âme des

lépreux ! Les angoisses de la solitude, la soif constante d'une affection,

les souffrances de toutes sortes, tout fait ressembler la vie des lépreux à

celle d'un condamné à une mort lente et inévitable. Xavier de Maistre le

montre luttant continuellement pour la résignation et l'abnégation de soi-

même. On assiste à un drame intime d'une poigante intensité. On voit

même arriver le moment où, à force de déceptions cruel les accumulées et

de froissements incessanfs de ses sentiments les plus chers, le lépreux est

tout prêta perdre son équilibre psychique et à finir par le suicide. En

lisant ce chef-d'oeuvre, on acquiert la conviction que nul n'a rendu avec

plus de justesse la psychologie normale des infortunés lépreux.

L'état mental du lépreux européen est donc assez bien connu ; il est fait

avant tout de dépression et d'inquiétude. Cet état psychique est à peu près

constant chez les sujets intelligents et ayant reçu quelque instruction.

Il fallait se demander si cet état était dû à la toxi-infection hansénienne

impressionnant les centres nerveux. Il ne le semble pas. L'étude des lé-

preux orientaux nous prouve que cet état mental dépressif est créé secon-

dairement et de toutespiécespar la connaissance de l'irrévocable pronostic

de la maladie ; il n'est pas dû à l'action directe de la toxi-infection lé-

preuse, sur les centres nerveux. En effet, le lépreux d'Orient, ignorant la

gravité de la lèpre, ou peu habitué a se préoccuper dé l'avenir lorsqu'il est

à l'abri du besoin présent, ne possède nullement celte mentalité particu-

lière.

Le fait est bien connu des missionnaires, et nous avons pu en recueillir

des preuves très suggestives.

A l'asile des lépreux de Kemmindine près Rangoon en Birmanie mé-

ridionale, fondé par le Révérend Père Freynet, on nous présenta une

trentaine de femmes lépreuses, élégamment vêtues de soies de couleurs

claires, suivant l'habitude des femmes de Birmanie. Les lépreuses rassem-

blées nous chantèrent la Marseillaise, puis des chansons birmanes ; elles

avaient l'air très gai et ne manifestaient aucune intention de quitter l'a-

sile, qui n'est, du reste, nullement clos. L'une d'elles, âgée d'une ving-

taine d'années, parlant un peu le Français, atteinte de lèpre nerveuse sans

lésion de la face mais dont les pieds étaient profondément mutilés, était

fort contente de son sort : « Je suis la jolie lépreuse de Kemmindine >>,

nous dit-elle (PI. XVIII). Cette phrase naïveenditpius qu'une longue des-

cription sur son insouciance. Tous ces lépreux, nous racontent les Pères

Missionnaires qui les soignent avec tant do dévouement, ne se plaignent

t) 'J ZD

NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALPÊTRIÈRE.. .

T. XXIII. Pl. XVIII

LES TROUBLES MENTAUX DANS LA LEPRE

(de Beurmann et Govaerot).

Masson & Cie, Editeurs.

Phototypte Berthaud

LES TROUBLES MENTAUX DANS LÀ LÈPRE

221

nullement ; ils ne sont pas l'objet de « l'horreur publique » qui entou-

raient nos lépreux du moyen-âge. Les lépreux libres trouvent à se marier

même avec des conjoints sains, bien qu'en Birmanie comme au Siam, la

contagion de la lèpre soit de notion courante et. que les médecins indigènes

sachent que l'on « ne doit surtout pas manger avec un lépreux ». En un

mot, tes Birmans et les Chinois ne présentent à aucun degré l'état mental

des quelques Européens ou Eurasiens, réfugiés et traités au même asile.

A >Vlandalay,,au S t- John s Leper AsylU1l1, nous avons retrouvé le même

étal d'indifférence de l'Asiatique lépreux. Nous sommes frappés par l'en-

train et la gaîté que manifeste un ancien sorcier, converti par les mission-

naires, ce malheureux est atteint de cécité complète et de la plus effroyable

lèpre mutilante que l'on puisse voir (PI. XVIII), or il passe son temps à

chanter et à divertir ses compagnons d'infortune.

Nous pourrions citer bien d'autres exemples ; ces deux observations

suffisent. L.

Le lépreux d'Orient, lorsqu'il est à l'abri du besoin, et même

lorsqu'il est abandonné à son sort, ne manifeste aucun trouble mental

dépressif. Au moment de l'invasion de la maladie, lors des poussées, il

présente des périodes d'abattement et de fatigue qui sont dues précisé-'

ment à la toxi-infection lépreuse ; il se plaint souvent des douleurs sour-

des et tenaces des névrites lépreuses; il redoute surtout l'accès de fièvre

des poussées aiguës ; mais, en dehors de ces accidents passagers, son état

mental est celui des asiatiques non lépreux. C'est bien là la preuve que l'étal

psychique des lépreux européens est une créa lion secondaire, un état

« raisonné » mais inconscient en quelque sorte, dont ne peut se défendre

l'Européen le plus résigné et le plus détaché des biens matériels. En effet,

nous connaissons plusieurs missionnaires qui n'ont pas échappé à cette

dépression anxieuse, malgré le courage avec lequel ils subissaient la ma-

ladie qu'ils étaient venus contracter presque volontairement.

On peut donc opposer l'état mental du lépreux asiatique et du lépreux

européen, le premier reste normal, le deuxième est profondément atteint.

L'étal mental des Européens lépreux est dû à deux facteurs : 1° à l'étal

mental antérieur de prompte inquiétude et d'agitation qui s'oppose au

calme et il la passivité de l'Asiatique ; 2° à la connaissance et à la repré-

sentation mentale. du pronostic de la lèpre. L'état menlal du lépreux asia-

tique est dû surtout à la mentalité spéciale de l'Hindou et la passivité du

Jaune ; l'insouciance y prend la plus large part, car la tolérance et la ré-

signation des Brahmanistes et des Bouddhistes, la croyance et la l11étel11psy-

chose ne suffisent pas à expliquer celle sérénité d'âme au moins appareille.

En effet en Océanie, où la population indigène est décimée par la lèpre

222 DE BEURMANN ET GOUGEROT

et où les lépreux sont séquestrés par le gouvernement Hawaïen dans

l'ile de Molokai, le même fait a été noté par plusieurs observateurs. Dom

Jaime, qui les a visités en lg9J, les a trouvés « satisfaits d'avoir le néces-

saire,presque heureux de leur sort et ne songeant qu'à chanter et à s'a-

muser ».

Une nouvelle preuve que celle indifférence n'est pas due à une affaire

de race ou de religion nous est donnée par les vieux chroniqueurs qui

nous racontent l'histoire d'individus qui, au moyen-âge, en Europe, sa-

chant parfaitement ce qu'était la lèpre, connaissant quelles restrictions

sociales elle entraînait, se faisaient passer pour lépreux et s'introduisaient

dans les léproseries pour y chercher un asile de tranquillité. On se sou-

vient de ce curieux chapitre qu'Ambroise Paré consacre à « l'imposture

d'un certain maraud qui contrefait le ladre ». On dut même édicter

des peines sévères contre les simulateurs de la lèpre.

En résumé l'état mental dépressif et anxieux du lépreux européen

est une création secondaire ; c'est la' connaissance du pronostic de la lèpre

qui, devenant une idée lixe, met en oeuvre l'inquiétude latente acquise

par notre civilisation actuelle. A elle seule et par action directe, la : toxi-infection hansénienne ne crée pas cet état mental. Il est possible

pourtant que l'imprégnation lépreuse agissant sur le terrain spécial ner-

veux de l'européen aide au développement de l'état névropathique dé-

pressif sorte de « neurasthénie d'origine lépreuse » ; en ell'et dans une

infection très voisine la bacillotubercolose, L. Landouzy a démontré que

l'imprégnation tuberculeuse agissant sur certains terrains pouvait déter-

miner un « état neurasthénique ».

Ce sont là des notions importantes car elles éclairent la pathogénie des

troubles mentaux et des psychoses que l'on peut observer chez les lépreux.

Ces psychoses, réellement dues à l'infection lépreuse, avaient passé

inaperçues jusqu'à noire observation deePsychose polynévritiqte delior-

sakol ! publiée en 1966 en collaboration avec Rouhinowitcll, médecin de

l'hospice de Bicétre (1). Celte observation a été le sujet de la première

étude des Psychoses lépreuses. Elle était un exemple démonstratif de poly-

névrite lépreuse accompagnée du syndrome mental appelé : tantôt psy-

chose polyîîév7,iliqzte tantôt céiéb2,opailtie psychique loxémique sui-

vant l'idée pathogénique que l'on se fait de ces troubles.

Ce syndrome était caractérisé, disions-nous :

1° Par une amnésie spéciale « antérétrograde » de Cilarcot, « continue »

(1) Société de dermatologie, 1" mars et 5 avril 1900, in Annales de Dermatologie,

p. 393 et 405. Bulletin médical, 11 et 21 mars 1906, no, 21 et 22, p. 239 et 254, Lepra,

1906, vol. '1, fasc. 2 et 4, p. 107 et 231.

LES TROUBLES MENTAUX DANS LA LEPRE 223

de Janet, insidieuse, progressive et diffuse, portant sur tous les départe-

ments de la mémoire, très caractéristique par l'oubli instantané des

faits récents contrastant avec la conservation des faits anciens. C'est

une amnésie d'évocation (Ribot), non de conservation, car « les malades

conservent le souvenir sans pouvoir le reproduire, et cette amnésie est

rarement définitive et complète, presque toujours les souvenirs soi-disant 1

perdus, réapparaissent tôt ou tard », si la maladie guérit (cas de l'alcoo-

lisme, mais non de la lèpre).'C'est en outre une amnésie d'assimilation

(Janet) : les souvenirs « s'enregistrent et se reproduisent à l'insu du ma-

lade qui ne perd pas connaissance de ces souvenirs et ne les assimile pas ».

C'est donc à la fois une amnésie d'évocation et d'assimilation. Dans les

cas graves et terminaux « le souvenir des faits anciens peut être égale-

ment effacé » (Korsakoff). -

« 2° Par un affaiblissement intellectuel se traduisant par de l'apa-

thieavec indifférence, défaut d'attention, de volonté, de jugement et de

raisonnement. Cet affaiblissement est peut-être « jusqu'à un certain

point l'origine de l'amnésie. On conçoit, en effet, que le défaut de percep-

tion des images et des souvenirs dépende d'un défaut de synthèse men-

tale » (Raymond). ,

« 3° Par des manifestations délirantes, à point de départ halluci-

natoire aides idées de persécution, délire mal systématisé, sans doute en

raison de l'amnésie instantanée des faits récents.

« Du fait de son étiologie lépreuse, disions-nous, celte psychose présente

des particularités cliniques qui l'individualisent de toutes les autres psy-

choses polynévritiques, Ce sont : le début tardif plusieurs mois après le

début clinique de la polynévrite.-Le pronostic fatal car l'apparition de la

psychose semble un signe de mort prochaine. La fixité de l'étal

coenesthésique, fait de dépression et de mélancolie, parce qu'il est la con-

tinuation de l'étal normal psychique du lépreux; ce fond devient le fil

conducteur de tout le délire créé par les illusions et les hallucinations.

Le contraste entre cette fixité et le fugacité des impressions (due à

l'amnésie antérograde)...)).

A côté d'un état mental normal du lépreux européen, il existe donc

une série de modifications pathologiques du psychisme tels que la psy-

chose polynévrilique de Korsakoff et d'autres syndromes dont les varié-

tés peuvent nous être expliquées par la connaissance de l'état mental anté-

rieur habituel des lépreux européens. Les études des troubles mentaux

chez les lépreux, qui ont si peu attiré l'attention des léprologues, méritent

d'être poursuivies et complétées.

LA TIMIDITÉ DES SCOLIOTIQUES,

ESSAI DE PAT110GÈN1E

Raymond BERNARD

Agrégé libre du Val-de-Gràce, médecin principal de 2» classe..

Je crois avoir remarqué entre la scoliose et la timidité une relation.

Parenté ou voisinage, les deux infirmités coexistent dans une proportion

qui ne saurait être encore précisée, mais qui, a première vue, doit être

élevée, puisque, sur une première série de vingt-cinq personnes que je

connais assez pour affirmer qu'elles sont timides, je compte vingt-cinq

déviations vertébrales. La déviation chez les unes est une véritable diffor-

mité. Elle est discrète, ce n'est qu'une attitude vicieuse chez d'autres

sujets : on dit qu'ils se tiennent mal, qu'ils ont les épaules tombantes,

etc., mais, quel que soit le degré de la déviation, elle est réelle : aucun

de ces axes vertébraux n'est rectiligne. Je ne crois donc pas exagérer eu

disant que la scoliose et la timidité sont associées très souvent.

Il n'est pas impossible que le premier effort de mon attention ait visé

les cas les plus nets. En y réfléchissant pourtant, après coup, je n'en trouve

guère de différents et qui m'obligent à modifier ma conclusion. Je ferai

du reste les restrictions indispensables, et, pour éviter tout malentendu je

commencerai par présenter quelques explications qui sont nécessaires.

Sur le mot scoliose d'abord. L'expression générale « déviations verté-

braies » serait préférable, car on rencontre toutes les variétés de défor-

mation. Il n'existe sans doute entre elles aucune différence de nature, et

la scoliose n'est mise en vedette que pour sa fréquence : comme on en

parle plus couramment, on sous-entend les types moins communs. Il

serait préférable aussi de dire « déviations primitives » car les déviations

secondaires, dépendant d'une lésion de la plèvre, d'une atrophie muscu-

laire, etc... sont hors de cause, et peut-être aussi, certaines déviations

temporaires qui ne dépassent pas la durée de la croissance. En poussant

l'analyse plus avant il conviendra enfin de mettre à part les lésions du

rachitisme vrai qui s'ajoutent quelquefois aux déviations et les compli-

quent.

Sur le mot timidité, surtout. C'est de la timidité vraie, invétérée, chro-

LA TIMIDITÉ DES SCOLIOl'IQUES, ESSAI DE l'ATHOGÉNIE 225

nique, que je prétends parler, non de la timidité accidentelle, de l'intimi-

dation, à laquelle personne n'échappe. Bonaparte ne se troubla-t-il pas

aux Cinq-Cents ? Ici, comme ailleurs, il n'y a pas de saut, il y a des de-

grés. Où commence la timidité ? De cette délimitation préalable devrait

dépendre la précision du diagnostic. Mais comment prétendre à une exac-

titude rigoureuse ? Il en est de ceci comme de la dyspepsie ou de la neu-

rasthénie, si difficiles aussi à définir. Dans les cas limites, elles s'écartent

peu de la santé ; si peu, qu'elles sont méconnues souvent, et qu'elles

échappent à des médecins consciencieux : il faut en avoir souffert pour les

bien comprendre. La timidité échappe de même à trop de personnes mal

renseignées à son égard, quoique expertes dans la connaissance et dans la

pratique des hommes. Des femmes, entraînées à la psychologie usuelle,

ne soupçonnent pas la timidité derrière les bizarreries et les anomalies

de certains caractères. Leur curiosité n'est pas éclairée. Des professionnels

même, et les professeurs très spécialement, par négligence d'une étude

préalable de la théorie, manquent de méthode et apprécient mal les valeurs

morale, ou intellectuelle de leurs sujets, de leurs élèves. C'est réelle-

ment un diagnostic clinique qu'il s'agit d'établir. Cette opération comporte

toujours des difficultés. Et il existe des cas limite qu'on ne saurait juste- 1

ment classer en deçà ou au delà de la normale. En dehors de ma série de

timides, je connais trois hommes vigoureux et régulièrement proportion-

nés, « beaux garçons », bien musclés, mais peu entreprenants quoiqu'on

les trouve volontaires. L'un d'eux paraît lymphatique, un autre a traversé

heureusement une adolescence délicate. Tous trois ont toujours « poussé

droit », leur thorax est d'aplomb. Sont-ils timides ? On peut se le deman-

der. A première vue, ils ne le semblent pas ; et cependant leur caractère

plutôt froid et réservé, les explosions de leur vivacité, la raideur de leurs

manières, leurs attitudes factices, leur maladresse hautaine dans les rap-

ports sociaux sont des traits de la timidité. -

Je concéderais donc volontiers~qu'il y a des cas douteux, même à la

lumière d'un diagnostic bien alimenté. C'est pourquoi j'ai préféré retenir

seulement les cas de timidité avérée, classique.

Ne pourrait-on pas se demander encore si le développement vigoureux

de leurs muscles n'a pas préservé ces trois sujets de la scoliose et com-

battu ou partiellement guéri leur disposition à la timidité ? Voici en effet

une difficulté dernière dans l'appréciation juste de ces cas. Le timide

guérit quelquefois, ou fait semblant, à force de s'observer et de vieillir.

Ne garde-t-il pas après sa guérison quelques-unes de ces particularités

de caractère qui seraient chez lui comme des affections secondaires ou

comme des rappels et des séquelles de la timidité ? Il y a dans ma famille

un célibataire un peu retiré, mais bienveillant, aimable, ne fuyant pas la

xxm 15

226 BERNARD

société; même féminine,' qui le recherche encore 'pour, son entrain ? il

est instruit et fait autorité dans sa profession. A 62 ans,' il a'refusé une

situation particulièrement brillante que lui offraient des collègues en.té-

moignage de leur estime. Sa seule raison, m'a-t-il'avoué, a été la peur des

allocutions improvisées qu'il n'a jamais osé affronter malgré sa très grande

habitude de la parole. Ni ses parents, ni ses amis ne soupçonnent cette

timidité qui l'a gêné longtemps pendant sa jeunesse. Il est atteint d'une

lordose avec cyphose dorsale assez accentuée, et qu'elle aussi a 'toujours

été méconnue : on remarque seulement là petite taillé.

Malgré ces' réserves et ces difficultés, je ne doute pas que chacun

trouve dans ses relations'assez de timides et de scoliotiques indubitables

s'il lui plaît pour contrôler discrètement mon assertion.

Comment expliquer cetle rencontre de la timidité et de la scoliose ? Elle

n'est ni fortuite, ni banale.

Elle n'est pas fortuite. Trop de gens sont exempts de l'une et de l'autre

infirmité. Comment ne s'étonnerait-on pas de trouver l'une si fréquente

précisément parmi la minorité tributaire de l'autre. Si le hasard seul

opérait la répartition, il,les répartirait autrement. Le cumul serait excep-

tionnel.

Elle n'est pas banale. 'Il y a plus ici et il y a autre chose que le reten-

tissement sur un moral trop impressionnable d'une difformité plus ou

moins ridicule et pénible, la première venue. Ce malaise du timide au

contact 'd'une tare évidente n'est pas contestable ; mais s'il était. une

cause suffisante, la timidité se manifesterait l'occasion de toutes les

difformités apparentes. Or ces d i fform i lés (ho i Cerie, loucherie, lildéui,,etc.)

ne sont pas des commensales de la timidité. Et même leur indifférence à

son égard peut tenir lieu d'une véritable contre-épreuve. On est donc con-

duit à rechercher une question de nature dans cette conïcidence delà

scoliose avec la timidité. Cette impression se précise si l'on s'arrête au

contraste curieux qui oppose les caractères de ces deux infirmes pourtant

bien rapprochés par la forme et par le siège de leur infirmité, lescolioli-

que et le bossu pottique. Plus faible et plus contrefait,tepottiqùe emporte

avec sa bosse une légende qu'illustrent sa vivacité agressive, sa confiance,

son « aplomb ». Il est plus encombré que gêné. L'autre s'efface, il est

gêné quoique la symétrie de son architecture soit à peine' dérangée ; car

enfin comparée à la « cassure '» du pottique,l'inclinaison du sC6liotiquen'est

vraiment pas -une- disgrâce, elle 'est parfois si faible qu'elle échappe à

l'oeil même malveillant du prochain peu exercé ou mal averti. Bien

mieux, elle échappe souvent t'intéressé. J'ai rencontré deux- généraux,

courageux, actifs et endurants autant que généraux français peuvent l'être,

mais timides ils ne sont pas les seuls dans l'armée. Chez l'un, malgré

LA TIMIDITÉ DES SCOLIOTIQUES, ESSAI DE PATHOGÉNIE 227

la correction irréprochable ! de la tenue,' l'altitude' était toujours défec

tueuse. L'autre, particulièrement robuste, se plaignait parfois de sa trop

belle taille qui l'obligeait, disait-on, se pencher constamment pour écouter

ses « inférieurs ». Tous deux ignoraient leur infirmité, mais ils étaient

voûtés par une cyphose bien caractérisée. Ainsi la timidité du scoliotique

n'est pas assimilable à la gêne banale qui doit résulter de la connaissance

d'une difformité quelconque pour celui qui la supporte. C'est une chose

à part. -

S'il y a quelque chose de spécial dans cette rencontre, il sera intéres-

sant de poursuivre l'analyse et d'approfondir la pathogénie.

Les observations que j'ai sont trop sommaires : , elles ne m'ont pas con-

duit bien loin. Tout ce que j'ai pu en dégager à titre d'impression p lu 16

que de conclusion, c'est une remarque qui touche à ce qui vient d'être dit.

On a vu que la scoliose, en tant que difformité, a peu d'influence sur la

timidité., Si l'association n'est pas indissoluble, quelle est celle des parties

qu'on a le plus de chance de noter à, l'état d'isolement ? C'est probable-

ment la timidité. Autrement dit, je suis disposé à croire que tous les

timides ne sont pas scoliotiques, je serais moins étonné s'il se trouve que

tout scoliotique est un timide.

Serait-ce alors que la timidité crée la scoliose ? Ce laisser-aller, ce dé-

couragement, cet amollissement du timide qui fléchit sous le' fardeau de

la vie pèsent-ils sur son attitude ? Si logique'que cette idée paraisse, elle

supporte deux objections. Il faudra d'abord que la scoliose suive toujours

la timidité. C'est peut-être ainsi que les choses se passent le plus souvent,

autant du moins qu'on est autorisé à indiquer une préséance dans l'évo-

lution si insidieuse des deux affections, mais l'ordre inverse est admisse

ble. Il faudra de plus une proportion régulière entre elles, et que la sco-

liose devienne en quelque sorte le graphique de la timidité. Ce n'est pas

probable, puisqu'on risque d'être affligé d'une faible scoliose et d'une

grande timidité. C'est plus facile, semble-t-il, que d'être peu timide quand

on est franchement contrefait.

A défaut de ces interprétations pathogéniques unilatérales reste une

hypothèse. Si la scoliose et la timidité ne sont pas liées par une dépen-

dance mutuelle, c'est qu'elles dépendent solidairement'd'une cause com-

mune qui reste à définir.

Il ne sera pas difficile de trouver les éléments d'une théorie qui sera

provisoire, intéressante peut-être et discutable. On n'a qu'à les emprunter,

aux traités usuels ou aux monographies :

L'intervention du tonus, dans son sens vague et vitaliste ou dans son

sens strictement physiologique, est inévitable. M. Hartenberg a indiqué

cette voie qui aboutit à une méthode thérapeutique excellente,, et, sans y

228 BERNARD

remonter lui-même ? ) il a indiqué aussi la notion pathogénique où elle prend

son origine. « Les sensations musculaires sont un des éléments essentiels

de la cénesthésie, et ce sont surtout elles qui fournissent à la conscience

le sentiment subjectif de l'énergie et de l'effort. Chez le sujet aboulique,

où ce sentiment fait défaut, j'ai toujours constaté une diminution très

nette de la tonicité musculaire, une certaine paresse des muscles à se con-

tracter sous l'influence des excitations nerveuses. Il y a donc une indica-

tion toute spéciale à relever chez ces malades le tonus musculaire. C'est

lui qui donnera aux timides ce sentiment d'énergie, cette assurance mus-

culaire, cette confiance en soi dont ils ont tant besoin » (1). Cette dernière

remarque est très juste ; celle qui s'applique à la paresse des mucles l'est

beaucoup moins. Elle n'atteint pas les timides vigoureux, adonnés au

sport, chez qui le tonus des muscles est certainement égal ou supérieur à

la normale. Ce n'est donc pas le tonus musculaire qui expliquera l'attitude

vertébrale du timide. Se contenterait-on de celte interprétation, il reste-

rait à expliquer l'origine de cette hypotonie, intoxication ? fatigue muscu-

laire ou médullaire ? ... Nous ne serions pas plus avancés.

Et nous ne le serionspas davantage avec la tonicité nerveuse telle qu'on

l'admet chez les neurasthéniques. Ses fluctuations retentiront sur la vie

morale du timide, s'il est en outre neurasthénique : c'est un supplément

d'aboulie qui ne compte pas au titre de la timidité; car tous les timides

ne deviennent pas neurasthéniques, et tous les neurasthéniques ne de-

viennent pas timides.

. Peut-on attendre davantage de la dégénérescence héréditaire ? Evidem-

ment, elle intervient, mais par quel mécanisme ? On accepterait sans

trop de difficultés une sorte de meiopragie congénitale du tissu conjonctif r

et de ses dérivés, de l'ensemble du mésoderne. Ici au moins on s'appuie-

rait à un état organique, presqu'une lésion, mais on atteindrait avec peine

l'élément psychique du syndrome, l'altération du caractère.

En présence de quelques sujets porteurs de stigmates physiques, on

pourrait se demander si l'asymétrie, si fréquente et si apparente parfois

chez les héréditaires, et si la gaucherie ne tiendraient pas de près à la ti-

midité. Il eût été curieux de trouver dans l'infériorité du côté gauche plus

accusée chez certains l'origine commune deleurdéviation verlébrale et de

leur timidité. L'analyse plus serrée des observations n'a pas vérifié cette

conjecture : les signes d'asymétrie ne sont pas plus apparents chez les

timides que je connais ; leur gaucherie est plutôt diffuse qu'unilatérale ;

et puis, si la gaucherie suffisait, tous les lourdauds seraient timides ; ils

n'ont pas cet honneur. .

(1) P. HARTENBERO, Les timides et la timidité, 1901, p. 233.

LA TIMIDITÉ DES SCOLIOTIQUES, ESSAI DE PATHOGÉNIE z

A défaut d'une pathogénie élaborée avec compétence je me permets d'of-

frir un. schéma de l'état psycho-moteur du timide tel-qu'on peut l'imagi-

ner en déplaçant seulement, en relevant jusqu'aux centres supérieurs le

siège supposé de sa paresse, qui n'est pas musculaire, mais motrice, psy-

cho-motrice et en opposant à son inertie la vivacité du volontaire.

Deux notions peut-être méritent d'être retenuesparmi celles qu'il fauten-

visager : i° une disposition innée des neurones détermine, au départ, notre

caractère. Il existe des variétés dans ces connexions supérieures comme il en

existe dans les systèmes anatomiques connus, dans la répartition des fibres

dès faisceaux pyramidaux par exemple ou dans les centres des mémoires au-

ditives, visuelles, etc. Il y a une distribution heureuse qui assure à cer-

tains individus l'harmonie des mouvements, la mesure dans les réactions

et la décision rapide ; il y en a une déféctueuse qui entraine l'incertitude,

la gaucherie et l'hésitation. Chez le timide les choses se passent comme

s'il y avait une fuite d'énergie sur le trajet des grandes réactions réflexes,

une dérivation trop abondante vers l'idéation, comme si, en tout cas,

quelque chose dans les connexions des neurones centrifuges centraux gê-

nait les manifestations voulues de l'activité. Une vigoureuse muscula-

ture corrige mal le défaut. Ce n'est pas à la périphérie qu'il est caché,

c'est au centre ; car ce n'est pas le mouvement qui embarrasse le timide,

c'est l'action. Qu'il y ait en même temps d'autres défauts dans les organes

de relation subalternes, muscles, os, ligaments, c'est possible et logique :

l'hémiplégique aussi est diminué à la périphérie, parfois presque dans

son squelette. Ce sont des troubles secondaires. L'état des centres, voilà

ce qui est essentiel. Les centres du timide sont « mal arrangés ». De ce

dérangement semble résulter un laisser-aller de tout l'appareil moteur, et

ce laisser-aller se manifeste dans l'attitude par le fléchissement de l'axe

vertébral. Les autres influences, celles qui s'exercent par des modifications

de la santé générale ne font qu'aggraver ou pallier un moment les dispo-

sitions permanentes commandées par l'anatomie.

2° Cette disposition innée, bonne ou mauvaise, le sujet en a pris de

bonne heure une notion plus ou moins consciente. L'homme actif sait dès

ses premières années, qu'il est le maître de ses muscles, de son corps, il

est sûr de lui. Le timide fait, aussi tôt, l'expérience de son incapacité : soit

maladresse, faiblesse ou paresse, il doute, il se méfie de lui-même, de son

moi agissant. Il se dégoûte et il s'éloigne de l'action.

Telles sont les notions nécessairement incomplètes et vagues d'où se

déduirait une pathogénie de la double infirmité envisagée. Il s'agirait

ainsi d'un syndrome psychique et psycho-moteur. Peut-on douter, si la

timidité est une variété d'aboulie, que les connexions centrales des voies

motrices laissent à désirer chez le timide ?

230 , . BERNARD .

Du reste, il importe moins de discuter le mécanisme intime» de cette

défaillance que d'en reconnaître les signes appréciables à la, fois, comme

je le pense, .dans l'attitude et dans la conscience, du timide. Qu'on s'en

tienne donc au fait. ll,y a parenté entre la. scoliose et la timidité, et, par

conséquent il y a, dans le cas réputé psychologique de la timidité, quelque

chose de. concret, d'objectif, qui. -n'est sans doute pas la timidité elle-

même, toute la timidité, mais qui.y touche. ' .

Celte relation n'a frappé jusqu'ici.ni les psychologues, ni les médecins.

Cela s'explique : . on consulte les uns sur une infirmité physique, et ils

n'ont guère l'occasion d'examiner le caractère de leurs clients ; les autres,

s'appliquent. l'analyse des caractères sans s'attacher aux. particularités

physiques.. Chacun. travaille sur son domaine propre sans se préoccuper

d'une mitoyenneté que, dans le cas particulier, il y aurait intérêt à défi-

nir. Les pères de famillesurtout, que l'inquiétude égare sur, les deux ter-

rains, et les pédagogues, y voudraient gagner de mieux connaître les jeunes

organismes dont ils prétendent diriger le développement.

Le gérant : P. l3ocura.

lmu. J. i tievenot, Saint-Didier (Haute-Marne).

HOSPICE DE BICÉ1'RE

TRAVAIL DU SERVICE DE M. LE D' NAGEOTTE

LA BRACHYMÉLIE MÉTAPOD1ALE CONGÉNITALE

ET QUELQUES AUTRES MALFORMATIONS DIGITALES,

.- PAR

Paul CHEVALLIER

Interne des hôpitaux.

Nous avons eu l'occasion d'observer plusieurs cas d'un raccourcisse-

ment congénital singulier de l'un des os du métapodium. Tantôt le

rayon de même nom est atteint aux mains, comme aux pieds ; tantôt la

lésion est symétrique aux extrémités homologues ; dans d'autres cas il n'y

a qu'un os-atteint ou bien l'anomalie est dyssymétrique. Il ne s'agit pas

d'un nanisme de l'os, d'une diminution de toutes ses proportions : la lon-

gueur seule est anomale et l'affection est à priori du type achondro-

plasique. Bien que rare, cette malformation a été remarquée par un cer-

tain nombre d'auteurs et décrite sous des noms divers : brachydactylie,

micromélie digitale, brachymélie d'un métacarpien, etc. Nous ne nous

servons pas du terme de micromélie afin d'éviter toute confusion avec les

nanismes digitaux, qualifiés microdactylies, dans lesquels la réduction

porte sur tout le volume du doigt. Ces hémimélies digitales sont bien

différentes des faits que nous rapportons et que nous interprétons comme

le reliquat d'une ostéomyélite foetale.

Observation I (PI. XIX, XX, XXI)

Brachymélie métapodiale congénitale du quatrième rayon.

Diplégie cérébrale fruste. Imbécillité.

Louise Cli., âgée de quinze ans, est une grosse fille de taille moyenne. Elle

est depuis trois ans hospitalisée à la Fondation Vallé" cause de son imbécil-

lité. Cette infériorité intellectuelle est manifeste : l'enfant est en classe stupi-

dement attentive, mais n'a jamais rien appris ; elle ne peut exécuter les ouvrages

manuels les plus simples. Elle connaît cependant les mots usuels et les pro-

nonce correctement. Aujourd'hui comme à l'époque de son arrivée dans le ser-

vice, elle reste dans l'oisiveté la plus complète, obéit avec docilité et lenteur

(1) Nous devons la plupart des radiographies et des photographies de cet article à

l'extrême obligeance de M. Ch. Infroit, le distingué directeur du laboratoire de la

Salpêtrière.

xxnt 16

234 CHEVALLIER

et se ronge volontiers les ongles. Elle est remarquable par son adiposité. Le

système pileux est convenablement développé. Les règles, qui ont débuté à

treize ans, sont normales et régulières.

Dans la station debout, le tronc incline un peu à droite, et les mouvements

mettent en évidence la raideur de tout ce côté. L'enfant marche à petits pas,

en plongeant du côté droit, les membres supérieurs sont demi-fléchis et un

peu écartés du corps ; le tronc est penché en avant ; les membres inférieurs

se soulèvent avec raideur. La démarche est plus spasmodique à droite qu'à

gauche ; à droite aussi la maladresse des membres supérieurs est plus marquée

et elle s'accompagne d'adiadococinésie. Les réflexes tendineux sont forts ; la

trépidation spinale existe du côté droit ; le signe de Babinski est bilatéral ; pas

de gâtisme. Il s'agit d'une diplégie cérébrale fruste prédominant à droite. Les

stigmates de l'hérédo-syphilis, de la tuberculose ou de toute autre maladie

dystrophiante, font défaut. Le coeur est normal ; le poumon et le bile sont diffi-

ciles à explorer, comme chez tous les imbéciles : les sommets sont au moins

suspects. La réaction à la tuberculine, recherchée par l'épreuve cutanée de

von Piket, a été précocement et fortement positive. La réaction de Wasser-

mann est négative.

Le système locomoteur présente ici une importance particulière. Les muscles

sont bien développés, les articulations normales. La colonne vertébrale ne

présente pas d'incurvation. La cage thoracique est normale. Le squelette des

membres est tout à fait normal à l'examen clinique et radiographique,sauf l'ano-

malie des doigts décrite plus loin. Le crâne, au contraire, est volumineux,

. régulièrement ovoïde, globuleux : on le dirait soufflé.

Nouvelle Iconographie DF LA- SALt'LfRIf.RE.'

T. xxiii. PI. XIX

EIL1Ch11'\I1~LIL METAPODIALE CONGÉNITALE :

(A Chevallier).

Obs. 1. Char.

Masson & Cie, bt¡teur.

Il, 1uIH'I¡ : Il., Un, 1 ? ... l',

LA BRACHYMÉLLE METAPODIALE CONGÉNITALE 2;J5

236 CHEVALLIER

NOUVELLE ICONOGRAPHIE ni- LA SALl'I.TI21LRE.

T XXIII. I. Pl. XX

13RACHY\(ÉLIE METAPODIALE CONGÉNITALE

(A. Chevallie).

A gauche, main gauche d'une fillette normale de 1 ans.

. A droite, main gauche de Char. (Obs. I). ? c ? ? H') ? ....... ?

'i e ,y,< ? 0( : 4'ELLE Iconographie de LA.SALPl.TRIIsRI. --

T. XXIII- Pl-.\.\t

BRACHYMEUË. METAPODIALE CONGENITALE

(A. Chevallier).

Radiographies des pieds de Char. (Obs. 1).

- M.n c : c : ('"\ ? G ? I<--Editeu

LA BRACHYMÉLIE MTAPOUTALL CONGÉNITALE 237

cinquième. La malformation n'a aucune influence sur la marche ; le quatrième

métatarsien n'a en effet qu'un rôle accessoire dans la constitution de l'arc

externe, arc d'appui, du pied (1). Notons encore un léger degré de syndactylie

entre les deuxième et troisième orteil (PI. XXI).

A la main comme au pied, le raccourcissement du quatrième rayon méta-

podial est la seule déformation visible ; les éminences thénar et hypothénar, la

semelle musculaire, du pied, sont intacts. Il n'y a d'autre part, aucune autre

altération de l'annulaire. Sa motilité et sa force permettraient le travail, si la

malade, imbécile, n'était incapable de quoi que ce soit. La peau est souple,

d'épaisseur et de couleur normales. La sensibilité n'est pas inférieure à celle

du reste du corps. L'ongle ne présente aucun caractère pathologique.

La circonférence de l'annulaire est la même que celle du médius : 60 milli-

mètres au niveau de la première phalange ; 50 au niveau de la seconde.

Le tableau suivant précise le raccourcissement de l'annulaire : la longueur

du segment phalangien, mesuré de l'extrémité du doigt au sillon métacarpo-

phalangien, est rapprochée de la longueur apparente, déterminée parle niveau

du pli interdigital dorsal.

238 S

C H EVALUER

LA BRACHYMÉLIE MÉTAl'ODIALE CONGÉNITALE 239 9

rieur à celui des os voisins : il est,comme dans une main normale, le plus grêle

de la série.

La base ne semble présenter aucune anomalie morphologique.

Les métatarsiens lésés ne sont pas déformés : les têtes sont petites, disposi-

tion souvent normale ; l'articulation IV tarsométatarsienne est, comme dans

tout pied normal, à quelques millimètres au dessus de la Ve et beaucoup plus

basse que la III".

Les phalanges sont normales.

L'ombre osseuse nous a paru peu modifiée.Cependant,sur les deux radiogra-

phies successives que nous possédons la partie externe du cylindre diaphysaire

est nettement plus floue et irrégulière que sur un os normal ; la tête métacar-

pienne et la base de la phalange adjacente sont peu foncées.

Tous les cartilages de la main et du pied sont disparus. Ceux de l'avant-

bras sont en voie d'ossification.

Les anomalies digitales existaient dès la naissance de l'enfant : la mère

est très affirmative sur ce point; elle remarqua tout de suite l'encoche qui

existait au niveau de l'annulaire quand le petit poing était fermé.

La conception n'avait d'ailleurs rien présenté de particulier. Pendant la gros-

vesse, la mère qui était blanchisseuse, fut très fatiguée. Le bébé naquit par le

sommet et cria tout de suite ; il pesait six livres. Nourri par la mère, il grandit

normalement jusqu'à dix mois.A cet âge il eut des convulsions qui durèrent qua-

tre heures, et, trois jours après, raconte la mère, une méningite fébrile bientôt

suivie d'une paralysie des quatre membres. A seize mois se produisit un

accès épileptique ; depuis la fillette en eut d'autres, à des intervalles variables,

environ une à deux fois par mois. Le développement est en même temps très

retardé : la dentition n'est complète qu'à deux ans et demi ; l'enfant est gâteuse

et ne parle pas. Malgré une rougeole à trois ans, l'état commence à s'amélio-

rer ; la malade remue ses membres à cinq ans et commence à marcher à six. La

propreté débute à cinq ans ; la parole à neuf; à treize ans les crises épilepti-

ques cessent. L'infection encéphalique explique l'imbécillité et les symptômes

diplégiques atténués ; mais la malformation métapodiale est tout autre chose ;

elle n'est cependant pas héréditaire, bien que la famille suit fertile en attributs

dégénératifs.

La mère n'a que un mètre dix : elle est bien conformée, trapue mais nulle-

ment achondroplasique. Elle présente aux deux mains une anomalie congéni-

tale et aucun de ses parents n'en a, dit-elle, de semblable. Le petit doigt est

recourbé en bec : la première interphalangienne ne permet pas l'extension ; la

flexion est normale. La palpation montre à la partie dorsale de la tête de la

première phalange, un ressaut osseux net, comme s'il y avait là un tubercule

arrêtant l'incursion de la phalangine. De l'auriculaire gauche l'ongle est petit,

mince, écailleux, mal limité d'avec l'épidémie voisin.

Le grand-père maternel, et ses propres parents, étaient très petits. La

grand'mère était fille d'alcooliques. Les deux grands-parents, marchands d'al-

cool en Normandie, buvaient immodérément et moururent tuberculeux. Des

trois oncles maternels, tous grands, un est phtisique.

240 CHEVALLIER

LE père est petit lui aussi, dépassant sa femme d'à peine une demi-tête.

Son oeil droit, qui semble intact, distingue seulement la lumière du jour : ce

serait un reliquat d'accidents méningitiques de la première enfance. L'homme

est intelligent, bien portant ; il fit seulement pendant sa jeunesse quelques

excès alcooliques. ,

Le grand-père paternel était, comme tout le monde dans sa famille, gros et

très petit. La grand'mère, normale, eut sept enfants : deux sur trois d'un

premier lit moururent tuberculeux. Du deuxième lit naquirent le père de notre

malade, un oncle dont le cinquième orteil gauche est bifurqué, un autre que la

méningite emporta à trois ans, une tante qui, à la suite de convulsions infanti-

les, a les « yeux retournés ».

Notre malade est la deuxième de huit enfants. Vaine, porteur d'une dou-

ble hernie inguinale, est mort en bas âge de convulsions. La troisième, âgée

de 13 ans, déjà plus grande que son père, normale de constitution, est intel-

ligente et très nerveuse, irritable. Dans le rire la bouche est tirée un peu plus

du côté droit ; la langue est abaissée du même côté ; l'oeil droit est dévié en

dedans ; les réflexes sont normaux. La strabisme, très net, apparut à dix ans

après une scarlatine grave. Le quatrième, qui a 11 ans, est un garçon grand

et fort, mais bêtasse et mauvaise tête ; il n'y a pas plus de trente mois qu'il

n'urine plus au lit. Normal jusqu'à trois ans, il devint abruti après un croup

sérieux. Un érysipèle à 10 ans détermina un délire violent. Le cinquième a

du strabisme interne de l'oeil droit, reliquat d'oreillons survenus à 4 ans. Le

sixième, atteint à 18 mois d'une infection cérébrale, resta trois mois paralysé

des deux membres inférieurs; actuellement, dit la mère, il marche, apprend

à lire, mais urine au lit. Les deux derniers enfants, dont l'un a trois ans,

l'autre quelques mois, ne présentent pas d'anomalies. Entre ses grossesses

normales, la mère, au cours de fatigues exagérées, a fait deux avortements de

trois et cinq mois.

En résumé, la famille de notre malade est remarquable par la présence de

tares somatiques (petitesse de la taille, malformations digitales), l'alcoo-

lisation de tous les ascendants, la fréquence de la tuberculose et des méningo-

encéphalites infantiles.

Observation IL

Brachymélie symétrique métatarsienne du 2e rayon. Epilepsie.

Déchéance.

Aimé For ? est un garçon de 7 ans, il fit un séjour de 5 mois dans le

service. eut pendant ce temps 34 crises d'épilepsie : elles sont généralement

espacées mais par périodes augmentant de nombre et sont même parfois subin-

trantes ; après quelques heures de tristesse, l'enfant se plaint de la tête et de-

vient immobile,avant de perdre connaissance; la crise dure 5 minutes, typique,

avec morsures, bave et miction, mais le côté droit s'agite plus que le gauche;

après la crise on constate de l'automatisme et de la procursion. L'enfant pré-

sente en outre parfois des vertiges et des secousses du côté droit pendant la

nuit; il est coléreux et'turbulent.

LA HRACHYhIÉLIE MÉTAPODIALE CONGÉNITALE 241

L'intelligence et l'instruction sont rudimentaires ; l'attention difficile à fixer.

M. Bourneville porta le diagnostic de : déchéance mentale d'origine épilepli-

que et constata une parésie légère droite (l'enfaut est gaucher) avec une cer-

taine diminution de la sensibilité du même côté.

L'état somatique longuement décrit permet d'affirmer que l'anomalie des

orteils ne s'accompagne d'aucune autre malformation congénitale ou rachitique.

La taille de l'enfant est de 1 m. 06 ; le poids 18 kilog. 500.

Le crâne, symétrique (la bosse, frontale droite est cependant plus dévelop-

pée), et de type brachycéphale, mesure :

242 CHEVALLIER

mier semble très court. Il est circonscrit par deux demi-sillons qui convergent

vers l'axe du doigt après un trajet ascendant sur les dos du pied (lig. 1). Le

deuxième orteil paraît « s'enclaver comme un coin entre le gros orteil et le

troisième » (Bourneville). Le volume du doigt est normal ; l'ongle est bien

conformé. La radiographie n'a pas été`faite.

Le début de l'anomalie ne peut être précisé. "-

L'hérédité est très chargée. Légère est absinthique, presque toujours ivre,

et très violent. Le grand-père paternel était alcoolique et mourut gâteux ; la

grand'mère est méchante, hargneuse et insouciante ; un grand oncle est atteint

du délire de persécution ; un autre est idiot; une grand'taute est épileptique,

méchante, vicieuse. Plusieurs oncles et tantes paternels sont morts en bas âge,

trois tantes restent; une est épileptique, toutes sont méchantes et insociables.

De leurs enfants une petite fille est « très bizarre ».

La mère qui a donné ces renseignements sur la famille de son mari,qu'elle dé-

teste, est nerveuse, impressionnable et triste. Vers six ans elle a subi un trau-

matisme du côté droit du crâne et en gardé, dit-elle, une sensibilité spéciale en ce

point. Pendant son adolescence on remarqua le gros volume du corps thyroïde

qui est aujourd'hui normal. Elle fut après sa formation sujette à de violentes

migraines. Les grands-parents maternels ne semblent pas tarés, mais un cou-

sin est bègue et, de ses enfants et petits-enfants, plus de la moitié tous les

garçons sont bègues ; une cousine est morte de convulsions,

Fic. 1

LA BRACHYMltLIE iIITAPOD1ALE CONGÉNITALE 243

Notre malade est née la troisième de cette union malheureuse. L'aîné mourut

à dix ans de méningite ; le deuxième est violent et impulsif comme son père ;

il n'y a pas de fausses couches. Notre garçon fut conçu au grand déplaisir des

parents. La mère, triste, irritable, craintive, buvait beaucoup de café. Elle eut

des pertes sanguines irrégulières pendant les trois premiers mois de sa gros-

sesse ; les mouvements actifs ne furent perçus qu'à cinq mois et beaucoup plus

faiblement que ceux des autres enfants. Vers la fin de la gestation, la mère

était somnolente et eut des vomissements. L'accouchement, un sommet, se fit à

terme, très rapidement, en 25 minutes. Les eaux étaient normales. Cependant

l'enfant naquit en asphyxie noire et ne fut ranimé qu'à grand'peine. Il pesait

à peine quatre livres. On le mit au biberon.

Deux jours après la naissance, l'enfant eut des convulsions « qui le laissaient

comme mort » ; à neuf mois se produisit la première crise épileptique avec

spasmes oculaires, convulsions toniques et cloniques ; à douze mois, nouvelle

crise. Dès ce moment l'enfant était manifestement anormal : il ne riait, ni ne

marchait, ni ne parlait. La première dent n'apparut qu'à 13 mois; la parole

et la marche commencèrent à plus de deux ans ; le gâtisme ne cessa qu'à

quatre.

En même temps l'enfant subit successivement et à quelques mois d'inter-

valle, les oreillons, la coqueluche, la rougeole, la scarlatine. Pendant la conva-

lescence de cette dernière, l'épilepsie typique mais prédominant à droite

réapparaît ; bientôt les crises se rapprochent, se groupent, deviennent même

certaines semaines subintrantes, et de telles séries laissent une parésie droite,

durant plusieurs jôurs..

Hérédité encéphalopathique et alcoolique, lésion cérébrale ou épilepsie

progressive, à ces tares s'ajoute la scrofule attestée par la blépharite habituelle,

la fréquence des engelures graves, la tuméfaction froide des ganglions.

(A suivre.)

OSPEDALE AGGIORE DI BOLOGNA

SECTION DE ROENGTENOLOGIE

Directeur : M. le Dr 131,sl.

L'ACHONDROPLASIE EST-ELLE HÉRÉDITAIRE ?

QUATRE CAS D'ACHONDROPLASIE CHEZ DES ADULTES.

ÉTUDE CLINIQUE ET RADIOGRAPHIQUE,

PAR R

Giuseppe FRANCHINI et Mauro ZANASI (1).

Quoique la question de l'achondroplasie ait'été déjà traitée à plusieurs

reprises dans l'Iconographie et encore tout récemment par M. le Dr Levi,

nous croyons cependant que la contribution de quatre cas d'achondroplasie

chez des adultes pourra sembler utile si l'on veut considérer que les efforts

tendant à fournir l'explication de l'essence intime de cette anomalie du

squelette n'ont donné jusqu'à présent que des résultats fort incomplets.

La pathogénie de la maladie est particulièrement ignorée. Or, comme

avec les cas que nous allons décrire se présente un fait, à ce qu'il nous

semble, encore inconnu, celui de l'existence d'une véritable famille achon-

droplasique, composée du père, de la mère et d'un enfant, nous croyons

qu'il vaut la peine de le publier, non seulement parce qu'il est- nouveau,

maise ncore parce qu'il est capable d'apporter un éclaircissement à la patho-

génie de l'achondroplasie.

Observation I (PI. XXII à XXV).

Bernabé Andréa, âgé de 59 ans, de Jaenza, colporteur.

Antécédents héréditaires. Son père est mort d'accident à 54 ans (explo-

sion de mine). Il était de haute taille, bien bâti et n'avait jamais été malade.

La mère est morte, il y a 29 ans, après une longue maladie, qu'on ne sau-

rait préciser, une cardiophathie, semble-t-il. Deux soeurs du patient; de haute

taille, bâties régulièrement, se portent actuellement bien et ne souffrirent ja-

mais de formes morbides particulières.

Il n'a pas été possible de savoir si le sujet a eu d'autres frères ou soeurs, si

sa mère a eu des fausses couches, car dès son enfance il a vécu hors de sa

famille. Ni chez les ascendants, ni chez les collatéraux, rien de remarquable.

(1) La partie clinique et critique de ce travail revient à M. Giuseppe Franchini ; la

partie radiographique à M. Mauro Zanasi.

Nouvelle Iconographie DE la SALpETRttRE.

T. XXIII. PI. XXII

ACHONDROPLASIE

(G. Frallcbilli et M. Zanasi).

Obs. I. Bernabé Andréa.

Masson & Cie, Editeurs.

Photot) piC ltertliaii,1, Pai il

Nouvelle ICONOGRAI'liIL DI, la SALPf.1RIIHF.

T. XXIII. PI. XXIII

ACHONDROPLASIE

(G. Frnrrchini et M. Zanasi).

(Obb. I. Bernabé Andréa). Radiographies des mains et des pieds.

Masson & Cie, Editeurs

rnou,ni ? n.rmoua, rnrs

"4PLJ-PLLE ICONOGRAI'L]IE DE LA 'ALPÉrRIÈ94. T XXI;I. Yl. XXIV

ACHONDROPLASIE

(G. Franchini et M. Zanasi).

Radiographies du genou et du coude (Obs I. Bernabé Andréa).

Masson & Cie, Editeurs.

Nouvelle Iconographie DE la SALPtTRItRE. T. XX1U. PI. XXV

ACHONDROPLASIE

(G. Franchini el M. Zanasi).

Radiographie de la tête de Bernabé Andréa. (Obs. 1).

Masson & Cie, Éditcurs.

l'achondroplasie EST-ELLE héréditaire 245

Antécédents personnels. Le patient est né à terme, d'un accouchement

physiologique ; il fut allaité par sa mère. Dès sa naissance, ses parents s'aper-

çurent qu'il n'était pas comme les autres enfants et qu'il avait la tête très

grosse. Dans son jeune âge, il a souffert des exanthèmes ordinaires de l'en-

fance ; à 12 ans, dans une chute, il se fit une lésion au niveau du pariétal gau-

che, qui guérit en huit jours ; à la même époque il fut admis dans une troupe

de saltimbanques, avec lesquels il parcourut une grande partie de l'Italie et du

monde entier. Notre patient, à cause de sa petite taille, de sa tête énormé-

ment développée et de ses extrémité raccourcies, était un objet de la curiosité

du public. Entré dans un cirque en qualité de clown, il fut appareillé à un

camarade de conformation semblable à la sienne, mais un peu plus haut

de taille ; ils furent appelés « les nains frères Bagonghi » du nom de la famille

de son compagnon, qui était espagnol. A 15 ans, en Sardaigne, notre patient a

souffert de fièvre tierce qui fut traitée par la quinine et dura deux mois

environ. 1

A 18 ans, toujours avec des saltimbanques, parcourut toute la France, puis

passa en Espagne, en Algérie et en Turquie, en s'arrêtant dans les villes pour

donner des représentations, provoquant toujours les rires du public par sa

figure drôle, ses réparties et ses plaisanteries.

A 28 ans, à Sfax en Barbarie, il fut atteint d'une grave maladie d'yeux,

caractérisée par une cuisson intense et par une sécrétion purulente qui dura

environ vingt jours; en même temps il eut une éruption cutanée répandue

sur tout le corps caractérisée par de petits abcès aboutissant à suppuration.

Il n'eut pas de fièvre et sa maladie guérit au bout d'un mois environ. Le patient

affirme qu'une telle 'maladie était du pays et que beaucoup de monde en était

frappé. Ensuite il reprit ses voyages, toujours en bonne santé. Une fois seule-

ment, ayant mal pris ses mesures pour sauter, il tomba et se cassa le bras. Il

fut en Abyssinie à la cour du roi Théodore, puis dans l'Amérique du Sud, au

Pérou, au Mexique, en Bolivie; revenu en Europe, il voyagea en Russie, en

Autriche et de nouveau en Italie et particulièrement en Sicile.

Arrivé à l'âge d'environ 38 ans, il fut atteint de troubles intestinaux avec

douleurs, constipation et fièvre légère ; durée vingt jours environ. Depuis notre

petit homme s'est bien porté ; il ne signale qu'une entorse du pied, causée par

un saut, et des rhumes de peu d'importance, bien vite guéris.

C'est après sa trentième année qu'il commença à prendre rapidement de

l'embonpoint ; sa taille grosse et trapue se fit encore plus monstrueuse et dis-

proportionnée. Depuis quelques années, son ouïe s'affaiblit des deux côtés ; il

en est de même pour sa vue, si bien que maintenant pour lire il doit se servir

de lunettes.

Il y a deux mois, il s'aperçut d'une hernie inguinale à gauche, causée par

un effort.

Gros mangeur, le patient a été aussi un très fort buveur ; il s'adonna beau-

coup aux femmes ; il nie avoir jamais été atteint par la syphilis ; à 26 et 38 ans

il eut deux fois la blennorrhagie, l'une et l'autre fois bien vite guérie, d'après

ce qu'il en dit.

246 - GIUSEPPE FRANCHINI ET MAURO ZANASI

Toujours il a mené cette vie nomade, spéculant de sa ligure grotesque; il

s'est toujours bien porté, il était très actif, faisant tous les jours des exercices

fatigants dans les cirques et devant le public.

La défécation ainsi que l'urination ont toujours été normales.

Examen général. Etat actuel. Comme on peut s'en rendre compte en

se reportant à la photographie, le sujet constitue un cas typique d'achondro-

plasie. La tête est énorme, carrée, avec des bosses frontales saillantes ; le nez

est aplati, le tronc développé en largeur et en longueur, comme l'est celui

d'un adulte. Les extrémités sont très raccourcies en comparaison du tronc,

les mains et les pieds carrés, larges et courts. Ces disproportions sont bien

mises en évidence par les mensurations suivantes :

L'ACHONDROPLASIE EST-ELLE HEREDITAIRE 247

248 GIUSEPPE FRANCHIE ET MAURO ZANASI

L'ACHONDROPLASIE EST-ELLE HÉRÉDITAIllE 249

athlétique, particulièrement aux extrémités et aux régions fessières. Les mus-

cles sont toniques. Le tissu adipeux est très développé, particulièrement au

tronc.

Thorax. Ample, du type carré ; mamelles bien développées, les espaces

intercostaux sont amples, les côtes normales, sans aucun signe de rachitisme.

Le sternum est long et large, quelque peu repoussé à l'intérieur dans sa moi-

tié inférieure. Le dos est aplati et la colonne vertébrale montre une lordose

lombaire très accentuée. -

Appareil respiratoire.= Rien de remarquable.

Appareil circulatoire. Coeur avec ses diamètres plus longs qu'à l'état

normal ; léger souffle systolique à la pointe et forte accentuation du deuxième

ton à la pulmonaire. Du côté des vaisseaux périphériques on peut relever une

forte athéromasie,très évidente aussi sur les épreuves radiographiques.Pression

artérielle numérale droite au sphygmo-manomètre de Riva-Rocci. 140 milli-

mètres de mercure.

Abdomen, - Il est plutôt proéminent, à cause même de la lordose lom-

baire ; le tissu adipeux y est très abondant. Réflexes abdominaux normaux,

ainsi que les organes de l'abdomen. Il existe une hernie inguinale gauche.

Bassin ample, les régions fessières sont très développées. Les organes géni-

taux sont aussi fort développés ; la verge est grosse et longue et les testicules

extrêmement gros. A ce que dit le patient, sa puissance sexuelle est encore

bien conservée; même il se montre quelque peu libidineux. Beaucoup de poil

au pubis et sur l'abdomen. ,

Extrémités supérieures. Leur raccourcissement est des plus frappants,

ainsi qu'on peut voir sur les ligures, et elle est principalement du type rhizomé-

lique, quoique tous les segments soient très raccourcis.

Les mains sont courtes, du type carré, et le raccourcissement y est donné

particulièrement par les doigts. Ils montrent aussi clairement le type en tri-

dent décrit par M. P. Marie. A la main droite, le doigt moyen et l'annulaire

ont la même longueur. La peau sur les mains est grosse et épaisse, elle pré-

sente des rides nombreuses ; les ongles sont normaux,

Normaux les réflexes tendineux et périostes des extrémités supérieures.

Extrémités inférieures. De même le raccourcissement est du type rhizo-

mélique, car la cuisse particulièrement est raccourcie. Elles sont très bien

musclées, grosses et le tissu adipeux y est abondant. Les réflexes patellaires

sont normaux. Les jambes sont légèrement arquées avec leur convexité au

dehors.

Les pieds sont gros et larges ; ils sont courts, mais en proportion moins que

les mains. Le gros orteil des deux pieds est très gros ; au pied droit le quatriè-

me doigt est plus court et il se trouve implanté dans un plan supérieur et pos-

térieur aux autres. Les autres orteils, bien que plus gros qu'il est de règle,

ne présentent rien de remarquable. Les ongles sont normaux. Les réflexes

plantaires superficiels et profonds et les achilléens sont normaux. Il n'y a pas

de signe de Babinski.

xxm ' 17

250 GIUSEPPE FRANCHI NI ET MAURO ZANAS1

Partout sont normales toutes les espèces de sensibilité.

Examens particuliers. Examen des urines et du sang : rien de remar-

quable.

Examen ophtalmoscopique et du champ visuel normaux.

Il ne fut pas possible de faire la séro-raction de Wassermann pour la syphi-

lis, car le patient ne voulut absolument pas se laisser tirer du sang.

Examen radiographique : Crâne. - L'examen radiographique montre,

comme l'a déjà fait la clinique, un développement énorme de la voûte en com-

paraison de la base. Les parois;en général sont d'une épaisseur supérieure à la

moyenne, elles sont inégales, particulièrement à la région occipitale.

Visage. La mâchoire inférieure est bien développée et forme un angle

aigu et fort proéminent. La.\supérieure est peu développée et les os du nez sont

fort réduits.

Les dents très développées.

A la base du crâne la selle turcique est normale.

Extrémités supérieures : Articulation du coude. - Cette articulation est

quelque peu grossie à cause du fort développement des extrémités articulaires.

L'humérus dans sa partie voisine de l'articulation est recourbé, il présente

des sillons et il est d'une épaisseur inégale.

Cette irrégularité dans l'épaisseur peut s'observer aussi au cubitus et au ra-

dius, où la substance osseuse même est altérée, car en certains endroits la

couche corticale est fort épaisse et abondante ; en d'autres au contraire elle est

très manquante, inégale et, peut-on dire, presque disparue.

Main. Les os du carpe, métacarpe et des phalanges sont gros, lourds

et très courts. Aux phalanges, la substance spongieuse est très abondante et sur

plusieurs on peut même dire que la couche corticale a presque disparu. Le

raccourcissement des mains résulte davantage d'une diminution en longueur des

phalanges que d'une diminution des métacarpiens.

Main droite. Ainsi qu'il résulte de l'examen clinique, l'index de cette

main se présente plus long que le correspondant de gauche, et par conséquent

il y a à droite une différence bien plus petite qu'à gauche, entre l'index et le

doigt moyen. A l'examen radiographique on voit que cela est dû à une plus

grande longueur du deuxième métacarpe et particulièrement de son épiphyse

distale qui est quelque peu déformée.

Main gauche. Ici aussi les os se présentent déformés, plus courts et lourds,

les épiphyses distales des métacarpes étant, particulièrement massives. '

Aux phalanges il faut remarquer l'exceptionnel raccourcissement des os. On

peut dire en général qu'il y a un fort développement de tissu spongieux.

Articulation du coude. Les plus fortes altérations se constatent aux

extrémités articulaires qui sont quelque peu augmentées [de volume et ont des

bords peu nets et irréguliers.

La partie visible de la diaphyse de l'humérus est recourbée et celle du

cubitus et du radius est irrégulière sur ses hords et dans son épaisseur.

Articulation du genou. - Les épiphyses du fémur et celles du tibia et du

péroné sont grosses et présentent une large surface. Le tibia à son bord exté-

L'ACHONDROPLASIE EST-ELLE HIsnDITA1RF 251

rieur se montre irrégulier ; la tête du péroné surpasse en partie en hauteur

la ligne articulaire et ainsi elle prend part à l'articulation du genou ; cela n'ar-

rive pas chez les individus normaux.

Pieds : Pied droit. - Les os du tarse sont lourds et déformés. Les méta-

tarsiens présentent leurs épiphyses grosses et aplaties ; les diaphyses aussi ne

sont pas normales, particulièrement dans leur longueur,car le V. métatarsien,en

outre qu'il est inséré plus postérieurement que celui de gauche, est aussi un

peu plus mince ; le IVe métatarsien est très court et inséré dans un plan supé-

rieur aux autres.

Phalanges. Dans le corps des os on observe que la substance corticale

est fort diminuée, et au contraire que la spongieuse est augmentée. Les pha-

langes sont courtes, particulièrement la première du quatrième doigt, et quel-

ques-unes montrent, soit aux diaphyses soit aux épiphyses, des exostoses.

Pied gauche. Mêmes altérations dans la conformation qu'on a remarquées

au pied droit.

Ici il n'y a pas d'altérations particulières dans la longueur des métatarsiens

et des phalanges.

Le premier métatarsien est plus gros et plus déformé qu'à l'autre pied et il

est aussi quelque peu en abduction.

Au pied droit, ainsi qu'au pied gauche, on peut remarquer la présence d'os

sésamoïdes surnuméraires dans plusieurs articulions.

OOBSERVATION II (Pl. XXVI à XXVHI).

Auguste C, âgé de 35 ans, né à Cologne, jongleur.

Antécédents héréditaires. Son père est mort depuis longtemps on ne

sait de quelle maladie. Il était bien bâti et de constitution forte. La mère est

vivante, saine et de conformation normale. Elle a eu 13 enfants, dont 12 sont

morts et le treizième est notre malade. Elle n'eut jamais de fausses couches.

Deux des enfants moururent tout de suite après l'accouchement, l'un d'asphy-

xie et l'autre d'ictère (il était né ictérique) ; les autres moururent en bas âge

à cause de maladies intercurrentes ; tous ces enfants étaient de conformation

normale. Rien de remarquable, ni chez les ascendants, ni chez les collatéraux.

Antécédents personnels. Né à terme, après un accouchement physiolo-

gique, il fut allaité par sa mère. D'après ce qu'il en dit, dès sa naissance le

patient avait un poids inférieur à l'ordinaire et dans les années suivantes il

resta toujours de forme petite et de constitution assez grêle. La tête n'était

pas très grosse, mais le devint dans la suite. Enfant, il n'a jamais souffert des

exanthèmes ordinaires de l'enfance ; plus tard il n'a jamais eu de maladies bien

caractérisées et dignes d'être remarquées. Seulement le patient affirme qu'il a

toujours été un peu faible, de teint blême et que dès ses premières années,

ses parents s'aperçurent qu'il grandissait trop lentement et que les extrémi-

tés, particulièrement les inférieures, restaient en retard dans le développement,

en comparaison du tronc. A l'âge de 15 ans, sans qu'il y eût des dérangements

particuliers pour le patient, sa tête commença à grossir hors de mesure, et

dans les années qui suivirent elle a toujours augmenté jusqu'à l'état actuel.

252 GIUSEPPE FRANCHINI ET MAURO ZANASI

A 20 ans il fut atteint d'une blennorrhagie, bien vite guérie.A 23 ans, il épousa

une femme saine, mais de dimension très petite, ayant la tête grosse et les

extrémités excessivement raccourcies. A 20 ans elle était haute d'un mètre

environ (ayant eu occasion de l'examiner, je peux affirmer qu'elle est un cas

typique d'achondroplasie). De ce mariage naquit une enfant, maintenant âgée

de 11 ans ; elle est très petite (70 cent. environ), sa tète est grosse et ses

extrémités sont très raccourcies ; en somme elle est tout à fait pareille à ses

parents.

A l'accouchement la mère dut subir l'opération césarienne dans une mai-

son de santé.

A partir de l'âge de 23 ans jusqu'à présent, notre patient n'a jamais pré-

senté rien de remarquable, si ce n'est des rhumes légers ; souvent il s'est

excessivement fatigué, et il s'est exposé à des causes rhumatisantes sans subir

de ce fait le moindre dérangement. Depuis plus de dix ans, il parcourt l'Eu-

rope avec d'autres nains pour se montrer en public. Il chante et il danse

accompagé par sa femme, qui joue du piano. Il a parcouru l'Allemagne, la

France, la Belgique, la Hollande et c'est maintenant pour la première fois

qu'il est descendu en Italie, toujours l'objet de la curiosité des nombreux visi-

teurs à cause de sa conformation particulière et de celle de ses compagnons.

Depuis nombre d'années il jouit d'une santé enviable; fort mangeur et buveur

modéré, d'une humeur toujours gaie et amusante, il aime la société, il est

loquace et fait preuve d'une intelligence supérieure à la moyenne.

Il n'a jamais été atteint de syphilis ; on a dit qu'il avait souffert d'une blen-

norrhagie, qui dura peu de temps.

Etat actuel. Examen général. C'est un individu très bas de taille :

123 centimètres; son squelette est très irrégulièrement constitué à cause du

fort développement de la tête et du raccourcissement anormal des extrémités,

particulièrement des inférieures (La tête, le tronc, les extrémités montrent

les caractéristiques typiques de l'achondroplasie). La peau est brunâtre, épais-

sie et onctueuse au toucher ; les muqueuses visibles sont de couleur rosée.

L'appareil ganglionnaire lymphatique extérieur est normal. Le tissu adipeux

est abondant et la musculature, particulièrement aux extrémités, anormalement

développée.

Mensurations :

Nouvelle Iconographie DE la SALYÈ'1RIL`RE.

ACHONDROPLASI1 :

(G. Fr-ncbiui cl 1T. lrruasi.

Obs II. August. Obs. III. Otto.

Nouvelle Iconographie DE la Salpltrilre.

T. XXIlI. Pl. XXVII

ACHONDROPLASIE

(G. Frnrrchini et M. Zanasi).

Obs. II. August.

Radiographies du coude, du genou et du pied.

Masson & Cie, Editeurs.

PIIOlot rlC n1 thaud, Pans

Nouvelle Iconographie DL IA SALYC7ftiCftF.

T. XXIII. Pl. XXVIII

ACHONDROPLASIE

(G. Frallcbilli el M. Zlllltlsi).

Obs. II. August.

Radiographies des mains et des pieds.

Masson & Cie, Editeurs.

hlmlotpir IkrilmuJ, Pnn<

L'ACHONDROPLASIE EST-ELLE HÉRÉDITAIRE 253 3

254 GIUSEPPE FRANCHE ET MAUKO ZANAS1

La mentalité du patient est normale. L'intelligence bien développée et un

peu supérieure à la moyenne. Le patient lit et écrit très bien, il parle pas-

sablement le français ; de parole facile, il répond avec promptitude aux

interrogations qu'on lui adresse et il montre une vive imagination. Comme

directeur de sa petite troupe, il doit s'occuper de toutes choses et dans l'expé-

dition des affaires il montre de la pénétration et du bon sens.

Ni par les mots ni par les pensées il ne révèle aucun caractère d'infantilisme.

En conclusion je puis dire qu'ici il s'agit d'une mentalité parfaitement nor-

male et bien équilibrée et d'une intelligence plutôt supérieure à la moyenne.

Visage. Traits mimiques réguliers et expressifs. La Ve et la VII° paire

sont intègres. Le visage est large, à type carré et il n'y a pas de prognathisme.

Yeux. - Normaux quant à la saillie,pas de nystagmus ; pupilles d'ampleur

normale et réagissant bien à la lumière et à l'accommodation.

Champ visuel normal ainsi que le fond des yeux et que l'acuité visuelle.

Ne : , très enfoncé à la racine et au milieu, élargi à la base. Odorat normal.

Bouche. Dentura complète et saine ; dents bien implantées.

Palais ogival. - Luette et amygdales grosses et rouges ; voile du palais

normal. Déglutition et phonation normales. 1

Langue assez grosse ; elle n'est défléchie d'aucun côté. Le sens du goût est

normal.

Oreilles normales quant à la conformation extérieure ; l'ouïe bien conservée

bilatéralement.

Cou. Il est gros et court ; la thyroïde légèrement grossie partout et un

peu dure à la palpation.

Thorax. Il est ample, carré et long. Clavicules et côtes normales ; il n'a

pas de signes de chapelet rachitique ; le sternum est long et large. Postérieu-

rieurement le thorax est très aplati ; les omoplates sont très petites. La colonne

vertébrale présente dans sa portion lombaire une forte lordose.

Les muscles du thorax sont tous bien développés.

Appareils circulatoire et respiratoire, normaux.

Abdomen. - Il est un peu proéminent, mais bien moins que dans le cas

précédent; les organes abdominaux sont normaux. Les réflexes abdominaux

sont très prompts.

Bassin. La circonférence est très grande ; il y a un développement très

accentué des muscles fessiers. Le pubis est recouvert d'abondants poils noirs ;

les organes génitaux sont développés plus que de coutume ; la verge est très

longue ; les testicules gros tous les deux.

Extrémités : Extrémités supérieures. Elles sont énormément raccour-

cies et du type rhizomélique ; les mains sont courtes et aplaties et elles ne

présentent aucune anomalie dans leur longueur.

Les réflexes tendineux et périnstaux des extrémités supérieures sont assez

vifs.

Extrémités inférieures. En 'proportion elles sont plus courtes que les

supérieures ; ce raccourcissement est fait particulièrement aux dépens de la

cuisse. Les muscles sont développés et je dirai presque athlétiques. Ainsi que

l'achondroplasie EST-ELLE HÉRÉDITAIRE 255

dans le cas précédent, les jambes sont un peu arquées avec convexité à

l'extérieur.

Les réflexes patellaires sont prompts bilatéralement; très vifs les achil-

léens ; au pied on obtient quelques secousses cloniques. Réflexes plantaires

superficiels très prompts ; les profonds normaux.

Rien de remarquable du côté des diverses espèces de sensibilité dans toutes

les parties du corps.

Marche à petits pas à cause du raccourcissement des extrémités inférieurs

et elle tend un peu à la démarche du canard.

Examens particuliers des urines et du sang. -Rien de remarquable.

Examen radiographique de August C. Crâne (En position latérale). Os

du crâne à contour régulier, d'une épaisseur à peu près normale. Protubé-

rance occipitale externe très développée. Les sutures sont très peu visibles et

l'on a peine à voir les sillons de l'artère méningée moyenne.

Les sinus frontal, maxillaire et sphénoïdal sont très développés ; on ne voit

pas les cellules mastoïdiennes. A la base du crâne la selle turcique est très

petite quant à sa hauteur, normale quant à son diamètre sagittal et aussi nor-

male quant à ses diverses parties.

Rien de remarquable aux mâchoires, aucune dent surnuméraire.

Articulation du coude (Position antéro-postérieure en extension complète

avec un certain degré de rotation). Il est difficile de bien évaluer les rap-

ports de forme et de position des diverses parties qui constituent l'articula-

tion du coude, étant donnée sa grande déformation. Elle est évidente par-

ticulièrement dans sa position épiphysaire latérale extérieure, où il semblerait

que le chapiteau humerai du radius fût peu développé.

Mains. Elles ne montrent d'anormal qu'une grosseur des phalanges plus

grande, en proportion des dimensions des mains, excepté le petit doigt qui est

de dimension normale. Les extrémités distales des métacarpes sont très élar-

gies et présentent la forme d'une feuille à plusieurs lobes. A l'articulation du

poignet on remarque un ostéophyte du bord intérieur épiphysaire du radius,

un peu au-dessus de l'articulation cubito-radiale.

Les extrémités articulaires du cubitus et du radius sont très déformées. Ce

dernier descend plus bas que de coutume et par conséquent l'espace correspon-

dant au fibro-cartilage triangulaire est fort diminué. L'apophyse styloïde du

cubitus est très allongée et développée, grossie à la pointe presque autant qu'à

la base ; celle du radius au contraire n'est pas bien délimitée.

Articulation du genou(En position antéro-postérieure). Toute l'articulation

parait un peu augmentée de volume. L'épiphyse inférieure du fémur est consi-

dérahlement déformée ; chacun des condyles latéralement et inférieurement

présente un angle aigu ; les condyles sont des deux côtés bien plus grands

que de coutume. Le sillon moyen entre les deux condyles est plus prononcé que

d'ordinaire.. .

L'épiphyse supérieure du tibia est déformée, mais moins que l'épiphyse

inférieure du fémur. Le bord diaphysaire extérieur à son extrémité inférieure

présente une saillie très transparente et comme attachée à la surface ; on doit ,

l'attribuer probablement à la tubérosité antérieure du tibia projetée décote.

256 GIUSEPPE FRANCH1N1 ET MAURO ZANASI

\ ..

L'épiphyse supérieure du péroné est, elle aussi, déformée ; sa pointe atteint

à peu près le niveau de la ligne articulaire.

La rotule ne présente rien de particulier.

Pied (En position latéro-tibio-fibulaire). - L'épiphyse inférieure du tibia

s'élargit postérieurement d'une façon anormale, en éventail.A quelques centimè-

tres au-dessus de l'angle postéro-inférieur de cette épiphyse on observe

une saillie osseuse triangulaire large de quelques millimètres, transparente

aux rayons X.

En position antéro-postérieure. Le premier métatarsien des deux côtés

est lourd et présente de fortes saillies épiphysaires. Les extrémités inférieures

des autres métatarsiens des deux côtés sont considérablement élargies. A droite

il y a un os surnuméraire (tibial extérieur); à gauche on observe la présence

du même os cassé ou partagé en deux.

Observation III (PI. XXVI, XXIX à XXXI).

Otto B., de Posen, jongleur, âgé de 23 ans.

Antécédents héréditaires. Le père est mort depuis beaucoup d'années,

on ne peut préciser de quelle maladie. Il était de constitution robuste et de

taille assez élevée. La mère est vivante et saine, bien bâtie et âgée de 61 ans.

Elle n'aurait jamais eu de maladies de quelque importance. Notre patient a

deux soeurs et trois frères tous bien bâtis. Rien de remarquable ni chez les

ascendants nichez les collatéraux.

Antécédents personnels. Né à terme, après un accouchement laborieux,

il fut allaité par sa mère. Dès sa naissance il a toujours eu la tête très grosse,

le médecin affirme même qu'il s'agissait d'un hydrocéphale. La dentition fut

normale et l'enfant commença à marcher assez vite. Il ne fut pas atteint des

exanthèmes ordinaires de l'enfance, et hormis quelques légères attaques d'in-

fluence guéries en peu de jours, il n'a jamais eu de maladie. Dès son enfance

il montra une intelligence éveillée, il alla à l'école et apprit vite et bien à lire

et à écrire.

Le patient affirme que dès ses premières années son développement corporel

se montra insuffisant et anormal, car tandis que la tête et le tronc croissaient

comme chez un individu normal (même la tête était bien plus grosse), les bras

et particulièrement les jambes étaient énormément raccourcis. Ces faits sont

allés en s'accentuant toujours davantage, si bien qu'à l'âge actuel de 23 ans il

il n'a que 115 centimètres de hauteur.

Depuis quelques années il fait partie d'une troupe de nains, avec laquelle il

a parcouru une bonne partie de l'Europe et maintenant il se montre chez les

cinématographes en compagnie d'un camarade et de la femme de ce dernier;

tous trois sont à peu près de la même taille et de la même conformation.

Il joue des morceaux de musique en s'accompagnant avec des sonnettes et,

en cet exercice, il se montre très habile.

Examen objectif. Examen général. - Il suffit d'un examen sommaire

pour reconnaitre dans notre patient un cas typique d'achondroplasie. La tête

grosse, carrée, ultra-brachycéphale, son tronc gros et long comme celui d'un

individu normal, sa forte ensellure lombaire, ses extrémités excessivement

Nouvelle Iconographie DE la SALPETRILR.

T. XXlI1 Pl. XXIX

ACHONDROPLASIE

(G. Fnl11cbilli el M. Zanasi).

Obs. III. Otto.

Radiographies du coude, du genou et du pied.

Masson & Ce, Editeurs

Phntnlypte 13eUhnuJ, Paris

OU\ELLE ICONOGKAl'HII DE IA SAIPJ : IHII.Hr

T. XXIII. Ni. XXX

ACHONDROPLASIE

(G. Frnrrobirri el M. Zanasi).

Obs III. Otto.

Radiographies des mains et des pieds

Masson & C1C, Editeurs.

NOUVELLE Iconographie de la SALI'C7RICI11 : .

T. XXIII. l'1. XXXI

Obs. II. August.

Obs. III. Otto.

ACHONDROPLASIE

(G. Fra/lcbi/li ci M. Zt1/1t1.11).

Radiographies des crânes d'August. et Otto.

L'ACHONDROPLASIE EST-ELLE HÉRÉDITAIRE 257

raccourcies, sont tous des signes typiques et caractéristiques de telle maladie.

Les mensurations nue ie vais exposer en seront la preuve convaincante.

258 GIUSEPPE FRANCH1NI ET MAURO ZANASI

L'ACHONDROPLASIE EST-ELLE HÉRÉDITAIRE 259

Le front est haut, énorme et saillant en avant ; le visage paraît petit, quoi-

qu'il ne le soit pas, en comparaison du front. Les bosses frontales sont volumi-

neuses, saillantes et davantage la droite.

Les yeux, d'une saillie normale, ne présentent rien de caractéristique.

Champ visuel et fond des yeux parfaitement normaux. Normale aussi Vacuité

visuelle. '

Le nez est plutôt petit, aplati à la base et à son milieu.

Odorat normal.

Bouche. Muqueuses de la bouche et des gencives normales.

Denture saine ; dents normales et bien implantées. Palais typique ogival,

luette hypertrophique et rougie ; voile du palais et amygdales rouges également.

Normal le réflexe pharyngien.

La langue est tirée droite de l'arcade dentaire et ne présente rien de remar-

quable.

Normale l'articulation de la parole et la déglutition.

Les oreilles sont un peu petites ; normale la perception de l'ouïe bilatérale-

ment. '

Cou. Il est cylindrique, gros et court. On ne peut pas tâter la glande thy-

roïde. -

Thorax. Il est ample, du type carré, aussi long que chez un individu

normal. Les espaces entre les côtes sont plutôt larges, le sternum est long et

large; les côtes normales ; aucun signe de chapelet rachitique. Postérieure-

ment le thorax est aplati, les omoplates sont petites et raccourcies. La colonne

vertébrale aux régions cervicales et dorsales ne présente rien de remarquable ;

à la région lombaire au contraire il y a une forte lordose. Sur tout le thorax

le tissu adipeux et le tissu musculaire sont abondants ; le système pileux rare ;

les seins sont assez développés et du type féminin. L'appareil circulatoire ne

donne rien de particulier.

Abdomen. - Il est assez volumineux et tympanique à la percussion ; les

organes abdominaux sont parfaitement normaux. Les réflexes abdominaux sont

quelque peu vifs bilatéralement.

Les organes génitaux sont bien développés et particulièrement la verge; la

fonction sexuelle est normale. Assez de poils sur le pubis.

Extrémités supérieures. Elles sont anormalement raccourcies et grossies

à cause du fort développement de l'appareil musculaire. Ce raccourcissement

se montre d'une façon particulière du côté du bras ; il est par conséquent du

type rhizomélique. Les mains sont petites, courtes et grossières et elles présen-

tent même spontanément la forme eu trident, décrite par M. P. Marie. Aucune

anomalie dans la longueur des doigts. Peau des mains normale ; réflexes

périostés et tendineux des extrémités supérieures normaux.

Extrémités inférieures. Elles sont plus raccourcies en proportion que

les supérieures et ce raccourcissement est aussi du type rhizomélique. Les

jambes se présentent un peu recourbées avec leur convexité il l'extérieur.

Le système musculaire est très développé et aux régions fessières il forme des

proéminences très accentuées. Cette accentuation paraît encore plus grande à

cause de la forte lordose lombaire.

260 GIUSEPPE rRANC111N1 ET MAURO ZANASI

Les pieds sont petits, raccourcis et larges, petits aussi les doigts et sans

aucune anomalie. Les réflexes patellaires sont vifs bilatéralement, les achilléens

et les plantaires sont normaux.

Les articulations des extrémités et particulièrement celles des épaules, des

coudes et des genoux, se présentent toutes quelque peu grossies.

Rien de remarquable du côté des diverses espèces de sensibilité.

Examens particuliers. Examens des urines et du sang, rien de particu-

lier.

Examen ophtalmoscopique et du champ de visinn, résultats normaux.

Examen radiographique : Crâne. En position latérale.A noter les mêmes

faits que dans le cas précédent pour ce qui concerne sa conformation. De même

ici les divers sinus sont plus larges que d'ordinaire. Le selle turcique est assez

petite et n'est pas altérée sur ses bords. Les mâchoires ne présentent rien de

remarquable, il n'y a pas de prognathisme. Quant aux dents, on y observe la

présence d'une canine surnuméraire il gauche.

Coude.- (En position antéro-postérieure, flexion légère).

Articulation assez grosse à fortes saillies (par exemple la tubérosité bicipi-

tale du radius). Le radius dans son ensemble, vu de front, a la forme d'une S.

Le sommet de la grande convexité de la partie inférieure de l'S est formé par

une tubérosité. Le chapiteau huméral, dans l'articulation radiale, paraît moins

développé que de coutume. Il en résulte un espace intra-articulaire plus grand

et d'autant plus que le coude ne fut pas pris en parfaite extension, mais en

légère flexion.

Mains. Comme dans le cas [précédent, ici aussi les phalanges sont plus

grosses que de coutume, en comparaison de leur longueur. Dans l'ensemble les

os de la main ont une forme moins grossière que dans l'autre cas (Auguste C.),

à l'exception du cubitus dans l'articulation du poignet, où l'on observe

une apophyse styloïde énorme, longue et grosse ; l'espace correspondant

au fibro-cartilage triangulaire est diminué.

Genou. En position antéro-postérieure. ,

L'épiphyse inférieure du fémur est considérablement déformée ; les condyles

se présentent à angle aigu ; les épicondyles sont des deux côtés bien plus

grands que de coutume et surpassent latéralement les condyles, surtout l'in-

terne. Il en résulte par conséquent une forme extrêmement baroque. Les cicatri-

ces épiphysaires sont aux lieux et dans les limites normaux. La ligne interar-

ticulaire ne présente rien d'anormal. L'épiphyse tibiale est déformée, surtout

pour son condyle interne. Le péroné parvient avec sa pointe supérieure au

niveau de la ligne articulaire.

L'extrémité supérieure de cet os est remarquablement déformée.

La rotule apparaît de forme et de structure normales.

Rien d'autre qui mérite d'être signalé.

Pied. Position latérale fibulo-tihiale.

L'arcade plantaire est très prononcée, et par conséquent l'arc formé par le

tarse et les cunéiformes est plus saillant que de coutume vers la face dorsale

du pied.

L'ACHONDROPLASIE EST-ELLE HÉRÉDITAIRE

261

Le bord postérieur de l'extrémité inférieure du tibia présente deux saillies

osseuses, à base large, constituées par une substance osseuse très transparente,

presque sans structure. La malléole externe est en forme de spatule et sa

pointe descend un peu plus bas que de coutume. -

Le calcanéum est de forme massive. Les trabécules osseuses qui courent le

long de la tubérosité de cet os, au niveau des processus médians et latéraux,

présentent comme une interruption.

Pied. (En position antéro-postérieure).

La forme générale des os est lourde et grossière.

L'extrémité distale des métatarsiens est aplatie, irrégulière et très transpa-

rente. .

Les phalanges présentent peu de choses remarquables ; la dernière pha-

lange du gros orteil est quelque peu éfaufilée et porte latéralement des petites

exostoses.

Observation IV.

D'un quatrième cas je ne peux dire que peu de mots, car la patiente n'a

voulu se prêter qu'à peu d'examens.

Il s'agit d'une femme, Anna G., âgée de 33 ans, du canton de St-Gal. femme

d'Auguste C., dont nous avons parlé auparavant. A la simple vue s'impose la

diagnose d'achondroplasie, car la patiente, âgée de 33 ans, n'a que la hauteur

de 105 centimètres ; sa tète est très grosse, carrée, le nez aplati, le tronc est

FiG. 4. - Anna G.

262 GIUSEPPE FRANCHINI ET MAURO ZANASI

de la longueur de celui d'une femme normale, les extrémités sont excessive-

ment raccourcies ; les mains, petites, courtes et larges, présentent la disposi-

tion typique de main en trident. Le raccourcissement des extrémités est du

type rbizomélique. Tontes ces caractéristiques sont confirmées par l'examen

des photographies qui montrent ensemble le mari et la femme.

La femme a une intelligence très éveillée, une humeur gaie ; elle s'exhibe

avec son mari et l'autre camarade aux cinématographes où elle chante et joue

du piano, s'accompagnant elle-même et en accompagnant son mari. Pour par-

venir au clavier du piano, qui n'est pas très élevé de terre, elle doit se servir

d'un escabeau. Elle aussi a parcouru une grande partie de l'Europe, elle parle

plusieurs langues et en peu de temps a appris aussi l'italien.

Je vais résumer l'histoire qui m'a été rapportée par cette femme elle-même.

Elle est née de parents sains encore vivants, bien bâtis. Ses altérations du

squelette et de tout son corps ont toujours été évidentes dès sa naissance ; sa

tête a été toujours grosse et les extrémités très raccourcies. Elle n'a jamais eu

de maladies notables ni en bas âge ni plus tard. Son développement corporel,

même en avançant en âge, a toujours été de beaucoup inférieur à l'ordinaire ;

l'intelligence a toujours été très éveillée, si bien qu'elle apprit très vite à lire

et à écrire.

A 20 ans elle fut épousée par un homme d'une conformation telle que la

sienne ; seulement il était d'une taille un peu plus élevée.

Quelque temps après elle devint enceinte et une année et demie après son

mariage elle accoucha d'une enfant de conformation pareille à celle de ses pa-

rents. La grossesse apporta beaucoup de dérangements à la patiente ; un mois

avant l'accouchement, elle fut hospitalisée dans une maison de santé. L'accou-

chement eut lieu avec l'intervention du chirurgien et l'on dut pratiquer l'opé-

ration césarienne. Le mari affirme que l'on dut recourir à cette opération à

cause de la déformation du bassin et de la grosseur de la tète du foetus. Après

un mois de lit, la patiente sortit de la maison de santé et depuis lors elle n'eut

aucune maladie méritant mention.

La fille a aujourd'hui 12 ans environ, elle est haute de 80 centimètres seule-

ment ; sa tête est grosse, les extrémités sont très raccourcies et le père dit

qu'elle reproduit un peu pins en petit le portrait de sa mère. Elle est très in-

telligente, elle a fini ses classes et sait lire et écrire très bien. Elle fut allaitée

par sa mère et n'eut jamais aucune maladie.

Il n'y a aucun doute que la fille aussi ne soit un cas typique d'achondropla-

sie, vu sa taille très petite par rapport à son âge, la grosseur de la tête, le rac-

courcissement des extrémités.

En résumé, de tout ce qui résulte de l'examen objectif et de l'examen

radiographique des malades, aucun doute ne subsiste sur la diagnosed'a-

chondroplasie. Nous savons en effet que les caractères principaux de cette

forme morbide, qui a été si bien décrite pour la première fois par

L'ACHONDROPLASIE EST-ELLE HÉRÉDITAIRE 263

M. P. Marie, sont la petitesse de la taille, la macrocéphalie, la micromélie,

particulièrement de type rhizomélique, la longueur normale du thorax

qui fait ressortir encore davantage le raccourcissement des extrémités.

D'autres caractères qui peuvent manquer sont les anomalies relatives à la

longueur des doigts, la forme en trident de la main, l'ensellure lombaire,

l'aplatissement du dos ; l'intégrité des organes génitaux, tant chez les hom-

mes que chez les femmes, est presque toujours constante.

L'examen radiographique en général ne l'ait que confirmer ce qui a déjà

été constaté par l'examen clinique, c'est-à-dire l'augmentation de volume

des épiphyses aux os des extrémités, le raccourcissement des diaphyses qui

en général sont larges et épaisses, quelquefois recourbées, particulièrement

aux extrémités inférieures. Les épiphyses même sont altérées sur les bords ;

souvent il y a des exostoses, des calcifications ou des ossifications des in-

sertions tendineuses, etc. A l'articulation du genou, le fait remarquable est

que presque toujours la tête du péroné arrive plus haut que d'ordinaire.

Au crâne, en outre de l'ampleur de la voûte crânienne qui présente des

sinus frontaux et pariétaux très développés et de la platycéphalie occipi-

tale, il n'y a pas en général d'autres faits à noter.

Si donc nous comparons ces données que nous dirons fondamentales avec

celles que nous avons observées dans nos cas, nous y trouvons une corres-

pondance parfaite. En effet dans les trois cas décrits, il y a la petitesse de

la taille, qui dans l'un n'arrive qu'à 115 centimètres et nous permet de

compter ce cas parmi les plus petits aclio ndrop 1 asi (tues décrits. La macro-

céphalie, de type brachycéphalique, est exprimée par le chiffre qui mesure

la circonférence céphalique et par l'index céphalique en général élevé, et

qui arrive pour le premier cas à 91 cenlimètres. Le visage ne présente rien

de particulier, excepté le nez qui est un peu aplati chez tous les sujets. Le

tronc est très développé,carré et de la longueur de celui de l'adulte normal ;

le sternum est long,les côtes, les clavicules sont normales, il n'y a pas de cha-

pelet rachitique ; le dos est aplati, les omoplates petites et courtes ; il n'y

a pas d'altérations particulières des portions cervicale et dorsale de la co-

lonne vertébrale.' A la région lombaire il y a une forte lordose, ainsi qu'on

le voit sur les photographies des trois sujets. Le bassin est large, les mus-

cles fessiers très développés. Les organes génitaux sont normaux chez tous

les sujets. Les mesurations [des extrémités donnent une micromélie de

type surtout rhizomélique. Les mains sont larges, grosses, courtes ; ce rac-

courcissement est dû surtout aux doigts. Elles présentent la forme en

trident décrite par M. P. Marie, et chez le premier sujet les trois doigts

moyens tendent à l'égalité.

La musculature du tronc et celle des extrémités supérieures est très

développée, de manière à donner à nos sujets l'aspect de petits athlètes.

264 GIUSEPPE FRANCHINI ET MAURO ZANIS[

Les extrémités inférieures sont très raccourcies, bien plus en comparaison

que les supérieures, et ce raccourcissement est toujours du type rhizo-

mélique. Dans tous les cas les jambes sont un peu arquées avec leur con-

vexité au dehors.

Les pieds sont plutôt gros dans les trois cas et particulièrement dans le

premier, où ils présentent une anomalie que nous allons décrire. Au pied

droiteneffet le quatrième orteil est plus petit que les autres et il est implanté

sur un plan postérieur et supérieur. Ce fait n'existait pas aux mains.

M. Marie indique parmi les altérations de la main celle qui consiste en ce

que l'annulaire occupe un plan postérieur à celui des autres doigts, fait qui

a été vérifié par M. le Dr Lévi à la main et au pied d'un sujet qu'il a dé-

crit, et qu'il met en rapport avec le raccourcissement anormal du quatrième

métacarpien et du quatrième métatarsien, et qu'il croit pouvoir être consi-

dérécomme un nouveau caractère particulier du squelette de certains achon-

droplasiques. Il dit en outre qu'il s'agit peut-être d'un caractère général

et constant dans cette affection. Dans nos cas, ce fait ne se constatait que

chez un sujet et seulement au pied droit. Il est cependant intéressant et

c'est un mérite de M. Lévi d'en avoir donné l'explication; cette ano-

malie n'est pas exclusive de l'achondroplasie, car un de deux auteurs de

ce mémoire (Franchini) l'a vérifiée dans un cas d'infantilisme du type

Lorain, à la main et au pied droits.

Sur la mentalité des achondroplasiques on a beaucoup discuté, car elle

s'est montrée variable dans les divers cas étudiés. On a parlé de mentalité

supérieure à la normale, de mentalité normale et aussi de mentalité infan-

tile et d'une forte insuffisance psychique ; quelques auteurs ont même

affirmé que les conditions mentales des malades varient selon la grosseur

de la tète, de manière que ceux ayant la tête la plus grosse seraient les

plus insuffisants. En.ce qui concerne nos cas, quoique dans l'un la tête

soit fort grosse, nous pouvons parler de mentalité normale et probablement

supérieure à la moyenne, car ils ne manquaient ni d'intelligence ni d'i-

magination, ni des autres qualités propres d'une mentalité bien équilibrée.

De l'anamnèse de ces cas on peut tirer peu de chose ; rien à conclure à

propos du père, de la mère, des frères et des soeurs, tous étaient bien bâ-

tis. On ne peut faire état d'infections particulières chez les ascendants

ayant influencé la conception et le développement des enfants ; à cet égard

nous manquons de toute information positive.

Pour le premier cas nous n'avons pu obtenir le peu de sang nécessaire

pour pratiquer la séro-réaclion de Wassermann pour la syphilis. Pour le

deuxième cas, nous avons appris que tous les frères (12) sont morts, quel-

ques-uns à la naissance, les autres en bas âge ; des premiers l'un est mort

d'ictère, l'autre d'asphyxie. Sont-ce des données suffisantes pour admettre

L'ACHONDROPLASIE EST-ELLE HÉRÉDITAIRE 268

une affection syphilitique chez la mère ? On pourra la soupçonner, mais

nous ne pouvons rien affirmer, d'autant plus qu'il n'y a pas eu de fausses

couches.

Certainement chez les parents il n'y avait ni alcoolisme, malaria, ni

empoisonnement chronique qui aient pu exercer leur nocivité sur la

conception et sur le développement des enfants. Ils n'avaient pas d'alté-

rations particulières, psychiques ou squelettiques ; c'étaient donc des indi-

vidus parfaitemenl normaux.

En somme, sauf dans le deuxième cas où l'on peut soupçonner une sy-

philis chez la mère, chez les autres nous ne pouvons songer à aucune

cause infectieuse. Nous ne nions pas qu'elle ait existé et qu'elle ait influen-

cé, particulièrement durant les premiers mois de grossesse, le produit de

la conception, mais nous n'en savons rien et l'anamnèse ne peut nous

éclairer.

Cependant, dans plusieurs cas d'achondroplasie nous trouvons rapporté

que la grossesse a évolué normalement ; que s'il y a eu des troubles, ils

se sont manifestés dans les dernières périodes et particulièrement pendant

l'accouchement, où plusieurs fois on dut recourir à l'intervention du chi-

rurgien à cause de la grosseur disproportionnée de la tête.

On dit généralement que l'on naît achondroplasique, et cela est vrai ;

mais il n'est pas moins vrai que celte maladie parfois se complète avec

l'âge. Par exemple dans notre deuxième cas, le patient affirme qu'il est né

avec les extrémités raccourcies et le tronc normal, mais affirme aussi

que sa tête n'était pas très grosse et que c'est seulement à l'âge de 12 ou 13

ansqu'elle a commencé à grossir pour arriver au volume actuel. Et cela sans

le moindre trouble morbide, c'est-à-dire sans aucun de ces caractères qui

d'ordinaire accompagnent une augmentation de volume donnée par exem-

ple par une hydrocéphalie (Cette maladie, chez nos sujets, a pu être mise

hors de cause a priori et par l'examen du fond des yeux et par l'examen

radiographique). -

Les radiographies de nos malades ont montré les altérations que l'on

trouve ordinairement chez les achondroplasiques. Ainsi au crâne, outre

l'augmentation du volume in toto, elles ont montré un fort développement

des sinus frontaux. A la base du crâne, la selle turcique a été trouvée nor-

male dans le premier cas; dans les autres elle était petite par rapport

aux dimensions du crâne. Aux extrémités les altérations principales ont

été trouvées du côté des épiphyses qui étaient grosses et déformées. Les

diaphyses étaient en général grosses et recourbées, particulièrement dans

le premier cas. Çà et là on constate la présence d'ostéophyles et d'exos-

toses aux divers os, mais particulièrement à proximité des articulations.

La radiographie a montré d'une manière évidente que la tète du péroné

xnn 18

266 GIUSEPPE FRANCHINI ET MAURO ZANASI

arrive à la hauteur de l'interligne articulaire du genou. Les cartilages

épiphysaires étaient partout soudés, même dans le troisième cas, le plus

jeune, comme cela se trouve d'ordinaire chez les individus de l'âge de

nos sujets. Quant au volume et à la conformation des divers os, nous

dirons que dans le premier cas, plus âgé, ils étaient un peu plus déformés

et plus volumineux que dans le deuxième cas, et chez celui-ci plus gros

et plus déformés que chez le troisième, le plus jeune de tous. Donc, sans

vouloir généraliser ce fait, mais en partant seulement de nos observations,

on peut dire que chez les achondroplasiques plus âgés les os sont plus dé-

formés et plus volumineux que chez ceux d'âge moyen.

Ce fait n'est pas nouveau, et peut-être a-t-il suggéré à M. Kaufmann

sa classification bien connue en formes hyperplastique et hypoplastique

(outre la forme malacique), qu'il a décrites à propos de l'achondroplasie.

. En revenant à l'examen objectif de nos malades, on pourrait soupçon-

ner qu'il ne s'agissait pas d'achondroplasie, mais de myxoedème, étant

donnés chez eux le développement très fort du tissu adipeux et cellulaire

sous-cutané, la forme aplatie du nez et la basse stature ; mais quelques

données suffisent à exclure cette dernière forme morbide. En premier lieu

nous avons dit que la mentalité de nos malades est normale; la tête est

grosse, hyperbrachycéphalique, ce qu'on ne rencontre pas généralement

dans le myxoedème. La taille esl petite, mais à cause seulement du rac-

courcissement des extrémités inférieures, raccourcissement qui est du

type rhizomélique ; il y a une ensellure lombaire très forte ; ce sont là

des caractères qui manquent dans le myxoedème. L'examen radiographi-

que lève d'ailleurs tous les doutes, car il 'montre une conformation osseuse

lout à fait autre que celle du myxoedème, et dans tous nos cas, ce qui est

essentiel, tous les cartilages épiphysaires sont complètement ossifiés.

Il n'est pas possible de croire à t'infantitisme,notammentdutypeLorrain,

dans lequel l'individu est généralement bien proportionné, et où il n'y a

ni raccourcissement des extrémités, ni macrocéphalie, ni lordose lombaire.

De plus l'examen radiographique repousse absolument une telle forme.

Plus facile serait la confusion avec le rachitisme. Je ne veux pas ici dis-

cuter s'il existe ou non,un rachitisme congénital, car c'est une question com-

plexe et peu facile à résoudre. Certainement je ne crois pas qu'aujour-

d'hui on puisse faire le diagnostic d'achondroplasie chez un enfant qui

présente des formes semblables, seulement à cause de ce qu'elles existaient

dès sa naissance.

Maintenant la parenté de l'achondroplasie et du rachitisme est soutenue

par quelques auteurs (R. Cestan, J. Regnault et d'autres). Cependant

nous pouvons dire que la plupart d'entre eux séparent nettement les

L'ACHONDROPLASIE EST-ELLE HÉRÉDITAIRE 267

deux maladies. Dans nos cas il n'y a rien qui puisse faire soupçonner une

telle forme morbide.

Dans le nanisme rachitique la tête est grosse, mais pas de la forme que

nous avons décrite ; le tronc est très déformé et il y a souvent cyphose ou

scoliose; la lordose, particulièrement lombaire, est rare; il y a souvenl

des altérations des côtes ; les extrémités en général sont longues, les supé-

rieures aussi bien que les inférieures ; il y a des incurvations des os.

Lorsque (et c'est rare) les extrémités semblent raccourcies, c'est parce

que les os, très recourbés, donnent cette apparence. En outre un autre

fait qu'il nous semble intéressant de relever, c'est que tandis qu'nn l'achi,

tique est en général un être faible, sujet ci des maladies, les achondroplasi-

ques au contraire, en général, peuvent supporter de longues fatigues, qui

certainement pourraient sembler supérieures à leur masse, à leur contour-

lIlation, Cela nous est confirmé assez fréquemment. Et en effet beaucoup de

ces achondroplasiques, accaparés par des entrepreneurs et propriétaires de

cirques et d'exhibitions équestres, sontexposés à des exercices fatigants et

à des voyages très longs, à des variations de température, sans en ressentir

le moindre dérangement. Les histoires de nos malades sont démonstratives

à cet égard ; aucun d'eux n'a souffert de maladies dangereuses. Un achon-

droplasique, étudié par M. Porter, avait atteint l'âge de SO ans en menant t

toujours une vie très fatigante; notre premier malade avait voyagé des

journées entières, à pied sous un soleil brûlant, sans en ressentir le moindre

inconvénient ; le deuxième affirme qu'il peut marcher des heures de suite

sans se fatiguer.

Les rachitiques n'en sauraient faire autant, eux qui, bien plus facile-

ment que les autres, sont exposés aux maladies, particulièrement lorsqu'ils

sont forcés d'exécuter des travaux pénibles. Ce fait en apparence banal

pourrait être d'une grande valeur, comme nous le verrons plus loin, par-

ticulièrement pour ce qui concerne la pathogénèse de l'achondroplasie.

Certainement si l'on peut hésiter entre l'achondroplasie et quelque autre

forme morbide, c'est avec le rachitisme.

Aussi avec cette maladie l'examen radiographique nous aide beaucoup,

car dans le rachitisme très souvent cet examen nous révèle des lésions os-

seuses régressives, au contraire de ce qu'on observe dans l'achondroplasie.

Cependant, ainsi que nous l'avons déjà dit, dans certains cas une telle

différencia lion présente des difficultés, particulièrement lorsqu'il s'agit de

malades qu'on n'a pu étudier complètement et qu'il manque l'examen radio-

graphique. Môme dans l'achondroplasie, il existe certainement des formes

incomplètes, bâtardes, et l'on a déjà décrit des formes mixtes intermédiaires

au rachitisme, au myxoedème, des cas d'achondroplasie partielle, etc. Ré-

comment, dans le l3erl. Irlia. YYoclec. (n° 23, 1909), 11. le Dr Eckstein

268 GIUSEPPE FRANCHINI ET MAURO ZANASI

rapporte un cas de forme particulière d'achondroplasie qui selon nous

présente peu des caractères de cette entité morbide. Il s'agit d'une enfant de

9 ans présentant des déformations du squelette très évidentes et notées dès

sa naissance. Deux frères sont morts, l'un à 17 ans et l'autre à 27 ans, et ils

avaient la même forme morbide. Si d'un côté le fait congénital, la forme

familiale, la grosseur du corps de cette enfant et le raccourcissement rela-

tif des extrémités supérieures peuvent être en faveur d'une achondroplasie,

de l'autre côté la déformation du thorax, qui est un peu court, la cyphose,

la présence d'un chapelet rachitique et la longueur normale des extrémi-

tés inférieures sont des données qui parlent aussi contre une forme parti-

culière d'achondroplasie.

Ce n'est pas le lieu de parler ici en détail de l'histoire et de l'anatomie

pathologique de l'achondroplasie, car de tels arguments ont été amplement

traités par plusieurs auteurs et particulièrement par M. Leriche et

MM. Porak et Durante dansdesmonographies remarquées. II n'estcependant

pas moins vrai que même avec ces études J'étiologie de l'achondroplasie n'est

pas encore connue ; on a obtenu davantage par l'examen histologique des

os. En effet, maintenant, on affirme sans contestation que les lésions ana-

tomiques osseuses de l'achondroplasie sont constituées par une sclérosedes

cartilages épiphysaires, sclérose qui montre pourquoi les os ne peuvent

pas croître en longueur et peuvent au contraire croître en épaisseur.

Encore plus obscure est la pathogénie de cette forme morbide ; ce qu'on

a pu bien établir, c'est qu'elle existe dès la naissance, ou du moins beaucoup

de ses caractères existent dès cette époque, d'autres peuvent certainement

survenir avec la croissance et d'autres encore peuvent se faire graduelle-

ment évidents et plus clairs. Dans des cas assez fréquents elle est hérédi-

taire et familiale et il nous semble qu'avec les nouveaux cas que l'on va

publiant, cette hérédité devient incontestable.

Sur la pathogénèse de cette maladie, beaucoup de théories ont été émi-

ses ; quelques-uns ont songé au rachitisme intra-utérin, d'autres à une

auto-infection ou auto-intoxication, d'autres à une action directe sur les

cartilages de conjugaison, action qui peut être microbienne ou chimique,

banale (Poncet, Dor) ou dues une intoxication d'origine maternelle (Parrot,

Porak et Durante). Cette intoxication selon les uns (P. Marie) agirait par

l'intermédiaire des glandes à sécrétion interne, ou par l'intermédiaire du

système nerveux sur lequel elle commencerait a se localiser et qui agirait

ensuite directement par voie trophique sur l'os, ou bien indirectement

par le système vasculaire (Jaboulay). M. Vargas soutient que l'achondro-

plasieestdépendanted'une fonction a Itéréedu thymus. MM. Parhon, Shunda

et Zalplachta admettent pour l'achondroplasie un mécanisme pathogénique

inverse de celui du gigantisme, c'est-à-dire une hypofonction de certaines

L'ACHONDROPLASIE EST-ELLE HÉRÉDITAIRE 269

glandes à sécrétion interne, avec exagération de la fonction antagoniste

des glandes sexuelles. Ces théories ont été suffisamment réfutées dans une

belle monographie de M. le Dr Lévi, récemment parue dans cette Revue

même ; l'auteur, en dernière analyse, s'associe avec MM. Porak et Durante

pour admettre avec probabilité dans la pathogénèse de l'achondroplasie

une intoxication héréditaire qui dérive de l'organisme de la mère.

L'achondroplasie enfin, selon quelques-uns, serait une affection locale,

une véritable dystrophie cartilagineuse congénitale, soit pathologique

selon la théorie de M. Bûck, soit normale, c'est-à-dire physiologique.

De cette théorie se rapproche l'opinion de MM. Apert, Poncet et Leri-

che, qui voient dans l'achondroplasie une variété héréditaire particu-

lière bien caractérisée de l'espèce humaine, c'est-à-dire une descendance

des anciens pygmées.

Voyons maintenant si de la description de nos cas, si de leurs divers

examens résulte quelque fait qui puisse nous faire pencher plutôt pour

l'une que pour l'autre théorie. De l'anamnèse reculée de ces individus

nous pouvons apprendre très peu de chose, car ils ont dès leur première

enfance abandonné leurs parents pour vivre au loin. Quant à notre pre-

mier cas, rien de particulier chez les parents. L'examen objectif nous a

révélé de particulier le signe de Groefe à l'oeil et une légère augmentation

de la glande thyroïde ; or nous avons déjà dit que deux théories (celle de

M. Marie et celle de MM. Parhon, Shunda et Zalplachta, admettent comme

probable dans la pathogénie de l'achondroplasie l'hypothèse de l'inter-

vention directe ou indirecte de toutes les glandes à sécrétion interne ou

de quelques-unes d'entre elles. Nous savons que le signe de Groefe est une

des caractéristiques de la maladie de Basedow. On pourrait donc, dans notre

cas, croire que quelques-unes des glandes dites à sécrétion interne étaient

altérées, et l'on pourrait invoquer une des deux théories que nous avons

exposées sur la pathogénèse de l'achondroplasie. Mais le signe de Grcofe

ne suffit pas pour faire admettre une altération de la thyroïde lorsque tous

les autres signes qui en général vont avec une byperfonction de cette

glande, font défaut.En effet, on ne constate pas chez le sujet une augmenta-

tion de volume de la thyroïde avec les caractères du goitre exophtalmi-

que ; on ne constate pas de troubles cardiaques ; pas de tremblement, pas

de troubles gastro-intestinaux; pas d'amaigrissement (au contraire notre

patient peut être regardé comme un petit obèse), donc aucun des au-

tres signes qui d'ordinaire accompagnent celui de Grcefeet qui carac-

térisent la maladie de Basedow.

Dans notre deuxième cas, comme nous venons de le dire, on pourrait

soupçonner la syphilis chez la mère, étant donné le fait de la mort de

plusieurs enfants nouveau-nés avec des altérations (ictère) qui pour-

*JV GIUSEPPE FRANCHIN1 ET MAURO ZANASI

raient se rapporter à cette maladie ; on pourrait donc penser à la théorie

toxi-infectieuse.

Quant au troisième- et au quatrième cas, rien de remarquable ni dans

l'histoire ni dans l'examen objectif, par conséquent aucune donnée qui i

puisse jeter un peu de lumière ni sur des infections antécédentes chez les

parents, ni sur des stigmates particuliers chez les individus. Au contraire

nos patients se trouvent dans un état de bien-être complet : ils jouissent

d'une santé enviable, résistent à la fatigue, ont une musculature forte, un

état de nutrition excellent ; en un mot, il s'agit d'organismes où toutes les

fonctions s'accomplissent normalement. Nous pouvons dire par conséquent

que chez nos patients (la femme comprise), du moins en apparence, il

n'existe dans les antécédents héréditaires aucune cause plausible, aucun

moment particulier, auquel on puisse attribuer l'origine de cette maladie.

Mais des histoires de nos malades ressort un fait très important, et, à

ce qu'il nous semble, non signalé jusqu'à présent; nous voyons que du

mariage de deux sujets achondroplasiques est née une enfant achondro-

plasique. C'est un fait unique dans les annales de l'achondroplasie et il

pourrait apporter une vive lumière à la pathogénèse de celle affection.

M. Cestan par exemple, dans son mémoire, affirme qu'il n'existe pas de

race naine blanche : « Tous les nains de race blanche observés en Europe

sont des cas pathologiques. On a voulu comparer les achondroplasiques aux

chiens bassets, aux boeufs natos; mais ces animaux constituent une vraie

race capable de transmettre leurs défauts et leurs qualités à leurs descen-

dants. Est-ce qu'il arrive chez les nains la même chose ? La réponse est

négative, dit notre auteur. »

M. Souiques, dans le traité de Charcot et Bouchard, en parlant de l'é-

tiologie de l'achondroplasie, dit : « Il serait indispensable de connaître la

descendance de générateurs tous deux achondroplasiques, pour trancher

définitivement la question de l'origine ethnique de l'achondroplasie. Or

cette connaissance nous fait encore défaut. » Nous voyons donc que parmi

les cas que nous avons décrits se trouve un fait que l'on n'avait jusqu'à

présent jamais rencontré. En effet : de parents sûrement achondroplasiques,

comme nous le démontrent les photographies, est née une fille qui main-

tenant a 12 ans, est haute de 80 centimètres, qui a la tête grosse, les extré-

mités excessivement raccourcies, qui est d'une intelligence bien développée

et qui, en somme, présente en petit le portrait de sa mère. Ici il n'y a pas

de doute qu'il s'agisse d'une fille achondroplasique ; au moment de l'ac-

couchement on dut recourir à l'intervention du chirurgien, ce qui arrive

presque toujours en pareil cas. Nous ne pouvons pas présenter le portrait

de l'enfant, car elle n'était pas auprès de ses parents, mais en Suisse

auprès de ses aïeuls maternels.

l'achondroplasie : est-elle héréditaire 271 1

Lorsque M. Cestan affirme que les achondroplasiques ne constituent

pas une véritable race, car ils ne peuvent pas transmettre leurs défauts

et leurs qualités à leurs descendants, comme font certaines races d'ani-

maux, nous nous demandons s'il n'était pas risqué d'affirmer un tel fail,

si l'on songe qu'on n'avait jamais jusqu'à présent observé de mariage

entre de tels individus. On a souvent parlé d'achondroplasiques qui

sont épousé des femmes saines ou vice-versa et qui, en ces divers cas,

ont ou bien n'ont pas procréé des enfants achondroplasiques ; on a en

outre parlé d'achondroplasie familiale où plusieurs membres de la même

famille étaient affectés. Mais comment peut-on soutenir que les achondro-

plasiques ne se reproduisent pas comme tels, s'il n'y a pas d'autre cas de

mariage entre de tels individus que celui que nous venons de rapporter ?

Est-ce que nous devons, pour nier un tel fait, nous contenter des tentati-

ves trop reculées de Catherine de Médicis, de l'électrice du Brandebourg,

de Nathalie, soeur du czar Pierre Ier, qui essayèrent vainement de faire

reproduiredes nainsentreeux ? Nous croyons que non. Il s'agit d'expériences

trop rares et trop anciennes. Et puis ces nains étaient-ils des achon-

droplasiques ? Il nous semble même que la comparaison, pour ce qui con-

cerne la reproduction des achondroplasiques, avec certaines races d'ani-

maux, n'a pas de valeur. On sait que les races des boeufs natos, des chiens

bassets, de ceux-ci particulièrement, sont élevées avec soin. Les éleveurs

soignent beaucoup leur reproduction, et'au point de vue de l'esthétique et

au point de vue du gain. Donc de tels animaux ne se trouvent pas absolu-

ment dans des .conditions autres que celles de la lutte pour la vie, tandis

que les achondroplasiques, soit à cause de leurs métiers particuliers, soit

à cause des difficultés de l'existence qu'ils doivent afTronter, sont le plus

souvent entretenus séparés et éloignés les uns des autres, et par conséquent

les rapports sexuels entre eux sont empêchés ; la perpétuation des races

d'animaux est favorisée, la perpétuation d'une] race achondroplasique hu-

maine est entravée dans les conditions actuelles. Il serait désirable qu'on

pût reprendre les expériences de Catherine de Médicis et des autres avec

des achondroplasiques vrais et qu'on puisse réunir ces individus épars

dans le monde, en former une famille, une tribu ; il pourrait arriver que

le fait décrit plus haut se présentât de nouveau. Certainement il faudrait

tenir compte de certaines circonstances particulières, par exemple 'de l'é-

troitesse du bassin chez la femme, ce qui limite la descendance et est cer-

tainement un grand obstacle pour la formation d'une race.

M. Cestan affirme en outre que la non reproduction des nains est due

à deux groupes de causes différentes. Le nanisme est causé : 1° par un

dérangement local du squelette; 2° par un trouble général delà nutri-

tion. Au premier groupe appartiennent le nanisme rachitique et achon-

272 GIUSEPPE FRANCIIINI ET MAURO ZANASI

droplasique, où la survivance de la race est empêchée par les altérations du

bassin. Au second appartiennent le myxoedème et la syphilis héréditaire

et ici ce seraient les dérangements de nutrition qui créeraient le nanisme

et la stérilité. Mais si l'on peut admettre en partie ce fait pour le premier

groupe, est-ce que nous pouvons dire la même chose du second ? Je crois

que non, car aujourd'hui il est déjà démontré qu'en certaines contrées, en

Italie, notamment dans la vallée d'Aoste, il y a des familles entières de

myxoedématiques et de crétins, où le père et la mère peuvent transmettre

à leurs enfants toutes les altérations particulières à leur maladie.

En ces contrées donc il se formerait une petite race si l'hygiène et la

médecine n'élaient pas en train d'améliorer les conditions de vie de ces

malades, c'est-à-dire de les éloigner de leur pays, de les séparer et d'in-

tervenir moyennant des cures médicales très efficaces, comme par exem-

ple celle de la distribution gratuite de thyroïde.

Lorsque quelques auteurs affirment que les achondroplasiques sont des

dégénérés, il est bon d'ajouter : somatiquement. Ce n'est pas ici le cas de

parler de dégénérescence psychique, car chez eux, le crétinisme, l'imbé-

cillité, le myxoedème, à ce qu'il nous semble, ne sont pas plus communs

que chez les autres individus ; même si nous nous arrêtions à nos obser-

vations, nous serions forcés d'affirmer le contraire.

L'hypothèse d'une race achondroplasique ne doit pas tomber non plus

en raison de la connaissance plus complète des lésions caractéristiques de

l'achondroplasie selon l'opinion de M. Levi. Les lésions histologiques

des cartilages épiphysaires de cette dernière pourraient être les mêmes

que celles des boeufs natos et des chiens bassets. Et lorsqu'il dit que

l'étude histologique de cette affection nous fait aujourd'hui comprendre

que, quoique l'achondroplasie ait une tendance à se transmettre héréditai-

rement, il ne se forme pas une race d'achondroplasiques, de même qu'il

ne se forme pas une race de tuberculeux ou une race de syphilitiques, nous

croyons qu'il n'est pas possible de faire une telle comparaison.

La tuberculose, ainsi que la syphilis, sont des maladies bien déter-

minées, dont l'origine est connue; est-ce que nous pouvons en dire au-

tant de l'achondroplasie ? Qu'est-ce que nous dit l'examen histologique

de l'achondroplasie ? Rien qui s'oppose à l'hypothèse d'une race achon-

droplasique. En outre un sujet syphilitique, un sujet tuberculeux est géné-

ralement un être faible ; au contraire si nous examinons les achondro-

plasiques, est-ce que nous pouvons affirmer qu'ils sont des êtres faibles ?

Non, car excepté les déformations somatiques et celles du squelette, nous

pouvons constater qu'en général ce sont des individus robustes, qui peuvent

supporter des fatigues qui sembleraient supérieures à leurs forces; leur

histoire ne parle pas de maladies particulières, la tuberculose est rare.

L'ACHONDROPLASIE EST-ELLE HÉRÉDITAIRE 273

ils ne sont pas sujets à des maladies infectieuses ; en somme ce sont des

individus sains dans le vrai sens du mot, c'est-à-dire qu'ils peuvent sup-

porter impunément des fatigues et que sur eux les diverses formes mor-

bides ont peu de prise. Dans ce fait important, on pourrait voir une

objection à la théorie de ceux qui admettent une infection ou une intoxi-

cation congénitale ou héréditaire, venant de la mère ou d'ailleurs. On

sait qu'en général les individus nés de parents faibles ou malades sont

faibles eux-mêmes; ainsi par exemple un père alcoolique a des enfants

souvent insuffisants du côté psychique; un diabétique a des enfants de

constitution faible, qui facilement sont atteints par des maladies ; d'une

mère néphrétique ou seulement anémique ou chlorotique naissent des

enfants de complexion délicate, qui meurent peu après leur naissance ou,

s'ils vivent, ont besoin des oins assidus. Pourquoi devons-nous considérer

l'achondroplasie comme une affection secondaire à une intoxication héré-

ditaire venue de l'organisme maternel, comme le soutiennent MM. Porak,

Durand et Lévi, alors que cette intoxication en plusieurs cas ne peut pas

être démontrée et que le plus souvent ces achondroplasiques sont des êtres

robustes, dans un état de nutrition excellent, cela dès leurs premiers jours

de vie ? Seraient-ils tels si une intoxication quelconque avait agi sur eux ?

On peut en douter. 1

Il n'y a rien d'étrange, à dire vrai, qu'une infection, même absolument t

indéterminée; cause une perturbation de la croissance ; on sait que certaines

maladies infectieuses, comme la typhoïde, peuvent déterminer un accrois-

sement des os chez les individus jeunes; des troubles intestinaux (entéro-

colites) peuvent déranger et même empêcher la croissance; M. Dora

obtenu des décollements épiphysaires en injectant des toxines streptococci-

ques à de jeunes cobayes. Il est certain que les cas de MM. Porak et

Durante montrent deux infections bien déterminées chez les mères de deux

achondroplasiques. M. Durante rapporte un cas où la mère était une tuber-

culeuse chronique avec des altérations parenchymateuses du foie et des

reins ; dans d'autres cas on a constaté avec sûreté la syphilis chez la mère.

Mais ce sont des exceptions rares dans les cas d'achondroplasiedéjà publiés

en assez grand nombre. On a dit aussi que lorsque l'infection a été forte,

on a le tableau de l'achondroplasie foetale et la mort à la naissance ; lorsque

l'infection a été légère, l'achondroplasique vivrait et pourrait arriver à

l'âge adulte. '

En réalité nous nous demandons si l'achondroplasique vient mort-né

du fait d'une infection qui l'a atteint ou pour des causes mécaniques résul-

tant de sa conformation même.

Il paraît désormais acquis que des troubles digestifs peuvent aboutir à

cette affection morbide que l'on connaît sous le nom de rachitisme et qui

274 GIUSEPPE FRANCHINL ET \L1UR0 ZANAS1

frappe principalement le squelette ; des affections bronchiques chroniques,

des bronchiectasies peuvent avoir pour conséquence des altérations osseuses

des extrémités (osléoarlhropathie pneumique de M. Marie). Mais le rachiti-

que, celui qui est atteint d'ostéoarthropathie, est-il un individu robuste

comme l'est l'achondroplasique en général ? Quanta ce dernier fait, si l'on

veut admettre comme cause de l'achondroplasie une intoxication, une in-

fectionvenantdela mère, nous croyons plus probable qu'elle agi seulement

ou presque exclusivement sur les cartilages épiphysaires qui ont congéni-

talement dans cette maladie une structure particulière et constituent un

locus minoris resistentiæ où se concentre précieusement l'infection. De

cette façon on expliquera peut-être comment l'organisme de l'achon-

droplasique est en général fort et valide, car précisément sur un point

déterminé seulement s'exerce l'action de la cause nuisible. Or nous pré-

sentons un fait nouveau et très intéressant à savoir, le cas d'une véritable

famille d'achondroplasiques ; nous ne pouvons faire moins que de songer

à ce que M. Apert et d'autres avaient déjà supposé, en se basant sur ce que

l'achondroplasie est héréditaire, sur ce qu'elle se présente toujours pareille

à elle-même, ou bien avec des variations insignifiantes. Il faut songer,

disons-nous, à considérer l'achondroplasie comme un type particulier de

l'espèce humaine, ou du moins comme une variation bien caractérisée et

héréditaire du type humain.

Déjà MM.Poncet et Leriche avaient pensé que certains achondroplasiques

devraient être séparés du groupe d'une achondroplasie pathologique déri-

vant d'une infection ou d'une intoxication encore à préciser; ce seraient

des achondroplasiques physiologiques; ils se basaient sur l'hérédité, sur

le caractère familial de l'affection et sur l'intégrité absolue de leurs deux

sujets.

Cette « intégrité absolue » se présente dans nos, quatre cas, qui, en

dehors de la déformation corporelle, ne présentent absolument rien de pa-

thologique, ainsi qu'on l'a répété à plusieurs reprises.

Cependant il est peut-être difficile d'admettre une pathogénèse univoque

pour tous les cas d'achondroplasie. Peut-être faudra-t-il ici aussi faire

des subdivisions en se basant à la fois sur les formes extérieures et sur

l'examen histologique. Il pourrait se faire qu'à côté d'une achondroplasie

atavique il y eût une achondroplasie due à une infection ou à une intoxi-

cation, mais de l'examen de nos cas il faut reconnaître que l'existence

d'une forme atavique a reçu une forte sanction.

Il faut en outre penser que si l'achondroplasique ne se reproduit pas,

cela est dû au fait que jusqu'à présent (excepté pour le cas que nous avons

rapporté) il n'y a jamais eu de mariage ou d'union manifeste entre deux

sujets de ce genre ; en outre l'étroitesse de son bassin défend souvent à la

l'achondroplasie est-elle héréditaire 275

femme achondroplasique des accouchements multiples ; enfin ces indi-

vidus sont sujets à être éloignés et éparpillés dans la société humaine

comme des êtres inférieurs et trop différents du type commun.

Certes il est à présent plus que jamais à désirer que l'examen micros-

copique des cartilages et des os des races animales comparées avec les achon-

droplasiques (chiens bassets, boeufs natos) serve à une étude comparative

, avec l'achondroplasie humaine. Il faudrait aussi répéter les expériences

de Catherine de Médicis avec de véritables achondroplasiques ; elles pour-

raient fournir d'intéressants résultats.

Quoi qu'il en puisse advenir il résulte un fait très important de nos

observations, celui de l'existence d'une véritable famille achondroplasique.

Etant données la fréquence des cas héréditaires, des cas familiaux et l'inté-

grité de nos sujets, qui, en dehors des altérations de leur squelette, ne pré-

sentent rien de spécial, nous sommes enclins à admettre, d'accord avec la

théorie de M. Apert, que le type achondroplasique peut être considéré

comme une variété ou une variation de la race humaine.

bibliographie

Nous ne citons que les cas qui concernent notre mémoire et peu d'autres qui ont

été oubliés dans la bibliographie de M. Lévi, ou sont parus après J

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Kinderheilltunde, I, IV, Heft. 1902.

INSTITUT DES ÉTUDES SUPÉRIEURES DE FLORENCE

SUR UN CAS DE MALADIE DE PAGET

A LOCALISALION CÉPHALIQUE ISOLÉE.

CONSIDÉRATIONS PATHOGÉNIQUES,

PAR R

Giunio CATOLA,

, Libre-Docent de neuropathologie à l'Institut des Etudes supérieures de Florence,

Médecin de l'asile des aliénés.

L'historique de la maladie, dont nous allons relater brièvement une

observation personnelle, a été si souvent résumé dans les travaux qui lui

ont été consacrés jusqu'ici, qu'il serait absolument superflu d'y revenir

encore une fois, d'autant plus que deux importants mémoires sur ce

même sujet ont paru, il y a à peine quelques mois, dans ce même pério.

dique et qu'on n'a pas manqué d'y citer les plus récentes publications. On

peut seulement rappeler que le nombre des observations recueillies dans

la littérature médicale depuis 1876, époque à laquelle, ainsi qu'on le sait,

cette affection fut décrite pour la première fois par James Paget, à l'heure

actuelle, n'a pas encore atteint la centaine, ce qui prouve évidemment

qu'il s'agit d'une maladie plutôt rare. Nous pourrions cependant faire

remarquer à cet égard que l'affection osseuse ne conduit pas toujours le

malade chez le médecin de son fait même, notamment lorsqu'elle n'est

pas accompagnée par des douleurs d'une certaine intensité, et, par consé-

quent, qu'il est très probable que plusieurs cas se soient dérobés à l'ob-

servation médicale et, partant, à la statistique.

Si nous nous sommes décidés à publier cette note,cela tient à deux rai-

sons principales : d'abord au fail que l'étude du cas que nous voulons

rapporter nous offre l'occasion de mettre en ligne de compte quelque

nouvel argument à l'éclaircissement des questions, encore profondément

obscures, de pathogénie, et ensuite parce qu'il s'agit d'un cas qui nous

a semblé digne d'un certain intérêt à cause de la limitation topographi-

que assez particulière des lésions osseuses.

Observation (PI. XXXII). Seraf... Cesira, célibataire, âgée de 78 ans, de

Florence, entre à l'asile des aliénés le 21 avril 1909 avec le diagnostic de dé-

mence sénile.

Ses antécédents héréditaires n'offrent rien de particulier à mentionner : son

père est mort à 55 ans à la suite d'une pneumonie ; sa mère à l'âge de 58 ans

de choléra ; ses aïeuls sont morts tous très vieux. Une soeur est morte à 79 ans

Nouvelle Iconographie de la Salpûtrii'riî.

T. XXIII. pi. XXXII

MALADIE DE PAGET

(Catola).

Masson & Cie, Editeurs.

Phtllol}llW II ! rlhnUtl, Pa1l8

SUR UN CAS DE MALADIE DE PAGET A LOCALISATION CEPHALIQUE 277

d'un érysipèle, une autre de tuberculose à 34 ans et un frère d'une hémor-

ragie cérébrale à 65 ans. Personne, soit chez les ascendants, soit chez les col-

latéraux, n'a présenté de maladies ou de déformations osseuses.

Antécédents personnels. La malade n'a jamais fait de maladies importan-

tes. Elle eut un glaucome bilatéral il y a presque 20 ans, qui fut opéré des deux

côtés, et une hernie, il y a quelques années, qui se reproduisit peu de temps

après l'opération radicale. Elle n'a jamais souffert ni de rhumatisme, ni d'af-

fections pulmonaires. Les parents racontent qu'il y a à peu près une quinzaine

d'années, on commença à s'apercevoir que la tête et la mâchoire inférieure de

la malade grossissaient lentement et progressivement : sa nièce nous dit même

qu'on était très inquiet de ces phénomènes et qu'on parlait dans la famille,

depuis quelque temps, d'éléphantiasis ; c'est probablement le médecin qui avait

prononcé ce mot. Ils affirment aussi que depuis le début de la déformation

crânienne, la malade s'est toujours plainte de maux de tête plus ou moins

violents. Il semble encore résulter des informations fournies par les parents

que la malade a toujours été un peu faible d'esprit.

Etat actuel. -La malade a le dos rond, légèrement voûté au niveau de la

région cervico-dorsale et marche à petits pas. Dès qu'on l'aperçoit, on est

immédiatement frappé par la grandeur de sa tête, la largeur et la difformité de

son maxillaire inférieur.

La tète, un peu enfoncée entre les épaules, se trouve habituellement pen-

chée en avant : les mouvements de rotation et d'extension sont nettement limi-

tés ; la malade n'arrive pas à écarter de plus de;10 centimètres le menton du

sternum. .

Les cheveux sont rares et grisonnants et manquent complètement, sur une

zone assez large, au vertex. La branche pariétale et la branche frontale de

l'artère temporale superficielle sont très saillantes, tortueuses, dures des deux

côtés : on peut suivre la branche frontale très nettement jusqu'à l'articulation

temporo-maxillaire.

La boîte crânienne est très grosse, remarquablement bombée au niveau des

os pariétaux, proéminente au niveau du front où elle surplombe les os de la

face. Le visage affecte une forme à peu près rectangulaire, mais si on consi-

dère la tête et la figure dans leur ensemble et que l'on vise une ligne imagi-

naire passant par le sommet des bosses pariétales, on obtient un contour gros-

sièrement triangulaire.

Les arcades sourcilières ne sont pas saillantes, mais elles affectent une forme

curieuse : on pourrait dire qu'elles sont en « sesto acuto », tellement l'ar-

cade osseuse est élevée et de forme angulaire dans sa partie moyenne. Les

fosses temporales ne sont ni creuses ni aplaties, mais apparaissent légèrement

bombées, surtout, à droite. La déformation principale frappe les os pariétaux

qui proéminent considérablement. La bosse pariétale droite est beaucoup plus

en relief de sa congénère du côté opposé et détermine une asymétrie crânienne

assez nette. Au niveau de la soudure pariéto-occipitale droite, on aperçoit à la

palpation une saillie osseuse très prononcée, constituée par une apparente

278 CATOLA ' 1

surélévation du pariétal sur l'occipital. Par ailleurs,la surface des os pariétaux

est assez lisse. ,

L'os frontal est haut, quelque peu carré, proéminent, mais garde une sur-

face très régulière. z

L'apophyse mastoïde est beaucoup plus grosse à droite qu'à gauche.

Les soudures du crâne, sauf la soudure pariéto-occipitale droite, dont nous

avons déjà parlé, ne présentent aucune proéminence manifeste.

Face. Ainsi que nous l'avons dit plus haut, lorsqu'on voit la malade on

reste aussitôt frappé de la remarquable augmentation de volume de son maxil-

laire inférieur qui lui donne un aspect très grotesque : il est gros, dur, bosselé.

Des deux côtés de son corps existent deux grosses bosselures symétriques qui

élargissent considérablement le menton de la femme en conférant à sa figure la

forme rectangulaire déjà mentionnée. L'épaisseur du corps du maxillaire me-

sure environ 3 centimètres 1/2 latéralement, 3 centimètres au niveau de la sym-

physe. Le bord alvéolaire dépasse en avant (prognathisme inférieur) presque

d'un centimètre le bord alvéolaire du maxillaire supérieur et les dents, qui sont

d'ailleurs très bien conservées, se trouvent fortement et uniformément ren-

versées en arrière.Le tubercule antérieur du menton et les apophyses géniennes

se montrent à la palpation très saillantes et par ci par là, sur toute la surface

antérieure du corps du maxillaire, on rencontre de très nettes irrégularités.

Les branches du maxillaire inférieur sont beaucoup moins touchées par les

altérations osseuses que le corps. C'est seulement à l'aide d'examens répétés

qu'on arrive à déceler qu'elles ne sont pas complètement indemnes de toute

lésion et qu'elles doivent aussi être considérées comme légèrement et unifor-

mément hypertrophiées.

Le mouvement d'abaissement de la mâchoire inférieure se montre quelque

peu limité : le plus grand écartement des arcades dentaires n'arrive pas à

3 centimètres. Rien d'autre appréciable à l'examen des articulations temporo-

maxillaires.

Les os malaires et les maxillaires supérieurs ne présentent aucune modifi-

cation de leurs caractères anatomiques normaux.

La voûte du palais est très profonde et manifestement ogivale.

Le pavillon de l'oreille est mince, de forme et de consistance normales.

Mesures du crâne et de la face :

SUR UN CAS DE MALADIE DE PAGET A LOCALISATION CÉPHe\LIQiTL 279

280 CATOLA

Circonférence du thorax : 80 centimètres ; hémi-circonférence : 40 centimè-

tres de chaque côté.

Membres supérieurs : L'humérus, le radius et le cubitus ne présentent au-

cune déformation soit dans leur diaphyse,soit au niveau des extrémités épiphy-

saires. Leur surface est normale. Les différents mouvements des articulations

sont bien conservés et ils se font sans douleurs et sans craquements. Aucun

signe de rachitisme.

La main est petite .les os du carpe, du métacarpe et des phalanges sont

normaux ; nulle part, aux doigts, on ne constate les nodosités d'Heberden.

Les mêmes remarques que pour les membres supérieurs peuvent être faites

à l'égard des os du bassin et des membres inférieurs : tous, en effet, conser-

vent leur morphologie et leurs rapports réciproques absolument normaux.

La malade étant debout, on constate non seulement que les membres infé-

rieurs ne sont pas arqués, mais encore que si on lui fait mettre en contact les

malléoles internes, les genoux viennent presque à se toucher avec leur sur-

face interne. Aucun signe de rhumatisme aux pieds.

Les artères périphériques des membres supérieurs et inférieurs n'apparais-

sent pas nettement artérioscléreuses. Pas de veines variqueuses.

Système nerveux : Aucun trouble objectif de sensibilité ; les nerfs super-

ficiels n'apparaissent pas augmentés de volume, et ne sont pas douloureux à la

pression.

La force musculaire est un peu diminuée aux membres inférieurs ; il s'agit

cependant simplement de faiblesse et non d'une vraie parésie. La malade mar-

che à petits pas, pareille à une lacunaire, mais n'a jamais eu d'ictus.

Réflexes rotuliens vifs, mais égaux des deux côtés.

Phénomène de Babinski absent.

Sphincters normaux.

Etal mental. Mémoire et intelligence très affaiblies : désorientation pour

le temps et le lieu. Affectivité émoussée.

Viscères : léger emphysème pulmonaire aucun signe de bronchite ; bruits

du coeur normaux, sauf le systolique qui est très voilé.

Foie, rate : rien à mentionner.

Reins : examen des urines, rien qui soit digne d'être mis en un relief parti-

c ulier.

r

En résumé, il s'agit ici d'une démente sénile, âgée de 78 ans, chez

laquelle, depuis à peu près une quinzaine d'années, sans cause appré-

ciable, les os du crâne et le maxillaire inférieur ont commencé à gros-

sir et à se déformer progressivement. On ne peut, au contraire, rien pré-

ciser à propos de la déformation de la partie supérieure du sternum.

L'augmentation de volume du squelette crânien a été accompagnée par des

douleurs tantôt légères, tantôt violentes, localisées surtout au niveau des

os pariétaux et de l'os frontal. Aucune autre lésion ou déformation osseuse

dans les autres os du squelette.

SUR UN CAS DE MALADIE DE PAGET A LOCALISATION. CÉPHALIQUE 281

De quelle ostéopathie s'agit-il dans ce cas ' ?

Evidemment,il serait ici tout à fait déplacé de mettre en jeu dans le diag-

nostic différentiel les kystes osseux, t'ostéosarcome,t'ostéomyéti le, l'ostéite

traumatique, les exostoses ostéogéniques ou de croissance, l'ostéoarthro-

pathie hypertrophiante pneumique, la spondylose rhizomélique, l'ostéo-

malacie, le rachitisme ou le gigantisme osseux qui est une maladie congé-

nitale et s'accompagne toujours d'une hypertrophie concomitante des par-

ties molles. - '

La lésion prédominante au maxillaire inférieur pourrait faire penser à

un rhumatisme osseux, qui, ainsi qu'Adams et Féréol l'ont montré, a son

siège de prédilection au niveau de cet os ; mais le manque d'hyperostoses

dans le voisinage des articulations, de douleurs, d'hydarthrose, de craque-

ments,etc... d'un côté, et la symétrie, la progressivité, la comparticipation

très probable du sternum de l'autre,font repousser complètement ce dia-

gnostic.

Nous ne pouvons non plus nous appuyer sur le diagnostic d'ostéo-tu-

berculose, dont la malade ne présente aucun signe, ni sur celui d'ostéo-

syphilose du moment que la réaction de Wassermann, en plein accord avec

les antécédents de la malade et' la symptomatologie qu'elle nous offre,

nous permet d'écarter, avec toute certitude, une pareille présomption. De

même on ne pourrait pas parler d'ostéoporose sénile, car, tandis que cette

affection trouve-son siège presque exclusif au niveau de la cage thoracique

et du rachis, ce qui ne se vérifie point dans notre cas, les os ne s'y défor-

ment ni ne s'hypertrophient pas, mais ils deviennent tout simplement

beaucoup plus fragiles qu'à l'état normal. '

Le volume très considérable du maxillaire inférieur pourrait aussi, au

premier abord, faire naître l'idée d'une acromégalie, mais telle hypothèse

est bientôt écartée définitivement. En effet, dans l'acromégalie les os de

la voûte crânienne ne subissent jamais une hyperostose avec des caractères

pareils à ceux qu'on rencontre chez notre patiente et, en outre, l'hyper-

trophie osseuse frappe en même temps les mains et les pieds, ce qui consti-

tue, ainsi qu'on le sait, un des phénomènes fondamentaux de cette

affection morbide. Or, dans notre cas, ainsi que nous l'avons déjà dit plus

haut et ainsi qu'on peut le constater dans les photographies, les pieds et

les mains non seulement ne présentent aucune altération de forme ou de

grandeur, mais, tant les premiers que les secondes, ont même des di-

mensions plutôt petites. On peut faire encore remarquer que chez les acro-

mégaliques il y a de règle une macroglossie plus ou moins considérable

et très souvent des symptômes de tumeur endocrinienne, ce qui est bien

loin de se vérifier dans notre cas. Si, enfin, on considère que l'ostéite dé-

formante de Paget ne se montre ordinairement qu'à un âge assez avancé,

XXl1J 19

282 CATOLA

comme il est précisément arrivé chez la malade qui nous occupe et qu'au

contraire, l'acromégalie débute en général entre 15 et 40 ans, nous pensons

avoir rassemblé un nombre d'arguments suffisant pour ne pas insister

davantage sur le diagnostic d'acromégalie.

Nous ne pouvons pas non plus assimiler notre cas à la leontiasis ossea

de Virchow, qui se caractérise essentiellement par des tumeurs multiples

de la face et du crâne donnant à à l'exlrémi té cépha 1 iq ue l'aspect monstrueux

d'une racine noueuse (P. Marie). Cette affection fait ordinairement son

début par l'apophyse montante du maxillaire supérieur, déterminant un

tel élargissement des os de' face et de la base du crâne qu'elle donne

à la figure l'apparence d'un mufle de lion (leontiasis).

En procédant ainsi par élimination et en se basant sur les caractères

objectifs des lésions osseuses elles-mêmes, il ne nous reste, évidemment,

d'autre diagnostic à faire que celui d'ostéite déformante de Paget, localisée

aux os du crâne et, peut-être, à la partie supérieure du sternum. Nous ne

sommes pas-très affirmatif au sujet de cette dernière localisation, car,

tandis que la malade insiste à nous dire qu'elle a toujours eu cette légère

déformation thracique et que les parents ne peuvent nous donner des

renseignements détaillés à ce propos, les caractères intrinsèques qu'elle

présente à notre observation ne nous paraissent pas ceux absolument

typiques de la maladie de Paget.

Il est encore une autre remarque à faire. Chez notre malade l'affection

osseuse a débuté il y a une quinzaine d'années environ, et par consé-

quent tout porterait à croire qu'elle ne possédait aucune tendance à se

diffuser aux autres os du squelette et surtout aux os longs, contraire-

ment à ce qui arrive dans le plus grand nombre des cas.

Il faut donc conclure que la localisation exclusivement céphalique, ou, si

l'on veut stemo-céphalique, des lésions pugétiques et le défaut de toute ten-

dance se généraliser, font de noire malade une observation tout ci fait excep-

tionnelle, et peut-être unique, dans la littérature médicale.

Remarques patlwgéniques. On sait que la doctrine qui rallie le plus

d'adeptes est la doctrine de l'hérédo-syphilis inaugurée par Lannelon-

gue et défendue, après lui, par Fournier, Fréchou et d'autres auteurs. Il

faut dire cependant qu'une pareille hypothèse ne se trouve guère appuyée

sur un nombre suffisant de faits positifs et indiscutables. En effet, jus-

qu'ici on s'est presque exclusivement borné à faire ressortir les analo-

gies et les identités objectives (parmi lesquelles nous pourrions citer la

prédilection de la maladie pour certains os, pour le tibia, par exemple,

la multiplicité habituelle des lésions, la tendance au caractère hypersto-

sant massif et la fréquence d'un stade douloureux prémonitoire) entre

1'liCi-é(lo-svplillis et la maladie de Paget, en aboutissant à la conclusion que

SUR UN CAS DE MALADIE DE PAGET A LOCALISATION CEPHALIQUE 283

le pagétisme représente essentiellement une forme tardive ou ultratardive

de syphilis héréditaire. Dans les cas, et ceux-ci constituent le plus grand

nombre, où l'on est pas arrivé à dépister la spécificité syphilitique des

procréateurs, on a très souvent, trop souvent même, fait appel à la diffi-

culté ou à l'impossibilité de pouvoir fouiller avec quelque succès dans les

ténèbres d'un passé trop lointain. En réalité, dans des recherches de ce

genre on est très souvent exposé à se trouver en face de difficultés infran-

chissables ; on comprend, par conséquent, combien, à défaut de stigmates

certains d'hérédo-syphitis, le doute sur l'existence éventuelle d'une telle

tare ait dû être de tout temps justifiée. Heureusement, à l'heure actuelle,

les choses ont beaucoup changé : les lacunes d'une anamnèse incomplète

peuvent être facilement comblées à l'aide d'une réaction biologique très

précieuse, la réaction de Wassermann,.qui, ainsi que désormais tout le

monde l'admet, peut nous permettre de déceler dans le sérum du sang et;

dans certains cas, dans le liquide céphalo-rachidien des malades, la

preuve, on peut dire péremptoire, d'une syphilis acquise, aussi ancienne

qu'elle puisse être ou même de la syphilis héréditaire. Or, cette réaction

nous a donné, dans le cas actuel, un résultat complètement négatif en

démontrant.que l'infection syphilitique ne joue ici aucun rôle pathogé-

nique : nous engageons donc tous ceux qui ont sous la main des cas

d'ostéite déformante de Paget, leur appliquer la réaction de'Vassel'mann,

car, évidemment, c'est surtout par ce moyen qu'on peut arriver à éclaircit' il

une question de pathogénie aussi importante et aussi obscure que celle

qui nous occupe

On peut eependan ta ffinner dès maintenant, que dans notre cas la réaction

de Wassermann ayant été complètement négative, la syphilis héréditaire,

la syphilis acquise et même la métasyphitis doivent être mises hors de cause ;

par conséquent que le pagétisme n'est pas nécessairement lié à la syphilis.

C'est donc par des faits négatifs que la pathogénie de la maladie de

Paget commence à trouver une simplification.

Avons-nous des arguments positifs capables d'appuyer une des autres

théories pathogéniques connues ?

En laissant de côté celles des hypothèses qu'on doit désormais considé-

rer comme définitivement abandonnées (l'hypothèse d'une ostéite rhuma-

tismale chronique, celle d'une ostéomalacie hypertrophique bénigne, celle

d'une lésion de glandes à sécrétion interne, etc...), on peut s'arrêter

quelques instants sur deux hypothèses qui ont toujours trouvé de fer-

vents partisans, c'est-à-dire l'hypothèse d'une altération osseuse tropho-

névrotique et l'hypothèse de Fartéric-sclérose. Suivant la première, la

dystrophie osseuse aurait son origine dans une lésion du système nerveux

central ou périphérique et même, pour quelques auteurs (Pitres et Gail-

284 CATOLA

lard), dans une névrite dégénérative des filets nerveux qui pénètrent par

les trous nourriciers des os ; suivant la deuxième, il s'agirait surtout (Bé-

clère) de l'artériosclérose des artères nourricières des os.

Evidemment, si dans notre cas on voulait se ranger à la théorie nerveuse,

on ne pourrait mettre en ligne de compte qu'une lésion cérébrale

nu une lésion périphérique ; la moelle épinière, dans laquelle plusieurs

auteurs (Reclclinghausen, Pic, Gilles de la Tourette et Nlarinesco, L. Lévy,

Hudelo et Heltz, Ñledea Da Fano), dans plusieurs cas, ont rencontré des

altérations plus ou moins importantes, quoique du reste différemment

interprétées, ne pourrait pas être mise en jeu, les lésions osseuses étant

localisées à la tête.

La malade,nous l'avons ditplus haut,est légèrement démente, mais nous

ne trouvons chez elle aucun symptôme qui nous puisse faire soupçonner

l'existence d'une de ces lésions cérébrales (hémorragies, ramollisse-

ments) qui sont, dans certains cas, capables d'amener des troubles tro-

phiques. Et il faut en plus noter que les lésions osseuses, aussi profondes

et aussi variées qu'elles puissent être, n'arrivent jamais, en des cas pa-

reils, à produire des altérations osseuses comparables à celles que nous

venons d'observer chez notre malade.

Nous n'aurions pas non plus de sérieux arguments pour rapporter les

lésions osseuses observées à des altérations du système nerveux périphé-

rique de la tête ; on ne voudrait pas se ranger à l'hypothèse d'une névrite

dégénérative rigoureusement localisée aux filets nerveux intra-osseux,

s'extériorisant avec un tableau, pour ainsi dire, monosymptomatique.

, Ce qui, au contraire, ne peut manquer de nous frapper, c'est la très con-

sidérable artériosclérose des deux branches, pariétale et frontale, de l'ar-

tère temporale superficielle (l'une des branches terminales de la carotide

externe), c'est-à-dire des vaisseaux artériels desquels dérivent principa-

lement les ramuscules nourriciers des os crâniens malades. Si, de l'autre

côté, l'on considère que l'os maxillaire inférieur est desservi surtout par

l'artère dentaire inférieure,c'est-à-dire par un rameau provenant de l'artère

maxillaire interne (l'autre branche terminale de la carotide externe), on

pourrait bien penser qu'elle aussi eût été frappée par le même processus

artérioscléreux et, par conséquent, que les lésions des os du crâne et celles

de l'os maxillaire inférieur tenaient à la même cause, l'artériosclérose des

extrêmes ramifications osseuses des différentes branches de la carotide ex-

terne. Naturellement nous ne pouvons nous borner qu'à énoncer cette

présomption, car des arguments plus solides, à l'appui de la théorie de l'ar-

tériosclérose osseuse, nous font complètement défaut.

Il faut donc conclure que la pathogénie du pagétisme est encore loin

d'être définitivement éclairée,mais que très vraisemblablement la patholo-

SUR UN CAS DE MALADIE DE PAGET A LOCALISATION CÉPHALIQUE 285

gid médicale devra être débarrassée d'une doctrine, la doctrine de l'hé-

rédo-syphilis, qui s'est mise indûment au premier rang ; cette simplifica-

tion nous permettra de diriger sans entraves et sans égarements nos

recherches pathogéniques dans des directions plus sûres et plus fécondes

en résultais.

.' BIBLIOGRAPHIE

Pour la bibliographie, voir :

Vincent J. Maladie osseuse de Paget. Thèse de Paris, 1904.

Klippel et PII ! HR6 VVeil. A propos d'un cas d'ostéite déformante. La palhogénie de

la maladie osseuse de Paget. Nouvelle Iconographie de la Salpêtrière, n° 1, 1909.

Pescarolo et Bertolotti. Sur un cas d'ostéite déformante de Paget. Nouvelle Icono-

graphie de la Salpêtrière ne 3, 1909.

ASilE D'ALIÉNÉS DE HOME

Directeur : Prof. G. 111'(GA7.lIN[.

OBSERVATIONS CLINIQUES SUR LA. SYPHILIS

CÉRÉBRALE PRÉCOCE ET MALIGNE

. PAR

F. COSTANTINI

Aide-Médecin des hôpitaux, assistant à l'Asile d'aliénés.

Des observations de syphiligraphes et de névropathologistes ont démon-

tré que le système nerveux central peut être attaqué par la syphilis déjà

dans les deux premières années et même pendant les premiers mois après

la contagion. Si nous laissons de côté les auteurs les plus anciens comme

Lancereaux, Ljunggren, Zambaco, Iansch, l;ngelstedt, lesquels font déjà,

dans leurs monographies, mention de cas de syphilis cérébrale s'étant

développée dans une période précoce, il nous faut rappeler, parmi les

premiers qui s'occupèrent le plus du sujet, Ileubner qui rapporte

quelques-unes de ses propres observations, dans lesquelles les premiers

symptômes cérébraux se manifestèrent quelques mois seulement après la

contagion, et surtout Fournier et IIutchinson auxquels revient le mérite

d'avoir délimité l'espace des deux premières années après l'infection

comme étant le domaine de la syphilis précoce. Il ne faut pas oublier non

plus Oppenheim et Gowers. Le premier dit qu'aujourd'hui plus que par

le passé la syphilis attaque le système nerveux, non seulement fréquem-

ment, mais aussi dans une période précoce. Le second fait osciller les

limites de la syphilis cérébrale entre les 6 mois et les 12 ans qui suivent

la contagion. Oilvie a, lui aussi, relevé d'après sa statistique la fréquence

relative de la précocité dans la syphilis du système nerveux central, la-

quelle, selon lui, atteindrait le quart des cas. Naunyn, en se basant sur

45 cas qui lui appartiennent et sur 290 autres cas recueillis dans la lit-

térature du sujet, en arrive à cette conclusion, que les affections syphili-

tiques du sytème nerveux apparaissent assez fréquemment dans la pre-

mière année qui suit la contagion. Selon l'auteur, 48 0/0 de toutes les

affections syphilitiques de ce genre apparaissent pendant les trois premiè-

res années. Leur fréquence va ensuite diminuant d'année en année. Cela

a ensuite été confirmé par d'autres observateurs comme Saenger, Nonne,

Fr. Pick, Magnons, Motter. T3eanloin n'a pas recueilli moins de 26 ohser-

OBSERVATIONS CLINIQUES SUIT LA SYPHILIS CKRÉBRADS ' 287

vations de syphilis cérébrales, dans lesquelles les premiers symptômes

de l'affection apparurent entre 3 et 18 mois après le syphilome initial.

Sur 40 cas de syphilis cérébrale cités par Rumpf, 9 se développèrent

pendant la première année qui suivit la contagion. Enfin, il faut rappe-

ler Neumann, qui observa déjà dans les deux premières années après l'in-

fection des cas de paralysie des nerfs cérébraux, d'ophtalmoplégie en

môme temps que d'aphasie, d'épilepsie et'de névrite optique, sans oublier

Mauriac, lequel a recueilli une statistique qui démontre également que le

cas du développement d'une affection syphilitique du système nerveux

dans une période précoce n'est pas rare.

Parmi les observations les plus détaillées de syphilis cérébrale précoce

connues jusqu'ici, je résumerai brièvement les suivantes, en ayant soin

de séparer les observations corroborées par les données anatomo-patholo-

giques des observations purement cliniques.

Kahler, à l'autopsie d'un individu mort de syphilis cérébrale, alors que

l'ulcère initial n'était pas encore complètement cicatrisé, trouva un foyer

de malacie du pont de Varole par affection syphilitique des vaisseaux.

Jolly fit connaître le cas d'un malade, qui déjà huit mois après la conta-

gion fut frappé de paralysie bilatérale de l'abducteur, de paralysie péri-

phérique du facial, de stase papillaire, et d'une hémiplégie droite complète

avec aphasie acoustique. L'autopsie montra l'épaississement et l'oblitéra-

tion des artères basales du cerveau, le ramollissement du lobe pariétal

gauche, de la première et de la deuxième circonvolution temporales, du

pli courbe, du précoin et du coin.

Althaus a fait connaître deux cas, dans l'un desquels, huit mois après

la contagion, une hémiplégie était apparue ; dans l'autre cas, trois mois à

peine après l'infection, il s'était développé une céphalée caractéristique,

des attaques d'épilepsie et de l'hémiplégie. A l'autopsie on put relever un

processus spécifique du cerveau auquel participaient également les vais-

seaux.

Pick raconte le cas d'un homme de 58 ans, chez lequel', six mois après

la contagion, apparurent de la céphalée, un exanthème secondaire, de la

difficulté dans la parole et l'audition, puis la paralysie du facial droit,

de l'hypoglosse et des extrémités, des troubles de la vue et une hypoesthé-

sie partielle dans la région du trijumeau. Ces symptômes s'améliorèrent

tous sensiblement après un traitement spécifique énergique. Cependant,

malgré que ce traitement continuât encore, un an et demi plus tard vint

à se manifester la paralysie du facial dedroite, l'anesthésie dans la région

correspondant à la première et à la deuxième branche du trijumeau, la

surdité à droite, l'hémiplégie gauche et finalement la mort par coma. A

l'autopsie, on trouva des formations miliaires récentes à la surface interne

288 ô COSTANTINI

de la dure-mère, un foyer de malacie de date également récente dans le

segment postérieur de la capsule interne droite, une endo-artérite oblité-

rante dans la région de l'artère de Sylvius de droite et une méningite

gommeuse de la surface antérieure du pont de Varole.

Brasch rapporte le cas d'un homme de 43 ans, chez lequel, déjà un mois

après la contagion, apparut une paralysie périphérique du facial, suivie,

quelques mois après, malgré un traitement mercuriel intense, de troubles

du labyrinthe, de céphalée, de vertige et neuf mois plus lard d'une hémi-

plégie gauche. Celle-ci s'améliora à la suite d'un traitement spécifique;

.puis vinrent s'y ajouter des contractures, des symptômes bulbaires, jus-

qu'au moment où, quatorze mois après l'infection, le patient mourut.

L'autopsie fit relever une forme vasculaire de syphilis cérébrale avec un

ramollissement dans la partie droite du pont de Varole et une dégénéres-

cence consécutive des voies pyramidales.

Gros et Lancereaux (Obs. 86) décrivent,entre autres, le cas d'un homme

qui contracta la maladie contagieuse à 37 ans et, quatre mois après, fut

pris de céphalée, d'hémiplégie totale droite et de troubles de la parole.

Deux mois [après, les symptômes paralytiques [devinrent de plus en plus

graves. L'issue en fut mortelle. L'autopsie donna un résultat négatif.

Mingazzini, dans son premier travail sur la syphilis cérébrale précoce

et maligne, rapporte (Beob. I) le cas d'un homme de 50 ans, lequel, neuf

mois après l'infection syphilitique, que, semble-t-il, il n'avait pas soignée,

fut frappé d'une forte céphalée, puis de ptosis à droite, d'une parésiedes

muscles droits des yeux, surtout droite, d'une raideur à la lumière et

d'une névrite optique bilatérale. Malgré un traitement énergique au moyen

d'injections de sublimé et au iodure de potassium, traitement à la suite du-

quel disparut seulement le ptosis, un mois plus tard il fut frappé d'apha-

sie motrice et d'une hémiplégie droite, suivies, presque un mois après,

de la mort.

A l'autopsie, on trouva une endo-artérite et une thrombose partielle des

artères vertébrales, basilaires, et de l'artère de la fosse de Sylvius de gau-

che, ainsi qu'un gros ramollissement qui affectait le noyau lenticulaire,

la capsule externe et la région pyramidale de la capsule interne. Le même

auteur (Beob. II) raconte le fait d'un homme de 33 ans, buveur, avec une

tare névropathique grave et qui, sept mois après l'infection syphilitique,

commença à se plaindre de faiblesse générale, de céphalée et de douleurs

aux os. Malgré un traitement avec injections de sublimé, il fut, deux

mois plus lard, frappé d'une hémiplégie gauche, pour laquelle il suivit une

cure électrique, mais non spécifique, si bien que l'hémiplégie dura et

devint spasmodique. Un an après l'infection, il se manifesta des douleurs

aux membres de droite, des dysarthries, des troubles psychiques, et mal-

OBSERVATIONS CLINIQUES SUR LA SYPHILIS CÉRÉBRALE 289

gré un traitement énergique d'injections intra-veineuses et sous-cutanées

de sublimé, la mort survint quelques jours après. L'autopsie fit consta-

ter un ramollissement ancien des ganglions de la base de droite, des hémor-

ragies récentes des ganglions de la base de gauche et une endoartérite de

plusieurs artères cérébrales, de la fosse de Sylvius, des vertébrales et de la

basilaire.

Mingazzini, dans un autre travail plus récent sur le même sujet, fit con-

naître trois autres cas de syphilis cérébrale précoce et maligne, observés

durant la vie des sujets et fournis de données anatomo-pathologiques. La

première observation regarde un homme de 27 ans, lequel à 25 ans con-

tracta une infection syphilitique qui fut soignée au mercure. Vingt-deux

mois après, il fut frappé d'une hémiparésie gauche et pendant les deux

mois suivants les symptômes empirèrent jusqu'au coma et à la mort. A la

section, on trouva un ramollissement de l'insula droite, une hémorragie

de la capsule interne droite, une hémorragie des deux côtés dans la région

de la circonvolution angulaire à la suite d'une thrombose de la branche ter-

minale de Tarière de la fosse de Sylvius et la rupture de la paroi artérielle

qui s'en était suivie. Au microscope, on trouva une méso-arlérite et une

endo-artérite. Le jeune âge du sujet, l'absence de lésions de l'aorte, et

l'inexistence de vices valvulaires, montrent la nature syphilitique des

lésions des vaisseaux.

La deuxième observation se rapporte à un homme de 49 ans, fort buveur,

lequel l'année précédente fol 897) avait contracté un ulcère dur qui ne fut

pas du tout soigné. En juillet 1898 apparurent les symptômes d'une mé-

ningite basilaire syphilitique. A la suite d'un traitement mercuriel fait à

l'hôpital, le sujet améliora, si bien qu'il voulut rentrer chez lui. Mais,

deux mois plus tard, il revint à l'hôpital avec des troubles des nerfs céré-

braux de droite (ophtalmoplégie partielle, baisse de l'ouïe, troubles de la

vue). Malgré un traitement énergique, le malade fut frappé, au mois d'oc-

tobre, de convulsions cloniques, à la suite desquelles se manifesta une

parésie droite. Il mourut en janvier 1899. A la section, on trouva une

méningite basilaire dans la région du pont de Varole et un ramollissement

de la partie supérieure des circonvolutions centrales degauche comme de

la partie antérieure du lobe temporal de gauche.

La troisième observation regarde un homme de 40 ans qui en juillet

1900 contracta l'infection suivie de phénomènes secondaires. Il fut soigné

au moyen d'injections de sublimé et au iodure de potassium. Lorsqu'on

cessa les injections, la céphalée, les douleurs ostéocopes, l'éruption en

forme de roupie réapparurent, bien que le patient continuât à prendre du

iodure. Il vint s'y ajouter le vertige qui empêchait le sujet de se tenir de-

bout, et la paralysie complète du VII° nerf de gauche (janvier 1901),

290 COSTANT1N t

dont l'état s'améliora dans la région de la branche supérieure, après une

cure énergique aux injections de sublimé, au calomel et au iodure de po-

tassium. Les autres troubles ne subirent pas de changement. Il vint s'y

ajouter ensuite de l'anisochorie, la rigidité papillaire à la lumière, une

photophobie douloureuse, apparue dans le champ d'innervation de la troi-

sième branche du trijumeau de gauche pour toutes sortes de sensibilités, des

troubles de la parole, confusion, voix faible, marche impossible et enfin,

bien que l'on continuât la cure au iodure, état comateux avec secousses

cloniques à gauche, vomissement et la mort. A l'autopsie on trouva une

thrombose de l'artère vertébrale et des cérébelleuses de droite avec, comme

conséquence, le ramollissement de l'hémisphère cérébelleux homolatéral;

une périostite et une nécrose de la roche pierreuse avec une névrite con-

sécutive du nerf facial de droite.

Charvet rapporte le cas d'une femme de 22 ans qui présenta le syphi-

lome initial en août 1896, suivi de phénomènes secondaires multiples et

prolongés (plaques muqueuses, vulvaires, anales, à la bouche, éruption

papuleuse, etc.). Elle fit une cure mercurielle intense. Le 5 février 1897,

elle eut un ictus incomplet, avec des troubles de la parole, et suivi d'une

hémiparésie qui, le lendemain, se transforma en une hémiplégie com-

plète droite avec aphasie. Mort survenue au bout de trois jours. A l'au-

topsie, on trouva une oblitération de la sylvienne de gauche. A l'examen

microscopique, il semblait qu'il s'agissait d'un syphilome artériel groin-

meux (artérite gommeusede Charrier et Klippel) plutôt que de l'artérite

sclérotique syphilitique.

Finkelnburg fit connaître le cas d'un homme de 43 ans, ayant une

tare héréditaire tuberculeuse, chez lequel, dix mois après l'infection, qui

fut traitée spécifiquement, s'établit une hémiplégie gauche sans perte de

conscience; cette hémiplégie disparut au bout de trois semaines. Deux

mois plus tard, céphalée violente qui diminua à la suite d'un traitement

spécifique. Six mois après l'apparition des symptômes cérébraux, se

manifesta une hémiplégie droite avec aphasie et symptômes de paralysie

du nerf vague ; le sujet mourut. A l'autopsie, on trouva des altérations

' étendues des artères du cerveau et de la moelle épinière, sous forme de

périartérite et d'endoartérite ; un processus de méningite de la base du

cerveau, dans la région des circonvolutions frontales de droite et de la

moelle épinière; périnévrite et endonévrite des nerfs de la base et des

racines des nerfs spinaux; des foyers de ramollissement dans le noyau

lenticulaire et dans le pont de Varole.

Outre Mingazzini, Panichi a aussi publié en Italie deux cas de syphilis

cérébrale précoce et maligne. Le premier de ces cas regarde un homme

de 27 ans, alcoolique, qui deux ans après l'infection, soignée au moyen

OBSERVATIONS CLINIQUES SUR LA SYPHILIS CÉRÉBRALE 291

de composés mercuriels et de iodure, fut frappé d'hémiplégie spastique

gauche, d'une hémianesthésie sensitive sensorielle gauche, de la rotation

de la tête et des yeux à droite et d'une hémianopsie bilatérale droite.

Tous ces symptômes restèrent sans modification jusqu'à la mort, malgré

une cure énergique au mercure et au iodure. L'autopsie démontra un

anévrisme disséquant de la deuxième branche de la sylvienne droite ; un

anévrisme du quatrième rameau de la sylvienne gauche ; une malacie

de l'insula droite et une hémorragie capsulo-thalamique droite. A l'exa-

men microscopique on trouva une mésoartérite et de l'endoartérite.

L'autre observation regarde un homme de 49 ans, buveur, qui, un an

après l'infection, non soumise à une cure spécifique, présenta de la cé-

phalée, une parésie du facial et de l'hypoglosse de gauche. Ces troubles

s'améliorèrent après une cure spécifique. Malgré la continuation de cette

cure, un mois environ après apparut une parésie des membres de droite,

une parésie de l'abducteur de gauche. Le sujet mourut d'une pulmonie.

L'autopsie permit de relever un épaississement diffus de la pie-mère en

correspondance avec le pont de Varole, une malacie de la partie supé-

rieure des circonvolutions rolandiques à gauche et du pôle temporal du

même côté. -

Suchy raconte le cas d'un hussard, lequel, en juin 1904, contracta un

ulcère dur, suivi de phénomènes secondaires qui réapparurent plusieurs

fois, bien que l'9n,eût fait chaque fois un traitement spécifique. A l'occa-

sion d'une nouvelle récidive (octobre 1905) apparut une très violente

douleur de la tête et des yeux et parfois de l'amblyopie. Chez .le sujet,

fortement anémique, on constata de la névrite optique bilatérale. Moyen-

nant une cure antisyphilitique, on remarqua une amélioration, mais, en

décembre, apparut tout à coup de la confusion, une dilalation des prunel-

les qui réagissaient aussi difficilement, decesslls involoatarü manus ad

gcnitalia, et une rigidité de la nuque. Vers la fin, il se présenta des

secousses aux deux extrémités inférieures. En juin 1906 ce fut la fin.

L'autopsie présenta : la dure-mère fortement adhérente aux méninges

molles; épaississement et opacité des mêmes parties en correspondance avec

les circonvolutions cérébrales ; artères de la hase fortement épaissies ; les

tubercules quadrijumeaux et thalamiques changés en une espèce de masse

grise.

Enfin, Nonne, dans la dernière édition de son traité z1909) sur la

syphilis du système nerveux, rapporte (Beob. 46) le cas d'un officier su-

balterne de 54 ans chez lequel une syphilis cérébrale donna, quatre mois

déjà après l'infection, les premiers symptômes, sous forme de céphalée, et

sept mois après l'infection ce fut la mort. L'autopsie établit une ménin-

gile gommeuse de la hase, une endoartérite el nne phléhosclérose.

292 COSTANTINI

Ayant ainsi parlé des cas de syphilis cérébrale précoce et maligne fournis

de données anatomopathologiques, je résumerai brièvement les cas obser-

vés seulement durant la vie des sujets.

Gilles de la Tourette a fait connaître le cas d'une syphilis très diffuse

et grave des méninges cérébrales et spinales et qui s'était déjà manifestée

deux mois après la contagion.

LannoisetFournier racontent le cas d'une femme de 31 ans n'ayant pas

d'hérédité névropathique et qui fut contaminée par l'allaitement merce-

naire d'un enfant syphilitique. Bien qu'on eût commencé, deux mois après

la contagion, un traitement spécifique, deux ou trois mois plus tard la

malade commença à se plaindre de céphalée et quelques jours après elle

fut prise d'une attaque d'apoplexie avec perte momentanée de la conscien-

ce, suivie d'une hémiplégie droite et d'aphasie motrice. Trois mois après

environ, apparut aussi de la surdité verbale. L'aphasie motrice disparut

peu à peu, mais il resta de l'hémiplégie spastique avec des attaques d'épi-

lepsie surtout unilatérales. La surdité verbale s'améliora un peu.

Lydston communiqua à la Société de médecine américaine les cas sui-

vants :

1° Femme de 22 ans, frappée de céphalée obstinée en même temps que

de roséole, tandis qu'existait encore l'ulcère dur. Huit ans plus tard, au-

cun symptôme nouveau.

2° Femme de 30 ans, frappée d'une céphalée, grave, obstinée, ininter-

rompue, quatre mois après la contagion syphilitique.

3° Homme de 35 ans, lequel après un abus de Bacchus et de Vénus fut

pris, une nuit, d'une hémianesthésie droite qui disparut à la suite de fric-

tions mercurielles. Cela arriva durant la première moitié de la seconde

année après l'infection syphilitique, soignée énergiquement au moyen d'un

traitement spécifique.

4° Homme de 30 ans avec une névralgie grave du trijumeau apparue

dans la première moitié de la seconde année après la contagion. Il s'en-

suivit bientôt un processus atrophique des muscles de la face. L'hémiatro-

phie de la face dura encore après un traitement spécifique au mercure et

au iodure de sodium.

5° Jeune homme de 20 ans,- buveur, pris trois mois après l'apparition

de l'ulcère d'une hémiplégie droite avec aphasie. En même temps éruption

maculo-papuleuse. Avec un traitement au mercure et au iodure, il guérit

complètement.

6° Jeune homme de 20 ans, pris, huit mois après l'infection syphiliti-

que, soignée spécifiquement, d'une hémiparésie gauche. La guérison fut

lente, mais complète.

7° Homme de 40 ans, pris d'une hémiplégie gauche, dix mois après l'in-

OBSERVATIONS CLINIQUES SUR LA SYPHILIS CÉRÉBRALE 293

fection syphilitique qui fuf soignée irrégulièrement. Après un traitement

spécifique énergique, la paralysie s'améliora seulement en partie.

Gros et Lanceraux, outre le cas déjà cité plus haut, rapportent les deux

observations suivantes.

1° (Obs.113). Homme robuste qui, à 3 ans, prit une syphilis soignée

seulement d'une manière irrégulière. Six mois après, il fut pris d'une ex-

citation maniaque, suivie d'une attaque avec hémiplégie gauche. Un mois

plus tard, nouvelle attaque d'apoplexie et troubles psychiques. A la fin,

carie du processus mastoïdien. Un an environ après l'infection, le malade

mourut. L.

2° (Obs. 145). Homme de 30 ans, pris, trois mois après l'ulcère dur,

d'une rapide hémiplégie droite avec la perte de la conscience et des trou-

bles de la parole. Après une cure spécifique, son état s'améliora.

Ménétrier décrit le cas d'un nomme de 26 ans qui, deux mois après

l'infection syphilitique, fut pris d'une forte céphalée, puis d'une parésie

de la moitié gauche de la' face et du bras du même côté. Après une cure

de deux mois, il guérit complètement.

Gaikiewicz raconte (obs. VI et XXIII) le cas de deux hommes de 30 ans

chez lesquels se développa une paraplégie environ un an après la conta-

gion syphilitique. Il raconte aussi un troisième cas (obs. XXV) dans lequel

un homme de 28 ans fut, sept mois après l'infection, traitée au mercure

et à l'iode, pris d'une hémiplégie gauche et d'une forte céphalée au côté

droit. Son état s'améliora notablement à la suite d'énergiques frictions

mercurielles.

Mendel fit connaître le cas d'un étudiant de 19 ans qui fut frappé d'une

hémiplégie, deux mois après l'apparition des premiers symptômes de l'in-

fection syphilitique. Le même auteur décrit un autre cas concernant un

homme de 60 ans, chez lequel, deux mois après l'apparition du syphilome

initial et un traitement spécifique, se développa de la céphalée, puis une

hémiparésie droite avec aphasie et hémianopsie droite. Moyennant une

cure de iodure de potassium, le patient guérit complètement.

Iusclltschenko rapporte les trois cas suivants :

1° Homme de 34 ans sans hérédité névropathique, pris, quatre mois

après l'infection syphilitique soignée énergiquement au mercure et au

iodure, de céphalée, bourdonnements à une oreille et encore, trois mois

plus tard, d'une hémiparésie droite sans perte de conscience. Il guérit

complètement à la suite d'un second traitement spécifique.

2° Homme de 39 ans, sans tare héréditaire névropathique, lequel, quatre

mois après un ulcère dur non soigné, fut pris aux membres de droite

d'une faiblesse qui bientôt atteignit le degré d'une hémiplégie. Malgré une

cure intense de mercure et d'iodure de potassium, son état s'améliora peu.

294 COSTANTINI

3° A 27 ans, infection syphilitique traitée énergiquement au mercure.

Malgré cela, trois mois après, il se manifesta une hémiparésie gauche,

qui disparut complètement moyennant une énergique cure spécifique.

Mingazzini, dans son premier travail, déjà cité, fit connaître encore les

cas suivants :

1° (Beob. 111).- Homme de 24. ans,sansauucne tare héréditaire,buveur,

frappé, quatre mois après l'infection syphilitique qu'il ne soigna pas, de

symptômes .de méningite basilaire (céphalée nocturne, vomissement,

diplopie, névrite optique bilatérale plus accentuée à gauche, parésie de

l'abducteur gauche, pouls lent). Il guérit après une cure spécifique :

2° (Beob.IV).- Homme de 22 ans, sans aucune tare héréditaire, non

buveur. Un an après l'infection, qu'il soigna au mercure et au iodure de

potassium, il se manifesta une hémiparésie flasque, unehémi-hypoesthé-

sie gauche et une légère confusion. Il y eut guérison, mais défectueuse.

On diagnostiqua un ramollissement probable du noyau lenticulaire et de

la capsule interne droite, à la suite d'une endoartérite du rameau central

de l'artère de la fosse de Sylvius.

3° (Beob. V).Homme de 26 ans, pris, trois mois après l'infection

syphilitique, de céphalée, de vertige, d'une paralysie périphérique du

facial droit. Pas de renseignements sur les résultats et sur la cure.

Il y a quelques années, Kreibich publia un cas de syphilis cérébrale,

dans lequel les premiers symptômes apparurent seulement quatre mois

après l'infection et furent d'abord crus d'origine hystérique, car l'on

avait trouvé des stigmates hystériques et l'infection ne datait que de peu.

L'année dernière, Castaguary a fait connaître le cas d'un homme de

44 ans lequel, quatre mois après l'ulcère dur, fut pris de symptômes de

méningite aiguë, qui s'améliora avec une rapidité remarquable sous l'ac-

tion d'un traitement antisyphilitique intense. Mais le malade continua

toujours à présenter des signes de syphilis cérébrale.

Nonne, dans la dernière édition (1909) de l'ouvrage rappelé plus

haut, rapporte deux observations personnelles. La première (Beob. 45)

se rapporte à un cas de méningite basilaire syphilitique dont les symptô-

mes, en même temps que ceux d'une psychose maniaque et une éruption

papuleuse de la peu, apparurent quatre mois après l'infection. La seconde

se réfère à une fille de 22 ans, chez laquelle, en même temps qu'une

roséole, apparurent les symptômes (Beob. 47) d'une méningite basilaire

gommeuse qui donnait l'idée fort nette d'une tumeur de l'angle céré-

bello-pontin. ,

J'ai eu moi-même l'occasion d'observer à l'Asile des aliénés de Rome

un cas de syphilis cérébrale qui s'était développée quatre mois après

l'apparition de l'ulcère dur, et coexistant avec une éruption maculo-pa-

OBSERVATIONS CLINIQUES SUR LA SYPHILIS CÉRÉBRALE 295

puleuse diffuse. Un second cas d'hémiplégie syphilitique qui s'était ma-

nifestée dans les premiers mois de la seconde année après la contagion

m'a été aimablement fourni par le professeur Mingazzini.

Observation I. Anamnésie. S... Nazareno, âgé de 27 ans, né à Forano,

dans la Sabine, manoeuvre-extra aux chemins de fer, célibataire. Le père boit :

il a cinq frères, tous dédiés à l'alcool et dont le plus petit souffre de convul-

sions épileptiques. Le sujet est né à terme, par accouchement régulier et il

semble qu'il a eu un développement physique et psychique uormal. Il a fait

cinq classes élémentaires ; de 13 à 18 ans, il a aidé son père dans des travaux

de manutention des voies ferrées, à partir de 18 ans, il a toujours aidé à tra-

vailler, comme ouvrier-extra, à la construction des voies de chemins de fer

ou de tramways. Dès son enfance, il a été impulsif, au point qu'un jour il

lança son encrier contre le maître qui l'avait grondé, et depuis ce jour il aban-

donna l'école pour n'y plus revenir. Le patient avoue ses abus continuels d'al-

cool (2 à 3 litres de vin par jour et quelquefois davantage). Il y a cinq ans, il

souffrit d'une pulmonie avec pleurésie séreuse métapneumonique. A six ans,

il souffrit d'une infection typhique. Il y a un an, pendant qu'il travaillait, il

fut frappé par un pieu de fer à la région fronto-pariétale droite. Il tomba à

terre sans connaissance et il ne revint à lui que trois heures après. Il n'eut

à cet endroit qu'une contusion excoriée. Il ne lui resta de ce traumatisme

aucune parésie ou paralysie. Mais depuis ce temps-là, le patient est sujet de

2 à 4 fois par mois, à des attaques convulsives généralisées, précédées d'une

période sensitive et ayant les attributs des accès d'épilepsie. En février 1909,

il contracta au pénis un ulcère qui dura environ un mois et demi, fut dia-

gnostiqué comme ulcère syphilitique et soigné énergiquement au moyen d'in-

jections de sublimé. Malgré la cure spécifique, il survint, vers la fin de mars,

une éruption maculo-papuleuse répandue sur tout le corps. Cette éruption

durait encore que vers la seconde moitié de juin, apparurent des douleurs

ostéocopes et de la céphalée, le soir, ayant son maximum d'intensité dans-la

région temporo-pariétale droite. Les premiers jours de juillet, ce sont des

attaques de Jackson qui se manifestèrent dans la moitié gauche du corps, sous

la forme de paresthésies, commençant au pied et à la main. Elles étaient sui-

vies de secousses cloniques auxquelles prenaient part les membres et la moitié

delà face du même côté (gauche). Il arrivait aussi assez fréquemment au

patient que lorsqu'il tenait quelque objet à la main gauche, celui-ci lui échappait

facilement. Un jour de la première moitié d'août, il eut tout à coup une vague

impression de vertige, suivie immédiatement de perte de la conscience. Il

revint à lui quelques minutes après. Il sentit alors une grande faiblesse aux

membres de gauche, il s'aperçut qu'il avait la bouche déviée vers la droite et

quelques légères dysarthries. A la suite de cet ictus, on lui fit, dans les hôpi-

taux de Rome, plusieurs injections de calomel,^et alors la céphalée et les dou-

leurs ostéocopes disparurent presque complètement comme aussi les symptô-

mes parétiques s'améliorèrent beaucoup. Une quinzaine de jours après réap-

parurent de nouveau ensemble la céphalée et les douleurs ostéocopes, avec de

296 COSTANTINI

légères élévations fébriles le soir et pour lesquelles il entra de nouveau à la

Polyclinique. Mais il n'y resta que quelques jours, car, donnant des signes de

folie, il fut interné à l'asile des aliénés. L'examen somatique général et neu-

rologique fait au moment de son entrée dans cette maison et l'examen psychi-

que fait après quelques jours d'observation donnèrent les résultats suivants.

Examen somatique. Crâne ovoïdal, dolichocéphale. Cheveux noirs avec

un seul tourbillon occipital ; ligne d'insertion antérieure semi-circulaire ; ten-

dance d'un autre tourbillon frontal médian. Front bas, étroit et fuyant. Sour-

cils tendant à se réunir sur la glabelle. Nez camus, dévié à gauche. Asymétrie

faciale par développement plus grand de la moitié droite. Diastèmes antéro-

inférieurs remarquables. Voûte du palais profonde. Oreilles grandes, disposées

en anse, avec tubercule darwinien, l'intertragus profond, les lobules petits,

sessiles. Développement pilifère de la face assez faible.

Conditions générales de la nutrition, passables. Masses musculaires et tissu

adipeux suffisamment développés. Peau et muqueuses légèrement pâles. Erup-

tion maculo-papuleuse, répandue sur tout le corps, surtout abondante sur le

dos, aux avant-bras et aux jambes. Pharynx rouge. Palpables, les glandes cru-

rales, inguinales, épitrocliléaires, sous-maxillaires et cervicales ; de diverses

grandeurs,au plus de celle d'un gros pois ; déplaçables, dures et élastiques,insen-

sibles. Poumons sains. Coeur dans les limites normales ; le deuxième aortique

est renforcé. Pouls 80, rythmique, pression moyenne normale. Abdomen mal-

léable, insensible. Foie, dans les limites normales.Rate palpable, au-dessous du

bord costal dans les inspirations profondes ; à la percussion elle semble un peu

agrandie. Parties génitales : cicatrices de date récente du sillon glando-prépu-

tial. Urines ne contenant ni albumine, ni sucre. Poids 59 kil. 700.

Examen neurologique. - Mouvement des yeux normal. Léger tremblement

dans le mouvement des paupières. En fronçant le front, les- plis des deux côtés

sont également manifeste. Le pli naso-labial [de gauche est presque entiè-

rement plat ; l'angle de la bouche du même côté un peu abaissé ; l'ouverture

de la bouche légèrement tirée vers la droite. En parlant, en riant, en montrant

les dents, la moitié gauche de la face reste presque immobile, La langue, à sa

place, ne paraît pas déviée ; elle ne peut pas bien sortir et alors elle dévie un

peu vers la droite. On n'a pas à constater de dysarthrie, même pas dans les

paroles difficiles. Motilité du voile du palais tout à fait normale. Pas de trou-

bles de la déglutition ou de la phonation. Les mouvements actifs ou passifs du

cou sont à l'état normal.

Membre supérieur droit. L'on ne remarque pas de troubles trophiques.

Circonférence du bras, à la centimètres de l'acromion : 25 cent. 5 ; de l'avant-

bras à 8 centimètres de l'épitrochlée : 22 cent. 5. Les mouvements actifs et

passifs s'accomplissent normalement. Force musculaire au dynamomètre : 19;

28 épreuve : 22.

Membre supérieur gauche. L'on n'y relève pas d'altérations trophiques.

L'avant-bras est habituellement tenu dans une position de légère flexion sur

le bras. Circonférence du bras à 15 centimètres de l'acromion : 25 centimè-

tres ; de l'avant-bras à 8 centimètres de j'épitrochiée : 22 centimètres. Le

OBSERVATIONS CLINIQUES SUR LA SYPHILIS CÉRÉBRALE

297

patient ne réussit pas à étendre complètement l'avant-bras. Il élève le bras à

un niveau qui n'est pas de beaucoup supérieur à l'horizontale. Les autres

mouvements du membre, bien qu'assez étendus, ne peuvent pas s'appeler

mouvements complets. Les mouvements passifs opposent dans tous les seg-

ments du membre une résistance très apparente'. Force musculaire au dyna-

momètre : 6 ; 2° épreuve : 6.

On ne remarque pas de tremblements des mains dans l'attitude du serment.

Membre inférieur droit. Trophie normale. Circonférence de la cuisse,

à 24 centimètres de l'épine iliaque antérieure supérieure : 41 centimètres ; de

la jambe à 15 centimètres de la pointe de la rotule : 30 centimètres. Etat nor-

mal des mouvements actifs ou passifs. Force musculaire bien conservée.

Membre inférieur gauche. - Trophie normale. Circonférence de la cuisse

et de la jambe comme à droite. Les mouvements actifs sont tous possibles,

mais si le patient est étendu sur son lit en décubitus dorsal et qu'on lui dise

de soulever les deux membres inférieurs, on remarque que celui de gauche,

est soulevé à une hauteur un peu moindre que celui de droite, et que le malade

l'abaisse avant ce dernier. Les mouvements passifs opposent une résistance

plus grande que la normale. Pas de grands troubles dans la marche. On

XXIII 20

Fio. 1, - Montre l'hémiparésie gauche et en même temps l'éruption

maculo-papuleuse de la peau.

298 COSTANT1NI

remarque seulement que le membre de gauche est un peu moins tendu et sou-

levé que celui de droite.

On ne remarque pas d'oscillations dans la position de Romberg.

Réflexes. Prunelles égales, au contour un peu irrégulier. Elles réagis-

sent bien à la lumière et à l'accommodation. Réflexe cornéo-conjonctival fai-

ble à gauche, très vif à droite. Pharyngien conservé. Les tendons des membres

supérieurs existent ; vifs- à gauche..Vif le patellaire des deux côtés, mais à

gauche plus qu'à droite, avec tendance à la trépidation épileptique du membre

de ce côté. Vifs aussi les tendons d'Achille. Parfois, clonus du pied des deux

côtés. Epigastrique, mésogastrique et hypogastrique présents. Il en est de

même des crémasters. En chatouillant la plante du pied, on obtient à droite la

flexion de tous les doigts, à gauche une légère extension du gros orteil et la

flexion des autres doigts.

Sensibilité. Hémi-hypoesthésie tactile gauche,douloureuse et thermique.

Le sens stéréognostique est bien conservé, pour la position et les mouvements

passifs. La percussion sur le crâne éveille de la douleur, surtout en correspon-

dance avec la région pariéto-temporale droite. Vue normale, le fond même de

l'oeil ne présente pas d'altération. L'ouïe, l'odorat et le goût sont aussi à l'état

normal.

Piqûre lombaire. - On extrait 10 centimètres cubes environ de liquide lim-

pide incolore qui sort sans augmentation de pression. Albumine : 0,75 0/00.

L'examen cytodiagnostique fait d'après la méthode du compte direct permet de

relever une lymphocytose très intense (102 lymphocytes par millimètre

cube). Par une deuxième piqûre faite à deux jours d'intervalle de la première,

on extrait 10 autres centimètres cubes qui présentent le même aspect incolore,

limpide. La preuve de Wassermann faite avec ce même liquide donne un ré-

sultat positif. La même preuve faite avec le sérum du sang tiré à la veine d'un

bras donne également un résultat positif.

Examen psychique. On relève sur le sujet les marques d'un affaiblisse-

ment mental avec attaques transitoires d'irritabilité et des épisodes de confu-

sion mentale. On peut déjà constater cet affaiblissement au seul aspect du su-

jet. La physionomie est peu expressive, monotone, presque stupide. Bien que

l'attention spontanée ne lui manque pas, elle est fugitive et l'oeil est toujours

vague. Il y a aussi un certain abandon de la personne, une attitude tombante.

Durant les demandes qu'on lui adresse, on remarque la lenteur des réponses

et l'effort que coûte au patient toute opération mentale même légère. Aussi ses

discours sont-ils lents, avec des arrêts qui se produisent facilement.Il n'est pas

rare d'avoir des réponses précipitées, avec jugements erronés. Le sujet, d'ail-

leurs, les corrige facilement et même spontanément. Bien que ce soit avec ef-

fort, il lui est aussi possible de faire quelques opérations mentales compli-

quées ; comme par exemple de faire de tête l'inversion de nombres complexes

(de cinq chiffres), ou de trouver l'analogie entre plusieurs objets seulement

nommés. A mesure qu'on avance dans ces essais, on remarque un épuisement

plus facile. Mais le patient ne s'en montre pas préoccupé ; il semble même

qu'il n'a pas conscience de ses troubles mentaux, tandis qu'il attache une grande

importance à sa parésie. Même dans des essais spéciaux, la suggestion est évi-

OBSERVATIONS CLINIQUES SUR LA SYPHILIS CÉRÉBRALE 299

dente, mais en dehors de celle-ci le pouvoir critique se maintient en bon état.

L'humeur est indifférente, parfois légèrement euphorique. Il n'est pas rare

aussi qu'il ait, sans vraies raisons, de brèves attaques de rire et de larmes qui

rappellent de très près le rire et les larmes spasmodiques. Le sujet est habi-

Fig. 2. Représente le même individu que dans la fig. 1, vu de dos.

300 COSTANTINI 1

tuellement calme, mais il montre une légère agitation ; il ne peut pas rester

sans bouger dans la même position, il change continuellement, bien que de

peu. Il est facilement pris parfois d'une vraie fureur, d'un état d'irritation

et d'hostilité envers quelques-unes des personnes présentes. Des incitation ! ,

même légères l'ennuient et l'irritent. Il n'a pas eu jusqu'à maintenant de vrais

états délirants ou de confusion mentale, mais il semblerait bien qu'il en a eu

dans le passé. De tuute manière, il faut remarquer combien le sujet est sale et

qu'il se met même parfois à uriner par terre sans aucune préoccupation et sans

boute. Le fait que ces troubles sont épisodiques ferait penser à des crises de

torpeur cérébrale plus grave qu'à l'habitude.

Le patient reste à l'Asile d'aliénés du 23 septembre au 20 décembre. Pen-

dant ce temps, il est soigné énergiquement moyennant des injections de saly-

cilate de mercure et d'iodure de potassium et, quand il sort, son état s'est

amélioré tant au point de vue neurologique que psychique. L'éruption maculo-

papuleuse est, peut-on dire, presque disparue. Dans la seconde moitié de janvier

1910, j'ai l'occasion de le revoir dans un couloir de l'hôpital de S. Spirite. Il

dit être revenu à l'hôpital parce que, après avoir été bien et avoir travaillé

une vingtaine de jours, bien qu'il ait continué à prendre de l'iodure, il a été

de nouveau pris de céphalée et de douleurs ostéocopes, et la faiblesse de ses

membres de gauche s'est encore aggravée. Là on le soumet de nouveau à une

cure spécifique, mais le patient veut sortir quelques jours après.

Observation IL - Jeune homme de 21 ans, ayant une tare héréditaire

névropathique, pas buveur, d'une constitution très délicate. A 19 ans et demi,

il contracte J'infection, qui fut soignée avec intensité. Il eut des manifestations

secondaires sous forme de roséole, etc. Quelques mois après, fut frappé d'une

paralysie périphérique du facial de droite qui guérit moyennant iodure et mer-

cure en abondance. Quatorze mois environ après l'infection apparurent des

douleurs ostéocopes contre lesquelles il fit une cure de iodure de potassium.

Pendant cette cure, un jour (juin 1901) il fut frappé d'une hémiplégie complète

flasque, sans perte de conscience. A la suite d'injections de calomel et de su-

blimé, et après lui avoir fait prendre de l'iodure de potassium, la parésie se

résolut en partie, mais le membre inférieur droit resta atropliique et parétiqoo.

Au mois d'octobre de la même année et malgré la continuation de la cure spé- i

cifique, le patient fut, sans cause appréciable, frappé d'une hémiplégie gauche

qui, par les caractères qu'elle présentait, fit diagnostiquer une maladie capsu-

laire droite. Presque aussitôt après apparurent des symptômes de paralysie

pseudo-bulbaire (dysarthrie grave, dysphagie,' pleurs spastiques). Malgré la

continuation d'une cure iodo-mercurielle intense, le patient mourut quelques

mois après.

Il s'agit donc dans les deux cas d'une syphilis cérébrale grave, qui s'était

développée déjà dans la période secondaire; dans le premier cas, quatre

mois à peine après l'apparition de la sclérose initiale ; dans le second cas,

quatorze mois après. Il me paraît superflu de devoir démontrer que dans

les deux cas il s'agissait réellement de syphilis et selon toute probabi-

OBSERVATIONS CLINIQUES SUR LA SYPHILIS CÉRÉBRALE 301

lité, d'une arteritis luetica -et non d'une affection cérébrale d'une autre

nature. L'infection syphilitique démontrée d'une manière certaine; le

mode d'évolution et la qualité des symptômes ; l'amélioration des mêmes

symptômes sous l'action d'une cure spécifique, et aussi dans le premier

cas la lymphocytose intense et la réaction de Wassermann positive produi-

tes par le liquide céphalo-rachidien déposent sûremenl en faveur d'un tel

diagnostic. Il me paraît au. contraire plus utile de rechercher les facteurs

écologiques possibles qui, dans les deux cas, ontdonné le caractère de pré-

cocité et de malignité si la syphilis du cerveau.

Les moments étioiogiques, qui. dans celle forme particulière de syphi-

lis cérébrale, ont été incriminés, par divers auteurs, sont multiples ; mais

ceux qui, le plus communément, sont pris en considération sont : l'héré-

dité névropathique, l'âge auquel l'infection syphilitique fut contractée,

l'alcoolisme, les chocs traumatiques de la tête, le manque ou l'insuffisance

du traitement spécifique.

On ne peut dire que peu de chose sur l'importance de l'hérédité névropa-

thique dans la syphilis du système nerveux central en généra)abstraction

faite des infections métasyph i 1 i ti ques - et particulièrement dans la syph i-

liscérétrale précoce el maligne. Nonne affirme que, d'après ses connaissan-

ces littéraires, aucune recherche systématique n'a été établie jusqu'aujour-

d'hui sur ce sujet. Lui, d'un autre côté, examinant minutieusement de

nombreux cas de-syphilis cérébrale de formes diverses (artérite, méningite,

méningo-encépha 1 i le, et formes combinées) n'a pu trouver aucune tare héré-

ditaire certaine,névropathique ou psychopa Inique : Sur 185 cas de syphilis

cérébrale, spinale et cérébro-spinale, 24 fois il n'a trouvé aucune déclara-

lion ce propos. 9 : 3G fois aucune tare, l'existencede celle-ci était démontrée

seulement 26 fois. Les cas de syph il is céréhrale précoce et maligne publiés

par divers observateurs, et que j'ai brièvement rapportés, ne nous auto-

risent pas à formuler une conclusion dont on puisse faire cas, parce que

dans la plupart d'entre eux il n'existe aucune déclaration sur le manque

ou sur l'existence de l'hérédité névropathique.

Celle hérédité existait sûrement dans mes deux cas, plus grave dans le

premier, moins grave dans le second ; et il n'est pas improbable qu'elle

n'ait exercé son influence sur le développement de la forme ; mais pour

les motifs que je viens d'exposer, je ne pourrais pas l'affirmer avec certi-

tude. Dans l'étal artuel de la question, il me semble devoir dire que, tant

qu'il n'y aura pas un nombre suffisant d'observations et de recherches diri-

gées vers ce but, nous ne pourrons pas trop facilement exclure l'influence

de la tare héréditaire sur celle formeparticulièrede la syphilis cérébrale.

L'importance de cette hérédité sur les formes multiples de maladies fonc-

tionnelles et organiques du système nerveux central est reconnue de tous.

302 COSTANT1NI

Pour ce qui regarde l'âge auquel cette forme se développe, de l'examen

des cas que j'ai recueillis dans la littérature, on déduit que sur 37 cas, y

compris les miens, de syphilis cérébrale précoce et maligne, dont on con-

naît l'âge, le développement de l'affection se manifesta dans 4 cas de 10

à 20 ans ; dans 17, de 20 à 30 ans ; dans 8, de 30 à 40 ans ; dans 6, de

40 à 50 ans ; dans 2, de 50 à 60 ans. C'est donc avec raison que Mingaz-

zini affirme que la moitié des cas de syphilis cérébrale précoce et maligne

se développent entre 20 et 30 ans. Au contraire, les proportions changent,

quand, par rapport à l'époque de l'infection, on considère la mortalité

des cas. Les faits démontrent que, bien qu'un dénouement malheureux

puisse avoir lieu dans la syphilis cérébrale, quel que soit l'âge auquel est

survenue l'infection, cedénouement est d'autant plus facile que l'âge auquel

fut contractée la syphilis était plus avancé. En considérant les cas ci-dessus

rapportés, on voit que, dans plus de la moitié des cas examinés, on eut ce

dénouement fatal lorsque la syphilis fut contractée après 35 ans. Ce qui

esten parfaite harmonie avec ce qu'ont affirmé déjà d'autres auteurs, comme

Mingazzini lui-même, qui, dans les cas ayant eu un dénouement mortel,

fait osciller les limites d'âge, relativementà l'infection, entre 33 et 58 ans;

comme Pick, qui attribue la gravité de la forme qu'il a observée chez son

malade, à l'âge mûr auquel l'infection fut contractée ; comme Finkelnburg,

qui trouve pareillement dans l'âge avancé auquel la syphilis fut prise, un

des facteurs principaux de la gravité de son cas ; comme Dutheil, qui re-

connaît dans l'âge adulte où advint l'infection une des principales causes

de la malignité de la syphilis cérébrale. Cela est encore d'accord avec les

vues de Naunyn, qui, d'après l'analyse d'un grand nombre de cas, a con-

clu que l'infection syphilitique prise après la 4.Oe année se développe plus

défavorablement que celle qui a été contractée dans un âge moins avancé.

La question de l'influence de l'âge avancé sur le développement de la

syphilis cérébrale précoce et maligne se lie intimement à celle d'un autre

facteur étiologique non moins important, car souvent on trouve, dans

l'anamnésie, des cas ayant les caractères de cette forme, c'est-à-dire à l'abus

de l'alcool ; puisque âge avancé et intoxication alcoolique concourraient

ensemble à créer dans l'organisme un état de choses qui expliquerait suf-

fisamment la gravité de cette affection. En effet, tous les pathologistes

reconnaissent l'importance de l'âge avancé aussi bien que de l'alcool pour

déterminer les altérations sclérotiques des artères. Or, si l'agent syphili-

tique pénètre dans l'organisme quand les artères cérébrales sont déjà affai-

blies par l'âge et par l'intoxication alcoolique, il en attaquera plus facile-

ment les parois, qui, par là même, deviendront le siège d'un processus

spécifique. Ces considérations nous donnent la raison d'un autre fait qui

émane de l'examen des cas résumés plus haut, et qui a déjà été remarqué

OBSERVATIONS CLINIQUES SUR LA SYPHILIS CÉRÉBRALE 303

par d'autres auteurs (Althaus, Neumann, Mingazzini, etc.), savoir : que les

formes syphilitiques précoces malignes, particulièrement celles qui sont

mortelles, sont dues en grande partie à une artérite des vaisseaux céré-

braux. Ce fait explique à son tour un autre-caractère de la malignité de

la syphilis cérébrale précoce, c'est-à-dire' : « la rapide succession de ra-

mollissements et d'hémorragies et le tableau clinique y relatif des paré-

sies ou paralysies qui s'ensuivent » (Mingazzini). En harmonie avec les

résultats que nous avons obtenus, nous trouvons aussi ceux auxquels

Lochte est arrivé. Selon les études de cet auteur, non seulement la syphilis

des alcooliques est souvent grave, mais l'intoxication alcoolique chronique

donne occasion à de continuelles poussées, favorisant l'apparition précoce

de la syphilis pustuleuse et ulcéreuse, et conduisant précocement àja

sypliilis cérébrale. Une statistique de Tarnowski, selon laquelle sur 100

patients affectés de syphilis cérébrale, pas moins de 43 étaient des buveurs

habituels, démontre aussi clairement l'action de l'alcool dans cette affec-

tion. De la considération de ces faits, il faut donc déduire que, quand des

individus alcooliques contractent la syphilis dans un âge avancé, on doit

être très réservé dans la prognose, puisque l'infection pourra attaquer le

cerveau avec une grande facilité.

Un autre moment étiologique qui, dans le développement des affec-

tions cérébrales, a toujours été et est maintenant plus que jamais tenu en

considération,.es1 représenté par les traumatismes de la tête. Ainsi-leur

influence dans les tumeurs cérébrales, déjà admise par Oppenheim et

Bruns, est désormais reconnue par un grand nombre de neuropathologis-

tes. Pareillement Virchow avait remarqué que la syphilis se localise de

préférence dans les parties « affaiblies » et l'on ne peut nier qu'il en soit

ainsi des parties atteintes par le traumatisme. Du reste, l'importance de

ces traumatismes pour la syphilis cérébrale a été reconnue par un grand

nombre d'auteurs comme : Lallemand, Wilks, Wagner, Heubner, Four-

nier, et plus tard par Gerhard, Tarnowski, lljelmann, Lsehr, et en 1902

par Henneberg, qui s'appuyait sur un cas étudié aussi au point de vue de

l'anatomie. Plus récemment, Meyer s'est occupé des rapports qui existent

entre les symptômes cérébraux et les chocs trauma tiques de la tête chez les

syphilitiques.Nonne, bien que ne méconnaissant pas l'influence des chocs

traumatiques de la tête sur le développement de la syphilis cérébrale, se

basant sur sa propre expérience, croit qu'une telle influence ne doit pas

être exagérée. D'autre part, dans la nouvelle édition (1909) de son Traité

sur la syphilis du système nerveux, il rapporte deux cas qui lui appartien-

nent dans lesquels l'apparition des symptômes cérébraux avait été précé-

dée d'un choc traumatique. Le premier cas (Beob. 63) regarde une

comédienne de 31 ans soignée à l'hôpital deEppendorf pour une syphilis

304 COSTANTINI

cérébrale (céphalalgie, ! convulsions épileptiques, stase papillaire bilaté-

rale) et renvoyée comme guérie. Cinq mois après sa sortie, se développè-

rent de nouveau céphalées et attaques d'épilepsie, symptômes qui

apparurent deux semaines après une chute dans laquelle l'occiput avait

battu contre l'angle d'une table. Le second cas (Beob. 64) se rapporte à

un ouvrier chez qui, trois mois après une grave lésion de la tête, apparu-

rent les signes d'une hémiplégie gauche, hémianopsie et polyurie. L'au-

topsie fit voir une méningite basilaire gommeuse, qui s'étendait en guise

de bouchon vers la région de la capsule interne droite. Bailey, lui aussi,

est d'avis que le choc traumatique peut créer un locus minoris resistel1tiæ,

et que la syphilis cérébrale peut succéder à un choc de la lête; d'autre

part, il affirme que cela arrive très rarement.

Les auteurs reconnaissent donc tous (les uns plus, les autres moins)

l'importance des chocs traumatiques eux-mêmes sur le développement de

la syphilis cérébrale ; en général, on n'en parle pas d'une manière parti-

culière dans la syphilis précoce et maligne, mais il n'y aurait aucune

raison pour supposer que cela ne soit d'aucune valeur aussi dans cette

dernière forme.

Sur la question de savoir si une cure spécifique, faite régulièrement

et précocement après la contagion, peut prévenir ou au moins retarder

les affections syphilitiques du système nerveux, on a beaucoup discuté,

soit pour ce qui concerne les affections syphilitiques proprement dites,

soit pource qui concerne les métasyphilitiques (tabes dorsal et paralysie

progressive). Je m'éloignerais trop de mon sujet, si je voulais m'occupe ?

aussi de ces dernières questions; je rappellerai seulement que, tandis

que quelques auteurs comme Erb, Marie et Babinsky (qui firent connaî-

tre leurs opinions à l'occasion d'une discussion survenue à Paris en 1903),

Homén, Yeisser, etc., qui s'occupèrent d'une' façon spéciale du tabes,

soutiennent que chez beaucoup de tabétiques, il faut reconnaître l'in-

fluence défavorable d'un traitement spécifique, avant le développement

de la maladie, insuffisant ou complètement nul. Collins, au contraire, se

basant sur des données statistiques, est arrivé à une conclusion diamétra-

lement opposée, soutenant qu'un traitement énergique de la syphilis ne

prévient ni ne retarde les affections métasyphilitiques, que même dans

des cas mal soignés, de telles affections se manifestèrent plutôt tard que

tôt. Kron également, se basant sur les observations qu'il avait faites sur

le tabes chez les femmes, soutient que la cure spécifique de la syphilis

n'a aucune valeur par rapport à la prévention des affections du système

nerveux. Les opinions de Leyden, Herxheimer et Mauriac ne sont pas

dissemblables ; ils prétendent que, relativement à l'explosion d'une syphi-

lis tardive, un traitementnul, insuffisant ou énergique a la même valeur.

OBSERVATIONS CLINIQUES SUR LA SYPHILIS CÉRÉBRALE 305

Rnmpf, au contraire, et avec lui beaucoup d'autres, ont soutenu qu'une

affection syphilitique non soignée ou soignée insuffisamment, attaque

souvent, pour ce motif, l'appareil vasculaire du système nerveux. Pareil-

lement d'insignes syphiligraphes comme Fournier, Caposi, Neumann, et

des neuropathologistes comme Henhner, Gilbert, Lion et Kuh déclarent

que les affections syphilitiques du système nerveux se manifestent de

préférence chez les individus qui n'ont suivi aucun traitement spéci-

fique ou chez qui ce traitement fut mal dirigé. Oppenheimditque.de

deux personnes atteintes de syphilis, vu l'égalité des autres conditions,

celle qui a fait une cure antisyphilitique intense est menacée d'une affec-

tion cérébrale dans une mesure bien moindre que l'autre, qui n'a suivi

aucun traitement ou un traitement insuffisant. Schuster a rédigé une

statistique de il) cas de syphilis cérébro-spinale avec syphilis déclarée

dans l'anamnésie, et de 24 cas dans lesquels, ou bien l'infection syphili-

tique fut niée (17), ou bien il ne se déclara qu'un ulcère mou (7). Des

76 premiers, 10 n'avaient suivi aucune cure mercurielle; 36 n'avaient,

éié traités qu'une fois; 15 avaient suivi 2 fois un traitement spécifique

et les 15 autres avaient été soumis de trois à six fois à un traitement

spécifique; les 24 autres patients n'en avaient suivi aucun ; si bien que

en tout, sur 100 malades, 34 0/0 n'avaient suivi aucun traitement; 36 0/0

avaient subi une cure ; 15 0/0 avaient été traités deux fois, et également

150/0 l'avaient été de 3 à 6 fois. De la statistique de Schuster on déduit

donc que le nombre pour 100 des patients qui n'avaient pratiqué aucun

traitement mercuriel est inférieur au nombre de ceux qui avaient suivi

un ou plusieurs traitements. Schuster a aussi essayé d'établir la durée de

la période de la maladie à l'état latent ; et il a vu que cette période est

en moyenne de 10 à 11 ans dans les 76 cas, qu'il eût été fait ou non un

traitement spécifique; dans les 24 cas dans lesquels l'infection syphili-

tique ne se déclara pas, la période moyenne était de 12 ans, c'est-à-dire

un temps plus long même que celui des cas soignés. Aussi en se basant

sur ces résultats, Schuster a-t-il conclu que, pour ce qui regarde le déve-

loppement d'une affection syphilitique du système nerveux central, l'in-

fluence favorable du traitement spécifique n'est pas du tout démontrée,

en ce qu'il puisse prévenir ou relarder l'affection elle-même. Les conclu-

sions de Schuster ont été attaquées par Spindler ; mais Nonne croit que

les déductions de Spindler ne sont pas assez solides; il semble plutôt,

au contraire, incliner vers ceux qui nient l'influence favorable du traite-

ment spécifique antérieur sur le développement d'une affection syphili-

tique du système nerveux.

L'autorité compétente me manque pour entrer à fond dans cette ques-

; tion ; cependant il me semble que les conclusions déduites de données

306 COSTANTINI

statistiques de ce genre ne perdent pas peu de leur valeur devant les con-

sidérations suivantes : les auteurs qui ont compilé des statistiques d'affec-

tions syphilitiques du système nerveux central ont naturellement tenu

compte seulement des cas dans lesquels une infection syphilitique, soignée

ou non, fut suivie, après une période d'une durée variable, d'une affec-

tion syphilitique du système nerveux central. Mais que savons-nous des

autres cas d'infection syphilitique, soignés ou non, et qui n'ont été suivis

d'aucune affection du système nerveux central ? Il serait peut-être utile

d'avoir une statistique directe, afin de rechercher les rapports numériques

existant entre les syphilitiques, soignés ou non, qui ont été frappés de lé-

sions du système nerveux central et les syphililiques, soignés ou non, et

qui n'ont pas été frappés de lésion du même système. Une statistique de

ce genre pourrait rendre la question plus claire. Toutefois, l'on serait

toujours sans réponse sur la question de savoir si dans des cas traités et

non suivis d'une affection syphilitique nerveuse, une affection de ce genre

se serait manifestée si l'on n'avait pas fait la cure spécifique. Comme on

le voit, la question est donc beaucoup plus complexe qu'elle ne le semble-

rait à première vue. Il me semble que dans une matière aussi délicate que

celle de la cure, il faut y aller très prudemment, au moins jusqu'à ce que

nous ayons des données plus précises. En se basant sur des statistiques si

peu réconfortantes, on pourrait en effet faire naître chez quelques-uns le

doute, s'il convient, au moins en ce qui concerne le moyen de prévenir la

syphilis du système nerveux, de soumettre à une cure spécifique, non

exempte d'ennuis, un individu atteint de syphilis. Un soupçon de ce genre

ne paraîtra pas puéril, si l'on pense que Nonne lui-même, après une lon-

gue discussion sur ce sujet, ajoute textuellement les mots suivants : « A

ce que je vois, tous les auteurs sont d'accord sur un point : l'on ne doit

pas tirer de ces résultats la conclusion que la syphilis doive être traitée

avec moins d'intensité. »

Si nous laissons de côté ces considérations, il est cependant certain et

l'on ne peut nier que le traitement spécifique se montre parfois insuffisant

à prévenir ou à retarder une syphilis cérébrale. Et c'est surtout évident

dans la syphilis cérébrale précoce et maligne, dans laquelle, de nombreux

cas, y compris les miens, démontrent que, malgré une cure spécifique

intense faite aussitôt après l'apparition de l'ulcère dur, l'affection céré-

brale apparaît plus ou moins vite et sous une forme parfois grave.

En rapport avec la cure spécifique, il y a un fait qui souvent nous

donne un autre caractère de la malignité de la syphilis précoce. En effet,

les premiers symptômes cérébraux disparaissent ou s'améliorent la suite

d'une cure intense, mais, après un certain temps dont la durée varie, ils

s'aggravent de nouveau ou il en apparaît d'autres qui sont rebelles à tout

OBSERVATIONS CLINIQUES SUR LA SYPHILIS CÉRÉBRALE 307

traitement et qui souvent mènent le malade à la mort. Cette malignité

se retrouve par exemple dans les cas de Pick, de Jolly, de Brasch, dans

les le, et Il,, de Mingazzini et dans les miens mêmes. Dans'mon pre-

mier cas, en effet, la céphalée, les douleurs ostéocopes, les symptômes de

parésie, s'aggravèrent de nouveau, bien que le malade continuât à pren-

dre du iodure de potassium. L'on pourrait peut-être objecter ici que la cure

à l'iode était à elle seule insuffisante à empêcher une nouvelle aggravation

des symptômes. Mais, à part ce fait que la cure mercurielle avait été in-

terrompue depuis quelques jours seulement, l'objection tombe quand on

considère la marche de la maladie dans mon second cas. Là, le patient,

frappé de douleurs ostéocopes 14 mois après l'infection, commença à

faire une cure au iodure, pendant laquelle il fut frappé d'une hémiplégie

droite qui se résolut en partie à la suite d'une cure intense au calomel,

au sublimé et au iodure. Cependant, bien qu'il continuât cette cure quel-

ques mois encore après, il se manifesta une hémiplégie gauche' suivie

bientôt de symptômes d'une paralysie pseudobulbaire rebelles à tout trai-

tement, si bien que le malade mourut en peu de temps. Donc, la raison

pour laquelle, parfois, la cure spécifique n'arrive pas à empêcher l'aggra-

vation des symptômes existants ou la manifestation de nouveaux symptô-

mes dans la syphilis cérébrale précoce et maligne, nous ne la connaissons

pas. En même temps, nous ne devons être aucunement étonnés si, d'au-

tre part, les symptômes cérébraux restent tels quels ou même s'améliorent

peu malgré le traitement spécifique. On comprend, en effet, que s'il s'est

déjà produit des lésions irréparables comme les ramollissements (lie cas de

Mingazzini, cas de Lannois et de Fournier, etc.), la cure spécifique aura

bien peu d'action sur la modification des symptômes qui dépendent de ces

lésions.

* Tare héréditaire névropathique, âge où fut contractée la syphilis,

alcoolisme chronique, cure spécifique nulle ou insuffisante, tels sont les

moments étiologiques les plus importants qui aient été pris en considé-

ration dans la syphilis cérébrale précoce et maligne. Mais les auteurs par-

lent aussi d'autres moments ayant une valeur causale. Ainsi, Lang affirme

que chez beaucoup d'individus affectés de syphilis précoce, maligne, il y

avait avant la contagion des marques de scrofule, de tuberculose, de ma-

laria, de scorbut ou des symptômes d'épuisement dus à des causes diverses,

comme l'anémie, la grossesse, etc. Lang affirme aussi que ceux dont les

ancêtres étaient indemnes de syphilis sont frappés gravement par cette

infection à cause de l'immunisation qui manquerait en ce cas-là.

De tout ce que j'ai exposé jusqu'ici, il ressort donc clairement que, dans

mes cas, les moments étiologiques que l'on peut incriminer sont : dans le

premier cas, la tare héréditaire névropathique, l'alcoolisme chronique et

308 COSTANTINI

le traumatisme grave que le patient avait subi à la tète quelques années

auparavant et qui avait déterminé l'apparition d'accès d'épilepsie. Il est

très probable que ce même traumatisme a aussi contribué à la localisation

du processus syphilitique dans la partie droite du cerveau, c'est-à-dire là

même où il avait fait le mieux sentir son action. A dire le vrai, les moments

étiologiques sont beaucoup moins manifestes dans le second cas. Là, on

peut accuser la tare héréditaire névropathique peu grave et la constitution

grêle. Mais personne ne pourra se convaincre que ces deux fadeurs uniques

aient pu à eux seuls provoquer le développement d'une forme si maligne.

L'on devrait peut-être, dans ce cas, prendre en considération, comme dans

d'autres cas, la virulence plus grande de l'agent syphilitique (syphilis à

virus nerveux), capable de résister à un traitement spécifique même éner-

gique. Mais c'est là aussi une hypothèse qui a encore besoin d'être démon-

trée.

Ces cas enseignent donc que la lare héréditaire grave, l'alcoolisme chro-

nique et les traumatisme à la tête représentent souvent, surtout s'ils

viennent se réunir chez le même malade, les moments étiologiques aux-

quels on doit attribuer la précocité et la malignité de la syphilis cérébrale.

Il peut parfois venir s'y mêler d'autres causes, qui, pour le moment, se

soustraient encore à nos investigations.

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HOSPICE DE LA SALPÊTRIÈRE.

TRAVAIL DU LABORATOIRE DE M. LE PROFESSEUR RAYMOND.

SUR LA LÉSION OSSEUSE DU MAL DE POTT

SON RÔLE DANS LA GENÈSE DE LA COMPRESSION NERVEUSE

SON MODE DE RÉPARATION.

- - Par L. ALQUIER et B. KLARFELD.

(PI. XXXIII, XXXIV, XXXV.)

Le hasard des autopsies nous a procuré, à quelques jours de distance,

deux rachis pottiques, avec gibbosité très accentuée, de deux types diffé-

rents. La malade était, cliniquement, guérie depuis 39 ans, dans l'un de

ces cas, qui est donc tout particulièrement favorable à l'étude de la cica-

trisation osseuse dans le mal de Pott.

1° Quel est le rôle des lésions osseuses dans la genèse de la compres-

sion nerveuse L'un de nous a présenté ici même, le rachis et la moelle

du cas cliniquement guéri depuis 39 ans, et résumait ainsi la description

macroscopique des lésions (V. Bévue neurol., p. 1533, 1909). « Il existe

une forte gibbosité anguleuse, due l'effondrement des corps des trois

dernières vertèbres dorsales,et de la lre lombaire,que la radiographie mon-

tre soudés ensemble sur leur moitié antérieure, la postérieure étant occu-

pée par un foyer tuberculeux en voie de guérison, avec de nombreuses

esquilles osseuses formant, au niveau de la 12e dorsale, une saillie angu-

leuse dans le canal rachidien, dont le diamètre antéro-postérieur est, à ce

niveau, de 2 centimètres. En regard de la lésion osseuse, s'étale, sur la

dure-mère, une mince couche de fongosités englobant légèrement les raci-

nes. La moelle, très au large dans le canal osseux, ne semble élongée en

aucune façon, mais, sa face antérieure présente à hauteur des esquilles

saillantes, un sillon transversal, avec léger renflement au-dessus. Il y a

donc eu compression légère par les lésions osseuses, mais elle n'a pas en-

travé la guérison des troubles nerveux. »

Les photographies (pl. XXXIII et suiv.) permettent de compléter cette

brève description : sur deux sections antéro-postérieures du rachis passantpar

les deux côtés, droit et gauche du canal,on voit que la coudure se fait, à peu

près exactement à angle droit, la partie antérieure des quatre corps verté-

braux effondrés, mesure, dans son ensemble, 3 cent. 1/2 seulement de hau-

teur.La soudure de la partie antérieure que semblait indiquer la radiogra-

phie, se réduit à quelques ponts osseux, presque partout, on reconnaît les

vestiges d'un foyer tuberculeux qui a détruit la totalité des deux corps ver-

tébraux moyens, dont on ne retrouve plus que des débris, et les disques

Nouvelle Iconographie DE la Salpêtrière.

T. XXIII. Pl. XXXIII

LÉSIONS OSSEUSES DU MAL DE POTT

, (Alquier et Klmfeld).

A. Aspect de la moelle recouverte de la dure-mère ; dins la coudure quelques

fongosités épidurales.

B. Empreinte de l'os sur la moelle. En arrière de cette dernière se voit un

espace déplus de.i cm ? la séparant de la dure-mère.

Masson & Cie, Editeurs.

Phototypie Berthaud

LÉSIONS OSSEUSES DU MAL DE POTT

(Alquier el Klarfeld).

Effondrement en avant de 4 corps vertébraux.

Masson & Cie, Editeurs.

UVELLE Iconographie DE la Salpêtrière.

T. XXIII. PI. XXXV

LÉSIONS OSSEUSES DU MAL DE POTT

(A lquier et llny'eld).

Mal de Pott avec coudure rachidienne à angle droit. Femme de 72 ans.

A. Moelle dorsale, sans dégénérescence ascendante ni sclérose.

B. Moelle sacrée sans dégénérescence descendante.

C. D. Corps vertébral effondré. Ostéite condensante autour du foyer tuberculeux

(en haut, à gauche) ; plus loin ostéoporose (en bas, à droite).

SUR LA LÉSION OSSEUSE DU MAL DE POTT 311

intervertébraux qui les séparaient l'un de l'autre, et d'avec leurs voisins :

la vertèbre sus-jacente est détruite presque en totalité, dans sa partie an-

térieure, ce qui a permis la coudure du rachis à angle droit,le corps ver-

tébral sous-jacent au foyer tuberculeux est à peu près intact, sa face su-

périeure seulement légèrement érodée de place en place. Les fongosités

épidurales (histologiquement constituées par un tissu d'inflammation

ancienne, de bourgeons charnus) sont pratiquement négligeables au point

de vue de la compression nerveuse. Enfin, entre la face postérieure de

la moelle, et la dure-mère, qui, nous le rappelons, ont été fixées in situ,

dans le rachis, existe un espace libre d'au moins 1 centimètre dans le sens

antéro-postérieur.

L'étude histologique de la moelle, ne nous a montré ni sclérose au

niveau du sillon transversal marqué par l'os, ni dégénérations des fais-

ceaux blancs, comme en témoignent nos microphotographies.

L'autre fait concerne un homme de 33 ans, qui, à l'âge de 4 ans, à la

suite d'une chute sur le rachis, d'une hauteur de 11 mètres, avait fait

une cyphose progressive, de la région dorsale moyenne; 10 à 11 mois

avant la mort, étaient apparus quelques troubles de la motilité, avec exa-

gération des réflexes des membres inférieurs, et signe de Babinski bilaté-

ral. Dans la région dorsale moyenne, existait une gibbosité arrondie, due

à la destruction de la partie antérieure de 5 corps vertébraux : le canal

rachidien décrit une courbe à concavité antéro-postérieure, figurant à peu

près un demi-cerclé allongé dans le sens antéro-postérieur de 7 à 8 cen-

timètres de diamètre. La partie postérieure des corps vertébraux atteints

est en outre le siège d'un foyer tuberculeux, d'aspect plus récent, en

pleine activité, s'ouvrant dans l'espace épidural, où l'on trouve un tissu

de bourgeons charnus (avec, au microscope,de nombreux tubercules),

étendu de la 7e C, à la Me L, faisant, par places, le tour du sac durai, et

d'épaisseur variable d'un point à l'autre, mais jamais considérable. Les

lésions nerveuses (dégénérations et léger oedème des cordons latéraux

au niveau des lésions tuberculeuses) semblent dues au foyer épidural, et

non à la gibbosité, le canal rachidien n'étant nulle part rétréci.

Ainsi donc, la gibbosité peut être très accentuée, avec changement t

brusque et considérable de direction du canal rachidien, sans qu'il en ré-

sulte une compression bien évidente de la moelle, l'empreinte marquée

par la saillie osseuse sur sa face antérieure, dans notre premier cas, n'en a

pas altéré la structure. Pour que les lésions osseuses puissent jouer un rôle

réellement actif dans la genèse de la compression nerveuse, il faut quel-

que chose de plus : qu'au cours de l'effondrement, des esquilles soient

projetées dans le canal rachidien, ou que la partie postérieure d'un corps

vertébral, suffisamment conservée, vienne, au moment de l'effondrement,

basculer en arrière, et former dans le canal un éperon osseux saillant.

312 ALQUIER ET KLARFELD

. .i\L\I.l\lénard et Guibal ont bien précisé ces deux éventualités, dont ils ont

donné des exemples chez l'enfant; l'un de nous (1) a rencontré trois fois,

chez l'adulte, la compression médullaire par éperon osseux : très évidente

dans deux cas, et ne déterminant, dans le troisième qu'une légère coudure

de la moelle, sans lésions nettes au microscope comme dans le premier

fait du présent travail.

En dehors de ces « accidents de l'effondrement » et des luxations en

arrière du mal sous-occipital, les lésions osseuses nesemblent pas pouvoir

produire là compression nerveuse, par le simple fait des déformations du

rachis, et l'on est forcé de conclure avec M. Ménard, que rien ne vient

plaider en faveur de l'élongation de la moelle, qui serait plutôt, trop lon-

gue, en raison du tassement du rachis.

2° Comment se fait la réparation des lésions osseuses ? C'est avec juste

raison que l'on a cessé de compter sur les ostéophytes, qui, croyait-on

jadis, pourraient former autour des parties atteintes, un os nouveau, pour

assurer la solidité du rachis, car il n'en existe pas trace dans les deux cas

actuels, et l'un de nous les a vainement cherchés dans 16 autopsies an-

térieures. La soudure osseuse ne se fait qu'aux points où les surfaces

osseuses arrivent en contact, et encore, dans notre observation 1, au bout

de 39 ans, est-elle bien incomplète.

Dans les deux cas, nous trouvons, autour de l'ulcération tuberculeuse,

une zone irrégulière d'ostéite condensante, avec des travées osseuses

inégales, bosselées, constituées par des lamelles irrégulières, pas paiallè-

les les unes aux autres comme dans l'os normal, mais disposées en tous

sens, et séparées par des intervalles irréguliers. Si nous ajoutons qu'à la

scie, l'os est friable, sans résistance, enfin, que ce processus d'ostéite con-

densante reste limité au voisinage immédiat du foyer tuberculeux, on nous

permettra bien de conclure qu'au bout de 39 ans, nous ne trouvons qu'un

processus de réparation de mauvaise qualité, et un os de-solidité plus que

douteuse. D'autant plus que les parties plus éloignées des lésions tuber-

culeuses sont atteintes d'un léger degré d'ostéoporose.

Dans le deuxième cas, où les lésions sont encore en activité, chez un

sujet de 33 ans, nous trouvons la même ostéite condensante autour des

foyers ; elle apparaît ainsi bien plutôt comme un phénomène réactionnel,

en face de l'inflammation tuberculeuse, que comme un indice de cicatri-

sation, et de réparation de l'os. Quant au foyer tuberculeux lui-même, il

ne contient, dans la première observation, que du' tissu adipeux, avec çà

et là, de petits amas de substance amorphe, dont il est difficile de pré-

ciser la nature.

(1) ALQUIEa, Quinze autopsies de mal de Polt chez l'adulte. Iconographie de la Salpê

tl'1ère, n° 6, 106.

HOPITAL ISRAÉLITE DE VARSOVIE

SERVICE DES MALADIES NERVEUSES (Dr E. PLATA ri)

TUMEURS DE, LA MOELLE ÉPINIÈRE

, 1.. J, ,

ET DE LA COLONNE VERTEBRALE

. ' {Suite) ; "

, 'PAR

. Edouard FLATAU

TROISIÈME PARTIE

LES TUMEURS INTRA VERTÉBRALES

· ' Observation XIV.

' Le malade X. X., âgé de 50 ans environ, a toujours été bieu portant.

Au mois de février 1899, il a eu des très fortes douleurs dans la région

lombaire. Elles ont duré six semaines. Puis elles sont disparues pour un

court laps de temps et réapparues au mois de juin et depuis ne le quittent

plus. Les douleurs sont très intenses et le malade en souffre énormément.

Depuis quelques.semaines, douleurs en ceinture dans la région inférieure de

l'abdomen et sensation d'engourdissement de cette région et des membres infé-

rieurs. Depuis quelques semaines, affaiblissement des jambes.

Enfin, depuis peu, l'urine s'élimine plus souvent que normalement et

quelquefois par gouttes. Il y a de la constipation.

État actuel (13 novembre 1899). - L'état général est bon. La conformation,

bonne. Les organes internes, normaux. Les nerfs crâniens et les membres

supérieurs ne présentent rien de notable.

Le membre inférieur droit est plus faible que le gauche. Le malade peut flé-

chir un peu le membre inférieur droit dans l'articulatiou de la hanche, faire une

légère ab et adduction, fléchir et étendre le genou. Le pied droit est absolu-

ment immobile, les orteils sont un'peu plus mobiles. Le membre gauche peut

mieux exécuter tous ces mouvements, quoique là aussi on voit un notable

affaiblissement. Le pied est immobile. La marche est impossible.

La sensibilité est affaiblie depuis la partie inférieure de l'abdomen (à moitié

de l'espace qui sépare l'ombilic et la symphyse pubienne). Le malade ressent

d'une manière moins nette le toucher sur la partie inférieure de l'abdomen et

sur les membres inférieurs qu'au-dessus de cette limite.

La sensibilité douloureuse y est affaiblie également. Les piqûres (faibles)

sont ressenties comme le toucher, les profondes très peu douloureuses.

Cela s'observe sur la partie inférieure de l'abdomen, la face antérieure de la

XXIII 21

314 FLATAU

cuisse et de la jambe (on ne peut pas l'affirmer pour la face postérieure des

membres inférieurs). Même chose en ce qui concerne la sensibilité thermique.

Les réflexes patellaires sont très vifs des deux côtés. Les achilléens sont

conservés et normaux. Les plantaires sont très faibles. Les abdominaux sont

absents.

Pas de contractures.

Le malade souffre de douleurs dans les Ile et 1110 vertèbres lombaires. Celles-ci

ne sont douloureuses ni à la pression, ni pendant les mouvements de la colonne

vertébrale. Pas d'atrophies musculaires. Le malade se plaint de contractions

involontaires des jambes pendant la nuit. Il urine plus souvent et par gouttes.

Constipation.

27 novembre. La paralysie des membres inférieurs est presque complète.

Les seuls mouvements qui persistent, sont une faible extension des genoux et

de très faibles mouvements des gros orteils. Contractions involontaires des

jambes. Pour les mouvements passifs des genoux, la tonicité musculaire est

augmentée. La sensibilité tactile est conservée sur l'abdomen et les jambes.

La sensibilité douloureuse est très affaiblie aux membres inférieurs et à l'abdo-

men, à un à deux travers de doigt au-dessus de la ligne ombilicale. La sensi-

bilité thermique y est abolie ou troublée. Constipation. Il urine avec difficulté.

Les douleurs dans la région lombaire supérieure sont très fortes (elles se

calment un peu après l'administration de phénacétine avec de la codéine). Les

douleurs siègent en ceinture au-dessous des côtes. -

29. L'état reste le même. Les douleurs lombaires sont très fortes,

.surtout pendant les mouvements volontaires. A ces derniers s'ajoutent les

mouvements involontaires. Les réllexes rotuliens sont exagérés. La trépida-

tion épileptoïde des pieds se voit de deux côtés.Les troubles sensitifs de même.

Il n'y pas de zone d'hyperesthésie. Quant au sens des attitudes, le malade se

rend compte que ses doigts sont déplacés, mais il ne peut pas indiquer dans

quel sens. Il ne se rend pas compte non plus des mouvements des pieds, des

genoux et des cuisses. Les vertèbres sont douloureuses il la pression. Quand

on le secoue, il ressent une douleur modérée dans la région lombaire supé-

rieure. L'état général est bon. -

J'ai visité le malade tout le temps de sa maladie avec le Dr Dunin et nous

avons posé le diagnostic de tumeur médullaire. Après consultation avec le

Dr Krajevski nous avons décidé l'opération.

2 décembre. Rétention de l'urine (cathétérisme).

3. Opération (Dr Krajevski) : A l'opération on constata le ramollissement

de la VIIIe vertèbre dorsale des deux côtés de l'apophyse épineuse. On trouva

une tumeur sur la face interne de cet arc (1,5 cm. de longueur, 1 cm. de lar-

geur, 0, 6 cm. d'épaisseur).La tumeur était de coloration grise, rougeàtre, lobée,

d'une consistance pas trop dure et pas trop molle. On enleva également les

apophyses des VIIe et IXe vertèbres dorsales et ainsi on découvrit la moelle

dans une grande étendue. On vit que la moelle (recouverte par la dure-

mère) était plus mince au niveau de la VIIe vertèbre qu'au niveau des VIIIe et

TUMEURS DE LA MOELLE ÉPINIÈRE ET DE LA COLONNE VERTÉBRALE 315

IXe. Dans la dernière région, la dure-mère semblait être plus vascularisée et

plus foncée qu'au niveau de la VII" vertèbre dorsale.

Après l'opération la paralysie des membres inférieurs persiste ; fièvre.

La mort survient quelques jours après l'opération.

A l'autopsie on constata macroscopiquement les méninges ramollies, troubles.

Examen microscopique. - La coupe de la moelle correspondante au ni-

veau de la tumeur (VIIIe-Xle, segments dorsaux) présente de profondes lésions.

La configuration externe reste intacte, mais l'interne est modifiée à tel point

qu'on ne peut pas' distinguer la substance blanche de la grise ni les diffé-

rents cordons. Il s'est formé un mélange de la substance blanche avec des îlots

disséminés de la substance grise. Partout on voit des hémorragies et surtout

au centre de la coupe. Les racines et les méninges molles sont intactes

(coloration de Weigert et de Marchi).

Les coupes des segments dorsaux voisins des précédents ont également leur

conformation interne modifiée. On peut déjà distinguer la substance grise de la

blanche, mais les cornes antérieures et postérieures sont déformées et asymé-

triques.

Dans quelques endroits on pouvait constater 1'liéLéroLopie. La substance

blanche est modifiée.

Les fibres nerveuses, au lieu de présenter leur coupe transversale nor-

male, présentent souvent des faisceaux myéliniques à direction déviée et tor-

tueuse. Par place on voit de faux névromes (la substance blanche sort à tra-

vers la pie-mère déchirée et forme des sortes de champignons à la périphérie

de la moelle). Ii'y-a de grandes hémorragies dans la substance grise principale-

ment,mais dans la blanche aussi. Dans certains endroits, par exemple dans les

segments lombaires supérieurs, ces hémorragies distendent en quelque sorte le

centre de la coupe ; les vaisseaux augmentés en nombre, à parois épaissies.

A mesure qu'on s'éloigne des coupes les plus lésées, les changements patho-

logiques diminuent. Dans les segments dorsaux supérieurs, le rapport delà

substance blanche à la grise est normal. Par contre on constate ici des foyers

de destruction à la périphérie des cordona latéraux et de plus petits dans les

cordons postérieurs. Ces foyers vont de la périphérie vers le centre sous forme

de raies allongées, de coins, de segments ou sous forme de petits îlots au

centre de la coupe. Il y a des foyers nécrosiques dans la corne droite posté-

rieure. '

Les coupes colorées par la méthode de Weigert montrent que ces foyers

sont moins intensivement colorés, mais ils ne tranchent pas nettement sur

le fond général. Avec de forts grossissements on peut se persuader que la

lésion principale consiste en un gonflement considérable des gaines de myéline.

Les coupes colorées par la méthode de v. Gieson démontrent que les foyers

delésion n'ont plus le dessin caractéristique de maillesjaunes avecun point rouge

central (le cylindraxe). A leur place il y a un tissu de structure incertaine

on ne voit presque plus la coloration jaune des gaines myéliniques, mais une

coloration rosâtre (dans les segments dorsaux supérieurs). Souvent on peut

voir des cylindraxes dénudés sous forme de points rouges ou de filaments en

s`j (j FLATAU

roulés. Dans certains foyers on voit des cylindraxes gonflés et beaucoup de

masses roses rondes et mates. La névroglie ne présente pas de prolifération

notable, quoiqu'elle soit peut-être plus dense que normalement.. Vaisseaux

partout dilatés, leurs parois entières sont épaissies. Pas de lésions enflamma-

toires.

Les coupes colorées par la méthode de Marchi démontrent dans les segments

dorsaux supérieurs une dégénérescence secondaire peu accentuée des cordons

postérieurs des (faisceaux de Goll principalement) et une dégénérescence dif-

fuse des zones périphériques des cordons antéro-latéraux. Au-dessous de la

tumeur,dans la moelle lombo-sacrée existe une légère dégénérescence secondaire

des voies pyramidales croisées. Les masses produites par cette dégénérescence

sont fraîches. En outre sur les mêmes coupes on constate des foyers clairs,

irréguliers, à la périphérie des cordons latéraux. Ces foyers correspondaient (au

point de vue histopathologique) à ceux qu'on a vu sur les coupes colorées

par la méthode de Weigert. On voit ici également le foyer nécrotique dans

la corne droite postérieure.

Peu après l'autopsie on a fait quelques préparations par la méthode de

Nissl. Eh ! hien, au niveau de la tumeur, la substance grise a perdu complè-

tement ses contours normaux. Çà et là on distingue des Ilots irréguliers et peu

nets de substance grise. Même au sein de ces îlots, on ne distingue plus de

cellules nerveuses normales. Partout sur la coupe, il y a des noyaux en

nombre augmenté. Partout des hémorragies récentes. Les méninges molles sont

très infiltrées. Les vaisseaux des méninges sont très dilatés, mais non épaissis.

En ascendant, on voit dans la moelle la corne, tantôt antérieure, tantôt posté-

rieure, distincte, mais les cellules nerveuses y ont disparu et on y trouve des

hémorragies diffuses et du pigment sanguin. Les méninges molles et leurs cloi-

sons médullaires sont infiltrées. Ce n'est qu'au niveau des segments dorsaux

supérieurs que la figure de la substance grise devient normale. Les cellules

nerveuses ysont presque normales.Quelques-unes d'entre elles sont très petites,

presque dépourvues entièrement de prolongements, avec des granulations de

Nissl très fines. Les modifications pathologiques des méninges molles sont in-

signifiantes à ce niveau (la région postérieure).

En descendant (du niveau de la tumeur), on voit des modifications notab'es

de la configuration de la, substance grise et la disparition de ses cellules

(hémorragies multiples, infiltration des méninges surtout du côté des cordons

postérieurs). Dans la moelle lombaire, la substance grise reprend sa configura-

tion normale, mais là aussi il n'y a pas de cellules nerveuses. On les décèle

sous la forme d'ombres de cellules que l'on reconnaît grâce aux îlots de pig-

.ment jaune verdâtre (Nissl). Les cellules de Clarke sont également reconnais-

sables par la présence du pigment; elles-mêmes sont des ombres seulement.

Les méninges molles et les cloisons médullaires sont infiltrées surtout dans les

cordons postéro-latéraux (Ilots de noyaux nombreux). Des hémorragies existent

même dans la région sacrée, surtout au centre, dans la substance grise.

Résumé. Dans ce cas les douleurs furent le premier symptôme. Elles

TUMEURS DE LA MOELLE ÉPINIÈRE ET DE LA COLONNE VERTÉBRALE 317 î

étaient vives et localisées dans la région lombaire. Elles sont apparues

pourla première fois dix mois avant l'opération, ont duré six semaines, ont

disparu pour un temps, puis elles se sont renouvelées et ont persisté

jusqu'aux derniers jours. Deux mois avant l'opération ont apparu les dou-

leurs en ceinture dans la région abdominale inférieure et l'engourdis-

sement des membres inférieurs et de l'abdomen. En même temps, affai-

blissement des jambes. Troubles urinaires et troubles du côté du

rectum. Trois semaines avant l'opération, on constatait l'affaiblissement

notable des membres inférieurs, le droit était plus faible que le gauche ;

les troubles sensitifs dans la partie inférieure de l'abdomen et dans les

membres inférieurs. Les réflexes patellaires étaient très vifs. Contractions

spontanées des jambes pendant la nuit. Dix jours avant l'opération, la pa-

ralysie des memhres inférieurs fut presque complète, le tonus musculaire

un peu exagéré. Extensions involontaires des jambes. Affaiblissement de la

sensibilité jusqu'à la ligne passant à un ou deux travers de doigt au-dessus

de l'ombilic. Rétention de l'urine et des matières fécales. Douleurs dans

les vertèbres lombaires supérieures et en ceinture au-dessous des côtes. Les

douleurs augmentent pendant les mouvements. Les vertèbres ne sont pas

douloureuses à la pression.

A l'opération, on constata un ramollissement de l'arc de la VIII" vertè-

bre dorsale et la tumeur sur la face interne de cet arc. La moelle sembla

êlre plus mince au niveau de la VII, vertèbre dorsale. On laissa la dure-mère

intacte. La paralysie persista après l'opération, la fièvre prit place et le

malade mourut quelques jours après l'opéralion.

Dans la moelle on constata un léger trouble des méninges molles. L'exa-

men microscopique démontra qu'au niveau de la tumeur les lésions du

tissu nerveux étaient telles qu'il était impossible de distinguer la sub-

stance blanche de la grise. On voyait un mélange de ces substances et des

hémorragies diffuses récentes. Il faut supposer que la moelle épinière

se trouvait ramollie dans cette région avant l'opération et que le trauma

opératoire provoqua ces hémorragies dans la substance grise. Elles ont pu

se produire même après l'opération (comme c'est le cas dans l'hématomyé-

lie). Le tissu médullaire modifié par la compression exercée par la tumeur

présentait un bon terrain pour les hémorragies. Comme il est de règle,

la substance grise, plus vulnérable, fut le plus modifiée, et les lésions y

étaient telles que pas une seule cellule nerveuse normale ne persista au

niveau de la tumeur et à une grande distance au-dessous et au-dessus. Il

faut dire aussi que l'autopsie même de la moelle provoqua sa modification.

L'hétérotopie et les faux névromes en témoignent.

Toutes ces lésions sont localisées au niveau même de la tumeur aussi

bien qu'au-dessous et au-dessus d'elle.' y a aussi des hémorragies dans

la moelle sacrée.1 . '

18 FLATAU

On n'a pas rencontré une seule cellule nerveuse normale dans toute la

moelle lombo-sacrée. Au-dessus de la région correspondant à la tumeur,

la substance grise reprend sa forme caractéristique. Dans les segments

dorsaux supérieurs, elle est presque normale.

En même temps on y voit déjà un grand nombre de cellules nerveuses

normales, mais déplus on constate dans cette région, très éloignée

du niveau du néoplasme, des foyers surtout dans les cordons latéraux

- disposés à la périphérie, d'un aspect alvéolaire, avec les gaines de myé-

line gonflées, les cylindraxes gonflés, les mailles vides, etc.

Les coupes au Marchi démontrent une légére dégénérescence secondaire

récente surtout dans les cordons postérieurs (dégénérescence ascendante)

et dans les faisceaux' pyramidaux latéraux (dégénérescence descendante).

Ces lésions se sont formées probablement par suite des profondes modifi-

cations de caractère destructif qui ont frappé la moelle pendant ou après

l'opération au niveau de la tumeur. Les méninges molles démontrent dans

la région de la tumeur et à une grande distance d'elle une infiltration, la

dilatation des vaisseaux est évidente surtout du côté dorsal de la moelle.

Le cas présent n'était pas difficile à diagnostiquer. Les douleurs fortes,

pénibles, continues qui durèrent tout le temps de la maladie, leur exacer-

bation et les spasmes toniques qui les accompagnaient, l'apparition spon-

tanéedecesspasmespendant la nuit, l'affaiblissement desmembres inférieurs

surtout de celui du côté droit, les troubles sensitifs allant jusqu'à une li-

mite nette sur l'abdomen et en premier lieu la marche fatale toujours

progressive de l'affection, tous ces points parlaient en faveur d'une tu-

meur. L'absence de tout signe de tuberculose ou de syphilis rendait ce

diagnostic plus probable.

La localisation de la tumeur pouvait également être déterminée ave

facilité. Les troubles sensitifs indiquaientque(suivantla loi de Sherrington-

Bruns) le VIIIe segment dorsal était lésé. En effet l'opération démontra que

le diagnostic topographique fut juste.

Il faut encore dire quelques mots à propos de l'opération même'. Eh

bien ! malgré une asepsie parfaite, l'inflammation des méninges et la fièvre

s'installèrent. Cette complication nous la retrouvons même avec les meil-

leurs chirurgiens; la moelle épinière évidemment par suite de la longue

compression exercée par la tumeur et d'autres causes inconn ues, estextrême-

ment vulnérable et sujette à l'infection.

Il est possible aussi que l'emploi des instruments qui provoquent lest

traumatismes (ciseau, marteau) agisse défavorablement sur le résultat de

l'intervention. Les hémorragies ont été abondantes et fraîches et furent

produites pendant ou après l'opération par ces traumatismes.

Cecasmontrequelleimportanceil faut attribuer au choixdes instruments

opératoires et avec quel soin il faut éviter les traumatismes de la moelle.

TUMEURS BIC LA MOELLE ÉPINIÈRE ICT DE LA COLONNE VERTÉBRALE 319

Observation XV

Le malade L., âgé de 30 ans, est entré à l'hôpital le 25 août 1903 (1).

Le malade en pleine santé ressent des douleurs dans l'hypochondre droit.

Les douleurs augmentent la nuit, mais ne sont pas influencées par les mou-

vements ou par la toux. Elles ne sont pas très intenses. Assez longtemps le

malade continue sa manière de vivre habituelle et marche sans difficulté. Il

est à noter que .même à une période avancée de la maladie les douleurs

n'étaient pas très intenses, elles occupaient le second plan dans le tableau cli-

nique. Après trois semaines de durée des douleurs, l'affaiblissement des mem

bres inférieurs a pris place surtout du côté droit. Dès les premiers moments

de la maladie, on trouve de la rétention d'urine.

Dans l'anamnèse personnelle et celle des antécédents on ne trouve ni tuber-

culose ni syphilis. Les membres supérieurs se paralysent de plus en plus, et

tout à fait au début, quand les troubles sensitifs s'installaient à peine, la para-

lysie avait déjà un caractère nettement spastique. Dès ce moment aussi on

nota que les troubles moteurs prédominaient du côté droit, les sensitifs du côté

gauche. Le type de Brown-Séquard était faiblement accentué, puis il a disparu

tout à fait.

Alors déjà nous avons pensé à une compression médullaire; cependant les

phénomènes radiculaires étaient peu accentués.Le traitement spécifique fut sans

effet, la maladie progressa sans arrêt. La supposition qu'il s'agissait d'une

compression médullaire est devenue plus vraisemblable du moment qu'on a

constaté la douleur à la pression et au courant galvanique de la IV, vertèbre

dorsale.En ce moment déjà l'affection était tellement avancée que le malade mar-

chait avec peine en se servant d'une canne. On lui recommanda l'opération ; le

malade n'y ayant pas consenti s'en est allé de l'hôpital. Deux mois plus tard il y

est de nouveau rentré ; la marche était devenue tout à fait impossible et la limite

supérieure des troubles sensitifs atteignait la VIIIe côte en avant et le bord

inférieur de l'omoplate en arrière. Pas de zone d'hyperesthésie. Les douleurs

ne sont pas trop intenses,localisées comme toujours dans l'hypochondre droit.

Il faut avouer que même lorsque l'opération fut décidée, nous n'étions pas

sûrs du diagnostic. Nous avons éliminé la sclérose en plaque et la myélite

chronique.

Nous considérions comme moins improbable l'affection syphilitique (méllin-

go-myélite syphilitique). Contre cette hypothèse parlait le résultat négatif du

traitement spécifique et l'absence de la moindre indication dans l'anamnèse. Par

élimination nous avons fait la conclusion qu'il s'agit de la compression de la

moelle probablement par une tumeur. Riais il nous manquait toujours les

fortes douleurs qui accompagnent ordinairement la tumeur.

En nous guidant sur la loi de Scherrington-I3runs nous avons localisé la

tumeur au niveau des Ve et VIe segments dorsaux. A l'opération on éloigna le

Ivre, IIIe et enfin le 11''arc vertébral sans trouver le néoplasme. L'autopsie

(1) Ce cas fut publié en 1905 dans la « 'ed1lcina » par moi et le D' Sterling.

FiG. 13. - Fibrosarcome myxnmateux de la moelle épinière.

TUMEURS DE LA MOELLE ÉPINIÈRE ET DE LA COLONNE VERTÉBRALE 321

démontre dans la suite que la tumeur occupait un niveau à 2-3 millimètres

au-dessous de l'endroit opéré. , ,

Pendant l'opération,la moelle ne présentait pas de pulsations.Si notre diagnos-

tic eût été tout à fait certain,nous aurions engagé le chirurgien à enlever encore

une vertèbre et à inciser la dure-mère. L'absence des fortes douleurs. si

caractéristiques pour l'affection nous privait de la certitude. Aujourd'hui, grâce

aux travaux de MM. Clarke, Jaffe, Bailey, Schuttze et d'autres, nous savons

que les douleurs peuvent être au second plan et manquer totalement.

L'autopsie démontra que la tumeur se trouvait à l'endroit où la VIe racine

dorsale pénètre dans la moelle (fig. 13) (incision de la dure-mère le long de la

face postérieure de la moelle). La tumeur se distingue par sa coloration grisâtre.

Elle ressemble à un pois qui est attaché à la dure-mère par sa concavité. La

tumeur mesure 1 cent. 35 en longueur, 0 cent. 9 en largeur, 0 cent. 7 maxi-

mum d'épaisseur. L'examen microscopique démontra qu'il s'agissait d'un fibro-

sarcome rnyxomateux. La tumeur était faite dans la moelle un nid et refoulait

la moelle à gauche. ICette dernière est très amincie (fig. 14). L'examen mi- 1

croscopique de cette région prouve que le nombre des vaisseaux est augmenté,

qu'ils sont très dilatés et que les fibres nerveuses sont dégénérées (gonflement

et destruction de la gaine myélinique, gonflement des cylindraxes). Ces lésions

sont plus prononcées dans le cordon latéral droit et moins visibles dans les

cordons postérieurs et le cordon latéral gauche. Les cordons antérieurs sont par

contre presque intacts. Dans les endroits lésés il y a des vaisseaux dilatés, mais

non épaissis. Les noyaux sont augmentés en nombre, mais il n'existe nulle part

d'inflammation. Les veines épidurales sont dilatées.Par place le tissu médullaire

contient les exsudats.et les cellules isolées à granulations. L'oedème du tissu

est insignifiant. Les espaces lymphatiques ne présentent pas un élargisse-

ment évident. Dans ce cas les troubles circulatoires consistaient en une stase

sanguine; quant à la lésion du tissu nerveux', les gaines myéliniques étaient

les plus touchées (gonflement, destruction^ formation de mailles vidés

Fic. 14. Fibrosarcome myxomateux de la moelle épinière. /

322 FLATAU

avec l'aspect alvéolaire de la totalité). Les cylindraxes étaient moins modifiés,

quoique un grand nombre d'entre eux ait disparu. -

En résumé nous pouvons dire que dans ce cas il s'agissait, d'une lésion des

fibres nerveuses par compression avec une stase sanguine, mais sans trace

d'inflammation ou de stase lymphatique. Les changements qu'a subis le sys-

tème nerveux ont été provoqués par une cause mécanique et non inflammatoire.

Ils n'étaient pas très profonds, puisque la dégénération secondaire disparaissait

assez vite en ascendant et en descendant le long de la moelle.

Observation XVI.

Ch. B., âgée de 58 ans, veuve, est entrée à l'hôpital le 17 août 1905.

Au printemps 1904, la malade est tombée d'un escalier sur le sacrum ; à peine

put-elle se lever et rentrer à la maison. De ce moment datent les douleurs

au dos et au sacrum. Il y a un an elle a commencé à sentir froid aux membres

inférieurs et à la partie inférieure de l'abdomen ; les jambes commençaient à

enfler, parfois elle était obligée de se servir d'une canne tant la marche était

difficile. Depuis 8 mois, elle garde le lit, ne peut ni marcher, ni rester debout.

Les douleurs au sacrum et surtout dans les membres inférieurs sont devenues

persistantes. Depuis ce moment aussi dure la sensation qu'elle éprouve,

comme si l'on piquait avec des épingles sous la peau des membres infé-

rieurs. De temps en temps, douleurs en ceinture un peu au-dessous de

l'ombilic et dans les côtés. La sensation du froid aux pieds augmente ; elle

était très pénible, les pieds se réchauffaient difficilement. Dans le membre

inférieur gauche, contractions spontanées rapides dans le mollet. A Pâques

elle s'apperçoit pour la première fois qu'elle retient avec difficulté l'urine ;

bientôt après est apparue la difficulté d'uriner et la constipation à la-

quelle succédait la diarrhée. Pas de maux de tête, pas de vertiges, pas de

nausées, pas de vomissements. Jamais perte de connaissance. Elle dormait

bien si les douleurs le lui permettaient ; elle ne se plaignait pas de manque d'ap-

pétit. Elle a eu 10 enfants, dont le dernier est né il y a 18 ans, et dont 6 sont

vivants. Pas de fausses couches. La-syphilis ne se retrouve pas. Le malade ne

buvait pas. Dans la famille, pas de maladies nerveuses ou psychiqucs. A pré-

sent la malade se plaint des douleurs au sacrum et aux membres inférieurs

et de contractions douloureuses dans ces membres. Elle a aussi la sensation

pénible de lourdeur et d'immobilité du tronc depuis les dernières côtes jus-

qu'aux pieds.

Etat actuel. La malade est de grande taille, bien conformée, d'un

bon état général. Elle reste couchée au lit tout le temps, ne peut pas s'asseoir

sans aide ; elle ne peut non plus rester assise. Au niveau des vertèbres dorsales

inférieures. on voit une proéminence de la peau qui forme un pli assez gros

dirigé avec ses deux bouts en avant. A la palpation on s'aperçoit que le pli est

constitué non seulement par la peau et le tissu graisseux, mais aussi par une

convexité des vertèbres et des côtes fléchies en arrière. Les nerfs crâniens sont

normaux. Nous insistons sur le point que les pupilles sont régulières et égales,

TUMEURS DE LA MOELLE ÉPLNIÈRE ET DE LA COLONNE VERTEBRALE 3

réagissent bien à la lumière et à l'accommodation ; le fond de l'oeil est normal ; la

vue est bonne. L'examen de la sensibilité à la face et sur la tête ne démontre

pas de modifications pathologiques. La pression des points du nerf trijumeau ne

provoque pas de douleurs, la percussion de la tête est indolore.

Membres supérieurs. La malade peut exécuter tous les mouvements

avec facilité. La sensibilité tactile, douloureuse, thermique, musculaire et

stéréognosique est normale. Les réflexes tendineux (du muscle triceps) et

périostaux sont normaux. La pression des troncs nerveux est indolore. Le tonus

musculaire est normal.

Membres inférieurs. Le membre gauche est presque complètement

paralysé; l'extension des articulations de la hanche et du genou est minime

au point de vue de la force et de l'étendue. Le pied est tout à fait immobile, le

gros orteil seul peut se fléchir et s'étendre légèrement. L'abduction de tout le

membre gauche est minime, l'adduction se fait lentement avec un grand effort.

Le moindre obstacle empêche les mouvements de se produire. Quant au mem-

bre inférieur droit, la malade peut le lever, quoique avec difficulté et pas très

haut, mais elle ne peut le retenir dans cette position. La malade peut fléchir le

genou droit jusqu'à l'angle droit, mais l'effectue très lentement et difficilement ;

le moindre obstacle rend les mouvements impossibles. Les mouvements des

pieds sont également lents et limités, la force de la flexion plantaire est un peu

plus considérable que celle de la flexion dorsale, mais dans les deux cas elle

est très petite. Aux mouvements répétés, la force du pied droit s'épuise. La

malade peut mouvoir tous les orteils en masse, mais ces mouvements sont très

faibles. La tonicité-musculaire dans les deux membres est exagérée, un peu

plus du côté gauche que du côté droit, mais surtout dans les muscles ad et

abducteurs de la cuisse et extenseurs du genou gauche. Troubles sensitifs :

à gauche le toucher, la douleur, le chaud et le froid sont moins bien sentis ; à

droite, ne sont pas ressentis du tout, excepté au pied où la sensibilité est affaiblie

(ces troubles envahissent les membres inférieurs et l'abdomen à deux ou trois

travers de doigt au-dessus de l'ombilic). Les réflexes patellaires sont très

vifs, les achilléens exagérés. Le phénomène de Babinski est présent. Trépida-

tion épileptoïde bilatérale. Pas d'ataxie. Le sens musculaire est conservé. Pas

d'escarres ou d'oedèmes. Les réflexes abdominaux sont abolis.L'examen des pau-

mons et du coeur ne décèle rien de pathologique. La malade urine avec diffi-

culté, la constipation est persistante. L'urine est normale. Thérapie : mas-

sagè, bains salins ; K.J. ; lavements ; pyramidon ; bains électriques.

28 septembre. La pression légère et profonde de l'hypochondre gauche et

de la moitié gauche de l'abdomen est douloureuse. La difficulté d'uriner per-

siste ainsi que la paralysie des deux membres.

2 octobre. - Ponction lombaire ; la pression est médiocre, on a pris

5 centimètres cubes de liquide céphalo-rachidien ; il contient 0,2 0/00 d'albu-

mine ; il est clair, incolore, avec un résidu minime ; l'examen microscopique

ne décèle pas d'éléments morphologiques.

Depuis le 12 octobre, injections de biiodure de mercure.

17 novembre. - La paraplégie reste dans le même état; troubles sensitif$

324 4 1 FLATAU

comme au début. La malade renouvelle ses plaintes de sensation du froid aux

pieds, de douleurs dans le côté gauche et dans la région gastrique. Les contrac-

tions douloureuses spontanées des genoux persistent. -

Pendant les mois de novembre, décembre et janvier, l'état de la malade reste

le même. En général elle se sent bien. 1

31 janvier 1906. Souvent il y des ,douleurs en ceinture au-dessous de

l'ombilic, et des contractions spontanées douloureuses aux membres inférieurs.

La paralysie et les réflexes comme au début. L'urine s'élimine par petites quan-

tités, la constipation persiste. -

18 février. La malade quitte l'hôpital.

Le 3 juin de la même année,elle rentre de nouveau à l'hôpital.A l'examen on

constate que son état du premier séjour persiste. La malade lève le membre

inférieur droit avec difficulté, à une hauteur où elle peut toucher avec le talon

droit la face uorsale du pied gauche ; le genou droit se fléchit jusqu'à l'angle

droit,mais l'extension ne se fait que grâce à la pesanteur du membre,qui tombe.

Les mouvements du pied droit et de ses orteils sont un peu meilleurs et plus

étendus, le moindre obstacle pourtant rend ces mouvements impossibles. L'ab-

duction de la cuisse droite ne s'effectue pas du tout, l'abduction est minime, à

peine visible. Le membre inférieur gauche est presque immobile : la malade le

peut lever à la hauteur de quelques centimètres. La tonicité musculaire des

deux membres inférieurs est exagérée, on la constate le mieux en fléchissant, eu

étendant les genoux et en exécutant la flexion dorsale des pieds. Les réflexes

patellaires sont vifs ; les achilléens assez vifs. La trépidation épileptoïde existe

dans les deux pieds ainsi que le phénomène de Babinski bilatéral. Les abdo-

minaux sont abolis. Légère retention de l'urine ; constipation. Douleurs en

ceinture dans le bas-ventre.La colonne vertébrale est douloureuse à la pression,

dans toute son étendue,surtout dans la partie dorsale moyenne. La sensibilité au

toucher et à la douleur est conservée dans les deux membres, mais la douleur

est un peu affaiblie sur la jambe gauche. La sensibilité thermique est affai-

blie sur le membre inférieur gauche. Le sens musulaire est un peu troublé : la

malade ne sait pas définir les petits mouvements des orteils. ' ,

7 juin. La malade est transportée dans le service chirurgical où le 18 juin

on a exécuté l'opération de la laminectomie. On fait une incision de la peau

depuis la ne jusqu'à la Ve vertèbre dorsale. Après avoir séparé le périoste des

Ille et IVe vertèbres dorsales on réséqua les arcs vertébraux au moyen du moteur

électrique. La dure-mère trouvée cyanosée, ne présenta pas de pulsations. La

palpation décela que la méninge, très tendue, contenait beaucoup de liquide,

mais la moelle épinière ne se laissa pas * sentir. On a fait quelques sutures à

travers la dure-mère et puis on l'incisa, dans l'étendue de deux à trois vertè-

bres. Quand une petite quantité de liquide se fut écoulée, la dure-mère présenta

ses pulsations. La moelle se montra amincie, atrophiée. On en trouva pas de

tumeur à l'endroit opéré. Les méninges furent réunies, de même que les mus-

cles et la peau, on a mis des drains, de la gaze et le pansement. 1

19 juin'. Température 38°3. Les membres inférieurs sont complètement

flasques. La sensibilité tactile (thermique, douloureuse, musculaire) est abolie ;

TUMEURS DE LA MOELLE ÉPINIÈRE ET DE LA COLONNE VERTÉBRALE 325

la malade ne sent ni les mouvements de tous les doigts en masse, ni ceux de

l'articulation du genou et de la cuisse. Les troubles sensitifs atteignent en avant t

jusqu'à l'épigastre. PR et AR = 0. Léger phénomène de Babinski du côté

droit ; à gauche,on obtient une légère flexion du gros orteil, mais plus souvent

encore l'abduction de tous les orteils. Rétention complète de l'urine et des ma-

tières fécales. '

20 juin. - Pouls : 10. La température élevée. Le pouls est bon. La para-

plégie flasque. L'urine ne s'élimine pas. Constipation.

il juin. Pouls : 120. Rythme accéléré. La température estélevée.OEdème

des membres inférieurs. Paraplégie flasque. Sensibilité (tous ses genres) abo-

lie jusqu'à l'épigastre. PR, AR = 0. Le phénomène de Babinski est très faible

du côté droit. Escarre au talon droit et aux fesses.

22 juin. On a changé hier le pansement. La plaie élimine un peu de

sérosité. Fièvre. L'urine ne s'élimine qu'à l'aide de la snnde. OEdème des

membres inférieurs.

23 juin. - Etat fiévreux. Pouls petit. OEdème des membres. Rétention

d'urine.

25 juin. Etat fiévreux. Pouls petit, accéléré.

27 juin. La malade est morte.

Autopsie. La dure-mère incisée à l'opération s'est réunie, excepté le

bout supérieur de la plaie par où s'élimine un peu de pus. Immédiatement au-

dessous de l'incision on voit à l'oeil nu à travers la dure-mère une tumeur dans

la moitié gauche de la moelle ; elle se laisse déplacer dans toutes les directions à

travers la méninge. Après l'incision de la dure-mère, on constata que le bout

supérieur de la fumeur se trouve à 6 millimètres au-dessous du bout inférieur

de la suture opératoire. La tumeur a une forme ovale à grand axe, parallèle

à la moelle.Son diamètre longitudinal est de 2 centimètres, transversal 1 centimè-

tre. La face postérieure de la tumeur est en partie adhérente à la face interne

de la dure-mère. (Ce rapport existait-il avant l'opération ? ) La face antérieure

de la tumeur repose dans un enfoncement de la moelle comme dans un nid

d'où on peut l'énucléer complètement. L'endroit de l'opération aussi bien

qu'un espace au-dessous et au-dessus de lui est recouvert par le pus qui est

jaune-verdâtre sur la face postérieure de la moelle (ou de la tumeur).

Résumé. La malade, âgée de 58 ans, est tombée deux ans et trois mois

avant l'opération sur le sacrum. Quelques mois après, sensation de froid aux

jambes et au bas-ventre. Puis (un an 1/2 avant l'opéralion), elle ne pouvait

ni rester debout ni marcher ; les douleurs continues des membres infé-

rieurs et de l'abdomen sont apparues ; de temps en temps aussi apparais-

sent des douleurs en ceinture dans la région ombilicale et des crampes

douloureuses des mollets. Quelques mois plus tard, troubles urinaires et

constipation. Neuf mois avant l'opération, la malade fut atteinte de la

paralysie presque complète du membre inférieur gauche et de l'affaiblis-

sement notable du droit. La sensibilité du membre inférieur gauche était

326 C) FLATAU

abolie (excepté au pied), à droite affaiblie. Les réflexes patellaires et

achilléens étaient exagérés, phénomène de Babinski bilatéralement, ré-

flexes abdominaux abolis. Troubles du côté de la vessie et du rectum.

Immédiatement avant l'opération la sensibilité s'est rétablie aux deux

membres inférieurs, elle ne fut qu'affaiblie au membre inférieur gauche;

on constata de la douleur à la pression, dans la région des vertèbres dor-

sales moyennes.

On a hésité longtemps à poser le diagnostic définitif. Notre expérience

personnelle et les données de la littérature nous rendaient sceptique envers

le diagnostic de myélite chronique ; nous voulions donc dès le premier

moment trouver un autre diagnostic de l'affection.

Nous pouvions éliminer la myélite syphilitique, vu l'absence des moin-

dres données adéquates dans l'anamnèse et l'âge avancé de la malade.

De même la tuberculose pouvait être éliminée. Les douleurs très fortes,

l'âge de la malade, l'absence de symptômes morbides du côté de la partie

supérieure du corps parlaient contre la sclérose en plaque. La marche de

la maladie ne correspondait pas à l'affection combinée de la moelle, qui

du reste (on s'en rend compte de plus en plus) est de nature inflammatoire

(myélitique). ,

En se basant sur tous ces points, nous sommes arrivés à la conclusion

qu'ils'agissait d'une tumeur médullaire.En faveur de ce diagnostic parlaient

les fortes douleurs permanentes ou qui s'exacerbaient, le développement

progressif de la maladie, t'age de la malade.

Pour le diagnostic de la tumeur parlait aussi, ceteris paribus, le type

de l'affection prédominant sur une moitié du corps. On peut affirmer

que le membre gauche fut plus touché que le droit.

Il nous paraissait pourtant étrange que les troubles sensitifs fussent

plus considérables du même côté gauche et non du droit comme

c'est le cas dans le type de Brown-Séquard. Mais nous savons que ce phé-

nomène paradoxal au premier abord peut résulter d'une compression

des pyramides plus accentuée du côté opposé à la tumeur. L'étrange res-

titution de la sensibilité se laisse aussi expliquer par une diminution pas-

sagère de la. compression et par suite des meilleures conditions de la

circulation.

Pour déterminer la localisation exacte de la tumeur, nous avons pris

en considération en premier lieu la limite supérieure de l'anesthésie et la

zone des douleurs en ceinture.

En nous servant des schémas correspondants nous sommes arrivés à la

conclusion que la limite supérieure de l'anesthésie dépend des VIIIe

et Vile segments dorsaux.

D'après la loi de Sherrinnton-Bruns, la tumeur devait se trouver locali-

TUMEURS DE LA MOELLE ÉPINIÈRE ET DE LA COLONNE VERTÉBRALE 327

sée deux segments plus haut ; nous avons donc recommandé au chirurgien

d'opérer les Iule et Ve vertèbres dorsales dont il fallait enlever les arcs.

A l'opération on réséqua les IIIe et IV" vertèbres dorsales et l'on incisa

la dure-mère même au-dessus de ce niveau. La méninge ne présentait

pas de pulsations. La moelle était aplatie. Vu que le diagnostic n'était pas

absolument certain, on n'a pas cherché la tumeur plus longtemps. Après

l'opération, les jambes de la malade furent complètement paralysées et sont

devenues insensibles. La malade est morte neuf jours après l'opération en

présentant des symptômes d'une affection inflammatoire.

L'autopsie démontra que la tumeur était facile à énucléer. Puisque

comme nous l'avons dit, la dure-mère était incisée au-dessous des vertè-

bres opérées, c'est-à-dire au niveau de la Ve vertèbre dorsale à peu près, la

tumeur se trouvait dans le voisinage immédiat du champ opératoire. En-

core une fois nous nous sommes persuadés qu'il ne faut pas épargner les

vertèbres dans des opérations pareilles (V. ci-dessous l'observation XXI).

L'examen microscopique démontra que le tissu nerveux ne présentait pas

de lésions profondes quoique la moelle fût comprimée ; on pouvait donc

assister à une restitution complète de ses fonctions ou au moins très con-

sidérable.

Examen microscopique. La tumeur est un fibrosarcome (psammome).

Examen de la moelle épinière. Les coupes colorées par la méthode

de Weigert montrent, dans la région du VIIIe segment dorsal (là où la

tumeur atteint son plus grand volume) des lésions si profondes qu'il est

impossible d'y distinguer la substance grise et de s'orienter convenablement

dans la topographie de la substance blanche.

La moelle n'est plus qu'un étroit ruban adhérant d'un côté à une tumeur

ronde (fig. 15). La partie postérieure de ce ruban (les cordons postérieurs) est

plus large que l'antérieure qui recouvre la face antérieure de la tumeur

sous forme d'une languette étroite. Les cordons postérieurs sont le mieux

conservés quoique là aussi on trouve des fibres dégénérées. A la coupe on

voit des fibres à direction antéro-postérieure (à la suite de compression bien

sûr). Dans les cordons antéro-latéraux on trouve de la dégénérescence et une

déformation notable. La moitié de la moelle qui adhère immédiatement à la

tumeur lia droite) est plus lésée que la gauche. Les vaisseaux à la péri-

phérie de la moelle aussi bien qu'au sein du tissu nerveux sont dilatés et

gorgés de sang. Leur nombre est augmenté. Il n'y avait pourtant pas d'élargis-

sement des espaces périvasculaires. Pas de signes histologiques d'une stase

sanguine. La région postérieure de la tumeur adhère en un point à la

dure-mère. Autour de la tumeur et de la moelle épinière,il y a une infiltration

cellulaire (méningite purulente). Les cellules pénètrent aussi dans le tissu

médullaire même et dans le néoplasme.

Les lésions disparaissent bientôt à mesure qu'on monte le long de la moelle

328

FLATAU tJ

épinière. Vers le pôle supérieur de la tumeur, la configuration interne de la

moelle présente peu de modifications, la substance blanche et grise se laissent

facilement reconnaître (fig. 16). On y constate une raréfaction de la subs-

tance blanche dans les cordons postérieurs. Les foyers clairs affectent la-

forme irrégulière ou fasciculaire. Ces lésions sont plus accentuées dans la moi-

tié gauche de la moelle que dans la droite.On n'y constate pas de signes de stase.

1 Plus en haut ces lésions disparaissent également de sorte que dans le VIe seg-

ment dorsal on ne trouve qu'un foyer dans le cordon postérieur gauche et,

par place, des endroits clairsemés à la périphérie du cordon latéral gauche. Le

foyer occupant le cordon postérieur se trouve dans la proximité de la zone

périphérique postérieure, aussi bien dans le cordon de Goll que dans le cor-

don de Burdach. Il présente peu de ressemblance avec une lésion de dégéné-

rescence secondaire, on doit plutôt supposer qu'il se trouve totalement ou

en partie seulement sous la dépendance de la méningite purulente.

En remontant le long de la moelle on constate des endroits faiblement

dégénérés dans le cordon postérieur gauche,- surtout dans le cordon de Goll.

Un constate des lésions presque analogues dans la partie distale de la moelle

Fic. 15. Fibrosarcome psammeux de la moelle épinière.

1. Tissu nerveux provenant des cordons antéro-latéraux. - 2. liacine antérieure

droite. 3. Dure-mère. 4. Corne antérieure gauche. S. Cordon

latéral droit. 6. Racine antérieure gauche. 7-8. Racines postérieures.

9. Tumeur.

TUMEURS DE LA MOELLE ÉPINIÈRE ET DE LA COLONNE VERTÉBRALE 329

FiG. 16. Fibrosarcome psammeux de la moelle épinière.

1. Racine antérieure. 2. Cordon latéral gauche raréfié.' - 3. Tumeur. 4. Cor-

don latéral droit raréfié. - 5. Racine postérieure. - 6. Foyer de lésions dans le-

cordon postérieur droit. 7. Tumeur.

FiG. 17. Fibrosarcome psammeux de la moelle épinière.

1. Foyer de lésion dans le,cordon antérieur gauche. -2. Racine antérieure.

3. Foyer de lésion dans le cordon latéral droit. - 4. Dure-mère. - 5. Foyer de

lésion dans le cordon postérieur droit. 6. Tumeur. 7. Racine postérieure.

xxiii 22

330 FLATAU '

Au niveau du pôle inférieur de la tumeur, la moelle devient presque normale.

Il persiste qu'un amincissement de la moitié gauche de la moelle (fig. 17) où

se trouve aussi une dégénérescence accentuée du cordon latéral et antérieur,

un peu moindre dans le cordon postérieur. Dans la moitié droite de la moelle le

tissu nerveux est presque normal. La substance grise est sans modification.

Dans les cordons postérieurs on constate un épaississement bien évident des

cloisons, avec les vaisseaux plus larges que normalement. Pas de signes de

stase.

Dans la région du pôle inférieur de la tumeur, la moelle reprend sa configu-

ration interne normale. On n'y voit qu'une raréfaction insignifiante des fibres

nerveuses dans le cordon latéral gauche, surtout au sein du faisceau pyrami-

dal latéral (dégénérescence secondaire).

En descendant le long de la moelle, on voit toujours cette même dégénéres-

cence de la voie pyramidale gauche au niveau de la moelle lombaire et sacrée.

Le IIe segment lombaire montre la substance grise entourée d'une sorte

d'auréole plus claire que le reste du tissu ; de même les cordons antérieurs

montrent dans la zone postérieure une structure alvéolaire et le tissu en

partie en désagrégation. Ce phénomène a pour cause les troubles circulatoires,

c'est-à-dire les troubles provenant de la compression ou de la méningite puru-

lente et le thrombus d'un vaisseau sanguin (avec toute probabilité).

Les coupes colorées par la méthode de Marchi montrent des masses dégé-

nérées dans le cordon postérieur gauche qui ont été déjà décrites à propos

de la coloration de Weigert. Un nombre peu considérable de masses dégé-

nérées se trouvent également dans le cordon postérieur droit non loin de la

cloison longitudinale postérieure. En descendant le long de la moelle on con-

state encore au niveau des segments dorsaux inférieu rs des masses dégénérées

dans le faisceau pyramidal gauche latéral. Tandis qu'au niveau des segments

lombaires inférieurs et sacrés les masses dégénérées ne se rencontrent plus.

Les coupes colorées par la méthode de Nissl présentent un petit nombre

de cellules nerveuses ; celles-ci se trouvent aussi au niveau où la tumeur a

atteint son maximum d'épaisseur. Les cellules sont dispersées, on ne constate

pas leur groupement. Elles sont modifiées, difformes, privées de prolongements.

Dans les unes se voit encore le nucléole, dans d'autres les corpuscules de

Nissl en désagrégation. Parfois on ne distingue plus les contours de la cellule

nerveuse, rien que la substance tigroïde indique l'endroit où il y avait une

cellule. Au-dessous et au-dessus de ce niveau le groupement des cellules

nerveuses redevient normal. Elles paraissent pourtant très pâles (pathologi-

quement ? ).

Les coupes colorées par l'hématoxyline et l'éosine montrent une dilata-

tion des vaisseaux sanguins gorgés de sang. Il faut appuyer tout spécialement

sur ce point que les prolongements cylindraxiles se laissent distinguer, quoi-

qu'ils soient pour la plupart du temps modifiés (gonflés, difformes).

De plus on note des lésions propres à la méningite purulente. Elles frappent

tous les segments examinés microscopiquement. Au niveau du Ve segment

dorsal, les coupes démontrent des lésions considérables au sein du tissu nerveux

TUMEURS DE LA MOELLE ÉPINIÈRE ET DE LA COLONNE VERTÉBRALE 331

à côté d'une inflammation purulente des méninges. Ces lésions touchent les

cordons antéro-latéraux aussi bien que les postérieurs. Elles affectent la

forme de grands foyers de ramollissement d'aspect alvéolaire (espaces né-

vrogliques dilatés, fibres disparues, cylindraxes gonflés). Les vaisseaux sont

par place tout à fait oblitérés, aussi bien dans le tissu central qu'à la périphérie

de la coupe. On constate par place, surtout dans la substance grise, l'infil-

tration cellulaire autour des vaisseaux et l'accumulation des cellules gra-

nuleuses.

En résumé nous avons constaté dans le cas précité un amincissement

considérable de la moelle épinière à l'endroit où la tumeur la comprimait.

La moelle y avait la forme d'un ruban ; la configuration interne de la

substance blanche et grise était devenue méconnaissable. Les cellules ner-

veuses étaient profondément modifiées et en nombre diminué. Les vais-

seaux sanguins y étaient dilatés, gorgés de sang et augmentés en nombre.

Nulle part pourtant de signes de stase, pas de dilatation des espaces péri-

vasculaires. Les cylindraxes étaient conservés quoique modifiés.

La chose importante est le retour de la moelle épinière à son état

normal presque immédiatement au-dessous et au-dessus de la tumeur.

Même au niveau du pôle inférieur et supérieur de la tumeur, la substance

blanche et la grise commençaient à reprendre leur configuration normale et

la moelle épinière sa forme habituelle. En descendant, on pouvait consta-

ter une dégénérescence secondaire peu prononcée de la voie pyramidale

latérale gauche. En remontant on ne pouvait pas constater une pareille dé-

générescence. Les lésions qui siégeaient dans la moitié gauche de la moelle

dorsale supérieure dépendaient en grande partie d'un processus qui n'avait

rien de commun avec la tumeur (méningite purulente post-opératoire, des

foyers de ramollissement à cause de l'oblitération des vaisseaux).

La conclusion générale qui se laisse déduire de ce cas est la suivante :

une compression même très accentuée de la moelle épinière peut ne pas

provoquer de modifications considérables du tissu médullaire. Il est donc

possible que même dans le cas présent si peu favorable à la restitution

au premier coup d'oeil, une amélioration ait pu se produire si l'opération

avait été réussie.

Observation XVII.

Le cas concerne une tumeur (le malade Bl.) de la moelle épinière à point

de départ à la face externe de la dure-mère dans la région cervicale. J'ai

eu l'occasion d'examiner ce cas, grâce à la bienveillance du professeur Gold-

scheider (de l'hôpital Moabi't, à Berlin) qui me l'a envoyé en 1895 pour

l'examen anatomo-pathologique. Il me manque l'histoire de la maladie.

La tumeur correspondait aux VI, et VU. racines cervicales (fig. 18). Elle sié-

332 FLATAU

geait sur la face antéro-latérale de la moitié gauche de la moelle : Sa longueur

était 21 mm., son maximum d'épaisseur dans le plan frontal 13 mm. 5, dans le

plan sagittal 15 mm. 5. Elleaflectait la forme ronde-ovale, sa consistance était

dure la surface lisse avec de petites exubérances. La face externe de la

tumeur est presque verticale et l'endroit où cette face fait place à la face

antérieure un constate un bord presque tranchant. Sur la face antérieure delà

tumeur descend la VII° racine verticale bien amincie. La moelle épinière au

niveau de la tumeur est comprimée, refoulée à droite et ramollie. Au niveau

de la VIIe racine cervicale, la moelle a pris la forme d'un ruban. Au niveau des

Y- et VI' racines cervicales postérieures la moelle épinière, dans la région des

cordons postérieurs, présente un enfoncement (est-ce artificiel ? ou peut-être

causé par l'accumulation du liquide céphalo-rachidien ? ).

FiG. 18. - Endolheliome de la moelle épinière.

(La tumeur est vue par sa face antérieure, les lignes horizontales correspondent à une

série de coupes prises pour l'examen microscopique.)

FIG. 19. - Endolhélioma de la moelle épinière.

1. Tumeur. - 2. Sillon longitudinal antérieur. - 3. Moitié gauche de la moelle

(dégénérée et atrophiée). - 4. Racine antérieure droite, corne. - 5. Racine

antérieure.

TUMEURS DE LA MOELLE ÉPINIÈRE ET DE LA COLONNE VERTÉBRALE 333

Examen microscopique. La tumeur est un endoiliélioiiie.

Examen de la moelle épinière. Les coupes coloriées par la méthode de

Weigert et provenant des segments les plus comprimés (la VIle racine cervi-

cale) montrent une configuration interne bien modifiée (fig. 19). Dans la moi-

tié droite de la moelle on peut encore distinguer la substance blanche de la

grise; dans la moitié gauche cela est devenu impossible. La substance grise

dans la moitié droite de la moelle présente les modifications suivantes : au

lieu du réseau normal, on voit une masse grise indistincte parcourue par les

fibres nerveuses modifiées avec les contours mal dessinés. On ne voit pas de

cellules nerveuses. Les faisceaux de la substance blanche présentent des mo-

difications considérables (déniyéliiiisatio[i, masses de myéline dégénérée, libres

nerveuses rompues). Là où les fibres nerveuses persistent encore en nombre

suffisant (les zones périphériques des cordons antéro-latéraux, la région de

faisceau pyramidal croisé, et la zone périphérique postérieure du 'cordon pos-

térieur), on voit leur parcours en zigzag longitudinal (au lieu des coupes

transversales).

La moitié gauche de la moelle est tellement dégénérée que la substance grise

est devenue méconnaissable ; quanta la substance blanche, on y voit des masses

plus ou moins grandes de la myéline claire ou plus grisâtre ou des fihres ner-

veuses rompues, courtes; direction bizarre.Dans la partie postérieure du cor-

don latéral se voit un groupe unique de libres à direction longitudinale normale.

Sur la coupe on voit des vaisseaux sanguins en nombre augmenté dans la

moitié gauche de la moelle. Les cloisons ne sont pas épaissies comme c'était le

cas plus haut. Les. racines médullaires sont pour la plupart du temps bien con-

servées, à gauche elles présentent une faible démyélinisation. Les méninges

sont molles, sans épaississement. Du côté gauche elles sont chiffonnées et

accompagnent sur une certaine distance la tumeur. Par places elles adhèrent à

cette dernière. Sur la face externe la tumeur est recouverte par la dure-mère

qui lui adhère intimement. Pas de signes d'inflammation.

Bientôt mesure qu'on s'éloigne un peu de l'endroit de maximum de com-

pression néoplasique, les modifications de la structure médullaire et de la con-

figuration interne commencent à disparaître. En remontant on voit déjà au

niveau du pôle supérieur de la tumeur, c'est-à-dire au niveau du VIe segment

cervical (la ligne 5, fig. 18), la sub,tance grise reprendre sa forme normale. La

moitié droite de la moelle au premier coup d'mil semble ne pas présenter de

lésions. A l'examen plus attentif, on constate une certaine démyélinisation des

cordons postérieurs surtout autour de la cloison longitudinale postérieure et

une raréfaction au milieu de la corne antérieure droite. Du côté gauche comprimé

par la tumeur en avant et de côté, la figure de la corne antérieure est presque

normale avec le réseau bien conservé (les cellules nerveuses sont des deux

côtés diminuées en nombre et à l'état de dégénérescence). Les cordons anté-

rieur et latéral sont très amincis et présentent une dégénération leur péri-

phérie (dans le cordon antérieur une raréfaction ; dans le latéral, une

sclérose presque complète surtout en arrière). La moitié droite de la moelle

épinière a 7 millimètres de largeur à ce niveau, la moitié gauche 4 millimètres

334

FLATAU

seulement. La mieux conservée est la substance blanche autour de la corne

postérieure. Dans le cordon postérieur gauche les lésions sont analogues à celles

du côté droit (ici on commence à voir l'enfoncement dont on a parlé à propos

de l'aspect macroscopique).

Sur toute la coupe se voient des cloisons épaissies et des vaisseaux dilatés.

Par places les espaces périvasculaires sont élargis. Au niveau du Ve segment

cervical (au-dessous de la ligne 4 dans la fig. 18), on ne constate pas de tumeur

quoique la moelle y montre un certain degré d'aplatissement et la déviation de

l'axe sagittal des cordons postérieurs.-Une légère dégénérescence des cordons

postérieurs le long de la cloison longitudinale postérieure.

Dans la région des lire et lie segments cervicaux, on constate une dégé-

nérescence diffuse peu accentuée de tout le cordon latéral gauche et plus pro-

fonde (scléreuse) de la zone périphérique bien étroite. Tout le cordon latéral

gauche est plus mince que le droit. Les cloisons et les vaisseaux semblent être

élargis ; de même les espaces périvasculaires et péricellulaires sont dilatés (d'une

manière pathologique ? ).

En descendant, on voit déjà dans la région du pôle inférieur de la tumeur la

figure bien distincte dessinée par la substance grise et les contours sont bien-

accentués (fig. 0). Dans la moitié droite de la moelle on voit une légère dé-

générescence du cordon de Goll et de la partie externe du cordon latéral. La

moitié gauche, à côté des lésions du cordon de Goll, présente encore une sclé-

rose considérable de la voie pyramidale latérale et d'une zone assez large des

cordons latéraux et antérieurs, tandis que la substance blanche qui entoure

la grise est tout à fait bien conservée. Les cloisons sont partout élargies, les

vaisseaux dilatés, les cellules nerveuses en petite quantité à l'état d'atrophie;

les racines bien conservées, par places,à gauche, un peu dégénérées. Le rapport

FIG, 20. - Cndolhéliome de la moelle épinière 7=

1. Tumeur. - 2. Racine antérieure. - 3. Cordon latéral gauche dégénéré. - 4. Ra-

cine postérieure. 0

TUMEURS DE LA MOELLE ÉPINIÈRE ET DE LA COLONNE VERTÉBRALE 335

entre la tumeur et les méninges reste le même (extérieurement elle est recou-

verte par la dure-mère qui lui adhère intimement, intérieurement accompa-

gnée par les méninges molles et par place adhérente à elles).

Au sur et à mesure qu'on descend un peu plus bas,ces lésions disparaissent

vite. Déjà au niveau du 1er segment dorsal on voit uniquement la dégénéres-

cence de la voie pyramidale gauche qui, sous forme de languette, se dirige en

avant (fig. 21). Tout le cordon gauche est plus mince que le droit. Ces mêmes

lésions peuvent être constatées dans toute la moelle dorsale, lombaire et sacrée.

Dans cette dernière, la dégénérescence du faisceau pyramidal gauche est nota-

blement moindre. Outre ces lésions, on a trouvé sur les différentes hauteurs de

la moelle des formations qu'autrefois on attribuait à la catégorie des névromes.

Dans la partie centrale du Ve segment dorsal on voit une formation elliptique

ressemblant à la coupe d'un oignon. Elle comprime la substance blanche et

grise dans toutes les directions et déforme ainsi toute la coupe. Un peu au-

dessous (dans le Vie segm. dorsal), on voit de nouveau un- mince faisceau des

fibres nerveuses qui couronnent la face postérieure des cordons postérieurs. Des

lésions pareilles, mais moins prononcées se constataient aussi dans le

IVe segment lombaire. Il nous semble que ce sont des formations artificielles.

produites pendant l'extraction de la moelle épinière de la colonne vertébrale

Il est possible que dans ce cas la moelle soit plus fragile.

Les coupes colorées par d'autres méthodes ont démontré des lésions sembla-

bles.

La méthode de Marchi a démontré un faible degré de dégénérescence secon-

daire ascendante et descendante. En ascendant on voit une légère dégénéres-

cence secondaire dans les deux cordons de Goll au niveau du IIe segment cep'

vical. Il est étrange que cette lésion manque dans le VIe segment cervical (les

lésions plus considérables sont-elles localisées dans les régions plus éloi-

gnées des voies longues ? ). En outre, légère dégénérescence a la périphérie

du cordon latéral gauche. En descendant, légère dégénérescence secondaire

Fig. 21 ·

336 Ô FLATAU

t

des faisceaux pyramidaux latéraux de deux côtés. De plus, des masses noires

dans les cordons antéro-latéraux plus nombreuses le long de la cloison longitu-

dinale antérieure. ,

Les coupes colorées par l'hématoxyline,le carmin et le Van Gieson démontrent

la nature de la tumeur : c'est un endothéliome. Elle adhère intimement à la

surface interne de la dure-mère. Cette dernière envoie de courtes cloisons dans

la tumeur. Les méninges molles tapissent dans une assez grande étendue la

face interne de la tumeur. Par place seulement elles adhèrent légèrement à la

tumeur. On.a aussi constaté l'augmentation du nombre des vaisseaux dans la

substance grise aussi bien que dans la blanche, dans le voisinage de l'endroit de

compression et même dans quelques segments au-dessous et au-dessus de ce ni-

veau. Les vaisseaux sont dilatés, gorgés du sang.Pas de signes d'inflammation.

Ce cas est donc,au point de vue analomo-palhologique,un cas assez rare

d'endothéliome extramédullaire. Quoique la tumeur ait eu pour point

de départ la face interne de la dure-mère, par place elle était aussi

adhérente aux méninges molles (du côté de la moelle). Dans ce cas égale-

ment nous pouvions constater une disparition rapide de toute lésion dé-

pendant de la compression sitôt que cette dernière cesse d'agir, au-des-

sous et au-dessus de la tumeur. Tandis que les coupes faites au niveau du

maximum de la compression montrent des lésions très prononcées, celles

, situées au niveau des deux pôles de la tumeur présentent la configuration

interne de la moelle presque normale : la substance grise dessine la figure

habituelle et il n'y a que de faibles traces de ces lésions profondes. Il y a

une légère dégénérescence secondaire ascendante et descendante presque

exclusivement du côté de la tumeur. Les lésions provoquées par la com-

pression portent le caractère de lésions mécaniques. Nulle part on ne peut

constater d'altérations inflammatoires. Il faut assister ici encore sur la résis-

tance considérable des racines. Malgré les dimensions de la tumeur et le

haut degré de la compression, les racines médullaires du côté de la tumeur

sont bien conservées et par place seulemenl montrent une légère décolora-

tion.Du côté opposé de la tumeur, il n'y a pas môme de ces faibles lésions.

Observation XVIII.

La malade S. Powe., âgée de 44 ans, est entrée il l'hôpital le 16 juillet

1907.

Il y a 2 ans 1/2, la malade a ressenti une douleur dans la région inférieure

et externe de la moitié gauche de l'abdomen et dans la région de la crête

- iliaque gauche. Cette douleur n'était ni très forte, ni stable. Elle venait

par accès surtout la nuit, durait quelques heures et disparaissait tout à fait

sous l'influence des compresses chaudes. La douleur existait quelques

semaines et puis a disparu complètement. Mais à ce moment la malade com-

mençait à souffrir de douleurs assez vives dans la région de l'articulation du

TUMEURS DE LA MOELLE ÉPINIÈRE ET DE LA COLONNE VERTEBRALE 337

genou gauche et du cou-de-pied gauche, accompagnées d'un gonflement de ces

parties, qui tantôt persistaient, tantôt disparaissaient. Le gonflement a atteint

un tel degré que la malade ne pouvait mettre ni de souliers, ni de bas. La

marche était encore possible et ne causait pas de fatigue. La jambe gauche

était lourde et faible. Ce ne fut que l'automne, il y a deux ans, que la malade

tout d'un coup a perdu la possibilité de marcher. Elle raconte qu'un soir elle

s'est couchée tout à fait bien portante et le second matin elle ne pouvait déjà

exécuter aucun mouvement dans toutes les articulations des deux membres

inférieurs. La malade affirme avec toute certitude que le jour précédent

glle marchait encore et que la paraplégie l'a frappée tout d'un coup. A ce

moment aucune douleur ou paresthésie dans les membres inférieurs ou le dos.

Cet état persista sans aucun changement presque neuf mois. La malade est

entrée alors dans notre service où elle est restée pendant trois mois. Il paraît que

sous l'influence du traitement (bains, massage), une amélioration a eu lieu et

que la malade soutenue pouvait marcher.La malade est partie à Ciechocinek où,

après deux bains, l'amélioration devint plus considérable. Après son retour à la

maison, son état empira et bientôt la paralysie des membres inférieurs est

devenue définitive. Depuis ce moment son état reste stationnaire. Depu is deux

mois elle présentedes paresthésies douloureuses dans la moitié gauche de l'abdo-

men et dans les deux hanches et des douleurs dans le sacrum et le côté gauche c

Les troubles urinaires (difficulté d'uriner) datent de quelques semai-

nes aussi bien que la constipation (durant quelques plus de dix jours).

Quelquefois au contraire il y a l'incontinence des matières fécales. Pas d'in-

continence d'utinp. Les dernières semaines elle souffre de crampes dans la

jambe droite. Elle ne peut pas rester couchée sur le côté gauche parce qu'im-

médiatement apparaît une vive douleur. De même il lui est difficile de rester

étendue ; elle garde la position couchée sur le côté droit.

Il y a deux ans, elle a perdu son mari. Elle a sept enfants bien portants. La

dernière grossesse eut lieu au début de la présente maladie. Jamais malade

auparavant. Pas d'antécédents héréditaires ou familiaux. Elle était mar-

chande, devait beaucoup marcher et souvent restait avec les pieds mouillés.

Etat actuel. La malade est de petite taille, mal nourrie. Rien de no-

table dans les organes internes. Les pupilles réagissent bien à la lumière. Les

nerfs crâniens fonctionnent normalement. La force musculaire des membres

supérieurs est bonne. Les réflexes tendineux et périostaux sont normaux. Les

deux membres inférieurs sont paralysés presque complètement). Il ne reste

qu'un mouvement minime d'extension dans les articulations des hanches et un

peu meilleur dans celles des genoux). Il y a une tonicité musculaire exagérée

dans les deux membres (dans le gauche plus que dans le droit) surtout dans

l'articulation de la hanche gauche et dans les muscles fléchisseurs du genou

gauche. Les réflexes patellaires sont très exagérés des deux côtés, à gauche de

temps en temps trépidation de la rotule. Réflexes achilléens très exagé-

rés, trépidation épileptoïde du pied des deux côtés.

Phénomène de Babinski très prononcé. Les réflexes abdominaux épigas-

traux sont assez vifs ; méso et hypogastriques du côté gauche sont conservés,

338 FLATAU

du côté droit manquent souvent. Abolition complète du sens des attitu-

des dans toutes les articulations des membres inférieurs (même dans les han-

ches). La colonne vertébrale est douloureuse à la pression au niveau du

IXO segment dorsal. Une escarre grande comme une pièce de cinq francs s'est

formée sur la face postérieure de la jambe gauche, trois plus petites dans la

région de la malléole externe droite (toutes sont assez superficielles). Les mem-

bres sont cyanosés et froids.

La sensibilité (tactile, douloureuse et thermique) est abolie aux membres

inférieurs et sur le tronc (deux à trois travers de doigt au-dessous de la ligne

ombilicale) ; cette abolition n'est pas complète sur l'abdomen (la malade res-

sent la piqûre comme le toucher, le froid comme le chaud)..

27 juillet.- Cette nuit un accès de fortes douleurs dans l'hypochondre gau-

che. L'accès a duré quelques heures.

5 août. Hier il y avait l'incontinence de l'urine avec anesthésie de

l'urèthre.

16. L'incontinence de l'urine a cessé. Etat identique.

22. -La fonction de l'appareil urinaire reste bonne. Les membres inférieurs

sans changement.

16 novembre. - (Depuis le 30 juillet jusqu'au 7 octobre, on injecte de

l'arsenic à la malade.) Elle se plaint de la sensation de brûlure dans les deux

membres inférieurs et de contractions spontanées spastiques dans les genoux.

La paralysie est complète. Les dernières traces des mouvements sont dispa-

rues. Hypertonicité dans les mouvements passifs. Les réflexes tendineux sont

très exagérés. Trépidation épileptoïde des rotules et des pieds. Phénomène

de Babinski bilatéral.

Les gros orteils sont toujours étendus. Analgésie des membres inférieurs

et de la partie inférieure de l'abdomen. La malade urine difficilement.

Constipation.

9 décembre. De fortes douleurs dans les jambes et sensation de cons-

triction en ceinture dans la région abdominale. L'anesthésie atteint la ligne

ombilicale à droite, à deux travers de doigt au-dessous de cette ligne à gauche

(En arrière jusqu'à la crête iliaque). Les réflexes abdominaux supérieurs sont

conservés, les autres abolis. La nuit il y a souvent des contractions spontanées

dans les muscles des jambes, surtout à droite.

31. - Accès de douleurs dans le côté gauche au-dessus de la crête ilia-

que, douleurs et engourdissement dans les membres inférieurs surtout à droite,

principalement la nuit. Aux mois de janvier et de février 1908, on lui a injecté

du biiodure de mercure à 4 0/0 (8 fois).

11. La malade se plaint de douleurs dans la fesse gauche. Plus de dou-

leur dans le côté gauche. Paralysie complète des membres inférieurs.

La tonicité musculaire dans toutes les articulations est exagérée. Trépi-

dation épileptoïde de la rotule et du pied. Phénomène de Babinski. La

sensibilité comme auparavant (on a constaté encore que la malade ressent

quelquefois les fortes piqûres, le toucher et l'excitation thermique sur la face

antérieure de la cuisse droite et la moitié droite de l'abdomen). En avant l'anes-

TUMEURS DE LA MOELLE ÉPINIÈRE ET DE LA .COLONNE VERTÉBRALE 339

thésie arrive jusqu'à la ligne à deux travers de doigt au-dessous de l'ombilic,

en arrière elle'correspond à la crête iliaque. Le sens des attitudes est aboli dans

les doigts des deux pieds, presque aboli dans les articulations du cou-de-

pied ; la malade se trompe souvent en ce qui concerne les mouvements des

genoux ; aux articulations des cuisses les mouvements sont bien perçus.

Escarre au début sur la fesse gauche.

11 avril. Les bains électriques lumineux restent sans effet apprécia-

ble. Dans le genou droit fortes douleurs de brisement, engourdissement et

douleurs dans tous les orteils droits, sensation de brûlure dans la cuisse

droite. Des paresthésies moins prononcées dans la jambe gauche. Des crampes

dans les jambes. Les troubles moteurs et sensitifs sont les mêmes. Le sens des

attitudes dans les membres inférieurs aboli, la malade perçoit encore les mou-

vements de la hanche gauche (elle se trompe souvent quant à la droite).

2 mai. Il y a trois jours, la nuit, elle ressentait de fortes douleurs dans le

ventre (surtout à droite), sous le rein droit et dans les jambes. Elle ne dor-

mit pas de toute la nuit.Hier les douleurs se sont calmées un peu.Aujourd'hui,

engourdissement et crampes des jambes. Constipation. L'urine vient diffi-

cilement. -

4. Cette nuit fortes douleurs dans l'hypochondre gauche et dans le

bas-ventre des deux côtés. Des contractions spontanées dans les deux membres

inférieurs les jours et les nuits. Sensation.de crampes dans le ventre.

La malade échange assez vite la position couchée ou assise, en se servant des

mains. Les membres inférieurs sont toujours étendus, les pieds légèrement

abaissés, les gros orteils en adduction et flexion dorsale. La position du gros

orteil du côté droit frappe surtout notre attention, il est dévié en dehors à tel

point qu'il forme avec le bord interne du pied un angle presque droit. Les

mouvements actifs des membres inférieurs manquent complètement. La malade

affirme que si elle se couche sur le côté droit,son membre droit se fléchit dans

l'articulation de la hanche et du genou, tandis que le gauche reste étendu et se

met légèrement en dehors. Dans la position couchée sur le côté gauche, le

membre droit se fléchit également et couvre le gauche. Elle se trouve mieux

étant couchée sur le côté droit ; sur le gauche, elle ressent des douleurs, de

même que la position étendue sur le dos provoque les douleurs. La malade

peut être assise mettant les jambes pendantes en dehors du lit ; elle doit pour-

tant s'aider avec les mains. Les mouvements passifs rencontrent un obstacle :

l'hypertonicité musculaire dans le genou, elle disparaît dans les mouvements

successifs. Cette tonicité est plus exagérée dans l'articulation du cou-de-pied

(en même temps apparaît la trépidation épileptoïde). Les réflexes patellaires

sont très exagérés (la percussion du dos du pied provoque la contraction du

muscle quadriceps).On obtient le réflexe de Babinski en excitant les 2/3 externes

du dos de pied. Le réflexe d'Oppenheim. Le réflexe abdominal supérieur droit

est conservé, le gauche et tous les autres abdominaux abolis.

Elle urine difficilement. Constipation. Les troubles sensitifs sont les mêmes.

Le maximum de douleurs est au niveau des Ve et VIe vertèbres dorsales

(surtout la Ve). , «

340 FLATAU

7m<M.Op'6[<ton.On excise les V0,Vle,Ylt, et VIIIo arcs vertébraux dorsaux.

La dure-mère se présente cyanosée et sans pulsation. L'hémorragie des muscles

et des os est très considérable.Pour arrêter l'hémorragie on met un peu de gaze

sous le IXe arc vertébral et alors la pulsation est revenue. On a mis la malade

dans tapositiondeTrendetenburgeton incisé la dure-mère.Une grande quantité

de liquide rachidien s'est écoulé, On n'a pas trouvé de tumeur. La moelle épi-

nière est un peu aplatie et amincie. Les méninges molles légèrement troubles

dans le portion proximale. Nulle part des adhérences. Au cours de l'opération,

la respiration et le pouls sont normaux : . Après l'opération la malade reste pres-

que sans pulsation. On lui fait la transfusion hypodermique. Tendance aux

vomissements.

8 mai. La tendance aux vomissements diminue. L'affaiblissement général

est considérable. Le pouls est régulier, mais peu tendu.Des douleurs moyennes

dans le sacrum et le bas-ventre. Les jambes sont étendues. Les phénomènes

spastiques sont moindres. Les réflexes patellaires sont vifs. Le phénomène de

Babinski est notable.

9. Dans la nuit, des vomissements. Pouls 120.

T. 36° 80. Affaiblissement. Grande soif. Fortes contractions dans les

jambes. Paralysie complète spastique. La plaie est bonne. On voit la pulsation

de la moelle.

12. T. 37°. Phénomènes spastiques considérables.

L'incontinence de l'urine et des matières fécales. Pouls 108. La plaie est

bonne, pas de granulations.

45. - T. 37°4. Pouls, 112. Incontinence de l'urine et des matières

fécales. De très fortes contractions des muscles des jambes. Phénomènes

spastiques.

26. T. 37°. Pouls 112. La malade est très pâle, amaigrie. Des vomisse-

ments après chaque repas. Incontinence des matières fécales et de l'urine

avec anesthésie. La paraplégie est devenue fiasque.' Les réflexes patellaires

sont faibles. Les achilléens sont' assez vifs encore, mais moins vifs qu'aupara-

vant. Babinski bilatéral. Les troubles sensitifs sont les mêmes.

Une grande escarre sur' la fesse droite. Des fortes douleurs dans la moitié

gauche. Des crampes dans les jambes.

La plaie n'a pas de pus, mais ne guérit pas. '

le' juin. Vomissements incoercibles. Même état.

6 juin. Mort.

Autopsie. Après l'incision de la dure-mère on a aperçu une tumeur fu-

siforme longue de 3 cent. 1/2 dans la région des Xe,XI" et XIIe segments dorsaux

et en partie aussi dans celles de la Ire lombaire (fig. 22). La tumeur,au premier

coup d'oeil, fait corps avec la moelle épinière d'autant plus que les méninges

molles passent immédiatement de la moelle sur la tumeur et que la tumeur

n'adhère pas à la dure-mère. La moelle semble être à ce niveau un peu

dilatée.

En haut la ligne de séparation entre la tumeur et la moelle est bien distincte.

Quand on écarte avec le doigt le pôle supérieur de la tumeur on voit que

TUMEURS DE LA MOELLE ÉPINIÈRE ET DE LA COLONNE VERTÉBRALE 311 1

cette dernière comprime la moelle en arrière et à gauche vers la droite et avant.

On le remarque mieux encore en faisant la coupe à travers le milieu de la

tumeur. La moelle épinière se présente sous forme d'un mince ruban, elle

était évidement comprimée par la tumeur et déplacée à droite.

Fio. 22. Neuro-fibroangiome cavernoso-veiraeux de la moelle épinière.

342

FLATAU

Presque toute la coupe est constituée par une masse néoplasique dont les

dimensions étaient 1 cent. 3 : 0 cent. 85. Les dimensions de la moelle à ce ni-

veau sont 0 cent.l : 0. 3 cent.

La tumeur se présente sous forme d'une masse grise rosâtre, qui, dans le

voisinage de la moelle est compacte, mais dans les parties externes rappelle

par sa structure les corps caverneux. En soulevant la tumeur, on peut se

persuader qu'elle est tout à fait séparée de la moelle. Vers le haut et le bas la

tumeur diminue graduellement de volume et fait place à la moelle.

Quant à la localisation de la tumeur, on constate que son pôle supérieur sous

forme d'une languette atteint le niveau où la IXe racine dorsale quitte la

dure-mère. A droite la racine ne contracte pas de relation avec la tumeur. A

gauche, elle longe le sommet de la tumeur et creuse la dure-mère. Ce sommet

se trouve presque 1 centimètre au-dessous du lieu de pénétration de la IXe ra-

cine dorsale postérieure dans la moelle. Les Xe et XIe racines se trouvent du

côté droit dans une cannelure qui constitue la limite entre la tumeur et la

moelle, mais plus près de la première. La même chose peut-on dire de la par-

tie supérieure de la XIIe racine dorsale droite. Le pôle inférieur allongé cor-

respond au lieu de pénétration des faisceaux supérieurs de la Ire racine lom-

baire postérieure dans la moelle.

Examen microscopique. On a fait des coupes en série de toute la région

de la moelle qui correspondait à la tumeur. Il s'y trouvait le IXe jusqu'au XIIe

segments dorsaux. Les coupes colorées par la méthode de Weigert puis par la

fuchsine avec l'acide picrique (V. Gieson), présentent les lésions suivantes :

7 8

FIG. 23. Neuro-fibroangiome cavernoso-veineux de la moelle,

1. Racine antérieure (en partie dégénérée). - 2. Arachnoïde. - 3. Racine

antérieure (intacte). 4. Arachnoïde recouvrant la tumeur. 5. Tumeur. z

6. Racine postérieure (légèrement dégénérée). - 7. Racine postérieure (tout

à fait dégénérée). 8. Arachnoïde. 9. Racine antérieure (intacte). 10. Ra-

cine postérieure intacte.

TUMEURS DE LA MOELLE ÉPINIÈRE ET DE LA COLONNE VERTÉBRALE 343

Dans la région qui correspond au pôle inférieur de la tumeur (XIIe seg-

ment dorsal) les dimensions de cette dernière ne sont pas encore considérables

(fig. 23). Elle adhère sous forme d'un corps allongé fusiforme à la moitié pos-

térieure du cordon latéral gauche et au cordon postérieur. La moelle y est

aplatie obliquement. Toute la coupe présente des lésions prononcées. La

mieux conservée est la substance grise. Sa configuration est presque normale,

le réseau de fibres myéliniques abondant. La substance blanche est dégéné-

rée dans tous ses cordons, mais la moitié gauche de la moelle est plus clair-

semée que la droite. La zone autour des cornes antér;eures est relativement la

mieux conservée. A côté de la dégénérescence on voit lans la substance blanche

des raies claires. Ce sont des cloisons élargies qui renfei ment des vaisseaux dila-

tés et gorgés de sang. Les parois vasculaires sont un peu épaissies. Le nombre

de vaisseaux de la substance grise est augmenté. Méninges sans modifica-

tions. Là où l'arachnoïde quitte la moelle pour passer à la tumeur, on voit

qu'elle le fait en passant immédiatement sur la face postérieure de la tumeur.

La tumeur y est libre et n'adhère pas à la méninge molle de la moelle. Sur la

face dorsale de la tumeur se trouve une racine postérieure aplatie, allongée

et en partie dégénérée. Sur la face antérieure de la tumeur également se trou-

vent les restes d'une racine presque tout à fait dégénérée, adhérente à la

tumeur. D'autres racines présentent également une dégénérescence, mais à

un moindre degré (à gauche, elles sont plus, maltraitées qu'à droite).

Quant à la structure de la tumeur, la zone périphérique est plus intensive-

ment colorée, elle est stratifiée, rappelle la structure de la méninge molle. La

partie centrale est moins colorée et possède une structure du tissu conjonctif.

Dans la zone périphérique, de même que dans la centrale, on voit un grand

nombre d'espaces veineux dilatés, remplis de sang. A côté, on voit dans le sein

de la tumeur des grands espaces vides, remplis en partie par une masse rosàtre

amorphe sans aucune structure. Çà et là on voit dans cette masse des agglo-

mérations de globules sanguins. Les globules se trouvent également dans le

voisinage des parois vasculaires.

En remontant, les dimensions de la tumeur augmentent considérablement,

elle devient pareille à un corps caverneux. En même temps la moelle perd sa

configuration extérieure ; elle est très aplatie du côté gauche dans le sens obli-

que. La tumeur adhère principalement au cordon postérieur et au latéral

gauche. Toute la périphérie de la moelle est ondulée. La dégénérescence vue

sur la coupe est encore plus marquée. Dans la moitié gauche il ne reste que

des traces de la substance blanche dispersées çà et là en petits îlots. Le mieux

conservé est le cordon antérieur.

La tumeur par sa structure rappelle le corps caverneux. On y remarque un

grand nombre d'espaces vides, des lacs. Ces espaces sont entièrement ou en

partie seulement entourés par les parois, les cloisons. Celles-ci s'enfoncent par-

fois dans un autre lac et tout d'un coup s'arrêtent. Les lacs sont vides ou

remplis par une masse rosâtre, amorphe. Par place on y remarque des petits

Ilots de cellules sanguines. Çà et là elles adhèrent aux parois vasculaires. A cô-

té de ces espaces lacunaires vides ou presque vides on voit par place des es-

344 FLATAU

paces veineux très larges, remplis de sang. Du côté de la moelle la tumeur,

dans une grande étendue est adhérente à la méninge molle. A ce niveau on

voit une racine postérieure dégénérée englobée par la tumeur. Les méninges

molles, l'arachnoïde de même que la pie-mère passent immédiatement sur la

surface de tumeur. Elles la limitent ou constituent sa zone périphérique en se

colorant intensivement (fuchsine). ,

Plus haut encore, au niveau des segments correspondant à peu près au

X-3 segment dorsal, la tumeur est très grande et garde sa structure caverneuse

li". 24). Il est caractéristique que sur toute la périphérie de la tumeur on

voit des fibres nerveuses à myéline qui constituent évidemment les racines

gauches postérieures. Ces fibres s'accumulent en faisceaux ronds ou courent

en serpent autour de la tumeur. La tumeur en avant est adhérente à la moelle.

La moelle y a souffert moins que sur les coupes situées plus bas. Elle y est

aplatie aussi du côté gauche (une petite partie du cordon droit postérieur adhère

à la tumeur). Les cordons antérieurs sont presque normaux. Les postérieurs

sont les plus touches. [Le latéral gauche démontre une dégénérescence évi-

dente, le droit à peine visible. La racine postérieure droite est considéra-

blement dégénérée, l'antérieure droite sans lésion, la gauche antérieure légè-

rement touchée.

A mesure qu'on monte, la tumeur diminue de volume et la moelle en même

temps reprend sa forme habituelle. On voit le pôle supérieur de la tumeur au

FIG. 24. - Neuro fibi-oatigionte cauernoso-veineux de la moelle.

1. Arachnoïde. 2. Racine antérieure (intacte). - 3. Pie-mère recouvrant la tumeur.

- 4, 6, 8, 9, H, 13. Traces de fibres radiculaires postérieures au sème de la masse

néoplasique. - 5. Tumeur. 7. La veineuse dans la tumeur. 10. Racine anté-

rieure (intacte). 12. Racine postérieure (légèrement dégénérée).

TUMEURS DE LA MOELLE ÉPINIÈRE ET DE LA COLONNE VERTÉBRALE 345

FiG. - Neuro-fibroangiome cavernoso-veineux de la moelle épinière.

1. Racine antérieure (presque normale). - ` ? . Racine postérieure (légèrement dégéné-

rée).- 3. Arachnoïde recouvrant la tumeur. 4. La veineuse remplie de sang.

. Tumeur. 6. Dure-mère. 1. Racine antérieure (légèrement dégénérée). -

8. Dure-mère. 9. Racine postérieure (dégénérée). 10. Dure-mère.

FIG. 26. - Dégénérescence des cordons postérieurs et une faible dégénérescence de la

voie cérébelleuse gauche.

xx III 23

346 FLATAU

niveau de la partie supérieure du Xe segment dorsal (fig. 20). On y voit des

espaces vides et des espàces veineux entièrement remplis de sang.

Dans la partie proximale on voit une dégénérescence secondaire dans les

cordons postérieurs (surtout dans le gauche) et dans les zones périphériques

du cordon latéral gauche. Dans la moelle cervicale la dégénérescence se limite

à la partie postérieure du faisceau cérébelleux (lig. 26).

Dans la direction distale (depuis la tumeur), on voit une dégénérescence

secondaire des voies pyramidales croisées.

Cette dégénérescence est moins prononcée que l'asceudante des cordons pos-

térieurs Le faisceau pyramidal gauche est plus lésé que le droit (fig. 27). On

peut l'observer tout le long de la moelle lombaire et sacrale. Ici elle diminue

peu à peu. '

Les coupes colorées par la méthode de Marchi montrent des masses rondes

dégénérées dans les cordons (de Goll) postérieurs et dans la partie postérieure

du faisceau cérébelleux gauche dans la région dorsale et cervicale. Le nombre

de masses à gauche est plus grand qu'à droite. Mais même à gauche ces masses

ne sont pas très nombreuses, le tableau correspond à ceux que nous rencon-

trons dans les dégénérescences secondaires chroniques. En descendant on voit

un petit nombre de masses dégénérées dans le faisceau pyramidal gauche.

Les coupes colorées par l'hématoxyline avec alun démontrent la structure

fibreuse de la tumeur. Au point de vue d'histologie, la tumeur est un neuro-

fibrangioma cavernoso-venosum.

Résumé. Dans ce cas, il s'agit d'une femme de 44 ans, qui a ressenti

des douleurs deux ans et demi avant son entrée à l'hôpital. Les douleurs

ont débuté par la moitié gauche du bas-ventre et par la région de la crête

iliaque. La douleur n'était pas forte et venait par accès. Puis est venue la

sensation de tiraillement et le gonflement du genou et du cou-de-pied

gauche de même qu'un affaiblissement de la jambe gauche.

FiG. 27. Dégénérescence des voies pyramidales latérales.

(Cette figure est dessinée de manière que la moitié gauche correspond en réalité à la

droite et vice-versa).

TUMEURS DE LA MOELLE ÉPINIÈRE ET DE LA COLONNE VERTÉBRALE 347

Quelque temps après la malade, paraît-il, a perdu complètement et tout

d'un coup la possibilité de mouvoir ses jambes. Cet état resta station-

naire pendant neuf mois. Après une cure de bains, amélioration notable..

La malade soutenue pouvait marcher. Ensuite aggravation et paraplégie

complète. Elle reste ainsi jusqu'à l'entrée à l'hôpital. Depuis deux mois

des paresthésies douloureuses dans la moitié gauche de l'abdomen, dans

les deux cuisses, douleur au sacrum et dans le côté gauche. Constipation,

difficulté d'uriner. Depuis quelques semaines, crampes dans la jambe

droite. Elle ne-peut pas rester couchée sur le côté gauche.

Etat actuel. Paraplégie presque complète de type spastique (tonus

musculaire exagéré surtout dans la jambe gauche), réflexes tendineux exa-

gérés, phénomène de Bahinski. L'abolition de la sensibilité aux membres

inférieurs et sur l'abdomen atteint un à deux travers de doigt au-dessous

de l'ombilic. La IXO vertèbre dorsale est douloureuse. Escarre.

Pendant son séjour à l'hôpital, elle a ressenti des accès de douleurs très

fortes, tantôt dans l'hypochondre gauche, tantôt dans les membres infé-

rieurs (surtout dans le droit) ; sensations de brûlure des pieds, de ser-

rement dans le ventre, des contractions spontanées des jambes surtout de

la droite.

Les douleurs sont surtout fortes la nuit. Incontinence, ensuite rétention

de l'urine. La paraplégie est complète. La tonicité musculaire exagérée,

les membres tendus comme des cordes. Orteils fléchis dorsalement. La

cure mercúÍ'Îêlle reste sans effet. Les bains électriques lumineux et les

injections arsenicales ne donnent aucune, amélioration. La malade se

plaint de douleurs brisantes dans le genou droit; d'une sensation de bri-

sement et l'engourdissement dans les orteils droits, de brûlures dans la

cuisse droite. Dans la jambe gauche les paresthésies n'atteignaient pas un

tel degré. Accès nocturnes de fortes douleurs dans le ventre, surtout à

droite ; douleurs sous le sein droit. Contractions spontanées dans les deux

membres inférieurs la nuit et le jour. 1

Avant l'opération on constata que la Ve vertèbre dorsale élaitla plus dou-

loureuse. Les troubles sensitifs à droite dépassaient la ligne ombilicale.

La malade est restée dans notre service pendant dix mois avant que nous

nous soyons décidés de l'opérer. L'absence de tout symptôme tuberculeux

ou syphilitique et le résultat négatif de la cure spécifique faisaient éliminer

ces maladies. L'évolution de la maladie, les fortes douleurs revenant par

accès, les contractions spontanées dans les muscles des jambes, l'affaiblis-

sement des membres tout au début de la maladie qui ensuite se transforma

en paralysie complète, l'hypertonicité musculaire, les troubles sensitifs

profonds et franchement délimités, tous ces traits parlaient en faveur d'une

compression de la moelle épinière.

348 FLATAU

Certains symptômes pourtant nous ont paru assez étranges, et surtout la-

perte rapide de la faculté de marcher attirail noire attention. La malade

affirme en toute certitude qu'à la fin de la première année de la maladie

elle s'est couchée avec les jambes normales et le malin suivant se réveilla

tout à fait paralysée des membres inférieurs. La veille de cet accident

elle marchait bien (Auparavant elle souffrait seulement de douleurs. la

jambe gauche était légèrement affaiblie). Un certain temps après les mem-

bres se sont un peu améliorés, puis l'état s'empira et est reste tel définiti-

vement. Ensuite ont disparu les faibles traces mêmes des mouvements des

jambes.

Il faudrait aussi attirer l'attention du côté des paresthésies et des dou-

leurs : elles ont été extrêmement diverses et mobiles. La malade se plaignait t

de la sensation de brûlure, de serrement, de brisement, d'engourdissement 1

tantôt dans le ventre, tantôt dans les côtés, tantôt dans les fesses ou diffé-

rentes parties des membres inférieurs. Ces symptômes s'accentuaient la

nuit. Les contractions spontanées dans les muscles lui étaient très pénibles.

La malade soutenait toujours que la position couchée sur le côté gauche

lui était surtout difficile.

Vu la limite de l'anesthésie au-dessus de la ligne ombilicale, nous pen-

sions que la tumeur correspondait a peu près au VU" segment dorsal. On a

enlevé les arcs vertébraux de la V jusqu'à la Ville vertèbre dorsale, sans

trouver pourtant la tumeur. Après l'opération les symptômes spastiques

ont persisté (généralement après l'opération étal flasque des muscles.

La plaie guérissait par première intention. La malade maigrissait tou-

jours et devenait déplus en plus faible. Vomissements après chaque repas.

Fortes douleurs dans ]'hypochondre gauche et dans la moitié gauche du

ventre. Escarres profondes sur la fesse. Mort trois semaines après l'opéra-

tion.

L'autopsie montra une tumeur longue de 3 cent. 1/2 au niveau des

Xc, Xh et XIIe segments dorsaux en partie aussi de la 1 lombaire. La

tumeur adhérait à la face postérieure et latérale gauche de la moelle épi-

nière. Les méninges molles passaient immédiatement de la moelle sur la

tumeur, de sorte que les deux semblaient uniques. Le pôle supérieur de

la tumeur correspondait au lieu de sortie de la IXe racine dorsale hors de

la dure-mère. La tumeur se trouvait donc immédiatement au-dessous

du bout inférieur de la plaie opératoire.

L'examen microscopique de la tumeur démontra qu'il s'agissait d'un cas

très rare de tumeur extramédullaire, d'un neurofibrangiome cavemoso-vei-

neux précisément. ,

D'après les dessins ci-joints, on voit que la tumeur avait une structure

caverneuse. Les cavernes sont remplies de sang dans la partie supérieure

TUMEURS DE LA MOELLE ÉPINIÈRE ET DE LA COLONNE VERTÉBRALE 34 ! J

et inférieure de la tumeur. Dans les parties moyennes elles sont complè-

tement vides ou remplies en partie seulement par une masse amorphe ;

ça et là vers les parois on rencontre quelques globules sanguins. La zone

périphérique de la tumeur est constituée par un tissu se colorant intensi-

tement par la fuchsine, c'est la pie-mère. L'arachnoïde, en quittant

la moelle passe sur la face postérieure de la tumeur et la recouvre. Là

où la tumeur touche la moelle; les méninges molles se sont accolées in-

timement. A la périphérie de la tumeur on voit dispersés ça et là des îlots

des fibres radiculaires. La tumeur s'est développée évidemment à la racine

postérieure gauche. Dans le tissu de la moelle même on voit seulement

des lésions provenant de la compression. Nulle part des traces de pro-

cessus inflammatoire. Les cloisons sont épaissies. Les vaisseaux sont dila-

tés. Les racines adhérentes à la tumeur sont dégénérées en partie, les

aulres beaucoup moins. La moelle est aplatie, on y constate une dégéné-

rescence localisée principalement dans les cordons postérieurs et dans

le latéral gauche. A côté de cela on a constaté dans ce cas une dégénérescence

secondaire bien accentuée, l'ascendante plus marquée encore que la des-

cendante. La dégénérescence ascendante frappe les cordons postérieurs

(surtout celui du côté gauche) et le' faisceau cérébelleux gauche. La des-

cendante frappe les faisceaux pyramidaux latéraux (surtout du côté gauche).

Au point de vue hislopalhologique la tumeur est une rareté.

Observation XIX.

Le malade A. G., âgé de 49 ans, est entré à l'hôpital de Jésus-Christ

le 8 janvier 1900 dans le service des maladies internes (1).

Le malade se plaint de douleurs dans les membres supérieurs : ce sont des

sensations de brûlure et des picotements. Les douleurs naissent dans la partie

supérieure de la colonne vertébrale et de là vont jusqu'aux doigts des mains.

Cet état dure depuis deux mois. Le malade attribue sa maladie à un coup de

froid. Il fut contraint de faire un long voyage dans un train de marchandises

pendant un grand froid. Au commencement il marchait tout à fait bien et pou-

vait travailler des mains quoique avec une certaine difficulté. Il n'avait, point

de douleurs dans les jambes. La force musculaire dans les bras diminua peu à

peu. Trois jours avant son entrée à l'hôpital, il a remarqué l'affaiblissement

des jambes. Quand il quittait sa voiture pour entrer dans une maison, on devait

le soutenir des deux côtés. Il est marié. Quatre enfants Lien portants. Il y a

1J ans ulcération du pénis qui a guéri vite. Pas d'éruption. Les fonctions de

la vessie et du rectum sont normales. e ,

Etat actuel. Le malade est bien conformé, assez bien nourri. Il se meut

avec difficulté dans son lit. Il ne peut pas se lever sans aide. Il ne peut rester

(1) Je dois cette observation à l'obligeance du Dr llfuliniak. *

350 FLATAU

debout, on le soutient ou il s'appuie sur le lit. Il marche avec difficulté en

chancelant. Etant couché, il peut assez bien mouvoir ses membres inférieurs.

La force des mouvements est assez bonne. De temps en temps, courts

tressaillements musculaires dans les jambes. Pas d'atrophie musculaire. Le

réflexe patellaire est conservé. Le plantaire faible. Tonus musculaire normal.

Les membres supérieurs fléchis au coude et rapprochés vers le tronc (dans

cette position les douleurs sont moindres). Doigts fléchis. Muscles inter-

osseux atrophiés surtout dans premier espace. De même le muscle thénar (sur-

tout le droit). Les muscles aux membres supérieurs sont flasques. Le malade ne

peut pas étendre les doigts. L'abduction et l'opposition du gros doigt droit est

impossible (à gauche ce mouvement persiste, mais peu énergique). L'extension

de la main droite est abolie, à gauche elle est faible. Les mouvements des

articulations du coude et de l'épaule sont conservés quoique faibles. Les nerfs

périphériques ne sont pas douloureux. Réflexes des muscles triceps abolis. La

colonne vertébrale dans la région cervicale inférieure et dorsale supérieure

est douloureuse à la pression. Quand on fait asseoir le malade, les douleurs

dans les bras apparaissent. Les mouvements de la tête sont peu étendus. Pas de

rigidité de la nuque. Les pupilles sont inégales, la droite plus large que la

gauche. Elles réagissent lentement à la lumière. Les nerfs crâniens, à part

cela, sont normaux.

Les réflexes abdominaux et crémastériens sont abolis.

13 janvier. Fortes douleurs dans les bras, sensation de brûlure comme

si l'on mettait du sable chaud. Fonction urinaire normale. Constipation.

15. Incontinence de l'urine (la nuit). Les douleurs sont les mêmes. La

sensibilité tactile est assez bien conservée. Analgésie complète des membres

inférieurs et supérieurs dans leur région du coude.

16. Les douleurs des bras diminuent. Il ne peut pas marcher. Les réflexes

patellaires sont conservés.

17. La vessie est fortement dilatée. La paralysie des membres inférieurs

est complète. Les réflexes patellaires sont abolis. L'anesthésie sur le tronc

arrive jusqu'à la IVe côte. Thermoanesthésie.

19. - Au-dessus de l'articulation du cou-de-pied gauche est apparue une

vésicule. L'anesthésie en avant arrive jusqu'à la IVe côte, en arrière à la Ve apo-

physe épineuse. Engourdissement des jambes.

20. Escarre fessière.

22. Le ventre est ballonné. Des douleurs courtes, des tiraillements pas-

sent dans les jambes.

24. Douleurs brûlantes aux mains. Rétention de l'urine et des matières

fécales,

26. Pas de douleurs. Ventre ballonné. Hoquets. Pouls petit, rapide. Le

soir, le malade est mort.

A l'autopsie on a constaté des masses néoplasiques, situées en dehors de la

dure-mère et recouvrant la moelle dans sa région cervicale inférieure. Le

bout supérieur de la tumeur correspondait à la VIe racine cervicale, l'inférieur

à la In. dorsale (leur lieu de sortie de la dure-mère).

TUMEURS DE LA MOELLE ÉPINIÈRE ET DE LA COLONNE VERTÉBRALE 351

La tumeur appartient à l'espèce de sarcome à petites cellules rondes.

On constate les foyers de lésions principalement dans la région du 181, segment

dorsal. Les masses néoplasiques s'y trouventà droite en dehors de la dure-mère

et correspondent au cordon latéral et postérieur. La configuration extérieure

de la moelle est normale. La figure de la substance grise et des cordons de la

blanche est bien conservée. Les coupes colorées par la méthode de Marchi

(fig. 28) démontrent deux grands foyers dans les faisceaux pyramidaux latéraux.

Par leur large base, ils sont orientés en dehors et de là s'enfoncent dans la

moelle par des faisceaux et des taches grandes et irrégulières. Le caractère

histologique correspond à celui décrit plus haut (V. obs. IX, X, XII).

La même structure alvéolaire des foyers se répète ici : grand nombre d'alvéo-

les vides, larges ; masses rondes, produit de dégénérescence des fibres ner-

veuses ; vaisseaux dilatés remplis de sang. A part çà on remarque deux

petits foyers ronds nécrobiotiques dans le cordon latéral droit près de la subs-

tance grise. On voit un foyer pareil dans le cordon latéral gauche. Çà et là sont

dispersées les petites masses noires peu nombreuses. On remarque aussi une

légère dégénérescence dans la zone radiculaire de deux cordons postérieurs. Le

méninges molles ne sont pas modifiées. Les racines sont normales.

La coupe faite dans le VIIe segment cervical ne démontre pas de foyers de

lésion. Presque toute la coupe est couverte de mailles larges, claires, de

fibres myéliniques (gonflées ? ), surtout distinctes dans la région des cordons

latéraux. Bien évidente est la dégénérescence des zones radiculaires dans les

deux cordons postérieurs, surtout dans le gauche. A mesure qu'on monte.

FIG. 28.

1. Foyer de lésion dans le cordon latéral gauche. - 2. Petit foyer nécrotique.

3. Continuation du foyer alvéolaire. 4. Dégénérescence de la zone radiculaire

gauche. 3, 6. Foyer nécrotique dans le cordon latéral droit. 1. Foyer dans

le cordon latéral droit.

352 , ' . 1. ' FLATAU

la dégénérescence se déplace vers la ligne médiane, vers les faisceaux de Goll,

elle reste pourtant sur la ligne de démarcation entre ce faisceau et celui de

Burdach. Dans tous ces segments cervicaux on ne voit plus de foyers alvéolai-

res bien formés. L'exception constitue le IIIo segment cervical (fig. 29). On y

voit deux foyers du type,alvéolaire à peine distincts, un dans le cordon laté-

ral gauche, l'autre, dans les cordons postérieurs près de la partie antérieure de

la cloison longitudinale postérieure.

A côté de ces foyers du type alvéolaire on remarque aussi dans le cordon

atéral gauche deux ou trois foyers qui s'enfoncent sous forme de coins dans la

profondeur de la moelle, Ces foyers sont d'une autre structure, ils renferment

une mosaïque de cellules granuleuses fraîches ou détruites.

En descendant,on ne constate plus de foyers de lésion ni dans la moelle dor-

sale, ni dans la lombo-sacrée. Pas de dégénérescences secondaires dans la

moelle dorsale. Dans la moelle lombo-sacrée on constate une faible dégéné-

rescence dans les deux faisceaux pyramidaux latéraux (dégénérescence des

segments plus éloignés de la voie pyramidale ? ).

Sur les coupes colorées par la méthode de Weigert et de V. Gieson, on voit

dans la région ci-dessus mentionnée(dans le premier dorsal) des lésions carac-

téristiques pour les foyers alvéolaires. Beaucoup de mailles larges, en partie

vides, des masses grandes rondes, etc. Les coupes coloriées par la méthode de

Weigert démontrent à côté des foyers dans les cordons latéraux d'autres situés

dans les cordons postérieurs (la région de commissure et des zones radiculai-

.res) et dans les antérieurs (le fond et le centre en partie). Les vaisseaux en

nombre augmenté. Pas de lésion inflammatoire bien distincte. Les cellules de

la substance grise (les coupes coloriées par la méthode V. Gieson) sont défor-

FIG. 29.

1. Foyer en coin dans le cordon latéral gauche. - 2. Foyer alvéolaire. 3. Foyer

en coin. 4. Vaisseaux dilatés. 5. Foyer en coin. 6. Foyer alvéolaire.

7. Zone radiculaire gauche dégénérée. 8. Foyer allongé alvéolaire avec des

masses dégénérées. 9. Foyer alvéolaire dans le cordon latéral droit.

TUMEURS DE LA MOELLE ÉPINIÈRE ET DE LA COLONNE VERTÉBRALE 353

mées. Les méninges molles, normale. Les racines biens conservées. Quelques-

unes du côté de la tumeur) légèrement dégénérées.

Résumé. Il s'agit dans ce cas d'un malade de 49 ans qui a ressenti

au début des douleurs dans la partie supérieure de la colonne vertébrale et

dans les omoplates. Les douleurs depuis ces parties se propageaient jus-

qu'aux doigts. Peu à peu la force musculaire des mains diminua, en-

suite celle des jambes. L'état du malade au moment de son entrée à l'hô-

pital était le suivant : il ne pouvait pas marcher sans aide. Soutenu il

marchait en chancelant. Tonus musculaire des jambes normal. De temps

en temps des secousses musculaires. Membres supérieurs fléchis au coude

et rapprochés du tronc. Atrophie des petits muscles des mains. Affai-

blissement des membres supérieurs, surtout des segments distaux. Ré-

flexes des muscles triceps abolis. Pupille droite plus large que la gauche.

Les douleurs des membres supérieurs tantôt croissaient, tantôt dimi-

nuaient. Anesthésie complète des jambes et des régions du coude. Incon-

tinence de l'urine. Paralysie complète des jambes avec abolition des

réflexes patellaires et anesthésie jusqu'à la IVe côte. Escarre. Rétention

d'urine et de matières fécales. Le malade est mort trois semaines après

son entrée à l'hôpital.

L'autopsie a démontré la présence d'une tumeur de la dure-mère. Le

sommet de la tumeur correspondait à la VIe racine cervicale, le bout infé-

rieurà la Ire dorsale. L'examen microscopique démontra des lésions en foyer

localisées surtout dans le 18 segment dorsal. On y voyait deux grands foyers

du type alvéolaire dans la zone périphérique des deux cordons latéraux et

d'autres petits nécrobiotiques dans le cordon latéral droit. A part cela, une

faible dégénérescence des zones radiculaires dans les cordons postérieurs.

En sens ascendant, la dégénérescence se déplaçait vers la cloison paramé-

diane. La moelle cervicale était libre de foyers excepté auIIIesegment; on

voyait un foyer alvéolaire dans le cordon latéral gauche et un second dans

les cordons postérieurs,près de la commissure. A part ces foyers on en cons-

tataitd'autres dans le cordon latéral gauche sous forme des coins allant de

la périphérie vers la profondeur. Ces coins étaient constitués par les cel-

lules granuleuses. En descendant dans la moelle dorsale, on ne constatait

ni foyers ni dégénérescence secondaire. Dans la moelle lombo-sacrée pour-

tant se voyait une faible dégénérescence des faisceaux pyramidaux laté-

raux.

Méninges molles sans lésions. Racines normales. Nulle part on ne cons-

tatait de lésions inflammatoires.

Ce cas était assez facile à diagnostiquer. Le tableau clinique y était typi-

que pour une affection connue sous le nom de pachyménillgite cervicale

hypertrophique (douleurs irradiantes de la colonne vertébrale vers les

354 FLATAU

mains, affaiblissement des membres supérieurs avec atrophie muscu-

laire, affaiblissement suivi de paralysie complète des jambes, troubles

urinaires et de la défécation, anesthésie des jambes et du tronc jusqu'à

une certaine limite et aux membres supérieurs, anesthésie des zones

radiculaires). Il était évident qu'il s'agissait d'une compression de la

moelle cervicale inférieure de plus en plus croissante.

Il est connu aujourd'hui que cette affection, décrite par Charcot, la

plupart du temps se présente après la mort comme un processus syphili-

tique ou néoplasique. Le malade a constaté il y a 19 ans une ulcéra-

tion sur le pénis qui a vite guéri. Il était donc difficile de dire définitive-

ment si nous avions affaire à une affection spécifique ou néoplasique.

L'autopsie démontra l'existence d'une tumeur au dehors de la dure-

mère. -

Dans ce cas également les lésions de la moelle même étaient minimes.

Dans les régions correspondantes à la tumeur,la moelle conservait sa forme

et la configuration de la substance blanche et grise était normale. Mé-

ninges et racines intactes.Dans les deux cordons latéraux, étaient des foyers

alvéolaires qui par leurs bases correspondaient à la périphérie et de là

s'enfonçaient en languette dans la moelle. Ces foyers avaient une struc-

ture analogue à celle observée dans les IXe, Xe et XII° cas,

On y constatait beaucoup de mailles larges et vides et des fibres ner-

veuses gonflées. Cette lésion n'était pas bien profonde puisqu'elle n'a

pas engendré une dégénérescence secondaire ascendante (une légère dé-

générescence dans les cordons postérieurs dépendait de la lésion des

zones radiculaires des cordons postérieurs et non de ces foyers). La

moelle au-dessous de la tumeur montrait un fait paradoxal : dans la

partie dorsale il n'y avait pas de dégénérescence secondaire, tandis que la

lombo-sacrée en présentait dans les faisceaux pyramidaux latéraux (la

dégénérescence des parties de la voie pyramidale les plus éloignées de l'en-

droit comprimé, mais les moins résistantes au point de vue de la trophi-

cité). Dans notre IXe observation il y avait un fait analogue.

Il est impossible d'expliquer la paralysie par les deux foyers localisés

dans les cordons latéraux; de même l'anesthésie et les troubles profonds

des sphincters ne pouvaient pas être mis sur le compte des deux foyers

précités. Il faut donc supposer qu'à côté de ces lésions se sont produites

d'autres modifications dans le tissu nerveux, inconnues pour le moment,

qui ont engendré l'abolition des fonctions sans toutefois donner de lésions

histologiques constatables.

Il faut insister sur le fait que les foyers alvéolaires se trouvaient non

seulement au niveau de la tumeur, mais aussi à une assez grande dis-

tance de cet endroit. On les a constatés dans le 1118 segment cervical. A

TUMEURS DE LA MOELLE ÉPINIÈRE ET DE LA COLONNE VERTÉBRALE 355'

côté des foyers anciens alvéolaires on en remarquait déplus frais en forme

de coins constitués par les cellules granuleuses. Il faut, il nous semble,

ranger ces foyers parmi les foyers nécrobiotiques. ,

Ici également on n'a pas pu constater de signes inflammatoires !

OBSERVATION XX. ,. ' '

La malade H. L., âgée de 45 ans, est entrée à l'hôpital le 6 septembre,

1906.

il y a trois ans, la malade commençait à éprouver une vive douleur dans la

jambe droite ; la douleur ne la quittait pas jour et nuit. La malade pouvait

encore marcher en boitant. La douleur se localisait au début dans la jambe,

puis a envahi le genou droit et la hanche droite. La jambe droite était assez'

raide. Les mouvements dans l'articulation de la hanche sont limités depuis ''

trois ans. Les douleurs de la jambe droite persistent jusqu'au moment actuel.Il

y a neuf semaines la jambe gauche est devenue douloureuse. En même temps

sont apparus les maux de tête localisés dans la moitié gauche (dans la région'

fronto-temporale), les douleurs de l'épaule et du côté gauche. Il y a deux ans,

ptosis de la paupière gauche sans autres symptômes (le ptosis a disparu'

sept mois plus tard ; traitement iodé et injections). Il y a un an la malade'

ne pouvait pas tourner son oeil droit en dehors (ce symptôme dura cinq mois).

Jamais de vomissements. A présent la malade se plaint de douleurs de la

moitié-gauche de la tête. Elles sont plus fortes la nuit. Outre cela, douleur

de toute la jambe gauche, sensation de tiraillement dans la droite, manque

d'appétit, diarrhée. Elle a eu deux enfants dont l'un est mort (convulsions),

l'autre mort-né avant terme.

Etat actuel. La malade, d'une taille moyenne, a un mauvais état général

La percussion de toute la moitié de la tête est douloureuse. La fente palpébrale

droite est toujours plus étroite que la gauche. Les mouvements du globe ocu-

laire sont limités en dehors, abolis en haut et en bas, normaux en dedans.

Globe oculaire droit normal. La pupille gauche est plus grande que la droite.

Le fond de l'oeil est normal. La réaction à la lumière est minime dans l'oeil

droit, abolie dans le gauche. Pas d'autres troubles dans le fonctionnement des

nerfs crâniens.

Membres supérieurs. Les mouvements du membre droit sont normaux.

Il vainc avec 'difficulté une résistance. Le membre gauche ne peut pas être

soulevé même jusqu'à la ligne horizontale à cause des douleurs. D'autres*

mouvements de ce membre (au coude, à la main et aux doigts) sont également

affaiblis (à cause des douleurs comme elle dit). La sensibilité est intacte. Les'

réflexes du muscle triceps sont vifs, les périostaux de même, pas d'atrophies.

Membres inférieurs. - La malade marche en boitant du côté droit, comme

si elle avait la coxite. Les mouvements dans l'articulation de la hanche sont

presque complètement impossibles, mieux conservés sont ceux de l'articulations

du genou (douleurs). Le cou-de-pied droit se meut avec facilité. Du côté gau-

che les mouvements de la hanche et du genou sont beaucoup plus larges et

356 FLATAU

faciles qu'à gauche (il n'y a pas de douleurs tellement fortes). Les réflexes

patellaires et achilléens sont très vifs. Le plantaire, vif, normal. Sensibilité,

conservée. Pas d'ataxie. La pression sur les troncs nerveux et les os est dou-

loureuse. 1

Réflexes abdominaux, très faibles.

On a administré le traitement spécifique (injections d'iodure de potassium).

La malade se plaignait toujours de maux de tête et de vertiges, de bourdon-

nements d'oreille, de fortes douleurs des membres inférieurs et désarticulation

de la hanche droite. Pendant un certain temps la malade éliminait beaucoup

d'urine (normale).

Le diagnostic fut posé de syphilis cérébrale et de diabète insipide. Le trai-

tement spécifique a donné seulement l'amoindrissement des douleurs pendant

un certain temps et l'amélioration de la marche, la malade ne boitait pas. Peu

après l'état s'empira de nouveau. La malade est tombée en voulant quitter le

lit et ne put se relever seule. La douleur de la jambe droite est réapparue, puis

aussi la douleur sous le genou gauche. Depuis ce moment la malade en marchant

devait se servir d'une canne. Ce n'est que quelques jours avant son retour

à l'hôpital (au mois de février 1907, qu'elle pouvait lentement traverser la

chambre. Fortes douleurs dans les deux membres inférieurs, surtout dans le

droit, .

Depuis quelques semaines, douleurs dans le membre supérieur gauche. Dou-

leurs dans la région lombaire et du côté gauche. Elles durent jour et nuit.

Vertiges, bourdonnements d'oreille. Depuis quelques semaines diplopie. L'oeil

gauche voit comme à travers un nuage. Un léger ptosis à droite. Pas de trou-

bles urinaires et du côté du rectum.

Etat actuel (février 1907). L'ouïe est affaiblie. Le sens du goût troublé

(ne reconnaît pas le doux et le salé). Ptosis à droite. Presque pas de mouve-

ments en dehors dans son oeil gauche, difficilement elle lève et baisse le globe

oculaire. La pupille droite réagit difficilement à la lumière, la gauche ne réagit

point, elle est plus large que la droite. Le fond de l'oeil est normal.

Membres supérieurs. Le membre gauche est soulevé avec peine à cause

de douleurs dans l'articulation de l'épaule. Les autres mouvements dans ce

membre sont aussi plus lents que du côté opposé. En exerçant une résistance,

on s'aperçoit que les deux membres sont faibles surtout celui à gauche. La

sensibilité est normale. L'avant-bras et le bras gauche sont très douloureux ;

le moindre mouvement ou faible toucher provoque des douleurs. Les réflexes

sont assez vifs.

Membres inférieurs. Quand elle soulève le membre droit, elle ressent une

forte douleur dans l'articulation de la hanche et dans tout le membre. En ré-

pétant cela à gauche, la douleur \ se limite au-dessous du genou. Les mouve-

ments du genou, du cou-de-pied et des doigts à droite sont plus faibles qu'à

gauche.- Tous ces mouvements, la malade les exécute lentement, avec peine,

en se plaignant des douleurs. Les deux membres sont faibles, mais plus forte-

ment lé droit.

TUMEURS DE LA MOELLE ÉPINIÈRE ET DE LA COLONNE VERTÉBRALE 357

La pression de l'articulation de la hanche droite, de l'hypochondre droit et de

la colonne vertébrale dans la partie dorsale est douloureuse. La sensibilité est

intacte. Les réflexes patellaires exagérés (le droit plus vif), les achilléens faibles.

Les plantaires normaux. La malade marche, mais avec des grandes précautions,

lentement, en se plaignant de douleurs. Sa marche rappelle celle des mala-

des souffrant de coxite ou d'ischias.Elle reste le plus volontiers couchée sur le

dos. Elle pleuré souvent, se plaignant des douleurs. On lui a administré les

frictions mercurielles (45 à 3 0/0). L'amélioration fut considérable. La malade

a commencé d'éprouver une sensation de froid dans sa jambe droite (comme si

elle se trouvait plongée dans la neige).

Au mois de mai 1907, elle a quitté l'hôpital, mais y est retournée au mois de

juin. Depuis un certain temps, douleurs en ceinture dans la moitié inférieure

du tronc (la malade ne peut ni dormir, ni manger, se nourrit d'un peu de thé).

Etat actuel. Les deux pupilles ne réagissent pas à la lumière. Les mem-

bres supérieurs sont au même état. Les membres inférieurs ne sont plus doulou-

reux pendant les mouvements. Les mouvements passifs démontrent une moin-

dre mobilité de l'articulation de la hanche droite, une certaine rigidité. Les

mouvements dans d'autres articulations sont normaux. Le réflexe patellaire droit

est plus vif que le gauche. Les achilléens sont faibles. Au membre inférieur

gauche, la malade souvent ne reconnaît pas les piqûres. La sensibilité, excepté

eu cela, est normale. Le ventre est très douloureux (le moindre contact est dou-

loureux). La veille de sa mort la malade a eu des douleurs paroxystiques au

ventre. Le lendemain elle a perdu connaissance ; son membre supérieur droit

fut pris de mouvements convulsifs, l'écume est apparue dans la bouche. Ces

accès durait plus de trois heures. Puis le membre supérieur droit tremblait pen-

dant quelques minutes, la respiration était stertoreuse, écume dans la bouche.

Le membre supérieur droit levé passivement en haut retombe inerte. La

malade ne réagit point ou faiblement quand on l'appelle. Elle est morte le

25 juin 1907.

Autopsie. Déjà avant l'incision de la dure-mère on pouvait voir la modi-

fication de la configuration extérieure de la moelle : elle était comme gonflée

par place. C'était surtout dans sa région dorsale. De plus on sentait à travers

la dure-mère, sur la face postérieure, des petites tumeurs situées à différents

niveaux. Après l'incision de la dure-mère on constata que les méninges molles

étaient considérablement troublées et un peu épaissies tout le long de la moelle.

Sur la face interne de la dure-mère, on voyait de petites tumeurs de 2 à 3 mil-

limètres, dispersées çà et là. Les plus petites n'adhèrent pas aux méninges

molles et ne font dans la moelle que des enfoncements peu profonds. Dans

la région dorsale moyenne et supérieure, il y a des tumeurs plus grandes

(maximum cent, de longueur) ; elles naissent également sur la face interne de

la dure-mère et adhèrent aux méninges molles (le microscope a démontré que

dans un endroit seulement la gomme a pénétré dans la moelle ; voir plus bas).

Dans le cerveau on constata les méninges troublées et une tumeur dans la cir-

convolution pariétale gauche inférieure. La tumeur était adhérente à la dure-

358 FLATAU

mère, dure à la palpation ; le tissu cérébral ambiant est ramolli. Les vaisseaux

sur la base 'du cerveau sont sclérosés. On ne trouve plus de tumeurs ni sur

les coupes frontales à travers tout le cerveau, ni sur celles passant par l'arbre

de vie du cervelet.

Poumon gauche adhérent. Dans le sommet droit quelques petits tuber-

cules. Dans la vésicule biliaire, plus d'une dizaine de calculs.

Examen microscopique. Les coupes coloriées par la méthode de Weigert

ne démontrent pas de lésions dans les segments cervicaux supérieurs (1-11).

On y voit seulement une certaine raréfaction dans la zone périphérique des

cordons antérieurs est un petit foyer en forme de coin.

Le HP segment cervical est déjà un peu déformé intérieurement, on y cons-

tate des enfoncements sur la périphérie du cordon latéral gauche et des cordons

postérieurs. En outre une raréfaction des fibres dans la substances blanche

(surtout dans les zones périphériques) et dans la grise (le réseau des fibres

myélinique moins dense). Nulle part de dégénérescences secondaires. Les

cloisons sont épaissies, surtout celles des cordons postérieurs. Vaisseaux en

nombre augmenté. Ils portent des lésions spécifiques dans les méninges prin-

cipalement. Il n'y a pas de foyers en coin pénétrant dans la profondeur.

Le I*r segment dorsal conserve sa normale configuration intérieure. A droite

une gomme peu grande,provenant de la face interne de la dure-mère. Les racines

dans son voisinage sont en partie intactes, en partie fortement dégénérées.Les

vaisseaux lésés spécifiquement (parois épaissies, endartérite oblitérante). La

pie-mère est un peu épaissie,adhérente à la moelle et s'enfonce en coin dans la

moelle (à la périphérie du cordon latéral droit). Dégénérescences peu profon-

des à la périphérie des cordons antéro-latéraux. Légère dégénérescence des

parties antérieures des cordons postérieurs (dans le voisinage de la commis-

sure postérieure). Le réseau au sein de la substance grise est raréfié. Les

cloisons sont épaissies. Les racines gauches en partie dégénérées.

Dans le IIe segment dorsal on voit une gomme partant de la face interne de

la dure-mère dans la région du cordon latéral droit. Cette gomme ne change

en rien la configuration intérieure de la moelle. La dure-mère est notablement

épaissie dans la région des cordons antéro-latéraux (par place elle est soudée

avec les méninges molles). La pie-mère épaissie dans la région des cordons

postérieurs et par place ses cloisons très larges pénètrent en coin dans le tissu

médullaire. Les racines sont fortement dégénérées (en grand nombre). Certains

vaisseaux (des méninges) sont excessivement modifiés, les parois épaissies, infil-

trées et oblitérées.

Le Ille segment dorsal contient une gomme qui part de la partie antérieure

de la face interne de la dure-mère (du côté des cordons antérieurs). Les ra,

cines antérieures sont dégénérées, quelques-unes entièrement. Les postérieu-

res sont en général assez bien conservées. Sur toute la périphérie les méninges

sont épaissies (surtout la dure-mère).La moelle même présente peu de lésions.

Faible raréfaction des fibres dans la substance blanche. La substance blanche

est légèrement dégénérée : à la périphérie de la coupe on trouve quelques

foyers petits et irréguliers. Pas de dégénérescences secondaires.

TUMEURS DE LA MOELLE ÉPINIÈRE ET DE LA COLONNE VERTÉBRALE 359

Le Ve segment dorsal contient une grande gomme (deux strictement dit)

sur la face interne de la dure-mère du côté des cordons postérieurs. La con-

figuration de ces cordons est normale. La dure-mère est notablement épaissie

sur toute la périphérie de la coupe, surtout en face du cordon latéral droit.

La moelle est ici aplatie et on y remarque un profond enfoncement. Les racines

sont en partie dégénérées. Pas de dégénérescences secondaires ni de coins

pénétrant dans profondeur.

Le VIIIe segment dorsal est tout à fait normal sur la coupe. Au premier

coup d'oeil on n'y remarque point de lésions. Quelques endroits dans les cor-

dons postérieurs sont un peu moins bien colorés, par exemple la région de la

zone radiculaire gauche. Pas de gommes syphilitiques. La dure-mère est un

peu épaissie. La pie-mère est soudée à la moelle ; elle est peut-être un peu

épaissie. Les vaisseaux présentent des lésions spécifiques. L'arachnoïde est

franchement plus épaisse du côté des cordons postérieurs. Les racines sont en

partie dégénérées. L'une d'elles, la postérieure gauche, est complètement

dégénérée (la raréfaction des libres dans la zone radiculaire 1), tandis que sa

voisine immédiate est normale.

Des lésions semblables se trouvent dans la moelle dorsale inférieure et la

moelle lombo-sacrée (la pie-mère adhère à la moelle, un peu épaissie peut-être ;

arachnoïde épaissie du côté des cordons postérieurs ; quelques racines dégé-

nérées en partie ; les vaisseaux présentent des altérations spécifiques ; névro-

glie périphérique hypertrophiée ; absence de dégénérescence secondaire et de

foyers périphériques sous forme de coins).

FiG. 30. Gomme syphilitique de la dure-mère et de la moelle.

1. Mince liseré en haut correspond à la corne antérieure. - 2. Dure-mère.

3. Racine postérieure en partie dégénérée. - 4. Gomme de la méninge.

S. Gomme intra-médullaire.

3ôQ

FLATAU

Les coupes colorées par la méthode de Marchi ne démontrent pas de dégé-

nérescences secondaires. On voit des masses rondes dispersées sur toute la

coupe, leur nombre est plus considérable à la périphérie des segments dor-

saux. Par places, dans le premier segment dorsal par exemple, ces masses sont

surtout groupées le long des cloisons qui de la périphérie se rendent dans la

profondeur des cordons postérieurs.

Les coupes coloriées par Vhématoxyline et l'éosine montrent une structure

caractéristique pour les gommes et les lésions spécifiques des vaisseaux et des

méninges. Les lésions les plus prononcées'sont constatâmes dans les segments

dorsaux moyens. Ainsi par exemple le Vil segment dorsal contient une énorme

gomme qui croît de la face interne de la dure-mère et pénètrent dans la moitié

droite de la moelle dans la région du cordon latéral (fig. 30). A un fort grossis-

sement on peut voir comme les différentes couches de la dure-mère se sépa-

rent et sous forme d'un exsudat pénètrent dans'le tissu néoplasique en se son-

dant intimement avec lui. On voit aussi comment l'arachnoïde se glisse sous la

tumeur, s'enfonce dans sa substance et disparaît. Dans les endroits où la gomme

pénètre dans la moelle,on ne distingue plus la pie-mère]de l'arachnoïde. Ensem-

ble elles forment une masse gommeuse. Cette grande tumeur gommeuse contient

des endroits où il y a des accumulations de cellules granuleuses avec la prépon-

dérance des cellules rondes bien coloriées par l'hématoxyline. Ça et là se trou-

vent les cellules géantes avec des nombreux noyaux. En outre, on voit des

foyers plus ou moins grands, allongés en éventail, formés par la prolifération

du tissu conjonctif. Le nombre des noyaux y est moins considérable, ils sont

allongés et se colorent moins intensivement. Les cellules géantes se laissent

constater uniquement dans la gomme extramédullaire, on ne les trouve pas

dans la gomme intra-médullaire ou dans le tissu de la moelle épinière. Les

vaisseaux présentent des lésions spécifiques non seulement dans la gomme

même, mais aussi dans les méninges autour de la moelle et au sein du tissu

nerveux (dans la snbsiance blanche et grise) en dehors des gommes, il est

vrai pourtant que ces lésions y sont moins prononcées. Il est à noter qu'on a

rencontré un grand nombre de corpuscules amyloïdes.

Sur d'autres niveaux de la moelle on voit des modifications analogues, quoi

que à un moindre degré. Par conséquent, on constate même sur les coupes co-

loriées par la méthode de Weigert des contours des gommes, des méninges

épaissies, des vaisseaux ayant des modifications spécifiques. Il faut souligner le

fait que les méninges molles sont relativement peu modifiées. Dans quelques

endroits seulement,au niveau du premier segment dorsal par exemple, on voit

une infiltration assez prononcée des méninges molles, située du côté des cor-

dons postérieurs et d'une partie du cordon latéral. Cette infiltration pénétrait

dans la profondeur de la moelle sous forme des prolongements en coin effilés.

A côté de ces lésions peu prononcées des méninges molles, on s'étonne devoir

un énorme épaississement de la dure-mère et de gommes partant de sa face

interne. Ainsi, par exemple, au niveau du V° segment lombaire les méninges

molles n'ont que des lésions voisines, tandis que de la dure-mère en face des

cordons postérieurs, pousse une gomme, et dans une racine antérieure on cons-

TUMEURS DE LA MOELLE ÉPINIÈRE ET DE LA COLONNE VERTEBRALE 361 1

tale une forte infiltration cellulaire, des vaisseaux épaissis et des foyers de tissu

conjonctif.

Les coupes coloriées par la méthode de V. Gieson montrent les mêmes

lésions. Au niveau de la moelle dorsale moyenne (on y voit une grande

gomme) ; on constate un nombre énorme de vaisseaux. Les cylindraxes y sont

conservés. Dans certaines racines dégénérées on peut voir des cylindraxes

gonflés d'une manière considérable. La coloration de Nissl ne démontre pas de

lésions notables dans les cellules. (Dans la moelle lombaire elles sont très pâ-

les, mais d'une configuration habituelle. Les noyaux occupent leur position

normale. Les corpuscules de Nissl sont disposés comme d'ordinaire, ils sont

pâles, par places ont des contours peu exacts. Il est pourtant difficile de dire si

c'est un état pathologique).

Nous avons posé le diagnostic dans ce cas de syphilis cérébrale. Pen-

dant le dernier séjour de la malade à l'hôpital, quand elle avait con-

naissance et était prise des convulsions unilatérales nous étions prêts à

penser qu'il s'agissait d'une tumeur. En effet, comme nous pouvions nous

en assurer au cours de l'autopsie, il y avait une gomme dans le lobe parié-

tal inférieur gauche et[une lésion syphilitique diffuse de tout l'appareil

cérébro-spinal, avec prépondérance des formations gommeuses.

Il faut souligner tout spécialement ce. fait que, malgré des lésions très-

prononcées de la moelle,les symptômes cliniques étaientsi minimes qu'on

ne pensai même pas à une affection médullaire. La malade se plaignait

de douleurs (les membres inférieurs et de raideur des articulations.

L'affaiblissement des membres inférieurs et supérieurs se laissait déjà

constater pendant le premier séjour de la malade à l'hôpital, mais il était

mis sur le compte d'une hyperesthésie et hyperalgésie de la malade. La

malade hésitait du côté droit, sa démarche rappelait celle des malades

coxalgiques. En effet, les mouvements de l'articulation de la hanche

droite étaient presque impossibles à exécuter (douleurs). La sensibilité

du corps n'était pas troublée (ce n'est que la dernière fois que le genou

gauche se montra insensible). Jamais de traces de Brown-Sequard. En

général les troubles moteurs n'ont pas eu le caractère d'origine médul-

laire. Pas de troubles du côté de la vessie et du rectum. Sous l'inlluence

du traitement spécifique la malade éprouva toujours une amélioration,

les douleurs devenaient plus faibles et elle marchait mieux.

Ainsi les masses néoplasiques trouvées le long de la moelle, qui attei-

gnaient jusqu'à un centimètre de volume, nous ont bien étonné au cours

de l'autopsie, vu les troubles minimes constatés pendant la vie. Ce n'est

que post hoc qu'on pouvait expliquer les différents symptômes cliniques :

les fortes et tenaces douleurs des membres inférieurs, les douleurs en

ceinture, du côté, les paresthésies (la sensation comme si la jambe droite

362

FLATAU

était dans la neige), l'insensibilité du genou gauche. Il est possible que

l'affaiblissement des membres inférieurs dépendait, non seulement des

douleurs, mais aussi de la compression de la moelle. En tout cas, cette

observation nous prouve évidemment que les gommes diffuses dans la

moelle épinière peuvent donner des symptômes cliniques et. peine consta-

tables.

L'examen microscopique démontra l'existence de néoformations gom-

meuses le long de la moelle (surtout dans la portion dorsale). Elles pro-

venaient de la face interne de la dure-mère aussi bien du côté des cordons

antérieurs que du côté des cordons latéraux et postérieurs. A l'exception

du VIe segment dorsal les gommes n'envahissaient pas le tissu nerveux

médullaire. Elles n'ont pas provoqué une modification notable de la con-

figuration de la moelle. Même au niveau des gommes assez grandes, la

moelle conservait sur la coupe sa forme ronde et sa configuration normale.

Au niveau du VIe segment dorsal la gomme a pénétré dans la moitié

droite de la moelle. Par conséquent, nous sommes en présence d'un de

ces cas rares où la gomme se trouve dans la moelle même (Hanot-Meunier,

Orlovski, etc.).

Au point de vue de 1'liistopithologie nous fûmes frappés par la diffé-

rence qui existait entre les lésions très prononcées de la dure-mère (épais-

sissement, infiltration, gommes) et celles relativement peu considérables

des méninges molles. Il était exceptionnel de trouver une infiltration ou

un épaississement un peu prononcé de ces dernières. De même rarement

constatait-on des coins tellement caractéristiques pour la méningo-myé-

lite, qui, sous forme de prolongements assez pointus, pénètrent de la péri-

phérie vers la profondeur. Les vaisseaux par contre avaient des lésions

profondes et bien caractéristiques de la syphilis.

Ce cas nous montra aussi combien minime est parfois l'influence du

traitement spécifique sur les gommes syphilitiques. Malgré le traitement

assez énergique (12 injections 4 0/0 hydrargyre et 45 frictions à 3 0/0),

les gommes persistèrent dans le cerveau et la moelle. Il va sans dire que

dans le cas présent on ne pouvait pas intervenir chirurgicalement.

(A suivre).

NOUVELLE rCOOGRAPHrr. DE LA SALPTRIRE.

T. XXIII. Pl. XXXVI

ÉTUDE DE PITHIATISME

(S. Kopc7JlllslÛ et J. /<H'0.<M/tt .

Sur la main, on voit en a une bulle apparue le lendemain de la suggestion, en G, la cicatrice

consécutive une bulle apparue 10 jours auparavant.

Au-dessus, le pansement cacheté : bl, place où, sur la peau de la main, été appliquée une

pièce de monnaie, sous laquelle devait se développer une bulle.-Y, place correspondant

ala bulle qui s'est produite, à côté de la pièce de monnaie, - A côté, le sparadrap qui

recouvrait la pièce, appliquée sur la peau. On voit en la la partie du sparadrap dé-

collée, probablement a la suite de l'application d'un objet chaud.

Masson & Cie, Editeurs.

CONTRIBUTION A L'ETUDE DU PITHIATISME

PAR .

S. KOPCZYNSKI et F. JAROSZYNSKI ! I

Un des points les plus discutés dans la théorie du pithiatisme est la '

question de savoir si les troubles vasomoteurs, circulatoires et trophi-

ques, peuvent se retrouver dans l'ensemble des phénomènes rattachés à

l'hystérie ; certains auteurs admettent l'existence de ces troubles d'ori-

gine hystérique, contrairement à l'opinion de l'auteur de la théorie,

M. Babinski, qui affirme que ces phénomènes sont impossibles, car ils ne

peuvent pas être reproduits par la suggestion.

A propos de cette question nous désirons exposer les résultats de quel-

ques expériences faites sur un malade atteint d'hystérie grave, chez qui

les troubles trophiques ont été reproduits il y a quelques années dans

l'hypnose par quelques médecins.

Le malade, -depuis dix ans, est sujet des crises nerveuses à caractère

épileptiforme ; il y a huit ans, il a été pris d'hémiplégie, considérée dans la

clinique de Vienne comme organique, et néanmoins guérie après quel-

ques séances d'hypnose. On ne trouve pas chez lui de stigmates hystéri-

ques, malgré qu'il existe une suggestibilité extrême.

La première expérience consistait dans la production par la suggestion

de bulles cutanées. D'abord le résultat des expériences fut positif : le jour

qui suivitaprès la suggestion est apparue sur la face dorsale de la main une

vésicule (PI. XXXVI) ; mais quand la même expérience fut reprise dans

des conditions de contrôle rigoureux (pansement cacheté de toute la main),

les phénomènes cutanés ne sont pas apparus. '

Une fois on constata avec certitude la simulation du malade dans les

conditions expérimentales suivantes : à la peau de la face dorsale de la

main été appliquée une pièce de monnaie et on a suggéré au malade

hypnotisé qu'il se produira une bulle lejour suivant; la pièce de mon-

naie a été fixée par deux rubans de sparadrap, ensuite on a fait un pan-

sement de la main de telle sorte qu'on puisse pénétrer jnsqu'à la pièce y

de monnaie.

(i) D'après une communication iL la Société médicale de Varsovie, section de Net ! .

rologie et de Psychiatrie (22 janvier 1910).

364 IioPEZYNSIiI ET JAROSZYNSKI. ÉTUDE DU PITHIATISME

Le jour suivant on a constaté l'apparition d'une bulle à côté delà

pièce de monnaie et on a vu nettement que le sparadrap couvrant cette

partie de la peau était décollé, ce qui prouve que la bulle était due à l'ap-

plication d'un objet chaud.

- Autres expériences (PI. XXXVII) : on a pu, chez le malade, provoquer

l'accélération des battements cardiaques,mais dans des limites restreints (92

par minute au lieu de 72) ; une selle survint une demi-heure après la sug-

gestion, mais seulement une fois dans chaque expérience; on a cherché à

provoquer de la fièvre, de l'hyperhydrose, de lapolyurie, mais on n'y est

pas arrivé; onpouvaitproduire l'apparition des larmes très facilement (voir

fig. C) ; l'influence de la suggestion sur les réllexes a été minime et très

douteuse (l'hémiplégie avec hémianesthésie étant produite par l'hypnose,

on explore des réflexes : les .réflexes tendineux étaient égaux des deux

côtés, les réflexes cutanés étaient plus faibles du côté d'anesthésie,

mais on pouvait remarquer des rétractions volonlaires des muscles abdo-

minaux, de la cuisse, etc.). On a suggéré dans l'hypnose des états émotifs,

comme la peur (fig. A), la colère (fig. B), la tristesse (larmes, fig. C), la

douleur physique (fig. E), la joie (fig. D) et on constate des expressions de

la figure bien accentuées sans que le pouls ait changé de fréquence pen-

dant la séance; cette circonstance semble prouver que le malade exécute

artificiellement la mimique de l'émotion, qu'il la simule, ne ressentant

pas l'émotion môme.

- Conclusions : La suggestion n'a aucune influence sur les troubles cir-

culatoires, trophiques, thermiques. Si l'on admet alors la définition de l'hys-

térie, donnée par M. Babinski, « que tous les phénomènes hystériques

ont la propriété du pithiatisme, c'est-à-dire peuvent être exactement re-

produits par la suggestion », on peut soutenir que ces troubles (cir-

culatoires, trophiques, etc.) ne peuvent pas être rattachés à l'hystérie.

La constatation de la simulation (très difficile à découvrir) permet de

supposer que la simulation joue un rôle important sinon exclusif dans

l'expérience des autres auteurs (voir par exemple article de M. Heller,

Ylülcli, Med. Wochenschri/t, 4909, 44) et que la conception des trou-

bles trophiques dans l'hystérie a été fondée sur des faits mal observés ou

mal interprétés. L'émotion n'a pas l'action qu'on lui prête sur la genèse

des troubles hystériques ; sur ce point, comme sur d'autres les médecins

ont été trompés par les malades, encli es l'exagération et à la simulation,

désirelux 'émouvoir leur entourage par des douleurs fictives.

Le gérant : P. Bouchez.

lump. J. lhevenot, Saint- Dizier (Haute-Marne).

ETUDE DE 1'1Tll¡ATI,\II

(S. J(opcZj'lIski el J.Jarusi·usli).

. Réactions de Suggestions diverses pendant ['Hypnose.

», la peur. - 13, la colère. - C, la tristesse avec larmes. - D, la joie. - 1 : , la douleur plnsique.

V, le sujet à l'état normal.

Masson & Cie, ]\hteurs.

Plwlut plt' Bt'tlllau.I, P.trL

MOUVELI-L ICONOGRAPIIII' 13E LA SaI I'f.TRILRE. 1. \Y111. NI. \\1\'ll

RAPPORTS DES CELLULES DE BETZ

AVEC LES MOUVEMENTS VOLONTAIRES

. - PAR a

." G. MARINESCO

Professeur à la Faculté de Médecine de Bucarest.

11 est généralement admis aujourd'hui que les cellules de Betz consti-

tuent l'origine des fibres qui excitent les noyaux radiculaires des muscles

striés des globes oculaires, de la face, du cou, du thorax, de l'abdomen

et des membres. Tout récemment deux auteurs d'une grande compétence,

Brodmann en Allemagne et Horsley en Angleterre, ont révoqué en doute

le rôle des cellules pyramidales géantes de la zone dite motrice dans le

mécanisme des mouvements volontaires. Voici ce qui a déterminé ces au-

teurs, à revenir sur une question qui semblait être un fait acquis pour

l'histo-physiologie cérébrale.

Brodmann () a eu l'occasion d'examiner,au point de vue histologique,

une portion de l'écorce de la circonvolution frontale ascendante qui fut

excisée par r : Kranse dans un cas d'épilepsie jacsonienne. L'excitation

faradique de cette portion produisait des contractions manifestes dans

les doigts et dans la main. Il sectionna en coupes sériées ce fragment qui

mesurait de 1 jusqu'à 2 centimètres carrés, et n'y trouva aucune cellule

géante, ni même degrosses pyramidales. L'écorce excisée n'offrait pas la

structure normale, les cellules ne gardaient plus la disposition caracté-

ristique en couches,mais elles étaient séparées par des bandes cicatriciel-

les. Les cellules avaient subi des modifications pathologiques. Brodmann

en tire la conclusion que la capacité fonctionnelle, c'est-à-dire la motilité

volontaire et la force motrice grossière des doigts et de la main.ainsi que la

production des contractions à lâ suite de l'excitation faradique, ne dépen-

dent certainement pas de la présence des cellules pyramidales géantes

dans leur centre cortical.

M. Horsley (2), après avoir déterminé à l'aide des excitations électri-

(1) K. BRODMANN, Beitrtige sur hislologischen Localisation der Grvsshirnrinde.

Die Regio l'ola7ldica. Journal fiir Psychologie und Neurologie. Vol. II, no- 2 3, 1903,

p. 106.

(2) V. Horsley, The funetio ol llee 6o-called motor area of the brain. The Linacre.

Lecture, 16 mai 1909.

jixiii 25

370 31ARINESCO

ques la zone corticale du bras chez un garçon flui présentait des mouve-

ments athétoïdes à la main gauche, enlève cette région de l'écorce cérébrale

dans toute l'étendue et toute la profondeur de la substance grise. Après

un temps, la paralysie motrice du membre supérieur gauche ayant dimi-

nué beaucoup» Fauteur conclut que les cellules de Betz ne sont pas néces-

saires pour l'accomplissement des mouvements volontaires.

Avant d'entrer dans l'étude des relations des cellules pyramidales

géantes avec le faisceau pyramidal qui transmet l'incitation aux muscles

soumis à la volonté, je dirai quelques mots sur la structure de la région

où se trouvent ces cellules. Les recherches de Betz (1), lIa mma rberg (2),

Cajal (3), Campbell (4) et surtout celles de Brodmann (5), ont montré

que la structure des circonvolutions frontales et pariétales ascendantes dif-

fère essentiellement dans l'une et l'autre de ces circonvolutions et que par

conséquent leur fonction, ainsi que l'ont montré Sherrington et Grün-

baum (6), M. et Mme Vogt (7), est également différente. Les études que

je poursuis depuis plusieurs années concordent sur la plupart des points

avec les recherches de Brodmann. Smith (8), de son côté, a décrit égale-

ment plusieurs zones dans le domaine des circonvolutions centrales. Cet

auteur reconnaît à l'oeil nu un contraste de structure entre les deux bords

de la scisure de Rolando : son bord antérieur est caractérisé par une écorce

très épaisse et par une structure particulière qui lui permet de le distin-

guer de la zone pariétale. Dans la circonvolution postcentrale, l'auteur

admet deux ou même trois zones qui se prolongent comme deux bandes en

croissant à la face interne du lobule paracentral.

D'après Brodmann la zone polandique de l'homme est divisée par la

scisure de Rolando en deux centres tout différents au point de vue de la

structure de l'écorce : l'un antérieur, caractérisé par la présence des cel-

lules géantes et l'absence d'une couche granuleuse, l'autre postérieur,

(1) W. BETZ. Anatomischer Nachweis Zweier Geltimcentra. Centralblatt sur die

med. Wissenschaften, 1874, nos 37 et 38 ; Ueber die feinere Slruktur der Gehirnrinde

des Menschen. Centralblatt sur die med. Wissenschallten, 1881, non 11, 12 et 13.

(2) C. IIAMfAR6Ea7. Sludien ziber Klinik und Pathologie der Idiotie, nebst U7elersu-

chungert itber die normale Analomie der llimrinde. Upsala, 1895.

(3) S. R \)10)/ Cajal. La corteza molriz. Revista trim. micrografica, IV, 1899.

(4) A. W. Cuipbell. Ilistological studies on the localisation of central /u71ction.Cam-

bridge, 1905.

(5) K. BRODMASN. Beitrdge zur histologischell Lokalisation der Grosshirnrinde. Die

Regio rolandica. Journal f. Psych.ù. Neurol. vol. Il, 1903, p. 79.

(6) SUF.RIIINGTON and Grunbaum. Observation on the Physiology of the Central Cortex

of someo/ the htgleer Apes. Proc. Roy. Soc., vol. LXIX, 1901,

(7) C. et 0. VOGT. Zur Kennlnis der elektriscit erregbarert Ilirnrinden Gebiete bei

den Sdugetieren. Journal sur Psychol. ù Neurol., vol. VIII, 1906, p. 277.

(8) E. SM[ïn. new topographical survey ol the human cérébral cortex. Journal

of Anat. and Physiol., vol. XLI, 1907.

DES CELLULES DE BETZ ET DES MOUVEMENTS VOLONTAIRES 371

caractérisé au contraire par la présence d'une couche granuleuse évidente

et par l'absence des pyramides géantes. La limite entre les deux centres,

abstraction faite d'une zone de passage très courte où les deux types

sont confondus, est constituée par le fond de la scisure centrale. Cette

limite se continue également sur le lobule paracentral de sorte que le pro-

longement de la scissure de Rolando jusqu'au sillon calloso-marginal par-

tage également ce lobule en deux régions histologiquement distinctes, l'une

antérieure, dont la structure ressemble à celle de la frontale ascendante,

et une autre postérieure qui représente la continuation de la pariétale

ascendante et possède à peu près la même structure que cette dernière.

Brodmann décrit encore d'autres différences entre ces deux régions, à

savoir : la région située en avant de la scissure de liolando présente une

épaisseur considérable de l'écorce, la stratification y est moins accusée,

de sorte qu'il n'y a pas de limite distincte entre les différentes couches et

les cellules sont moins denses que dans la pariétale ascendante, où les

cellules paraissent plus serrées et plus nombreuses.

En effet, la stratification est beaucoup mieux indiquée dans la pariétale

que dans la frontate. Tandis que dans la frontale ascendante, les diffé-

rentes couches, et particulièrement la troisième, la quatrième et la cin-

quième ne sont pas différenciées, elles sont au contraire nettement déli-

mitées dans la pariétale. Consécutivement à ces modifications morpholo-

giques il s'en -opère d'autres d'ordre histologique. C'est ainsi que la

seconde couche de la frontale ascendante contientpeu de cellules granu-

leuses et beaucoup de petites pyramides. D'autre part la couche granu-

leuse interne fait défaut à peu près complètement et la troisième et la

cinquième couche se continuent directement. La dernière contient les

pyramidales géantes si bien décrites pour la première fois par Betz. Enfin

il n'y a pas de limite tranchée entre la partie inférieure de l'écorce et

la substance blanche, car les cellules fusiformes de la sixième couche des-

cendent profondément dans cette dernière (fig. 1).

Les caractères histologiques de la pariétale ascendante sont d'ordre

positif et d'ordre négatif. Dans le premier ordre nous trouvons sur toute

l'étendue de la circonvolution la présence d'une couche granuleuse interne

très bien indiquée qui sépare la troisième de la cinquième. Ensuite nous

voyons à la place des cellules de Betz, de grosses pyramides isolées situées

à l'intérieur d'une strie claire qui prend naissance au fond de la scissure

de Rolando et se continue sur le versant antérieur de la pariétale ascen-

dante pour s'effacer à peu près dans la région du sommet et qui réappa-

raît, un peu moins accusée, sur le versant opposé. L'existence de cette

strie est une caractéristique très importante de la pariétale ascendante car

c'est ici que viennent aboutir les fibres du plexus exogène de Cajal que la

372 MARINESCO

Fio. 1. Structure de l'écorce correspondant au type 4 de Brodmann. j

I, Couche zonale. II, Couche de petites pyramides. III, Couche de moyennes et grandes pyf3R]id

V, Couche des cellules géantes. VI, Couche des cellules multiformes. 1

DES CELLULES DE BETZ ET DES MOUVEMENTS VOLONTAIRES 373

méthode de ce savant ainsi que celle de Bielschowsky mettent en évi-

dence. Chez le nouveau-né, cette strie est visible sur tout le parcours de la

nariétale ascendante.

Un des traits essentiels de cette circonvolution (Gg. 2), c'est, comme

nous venons de le voir, l'absence des cellules de Betz et l'existence à leur

rio. ? structure de la pariétale ascendante correspondant au type 1 ae tsroan : ann.

I, Couche zonale. - Il, Couche des petites pyramides. III. Couche des moyennes

et grandes pyramides. IV, Couche granulaire. V, Couche des grandes pyrami-

des profondes. VI, Couche des cellules multiformes.

374 MAU1NESC0 1

place de grosses pyramides qui, tout en présentant une certaine ressem-

blance avec les petites géantes, en diffèrent assurément par leur structure

et partant par leur fonction. Néanmoins nous ignorons actuellement la

signification des pyramides profondes malgré que certains auteurs les

considèrent en quelque sorte comme équivalentes de grosses pyramides

superficielles. Campbell n'admet pas cette opinion. Après avoir fait des

sections sériées du gyrus post-central, il a constaté que les cellules super-

ficielles sont trois fois plus nombreuses que les cellules profondes, mais

d'autre part; il convient que ces dernières ne sont pas identiques à celles

de Betz qui les dépassent par leur volume plus considérable. Du reste,

elles nesont pas disposées sous forme de nids comme les cellules géantes.

Le même auteur, constatant leur altération dans le tabès et leur conser-

vation dans la sclérose latérale amyotrophique, leur attribue un rôle spé-

cial. Mes recherches sont venues apporter quelque lumière sur ce sujet.

J'ai constaté en effet que les lésions du segment postérieur de la capsule

interne produisent d'une part la réaction et l'atrophie des cellules géantes

dans la frontale ascendante et dans la partie antérieure du lobule para-

central et d'autre part déterminent les mêmes phénomènes dans les pyra-

mides profondes de la pariétale ascendante et de la partie postérieure du

lobule par acentral (1). Une constatation analogue a été faite plus récem-

ment par Hobnes et Page May.

Contrairement à la doctrine classique, et conformément à l'opinion de

Brodmann, nous avons pu nous convaincre que le lobule paraceniral ne

constitue ni une unité anatomique, ni une unité fonctionnelle. En effet,

si on pratique des coupes sériées antéro-postérieures (fig.3, PI. XXXVIII)

on peut voir facilement que ce lobule'est constitué par deux régions dis-

tinctes : l'une antérieure, l'autre postérieure,séparées entre elles,en gran-

departie,par un sillon au fond duquel nous trouvons la même structureque

dans la scissure de Rolando. L'écorce de la portion antérieure offre les

mêmes caractères que la frontale ascendante et celle de la partie postérieure

est à peu près identique comme structure à la pariétale ascendante. Donc,

ces deux régions sont distinctes au point de vue histologique et le passage

d'une région à l'autre qui se fait assez brusquement se caractérise par

l'apparition de la couche granuleuse interne dans la partie postérieure et

par la disparition des cellules de Betz proprement dites qui sont rempla-

cées par d'autres cellules ayant certains caractères morphologiques qui

les rapprochent de ces dernières, dont elles diffèrent cependant par leur

volume. Voici du reste la moyenne des unes et des autres. Cellules de

(1) G. llnnmsco. Note sar la cyloarchilectomie des- circonvolutions roland9ues.

Réunion biologique de Bucarest, séance du 16 déc. 1908. C. Il. delà Soc. de Biologie

de Paris, 1909, vol. I, p. 55.

NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALP);CRILRE.

T. XXIII. PI. XXXVIII

RAPPORTS DES CELLULES DE BETZ AVEC LES MOUVEMENTS VOLONTAIRES

(G. Marinesco).

3. Coupe horizontale du lobule paracentral. Schéma montrant la disposition

des cellules de Betz et des grandes cellules sous-granulaires types 4 et 5.

5. Disposition des cellules de l3ctz a différents niveaux de la frontale ascendante.

MASSOO & Cie, éditeurs.

l'IWlot)l' c m.m ? a, rü P

DES CELLULES DE BETZ ET DES MOUVEMENTS VOLONTAIRES 375

Betz. corps cellulaire = 81 8 8 X 41 . ; noyau = 21 8 X 18 z. 8 ;

nucléole = 6 2 2 X 6 1,, 2. Pour les grosses cellules pyramidales profon-

des, situées au-dessous de la couche granuleuse interne nous avons pour le

corps cellulaire 57 p 2 X 28 z. 6 ; pour le noyau 13 6 6 X 13 S 8 et pour

le nucléole 5 . X 5 .

Ce qui achève encore de trancher ces différences entre les deux régions

c'est que la partie antérieure est beaucoup plus épaisse que la partie

postérieure. C'est ainsi que la moyenne du type 4 de Brodmann corres-

pondant à la frontale ascendante et à la partie antérieure du lobule para-

central est de 3 cm. 94. Smith donne 4 millimètres pour la frontale as-

cendante. Les types t, : 2 et 3 de Brodmann mesurent respectivement

2 mm. 93, 2 mm. 43 et 1 mm. 86. Mes recherches confirment et complè-

tent en quelque sorte celles de Brodmann. Elles montrent tout d'abord

que l'épaisseur de la frontale ascendante et de la partie antérieure du

lobule para-central dépendent dans une certaine mesure de l'âge du sujet

ainsi que du niveau où la mensuration a été pratiquée. Rarement cette

épaisseur dépasse quatre millimètres mais il n'est pas exceptionnel de

trouver des cas oùelle descend au-dessous de trois. La frontale ascendante

n'a pas la même épaisseur dans ses trois tiers : supérieur, moyen et infé-

rieur. Assez souvent, le tiers supérieur qui est plus large que le tiers in-

férieur a une épaisseur a peu près égale à celle du tiers moyen.

La pariétale ascendante offre constamment les différences signalées par

Brodmann pour'ses trois types 1, 2 et 3. C'est le type 1 qui a toujours la

plus grande épaisseur et le type 3 la moindre. Cependant sur 30 cas de

mensuration des trois types de la pariétale ascendante, nous avons trouvé

une fois que le type 3 était plus large que le type 2. Dans un autre cas

le type 2 dépassait en largeur le type 1. La moyenne des chiffres obtenus

par nous se rapproche sensiblement de celle donnée par Brodmann.

Sans vouloir pousser à l'infini les subdivisions des zones corticales

déjà très nombreuses ainsi que cela résulte des recherches de Brodmann,

je dois cependant faire remarquer que ni les zones 1, 2, 3 et 4 de cet

auteur (fig. 4) n'offrent pas la même structure sur toute leur étendue.

C'est ainsi par exemple que la topographie des cellules géantes dans la

frontale ascendante diffère suivant que l'on considère le tiers supérieur,

moyen et inférieur (fig. 5, Pl Y11VIEI).Dansla partie la plus supérieure

de cette circonvolution les cellules sont disposées suivant une ligne ayant t

à peu près le même parcours que. le contour de la circonvolution. Il

est vrai que les cellules sont plus fréquentes sur le versant qui regarde

le sillon de Rolando, puis à mesure que l'on descend, elles disparais-'

sent du versant antérieur et lorsqu'on se rapproche du sillon frontal

supérieur, elles restent cantonnées sur le sommet et sur le versant rolan-

376 MARINESCO

dique de la circonvolution. Ensuite elles disparaissent également du

sommet et à mesure qu'on s'approche du tiers moyen, on les retrouve

localisées seulement sur le versant postérieur de la frontale ascen-

dante. Même sur ce versant elles deviennent plus rares et plus espa-

cées à mesure que l'on descend vers le tiers inférieur où on les trouve

disséminées tantôt d'une façon irrégulière sur toute l'étendue de ceversant

Fig. 4. Topographie des types 1, 2, 3, 4 et 5, qui constituent l'ancienne motrice

(d'après Brodmann).

DES CELLULES DE BETZ ET DES MOUVEMENTS VOLONTAIRES

377

ou bien n'en occupant seulement qu'une partie pour finir avec la scissure

de Rolando.

En ce qui concerne la disposition des cellules géantes, il est à noter

qu'elles se présentent isolées, tantôt formant de petits nids, plus fréquents

là où la densité des cellules est plus grande, c'est-à-dire au niveau de la

partie la plus supérieure de la circonvolution. La forme des cellules est

variable, cependant on peut reconnaître les trois suivantes : pyramidale,

fusiforme et polygonale. Au point de vue du volume, il y a à distinguer

également de petites cellules de Betz, dont le grand diamètre ne dépasse

pas 40 {-' et les grandes où ce diamètre atteint jusqu'à 900 ?

Ces dernières sont plus nombreuses dans le lobule paracentral. Sui-

vant toutes les probabilités, les petites cellules ont la même signification

que les grosses,car elles s'atrophient et disparaissent aussi après les lésions

du faisceau pyramidal ou de la capsule interne. En effet, le volume des

pyramides géantes varie dans les différents niveaux de la zone motrice,

en diminuant au sur et mesure qu'on s'éloigne du lobule paracentral vers

l'opercule rolandique. Voici quelques chiffres, dimensions moyennes des

dix cellules, qui montrent que le volume des cellules de Betz varie dans

les trois tiers de la frontale ascendante.

378 MARINESCO 1

Iules qui envoient leur cylindraxe aux centres bulbo-protubérantiels des~

muscles de la face, du larynx, etc. sont moins volumineuses que celles qui

incitent les centres médullaires des muscles des membres supérieurs ou

des membres inférieurs.

Pour étudier les relations du faisceau pyramidal avec les cellules de

Betz, j'ai utilisé la méthode de la réaction à distance, laquelle, comme on

le sait, nous permet d'étudier l'origine des fibres nerveuses. Les premières

tentatives dans cette direction furent faites par llloeli (1). Cet auteur en

pratiquant des lésions expérimentales des faisceaux qui passent par la

capsule interne, a observé que les cellules de l'écorce correspondante à la

lésion, se coloraient moins intensivement avec le carmin et avec la nigro-

sine.

Von Monakow (2) en examinant, après six mois, l'écorce cérébrale d'un

chat, dont il avait sectionné la portion antérieure de la capsule interne,

constate la disparition complète des grandes cellules pyramidales du

gyrus sigmoïdeus du côté opéré. Les grandes cellules du côte opposé ainsi

que les petites pyramides des deux côtés étaient normales. En se basant'

sur cette constatation Von Monakow se croit justifié d'affirmer que les

grandes pyramides sont les seules qui envoient leurs cylindraxes dans le

faisceau pyramidal. ·

Ceni (3 a pratiqué des sections et des hémi-sections transversales de

la moelle épinière chez des chiens, mais il n'a examiné leurs cerveaux

qu'avec la méthode de Golgi, de sorte qu'il n'a pas pu observer les modi-

fications de la structure intime des cellules cérébrales.

Dotto et Pusateri (4) ont examiné le cerveau d'un homme de 40 ans,

mort deux mois après une hémorragie capsulaire. Sur les préparations

faites.avec la méthode de Golgi et de Nissl, ils trouvent des lésions, sur-

tout dans les grandes cellules pyramidales. Dotto et Pusateri comparent

ces lésions cellulaires avec celles décrites par Nissl, Marinesco et Lugaro

consécutivement aux sections des nerfs périphériques.

J'ai fait ma première communication sur ce sujet dans la séance du

(1) Molli. Ueber Degeneralion im Hirnrinde nach Zerslbrung der Faserung der

Capsula interna, Berliner physiol. Gesellschaft, février 1883.

(2) VoN Monakow. Du râle des diverses couches des cellules ganglionnaires du gyrus

sigmoideus du chat. Arch. des sciences physiologiques. Genève, vol. XX, 1883.

Gehirnpatholgie. Wien, 1891, p, .H8. 1

(3) CAtti.0 Ceni, Sulle fine allerazioni della corleccia cérébrale consécutive aile le-

sioni della midolla spinale. Riv. sper. dir Freniatria e Medicina légale, 1896, vol.

XXII, n° 1.

(4) G. DoTTO et E. Pusateri, Sulle alterazioni degli elemenli délia corleccia céré-

brale secondarie a jeûcolai emorragici intra-cerebrali e bulla connessione della corleccia

dell' Insula di Reil colla capsula exlerna nell' uomo. Riv. die Patologia nervose e

mentale, 1891, vol. Il, ne 1. -

DES CELLULES DE BETZ ET DES MOUVEMENTS VOLONTAIRES 379

24 mars 1899 de la Société médicale des hôpitaux de Paris (1), quand

j'ai exposé le résultat de l'examen de l'écorce motrice dans six cas de lé-'

sions de la capsule interne. J'ai constaté des réactions cellulaires et des

lésions atrophiques des grandes cellules pyramidales, et conclut qu'elles

ne constituent rien autre qu'un cas particulier de la réaction que présente-

tout neurone moteur ou sensitif après la destruction de son axone.

Dans la même séance, Gilbert Ballet et M. Faure (2) exposent les résul-

tats expérimentaux obtenus chez sept chiens auxquels ils ont sectionné les

fibres de projection de la zone motrice pour voir si les lésions cellulaires

qu'ils ont décrites dans la psychose polynévritique sont primitives ou

secondaires. Après la section de la substance blanche sous corticale, il se

produit une atrophie rapide des grandes cellules pyramidales, celles-ci

étant déjà atrophiées onze jours après l'opération.

Dans la séance du 24 avril 1899 de la Société de Médecine interne de

Berlin, von Leyden a présenté en mon nom (3) des coupes de cerveaux

démontrant la réaction des cellules géantes à la suite des lésions de la

capsule interne. Dans la discussion quia suivi cette communication, Gutz-

mann dit n'avoir pas trouvé des lésions dans un cerveau de chien exa-

miné quatre semaines après la section de la moelle. '

Je suis revenu sur cesujet dans un travail publié dans ]a Revue Neuro-

logique (4), ainsi que dans une nouvelle communication faite à la Société

de médecine interne de Berlin (5), où j.'ai montré des coupes de cerveaux

d'un cas de lésion du pédoncule cérébral, de six cas de compression de la

moelle et d'un cas de sclérose latérale al1lyotrophique. Dans tous ces cas

j'ai constaté des lésions des cellules de Betz. Ces lésions variaient comme

intensité selon la durée et la gravité des altérations de la moelle et arri-

vaient jusqu'à la disparition complète de ces cellules dans le cas de sclérose

latérale amyotrophique.

Sano (6) a trouvé dans deux cas de paraplégie, avec altération de la

(1) G. Marinesco, Sur les altérations des grandes cellules pyramidales consécutives

aux lésions de la capsule interne. Soc. méd. des Hôpitaux de Paris, séance du 24 mars.

(2) GILBERT Ballet et M. Faune, Atrophie des grandes cellules pyramidales dans

la zone motrice de l'écorce centrale après la section expérimentale des fibres de pto-

jeclion chez le chien, lbid.

(3) G. Mahinesco, [lebel' die Alteralionen der qrossen Pyramidenzellen nach Lâsio-

nen der Capsula interna. Vethandlun-en des Vereins sur innere Medizin zu Berlin

Jahrgang, XIX, 1899-1900.

(4) G. tlamESCO, Sur les altérations des grandes cellules pyramidales consécutives

aux lésions de la capsule interne. Revue neurologique, 1899, no 10.

(5) G. Marinesco, Neue Beobactlungen über die Verdnderuvgen de)' Pyramides

riesenzellen im Verlan/ der Paraplegieen. Deutsche med. Wochenschr., 1900, n" 22.

(6) F. SANO, Contribution à l'étude de la pathologie de la cellule lyjanidale et des

localisations motrices dans lélencepliale. Com. à la Soc. de neurologie belge, séance

du 26 mai 1900. Journal de Neurologie, 1900, p. 221.

380 MARINESCO

région inférieure de la moelle, des lésions dans les cellules géantes du

lobule paracentral ; il insiste à cette occasion sur le profit qu'on pourrait

tirer de l'étude de tels cas pour les localisations motrices cérébrales.

Mes élèves Parhon et Goldstein (1) ont publié le résultat de l'examen

de quatre cas d'hémiplégie capsulaire et trois de paraplégie, provenant de

mon service de ]'Hôpital Pantélimon. Ils arrivent à la conclusion que la

réaction des cellules pyramidales géantes, suivie de leur atrophie puis

de leur disparition complète, est un fait constant à la suite des lésions du

faisceau pyramidal, et qui se produit indifféremment si cette destruction

a lieu dans son trajet cérébral ou médullaire.

Récemment Holmes et Page May (2) ont publié un travail bien impor-

tant sur cette question et dans lequel ils se proposent de répondre aux

questions suivantes :

1° De quelle région de l'écorce cérébrale naît le faisceau pyramidal ?

2° De quelles cellules de cette région prend-il son origine ?

3° Cette zone d'origine du faisceau pyramidal correspond-elle avec celle

dite : zone motrice excitable ?

4° Coïncide-t-elle avec une aire corticale cytoarchitectonique, dans

le sens de Campbell et Brodmann ?

Pour répondre à ces questions, les auteurs étudient la réaction à dis-

tance des cellules cérébrales après la section du faisceau cérébro-spinal

chez les animaux, sacrifiés depuis 5 jusqu'à 157 jours après l'opération,

ainsi que dans deux cas humains, qui ont survécu respectivement 108 et

229 jours à une section de la moelle dans la région cervicale.

Chez les animaux (chats, chiens, lémuriens, singes et chimpanzés) ils

pratiquent l'hémisection de la moelle cervicale et. en examinant des cou-

pes des cerveaux, ils trouvent des lésions cellulaires près du gyrus cru-

ciatus et chez les primates dans le lobule paracentral, sauf dans la partie

tout à fait postérieure de celui-ci, et dans la partie supérieure de la fron-

tale ascendante. Les lésions se limitent aux cellules géantes.

Ils étudient aussi les modifications de l'écorce à la suite des lésions

de la capsule interne. Chez une hémiplégique, morte six semaines après

un ictus causé par une embolie vasculaire qui avait détruit la capsule in-

terne, le noyau lenticulaire et la couche optique, les réactions cellulaires

ne se limitent plus aux pyramides géantes, mais elles se produisent encore

dans les grandes pyramides delà couche sous-granulaire et également dans

un certain nombre, peu considérable, de pyramides superficielles. Il n'y

(1) C. PennoN et M. Goldstein. L'état des cellules pyramidales géantes à la suite des

lésions du faisceau pyramidal, Spitalul, 1901, n° 1.

(2) GORDON Holmes et W. Page Mal. On the exact otigin of the pyramidal tract in

man and other mammals. Brain, n" 1, 1909.

DES CELLULES DE BETZ ET DES MOUVEMENTS VOLONTAIRES 381

avait pas de lésion dans les couches superficielles ni dans la couche

polymorphe. Puis les lésions ne se limitent pas à la zone précentrale,

mais ils en trouvent également dans les pyramides profondes et superfi-

cielles de la pariétale ascendante et de toutes les régions examinées. Les

auteurs remarquent que ces.lésions cellulaires pourraient être dues aux

altérations vasculaires. 1

Dans un autre cas, chez un hémiplégique chez lequel ils ont trouvé

une destruction de la capsule interne et des noyaux de la base qui datait

de 18 mois, les lésions corticales consistaient dans l'absence complète des

cellules géantes de l'écorce précentrale, dans une disparition partielle des

grandes pyramidales de la couche sous-granulaire de la frontale et pa-

riétale ascendantes.

Ils remarquent en outre.qu'il est possible que des cellules de la couche

supraranulaire aient disparu, mais qu'il leur est extrêmement difficile

d'être affirmatifs sur ce point.

Holmes et Page May ayant en vue leurs constatations ainsi que les

travaux antérieurs sur cette question, s'arrêtent aux conclusions sui-

vantes :

10 Chez les primates, la zone corticale exacte de l'origine des fibres cor-

tico-spinales qui innervent les membres et le tronc, est située tout à fait

en avant de la scissure de Rolando.

2° Ces fibres cortico-spinales tirent leur origine exclusivement des cel-

lules pyramidales géantes de la couche sous-granulaire de cette zone et ces

cellules ne donnent probablement pas naissance qu'à ces fibres cortico-

spinales.

3° L'aire d'origine de ces fibres cortico-spinales coïncide exactement

avec la zone motrice excitable, ces fibres innerveraient d'après les recher-

ches les plus récentes, les membres et le tronc.

4° Cette aire d'origine des fibres cortico-spinales correspond à une

portion d'un champ cortical différencié comme structure.

L'étude des lésions corticales de la sclérose latérale amyotrophique,

affection localisée presque exclusivement au système moteur, donne éga-

lement un appui sérieux à la théorie du rôle moteur des cellules de Betz.

En effet, il y a des cas de celte maladie où on a pu suivre la dégénéres-

cence ininterrompue du faisceau pyramidal delà moelle sacrée jusqu'à

l'écorce cérébrale. De tels cas ont été publiés par Kojewnikoff (1), Char-

(1) KOJKWNIKOFF, Cas de sclérose latérale amyotrophique, la dégénérescence des

faisceaux pyramidaux se propageant à travers tout l'encéphale. Arch. de Neurologie,

1883, n° 18, p. 356 et Centralbl. sur Nervenheilkunde, 0° 18, 1885.

382 MARINESCO

cot et Marie (1), Lennmalm (2), Lumbroso (3), Mott (4), Hoche (5), -

Anton (6), Probst (7), Dercum et Spiller (8), Czylharz et Marburg (9),

Muira (10), moto et Tretgold (11), Sarbo (12), Franceschi (13), etc.

On comprend facilement pour les localisations cérébrales l'importance

d'une lésion du système pyramidal qui s'arrêterait à une certaine région

de l'écorce et plus encore à certaines cellules cérébrales. En effet, Ko-

jewnikoff, Charcot et Marie, 111ott ont noté des altérations cellulaires

intéressant les grandes pyramidales et les cellules de Betz. Moi-même,

j'ai observé la disparition des pyramides géantes du lobule paracentral

et de la frontale ascendante dans deux cas de sclérose latérale amyotrophi-

que. Depuis, d'autres observations ont été faites par Probst, Franceschi,

Spiller,Sarbo et Campbell. Plus récemment Halo Rossi et Roussy (14) ont

publié des mémoires successifs sur l'étude de quatre cas de sclérose laté-

rale amyotrophique, dans lesquels ils ont noté l'atrophie et la dispa-

rition des cellules de Betz ; ils s'en ont servi pour délimiter la zone

(1) CHARCOT et Marie. Deux nouveaux cas de sclérose latérale amyotrophique suivis

d'autopsie. Arch. de Neurologie, 1885, nos 28-29.

(2) F. Lennmalm. Bidrag till Kannedomen om den amyolrofiska laleralsklerosen.,

Upsala lékarefbreu for, 1887, n° 7. Analysé in Neurol. Centralbl, 1881, p. 550.

(3) Luaienoso. Lo Sperimentale, 1888.

(4) F. W. Mon. A case of amyotrophie latéral sclerosis toit degenel'atiOlt of the

motor palho from the coi tex lo the periphery . Brain, 1895, Vol. XVIII, Spring.

(5) Hoche. Zur Pathologie der bulbar spinalen spastisch-atroplzischen Lahmungen.. z

Neurol. Centralbl., 1891, n° 6, p. 292.

(6) Anton, Ghimbelund bei amyotrophischer Laleralsclerose. Neurol. Centralbl,

1896, p. 954.

(1) PROBST. Arch. f. Psych., Vol. XXX, n° 3, 1897 et Sitzungsber. der Kais, Akad.

der Wissenschaften. Wien, CXII, 1903, p. 683.

(8) F. X. Dercum et W. G. SPILLER. Un cas de sclérose latérale amyotrophique,

présentant des symptômes bulbaires avec autopsie et examen microscopique. The

Journal of nervous and mental disease, 899, no 2, p. 85.

W. G. Spiller. Un cas de sclérose latérale amyotrophique avec la dégénérescence

accusée depuis l'écorce cérébrale jusqu'aux muscles. Contribution from. tho w. Pep-

pers Laboratory of clinical medecine Univ. of. Pensylvania, 1900, p. 63.

(9) CZYLIiAfi2 et 111ARB¡;RG. Zeitsch sur klin. Medizin. 1901, vol. XLIII, p. 59.

(10) MIURA, Mitteilungen aus dem mediz. Soc. de R. jap. Univ. zu Tokio, vol. VI,

1902.

(11) MOTT et TRETGOLD. Some observations on primary degeneralions of the motor

tract. Brain, 1902. Winter.

(12) SARBO. Neurol. Centralbl., 1902, p. 530.

(18) FRANCESCIII, Rivista di pat. nerv. c. ment. 1902, n 10.

(14) Italo Rossi et G. Roussy. Un cas de sclérose latérale amyotrophique avec dégé-

nération de la voie pyramidale suivie qu 7nai,chi de la moelle jusqu'au cortex. Revue

Neurologique, n' 6, 1906. '

Contribution onalomo-pallaolugique à l'élude des localisations motrices corticales

à propos de trois cas de sclérose latérale amyotrophique. Revue Neurologique, no 15,

1907.

Elude anatomique d'un quatrième eas de sclérose latérale amyotrophique. Revue

Neurologique, n 11, 1909.

DES CELLULES DE BETZ ET DES MOUVEMENTS VOLONTAIRES 383

motrice cérébrale. Ils arrivent à la conclusion que la localisation des lé-

sions corticales de la sclérose latérale amyotrophique démontre que la

frontale ascendante est la circonvolution motrice « par excellence » et

que les parties antérieures du lobule paracentral et de l'opercule rolan-

dique ainsi que les pieds de la première et deuxième frontale participent

également à la zone motrice. Les cas les plus récents viennent de confir-

mer ces constatations. Ainsi Janssens (t) a publié un cas typique de sclé-

rose latérale amyotrophique dans lequel il a vu que les lésions corticales

(disparition des pyramides géantes et diminution des grandes cellules py-

ramidales) se limitent à la frontale ascendante. Schrôder (2), dans trois

cas, trouve des lésions des cellules de Betz se limitant à la zone motrice

de Brodmann. Les lésions sont plus intenses dans la partie inférieure, de

la frontale ascendante, où toutes les pyramides géantes sont disparues.

Il faut remarquer que dans tous ces cas les phénomènes bulbaires étaient

très accusés.

Les opinions de Brodmann et de Horsley que j'ai exposées au commen-

cement du présent travail m'ont fait revenir sur cette question et m'ont

déterminé à examiner les nombreux cas anatomo-pathologiques dont je

dispose à présent pour étudier les relations du faisceau pyramidal avec

les cellules géantes de la zone motrice.

J'ai groupé tous ces cas de la manière suivante :

- - A. Hémiplégies capsulaires.

J'ai eu à ma disposition 20 cas d'hémiplégie où la lésion datait depuis

9 jours jusqu'à 7 ans ; sauf dans le premier cas où un foyer cortical pro-

fond détruisait également la substance blanche sous-jacente, tous les au-

tres étaient capsulaires.

le Paul R... Notes cliniques. S8 ans, hémiplégie droite complète avec

aphasie motrice totale. Durée de la maladie 9 jours.

Lésions macroscopiques. Foyer hémorragique qui détruisait profondé-

ment la moitié postérieure du lobe pariétal gauche.

Lésions microscopiques. Dans le lobule paracentral gauche les cellules

de Betz sont le siège de grandes lésions allant jusqu'à l'achromatose complète

et à la dégénérescence pigmentaire.

2° Eftichie A... Notes cliniques. 60 ans, hémiplégie droite complète

avec troubles de la sensibilité et psychiques. Durée de la maladie, 15 jours.

' Examen macroscopique. Grand foyer hémorragique dans les noyaux

(1) G. Jnrrsssres. Untersuchung der Hirnrinde eines Faites von amyotropkischen

haleralsklerose. Journal sur Psychol. u. Neurol. Vol; XV, n° 6, 1910.

(2) P. SCRRi\¡H.OE. Ueber Uirnrindenveranderungen bei amyotrophischer Lateralskle-

rose. Journal f. Psychol. und Neurol. Vol. XVI, no (-2, 1910.

384 MARINESCO

de la base détruisant la couche optique, les deux tiers du noyau lenticu.aire et

les capsules interne et externe du côté droit. Quelques petites lacunes dans e

noyau lenticulaire gauche.

. Examen microscopique. Dans la frontale ascendante droite et dans le

lobule paracentral, les cellules de Betz sont en réaction ; les grandes cellules

de la couche sous-granulaire de la pariétale ascendante sont également en

réaction (fig. 6, PI. XXXIX).

3° Hélène T... Notes cliniques. 17 ans, hémiplégie gauche plus prononcée

au membre supérieur ; pouvait marcher. Durée de la maladie, 52 jours.

Examen macroscopique. - foyer consécutif à une embolie, due à une en-

docardite végétante, dans les noyaux de la base.

Examen microscopique. Les cellules de Betz de l'hémisphère droit sont

lésées. Les lésions sont incipientes et consistent surtout dans le déplacement

du noyau. Elles sont plus accusées dans les pyramides géantes du tiers moyen

et inférieur de la frontale ascendante que dans le tiers supérieur et dans le

lobule paracentral.

40 Ana. G... Notes cliniques. - 75 ans, hémiplégie droite complète avec

dysarthrie datant depuis 2 mois. Cécité depuis 3 ans.

Examen macroscopique. Deux foyers corticaux dans les deux lobes occi-

pitaux qui détruisent les scissures calcarines. La lésion est plus étendue à

droite où elle occupe la convexité du cerveau jusqu'au voisinage du pli courbe.

Un foyer plus récent détruit la couche optique gauche et la capsule interne.

Examen microscopique. - Dans la frontale descendante et dans le lobule

paracentral du côté gauche beaucoup de cellules géantes sont en réaction ;

très peu sont normales ; d'autres sont en voie d'atrophie.

Sa Alexandre C... Notes cliniques. 71 ans, hémiplégie gauche incomplète

avec hémiauestésie incomplète. Durée de la maladie 2 mois.

Examen macroscopique. - Tumeur cérébrale détruisant les noyaux de la

base du côté droit.

Examen microscopique. Dans la frontale ascendante et dans le lobule

paracentral droit on voit une réaction intense des cellules géantes, quelques-

unes, sont encore normales, d'autres sont en voie de dégénérescence pig-

mentaire. Dans la partie postérieure du lobule paracentral, type 5 de Brod-

mann, on voit également des phénomènes de réaction et d'atrophie dans

quelques grandes pyramidales de la couche sous-granulaire.

6° Jean P... Notes cliniques. - 60 ans, hémiplégie droite avec aphasie.

Durée de la maladie 75 jours.

Examen macroscopique. Foyer hémorragique dans la capsule externe

gauche intéressant la partie externe du noyau lenticulaire. Un autre foyer

plus petit, se trouvait dans la partie postérieure de la capsule interne gauche.

Examen microscopique. - Dans le lobule paracentral gauche, les cellules

de Betz, légèrement diminuées comme nombre, sont toutes en réaction à dis-

\"ou\elle Iconographie DE la SALPhTRIi.RE.

T. XXIII. PI. XXXIX

RAPPORTS DES CELLULES DE BETZ AVEC LES MOUVEMENTS VOLONTAIRES

(G. Marinesco).

6. Tiers supérieur des frontale et pariétale ascendantes (types t, z, ;, q) (malade Eft. A).

Les cellules de Betz, ainsi que les grandes cellules sous-granulaires sont en réaction à distance.

7- Coupe du lobule paracentral du malade Mar. B. Réaction des cellules de Betz du type 4

et disparition des grandes cellules sous-granulaires du type 5.

1), - '1)·pes 1, 2, 3 et 5 du cas Cosma S. Sclérose latérale amyotrophique; persistance des

grandes cellules sous-granulaires.

DES CELLULES DE BETZ ET DES MOUVEMENTS VOLONTAIRES 385

tance. Dans la frontale ascendante gauche on voit, en dehors de ces cellules en

réaction, quelques pyramides géantes normales et un certain nombre qui sont

en voie d'atrophie. Dans la partie postérieure du lobule paracentral, là où sa

structure le rattache au type 5, les grandes cellules sous-granuleuses sont éga-

lement en réaction.

7° Tudora I... Notes cliniques. 50 ans,hémiplégie gauche complète. Durée

de la maladie : 83 jours. Examen macroscopique. Grand foyer détruisant

le segment antérieur de la capsule interne, le noyau lenticulaire, la tête du

noyau caudé, la capsule externe et l'avant-mur du côté droit.

Examen microscopique. Avec la méthode de Weigert-Pal on constate la

dégénérescence du faisceau pyramidal correspondant. Dans la frontale ascen-

dante et dans le lobule paracentral, colorés au Nissl, la plupart des cellules

de Betz sont en réaction. Le corps cellulaire est tuméfié, globuleux, en chro-

matolyse et le noyau est excentrique. Beaucoup de pyramides géantes sont en

voie d'atrophie plus ou moins avancée. Les lésions sont plus prononcées dans

le lobule paracentral que dans la frontale ascendante.

8° Marie A... Notes cliniques.- 60 ans, hémiplégie gauche complète. Durée

de la maladie : 4 mois.

Examen macroscopique. - Enorme foyer de ramollissement ayant détruit

la capsule interne et tous les noyaux de la base du côté droit.

Examen microscopique. Des coupes du pédoncule,de la protubérance, du

bulbe et de la moelle, coloriés au Weigert-Pal, montrent la dégénérescence

complète du faisceau pyramidal. Sur des coupes de la frontale ascendante et

du lobule paracentral droit, colorées au Nissl, on constate la disparition pres-

que complète des cellules géantes ; par ci par là on voit encore une cellule de

Betz, atrophiée, déformée, présentant la dégénérescence pigmentaire.

9° Gh. 1... Notes cliniques. -48 ans, hémiplégie droite avec aphasie. Durée

de la maladie 4 mois. Examen macroscopique. Foyer hémorragique

ayant détruit les noyaux lenticulaire et caudé du côté gauche ainsi que la por-

tion de la capsule interne qui sépare ces noyaux. Examen microscopique.

Réaction et disparition des cellules de Betz du lobule paracentral et de la

frontale ascendante, dans cette dernière les lésions sont moins manifestes

que dans le lobule paracentral.

iûo Marin B... Notes cliniques. - 50 ans, hémiplégie gauche incomplète.

Durée de la maladie 4 mois. Examen macroscopique. Grand foyer hé-

morragique détruisant tout le noyau lenticulaire droit ainsi que la capsule

externe. Un autre foyer, petit, siège à la partie supérieure de la couche optique

droite.

Examen microscopique. Dans les coupes du lobule paracentral beau-

coup de cellules de Betz sont en réaction, d'autres sont atrophiées. On y voit

encore quelques cellules qui ont l'aspect normal. Les grandes cellules sous-gra-

nulaires du type 5 ont presque toutes disparu (fig. 7, Pl. XXXIX). On voit

également des lésions dans ces cellules des types 1, 2 et 3 de la pariétale as-

xxiii ? 6

386 MARINES CI

cendante. On observe encore des cellules pigmentées et atrophiées dans la par-

tie supérieure de la couche granuleuse.La différence est nette quand on compare

ces types (1, 2, 3) avec ceux du côté opposé. Dans les tiers moyen et inférieur

de la frontale et pariétale ascendante, c'est-à-dire des types 1, 2, 3 et 4 on ne

voit plus ni des cellules de Betz, ni des grandes cellules sous-granulaires.

11° Betty J... Notes cliniques. 60 ans, hémiplégie droite complète avec

aphasie totale et troubles de la sensibilité.

Examen macroscopique. Foyer hémorragique récent qui détruit toute la

couche optique gauche et le segment postérieur de la capsule interne.' Un autre

foyer plus petit et ancien a détruit du même côté la capsule externe et une

portion de l'insula de Reil.

Examen microscopique. Les cellules géantes de la frontale ascendante et

du lobule paracentral sont en réaction, quelques-unes en voie d'atrophie. Les

grandes cellules sous -granulaires des types 1, 2, 3 et 5 ont disparu presque

complètement.

12' Démètre J.. Notes cliniques. 71 ans, hémiplégie droite incomplète

avec aphasie. La paralysie est plus prononcée au membre supérieur. Le ma-

lade pouvait marcher étant soutenu. Durée de la maladie, 5 mois.

Examen macroscopique. Foyers hémorragiques dans le noyau lenticu-

laire gauche et dans la lête du noyau caudé.

Examen microscopique. Dans le lobule paracentral gauche, la plupart

des cellules de Betz sont en réaction, d'autres sont atrophiées. On y voit encore

un certain nombre de cellules ayant l'aspect normal. Dans la frontale ascen-

dant le nombre des cellules normales est minime.

13° Joséphine M... Notes cliniques. -- 21 ans, hémiplégie gauche incom-

plète, intéressant surtout le membre supérieur. Durée de la maladie, 6 mois.

Examen macroscopique. Petit foyer hémorragique dans la partie posté-

rieure du noyau lenticulaire droit.

Examen microscopique. Lésions peu prononcées dans le lobule paracen-

tral droit où l'on voit des cellules de Betz, d'aspect normal, parmi lesquelles

d'autres qui sont en voie d'atrophie. On fait la même constatation dans la

frontale ascendante. La plupart des grandes cellules sous-granulaires de la

pariétale ascendante persistent.

14° Jean M... Notes cliniques. 46 ans, hémiplégie gauche complète.

Durée de la maladie, 8 mois. Examen macroscopique. Foyer kystique

qui détruit le noyau caudé, tout le segment antérieur de la capsule interne, le

noyau lenticulaire et la capsule externe.

Examen microscopique. Par la méthode de Weigert-Pal on constate la

dégénérescence complète du faisceau pyramidal et sur des coupes colorées au

Nissl on observe la disparition complète des cellules de Betz de la frontale

ascendante et du lobule paracentral du côté droit.

15° Alexandre D... Notes cliniques. z 52 ans, hémiplégie gauche com-

plète. Durée de la maladie, 10 mois.

DES CELLULES DE BETZ ET DES MOUVEMENTS VOLONTAIRES 38 ?

Examen macroscopique. Foyer de ramollissement dans les noyaux de la

base du côté droit.

Examen microscopique. Dans la frontale ascendante et dans le lobule

paracentral droit, beaucoup de cellules de Betz sont disparues et celles qui per-

sistent encore sont en réaction ou en voie d'atrophie pigmentaire. Dans la

pariétale ascendante on ne voit plus que de rares cellules grandes sous-gra-

nulaires.

16° Gherson B... Notes cliniques. - 7 ans, hémiplégie gauche avec trou-

bles de la sensibilité. Durée de la maladie, 1 an. '

Examen macroscopique. Foyer hémorragique à l'intérieur d'une tumeur

cérébrale qui avait détruit les noyaux de la 'base du côté droit. - Examen

microscopique. -On voit des lésions dans la frontale ascendante et dans le

lobule paracentral droit. Les lésions consistent dans la réaction et l'atrophie

des cellules de Betz. Mais beaucoup de cellules présentent encore l'aspect

normal.

17° Armenia B... Notes cliniques.- 35 ans, hémiplégie droite sans aphasie.

Le malade pouvait marcher. Durée de la maladie, 18 mois.

Examen macroscopique. Foyer dû à une embolie dans les noyaux de la

base ayant détruit une portion de la capsule interne. Examen microscopi-

que. Les coupes sériées de la zone motrice du côté du foyer montrent la

disparition des cellules géantes du tiers moyen et inférieur de la frontale ascen-

dante. Les grandes cellules sous-granulaires de la pariétale ascendante ont

disparu également à ce niveau. Les lésions cellulaires sont un peu moins accu-

sées dans le tiers supérieur de la frontaie ascendante et dans le lobule para-

central, où, à côté de beaucoup de cellules de Betz atrophiées, on voit encore

quelques cellules ayant l'aspect normal.

18° Anica N... Notes cliniques. 60 ans, hémiplégie gauche complète. Du-

rée de la maladie 4 ans.

Examen macroscopique. Foyer kystique qui avait détruit le noyau lenti-

culaire, les capsules interne et externe et l'avant-mur. -' Examen microsco-

pique. Au Weigert-Pal on voit une dégénérescence très accusée du faisceau

pyramidal. Au Nissl on constate la disparition complète des cellules de Betz,

de la frontale ascendante et du lobule paracentral droit.

19° Marin 13...Notes cliniques.- 87 ans ; 7 ans auparavant il a eu un ictus

suivi d'une hémiplégie droite incomplète et dans la dernière année de sa vie il

en a eu un second suivi de troubles de la parole. Il pouvait marcher soutenu.

Examen macroscopique. Foyer hémorragique dans la partie postérieure

du noyau lenticulaire gauche, détruisant une portiou de la partie postérieure

de la capsule interne. - Examen microscopique. - Dans la frontale ascen-

dante et dans le lobule paracentral gauche les cellules de Betz sont altérées

et en grande partie disparues. Les lésions des cellules pyramidales géantes

sont plus prononcées dans le tiers antérieur du lobule paracentral, où sur une

coupe on ne voit plus persister que deux cellules de Betz, tandis que dans le

tiers moyen, le nombre des cellules persistantes est beaucoup plus grand.

388 MARINESCO

20° Leibu H...Notes cliniques.- 64 ans, hémiplégie gauche avec contracture

intense du membre supérieur. Rire spasmodique. Durée de la maladie, 9 ans.

Examen macroscopique. Ancien foyer hémorragique ayant détruit la

moitié antérieure du noyau lenticulaire droit.

Examen microscopique.-Danslelobuleparacentral droitlescellules de Betz

sont presque complètement disparues. On constate aussi leur diminution con-

sidérable dans le tiers supérieur de la frontale ascendante, où cependant celles

qui persistentencore,quoique très atrophiées, sont un peu plus nombreuses.Cette

atrophie-et la disparition des pyramides géantes furent suivies et constatées

sur des coupes sériées dans les tiers moyen et inférieur de la frontale ascen-

dante. Les grandes cellules sous-granulaires de la pariétale ascendante ont

également disparu.

Si nous comparons les données obtenues dans ces 20 cas d'hémiplégie

résiduelle nous voyons que la réaction des cellules de Betz après les lésions

de la capsule interne ou de la substance blanche sous-jacente à la zone

rolandique, nous permet de faire une tentative de localisation dans la zone

dite motrice. On constate dans ces conditions une relation entre les degrés

de la paralysie et le nombre des cellules altérées ou disparues, de même,

que entre la région plus ou moins atteinte par celte paralysie et la zone

cérébrale occupée par les cellules lésées. Dans les hémiplégies complètes

on retrouve une lésion de presque toutes les cellules situées dans la fron-

tale ascendante et la partie antérieure du lobule paracentral. Chez les sujets

qui peuvent marcher, mais qui ne peuvent pas faire usage de leur mem-

bre supérieur ou bien d'une façon seulement très incomplète, la lésion est

beaucoup plus accusée dans la frontale ascendante que dans le paracentral.

Je ferai remarquer encore qu'après les lésions de la capsule interne les

grosses pyramides profondes de la région postérieure du lobule paracen-

tral réagissent, s'atrophient et supportent la surcharge pigmentaire de la

même manière que les cellules de Betz de la région antérieure. Par consé-

quent les deux ordres de neurones envoient leur axone dans la capsule

interne mais évidemment leur destination doit être différente.

Une autre particularité intéressante qu'il m'a été permis de constater

c'est la suivante : tandis que les lésions de la capsule interne gauche sont

suivies d'altérations dans les cellules de Betz du tiers inférieur de la

frontale ascendante, les cellules pyramidales de la circonvolution de

Broca restent intactes même si la capsule externe a été également dé-

truite par le foyer. Ceci démontre assurément que contrairement à l'af-

firmation de Niessl von Mayendorf cette circonvolution n'est pas un or-

gane moteur proprement dit, ayant la même valeur fonctionnelle que la

frontale ascendante.

DES CELLULES- DE BETZ ET DES MOUVEMENTS VOLONTAIRES 389

B. Paralysies PSEUDO-BULBAIRES.

4' Alexandre P... Notes cliniques. 45 ans ; il y a un an et demi que le

malade a eu un premier ictus suivi d'une hémiplégie droite, de laquelle

il s'est sensiblement amélioré ; 5 semaines avant l'exitus il a un second ictus

suivi d'hémiplégie gauche complète avec troubles intenses de la sensibilité.

Examen macroscopique. Dans l'hémisphère gauche on voit un petit foyer

détruisant la capsule externe et une portion du noyau lenticulaire ; dans l'hé-

misphère droit.un foyer plus grand et plus récent qui détruit la plus grande

partie de la couche optique et tout le segment postérieur de la capsule interne.

Dans le cervelet un ancien foyer cortical à la face inférieure du lobe gauche.

Examen macroscopique. Dans la frontale ascendante et dans le lobule

paracentral droit presque toutes les cellules de Betz sont en réaction, ainsi

que les cellules géantes du type 5. Dans la frontale ascendante et dans le

paracentral gauche il y a des cellules de Betz en réaction^ mais la plupart

d'entre elles sont atrophiées ; dans le type 5 de ce côté quelques cellules

géantes sont en réaction et beaucoup ont disparu.

2° Tudora J... Notes cliniques. - 64 ans,en octobre 1899 elle a un premier

ictus suivi d'hémiplégie droite et de dysarthrie ; un mois après elle fait encore

une parésie du côté gauche. Elle succombe en mars 1901. Dysarthrie, rire et

pleurer spasmodiques.

Examen macroscopique - Dans l'hémisphère gauche un foyer cortical de

ramollissement dans la région temporale ; de petits foyers dans le noyau lenti-

culaire et dans le segment antérieur de la capsule interne. Dans l'hémisphère

droit un foyer qui détruit le noyau lenticulaire et une portion de la capsule

interne. Dans la protubérance on trouve également plusieurs petits foyers de

ramollissement. Le bulbe est intact.

Examen microscopique. - Au Weigert-Pal on constate une dégénérescence

accusée du faiseau pyramidal droit et une dégénérescence moins prononcée de

celui du côté gauche. Des coupes sériées de lobules paracentraux et des fron-

tales ascendantes montrent que dans les premières, surtout dans le lobule para-

central gauche, la plupart des pyramides géantes sont transformées en blocs

pigmentaires, parmi lesquels on voit encore, par ci, par là, quelques cellules

de Betz ayant l'aspect plus ou moins normal. Dans les tiers supérieurs des

frontales ascendantes, l'atrophie et la disparition des cellules de Betz sont un

peu moins intenses, mais à mesure qu'on se rapproche de la partie inférieure

de ces circonvolutions les lésions deviennent de nouveau plus étendues et dans

les dernières séries des frontales ascendantes, près de l'opercule rolandique,

sur beaucoup de coupes on ne voit plus aucune trace des cellules de Betz.

3° Leanca S... Notes cliniques. 50 ans, en août 1898 un ictus suivi d'une

hémiplégie, gauche, en décembre 1898 un second ictus, suivi d'une parésie

droite et d'une dysarthrie intense, troubles de la déglutition, rire et pleurer

spasmodiques. Exitus en mai 1899.

Examen macroscopique. - Les segments externes des noyaux lenticulaires

390 MARINESCO

sont le siège de plusieurs petits foyers de ramollissement ; un autre foyer dé-

truit la tête du noyau caudé gauche ; la couche optique droite est détruite

par un foyer hémorragique.

Examen microscopique. Par la méthode Weigert Pal on voit une double

dégénérescence des faisceaux pyramidaux croisés et directs. Avec Nissl la dimi-

nution et l'atrophie des cellules de Betz des lobules paracentraux et des fron-

tales ascendants. Cette diminution et cette atrophie sont plus intenses du côté

droit. ·

4° Sofia I... Notes cliniques. 60 ans, début avec ictus suivi d'hémiparésie

droite. La malade qui pouvait marcher présentait des troubles intellectuels.

Durée de la maladie : 3 ans.

Examen macroscopique. - Petits foyers hémorragiques multiples des deux

côtés dans les noyaux delà base, un peu plus nombreux et plus grands dans

la couche optique et dans le noyau lenticulaire gauche. Des foyers hémorragi-

ques punctiformes de l'écorce. Examen microscopique. Réaction, atro-

phie et disparition des cellules de Betz dans les frontales ascendantes et dans

les lobules paracentraux des deux côtés. Les lésions sont plus manifestes et

plus avancées dans les tiers moyen et inférieur de la frontale ascendante.

5° Manda M... Noies cliniques. -41 ans, début lent trois ans avant l'exitus.

Voix éteinte. Les mouvements des membres du côté droit sont réduits. Atro-

phie des éminences thénar et hypothénar gauches. Rire et pleurer spasmo-

diques. Elle peut marcher à petits pas.

Examen macroscopique. Les noyaux lenticulaires des deux côtés présen-

tent, dans toute leur étendue, un état criblé, causé par des petits foyers ayant

le volume d'un grain de millet. Examen microscopique. Sur des coupes

sériées des lobules paracentraux et des frontales ascendantes, on voit l'atrophie

et la disparition des cellules de Betz. Le nombre des cellules altérées, relative-

ment petits dans le lobule paracentral et dans la frontale ascendante tiers su-

périeur, augmente au sur et à mesure qu'on examine des séries plus basses,

de sorte que dans le tiers moyen il ne persiste plus que peu de cellules géantes

et dans le tiers inférieur elles ont complètement disparu.

6° Mihail P... Notes cliniques. A eu un premier ictus il y a 4 ans suivi

d'hémiplégie gauche, depuis 2 ans il observe que la parole devient difficile.

Sialorrhée. La motilité est assez bonne, il peut marcher à petits pas. Trépida-

tions épileptoïdes des deux côtés.

Examen macroscopique. - Un foyer dans le noyau lenticulaire droit ; plu-

sieurs autres petits foyers dans le noyau lenticulaire et dans la capsule externe

du côté gauche.

Examen microscopique. Dans les lobules paracentraux on voit parmi

beaucoup de cellules de Betz normales, des cellules atrophiées présentant la

dégénérescence pigmentaire. On fait la même constatation dans les tiers supé-

rieurs des frontales descendantes. Dans les tiers moyens le nombre des cellules

atrophiées augmente et les cellules normales deviennent plus rares au sur et à

mesure qu'on descend plus bas, de sorte que sur les coupes du tiers inférieur

DES CELLULES DE BETZ ET DES MOUVEMENTS VOLONTAIRES 391

on ne voit plus que 2 à 3 pyramides géantes sur une section, et dans beaucoup

de séries on n'en voit plus aucune.

7° Jean G... Notes cliniques. 46 ans ; premier ictus suivi d'hémiplégie

droite il y a 5 ans ; second ictus 2 ans avant l'exitus. Dysarthrie très accusée,

troubles de déglutition, rire et pleurer spasmodiques ; ne peut pas marcher.

Examen macroscopique. -Deux petits foyers symétriques ayant le volume'

d'un pois et qui siègent dans la partie externe des noyaux lenticulaires et dans

les capsules externes. Plusieurs foyers plus petits dans les différentes parties

de la substance blanche du cerveau, dans les noyaux striés, dans le cervelet

et dans la protubérance.

Examen microscopique. Sur des coupes du bulbe et de la moelle colo-

rées au Weigert-Pal on voit une dégénérescence manifeste des deux faisceaux

pyramidaux, celle du côté droit est un peu plus prononcée que celle du côté

gauche. Avec la méthode de Nissl on voit que les cellules de Betz des lobules

paracentraux sont en partie atrophiées, en partie normales. Dans le tiers supé-

rieur des frontales ascendantes, ainsi que dans leur tiers moyen la plupart des

cellules géantes ont disparu; les lésions sont plus accusées du côté gauche.

Dans le tiers inférieur de ces circonvolutions on ne voit plus trace de cellules

de Betz.

8° Pauna T ? Noies cliniques. 45 ans, début lent ayant commencé six

ans et demi avant la mort. Parésie aux quatre membres, la malade peut mar-

cher à petits pas ; parole précipitée et éteinte, rire et pleurer spasmodiques.

Examen macroscopique. Dans l'hémisphère droit un foyer de ramollis-

sement, grand comme un haricot, a détruit la tête du noyau caudé et une

partie du segment antérieur de la capsule interne ; deux petits foyers occupent

la partie externe du noyau lenticulaire ; un autre foyer est situé dans la cap-

sule externe près de l'avant-mur. Dans l'hémisphère gauche on remarque un

état criblé du noyau lenticulaire : des petits foyers de la grandeur d'un grain

de millet occupent tous les segments de ce noyau.

Examen microscopique. Avec la méthode de Weigert-Pal on voit dans

la moelle une légère dégénérescence des faisceaux pyramidaux, plus manifeste

à droite. On voit également une légère dégénérescence des cordons postérieurs.

Avec Nissl on constate une diminution des cellules de Betz, dont beaucoup

sont atrophiées ou disparues, dans les lobules paracentraux et les frontales

ascendantes des deux côtés. Ces lésions sont plus manifestes dans l'hémisphère

gauche et des deux côtés dans les parties inférieures des circonvolutions fron-

tales ascendantes.

Si nous comparons ces résultats avec ceux observés dans les cas d'hémi-

plégie, nous voyons, qu'en dehors des remarques que nous venons de

faire relatives à la réaction des cellules de Betz consécutivement aux lé-

sions de la capsule interne, on constate encore que dans certains cas de

paralysie pseudo-bulbaire les lésions cellulaires sont plus ou moins con-

sidérables dans le tiers inférieur des frontales ascendantes. Ces lésions

392 MARINESCO

sontplus manifestes dans les cas où les symptômes pseudo-bulbaires sont

plus accusés.

C. Paralysies par LÉSIONS IÉSENCÉPIIALIQUES.

10 Jean A... Notes cliniques. 30 ans, hémiplégie droite et paralysie fa-

ciale gauche (syndrome de Millard-Gübler). La paralysie des membres était

incomplète, le malade pouvait marcher n'étant pas soutenu, mais difficilement.

Durée de la maladie, 14 ans.

.Examen macroscopique. Hémiatrophie gauche de la protubérance.

Examen microscopique. La différence entre le lobule paracentral ainsi

qu'entre la frontale ascendante des deux côtés est considérable. Du côté gau-

che la plupart des cellules de Betz sont altérées. Sur une section on voit à

peine 3 à 4 cellules géantes qui persistent, les autres sont atrophiées à divers

degrés jusqu'à ne plus constituer que des blocs pigmentaires ou bien elles ont

complètement disparu.

Dans le type 5 du lobule paracentral gauche, on constate également la dis-

parition des grandes cellules sous-granulaires.

D. Paraplégies D'ORIGINE médullaire.

1° Chira P... Notes cliniques. 40 ans, paraplégie flasque consécutive à

une fracture de la colonne vertébrale au niveau des segments X et XI dorsaux.

Durée de la survie, 30 jours.

Examen microscopique. Dans les lobules paracentraux on remarque

quelques cellules de Betz présentant la réaction à distance, dont une même en

achromatose. Dans le tiers supérieur des frontales ascendantes on observe

également des lésions cellulaires mais peu démonstratives. Absence de lésions

des cellules géantes dans les tiers moyen et inférieur de la frontale ascendante.

2° Nicolas M... Notes cliniques. 28 ans, paraplégie flasque consécutive à

une fracture de la colonne vertébrale qui sectionnait la moelle épinière au

niveau du second segment lombaire. Durée de la maladie : un mois. Exa-

men microscopique. Réaction manifeste dans les cellules de Betz des lobules

paracentraux. Dans le tiers supérieur des frontales ascendantes quelques cel-

lules en réaction. Pas de réaction dans le reste des frontales ascendantes.

3° Pauna P... Notes cliniques. 28 ans, tétraplégie à la suite d'une lésion

de la moelle par arme à feu. Elle fut opérée et la balle fut extraite. Paraplégie

flasque. Aux membres supérieurs atrophie des muscles des avant-bras, des

régions scapulo-humérales et thénars et hypothénars, les mouvements des

membres supérieurs, également abolis immédiatement après l'accident, sont

revenus en partie. Durée de la maladie 68 jours.

Examen macroscopique.- Destruction de la molle au niveau du VI" segment

cervical. Examen microscopique. Les cellules de Betz des lobules pa-

racentraux et des portions supérieures des frontales ascendantes sont en grande

partie petites, atrophiées, très pigmentées, mais très nombreuses, par con-

séquent elles ne sont pas disparues.

DES CELLULES DE BETZ ET DES MOUVEMENTS VOLONTAIRES 393

40 Tudora A... Noies cliniques. - 36 ans, paraplégie flasque consécutive à

une fracture de la colonne vertébrale qui avait sectionné la moelle dans la

région lombaire inférieure. Durée de la maladie : 3 mois.

Examen microscopique. Des lésions indiscutables et très étendues des

cellules de Betz dans les lobules paracentraux. Dans le tiers supérieur des

frontales ascendantes les lésions sont peu manifestes. Le reste de ces circon-

volutions est normal.

5° Ivan P... Notes cliniques. 20 ans, paraplégie flasque avec eschares

multiples. Durée de la maladie 4 mois. Examen macroscopique. Foyers

myélitiques multiples dans la région dorsale inférieure. Examen microsco-

pique. Dans les lobules paracentraux ainsi que dans les tiers supérieur des

frontales ascendantes on voit des] lésions manifestes dans le cellules géantes,

dont quelques-unes sont atrophiées. Dans le lobule paracentral correspondant

au type 5 ainsi que dans la pariétale ascendante, on ne voit pas de lésions dans

les grandes cellules sous-graaulaires.

6° Moïse P... Notes cliniques. 40 ans, paraplégie au commencement

spasmodique, devenue flasque pendant les deux derniers mois de sa vie. Durée

de la maladie, 6 mois. Examen macroscopique. - Tumeur comprimant

le VIIE segment dorsal. Examen microscopique. Les coupes dont nous

disposons sont du type 5 du lobule paracentral. Les cellules géantes sous-gra-

nulaires ne présentent pas de lésions.

7°EnacheD... Notes cliniques. - 5 ans, mal de Pott avec paraplégie

spasmodique, contractures et atrophies musculaires aux membres inférieurs.

Durée de la paraplégie, 6 mois. Examen macroscopique. Compression

de moelle au niveau du IXe segment dorsal. Examen microscopique.

Dans les lobules paracentraux on voit quelques cellules géantes en réaction.

Pas de lésions dans les frontales ascendantes.

8° Albert J... Notes cliniques. - 7 ans, paraplégie flasque consécutive à un

mal de Pott. Atrophie des membres inférieurs. Durée de la paraplégie, 6 mois.

Examen macroscopique. Pachyméningite énorme qui détruit toute l'ex-

trémité inférieure de la moelle depuis le III° segment lombaire jusqu'à la queue

de cheval. - Examen microscopique. - Lésions manifestes consistant en

réaction à distance et en atrophie des cellules de Betz des lobules paracentraux

et dans la partie tout à fait supérieure des frontales ascendantes.

9° Marin G... Notes cliniques. - 19 ans, paraplégie spasmodique avec con-

tracture en flexion et atrophie des membres inférieurs. Examen macrosco-

pique. -Kyste hydatique qui avait fortement comprimé la moelle épinière

au niveau du X" segment dorsal. Durée de la paraplégie, 8 mois. Examen

microscopique. Légère réaction dans les cellules de Betz des lobules para-

centraux.

10° Lilia B ? Notes cliniques. 56' ans, paraplégie au commencement

spasmodique, puis flasque. Durée de la maladie, une année.

Examen macroscopique. Une tumeur ayant le volume d'un oeuf de

394 MARINESCO

pigeon qui avait comprimé la moelle au niveau du premier segment lombaire.

A droite la moelle était complètement détruite, et un peu moins à gauche.

Examen microscopique. -Avec Weigert-Pal on voit la dégénérescence des

faisceaux pyramidaux au-dessous de la compression et la dégénérescence ascen-

dante des cordons postérieurs, du faisceau cérébelleux direct et du faisceau de

Gowers au-dessus de la compression. Avec la méthode de Nissl on voit dans

les lobules paracentraux beaucoup de cellules de Betz en réaction, certaines

présentent l'atrophie pigmentaire. Par endroits les pyramides géantes ont

complètement disparu. Les lésions s'étendent également au tiers supérieur

des frontales ascendantes, mais là elles sont moins intenses de sorte qu'on ne

voit plus que quelques cellules géantes atrophiées et pigmentées ou en chro-

matolyse.

11° Démètre G... Notes cliniques. 20 ans, paraplégie-spasmodique à la

suite d'un*mal de Pott, sans atrophie, ni contracture. Réflexes rotuliens exagé-

rés, avec absence du signe des orteils. Le malade peut marcher étant soutenu.

Durée de la maladie, 16 mois. Examen macroscopique Gibbosité com-

primant légèrement la moelle au niveau du VIe segment dorsal. Examen

microscopique. Les cellules de Betz des lobules paracentraux ainsi que

celles de la frontale ascendante sont normales.

42° Savu T... Notes cliniques. - 26 ans, paraplégie spasmodique par com-

pression de la moelle. Contractures des membres inférieurs, dont la motilité

est nulle. Durée de la maladie : 19 mois. Examen macroscopique. Kyste

ayant fortement comprimé et déformé la moelle au niveau du VU' segment

dorsal. - Examen microscopique. - Atrophie pigmentaire des cellules de

Betz dans les lobules paracentraux ainsi que dans le tiers supérieur des fron-

tales ascendantes des deux côtés. Dans la partie postérieure du lobule para-

central, ayant la structure du type 5, les grandes cellules sous-granulaires sont

conservées, quelques-unes semblent altérées.

13° Lazar T... Notes cliniques. 45 ans, paraplégie à début spasmodique

ensuite devenu flasque. Durée de la maladie : 2 ans. Examen macroscopi-

que. Mal de Pott ayant donné lieu à un processus pachyméningitique qui

comprimait et détruisait la partie inférieure de la moelle dès le III" segment

lombaire jusqu'au filum terminal. Examen microscopique. - Les cellules

de Betz des lobules paracentraux et des parties supérieures des frontales ascen-

dantes sont en réaction et atrophie pigmentaire. Quelques pyramides géantes ont

l'aspect normal.

14° Simon R...Notes cliniques. 62 ans, paraplégie spasmodique avec trou-

bles de la sensibilité et incontinence d'urine. Il peut marcher étant soutenu.

Durée de la maladie anis et demi.

Examen macroscopique. Foyer de myélite dans la région lombaire. Arté-

rio-sclérose intense des centres nerveux.

Fxamen microscopique. Dans les lobules paracentraux on trouve des

lésions évidentes et qui consistent surtout en atrophies cellulaires. Le corps

DES CELLULES DE BETZ ET DES MOUVEMENTS VOLONTAIRES 395

des cellules est réduit de volume et les prolongements ont disparu. Quelques

cellules ne sont plus qu'une petite masse pigmentaire avec très peu de proto-

plasme. Très rares sont les cellules ayant un aspect presque normal. Par en-

droits les cellules de Betz ont complètement disparu. On ne voit plus de

lésions dans les frontales ascendantes.

15° Constantin M... Noies cliniques. 41 ans, paraplégie spasmodique

extrêmement accusée, le malade ne pouvait faire aucun mouvement avec ses

membres inférieurs. Durée de la maladie, 4 ans.

Examen macroscopique. Une sclérose combinée de la moelle.

Examen microscopique. Les cellules de Betz des lobules paracentraux

et du tiers supérieur des frontales ascendantes ont en grande [partie disparu ;

celles qui persistent encore sont en atrophie pigmentaire.

E. SCLÉROSE latérale amyotrophique.

1° Cosma S... Notes cliniques. 45 ans, sclérose latérale amyotrophique,

typique avec atrophie plus prononcée aux membres supérieurs et à certains mus-

cles de la face et de la langue. Durée de la maladie : 3 ans.

Examen microscopique. Dans les frontales ascendantes toutes les cellules

de Betz ont disparu; dans les lobules paracentraux quelques pyramides

géantes sont conservées. Les grosses pyramides, sous-granulaires du type 5,

des lobules paracentraux ainsi que celles des pariétales ascendantes sont con-

servées (fig. 8, PI. XXXIX).

2° Georges D... Notes cliniques. 48 ans, avec atrophies intenses aux mem-

bres supérieurs ainsi que de grands troubles bulbaires ; il est mort suffoqué

après trois ans de maladie.

Examen microscopique. - Dans toute l'étendue des frontales ascendantes

les cellules de Betz ont disparu, il n'en persiste quelques-unes que dans les

lobules paracentraux. Les grosses pyramides profondes du type 5 sont conser-

vées. J'ai remarqué encore l'absence d'un certain nombre de pyramides dans

le pied de la première circonvolution frontale.

Donc, dans la sclérose latérale amyotrophique les pyramides profondes de

la pariétale ascendante et du type 5 du lobule paracentral sont beaucoup moins

atteintes que dans l'hémiplégie capsulaire.

F. - AIYOTROPIIIE ARAN-UUCFIENNE.

1° Tili S... Notes cliniques. 27 ans, atrophies musculaires de la ceinture

scapulo-humérale et des membres supérieurs, avec lesquels elle ne pouvait t

plus faire aucun mouvement. Durée de la maladie 5 ans.

Examen microscopique. Altérations des cellules des cornes antérieures

de la moelle cervicale sans participation manifeste de la substance blanche.

Aucune lésion dans les cellules géantes de la zone motrice corticale.

En comparant ce cas avec ceux de sclérose latérale amyotrophique, nous

voyons que la simple disparition des cellules motrices des cornes anté-

396 MARINESCO

rieures, quoique le processus fût assez ancien, ne produit pas de réaction

dans les centres moteurs cérébraux. On conçoit facilement l'importance

de cette constatation pour établir le substratum anatomo-pathologique de

la sclérose latérale amyotrophique. D'ailleurs je reviendrai sur cette

question en publiant en détail ce cas.

L'examen de tous ces cas ainsi que les conclusions des différents travaux

que j'ai cités ne laissent plus de doute sur les relations des cellules de

Betz avec le faisceau pyramidal et par conséquent avec les mouvements

volontaires. Plus encore, la réaction cellulaire suivie dans les différentes

portions de la zone motrice nous montre qu'il existe toujours un rapport

entre le degré de paralysie et l'intensité des lésions corticales de même

que entre le membre plus atteint et son centre cérébral. En effet, chez les

paraplégiques les lésions des pyramides géantes se limitent aux lobules

para-centraux et à la portion tout à'fait supérieure des frontales ascen-

dantes. Dans les cas d'hémiplégies d'origine cérébrale, où le membre su-

périeur était le plus touché, les lésions cellulaires sont plus accusées

dans la portion de la frontale ascendante correspondante à la localisa-

tion de ce segment que dans le lobule paracentral., L'inverse a lieu quand

la paralysie est plus intense [au membre inférieur, les lésions corticales

étant alors plus manifestes dans le lobule paracentral.

Dans les paralysies pseudo-bulbaires la réaction et l'atrophie des cel-

lules géantes de l'écorce cérébrale correspondent en partie avec les cons-

tatations faites chez les hémiplégiques; mais les lésions sontplus accusées

dans les parties inférieures des frontales ascendantes, c'est-à-dire aux

centres corticaux de la face, du larynx, etc. Or, ces parties sont justement

les plus atteintes dans la paralysie pseudo-bulbaires. Les foyers destruc-

tifs dans la-plupart de mes cas siégeaient dans les noyaux lenticulaires,

ce qui peut faire supposer que les prolongements cylindraxiles des cellules

géantes des parties inférieures des frontales ascendantes passent, en partie,

à travers ces noyaux. ,

Dans la sclérose latérale amyotrophique les lésions des cellules de Betz

se produisent dans toute l'étendue de la zone motrice, zone qui corres-

pond assez bien à la distribution des pyramides géantes. Dans ces cas

j'ai encore observé que les lésions sont moins accusées dans les lobules

paracentraux que dans le reste de la zone motrice. Or, dans mes cas, et

en général, dans les cas de sclérose latérale amyotrophique avec troubles

bulbaires, les membres supérieurs étant également plus atteints, il est

naturel que les centres cérébraux des noyaux bulbaires et des noyaux

DES CELLULES DE BETZ ET DES MOUVEMENTS VOLONTAIRES 397

médullaires cervicaux soient plus altérés que ceux qui correspondent aux

membres inférieurs.

Ayant en vue ces donnnées, il me semble que les objections de mes

éminents collègues Horsley et celles de Brodmann ne sauraient pas être

justifiées. En effet, les motifs qui font amener ces deux auteurs à mettre

en doute le rôle moteur des cellules de Betz sont loin, d'avoir une base iné-

branlable, M. Horsley en excisant une portion de l'écorce, dont l'excitation

électrique démontrait qu'il s'agissait du centre cortical du bras et obser-

vant que la paralysie motrice, du membre supérieur, qui s'est produite

immédiatement après l'opération, diminue beaucoup après un lapsde temps,

conclut que les cellules de Betz ne sont pas nécessaires pour l'accomplis-

sement des mouvements volontaires. D'ailleurs, Horsley ne met pas en

doute les relations deces cellules avec le faisceau pyramidal, au contraire,

dans une lettre qu'il a bien voulu m'adresser relativement à cette question,

il affirme qu'il considère comme absolument prouvé que les fibres du fais-

ceau pyramidal tirent leur origine des cellules de Betz. L'observation de

ce savant cadre assez bien avec mes constatations anatomo-cliniques.

En effet les mouvements volontaires ne sont pas revenus complètement

chez le malade opéré par Horsley. Si on compare les figures qui illustrent

les attitudes de la main de son malade avec les figures que j'ai données

autrefois (1) en décrivant les troubles moteurs produits chez deux épilep-

(1) MARINIOECO, Contribution à l'élude du mécanisme des mouvements volontaires et des

fonctions du faisceau pyramidal. Semaine médicale, 1 octobre, 1903.

1116. 9. D'après Horsley. Elle mon-

tre l'extension incomplète des doigts.

FiG. 10. - D'après la 6g. 5 de mon

travail sur le mécanisme des mou-

vements volontaires, montrant l'ex-

tension des doigts.

398 MAR1NESC0

tiques après l'ablation de l'écorce motrice, on voit qu'elles se ressemblent

complètement (fig. 9 et 10) ; j'ai également insisté sur le fait que, malgré

la conservation relative des mouvements des différents doigts, le patient est

absolument incapable de faire avec ses doigts le moindre mouvement isolé.

J'ai expliqué ce phénomène par le fait que l'écorce cérébrale présiderait

à l'exécution des mouvements spécialisés et j'ai cité à cette occasion les

expériences de Hitzig, Goltz et surtout celles de Munk lesquelles viennent

en faveur de cette manière devoir.

Les réserves faites par Brodmann ne me semblent non plus être dé-

cisives, car s'il n'a pas trouvé des cellules géantes dans la portion

du cerveau excisée, cela ne prouve pas du tout qu'au voisinage il n'y a

pas eu de cellules géantes ayant donné naissance aux mouvements provo-

qués par l'excitation électrique. Et puis il est difficile d'exciser toute l'é-

.corce grise à cause des inflexions des scissures. En effet j'ai eu l'occasion

d'examiner le cerveau d'un épileptique auquel M. Thoma Jonnesco a pra-

tiqué l'ablation d'une grande portion-de la zone motrice. Quoique l'écorce

fut enlevée sur une grande étendue et assez profondément, la substance

grise était cependant conservée dans le fond de certaines scissures et si nous

tenons compte de la profondeur de la scissure de Rolando ce fait est bien

expliquable. J'ajouterai encore que dans la zone de la circonvolution fron-

tale ascendante laquelle correspond aux mouvements de la main, zone

excisée dans le cas de Brodmann, les cellules de Betz sont situées dans la

partie profonde du versant rolandique.

Pour toutes ces raisons je me crois autorisé d'admettre que les relations

des cellules de Belz avec le faisceau pyramidal et partant avec les mouve-

ments volontaires reposent sur une base inébranlable, comme les recher-

ches d'histologie, de physiologie et de pathologie le prouvent.

FACULTÉ DE MÉDECINE DE NANCY

SUR LES NEVI SYSTÉMATIQUES

ET LEUR PATHOGÉNIE

- - (3e mémoire)

PAR

G. ETIENNE

Professeur agrégé à la Faculté de Médecine de Nancy.

Dès 1896, puis surtout en 1897 (1) ici même, en comparant 8 ob-

servations personnelles de naevi systématiques aux données éparses dans

la littérature médicale, j'ai eu l'occasion de préciser quelques points rela-

tifs à la nature de ces malformations cutanées,et notamment de montrer à

côté des naevi à type névritique,le type myélitique dû vraisemblablement

à une myélite intra-utérine ; puis d'interpréter par la théorie métamérienne

de Ross, Thornburn, IIead,les naevi présentant un défaut de superposition

entre les troubles trophiques et les régions nerveuses, ainsi que Brissaud

et Achard venaient de le faire pour les zonas.

Depuis, un certain nombre d'observations intéressantes ont été publiées,

notamment par MM. Hallopeau et Boudet, Hallopeau etRoy, Mouisset et

Viannay, Guillain et Courtellemont, Leblanc, Achard et Rarnond. Lelong

en a fait une bonne étude d'ensemble (2).

Et enfin l'intéressante étude de MM. Klippel et Pierre Weill (3) rame-

nant l'attention sur cette question, je réunis ici 6 cas nouveaux ; et d'un

de leurs groupes, je rapproche l'un de mes anciens. Plusieurs sont re-

marquablement nets.

Ces deux auteurs divisent les mcvi en deux grandes classes : nxvi-

vascularites et nævi-névrites, les premiers dus à une lésion vasculaire,

les seconds à un trouble trophique, étant entendu d'ailleurs que les neevi

(t) G. Etiknne, Des noevi dans leurs rapports avec les territoires nerveux. Essai de

palhogénie et d'étiologie. Société de médecine de Nancy, 10 juin 1896, in Revue mé-

dicale de l'Est, 1896, p. 431.-Nouv. Iconographie de la Salpétrière, septembre 1897.

(2) LELONG, Elude des nævi dans leurs localisations et leurs rapports avec le système

nerveux. Th. Paris, 1898-1899.

(3) ICLIPFEL et Pierre WEILL, De la disposition radiculaire des naevi, Nouvelle Icono-

graphie de la Salpétrière, 1909, n° 5.

400

ETIENNE

vasculaires peuvent être des naevi-névrites (j'en avais montré des cas),

de même que les nævi pigmentaires peuvent être des naevi-vascularites.

La première catégorie, naevi-vascularites, comprendrait d'abord des

cas à localisation banale, dus par exemple à une simple compression entre

le bassin maternel pendant la vie intra-utérine (Unna) ; puis les nævi

développés suivant les lignes de Voigt,classés sous le nom de dermato-mé-

tamériques. Nous reviendrons sur leur compte.

La deuxième catégorie comprendrait les noevi-névrites, à topographie né-

vro-métamérique ; les nxvi spinaux à localisation spino-métamérique ; et

enfin les naevi-radiculaires, à topographie radiculo-métamérique. D'a-

près MM. Klippel et Weill, les auteurs n'ont pas décrit ces derniers qui

seraient les plus fréquents; les limites de leurs territoires sont parallèles à

l'axe des membres alors que la limite des métaméries spinales lui estper-

pendiculaire ; et au tronc, ils croisent plus ou moins plusieurs territoires

nerveux.

Mais, aux membres, les naevi-névrites sont aussi disposés parallèle-

ment à l'axe du membre, comme nous allons le montrer.

Aussi me semble-t-il jusqu'à présent plus précis de m'en tenir aux ca-

ractères indiqués dans mon mémoire de 1897, auquel MM. Klippel et

Pierre Weill ont bien voulu emprunter un passage deBlaschko,en dédou-

blant' une des divisions conformément aux idées de ces auteurs,et de divi-

ser les naevi en :

I. Nævus-névrite disposé suivant la distribution périphérique des

branches d'un nerf.

II. Naevus-myélite : 1° à disposition segmentaire, perpendiculaire à

l'axe du corps, ou, moins nettement, en placards médians formés de deux

portions symétriques (noevi symétriques) ; : 3° disposition intéressant les territoires de plusieurs nerfs consécu-

tifs d'un seul côté (naevi sériés) ; mais plus de trois nerfs, pour le motif

que nous exposerons plus loin.

III. Noevus-radiculile, « croisant obliquement plusieurs territoires ner-

veux ; il y a défaut de superposition entre les troubles trophiques et les

régions nerveuses. Ici, semble que l'on puisse faire intervenir la théorie

métamérienne de Ross, Thornburn, Head, appliquée par Brissaud et

Achard aux zonas, etc... Lésion du prolongement central ou radiculaire

postérieur » (p. 266 et 267). C'est bien là, je pense, ce qu'entendent

MM. Klippel et Pierre Weill.

IV. Nævus sur les lignes de Voigt, c'est-à-dire disposé suivant la fron-

tière de deux territoires nerveux (1).

(1) La rédaction de ce travail était terminée avant discussion du XX' congrès de

médecine aliéniste el neurologiste. Le rapport de M. Rose sur la Systématisation des

Nouvelle Iconographie DE la SALPLIIUÍ.lOE.

T 1\III. Pl.$[ xi

SUR LES NÆVI SYSTÉMATIQUES

(Etienne).

Obs. I. Noevus-névrite du 2e nerf interscostal gauche (branche antérieure)

et des branches cutanées du petit sciatique gauche.

Masson & CII'1 Fdite ? 5.

Plmlufnc nlllhuucl, ... l'or

SUR LES NÆVI SYSTÉMATIQUES

Voici d'abord mes observations :

401

OBS, I. Nævus-névrite du 2e nerf intercostal gauche, branche antérieure,

et des branches cutanées du petit sciatique gauche.

Jeune chauffeur de la Compagnie de l'Est, âge de 25 ans, en excellent état

de santé, ne présentant aucune autre anomalie ou tare nerveuse appréciable.

Il affirme ne connaître dans sa famille nul cas semblable au sien.

Naevi multiples, pigmentaires,de teinte fauve plus ou moins accentuée, plans,

constitués par des macules ayant en général la dimension de lentilles, parfois

cohérentes en placards plus ou moins vastes, et groupés en trois systèmes :

1° Système du 2e intercostal gauche (fig. 1, PI. XL), limité en dedans par

une ligne généralement parallèle à l'axe médian du sternum, s'étendant un peu

en dehors pour devenir franchement médiane vers sa pointe inférieure ; se dé-

viant légèrement en dehors et en haut à partir du 2e espace intercostal pour

Usions cutanées dans les maladies nerveuses et mentales ne modifie pas ma façon de

comprendre cette question, l'élude clinique d'un groupe de faits pathologiques pouvant

parfois constituer une baie suffisante pour leur interprétation.

xxiii 2-d

FIG. 1 (Obs. 1)

FlG. 2 (Obs. ruz

02

ETIENNE

arriver en haut jusqu'à la partie interne de la clavicule, et en dehors jusqu'à

la ligne mamillaire.

De cette masse se détache, au niveau du 2° espace intercostal, et sur le

prolongement de la ligne mamillaire, une bande s'incurvant au-dessus de la

zone du sein, allant en s'amincissant progressivement jusqu'au niveau du bord

interne du deltoïde, s'infléchissant ensuite en bas, suivant le bord du deltoïde

pour se diviser en deux branches, l'une sur la face interne du bras venant

mourir vers le bord postéro-interne du bras, l'autre croisant légèrement la

ligne médiane de la face antérieure du bras, descendant parallèlement à cette

ligne pour venir mourir au-dessus du pli du coude.

Ce groupe de taches est particulièrement foncé à la région interne et médiane,

où les macules sont cohérentes ; puis la teinte va en s'atténuant assez progres-

sivement vers les extrémités en devenant à peine apparente vers le coude.

2° Système fessier (fig. 2, PI. XL). Une petite tache, allongée parallèlement

à l'axe du corps, mesurant 5 à 6 centimètres de longueur sur 2 de large en-

viron, de teinte fauve très clair, à peine apparente, siège au niveau de la

partie inférieure de la fesse gauche.

3° Système du genou (fig. 2, PI.XL). Une série de macules, à disposition li-

néaire, orientées de haut en bas, s'étend à la partie inférieure de la face posté-

rieure de la cuisse gauche, partant de la région interne sous forme d'une bande

fortement pigmentée pour s'étaler en éventail, au niveau du creux poplité, en

lignes analogues aux vibices, en atténuant progressivement leur coloration.

Ces deux derniers systèmes paraissent dépendre, le premier des rameaux

récurrents du petit sciatique qui, émis au niveau du bord inférieur du grand

fessier, apportent la sensibilité à la peau de la partie inférieure de la fesse. Le

deuxième paraît ressortir au réseau d'épanouissement des branches terminales,

s'étendant jusqu'à la partie inférieure du creux poplité, du nerf cutané posté-

rieur de la cuisse, branche terminale de ce même petit sciatique ou nerf

fessier inférieur.

Ces deux groupes de naevi dépendraient donc de deux groupes de branches

terminales cutanées du petit sciatique.

Mais la topographie du premier système est plus intéressante encore. D'une

façon générale, elle répond nettement à la disposition des ramifications de la

branche antérieure du 2' nerf intercostal gauche.

Cette branche, depuis son point d'émergence, se dirige en avant pour se

répartir par ses terminales, les nerfs perforants antérieurs, à toute la peau de

la partie antérieure de la zone du 2e espace intercostal, en enchevêtrant ses

ramifications terminale* jusqu'au-dessus de la 2e côte, et en bas sur la 3e côte

en se mettant en rapport d'anastomoses avec les terminales du 3" intercostal

(More)).

De la branche antérieure se sépare le nerf perforant latéral qui, au 2e nerf

intercostal, se jette tout entier dans le nerf accessoire du cutané brachial in-

terne, lequel se répand dans la peau de la partie interne du bras par deux

branches terminales, une franchement interne, l'autre croisant légèrement

NOUVELLE Iconographie DE la SALPÊTRIERE.

T. XXIII. PI. XLI

Obs. V

Obs. II

SUR LES N/EVI SYSTÉMATIQUES

(Etienne) .

Obs. II. Ncevus-névrite du 3e nerf intercostal gauche (branche antérieure).

Obs. V. Noevus-névrite du ioe nerf intercostal gauche.

Masson & Cie, Éditeurs.

PIJotolYlUe Bel thaud Paris

SUR LES NÉVI SYSTÉMATIQUES 403

l'axe médian du bras (Van Gehuchten, Anatomie du système nerveux, 4° édi-

tion, fig. 393 ?

Il est facile de voir que cette disposition est rigoureusement celle présentée

par notre naevus.

Ce naevus recouvre donc toutes les régions innervées par les rameaux sen-

sitifs cutanés de la branche antérieure du 2° nerf intercostal gauche.

OBs..II. Naevus-névrite du 30 nerf intercostal gauche,

.. branche antérieure.

Vieille femme ayant toujours été en bonne santé, sans accidents nerveux.

Un vaste naevus constitué par le groupement de petites macules, de teinte

fauve, ayant les dimensions d'une lentille à celles d'une pièce de vingt centimes,

occupe toute la partie antéro-latérale gauche du thorax et une partie du bras.

Le bras étant placé en abduction forcée et en extension et très élevé comme

sur la photographie (fig. 3,P1. XLl), le naevus présente la forme générale d'un

triangle, limité en bas par une ligne sensiblement parallèle à la 5e côte sur

une longueur de 24 centimètres ; en dehors par la ligne axillaire postérieure,

prolongée par le bord interne du bras ; en haut par une ligne partant du ster-

num, passant au-dessus du sein pour gagner le bord antérieur de l'aisselle,

puis le bord antéro-externe du bras, sur une longueur de 38 centimètres, dont

22 du sternum à l'aisselle, et 16 de l'aisselle jusqu'à la fin du naevus sur la

face interne du bras.

Le nævus occupe donc en avant la région antérieure du 3e espace intercostal,

du niveau de la 3 côte jusqu'à celui du 4° intercostal, la région mammaire,

le creux de l'aisselle jusqu'à la ligne axillaire postérieure, et la partie postéro-

interne du bras, ainsi que le montre bien la photographie, dans laquelle le

membre supérieur est placé en abduction, est très élevé, et en rotation externe

forcée, de façon à présenter la partie postéro-interne du bras, la région anté-

rieure étant reportée en haut et en arrière.

Cette disposition est bien celle de la branche antérieure du 3e nerf inter-

FIG..1 3 (Obs. Il) 1

404

ÉTIENNE

costal gauche, qui, depuis son point d'émergence, se dirige en avant pour étaler

ses branches terminales perforantes antérieures, sur la région antérieure du

3° espace intercostal, avec irradiations au-dessus de la 2° côte, en bas sur la

4," côte et amener ses anastomoses avec celles du 4e nerf intercostal.

Le nerf perforant latéral du 3e intercostal, émergeant au niveau de la ligne

axillaire antérieure, envoie son rameau postérieur donner la sensibilité à la

partie postéro- interne du bras (Morel), et à la région latérale de la cage thora-

cique, partie supérieure de l'aisselle ; tandis que son rameau antérieur, allant

horizontalement en avant, innerve la peau de la région antéro-latérale du

3° espace intercostal,puis vient se distribuer dans la peau de la région mammaire

où convergent également ses homonymes (rami mammarii latérales) des 4e,

5" et 61 intercostaux (Van Gehuchten).

La comparaison de la topographie des naevi dans ces deux observations

(n°6 et 2) est intéressante,parce qu'elle met en évidence les particularités

anatomiques des 2e et 3e nerfs intercostaux. Le 1er naevus respecte la par-

tie antéro-externe du thorax, parce que, chez le 2e intercostal, la branche

perforante latérale n'a pas de filet antérieur vers la zone antéro-externe

du tronc, mais va se jeter en totalité dans le nerf accessoire du cutané

brachial interne qui innerve la peau de la partie interne et antéro-interne

du bras,et dont le territoire est occupé par les dernières branches du nae-

vus, alors que le territoire des autres branches du nerf cutané brachial

interne est totalement respecté.

Dans le 2e naevus, au contraire,la branche perforante latérale du 3" in-

tercostal possède son rameau antérieur pour la face antéro-latérale du tho-

rax et pour le sein, rameau débordant dans la zone laissée libre par l'ab-

sence du filet antérieur du 2e intercostal, et ici tout recouvert par le naevus ;

et son rameau postérieur innerve la peau de la partie latérale de l'ais-

selle, et aussi de la partie postéro-interne du bras (PI. XLI). Et autour

de la zone du 3e espace, il irradie assez largement dans la zone intermé-

diaire des anastomoses avec ses voisins.

Cas. III. Nævus-névrite sur le trajet du 81 nerf intercostal droit.

Jeune homme de M ans, bien portant, bien constitué.

Un nævus constitué par de petites macules pigmentaires fauves, ayant les

dimensions générales d'une lentille, avec une grande tache oblongue à la par-

tie supérieure de la zone latérale, s'étend sur la largeur moyenne d'une main.

Il part en arrière (fig. 4), sur la ligne médiane, au niveau de la Se vertèbre

dorsale, se dirige en bas et en dehors en recouvrant le 8° espace intercostal, la

8° côte, une partie du 7e espace intercostal ; une partie de la 90 côte et du

9'espace. Il descend parallèlement à ce groupe de côtes, devient horizontal en

s'élargissant légèrement sur la face latérale du thorax (fig. 5), puis redevient

nettement descendant pour croiser le bord inférieur de la 5' côte sur la ligne

1 SUR LES NÆVI SYSTÉMATIQUES 405

mamillaire (fig. 6), jusqu'au bord inférieur de la 7e côte, pour venir mourir

sans estompage sur la ligne médiane antérieure entre la pointe de l'appendice

xyphoïde et l'ombilic, un peu plus près de ce dernier.

Le noevus présente donc un quadruple mouvement : descendant en arrière,

Fic. 4 (Obs. III)

FIG, 5 (Obs. III)

FIG. 6 (Obs. III)

406 ETIENNE

pendant peu de temps horizontal à la face latérale, de nouveau franchement des-

cendant en avant, puis tendant vers l'horizontale.

Cette différence de plans, qui lui fait emprunter successivement des zones

correspondant d'une part aux territoires ressortissant aux segments médul-

laires D 6 à D 9 en arrière et en avant, mais croisant tous les derniers inter-

costaux, est plus régulière qu'elle ne le paraît à première vue ; elle correspond

précisément successivement à la disposition des rameaux cutanés postérieurs,

latéraux et antérieurs du 8° nerf intercostal, devenant de façon générale descen-

dante du fait de l'ascension relative de la moelle pendant la phase embryologi-

que, mais avec trois mouvements marqués, notamment pour le 8° intercostal,

par un trajet légèrement descendant en arrière (branches postérieures), très

descendant sur la face latérale (rameaux latéraux), et presque horizontal vers

la zone médiane antérieure (rameaux antérieurs (Van Gehuchten, fig. 333,

332).

Ces. IV. - Noeous- névrite pigmentaire plan sur les territoires des 8°, 9e et

10" intercostaux ; d'une partie du 2" intercostal droit, et des 2e, 3e ? 5" et

6e intercostaux gauches.

Jeune homme de 28 ans, présentant trois groupes de noevi pigmentaires

plans.

1° Un premier groupe occupant en arrière l'espace situé de la 8° à la

10" vertèbre dorsale (fig. 7), s'étend sur une largeur d'environ 4 travers de

doigt suivant une bande très légèrement descendante et suivant à peu près

les territoires segmentaires des 8e, 9° et 10e racines, pour gagner la face la-

térale du tronc,où elle devient plus horizontale (fig.8) ; puis à partir de la ligne

axillaire antérieure, elle devient nettement descendante (fig. 9) pour gagner

la région péri-ombilicale sur la ligne médiane, la dépassant légèrement il gau-

che, puis envoyant sur cette ligne médiane un prolongement vertical, étroit,

descendant jusrlu'au-dessus du pubis.

La disposition de ce naevus est facile à repérer. En arrière, elle se confond

avec la disposition segmentaire et avec la disposition névritique des 88, 9e et

10" nerfs intercostaux, dispositions qui, à ce niveau, se recouvrent à peu près;

mais en avant, la bande zoniforme descend pour recouvrir nettement les terri-

toires cutanés innervés par les filets antérieurs des branches perforantes latéra-

les ; puis abandonnant tout rapport avec les territoires segmentaires des 8e, 91

et 10° segments médullaires, elle vient recouvrir vers la ligne médiane la zone

d'enchevêtrement des rameaux perforants antérieurs.

Ce naevus est constitué par de petites macules pigmentaires fauves, ayant

les dimensions de lentilles à celles de pièces de vingt centimes, serrées, rap-

prochées les unes des autres. Fait curieux : sur la ligue latérale, et en haut,

existe la même grande tache oblongue, beaucoup plus vaste et plus foncée que

les autres, et paraissant coïncider assez sensiblement avec le point d'émergence

de la branche perforante latérale.

2" Un deuxième groupe, petit, constitué par une pigmentation de teinte

fauve assez légère, existe sur la peau au niveau de l'angle interne de l'omoplate

SUR LES NIEVI SYSTEMATIQUES

407

droite(fig. 7 et 8),et un peu au-dessus, sensiblement sur la zone d'efflorescence

de la branche postérieure du 2e intercostal.

3° Un placard'plus vaste, de teinte très légère, longe le bord interne de l'omo-

plate gauche (fi ? 7,s'épanouit en éventail d'aspect très estompé,entre le rachis

et le bord' supérieur de l'omoplate présentant ainsi une symétrie générale,

mais vague, avec le groupe précédent, et un rapport avec les terminaisons des

branches postérieures des 2", 3e, 4e, 5e, 60 intercostaux.

L'interprétation de ce nasvus est délicate. La disposition du 1 cr groupe re-

produit avec une remarquable fidélité la disposition du groupe des' 8% 9° et

10° nerfs intercostaux, s'écartant complètement en avant de toute disposition

segmentaire. Cependant, le faitque les. territoires extrêmes 8 et 10 sont com-

plètement recouverts et légèrement débordés pouvait faire penser à une lésion

médullaire intéressant dans l'axe médullaire les branches ascendantes corres-

pondant à ces nerfs périphériques. Mais cette interprétation cadre difficilement t

avec l'existence des naevi des groupes 2 et 3 ; et devant cette diffusion des lé-

sions, on ne peut s'empêcher de penser il une sorte de polynévrite foetale. '.

FIG. 7 (Obs. IV)

FIG, 8 (Obs. 4)

Fig. 9 (Obs. IV)

408

ETIENNE

Ons. V. Noevus-néorite du 10e nerf intercostal gauche, pigmentaire plan.

Du cas précédent nous rapprochons le suivant, déjà publié.

Jeune fille de 18 ans, chlorotique.

Le naevus (Pl. XLI) est constitué par l'agglomération de petites taches de

couleur fauve, ayant des dimensions variant de celles d'une lentille à une pièce

de 50 centimes, de forme arrondie; s'étendant d'arrière en avant et de haut

en bas sous forme d'une zone (ri-.10) ayant en moyenne la largeur assez cons-

tante d'une main, occupant tout le territoire d'innervation du 10e nerf intercos-

tal gauche, depuis la ligue vertéhrale,jnsl[n' : l11 niveau de l'ombilic ; s'arrêtant

en arrière comme en avant, très nettement à la ligne médiane.

La lésion porte exclusivement sur ra pigmentation ; aucune autre modifica-

tion cutanée.

La malformation est manifestement congénitale et la jeune fille ne connaît

aucune anomalie dans sa famille.

Cas. VI. Naevus-myélite segmentaire symétrique du thorax.

Nouveau-né du sexe masculin pesant 2.900 grammes, bien constitué.

L'enfant porte à la région interscapulaire un vaste naevus pigmentaire plan,

rG. 10 (Obs. V)

NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALPL'Cl21l.RE.

T. XXIII. Pl. XI.11

Obs. Vll

Obs. VI

SUR LES NÆVI SYSTÉMATISES

(Etienne).

Obs. VI. Noevus-myélite pigmentaire symétrique du thorax.

Obs. VII. Nævus fissuraire pigmentaire et verruqueux de la peau et

- - dP5 .m ! M.t),EH ? [race et cou)-

SUR LES NÆVI SYSTEMATIQUES

409

de couleur brun chocolat, mesurant 5 centimètres de dimension transversale

et 3 cm. 5 de hauteur au niveau de la colonne vertébrale.

Ce naevus, rigoureusement médian (PI. XLII. est constitué par deux par-

ties symétriques, s'élargissant en forme d'ailes de papillon de chaque côté, les

deux ailes étant exactement superposables en pensée.

La mère, primipare, âgée de 19 ans, est bien constituée. Pas trace de

syphilis. Aucun cas analogue dans la famille.

Tuberculose- pulmonaire au début, se manifestant déjà par de l'expiration

soufflée au sommet droit, et de l'inspiration rude à gauche. A noter encore

que depuis le 3e mois de sa grossesse, la mère a présenté une pigmentation

extrêmement prononcée de la peau.

Ce naevus se superpose à la distribution des rameaux cutanés des branches

postérieures du dernier cervical et du premier dorsal, droits et gauches.

Aussi sa bilatéralité en symétrie parfaite nous fait-elle penser à la proba-

bilité d'une lésion médullaire foetale plutôt qu'à une névrite simple.

Dans cette région thoracique supérieure, où les trajets des nerfs sont hori-

zontaux, la métamérie spinale se superpose à la métamérie névritique. Et ici, la

disposition en bande partielle, symétrique, superposable en pensée, donne

l'impression d'une disposition segmentaire. ,

A côté de cette distribution suivant un ou plusieurs territoires nerveux,

Philippson, puis Millier, Paterson, Galewsky et Schlossmann ont attiré

l'attention sur les rapports existant entre la disposition anatomique des

naevi et les-lignes de Voigt, c'est-à-dire les frontières séparant la sphère

d'action de deux nerfs cutanés voisins.

'De ces nævi, MM. Balzer et Alquier (1), dans leur intéressante étude

sur « les dermatoses linéaires », rapprochent ceux de Hallopeau et Jean-

selme, Vidal, blerlclen, Besnier.

C'est à ce type qu'appartient, en somme.malgré ses caractères très par-

ticuliers, le cas fort remarquable suivant, que j'ai observé avec mon col-

lègue M. le professeur Vautrin.

Cas. VU. lVxvus fissuraire pigmentaire et verruqueux, suivant notam-

ment la ligne médiane de la face et du cou, et se réfléchissant sur le raphé

de la voûte palatine, du voile du palais et de la langue.

Une ligne étroite de noevus pigmentaire brun, légèrement verruqueux, suit

toute la ligne médians DE la face (PI. XXLII), depuis la naissance des che-

veux jusqu'à la région hyoïdienne, suivant toute la ligne médiane frontale, na-

sale ; le lobule du nez, qui présente une ébauche de division ; le sillon labial;

puis arrivant sur la muqueuse, il se réfléchit sur la ligne médiane de la

voûte et du voile du palais, passe entre les portions de la luette bifide. On

(l) BALZER et ALQUISR, Les dermatoses linéaires, étude clinique et pathogénique, Archi-

ves générales de médecine, 1901, I, p. 117.

410 ÉTIENNE

voit ensuite la ligne verruqueuse reparaître sur le dos de la langue, suivre sa

ligne médiane ; puis sur le raphé de la langue, la ligne médiane du plancher

buccal ; reparaissant sur le sillon médian de la lèvre inférieure, divisant le

menton et la face antérieure du cou.

Sur cette grande ligne médiane, viennent se greffer des naevi linéaires éga-

lement verruqueux et pigmentaires, paraissant dessiner la ligne de réunion

des différents bourgeons maxillaires. Sur le côté gauche de la face et du cou,

sont de larges placards, peut-être en rapport avec les fentes branchiales. Un

de ces vastes placards s'étend entre le sternum et le scapulum.

Il est évident que la ligne médiane est une zone intermédiaire entre les

deux nerfs symétriques innervant les tissus voisins ; elle est donc forcé-

ment une ligne frontière de Voigt. D'autre part, les filets nerveux se déve-

loppent nécessairement dans les bourgeons, et les lignes de réunion de

ces bourgeons coïncideront fatalement avec les futures lignes de Voigt.

Par conséquent, les différentes portions de ce nævus seraient développées

suivant les lignes de Voigt.

*

....

Sur 7 observations, 6 intéressent surtout les régions intercostales;

5 recouvrent manifestement les zones de répartition des filets de la bran-

che antérieure d'un nerf intercostal, appartiennent donc au type naevus-

névrite. Mais il faut tenir compte de ce fait anatomiquement établi

(Morel, Testut) que les branches d'un nerf intercostal envoient des filets

aux nerfs sus-jacent et sous-jacent, de sorte que le territoire du 3e inter-

costal, par exemple, recouvre en partie celui du 2e et du 4e.

De ces cas rapprochons les deux naevi des branches récurrentes latérales

des intercostaux que nous avons antérieurement rapportées.

Le type névritique continue donc à nous paraître le plus fréquent au

thorax, de même qu'à la face d'après nos observations antérieurement

publiées. Et peut-être s'en rendrait-on mieux compte si on repérait ces

lésions sur des schémas indiquant la topographie des branches périphé-

riques des nerfs, au lieu de le faire sur des schémas se rapportant à la

métamérie médullaire.

A première vue, on pourrait être surpris de la disposition parfois par-

cellaire de la topographie névritique, de sorte qu'une portion seulement

du nerf paraît intéressée ; c'est le cas notamment pour les branches anté-

rieures des intercostaux, pour certaines expansions du petit sciatique.

Mais on peut s'apercevoir que dans la distribution d'un nerf, les zones

innervées par les branches sensitives seules sont marquées par le naevus,

notamment la branche antérieure des intercostaux, les arborescences ter-

minales cutanées du petit fessier. Et d'autre part la pathologie névritique

nous habitue chez l'adulte à ces sélections parcellaires, telle la névrite

SUR LES NÆVI SYSTÉMATIQUES 411

radiale motrice saturnine épargnant les filets supinateurs ; les localisa-

tions électives des névrites diphtériques, la senévrile nsitive des éthyli-

ques, etc. '

Une de nos observations cependant (n° VI) nous parait plutôt d'origine

myétitique. Sa disposition paraît bien recouvrir la partie interne des deux

zones intercostales ; mais sa disposition remarquablement symétrique, en

ailes de papillons superposables, incite à rechercher plus haut le point de

départ, et à l'attribuer à une lésion de myélite intra-utérine. C'est le

type symétrique que nous avons déjà indiqué, et attribué à cette cause.

Un autre type, de même nature et de même origine, est notre type sérié,

intéressant plusieurs territoires nerveux consécutifs (plus de trois cepen-

dant, en raison des anastomoses des intercostaux voisins). Et cette origine

nous paraît interpréter la très intéressante observation 6 de MM. Klippel et

Weill, si semblable au zona de la 5e observation de M. Achard (1), plus

facilement qu'une lésion systématique des 5e, 6e, 7e racines cervicales, lra@

2% 3e et 4e racines dorsales, unilatéralement frappées. Et ceci serait d'au-

tant plus vrai que les auteurs ont constaté à l'autopsie l'existence d'une

anomalie, d'une coloration noirâtre située en manchon épais de 1 à 2 mil-

limètres autour du canal de l'épendyme sur une étendue de 3 centimètres

de hauteur environ, siégeant précisément au niveau de la région cervicale

inférieure et dorsale supérieure.

On ne peut se défendre d'émettre aussi une hypothèse analogue en ce

qui se rapporté à l'observation 5 du même mémoire, dont les figures 17,

18, 19 et 20 indiquent une disposition en bande paraissant bien se

rapprocher de la zone métamérique D 11, avec irradiation partielle

vers D 10 et D 12, ainsi qu'il est fréquent dans l'innervation du tronc.

Cette topographie en bande horizontale s'écarte, en tout cas, com-

plètement de celle du type névritique, très descendante à ce niveau ; et

elle se rapproche étrangement de celle d'un des zonas du professeur

Brissaud (2).

Nous trouvons donc jusqu'ici trois types nets de distribution des noevi :

1° le iîmvzts névrite par névrite, recouvrant le territoire d'un nerf péri-

phérique (obis. de mon premier mémoire) ou reproduisant sa disposi-

tion projetée sur la peau (obs. 1, 6, de mon premier mémoire), ou plus

exactement, des prolongements sensitifs ectodermiques issus du ganglion

de sa racine postérieure ; 2° le îzffitiîts-7jyélite, à distribution segmen-

taire, dont la direction croise celle des nerfs périphériques de sa région,

par lésion du prolongement radiculaire dans son trajet inlra-médullaire,

dans un segment spinal parfois assez haut au-dessus de l'émergence des

(1) VACHARD, Sur la topographie du zona. Soc. méd. des hôpitaux, 1896.

(2) Brissaud, Loc, cit., fig. 1, p. 2S, Bulletin médical, 1896.

412 ÉTIENNE

paires spinales intéressant la région cutanée lésée, naevus-myélite que uous

avons décrit, avec Selhorst, presqu'en même temps (1) ; 3° enfin le

nxvus ne concordant plus avec un territoire nerveux, mais au contraire

suivant les lignes de Voigt, c'est-à-dire la frontière entre plusieurs terri-

toires nerveux.

Mais je n'ai pas observé encore de noevus du type métaméro-radicu-

laire, c'est-à-dire présentant une disposition permettant de l'attribuer avec

certitude à une lésion de la racine postérieure entre son ganglion et son

entrée-dans la moelle.

Comment peut-on s'expliquer la genèse de ces naevi ?

Très simplement pour le nævus-névrite et le noevus-myélite. Si on

admet que des amas de la crête de Sagemehl ou chaîne ganglionnaire de

His (ou de son prolongement encéphalique), futurs ganglions des racines

postérieures, les cellules ganglionnaires envoient d'une part leurs pro-

longements cylindraxiles allant former les cordons postérieurs et en partie

les racines postérieures delà moelle (Brissaud) (2) ; et d'autre part qu'elles

sont dès le début de leur développement unies à leurs organes terminaux

comme elle de provenance ectodermique (Hensen) (3), on comprend

facilement qu'une lésion de cet appareil embryonnaire peut retentir sur la

peau en faisant partie intégrante, et sur ses annexes, poils, glandes séba-

cées et sudoripares, etc. Et aussi qu'une lésion foetale de l'appareil gan-

glionnaire déterminera une malformation cutanée dont la topographie

reproduira la distribution périphérique de ce nerf lésé. Mais qu'au con-

traire une lésion foetale portant sur un neurotome spinal produira des trou-

bles cutanés à type segmentaire, c'est-à-dire sur une zone tributaire du

segment spinal par lequel passent les prolongements intra-médullaires

issus des cellules ganglionnaires, ou peut-être aussi les cellules de quel-

ques-uns des neurones centripètes ayant leur cellule au-dessus du gan-

glion.

Ces données nous permettent de comprendre pourquoi les troubles tro-

phiques s'observent uniquement dans les zones de distribution des bran-

ches centripètes des nerfs. Mais comment une lésion du nerf sensitif nous

explique-t-elle un trouble trophique ?

Chez l'adulte, la théorie de Marinesco permet d'admettre que la tro-

(1) G.ETIENNE, Des noevi dans leurs rapports avec les territoires nerveux. Société de

médecine de Nancy,l0 juin 1896, in Revue médicale de l'Est, 1896, p. 431. SELHOUST,

Nxvus acneiforme unilatéral, 3e Congrès international de dermatologie et de sypüi-

ligraphie, Londres, 1896, 4-8 aoùt.

(2) Brissaud, La métamérie spinale et la distribution périphérique du zona. Bulle-

tin médical, 1896, p. 90 (2° colonne).

(3) HELVSEN, Zur Enlwicklung des Neruensystems. Virchow's Archiv, XXX, 1864.

SUR LES N.VI SYSTÉMATIQUES 413

phicité des tissus est régie par l'état d'équilibre trophique des cellules

médullaires. Lorsque, par exemple, les cellules des cornes antérieures

sont lésées, ou lorsque leur état d'équilibre trophique est vicié par sup-

pression ou par adultération de l'influx nerveux apporté à ces cellules

par des neurones altérés, le trouble trophique se produit, ainsi que je

l'ai montré pour les arthropathies nerveuses, la cheiromégalieou les pa-

naris mutilants.de la syringomyélie. Mais peut-être aussi peut-on, dans la

genèse de ces phénomènes, faire jouer un rôle à l'intervention du sympa-

thique (1) ,

Cette intervention explique plus facilement encore, peut-être, la patho-

génie des naevi.

Il suffit de rappeler que le' ganglion de la racine postérieure et le gan-

glion sympathique d'un métamère ont une origine commune, soit qu'on

admette que, à côté de l'appareil médullaire embryonnaire, de l'amas gan-

glionnaire partie de la crête de Sagemehl ou cordon ganglionnaire deHis,

quelques ganglioblastes s'éloignent pour aller constituer de chaque côté

de la colonne vertébrale le ganglion de la chaîne sympathique ; soit,

qu'avec M. Barbieri, on fasse surgir du système du grand sympathique

lui-même le ganglion nerveux des racines postérieures. Quoi qu'il en soit

de la formation initiale, chaque ganglioblaste sympathique donne nais-

sance à un prolongement cylindraxile constituant soit un rameau commu-

niquant se dirigeant vers la moelle, soit un rameau périphérique, soit un

rameau intermédiaire allant vers le ganglion sympathique voisin. Il y a,

en somme, communication de l'organe sympathique avec la moelle par

des filets sympathiques centrifuges et des fibres médullaires centripètes

(Langley, Roux) ; et avec le ganglion de la racine postérieure par des filets

centrifuges et centripètes, sans compter de véritables petits ganglions sym-

pathiques accolés au ganglion de la racine postérieure (Marinesco). Donc

contact permanent entre l'influx sympathique et le neurone centripète.

Cette dépendance embryologique peut se manifester en pathologie

dans certaines malformations, dont le cas le plus remarquable,absolument

schématique, me paraît être la neuro-fibromatose observée par MM. Si-

mon et Moche (2), systématisée à tous les nerfs périphériques, aux ganglions

rachidiens et à tout le système sympathique, à l'exclusion totale des ra-

cines poslérieures des nerfs, de la moelle et du cerveau. Et en clinique

nous retrouvons constamment cette connexité entre les manifestations

sympathiques et sensitives.

(1) G. ETlEJ\ ! OE et Cu. Champv, Les lésions cellulaires des cornes antérieures de la

moelle dans les arthropathies nerveuses. Considérations sur la pathogénie générale

des arthropathies. Encéphale, 1908, n° 5, mai.

2) SimoN et Hoche, Les ganglions nerveux des racines postérieures appartiennent-

ils au système du grand sympathique ? Autopsie d'un cas de neuro-fibromatose. Réu-

nion biologique de Nancy ; C. H. Société la Biologie, 1905, t. 11, p. 487.

414 ETIENNE

Dans ces conditions, nous comprenons très simplement le retentisse-

ment d'un trouble sympathique embryonnaire sur la trophicité des dépen-

dances ectodermiques dans un territoire innervé par un nerf centripète.

Si la lésion porte sur un ganglion sympathique, la répercussion se produira

sur les cellules du ganglion de la racine postérieure du même métamère,

dont l'équilibre trophique rompu par l'adultération de l'influx sympa-

thique y aboutissant, transmettra aux organes ectodermiques terminaux

auxquels elles sont unies dès le début suivant Hensen, une action trophi-

que déséquilibrée, d'où le naevus cutané. Et dans ce cas, le noevus se ré.

partira sur. le territoire du nerf intéressé, en prendra le type névritique.

Il en sera de même si la lésion initiale porte sur le ganglion de la raci ne

postérieure, ou sur un groupe de ses cellules ; celles-ci, lésées, transmet-

tront mal à la périphérie l'influx sympathique qu'elle ont reçu.

Si la lésion initiale porte sur l'appareil médullaire, deux caspeuventse

présenter. Ou bien elle intéresse un groupe de prolongements centraux

des cellules ganglionnaires, et alors la répercussion se fera selon la distri-

bution des neurones touchés; d'où encore une topographie périphérique

reproduisant celle des nerfs, mais suivant les territoires de plusieurs nerfs

successifs ; ce sont les noevi sériés. Ou bien la lésion intéresse un groupe

de cellules médullaires ; or, d'après les recherches de M. et Mme Parhon,

les colonnes de cellules médullaires en rapport avec le sympathique sont

constituées par des groupes superposés, ont donc une disposition segmen-

taire, et réagiront par conséquent à la périphérie par des troubles trophi-

ques segmentairement distribués.

Mais suivant que la lésion est myél,itique ou cellulo-névritique, les

conditions pathogéniques varient.

Le premier cas ne peut se produire que lorsque le contact est déjà

établi entre le protoneurone centripète et la moelle. Et alors le mécanisme

du trouble trophique peut se produire par transmission aux cellules des

cornes antérieures de l'influx sensitivo-trophique adultéré, par l'intermé-

diaire du faisceau sensitivo-moteur de Ramon y Cajal, branche terminale

du protoneurone centripète. Nous retrouverions ici le même mécanisme

déjà étudié à l'égard de cet autre trouble trophique de la vie adulte qu'est

l'arthropathie nerveuse. Et il en pourrait être de même encore lorsque le

type névritique s'établirait, lui aussi, après la connexion du neurone sen-

sitif et de la moelle. ,

Mais si le type cellulo-névritique a une origine très précoce, s'amorce

au moment où les systèmes sympathique et cellulo-ganglionnaire de

Sagemehl ne se sont pas encore anastomosés avec l'appareil médullaire

dont ils sont initialement indépendants, le mécanisme de l'altération tro-

phique ne peut se produire que par le retentissement direct de l'influx

SUR LES NÆVI SYSTEMATIQUES 415

trophique de la cellule ganglionnaire sur ses organes terminaux, qui lui

sont unis dès le début, d'après Hensen ; il faudrait admettre alors un vé-

ritable influx trophique récurrent dans le neurone centripète. Ou bien,

d'autre part, ce même trouble trophique pourrait s'expliquer par une

lésion intéressant systématiquement l'ensemble de cet organe embryon-

naire, le neurone centripète et ses organes terminaux périphériques unis.

Reste l'interprétation des noevi sur les 'lignes de Voigt. Ces lignes ne

constituent pas des régions neutres mais au contraire des territoires sur

lesquels se heurtent et s'accumulent les terminaisons nerveuses de deux

systèmes voisins, et où, dit M. Hallopeau, s'accumule leur action. Et ce

sont également celles au niveau desquelles, pendant le développement

embryologique de la peau, se rencontrent deux territoires cutanés.

Or Blaschko explique qu'aux endroits où, chez l'embryon, s'accolent

deux territoiies cutanés en voie de formation, il se fait au niveau du cho-

rion correspondant à la surface épidermique une prolifération plus active

déterminant le bourgeonnement des crêtes épithéliales ; et ces modifica-

tions de la surface limitante du chorion et de l'épidémie s'étendent à

toutes les couches sus-jacentes. Mais s'il existe un trouble de l'organe

nerveux de ces territoires cutanés en voie de conjonction, trouble capable

d'altérer la trophicité, selon les conditions ètudiées plus haut, il y aura

modification du développement normal de ces formations. Or il est logique

d'admettre que ces régions intermédiaires de Voigt, qui sont déjà le point

de départ de la différenciation, pourront être dans certains cas le siège

électif du trouble trophique.

Ainsi peuvent s'expliquer des dispositions analogues à celle de l'obser-

vation VII du présent mémoire, et aux quelques rares cas publiés, no-

tamment, par Plil ippson, Paterson, Galewsky et Schlossmann, Hallopeau ;

disposition « péridermato-métamérique » que MM. Klippel et Weill rat-

tachent au développement vasculaire, mais qui d'après les considérations

ci-dessus, nous paraissent pouvoir relever aussi du développement de

deux « névro-métaméres cutanés » pour reprendre une expression de

ces auteurs.

Quant à l'étiologie de ces accidents, je n'ai rien à ajouter l'hypothèse

que j'émettais en 1896 et 1897, de l'intervention possible pendant la

gestation d'une maladie infectieuse légère, trop bénigne pour interrom-

pre la grossesse ; ou des troubles gastro-intestinaux si fréquents chez la

femme enceinte ; et dont les produits toxiques détermineraient une myé-

lite ou une névrite foetale. M. Lelong a insisté sur le fait que les toxines ne

lèsent assez profondément que des groupes cellulaires présentant une vul-

nérabilité spéciale, ce qui explique la localisation parfois très étroite du

naevus ; on en peut dire autant des filets nerveux périphériques.

ÉCOLE DE NEUROPATHOlOGIE DE L'UNIVERSITE ROYALE DE ROME

P"- G. MINGAZZINI

CONTRIBUTION A L'ÉTUDE

DES ARTHROPATHIES TABÉTIQUES

DE LA COLONNE VERTÉBRALE

PAR

GIUSEPPE BASCHIERI SALVADORI

assistant de l'Ecole de Neuropathologie de Rome.

La littérature des arthropathies tabétiques de la colonne vertébrale est,

on peut le dire, des plus restreintes. S'il est vrai que les cas jusqu'ici pu-

bliés atteignent (ou ne dépassent guère) la trentaine, bien peu doivent être

retenus comme réels de façon indiscutable, soit à cause de la qualité par-

ticulière des éléments anatomo-pathologiques, soit au point de vue de

l'exact diagnostic différentiel, ou de l'examen radiographique subsidiaire.

Je pense donc qu'il y a un certain intérêt à faire connaître un cas récent,

qu'il m'a été donné d'étudier à la clinique des maladies nerveuses, dirigée

par le Professeur Mingazzini : cas qui, par son cours particulier, offre

matière à quelques considérations relativement à l'interprétation de

divers symptômes observés dans le cours du tabes.

Observation.

M. G..., 40 ans environ, femme de service, mariée. Père mort de pneumo-

nie ; mère morte paralytique à 86 ans. Deux soeurs mortes en bas-âge, de

maladies que la malade ne sait préciser; deux frères, morts également : l'un

par accident sur le travail, l'autre de cardiopathie. Un autre frère, âgé de

32 ans, vivant, souffre, depuis quelque temps, de névralgies. La malade, née

à terme, a été nourrie par sa mère. La dentition, la parole, la marche,

se montrèrent chez elle en temps normal. A 13 ans, elle eut à souffrir d'un

exanthème papuleux, à la suite d'une grande frayeur, exanthème qui disparut

an bout d'un mois. A la même époque, la menstruation s'établit régulière-

ment, sans phénomènes dignes de note. A 18 ans, elle se maria : son mari,

âgé alors de 34 ans, semble avoir été atteint antérieurement d'affections véné-

riennes, et probablement de syphilis. La femme G... affirme que son mari

était sujet à de fréquentes éruptions de papules qui laissaient comme traces

des taches légèrement colorées en jaune, et que, depuis cinq ou six ans, il

souffrait de douleurs dans les os, par accès graves qui souvent l'ont obligé à

garder longtemps le lit.

UES ARTHROPATHIES TABÉTIOUES DE LA COLONNE VERTÉBRALE 417

Aucun enfant n'est né du mariage. Il y a 14 ans, la malade, qui jouissait

d'une bonne santé jusque-là, a commencé à éprouver des douleurs d'estomac,

qui se déclaraient en dehors de toute question de nourriture. Notre sujet ne

peut dire si ces douleurs qui n'étaient pas accompagnées de vomissements,

étaient plus fortes le matin ou le soir. Après deux ans, les douleurs cessèrent,

à la suite d'une cure qu'elle ne sait préciser. Environ un an et demi plus tard

(1897), vers 28 ans, la femme G... commença à se plaindre de douleurs dans

les membres inférieurs, localisées plus spécialement dans le genou, douleurs

de caractère lancinant, qui augmentaient suivant les perturbations atmosphé-

riques, et qui étaient plus fréquentes la nuit que le jour. Ces douleurs, d'a-

bord rares et légères, ont été en s'aggravant peu à peu et lentement jusqu'au

moment présent où elles sont très fréquentes. Elles se manifestent presque tous

les jours, et plusieurs fois par jour, dans les deux membres inférieurs, sans

que la patiente puisse dire si c'est plus souvent aux genoux ou aux pieds, et

parfois même dans les membres supérieurs, spécialement aux mains. Peu de

mois après la première apparition de ces douleurs (1898), la patiente s'aperçut

qu'elle était devenue presque complètement amaurolique de l'oeil droit. Elle

eut recours à un oculiste qui diagnostiqua un décollement de rétine, et com-

mença une cure dont elle ne retira aucun soulagement. En 1904, elle

commença à noter aussi dans l'oeil gauche un affaiblissement de la vue. L'ocu-

liste, consulté de nouveau, ^diagnostiqua une choroïdite commençante, et la

soumit à des cures qui demeurèrent presque sans effet. Depuis lors, la patiente

n'a plus noté de troubles, en dehors de ceux que nous venons de rapporter.

En février d909, à la suite d'un effort, elle ressentit une douleur dans la

région lombaire. Deux jours après, elle tomba deux fois à terre, sans perdre

connaissance, comme si, suivant ses propres expressions, un poids l'eut entrai-

née vers le sol. En même temps les douleurs de la région lombaire se firent

plus intenses, et prirent le caractère de douleur en ceinture, si bien qu'elle

recourut à un chirurgien. Celui-ci, diagnostiquant un rein mobile, l'opéra le

19 avril 1909. Le cours postopératoire fut des plus réguliers, et, après

21 jours de séjour à l'hôpital, la malade retourna chez elle. Mais les douleurs

lombaires ne retirèrent aucune amélioration de l'acte opératoire, si bien qu'ac-

tuellement elles sont une cause de vives souffrances pour la malade. Elles

sont continues, en ceinture, et s'exaspèrent avec la station verticale et les

mouvements du tronc.

A peu près à l'époque de l'apparition des douleurs en ceinture, la patiente

commença à être sujette à des vertiges intenses quand elle montait ou descen-

dait les escaliers, et nota une incertitude de plus en plus marquée dans la

déambulation : incertitude qui s'accentue quand elle marche dans l'obscurité.

De temps en temps, dans ces derniers mois, la malade a éprouvé des crises de

douleurs à l'estomac, crises qui disparaissent après le vomissement d'un

liquide insipide dont l'évacuation se fait sans trop d'efforts.

Elle a aussi remarqué que, depuis quelques mois également, il y a, après

la miction, sortie de quelques gouttes d'urine dont elle ne sent pas le passage

Mui 28

418 8 GIUSEPPE BASCHIERI SALVADORt

le long de l'urètre. Elle est pareillement sujette à des décharges diarrhéiques,

qui se succèdent rapidement et qu'elle réussit avec peine à retenir.

Examen objectif. La patiente est de moyenne taille ; le pannicule adi-

peux et les masses musculaires sont modérément développés. Pas d'anomalies

notables du côté des parties constituant le squelette, sauf dans la colonne

vertébrale où l'on observe une scoliose à la région lombaire, scoliose dont la

convexité est tournée vers la droite (PI. XLIII). Cette anomalie, selon le récit

de la malade interrogée à ce sujet, daterait seulement de l'époque où se sont

manifestées les douleurs lombaires, pour lesquelles elle fut opérée de néphro-

pexie. La couleur de la peau et des muqueuses visibles est pâle. Coeur, dans

ses limites physiologiques ; battements normaux. Pulsations 68 ; pouls plein

et rythmique. La percussion du thorax indique une submatité à la base du

thorax postérieur droit ; à l'auscultation sur cette région, on perçoit de nom-

breux râles demi-bulleux. La malade, questionnée sur ce point, dit souffrir de

toux sans expectoralion, depuis plusieurs années. Abdomen non tendu et pal-

pable. Le foie déborde un peu l'arcade costale. La palpation profonde de ce

viscère est douloureuse.

Examen neurologique. - L'oeil droit se présente un peu plus saillant que

le gauche ; en outre, il a une tendance à converger. Le mouvement des yeux

est normal à gauche. A droite, on note une limitation du mouvement de rota-

tion du bulbe oculaire vers l'extérieur.

Rien du côté des paupières à l'état de repos. Elles se ferment également

bien à gauche et à droite. Dans l'acte de plisser le front, on n'observe aucune

différence entre les deux côtés. Au niveau des faciaux inférieurs, on note que

le facial de droite est hypotonique dans le soulèvement de la lèvre supérieure.

La langue, dans la cavité buccale, tend à dévier à droite. Quand elle est complè-

tement tirée, elle dévie légèrement à gauche. En outre, une hypotrophie de la

moitié gauche de l'organe se montre, avec évidence, spécialement à l'extré-

mité, où le bord se présente plus mince, et où l'empreinte des dents est plus

marquée. Les mouvements latéraux s'accomplissent un peu mieux de gauche

à droite que de droite à gauche ; et, soit dans la cavité buccale, soit quand elle

est tirée, la langue est agitée de légers tremblements.

La luette est déviée vers la gauche, et, si l'on fait prononcer à la malade la

voyelle a, on remarque que les mouvements sont mieux accomplis par la moi-

tié droite du voile du palais.

Aucun trouble dysarthritique, ni dysphasique, ni dysphonique. Bien con-

servés, les mouvements passifs et actifs de la tête, du cou et du tronc. Mouve-

ments passifs et actifs des membres supérieurs, normaux. Dynamométrie :

D. 12, G. 12. Les membres supérieurs ne présentent pas de troubles ataxi-

ques ou diadococinésiques.

Les mouvements passifs sont tous possibles et complets. Légère diminu-

tion de la tonicité musculaire. (Les mouvements de complète flexion de la

cuisse sur le bassin, de la jambe sur la cuisse, et d'byperextension des pieds

sont possibles aussi.) Mouvements actifs tous bien conservés des deux côtés ;

mais on note une légère diminution de la forcé musculaire.

U\'ELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALYLTRICRE.

T. XXIII. Pl. XLIII

ARTHROPATHIE TABETIQUE VERTÉBRALE

(G. Bascbieri Salvadori).

Mtt550n & Cm, ]dltetlr<;.

Photot)l1l1' Berlliaud, Puri"

DES ARTHROPATHIES TABETIQUES DE LA COLONNE VERTÉBRALE 4<9

Dans la marche, les mouvements sont un peu incertains et incoor-

donnés ; la malade frappe légèrement les talons, et a tendance à lancer les

pieds. Ces troubles s'accentuent lorsque la déambulation est accomplie en fer-

mant les yeux. Si l'on invite la patiente à s'arrêter brusquement ou à tourner

sur elle-même tandis qu'elle marche, on observe de brusques oscillations de

tout le corps, oscillations encore plus manifestes quand l'ordre est donné pen-

dant une marche à yeux clos. La patiente ne réussit pas à se tenir sur un

seul pied. Romberg évident. Si l'on ordonne il la malade, reposant en décu-

bitus horizontal, de se toucher avec le talon le genou du côté opposé, l'ordre

est exécuté avec une certaine hésitation.

Réflexes. Vifs, tous les tendons supérieurs ; pour les rotnliens et les achil-

léens sont abolis; les plantaires sont actifs ; il se manifestent parfois par la ré-

traction de tout le membre ; les abdominaux, les épigastriques, le pharyngien et

le cornéen sont présents.

La pupille droite est légèrement déformée, et présente un coutour irrégu-

lier au bord supérieur ; elle est plus grande que la gauche, et complètement

rigide ai la lumière et à l'accommodation. La gauche, au contraire, tout en de-

meurant rigide à la lumière, réagit faiblement à l'accommodation. On ne peut

rien dire de la réaction à la convergence, vu l'impossibilité d'accomplir l'exa-

men.

L'examen de la sensibilité révèle la présence de zones d'hypoesthésie et d'hy-

poalgie, en correspondance avec le territoire de distribution de la 8c racine

cervicale et première dorsale des deux côtés (région ulnaire des avant-bras),

en correspondance du territoire de la 6° et 70 vertèbre dorsale (région sous

mamellaire) et de la 3e, 4e et 5° vertèbre sacrale (région parianale).

La sensibilité thermique, barique et paresthésique est partout bien conser-

vée. Bien conservés aussi sont le sens musculaire, le sens des attitudes seg-

mentaires, et la perception stéréognostique. La pression des troncs nerveux

périphériques n'est pas douloureuse, ni celle du rachis et du canal paraverté-

bral.

Vue. - Amaiirose presque complète à droite, où la patiente entrevoit , à

peine une légère lueur à l'approche d'une lampe électrique à fort pouvoir

éclairant. Gauche : Visus = 1/2. Pas de dyschromatopsie. Champ visuel de

l'oeil gauche légèrement restreint pour le blanc, le rouge, .le vert. Examen

ophtalmoscopiqae : à droite, détachement rétinique complet ; à gauche, pré-

sence de zones de cl.oroïdite.

Ouïe. Weber latérisé à droite, normal des deux côtés. Voix base et tic-

tac de la montre mieux perçus à droite. La même chose doit se dire du sifflet

de Galton..

Odorat. Le sens est bien conservé, à droite comme il gaucho.

Goût. A droite comme à gauche aussi, le salé, l'acide, le doux, l'amer,

sont bien perçus.

Les facultés mentales sont normales dans toutes leurs manifestations.

Ponction lombaire. On extrait 10 centimètres cubes de liquide limpide,

transparent à pression normale. L'examen chimique révèle une très légère

420 GIUSEPPE BASCHIERI SALVADOR1

augmentation de l'albumine : 3 de l'éprouvette de Nissl (Preuve de Nonne,

négative). L'examen microscopique révèle une moyenne lymphocytose. La

preuve de Wassermann donne une légère hémolyse.

L'examen radiographique de la colonne vertébrale met en évidence les phé-

nomènes suivants (PI. XLIV).

1° Lordose et scoliose du segment lombaire avec convexité à droite ;

2° Rotation des vertèbres lombaires, spécialement de la 3e et de la fie sur le

propre axe, de telle sorte que les apophyses épineuses ne sont pas sur l'axe

médian antéro-postérieur mais sur l'axe transversal du corps ;

3° Déplacement des rapports entre un corps vertébral et l'autre, et spéciale-

ment entre la 3e et la 4° vertèbre lombaire, de façon que le corps de la

3° fait une saillie d'un doigt environ sur le plan de la 2e et de la 4e (subluxation

antéro-tatérale de la 3e vertèbre lombaire) ;

4° Dépression de la moitié gauche du corps de la 3° vertèbre lombaire, qui

se présente en forme de. coin ;

5° Irrégularité des faces articulaires de la 3° et de 4B vertèbre lombaire ;

6° Diminution de volume des apophyses transverses des mêmes vertèbres.

De l'étude des phénomènes objectifs et subjectifs relevés sur la malade,

ressort clairement le diagnostic du tabes. Je me limiterai donc à rappeler

seulement les symptômes qui m'ont conduit à ce diagnostic, et de passer

rapidement en revue les plus importants diagnostics différentiels.

Parmi les symptômes relevés, les plus importants sont : les douleurs

lancinantes, les crises gastriques, la faiblesse dans les membres inférieurs,

l'abolition des réflexes rotuliens et achilléens,l'ataxie statiqueet dynamique

des membres inférieurs, les troubles de la sensibilité à type principale-

ment radiculaire, le symptôme de Romberg, les parésies du detrusor vesicx

et du sphincter anal, enfin une lymphocytose de moyenne intensité et

l'augmentation de l'albumine dans le liquide céphalo-rachidien.' Je ne

parle pas de l'absence du réflexe iridien à la lumière, et cela, à cause du

décollement de la rétine et de la choroïdite respectivement relevées à

l'examen du fond des deux yeux, qui pourraient être à eux seuls, cause

d'un semblable phénomène.

Une telle symptomatologie fait facilement exclure la pensée que, dans

notre cas, il puisse s'agir d'une sclérose en plaques, ou d'un syndrome

syringomyélique, ou enfin d'une forme polynévritique. En effet, à faire

exclure la première hypothèse, concourent, outre les signes anamnesti-

ques, l'absence du tremblement intentionnel et du nystagmus, l'abolition

des réflexes rotuliens et achilléens, et l'absence de ces troubles de la parole

qui sont caractéristiques de la maladie en question.

De même, on ne pourrait concilier avec l'hypothèse d'une syringo-

NOf ? LLLI Iconographie DL la SA1.1 ? 1'Rll.ar.

T. XXIII. PI. 11t\'

ARTHROPATHIE TABETIQUE VERTÉBRALE

(G. Bascbit'l Salvadori).

Masson & Cie, Editeurs.

111tnl(lllllt ! Il''lll1and, Pmi

DES ARTHROPATHIES TABÉTIQUES DE LA COLONNE VERTÉBRALE 421

myélie, l'existence des troubles .de la sensibilité tactile et dolorifique à

type radiculaire et non à type segmentaire ou désassocié, et l'absence de

troubles moteurs et trophiques à charge des membres. .

. Contre l'hypothèse d'une polynévrite serait enfin principalement le

fait de l'absence de la douleur à la pression des troncs périphériques, la

manière de marcher, les troubles recto-vésicaux, etc.

Ce qui, au contraire, me paraît digne d'une démonstration plus pé-

remptoire, c'est l'interprétation que j'ai proposée, de « arthropathie tabé-

tique ,>, aux phénomènes relevés du côté de la colonne vertébrale.

Mais avant d'entreprendre cette démonstration, je crois opportun de rap-

peler brièvement les études faites jusqu'à ce jour sur les arthropathies ta-

bétiques de la colonne vertébrale.

Les cas d'arthropathies labéliques des vertèbres se divisent en trois

groupes : -.

a) Ceux dans lesquels le diagnostic est principalement basé sur les

données anamnestiques, et par conséquent sur l'examen objectif, et sur

les critériums cliniques ; b) Ceux où le diagnostic est appuyé par un

examen soigné des éléments anatomiques ; e) Ceux, enfin, où le diag-

nostic a été fortifié par l'examen radiographique de la colonne vertébrale.

Pour ce.qui concerne les cas du premier groupe, qui sont du reste

plus nombreux, il me semble qu'ils peuvent avoir seulement une valeur

de probabilité, parce que, si, d'une part, un diagnostic différentiel avec

le mal de Pott ou avec un processus syphilitique à la charge des vertèbres

n'offre pas de difficultés, de l'autre, il en est tout différemment pour le

diagnostic différentiel avec le rachitisme et l'ostéo-malacie, si l'on veut

bien écarter le criterium anamnestique dont nous connaissons tous le ca-

ractère trompeur.

Les cas appuyés de l'examen anatomique sont au contraire d'importance

indiscutable ; car si, d'un côté, il a été ainsi possible d'établir un certain

diagnostic d'arthropathie tabétique de la colonne vertébrale, de l'autre, on

a eu aussi l'opportunité d'étudier la nature et le siège des altérations des

vertèbres.

Le mérite d'avoir étudié de semblables cas appartient principalement

à G. Petit (1), à B. Auché (2) et, plus qu'à tous, à Abadie (3) ; et c'est

précisément le travail d'Abadie qui donne une exacte description des alté-

rations qu'il a rencontrées dans un cas d'arthropathie tabétique : altéra-

tions qui peuvent se répartir comme il suit :

1° Déviation évidente de la colonne vertébrale ; .

422 GIUSEPPE RASCIIIEHI SALVADOR !

2° Diminution de la hauteur du corps vertébral, tissu osseux, léger et

poreux ;

3° Faces articulaires des vertèbres irrégulières ;

4° Apophyses épineuses volumineuses ; apophyses transverses presque

absentes ;

50 Maximum des altérations, au niveau de la 3P et de la 4° lombaire

(réduites à des coins) ;

6° Production cl'ostéopli3 les plus ou moins volumineuses ;

En présence d'une aussi exacte description des altérations, on comprend

facilement combien peut être utile une radiographie grâce à laquelle il est

possible de mettre en évidence pendant la vie du malade quelques-unes,

sinon la totalité, des altérations ci-dessus rapportées pour le diagnostic

d'arthropathie tahétique de la colonne vertébrale.

Les cas de semblables lésions des vertèbres, présentées a\ec l'appui

des recherches radiographiques, sont peu nombreuses : le plus grand

nombre en est rapporté dans le liavail de Roasenda. A cette catégorie

appartiennent les cas de Iloflaner (4), de Frank (5), de Baduel (6), de

Cornill (7), de Graetret (8), de Roasenda (9), de Lejonne et Gouge-

rot (10).

Tous, exception faite du dernier, se rapportent à des lésions des vertè-

bres lombaires, et plus précisément de la 3° et de la live, c'est-à-dire qu'ils

avaient le même siège que le cas décrit par Abadie : et dans toutes, on a

pu observer quelques-uns, si non la totalité des phénomènes signalés

par cet auteur lui-même : déformation, réabsorption du tissu osseux du

corps vertébral (Baduel, Roasenda, Graetret), écrasement du corps ver-

tébral (Roasenda, Graetret), parfois subluxation de ce même corps (Roa-

senda, Graetrel), parfois enfin formation d'ostéoplv tes (Franck, Baduel,

Roasenda).

Après ce bref exposé de l'état dans lequel se trouve aujourd'hui l'étude

des arthropathies tabétiques de la colonne vertébrale, je vais rapporter les

crileriums diagnostiques qui m'ont induit à inscrire la déformation relevée

dans les vertèbres de notre malade parmi celle catégorie de lésions.

Négligeant complètement le critériums anamneslique, les hypothèses

qui se présentent à l'esprit pour expliquer la nature de la déformation

observée chez noire malade sont les suivantes : rachitisme; ostéo-ma-

lacie ; mal de Pott; processus syphilitique des vertèbres; déformations

séniles ; déformations par suite de névrite antécédente ou de névralgie du

sciatique, ou de polyomyélile ou de polyeucépllalite infantile. On peut

exclure a priori la déformation sénile, à cause de 1'<1ge de la malade. De

même, on peut facilement écarter l'hypothèse de déformation pour lésion

du sciatique, ou à cause d'anciens processus du côté de l'encéphale ou

DES ARTHROPATHIES TABÉTIQUES DE LA COLONNE VERTÉBRALE 423

de la moelle, d'abord parce que rien, dans les recherches anamnestiques

ou dans l'examen objectif, n'autorise à formuler l'hypothèse de lésions de

ce genre, ensuite parce que la radiographie montre que, chez notre ma-

lade, il s'agit d'une vraie subluxation d'une vertèbre, et non d'une

courbure complète et graduelle de ! a colonne vertébrale, comme celles de

caractère compensatoire.

On peut également rejeter l'hypothèse d'un processus syphilitique des

vertèbres, parce qu'ils sont ordinairement précédés de cruelles douleurs

dans la vertèbre lésée, douleurs que noire malade n'a jamais ressenties

à cet endroit. l.

On ne peut non plus soutenir qu'il s'agit de mal de Poil, parce que

la malade n'accuse aucune douleur à la pression, en aucun point de la

colonne vertébrale, qu'elle n'a jamais eu de douleurs spontanées du côté

des vertèbres. De plus, l'examen objectif de ces vertèbres ne l'ait relever

rien de caractéristique pour une semblable forme morbide et le résultat

de l'examen neurologique n'est pas d'accord avec celle maladie.

Plus difficile est le diagnostic différentiel avec l'ostéomalacie et le rachi-

tisme, et c'est là que la radiographie est de grand secours. Nous savons

toutefois que, dans ces formes morbides, dans lesquelles les courbures

anormales de la colonne vertébrale se forment lentement et soit par un

processus de réabsorption du tissu osseux, soit par une incomplète forma-

tion de ce tissu dans toutes ses régions, les corps vertébraux ne perdent

jamais leurs rapports, et les surfaces osseuses restent en contact entre

elles : en un mot, on a des courbures uniformes, sans qu'il se produise

jamais de luxation ou de suhluxation d'un corps vertébral sur l'autre. Le

contraire est précisément ce qui est arrivé chez notre malade. La radio-

graphie nous montre que le corps de la 3° vertèbre lombaire dépasse

d'environ un travers de doigt le plan des adjacentes, en d'autres termes,

qu'elle est subluxée sur la 4e, venant ainsi perdre ses rapports nor-

maux avec la 2" et avec la 4° lombaire.

Telles sont les raisons qui m'ont amené à retenir^' comme arthropathie

tabétique les altérations relevées dans les vertèbres de notre malade. Je dois

noter aussi que cette arthropathie occupe le siège habituel de ces affections,

puisque, comme nous l'avons vu, la presque totalité des cas décrits par les

auteurs est à la charge des vertèbres lombaires, ou plus spécialement de

la 3e et de la live lombaire.

Une telle fréquence de localisation pourrait, iL mon avis, s'expliquer

par le fait que, en vertu d'une fragilité spéciale du tissu osseux chez

les tahétiques, les altérations doivent se vérifier plus souvent dans ces ré-

gions qui, physiologiquement, sont appelées à soutenir un plus grand

poids, c'est-à-dire dans les 3° et live vertèbres lombaires, qui suppor-

424 GIUSEPPE BASCHIERI SALVADORI

tent le poids de tout le tronc. En outre, il convient de l'aire remarquer

que, dans le cas par nous exposé, on rencontre, grâce à la radiographie,

beaucoup des particularités relevées par Abadie et par les autres auteurs,

comme la diminution de la longueur du corps vertébral et la déformation

correspondante en forme de coin, l'irrégularité des faces articulaires, la

diminution de volume des apophyses transverses. Il est difficile de savoir

s'il existe des ostéophytes, parce qu'ils n'apparaissent pas de façon bien

appréciable. -

Il ne me semble pas que l'on puisse tirer de notre cas des conclusions

spéciales relativement à l'époque où cette forme spéciale d'arthropathie

se développe habituellement dans le tabès, car elle subit l'oscillation

coutumière des autres arthropathies tabétiques. Et en effet elle se présente

à des distances qui varient de 3-4 à 10-12 ans et plus après le commen-

cement du tabes (dans notre cas, environ 12 ans). Je crois au contraire

intéressant le fait qu'elle se soit montrée chez une femme qui n'exerçait

aucune profession spéciale : ce qui fait supposer que le sexe ou la pro-

fession sont indifférents pour la production d'une semblable déformation

de la colonne vertébrale, et que, probablement, la nécessité de soutenir

le poids du corps suffit à amener la déformation des vertèbres. Avec cela,

je n'entends pas exclure que quelques métiers déterminés, qui obligent la

colonne vertébrale à un plus grand travail, ne puissent avoir une'impor-

tance particulière.

Un dernier fait, qui me paraît présenter quelque intérêt, est la possi-

bilité d'un rapport entre les douleurs lombaires dont se plaignait la pa-

tience pendant la période qui a précédé la néphropexie et l'apparition

contemporaine de la déformation de la colonne vertébrale'. Ces douleurs

lombaires, comme cela résulte de l'histoire clinique, n'avaient pas le

caractère lancinant, mais elles étaient telles qu'on pouvait les attribuera à

un rein mobile, et elles persistèrent constamment même après la néphro-

pexie. Ne pourrait-on penser que ces douleurs spéciales étaient dues à

une compression ou à un tiraillement des racines spinales postérieures

correspondant aux vertèbres malades ? Car si, dans la majorité des cas

rapportés par les auteurs, il n'est pas fait mention de douleurs spéciales

lombaires, dont se seraient plaint les patients dans les périodes pendant

lesquelles s'accomplissait la déformation de la colonne vertébrale, il n'en

est pas moins vrai que dans le cas par eux étudié, Lejonne et Gougerol

parlent de douleurs vagues du côté du rachis, douleurs qui auraient pré-

cédé la déformation, et qui auraient ensuite disparu.

Je crois nécessaire de terminer l'exposé du cas par moi observé, en fai-

sant remarquer que les troubles se sont montrés, chez notre malade, brus-

DES ARTHROPATHIES TABÉTIQUES DE LA COLONNE VERTEBRALE 425

durement : fait qui identifie l'arlhropalhie étudiée avec les arthropathies de

la colonne vertébrale d'origine tabétique.

BIBLIOGRAPHIE

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8. GRAETRET. - Tabiche osteo.a,.thropathie der Wirbelsaule. Deutsche med. Woch.,

1903, n. 32.

9. Roasenda. Sur .un cas d'ostéo-arthropathie tabétique de la colonne vertébrale.

Nouvelle Iconographie de la Salpêtrière, 1909, n. 3.

10. LEjoNNE et GOUGEROT. - Arthropathie vertébrale tabétique. Revue neurologique.

1907, p. 622. '

TROPHOEDÈME DES MEMBHES SUPÉRIEURS AYANT

DÉBUTÉ A LA MÉNOPAUSE

- - PAR

A. BAUER et DESBOUIS.

En règle générale, le syndrome morphologique que H. Meige a isolé sous

le nom de trophoedèl11e est localisé aux membres inférieurs.

Les observations de trophcedème localisé aux membres supérieurs sont

encore peu nombreuses : en 1901, Rapin en a publié deux exemples ;

dans ces dernières années, Fish, Klippel etMonier-Vinard, Achard.en ont

rapporté quelques cas.

Dans certaines observations de trophoedème, on a pu trouver l'origine

du syndrome un événement de la vie génitale; Ouvry, en particulier,

dans sa thèse, a rassemblé quelques observations où le début s'est fait au

moment de la puberté. Nous verrons que chez notre malade, on ne peut

trouver, à l'origine du syndrome, d'autre étiologie que la ménopause :

l'oedème a suivi de près la cessation des règles ; est-ce une simple coïnci-

dence ?

Observation. '

Il s'agit d'une femme de 58 ans, confectionneuse, qui vint au mois d'août

1909 consulter à l'Hôtel-Dieu pour un gonflement considérable du dos des

mains, des poignets et des avant-bras, qui s'est développé progressivement de-

puis une douzaine d'années, intéresse la face dorsale des mains. La peau est

rosée, lisse et tendue ; mais il est facile d'y imprimer un godet.

Ce gonflement est oedémateux.

Les doigts sont boudinés et présentent, sur la face dorsale des articulations

métacarpo-phalangiennes et des phalango-phalanginiennes, des plis très mar-

qués, qui, à chaque instant, sous l'influence du froid et de l'humidité, se cre-

vassent, et sont, alors seulement, quelque peu douloureux. Mais, et la malade

est formelle sur ce point, ce n'est que bien après l'apparition de l'oedème

qu'elle a vu survenir ces crevasses; il est par conséquent impossible d'attri-

buer cet oedème à ces lésions cutanées.

A gauche, l'oedème est à peu près segmentaire et s'arrête d'une façon assez

précise au niveau du coude : mais il est surtout développé sur le bord cubital

de l'avant-bras. A droite, il gagne seulement l'extrémité tout inférieure de

l'avant-bras.

TROPHOEDÈME DES MEMBRES SUPÉRIEURS

(4..BM' et Desbouis).

M0.5SOri & Cm, Éditenrs.

NOUVELLE Iconographie DE la SALPÉTRI7.Ri.

T. XXIII. PI. LXVI

TROPHOEDEIE DES MEMBRES SUPERIEURS

(A. Bl1/1c1" el Drshnuic).

MnçeOn RW fir. h.¡t ? r"

TROPHOEDI : l1E DES MEMBRES SUPÉRIEURS 427

La force est très bien conservée; la mobilité est un peu gênée mécanique-

ment, les mouvements des doigts et des mains sont un peu maladroits. Aucun

trouble de la sensibilité tactile, ni anestbésie, ni hypoesthésie. La sensibilité à

la température est normale. Il n'existe nulle part d'autre trouble trophique :

pas de varicosités superficielles, aucune modification des poils, ni de la pig-

mentation.

Par instants, lorsque la malade s'expose à des refroidissements, ou lors-

qu'elle laisse quelque temps ses mains dans l'eau, les téguments prennent une

coloration d'un rouge beaucoup plns intense, devenant parfois violacés complè-

tement.

Mais à aucun moment la malade n'a présenté de phénomènes douloureux,

ni spontanés, ni provoqués ; à aucun moment elle n'a vu ses mains devenir

livides; pas de crises d'asphyxie locale.

Ces troubles ont débuté au moment même de la ménopause : à 45 ans

la malade commençait à n'être plus réglée que d'une façon irrégulière et à 4G

ans, elle cessait complètement d'être réglée ; c'est à cette époque qu'elle re-

marqua l'enflure de sa main gauche.

Cet oedème, tout au début de son évolution, était donc uniquement localisé à

la face dorsale de la main gauche ; puis peu à peu il s'étendit à la face dorsale du

poignet, puis de l'avant-bras ; c'est au moment où l'avant-bras gauche était

atteint, il y a environ deux ans, que les mêmes accidents faisaient leur appa-

rition sur la face dorsale de la main droite, pour s'étendre depuis, progressi-

vement à l'avant-bras.

Depuis, jamais l'oedème n'a rétrocédé, mais jamais non plus ou ne constata

d'oedème m aux membres inférieurs, ni à la face ; la localisation est restée li-

mitée aux membres supérieurs, et garde une topographie plus ou moins seg-

mentaire.

A l'examen de celte femme, on ne peut trouver aucune cause évidente des

accidents en question : pas d'albuminurie ; seulement, par intermittence un

très léger louche à la chaleur, impossible à doser du reste.Depuis quelques an-

nées, une incontinence d'urine est apparue, qui s'est accusée considérable-

ment depuis et qui était causée par un léger degré de cystocèle ; une réfec-

tion de la paroi antérieure du vagin suffit à la faire disparaître.

Rien qui ressemble à des accidents syphilitiques : jamais de fausse cou-

che ; il 22 ans, un accouchement normal, à terme, d'une fillette qui mourut

au bout d'un mois. Pas de signe d'Ar4,yll ; réflexes normaux. Aucun signe de

tuberculose.

Rien au coeur et en particulier pas de lésion aortique. Les pouls radiaux,

carotidiens et cruraux sont normaux. Un examen du sang ne révèle rien de

particulier.

A 20 ans, la malade eut, au niveau de la cheville gauche, une crise dou-

loureuse qui aurait été considérée comme du rhumatisme articulaire aigu ; de-

puis, elle n'eut plus aucune crise de ce genre. Actuellement, ou trouve bien,

au niveau de l'articulation métacarpo-phalangienne du pouce gauche, de l'ar-

428 BAUER ET DESBOU1S

thrite sèche avec des craquements extrêmement marqués ; mais les mêmes cra-

quements existent aux deux genoux, et sans aucun gonflement.

Une fièvre typhoïde à l'âge de 26 ans. 1

Dans ses antécédents héréditaires, rien à signaler; aucun membre de sa fa-

mille ne présente d'oedème analogue ; il ne s'agit donc pas ici de trophedème

familial. '

Les particularités de ce cas portent surtout sur la localisation du tro-

phoedème aux membres supérieurs, sur la consistance de l'oedème qui ne

présente pas cette dureté signalée dans les observations de trophcedéme

chronique de Meige sur la disposition qui n'est pas vraiment segmen-

laire et surtout sur l'apparition au moment de la ménopause.

Nous basant sur cette dernière constatation, nous avons soumis la ma-

lade, pendant un temps prolongé, de août à décembre, à une médication

ovarienne (poudre d'ovaire) ; en même temps, la malade prenait réguliè-

rement des bains et se faisait masser. Ce traitement ne fut pas suivi d'une

amélioration manifeste ; aussi, chez notre malade, la preuve réelle de

la relation du trophoedème avec des troubles ovariens est-elle encore à

faire ; cette relation reste à l'état de simple hypothèse,

NOUVELLE Iconographie DE la SALPÊTRIÈRE,

T. XXIII. Pl. XLVII

BRACHYMÉLIE MÉTAPODIALE CONGENITALE

(Paul Cbevallie1"),

Obs. III. - Vib.

Carie sèche de la hanche. La coque membraneuse, largement ouverte,

laisse voir l'usure de la tête fémorale.

HOSPICE DE BICÊTRE

TRAVAIL DE SERVICE DE M. LE DOCTEUR NAGEOTTE

LA BRACHYMÉLIE MÉTAPODIALE CONGÉNITALE

. (Suite).

PAR

PAUL CHEVALLIER

OBS. III. Brachymélie SYMÉTRIQUE IV. Métatarsienne. Infantilisme

TUBERCULEUX. MAL DE POTT. TUBERCULOSE PULMONAIRE.

L'observation de Vib... a déjà été publiée par 13ourneville dans son étude sur r

le nanisme rachitique (1). « Le quatrième orteil forme une saillie sur la face

dorsale du pied (des deux côtés) et repose sur le 3e et le 58 orteil (Pl. XLVIII)

Il mesure deux centimètres, tandis que le se en mesure 3 et le 3e 4 ; il a a

une légère palmature entre le deuxième et le troisième orteil. Le 4e orteil

gauche est un peu plus long et un plus gros que le droit». L'enfant avait alors

dix-sept ans (Pl. XLVII) ; elle en a aujourd'hui vingt-trois.

La longueur des orteils a été mesurée directement :

430 CHEVALLIER

sur les suivantes qui sont mal formées ; sur la première phalange du troisième

rayon diminuée d'un tiers environ.

'Sur aucun des métatarsiens et des premières phalanges sains l'épiphyse

n'est soudée à la diaphyse ; les cartilages de conjugaison apparaissent comme

des disques pâles. Sur l'image radio graphique du quatrième métatarsien,

de la première phalange correspondante et de celle du troisième orteil, il n'y

a pas trace du cartilage : l'ossification est complète (PI. XLVIII).

La diaphyse du quatrième métatarsien est légèrement incurvée ; le cylindre

compact est d'une façon nette plus flou que sur les os voisins ; l'ombre est

plus pâle ; le canal médullaire est élargi, ses limites sont imprécises sur-

tout vers l'extrémité distale. La tête métatarsienne est un peu élargie à sa

base ; la surface articulaire est moins régulière, divisée en deux bosses. L'ar-

chitecture capitale offre des modifications importantes; les travées des tètes

métatarsiennes normales sont nettes, de direction générale axiale, on en

compte six à sept principales : les travées de la tête sont pâles, minces, dis-

continues, en réseau (PI. XLVIII).

La phalange correspondante possède une cavité glénoïde moins large et plus

creuse ; son épiphyse proximale est plus claire que celles des phalanges

homonymes. Le corps est incurvé; l'extrémité distale s'articule avec une pha-

langine cunéiforme ; la phalangette est grêle. Notons encore la soudure des

deux dernières phalanges des 5es orteils.

Cette brachymélie partielle est surajoutée chez notre malade à un nanisme

généralisé, mais les chiffres donnés sont viciés par la présence d'une cyphose

cervico-dorsale.

Tableau de la croissance :

brachymélie métapodiale congénitale

(Paul Cbevallie1").

Obs. III. Photographie et radiographie des pieds de Vib.

BRACHYMÉLIE MÉTAPODIALE CONGÉNITALE - 431

432 CHEVALLIER

Il existe une cyphose cervico-dorsale rigide,- très marquée. Le sommet de

la courbe, qui est plus rond qu'aigu, est constitué par les apophyses transver-

ses des dernières vertèbres cervicales et la première dorsale ; la déviation

latérale est convexité gauche. Le thorax est aplati dans sa partie supérieure,

bombé dans l'inférieur : il est oblique ovalaire ; aplati du côté gauche, plus

spacieux du côté droit, côté de la concavité scoliotique. Il n'a pas de chapelet

costal. Aucun point rachidien n'est douloureux : il s'agit d'un mal de Pott

cervical inférieur guéri.

Le bassin est infantile, étroit et haut.

Les- membres supérieurs paraissent longs ; les épiphyses sont un peu

grosses.

Les cuisses sont grêles, avec une légère convexité antérieure. Les épiphyses,

et en particulier l'articulation du genou, contrastent avec la gracilité visible

et palpable des diaphyses.

La malade immobilise ses deux cuisses en demi-flexion, mais l'extension

progressive, spontanée ou provoquée, est possible. A gauche cependant où la

cuisse est non seulement en flexion mais encore en légère rotation interne, on

n'arrive pas à la rectitude, car la malade accuse un peu de douleur; il n'y a ni

douleur provoquée, ni empâtement, ni ganglions inguinaux. Cet état date d'en-

viron huit mois et a imposé l'alitement. L'examen radiographique fait il y a

quelques années, a montré qu'aucune épiphyse n'était soudée.

Les réflexes, tendineux et cutanés,sont normaux ; il n'y a ni troubles seusi-

tifs, ni troubles sphinctériens. L'appétit est depuis un an environ devenu

capricieux ; la malade mange sans entrain et certains jours même refuse toute

nourriture. Il n'existe cependant aucun trouble digestif.

L'état mental est celui d'un enfant : elle n'a aucune instruction, mais com-

prend, parle correctement, donne quelques détails sur sa famille et sur sa vie

antérieure, s'intéresse aux incidents domestiques. Il ne semble pas que son

esprit ait jamais imaginé une existence moins misérable.

La menstruation s'est établie vers 16 ans, puis n'est plus reparue. La rareté

des poils pubiens et axillaires contraste avec la pilosité excessive du front, de

la face. des régions dorso-lombaire et anale. Les cheveux sont noirs ; la peau

est foncée : ses parents sont aussi, paraît-il, 'très bruns.

L'amaigrissement déjà grand il y a dix ans,a progressé et abouti à un véri-

table état squelettique : il y a disparition de pannicule adipeux et une véritable

amyotrophie généralisée.

A son entrée dans le service, l'enfant était atteinte.de blépharite et d'adéuite

cervicale. En juin 1905, elle fut prise de malaises généraux avec diarrhée jauuâtre

et fétide. Cette diarrhée persista et s'accompagna bientôt de douleurs abdo-

minales violentes et d'un état fébrile. Quatre semaines après le début des acci-

dents, un abcès fétide s'ouvrit à la paroi ; la suppuration dura plusieurs mois :

aujourd'hui il existe un véritable anus iliaque gauche d'où s'écoulent sans

cesse des matières diarrhéiques ; autour et au-dessus do l'orifice,la peau est irri-

tée, verruqueuse, suintante.

BRACHYMÉL1E MÉTAPODIALE CONGÉNITALE 433

Aux deux sommets, on entend des râles humides intermittents ; la respira-

tion est faible. Les battements du coeur sont normaux.

Ce qui paraît dominer actuellement c'est la cachexie tuberculeuse attestée

par le mal de Pott guéri, la tuberculose péritonéale ancienne, la tuberculose

pulmonaire sans doute récente. Mais la cachexie se surajoute à un état clystro -

phique total dû sans doute à la tuberculose, mais peut-être aussi aux défor-

mations thoraciques : la petitesse de la taille et sa gracilité,l'absence de soudure

osseu se, l'insuffisance génitale, le retard mental, caractérisent cet infanti-

lisme.

L'histoire de la fillette est incomplètement connue. Le père, fils d'alcoolique,

absinthique invétéré et querelleur, avait 52 ans quand la surexcitation d'une

ivresse causa la vie à notre malade. La mère n'avait que trente ans et souffrait t

de névralgies. Le grand'père maternel buvait volontiers. Parmi les oncles et

tantes de la mère, plusieurs sont morts de convulsions en bas-âge ; un des

survivants était épileptique hospitalisé à Bicêtre ; un autre, alcoolique, s'est

pendu ; un troisième s'est ruiné, puis tué d'une balle. Un cousin germain est

bossu.

Notre malade a eu neuf frères et soew's, Les quatre aînés étaient strabi-

ques de naissance ( ? ) ; trois sont morts en bas-âge, l'un de convulsions, les

autres d'athrepsie. L'aînée qui survit n'a marché qu'à cinq ans, et, ma-

riée, a fait plusieurs fausses couches. Cinq enfants sont plus jeunes; deux

moururent de convulsions ; les autres sont strabiques.

Enceinte de notre malade, la mère était terrorisée par son mari ; elle fit une

chute assez grave peu de jours avant d'accoucher. L'accouchement fut rapide --

le liquide amniotique très abondant. La fillette était toute petite. Elle fut nour-

rie au biberon et eut à cinq mois une courte série de convulsions. La première

dent perça à un an et peu après l'enfant commença à parler. Elle eut la rou-

geole à cinq ans, la coqueluche à huit, la gourme. La famille qui a depuis

longtemps abandonné sa fille n'a donné aucun renseignement sur le début de

la gibbosité. L'anomalie des orteils est très ancienne, et n'est certainement pas

survenue à la suite d'une tuméfaction, mais les parents n'ont pas précisé si

elle existait ou non dès la naissance.

La rédaction de cet article venait d'être terminée quand Vile... s'est éteinte

En mon absence, mon collègue et ami Rolland a bien voulu faire l'autopsie et

recueillir les pièces. L'indifférence parfaite des parents m'a permis d'examiner

à loisir le squelette.

Viscères. Des deux côtés, les feuillets pleuraux sont reliés par des adhé-

rences abondantes, mais molles et faciles à détacher. Le lobe inférieur du

poumon droit présente des lésions typiques de bronchopneumonie; à la base

gauche la condensation est moins nette et les foyers purulents moins nom-

breux. Les sommets des deux poumons sont le siège de lésions emphyséma-

teuses très prononcées, et on y distingue quelques tubercules crus de la

grosseur d'une forte tête d'épingle. Les ganglions hilaires ne sont pas hyper-

trophiés.

Les faces antérieure et droite du coeur sont presque complètement soudées

xxm 29

434 CHEVALLIER

au sac péricardique. Les bords libres des deux valves de l'orifice mitral, mais

surtout celui de la grande valve, sont boursouflés et durs. Le reste de l'endo-

carde, l'aorte sont normaux.

Le foie est volumineux, non scléreux mais nettement muscade. Dans le

péritoine, aucun amas caséeux ni tubercule, mais à partir de l'angle sous-

hépatique du côlon tout le gros intestin est scléreux, sa surface est irrégulière

et tomenteuse. Il adhère aux parois et aux organes voisins; la grande cour-

bure de l'estomac abaissée, l'épiploon retracté sont englobés dans ces adhéren-

ces ; la fistule siège à la partie moyenne du côlon descendant.

Le reste du gros intestin, l'appendice, le grêle, le pancréas sont normaux.

Les ganglions mésentériques et pararachîdiens ne sont pas hypertrophiés.

La rate a son volume habituel ; on remarque à sa surface quelques taches

opalines de périsplénite ; il n'y a pas de sclérose ; les corpules de Malpighi sont

nombreux.

Le thymus n'a pu être retrouvé. Le corps thyroïde, l'hypophyse ont leur

volume et leur consistance normale.

Les surrénales sont un peu grosses, on est frappé par leur consistance dure.

mais l'examen histologique ne révèle aucune altération notable (Sézary).

Les reins et le système urinaire sont normaux.

Les organes génitaux ont un développement tout à fait infantile ; l'ovaire

droit contient un petit kyste.

Le cerveau est petit, mais ne présente aucune anormalie,; la méninge molle

a une souplesse et une minceur qui ne sont jamais constatées à l'autopsie d'an-

ciens méningitiques.

La dure-mère médullaire présente une zone épaissie, adhérente, dure ;

haute de cinq à six centimètres, elle répond à l'angle de la gibbosité et la par-

tie adjacente de la branche ascendante. Cette virole scléreuse étant ouverte

en avant et en arrière, on voit la méninge molle opaline et légèrement épais-

sie mais la moelle et les racines rachidiennes ont leur calibre et leur aspect

normaux.

SQUELETTE. Le crâne et surtout le rachis ont été abîmés au cours de

l'enlèvement du système nerveux. 1

La calotte crânienne est normale, deux trous vasculaires volumineux

(3 mm.) traversent à un centimètre environ de chaque côté de la suture la

partie postérieure des pariétaux.

La face est plus développée du côté droit que du gauche. Le fait est ex-

trêmement net si l'on considère la voûte palatine et le maxillaire supérieur : le

segment gauche est plus court, plus étroit, moins fortement marqué par les

empreintes musculaires. La cavité orbitaire droite est plus vaste, surtout en de-

hors, et plus basse que la gauche. Les arcades zygomatiques, les fosses nasa-

les ne participent pas d'une façon évidente à l'asymétrie. Le palais n'est pas

ogival. Le maxillaire inférieur est pointu et bas ; le canal dentaire est spacieux ;

rappelons la carie de la face droite qui correspond de ce côté avec le foyer de

carie dentaire que nous avons déjà noté.

Base du crâne* La selle turcique est creuse et large. A droite un pont

1311ACHYMLLLE MÉTAPODIALE CONGÉNITALE 4oO

osseux réunit les deux apophyses clilloïdes. Les fentes splénoïdales sont lar-

ges. Le rocher est normal.Le corps de l'occipital est réuni au splénoïde par un

cartilage.

Le contour du trou occipital est un peu irrégulier ; son échancrure posté-

rieure est très marquée. Les condyles occipitaux sont atrophiés ; ils sont un

peu concaves transversalement ; à gauche, la convexité antéro-postérieureest

interrompue par une dépression cupuliforme; le condyle droit est divisé par

une crête transversale en deux surfaces vallonnées ; il est plus petit, et moins

surélevé que le gauche.

Rachis. La colonne dorsale inférieure et lombaire est normale ; elle

forme une courbe à convexité antérieure et n'a pas de déviation latérale. Vers

la cinquième dorsale la colonne qui s'était inclinée en avant, se redresse en

arrière et décrit une cyphose très prononcée en angle arrondi dont le som-

met est occupé par les corps C 5-C 6. La courbure scoliotique est beaucoup

moins accentuée : elle est à concavité gauche dans la région cervico-dorsale,

à concavité droite dans la région cervicale supérieure.

L'allas et l'axis sont soudés en une seule masse,au niveau du corps,de l'apo-

physe odontoïde (sauf à gauche), des masses latérales, de la partie postérieure

de l'arc et des apophyses épineuses.

L'atlas est symétrique ; sa surface articulaire droite, petite, est rugueuse,

légèrement concave, divisée en deux par un sillon ; la gauche est plus large,

plus longue mais irrégulière, légèrement concave transversalement, à peu

près plane dans le sens antéro-postérieur.

Le corps de l'axis est configuré en coin à base gauche; l'apophyse odontoïde

inclinée en arrière est usée dans la partie antérieure de son extrémité libre ; le

pédicule droit fait défaut ; l'apophyse transverse droite est très oblique en bas.

presque verticale, para-vertébrale ; l'apophyse articulaire inférieure droite est

presque verticale ; la gauche presque horizontale.

Vu d'arrière, l'axe est en baïonnette ; oblique en bas et un peu à gauche

dans sa partie atloïdienne où il continue la direction delà crête occipitale ex-

terne ; fortement oblique à droite ; presque vertical, légèrement oblique

en bas et à gauche, dans son segment axoïdien.

Le canal rachidien est rétréci dans sa partie occipale par la saillie en avant

de l'apophyse odontoïde ; il est oblique ovalaire à gros bout antéro-droit, au

niveau de l'atlas ; antéro-gaucbe au niveau de l'axis ; ce dernier ovale est beau-

coup plus petit, de presque un tiers, car le pédicule et la lame gauche de l'axis

sont pour ainsi dire redressés.

En résumé, on constate la soudure des deux vertèbres ; l'atrophie de toute

la partie droite de l'axis, qui est en même temps tordue en bas ; le glisse-

ment apparent de l'axis vers la droite ; l'atrophie de l'articulation condy-

lienne droite ; l'aplatissement de la gauche.

Les corps des troisième, quatrième, cinquième, sixième, septième vertèbres

cervicales sont soudés entre eux, sans qu'il y ait trace d'exostose ; le disque

qui sépare le système cervical de la première dorsale est très réduit.

Les corps vertébraux et en particulier ceux de la première, deuxième et

436 CHEVALLIER

troisième dorsales sont trapézoïdes à base du côté droit, déterminant ainsi une

scoliose il concavité gauche, qui compense en partie la courbure supérieure à

concavité droite.

Dans un plan sagittal, les troisième, quatrième et cinquième cervicales con-

tinuent la direction de l'axis.La colonne a été rompue (au cours de l'enlèvement

de la moelle) au niveau des corps C 5,C 6 corps affaissés et soudés, sommet de

l'angle cyphotique.

Les bases des apophyses épineuses correspondantes sont soudées, en parti-

culier celles des deux dernières cervicales et de la première dorsale. Chacune

d'elles a une face convexe, droite, une face concave, gauche, par déviation à

gauche de son sommet. La ligne des sommets tend il se rapprocher de la corde

de l'arc scoliotique.

Dans les régions cervicale et dorsale supérieure le ligament vertébral com-

mun antérieur était extrêmement épais, adhérent et résistant.

Le thorax est déformé par la courbure rachidienne. L'angle costal postérieur

est ici très fermé, là très ouvert, suivant la côte et le niveau considérés. Le

sternum est court, large ; ses trois pièces sont soudées.

Le squelette du membre supérieur est à peu près normal : on remarque la

gracilité de l'humérus, une légère incurvation des diaphyses antibrachiales.

Sont soudées seulement l'épiphyse humera le inférieure (moins le point épitro-

chléen) et les troisièmes phalanges. La symétrie est parfaite.

Nouvelle Iconographie DE la SALPÊTRIÈRE.

T. XXIII. 1. 1'1. XLIX

13RACHY\1) : LII ? MÉTAPODIALE CONGÉNITALE

(Paul CJezallier).

Obs. III. Photographies et radiographies des métatarsiens.

BRACHYMKL1E MÉTAPODIALE CONGÉNITALE '437

d'une part par la face profonde, dépolie, de la membrane, d'autre part par la

tête fémorale vaguement convexe, bosselée, érodée, anfractueuse ; il n'y avait

pas trace d'amas purulents ou caséeux. Sur l'os sec, la tête est petite irrégu-

lière, d'aspect spongieux. Après décalcification d'un fragment, nous n'avons

pu mettre en évidence aucun bacille de Koch (PI. XLVII).

Le trochanter est lui aussi atteint par un processus d'ostéite raréfiante et sa

face supéro-externe est en partie détruite : à ce niveau existait avant la mort

une zone cutanée, livide, ayant l'aspect d'une escarre du décubitus.

Les diaphyses fémorales, grêles mais denses, présentent une courbure il

convexité antérieure. Les condyles sont volumineux. Le tarse est normal.

Aucune ëpiphy se n'est soudée.

Les dimensions des os secs sont :

Fémur (droit) : axe condylo-céphalique, 35,9 ; axe condylo-trocbantérien,

33,2 ; tibia, 27,5 ; péroné, 26,8 ; rotule, 3,15.'

Nous avons étudié plus spécialement le squelette des extrémités. '

Voici, à titre de document, les dimensions des os des mains.

Le premier nombre exprime la longueur totale, le 2e la longueur axiale :

tubérosités exclues. .

438 8 CHEVALLIER

presque achevée ; les cartilages de conjugaison des deuxième, cinquième et pre-

mier métatarsiens sont visibles. Remarquons encore la raréfaction osseuse ma-

nifeste des premières phalanges raccourcies, en particulier de la quatrième.

Les os du pied droit ont été réservés pour être décalcifiés. La décalcification

du quatrième métatarsien a été plus de deux fois plus vite effectuée que celle

des autres métatarsiens; elle était achevée en même temps que celles des peti-

tes phalanges. Le tissu osseux de tout l'article nous a semblé histologiquement

normal.

En résumé, hypoplasie généralisée : squelettique et génitale ; tubercu-

lose pérttonéaie sclérosante ; ostéite raréfiante récente de la hanche ; mal

de Poil cervical guéri avec ankylose ; arrêt du développement en longueur

des quatrièmes métatarsiens avec raréfaction osseuse.survenue insidieuse-

ment, sans inflammation ni tuméfaction, et (peut-être) congénitale.

OnS. IV. BlîACIIYMÉLlE UNIL.1'fLItALE CONGÉNITALE DU QUATRIÈME

MÉTATARSIEN. ANOMALIE SEMBLABLE CHEZ LA MÈRE.

La malade, Emilie Laug., est âgée de dix-huit ans. Le pied droit est nor-

mal ; le gauche est au contraire remarquable par la présence d'un petit qua-

trième orteil : il est court, mais aussi volumineux que celui du côté opposé ;

il semble s'implanter en retrait des autres orteils sur la face dorsale du pied;

son extrémité n'atteint pas le bout du petit orteil ; ce dernier un peu tordu en

dedans, supporte et repousse en haut le doigt raccourci. La recherche des

interlignes métatarso-phalangiens ne laisse aucun doute sur la brièveté du

quatrième métatarsien. La radiographie que nous reproduisons permet d'en

évaluer l'étendue (PI. LI).

NOUVELLE Iconographie DE la SALPETRILKE.

T. XXIII. PI. L

BRACHY.MÉL1E MÉTAPODIALE CONGÉNITALE

(Paul Cbevalliel),

Obs. IV. Lang.

Masson & Ci ? Editeurs

Photol) )lie ncrlhautl, Pan

NOUVELLE Iconographie DE la Salpétrière.

T, XXIII. Pl. LI

BRACHYMÉLIE METAPODIALE CONGÉNITALE

(Paul Chevallier).

Obs. IV. Lang.

Masson & Cie, r*diteur<;

BRACHYMÉLIE MÉTAPODIALE CONGÉNITALE 439

Les mains ne présentent aucune grosse anomalie. Cependant les deux der-

niers doigts, surtout le cinquième, sont sinueux ; ils ont une incurvation à

concavité axiale, ou plutôt la première phalange est déviée en varus, les deux

autres en valgus. En outre quand le poing est fermé, la quatrième tête méta-

carpienne fait peu saillie ; mais la brièveté du quatrième métacarpien n'est

pas, à ce degré léger un fait pathologique (PI. L).

440 CHEVALLIER

parut après trois semaines. Nourri au sein, le bébé eut sa première dent à

six mois ; à dix mois, des convulsions apparaissent pendant quatre jours. Le

développement se fait mal : à six ans et demi l'enfant commence à marcher

avec peine ; elle ne dit que quelques mots et, à dix ans, lors de son entrée à

la Fondation Vallée, elle n'a fait aucun progrès : la parole est nasillarde, scan-

dée,lente ; son sommeil est bon, parfois entrecoupé de cris.Elle présentait alors

des mouvements athétoso-choréiformes (agitation de la 'tête, grimaces inces-

santes, mouvements faibles des membres) ; la chorée avait débuté à trois ans ;

les deux années suivantes, elle fut très forte et persista ensuite en s'atténuant

progressivement. -

Aujourd'hui, à dix-hnit ans, la malade est encore faiblement agitée de mou-

vements choreiformes : c'est plutôt une athétose delà face et une chorée des

membres. La face est grimaçante, le front ridé transversalement. La bou-

che s'ouvre plus à gauche. La langue est instable et s'abaisse à droite. Le ser-

rement d'une main provoque des mouvements associés de l'autre main, du cou

et de la face. La diadococinésie est médiocre surtout à gauche. Il n'y pas de

trépidation spinale ; le signe de Babinski existe à gauche.

L'intelligence est rudimentaire. L'enfant fait peu de progrès en classe, bien

qu'elle soit attentive, pleine de bonne volonté et très sensible aux observations

qui lui sont faites. Elle est douce, affectueuse, facile à conduire.

Les règles apparues à dix-sept ans sont régulières et normales ; la glande

mammaire est du volume d'une noix,le système pileux modérément développé.

La taille est assez petite, mais les proportions du corps sont respectées. L'as-

pect général est celui d'une infantile ou plutôt d'une gracile. La colonne forme

une ensellure lombaire assez prononcée et se dévie latéralement, déviations

non permanentes, asthéniques ; le plus souvent il y a scoliose à concavité

droite avec élévation de l'épaule gauche. Il est facile de produire un degré net

de cubitus recurvatus ou de genu recurvatum. Notons encore la proéminence

de la partie sous-ombilicale de l'abdomen avec écartement des grands droits,

le palais ogival, la saillie des bosses frontales, le volume peut-être exagéré du

corps thyroïde; enlin le strabisme léger et la surdité assez prononcée d'origine

inconnue.

L'examen du coeur, du poumon, des ganglions n'a révélé aucun phénomène

spécial.

Il ne se produit pas de réaction cutanée à la tuberculine.

Mensurations DU crâne ET DE la face.

BRACHYMÉLIE MÉTAPODIALE CONGÉNITALE 441

442 CHEVALLIER

BRACHYMÉLIE MÉTAPODIALE CONGÉNITALE 443 3

L'excellente radiographie annexée au travail permet de voir que le raccour-

cissement est d'environ un tiers, la surface articulaire du troisième métacar-

pien de la main gauche est aplatie, et même légèrement concave transversa-

lement ; t'épiphyse est élargie dans le même sens. La tête du deuxième méta-

carpien est aussi élargie, la glène paraît plus étroite que normalement. A la

main droite, les surfaces articulaires se rapprochent beaucoup du type normal ;

les ombres capitale et diaphysaire du cinquième métacarpien sont assez pâles

et le cylindre médullaire est peut-être élargi. L'auteur note seulement l'é-

paississement des-épiphyses et l'agrandissement des surfaces articulaires.- Le

squelette des membres présente encore d'autres malformations : incurvation

des os de l'avant-bras droit, épaississement des épiphyses et des saillies d'in-

sertion musculaire; à l'avant-bras gauche, le cubitus mesure 18 centimètres

au lieu de 23, le radius est très court (13 cent.) et n'atteint pas l'articulation

du coude, dont la flexion est limitée ; les diaphyses sont légèrement incurvées ;

les épiphyses sont énormes, déformées ; les saillies d'insertion musculaire

épaisses et volumineuses ; l'humérus gauche, lésé lui aussi, est de un centi-

mètre plus court que le droit.

Le péroné gauche, est un peu raccourci et, du même côté, « les petits os

tarsiens se -présentent assez régulièrement diminués de volume relativement

aux os du pied droit ».

La colonne, le crâne, le bassin, le thorax sont normaux.

La femme, née de parents sains, a toujours été vigoureuse et bien portante.

Elle eut la variole pendant la première année de sa vie et « c'est à cette époque

que ses parents -s'aperçurent de la déformation des os des extrémités supé-

rieures ».

STE1NilERG (2) a étudié très complètement une observation de Raccourcisse-

ment symétrique du squelette du médius. Il s'agissait d'une jeune fille de

vingt-quatre ans, employée de commerce, qui fut opérée, sans incidents, d'un

kyste de l'ovaire gauche. Cette malade mesurait 1 m. 65, était forte et bien

bâtie. La seule anomalie était le raccourcissement du troisième métacarpien ;

le doigt était enfoncé de 1 cm. 5 entre les deux voisins et l'aspect clinique en

tous point comparable à celui que nous avons décrit. La malformation n'en-

travait nullement le travail. La radiographie montrait deux faits essentiels :

un léger élargissement de la tête métacarpienne, et une exagération de la trans-

parence osseuse, localisée à cette tête. Les dimensions des os, prises sur la

radiographie, étaient les suivantes : .

444 CHEVALLIER

La longueur de la main, de l'interligne radiocarpien à l'extrémité du médius,

était 160 millimètres, au lieu de 170 (Carus) (1) à 180 (Krause) (2), chiffre

normal pour une femme de la même taille.

Steinberg remarque encore que la mensuration donne 1 millimètre au profit

du métacarpien du médius gauche, mais que ce gain est compensé par une

longueur plus grande de la troisième phalange droite. Il compare ses résultats

à ceux de Pfitzner : le médius ayant en moyenne chez la femme, 7 millimètres

de plus que l'index et 9 de plus que l'annulaire, le raccourcissement est de

15 millimètres. -

Dans la famille il n'y a aucun cas de malformation digitale, pas plus que

d'anomalie osseuse ou somatique quelconque. L'enfant est, dit la mère, venue

au monde avec des mains tout à fait normales ; au milieu de sa troisième an-

née, elle fit une chute sur le poing : ce fut à ce moment que la mère remarqua

la déformation à son début et elle put dès lors en suivre le développement.

J. Sternberg (3) a rapporté un cas de brachymélie V - métacarpienne

droite. Il s'agissait d'une femme de 68 ans présentant à la main droite une

incurvation latérale interne des deuxième et troisième doigts avec production

du côté radial de quelques nodules para-osseux douloureux à la pression forte;

les parties molles du médius ont un volume un peu exagéré ; ces déformations

sont de date récente. Le raccourcissemnt de l'auriculaire droit n'avait jamais

été remarqué de la malade. L'extrémité du doigt ne dépasse que très peu la

première articulation interphalangienne de l'annulaire ; le sillon interdigital

correspondant remonte plus haut que sur la main normale. La radiographie

montre la brièveté et la déformation du cinquième métacarpien : la diaphyse

est réduite au minimum et à peine plus étroite que la base ; la tête est élargie

et forme avec le corps un angle à sinus radiale. La surface articulaire est apla-

tie. L'ombre osseuse, particulièrement celle de la tête et du bord radial, est

avec évidence plus claire que celle de tous les autres métacarpiens et de l'ho-

monyme du côté opposé; le cylindre opaque diaphysaire est à peine marqué.

BRACHYMÉLIE MÉTAPODIALE CONGÉNITALE 445

carpiens, principalement le 3«, le 4° et le 1er (réduit à un simple osselet), et

toutes les deuxièmes phalanges. Les troisièmes phalanges étaient au contraire

augmentées de longueur. Il existait un seul pli de flexion palmaire, trans-

uersal.

446 CHEVALLIER

ble bien mettre en évidence les caractères cliniques de la brachymétacarpie,

mais l'absence de détails ne permet pas d'affirmer la réalité du fait.

Kirmisson (1) figure encore un cas de brachzdactyliede l'auriculaire droit

chez un enfant dont les trois autres extrémités sont dépourvues de cinquième

doigt. La première phalange du doigt lésé est manifestement remontée, mais il

est impossible de préciser les anomalies squelettiques.

Au musée Dupuytren se trouve une pièce (n° 639 nouv. Ankylose de deux

métacarpiens avec les os du carpe. M. IL Morestin, 1898). Les deux derniers

métacarpiens de la main droite sont soudés à l'os crochu ; le plus externe est

court,-plus que son voisin de toute la hauteur de la tête de' celui-ci ; il est

trapu et sa tête est large.

WAGNER (2) a vu chez une jeune fille de vingt-quatre ans un raccourcisse-

ment symétrique des métacarpiens des médius ; la même anomalie existait

encore à l'auriculaire droit.

NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALf'L'l'RILRE.

XXII ! . 1'1. lui

ACHONDROPLASIE

(Paul CGetnllier).

Radiographies des mains et des pieds de Claudilis.

Masson & C,e, Éditeurs.

"11101"1\1'11' 1\,.111111111 PlrÎc.

BRACHYMEL1E MÉTAPOD1ALI CONGÉNITALE

453

Les mains de Claudius, agé de 28 ans, présentent les mêmes anoma-

lies, mais la raréfaction osseuse est moins nette. En revanche les déforma-

tions sont très prononcées, particulièrement les déformations métacarpien-

nes. Tous sont courts et légèrement incurvés, sauf le premier, le troi-

sième et surtout le quatrième sont très courts. Le maximum des lésions

osseuses (modifications de l'ombre) paraît siéger au niveau du métacarpien

le plus court. Un examen direct serait nécessaire pour préciser les modi-

fications des os carpiens. Le cubitus est raccourci surtout à droite; les

épiphyses radiale et cubitale sont déformées, hyperostosées PI. LUI).

Les soudures épiphysaires sont achevées; en 1900 elles étaient encore

bien visibles. Comparant notre radiographie à celle qui a été publiée par

M. Pierre Marie, nous pensons qu'il s'est produit depuis lors un certain

accroissement des os, et en particulier du radius.

Chez les deux malades, les anomalies des surfaces articulaires : aplatis-

sement inégal des têtes métacarpiennes, dysharmonie dans le gonflement

des bords Lrochléens des phalanges, irrégularités de leurs cupules, expli-

quent les déviations des doigts, le plus souvent axifuges, et en particulier

l'aspect en trident ; les tractions tendineuses l'exagèrent sans doute dans la

position d'extension des doigts.

434 Il CHEVALLIEH '-

cessus hyperostosants. On remarque, en outre, la brièveté très accusée des

trois métatarsiens moyens.

Les épiphyses, proximale et dislale, sont extrêmement transparentes. Le

maximum de. raréfaction semble encore occuper les métatarsiens les plus

raccourcis, et en particulier le quatrième ; les tètes sont très claires, à fines

cellules; les bases paraissent creusées de larges alvéoles mal remplies de

trabécules osseux. Les phalanges des mêmes rayons sont de beaucoup

les plus lésées, peut-être même les seules lésées; elles sont très courtes,

mal formées et leur tissu osseux n'a donné qu'une ombre floue.

Les extrémités du tibia et du péroné, grosses et déformées, se conti-

nuent par un véritable col chirurgical avec les diaphyses proprement dites.

L'ossification est achevée.

RRACHYMÉLOE MHTAPODIALE CONGÉNITALE IIJrJ 5

des premières phalanges des troisième et quatrième doigts de la main

droite. Ces déformations coexistent avec des exostoses multiples dévelop-

pés exclusivement au niveau des cartilages de conjugaison ; les diaphyses

sont indemnes. Elles avaient débuté dans la première enfance et augmenté

de nombre et de volume jusqu'à l'âge adulte. Le malade est mort de tu-

berculose pulmonaire (thyroïde et hypophyse normales). Les antécédents

sont nettement tuberculeux mais la maladie exostosique n'est, semble-t-il,

pas familiale.

À l'examen des os, les diaphyses étaient normales; mais elles se conti-

nuaient par un tissu formé de minces trabécules, enchevêtrées les unes

dans les autres, circonscrivant des aréoles en tous points comparables à

celles qui appartiennent en propre au tissu spongieux, et représentant une

fine dentelle... ». Après décalcification on voyait que le cartilage hyalin

était « dans sa partie profonde le siège d'un processus d'ossification par

destruction progressive de la substance cartilagineuse et apports d'éléments

conjonctifs provenant vraisemblablement du périoste voisin ». Les auteurs

insistent sur les rapports de l'affection avec la tuberculose.

Kirmisson (1) a observé une fillette de douze ans qui présentait entre

autres anomalies (exostoses, arrêt de croissance du membre inférieur du

côté hyperostosé, scoliose dorso-lombaire à concavité gauche) un raccour-

cissement symétrique mais léger du IVe métacarpien (Planche XIII). La ra-

diographie semble montrer que son fpiplzyse et celle du cinquième métacar-

pien sont soudées alors que les cartilages des deuxième et troisième

métacarpiens sont bien visibles.

Chez un garçon de quinze ans, dont les antécédents étaient inconnus,

et qui présentait des exostoses multiples : au thorax, aux membres supé-

rieurs, aux membres inférieurs surtout (avec arrêts de développement),

Grosse (2) a vu des orteils raccourcis. Au pied droit, le cinquième orteil

est fortement en retrait, alors que le gros orteil dépasse .sensiblement les

autres; au pied gauche, outre des malformations analogues, il existe un

raccourcissement du deuxième orteil, que le premier et le troisième dé-

passent et recouvrent en partie.

Une jeune fille de quatorze ans, étudiée par Bessel-Hagen (3), présen-

tait, outre des exostoses multiples, un raccourcissement de tous les doigts

(1) Kirmisson, Exostoses multiples coïncidant avec une scoliose et différents arrêts

de développement du côté des membres. Revue d'orthopédie, 2. série, t. VI, 1905,

p. 246.

(2) A. Grosse, Conter. à l'élude des Exostoses multiples de la naissance coïncidant

avec des arrêts de développement et déformations du squelette. Revue d'orthopédie,

t. X, n° 5, 1*1 nos. 1899, p. 466 et sq.

(3) BESSliL-H1G&N, Ueben StÕningen der Knochenwachstund bei mitltiplen cart. Exos-

losen. Verhandl des 19 Congress de 6 deut Gesellschatf sur Chirurgie. Berlin 1890,p.613.

456 CHRVALHER

de la main droite, et parliciiliôremenl des quatrième et troisième. A gau-

che, il y avait de petites exostoses des métarcapieus-

Meyer (I) a noté chez une fille de quatorze ans un raccourcissement de

l'index de la main droile, dû ai la brièveté du métacarpien correspondant

(un centimètre en moins).

Au Musée Dnpuytren, se trouve « un squelette d'homme : la plupart

de os longs vers l'attache des muscles présentent des traces d'exosto-

ses (2) ». On y voit en effet des exostoses multiples, « généralement sy-

métriques et analogues de forme », les pieds et les mains, dit le catalogue

n'offrent aucune altération. Cependant les métacarpiens delà main droite,

seule conservée, sont courts, surtout le quatrième et ont des tètes volumi-

neuses. Aux pieds, il y a raccourcissement manifeste du quatrième iitéta-

tarsien dont la tète ne dépasse pas celle du cinquième ; la tête du qua-

trième métatarsien droit présente un développement exagéré de ses bosses

antérieures ; à gauche il y a une exostose latérale externe qui soude les

tôles des quatrième et cinquième métatarsiens.

Un exostosique, étudié par P. Carnot (3), présentait un raccour-

cissement symétrique des deuxièmes métatarsiens.

(A suivre)

(1) Meyer, Ueber Kl1oc ! tcn und Gelenk d'/orm/taler¡ n1ch l11utt. Exostosen. Th. Mu-

nich, 1882.

(2) N' 436 : Exostoses. Squelette n'llomme... déposé par M. 13nE<;cIIET, 1515. Catalo-

gue, t. Il, p. 1"0.

HOPITAL ISRAÉLITE DE VARSOVIE

SERVICE DES MALADIES NERVEUSES (Dl' E. FLATAU)

TUMEURS DE LA MOELLE ÉPINIÈRE

ET DE LA COLONNE VERTÉBRALE

- - [Suite)

PAR

Edouard FLATAU

Observation X X J.

Ce^cas a déjà été décrit en détail dans une étude faite par nous en collabora-

tion avec Mlle Zylberlast (1). Nous n'en donnerons ici que le résumé.

Une femme, âgée de 40 ans, raconte que les premiers symptômes cliniques

sont apparus 9 mois 1/4 avant l'opération exécutée dans notre service. Ces

symptômes consistaient en une douleur de la jambe gauche, puis de tout le

membre inférieur gauche et enfin de toute la moitié gauche du'corps. Trois

jours plus tard, douleurs de la jambe droite. L'affaiblissement graduel des

membres inférieurs amenait l'impossibilité complète de la marche. On observe

ensuite des contractures des membres inférieurs, des paresthésies. Quelques

semaines après les premiers symptômes, apparaissent des troubles peu consi-

dérables du côté de la vessie et du rectum.

Etal (6 mois avant l'opération). - Affaiblissement des membres inférieurs,

le gauche est plus faible que le droit. Tonicité musculaire augmentée. Force

musculaire du tronc diminuée. Réllexes patellaires exagérés (le gauche un peu

moins). Trépidation épileptoïde des deux pieds et phénomène de Babinski.

Abolition de la sensibilité tactile sur le membre inférieur gauche et sur le tronc

jusqu'au IIfe espace intercostal, de la sensibilité douloureuse et thermique dans

les mêmes régions et en outre sur le membre supérieur droit et au-dessus jus-

qu'à la liane ombilicale. Troubles du sens des attitudes dans les orteils du côté

gauche.

Au cours de la maladie, fortes douleurs dans le membre inférieur gauche,

dans le côté gauche et dans le sacrum. Puis contractions spontanées de la main

gauche avec affaiblissement de ce membre. De temps en temps, difficulté d'a-

valer (hystérie), fourmillement dans l'occiput gauche. Deux à trois mois avant

l'opération, les douleurs ont passé dans l'hypochondre droit et dans la région

droite du sacrum. Contractions spontanées de la jambe droite. Paraplégie spas-

(1) E. Flatau et N. S'Lal IILAST, Contribution au traitement chirurgical des tumeurs

médullaires (un cas de tumeur médullaire opérée avec un bon résultat), Medycynn,

1908.

458 FLATAU

tique complète. Troubles sensitifs assez symétriques jusqu'au IIIe espace inter-

costal. Absence de réflexes abdominaux. Mouvements du membre supérieur

droit un peu affaiblis. Rétention de l'urine. Incontinence des matières fécales.

Sensibilité douloureuse des vertèbres cervicales inférieures et des dorsales su-

périeures. Fente palpébrale gauche et pupille gauche un peu rétrécies.

Le Dr Oderfeld exécute l'opération : il enlève les apophyses épineuses des

Ie, Il*, Ille vertèbres dorsales et VII', VIe cervicales. On constate la présence

d'une tumeur (sarcome à cellules fusiformes) sur la face interne de la dure-

mère au niveau de la VIIe vertèbre cervicale (VIsegment cervical et bout

supérieur du Ier dorsal) (fig. 31).

Le jour suivant on constate l'affaiblissement de la sensibilité (l'hypoesthé-

sie) du Se doigt de la main gauche et du bord cubital de l'avant-bras. Par

contre réapparut la sensibilité du pied et de la jambe gauche et du pied droit.

Deux jours après l'opération, le pied droit peut exécuter de petits mouvements,

de même que le genou droit et le pied gauche. La limite de la sensibilité est

descendue en même temps jusqu'au bord inférieur des côtes droites. Fortes dou-

leurs surtout dans le pied et le genou gauches. Les mouvements des membres

inférieurs deviennent plus faciles, surtout dans celui du côté droit. Les mou-

vements des grandes articulations prennent plus d'amplitude. Peu à peu réap-

paraît la sensibilité (du côté droit dans le sens descendant). Le plus lent il

réapparaître est le sens des attitudes de l'articulation du cou-de-pied et des or-

teils des deux pieds. La sensibilité, assez vite revenue à la normale du côté

gauche, est toujours troublée du côté droit, Les réflexes tendineux ne se sont

pas affaiblis après l'opération. Troubles sphinctéripns. Un mois après l'opéra-

tion, la malade, soutenue de deux côtés, fait les premières tentatives ponr mar-

cher. Il persiste encore de la trépidation épileptique de la rotule et du pied des

deux côtés et le phénomène de Babinski. Trace du réflexe abdominal gauche.

Contractions spontanées des bouts des membres. Deux mois après l'opération,

la malade commence à marcher en s'aidant de la voiture d'Eulenburg. Le mem-

bre supérieur gauche, surtout la main, est plus faible que le droit. Troubles

sensitifs da le membre inférieur droit. 2 mois 3/4 après l'opération, la ma-

lade commence à marcher seule. Elle descend seule l'escalier.

Cinq mois après l'opération, sa marche s'était tellement améliorée que per-

sonne n'eût supposé qu'elle avait été complètement paralysée. Elle pouvait faire

de grandes promenades dans le jardin de l'hôpital.

FiG. 31. - Tumeur subdurale (sarcome à cellules fusiformes enlevé

par une opération).

TUMEUR DE LA MOELLE ÉPINIÈRE ET DE LA COLONNE VERTEBRALE 459

OBSEC1VATIONS XXII (1).

Le malade, W. F ..., âgé de 23 ans, est entré à l'hôpital le 20 juin

1909.

Il y a trois ans, le malade a pris froid, et a ressenti une forte douleur de la

nuque, qui dura deux semaines. En même temps, il yavaitde la difficulté

d'uriner et de la constipation. Quand le malade éternuait il éprouvait la sen-

sation d'un courant passant à travers toute la moitié gauche du corps, la

jambe gauche se contractait. Un mois après le début de la maladie , sa jambe

gauche devient raide d'une manière sporadique pendant la marche, les dou-

leurs envahissent cette jambe de même que les contractions spasmodiques

nocturnes. La tête et la moitié supérieure du corps transpirent très intensive-

ment. Au mois d'août 1906, affaiblissement permanent du membre inférieur

gauche, allant toujours en augmentant. Douleurs constantes dans la nuque et

dans le membre supérieur droit ; fourmillements dans le membre supérieur

gauche. En ce moment, on constate des troubles sensitifs depuis les mame-

lons vers le bas et sur la face interne des bras gauche. Un an après le début

de la maladie, légère amélioration, qui augmente encore après un séjour dans

une station balnéaire. En automne 1907, l'état s'aggrave, le malade ne peut

plus marcher sans s'aider d'une canne. Il se plaint d'une sensation de tiraille-

ment et de crampe dans la jambe gauche et de douleurs intenses nocturnes

dans la région de la nuque. Ces douleurs siégeaient aussi au cou, serraient

la gorge et provoquaient la difficulté d'avaler.

Au mois de janvier 1908, on constate l'état suivant : nerfs crâniens sans

lésions. Pupilles égales. Le malade tient toujours la tête penchée un peu en

avant et à droite. Les mouvements de la tête en avant sont bons, en arrière

* impossibles (douleurs), la rotation est conservée, les mouvements latéraux

sont accompagnés d'une douleur dans la tempe et l'occiput. Les mouvements

des membres supérieurs sont normaux. Les réflexes du muscle triceps sont

conservés, les périostaux abolis. Paresthésies dans le membre supérieur gau-

che (sensation de brûlure). Les membres supérieurs présentent un affaiblisse-

ment très prononcé. Le malade peut marcher, mais doit être soutenu d'un

côté et s'appuie sur une canne de l'autre. La jambe gauche est plus faible que

la droite. Les mouvements de la jambe gauche provoquent des contractions

spasmodiques. La tonicité musculaire dans le membre droit est normale, un

peu exagérée à gauche. Les réflexes patellaires sont vifs des deux côtés, le

gauche a le caractère clonique. Les achilléens sont vifs (le gauche clonique).

Les abdominaux manquent. Phénomène de Babitislii bilatéral. Rétention de

l'urine et des matières fécales. La sensibilité est notablement troublée depuis

la ligne passant au-dessus des mamelons vers le bas. La sensibilité tactile

était émoussée dans cette région d'une façon moins prononcée sur la jambe et

le pied gauche. La sensibilité douloureuse est affaiblie dans les mêmes régions

(1) Ce cas rare de chromatophorome de la moelle épinière sera publié plus en détail

par les D™ Iigier, Kcelichen et Sterling.

q 60 FLATAU

en avant et jusqu'au cou en arrière. Elle est abolie encore sur le membre su-

périeur gauche et dans une zone limitée en avant par la ligne mamillaire

jusqu'en bas de l'abdomen et en arrière depuis les IlI°,IVe jusqu'aux XIe, ELLE

segments dorsaux. Les troubles de la sensibilité douloureuse sont moins pro-

noncés dans le membre inférieur gauche. La sensibilité thermique est atteinte

dans les mêmes régions que la douloureuse (en arrière, elle envahissait la

nuque). Le sens musculaire est troublé aux membres inférieurs (à gauche il

est presque aboli). Le tronc est faible. Le malade ne peut changer sa position

couchée qu'en s'aidant de ses mains.

Au printemps 1909, l'état du malade s'aggrave tout d'un coup. La paraplé-

gie est complète. Contractions spontanées des jambes. Rétention, parfois incon-

tinence de l'urine. Pas de douleurs.

On pose comme diagnostic probable : tumeur dans la région cervicale.

Le 15 mars, le Dr Czarkowski pratique une opération : il enlève les [Il ?

VIIe arcs cervicaux et le Ier dorsal. On ne constate pas de tumeur extramé-

dullaire. La moelle paraît large. L'absence complète du liquide céphalo-rachi-

dien nous frappe. Pas de pulsation de la moelle. Période post-opératoire sans

complications. Les douleurs de la nuque ont dirninué et la transpiration exa-

gérée de la partie supérieure du corps a disparu.

Etat actuel (26 juin 1909). -Les pupilles sont égales, réagissent bien 1 la

lumière. Les nerfs crâniens sont normaux. Les mouvements des membres su-

périeurs sont normaux quant à leur parcours, mais affaiblis quant à leur force

(surtout le gauche). Un faible tremblement avec caractère ataxique et intention-

nel apparaît quand le malade porte son index gauche au bout du nez. L'avant-

bras et surtout la main et les doigts gauches sont froids et cyanosés. Réflexe

du muscle triceps faible de deux côtés (surtout à gauche). Rétlexes périostaux

à droite conservés, à gauche abolis.

Toute la partie supérieure du corps y compris la face transpire fortement, ce

qui contraste avec le reste du corps qui est normal (La limite en arrière cor-

respond l'angle inférieur de l'omoplate, en avant au II" espace intercostal).

Membres inférieurs complètement paralysés. Tonicité musculaire notablement

exagérée.

Réflexes patellaires vifs (le gauche plus faible); achilléens, abolis bilatérale-

ment ; abdominaux, abolis bilatéralement ; crémastériens, conservés ; plan-

taires, abolis.

La sensibilité est abolie sur les membres inférieurs et sur le tronc. La limite

supérieure pour la région hypoesthésique est en avant une ligne passant au-

dessus des mamelons, en arrière, la ligne réunissant les bords supérieurs des

omoplates. Aux membres supérieurs, la sensibilité tactile est conservée. Les

troubles de la sensibilité douloureuse arrivent en arrière jusqu'à la nuque

(vers les VC, VIe vertèbres cervicales), en avant ils montent peu a peu jusqu'à

l'épaule gauche. L'analgésie se porte également sur le membre gauche supé-

rieur. Les troubles de la sensibilité thermique s'élèvent encore plus haut (sur

le cou et jusqu'au cuir chevelu et à la nuque). Le sens musculaire est aholi

dans les membres inférieurs (le malade se trompe quand on met en mouve-

TUMEURS DE LA MOELLE ÉPINIERE ET DE LA COLONNE VERTÉBRALE 461 L

ment même les grandes articulations de hanches). Les derniers mois, le malade

a de la fièvre, la température atteint 40°6 (38° et 39° était le niveau ordinaire).

En même temps survient de la cystite. Le malade maigrit et s'affaiblit de plus

en plus ; il se plaint des nausées, la langue sèche ; profonde escarre sacrée.

Pouls accéléré (98-132).

Le 29 juillet 1909, le malade présente des réflexes patellaires vifs (pendant

deux semaines le gauche est minime), les achilléens et les plantaires sont abo-

lis. Enorme escarre sacrée. L'anesthésie est complète dans les régions décri-

tes plus haut. -"

La malade affirme qu'il se rend compte du besoin de défécation.

Le 15 août 1909, incontinence de l'urine. Impossibilité d'avaler la nourri-

ture solide et difficulté d'avaler les liquides.

Mort le 19 août 1909.

Autopsie. On constate un élargissement considérable de la partie cervi-

cale de la moelle, surtout de ses segments inférieurs (VIIe, VIIIe) et du dorsal

supérieur (ter). On voit à travers la dure-mère la coloration cyanosée foncée de

la moelle cervicale inférieure et dorsale supérieure (en arrière).

Sur les différentes coupes faites à travers la moelle on constate des lésions

suivantes : Sur la coupe transversale passant par le premier segment dorsal la

moelle se montre noire, spongieuse, molle, rappelant par son aspect la truffe

fraîche. Le tissu nerveux y est absolument invisible,excepté une zone périphé-

rique large de il ? millimètre entourant la moelle du côté des cordons anté-

rieurs et latéraux. Au niveau du VIIIe segment cervical, l'aspect de la moelle

est analogue à la précédente, avec cette différence que la zone périphérique

saine autour des cordons autéro-latéraux est plus large. .

Au niveau du VIle segment cervical cette zone périphérique est encore plus

large. Le reste de la coupe est occupé par la masse néoplasique qui n'y est plus

uniformément noire et spongieuse mais présente une consistance et une colo-

ration différentes. Dans la région correspondante à la partie centrale de la

substance grise, on voit une masse compacte, jaune-brunâtre ; en arrière, le

reste de la masse spongieuse molle décrite plus haut. En arrière des cordons

postérieurs, immédiatement au-dessous de l'arachnoïde, on voit une zone

étroite de masse noire (dans la pie-mère).

La coupe passant à travers le VIe segment cervical décèle dans la région ceu-

trale de la substance grise une masse brunâtre, rond-ovalaire, de consistance

compacte. La coupe, déformée du reste, permet de reconnaître la figure des

cornes antérieures et des cordons antéro-latéraux. Les cordons postérieurs se

présentent sous forme d'une masse grise, molle, se trouvant en rapport avec

la masse néoplasique. Lorsqu'on distend la coupe latéralement on voit : 1° que

la masse néoplasique se sépare nettement du tissu nerveux ; 2° qu'au sein de

la tumeur même il y a une fente étroite qui s'étend jusqu'aux cordons posté-

rieurs. Une figure analogue se voit au-dessus de cette coupe et dans le premier

segment cervical. 1.

Un descendant ou voit : au niveau du 1 segment dorsal une perte complète

de la structure normale du tissu nerveux. Par contre on voit des masses bru-

462 FLATAU

nâtres ou grises, irrégulières, d'une consistance molle. Depuis le Il segment

dorsal on commence à distinguer la configuration de la moelle. On y voit dis-

tinctement une fente syringomyélique dans la région centrale qui de là, en

zig-zag, se rend on arrière.

La moitié droite de la moelle est mieux conservée que la gauche, qui ne con-

tient qu'une zone très étroite de tissu normal. A part cela toute la moitié gau-

che de la moelle se présente sous forme d'une masse brunâtre molle que l'on

trouve aussi dans la région de la corne antérieure droite.

Au niveau du VIle segment dorsal.on voit le reste de cette masse molle et la

fente syringomyélique dans la partie centrale de la coupe.

Au niveau du Xe segment dorsal on voit seulement la fente syringomyélique

dans la région de la corne postérieure gauche. Il n'y a plus de masse brunâtre.

La même fente devient de plus en plus distincte à mesure qu'on descend le

long des segments lombaires, elle envahit peu il peu la corne antérieure gauche

et les droites : .antérieure et postérieure (elle affecte la forme de II).

La coupe microscopique à travers le segment le plus touché par la présence

de la tumeur (ler segment dorsal) démontre la présence du néoplasme nommé

chromatophorome . Les coupes préparées avec la paraffine et non colorées

laissent voir distinctement la coloration brun-foncé du tissu, plus claire dans

un endroit, plus foncée daus d'autres. On voit des accumulations des masses

pigmentées rondes plus ou moins grandes. Les coupes colorées légèrement par

l'hématoxyline montrent la présence des cellules fusiformes accumulées (sar-

come).Vue avec l'immersion la coupe présente de nombreux pigments de diffé-

rentes formes. Ce sont par places des masses rondes brunâtres, foncées, qui

rappellent les corps granuleux mis en évidence par la méthode de Marchi. Ces

masses ont le plus souvent des contours irréguliers, parfois pourtant sont

disposées de manière à former une sorte de saucisse. Les masses plus claires

laissent voir qu'elles sont constituées de parties plus petites, réunies ensemble

comme une mosaïque. Outre ces figures, le pigment dessine encore des fuseaux

allongés ou se trouve dispersé çà et là parmi les cellules sarcomateuses. Ce

pigment (sous forme de masses isolées ou agglomérées, de faisceaux ou de

poudre dispersée) apparaît donc tantôt en grandes accumulations, tantôt en

moindres ; dans certains endroits de la moelle il est en telle quantité qu'il

recouvre presque complètemeut le champ microscopique sous forme de grands

iluts ou rubans irréguliers. Dans d'autres endroits il est en quantité minime.

Quant au rapport qui existe entre ce pigment et les cellules néoplasiques pro-

prement dites, on ne peut pas se prononcer d'une manière certaine si ce pig-

ment se trouve en dedans de ces cellules ou non. Souvent elles sont recouver-

tes par le pigment, ses grains s'accolent à elles. En ce qui concerne les

vaisseaux, nous pouvons dire que les pigments se trouvent dans leur voisinage

ou dans leurs parois mêmes, nous ne pouvons pas pourtant indiquer une cer-

taine prédilection de ces éléments pour les vaisseaux.

Dans les méninges molles il y a aussi accumulation de pigment.

TUMEURS DE LA MOELLE ÉPINIERE ET DE LA COLONNE VERTÉBRALE 463

En résumé, dans ce cas la maladie a évolué en 3 ans. Au début elle pro-

duisait de fortes douleurs de la nuque et de la difficulté d'uriner. Un mois

après le début de la maladie la jambe gauche est devenue raide. A ce

moment on constata une différence dans la transpiration de la partie su-

périeure et inférieure du corps : la tête et la moitié supérieure du corps

étaient mouillées de sueur, tandis que l'inférieur restait sèche. La jambe

gauche s'affaiblissait de plus en plus. La sensibilité commençait à se

troubler depuis les mamelons en bas et sur le membre supérieur gau-

che, la jambe gauche était un peu épargnée. Il y avait donc le type de

Brown-Séquard légèrement esquissé. Les douleurs se localisaient dans la

nuque, au cou, dans la gorge et dans le membre supérieur droit. L'état

du malade un an et demi après le début de la maladie, présentait un

affaiblissement considérable des membres inférieurs, pourtant le ma-

lade, aidé de quelqu'un et s'appuyant sur une canne, pouvait encore

marcher. La sensibilité était profondément troublée sur le tronc depuis

une ligne située un peu au-dessus des mamelons jusqu'en bas. Les réflexes

tendineux des membres inférieurs étaient exagérés.

Contractions spontanées des jambes. Phénomène de Babinski bilatéral.

Rétension de l'urine et des matières fécales.

Cet état s'aggrava de plus en plus. Au printemps 1909 le malade était

complètement paralysé, de sorte qu'il ne pouvait plus marcher. On a fait

0 une laminectomie explorative qui n'a pas permis de constater de tumeur.

Après l'opération les douleurs ont disparu de même que la transpiration

de la moitié supérieure du corps. L'état général empira toujours. Il y

avait des symptômes d'infection. Cystite. Le malade est mort 5 mois après

l'opération.

Ce cas était au début très difficile à diagnostiquer. On pensa à la myélite,

à la sclérose en plaques (oscillations de la maladie assez notables), à la

syringomyélie. Plus tard on pensa à une tumeur et on tenta de l'opérer.

L'opération n'a pas donné les résultats voulus, on n'a pas constaté de

tumeur extramédullaire, mais alors certaines opinions ont penché du côté

d'une tumeur intramédullaire (dans la séance de la Société neurologique).

L'autopsie confirma cette dernière opinion.

Si nous prenons en considération tout le tableau clinique de la maladie,

dans lequel au premier plan ressortent : 1° les douleurs ; 2° la paralysie

toujours croissante et débutant par la jambe gauche avec un faible Brown-

Séquard et finissant par une paralysie spastique complète; 3° le type

de l'affection purement transversale sans symptômes ascendanls ou des-

cendants, nous devons avouer qu'il y avait peu de données pour supposer

l'existence d'une tumeur intramédullaire. Ce cas nous montre encore

464 FLATAU

une fois combien imparfaites sont nos méthodes des diagnotics dilféren-

tiels entre les tumeurs intra et extramédullaires (v. ci-dessous le diagnos-

tic différentiel).

Il est intéressant de noter l'absence de liquide céphalo-rachidien au

cours de l'opération.

La description délai liée de ce cas sera faite par les docteurs que nous

avons nommés plus haut ; nous attirons ici seulement l'attention sur l'ex-

trême rareté de cas semblables.

On ne trouve guère dans les écrits des auteurs jusqu'à l'année 1908

qu'un cas analogue de chromatophorome intramédullaire, décrit par

Hirschberg. Celui décrit par Esser appartient plutôt aux tumeurs extra-

médullaires.

Un autre point digne d'être souligné, c'est la formation d'une fente sy-

ringomyélitique à côté de la tumeur et la continuation de cetle l'ente jus-

que dans les segments situés bien au-dessous de la tumeur (dans les dor-

saux inférieurs et lombo-sacrés). Un examen histologique plus précis

démontrera s'il s'agissait d'une structure uniforme ou polymorphe de cette

tumeur (consistance et coloration différentes).

Symptomatologie et Diagnostic.

' Dans une monographie bien connue sur les affections médullaires parue

en 1874, Leyden a émis l'opinion que lorsqu'il s'agit de diagnostic des

tumeurs médullaires, on ne peut pas s'arrêter à un symplôme quelcon-

que qui serait exclusivement caractéristique de cette affection, chacun de

ces symptômes pouvant être rencontré dans une autre maladie de la moelle

épinière. En 1908, Bruns, dans une grande monographie, dit également

que le diagnostic des tumeurs médullaires sera toujours une des ques-

tions les'plus difficiles à résoudre.

Ces deux opinions émises à des époques bien différentes, séparées

par un espace de temps correspondant au plus grand développement de là

neurologie, nous expliquent combien la solution de cette question est dif-

ficile et compliquée.

Le présent travail n'a pas pour but la description détaillée des tableaux

cliniques des tumeurs intra-vertébrales. Nous voulons uniquement attirer

l'attention sur certains points importants concernant la symptomatologie et

le diagnostic de ces néoplasmes . Nous répétons que la question principale-

ment traitée ici ,est celle des tumeurs extra-médullaires, les observations

personnelles ne nous ayant pas fourni assez d'expérience pour nous per-

mettre de nous prononcer sur les tumeurs intra-médullaires.

Comme on le sait bien, les tumeurs extra-médullaires, dites encore

TUMEURS DE LA MOELLE ÉPINIÈRE ET DE LA COLONNE VERTÉBRALE 465

encore méningées, annoncent le plus souvent leur présence par les symp-

tômes radiculo-segmentaires, puis arrive la paralysie d'une moitié du

tronc (Brown-Séquard), enfin une paraplégie complète. Cette succession

de phénomènes s'explique par la localisation et la croissance graduelle de

la tumeur. Les tumeurs méningées sont d'ordinaire assez petites. Elles

siègent le plus souvent en arrière et un peu de côté. Elles compriment

par conséquent les racines et une moitié de la moelle. Par suite de la

compression toujours croissante et des troubles circulatoires consécutifs,

survient la période de la paraplégie complète.

Le premier stade radiculo-segmentaire est caractérisé par les douleurs

radiculaires, les anasthésies et les atrophies.

' Quant aux douleurs, elles constituent sans doute un des symptômes

essentiels, même en prenant en considération les cas indolores dont nous

parlerons ci-dessus. On peut le dire à propos des tumeurs médullaires

proprement dites et de celles de la queue de cheval comme cela ressort du

travail de Cassirer. Ces douleurs sont tellement pénibles qu'elles domi-

nent au premier plan ; le malade en souffre jour et nuit. Au début elles

ne frappent qu'un côté du corps.

Il y a des lieux d'électicn pour ces douleurs, parmi lesquels la région

de l'hypochondre. Outre ces régions les douleurs peuvent siéger partout ;

dans les membres aussi bien que sur le tronc. Elles ont le caractère de

tiraillement, d'arrachement, s'irradient vers les vertèbres et les segments

distaux des membres. Parfois on note les douleurs en ceinture. Dans cer-

tains cas les douleurs siégeaient dans des régions tout à fait imprévues,

ainsi par exemple dans la région du caecum (dans le cas de Quanté où la

tumeur extradurale parcourait depuis la Xe vertèbre jusqu'à la IIe tom-

baire). Dans le cas de Starr (fibrome dans la moelle dorsale supérieure),

les douleurs siégeaient dans la région du coeur ! Les douleurs dans l'hy-

pochondre s'expliquent par le fait que les tumeurs sont localisées plus

souvent dans la moelle dorsale (Schlesinger).

Bien entendu les tumeurs localisées ailleurs dans la moelle, donneront

d'autres douleurs radiculaires.

Il faut insister sur deux points d'une importance énorme : 1° il y a des

cas où ces douleurs sont très faibles ou même tout à fait absentes ; 2° elles

n'ont pas le caractère radiculaire et ne correspondent pas à la localisation

de la tumeur, mais sont pour ainsi dire distales, c'est-à-dire apparaissent

dans les régions éloignées aussi bien des racines que des segments m édul

laires comprimés par la tumeur.

Il existe toute une série de cas où les douleurs étaient tout à fait ab-

sentes (Clarke, Bailey, Sibelius, Yaffe, Schullze, Stertz, E. Schlesinger,

\XI11 31

466 FLATAU

Nonne, Stursberg), ce qui arrive dans les cas où la tumeur siège en avant

ou sur la ligne médiane.

Dans certains cas les douleurs étaient tellement faibles qu'elles consti-

tuaient un symptôme peu important (Oppenheim, Schultze, Fiatau-Ster-

ling, Heilbronner,Iôsler). Dans d'autres enfin, on attirait spécialement

l'attention sur le fait que les douleurs névralgiques au début faisaient

complètement défaut (Stertz, Oppenheim).

Il y a des observations qui démontrent que ces douleurs quoique très

faibles peuvent s'exagérer pendant la toux, l'éternuement, les mouve-

ments ou quand on se mouche (Schultze, Cushing, nos observations VII

et XV).

Arrivons au point 2) mentionné ci-dessus, c'est-à-dire que les douleurs

ne sont pas radicuio-segmentaires, mais distales et apparaissent loin du

lieu de compression. Dans notre observation Xi, la tumeur siégeaitdans

le VIIIe segment cervical et Ier dorsal ; pourtant la douleur primitive est

apparue dans le pied gauche. Dans un cas décrit par Ilamson Thompson

(un sarcome extra-dural au niveau des VIlle-IXe racines dorsales), le ma-

lade ressentait des douleurs à l'épigastre, dans les vertèbres dorsales in-

férieures et dans les jambes. Dans le Vle casd'Oppenheim (Monographie

de 1907) la tumeur siégeait dans la moelle dorsale moyenne, les douleurs,

principalement dans les jambes. Dans le cas de Heilbronner également

les douleurs irradiaient vers les jambes, bien que la tumeur se trouvât

entre les VIe et VU* paires des racines dorsales. Dans le cas d'Abraham-

son la tumeur correspondait au VII" segment cervical ; les premières pa-

resthésies (thermiques) sont apparues aux jambes, etc.

Parfois les douleurs irradiaient dans le sens ascendant ; ainsi par

exemple dans VIe cas précité d'Oppenheim, elles siégeaient même au

niveau de la nuque et de l'occiput. Dans notre XXIE observation égale-

ment,les douleurs frappaient la région de l'occiput (tumeur dans la moelle

cervicale inférieure).

Il faut expliquer ce fait par l'irritation des longues voies sensitives

par la tumeur et la production des douleurs (Bruns l'explique par la voie

de la projection périphérique des douleurs).

Dans certains cas, les douleurs elles paresthésies changent souvent de

place. Dans notre XVIIIe observation, la malade se plaignait de sensation

de brûlures aux jambes, de serrement et d'engourdissement dans le ven-

tre, de courbature dans l'hypochondre et différentes régions des membres

inférieurs. Les douleurs s'exacerbaient la nuit et étaient les plus pénibles

dans la position couchée sur le côté (gauche).

Toutes ces douleurs et paresthésies constituent généralement la période

de début de la maladie. Les symptômes radiculaires apparaissent souvent

TUMEURS DE LA MOELLE H.l'INiÎ'sRE ET DE LA COLONNE VERTEBRALE 467

quelques années avant les symptômes médullaires. Dans le cas décrit par

Chavigny, les doreurs étaient apparues trois ans avant l'entrée en scène

des phénomènes médullaires. On observe la même particularité dans le

cas d'Oppenheim et Krause. Gowers en parle dans un de ses écrits

Dans le cas de Schmoll (tumeur de la queue du cheval) les douleurs

radiculaires duraient depuis 3 ans et demi sous forme de douleurs

se produisant pendant la défécation et irradiant dans les jambes. Dans le

cas de Raymond ces douleurs constituèrent pendant 8 ans l'unique symp-

tôme morbide.

D'autres symptômes du côté de la moelle ne manquent pasd'inlervenir.

Mais, comme nous l'avons déjà dit, dans certains cas les douleurs restent

'longtemps l'unique symptôme morbide. Oppenheim a observé un cas où

elles durèrent 2 ans et demi et ce n'est qu'après ce laps de temps qu'on

constata l'affaiblissement des muscles abdominaux du côté gauche avec

modification de la réaction électrique. Dans un cas de Schultze ce stade

dura 3 ans.

Les douleurs ne sont pas stables. Assez souvent encore on pont voir des

rémissions de quelques jours (notre XIVe observation). Quelquefois elles

disparaissent pour de longs espaces de temps et il faut prendre cela en

considération. Dans le cas de Klieneberger (tumeur de la queue de che-

val), les douleurs duraient-au début 4 semaines, puis disparaissaient pour 1.

2 ans, puis réapparaissaient et de nouveau disparaissaient. Dans le 11, cas

de Schultze (travail de 1903) les douleurs duraient 7 ans, la rémission

était de 2 ans, dans son IVe cas, les douleurs étaient très fortes au début

puis disparaissaient pour 14 mois et demi.

Plus souvent encore, on peut noter des différences dans l'intensité des

douleurs.

Les douleurs réunies à d'aulres symptômes peuvent dnrer très long-

temps. Ainsi par exemple dans le VIe cas de Schultze elles ont duré 16 ans

avant l'opération (tumeur de la queue de cheval).

Quant aux autres symptômes nous avons constaté,

ainsi que d'autres neurologistes, une anesthésie dans certaines zones cor-

respondant'aux racines postérieures comprimées. Dans quelques cas pour-

tant ce symptôme manquait complètement Nous ne lui attribuerons donc

pas une grande importance. Bruns de même trouvait assez rarement celle

anesthésie radiculaire. Généralement la zone d'anesthésie radiculaire, si

elle existe, passe immédiatement en (, anesthésie médullaire». Quelque-

fois cette zone est séparée de l'anesthésie médullaire par une zone de

sensibilité all'aiblie (Heilbronner).

Parmi les symptômes radicuio-segmentaires, il faut mentionner aussi

les .symptômes d'irritation des racines antérieures (tremblement, contrac-

468 FLATAU

lions) ou de leur lésion (atrophie musculaire). Cette dernière est surtout

évidente dans les cas de tumeurs de la région cervico-dorsale ou lombo-

sacrée. Oppenheim attire l'attention aussi sur l'atrophie des muscles

abdominaux.

Il est] étrange que, suivant les observations de Oppenheim et Bruns,

les muscles atrophiés ne présentent pas de troubles de réaction électrique.

Dans nos cas il n'y avait pas de symptômes d'atrophie bien accusée.

Dans l'un d'eux (XXI°) les contractions des muscles des mains dépen-

daient de l'irritation radiculaire. Outre ce cas les contractions étaient

d'origine médullaire. Généralement elles proviennent de l'irritation des

méninges (Gowers), cette même irritation peut amener la raideur de la

nuque et du cou, qu'on observait quelquefois dans les cas des tumeurs

cervicales ou cervico-dorsales (Chavigny, Braubach, Cushing) ou la rai-

deur de la portion inférieure de la colonne vertébrale dans les cas de

tumeurs de la queue de cheval (Rehn-Laquer, Warrin ton) : On obser-

verait aussi des contractions douloureuses au moindre attouchement de

la peau (Quante).

Si nous passons maintenant au second stade de la maladie c'est-à-dire

à la paralysie du type Brown-Séquard, nous devons avouer qu'on attri-

bue à ce syndrome une trop grande importance au point de vue du diagnos-

tic. D'après la théorie ce type devrait prendre place dans tous les cas d'une

tumeur médullaire, puisqu'elle comprime d'ordinaire une moitié seule-

ment de la moelle. Pourtant le syndrome de Brown-Séquard dans sa

forme pure est relativement rare. Beaucoup plus souvent on peut obser-

ver un autre type : un affaiblissement de la sensibilité aussi bien que de

la motilité dans les deux membres inférieurs, mais d'un côté prévalent les

troubles sensitifs, de l'autre les moteurs du type Brown-Séquard.

Il existe toute une série de cas où ce syndrome ne se retrouve pas,

malgré la localisation unilatérale de la tumeur (par exemple dans le cas

de Schultze, Auèrbacir-Brodnitz, Heilbronner et dans le XXIe cas ci-des-

sus décrit); dans nos XVIe et XXIO cas nous avons observé un phénomène

étrange : l'affaiblissement de la motilité et les troubles sensitifs ont frappé

le même côté. Schultze et Heilbronner ont observé un phénomène analo-

gue. Dans notre XXIe cas le syndrome de Brown-Séquard n'a pu être

constaté qu'après l'opération. La même constatation est faite par Putnam-

Krauss Park.

Dans le travail publié par moi et Mlle Zylberlast nous lâchons d'expli-

quer ce phénomène de la manière suivante :

Une tumeur molle croissant rapidement produit des troubles circulai-

res et de l'oedème dans toute la coupe transversale de la moelle avant

TUMEURS DE LA MOELLE EP1N1ÈRE ET DE LA COLONNE VERTÉBRALE 469

même qu'elle ait eu le temps de produire une forte compression et un

enfoncement du côté gauche de la moelle. c'est-à-dire du côté où elle sié-

geait. Par conséquent le tableau de l'affection transverse de la moelle

(troubles sensitifs et moteurs) n'a pas pu réaliser le type de Brown-Sé-

quard. La tumeur comprimait toujours la moitié gauche de la moelle, y

creusait un nid et provoquait une profonde lésion des tissus. Du moment

que la compression fut éloignée grâce à l'opération de la tumeur, les sym-

tômes dépendant de l'oedème de la moelle disparurent, tandis que prirent

place ceux provenant de la lésion des tissus, c'est-à-dire que le type de

Brown-Séquard a pu prendre la première place dans le tableau clinique.

Nous répétons encore une fois que le syndrome de Brown-Séquard

n'est pas indispensable dans le tableau clinique des tumeurs méningées.

Son absence même complète ne peut faire repousser ce diagnostic. Par

contre nous avons observé très souvent l'affaiblissement d'un membre

(inférieur) seulement, et cela aussi bien au début que dans la suite de la

maladie. Nous attribuons à ce symptôme une grande importance diagnos-

tique.

Quant au troisième stade de la maladie, c'est-à-dire à l'affection trans-

verse de la moelle, il apparaît le plus souvent en même temps que le syn-

drome de Brown-Séquard. Peu à peu les symptômes unilatéraux s'effa-

cent et le tableau clinique se rapproche toujours de plus en plus du type

de la paraplégie spastique. Les troubles moteurs s'installent plus vite que

les sensitifs. Ces derniers peuvent être au début peut accentués et peu

distincts. Mais avec le temps ils se prononcent, deviennent plus profonds

et tracent une ligne de démarcation qui correspond au pôle supérieur de

la tumeur (en prenant en considération la loi de Scherringlon).

Les troubles sensitifs consistent alors en un affaiblissement ou abolition

de tous les modes de la sensibilité y compris le sens musculaire (au-

dessus de la ligne de limite, la zone insensible apparaît quelquefois comme

une zone hyper-sensible). Dans quelques cas rares on a constaté des trou-

bles de la dissociation de la sensibilité, rappelant ceux de la syringomyélie

(Devic-Tolot, Fhamayer, Oppenheim, Putnam-Warren, M. et

d'autres). L'anesthésie peut siéger dans un endroit bien éloigné de la tu-

meur, ainsi par exemple sur le pied quand la tumeur se trouve dans la

moelle cervico-dorsale (Roux-Paviot).

Les troubles moteurs consistent en un affaiblissement toujours crois-

sant, allant jusqu'à la paralysie complète. Dans quelques cas on a pu

noter un affaiblissement graduel qui tout d'un coup a fait place à la para-

lysie complète (Clarke, Flatau et d'autres).

La paralysie porte dans la plupart des cas le caractère spastique. Elle

s'accompagne d'une exagération des réflexes tendineux et de l'abolition

470 FLATAU ,

des peauciers. On a noté pourtant des cas où il yaaituneitypotonie

à côté de réflexes tendineux exagérés (Heilbronner). Dans d'autres, pen-

dant un temps assez long, manquait le phénomène de Babinski malgré le

caractère spastique de la paralysie (Oppenheim, VIe cas). Quand la

moelle épinière est lésée transversalement dans sa partie supérieure, les

réflexes tendineux des membres inférieurs peuvent disparaître (Bruns,

Taube et d'autres).

Avec les symptômes précités indiquant que la moelle est lésée transver-

salement apparaissent des troubles des sphincters (besoin d'uriner son vent,

incontinence de l'urine, ischurie paradoxale, incontinence des matières

fécales).

Quelquefois pourtant ces troubles n'entrent en jeu que plus tard dans

le cours de la maladie. Dans le cas de Heilbronner on n'a pas pu consta-

ter ces troubles malgré la paralysie des membres inférieurs ! De même

clan, le cas de Koster ce ? troubles ont apparu très tard. Dans le VIe cas

de Schultze ()903) les troubles du côté de la vessie et du rectum se sont

manifestés vers la 7e année de la maladie, malgré la localisation de la tu-

meur dans la queue de cheval. 1.

Les contractions musculaires spontanées appartiennent aux troubles qui

dépendent de l'interruption de la continuité de J'influx nerveux de la

moelle. C'est un symptôme bien pénible pour les malades, peut-être au

même degré que les douleurs. Ces contractions apparaissent aussi bien le

jour que la nuit. Assez souvent les contractions de la nuit surpassent par

leur intensité celles du jour. Elles consistent en une flexion et extension

automatiques des membres. Bruns croit qu'elles naissent ,'par suite d'une

excitation de longue» \oies motrices. Dans le cas des contractions doulou-

reuses il faut prendre eu considération également l'irritation des racines

postérieures. Il nous semble probable qu'à côté de cette excitation des

longues voies motrices un certain rôle dans la production de ces contrac-

tions est joué aussi par l'interruption des impulsions modératrices venant

du cerveau il la 1110ellc épinièrc.

Dans des cas exceptionnels on a constaté des troubles vasomoteurs :

c'était une paralysie des vaisseaux des membres (le syndrome de Baynaud

ou l'érytl1romolalgie) ou un oedème passager (Schlesinger). Quelquefois

on noie au début de l'affection des taches spinales (Gowers). Les tumeurs

inlramédullaires peuvent aussi s'accompagner d'oedümcs angioneurotiques

(Bi ttorr).

Parmi les symptômes d'une moindre importance qui dépendent pour-

tant de la localisation de la tumeur, il faut compter la douleur de la co-

tonne vertébrale la où siège la tumeur. Il nous semble que ce symptôme

doit être pris avec précaution. Nous pouvons nous rendre compte assez

TUMEURS DE LA MOELLE ÉPINIÈRE ET UE LA COLONNE VERTÉBRALE 471 1

souvent que les malades localisent leur douleur dans une vertèbre pour

un jour et la disent changer de place le'second jour ; cette douleur dispa-

raît même parfois entièrement. Le cas de Rester est intéressant sous ce

rapport : la douleur siégeait au début entre les VILLE et Xe vertèbres dor-

sales, puis elle a changé de place et s'est localisée dans la Ve, enfin dans

la Ille vertèbre.

Dans un bon nombre de cas, on n'a pas pu trouver la colonne verté-

brale douloureuse (Berger, Pel, Ramson-Thompson, Flatau et d'autres).

En général il faut prendre en considération la force de la pression qu'on

exerce sur les vertèbres et la suggestion de la part du médecin. Nous

avons pu noter ce symptôme dans les cas où il n'y avait pas de tumeurs.

(la sclérose en plaque par exemple). Henneberg l'a observé dans un cas de

myélite funiculaire et Pfeiffer, dans la myélite transverse. Pour le moment

on peut commettre de graves erreurs si on attribue une trop grande im-

portance à ce symptôme.

Ce n'est qu'une douleur constante et bien localisée dans les vertèbres

qui joue un rôle dans le diagnostic.

Dans quelques cas de tumeurs intra et extramédullaires on a eu affaire

aux symptômes bulbaires, c'était surtout dans les cas où la tumeur sié-

geait dans la moelle cervicale (troubles circulatoires). Quelquefois pourtant

ils apparaissaient aussi là où la tumeur avait une autre localisation (Osana,

Stertz), il faut mettre alors ces symptômes sur le compte de l'action des

toxines. Cette supposition devient plus probable quand on se rappelle

des cas où il existait des symptômes bulbaires et après la mort l'examen

histologique n'a pas décélé de lésions du bulbe (Stertz).

Quant à la durée de la maladie, elle est pour la plupart du temps chro-

nique. Schlesinger considère 24 mois de durée pour les tumeurs intra-

duremériennes et 14 mois pour celles qui se développent en dehors de la

dure-mère (mais intravertébrales). Pour cette raison une tumeur intraver-

tébrale dont le développement s'échelonne sur plus de 3 ans doit être

considérée comme une tumeur intradurale. D'après la statistique de

Schlesinger le maximum de durée appartient aux tubercules, aux fibromes,

psammomes et sarcomes intraduraux aussi bien qu'aux gliomes et sarco-

mes intramédullaires. Les tumeurs intramédullaires affectent plutôt le

tableau d'une maladie aiguë ou subaiguë quoique là aussi peuvent exis-

ter des exceptions. On a décrit des cas de tumeurs méningées où la durée

était courte et l'aggravation rapide. Dans le IVe cas d'Oppenheim, après

les 2 mois 3/4 des parestbésies des membres inférieurs sont apparues

d'un coup avec un rapide affaiblissement des jambes et des troubles uri-

naires. Dans le cas décrit il n'y a pas longtemps par Schultze (1908) la

malade pouvait encore marcher, elle restait pendant un temps assez court

472

FLATAU

couchée sur le ventre (pour l'examen du côté postérieur) après quoi

l'aggravation s'est produite et la malade ne pouvait plus ni marcher ni

rester debout I Dans un cas de Stertz la durée entière de la maladie (jus-

qu'à la mort) n'était que de 1/2 mois ! Dans notre XVIII, observation, un

certain temps après le début de la maladie les deux membres inférieurs

sont devenus immobiles. Puis dans le même cas est apparue une amélio-

ration spontanée, après quoi une aggravation et enfin la paralysie com-

plète. Cette amélioration spontanée assez prononcée appartient aur phé-

nomènes exceptionnels dans le cours des tumeurs méningées.

Quelquefois l'aggravation se produirait brusquement après une durée

de quelques années (Ward, Boettiger).

En décrivant tous les stades dans le tableau clinique des tumeurs

méningées, nous avons voulu plutôt démontrer combien peu on peut se

fier aux symptômes typiques. Nous croyons que la connaissance de cette

richesse de combinaisons cliniques facilitera le diagnostic dans les cas un

peu compliqués. A côté des symptômes rares et de leurs combinaisons

on a attiré l'attention ces derniers temps, sur certains faits qui peuvent

aider dans le diagnostic.

Nous citerons comme particulièrement importante l'observation faite

dans beaucoup de cas où l'on supposait faussement la carie vertébrale et

et où l'on prescrivait un appareil d'extension, on a vu survenir une rapide

aggravation (Oppenheim, Quante et d'autres). Il est vrai que dans cer-

tains cas de carie vertébrale les malades supportent assez mal l'exten-

sion, mais alors on ne voit pas une telle aggravation. Il faut encore men-

tionner un cas d'Oppenheim et Krause (tumeur de la moelle dorsale) où

l'appareil d'extension a donné une rémission.

On a voulu souvent se servir des rayons de Roentgen pour assurer le

diagnostic. Ce n'est que dans quelques cas que cette méthode a donné des

résultats valables, c'est dans le cas de Leyden-Bassenge (un sarcome dans

la moitié gauche du sacrum), dans celui de Küttner (tumeur de la queue

de cheval, raréfaclion des lIe et IIIe vertèbres lombaires, gaine formée

par la dure-mère considérablement élargie ! ) et celui de Klieneberger

(tumeur de la queue de cheval, raréfaction des 11e et lIie vertèbres lom-

baires). Jusqu'à présent cette méthode n'a pas acquis une grande impor-

tance dans le diagnostic en question.

Il est très important de constater une tumeur dans une région quelcon-

que du corps. Ainsi, par exemple, dans le cas de Bruns, le diagnostic fut

facilité grâce à la constatation d'une tumeur (fihro-sarcôme) siégeant sur

le pavillon de l'oreille. Starr a diagnostiqué intra uitam un lipome de la

moelle épinière, en se basant sur le fait qu'une tumeur de cette nature

TUMEURS DE LA MOELLE ÉPINIÈRE ET DE LA COLONNE VERTEBRALE 473

était située au genou. De même pour les tumeurs du médiastin, des orga-

nes internes ou la neuro-fibromatose.

Pour le diagnostic différentiel entre les tumeurs méningées et d'autres

affections organiques, il faut accorder une certaine importance à l'absence

complète ou presque complète de la réaction électrique dans les muscles

atrophiés (Oppenheim, Bruns).

Enfin on peut tirer des conclusions utiles de l'examen du liquide cé-

phalo-rachidien. On trouvait dans ce liquide des cellules néoplasiques,

c'était laplupart du temps dans le cas de sarcomatose des méninges (Si-

card-Gy). Il n'est pourtant pas impossible d'avoir un résultat positif dans

des cas d'autres tumeurs isolées. Klieneberger a attiré l'attention sur ce

fait que dans son cas (une tumeur de la queue de cheval) le liquide cé-

phalo-rachidien contenait beaucoup de fibrine et des lymphocytes.

Rindfleisch dans .un cas de sarcomatose diffuse des méninges trouva le

liquide céphalo-rachidien coloré en brun presque transparent avec des

caillots incolores.

Dans quelques cas, entre autre dans notre observation XXI, après la

ponction lombaire disparurent les douleurs et les paresthésies.

Une fois le diagnostic de la tumeur posée, il reste encore à définir son

siège. Il faut alors prendre en considération les symptômes radiculaires

(les douleurs, les anesthésies segmentaires et les atrophies musculaires),

de même que les phénomènes provenant de l'interruption de la conti-

nuité de l'influx nerveux (les phénomènes spastiques, la paralysie spasti-

que ou nasique, les anesthésies du type médullaire, l'état des réflexes et

des sphincters). Il faut se rappeler que les symptômes qui sont entrés en

scène au début de la maladie (la limite de l'anesthésie, la localisation des

douleurs radiculaires) n'ont pas toujours une importance absolue au point

de vue du diagnostic tnpographique. Ils peuvent apparaître dans une ré-

gion bien éloignée de l'endroit où siège la tumeur. Il fautpar conséquent

connaître toute l'histoire de la maladie et le développement graduel du ta-

bleau clinique et se basant sur cette connaissance, poser le diagnostic déter-

minant le siège de la tumeur. ,

On se sert généralement des tableaux de Bruns, Edinger, Suiffer,

el d'autres auteurs.

Il faut toujours se rappeler la loi de Sherrington complétée par Bruns

(toute zone de peau est innervée par les racines de 3 ou 5 segments mé-

dullaires). La môme loi lie les muscles correspondants aux racines anté-

rieures de la moelle.

Il est bien entendu que la détermination du siège de la tumeur nous

renseigne sur son pôle supérieur. De nombreuses erreurs peuvent se

produire. Souvent des oedèmes ou des lésions inflammatoires de la moelle

474 FLATAU

même ou des méninges naissent au-dessus de la tumeur (Bruns, Oppen-

heim, Nonne), elles donnent la limite de l'anesthésie supérieure à celle

créée par la tumeur. A cause de cela on opérait quelquefois de à 3 ver-

tèbres plus haut qu'il n'était nécessaire (Oppenheim, Nonne).

Les traits caractéristiques des différents cas dépendent du niveau où se

trouve la tumeur. Lorsqu'elle est située dans la moelle cervicale on a des

symptômes radiculaires au cou et aux membres supérieurs (douleurs de la

nuque, irradiant dans les bras, atrophies musculaires, radiculaires et anes-

thésies). Puis apparaît le tableau du syndrome de Brown-Séquard avec

l'hémiplégie spinale ou para ou tétraplégie. Si la tumeur siège dans la

moelle cervicale inférieure et dorsale supérieure, on a des phénomènes

du côté des pupilles et des fentes palpébrales. Il faut encore mentionner

ies observations exceptionnelles où, malgré cette localisation des tumeurs,

les symptômes oculaires étaient absents (le cas de Roux-Paviot ne présen-

tait pas ces symptômes, la tumeur occupait pourtant le VI" segment cer-

vical jusqu'au Il' dorsal). Si la tumeur occupe la moelle cervicale supé-

rieure peuvent naître des douleurs de la région occipitale (Pulnam-

Krauss-Park, Saenger), des symptômes bulbaires (Schlesinger et d'au-

tres) et la paralysie du nerf phrénique (Minkowski, Mundelius). Le nerf

phrénique peut rester intact malgré la localisation de la tumeur dans la

région correspondante de la moelle (Oppenheim-Krause).

La tumeur localisée dans la moelle dorsale donne un tableau clinique

où les douleurs névralgiques et les paresthésies jouent un rôle important

(douleurs intercostales, sensation de la ceinture, douleurs au dos, dans

les hypochondres ou au ventre). Rarement peut-on constater une zone

anesthésique et encore plus rarement des atrophies musculaires (Oppen-

heim décrit, il est vrai, des atrophies musculaires dans un cas où la tu-

meur siégeait au niveau des VIIIe-IXe racines dorsales antérieures).

Si la tumeur siège dans la moelle lombaire les douleurs sont la plupart

du temps unilatérales dans la région du plexus lombaire. Elles irradient

généralement vers les jambes. Les symptômes médullaires correspondent

au type habituel de l'affection de la moelle lombaire.

Les tumeurs de la moelle sacrée provoquent des douleurs dans la région

sacrée, dans l'os du sacrum, dans le périnée et dans la face postérieure des

membres inférieurs. Il est exceptionnel que ces douleurs soient stricte-

ment localisées (Behn-Laquer), le plus souvent elles s'irradient vers les

pieds. Puis apparaissent des anesthésies dans la région recto-génitale et

celle innervée parles racines sacrées supérieures, des atrophies muscu-

laires (même accompagnées d'une réaction de dégénérescence du muscle

releveur de l'anus, Oppenheim), des troubles sphinctériens et des troubles

trophiques de la peau (mal perforant).

TUMEURS DE LA MOELLE I ? f'INIISItE ET DE LA COLONNE VERTÉBRALE 47o e

La question qui a une importance pratique est la suivante : la tumeur

est-elle localisée dans le cône terminal ou dans la queue de cheval ; les

symptômes qui permettraient de la résoudre ne sont pas toujours caracté-

ristiques. L. R. Militer a réussi il dresser la liste d'une série de symptômes

qui serviraient pour le diagnostic différentiel de ces deux localisations :

En faveur de l'affection de la queue de cheval parlent le développement

lent de la maladie, des accès de très fortes douleurs dans la région de la

vessie et du plexus sciatique, des anesthésies apparaissant dans les stades

avancés.de la maladie (pour tous les genres de la sensibilité), l'absence de

phénomènes moteurs irritatifs, l'installation graduelle de paralysies (après

une période de douleurs), les troubles des fonctions génitales aussi bien

que des fonctions urinaires et de l'intestin. Par contre l'affection du cône

terminal s'annonce la plupart du temps par un développement rapide du

tableau clinique, par l'absence presque complète des douleurs, l'appari-

tion précoce des anesthésies qui peuvent réaliser le type de dissociation

des sensibilités, l'irritation des cellules motrices (secousses fibrillaires,

contractions spontanées), le plus souvent une rapide paralysie flasque de

la musculature de la vessie, du rectum, du périnée et des membres infé-

rieurs (suivant la disposition de leurs noyaux dans les différents étages de

la moelle), par la prépondérance des phénomènes moteurs, par les trou-

bles du côté de la vessie et du rectum tandis que l'érection est conservée.

D'après quelques auteurs les symptômes symétriques comptent parmi

ceux qui dépendent du cône (Bruns, Cassirer). En faveur de la queue de

cheval parlent la IIe vertèbre lombaire douloureuse, l'irradiation des dou-

leurs vers les membres inférieurs, la raideur de la partie inférieure de la

colonne vertébrale, des rémissions des symptômes morbides, tout spécia-

lement l'amélioration de l'état delà vessie et du rectum, des atrophies

musculaires peu prononcées, l'absence de la réaction de dégénérescence

(Warrington). D'après l'opinion de Bruns, pour l'a(rection de la queue de

cheval parlent les douleurs bilatérales depuis le début de la maladie, leur

persistance dans la région de l'os sacral et du coccyx, une réaction de dé-

générescence bien prononcée dans les muscles paralysés, la région lom-

haire restant intacte tandis que la sacrée est touchée depuis le début de

la maladie, mais avant tout l.i colonne vertébrale douloureuse à la pres-

sion ou il 1.\ percussion, ou déformée depuis la Hfe vertèbre lombaire eu

bas.

Tous ces symptômes sont bien importants pour le diagnosticdiiréren-

tiel dans beaucoup de cas. Mais souvent même ces symptômes ne suffisent

pas. Le symptôme le plus caractéristique pour la tumeur de la queue de

cheval, les douleurs, peut manquer quelquefois (Volhard). Dans d'autres

476 FLATAU

les douleurs apparaissent pour disparaître dans la suite et ne pas revenir

même pendant quelques années.

Dans un cas décrit par Klieneberger la douleur a débuté par la plante

des pieds, puis elle a disparu et ne s'est répétée que deux ans après pour

disparaître encore une fois et revenir quand le tableau typique de la tu-

meur de la queue de cheval a pris place (Dans ce cas le roentgenogramme

a démontré une tache plus claire que normalement dans la région des

ne-Ille vertèbres lomhaires, et la ponction lomhaire a donné un liquide

jaune ambre, transparent avec beaucoup de lymphocytes et de fibrine).

' Diagnostic différentiel.

Ici en première ligne il faut indiquer les difficultés qu'on rencontre

quand on a a différencier une tumeur méningée d'une tumeur intra-mé-

dullaire (c'est-à-dire dont le point de départ est la moelle même).Leyden

(ISi4) a cru que la différence consiste en l'intensité des lésions produites

par la tumeur. Les lésions plus prononcées parleraient en faveur d'une

tumeur intra-médullaire. En général, Leyden était bien sceptique en ce

qui concerne la possibilité du diagnostic différentiel de ces deux sortes de

tumeurs. La même opinion est partagée encore aujourd'hui par Bruns,

Oppenheim, Stertz et d'autres. Bruns croit que, dans les cas où la tumeur

intra-médullaire occupe une région de la moelle bien voisine de la mé-

ninge molle où des racines postérieures peuvent naître de très fortes

douleurs qui alors font penser à une tumeur méningée. ,

Oppenheim désigne comme caractéristiques de la tumeur intra-médul-

laire les symptômes suivants : une intensité moyenne des douleurs, un

tableau clinique rappelant la myélite aiguë ou subaiguë, le type ascen-

dant des symptômes morbides, des rémissions plus rapprochées et plus

prolongées et la durée plus longue de la maladie.

Dans certains cas pourtant la durée est très courte, la mort survient au

bout de quelques semaines ou de quelques mois (Lorenz, illoller, Nonne).

Stertz a publié un cas de tumeur intra-médullaire qui dura 10 ans;

Oppenheim, un cas qui évolua pendant 8 ans. Dans, le cas de Pntnam et

Warren la maladie évolua pendant 19 ans.

Gowers distingue les tumeurs méningées de celles de la moelle par les

symptômes suivants : les premières provoquent plus de douleurs, tandis

que les phénomènes médullaires apparaissent plus tard et sont au début

assez limités. Par contre, dans les tumeurs intra-médullaires les symptô-

mes radiculaires sont moins prononcés (excepté les cas où la tumeur siège

dans le voisinage des cornes postérieures), assez souvent bilatéraux dès le

début et les atrophies musculaires plus évidentes.

Malaisé prit beaucoup de peine à réunir un assez grand matériel con-

TUMEURS DE LA MOELLE ÉPINIÈRE ET DE LA COLONNE VERTÉBRALE 477

cernant les tumeurs intra et extramédullaires et indique les symptômes

et le tableau clinique tout entier caractéristiques de chacune de ces deux

sortes. Eh bien, en faveur d'une tumeur extraméduitaire parlent : une

longue durée (quelques mois ou quelques années), des douleurs radi-

culaires, vertébrales (surtout dans les cas des tumeurs de la dure-mère),

des phénomènes moteurs radiculaires, un type de Brown-Séquard, un dé-

veloppement graduel de l'affection où l'on distingue des stades précités

(un névralgique, un du type Brown-Séquard et un de la lésion transverse).

En faveur de la tumeur intramédullaire doivent parler par contre un ta-

hleau clinique irrégulier, l'apparition rapide de phénomènes inattendus

(hémorragies surajoutées, lésions inflammatoires du tissu médullaire),

d'un autre côté on y rencontre souvent un parcours lent, absence de stade

névralgique, des douleurs des vertèbres, la dissociation de la sensibilité.

Malaisé attire encore l'attention sur ce fait que nul de ces symptômes ne

suffit par lui-même pour caractériser tel ou tel autre genre de tumeurs. Ce

n'est que le développement de la maladie, le moment d'apparition et la

durée des différents symptômes qui peuvent éclairer le diagnostic.

Stertz croit qu'un des symptômes les plus importants pour dépister la

tumeur intramédullaire est le caractère ascendant ou descendant des phé-

nomènes médullaires, puisqu'il correspond à la croissance graduelle de la

tumeur le long de la moelle vers la région supérieure ou inférieure (le

cerveau ou la queue du cheval). Il semble que les phénomènes bulbaires

apparaissent plus souvent dans les cas de tumeurs intra-médullaires que

dans ceux de tumeurs extra-médullaires (les cas de Schlesinger, Nonne,

Fr. Schultze et d'autres). Pour montrer combien peu concluant. est cha-

cun de ces symptômes (pris à part),on peut citer le fait que même la dou-

leur radiculaire (névralgique), symptôme caractéristique des tumeurs

extra-médullaires, peut manquer tout à fait ou n'être qu'à peine marquée

(Schultze, Oppenheim, Boetger-Krause, Quensel, Flatau-Sterling, Stertz

et d'autres).

D'autre part les douleurs peuvent exister aussi dans les tumeurs intra-

médullaires (IIirschberg, Lachmann, Mùller, Niemeyer, R. Sachs, Put-

nam-Warren, Rosenthal, Thielen, Saecker, Roux-Paviot, Gill et d'au-

tres) ; ces douleurs sont même très intenses. Ainsi par exemple dans le

cas de Glaser (angiosarcome central) sont apparues des fortes douleurs et

des paresthésies pénibles. Les douleurs peuvent prendre la place domi-

nante dans le tableau clinique. Dans un cas de Batten les douleurs ont

duré 10 mois (tumeur intraméduliaire).

Quant aux autres affections, il faut prendre en considération lasclérose

en plaques, la carie vertébrale, la syringomyélie et la méningite spinale

séreuse pour faire le diagnostic différentiel entre elles et les tumeurs des

méninges. 1

478 FLATAU

La sclérose en plaques, dans la plupart des cas, ne présente pas de

grandes difficultés pour être différenciée de la tumeur; il faut pourtant

avouer que quelquefois le diagnostic reste longtemps hésitant entre ces

deux affections.

Cette difficulté augmenta surtout dans ces dernières années lorsqu'on

reconnut d'une part que la sclérose en plaques peut affecter une forme

tout à fait atypique et de l'autre que la tumeur méningée peut évoluer

sans douleurs ou avec des douleurs minimes. Actuellement il est prouvé

que la sclérose en plaques peut évoluer sans aucun phénomène céphali-

que (sans nystagmus, sans parole scandée) et sans tremblement intention-

nel. Il existe donc un type franchement spinal de la sclérose en plaques.

Outre cela on connaît des cas où cette maladie avait le type Brown-Séquard

(Bruns) ou s'accompagnait d'accès de très fortes douleurs. Nonne a décrit

un cas de sclérose en plaques où les accès douloureux atteignaient une

grande intensité; il croit que dans des cas semblables les plaques très

petites siègent dans le voisinage des racines postérieures. J'ai eu l'occa-

sion d'observer quelquefois des cas de sclérose en plaques du type spinal

exclusivement. Assez souvent alors j'hésitais longtemps pour le diagnostic

définitif, et ce n'était que l'évolution ultérieure de la maladie qui m'assu-

rait qu'il s'agissait bien de cette affection. Dans mon service aussi j'.obser-

vai maintes fois la sclérose en plaqnes avec les paralysies d'un côté seule-

ment. Dans un de ces cas la malade se plaignait de fortes douleurs dans

la zone brachiale, et ces douleurs repoussaient au second plan le tableau

de la sclérose. Dans un autre cas nous avons constaté une vertèbre dor-

sale douloureuse à la pression et à l'électrisation (le cathode). Ce phéno-

mène nous a induit au début en erreur, et ce n'est que plus lard que

d'autres symptômes nous ont indiqué qu'on avait affaire à la sclérose en

plaques. Il faut encore ajouter que dans tous ces cas le fond de l'oeil ne

présentait aucune lésion, qu'on rencontre de temps en temps dans les

stades initiaux de la sclérose en plaques. Dans tous ces cas il n'y a autre

chosè à faire que d'observer le malade pendant un temps assez long,

même pendant quelques mois. Le diagnostic s'éclaircit ordinairement.

Nous voudrions pourtant souligner certains traits qui caractérisent la

sclérose :

1° Tout d'abord l'évolution de la maladie ne progresse pas aussi rapi-

dement que dans le cas de tumeur. Dans quelques cas la sclérose à marche

chronique que nous avons pu observer les dernières années, l'état du

malade pendant tout le temps de la maladie ne subissait pas ou presque

pas de changements. Au commencement il semblait être grave (on pensait

par conséquent à une tumeur), puis peu à peu cette gravité apparaissait

bien moindre. Il est connu que les tumeurs méningées ont une marche

oujours progressive, il part de courtes périodes de rémission.

TUMEURS DE LA MOELLE ÉPINIÈRE ET DE LA COLONNE VERTÉBRALE 479

2° Il est fort rare de voir des douleurs considérables dans la sclérose en

plaques. Les plaintes des malades au début font penser qu'il s'agit de

douleurs plus considérables qu'elles ne le sont en réalité. L'examen plus

précis au cours de la maladie démontre que les malades souffrent bien

plus de différentes paresthésies que de vraies douleurs. Ils se plaignent

précisément de sensation de brûlure dans différentes parties du corps,

assez souvent ils accusent une sensation étrange et pénible comme si un

membre était gonflé et ne pouvait pas se placer dans sa gaine cutanée,

une pesanteur des jambes, la faiblesse dans la région sacrée, un engour-

dissement des membres et des régions génitales, etc. De temps en temps

les malades se plaignent de très fortes douleurs ressemblant à des tirail-

lements. Une de ces malades (qui avait de la sclérose en plaques du type

médullaire) se plaignait de très fortes douleurs des bras, qui duraient des

semaines entières. La malade comparait ces douleurs à des douleurs lan-

cinantes. Les accès en général rappellent les douleurs arthritiques et su-

bissent l'influence du mauvais temps.

3° La sclérose en plaques peut également provoquer l'anesthésie de cer-

taines régions. Nous avons pu observer des cas où elle frappait une moitié

du corps, par exemple le membre inférieur droit et le tronc au-dessus ou

au-dessous du mamelon droit. Nous ri avons jamais noté la transformation

de celte hypoesthésie en une anesthésie complète, comme c'est le cas assez

souvent dans les stades avancés des tumeurs méningées. La sensibilité

est le plus souvent affaiblie; cet affaiblissement concerne la sensibilité

douloureuse et thermique, beaucoup moins la tactile. Dans des cas rares

nous avons pu noter le syndrome de Brown-Séquard.

4° Un point doit être souligné : pendant les accès de douleurs, les por-

teurs de tumeurs restent au lit de leur propre gré, tandis que nos malades

atteints de la sclérose en plaques marchent et se promènent (même ceux

qui souffrent de paresthésies et de douleurs) !

Dans un but diagnostique nous avons examiné le liquide céphalo-rachi-

dien de malades atteints de sclérose en plaques, le résultat jusqu'à présent L

fut toujours négatif.

Une autre affection qui doit être prise en considération est la carie

vertébrale. On réussit le plus souvent à dissimuler ces deux maladies.

Les symptômes différentiels ont été indiqués plus haut. Nous voudrions

ici préciser encore un point : c'est que dans la carie des vertèbres, on peut

observer le syndrome de Brown-Séquard avec les douleurs radiculaires

(Bruns). Boettiger a décrit un cas où le diagnostic de tumeur (les symptô-

mes de Brown-Séquard et d'autres caractérisant la tumeur) fut mis à néant

par l'opération : au cours de celle dernière, on constata la carie vertébrale

et l'abcès comprimallt la moelle épinière (jusqu'à ce moment le malade

480 O FLATAU

ne présentait aucun signe de tuberculose). Bruns pense que les douleurs

radiculaires de très longue durée (quelques années) ne se rencontrent pas

dans la carie vertébrale. D'après Gowers les douleurs radiculaires sont

très fortes dans la carie vertébrale ; d'autres symptômes sont bilatéraux

dès le début de la maladie. Dans un de nos éas, observé très longtemps

chez nous à l'hôpital, les douleurs persistèrent avec des intervalles pen-

dant deux ans (l'autopsie démontra la carie sèche) (1).

Quant à la syringomyélie, elle peut présenter des difficultés pour le

diagnostic différentiel quand elle est accompagnée par la pachyméningite

(Oppenheim). Dans ces cas on peut rencontrer les symptômes radiculaires,

la raideur de la colonne, les douleurs accompagnant les mouvements ac-

tifs, l'éternûment et la toux. On peut citer en faveur de la syringomyélie :

les troubles vaso-moteurs et trophiques de la peau, des os et des articula-

tions, les troubles sensitifs du type segmentaire avec dissociation de la

sensibilité, les atrophies musculaires et la paralysie flasque (surtout dans

les membres supérieurs), l'absence de symptômes radiculaires, surtout

de la part des racines postérieures, l'absence de douleurs pénibles (excepté

les cas où la pachyméningite s'ajoute à la syringomyélie). Oppenheim et

Stertz font encore remarquer que le tableau clinique de la tumeur mé-

dullaire se complète grâce aux symptômes qui dépendent de l'affection de

la moelle se propageant transversalement, tandis que, dans la syringo-

myélie, les lésions frappent la moelle longitudinalement.

Il faut encore rappeler une affection, la méningite spinale séreuse. Il y

a toute une série de cas décrits par Oppenheim, Krause, Saenger, Bruns,

K. Mendel, Montet, où l'opération seule démontra l'erreur du diagnostic.

Dans un cas diagnostiqué « tumeur des méninges», l'opération faisait

constater l'accumulation du liquide rachidien par suite d'une inflamma-

lion des méninges molles.De même dans un de mes cas, où la maladie pré-

sentait les caractères d'une tumeur médullaire (syndrome de Brown-

Séquard), le malade fut opéré à Berlin, et la mort survint aussitôt après

l'opération (le Xe cas du travail d'Oppenheim). La nature de cette

maladie n'est pas encore élucidée. Krause est d'avis qu'il existe une rela-

tion entre cette affection et la carie osseuse. Oppenheim veut y voir une

certaine analogie avec les kystes de la pie-mère décrits par Spi 11er-Musse ! '

et Martin. Schwartz, Schmidt et Schlesinger en ont décrit des cas égale-

ment. En général cette question reste encore incertaine. Nous croyons

que la tuberculose en est la cause le plus souvent. Nous savons que la

tuberculose peut présenter des formes atypiques d'inflammation des mé-

(1) Ce cas fut décrit'par le Dr IIandelsman, Des dégénérescences dans la moelle cau-

sées par la compression de la queue de cheval^ Medycyna, 1908.

TUMEURS DE LA MOELLE ÉPINIÈRE ET DE LA COLONNE VERTÉBRALE 481

ninges (1). Dernièrement Raymond et Alquier ont décrit des cas analo-

gues d'inflammations des (2) méninges de nature tuberculeuse où man-

quaient toutefois les lésions typiques.

Nous ne nous arrêterons pas sur les autres affections -médullaires,

puisqu'elles n'offrent pas généralement de difficultés pour le diagnostic

différentiel ; la méningo-myél i te syphilitique, le tabès, la névrite, l'affec-

tion de différents systèmes combinés, les affections fonctionnelles. Il y a

pourtant des cas de myélites transverses (Pfeifer) et d'arachnite tubercu-

leuse (Selberg) qui ont simulé la tumeur médullaire.

Il arrive encore qu'il y a plusieurs tumeurs dans la même moelle épi-

ni8re, et alors le diagnostic est bien difficile. Il a été observé un cas où

des tumeurs multiples n'ont présenté des symptômes que du côté delà

queue de cheval (E. Cramer). Ce n'est que quand les tumeurs sont assez

éloignées l'une de l'autre qu'on peut poser un diagnostic précis. Au cours

des tumeurs diffuses (sarcomes, gommes) il y a une combinaison de symp-

tômes cérébraux et médullaires. Tantôt les phénomènes cérébraux (l'am-

blyopie et l'amaurose le. plus souvent dans la sarcomatose) ouvrent la

scène, tantôt ce sont les phénomènes médullaires.

De tout ce qui précède nous voyons combien difficile reste encore le

diagnostic des tumeurs méningées/Les neurologistes les plus éminents

restent souvent indécis devant les cas difficiles. Comme exemple frappant

sous ce rapport, nous pouvons mentionner celui décrit par Saenger où

des médecins certainement expérimentés, comme Erb, Eisenlohr et

Schultze, ne pouvaient pas se prononcer sur le point de savoir s'il s'agis-

sait du tabes, de la syringomyélie, de la polynévrite ou de la tumeur.

Oppenheim mentionne dans la description de son cas qu'Erb ne

pouvait pas se décider à choisir entre 5 diagnostics différents. Nous

croyons pourtant que plus s'enrichissent nos matériaux cliniques, plus

nous sera facilité le travail de diagnostic différentiel.

Comme résumé nous pouvons conclure que les symptômes les plus

caractéristiques des tumeurs intravertébrales, et tout spécialement des

tumeurs extramédullaires sont les douleurs très intenses et l'évolution

graduelle toujours progressive de la maladie : troubles moteurs et sensi-

tifs toujours croissants interrompus quelquefois par de courts intervalles.

Anatomie pathologique.

Nous passons maintenant à l'anatomie pathologique des tumeurs extra-

(4), Voir le travail de-GouamoT,-Tuberculoses histologiquetnent-'atypiques ou bacil-

loses non folliculaires . Encéphale, 1908, no, 11 et suiv.

(2) Raymond et ALQUIEIt,Jléaiago-encéplialete tuberculeuse en plaques. Encéphale, 1909,

ne 15.

xxiii c 32

48 FLA.TAU

médullaires (spécialement des tumeurs méningées) et nous joignons une

table démontrant le résultat de nos observations personnelles.

Eh bien, à part notre XIXe observation où les masses néoplasiques

entouraient la moelle sans la déformer, partout ailleurs la moelle a subi

une déformation. Elle était le plus souvent comprimée, aplatie, refoulée

vers un côté. Quelquefois cet aplatissement était tellement prononcé

que la moelle ressemblait à un ruban.

Les lésions du tissu nerveux vues sous le microscope peuvent se diviser

en trois catégories : 1° celles produites à l'endroit de compression, c'est-

à-dire au niveau de la tumeur ; 2° les foyers en dehors de la compression;

.3° les dégénérescences secondaires ascendantes et descendantes.

Quant aux lésions qu'on observe à l'endroit même de compression, la

configuration de la moelle y présentait des modifications. Parfois (obs.

XVI, XVII) les lésions sont tellement prononcées qu'il est fort difficile

de distinguer la substance blanche de la grise (et cela de deux côtés ou

- du côté de la tumeur seulement). Dans d'autres cas (obs. XVIII) ces

lésions étaient moins prononcées et la distinction des deux substances

était possible.

Il semble que cette différence dépend moins de la longueur de la tumeur

que de son épaisseur. Dans la XVII" observation par exemple où la dé-

formation de la configuration interne fut la plus prononcée, les dimen-

sions de la fumeur étaient 2. 1 ; 1. 3 ; 1. 5 (la longueur, la largeur,

l'épaisseur), dans la XVIIIe observation où la configuration interne était

partout plus ou moins bien conservée, ces dimensions étaient 3. 5 ; 1. 3 ;

0. 85.

Mais cette différence peut encore provenir d'autres causes : de la durée

de la maladie, de la nature de la tumeur, du caractère individuel du ma-

lade, de la résistance du tissu nerveux, etc.

Les lésions histologiques observées le plus souvent dans les cas préci-

tés consistaient en formation de foyers irréguliers, mal délimités avec

une raréfaction des fibres. Ces foyers se rencontraient surtout dans les

cordons postéro-latéraux. Les cordons antérieurs étaient très peu lésés ou

même pas du tout. Cela dépend probablement de la localisation des tu-

gueurs (elles siègent principalement sur les côtés et en arrière de la

moelle). Les lésions étaient surtout prononcées du côté de la tumeur,

c'est-à-dire où le tissu reste en contact avec le néoplasme, et beaucoup

moindres du côté opposé.Les foyers de lésion réalisaient le type alvéolaire..

On voyait le gonflement des gaines de myéline, leur déformation, leur

désagrégalion et atrophie ; le gonflement et la déformation des cylindraxes,

la déformation et la disparition des cellules nerveuses. Par suite de ces

TUMEURS DE LA MOELLE ÉPINIÈRE ET DE LA COLONNE VERTÉBRALE 485

lésions on voyait des alvéoles plus ou moins vides apparaissant au sein

du tissu névroglique.

Les vaisseaux étaient dilatés (aussi bien dans la moelle que dans les mé-

ninges). Leurs parois n'étaient pas modifiées considérablement. Les espaces

lymphatiques (périvasculaireset cellulaires) ne montraient pas de modi-

fications. La névroglie ne proliférait pas. Les racines étaient bien

conservées, sans lésions un peu profondes. Les racines dans le voisinage

de la tumeur étaient légèrement modifiées ; du côté opposé, les racines

étaient intactes ou à peine démyélinisées.

Méninges sans lésions évidentes, avec vaisseaux dilatés.

Il faut tout spécialement insister sur ce fait qu'on n'observait nulle

part de lésions inflammatoires proprement dites et que les espaces

lymphatiques ne présentaient pas de lésions prononcées .

Une attention toute spéciale doit être portée sur notre XIV- observa-

tion. On y constatait au niveau de la tumeur une masse difforme, mélange

de substance blanche et grise, avec des hémorragies multiples au lieu de

la figure habituelle. Il faut supposer que cette lésion fut produite arti-

ficiellement (une hémorragie pendant ou après l'opération se faisant au

sein du tissu nerveux ramolli).

Un fait nous paraissait assez étrange, à savoir que dans certains cas,

malgré une déformation extraordinaire de toute la coupe (comp. Fig. 15

dans-Ii XVIe obs.), les cellules nerveuses et les cylindraxes (quoique un

peu modifiés) étaient conservés. Ce qui nous démontre, semble-t-il, que le

tissu médullaire comprimé par la tumeur conserve une grande capacité de

reconstitution.

Il peut arriver que la moitié de la moelle n'adhérant pas à la tumeur

soit plus lésée que celle du côté opposé.

Quant aux tumeurs diffuses, tout spécialement la sarcomatose, elles

frappent quelquefois les méninges exclusivement sans pénétrer dans le

tissu nerveux ou en n'y pénétrant qu'à faible degré (Westphal, Busch,

Nonne, Pasteur). Dans d'autres cas la moelle peut être à tel point envahie

par le néoplasme qu'il n'en reste qu'une mince zone du tissu normal

(R. Schulz). Dans des cas exceptionnels les masses sarcomateuses en

même temps que les racines médullaires passent en dehors du canal ra-

chidien (Quensel, Orlawski).

Si nous nous arrêtons maintenant sur les lésions situées en dehors de

l'endroit comprimé, nous devons constater que la moelle épinière se dé-

barrasse vite de l'influence de la tumeur. La configuration interne de la

moelle devient normale déjà au niveau du pôle supérieur et inférieur de la

tumeur, Microscopiquement on pouvait constater une plus riche vascula-

risation de la moelle au-dessous et au-dessus de la tumeur. Dans les .

486 . .- . - FLATAU , " ,

régions assez, éloignées de la tumeur, des lésions un peu pronon-

cées étaient rares. Dans notre XIXé observation par 'exemple (le

sarcome de la région cervicale inférieure et dorsale) on constatait au

niveau du 1111, segment cervical un foyer alvéolaire dans le cordon latéral

gauche et dans les cordons postérieurs non loin de la commissure ; en

plus un foyer en coin allant de la périphérie vers la profondeur. Ce n'est

que dans 1-t,XiV.e observation (tumeur au niveau de la VHP vertèbre dor-

sale) qu'on voyait des hémorragies le long de toute la moelle lombo-sa-

crée"(avec disparition complète des cellules nerveuses), et en allant vers

le haut, la configuration normale de la moelle apparaissait très lentement

et graduellement. Ce cas prend une place à part puisqu'il faut supposer

qu'il s'agissait là d'un traumatisme produit pendant l'opération ou d'une

hématomyélie consécutive. Un cas analogue est décrit par Bruns, qui croit

également que les hémorragies peuvent résulter de l'emploi trop éner-

gique du marteau et de la gouge au cours de l'opération.

Certains neurologistes, tels que Bielschovsky par exemple ont constaté

qu'à l'endroit comprimé et dans son voisinage se forment des cavernes à

la suite des troubles circulatoires et des hémorragies. Bielschovsky men-

tionne des observations analogues dues à Dinkler, Müller, etc. Nous

n'avons pas constaté de cavernes pareilles. '

Enfin les dégénérescences secondaires frappent par leur développement

minime. A part l'observation XVIII où elles étaient bien prononcées,

dans toutes les autres elles n'étaient qu'ébauchées, quelquefois unique-

ment du côté de la tumeur dans une direction seulement, ou plus fortes

dans un sens que dans l'autre, s'épuisant vite, etc. Sous ce rapport Tob-'

servation XVI est bien caractéristique ; là, malgré une énorme déforma-

tion de, la moelle, la dégénérescence descendante fut assez faible dans la

voie pyramidale latérale gauche, 'tandis que l'ascendante n'y était pas du

tout. :

\Gowers également attire l'attention sur le fait que la dégénérescence

secondaire est souvent plus faible qu'on ne pouvait le supposer, en se ba-

sant sur les lésions très prononcées au niveau de la tumeur.

' Ce fait indique également que la moelle possède une grande faculté de re-

constitution malgré une compression prolongée produite par la tumeur.

En outre, il faut encore mentionner que dans deux cas la dégénéres-

cence secondaire n'était visible qu'à une certaine distance de la tumeur.

Dans le XVIIe cas (tumeur dans la région cervicale inférieure) on pouvait

constater la dégénérescence ascendante au niveau du Ile segment cervical,

tandis qu'au niveau du IVe elle était absente. Dans le XIX" cas (tumeur

siégeant au niveau de la moelle cervicale inférieure et dorsale supérieure)

on pouvait constater une dégénérescence descendante dans les cordons

TUMEURS DE LA MOELLE ÉPINIÈRE ET DE LA COLONNE VERTÉBRALE 48-7\

pyramidaux latéraux de la moelle, lombo-sacrée, tandis qu'elle, n'était pas^

visible dans la moelle dorsale ! Ces faits sont analogues à ceux- décrits

dans le chapitre II. -

Quant à la pathogénèse, de ces lésions produites par la compression,

nous l'avons déjà exposée dans le chapitre II. Nous l'avons aussi décrite

dans un travail commun avec le Dr Sterling. Nous y concluons, en. nous

basant sur les examens personnels et ceux de Kahler, Schmaus, Zieorlel,,

et d'autres que les lésions histo-pathologiq1le ? dans ce qu'on appelle la.

myélite par compression, naissent par suite des troubles circulatoires, les

stases, provoquées par les causes mécaniques principalement. - 1

Le présent travail nous permet de conclure que, dans les tumeurs mé-

ningées spécialement, les causes précitées agissent presque exclusivement.

Comment agit cette cause mécanique et quels sont ses degrés ? On n'a pas

encore élucidé suffisamment ces deux points. On ne peut le faire qu'au

moyen d'expériences. Il faut supposer qu'au début il se produit de l'oedème,

du tissu avec une dilatation des espaces lymphatiques. Les produits de la

stase exercent une mauvaise influence sur les éléments du tissu nerveux

et constituent une des causes qui modifient le tissu nerveux. Le phéno-

mène d'oedème disparaît peu à peu, ce qui explique pourquoi nous ne'

l'avons pas constaté dans nos cas.

A côté de cette stase, on doit accorder un grand rôle : 1° à la compression

mécanique immédiate delà moelle; 2° aux lésions secondaires, c'est-à-

dire produites par la compression des vaisseaux sanguins. " "

La compression immédiate exercée sur le tissu nerveux provoque sans

doute des lésions prononcées. La meilleure preuve en est que les plus

grandes lésions correspondent à la région la plus, comprimée. Il est fort-

difficile de supposer que d'autres agents y jouent un rôle. ,

La compression des vaisseaux sanguins a une grande importance ; ce'

fait est rendu bien évident par les nombreuses stases sanguines qu'on

constate non seulement dans le tissu nerveux, mais aussi au sein des mé-

ninges molles. et dures. Certains ,neurologistes, comme Bielschovsky,

attribuent une importance spéciale à la stase veineuse dans la provenance

des lésions par compression.

En tout cas il est maintenant hors de doute que les lésions de la

moelle provoquées par la compression de cet organe par les tumeurs

[méningées) , résultent de causes mécaniques. Le processus inflam-

matoire n'y intervient pas du tout, ou,dans des cas exceptionnels, joue

un rôle secondaire. Celle absence de lésions inflammatoires qui dé-

truisent ordinairement le tissu n81'VellX constitue la princip ale conâition

de la restitution de la moelle et de ses fonctions. Cette restitution est

possible encore dans les cas où la compression est très profonde, c'est

488 ' ' FLATAU

.. . .

ce que nous prouve la persistance d'éléments délicats comme sont

les cellules nerveuses et l'absence de dégénérescences secondaires. En

effet, même au niveau du maximum de compression exercée par la

tumeur, les cellules nerveuses ne disparaissent pas complètement et

la dégénérescence secondaire n'existe pas du tout ou n'est que très

faible.

Heilbronner a bien raison de se demander si l'existence d'une dégé-

nérescence secondaire parle contre la possibilité de la restitution des

fonctions de la moelle après l'opération ? Nous croyons qu'en tout cas la

constatation de cette dégénérescence par la méthode de Marchi n'est pas

suffisante pour répondre par la négative. Quant aux dégénérescences plus

anciennes décelées par la méthode de Weigert.nous croyons qu'elles aussi

ne constituent pas une preuve indéniable que la fibre nerveuse a perdu

sa conductibilité. Maintes fois nous avons pu nous persuader que les

cylindraxes quoique changés persistaient à l'endroit comprimé où la mé-

thode Weigert démontrait une dégénérescence.

.D'un autre côté il faut se rappeler le fait suivant : les lésions histolo-

giques peuvent manquer presque complètement à l'endroit comprimé

tandis que les symptômes cliniques sont très prononcés. Ce l'ait est

souligné tout spécialement par Naâeotte et Riche dans le nouveau Manuel

d'histologie et de pathologie de Cornil et Ranvier. Grâce aux expé-

riences du Dr Bornstein (elles étaient faites dans notre service, les résul-

tats n'en sont pas encore publiés : on introduisait des corps s'imbibant

facilement des laminaires dans l'espace séparant la moelle de la

colonne vertébrale), nous avons acquis la conviction que la paralysie in-

tervient au moment où on ne peut encore supposer l'existence de lésions

profondes.

(A suivre)

NOUV ICONOGRAPHIE DE LA SALPÊTRIÈRE.

T. XXIII. PL. LIV.

LE PROFESSEUR F. RAYMOND

(1844-1910)

Masson 1,'r C", Eilileurs,

Le Professeur F. RAYMOND

(1844-1910)

La Nouvelle Iconographie de la Salpêtrière est frappée par un nou-

veau deuil.

Le professeur F. RAYMOND est mort, le 28 septembre dernier, à La

Planche (l'Andillé, en Poitou, où il avait coutume de passer ses vacances,

à la veille du jour où il comptait reprendre son service de la Salpêtrière,

Il était âgé de 66 ans.

Après JOFFROY, mort le 24 novembre 1908, après Brissaud, si préma-

turément emporté le 19 décembre 1909, la disparition du professeur F.

RAYMOND creuse un nouveau vide dans la phalange de neurologistes qu'a-

vait su recruter Cliarcot.

Le professeur Fulgence Raymond était d'origine modeste. Il eut le très

grand mérite de conquérir, par sa seule assiduité studieuse, les titres et

les honneurs dont il fut comblé.

Né le 29 septembre 1844, à St-Christophe (Indre-et-Loire), en 1861,

il entra comme élève à l'Ecole d'Alfort. Il en sortit quatre ans plus tard

comme vétérinaire de l'armée à Saumur. Une place de chef de travaux

d'anatomie et de physiologie étant devenue vacante à Alfort il obtint

cette place au concours.

Mais il caressait un rêve : la médecine des bêtes lui semblait un art

inférieur ; il aspirait à devenir médecin des hommes. Pour cela, il lui

fallait compléter son instruclion première, apprendre le latin, le grec,

faire ses humanités, passer enfin ses deux baccalauréats Or, il avait

vingt-trois ans, était déjà chef de famille, et peu fortuné.

, A force d'opiniâtreté, et grâce à une mémoire exceptionnelle, il rem-

porta cette victoire, la plus méritoire peut-être de toute sa carrière. Il fut

nommé bachelier et put s'inscrire à la Faculté de médecine. Dès lors, il

franchit rapidement toutes les étapes : externe des hôpitaux en 1870, in-

terne en 1871, médaille d'or en 1875, chef de clinique en 1877, médecin

des Hôpitaux l'année suivante, enfin agrégé en 1880. L'ancien écolier de

490 NÉCROLOGIE

St-Christophe eût pu s'enorgueillir d'avoir conquis tous ses grades, au

prix de son seul labeur.Il n'en tirait pas vanité, et même il éprouvait quel-

que gêne s'il était fait allusion à ses premiers débuts dans la médecine

vétérinaire.

F. Raymond fut successivement médecin de l'IIospice d'Ivry, puis de

l'Hôpital St-Antoine ; il étaità Lariboisiére en 1893, lorsque survint la

disparition soudaine de Charcot.

La chaire de Clinique des maladies du système nerveux, à la Salpê-

trière,- étant devenue vacante, Brissaud fut chargé delà suppléance pen-

dant un an. On sait quelles brillantes leçons il y professa.

L'année suivante,lorsque la Faculté eut à désigner un titulaire, son choix

s'arrêta sur F. Raymond. On a dit que Charcot mourant avait lui-même

désigné son successeur. Charcot, mort inopinément au cours d'un voyage

en Morvan, n'a pas pu faire 'alors cette sorte de testament scientifique ;

mais il est vrai que parmi les élèves de Charcot, F. Raymond se trouvait

tout naturellement désigné pour le remplacer, selon les droits tradition-

nels d'ancienneté' qui prévalent à la Faculté de médecine.

Succéder à Charcot dans cette chaire de la Salpêtrière dont le prestige

était mondial, c'était assumer une tâche lourde et périlleuse. Autant par

sa modestie que par ses libéralités, et par des efforts laborieux continués

sans défaillance, le professeur F. Raymond s'est évertué jusqu'à ses

derniers jours à justifier le choix de ses collègues.

Grâce à lui, l'enseignement des maladies nerveuses s'est poursuivi

pendant quinze années à la Salpêtrière avec une régularité digne d'éloges.

Dès avant son entrée à la Salpêtrière, F. Raymond avait publié une

série de travaux sur les maladies nerveuses, notamment sa thèse de docto-

rat (1876) : Etude anatomique, physiologique et clinique de l'hémichorée,

de l'laémianestlaésie et des tremblements symptomatiques. On lui doit aussi

plusieurs études sur les localisations cérébrales et bulbaires, en particu-

lier sur le Noyau du facial, en collaboration avec Malhias Duval, sur

l'Hypoglosse, en collaboration avec Arthaud.

11 avait consacré aux Atrophies musculaires une série de conférences

faites à la Faculté de médecine, en 1887. Le volume qui les réuniteutun

légitime succès, avant que se fût modifiée la conception des amyotrophies.

F. Raymond a publié avec Pierre Janet plusieurs volumes, Névroses et

idées fixes, Obsessions et psychasthénie, qui renferment de curieuses obser-

vations psycho pathologiques. Enfin ses Cliniques de la Salpêtrière ont

été réunies en plusieurs volumes où sont amassés d'importants docu-

ments cliniques, anatomiques et bibliographiques. 1

En prenant possession de la chaire de clinique des maladies du système

NÉCROLOGIE 491 1

nerveux, le professeur F. Raymond a tenu à apporter son bienveillant

appui à l'une des fondations de son maître Charcot, la Nouvelle Iconogra-

phie de la Salpêtrière. Celle-ci n'a garde de l'oublier. On retrouvera dans

la collection de ce recueil, d'intéressants travaux parus sous son nom, tels

que : Héartatomyélie du cône terminal, Paralysie bilatérale du deltoïde par

élongation des deux nerfs circonflexes. Une belle étude d'ensemble Sur les

affections de la queue de cheval. Un cas d'ophtahztohlégie, Syringomyélie

avec anesthésie totale, Syndrome de Brown-Séquard, Un cas de tumeur du

cervelet, Polynévrite et poliomyélite, Les affections de la queue de cheval et

du segment inférieur de la moelle. Plusieurs articles sur les tics, les spasztte.s

et la psychasthénie, en collaboration avec P. Janet, sur la Maladie de

Parkinson, )'7/eo-ata.r ! 'e cérébelleuse etc. Enfin, dans ces dernières

années, grâce à la collaboration des élèves du professeur Raymond,Cestan,

Alquier, Claude, Lejonne, Babonneix, Rose, Gougerot, etc., une série d'é-

tudes sur La myopathie ;MeMo-/iy;M ? '</'o/<Me, la Syringomyélie, le Rhu-

matisme chronique vertébral, la Paralysie pseudo-bulbaÏ1'e, la Gangrène des

extrémités, etc., ont également paru dans la Nouvelle Iconographie de la

Salpêtrière.

Le professeur F. Raymond fut l'un des fondateurs de la Société de Neu-

rologie de Paris, en 1899. A chaque séance, il faisait présenter plusieurs

malades de sa clinique et les meilleurs travaux de son laboratoire.

Membre de l'Académie de médecine depuis 1895, il avait été nommé

en 1908 docteur de l'Université d'Oxford. Il était commandeur de la

Légion d'Honneur. ,

Dans ses leçons cliniques, le professeur F. Raymond apportait une

conscience assidue. Travailleur, exemplaire, il sut s'entourer de travail-

leurs qui lui livraient les fruits de leurs examens anatomo-cliniques et

de leurs recherches bibliographiques. Il savait les mettre à profit, grâce

aux ressources inépuisables de sa mémoire. Sans brillantes qualités ora-

toires, il avait cependant dans son discours de la chaleur et de la persua-

sion ; la simplicité même de son langage, comme aussi celle de ses écrits,

ont certainement facilité aux débutants la compréhension de la neurologie.

Enfin, il dépensait tant d'affabilité en professant, que son auditoire le :

témoignait en retour une respectueuse sympathie.

Le professeur Raymond s'est efforcé de suivre la méthode clinique 1( ?

trée par Charcot ; il y est resté fidèle dans ses Leçons du mardi : le défilé

des malades de la consultation de la Salpêtrière sera toujours un merveil-

leux moyen d'enseigner la pathologie en action.

Ala vérité, il fut conduit à modifier la manière de son maître. Ayant

moins d'autorité et plus de circonspection, n'a pas été tenté de professer

unenosographie schématique, dans laquelle, il faut le reconnaître, la pré-

492 NÉCROLOGIE

cision n'est souvent qu'apparente. D'ailleurs, après l'absolutisme de

Charcot, une réaction était inévitable : en clinique, comme dans toutes

les sciences biologiques, les divisions purement conventionnelles, n'ont

qu'une valeur éphémère. Mais, si Charcot a pu pécher par excès de sché-

matisation, on peut se demander si l'oeuvre de son successeur ne sera pas

jugée trop éclectique. Il s'est fait l'écho consciencieux de toutes lesopi-

nions, exposant les idées de chacun avec une impartialité, louable mais

ne s'aventurant jamais à conclure. Delà, un enseignement, abondamment

documenté, quelque peu flottant, où l'on peut puiser maints renseigne-

ments utiles, mais où l'absence de grandes lignes laisse transparaître

une incertitude qui décourage un peu. Ainsi, grâce à leurs natures es-

sentiellement différentes, le maître et l'élève ont fait évoluer l'étude de

la neurologie dans deux sens diamétralement opposés. L'avenir fera con-

naître celle de ces deux manières qui aura porté les meilleurs fruits.

De son ascendance rurale, le professeur F. Raymond avait reçu en hé-

ritage une grande simplicité d'allures, un peu d'hésitation et de timidité,

et aussi cette bonhomie souriante qui n'exclut pas la circonspection, mais

surtout l'habitude du patient effort journalier, l'esprit de prévoyance et

une extrême modération.

Son accueil était toujours affable ; il trouvait pour chacun une parole.

flatteuse et se laissait aller volontiers à prodiguer les promesses. On eût

dit que, favorisé au delà de ses espérances, il cherchait à s'en excuser par

une amabilité intarissable. Au vrai, il souhaitait qu'on fût agréablement

impressionné par son-sans façons bienveillant. Et, sincèrement, iL dési-

rait qu'on l'aimât, redoutant même de se faire craindre.

La lutte par le travail ne l'effraya jamais ; mais il avait une grande ap-

préhension de la dispute. S'il ne défendait pas très énergiquement ses.

idées, c'est qu'il était, de nature, enclin à la conciliation, et que, par mo-

destie, il doutait facilement de lui-même. "

Sa vie est un exemple de labeur persévérant allié à une aménité sans,

défaillance.

Henry MEIGE.

lmp. J. l'hevenot, Saint-Didier (Haute-Marne).

Le gérant : P. Boucncz.

UNIVERSITÉ DE ROME

CONTRIBUTION CLINIQUE ET ANATOMO- PATHOLOGIQUE

A L'ÉTUDE DE L'APHASIE CHEZ LES GAUCHERS

- , G. MINGAZZINI,

Professeur de Neuropathologie à l'Université Royale de Rome.

Ce n'est pas ici le lieu de s'étendre sur les arguments fournis par l'é-

tude de la pathologie infantile et du cerveau des 'adultes aphasiques pour

démontrer comment, chez les gauchers, les circonvolutions cérébrales du

langage, quand elles sont lésées à droite produisent, le plus souvent

sinon toujours, des troubles semblables à ceux qui s'observent chez les

droitiers, lorsque les circonvolutions correspondantes de gauche présen-

tent des lésions (1). Mais, à ma connaissance du moins, personne jus-

qu'ici n'a étudié, au moyen de coupes sériées, les lésions qu'on rencontre

dans les hémisphères cérébraux d'individus gauchers atteints d'aphasie

sensorielle. Voilà pourquoi ayant eu, il y a environ deux ans, l'occa-

sion d'étudier, intra vitaln, les troubles aphasiques d'un gaucher, mort

dans la suite, j'ai examiné les hémisphères cérébraux de ce sujet, en les

coupant par séries horizontales et en les colorant avec l'hématoxyline (2).

Je résume d'abord l'histoire clinique :

D'Auria Pasquale, 60 ans ; sait lire et écrire ; a toujours été gaucher ; a

souffert de blennorrhagie et d'ulcères simples.

Le 4 février 1907, tandis qu'il était alité, à l'hôpital, et que l'inlirmier lui

présentait du bouillon, il tombe tout à coup dans un état de confusion

mentale. Le médecin appelé constate que la moitié gauche du corps est com-

plètement paralysée. Au bout de quelques instants, le malade revient à lui

et commence à exécuter quelques mouvements avec le membre supérieur gau-

che, consistant en flexion limitée et extension de l'avant-bras.

L'examen objectif relève ce qui suit : tous les autres mouvements de la moitié

gauche du corps sont impossibles ; ceux de la moitié droite sont normaux ;

langue légèrement déviée à droite. Le chatouillement de la plante du pied

gauche a pour résultat la flexion dorsale du gros orteil.

(1) Car. à ce sujet : 13ASTIAN, Aphasia and ol/w' speech de/ecls, London, 189S.

(2) J'ai rapporté brièvement ce cas, avec présentation de préparations anatomiques,

au deuxième Congrès des neurologistes italiens, tenu à Gènes le 23 octobre 1909.

Min 33

494 MINGA`GZIIVL

A droite, on observe une tendance à la flexion dorsale. du..gros. orteil, avec

flexion plantaire des autres doigts. Les rotuliens sont plus vifs et plus prompts

Ù gauche. Les pupilles réagissent promptement à la lumière et à raccommoda-

lion.

Elat, le 5 février 1907. - La parésie de la moitié gauche du corps a

un peu diminué. Les mouvements du membre supérieur gauche restent très

limités; le malade réussit à soulever un peu le membre entier au-dessus du

plan du lit. Il parvient aussi à ployer la jambe gauche sans pourtant soulever

le talon. Tous les autres mouvements sont impossibles.

Le malade ne réussit à articuler aucune parole; parfois seulement il émet

des sons inarticulés; mais il comprend beaucoup de commandements.

Etat, le 26 février 1907. Rien du côté des mouvements passifs et actifs

du facial et des membres du côté droit. Les mouvements volontaires dans le

membre supérieur gauche sont presque tous impossibles. Le malade, pour

le soulever, s'aide de la main droite. Il réussit à soulever le membre inférieur

gauche au-dessus du lit, jusqu'à la hauteur d'environ 20 centimètres ; le facial

de gauche est totalement paralysé. Le patient pleure facilement. Il comprend

bien les questions élémentaires qui lui sont adressées ; mais, dans les tenta-

tives qu'il fait pour parler, il n'émet que des sons inarticulés.

6 mars 1907. - La parésie du facial inférieur gauche persiste. La contrac-

tion de la fissure palpébrale est plus complète à droite qu'à gauche. Mouve-

ments volontaires du membre supérieur gauche très limités ; forte résistance

à tous les mouvements passifs. Le malade est capable de soulever un peu le

membre inférieur gauche. Le membre inférieur présente une faible résistance

aux mouvements passifs.

Réflexe rotulien plus marqué à gauche qu'à droite. Pas de clonus du pied,

ni de la rotule. Si l'on chatouille à gauche la plante du pied vers le milieu,

on observe quelquefois le symptôme de Babinski. Le réflexe bicipital de gau-

cbe est vif. Les réflexes tendineux supérieurs sont absents à droite.

Vu la tensiou du ventre, on ne peut explorer les réflexes épigastriques et

abdominaux. Le réflexe crémastérien est aboli à gauche.

Le malade ne répond à aucune question et fait comprendre par gestes qu'il

ne peut parler. Il n'est pas capable de dire les noms des divers objets qu'on

lui montre, ni de répéter aucune parole.

Etat, le 28 mars 1907. Rien du côté de l'oculomotion. Dans l'acte de

grincer des dents, le pli labial droit est un peu plus prononcé qu'à gauche. La

langue, tirée hors de la bouche, tend à dévier vers la gauche. Rien d'anormal

pour les mouvements actifs et passifs des membres du côté droit dont la force

musculaire est bien conservée. Les réllexes rotuliens sont légèrement aug-

mentés à gauche ; des deux côtés, on note l'absence des réflexes tendineux

supérieurs.

Membre supérieur gauche. Le dos de la main et des doigts de ce membre se

montre oedématié. Il ne présente aucune attitude vicieuse et n'oppose aucune

résistance aux mouvements passifs. Le malade est incapable d'accomplir un

mouvement actif quelconque avec quelque segment que ce soit de ce membre ;

il réussit seulement à le soulever in toto au-dessus du plan du lit.

DE L'APHASIE CHEZ LES GAUCHERS 493

Membre inférieur gauche. Le patient ne présente aucune espèce de troubles

trophiques ni d'attitudes vicieuses ; aucune résistance aux mouvements passifs.

Quant aux mouvements actifs, il réussit à exécuter la Oexion initiale de la cuisse

sur le bassin, et de la jambe sur la cuisse. On ne peut fournir d'indications

précises sur la façon dont se comporte la sensibilité, à cause des conditions

mentales du malade. Miction et défécation normales. ·

Examen DU langage. '

- Demandes Réponses

Corne li chiami ? (Comment t'appelles-tu ? ) Dubno.

Dove sei nato ? (Où es-tu né ? ) Coroformio.

Quanti anni liai ? (Quel âge as-tu ? ) Sessantacinqve (65).

Apri la bocca. (Ouvre la bouche.) Le malade grince des dents.

Alza il braccio destro. (Lève le bras droit.) Il exécute le mouvement. '

Levati il berreJio. (Ote ton bonnet.) Il ne comprend pas l'ordre.

Toccali l'ol'eechio con la mano. (Touche-toi

. l'oreille avec la main.) Il exécute l'ordre.

Tocca il cuscino. (Touche l'oreiller.) Il se touche l'oreille.

Toccali la fronte. (Touche-toi le front.) Il exécute l'ordre.

Eu général, le malade comprend la plus grande partie des ordres élémentai-

res qu'on lui donne.

Corne ti chiami ? (Comment t'appelles-tu ? ) Pascole.

Quanti anni liai ? (Quel âge as-tu ? ) Sessantadue (62).

Doue ti trovi ? (Où te trouves-tu ? ) si ... si...

Di che paese sei ? (De quel pays est-tu ? ) Sono (Je suis).

Langage rkpété.

Le patient est prié de répéter les paroles suivantes :

Testa (tête). Sesta.

Roma (Rome). Si...si...si...

Gamba (jambe). Si...si...si...

Sur l'invitation qui' lui est faite de nommer quelques objets, la malade se

comporte de la manière suivante :

Objet présenté. Réponses.

Un lapis (un crayon). Se...si... se...Serbe.

Un berretto (une casquette). Coppolella.

Una carnet (une chaîne). Catana.

Una moneta di oro (une pièce d'or). Ori.

496 MINGAZZINI

4°° avril 1907. Nouvel examen du langage.

Examen de la répétition' des paroles.

Demandes Réponses

Chiave (clef). Le malade répète : Cltiape.

Soldo (sou). - Soldo.

Argento (argent). Argenlo. z

Pelo (poil). Selo ou lelo.

Cavallo (cheval). - Cavallo.

Arciprele (archiprêtre). Pec.

Essai de la dénomination des objets :

On montre : un lapis (crayon). Le malade dit : Lapis.

un soldo (sou). Soldo.

une orologio (montre). Sebetollo.

un fazzollello (mouchoir). Sebebesisisi.

une veste (vêtement). Posiro.

D'où il résulte que, dans le langage spontané et dans les paroles répétées, le

malade commet beaucoup d'erreurs paraphasiques. Il n'y a pas de tendance à

l'écholalie ou à la persévération des paroles.

Le patient, prié de lire à haute voix, dit parfois des mots (italiens) différents

de ceux qui sont écrits ; parfois, il répète, avec des erreurs paraphasiques,

les mots de plusieurs syllabes qu'il a lus ; d'autres fois sans erreur.Par exem-

ple, il a lu correctement à haute voix les ordres :

Comment t'appelles-tu ?

Ouvre la bouche.

Ferme les yeux.

Mets-toi debout.

Mais il n'a ni répondu, ni exécuté les ordres. En général, si on lui donne

des ordres élémentaires écrits, il lit, relit, puis reste immobile ; et il se mon-

tre toujours incapable de comprendre la signification de ce qu'il lit.

Aucun essai d'écriture ne peut être tenté parce que le malade a le membre

supérieur gauche parésie, et qu'il avait toujours écrit de sa main gauche

(étant gaucher). On ne note aucun désordre dyspraxique moteur ou d'agnosie ;

le malade prend les aliments qu'il désire et les porte à sa bouche ; il emploie

le vase de nuit quand besoin est ; il prend une cigarette et la place entre ses

lèvres. Il se mouche avec le mouchoir et ainsi de suite.

En résumé : le patient est affecté de parésie droite. En outre il ne comprend

que les demandes élémentaires ; il commet des erreurs (paraphasiques), tant

dans le langage spontané que dans la répétition et dans la lecture à haute

voix ; il ne comprend pas le sens des demandes écrites, quoiqu'il reconnaisse

les lettres, les syllabes et les mots ; en somme il montre les symptômes de

l'aphasie sensorielle partielle.

DE L'APHASIE CHEZ LES GAUCHERS 497

Ces troubles ont persisté sans changement jusqu'à la mort.

Autopsie. 8 mai 990î.- Rien du côté de la dure-mère et de la pie-mère

La convexité et la base de l'hémisphère cérébral gauche sont normales. L'examen

de l'hémisphère cérébral droit montre que le cinquième inférieur du gyrus prse-

cenlralis et les circonvolutions de l'insula de ce côté, excepté l'antérieur, sont

convertis en une substance molle de couleur jaunâtre et s'écrasant facilement

à la moindre pression du doigt. Une coupe, pratiquée horizontalement à tra-

vers l'hémisphère droit, de façon à mettre^à découvert les ventricules latéraux

montre toute la substance grise et blanche des circonvolutions de l'insula, à

l'exception de la circonvolution antérieure, convertie en une substance molle

de couleur jaunâtre ; et l'on trouve également ramolli en partie le gyrus lem-

poralis (profundus) lransversus (Heschl).

Examen microscopique. - Après avoir procédé au durcissement, suivant

la méthode de Müller, du cerveau entier,on a pratiqué des coupes horizontales

en série, tant de l'hémisphère cérébral droit, que du gauche ; puis on les a

colorées avec l'hématoxyliue (Weigert-Pal). Il n'a rien été trouvé d'anormal

l'hémisphère gauche.

Hémisphère cérébral droit. Coupes horizontales. Dans une section passant à

82 millimètres au-dessous du bord supérieur de l'hémisphère, on ne rencontre

rien du côté des circonvolutions et des ganglions de la base.

Une section horizontale, passant à 7a millimètres au-dessous du bord supé-

rieur de l'hémisphère, montre toutes les circonvolutions et les ganglions cen-

traux normaux : les circonvolutions de l'insula (1), le fasciculus arcualus, les

premiers faisceaux du claustrum ne présentent aucune altération ou dispari-

tion de leurs éléments respectifs, même à l'examen histologique.

Une section horizontale, à 72 millimètres au-dessous du bord supérieur de

l'hémisphère présente une légère raréfaction du réseau supraradiaire et de quel-

ques fibres tangentielles des circonvolutions de l'insula. Le reste de la section

n'offre rien d'anormal.

Dans une coupe horizontale, à 70 et 68 millimètres au-dessous du bord

supérieur de l'hémisphère les altérations ci-dessus décrites du côté des cir-

convolutions de l'insula apparaissent de plus en plus manifestes, car quelques

fibres de l'axe médullaire, ainsi que les réseaux radiaires et supraradiaires des

mêmes circonvolutions sont disparus. Les fibres de la portion du fasciculus

arcualus, qui s'étend en regard de ces circonvolutions, sont très pâles.

Dans la coupe menée à environ 65 millimètres au-dessous du bord su-

périeur de l'hémisphère on note la disparition presque complète des fibres

qui font partie des fibres d'association en U et s'étendent à la base des circon-

volutions de l'insula, et des fibres qui constituent les réseaux supra et infra-

(1) L'insula antérieure du malade était divisée en trois circonvolutions, et seulement,

dans quelques sections, en quatre ; la division incomplète de l'insula antérieure en

quatre circonvolutions est une des variétés que nous offre la morphologie de l'insula

antérieure de l'homme. Comp. à ce sujet : S. SEaGl : Variasioni dei solchi dell'insula

.nel cervelle umano. Atti della Soc. Rom. d'Anthrop., vol, XV, f. II.

498 DIINGAZZINI

iiaires, Les nnres de l'axe médullaire des mêmes circonvolutions sont aussi

un peu raréfiées. Ces altérations sont à peu près uniformes dans les circonvo-

lutions de l'iasztla anterior et de l'insula posterior. De même, dans la portion

postérieure de la capsule externe, un certain nombre de fibres nerveuses sont

disparues.

Dans les sections horizontales, conduites à environ 63 millimètres au-dessous

du bord supérieur de l'hémisphère : la différence dans les altérations entre les

circonvolutions antérieures (brevis) et la circonvolution posterior insuloe, va

toujours s'accentuant. Le gyrus anterior primus (brevis) est normal. Le gyrus

anlerior secundus présente une très légère raréfaction de l'axe médullaire et

des réseaux ; dans le gyrus anterior tertius, cette altération est beaucoup plus

étendue. Dans la circonvolution postérieure de l'insula, les fibres de l'axe

médullaire et de celles de la base sont presque totalement disparues. Dans le

tiers postérieur de la capsule externe, presque toutes les fibres ont disparu,

tandis que dans le reste de cette même capsule, il en subsiste un nombre

considérable.

Dans une section horizontale conduite à 61 millimètres au-dessous du bord

supérieur de l'hémisphère, on voit les faits suivants : le gyrus posterior in-

sulx ne contient presque point de fibres médullaires ; le gyrus brevis tertius

(placé devant ce dernier) est complètement détruit ; le gyrus brevis secundus

présente seulement de rares fibres médullaires, la plupart étant complètement

disparues ou dégénérées; le gyrus brevis anterior contient un bon nombre de

fibres normales, le nombre des fibres dégénérées étant relativement moindre.

Dans une coupe horizontale,conduite à 58 millimètres (PI. LV,A) au-dessous

du bord supérieur de l'hémisphère, on voit les faits suivants : le gyrus poste-

rior insulx est en partie détruit ; les fibres de l'axe médullaire correspondant

sont raréfiées et en partie dégénérées. Le gyrus brevis tertius est presque tota-

lement détruit. Dans le gyrus brevis secundus, les fibres de l'axe médullaire et

du réseau supra et infraradiaire sont en partie disparues ; le gyrus anterior est

bien conservé. Dans la moitié antérieure du Ti, les axes médullaires et le réseau

supra et infraradiaire ont perdu une quantité notable de fibres à myéline.

Une section horizontale à 55 millimètresau-dessous du bord supérieur de

l'hémisphère permet de voir les faits suivants : le gyrus temporalis trans-

versus contient un faible nombre de fibres médullaires (Pl. LV, B) ; celles

qui regardent la portion frontale de l'hémisphère sont totalement dispa-

rues. Le gyrus posterior iiisulv est complètement détruit ; l'axe médullaire

du gyrus tertius (brevis) manque un peu de fibres nerveuses ; les deux

gyri (brèves) actteriores insuloe sont bien conservés. La capsule externe

se présente dans les conditions de la section précédente. Rien à charge

de Ti. '

Dans une section horizontale à 48 millimètres au-dessous du bord supé-

rieur de l'hémisphère (PI. LVI, C) on voit les faits suivants : les deux gyri

(brèves) du milieu et legrus posterior insulte sont complètement détruits;

1\OUI"ELLh ! cOl<OGI<Al'II'P DF LA SAI.i'i.IHII'n. l'. \Ill. hl. L\'

APHASIE CHEZ LES GAUCHERS.

G. LVIIIil17711l.

Masson & Clc. J : tlltCur'Ï

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OU\.FI LF Iconographie de la SAL1·Î IRI1 RI'

T. XXIII. Pl. LVI

APHASIE CHEZ LES GAl'CIIERS.

(G..Idunzziui).

Masson & Cie, Editeurs.

1". 111'1111111111, 1. P ? i, il

DE L'APHASIE CHEZ LES GAUCHERS 499

le gyrus anterior est bien conservé ; toutefois les réseaux supra et infrara-

diaires sont en partie disparus. Dans le gyrus temporalis transversus

quelques fibres courant à la base de l'axe médullaire sont seules demeurées

intactes, le reste de la substance de la même circonvolution a disparu.

Le gyrus temporalis supel'iol' est normal ; l'operculum rolandicum est dis-

paru. Une partie des fibres de l'ol)ei-c ? tl2tîîi desF3 est raréfiée ou dégénérée.

Dans les sections pratiquées à 45 millimètres (Pl. LVI,D) au-dessous du

bord supérieur de l'hémisphère, la capsule interne apparaît, détruite dans

toute sa moitié postérieure. Détruits aussi la capsule externe, le fasciculus

arcualus, le clauslrum, l'insula (postel'ior), le centre oval placé sous l'o-

perculum rolandicill/i,le bord postérieur de la F3, l'operculum rolandicum,

exception faite de la face occipale de la portion pariétale.

Dans les coupes horizontales successives, jusqu'à 33 millimètres au-des-

sous du bord supérieur de l'hémisphère, on voit en partie détruite la subs-

tance blanche c ! ugy l'1lsparietalis ascendens. Celte destruction s'étend jusqu'à

la partie correspondante du centre ovale, de façon à couper le fasciculus

a1'r24at2GS. Une autre solution de continuité à bords nets, mais de forme

irrégulière, se trouve dans le centre ovale correspondant au gyrus front

tales ascendens.

Comme on le voit donc, ce malade gaucher, qui, intra vitam, avait

présenté des symptômes d'aphasie sensoriel le partielle et de parésie facio-

brachiale, a montré, a l'autopsie, dans l'hémisphère cérébral droit, une

destruction presque complète de la circonvolution postérieure de l'insula,

et, en partie, des circonvolutions moyennes avec état plus grave dans leur

portion dorsale ; légère raréfaction des fibres nerveuses de la circonvolu-

tion antérieure de la môme formation ; dégénérescence, et, en partie, des-

truction de la portion dorsale du gyrus temporalis plofundus, dégénéres-

cence des libres nerveuses du tiers dorsal et antérieur de Ti.

Les résultats anatomiques que j'ai obtenus, confrontés avec les symptô-

mes dysphasiques précédemment signalés dans cette étude.démontrent donc c

que, chez les gauchers, les conséquences des lésions des zones du langage

de l'hémisphère cérébral droit offrent la plus grande ressemblance avec

celles qui s'observent chez les droitiers, par suite de lésions des zones du

langage de l'hémisphère cérébral gauche. Il y a, en effet, dans notre cas,

trois points altérés de la zone du langage de l'hémisphère droit, d'une

importance capitale ici, et dont nous devons nous occuper séparément, à

savoir : la dégénérescence des fibres médullaires du 1/3 dorsal antérieur

du Ti ; la destruction des 2/3 dorsaux des circonvolutions postérieures de

l'insula ; la destruction du segment dorsal du gyrus temporalis ]J/'ojulldus.

500 M1NGAZZINI

Il y avait d'abord une dégénérescence limitée des libres endo-corti-

cales du tiers antérieur de la Ti droite. Cette lésion concourt-elle, ou

non, à produire des troubles aphasiques sensoriels ? Il est difficile de le

décider. Si l'on raisonne par analogie avec ce qui se passe dans l'hémi-

sphère cérébral gauche on est porté à croire que cette altération doit y être,

pour la plus grande partie, étrangère. On n'en peut dire autant pour les cir-

convolutions de l'insula droite, qui, à l'exception de la circonvolution anté-

rieure, étaient détruites spécialement dans leur portion dorsale. Un examen

analytique, que j'ai fait il y a plusieurs années des cas publiés jusqu'alors,

m'a conduit (1) à cette conclusion que la moitié postérieure de l'insula

gauche appartient à la zone acoustique du langage, et que, à ce point de

vue, on ne pouvait accepter la doctrine de Wernicke(à laquelle, du reste,

il avait lui-même renoncé) : c'est-à-dire que les lésions de l'insula pro-

duisent seulement des troubles paraphasiques dans la répétition des pa-

roles. De là découle ce légitime corollaire que l'insula posterior de droile

se comporte comme celle de gauche, puisqu'à sa lésion dans mon cas

on pouvait attribuer l'abolition de la compréhension de la signification

d'une partie au moins des mots. Cependant si l'on voulait continuer à ad-

mettre la théorie de Wernicke l'analogie avec la fonction de l'insula gau-

che serait encore plus frappante puisque, dans mon cas, les troubles

paraphasiques étaient fréquents. -

Mais une autre considération achève ce parallélisme. L'examen du pa-

tienta démontré l'existence de troubles paraphasiques multiples, tant dans

le langage spontané que dans la répétition. Or Quensel (2), passant en

revue la littérature, a relevé avant tout que, chez les gauchers égale-

ment, la « moitié postérieure du gyrus temporalis supremus est la

partie dont la destruction produit, de règle, le surdité verbale » [cas de

Banti (3), Kussmaul (4), Koster (5), Touche (6), Nonne (7), Ilecht (8)].

En outre, il fait remarquer que le gyrus temporales transverses repré-

sente une des zones les plus importantes pour la fonction du langage. En

effet, c'est là un point d'où, sortent des fibres associées qui le relient au

gyrus supramarginalis, au gyrus angularis, et à la superficie complexe

du lobe occipital, c'est-à-dire à des zones qui, pour la formalion et le

(1) Mingazzini, Les aphasies de conduction. L'Encéphale, a. III, n° 1, janvier 1908. -

V. aussi : Von VloNnhow, Gross hirn pathologie, 2° Auflnge, Wien, 1905.

(2) Quensel. lebel die Erscltein, etc. Deutsche Zeitsch. f. Nervenheil., Bd. 35.

(3) Banti, 1 fasia sue forme. Lo sperimentale, 1886.

(4) KUSS,)IAUL, Die SWrl ! ngen der Spracke. Leipzig, 1817.

(5) Koster, Aphasie bei einem Linkenhiindingem Secl. Upsala Neurol. Cblatt, 189J.

(6) Touche, Cas d'aphasie sens, par lésion du pli courbe chez un gaucher. Soc. Biol..

1S99.

(7) Nonne, Fall v. sensor. Aphasie. Aerzt. Verein Hamburg, 1899.

(8) IIECIIT. Thèse-de Nancy, 1887. \

DE L'APHASIE CHEZ LES GAUCHERS 501

rappel des concepts, ont une importance aussi capitale. Autour de

ladite circonvolution courent aussi des fibres associées, allant, les

unes d'avant en arrière, jusqu'au gyrus supramarginalis, les au-

tres, plus nombreuses, d'arrière en avant, jusqu'à la base des circon-

volutions paracentrales, au gyrus front, tertius (pars inferior fasciculi

arcuati), et à l'insula. Enfin,dans cette même circonvolution, se terminent

aussi des fibres de la sphère acoustique. En somme, le gyrus temporalis

transuersus est une zone qui reçoit des fibres de projection (acoustiques),

et, en même temps, donne naissance à des voies d'association qui le relient

avec des zones visuelles et avec d'autres zones du langage. Voilà pourquoi

une participation de cette circonvolution à un processus qui viendrait

à détruire le Ti donne origine à un mélange plus ou moins marqué de

symptômes de surdité verbale, les uns à caractère perceptif, les autres à

caractère d'association. Quensel, en effet (1), a réuni quelques cas bien

étudiés anatomiquement, dans lesquels le sens des mots n'était pas com-

pris (trouble d'association), mais où était seulement possible la répétition

des paroles (fonction perceptive). L'un d'eux est le cas de Heubner (2) : à

la coupe du cerveau, on trouva un foyer de la partie postérieure de Ti, du

sulcus temporalis sU]J1'ernus,et du gyrus s2cpraaarginalis.A peu près ana-

logues sont deux cas de Touche (3), un de Leva (4), et un de Rode (5) : dans

ce dernier, Ti et T2 avaient été perforés par une balle de fusil ; lecanal ainsi

formé -pénétrait sous-corticalement dans la substance médullaire du lobe

temporal et du lobe occipital. Or, dans tous ces cas, où la répétition des

mots était, sinon tout à fait intacte, du moins relativement bonne, non

seulement la portion postérieure de Ti, mais aussi le gyrus temporales

transversus étaient intacts. Ces exemples permettent donc de conclure

légitimement que, pour que l'on comprenne les mots et les phrases lon-

gues, et pour qu'on les retienne afin que la répétition en soit possible

(c'est-à-dire pour que soit conservée la capacité attentive pour les images

verbo-acoustiques et pour leur association), il est nécessaire que soit con-

servé aussi le gyrus temporalis transt'e1'SUS et une partie considérable du

gyrus temporalis supremus. Voilà pourquoi, suivant les études du même

Quensel, quand il existe un gros foyer dans le lobe temporal gauche et

que le gyrus temporalis transverses reste conservé (en tout ou en partie),

on observe, de règle, chez les droitiers une surdité verbale partielle plus

ou m'oins accentuée, associée à des troubles paraphasiques seulement

(1) QUENSEL, loc. cit.

(2) IIEUBNER, Veber Aphasie. Schmidt's Jahrb., 1889.

(3) Touche, Contrib. à l'tudeclill, de l'aph. sens. Arch.' gén. de 1899 ; Idem.

Cas d'aph. sens, etc. Soc. de Biol., 1899.

(4) Leva, Virchow's Archiv, 1893, Bd. 132.

(5) Rode, Bull, de la Soc. de méd. ment., VI, 1891.

502 MINGAZZINI

"-

dans la répétition des mots de trois syllabes et davantage. Il paraît donc

que la répétition des monosyllabes et des bisyllabes doive s'effectuer chez

les droitiers, en partie au moins, à travers le gyrus temporalis trazasversus.

Cette conclusion peut s'appliquer également aux gauchers. En effet,

dans mon cas, où, pour une petite partie seulement, le gyrus tempo-

Talis transversus était lésé, et détruite une portion seulement aussi de

l'aire verbo-acoustidue, les mots entendus, de trois syllabes ou plus,

étaient souvent répétés avec substitution d'autres syllabes (paraphasies

syllabiques), tandis que les monosyllabes et les bisyllabes étaient géné-

ralement répétés exactement.

Mais à rendre plus manifeste encore l'analogie des lésions et des symp-

tômes dysphasiques, observés dans le cas présent, avec ce qu'on observe

chez les droitiers, concourt l'étude des troubles qui se manifestent dans

la lecture. De l'étude de nombreux cas de cécité verbale, recueillis par

Quensel, on tire la conclusion que, chez les droitiers, des troubles graves,

dans la lecture ne sont pas nécessairement liés avec la destruction de la

région de la surdité verbale (Ti T2, et insula). En général, les malades,

dans ces circonstances, perdent la capacité de comprendre le sens des pa-

roles lues, mais non celle de lire à haute voix. L'alexie complète ou par-

tielle, c'est-à-dire ia perte dé la connaissance des lettres, ou des syllabes,

ou des mots, s'observe quand le lobulus p(ii,ietalis inferior, ou le gurus

angularis au moins, sont détruits. Or, précisément, dans mon cas, où le

gyrus angulrl1'is était complètement intact, et où il y avait seulement une

destruction d'une petite partie de l'aire de l'aphasie sensorielle, le patient

lisait correctement les lettres et les mots à haute voix (sauf quelques rares

exceptions, où l'on notait quelque légère paralexie), mais il ne parvenait

pas à comprendre des ordres écrits, même élémentaires.

Mon cas se trouve admirablement complété par celui de Pick (1 ). « Un

malade, gaucher, avait présenté : une aphasie optique partielle, une

cécité psychique partielle, de l'alexie avec agraphie ; par contre, le lan-

gage spontané et la compréhension de la parole entendue étaient demeu-

rés intacts. A l'autopsie, on trouva dans l'hémisphère cérébral droit, au

point de passage du lobe pariétal dans le lobe occipital, au-dessous et

en arrière du gyrus angularis, une perte de substance dont la coupe

révéla le prolongement dans cette dernière circonvolution ». Donc dans

ce cas, qui, à la différence du mien, présentait une cecitas verbalis et lit-

tsralis vraie et propre, le gyrus angularis était détruit. Ces deux cas

(celui de Pick et le mien) démontrent donc que chez les gauchers l'hé-

misphère cérébral droit et proprement le gyrus an[]llla1'is et l'aire verbo-

(1) PicK, Zur Gehre von der Wortblindheit der Ginkshisndern. Beitr. zur Pathol.etc.

Berlin, 1898, p. 45.

DE L'APHASIE CHEZ LES GAUCHERS 503

acoustique remplissent les mêmes fonctions du langage auxquelles sont

consacrées, chez les droitiers, les parties correspondantes de l'hémisphère

gauche. En somme, chez les gauchers, l'aire postérieure de la F3 et l'in-

sula intériew' pour le langage moteur ; le gyrus tempol'atis primus, le gy-

rus tempomlis transversus et l'iaszclaostériezcre,pour la compréhension

des mots entendus et la répétition de ces mêmes mots,et pour la compréhen-

sion de la signification des mots écrits ; le gyrus angularis pour la faculté

de reconnaître les lettres : se comportent de façon tout à fait analogue à

celle des parties correspondantes de l'hémisphère cérébral gauche chez les

droitiers. Il convient à ce propos de rappeler ici que mon cas se concilie

mal avec la doctrine bien connue de Dejerine, d'après laquelle même la

faculté de reconnaître la signification des symboles verbaux écrits serait

située dans le gyrus angularis. Si au contraire on admet, avec la plupart

des auteurs, que cette faculté est le résultat du concours synergétique des

images (composantes) motrices, acoustiques, oculo-musculaires et visuel-

les des lettres, on comprend comment, si l'un ou l'autre des composants

excitateurs de la reconnaissance du sens des mots est rompu (l'acoustiqu.e

dans mon cas), cette faculté doive être abolie. Que si l'on admet, avec

Lewandowski (1), que la reconnaissance spécifique des paroles écrites se

fasse de préférence dans l'extrémité antérieure du lobe occipital [gyrus

al1gut(t1'is), on comprend comment, dans ce cas, on arrive même chez les

gauchers (cas Pick) au point de voir réalisée une cecitas litteralis.

(9 Lewandowski, Die Funklionen des Cenlralnervensystem. Iena Fischer, 1908,

p. 350.

504 hiINGAZZ1NI

EXPLICATION DES PLANCHES LV ET LVI

A. - Coupe horizontale pratiquée à 58 millimèlres au-dessous du bord

. supérieur de l'hémisphère.

Indications communes à cette figure et aux suivantes : - F3,g.fl'ont. terlius ; Ia,insula

anterior ; Ip. insula posterior ; Tp, g. tempor. prof. (transversus) ; T, g. tempor. supr. ;

Tj, g. temp. secundus ; li, sthimus lobi limbici ; lao, lobulus ling. ; c. cuneus ;01, g.

occipit. primus ; 02, g. occipit. secundus - On voit en partie détruit le gyrus posterior

j,¡sulæ; les fibres de l'axe médullaire sont raréfiées et en partie dégénérées ; le

gyrus brevis tertius insulte est presque totalement disparu ; dans le gyrus brevis se-

cundus, les fibres de l'axe médullaire sont en partie disparues, ainsi que celles du

réseau supraradiaire et infraradiaire. Le gyrus anterior insulæ est bien conservé. Le

long de la moitié antérieure de Tq, manque une quantité notable de fibres à myéline,

tant dans les axes médullaires que dans les réseaux supra et infraradiaires.

B. Coupe horizontale passant à 55 millimètres au-dessous du bord ,

supérieur de l'hémisphère.

Fj, g. front. primus ; F2, g. front. secundus ; I, insula. - Le gyrus temporalis trans-

versus contient un petit nombre de fibres médullaires, celles qui regardent le lobe

frontal sont entièrement disparues. Le gyrus posterior insulx est complètement dé.

truit ; l'axe médullaire du gyrus tertius anterior insulte est assez pauvre en libres ; les

deux gyri anleriores insulte sont tout à fait normaux. La capsule externe est dans

les conditions de la coupe précédente, Le reste de la section est normal.

C. - Coups horizontale de l'hémisphère cérébral droit pratiquée à

48 millimètres au-dessous du bord supétiezi ? -.

- ope, operculum rolandicum. - Les deux gyri brèves insula du milieu, et le gyrus

posiei-ioi, insulæ sont complètement détruits ; le gyrus anterior est bien conservé ;

toutefois les réseaux supra et infraradiaires sont en partie disparus. Dans le gyrus

' temporalis transversus il n'est resté intact que quelques fibres nerveuses s'étendant

à la base de l'axe médullaire ; le reste de la même circonvolution a disparu. Le gyrus

temporaLis sup,'emus est normal. De même l'operculum rolandicum. Une partie des

fibres de l'operculum de la F, est raréfiée ou dégénérée,

D. Coupe horizontale pratiquée à 45 millimètres au-dessous du bord

supérieur de l'hémisphère.

S. Fiss. Sylvii ; Pa, g. pariet. ascendens. - La capsule interne est détruite dans

toute sa moitié postérieure. Sont aussi détruits les deux tiers postérieurs de la capsule

externe du fasciculus arcualus, du clauslrum et de l'insula (posterior), le centre

ovale placé sous l'operculum rolandicum, le bord postérieur de la F3, et l'operculum

rolandicum, à l'exception de sa face occipitale. Est dégénérée la partie dorsale et an-

térieure de la substance médullaire du gyrus temporalis supremus ; sont détruits, la

partie insulaire du fasciculus arcualus, la portion postérieure de la capsule externe,

le segment rétro-lenticulaire de la capsule externe, et, presque entièrement, l'opercu-

lum rolandicum.

CONTRIBUTION A L'ANATOMIE ET A LA PATHOGÉNIE DE .

LA SOI-DISANT AGÉNÉSIE DU CORPS CALLEUX,

, PAR .

.. LA SALLE ARCHAMBAULT, -

Chargé. du cours de Neurologie à la Faculté de médecine d'Albany, New-York.

A l'exemple des autres viscères, le cerveau présente parfois des vices

de conformation, des anomalies congénitales, dont l'origine et la portée,

aussi bien anatomique que clinique, sont encore loin d'être définitivement

établies.

De toutes les anomalies du cerveau, il n'en est peut-être aucune qui

jouisse d'un plus grand intérêt ou qui ait, du moins, réclamé plus d'at-

tention dans ces temps derniers, que la soi-disant agénésie du corps cal-

leux. Alors que dans les cas d'anencéphalie, d'liémicéphalie, de cyclopie,

etc., nous avons affaire à l'absence globale soit de l'organe entier, soit

d'un de ses lobes ou d'une de ses régions, dans les cas d'agénésie du corps

calleux au contraire, nous nous trouvons en présence d'une anomalie qui

porte exclusivement sur un seul système de fibres, sur la grande commis-

sure interhémisphérique. Cette malformation est d'autant plus intéres-

sante qu'elle comporte l'étude de deux problèmes anatomiques de la plus

haute importance, à savoir : 1° le système calleux fait-il réellement défaut

dans les cas de soi-disant agénésie du corps calleux ; 2° cette anomalie

sert-elle à nous faire mieux connaître la structure de l'hémisphère céré-

bral ? Avant de répondre à ces questions d'après les résultats de nos

propres recherches, voyons d'abord brièvement ce que les traités classi-

ques enseignent à cet égard et ce qu'ont démontré les investigations ré-

centes. ,

Anton (1) nous dit que l'absence du corps calleux peut être partielle

ou complète. Parfois le segment postérieur ou occipital seul fait défaut.

La commissure antérieure peut également manquer. La substance blanche

du cerveau est réduite et la substance grise proportionnellement augmen-

tée. Les ventricules sont généralement dilatés et présentent les lésions de

l'épendymite congénitale. Alors que les circonvolutions qui avoisinent le

(1) Anton, llandbuch der pathologischen 1 nalomie des Nervensystems, von Flatau,

Jacobsohn u. Minor, Berlin, 1904, Bd. I, p. 425.

SOfi ARCHAMBAUtT

ventricule sont hypertrophiées, les circonvolutions des auties régions

sont souvent le siège d'une microgyrie accentuée. La face médiane de l'hé-

misphère est traversée par de nombreux sillons divergents. On trouve

souvent une absence concomitante de la cloison transparente et du trigone,

ou du moins, un développement rudimentaire de ces parties. Un déve-

loppement incomplet ou asymétrique des voies pyramidales a été souvent

constaté.

Quant à la cause de l'agénésie du corps calleux, les constatations anato-

miques dans un bon nombre de cas ont laissé supposer que la cause dé-

terminante de cette anomalie avait été une hydrocéphalie foetale, laquelle,

selon Anton, est parfaitement capable soit de gêner le développement du

corps calleux, soit d'entraîner sa disparition complète s'il est déjà formé.

Un emplacement vicieux soit de l'artère cérébrale antérieure (Sairder),soit

de la faux du cerveau (Richter), a aussi été invoqué comme cause possible

de cette malformation.

Un bon nombre de cas d'absence du corps calleux ont été publiés (An-

ton, Huppert, Gelgersma, Mingazzini, Onufrowicz, Zingerle et autres),

mais c'est à Onufrowicz (1) que l'on doit la première description scienti-

fique de cette anomalie, basée sur l'étude de coupes strictement sériées.

Cet auteur rassemble tous les cas rapportés avant lui et les divise en

quatre groupes :

1° Cas d'agénésie complète sans autre lésion concomitante ;

2° Cas d'agénésie incomplète sans autre lésion concomitante ;

3° Cas d'agénésie où cette malformation est associée à des lésions en foyer,

à l'hydrocéphalie, etc. ; .

4° Cas d'agénésie dont la nature exacte reste inconnue en raison de leur

description insuffisante.

Onufrowicz rappelle le cas publié par Jolly, dans lequel on trouva sur

la face dorsale du corps calleux; une masse graisseuse qui s'étendait en

avant au-dessus du genou de celui-ci jusqu'à la lame terminale. Sous le

microscope, cette substance avait tous les caractères du tissu adipeux et

des amas de la même nature existaient au niveau des plexus choroïdiens

du ventricule latéral. Le corps calleux était normalement conformé dans

son segment frontal, mais se bifurquait en arrière pour former deux pi-

liers arrondis dirigés vers les lobes occipitaux et qui s'enfonçaient peu

à peu dans la profondeur des hémisphères. La lyre faisait également

défaut.

Dans le cas de Nobiling Mayer, la crête du frontal était le siège d'une

(1) Onufrowicz, Das Balkenlose Mikrocephalengehirn Hoffmann, Archiv. sur Ilsychia-

trie, 1881, Bd. 18.

Agénésie DU CORPS calleux 507 z

exostose de la grosseur d'une noisette, ce qui avait évidemment constitué

un obstacle purement mécanique au développement du corps calleux.

Dans le cas que décrit Onufrowicz, la circonvolution limbique supé-

rieure est absente, la partie antérieure de la scissure calloso-marginale

est remplacée par plusieurs sillons divergents et dirigés plus ou moins

verticalement. Les scissures calcarine et pariéto-occipitale ne se réunis-

sent pas, de sorte que le cunéus se trouve très allongé en avant. Les lobes

elles bulbes olfactifs font défaut, ainsi que la lyre et la commissure

molle. La-commissure antérieure et les voies optiques extra-cérébrales

sont bien développées.Le corps calleux manque complètement et se trouve

remplacé par une membrane délicate que l'auteur suppose être un reste

de la lame terminale. Le corps du trigone et la cloison transparente sont t

divisés en deux parties égales.

Onufrowicz poursuit ensuite l'étude des coupes microscopiques sériées

et décrit un faisceau volumineux dont le trajet se fait dans le sens sagittal

ou antéro-postérieur immédiatement au-dessus de la voûte ventriculaire.

Correspondant au secteur moyen de l'hémisphère, ce faisceau est situé au-

dessus du noyau caudé, à l'angle supéro-externe du ventricule et occupe,

par conséquent, le territoire qui reçoit, à l'état normal, les radiations cor-

ticales convergentes du corps calleux. Le trigone est intimement uni à ce

faisceau et est lui-même recouvert par la substance corticale delà face in-

terne de l'hémisphère. Les ventricules latéraux sont dilatés dans leur tota-

lité, mais un degré moindre cependant au niveau des cornes occipitales.

Le tapétum des cornes temporo-sphénoïdales et occipitales est intact et

ne peut donc pas, selon l'auteur, représenter la continuation intra-hémi-

sphérique du corps calleux, puisque celui-ci, ainsi que son prolongement

occipital, le forceps majeur, font complètement défaut. Pour lui, le tapé-

tum est formé par un long faisceau sagittal, le faisceau occipilo-frontal,

que l'on ne parvient pas à délimiter dans l'hémisphère sain en raison de

son enchevêtrement avec les radiations calleuses et les fibres de la cou-

ronne rayonnante. Lorsque le corps calleux manque, ce faisceau se déta-'

che alors très nettement. Au dire d'Onufrowicz, on n'aurait jamais cons-

taté dans les cas d'agénésie du corps calleux, une atrophie du tapétum ;

bien au contraire, ainsi qu'en témoigne l'observation de Paget, le tapé-

tum peut être franchement hypertrophié. Les deux moitiés du trigone et

de la cloison transparente étant séparées et chacune d'elles incluse dans

l'hémisphère correspondant, plusieurs auteurs ont soutenu que le corps

calleux n'avait été détruit que sur la ligne médiane et que ses parties la-

térales ou intrahémisphériques étaient conservées. Onufrowicz s'efforce

de démontrer l'inexactitude grossière de cette interprétation, et il ajoute

que l'agénésie du corps calleux n'est pas une malformation tardivement

508 AKCHAMBAULT

acquise. Lorsque l'on détruit une voie nerveuse centrale chez l'animal

nouveau-né, on constate la disparition subséquente non seulement des

fibres constituantes de cette voie, mais aussi de leurs cellules trophiques.

La persistance du segment central d'une voie nerveuse sectionnée est dans

ces circonstances extrêmement improbable. L'auteur termine en disant

que l'agénésie du corps calleux est le résultat non pas d'une atrophie se-

condaire, mais bien d'un arrêt de développement.

Peu de temps après la monographie d'Onufrowicz, Muratoff (1) publia

les résultats de ses expériences sur les animaux. Il s'agissait soit de pro-

duire des lésions de l'écorce, soit de sectionner le corps calleux en divers

endroits, et d'observer la dégénérescence consécutive.

Dans la première observation, la section avait intéressé le splénium et

la partie attenante du tronc du corps calleux ; tout le reste de celui-ci, y

compris le genou, ne présentait aucune altération appréciable à l'oeil nu.

L'écorce médiane cependant s'était trouvée légèrement atteinte. A l'exa-

men histologique, on constata une dégénérescence très nette du faisceau

longitudinal sous-jacent au corps calleux, que Muratoff appelle le faisceau

sous-calleux et qui forme cette partie du tapétum située au-dessus et en

dehors de la corne occipitale. Il existait également le long de la paroi

interne de cette corne, un certain nombre de fibres calleuses dégénérées.

Dans la seconde observation, la moitié antérieure du corps calleux avait

été complètement sectionnée ; la moitié postérieure du tronc ainsi que le

splénium étaient indemnes. Les piliers antérieurs du trigone avaient été

incidemment lésés. Sous le microscope, les trois quarts antérieurs du corps

calleux étaient extrêmement dégénérés, le splénium parfaitement sain. A

gauche, cette partie du faisceau sous-calleux qui se rend au lobe frontal et

au lobe temporal était totalement dégénérée, alors que la partie située

au-dessous du splénium et destinée au lobe occipital était demeurée abso-

lument intacte.

Le faisceau sous-calleux décrit chez le chien par Muratoff comprend

trois parties distinctes : 1° une partie supérieure horizontale située au-

dessous du corps calleux ; 2° une partie latérale descendante qui s'inter-

cale entre le corps calleux et le pied de la couronne rayonnante (laquelle,

à notre avis, n'est autre que la zone réticulée de la couronne rayonnante

décrite par Sachs, ou encore, la couche sagittale interne fronto-pariétale

de Anton et Zingerle) ; 3° une partie inférieure qui recouvre les ganglions

de la base. L'auteur admet d'ailleurs que son faisceau s'identifie en partie

avec le faisceau du noyau caudé de Sachs.

(1) Muratoff, Secundüre Degeneratioa nach Durchsclmeidang des Balkens. Neuro-

logisches Centralblatt, novembre 1893. '

AGÉNÉSIE DU CORPS CALLEUX 50M

Après les lésions de l'écorce, la dégénérescence ne s'observe' que dans

l'hémisphère du côté correspondant et se cantonne au segment latéral

descendant du faisceau sous-calleux. Ce fait vient donc à l'appui de l'hy-

pothèse que nous venons d'émettre, à savoir, que ce segment fait réelle-

ment partie de la couronne rayonnante. Le faisceau sous-calleux dégénère

à la suite de lésions aussi bien du lobe frontal que du lobe occipital ;

dans le premier cas, la sclérose n'est pas limitée à la partie descendante,

mais envahit le faisceau diffusément dans sa totalité. Jamais on n'est-par-

venu à suivre les fibres dégénérées sur toute l'étendue du faisceau sous-

calleux ; celles-ci, après un trajet anléro-postérieur plus ou moins long,

se recourbent en haut, s'enchevêtrent avec les radiations calleuses et dis-

paraissent dans la zone sous-corticale. Le faisceau sous-calleux ne repré-

sente pas, par conséquent, une voie d'association fronto-occipitale directe.

Il forme avec le tapétum un système d'association indivisible dont les fibres

constituantes servent à relier entre elles les différentes régions corticales

d'un même hémisphère. Toutes ces fibres proviennent de l'écorce et se

terminent dans l'écorce.

L'auteur ajoute quelques conclusions à l'égarddu corpscalleux.LesGbres

calleuses relient non seulement les régions symétriques des deux hémi-

sphères,mais aussi les régions asymétriques. Les connexions les plus symé-

triques se font au niveau des lobes frontaux. A la suite de lésions corti-

cales, le corps calleux ne présente qu'une dégénérescence partielle dont

l'intensité est directement proportionnée à l'étendue de la lésion.

S'inspirant de la prétendue découverte d'Onufrowicz quant à la nature

réelle du tapétum etse croyant fortement appuyé par les recherches appa-

remment confirmatives de lluratoff, Dejerine (1) s'efforça, en 1895, d'éta-

blir dans le cerveau normal de l'homme la topographie de ce nouveau

faisceau, le faisceau occipito-frontal. Pour lui, le faisceau d'Onufrowicz

doit être identifié avec la couche sagittale interne du lobe fronto-pariétal

et correspond à ce que Meynert a décrit sous le nom de « couronne rayon-

nante du noyau caudé », et à ce que Wernicke a appelé le « faisceau du

corps calleux se rendant à la capsule interne ». Voici, du reste, en quels

termes l'Anatomie des centres nerveux décrit ce faisceau : « C'est un long

faisceau d'association à direction sagittale, situé entre le cingulum et le

faisceau arqué ou longitudinal supérieur de Burdach ; il est séparé du

cingulum par toute l'épaisseur du corps calleux, et du faisceau longitudi-

nal supérieur par le pied de la couronne rayonnante. Le faisceau occipito-

frontal décrit une courbe ouverte en avant et en bas. Recouvert dans toute

son étendue par l'épendyme et la substance grise sous-épendymaire, à

(t) Analomie des centres nerveux, Paris, 1895, p. 758-765.

xxiii 34

510 O ARCHAMBAULT

laquelle il abandonne de nombreuses fibres, ce faisceau longe l'angle ex-

terne du ventricule latéral et se trouve situé au-dessus du noyau caudé,

en dedans de la couronne rayonnante, au-dessous du crochet que décri-

vent les fibres calleuses autour de l'angle externe du ventricule latéral.

Sur les coupes vertico-transversales, sa surface de section est pyriforme et

mesure environ un demi-centimètre d'épaisseur ; par sa base il repose sur

la couronne rayonnante, par son sommet dirigé en haut et en dedans, il

s'insinue entre les libres calleuses et l'épendyme ventriculaire. Nettement

délimité au niveau de la tête et du tronc du noyau caudé, ce faisceau est

en partie dissocié au niveau de la queue de ce dernier, par les fibres de la

couronne rayonnante et par les fibres calleuses. Arrivé au niveau du car-

refour ventriculaire, ce faisceau se recourbe en bas et en avant, et ses fibres

s'étalent en éventail sur la paroi inféro-externe de la corne sphénoïdale,

en formant le tapétum des anciens auteurs. En avant, le faisceau occipito-

frontal prend son origine dans toute l'écorce du lobe frontal ; il reçoit,

chemin faisant, un grand nombre de fibres provenant du bord supérieur

de l'hémisphère et des circonvolutions de la face externe,et qui lui arrivent

en passant entre les fibres calleuses et les fibres de la couronne rayonnante.

De la base du faisceau occipito-frontal, on voit se détacher des libres qui

se portent en bas et en dehors, traversent le pied de la couronne rayon-

nante et entrent dans la constitution de la capsule externe. Dans le lobe

sphéno-occipital, les fibres du faisceau occipito-frontal s'irradient, après

avoir formé le tapétum dans les circonvolutions de la face externe et du

bord inféro-externe de ce lobe ; il est probable qu'elles s'entrecroisent au

niveau du carrefour ventriculaire et en particulier au niveau de la corne'

occipitale, avec les fibres du forceps major du corps calleux.

Les lésions du lobe occipital retentissent non seulement sur le forceps

du corps calleux, mais encore sur le tapétum et sur le faisceau occipito-

frontal ; or ce dernier faisceau dégénère partiellement, à la suite de lésions

du lobe temporal et de la convexité de l'hémisphère, et ses fibres dégéné-

rées peuvent être suivies dans la substance grise sous-épendymaire.

Le faisceaux occipito-frontal constitue donc un long faisceau d'associa-

tion, qui relie le lobe temporo-occipital au lobe frontal, à la convexité de

l'hémisphère et à l'insula (par les fibres se rendant à la capsule externe).

Après Onufrowicz, le premier qui publia un cas d'agénésie du corps

calleux fut Zingerle (1). Dans ce cas, on constata à l'autopsie qu'il existait

au niveau de la face interne de la dure-mère qui recouvre l'hémisphère

gauche, une pseudo-membrane blanchâtre, laquelle étant soulevée par

(1) ZINGEliLr, Ueber die Bedeulung des Balkemnangets im menachlichen, Gehirn

Archiv sur Psychiatrie, 1898, Bd. 30.

AGÉNÉSIE DU CORPS CALLEUX 511 Í

un liquide séreux, se trouvait à comprimer fortement la région pariétale

sous-jacente. Le cerveau paraissait quelque peu augmenté de volume, et

les circonvolutions, bien développées, étaient nettement aplaties. Il s'agit

dans ce cas d'une agénésie incomplète du corps calleux. Le segment

frontal de celui-ci existe bien qu'il ne soit représenté que par une couche

de fibres commissurales très mince, limitée à la partie antérieure du

cerveau et qui ne dépasse pas en avant la base du lobe frontal. Le trigone

n'est normalement conformé qu'à droite. Les ventricules sont notablement

dilatés, remplis d'un liquide séreux clair et tapissés par un épendyme

épaissi et velouté. La couche optique gauche est extrêmement saillante,

d'autre part les ganglions de la base semblent parfaitement normaux.

L'hémisphère gauche est plus volumineux que l'hémisphère droit, et

au niveau de sa face interne, la corne sphénoïdale et la corne occipitale

se trouvent presque complètement exposées, grâce à ce que la majeure

partie de la paroi médiane du ventricule fait défaut. Il en résulte une

excavation longitudinale irrégulièrement rhombique, au fond de laquelle

les ganglions de la base font saillie. La corne occipitale est limitéeen bas

par un bourrelet cortical qui prend naissance au niveau de la circonvolu-

tion de l'hippocampe. Ce bourrelet se dirige d'abord en arrière, puis

remonte en dedans de l'extrémité postérieure de la corne occipitale pour

se recourber ensuite en avant et former la voûte de la corne sphénoïdale.

La paroi interne de la corne frontale est entièrement respectée. Du corps

calleux, on ne retrouve que le segment le plus antérieur ou ce qui corres-

pond à peu près au genou. Celui-ci n'est constitué que par une masse de

fibres transversales longue d'environ deux centimètres et large d'un cen-

timètre. En arrière, cette formation calleuse adhère fortement à la partie

supérieure du bourrelet cortical ci-dessus décrit et se continue plus loin

sous la forme d'une mince couche de fibres qui engaine plus ou moins

complètement ce bourrelet. En avant, une membrane déchiquetée s'im-

plante sur la face antérieure du genou calleux et représente probablement

un débris de la cloison transparente détruite. La commissure molle et la

commissure postérieure sont intègres. Le corps du trigone fait totalement

défaut. Au niveau du lobe occipital, aucune des scissures typiques, pas

même la calcarine, n'est reconnaissable ; tous les sillons sont courts,

superficiels et irrégulièrement disposés. D'une façon générale, les sillons

aussi bien de la face médiane que de la face latérale de cet hémisphère,

affectent une disposition rayonnante. A la face orbitaire du lobe frontal

les sillons atypiques abondent, mais le sillon olfactif est toutefois net-

tement défini. La scissure de Sylvius se divise en plusieurs sillons diver-

gents, dont un plus large et plus profond que les autres et situé du côté

temporal, se continue en arrière jusqu'au pôle du lobe occipilal.

12 Z ARCHAMBAULT

Quant à l'hémisphère droit, il ne diffère de l'hémisphère gauche qu'en

ce,qui concerne quelques particularités. De ce côté, la dilatation ventricu-

laire est beaucoup moindre et la paroi interne du ventricule est intégrale-

ment conservée ; de même le trigone est parfaitement sain. Ce dernier est

adhérent au bord postérieur du rudiment calleux en avant et à la subs-

tance marginale de l'hémisphère dans le reste de son parcours. Le fais-

ceau dérivé du genou du corps calleux et destiné aux régions postérieures,

s'engage profondément entre la première circonvolution limbique et le

corps du trigone auquel il est intimement uni, diminue rapidement de

volume et disparaît, au niveau du pulvinar, sous l'écorce de la circonvo-

lution limbique. La cloison transparente et le trou deMonro ne sont pas

décelables. La disposition des sillons est à peu près la même que dans

l'hémisphère gauche, sauf que les scissures typiques sont nettement re-

connaissables. La glande pinéale el le ganglion de l'habénula font défaut.

Le troisième ventricule est notahlement dilaté, le quatrième l'est à un

degré moindre. Les stries acoustiques ne sont pas visibles.

Les coupes sériées montrent en premier lieu que la substance grise est

relativement augmentée et que la substance blanche est réduite au moins

de moitié. La substance grise centrale et périventriculaire, de même que

le tubercinéreum, sont de beaucoup plus abondamment développés qu'à

l'état normal.

Les fibres dérivées du genou du corps calleux entourent presque com-

plètement la corne frontale du ventricule latéral. Au niveau de la'partie

moyenne de ce ventricule, nous dit Zingerle, la mince couche de radia-

tions calleuses qui n'est que la continuation postérieure intra-llémisphé-

rique du genou du corps calleux, est recouverte par un faisceau dont les

fibres constituantes semblent émerger du rudiment calleux, affectent un

trajet sagittal vers les régions plus postérieures et vont s'étaler au-dessus

de la voûte et le long de la paroi latérale de la corne temporo-occipitale.

Ces fibres, poursuit l'auteur, font partie du faisceau d'association fronto-

occipital ; certaines d'entre elles se rendent à la capsule externe, mais le

plus grand nombre concourt à former le tapétum latéral.

Dans le lobe temporal, le tapétum reçoit des fascicules dont l'origine et

le trajet se laissent assez facilement reconnaître grâce à la faible colora-

tion de leurs fibres, Ces fascicules se dessinent d'abord dans la partie pos-

térieure du lobe frontal où ils forment un champ quadrangulaire en de-

dans du faisceau uncinatus et au-dessous de la capsule externe. Au sur

et à mesure que l'on aborde les niveaux plus postérieurs, ces fascicules

s'infléchissent légèrement en dedans, traversent très lentement toute l'é-

paisseur de la capsule interne et se rendent directement au tapétum. A

AGÉNÉSIE DU CORPS CALLEUX 513

ces fascicules réunis, Zingerle donne le nom de faisceau d'association

fronto-temporal.

Au niveau du lobe occipital, le tapétum est formé, selon l'auteur, par

les fibres réunies du cingulum et du faisceau fronto-occipital. -

En faisant l'interprétation des diverses particularités de son cas, Zin-

gerle insiste en premier lieu sur l'origine inflammatoire de l'hydrocépha-

lie, ce que. prouve bien l'existence d'une épendymite granuleuse et de

lésions méningées. La destruction si considérable de la commissure cal-

lieuse, il croit pouvoir l'expliquer assez facilement. Au cours d'une hydro-

céphalie interne aiguë, il se produit non seulement une infiltration du

revêtement épendymaire, mais aussi des' troubles circulatoires dans le

domaine de la couche périventriculaire, auxquels il faut encore ajouter

l'atrophie déterminée par l'augmentation de la pression intraventriculaire.

Or, cette couche étant en grande partie constituée par l'épanouissement

iutra-hémisphérique du corps calleux, il n'est guère surprenant que ce

système ait succombé aux lésions ventriculaires si intenses qui existent

dans le cas qu'il rapporte. Celles-ci étant de beaucoup plus marquées

dans l'hémisphère gauche que dans l'hémisphère droit, ont entraîné en

plus, de ce côté là, la disparition du trigone.

Dans l'un et l'autre hémisphère, il existe un faisceau sagittal qui sem-

ble se dégager du rudiment calleux et en représenter la continuation di-

recte. Ce faisceau, qui se dirige en arrière, est situé entre l'épendyme

ventriculaire et la substance profonde de la première circonvolution lim-

bique avec laquelle il se confond plus ou moins, et occupe exactement le

territoire que l'on sait appartenir, à l'état normal, aux radiations du corps

calleux. A droite, il recouvre directement le corps du trigone. Quant à sa

configuration et à son trajet, ce faisceau se rapproche beaucoup du fais.

ceau fronto-occipital décrit par Onufrowicz, Kaufmann et Hochhaus. Toute-

fois, Zingerle n'en veut pas faire uniquement un faisceau d'association

fronto-occipital ; le fait que malgré les lésions si étendues de l'hémisphère

gauche, la majeure partie de ce faisceau persiste, démontre bien que

celui-ci sert également à relier les régions intermédiaires. Pour lui, ce

faisceau existe dans le cerveau normal,mais se trouve de beaucoup mieux

différencié et prend un développement exagéré lorsque le corps calleux

fait défaut. Au niveau du lobe pariétal, le faisceau fronto-occipital est

mal délimité du cingulum en dedans ; en dehors, il s'étale au-dessus-de

la voûte du ventricule et se confond avec la zone sous-épendymaire. Un

certain nombre de ses fibres se rendent directement à la capsule externe.

Dans le lobe occipital, les fibres de ce faisceau peuvent être suivies et en

dedans et en dehors de la corne postérieure, où elles occupent, au-dessous

de l'épendyme ventriculaire, le domaine qui renferme à l'état normal les

514 ARCHAMBAULT

fibres du forceps majeur du corps calleux ; en d'autres termes, elles cons-

tituent à ce niveau le tapétum. Contrairement à l'opinion de Oscar Vogt,

une partie du faisceau fronto-occipital n'accompagne pas le noyau caudé

dans son trajet temporo-sphénoïdal pour former également le tapétum de

la corne temporale. Ce dernier est formé par des fascicules dérivés du

lobe frontal et qui constituent un faisceau autonome, le faisceau d'asso-

ciation fronto-temporal. Au niveau du lobe occipital gauche, un certain

nombre des fibres du cingulum se rendent très nettement au tapétum de

la paroi ventriculaire interne. Ce même fait a été précédemment observé

par Oscar Vogt.

Zingerle est d'avis que la constitution du tapétum normal est com-

plexe et que celui-ci renferme, à part un très fort contingent de radiations

calleuses, un bon nombre de fibres d'association qui relient le lobe occi-

pital et le lobe temporal au lobe frontal du même hémisphère.

Les cas d'agénésie du corps calleux sont particulièrement favorables à

l'étude des rapports qui existent entre les fibres 'de projection et les fibres

d'association. On voit très distinctement, dit Zingerle, que la couronne

rayonnante se trouve comprise entre deux voies d'association. La voie

médiane ou interne est constituée par le cingulum, le faisceau fronto-

occipital et le faisceau fronto-temporal ; elle représente la plus longue

Voie d'association de l'hémisphère cérébral et sert à relier entre eux les

différents lobes. La voie latérale ou externe, qui est une voie d'association

plus courte, comprend le faisceau arqué deBurdach, le faisceau uncinatus

et le faisceau longitudinal inférieur, lesquels sont tous plus ou moins bien

délimités les uns des autres.

Comme on devait s'y attendre en raison de son riche matériel, Max

Probst ne tarda pas à faire connaître ses idées sur l'agénésie du corps

calleux. Dans une première monographie (1), cet excellent observateur

fait la description d'un cas d'agénésie complète comparable à celui d'Onufro-

wicz. La commissure molle et la cloison transparente font également défaut,

mais les commissures antérieure et postérieure sont normalement dévelop-

pées. De chaque côté, le trigone est accolé à la face médiane de l'hémi-

sphère en avant, mais plus en arrière il s'enfonce dans la profondeur de

celui-ci. Au niveau du lobe frontal, le trigone est renforcé par un grand

-nombre de fibres qui viennent de la substance profonde de ce lobe ainsi

que du tapétum de la corne frontale. Il en résulte un faisceau assez volu-

mineux qui se dirige en arrière en longeant la partie interne de la voûte

du ventricule latéral. Lorsqu'il atteint le carrefour ventriculaire, ce fais-

ceau se divise en deux parties ; le moindre contingent se recourbe en bas

(1) PROBST, Archiv sur Psychiatrie, 1901, Bd. 34.

AGÉNÉSIE DU CORPS CALLEUX 515

pour former la fimbria ou le pilier postérieur du trigone, alors que le

contingent plus volumineux se rend plus en arrière pour constituer le

tapétum de la corne occipitale. Cette corne est très dilatée des deux côtés.

Dans la profondeur du lobe occipital droit, on note plusieurs îlots do

substance grise hétérotopique.

Dans l'hémisphère droit, la scissure calloso-marginale fait défaut et la

fente ventriculaire s'étend du pôle frontal au pôle occipital. La circonvo-

lution frontale supérieure et la circonvolution pariétale ascendante pré-

sentent.un certain' degré de microgyrie.

Dans l'hémisphère gauche, qui est plus petit que le droit, il existe une

microgyrie très accentuée de la majeure partie du lobe frontal, Le cunéus

est traversé par une scissure profonde et présente ainsi que le lobule pa-

racentral une microgyrie également très nette.

Le bulbe olfactif droit est normal ; le gauche s'est recroquevillé au

point de dégarnir presque totalement le sillon olfactif. -

Dans une seconde publication (1) consacrée à l'étude de la microcépha-

lie et de la macrogyrie, Probst rapporte un nouveau cas d'agénésie du

corps calleux. Il s'agit cette fois d'une agénésie incomplète ; le segment

antérieur de la commissure calleuse est partiellement développé, mais le

splénium manque totalement. En avant, au niveau du lobe frontal, il

existe au-dessus du corps calleux, un petit faisceau sagittal que l'auteur

désigne sous le nom de « faisceau supracalleux ». Plus en arrière ce fais-

ceause recourbe en bas pour combler l'espace qui résulte du fait que les

fibres calleuses n'atteignent plus la ligne médiane.Plus loin encore ce fais-

ceau se bifurque, formant deux piliers divergents qui pénètrent chacun

dans l'épaisseur de l'hémisphère correspondant, où ses fibres constituan-

tes peuvent être suivies jusque dans le tapétum. A l'un et l'autre de ces

piliers Probst donne le nom de « faisceau calleux longitudinal » (Balken-

lüngsbündel). Au niveau de la face ventrale ou inférieure du corps calleux,

il existe un autre faisceau sagittal qui représente le corps du trigone. La

continuation intra-hémisphérique du corps calleux neforme qu'une couche

très mince au-dessus de la voûte du ventricule, mais constitue néanmoins

et le tapétum latéral et le tapétum médian de la corne temporo-occipitale.

Le faisceau sous-calleux de Muratoff, Probst ne l'a jamais observé à

l'état de faisceau bien défini ; pour lui, il s'agit moins d'un système spé-

cial que d'un refoulement, au-dessous de l'épendyme ventriculaire, des

- fibres appartenant au corps calleux et à la couronne rayonnante.

En 1901, dans un article sur le faisceau d'association fronto-occipital,

- (t) PROBST, Zur Lelare von der Mikrocephalie und Uakrogyrie, Archiv f. Psychia-

trie, Bd. 38, 1904.

516 ARCHAMBAULT

S.chrÇ>der (t) rassemble tous les faits récents qui se rapportent à l'origine

et à la constitution du tapétum, et s'efforce d'intercepter le progrès déjà

trop rapide d'une erreur anatomique aussi funeste qu'inutile. 1

Il décrit le faisceau du noyau caudé de Sachs et la zone réticulée de la

couronne rayonnante, lesquels se trouvent compris dans le faisceau sous-

calleux très compliqué de Muratoff, et dans le faisceau occipito-frontal

également intrigant de Dejerine. Schroder maintient que la zone réticu-

lée de la couronne rayonnante est formée par des fibres provenant de la

capsule interne, qui se dirigent d'abord horizontalement en avant le long

du noyau caudé puis se recourbent en haut pour s'irradier dans l'écorce

de la face interne de l'hémisphère. Les fibres ni de la zone réticulée ni

du faisceau du noyau caudé ne peuvent être suivies dans le tapétum.

Sur des coupes horizontales on voit que le noyau caudé est séparé du

pied de la couronne rayonnante par un faisceau sagittal qui renferme en

réalité deux espèces de fibres ; la majorité de ces fibres appartient à

la zone réticulée de la couronne rayonnante, les autres, situées plus en

avant, représentent tout simplement les radiations postérieurement diri-

gées du corps calleux. SchrOder reproche à Dejerine, en premier lieu, de

parler d'une substance grise sous-épendymaire ; il rappelle que Sachs a

déjà démontré qu'il n'existe pas à cet endroit de cellules nerveuses gan-

glionnaires. En second lieu, il critique sévèrement les dessins de Dejerine,

dans lesquels on ne retrouve pas au niveau du tapétum, la couche pour-

tant bien caractéristique que forment les fibres calleuses lorsqu'elles se

recourbent en arrière. Pour lui, de pareils dessins ne peuvent guère repré-

senter la reproduction fidèle des coupes originales. Des trois parties du

faisceau occipito-frontal de Dejerine, une correspond absolument à la zone

réticulée de la couronne rayonnante de Sachs et une autre, celle qui tra-

verse la précédente pour se rendre à la capsule externe, Schroder la con-

sidère comme étant une dépendance du corps calleux, bien que Sachs en

veuille faire une partie de son faisceau du noyau caudé. Ce qu'est en réa-

lité le faisceau du noyau caudé, demeure un problème assez difficile à

résoudre. Muratoff et Vogt en font un système d'association purement

cortical destiné à relier entre eux des points soit rapprochés, soit éloignés,

de l'écorce.Schr6der trouve cependant deux objections à cette hypothèse :

1° l'intime relation de ce faisceau au noyau caudé qu'il accompagne de la

corne frontale à la corne sphénoïdale et dont il subit les mêmes variations

de volume : 2° sa situation dans la profondeur de l'hémisphère et au-

dessous de la-paroi du ventricule, ce qui semble un siège quelque peu

étrange pour un faisceau d'association cortical.

(1) Scunôuec, Das /'ronto-occipilale Associalionsbiindel. Monatschrift sur Psychiatrie

u. Neurologie, Bd. I, 1901. 1

AGÉNÉSIE DU CORPS CALLEUX 517

Onufrowicz a raisonné par exclusion. La commissure interhémisphéri-

que faisant défaut, il a conclu que le corps calleux devait nécessairement

manquer. Le faisceau sagittal médian intra-hémisphérique qu'il ne pou-

vait évidemment pas attribuer à la couronne rayonnante, il s'est trouvé

forcé de le considérer comme étant un faisceau d'association. Sachs a chau-

dement combattu cette manière de voir et a soutenu que dans les cas de

ce genre, le corps calleux existe bien qu'il ne réunisse pas les deux hé-

misphères.Les fibres calleuses se sont développées et se sont rassemblées au

voisinage du ventricule latéral, mais pour une raison qui nous est incon-

nue, au lieu de traverser la ligne médiane, elles ont formé dans chaque

hémisphère un faisceau sagittal reliant le pôle frontal au pôle occipital.

Schrôder accepte cette hypothèse de Sachs que nous avons affaire, dans

les cas de soi-disant agénésie du corps calleux,à une hétérotopie de celui-ci,

mais il ne prétend pas pouvoir expliquer le mécanisme de cette malfor-

mation. Il n'existe pas dans le cerveau normal de faisceau analogue au

faisceau sagittal que l'on observe dans les cas d'agénésie calleuse.

Un autre mémoire très important sur l'agénésie du corps calleux est

celui de Arndt et Sklarek (1), paru en 9903. Le cas rapporté par ces au-

teurs est un exemple d'agénésie partielle.Le segment frontal de la commis-

sure calleuse existe bien qu'il ne soit constitué que par une lame de faible

épaisseur formée, en réalité, par deux faisceaux cylindriques accolés l'un

à l'autre et retenus seulement par la pic-mère. Dans la partie antérieure

de ce fragment commissural cependant, les deux faisceaux sont intimement

unis par l'entrecroisement de leurs fibres. En arrière, ces faisceaux diver-

gent progressivement, formant chacun un pilier sagittal (faisceau calleux

longitudinal de Probst) qui pénètre dans l'épaisseur de l'hémisphère cor-

respondant. Du segment frontal persistant de la commissure calleuse, se

détachent un bon nombre de fibres qui peuvent être suivies en dedans du

noyau caudé et au-dessous du noyau lenticulaire jusque dans la capsule ex-

terne. Au niveau du carrefour ventriculaire,le faisceau calleux longitudinal

se sépareen deux feuillets; l'un, très mince, recouvre la paroi interne de

la corne temporo-occipitale et forme le tapëtulllll1édian, l'autre, beaucoup

plus fort,se déploie en dehors et au-dessous du ventricule pour constituer

le tapétum latéral. Les fibres fournies par ces deux feuillets entourent

complètement la corne occipitale. Les fibres du trigone pénètrent en avant

dans la substance propre de la commissure calleuse et des fibres de pas-

sage se retrouvent ai tous les niveaux entre le corps du trigone et le fais-

ceau calleux longitudinal. Entre ce dernier et les circonvolutions de laface

(1) Akndt und SKL.EK, (lebel' B 1.lkelllnlll1gel in menschligen Gehirn, Archiv sur

Psychiatrie, 1903, bd. 3.

518 ARCHAMBAULT ·

I

interne de l'hémisphère, on distingue un faisceau sagittal bien délimité

qui représente sans doute le cingulum. Ses fibres peuvent être suivies

très loin et dans le lobe frontal et dans le lobe occipital. La commissure

antérieure nettement reconnaissable des deux côtés dans son trajet intra-

hémisphérique, fait complètement défaut au niveau de la ligne médiane.

-La lyre et la cloison transparente manquent également. La première cir-

convolution limbique se laisse retrouver, mais elle s'éloigne notablement

de la normale dans sa conformation.

^ Arndt et Sklarek repassent ensuite les cas d'agénésie publiés antérieu-

rement et rappellent que l'hypothèse avancée par Sachs et soutenue par

Schrôder, a été admise par Marchand, Raemer Probst, Ohersteiner etRed-

lich.Ilsfontaussi ressorti ries nombreuses analogies qui existententrele fais-

ceau calleux longitudinal de Probst et le corps calleux normal. Comme ce

dernier, le faisceau calleux longitudinal contourne les cornes frontale et

occipitale du ventricule latéral et reçoit de nombreuses fibres des circon-

volutions frontale supérieure, frontale ascendante et pariétale ascendante.'

Le fait que le faisceau calleux longitudinal n'existe pas dans le cerveau

sain plaide fortement en faveur de l'hypothèse de Sachs d'une hétérotopie

du corps calleux.

Dans leur discussion du mécanisme de l'agénésie du corps calleux,

Arndt et Sklarek attribuent cette malformation à un arrêt de développe-

ment. Ils comparent l'absence de la commissure calleuse aux fissures mé-

dianes congénitales que l'on observe en d'autres parties du corps (thorax,

abdomen, vessie), et auxquelles s'ajoute souvent un état rudimentaire des

organes internes. Ils rappellent le cas rapporté par Anton dans lequel la

malformation calleuse était associée à un bec-de-lièvre et 4 une division

palatine.

La première circonvolution limbique fait souvent défaut et l'écorce de

la région correspondante est traversée par de nombreux sillons divergents.

Dans un bon nombre de cas cependant (dans le cas publié par Probst et

dans le leur) le cingulum est très nettement reconnaissable, de sorte que

l'existence d'une circonvolution suppléante doit être admise. Toutefois, la

circonvolution limbique peut manquer totalement, et dans ce cas, son ab-

sence doit être considérée comme étant une anomalie associée. Les sillons

divergents représentent tout simplement une phase antérieure du déve-

loppement cortical. Nous savons qu'à l'état normal ces sillons primitifs

"disparaissent; leur persistance constitue donc un argument très favora-

ble à l'hypothèse que dans les cas d'agénésie du corps calleux, nous avons

affaire à un arrêt de développement. Selon certains auteurs, Gelgersma

en particulier, la microgyrie serait la conséquence directe de l'absence du

corps calleux, Arndt et Sklarek affirment qu'il n'en est rien ; ils main-

AGÉNÉSIE DU CORPS CALLEUX 519

tiennent que l'écorce des régions atteintes de microgyrie est normale à

l'examen histologique et que cette condition n'est que le résultat d'une

hyperlobulation de la surface. D'ailleurs, ainsi qu'il a déjà été dit, le corps

calleux ne fait réellement pas défaut. Encore doit-on remarquer que dans

le cas de Probst, la microgyrie n'existait que d'un côté; si la théorie de

Gelgersma était exacte, cette condition serait nécessairement bilatérale. >

Au meilleur de notre connaissance, la plus récente monographie impor-

tante sur l'agénésie du corps calleux est celle de Groz (1). Ce travail

mérite d'être analysé surtout parce qu'il apporte, à la résolution du pro-

blème de l'agénésie, des documents extrêmement favorables. Groz rapporte

deux cas d'agénésie observés chez le nouveau-né.

Dans le premier cas, il s'agit d'une absence presque complète du corps

calleux. Le segment le plus antérieur, ou ce qui correspond à peu près

au genou, est la seule partie qui soit nettement formée. En bas et en avant

ce rudiment se continue avec la lame terminale. La cloison transparente,

la commissure molle et le trigone, manquent totalement. La première

circonvolution limbique et le sillon calloso-marginal font également défaut,

et la région correspondante de la face médiane des hémisphères est tra-

versée par cinq sillons divergents. Il existe, des deux côtés,'une micro-

gyrie très accentuée du lobe frontal et du lobe occipital, et, d'une façon

générale, toutes les circonvolutions sont petites. Les scissures primaires

sont peu profondes et poursuivent un trajet atypique. La scissure pariéto-

occipitale interne et la scissure calcarine ne se rencontrent pas. L'opercule

et l'insula de Reil font totalement défaut. La pie-mère est très épaissie,

opaque, et anormalement riche en vaisseaux sanguins. Une plaque cica-

tricielle très saillante recouvre, de chaque côté, le pôle frontal de l'hémi-

sphère. Sur une coupe pratiquée au niveau du rudiment du corps calleux,

on voit que celui-ci envoie deux prolongements très minces dans la pro-

fondeur de chaque hémisphère ; l'un pénètre dans la partie supérieure,

l'autre dans la partie inférieure du lobe frontal. On ne trouve pas la

moindre trace d'un faisceau fronto-occipital. Il convient de dire que cette

assertion de Groz ne repose que sur l'examen des pièces macroscopiques.

Les ventricules latéraux sont extrêmement dilatés et le revêtement épen-

dymaire, surtout des cornes frontales et occipitales, est notablement épaissi

et granuleux. L'étude plus détaillée de ce cas se réduit à pratiquer l'exa-

men histologique de la zone motrice et des lésions méningées. L'écorce

est remplie de petits kystes arrondis, séparés les uns des autres par un

tissu conjonctif assez dense. Ces kystes, dont le contenu est le plus souvent

(1) Gnoz, lllikroggrie und Balkenmangel im nienschlichen Geltirn, Archiv für Psy-

chiatrie, Band 45, 1909.

520 ARCHAMBAULT

amorphe, renferment çà et là des débris cellulaires et filamenteux, et siè-

gent de préférence dans la couche des cellules pyramidales. On note égale-

ment un grand nombre de foyers hémorragiques minuscules au niveau

de l'écorce et au niveau de la substance blanche profonde, ainsi qu'une

prolifération névroglique plus ou moins généralisée. Ces. diverses lésions

engagent l'auteur à porter le diagnostic suivant : Encéphalite hémorragique

difluse avec implication de la pie-mère et de l'épendyme des ventricules

latéraux. Il considère, avec raison,, que ce sont ces lésions si intenses et

si étendues qui ont déterminé l'agénésie du corps calleux, la microgyrie

presque généralisée et les autres anomalies. En se basant sur les données

de l'embryologie, Groz estime que le développement du corps calleux s'est

trouvé intercepté au commencement du quatrième mois de la vie intra-

utérine, et que la cause déterminante de cet arrêt n'est autre que l'hy-

drocéphalie interne.

Le second cas que Groz rapporte n'est pas, à proprement parler, un

exemple d'agénésie. Toutes les parties du corps calleux sont nettement

représentées, seulement, celui-ci présente dans son ensemble une exiguïté

vraiment remarquable. Son épaisseur varie entre deux et trois millimè-

tres. Il s'agit t évidemment soit d'un état rudimentaire généralisé, soit d'une

atrophie secondaire. L'auteur veut bien reconnaître, d'ailleurs, que cette

gracilité du corps calleux relève de la dilatation ventriculaire énorme qui

existe dans ce cas. La cloison transparente faisant complètement défaut,

il intervient, entre le trigone et le corps calleux, un espace assez considé-

rable, au niveau duquel les ventricules latéraux se trouvent à communi-

quer l'un avec l'autre. Toutes les autres parties du cerveau existent, mais

on note cependant un bon nombre de particularités intéressantes. Les

deux hémisphères présentent une microgyrie généralisée mais particuliè-

rement nette au niveau du lobe frontal et du lobe occipital. Le cervelet

est le siège d'une hypoplasie très accentuée ; sa substance blanche est

notablement réduite et ses circonvolutions sont anormalement nombreu-

ses et petites. Il n'existe nulle part, soit au niveau de la méninge, soit au

niveau du revêtement épendymaire, la moindre trace d'inflammation.

Groz conclut, par conséquent, que l'état rudimentaire du corps calleux

relève d'une hydrocéphalie interne d'origine inconnue ; toutefois, il

estime que celle-ci n'est chez ce sujet qu'une manifestation de la tendance

générale à la malformation. Il existe, en effet, dans ce cas, toute une

suite d'anomalies, à savoir : une fente abdominale médiane, une hernie

ombilicale et une hernie diaphragmatique, un spina bifida lombo-sacré,

une hydromyélie marquée et un état rudimentaire des organes internes.

Tout dernièrement, enfin, un nouveau cas d'agénésie du corps calleux

AGÉNÉSIE DU CORPS CALLEUX 521

a été rapporté par Kozowsly(1). Dans ce cas, que l'auteur décrit du reste

très sommairement, il s'agit d'une agénésie partielle, comparable à celle

que Groz a observée dans son premier cas. Le trigone et la cloison trans-

parente font totalement défaut. La dure-mère, très épaissie, est insépa-

rable, en plusieurs endroits, de la pie-mère ; dès qu'on l'incise, il

s'échappe, au niveau de la convexité et de la scissure interhémisphérique,

une quantité très abondante d'un liquide séreux parfaitement timpide..Ça

et là, l'écorce se trouve notablement déprimée par des accumulations plus

ou moins enkystées de ce liquide. Les ventricules latéraux et l'aqueduc

de Sylvius sont très dilatés et le revêtement épendymaire est nettement

épaissi et rugueux. Il existe partout des reliquats incontestables de mé-

ningite chronique et de sclérose cérébrale. C'est à cette méningite et à

l'épendymite granuleuse, que Kozowsky, à l'exemple de Groz, attribue

l'aplasie du corps calleux.

(A suivre)

(1) KOZOWSKY, Zur Frage ilber den Balhenmangel in Gehirne des Mensch.

Anatomischer Anzeier, Band XXXVI, n's 20, 22, 9 juin 1910.

Institut D'G'TUD1;SSUPLRILilRES de Florence,

, clinique médicale générale

dirigée par M. le Professeur Sen. PIÉTRO GRocco.

CONTRIBUTION A LA CONNAISSANCE DE LA MICROSOMIE

ESSENTIELLE 11ÉRËDO-FAMILIALE. '

DISTINCTION DE CETTE forme CLINIQUE d'avec LES nanismes,

' LES infantilismes ET LES formes mixtes

DE CES différentes dystrophies.

Par

. ETTORE LEVI,

Privat-Docent de Neurologie

(Florence)

Les dystrophies caractérisées par un défaut général du développement

de l'organisme, ont été l'objet^ dans ces dernières années, de nombreuses

études cliniques et inatomo-patholociques qui ont singulièrement élargi

nos connaissances sur ce chapitre si intéressant de la pathologie.

Les infantilismes surtout ont éveillé l'intérêt d'un grandnombre de cli-

niciens de tous pays, qui en ont différencié plusieurs formes cliniques

ayant probablement aussi une pathogénie différente; dans nos précé-

dents mémoires sur ce sujet, nous avons exposé nos convictions favora-

bles à la pathogénie multiple des infantilismes dont nous n'admettons

pas, avec Hertoghe, l'origine unique dysthyroïdienne.

Dans le chapitre des dystrophies par défaut de développement géné-

ral de l'organisme, nous connaissons, à côté de la catégorie des infanti-

tilismes, une aulre grande famille clinique, celle des nanismes, beau-

coup moins étudiée, moins homogène et dont quelques formes échap-

pent encore à toute identification clinique.

C'est à ce chapitre de pathologie encore si incomplètement étudié que

nousnous proposons d'appporter ici notre modeste contribution,fondée,

sur l'observation de plusieurs cas qui nous semblent dignes de beaucoup

d'intérêt, d'autan` plus que nous espérons porter, par leur descrip-

tion soigneuse et par une étude complète delà littérature relative cette

question, quelque clarté sur la question si difficile et encore si confuse

des caractères différentiels entre les grandes familles cliniques des in-

fantilismes, des nanismes et des microsomies pures.

Dans les traités de pathologie et dans les monographies relatives à ce

LA MICROSOM1E ESSENTIELLE HÊRÉDO-FAM1LIALE 523

sujet nous trouvons la distinction de plusieurs formes de nanisme ;

M. Sainton, par exemple, en admet 7 variétés différentes : le nanisme

myxoedémateux, achondroplasique,rachi ]tique, pott*lqtie,anan ioplasique,

le pygméisme et le nanisme surrénal.

Nous prétendons, dès à présent,que cette classification, qui correspond

d'ailleurs à celle de nombreux autres auteurs, ne nous parait pas satis-

faisante surtout dans ce sens qu'elle nous semble de nature à engendrer

une déplorable confusion entre les nanismes et les infantilismes que

nous jugeons devoir être nettement différenciés les uns des autres.

Nous trouvons en effet comprises dans cette classification plusieurs for-

mes qui ne nous semblent pas y avoir droit ; dans la catégorie des myxoe-

démateux avant tout, nous connaissons les sujets du type Brissaud qui

ont été toujours et, à bon droit, considérés comme infantiles ; les anan-

gioplasiques aussi appartiennent, selon nous et nombre d'autres auteurs

à la catégorie des infantiles vrais, et plus particulièrement ils représentent

la majorité des infantiles du type Lorain : enfin nous ne connaissons

que de très rares exemples de dystrophie générale par défaut de déve-

loppement d'origine surrénale, et ces rares cas aussi présentent les carac-

téristiques cliniques de l'infantilisme ; toutesces formes n'ontdonc aucun

droit à être comprises dans une classification des nanismes.

Infantilisme et nanisme (en général) sont en effet, selon nous, deux

termes qui loin d'être synonymes, expriment au contraire deux types

cliniques n'ayant entre eux rien de commun, dans les cas purs.

L'infantilisme est,à notre avis, la persistance, chez un sujet déterminé,

des caractères somatiques et psychiques propres à un âge beaucoup moins

avancé que l'âge réel, quel qu'il soit, du sujet en question.

Les nains, au contraire, sont, dans un sens général (nous les différen-

cierons ultérieurement) des individus de très petite tailie par compa-

raison avec la moyenne des individus du même âge et de la même espèce,

mais qui présentent toujours les caractères somatiques et les pouvoirs-

fonctionnels (sexuels surtout) correspondant à leur âge réel.

Nous devrons plus tard différencier les nains en d'autres catégories,

et nous apprendrons alors que par leur psychisme les nains ne peuvent-

être réunis dans une seule classe, car nous trouvons chez eux toutes les

nuances intellectuelles,depuis un état tout à fait normal de l'intelligence

dans les cas de microsomie pure, jusqu'à des états d'infantilisme de haut

degré ou même de crétinisme chez les nains achondroplasiques, myxoe-

démateux et cérébropathiques. Ce que nous venons de dire sur les diffé-

rences essentielles, surtout somatiques, entre les infantiles et les nains

en général, nous permet déjà d'avancer qu'on ne devra pas, comme on l'a

fait trop souvent,introduire dans une classification des nanismes, des re-

524 ETTORE LEVI

présentants classiques du syndrome infantilisme, tels que les sujets du

typeBrissaudou du type Lorain, car ces individus, tout en étant par

leur développement somatique et psychique, très inférieurs aux sujets

normaux du même âge, ne nous donnent jamais l'impression de petits

hommes ou de petites femmes au développement complet mais réduit,

mais bien au contraire celle d'un développement somatique et psychique

incomplet et relatif à un âge beaucoup moins avancé que l'âge réel. Voilà

pourquoi nous ne croyons pas pouvoir accepter la définition que M.Meige

donne des infantiles du type Lorain; nous reproduisons ses propres

paroles :

« Ces réductions à l'échelle de l'homme normal se rencontrent surtout

dans cette catégorie d'infantiles à laquelle Brissaud a donné le nom

d'infantiles du type Lorain. Ici les formes plastiques ne sont pas celles

de l'enfance qui caractérisent l'infantilisme myxoedémateux. Ces petits

hommes ou ces petites femmes ressemblent à des adultes vus par le gros

bout d'une lorgnette. Ce sont des miniatures humaines, dont la plastique

reste conforme au type moyen, ayant des caractères sexuels,réduits sans

doute, mais complets. » .

Nous avons déjà dit dans nos précédentes notes sur la question des in-

fantilismes toutes les raisons pour lesquelles cette définition des infantiles

du type Lorain ne nous semble pas exacte ; nous ajoutons à présent qu'elle

nous semble au contraire s'adapter merveilleusement (1) à cette catégorie

de nanisme dont nous entendons traiter plus particulièrement ici,

c'est-à-dire, à la microsomie pure,qui correspond à la forme de pygméisme

admise par Sainton.

Tous les nains, selon notre définition, présentent les caractères soma-

tiques correspondant à leur âge réel, tout en étant d'une taille extrême-

ment réduite.

Les nains achondroplasiques, pottiques, rachitiques, etc., montrent

toujours en effet les caractères somatiques propres à leur âge réel, mais

ils sont difformes, et comme tels facilement reconnaissables.

Mais il existe une autre catégorie de nains, les nanosomes ou micro-

somes, chez lesquels les difformités physiques sont nulles oa très limi-

tées,et qui sont caractérisés par un développement somatique (et génital

en particulier) en tout correspondant à leur âge réel.

Eh bien ! ces individus de très petite taille, mais aux formes nette-

mentviriles ou féminines (à l'âge, adulte) méritent vraiment d'être dé-

crits par les excellentes et expressives définitions de NI. Meige; ils sont t

(1) Excepté pour ce qui regarde le développement sexuel qui est absolument nor-

mal chez les microsomes.

LA MICROSOMIE ESSENTIELLE HÉRÉDO-FA1111L1ALE 525

vraiment des réductions à l'échelle de l'homme normal, des adultes vus

par,le grand boul de la lorgnette, des miniatures humaines !

Ce que nous venons d'exposer sur les idées courantes à propos de la

classification des différentes formes de dystrophies par défaut de déve-

loppement, nous apprend surtout que pour porter quelque lumière dans

cette question si débattue, nous devrons surtout rendre évidente la dis-

tinction entre les trois grandes familles cliniques dont l'existence nous

semble prouvée : c'est-à-dire les infantilismes, les nanismes et les micro-

somies pures.

La confusion qui règne actuellement en cette matière dépend surtout

du fait que nombre d'auteurs croient pouvoir parler indifféremment

de nanisme ou d'infantilisme dans chaque cas d'arrêt de développement t

somatique,cependant que ces deux formes cliniques doivent étrenettement

séparées par les caractères cliniques très nets qui les différencient dans

les cas purs.

Nous sommes complètement d'accord avec 141VLvon Hansemann et Pel-

lizzi pour admettre la nécessité d'une séparation nette non seulement

entre l'infantilisme et le nanisme en général, mais aussi entre le nanisme

avec déformations et le nanisme vraiment pur et total,pour lequel nous

acceptons,. comme la plus correcte, la dénomination de microsomie essen-

tielle.

La conception de nanisme implique en effet, comme l'admettentBayon

et Pellizzi,l'idée d'une déformation et d'une dysharmonie des différentes

parties du corps en dehors de la réduction de la taille ; le rachitisme,

le chondrodyslrophie,la maladie de Pott,l'ostéomalacie, etc., peuvent en

effet donner lieu au nanisme, mais non à l'infantilisme vrai.

Avec 1\1. Pellizzi nous admettons qu'on doit éliminer du cadre de l'in-

fantilisme toutes les réductions de la taille liées à ces graves déformations ;

à ces cas nous réservons la dénomination de nanisme et nous appellerons

d'autre part, microsomies essentielles, les formes pures et simples de

réduction de la taille.

La microsomie essentielle peut donc être définie de la façon suivante :

la petitesse du corps pure et simple, dans laquelle tous les caractères so-

matiques et psychiques de l'homme adulte se conservent intacts, et sont

normaux par l'époque de leur développement.

Dans cette forme on ne constate en somme aucune déformation impor-

tante en dehors de la petitesse uni forme du corps : les caractères sexuels

et le psychisme sont normaux ; somatiquement et psychiquement ces in-

dividus paraissent leur âge réel.

xm 35

S2( ! ` E7'TORE LEVI .

C'est par ces faits que les microsomes se différencient des infantiles, et' r

c'est, d'autre part, par l'absence de toute grave difformité qu'ils se distin-

guent des nains ; ceux-ci, de même que les microsomes, peuvent avoir des

caractères sexuels et un psychisme normal, et comme eux paraître leur

âge réel,mais,'dans leurs tares physiques, ils portent le sceau des différen-

tes maladies qui ont déterminé chez eux le nanisme,

La personnalité clinique de ces trois grandes catégories de dystrophies

nous semble de cette façon bien définie nous verrons qu'aussi bien

les microsomes que les nains peuvent cependant, dans quelques cas, pré-

senter des symptômes d'infantilisme et alors nous parlerons de microso-

mie ou de nanisme liés à l'infantilisme.

Un exemple de nanisme lié à l'infantilisme nous est donné par le cas

de Lugaro dans lequel le nanisme (achondroplasie) était lié à des symp-

tômes d'infantilisme dysthyroïdien.

La microsomie est de même très souvent associée à l'infantilisme, et

nous verrons par l'étude de la littérature, que presque tous les cas publiés

comme exemples de microsomie pure, sont au contraire des sujets enta-

chés d'infantilisme, et qui, comme tels, ne peuvent être compris dans

le cadre de la microsomie essentielle qui est vraiment très rare.

La subdivision des dystrophies par défaut de développement dans les

trois catégories des infantilismes, des nanismes et des microsomies pures

a déjà été plus ou moins partiellement proposée par d'autres auteurs,

qui n'ont cependant pas appuyé leurs conceptions théoriques par des

exemples probants de l'existence de la plus rare de ces formes, la mi-

crosomie pure.

Von Hansemann voudrait diviser les nanismes en deux catégories, la

nanosomia infantilisa laquelle appartiendraient des individus, normaux

à la naissance, mais dont l'accroissement s'arrête à un moment déter-

miné, cependant que dans la nanosomia primot'dialis le nanisme daterait

dès la naissance. '

Les individus appartenant à cette seconde catégorie restent toujours

beaucoup plus petits qu'un individu normal du même âge, mais ilsat-

teignent toujours leur accroissement définitif à t'age même auquel la

croissance s'arrête chez le normal. Chez eux les cartilages épiphysaires

s'ossifient à l'époque normale, la maturité sexuelle est acquise complè-

tement et tout symptôme net d'infantilisme fait défaut. Von Hansemann

admet cependant que chez ces individus on peut trouver éventuellement

quelques symptômes partiels d'infantilisme (tels que la criplorchidie, la

LA MICROSOMIE ESSENTIELLE HÉRGDO-FAMILIALE 527

persistance du thymus, etc),mais ces symptômes ne s'associent pas à tous

les autres qui sont propres aux syndromes infantiles vrais.

Nous; ne pouvons accepter qué partiellement les conclusions de

I\LIIansèmânü'; nous trouvons juste tout ce que cet auteur dit àpropos des

caractères cliniques propres aux sujets appartenant à la catégorie de la

nanosomia primordiales, arrivés à l'état de parfait développement ; nous z

acceptons aussi ce qu'il dit à propos de l'association possible de cette

forme de microsomie avec un ou plusieurs symptômes d'infantilisme

et nous en donnerons nous-même un exemple des plus nets ; nous'

sommes enfin d'accord avec M. Von Hansemann surtout en ce qu'il veut

nettement séparer la microsomie essentielle de l'infantilisme, deuxsyn-

dromes qui dans les cas purs, n'ont en commun que la réduction de la

taille. Nous ne discuterons pas ici sa conception de l'infantilisme (qu'il

appelle nanosomia it/'afatilis), car elle nous semble trop indéterminée,

et d'ailleurs nous avons déjà plusieurs fois exprimé notre opinion à cet

égard.

Nous ne pouvons surtout accepter, comme caractère différentiel essen-

tiel entre infantilisme et microsomie primordiale, le fait de la détermi-

nation congénitale de la dystrophie dans la microsomie, cependant que

dans l'infantilisme elle serait tardive.

Ce point que M. von Hansemann considère comme essentiel ne nous

paraît pas acceptable, car il est toujours très difficile de savoir exacte-

ment par les parents de nos sujets l'état véritable de ces individus à

leur naissance, et leurs affirmations à cet égard doivent toujours être

acceptées avec beaucoup de réserve.

En second lieu, car tout en reconnaissant que la microsomie essen-

tielle est le plus souvent déjà manifeste à la naissance, nous ne pouvons

considérer ce fait comme constant car,dans le cas de notre troisième

sujet, qui représente un exemplec lassique de microsomie essentielle,'

l'arrêt apparent du développement nese sei,iitdélerininé qu'à l'âge de 8 ans

à peu près. Naturellement nous n'en considérons pas moins pour cette

forme comme étant d'origine congénitale, mais nous reconnaissons que

dans certains cas l'arrêt de développement peut être peu accentué à la

naissance, de façon à passer inaperçu aux yeux des pr.rents et ne devenir

évident qu'à un âge relativement plus avancé ; ce caractère différentiel ne

peut donc être invoqué avec certitude dans la distinction de la microsomie

de l'infantilisme. Cependant un arrêt de développement faisant son début

dans la première ou la seconde enfance chez un enfant tout à fait nor-

mal à la naissance parle toujours en faveur du diagnostic d'infantilisme.

En tout cas nous considérons les autres caractères différentiels déjà

mentionnés comme étant d'une importance beaucoup plus grande pour,

le diagnostic entre infantilisme et microsomie.

328 . ETTORE LEVI ' .

M. Pellizzi qui a écrit sur la question des infantilismes un excellent

mémoire, quoique malheureusemeut dépourvu d'observations person-,

nelles, traite aussi nécessairement des-limites entre l'infantilisme, Je na-

nisme et la microsomie en acceptant en grande partie les idées de von

Hansemann. Pour M. Pellizzi aussi le nanisme n'a rien à faire avec

l'infantilisme ; dans cette dernière forme on a généralement une micro-

somie, déterminée par la même cause pathogénique qui donne lieu aux

symptômes généraux et spéciaux de l'infantilisme, et qui doit par con-

séquent être différenciée de la microsomie pure et simple, qui peut se

montrer chez des individus à tout aulre point de vue normaux, et de

la microsomie cérébropathique, qu'on peut trouver dans les cas de déficit

psychique d'origine cérébrale inflammatoire ou hypobiotrophique.

Chez beaucoup d'infantiles vrais la microsomie est à peine sensible ou

même manque complètement.

M. Pellizzi admet en somme l'existence d'un nanisme rachitique,con-

drodystrophique et cérébropathique qui n'ont aucun rapport avec l'in-

fantilisme vrai. Quanta la microsomie, il sépare la forme essentielle,

pure et simple, de la microsomie cérébropathique et de la microsomie

infantile.

Pour ce qui regarde la microsomie infantile ou infantilisme, nous ne

sommes pas complètement d'accord avec M. Pellizzi ; cet auteur soutient t

que pour le diagnostic d'infantilisme les symptômes psychiques sont de

beaucoup plus importants que les caractères physiques, cependantque

déjà Lasègue avait émis l'opinion contraire.

Selon Pellizzi, il n'y a pas d'infantilisme là où les signes de menta-

lité infantile font défaut.

Nous croyons, au contraire,que souvent l'infantilisme somatique peut

être évident chez certains sujets chez lesquels les symptômes de la menta-

lité infantile sont à peine constatâmes. Dans nos précédents mémoires sur

ce sujet, nous avons montré comment les symptômes de retard psychique

peuvent être variables chez les infantiles, dont le psychisme doit souvent

être considéré comme relativement normal si l'on tient bien compte des

conditions d'éducation et d'ambiance.

Il est rare que des sujets somatiquement infantiles ne présentent pas

quelques symptômes de mentalité infantile, mais très souvent il ne s'agit

que d'un infantilisme psychique partiel et relativement peu apparent en

comparaison à l'arrêt du développement somatique.

Nous sommes cependant tout à fait d'accord avec Pellizzi pour donner

la plus grande importance pour le diagnostic d'infantilisme, aux faits d'ar-

rêt de développement sexuel qui sont presque toujours liés aux arrêts

psychiques.

LA MICROSOMIE ESSENTIELLE HÉR) ! DO-FAMIL)ALE 529

Nous ne pouvons par conséquent accepter les idées de M. Viola qui

juge une erreur fondamentale le fait déconsidérer l'hypoplasie génitale et

du système pileux et la non-soudure des cartilages épiphysaires comme

des symptômes importants pour le diagnostic d'infantilisme. Ces carac-

tères sont, selon nous, au contraire de toute première importance.

M. Viola d'ailleurs considère le nanisme comme la forme la plus lé-

gitime d'infantilisme : lout ce que nous disons dans ce mémoire prouve,

il nous semble, que cette conception n'est pas correcte.

Tous les auteurs qui se sont occupés de la question que nous trai-

tons ici, admettent l'existence d'une microsomie d'origine cérébrale.

M. Pellizzi, s'exprime à ce sujet de la façon suivante :

« En dehors des' deux formes de microsomie, essentielle et infantile,

il existe encore une forme de microsomie qui n'est ni essentielle ni in-

fantile.

« En parlant des symptômes d'infantilisme relatifs à la mentalité et au

sexe, j'ai rappelé que dans beaucoup de névropathies familiales ou ju-

véniles et dans beaucoup de cas de déficit intellectuel d'origine inflam-

matoire cérébrale, on observe des retards ou des arrêts du développe-

ment sexuel cependant que le déficit psychique présente des caractères

très semblables à ceux qui'sonl propres à la mentalité infantile. Dans

ces formes, en dehors des symptômes relatifs au psychisme et à la sexua-

lité, on a aussi très souvent une taille notablement inférieure à celle qui

correspond à l'âge réel du sujet, et la diminution de la taille est régu-

lière el uniforme pour tout le corps. La pathogénèse est liée, comme on

le sait, soit à dés altérations primitives du système nerveux central, soit

à des lésions inflammatoires (étendues, mais peu profondes), soit à des

lésions systématisées d'originetoxique.Si l'on se rappelle cependantàpré-

sent que des réductions encore plus notables des proportions somatiques

(quoique presque toujours non uniformes et irrégulières) s'observent

dans les plus graves formes centrales destructives, telles que les poren-

céphalies, les microgyries et toutes les scléroses atrophiques assez éten-

dues, il paraîtra rationnel d'admettrequel'amoinflrissement du développe-

ment somatique soit donné dans les microsomies uniformes,relatives aux

réductions mentales suscitées,par la lésion primitive du système nerveux

central, plutôt que par l'insuffisance des sécrétions internes protectives

qui président à un développement somatique.

«Il n'y a donc aucun doute que la microsomie que l'on observe dans

beaucoup de cas de déficit intellectuel d'origine inflammatoire ou hypo-

biotrophique centrale, n'est ni infantilique ni essentielle, mais est au

contraire strictement liée la lésion cérébrale. »

M. Sainton et 1l.Launois admettent aussi l'existence de cette forme de

530 / ETTORE LEVI

nanisme d'origine cérébrale, mais aussi bien que M. Pellizzi ils n'en dé-

finissent aucunement les caractères cliniques. Voilà comme M. Launois

s'exprime à ce sujet : .

« 11 n'est pas jusqu'au système nerveux, le grand régulateur de notre

trophisme,qui ne puisse influencer la croissance et déterminer son arrêt.

Si beaucoup parmi les nains que nous allons rencontrer, se font remar-

quer par un' volume exagéré du crâne, il en est dont la petitesse de la

tête retiendra votre attention^ Atteints, dès le jeune âge, d'une lésion

chronique des centres nerveux, telle que la sclérose. cérébrale, ils ne

se développent que difficilement et demeurent hypotrophiques, comme

l'a dit si judicieusement Variot. »

Nous ne voulons pas nier l'existence d'une microsomie d'origine cé-

rébrale, mais cette forme est, à notre avis, toujours facilement recon-

naissable par la plus grande importance des symptômes d'arrêt de déve-

loppement psychique relativement à ceux du développement somatique

(la microcéphalie est fréquente dans ces sujets). La sclérose cérébrale

hypotrophique congénitale donne le plus souvent lieu soit au tableau

clinique de l'idiotie, soit à celui de l'épilepsie pure.

Dans ces formes de microsomie d'origine cérébrale, soit inflammatoire,

soit hypobiotrophique les symptômes de vésanie sont fréquents : on

trouve presque toujours chez ces individus de l'impulsivité, des pervertis-

sements moraux très accentués, variabilité du caractère, le manque de

toute affectivité et surtout une déchéance toujours très accentuée de tous

les pouvoirs intellectuels supérieurs.

Chez ces individus, très souvent on trouve aussi des symptômes or-

ganiques qui expriment clairement la lésion centrale, tels les tics, l'athé-

tose, les chorées, et les attitudes spastiques des membres.

En somme, il nous semble que dans cette catégorie de sujets, la mi-

crosomie, qui est loin d'être constante, n'est jamais qu'un symptôme se-

condaire ; tous ces sujets montrent des signes psychiques et physiques de

leur maladie nerveuse congénitale ou acquise, dont la microsomie n'est

qu'un symptôme secondaire et inconstant.

Nous sommes donc d'accord avec M. Pellizzi à ne considérer cette mi-

crosomie d'origine cérébrale ni comme infantilique, ni comme essen-

tielle ; nous allons même plus loin en affirmant que cette microsomie d'o-

rigine cérébrale ne doit pas être prise en considération dans cette étude

qui se rapporte à des sujets dont la physionomie clinique est donnée

surtout par la microsomie, cependant que ce symplôme est loin d'être le

signe principal dans les cas de cérébropathie dont nous venons de

faire mention.

LA MICROSOMIE ESSENTIELLE IlÉRÉDO' FAlIIILIALE 531

Nos connaissances sur la Microsomie essentielle sont tout ce qu'on peut

imaginer de plus vague ; elles sont fondées plutôt sur des documents

historiques et artistiques que sur de bonnes descriptions cliniques ; en

outre, les quelques observations que nous possédons sont presque toutes

antérieures à l'époque radiographique, c'est-à-dire qu'elles ne nous infor-

ment aucunement sur l'état de développement du squelette qui cons-

titue une des données cliniques les plus importantes.

Cependant nous avons cru intéressant de réunir ici les principales don-

nées historiques relatives au type de nanisme qui nous intéresse particu-

lièrement ; naturellement on ne peut donner à ces informations frag-

mentaires qu'une valeur relative, mais elles constituent cependant un

document du fait qu'en toute-époque on a observé dans nos régions des

exemples sporadiques de nanisme caractérisé par des apparences plasti-

ques relativement normales et par des fonctions quasi-physiologiques.

Charles V possédait un nain de Lithuanie qui se nommait Corneille

et qui eut un prix au tournoi de Bruxelles en 1545. Catherine de Médicis

rassembla bon nombre de nains des deux sexes, désirant obtenir une race

de pygmées, mais elle échoua. Henriette Marie d'Angleterre éleva, en

1640, un nain,nommé Jeffery Hudson, à la charge de capitaine de l'armée.

Les Chroniques milanaises de 1562 nous racontent que Mme Violante

Sforza et la marquise Soncino de Milan possédaient des nains très bien

conformés.

Le cardinal Vitelli donna en 1556 un grand dîner qui était servi par

34 nains, tous de très petite taille, dont plusieurs cependant étaient dif-

formes. -

Cardano dit avoir vu en 1551 un homme adulte parfaitement conformé

et haut de 0 m. ha2 ; on le montrait dans une cage à oiseaux, et c'était

probablement le même individu qui, au temps d'Henri II, était montré

à Paris sous le nom de Jean le Grand.

Aldovrandi dans son oeuvre : JIoîzsli,o2-îtinhisioria, publiée en 1642

à Bologne, parle d'un nain du Dauphiné qui à'1'àge de 41 ans, était haut

de 0 m. 948 ; ce nain fut conduit à Bologne en 1634 par le duc Char-

les deGrécy et il se nommait Michet Magnan ; son portrait est conservé

dans le Musée du Senate de Bologne. A la même époque, un seigneur bo-

lognais, Fernand Cospi, avait recueilli dans les environs de Bologne le

frère et la soeur, nains tous les deux ; le frère, d'âge adulte, était haut

de 1 m. 011, et sa soeuravaitune taille de 0 m. 948.

En 1733, Vallisneri, au tome lIT de ses OEuvres, dit avoir vu un nain,

532

ETTORE LEVI

très bien conformé, avec une très longue barbe qui, se tenant tout droit,

lui arrivait à peine au-dessus du genou.

En 174H, de Rensis publiait l'observation d'une femme de 30 ans

qui en paraissait 10. Elle n'était pas rachitique, mais son bassin était si

petit, qu'étant devenue enceinte, elle dut subir l'opération césarienne et

mit'au monde de cette façon une foetus long de 10 pouces.

En 1820 Frank, de Marie-Louise, duchesse de Parme, don-

nait la description d'une famille toute composée de nains ; nous n'avons

pu malheureusement nous procurer ce mémoire.

Enfin Taruffi, dans son excellenl mémoire sur la microsomie, donne

une liste des nains célèbres non Italiens, avec ! 'age et la taille de cha-

cun.

LA MICROSOMIE ESSENTIELLE HÉRÉDO-FAMILIALE 533

récemmen attiré l'attention de quelquesauleurs parisiens (Sa inton et Lau-

nois), j'ai pu en effet établir que les deux frères dont M. Launois a publié

la photographie sous le nom de Maggi sont les mêmes personnes dont

nous venons de parler. J'ai causé avec ces deux nains à Paris et j'ai pu

établir leur identité ; ils sont nés en effet dans la province de Ferrare,

et leur âge actuel correspond aux dates indiquées par Taruffi en 1878.

C'est par une coïncidence vraiment singulière que j'ai pu, en 1910,

rattacher ces anciennes observations'de médecins italiens, d'il y a un de-

mi-siècle, aux personnes de mes minuscules compatriotes rencontrés par

hasard au Jardin des Plantes à Paris au mois d'octobre 1909 !

Les époux Magri, robustes et de taille normale, habitaient au château

de Pieve di Cento (Province de Ferrare), où ils mirenl au monde 13 en-

fants,dont 8 seulement survécurent. Parmi ceux-ci, furent de taille nor-

male (en moyenne de 1.625), et 3 restèrent extrêmement petits, sans que

la mère fut aucunement malade ni à l'époque de la conception ni

ultérieurement. Le premier-né fut une fille de nom Amalia,parfaitement

symétrique, qui à l'âge de 19 ans pesait 45 livres, était passablement

intelligente et n'était pas encore réglée ; mais à l'âge de 27 ans, quand

en 1865 elle fut montrée à la Société médicale de Bologne, les règles

s'étaient déjà montrées depuis quelque temps; elle pesait alors 21 kilos,

la circonférence de sa tête était de 48 centimètres, sa taille mesurait

1 m. 020. Elle mourut d'une angine diphtérique enjuin 1873, à l'âge

de 33 ans.

Le second nain de cette famille était un garcon nommé Ernest, de

même très bien conformé, en dehors de la tête qui était plutôt grande ;

il était très intelligent, mais de mauvais caractère. A l'âge de 18 ans

(1865), la circonférence de sa tête mesurait 53 centimètres, il pesait 19

kilos; à bras étendus, les régions carpiennes arrivaient aux grands

trochanters. Il avait peu de poil au pubis et pas du tout au menton.

Les testicules étaient assez développés, mais encore contenus dans le

canal inguinal. A 26 ans il épousa une femme haute de 1 m. 560 de la-

quelle il eut deux enfants. Le premier fut un mâle qui était en 1878 âgé

de 4 ans et haut de Om. 950 et qui était bien développé ; le second était t

une fille qui naquit le 1er novembre 1876 et qui, à 15 mois, me-

surait 60 centimètres, c'est-à-dire 12 centimètres de moins que la

moyenne.

Ernest, à )'age de 30 ans, en 1877, mesurait 1 m. 10 de taille.

Le troisième nain s'appela i t Primo et étai taussi très bien proportionné

à 1 ans. en 1865, la circonférence de sa tête mesurait 48 centimètres.

Chez lui aussi les régions carpiennes arrivaient aux grands trochanters ;

il avait de petits testicules, en partie cachés dans le canal inguinal ;

534

ETTORE LEVl

il n'avait pas de poil au pubis et pesait 14 kilos. En 1878, à 28 ans,

il se trouvait avec son frère dans un théâtre de Londres. En 1877, sa'

taille était de 1 m. 090.

° Taille des frères Magri :

LA MICROSOMIE ESSENTIELLE HI7RH : D0-FA1411LIALE 535

A Pilas, en province de Séville, existaient deux frères nains, nés de pa-

rents sains et robustes,cultivateurs de profession,qui avaient eu 9 enfants

normaux. Les deux nains ne montraient aucune difformité,ni aucun carac-

tère tératologique. L'aîné, âgé de 28 ans,avait une taille de 97 centimètres

et pesait 39 livres 1/2. Les testicules étaient dans l'abdomen, la verge

était très petite,il n'y avait pas de poil au pubis ni à la face ; la physio-

nomie était celle d'un vieil enfant.

Il était vif et de bon caractère,il fumait et buvait beaucoup d'alcool ; il

n'avait aucun désir génital. Son intelligence était très restreinte.

Le frère cadet, âgé de 25 ans, et haut de 94 centimètres, pesait 34 li-

vres. avait le même caractère doux de son frère et il était encore moins

intelligent.

L'auteur ne retient pas ces nains pour des idiots ni des crétins, et il

admet seulement qu'ils sont des arriérés. Le seul élément étiologique

existant dans ce cas était la consanguinité des parents.

Dans les excellents travaux de Manouvrier nous trouvons aussi la des-

cription de plusieurs nains ; mais malheureusement ces sujets ont été

considérés surtout à un point de vue anthropologique et leurs observations

ne sont point détaillées au point de vue clinique, ce qui rend leur utili-

sation impossible.

Cependant nous pouvons établir que le nain Taillon, décrit par Ma-

nouvrier, représente un cas de microsomie liée à l'infantilisme, car

chez lui le type somatique était nettement infantile ; il y avait une dys-

trophie absolue des poils au tronc et les organes sexuels avait le dévelop-

pement de ceux d'un enfant de 8 ans.

M. Manouvrier cite en outre l'observation du nain Delphin Sirvaux

qu'il assimile au cas de l'observation précédente; l'auteur ne dit rien du

développement pilifère et génital de ce nain qui était probablement aussi

un nain infantile.

Blanche B., la princesse Blanche, serait aussi, selon Manouvrier, un

exemple de nanisme simple ; intelligence normale ; les proportions du

bassin sont régulièrement féminines ; elle est réglée, ses mamelles sont

volumineuses ; son tissu cellulaire sous-cutané présente un développe-

ment féminin ; son. pubis est cependant complètement glabre. Le nain

Bébé du roi Stanislas, dont le squelette est conservé au Musée d'histoire

naturelle de Paris, appartenait, selon Manouvrier, à la même catégorie

que les précédents : nanisme et infantilisme,avec cette différence que l'ar-

rêt de développement était survenu plus tôt; le crâne était très peu déve-

loppé ;Bébé était sub-microcéphale et son intelligence était moins que

médiocre.

Manouvrier attribue enfin à la même catégorie de nains la princesse

Pauline étudiée par Bouchard et Testut.

536 ETTORE LEVI

Manouvrier admet plusieurs variétés de nanisme : des nains par ra-

chitisme, des'nains par crétinisme et des nains dont le nanisme pa-

rait être étroitement lié à la microcéphalie ; enfin il admet une forme de

nanisme simple auquel appartiennent tous les exemples que nous lui

avons entendu citer plus haut, mais que nous interprétons -comme des

exemples de microsomie compliquée d'infantilisme par le fait que tous

ces nains présentaient les caractères sexuels plus ou moins imparfaits et

surtout un développement défectueux des poils; d'ailleurs le manque de

toute information sur l'état d'ossification du squelette rend ces observa-

tions très incomplètes.

Geoffroy Saint-Hilaire distingua les nains véritables des nains rachiti-

dues,définissant les premiers comme des cas tératologiques,des êtres chez

lesquels toutes les parties du corps ont subi une diminution générale et

dont la taille se trouve ainsi de beaucoup inférieure à la taille moyenne

de leur espèce et de leur race.

Cet auteur accepte l'opinion que la nanisme serait causé soit par une

mauvaise conformation de l'utérus de la mère, soit surtout par une ma-

ladie atteignant le jeune sujet lui-même dans le cours de la vie em-

bryonnaire ou foetale.

Manouvrier, au contraire, considère le nanisme simple (tel qu'il le

comprend) comme débutant par un processus central, parce que dans

cette variété de nanisme, c'est la croissance du corps tout entier qui est

affectée sans difformité pathologique spéciale du squelette.

La persistance des cartilages épiphysaires chez des nains d'âge adulte

a été constatée par plusieurs auteurs, mais malheureusement nous ne pou-

vons donner aucune valeur à ces exemples, car il s'agit surtout de recher-

ches faites sur des squelettes, et nous ignorons complètement si ces indi-

vidus avaient été pendant leur vie des myxoedémateux ou de vrais micro-

somes, ou bien des infantiles.

Schaafhausen fit, en 1868, l'autopsie d'un nain âgé de 61 ans, chez le-

quel tous les cartilages épiphysaires des os longs étaient persistants ;

chez ce sujet on avait remarqué, à l'âge des 30 ans, une reprise de la

croissance.

Schauts a observé dans le musée de Prague le squelette d'un nain de

37 ans chez qui aussi les cartilages épiphysaires était persistants ; la

même constatation a été faite par Paltauf sur le squelette d'un nain mort

à 49 ans et haut de 111 centimètres.

M. Joachimsthal a étudié radiographiquement une troupe de Lillipu-

tiens Allemands qui étaient de passage à Berlin en 1899. L'auteur nous

donne malheureusement très peu de renseignements d'ordre clinique sur

ces individus qu'il dit normalement conformés,psychiquement bien déve-

LA MICROSOMIE ESSENTIELLE 11;RÉDO.FA1\IlLIALE 537

loppés et remarquables, en somme, seulement parleur très petite taille.

En dehors de deux sujets âgés respectivement de 20 et 25 ans, tous

les autres étaient beaucoup plus âgés, entre 30 et 36 ans ; cependant les

mensurations prises depuis plusieurs années avec beaucoup de soin par

leur impresario, montraient que tous ces individus n'avaient pas atteint

leur croissance définitive, mais qu'au contraire, de temps en temps, ils

présentaient de petites poussées d'accroissement.

Chez deux de ces sujets de sexe féminin, âgées de 36 ans et hautes

l'une de 114 centimètres, l'autre 116 centimètres, trouva par la radios-

copie que les cartilages épiphysaires étaient tous normalement soudés;

depuis dix ans, en effet, leur croissance était complètement arrêtée. Ces

deux sujets se différenciaient aussi de tous les autres individus de la

troupe par le fait que depuis l'aîge de 20 ans elles était normalement

réglées. L'auteur ne nous dit rien malheureusement sur le trophisme des

poils, de la peau et des tissus sous-cutanés chez ces deux naines.

Tous les autres individus de cette troupe montrèrent à l'examen radio-

graphique une évidente persistance des cartilages épiphysaires, et des

caractères d'infantilisme relatifs surtout au développement sexuel et à

celui des poils.

Dans toute la troupe étudiée par M. Joachimsthal, nous ne voyons donc

que deux sujets (les deux naines de 36 ans) chez lesquels peut-être on

aurait pu poser le. diagnostic de microsomie pure; tous les autres individus

étaient certainement entachés d'infantilisme surtout par l'état d'ossifica-

tion incomplète du squelette et par le retard sexuel.

Un nain qui, à tous points de vue, semble appartenir à la catégorie

de microsomie qui nous intéresse, est l'individu nommé Dobos Janos,

qui déjà à l'âge de 11 ans a été étudié par Virchow (27 avril 189`2),lled.

Gesell.l3erliz) et qui, ultérieurement, a été l'objet de courtes publica-

tions de Daniel et Phillipe, Rieger et Von Hansemann. Dobos Janos était L

lepremier nain de sa famille ; il était le cinquième et eut 12 frères

Après lui, sa mère mit au monde trois autres enfants qui présentaient le

même type de nanisme que lui : le premier vécut deux ans, le second

10 mois, le troisième seulement 10 semaines. Tous les autres enfants

étaient normaux.

Dobos Janos vint au monde après une grossesse et un accouchement

normaux,et son poids à la naissance aurait été de 500 grammes,mais ce

chiffre doit être considéré comme très douteux (selon Ilieger et Von

Hansemann).

AU ans, quand Virchow l'éludia,il avait tout à fait l'air d'un enfant

de proportions minimales ; sa taille mesurait alors 0 m. 926.

En 1902, Dobos Janos fut étudié par von Hansemann, et c'est de sa

38 ' ETTOHE LEVI ,

courte note que nous tirons ces renseignements; à cette époque,Dobos Ja-

nos avait tout à fait l'air d'un très petit homme normal, bien poilu au -

tronc et à la face, avec une voix normale et avec des fonctions génitales

apparemment normales, mais présentant du criptorchidisme bilatéral.

Sa taille avait augmenté depuis 1892 : de 0 m. 926 à 1 m. 145. Sa' 1

tête était petite et ronde,mais aucun des auteurs qui l'ont étudié ne l'ont-

considéré comme un microcéphale. En 1902 il pesait 18 lui., cependant

qu'en 1892 il n'en pesait que 13,2.

Son intelligence était, à ce que nous ditvon Hanseman, tout à fait

normale pour un individu n'ayant aucune instruction, et son psychisme

n'avait rien d'infantile.

Dans la courte note de Von Hansemann nous ne trouvons malheureu-

sement aucune photographie, mais cet auteur dit avoir radiographié'

l'avant-bras et la main de Dobos et avoir trouvé parfaite et complète

l'ossification de tous les cartilages épiphysaires, ce qui est parfaitement

normal à l'âge de 22 ans.

Dobos Janos était parfaitement proportionné de tout son corps; Daniel

et Philippe le décrivent de la façon suivante : Dobos est un véritable ho-

11 ! unculus, donnant bien l'impression d'un homme ordinaire vu par le

petit bout de la lorgnette ! ,

Ces auteurs emploient donc, dans ce cas, l'expression que Meige a, le

premier, employée pour les infantiles du type Lorain ; nous avons déjà

dit que nous trouvons cette expression parfaite pour définirles individus

appartenant à la microsomie pure, mais au contraire, impropre à pein-

dre les infantiles du type Lorain.

' Von Hansemann nous dit que Dobos ne présentait pis le moindre signe

pathologique digne de mention , mais de sa note nous relevons quelques

faits auxquels cet auteur n'a donné aucune importance et qui cependant

nous semblent en avoir une, car nous avons constaté les mêmes symp-

tômes chez nos sujets.

Dobos présentait en effet quelques stigmates physiques identiques à

ceux que nous allons décrire comme caractéristiques chez nos nains : Do-

bos avait en effet,comme nos deux individus adultes,des doigts nettement

déformés en baguette de tambour, de la criptorchidie et un nez en lor-

gnette ses fonctions végétatives étaient,comme chez nos sujets,normales,

et comme chez eux, l'intelligence n'avait rien d'infantile.

Tout ce que nous venons de dire sur l'historique du sujet qui nous in-

téresse prouve suffisamment, à notre avis, qu'une étude clinique pro-

fonde et systématique de cette forme de microsomie n'a pas encore été

faite.

Nous devons cependant établir une exception sur ce point en faveur

LA MICROSOMIE ESSENTIELLE HÉREDO-FAMILIALE 539

d'une observation très intéressante publiée tout dernièrement par M. De

Sanctis, quand notre travail avait déjà été communiqué à l'Académie

florentine. '

Nous ne pouvons résumer ici le cas d'infantilisme et mentalité infantile

étudié avec tant dé soin et avec un si parfait sens critique et clinique par

M. De Sanctis. Cela nous entraînerait trop loin et nous renvoyons le lec-

teur au mémoire original qui vaut bien la peine d'être lu en entier,

car il nous donne la seule bonne étude clinique qui existe sur un cas que

nous croyons devoir être étiqueté plutôt comme microsomie et infanti-

lisme que comme infantilisme pur. '

Le pelit sujet de M. De Sanclis, àgé de 27 ans, mesure 1 m. 140 et a,

dans les photographies, tout à fait l'air d'un pygmée ; il ne nous

donne pas du tout l'impression plastique de l'infantile, mais plutôt celle

du microsome ; dans ce cas, en effet, il y a bien des points qui par-

lent pour la microsomie essentielle, surtout la parfaite ossification des

cartilages épiphysaires, la conformation normale des organes génitaux

et le développement presque normal des poils.

Malgré cela, l'existence d'autres signes caractéristiques d'infantilisme,

surtout psychique, ont porté M. De Sanctis au diagnostic d'infantilisme

tout en lui faisant admettre qu'il s'agit d'un cas dans lequel l'infantilisme

s'est amélioré, a rétrocédé.

Nous trouvons l'observation de M. De Sanctis des plus intéressantes et

en quelques points comparable aux nôtres ; nous ne sommes pas complète-

ment d'accord avec le Professeur romain dans son diagnostic,car d'après

ce que savons de son cas par la lecture de son beau mémoire,- nous vou-

drions définir son sujet comme un exemple de microsomie compliquée

d'infantilisme, en tout correspondant à notre deuxième cas.

Pendant l'année 1909, un impresario a réuni au Jardin d'Acclimatation

de Paris un grand nombre de nains provenant de pays différents et

qui auraientpu fournir un matériel de recherches unique, si malheureu-

sement toute étude d'ordre scientifique n'eût été défendue.

Cependant cette collection unique de nains de toute forme éveilla

nécessairement l'attention de tous ceux qui s'intéressent à l'étude de

ces dystrophies, et deux auteurs parisiens, MM. Sainton et Launois, indé-

pendamment l'un de l'autre, ont publié sur ce sujet deux courtes notes

fondées sur un examen nécessairement superficiel des différentes formes

de nanisme représentées dans la collection du Jardin des Plantes ! Dans

son Essai biologique sur les nains M. Launois, acceptant en tout la

définition et la conception du nanisme émise par M. Meige, décrit à

nouveau les types de nains les plus connus, c'est-à-dire les nains achon-

droplasiques, les rachitiques, les pottiques et les nains myxoedématcux

540 ETTORE LEVI

dans leurs différentes variétés, mais ne s'arrête nullement sur le type

- de microsomie essentielle qui nous intéresse et qui cependant était re-

présenté, à notre avis, dans cette cité de Lilliput. M. Launois glisse sur

ce point, et tout en publiant les photographies de quelques nains qui pro-

bablement correspondent à ce type (la demi-mondaine, le petit mulâtre,

et surtout la famille Maggi), il n'en parle pas et il ne met pas, au bas

de leur photographie, le nom de la catégorie à laquelle ils appartiennent

lV1. Sainton a été au contraire un peu plus explicite sur ce point si

important; après avoir décrit les formes bien connues de nanisme, il

ajoute : « en outre de toutes ces variétés de nains nettement classées,il en

existe une autre que l'on a fort peu l'occasion de rencontrer et que pré-

sentent l'état très pur quelques individus de la troupe actuellement à

Paris. C'est la variété qui a été décrite sous le nom de pygméisme par

Poncet et Lenoir qui se distingue des autres par l'absence de toute tare

physique. II s'agit de sujets ayant un développement minime avec har-

monie complète des formes. Ce type serait réalisé par la.naine chantée

par Loret en 1653 :

Une mignone incomparable

Qui passait pour une chose admirable

Et ne pesait qu'un louis d'or.

(Abrégé des Merveilles des Cieux)

Des nains de formes aussi harmonieuses ont été figurés par Velasquez

dans le personnage qui occupe le centre du tableau des Ménines, etc.).»

- Enfin M. Sainton nous dit que dans le village de Lilliput il n'aurait

noté que deux sujets appartenant à cette catégorie, le petit mulâtre de

25 ans et la demi-mondaine.

Nous avons nous-même visité avec le plus grand intérêt le village du

Jardin des Plantes, et nous avons facilement reconnu que cetlepopula-

tion de nains était composée par une grande majorité de nains myxoedé-

mateux classiques ou frustes, par de nombreux nains achondroplasiques

complets ou partiels, par quelques nains rachitiques.

En dehors de ces formes bien classées, nous avons été frappés comme

uZ.Sainton par l'existence dequelques rares exemplaires de microsomie

essentielle, des sujets qui enfin correspondent dans les grandes lignes

aux individus dont nous donnons la description dans ce mémoire.

Mais naturellement nous ne nous croyons pas autorisés à formuler

un jugement d'identification absolue avec nos sujets, car nous n'avons

pu soumettre ces individus à un examen systématique en dehors du-

quel tout diagnostic est impossible. -

Il nous a semblé toutefois que les seuls microsomes, les seuls pyg-

LA MICROSOMIE ESSENTIELLE HÉnDO-2nMILIALE 541

mées de la troupe de Paris, étaient, en dehors des sujets observés par

M. Sainton (la demi-mondaine et le petit mulâtre), les trois individus

delà famille Maggi qui méritent, encore plus que les deux sujets ci-des-

sus, d'être compris dans cette catégorie. Ces cinq individus étaient tous

d'une intelligence très vive, de proportions somatiques très harmonieuses

et ne présentaient le moindre symptôme apparent de dysthyroïdie. Les

trois sujets de la famille Maggi et la demi-mondaine avaient la tête un

peu grosse et la même déformation du nez que le nain qui fut l'objet

de notre première observation.

Les individus mâles nous ont affirmé qu'ils étaient normaux au point

de vue sexuel, mais naturellement nous ne pouvons faire acte de foi, et

sur ce point si important pour le diagnostic, nous ne pouvons apporter

aucune certitude. -

Ces trois individus mâles nous ont semblé défectueux pour ce qui con-

cerne le développement des poils ; le petit mulâtre avait la figure com-

plètement glabre (à 25 ans) et les deux Maggi n'avaient que de rares

poils sur les joues et sur les lèvres.

N'ayant aucun document sûr, sur l'état des fonctions sexuelles, sur le

trophisme des poils et sur l'étal d'ossification du squelette chez ces sujets,

nous ne sommes naturellement pas en condition d'affirmer si ces nains

étaient des microsomes tels que les nôtres, ou plutôt des microsomes pré-

sentant aussi quelques symptômes d'infantilisme. C'est en effet par l'exa-

men des organes génitaux et de leur fonction, par l'état trophique du sys-

tème pilifère, et par le degré d'ossification du squelette que l'on peut,

selon nous, différencier les microsomes parfaits, des microsomes entachés

d'infantilisme.

Nous verrons en effet que nos sujets I et III sont de vrais microsomes,

car chez eux l'harmonieuse réduction de toutes les proportions somati-

ques est liée à un aspect nettement adulte (correspondant à Page réel), à

un développement normal des poils à la figure et sur tout le corps, et

à une complète ossification du squelette.

De tous les nains du Jardin d'Acclimatation, ceux qui, selon nous,

correspondent probablement à nos sujets, sont les membres mâles de la

famille Maggi dont nous avons pu, par un étrange hasard, établir l'i-

dentité et retrouver l'histoire dans un ancien mémoire italien de Taruffi

que nous avons cité plus haut.

Nous venons de résumer tout ce que nous avons pu recueillir dans la

littérature sur les nanismes en général et sur la microsomie essentielle en

uni 36

542 ETTORE LEVI

particulier ; nous avons à peine besoin de faire remarquerau lecteur que

les documents cliniques sur cette dernière forme font complètement dé-

faut, et c'est pour cela que nous croyons devoir donner quelque valeur à

l'étude que nous avons cherché à faire complète, de nos sujets, repré-

sentants légitimes de la microsomie essentielle hérédo-familiale, dont

nous allons à présent donner les observations cliniques.

Observation I (PI. LV11, LVIII)

Magro Santo, âgé de 19 ans né liandazzo (Sicile), village de la région

montagneuse de l'Etna. Hauteur de la taille : 106 centimètres ; poids du

corps : 23 kil. 500. 'i

Antécédents héréditaires. - Le père et la mère de notre sujet étaient des

individus de taille absolument normale et qui sont morts de vieillesse, n'ayaut

présenté, pendant leur vie, aucune maladie digne de mention ; le père n'était

pas alcoolique et n'avait pas contracté la syphilis. La mère n'avait jamais

fait de fausses couches et avait mis au monde, en dehors de notre sujet, quatre

autres enfants, de taille normale et d'excellente santé; deux sont morts en

âge adulte de maladies aiguës; les deux autres (adultes aussi) sont encore

vivants et ne présentent aucun symptôme morbide.

Chez les ascendants et les collatéraux de notre sujet, il n'y a jamais eu aucun

cas analogue de microsomie ; dans la région où notre patient est né, on ne

connaît non plus aucun cas analogue ; il faut cependant mentionner que dans

la région montagneuse de l'Etna on observe, de temps, eu temps des goitreux

et des crétins myxoedémateux tels qu'on en trouve, avec un très grande fré-

quence, dans les provinces Alpestres de l'Italie septentrionale.

Antécédents personnels. - Notre sujet est né à terme, après une grossesse

physiologique ; il parait que dès sa naissance, ses parents onl été frappés

par son extrême petitesse ; il a été nourri par sa mère et n'a jamais eu de

maladie.

Son développement s'est fait sans accidents d'aucune sorte ; il a marché et

parlé précocement ; ses dents ont poussé à l'époque normale et la seconde

dentition ne s'est pas fait attendre.

Dès sa première enfance, et ultérieurement, notre sujet a été l'objet d'une

grande popularité locale à cause de l'extrême petitesse de sa taille; son dé-

veloppement physique a été qualitativement en tous sens normal, mais quan-

titativement minime.

Il a toujours été vif et intelligent, mais n'a pas reçu la moindre instruction,

étant élevé comme un petit sauvage ; il n'a pas appris à lire, et dès l'âge de

15 ans il s'est occupé il vendre des étoffes de pays en pays, en compagnie

d'une espèce d'imprésario qui se servait de lui pour pousser la vente de sa

marchandise; depuis deux ans il voyagea travers l'Italie avec un imprésario

qui l'expose dans des cinématographes.

' Son développement sexuel a été parfaitement normal ; à 14 ans il avait

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Masson & Clc, Editeurs.

PhototHue Bt'rlhatlll, Pans

LA MICROSOMIE ESSENTIELLE HÉRÉDO-FAI1LIALE 543

déjà des poils au pubis et aux aisselles, et dès l'âge de 16 ans il a commencé

à avoir des contacts sexuels qui furent plus tard très fréquents et dont il

remporta trois infections lilannorragiques.

Il se maria à 20 ans avec une femme (âgée de'18 ans) de taille moyenne

et de constitution parfaitement normale ; elle est morte il y a deux ans d'une >

pneumonie.

Cette union donna lieu, après 18 mois, à la naissance d'un enfant, d'une

petitesse extrême, qui est actuellement vivant, en excellente santé et qui forme

l'objet de notre seconde observation.

Deux années plus tard notre couple eut un nouvel enfant : une petite fille

qui, à ce qu'on nous dit, était encore plus petite que son frère aîné, et comme

lui d'ailleurs absolument normale ; elle mourut à l'âge de 10 ans d'une pneu-

monie croupale, et sou petit frère nous raconte qu'au moment de sa mort elle

était relativement beaucoup plus petite que Lui, lui arrivant à peine à la taille Il

Après la mort de sa femme, notre sujet n'a pas abandonné ses habitudes

sexuelles et il exige, même à présent (il a presque 50 ans), que son impresario

lui fournisse, de temps en temps, l'occasion de satisfaire ses appétits sexuels

toujours assez vifs. *

Depuis 15 ans à peu près, il a pris l'habitude d'abuser de boissons alcooli-

ques, et cette habitude a eu comme conséquence (à ce que nous dit l'im-

presario) une certaine tendance à l'obésité, favorisée par une vie absolument

privée d'exercice, et un certain degré d'appauvrissement de ses facultés intel-

lectuelles. ,

Examen objectif. - Conditions générales. - Notre nain qui est âgé de

presque 50 ans, mesure exactement 106 centimètres de taille et pèse

23 kil. 500 nu.

Comme on voit facilement en examinant la photographie, les proportions

de son corps sont assez harmonieuses ; son crâne est un peu trop grand rela-

tivement au reste de son corps ; sou thorax est très bien conformé et il n'y a

pas de déviation rachidienne ; ses extrém'tés sont de proportions parfaites et

le rapport du développement des différents segments des bras et des jambes

est absolument normal ; il n'y a pas de micromélie évidente soit totale, soit

rhizomélique ; les mains et les pieds sont parfaitement conformés.

L'examen le plus soigné du squelette ne nous permet de relever que quel-

ques anomalies apparentes : le volume un peu exagéré de la tête, la confor-

mation du nez et la déformation des dernières phalanges des doigts des mains

qui sont en baguette de tambour.

Aucune trace de lésions rachitiques soit des extrémités, soit du thorax.

La peau est de constitution normale sur toute la surface du corps ; elle

est rugueuse et un peu flasque au visage, mais il faut observer que notre nain

a déjà presque 50 ans, et nous apprenons par lui et par son impresario qu'elle

n'avait pas du tout cet aspect avant la quarantième année.

La peau n'est d'ailleurs ui trop fine ni trop lisse et de coloration parfaite-

ment normale ; les tissus sous-cutanés ne sont nullement imbibés ni bouffis,

et le développement des tissus adipeux n'a rien d'anormal : notre uaiu pré-

544 ETTORE LEVI

sente un très léger degré d'embonpoint relativement à son âge, à sa vie sé-

dentaire et à son alcoolisme déjà ancien.

Le développement des poils est riche au crâne, au visage, aux aisselles et

au pubis ; les poils sont de constitution parfaitement normale ; ils ne sont ni

trop durs, ni trop fins et ne cassent pas facilement.

Les organes génitaux sont ceux d'un homme adulte normal ; les testicules

sont très gros et la verge tonique est bien conformée.

Les mamelles sont bien dessinées, modérément grasses, avec des aréoles

très nettes entourées de quelques poils.

Le système musculaire est à tout point de vue parfait; les muscles sont

bien dessinés, dépourvus de toute gangue graisseuse, toniques et ils dévelop-

pent une force notable.Système lymphatique normal. Pouls régulier rythmi-

que, valide : 76 par minute ; respiration costo-abdominale, régulière : 16

par minute.

LA MICROSOMIE ESSENTIELLE HÉRÉDO-FAMILIALE 545

Développement psychique. - Nous avons déjà dit dans l'anamnèse, que

notre nain est dépourvu de toute éducation, qu'il a été élevé comme un sauvage,

et qu'en outre il abuse depuis plusieurs années de boissons alcooliques ; nous

croyons devoir rappeler ces faits avant de donner notre jugement sur le dé-

veloppement psychique de notre sujet, car nous pensons que le déficit psy-

chique, très relatif, que cet individu nous présente est exclusivement imputa-

ble à ces influences.

Nous avons pu nous persuader en effet, au cours de plusieurs entretiens

avec lui, que son intelligence, tout en étant médiocre, ne présente aucun

symptôme de déficit bien caractérisé ; notre nain comprend parfaitement tout

ce qu'on lui dit et répond toujours logiquement ; sa mémoire est assez bonne ;

il est très affectionné à son enfant, n'est pas égoïste ; de caractère doux, il

n'est ni iracible ni vantard, ni bouffon ;-de tempérament assez gai, il ne pré-

sente pas du tout la futilité et la légèreté enfantine de certains infantiles ;

son imagination est très pauvre et en général on doit considérer comme très

réduits tous les éléments psychiques supérieurs, mais cela semble en har-

monie avec l'absence de toute éducation et avec les habitudes d'éthylisme !

Examens locaux. - Tête. Le crâne est hyperbrachicéphalique ; vu de

face il semble assez proportionné au tronc; vu de profil cette harmonie est

altérée par le développement exagéré de son diamètre longitudinal : le front

n'est pas du tout proéminent comme chez certains nains achondroplasiques ;

l'os occipital est très développé et donne à la tête, .vue de profil, un aspect

presque carré.

La palpation du crâne fait relever que les soudures osseuses sont normales

et c'est seulement au niveau de la fontanelle médiane qu'on observe une

légère dépression osseuse.

Le squelette facial est parfaitement normal en dehors de ce qui regarde le

nez qui est bien conformé ; sa racine n'est pas aplatie, on ne peut parler de

nez camard, mais plutôt de nez en lorgnette : la racine osseuse est fine mais

relevée, et ce qui la caractérise c'est son insertion à angle aigu en rapport aux

os frontaux dont les arcades orbitaires sont très prononcées, fait qui met'

plus en relief encore la dépression apparente de la racine nasale; ces faits -

ressortent très évidents en examinant les photographies en profil et nous ver-

rons qu'ils se répètent chez le fils de notre sujet et chez un autre nain de la

même catégorie appartenant à une autre famille.

L'expression du visage est vive : il n'y a pas la moindre trace de cet aspect

endormi et apathique qu'ont certains myxoedémaieux; toute bouffissure du

visage fait défaut,et on n'observe pas le moindre empâtement sous-cutané.

Le front et les tempes sont rugueuses, mais cette rugosité est relative à

l'âge de notre malade. La coloration de la peau est normale ; on observe seu-

lement sur les joues une quantité de petits vaisseaux ectasiés, tels qu'on les

voit constamment chez les éthyliques.

Le grain de la peau est parfaitement normal ; les poils de la barbe et des,

moustaches sont très abondants. noirs et,ainsi que les cheveux, d'un trophis-,

546 F.TTORE LEVT :

me à tout point de vue normal ; aux joues la barbe ne manque pas, mais est

rasée.

La mobilité des muscles faciaux est parfaitement normale et la mimique

est même très vive et expressive.

Les points d'émergence de la Ve et de la VIIe paires,sont indolents à la pres-

sion,et le tronc du VII" ne présente pas d'hyperexcitabilité mécanique (Chwos-

teck négatif).

Les yeux sont un peu enfoncés sons les arcades orbitaires dont la proémi-

nence est exagérée par les sourcils qui sont très longs et touffus ; les cils, au

contraire, sont clairsemés,et cela à cause d'une ancienne et persistante blépha-

rite chronique. Les bulbes oculaires présentent une mobilité parfaitement

normale ; pas de nystagmus. Les réflexes conjonctivaux et cornéens sont très

vifs; les pupilles sont rondes et égales entre elles et réagissent parfaitement

à la lumière et à l'accommodation ; l'examen du fond de l'oeil, fait par le spé-

cialiste, professeur Casagli, ne mit en relief aucune anormalité, et le pouvoir

visuel résulta subjectivement et objectivement normal.

Nous avons déjà décrit l'aspect caractéristique du nez dans sa portion os-

seuse ; le bout du nez est nettement relevé et sa base est dilatée par des ou-

vertures très amples; l'eximen du nez,fait par le spécialiste, professeur Toti,

ne mit en relief rien d'anormal. Le sens olfactif est normalement développé.

Les oreilles sont relativement très grandes ; elles mesurent un diamètre

vertical de 6 centimètres ; le pavillon de l'oreille est normalement conformé ;

il est un peu détaché de la mastoïde et son extrémité supérieure rappelle un

peu l'oreille pointue. Les incavations normales de l'oreille sont très peu ac-

centuées et, en général, tout son dessin est un peu flou ; ce qui est caracté-

ristique, c'est l'extrême flaccidité des cartilages qui se laissent déformer

passivement comme un corps complètement mou.

L'examen de l'oreille fait par le professeur Toti ne montre qu'une seule

particularité anormale : le conduit auditif externe est déformé en ce sens

qu'il existe un abaissement de sa paroi postéro-snpériaure, de telle façon que

le conduit apparaît aplati obliquement du haut en bas et d'avant en arrière ;

cette déformation est bilatérale.

L'ouïe est bilatéralement parfaite.

Bouche. Les lèvres sont bien dessinées, fines et pas retroussées ni en-

tr'ouvertes ; les gencives sont rouges et un peu tuméfiées ; la dentition pré-

sente quelques anomalies ; les dents incisives latérales manquent complè-

tement ; les petites molaires sont légèrement atropbiques ; les incisives supé-

rieures sont très usurées par l'usage, car leur ligne de contact avec les dents

liomologues inférieures ne correspond pas.

Le palais osseux présente aussi quelque anomalie ; les deux moitiés des os

maxillaires supérieurs et des os palatins semblent avoir été comprimés les unes

sur les autres par une pression latérale externe, de telle façon que le diamè-

tre transversal de la voûte osseuse résulte réduit, et en harmonie avec ce

fait on observe que la muqueuse qui recouvre la voûte palatine semble être

LA MICROSOMIE ESSENTIELLE HI.RRDO-FADITL1ALE 517 7

surabondante et apparaît en conséquence toute plissée longitudinalement ; le

palais, ainsi déformé, n'a pas du tout l'aspect ogival.

La langue est d'aspect tout à fait normale ; longue et fine, elle présente

une mobilité parfaite. Rien du côté du voile palatin ; le réflèxe pharyngien

est normal. 1..

Le larynx est petit mais différencié et ne présente pas tout le type infantile

(professeur Toti).'

La voix est presque normale ; elle n'a pas le caractère infantile ni la tona-

lité si particulière aux eunuchoïdes ; cependant, de temps en temps, elle est

un peu 'aigrelette et aiguë tout en étant caractérisée, en général, par une

sonorité et une tonalité normales. L'articulation de la parole est parfaitement

normale et la construction logique des phrases n'a rien d'imparfait.

Mastication et déglutition normales. '.

Réflexe massétérien vif.

Cou. Le cou est bien conformé, ni trop gros ni trop court ; la thyroïde

est parfaitement palpable et apparaît normalement développée. Pas de tumé-

factions glandulaires. L'énergie et la tonicité des muscles sont normales et la

mobilité de la tête est parfaite. f

Thorax. - Le développement du tronc ne présente absolument aucune

anormalité digne d'être mentionnée. Il n'y a aucune déviation rachidienne;

ni scoliose dorsale, ni lordose lombaire. La poitrine est amplement dévelop-

pée, pas trop riche en graisse ; les mamelles sont hien dessinées comme

chez tout homme normal d'un certain âge ; les aréoles brunes sont entourées

de poils ; les poils sont abondants aux régions axillaires.

L'examen systématique des poumons et du coeur ne montre aucun fait

anormal ; le coeur n'est pas agrandi et les tons cardiaques sont très purs sur

tous les foyers d'auscultation. L'examen radioscopique du thorax nous permit

de contrôler ces données et de constater l'absence de tout résidu visible du

thymus.

Le sternum ne présente aucune anormalité; les insertions costales ne mon-

trent aucune trace de rosaire rachitique.

Abdomen. - L'abdomen est légèrement proéminent : le patient est gros

mangeur et gros buveur ; ses fonctions digestives sont bonnes. L'estomac est

un peu dilaté et le foie déborde légèrement de l'arcade costale et sa marge

inférieure est un peu dure.

Tout cela est à'mettre en rapport avec l'alcoolisme et nous ne pûmes relever

aucun autre fait anormal. Les réflexes abdominaux et crémastériens sontvifs.

Organes génitaux. La région pubienne et le scrotum sont CO\1Vi'rts de

poils noirs touffus ; on n'observe pas de coussin adipeux pubien. Il y a dou-

ble hernie inguinale. La verge est parfaitement bien conformée, plutôt forte,

Ionique et avec une glande très développée ; les testicules sont très gros

(comme des grossps noix), celui de droite n'est pas complètement descendu

dans la bourse, mais on le palpe facilement à l'orifice inférieur du canal in-

guinal ; celui de gauche est normalement situé.

548 ETTORE LEV1

Les fonctions génitales sont encore actives ; l'érection se fait facilement

et est complète.

Les apparats musculaires du tronc et du bassin sont de tonicité et d'éner-

gie parfaitement normales.

Extrémités supérieures. - Il suffit de donner un coup d'ceil aux photogra-

phies pour constater que la longueur totale du bras est presque normale :

l'extrémité de la main arrive au tiers supérieur de la cuisse ; de même le déve-

loppement respectif du bras et de l'avant-bras est harmonique et correspond

en tout à celui de l'adulte normal. Il n'y a donc pas de micromélie totale,

ni ryzomélique. -

Les mains sont parfaitement conformées : les longueurs respectives des

doigts sont telles que chez un sujet normal ; aucune apparence de main car-

rée achondroplasique.

Le seul fait digne d'être mentionné est la déformation très nette des der-

nières phalanges des doigts qui ont l'aspect typique, en baguette de tambour.

La peau ne présente aux mains aucune anomalie ; elle est seulement

un peu flasque à leur surface dorsale. Les ongles ne présentent aucun signe

de dystrophie. ·

Les bras ne sont pas revêtus de gangue graisseuse ; le profil des muscles

est très bien dessiné. La tonicité musculaire est normale ; l'énergie musculaire

dans tous les mouvements est absolument remarquable; notre petit homme

est très fort et très fier de sa force. Tous ses mouvements sont vifs, prompts

et bien exécutés ; pas de tremblement des doigts malgré les habitudes

d'alcoolisme. Les réflexes cubitaux et radiaux sont très vifs en relation à ce

dernier fait.

Extrémités inférieures. Comme aux bras, les proportions des différents

segments sont parfaitements harmoniques. Le squelette ne présente le moin-

dre stigmate pathologique ; les épiphyses, de même qu'aux extrémités supé-

rieures, ne présentent aucune trace de rachitisme et la diaphyse tibiale est

parfaitement normale. 1 .

Le pied est svelte et allongé, les proportions des doigts sont normales, en

somme rien qui rappelle le pied carré des achondroplasiques.

Seul fait digne de mention : les trois orteils centraux ont des deux côtés

une. base d'implantation commune.

Le trophisme de la peau, des ongles et des tissus sous-cutanés est parfait;

les muscles très bien développés ne sont pas masqués par la graisse. Leur

énergie motrice est remarquable. Aucune incertitude ni lenteur dans les mou-

vements qui sont vifs et exacts. De même qu'aux extrémités supérieures on

n'a la moindre trace d'hypotonie articulaire des extrémités.

Les réflexes patellaires et achilléens sont légèrement exagérés en rapport à

l'alcoolisme ; pas de phénomènes cloniques. Les réflexes plantaires se font

normalement en flexion.

Déambulation. Parfaitement normale ; en toute condition l'équilibre est

parfait : le patient peut s'incliner profondément en avant sans que le poids

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Plwtut)1111 ! IItortlmu,l, l'un*

LA. MICROSOMIB ESSENTIELLE HÉRÉDO-rAMILIALE 549

de sa tête l'entraîne, comme c'était le cas chez le nain achondroplasique dont t

j'ai publié dans ce journal l'observation. 1

Examen de la sensibilité. - Rien subjectivement. L'examen objectif

montre que toutes les formes de sensibilité, superficielles et profondes, sont

intactes.

Examen électrique. - Rien d'anormal.

Examen des urines. Quantité : 450 grammes (urines de la nuit et du

matin). -

Couleur : jaune clair. '

Aspect : limpide. '

Densité : 1015.

Réaction : acide.

Acidité exprimée en H' S0 : 0.833 0/00.

Urée : 9.62 0/00.

Chlorures : 7.14 0/00.

Phosphates : Normaux quant à la quantité et quant à la proportion respec-

tive des phosphates terreux et alcalins.

Albumine, sucre et pigments biliaires : absents.

Créatinine : très abondante; elle donne une très légère réduction au Trom-

mer.

Acétone : absent. '

Urobiline : traces.

Indican et scatole : abondants.

Sédiment : rien d'anormal. ,

Deux examens successifs confirmèrent le premier.

Sé1'o-diagnostic de Wassermann (déviation du complément) : négatif pour

la syphilis.

Examen chromoctttomélrique du sang. Globules rouges : 5.000.000.

Leucocytes -.12. 000. Hémoglobine : 100.Valeurglobulaire : l . Rapport : 1 : 410.

Examen cytologique. Les globules rouges sont parfaitement normaux ;

pas d'anisocytose ni de poikylocytôse; pas de globules nucléés ni granuleux.

Leucocytes : polynucléaires neutrophiles : 52 0/0. Polynucléaires éosino-

philes : 2 0/0. Polynucléaires basopbiies : 0. Lymphocytes : 22 0/0. Grands

mononucléaires : 21 0/0. Formes de passage : 3 0/0.

Examen radio graphique (PI. LX, LX11). Nous avons radiographié le

crâne, les extrémités dans toutes les grandes articulations, les mams et les

pieds : tout reste du squelette a été examiné au radioscope, ce qu'on pou-

vait faire facilement et avec un résultat excellent, grâce à la ténuité des tissus

mous.

Les résultats de cet examen seront résumés comparativement aux autres

relatifs aux deux autres sujets étudiés à ce point de vue.

Observation II (PI. LVIL, LVIII).

Magro Giuseppe, âgé de 12 ans et 6 mois. Né à Randazzo (Sicile).

550 ETTORE ÏJLYI

Hauteur de la taille : 77 centimètres, poids du corps nu : 9 kil. 100. »

Antécédents héréditaires. - Notre sujet est le premier fils du nain qui a

fait l'objet de .l'observation précédente et à laquelle nous renvoyons le

lecteur pour tous les détails sur la famille.

Antécédents personnels. Notre petit sujet est né à terme après une gros-

sesse et un accouchement physiologiques ; il a été nourri par sa mère. A la

naissance il était d'une petitesse extrême; son développement successif a

été régulier sans arrêts, mais toujours, relatif ses minimales proportions

initiales. -

Il n'a jamais en la moindre maladie; il a parlé et marché très tôt et s'est

montré toujours extrêmement vif et intelligent, se faisant remarquer autant

par sa petite taille que par la vivacité de son esprit.

Il n'a fréquenté aucune école et n'a aucune connaissance d'aucun genre,

mais malgré ce défaut total d'éducation, il sait un tas de choses et est capable

de tenir tête en toute occation à tout enfant de son âge et même à beaucoup

d'adultes. Il suit toujours son père avec lequel il est exposé dans un ciné-

matographe. '

Il s'approche de l'âge pubéral, mais ne montre aucun réveil génital et les

caractères sexuels secondaires ne sont même pas ébauchés.

Examen objectif. Un coup d'oeil à sa photographie et au tableau des

mensurations sera suffisant à montrer que notre petit sujet, tout en étant

âgé de 12 ans et 6 mois est somatiquement développé comme un enfant de

2 à 4 ans à peine.

Psychiquement au contraire, il est très développé et même supérieur à

tout enfant de son âge n'ayant reçu, comme lui. aucune éducation.

Sans nous perdre dans les détails, nous invitons le lecteur à constater sur la

photographie que les proportions de son corps sont absoluments parfaites;

aucune trace de dystrophie des téguments : la peau est fine, lisse, sur toute

la surface du corps ; à la face, aucune trace de bouffissure ni de rugosité;

l'enfant n'a pas du tout l'air vieillot et son expression est extrêmement ani-

mée et intelligente.

Aucune trace de tumidité ni de bouffissure des tissus sous-cutanés ; le tissu

adipeux est bien développé mais pas surabondant ; les muscles sont tous très

bien dessinés et normalement toniques et énergiques.

Les caractères sexuels secondaires font totalement défaut et les organes gé-

nitaux son nettement hypotrophiques.

En somme ce cas nous représente une association de nanisme de très haut

degré (sans malformations d'aucune sorte) compliqué d'infantilisme purement

somatique.

Mensurations :

LA MICROSOMIE ESSENTIELLE II4 R1.D0-FAlILIALR 551

552 ETTORE LEVI

Crâne.- Le crâne de notre sujet est la reproduction parfaite en petites pro-

portions, de celui de son père ; il est seulement un peu plus proportionné au

corps. Ici aussi nous avons la prévalence du diamètre longitudinal, et le

développement relativement exagéré de l'os occipital ; ce qui est très visible

dans la photographie de profil.

Le nez présente aussi exactement la même déformation que chez le père :

seulement l'ossification des os du nez n'étant pas complète, on a ici un apla-

tissement de la racine qui n'existe pas chez le père. Les soudures crâniennes

sont normales et les fontanelles sont fermées ; la fontanelle centrale n'est

pas déprimée comme chez le père. Les cheveux sont abondants, blonds,soyeux,

pas trop fins ni facilement cassables ; les sourcils et les cils sont bien déve-

loppés, mais si clairs qu'on les voit à peine sur la photographie.

Le front est normalement conformé ; les arcades orbitaires sont déjà

saillantes, quoique le développement du crâne ne soit pas encore complet.

La peau du front et de la face est fine et en tout sens normale ; elle ne

présente aucune trace de rugosité.

Les tissus sous-cutanés ne sont aucunement imbibés ni bouffis.

L'expression de la physionomie est extrêmement vive et intelligente.

Tout est normal du côté des yeux qui ont été examinés à tout point de vue

par le spécialiste, professeur Casagli. La distance entre les angles internes des

deux yeux est de 4 millimètres supérieure à celle qu'on constate chez le père.

Le nez ensellé et aplati à sa racine est relevé à la pointe ; les narines sont

amplement dilatées.

M. le professeur Toti a bien voulu faire pour moi l'examen du nez, des

oreilles et du larynx : il n'a rien trouvé d'anormal du côté du nez ; l'oreille est

mieux conformée, plus finie, que chez le père, mais, comme chez celui-ci,

elle est relativement très grande : 5 centimètres de. hauteur. Les parties car-

tilagineuses en sont aussi excessivement fiasques. Le conduit auditif externe

présente les mêmes déformations que chez le père. L'ouïe est parfaite.

Le larynx est bien conformé, mais de type infantile indifférencié.

La voûte palatine est, comme chez le père, restreinte dans le sens latéral,

et la muqueuse qui la recouvre apparaît surabondante et plissée.

Les sens spécifiques sont tous normalement développés.

La dentition correspond à celle d'un enfant d'à peu près 8 ans ; notre sujet

a 20 dents de lait parfaitement conformées, et les premières 4 grosses molaires

permanentes, dont les deux supérieures, par défaut d'espace, sont dirigées en

dehors.

Toutes les dents sont très rapprochées entre elles par manque d'espace, en

conséquence de la susdite déformation du palais osseux.

Les lèvres sont fines et bien dessinées, légèrement entr'ouvertes; la lan-

gue est très allongée et fine, parfaitement mobile. Le voile du palais est nor-

malement mobile. Amygdales normales; pas d'hypertrophie de l'amygale

p6aryngiennne.

Le réflexe pharyngien est normal ; le massétérin est vif.

LA MIGROSOMIE ESSENTIELLE HÉRDO-FADIILfALE 553

La voix est aigre et dissonante; l'articulation de la parole parfaite, Dé-

glutition et mastication normales.

La mobilité de tous les muscles faciaux est normale : les troncs nerveux de

la Vlle paire ne sont pas hyperexcitables mécaniquement.

Le cou est allongé et plutôt maigre ; la glande thyroïde est palpable et

apparaît de proportions normales. Les glandes lymphatiques sont impalpables.

La mobilité de la tête est parfaitement normale.

Thorax. Le thorax est parfaitement développé ; pas de rosaire rachi-

tique. Aucune déviation du rachis ni dans le segment dorsal ni dans le seg-

ment lombaire.

La poitrine est bien développée ; les seins à peine dessinés ; les aréoles nor-

malement situées. Pas de poils sous les aisselles.

Coeur et poumons parfaitement normaux.

Par la percussion et par l'examen radioscopique on ne constate pas de per-

sistance thymique ni d'aplasie des grands vaisseaux.

Abdomen. -Le ventre est arrondi, mais à peine proéminent; la ligne qui

sépare le ventre de la région inguinale est très nettement dessinée. Les orga-

nes abdominaux, systématiquement examinés, sont tous normaux. Les fonc-

tions de la vie végétative parfaites ; notre petit sujet mange cependant très

peu. Les réflexes abdominaux sont normaux.

Organes sexuels. - La région pubienne est complètement glabre et plutôt

riche en graisse. La verge, bien conformée, est petite et correspond, comme

proportions, à celle d'un enfant de 4 ans. Le scrotum est de proportions mini-

males mais normalement conformé; on n'y palpe pas les testicules qu'on

cherche en vain aussi dans les conduits inguinaux ; cryptorcfidie bilatérale

Aucun signe de réveil sexuel.

Extrémités supérieures et inférieures. Les bras et les jambes sont de

proportions normales en rapport au tronc; de même les segments de. chaque

extrémité présentent des proportions physiologiques. Les épiphyses des os

longs ne présentent le moindre stigmate rachitique.

Les mains et les pieds sont parfaitement conformés, allongés et sveltes ;

elles ne présentent pas le type carré. Les doigts des mains sont,quoique moins

que chez le père, déformés à leur extrémité en baguette de tambour. Les

trois orteils centraux sont, comme chez le père, implantés sur une base com-

mune.

Aucun signe distrophique de la peau et des ongles.

Les bras et les jambes sont plutôt gras, mais le dessin des muscles est

bien visible.

La mobilité du tronc études extrémités est parfaitement normale ; l'éner-

gie musculaire que notre petit patient peut développer est remarquable.

Dans tous ces mouvements il est extrêmement vif et prompt ; il court et

saute comme un petit gymnaste.

Il n'y a pas la moindre trace d'hypotonie articulaire des extrémités, ni aux

grandes.articulations des membres, ni aux mains, ni aux pieds.

554 ETTORE LEVI '

Tous les réflexes tendineux aux extrémités supérieures et inférieures sont

.vifs et normaux ; le réflexe plantaire se fait normalement en flexion comme

chez l'adulte.

Examen de la sensibilité. - Rien subjectivement. Tout est normal à

l'examen objectif ; la sensibilité à toute forme de stimulation est partaite et

prompte.

Examen électrique. Rien d'anormal.

Examen des urines. - Quantité ! 350 gr. Couleur jaune paille. Aspect :

limpide. Densité : 1.026. Réaction : acide. ,correspondante à 1,176 0/00

d'il' SO'. Urée : 25,22 0/00. Chlorures : 14,28 oille. Phosphates : très

abondants mais en proportions relatives normales. - Albumine, acétone,

pigments biliaires et urobiline : absents. Sucre : absent, mais légère réduc-

tion au Trommer due à la grande abondance de créatinine.Indican et scatole :

très abondants ! Rien d'anormal dans le sédiment.

L'examen du sang n'a pu être fait, car nous ne pûmes persuader notre pe-

tit sujet même à se laisser piquer le doigt ; sur ce point il ne voulut absolu-

ment pas céder.

Examen radio graphique (PI. LXI, LXII). On radiographia le crâne et les

extrémités ; les résultats seront discutés plus tard. A l'examen radioscopique

tout le squelette pouvait être examiné avec une netteté admirable grâce au

peu d'épaisseur des parties molles. Nous ne constatâmes absolument rien

d'anormal.

Observation III (PI. LIX). -

Gazzano Domenico,âgé de 33 ans,né & Garescio(provineedeCuneo,Piémont).

Hauteur de la taille : 111 centimètres. Poids du corps nu : 25 kil.

Antécédents héréditaires. Les grands-parents paternels et maternels et

la mère étaient de taille normale et jouissaient d'une excellente santé.

Le père, au contraire, tout en étant fort et d'intelligence normale, était

de taille excessivement petite ; cet homme, à ce que nous dit notre patient,

était exactement de la même taille que lui , et comme lui présentait

une déformation du nez et des dernières phalanges des doigts ; il se maria

avec une femme normale; la mère de notre nain, qui ne fit pas de fausses

couclies, mit au monde 8 enfants, dont deux jumeaux qui moururent à

trois ans ; les 5 autres frères de notre nain sont tous de taille absolument

normale, intelligents et jouissent actuellement encore d'une excellente santé.

Dans le pays auquel appartient la famille Gazzano, on ne connaît pas

d'autres cas de nanisme, eu dehors du père de notre sujet ; nous devons

cependant faire remarquer que dans la région de Cuneo, région alpestre,

le crétinisme myxoedémateux est endémique.

Antécédents personnels. Notre sujet est venu au monde après une gros-

sesse et un accouchement physiologiques ; a ce qu'il nous dit, il aurait été à

sa naissance de taille normale, et dans les premières années de sou dévelop-

pement personnel on ne se serait pas aperçu que son développement fût

anormal ; on ne croyait pas,en conséquence, qu'il resterait comme son père

d'une taille tellement inférieure à la moyenne.

LA 111lCROSOMll<. : ESSENTIELLE HÉmÉDO-FAlIllLIALE judo

Il marcha et parla précocement et la dentition se fit normalement; il fré-

quenta les écoles inférieures, apprenant très facilement lire et à écrire

et se montrant excellent écolier; même, à cette époque, il aurait été de taille

normale.

Ce n'est qu'entre la 8° et la 10, année, toujours à ce qu'il nous dit, que

son développement en hauteur s'arrêta définitivement ; sa taille n'augmenta

plus, mais malgré cela son développement se fit normalement ; vers les 15 ans

le réveil sexuel était déjà complet et les caractères sexuels secondaires déjà

bien accentués. Dès la 16° année il commença à fréquenter les femmes

et l'accomplissement de l'acte sexuel se faisait fréquemment et normalement.

A 21 ans, il était un homme parfaitement conformé, fort, sain et gui, ne se

singularisant de ses.semblables que par l'extrême petitesse de sa taille qui le

rendait un objet de curiosité générale ; il exploita ce fait en se prêtant depuis

cette époque aux exhibitions foraines.

Il y a cinq ans, il se maria avec une femme de taille moyenne que nous avons

pu personnellement visiter et qui est à tout point de vue absolument normale ;

elle fut bientôt enceinte mais fit une fausse couche de 5 mois ; à la seconde

grossesse elle accoucha normalement d'une petite fille saine, qui a actuel-

lement 2 ans, qui est le portrait de son père et qui fera l'objet de l'observa-

tion suivante ; successivement notre ménage eut une autre lille qui a actuelle-

ment 6 mois, qui semble être normale, mais que nous n'avons pu voir, car elle

est en nourrice en Piémont.

Depuis quelques années notre nain abuse de boissons alcooliques ; en de-

hors de cela, il a toujours mené une vie régulière et n'a pas eu de maladies

vénériennes; il gagne la vie, pour lui et pour ses. enfants, en s'exhibant dans

les foires.

Examen objectif. En regardant la photographie le lecteur pourra aisé-

ment constater que notre patient représente un exemple des plus purs de

nanisme vrai ; la réduction de toutes les parties de son corps est si parfaite-

ment harmonique et proportionnée que, en ignorant sa taille, on pourrait par

la photographie le considérer comme un individu tout à fait normal. A ce

point de vue il est beaucoup plus typique que le sujet de notre première obser-

vation, dont l'aspect drôlatique évoque tout de suite l'image d'un gnome.

Notre sujet est au contraire un homme parfait à tout point de vue, com-

plètement développé, mais qui nous apparaît comme entrevu par le grand bout

d'une lorgnette (ici, plus qu'en tout autre cas, cette expression de M. Meige

nous paraît parfaite). Notre nain se différencie du sujet de notre première

observation par les proportions plus harmoniques du crâne qui est plus petit,

par le manque de toute sorte de rugosité de la peau du visage (il faut remar-

quer qu'il est de 16 ans moins âgé que l'autre liai ni et de toute trace d'obésité ;

toutes les lignes de son corps sont plus harmonieuses et ses muscles sont en-

core plus développés et mieux dessinés que chez le premier sujet.

Comme lui il présente des organes génitaux absolument normaux, et comme

lui il a un développement normal des poils aussi bien à la tête et au visage

556 6 ETT0RI5 LEVI

que sur le tronc ; comme lui encore, il ne présente ia moindre trace de bouf-

fissure et d'imbibition des tissus sous-cutanés.

Par deux points ces deux nains sont entre eux identiques ; ils présentent

.tous les deux l'identique déformation du nez qui rappelle le type eu lorgnette,

et de même notre sujet a, comme le premier, les dernières phalanges des doigts

déformées en baguette de tambour. Ces deux détails somatiques se corres-

pondent si parfaitement chez les deux individus qu'on serait tenté de les croire

appartenant à une même famille, cependant qu'ils proviennent de familles

différentes et de régions italiennes très éloignées entre elles.

Mensurations somatiques.

LA MICROSOMIE ESSENTIELLE HÉREDO-FAMIL1ALE 557

point de vue normale. De mémoire excellente, prompt à comprendre, toujours

calme et logique dans ses réponses, il donne l'impression d'un homme par-

faitement posé et équilibré. Il sait lire et écrire, conduit parfaitement les

affaires de son ménage ; il n'est ni vantard, ni menteur ni bouffon ; de ca-

ractère doux et point irritable, il est d'humeur sereine, ni gai ni triste. Il se

prête à toutes nos recherches avec beaucoup d'intérêt et ne se montre pas du

tout avide d'argent ; au contraire, très digue, il ne demande jamais rien et

se contente de ce qu'on lui donne.

Son. psychisme n'a rien d'infantile ; son développement intellectuel, en

tenant compte de l'éducation très relative, est parfait.

Examens locaux. - Crâne. La tête,vue de face,paraît absolument nor-

male ; en la regardant de profil on est au contraire tout de suite frappé de la

prévalence énorme du diamètre antéro-postérieur du crâne : l'os occipital est,

comme chez notre premier sujet, très saillant en arrière et donne à la partie

postérieure du crâne un aspect carré. ,

Les soudures crâniennes sont normales et l'occlusion des fontanelles n'a

pas laissé de traces anormales.

Les cheveux, châtains, sont touffus et de trophisme absolument normal ;

les cils et les sourcils sont abondamment fournis ; les moustaches sont fortes

et la barbe qui est rasée de près, paraît abondante et point clairsemée.

L'expression du visage est vive et intelligente ; la mimique très expres-

sive ; la mobilité des muscles faciaux absolument normale ; les trônes du

VIIe nerf ne sont pas hyperexcitables mécaniquement. ,

La peau du visage, légèrement tannée par le grand air, ne présente pas la

moindre rugosité, et les tissus sous-cutanés ne sont, en aucun point, ni

bouffis ni imbibés. La peau n'est point fine, ni trop dense, absolument nor-

male.

Les globes oculaires ne sont point saillants, très expressifs, normalement

mobiles. Les pupilles sont rondes et égales ; tous leurs réflexes sont normaux ;

le fond de l'oeil, examiné par le spécialiste, ne montre rien d'auormal. La

fonction visuelle est parfaite.

La conformation du nez est exactement la même que celle que nous avons

décrite chez notre premier nain ; le nez a le bout relevé, les narines sont

largement ouvertes ; la racine en est mince, bien dessinée, mais très peu re-

levée, comme cachée par les arcades orbitaires et formant avec le front un

angle relativement très aigu. L'examen du nez, par le spécialiste, n'a montré

rien d'anormal ; le sens olfactif est parfait.

L'oreille est, comme chez le premier nain, plutôt grande ; elle mesure en

hauteur 55 centimètres. Son dessin est normal.' Le spécialiste constate que

le conduit auditif externe est déformé exactement comme chez le premier

nain. L'ouïe est parfaite.

Les cartilages du pavillon de l'oreille sont très mous, défurmables comme

de la cire molle.

Bouche.- Les lèvres sont petites, fines, bien dessinées, poinientr'ouvertes

wu ii 37

5o8 ÈTTORÉ LEVI

ni retroussées. Les dénis appartiennent toutes à la seconde dentition et

sont bien conformées quoique très gâtées par le manque de tout soin ; elles

sont très rapprochées entre elles, mais de nombre normal. Le palais osseux

est, comme chez le premier nain, très rétréci dans son diamètre transversal,

mais à un degré moindre que dans le premier cas ; le palais n'est point ogival.

Le voile palatin est bien conforme ; le réflexe pharyngien est normal. Déglu-

tition et mastication normales. La langue est fine et allongée, parfaitement

mobile. Le larynx est parfaitement conformé, quoique petit, et est nette-

ment différencié ;

La voix est absolument normale et correspond comme tonalité à celle d'un

mâle adulte ; elle ne résonne jamais en fausset et n'a pas des tons aigres

comme chez le premier nain.

Cou. Le cou est allongé et rond. La glande thyroïde est facilement

palpable et paraît normalement développée. On ne palpe pas de glandes

lymphatiques tuméfiées. Les muscles du cou et de la nuque sont toniques et

forts.

Thorax. - La poitrine est parfaitement conformée, très ample, avec des

mamelles bien dessinées, à aréoles normalement situées ; le thorax est plutôt

maigre mais très musclé. Le rachis ne présente pas la moindre déviation ni

dorsale ni lombaire ; tous les muscles du tronc sont très développés et don-

nent au sujet une agilité remarquable.

L'examen des poumons et du coeur nous fait constater un état parfaitement

physiologique. La percussion de la région sternale supérieure et l'inspection

radioscopique de cette même région ne donnent aucun symptôme qui dépose

pour la persistance du thymus. Aux aisselles les poils sont très touffus ; la

surface antérieure du thorax présente aussi des poils assez abondants.

Abdomen. - Le ventre est arrondi, à peine un peu proéminent ; tous les

organes abdominaux sont dans leurs limites normales et les fonctions végé-

tatives sont parfaites.

Rien du côté des sphincters. L'intestin est parfaitement réglé. Les réflexes

abdominaux supérieurs et inférieurs sont normaux. La tonalité et l'énergie

des muscles abdominaux sont parfaites.

Organes génitaux. La verge parfaitement conformée, plutôt grande,

présente une tonicité normale. Le scrotum,d'aspect normal, contient les deux

testicules qui ont les proportions et la consistance de ceux d'un mâle adulte

normal. Les réflexes crémastériens sont vifs. Les érections se font normale-

ment et fréquemment et le sujet a, avec sa femme, des contacts réguliers.

On constate, comme chez le premier nain, une hernie inguinale bila-

térale.

. Extrémités supérieures el inférieures.

Encore plus que chez notre premier nain, nous remarquons dans ce cas

les proportions absolument normales des membres par rapport au tronc, et

des différents segments des membres entre eux. L'harmonie des formes est

dans ce cas plus évidente, car dans le premier cas le ventre assez proéminent t

NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALl'ETRILRE.

1. XXIII. PI. LXIII

MICROSOMIE ESSENTIELLE

(Etloic Levi)

LA MICROSOttlË ESSENTIELLE HÉRËDO-PAMiLlALË 559

fait paraître les membres plus minces qu'ils ne sont, cependant que chez

ce dernier sujet, cette cause de manque d'harmonie somatique n'existe

pas.

Le squelette des membres ne présente pas la moindre déformation rachiti-

que ; les pieds et les mains sont sveltes et allongés et ne rappellent d'aucune

façon les mains et les pieds carrés des achondropiasiques.

Dans ce cas, comme chez notre premier nain, les dernières phalanges

des doigts sont déformées en baguette de tambour ; aux pieds aucune défor-

mation :

La surface cutanée est aux extrémités partout normale ; la peau est recou- '

verte de poils assez abondants à la surface dorsale des avant-bras et des

jambes.

Les tissus adipeux très réduits ne cachent aucunement le dessin des mus-

cles qui paraissent très bien conformés ; leur tonicité et leur énergie motrice

sont absolument normales ; notre sujet exécute tout mouvement avec une

grande agilité : c'est un cycliste consommé.

Les réflexes patellaires et achilléens sont très vifs ; le réflexe plantaire se

fait normalement en flexion.

La démarche est parfaitement normale.

Sensibilité. Rien subjectivement. L'examen objectif montre que toutes

les formes de sensibilité superficielle et profonde sont normales.

Examens spéciaux. -La séro-réaction de Wassermann (déviation du com-

plément) pratiquée sur le sérum sanguin par la méthode classique, donne un

résultat absolument négatif pour la syphilis.

Examen des urines. - Quantité : 400 grammes. Couleur : jaune paille.

Aspect : limpide. Densité : 1.012. Réaction : acide, correspondant Ù 1,3ï 0/00

de H'SO4. Urée : 9. 7 0/00. Chlorures 5.0/00. Phosphate : très abondants

1, 7 0/00, mais en proportions relativement normales. Albumine, acétone, pig-

ments biliaires et urobiline : absents. Sucre : absent, mais on a une réduc-

tion nette au Trommer due à la grande abondance de créatinine. Indican et

scatol : traces. Indoxile rouge : traces nettes. Sédiment : nul élément patho-

logique...... '

Examen du sang. - Globules rouges : .4.800.000. Leucocytes : 9. 200.

Hémoglobine : 98. Rapport globulaire : 1 : 521. Valeur globulaire : 1.

Examen cytologique. Les globule ? rouges sont parfaitement normaux,

pas d'anisocytose, ni de poïkilocytose ; pas de globules nucléés ni granuleux.

Leucocytes : polynucléaires neutrophiles 56 0/0 ; polynucléaires éosinophi-

les 0/0 ; polynucléaires basophiles 1 0/0 ; lymphocytes 21 0/0 ; grands

mononucléaires 15 0/0 ; forme de passage 3 0/0.

Examen électrique. - Résultat normal...

Examen radio graphique (PI. LXIII). -, Les résultats seront exposés

plus bas. , .

..Observation IV.

Alessandriua Gazzano, âgée de 22 mois, fille de notre troisième sujet.

Nous parlerons très brièvement de ce cas, car le très jeune âge de cette

560 ETTORE LEVI

enfant ne nous permet aucune affirmation absolue sur la nature de l'arrêt

de développement qui semble être en train de se manifester chez elle.

Elle est fille du nain qui a été l'objet de l'observation précédente et porte

l'empreinte de sa paternité dans une déformation du nez qui est identique à

celle que nous avons décrite chez son père; sa mère est, comme nous l'avons

déjà dit, une femme de taille et de constitulion tout à fait normales.

La petite est née à terme après une grossesse et un accouchement phy-

siologiques ; à sa naissance elle semblait saine mais très petite; elle ne pe-

sait que 2 kilos. Elle fut élevée au sein par une nourrice mercenaire et, tout

en restant plus petite que la moyenne des enfants de son âge, elle se développa

normalement, n'ayant souffert .d'aucune maladie; elle a toujours été très

vive et intelligente.

'Etat actuel. Nous regrettons de ne pouvoir donner la photographie de

cette enfant, mais tous nos essais ont échoué contre ses rébellions.

La petite Alexandrine nous apparaît comme une enfant normalement déve-

loppée, quoiqu'elle ne paraisse pas plus d'un an ; elle a l'air un peu chétif sans

toutefois montrer un aspect vraiment maladif.

Le seul détail somatique qui est très caractéristique est la déformation de

son nez qui est tout à fait aplati à sa racine, et très dilaté à la base ; son as-

pect est identique à celui que nons avons constaté chez le sujet de notre obser-

vation II, un enfant chez lequel aussi, l'ossification des os du nez n'étant pas

complète, l'aspect de cet organe n'est pas identique à celui du père tout en

le rappelant beaucoup.

La conformation du crâne rappellé aussi, malgré son incomplète formation,

le type que nous avons décrit chez tous nos autres sujets et qui est caractérisé

par la prévalence du diamètre antéro-postérieur et par la proéminence de l'os

occipital.

Notre enfant, actuellement âgée de 22 mois, pèse 5 kilos exactement et sa

taille mesure 54 centimètres.

LA MICR0S0M1E ESSENTIELLE HÉRÉDO-FAMLLlALE 561

SOCIÉTÉ DE NEUROLOGIE DE PARIS

(Séance du 30 juin 1910).

ÉTUDES SUR LES NEUFS CILIAIRES

PAR

' - ANDRÉ-THOMAS

(Travaux du laboratoire du P' Dejerine, à la Salpêtrière).

I. ORIGINE DES COURTS nerfs ciliaires chez L'HOMME.

Le ganglion ciliaire, situé sur le bord externe du nerf optique, reçoit

par son pôle central trois racines qui lui viennent du moteur oculaire

commun (généralement par l'intermédiaire de la branche du petit oblique),

de la branche ophtalmique du trijumeau (nerf nasal) et enfin du sympa-

thique (par un filet qui se détache du plexus carotidien). De son pôle pé-

riphérique partent les courts nerfs ciliaires, qui suivent le nerf optique

dans une atmosphère cellulo-graisseuse jusqu'à sa pénétration dans le

globe oculaire : au-delà ils perforent la sclérotique et se rendent au mus-

cle ciliaire, à l'iris et à la cornée auxquels ils sont destinés, après avoir

cheminé entre la sclérotique et la choroïde.

La racine que lui fournil le trijumeau est considérée comme une racine

sensitive, et celle qui lui vient de l'oculo-moteur comme une racine mo-

trice..

Les avis sont loin d'être unanimes sur les rapports des noyaux de l'o-

culo-moteur commun et des ganglions ciliaires avec les nerfs ciliaires,

c'est-à-dire sur l'origine des fibres qui innervent le muscle ciliaire et le

muscle irien.

Ayant l'intention de reprendre dans un travail d'ensemble cette ques-

tion si intéressante de l'innervation de l'iris et de l'anatomo-physiologie

du ganglion ciliaire, et ayant surtout ici pour but de mettre seulement en

évidence les résultats d'un simple examen anatomique, je m'abstiens d'é-

tudier dans leurs détails les travaux antérieurs - d'autant plus que la

plupart ont pour base l'anatomie et la physiologie expérimentales - et

je me borne à rappeler les principales opinions en cours sur les rapports

des noyaux de la IIIe paire avec les nerfs ciliaires.

Dans la plupart des ouvrages classiques, on décrit au chapitre des ori-

gines réelles de l'oculo-moteur commun des noyaux distincts pour les

ÉTUDES SUR LES NERFS CIL111LtES 563

divers muscles de l'oeil. Ces noyaux sont distribués de chaque côté sous

le plancher de l'aqueduc de Sylvius : les deux noyaux les plus antérieurs

sont considérés comme les centres des mouvements de l'iris et du muscle

ciliaire (centre photo-moteur et centre accommodateur). En réalité, la situa-

tion exacte de ces deux derniers centres n'est pas encore très bien déli-

mitée ; mais peu importe, il est nettement établi qu'aux confins de l'ex-

trémité antérieure de l'aqueduc de Sylvius ou de l'extrémité postérieure

du IIIe ventricule, il existe des centres qui fournissent des fibres distinctes

à l'iris et au muscle ciliaire, et ces fibres se trouvent comprises dans la

III" paire.

. Se rendent-elles directement aux muscles iriens et au muscle ciliaire,

en traversant simplement le ganglion ciliaire, ou bien s'arrêtent-elles dans

ce dernier autour de cellules, qui â leur tour servent d'origine aux nerfs

ciliaires ?

Tandis que le plus grand nombre des auteurs, qui se sont occupés de

cette question, admettent avec Leneley,Anderson et Langendorf, Kôlliker, z

etc., que les fibres du sphincter irien et du muscle ciliaire prennent leur

origine clans leganglion ciliaire, opinion confirmée parles recherches ex-

périmentales d'Apollant, Lodato, lllarina,etc.,Bernheimer est arrivé, éga-

lement par la voie expérimentale, à des conclusions inverses : les fibres

motrices des nerfs ciliaires proviennent directement de l'extrémité anté-

rieure du noyau de la Ille paire.

Ayant pratiqué récemment l'autopsie d'une tabétique chez laquelle les

paralysies oculaires étaient très accentuées j'ai saisi l'occasion de faire un

examen histologique complet des nerfs ciliaires, du ganglion ciliaire, de

la IIIe paire et du trijumeau ainsi que du ganglion de Gasser.

La malade est morte à l'âge de 55 ans, après avoir présenté la plupart

des symptômes de la maladie de Duchenne ; l'ataxie était extrêmement

prononcée et avait atteint, de' même que l'atrophie musculaire et l'hypo-

tonie, les quatre membres : elle avait également envahi la face. Dans les

dernières années la malade était réduite à une impotence complète et

restait confinée au lit. Les troubles de la sensibilité profonde étaient ex-

trêmement accusés. Abolition des réflexes, signe d'Argyll Robertson, puis

abolition du réflexe à la convergence. Mydriase. Troubles sphinctériens.

Douleurs fulgurantes, crises gastriques. Affaiblissement de la vue, dimi-

nution de l'acuité visuelle surtout à gauche, etc. Dans les dernières années,

elle était atteinte d'une paralysie bilatérale de la IIIe paire, plus marquée

à gauche qu'à droite. Crises laryngées, paralysie des crico-aryténoïdiens

postérieurs. Paralysie des masticateurs. Dès l'atâe de 30 ans elle avait été

frappée d'une paralysie transitoire delà 111° paire du côté gauche. L'affec-

tion avait débuté à t'age de 22 ans par des crises gastriques, les douleurs

fulgurantes apparurent à t'age de 26 ans : la malade gardait le litdepuis

50.4 ANDRÉ-THOMAS

t'age de 28 ans. Mariée à 18 ans, elle n'a eu qu'un enfant qui n'a vécu

que treize jours et est mort dans les convulsions. Son mari est mort jeune,

de la poitrine.

A l'autopsie il existait une sclérose des cordons postérieurs extrême-

ment prononcée ; l'examen de la moelle, des racines et des ganglions n'a

pas encore été fait.

Les nerfs optiques étaient manifestement atrophiés de même que les

nerfs de la IIIe paire.

Examen Ao/oMs ? Le moteur oculaire commun gauche a été dis-

séqué sur tout son trajet dans le sinus caverneux et coloré par l'acide os-

mique el le picro-carmin. Le ganglion ciliaire avec les courts nerfs ciliaires

(jusqu'à leur pénétration dans la sclérotique) et ses racines, le nasal elles

longs nerfs ciliaires,les rameaux du moteur-oculaire commun ont été fixés

ensemble par l'acide osmique. Il a été fait de même pour le ganglion de

Gasscr.

La portion de la Ille paire, comprise dans le sinus caverneux, a été

coupée entièrement en coupes longi 1 udinales,après incl usion la paraffine.

Quelques coupes transversales ont été faites aux deux extrémités.

L'ensemble des nerfs ciliaires,du ganglion ciliaire du nasal, des rameaux

de la IIIe paire, des racines du ganglion ciliaire jusqu'à leur coalescence

avec leur branche d'origine, a été débité en coupes transversales sériées,

après inclusion à la paraffine, ce qui représente un total de près de

2.000 coupes.

Le ganglion de Gasser a été débile en coupes longitudinales sériées.

Des coupes ont été faites également sur la portion de la IIIe paire com-

prise entre le trajet dure-mérien et l'origine apparente. Elles ont été

colorées par l 'hématoxy 1 i ne-éosi ne.

Nerfs ciliaires. Les courts nerfs ciliaires sont très bien colorés par

l'acide osmique, il n'existe pas de dégénérescence (PI. LXIV, D. F). Il en

est d'ailleurs de même des longs nerfs ciliaires.

Ganglion ciliaire. - Les cellules apparaissent dans les nerfs ciliaires

avant que le ganglion ciliaire ne soit définitivement constitué. A mesure

qu'on examine des coupes de plus en plus rapprochées du pôle central du

ganglion, les fibres à myéline diminuent, surtout dans la moitié du gan-

glion qui se continue plus haut avec la racine motrice de la IIIe paire.

Les cellules paraissent aussi nombreuses qu'à l'état normal (PI. LXIV, C).

A l'extrémité supérieure du gang) ion, la racine sensitive n'est nullement t

dégénérée, et toutes les fibres sont intensivement colorées par l'acide osmi-

que : au contraire, dans la racine motrice (PI. LXIV, E), il existe un très

grand nombre dégaines vides, mais on voit encore un certain nombre de

gaines colorées par l'acide osmique.

\OLVfLLP I(.OISOGRAl'I11C DE la SAi,i)ÉrRII RL.

'I'. XXIII. PI. LXIV

ORIGINE DES NERFS CILIAIRES.

(Al1d ? Thomas).

Masson & Ce, Edite11l5.

l'hOlutV¡W HI'I th,l1Hl, P;III

Nouvelle ICONOGRAPHIL DE la SALPÊTRIÈRE. T. XXIII. 1'1. LX\'

ORIGINE DES NEUFS CILIAIRES.

. (André Thomas).

Masson & Cie, Iditcllr<;.

ÉTUDES SUR LES NERFS CILIAIRES 5(j1)

En suivant sur les coupes sériées la racine motrice jusqu'à sa coales-

cence avec la IIIe paire (PI. LXIV, A), on constate la présence d'un cer-

tain nombre de cellules ganglionnaires ; on en rencontre encore dans le

rameau de la IIIe paire qui reçoit cette racine. Mais au sur et à mesure

que les cellules diminuent, les fibres saines diminuent également.

La racine motrice est représentée par un faisceau principal et par plu-

sieurs petits fascicules accessoires : tous sont dégénérés, les fibres saines y

sont très rares (PI. LXIV, E).

A la limite supérieure du ganglion on distingue un petit filet nerveux

qui se dirige vers les artères ciliaires et qui est vraisemblablement la

racine sympathique; la plupart des fibres sont colorées par l'acide osmique ;

il existe cependan^quelques gaines vides.

Moteur oculaire commun et ses branches. Les branches sont extrê-

mement dégénérées et ne contiennent que quelques rares fibres saines.

Il en est de môme du tronc de la IIIe paire au niveau du sinus caverneux

(PI. LXIV, B) ; en outre, sur un espace assez limité de cette portion, au

delà du cul-de-sac arachnoïdo-dure-mérien, le nerf est cloisonné par des

bandes fibreuses, centrées par des vaisseaux à paroi épaissie, mais il ne

semble pas qu'il y ait une prolifération de tissu conjonctif entre les

éléments nerveux (PI. LXV, I). L'arachnoïde est épaissie. L'aspect est

très comparable à celui qui est décrit par Vincent (dans sa thèse, 4910)

dans un cas semblable.

La-dégénérescence du nerf peut être suivie dans la cavité sous-arachnoï-

dienne, et s'atténue progressivement en remontant vers l'émergence du

sillon interpédonculaire.

Trijumeau et ganglion de Gasser. Le bout central de la racine sen-

sitive du trijumeau est complètement dégénéré (PI. LXV, G). La racine

motrice est très dégénérée au niveau du cul-de-sac dure-mérien (PI. LXV,

II) : les fibres se dépouillent brusquement de leur gaine de myéline ; la dé-

générescence peut être poursuiviejusquedans le nerf. Le pôle central du

ganglion de Gasser est creusé de fissures qui ont respecté les cellules ner-

veuses : le bout périphérique de la racine sensitive n'est pas dégénéré.

Conclusions. De l'intégrité des courts nerfs ciliaires, comparée à la

dégénérescence si marquée de la IIIe paire, on est en droit de déduire que

les courts nerfs ciliaires prennent leur origine dans le ganglion ciliaire et

non dans les noyaux mésencéphaliques de la IIIe paire, sinon ils seraient

dégénérés.

De même, si on rapproche la dégénérescence très marquée de la racine

motrice du trijumeau de l'intégrité de la racine dite sensitive du ganglion

ciliaire, on ne peut que confirmer l'opinion classique d'après laquelle la ra-

cine fournie au ganglion ciliaire par le trijumeau est formée défibres centri-

pètes et qu'aucune d'elles. ne provient de la racine motrice du même nerf.

566 ANDRÉ-THOMAS

Il. LES nerfs ciliaires ET LE signe D'ARGYLL-ROBERTSON.

La pathogénie du signe d'Argyll-Robertson est encore très obscure, et

nous possédons à ce sujet plus d'hypothèses que de faits positifs. La lésion

dont il dépend est complètement ignorée.

Autrefois on examinait surtout les voies optiques, mais l'impossibilité

d'établir un rapport constant entre les troubles visuels et l'état du réflexe

photo-moteur a fait abandonner cette théorie. Plus récemment, à la suite

des travaux de Marina,-on tend à localiser dans le ganglion ciliaire ou les

nerfs ciliaires la lésion qui donne lieu au signe d'Argyll-Robertson ; dans

quelques cas de tabes, Marina a trouvé en effet une diminution dans le

nombre des cellules du ganglion ophtalmique, mais la principale altéra-

tion consisterait dans la dégénérescence chromatolytique de la plupart des

cellules, les cellules normales seraient en très petit nombre. En outre les

nerfs ciliaires étaient altérés dans presque tous les cas de tabes et de para-

]ysiegénéra)e,)orsque)a réaction pupillaire à la lumière faisait défaut.Les

nerfs ciliaires longs étaient le plus souvent normaux et les racines du gan-

glion ciliaire ne présentaient jamais rien d'anormal. Dupuy-Dutemps (1),

qui a le premier insisté sur l'atrophie de l'iris au cours du tabes et de la

paralysie générale et sur ses rapports avec l'irrégularité et les troubles

réflexes de la pupille, suppose que cette atrophie dépend d'un trouble tro-

phique consécutif à des altérations très lentes des nerfs ciliaires, et que

le trouble du réflexe photo-moteur est dû vraisemblablement aux mêmes

lésions.

Les autopsies de tabes avec signe d'Argyll-Robertson pur - c'est-à-

dire la perte du réflexe lumineux avec conservation du réflexe à la conver-

gence sont rares, car il est assez fréquent qu'après quelques années de

maladie la perte du réflexe à la convergence vienne s'ajouter à la perte

du réflexe photo-moteur : beaucoup plus rares celles qui ont été suivies

d'un examen histologique complet des voies centripètes et centrifuges des

réflexes pupillaires.

J'ai eu l'occasion de pratiquer dans ces dernières années deux autop-

sies de tabes fruste avec signe d'Argyll-Robertson pur, vérifié peu de jours

avant l'autopsie, quatre jours dans un cas. Dans ces deux cas j'ai étudié

les ganglions et les nerfs ciliaires, et ce sont les résultats de ces examens

qui font le sujet du présent travail. J'ai examiné également les nerfs et les

ganglions ciliaires dans.un troisième cas de tabes, mais il s'agissait d'un

tabes beaucoup plus avancé, avec des troubles visuels très prononcés, et

je ne puis garantir que seul le réflexe photo-moteur ait disparu. '

(1) Dupuy-DUTE.)IPS, Sur une forme spéciale d'atrophie de l'iris au cours du labes et de

la paralysie générale. Ses rapports avec l irrégularité cl les troubles réflexes de la pupille.

Annales d'Oculistique, septembre 1905.

NOU'LLLE Iconographie DE la Salpltrili

'l'. Y\111. Pl. L\\'I

LES NERFS CILIAIRES ET LE SIGNE D'ARGYLL RO)3ER'l'SOT.

))'f'77M ?

Masson 8& CIC, l{t.teurs.

l'II(.I.,I}II\C \1.-1111111111, ('¡trIS

Nouvelle Iconographie DE la S.1.1'ÉIRIÈRE. T. XX ! H. P).LX\']j

LES NERFS CILIAIRES ET LE SIGNE D'ARGYLL R013EI(TO.

(André Thomas).

Cas I.

Masson & Cie, Éditeurs.

lmlil)ylr Ilnrlilllli ? 9n !

ÉTUDES SUit LES NERFS CILIAIRES 567

Observation I

Cette observation a été déjà partiellement publiée (1 ),elle concerne une malade

âgée de 55 ans, atteinte de névrite ascendante, chez laquelle les réflexes achil-

léens étaient abolis, tandis que les patellaires étaient conservés, les pupilles

étaient en myosis et na réagissaient pas à la lumière, mais très bien à la conver-

gence. L'examen histologique de la moelle (des coupes ont été prélevées sur

tous les segments et colorées par la méthode de Pal) ont confirmé le diagnostic

de tabes : les lésions sont limitées aux cordons postérieurs, et sur presque toute

la hauteur elles ne débordent pas la bandelette externe, ce sont les lésions du

tab'es incipiens. Ce n'est guère qu'au niveau de la 7e et de la 6e racines cervi-

cales (racines correspondant à la névrite ascendante) que les dégénérescences

prennent une plus grande extension. L'examen des pupilles pratiqué quatre

jours avant la mort donne les résultats suivants : pas d'inégalité pupillaire

mais irrégularités (encoche en haut et en dedans pour la pupille droite, enco-

che en bas et en dedans pour la pupille gauche), conservation des plis radiés

de l'iris; réflexe à la lumière aboli, réflexe à la convergence conservé, réflexe

consensuel aboli.

Examen histologique. - D'un côté les nerfs ciliaires avec les ganglions et

les racines ont été imprégnés par la méthode de l'argent réduit de Ramon y

Cajal ; de l'autre la coloration a été faite par l'acide osmique et le picro-carmin.

a) Examen par l'argent. Le ganglion ciliaire ne présente aucune diffé-

rence avec un ganglion normal, traité par la même méthode. Celle-ci permet

de voir-admirablement la morphologie des cellules nerveuses, qui pour la

plupart, par la richesse des expansions protoplasmiques et de leurs arborisa-

tions, se comportent comme des cellules sympathiques (PI. LXVI, B et LXVII,

C) : les cylindres axes sont également bien colorés. Il n'existe pas de lésion

interstitielle. Sur les coupes passant par le pôle périphérique du ganglion ou

par les nerfs ciliaires, à leur émergence (PI. LXVII, D), les fibres sont très

bien conservées, les cylindres-axes réguliers.

Les coupes transversales des courts nerfs ciliaires entre le ganglion et leur

pénétration dans la sclérotique sont malheureusement moins bien imprégnées,

mais celles qui se prêtent l'examen des libres ne présentent rien d'anormal.

Nulle part on ne découvre de foyer inflammatoire en voie d'évolution ou à

l'état de cicatrisation.

Les racines du ganglion sont normales (PI. LXVI, A), de même que toutes

les branches de la IIIe paire comprises dans les coupes, en particulier celle

dont provient la racine motrice du ganglion ciliaire. ,

Les longs nerfs ciliaires sont normaux. Le nerf optique dont les imprégna-

tions ont très bien réussi n'est pas sensiblement altéré, peut-être les cloisons

sont-elles légèrement épaissies à la périphérie ? : '

(1) J. DEJEUNE et ANI11S-T1f011A5, Contribution ri l'étude anatolllo-pathologique de la né-

vrite ascendante (à propos d'un cas suivi d'autopsie). Société de Neurologie, avril t909.

568 ' ANDRÉ-THOMAS

b) Examen par l'acide osmique et le picro-carmin. - Aucune altération du

ganglion ciliaire, de ses racines, de la Ille paire, des nerfs ciliaires, jusqu'à

leur pénétration dans la sclérotique. Peut-être la zone marginale du nerf opti-

que est-elle un peu moins bien colorée que la reste de la coupe. Le tissu sous-

pie-mérien du chiasma est légèrement épaissi, les vaisseaux méningés sont

légèrement sclérosés, autour de quelques-uns on voit des lymphocytes.

Sur les coupes les bandelettes optiques paraissent normales ; les diverses

couches myéliniques du tubercule quadrijumeau antérieur paraissent assez mal

colorées (méthode de Pal), mais les coupes ne sont pas assez fines pour qu'on

puisse en tirer une conclusion ferme sur l'état des libres et des cellules.

' Observation II.

Elle concerne une femme âgée de 36 ans qui est entrée à l'hospice de la Sal-

pêtrière dans le service du professeur Dejerine pour une attaque d'hémiplégie

droite avec aphasie, remontant une quinzaine de jours ; pendant son séjour

dans le service, un nouvel ictus, à la suite duquel l'hémiplégie devient com-

plète, l'aphasie totale. Les réflexes tendineux du membre supérieur droit

étaient exagérés, ceux du membre supérieur gauche normaux. Les réflexes

tendineux des membres inférieurs (rotuliens, achilléens) étaient abolis. De plus

il existait un signe d'Argyll-Robertson bilatéral.

La malade a succombé quelques semaines après son entrée dans le service,

malgré un traitement par les frictions mercurielles.

A l'autopsie, on constate plusieurs foyers de ramollissement dans t'hémi-

sphère cérébral gauche. L'examen histologique de la moelle montre les lésions

classiques du tabes incipiens : les coupes sont figurées dans notre Traité des

maladies de la moelle épinière, en collaboration avec le professeur Dejerine

(Voy. fig. 306 à 319, p. 621 à 627).

Dans ce cas un seul ganglion ciliaire, avec les nerfs ciliaires (à leur origine)

et les racines, a été examiné après imprégnation par l'argent réduit. Bien que

l'imprégnation n'ait pas été aussi satisfaisante que dans le cas précédent, elle

est cependant suffisante pour affirmer l'absence de dégénération dans les nerfs

ciliaires et les racines du ganglion ciliaire ; par contre, elle ne permet pas d'ap-

précier complèlement l'état des cellules. Les longs nerfs ciliaires n'ont pas été

examinés.

Les nerfs optiques sont normaux de même que les bandelettes et le chiasma.

Les coupes des tubercules quadrijumeaux colorées par la méthode de Marchi

ne laissent voir aucune lésion importante. Peut-être les libres à myéline des

diverses couches y sont-elles moins nombreuses ? On ne peut rien affirmer de

précis. Les nerfs optiques sont normaux.

Observation III.

La malade, âgée de 69 ans, à son entrée dans le service du professeur De-

jerine (1907), éprouvait de la difficulté à marcher depuis une dizaine d'années.

Elle aurait eu également de la diplopie il y a 5 ans. Depuis deux ans elle était

atteinte d'hémiplégie droite. On constatait chez elle, outre les signes de l'hé-

. ÉTUDES SUR LES NERFS CILIAIRES 569

nnptégie, l'abolition des réflexes tendineux aux membres inférieurs, le signe

de Romberg, les troubles sphinctériens, l'ataxie des membres inférieurs. La

vue avait beaucoup baissé depuis son entrée à l'hôpital, du fait de l'atrophie

papillaire et aussi d'une cataracte bilatérale. Les pupilles étaient en myosis et

ne réagissaient pas à la lumière, mais déjà avant que les troubles visuels ne

fussent très accusés.

Elle est morte dans la démence et le gâtisme en 1908.

Le diagnostic de tabes a été vérifié à l'autopsie.

D'un côté, les nerfs ciliaires, le ganglion ciliaire et les racines ont été impré-

gnés par l'argent réduit. Sur les coupes très bien imprégnées, les nerfs

ciliaires sont absolument intacts, de même le ganglion : peut-être manque-t-il

quelques rares fibres dans la racine sympathique et dans la racine sensitive ?

en tout cas la différence avec la normale est à peine appréciable.

Le ganglion de l'autre côté a été fixé par le sublimé osmique et coloré ensuite

par le carmin. Dans les nerfs ciliaires, il n'y a qu'un très petit fascicule dans

lequel les noyaux soient un peu plus nombreux, et quelques fibres absentes,

mais tous les autres fascicules peuvent être considérés comme normaux.

Les cellules du ganglion ciliaire ne présentent aucune altération, de même

que les racines. Sur les coupes de la IIIe paire, dans son trajet intracranien

quelques très rares libres paraissent manquer.

Les nerfs optiques et le chiasma sont extrêmement dégénérés.

De ces trois observations, la première est la plus complète et la plus

démonstrative, et à elle seule elle prouve que le signe d'Argyll-Robertson

peut exister au cours du tabes, sans qu'il existe de dégénérescence dans

les courts nerfs ciliaires, dans le ganglion ciliaire et dans les racines que

ce dernier reçoit du moteur oculaire commun, du trijumeau et du sym-

pathique. Les deux autres observations nous amènent aux mêmes conclu-

sions. Dans ces trois cas il n'a pas été fait d'examen systématique de la

IIIe paire sur tout son trajet et nous ne pouvons affirmer qu'elle est in-

demne de toute lésion.

Nous n'avons-pas examiné les ganglions ciliaires par la méthode de Nissl,

et on pourrait objecter que nous ne pouvons conclure à l'intégrité des

cellules. Les méthodes que nous avons employées nous paraissent cepen-

dant suffisantes, et il serait bien surprenant que les lésions susceptibles

de produire le signe d'Argyll,et remontant généralement plusieurs mois

ou plusieurs années, ne puissent être décelées que par la méthode de Nissl.

Déplus, l'estimation exacte des éléments colorés par cette méthode est bien

difficile lorsqu'il s'agit de cellules des ganglions.

Si de ces trois observations on peut conclure que le signe d'Argyll-

Robertson peut se manifester sans qu'il existe de lésions dans le

ganglion ciliaire, dans ses racines et dans les courts nerfs ciliaires jus-

570 ÀNbRÉ-THOMA '

qu'à leur pénétration dans la sclérotique, on n'est pas en droit d'exclure

complètement les nerfs ciliaires de la pathogénie du signe d'Argyll-Ro-

bertson, puisque ces nerfs n'ont pas été examinés dans toute cette partie

de leur trajet'qui s'étend d"l'uis' leur traversée de la sclérotique jusqu'à

leur terminaison dans l'iris.

hOSPICE DE BlCLTI3É'

Travail DU SERVICE DE 111. LE DOCTEUR NAGE01'TE

LA BRACHYMÉLIE MÉTAPODIALE CONGÉNITALE

(Suite).

PAR R

PAUL CHEVALLIER

-

Brachymélie métapodiale pure.

Résumé synthétique.

La brachymélie métapodiale peut être acquise : elle débute alors insi-

dieusement dans les trois premières années de la vie (Cange, Markeloff,

Steinberg) ; elle suit la variole (Gange, Markeloff) ou un traumatisme

(Steinberg) ; la lésion métacarpienne est pure, ou associée à d'autres défor-

mations osseuses d'apparition contemporaine. ,

D'une manière générale, cette forme acquise a un caractère moins « ré-

gulier » que la forme congénitale ; mais entre l'une et l'autre affection il

n'y a aucune différence essentielle, aucune différence notable même, si nous

en croyons les observations publiées. Tl y a une analogie frappante entre

les raccourcissements métapodiaux qui apparaissent à bas bruit au cours de

la première enfance, et ceux qui suivent pendant la période de croissance

des lésions manifestes, connues et classées, des os de la main : nous y

reviendrons.

Le type de brachymélie métapodiale que nous étudions est congénital;

et il ne semble même pas que la déformation s'accuse d'une façon appré-

ciable au cours du développement.

L'hérédité vraie, homologue, ou la présence familiale de la malforma-

tion est notée plusieurs fois : raccourcissement du même métatarsien chez

la mère et chez la fille, bien qu'à un pied différent (obs. IV) ; anoma-

lie chez deux soeurs, atteignant chez l'une un seul os, chez l'autre plu-

sieurs os à toutes les extrémités (IIochheim) ; brachymélie d'un seul mé-

tacarpien chez le père, des quatre extrémités chez le fils (Rieder). Mais

le plus souvent la malformation n'atteint que l'un des membres d'une

famille.

Ce n'est pas à dire d'ailleurs que les ascendants aient été sains et beaux.

Nos enfants sont filles et petites-filles de tarés : elles sont, comme à peu

près tous les anormaux, les derniers rejetons d'une race d'alcooliques, de

572 chevallier

tuberculeux, de méningitiques, et sans doute, bien que sur ce point nos

observations se taisent, de syphilitiques. Ch... est une grande fille née de

parents et de grands-parents très petits; des anomalies digitales affectent

plusieurs membres de la famille.

En d'autres cas, l'enquête a été négative (Joachimsthal,...)

Le sexe féminin est en cause dans environ les trois quarts des cas. La

même prédominance inexpliquée existe par beaucoup d'anomalies congé-

nitales, et pour l'achondroplasie.

Nous'insistons sur la fréquence DE la tuberculose, non seulement chez

les ascendants, mais encore chez les porteurs mêmes de la malformation :

hydarthrose du genou (Kummei), maladie d'Addison (Mathew), scrofule

(obs. p. II), bacillose latente probable (obs. I), mal de Pott, carie de la

hanche, péritonite chronique (obs. p. IV). La syphilis est rarement avé-

rée (Ilirtz et Lemaire ? ).

L'anomalie atteint plus souvent la main ; peut-être n'est-ce là qu'une

apparence.

L'aspect DE la brachymélie MÉTAPODIALE est toujours le même. L'as

seul est atteint ; la peau et ses annexes, les tendons, le tissu cellulaire,

les vaisseaux et les nerfs sont cliniquement intacts. Le doigt semble rentré

dans la main entre ses deux voisins. Le raccourcissement est en moyenne

de 1 cent. 5. On le met mieux en évidence le poing fermé que la main

étendue. Les plis cutanés sont plus ou moins modifiés suivant la position

et le nombre des doigts atteints. Dans quelques cas complexes, plus com-

parables à l'achondroplasie qu'à l'affection typique que nous décrivons

(Leboucq), un pli transversal coupe la partie métacarpienne de la paume.

En général, les modifications morphologiques de la main sont légères;

elles ont pour résultat de permettre plus aisément la flexion de la première

phalange du doigt court : par exemple un sillon vertical en Y coupant le

bourrelet normal (obs. 1, Klaussner). La force du doigt est intacte. L'agi-

lité n'est pas assez diminuée pour entraver le travail. Au pied l'orteil est

claviforme ; il est repoussé sur la face dorsale et repose en partie sur l'un

de ses voisins dévié. La marche n'est en rien gênée.

L'axe des segments phalangiens forme souvent avec l'axe normal un

angle plus ou moins aigu.

Les lésions anatomiques décelées par la radiographie portent sur

le métacarpien ou le métatarsien, et accessoirement sur les phalanges.

Le métacarpien est raccourci du quart ou du tiers de sa longueur nor-

male. Il garde sa forme générale. La diaphyse est brève, souvent légère-

ment incurvée. La base et la partie adjacente du corps semblent norma-

les. La tête peut être elle aussi de forme à peu près normale (obs. p. I)

mais, de règle, elle est le siège d'altérations plus ou moins prononcées :

BRACHYMÉLIE MÉTAPODIALE CONGENITALE 573

elle tend à s'aplatir. Tantôt la surface articulaire métacarpienne, qui est

en dos d'âne sur l'os normal, tend à s'arrondir dans le sens antéro-posté-

rieur ;, tantôt, non seulement la surface est moins bombée, mais les saillies

qui la bordent et la terminent sont plus accusées, moins mousses : la tète

est aplatie et élargie.

Les modifications de l'ombre osseuse permettent-elles de déceler la

raréfaction osseuse ? Wagner la nie. Chez certains malades (obs. I et IV)

l'interprétation de l'image radiographique est assurément délicate. Ce-

pendant, tout en conservant la plus grande prudence, on peut affirmer

que l'ombre du métacarpien anormal est moins franche que celle des autres

métacarpiens. Le cylindre compact diaphysaire est flou ; ses limites inter-

nes sont imprécises et irrégulières. Parfois (obs. p. I, Sternberg) un

côté - le côté radial du quatrième rayon (1) - est plus lésé. La tète

est trop claire ; ses travées osseuses sont grêles et désorientées ; elles li-

mitent souvent des aréoles trop vastes.

Les métatarsiens ne sont pas modifiés d'une façon différente. Cepen-

dant la morphologie de la tête nous a paru présenter des altérations moins

marquées.

Nous avons relaté pl as liaul (obs.III) quelquesparticu lari tés structurales,

et comparé plusieurs clichés radiographiques, le premier exécuté in vivo,

les autres pris sur l'os sec mis en différentes positions.

La PREMIÈRE phalange du rayon raccourci a généralement sa forme et son

volume habituels,sa longueur peut être soit normale, soit un peu augmen-

tée ; parfois elle est diminuée : ce fait nous a paru plus fréquent aux

pieds. On peut même observer un certain degré de réduction de toutes

les plalanes, comme nous l'avons noté chez Vib... : chez cette même

malade, le troisième rayon, dont le métatarsien est intact, possède une

phalange raccourcie. La radiographie peut déceler la raréfaction os-

seuse des phalanges modifiées, raréfaction plus marquée au niveau de

l'épiphyse adjacente à l'os métapodial, qui est aussi l'épiphyse fertile;

une anomalie de la surface articulaire est possible.

Les modifications de l'architecture osseuse ont une analogie très

grande avec l'atrophie osseuse que l'on voit survenir, souvent d'une

façon précoce, après les affections des os les plus variées (fi,act2ties,inflam-

mations aiguës ou chroniques) ; l'atrophie ne se limite pas à l'os malade

mais atteint encore l'extrémité adjacente des autres segments (2).

(1) Remarquons que l'A nourricière des quatre derniers métacarpiens aborde de bas

en liant la face radiale de l'os (Poirier in Tr. d'Anal, hum., t. I, p. 117, 1" édit.).

(2) Sonech, Ueber die akule (iiitziiiidliche lfraocheraatrophie. Langenbecks Arch. f. l;lin.

Ch. Bd. 62, p. 14). A. Exa, Beilràge zur Iferantratss der ak. lfraochemttr, in

17ortsclir. auf d. Gebiete der Rdagenstr. Bd. 6, 1902-1903. '

XXIII 3S

574 CHEVALLIER

A priori le retrait delà tête métacarpienne ou métatarsienne doit amoin-

drir la force de l'appareil ligamenteux transversal qui accole et maintient

les extrémités osseuses (liocbheim) ; en pratique il n'en est rien : l'épi-

physe anormale est solidement reliée à ses voisines par de nombreuses

fibres, légèrement déviées sans doute, mais aussi solides que dans un or-

gane sain (obs. 3).

LE processus D'OSilFfC.,ITION DE L'oS raccourci est anormal. Le cartilage

- jugal, doué d'une activité moindre, se calcifié précocement,. Le raccourcisse-

ment préexiste à l'apparition des points d'ossification. Il est d'origine en-

chonclrale,mais il s'immobilise, s'exagère sans doute quelque peu par la sou-

dure précoce de l'épiphyse à la diaphyse.Les cas de liocbheim, de Joacbims-

thal, notre observation IV, ne laissent aucun doute sur la réalité de

ces faits. L'ossification des autres métacarpiens et des phalanges est nor-

male, avancée ou parfois retardée (obs. III) comme l'ossification du reste

du squelette (1).

Malgré le petit nombre des observations que nous avons recueillies, il

ne parait pas inutile d'établir une classification des brachymélies méta-

podiales.

L'anomalie peut être unilatérale. Aux mains,on l'a vue atteindre lecin-

quiète rayon (Sternberg,Kirmisson ( ? ),Morestin) leçTO^n'è ? Ke(Rieder);

le quatrième et le cinquième (Kirmisson). Aux pieds, il s'agissait tantôt

du quatrième métatarsien (obs. 4 mère et fille, Ilirtz) ; tantôt du qua-

trième et du cinquième (Kirmisson ? ) ; tantôt le premier, le premier et

le quatrième (Leboucq : cas complexes), le cinquième (llochheim).

En règle générale, le raccourcissement est symétrique. Aux mains, il

atteint le premier métacarpien (Klaunsser : cas complexe), le troisième

(Steinberg), les trois derniers (Mathew), le quatrième (Joachimsthal,

Klausmer), le cinquième (2 obs. de Joacbimsthal). - Aux pieds, sont en

cause le deuxième métatarsien (Daniel, ? ; obs. 3), le quatrième (obs. 2),

le quatrième et le cinquième (Iümmel).

Le type le plus remarquable est la brachymélie l\IÉTAPODIALE SYA(ÉTRI-

que aux quatre extrémités. Chez notre malade Ch... le raccourcissement

affecte le quatrième rayon ; il en est de même dans un cas de Rieder. Les

trois derniers rayons sont également lésés chez le malade de Roughton;

l'anomalie est plus complexe chez la jeune fille rl'IIochheim.

Rappelons enfin les malformations bilatérales et dyssymétriques, non

congénitales, accompagnées d'autres anomalies (2), de Cange et de Marke-

loff.

(1) La soudure des points complémentaires aux points primitifs pour les métacar.

piens vers 16 à 18 ans, pour les phalanges de 18 à 20 ans. Poirier, in Tr.d'analnmie

humaine, t. I, 1" édit. p. 179 et 181.

(2) Ces anomalies, grossièrement systématisées, ont quelque analogie avec les défor-

BItACHYl11EL1C MÉTAPODIALE CONGÉNITALE 575 5

Brachymélie métapodiale associée.

La brachymélie métapodiale n'est pas toujours pure; elle peut être

associée à d'autres raccourcissements et à d'autres malformations osseuses.

A mesure que celles-ci deviennent plus intenses, l'anomalie du rayon

devient plus accessoire et, bien que parfois au maximum, elle n'est plus

qu'un tout petit symptôme d'un remaniement général du squelette.

Nous l'avons déjà vue associée à un système de raccourcissements plaa-

lallgiens ; dans l'observation de Leboucq étaient brefs les deuxièmes pha-

langes et le premier métatarsien. Est-il légitime d'en rapprocher notre

observation III : aux deux pieds, le quatrième métatarsien, les premières

phalanges des 3e et 4 rayons étaient courts ? Quoi qu'il en soit il convient

de distinguer la brachytlactylie d'origine métapodiale, de la brachydac-

lylie d'origine phalangienne. Une variété fréquente de brachymélie pha-

langienne affecte la deuxième phalange, et est le plus souvent généralisée,

c'est-à-dire qu'elle atteint tous les rayons; elle coexiste alors avec un

allongement ou un dédoublement de la première phalange : c'est la bra-

chydactylie avec hyperphalangie des auteurs. L'affection se rapproche de

la brachymélie métapodiale parce que, comme elle, elle lèse l'os dans sa

longueur et ne touche pas, d'une façon générale, au volume du doigt. De

même que la brachymélie métapodiale elle est cliiiiqueiiieiit et anatomi-

quément bien différente des microdactylies qui sont d'ordre actio - ou

hémi-mélique. -

Les lésions carpiennes ou tarsiennes peuvent elles aussi déterminer le

raccourcissement apparent d'un rayon; et F. Bienvenue (1) a étudié un

cas de brièveté symétrique du cinquième orteil par absence de longueur

du cuboïde. Ce syndrome peut simuler au premier abord ! a brachymélie

métapodiale. d'autant qu'il n'est pas impossible a priori que les deux

affections coexistent.

Brachymélie métapodiale dans les dystrophies généralisées.

Le plus beau type en est l'ACIIONDROPLASIE. Mais ici une dislinction

s'impose. On a décrit parfois sous le nom d'achondroplasiques des sujets

brachymèles mais assez différents des acbondroplasiques du type Parrot.

Sans vouloir insister sur ce type pseudo-achondroplasique, il nous parait

utile d'en donner les principaux caractères que nous avons observés chez

des jeunes femmes :

mations que l'on rencontre dans certaines dyslrophies et avec les accidents complexes

que l'on réunit souvent sous le nom de Rachitisme tardif..

(1; F. B1ENVE;\ÜE, Rev. d'orthopédie, 2' année, n· 9, 1" janvier 1910.

576 CHEVALLIER

La tête et le tronc ont, plus encore en largeur qu'en hauteur, un déve-

loppement remarquable ; la musculature (sinon la force musculaire) est

bien développée; les membres, et en particulier les inférieurs, sont

courts, mais ils sont harmonieux et l'examen clinique ne décèle pas d'iné-

galité entre les os d'un même segment ; les épiphyses paraissent norma-

les. Les attributs de la puberté (qui ne se développent pas parallèlement

aux préoccupations génitales) se montrent d'une façon précoce et sont très

marqués. ,

Ce syndrome est distincl du syndrome achondroplasique, du moins si

l'on en exclut ce que Poncet et Leriche (l) appellent achondroplasie phy-

siologique héréditaire, ethnique, oligochondroplasie congénitale. Il y a

chez les individus de ce type, qu'on nomme micromélie, brachymélie ou,

oligochondroplasie, une telle harmonie de formes, une modification si

« finie » du type humain banal, que l'on ne peut se défendre d'invoquer,

pour concevoir son apparition, un retour, inexpliqué, à quelque ancêtre

lointain, ou bien l'hypothèse séduisante d'une « mutation o, ou bien encore

plus simplement une intoxication généralisée exo ou endogène, un trou-

ble uni ou pluriglandulaire. Il ne s'agit à vrai dire que'd'une exagération

du type bréviligne ou latiforme des anthropologistes (2).

Or, l'achondroplasie vraie, pathologique (Poncet et Leriche) est une

micromélie disproportionnée, plus ou moins bosselée et tordue ; c'est une

véritable caricature de la micromélie vraie. On dirait qu'à la dystrophie

totale s'est surajouté un processus à localisations disséminées ; déjà court

par la constitution de ses humeurs, l'individu se déforme par suractivité

du processus viciant, on addition d'un nouveau facteur pathogène.

Peut-être n'est-ce là qu'une apparence ; il n'en est pas moins vrai, et bien

qu'il existe des formes intermédiaires, qu'hypochondroplasie congénitale

et achondroplasie pathologique ne peuvent être confondues.

C'est dans Y achondroplasie seule, celle qui s'accompagne de raccour-

cissements irréguliers, de courbures et de véritables exostoses, et qui

anatomiquement est caractérisée par une sclérose jugale (Porak et Du-

rante ...),. qu'il nous a été donné de rencontrer des brachymélies méla-

podiales.

Mais les os, quand ils sont lésés, n'ont pas ici exactement le même as-

pect que dans la brachymélie métapodiale pure. Les métacarpiens sont

plus déformés ; leurs diaphyses sont de règle trapues ; les bases sont

(1) A. PorrcaT et R. Leriche, Nanisme anceslml par achondroplasie ethnique. Rev.

de Chir., t. XXVII, déc. 1903, p. 657-693 ; p. 660 : Radiographie de mains bien confor-

mées ; il y avait des exostoses (cas I).

(2) F. REGNAULT, Les types humains... Revue scientifique, 28 mai 1910. L'auteur de

cet article remarquable ne fait pas mention des caractères sexuels.

BRACHYMÉLIE MÉ'l'APOD1ALE CONGÉNITALE 577

lésées ; les têtes sont élargies, mais plus exubérantes, les surfaces articu-

laires aplaties sont bien plus irrégulières, les bosses antérieures surplom-

bent fortement. Les métatarsiens se terminent en champignon à saillies

anguleuses (la radiographie atténuerait plutôt les angles) ; leur aspect est

très spécial.

Les phalanges participent d'une façon marquée au processus : elles sont

massives, déformées. L'irrégularité des surfaces articulai l'es dévie les rayons

digitaux (main en trident). Un pli transversal coupe la paume de la main

(Regnault) (1). Il n'y a plus de ces différences énormes entre les différents

métacarpiens ou métatarsiens, car, l'achondroplasie, en raccourcissant,

tend à les égaliser, soit qu'ils gardent leur forme générale, soit que la dia-

physe soit trapue et massive. Si parfois un os est plus court, c'est seule-

ment d'un petit nombre de millimètres ; il n'y a pas un trou entre deux

épiphyses, mais plutôt une dénivellation anormale des têtes.

Quand le raccourcissement prédomine sur plusieurs os, ce sont surtout

les os médians et ceux du côté cubital ou péronier qui sont atteints; il

convient de souligner la prédisposition singulière du quatrième métacar-

pien ou métatarsien à présenter un raccourcissement prononcé.

Ce phénomène coexiste avec à l'avant-bras un raccourcissement du cu-

bitus et une incurvation du radius (raccourcissement distal du cubitus,

proximal du radius) ; à la jambe un raccourcissement du tibia ; les os du

côté,externe s'accroissent plus que ceux du côté interne.

On peut, à la lumière des observations récentes, concevoir ainsi le mé-

canisme de l'arrêt d'accroissemenl. En règle générale, l'apparition des

points d'ossification, particulièrement des points complémentaires, est

plus précoce ; les cartilages perdent, à la radiographie, leur transparence

habituelle; puis, plus ou moins tôt, pent-être tard, à l'époque normale

(Claudius) ou même à une époque prématurée, se fait la soudure, d'au-

tant plus précoce que l'os adulte est plus court. Ce n'est pas à dire que la

brièveté de l'os est due à la soudure. Celle-ci l'exagère sans doute quelque

peu ; mais il semble bien plutôt que la soudure soit fonction du raccour-

cissement, en d'autres termes de l'intensité du processus morbide.

Nous ignorons les lésions de métacarpiens dans cette forme particulière

d'achondroplasie où le noyau osseux reste très longtemps engainé dans

l'épiphyse cartilagineuse (Apert).

Les raccourcissements mélapodiaux ou digitaux peuvent s'observer

dans un assez grand nombre de dystrophies plus ou moins proches ou

éloignées de l'achondroplasie (Raccourcissement des cinquièmes doigts

(1) F. REGAULT, Anomalie des plis de la main dans l'achondroplasie et la dysoslose.

Soc. anat : , 1906.

578 CHEVALLIER

dans la dysostose cléido-crànienne, malformations, familiales ou non,

non classées) (1).

Nous n'insisterons que sur la maladie exostosique.

Le raccourcissement affecte ou non les os métapodiaux porteurs d'exos-

toses. La symétrie est de règle ; le quatrième rayon est le plus souvent

atteint. La tête de l'os bref n'était pas intacte dans 1 e cas de Launois : il

est vrai que plusieurs auteurs (Gangolphe (2), Poncet) rejettent ces exos-

toses « inflammatoires (tuberculeuses le plus souvent) du groupe des

exostoses ostéogéniques proprement dites qui sont des malformations

congénitales, essentiellement héréditaires, strictement localisées aux

cartilages jugaux, symétriques, et développées pendant la période de

croissance.

Il semble qu'il s'agisse ici encore plutôt d'une dénivellation que d'un

raccourcissement considérable, analogues à ceux que nous avons décrits,

L'anomalie s'accompagne d'un certain nombre d'arrêts de croissance

intéressant une plus 'ou moins grande quantité d'os « sans qu'il y ait

d'ailleurs un rapport constant entre le raccourcissement de l'os et la quan-

tité d'exostoses qu'il présente » (Lenormant). Les manifestations les

plus habituelles de cet arrêt décroissance sont : « le raccourcissement

de la taille, la disproportion entre les membres raccourcis et le tronc

resté normal, l'asymétrie de longueur des membres raccourcis. Lors-

que l'arrêt de croissance est plus localisé il frappe de préférence le pé-

roné à la jambe, cubitus à Pavant-bras ; il entraine alors secondairement

des courbures diaphysaires et des lésiuns articulaires.

Le même syndrome, avec raccourcissement isolé ou prédominant du

cubitus, se rencontre dans les chondromes des os, et en particulier les

chondromes des doigts et des orteils ».

Dans les deux affections qui peuvent coexister- le raccourcissement

précède parfois l'apparition des exostoses; la lésion essentielle est la pré-

cocité de soudure de l'épiphyse, soudure certainement pathologique, car

l'ossification ne se fait pas d'une manière égale sur toute la surface du

cartilage... « Le point. de départ commun des arrêts de croissance, des

exostoses et aussi probablement des chondromes (ces dernières affections

n'étant pas la raison directe des arrêts de croissance) est une évolution

anormale et vicieuse de l'ostéogénèse, aboutissant en certains points il l'os-

(1) Par exemple : L. Gaillard et F. LÉvY, Micromélie avec malformations su. des

radius. Soc. méi. hôpit., 18 nov. 1904, p. 1103-1106, t. 21 ; F. Ill : avAULT, Dysostose

spéciale, loc. cit. Soc. anat., 190G.

(2) M. GANooLpnE et T. GAROURO, Enorme euchondrome costal chez un sujet exos-

losique. Hev. d'orthop., 18e année, 1" mai 1901, n° 3, p. 209-220.

BRACHYMÉLIE MÉTAPODIALE CONGÉNITALE 1 579

sificalion prématurée ou tout au moins à une insuffisance fonctionnelle du

cartilage de conjugaison, en d'autres il l'isolement, au milieu du tissu

osseux néoformé, d'îlots cartilagineux qui plus lard s'ossifient (exostoses)

ou prolifèrent sans modifier leur structure (chondromes). »

L'auteur adopte j'hypothèse tératologique, alors que' LOl'tat-Jacob (1)

écrit : la tuberculose peut créer non seulement des exostoses congénitales,

mais encore une forme d'ostéite très prononcée (et symétrique) consistant

en une hypertrophie des épiphyses et en raréfaction du tissu osseux...

Cette forme d'ostéite non inflammatoire... est confondue cliniquement avec

des exostoses ostéogéniques dont elle revêt à l'examen superficiel tous les

caractères.

De cette revue rapide, nous nous garderons bien de conclure que la

brachymélie métapodiale est une forme fruste, atténuée, partielle d'une

dystrophie générale ; dans les dystrophies étendues, la déformation de l'os

prime le raccourcissement ; celui-ci est au premier plan, parfois même

c'est le seul phénomène dans la brachymélie métapodiale pure; il y a

des lésions non seulement moins nombreuses, mais encore moins inten-

ses. Le fait important est que les dystrophies atteignant le cartilage de

conjugaison sont capables de raccourciriez os métapodiaux, en totalité ou

en partie.

Lésion monosegmentaire, symétrique, congénitale, la brachymélie mé-

tapodiale pure, idiopathique, se rattache à celle famille d'anomalies que

F. Regnault a nommées « Achondroplasies partielles », puis micromélies

segmentaires symétriques (2) et que l'on peut appeler brachymélies seg-

mentaires le plus souvent symétriques.

Une des formes les plus typiques, la brachymélie humérale, a été ré-

cemment étudiée par MM. Danlos, Apert el Flandrin (3). Nous retrouvons

la brièveté diaphysaire, la largeur des épiphyses, et, phénomène inappré-

ciable sur un métacarpien, la saillie exagérée des empreintes d'insertion

musculaire : ces saillies sont moins angulaires, l'os est moins trapu que

ne le sont saillies et diaphyses des achondroplasiques. A remarquer sont : '

l'ohservation des auteurs précités : jeune homme atteint de tuberculose, !

(1) Lortat-Jacoh et AUBOUIIG, Ostéite tub. à localis. multiples. Ma If. squel. d'os'

tub. Soc. med. hôp., 31 juillet 1908, p. 266-214.

(2) F. REl3YAUL'l', Bull. Soc. anat., juillet 1909, p. 433.

(3) DAKLOS, AI'EIIT et Flandrin, Micromélie congénitale limitée aux deux humé, us..

Nouv. Iconographie de la Salpêtrière, 22e année, no 6, nov.-déc. 1909, p. 6S2.

580 CHEVALLIER

ganglionnaire, un frère présente la même anomalie ; et celle de Regnault :

lésions squelettiques concomitantes, vertébrales surtout,à disposition plus

ou moins exactement métamérique. Une fois l'anomalie était acquise et

- d'origine traumatique (Bryant).

Un point de l'histoire de la brachymélie métapodiale, qu'il s'agisse

d'une dystrophie généralisée ou d'un raccourcissement localisé, mérite

qu'on s'y arrête : certains os sont atteints plus souvent que les autres. Les

rayons médians et externes, et en particulier le quatrième, sont raccourcis

avec une élection vraiment remarquable.

Y a-t-il ici exagération d'un processus normal et se passe-t-il un phé-

nomène comparable au raccourcissement phalangien qui frappe si souvent

les deuxièmes phalanges, disparues dans certaines espèces animales

(Letoucq) ? Chez l'homme sain, les métacarpiens s'échelonnent suivant

leur longueur II, III, IV, V, I, mais l'examen des squelettes, et en parti-

culier ceux d'enfants plus ou moins dystrophiques conservés au Musée

Bourneville de Bicêtre, la lecture des tables de Pfitzner, décèlent un cer-

tain degré de variation dans les rapports des os mélapodianx entre eux.

La longueur du deuxième métacarpien nous a paru la plus constante; le

quatrième au contraire, normalement grêle, est souvent assez court, et

sur le vivant, il n'est pas rare de voir sa tête ne former qu'une saillie

minime quand le.poing est fermé. Il ne s'agit évidemment pas de « rac-

courcissement », mais n'y a-t-il pas une prédisposition au raccourcis-

sement ?

La disposition vasculaire a peut-être quelque influence sur la localisa-

tion de l'arrêt de développement. La nutrition du premier rayon est

assurée, dans la grande majorité des cas, par les rameaux relativement gros

.qui terminent l'artère, radiale à la main, la pédieuse aux extrémités in-

férieures ; le cinquième rayon est moins bien irrigué par une collaté-

rale directe de la cubitale ou de la plantaire externes, souvent petites.

Les trois rayons intermédiaires reçoiventde l'arcade profonde, palmaireou

plantaire,transversale,grêle; avec cette réserve toutefois que la suprématie

du courant radial fournit le plus souvent au deuxième métacarpien une

nutrition active. C'est précisément à la limite habituelle des deux cou-

rants, externe et interne, au niveau du quatrième métacarpien, que siège

en général la déformation maxima dans certains cas, unique dans d'au-

tres. Une anomalie vasculaire expliquerait-elle en partie les autres locali-

sations ? Celle conception est toute hypothétique, mais on conçoit que 15

où la circulation est le moins active, les influences pathogènes se fassent

plus fortement sentir et que les germes y colonisent peut-être de préfé-

rence. 1

BRACHYMÉLIE MÉTAPODIALE CONGÉNITALE 581

Pathogénie.

La brachymélie mètapodiale apparaît indiscutablement comme une

malformation congénitale. Elle est le plus souvent symétrique, non dou-

loureuse ; elle apparaît avant la naissance ou parfois dans le cours de la

première enfance, coexiste dans certains cas avec d'autres malformations

et peut être héréditaire. Mais le fait qu'il s'agit, ici comme dans l'achon-

droplasie par exemple, d'une anomalie de développement, d'une mons-

truosité même, n'explique rien. « Dire qu'il y a un arrêt de développe-

ment..., c'est constater un fait, ce n'est pas en donner la raison ; affirmer

qu'il y a atrophie n'avance pas davantage la question. Pourquoi cet arrêt

de développement, cette atrophie ? Le phénomène est-il dû à une inflam-

mation des tissus qui vont former la main de l'embryon, à une lésion des

vaisseaux ou du système nerveux ? » (Polaillon, in Die. Declaantbre, t. 30,

art. Doigt, p. 133).

On connaît quelques fails de brachymélie métapodiale familiale : est-ce

donc une anomalie héréditaire ? Les observations sont trop peu nom-

breuses pour que l'on puisse concevoir une hérédité vraie, une simple

tendance du descendant reproduire le type qui l'a créé.

Il est sans doute séduisant d'admettre la transmission d'un caractère

acquis et sa fixation secondaire dans une famille, ou même qu'une rase nou-

velle. oligo-brachydaclyle apparaît sans cause précise. Les auteurs, et eu

particulier Leboucq, qui ont éludié le raccourcissement et la disparition de

la deuxième phalange, ont montré que le processus est normal dans cer-

taines espèces ; que chez l'homme même, la soudure des deux dernières

phalanges du cinquième doigt est très fréquente (117 fois sur 130,1'(itzner).

Mais l'allongement compensateur » ( ? ) de la première phalange, son dé-

doublement par relard d'ossification (Leboucq) bénéficient difficilement

d'une explication phylogé.nifJue.I1 en est de même du raccourcissementd'un

métacarpien. Il est certain que beaucoup des familles des brachyméiiques

sont tarées : hérédilé méningiliqve, alcoolique, tuberculeuse; tendance

aux anomalies osseuses. Une des expressions cliniques, peut-on supposer,

de la « dégénérescence atavique » est la dystrophie du cartilage }J1'i1JW1'-

dial, l'épuisement héréditaire et progressif du pouvoir formateur des tissus

squelettogènes.

Cette théorie a pu être soutenue pour l'achondroplasie, en particulier

par ParroLel plus récemment par de Bûck. La brachymélie métapodiale,

symétrique, congénitale, serait peut-être une forme atténuée, dissociée,

de cette dystrophie cartilagineuse. La vraisemblance nous en parait mi-

nime.Cela ne va pas à rejeter complètement l'idée d'une lare morbide loca-

582 CHEVALLIER

lisée au système osseux. « La prédisposition se développant par l'hérédité,

on comprend que le même système pourra être vicié dans plusieurs

générations avec une électivité spéciale, et il n'est pas improbable que

les infections surajoutées, les maladies infectieuses ne jouent le rôle de

causes occasionnelles dans l'éclosion des tares... 1) (Auvray et Guillain,

Des oxostoses ostéogéniques multiples. Archives générales de médecine,

4901, p. 54-35),

Porak et Durante s'expriment ainsi au sujet de l'achondroplasie :

« La susceptibilité morbide du cartilage paraît pouvoir être héréditaire-

ment transmissible, au même titre que la prédisposition musculaire,

nerveuse, cardiaque ou hépatique dans d'autres familles. »

L'hérédité dégénérative est certaine, très importante, mais qu'elle suffise

à produire de telles malformations, qu'elle soit même nécessaire à sa

production, nous ne le croyons pas.

M. Dabes (1) a, pour expliquer certaines malformations (polydactylie,

macrodactylie) symétriques des quatre extrémités, émis une hypothèse

ingénieuse. Il suppose, étant donnée dans ses observations la constance

de lésions sphénoïdales (inf1ammatoll'.es, peut-être spécifiques ou tl'HU-

matiques), « qu'il existe à la base du crâne une région dont le déran-

gement foetal... détermine la transformation de tous les membres dans le

sens d'un excès, d'un défaut ou d'une déviation, pouvant emporter un

changement de certains caractères de l'espèce... » et créer ainsi d'une

manière brusque une race nouvelle.

Rappelons la disposition grossièrement métamérique des lésions dans

un cas de brachymélie humérale. Il n'est certes pas impossible qu'une

lésion de l'axe vertébro-basilaire retentisse d'une façon toute spéciale sur

le développement du squelette. La corde dorsale est l'axe de la croissance

symétrique de l'embryon, ses rôles architectural et formateur sont consi-

dérables ; sa pathologie est mal connue. Le rachis et la base du crâne

sont trop voisins des centres nerveux pour qu'il n'y ait pendant la jeu-

nesse de l'être un retentissement sur ceux des processus dystrophiants.

Mais l'existence d'un centre bulbaire, dont le trouble entraînerait l'acro-

métagénèse, est tout hypothétique.

La symétrie des lésions métapodiales peut bénéficier d'une explication

plus simple. Chez les nouveaux êtres, les processus morbides atteignent

très volontiers des points homologues des deux côtés du corps; il est

courant d'observer, dans les lésions même les plus indiscutablement in-

fectieuses, qu'il s'agisse du cerveau ou de l'appareil locomotenr, une

(I) V. BABPS, Anomalies congénitales de la télé déterminant une transformation

symétrique des quatre extrémités : acromatarlénèse. Ac.ld. des sciences, 18 janvier 1904;

C. rendus, p. 114-118, t. 138.

BRACHYMÉLIE MÈTAPODIALE CONGÉNITALE 583

symétrie remarquable, et cela non seulement chez l'embryon et le foetus,

mais encore chez le nourrisson et l'enfant. Avec l'âge s'accroît la « per-

sonnaliié » régionale de l'être ; mais l'impulsion édificatrice primordiale

régit avec une équivalence exacte les deux moitiés du corps : en des points

symétriques, l'activité chimique des groupes cellulaires est parfaitement

semblable et harmonieuse, et c'est en deux points symétriques que le

même facteur pathogène trouvera réalisées les. mêmes conditions favora-

bles- ou non à sa localisation.

La symétrie d'une lésion impose toujours au clinicien l'hypothèse d'une

origine embolique.

Quant aux troubles dans la croissance du tissu squelettogèI1e consécutifs

aune lésion propre du système nerveux, ils sont peu connus. Les faits, où

lésion centrale congénitale et lésion squelettique congénitale coexistaient,

sont des faits d'ectromélie (1) ou d'hémiatrophie.

Désireux de placer la discussion pathogénique sur une base solide

Steinberg a défendu la théorie de l'origine exogène. Les anomalies méta-

podiales résulteraient d'une production anormale de forces d'arrêt (dans le

liquide amniotique, l'amnios, l'utérus, etc.) : elles seraient engendrées

mécaniquement.

Steinberg a fait porter tout l'effort de son argumentation sur les cas non

congénitaux, qu'il croit fréquents, plus fréquents même que l'on ne serait

tenté de penser d'après les dires des malades. Une chute sur le doigt

par exemple pourrait être le point de départ de l'affection ; le mécanisme

le plus plausible sérail la disjonction épiphysaire. Steinberg rappelle les

recherches expérimentales et cliniques de Vogt (2), de Uffelmann (3) ; le

développement de l'épiphyse passe par deux stades : pendant le deuxième,

l'épiphyse est en grande partie ossifiée et le trauma aboutit plutôt à une

fracture diaphysaire; mais pendant le stade primaire, de chondroépiphyse,

il s'agit d'une disjonction au niveau de la ligne d'ossification. Or cette

lésion n'entrave en rien l'ossification périostale, mais la zone cartilagi-

neuse active étant lésée, la croissance en longueur peut être considérable-

ment gênée. Tous les chirurgiens modernes (4), le professeur Kirmisson

(1) En particulier P. BAR et M. de hHRVILY, Lésions médullaires rappelant la syrin-

gomyélie chez un nouveau-né ectroinèle. Soc. neurol., 2 mai 1907, et Rev. neur.,

p. 514, 19U7.

(2) P. VOGT, Die Traumalische Epiphysentrennung und deren Einfluss auf das' Liin-

genwachsthum. der l31trerakraoclren. Arch. f. klin. Chir., 1818, Bd. XXII, p. 354.

(3) S. Unrr.i.wv·t, ,4'ta<. chir. Stwtlen ode Beitrage zur Lehre von der Knochen ju-

ge>1dlichp.r Individuel-, Ilameln, 1865, p. 86.

(4) FIIOEI.ICII, Décollement épiphysaire chez l'enfant. Influence sur la croissance du

membre, in Rev. d'Orthop., 1906, p. 29-32.«.. il y a disparition prématurée du carti-

lage épiphysaire et augmentation de volume en hauteur, mais surtout en largeur des

condyles. La diaphyse est au contraire notablement atrophiée. »

584 CHEVALLIER

en particulier, insistent sur ce raccourcissement osseux après un décolle-

ment épiphysaire. Mais ce raccourcissement, enseigne-t-il, est de régie peu

considérable ; de plus la disjonction épiphysaire est une affection de la deu-

xième enfance ; elle est extrêmement rare durant la première. A-t-elle

été observée au niveau des métacarpiens (l).Bardenheuer (2) l'admet. Mais

les auteurs français ne paraissent pas du même avis. Le cas de Malgai-

gne (3) est discutable. Rieffel (4) n'accepte que l'observation de Lucas (5).

Les articles de Ricard (6), de Kirmisson (7) sont muets sur ce point.

~ Cependant le professeur Kirmisson nous a montré la radiographie d'un de

ces décollements exceptionnels : la courte et large calotte céphalique du

troisième métacarpien a légèrement glissé de côté; la tête paraît aplatie;

l'os est un peu raccourci (lésion récente).

L'origine traumatique de certains cas de pseudo-brachymélie congénitale

n'est donc pas impossible. Mais par la plupart des faits, et en particulier

ceux que nous rapportons, celle théorie n'est pas même discutable. Ne

sont-ils pas trop complexes ? De plus leur origine congénitale est certaine.

Certes la symétrie de lésions exogènes foetales est possible, en particulier

dans certains cas pathologiques (oligohydramnie par exemple) ; « La mul-

tiplicité des lésions et une symétrie assez grande ont d'ailleurs été si-

gnalées dans des cas bien établis d'amputation congénitale (8) ». Mais

l'action atrophiante ne se localise pas alors au système osseux ; et Ra-

baud (9) a montré que l'action mécanique n'est pas capable de modifier

la croissance d'un organe ; la prolifération cellulaire s'effectue normale-

ment dans une enceinte trop étroite,mais l'organe comprimé s'accommode

comme il peut, parlant il se déforme d'une façon incohérente, affectant des

contours extrêmement irréguliers.

Le traumatisme n'est donc pas la vraie cause de la malformation. Son

influence prédisposante est même hypothétique, mais il n'est pas impossi-

(1) POLAII.LO : 'i, in Dict. Drrlzambre, t. IX, art. Mains, p. 51-52 : dans les fractures,

les métacarpiens les plus longs (3° et 4') sont les plus souvent lésés.

(2) BAROFNfIEUEIS, Die t'erletxuugen der obel'en 1,;xlt,amilâteii, II, Stuttgart, 1888, Deut.

Chir., 63 b. p. 434.

(3) D'après PoLAILLON. loc. cit., p. 57.

(4) RIEFFEL, Tr'. de Chie. DUPLAY-t3RCLUS, t. Il, p. 321, 1896.

(5) LucAs, The Lancet, 1885, II, p. 801.

(6) Iticnno, Tr, de Clzir. DupLAY-RECLUs. t. Il, p. 498, 1890.

(7) Kmmissox, Les difformités acquises de l'appareil locomoteur pendant l'enfance et

l'adolescence, Paris, Masson, 1902.

(8) \f. KLIrFELet 13ouclmr,lIémimélie avec atrophie numérique des tissus. Etude anar

lomique et pathogénique de l'llémzmélie. Nouv. Iconographie de la Salpêtrière, 1907,

t. XX, p. 290-3 : i4 et 307-417.

(9) na. 1.AB%UD, Essai de Tératologie, th. doct. ès-sciences, 1898. L'amnios et les

malformations congénitales. Archives géné ? tes de médecine, 1905. - Pathogénie de la

psettdencépleatie et de l'anettcéphàlie. Nouv. Iconographie, 1905.

BRACHYMÉLIE 11TAPODIAL); CONGENITALE 585

ble que les points habituellement heurtés, ou comprimés, du foetus,co ! 1S-

tituent des centres de localisation pour les facteurs pathogènes.

Encore hypothétique est l'action d'anomalies vasculaires, effets du

hasard ou de l'irritation, que Steinberg croit possible.

De même que l'achondroplasie,que la maladie exostosique par exemple,

la brachymélie métapodiale nous paraît avoir une origine endogène.

Il n'est pas impossible qu'il s'agisse d'une intoxication foetale, le poison

agirait au maximum en certains points prédisposés par leur chimisme,

la moindre activité de leur nutrition vasculaire, leur compression peut-

être. La brachymélie métapodiate serait alors la forme partielle, atténuée,

monosymptomatique d'une dyscrasie généralisée, que l'intoxication soit

née dans le foetus lui-même, d'un trouble glandulaire par exemple, ou

bien dans le placenta, ou bien encore dans l'organisme maternel; il est

acquis, depuis les expériences de L. Dor, que l'introduction de toxines

(streptococciques) peut déterminer chez le jeune animal de graves lésions

des épiphyses fertiles, et même des décollements.

Les travaux modernes nous ont habitués à rechercher l'agent infectieux

même dans les processus apparemment les plus torpides, les moins in-

flammatoires. Les infections foetales sont fréquentes, non seulement les

septicémies aiguës d'origine maternelle, mais encore l'envahissement lent

par des microbes colonisateurs.Déjà Péan ( I ) dans sa thèse rapportait l'ob-

servation d'une arthrite tuberculeuse congénitale ; Kirmisson (2) pense

que, « souvent, le spina-ventosa est l'expression symptomatique d'une

tuberculose héréditaire ».

Le spina-ventosa est une affection de la première enfance, elle se

montre habituellement sous forme de tuberculose à foyers multiples et

souvent symétriques, elle ne coïncide que rarement avec des lésions tu-

berculeuses profondes ; elle guérit en laissant des lésions osseuses. Ce fait

banal, qu'un raccourcissement succède au spina-ventosa, nous semble

susceptible de jeter une vive lumière sur la pathogénie de la brachymélie

métapodiale congénitale.

L'analogie clinique est frappante entre cette affection et le doigt 1'en-

trait de Lannelongue.

La tuberculose d'un métacarpien « laisse après elle un raccourcisse-

ment réel et permanent de tout le doigt, sans modification de son axe, ni

de sa direction, ni de sa forme, au moins dans la majorité des cas ...« Le

métacarpien est moins long « mais l'articulation de son épiphyse avec le

doigt rentrant reste indemne (3) ». « Le doigt normal comme forme et

(1) Péan, Th. de doctorat, Paris, 1860. ,

(2) ICIRSIISSON, Les difformités acquises de l'appareil locomoteur..., 1902, p. 94 et 95.

(3) LANNELONGUE, Sur quelques déformations permanentes des doigts et de la main

586 CHEVALLIER

comme volume se trouve en arrière des autres doigts, supporté qu'il est

par un métacarpien rabougri (1) ». Les plis digitaux restent normaux

(Lannelongue).

L'arrêt d'accroissement en longueur est dû « à un phénomène qu'on

observe souvent après les ostéites des os longs chez les jeunes sujets, c'est-

à-dire une ossification précoce d'un des cartilages juxta-épiphysaires (2) M.

Kirmisson fait de la soudure prématurée de l'épiphyse la cause du rac-

courcissement, et « le doigt parait rentrer peu à peu dans la main, tan-

dis que les autres doigts grandissent » (Lannelongue). Il ne semble pas que

l'on ait recherché systématiquement de combien le métacarpien peut en-

core s'accroître depuis le moment où le spina-ventosa entre en régression

jusqu'au moment où se fait la soudure osseuse vendable par la radiogra-

phie ; cet accroissement - insuffisant nous paraît certain au moins

chez les jeunes enfants, et le cartilage ne se calcifié qu'après une période

de réparation paresseuse.

Après guérison complète, le métacarpien présente encore des signes de

raréfaction osseuse.

La phalange adjacente peut être lésée ; « l'irritation sur le cartilage épi-

physaire, provoquée par l'arthrite (de l'articulation voisine) a été cause

de l'allongement » (Lannelonnue).

Dans bien des cas, d'autres foyers osseux ont coexisté avec le foyer di-

gital, ou sont apparus plus ou moins longtemps après sa guérison.

Supposons le spina-ventosa intra-utérin : la suppuration du foyer sera

capable de produire des malformations prononcées; sa guérison sans

abcédation aboutira à une simple insuffisance des tissus atteints. Mais les

tissus du foetus et du nouveau-né ont une bien autre tendance à se réparer

que ceux de l'adulte, et jamais une lésion foetale ne laisse autant de dé-

formation, de sclérose qu'une lésion survenue à une période plus tardive.

La cicatrice passe au second plan ; ce qui détermine l'aspect futur c'est

surtout l'atrophie numérique; il y a moins de cellules, elles sont chétives

parce qu'intoxiquées ou filles de cellules intoxiquées.

La tuberculose n'est sans doute pas la seule entité pathogène capable

d'évoluer ainsi d'une façon insidieuse vers la guérison. On connaît les

formes atténuées de V ostéomyélite infantile : elle « reste localisée et surtout

a une tendance spontanée à la guérison ... complète, sans qu'il y ait

suppuration ». D'Astres (3) ajoute : « Dans un cas il s'agissait d'une lésion

déterminées par la tuberculose de ces organes, Congrès français de chir., 1889,

p. 55-70.

(1) KIIiMISSON, loc. cit., fig, 66, p. 100.

(2) POLAILLON, in Dic. Dechapnbre, art. Doigt, t. 30, p. 225.

(3) L. D'ASTIS08, Rev, mens. des mal. de l'enfance, nov. 1901, t. 19, p. 493-506.

BRACHYMÉLIE MÉTAPODIALE CONGÉNITALE 587

localisée aux os du carpe et aux épiphyses métacarpiennes ... Chez ces

enfants nous vîmes bientôt se développer les signes de rachitisme ».

Or « les dystrophies osseuses qui constituent le rachitisme, dit Kirmis-

son (1), sont infiniment plus complexes qu'on ne pourrait le croire tout

d'abord ... Il faut encore faire entrer en ligne de compte l'arrêt de déve-

loppement des épiphyses pouvant aboutir au raccourcissement plus ou

moins marqué d'un membre survenant en dehors de toute cause appré-

ciable d'ordre traumatique ou pathologique ». L'auteur fait allusion ici

au « rachitisme tardif» si mystérieux. Peut-on penser que la brachymélie

métapodiale est la conséquence d'un rachitisme foetal spécial ? Ce serait t

inutilement embrouiller la question puisque la pathogénie du rachitisme

lui-même est encore à l'étude.

L'hypothèse d'une ostéomyélite, d'une chondroépiphysite plus exacte-

ment, pendant la vie intra-utérine, nous semble rendre compte des phé-

nomènes observés. S'agit-il d'une infection banale atténuée ? de la syphi-

lis héréditaire : nous manquons de documents à cet égard : le processus

d c' atrophie gélatiniforme » (2) qui raréfie l'os, isole le cartilage épiphy-

saire et peut même le décoller, guérit souvent, sous l'influence du mercure,

mais sans raccourcissement.

Remarquable est la fréquence de la tuberculose dans les antécédents

des brachymétiques ; dans un cas même (obs. 3) nous avons pu constater

des lésions de carie, les unes guéries, les autres en évolution, carie sèche

que l'on considère en général actuellement comme une forme spéciale

de tuberculose. Le bacille de Koch peut atteindre le squelette au cours

du développement foetal et y produire une réaction, qu'il s'agisse de tuber-

culose typique, néoplasique ou de tuberculose inflammatoire, non-fol-

liculaire à évolution presque muette. Le cartilage diaépiphysaire, c'est-

à-dire toute cette région dont l'activité formatrice est considérable, se

trouve atteint dans sa fertilité ; ses travées se modifient sans doute, per-

dent leur orientation normale ; le tissu se surcharge d'éléments inactifs

qui entravent sa reproduction : d'où raccourcissement. Bientôt l'ossifica-

tion progresse, le cartilage ne peut lutter de vitesse ; le dépôt calcaire y

est plus facile : le raccourcissement devient définitif.

L'infection est-elle assez précoce ? l'effet ctystropliaut est déjà produit

quand l'enfant vient au monde, mais on peut penser que, au moins dans

certains cas, le processus pathologique n'est pas éteint à la naissance. Si

l'infection est plus tardive, si elle évolue à bas bruit, le raccourcissement

(1) Kirmisson, Deux cas intéressants d'anomalies de développement du squelette.

Rev. d'Orthop., t. X, i or sept. 1895, p. 372-378. Raccourcissement progressif insidieux

tardif des os longs.

(2) Parrot, La syphilis héréditaire et le rachitisme, Paris, Masson, 1886. -

S88 CHEVALLIER

s'installe insidieusement dans les premières années de la vie, mais ce

n'est pas une raison suffisante pour éliminer l'hypothèse d'une bacillose

foetale.

Le raccourcissement est la conséquence clinique d'une lésion modérée

du disque proliférant. Que la localisation du processus soit différente,

que la toxi-infection ait été plus diffuse, la déformation sera tout autre.

En particulier l'altération du point où va naître l'ossification, produira

presque l'inverse d'une brachymélie ; l'ossification sera retardée, et c'est

peut-être ainsi qu'il faut expliquer en partie certains faits d'hyperpha-

langie.

Le processus toxique ou infectieux qui trouble, chez le foetus, la chon-

drogénèse peut se généraliser et même chez les enfants, les ostéomyé-

lites, les tuberculoses osseuses à foyers multiples sont fréquentes ; sui-

vant sa nature, son intensité, ses localisations, il aboutit à une dystrophie

de tel ou tel aspect; l'hypothèse d'une toxi-infection, défendue, depuis

Porak etDurante, par de nombreux auteurs, explique peut-être plus faci-

lement l'achondroplasie que le font les autres théories (1).

Conclusions.

1° La brachymélie métapodiale comprend une variété acquise : elle

ne se distingue des raccourcissements dus au spina-ventosa que par son dé-

veloppement insidieux; elle n'est pas sans analogies avec diverses formes

du « rachitisme tardif ».

2° La brachymélie MÉTAPODIALE congénitale peut être associée rades

dystrophies généralisées de même ordre, dont elle n'est alors qu'une

manifestation.

3° La brachymélie l\IÉTAPOD1ALE congénitale peut être pure, ne ce

existant avec aucune autre malformation somatique. Mais souvent existent

en même temps des anomalies du même ordre ou d'ordre différent.

Le sexe féminin est plus souvent atteint. '

L'anomalie eslparfois familiale, et l'on peut alors discuter s'il s'agit

d'une hérédité vraie ou d'une simple prédisposition dégénéra live ( ? )

du squelette à évoluer dans un sens vicieux.

Le plus souvent la malformation ne se rencontre que chez un seul mem-

bre d'une famille.

La symétrie est habituelle et peut exister aux quatre extrémités,

sans que la lésion d'un centre spécial régulateur soit nécessaire; la symé-

trie nutritive de l'embryon suffit à expliquer le phénomène. La dispo-

sition vasculaire a peut-être une influence sur la topographie des lésions.

(1) Article Achondroplasie de HUTINEL et Tixnsn, in Maladies des enfants, t. II, 1909,

p. 636 et sq.

brachymélie MÉTAPODIALE congénitale 589

3° Le raccourcissement porte sur la diaphyse. En règle générale la tête

est plus ou moins aplatie.

La paresse du cartilage de conjugaison est la cause de la déformation,

qui est rendue définitive par la soudure prématurée de l'épiphyse.

La radiographie permet de constater un certain degré de raréfaction

osseuse, comparable aux raréfactions acquises, mais dans quelques cas

l'ombre osseuse n'est pas très sensiblement différente de l'ombre normale.

4° Les ascendants des brachyméliques sont souvent tarés ; l'alcoolisme,

la tuberculose sont fréquents chez eux. Les porteurs de l'anomalie pré-

sentent dans bien des cas des manifestations tuberculeuses torpides.

5° L'hypothèse pathogénique la plus satisfaisante, en l'état actuel de

nos connaissances, est celle d'une clwnd1'omyélite foetale atténuée, et

sans doute d'une tuberculose dite inflammatoire raréfiante (Poncet).

Addendum.

Depuis la publication de la première partie de cet article, plusieurs do-

cuments intéressants nous sont parvenus.

Le Dr E. EasTEiN (de Leipsig) nous a écrit qu'il a publié, in Central'

blatt fiir die Grenzgebicte der Medizin und Chirurgie, 1910, un cas ana-

logue au premier ( ? ) des nôtres. Nous n'avons malheureusement pas

trouvé à la bibliothèque de la Faculté le numéro de la revue qui contient

cet article.

Dans un mémoire dont l'intérêt est considérable, MM. Guiseppe FnAN-

chie etllI. ZANAql ont ici même étudié la pathogénie de l'achondroplasie.

Nous reproduisons les lignes suivantes, qui se rapportent étroitement à

notre sujet : « Au pied droit, le quatrième orteil est plus petit que les

autres et implanté sur un plan postérieur et supérieur. Ce fait n'existe

pas aux mains. M. Marie indique parmi les altérations de la main celle

qui consiste en ce que l'annulaire occupe un plan postérieur à celui des

autres doigts, fait qui a été vérifié par M. le Dr Lévi... Dans notre cas ce

fait ne se constatait que chez un sujet et seulement au pied droit. Il est

cependant intéressant et c'est un mérite de M. Lévi d'en avoir donné

l'explication. Cette anomalie n'est pas exclusive à l'achondroplasie, car

un des auteurs de ce mémoire (Franciiini) l'a vérifié dans un cas d'infan-

tilisme du typeLorain, à la main et au pied droits. »

(A suivre.) ! «ni . 39

HOPITAL ISRAÉLITE DE VARSOVIE

SERVICE DES MALADIES NERVEUSES (D'' E. PLA1'AV)

TUMEURS DE LA MOELLE ÉPINIÈRE

ET DE LA COLONNE VERTÉBRALE

{Suite et fin)

par

Edouard FLATAU

L'INfIRVEV'rION CHIRURGICALE.

Jusqu'à présent on intervenait chirurgicalement dans les cas de tu-

meurs extra-vertébrales, soit intra, soit extra-durales. Slursberg, dans un

travail très minutieux, réunit presque tous les cas où on est intervenu opé-

ratoirement pour des tumeurs médullaires. On y voit que des 119 opé-

rations exécutées 96 concernent les tumeurs intra et extra-durales

(qui n'attaquaient pas l'os) (1).

De ces 96 cas qui nous intéressent au moment actuel, 21 concernent

les tumeurs siégeant dans la région cervicale de la moelle, 57 dans la ré-

gioi1 dorsale et 18 dans la région lombo-sacrée et coccygienne. Sur ces

96 cas, dans 49 (c'est-à-dire 51 0/0) l'opération fut favorable pour le

malade (dans 39 cas la guérison fut complète ou l'amélioration très évi-

dente). Dans 42 cas, la mort survint après l'opération. Dans 3 cas, l'opé-

ration fut sans résultat (2 cas manquent d'observations bien précises). Les

résultats les plus favorables suivaient les opérations des tumeurs loca-

lisées dans la moelle dorsale.

Il est important de noter que Bruns, en 1897, affirmait que 30 0/0 de

cas opérés ont une bonne issue, tandis que suivant la statistique moderne

de Schultze et d'Oppenheim ce nombre va jusqu'à 50 0/0. Il faut avouer

que certains neurologistes ne sont pas aussi optimistes en ce qui concerne

l'intervention chirurgicale. Sick, par exemple, a opéré 21 cas de tumeurs

médullaires certaines ou supposées. De ces 21 cas, 3 malades ont guéri

après l'opération, 2 ont été bien améliorés, 7 n'en ont recueilli aucun ré-

sultat, 8 sont morts, 1 a été opéré dernièrement. La mortalité, d'après

(1) Dans un travail fait avec Mlle Zylbet-last, nous comptons 136 cas de tumeurs mé-

dullaires opérées jusqu'à la fin de 1908,

TUMEURS DE LA MOELLE ÉPINIÈRE ET DE LA COLONNE VERTÉBRALE 591 1

celte statistique, est donc très élevée (38 0/0). Marte compte 47 0/0 de

cas mortels, Kôhlisch 46 0/0.

Il est à noter que ces opérations furent exécutées à tous les niveaux.

même dans la région des premières vertèbres cervicales. Dans le cas dé-

crit par Putnam-Krauss-Park on a éloigné une tumeur du IIIe segment

cervical et le résultat fut heureux. Krause dit franchement qu'il est prêt

à opérer dans la région du 1er segment cervical.

Quant aux détails concernant l'opération, nous renvoyons au travail

de Slursber. Dans mon. dernier travail (en collaboration avec Mlle Zyl-

berlast), nous sommes arrivés aux conclusions suivantes : quant à la

technique opératoire, il vaut mieux opérer en une séance. Les raisons

mentionnées par certains neurologistes, tels que Auerbach et Brodnitz,

qui conseillent de consacrer deux séances, ne sont pas assez convaincantes

(hémorragie abondante ou affaiblissement des malades). Les hémorra-

gies sont parfois abondantes, il est vraii, mas on peut toujours les calmer

en liant les vaisseaux ou tamponnant assez lonclemps.11 faut éviter l'emploi

des instruments opératoires comme de marteau et la gouge. Nous nous

servons à l'hôpital du trépan électrique de Hirschmann pour pratiquer

l'orifice, puis des pinces de Luer. Il faut éviter autant que possible les

traumatismes.

Quant au nombre de vertèbres qu'on peut éloigner, il est erroné et

exagéré de supposer que la colonne vertébrale peut perdre sa statique

assez facilement. Bien que le diagnostic nous permette de localiser sa tu-

meur avec une grande précision, il vaut mieux enlever un nombre suffi-

sant d'arcs vertébraux avant d'inciser la dure-mère. Il faut se rappeler

que les symptômes cliniques peuvent dépendre non seulement de la

compression de la moelle par la tumeur, mais aussi de l'oedème au-dessus

de cette dernière. Il est donc bien facile de commettre une erreur de lo-

calisation. L'enlèvement d'un nombre considérable d'arcs vertébraux

n'influence pas la stabilité de la colonne vertébrale. Dans un cas cl"Auer-

bach et Brodnitz on a enlevé 5 arcs cervicaux, le malade pourtant pouvait

bien tenir la tête, Dans un autre cas de ëtertz, on a enlevé 6 arcs dorsaux

(depuis le 1er jusqu'au VIe). Krause est d'avis que même sept arcs verté-

braux éloignés ne détruisent pas la statique de la colonne vertébrale.

Chez nous, en l'olone,le Dl Czarkowski a enlevé chez une malade (dans la

pachyméningite tuberculeuse) sept arcs dorsaux, chez une autre, où l'on

supposait une tumeur, 5 arcs cervicaux. Dans un de nos cas le D` Oder-

feld a enlevé 3 arcs dorsaux et 2 cervicaux sans que cette opération ait

une mauvaise influence sur la statique de la colonne vertébrale et du

corps. La même opinion est partagée par Bruns el Stursberb. '

Après avoir dénudé la dure-mère, il faut en bien surveiller la puisa-

592 FLA.TAU

lion. Son absence parle en faveur d'une tumeur. Ce symptôme n'est pas

toutefois absolument sûr. Il peut arriver que la dure-mère (dans des cas

où les tumeurs manquent) se tende vers l'orifice, dans la colonne verté-

brale, à tel point que la pulsation est interrompue. D'un autre côté, dans

quelques cas de tumeurs médullaires,on a noté la persistance d'une faible

pulsation de la dure-mère (Auerbach, Brodnitz, Kiittner). Dans des cas

exceptionnels on réussit à palper ou à voir à l'oeil nu la tumeur à travers

la dure-mère. En général il ne faut jamais se contenter d'un examen ex-

terne de la dure-mère. Il faut l'inciser. Mais avant de le faire, il faut se

rappeler une chose qui d'après nous est d'une grande importance : im-

médiatement avant l'incision de la dure-mère il faut placer le malade

dans laposition de 7"reHe/en&M ? < ! tête en bas autant que possible. A

partir du moment où nous avons commencé d'appliquer cette manoeuvre,

nous n'avons pas eu d'accidents désagréables au cours de l'opération. La

respiration et la pulsation étaient tout il fait bonnes, même au moment

où le liquide céphalo-rachidien s'écoulait après l'incision de la dure-mère.

Il faut dire que ce liquide s'écoule même quand le corps est dans la position

presque verticale, mais sa quantité est moindre et il est plus facile de l'arrê.

ter, bien que dans cette position aussi il puisse s'écouler en jet assez fort. Ce

même fait est constaté entre autres par Auerbach et Brodnitz. Aucoursde

l'opération le liquide s'est écoulé en une quantité qui devenait dangereuse

pour le malade.On a placé alors le malade dans la positiondeTrendetenlurg

et l'opération s'est terminée d'une façon satisfaisante. Il nous semble que

le malade mis dans la position précitée se comporte mieux pendant la

période post-opératoire. Il est évident que le choc du cerveau est moin-

dre, ce qui a une influence favorable sur l'état du malade après l'opéra-

tion. De celte position donnée aux malades pendant l'opération, parlent

différents auteurs, Schullze entre autres. En employant cette méthode,

nous pouvions mettre de côté celle de Sick qui consiste en la ligature du

sac dure-mérien.

Après avoir incisé la dure-mère, il faut s'assurer du point où se trouve

la tumeur. Dans le cas où cette dernière se trouve en face de l'oiifce, le

procédé est bien simple. On dégage assez vite, ordinairement sans les ra-

cines (dans des cas exceptionnels le chirurgien est obligé d'éloigner avec

la tumeur une ou plusieurs racines).

Nous attirons l'attention sur un point. Nous croyons qu'on peul éloi-

gner une tumeur intradurale séparément de la dure-mère (Bruns au

contraire affirme qu'il faut y joindre la dure-mère). Nous avons agi ainsi

dans un autre cas, la dure-mère alors guérit mieux et les adhérences sont

moindres. Il faut pourtant bien curetter la face interne de la dure-mère.

Cela suffit, semble-t-il, pour se débarrasser des récidives, qui sont très

TUMEURS DE LA MOELLE ÉPINIÈRE ET DE LA COLONNE VERTÉBRALE 593

rares dans la moelle même lorsqu'il s'agit de tumeurs malignes (sarcome) !

Si au contraire on ne trouve pas la tumeur dans la région correspondant

à l'incision de la dure-mère;' il faut élargir l'orifice et se servir d'une sonde

pour s'assurer qu'il n'y a pas de tumeur au-dessous et au-dessus de l'ori-

fice. Nous avons déjà dit-plus haut que lés neurologistes même les plus

expérimentés peuvent se Iromper quant à la localisation précise de la

tumeur (l'oedème occupant quelques segments au-dessus de la tumeur) !

Une cause d'erreur consiste encore en ce que quelquefois la moelle est

couverte par une masse gélatineuse. Au premier coup d'oeil on peut

prendre cette masse pour la tumeur. Nous ne connaissons pas du tout la

pathogénèse et l'histopathologie de la méningite séreuse, eh bien, la sup-

position qu'il s'agit de cette affection peut induire en erreur le chirur-

gien. Quelquefois aussi la tumeur peut être tout à fait plate et tellement

bien adaptée il la moelle épinière, qu'elle peut passer inaperçue pour l'o-

pérateur et que l'autopsie seule pourra la déceler (Bruns, Flatau). 1

Voilà quelques remarques, en ce qui concerne la technique opératoire

et la symptomatologie qui nous frappent au cours de l'opération. Nous

sommes sûrs que le progrès de la chirurgie nous permettra d'obtenir de

meilleurs résultats opératoires que ceux obtenus jusqu'à présent.

Tous les neurologistes et chirurgiens qui s'occupent de la question sont

du même avis : il faut opérer dans tous les cas sûrs. En outre,ils sont una-

nimes à déclarer que, dans les cas où la maladie fait penser à une tumeur,

il faut faire une laminectomie exploratrice.

Ces derniers temps certains chirurgiens ont tenté courageusement d'o-

pérer les tumeurs intramédullaires. fiothman disait, il y a longtemps déjà,

que de pareilles opérations peuvent réussir. Church et Eisendrath ont

enlevé un sarcome intramédullaire situé dans les cordons postérieurs. Ils

ont fait une incision longitudinale dans la région de la cloison longitudi-

nale postérieure (mort 5 jours après par suite de septicémie). Dans un

cas de 'Varrington et Montsarrat, où le diagnostic de tumeur fut posé, on

constata pendant l'opération, à l'intérieur de la moelle, l'accumulation

d'une grande quantité de liquide. On l'évacua par la ponction de la moelle

et l'amélioration s'en suivit.

La restitution des fonctions après l'opération.

Dans le chapitre d'anatomiepathologique des tumeurs méningées, nous

avons fait remarquer que la moelle épinière est très résistante à la com-

pression. En effet, maintes fois les médecins ont pu se convaincre que les

fonctions de la moelle revenaient après l'opération là où au premier coup

d'oeil tout semblait perdu. Dans un cas décrit par'Schede, l'opération,

594- liez FLATAU

exécutée neuf ans seulement après les premiers symptômes morbides,

amena pourtant la guérison. Oppenheim, dans un de ses cas, a vu,à l'opé-

ration, la moelle tellement aplatie qu'il était très inquiet sur le sort de la

malade ; l'amélioration quand même s'est produite et la malade pouvait

marcher deux mois plus tard. Dans des cas favorables la restitution des

fonctions est très rapide.

De même les douleurs disparaissent vite, dans les premiers jours après

l'opération. Les troubles urinaires également peuvent disparaître rapi-

dement. Il en est de même, dans les cas favorables, des symptômes mo-

teurs et sensitifs, les sensitifs disparaissent pourtant plus vite que les

moteurs (Oppenheim). Quant aux symptômes sensitifs, les plus persis-

tants sont les troubles du sens de la pression (bathyanesthésie) (Oppen-

heim).

Dans notre XXIe observation, le second jour après l'opération la ma-

lade a recouvré la sensibilité du pied et de la jambe gauches et du pied droit.

Deux jours après l'opération, la malade pouvait légèrement mouvoir le

pied et le genou droits. L'amélioration progressait toujours, et un mois

après l'opération, elle essayait de marcher. Onze semaines après l'opéia-

tion la malade marchait toute seule, et cinq mois après l'opération per-

sonne n'aurait cru que celte malade avait été atteinte de paralysie. Dans

le 11, cas d'Oppenheim on constata également, le premier jour après l'opé-

ration, une amélioration (l'urine s'évacuait normalement, sensibilité tac-

tile et douloureuse des jambes normales, retour des mouvements des or-

teils à droite et du gros orteil gauche). Dans le 11° cas, cinq jours après,

l'amélioration était bien évidente ; deux mois plus tard, la marche était

possible. Une malade de Schullze pouvait exécuter quelques mouvements

des pieds le second jour après l'opération, etc. Cette amélioration est du-

rable, comme nous le prouvent les observations. Ainsi, par exemple, une

malade d'Oppenheim était uneparfaite danseuse quatre ans et demi après

l'opération. Une autre malade de Schullze était tout à fait bien portante

quatre ans après l'opération (fihrosarcome). Sterlz nota chez son malade

un bon état de santé six ans après l'opération.

Cette restitution des fonctions n'est pas toujours complète, quelquefois

même elle est nulle. En premier lieu les symptômes oculaires (du côlé des

pupilles) sonl très lents à disparaître (notre XXIe observation, le cas

d'Auerbach-Brodnitz, etc.); en outre, peuvent longtemps persiste ! ' ce\'-

tains symptômes spastiques aux jambes, les réflexes exagérés, la trépida-

tion, la rétraction des membres, les troubles du sens des attitudes, l'alfai-

blissement, etc. Dans un cas de Lichtheim, un an après l'opération on

pouvait encore constater une zone d'anesthésie radiculaire.

Quelquefois on n'observe pas d'amélioration malgré la réussite de l'o-

TUMEURS DE LA MOELLE ÉPINIÈRE ET OE LA COLONNE VERTÉBRALE 1.1

pération. Il est évident que la moelle a subi une profonde lésion qui ne

se laisse plus réparer (cas de Tylher-Williamson, Collins-Lloyd, Oppen-

heim-Hirschlaff-Borchardt (1), Kôster, etc.).

Il arrive aussi qu'après l'opération survient une aggravation passagère

sous forme d'une paralysie flasque complète et d'affaiblissement ou aho-

lition des réflexes (Schullze, Bruns, Oppenheim). Cette aggravation dis-

parait en quelques jours ou quelques semaines. Il y a des causes qui peu-

vent produire l'aggravation des anciens symptômes et même en faire naître

de nouveaux, c'est la traction ou l'incision des racines médullaires pen-

dant l'opération. Il en résulte la paralysie et l'atrophie des muscles cor-

respondants (Oppenheim).

Quelquefois, immédiatement après l'opération, surviennent des pares-

thésies bien pénibles ou des douleurs irradiantes (dans notre XXobser-

vation, dans les cas d'Oppenheim, Henschen-Lennander, etc.). Oppen-

heim attire l'attention sur le fait que pendant les premières semaines

qui suivent l'opération les symptômes morbides peuvent s'aggraver.

Par exemple les troubles urinaires qui ont déjà disparu reviennent de

nouveau, les phénomènes spastiques s'accentuent, les douleurs réappa-

raissent el l'état général devient mauvais. Mais tous ces symptômes dispa-

raissent peu à peu. Celte aggravation passagère dépend d'une sécrétion

exagérée du liquide céphalo-rachidien et de sa rétention (méningite, simple

ou séreuse, suite de l'irritation des méninges autour de la plaie).

La mort après l'opération.

Le résultat fatal de l'opération peut dépendre de la mauvaise technique

opératoire, de la septicémie,mais aussi de causes inconnues qui nous échap-

pent. La mort survient immédiatement après l'opération par suite d'un

choc du cerveau (écoulement trop abondant du liquide céphalo-rachi-

dien, hémorragie du bulbe, symptômes bulbaires (Chipault, Oppenheim,

Nonne) ou quelques jours ou quelques semaines après l'opération, prin-

cipalement par suite d'une méningite purulente ou d'escarres septiques.

Quelquefois après l'opération le malade vomit, son ventre se ballonne,

le pouls s'affaiblit et le malade meurt (Bregman). Dans notre 1VIIIe ob-

servation, nous avons eu affaire à des symptômes semblables (vomisse-

ments, pouls à 420), la tumeur n'a pas été éloignée et la malade mourut,

trois semaines après l'opération sans phénomènes septiques. De 25 malades

opérés par F. Krause par suite d'affections médullaires (dans ce nombre,

10 cas de tumeurs méningées), 8 sont morts tout de suite après l'opéra-

tion, 1 par suite de pyélite, 1 par suite de pyélite et de pneumonie, t de

(1) Cités par Oppenheim.

596 - FLATAU

méningite purulente. Harle croit que les tumeurs intradurales donnent

plus de mortalité que les extradurales.

Oppenheim remarque que les juifs sont peu résistants aux opérations.

Notre expérience personnelle ne nous permet pas de partager celte opinion

nion. Les juifs ont un mauvais état général à cause de leur vie misérable.

D'autre part ils se laissent opérer dans des cas extrêmes, c'est-à-dire au

moment où les chances de réussir deviennent moindres. Dans les cas

opérés dans mon service, les causes de la mort ne découlaient pas de la

race. Nous avons pu observer qu'à mesure que la technique se perfection-

nait, le danger de mort et d'infection devenait moindre (obs. XVIII et

XXI). Dans la XXIe observation il s'agissait d'une juive opérée par le

Dr Oderfeld. Le résultat de l'opération fut tout à fait satisfaisant.

Quelquefois la mort survient longtemps après l'opération. Ainsi dans

le cas de Ward elle a frappé le malade un an après l'opération (décubitus),

la moelle était complètement détruite à l'endroit opéré.

Il existe des cas où la cause de la mort reste inconnue. Ce sont des cas

où les forces vont toujours en décroissant sans qu'on puisse en trouver

la cause, et finalement arrive la mort. De nombreuses expériences faites

sur les chiens (surtout des vieux) m'ont permis d'observer le même phé-

nomène ; les animaux périssent assez vile après l'opération sans cause

évidente. Il me parait possible que dans ces cas le rôle important soit

joué par les troubles de la pression habituelle de liquide cépllalo-ra-

chidien. Le mécanisme intime de cette action nous échappe.

Il faut avouer que certaines manoeuvres, comme par exemple la posi-

tion de Trendelenburg, peuvent influencer favorablement la période post-

opératoire. Il est certain que le progrès de la technique opératoire, ainsi

que la connaissance plus complète de l'organisme humain et de ses réac-

tions, nous permettront d'obtenir des résultats bien meilleurs que ceux

obtenus jusqu'à présent, après l'exécution de cette unique manoeuvre que

nous avons à notre disposition.

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NOU\ltll ICONOGRAPHIE 1)1 LA S.\TPI'\IIUIH1.

T. XXIII. l'1. LXVI

LA MÉLANCOLIE DU l'EIN'1 KE HUGO VAN DER GOES.

'J .1blc;tu de E. 'Vaurcrs; musée de Brl1xcll<=

(11. l7u/.r<· eI I : >"l'fl"').

LA MÉLANCOLIE DU PEINTRE HUGO VAN DER GOES,

PAR R

. E, DUPRÉ et DEVAUX.

(PL LXVIII)

Les historiens et les critiques d'art qui ont étudié la peinture flamande

primitive, ont tous fait ressortir la personnalité puissante et originale

d'un des maîtres de cette école, Hugo van der Goes, connu sous le nom

de Schilder van Brugghe, élève de Van Eyck, qui florissait à Gand de

94.G8 â 475.

Tous ont également signalé les lacunes, les incertitudes de la biogra-

phie et de l'oeuvre de cet artiste, dont on ignore le véritable lieu de nais-

sance(Gand, Leyde, Zélande), les origines, la formation, et dont la liste

des travaux authentiques n'est pas possible à établir avec exactitude.

C'est aux recherches 'd'Alphonse Wauters (1) que l'histoire de l'art

doit les documents les plus intéressants sur la personnalité d'Hugo van

der Goes. Dans son livre récent sur les primitifs flamands, Fierens Ge-

vaert (2) cite et confirme les études de Wauters et les illustre de nombreu-

ses reproductions des peintures originales et des copies du maître.

Au milieu des incertitudes et des obscurités de la biographie d'Hugo

van der Goes, une notion se dégage avec précision et clarté de l'étude des

documents : c'est l'existence de troubles mentaux, dont l'apparition eut

lieu à une époque bien déterminée de sa vie, et dont la forme, les carac-

tères et la durée permettent à l'aliéniste de se prononcer sur la nature de

la maladie et de formuler le diagnostic. En général, lorsqu'un personnage

historique a présenté des signes de folie, le psychiatre, malgré la richesse

et la précision des documents relatifs à l'histoire de ce personnage, est

souvent fort embarrassé pour déterminer la nature exacte des troubles psy-

chiques en cause, et pour formuler un diagnostic rétrospectif indiscu-

table. Dans le cas présent, au contraire, ce sont les documents relatifs à

la folie d'Hugo van der Goes qui sont peut-être, de sa biographie, les plus

(1) ALpIIONSE Wnursns, L'Histoire de notre première école de peinture cherchée dans

les meilleure s sources. Bulletin de l'Académie Royale de Belgique, 21 série, t. XV

n°5 (1863) ; Hugues van der Goes. Bruxelles, 1872.

(2) Fierens GEVAERT, Les Primitifs flamands, Bruxelles, 1909.

xxni 4u

précis et les plus explicites. Aussi bien les conclusions les plus fermes

qu'on puisse tirer de l'histoire du peintre sont d'ordre psychiatrique et

permettent d'affirmer la nature de l'affection dont il a souffert.

Tirer de documents anciens, dus à des témoins incompétents, les élé-

ments d'un diagnostic certain, est une occasion rare dans la Médecine de

l'Histoire. Elle valait la peine d'être signalée.

Les éléments de ce diagnostic sont tous contenus dans une vieille chro-

nique de la fin du XVesiècle, intitulée « Originale nobuRubeevallisinZo-

nia prope Br2xellccm in l3rabaaüa », due à Gaspar Ofhuys, de Tournai.

Alp. Wauters, qui tenait cette chronique du chevalier Camberlyn d'Amou-

gies, eut le mérite de mettre au jour ce précieux document, qu'on trouve

reproduit dans l'ouvrage de Fierens Gevaert.

Voici, avec les commentaires psychiatriques qu'il suggère, le texte de

la chronique :

« En l'an du Seigneur 1482, mourut le frère convers Hugues, qui avait

fait ici profession. Il était si célèbre dans l'art de la peinture, qu'en deçà des

monts (ou des Alpes) comme on disait, on ne trouvait en ce temps-là personne

qui fût son égal. Nous avons été novices ensemble, -lui et moi, qui écris ces

choses. Lorsqu'il prit l'habit, et pendant son noviciat, parce qu'il avait été bon

plutôt que puissant parmi les séculiers, le père prieur Thomas lui permit mainte

consolation mondaine, de nature à le rameneraux pompes du siècle plutôt qu'à

le conduire à l'humilité et à la pénitence. Cela plaisait très peu à quelques-uns :

« On ne doit pas, disaient-ils, exalter les novices, mais les humilier. » Et

comme Hugues excellait à peindre le portrait des grands, ceux-ci, même le

très illustre archiduc Maximilien, se plaisaient à le visiter, car ils désiraient

ardemment voir ses peintures. Pour recevoir les étrangers qui lui venaient

dans ce but, le père prieur Thomas autorisa Hugues à monter à la chambre

des hôtes et à y banqueter avec eux : « paler Thomas prior eum permittebat

lcospilum cameram ascendere et ibidem cum illis convivari ».

Ces premières lignes du document montrent que le chroniqueur Gas-

par Ofhuys fut un témoin oculaire, et constamment présent, des faits qu'il

raconte. A cet égard, le témoignage du frère convers prend une valeur de

premier ordre. De plus, on peut induire de ce récit, qu'Hugo van der Goes

prit l'habit monacal sous l'influence d'un changement de tendances et de

sentiments qui, précédant de quelques années seulement la mélancolie

confirmée qui allait l'atteindre, appartient aux prodromes de la maladie en

voie de développement. Cependant, nous voyons que la dépression psy-

chique n'était pas assez marquée pour entraver l'activité professionnelle

du maître, puisque celui-ci recevait par permission spéciale ses modèles,

et ses admirateurs.

LA MÉLANCOLIE DU PEINTRE HUGO VAN DER GOES 607

« Quelques années après sa profession, au bout de cinq à six ans, notre frère

convers, si j'ai bonne mémoire, se rendit à Cologne, en compagnie de son frère

utérin Nicolas, qui était entré comme oblat à Rouge-Cloître, et y avait fait

profession, du frère Pierre, chanoine régulier du trône et qui demeurait alors

au couvent de Jéricho, à Bruxelles, et de quelques autres personnes. Comme

je l'appris alors du frère Nicolas, pendant que Hugues revenait de voyage, il

fut frappé d'une maladie mentale. Il ne cessait de se dire damné et voué à la

damnation éternelle, et aurait voulu se nuire corporellement et cruellement,

s'il n'en avait été empêché de force, grâce à l'assistance des personnes présentes.

Cette infirmité étonnante jeta une grande tristesse sur la fin du voyage. »

Ce passage révéle l'éclosion assez brusque de l'affection mélancolique

dont Hugo fu frappé au retour de Cologne. Il ne peut exister aucun doute,

après une description si concise et si nette, sur la nature mélancolique

de l'accès morbide : idées de culpabilité, de damnation, d'automutilation,

monotonie du délire.

« On parvint toutefois à atteindre Bruxelles,oil le prieur fut immédiatement

appelé. Celui-ci soupçonna Hugues d'être frappé de l'affection qui avait tour-

menté le roi Saül ; et, se rappelant comment il s'apaisait lorsque David jouait

de la cithare, il permit de faire de la musique en présence du frère Hugues',

et d'y joindre d'autres récréations de nature à dominer le trouble mental du

peintre (1).

« Malgré tout ce que l'on put faire, le frère Hugues ne se porta pas mieux,

mais persista à se proclamer un enfant de perdition. Ce fut dans cet état de

souffrance qu'il entra au couvent. L'aide et l'assistance que les frères choraux

lui procurèrent, l'esprit de charité et de compassion dont ils lui donnèrent des

preuves nuit et jour en s'efforçant de tout prévoir, ne s'effaceront jamais de la

mémoire. Et cependant, plus d'un et les grands exprimaient une tout autre

opinion. »

On voit que le malheureux Hugues, dès sa rentrée au couvent, eut à

subir, comme presque tous les mélancoliques, les excès de zèle d'un en-

tourage empressé et incompétent, notamment la tentative de mélolhérapie

que le père prieur, au nom de ses souvenirs bibliques, crut devoir insti-

tuer auprès de son malade : tentative inutile, car l'affection mélancolique

persista,en dépit d'une sollicitude aussi active.

« On était rarement d'accord sur l'origine de la maladie de notre frère convers.

D'après les uns, c'était une espèce de frénésie. A en croire les autres, il était

(1) E. Wauters, neveu de A. Wauters, s'est inspiré de ce passage pour représenter,

dans un tableau dont nous donnons la reproduction, cet essai de traitement par la

musique sacrée de la mélancolie du peintre. Le tableau est au musée de Bruxelles.

Dws une étude sur Les fous dans l'art, parue' en 1907, G. Portigliotti a reproduit

cette peinture, avec quelques commentaires sur le rôle thérapeutique de la musique

chez les aliénés. ,

608 DUPKÉ ET DEVAUX

possédé du démon. Il se révélait, chez lui, des symptômes de l'une et de l'au-

tre de ces affections ; toutefois, comme on me l'a fréquemment répété, il ne

voulut nuire à personne qu'à lui-même pendant tout le cours de sa maladie.

Ce n'est pas là ce que l'on dit des frénétiques ni des possédés ; mais, à mon

avis, Dieu seul sait ce qui en était : « Credo Deus solus novit ».

« Nous pouvons envisager de deux manières la maladie de notre convers.

Disons d'abord que ce fut sans doute une frénésie naturelle et d'une espèce

particulière. Il y a, en effet, plusieurs variétés de cette maladie, qui sont pro-

voquées, les unes par des aliments portant à la mélancolie, les autres par l'ali-

sorption de vins capiteux, qui brûlent et incinèrent les humeurs; d'autres

encore, par l'ardeur des passions, telles que l'inquiétude, la tristesse, la trop

grande application du travail et la crainte; les dernières enfin, par l'action

d'une humeur corrompue, agissant sur le corps d'un homme déjà disposé à

une infirmité de ce genre. Pour ce qui est des passions de l'âme, je sais, de

source certaine, que notre frère convers y était fortement livré. Il était préoc-

cupé à l'excès de la question de savoir comment il terminerait les oeuvres qu'il

avait à peindre, et qu'il aurait à peine pu finir, comme on le disait, en neuf

a nnées. Il étudiait très souvent un livre flamand. Pour ce qui est du vin, il buvait

avec ses hôtes, et l'on peut croire que cela aggrava son état. Ces circonstances

purent amener les causes qui, avec le temps, produisirent la grave infirmité

dont Hugues fut atteint,

« D'autre part, on peut dire que cette maladie arriva par la très juste pro-

vidence de Dieu, qui, comme on le dit, est patient, mais agit avec douceur i

notre égard, voulant que nul ne succombe, mais que tous puissent revenir à

résipiscence. Le frère convers dont il est question ici avait acquis une grande

réputation dans notre ordre ; grâce à son talent, il était devenu plus célèbre

que s'il était resté dans le monde. Et, comme il était homme de la même nature

que les autres, par suite des honneurs qui lui étaient rendus, des visites, des

hommages qu'il recevait, son orgueil se sera exalté ; et Dieu, qui ne voulait

pas le laisser succomber, lui aura envoyé cette infirmité dégradante, qui l'hu-

milia réellement d'une manière extrême. Lui-même, aussitôt qu'il se porta

mieux, le comprit; s'abaissant à l'excès, il abandonna de son gré notre réfec-

toire et prit modestement ses repas avec les frères lais.

« J'ai eu soin de donner tous ces détails ; Dieu ayant permis ce qui précède,

comme je le pense, non seulement pour la punition du péché, ou la correction

et l'amendement du pécheur, mais aussi pour notre édification. Cette infirmité

survint à la suite d'un accident naturel. Apprenons par là à réfréner nos pas-

sions, à ne plus leur permettre de nous dominer; sinon, nous pouvons être

frappés d'une manière irrémédiable. Ce frère, en qualité d'excellent peintre,

comme on le qualifiait alors, était livré, par un excès d'imagination, aux rêve-

ries et aux préoccupations ; il a été par là atteint dans une veine près du cer-

veau. Il y a, en effet, à ce que l'on dit, dans le voisinage de ce dernier, une veine

petite, et délicate, dominée par la puissance créatrice et de rêverie. Quand,

chez nous, l'imagination est trop active, que les rêves sont fréquents, cetto

veine est tourmentée, et, si elle est tellement troublée et blessée qu'elle vient

1 LA MÉLANCOLIE DU PEINTRE HUGO VAN DER GOES 609

à se rompre, la frénésie et' la démence se produisent. Afin de ne pas tomber

dans un danger aussi fatal et sans remède, nous devons donc arrêter nos rê-

ves, nos imaginations, nos soupçons, et les autres pensées vaines et inutiles,

qui peuvent troubler notre cerveau. Nous sommes des hommes, et ce qui est

arrivé à ce convers par suite de ses rêveries et de ses hallucinations, ne peut-

il pas non plus nous survenir ? » »

Dans les lignes précédentes, se manifeste avec abondance et ingénuité

la fureur de théories pathogéniques.qui caractérise toutes les médecines

primitives. On peut reconnaître deux grands modes d'explication de la

folie du peintre, parmi son entourage. Pour les uns, Hugo van der Goes

est atteint d'une affection mentale d'origine organique et d'étiologie, pour

ainsi dire, humaine, de frénésie. Pour les autres, le peintre souffre d'un

mal d'origine diabolique et d'étiologie divine : il est possédé du démon.

Les partisans de la frénésie invoquent les vices de l'alimentation, les

excès alcooliques, le surmenage moral, l'intoxication des humeurs.

G.Ofhuys penche pour le désordre de la circulation cérébrale, causé par la

lésion d'une certaine veine, dont les rapports anatomiques ne sont d'ail-

leurs indiqués qu'avec « la puissance créatrice et de rêverie ».

Ceux qui croient à l'intervention divine invoquent la punition que

Dieu inflige à l'orgueil du maître, les voies de sa pénitence et de son amen-

dement, et enfin l'édification de l'entourage du malheureux pécheur.

Toute cette pathogénie du moyen âge est caractérisée par l'ignorance

des faits naturels, normaux et pathologiques ; par la hardiesse et l'ina-

nitédes hypothèses ; enfin, par l'intervention constante de théories mys-

tiques dans l'explication des maladies.

Quatre cents ans après G. Ofhuys, un éminent critique d'art, Alph.

Wauters, dans le livre que nous avons déjà cité, reprenait l'étude de la

biographie et de l'oeuvre de Hugo van der Goes et émettait un jugement,

intéressant à reproduire ici, sur les causes de l'éclosion et de la persistance

des troubles psychiques chez le grand artiste.

Après avoir rappelé la mort de cette jeune femme, originaire de Gand,

que le peintre avait aimée et représentée sous les traits d'Abigail s'avan-

çant à la rencontre de David, dans un de ses tableaux les plus connus ;

puis la solitude, la tristesse, et la retraite au Prieuré, en 1476, de Hugo

van der Goes, Alph. Wauters s'exprime ainsi :

«Dans le cadre poétique du cloître, le peintre aura senti se réveiller ses

ardeurs d'autrefois.... et sa raison aura succombé dans la lutte entre ses nou-

veaux devoirs et le souvenir d'affections mal éteintes, réveillées par ses occu-

pations mêmes.

«Autorisé dans le cloître à recevoir les laïques, les hôtes, etc., le peintre

y menait une existence mixte, tantôt pleine de calme et de mélancolie, tantôt

610 DUPRÉ ET DEVAUX

bruyante et dissipée. ce Le chroniqueur van Opstal, cherche en vain dans les

préoccupations de l'artiste, avide de terminer ses travaux, dans ses lectures

constantes, dans la colère divine, dans des repas trop copieux, le secret de la

folie de Hugues. Une autre passion en fut sans doute la cause principale;

mais, on le comprend, cette cause resta le secret du malheureux; ou, si elle

se découvrit, ne put être proclamée dans un cloître, ni mentionnée dans une

chronique monastique. »

Wauters exprime donc l'opinion formelle que )fugues devint mélanco-

lique par suite, non pas précisément de la mort de sa femme, décédée au

moins cinq à six ans avant l'éclosion de l'accès de Cologne, mais à cause

de la hantise obsédante du souvenir de sa femme, provoqué et entretenu

par la fréquentation des laïques, la culture de son art et la persistance,

au moins dans une certaine mesure, de ses attaches avec le monde extérieur.

« Le séjour de Rouge-Cloître ne fut pas sans influence sur la destinée de

l'artiste. Le site est magnifique ; le couvent vivait sous une discipline sévère :

la nouvelle demeure de Hugues aurait dû exercer sur sa santé et sa raison une

influence bienfaisante. Mais la solitude n'est salutaire qu'à ceux qui ont com-

plètement rompu avec les plaisirs du monde, et qui n'y emportent pas, comme

un ulcère rongeur, des souvenirs à la fois tendres et cruels. Les pratiques

régulières de la vie religieuse amortissent les passions ; mais ces dernièrcs

ne s'éteignent pas chez ceux qui reviennent prendre place à des banquets sa-

voureux, et qui revivent le souvenir des plaisirs de la jeunesse, en retraçant

les traits d'une femme aimée, cette femme fût-elle pieuse et modeste, commo

celle que Hugues se plaisait à peindre. »

- Dans d'autres passages de son mémoire, Wauters analyse les caractères

de la folie du maître flamand. Il rattache le désespoir et la crainte de la

justice divine chez le malade, au sentiment de sa culpabilité, et aux re-

mords que Hugues éprouvait de n'avoir pas lutté contre ses passions. Il

attribue les idées de suicide au déchirement intérieur du malheureux

moine, engagé dans une voie sans issue entre la vie monastique à laquelle

il ne pourrait se plier, et les sentiments profanes qu'il se reprochait.

De même, Wauters prétend que c'est sous l'influence du décourage-

ment que le peintre se décida à quitter le réfectoire et à aller prendre ses

repas avec les plus humbles frères de la communauté.

Nous ne nous attarderons pas ici à faire la critique facile des opinions

de Wauters sur l'étiologie et la pathogénie des troubles psychiques pré-

sentés par Hugo van der Goes.S'il est naturel de retrouver,dans une chro-

nique du XV. siècle, sous la plume de G. Ofhuys, la naïve et complexe

pathogénie de la Médecine du moyen âge, il est intéressant de constater

que, dans un livre qui date de 1872, un auteur moderne s'efforce de

rattacher au .souvenir d'anciennes amours et à la fréquentation du monde

laïque, l'éclosion d'une maladie aussi connue et aussi classique que la

LA MÉLANCOLIE DU PEINTRE HUGO VAN DER GOES 611 i

mélancolie. Le critique moderne n'invoque plus l'intervention de Dieu ni

du Diable ; il n'émet plus des hypothèses aussi compliquées et aussi

extravagantes que le médecin du XVe siècle. Mais il ignore les progrès

de la science médicale ; et, appliquant indûment les lois de la psycholo-

gie normale au fonctionnement du cerveau malade, s'efforce d'expli-

quer l'apparition et la forme des accidents mélancoliques, par les causes

banales qui engendrent chez l'homme normal la tristesse et le désespoir.

C'est d'ailleurs là un vice de raisonnement commun non seulementà tous

les gens du monde, mais aussi aux médecins qui n'ont pas l'expérience

des maladies mentales. Si, en effet, les profanes reconnaissent leur igno-

rance de la médecine, lorsqu'il s'agit de médecine ordinaire ; ils se ré-

servent, par contre, le droit d'exprimer leur opinion et de prodiguer leurs

conseils, lorsqu'il s'agit de médecine de l'esprit. Il ne faut voir dans cette

habitude de jugement qu'un vestige des doctrines spiritualistes et une

conséquence des idées relatives à la distinction de l'âme et du corps.

Cette critique comparée de deux textes distants de quatre siècles, et

tous deux consacrés à la folie du même personnage historique, démontre

qu'en dépit des progrès généraux de la science, tendent toujours à per-

sister,dans la relation et le commentaire des maladies mentales, les mêmes

vices et les mêmes erreurs de méthode : l'explication substituée à la des-

cription, l'interprétation des faits remplaçant leur exposition, enfin l'ob-

servation objective sacrifiée à l'appréciation subjective des choses.

Le aérant : P. BOUCIlEZ.

lmp. J. Thevenot, Saint-Didier (Haute-Marne).

HOSPICE DE 13/Cl; l'RE

TKAVAIL DU LABORATOIRE DE M. LE PROFESSEUR PIERRE MARIE

LESIONS ÉPENDYMAIRES ET SOUS-ÉPENDYMAlHES

DANS LA SCLÉROSE EN PLAQUES,

PAR

Pierre MERLE et C. CASTINE

Interne des hôpitaux (de Gênes).

Les lésions épendymaires et péfi-épendyraaires au cours de la sclérose

en plaques ont été signalées par plusieurs auteurs. L'étude de ces lésions,

ainsi systématisées, peut amener à des considérations importantes au point

de vue général, au point de vue de la pathogénie de la sclérose en plaques

et de la façon dont agit l'élément toxique ou infectieux qui se trouve à la

base de cette affection..

Le cas suivant que nous avons étudié dans le service de notre maître

le professeur Pierre Marie est un exemple typique de cette localisation

péri ventriculaire des plaques de sclérose. Il s'agissait cliniquement d'un

malade qui mourut à t'age de 35 ans, la maladie ayant duré huit ans en-

viron. Le début se fit par des troubles de la marche qui augmentèrent

petit à petit, puis survinrent du tremblement, des troubles de la parole.

Quelque temps après, le tableau symptomatique de la sclérose en plaques

était au complet avec spasmodicité des membres inférieurs, parole scandée,

tremblement intentionnel très marqué, nystagmus.

Il existait un véritable état d'asynergie cinétique et des troubles très

marqués de la diadococinésie pour la main droite et pour la main gau-

che.

La sensibilité était intacte et les pupilles ne présentaient rien d'anor-

mal dans leurs réactions à la lumière et à l'accomodation.

Il faut noter comme point particulier des troubles sphinctériens sur-

venus d'assez bonne heure, caractérisés par des mictions impérieuses et

parfois la perte des urines.

L'autopsie et les coupes macroscopiques ont montré ce qui suit :

Hémisphère gauche. Rien d'anormal pour les méninges.

La corne occipitale du ventricule latéral est entourée d'un tissu anormal

d'aspect grisâtre, assez résistant. Le ventricule est du reste normal comme

dimensions. C'est surtout sur sa paroi externe que s'est constitué le tissu pa-

thologique, mais il en existe aussi sur la paroi interne et la corne occipitale est

xxm 41

614 MERLE ET PASTINE

entourée dans son entier par une véritable coiffe. En arrière la corne occipitale

ventriculaire est légèrement symphysée et la sclérose se prolonge sous forme

d'une traînée assez épaisse qui se dirige vers l'extrémité postérieure du lobe

occipital. En avant la sclérose périveutriculaire s'étend jusqu'à un plan qui

passerait par l'extrémité postérieure des noyaux gris. En bas la sclérose se

continue également autour des cornes sphénoïdales à peu près jusqu'à la

même distance. 1 ,

L'épaisseur de cette couche de tissu pathologique est variable ; elle atteint

en général un demi-centimètre. La limite externe est irrégulière, sinueuse,

dessinant de petits prolongements angulaires qui s'insinuent dans la subs-

tance blanche avoisinante. Sur les coupes on rencontre parfois de petites pla-

ques de sclérose arrondies qui paraissent être situées eu pleine substance

blanche et indépendantes du ventricule. En sériant les coupes ces endroits

on s'aperçoit souvent que ces petites plaques se rejoignent à la couche péri-

ventriculaire et qu'elles n'en sont qu'une dépendance.

La membrane épendymaire elle-même, qui recouvre la couche de sclérose,

paraît par endroits comme détachée, ayant perdu son adhérence avec le tissu

sous-jacent. Elle est déprimée, irrégulière, rugueuse par endroits.

En dehors du ventricule il existe quelques petites plaques, notamment

au-dessous du noyau lenticulaire, correspondant à peu près à la partie médiane.

Hémisphère droit. Là encore la lésion la plus importante est la sclérose

périventriculaire du ventricule latéral. Toute la corne occipitale est englobée

dans une coiffe de sclérose et cette sclérose est plus accentuée même que pour

l'hémisphère gauche. Elle a une épaisseur qui dépasse en général un demi-cen-

timètre. L'étendue en est aussi plus considérable, la sclérose s'avance jusque

dans la corne frontale,sans aller cependant jusqu'à son extrémité antérieure. Du

reste,à partir du plan médian frontal, elle diminue très rapidement et n'est plus

représentée que par une marge très mince. Dans le prolongement sphénoïdal,

il n'y a pas de sclérose périépendymoire apparente (Pl. LXIX).

Dans son ensemble cette sclérose périventriculaire est gris blanchâtre et

résistante, c'est une sclérose dense.

On voit par endroits, généralement à la limite de la plaque de sclérose pro-

prement dite, de petites plaques qui paraissent répondre, macroscopiquement,

à un tissu différent. Elles sont arrondies et à bords bien limités. elles appa-

raissent plus grises, plus spongieuses, imprégnées par le liquide et légèrement

déprimées par rapport à la surface de la coupe avoisinante. Nous verrons

qu'au point de vue histologique ces petites plaques doivent aussi être différen-

tiées de la sclérose périventriculaire dans son ensemble.

En dehors des régions périventriculaires, il existe plusieurs plaques de sclé-

rose, à distance, en plein tissu cérébral. Notamment on en trouve deux, assez

petites (1 centimètre de diamètre environ), dans le lobe occipital, et quatre,

très petites, du volume d'un grain de blé, dans le lobe frontal. Ces petites pla-

ques siègent toutes dans la substance blanche.

Cervelet. Protubérance. - On ne trouve aucune altération macroscopique !

Moelle. Elle est petite, rétractée. Sur les coupes macroscopiques on peut

reconnaître de nombreuses plaques de sclérose.

fou \ELLE Iconographie DE la SALP6rAIrRI.

T. XXIII. Pl. LXl`f

LÉSIONS ÊPENDYMAIKEES ET SOUS-ÊPENDYMAIRES DANS LA SCLÉROSE EX PLAQUES.

(Pierre Merle el C. Pastille).

I. Aspect microscopique de 1.x sclérose périventriculaire formant une coiHe qui entoure la corne occipitale.

(Iréll11sphére droit. Il eu était : r peu prés de même pour l'hémisphère gauche).

2. Petite plaque de sclérose à distance du ventricule. (Méthode de Lhermitte et

Guccione). La sclérose est lâche dans son ensemble. Les fibrilles très enchevêtrées sont inégales comme

épaisseur. La nature inflammatoire du processus est indiquée par l'infiltration cellulaire des grains périvascu-

laîres.

3. Sclérose périventriculaire. L'aspect dillére nettement de celui de la ¡¡go 2. La sclérose est

liellse, formée de fibrilles parallèles et tassées. Il existe des lésions superficielles d'épendymite à ébauche de

granulations, infiltration de cellules sous épendymaires, proliférations de l'épithélium en pseudo-glandes.

Densité de la névroglie immédiatement sous-épendymaire. Les rapports sont manifestes entre la sclérose pé-

riventriculaire et les lésions supeilkielles.

Masson & Cie, Edtteurs.

LISSIONS I : PENDY11AIRLS ET SOUS-ÉPENDYMAIRES GLe7

Examen llISTOLOGIQUE. CERVEAU. - Plaques à distance du ventricule.

Le plus souvent ces plaques sont constituées de la façon suivante :

Tout d'abord elles sont orientées autour d'un vaisseau, et d'un vaisseau

malade. Les altérations vasculaires sont surtout caractérisées par de l'infiltra-

tion cellulaire de la gaine dilatée. Ces cellules sont presque exclusivement des

lymphocytes. Parfois on rencontre quelques rares plasmazellen. Les cellules

conjonctives de la paroi et de la aine vasculaires sont fréquemment tuméfiées

et altérées.

Un second point est la richesse des plaques en petits vaisseaux et en néo-

vaisseaux. Ces capillaires sont dilatés et gorgés de sang. La plupart ont une

paroi très mince, souvent à peine visible.

En ce qui concerne leur structure proprement dite, quand on examine les

coupes colorées à l'hématéine-éosine, on voit que le tissu est riche en grosses

cellules névrogliques, à noyau rond et clair, ayant parfois un corps cellulaire

bien limité, situées au point de croisement de fibrilles névrogliques : ce sont

des cellules du type cellules araignées. Il n'existe, dans la plaque même, que

très peu de petites cellules à noyau rond et foncé : lymphocytes ou petites cel-

lules névrogliques.

Un côté particulièrement intéressant est [l'étude des fibrilles névrogliques

qui peuvent être examinées, d'une façon précises, par la méthode de Lhermitte.

Grâce à cette coloration on constate la présence d'une trame névroglique à la

fois lâche et très enchevêtrée. Elle est constituée par un chevelu de fibrilles

emmêlées et croisées dans tous les sens. Le volume de ces fibrilles est très

..inégal, les unes sont très fines, d'autres beaucoup plus grosses, tortueuses,

serpentines tranchant sur les mailles de fibrilles plus fines qui forment le fond

de la préparation (PI. LXIX).

Beaucoup de ces fibrilles se condensent autour des vaisseaux et se termi-

nent dans leurs parois. Il existe par endroits quelques cellules mûriformes.

Parmi Ips plaques à distance, en pleine substance blanche, il en est quel-

ques-unes qui, au lieu d'être formées par un tissu névroglique lâche, faisant

trou au milieu de la substance cérébrale avoisinante, sont formées par des

fibrilles denses et serrées autour d'un vaisseau et se détachent au contraire

en plus foncé sur les coupes.

Plaques <' ? ' : ueM/t' ! cu/at<'M. Par l'examen macroscopique simple des coupes

pratiquées au voisinage du ventricule, on constate qu'il paraît exister plusieurs

variétés de plaques de sclérose. Les unes sont bien au voisinage du ventricule,

mais n'ont avec lui que des rapports peu étendus. Elles ne sont reliées à la

surface épendymaire que par une sorte de pédicule. Ces plaques ont générale-

ment la même structure que les plaques à distance que nous venons de décrire.

Nous voulons insister surtout sur l'autre typo de plaques périventriculaires,

les plus fréquentes, celles qui constituent, la majeure partie de la sclérose

périventriculaire. Celles-ci sont en rapport direct avec la membrane de revê-

tement, sur de larges surfaces ; elles s'enfoncent ensuite dans la substance

cérébrale dont elles sont séparées par une ligne sinueuse, irrégulière, mais

très nettement dessinée.

616 MEULE ET l'ASTINE

Comme structure histologique, elles sont formées de bandes fibrillaires

épaisses, stratifiées parallèlement les unes aux .autres, rectilignes ou légère-

ment sinueuses. Les noyaux névrogliques au milieu de ces fibres apparaissent

ovoïdes, allongés dans le même sens que les fibres. Il existe dans ces pla-

ques moins de capillaires que dans les plaques de sclérose lâche à fibrilles

enchevêtrées qui se montrent à distance du ventricule, mais on en rencontre

cependant encore un assez grand nombre. Les vaisseaux, plus volumineux,

présentent également une moindre infiltration cellulaire de leurs gaines, mais

en revanche les parois en sont fréquemment épaissies et en voie de dégénéres-

cence, le tissu conjonctif ayant l'aspect homogène et hyalin.

Au-dessus de la plaque de sclérose, l'épithélium épendymaire et la région

immédiatement sous-jacente sont très nettement altérés. En plusieurs points il

existe des granulations appartenant au type des épendymites granuleuses de

Brunuer caractérisées par des émiueiices dues à la prolifération névroglique

et multiplication de cellules névrogliques à gros noyaux. Par endroits se sont

produites des proliférations épithélioïdes s'enfonçant vers la profondeur pour

constituer des pseudo-glandes.

Immédiatement au-dessous de l'épithélium, les fibres névrogliques sont par-

ticulièrement tassées et denses, parsemées d'assez nombreuses cellules dont le

noyau est du même type que ceux de l'épithélium.

Il y a, en ces points, continuité manifeste d'un processus pathologique qui

s'est étendu en surface et a gagné progressivement en profondeur depuis l'é-

pithélium jusqu'aux limites de la plaque de sclérose dont les contours sont,

comme nous l'avons dit, nettement tranchées sous forme d'une ligne irrégu-

lière.

Lésions épendynàires à distance des plaques de sclérose périventriculaires,

- Elles sont peu accentuées. Cependant, en plusieurs points, on note que

l'épithélium présente plusieurs assises cellulaires superposées. Dans la zone

sous-épendymaire immédiate il y a parfois multiplication de grosses cellules

névrogliques indiquant un léger processus réactionnel.

Altérations de la substance cérébrale entourant les plaques de sclérose.

Nous avons vu que les limites étaient nettes autour des plaques. Elles le

sont d'autant plus que la substance cérébrale, à ce niveau est dense et forte-

ment colorée ; de plus le tissu cérébral est infiltré à ce niveau de très non-

breuses cellules à noyau ronds et sombres, tassées les unes contre les autres.

Cette multiplication cellulaire indique un processus de réaction à la périphé-

rie des plaques. Les vaisseaux sont en ces points dilatés, gorgés de sang et

présentent presque tous de l'infiltration cellulaire de leurs gaines.

Méthodes de IVeiert el Weiyert-Pal. - Elles montrent, comme cela est

classique, la démyélinisation complète des plaques de sclérose» Il existe par-

fois, sur les bords, une zone intermédiaire où il n'existe que quelques rares

libres à myéline disséminées et fragmentées. Les tubes myéliniques pâlissent

et disparaissent après fragmentation par altération en quelque sorte progres-

sive. Ou ne rencontre que très rarement des fibres boursouflées, tuméfiées et

LÉSIONS );PENDYD4AlRES ET SOUS- P PNDY,,IAIRr ? G17

globuleuses, comme il est fréquent d'en voir par exemple au cours des ramol.

lissements par thrombose artérielle.

Méthode de Bielchowski. - Elle montre des cylindraxes en nombre à peu

près identique dans les plaques de sclérose et dans le tissu normal. Dans les

plaques périventriculaires les cylindraxes parallèles à la surface épendymaire

arrivent presque jusqu'à l'épithélium. Certains sont moniliforrnes, beaucoup

extrêmement minces. Ils ont, par endroits, l'aspect de filaments tendant à se

dédoubler longitudinalement.Dans les plaques périvasculaires situées en pleine

substance cérébrale, le réseau des cylindraxes est tout à fait identique à celui

des régions voisines non démyélinisées. La différence d'aspect est seulement

due à cette absence de myéline qui rend le tissu moins dense, dégage les

cylindraxes et permet de les suivre et de les distinguer sur une plus longue

étendue.

Recherche des corps granuleux. - Il en existe très peu dans les plaques de

sclérose cérébrale. Autour des plaques périventriculaires, on en voit quelques-

uns à la marge du tissu myélinisé : ils présentent de petits noyaux denses et

paraissent être vraisemblablement d'origine et de nature névroglique. Dans des

plaques à distance on note souvent leur absence complète. Dans une plaque du

lobe occipital, constituée par de fines fibrilles névrogliques tortueuses et emmê-

lées il a été cependant possible d'en reconnaître un assez grand nombre. (La

recherche des corps granuleux a été faite pour les plaques cérébrales à l'aide

du soudan sur des coupes à congélation).

Aqueduc DE Sylvius. Il existe sur les parois de l'aqueduc de Sylvius

quelques altérations épendymaires superficielles, d'ailleurs assez peu accen-

tuées. Elles sont marquées par des proliférations cellulaires s'avançant vers la

lumière sous forme de petites saillies ou s'enfonçant vers la profondeur sous

forme de pseudo-glandes. La réaction névroglique sous-jacente est peu intense.

Moelle. Il existe de très nombreuses plaques de sclérose à tous les éta-

ges. Certaines, à la région cervicale et à la région dorsale en particulier sont

très étendues et occupent presque toute la surface des coupes. A la région lom-

baire et à la région sacrée, elles sont moins étendues et occupent surtout les

cordons postérieurs.

Sur toutes les coupes le canal épendymaire s'est montré oblitéré.

La démyélinisation est complète.

Le tissu de sclérose est remarquable par la quantité de petits capillaires à

parois sclérosés qu'on y rencontre et l'aspect n'est pas sans analogie avec cer-

taines myélites chroniques.

La recherche des corps granuleux par la méthode de Marchi a montré qu'il

en existait, en certains points, un nombre considérable autour des vaisseaux.

Certaines plaques vraisemblablement jeunes, étant donné les caractères de la

sclérose relativement peu dense, sont complètement bourrées de volumineux

corps granuleux. Dans les plaques plus étendues, constituées par du tissu sclé-

reux plus épais et parcourues par des capillaires sclérosés, il n'existe qu'un

nombre plus restreint de ces corps granuleux disséminés à la périphérie des

plaques.

618 ' MEULE ET PAST1NE

Chez ce malade, atteint de sclérose en plaques, classique au point de

vue clinique, existait une dissémination médullaire des plaques de sclé-

rose. Les plaques cérébrales étaient en petit nombre comparativement, les

lésions péri-ventriculaires constituaient le fait dominant.

Dans un cas de Touche (1), il existait,avec la sclérose périventriculaire,

des lésions du centre ovale et des plaques des noyaux gris centraux. C'est

à ces dernières lésions que l'auteur attribuait la production du rire spas-

modique existant chez sa malade. Dans notre cas, il n'existe rien de sem-

blable et il paraît bien difficile de savoir quelle part peut prendre la sclé-

rose périventriculaire dans la constitution du syndrome clinique.

Au point de vue anatomo-pathologique, le fait intéressant est la locali-

sation périventriculaire des plaques de sclérose. Cette localisation a été

notée par d'assez nombreux auteurs (horst, Westphal, Touche) et cette

notion est enregistrée dans les traités classiques (Cornil et Ranvier, Traité

d'histologie pathologique, 1907, p. 255).

On a signalé aussi la distension des ventricules au cours de la sclérose

en plaques (Scliiile, Jolly, Greiff). Certains ont vu dans cette distension

le fait d'une hydrocéphalie passive, ex vacuo, commandée par la rétrac-

tion du tissu cérébral dans son ensemble (Valentiner) (1).

Les choses ne sont peut-être pas aussi faciles à interpréter. Plusieurs ob-

servations signalent que les ventricules, en même temps qu'ils sont dila-

tés,présentent des granulations sur leurs parois. Cette épendymite granu-

leuse est peut-être l'indice que l'hydrocéphalie a pu résulter d'un étal

inflammatoire chronique, cause commune des plaques de sclérose et de

l'épendymite.

Miiller (2) signale comme lieu d'élection pour les plaques de sclérose

la région péri-épendymaire de l'aqueduc de Sylvius.

En examinant plusieurs cas de sclérose en plaques de la collection de

M. Pierre Marie, nous avons pu noter deux fois la présence de granula-

tions d'épendymite de Brünner sur les parois épendymaires, soit des

ventricules latéraux, soit de l'aqueduc de Sylvius. Ces faits peuvent être

l'indication que ces parois épendymaires sont parfois irritées au cours de

(1) Touche, Société de Neurologie, 4 juillet 1901.

(1) VALENTINRR, Ueb. die Slclerose des Geli. lt. Ritclcenrnarks. Deutsche Klinik, 1856,

ilo 14.

(2) MÜLLER, Die multiple Sklerose des Gehirns u. Riickenmarks, 1904.

LÉSIONS ÉPENDYMAIRES ET SOUS-ÉPENDYMAIRES 619

la sclérose en plaques et cette atteinte se produit vraisemblablement par

l'intermédiaire du liquide céphalo-rachidien.

Lhermitteet Guccione (1) ont récemment étudié un cas de sclérose mul-

tiple avec localisation périventriculaire de plaques d'étendue assez consi-

dérable.

L'intégrité de l'épithélium au-dessus des plaques de sclérose ne leur

a pas permis d'admettre que « l'agent irritant a pénétré dans le cerveau

par la voie ventriculaire ». Les lésions vasculaires très marquées au con-

traire leur ont fait penser que la localisation péri-ventriculaire était due à

la richesse vasculaire de la région. Dans leur cas existait, en outre, autour

de l'aqueduc de Sylvius des altérations épendymaires, formations pseudo-

glandulaires en particulier, avec réaction névroglique très marquée indi-

quant « que ce n'est point par la voie sanguine que l'agent irritant a été

amené là, mais par celle du liquide céphalo-rachidien ». Ces auteurs ad-

mettent donc en principe que le liquide céphalo-rachidien puisse être le

véhicule de l'agent irritant dans la sclérose en plaques. C'est cette opinion

que l'un de nous a soutenue avec M. Delamare dans plusieurs mémoires

(En particulier : ÉpendYlllites aiguës et subaiguës, Soc. de Neurologie,

14 février 1910). '

L'interprétation qui attribue la localisation périventriculaire à la ri-

chesse vasculaire de cette région a été surtout soutenue par Borst (2).

L'altération des vaisseaux, l'infiltration cellulaire de leur gaine, joue

"certainement un rôle important dans la genèse des lésions. Ce n'est ce-

pendant pas, à notre sens, un argument sans réplique, ni même valable

contre l'origine ventriculaire du processus. En effet, les altérations vas-

culaires et en particulier la gainite périveineuse sont une des caractéris-

tiques des lésions d'épendymite en général. On les rencontre à un degré

très marqué dans des cas d'épendymite aiguë ou subaiguë où l'infection

et les phénomènes inflammatoires se sont développés à l'intérieur des ven-

tricules. Il semble que les capillaires veineux, constituant la voie de re-

tour de la circulation périventriculaire, participent de très bonne heure

aux processus inflammatoires qui atteignent les ventricules. Ce point,

que l'un de nous a développé dans sa thèse sur « les Ependymites céré-

brales », avait déjà été noté par certains auteurs : Naushalter et Thiry,

Alamelle.

Une expérience que nous avons pu réaliser chez le chien est du reste

tout à fait démonstrative à cet égard. Quand on injecte du carmin dans les

LI) Liiehmitte et GUCCIONE, Quelques symptômes et lésions rares dans la sclérose en

plaques. Encéphale, mars 1910.

(2) HORST, Z. Path. Anal. u. Palhogenese der multiplea Sklerose. Zieglers Beitrage,

Bd. XXI, 1897, p. 308.

(»20 MERLE ET PASTINE

ventricules latéraux et qu'on pratique des coupes dans les parois quelque

temps après (10 jours dans notre cas), on constate que le carmin s'est

amassé en presque totalité dans la zone sous-épendymaire et particulière-

ment dans la gaine des vaisseaux, dans les cralnespéi-iveliietises.11 est donc

logique de penser que les processus infectieux ou toxiqnes suivent le

même chemin et les lésions vasculaires el périvasculaires peuvent et même

doivent exister autour des ventricules qui sont le siéged'ane inflammation

ou qui contiennent, véhiculés par le liquide céplialo-rachidien, les agents

toxiques ou irritants,

Chez noire malade nous avons constaté deux sortes de plaques de sclé-

rose au point de vue de la structure, qu'il nous paraît intéressant de dif-

férencier.

Les unes nettement périvasculaires,entourant un vaisseau dont la gaine

est infiltrée de cellules rondes, sont constituées par des fibrilles névrogli-

ques enchevêtrées en un lacis très embrouillé où l'on distingue de très

fines fibrilles,et d'autres plus volumineuses, tortueuses et serpentines qui

tranchent sur le fond de la préparation, convergeant souvent vers les

parois d'un vaisseau. C'est là le type des petites plaques à distance du

ventricule (Pl. LXIX).

Dans les plaques périventriculaires au contraire, l'aspect le plus fré-

quemment observé est une sclérose névroglique à longues fibrilles paral-

lèles à la paroi' ventriculaire, lassées les unes contre les autres, rectili-

gnes ou légèrement sinueuses. Les noyaux qu'on y rencontre sont ovoïdes,

allongés dans le même sens que les fibres elles-mêmes. Celte sclérose

parait plus compacte, plus dense que pour les plaques éloignées, comme

si cela résultait d'un processus un peu différent, probablement plus lent

et plus continu. Du reste, au-dessus de la plaque périventriculaire, on

trouve des lésions manifestes d'épendymite chronique : granulations, vé-

gétations de l'épithélium en pseudo-glandes s'enfonçant vers la profon-

deur, réactions cellulaires et névrogliques dans la zone immédiatement

sous-jacente à l'épithélium.

Du reste, au pourtour du ventricule, les deux genres de lésions peuvent

s'observer et beaucoup de points de cette sclérose périventriculaire mon-

trent un mélange des deux processus, l'un périventriculaire proprement

dit en rapport avec les altérations superficielles et l'épendymite chro-

nique, l'autre périvasculaire, siégeant plus profondément, la localisation

dépendant de la situation des vaisseaux.

Les autres caractères fournis sur les diverses méthodes histologiques

n'indiquent que des poinls de détail. Un côté intéressant est l'abondance

des corps granuleux dans beaucoup de plaques médullaires et les carac-

LESIONS ÉPENDYMAIRES ET SOUS-ÉPENDYIIfAIRRS 621

tères du tissu de sclérose riche en capillaires sclérosés comme dans cer-

taines myélites chroniques.

Eu résumé, des cas tels que celui que nous rapportons semblent indi-

quer qu'au cours de la sclérose en plaques, il peut se produire une irrita-

tion des parois ventriculaires aboutissant à des lésions d'épendymite et

que ces lésions se propageant vers la profondeur sont capables de donner

lieu à de la sclérose périventriculaire.

La sclérose en plaques est souvent une affection inflammatoire comme

l'ont montré les travaux de Pierre Marie, de Rilbert, Lejonne et Lher-

Il

mitte et d'autres auteurs.

La dissémination de l'agent causal par la voie vasculaire est sans doute

la plus importante, mais à côté d'elle il faut attribuer un rôle important

au liquide céphalo-rachidien comme en témoignent les lésions des parois

épendymaires qui font l'objet de ce travail.

UNIVERS/1'É DE GENÈVE

L'AORTITE MOYENNE GOMMEUSE

OU MÉSAORTITE GOMMEUSE

PAR

- Ch. LADAME,

Privat-docent à l'Université de Genève,

Médecin adjoint à l'asile clinique de Bel-Air (Genève).

C'est à propos des recherches sur l'étiologie des anévrysmes de l'aorte

que l'on découvrit les lésions syphilitiques microscopiques dont la tunique

médiane de ce vaisseau est parfois le siège. '

L' aortite moyenne gommeltseon mésao1'lite gom1llense est encore loin d'être

une donnée classique, admise par tout le monde. Il parait bien certain

cependant que les altérations décrites relèvent de la syphilis. Des études

approfondies, des démonstrations microscopiques et des arguments déci-

sifs ont été publiés, qui ne manqueront pas de rallier tôt ou tard les opi-

nions encore hésitantes.

La connaissance de ces altérations anatomo-histologiques de l'aorte,

dues à la luès, a une grande portée pratique. Il sera désormais possible

d'être plus affirmatif lorsque l'on aura des raisons d'admettre que la sy-

philis est le facteur étiologique, non seulement de 'certaines maladies

nerveuses, mais aussi de quelques affections mentales déterminées.

La démonstration du caractère spécifique de ces lésions, déjà importante

pour la pathologie générale, esl capitale pour la neurologie et la psychiatrie.

Nous avons en effet, dans le domaine des maladies de l'Encéphale, tout

un groupe d'affections, les 'affections parasyphilitiques, dont l'étiologie

syphilitique est aussi probable que souvent contestée, car, jusqu'ici, l'in-

fection luétiquene pouvait être prouvée d'une façon satisfaisante.

Aussi ne saurait-on trop apprécier une altération anatomique facile à

constater, et qui est une preuve positive d'une affection syphilitique an-

térieure.

Les recherches récentes, pratiquées avec la méthode de Wassermann et

Plaut n'enlèvent rien à ces conclusions, qu'elles viennent au contraire,

confirmer pleinement dans les cas où le Wassermann peut être appliqué,

ce qui malheureusement n'est pas encore de pratique courante.

Ces constatations microscopiques conservent par contre toute leur va-

L'AORTITE MOYENNE GOMMEUSE OU MÉSA0RT1TE GOMMEUSE 623

leur dans les nombreux cas où l'examen par le Wassermann-Plaul ne peut

être mis en oeuvre.

Les partisans convaincus de l'origine luétique des affections parasyphi-

litiques du système nerveux, de la paralysie générale en particulier, ne

sauraient que se réjouir d'avoir enfin le moyen de faire la preuve anato-

mique certaine d'une infection spécifique antérieure.

Toutefois, il va sans dire que cette preuve ne se rencontrera pas chez

chaque paralytique général, les altérations luétiques ne se présentant pas

dans tous les cas avec une allure aussi typique.

L'étude qui suit est basée sur l'examen anatomo-histologique d'aortes

provenant de quelques paralytiques généraux, d'un cas de syphilis célé-

brale diffuse et de deux cas d'anévrysmes de l'aorte que j'eus l'occasion

de suivre cliniquement.

Je me bornerai à une simple esquisse des particularités cliniques de ces

cas et je ferai une élude d'ensemble des lésions microscopiques en les

groupant selon leurs caractéristiques anatomiques.

On trouvera dans la thèse inaugurale de P. Beck (de Wallenstadt) un

historique et une bonne monographie de ce sujet. Cette étude est devenue

classique depuis que Kaufmann l'a utilisée comme base de la description

qu'il donne de l'aortile moyenne gommeuse, dans son manuel d'Anatomie

pathologique spéciale.

Pour juger sainement des altérations particulières dont il est ici ques-

tion, il est tout aussi indispensable dans ces cas que dans les autres mala-

dies de tenir compte de l'ensemble des renseignements [obtenus sur le

malade, tant au point de vue clinique qu'au point de vue des données de

l'autopsie.

On pourrait faire fausse route, en effet, en posant des conclusions uni-

quement basées sur quelques coupes microscopiques provenant d'aortes

altérées.

Les petites gommules dont je vais parler ressemblent à s'y méprendre

il des tubercules. Aucun caractère histologique spécial ne permet de dis-

tinguer les deux productions l'une de l'autre.

Ainsi que le démontre, amplement Kaufmann, ce n'est qu'à l'aide des

commémorati fs complets, c'est-à-dire des données étiologiques, cliniques et

anatomiques, que l'on parvient à formuler un diagnostic différentiel sûr

et certain entre ces deux ordres d'altérations.

624 ' LADAME P

Ceci n'est cependant pas pour nous jeter dans l'embarras, car bien peu

parmi les paralytiques généraux sont en même temps des,tuberculeux.

Encore faudrait-il que cette dernière lésion soit localisée dans les parois

de l'aorte, ce qui est excessivement rare. Nous ne parlons pas de la tuber-

culose primitive de l'aorte, qui est un fait exceptionnel, et qui même avec

de la bonne volonté ne peut entrer ici en ligne de compte.

Négligeant cette éventualité, nous pouvons retenir le fait principal,

le fait le plus important, à savoir que l'on pourra affirmer l'infection

. syphilitique lorsque le microscope nous livrera, chez le paralytique géné-

ral, les altérations aortiques analysées dans cette étude.

OBSERVATIONS CLINIQUES.

T ? cas. Il s'agit d'un homme de 42 ans, ayant toujours joui d'une excel-

lente santé générale. Intellectuel travaillant beaucoup, pas d'excès d'alcool, a

eu la syphilis entre 20 et 30 ans. Mort subite dans une attaque ; l'autopsie

révèle un gros anévrysme de l'aorte.

Microscopie : Mésaortite gommeuse floride.

2e cas. - Homme de 45 ans, également bonne santé générale. Commerçant

actif, pas d'excès d'alcool, mais étant d'un pays où on boit volontiers. Syphilis

non connue. Mort subite dans une attaque d'apoplexie ; l'autopsie du thorax,

seule autorisée, révèle aussi un anévrvsme de la crosse de l'aorte.

Microscopie : Mésaortite gommeuse floride.

3e cas. - Homme de 40 ans, charron, infection syphilitique vers la 20° année.

Durée de la maladie avant l'admission : 1 mois.

Durée de la maladie à l'asile : 2 mois. Il meurt dans un ictus paralytique.

Diagnostic clinique et anatomique : Paralysie générale.

Ce cas est très intéressant par la richesse considérable des mastzellen, tant

dans les parois de l'aorte que dans l'écorce cérébrale et ses vaisseaux.

Microscopie : Mésaortite gommeus(f1oride.

4" cas. Femme de 34 ans, ouvrière, hérédité tuberculeuse chargée.

Misère physiologique. Syphilis antérieure remontant à quelques années.

La malade fit deux séjours dans un hôpital, fut opérée pour des glandes sup-

purées au cou, de nature mal déterminée, eut quelques crises épileptiformes.

Son état psychique grave nécessita l'internement. L'examen clinique, confir-

mé par l'examen anatomique, permit de poser le diagnostic de syphilis céré-

brale diffuse. Les lésions aortiques, comme uous allons le voir, sont un stade

intermédiaire entre celles des trois cas précédents et ceux que nous décrirons

plus loin.

5 cas. Femmej;d'ouvrier, 43 ans, abandonnée par son mari, buveur et

noceur. Elle fut malade quelques mois avant l'admission, mourut à l'asile

après trois ans de séjour, dans le marasme paralytique. Diagnostic clinique :

Paralysie générale.

L'AORTITE MOYENNE GOMMEUSE OU MÉSAORTITE GOMMEUSE 625

Elle a une lésion aortique de date encore récente et en pleine activité. Une

ulcération fraîche était recouverte par un thrombus.

Microscopie : Mésaortite gommeuse stade intermédiaire.

6e, 78, 8e et 9 cas. - Il s'agit dans ces quatre cas de paralytiques géné-

raux décédés après une maladie de quatre à cinq ans de durée, type classique.

Les lésions aortiques sont complètement évoluées, on a devant les yeux des

cicatrices définitives.

Microscopie : Mésaortite gommeuse cicatricielle.

ANATOMIE PATHOLOGIQUE.

Etudions maintenant deplus près les altérations anatomiques présen-

tées par ces différents cas.

Voici d'abord comment l'aortite moyenne gommeuse se présente géné-

ralement à l'autopsie.

Elle siège le plus ordinairement à l'origine de l'aorte ascendante, sur

sa paroi postérieure.

On voit à cet endroit des sortes de plaques à contours irréguliers, don-

nant l'impression d'une cicatrice. Leur teinte blanc rosé tranche sur les

tissus voisins. Ces plaques sont légèrement surélevées ; elles sont acciden-

tées, présentent des [enfoncements, des ombilications, qui sont étoilées,

gauffrées et donnent à ces altérations cette apparence de cicatrice qui leur

est toute spéciale et si caractéristique.

Ces plaques sont rarement le siège de métamorphoses régressives, de

calcification. Autre constatation qui aide à les distinguer des plaques athé-

romateuses.

L'endothélium et l'intima de l'aorte recouvrent ces plaques dans la

grande majorité des cas, sans solution de continuité, ce qui contribue à

donner aux régions atteintes une coloration particulière, qui tranche sur

les tissus voisins.

Cet aspect est, de l'avis de tous les pathologistes, assez caractéristique

et permet dans la plupart des cas de poser le diagnostic sans grandes diffi-

cultés. -

Il n'y a hésitation possible que dans les cas où l'aortite moyenne gom-

meuse est accompagnée de lésions athéromateuses et dans ceux où les

altérations sont peu marquées et très anciennes.

HISTOLOGIE PATHOLOGIQUE.

L'image microscopique de la mésaortite gommeuse est multiple- En effet

on peut avoir des coupes intéressant des moments très différents de l'évo-

lution de ce processus, dans le même cas ou dans des cas de modalité très

diverse.

fi26 LADAME

Tout en précisant bien que chez le même malade on peut rencontrer tous

les stades de ce processus pathologique, je veux décrire ici les deux stades

principaux, celui dans lequel la gomme est en plein développement et ce-

lui dans lequel le tissu de granulation s'est organisé ; on a alors une cica-

trice devant les yeux.

Quand on a affaire a des maladies très récentes, aiguës, ou au contraire

très anciennes, en rencontre des lésions du début ou des altérations com-

plètement évoluées -

Dans tous les autres cas, comme je viens de le dire, nous pouvons ob-

server comme altérations pathologiques tous les stades depuis la gomme la

mieux caractérisée jusqu'à la cicatrice terminale.

Sans attacher d'autre importance à ces'termes, je décrirai donc :

1° L'aortite moyenne gommeuse floride en pleine évolution.

2° L'aortite moyenne gommeuse cicatricielle ou évoluée.

(PI. LXXetLXXI)

1° AORTITE MOYENNE GOMMEUSE FLORIDE.

- 1 faible grossissement. -La paroi du vaisseau est augmentée d'épais-

seur, cette tuméfaction atteint parfois le double de l'épaisseur ordinaire

de la paroi. On aperçoit, çà et là, des traînées foncées dans l'adventice et

des amas bien circonscrits de petits noyaux dans le voisinage des vaisseaux,

dans le tissu conjonctif et autour des faisceaux de fibrilles nerveuses

(fig.2).

On observe la même chose dans la tunique médiane avec celle différence

que les foyers sont ici plus circonscrits et localisés aux abords des petits

vaisseaux.

On peut très bien suivre la marche envahissante de l'inflammation de-

puis l'adventice jusque dans la média.

Certaines régions de la tunique moyenne ont moins bien pris la colo-

ration, elles sont pâles et on voit nettement, en rapport avec ces foyers,

des artérioles de la tunique externe complètement oblitérées et engainées

dans d'abondants petits noyaux foncés (fig. 3 el fig, 4).

La tunique interne présente des élévations qui font saillie dans la lumière

de l'aorte et des enfoncements irréguliers ; l'endothélium ne parait pas

avoir de solution decontinuité (fig. 2).

Au, fort grossissement. ? Les traînées et les amas mentionnés tout à

l'heure sont composés de leucocytes, de lymphocytes et de cellules plas-

matiques. Ces éléments engainent les vasa-vasorum en formant des cou-

ches plus ou moins épaisses. De nombreux vasa sont atteints par l'inflam-

mation, leur paroi est infiltrée, frappée de dégénérescence hyaline on

de processus oblitérants.

Nouvelle Iconographie de la SALYETRII : Rt.

T. XXIII. PI. LXX

aortite moyenne gommeuse ou mésaortite gommeuse.

(Ch. Ladame).

I. Mésaortite gommeuse de l'origine de l'aorte ; cicatrice;, sur le tissu frais .1. l'autopsie. ? Aorte ascendante d'un p.tra]\tiqnegmcr.ddL'.)0 ails. Jnliltr.ninn des tlll1lquC", deg-énrc...cn(e h).dÎnc :

gommes microscopiques. : t P.1r.l1ytique gcnl-r.l1 de 40 .\IlS. Artntc oblitérante dfS \.\S.1 ? lS0nIl11.

t. Anévrisme de l'aorte, homme de 45 al1. Artérite oblitér.\I1te, dégénérescence hyaline

i. Paralyym généial de 4> ans ; gommes dans la paroi de l'aorte ascendante.

Masson & Cm·, I : ducurs.

SOCVELLE Iconographie DE la SALPÈ1RtfRF.

'l'. XXIII. Pl. LS ! CI

AORTITE .MOYENNE GOMMEUSE OU ! lIESAORTITE GOMMEUSE

(Ch. Ladame).

(i. Paralytique général de 45 ans Gomme caséi6ée de la paroi de l'aorte médiane.

1. Paralytique général de 40 ans. Rupture et fragmentation de l'élastique, aorte ascendante.

R. Pal3lytiqne général de 40 ans. Stade calcifié, évolué ; aorte ascendante. ^^

L'AORTITE MOYENNE GOMMEUSE OU MÉSAORTITE GOMMEUSE 627

Les veines sont rarement atteintes par l'inflammation ; elles sont par

contre le siège d'une très forte stase, elles sont dilatées et remplies d'héma-

ties et de leucocvtes.

Les faisceaux de fibrilles nerveuses de l'adventice sont aussi fréquem-

ment envahis par les leucocytes ; ils présentent une inllammation légère.

La tunique médiane est très épaissie et la tuméfaction progresse du

côté de la lumière du vaisseau, repoussant ainsi la tunique intime devant

elle.

L'augmenta lion de l'épaisseur est due à l'oedème et aussi à la produc-

tion de tissu connectif enflammé qui accompagne les vaisseaux qui ont

pénétré dans cette membrane et dont on peut suivre le trajet jusque dans

l'adventice.

Ce torrent inflammatoire bouleverse naturellement toute l'ordonnance

des couches.

Il se forme des foyers d'infiltration, très riches en leucocytes ; les élé-

ments conjonctifs prolifèrent activement (cellules en bâtonnets) ; il a a

aussi des matzellen. C'est là un véritable tissu de granulation.

Çà et là, on observe aussi des amas de cellules épitlléloïdes entourées de

lymphocytes, elles enveloppent des cellules géantes du type deLanghans ;

ce sont de petites gommes. Elles ressemblent à des tubercules (fig. 5).

On rencontre aussi des gommes plus grandes, mais à peine visibles à

l'oeil nu, ayant les caractères habituels de ces productions.

De nombreux faisceaux de fibrilles conjonctives sont frappés par la dé-

générescence hyaline.

Les fibrilles élastiques sont rompues, brisées, dégénérées, englobées

dans les masses en prolifération (fig. 7). Celles qui composent l'élastique

interne sont de ce fait dissociées et elles laissent ainsi passer la poussée du

tissu de granulation qui fait hernie et refoule l'intime à l'intérieur de la

lumière du vaisseau.

L'élastique externe est mieux conservée elle est cependant çà et là

rompue et livre passage au tissu connectivo-vasculaire enflammé.

L'intime est normale, encore que quelques lymphocytes l'ont envahie et

qu'elle est par places oedématiée et qu'elle a une tendance à proliférer dans

les zones où l'inflamation est la plus intense.

2° L'aortite "moyenne gommeuse cicatricielle, ou évoluée.

Le processus est évolué et on a sous les yeux le stade terminal de l'in-

flammation syphilitique du vaisseau.

Le tissu de granulation s'est organisé et a formé des cicatrices que l'on

rencontre çà et là disséminées à l'intérieur de la médiane.

628 LADAME

Les fibrilles élastiques disparues ne sont pas remplacées,- à leur place

on a des taches blanches, non colorées, composées par du tissu cicatriciel

(fit.8).

Çà et là il y a des semis de foyers leucocytaires, le plus souvent le long

ou au pourtour des vaisseaux oblitérés. Quelques fusées leucocytaires s'ob-

servent aussi entre les faisceaux connectifs et le long des gaines vascu-

laires.

Le tissu est parfois plus coloré, il est plus tassé el ses éléments plus jeu-

nes ont mieux élu les colorants (fig. 8, b).

Nombreux sont les vasa-vasorum oblitérés et frappés par la dégénéres-

cence hyaline.

En rapport direct avec ces artérioles oblitérées, on rencontre dans la mé-

dia des territoires nécrosés, non colorés (fig. 8, a).

L'hypertrophie des parois vasculaires signalée dans le stade précédent

s'est considérablement amendée, mais il n'en reste pas moins quelque

chose. La cicatrisation de nombreux petits foyers produit une rétraction

plus ou moins marquée de ces régions. Les parois qui les recouvrent, l'in-

time en particulier, suivent les dépressions et c'est là la raison d'être des

enfoncements, des ombilications dont j'ai parlé dans la description micros-

copique de l'aortite gommeuse.

En résumé :

Nous avons d'abord une inflammation productive plus ou moins intense

du tissu connectivo-vasculaire des tuniques médiane et adventice.

Puis la formation de gommes, le plus souvent microscopiques avec cel-

lules géantes. Les vaisseaux sont le siège d'inflammation oblitérante de

l'aorte.

Enfin l'évolution du processus se poursuit, on a d'une part de véritables

granulomes qui s'organisent et donnent naissance à des cicatrices minus-

cules qui rétractent les parois du vaisseau ; et d'autre part des gommes

typiques.

Cette forme d'aortite se complique rarement de lésions régressives, allié-

comateuses.

Les diverses lésions de l'aortite moyenne gommeuse se rencontrent

donc aussi dans l'aorte des paralytiques généraux. Elles ont par là même

une portée pratique considérable.

Il va sans dire qu'elles ne sont pas constamment aussi typiques que cel-

les dont je viens de donner la description à propos de la forme floride.

Mais comme il n'y a pas longtemps que l'attention est attirée sur ce sujet,

L'AORTITE MOYENNE GOMMEUSE OU MÉSAORTITE GOMMEUSE 629 0

cette appréciation ne peut être plus précise. La plupart des paralytiques

généraux ont eu leur infection quelques dix ou vingt ans avant que la

psychose n'éclate. On comprend aisément que si on est appelé à ren-

contrer des altérations dans l'aorte, ce sera bien plutôt la forme cicatri-

cielle évoluée que l'on observe dans ce vaisseau chez les paralytiques

généraux.

C est précisément ce que j'ai constaté chez la majorité des malades dont

j'ai pu examiner l'aorte.

Un seul cas, le troisième, qu'on pourrait appeler paralysie générale

foudroyante, puisque l'affection n'a eu qu'une durée totale de trois mois

depuis le début de la maladie jusqu'à la mort subite dans un ictus paraly-

tique, nous permet d'observer dans l'aorte des processus pathologiques en

pleine activité, soit des gommules dans la paroi de ce vaisseau. Mais à côté

de ces lésions on rencontre aussi des cicatrices dans l'aorte, séquelles de

lésions complètement évoluées. Ce cas est des plus précieux, car il peut

servir de transition et de modèle pour faciliter la compréhension des sta-

des divers par lesquels l'aortite gommeuse moyenne passe avant d'atteindre

la cicatrice définitive.

Le cas de syphilis cérébrale diffuse relaté présentait des lésions aorti-

ques plus avancées encore dans la voie de l'organisation cicatricielle. C'est

cependant un cas intermédiaire aux formes florides et cicatricielles. On

constate çà et là des foyers inflammatoires encore en pleine activité dans

les parois de l'aorte, foyers ayant tous les caractères, des gommules figurées

plus haut, mais où les cellules géantes font défaut.

Il n'existe pas de données en chiffres qui puissent, même d'une façon ap-

proximative, nous fournir des indications sur la fréquence des altérations

aortiques chez les paralytiques généraux.

Straub (1899), qui s'est particulièrement occupé de la question, n'établit

pas de statistique, mais il arrive à la conclusion formelle que les lésions

aortiques se rencontrent uniquement chez les individus ayant eu la sy-

philis.

Sans qu'il me soit possible d'avancer des chiffres, mon expérience per-

sonnelle me permet de dire que ces lésions spécifiques de l'origine de

l'aorte se rencontrent plus souvent qu'on ne le pense habituellement chez

les paralytiques généraux. La moitié, si ce n'est pas les deux tiers, de ces

malades sont porteurs d'altérations plus ou moins évoluées.

On en méconnaît la plupart du temps la valeur réelle et on les porte au

compte de l'athérome.

J'ai déjà dit plus haut que l'athéromatose est exceptionnelle dans ces

cas-là.

Un examen microscopique attentif de ces lésions, même évoluées, met-

tra facilement sur la voie de leur véritable nature.

42

CONTRIBUTION A L'ANATOMIE ET A LA PATHOGÉNIE DE

LA SOI-DISANT AGÉNÉSIE DU CORPS CALLEUX.

- (Suite et fin.)

PAR It

LASALE ARCHAMBAULT,

Chargé du cours de Neurologie 11 la Faculté de médecine d'Albany (New-York).

Nous passons maintenant à l'élude détaillée d'un cas d'agénésie du corps

calleux que notre maître, M. le Professeur Pierre Marie, a eu l'extrême

obligeance de nous confier. Il s'agit d'une absence totale de la commis-

sure calleuse proprement dite. Nous croyons pouvoir démontrer cepen-

dant que le système calleux est nettement différencié dans son trajet

inlrahémisphérique des deux côtés.

Descripiion macroscopiques Il existe en premier lieu une différence

notable entre le volume de l'un et de l'autre hémisphère, le droit étant

de beaucoup plus long et plus large que le gauche.

Hémisphère droit (i'I.L1YII-13).- Ce qui t,elieii L d'abord l'a lieiition,c'es[

qu'on ne retrouve pas au niveau de la face médiane, la moindre trace du

corps calleux. Son emplacement est cependant indiqué par une membrane

délicate qui débute il la base près des tubercules quadrijumeaux et qui,

poursuivant le même trajet curviligne que la commissure calleuse normale,

passe en avant de la commissure antérieure pour se continuer avec la

lame terminale. D'une façon générale, les circonvolutions de la face mé-

diane sont assez régulièrement conformées. On note toutefois un léger

degré de microgyrie dans la région fronto-pariétale. Le cunéus est inéga-

lement divisé en deux par un sillon vertical profond qui descend du bord

supérieur de l'hémisphère pour se recourber ensuite en arrière vers le

pôle occipital. Dans notre cas, comme dans tant d'autres, la première

circonvolution limbique n'est pas reconnaissable d'après les schémas

classiques ; elle est représentée par une circonvolution extrêmement

irrégulière et traversée par sept ou huit sillons divergents qui rayonnent

de bas en haut vers le bord supérieur de l'hémisphère. Là partie anté-

rieure de cette circonvolution atypique est notablement déprimée au-des-

v.ittii JC01\OGH.APHn Dh LA lALI'ÈIRI1 Rb. m.

r. XXIII. PI. LXXII

1.A 101-D11A\'l' AGENESIE DU CORPS CALLEUX

(Lasalle-A rcbl1/11bllltlf).

Masson & Cie, Editeurs

f'hHlul\ Ph' Il''llhulI.1 "" II

;

AGÉNESIE DU CORPS CALLEUX 631

sous de la surface.La circonvolution de l'hippocampe est bien développée

et s'unit en arrière au lobule lingual ; elle est séparée des autres circon-

volutions médianes par l'extension antérieure exagérée de la scissure cal-

carine, laquelle atteint presque le niveau des tubercules quadrijumeaux.

La commissure antérieure, la commissure molle, la commissure postérieure

el la glande pinéale sont toutes normalement conformées. Il en est de

même des parties qui forment le plancher du troisième ventricule. Au

fond de ce ventricule qui est légèrement dilaté, on aperçoit le plexus cho-

roïdien près du trou de Monro. La cloison transparente et la lyre man-

quent totalement. Le pilier antérieur du trigone, présent en réalité,

n'est pas décelable à l'examen macroscopique.

La convexité de l'hémisphère droit ne présente rien d'anormal, sauf

quelques légères anomalies dans le trajet des sillons du lobe pariétal et

du lobe occipital. La branche verticale ascendante de la scissure interpa-

riétale se continue jusqu'au bord supérieur de l'hémisphère, délimitant

ainsi en arrière sur toute sa longueur, la circonvolution pariétale ascen-

dante. Le rameau horizontal postérieur de cette même scissure manque

complètement. Le gyrus supramarginalis est uni à la circonvolution pa-

riétale supérieure par un large pli de passsage. Le lobe occipital pré-

sente dans sa totalité un aspect légèrement microgyrique et les deuxième

et troisième circonvolutions occipitales sont l'une et l'autre subdivisées

en trois parties par de courts sillons superficiels.Le pli courbe est traversé

d'avant en arrière par un sillon horizontal assez profond.

Hémisphère gauche (PI.LXXII-A).- La particularité la plus saillante de

cet hémisphère est la petitesse du lobe frontal dont le volume est réduit au

moins de deux tiers. Ce lobe est le siège d'une microgyrie si accentuée

aussi bien au niveau de sa face externe qu'au niveau de sa face interne,

que la topographie de ses circonvolutions est indéterminable. Le pied de

la première circonvolution frontale cependant est assez bien conformé. A

l'endroit qui correspond à la jonction de la troisième frontale et de la

frontale ascendante, il existe une zone déprimée irrégulièrement circu-

laire, ayant à peu près les dimensions d'une pièce de deux francs et dont

l'aspect est nettement cicatriciel. La pie-mère qui recouvre cette région

est tendue, adhérente et très épaissie. La face orbitaire du lobe frontal est

relativement normale, bien que la circonvolution droite ne soit pas déli-

mitable en raison de l'absence du sillon et du bulbe olfaclifs. Au niveau

de la face interne du lobe frontal,les circonvolutions minuscules affectent

une disposition beaucoup plus régulière et forment une série de lobules

cylindriques superposés, dirigés d'avant en arrière et séparés les uns des

autres par des sillons très superficiels.

A part la très grande anomalie du lobe frontal, la convexité de l'hémi-

632 ARCHAMBAULT

sphère gauche présente encore un bon nombre de particularités intéres-

santes. Bien que les circonvolutions centrales ascendantes soient bien

développées, le sillon de Rolando parait de beaucoup plus large qu'à l'é-

tat normal, ce qui donne à cette région l'aspect de l'atrophie corticale

sénile. La circonvolution pariétale ascendante est irrégulièrement subdi-

visée par plusieurs sillons obliques superficiels. Legyrus supramarginalis

n'entoure pas complètement l'extrémité postérieure de la scissure de Syl-

vius. Comme dans l'hémisphère droit, le pli courbe est traversé d'avant

en arrière par un sillon horizontal très profond. La scissure pariéto-occi-

pitale externe, au lieu de se terminer brusquement à un ou à deux centi-

mètres du bord supérieur de l'hémisphère, descend obliquement en avant

pour s'unir au second sillon temporal. Le lobe occipital droit a, comme

le gauche, une tendance à la microgyrie. La deuxième circonvolution

occipitale est traversée par un sillon qui relie la scissure pariéto-occipi-

tale au sillon occipital inférieur. Le pied de la première circonvolution

temporale ne se joint pas à la partie inférieure du gyrus supramarginalis,

mais se recourbe en bas et en arrière pour s'unir au pied de la deuxième

temporale. Les deuxième et troisième circonvolutions temporales sont

reliées par plusieurs plis de passage.

A la face inférieure de l'hémisphère gauche, on ne note rien de parti-

culier, sauf que la circonvolution de l'hippocampe se continue en arrière

directement avec le lobule fusiforme et que le segment occipital de ce lo-

bule est abondamment et irrégulièrement sillonné.

Au niveau de la face interne de cet hémisphère, on retrouve dans la

région pariétale la même configuration atypique que dans l'hémisphère

droit. Le domaine de la première circonvolution limbique est traversé par

de nombreux sillons profonds qui divergent en remontant vers le bord

supérieur de l'hémisphère. Le précunéus est bien conformé. Le cunéus

ne présente pas la délimitation précise qui le caractérise à l'état normal,

grâce à ce que les scissures calcarine et pariéto-occipitale interne ne se

rencontrent pas.L'une et l'autre de ces scissures se terminent brusquement

à un centimètre et demi environ du bord hémisphérique, étant intercep-

tées par des plis de passage qui relient le cunéus au précunéus au-dessus

et au lobule lingual au-dessous. Il existe toutefois au niveau de la face

interne du lobe occipital, un lobe triangulaire limité en haut par un sil-

lon qui émerge du précunéus et en bas par la scissure collatérale. Les deux

sillons se rencontrent en un point situé à deux centimètres en arrière des

tubercules quadrijumeaux. '

La description macroscopique du cerveau ayant été complétée, l'hémi-

sphère droit fut coupé horizontalement en deux parties et l'hémisphère

gauche vertico-frontalement en trois. Les ventricules latéraux se trouvant

AGÉNÉSIE DU CORPS CALLEUX

633

ainsi exposés, on vit très nettement que l'épendyme était le siège d'alté-

rations notables et étendues. Dans l'hémisphère droit ces lésions épendy-

maires affectaient la forme de plaques soit linéaires, soit noueuses, légè-

rement saillantes, particulièrement nombreuses au niveau de la corne

d'Ammon et de la paroi ventriculaire externe. Dans l'hémisphère gauche,

en raison d'une symphyse absolue de la corne frontale, on ne put consta-

ter que l'état de l'épendyme temporo-occipital, lequel présentait des lé-

sions tout à fait semblables à celles de l'hémisphère droit bien que de

beaucoup moins prononcées. On nota, en plus, un foyer hémorragique

assez récent au niveau du noyau lenticulaire droit.

Après avoir été durci pendant plus d'un an dans le liquide de Mül1eret

inclus dans la celloïdine, le cerveau a été débité en coupes strictement

sériées à l'aide du microtome de Nageotte. Environ mille coupes ont été

obtenues de l'hémisphère gauche et cinq cents de l'hémisphère droit :

chaque cinquième coupe (chaque troisième, en certains endroits) a été uti-

lisée pour l'étude microscopique de ce cas. La méthode de coloration em-

ployée a été celle de Weigert-Pal. Quelques coupes ultra-fines ont été

colorées au carmin ou par la méthode de Van Gieson pour l'étude des cel-

lules.

Description MICROSCOPIQUE. - Hémisphère gauche.

SREIE VERTICO-rRONTALE.

Lobe frontal. La partie antérieure de ce lobe (fig. 1) est constituée par

un amas d'îlots de substance grise dont la forme est régulièrement sphérique

Fc. 1.

634 ARCHAMBAULT

ou ovalaire, mais dont les dimensions sont des plus variables. Ces îlots sont

séparés les uns des autres par de grêles fascicules de fibres nerveuses, ce qui

donne aux coupes de cette région l'aspect d'une mosaïque. On dirait que le

centre ovale été envahi de toutes parts par une hyperplasie de la substance

grise corticale et que l'état réticulé qu'il présente n'est que le résultat pure-

ment mécanique de la dissociation de ses fibres. Il semble bien s'agir d'un

degré peu ordinaire d'hétérotopie de la substance grise corticale.

Le long de la convexité frontale, on remarque une zone déprimée, d'aspect

cicatriciel et présentant. tous les signes d'une lésion vasculaire ancienne : pie-

mère' épaissie et adhérente, vaisseaux sanguins oblitérés, granules d'hématoï-

dine, etc. Immédiatement au-dessous de cette zone, un faisceau qui se distin-

gue par l'intensité de sa coloration se porte verticalement en haut pour se

recourber ensuite vers la circonvolution frontale supérieure ; eu bas il se con-

tinue avec un champ de fibres triangulaire et très compact situé à la partie

moyenne du bord orbitaire du lobe frontal. Ce champ triangulaire, dont nous

n'avons pu établir ni le caractère ni même les relations exactes, se dirige en

arrière vers les ganglions de la base, occupant il peu près le même siège à

travers toute l'étendue du lobe frontal. Arrivé à la pointe du lobe temporal, il

devient de plus en plus superficiel et fait même saillie à la surface orbitaire.

Nous en reprendrons l'étude à ce niveau. ,

Dans la partie postérieure du lobe frontal (PI.LXXIfI-r1) et sur les coupes inté-

ressant le bras antérieur de la capsule interne, une fente apparaît au-dessus et

en dedans du noyau caudé et sert à indiquer l'emplacement du ventricule

latéral si profondément atteint à ce niveau. Sur les plans antérieurs à celui-

ci, il y a fusion absolue des parois supérieure et inférieure de la corne frontale,

en sorte que la tête du noyau caudé se trouve accolée à la substance blanche

profonde des circonvolutions frontales. Sur les plans postérieurs, la feule

ventriculaire s'élargit peu à peu, mais présente toutefois en plusieurs endroits

de nouvelles soudures, la lumière du ventricule étant ainsi alternativement

oblitérée et restaurée sur une étendue assez considérable. La corne frontale

(PI. LXXIII-B) affecte donc la forme d'une cavité étroite à direction oblique qui

sépare la tête du noyau caudé des circonvolutions de la face médiane. Elle est

entourée d'une couche de fibres assez épaisse, mais qui se colore fort mal et

dans laquelle se trouvent enclavés un bon nombre d'îlots de substance grise

qui, ça et là, envahissent la lumière du ventricule. Sa paroi interne n'est pas

formée comme à l'état normal par la cloison transparente, mais par une lame

grise qui relie l'écorce de la face médiane au tuber cinereum et aux ganglions

de la base. La partie supérieure de cette paroi est occupée en partie par une

masse de fibres très compacte qui se développe rapidement dans la profondeur

de la circonvolution voisine, laquelle nous croyons pouvoir identifier avec la

première circonvolution limhirlue de l'hémisphère normal. Il entre dans la

constitution de cette masse blanche, des fibres appartenant sans doute à plu-

sieurs systèmes différents. Un grand nombre d'entre elles se colorent mal,

étant plutôt jaunâtres, et se dégagent directement de la couche sous-épendy-

maire. Ces fibres, nous les attribuons au système calleux, puisque la couche

LA SOI-DISANT AGÉKËStH DU CORPS CALLEUX

(La5t1l/e-A rcbal/lblllllt).

Masson & Cie, Éditeurs.

l'hotolHHe Beithiud, l'anll

AGÉNÉSIE DU CORPS CALLEUX 635

sous-épendymaire est elle-même formée, comme à l'état normal, par de fines

radiations qui lui viennent de tous les points de l'écorce et qui ne peuvent

être que des fibres calles. Les radiations qui naissent des régions inférieures

de la convexité se rassemblent en plusieurs fascicules pâles qui parviennent au

voisinage du ventricule en longeant le bord interne de la couronne rayonnante.

A part ce contingent de fibres calles, la masse complexe de la paroi interne

renferme des libres qui se détachent de la couche sagittale interne de la cou-

ronne rayonnante, et loge probablement aussi, du moins en partie, le segment

fronto-pariétal du cingulum. Il convient toutefois d'admettre qu'en bon nombre

d'endroits il est absolument impossible de délimiter ces divers systèmes, l'en-

chevêtrement de leurs fibres étant trop considérable.

On distingue très nettement à ce niveau les deux couches sagittales de la

couronne rayonnante bien qu'elles soient extrêmement dissociées et déviées de

leur trajet normal par la substance grise hétérotopique, encore abondamment

distribuée dans la région latérale de l'hémisphère. La capsule externe est tota-

lement dégénérée.

A l'endroit où la commissure antérieure franchit la ligne médiane (PI.1,XXIII-

C), la paroi interne du ventricule reçoit le pilier antérieur descendant du trigone

cérébral qui en occupe environ la moitié inférieure. Ce faisceau paraît légère-

ment atrophié bien qu'il se colore fortement par l'hématoxyline et se trouve

réparti (effet de section) en quatre segments superposés, dont le plus inférieur

surplombe la bandelette optique et le plus supérieur s'accole à la masse de

fibres située au-dessus du ventricule.

- En arrière de la commissure antérieure (flg. 2), la lame grise qui constitue

la paroi interne du ventricule n'atteint plus la base du cerveau, mais se termine

brusquement immédiatement au-dessous du trigone qui se trouve ainsi à for-

mer une tige obliquement verticale dont l'extrémité inférieure libre est dirigée

vers la scissure interbémisphérique. Le ventricule n'est donc plus clos sur la

ligne médiane. La masse de fibres située à l'angle supérieur du ventricule et

dans la profondeur de la circonvolution limbique augmente rapidement de vo-

lume, forme une saillie globuleuse qui empiète progressivement sur la lumière

du ventricule et finit par s'étaler sur la surface du noyau caudé dont elle n'est

séparée que par la paroi ventriculaire refoulée et amincie. Ce champ renferme

les fibres du système calleux et du cingulum, et se continue au-dessous et

en dedans directement avec le corps du trigone. Au-dessus de ce champ, on

voit très nettement que la couche sagittale interne de la couronne rayonnante

fronto-pariétale se rend d'une pièce dans la région sous-corticale de la circonvo-

lution limbique. La couche sagittale externe est encore partiellement dissociée

par des tlots de suhstance grise, mais se laisse toutefois suivre assez facilement

vers les circonvolutions médianes et vers le bord supérieur de l'hémisphère.

1.'avant-mur paraît anormalement large et se confond au-dessus avec la subs-

tance grise hétérotopique sous-corticale.

La capsule externe est totalement décolorée et de son extrémité supérieure

se détachent plusieurs fascicules pâles qui traversent toute l'épaisseur de la

couronne rayonnante pour arriver dans la zone sous-épendymaire. Pour nous,

636

ARCHAMBAULT

ces fibres représentent les radiations calleuses ds l'insula et de la convexité

temporale. C'est le trajet des radiations qui proviennent du bord supérieur de

l'hémisphère que l'on peut suivre le plus aisément. ,

Dès que l'on aborde le pôle du lobe temporal, le champ triangulaire compact

(fig. 2) que nous avons signalé en parlant du bord inférieur du lobe frontal,

subit d'importantes modifications quant à sa configuration et quant à son trajet

ultérieur. Il se divise d'abord transversalement en deux segments qui occupent

la substance innominée de Reichert et peu à peu s'infléchissent en dedans.

Plus loin ces deux segments sont eux-mêmes subdivisés en plusieurs fascicules

secondaires et poursuivent dès lors une voie différente. Les fascicules supé-

rieurs se pressent autour de la commissure antérieure et, passant soit au-des-

sus soit au-dessous de celle-ci, se perdent dans le feutrage du globe pallié, don

noyau lenticulaire; les fascicules inférieurs se dirigent horizontalement en

dedans vers la ligne médiane et semblent se rendre au tubercule cendré mais

s'enchevêtrent plus ou moins avec les fibres de l'anse lenticulaire. Bien que

nous n'ayons pas réussi à identifier ces fascicules dérivés du faisceau triangu-

laire, nous avons cru qu'il pouvait s'agir, soit d'une voie aberrante de la cou-

ronne rayonnante, soit d'un faisceau appartenant au système olfactif. Le tuber-

cule cendré est plus volumineux qu'à l'état normal.

rG. 2.

AGENÉSIE DU CORPS CALLEUX G37

Lobe pariéto-temporal. Dans la partie antérieure de cette région et

correspondant à la moitié antérieure de la couche optique (PI. LXXIV-D), le

ventricule latéral est de nouveau presque complètement oblitéré et se réduit

à un simple trou situé entre le noyau caudé et le pied de la couronne rayon-

nante. Le trigone adhère sur toute sa longueur à la surface du noyau caudé

dont il n'est séparé que par une ligne fibreuse irrégulière représentant la paroi

yentriculaire profondément altérée. Cette disposition anormale s'explique sans

doute par l'inversion très spéciale qu'a subie le trigone à la suite des lésions

étendues du ventricule et de la pie-mère. Restant attaché par son extrémité

inférieure à la face dorsale de la couche optique, le corps du trigone, qui à

l'état normal est dirigé obliquement en dedans et se rapproche plus ou moins

de son homologue de l'hémisphère opposé, a été complètement dévié en dehors

et incorporé dans la substance de l'hémisphère. Ainsi, sa face externe, qui à

l'état normal entre dans la constitution de la paroi interne du ventricule,

se trouve accolée au noyau caudé et sa face interne, normalement dirigée vers

la toile choroïdienne, se confond avec la substance blanche profonde des cir-

convolutions médianes. A l'appui de ce mécanisme dans la genèse de cette

intéressante anomalie, on doit signaler la présence, au-dessus de l'extrémité

inférieure du trigone, entre celui-ci et la circonvolution limbique, d'un amas de

vaisseaux choroïdiens évidemment dérivés du plexus du troisième ventricule.

La toile choroïdienne qui forme la voûte de ce ventricule a donc été en grande

partie détruite. Au pourtour de la circonvolution limbique et de la face médiane

de la couche optique on trouve une abondance de débris pie-mériens, de vais-

seaux oblitérés, de pigment sanguin, et de substance grise désorganisée, qui

représentent incontestablement les reliquats d'un processus inflammatoire foetal

extrêmement intense.

Dans toute l'étendue du lobe pariétal, la substance profonde de la circonvo-

lution limbique est occupé par la masse de fibres complexe que nous avons

déjà décrite et que, pour faciliter la suite de nos explications et éviter d'inutiles

répétitions, nous appellerons désormais le faisceau sagittal médian. Ce fais-

ceau reçoit constamment de la zone sous-épendymaire avoisinante des fibres

dirigées transversalement en dedans et qui se coudent ensuite brusquement

pour affecter un trajet sagittal ou antéro-postérieur. Sa partie supérieure hé-

berge une partie du cingulum, mais l'enchevêtrement des fibres est tel que

nous ne saurions établir les confins de ce dernier faisceau. Ce qui nous engage

à croire que le cingulum fait partie de ce champ compliqué c'est que ce système

prend invariablement une coloration verdâtre et que dans le cas actuel cette

réaction est d'autant plus nette que les fibres voisines sont franchement dégé-

nérées. Le faisceau sagittal médian se confond au-dessous avec la partie laté-

rale du trigone, mais il est séparé de ce dernier sur la ligne médiane par un

prolongement de la pie-mère. D'ailleurs, les fibres constituantes de ces deux

systèmes diffèrent sensiblement quant à leur calibre, leur coloration et leur

disposition. De la partie latérale du trigone se détache un fascicule légèrement

arqué qui traverse la zone sous-épendymaire pour se recourber ensuite vers

le bord inférieur de la circonvolution limbique, formant ainsi une espèce de

638 ARCHAMBAULT LT '.

gouttière à concavité iuterue dans laquelle repose le faisceau sagittal médian.

La configuration de la couche optique (PI.LXXIV-D,et fig.3) est quelque peu

modifiée, et on a l'impression que ce ganglion a subi dans sa totalité un mou-

vement de rotation externe. Ainsi, sa face médiane empiète sur sa face dorsale

dont le tubercule antérieur est nettement repoussé en dehors. La strie médul-

. laire passe au-dessus de la couche optique au lieu de côtoyer son bord supéro-

interne, et la commissure molle est située au niveau de son tiers supérieur.

Le corps mamillaire, très remonté, s'applique directement à la face interne de

la couche optique et tombe presque dans le même plan horizontal que le corps

de Luys. Les noyaux caudé et lenticulaire semblent plus volumineux qu'à

l'état normal, et l'avant-mur, fortement développé, descend plus bas qu'à l'or-

dinaire dans la substance blanche de la première circonvolution temporale.

Les connexions entre le corps de Luys et le globe pallide sont exceptionnelle-

ment faciles à suivre.

La couronne rayonnante pariétale (lig. 3) semble se répartir en trois cou-

ches sagittales, mais quand on y regarde de plus près, on voit que la couche

la plus interne est formée de fascicules pâles obliquement dirigés, ,qui ne font

que traverser le pied de la couronne rayonnante et la zone sous-épendymaire

dans leur trajet de la capsule externe au faisceau sagittal médian. Ces fasci-

cules renferment, ainsi que nous l'avons déjà dit, les radiations calleuses de

1-'ic. 3

1\OL. : \"H.lE Iconographie DL la Salplihilri

T. XXIII. PI. LXXIV

LA SOI-DISANT AGÉNÉSIE DU COKPS CALLEUX

. (LllstllIe-Arcbl1/11btlllll).

Masson & CIC, Ld,tcllr : -

AGÉNÉSIE DU CORPS CALLEUX ( 9

l'insula et de la face externe du lobe temporal. Des deux couches sagittales de la

couronne rayonnante proprement dite, à l'inverse de la disposition normale,

c'est la couche interne qui est la plus forte ; la couche externe ne formant

qu'une mince lame arquée qui s'étend de l'extrémité de la capsule externe au il

bord supérieur de l'hémisphère (lobule paracentral, circonvolutions frontale et

pariétale ascendantes). A travers toute l'étendue du lobe pariétal se détachent

de la couche sagittale interne des fascicules assez considérables que l'on peut t

suivre avec la plus grande facilité jusque dans la région sous-corticale de la

circonvolution limbique. Ces fascicules proviennent en grande partie du tuber-

cule antérieur et du noyau dorsal de la couche optique.

Dans le lobe temporal, la corne sphénoïdale est extrêmement petite, ne

constituant guère qu'une fente transversale, mais on ne note rien d'anormal

du côté du plexus choroïdien ou de l'épendyme. Les couches sagittales pro-

fondes paraissent indemnes, sauf que dans quelques endroits, surtout sur les

coupes qui intéressent le corps de Luys, le tapétum et la couche sagittale

interne présentent une légère dégénération de leur segment sous-ventriculaire.

Le cingulum temporal est bien développé et parfaitement sain.

La capsule externe présente encore la même décoloration intense de sa partie

inférieure, mais reçoit dans sa partie supérieure, de la couronne rayonnante

voisine, au sur et à mesure que l'on aborde les niveaux plus postérieurs, un

nombre toujours croissant de fibres de projection bien colorées. Les faisceaux

d'association de la région latérale de l'hémisphère, le faisceau arqué de Bur-

dach et le faisceau uncinatus sont assez bien définis quoique moins développés

qu'à l'état normal.

Dans la partie postérieure du lobe pariéto-temporal (PI. LXXIV-E) et corres-

pondant au pulvinar de la couche optique et au corps genouillé externe, le

ventricule latéral redevient perméable dans sa totalité, mais ne forme toutefois

qu'une cavité étroite transversalement dirigée, comprise entre le noyau caudé

et le corps du trigone. Plus en arrière, le ventricule reste entièrement libre de

toute soudure et augmente rapidement de dimension. Le faisceau sagittal mé-

dian a pris un développement considérable et se confond encore en dehors avec

la substance blanche profonde de la circonvolution limbique ; en dedans, il

s'unit au trigone pour former un prolongement conique qui s'avance vers la

ligne médiane en passant entre le bord inférieur de l'écorce limbique et la face

dorsale de la couche optique.

A ce niveau, l'ensemble des fibres situées en dedans et au-dessus du ven-

tricule forme un champ irrégulièrement rectangulaire qui se laisse répartir en

trois zones superposées et plus ou moins bien délimitées. La première, de haut

en bas, est représentée par le cingulum que l'on commence à distinguer plus

facilement et dont les fibres se colorent relativement bien. On dirait que ce

faisceau s'est en grande partie dégagé de la profondeur de la circonvolution

limbique pour se déferler au dehors vers la ligne médiane, mais on voit très

nettement, toutefois, que quelques-uns de ses fascicules, situés plus latérale-

ment, pénètrent encore dans l'intérieur de leur circonvolution d'origine. La

seconde zone, formée par le faisceau sagittal médian ou faisceau calleux sagit-

640 ARCHAMBAULT

tal, constitue la majeure partie du champ qui nous intéresse. En dedans, où

elle recouvre le trigone, cette zone est franchement dégénérée ; en dehors,

elle se continue directement avec la zone sous-épendymaire qui lui abandonne

un nombre de plus en plus grand de fibres saines. La troisième zone et la plus

inférieure est représentée par le trigone dont le segment médian, nettement

dégénéré, s'accole à la face dorsale de la couche optique où il est retenu par le

plexus choroïdien. Ainsi se trouve fermée en dedans la cavité du ventricule

latéral. Le trigone est séparé du faisceau sagittal sur la ligne médiane par une

incisure et plus en dehors par un septum vasculaire qui ne paraît être qu'un

prolongement de la toile choroïdienne, car il se continue au-dessus du trigone

avec une membrane délicate qui va s'implanter sur la face dorsale de la glande

pinéale. Cette memhraue adhère fortement au bord supérieur de la couche

optique et au bord inférieur de la circonvolution limbique, et la soudure qui

en résulte n'est manifestement que le reliquat d'un processus inflammatoire

intense dont toute cette région a été le siège. On trouve, en effet, dans le voi-

sinage du noyau caudé, du noyau dorsal de la couche optique et le long de la

face médiane de ce ganglion, une abondance d'altérations vasculaires, et on

note, en plus, une désintégration considérable de i'écorce limbique attenante.

Comme résultat probable de la cicatrisation secondaire, on doit signaler la

rétraction des circonvolutions de la face interne de l'hémisphère qui n'attei-

gnent pas à ce niveau la ligne médiane. Le long du bord inférieur de la circon-

volution limbique, on reconnaît facilement la strie de Lancisi qui s'étale plus

qu'à l'ordinaire et se déploie plutôt à la façon de l'alveus de la corne d'Ammon.

Le ganglion de l'habénula fait une saillie moins considérable qu'à l'état normal

et est en grande partie profondément enclavé dans la substance du noyau

médian de la couche optique. Ses rapports avec le segment dorsal de la com-

missure postérieure, avec le faisceau rétro-réflexe de Meynert et avec la strie

médullaire et le tubercule antérieur de la couche optique, sont des plus faciles

à constater. Le bras du tubercule quadrijumeau postérieur peut être suivi sans

interruption jusque dans l'épaisseur du corps genouillé interne. Ce ganglion

se détache avec un relief peu ordinaire grâce à la présence d'un sillon profond

et relativement large qui le sépare du corps genouillé externe. Un petit foyer

de ramollissement siège au niveau du noyau médian de la couche optique et a

probablement déterminé la légère dégénérescence que l'on observe dans la

partie correspondante de la capsule interne. La glande pinéale paraît plutôt

volumineuse et a été très nettement déviée vers l'hémisphère gauche.

La couronne rayonnante pariétale ne présente à cet endroit aucune particu-

larité intéressante. La couche interne se rend toujours avec la même régula-

rité de trajet dans la zone sous-corticale de la circonvolution limbique et

s'entrecroise obliquement avec les fascicules relâchés que le bord supérieurde

l'hémisphère (circonvolution pariétale ascendante et lobule paracentral) envoie

au faisceau sagittal médian. De même, la couronne rayonnante temporale

n'offre guère à ce niveau de modifications importantes. On doit toutefois signa-

ler la rare précision avec laquelle on peut suivre le trajet des fibres géniculo.

calcariniennes, depuis leur sortie du corps genouillé externe jusqu'à leur arri-

AGÉNÉS1E DU CORPS CALLEUX 641

vée dans le segment vertical de la couche sagittale externe. Ce segment reçoit

également de la partie supérieure de la première circonvolution temporale, des

radiations corticales que l'on peut suivre directement et sans difficulté jusque

dans le corps genouillé interne. Ce sont les radiations cortico-genouillées inter-

nes décrites par von Monakow, 111ahaim et Dejerine. Le segment sous-ventri-

culaire du tapétum et de la couche sagittale interne présente encore eu divers

endroits une décoloration notable. La corne sphénoïdale a acquis ses dimen-

sions normales et paraît indemne de toute altération épendymaire. En revan-

che, on trouve d'abondantes lésions vasculaires au pourtour de la circonvolution

de l'hippocampe, entre celle-ci et le pied du pédoncule cérébral, qui expli-

quent sans doute la dégénérescence partielle de la fimbria et de l'alvéus. Le

cingulum temporal se détache très nettement et demeure parfaitement sain.

La capsule externe reprend progressivement sa physionomie normale et re-

çoit de nombreux fascicules fortement colorés qui proviennent de la capsule in-

terne ou s'y rendent,en traversant l'extrémité postérieure du noyau lenticulaire.

Elle transmet toujours il la zone sous-épendymaire les radiations calleuses de

la convexité temporale. Le faisceau arqué de Burdach se dessine plus nette-

ment que dans les régions antérieures. On note une fusion corticale passez

étendue entre les lobules de l'insula et la première circonvolution temporale.

Dans la région comprise entre l'extrémité postérieure de la couche optique

(pl. LXXIV-Fj et le plein développement du carrefour ventriculaire,le faisceau

sagittal médian s'accroît avec une rapidité étonnante et la disposition de ses

libres devient plus complexe. Sa partie latérale est occupée par plusieurs fas-

cicules arqués qui s'entrecroisent dans tous les sens, mais dont les fibres cons-

tituantes sont dirigées pour la plupart vers la ligne médiane. Ces fascicules qui

émanent de la zone sous-épendymaire voisine se répartissent de telle façon

que les fibres qui proviennent de la capsule externe remontent le long de la

paroi ventriculaire latérale pour se rendre dans la partie la plus supérieure du

faisceau sagittal, alors que les fibres dérivées du bord supérieur de l'hémi-

sphère se recourbent en bas et en dedans pour passer dans sa partie la plus in-

férieure. Cet arrangement en forceps rappelle donc beaucoup la disposition du

corps calleux normal telle qu'elle a été décrite par Anton. A ce niveau, le cin-

gulum semble occuper un champ ovalaire situé dans l'épaisseur du faisceau

sagittal médian et compris entre les prolongements de deux fascicules, mais

son territoire ne reconnaît plus de confins même approximatifs, et on ne saurait

différencier ses fibres de celles du faisceau sagittal médian. Ce dernier est en-

core nettement séparé du trigone sous-jacent par un sillon profond sur la ligne

médiane, mais plus en dehors les deux systèmes se confondent en grande par-

tie, bien que l'on puisse encore distinguer quelques fascicules qui se dégagent

du trigone pour contourner en dehors le faisceau sagittal et se recourber en-

suite vers l'écorce de la circonvolution limbique. Cette partie du faisceau sa-

gittal médian qui côtoie le ventricule, ainsi que la zone sous-épendymaire et

les deux piliers du trigone (supérieur et inférieur) présentent une dégénéres-

cence très appréciable qui relève vraisemblablement des lésions ventriculaires

qui à cet endroit sont de nouveau très accentuées. Le revêtement épendymaire

642 ARCHAMBAULT

est rempli de vaisseaux sanguins altérés et présente un contour irrégulièrement

épaissi et noduleux ; en divers endroits, au niveau du noyau caudé en particu-

lier, l'épendyme est hypertrophié au point de former de véritables excrois-

sances.

Dès que l'on aborde la région où le carrefour ventriculaire atteint son maxi-

mum de développement, on voit que le faisceau sagittal médian se renfle pour

former un forceps majeur typique (fig. 4) qu'on ne saurait distinguer du for-

ceps calleux normal si ce n'est que son volume est moindre et qu'il s'avance

moins loin vers la ligne médiane au-dessous de l'écorce limbique. Le faisceau

sagittal médian s'étend donc à ce niveau au-delà de la voûte du ventricule pour

descendre le long de sa paroi externe, et envoie même au tapétum sphénoïdal

quelques grêles fascicules qui passent en dedans de la partie recourbée du

noyau caudé. La circonvolution de l'hippocampe s'unit la circonvolution

limbique pour former l'istlime, et il s'opère simultanément une fusion entre la

fimbria et le corps du trigone. Le ventricule est limité en dedans par les fibres

FIG. 4.

AGENÉSIE DU CORPS CALLEUX 643

réunies du trigone et du faisceau sagittal médian, entre lesquels il n'existe plus

de ligne de démarcation précise. Toutefois, on parvient encore à établir approxi-

mativement les confins de l'un et l'autre de ces deux systèmes, grâce à ce fait

que dans toute la région du carrefour ventriculaire, les fibres du trigone sont t

nettement dégénérées alors que les fibres du faisceau sagittal prennent une

coloration intense. On arrive ainsi à se rendre compte que les fibres du fais-

ceau sagittal descendent le long de la paroi ventriculaire interne et traversent

ensuite obliquement les fascicules plus grossiers du trigone pour arriver dans

la zone sous-corticale de la circonvolution de l'hippocampe. Les fibres du trigone e

ainsi refoulées vers la ligne médiane se laissent suivre à leur tour à travers

l'épaisseur du faisceau sagittal jusque dans la substance sous-corticale de la

circonvolution limbique. Il se fait donc un véritable entrecroisement entre les

fibres constituantes du trigone et celles du faisceau sagittal médian ; le trigone

qui est sous-ventriculaire en bas devenant sous-cortical en haut, et le faisceau

sagittal, sous-ventriculaire en haut, devenant sous-cortical en bas. Plus en

arrière, cependant, les fibres du faisceau sagittal dans leur trajet descendant

ne s'infléchissent plus en dedans, mais demeurent intimement accolées à la paroi

ventriculaire interne sur toute sa longueur et se continuent directement avec

le tapétum sphénoïdal. La totalité des fibres du trigone se trouvent ainsi relé-

guées à la zone sous-corticale de l'isthme de la circonvolution limbique où elles

se dessinent très nettement sous la forme d'une bande verticale régulièrement

striée.

Nous nous trouvons donc à ce niveau en présence de ce fait très intéressant,

à savoir, que le faisceau sagittal médian entoure complètement la cavité

ventriculaire et constitue à lui seul la totalité du tapétum. Pris dans son

ensemble, ce tapétum est certainement moins volumineux que le tapétum nor-

mal; ses fibres constituantes sont plus relâchées et son segment temporal n'est

formé que par quelques fascicules graciles qui toutefois se colorent très bien.

En bon nombre d'endroits, le tapétum présente une décoloration notable qui

relève sans doute des lésions épendymaires voisines. La paroi ventriculaire,

en effet, est encore profondément altérée et renferme une quantité de corps

arrondis très saillants, qui prennent une coloration noirâtre et dont nous igno-

rons la nature tout en leur attribuant une origine vraisemblablement vascu-

laire. Par leur dissémination sur toute son étendue, ces éléments globuleux

impriment à la paroi ventriculaire un contour irrégulièrement bosselé.

La couche sagittale interne de la couronne rayonnante pariétale abandonne

à la partie supérieure de l'isthme limbique un grand nombre de fascicules

dont le trajet se détache avec une singulière netteté. Le segment sous-ventri-

culaire de la couche sagittale interne temporale est passablement dégénéré

surtout dans la profondeur de la circonvolution de l'hippocampe, ce qui tient

probablement à ce que cette circonvolution est elle-même atteinte par les lé-

sions très intenses de la paroi ventriculaire interne. Le cingulum temporal est

encore bieu défini mais on ne retrouve plus très nettement à ce niveau le cin-

gulum pariétal.

Lobe occipital. Dans la partie moyenne de ce lobe, la corne postérieure

644 ARCHAMBAULT

présente à peu près les dimensions normales ; l'épendyme ventriculaire est

encore le siège d'altérations notables surtout le long de la paroi interne. Le

tapétum est atrophié, mais se colore relativement bien et ses fibres constituantes,

dirigées plus ou moins verticalement, sont pour la plupart tributaires du faisceau

sagittal médian. Cependant au niveau de la partie moyenne de la paroi ven-

triculaire interne, le tapétum est formé par une zone nettement verdâtre qui

semble bien représenter le prolongement postérieur du cingulum pariétal.

A ce propos, nous rappellerons que dans une monographie (1) sur le faisceau

longitudinal inférieur et le faisceau optique central, nous avons soutenu la

thèse que les faisceaux de Sachs et de Vialet, habituellement considérés comme

étant des faisceaux propres au lobe occipital, n'étaient que les prolongements

postérieurs des segments supérieur (ou pariétal) et inférieur (ou temporal) du

cingulum classique. Or, il convient de signaler que notre thèse se trouve for-

tement appuyée aujourd'hui par ce fait que l'on ne retrouve pas au niveau

actuellement à l'étude, la moindre trace du faisceau de Sachs. Plus en arrière,

vers la pointe occipitale, ce faisceau finit par se dessiner, assez vaguement du

reste, dans la profondeur du'cunéus, mais ce développement tardif et ébauché

ne s'observe que lorsque la zone verdâtre de la paroi ventriculaire interne a

complètement disparu. Par contre, le faisceau de Vialet est particulièrement

bien différencié au niveau du lobule lingual à travers toute l'étendue du lobe

occipital. Ces particularités sont non seulement intéressantes, mais aussi en-

tièrement conformes aux faits que nous avons observés dans la région pariéto-

temporale. Nous avons vu en effet qu'à cet endroit le cingulum supérieur ou

pariétal se confond grossièrement avec le faisceau sagittal médian, alors que le

cingulum inférieur ou temporal est partout bien délimité. Rappelons enfin que

dans leurs cas d'agénésie du corps calleux, Oscar Vogt et Zingerle ont égale-

ment suivi les fibres du cingulum jusque dans la paroi interne de la corne occi-

pitale. A l'angle supéro-exterue du ventricule, le tapétum reçoit un bon nom-

bre de fascicules qui renferment les radiations calleuses du bord supérieur

et de la convexité du lobe occipital.

La couche sagittale interne est très dégénérée surtout le long de la paroi

ventriculaire interne ; elle l'est à un moindre degré au-dessus et au-dessous

du ventricule. La couche sagittale externe est remarquablement bien délimitée

dans son ensemble, mais elle ne se colore fortement qu'au niveau de son seg-

ment ventral ou inférieur.Elle entoure complètement la corne occipitale, et ses

fibres peuvent être suivies avec la plus grande facilité jusque dans la zone

sous-corticale des deux lèvres de la scissure calcarine. Cette scissure étant peu

profonde ne déprime guère la paroi interne de la corne postérieure et il en

résulte que l'ergot de Morand est à peine indiqué. Pour la même raison, le

stratum calcarinum ne se détache pas avec son relief habituel et paraît être

situé plus bas qu'à l'état normal. Le faisceau perpendiculaire de Werniclie est

relativement bien développé, mais la substance blanche sous-corticale voisine

ne prend qu'une coloration médiocre.

(1) AnCII.\MDAULT, Nouvelle Iconographie de la Salpêtrière, 1906, n° 2, p. 209 et 210.

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1'. XXIII. PI. LXXV

LA SOI-DISANT AGÉNÉSIE DU CORPS CALLEUX

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AGÉNÉSIE DU CORPS CALLEUX 645

Dès que l'on se rapproche du pôle occipital, on constate que les fibres du

faisceau sagittal médian entourent presque complètement la corne ventriculaire

et qu'elles constituent la totalité du tapétum.- Il est un point cependant au ni-

veau de la paroi interne où ces libres sout actuellement interrompues par des

lésions très sévères de l'épendyme voisin. Ces mêmes lésions expliquent pro-

bablement la dégénérescence très intense du segment correspondant de la

couche sagittale interne. La couche sagittale externe se colore parfaitement

aussi bien dans son segment supérieur que dans son segment inférieur. On

commence à distinguer à ce niveau, le faisceau transverse du cunéus de

Sachs. Quant aux faisceaux de Vialet et de Wernicke, ils demeurent particu-

lièrement bien différenciés.

Hémisphère droit. En faisant la description de cette série de coupes

horizontales, il nous semble à la fois plus pratique et plus avantageux de com-

mencer par les coupes les plus inférieures et de discuter en même temps toutes

les particularités qui s'observent à chaque niveau, que de décrire chaque lobe

isolément.

Sur les coupes qui passent par la base de l'hémisphère (PI. LXXV) et qui inté-

ressent la commissure antérieure sur la presque totalité de son trajet, la corne

temporo-occipitale du ventricule et les couches de fibres qui l'entourent pré-

sentent un bon nombre d'altérations importantes. Le revêtement ventriculaire

n'est nulle part intact, l'épendyme a été si complètement désorganisé, qu'il ne

reste de la paroi originale qu'un bord irrégulier et déchiqueté. En outre, la

corne occipitale est le siège en deux points différents, d'une symphyse limitée.

. Le tapétum n'est reconnaissable qu'au niveau de la partie antérieure de la

paroi ventriculaire latérale et fait complètement défaut dans la partie posté-

rieure de cette paroi et sur toute la longueur de la paroi interne. En raison de

cette anomalie du tapétum, les couches sagittales péri-ventriculaires des régions

correspondantes présentent un aspect assez curieux et plutôt intrigant. Alors

que la couche sagittale externe paraît bien développée et normalement disposée,

la couche sagittale interne, au contraire, semble notablement dégénérée. Une

étude plus approfondie, toutefois, démontre qu'il ne s'agit là que d'une appa-

rence. Les fibres de la couche sagittale interne, qui à l'état normal sont d'un

calibre plus fin et se colorent moins fortement que les fibres voisines, se trou-

vent dans le cas actuel de beaucoup plus relâchées, grâce à l'absence du tapé-

tum dont elles occupent le territoire en nombre même plus considérable que

le leur propre. II en résulte que le domaine de la couche sagittale interne est

extrêmement décoloré et que la zone sous-épendymaire est occupée par une

couche de fibres relativement bien conservée. Cette disposition très singulière

nous a d'abord conduit à considérer le tapétum comme sain et la couche sagit-

tale interne comme presque totalement dégénérée. L'étude minutieuse des cou-

pes sériées, cependant, nous a permis d'établir avec certitude absolue que ces

fibres saines se continuent directement avec la couche sagittale interne et non

avec le tapétum, au niveau de la partie antérieure de la paroi latérale où ces

deux formations se trouvent bien développées et nettement différenciées.

L'hémi-pédoncule et les parties qui forment le plancher du troisième ven-

43

646 ARCHAMBAULT

tricule ne présentent rien d'anormal, sauf que le tubercule cendré et le corps

mamillaire paraissent plutôt volumineux. On note de nombreuses altérations

vasculaires en dedans des corps genouillés, dans le voisinage du sillon de l'hip-

pocampe, entre le pied du pédoncule et la bandelette optique et au pourtour du

corps mamillaire.

Le trajet intra-hémisphérique de la commissure antérieure peut être suivi

dans sa totalité avec une facilité exceptionnelle. Nous ne parlons pas de son

segment massif situé dans la partie ventrale du corps strié et que l'on recon-

naît à l'oeil nu sans la moindre difficulté, mais nous voulons insister sur les

rapports plus complexes et peu connus de cette commissure avec la forma-

tion rétro-lenticulaire et les couches sagittales profondes du lobe temporal.

On voit très distinctement qu'en arrière du noyau lenticulaire, les fibres

constituantes de la commissure antérieure se déploient en éventail et se recour-

bent en dedans vers le tapétum en traversant toute l'épaisseur du pied de la

couronne rayonnante temporooccipitale. Elles semblent bien entrer en relation

avec cette partie du tapétum qui recouvre au-dessous et en arrière le prolon-

gement sphénoïda ! du noyau caudé. D'ailleurs, le tapétum prend à cet endroit

la même coloration que la commissure antérieure.

La terminaison de la bandelette optique dans la partie antérieure et inférieure

du corps genouillé externe, les rapports de celui-ci avec la couche sagittale

externe temporale, le trajet ininterrompu des fibres du faisceau de Turckdans

leur passage à travers le segment sous-lenticulaire de la capsule interne jusque

dans le pied du pédoncule cérébral, sont tous des détails anatomiques de la

plus haute importance à l'étude desquels cette série de coupes se prête admi-

rablement. La capsule externe est notablement dégénérée, mais le faisceau un-

cinatus par contre se colore relativement bien. ,.

Surles coupes suivantes(PI.LXXV) la corne temporo-occipitale présente deux

saillies considérables, de forme arrondie et dont l'aspect général se rapproche

assez de celui de l'ergot de Morand. L'une est située au niveau de la paroi in-

terne, un peu en arrière de la corne d'Ammon, l'autre siège à l'endroit corres-

pondant de la paroi externe ; un peu plus haut ces deux éminences sont réunies

par une memhrane incolore dérivée probablement du revêtement épendymaire.

Cette symphyse ventriculaire divise la corne temporo-occipitale en deux com-

partiments inégaux et dévie notablement l'axe antéro-postérieur du ventricule

et des couches sagittales voisines. Il est difficile d'être bien fixé sur la nature

de ces saillies ventriculaires. Il pourrait s'agir d'un refoulement de la subs-

tance blanche profonde déterminé par une profondeur exagérée des sillons de

la face inférieure de l'hémisphère, mais il nous paraît être plus logique de les

considérer comme des îlots de substance grise hétérotopique analogues à ceux

que nous avons observés au niveau du lobe frontal gauche. Ce qui plaide en

faveur de cette dernière interprétation, c'est que ces saillies dissocient les cou-

ches sagittales à un degré très appréciable et qu'elles présentent en outre, dans

leur partie centrale, la même structure histologique que l'écorce.

Correspondant au développement maximum des ganglions de la base et à

l'arrivée sur la ligne médiane de la commissure antérieure, un foyer hémor-

AGÉNÉSIE DU CORPS CALLEUX '647

ragique assez considérable, de forme ovalaire et de date relativement récente,

détruit la majeure partie du segment externe du noyau lenticulaire et empiète

légèrement sur la commissure antérieure, expliquant ainsi la décoloration par-

tielle que présente cette commissure sur les coupes précédentes. La commis-

sure antérieure traverse la ligne médiane entre les feuillets d'une membrane

délicate située au-dessus du chiasma et qui se continue directement avec la

lame terminale. '

Le pulvinar recouvre en arrière le corps genouillé externe et reçoit des

couches sagittales profondes du lobe temporal, de nombreuses fibres (radiations

thalamiques postéro-inférieures) dont le trajet à travers le segment rétrolenti-

culaire de la capsule interne est particulièrement facile à suivre. Alors que les

fibres du bras postérieur des tubercules quadrijumeauxse rendent directement

au corps genouillé interne, les fibres du bras antérieur passent en avant de

celui-ci pour aborder le corps genouillé externe. Entre les deux corps ge-

nouillés, les libres du bras antérieur sont croisées obliquement par un autre

système de fibres provenant du lobe temporal. Ces dernières tirent leur origine

surtout de la première circonvolution temporale et traversent l'angle postérieur

du noyau lenticulaire et la partie correspondante de la capsule interne pour

arriver à la partie antérieure du corps genouillé interne. Ces fibres ne sont

autres que les radiations cortico-genouillées internes de von Monakow et que

nous avons retrouvées avec la même facilité dans l'hémisphère gauche. Du

corps de Luys se dégage un fascicule grêle qui se dirige en dedans vers le

corps mamillaire et qui représente évidemment la commissure hypothalami-

que. En arrivant près de la ligne médiane, l'anse lenticulaire semble être le

siège d'une véritable trifurcation, certaines de ses fibres se rendent au tuber-

cule cendre, d'autres se recourbent en arrière et se confondent avec la capsule

médiane du noyau rouge, d'autres enfin, contournent le pied du pédoncule

cérébral et s'épuisent dans la partie antérieure du corps de Luys. La moitié

postérieure de la capsule externe est presque totalement dégénérée.

L'épendyme de la corne temporo-occipitale présente encore des altérations

très marquées et très étendues. Le tapétum s'étend peu à peu vers la région

occipitale, mais ne dépasse pas encore en arrière le segment temporal de la

paroi ventriculaire externe. Au niveau du lobe occipital et des circonvolutions

de la face médiane de l'hémisphère, on ne distingue que deux couches sagitta-

les prôfondes. Toutefois, on voit très nettement se détacher de l'écorce médiane

un bon nombre de fibres courtes qui traversent obliquement les couches sagit-

tales pour disparaître dans la zone sous-épendymaire, en sorte que l'on peut

admettre l'existence probable d'un certain contingent de fibres calles au niveau

de la paroi ventriculaire interne. La fimbria est notablement dégénérée, ce qui

tient sans doute aux lésions intenses qui abondent dans son voisinage. En

avant, entre la lame terminale et l'angle postéro-interne du lobe frontal, un

champ de fibres très irrégulier et qui se colore fort mal, se dessine petit à petit

et renferme, entre autres, les radiations calleuses profondément altérées du

lobe frontal. Nous reprendrons plus loin l'étude minutieuse de ce champ com-

plexe. En arrière de la lame terminale, le pilier antérieur du trigone forme un

fascicule nettement isolé au milieu de la substance grise centrale.

648 ARCIIAMBAULT

Sur les coupes qui passent immédiatement au-dessus de la commissure anté-

rieure, une fente apparaît en dedans du noyau caudé et représente la corne

frontale du ventricule latéral qui est il ce niveau presque complètement obli.

téré ; les parois ventriculaires soudées formant une espèce de cloison fibreuse

légèrement arquée qui sépare le noyau caudé de la substance profonde du lobe

frontal. Plus haut cette cloison est remplacée par une fissure qui s'étend et

s'élargit progressivement jusqu'à ce que la lumière de la corne frontale se

trouve entièrement restaurée. La paroi interne de cette corne est formée en

partie par les circonvolutions médianes et en partie par un prolongement cor-

tical qui relie celles-ci à la substance grise basilaire qui recouvre en dedans le

genou de la capsule interne. Cette lame corticale renferme le champ complexe

mentionné plus haut ainsi que le pilier antérieur du trigone. Ces deux forma-

tions se colorent très mal et sont réunies sur la ligne médiane par un repli pie-

mérien très altéré, qui se continue avec la lame terminale et qui représente

peut-être un reliquat de la cloison transparente,car il reçoit un certain nombre

de fibres du trigone. Des lésions vasculaires abondent à cet endroit et on note

une désintégration notable de l'écorce frontale voisine.

A l'endroit où le trou de Monro établit la communication entre le troisième

ventricule et le ventricule latéral (PI. LXXVI) le champ de fibres complexe et

irrégulier que nous avons déjà remarqué au niveau de l'angle postéro-interne

du lobe frontal prend un développement considérable et se transforme en un

faisceau bien conformé qui affecte un trajet horizontal antéro-postérieur le

long de la paroi interne de la corne frontale. Nous attribuons la majeure partie

de ce faisceau au système calleux et nous le désignerons désormais, conformé-

ment à la nomenclature adoptée pour la description de l'hémisphère gauche,

sous le nom de faisceau sagittal médian. En avant de la corne frontale, les

fibres de ce faisceau se confondent plus ou moins avec les fibres constituantes

de la couche interne de la couronne rayonnante fronto-pariétale. En arrière,

elles se recourbent en dedans et se terminent brusquement au fond d'un sillon

qui sépare la lame terminale (ou le rudiment de la cloison transparente) de

l'écorce médiane du lobe frontal. Ce sillon semble se prolonger sous la forme

d'un septum mal défini qui pénètre dans l'épaisseur de la paroi ventriculaire

interne et sert à séparer le faisceau sagittal médian du pilier antérieur du tri-

gone dont le segment frontal est grandement dégénéré. On voit très nettement

se détacher du trigone un certain nombre de fibres qui se rendent à la zone

sous-épendymaire de la corne frontale en passant au-dessous du faisceau sa-

gittal. Il semble donc, par conséquent, qu'il se soit produit dans cet hémisphère

comme dans l'hémisphère gauche une inversion plus ou moins complète du

segment distal du trigone. Ce qui rend cette hypothèse encore plus vraisem-

blable, c'est que sur les coupes suivantes le septum qui sépare le trigone du

faisceau sagittal médian est remplacé par un sillon dans lequel s'engage un

prolongement de la membrane terminale voisine. Cette membrane, recouverte

par la pie-mère, est formée à ce niveau de deux feuillets ; l'un postérieur qui

adhère fortement au trigone dont il reçoit de nombreuses fibres,l'autre antérieur

qui pénètre au fond du sillon ci-dessus mentionné et qui semble renfermer des

OVLLL ICONOGRAI'H16 DE LA SALVÈRIÛRF.

1. Xlll. P1. L.XXVi

LA SOI-DISANT AGÉNÉSIE DU COUPS CALLEUX

(Lasalh-Archambault) .

Masson & Cie, Editeurs

AGÉNÉSIE DU CORPS CALLEUX 649

fibres appartenant au faisceau sagittal. Toutes ces particularités nous portent

à croire que cette membrane double représente selon toute probabilité le seg-

ment homolatéral involuté et partiellement invaginé de la cloison transparente.

La symphyse très étendue de la corne frontale est peut-être responsable de

cette disposition vicieuse.

Des altérations vasculaires très marquées abondent au pourtour du trou de

Monro et s'étendent et du côté de la corne frontale et du côté du troisième

ventricule. Le revêtement ependymaire de la paroi interne de la corne frontale

présente toute une suite de nodosités et se trouve détaché de la substance

blanche sous-jacente par des épanchements plus ou moins organisés. On note

également des altérations très nettes de la pie-mère au niveau de la circonvo-

lution de l'hippocampe et de la face médiane du lobe frontal.

La commissure molle et la commissure postérieure sont bien développées et

parfaitement saines.

La corne temporo-occipitale est légèrement dilatée et présente encore à plu-

sieurs endroits une désorganisation épendymaire considérable. Les couches

sagittales péri-ventriculaires n'ont guère changé d'aspect, sauf que le tapétum

s'étend maintenant sur toute la longueur de la paroi externe. Il fait encore

défaut le long de la paroi interne. La fimbria est très nettement dégénérée.

Dans le lobe frontal, on parvient à suivre la couche interne de la couronne

rayonnante, malgré son enchevêtrement avec la partie antérieure du faisceau

sagittal médian, jusque dans la zone sous-corticale de la circonvolution la plus

postérieure (circonvolution limbique) de la face médiane. La couche externe

peut être suivie sans difficulté jusqu'au pôle frontal. En dedans du faisceau

sagittal médian et dans la région sous-corticale de la circonvolution limbique,

on voit se dessiner de plus en plus nettement un mince fascicule qui représente

sans doute le segment supérieur ou fronto-pariétal du cingulum. Ses fibres

affectent le même trajet que celles du faisceau sagittal médian et peuvent être

suivies en avant jusque dans le voisinage du pôle frontal. La couche sous-

épendymaire qui recouvre la corne frontale reçoit de tous les points de la

convexité correspondante de nombreuses radiations. La capsule externe est

totalement incolore. ,

Les coupes prises un peu au-dessous du bord supérieur de la couche opti-

que nous font voir une membrane assez épaisse et très vasculaire, qui adhère

à la face interne de ce ganglion sur toute sa longueur et qui représente très

probablement un reste de la toile choroïdienne. Cette membrane se continue

avec la pie-mère qui recouvre en arrière la circonvolution de l'hippocampe et

en avant la circonvolution limbique, et contribue à la formation du plexus

choroïdien situé au niveau du trou de Monro. Les altérations vasculaires si

prononcées qu'elle, renferme, ainsi que la déformation considérable de la face

interne de la couche optique suffisent à démontrer que toute cette région a été

le siège d'un processus destructif extrêmement intense et servent également

à expliquer les relations anormales que les parties voisines ont acquises. Le

pilier antérieur du trigone ayant été évidemment comprimé, se présente sous

la forme d'un croissant qui recouvre le tuhercule antérieur de la couche opti-

( ! 50 ARCHAMBAULT

que sur lequel il semble s'être moulé. Il en résulte que le trou de'Monro est

presque entièrement oblitéré. Comme conséquence probable des rétractions

cicatricielles, la circonvolution limbique s'étend en arrière jusqu'à la face in-

terne de la couche optique et dépasse nettement le pilier du trigone, et la cir-

convolution de l'hippocampe atteint en avant presque le niveau de la commis-

sure molle. Un peu plus haut, la circonvolution limbique (partie correspondant

au segment supracalleux de cette circonvolution dans le cerveau normal)

s'étend en arrière bien au delà de l'extrémité postérieure de la couche optique,

mais toujours en côtoyant la face interne de ce ganglion dont elle n'est séparée

que par un repli de la toile choroïdienne. Il ressort donc de ces considérations

que la lumière du troisième ventricule s'est trouvée notablement réduite.

La tête du noyau caudé (PI. LXXVI) est en grande partie dépouillée de son

revêtement épendymaire et présente une désintégration considérable de sa zone

marginale. La corne frontale est très aplatie dans le sens transversal, mais con-

serve sa longueur normale et se trouve ainsi à former une cavité étroite dirigée

d'avant en arrière. '

Au niveau delà paroi interne de la corne temporo-sphénoïdale et en dedans

de la fimbria du trigone qui constitue à cet endroit la couche périventriculaire

la plus profonde, on voit apparaître plusieurs fascicules fortement colorés qui

affectent un trajet antéro-postérieur et qui représentent sans doute le contin-

gent calleux restauré des couches sagittales médianes. En arrière, ces fasci-

cules croisent obliquement les fibres du trigone, forment le tapétum médian

sur une courte étendue et se confondent près de l'ergot de Morand avec les

fibres de la couche sagittale interne. On voit encore se détacher de l'écorce de

la face interne du lobe temporo-occipital, de courtes fihres qui traversent les

couches sagittales profondes pour se rendre au tapétum.

Sur les coupes qui passent immédiatement au-dessus de la couche optique

(fig. 5), le ventricule latéral se trouve exposé sur toute sa longueur et pré-

sente une dilatation très nette de son segment temporo-occipital. Une partie

de la toile choroïdienne est encore visible et se prolonge sous la forme de plexus

choroïdiens dans la corne frontale et dans la corne temporale. En dedans

de cette toile, les piliers antérieur et postérieur du trigone s'unissent pour

former le corps de celui-ci, lequel, à part une dégénérescence diffuse, pré-

sente près de sa partie moyenne un foyer vasculaire qui explique probablement

la décoloration intense que nous avons précédemment observée au niveau de

son pilier antérieur. Les fascicules fortement colorés qui longent la paroi interne

de la corne temporo-occipitale ont pris un développement extrêmement rapide

et, se prolongeant en avant, se confondent avec les fibres du faisceau sagittal

médian qui est lui-même devenu très volumineux. De cette union résulte un

large faisceau dirigé horizontalement d'avant en arrière et qui s'étend sur toute

la longueur comprise entre la zone sous-épendymaire de la corne frontale et

l'ergot de Morand. Le faisceau sagittal médian (Ballcenlangsbündel de Probst)

forme à ce niveau la plus interne des couches sagittales médianes de l'hémi-

sphère, recouvre en dedans le corps du trigone et n'est séparé de la circonvo-

lution limbique, qui surplombe à cet endroit, que par un prolongement de la

AGÉNÉSIE DU CORPS CALLEUX 651

pie-mère. Il se confond en avant et en arrière avec la substance blanche pro-

fonde de cette circonvolution où il est traversé par les fibres que l'écorce lim-

bique envoie au corps du trigone. Les relations qui existent entre le trigone et

le faisceau sagittal médian sont assez complexes et suffisamment intéressantes

pour que nous nous y arrêtions davantage. A ce niveau, le trigone est situé

luc. 5.

652 ARCHAMBAULT

immédiatement en dedans de la partie moyenne de la paroi ventriculaire in-

terne et se prolonge en avant et en arrière, dans la zone sous-épendymaire

de la corne frontale d'une part, et de la corne temporo-sphénoïdale d'autre part.

Il reçoit en l'un et l'autre de ces endroits, de nombreuses iibres de la circon-

volution limbique qui, pour lui arriver, doivent traverser toute l'épaisseur du

faisceau sagittal médian. Bien que d'une façon générale ces deux systèmes de

fibres soient inséparables, ils se trouvent toutefois assez bien délimités sur un

certain nombre de coupes, grâce à la présence d'une zone pâle intermédiaire

qui est de la plus grande utilité pour l'étude des modifications subséquentes

que subissent leurs rapports. Au sur et à mesure qu'on aborde les niveaux plus

élevés, on voit que de pair avec le développement progressif du faisceau sagit-

tal médian et la disparition concomitante du trigone, il se produit un échange

de territoire entre ces deux systèmes de fibres, ce qui reste du trigone se trans-

portant lentement travers le faisceau sagittal médian jusque dans la profon-

deur de la circonvolution limbique où il se dessine nettement sous la forme d'une

zone radiée.Le progrès de cette substitution de domaine est d'autant plus facile

à suivre que les fibres du faisceau sagittal médian se colorent fortement alors que

les fibres du trigones ont franchement dégénérées. Lors de sa migration à travers

l'épaisseur du faisceau sagittal, le trigone affecte la forme d'une lyre (6g. 5)

bien détachée en raison de sa faible coloration et que l'on voit passer lente-

ment de la zone sous-épendymaire à la zone sous-corticale de la circonvolution

limbique. Le faisceau sagittal médian finit donc par former sur toute la lon-

gueur de la paroi ventriculaire interne la plus profonde des couches sagittales

médianes et se trouve ainsi à constituer le tapétum. La zone radiée du trigone

est encore visible sur un certain nombre de coupes et sert à délimiter le fais-

ceau sagittal médian du cingulum dont les fibres poursuivent un trajet parallèle

au sien, au niveau de la région immédiatement sous-corticale de la circonvo-

lution limbique. Le cingulum se présente sous la forme d'un fascicule gracile,

bien défini sur toute son étendue, et dont les fibres les plus antérieures peu-

vent être suivies jusque dans la pointe du lobe frontal.

Le noyau caudé accompagné de la strie cornée se dirige horizontalement en

arrière au-dessus de la face dorsale de la couche optique et présente le long de

son bord externe un foyer hémorragique récent. Sa surface ventriculaire est

encore le siège d'altérations épendymaires très accusées que l'on retrouve

également au niveau de la paroi latérale de la corne temporo-occipitale où elles

atteignent leur maximum d'intensité. A cet endroit, eu effet, deux excrois-

sances nodulaires font saillie dans la lumière du ventricule. Le nodule posté-

rieur fait partie d'un foyer de ramollissement périventriculaire considérable,

qui sectionne complètement les couches sagittales profondes et qui, s'étendant

en dehors, détruit le lobule postérieur du gyrus suprarnarginalis et la partie

attenante du pli courbe; il en résulte une décoloration notable de toute la subs-

tance blanche profonde.de la convexité pariétale. Le nodule antérieur est de

beaucoup plus volumineux et détermine plus loin une symphyse ventriculaire

circonscrite. La corne occipitale est particulièrement atteinte et est elle-même

le siège d'une symphyse plus étendue. Dans toute cette région, la corne

AGÉNÉRIE DU CORPS CALLEUX

653

temporo-occipitale est pourvue d'un tapétum qui, malgré de nombreuses lésions,

l'entoure complètement.

Dans le lobe frontal, les couches sagittales interne et externe se détachent

avec la plus grande netteté. La couche externe se rend en partie au pôle frontal,

en partie à l'écorce de la face médiane, et s'entrecroise partout avec les libres

calles que la convexité envoie à la zone sous-épendymaire. Ces radiations se

rassemblent pour former des fascicules solides et fortement colorés qui s'en-

Fig. 6

au

ARCHAMBAULT

chevêtrent plus ou moins avec ceux de la couche sagittale interne, dont le

trajet vers la région sous-corticale de la circonvolution limbique reste toujours

bien défini. Sur les coupes qu'il nous reste à considérer et qui passent soit par

la voûte du ventricule, soit immédiatement au-dessous de celle-ci (fig. 6), tout

l'intérêt porte sur le développement ultérieur du système calleux. Le faisceau

sagittal médiau qui s'élargit de plus en plus constitue à ce niveau le seul fais-

ceau de la région interne de l'hémisphère, et, s'unissant au tapétum latéral,

forme avec ce dernier un système de fibres indivisible qui entoure de toute part

le segment dorsal ou supérieur du ventricule latéral. En arrière,là où il aborde

la corne occipitale, le faisceau sagittal médian se renfle pour former un forceps

majeur typique qui ne diffère en rien de celui que l'on observe sur une coupe

normale prise au même niveau. Que le faisceau sagittal médian n'est autre

que le segment homolatéral, anormalement disposé, du corps calleux, nous

paraît être un fait absolument incontestable.

Au-dessus du ventricule, les fibres constituantes du faisceau sagittal médian

poursuivent un trajet moins rectiligne, se disposent en fascicules ondulés qui

plus tard s'entrecroisent dans tous les sens et finissent par se diriger transver-

salement en dehors, où ils se continuent directement avec les fascicules simul-

tanément infléchis du tapétum latéral. La voûte du ventricule présente de

nombreuses lésions épendymaires et sous-épendymaires qui sont surtout accen-

tuées dans sa partie occipitale.

Résumé ET interprétation DES faits.

Nous venons de faire la description détaillée d'un cas typique de soi-

disant agénésie complète du corps calleux. La commissure calleuse pro-

prement dite fait assurément défaut. S'en suit-il que le système calleux

manque nécessairement dans sa totalité ? Nous ne le croyons pas. Lesystème

calleux comprend non seulement la commissure médiane compacte qui relie

les deux hémisphères, mais aussi deux parties inlrahémisphériques qui

n'en sont que les prolongements latéraux. Or, dans notre cas, ces segments

latéraux se retrouvent comme à l'état normal aussi bien dans l'hémisphère

gauche que dans l'hémisphère droit. Il suffit de repasser brièvement une

série normale pour constater que dans notre cas d'agénésie, les choses se

passent d'une façon absolument identique. Sur toute la longueur de chaque

hémisphère, à partir de la corne frontale jusqu'à la corne occipitale, la zone

sous-épendymaire est alimentée par de fines radiations corticales qui pro-

viennent de tous les points de l'écorce et qui ne sont autres que des fibres

calleuses. Ces fibres s'étant rassemblées dans le voisinage du ventricule, se

réunissent pour former un long faisceau sagittal au lieu de traverser la

ligne médiane et de s'irradier dans l'écorce de l'hémisphère opposé.Ce fais-

ceau sagittal s'étend du pôle frontal au pôle occipital en côtoyant l'angle

supéro-interne du ventricule latéral. Au niveau du carrefour venlricu-

AGÉNÉSIE DU CORPS CALLEUX )5

laire, il se rende pour former un forceps majeur que l'on ne saurait guère

distinguer du forceps calleux normal ; en même lemps, il se prolonge

en bas et en arrière pour constituer la totalité du tapétum.

A vrai dire, dans les cas d'agénésie, les coupes soit frontales, soit hori-

zontales, ne diffèrent pas sensiblement des coupes correspondantes du

cerveau normal ; exception faite, bien entendu, des anomalies qui peuvent

être associées, telles que la soudure ventriculaire, la microgyrie, etc. Sauf

que le segment correspondant de la commissure calleuse fait défaut, il n'y

a rien'de changé dans l'architectonique de l'hémisphère cérébral ; on re-

trouve la même disposition de noyaux et de faisceaux qu'à l'état normal.

A coup sûr, quant à son volume, le faisceau sagittal médian de l'un ou de

l'autre hémisphère n'est pas l'équivalent de la moitié correspondante de

la commissure calleuse normale ; de même, le tapétum est-il de beaucoup

moins développé. Mais il faut bien tenir compte de ce fait que dans notre

cas, le faisceau sagittal médian et le tapétum ne renferment que les radia-

tions calleuses d'un seul hémisphère, alors que dans le cerveau normal,

les formations correspondantes sont constituées par les radiations des deux

hémisphères. Ce fait suffit à expliquer également que la substance blan-

che des circonvolutions se trouve appréciablement réduite, ainsi que Font

fait remarquer Anton et Zingerle entre autres.

Non, quand on constate l'absence de la commissure calleuse, cela n'im-

plique pas l'agénésie totale du système calleux. On comprend qu'un arrêt

de développement explique l'absence de la majeure partie d'un hémi-

sphère, d'un lobe ou d'une région quelconque,quel que soit le mécanisme

en jeu, qu'il s'agisse d'une oblitération artérielle précoce.au cours de la

vie intra-utérine ou d'une autre cause d'égale importance bien qu'incom-

prise ; mais on ne conçoit pas qu'un vice de développement puisse porter

sur un seul système de libres et respecter intégralement toutes les autres

formations, surtout quand ce système provient de la totalité de l'un et de

l'autre hémisphère. Toutefois, cela n'est qu'une hypothèse et nous passons

outre, car l'absence de la commissure calleuse peut s'expliquer plus faci-

lement.

Nous avons vu que Anton attache une réelle importance à l'hydrocé-

phalie foetale dans lagenèse de l'agénésie du corps calleux. Selon cet auteur,

les lésions épendymaires sont susceptibles soit d'empêcher le développe-

ment du corps calleux, soit d'entraîner sa disparition si elles surviennent t

après que celui-ci est déjà formé. Nous nous rattachons à cette manière de

voir, et cela pour deux raisons. En premier lieu, ayant appris de par

nos propres recherches que le prolongement intrahémisphérique de la

commissure calleuse constitue, sur toute la longueur de l'hémisphère, la

couche immédiatement péri-ventriculaire, nous comprenons facilement

656 Ô ARCHAMBAULT

que celle-ci se trouve compromise au cours de toute lésion épendymaire.

En second lieu, dans notre cas d'agénésie, nous avons la preuve incontes-

table que ce sont les lésions ventriculaires qui ont empêché le développe-

ment de la commissure calleuse. Certes, les traces d'une méningite et

d'uneépendymite foetales sont trop grossières pourqu'elles nous échappent,

et il n'y a guère moyen de se soustraire à l'importance des multiples

lésions que nous avons décrites : épaississement pie-mérien généralisé,

plaque méningée cicatricielle de la convexité frontale gauche, soudure

ventriculaire antérieure, complète à gauche, partielle à droite, rétraction

cicatricielle intrahémisphérique du trigone et de la cloison transparente,

boutons épendymaires volumineux,etc. Si les lésions d'épendymite foetale

suffisent en elles-mêmes à gêner le développement du corps calleux, à

plus forte raison la soudure des cornes frontales constitue-t-elle un obs-

tacle invicibleà ce développement. Celle soudure ventriculaire peut cepen-

dant,dans certains cas,ne jouer qu'un rôle purement mécanique en déviant

tout simplement le trajet des fibres calleuses ; alors même que ces der-

nières seraient normalement développées, la soudure conserve toute son

importance à condition qu'elle siège au niveau des cornes frontales. L'em-

bryologie nous dit que vers le troisième mois de la vie intra-utérine, il se

fait une fusion des parois médianes des vésicules hémisphériques en avant

et au-dessus de la lame terminale. L'épaississement qui en résulte affecle

la forme d'un triangle dont la pointe, dirigée en avant, donne naissance au

genou du corps calleux. Ce n'est qu'entre le cinquième et le sixième mois

que l'union des vésicules hémisphériques s'étend en arrière de ce point

pour former la crête marginale qui doit produire le tronc et le splénium

du corps calleux. Le développement de la commissure calleuse se fait donc

d'avant en arrière. Ainsi considérée, la soudure frontale est toute puis-

sante dans la genèse de l'anomalie que nous étudions, puisqu'elle ne per-

met pas le rapprochement des parties antérieures des vésicules hémisphé-

riques.

Nous croyons que la méningite ventriculaire est une grande cause, si-

non la grande cause, de l'absence de la commissure calleuse, et nous en

sommes à nous demander sérieusement si elle n'existait pas dans un bon

nombre des cas d'agénésie qui ont été publiés et si elle n'a pas tout sim-

plement passé inaperçue. Cette erreur pourrait être non seulement facile,

mais même très pardonnable. Il importe, en effet, de faire ressortir que

cette méningite peut avoir été d'une intensité variable et avoir évolué à

une période plus ou moins précoce. Une ventriculite môme légère, au troi-

sième mois, peut suffire à compromettre totalement le système calleux et

cependant ne guère laisser de traces. Toutefois, nous admettons parfaite-

ment qu'il est d'autres facteurs qui peuvent déterminer cette malforma-

AGÉNÉSIE DU CORPS CALLEUX 657

tion, tels que l'emplacement vicieux de l'artère cérébrale antérieure (San-

der) ou de la faux du cerveau (Ricliter), l'exostose de la crête frontale,

l'hémorragie ou la néoplasie interhémisphérique, etc.

Ainsi, la commissure calleuse peut manquer, soit en partie, soit totale-

ment, mais ce que nous ne croyons pas, c'est que le système calleux, pris

dans son ensemble, puisse faire défaut.Aucun fait probant n'a été apporté,

jusqu'ici, à l'appui de cette hypothèse. Conclure à l'absence totale du

système calleux parce que la commissure calleuse fait défaut, c'est raison-

ner illogiquement. S'il en était autrement, comment expliquerait-on

alors le fait fort intéressant dont Arndt et Sklarek n'ont pas su bénéficier

suffisamment, à savoir que dans leur cas, la commissure antérieure fait

défaut sur la ligne médiane alors qu'elle se retrouve très nettement au

niveau du corps strié dans l'un et l'autre hémisphère. Voilà pour nous le

fait le plus probant que nous ayons relevé dans l'historique de l'agénésie

calleuse, et à vrai dire il devrait à lui seul suffire à trancher définitive-

ment cette question, puisqu'il démontre qu'une commissure interhémi-

sphérique peut ne manquer que sur la ligne médiane. Il s'en suit naturel-

lement que, du fait qu'il est intact dans les cas d'agénésie, on ne peut pas

soutenir que le tapétum ne soit pas formé par le corps calleux. Le fait est,

d'ailleurs, que le tapétum n'est pas toujours intact en pareille circons-

tance, ainsi qu'en témoigne notre propre observation. On se souviendra,

en-effet, que le tapétum fait complètement défaut au niveau du lobe occi-

pital et de la paroi interne de la corne sphénoïdale dans la moitié infé-

rieure de l'hémisphère droit et qu'il est grandement dégénéré en d'autres

endroits et dans l'hémisphère droit et dans l'hémisphère gauche. Pour

prouver que le tapétum n'est point formé par le corps calleux, il faudrait t

constater son intégrité dans les cas de lésion du corps calleux ou après la

section de celui-ci. Or, jusqu'à ce jour, les seules données expérimentales

que nous ayons acquises sur l'origine et la nature du tapétum sont celles

qui ont été fournies par les recherches de Muratoff. On leur a attribué une

valeur' démonstrative qu'elles sont loin de mériter. D'abord,' la section du

corps calleux a été suivie d'une dégénérescence partielle du tapétum que

l'auteur admet. En second lieu, le fait que le tapétum est en grande partie

respecté ne signifie rien. La raison en est simple. Il s'agit d'une étude ex-

périmentale où le chien est sacrifié quelques semaines, quelques mois au

plus, après la section du corps calleux. En pareille circonstance,que peut-

on constater ? La dégénérescence wallérienne tout simplement. Seul, le

segment distal de la fibre calleuse est dégénéré ; le segment proximal res-

tant intact au niveau de l'hémisphère dont il tire son origine. Il est évident

que même lorsqu'on admet la nature calleuse du tapétum, on ne peut s'at-

tendre à observer la dégénérescence totale de celui-ci à la suite d'une sec-

658

ARCHAMBAULT

tion expérimentale du corps calleux. Pour observer cette dégénérescence

totale, il faudrait attendre qu'à la dégénérescence wallérienne vînt s'ajou-

ter la dégénérescence rétrograde, ce qui demanderait un bon nombre d'an-

nées. Du reste, avant d'accepter définitivement les conclusions de Mura-

toff, il conviendrait qu'elles fussent confirmées par d'autres recherches du

même ordre. z

Quant à la réaction qui s'observe au niveau du tapétum dans les cas

de lésion du corps calleux,nous rapporterons les seuls faits que nous ayons

personnellement constatés. Nous avons eu l'occasion détudier chez Anton

lui-môme les coupes sériées d'un cas de néoplasme de la partie postérieure

du tronc du corps calleux ; le segment correspondant du tapétum sphénoïdal

était notablement dégénéré sur toute la hauteur de la paroi ventriculaire

latérale. Actuellement, nous poursuivons l'élude d'un cas de plaque sclé-

reuse de la partie moyenne du corps calleux ; il existe une dégénérescence

considérable du tapétum lemporo-occipital. Nous nous proposons de pu-

blier prochainement cette intéressante observation.

Une absence totale du système calleux n'a jamais été observée, et c'est

fort douteux que pareil fait puisse s'observer. Si les lésions ventriculaires

sont pleinement capables d'empêcher la fusion des segments latéraux ou

hémisphériques du corps calleux, elles ne suffisent probablement pas

encore à détruire complètement le système calleux ; la paroi ventriculaire

est plus ou moins respectée en divers endroits, et la couche calleuse péri-

ventriculaire correspondante l'est également. Pour que la disparition

totale du système calleux s'observât, il faudrait que les lésions ventriculai-

res fussent non seulement généralisées, mais uniformément intenses.

Le faisceau occipito-frontal d'Onufrowicz n'existe pas dans le cerveau

normal ; ceci a déjà été dit par d'autres, nous le disons à notre lotir.

En plus, nous ferons remarquer que les formations que l'on a voulu iden-

tinter dans le cerveau normal avec le faisceau d'Onufrowicz. se retrouvent

facilement dans les cas d'agénésie et qu'elles sont nettement séparées du

faisceau sagittal atypique.

Les cas d'agénésie nous rendenl de très grands services au point de vue

de l'anatomie normale, parce qu'ils nous permettent de suivre plus facile-

ment le trajet d'un bon nombre de faisceaux.

Nous avons vu les rapports intimes qui existent entre le faisceau sagit-

tal médian et le trigone, et nous avons constaté que le corps du trigone

reçoit à tous les niveaux des libres qui lui viennent de la première cir-

convolution limbique en traversant toute l'épaisseur du faisceau sagittal

médian. Il y a longtemps que nous avons soupçonné ces relations, maisce

n'est que dans ce cas d'agénésie que nous avons pu nous satisfaire de leur

exactitude. Le trigone est donc formé non seulement par les fibres dérivéos

AGÉNÉSIE DU CORPS CALLEUX 659

de la circonvolution de l'hippocampe, mais aussi par des fibres qui pro-

viennent de la première circonvolution limbique.

Nous avons suivi le cingulum de beaucoup plus facilement et de beau-

coup plus loin en avant et en arrière qu'il n'est possible de le faire

dans l'hémisphère normal. En avant les fibres du cingulum atteignent

presque le pôle frontal ; en arrière elles se mêlent aux fibres du faisceau

sagittal médian pour constituer le tapétum de la paroi interne. Il n'en est

pas de même dans le cerveau sain, le cingulum n'entre pas dans la cons-

titution du tapétum médian, mais il se rend cependant dans le lobe occi-

pital où il prend le nom de faisceau de Sachs. A l'appui de cette asser-

tion, nous avons noté en faisant la description de notre cas, que le fais-

ceau de Sachs manque là où le cingulum occupe la paroi médiane de la

corne postérieure, et revient dans son domaine classique lorsque le cin-

gulum n'est plus visible au niveau de la paroi médiane. Ces faits sont

suffisamment démonstratifs. '

La capsule externe est une formation d'ordre assez complexe. Elle trans-

met certainement les fibres de projection qui se rendent à la région de

l'insula ou qui en proviennent, elle renferme peut-être un certain nom-

bre de fibres d'association, mais pour nous, elle représente surtout une

dépendance du corps calleux. Nous avons constaté qu'elle est grandement

dégénérée, et que la topographie et l'intensité de sa dégénérescence con-

cordent absolument avec l'étendue et le degré des lésions ventriculaires

etpériventricutaires. La capsule externe transmet au corps calleux les ra-

diations de l'insula et de la convexité temporale.

La couche sagittale interne de la couronne rayonnante fronto-pariétale

se détache dans ce cas d'agénésie avec une netteté égale à son enchevêtre-

ment dans le cerveau sain. Les coupes frontales sont de beaucoup plus

favorables à son étude que les coupes horizontales,et on voit très distinc-

tement sur toute la longueur du lobe fronto-pariétal gauche, que celle

couche de fibres se rend tout d'une pièce dans la zone sous-corticale delà

première circonvolution limbique. Ainsi, ce cas nous permet de formu-

ler de nouveau la thèse que nous croyons avoir été le premier à soutenir,

à savoir que la couche sagittale interne fronlo-pariétale, la zone réticulée

de la couronne rayonnante de Sachs, représente la voie de projection de

la première circonvolution limbique. Nous avions déjà démontré à l'aide

de la dégénérescence secondaire que l'élément prépondérant de cette cou-

che est corticipéte.

Dans l'hémisphère droit, nous avons suivi les fibres de la commissure

antérieure jusque dans le voisinage du noyau caudé sphénoïdal et nous

sommes porté à croire que ces fibres entrent dans la constitution de la

partie antérieure du tapélum temporo-sphénoïdal.

660 AItCIlAnI l3AULT

La structure de l'écorce au niveau des régions atteintes de microgyrie

ne nous a pas paru différer sensiblement de celle de l'écorce normale.

Quant à la cause de la microgyrie, nous n'avons personnellement aucune

hypothèse à émettre. Toutefois, nous ferons remarquer que sa topographie

coïncide assez exactement avec celle des lésions pie-mériennes.

Conclusions

1° Dans les cas de soi-disant agénésie du corps calleux, il ne s'agit que

d'une absence de la commissure calleuse proprement dite.

2° Dans un bon nombre de cas, une méningite ventriculaire foetale est

la cause déterminante de cette anomalie ; cette lésion agit soit en détrui-

sant une grande partie de la couche calleuse périventriculaire, soit en

provoquant la soudure ventriculaire qui constitue alors un obstacle mé-

canique au développement de la commissure calleuse.

3° Le faisceau occipito-frontal ne représente, ainsi que l'a dit Sachs,

qu'une hétérotopie du corps calleux et ne se retrouve pas dans le cerveau

normal.

4° Le trigone cérébral est formé non seulement par des fibres directes

de la circonvolution de l'hippocampe, mais aussi par des fibres provenant

de la première circonvolution limbique qui lui parviennent en traversant

le corps calleux.

5° La couche sagittale interne du lobe fi,onto-pai-i étal, la zone réticulée

de Sachs, représente la couronne rayonnante de la première circonvolu-

tion limbique.

6° La commissure antérieure entre probablement dans la constitution

de la partie temporale du tapétum ; exception faite de cette possibilité, le

tapétum est formé exclusivement par les fibres du corps calleux.

UNIVERSITÉ DE FLORENCE

CONTRIBUTION A LA CONNAISSANCE DE LA MICROSOMIE

ESSENTIELLE 11ÉRÉDO-FAMILIA LE.

4

DISTINCTION DE CETTE forme CLINIQUE d'avec LES nanismes,

LES INFANTILISMES ET LES FORMES mixtes

DE CES différentes dystrophies.

(Suite et fin).

P.II\ il

ETTORE LEVI,

Privat-Docent de Neurologie

(Florence)

.. Nous avons cru devoir donner une description détaillée et minutieuse

de nos sujets, car nous avons établi, par l'étude delà littérature relative-

à ce chapitre, qu'il n'existe pas un seul exemple clinique d'une micro-

somie essentielle étudié systématiquement par les modernes méthodes

d'analyse clinique.

L'observation détaillée de nos cas nous permettra d'être très bref au

sujet du diagnostic différentiel ; il suffira, en effet, de jeter un coup

d'oeil sur nos photographies pour constater les différences essentielles

présentées par nos sujets en comparaison des spécimens bien connus

de nanisme achondroplasique, rachitique, pottique ou myxoedémateux.

Le nanisme rachitique et le nanisme pottique sont, en effet, toujours

facilement reconnaissables par les déformations caractéristiques du sque-

lette dans ces deux différentes maladies, déformations dont nous ne trou-

vons pas la moindre trace chez aucun de nos sujets.

La différenciation avec l'achondroplasie est aussi très facile pour nos

sujets : aucun d'eux, en effet, ne présente ce qui est surtout typique

dans l'achondroplasie, c'est-à-dire, la réduction énorme des extrémités

par rapport au tronc, la micromélie totale ou rhizomélique, lesmains

et les pieds carrés, etc.

Nos sujets ne présentent pas non plus les déformations du crâne qui sont

xxm 4t

662 ETTORE LEVI

si fréquentes chez les achondroplasiques, et ne nous montrent aucune

trace de lordose lombaire ni de dos plat.

L'examen radiographiquenous a enfin permis de constater qu'il n'existe

pas chez nos sujets cette disproportion dans de l'accroissement relatif

de certains os longs des membres que l'on constate chez les achondro-

plasiques ; chez ces individus, en effet,J\l. Pierre Marie a observé que les

tibias sont souvent plus raccourcis que les péronés, de telle façon que

les extrémités supérieures de ces os dépassent souvent le plateau tibial.

J'ai été le premier à décrire d'autre part une autre anomalie analogue

à celle-ci et qui est aussi caractéristique de l'achondroplasie, je veux

parler de l'anormale brièveté du troisième métacarpien et métatarsien vis-

à-vis des autres os homologues.

Tous ces faits n'existent pas chez nos sujets; il n'y a donc aucun

doute que nos nains ne sont en rien comparables aux nains achondro-

plasiques avec lesquels ils partagent seulement quelques traits caracté-

ristiques qui sont communs à toutes les formes pures de nanisme en

général (les myxoedémateux exceptés) : le développement normal des

poils, le développement et le fonctionnement physiologique des organes

génitaux, le trophisme normal des tissus musculaires, le défaut de tout

symptôme de retard dans l'ossification des cartilages épiphysaires, et

l'intelligence souvent normale.

Nous pouvons donc,en toute sûreté, éliminer pour nos sujets le diagnos-

tic d'une forme soit totale, soit partielle ou fruste de nanisme achondro-

plasique.

En considérant nos différents sujets, nous devons cependant faire re-

marquer les quelques différences qui existent entre eux.

Le sujet de la première observation, tout en étant en général de formes

très harmonieuses, évoque tout de même à première vue l'image d'un pyg-

mée ; il n'est pas difforme, mais son aspect est drolatique, c'est un petit

Silène.

On n'observe chez lui aucune difformité grossière, mais quelques dys-

harmonies somatiques que nous devons mettre en relief, bien qu'elles ne

nous autorisent à le ranger dans aucune catégorie bien déterminée : ces

dysharmonies sont surtout représentées par les proportions un peu

trop grandes de la tôle (comme chez les frères par une très légère

brièveté des membres relativement au tronc ; nous sommes bien loin de la

brièveté des membres propre aux achondroplasiques, mais nous devons

cependant reconnaître que notre premier nain a surtout les extrémités

supérieures in tolo un peu courtes.

Notre troisième nain est au contraire un type absolument parfait de

microsomie essentielle ; en regardant sa photographie on ne peut aucu-

LA MICROSOMIE ESSENTIELLE HÉRÉDO-FADI1LIALE 663

..

nement deviner qu'il s'agit d'un nain si l'on ignore sa taille : c'est vrai-

ment un petit homme, merveilleusement musclé, d'apparence très mâle

et qui ne présente, au contraire de ce que nous avons vu chez le premier,

qu'une légère prévalence en longueur des extrémités inférieures.

Afin d'établir les caractères cliniques propres à cette forme de microso-

mie essentielle. nous nous bornerons à prendre en considération nos sujets

adultes, car un diagnostic différentiel absolu entre nanisme et infantilisme

n'est jamais possible, selon nous, qu'à t'age mûr.

La comparaison de nos deux nains adultes nous permet de constater

qu'il existe entre eux plusieurs caractères cliniques communs,soit positifs

soit négatifs, caractères qui nous permettront de les ranger dans la même

catégorie de nanisme.

Tous les deux sont d'intelligence absolument normale et ne présen-

tent pas le moindre stigmate d'infantilisme psychique ; le premier sujet

est un petit sauvage, complètement dépourvu de toute éducation, et alcoo-

lique invétéré, ce qui explique pleinement sa pauvreté intellectuelle qui

s'explique par le défaut absolu d'instruction scolaire et par les effets de

l'intoxication éthylique chronique.

Le troisième sujet, au contraire, plus,jeune,alcoolique aussi, mais il.. un

degré bien moindre, est d'une intelligence absolument remarquable

pour un individu qui est aussi dépourvu de toute éducation ; ce petit

.bonhomme est un excellent chef de famille et un homme très pratique ;

c'est lui qui règle les affaires de sa petite troupe nomade, qui voyage de

foire en foire dans une roulotte.

Aussi bien le premier que le second de nos nains présentent un tro

phismedes poils absolument normal non seulement au crâne et à la fi-

gure (barbe et moustaches abondants), mais aussi aux aisselles, au pubis

et sur toute la surface du tronc et des extrémités : ce sont deux mâles

bien poilus.

La constitution de la peau et du tissu sous-cutané est, chez tous deux,

parfaite : la peau n'estni trop lisse, ni rugueuse, ni bouffie, ni relâchée ;

chez le premier sujet,la rugosité du visage est absolument correspondante

à t'age avancé et à l'alcoolisme et elle n'existait pas auparavant.

La couleur de la peau n'a chez ces deux individus rien d'anormal ;

le trophisme des ongles est parfait.

Si nous considérons à présent l'appareil génital, nous voyons que tous

les deux ont la verge grande, bien conformée et tonique, eldes testicules

complètement normaux comme chez tout mâle adulte normal.

Relativement à l'appareil génital nous ferons en outre remarquer*

l'existence chez nos deux nains d'une hernie inguinale bilatérale ; chez

le premier sujet le testicule droit n'est pas complètement descendu dans

6(il ETTORE LEVI

la bourse. Nous verrons ensuite que chez le deuxième sujet, la cryptor-

chidie est bilatérale.

La fonction sexuelle s'est manifestée chez nos deux sujets normale-

ment et précocement et se maintient actuellement tout à fait normale;

tous les deux ont eu des enfants la la légitimité de leur paternité est indis-

culable,car ces enfants ressemblent à leurs pères d'une façon frappante;

le premier de nos nains, qui est relativement assez âgé, a encore actuel-

lement des désirs.sexuels assez vifs et ne montre que la débilité génitale

initiale relative à son âge.

Le troisième sujet est fils d'un nain qui, d'après ce qu'on nous dit,

présentait le même type de nanisme que son (ils ; dans celle famille

donc le nanisme est héréditaire à travers trois générations.

En ce qui concerce le caractère héréditaire de cette forme de nanisme,

nous ferons remarquer que dans les deux familles que nous avons consi-

dérées,la transmission héréditaire du nanisme a toujours élé paternelle :

dans la première famille, en effet, la mère et le père de notre nain étaient

de taille normale, mais notre sujet, qui a donné naissance à deux enfants

certainement nains, avait épousé une femme de taille normale ; dans la

seconde famille, le père de notre sujet était nain aussi, cependant que

sa mère était normale ; notre sujet enfin,qui a des enfants extrêmement

petits et qui vraisemblablement resteront nains comme le père et le grand-

père, a une femme que nous avons vue et qui est de taille moyenne mais

à tout point de vue absolument normale.

Celle forme de microsomie semble donc, selon notre expérience, être

relativement plus fréquente chez les individus mâles, et surtout être trans-

mise par ceux-ci même lorsque la mère est normale.

Nous ferons remarquer à ce propos qu'un des frères Maggi (Ernest)

dont nous avons parlé plus haut, eut aussi un enfant nain d'une femme

normale.

Toutes les fonctions de la vie végétative sont parfaites chez nos deux

nains. Les examens des urines et du sang nous ont permis de mettre en

relief les faits suivants auxquels cependant nous ne croyons pas devoir

donner aucune signification spéciale; nous avons trouvé une légère leu-

cocylose existant chez les deux sujets adultes sans toutefois aucune modi-

fication digne de mention de la formule cylologique.

L'examen des urines nous a donné chez les deux une abondance re-

de créatinine et la présence assez évidente d'indican el de

scatol. Le premier fait nous indique un échange matériel très vif, le se-

cond une légère tendance aux putréfactions intestinales

Chez les trois premiers sujets de nos observations nous avons prati-

LA MICROSOMIE ESSENTIELLE HMRRDO-FAMinAm lili5

que la réaction de Wasserm¡lI1n (méthode classique), et dans tous les cas le

résultat a été nettement négatif ; il nous semble, par conséquent, être

autorisé à éliminer pour nos sujets l'influence pathogénique de la sy-

philis héréditaire ; nous ferons remarquer il ce sujet que nous avons eu

le même résultat négatif dans un cas de nanisme achondroplasique dont

nous avons publié l'observation dans ce même journal en 1909.

Après avoir mis en évidence les quelques caractères somatiques discor-

dants chez nos deux premiers sujets, nous désirons exposer les quelques

tares physiques qu'ils ont en commun et qui nous semblent pouvoir ai-

der à l'identification clinique decette forme de nanisme.

Chez les deux, en effet, le nez a une conformation identique ; c'est un

nez en lorgnette, très rétréci et fin à la racine (sans èlre camard) et as-

sez élargi à la hase. Chez les deux, le professeur Toti, spécialiste en oto-

rhyno- ! al'yngoiatrie,a mis en reliefdes déformations identiquesde la voûte

osseuse palatine et de l'oreille ; le palais osseux est rétréci dans son dia-

mètre transversal de telle façon que le revêtement muqueux est plissé

longitudinalement ; nous avons mis en évidence aussi chez les deux

quelques anomalies de a dentition et un aplatissement identique du

conduit auriculaire qui apparaît aplati obliquement de haut en bas et

d'en avant en arrière.

Chez tous deux, lesorei Ilessont grandes (même un peu trop relativement)

.mais bien conformées ; ce qui les caractérise est le manque absolu de

consistance de leur squelette cartilagineux : elles sonl molles et mania-

bles comme si les cartilages manquaient.

Enfin nous avons remarqué chez nos deux nains la présence d'hernie

inguinale qui doit probablement être mise en rapport avec une brièveté

anormale du canal inguinal.

Une dernière particularité somatique est commune à nos deux nains et

elle consiste dans une déformation en baguette de tambour très nette des

dernières phalanges des doigts. -

Ayant ainsi décrit tous les caractères cliniques néga ti fs et posi ti fs (nor-

maux et pathologiques) qui nous permettent d'attribuer nos deux sujets à

la môme forme de microsomie, nous pouvons conclure- que, à quelques

détails près, nos deux petits hommes sont des individus normaux de très

pelite taille, mais dont l'aspect extérieur, la normalité des fondions essen-

tielles de la vie végétative (et sexuelle) et le développement psychique

sont parfaitement correspondants à leur âge réel.

1-1tiiiie)i r«</<o ? ? </Me.Toutes les données que nous avons acquises

chez nos sujets par le simple examen clinique'nous sont confirmées par

l'élude radiographie du squelette que nous avons pratiqué systématique-

ment chez tous nos sujets ; nous considérons en effet les résultats de

666 ETTORE LEVI

cet examen comme essentiels pour le diagnostic différentiel, non seule-

ment entre les différentes formes de nanisme, mais surtout entre la mi-

crosomie et l'infantilismepur ou combiné avec la microsomie.

Aussi bien chez le premier que chez le second de nos sujets adultes, les

radiographies des membres, du crâne, et l'examen radioscopique (très

facile dans ces cas) du tronc et du bassin ne nous ont pas permis de mettre

en relief le moindre fait pathologique, rien qui rappelle les caractères

radiographiques propres aux formes de nanisme achondroplasique, rachi-

tique ou pottique.

Mais surtout ces recherches nous ont montré que chez nos deux nains

l'ossification était parfaite et complète : tousles cartilagesépyphysaires

étaient complètement et normalement soudés comme chez tout individu

normal du même âge, contrairement à ce qu'on voit dans le nanisme

myxoedémateux et dans l'infantilisme soit du type Brissaud, soit du type

Lorain.

Nous ajouterons encore à ce propos que les radiographies des mains

de nos deux nains adultes montrent une ossification parfaite du petit os

sésamoïde qui se trouve à la face interne de l'articulation métacarpo-

phalangienne du pouce, ce qui constitue l'indice clinique d'une ossifica-

tion absolument normale, car dans tout cas d'ossification même légère-

ment retardée, l'image de cet os n'apparaît pas sur les épreuves radiogra-

ph iques.

Les documents radiographiques annexés à ce mémoire nous semblent

confirmerpleinement la constatation des faits que nous venons d'énoncer.

Nous sommes habitué à considérer en clinique que toutes les grandes

dystrophies sont plus ou moins liées à une altération fonctionnelle d'une

ou de plusieurs glandes à sécrétion interne.

Eh bien ! dans nos cas il nous manque tout symptôme d'altération

fonctionnelle de ces organes glandulaires, du moins pour ce que nous

savons aujourd'hui de leurs manifestations cliniques.

Nous n'avons rien, en effet, qui puisse nous faire penser à une altéra-

tion fonctionnelle de l'hypophyse; il nous manque tout symptôme local

du côté de l'appareil visuel ; la selle turcique est radiographiduement

normale ; en outre nous savons que l'altération hypophysaire se révèle

cliniquement surtout soit par le syndrome acromégalo-gigantique, soit

par le syndrome adiposo-génital, soit enfin, en quelques rares cas, par

un syndrome d'infantilisme (voir à ce propos la première observation

dans mon mémoire sur l'infantilisme du type Lorain (Nouvelle Acon. de

la Salh., 9cJ08).

Rien de pareil chez nos sujets !

LA MICH0S0M1E ESSENTIELLE HKRËDO-FAM)HALE 667

Nous n'avons non plus aucun argument pour admettre une lésion

du thymus ou une persistance anormale de cet organe glandulaire ; nos

recherches à ce sujet ont été négatives soit par le simple examen physi-

que, soit par la radioscopie.

Pouvons-nous supposer que nos nains soient des dysgénitaux, que leur

nanisme soit fonction d'une sécrétion interne testiculaire défectueuse ?

Pas davantage ; car nos nains nous présentent un développement normal

des organes génitaux cependant que la fonction sexuelle semble avoir été

chez eux précoce et parfaite; en outre tous les caractères sexuels secondai-

res sont parfaitement développés, les poils sont abondants et de trophisme

normal, la voix n'est pas eunuchoïde et les proportions des membres vis-

à-vis du tronc ne rappellent en rien ce qu'on appelle l'eunuchisme.

Nous avons il peine besoin de remarquer que rien, absolument ne

nous autorise penser pour nos cas à une altération de la fonction soit

des surrénales, soit des parathyroïdes, car il nous manque absolument

tout symptôme de déficit relatif à ces organes ; on a décrit une forme

d'infantilisme d'origine surrénale, mais jamais, que nous sachions,

aucun cas de nanisme de même origine ; c'est d'ailleurs une cause d'in-

fantilisme très rare et même douteuse.

Il nous reste enfin à prendre en considération la thyroïde, qui, elle,

a dans celle question une importance prépondérante, car nous savons

que l'altération de sa fonction peut porter soit à la détermination des

- différentes variétés de l'infantilisme dysthyroïdien, soit à cette dystro-

phie, bien facilement reconnaissable, qu'on appelle généralement na-

nisme myxoedéma teux. Nos deux sujets adultes ne sont certainement pas

des infantiles : tout ce que nous avons dit en les décrivant le prouve,

depuis leur aspect général nettement adulte et mâle, jusqu'au dévelop-

pement parfait de l'ossification, du trophisme des poils, de la fonction

génitale, etc.

Dans une aimable lettre que M. Meige a eu la boulé de nous adresser

à ce sujet, nous trouvons avec plaisir affirmée la conviction de ce

auteur sur l'existence du type de nanisme dont nous traitons et que

M. Meige appelle nanisme complet ou total.

Parlant de ces nains complets dont M. Meige dit avoir vu quelques

spécimens, il s'exprime de la façon suivante : « on peut les considérer

comme représentant le degré le plus extrême et le plus parfait de l'infan-

tilisme du type Lorain ou de ce que M. Bauer appelle le chétivisme,

de la même façon qu'on peut considérer l'idiotie myxoedémaleuse comme

le degré superlatif de l'infantilisme de Brissaud, ainsi que ce dernier

l'adit». '

Eh bien ! je suis parfaitemenl d'accord avec M. Meige au sujet de la

668 ETTORE LEVI

seconde partie de son affirmation, et je considère comme lui, l'idiotie ou

mieux le soi-disant nanisme myoedémateux comme le degré superlatif

de l'infantilisme de Brissaud, mais je ne peux, d'aucune façon, me ral-

lier à la première partie de son affirmation, c'est-à-dire considérer

le nanisme total comme l'expression clinique extrême de l'infantilisme

de Lorain.

Ou bien les spécimens de nanisme total que M. Meige a vus, sont bien

différents des nôtres et alors toute discussion est inutile ou, s'ils corres-

pondent au type de microsomie dont nous venuns de donner quelques

exemples, nous ne voyons vraiment pas comment on pourrait les consi-

dérer comme des types extrêmes, presque superlatifs de l'infantilisme de

Lorain.

Si cela était, nos nains devraient présenter à un degré extrêmement

prononcé les caractères cliniques d'infantilisme qui sont plus oumoins

apparents dans les infantiles de Lorain, et nous avons vu, au contraire,

que ces caractères (l'infantilisme non seulement ne sont pas extrême-

ment développés, mais manquent tolalementcliez nossujets adultes.

Il nous semble donc que parler d'infantilisme à propos de nos sujets

adultes sérail vouloir engendrer une confusion déplorable entre les syn-

dromes cliniques de l'infantilisme et de la microsomie pure.

A)aisrevenonsa la différentation de nos cas des autres états dystro-

phiques secondaires à la-dyslhyroïdio.

Le nanisme myxoedémateux classique constitue un ta blea u morhide si

caractéristique qu'il ne se prête à aucune confusion : « On a alors af-

faire à des nains bouffis, dont le corps est comme gonflé d'oedème; ils

ont une face en pleine lune avec des paupières boursoufl1ées, peu de

cheveux, pas de poils, des atlributs sexuels imparfaits. Cesontdes dys-

thyroïdiensaux gestes lents, il l'esprit torpide. Beaucoup ont un déve-

loppement mental rudimentaire. Dans ce groupe rentrent les nains idiots

les nains crétins, les nains goitreux, etc. (Meige). »

Il est aisé de constater que nos sujets n'ont rien de commun avec le

type de dystrophie certainement dysthyroïdienne si bien décrit par

M.bIeige : d'ailleurs, selon nous, il n'est pas correct de définir ces indivi-

dus comme des nains tout court. Ces sujets, en effet, présentent quelques

caractères de microsomie (la taille harmonieusement réduite et surtout

un aspect général relatif à )'age réel), mais d'autre part par le dévelop-

pement rudimentaire de leur intelligence, par la dystrophie des poils,

par l'insuffisant développement .sexuel et surtout par la persistance

fréquente à )'age adulte des cartilages épiphysaires, ce sont des infanti-

les et justement, comme le dit Meige, ils représentent le degré super-

latif de l'infantilisme de Brissaud.

LA MICROSOMIE ESSENTIELLE HÉRÉDO-FAMILlALE 669

Les nains myxoedémateux classiques sont donc, selon nous, des exem-

ples d'association du syndrome microsomie au syndrome infantilisme.

Pour conclure, nos sujets ne présentent le moindre symptôme soit

d'infantilisme, soit de nanismedysthyroïdien, il n'existe enfin chez eux

aucune trace de dysthyroïdie ; nous ne nous sentons donc aucunement

autorisés à admettre pour eux une influence hypothétique de la glande

thyroïde par le fait que nous ne pouvons constater chez eux aucun de

ces symptômes que nous sommes habitués à considérer en clinique comme

d'origine dysthyroïdienne. - '

De quel droit, en effet, parlerions-nous de dysthyroïdie, même fruste,

à propos de sujets normaux par leur intelligence/par le trophisme'de la

peau, des tissus sous-cutanés, des poils, du squelette et des organes

sexuels ? . -

Nous voulons être en cette discussion, comme toujours, parfaitement

objectifs et nous aimons reconnaître qu'en faveur de l'origine dysthyroï-

dienne de cette forme de nanisme total, on pourrait invoquer un argu-

ment : nous avons nous-même fait remarquer, en effet, que nos familles

de nains, proviennent toutes deux de contrées d'Italie, très éloignées en-

tre elles, mais où le myxoedème est également endémique et où les nains

nettement goitreux ou crétins ne sont pas rares.

Eh bien ! si cet argument est suffisant pour nous faire admettre l'ori-

ginedysthyroïdienne de nos cas de nanisme total, nous devrons alors bien

ifeltemenl établir qu'il s'agirait là d'une nouvelle manifestation d'altéra-

tion fonctionnelle de la thyroïde, qui ne se trahirait que par un seul

symptôme essentiel : la réduction globale de la taille avec conserva-

tion normale de toutes les fonctions de la vie végétative et de relation

avec conservation d'un aspect extérieur en tout correspondant à celui des

individus adultes normaux du même âge.

Il se peut que, les mêmes facteurs encore mystérieux (influence de l'eau

de l'air,des conditions de vie et de nourriture) qui déterminent,par l'in-

termédiaire d'une lésion thyroïdienne, le crétinisme endémique en

général, soient suffisants aussi pour donner lieu à la détermination de la

forme de microsomie pure que nos avons décrite.

Nous n'avons aucun argument certain qui nous fasse considérer comme

probable cette hypothèse ; nous tenons seulement à affirmer ici, bien

clairement, que nos nains ne sont pas des myxoedémateux et que chez

eux on ne peut démontrer aucun des symptômes de dysthyroïdie soit t

même fruste, qui sont actuellement connus en pathologie.

Il n'est en somme aucunement prouvé actuellement que la dysthyroïdie

puisse être la cause déterminante de la forme de nanisme total dont nous

avons traité dans cette note.

670 ETTORE LEVI

En discutant la division que von Hansemann etBayon font des micro-

somies, en microsomie primordiale et microsomie infantilique, Pellizzi

s'exprime de la façon suivante :

« Nous ne pouvons éliminer a priori l'hypothèse que la petitesse ré-

gulière du corps, pure et simple, sans arrêt de développement psychique

et sexuel, c'est-à-dire la microsomie primordiale, ne puisse dériver de

l'insuffisance d'une sécrétion interne déterminée que nous ignorons

encore, sécrétion interne qui soit destinée seulement au développement

somatique total dans toutes ses parties (pour ce qui se rapporte exclusi-

vement au volume de l'individu), cependant que les rapports somatiques

et fonctionnels de chaque partie du corps, restent normaux.

« Cependant, le fait que la microsomie primordiale pure et simple est

souvent héréditaire et familiale; nous porte à attribuer plutGtsoudéter-

minisme à un défaut germinal primitif plutôt qu'à l'altération d'une sé-

crétion interne.

« En tout cas, tant que cette question ne sera pas résolue, il nous

reste un fait fondamental qui ressort de l'observation clinique, c'est-à-

dire que le défaut de tous les symptômes fondamentaux généraux de

l'infantilisme nous porte à séparer ces cas nettement et sûrement du

syndrome infantile. »

La pathogénie des microsomies essentielles est certainement beaucoup

plus mystérieuse qué celle des nanismes et des infantilismes.

Toute hypothèse sur ce point nous semble prématurée : cependant ce

que nous avons dit sur l'absence absolue de tout symptôme de disfonc-

tion glandulaire chez ces sujets, nous fait considérer comme improbable

que le déterminisme de la microsomie essentielle soit lié à l'altération

fonctionnelle d'une ou de plusieurs glandes à sécrétion interne, et, par

conséquent, nous croyons plus probable qu'une al lération genninale pl'i-

mitive entre un jeu comme cause de cette dystrophie si singulière par

laquelle l'individu est réduit quantitativementcependant que qualitati-

vement il reste presque normal.

Nous devons à ce propos faire encore quelques remarques relativement

aux idées récemment exprimées par M. Auguste Marie (de,Villejuif).

Dans unecourte note sur le nano-infallli 1 isme,l\l.Augusle Marie donne

la photographie de quatre frères nains sur lesquels malheureusement il il

ne nousdonneaucundétail clinique; il seborneà dire : « L'infantilisme et

le nanisme se combinent dans la série avec les sujets présentant le faciès

lunaire, les mains en palette et le raccourcissement segmentaire des

membres caractéristiques d'un étal slrumiprive à contrecoup psychique

atténué et combiné à l'arrêt de développement du squelette. »

LA MICROSOMIE ESSENTIELLE H1;RL : DO-PA111L1ALI : 671

M. Auguste Marie ajoute les mots suivants que nous devons néces-

sairement commenter :

« On peut en effet poser en règle de fait que tous les cas de nanisme

familial sont en rapport avec quelque degré du myxaed8me, plus ou

moins fruste par insuffisance vasculo-glandulaire (thyroïdienne surtout),

D'autre part,il n'est pas de nain qui,à un examen psychologique sérieux

ne se décèle comme atteint d'anomalie psychique et d'arrêt de dévelop-

pement (puérilisme) ou tout au moins d'insuffisance psycho-fonctionnelle

Leur sexualité est problématique en dépit des mariages des nains que les

Barnums forains publient. En tout cas leur conjugaison sexuelle reste

toujours stérile de par leur infantilisme pelvien comme par insuffisance

glandulaire génitale (aspermatie, azoospermie et aménorrhée). »

Nous ne voulons aucunement nous prononcer sur l'identité des cas de

nanisme dont M. Auguste Marie ne nous donne que les photographies ; la,

coexistence certaine de quelques symptômes d'infantilisme nous entraîne

cependant à supposer que ces sujets étaient probablement des exemples

d'association de la microsomie à l'infantilisme, comme chez notre deu-

xième sujet.

Quant aux affirmations de M. Auguste Marie que nous venons de citer,

nous ne pouvons y souscrire ; nous ne croyons pas qu'on puisse aujour-

d'hui poser comme règle le fait que tout cas de nanisme familial soit en

rapport avec le myxoedème, même fruste ; tout ce que nous avons dit à

ce sujet à propos de nos observations de microsomie,sans aucun signe de

dysthyroïdie. nous invite à nous maintenir très réservés à cet égard.

De même nous avons appris par l'examen psychique de nos sujets que

leur mentalité n'offrait le moindre caractère de puérilisme ; le troisième

sujet était un individu très intelligent et parfaitement équilibré, et le

deuxième, tout en présentant associé au syndrome de microsomie con-

génitale, quelques symptômes d'infantilisme somatique, était psychi-

quement plus développé qu'un enfant normal du même âge.

La troisième affirmation de M.Auguste Marie est aussi en contradiction

avec notre expérience ; NI.Auguste Marie considère la sexualité des nains

toujours comme problématique et juge leur conjugaison sexuelle fatale-

ment stérile ; eh bien ! nos nains adultes étaient, sans le moindre doute,

sexuellement normaux, et ils avaient eu des enfants dont la légitimité

était prouvée par l'identité de forme de la microsomie qu'ils présentaient.

Nous croyons cependant que les affirmations de 1\1. Auguste Marie sont

justes en ce qui concerne le nanisme compliqué d'infantilisme dans lequel

la dysthyroïdie joue probablement toujours un rôle ; mais il nous semble

que la distinction à cet égard doit être bien nette pour qu'on n'attribue pas

à la microsomie essentielle des symptômes qui appartiennent à un autre

syndrome.

672 ETTORE LEVI

D'ailleurs, M, Auguste Marie semble douter de l'existence possible

du nanisme pur ; il en parle de la façon suivante : « le nanisme pur avec

perfection des proportions réduites est discutable en l'absence d'observa-

tion complète avec autopsie des cas de ce genre ».

Cependant M.Auguste Marie donne une classification générale des dys-

trophies par défaut de développement dans laquelle la première catégorie

est justement représentée par le nanisme ]1111', qui correspond à ce que

nous appelons microsomie essentielle.

M. Auguste Marie admet aussi l'association du syndrome nanisme au

syndrome infantilisme, mais il fait de ce syndrome associé une subdivision

si compliquée que nous ne saurions l'accepter, car il nous semble que

l'existence indépendante de toutes ces formes secondaires n'est pas en-

core suffisamment prouvée.

A propos des aptitudes génitales et psychiques des nains en général,

nous devons enfin faire quelques remarques aux idées exprimées sur ce

sujet parM. Launois ? I.Launois admet que d'après leurs aptitudes géni-

tales les nains peuvent être divisés en deux catégories. «Chez les achondro-

plasiques, lesrachitiques, lespotticlues, l'appareil génital est normale-

ment développé, paraît même proportionnellement exagéré et les carac-

tères sexuels secondaires sont nettement indiqués. Il n'est pas étonnant

qu'à ces.dispositions anatomiques normales correspondent des fonctions

physiologiques normales.Chez les myxoedémateux,à l'habitlls vieillot,l'a-

trophie génitale est la règle. Nombre d'autres nains ne possèdent qu'un

appareil de reproduction rudimentaire et, si tous ses segments existent,

ils demeurent atrophiés. » Nous sommes d'accord avec M. Launois quant

à la normalité sexuelle presque constante de ces individus difformes aux-

quels nous reconnaissons l'appellatif de nains ;mais nous ajoutons à cette

catégorie les sujets, non difformes, représentants de la microsomie

pure- dont M.Launois ne fait pas mention.

Quant aux myxoedémateux. nous avons déjà dit que nous ne les con-

sidérions pas comme les représentants d'une forme pure de nanisme,mais

comme des sujets chez lesquels la microsomie est compliquée d'infan-

tilisme, et c'est;i cet infantilisme qu'ils doivent leur infériorité sexuelle

et psychique. Nous en dirons autant des autres formes de nanisme aux-

quelles AI.Launois fait allusion d'une façon très indéterminée ; là où il

y a atrophie génitale et par conséquent impuissance sexuelle, nous ne

croyons pas qu'on puisse parler ni de nanisme pur ni de microsomie

pure.

1\1. Launois se demande aussi si l'atrophie génitale ne commanderait

pas l'atrophie du squelette et s'il n'y aurait pas lieu d'admettre un na-

nisme d'origine génital. Cet auteur ajoute : « dans les recherches que je

LA MICROSOMIE ESSENTIELLE HÉLtDO-1AM1LIALE 673

poursuis depuis bien longtemps déjà chez les animaux castrés, les eunu-

ques, les géants infantiles et les nains, il m'est arrivé de voir coexister

la persistance anormales des cartilages de conjugaison avec la suppres-

sion ou l'atrophie des testicules.

« Je l'ai retrouvée en particulier chez le nain A ? alors âgé de 32 ans ;

la persistance des cartilages, l'atrophie génitale bilatérale ont permis de

bien saisir les deux termes du problème que je vous expose en ce mo-

ment, etc. » .

- Nous voyons donc se traduire dans les idées de M. Launois les con-

séquences, selon nous, nuisibles, de l'usage indifférent d'expressions

telles que, infantilisme et nanisme, qui expriment des choses bien dif-

férentes.

Après ce que nous venons de dire de notre conception du nanisme,

nous avons à peine besoin d'affirmer ici que nous n'admettons pas avec

M. Launois la possibilité d'un nanisme d'origine génitale ; d'ailleurs les

exemples que cet auteur nous donne pour prouver cette possibilité ne

prouvent qu'un fait, c'est-à-dire l'existence d'un infantilisme d'origine

génitale, dont nous n'avons jamais mis en doute la possibilité ; nous en

avons largement traité dans notre mémoire sur l'infantilisme de Lorain

en discutant les idées de Schüller sur cette forme d'infantilisme que

cet auteur voudrait appeler : I)i,i ? îiti'7,eii disgenitalismzcs.

- A ce propos nous nous sommes exprimé de la façon suivante : « L'hy-

pothèse que ces différentes formes cliniques soient toutes dépendantes

d'une lésion primitive et prévalente des glandes sexuelles peut être

séduisante, mais n'est pas assez prouvée ; elle l'est aussi peu que l'hypo-

thèse correspondante de Herthoge suivant qui tout devrait être ramené

à l'hypothyroïdie ou à la dystllyroïdie.

« Aucune de ces théories unitaires ne nous semble suffisamment ap-

puyée par des faits cliniques et anatomiques assez clairs,et nous croyons

que, dans l'état actuel de nos connaissances, il est plus juste de ne pas

trop se hâter vers des conclusions absolues, mais de reconnaître aux

faits leur valeur relative qui dépose plutôt en faveur de la théorie po-

lyglandulaire de de Sanctis. »

Nous ne pouvons que confirmer aujourd'hui ce que nous écrivions

en 1908, et tout en niant l'existence d'un nanisme ou d'une microsomie

d'origine nous admettons au contraire l'existence d'une mi-

crosomio infantile d'origine polyglandulaire à prévalence génitale.

Tout ce que nous venons de dire à propos de la distinction des nains

en plusieurs catégories selon leurs aptitudes sexuelles, nous pouvons .le

répéter pour ce qui regarde leur psychisme.

Intellectuellement, en effet,aussi bien les nains difformes (achondropla-

674 ETTORE LEVI

siques,pottiqueset rachitiques,etc.),mais purs de toute association infan-

tilique, que les microsomes vrais primordiaux, peuvent être parfaitement

normaux et ne différant en rien par leur psychisme des individus nor-

maux du même âge et du même niveau social. Von Hansemann a déjà ex-

primé, à propos des cas de microsomie, la même opinion par ces mots :

Edite î2(iîîosoiiieit,die oiclat nebenbei auclz microcephalen sind,sind niemals

idiot.

Mais aussi bien dans le nanisme (nains difformes) que dans la micro-

somie essentielle, il peut y avoir complication soit avec l'iiifanti 1 isine d'o-

rigine potygiandu taire,soit avec une cérébropathie congén itale ou acquise,

et alors nous trouverons que ces sujets, fondamentalement nains, sont

psychiquement des arriérés, non par le fait de leur nanisme, mais parle

fait de l'infantilisme ou de la cérébropathie coexistante. Ainsi, dans le cas

d'achondroplasie de Lugaro, l'infériori Lé iiiiellec[Liellee[ 1'liypoti,opli ie gé-

nitale s'expliquaient parlacoexistencede la dysthyroïdie très évidente,ce-

pendant que dans notre cas d'achondroplasie (Nouvelle Iconographie de

la Salpêtrière, 1909), pure de toute association infantile, le psychisme et

la sexualité étaient absolument normaux.

De même nous avons donné ici une foule d'exemples de microsomie

compliquée d'infantilisme chez lesquels il existait, comme conséquence

de cette association,un état d'infériorité psychique et sexuelle, cependant

que chez nos sujets adultes (microsomes vraiment purs, non infantiles

cette infériorité sexuelle et psychique n'existaitpas.

Nous n'admettons pas, en somme, qu'on puisse parler de formes pures

soit de nanisme, soit de microsomie là où il va soit infériorité psychique,

soit infériorité sexuelle, soit enfin une ossification imparfaite du

squelette et dystrophie des poils et des téguments. Si l'un ou l'autre ou

plusieurs décès symptômes d'infantilisme existent dans un cas déterminé,

ce cas ne pourra être compris ni dans le nanisme difforme mais pur,

ni dans la microsomie pure.

Nous devons enfin toucher à un dernier point controversé de la ques-

tion des nanismes.

On parle souvent en clinique de nanisme mitral ; selon nous cette dé-

nomination n'est pas exacte. Les formes de dystrophies générales d'ori-

gine mitrale que quelques auteurs définissent nanismes, cependant que

d'autres les nomment, bien plus correctement, notre avis, infantilismes,

ne sont pas, selon nous, susceptibles d'être considérées comme des exem-

ples de nanisme au sens que nous donnons à ce mot.

Les soi-disant nains mitraux ne sont, à notre avis, qu'une forme de

cet infantilisme anangioplasique dont le déterminisme est multiple, mais

qui se manifeste toujours cliniquement sous le type décrit par Lorain

LA MICROSOMIE ESSENTIELLE HÉRÉDO-FAMIDALE 675

et qui porte, selon nous, à juste titre, le nom d'infantilisme de Lorain.

Dans nos mémoires sur ce sujet nous croyons avoir suffisamment

prouvé que cette forme a droit de cité enpatfologie etque ses représentants

doivent être considérés comme des infantiles vrais ; la réponse très aima-

hle que M. Bauer a dernièrement donnée aux objections que nous avons

avancées à sa conception de la question des infantilismes;n'a pas ébranlé

nos convictions il cet égard, et nous ne pouvons que confirmer mot par mot

ce. que nous avons avancé dans notre dernière note parue sur cette ques-

tion dans le numéro de janvier 1910 de la Nouvelle Iconographie de la

Salpêtrière. -

Nous avons lu dernièrement deux mémoires sur le soi-disant nanisme

mitral, l'un par M. Bruneau de Laborie, l'autre par MAL Klippel et Cha-

brol.

Eh bien ! toutes les observations cliniques sur lesquelles se fondent ces

auteurs sont, selon nous, des exemples d'infantilisme et non pas de na-

nisme.

Le cas récent de Klippel et Chabrol est, par exemple, un type classi-

que d'infantilisme de Brissaud, chez lequel la sténose mitraleaproba-

hlement déterminé la manifestation de la dysthyroïdie ; les auteurs mêmes

reconnaissent que leursujet est un infantile, et nous ne comprenons pas

pourquoi alors ils le définissent comme un exemple de nanisme !

" - M. Bruneau de Laborie fournit aussi de bons arguments à notre

cause ; cet auteur nous donne les photographies de ses sujets, et d'après

les photographies il nous semble pouvoir affirmer que ces individus

n'ont absolument rien qui puisse rappeler le cadre clinique du nanisme

(voir surtout le malade de l'observation X).

A propos des sujets de cet auteur, nous devons en outre remarquer

que chez plusieurs d'entre eux la réduction de la taille est si minime

qu'on ne peut considérer comme correcte pour eux, même à ce seul point

de vue,l'appellation de nanisme; qu'on en juge : le sujet de l'observation

IX, âgé de 27 ans, mesure 1 m. 41 ; le sujet de l'observation X, âgé de

17 ans, mesure 1 m. 53, et le malade de l'observation XI, âgé de 22 ans,

mesure 1 m. 56 !

Eh bien ! des individus de cette taille sont des hommes de hauteur

moyenne ou même petits, mais il n'y a vraiment aucune raison, à notre

avis, de les considérer comme des nains.

Nous sommes d'accord avec M. Meige que le nanisme n'a pas de limi-

tes supérieures de même que le gigantisme n'en a pas d'inférieures.

Mais celle assertion n'est vraie, selon nous, quedaus certaines limites,

et pour poser le diagnostic de nanisme, il faudra toujours se trouver en

présence d'une réduction totale de la taille, plus ou moins grande, mais

676 ETTORE LEVI

toujours très remarquable : chez les infantiles la réduction de la taille

est toujours beaucoup moins accentuée que chez les microsomes et les

nains. '

Sur tous ces points il nous semble être à peu près d'accord avec

M. Sainton qui s'exprime delafaçonsuivante : vous ne «verrez pasproba-

blemenl de nains anangioplasiques ni des nains mitraux parmi les sujets

que nous éludions (nains du Jardin d'acclimalation à Paris). L'anangio-

plasiedoune lieu surtout à l'infantilisme du type Lorain età la gracililé

des formes. Je ne vous parlerai pas non plus du, nanisme lIlit1'al qui ne

donne jamais lieu à des arrêts de développement très considérables ».

Voilà un point sur lequel nous nous sentons tout fait d'accord avec

111.Sainton; les anangioplasiques en général (etnolls y comprenons les mi-

traux) ne présentent jamais des arrêts de développement aussi considé-

rables que les nains véritables, soit qu'ils appartiennent au type achon-

droplasique, soit surtout qu'ils appartiennent à la forme de microsomie

que nous venons de décrire.

Quelle que soit en outre la réduction de la taille, on ne devra pas par-

ler de nanisme là où il y a anangioplasie, mais toujours au contraire,

d'infantilisme. ,

Nos sujets sont des microsomes à tout égard classiques, et chez eux il

n'existe le moindre symptôme d'anangioplasie ; le coeur et les gros vais-

seaux, étudiés cliniquemenl et par la radiographie, apparaissent en effet

chez eux parfaitement normaux et proportionnés à leur taille ; les infan-

tiles anangioplasiques, en général, et les mitraux en particulier, présen-

tent une gracilité générale que les nains vrais, qui sont souvent depetits

Hercules, ne montrent jamais.

En discutant le diagnostic de nos sujets et leur attribution à l'une ou

l'autre des grandes catégories de dystrophies par défaut de dévelop-

pement, nous nous sommes borné à prendre en considération ceux de

nos sujets qui avaient déjà atteint l'âge adulte, car nous nous sommes

convaincu qu'un diagnostic sûr et définitif ne peut être posé dans de

tels cas que quand l'époque de la croissance normale est passée ; et cela

semble nécessaire surtout quand il s'agit de faire le diagnostic difffé-

rentiel entre microsomie pure et infantilisme.

Tout ce que nous avons dit par rapport il la microsomie pure ou essen-

tielle est donc fondé exclusivement sur l'étude de nos sujets adultes

et sur les rares cas analogues existant dans la littérature.

Nous devons à présent prendre en considération les enfants issus de

LA MICROSOMIE ESSENTIELLE HÉR91)0-FAMILIALF 677

nos deux nains, et l'étude de ces sujets nous semble digne de beaucoup

d'attention surtout pour ce qui se rapporte à notre deuxième sujet, un

enfant de 12 ans et demi, qui nous semble être un exemple très inté-

ressant d'une association clinique du syndrome infantilisme au syn-

drome microsomie ; notre quatrième cas, concernant une petite fille de

22 mois nous retiendra beaucoup moins, car le très jeune âge de ce sujet

ne nous a pas permis une étude clinique complète.

Notre deuxième sujet est un spécimen clinique à tout point de vue très

intéressant; issu d'une mère normale et d'un père typiquement micro-

somien, il est venu au monde après une grossesse et un accouchement

physiologiques el, dès sa naissance, son extrême petitesse frappa ses pa-

rents. Comme chez son père, le nanisme date chez lui certainement de la

naissance ; le nanisme est donc primordial, et ce fait nous parle déjà en

faveur de la microsomie essentielle car nous savons que le syndro-

me infantilisme ne se dessine jamais à la naissance mais toujours, au

contraire, à une époque plus ou moins précoce du développement ulté-

rieur.

Notre petit nain a toujours été sain et son développement, quoique mi-

nimal, n'a subi aucun arrêt brusque et n'a été interrompu par aucune

maladie.

Actuellement ses proportions sont remarquables par leur petitesse en

.rapport avec l'àge, et si'nous ignorions que son père est un nain vrai et

que chez lui le nanisme date de la naissance, nous poserions sans hésiter

le diagnostic général d'infantilisme vrai, de très haut degré !

Il n'y a pas de doute,en effet,que notre petit sujet nous représente un

type clinique différent de celui qui nous est montré par le père auquel

cependant il ressemble énormément; chez lui l'hérédité pathologique

s'est accumulée : au syndrome,microsomie pure, se sont ajoutés quel-

ques symptômes sûrs d'infantilisme.

Ayant admis que notre sujet est non seulement un microsomien, mais

aussi un infantile, nous devons établir à présent à quelle catégorie d'in-

fantilisme il appartient.

Nous pouvons nous borner à discuter deux seules formes : l'infan-

tilisme de Brissaud et l'infantilisme de Lorain.

Pouvons-nous affirmer que notre petit sujet représente un spécimen

de l'infantilisme dysthyroïdien qui a été si bien décrit par Brissaud ?

Nous ne le croyons pas : du type Brissaud il a le nez peu développé,

le visage glabre, la peau fine et claire, la physionomie infantile et la

tête relativement un peu grosse, le cou un peu court, le ventre légère-

ment proéminent, les membres un peu arrondis, le revêtement adipeux

général plutôt abondant, les organes sexuels rudimentaires, l'absence

nuc 45

678 ETTORE LEVI

de poils, la voix grêle et aiguë, le retard léger de la seconde dentition.

D'autre part bien des caractères cliniques propres à l'infantilisme de

Brissaud font défaut chez notre sujet, qui en effet n'a, ni la facies

lunaire, ni les cils et sourcils peu fournis, ni les yeux bouffis, ni la lor-

dose lombaire, ni une petitesse remarquable du corps thyroïde, ni sur-

tout la lenteur et la faiblesse des actes psychiques et une ossification net-

tement retardée des cartilages épiphysaires.

Pouvons-nous alors affirmer chez lui le diagnostic d'infantilisme de

Lorain ?

- Non plus ! car notre petit sujet n'a pas les formes délicates et élancées

du type Lorain, ni les formes anguleuses, ni les extrémités inférieures

longues et fines, ni l'absence de gangue adipeuse, ni la voix d'un timbre

élevé. '

En somme, notre sujet ne rentre exactement ni dans l'une ni dans

l'autre des deux formes les plus connues d'infantilisme ; en comparant

les symptômes positifs et négatifs aussi bien pour l'un que pour l'autre

syndrome, nous trouvons cependant plus d'arguments pour l'attribuer au

type Brissaud qu'au type Lorain.

Mais chez notre sujet la réduction de la taille est telle, l'infantilisme

général est si évident, que s'il était un exemple pur d'infantilisme du type

Brissaud,les symptômes de dysthyroïdie devraient être chez lui extrême-

ment prononcés.

Eh bien ce n'en est pas le cas, et justement pour cela nous ne pou-

vons poser chez notre sujet le diagnostic d'infantilisme de Brissaud.

Avant tout l'examen psychique de notre sujet ne nous a pas permis de

mettre en évidence cette lenteur et faiblesse des actes psychiques qui

existe toujours chez les dysthyroïdiens du type Brissaud et qui chez notre

malade devrait être d'autant plus prononcée qu'il s'agirait d'un spécimen

très net de cette forme ; non seulement cette faiblesse psychiquen'existe

pas chez notre nain, mais au contraire son intelligence est extrê-

mement développée, sa vivacité est impressionnante, sa facilité de saisir

les nuances, de tout comprendre sont vraiment remarquables et supé-

rieures à celles de bien des enfants normaux de son âge. Il n'est puéril ni

par ses goûts, ni par sa conduite ; il n'est point égoïste, il est très

courageux,et très souvent c'était lui qui poussait son père à sesoumettre

à nos recherches.

En somme notre sujet non seulement n'est pas arriéré psychiquement,

mais est avancé pour son àge, et son niveau intellectuel est comparable à

celui d'un adolescent de 15 à 16 ans qui serait comme lui dépourvu de

toute instruction.

Venons au second point qui nous semble essentiel puur nier chez lui

LA MICROSOMIE ESSENTIELLE 11ÉUËDO-FAMILJALE

679

la dysthyroïdie : tous les dysthyroïdiens du type Brissaud présentent,

plus ou moins marqué, un retard dans l'ossification des cartilages épi-

physaires ; ce retard devrait être très prononcé dans notre cas s'il s'agissait t

d'un type Brissaud pur.

Eh bien, il n'en est rien.

En effet, si nous prenons en considération les radiographies des pieds

et des mains de notre sujet, nous voyons que chez lui l'ossification est

relativement à son jeune âge (12 ans et 6 mois),bien avancée ; les car-

tilages épiphysaires des phalanges des mains et surtout des pieds sont

réduits à une lamelle très fine, et nous pouvons en dire autant de

ceux des métacarpes et des métatarses. L'ossification des os du tarse

est aussi très avancée ; un peu moins celle des os carpiens. On voit par

les radiographies que les épiphyses inférieures du cubitus et du radius

ne sont séparées de leurs diaphyses que par une mince lamelle cartila-

gineuse,etnousavons vérifié par la radioscopieun développement identi-

que du processus normal d'ossification pour tous les autres os longs des

membres. L'ossification du crâne est d'ailleurs complète en ce sens que la

palpation ne permetpasde constater la persistance anormaledefontauel-

les.En somme, chez notre sujet, l'étude radiographique nous a permis de

constater que l'état de l'ossification est dans les grandes lignes correspon-

dant à celui d'un individu normal du même âge, car nous savons que ce

.. n'est qu'entre la 15e et la 20. année que la soudure complète interdia-

physo-épiphysaire se fait chez les sujets normaux.

En tous cas, même en admettant dans notre cas qu'il y ait du retard

dans l'ossification du squelette, ce retard très hypothétique, si l'on prend

en considération les moyennes, doit être considéré comme minimal

alors que, s'il s'agissait d'un spécimen très prononcé d'infantilisme de

Brissaud, ce retard devrait être très marqué en rapport avec la dysthy-

roïdie causale.

Le psychisme tout à fait normal et l'ossification pas ou à peine retardée

sont les arguments essentiels sur lesquels nous croyons devoir nous fon-

der pour éliminer dans notre cas le diagnostic d'infantilisme de Brissaud

pur ; mais l'infantilisme dysthyroïdien atténué doit être aussi mis de côté

en se fondant sur d'autres symptômes secondaires tels que le trophisme

normal de la peau qui n'est qu'un peu fine,cependant que les tissus sous-

cutanés ne sont ni bouffis ni imbibés ; ses cils et sourcils sont bien four-

nis ; son faciès n'est pas lunaire, n'y a pas de lordose lombaire,le corps

thyroïde est nettement palpable, etc.

Nous avons voulu mettre bien nettement en lumière que notre nain

présente des symptômes très clairs d'infantilisme,mais que le groupement

de ces symptômes ne nous permet point de l'attribuera aucune des formes

680 ETTORE LKVI `

connues d'infantilisme, car nous croyons que notre sujet est surtout

un exemple de ? 7«c ? 'o. ! OM ? la coexistence, dès la naissance, du syn-

drome microsomie, est la cause de l'anornzalité du tableau clinique

qui nous est offert à ce sujet.

Nous affirmons que noire sujet est surtout un exemple de microsomie

essentielle, nous fondant sur toute une série d'arguments : avant tout

nous avons,en faveur de cette hypothèse, le fadeur héréditaire et familial ;

notre sujet étant en effet fils d'un nain total (microsomie essentielle ou

primordiale) qui a engendré une autre fille naine aussi, dès sa naissance.

En second lieu notre sujet est venu au monde en montrant des propor-

tions somatiques extrêmement réduites, tandis que toutes les fonctions se

faisaient normalement et qu'aucun fait pathologique n'avait troublé ni

la grossesse ni l'accouchement. L'infantilisme débute toujours après la

naissance et le plus souvent dans la seconde enfance ; il n'est jamais

constitué dès la naissance.

Le nanisme peut au contraire exceptionellement se déterminer après

la naissance comme dans notre observation III, mais le plus souvent il

est évident dès la naissance.

Dans notre cas le caractère congénital, primordial de la microsomie est

très net, et cet argument aussi est de quelque importance pour le dia-

gnostic que nous soutenons.

Dans la microsomie pure, le psychisme est normal, contrairement à

ce qui se passe dans l'infantilisme, et ce fait aussi nous confirme dans

notre opinion.

Enfin, dans la microsomie pure, l'ossification se fait normalement et la

croissance s'arrête à t'age normal ; or, chez notre sujet l'ossification est

très avancée, et nous avons toute raison de croire qu'elle sera complète

entre la 17e et la 208 année, c'est-à-dire qu'à cet âge notre sujet ne pré-

sentera aucun symptôme d'infantilisme du squelette et sera, à cet égard,

un microsomien.

En nous fondant sur toutes ces données, nous affirmons que chez notre

sujel le syndrome fondamental et congénital est représenté par la micro-

somie.

Ayant établi que notre sujet est, par certains points fondamentaux, -

un microsome, nous devons cependant admettre que chez lui le syndrome

est loin d'être pur comme chez le père ; l'influence .pathologique du

nanisme paternel a déterminé chez lui la combinaison des symptômes

indiscutables d'infantilisme, qui ne sont cependant caractéristiques ni

pour l'infantilisme de Brissaud pur, ni pour l'infantilisme de Lorain

pur.

Notre sujet est un infantile partiel ; il est infantile surloul par son

LA MICROSOMIE ESSENTIELLE HEREDO-FAM1LIALE <i8) I

appareil génital et par le développement nul des poils au pubis et aux

aisselles ; il est infantile surtout parce que son aspect extérieur est loin

d'exprimer son âge réel alors que dans la microsomie essentielle, telle

que nous l'entendons, l'aspect extérieur doit toujours exprimer à peu

près t'age réel.

Les caractères sexuels secondaires manquent totalement chez notre su-

jet ; on n'a [d'ailleurs pas le moindre signe d'éveil sexuel : son âge très

juvénile peut expliquer les deux faits, et nous ne pouvons pas du tout

savoir si dans deux ou trois ans notre sujet ne présentera pas les symp-

tômes caractéristiques du réveil pubéral.

La cryptorchidie bilatérale ne nous permet de donner aucun détail sur

le trophisme extérieur de ses testicules, ce caractère semble être fréquent

chez les nains de cette catégorie qui présentent .souvent des hernies in-

guinales. Nous avons déjà dit que nous croyons qu'un diagnostic sûr et

définitif de microsomie ne saurait être posé qu'à t'age adulte ; actuel-

lement notre sujet est, selon nous, un exemple d'association de la micro-

somie essentielle et de l'infantilisme (dans le sens général du mot) ; nous

n'avons pas le droit d'affirmer ici ce que notre sujet sera à Page adulte.

L'état d'ossification de son squelette, le développement psychique ab-

solument normal et le caractère familial de sa maladie, nous font consi-

dérer comme possible que les symptômes actuels d'infantilisme partiel

disparaissent avec t'âge, car nous ne croyons pas que chez lui la dysthy-

roïdie (si elle existe) soit grave.

Si chez notre sujet, à l'âge pubéral, les poils pousseront normalement t

sur le corps, la fonction génitale se manifestera normalement ainsi que

les autres caractères sexuels secondaires, alors notre sujet deviendra,

comme le père, unmicrosomien ; ce sera un microsomien vrai qui aura

fait de l'infantilisme partiel.

Si au contraire les symptômes d'infantilisme persistent à l'âge adulte,

notre sujet restera ce qu'il est à présent, un exemple de microsomie et

d'infantilisme combinés tel que nous avons dit s'en trouver très souvent,

car les formes combinées de microsomie et d'infantilisme sont, selon

nous, fréquentes relativement il celles de microsomie pure dont la

rareté est très grande.

Nous ferons enfin remarquer que notre petit sujet présente quelques

déformations du nez, de l'oreille, du palais osseux, et des dernières pha-

langes des doigts qui sont identiques à celles que nous avons décrites

chez son père dont il est d'ailleurs, pal toutson aspect extérieur, le por-

trait le plus frappant.

Quant à notre quatrième sujet, tout jugement nous semble prématuré

en vue de son très jeune âge. Fille d'un spécimen classique de microso-

682 ETTORE LEVI

mie essentielle, elle nous montre à 22 mois un tableau d'arrêt- de déve-

loppement peu accentué, mais cependant évident.

Elle ne pèse en effet, à 22 mois, que 5 kilog., et sa taille mesure

50 centimètres, sans que dans sa courte existence aucun fait pathologique

ou un mauvais allaitement puissent expliquer celte croissance insuffi-

sante. Intellectuellement la petite Alexandrine semble être tout à fait t

normale ; elle commence déjà à parler ; la pousse.de ses dents ne montre

qu'un léger retard et elle marche déjà assez bien.

L'examen somatique systématique ne nous a pas permis de mettre en

relief la moindre anomalie, et nous tenons simplement à signaler qu'on

remarque déjà chez elle la déformation légère du nez qui est si nette chez

son père et chez nos deux autres sujets.

Toute la conformation du crâne rappelle d'ailleurs, malgré son incom-

plète formation, le type que nous avons décrit chez tous nos autres su-

jets.

L'examen radiographique n'a pu être fait chez elle à cause de ses ré-

bellions...

[/intérêt de ce cas est tout dans le fait que la petite Alexandrine est

certainement la fille d'un microsome classique qui, à son tour, descend

d'un père certainement touché par la même anomalie.

Elle représente donc un argument vivant en faveur de la sexualité

des nains vrais et de l'héréditarité directe de cette forme.

Sera-t-elle, dans l'avenir, une microsomienne pure comme l'est son

père ou plutôt deviendra-t-elle comme notre deuxième sujet. un exemple

de microsomiecombinée à l'infantilisme ? Ou enfin l'arrêt du développe-

ment,qu iest à présenta peine à son début, s'arrêtera-t-il en permettant à

cette petite de devenir normale comme sa mère ?

Nous ne pouvons naturellement répondre à ces questions : nous ferons

remarquer cependant que chez son père aussi l'arrêt du développement

manifeste ne s est produit du moins à ce qu'on nous a affirmé, qu'après

l'aie de 8 ans, contrairement à la détermination tout à fait primordiale

de la microsomie dans notre première famille.

Nous ne croyons pas que la petite Alexandrine deviendra une femme

normale, car à présent déjà sa petitesse, en dehors de tout autre facteur

pathologique, nous semble parler en faveur de la répétition chez elle de

l'anomalie du développement paternel.

CONCLUSIONS

L'étude critique de la littérature et l'analyse de nos observations per-

sonnelles, nous permettent de formuler quelques conclusions sur lesélé-

LA MICROSOMIE ESSENTIELLE HNRKDO-FAMILIALE

683

ments de différenciation clinique entre les trois grandes catégories des

dystrophies par défaut de développement, microsomie essentielle, na-

nisme et infantilismes :

I. - La microsomie essentielle, qui peut être héréditaire et familiale,

est une forme caractérisée par un seul symptôme essentiel : la réduction

harmonieuse de la taille {réduction à un très haut degré) avec conser-

vation de tous les caractères somatiques et psychiques de l'homme

adulte normal. A l'âge adulte les individus de celle catégorie présentent

toujours (dans les cas purs) les caractères somatiques et les pouvoirs

fonctionnels (sexuels surtuut) correspondant a leur âge réel.

Il. Le nanisme comprend plusieurs syndromes déterminés par

des causes très différentes (nattismeachotzdroplasique, pottique, rachi-

tique,ostéomalacique,elc.),qui ont tous en commun une très grande ré-

duction.de la taille, mais qui sont caractérisés par des difformités

somatiques propres à chaque syndrome. Chez les sujets appartenant

à ces différents syndromes, la réduction de la taille n'est donc pas

harmonieuse comme dans la microsomie essentielle, mais, comme

dans celle-ci,le développement somatique et psychique exprime, dans

les cas purs, l'âge réel du sujet.

III. L'infantilisme (dans toutes ses variétés uni ou pluri-glandu-

laires ou anangioplasiques) est au contraire caractérisé par la persis-

tence chez un sujet déterminé des caractères somatiques et psychiques

propres à un âge beaucoup moins avancé que l'âge réel, quel qu'il soit,

du sujet, en question. La réduction de la taille n'est jamais, chez ces

sujets, au¡;i prononcée que chez les individus appartenant aux pre-

mières catégories, et ils ne paraissent jamais leur âge réel.

IV. Aussi bien la microsomie essentielle que les nanismes peuvent

se compliquer d'infantilisme, donnant lieu, de la sorte, à des formes

mixtes et impures qui empruntent leurs caractères donzinants à l'une

ou à Vautre des formes fondamentales.

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NOUVELLE ICONOGRAPHIE DI; LA SALPÊ'IRILRr

T. XXIII. PI. LXXVII

MALFORMATIONS DIGITALES

(Chevallier).

Obs V

Masson & O1, Editcurs.

Nouvelle ICONOGRAPHIE de la SALl'CWR1LRE.

'l'. XXIII. Pl. LXXVIII

LA1.1 OKTIA 1 1O : 7J. UI (I 1 ALI : S-

HOSPICE DE 131G1 : 1'ItE

TRAVAIL DU SERVICE DE M. LE DOCTEUR \1GL,OT1'

LA BRACHYMÉLIE MÉTAPODIALE CONGÉNITALE

(Suite et fin).

PAR

PAUL CHEVALLIER

Polydactylie. ,

Obs. V (PI. LXXVII, LXXVIII).

Polydactylie chez une épileptique. Même anomalie

chez un des frères de la malade.

Les mains de notre malade, Clotilde H..., sont petites ; les doigts sont fluets et

rectiligues, sauf le cinquième qui décrit une légère courbe à concavité radiale.

La main gauche est normale, la droite présente sur son bord externe, un peu

plus en avant qu'en arrière, au niveau de la partie moyenne de la première

. phalange de l'auriculaire, un petit tubercule, une sorte de cône à extrémité

arrondie ; il est large de 2 mm. 1 ? long de 3 mm. 1/2 ; sa consistance est

ferme, mais non dure ; il est mobile avec la peau du doigt.

Le pied gauche est normal. Le droit présente six orteils complets ; les qua-

tre premiers sont normaux et leur longueur décroît régulièrement de dedans

en dehors ; le cinquième est moins long que le quatrième de toute la hau-

teur de l'ongle ; l'extrémité du sixième n'atteint pas tout à fait celle du cin-

quième. La motilité est parfaite.

L'image radiographique des mains ne révèle aucun phénomène pathologique

touchant le squelette.

Le cinquième orteil du pied gauche apparemment normal, possède un noyau

osseux supplémentaire. Ce noyau, de forme générale ovale et transparent

comme une épiphyse, est environ de la grosseur d'un pois ; il flanque la partie

interne de l'articulation métatarso-phalangienne ; il se met en rapport par des

surfaces planes en haut avec la tête métatarsienne, à peine modifiée, en bas avec

le noyau d'ossification complémentaire phalangien qu'il écorne en dedans.

L'orteil supplémentaire du pied droit est le cinquième ; ses phalanges sont

normales ; son métatarsien est plus trapu que les voisins ; la base de cet os,

petite, est soudée avec la base volumineuse du quatrième métatarsien ; en de-

hors sa surface arrondie a déterminé à la partie interne du dernier métatarsien

une cavité articulaire large et superficielle.

1/8G CTTEVALL11'R

Il semble que le quatrième métatarsien normal se soit dédoublé en deux seg-

ments, l'un interne, trop long et dont l'épiphyse proximale est trop grosse,

l'autre externe, court et épais (PI. LXXVII et LXXVII1).

Mensurations DU crâne ET DE la face.

BRACHYMÉHE MKTAPÛDIALE CONGÉNITALE 687

L'expression du visage est hébétée. La parole est lente et hésitante. La fil-

lette est douce et soumise,mais incapable de tout travail, non seulement intel-

lectuel, mais manuel. Elle lit cependant syllabe par syllabe, mais son instruc-

tion s'efface. L'incontinence nocturne est fréquente.

La lésion nerveuse est latente : les réflexes cutanés et tendineux sont

normaux; la diadococinésie est lente, l'action du facial droit prédomine dans les

mouvements.

La puberté commence à peine.

L'enfant a présenté il y a quelques années une infection pulmonaire aiguë.

Actuellement elle n'a aucun signe net de lésions. Les amygdales sont grosses,

souvent enflammées.La cuti-réaction du Von Pirket il la tuberculine est néga-

tive.

Notre fillette n'est pas le seul individu de sa famille présentant des lésions

nerveuses et de la polydactylie :

La mère et deux oncle et tante maternels sont migraineux et rhumatisants.

Le PÈRE, cousin germain de sa femme, est alcoolique ; tous deux sont bien

conformés. Trois enfants leur sont nés. La deuxième seul semble normal :

bien constitué et intelligent ; cependant il se développa d'abord lentement, il

est turbulent et à l'école était toujours puni. La dernière est notre malade.

L'aîné, âgé aujourd'hui de 22 ans, est un garçon de bureau d'intelligence

médiocre. Il est venu au monde après une grossesse normale ; il n'a jamais

été malade et ne présente pas trace de tuberculose ; sa face est un peu

asymétrique. Au régiment, on remarqua, dit-il, le volume exagéré de son corps

thyroïde (actuellement normal) ; il fut réformé à cause de ses anomalies sque-

lettiques. Chacune de ses mains possède six doigts. A droite, le doigt sur-

numéraire s'implanle sur la partie dorsale externe de la tête du quatrième mé-

Ons. V. - Mains du frère de Clôt. H...

BRACHYMÉLIE MÉTAPODIALE CONGÉNITALE 689

tacarpien, se dirige ensuite obliquement en dedans et en bas, croisant sans y

adhérer la première phalange du quatrième doigt. Un manteau de peau réunit

ici doigt normal et doigt supplémentaire ; à la partie interne seulement le

second se dégage et se termine en recouvrant presque tout le segment inférieur

de l'annulaire. Le doigt surnuméraire, un peu plus petit qu'un doigt normal,

est pourvu d'un ongle bien conformé ; il possède trois phalanges mobiles, et il

est facile de mobiliser la base de la première sur la tête métacarpienne. On ne

sent pas de tendon par la 'palpation. La motilité spontanée est nulle, satellite

de celle de l'annulaire ; ce dernier a subi une légère rotation en arrière et en

dedans. A gauche, existe un doigt surnuméraire, bien ongle, à segments net-

tement distincts, mais grêle et court, entre le troisième et le quatrième doigt.

Mais ici la palpation montre avec évidence un métacarpien lui aussi grêle et

court, n'atteignant pas le carpe, indépendant des métacarpiens voisins. On

peut pour ainsi dire l'énucléer soit vers la face palmaire, soit vers la face dor-

sale, replacer ainsi côte à côte les troisième et quatrième rayons, métacarpiens

et phalanges, et enlever au métacarpe l'excès de largeur qu'il possède.

Le doigt supplémentaire n'a pas de tendon ; il n'est capable d'aucun mou-

vement spontané ; il ne peut être plié ; ses articulations semblent ankylosées,

en sorte qu'il fait saillie quand la main est fermée.

Le pied gauche semble normal. Le pied droit possède un cinquième orteil

bifurque. Le métatarsien est normal. La première puaiange présente une large

base qui se divise en deux parties semblables entre elles et à un os normal.

Les extrémités des deux orteils sont bien développées et ne sont même que peu

déformées par le port de la chaussure.

La radiographie n'a pu être faite.

Se trouvent donc réunies chez uu même sujet trois malformations pour ainsi

dire progressives : bifurcation d'une première phalange et formation de deux

bouts de doigts normaux (cinquième orteil droit) ; doigt surnuméraire phaiau-

gien (doigt n° 3 ou 4 bis à droite) ; doigt surnuméraire métacarpo-phalangien

(il gauche).

Ous. V. Pied droit du frère de Clôt. II.

690 ' CHEVALLIER

La soeur présentait : un os supplémentaire latéro-phalangien (cinquième

orteil pied gauche) ; un orteil complet surnuméraire (schizomélie ( ? ) du qua-

trième rayon pied droit) ; un rudiment de doigt sur le bord cubital de la main,

rudiment dépourvu d'os.

Ces fais complexes de polydactylie sont aujourd'hui susceptibles d'une

interprétation satisfaisante.

Peu d'auteurs invoquent encore le retour à un type atavique polydac-

tile. L'amour du théromorphisme a pu conduire en effet à de savantes

dissertations sur les nageoires des raies et les pattes des cétacés. La

forme ancestrale de la main et du pied des mammifères n'était pas penta-

dactyle, mais heptadactyle : les tares familiales feraient refaire en arrière

à pas de géant le chemin gagné péniblement par la race. La malformation

est ici d'origine endogène, dynamique.

La théorie de la mutation, de la variation, appliquée depuis assez peu

de temps à l'explication des anomalies foeta)es, en donne une conception

plus simple. Sous une influence modifiante, profonde et mystérieuse, l'em-

bryon évolue vers un type différent du type ethnique auquel il appartient

Tantôt il recrée une image ancestrale, tantôt il fait une ordonnance nou-

velle. D'emblée souvent l'anomalie atteint son plein développement, elle

se maintient pendant plusieurs générations, puis, par suite du croisement

des néo-individus avec la race normale,elle s'étiole et disparaît.Parfois en-

core les premiers échantillons de la récente variété sont malvenus,maisla

race s'améliore et la malformation se lixe dans les descendants, si tant est

que les conditions de croisement s'y prêtent.

Il faut encore mentionner la théorie de Babès qui invente un cen-

tre bulbo-protuhéranliel coordonnateur du développement des extrémités :

sa lésion engendrerait une acrométagénése, et en particulier des polydac-

tylies symétriques aux quatre extrémités; les « dérangements » d'origine

infectieuse ou traumatique de la région centro-basale du crâne seraient

alors à incriminer.

Il est difficile d'admettre pour tous les cas de polydactylie une explica-

tion univoque.

Notre observation contient quelques particularités qu'il est bon de sou-

ligner : la malformation est familiale, mais non héréditaire ; elle est irré-

culière : schizodactylie, doigt surnuméraire petit et dépourvu d'appareil

moteur, doigt surnuméraire presque normal, coïncident; une maladie

intra-utérine paraît avoir existé au cours de ladeuxième grossesse. Ici donc

l'origine exogène, amniotique si l'on veut, nous semble plus probable,

une altération inflammatoire, sans doute, de l'amnios, des fausses mem-

branes, des brides ont pu venir comprimer les palettes des extrémités; un

traumatisme même minime suffit alors à produire une déchirure ; il n'est

Nouvelle Iconographie DE la SAiPLritn.Rr.

T. XXIII. Ni. LXX lx

.NIA I.1-OIZ.\IA'I'JONS DIGITALES

- (Cbevallier) .

Obs. VI

Masson & Ci-, Editeurs.

PhotOl pie ie B, tl , 1 ?

BRACHYMÉLIE MÉTAPODIALE CONGÉNITALE 691

besoin que d'un temps très court pour amorcer un dédoublement de l'ébau-

che. Sans doute les mammifères perdent, encore très jeunes, la faculté de

régénérer leurs organes lésés, mais ils la possèdent à un haut degré pen-

dant les premiers stades du développement embryonnaire. Le mé-

canisme de la super-régénération permet de comprendre parfaitement les

polydactylies irrégulières ; dans notre cas, il faut en outre admettre la pré-

disposition particulière, mais bien connue, de certaines femmes à faire

des amniotites à répétition, ou tout au moins à mal conserver intactes les

enveloppes de l'oeuf (1).

Microdactylie. - Idiotie.

Obs. VI (PI. LXXIX).

Louise Gow, âgée de 10 ans, est une idiote profonde, Sa déchéance termine

une longue série d'anormaux.

La lignée paternelle comprend une grand'mère névropathe, une tante « excen-

trique », impulsive, dont le fils est élevé à l'asile de Vaucluse. Le père lui-

même, atteint de convulsions pendant sa première enfance, est devenu dyspep-

tique, asthénique et impressionnable.

La mère se plaint de migraines, de céphalée eu casque ; le moindre incident

l'affole. La grand'mère maternelle était et originale » ; 'le grand-père névro-

pathe. Un oncle est faible d'intelligence et de volonté ; il a des tics.

-Notre malade a cinq frères et soeurs. L'aîné est chétif, sombre, paresseux,

turbulent, vicieux et violent. Le second, borné d'esprit et paresseux, a présenté

une coxalgie hystérique bien caractérisée; le troisième, plus normal, assez

travailleur, s'est cependant adonné à l'onanisme dès l'enfance. Le quatrième est

suffisamment intelligent, mais turbulent. Ces quatre garçons, tous nés avant

notre malade, présentent donc ce caractère ombrageux et cette turbulence

qui sont l'apanage des épileptiques ; tous présentent une anomalie somatique,

une asymétrie faciale ; les deux aînés, à 15 et 12 ans, ont encore parfois de

l'incontinence d'urine. Enfin une soeur, plus jeune, n'avait que deux dents à

16 mois ; elle est impressionnable.

Notre malade, portée par une mère fatiguée, sujette aux étourdissements

prolongés, naquit à terme sans incidents et fut élevée au biberon jusqu'à

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692 CHEVALLIER

deux ans. Vers 18 mois elle eut à plusieurs reprises des convulsions : les

parents la retrouvaient inerte, cyanosée, l'écume à la bouche. L'enfant, bien

que retardée, commençait à parler à trois ans, lorsqu'elle présenta une crise

convulsive d'un quart d'heure. Elle resta tout hébétée et à quatre ans et demi

une dernière crise la rendit idiote.

Elle ne comprend plus rien, pousse des cris inarticulés, s'agite continuelle-

ment, s'empare de tout, frappe n'importe où. Le gâtisme est complet. Aucune

amélioration n'a été notée depuis cinq ans.

Cependant elle est un peu plus calme et crie moins. Elle ne dit toujours

aucun mot. Son caractère est gai, doux et même affectueux. L'enfant est vorace,

en proie à une agitation désordonnée, avec de nombreux tics ; nuit et jour elle

pratique l'onanisme ; elle balance sa tête de droite à gauche ; elle est flaireuse ;

très souvent elle tourne sur elle-même : ce mouvement s'exécute de droite à

gauche et d'avant en arrière, parfois en sens inverse; mais quand l'enfant

vire d'un côté, il est impossible d'amener le mouvement contraire ; l'enfant

évolue en piétinant, ayant à peu près comme axe un de ses côtés tassé sur

lui-même.

Le crâne est symétrique, sans anomalie. La face est très légèrement asymé-

trique : les traits sont plus marqués du côté droit. Il y a strabisme paralytique

interne de l'oeil droit.

Les dents sont irrégulièrement plantées, érodées dans leur moitié distale; le

palais est légèrement ogival ; les amygdales sont grosses. Le tronc et les mem-

bres sont bien proportionnés, bien que cependant la fesse droite semble un

peu plus grosse que la gauche. Les réflexes sont normaux.

L'anomalie digitale qui nous occupe semble avoir passé inaperçue jusqu'à

l'an dernier, époque à laquelle M. Richet a noté l'atrophie musculaire.

L'anomalie est plus nette à droite qu'à gauche. La main est plate dans son

ensemble, le premier métacarpien est à peu près sur le même plan que les

autres ; les saillies thénar et hypothénar sont en grande partie effacées. Le

pouce, dans sa position habituelle, est un petit segment qui retombe et barre

presque transversalement la paume ; la flexion de la deuxième phalange sur

la première est très limitée, mais l'articulation métacarpo-phalangienne est

lâche et permet une flexion étendue ; la motilité du métacarpien sur le carpe est

aussi exagérée. En revanche la motilité volontaire est très diminuée et l'enfant

se sert très peu du pouce, surtout du pouce droit. Les masses musculaires,

les thénariennes surtout, sont minces et laissent très facilement explorer le

premier métacarpien par sa face palmaire. Mais il n'y a ni contractions fibril-

laires, ni contracture; l'examen électrique a montré l'absence de DR : on a

noté seulement la faiblesse, bilatérale, de la contractilité faradique et galvani-

que de tous les muscles de la main. L'atrophie en effet n'est pas musculaire,

mais porte sur tous les tissus : le pouce est plus grêle, plus effilé, bien que

pourvu d'un ongle normal ; les segments osseux existent, mais ils sont petits ;

le pouce droit est plus court que le gauche, celui-ci atteint l'articulation plia-

lango-phalangienne, celui-là en reste à plusieurs millimètres. La radiographie

confirme cette petitesse du squelette : on remarque en particulier l'effilement

BRACHYMÉLIE 111ÉTAPODIALE CONGÉNITALE 693

du pouce et du cinquième doigt ; le point complémentaire proximal du pre-

mier métacarpien apparaît à peine à gauche ; à droite on ne le voit pas. Tous

les doigts sont d'ailleurs frêles, grêles, effilés et la main est à peu près du

volume de la main d'un enfant de 5 à 6 ans.

694 CHEVALLIER

ANOMALIES DES ORTEILS

y1 PROPOS DES STIGMATES DE LA DÉGÉNÉRESCENCE),

PAR It

M. V. V. SELETSKI

(de Kiew).

Les signes physiques de la dégénérescence peuvent être considérés

comme ayant élé étudiés en détail et sous tous les rapports ; ils n'en res-

tent cependant pas moins intéressants. On trouve de temps en temps dans

les journaux h description de certaines anomalies dans la structure de

nos organes ou des parties de notre corps ; sous ce rapport un certain nom-

bre de travaux ont été consacrés à l'étude des doigts des pieds et des mains.

En ce qui concerne les déformations digitales, Vaschide et Vurpas (1) les

classent de la manière suivante : 1° la polydactylie, c'est-à-dire la simple

augmentation du nombre des doigts ; 2° l'ectrodactylie, ou absence d'un

ou de plusieurs doigts ; 3° la mégalodactylie, ou développement consi-

dérable d'un ou de plusieurs doigts ; 4° la brachydactylie, c'est-à-dire

l'absence d'une ou plusieurs phalanges ; 5° l'olygodactylie, qui signifie

des doigts très courts et minces ; 6° la macrodactylie,dui s'entend d'un nom-

bre des phalanges augmenté ; 7° la syndactylie, lorsque un ou plusieurs

doigts sont liés entre eux; 8° parfois la réunion des doigts des pieds ou

des mains se fait de telle manière, que la main ou le pied sont compara-

bles à des « pinces de homard ».

Les anomalies ci-dessus mentionnées ont rapport aux doigts aussi bien

qu'aux orteils ; cependant les doigts des mains, outre ces modifications,

peuvent en subir beaucoup d'autres.

Ainsi Ronades et Sérieux ont décrit un cas où l'index des deux mains

était plus atrophié et plus court que l'auriculaire.

Ch. Féré (2) mentionne aussi dans sa monographie étendue un cas où

l'index était court ; dansdeux autres cas l'annulaire et l'auriculaire étaient

courts, et dans ce dernier cas, l'auriculaire des deux mains était recourbé

en crochet. Cestan (3) décrit un cas où le médius était développé outre

(1) Rapport avec démonstration de malades présenté ¡¡ la réunion des médecins de

l'hôpital Cyrille le 2 février 1908.

69(1 SELETSKI

mesure en grandeur; de plus il mentionne un cas de Gruber, où l'index

était hypertrophié et incliné de côté.

Boix (4) a décrit une déviation des doigts des deux mains du côté cubi-

tal, ce que Brissaud avait appelé la « déviation en coup de vent ». Ré-

gis (5) nous communique une observation plus intéressante : il n'a trouvé

que quatre doigts à la main gauche; le pouce était joint à l'index par

une membrane qui allait jusqu'à la première phalange; en outre l'index

était courbé du côté du pouce; et la place du médius il y avait une grande

fente. De même la main droite n'avait que quatre doigts et le pouce était

joint à l'index par une membrane. Le gros orteil du pied gauche était très

long et renflé près de la base ; le petit orteil était presque normal ; d'au-

tres doigts étaient comme si on les avait amputés; des changements à peu

près pareils se constataient au pied droit. P. Bégouin et J. Sabrazès (6)

ont observé aussi une macrodactyl ie et une union du deuxième au troisième

doigts. Lejars (7) mentionne un cas où le majeur était très grand et très

gros, et l'annulaire long et courbé en arc. Apert et lllorisetti (8) ont ob-

servé le cas suivant : la main droite n'avait que quatre doigts, le pouce

manquait, il n'y avait pas d'éminence thénar ; par contre la proéminence

de l'hypothénar était très développée; l'auriculaire était retourné à l'exté-

rieur et légèrement recourbé, de sorte' que la partie molle était tournée

du côté de l'annulaire; l'index n'était pas assez développé et était joint

près de sa base au majeur. 1

La môme disposition existait aux doigts de la main gauche, seulement

l'index et le pouce n'existaient pas ; il n'y avait là que trois doigts.

A. Londe et H. Meige (9) affirment la nécessité des recherches de toutes

les anomalies dans la structure des doigts au moyen des rayons X; ainsi,

dans un cas de polydactylie qu'ils citent, on eût pu supposer an auricu-

laire supplémentaire, alors que le doigt supplémentaire appartenait a

l'annulaire. Dans leur ouvrage ils mentionnent les cas suivants : 1° un cas

de polydactylie (6) aux mains et aux pieds (il y avait des petits doigts

supplémentaires) ; en outre, les doigts du pied gauche étaient disposés en

« coup de vent» ; 2° un autre cas de polydactylie, où l'on eut à enregis-

trer un annulaire supplémentaire; les annulaires supplémentaires ou

non supplémentaires de la main droite formaient avec d'autres doigts la

« pince de homard » ; 3° un cas de syndactylie, où l'index, le majeur et

l'annulaire étaient liés entre eux ; on remarquait avec cela une interrup-

tion dans leur développement ; ! il Un cas d'eclrodactylie (type en «pince

de homard o). Huggiero (10) mentionne un cas où la main droite était

semblable à une pince ; une branche était formée par le pouce et l'index,

liés ensemble, et l'autre par l'annulaire et par l'auriculaire; le majeur

manquait; les deux pieds présentaient à peu près les mêmes anomalies ;

ANOMALIES DES ORTEILS

697

la main droite était normale. Pauly (11) a décrit une déviation des doigts

du côté cubital. Sternberg (12) mentionne deux cas de hrachydactylie;

dans le premier les majeurs étaient raccourcis, et, dans le second, c'était

l'auriculaire. L'auteur dit que l'on n'avait encore décrit jusqu'à lui que

9 cas pareils. M. Afagnanini (13) aobservé l'absence du médius et de l'os

correspondant ; 'de même il a constaté l'absence totale du second et du

troisième orteils, mais, les os correspondants existaient. Pethellay (14)

est d'avis que l'ectrodactylie héréditaire est probable ; ainsi, il a observé

une famille où la mère, la fille et le petit-fils n'avaient qu'un seul doigt

aux mains. Enfin, on a enregistré un certain nombre de cas dans lesquels

les mains et les pieds d'une personne, présentaient à la fois l'aspect en

« pince de homard» ; dans d'autres cas, c'était tantôt les mains, tantôt les

pieds. Tel est le cas de Raymond et P. Janet (15) et de Thibierge (16),

ainsi que le quatrième cas de Londe et Meige (9), ceux de Souques et

Leclerc (17), de Le Roy des Barres et Gaide (22) ; de plus, beaucoup de

cas similaires ont été communiqués par Polaillon (18). Les auteurs alle-

mands appellent ces anomalies « Spallhand et Spaltfuss » (19, 20); ces

anomalies représentent une combinaison de syndactylie avec l'ectrodacty-

lie, un ou plusieurs doigts manquent et en même temps quelques autres

doigts sont unis entre eux. Ainsi, dans le cas de Raymond et Janet (15), il

n'y avait aux mains que deux doigts : un pouce et un autre doigt formé

par l'index elle majeur réunis; il n'y avait pas trace d'autres doigts.

Dans le cas de Thibierge (16), les mains et les pieds n'avaient que deux

doigts; le pouce des deux mains était recourbé et retourné sur sa convexité

du côté du radius ; en outre, le pouce de la main gauche avait tourné au-

tour de l'axe vertical, de sorte que son côté dorsal regardait dans la direc-

tion du coude; l'autre doigt était long et non courbé. Les doigts des pieds

étaient déformés de la même manière. Dans le cas de Herwig (20) le pouce

et l'index étaient liés ensemble; on remarquait déplus entre eux un inter-

valle considérable ; l'annulaire et l'auriculaire étaient unis aussi. La main

gauche représentait le même aspect et avait en outre un doigt rudimen-

taire.

Pour en finir avec les anomalies des doigts des mains, j'ajouterai que

Kraepelin (21), dans la dernière édition de son Cours de psychiatrie, pré-

sente une photographie d'une main où l'annulaire et l'auriculaire sont

identiques et considérablement plus courts que les autres doigts.

Comme on le voit par l'aperçu ci-dessus exposé, les anomalies des doigts

des mains ont été étudiées suffisamment en détail.

Les déformations les plus différentes ont été décrites (Lejars, Boi\,

Cestan, Kraepelin, etc.), sans compter les polydactylies, les syndacty-

lies, etc. ; quant à ces dernières, la littérature en est riche.

698 SELliTSIU

Cependant la question des déformations des orteils se présente tout

autrement, les polydactylies, les syndactylies, les ectrodactylies ( « pince

de homard », « Spaltfuss » ) sont des cas presque exclusifs, et, on a eu

rarement d'indications d'autres anomalies.

Ainsi Magnanini (13) a décrit (obs. 11) la syndactylie du gros et du

second orteils sur le pied droit,de même que du troisième et du quatrième

orteils ; il est à remarquer que le deuxième elle troisième orteils étaient

plus courts qu'ils ne devaient être normalement ; le troisième orteil était

même rudimentaire. Dans le cas de Raymond et Janet (15), le deuxième

et le troisième orteils étaient liés seulement à la phalange, et en outre le

troisième orteil était situé plus haut que le second. Dans le cas de Ma-

gnan (1), tous les orteils des deux pieds étaient reliés entre eux, de sorte

que cette partie de la plante du pied avait l'aspect d'une masse amorphe,

au milieu de laquelle on ne pouvait distinguer que le pouce ; d'autres

doigts étaient comme si on les avait amputés (a). Dans le cas de Régis (S),

le pouce du pied gauche était très grand, et le petit orteil était courbé

dans la direction du pouce. Kraepelin, dans la dernière édition de son

Cours de maladies psychiques, mentionne un cas où le pied droit n'avait

que trois orteils (le premier était très agrandi, et les deux autres étaient

presque rudimenlaires) ; le pied gauche avait deux orteils (le premier

était gros, volumineux et l'autre était petit). Dans le premier cas de poly-

dactyle deLondeet Meige (9), les doigts du pied gauche étaient inclinés,

vers l'extérieur (en coup de vent). Steinthal (23) a observé l'absence totale

du quatrième orteil, et, en raison des faits relevés dans la littérature mé-

dicale, il dit que l'absence des doigts intérieurs aux pieds (1-4) est fré-

quente. Paulicky (24), médecin militaire, a noté pendant 8 ans les ano-

malies chez des recrues, celles qui concernent les orteils, il les classe dans

les groupes suivants : 1° doigts rudimentaires ; 2° doigts développés

outre mesure ; 3° polydactylie ; 4° halux valgus. Busch (25) s'arrête sur

question de l'hypertrophie des doigts dans un de ses cas, le second

orteil du pied gauche était long de 10 centimètres et le même orteil au pied

droit avait 4 cent. 5 de longueur ; la grosseur du doigt du pied gauche

était 4 cent. 5 et la grosseur du même orteil au pied droit était de 1 cent. 5.

Busch mentionne d'autres exemples où l'on voit un doigt quelconque dé-

passer du double la grosseur que devait avoir un doigt normal.

Quoique tous ces faits, tirés de la littérature médicale, soient intéres-

sants, ils offrent, cependant, peu de systématisation et leur caractère est

purement casuel ; aucun des auteurs cités n'a eu l'idée de rechercher les

anomalies des orteils chez les déments, surtout d'en réunir une propor-

(a) Cet individu avait aussi un cas curieux de syndactylie des doigts des mains. ' '

NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALl'È1RIÈRE. T. XXIII. Pl. LXXX

ANOMALIES DES DOIGTS DE PIEDS

(Seletzlzi).

Masson & Cie, Éditeurs.

Ph(ltot IHe Hel tJ¡.lUl. Pans

Nouvelle Iconographie de la Salpêtrière.. ' T. XXIII. Pl. LXXXI

ANOMALIES DES DOIGTS DE PIEDS

(Seleliki). 1

Masson & Cie, Editeur ?

PIII'[(OIJJle ! Jel tIUIU,I, Pans

. ANOMALIES DES ORTEILS 699

tion plus ou moins considérable ; mon but est de suppléer à cette lacune

par le travail actuel. Etant administrateur de la section des déments à

l'hôpital Cyrille, j'ai apporté tous mes soins, depuis deux ans, à l'observa-

tion des anomalies des orteils (le nombre annuel des malades internés à

l'hôpital atteint environ 400 : en 1903, 407 ; en 1908, 309 ; le nombre

moyen des consultations quotidiennes atteint jusqu'à 100).

Les déviations de l'état normal, que j'ai pu observer, peuvent être grou-

pées de la manière suivante (PI. LXXX, LXXXI) :

. 1° Le deuxième orteil est plus long que les autres (fig. 1) (a).

2° Le premier et le deuxième orteils, parfois même le premier, le

deuxième et le troisième sont de la même longueur (fig. 2, z; 15, 17).

3° Un orteil quelconque, le plus souvent le deuxième ou le troisième,

peut être considérablement plus atrophié, plus mince que les autres

(fig. 5, 6, 7).

4° Le petit orteil est presque rudimentaire (fig. 3, 4, 8).

5° Le petit orteil est tourné de manière que son côté dorsal devient

extérieur, et la surface extérieure se retourne en bas ; ce phénomène est

frappant sur la planche 10 (pied droid) ; il est moins visible sur la plan-

che 9, tandis qu'en vérité ce dernier malade (fig. 9), présentait ce phéno-

mène d'une façon assez évidente. Le même phénomène est encore visible

sur la planche 8 (pied droit). Chose bizarre : je n'ai observé la position

en question du petit orteil, que sur le pied droit ; cette dernière circons-

tance est évidente sur les figures 8 et 10.

6'J'ai constaté aussi, que l'intervalle entre deux orteils adjacents est

considérablement plus court qu'entre tous les autres ; cela se voit, du

reste, sur la figure 12, où la découpure entre le deuxième et le troisième

doigt du pied droit est considérablement plus courte qu'entre tous les

autres ; cette découpure entre le deuxième et le troisième orteil est un peu

plus courte sur le pied gauche que sur le pied droit ; il est, cependant,

probable que, dans ce cas (fig. 12), il s'agit de syndactylie ; cette suppo-

sition se présente d'elle-même, si nous comparons la figure 12 avec la

ligure contiguë (11), où entre les mêmes orteils (le deuxième et le troi-

sième) existe la syndactylie apparente, surtout sur le pied droit. z

7° La face dorsale des orteils ne semble point être horizontale, mais

penchée soit d'un côté, soit de l'autre ; ainsi (fig. 13) la situation du

premier et du deuxième doigts du pied droit est régulière, tandis que les

autres sont penchés et tournés de manière que la surface extérieure des

doigts devient supérieure, et la face supérieure tend à devenir intérieure.

(a) Cependant l'anatomie considère comme règle, que le deuxième doigt est plus

long que les autres ; toutefois il m'est arrivé une seule fois d'observer chez mes ma-

lades le cas contraire, tel que la figure 1 le représente.

700

SELETSKI

La même chose se produit sur le pied gauche avec cette seule différence

que le deuxième doigt participe à ce fait. Dans ce cas les doigts ont pris la

position inverse à celle que nous avons déjà vue sur le petit orteil (fig. 8,

9 et 10; voir le § 5).

8° Halux valgus; cette anomalie se rencontre chez ies déments avec

une extrême fréquence ; parfois les deux orteils se trouvent dans cette po-

sition, et parfois un seul. Cela se constate d'une manière frappante sur

la figure 20 ; on le remarque moins sur la figure G; sur lesdites planches,

deux premiers doigts se trouvent en position de valgus ; parfois,cependant,

cette position n'appartient qu'au premier orteil d'un seul pied ; ainsi, par l'

exemple, sur la figure 7, c'est le gros orteil du pied droit, sur la figure 1 1,

c'est celui du pied gauche, mais dans ces deux cas, la chose est très peu

visible.

9° Il arrive aussi très souvent que le petit orteil, ou le quatrième doigt

ou les deux ensemble, ne sont pas rectilignes, mais offrent l'aspect d'un

arc tourné par sa convexité à l'extérieur; parfois on peut observer ceci

sur les deux pieds, parfois sur un seul. Cette anomalie est bien visible sur

les figures 1 et 16 ; on la remarque aux deux pieds ; sur la figure 9 le qua-

trième doigt du pied gauche est dans la même position ; sur la figure 14,

c'est aussi le quatrième doigt ; sur la figure' ! 5, ce sont les deux quatrièmes

doigts (toutefois l'anomalie est plus apparente sur le pied gauche) ; sur la

figure 17, ce sont aussi les deux quatrièmes orteils. En général le petit

orteil el le quatrième présentent des anomalies, et il est très rare qu'on

les trouve normaux.

10° Les phalangettes sont quelquefois renflées en tête d'épingle, quant

au premier et au deuxième doigt des deux pieds; c'est ce qui a lieu sur les

figures 4 et 13 ; parfois on remarque le même phénomène sur les phalan-

gettes de tous les autres orteils.

11° Position en hallux valgus des autres orteils : sur les figures 13 et

18, on voit que les seconds orteils du pied gauche se trouvent dans cette

position ; et si l'on compare ces planches avec la figure 20, on remarquera a

la différence : quant au gros orteil, celle position commence depuis la

base de la phalangette, tandis que pour les seconds orteils (fig. 13 et 18),

cette position commence depuis la phalangette même, raison pour laquelle

elle est moins apparente.

12° Parfois les orteils sont très courts, et même on les dirait atrophiés

(tig. 13 et 19) ; ils sont parfois très longs (fig. 3) et ne correspondent pas

à la taille des personnes ; ainsi les malades, dont les photographies des

pieds sont représentées sur les figures 13 et 19, sont considérablement

plus grands de taille, que celui dont les pieds sont représentés sur la

ligure 3.

OUt'FLf.F îcO\OGKAt'HIt- I)1· LA 141.1LTR1LR1.

T. XXIII. PI. LXXXI !

ANOMALIES DES DOIGTS DE PIEDS

.SCCli I .

Masson & Cte, Editeurs

l'lltItlltpl\' 11¡'ltllIlIltl,P.If1'

ANOMALIES DES ORTEILS - 701

13" Enfin, parfois les pieds mêmes sont démesurément grands et lar-

ges, de sorte qu'il est impossible aux malades de trouver chaussures à

leurs pieds ; ce phénomène sera bien saisi, si l'on compare les figures 1,

2, 13, 16 avec les figures 12 ou 15.

Les premier, dixième et treizième cas ont été étudiés sur ma demande

au moyen de rayons X par M. le Dr Weber ; les radiographies nous mon-

trent la même chose que les photographies ordinaires, c'est-à-dire dans le

dixième cas le cinquième orteil du pied droit est tourné de manière que

son côté dorsal est devenu extérieur, et la surface extérieure s'est placée en

bas ; dans le treizième cas le côté dorsal du second et du quatrième orteil

tend à devenir extérieur, et le côté extérieur, à devenir le côté dorsal ;

enfin,dans le premier cas le quatrième et le cinquième orteils sont recour-

bés en un crochet, dont la tête se dirige vers le pouce (PI. LXXXII).

Quant à la pathogénie de ces déformations, les causes, selon Kümmel,

en sont ainsi définies : causes internes et causes externes. Les causes inter-

nes (endogènes, dynamiques), résident dans certaines irrégularités de

l'amnios, ou du liquide amniotique ; ainsi les plis de l'amnios, se lianl

avec les doigts, déterminent la syndactylie ; au cas où les plis se déchirent t

essr, en même temps, d'autres complications surviennent, il peut se faire

qu'un autre genre d'infirmité se constitue, à savoir la « Spalthand » ouïe

Spaltfuss », etc. Herwig (20) et Klaussner (26) sont du même avis, mais

Quinqueton (27), au contraire, voit la cause principale des déformations

digitales dans toutes sortes de diathèses et de maladies nerveuses, à savoir :

les névrites, etc. ; il attribue aux chaussures un rôle insignifiant, considé-

rant que les chaussures ne peuvent d'elles-mêmes causer la déformation

digitale. Une autre cause, due à l'origine de ces déformations, est probable :

nous savons que la morphogénie de beaucoup d'organes et de muscles

n'esl pas terminée à la naissance de l'individu, mais se complète beaucoup

plus lard; ainsi le développement des glandes sexuelles ne peut être consi-

déré comme achevé que lorsque l'individu est capable de perpétuer sa

race. Cette opinion été démontrée par le professeur Sévertziev dans un

Congrès de naturalistes (en 1908 ; consulter son rapport « l'Ontogénie »).

En se basant sur cette opinion, on peut donc admettre que la morpho-

génie des doigts n'est pas terminée à la naissance de l'individu ; on pour-

rail, en admettant cette thèse, expliquer par là toutes les anomalies des

orteils et surtout l'hallux valgus; quelques-uns de mes malades m'ont

clairement démontré que leurs déformations s'étaient développées à

702 SELETSKI

l'âge mur (par exemple vers 20 ans), et, en outre, sans aucune cause ap-

préciable.

Cette espèce de déformations est la plus fréquente chez les déments ;

par rang de fréquence de ces anomalies, on peul classer ensuite les

déformations du petit orteil et du quatrième ; ce sont eux qui se présen-

tent tantôt recourbés en crochet (fig. 1 et suiv.), tantôt atrophiés (fig. 3,

4, 8), tantôt comme ayant accompli une rotation autour de leur axe

(fig. 10, 9) ; il existe encore d'autres formes de déformations, mais qui se

rencontrent plus rarement.

Explication DE la radiographie (PI. LXXXII).

Photographie du pied gauche d'un malade (n° 1).

Les phalangettes et les phalangines du troisième, du quatrième et du cinquième orteils

sont représentées atrophiées ; la phalangine et la phalangette du petit orteil et du

quatrième forment avec la phalange un angle droit ; la phalangine et la phalangette

du troisième orteil forment avec la phalange un angle obtus ; les phalangettes cour-

bées s'avancent dans la direction du pouce. Les phalanges du deuxième, du troi-

sième et du quatrième orteils présentent dans leurs diaphyses l'apparence d'un peu

de ramollissement de la substance compacte des os.

LITTÉRATURE MÉDICALE

1. Vaschide et VURPAS. - Les signes physiques de dégénérescence . Annali di Nevro-

, logia, 1903, p. 31.

2. Ch. FÉitÉ. La famille néuropalhique. Paris, 1894, p. 281.

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4. E. 13oIS. - Dévialion des doigls en coup de vent. Nouv. Iconogr., 1897, p. 180.

5. E. Régis. Syndactylie, ectrodactylie, clinodactylie citez un dément précoce.

Nouv. Iconogr., 1908, p. 401.

6. P. RF : Goum et J. SABRAXES. lI1acI'odaci ylie et microdaclylie. Nouv. Iconogr.

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7. F. LEURS. - Un fait de macrodaclylie. Nouv. Iconogr., 1901, p. 37.

8. E. APEItT et AIORISETTI. Absence congénitale bilatérale du radius et des doigts

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9. A. Londe et H. MEiSE. Application de la radiographie à l'étude des anomalies

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10. RuooIERO. Due casi di nolevole deformila congénitale, delle dilla mani e dei

piedi, syndactylie, eclrodaclylia, megalodactylia, brachydactylia, microdactylia.

Annali di medicina navale, 1901, p. 707.

11. PAULY. - Doigtsen valgus. Revue de méd., 1902, p. 1079.

12. Sternberg. ZurKentniss der flrachydactylie. Wienerklin. Woch., 1902, p. 1060 s.

13. N. Magnanini. Déformations congénitales des quatre membres, lésions symé-

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14. PETHELLAY. -Trois cas d'ectrodaclylie symétrique et congénitale. Annales d'hy-

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ANOMALIES DES ORTEILS

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20. P HEnwiG. - Ein Fall von beideiseitiger Spallhand tlerbenden mil Syndactylie .

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27. V UI11QET0\. - Sur la pathogénie des déformations des orteils. Thèse de Paris,

1905.

ÉTUDE ANATOMfQUE D'UN MONUMENT FUNÉRAIRE DU

1VIIIr SIÈCLL

- - R

le D' B. WIKI

Chef du Laboratoire de thérapeutique de l'Université de Genève.

Dans leur remarquable ouvrage, « Les difformes et les malades dans

l'art », : 11111. Charcotet P. Richer (1) consacrent un chapitre aux Morts ;

mais, pour ne pas trop s'écarter de leur sujet, ils hornentleurs investiga-

tions à la représentation artistique de l'individu mort, du cadavre. Ils ont

donc laissé de côté toutes les oeuvres d'art figurant le personnage symbo-

lique de la Mort. Les deux auteurs regrettent cette omission, car, disent-

ils, « il y a la... matière à 'd'intéressantes recherches que nous espérons

entreprendre plus tard, el qui nous conduirontà examiner les décorations

intérieures des cimetières en France et en Italie, ainsi que les livres con-

sacrés aux danses des morts d'Ilolbein et de bien d'autres ». Ce projet n'a

jamais été exécuté, à ce que nous sachions. Plus de dix ans après sa pre-

mière publication, llf. P. Iticller (2) s'exprime de la même manière ;etpour-

tant, ajoute-t-il, « ce n'est pas que l'anatomiste, dans un grand nombre de

ces représentations macabres, ne puisse très utilement exercer son ju-

gement et apporter à la critique d'art de précieuses indications ».

Ce sont précisément quelques détails anatomiques de deux figures sym-

bolisant la Mort qui ont attiré notre attention sur un monument funéraire

de Lucerne, notre ville natale, et nous ont décidé à puhlier ces lignes.

Nous donnons ci-contre des photographies de ce monument el nous les

faisons suivre d'une description explicative.

Le monument a été érigé à la mémoire d'un patricien lucernois du

XVIII" siècle, préteur, porte-bannière (labarifer) et ancien avoyer, mort

en 1752. Malgré les recherches que noire ami le Dr F. Ilcinemann, con-

servateur de la Bibliothèque des bourgeois de Lucerne, a bien voulu en-

treprendre, il a été impossible de trouver l'auteur de cette oeuvre d'art

(1) Paris, Ltcrosnier et Babé, 1887, p. 120.

(2) P. Richer. L'art et la médecine. Paris, Gaultier, Magnier et Cie (sans millé-

sime), p. 482.

NOUVELLE ICONOGRAPIII1; DI. LA SALPlTRIl'RL

T. XXIII. PL LXXXIII

ÉTUDE ANATOMIQUE SUR UN' MONUMENT l'UNERAIIOE DU XVIIIe SIECLE

r. Wiki).

Masson & Cu', éditeurs.

IIm4ylc lit rtlutlHI,11arl"

ÉTUDE ANATOMIQUE D'UN MONUMENT FUNÉRAIRE DU SIÈCLE 705

non signée. Tout ce qu'on sait fait supposer que le sculpteur a été un de

ces artistes italiens ambulants si nombreux à cette époque, et que le mo-

nument a été érigé avant 1760.

Le tombeau, dans un état très satisfaisant de conservation, est situé dans

le cloître entourant la cathédrale de Lucerne, près du monument élevé à

la mémoire des soldats français de l'armée de l'Est, morts à Lucerne en

1871. Il est fixé contre le mur du cloître et taillé en haut-relief dans de

la mollasse assez résistante. Nous y voyons un sarcophage, surmonté du

blason du défunt et de figures allégoriques, flanqué de deux squelettes,

entre lesquels se trouve l'épitaphe en latin.

Les deux squelettes sont pourvus d'emblèmes rappelant les dignités du

défunt : l'un, casqué et cuirassé, porte une lance dans sa main gauche,

tandis qu'il appuie sa main droite sur une hache émergeant d'un faisceau

de licteur ; le second squelette, en tricorne, écharpe en sautoir, tient un

drapeau. Ce tricorne, porté par la Mort, n'est nullement grotesque ou ri-

dicule, comme le serait un chapeau moderne. Symbole d'un temps où

l'élégance du costume, la culture raffinée, le luxe et les plaisirs avaient

atteint leur plus haut degré, le tricorne, coiffant un crâne grimaçant et

hideux, produit une impression profonde, justement par ce rapproche-

ment imprévu .

Les deux squelettes sont à peu près aux deux tiers de grandeur naturelle,

ils,mesurent 120 centimètres de hauteur. En les étudiant de près au point

de vue anatomique, on voit immédiatement que l'artiste n'a pas eu pour

modèle un squelette humain entier, mais seulement un certain nombre

d'os ; sa fantaisie a dû remplacer les pièces qui lui faisaient défaut.

Ainsi le carpe et le métacarpe, le tarse et le métatarse sont de pure in-

vention ; les cinq orteils ne comportent que deuxos chacun.Le cubitus res-

semble étrangement au radius, il ne possède pas trace d'apophyse coro-

noïde. L'humérus est très grossièrement représenté, surtout son extré-

mité inférieure qui est notablement simplifiée. Le nombre des vertèbres

est diminué, les côtes sont stylisées.Les membres inférieurs ont une con-

formation erronée ; les axes du fémur et du tibia sont presque absolument

sur la même ligne, au lieu de former l'angle obtus ouvert en dehors qui

permet le rapprochement des genoux. Normalement une ligne droite par-

tant du milieu de l'articulation tibio-tarsienne et passant par le milieu de

la rotule, tombe sur le milieu de l'articulation coxo-fémorale (Mikulicz),

lundis que chez nos deux squelettes elle passe par le sommet du grand tro-

chanter, réalisant une espèce de genu varum.

Ce qui frappe le plus, c'est la configuration de la ceinture pelvienne et

la position des fémurs. On retrouve les deux os iliaques et le sacrum, mais

assemblés de façon telle que ces trois os ne forment plus une ceinture. Les

706 WIKI

iliaques se touchent bien par le côté interne du corps du pubis et consti-

tuent ainsi une symphyse pubienne, mais celle-ci se trouve en arrière,

immédiatement au-dessous de la colonne vertébrale. Les bords sacro-coc-

cygiens des os iliaques sont dirigés en avant, vers le spectateur, ce qui fait

que leurs surfaces articulaires se regardent, mais ne s'articulent, nullement

avec le sacrum. Ce dernier est placé au-dessous des vertèbres lombaires

diminuées de nombre, avec lesquelles il ne forme aucune espèce de pro-

montoir; ! ) se trouve entre les bords inguinaux des os iliaques, mais

sans s'articuler avec eux, sans les toucher. Le sommet du sacrum, dépour-

vu de coccyx, est situé directement au-dessus de la symphyse pubienne. z

En résumé, les os iliaques ont été retournés par l'artiste, leurs bords

inguinaux se trouvent en arrière, leurs bords sacro-coccygiens en avant.

Ces deux os forment les deux tiers environ d'une circonférence que ne vient

pas compléter le sacrum. Il existe une large diastase antérieure, produite

par l'écartement exagéré des bords sacro-coccygiens des os iliaques.

Si notre sculpteur inconnu n'a pas su figurer un bassin, il a néanmoins

travaillé, ayant devant lui un os iliaque. La configuration anatomique

très compliquée de cet os est assez fidèlement rendue ; son bord sacro-coc-

cygien est particulièrement bien reproduit. Une grande partie de la crête

illaque, l'épine iliaque postérieure et supérieure, l'échancrure qui la suit

et l'épine iliaque postérieure et inférieure, sont nettement visibles. La

grande échancrure sciatique, l'épine et la tubérosité ischiatiques sont re-

produites avec des détails dénotant une étude attentive de la nature. A la

face externe des os iliaques on ne remarque pas les deux lignes semi-cir-

culaires, par contre le sourcil de la cavité cotyloïde est très bien figuré ;

on retrouve même la dépression superficielle répondant au tendon du

muscle pyramidal. La face interne de l'os iliaque avec la ligne innommée,

la facette auriculaire destinée à s'articuler avec le sacrum ,et la surface ru-

gueuse de la tubérosité iliaque sont reproduites avec beaucoup de soin.

Par suite de l'écartement exagéré des deux bords sacro-coccygiens et de

la position verticale de la symphyse du pubis, les deux trous sous-pubiens

sont situés dans le même plan ; l'angle formé par les branches ischio-pu-

biennes est fortement agrandi, il atteint presque 1On ; enfin, toujours

par la même raison, les deux tubérosités ischiatiques sont beaucoup trop

éloignées l'une de l'autre.

Les deux fémurs s'engagent dans les cavités cotyloïdes conformément

à la disposition naturelle ; de ce fait leur face postérieure regarde en avant.

On y reconnaît la ligne âpre, bifurquée à son extrémité inférieure et se

perdant, en haut, dans les tubérosités du grand et du petit trochanter.

Ces derniers, ainsi que la cavité digitale, ne sont pas d'une exécution très

fouillée. L'extrémité inférieure du fémur montre les deux condyles et

ÉTUDE ANATOMIQUE D'UN MONUMENT FUNERAIRE DU XVIIIe SIÈCLE 707

l'échancrure intercondylienne. Le sculpteur a évidemment possédé un

fémur ; la position de cet os par rapport à l'os iliaque est correcte ; ce

dernier ayant été retourné, a entraîné le fémur avec lui.

Le tibia, très massif, flanqué d'un péroné à son bord externe, est pres-

que entièrement fantaisiste. L'artiste, pour loger la rotule, a trouvé un

creux naturel. l'échancrure intercondylienne. Mais ayant placé sa rotule

beaucoup trop bas, au niveau ou même un peu au-dessous du niveau de

l'interligne articulaire, il a dû creuser une niche artificielle, analogue à

la troclilée fémorale, dans l'extrémité supérieure du tibia. Cette excavation,

et la forme erronée des malléoles, démontrent une connaissance peu pro-

fonde de la configuration de l'os principal de la jambe.

Notre artiste a donc commis de lourdes erreurs anatomiques. On en voit

d'analogues dans beaucoup de productions artistiques; le lecteur en trou-

vera toute une série citée dans le livre,richement illustré, de Hollânder (1).

Il est vrai qu'il s'agit, habituellement au moins, d'oeuvres beaucoup plus

anciennes. Ainsi la gravure Il (p. 21 de l'ouvrage mentionné) mon-

tre un squelette fantaisiste pourvu d'omoplates situées sur la face anté-

rieure du thorax ; une autre gravure (p. 24) reproduit un dessin datant,

comme le précédent, de la fin du XVe siècle, et représentant une scène

grotesque de résurrection ; on y remarque deux squelettes dont les quatre

extrémités sont composées exclusivement de fémurs plus ou moins défor-

més,et,ce dessin a pour auteur un médecin. Holbein lui-même auraitsou-

vent placé deux os dans la cuisse, et un seul dans la jambe.

Au milieu du XIXe siècle, il est arrivé à Rethel de mettre le péroné du

côté interne du tibia.

Il n'y a donc pas lieu de nous étonner en constatant, dans une oeuvre

d'art du milieu du XVIIIe siècle, quelques grosses fautes d'anatomie, mais

il nous a paru intéressant de les signaler.

(1) Dr E. HOLLANDER, Die Kal'ikalur und Satire in der Medisin. Stuttgart, Enke,

1905..

Le gérant : P. Bouchez

Imp. J. Thevenot, Saint-Dizier (Haute-Marne).

TABLE DES MATIÈRES

Achondroplasie (2 pl.), par ZOZIN, 31.

chez un chinois (1 pl.), par 1110LODEN-

KOF, 43.

(L'- est-elle héréditaire ? Quatre cas

d'- chez des adultes) (10 pl.), par FRAN-

ciiini et ZANASI, 244.

Acromégalo-infanlile (Contribution à l'é-

tude du gigantisme -) (4 pl.), par BER-

TOLOTTI, 1.

Aortile moyenne gommeuse ou mésaorlite

gommeuse (2 pi.), par CH. LADA3]E, 622.

Aphasie [Contribution clinique et anatomo-

pathologique de l'- chez les gauchers)

(2 Pl.), par Mingazzixi, 493.

Arthropalhies tabétiques de la colonne

vertébrale (2 pl.), par SALVADORI, 416.

Brachymélie métapodiale congénitale et

quelques autres malformations (13 pl.j, j,

par Chevallier, 233, 429, 571, 685.

Cellules de Betz (Rapports des - avec les

mouvements volontaires) (2 pl.), par

Marinbsco, 369.

Charadrios (Ornithomancie médicale : le

- ) (i pl.), par WIC6ERSRBIMRR, 9 ?

Chêtivisme (Sur le-. Réponse à M. Eltore

Levi), par BAUER, 25.

Compression nerveuse (Sur la lésion osseuse

du mal de Pott ; son rôle dans la genèse

de la - ; son mode de réparation (3 pl.),

par ALQUIER et ILA15FLED, 310.

Corps calleux (Analomie et pathogénie de

l'agénésie du -) (6 pl., 6 fig.), parlais-

SALLE-ARCIIAÙ1RAULT, 505, 630.

Dermographisme rouge et blanc (1 pl.),

par l3oonrEw 197.

Ependymaires (Lésions - et sous-épendy-

maires dans la sclérose en plaques) (1 pl.),

par PIERRE Merle et G. Pastine, 613.

Epilepsie jacksonienne (Traumatisme crâ-

nien, -, mélancolie délirante, troubles

trophiques ; guérison) (1 pl.), par MAR-

CHAND, 135.

Familiale dégénérative (Etude clinique sur

trois cas de maladie - du système ner-

veux) (3 pl.), par BERTOLOTTI, 97.

Gauchers [Contribution clinique et ana-

tomo-pathologique de l'aphasie chez les

- ) (2 p[.), par 1\IING.IZIINI, 493.

Gigantisme acromégalo-infanlile (Contri-

bulion à l'élude du -) (4 pl.), par BER-

TOLOTTI, 1.

Hémiplégie organique (Un nouveau signe

d'-) (1 pl.), par NERI, 88.

Hugo van der Goes (Mélancolie du peintre

- ) (1 pl.), par DUPRÉ et DEvAux, 605.

Hyslérie traumatique, par Roux, 202.

.Infantilismes (Contribution à la connais-

sance de la microsomie essentielle hérédo-

familiale. Distinction de celte forme

clinique d'avec les nanismes, les - et les

formes mixtes de ces différentes dystro-

pliies) (7 pl.), par LEVI, 522, 660.

- (Encore sur la question des -. A pro-

pos d'une note de r11. Bauer sur ce sujet),

par LEVI, 20.

Lèpre, paralysies radiales, par DE Beurmann

et Gouobrot, 90.

- (Troubles mentaux dans la -. L'état

psychique des lépreux) (1 pl.), par DE

Beurmann et Godgebot, 219.

Mélancolie délirante (Traumatisme crânien,

épilepsie jacksonienne, -, troubles tro-

phiques ; guérison) (1 pl. par Marchand,

135.

- du peintre Hugo van der Goes (1 pl.),

par Dores et DEVAUX, 605.

Ménopause ( Trophoedème des membres su-

périeurs ayant débuté à la -) (2 pl.),

par BAUER et DESDOUIS, 426.

Mentaux (Troubles - dans la lèpre. L'état

psychique des lépreux) (1 pl.), par

de BEURMANN et GOUG&ROT, 219.

Microsomie essentielle hérédo-familiale

(Contribution à la connaissance de la .

Distmction de celte forme clinique d'avec

les nanismes, les infantilismes et les

formes mixtes de ces différentes dystro-

phies) (7 pl.), par LEVI, 522, 660.

Moelle (Tumeurs de la - et de la colonne

vertébrale), par FLATAU, 47, 143, 313,

457, 590. -

Monument funéraire (Elude anatomique

d'un-du .TVIII°siècle), par B. Wiki, 104.

Mouvements volontaires (Rapports des cel-

lules de Betz avec les -) (2 pl.), par

MARH'OESCO, 369.

xxm 47

710

TABLE DES MATIERES

Nævi systématiques el leur pallaogénie

(3 pl.), par Etienne, 399.

Nanismes (Contribution il la connaissance

de la microsomie essentielle hérédo-fa-

miliale. Distinction de celle forme cli-

nique d'avec les - les infantilismes et

les formes mixtes de ces différentes dys-

trophies) (7 pl.), par LEVI, 522, 660.

Nerfs ciliaires (Etudes sur les -) (4 pi.),

par André-Thomas, 562.

Nerveux (Etude clinique sur trois cas de

maladie familiale dégété ? ,ative du sys-

lème -) (3 p 1.), par BBRTOLOTTI, 97.

Ornithomancie médicale : le charadrios

(1 pl ? par Wickersiieimer, 92.

Orteils ( Anomalie des -) (1 pl., 18 fig.),

par SI. V. V. SEDLETSKI, 695.

Paget (Sur un cas de maladie de il lo-

calisation céphalique isolée) (1 pl.), par

CaTOLa, 216.

Paralysies radiales lépreuses (1 pi.), par

de BEUR MANN et GouGEROT, 90.

Pilhialisme [Contribution ci l'élude du -)

2 pl.), par KOPEZYNSKI et jAnosxYKSKi,

363.

Pott (Sur la lésion osseuse du mal de ;

son rôle dans la genèse de la compression 1

nerveuse, son mode de réparation) (3 pl.),

par ALQUIEN et Kt..\nFELD, 310.

Psychoses (Base anatomique des -) (12 pi.)

par LADAME. 184.

Raymond (Le professeur -) (1 pl.), par

Meige, 489.

Sclérose en plaques, lésions épendymaires

el sous-épendymaires (1 pl.), par P ERRE

Merle et G. PASTINE, 613.

Scolzotiques (Timidité des - essai de pa-

thogénie), par Bernard, 224.

Syphilis cérébrale précoce (Observations

cliniques sur la et maligne), par

COSTANTINI, 286.

Tabétiquei (Arlhropathies de la colonne

verlébiale) (2 pl.), par ALVAIJOllr, 416.

Timidité des scolioliques, essai de patho-

génie, par Bansnnn, 224.

Traumatisme crânien, épilepsie jaclcso-

nienne, mélancolie délirante, troubles

1/'opltiques,gllé/'ison (1 pl.),par Marchand,

135.

Trophmdvme des membres supérieurs

ayant débuté it la ménopause (2 pl.),

par Bauer et Desuoms, 426.

Tumeurs de la moelle el de la colonne

vertébrale, par FLATAU, 4 ? , 143, 313, 457,

590.

Vertébrale (AI'tltI'opathies labétiques de la

colonne -) (2 pl.), par Salvadori, 416.

(Tumeurs de la moelle et de la colonne

), par Flatau, p. 47, 1h3, 313, 457, 590.

TABLE DES AUTEURS

ALQUIER et Klarfeld. La lésion osseuse du

mal de Pott. Son rôle dans la genèse

de la compression nerveuse, son mode

de réparation (3 pl.), 310.

ANmcÉ-'l'aoncns. Etudes sur les nerfs ciliai-

res (4 pl. 562.

BAGUER. Sur le chétivisme. Réponse à

M. Ettore Levi. 25.

et DEsBouis. Trophoedème des membres

supérieurs ayant débuté à la ménopause

(2 Pl.), 426.

l3eawt;u. Timidité des scoliotiques. Essai

de pathogénie, 224.

l3eaTOoTTi. Contribution à l'étude du gi-

gantisme acromégalo-infantile (4 pl.), 1. 1.

Eludé clinique sur trois cas de mala-

die familiale dégénérative du système

nerveux. Association de l'idiotie, de

l'amaurose, de troubles multiples bulbo-

protubérantiels et de l'atrophie spino-

neurotique Charcot-Marie (3 pi.), 91.

BEURTfAVN (de) et GOUGEH01'. Paralysies

radiales lépreuses (1 pi.), 90.

Troubles mentaux dans la lèpre. L'état

psychique habituel des lépreux (1 pl.),

219.

CATnLA. Sur un cas de maladie de Paget à

localisation céphalique isolée. Considé-

rations pathogéniques (1 pl.), 216.

Chevallier. La brachymehe métapodiale

congénitale et quelques autres malforma-

tions digitales (13 pl.), 233,429, 5-il, 685.

CosTwTm. Observations cliniques sur la

syphilis cérébrale précoce et maligne,

286.

DEBouis et BAGER. Trophoedème des mem-

bres supérieurs ayant débuté à la méno-

pause (2 pl.), 426.

DEvAux et DUPRÉ. La mélancolie du pein-

tre Hugo van der Goes (1 pl.), 605.

DUPRÉ et DEVAux. La mélancolie du pein-

tre Hugo van der Goes (1 pi.), 605.

ETIENNE. Sur les ncevi systématiques et

leur pathogénie (3 pl.), 399.

I'LATAU. Tumeurs de la moelle épinière et

de la colonne vertébrale, ! ;41. 143, 313,

457, 590.

PRANCIIInI etZANAZl· L'achondroplasie est-

elle héréditaire ? Quatre cas d'achondro-

plasie chez des adultes (10 pi.), 244.

GOUGEItOT et Beurmann (de), Paralysies

radiales lépreuses (1 pl.), 90.

Troubles mentaux dans la lèpre. L'état

psychique habituel des lépreux (1 pl.),

219.

JAIIOSZYIISKI et KOPEZYNSKI. Contribution à

l'étude du pithiatisme (2 pl.), 363.

KLAHFEf.n et Sur la lésion osseuse

du mal de Pott ; son rôle dans la genèse

de la compression nerveuse ; son mode

de réparation (3 pl.), 310.

Kopezynski et Jaroszynski. Contribution à

l'étude du pithiastisme (2 pl.), 363.

LAOAIIE. La base anatomique des psycho-

ses (2 pl.), 184.

(Ch.). L'aortite moyenne gommeuse ou

mésaortite gommeuse (2 pi.), 622.

LAS.1LLE-ARC11AMBAULT. Anatomie et patho-

génie de 1'811énésie du corps calleux

(4 pl.), 505, 631.

LEVI (Ettore). Encore sur la question des

infantilismes. A propos d'une note de

111. Bauer sur ce sujet, 20.

Contribution à la connaissance de la

microsomie essentielle héredo-familiale.

Distinction de cette forme clinique d'avec

les nanismes, les infantilismes et les for-

mes mixtes de ces différentes dystrophies

(7 pl. ), 522, 660 :

Marchand. Traumatisme crânien, épilepsie

jacksonienne, mélancolie délirante, trou-

bles trophiques ; guérison (1 pl.), 135.

llnmnssco. Rapports des cellules de Belz

avec les mouvements volontaires (2 pi.),

369.

Meige (Henri). Le Professeur Raymond

(1 pl.), 489. '

Merle (Pierre) et PASTIllE (G.). Lésions

épendymaires et sous-épendymaires dans

la sclérose en plaques (1 pi.), 613.

Mingazzini. Contribution clinique et ana-

tomo-pathologique à l'étude de l'apha-

sie chez les gauchers (2 pl. 493.

IIIOLODSNIOF. Un cas d'achondroplasie chez

un chinois (1 pi.), 43.

712

TABLE DKS AUTEURS

New. Sur un nouveau signe d'hémiplégie

organique (1 pi.), 88. '

Pastine (G.) et Merle (Pierre). Lésions

épendymaires et sous-épendymaires dans

la sclérose en plaques (1 pl.), 613.

ROUDNEW - Dermographisme rouge et blanc

(1 pl.), 197.

Roux. Hystérie traumatique. 202.

Salvadori. Contribution à l'étude des ar-

thropathies tabétiques de la colonne

vertébrale (2 pi.), 416.

SEDLETSKI (M. V. V.). Anomalies des or-

teils (3 Pl., 18 fig.), 695.

WIC ! OERSHEIMER. Ornithomancie médicale :

le charadrios (1 pl.), 92.

WIKI (B ). Etude anatomique d'un monu-

ment funéraire du xviii0 siècle, 704.

ZANASI et FLANCIIINI. L'achondroplasie est-

elle héréditaire ? Quatre cas d'achondro-

plasie chez des adultes, étude clinique

et radiographique (10 pl.), 244.

Zoom. Un cas d'achondroplasie (2 pl.), 31.

TABLE DES PLANCHES

Achondroplasie (Zosin), V et VI.

Achondroplasie (FRANCIIINI et ZANASI), XXII

xxxi.

Achondroplasie chez un chinois (MOLOI1EN-

KOFF). VII.

Aortite gommeuse (Ch. LADAME), LXX et

LXXI.

Aphasie chez les gauchers (MINGAZ7.INI),

LV et LVI.

Arthropathip tabétique vertébrale (Salva-

1)0111), XLIII et XLIV.

Br.ichymélie métapodiale congénitale (Che-

vAt.uEf'1. XIX a XXI, XLVII LUI et

LXXVII it LXXIX.

Cellules de Betz (DIARInESCO, XXXVIII et

XXXJ1;.

Charadrios (WIEhERSUEgmR). X.

Corps calleux, agénésie (L.4SALLB-AIiC11An1-

BAULT), LXXII il LXXVI.

Dermographisme blanc et rouge (ROUD-

NBW), XVII.

Gigantisme acromégalo-infantile (BERTO-

LOTTI), I à IV.

Hémiplégie organique , nouveau signe

(Néri), VIII.

Hugo van der Goes (Mélancolie du peintre

z (DUPRÉ et DEVAUX), LXVIII.

Lèpre, paralysies radiales (de 1 ! EUleamN et

GOUGEI10T), IX.

, troubles mentaux (de Beurmann et

UouccrsoT), XVIII.

Maladie familiale dégénérative (BERTOLOTTI),

XI à XIII.

Microsomie essentielle hérédo-familiale

(LE' ! ), LVII à LXIII.

Nxvl systématiques (ErILVSE), XL a XLII.

Nerfs ciliaires, origine (AwRé-Tnoncnsl,

LXIV à LXVII.

Oiteils. anomalies (M. V. V. SedletsB.1),

LXXX à LXXXII.

Paget à localisation céphalique (CATOLA),

XXXII.

Pithiatisme (KopEZYKSKr et JAIIOSZY : ;SKI),

XXXVI et XXXVII.

Pott,lésions osseuses(ALQUIER et 11LARFELD),

XXXIII à XXXV.

Psychoses, base anatomiques (LADAME),

XV et XVI

Raymond (Le Prof. -), LIV.

Sclérose en plaques, lésions épendymaires

(Pierre MERLE et G. PASTI-,z), LXIX.

Trophoedème des membres supérieurs

(Bauer et DEsaoLls), XLV et XLVI.

Troubles trophiques d'origine cérébrale

(Marchand), XIV.

Le gérant : P. Boucher.

Imp. J. Thevenot, Saint-Dizier (Haute-Marne).