(1908) Nouvelle iconographie de la Salpétrière [Tome 21] : iconographie médicale et artistique
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(1908) Nouvelle iconographie de la Salpétrière [Tome 21] : iconographie médicale et artistique

NOUVELLE

ICONOGRAPHIE

DE LA

SALPÊTRIÈRE

TOME XXI

Avec de nombreuses figures intercalées dans le texte et 72 planches hors texte

1908

NOUVELLE ICONOGRAPHIE

DE LA

SALPÊTRIÈRE

J. M. CHARCOT

GILLES DE la TOURETTE, PAUL RICIIER, ALBERT LONDE

Fondateurs

ICONOGRAPHIE MÉDICALE

ET

. ARTISTIQUE

Patronage scientifique :

J. BABINSKI. G. BALLET. E. BRISSAUD

DEJERINE. E. DUPRÉ. - A. FOURNIER. GRASSET

JOFFROY. PIERRE MARIE. PITRES. RAYMOND

RÉGIS. - SÉGLAS

ET

SOCIÉTÉ DE NEUROLOGIE

DE PARIS

Direction :

PAUL RICHER

Rédaction : .'

HENRY MEIGE

TOME VINGT-ET-UNIÈME

Avec de nombreuses figures intercalées dans le texte et 72 planches hors texte-

PARIS

MASSON ET ce, ÉDITEURS

LIBRAIRES DE L'ACADÉMIE DE MÉDECINE

12a, Boulevard Saint-Germain (6*)

taos

. NOUVELLE

ICONOGRAPHIE

DE LA SALPÊTRIÈRE

LABORATOIRE DR PHYSIOLOGIE DE L'UNIVERSITÉ ST-VLADI1111R A KIEV

LE SIÈGE DES PROCESSUS PSYCHIQUES CONSCIENTS

CHEZ LES ANIMAUX

PAR R

M. S. TCHIRIEV

« S'il n'est pas permis de percer jusqu'à

« la nature de l'âme ni jusqu'aux lois de

" son union avec le corps, on peut au moins

« essayer de découvrir le siège ou le pre-

« mier instrument de ces opérations. »

DE la Peyronkie, 1741.

Les processus qui se produisent dans l'organisme animal sont d'ordre

chimique, physique et biologique ou vital.

Les processus biologiques se divisent en deux groupes : processus phy-

siologiques et processus psychiques.

Considérons d'abord les processus biologiques de l'organisme animal ;

nous nous ell'orcerons de reconnaître :

a) Quelles sont les réactions qui appartiennent aux processus physiolo-

giques et lesquelles appartiennent aux psychiques ;

b) Quelles qualités caractéristiques montrent les uns et les autres ;

c) Et quelle relation existe entre eux.

L'organe de toutes les impressions reçues de l'organisme dans l'état

conscient, l'organe des impulsions de la volonté, comme aussi l'organe de

tous les processus psychiques dans l'étal inconscient est sans doute le cer-

veau et spécialement l'écorce des hémisphères. Par conséquent, en enle-

vant les hémisphères d'un animal, nous supprimons chez lui l'organe de

la fonction psychique ; tous les processus qui s'accomplissent dans un

tel organisme sont - à l'exception des processus purement chimiques et

physiques, des processus physiologiques.

A ces processus physiologiques appartiennent par conséquent les ré-

Ilexes moteurs simples et composés, y compris l'adaptation à un but de

XXI 1

2 TCHIRIEV

ces mouvements ; ensuite les mouvements de la respiration et les réflexes

y attenant, les sécrétions directes et réflexes des glandes de la diges-

tion, de la peau, des glandes sexuelles et autres, la sécrétion directe

et réflexe de l'urine, tous les phénomènes vasomoteurs et les ré-

llexes qui s'y rapportent, les phénomènes de régulation de la chaleur, les

phénomènes trophiques, etc.

Bref, aux processus physiologiques appartiennent tous les processus

inconscients qui s'effectuent dans l'organisme animal vivant privé de

l'écorce du cerveau, naturellement les processus simples, chimiques et

physiques ne font pas partie du groupe.

Comme singularité caractéristique des processus physiologiques et par

laquelle ils diffèrent des psychiques apparaît la circonstance, que tous

ces processus ont une certaine extension locale et qu'ils ont besoin pour

leur évolution d'un certain laps de temps mesurable.

Prenons un processus de sécrétion réflexe quelconque, par exemple la

sécrétion de la salive consécutive à l'excitation de la langue d'un animal

privé de l'écorce cérébrale. Ici nous trouvons au commencement'une exci-

tation des extrémités des nerfs du goût; un temps esL nécessaire pour

que cette excitation se propage le long des nerfs centripètes de la lan-

gue jusqu'au centre de la sécrétion de la salive; il faut un .temps pour

l'excitation de ce centre ; il faudra aussi un temps pour la' propagation

de l'excitation de ce centre jusqu'aux glandes de la salive ; finalement

un temps est nécessaire, pour que se produise l'excitation de -la glande

salivaire et que la sécrétion de la salive se manifeste.

Par conséquent, l'acte réflexe physiologique pris comme exemple se

compose des processus d'excitation des différents tissus y prenant part,

lesquels possèdent une certaine extension locale et il a besoin finalement

d'un certain temps pour son accomplissement.

Prenons maintenant un animal complètement sain, se trouvant en pleine

possession de toutes ses fonctions psychiques, et nous verrons que beau-

coup de processus physiologiques provoquent en lui des processus psy-

chiques.

Nous montrons par exemple à un animal ou à un homme un morceau

appétissant quelconque. Cet aliment provoque, avant que le morceau soit

avalé, toute une série de processus physiologiques : sécrétion de la salive,

du suc gastrique,etc. En même temps la sensation de l'image du morceau

dans les centres de la vue est l'origine de toute une série de processus psy-

chiques, conscients ou inconscients.

Les impressions que l'organisme reçoit des processus physiologiques,

de l'excitation des appareils terminaux, des organes extérieurs des sens

et par le moyen de la propagation de celte excitation dans les centres de

LE SIÈGE DES PROCESSUS PSYCHIQUES CONSCIENTS CHEZ LES ANIMAUX 3

l'écorce jusqu'à ce que se produise la perception consciente des objets

de l'extérieur dans ces centres, ce sont justement les actes psychiques

primaires, desquels résultent plus tard tous les autres : sensations

sexuelles et de la volonté, associations multiples de ces sensations, faculté

de s'inculquer et de reproduire ces sensations, faculté de la pensée et du

raisonnement, etc. ; enfin conscience de soi-même (ce qu'on appelle la

conscience du moi), voilà des processus psychiques.

Les processus psychiques se caractérisent premièrement par ceci,

qu'ils peuvent être observés consciemment, quand on y dirige son atten-

tion. Deuxièmement, ces processus psychiques conscients n'ont pas une

extension locale déterminée ; mais en ce qui concerne le temps, ils

s'effectuent sans doute dans un certain temps, parce qu'ils ne peuvent

pas coexister dans notre conscience, mais seulement passer l'un après

l'autre par le focus de la conscience, de telle sorte que nous avons la

faculté de mesurer leur durée. Troisièmement, il existe cette différence

entre les processus physiologiques et psychiques, que les premiers sont

perçus par les organes de nos sens et sont l'objet de la recherche, de

l'expérience extérieure, alors que les derniers ne sont pas perceptibles

du tout par nos organes des sens, mais seulement au moyen de l'ex-

périence intérieure ou de l'observation de soi-même.

En d'autres termes les premiers peuvent servir d'objet à la méthode

objective de l'investigation, les derniers à la méthode subjective.

Les points de contact entre les processus physiologiques et psychiques

sont ces régions du cerveau où la réception des excitations des organes

des sens se fait d'abord ; les relations entre les processus physiques qui

les conditionnent et les processus psychiques sont déterminées par les

lois psychophysiques de T. H. Weber et G. Th. Techner, qui comprennent

comme intermédiaires des processus physiologiques.

Il n'est pas douteux que les processus psychiques de l'organisme ani-

mal ont leur substratum anatomique dans le cerveau. Le présent travail

a pour but d'essayer de déterminer par voie expérimentale les endroits du

cerveau où se trouvent les tissus, dont l'état parfait de santé forme une

condition sine qua non pour la possibilité d'une activité psychologique

rapide, la conscience.

Le grand philosophe et naturaliste Descartes (1) (Carlesius, 1S96-1650)

(1) OEuures de Descartes, publiées par Ch. Adam et P. Tannery, t. VI, Discours de

la Méthode, Essais. La Dioptrique. Des Images, qui se forment sur le fond de l'oeil.

Discours V, pp. 128-129. Paris, 1902.

4 ' TCHIRIEV

dit dans le Discours V de son oeuvre La Dioptrique, à la place où il

parle des images du monde extérieur dans notre oeil :

« Qu'il se forme derechef une peinture 789 (voir le dessin) assés sem-

blable aux obiets V, X, Y, en la superficie intérieure du cerveau, qui

regarde ses concavités. Et de là ie pourois encore la transporter iusques à

une certaine petite glande (à juger d'après le dessin : gl. pinealis) qui se

trouve environ le milieu de ces concavités, et est proprement le siège du

sens commun. » '

Ainsi déjà Descartes dans la première moitié du xvue siècle a supposé

l'existence dans le cerveau d'un certain substratum anatomique de l'âme

et prétend que l'àme, ou « le sens commun » se trouve justement dans

la gl. pinéalis.

Le célèbre anatomiste anglais Th. Willis (1) croyait que, si une

partie quelconque « extérieure » de l'àme,par exemple un organe sensuel,

a été atteinte, l'impressio sensibilis (par exemple species optica) se pro-

page dans l'intérieur, elle arrive aux corpora striata, et que là seule-

ment a lieu la perceptio sive senslts internus sensionis communis ; si

cette impressio passe par le corpus callosum, l'inzagizzatio suit au

sensas. Si cependant la fluctuatio spirituum a enfin atteint le cortex du

cerveau, elle provoque dans l'écorce une empreinte d'un objet du monde

extérieur et évoque, après qu'elle a été reflétée de là, la reproduction de

l'objet par la mémoire ; cette sensibilis Ùnpl'essio peut être reflétée par

les colora striata, par le corpus callosum et par l'écorce du cerveau

sous forme de différents modus locales et d'autres actionnes, comme

appetitus (efforts, impulsions), 2 ? zei ? to ? ,ia, pltantasia, etc. (2).

De la Peyronnie (3) arrive, dans la première moitié du x\ ni0 siècle, à la

suite de résultats d'autopsie de 16 cas récents et anciens de maladies de

cerveau chez l'homme, aux conclusions suivantes :

9) « Que l'âme ne réside pas dans toute l'étendue de la substance du

cerveau, prise collectivement. »

2) « Elle (l'âme) ne réside pas non plus dans la glande pinéale. »

3) « Nous ne trouverons pas non plus l'instrument de ces fonctions

dans les corps cannelés (corpora striata) quoiqu'un Anglais (Th. Willis)

de grande réputation y ait placé le sensorium commune. »

(1) Cerebri Anatome, Nervorumque Descriptio el Usus. Caput XI, I'. 83. Amstelo-

dami, MDDLX1V (1664).

(2) La Cerebri Anatome de Th. Willis est rédigée dans un latin si mauvais, que je

fus obligé, d'avoir recours à mon collègue très estimé, M. Lezius, professeur de phi-

lologie classique, pour comprendre au moins quelque chose de ce qui est traité il cette

place dans ce célèbre et ancien ouvrage (1664).

(3) Observations par lesquelles on tâche de découvrir la partie du cerveau, où l'àme

exerce ses fonctions. Mémoires de l'Académie Royale des sciences. Année 1741, p. 199,

Paris, 1744.

LE SIÈGE DES PROCESSUS PSYCHIQUES CONSCIENTS CHEZ LES ANIMAUX' 5

4.) « Il résulte des observations que nous venons de rapporter, que les

fonctions de l'âme ne dépendent point du cervelet, de ses penduncules,

de ses cordons, des nates, des testes, de la glande pinéale, des corps

cannelés, des couches des nerfs optiques... ni enfin de la substance cor-

ticale du cerveau.... il paraît qu'on peutconclure, que le corps calleux

est le siège des fondions de l'âme. »

Ainsi De la Peyronnie arrive à croire que le siège de l'cime réside dans

le corpus callosum.

Ces conclusions furent néanmoins, malgré leur côté anatomique, peu

admises par les savants français.

Ainsi Magendie (9;, montrant un lapin, chez lequel on avait enlevé

la glande pinéale avec les hémisphères cérébraux, dit :

« Si Descartes eût eu l'idée de faire cette expérience, il n'eût pas émis

une hypothèse à jamais absurde » ; la section des deux « rênes de l'âme »,

c'est-à-dire des taeniac thalmor optic., ne provoque aucun mouvement.

Magendie crut avoir prouvé, par ces opérations et recherches peu compli-

quées, que la glande pinealis avec ses pedunculi et taeniae thalam.

opt. n'est pas nécessaire l'âme, c'est-à-dire pour les fonctions de

l'âme.

Flourens (2) dit : « Les lobes cérébraux concourant effectivement, par

tout leur ensemble, à l'exercice de leurs fonctions, il est tout naturel

qu'une de leurs parties puisse suppléer à l'autre, que l'intelligence puisse

conséquemment subsister ou se perdre par chacune d'elles. Et voilà bien

plus de raisons qu'il n'en fallait pour placer tour à tour le siège de cette

intelligence dans chacune de ces parties et pour l'exclure ensuite tour à

lour de chacune. L'erreur consistait à ne considérer que tels ou tels

points donnés des lobes cérébraux, quand il fallait les considérer tous. »

En outre il ajoute que toutes ces lésions plus ou moins étendues du

cerveau prouvent « qu'une lésion déterminée, des lobes cérébraux,

quel qu'en soit le siège, peut très bien, pourvu qu'elle ne dépasse pas

certaines limites, coexister avec l'exercice de fonctions intellectuelles;

tandis qu'il n'est aucune lésion de ces organes, quel qu'en soit le siège

encore, qui, dès qu'elle dépasse certaines limites, puisse coexister avec

ces fonctions. »

Bref, sans avoir entrepris des expériences spéciales quelconques,

Flourens refuse à tous les essais à priori toute probabilité de déter-

miner le substratum anatomique de l'intelligence - aussi bien aux essais

(1) Leçons sur les fondions el les maladies du système nerveux. T. 1, p. 201

Paris, 1841.

(2) Recherches expérimentales sur les propriétés et les fondions du système nerveux,

etc. Sec. éd., § VI : Détermination du siège de l'âme, pp. 264-265. Paris, 1842.

6 TCHIR1EV

appartenant au passé, qu'aux futurs - car il est trop convaincu que les

fondions intellectuelles, comme les autres] fonctions du cerveau, n'ont

aucun siège localisé dans le cerveau, mais qu'elles sont répandues sur

le cerveau entier.

Ainsi la question de la localisation de Lime a été, grâce à Magendie et

Flourens, exclue de la série des questions dont la solution devait avoir

lieu par voie expérimentale.

Par contre déjà G. R. Treviranus (1) disait : « Die einige Vereinigung

aller ungleichartigen IIirnorane unter sich und mit der im Innern der

Hirnmasse über der grauen Hervorrugung des Frichters liegenden Ans-

ammlung von Mark vermittelst des Gewàlbes und der sich nach allen

seiten erstreckenden Fortsaitze dieser Masse giebteinen Grund zur Erklâ-

rung derEinheit des Bewusstseins bei aller Mannichfaltigkeit der Empfin-

dungen und zur Beantwortung der Frage : Wie ein Eindruck auf einen

einzelnen Sinnesnerven Erinnerungen, Gefiilile und willhürliche Handl-

ungenverursachenmann, diesich auf Gegenslande vonganz verschiedener

Beschaffenheit beziehen ? · »

Passons maintenant aux observations pathologico-anatomiques des

neurologistes.

Déjà Sir Everard IIome (2) communique au commencement du siècle

passé les observations suivantes, faites par lui sur l'effet de la pression

partielle sur les fonctions du cerveau :

« Although the quantity of water may be so much increasedwithout ma-

terial injury to the functions of the brain, when the skul is not ossified,

yet after that period even a few ounces in the lateral ventricles lias been

known to produce so much undue pressure, as to bring on head-ache,

gênerai uneasiness,a sensation,as if the head were too lare,loss of spirits,

convulsions, loss of memory of récent events, idiotism, insensibiltiy,and

death. Blood in the lateral and third ventricles was attended by repea-

ted fils of vomiting and coma.» L'os frontal a été considérablement grossi

et faisait pression, a on both of the anterior lobes of the brain » et on

pouvait observer « heaviness, loss of memory, dépression of spirits bor-

dering on idiotism ».

Dans un autre cas l'os frontal et l'un des os pariétaux étaient épaissis

jusqu'à 1/3 pouce et faisaient une pression : « on the anterior lobes on the

brain, both anteriorly and latterally, with thickening of the piamater,

spasms in the lower extremities,and total loss of memory, so that the per-

(t) Biologie ou Phylosophie de la 71alure vivante, etc. Bd. VI, Abth. 1. P. ICI,

Gôttingen, 1821.

(2) Observations on the Functions of the Brain. Philosophical Transactions of the

Royal Society of London; 1814, part Il, p. 469, London.

LE SIÈGE DES PROCESSUS PSYCHIQUES CONSCIENTS CHEZ LES ANIMAUX 7

son did not know, that he had done a few hours before ; altough in other

respects in health. A deep wound into the right anterior lobe of the

brain, aitended with inflammation and suppuration, produced no sensa-

tion whatever ; the senses remained entire and the person did not know,

that the head was injured ».

F. V. Hagen (1) dit dans son oeuvre intitulée : Psychologie et Ps-

chiatrie : « Die Bewusstlôsigkeit tritt in solchen Fallen immer ein, wenn

der druckende Iiürper eine solche Lage und Ausdehnung bekommt, dass

er gegen den llittelpunkt des Gehirns druckt ».

En outre les neuropathologistes, depuis les temps les plus anciens jus-

qu'à notre époque, arrivent à la suite de leurs observations à la même con-

clusion, c'est-à-dire que des changements durables des parois du cin-

quième infundibulum, des ventricules latéraux et du troisième ventri-

cule du cerveau, enfin des tumeurs et des hémorragies dans ces cavités

amènent à la perte permanente de la conscience, à un état soporeux, au

coma, d'où le retour aux fonctions normales psychiques ne peut plus se

faire.

Cependant le professeur IL Nothnagel, dit dans son oeuvre Topischen

Diagnostic etc. (Berlin, 1879, p. 508) : « Veniger im Interesse der Dia-

gnose,als vielmehr derVollstandigkeit wegen erscheint es uns wünschens-

werth, der Beteiligung der Ventrikel, wie sie bei einigen Processen sich

ereignet, eine besondere Besprecllung zu teil werden zu lassen », et en

fait il arrive après l'examen des histoires de malades y relatives à la con-

clusion, qu'il n'existe pas de phénomènes constants et caractéristiques

chez les hémorragies dans les ventricules latéraux. Sur les maladies con-

cernant : rhypophysis cerebri, le tuber cinereum et le corpeus callo-

sum, on trouve dans la littérature de notre époque les indications sui-

vantes :

V. Horsley (2) enleva à deux chiens la glande pituitaire. Ces chiens

vécurent 5-6 mois et on ne pouvait chez eux observer aucun phénomène

maladif.

G. Vassale et E. Sauhi (3) détruisaient l'hypophysis cerebri per os

chez des chiens et des chats. Dans le cas le plus favorable les animaux

mouraient au bout de 10-46 jours sous des phénomènes d'apathie, de

somnolence, de marche chancelante, de spasmes cloniques et tétaniques.

(1) R. WAGr.I1.S, /y«tt6 ! M'<e)'&tfc/t der Physiologie etc. Bd. 11, p.705. Braunschweig,

1841.

(2) Modem Pathology of the central nervous syslem. The Lancet, 1886, no 1 ; cit.

nach. Neurol. Centralblatt.

(3) Sulla dislruzione della ghiandola pituilaria. Revista speriment. dei frenatria,

etc. 1892, vol, XVIII, cit. nach. Neur. Centralblatt.

8 TCIIIRIEV

Friedmann et Maass (4) extirpaient chez des chats l'hypophyse et ne

constataient point de changements. '

Le Dr Sakowitsch (1) lésait le tuber cinereum, soit d'en dessus, en sou-

levant les lobi frontales de l'animal, soit d'en dessous, en trépanant la sella

turcica ou en détruisant le tuber directement avec le bistouri ; il nota seu-

lement une augmentation de température, jusqu'à 43° C.

Richard Schultz (2) a communiqué un cas de gliome de la glande pinèa-

lis s. cenarium. Il arriva, en analysant tous les cas de tumeur de cette

glande, le sien compris, cas connus par la littérature, à la conclusion sui-

vante : « Wir kônnen Tumoren dieser Stelle hôchstens muthmaassen,

wenn bei intensivem Hinterkopsschmerz keine Lahmungserscheinungen,

keine Sensil)ilittitssii51,un(yen bestehen, etc. » . '

Pli. Zenner (3) nous communique un cas d'une tumeur ovale de la

glande pinealis (glande de 4/4. + 1 3/4 pouce) chez un hydrocephalus

int. Intra vitam ; on observa d'abord une douleur à l'occiput et plus tard

la perte de la faculté de la vue et la décadence de l'intelligence.

Ranson (4) parle d'une tumeur du corpus callosum. On pouvait

observer des troubles psychiques et des troubles de la vue. La tumeur

commençait au milieu du corpus callosum et poussait dans les ventri-

cules.

Zingerle (5) communique un cas de sarcome du corpus callosum,

qui prenait son origine dans la taeniae tlaalanzi opt. droite.

Inlra vitam on constata l'idiotisme, la cécité et la Balkellalaxie.

Le D' Voegele (6) communique un cas de maladie psychique et de fai-

blesse physique à la suite d'une tumeur, qui commençait à l'hypophysis

cerebri et faisait pression sur les lobi frontales.

A. Gianelli (7) enfin vient à la suite de la relation de nombreuses his-

toires de malades, dont l'autopsie fut pratiquée, à cette conclusion qu'on

peut constater chez les porteurs de néoplasmes des troubles psychiques

importants, avec changement de caractère du malade, surtout si ces néo-

(4) Zur Totalexlirpalion der Hypophysis. Neur. Centralblatt, 1900, p. 1037.

(1) Ueber den Einfltiss des tuber cinereum au/ die Temperatur der Tiel e. Neur. Cen-

tralblatt, 1897, p. 520.

(2) Tumor der Zirbeldrûse. Ibidem, 1886, p. 439-445 et 500.

(3) A case of Tumor of the pineal gland. Cit. u. Neur. Centralblatt, 1895.

(4) On tuniors of lhe corpus callosum. Brain, 1895. Cit. n. Neur. Centralblatt, 1896.

(o) Zur Symptomatik der Geschsmzilsle des Balhens. lahrbuch f. Psychiatrie-Neuro-

logie, 1900, XIX, p. 361. Cit. n. Neur. Centralblatt. 1903.

(6) Beitrage zur Keiziiiiiiss der Slirnhii,nei-kra21kungen. Neur. Centralblatt, 1898,

p. 225.

(7) Gli effetti diretli ed indirelli dei neoplasmi encelaliti, etc. Cit. n. Neur. Central-

blatt, 1897.

LE SIÈGE DES PROCESSUS PSYCHIQUES CONSdENTS CHEZ LES ANIMAUX 9

plasmes se trouvent dans la partie frontale du cerveau. Auparavant le

professeur P. Flechsig était parvenu au même résultat.

Dernièrement se trouvait à l'hôpital militaire de Kiew un soldat syphi-

litique; il était très amaigri et gisait généralement inerte, ne prenait t

aucune nourriture si on ne le nourrissait pas de force.

Particulièrement étrange était l'absence complète de la vie intellec-

tuelle. Par moments il semblait que la conscience revenait; le malade

se plaignait de douleurs dans les diverses parties du corps et de sensation

de froid dans les extrémités. Comme c'était un vieux syphilitique, on lui

faisait des frictions de mercure, mais il était probablement trop tard et il

mourut. A l'autopsie l'on vit, près des laminae septi pellucidi une tu-

meur de petite dimension, probablement une gomme en état de décom-

position.

Ainsi les maladies de l'hypophysis cerebri n'ont donné, d'après les ob-

servations de ces vingt dernières années,aucun résultat positif; les maladies

du conarium donnaient comme symptôme permanent une douleur opi-

niâtre dans l'occiput ; les maladies du corpus callosum et des régions voi-

sines seulement semblent être constamment accompagnées de troubles

psychiques.

Comme nous l'avons vu, les observations de De la Peyronnie donnaient

déjà lé même résultat, et cet auteur était arrivé à la supposition que

Famé, réalisant l'unité de toutes les fonctions psychiques, avait son siège

dans le corpus callosum.

Si nous prenons en considération que les maladies du corpus callosum

et des parties frontales du cerveau (Flechsig, A. Gianelli) sont généra-

lement accompagnées de troubles psychiques et que d'un autre côté la perle

considérable de matière cérébrale dans des lésions profondes de l'os

frontal n'exerce aucune influence sur les fonctions psychiques, on doit t

supposer après De la Peyronnie, Home et d'autres que, dans les environs

du corpus callosum et vers l'intérieur delà région frontale du cerveau,

se trouvent ces tissus, dont la maladie provoque justement des troubles

des fonctions psychiques supérieures.

Le célèbre connaisseur du cerveau humain M. le Prof. P. Fleclisig

de Leipzig (1) parvenait en 1894, à la suite de recherches faites sur le

cerveau du foetus humain et de nouveau-nés et en employant la même

méthode de recherche par laquelle il était arrivé à s'éclairer à son

temps sur les cordons de la moelle, à établir le plan général de cons-

truction du cerveau suivant. D'après ce plan il divisait tous les centres

de l'écorce en « centres du sens » et en « centres d'association » ou,

(1) Ueber ein neues Einteilungs Princip der Grosshirzo6eflüclae.Meurol.Centralblatt,

1894, p. 674.

10 O TCHIRIEV

comme il l'a proposé dans son discours de rectorat (1), tenu le 31 octobre

1894 dans la grande salle universitaire de Leipzig, en « centres de per-

ception » et « centres de coagitation ». Les premiers sont en rapport par

les filaments de projection avec les différents centres de la partie du

milieu du cerveau, avec les moelles allongée et épinière, et cela aussi bien

par des filaments centripètes que par des filaments centrifuges.

A cette catégorie appartiennent : -

Les centres des extrémités, du tronc, de la parole, les centres de l'ouïe,

de la vue et de l'odorat. Ils occupent par leur extension seulement un

tiers de toute la superficie du cerveau.

Les seconds sont des centres d'association, d'une construction particu-

lière ; ils sontenchâssés entre les premiers. Flechsig en distingue parti-

culièrement trois : l'antérieur ou le frontal, celui du milieu ou l'insulaire

et le postérieur ou pariéto-occipito-temporal. Ces centres occupent en

extension deux tiers de la superficie du cerveau.

Ces centres cités en premier lieu sont surtout ces endroits du cerveau,

où les actes psychiques les plus simples et primaires prennent naissance ;

les centres nommés en deuxième lieu forment les endroits des processus

psychiques plus élevés et compliqués.

La perception des objets influençant nos organes des sens et les ap-

paritions du monde extérieur ont lieu dans les centres du sens ou dans les

centres de perception; mais l'évolution psychique plus élevée a lieu dans

les centres d'association ou les centres de coagitation.

Le rôle le plus important dans l'activité psychique est joué par le centre

postérieur, mais le centre dont l'activité est associée mit der Vorstellung

von der eigenen Personlichkeit als eines handelnden Weseils » est situé

dans les circonvolutions frontales, le centre antérieur; un' fort dévelop-

pement de ce centre est en corrélation chez l'homme avec la supériorité

de l'âme (seelische superioriLt).

« Man wird hier u. o. auch an die Fâhiglieit zu denken haben, die

Aufmerksamkeit nach personlichen Alotiven, d. h. willklirlich zu lenken,

welche bei doppelseitiger Erkrankung regelmassig verloren, geh t. »

Ainsi d'après M. leprofesseur Flechsig tous les centres de coagitation

ou organes de la pensée sont physiologiquement synonymes et le centre

en relation la plus étroite avec la conscience et la conscience de soi-

même, est le centre frontal.

Je ne veux pas beaucoup parler ici d'une autre hypothèse, concernant

la construction et les fonctions du cerveau et émanant du célèbre histo-

logiste M. le professeur S. Ramon y Cajal. Il critique l'hypothèse de

Flechsig, cependant la seule possible et s'accordant réellement avec des

(1) Gehirn und Seele, 2te Ausgabe, Leipzig, 1896.

LE SIÈGE DES PROCESSUS PSYCHIQUES CONSCIENTS CHEZ LES ANIMAUX 11

faits de la neuropathologie bien observés et il pose sa « théorie » (1) dont

je ne veux pas entreprendre de communiquer le contenu brièvement ; mais

cette « théorie» a pour base la Neuronthéorie du système nerveux central,

absolument impossible au point de vue physiologique, - une « théorie »

dont j'ai eu déjà l'occasion de parler (2), qui doit son existence aux

images de cellules rétrécies du système nerveux central, colorées d'après

la méthode de M. C. Golgi.

D'une telle hypothèse peuvent seulement être partisans des person-

nes, qui pendant toute leur vie n'ont pas exécuté une seule expérience

réussie et qui n'ont jamais réfléchi sur leur expérience. On pourrait t

peut-être me citer des faits physiologiques, qui parlent en faveur de

la Neuronthéorie, par exemple les observations de M. le professeur V.

Uschinsky (3). Ce savant n'obtenait, en[irritant les racines postérieures de

la moelle épinière chez la grenouille, aucune variation négative réflexe

dans le n. ischiaticus et il l'explique par la rupture des communications

entre les Neurones ! Mais ceci est seulement l'explication à lui, qu'on

doit encore désigner au surplus comme très peu vraisemblable, parce

que la même grenouille, si son n. ischiaticus n'avait pas été coupé, aurait

probablement montré, lors de l'irritation des racines postérieures de la

moelle épinière, des contractions musculaires réflexes ; et s'il n'a pas

obtenu une variation négative au nerf même, cela prouve seulement la

justification de la supposition, qui résulte aussi de mon travail men-

tionné ci-dessus, à savoir, que nous ne pouvons pas provoquer, en exci-

tant le nerf centripète d'une cellule quelconque du système nerveux

central intacte, ni dans elle, ni dans son nerf centrifuge des variations

électriques quelconques.

Mais avant, de procéder à la communication des recherches elles-

mêmes, nous voulons voir quelle position les philosophes et les psycho-

logues prennent vis-à-vis de la question de t'àme.

De toutes les hypothèses métaphysiques sur l'âme les deux suivantes

sont à mon avis les plus remarquables :

La vieille hypothèse de Ed. Beneke et la plus récente, la monadologi-

que de M. J. S. Prodan.

La première suppose (4) : « L'âme et les facultés primitives de l'àme

(qu'a l'àme de voir, d'ouïr, etc.) c'est la même chose. Les facultés de

(1) Studien iiúel' de ? , Hi1'111'inde des Menschen, 5 Heft. Leipzig, 1906.

(2) Propriétés éteclromolrices du cerveau et du coeur. Journal de physiologie et de

pathologie gén., no 4, juillet 1904, p. 618.

(3) Centralblatt für Physiologie, 1900, Bd. XIII, p. 6.

(4) Nouvelle psychologie du D' Benels, composée etc. par G. Banc, traduit de l'alle-

mand par J. Blockhuis. Gand, lS61, p. 47, Ann.

12 TCHIRIEV

l'âme humaine constituent l'urne, elles. sont innées de l'âme d'où procè-

dent toutes les autres facultés et forces animiques. » »

En outre cette hypothèse fait supposer une âme se développant et se

perfectionnant constamment de la même façon que les autres tissus du

corps (1). « Les forces ou les éléments que le corps s'approprie, se fu-

sionnent toujours avec celles fondées antérieurement de façon que l'ho-

mogène vienne à l'homogène... La même chose est aussi valable pour les

éléments (les facultés et les impressions) de l'âme : l'homogène attire

l'homogène et se fusionne en un tout... »

Le corps continue sa vie intime, en prenant de l'extérieur ce dont il

forme continuellement de nouvelles facultés homogènes. Par conséquent,

c'est totalement la même opération, qui réagit aussi dans l'âme... Il en

résulte que les deux espèces de forces (âme et corps) se développent sui-

vant les mêmes lois naturelles ».

Puis E. Beneke (2) demande : En quoi consiste en principe la diffé-

rence entre les forces de l'esprit et les forces du corps ? Toutes les impres-

sions homogènes de l'âme, dit-il, confluent à une unité et à cause de cela

les produits nouveaux d'un tel développement, d'une telle réunion, de-

viennent pour la conscience toujours de plus en plus clairs ; mais, si ces

produits se composaient même de millions de traces, ils n'occuperaient

pas plus alors une place plus spacieuse-

Dans le corps se réunissent les tissus aussi par agrégation graduelle et

par rapprochement de parties homogènes, qui s'unissent à des forma-

tions plus compliquées s'accroissant graduellement dans leur extension

en espace. Bref, conformément à la loi de l'attraction de l'homogène,

l'âme, sans qu'elle possède une extension locale quelconque, travaille

il la formation de la conscience, pendant que la matière croît seule-

ment après son extension en espace.

Si l'on prend en considération que le corps tombe graduellement en

décadence, pendant que l'âme s'accroît sans cesse et qu'elle se fortifie,

Beneke se sent incliné à la supposition que l'esprit ou l'âme se libère du

corps après la mort. Et pour qu'on puisse comprendre une telle séparation

de l'âme du corps en décadence, il établit une nouvelle supposition, c'est-

à-dire, que le corps consiste en éléments corporels ou forces de la matière,

et l'âme en éléments non matériels absolument différents des premiers (3).

Par conséquent l'hypothèse de Beneke, excepté cette division en

esprit et en corps, à laquelle il est parvenu à la suite de sa fausse suppo-

sition de la croissance continuelle de notre esprit jusqu'à la mort de l'or-

(1) Loc. cit" p. 224 et 225.

(2) Loc. cil., p. 228.

(3) Loc. cit., p. 245.

LE SIÈGE DES PROCESSUS PSYCHIQUES CONSCIENTS CHEZ LES ANIMAUX 13

ganisme, peut être reconnue comme parfaitement scientifique et

adéquate aux faits.

La dernière : l'Hypothèse monadologique, qui a été encore fondée par

Leibnitz et qui fut reprise dernièrement avec certaines modifications par

MM. Ch. Renouvier et L. Prat (1) appartient, comme déjà précédem-

ment dit, dans sa nouvelle forme au Mag. phil. J. S. Prodan (2).

D'après cette hypothèse tous les corps, les anorganiques comme les

organiques, auxquels appartiennent aussi les vivants, sont un assemblage

d'éléments de l'être, de monades ; ces éléments sont les plus simples élé-

ments réels ; ils ne possèdent pas de l'extension en espace et ne sont par

conséquent pas matériels mais seulement réels. De ces monades sont cons-

truits les atomes matériels ou physiques.

Dans les limites de ces atomes les monades doivent être également li-

mités d'après l'espace et le temps.

Les Monades se divisent d'après leur source d'activité en monades

automatiques et en monades vicariants, et selon la manière de leur

fonction en physiques et en spirituels.

Les êtres vivants : plantes, animaux, hommes se composent de mona-

des spirituels de deux sortes : des monades formants qui forment de la

matière morte certains organes, et des monades dirigeants, qui dirigent

aussi bien les monades formants, que les organes et les organismes.

Le substratum des processus animiques est nommé par M. J. E. Prodan

« Ame » et l'activité de l'àme se manifeste d'après lui dans les actes de ce

substratum (3). Donc l'âme de l'homme est une unité très compliquée de

monades spirituels particuliers avec une organisation spirituelle par-

ticulière, et tout acte conscient est la conséquence de l'activité com-

mune de certains monades des ordres les plus infimes et de l'activité

de l'automonade avec son système.

L'auteur imagine ce système de monades animiques de la façon sui-

vante : Les monades ani miques homogènes sont réunis par un monade d'un

ordre plus élevé, par 1' « archimonadc » en un ensemble individuel ; ces

derniers sont réunis par un archimonade d'un autre plus élevé, deuxième

ordre,avec d'autres archimonades du même ordre, nn système, etc. Fina-

lement tous les archimonades des ordres plus élevés et au moyen de ces

derniers, tous les systèmes et associations de monades (les animiques,

comme les corporels) sont subordonnés à un seul,au monade le plus élevé,

à 1' « automonade M.

Ainsi s'explique d'après M. J. S. Prodan l'unité de la conscience et de

(1) La nouvelle monadologie . Paris, 1899.

(2) L'organisation de l'dme. Fragment de la nouvelle monadologie d'évolution Jzcrjew

(Dorpat), 1905 (en russe).

(3) Loc. cil., p. 36 a 38.

14 . TCHIRIEV

l'âme tout entière, car l'activité de l'aZCtomonade se manifeste dans

l'acte de la conscience de soi-même.

Comme on voit, l'hypothèse monadologique de l'atme, particulièrement t

dans la forme nouvelle que M. J. S. Prodan lui a donnée, marque un

autre pas en avant, parce qu'elle comprend le monde spirituel et matériel

et ne fait pas en principe une différence entre les forces de l'àme et les

forces du corps.

Mais les deux hypothèses mentionnées ne touchent pas du tout la ques-

tion de l'endroit où, dans le cerveau, les forces spirituelles entrent en

action.

Ainsi les actes psychiques les plus simples et primaires, - la perception

des excitations des organes du sens ont lieu dans les centres du sens

ou les centres de perception de Flechsig, et simultanément avec ces im-

pressions ou perceptions commence l'activité psychique; par contre tous

les processus psychiques plus compliqués et se trouvant en rapport avec

l'association de sensations primitives et de notions différentes, avec la fa-

culté du jugement etc., ont évidemment leur siège dans les autres centres

de l'écorce, dans les centres d'association ou les centres de coagitation,

dans l'organe de la pensée.

Ces processus psychiques peuvent se produire dans l'état conscient et

dans l'état inconscient, selon qu'ils arrivent dans la sphère de notre cons-

cience, c'est-à-dire, que nous y dirigions notre attenlion ou non. Mais ou

réside cette conscience ? A quel endroit du cerveau son activité est-elle

liée ? Ou peut-être est-elle, comme Flourens le supposait, divisée entre

tous les centres corticaux, entre toute la substance grise du cerveau, qui

joue le rôle de centre psychique ?

Il parait résulter au contraire des observations des auteurs précédents

et aussi de celles du Professeur Flechsig et du Dr Gianelli, que la cons-

cience est localisée quelque part dans les parties antérieures du cerveau

en dedans du lobus fronlalis.

Finalement il est hors de doute, que malgré toute la variété des impres-

sions (Treviranus) tout parle en faveur de l'unité de la conscience et

qu'elle doit être localisée dans un endroit impair quelconque du cerveau,

endroit en rapport avec tous les centres d'écorce.

Voyons [maintenant quels tissus se trouvent dans le cerveau, qui n'ap-

partiennent pas déjà aux tissus ayant des fonctions plus ou moins connues

et qui sont en même temps impairs ? Comme tels sont avant tout à

considérer les masses grises du corpus fornicis puis les embranchements,

formés par ses columnae, crura, et taeniae. Aux derniers appartien-

nent : vers le devant : les septa pellucida, les apophyses, qui se plient

en forme d'anneau autour de la périphérie de la septa pellucida, les

LE SIÈGE DES PROCESSUS PSYCHIQUES CONSCIENTS CHEZ LES ANIMAUX 15

grandes apophyses supérieures coniques, dirigées la pointe en avant et

situées dans la moitié supérieure de la septa pellucida, et les petites

apophyses, s'égarant dans la moitié inférieure de la septa pellucida,

toutes ensemble, les unes et les autres, se propageant vers le genu cor-

. poris callosi.

Vers le dehors : les taeniae semicirculares s. striae comeae, logés de

chaque côté entre le nucleus coud, et le thalamus opf.

Puis vers l'arrière : les taeniae thalamorum opt., les entra post

conduisant aux cornua Ammonii et au psalleritz2n, enchâssé entre eux

et vers l'arrière en bas : les crura ant. et colui212îae.

En outre y appartiennent : les parois du ? tuber cinereum et infundi-

bulum et les parties nerveuses de l'Iapop7zysis cerebri et du conarium.

La connexion de tous ces crura et taeniae fornicis avec les centres

d'écorce ces dernières étapes des processus physiologiques et premiè-

res étapes des processus psychiques est jusqu'aujourd'hui restée pres-

que complètement inconnue ; d'un autre côté la construction du fo2-;zix,

des crura et taeniae fornicis,des parois du ventriculus septi pellucidi,

du tuber cinereum et des parties nerveuses des deux glandes : glande pi-

tuitaria et pinealis, est aussi seulement très superficiellement connue.

A présent passons à la description de quelques'essais, que j'ai faits chez

des grenouilles, des lapins et des chiens; bien qu'en nombre restreint,

ils m'ont donné des résultats précis, fortifiés par les données de la section,

et je juge possible d'en faire la communication dès maintenant.

Si nous coupons à une grenouille, attachée au moyen d'un ruban à une

pince en bois et couchée au dos, la membrane muqueuse palatine et si

nous détruisons l'hypophysis cerebri, si nous introduisons ensuite, par

l'ouverture, existant dans le tuber cinereum , une aiguille dans le troi-

sième ventricule, et si nous nous efforçons enfin de détruire, en laissant

intacts de grands ganglions du cerveau, sa paroi inférieure de devant,

l'animal perd toute sa volonté et la perception consciente des irritations

extérieures. Si l'animal n'est pas influencé par des excitations externes

suffisantes, il reste assis immobile pendant un laps de temps d'une durée

indéfinie. Mais si on expose l'animal à une excitation, il montre les mêmes

mouvements compliqués que l'animal auquel on aurait enlevé les hémi-

sphères du cerveau.

J'ai injecté par une ouverture de trépan, faite près de la moitié anté-

rieure du corpus callosum, avec la seringue de Pravaz, des solutions

d'argentum nitricum, de la formalineou de la formaline mélangée d'encre

de Chine, dans la cavité du ventricule latéral sous le corpus callosum à

des lapins.

16 (j TCIIIRIEV

Une telle injection a en général pour résultat la perte complète de la

connaissance et la prostration de l'animal. reste dans cet état 3-24 heures,

et il meurt sans avoir repris connaissance.

Chez des animaux narcotisés, des lapins et des chiens, j'ai trépané le

crâne environ près de la partie antérieure du corpus du côté

latéral, chez des lapins et près de l'extrémité transversale du sulcus cru-

ciatus, chez des chiens. Par l'ouverture du trépan j'introduisais (Fig. a) :

ou une aiguille avec pointe en forme de lance (a) (Lapin) ou une aiguille

de Bernard (b) (chien) ou enfin un instrument spécial, plat, émoussé,

large de 3 millimètres, d'où, si l'on presse sur le bout supérieur, se dé-

clenchent deux petits canifs avec leurs tranchants, dirigés en haut et en

dehors (c).

J'introduisais ces instruments, en déviant un peu de la fissura longi-

tudinalis cerebri, pour ne pas léser le sinus longitudinal par la surface

supérieure du cerveau vers en bas et un peu vers le dedans.

Quand l'extrémité de l'instrument le) devait se trouver dans le fornix,

je faisais déclencher les petits canifs et je m'efforçais de détruire ou la

moitié relative du fornix ou le fornix tout entier.

Dans d'autres cas j'introduisais l'instrument, penché obliquement en

dedans et je m'efforçais de le faire passer, en poussant au-dessous du cor-

pus callosum à la partie opposée, dans l'intention de léser le fornix et

ses crura du côté opposé.

De tous les animaux soumis à ces opérations, je n'en veux mentionner,

que deux, qui supportèrent bien l'opération et se rétablirent complè-

tement.

Certains phénomènes disparurent, alors que les autres restaient station-

naires. Les animaux furent tués trois mois après l'opération, leurs cerveaux

durcis avec de la formaline et puis soumis à un examen qui devait, faire

constater les lésions expérimentales.

Fig. a.

LE SIÈGE DES PROCESSUS PSYCHIQUES -CONSCIENTS CHEZ LES ANIMAUX 17 7

Le premier animal est un lapin qui fut trépané après narcotisation par

du chloralliydrate introduit dans l'estomac, à gauche, du côté latéral

de la ligne méridienne, un peu en arrière de l'extrémité antérieure du

corpus calloszcm.

Par l'ouverture du trépan il fut introduit une aiguille avec une lance

au bout (a) dans une direction fortement inclinée vers le dedans, au-

dessous du corpus callosum, dans le but de léser le fornix du côté droit

opposé, ainsi que ses embranchements. '

Après que l'animal eut perdu connaissance et après prostration com-

plète et des mouvements forcés réitérés, il devint tranquille le jour suivant,

tournant autour de soi-même vers la droite, montrant en même temps

du nystagmus des yeux et delà tête, en particulier des yeux ; l'oreille gau

che restait couchée au dos.

De l'examen plus approfondi du lapin, il résulta que l'animal avait une

cécité psychique de l'oeil gauche. De l'avoine ou du choux, qu'on lui ap-

portait du côté gauche, en couvrant l'oeil droit, ne provoquaient aucune

impression sur l'animal et il semblait que l'intelligence, pour ce qu'il

avait vu, lui faisait évidemment défaut. Si on venait à découvrir l'oeil

droit il commençait à flairer l'avoine ou le choux offert, et se hâtait de le

saisir. 1

Du côté gauche il se manifestait aussi une surdité psychique. Le son

strident d'un petit sifflet en métal, qu'on tenait à son oreille gauche, ne

provoquait aucun mouvement de cette oreille; en second lieu l'animal

entendait évidemment très bien tesonetdevenaitexcité, mais il ne prêtait

aucune attention à l'objet duquel le son sortait. Par contre le même instru-

ment sonore provoquait, si on le tenait au niveau de l'oleille droite, im-

médiatement un mouvement de l'oreille, l'animal tournait vite la tête vers

la source du son pour la flairer.

En ce qui concerne le sens olfactif on pouvait seulement constater que

l'animal ne réagissait pas aux objets odorants offerts du côté gauche,

tandis qu'il flairait immédiatement ceux offerts du côté droit.

Les extrémités gauches, le côté gauche du cou et du tronc étaient in-

sensibles aux excilations tactiles ; pour les irritations douloureuses du côté

gauche l'animal sentait visiblement delà douleur, devenait inquiet, mais

ne prêtait pas d'attention au lieu d'où provenait l'excitation ; par contre

les irritations tactiles et de dou leur du côté droit attiraient immédiatement

l'attention de l'animal, qui cherchait à les éviter.

Avec le temps les mouvements de manège et le nystagmus cessèrent

peu à peu et il persista comme phénomènes stationnaires la cécité psychi-

que de l'oeil gauche et la surdité psychique de l'oreille gauche. Chaque

fois que l'animal prêtait attention à des sons quelconques et à des images

xxi ' 2

1 8 . TCHIRIEV

optiques, il réagissait avec l'oreille droite, pendant que l'oreille gauche

restait couchée. La sensibilité tactile des extrémités gauches et de l'oreille

gauche, ainsi que le sens olfactif du côté gauche étaient seulement di-

minuée. Quant au reste l'animal paraissait complètement normal.

L'étude anatomique entreprise mois environ après démontra (voir les

reproductions photographiques des sections de cerveaux de lapins, PI. I,

si ? 1-2) que l'aiguille poussée à travers l'hémisphère gauche, avait péné-

tré à peu près dans les limites postérieures du fornix, au-dessous du cor-

pus callosum dans le ventricule droit, qu'il avait lésé le crura fornicis

à droite elle nucleus caml. dexi. qu'il avait d'abord pénétré dans une e

direction allant un peu en arrière dans le crus post. dex. fornicis, s'é-

garant au cornu Ammonii, et qu'il avait en outre fait avec sa lance une

entaille perpendiculaire au Medianehene vers en bas, en sectionnant le.

fornix quelque peu vers l'arrière de la commissura anterior, de ses

apophyses droites postérieures et latérales.

Non loin du bord extérieur de la szcbstaztia perf. anal. dex. l'instru-

ment avait touché l'os.

Presque tout le corpus fornicis du côté droit était intact, le n. opticzes

dex. était également complètement intact et les ventricules du cerveau

absolument libres.

Le second animal est un chien auquel on avait fait une injection de

morphium acet. et qu'on avait soumis ensuite à une profonde narcose

par l'action du chloroforme et de l'éther sulfurique. Le crâne fut trépané

du côté gauche à l'extrémité transversale gauche du sulcus cruciales.

Par l'ouverture du trépan, située un peu vers l'arrière de l'extrémité

transversale gauche du sulcus cruciatus. (fig. 3, x), une aiguille de

Bernard (b) fut introduite dans la direction en bas en dedans, dans l'in-

tention de léser le fornix du côté gauche.

, Une prostration complète de l'animal avec perte de la connaissance eut

lieu. Le troisième jour l'animal commençait à lamper du lait et tournait

autour 'de soi vers la gauche. En outre on pouvait constater par un exa-

men attentif la cécité psychique de toit droit.

Si on couvrait l'oeil gauche et si on tenait. un morceau de viande ou

de pain devant l'oeil droit, on n'obtenait aucune réaction de l'animal, bien

que l'animal vit sans doule l'objet présenté; mais si on découvrait

l'oeil gauche, l'animal saisissait immédiatement le morceau. En deuxième

lieu on constatait chez l'animal la surdité psychique de l'oreille droite. Le

son stridentd'un sifflet de métal, tenu devant l'oreille droite, parvenait vi-

siblement à sa perception, l'animal devenait inquiet, mais il ne savait

pas où il devait chercher l'objet de son inquiétude. 1

Par contre le même objet sonore provoquait, si on le tenait devant

l'oreille gauche, immédiatement l'attention de l'animal. En troisième

NOUVELLE Iconographie DE la SALPETRILRE.

LE SIÈGE DES PROCESSUS CONSCIENTS CHEZ LES ANIMAUX

(Trhiriew)

NOUVELLLE Iconographie DE la Salpêtrière

T. XXI. PI. 11

LE SIÈGE DES PROCESSUS CONSCIENTS CIIEZ LES ANIMAUX

(Tchiriew)

LE SIÈGE DES PROCESSUS PSYCHIQUES CONSCIENTS CHEZ LES ANIMAUX 19

lieu le sens olfactif de la narine droite et la sensibilité tactile de la moi-

lié du côté droit du corps et des extrémités étaient aussi presque tota-

lement perdus, toujours chez le même chien. L'animal s'apercevait, des

irritations de douleur du côté droit Au corps, mais il ne savait visible :

ment pas quel avait été l'endroit exposé à l'irritation.

Plus tard le sens olfactif et la sensibilité tactile du côté droit re-

vinrent dans une mesure considérable, et l'animal cessa d'exécuter des

mouvements de manège en cercle vers la gauche. Comme manifestations

stationnaires demeurèrent la cécité psychique de l'aeil droit et la sur-

dité psychique de l'oreille droite. Du reste la chienne faisait vers la fin

du deuxième mois l'impression d'un animal complètement sain et éveillé ;

elle fit des petits, qu'elle mangea. Au bout de trois mois on tua l'ani-

mal (1).

De l'autopsie il résulta, comme les clichés photographiques des coupes

du cerveau le montrent (2) (PI. I et II, lig. 3, 4, 5, 6 et 7), que l'instru-

ment, qui était passé un peu en arrière de l'extrémité transversale gauche

du sulcus crucialus, avait lésé le nucleus caud. sin. qu'il avait détruit en

arrière à gauche du corpus fornicis, tous ses crura postérieurs et 1 ité-

raux et taeniae du côté gauche, les commissura ail tel' sin. et qu'il avait

louché, passant à gauche il 1 millimétrc de distance du lumen sa l'itzfutz-

(1) J'ai fait la démonstration du lapin et du chien devant plusieurs collègues de

noire Université : les cerveaux des animaux furent conservés dans le laboratoire

physiologique.

(2) Tous les clichés photographiques des sections des cerveaux du lapin et du chien

furent pris par mon collègue très estimé, M. le professeur d'anatoutie humaine F. A.'

Stephanis et par son assistant M. le D' Owen. Je remercie ces Messieurs chaleureuse-

ment.

Fig. b. - Crus anl. fornicis. - Dessin schématique des centres de l'écorce, du fornix

et des voies de communication entre eux.

20 V TCHIR1EV

dibulum et du tuber cinereum, l'os basai en dehors du tractus op. sin.

Et de nouveau presque tout le corpus fornicis, excepté sa partie gau-

che postérieure, restait intact ; les ventricules du cerveau étaient égale-

ment libres.

Nous avions réussi conséquent à obtenir par un lapin et un chien pro-

duisant l'impression d'animaux, auxquels on aurait enlevé les centres d'é-

corce suivants : le centre de la vue, de l'ouïe, en partie de l'odorat et les

centres dans lesquels l'animal reçoit le sentiment de son propre corps

(sentiments corporels), et cela chez le chien du côté gauche, chez le lapin

du côté droit. Mais, comme tous les centres cités étaient complètement t

intacts et que par contre les crura postérieurs et latéraux et taeniae

fornicis furent constatés lésés du côté gauche chez le chien, la moitié

gauche des commissura ant. y comprise, et du côté droit chez le lapin,

nous avons le droit d'en tirer la conclusion, que par ces lésions, la con-

nexion entre les centres d'écorce, chez le chien : les gauches, chez le

lapin : les droits, -et de cette partie du cerveau a été interrompue, dont

les fonctions se trouvent en relation étroite avec la conscience, la volonté,

la mémoire, le sentiment conscient corporel etc. de l'animal ; étaient

interrompues également les voies vers la partie qui sert à diriger l'atten-

tion vers un processus psychique inconscient déterminé.

Par conséquent nous sommes forcés de considérer les masses grises

du corpus fornicis impair, le 5° ventricule compris, comme étant le

seul organe de la conscience chez l'homme et chez l'animal Les crura

et taeniae fornicis seraient les voies qui mettent en communication l'or-

gane de la conscience (fig.b, 1) avec les centres corticaux (fig.b, 4 s. 4 d.),

lieux où se déroulent tous les processus psychiques inconscients.

Directement en faveur de la première supposition, à savoir qu'on doit t

attribuer l'importance d'un organe de la conscience au corpus fornicis je

citerai l'expérience suivante, imparfaite il est vrai en ceci que l'animal

survécut à l'opération seulement 5 jours. Les résultats de la section de son

cerveau sont reproduits photographiquement (PI. III, fig, 8, 9, 10 et 11).

Le chien fut soumis à la narcose par la morphine et le chloroforme

avec éther sulfurique. Par l'ouverture du trépan on introduisit un ins-

trument plat, émoussé (c) un peu en avant de l'extrémité transversale

droile du sulcus cruciatus et on perça un peu en dedans et du côté op-

posé ; quand l'instrument eut touché l'os, on fil déclencher les petits ca-

nifs et on releva l'instrument un peu en haut.

L'animal resta couché après l'opération environ 48 heures sans mou-

vement et sans connaissance, la jambe de devant allongée et les muscles

tendus.

Le troisième jour on essaya d'introduire avec la sonde d'estomac

par la bouche un peu de lait. Lorsqu'on mettait l'animal sur les pieds, il

LE SIÈGE DES PROCESSUS CONSCIE\TS CHEZ LES ANIMAUX ? r ' (TJr4

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LE SIÈGE DES PROCESSUS PSYCHIQUES CONSCIENTS CHEZ LES ANIMAUX 21

restait debout et faisait, quand on le poussait, quelques pas autour de soi

à gauche. A l'appel et à d'autres excitations il ne réagissait absolument

pas, montrant par conséquent une perte complète de la conscience. De

temps en temps il se relevait un peu de sa position couchée sur les jambes

de devant et touten restant immobile dans un état inconscient, il émettait

des sons plaintifs, tout en exécutant avec les jambes antérieures des

mouvements saccadés.

Il vivait ainsi encore à jours, sans avoir repris conscience; il mourut

dans la nuit du ae au 6° jour.

La section du cerveau démontra que l'instrument avait déjà atteint

la ligne du milieu à la hauteur du corpus callosum et qu'il était dévié un

peu vers la gauche et enfin, qu'il avait détruit le corpus fornicis exacte-

ment au milieu de son axe longitudinal un peu à gauche. En outre l'ins-

trument avait pénétré quelque peu en arrière, avait lésé le nucleus

cand. sin., détruit les commis sur a ant. sin. et était ressorti par la subs-

tantia per for. ant. sin. tout près de l'angle gauche du chiasma nervi opt.

Par conséquent on avait réussi, dans ce cas, à léser le corpus du

fornix lui-même. L'animal se trouvait en état de perte complète de la

conscience, de laquelle il ne revenait plus jusqu'à sa mort. Comme

l'animal n'a vécu que 3 jours, on peut supposer que le corpus fornicis

ne fonctionnait pas dans toute son extension, bien qu'il fût directement,

détruit, en particulier au milieu et un peu du côté gauche.

Ainsi cet essai sert à la confirmation, que le corpus fornicis renferme

en soi-même réellement la conscience et avec elle les fonctions psychiques

les plus élevées, lesquelles sont naturellement peu développées chez les

animaux inférieurs, qui n'ont pas de centres d'association (d'après

Flechsig) ou du moins chez qui ils n'existent que dans un degré insigni-

fiant et dans une mesure beaucoup plus infime que chez l'homme.

Ici il faut ajouter que M. le professeur Flechsig dit dans son oeuvre

Gehirn und Seele, et il a l'habitude de ne parler que des choses qui

lui sont positivement connues :

« Nach derMeinung zahtreicher neuerer ( ! ) Forscher ist nur die grange

Rinde71substanz der Grosshirnlappen, die Grosshirnrinde, fahig

Bewusstsein zu vermitteln. Dieser Satz ist indess Reineswegs endgültig

erwiesen (p. 12). »

D'ailleurs le même professeur Flechsig et le Dr A. Gianelli sont par-

venus à la suite de la comparaison des cas décrits de maladie des lobi

frontales ou cerveau frontal, dans les environs duquel se trouve le fornix

avec le 5° ventricule, - à la conclusion que justement les maladies de

cette partie ont pour conséquence un dérangement psychique, avec chan-

gement du caractère du malade, affaiblissement et perte complète de sa

conscience.

22 - TCH1RTRV

Maintenant, si nous nous souvenons que parfois des blessures pro-

fondes des circonvolutions frontales avec perte de substance cérébrale

et suppuration peuvent être guéries et sans laisser presque de traces

chez les malades et sans qu'elles soient suivies d'un dérangement psychi-

que quelconque, il nous paraît évident que tout ceci indique, en'compre-

nant les cas de Flechsig et de Gianelli, que le dérangement psychique ne

dépend pas de la maladie du cerveau frontal lui-même, mais de la lésion

des organes avoisinants, par conséquent des parois du 5e ventricule et

particulièrement du corpus fornicis lui-même.

Enfin, comme nous l'avons cité antérieurement, des observations nom-

breuses des neuropathologues depuis le commencement jusqu'à nos jours

témoignent que des changements stables des parois des cavités intérieu-

res du cerveau, ainsi que des tumeurs et des hémorragies des dites cavités

conduisent inév itahlement à la perte prolongée ou définitive de la cons-

cience, à l'état soporifique et au coma.

Il nous reste encore l'aire mention du centre des sentiments de

douleur.

Des observations chez des malades souffrant de névralgie, particuliè-

rement dans les cas de tabesdorsalis, il résulte comme étant probable que

les voies qui propagent le sentiment de la douleur commencent comme

cordons indépendants seulement dans la moelle épinière, cependant

qu'elles n'existent pas comme telles dans le système nerveux périphérique.

Beaucoup de raisons parlent en faveur de ceci que toutes les voies de la

douleur du système nerveux central s'unissent quelque part dans les

environs du conarium (fig. b, 3) resp. ganglia habenulae ; dans les

taeniae thalamorum opt. se trouvent les voies, par lesquelles la cons-

cience réagit aux irritations de douleur.

Avec ceci les cas de maladie du conarium, cités ci-dessus et recueillis

par M. le Dr Scllultz, se trouvent complètement d'accord. Il est vrai que

je n'ai encore apporté aucun résultat expérimental en faveur de cette

supposition ; mais la confirmation de mon opinion par l'expérience n'offre

pas de difficulté particulière.

Les conclusions auxquelles je suis arrivé à la suite de tout ce que j'ai

expliqué plus haut, consistent en ce qui suit : '

Toutes les fonctions psychiques des animaux et de l'homme se laissent

diviser en conscientes et inconscientes.

Les fonctions psychiques inconscientes siègent dans l'écorce du cerveau ;

les conscientes, dans le fornix avec le 5e ventricule. L'organe de la cons-

cience a par conséquent son siège dans le fornix même et dans le 5e ven-

utricule.

Les crura et taeniae fornicis unissent le dernier avec les centres de

LE SIÈGE DES PROCESSUS PSYCHIQUES CONSCIENTS CHEZ LES ANIMAUX 23 l

l'écorce des hémisphères et avec le conarium (3) - (fig. b, 4 d et 4. s).

Si la conscience ou l'attention se dirige vers un centre cortical quelconque,

les processus s'y déroulant parviennent à notre conscience ; si l'atten-

tion est dirigée vers un centre quelconque des centres de l'organe de

la pensée d'après Flechsig (Denckorgane) dans lequel le processus de

s'inculquer un objet, une circonstance etc. quelconque s'est déjà déroulée

à différentes reprises, cet objet réapparaît, comme on a l'habitude de dire,

dans notre mémoire et nous revient à la conscience, comme nous ayant

élé connu déjà antérieurement.

Donc la reproduction spontanée d'impressions quelconques, qui étaient

déjà entrées antérieurement dans notre conscience, a lieu de cette façon.

Si je veux consciemment exécuter une action quelconque, je dirige mon

attention vers les centres corticaux relatifs des impulsions de la volonté. et

l'action a lieu avec ou sans la participation de la conscience. De la même

façon, si à la suite de conditions quelconques le centre de douleur, situé

quelque part dans le voisinage de la I. pinealis, est excité et si cette exci-

tation se propage par les taeniae thalaî21oi-ztî7z opt. au fornix, nous sen-

tons la douleur, qui est localisée à un point déterminé du corps grâce à

l'excitation de la peau locale tactile ou d'autres nerfs.

Si on détruit d'un côté ensuite les voies postérieures, latérales et infé-

rieures, qui unissent le fornix avec les centres d'écorce de l'hémisphère

relative du grand cerveau (Fig. lr, x') comme je l'ai fait chez le lapin et

le chien qui survécurent à l'opération, les processus psychiques in-

conscients, qui sont excités dans ces centres corticaux de la part des orga-

nes du sens du côté opposé, n'atteignent pas l'organe de la conscience et

ne sont pas aperçus par conséquent consciemment.

Mais lorsque j'ai détruit le fornix même (fig. b, x z) chez un animal

qui survécut 5 jours à l'opération, on pouvait constater chez lui une perte

complète de la conscience et il mourut aussi dans cet état inconscient.

En terminant mon travail, je dois dire que beaucoup de choses nous

restent encore inconnues. Bien que mes essais ne soient pas assez nombreux'

et que beaucoup dequestionsy relatives aient besoin d'un éclaircissement

ultérieur, au moins la question capitale du substratum anatomique de

l'âme resp. de la conscience est résolue en général et. je suis parvenu à

tracer un plan général du substratum des fonctions psychiques incons-,

cientes et conscientes. . -

Je remercie chaleureusement mes assistants, M. e P i- i vi 1-Docen L D 1 m eil.

A. W. Leontowitsch et M. le Baron Dr E. E. Maydell, pour m'avoirprèté

leur assistance dans les présentes recherches expérimentales. .'

Kiew, juillet 1907.

24 TCHTIiIEV

LÉGENDES DES PLANCHES.

Planche I. 1"16. I. Cerveau d'un lapin, divisé en sections horizontales séparées

' prises d'en haut.

X. Lésion par la pointe de l'aiguille en forme de lance ; sa direction d'en haut à gau-

che (section droite inférieure X. vers en bas à droite, section gauche supérieure X.)

1. Fornix.

2. Nucl. caudatus. '

3. Nucl. lentiformis.

4. Thalamus opt.

5. Cornu Ammonii.

6. Commissura ant.

.... 7.oinmissura post. ? 8 : P ? tie inférieure du 3° ventricule.

9. Crus post.fornicis ad cornu Ammonii.

11. Taeniae thal. opt.

Fig. 2. Les mêmes,5 sections de cerveaux de lapins prises d'en bas. A. et les chif-

fres ont la même signification que précédemment.

FIG. 3. - Sections horizontales, prises d'en haut, inclinées un peu de droite à gauche

de l'hémisphère gauche du cerveau du chien.

X. Lieu de percement de l'aiguille de Bernhard ddns l'hémisphère gauche du grand

cerveau, un peu vers l'arrière de l'extrémité de l'embranchement transversal gauche

du sulcus cruciatus. Les nombres ont la même signification, que ohez les images

précédentes des sections du cerveau du lapin.

Fio. 4. Les 2 sections suivantes horizontales de l'hémisphère gauche du cerveau du

chien. ,

X. Les lésions provoquées par l'instrument.

10. Corpus callosum. ·

Planche II. FiG. 5. Les 2 sections horizontales suivantes de tout le cerveau du

chien.

Signification de X et des nombres comme précédemment.

FiG. 6. La même que fig. 5.

Planche III. - Fin. 7. La section suivante du cerveau du chien et les nombres ont

la même signification que précédemment.

Fia. 8. 2 sections horizontales du cerveau du chien, qui survécut à l'opération seu-

lement 5 jours.

la d'en haut.

Ib La même section d'en bas.

Fic. 9. La section suivante du cerveau du même chien, vue d'en haut. X et les

nombres, comme avant. La place en blanc désignée X provient de ce que le coagu-

lum était tombé.

Fig. 10. Les 2 sections suivantes horizontales du même chien.

la d'en haut.

Jb La même section, vue d'en bas.

X et les nombres comme avant.

Fic.. 11. - Les 2 sections horizontales suivantes du même cerveau de chien.

la d'en haut.

Ib La même section vue d'en bas.

X et tes nombres comme avant.

SOCIÉTÉ DE NEUROLOGIE DE PARIS 4

Séance du 9 janvier 1908

LE MÉCANISME DE LA CONTRACTURE

CHEZ LES SPASMODIQUES,

HÉMIPLÉGIQUES OU PARAPLÉGIQUES

PAR R

le D NOICA.

Avant d'exposer nos idées personnelles sur la physiologie pathologique

des contractures, nous tenons à résumer en quelques pages les théories de

nos devanciers ; elles ont été un guide précieux pour les recherches que

nous avons entreprises à ce sujet, et dans leur ensemble ont préparé

le terrain à de nouvelles investigations.

La théorie la plus ancienne est celle de Follin. Pour lui la contracture

est la déformation des membres provoquée par l'altération des muscles

ou par la rétraction des parties molles. Quoique celle théorie n'explique

pas'le mécanisme de la contracture, elle est bonne en ce sens qu'elle ex-

plique comment à la suite d'une longue contracture il se produit des

déformations définitives dans les attitudes des membres. Une autre théorie

est survenue après, attribuant le phénomène il la rigidité permanente et

chronique des muscles, et le plus ordinairement des muscles fléchisseurs.

C'est la théorie de Chomel. C'était reconnaître un fait, mais non l'expli-

quer. Le fait lui-même n'était pas complètement décrit : si au bras nous

avons une contraction des fléchisseurs, au membre inférieur nous avons

habituellement une contraction des extenseurs. Ilitzig ajoute encore,

comme critique à cette théorie, que si la contracture dépendait seulement t

d'une masse plus grande des muscles du côté de la flexion, il n'y pas de

raison pour qu'elle ne se voie pas aussitôt après l'apparition de la lésion

ou au bout de quelques jours, et pour qu'on ne la trouve pas dans les pa-

ralysies du nerf radical.

Duchenne de Boulogne attribue la contracture à une excitation ve-

nant du cerveau, l'excitation partant des parois du kyste hémorragique

cérébral qui sont enflammées. La première partie de la proposition nous

paraît vraie, prise absolument dans le sens général, mais la seconde,qui

veut localiser le point d'excitation dans les parois du kyste hémorragi-

26 » NOICA

que ne correspond pas à la réalité ( (). Voici la critique de M. Hitzig :

Si la contracture est la conséquence d'une irritation d'un corps étranger,

la contracture se fait lard, trois à quatre mois après l'hémorragie ; mais en

admettant que l'inflammation se produise si lard, pourquoi la contracture

persiste-t-elle des années et même s'aggrave-L-elle. Est-ce que l'inflam-

maLion persiste des années elle aussi ? et puis s'aggrave-t elle aussi avec

les années comme la contracture ?

Sauvages, Lallemand, Cratzeilltier, Andral, Dll1'and-Fa1'del, etc., sou-

tiennent que la contracture signifie une lésion de la convexité ou des ven-

tricules par un épanchement liquide. Nous ne disons pas qu'une de ces

lésions ne puisse pas produire de la contracture, surtout de la contracture

précoce, mais même dans le cas de contracture tardive, il ne suffit pas d'ex-

pliquer un phénomène en énonçant une lésion anatomique ; el puis, comme

dit Hitzig, il y a des autopsies très nombreuses de contractures sans épan-

chement supposé sur les surfaces libres du cerveau.

Todd (2) distingua le premier deux sortes de contractures : la contracture

précoce se produisant au moment de l'attaque ou bientôt après, et la con-

tracture tardive qui survient quelque temps après que les membres sont

restés à l'état flasque.

En résumé jusqu'à Bouchard la contracture, qu'elle soit précoce ou

qu'elle soit tardive, était regardée comme la conséquence d'un processus

irritatif siégeant dans l'encéphale et résultant soit de la pénétration du

caillot dans les ventricules ou sur la surface du cerveau, soit de t'encé-

phalite développée autour du foyer intracérébral.

Mais les études de Cruveilhier, Tiirk, Charcot et Turner, Charcot et

Vulpian, Gübler, Cornil et enfin et surtout celles de Bouchard (3) sont ve-

nues démontrer quedans les hémiplégies avec contracture tardive, il existe

une dégénérescence des faisceaux pyramidaux et qu'à la place de ces fais-

ceaux, il se produit un tissu conjonctif cicatriciel de réparation. Ce tissu

conjonctif irrite les cellules motrices des cornes antérieures de la moelle

du côté correspondant, d'où le phénomène de contracture. Que la dégéné-

rescence du faisceau pyramidal existe et joue un grand rôle dans le phé-

nomène de la contracture, on ne peut pas le contester, mais dire que le

tissu conjonctif (et l'on conteste aujourd'hui qu'il y ait là du tissu con-

jonclif) irrite les cellules motrices, personne ne l'admet plus. Le fait

(1) Il est bien entendu que par ce mécanisme Duchenne de Boulogne veut expliquer

les contractures tardives, du moment qu'il parle des parois du kysle.

(21 R B. Toun, Clirical lecl. on pnralysis, cerlam diseuses lof the brain and olhel'

affections of the nervous sstem. London, 1856 (cité par Bouciiaiid, Arch. de méd.,

OE/ech'f) o/'</te ? <e/'uous /s<eM. London, 1856 (cité par BouctiAhD, Arch. de mëd.,

1856, II, p. 216). '

(3) BOUCHARD, Des dégénérations secondaires de la moelle épinière. Arch. gén. de

méd., 1866.

LE MÉCANISME DE LA CONTRACTURE 27 1

que nous devons retenir c'est la découverte de cette lésion (dégénéres-

cence du faisceau pyramidal) et celle idée physiologique que pour qu'il

existe de la contracture il faut que les cellules motrices des cornes anté-

rieures soient excilées. La dégénérescence du faisceau pyramidal a une

grande importance dans le phénomène de contracture, parce qu'il prive

l'organisme de sa fonction, d'où production de contracture, mais cette dé-

générescence n'est pas indispensable parce que la contracture peut se pro-

duire sans elle. I ! faut seulement que les cellules cérébrales, d'où parlent

ces fibres, soient lésées ou que le faisceau soit interrompu dans son trajet

et l'organisme souffrira alors de son manque de fonction. M. Bouchard et

ses successeurs ont observé le l'ail analomo-pathologique et sa présence très

fréquente, et alors ils ont cru expliquer le phénomène de la contracture

par simple phénomène d'excitation, parce qu'ils étaient convaicus des

idées anciennes que la contracture est la suite d'une excitation; les anciens

disaient excitation du cerveau ; Bouchard dit excitation de la moelle.

A celte époque d'autres auteurs comme Leubnscher, Luys (1), Cornil l

et Charcot (2) attribuaient la contracture aux lésions des nerfs qu'ils cons-

talaient dans les membres paralysés. Mais Bouchard a répondu à cette

théorie que si la contracture est la règle dans les hémiplégies anciennes,

la névrite périphérique est l'exception.

Les constatations de Bouchard s'affirmaient d'autant plus que dans la

sclérose en plaques, dans le tabès combiné,dans la sclérose latérale amyo-

trophique, dans toutes ces maladies qui s'accompagnent de contracture,

on voit une lésion de dégénérescence des faisceaux pyramidaux.

On a cru un moment que le phénomène de la contracture tardive était

expliqué, quand survinrent les cas de paraplégie spasmodique sans lésions

dégénératives des faisceaux pyramidaux de Babinski, Sc1mlt ? e, Fraenkel,

Philippe et Cestan,Cestan,F. Raymond, F. Raymond et S.A. Sicard,etc.,et

vice-versa les cas de compression médullaire ou de section totale de la

moelle cervico-dorsnle avec phénomènes de paraplégie flasque et lésions

dégénératives du tissu pyramidal de Bastion, Bruns, Thorbum, Van Geliuch-

ten, Kadtaer, Weiss, Iahler et Pick, Egger, Schwartz, Tooth, Ormerod,

Bowlby, Sano, Se7ator, etc., etc.

Donc la dégénérescence du faisceau pyramidal n'est pas la cause de la

contracture. Faut-il déduire de cela que la théorie n'était pas bonne ?

quand dans la grande majorité des cas de contracture on trouve cette lé-

sion du faisceau pyramidal ; croit-on qu'on puisse contester son impor-

tance ?

(1) Contributions à l'étude des contractures liées à une altération du système ner-

veux périphérique . Gaz. méd., 1859.

(2) Comptes-rendus de la Soc. de biologie, 1863, p. 107.

28 NOICA

Brissaud (1), défenseur convaincu de cette théorie de Bouchard,montra

par ses expériences célèbres,' que si on serre un membre contracturé à sa

racine, avec uhebande d'Esmarch, on fait disparaître en vingt minutes la

contracture existant chez un malade depuis des années. Donc la contrac-

ture d'un muscle est un état permanent d'activité, puisque la contracture

en général est l'exagération du tonus permanent des muscles, par l'exci-

tation du tissu conjonctif du cordon latéral sur les cornes antérieures de

la moelle. Ce qui conduit M. Brissaud à admettre, d'accord avec son maî-

tre Charcot,que la contracture est un état de strychnisme permanent delà

moelle.

Charcot (2) a bien vu que la contracture, quoique coïncidant avec une

dégénérescence du faisceau pyramidal,n'est pas la conséquence de celle-ci,

il a vu également que la dégénérescence peut exister sans qu'il y ait de la

contracture et vice-versa. Mais exposons ici la théorie même de Clarcot(3).

Elle rapporte la contracture permanente dite tardive surtout à la dégé-

nérescence secondaire ou à la sclérose descendante du faisceau pyramidal.

Mais d'après Charcot, cette contracture n'est pas, si l'on peut s'exprimer

ainsi, fonction de la sclérose du faisceau, pyramidal. La contracture

est un symptôme contingent et non pas un symptôme nécessaire de la

dégénérescence du faisceau pyramidal. Dans la règle il est toujours

présent, mais il peut fort bien arriver qu'il fasse défaut, alors même

que la sclérose latérale existe, qu'il se manifeste quand la sclérose

n'existe pas. On conçoit en effet, dit Charcot, que l'irritation des cellules

nerveuses qui provoque la contracture s'établisse primitivement ou comme

conséquence des lésions autres que celles des cordons latéraux. Il en

résulte que la cause fondamentale de la contracture spasmodique serait

l'excitation des cellules motrices des cornes antérieures de la moelle,

irritation analogue à celle que produit la strychnine, mais plus durable.

Il y aurait donc identité des résultats entre le strychnisme expérimental

et le strychnisme spontané, comme Charcot caractérise l'état tétanique

des cellules des cornes antérieures dans ces cas de contracture.

En somme la contracture des hémiplégiques n'est pas, pour le célèbre

neurologiste, le résultat d'une rigidité passive, ainsi que le croyait Follin ;

elle relève au contraire d'un état d'excitabilité musculaire exagérée. C'est,

on n'en saurait douter, dit Charcot, un phénomène comparable à la con-

(1) BRISSnCD.Recherches a71(ilorno-palholoqiqiies el physiologiques sur la conhacture

permanente des hémiplégiques. Thèse de doctorat, 1880

(2) CIIARCOT, Leçons sur les loculisaliims dans les maladies du cerveau el de la moelle

épinière. OEuvres complètes, t. IV, p. 339.

(3) Reproduit d'après Marinesco, Semaine médicale, 1898, p. 408. ,

LE MÉCANISME DE LA CONTRACTURE 29

fracture durable, seulement c'est une contraction durable permanente.

Charcot et Vulpian poussent plus loin la question et reconnaissent que le

faisceau pyramidal contient aussi des fibres inhibitrices, ce qui explique

pour eux la contracture des hémiplégiques hystériques, par la perte du

pouvoir inhibiteur du cerveau sur les cellules motrices de la moelle.

Ceci nous fait passer à la théorie de M. Pierre Marie (1).

« N'y aurait-il pas lieu de se demander plutôt si le rôle du faisceau

pyramidal ne serait pas un rôle d'arrêt analogue, toutes proportions

d'arrêt gardées, à celui du pneumogastrique sur le coeur ? Dans cette se-

conde manière d'envisager les choses, la substance grise médullaire serait

encore la véritable machine motrice, mais une machine motrice toujours

sous pression, toujours apte à fonctionner. Le faisceau pyramidal aurait

pour mission de servir de frein à cette machine, d'empêcher son fonction-

nement intempestif et incessant. Si la volonté intervient poursutpe6rrdre

temporairement cette action inhibitrice dans les fibres de ce faisceau qui

correspondent aux centres de la substance grise, préposés à la contraction

de tel ou tel muscle, aussitôt ces muscles se contractent par l'exécution du

mouvement qui a été désiré. Si, au contraire, cette action inhibitrice est

suspendue d'une façon permanente, par suite de la destruction des fibres

du faisceau pyramidal, la machine privée de son frein fonctionne indé-

finiment, la contraction musculaire due à ce fonctionnement est comme lui

interrompue, la contracture survient et persiste. »

Il y a dansja théorie de M. Marie deux idées, l'une que la substance

grise médullaire est une véritable machine motrice sous pression, l'autre

que le faisceau pyramidal joue le rôle d'inhibiteur, rôle qui lui avait

été attribué déjà par Charcot.

Nous pensons que ce rôle d'inhibition existe et que son absence joue

un grand rôle dans le phénomène delà contracture ; mais M. Marie, quoi-

qu'il reconnaisse que les centres moteurs médullaires se trouvent en état

d'excitation exagérée au cours de la contracture, ne se demande pas d'où

vient cette excitation comme Charcot et Vulpian ; il ne croit pas à une

excitation par le tissu conjonctif du faisceau pyramidal dégénéré ; pour

M. Marie le centre médullaire est excité exagérément, parce que les cen-

tres moteurs médullaires sont comme « une machine motrice toujours sous

pression, toujours apte à fonctionner.» La comparaison n'est pas tout à fait

exacte, nous verrons plus tard ce qui excite les cellules motrices de la

moelle.

Mya et Levy, Rïtssell, Freud, Massatollgo adoptèrent la théorie de P.

Marie.

(1) Prenne MAME, Leçons sur les maladies de la moelle, 1892, p. 24.

30 NOICA

Jusqu'ici il nous paraît qu'on peut résumer les travaux que nous

avons exposés en deux mots : au cours de la contracture les centres

moteurs médullaires sont en état d'excitation, la force inhibitrice ou

frénatrice du cerveau sur ce centre est diminuée, enfin dans la très

grande majorité des cas de contracture tardive on constate à l'autop-

sie une dégénérescence des faisceaux PY1 anidaicx.

Passons maintenant à l'étude des mouvements associés. qui présente les

plus grands rapports avec la compréhension du mécanisme de la contrac-

ture, et qui est due au grand observateur et expérimentateur de la neuro-

logie moderne, le professeur Hitzig (1).

M. Hitzig a fait plusieurs constatations cliniques de haute valeur et il a

fait ressortir, lui-même, leur importance, pour expliquer le mécanisme de

la contracture.

La simple disparition de la contracture n'apparaît qu'au bout d'une lon-

gue période de maladie ; régulièrement après un repos prolongé et sur-

tout après le sommeil de nuit. Tant que les malades, même après le ré-

veil, restent tranquilles au lit, leurs membres restent mous et flexibles.

Hitzig donne des exemples de mouvements associés : Chez un malade

avec une contracture apoplectique légère du côté droit : « chaque fois que

je lui laisse soulever avec la main gauche un objet lourd, il referme rigi-

dement le pouce et l'index de la main droite qui sont aulrementassez flexi-

bles ; etc.» et alors il arrive à cette conclusion : « Il est bien clair que ces

mouvements involontaires apparaissent dans les membres plus ou

moins paralysés el ce que nous appelons contracture doit être consi-

déré comme mouvements associés. »

L'auteur observe que les hémiplégies infantiles sont très favorables

pour l'étude des mouvements associés. Ces mouvements apparaissent sur-

tout pendant la marche et dans la station debout et ils disparaissent com-

plètement par suite d'un repos absolu.

D'un autre côté ces mouvements associés peuvent être renforcés égale-

ment par l'emploi des impulsions volontaires plus fortes. On peut les cons-

tater facilement lorsqu'on donne aux enfants des poids de différentes gran-

deurs dans la main. Plus lourds sont ces poids, plus grande est l'étendue

des mouvements associés, anormaux, ainsi que leur intensité.

Où sont localisés ces mouvements ? où est leur siège de production ? '

Hitzig et Fritch ont montré par l'extirpalion du cerveau chez le chien,

que la coordination des mouvements volontaires est en corrélation avec

l'intégrité de certaines régions corticales et que les pertes de la subs-

tance cérébrale correspondant il un membre produisent de l'ataxie dans

(1) Von D'En. EIITZIG, Ueber die Anffasiung einiger Annmalien de,' Muskelilll1e¡ j

vation. Archiv fiir Psychiatrie und Nervenkraukheiten, 3 Band, 1812, p. 312.

LE MÉCANISME DE LA CONTRACTURE 31

ce membre, et même des troubles de la motilité volontaire chez l'homme.

Mais si ces mouvements volontaires sont perdus chez l'homme par une

lésion du cerveau, nous voyons qu'il existe encore des mouvements asso-

ciés, comme chez les animaux ; d'où il suit que l'homme doit aussi

avoir des centres de mouvements associés, qui doivent être situés au-

dessous du cerveau.

Hitzig, fort de ces connaissances d'analomie comparée, fait cette hypo-

thèse :

« Mais admettons par contre que pendant les processus morbides il se

développe un état d'excitalion quelconque dans les organes centraux des-

tinés aux mouvements associés, par lesquels la distribution des impulsions

échappe il la régularité par la volonté, alors de celte façon on peut ex-

pliquer tous les faits. »

En somme Hitzig en vient, après avoir montré que la contracture est

un mouvement spasmodique associé, à se dire qu'il est des centres dans

le système nerveux qui sont excités pendant la contracture, d'où un état

d'excitation, ce que disaient également Charcot et Bouchard.

Mais Hitzig ne constate pas de mouvements associés chez les adultes

et croit que c'est parce que l'hémiplégie chez eux est la conséquence sur-

tout des lésions des ganglions centraux, qui sont pour lui les centres des

mouvements associés.

Par contre Westphal a publié une observation d'hémiplégie chez

un adulte avec mouvements associés (1) et rappelle dans son article de

1874. (2) une observation analogue d'Otaiaus,publiée le 27 septembre 1873

dans la Gazette médicale. Pitres parle aussi des mouvements chez les hé-

miplégiques (3) et fait faire là dessus une thèse très intéressante par son

élève Camus (4). Voilà encore un fait acquis : au cours des hémiplégies

il existe chez les adultes, comme chez les enfants, des mouvements asso-

ciés, mais Westphal, Onimus, Pitres et Camus ne parlent pas, comme

Hitzig, du rapport entre ces mouvements et la contracture. Mais les mou-

vements associés ne pouvaient pas faire comprendre tout le mécanisme de

la contracture, parce que les mouvements associés se trouvent chez des

personnes malades qui n'ontpasde contracture et même chez des per-

sonnes saines.

(1) Soc. médico-psychologique, 17 décembre 18 îo.

(2) Westphal, Ueber eimge Bewegl/lI[Js-1 ? schinulIgen an gelahmten Gliedern. Arch.

Psych. und Nervenkrankheiten, 1874, p. '747.

(3) Pitres Notes sur l'étal des forces chez les hémiplégiques. Archives de Neuro-

logie, n° 10, 1882.

(4) Camus A., Des mouvements involontaires provoqués dans les membres paralysés

des hémiplégiques par les mouvements volontaires des muscles non paralysés. Thèse

de Bordeaux, 188o.

32 - NOICA

Parmi les auteurs qui ont étudié ces mouvements il l'état normal un

des premiers fut Millier (1 ). Quant au centre qui produitces mouvements,

cet auteur parait le considérer comme médullaire, l'intervention des cen-

tres encéphaliques et de la volonté ne tendant qu'à les faire disparaître :

« L'éducation seule nous apprend à isoler l'influence nerveuse quand nous

exécutons un mouvement volontaire, de telle sorte qu'elle ne se concentre

que sur une certaine somme de fibres primitives partant du cerveau...

- Le mouvement associé se remarque surtout chez les personnes qui man-

quent d'exercice, et le but de l'exercice ou de l'éducation des mouvements

musculaires est en partie d'apprendre à isoler le principe nerveux sur

des groupes particuliers des fibres. Le résultat de l'exercice est donc, par

rapport aux mouvements associés, d'éteindre la tendance à leur repro-

duction. »

Mais cette influence de la volonté devenait impuissante à isoler le mou-

vement dans tous les cas où l'excitation se faisait sentir avec un certain

degré d'énergie, que l'excitation volontaire fût elle même très énergique,

ou que les centres nerveux, sous l'influence d'un processus pathologique,

eussent acquis une irritabilité plus grande.

Telle est encore l'opinion de Vulpian (2) : « Il est clair que, du côté

où a lieu le mouvement volontaire, l'excitation part de l'encéphale, et va

mettre en activité l'ilot de substance grise de la moelle d'où naissent les

fibres nerveuses destinées aux muscles fléchisseurs ; mais pour les mus-

cles du côté opposé, qui se contractent par syncinésie, l'excitation est

tout entière d'origine médullaire ; c'est de l'îlot de la substance grise mé-

dulU ire, mis en activité par l'incitation volontaire, que part le stimulus

qui va exciter les îlots homologues de la substance grise de l'autre moitié

de la moelle... » *

Unverricht montre que les mouvements bilatéraux, symétriques, asso-

ciés, des extrémités existent chez les hémiplégiques, les hystériques, les

enfants normaux et chez les adultes normaux.

Ferré écrit : « Lorsque l'on écrit de la main droite, il ne se passe dans

la main gauche aucun mouvement appréciable ni pour celui qui écrit ni

pour ceux qui l'observent ; mais si une main étrangère s'oppose au mou-

vement de la main droite, le sujet en expérience sent bientôt des mouve-

ments dans la main gauche, et les assistants peuvent les constater. »

Damsch a rapporté deux cas de mouvements associés, chez des sujets

dont la motilité était intacte.

Kônig (Daldorf) a observé les mouvements associés chez les enfants

(1) MuLLER, Manuel de physiologie. Traduit de l'allemand par J. L. Jouaow, 2, éd.,

t. Il, p. 86. Cité d'après Camus. '

(2) VULPIAN, Article Moelle. Dictionnaire Dechambrr, 528.

LE MÉCANISME DE LA CONTRACTURE 33

idiots, paralysés ou non, aussi bien dans les cas de lésion de l'écorce du

cerveau que dans ceux des lésions des ganglions de la base.

Katz (1) a fait les mêmes observations.

En résumé la présence des mouvements associés chez des personnes

non atteintes de lésions du faisceau pyramidal, était la preuve la plus

évidente que les mouvements associés n'expliquaient pas la contracture,

et pour l'expliquer on revenait aux idées de Charcot, Vulpian, Bouchard,

Brissaud, etc., que la contracture était la conséquence de l'irritation du

tissu conjonctif qui suit la dégénérescence du faisceau pyramidal, ou

simplement de celle-ci. D'où, d'accord avec les physiologistes, on concluait

que chez l'homme dans les cas de lésion transversale complète de la

moelle, dans la région cervicale ou dorsale supérieure, l'homme est atteint t

de paraplégie spasmodique, c'est-à-dire de contracture et d'exagération

des réflexes tendineux.

Les choses paraissaient bien établies quand Bastian est venu démontrer

par des faits cliniques qu'à la suite de sections complètes de la moelle,

le malade, s'il vit encore, présente delà paraplégie flasque. Alors tout

paraît tomber, et la clinique ancienne, et la physiologie.

Bastian démontre que s'il n'y a pas de communication entre le cerveau

et la moelle il n'y a pas de contracture, d'où les conclusions suivantes de

Bastian (2) :

«1° Nous pouvons admettre que dans les conditions ordinaires, le cerveau

envoie à la moelle des impulsions vagues et diffuses, nécessaires à l'acti-

vité fonctionnelle propre des centres renfermés dans la moelle. Cette

explication suffit pour interpréter les phénomènes négatifs : l'abolition

des réflexes et l'abolition de la rigidité ; mais elle ne rend pas compte de

ce phénomène positif : l'exagération des réflexes et la rigidité musculaire,

ou la contracture, dans les cas où l'influence des hémisphères cérébraux

est seule suspendue comme dans l'hémiplégie ;

« 2° Nous pouvons supposer que l'étal spécial des muscles que nous ap-

pelons tonus musculaire est surtout dû à l'influence que le cervelet exerce

sur les centres médullaires. Il est très possible que l'abolition de l'influence

que l'écorce cérébrale exerce sur certaines parties de la moelle épinière

permet à l'influence cérébelleuse d'exciter ces parties plus fortement que

dans les conditions normales. Dans ces cas il s'agirait d'une action non

contrebalancée de l'énergie cérébelleuse. ZD

« Par quelles voies s'exercerait cette action du cervelet sur la moelle,

action antagoniste de celle du cerveau ? Il n'y a que deux routes possibles :

(1) Usverricht, Ferré, D,uscv, KÕNIG, Iinxz, cités d'après Souny, p. 1050.

(2) Cité d'après VAN Gehuchten, L'exagération des réflexes el la contracture. Journ.

de neurologie, 1897.

xxi 3 '

34 N01CA

le faisceau en virgule de Schultze et une voie diffuse à travers la subs-

tance grise. »

Jackson, Thorium, Bruns, Rischoff, Crocq, Marinesco, etc. soutiennent

la même théorie.

Van Gehuchten (1) se rattache aussi à la loi de Jackson-Bastian, mais

avec une certaine modification. Le neurologiste de Louvain considère que

la contracture de la paraplégie spasmodique est différente comme méca-

nisme de celle de l'hémiplégie. Pour Van Gehuchten (2) : « la contracture

-de la paraplégie spasmodique, résultat de l'exagération du tonus muscu-

laire, est l'effet de l'interruption des courants de la voie directe cortico-

spinale aux cellules radiculaires de la moelle ; soustraites ainsi à l'action

inhibitrice, au frein d'arrêt, des neurones du téléencéphale qui sont les

cellules d'origine des fibres du faisceau pyramidal, et abandonnées aux

stimulations des fibres constitutives de la voie indirecte cortico-ponto-

cérébello-spinale. » , 1

Au contraire pour Van Gehuchten la contracture post-hémiplégique

a une tout autre explication. Elle est la contraction des fléchisseurs qui

prédomine sur celle des extenseurs. Quoique les deux soient paralysés,

les fléchisseurs l'étant moins que les extenseurs, la contracture se fait du

côté des fléchisseurs.

« Si, en effet, l'hémorragie détruit toutes les fibres capsulaires desti-

nées au membre supérieur, par exemple, la paralysie consécutive se

montrera au même degré dans le groupe des muscles extenseurs et dans

le groupe des muscles fléchisseurs. Cette hémiplégie restera flasque.

Si, au contraire, l'hémorragie respecte quelques-unes des fibres capsulai-

res destinées aux membres supérieurs, la paralysie n'envahira pas au

même degré tous les muscles correspondants : si elle prédomine dans le

groupe des muscles extenseurs, la contracture amènera le type de flexion ;

si, au contraire, elle prédomine dans le groupe des muscles fléchisseurs,

la contracture amènera le type d'extension. »

Faisons ici un peu de critique. Quant M. van Gehuchten dit que le

mécanisme de la contracture chez les hémiplégiques s'explique par la

contracture plus forte (prédominante) des muscles fléchisseurs, il ne dit

rien de nouveau ; cette théorie a été la première dans la science pour

expliquer le mécanisme de la contracture. Mais personnelle ou non, elle

ne fait que constater un fait : au membre supérieur la contracture se

fait en flexion parce que les fléchisseurs sont plus forts même normale-

ment que les extenseurs, et au membre inférieur la contracture se fait

(1) V. VAN GE11UCIiTEN, Anatomie du système nerveux de l'homme. Louvain, 1897,

p. 869-874.

(2) SOCRY, p. 1131.

LE MÉCANISME DE LA CONTRACTURE 3

en extension, parce que même à l'état normal les extenseurs du membre

inférieur sont plus forts que les fléchisseurs . M. van Gehuchten va plus

loin que les anciens, il veut expliquer le fait par l'anatomie, malheureu-

sement il ne peut pas le prouver par des pièces. Mais peut-on admettre

cette théorie anatomique de M. van Gehuchten ?

Si un jour l'hémorragie produit une lésion plus forte sur les fibres cap-

sulaires correspondant aux extenseurs, il y aura contracture du bras en

flexion, qu'un autre jour elle atteigne plus fortement les fibres correspon-

dant au groupe des fléchisseurs, on verra se produire la contracture en

extension. Le même raisonnement peut s'appliquer à la contracture des

membres inférieurs. Nous pouvons encore moins expliquer pourquoi dans

la presque totalité des cas chez l'adulte, la contracture se produit en flexion

du membre supérieur et en extension au membre inférieur, car est

curieux que l'hémorragie, sur le même hémisphère, semble ainsi détruire

certaines fibres plutôt que d'autres.

La théorie de van Gehuchten ne peut donc pas nous satisfaire.

Mais si nous résumons la théorie de Bastian-Jackson : à l'état normal

le cervelet excite les cellules des cornes antérieures et le cerveau inhibe

ces excitations, et s'il survient une lésion qui empêche l'influence du

cerveau, alors le cervelet reste seul et excite la moelle, d'où le tonus

exagéré (la contracture), d'où les réflexes tendineux exagérés ; et si toute

la moelle est sectionnée à la région cervicale, c'est-à-dire les deux voies

qui conduisent les actions, celles du cerveau et celles du cervelet, nous

avons alors la paraplégie flasque, plus de contracture, plus de tonus, plus

de réflexes tendineux exagérés. M. van Gehuchten a apporté cette modi-

fication que l'excitation vient du cerveau, par les voies cortico-ponto-

cérébello-spinales.

Mais alors cette théorie, n'est pas étrangère aux premières. Dans la loi

de Jackson-Bastian, nous voyons aussi qu'il y a une excitation des cel-

lules motrices médullaires, comme dans la théorie de Charcot-Bouchard- '

Vulpian-Brissaud ; seulement tandis que pour ces derniers c'était le

tissu conjonctif de cicatrice qui remplaçait la dégénérescence du faisceau

pyramidal et qui irritait les cellules médullaires, pour Jackson, Bastian

et les autres c'est le cervelet, ou même le cerveau d'après van Gehuch-

ten. Il y a encore dans la théorie de Jackson-Bastian le principe d'inhi-

bition que le cerveau a sur le tonus, et qui dans la contracture a dis-

paru. C'est ce que les anciens, Charcot, etc. ont vu aussi, et ce qui pour

Marie était tout, du moment que le cerveau ne pouvait plus inhiber,

la machine sous pression se mettait à marcher exagérément d'elle-même.

Mais s'il y a une grande ressemblance, il y a tout de même cette grande

différence que, d'après Jackson et Bastian, pour qu'il y ait contracture

36 . NOICA

il faut absolument que la communication entre l'encéphale et la- moelle

existe, autrement pas d'excitation du cervelet, ou du cerveau (van Ge-

huchten) ; tandis que d'après Charcot-Bouchard du moment qu'il y avait

la sclérose, la moelle pouvait être séparée de l'encéphale. La différence

est énorme. La théorie de Jackson-Bastian se rapproche de celle de Hit-

zig, ou concorde avec les J'ails de Hitzig, pour qui, afin que la con-

tracture existe, il faut que le malade présente des mouvements associés,

et qui dit mouvements associés par mouvement volontaire du côté sain,

dit excitation, dit liaison entre l'encéphale et la moelle.

Et avec tous ses progrès, le mécanisme de la contracture n'était pas en-

core compris, et voilà ce que disait notre maître M. Dejerine, il n'y a pas

longtemps (1) :

« En résumé presque toutes les théories sur la contracture ont le défaut

de ne s'appliquer qu'à un certain nombre de faits, et d'être en contradic-

tion avec d'autres. Avant de pouvoir expliquer clairement un phénomène

tel que la contracture, il serait nécessaire d'être mieux renseigné sur la

physiologie normale de la moelle; nous sommes prévenus d'autre pari

que la physiologie expérimentale ne nous sera que d'un faible secours

pour étudier le mécanisme de la contracture.

plutôt qu'en faveur de telle autre, et il est préférable d'approfondir en-

core les faits avant de vouloir les interpréter. »

(1) Traité de pathologie générale, t. V, p. 731, 1901. Î

HOPITAL CANTONAL DE GENÈVE

LABORATOIRE DE M. LE PROft'E ? J'SEUR BARD.

10 MONOPLÉGIE CRURALE .

PAR LÉSION DU LOBULE PARA CENTRAL ·

2° LÉSION ÉTENDUE DE LA RÉGION ROLANDIQUE,

D'ORIGINE INTRA-UTÉRINE

SANS HÉMIPLÉGIE CONSÉCUTIVE.

(CONTRIBUTION A L'ÉTUDE DES FONCTIONS DE LA ZONE MOTRICE DU

CERVEAU ET DES DÉGÉNÉRESCENCES SECONDAIRES DE SES FIBRES

DE PROJECTION) (1).

PAR

E. LONG

(de Genève).

Les observations anatomo-cliniques qui suivent se rapportent toutes deux

à des destructions partielles de la zone motrice du cerveau. Dans l'une la

lésion s'est produite à un âge avancé, dans l'autre elle a été très précoce,

et par comparaison on peut se rendre compte de l'importance que pren-

nent les phénomènes de suppléance dans l'étude des localisations cérébra-

les. L'examen histologique en coupes sériées montre dans ces deux cas la

délimitation exacte des régions détruites et des anomalies intéressantes

des dégénérescences consécutives à ces lésions secondaires cérébrales.

Observation I

Résumé : Monoplégie crurale, à début brusque, chez un vieillard de 74 ans.

Cinq ans de survie sans amélioration notable.- Ramollissement de l'écorce

du lobule paracentral et de la partie postérieure de la circonvolution Fui,

Dégénérescence secondaire descendante de la voie pyramidale corres-

pondante, visible jusque dans le renflement lombaire, mais constituée dans

la capsule interne. le pied du pédoncule cérébral et l'isthme de l'encéphale

par un simple tassement des fibres saines sans sclérose interstitielle.

(1) Communication faite à la Société de Neurologie de Paris, séance du 7 novem-

bre 1907. .

38 LONG

Vauch... Jean, cordonnier, né en 1826, entré le 11, juin 1900 à l'Hôpital

cantonal de Genève, dans le service de M. le professeur Bard.

Résumé de l'observation prise par le Dr Machard, assistant :

Antécédents. -V. n'a fait antérieurement qu'un court séjour à l'hôpital, en

1898, pour troubles urinaires (hypertrophie de la prostate). En 1899, après

un refroidissement, il a souffert de douleurs rhumatismales dans les bras et les

jambes et surtout au pied gauche.

La maladie actuelle remonte au 13 mai 1900. Etant assis dans un jardin

public, V. sent une vive douleur dans la jambe gauche ; il rentre chez lui en

marchant avec peine et reste alité jusqu'à son entrée à l'hôpital.

Etat actuel :

Motilité : Pas de paralysie de la face, ni des membres supérieurs, ni du

membre inférieur droit. Le membre inférieur gauche est faible ; la jambe ne

peut être ni fléchie, ni étendue complètement. Le pied reste dans la position

équin varus, le gros orteil relevé. Le malade ne peut se tenir debout, ni mar-

cher sans soutien ; le pied gauche traîne et repose sur le sol par son bord

externe.

Réflexes patellaires exagérés. Pas de clonus du pied. Signe de Babinski

positif à gauche.

Sensibilité : Il n'y a pas du diminution nette de la sensibilité cutanée ou

'profonde du membre inférieur gauche. On note même un certain degré d'hy-

peresthésie des membres inférieurs ; d'autre part dans les mouvements passifs

et dans la marche, le malade se plaint de souffrir de son pied, et'de sa jambe

gauches et, même au repos, il a parfois des douleurs spontanées. On sent des

craquements articulaires dans les genoux et on observe un peu d'atrophie

des muscles de la cuisse; les phénomènes douloureux signalés par le malade

sont donc probablement de nature rhumatismale ; ils existaient d'ailleurs déjà

avant l'ictus.

Dans les mois qui suivent il n'y a pas grand changement dans l'état de la

paralysie ; la marche est presque impossible à cause de l'impotence du mem-

bre inférieur gauche.

, Déclaré incurable, V. est admis le 22 janvier 1901 à l'asile de Loëx, où il

reste jusqu'à sa mort, survenue le 17 janvier 1905, à l'àge de 79 ans. Le

Dr Dutrembley, médecin de l'asile, a constaté la persistance de la monoplégie

crurale. Le malade ne se déplaçait qu'en s'aidant de ses bras restés indemnes,

en s'appuyant sur des cannes ou sur les meubles et en traînant sa jambe

gauche.

Autopsie.

Le diagnostic posé, pendant la vie, de lésion de la région rolandique

supérieure, est confirmé par la constatation d'un foyer de ramollissement,

bien localisé, occupant sur la face interne ce l'hémisphère droit le lobule pa-

racentral et la partie postérieure de la circonvolution Fi (PI. IV, B). Cette

lésion respecte la forme générale de la région paracentrale, car elle est très'

MONOPLÉGIE CRURALE ET LÉSION DE LA RÉGION ROLANDIQUE 39

superficielle et laisse subsister. des îlots de substance corticale au milieu des

parties nécrosées. Elle n'empiète que très peu sur la face externe de l'hémi-

sphère.

L'hémisphère droit présente encore un foyer de ramollissement, cortical

également, et placé sur la face externe du lobe occipital, où il occupe la cir-

convolution 02 et la partie postérieure de Ti.

L'hémisphère gauche est indemne de toute lésion, superficielle ou pro-

fonde.

Examen histologique

Coupes microscopiques sériées, de l'hémisphère droit, de l'isthme de

l'encéphale et de plusieurs segments médullaires.

L'hémisphère droit, après durcissement, a été divisé pour l'inclusion en

deux segments d'inégales dimensions.

Le segment antérieur, comprenant le lobe frontal jusqu'au genou du corps

calleux, est débité en coupes vertico-transversales. Il ne contient pas de lésions

primitives et la méthode de Weigert-Pal n'y montre pas de dégénérescences

secondaires.

Le reste de l'hémisphère est débité en coupes horizontales. Nous résumerons

l'examen des coupes sériées en étudiant séparément la localisation des lésions

et les dégénérescences secondaires. ,

A. Localisation des lésions.

En se reportant à la planche IV, B, on voit que les coupes horizontales les

plus élevées atteignent bientôt les circonvolutions Fa et Pa, avant leur réunion

dans le lobule paracentral (Parc).

A ce niveau (fig. 1) la nécrose a détruit : 1° la partie supérieure, la pointe

seulement,de Pa ; 2° une plus grande étendue de Fa, non seulement son ex-

trémité supérieure, mais encore sa face antérieure, dans le sillon qui sépare

cette circonvolution de la première frontale ; 3o la partie postéro-interne de la

première frontale (mF1).On trouve en outre quelques petits foyers de nécrose

superficielle dans l'écorce.de la circonvolution If2.

Plus bas, lorsque les circonvolutions Fa et Pa se sont fusionnées dans le

lobule paracentral, les lésions destructives gardent la même répartition géné-

rale (fig. 2) ; plus étendues et plus profondes dans la partie postéro-interne de

la première frontale et dans la partie du lobule paracentral qui constitue le

prolongement de Fa, elles s'atténuent dans la zone qui ressortit à la circonvo-

lution Pa : cette dernière n'est en somme détruite que dans sa partie anté-

rieure. Le précuneus (PrC) qui apparaît derrière le lobule paracentral n'a que

des lésions de faible importance. °

On remarqué d'autre part sur cette coupe (fig. 2) que les lésions de nécrose

restent superficielles. et ne s'étendent pas au delà du cortex et de la substance

blanche immédiatement sous-jacente. Cette disposition persiste sur toute la

hauteur du lobule paracentral. Il en résulte que, sur la face externe de l'hémi-

sphère, la partie moyenne des circonvolutions Fa et Pa reste indemne ; les

40 LONG

lésions de la face interne n'ont même pas pénétré assez profondément dans la

substance blanche pour couper les fibres de projection qui descendent de cette

région externe ; ainsi s'explique l'intégrité des mouvements du membre supé-

rieur.

En suivant sur la série des coupes les lésions de la région paracentrale, en

voit qu'elles se terminent en bas dans la profondeur du sillon calloso-marginal,

en entamant un peu la circonvolution limbique et aussi les faisceaux les plus

élevés de la partie convexe du corps calleux. En avant et en arrière elles con-

servent les mêmes limites.

Dans le reste de l'hémisphère on ne relève que deux autres lésions primi-

tives, qui ne peuvent, de par leur situation, être mises en cause pour expli-

quer la monoplégie crurale.

FiG. 1. - Coupe horizontale passant par la partie supérieure

des circonvolutions rolandiques.

Fic. 2. - Coupe horizontale passant par le partie inférieure du lobe paracentral.

MONOPLÉGIE CRURALE ET LÉSION DE LA REGION ROLAXDIQUE 41

La première, déjà signalée, est placée sur la face externe du lobe occipital,

au niveau de la circonvolution °2' Dans la profondeur elle arrive au contact

de la cavité ventriculaire, coupant une partie des radiations thalamiques

postérieures, dont la dégénérescence secondaire peut être suivie jusqu'à la

couche optique, au-dessus du pulvinar et du corps genouillé externe.

L'autre foyer de nécrose, de très petites dimensions, est placé à l'extrémité

supéro-antérieure du noyau caudé ; il atteint au passage quelques faisceaux du

segment antérieur de la capsule interne.

B. Dégénérescences secondaires.

Les dégénérescences secondaires consécutives à la lésion de la région

paracentrale portent : 1° sur les fibres courtes d'association qui vont aux

régions avoisinantes de écorce cere-

brale ; 2° sur les fibres de projection.

En suivant, sur les coupes sériées,

le trajet de ces dernières, nous avons

observé une particularité intéressante :

bien visibles à leur point de départ,

au-dessous du Parc (v. fig. 2), ces dé-

générescences secondaires se retrou-

vent ensuite dans ia couronne rayon-

nante., où elles sont indiquées par un éclaircissement du feutrage des fibres

qui s'y entrecroisent en tous sens.

Au pied de la couronne rayonnante on voit encore une raréfaction des fibres

verticales dans le secteur postérieur qui correspond à la projection des fibres

de la région rolandique supérieure. Mais déjà dans la partie supérieure de la

capsule interne on ne distingue plus, avec la méthode de Weigert-Pal, des

espaces clairs indiquant la présence du tissu de sclérose qui remplace habi-

tuellement les fibres dégénérées ; et dans la région qu'ils devraient occuper,

c'est-à-dire dans le quart postérieur du segment postérieur de la capsule in-

FIG. 3. Pédoncule cérébral droit.

Fio. 4. partie inférieure du bulbe

rachidien.

42 LONG

terne, il n'y a qu'une diminution à peine appréciable du volume de la masse

des fibres de projection.

Cette anomalie se retrouve sans interruption sur toute la hauteur de la

capsule interne, dans le pied du pédoncule cérébral et dans l'isthme de l'en-

céphale.

La figure 3 représente la coupe du pédoncule cérébral droit (retournée par

erreur). Il n'y a pas de bande scléreuse à l'union des deux tiers internes et du

tiers externe du pied du pédoncule, 'zone qui livre passage aux fibres de pro-

- jection de la partie supérieure de la zone corticale psycho-motrice.

La figure 4 représente une coupe passant par la partie inférieure du bulbe,

à la fin de l'entrecroisement de la voie pyramidale. Ici encore on ne trouve

pas de tissu scléreux entre les fibres myélinisées.

De cette absence apparente de dégénérescences secondaires, observée sur

un si long parcours, on pourrait conclure, si on arrêtait ici l'examen liistolo-

gique, que la région du lobule paracentral n'envoie que très peu de fibres de

projection cortico-médullaires.

Mais dans la région cervicale de la moelle épinière (fig. 5) apparaît une

dégénérescence typique du FPyC, marquée par la présence d'une tache sclé-

reuse et qu'on peut suivre ensuite jusque dans le renflement lombo-sacré

(Ci ? 6).

Par contre il n'y a pas, dans ce cas, de dégénérescence descendante du

FPyC. Quant à la raréfaction des fibres du cordon de Goll dans la partie

supérieure de la moelle, on sait qu'elle s'observe fréquemment chez les vieil-

lards et n'a pas de signification spéciale.

Remarques.

A. Localisations cérébrales. On trouve dans cette observation une dé-

monstration très évidente de la localisation corticale des mouvements du

membre inférieur dans la région rolandique supérieure. Depuis longtemps

d'ailleurs ce fait est établi par la physiologie expérimentale et par l'étude

dés localisations cérébrales chez l'homme ; mais cette dernière a été faite

Fiu. 5. Renflement cervical.

FIC. 6. - Partie supérieure

du renflement lombaire.

MONOPLÉGIE CRURALE ET LÉSION DE LA RÉGION ROLANDIQUE 43

surtout avec des constatations macroscopiques et' il est nécessaire de

la reprendre avec la méthode des coupes microscopiques sériées, qui seule

peut donner des démonstrations précises.

Dans le cas particulier elle montre comment une lésion de la région du

lobule paracentral peut déterminer une paralysie motrice du membre infé-

rieur sans que le membre supérieur participe à l'hémiplégie. Cette forme

clinique est rare ; on a même nié son existence et émis récemment l'hy-

pothèse qu'une lésion quelconque, même partielle, des voies motrices

produit toujours une hémiplégie complète (P. Marie) (1) ; et cependant

bien des cas antérieurs au nôtre ont prouvé que dans les régions corticales

et sous-corticales les zones motrices des membres supérieur et inférieur

sont anatomiquement et physiologiquement distinctes. Si, en clinique,

leur paralysie isolée s'observe rarement, l'explication du fait est la sui-

vante :

Une lésion corticale de la région rotandiquesnpérieure,en s'étendant dans

la profondeur, peut atteindre les libres de projection de la zone rolandique

moyenne, et inversement. Dans les deux cas on observe une paralysie mo-

trice simultanée des membres supérieur et inférieur ; la face peut même

participer à l'hémiplégie si la lésion atteint l'écorce de l'opercule rolan-

dique ou les fibres de projection qui en partent. Quant aux lésions sous-

corticales, elles produisent encore plus facilement une hémiplégie totale

(1) Dans un travail publié avec Guillain sous le titre Exisle-t-il en clinique des

ocalisations dans la capsule interne (Semaine médicale, 1902, n° 26), M. Marie était

arrivé à cette conclusion que : « on ne peut constater dans la capsule interne aucune

localisation segmentaire persistante ». Il expliquait ce fait par la solidarité^des fibres

descendantes de la motilité unies par de nombreuses collatérales. C'est en étendant

cette conclusion aux localisations corticales que M. Marie, dans un de ses travaux

sur l'aphasie, a formulé cette loi : « La production globale des hérnisyndromes céré-

braux par la lésion d'une portion seulement de la zone qui leur donne-naissance est

une loi générale » (Semaine médicale, 1906, p. 2443).

Nous ne nous occupons pas dans cet article des localisations motrices capsulaires :

nous n'avons d'ailleurs pas des matériaux suffisants pour nous rendre compte si l'as-

sertion de MM. Marie et Guillain est exacte en tous points. Nous avons autrefois uti-

lisé un certain nombre de cas d'hémiplégie pour nos recherches sur les voies centrales

de la sensibilité (Th. de Paris, 1899). Dans trois d'entre eux, avec des lésions partiel-

les des voies motrices descendantes, l'hémiplégie était en effet totale ; dans un autre

par contre on se trouvait en présence d'une monoplégie brachiale. Mais dans'tous ces

cas il s'agissait de lésions récentes et nous ne pouvons en tirer de conclusions caté-

goriques ; on sait en effet Jackson, Goltz, Nothnagel, pour ne parler ^que des pre-

miers en date, y ont insisté que pendant plusieurs semaines les lésions cérébrales

ajoutent aux symptômes de déficit des phénomènes collatéraux d'inhibition ou d'ex-

citation, dus à des causes diverses, congestion, oedème, ischémie, etc. Pour élucider

cette question dont l'importance pour la physiologie cérébrale est considérable, il est

préférable d'utiliser des observations dans lesquelles la survie a été suffisante pour

réduire la symptomatologie aux symptômes de déficit.

44 LONG

à cause du trajet convergent des fibres de la couronne rayonnante vers la

capsule interne.

Pour qu'il y ait monoplégie brachiale ou crurale, il faut donc que la

destruction de la zone motrice correspondante soit limitée à l'écorce cé-

rébrale et à la substance blanche immédiatement sous-jacente ; et ce pos-

tulat est encore plus difficile à réaliser pour la monoplégie crurale. On

voit en effet sur la figure 2 qu'une lésion de la région du lobule paracen-

tral n'a pas beaucoup de chemin à parcourir pour atteindre les fibres de

projection delà région rolandique moyenne ; cette dernière, au contraire,

plus plisséeetplus éloignée du pied de la couronne rayonnante,peut être

détruite par une lésion de dimensions plus considérables sans compro-

mettre les connexions du centre cortical du membre inférieur avec la cap-

sule interne.

Une autre remarque qui pourrait être faite à propos de cette observa-

tion c'est la prédominance des lésions sur la circonvolution Fa,la circon-

volution Pa étant atteinte dans de moindres proportions. Ceci s'accorde

avec les recherches récentes qui ont démontré que la zone motrice corti-

cale est formée exclusivement (ou presque exclusivement) par la circon-

volution Fa et son prolongement dans le lobule paracentral (Hitzig, Grun-

baum et Sherrington,Horsley, etc.). Mais les lésions de nécrose par isché-

mie, qui sont cependant les plus susceptibles d'être limitées, ne peuvent

que rarement atteindre séparément deux circonvolutions aussi rapprochées

l'une de l'autre que les circonvolutions rolandiques. Dans le cas particu-

lier la circonvolution Pa ne peut être considérée comme indemne et,

d'autre part, la lésion de Fa se continue en avant sur la première fron-

tale. Aussi, lout en enregistrant cette observation qui n'est pas sans va-

leur et permettrait peut-être, par.comparaison avec d'autres, des déduc-

tions plus précises, on doit s'en tenir à la constatation d'une paralysie

motrice du membre inférieur, relevant d'une nécrose du lobule paracen-

tral avec prédominance des lésions dans la frontale ascendante et la par-

tie adjacente de la première frontale.

Par contre il est une déduction qui ressort de l'étude de cette observa-

tion anatomo-clinique, c'est la longue persistance de la monoplégie cru-

rale sans amélioration notable. Au début il n'y avait en somme qu'un

affaiblissement de la force musculaire du membre inférieur, sans perte

complète de la motilité, et ces symptômes cliniques sont bien en con-

cordance avec l'état anatomique du lobule paracentral, dans lequel on re-

trouve au milieu des tissus nécrosés des fragments d'écorce cérébrale en

état de conservation relative (1). Or, si ces formes légères de paralysies

- (1) En se reportant à un tableau de l'irrigation vasculaire de cette région (DEJEttINE,

Anatomie des centres nerveux, t. II, fig. 79), on voit que la nécrose n'a atteint qu'une

partie du territoire de l'artère frontale interne et postérieure ; il n'y a donc eu vrai-

semblablement que des artérioles oblitérées.

MONOPLÉGIE CRURALE ET LÉSION DE LA RÉGION ROLANDIQUE 45

d'origine cérébrale s'améliorent en général assez rapidement,celte amélio-

ration est aussi en grande partie fonction de l'âge du sujet. Chez les enfants

et chez les adultes dans la force de l'âge, il est rare que la marche ne soit

pas possible au bout de peu de temps et la gène qu'ils éprouvent dans

l'exercice de cette fonction est due plus encore à la contracture post-hémi-

plégique qu'au résidu de la paralysie motrice. Chez les vieillards le retour

de la fonction est toujours plus tardif et très incomplet; on doit donc dans

cette observation attribuer la permanence de l'impotence à l'âge avancé

du sujet, frappé à l'âge de 74 ans.

B. Dégénérescences secondaires. - Nous avons fait remarquer plus

haut qu'en suivant la série des coupes histologiques on ne pouvait retrou-

ver sur tout leur trajet les dégénérescences secondaires consécutives

à la lésion de la région rolandique supérieure : bien visibles en effet avec

la méthode de Weigert jusqu'au pied de la couronne rayonnante, elles ne

le sont plus dans la capsule interne, le pied du pédoncule cérébral, la

protubérance annulaire et le bulbe, mais elles reparaissent dans la moelle

épinière où on suit le trajet du FPyC (1) jusque dans le renflement

lombaire.

Pour expliquer cette anomalie, il faut se rappeler que la méthode

de Weigert. comme les colorations au carmin qui l'ont précédée, ne

révèle que la présence de la sclérose interstitielle qui a remplacé les

fibres dégénérées. On ne peut donc parler ici d'une absence de dégéné-

rations secondaires, mais d'un défaut de sclérose de remplacement.

Dans les cas de lésions cérébrales infantiles avec longue survie, il est

pour ainsi dire normal que la sclérose névroglique fasse défaut sur le

trajet des dégénérescences secondaires, probablement par le fait d'une

résorption lente du tissu scléreux et du tassement des fibres saines ; et on

ne trouve en dernière analyse qu'une diminution simple du volume des

régions que traversaient des fibres supprimées. Ce processus de résorption

doit pouvoir se produire aussi dans d'autres conditions et celle observa-

tion en fournit un exemple, bien qu'il soit certainement exceptionnel de

voir, après une survie relativement courte, les dégénérations secondaires

des voies motrices ne laisser aucune trace sur une longue partie de leur

trajet. En outre on doit en conclure que dans la production des tissus de

remplacement, à côté des variations individuelles il y a des variations

régionales, puisqu'ici la sclérose névroglique, visible dans la couronne

rayonnante, puis absente jusqu'à la partie inférieure du bulbe, se retrouve

plus bas sur le trajet médullaire des fibres de projection.

(1) Nous ne pensons pas que l'absence de FPyD doive être considérée autrement

que comme un exemple des nombreuses variations individuelles de la voie pyramidale ;

nous ne nous y arrêterons donc pas.

4G LONG

Ceci vérifie un fait important dont il faut tenir compte dans l'étude des

dégénérations secondaires du système nerveux central. Pendant les pre-

miers mois elles peuvent être étudiées avec la méthode de Marchi qui

indique le trajet exact des fibres mêmes au milieu des éléments sains de la

substance blanche ou grise. Plus tard, lorsque la myéline est complète-

ment résorbée, on ne peut employer que les méthodes qui révèlent la

présence de'la sclérose de remplacement. La constatation de cette dernière,

surtout avec la méthode de Weigert, a rendu et rendra encore de grands

services dans les recherches sur l'anatomie des centres nerveux ; mais il

faut se garder d'en tirer des conclusions trop rigoureuses sur le volume

normal et la délimitation des groupes de fibres qui ont dégénéré. Il peut

se faire en effet qu'une dégénération secondaire, qui paraît peu impor-

tante dans une certaine région, soit marquée plus loin par une zone de

sclérose de plus grandes dimensions.

C'est ainsi qu'un examen incomplet du cas qui nous occupe aurait pu

conduire à la conclusion erronée que le lobule paracentral n'envoie que

peu de fibres de projection jusque dans la moelle épinière ; il a fallu re-

chercher dans cette dernière la dégénérescence de la voie pyramidale qui

paraissait faire défaut plus haut. Inversement, de l'étendue de la zone

scléreuse qui marque le trajet de la dégénérescence secondaire du FPyC,

on ne peut tirer aucune déduction de l'importance de la lésion qui lui a

donné naissance; car il n'est pas possible d'évaluer assez exactement le

nombre des fibres saines qui passent encore dans ce feutrage névroglique.

Il n'y a d'ailleurs pas lieu de s'étonner de ces anomalies et de ces va-

riations quantitatives de la sclérose névroglique sur le trajet des dégéné-

rescences secondaires ; car, contrairement à l'opinion admise autrefois,

la névroglie ne comble pas simplement les vides laissés par les éléments

nerveux dégénérés. Elle réagit en réalité à un processus irritatif et cette

réaction, pour des causes diverses, peut être d'intensité variable; soit

que pendant la période initiale elle produise un tissu scléreux plus ou

moins dense, soit qu'elle en prépare la résorption, totale ou partielle, et

plus ou moins rapide, pendant la phase d'organisation définitive.

Observation II.

Résumé. Etat dystrophique congénital de la main et de l'avant-bras

gauches avec conservation de la motilité. Pas d'hémiplégie. Pas

d'état spasmodique. Epilepsie. Mort à l'âge de 47 ans. Lésion

porencéphalique très étendue de la face externe de l'hémisphère cérébral

droit, n'ayant laissé intact que le tiers supérieur des circonvolutions ro-

landiques. Répartition uniforme des fibres de projection de cette zone

motrice restreinte sur toute l'étendue de la capsule interne et du pied du

NOUVELLE Iconographie DE la SALPÊTRIÈRE.

T. XXI. PL IV

A. - PORENCÉPHALIE CONGÉNITALE SANS HÉMIPLÉGIE CONSÉCUTIVE

B. - MONOPLÉGIE CRURALE PAR RAMOLISSEMENT SUPERFICIEL

DU LOBULE PARACENTRAL

(LO/lP')

PORENCEPIIADE CONGÉNITALE 47 7

pédoncule cérébral. Atrophie secondaire du pédoncule cérébral et de

la protubérance annulaire. Atrophie croisée du cervelet.

Cette observation concerne une femme Dest... Amélie, célibataire, âgée de

47 ans, entrée à l'Hospice cantonal de Genève le 31 janvier 1902, en état

rl'asystolie et de délire, et morte le lendemain sans avoir pu être interrogée.

Elle présentait une diminution de volume du membre supérieur gauche,

plus marquée à l'avant-bras et à la main. Nous avons trouvé les renseigne-

ments suivants dans une observation antérieure, recueillie en 1888 (la malade

était alors âgée de 32 ans) par le Dr Ruel, assistant du service de M. le pro-

fesseur Revilliod.

Pas d'antécédents héréditaires. Naissance à terme. Après l'accouchement,

qui avait été normal et sans intervention, les parents avaient remarqué que la

main gauche était en flexion forcée et un appareil fut appliqué pendant plusieurs

mois pour la redresser. Cette main gauche est toujours restée plus faible que la

droite.

A l'examen on constate que l'avant-bras gauche est atrophié, surtout aux

dépens de la masse musculaire épicondylienne ; la mensuration donne 21 cen-

timètres contre 24 à droite. La main est amaigrie, notablement plus petite que

la droite ; les muscles des éminences thénar et hypothénar sont émaciés, les

tendons fléchisseurs font saillie dans la paume de la main.

Malgré cette déformation tous les mouvements de la main et des doigts sont

possibles mais plus faibles qu'à droite (Dynamomètre : 30 à gauche,65 à droite).

L'extension des doigts ne se fait pas complètement.

Le bras gauche, un peu plus maigre que le droit (22 cm. contre 24), ne

présente pas de diminution apparente de la motilité ou de la force musculaire.

Pas de contracture. Réflexes tendineux affaiblis des deux côtés.

Pas de troubles de la sensibilité cutanée.

Le diagnostic à appliquer à cette atrophie partielle du membre supérieur

gauche avait paru incertain et dans les notes de nos prédécesseurs il est indi-

qué qu'on douta de l'origine congénitale de cette difformité et qu'on émit l'hy-

pothèse d'une paralysie infantile.

La malade n'avait plus été revue à l'hôpital depuis cette époque (1888).

Cardiaque et atteinte, depuis l'âge de 14 ans, de crises épileptiques dont la

fréquence avait augmenté progressivement, elle était devenue incapable de ga-

gner sa vie ; mais nous avons su qu'elle avait continué à se servir de sa main

gauche presque aussi bien que de la droite.

Autopsie.

L'hémisphère droit du cerveau présente sur sa face externe une vaste lésion.

En repérant les circonvolutions qui restentonvoit(PLIV, A) que la zone détruite

comprend : la circonvolution F3, l'opercule rolandique, les parties inférieure

et moyenne des circonvolutions l'a et Pa et la plus grande partie de la deuxième

pariétale (gyrus supramarginalis et moitié antérieure du pli courbe). Dans le

48 LONG

fond de la scissure de Sylvius on constate l'absence presque totale de l'in-

sula. ' .

Il n'existe à la place que devraient occuper ces circonvolutions qu'une ca-

vité kystique, unique, limitée à l'extérieur par une membrane fibreuse ; mais

l'espace laissé béant entre les deux lèvres de la scissure de Sylvius ainsi re-

maniées, n'est pas très considérable, car il s'est fait un tassement de l'hémi-

sphère et un rapprochement, sur la face externe du cerveau, des lobes frontal

et temporal.

Vu par sa face supéro-externe cet hémisphère droit montre des circonvolu-

tions bien développées et de configuration normale.

L'hémisphère gauche est indemne de toute lésion superficielle ou profonde.

Examen HISTOLOGIQUE.

'71 Coupes microscopiques sériées, de l'hémisphère cérébral droit, des

pédoncules cérébraux, de la protubérance, annulaire et du bulbe rachidien.

L'hémisphère droit a été divisé avant l'inclusion en trois segments : anté-

rieur, moyen et postérieur, d'inégales dimensions. Les segments antérieur et

postérieur sont débités en coupes vertico-transversales, le segment moyen en

coupes horizontales.

Dans le segment antérieur, qui comprend le lobe frontal jusqu'au genou du

corps calleux inclusivement, on trouve l'extrémité antérieure de la cavité kys-

tique qui se prolonge jusqu'à 3 centimètres environ du pôle frontal. La lésion

a détruit dans cette région le bord inférieur de la circonvolution Fa et la par-

tie externe de F3 ; la partie orbitaire de cette dernière est conservée.

Le segment postérieur comprend le lobe occipital, la partie postérieure des

circonvolutions pariétales et temporales et, sur la face interne, le cuneus et

la moitié postérieure du précuneus. La cavité kystique ne se prolonge pas jus-

que dans ce segment et on n'y trouve comme lésion primitive qu'une nécrose

superficielle et peu étendue de l'écorce des circonvolutions 7'i et Pi.

Le segment moyen, beaucoup plus volumineux, comprend la plus grande

partie de la cavité porencéphalique, toute la région centrale (corps opto-striés

et capsule interne) et s'arrête en bas à la partie moyenne du pédoncule céré-

bral. Nous étudierons séparément sur les coupes de ce segment : la localisa-

tion des lésions et les dégénérescences et atrophies secondaires.

A. Localisation des lésions.

Les coupes horizontales passant par la partie supérieure de l'hémisphère

montrent des circonvolutions ayant leur forme normale, sur la face externe

comme sur la face interne du cerveau. Mais, dès qu'on arrive à la région oc-

cupée par la cavité kystique, il se fait un évidement rapide de la face externe.

Les circonvolutions fronto-pariétales s'amincissent puis disparaissent, en même

temps qu'une grande partie de la substance blanche du centre ovale.

Sur les coupes passant par le pied de la couronne rayonnante (fig. 7) on

trouve une scissure de Sylvius élargie (S) et il son côté interne une bande de

PORENCÉPHALIE CONGÉNITALE

49

substance cérébrale composée : par l'écorce de la face interne du cerveau (c'est

ici la grande circonvolution limbique G1) puis par le corps calleux Gc, par la

voûte du ventricule latéral Ve et, en dehors de la substance grise épendymaire,

par le pied de la couronne rayonnante, étroit et effilé en avant.

En comparant cette coupe avec celles d'un cerveau normal, dans la même

région (v. Dejerine, Anatomie des centres nerveux, t. I, fig. 219 et suiv. et

fig. 301 et 302), il est évident que, indépendamment de la destruction des

circonvolutions de la face externe, il y a un déficit de plusieurs centimètres de

largeur dans le centre ovale. Quant à la présence à ce 'niveau des circonvolu-

tions temporales, 7'i et T2, elle s'explique par la déformation de l'hémisphère,

déjà signalée plus haut ; l'énorme perte de substance qui s'est produite a été

comblée en partie par un rapprochement des circonvolutions de la face externe,

et les circonvolutions temporales occupent un niveau plus élevé qu'à l'état

normal. ,,

Sur les coupes suivantes, passant par les corps opto-striés et la capsule

interne, on constate la disparition de la plus grande partie de l'insula, dont on

ne voit reparaître, un peu plus bas (fig. 8), que l'extrémité inférieure de la

circonvolution postérieure, en même temps que l'avant-mur et la capsule

externe, détruits également dans les régions sus-jacentes.

. La lésion destructive a limité ses dégâts à l'écorce cérébrale et au centre

ovale; elle ne s'étend pas aux régions centrales et basales du cerveau : sauf

le putamen, entamé dans sa partie supéro-externe, les corps opto-striés, la

capsule interne et les divers éléments de la région sous-optique sont indemnes

de toute lésion primitive, la déformation de l'hémisphère a produit un abais-

ria. 7. - Coupe horizontale passant par le pied de la couronne rayonnante.

50 LONG

sement de sa partie antérieure, si bien qu'on a sur une même coupe horizon-

tale (fig. 8) : en avant la région thalamique supérieure, en arrière le com-

mencement de la région sous-optique. A la suite de ce tassement des parties

centrales du cerveau, le noyau lenticulaire est déformé et la capsule interne

suit un trajet sinueux dans sa partie postérieure.

B. Dégénérescences et atrophies secondaires.

Dans la partie supérieure de l'hémisphère, au-dessus de la cavité kystique,

les coupes horizontales montrent une substance blanche compacte, comprenant

les fibres d'association et de projection des circonvolutions des faces externe et

interne du cerveau.

Plus bas quand on s'approche de la région évidée et que les circonvolutions

de la face externe s'amincissent, puis disparaissent, le centre ovale reçoit en-

core des circonvolutions de la face interne un contingent important de fibres de

projection. Mais il va lui-même en se rétrécissant et au pied de la couronne

rayonnante, il est réduit à une bande de substance blanche dont les fibres sont

verticales ou obliques, sans juxtaposition de fibres il direction horizontale.

En même temps que cette diminution considérable de volume de la substance

blanche, on constate (fig. 7) : '

1° Qu'il n'y a pas dans le pied de la couronne rayonnante des travées fibreu-

ses indiquant la présence d'une sclérose de remplacement ; 1

2° Que les fibres de projection provenant de la partie supérieure de la région

rolandique (lobule paracentral et circonvolutions lia et Pa) se répartissent suf

toute l'étendue du pied de la couronne rayonnante (elles devraient faire défaut

FiG. 8. Coupe horizontale passant par la région thalamique moyenne.

l'UItL\CL : L'll1L1E CONGÉNITALE 51

dans la moitié antérieure de ce dernier, étant donnée la destruction complète

delà région rolandique inférieure, qui y fait passer à l'état normal ses fibres

de projection).

Cet étalement des fibres de projection provenant d'une zone motrice réduite

des deux tiers environ est encore plus évident dans la capsule interne (fig. 8).

La région du genou et la partie antérieure du segment postérieur ne sont pas

occupées par du tissu fibreux mais par des fibres bien myélinisées suivant une

direction verticale. La seule particularité à faire valoir c'est le petit volume

du pied de la couronne rayonnante et du segment postérieur de la capsule in-

terne et leur amincissement progressif d'arrière en avant.

Le noyau externe du thalamus est pourvu dans toute son étendue d'un ré-

seau de fibrilles bien myélinisées.

Plus bas, dans la région sous-thalamique et jusque dans la partie supérieure

du pédoncule' cérébral, les fibres du segment postérieur de la capsule interne

Fig. 9. - Coupe horizontale passant par la région sous-thalamique.

Fig. 10.

5 5 LONG

se répartissent moins régulièrement. En avant du faisceau de Turck dont le

volume normal fait contraste avec le reste, elles laissent entre elles des espaces

vides, ou du moins occupés seulement par du tissu névroglique, d'où leur as-

pect clair sur les coupes colorées par la méthode de Weigert (fig. 9). On sait

que dans cette région le segment postérieur de la capsule interne est traversé

par des fibres obliques venant du globus pallidus, et en particulier par les

fibres du système strioluysien, on peut donc supposer que c'est la trame de ce

réseau transversal qui a empêché l'étalement en avant de la masse des fibres

verticales.

En effet, immédiatement au-dessous, dans le pédoncule cérébral, tout tissu

de sclérose interstitielle a de nouveau disparu et les fibres de projection occu-

pent toute la largeur du pied du pédoncule. Elles sont moins nombreuses, il

est vrai, dans le segment interne que dans les segments moyen et externe

(fig. 10).

Sur cette coupe comprenant les deux pédoncules cérébraux on voit, par com-

paraison avec le côté sain, l'atrophie considérable du pédoncule cérébral droit,

atrophie portant également sur la calotte et sur le pied du pédoncule. On re-

trouve cette atrophie unilatérale dans la protubérance annulaire. Il y a d'autre

part une hémiatrophie croisée du cervelet (diminution de volume du noyau

dentelé et de l'hémisphère cérébelleux gauches).

Les deux pyramides bulbaires sont de dimensions inégales et, au-dessous de

l'entrecroisement inférieur du bulbe, les deux faisceaux pyramidaux croisés

restent asymétriques. (Le FPyC gauche et le si P ! JD droit ne montrent pas de

sclérose névroglique interstitielle. La moelle épinière n'ayant pu être retirée à

l'autopsie, nous ne savons pas si cette disposition bien visible au niveau

du premier segment cervical, l'était encore plus bas).

Remarques.

La malade présentait une inégalité de volume des membres supérieurs,

l'avant-bras et la main gauches étant de plus petites dimensions que

les parties homologues du côté droit. La motilité était conservée quoi-

que la force musculaire fût diminuée et les mouvements d'extension un

peu limités; et en somme, celte main gauche servait à tous les usages

de la vie courante et était suffisante pour l'existence restreinte que me-

nait la malade, cardiaque et épileptique depuis la puberté. Fait impor-

tant, on ne constatait pas d'état spasmodique du côté gauche du corps;

on comprend donc que le diagnostic soit resté incertain et que l'hypo-

thèse d'une paralysie infantile ait été faite, malgré les renseignements

fournis par la famille sur l'origine congénitale de la déformation. Mais

le résultat de l'examen du cerveau rend à cette anamnèse toute sa valeur;

il s'agit bien d'une lésion cérébrale précoce.

En relevant sur la face externe de l'hémisphère cérébral droit les limi-

tes du territoire détruit on voit qu'il correspond exactement à celui des

PORR\'CÉPHALI1 : CONGÉNITALE o3

branches ascendantes de l'artère sylvienne artères frontale inférieure,

frontale ascendante, pariétale ascendante et pariétale inférieure -. Les

corps opto-striés et la capsule interne, irrigués par les artères centrales

provenant du tronc de la sylvienne, ne sont pas compris dans la lésion.

On peut donc conclure qu'un processus infectieux (peut-être la syphilis)

a produit par des oblitérations vasculaires, pendant la vie intra-utérine,

une nécrose très étendue du manteau cérébral ; après résorption des

tissus nécrosés il est resté comme résidu une cavité kystique, comblée

d'ailleurs en partie par un tassement des parties saines de l'hémisphère.

Des circonvolutions rolandiques il ne subsiste que le tiers supérieur

de la frontale ascendante et un peu moins encore de la pariétale ascen-

dante ; le lobule paracentral, par contre, est bien développé et de confi-

guration normale. Il est intéressant de constater que, malgré cette ré-

duction quantitative considérable de la zone motrice, la motilité du côté

opposé du corps a été conservée dans des proportions inusitées. La ré-

gion de l'écorce cérébrale qui correspond à la localisation motrice- du

membre supérieur étant, en fait, presque complètement détruite on est

étonné de ne pas trouver dans les symptômes cliniques, en même temps

que l'état dystrophique de ce membre supérieur, une altération beaucoup

plus notable des fonctions motrices, prédominant à l'avant-bras et à la

main et entravant en particulier les mouvements fins des doigts ; en ou-

tre l'absence de contracture permanente ne répond pas à la symptomato-

logie habituelle des hémiplégies infantiles.

Il faut donc admettre que des phénomènes de suppléance ont pu, grâce

à la précocité de la lésion cérébrale, s'exercer dans une large proportion.

Ils doivent être attribués en partie au reliquat de la zone motrice lésée,

en partie à ]'action de l'hémisphère opposé. L'intégrité des mouvements

du membre inférieur est due évidemment à la conservation de la zone

rolandique supérieure. D'autre part on peut comprendre facilement l'ab-

sence d'hémiplégie faciale, car même dans les hémiplégies d'origine cé-

rébrale survenues à une période plus avancée de la vie, la paralysie

faciale s'atténue et peut même disparaître ; l'étude des paralysies pseudo-

bulbaires chez l'homme prouve que les mouvements de la face et de la

cavité bucco-pharyngée sont commandés par les deux hémisphères à la

fois et qu'il faut des lésions cérébrales bilatérales pour produire leur pa-

ralysie permanente. ,

La faible diminution de la motilité du membre supérieur gauche ob-

servée chez la malade et l'absence de phénomènes spasmodiques dans la

moitié gauche du corps sont d'une explication plus difficile. Nous pensons

qu'on peut la trouver en partie dans la répartition anormale des fibres

de projection de la zone motrice que nous révèle l'examen des coupes bis-

tologiques sériées. ,

En effet, à la suite d'une destruction des parties inférieure et moyenne

de la zone motrice corticale on doit, dans la' règle, constater l'absence

complète de fibres de projection dans le genou et la moitié antérieure du

segment postérieur delà capsule interne et plus bas dans les segments

internes du pied du pédoncule cérébral. Or nous voyons au contraire

dans notre cas que les fibres descendantes delà voie motrice occupent

toute l'étendue de la capsule interne et du pied du pédoncule cérébral. Il

semble et c'est I;i plus qu'une simple hypothèse que la lésion céré-

brale a été assez précoce pour permettre il ces fibres de s'étaler en avant

pendant leur période de développement. On sait en effet, d'après les ré-

sultats obtenus avec la méthode de Flechsig, qu'elles se développent rela-

tivement tard, aux environs du sixième mois de la vie intra-utérine, et

on peut admettre que la lésion du manteau cérébral s'est produite à cette

époque ou même avant. Malgré la destruction d'une grande partie de la

zone motrice corticale, une voie descendante s'est formée, réduite dans

ses dimensions, c'est-à-dire dans le nombre de ses éléments conducteurs,

mais occupant comme à l'état normal toute la capsule interne et tout le pied

du pédoncule cérébral .En d'autres termes il s'est fait itnepï,ei2zière.tip-

pléance, d'ordre anatomique, qui a certainement favorisé les sup-

pléances fonctionnelles ultérieures. On peut lui attribuer avec quelque

vraisemblance la conservation des mouvements du membre supérieur;

mais elle n'a pas empêché cependant le segment périphérique de subir

un état dystrophique, prédominant à la main et à l'avant-bras et entrai-

nant comme conséquence un affaiblissement de la force musculaire.

Notons en passant que grâce à cet étalement des fibres de projection,

grâce aussi à la longue survie du sujet, on ne voit,pas de sclérose névro-

glique sur le trajet de la voie motrice descendante ; sauf dans la région

sous-thalamique où le réseau des fibres transversales du système strio-

luysien aempêché les fibres verticales de se répartir également dans toute

la capsule interne.

Conclusions.

Nous avons rapproché dans une même publication ces deux observations,

La première démontre après bien d'autres faits qu'il existe des localisations

segmentaires corticales ; les résultats obtenus par l'expérimentation phy-

siologique gardent toute leur valeur ; ils ont d'ailleurs été confirmés par

des expériences équivalentes faites sur l'homme au cours d'opérations chi-

rurgicales. Si on ne trouve que rarement des documents aussi probants

que le notre dans les cas de ramollissement ou d'hémorragie du cerveau,

MONOPLEGIE CRURALE ET PORENCËPHAHE CONGENITALE raz

c'est que les lésions consécutives à ces processus sont en général trop

étendues; il est nécessaire d'en faire l'examen en coupes microscopiques

sériées pour éviter d'en tirer des conclusions erronées. '

Dans la seconde observation le centre cortical du membre supérieur

est détruit pendant la vie intra-utérine ; le segment périphérique corres-

pondant est en état de dystrophie mais sans présenter de paralysie mo-

trice, ni d'état spasmodique. La comparaison de ces deux malades, frap-

pés aux deux périodes extrêmes de la vie,est donc intéressante. Chez le pre-

mier, un vieillard de 74 ans, une lésion cérébrale peu étendue laisse une

paralysie permanente ; les phénomènes de suppléance sont nuls à peu de

chose près. Dans le second cas une lésion très étendue de la zone motrice

du cerveau n'a laissé qu'un déficit fonctionnel minime ; grâce à la pré-

cocité de son apparition, il y a eu pour les voies motrices suppléance

anatomique en même temps que physiologique.

CLINIQUE DES MALADIES DU SYSTÈME NERVEUX

Hospice de la Salpèthùiië 1

GANGRÈNE SYMÉTRIQUE DES EXTREMITES .

- - PAR ARTÉRITE CHRONIQUE OBLITÉRANTE, TRANSITOIRE

OU PERMANENTE, d'ÉTIOLOGIE INCONNUE.

PAR

F. RAYMOND et H. GOUGEROT

Professeur de Clinique des maladies nerveuses Interne de la clinique Charcot.

à la Salpêtrière

Dans le groupe des gangrènes symétriques des extrémités on a réuni

toute une série de faits encore mal classés et d'étiologie obscure. Raynaud

en 1862 en isolait les gangrènes avec asphyxie locale « indépendantes de

toute altération anatomique appréciable du système vasculaire » ; il croyait

à une entité clinique parfaitement indi vidualisée.Mais l'étiologie devenant t

de plus en plus vaste et complexe, la maladie de Raynaud devint peu à

peu un syndrome clinique, observé dans les circonstances les plus diverses,

rapportée à des causes innombrables. La notion des formes frustes vint en-

core compliquer la question et l'on voulut faire rentrer dans la maladie de

Raynaud tous les cas de gangrène symétrique des extrémités. On ne doit

pas céder à cette tendance de rapporter à un groupe clinique connu des

faits non classés qui s'en rapprochent mais ne répondent pas à la défini-

tion du syndrome habituel.Il est des gangrènes symétriques des extrémités

différentes du syndrome Raynaud et méritant d'être individualisées.'

Cette observation en est un remarquable exemple. La gangrène atteint

successivement le pied droit, le pied gauche, la main droite, la main gau-

che ; elle est précédée et accompagnée de douleurs spontanées intenses,lo-

calisées, permanentes, non paroxystiques. Elle évolue depuis sept ans par

poussées de un à six, sept mois, se répétant à intervalles irréguliers. Elle

apparaît et disparaît sans cause connue, et chaque poussée finit par guérir

spontanément. Les accidents gangreneux s'annoncent par un épaississe-

ment de l'épiderme qui devient blanchâtre, insensible, puis se flétrit et

laisse place à une ulcération torpide ; la lésion cutanée n'est pas précédée

desyncope locale ni d'asphyxie. La cause de cette gangrène est une artérite

ohlité,"mte chronique, lésion d'étiologie inconnue.

gangrène symétrique DES extrémités 57

Observation.

Le malade est un de nos confrères étrangers, le Dr J... de la Haye, âgé de

48 ans ; il a été amené à la Clinique Charcot par le Or Rosenthal, ancien élève

du service et présenté à la Société de Neurologie le 6 juin 1907. Le malade

a noté avec soin et un rare esprit critique tous les détails de son auto-

observation.

Antécédents. Rien à signaler dans ses antécédents héréditaires : son

père et sa mère sont restés bien portants jusqu'à un âge très avancé ; il a eu

8 frères et soeurs : 7 sont vivants et bien portants, une soeur est morte à 54 ans

d'un cancer de l'estomac.

Marié, il a deux enfants bien portants.

Né à terme, élevé au sein, il a commencé à marcher et à parler à l'âge d'un

an. Il n'a eu que deux maladies infectieuses : la rougeole sans complications,

à l'âge de 4 ans, et une malaria bénigne, qui n'a duré que trois jours, à l'âge de

28 ans, pendant un séjour à New-York. Accident plus important, il a subi un

commencement de congélation des pieds et des mains à l'âge de 24 ans pen-

dant un voyage à l'Orégon par un froid de - 30° Réaumur; cette congélation

n'a duré qu'une demi-heure, et il en a guéri sans incident, mais ses extré-

mités ont toujours gardé depuis une grande sensibilité au froid.

On ne découvre ni tuberculose, ni lèpre (1), ni ergotisme, il nie tout accident

syphilitique.

Histoire DE la maladie. Les premiers accidents ulcéreux apparurent en

1900, il y a sept ans.

. Le début est marqué par des douleurs vives, qui apparaissent au gros orteil

droit et durent trois mois. L'épiderme s'épaissit, puis sans vésiculation apprécia-

ble survient au bord interne du gros orteil une petite ulcération entourée d'une

peau indurée épaissie. L'ulcération ne s'étend ni en surface ni en profondeur,

mais les douleurs augmentent, deviennent intolérables, le malade en est réduit

à se faire amputer la deuxième phalange du gros orteil, les douleurs retrocè-

dent, la réunion se fait par première intention.

Un an plus tard, en 1901, les mêmes douleurs apparaissent au bord interne

du deuxième orteil gauche et sont suivies d'une ulcération analogue à la pré-

cédente. Bientôt cette ulcération se creuse et atteint l'os. Un traitement antisy-

philitique d'essai est tenté : 0,06 centigrammes de protoiodure et 5 grammes

d'iodure pendant un mois. Il y a eu, dit le malade, « un semblant de succès »,

les douleurs cessèrent, l'ulcération se cicatrisa.

Un an plus tard, en 1902, les douleurs reprennent, intenses, au 50 orteil

droit ; la peau, épaissie et indurée, s'ulcère sur le bord interne de cet orteil ; les

douleurs intenses irradient à toute la région métatarsienne et aux autres orteils

avec sensation douloureuse du moignon de la phalange amputée eu 1900. Un

traitement mixte (protoiodure et iodure de potassium) est recommencé; bien

(t) Le mucus nasal examiné deux fois après ingestion d'iodure de potassium n'a

montré aucun bacille acide-résistants

5S RAYMOND ET GOUGEROT

que les doses aient été portées jusqu'à 15 grammes d'iodure, que le traitement

ait été prolongé 60 jours, aucun résultat favorable n'est obtenu. Les courants

électriques de haute fréquence, les différents topiques (ichthyol glycérine) ne

sont pas plus heureux. Exténué de douleurs, craignant une gangrène en-

vahissante, il se laisse amputer de la jambe droite à 10 centimètres au-dessous

de l'articulation du genou. La réunion se fait par première intention ; au bout

d'un mois, il se croit à nouveau guéri.

Deux ans après, en 1904, des douleurs,aussi violentes que les premières fois,

apparaissent à la 3e phalange du médius droit, bientôt suivies d'une petite

ulcération, qui se cicatrise au bout de neuf mois, au moment où il fait une

cure d'air et de repos à Kreùt (Bavière, 900 mètres d'altitude).

Trois mois plus tard, au début de 1905, les mêmes douleurs réapparaissent,

suivies d'une ulcération semblable à l'extrémité de l'index droit; l'ulcération

se cicatrise au bout de trois mois. Ce fut la dernière lésion à la main droite.

Vers la même époque, le pouls radial à gauche et à droite disparaît.

En mars 1905, avant que les ulcérations de la main droite fussent cicatri-

sées, le médius et l'annulaire de la main gauche deviennent très douloureux,

deux ulcérations apparaissent, la première dans le sillon sous-unguéal du

médius, la deuxième il l'extrémité de l'annulaire, elles persistent encore main-

tenant en juin 1907.

En 1906 le pouls radial gauche réapparaît, la radiale droite reste oblitérée.

Au début d'avril 1907, des douleurs apparaissent au sillon sous-unguéal de

l'index gauche, la peau est épaissie, non ulcérée, l'extrémité du pouce gauche

est indurée et épaissie.

Au milieu d'avril 1907 surviennent de vives douleurs au 5e doigt gauche.

' L'évolution de cette maladie a été une succession irrégulière de pério-

'des de douleurs intenses localisées, durant un à trois mois, parfois davan-

tage, s'accompagnant d'ulcérations petites, mais souvent profondes, finis-

sant par se cicatriser spontanément.

En tout 10 doigts ou orteils ont été atteints. Plusieurs doigts de la main

gauche sont encore malades.

Douleurs localisées aux extrémités précédant et accompagnant les ulcé-

rations, et ulcérations précédées d'épaississement blanchâtre de la peau,

tels sont les symptômes; il n'y a jamais eu ni syncope, ni asphyxie lo-

cales des extrémités ; il n'a jamais eu la sensation de doigt mort, il n'a

jamais eu de crises paroxystiques, le malade insiste sur ce point.

Etat actuel (mai, 1907) (Pl. V et VL). L'état général est excellent, le

visage est gai,il ne se plaint que des douleurs localisées aux doigts ; ces douleurs

sont, il est vrai, assez intenses pour provoquer parfois l'insomnie. L'appétit

est conservé, l'examen minutieux des viscères ne décèle aucune lésion ; on ne

trouve dans les urines ni sucre ni albumine. Le fond de l'oeil, examiné par le

D Antonelli, est normal.

NOUVELLE Iconographie DE la SALPÉTRIÈ.RE.

T. xxi. l'l. y

GANGRÈNE SYMÉTRIQUE DES EXTRÉMITÉS

(Raymond et Gougerot)

Masson & Cie, Editeurs

Phototypte Berthaud, Paru

NOUVELLLE Iconographie DE la SALPËTRÎERE

T. XXI. Pl. VI

GANGRENE SYMETRIQUE DES Ll'1'RITtiTI·S

...... ? ... ? 1 ?

GANGRÈNE SYMETRIQUE OES EXTREMITES 59

Les douleurs et les lésions sont actuellement localisées à la main gauche, les

deux doigts les plus atteints sont les 3e et 4°.

' Main gauche. Les douleurs sont intenses, spontanées et permanentes,

sans la moindre rémission. Le Dr J... a remarqué que la douleur aug-

mente lorsque la main est sèche et ne transpire pas ; lorsqu'il est couché la

douleur est plus forte, il doit rester assis la plus grande partie de la nuit. Il ne

supporte ni le chaud ni le froid, de brusques variations exaspèrent les douleurs.

Ces douleurs sont vives,mais non toujours identiques : elles ressemblent tantôt

à une constriction, tantôt à une démangeaison insupportable, tantôt à une

piqûre. La sensation de constriction est la plus douloureuse, le malade la com

pare à l'écrasement du doigt dans un étau. Variables suivant les moments, les

douleurs varient encore de caractère suivant les doigts, il n'est pas rare 'qu'au

même instant elles aient des caractères différents dans des doigts voisins.

Les douleurs spontanées intenses existent aux 3e, 4e et 5e doigts et restent

localisées à la main, le reste du bras est indemne. La douleur du 5e doigt irra-

die jusqu'au poignet, la douleur des zu et 3e doigts jusqu'à l'articulation méta-

caipo-phalangienne ; l'index n'a pas de douleurs spontanées, il n'est douloureux

qu'à la pression ; le pouce est indolent.

Pouce. L'épiderme sous-unguéal de l'extrémité de la phalangette est

épaissi, godronné, induré ; sa teinte est normale, la sensibilité est intacte. Cet

épaississement date de quinze jours.

Index. L'extrémité digitale est aplatie et déprimée en cupule, l'épider-

me est très épaissi, blanchâtre, la peau semble morte, la sensibilité tactile est

émoussée, l'ongle est décollé, blanchâtre, opacifié, on le croirait mort et pour-

tant il continue de croître. Cette lésion qui n'est douloureuse qu'à la pression

date de trois mois.

Médius. - Le doigt est tuméfié, l'extrémité digitale est globuleuse, élar-

gie, serrée à la base de la 3° phalange par une sorte de stricture, au bout du

doigt l'épiderme est exulcéré, dénudé et creusé au-dessous de la rainure un-

guéale d'une ulcération profonde étalée,et ravinée, à bords à pic,le fond est jau-

nâtre, suppurant. Le pus, formé d'éléments cellulaires très altérés mono et po-

lynucléaires, ne contient que de rares cocci. La phalangette saille sous forme

d'un petit point gris noir, vermoulu. L'ongle est blanchâtre, lisse, opaque. La

peau autour de l'ulcération et sur le dos de la phalangette est lisse, tendue,

rosée ; les poils sont rares sur la 2e phalange, très nombreux sur la. Ire . 11 n'y

.a pas de troubles des sensibilités, sauf hyperesthésie dès que l'on approche de

l'ulcération. Les lésions et douleurs datent de neuf mois.

Annulaire. L'extrémité du doigt semble avoir été enlevée d'un coup de cal-

pel, la phalangette fait une saillie mousse de3 à 5 millimètres, de couleur terne,

brun verdâtre; la peau entoure l'os dénudé d'un gros bourrelet rosé; le tégument

adhère à l'os, il n'existe entre eux qu'un étroit sillon suppurant.L'ongle forme

le bord supérieur de cette ulcération, il semble diminué de hauteur, il est opa-

que et blanchâtre ; la peau du doigt est lisse et tendue sur la 3° phalange. Il

n'existe aucun trouble des sensibilités sauf hyperesthésie au niveau de l'ul-

cération. Ces lésions datent de cinq mois. - '

60 RAYMOND ET GOUGEROT

Auriculaire. Ce doigt paraît normal d'aspect, pourtant il est le siège de

douleurs lancinantes qui remontent jusqu'au poignet. ,

Le pouls radial gauche, qui avait disparu de 1905 à 1906, semble faible ; sa

tension artérielle prise au sphygmomanomètre de Potain est de 93 cm . 5 ; le pal-

per sur le trajet de l'artère ne révèle rien. Les troncs nerveux au bras parais-

sent normaux.

Main droite. La main droite,autrefois si atteinte,semble maintenant gué-

rie. Les douleurs ont définitivement disparu.On ne voit plus que les cicatrices

des ulcérations du médius (1905) et de l'index (1906),cicatrices sous-unguéales,

petites; étoilées, non profondes, entourées d'épiderme normal. Les ongles sont

normaux. Les diverses sensibilités sont intactes, on ne relève qu'un peu d'hy-

poesthésie aux points indurés cicatriciels, notamment à la face externe et infé-

rieure de l'extrémité de l'index.

Le pouls radial a disparu depuis 1903. Le pouls cubital persiste, il semble

augmenté car il est nettement plus fort que le pouls cubital gauche. La tension

artérielle est de 13 à 14 centimètres à la cubitale. L'artère radiale qui ne bat

plus se sent mal, les troncs nerveux paraissent normaux à la palpation.

Membres inférieurs Le moignon droit ne présente rien de particulier, ni

douleur, ni lésion cutanée. Le pied gauche semble guéri depuis 1902.

Les traitements les plus divers avaient été essayés, prescrits par des méde-

cins de tous les pays. A la clinique Charcot le malade a été traité par le

Dr Huet, chef du laboratoire de la clinique.

« Le malade a été soumis au commencement de juin à des effluves de haute

fréquence et de haute tension produits par le dispositif ordinaire pour ces

courants, avec bobine de 25 centimètres d'étincelle, et résonateur. Les effluves

étaient dirigés, à travers le pansement, sur l'extrémité des doigts sphacélés,

puis le long de ces doigts, sur leur face dorsale et sur leur face palmaire. Les

séances étaient renouvelées trois fois par semaine,durant chacune environ 5 mi-

nutes. Dès les premières séances on a obtenu une grande sédation dans les

douleurs, et bientôt même leur disparition complète. La cicatrisation s'est

aussi effectuée assez rapidement ; elle était presque complète à la fin de juil-

let, époque où le malade a quitté Paris. »

L'amélioration n'a fait que s'accentuer. Six semaines après son départ de

Paris, le séquestre de l'annulaire s'est éliminé et la cicatrisation s'est faite ra-

pidement. Les douleurs ont disparu.

D'après les dernières nouvelles (décembre 1907), la guérison se maintient.

Cette gangrène symétrique des extrémités évoluant depuis sept ans par

poussées successives, irrégulières, est caractérisée : 10 pa des douleurs in-

tenses localisées aux doigts sans irradiations étendues, douleurs spontanées

permanentes durant un, deux, trois mois, non paroxystiques ; 2° par des

ulcérations survenant quelques jours après le début des douleurs, non

précédées de syncope ou d'asphyxie locale ; 3° par des oblitérations

artérielles transitoires ou permanentes. La maladie a successivement

GANGRÈNE SYMÉTRIQUE DES EXTRÉMITÉS 61

atteint le pied droit, le pied gauche,;la main droite, la main gauche . L'appa-

rition et la disparition des lésions sur un doigt ou un orteil échappent

à toute règle connue. L'état général est resté excellent : on ne remarque

comme antécédents qu'une gelure dix-sept ans avant le début des gan-

grènes, un seul accès paludéen treize ans auparavant.

La pathogénie de cette gangrène semble des plus nettes, les douleurs et

ulcérations sont à rapporter à des oblitérations artérielles, transitoires ou

permanentes,atteignant non seulement les petits vaisseaux, mais encore les

gros troncs artériels, les deux radiales au poignet. On sait en effet que les

oblitérations des artérioles déterminent de violentes douleurs et provoquent

des gangrènes et ulcérations. La preuve de ces oblitérations vasculaires nous

est ici donnée par l'oblitération de l'artère radiale droite,permanente depuis

1905, et l'oblitération transitoire de l'artère radiale gauche. En même

temps que les artères, les nerfs ont-ils été touchés ? est difficile de le dire,

il n'y a jamais eu de syndrome névritique et il n'y a actuellement aucun

symptôme de névrite. Il faudrait d'ailleurs admettre une névrite unique-

ment trophique des petits ramuscules nerveux des doigts et des orteils.

Cette simultanéité des lésions des nerfs et des vaisseaux a été signalée

dans la maladie de Raynaud, syndrome proche de celui-ci : Bewoets (1894),

Rliakmaiiinoff ont rapporté des cas où une névrite dégénérative généralisée

s'accompagnait d'artérite des petits vaisseaux, allant presque jusqu'à l'o-

blitération. Belkousky a cité un cas d'atrophie des fibres nerveuses avec

sclérose des artères.

On peut conclure ici que l'endartérite est certaine, prouvée par

l'oblitération des radiales, que la névrite au contraire est hypothétique,

non démontrée et improbable.

Les causes des lésions artérielles restent obscures.

Dans les antécédents du malade on ne découvre qu'une gelure et un

accès paludéen depuis longtemps oubliés. Le coup de froid, facteur im-

portant de certaines 'gangrènes du type Raynaud (Bouchez, Domingnez), a

peut-être joué ici le rôle de cause prédisposante et peut-être a-l-il contri-

bué à localiser le processus artériel sur les extrémités, mais il n'a eu

aucune influence sur l'apparition des périodes douloureuses et ulcéreuses.

Le paludisme est une cause souvent invoquée dans l'étiologie du syn-

drome de Raynaud : Raynaud lui-mème avait entrevu le rôle de la mala-

ria, rôle que de nombreuses observations ont cherché à confirmer (Mar-

chand, Rey, Marroin, Mourson, Charpentier, Durosiez, rôulquier et

Bréhier, Calmette, Vaillard, Petit et Verneuil), mais le paludisme chez

62 RAYMOND ET GOUGEROT -

notre malade est contestable, il se réduit à un accès unique : te traitement

quinique n'a eu qu'une influence douteuse. ,

On ne trouve aucune autre cause chez ce malade. La tuberculose dont

Rénon et Bonnenfant ont montré l'importance dans le syndrome de Ray-

naud manque ici. La syphilis invoquée par Monro, par Morgan et plu-

sieurs auteurs français dans le syndrome de Raynaud est niée par le

malade, on a cependant eu le devoir d'y penser, d'autant que la syphilis

semble agir dans certains cas de maladie de Raynaud par oblitération

artérielle (Schuster, Elsenberg, Balzer el Fouquet) ; le traitement spéci-

fique institué deux fois et conduit avec soin est resté ici sans résultat.

Aucune maladie aiguë n'a précédé cette gangrène et ne peut être respon-

sable des artérites. Il n'y a aucun signe de syringomyélie.

Faisant la revue de la longue liste des causes disparates invoquées

plus ou moins justement dans la maladie de Raynaud, on n'en découvre

aucune qui puisse se rapporter à notre malade : hérédité et aplasies arté....

rielles, nervosisme, hystérie, neurasthénie, chorée. migraine, épilepsie,

démence, affections organiques du système nerveux, syringomyélie, lèpre,

tumeur, névrite, sclérose en plaques, pouls lent permanent avec crises

encéphaliques, sclérodermie, néphrites, hémoglobinurie, intoxications

saturnine, benzinique, autointoxications urémique et diabétique..., etc. ;

nous n'en faisons l'énumération que pour montrer que notre enquête a

cherché à être complète.

L'étiologie des lésions vasculaires restant donc inconnue, mieux vaut ne

pas préciser l'origine et la cause de cette vascularite chronique que de le

faire sans preuves, et d'ailleurs les causes des artérites chroniques, athé-

rome et artériosclérose, ne nous échappent-elles pas le plus souvent ? ' !

Par sa lésion anatomique (l'artérite chronique cette gangrène symé-

trique des extrémités il symptomatologie si spéciale appartient au groupe

de faits encore si obscurs des troubles trophiques au cours des vascu-

larites chroniques localisées.

Elle est un cas d'artérite chronique localisée des petites artérioles

des extrémités avec enda1'térite oblitémnte transitoire ou permanente,

de cause inconnue.

Elle se distingue des faits classés habituellement sous la rubrique de

gangrène symétrique des extrémités.

Elle n'est pas un syndrome de Raynaud : il n'y a pas de crises doulou-

reuses, les douleurs sont continues,durant un, deux, trois mois, souvent da-

vantage, les ulcérations ne sont pas précédées de syncopes ni d'asphyxie

locales, l'artère radiale droite est oblitérée, le pouls radial gauche encore

GANGRÈNE SYMÉDR1QUE DES EXTRÉMITÉS 63

faible a disparu pendant un an. Or l'on sait que le caractère paroxystique

et l'absence d'oblitération artérielle sont les éléments essentiels de la dé-

finition de la maladie de Raynaud. Ce cas n'appartient pas non plus aux

formes incomplètes du syndrome de Raynaud. Les formes frustes qui se

rapprocheraient le plus de notre cas sont les formes lentes. M. Séecite,

dans son excellent article de la Pratique DC1'Jnatologiqnc, des cas de

maladie de Raynaud où l'accès dure plusieurs mois, mais cet accès s'ac-

compagne de cyanose et « il persiste entre les attaques un état de torpeur

et d'hypothermie locale avec un peu de cyanose, et cela indéfiniment ».

Notre cas ne répond en rien à la définition de Raynaud, car « l'on ne

doit comprendre dans cette dernière, dit Sée, que des gangrènes sèches li-

mitées et surtout précédées des troubles vasculaires de l'asphyxie locale ».

En dehors de la maladie de Raynaud, dont la symptomatologie est

maintenant si précise, on ne trouve que des cas épars de gangrènes sy-

métriques, le plus souvent de causes obscures : la gangrène massive des

extrémités inférieures observée par Legrain en Kabylie (Société de Der-

matologie, 1896) est toute différente, plie s'accompagne de névrite, d'ar-

térite, d'ostéite condensante ou raréfiante. Les cas de\Iounstein (1), de

Pitres et Vaillard (2), deBrenues sont dus à des névrites associées à des

lésions artérielles contemporaines ou antérieures, ils diffèrent par leur

étendue et leur marche.

- Notre cas par sa symptomatologie et sa pathogénie si précises ne semble

pouvoir s'identifier à aucun d'entre eux. Celle gangrène symétrique des

extrémités par artérite chronique mérite d'être individualisée. Son im-

portancepratique n'est pas négligeable, car son diagnostic, la connais-

sance de son pronostic exact éviteront les amputations et mutilations

inutiles qu'a subies ce premier malade.

(1) Thèse de Strasbourg, 1884.

(2) PITRES et VAILLARD, Altérations des nerfs périphériques dans deux cas de maux

perforants plantaires et dans quelques autres formes de lésions trophiques des pieds.

Archives de Physiologie normale et pathologique, 1885. ira s., p. 208.

SOCIÉTÉ DE NEUROLOGIE DE ? 1111S

(Séance du 9 janvier 1908)

NÉVRITE SENSITIVE ET TROPHIQUE

A LA SUITE D'UN ZONA.

LÉSIONS TROPHIQUES DES OS DE LA MAIN

A TYPE DE RHUMATISME CHRONIQUE.

PAR

FÉLIX ROSE

Chef de clinique à la Faculté.

«

Observation.

Mme G..., veuve L..., 67 ans, femme de ménage, entre le 28 décembre 1907

dans le service de notre maître le professeur Raymond pour des douleurs et

un oedème de la main et de l'avant-bras droits. '

Ses antécédents éloignés n'offrent pas grand intérêt : rougeole à 16 ans,

inlluenza grave à 48 ans, grippe plus légère il va trois ans ; la malade a toujours

été bien réglée depuis l'age de 17 ans jusqu'à 62 ans. Elle a eu deux enfants

bien portants; à 50 ans elle a eu beaucoup de pertes sanguinolentes (utérus

un peu gros, mais normal en dehors de cela).

Les parents de la malade sont morts à un âge très élevé et n'ont pas présenté

d'altératious rhumatismales chroniques des os.

Le début de la maladie actuelle remonte au 17 septembre 1907, jour où elle

eut une perte de connaissance. Son état de santé générale était bon ce moment,

mais depuis un mois elle avait quelques vagues douleurs dans le bras droit et

avait quelque peine à supporter le contact de l'eau froide. C'est en se levant

le matin qu'elle perdit connaissance, pas assez subitement cependant pour

n'avoir pas le temps de se recoucher. Elle resta ainsi un quart d'heure.

Aucune paralysie ne s'ensuivit, elle aurait eu un peu de fièvre pendant

huit jours, se sentait un peu fatiguée et souffrait assez violemment du bras

droit.Au bout de ce temps apparurent sur le bras droit des macules qui occupè-

rent uniquement la face externe de ce membre, de l'épaule jusqu'au pouce.

Il y en avait en tout une vingtaine et elles étaient grosses comme une lentille ;

ses macules se transformèrent en vésicules, puis en deux jours en pustules ; la

suppuration se termina deux ou trois jours après sans donner naissance à des

croûtes Pendant l'éruption le bras était le siège de douleurs très violentes.

Celles-ci persistèrent dans l'épaule et la région du grand pectoral, assez inten-

ses pour rendre insupportable le contact du linge. Elles ont disparu au bout

d'un mois, mais d'autres très fortes ont fait leur apparition dans la main, sur-

tout au niveau du pouce et de l'index. En même temps survint un oedème du

dos de la main qui fut suivi cinq semaines plus tard d'un oedème de l'avant-

bras. Ses doigts se sont déformés et ankylosés, la malade les tenant immo-

bilisés dans un pansement, dont la chaleur calmait les douleurs. 1

NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALPÈTRIÈRE.

T. XXI. Pl. VU

NÉVRITE SENSITIVE ET TROPHIQUE A LA SUITE D'UN ZONA

(F. Rose)

Masson & Cie, Editeur :

Pbototypie Berthaud, Par

Nouvelle Iconographie DE LA qALPÈTRIÈRE.

T. XXI. PI. VIII

NÉVRITE SENSITIVE ET TItoPIIIQI : E A LA SUITE D'UN ZONA 65

Etal actuel, 6 janvier 1908. Ce qui frappe avant tout est un oedème du

dos de la main et de la partie postérieure de l'avant-bras remontant un peu

au delà du coude. La peau ne présente de changement d'aspect qu'au niveau

de la main, où elle est lisse, amincie et un peu pigmentée sur le pourtour,

changement qui résulte peut-être des frictions médicamenteuses auxquelles la

malade fut longtemps soumise. L'oedème fait sur la main une saillie globe-

leuse, qui était moins accentuée à l'entrée qu'actuellement. Sur l'avant-bras

il est assez nettement circonscrit en avant. C'est un oedème mou, gardant long-

temps l'impression du doigt. Il n'existe pas de dilatations veineuses (PI. Vil).

Les doigts de la malade sont rectilignes, mais augmentés de volume, fuselés,

non oedémateux. L'hypertrophie porte surtout sur les articulations des pre-

mières et deuxièmes phalanges. existe de l'ankylose des diverses articulations

du membre supérieur droit.Elle est incomplète,car on peut mobiliser les divers

segments, mais leur excursion reste incomplète. Il en est ainsi pour la flexion

des doigts, la flexion et l'extension de la main, l'extension de l'avant-bras et

l'abduction du bras.Cette dernière est particulièrement pénible et s'accompagne

d'une douleur au niveau de l'insertion brachiale du deltoïde.

La pression sur les interlignes articulaires de la main, sur les masses mus-

culairès de la main et du bras et sur les troncs nerveux est très douloureuse

et la malade éprouve toujours encore des douleurs spontanées dans la main

et l'avant-bras, continues avec exacerbations, surtout quand elle est exposée

au froid. La sensibilité objective est normale partout.

La motilité du membre est difficile à examiner, les douleurs et la limitation

des mouvements concourant à rendre l'examen impossible ; il est de même des

réflexes tendineux, qu'on ne peut provoquer. Pas d'atrophie musculaire. Réac-

tions électriques normales. Il n'existe aucun trouble dans le reste du corps ; la

malade a les artères de son âge, sans présenter désignes de petite urémie.

La ponction lombaire n'a pas permis de constater d'éléments cellulaires dans

le liquide céphalo-rachidien.

La radiographie des deux mains nous a révélé des altérations très nettes dans

la constitution des os de la main et de l'avant-bras droits. Du côté gauche, on

ne relève qu'une légère transparence des épipbyses digitales des métacarpiens

et des épiphyses supérieures des phalanges, due à un début de raréfaction os-

seuse sénile physiologique. Les os du carpe et les extrémités radiale et cubitale

présentent une ombre franche et des contours nets et normaux (Pl. VIII).

A droite au contraire il existe une transparence très marquée des divers os,

les lésions étant le plus prononcées au niveau des phalanges du pouce et du

carpe. Alors que métacarpien du pouce donne à gauche une ombre pres-

que opaque on distingue facilement à droite des travées osseuses fines allant

se perdre dans.l'extrémité inférieure claire et comme abrasée. Les extrémités

supérieures des phalanges sont déformées et élargies. Celles des métacarpiens

forment avec les os du carpe une pénombre diffuse et vague dans laquelle on

ne reconnaît qu'avec peine le contour plus foncé de certains os. D'une façon

générale les os de la première rangée du carpe sont mieux conservés que ceux

de la seconde.

xxi 5

66 FÉLIX ROSE

La mensuration des phalanges (extrémités supérieures) donne :

SOCIÉTÉ DE NEUROLOGIE DE PARIS

SÉANCE DU S DECEMBRE 1907

TROPHOEDËME CHRONIQUE,

VARIÉTÉ CONGÉNITALE UNIQUE

PAR

M. le Dr V. COURTELLEMONT.

Le nombre encore restreint d'observations de cette dystrophie et cer-

taines particularités relevées chez notre sujet nous engagent à faire con-

naître l'histoire de ce dernier.

On peut, sans nuire à l'unité clinique du trophoedème chronique, le

diviser au point de vue étiologique en quatre variétés, dont les deux pre-

mières, les plus communes, représentent les variétés non congénitales et

les deux dernières les variétés congénitales. Cette classification n'est ri-

goureusement juste que pour chaque cas en particulier : ainsi il arrive,

bien que le fait soit rare, de voir dans une famille de cas congénitaux un

cas non congénital (Milroy, Tobiesen). Ces réserves faites, voici les qua-

tre groupes entre lesquels se répartissent tous les faits :

l°Un trophoedème chronique non congénital, mais héréditaire et fami-

lial. C'est la forme à laquelle appartiennent l'observation de M. Meige

(1898) et celle de Lannois : la déformation frappe plusieurs membres

d'une même famille mais n'apparaît en général qu'à la puberté : c'est le

t1'ophoedème héréditaire et familial non congénital ou trophoedème hé-

réditaire à début juvénile (Meige).

2° LJrrtruplroedéme chronique non congénital, non héréditaire et non

familial C'est le trophoedème acquis, ou trophoedème acquis unique, qui

se montre à un âge variable de la vie, à la suite d'un traumatisme, de

poussées inflammatoires ou pseudo-inflammatoires ou bien sans cause

apparente. Rentrent dans cette catégorie les observations de Debove, Vi-

ouroux, Mabille, deux de Rapin (obs. I et II), Prothon, deux d'Hertoghe

(obs. I et III), celles de Sicard et Lainel-Lav;rstine, Sainton et Voisin,

Valobra, Etienne, Parhon et Florian, Jousset.

3° Un trophoedème chronique à la fois congénital, héréditaire et fa-

milial, comprenant la plupart des cas familiaux de Milroy et Tobiesen,

les cas de Nonne, Lortat-Jacob.

4° Enfin un trophoedème chronique congénital ni héréditaire ni fami-

lial. C'est le tl'ophoedème congénital unique ; l'eedéme existe dès la nais-1

68 COURTELLEMONT

sance et ne frappe qu'un seul membre de la famille. Ce type paraît le plus

rare de tous (cas de Rapin-Long, observation III dti-ni-émoii-e de Rapin, le

trophoedème facial d'Hertoghe, le cas de Collet et Beuller).

C'est à cette dernière variété qu'appartient le malade que nous avons

observé.

Il s'agit d'un homme, B..., âgé de 83 ans. Personne, parmi ses ascendants,

collatéraux ou descendants, n'a été atteint de difformité congénitale ou acquise,

et en particulier d'oedème ou d'hypertrophie des membres. Ses antécédents ne

contiennent aucun fait intéressant. Son grand-père est mort à 88 ans, son père

à 87 ans, sa mère à 73 ans. Il était le troisième des cinq enfants de la famille :

son frère a succombé dans l'enfance, ses trois soeurs se marièrent, n'eurent

pas d'enfant et moururent à un âge avancé (80 ans, 72 ans, 73 ans).

Quant à lui, il est venu au monde il terme, il n'a jamais entendu dire que

sa naissance ait donné lieu un accouchement difficile ou anormal ; il sait seu-

lement qu'il est né avec la jambe gauche « plus forte », c'est-à-dire plus grosse

que la jambe droite, et que cette difformité a toujours persisté.

On ne trouve pas, au cours de sa vie, d'autres maladies qu'une section

accidentelle de la phalangette de l'index gauche, et deux fractures de l'avant-

bras gauche, siégeant à la partie moyenne. Il ne fut pas alcoolique.

Sa femme mourut de tumeur abdominale il y a vingt ans; il eut de son mariage

deux enfants, nés a terme, tous deux : le premier, une fille, mourut à trois

mois ; le second, un garçon, bien constitué. servit dans l'artillerie, se maria et

eul quatre enfants, mariés aussi et tous pères de famille.

Histoire de sa difformité. Il naquit avec sa difformité, il l'avait pendant

l'enfance, elle s'est accrue proportionnellement au reste du corps, elle a per-

sisté toute sa vie. Elle n'apporta' dans le fonctionnement du membre inférieur

qu'un minimum de troubles. Son volume était toujours plus considérable le

soir que le matin, et c'est le soir aussi que les troubles fonctionnels apparais-

saient ou s'exagéraient.

Pendant toute la période active de sa vie (il fut d'abord tisseur, puis hommo

de peine au chemin de. fer, poste qu'il occupa pendant trente aus), la gène

qu'elle déterminait était réellement bien légère : comme employé au chemin

de fer, il était debout dix heures par jour, marchait pendant presque tout ce

temps et portait des fardeaux ; sans doute sa jambe gauche était-elle un peu

lourde, elle ne l'empêchait pourtant pas de se livrer à ce dur métier; cette

lourdeur de la jambe était plus marquée le. soir, la journée faite, sans pour

cela devenir pénible. ,

Depuis qu'il est vieux, il s'en plaint davantage : dans la journée elle le fati-

gue plus qu'autrefois; le soir, partir de quatre heures, il ne peut plue

rester debout et doit se coucher, car sa jambe, devenue un peu plus volumi-

neuse, s'engourdit, il ne la sent plus, il remue difficilement le pied ; lous ces

troubles fonctionnels n'existent, ainsi que l'oedème, qu'au-dessous du genou. f

Examen. - (PI. IX) Le sujet est un vieillard, petit, bien portant pour son

âge. se lève chaque matin il 7 heures, et se couche à '1 : heures de l'après-midi.

NOUVELLLE ICONOGRAPHIE DE LA SALl'1 ! l'RIÈRE

T. tll. Pl. 11

TROPHOEDÈME CHRONIQUE CONGÉNITAL UNIQUE

(Courtcllcmol1t)

Masson et Cie, Éditeurs

TROPTlOEDÈ1E CHRONIQUE 69

Son membre inférieur gauche est normal au-dessus du genou ; au-dessous,

il est plus volumineux que le membre correspondant droit, la jambe a la forme

d'un cylindre ; en bas, existe au niveau du cou-de-pied un sillon circulaire,

plus marqué en avant qu'en arrière ; au-dessus de ce sillon, le cylindre jam-

bier forme une sorte de bourrelet, que le malade a constaté toute sa vie ; au-

dessous est le pied augmenté également de volume, mais dans des proportions

moindres que la jambe.

Tandis que le cylindre d'oedème paraît se terminer brusquement au cou-de-

pied au niveau du bourrelet mentionné, en haut au contraire il commence peu

à peu, sans transition brusque; il ne dépasse pas la tubérosité tibiale.

Sur toute cette étendue la peau a sa couleur normale ou est un peu rouge ;

elle a sa couleur normale dans la partie supérieure, elle est rosée ou légèrement

rouge à la partie moyenne et inférieure ; si l'on exerce, sur la partie inférieure

des deux jambes, une pression légère il l'aide du doigt et qu'on la cesse brus-

quement, on constata que la tache blanche produite disparaît pour ainsi dire

instantanément à gauche, alors qu'elle persiste quelques instants à droite. La

peau de cette jambe oedématiée a l'air remplie, distendue, par endroits elle est

comme capitonnée et prend l'aspect de la peau d'orange ; très épaissie, elle ne

glisse pas sur les plans profonds ; sa consistance est dure, surtout en bas ;

toutefois la pression y détermine par places un godet toujours' peu marqué et

ne durant que quelques instants ; c'est à la partie supérieure de la jambe qu'on

a le plus de chance de le provoquer; dans le quart inférieur on ne le détermine

pas ; il est plus accentué le soir que le matin.

Comme on a pu le voir par les antécédents, le gonflement n'est pas doulou-

reux, mais il devient, après une journée passée debout, le siège d'un engour-

dissement pénible : la position horizontale lait disparaître ce symptôme en une

heure. Le sujet se plaint aussi d'une sensation de froid fréquente dans ce

membre. La pression ne détermine pas de doulenr, sauf en bas et en avant;

en ce point, si elle est un peu énergique, elle éveille une sensibilité assez vive.

Le trajet des nerfs n'est pas sensible.

Le gonflement du pied n'est perceptible qu'a la face dorsale ; il est beaucoup

moins accusé que' celui de la jambe ; il est blanc, sans godet, indolore, dur,

non capitonné; la plante du pied a l'aspect du pied plat.

Dans le sillon qui sépare l'oedème de la jambe de celui du pied, se voient de

fines arborisations vasculaires, rougeâtres le matin, bleuâtres le soir, ne faisant

pas saillie.

Semblables arborisations vasculaires existent aussi à la face externe de la

jambe, au niveau de la limite supérieure de l'oedème ; elles sont toutefois moins

nombreuses que les précédentes, et rougeâtres le soir comme le matin.

La face interne de la jambe porte, dans son tiers inférieur, une petite cica-

trice pigmentée, déprimée, que le sujet attribue à un « clou » qu'il eut l'an

dernier.

On voit dans le quart supérieur quelques taches jaunâtres superficielles ; il

en existe autant sur l'autre membre.

Les poils sont' plus rares sur cette jambe que sur l'autre ; ils manquent

70 COURTRLLE\IO\'l'

même complètement dans la moitié supérieure. En dehors d'un léger degré

de signe de Lasègue, aussi marqué à droite qu'à gauche, et en relation évi-

dente avec l'état général, il n'existe, pas plus sur la jambe gauche qu'en un

autre point du corps, aucun trouble de sensibilité objective cutanée ou articu-

laire. Mais la température est plus élevée sur la jambe difforme que sur l'autre :

la différence est évidente au seul palper, le thermomètre accuse un écart de

un degré (33° 2 à droite, 34° 2 gauche, le matin avant le lever).

Les deux pieds ont la même longueur ; il en est de même des deux jambes

(36 centim. de l'extrémité supérieure du péroné à la pointe de la malléole ex-

terne). '

La circonférence du membre n'est pas la même le matin avant le lever et le

soir an moment du coucher, sauf pour le pied : la différence, à la jambe gau-

che, est de 1 il 2 centimètres et demi entre les dimensions du matin et celles

du soir. Voici les chiffres obtenus :

NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SAH'ËTRII' : RE. T. XXI. 1'1. X

TROPHOEDÈME CHRONIQUE CONGÉNITAL UNIQUE

(Courtelleinoiit)

TIlOl'IIOEIJ ? \/ CHRONIQUE 71

Il existe, toutes les dix ou quinze pulsations cardiaques, une arythmie passa-

gère ; le deuxième bruit au foyer aortique est accentué. Les poumons sont

légèrement emphysémateux ; les organes abdominaux ne présentent pas de

signes pathologiques ; il n'y a ni sucre ni albumine dans les urines, le sujet

accuse de la polyurie nocturne.

L'examen du systèmo nerveux n'a décelé que les anomalies suivantes : les

mouvements de flexion et d'extension du genou gauche se font avec un peu

moins de force qu'à droite ; le réflexe du tendon d'Achille, normal à droite,

n'a pas été trouvé à gauche ; il a semblé que l'épaisseur des tissus à cet endroit

pouvait être la seule raison de cette absence du réflexe ; le réflexe du gros orteil,

à droite comme à gauche.provoque d'abord une flexion très courte etpeuaccusée,

et, aussitôt après,une extension très nette ; il existe à droite et à gauche un léger

degré de signe de Lassèguc ; la vue baisse depuis quelques années ; le cercle

périkératique est très prononcé. On n'a pratiqué ni l'exploration électrique, ni

la recherche de la sensibilité osseuse au diapason.

Le cubitus gauche présente à sa partie moyenne un épaississement ; le mou-

vement de supination de cet avant-bras est très limité. Cette déformation et cette

impotence fonctionnelle sont la conséquence des deux anciennes fractures.

Au tronc, on remarque trois petits angiomes séniles, et un molluscum fihro-

sum de volume moyen ; il y a un petit noevus fileux ;'1 la face interne de la curie

gauche. '

La jambe saine n'a pas de varices et pas trace d'oedème.

Radiographie (PI.X). - Les radiographies ci-jointes, que nous devons à l'o-

bligeance de M. le Dr Degouy (d'Amiens), ont été prises le malade couché sur

le dos, les deux jambes sur un même plan,l'une un peu plus tournée que l'autre.

Malgré la superposition du péroné et du tihia sur l'une des deux images, on

voit avec évidence que le squelette des deux jambes a les mêmes dimensions.

On voit encore sur la radiographie de la jambe gauche deux détails intéres-

sants : d'une part de petits rameaux sinueux, qui ne peuvent répondre qu'à

des vaisseaux dont les parois sont infiltrées de sels calcaires ; d'autre part, la

bordure des téguments représentée par une couche épaisse d'un centimètre ;

cette couche, visible sur une épreuve poussée et mieux visible encore sur le

cliché que sur l'épreuve, est faite de bandes minces, horizontales, parallèles,

alternativement noires et blanches ; ces bandes paraissent bien correspondre à

une couche fibre-adipeuse dense.

Enfin sur la radiographie de la jambe gauche se dessine très nettement une

des grosses artères du membre, stigmate radiographique d'athérome.

La description et les figures annexées à celle-ci nous dispenseront de

discuter longtemps le diagnostic : les radiographies attestent l'absence de

toute hypertrophie osseuse, l'augmentation de volume ne porte que sur

les parties molles, il'ne peut donc s'agir d'hypertrophie partielle d'un

membre ; cet' oedème est chronique au premier chef, puisqu'il dure. comme

72

COURTELLEMONT

le sujet qui Je porte, depuis 83 ans ; il a été remarquablement toléré

pendant une grande partie de la vie, où l'on pouvait le considérer comme

tout à fait indolore; il est dur, limité, segmentaire. Il ne peut être qu'un

trophoedème chronique.

Il offre quelques caractères rarement constatés dans ce syndrome.

\ Au point de vue étiotogique, nous avons déjà signalé qu'il est congé-

nifal unique, c'est-à-dire qu'il existe depuis la naissance sans être ni hé-

réditaire ni familial ; ajoutons-que le porteur de cette malformation est

un homme : on sait que le trophoedume, s'il a une prédilection pour le

sexe féminin, est loin d'épargner le sexe masculin (nous trouvons en ef-

fet 28 hommes contre 39 femmes sur un total de 67 sujets).

Au point de vue clinique, nous relevons les particularités suivantes :

La peau n'est pas blanche dans toute son étendue ; elle est rosée ou

rouge dans la partie moyenne. et inférieure de la jambe ; cette coloration

s'accentue encore à la fin de la journée. Rappelons à ce propos qu'un des

membres de la famille étudiée par Miron avait un oedème rosé ; les malades

de Lortat-Jacob avaient les extrémités légèrement bleuâtres ; la femme

dont Collet et BeuLter rapportent l'observation a le dos de la main rouge

bleuâtre ; le gonflement delà malade de Sicard et Laignel-Lavastine, blanc

dans la position horizontale, devenait rouge vif dans la position verticale.

L'oedème, quoique dur, se laisse déprimer en un godet par la pression

du doigt ; ce godet ne peut être obtenu en tous les points explorés, à la'

partie la plus enflée notamment ; il est peu marqué et transitoire ; il est

plus accentué le soir que le matin. Le propre du trophoedème chronique

est moins l'absence du godet il la pression que la difficulté de sa produc-

tion, son inconstance ou sa disparition rapide après le retrait du doigt.

Meige, Mabille, Etienne, Lortat-Jacob insistent sur l'existence de ces ca-

ractères chez leurs sujets. On peut cependant constater dans cette mala-

die un godet plus typique : Milroy, Nonne, Jopson, Collet et Beutter en'

font mention ; dans le cas de Sicard et Laignel-Lavastine, tandis que la

jambe avait un oedème dur, le pied était le siège d'un oedème mou. Le

godet à la pression s'observait - il chez notre homme il y a quarante ou

cinquante ans ? Nous n'en pouvons rien dire. A l'heure actuelle, son

arythmie et son grand âge rendent probable l'adjonction au trophoedème

congénital d'un léger degré d'oedème mécanique, oedème unilatéral, lo-

calisé sur ce membre par suite de l'infirmité préexistante, et c'est à cet

oedème mécanique surajouté que nous rapportons la possibilité de pro-

duire le godet.

Le gonflement du membre augmente le soir, après la journée passée

debout; il en a toujours été ainsi ; mais cet accroissement vespéral est

plus marqué depuis que le sujet a atteint t'age de la vieillesse. Meige,

TIT01'fIQ : DÎ : \IG CHRONIQUE

73

Debove et plusieurs auteurs ont observé semblable modification sur leurs

malades. Ce phénomène ne peut tenir qu'a l'adjonction au trophoedème

d'un oedème mécanique,passager, développé sous l'action delà pesanteur.

Cette explication s'applique d'autant mieux à notre sujet que nous trou-

vons chez lui des conditions d'ordre cardiaque et vasculaire susceptibles

de favoriser un oedème mécanique.

Le trophoedème chronique est indolore. Or, notre malade ressent le

soir, à partir de quatre heures, un engourdissement qui rend la marche

impossible. Nous ferons remarquer d'abord qu'il existe des trophcedèmes

dont l'évolution est traversée par des périodes de poussée douloureuse, et

d'autres qui s'accompagnent de douleurs ou de paresthésies continuelles.

Le sujet d'Etienne accusait de vives souffrances dans son bras ; la malade

de Sicard et Laignel-Lavastine ressentait une impression de froid et quel-

ques engourdissements dans la jambe, elle était prise, en outre, dans la

station debout de douleurs qui l'empêchaient rapidement de marcher.

Nous insisterons surtout sur ce fait que notre sujet n'est réellement gêné

par ses symptômes fonctionnels que depuis sa vieillesse. A parcourir l'his-

toire de sa vie, loin de considérer ce cas comme un cas de trophoedème

douloureux, on est bien plutôt tenté de le regarder comme un exemple de

trophaedéme indolore. Voilà un homme qui pendant toute la période active

de son existence s'est livré à un travail des plus pénibles, et qui, parvenu

à l'extrême vieillesse, est encore capable de se lever et de marcher une

grande partie de la journée.

Nous attirons l'attention sur l'élévation de température dont la peau est

le siège, au niveau de l'infirmité. La plupart des observations de trophoe-

dème chronique ne font pas mention de la température locale, ce qui laisse

penser que celle-ci est normale dans la grande majorité des cas. On l'a

trouvée abaissée chez plusieurs sujets (Prothon, obs. I de Rapin, deux

observations de Valobra : obs. IV, un degré de différence, et obs. VI,

deux degrés de différence). Son élévation parait beaucoup plus rare : la

malade de Sicard et Laignel-Lavastine présentait cette particularité, mais

dans la position debout seulement. Chez la nôtre, elle est permanente.

Le gonflement de notre sujet porte en deux points, au-dessous du ge-

nou et à la cheville, des arborisations vasculaires qui ne peuvent être, en

raison de leur finesse, de leur couleur et de leur disposition même, que

des noevi. On trouve encore quelques noevi et angiomes, de caractères dif-

férents, en d'autres points du corps. L'existence de noevi a été signalée

dans les familles de trophoedémateux ; sa présence sur les membres mêmes

atteints de la dystrophie doit être rare. IIertoghe en a rapporté un beau

cas (obs. I de son mémoire). Par contre, plusieurs auteurs, Tobiesen,

74 COCHTELLElIIOK'f

Lannois, Rapin (obs. I) parlent de veines, réseau veineux, varices, à la

surface du membre.

Nous signalerons encore un détail mis en évidence par la radiographie :

l'épaisseur de la couche fibro-adipeuse sous-cutanée et cutanée, et la forme

sous laquelle elle se dessine : série de bandes parallèles, horizontales,

alternativement noires et claires : cette disposition semble indiquer que

cette couche est constituée par des trousseaux fibreux denses et par du

tissu adipeux ou cellulaire lâche intermédiaire, étroitement bridé par

ces productions fibreuses. Celle image radiographique concorde bien avec

l'aspect clinique de la peau d'orange ; elle est curieuse à rapprocher de la

description des lésions observées par Long.

Mentionnons, pour terminer, l'analogie qui existe entre quelques-uns

des symptômes anormaux de ce sujet et ceux d'une autre variété d'oedème

nerveux, que nous avons eu l'honneur de publier avec M. Raymond, un

oedème de la main chez une hémiplégique. Dans les deux cas, oedème dur,

chaud, indolore dans le décubitus dorsal, sujet à des poussées de douleur

et de rougeur et de gonflement sous l'influence de la pesanteur. Ces carac-

tères communs, au cours de deux manifestations à étiologie si différente,

montrent seulement les ressemblances cliniques qui rapprochent certains

types d'oedème nerveux.

ASILE DES ALIÉNÉS DE LA PROVINCE DE FEIl/ ! AIlA

Directeur : R. Tanionow.

SUR LES ACCESSOIRES DE L'HABILLEMENT

DANS LA DÉMENCE PRÉCOCE

ET

DANS LA PSYCHOSE MANIAQUE-DÉPRESSIVE.

NOTE SÉMIOLOGIQUE

par

ÇwAF4TANO BOSCHI

I trattatisti considerano per lo più gli

indizî che si ricavano dal modo di vestire

' degli alienati e dal loro abbigliamento,

come indegni di figurare in un libro scien

tifico accanto agli altri segni obbiettiv

della pazzia ; ma anche tali indizl, quando

. siano raccolti con tatto ed apprezzati con

metodo, possono acquistare un alto valore

semiologico.

Morselli.

Un grand nombre d'aliénés se plaisent à orner leur habit ou leur per-

sonne de rubans, de fleurs ou d'objets divers, lesquels ont pour eux la si-

gnification d'un ornement simplement décoratif ou bien celle d'un grade,

d'une profession que le malade s'attribue, d'une idée qu'il veut manifes-

ter d'une manière symbolique.

Il n'y a pas de traité où il ne soit question de cette particularité, de la-

quelle on parle également dans bon nombre de monographies. Mais, à ce

que je sache du moins, il n'y a pas eu récemment de comparaison des

manifestations en question, en tenant compte de la forme morbide du pa-

tient. Dans Morselli (1) on fait la distinction ci-dessus indiquée des acces-

soires de l'habillement, eu égard à l'idée intentionnelle de celui qui les

imagine : et l'on étudie également leur modalité dans les différentes ma-

ladies mentales. Mais les tableaux nosographiques de la classification

Kraepelinienne, plus récente et maintenant plus communément adoptée,

(1) E. MoRsrLLI, Manuale di semeiotica delle 111alatli mentali, vol. II, Dott. F. Val-

lardi, edit. Milano.

76 GAETANO BOSCHI

au moins dans ses plus grandes lignes, ne correspondent pas généralement

à ceux qu'on a reconnus, il y a quelques années : bien des symptômes

alors adoptés comme critérium essentiel tassinomique, ont perdu leur im-

portance en présence des critériums de l'évolution et du résultat. A la

démence précoce et à la psychose maniaque-dépressive, types morbides

fondés principalement sur ces dernières données, je rapporte ce travail.

Ces maladies sont très fréquentes et présentent avec la plus grande facilité

le symptôme dont je m'occupe.

J'ai dit que les auteurs récents ne font pas de distinction entre les ca-

ractères que ce symptôme peut présenter, selon la maladie qui le provo-

que. Je dirai mieux : que le traitement clinique d'une maladie et de

l'autre, examine légèrement le susdit symptôme. mais ne l'analyse pas,

de sorte qu'on pourrait douter s'il y a une différence dans sa manière de

se présenter dans les différents cas : sa sémiologie très moderne manque.

Je n'ai jamais vu ni entendu dire que les mélancoliques se parent de

quelque ornement que ce soit : je considérerai donc seulement ici la pé-

riode exaltative de la psychose maniaque-dépressive, et, dans cette der-

nière expression, psychose m. d., je veux comprendre les maniaques

seulement.

Dans la démence précoce, surtout dans les variétés paranoïdes, le dé-

lire est un symptôme de première importance : dans la psychose maniaque

dépressive, il est rare, peu remarquable et fugitif. Il semblerait donc que-

ces ornemenls qui semblent des emblèmes, qui ont une signification

symbolique et qui devraient être la conséquence d'un état de délire, sont

bien plus fréquents dans la démence précoce que dans l'autre psychopa-

thie. Et c'est, au contraire, ce qui n'est pas. Kraepelin (1) raconte qu'un

marin, atteint d'excitation maniaque, s'était fait avec les accessoires de

son lit une ancre, symbole de sa profession. Weiandt (2) parle d'une

maniaque qui s'habillait en Iphigénie. Tanzi (3) rapporte que les mania-

ques, surtout les femmes, réduisent leurs vêlements en loques pour s'en

orner la tête et la poitrine d'une manière ridicule ou pour orner les pa-

rois de trophées. Deny et Camus (4) notent, parmi les caractéristiques

des vrais maniaques, la disposition à se couvrir d'ornements.

Dans les six premières figures de cette note se trouvent six portraits de

maniaques dont l'habillement porte des ornements symboliques.

(1) E. Kraepelin, lato0driorte alla Clinica psichiatrica. Trad. di 1 ? Amaldi e

B. Manzoni. Socf edit. libr. Milano, 19U ? , ' .

(2) G. VmcwNnr; Atlas-manuel de Psychiatrie. Edition française, par Itoubinovitsch,

Paris,.libr. J. B. Baillière et Fils, 1904. '

(3) E. Zanzi, 1'I'atlalo dette malattre meniali. Soc. edit. libr. Milano, 1905.

(4) G : Dkny et'P. Camus, Le psychose maniaque-dépressive, J. B. Baillière et Fils,

éditeurs, Paris, 1907. '

Nouvelle Iconographie DE la SALPE'IRIEItE.

T. XXI. 1'1. XI

HABILLEMENT DANS LA DEMENCE PRÉCOCE ET LA PSYCHOSE

MANIAQUE DÉPRESSIVE

(Boschi)

NOUVELLE Iconographie DE la SALP1 : TRILRE.

T. XXI. l'1. XII

HABILLEMENT DANS LA DÉMENCE PRÉCOCE ET LA PSYCHOSE

HABILLEMENT DANS LA DÉMENCE PRECOCE 77

Quelle différence entre ce symbolisme des maniaques dépressifs, et

celui des déments, spécialement paranoïdes ?

Dans tous les cas, ces emblèmes sont absurdes, car ils entendraient par

là représenter des conditions fausses, des idées ou des choses qui ne ré-

clament nullement cette exposition (Voy. les Planches XI, XII, XIII, XIV).

Un maniaque (Gg. 4), abbé, porte sur sa poitrine une fleur de laurier-rose,

comme un signe de reconnaissance, signifiant l'ardeur de la charité ;

deux autres maniaques, un homme (fig. 6), et une femme (fig. L2) portent

sur la tête un béret orné comme ceux que les soldats poi'teii quelquefois ; la

seconde porte encore une écharpe, en travers (fig. 1), ou en bandoulière

(lis. 3), qui est l'insigne d'un ministre, d'un général ou autre, selon les

moments. Le maniaque reproduit dans les figures 4 et 5, porte, lui aussi,

une écharpe en bandoulière, comme l'indice de son grade de général. Le

béret est orné de la même façon avec une bande transversale, en y ajoutant

pourtant des feuilles et des fleurs de laurier, lesquelles signifieraient, selon

lui, qu'il est te plus fou de tous,ou autre chose tout à fait différente, quel-

quesmoments plus lard. Un démentprécoce(fi5. t 2) attache une petite corde

à son béret à travers un petit trou, et il conserve, pendant des mois, cet

ornement qu'un jour il appelle l'oeil du béret, en disant qu'il sert pour

la respiration, pendant qu'à d'autres moments, il dit au sujet de ce si-

nal : « c'est la vue; il serf pour l'esprit, la joie de l'homme : nous

sommes nés de vue; c'est-à-dire, - répond-il, prié de s'expliquer,

- due nous fabriquons l'air. » Un second dément paranoïde (fig. 13) porte

une petite ficelle rouge devant la poitrine : pour toute explication, le ma-

lade répond que c'est un signe qui doit toujours rester du côté du

coeur, pour indiquer que l'homme est rouge; à un autre moment, il

voit dans la ficelle même le signe que tous les hommes doivent être

égaux. Le même malade se retrouve dans la figure 15, pourvu d'un .petit t

sac de toile, rempli de papier, qu'il a porté pendant des mois en bandou-

lière, d'un air grave, et duquel il tirait de temps en temps une feuille de

papier sale et barbouillé pour la remettre au médecin comme un télé-

gramme important à expédier aussitôt. La 14e et la 16e figures sont celles

d'un type fréquent de paranoïde militarisé.

Il est facile de comprendre la fréquence des emblèmes militaires dans

l'ornement personnel des aliénés. Le militarisme exige les ornements du

vêlement et, par conséquent, frappe facilement l'esprit du maniaque qui

a toujours besoin de se mouvoir, de travailler, de faire,de défaire ; dû dé-

ment, désireux de paraître solennel ; le militarisme rappelle les idées du

mouvement, du bruit, de l'impériosilé indiscutable, de la lutte, du sang ;

le militarisme est un rêve facile, accessihle même aux esprits qui ne savent

être ou qui ne sont pas profonds, à ces esprits mobiles ou faibles qui ne

78 GAETANO BOSCHI

peuvent considérer, sentir fin des choses, l'évolution des temps el des

idéalités. Qu'on n'oublie pas d'autres faits dans l'explication de ce phéno-

mène : la basse couche sociale et le manque de culture dans le plus grand

nombre des malades pris en considération ; le service militaire, qui a ab-

sorbé une si grande partie de leur vie la plus florissante, en attirant si

longtemps l'attention sur lui, sur le prestige des armes et du grade ; qui

a étouffé les tendances individuelles et fières d'une constitution paranoï-

que, peut-être, sous le commandement d'un supérieur, en excitant l'en-

vie : l'envie pour cette autorité, pour cette puissance, ce grade indiqué

par les ornements de l'habit. Quand il s'agit de femmes, il faut penser,

plutôt qu'à la masculinité comme caractère dégénératif, à la liaison qui

existe entre les ressemblances viriles et l'exubérance de l'activité ; à la

commodité offerte par les vêtements masculins pour les mouvements ;

et, plus encore, au grotesque présenté par le contraste grossier : c'est

pourquoi j'ai vu l'inversion du sexe par la parure plutôt dans la psychose

maniaque dépressive que dans la démence, et beaucoup plus fréquemment

chez les femmes que chez les hommes.

En revenant à l'argument que j'ai encore à peine touché, de l'absurdité

de l'emblème, notable chez le maniaque et chez le dément, je remarque

dans ce dernier un manque absolu d'expression dans le symbole, puisque

l'explication adoptée montre, indépendamment dé la salade verbale, le

manque d'une idée claire, bien déterminée, correspondant au symbole

même. Quand il se présente, ce fait constitue un symptôme pathognomo-.

nique différentiel. Mais n'est pas constant : la démente reproduite dans

la figure 11, avec son aspect grave, ses cheveux tombant sur ses épaules,

était une maîtresse et elle conserve dans celte attitude sévère et calme

que rien ne trouble,l'expression d'un sentiment de dignité bien définie et

assez cohérente avec la condition passée que faiblement elle fait revivre

dans son pâle délire. Et le malade représenté le dernier, nous montre

d'une manière très claire, quoique sans paroles, l'intention de ses rubans,

de ses boutons, de ses colifichets.

Une chose encore à considérer au sujet des ornements symboliques,

c'est le temps de persistance de la modalité même d'ornement. Dans les

maniaques, le délire, rare, effleure à peine l'esprit, et il est supplanté

d'autres images, d'autres idées aussitôt supplantées à leur tour ; et dans

les déments précoces, il sera, selon les cas, plus ou moins rapidement

muable, mais il aura toujours le temps de se manifester, plus ou moins

consistant, avec calme, à l'esprit du malade. A priori, on croirait pour

cela que les premiers malades n'ont pas même le temps de préparer l'ex-

pression symbolique du délire dans l'habillement, tandis que les seconds

NOUVELLE ICOIJOGRAPHIE DE LA SALPLTRI ? ))6.

T. XXI. Pl. XIII

HABILLEMENT DANS LA DÉMENCE PRÉCOCE ET LA PSYCHOSE

MANIAQUE DÉPRESSIVE

HABILLEMENT DANS LA DÉMENCE PRÉCOCE 79

peuvent la préparer complète et la conserver même longuement, invaria-

ble, au moins dans ses lignes générales.

En effet, de tous les maniaques, portés en apparence au symbolisme,que

j'ai observés, aucun ne voulait exprimer sérieusement une idée. Tous obéis-

saient, en se parant, à une série de motifs légers, dont les principaux étaient

l'allégresse et le besoin de se mouvoir. Qu'on regarde, par exemple, la

seconde figure : on y lit une gravité artificieuse et mal assurée, un besoin

intérieur d'éclater, quelque chose enfin qui rappelle la tension de l'arc,

prompte il se répandre au dehors, malgré le symbolisme. Voilà, au con-

traire, le dément de la figure 1ft dans une attitude étudiée avec un soin

patient, calme et satisfait de l'apparat de son babil, de sa pose. Et pendant

que le maniaque, répondant à la demande qu'on lui fait de s'expliquer,

laisse éclater tout à la fois des paroles criées et un rire aussi effréné que

bruyant, le dément parle avec un calme plein de satisfaction, avec un

sérieux plein de fierté et de menace.

Kahlbaum (1) décrit un maniaque fort gai qui devint tout il coup ex-

cessivement triste, parce qu'un petit morceau de bois qu'il tenait à la main

et qu'il prenait pour un sceptre, s'était brusquement rompu. Néanmoins,

la gaieté reparut bientôt en lui. S'agissait-il d'un vrai délire ? Proba-

blement, le malade était content de son rêve, tout simplement, sans se

préoccuper d'en approfondir la nature ; il ne cherchait pas, il n'avait

même aucune idée à ce sujet. Un malade comme celui qu'a décrit d'Or-

mea (2) lequel s'habillait comme un saint pour compléter par son aspect

son caractère de saint, auquel il croyait vraiment, ne pouvait être qu'un

dément.

La gaieté dans la composition et l'emploi des emblèmes de l'habillement,

forme un caractère différentiel qui ne trompe jamais. C'est un fait impor-

tant, ce propos,.que dans les mélancoliques, ainsi que dans les maniaques

non joyeux aussi, on ne trouve jamais d'allégories semblables. Si, chez le

dément, l'ornement des habits ne se fait ordinairement que lorsque la to-

nalité de l'àme est plutôt portée à l'exaltation, il n'en est pas moins vrai

qu'on a décrit de ces apparats symboliques, en rapport avec des états de

conscience essentiellement dépressifs de déments. Vous souvenez-vous

de ce malade décrit par Kraepelin (3) qui portait son bras lié par une cein-

ture et des lacets, afin de l'empêcher d'obéir à l'impulsion de s'égratigner

In .,

le visage, impulsion à laquelle le poussaient ses propres ennemis ? et de

(1) Kahlbaum, 1 punli di vista clinico-diagnoslici della psicopatologia. Trad. it di

A. Vizioli.

(2) A. D'OHMHA.Demente précoce paranoide imputalo di lesioni in persona del proprio

padre. Ferrara, Tip. Bresciani, 1907.

(3) E. Kraepelin, Psychiatrie. Il- Bd. Siebenle AuQage-Johann Ambrosius Barth-

Leipzig.

80

GALVANO BOSCHI

cet autre malade décrit par Merklin (1) qui portait une armure de 12 kil.

faite avec de vieux ustensiles en fer-blanc, et une casserole sur la tête,

comme défense ? ainsi que de ce paranoïde nommé par W'eiandl (2) qui

portait un appareil à son nez pour se défendre contre les mauvaises odeurs

que lui envoyaient ses ennemis ? et de ce paranoïde fantastique décrits

également par Weigandt (3), qui portait une bandeau bras, le croyant

paralysé ? C'est pourquoi je veux croire que le délire, dans la psychose

maniaque-dépressive, n'a ni la consistance ni la durée suffisante pour don-

ner de telles manifestations symboliques, et que ces dernières représen-

tent, quand elles se rencontrent clans des malades de cette forme mentale,

un produit plaisant. Un assombrissement éventuel de l'humeur porte

avec soi la négligence et la distraction. Exceptionnellement, d'autre part,

le dément peut, dans une période d'hilarité, sourire à ses propres décora-

tions, mais superficiellement. Il ne faut pas oublier la très fréquente im-

bécillité psychique des malades, pour laquelle un individu peut prendre

au sérieux, même après que la période d'excitalion a cessé, un symbole

adopté pendant celui-ci. Tel est, dans les exemples que j'ai cités, le ma-

lade de la figure 1. Du reste, j'ai choisi,autant qu'il m'a été possible, des

sujets malades de forme pure et c'est à celle-ci, en général, que se rap-

portent mes réflexions.

Si' donc, les emblèmes de l'habit chez le maniaque ne sont pas en rap-

port avec le délire, de quelles autres données devrons-nous déduire le

temps de persistance du même ornement symbolique; quel procédé les

faits nous présentent-ils a ce sujet ? On dirait que l'agitation du mania-

que, la hâte logique, produisent une muabilité sans fin. Nous voyons au

contraire des maniaques porter très longtemps une modalité d'ornements,

essentiellement égale. Les malades représentés dans les figures 2, 3. 4. et

5 en sont des exemples. Le maniaque de la figure 5 a continué à porter

ce béret et ces fleurs pendant des semaines, même lorsque ces dernières

étaient complètement desséchées. Ce sont là des choses, en même temps

que d'autres déjà rapportées, que la rigidité technique, entre parenthèses,

n'aurait pas acceptées, si la raison des recherches scientifiques n'avait pas

prévalu. D'un autre côté, en revenant à notre sujet, j'ai vu le dément des

figures 14 et 16 changer les pièces et la disposition de son habillement,

et le dément des figures 13 et 15, changer complètement ses propres or-

nements, en un court espace de temps. Avec tout cela.je retiens également

comme vrai, que la durée stéréotypée pendant des années de l'emploi d'une

certaine façon de costume étrange, n'est jamais le propre d'un sujet ma-

il) 111EIIKLIN, citato in E. Kraepelin, Psychiatrie, loc. cit.

(2) `VfEGANDT, 10C. cit.

(3) G. 'VVr.10,%NDT. lnc. cil.

HABILLEMENT DANS LA DEMENCE PRÉCOCE

81

lade de psychose maniaque-dépressive, mais qu'elle peut l'être seulement

d'un dément ; et que chez le maniaque seul est possible un changement

ininterrompu et hâté, grâce auquel, d'heure en heure, l'anomal habil-

lement du malade apparaît totalement différent, comme cela arrivait à

quelques époques chez les sujets des figures 2, 3, 7, 9, 10. En af-

firmant que par la persistance dans l'usage du même type d'ornement,

les deux formes ont souvent des caractères communs, et en donnant du

relief à d'autres points de contact, je n'entends nullement faire allusion

à des idées d'unification. La ressemblance dans les manifestations en ques-

tion est un épiphénomène fortuit, qui, dans une de ces deux maladies,

a des causes absolument diverses de celles qui agissent dans l'autre mala-

die. Une association dans ce sens serait superficielle, autant que, pour

me servir d'un exemple trop élevé pour mon argument, mais par là même

fort connu, l'étaient celles de la tassinomie biologique avant l'évolutionis-

me, fondées sur les analogies plutôt que sur les homologies. Le maniaque

conserve longtemps ses propres ornements, parce qu'il les oublie sur lui-

même ; parce qu'il i a autre chose à faire qu'à s'occuper d'un travail mi-

nutieux et patient de démolition ; parce qu'il veut être ridicule et que son

imagination ne lui suggère rien de nouveau dans ce sens : le dément les

conserve parce qu'une idée morbide, qui trouve en eux-mêmes un consen-

tement, persiste en lui. Donc, si le phénomène accompli ne montre aucune

distinction, sa genèse en présente. J'ai déjà dit que mes observations se

portent sur des exemples très purs, scolastiques, de l'un et de l'autre type

morbide, où les caractères différentiels sont très nombreux.

Il est possible de trouver dans le maniaque et dans le dément la persis-

tance dans l'usage d'un signe donné, sans qu'ils persistent à lui donner la

même signification, la même explication. Les exemples que j'ai donnés

précédemment le prouvent. Aussi pour cet ordre de choses, le détermi-

nisme est divers : dans le dément, c'est une démolition raisonnée ausub-

stratum mental du symbolisme, et une oeuvre de reconstruction ; dans

le maniaque, c'est une inconstance, avant et après, dans l'idée correspon-

dant à l'emblème, et une muabilité très facile et très grande, semblable

à celle d'une flamme qui oscille, d'une ombre qui assume mille aspects,

qui apparaît et disparaît sans laisser jamais de traces.

J'en arrive maintenant à considérer les accessoires de l'habillement que

le malade assume dans le seul but de se parer. Cette distinction entre les

deux modalités d'ornements est toutefois artificieuse, même en ce qui

regarde leur traitement; de sorte que bien des choses dites au sujet de

l'une, conviendraient également à l'autre. Mais cette distinction n'en est

xxi 6

82 GAETANO BOSCHI

pas moins artificieuse, car, ainsi que je l'ai déjà dit, les ornements'du

maniaque ont,sous une apparence symbolique,un caractère ornemental ; et

quelques-uns de ces ornements d'aspect symbolique, appartiennent à des

maniaques ou à des déments, el même avec un but emblématique, ils pré-

sentent un côté purement décoratif. Quoi qu'il en soit, cela est commode

pour l'exposition de l'argument.

' L'ornementation du vêtement est. avant tout, en rapport avec la possi-

bilité de l'individu dans la création de la beauté en général. Et ici, mon

. thème irait se perdre dans un autre sans limites, très difficile, à peine

touché çà et là par quelque auteur. Connaître exactement les aptitudes

psychiques spécifiques d'une infinité de sujets, avant même que la mala-

de se déclare; déduire théoriquement des conditions de vie, et sur la

base d'autres fails, quelle aurait dû être l'évolution de ces aptitudes jus-

qu'au moment de l'examen de la personne malade; comparer son état

présent au premier; bien examiner, avant de conclure, l'influence de la

maladie proprement dite en comparaison d'autres éventualités anormales

survenues; et recueillir des phases différentes par la gravité et-la date,

d'une psychose et de l'autre : telles sont, ainsi que d'autres encore, peut-

être, les nécessités encore actuelles, pour la solution complète de cette

question, c'est-à-dire pour faire comprendre l'efficacité perturbatrice que

la psychose maniaque-dépressive et la démence précoce ont sur les apti-

tudes esthétiques de l'esprit. Il est vrai qu'on peut, sur des cas isolés,

deviner quelque chose en gros. Kraepelin (1) a tiré de la bizarrerie des

statues delà villa Polagonia, près de Païenne, un état psychopathotogique

des auteurs : il parle çà et et là de l'extinction plus ou moins complète de

la capacité à produire des choses nouvelles, et de la conservation des apti-

tudes techniques manuelles, dans les malades de l'esprit, ainsi en général.

Et ceci, en rappelant seulement le grand maître : mais tout ce que j'ai vu

m'a porté à résumer les conclusions dans cette synthèse d'imperfection

dont j'ai parlé plus haut.

On peut tirer beaucoup de déductions de l'influence de la folie sur la

manifestation artistique, de considérations relatives aux caractères de

chaque infirmité. Il faut considérer que dans la maladie, il y a une exa-

gération ou quelque autre déviation des fonctions normales. Elles ont

leur raison physiologique d'être : l'humeur, le mouvement du corps et de

l'esprit, la conscience de notre moi. Dans les syndromes mentaux dont

je m'occupe, sont comprises des altérations des aptitudes dont je viens de

parler, altérations plus ou moins distinctes, selon les cas. Et entre l'état

normal et l'état morbide, il y a un point incertain, oscillant, devant lequel

(1) E. Kraepelin, 10C. cil.

HABILLEMENT DANS LA DÉMENCE PRÉCOCE 83

se trouve aussitôt le maximum de la vigueur fonctionnelle parfaite, on

trouve les possibilités de l'oeuvre sainement géniale : le sentiment exquis,

le mouvement prompt et vigoureux, la dignité personnelle haute, et

' sereine. Et au delà, bien avant qu'apparaissent les sphacèles de la maladie

déclarée, les aptitudes à la production du beau sont maintenues et sou-

vent même, dans l'exaltation libre, vraiment licencieuse de ces facultés,

elles brillent plus vivement. Les droits de l'esthétique sont souvent ar-

bitraires : n'a-t-on pas dit que l'enflure provoquée par la conjonctivite

folliculaire à la paupière inférieure rend les yeux des jeunes filles plus

beaux ? est-ce que tous n'admirentpas le teint pâle et diaphane du Titien ?

Dans une récente exposition artistique, j'ai vu une petite statue du « Prin-

temps », représentant une jeune femme qui semblait enivrée d'un amour

de vie incapable de frein ; ses bras étaient jetés en l'air; son visage re-

gardait en haut avec un désir joyeux ; elle se tenait un instant sur un pied

léger, pendant que l'autre jambe était levée et tendue en arrière par un

effort inouï et subit. Mais, à tous les mouvements et à l'expression, on

devinait dans l'auteur une force juvénile débauchée et presque sauvage,

dans son besoin ardent d'un mouvement infini. Mais, si de ce « Prin-

temps » s'exhalait toute la fraîcheur des champs et des premières fleurs,

l'admiration de la vive lumière et du vert aux mille nuances, le plaisir du

chant ; l'irréfrénabilité de ce mouvement attestait que les oeuvres les plus

sereines et les plus calmes de la vie n'auraient pu être accomplies par ce

corps dégingandé, à moins d'un déséquilibre très grave. C'est peut-être

estement à cause de cet oubli complet de la modeste activité et de la

monotonie quotidienne, que cette vision plaisait et était admirée : dans le

règne de la beauté, il y a une lumière si vive que souvent elle éblouit la

vue des visiteurs.

N'est-ce pas à la tristesse dont sa grande âme était remplie que Chopin

devait cette inspiration qui lui fit évoquer les si douces mélodies de ses

« Nocturnes » ? le ton de son humeur qui n'était certainement pas d'une

pleine sanité, était chez lui une condition favorable à la conception de

l'oeuvre d'art. L'avenir, si l'avenir appartient aux forts, donnera proba-

blement sa désapprobation. Hugues Wolf a écrit des centaines de chansons

dans le cours de quatre crises d'excitations, pendant les intervalles des-

quelles il avait de longues périodes d'inactivité (Dupré et Nathan) (1) ; et

Schumann écrivit ses plus belles pages pendant six accès d'exaltation,

maniaques selon Dupré (2), regardés au contraire par Moebius (3) comme

les prodromes d'une forme de démence précoce. Et cette nervosité de

c '

. (1) Archives de Neurologie, août 1907, p. 138-t39.

, (2) Id., août 1901, p. 137.

(3) Moebius, Ueber Schumann's Kmnkheit. Halle, 1906, Marhold, ed.

84

GAETANO BOSCHI

mouvement avec laquelle, dans les dernières années, les impressionnistes

firent leurs statues, plut ; elle fut ensuite solennellement condamnée par

la « Croix » de Léonard Bistolfi et par le « Penseur » d'Auguste Rodin.

L'exaltation immoraliste du moi a donné une oeuvre esthétique non plus

durable que ses voluptueux disciples. Ainsi par la Zarathustra.

Dans tous ces cas, le germe d'une grande, énorme activité de fonctions

est manifesté ; plus en avant, à Iravers des degrés, le domaine absolu de la

pleine maladie est établi et-le champ de l'art est abandonné. Les yeux

chassieux ne sont plus beaux ; le mouvement incohérent, la gaieté illo-

gique du vrai maniaque et le délire du dément ne donnent plus d'oeuvres

d'art. Erostrale a voulu s'immortaliser à tout prix, et il a détruit le temple

de Diane à Ephèse.

Outre la capacité mentale à la conception du beau, sur laquelle j'ai

fait jusqu'à présent quelques divagations, d'autres faits, tels qu'ils em-

pêchent la manifestation de cette capacité même, concourent à la garni-

ture du vêtement : le but préfix, l'empressement au travail, les moyens

matériels dont dispose le patient. C'est ainsi que, d'après l'étude des or-

nements, nous pouvons recueillir peu de notes, les résultats, qu'il est

mieux maintenant de considérer tels qu'ils se présentent, accomplis,

comme des dates sémiologiques, plutôt que de les analyser minutieuse-

ment dans leur déterminisme et de chercher probablement en vain, à

éclairer les phénomènes élémentaires respectifs. Cette fonction de se parer

est une fonction complexe résultant de beaucoup d'autres liées à la véri-

ficâtion d'autres encore. Cette fonction également est susceptible de

maladie, et alors, elle peut être une accentuation de cette exagération ou

d'une autre déviation, que l'on a également dans les degrés les plus no-

bles de la règle, jusqu'au point qu'on ne peut définir et qui marque le

commencement de la maladie.

Le si délicat joueur de clavecin du xvii* siècle, Jean-Philippe Rameau,

ne rasait-il pas cette limite, alors qu'il ne savait écrire ses fines harmonies,

si son habit de fête n'était pas dans un état parfait, avec ses dentelles bien

repassées, et si sa perruque n'était pas bien posée et bien poudrée ? Mais

le grand maître voulait par là se faciliter à lui-même la représentation

de son monde idéal et substituer ses impressions actuelles à des souvenirs,

afin que l'évocation lui en-soit plus facile : c'est par un principe analogue

que dans le théâtre grec on demandait le concours de tous les arts à l'exé-

cution du spectacle, afin que tous les sens du spectateur fussent frappés

à la fois.

Anatole France se promenait dans sa chambre solitaire, en habit de

moine de couleur rouge, au milieu d'images des saints profanés, en re-

gardant avec son humorisme la pointe de ses babouches retroussée comme

NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALP1 : TRIÉRH.

T. XXI. PU FIV

HABILLEMENT DANS LA DÉMENCE PRÉCOCE ET LA PSYCHOSE

MANIAQUE DÉPRESSIVE

(l3osd71)

HABILLEMENT DANS LA DÉMENCE PRÉCOCE 85

le nez de Socrale. Il y a en lui une délicatesse de cette fonction auto-dé-

corative, qui sortirait certainement des limites de la normalité,si elle n'é-

tait un moyen pour l'humorisme. Si les moyens de l'humorisme n'avaient

pour leur propre défense une célèbre sentence machiavélique, ils seraient

certainement taxés de folie.

Mais, quand l'individu se pare outre mesure pour un motif absurde,

il montre dans le fonctionnement en question, des réactions vraiment

morbides.Chaque muqueuse sécrète le mucus ; mais si la sécrétion est très

abondante et en même temps insistante, l'élat de maladie est déclaré : la

quantité de la sécrétion est erronée, ainsi que sa qualité et sa composition.

Ici, à travers la plus grande complexité, il est donné de voir la même

marche des faits : la qualité de l'ornementation est également inférieure,

et, comme il arrive souvent dans la pathologie des phénomènes de l'esprit,

le caractère régressif du produit morbide apparaît clairement : les orne-

ments des malades de l'esprit sont souvent enfantins ou ataviques. Le

bonnet de soldat, en papier, des malades des figures 2 et 6, est fort en

usage chez les enfants qui jouent, de même que c'est un usage enfantin,

celui des poupées que les malades d'esprit, adultes et même âgés, ont

l'habitude de se préparer '(fig. 16-17). La malade de la figure 11 porte

sur la tête le petit mouchoir qu'elle a ourlé elle-même, parce qu'elle en

avait un tout semblable dans une fête masquée, lorsqu'elle était enfant.

La façon prouve une très grande superficialité, un très grave effort. L'a-

mour pour les couleurs très vives, qu'on voit fréquemment dans les vête-

ments, rappelle nos aïeules ou bien lé premier âge de la vie.

Pourtant, dans un grand nombre des malades étudiés, on ne remarque

pas cette tendance aux couleurs très vives, et cela dans ceux qui ont l'hu-

meur très sombre. Dira-t-on qu'ils sont,sous ce point de vue,plus évolués

que les autres ? Non, certainement. Ce n'est pas un précepte de l'esthéti-

que de rejeter la plus grande vivacité des couleurs ; bien au contraire :

on a pardonné à Sorolla la pauvreté de l'idée pour sa vivacité des couleurs

claires et joyeuses, .et on a vu dans les dernières années le grand Lavery

renoncer au pathétisme si cher à son maître pour les blondes riches de

soleil et pour le rouge éclatant d'un hamac suspendu au milieu du vert le

plus pur. Le trop grand éclat et les contrastes ridicules répugnent au sens

exquis de l'esthétique : ce sont les notes fondamentales du coloriage

commun aux enfants,, aux sauvages, aux maniaques et aux déments pous-

sés à l'hilarité. Mais le renoncement à cette vigueur de couleurs, qui est

la juste expression d'une saine vitalité, ne répugne pas moins et il sem-

ble cacher une tendance à l'extinction de soi-même..lIs : sont déjà dans

l'erreur et aux limites de l'état normal, les individus qui choisissent, par

une ostentation' trompeuse d'un sérieux mal entendu, un vêtement som-

86 GAETANO BOSCHI

bre, quoiqu'ils vivent dans un milieu champêtre brillant, dans une clarté

sereine où s'harmoniserait bien mieux un de ces points rouges que Carl

Larsson sait jeter sur ses neiges. Les nenies du romantisme et les froides

teintes lunaires ont perdu de leur terrain.

A cause de la gaieté qui leur est propre, les maniaques aiment les cou-

leurs bruyantes plus que les autres malades.

Encore, j'ai vu un dément n'aimer et ne rechercher que le rouge pour

l'ornement de ses habits, sans vouloir jamais s'orner d'aucune autre cou-

leur. Cette passion toute particulière semble l'ironie de celle pour laquelle

on pourrait appeler le fameux Nomellini, « le peintre du rouge ».

L'oeuvre du dément et celle du maniaque sont également grotesques.

Mais, pendant que le grotesque du dément paraît inconscient de soi-même,

chez le maniaque, il est voulu et montré : le premier inspire de la pitié,

le second excite le rire. Ce contraste apparaît clairement dans les figures

2, 4 et 20, relatives aux maniaques, si on les compare à la 14° et à la

168, relatives à un dément.

Je tiens à m'arrêter maintenant sur deux particularités des ornements

du vêlement : l'une, caractéristique plutôt de la démence ; l'autre, de la

manie. Celui qui observe attentivement le travail d'un dément remarque

facilement une tendance à la monotonie, à la régularité : cela est mani-

feste dans le petit mouchoir que la malade de la figure 11 porte sur la

tête; comme il l'est également, du moins jusqu'à un certain point, dans

les ornements du malade représenté dans les portraits 14. et 16 ; dans une

poupée, celle qui se trouve en haut de la figure 18, dans la petite bourse

supérieure de la figure 19. Mais si une trêve se manifeste dans l'agitation,

il est possible, d'autre part, de surprendre le maniaque qui s'arrête dans

une virtuosité démentielle, et donne des produits semblables au vêtement

de la figure 7, oeuvre d'une maniaque, ornée de bouffettes de laine cou-

sues ensemble avec une grande patience ; et dans la petite bourse infé-

rieure de la figure 19, qui ne peut se distinguer, quant au caractère que

nous considérons, des objets analogues cités ci-dessus.

Un signe plutôt tout particulier de l'ornement d'un maniaque, c'est au

contraire le fatras, avec ses deux attributs : la multiplicité et le désordre ;

ce dernier est précisément l'antithèse de la régularité que l'on rencontre

fréquemment dans la démence. La figure 17 est caractéristique à ce su-

jet : une poupée s'ajoute à une autre ; un chiffon à un autre, puis un

groupe de brins de paille, un ruban, une petite corde ; le tout sans but,

excepté celui de l'amas grotesque et sans fin. Il est probable qu'un ma-

niaque seul a pu inventer l'ornementation du vêtement indiqué sur la

figure 10.

Ce caractère du fatras arrive à être beaucoup plus spécifique pour la

HABILLEMENT DANS LA DÉMENCE PRÉCOCE 87

manie que la régularité indiquée plus haut ne peut l'être pour la dé-

mence ; dans le fatras, en effet, se trouve en outre un fait nouveau, celui

du nombre, de la multiplicité, favorisé caractéristiquement par la maladie

elle-même qui implique le désordre, le bouleversement dans les actions et

dans les effets. L'agglomération d'une quantité d'objets est chose facile pour

un dément dans la composition de son habillement : l'ornementation du

vêtement est quelquefois une voie d'assouvissement pour l'instinct du col-

lectionneur. Il est plus difficile de trouver une véritable et radicale irré-

gularité désordonnée dans l'oeuvre du malade de la même forme ; et il est

très difficile que l'irrégularité de ce fait,unie une encombrante multitude

de choses recueillies pour la formation de cet ornement, ne provienne pas

d'un sujet maniaque. Et vice versa, facilement le maniaque peut montrer

une ornementation sobre et ordonnée, comme le prouvent la figure 8 où

l'on voit un simple morceau de papier disposé de manière à orner la tête,

et les figures 9 et 10. Et cela, pour des raisons variées : pour l'état de repos

relatif, parce qu'il peut avecson intelligence fugitive, mais clairvoyante,

deviner, tout d'un coup, un ornement qui ne fait que passer dans son

esprit ; ou bien parce que les moyens matériels lui manquent ; ou bien

parce que, joyeux et non investigateur, il est heureux de la vue rapide de

son ajustement; pour l'un ou l'autre de ces motifs, ou pour plusieurs

ensemble.

La correspondance entre l'ornement des accessoires du vêtement et la

gravité de la maladie : Deny et Camus (1) considèrent les bizarreries du

costume comme des caractéristiques aptes à faire distinguer la vraie.manie

de la simple exaltation maniaque ou lypomanie. D'autre part, comme la

distinction entre ces deux degrés de manie est scolastique ; et qu'il est

possible qu'un sujet qui commence une période de mal avec un peu de

gaieté, en voyant une fleur ou un morceau de papier, s'en orne aussitôt

d'une manière un peu étrange (ainsi qu'on le voit dans les figures 1, 8 et

10) ; et qu'un malade déjà arrivé à un état d'agitation assez grave ne pré-

sente jamais, à ce que j'ai vu, de phénomènes de ce genre : je crois qu'on

peut conclure que les maniaques ne façonnent d'ornements à leurs habits

que dans les périodes les moins graves de leur maladie.

On affirme tout le contraire pour la démence précoce. Deny et Roy (2)

disent faits propres des degrés les plus avancés de la démence précoce,

lorsque les malades s'ornent de chiffons d'étoffe éclatante, se couvrent la

tête de coiffures ridicules, ou se composent un costume grotesque. Je dois

faire observer quelque chose à ce sujet. La laideur de l'ornement est en

rapport avec beaucoup de conditions, étrangères en partie à la maladie

(t) Dent et Camus, loc. cil.

(2) G. Deny et P. Roy, La démence précoce. J. B. Baillière et fils, Paris, 1903.

88 GAETANO BOSCHI

proprement] dite ; l'ornement étrange, anormal, d'un caractère purement

ornemental peut être observé dans les déments précoces, même quand

une certaine aptitude aux fonctions mentales est relativement bien conser-

vée, comme elle l'était dans la malade de la figure 1 f, Au contraire, je

n'ai trouvé les signes symboliques que dans les malades beaucoup plus

graves par les avaries des aptitudes mentales. Et comme ce type d'orne-

ments est le plus fréquent chez les déments, on peut en déduire que les

ornements dans les habits sont bien plus fréquents chez les malades en

question dont le mal est plus avancé ; quoiqu'il y ait aussi beaucoup de

symboles^même dans le paranoïde au délire napoléonien qui est repré-

senté dans une figure de Tanzi (1) : et la paranoïa peut être considérée

comme une forme très légère de la démence paranoïde : entre ces deux

maladies, la limite oscille, varie selon les auteurs. L'accessoire de l'habil-

lement à signification symbolique atteste de toutes façons que le délire est

enraciné.

Il résulte donc de tout ce que nous avons considéré que les accessoires

de l'habillement constituent une note sémiologique qu'il ne faut pas

négliger. Ils représentent un symptôme complètement superficiel et im-

médiat ; et, d'autre part, aucun autre symptôme n'a le droit de déterminer

seul le diagnostic, pour lequel le fait décisif doit toujours être et seu-

lement le cadre complet de la maladie. Il est vrai que l'ornement de l'habit

est toujours, dans ses caractéristiques, un épiphénomène d'autres symp-

tômes ; son secours est donc défectueux en présence des incertitudes de

ces derniers ; dans les cas douteux, toute importance du phénomène dans

la formation du diagnostic, cesse.

Résumé.

1° Les accessoires de l'habillement peuvent, avec leur facile évidence,

concourir à la plus grande facilité du diagnostic; dans les formes de mala-

dies douteuses pour la symptomatologie restante, ils ne portent aucune

lumière nouvelle.

2° On n'observe aucune forme d'ornement du costume dans les périodes

de mélancolie de la psychose maniaque-dépressive, ainsi que chez les ma-

niaques non joyeux.

3° La distinction entre les accessoires à signification symbolique, et les

accessoires à caractère purement ornemental, est artificieuse, mais toutefois

acceptable pour faciliter l'étude de cet argument.

4° 11 est possible de trouver les uns, aussi bien que les autres, dans une

(1) E. TANZI, loc. cit., p. 686. ,

HABILLEMENT DANS LA DÉMENCE PRÉCOCE 89

maladie comme dans l'autre ; dans la psychose maniaque-dépressive, le

badinage du malade dans l'attribution du symbolisme à ses propres or-

nements est pathognomonique. Souvent, l'interprétation donnée au sym-

bole par le dément précoce est d'une absurdité pathognomonique.

5° Le vêtement de l'aliéné montre fréquemment un ornement mili-

taire.

6° L'échange du sexe dans l'ornement des habits a lieu plus souvent

chez les femmes que chez les hommes, plus souvent chez les maniaques

que chez les déments.

7° Il est possible de rencontrer dans le maniaque une muabilité carac-

téristique, dans l'ornementation du costume : il est possible de trouver

dans le dément une caractéristique conservation stéréotypée d'une certaine

modalité d'ornements de l'habit.

8° La régularité de l'oeuvre est une chose beaucoup plus fréquente dans

le sujet dément que dans le maniaque.

9° Le fatras, quand il se trouve, est spécifique de l'ornement ma-

niaque.

10° Les ornements anomaux du costume se rencontrent chez le mania-

que, lorsque l'entité du mal n'est pas très grave ; tandis que chez les

déments précoces, ils attestent le plus souvent un degré très avancé de

la maladie.

49° Il y a une différence entre le grotesque des ornements fabriqués par

les maniaques et celui des ornements qui proviennent des déments..

12° Des conditions de morbosité très faible, cachée, peuvent être très

favorables à des manifestations esthétiques non parfaites, mais vigoureuses.

L'étude de l'ornementation du vêtement, phénomène trop complexe,

apporte peu de lumière à ce problème.

13° Les ornements du costume des aliénés sont le plus souvent enfan-

tins ou ataviques.

14° Les couleurs foncées n'attestent nullement une supériorité.

, QUELQUES SCULPTURES DE LA CATHÉDRALE DE REIMS,

PAR

JEAN HEITZ

Chacun sait que la cathédrale de Reims est le plus merveilleux musée

de sculpture que nous ait légué la France d'autrefois. L'ensemble de sa

décoration extérieure date tout entière du Mme siècle et du début du

xive, c'est-à-dire de l'époque où l'art gothique parvint à sa meilleure

expression, et cette décoration se fait remarquer, au même titre que celle

de Chartres, d'Amiens et de Paris, par une grande noblesse des formes et

un spiritualisme très 'particulier des expressions. Mais c'est à Reims, plus

peut-être que dans les autres villes de l'Isle de France, que les sculpteurs

se sont surtout laissés aller à ces tentatives curieuses, à ces recherches

audacieuses qui font que les 3.000 figures qui garnissent l'ossature de

l'immense vaisseau n'apportent jamais la satiété, mais se déroulent au

contraire toujours intéressantes et vivantes. Les grandes figures du por-

tait, avec leur sourire énigmatique, presque léonardien deux siècles et

demi avant Léonard, semblent à première vue d'une inspiration bien diffé-

rente de celle des mascarons grotesques qui se détachent sur les contreforts

ou aux angles des saillies. Et cependant, une étude un peu approfondie

de ces oeuvres vous amènera bien vite à cette conviction que les unes comme

les autres sont sorties de l'observation consciencieuse des modèles

qu'offrait aux artistes la vie de chaque jour. Les grandes statues du por-

tail donnent d'une façon intense l'impression d'être des portraits, mais ce

n'est là encore qu'une impression. La chose est plus facile à démontrer

pour les « grotesques » que l'on avait cru- longtemps n'être que le fruit

d'une imagination d'artiste.

On se rappelle que, pour Charcot et P. Richer le mascarona de S. M.

Formosa de Venise était tout simplement une copie d'une déformation

pathologique, à la vérité rare, mais aisément reconnaissable à l'oeil du

clinicien. Dans un article de ce recueil (1900, n° 3), H. Meige a repro-

duit un certain nombre de « grotesques » de la cathédrale de Reims qui ap-

partenaient à la même catégorie. Trois d'entre eux, selon toute vrai-

semblance, étaient des acromégaliques reconnaissables à leur arcade

» NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALPÈTRIÈRE.

T. XXI. l'1. XV

QUELQUES SCULPTURES DE LA CATHÉDRALE DE REIMS

QUELQUES SCULPTURES DE LA CATHEDRALE DE REIMS z

sourcilière épaissie, aux proportions de leur nez et surtout de leur maxil-

laire inférieur. Deux autres mascarons appartenaient à la série des- spas-

mes glosso-labiés si bien étudiés par Charcot. '

Quelques.mois plus tard, le Dr Pol Gosset, dans un article de l'Union

médicale du Nord-Est (15 février 1901) reproduisait, provenant toujours

de la cathédrale rémoise, un bon type de bec-de-lièvre avec strabisme con-

vergent des globes oculaires. Il citait également, à la base d'un contrefort,

une figure d'homme en proie aux affres d'une rage de dents.

Faisant à mon tour le pèlerinage de-Reims, j'ai rencontré encore un

certain nombre de figures intéressantes au point de vue médico-artistique

et que je suis heureux de pouvoir mettre sous les yeux des lecteurs de

l'Iconographie. La tête reproduite (PI. XV, B) est remarquable par l'éx-

pression de tristesse de la partie inf3rieure de la figure. Les paupières su-

périeures sont abaissées sur les yeux. Est-ce un homme qui pleure ? ne

serait pas plutôt, comme on est tenté de le croire, un facies d'aveugle ? *

La statuette (PI. XV, D), d'un réalisme extraordinaire, est située à la

partie tout à fait supérieure de la voussure du porche de gauche sur la

grande façade. C'est le corps de Judas pendu, la tête inclinée à droite,

les membres complètement relâchés, les pieds maigris en extension

laissent voir la saillie des tendons. A travers la chemise entr'ouverte,

on distingue chaque détail du cou et de la région sternale. La masse in-

testinale s'est échappée du ventre entr'ouvert, et est venue pendre

au devant des cuisses aussi bas que le permettait la longueur du mé-

sentère. Il est.impossible d'admettre, une seule minute, que cette oeuvre

a pu être exécutée autrement que devant un cadavre pendu, sans doute

celui d'un criminel au gibet. -

Deux autres sculptures (PI. XV, A, C) ont été très probablement,

comme celles de Meige, exécutées d'après des acromégaliques.

La tête est réellement très caractéristique : les pommettes, les arcades

frontales, les oreilles même, ne laissent rien à désirer comme hypertro-

phie ; le nez, d'ailleurs fort, est en pied de marmite,, ce qui arrive

quelquefois dans la maladie de Pierre Marie ; le menton enfin est suffisam-

ment développé pour qu'on puisse affirmer le diagnostic. Quant à ta

femme qui, de ses épaules, soutient la lourde masse des assises supérieu-

res, elle est au même point de vue, intéressante à plus d'un titre. L'a-

cromégalie s'accuse déjà par le nez et par le menton. Mais il est en elle

d'autres stigmates plus importants encore, par exemple la stature mas-

sive, surtout développée en largeur, la main à la fois étalée et longue,

le geste même de cette main : on sait en effet que les acromégaliques

souffrent de maux de tête violents, qui sont sans doute en rapport avec le

développement exagéré du corps pituitaireà l'intérieur de la boite crâ-

92 ' JEAN HEITZ

nienne. A vrai dire, la céphalée, chez ces malades, siège le plus sou--

vent à l'occiput, à la nuque, mais il est des cas où elle est généra-

lisée à tout le crâne. Enfin, bien que l'attitude du corps soit commandée

par l'office de cariatide auquel est assujettie cette femme, il n'en est pas

moins vrai qu'avec sa tête rentrée dans les épaules, elle réalise le

cyphoscoliose si fréquente chez les acromégaliques. Elle rappelle, à ce

point de vue, d'une façon frappante un malade du service de mon maître

le Pr Dejerine, portrait reproduction vivante de cette pierre taillée il y a

six cents ans. --

Une sculpture intéressante pour le médecin se trouve encore dans le

tympan d'un des portails nord de la cathédrale, le portail de St-Rémi.

Au second rang de ce tympan (Pl. XV, E) on peut voir l'enfant Jésus,

assis sur les genoux de sa mère et guérissant par le' toucher un aveugle

qui s'incline d'un geste à la fois très humble et très noble. Un peu plus

loin, St-Rémi exorcise une possédée. Les statuettes, très délicatement

ciselées, très élégantes de dessin, ont été malheureusement mutilées L'é-

vêque et la jeune malade sont tous deux sans têtes, mais la significa-

tion de la scène n'en reste pas moins évidente, car une figure ailée de dé-

mon s'envole au-dessus de la jeune fille. Celle-ci est représentée guérie,

les membres inférieurs reposant normalement sur le sol, les mains croi-

sées à la taille Sans doute, l'artiste inconnu qui a sculpté ces frises d'un

art si parfait, n'a pas voulu placer au milieu de ces figures gracieuses une

forme tourmentée de convulsions et c'est volontairement qu'il a choisi

pour le représenter le moment qui suit le départ du démon.

Les figures de possédées sont d'ailleurs très rares dans l'école française

du XIIIe siècle. Je n'en connais, pour ma part, aucune qui soit représentée

en pleine crise, et je ne crois pas qu'on en ait signalé jusqu'à présent.

Nous ne voyons apparaître de convulsionnaires que dans certaines oeuvres

du xive siècle, assez mal figurées d'ailleurs, car on sait que les artistes du

xive siècle n'ont pas approché de la sincérité du siècle précédent.

C'est en Italie, dans une oeuvre de N. Pisano (le tombeau de St-Domini-

que à Bologne, seconde moitié du XIIIe siècle), que Charcot P. Richer

ont rencontré la première représentation satisfaisante de la grande crise

hystérique.

Le gérant : P. Bouchez

Imp. J. Thevenot, Saint-Dizier (Haute-Marne).

LES ALTÉRATIONS DU CRANE

DANS LA DYSOSTOSE CLÉIDOCRANIENNE

PAR Il

le Professeur J. V. HULTKRANTZ (d'Upsal, Suède).

Nos connaissances sur les lésions ou anomalies du système osseux dans

la dysostose cléidocrân ienile sont encore loin d'être satisfaisantes. Nous

n'avons jusqu'à présent aucune étude histologique sur les tissus osseux et

ostéogènes dans cette affection et les caractères macroscopiques du sque-

lette sont eux-mêmes assez mal connus. Cela provient, en partie, de ce

que l'attention des observateurs s'est souvent portée - surtout ou même

exclusivement - sur les anomalies claviculaires, tandis que les altéra ?

tions crâniennes passaient inaperçues ; cela provient aussi, en partie, de

ce que l'on a examiné uniquement des sujets vivants, depuis que Pierre

Marie a déterminé, en 1898, le syndrome de la dysostose cléidocrâ-

nienne. Or, quand il s'agit des parties profondes du squelette, et no-

tamment de la base du crâne, une exploration exacte et détaillée est im-

possible sur un sujet vivant ; l'examen radiographique même, auquel

divers savants ont eu recours, ne donne souvent, dans ce cas, que des ré-

suitats incertains et difficiles à interpréter.

Les observations personnelles que j'ai pu faire sur 9 individus vivants

atteints de dysostose (1) m'ont assurément donné des résultats très inté-

ressants pour étudier le problème en question ; mais ce n'est qu'après

avoir eu l'occasion d'examiner aussi 6 crânes dysostosiques que je suis en

mesure d'établir, de façon plus complète, les caractères typiques très

complexes que présente le crâne dans cette affection. Ces observations

suivantes reposent donc sur 15 cas que j'ai personnellement étudiés ; elles

reposent aussi sur 53 autres cas que d'autres ont étudiés ailleurs. Un

4

(i) J'ai donné, en 1898, dans l'Aizalomischei- Anzeiger, t. XV, p. 237, une descrip-

tion sommaire des 5 premiers cas : une femme alors âgée de 46 ans, une mère et ses

3 petites filles. Depuis lors, un fils dysostosique et deux fils normaux sont nés dans

cette même famille. J'ai pu, en outre, observer une famille où la mère et deux des

fils (âgés de 20 ans et 7 ans) présentaient les anomalies en question d'une manière

très caractérisée» mais où les autres enfants des deux sexes n'avaient pas la tare

dysostosique.

XXI 1

94 HULTKRANTZ

mémoire détaillé sur l'anatomie et la pathogenèse de la dysostose cléido-

crânienne, avec aperçu historique, paraîtra dans un prochain numéro de

la Zeitschrift fiir Morphologie und Anthropologie de Schwalbe.

Des autopsies d'individus dysostosiques ont été faites à plusieurs repri-

ses ;mais les descriptions en général très sommaires sont peu connues. Dès

1812, Prochaska (1) fait l'autopsie d'un crétin, âgé de 33 ans,prèsentant

les anomalies typiques du crâne et des clavicules.Les dessins très intéres-

sants joints àses remarques sont reproduits planche XVI.En 1848,spahi (2)

a publié les résultats de l'examen post-mortem d'une fille de ans 1/2 qui

présentait des anomalies semblables. Les cas observés par Scheuthauer (3)

(2 cas) et par Todd et Terry (4) ont été repris par plusieurs des auteurs

qui ont traité de la dysostose, mais ceux-ci semblent, en général, n'avoir

connu que des résumés incomplets, et non les descriptions détaillées (sur-

tout pour le dernier cas). - Enfin, les trois crânes brièvement décrits

par Bonsdorff (5), Manouvrier (6) et Romiti (7) ont une telle ressemblance

même dans les moindres détails, avec les crânes indubitablement dysosto-

siques, qu'il faut, à mon avis, les ranger dans la même catégorie, quoi-

que nous ne sachons rien des clavicules dans ces cas-là.

Les pièces anatomiques que j'ai pu, grâce à l'obligeance de M. le pro-

fesseur Weichselbaum, étudier à l'Institut d'anatomie pathologique de

Vienne, sont les trois crânes sus-mentionnés de Prochaska et de Scheu-

thauer, le crâne d'un homme de 25 ans avec les clavicules rudimentaires

du même squelette, et un autre crâne d'adulte, d'origine inconnue, mais

offrant exactement le même type. Le sixième crâne qu'il m'a été donné

d'examiner est le crâne de Bonsdorff déjà mentionné,que M. le professeur

Groenroos de Ilelsingfors a eu l'obligeance de mettre à ma disposition.

Mes recherches confirment, d'abord, l'opinion des auteurs précédents,

à savoir que, en premier lieu,la dysostose entraîne une tendance à la bra-

chycéphalieet à la platycéplalie.Les indices céphaliques des crânes que j'ai

étudiés varient de 85,8 à 89,7. La moyenne de tous les crânes dysostosi-

(1) G. Prochaska, Disguisilio analomico-playsiologica organismi corporis humani,

Vienne, 1812.

(2) F. C. Srax, Neue Beitrage zur Playsiognonaik und pathol. Anat. d'Idiotia ende-

mica, Erlangen, 1848.

(3) G. SCIiGUTItA0n12, Allgem. Wiener mediz. Zeitung, 1871.

(4) J. R. 'l'renz, Journal of Anatomy and Physiology, t. XXXIII, 1899.

(5) E. J. Bonsuonre, Acta Societ. scientiar Fennicoe, t. II, Helsingfors, 1896.

(6) L. Manouviueh, Bull. Soc. d'anthropol. de Paris, 1893,

(7) G. Romiti, Att. d. Societa toscana scienze natur., t. XIV, Pisa, 189Xj

NOUVELLLE ICONOGRAPHIE DE LA S.\LI'J11'RIÈRE

T. XXI. PI. XVI

ALTÉRATIONS DU CRANE DANS LA DYSOSTOSE CLÉIDO-CRANIEIvTIvNE.

(ffttltl,n'nnl1 ).

Figures tirées de la Disrtnisilio n'M/ow;'M-/)/to/otfa..... de G. Prochaska (1812)

(dans l'une des figures est aussi représentée la fissure des arcs vertébraux dorsaux du même sujet).

Masson et Cie, Éditeurs

Phototypie Dorthaud, Paru

LES ALTÉRATIONS DU CRANE DANS LA DYSOSTOSE CLÉIDOCRANIENNE 95

ques adultes qui ont été mensurés jusqu'à ce jour (9) est 87,3. Chez les

sujets vivants, la brachycéphalie est aussi la régie ; néanmoins, on ren-

contre des individus mésocéphales et, dans l'un des cas que j'ai observés,

l'indice a été seulement 72, 9. La hauteur de mes crânes est très petite,

la distance hasiobregmatique variant de 107 à 118 mm. ; l'indice trans-

versovertical moyen n'est que de 71,45, alors que les moyennes normales

de cet indice vont de 86 à 104 (Broca).

Quoique le diamètre antéro-postérieur soit assez normal et que le dia-

mètre transversal ainsi que la circonférence horizontale soient . onsidéra-

blement accrus, la réduction du diamètre vertical fait que la capacité crâ-

nienne n'est pas sensiblement augmentée; au contraire, pour deux des crâ-

nes, je l'ai plutôt trouvée légèrement diminuée. L'opinion souvent émise

quela tête est trop grande chez les individus dysostosiques repose sur une

illusion d'optique provenant de la grandeur du front qui surplombe la face

rétrécie dans toutes les dimensions (1).

La voûte crânienne était aplatie dans tous mes cas, le front carré et bombé,

les bosses en général assez développées. Ces derniers caractères ne seraient

pourtant pas constants, à en juger d'après les quelques cas décrits par

d'autres auteurs. La forme de la région occipitale est plus variable : le plus

souvent, elle paraît aplatie dans la partie supérieure et bombée dans la

partie inférieure.

Un signe très caractéristique,c'est le renfoncement ou la rétraction mar-

qué des parties inférieures de la paroi latérale du crâne, que j'ai trouvé dans

tous les cas. Sur les crânes, les dimensions des temporaux étaient très ré-

duites ; l'écaille, à surface rugueuse et aux bords épaissis, avait une posi-

tion très oblique, regardant autant en bas qu'en dehors, et l'apophyse mas-

toïde, peu développée et séparée de l'écaille par une suture déprimée,

était très enfoncée. On peut aisément reconnaître ces caractères sur le sujet

vivant ; j'ai plusieurs fois observé que l'apophyse mastoïde ne dépassait

guère, dans le sens de la largeur, l'apophyse transverse de l'atlas que l'on

peut fort bien toucher, immédiatement au-dessous de l'autre. C'est pro-

bablement la position oblique des temporaux qui fait que, dans certains

cas (Marie et Sainton), les pavillons des oreilles sont fortement déjetés en

dehors.

On sait, par des travaux antérieurs, que les fontanelles et les sutures

restent longtemps béantes chez les enfants dysostosiques et qu'on peut aussi

rencontrer chez des adultes de grands espaces membraneux dans la voûte

(1) La capacité qui se rapproche de la normale et d'autres caractères - comme l'a-

platissement du crâne, la convexité de la base, la dépression des sutures et des bords

des fontanelles s'opposent énergiquement à l'hypothèse d'une pression intracraniale

trop forte.

96 HU LT.ItANT2

crânienne, surtout le long de la ligne médiane. Il en était ainsi dans 5 des

6 cas que j'ai examinés, et aussi dans les cas de Manouvrier et Terry. Dans

le sixième crâne, les sutures métopique et sagittale étaient fermées, mais

irrégulièrement; il y avait entre autres des traces indubitables d'une fon-

tanelle métopique (médiofrontale), comblée par un os wormien fontanel-

laire. Les lacunes se trouvaient toujours dans les 3/4 supérieurs de la su-

ture métopique ; la longueur variait de 8 à 11 cm., la largeur maxima de

1 à 3,5 cm. Dans l'un des cas, il y avait deux lacunes de 3 et cm. de

long. Les bords étaient toujours amincis, plus ou moins striés ou dentelés

et déprimés. Dans 4 des crânes, j'ai trouvé une petite épine osseuse faisant

saillie dans l'angle inférieur (antérieur) de la lacune, et j'ai pu sentir une

formation analogue chez 3 des sujets vivants. En somme, j'ai pu vérifier

l'existence d'espaces non ossifiés chez 6 individus dysostosiques vivants,

âgés de plus de 6ansetchez lesquelson ne pouvait guère, par conséquent,

supposer de rachitisme le plus grand de ces espaces, chez un enfant de

7 ans, avait une longueur de 20 cm. et se continuait jusqu'au lambda. Je

n'ai trouvé que dans un seul cas le défaut d'ossification limité à la région

de la fontanelle postérieure. Exception faite pour les enfants au-dessous

de 6 ans, j'ai relevé des observations faites sur 10 autres cas avec espaces

membraneux. Plus fréquente encore est la dépression en sillon de la su-

ture médiane, surtout dans la région obélique. Elle a été observée dans 19

au moins des 24 cas où les auteurs ont donné des indications sur l'état du

crâne. Dans les cas que j'ai étudiés personnellement (crânes et sujets vi-

vants), elle ne faisait jamais défaut.

Moins apparentes sont les altérations dans la région des fontanelles laté-

rales. Néanmoins j'ai toujours trouvé la région astérique enfoncée chez mes

sujets vivants et, dans deux cas, j'ai cru sentir de petites lacunes, sans

pulsation apparente toutefois. Dans tous mes crânes, il y avait à cet en-

droit de très grands trous mastoïdiens, occupant d'ordinaire la position et

présentant la forme irrégulière caractéristiques de la partie inférieure de

la fontanelle astérique à l'âge de quelques mois ; deplus, j'ai trouvédans

3 cas des restes de la partie supérieure de cette fontanelle. La fermeture

de la fontanelle ptérique s'était toujours faite d'une manière irrégulière,

présentant « ptérion renversé », os fontanellaire ptérique et même de pe-

tites fentes entr'ouvertes (2 cas).

Un caractère très important du crâne dysostosique,c'est la richesse sou-

vent extraordinaire en centres d'ossification surnuméraires. Un seul de

mes crânes avait des os wormiens en petit nombre ; dans tous les autres,

il s'en trouvait en grande quantité, surtout dans la suture iambdoïdienne,

mais aussi dans les sutures sagittale et pariéto-temporale (celte dernière du

type dentelé plutôt que squameux) et sur les hords des espaces fontanellai-

NOUVELLLE Iconographie DE la SALPÊTRIÈRE

T. XXI. P1.XVH

ALTÉRATIONS DU CRANE DANS LA DYSOSTOSE CLÉIDO-CRANIENNE.

HtLin ? tcz.

A. B. C. Radiographies du crâne dysostosique d'Hclsiugfors.

D. E. Radiographies d'un crâne normal.

* indique la partie supérieure de la fontanelle astérisque. -(- la place de la lame quadrilatère.

LES ALTÉRATIONS' DU CRANE DANS LA DYSOSTOSR CLÉIDOCRANIENNE U7

res. Des osselets de même nature peuvent arriver à remplacer en grande

,partie les pariétaux et l'écaille occipitale (v. Pl. XVI) ; et même, dans le

crâne d'Helsingfors, toute la région pariétale de la voûte crânienne était

composée' de plaques osseuses irrégulières de grandeur variable (maximum

6 x6 cm.) séparées par des sutures plus ou moins dentelées. Le tracé ra-

, diographique A de la pl. XVII montre une partie de cette région avec les

osselets et les sutures ; on y voit aussi la suture béante représentant la

partie supérieure delà fontanelle astérique. Après ces observations, il

est très intéressant d'examiner la radiographie du crâne que Voisin, de

Lépinay et Infroit ont jointe à leur communication parue dans le dernier

Tolume de ce journal (1). Il est naturellement difficile d'interpréter

avec sûreté une épreuve radiographique quand on ne dispose que

d'une reproduction réduite ; mais la comparaison de 'cette épreuve, de la

radiographie A susdite et d'autres plaques du même crâne m'a convaincu

qu'il s'agit aussi, dans le cas étudié par ces auteurs, d'un pariétal divisé

en plusieurs fragments par des sutures anormales (2).

Ces observations ne sont pas uniques. Le crâne dysostosique décrit par

Terry avait les pariétaux divisés en deux parties par des sutures allant du

ptérion au lambda ; il présentait, en outre, de très grands os wormiens

au bord lambdoïdien. Bolk et Hektoen ont aussi observé une fragmenta-

tion semblable des pariétaux chez des individus probablement non dys-

ostosiques. Enfin dans certains cas d'hydrocéphalie extrême des forma-

tions analogues ne sont pas rares.

. *

..

Pour ce qui est de la base du crâne, il faut d'abord remarquer que la

dépression de la région auriculaire fait supposer un arrêt de croissance de

la base dans le sens transversal. Les mensurations directes de la largeur

bimastoïdienne chez les sujets vivants et des différentes dimensions trans-

versales des crânes m'ont montré nettement qu'il en est ainsi. Soit que

l'on considère la largeur de l'occipital (mesuré à la limite de l'écaillé et

des parties latérales) ou la largeur bizygomatique postérieure (prise aux

racines postérieures des arcades zygomatiques), soit qu'on prenne les dis-

tances des trous stylomastoïdiens ou des épines sphénoïdales, on obtient

des nombres très inférieurs (absolument, et surtout par rapport à la lar-

geur hipariétale) à ceux que donnent les crânes normaux. Je ne donnerai

(1) Voy. Nouv. Iconographie de la Salpêtrière, 1907, p. 230.

(2) En conséquence,.je ne partage pas du tout l'opinion singulière émise par ces au-

teurs, que les ombres foncées représenteraient les hémisphères cérébraux et qu'on

pourrait même apercevoir les scissures et sillons du cerveau. Sans discuter davantage

la ligure en question, il me semble, en outre, qu'elle nous montre une ossification

incomplète, également dans la région de la fontanelle astérique.

98 HULTKRANTZ

que deux exemples éloquents : la distance moyenne entre les épines sphé-

noïdalesde mes 4 4 crânes dysostosiques sûrement mâles n'est que de 64 mm.

tandis qu'elle est de 87, 6 mm. dans 10 crânes normaux (brachycéphales

mâles) que j'ai mesurés, et les indices qui expriment le rapport entre la

largeur bizygomatique postérieure et la largeur bipariétale varient, pour

les premiers, de 66,7 à 70, 3, pour les autres, de 82,9 à 89,9.

La racine du nez, souvent en retrait sous le front saillant, et la forme

-de la région occipitale pourraient faire supposer que la dimension longi-

tudinale de la base du crâne est également réduite. Il y a bien, en effet,

réduction en ce sens, mais elle est assez faible et je crois qu'elle provient

plutôt d'une inflexion de la base que d'un arrêt réel dans la croissance.

Cette inf1exion,de la base du crâne en forme d'arc à convexité supé-

rieure se trouve déjà indiquée par Scheuthauer, mais certains auteurs

contestent qu'elle appartienne à la dysostose. Dès lors, il est intéressant

que j'aie pu constater l'exactitude de l'observation de Scheuthauer, non

seulement pour ses deux crânes, mais aussi pour tous les autres que j'ai

examinés ; en outre les descriptions données par Manouvrier et Terry et

les communications personnelles du Professeur Romiti montrent que des

relations analogues existaient dans les cas qu'ils ont étudiés.

- Dans mes 6 crânes dysostosiques, la face exocrânienne de la base pré-

sentait toujours un renfoncement marqué de la partie médiane, corres-

-pondant au corps du sphénoïde et aux parties voisines, parfois avec un

sillon accentué traversant l'apophyse basilaire. Sur la face interne, on

remarque le plus souvent un pli angulaire à arrête assez vive de la

gouttière basilaire un peu en dessous de sa partie médiane, en sorte qu'elle

est, dans sa partie supérieure, plus horizontale qu'à l'ordinaire et, dans

. sa partie inférieure, presque verticale. L'angle peut être encore plus aigu

qu'il ne l'est dans le crâne dont la figure 1 ci-jointe représente la

section médiane. Dans deux cas, par contre, il y avait une courbure plus

adoucie. J'ai observé quelquefois, au niveau de cette courbure, de petites

fissures latérales, que je regarde comme les restes d'une synchondrose

dont la situation me semble néanmoins correspondre plutôt à la limite

entre le basiotique et la basioccipital (Albrecht) qu'à la synchondrose

sphéno-occipitale. Dans le cas que représente la figure (cf. aussi la radio-

graphie de la pl. XVII) et dans un autre cas, la lame quadrilatère semblait

allongée ou plus exactement soulevée de façon à dépasser considérable-

ment le plan du jugum sphénoïdal.

Par suite de cette courbure, l'occipital présente une inflexion plus

accusée de la partie inférieure de l'écaille ; on remarque, en outre, dans

, tous les cas, la position très oblique du trou occipital et des condyles dont

'les surfaces articulaires ne se sont articulées avec l'atlas que par leurs

LES ALTÉRATIONS DU CRANE DANS LA DYSOSTOSE CLÉIDOCRANIENNE 99

moitiés postérieures. Le trou occipital est orienté en avant au point que

son plan prolongé (ligne opisthobasilaire), au lieu de passer, comme d'or-

dinaire, environ à demi-hauteur du nez, passe dans mes crânes de 1 à 4,

5 cm. au-dessus du nasion. L'angle basilaire (formé par les lignes naso-

basilaire et opisthobasilaire, Broca) devient ainsi négatif et même atteint

les valeurs extrêmes de environ - 6° à environ 27°, tandis que Broca

n'a jamais trouvé un angle négatif supérieur à - 2o (cf. Fig. ci-dessous).

Faute d'examens de crânes d'enfants et de foetus dysostosiques, on ne

peut résoudre définitivement la question de la nature réelle de cette cy-

phose basilaire du crâne dans la dysostose cléidocrânienne. Je ne puis dis-

cuter ici en détail ce problème ; je dirai simplement que, vu les autres alté-

rations de la base du crâne, je ne crois pas qu'il s'agisse d'une déforma-

tion essentiellement passive, comme dans le rachitisme, ni d'une soudure

prématurée des synchondroses basilaires, comme dans l'achondroplasie.

On trouve encore, dans les crânes dysostosiques, d'autres signes,

indiquant des troubles dans le développement des os de la base.

Les dimensions des portions pétreuses sont toujours très réduites ;

il en est de même, .dans tous les cas, pour les grandes ailes du sphénoïde

et, la plupart du temps, pour les apophyses ptérygoïdes dont les ailes

internes font complètement défaut ou sont très rudimentaires. Les trous

déchirés antérieurs sont souvent élargis et incomplètement séparés des

Fig. 1. - Section médiane du crâne dysostosique d'Helsingfors (demi-grandeur).

100 ' HULTKRANTZ

trous ovales et épineux et des canaux carotidiens. Entre le sommet du

rocher et l'apophyse basilaire, la fissure est en général béante. Entre les

différentes pièces de l'occipital persistent souvent des restes des synchon-

droses. Dans un crâne adulte, les ailes, grandes et petites, étaient encore

séparées du corps du sphénoïde, et la fissure pétrosquameuse était ouverte

dans toute sa longueur. Il faut enfin noter la forme insolite du trou occipi-

tal, très oblongue et pointue en arrière, ce qui dépend sans doute du ré-

trécissement général de la base. L'indice du trou occipital peut être infé-

rieure à 66 (1).

Il est bien évident que l'on ne saurait constater sur les sujets vivants la

plupart des anomalies de la base du crâne que je viens de décrire. Seuls,

le renfoncement de la région auriculaire et la position élevée de l'apo-

physe transverse de l'atlas, et peut-être aussi l'étroitesse de la cavité

pharyngienne, fréquente chez les dysostosiques, pourraient indiquer une

déformation de la base. La radiographie ne donne pas non plus, en géné-

ral, une idée juste de la configuration de la gouttière basilaire. Pourtant,

l'observation de Villaret et Francoz, où la radiographie d'un garçon

dysostosique indiquait une direction oblique du trou occipital, s'accorde

exactement avec les faits craniologiques.

Mes expériences m'amènent ainsi à contredire formellement l'opinion

d'Apert (2) qui prétend que le squelette osseux de la base du crâne est

« relativement prédominant dans la dysostose cléidocranienne d'où la

saillie de la partie supérieure de la face et conformation en tête d'oi-

seau ». Il ne donne aucune autre preuve à l'appui de sa théorie qui me

semble reposer simplement sur une fausse interprétation de l'expression

« tête d'oiseau ». -J'ai aussi observé chez des individus dysostosiques

une certaine ressemblance avec des oiseaux un de mes sujets avait

reçu dans son enfance le surnom d' « oisillon -- mais l'analogie réside

dans la largeur du front bombé, la proéminence et l'écartement des

yeux, l'étroitesse de la région maxillaire, et nullement dans une protru-

sion en bec de la partie centrale de la face. Plusieurs auteurs indiquent,

au contraire, que la racine du nez (qui correspond précisément à l'extré-

mité antérieure de la base du crâne), les bords des orbites et les joues

sont en retrait, ce qui apparaît aussi dans beaucoup des portraits de

dysostosiques qui ont été publiés. Ce n'est que chez la jeune fille obser-

vée par Voisin, de Lépinay et Infroit que le nez est allongé comme un

(1) J'ai trouvé quelquefois la gouttière du sinus transverse très peu creusée ; par

contre, on remarquait plusieurs sillons vasculaires assez accentués allant au trou

mastoïdien.

(2) E. Apbrt, Maladies familiales el maladies congénitales, Paris, 1907, p. 120.

Cf. aussi Nouv. Iconogr. Salpêtr., t. XIV, 1901.

LES ALTÉRATIONS DU CRANE DANS LA DYSOSTOSE CLÉIDOCRANIENNE 101

bec d'oiseau. Ainsi, l'opinion de Couvelaire (t) et Apert, que la

dysostose cléidocrânienne et l'achondroplasie sont des dystrophies « com-

plémentaires » ou inverses, dont l'une atteint précisément les parties

osseuses que l'autre respecte, n'est pas fondée non plus ; dans les deux

affections, il s'agit, entre autres choses, d'un développement défectueux

des os de la base du crâne précédés d'une ébauche cartilagineuse.

A propos des os du crâne, voici une dernière observation (et tout indi-

que que ce détail est très caractéristique de la dysostose) : le développe-

ment des différents sinus du crâne et des cellules aérifères mastoïdiennes

est très incomplet. Déjà la configuration externe du frontal, qui n'a d'or-

dinaire ni bosses sourcilières ni voussure glabellaire, et qui est plutôt du

type infantile, puis les dimensions réduites de l'apophyse mastoïde (deux

caractères anatomiques faciles à observer aussi sur les sujets vivants) in-

diquent que ces parties du crâne ne sauraient renfermer que des cavités

infimes. Un examen très minutieux, et surtout des épreuves radiographi-

ques m'ont convaincu de l'absence totale des sinus frontaux et des cellules

mastoïdiennes dans le crâne d'Helsingfors ; en outre,les sinus sphénoïdaux,

remarquablement petits, ne se prolongent pas dans le corps proprement

dit du sphénoïde.La planche XVII (B et C),donne deux de ces radiographies

(frontal et sphénoïde) à côté des images correspondantes d'un crâne normal 1

(D et E) ; le frontal y est très épais et pourrait bien laisser place à des si-

nus. Parmi les 5 crânes de Vienne, un seul avait probablement des sinus

frontaux assez développés et, autant que l'examen oculaire m'a permis d'en

juger, les autres cavités aérifères de ces crânes étaient très petites (2).

' La face a, dans la dysostosecléidocrânienne, des dimensions très rédui-

tes et une structure très grêle presque tous les auteurs s'accordent' à le

reconnaître. En conséquence, et à cause aussi du front surplombant, l'an-

(1) A. COuVELAIRE, Journ. de Pathol. et Pathol. générale, t. 1, 1899.

(2) Villaret et Francoz ont cru voir sur la radiographie d'un garçon de 6 ans, repro-

duite au t. XVIII, pl. XL, de ce journal, un sinus frontal nettement élargi. L'obser-

vation, si elle était exacte, serait extrêmement curieuse ; car, chez les enfants de cet

âge, le sinus n'a guère normalement que la grosseur d'un pois et est situé en

entier dans l'apophyse orbitaire interne du frontal, tandis que la tache claire de la ra-

diographie, que ces auteurs ont sans doute prise pour le sinus, a un diamètre ver-

tical qu'on peut évaluer à 3 cm. environ et son extrémité inférieure ne commence

qu'à environ 2 1/2 cm. au-dessus de la racine du nez. Mais il s'agit indubitablement ici

de l'image, non d'un sinus frontal, mais d'un espace membraneux situé entre les deux

frontaux que l'on rencontre si fréquemment chez les enfants. Un coup d'oeil jeté sur la

planche XVII ci-jointe montre qu'on peut très aisément obtenir une image semblable à

celle de V. et Fr., si l'on radiographie le crâne qui y est reproduit en faisant en sorte

que les rayons de la source lumineuse traversent la lacune située entre les frontaux en

venant quelque peu de derrière et d'en bas.

102 HULTKRANTZ

gle facial est en général très grand. Si nous y ajoutons le menton souvent

saillant, nous aurons le profil en forme de croissant que présente si net-

tement le crâne figuré planche XVI et qu'on rencontre fréquemment

chez les sujets vivants, du moins chez les adultes, où le prognathisme

mental est plus accusé que chez les enfants.

L'indice facial semble être le plus souvent chamceprosope. Toutefois,

c'est l'extrême réduction de la dimension transversale de la partie infé-

rieure de la face qui est particulièrement frappante. Pour ne donner

qu'un exemple, je crois qu'une distance bi-angulaire du maxillaire infé-

rieur n'atteignant que 76 ou 77 mm. (résultats de la mensuration de deux

crânes adultes) est un fait presque unique. La hauteur des orbites est très

grande par rapport à leur largeur ; l'indice orbital moyen de mes crânes

est 111, 7 (dans un cas, il atteint même 125), tandis que le maximum

individuel mesuré par Broca n'est que 107. La distance interorbitaire est,

en règle, plus grande que la normale, ce qui contribue,beaucoup à donner

aux individus dysostosiques leur aspect caractéristique. Leur exorbitisme

.assez souvent apparent et l'aplatissement constant de la région des joues

sont les marques d'un développement incomplet des rebords orbitaires

que j'ai toujours trouvés très minces, ^arrondis et peu saillants.

Un des caractères les plus intéressants, c'est i'aplasie des os nasaux,

malaires et lacrymaux. Les premiers peuvent manquer absolument, et,

quand ils existent, ils sont très petits et souvent plus ou moins complè-

tement soudés aux frontaux. Sur 9 crânes (ceux de Manouvrier, Romiti

et Terry, et les miens), 3 seulement avaient une suture fronto-nasale dis-

tincte. Dans le cas de Manouvrier et dans l'un des miens, il n'y avait au-

cun doute que les nasaux faisaient totalement défaut,. tandis que, par

compensation,la portion interorbitaire des frontaux s'allongeait par en bas.

Dans les autres cas, une dépression plus ou moins marquée, correspon-

dant au nasion, parfois aussi les traces d'une suture, indiquaient une

synostose probable entre les frontaux et des nasaux rudimentaires. La

longueur des nasaux ne dépassait dans aucun cas 10 mm., se réduisant

quelquefois à 4 mm. ; en général, la largeur était aussi restreinte. Il en

résulte que l'ouverture nasale est relativement haute. Dans 6 cas au

moins (y compris ceux de Manouvrier et de Romili), les os lacrymaux

n'existent pas comme os spéciaux ; ou bien ils sont soudés complètement

aux apophyses montantes des maxillaires, où bien ils manquent totalement

et sont remplacés par un élargissement de ces apophyses. Il n'y a qu'un

seul cas où j'aie trouvé des lacrymaux à peu près normaux, Le défaut

de développement des os malaires est aussi constant que celui des nasaux.

Des 9 crânes susdits, un seul avait des arcades zygomatiques complètes;

dans tous les autres,les apophyses du malaire et du temporal étaient sé-

LES ALTÉRATIONS DU CRANE DANS LA DYSOSTOSE CLÉIDOCRANIENNE 103

parées par un interstice d'une largeur de 1 à 30 mm. Dans les cas.extrê-

mes, l'angle postérieur du malaire se réduisait a un moignon très petit,

arrondi ou bifurqué. L'apophyse correspondante du temporal était tantôt à

peu près normale, tantôt atrophiée, et n'avait alors qu'une longueur de

5 à 20 mm. Le corps du malaire (divisé, dans deux crânes, par une

suture transversale) et son apophyse orbitaire sont, de même, incomplè-

tement développés. Celle-ci est souvent amincie et ne rejoint l'apophyse

correspondante du frontal que par une faible pointe ; aussi, le bord or-

bitaire externe présente-t-il une entaille à la place de la suture.

J'ajoute que ces résultats crauioiogiques concernant les anomalies des

os nasaux et malaires sont en parfait accord avec mes observations

antérieures et postérieures sur des sujets dysostosiques vivants. J'ai

pu sentir, dans certains cas, une dépression correspondante, à la suture

fronto-nasale ; d'autres fois, j'ai trouvé le profil de la glabelle se conti-

nuant dans le dos du nez sans aucune inflexion. On peut, dans les pre-

miers cas, mesurer assez aisément la longueur des nasaux ; dans les autres

cas, où les nasaux manquent peut-être, on peut néanmoins évaluer appro-

ximativement la longueur de la partie osseuse du dos du nez. En général,

elle était de 10 mm. au maximum; une seule fois, les nasaux semblaient

avoir une longueur (19 mm.) assez voisine de la moyenne. L'arcade

zygomatique était chez les sujets vivants (à une seule exception près)

très peu développée. Il y avait manifestement, dans un cas, un large

espace non ossifié ; dans 4 autres cas, j'ai pu sentir, au milieu de l'ar-

cade, une brèche qui correspondait sans doute à une interruption de l'arc

osseux.

Les dimensions du maxillaire supérieur sont également fort di-

minuées et le sinus se rétrécit jusqu'à n'avoir que la grosseur d'une

noisette, ce qui tient en partie à la spaciosité relative de la fosse

canine. La voûte palatine est étroite, mais l'excavation profonde que la

plupart des auteurs ont observée ne semble pas être un signe absolument

constant. Chez tous mes sujets vivants, il en était ainsi ; mais 3 seule-

ment des 9 crânes présentaient une voûte palatine haute et ogivale, dans

tous les autres elles était très plate. Cette contradiction tient peut-être au

fait que la majorité des crânes examinés appartenait à des sujets d'un âge

avancé, ayant perdu presque toutes leurs dents et présentant une atrophje

alvéolaire à peu près complète. Je crois donc que l'ogivalité de la voûte

palatine doit être néanmoins regardée comme un signe caractéristique de

la dysostose.

Certains auteurs prétendent avoir observé chez des sujets dysostosiques

« une fente, due à la non-soudure des os », « une perforation puncti-

forme»,etc.,danslavoîtepalaline.-Ordansaucundes9crW esexaminés

loi HULTKRANTZ .

on n'a constaté de fissure médiane (palatoschisis), et si, à vrai dire, j'ai

quelquefois observé chez des sujets vivants un sillon assez profond sur la

ligne médiane, un examen attentif ne m'a jamais permis de remarquer

que la soudure des os fût incomplète. Certes, je ne nie pas que les obser-

vations de ces auteurs ne puissent être exactes, mais je me refuse à voir

là un caractère essentiel de la dysostose. Il faut signaler, par contre, que

le canal incisif est souvent agrandi et de forme irrégulière ; on a en ou-

tre observé dans 3 cas, des sutures incisivomaxillaires persistantes, et

aussi 3' fois une protrusion en forme de bec de la portion médiane du

bord alvéolaire.

En ce qui concerne le maxillaire inférieur, j'ai déjà mentionné l'ex-

trême réduction du diamètre transversal et la fréquence relative au

moins chez les adultes - du prognathisme mental. Ce dernier caractère

peut être assez marqué pour que les dents du maxillaire inférieur fermé

dépassent de 1 cm. les dents supérieures. Pourtant, un examen détaillé

montre qu'il ne s'agit pas d'un agrandissement réel de la dimension an-

téro-postérieure de l'os, mais que cela tient en partie à la petitesse du

.maxillaire supérieur et à l'atrophie des -.bords alvéolaires, en partie aussi

à la très grande ouverture de l'angle mandibulaire. Exception faite pour

lai hauteur de la branche montante, le maxillaire inférieur du crâne

d'Helsingfors (qui était celui d'un paysan de 59 ans) n'avait à peu de

chose près que les dimensions de celui d'un enfant de 7 à 8 ans. Le corps

de l'os est, en général, bas, mais assez épais et de forme grossière, avec

bord alvéolaire peu développé. Au contraire, la branche montante est

, grêle, l'incisure en est petite et l'apophyse coronoïde, mince, s'infléchit

souvent en dehors ou en arrière.

Aux observations souvent faites sur les irrégularités de la dentition si

fréquentes et presque constantes chez les dysostosiques (retard dans l'appa-

rition des dents de lait et des dents permanentes, implantation irrégu-

lière, développement rudimentaire et anomalies diverses dans la forme),

je puis ajouter que j'ai observé chez un dysostosique la soudure des deux

incisives inférieures gauches, dans plusieurs cas des dents plus grosses

que la normale, et tout au moins deux reprises des preuves indu-

bitables d'une production de dents surnuméraires. C'est ainsi que, dans

un des crânes de Vienne, j'ai trouvé pour la partie médiane des maxil-

'laires supérieurs (correspondant aux incisives et canines) un nombre de

13 dents très irrégulièrement implantées et, en outre, deux alvéoles ou-

vertes et vides. Il était impossible de déterminer, en raison de leur forme

rudimentaire, lesquelles de ces dents appartenaient à la seconde (et à la

troisième ? ) dentition. Dans plusieurs crânes de sujets dysostosiques très

âgés, on a trouvé des dents, qui étaient restées incluses dans des alvéoles

LES ALTÉRATIONS DU CRANE DANS LA DYSOSTOSE CLÉIDOCRANIENNE 1O

elles-mêmes incomplètement formées. Souvent le développement de l'é-

mail est défectueux, mais je n'ai observé ni dans les crânes, ni sur les

sujets vivants, de dents d'Hutchinson caractérisées.

Nous avons rencontré, en étudiant les crânes d'individus atteints de

dysostose cléidocrànienne,un grand nombre de difformités et d'anomalies

diverses ; encore la liste n'est-elle pas complète. J'ai omis de mentionner

dans cette brève étude plusieurs anomalies assez intéressantes observées

sur l'un ou l'autre de mes crânes, parce qu'elles me semblaient acciden-

telles et sans liaison intime avec les caractères typiques. Il me paraît ce-

pendant probable que la fréquence de ces anomalies isolées indique, pour

ainsi dire, un défaut général d'équilibre dans les phénomènes du déve-

loppement des dysostosiques. 1

Si l'on considère toutes les altérations crâniennes qui apparaissent dans

la dysostose, il n'est pas douteux qu'elles ne sont pas toutes de même or-

dre ; quelques-unes ne sont évidemment que les conséquences plus ou moins

directes des autres. Sans prétendre donner une classification scientifique

définitive des caractères crâniologiques de la dysostose cléidocrânienne,on

peut, je crois, les répartir provisoirement entre les catégories suivantes ;

A. Troubles dans le développement des os enchondraux de la base du

crâne.

1° Arrêt de croissance des os de la base, surtout dans le sens transver-

sal, qui se manifeste surtout par une rétraction des parties inférieures de

la paroi latérale du crâne, et par la forme rétrécie que prend le trou occi-

pital, et qui agit probablement aussi sur le développement du squelette

facial,.

2° Inflexion de la partie centrale de la base entraînant une sorte de

cyphose de l'apophyse basilaire et une dislocation de l'occipital telle que,

dans sa partie basale, il regarde, ainsi que le trou occipital, plus en

avant.

3° Ossification incomplète du squelette de la base qui se manifeste

entre autre par la persistance partiel le des synchondroses et l'élargissement

des fissures autour du rocher.

B. -j Troubles dans le développement des os dermiques de la voûte erd

nienne.

4° Ossification défectueuse attestée par la persistance d'espaces mem-

braneux, l'enfoncement des bords des os, surtout le long de la ligne mé-

diane, et parla fermeture irrégulière des fontanelles latérales. ,

2° Formation et persistance de très nombreux os wormiens ; parfois les

106 HULTKRANTZ

pariétaux sont en grande partie ou entièrement remplacés par des osse-

lets accessoires.

C. Déformation 6 ? 'ae/t ! / et platycéplwlique de la boîte crânienne par

suite de l'augmentation du diamètre transversal et de la diminution du

diamètre verticale.

Cette déformation tient probablement à plusieurs causes mentionnées

ci-dessus (A et B). ,

D. Troubles dans le développement des os de la face.

1° Réduction du squelette facial dans toutes les dimensions. ,

2° Absence totale ou réduction considérable des os nasaux, fréquem-

ment soudés aux frontaux.

3° Absence des lacrymaux ou soudure de ces os aux apophyses montan-

tes des maxillaires supérieurs.

4° Développement incomplet de l'os malaire, surtout de son angle pos-

térieur qui, très souvent, n'atteint pas l'apophyse zygomatique du tem-

poral.

5° Etroitesse et forme ogivale de la voûte palatine.

6° Prognathisme du maxillaire inférieur à angle agrandi et à branche

montante très réduite.

E. Arrêt de développement des grands sinus annexes aux fosses na-

sales (sinus frontaux,sphénoïdaux et maxillaires) et des cellules aérifères

mastoïdiennes.

F. Irrégularités dans la dentition.

1° Apparition tardive et rétention des dents.

, 2° Anomalies dans la forme et les dimensions.

3° Implantation défectueuse.

, 4° Développement de dents en surnombre.

Certains de ces caractères sont plus accusés chez les enfants (par exem-

ple défaut d'ossification de la voûte crânienne),d'autres se trouvent surtout

chez les adultes (par exemple prognathisme mental). Il me semble

qu'aucun ne soit absolument constant, mais tous sont assez fréquents

pour qu'on puisse les considérer comme caractéristiques de la dysostose

cléidocrânienne. 1

. Post,scriptum. Pendant que cet article était sous presse, j'ai reçu

de M. le Docteur A. Schueller de Vienne, quelques informations qui con-

firmem certaines de mes conclusions. Le Dr Sch. a eu l'obligeance de

me communiquer ses épreuves radiographiques d'un des crânes de Scheu-

thauer qui montrent que Je sinus frontal fait complètement défaut, le si-

nus sphénoïdal n'a que la grosseur d'une petite cerise et les cellules mas-

LES ALTÉRATIONS DU CRANE DANS LA DYSOSTOSE CLÉIDOCRANIENNE 107

toïdiennes sont à peine indiquées. Aucune trace de la synchondrose

basilaire n'était visible dans la radiographie.

Pour un autre cas indiqué par Fuchs [Wien.klin. Wochenschr., 1907),

où il s'agit d'un homme âgé de 23 ans, atteint de dysostose cléidocrâ-

nienne caractérisée, le Dl' Schueller a radiographié la tête et a trouvé que

les cavités pneumatiques du crâne étaient à peine sensibles. De plus, il y

avait dans ce cas une formation d'osselets accessoires nombreux séparés

par des sutures en réseau très nettes, formation analogue à celle du crâne

représenté dans l'article de Voisin,de Lépinay et Infroit et aussi du crâne

de la figure 1 de la planche XVII ci-jointe.

SOCIÉTÉ DE NEUROLOGIB DE PARIS

SÉANCE DU 9 JANVIER 1908 ,

ANÉVRYSME VOLUMINEUX D'UNE BRANCHE

DE L'ARTÈRE CÉRÉBRALE MOYENNE

OU SYLVIENNE ,

SIGNES CLASSIQUES DE TUMEUR CÉRÉBRALE, DURÉE DE CINQUANTE-,

CINQ ANS ET TERMINAISON PAR SUICIDE DU MALADE, >

PAR R

A. SOUQUES

Les anévrysmes intra-crâniens sont rares et occupent soit le système

vertébral, soit le système carotidien. Le lieu de prédilection de ces der-

niers est incontestablement l'artère cérébrale moyenne ou sylvienne.

L'histoire clinique des anévrysmes de la sylvienne est fort obscure.

Neuf fois sur dix tout symplôme faitdéfaut,en effet. Un jour, surviennent

brusquement les signes d'une hémorragie cérébrale foudroyante, et à

l'autopsie on trouve un anévrysme rompu, ouvert soit sous l'arachnoïde,

soit dans le ventricule latéral.

J'ai eu récemment l'occasion d'observer un exemple d'anévrysme syl-

vien, remarquable par son volume, par ses symptômes et par son évolu-

tion. Je reviendrai sur ces caractères après avoir rapporté les détails de

l'observation.

Pierre Teiss...,65 ans, ancien cocher, ne présente aucun antécédent digne de

remarque. Son père est mort de vieillesse à 85 ans, sa mère d'hémiplégie à

56 ans. Il a eu quatre frères : deux morts en bas âge et deux à l'àge adulte,

d'affections qu'il ignore. -

Lui-même n'a eu d'autre maladie que la variole, à l'âge de dix ans. Il nie la

syphilis, et on n'en retrouve aucune trace actuelle. Il s'est marié à 23 ans ; sa

femme a fait deux fausses couches et a eu deux enfants à terme : l'un est mort

à deux ans de convulsions et l'autre à dix-huit ans de l'influenza.Le seul anté-

cédent notable est un certain degré d'alcoolisme. De 15 à 22 ans, ce malade a

fait, en effet quelques excès de boisson ; il buvait le matin cinq petits verres de

liqueur ou bien un litre de vin blanc ; aux repas, il ne prenait que de l'eau

rougie. A partir de 22 ans, il est devenu sobre, en apprenant que le tremble-

ment qu'il présentait aux mains relevait de l'alcool. Mais le début de la maladie

actuelle était antérieur a son alcoolisme !

En effet, cet homme a commencé d'avoir des maux de tête à l'âge de 10 ans,

ANÉVRYSME VOLUMINEUX DUNE BRANCHE DE L'ARTÈRE CÉRÉBRALE 109

qui ont pas cessé depuis cet âge. Ont-ils précédé ou suivi la variole, survenue

au même âge ? Il a été impossible de le savoir. Ces maux de tête étaient paro-

xystiques, duraient un quart d'heure et revenaient deux fois par mois environ.

La céphalée était diffuse avec prédominance au niveau des tempes. Elle s'ac-

compagnait de nausées ; il lui est arrivé une seule fois de vomir sans raison

connue. A l'âge de 15 ans apparaissent des vertiges très accusés et assez fré-

quents.

A l'âge de 26 ans, il fut pris, un soir, dans son lit, de convulsions des mem-

bres ; il se leva pour demander du secours, perdit connaissance et tomba par

terre. On le remit dans son lit et il revint à lui, au bout de dix minutes. Le

lendemain, il put vaquer à ses occupations habituelles. Le malade ne se rap-

pelle pas si les convulsions étaient localisées un côté du corps.

. A 29 ans -- au mois de mai 1872 les crises de céphalée deviennent beau-

coup plus violentes qu'auparavant et la douleur se localise nettement au côté

droit de la tête. Au moment de la crise, et pendant quelques instants, il sen-

tait comme une piqûre d'épingle en un point limité de la région pariétale droite.

Ce point, d'après ce qu'il indique aujourd'hui, siégeait sur un plan biauricu-

laire trois travers de doigt au-dessous de la suture interpariétale.

Au mois d'août 1872, le malade a une seconde attaque : subitement il s'aper-

çoit qu'il ne peut plus parler et que son côté gauche est paralysé. Cette fois, il

n'avait pas perdu entièrement connaissance et entendait ce qu'on disait à côté

de lui. A la suite, obligé de garder le lit durant trois mois, il fut soigné à l'ho-

pital St-Antoine par le sirop de Gibert dans le service de Maurice Raynand.

Aussitôt après cette attaque, il s'aperçoit que la vue baissait sensiblement

dans les deux yeux, et, en moins de trois mois, il était complètement aveugle.

Il entra alors à l'hospice d'Ivry, en 1873, comme hémiplégique etamauroti-

que. Son hémiplégie s'améliore peu à peu et, trois ans après sa rentrée, il

pouvait se servir du côté malade à peu près comme du côté sain.

Lorsque j'examine ce malade pour la première fois, en décembre 1905, il

ne présente presque aucune trace d'hémiplégie. Il marche normalement pour

un aveugle, est aussi fort de la main gauche que de la droite (au dynamomètre :

40, à droite ; 37, à gauche). Il y a peut-être un vestige de parésie faciale infé-

rieure du côté gauche. Le signe du peaucier, la flexion combinée de la cuisse et

du tronc font défaut.

Pas de troubles de la sensibilité objective, mais ce malade se plaint de four-

millement, de lourdeur dans la main gauche, de sensation de chaleur dans la

jambe gauche et de fourmillement dans les extrémités de ce côté du corps.

Les réflexes rotuliens paraissent égaux et normaux, ainsi que les achilléens.

Il n'y a pas de clonus. Le phénomène des orteils se fait en flexion à droite ; à

gauche, le gros orteil reste immobile et les quatre derniers se fléchissent et

s'écartent. Le phénomène d'Oppenheim est positif à gauche. Les réflexes cré-

mastériens et abdominaux sont conservés.

Il n'y a pas actuellement de troubles notables du goût ni de l'odorat. Mais,

en 1872, au moment de la seconde attaque, la malade affirme qu'il avait perdu

xi 8

110 1 SOUQUES

complètement les sens du goût et de l'odorat. Pendant un an environ, il ne

perçut ni le tabac qu'il prenait, ni le salé ni le sucré.

Il entend bien, des deux côtés, mais il accuse de temps à autre des bourdon-

nements d'oreille. Depuis l'âge de 15 ans il lui arrive une du deux fois par

mois d'avoir des vertiges caractérisés. Il voit les objets tourner autour de lui

et il est quelquefois attiré en avant ; il les a, même quand il est couché au lit.

Pendant ces vertiges, les bourdonnements d'oreille n'augmentent pas d'intensité,

dit-il, mais il éprouve des maux de tête consécutifs. La céphalée revient encore,

en effet, paroxystiquement tous les quinze jours, dure un quart d'heure, reste

généralisée, s'accompagne sinon de vomissements du moin des nausées.

l'examen des yeux ne révèle rien d'anormal dans la musculature externe :

ni ptosis, ni nystagmus. Les pupilles sont en mydriase, presque égaies, légère-

ment ovalaires, à grand axe vertical; elles ne réagissent ni à la lumière ni à

l'accommodation. L'ophtalmoscope montre des papilles atrophiées, à bords

à coloration blanchâtre (atrophie, suite de névrite). Les artères temporales et

irrégulières, nasales supérieures sont atrophiées, filiformes ; les veines ont

gardé leurs dimensions. Il n'y a rien à signaler à la région maculaire. L'acuité

visuelle est nulle, le malade ne pourrait distinguer le jour delà nuit.

Pas de troubles de l'intelligence ni du caractère, d'aucune espèce. Le ma-

lade n'est ni gai à l'excès ni triste ; il est d'humeur égale, sans apathie, d'intel-

ligence normale et de jugement sain.

Pas de troubles viscéraux. Le pouls est égal, régulier, peut-être un peu lent

(60). Rien dans les urines. Pas de troubles sphinctériens.

En juillet 1907, le malade revient consulter à l'infirmerie. Il se plaint tou-

jours de vertiges et de crises de céphalée très intenses. Il présente, en outre,

des troubles mentaux qui semblent remonter à un an environ. Il croit que les

autres pensionnaires, ses voisins, le persécutent, qu'un journal aurait écrit

contre lui des choses abominables. En le racontant il est pris d'une forte colère.

Le 20 novembre, il revient consulter et demander qu'on le débarrasse, au

moins momentanément, de ses voisins de lit qui le persécntent. On l'accuse

toujours d'avoir fait avorter une femme qu'il a connue autrefois ; il n'a pu

pratiquer, dit-il, ces manoeuvres, puisqu'il ne l'a pas revue depuis son entrée

à Ivry en 1873. Cependant les voisins l'accusent tous les jours de ce crime ;

ils en ont communiqué la nouvelle aux journaux et on le menace de le faire

arrêter.

Quand il a fini de raconter cette histoire, il pleure à chaudes larmes. Le

lendemain, on lui demande des nouvelles de sa santé ; il répond : « Cela ne va

pas mal, je mange bien et je ne me sens pas malade, mais j'ai là, voyez-vous,

dit-il en montrant son front, un vieux fond de tristesse », et il se met pleurer.

Les larmes séchées, il raconte de nouveau son histoire d'avortement, puis pro-

teste hautement de son innocence, en ajoutant qu'il est un honnête homme et

qu'il n'aurait jamais fait une chose pareille.

Une ponction lombaire, pratiquée le 26 novembre, décèle un liquide clair, de

tension normale, sans albumine, avecun ou deux lymphocytes par champ 0|H

tique.

NOUVELLLE ICONOGRAPHIE DE LA SALPÊTRIÈRE

T. XXI. PI. XVIII

ANÉVRYSME VOLUMINEUX D'UNE BRANCHE DE L'ARTÈRE CÉRÉBRALE

MOYENNE OU SYLVIENNE.

(A. Souques).

Masson et Cie, Editeurs

Ptiolotviiie Berthaud, Pans

ANÉVRYSME VOLUMINEUX D'UNE BRANCHE DE L'ARTÈRE CÉRÉBRALE .111 L

Le 6 décembre, il 11 h. 1/2 du soir, le malade, qui avait quitte l'infirmerie

depuis quelques jours, se lève silencieusement, se jette dans la cage de l'esca-

lier et se tue sur le coup. Il ne s'agit pas d'accident. Le malade connaissais

très bien l'escalier qu'il montait depuis plus de trente-cinq ans. Il en réalité,

attendu la nuit pour se suicider.

A l'autopsie, on constate dans la branche postérieure de la scissure de Syl-

vius de l'hémisphère droit, entre les lèvres entrebâillées de cette scissure.

une tumeur ovalaire, ne dépassant pas la surface des circonvolutions, recou-

verte par les méninges molles qui sont de consistance et d'aspect normaux. Cette

tumeur, d'apparence kystique, refoule en- haut et en dehors les pieds très élargis

de F A et de P A, en bas et en dehors la partie adjacente de Ti,en avant le pied

de F3 (PI. XVIII). La substance cérébrale voisine de la tumeur est de couleur

jaune-ocreux, sur laquelle tranche la couleur blanchâtre de la partie visible

de la tumeur.

Les méninges qui passent comme un pont au-dessus d'elle vont d'une lèvre

à l'autre de la scissure de Sylvius, avec leurs vaisseaux. En écartant ces lèvres

on s'aperçoit que la tumeur est beaucoup plus volumineuse qu'elle ne parais-

sait, qu'elle se creuse un lit large et profond dans cette scissure aux dépens des

circonvolutions cérébrales qu'elle refoule et ramollit un peu. Elle en est, du

reste, tout à fait indépendante et assez facilement énucléable. La substance

cérébrale qui l'entoure a perdu sa forme normale et sa couleur : elle est jau-

nâtre et molle ; on ne peut pas y retrouver à l'oeil nu l'aspect des circonvolu-

tions.

La tumeur proprement dite est ovalaire, à parois épaisses (PI. XVIII), résis-

tante et fluctuante. C'est une tumeur anévrysmale qui s'est développée aux

dépens d'uue branche de l'artère sylvienne.Pleine de sang et de caillots strati-

fiés, elle est plus volumineuse qu'un gros oeuf de poule ; elle s'étend d'avant

en arrière du pôle de l'insula à la partie la plus reculée de la scissure. La loge

cérébrale qui la renferme a 8 centimètres de long, 4 centimètres dans le sens

transversal et 5 de haut en bas.

Du côté des nerfs optiques et des gaines, il y a des altérations très intéres-

santes qui feront l'objet d'une communication spéciale.

Enfin, les artères cérébrales présentent des lésions très nettes et très nom-

breuses d'athéromasie. Pas de dilatation notable des ventricules du cerveau.

Sur une coupe horizontale (PI. XVIII), passant au-dessous du bec et du genou

du corps calleux, on se rend aisément compte des dimensions de cette loge et

de l'état des parties profondes. On voit que la circonvolution postérieure de

l'insula est détruite, que les autres sont repoussées en avant, que les noyaux

gris et la capsule interne sont intacts. Dans la moitié antérieure du putamen,

l'insula, l'avant-mur et la capsule externe sont respectés ; dans la moitié posté-

rieure, l'insula, l'avant-mur et une partie de la capsule externe sont détruits.

Le ventricule latéral est comprimé, aplati, non dilaté. Dans l'hémisphère op-

posé. le ventricule latéral n'est pas davantage dilaté.

L'intérêt de cette observation est d'ordre anatomique et clinique à la

fois.

il,) 2 SOUQUES .

Au point de vue anatomique,l'intérêt est moins dans le siège de cetané-

vrysme sur une branche de division de la sylvienne que dans son volume.

En effet, les anévrysmes sylviens sont généralement petits, allant du vo-

lume d'un pois à celui d'un oeuf de pigeon. Il n'est pas fait mention dans

les observations que j'ai parcourues de tumeur anévrysmale aussi volumi-

neuse, à beaucoup près,que celle,que je viens de rapporter. Ici le volume

est véritablement énorme, si on veut bien le comparer avec le calibre nor-

mal d'une branche de la sylvienne.

Au point de vue clinique, l'intérêt du cas est encore plus frappant. Il

faut remarquer tout d'abord que le malade a présenté la symptomatologie

classique des tumeurs cérébrales : céphalée paroxystique avec nausées, ver-

tiges, ictus épileptiformes et apoplecliformes, amaurose rapide. Le dia-

gnostic de tumeur cérébrale a été porté du vivant du malade ; le siège

de la tumeur avait même été placé dans l'hémisphère droit au niveau de la

région rolandique, en raison de la localisation de la céphalée et de l'hémi-

plégie gauche. Mais la nature n'en a pas été reconnue. Rien ne pouvait

faire penser à un anévrysme et le diagnostic avait été : tumeur cérébrale

bénigne.

En raison de cette bénignité, et aussi en raison du caractère définitif

et incurable de l'amaurose, toute tentative d'intervention chirurgicale

avait été écartée. Et, dans l'espèce, il y a lieu de s'en féliciter.

Un des points les plus curieux de cet anévrysme est sa longue durée et

son évolution. Apparu à l'âge de dix ans, il a duré cinquante-cinq ans,

et il aurait duré longtemps encore sans doute,si le malade ne s'était suicidé.

Pendant cette longue durée, qui contraste avec l'évolution généralement

brève de ces anévrysmes, la symptomatologie ne s'est pas nettement

modifiée.

Le début est-il en rapport avec la variole et celle-ci serait-elle la véri-

table cause de l'anévrysme ? C'est une supposition qui ne peut pas être

prouvée. Vingt ans après la cécité s'est établie et très vite, consécutive à

une poussée, c'est-à-dire à une progression vraisemblablement rapide de

la tumeur. Puis les choses sont restées dans le même état jusqu'à la mort.

Pendant toute cette longue période, la tolérance et l'accoutumance du

cerveau ont été extraordinaires, au triple point de vue moteur, sensitif et

intellectuel. Ce n'est que dans les deux dernières années qu'une idée fixe

de persécution estsurvenue,laquelle a conduit le patient au suicide. On peut

assurément défendre qu'il y a eu simple coïncidence entre le délire de

persécution et la tumeur anévrysmale, mais on peut aussi admettre que

celle-ci n'a pas été sans exercer quelque influence sur le développement

de cette psychose. Quoi qu'il en soit, c'est le suicide qui a mis fin à la

longue évolution de cet anévrysme de la sylvienne.

SOCIÉTÉ DE NEUROLOGIE DE PARIS

Séance du 5 mars 1908

MAL DE POTT SARCOMATEUX

PAR

F. RAYMOND et L. ALQUIER

Le mal de Pott sarcomateux est bien plus rare que les autres lésions

destructives de la colonne vertébrale ; sur les 950 autopsies faites à la

clinique depuis la fin de 1895, le fait actuel est le seul de ce genre. Mal-

gré sa rareté, le mal de Pott sarcomateux est d'un grand intérêt pour le

praticien, à cause des erreurs de diagnostic qu'il peut occasionner, et

parce que l'intervention chirurgicale a pu, dans certains cas, donner des

résultats brillants. Enfin, il importe de bien connaître le mécanisme de

la compression médullaire qu'il détermine, la comparaison des lésions

avec celles observées dans le mal de Pott tuberculeux peut contribuera à

éclaircir la pathogénie de ces dernières.

Histoire de la maladie. Homme de 53 ans. Rien d'important

dans les antécédents personnels ou héréditaires. La maladie actuelle a dé-

buté, en septembre 1906, par une fatigue des membres inférieurs, ap-

paraissant le soir et cédant le matin ; 3 mois après, survinrent des dou-

leurs des omoplates, de l'oedème des membres inférieurs, enfin, la marche

devenail de plus en plus difficile. En janvier 1907, le malade dut s'aliter.

A l'entrée dans le service, le 12 juin 1907, on constatait : paraplégie des

membres inférieurs, complète (motilité nulle), spasmodique, avec cram-

pes douloureuses, raideur, exagération des réflexes tendineux, ébauche de

clonus, signe de Babinski bilatéral, abolition des réflexes cutanés (crémas-

tériens, abdominal). Le malade accuse de violentes douleurs en ceinture

et dans les membres inférieurs. La sensibilité est abolie, pour tous les

modes, au-dessous d'une bande horizontale, d'hyperesthésie, située au

niveau des seins. Au niveau des 4e et 5e vertèbres dorsales, la percussion

et la pression éveillent une douleur ; il existe, en ce point, une légère

voussure.

Aux membres supérieurs, rien à noter, qu'une légère exagération des

réflexes tendineux. Rien non plus à la tête ; pas de troubles intellectuels.

Examen des yeux négatif.

114 RAYMOND ET ALQUIER

Une légère incontinence des sphincters, une escarre sacrée, enfin, un

gros oedème des membres inférieurs vinrent compléter le tableau sympto-

matique. En l'absence de syphilis, et l'auscultation révélant, au sommet

droit, des signes de tuberculose, on crut pouvoir s'arrêter au diagnostic

de mal de Pott. L'oedème augmenta progressivement, et envahit l'abdo-

men, puis les autres parties du corps ; les autres signes de l'asystolie

devinrent manifestes ; le malade succomba le 22 septembre 1907.

Anatomie pathologique. A l'autopsie, anasarque absolument géné-

ralisée, avec peau ichtyosique, rouge à tous les points de pression, grosse

hydrocèle double. Coeur et viscères d'asystolie : tuberculose discrète et

ancienne du sommet droit. Le rein gauche, du poids de 2.080 grammes,

était, en étier, occupé par un énorme sarcome, celui-ci avait secondaire-

ment envahi les deux surrénales,qui pesaient, ensemble, 160 grammes.Une

autre tumeur se trou vait,sur la ligne médiane,au-dessous du corps thyroïde.

Une autre masse sarcomateuse s'était enfin développée au niveau des 4e et

5e vertèbres dorsales, détruisant les lames et apophyses épineuses, et enva-

hissant les corps vertébraux correspondants : celui de la 4° vertèbre, pris

dans toute son épaisseur, s'était effondré; celui de la 5e était atteint seu-

lement dans sa partie postérieure. La moelle était étranglée, entre les 5e et

6e paires,et réduite de volume, en tous sens, mais surtout dans le sens

antéro-postérieur, fortement comprimée par une infiltration diffuse de

l'espace épidural par le sarcome. La dure-mère était complètement res-

pectée (PI. XIX).

Au microscope, léger épaississement des méninges molles, surtout en

arrière,au niveau du point comprimé : en ce point, les vaisseaux sanguins

sont très dilatés, la différenciation entre les deux substances de la moelle

a presque complètement disparu. Dans la substance grise, les cellules

nerveuses sont réduites à quelques vestiges à peine reconnaissables grâce

à leur forme, encore assez bien conservée, et à la coloration de leur pro-

toplasma par le Nissl ; elles sont en chromatolyse, avec, presque partout,

disparition du noyau, mais sans pigmentation. Dans la substance blanche,

on constate les lésions de « l'eedéme » du tissu nerveux : dilatation des

gaînes myéliniques, tuméfaction ou état sinueux des cylindraxes, épaissis-

sement diffus de la névroglie. Ces lésions se retrouvent, atténuées, au-

dessus et au-dessous, jusqu'aux limites delà compression, dans les autres

régions de la moelle,il n'y a que les dégénérescences ascendantes et descen-

dantes habituelles (PI. XX).

Cliniquement, le mal de Pott sarcomateux est, bien souvent,confondu

avec le mal de Pott tuberculeux ; rien, en effet,ni dans l'évolution des ac-

cidents nerveux, ni dans les signes physiques fournis par l'exploration du

Nouvellle Iconographie DE la Salpêtriere

T. XXI. PL XIX

MAL DE POTT SARCOMATEUX.

(Raymond et Alquier).

Destruction des Limes et apophyses épineuses des 4* et 51 vertébres dorsales.

Envahissement des corps vertébraux correspondants. Étranglement de la moelle entre les V* et Vl paires.

Intégrité de la dure mère.

MAL DE POT SARCOMATEUX 115 lui

rachis y compris la radiographie ne saurait trancher le diagnostic.

Celui-ci est basé surtout sur la recherche des tuberculoses viscérales ou du

sarcome primitif, lorsque le néoplasme vertébral est secondaire. Or, notre

malade était tuberculeux ; quant au sarcone du rein, sa situation profonde

et son volume énorme (il remplissait tout l'abdomen, du diaphragme jus-

qu'au bassin),enfin,l'oedème des parois et la distension des anses intestina-

bles qui le recouvraient, tout contribuait à confirmer l'erreur. En effet,

on ne sentait qu'une masse douloureuse, mal limitée, ressemblant bien

plus aux « gâteaux » de la péritonite tuberculeuse qu'à un sarcome rénal.

Même dans les cas où le sarcome vertébral est primitif, le diagnostic du

mal de Pott tuberculeux est souvent porté ; témoin, entr'autres, le cas de

Pfeiffer l) : chez un jeune homme de 20 ans, un sarcome primitif des

3 dernières vertèbres cervicales et de la 4r° dorsale avait déterminé une

compression de la moelle et des plexus brachiaux; le diagnostic clinique

avait été celui de mal de Pott tuberculeux.

Les accidents nerveux dus à l'ostéo-sarcome vertébral évoluent parfois

avec une rapidité surprenante : dans le cas de Poulain (2), la paraplégie

était devenue complète en 13 jours. Il s'agissait d'un sarcome du médias-

tin non révélé par la radiographie : les signes avaient été ceux d'une con-

gestion pulmonaire avec épanchement pleural hémorragique. Le néo-

plasme avait détruit la 5° vertèbre dorsale, et comprimait la moelle.

Mais, le plus souvent,la marche des accidents est plus lente : 1 an chez

notre malade, 1 mois dans le cas de Pfeiffer. Lorsque le sarcome verté-

bral est primitif, se pose la question de l'intervention, elle peut donner

des résultats brillants. Citons, entr'autres le fait de Davies Colles (3) :

quelques années après des douleurs thoraciques transitoires, consécutives

à une chute sur le dos, une jeune femme de 23 ans fut prise de douleurs

avec affaiblissement et anesthésie des membres inférieurs et légère in-

continence des sphinters. L'examen révéla une tuméfaction assez considé-

rables des 4°-6e vertèbres dorsales. Devant la rapide aggravation, l'auteur

se décida à l'intervention. Il trouva un fibro-sarcome de la lame droitede

la 4.° vertèbre dorsale, extirpa la tumeur et les apophyses épineuse des 5"

et 6e dorsales.La moelle était ramollie, la dure-mèreparaissaitintacte. En

6 semaines, la malade guérit.

Lorsqu'il s'agit d'un sarcome diffus, le résultat de l'intervention appa-

raît plus aléatoire : même alors, il peut encore être excellent Kummel,

ayant enlevé, pour des douleurs intolérables, un sarcome, le vit réci-

diver 6 mois après, donnant une paraplégie rapidement complète des

(1) PFEIFFER, Deutsche Zeitschrift für Nervenheilkunde, 1901, p. 360.

(2) Poulain, Bull. de la Soc. anat., 1898 p. 623.

(3) DAVI¡;S Collés, Anal, de la Som. méd., 1892, p. 92.

1 J G RAYMOND ET ALQ1TIER

membres inférieurs, avec douleurs spontanées et à la pression au niveau

de la 3e dorsale. L'excision des 2e, 3e, 4 lames montra, dans le canal, une

tumeur du volume d'une petite pomme comprimant la moelle. Elle fut

extirpée, et l'auteur enleva à la gouge des portions envahies des corps

vertébraux. La guérison, complète en 6 mois, se maintenait encore 18

mois plus tard. ,

Il est malheureusement loin d'en être toujours ainsi, et trop nombreux

sont les cas d'insuccès, ou même de mort opératoire.

L'intensité de la myélite par compression due au sarcome est très va-

riable. Strumpell (1) notamment insiste sur l'intégrité, parfois complète,

de la moelle en pareil cas, ce qui explique la rapide guérison de la para-

plégie, après l'intervention. Dans notre cas, de même que dans celui de

Pfeiffer, la myélite était particulièrement intense.

On sait combien est discuté, dans la tuberculose, le rôle des toxines,

dans la genèse des lésions médullaires. En comparant la moelle de notre

malade avec celle des nombreux Pottiques que nous avons étudiés plu-

sieurs années, nous ne parvenons à découvrir aucune différence entre la

myélite du mal de Pott, et celle due à une autre cause de compression.

Le rôle des toxines du bacille de Kocb, dans la genèse des lésions ner-

veuses du mal de Pott tuberculeux n'est pas, à l'heure actuelle, histolo-

giquement démontré.

t

(1) Struhtell, Congrès de médecine de Berlin, 1886.

Nouville Iconographie DE la SALPtTRitRB

T. XXI. Pl. XX

MAL DE POTT SARCOMATEUX.

(Raymond et AlquiCl).

A et B. - Moelle cervicale et lombaire.

B et C. - V° et VI" segments dorsaux.

E. Substance blanche du cordon latéral de la moelle au point comprimé.

SOCIÉTÉ DE NEUROLOGIE DE PARIS

Séance DU 6 février 1908

SYNDROME DE L' « HÉMt-QUEUE DE CHEVAL »

PAR MÉNINGO-RAD1CULITE SYPHILITIQUE,

PAR

M. LAIGNEL-LAVASTINE.

Médecin des hôpitaux de Paris.

L'intérêt de l'observation suivante est double, clinique et anatomique.

En clinique, les troubles sensitifs et moteurs de la queue de cheval sont

généralement bilatéraux. Ici l'unilatéralité des symptômes explique l'ex-

pression : syndrome de l'hémi-queue de cheval.

En anatomie pathologique, la méningo-radiculile syphilitique, quoi-

qu'une des causes les plus fréquentes du syndrome, n'a pas encore été

l'objet de beaucoup d'examens histologiques et les dégénérescences qu'elle

entraîne séparent les fibres radiculaires des systèmes endogènes dans les

cordons postérieurs. Ces raisons nous font abstraire de l'histoire très

touffue d'une malade longuement étudiée par M. Dupré, remplaçant

M. André Petit, les détails relatifs au syndrome de l'hémi-queue de che-

val diagnostiqué par l'un de nous et confirmé par l'autopsie.

Observation.

Cliniquement, il s'agit d'une femme de 30 ans, examinée le 22 février 1902

avec M. Boidin.

Six ans auparavant elle avait subi l'ablation de la saphène interne droite pour

varices et ulcères de la jambe. Depuis 3 mois elle ressentait des douleurs

dans la jambe droite en même temps qu'un affaiblissement progressif, qui ne

l'empêchait pas de marcher, quand, le 20 janvier 1902, dans la journée, brus-

quement, en marchant, et sans ressentir de douleurs, elle s'aperçut que sa

jambe gauche devenait lourde et qu'elle ne pouvait plus monter un escalier.

La faiblesse gauche diminue les jours suivants, sans douleurs et sans

troubles sphinctériens.

Depuis le 14 février, rétention d'urine.

Le 22 février elle per.siste. La constipation, opiniâtre, cède un peu aux lave-

ments. ,

(1) Travail du laboratoire des professeurs Landouzy, à l'hôpital Laminée, et Gilbert

Ballet, à l'IIûtel-Dieu.

1 1 8 LAIGNEL-LAVASTINE

Le 22 février, la marche est impossible sans aide ; la malade s'écroule sur

ses jambes. Soutenue, elle steppe de la jambe droite ; elle traîne l'avant-pied

droit.

La force musculaire, nulle à droite pour les mouvements actifs et passifs du

pied et de la jambe, est conservée à gauche. Le rétlexe achilléen, nul à droite,

est fort à gauche ; le rotulien est aboli des deux côtés ; mais la percussion du

tendon à gauche y produit le réflexe contralatéral.

Le réflexe cutané plantaire, aboli à droite, se fait en extension il gauche. Le

réflexe anal manque.

Il existe (Fig. 1) une anesthésie tactile, douloureuse et thermique du pied et

de la jambe, remontant sur la face interne de la jambe jusqu'à 4 centi-

mètres au-dessous du genou, sur la face externe jusqu'au genou et en arrière

s'étendant en bande longitudinale jusqu'au pli fessier (Fig. 2). Au périnée

Inc. 1. - Anesthésie tactile, douloureuse et thermique du pubis, à la jambe et au pied

à droite dans le domaine des 1r*, 20 et 3° racines sacrées.

Anesthésie à la percussion du tibia droit.

SYNDROME DE L'HÉMI-QUEUE DE CHEVAL

119 Sl

(Fig. 3) l'aire anesthésique dessine une hémi-garniture droite comprenant en

avant les faces cutanées et muqueuse de la grande lèvre, le vestibule avec em-

piétement sur la moitié du côté gauche, la face interne du vagin, et en arrière

la région péri-anale un peu moins anesthésiée à sa périphérie qu'à son centre.

Il n'y a pas d'amyotrophie appréciable ni d'autres troubles trophiques, en

dehors de cicatrices circulaires, régulières, entourées du pigment, qui parais-

sent consécutives à des gommes cutanées de la jambe droite. La malade ne se

plaint pas de douleurs spontanées. La palpation des nerfs n'est pas doulou-

reuse. Seule provoque de la douleur la percussion forte du sacrum.

Les membres inférieurs et le tarse sont normaux : le membre supérieur

gauche est à peine plus faible que le droit et l'asymétrie de la face très peu

perceptible. La bouche n'est pas déviée ; le sillon naso-labial est peine

moins marqué à gauche. Il n'y a pas de troubles pupillaires.

On fait le diagnostic d'hémiparésie gauche légère, vraisemblablement par ra-

Fig. 2. Anesthésie tactile, douloureuse et thermique' du périnée et du membre infé-

rieur à droite dans les domaines des 1 ? 2°, 3° et 4e racines sacrées.

Les hachures simples indiquent l'hyperesthésie, les croisées l'anesthésie totale. ' *

120

LAIGNEL- LAVAST1NE

mollissement par artérite syphilitique et de paralysie des racines sacrées droi-

tes ou syndrome de l'hémi-queue. de cheval par lésion syphilitique unilaté-

rale, probablement méningo-radicalite.

Une ponction lombaire, faite par M. Boidin, et qui ne donne issue qu'à du

sang, est en faveur de ce diagnostic, impliquant un certain degré d'inflamma-

mation et de symphyse scléreuse méningo-radiculaire. '

La mort survint 6 mois plus tard.

L'autopsie, faite par M. Verliac, mit en évidence, en plus d'un petit foyer

de ramollissement par artérite de l'hémisphère cérébral droit, une symphyse

méningo-radiculaire de la moitié droite de la queue de cheval (Fig. 4).

Des adhérences de la partie postéro-latérale droite de la dure-mère aux raci-

nes postérieures droites de la queue de cheval, à partir de l'émergence de la

2e racine lombaire, empêchaient l'étalement complet de la dure-mère section-

née le long de la ligne médiane postérieure. En avant les adhérences commen-

cent un peu plus bas, au niveau de l'émergence de la L'il.

A. cette hauteur existe une masse scléreuse, qui englobe toutes les racines

droites de la queue de cheval, et se prolonge jusqu'à l'émergence dure mérienne

de Lll- Un second foyer, très petit à gauche, enserre les racines motrices de

Lw et Lili sur un trajet de quelques millimètres et leurs racines sensitives

sur une hauteur d'un centimètre.

Les racines sacrées inférieures et coccygiennes gauches adhèrent au noyau

fibreux principal long de 2 centimètres. '

Cette symphyse méningo-radiculaire, après séjour dans le Muller, a été

traitée par la méthode de Marchi. La moelle a été examinée dans 4 segments :

la moelle sacrée au Marchi, la partie moyenne du renflement lombaire au Pal,

le 1er segment lombaire au Marchi et le A/7" dorsal au Pal .

Fio. 3. - Anesthésie tactile, douloureuse et thermique en hémigarniture droite dans

le domaine des 3a et 4* racines sacrées.

NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALPETRI1RE.

1 : lCxr : -Pr.xxr

1 ' SYNDROME D'HL\IIOUEUE DE CHEVAL PAR MENINGO-MYELITE SYPHILITIQUE.

R (Laij nel-Lavnstirre).

k Sypliilome scléreux engainant les racines sacrées droites (60 D).

Ê Détail de la figure A (gr. : 1 io D) grosses fibres ondulées enserrant les faisceaux nerveux dont la myéline a disparu.

SYNDROME DE L IlEM1-QUEUE DE CHEVAL

121

Voici, résumés, les aspects de la symphyse radicuto-meningée, des racines et

de la moelle.

Symphyse radicuLo-neéaingée.

La masse principale de la symphyse englobe toutes les racines sacrées

droites et les deux dernières lombaires droites.

Sur une coupe horizontale passant par son milieu (hématéine van Gieson) on

voit la méninge épaissie envoyer à sa face interne de larges travées scléreu-

ses, qui s'insinuent entre les faisceaux de fibres nerveuses, qu'elles morcellent

et étouffent (Pl. XXI).

Au faible grossissement, on voit immédiatement que toutes les racines ne

sont'pas engaînées par la méningite. C'est seulement dans la partie postéro-laté2

raie droite de la préparation que les faisceaux de fibres, cerclés de sclérose,'

Fis. 4. Symphyse mëniogo-radicutaire droite. On voit les racines droites de la

queue de cheval engainées par la sclérose,

122 ' LAIGNEL-LAVASTINE "

n'ont plus de gaines myéliniques, tandis qu'en avant et à gauche les faisceaux

sont normaux.

En examinant le détail des faisceaux pris dans la sclérose, on voit que quel-

ques fibres à myéline persistent à la périphérie, que les granulations noires de

Marchi manquent et qu'il y a accumulation de petites cellules rondes autour

des travées sclérosées. Des altérations vasculaires, dégénérescence hyaline et

endartérite d'artères interfasciculaires, périphlébite de quelques veines radi-

culaires postérieures, permettent le diagnostic de syphilome scléreux.

La comparaison des coupes faites-à différents niveaux montrent que les lé-

sions sont d'autant plus anciennes et plus grandes qu'on les étudie plus bas.

Fm.5, 6 et 1. - Moelle sacrée. Marchi.

On voit dans SI, S)), SIII. la dégénération ascendante des fibres radiculaires posté-

rieures remplir tout le cordon postérieur, à l'exception des formations endogènes,

zone cornu-commissurale, extrémité inférieure du centre oval de Fleschsig, faisceau

de Hoche, triangle de Aubenet et Philippe.

Sur les coupes inférieures, on voit les gaînes vides augmenter de nombre en

même temps que les travées scléreuses interfibrillaires et les cellules rondes.

Auprès de la méninge des faisceaux de fibres sont complètement détruits

par la sclérose (PL XXI).

Sur les coupes comprenant le prolongement latéro-supérieur droit du syphi-

lome, engainant les Ires racines sacrées et les 2 dernières lombaires, on voit

des lésions plus récentes.

Les coupes supérieures, traitées par le Pal, présentent l'ensemble de la mé-

ningite englobant les racines nerveuses, dont les fibres raréfiées et privées de

leurs gaînes de myéline, sont entourées de cellules rondes (PI.XXI) : c'est une

méningite subaiguë, avec hémorragies, caractérisée beaucoup plus par l'infil-

Fc. 5.

Fig. 6.

FIG. 7.

SYNDROME D'HEIIIIQUEUE DE CHEVAL PAR MENINGO-MYELITE SYPHILITIQUE.

(Laigllel- Llll'ttstine).

SYNDROME D'HEMIQUEUE DE CHEVAL PAR MENINGO-MYELITE SYPHILITIQUE.

(Laiguel- Lavast ine) .

SYNDROME DE T.'IIÉ1111-QUEUE DE CHEVAL 123

tration cellulaire que par la sclérose fibreuse ; on voit même des nodules inflam-

matoires et des cellules géantes.

Les coupes inférieures, traitées par le Marchi, intermédiaires entre l'inflam-

mation subaiguë et la sclérose, montrent au milieu de la méningite du sang

épanché à la face interne de la dure-mère, et des faisceaux nerveux sclé-

rosés, serrés dans le syphilome, raréfiés, atrophiés, mais sans dégénérescence

en boules (PI. XXII).

Au-dessus et au-dessous du syphilome on suit les dégénérescences.

Au-dessus, on voit deux groupes de nerfs, les racines sacrées droites sensi-

tives complètement dégénérées et les nerfs sacrés gauches normaux, ainsi que

les racines sacrées motrices droites. Uv sensitive, immédiatement contre la

méninge, est partiellement dégénérée, L'il est indemne (PI. XXII), Lv dé-

générée.

Au-dessous, les fibres dégénérées sont beaucoup moins nombreuses par suite

de la prédominance du syphilome sur les racines sensitives.

Le foyer méningé latéro-supérieur gauche, beaucoup plus petit que le droit,

n'atteint que LIV et L1», remontant plus haut en arrière qu'en avant. La mé-

ninge est épaissie et scléreuse, mais elle n'envoie entre les racines que des

travées rares et minces qui les accolent, mais ne les compriment pas. Aussi

1 ? et Lm n'ont-elles qu'une raréfaction de leurs fibres nerveuses.

Les lésions des racines ressortent de la description du syphilome méningé.

Toutes les racines comprises dans le syphilome ne sont pas dégénérées.

Au-dessus du syphilome il y a plus de fibres dégénérées qu'au-dessous. Il

n'y a que dans la moitié droite que les racines sont dégénérées d'une façon

massive.

Dans les fibres dégénérées manquent les granulations noires de Marchi.

Il s'agit donc d'un processus très lent, déjà ancien, presque exclusivement

localisé à droite et prédominant sur les racines sensitives.

La moelle a des lésions dégénératives de deux ordres.

Le 12e segment dorsal, au Pal, montre la décoloration complète du faisceau

postérieur droit, sauf une mince bande de substance blanche immédiatement en

contact avec le bord postérieur de la corne postérieure (zones radiculaires anté-

rieure et postérieure). 1

Avec la surcoloration au Van Gieson la sclérose apparaît très marquée, fi-

breuse, parsemée de noyaux, les uns ronds et noirs, les autres ovales et clairs,

et quelques-uns, plus volumineux, à granulations basophiles.

Le 98r segment lombaire, au Marchi, montre trois systèmes de dégénéres-

cence dans les faisceaux postérieurs droit et gauche et dans le faisceau antéro-

latéral gauche (PI. XXIII).

La dégénérescence massive du cordon postérieur droit, marquée par de gros-

ses granulations noires confluentes, sauf à la partie postéro-externe, représente

la génération ascendante des racines sensitives droites de la queue de cheval.

Les deux petits croissants de granulations noires dans le cordon postérieur

gauche, l'un contre la racine postérieure et l'autre un peu plus en dedans re-

présentent la dégénération ascendante des fibres sensitives des deux premières

racines lombaires gauches. '

124 LA1GNEL-LAVASTIN1; lez

Enfin l'aire de granulations noires dans la moitié postérieure du faisceau

latéral gauche représente la dégénération descendante du faisceau pyramidal

croisé en rapport avec le foyer de ramollissement de l'hémisphère droit.

Au Van Gieson, on voit une sclérose massive du faisceau postérieur droit.

A l'hématoxyline-éosine, la colonne de Clarke droite montre des cellules ner-

veuses déformées, globuleuses, avec noyau périphérique et déformé et grosse

vésicule graisseuse. gauche,au contraire, les cellules de Clarke sont normales.

La partie moyenne du renflement lombaire, au Pal, montre des lésions un

peu différentes, selon que l'on considère les coupes supérieures ou inférieures.

Les coupes SM/5érieures,correspondantau 2e segment lombaire, offrent, au Pal,

deux aires de décoloration : dans la partie postéro-interne du cordon postérieur

droit et dans un croissant parallèle au bord postérieur de la corne postérieure et

occupent le 1/3 moyen de la moitié postérieure du cordon de Burdach gauche.

La première est due à la dégénération ascendante des racines sacrées droites

et la seconde à la même dégénération des deux dernières racines lombaires.

Les coupes inférieures,correspondant aux 38 et 4° segments lombaires, offrent,

au Pal, une seule aire de décoloration dans le cordon postérieur droit. Cette

aire l'occupe tout entier, sauf la zone antéro-interne, zone marginale de West-

phal, surtout dans sa partie cornu-commissurale et un demi-ovale médian le

long du sillon médian postérieur , centre du centre ovale de Fleschsig (fais-

ceau de Hoche). Les zones de Lissauer droites sont décolorées et le réticulum

fin de la corne postérieure droite est diminué.

La surcoloration au Van Gieson montre l'extrémité supérieure de la ménin-

gite scléreuse engainant quelques faisceaux des racines postérieures de la

4° paire lombaire droite ; les racines antérieures sont normales.

La moelle lombo-sacrée, depuis le il, segment lombaire jusqu'au segment t

coccygien, a été débitée en coupes sériées, de 30 fi. d'épaisseur chacune et après

en avoir recueilli une sur deux, numérotées à la suite.

Sur ces coupes on voit admirablement la dégénérescence radiculaire ascen-

dante. Dans Lv elle occupe, dans les cordons postérieurs droits, la moitié

postéro-interne du cordon de Burdach et tout le cordon de Goll sauf le faisceau

de Hoche continué en avant par la zone cornu-commissurale encore-très large,

quoique moins que sur les coupes au Pal de Llv. Toute la zone marginale de

Westphal est donc respectée. Les zones externe et interne de Lissauer droites

contiennent très peu de fibres, mais peu de grains noirs. Le réticulum fin de

la corne postérieure droite est à peine raréfié, mais de grosses fibres sont dégé-

nérées surtout à leur entrée dans la corne.

La dégénérescence existe aussi à gauche dans le faisceau pyramidal croisé

formant un petit triangle touchant la périphérie de la moelle et séparé de la

corne postérieure par une bande assez étroite.

Dans Si, la dégénérescence n'occupe que les cordons postérieurs droits. Elle

y est massive, ne laissant indemnes que la zone cornu-commissurale, tout à

fait en avant et une mince bande, le long de la moitié antérieure du sillon

médian postérieur, correspondant au faisceau de Hoche (1) (PI. XXIII).

(1) Hoche, Ueber Verlaufund Endigungs loeise der Fasern des « Ovalen llinlertnmg-

felles » im Lendenmarke. Neurol. Centralbl., 1896.

SYNDROME DE LHÉIfI-QUEUE DE CHEVAL 12S

Dans S11 même persistance de la zone cornu-commissurale et extension en

arrière du faisceau de Hoche qui devient le triangle de Gombault et Philippe.

Dans le reste des cordons postérieurs droits la dégénérescence est massive

(PI. XXIII).

Dans S'il cette dégénérescence massive de toutes les fibres radiculaires pos-

térieures droites met schématiquement en évidence le triangle de Gombault et

Philippe allongé le long du sillon médian postérieur jusqu'au bord postérieur

de la moelle et la zone cornu-commissurale de plus en plus petite (PI. XXIII).

Dans Slv ne subsiste que le triangle de Gombault et Philippe.

Ainsi ces régions, zone marginale de Westphal, faisceau de Hoche et trian-

gle de Gambault et Philippe, apparaissent bien, par leur intégrité dans cette

dégénérescence radiculaire ascendante, comme formées de fibres endogènes.

De plus les coupes sériées, montrant par l'intermédiaire de la bande allongée

le long du sillon médian postérieur (faisceau de Hoche), la continuité du fais-

ceau médian du centre ovale de Fleschsig et du triangle de Gombault et Philippe

établissent une fois de plus l'unité systématique de ces formations : faisceau

médian du centre ovale de Flechsig,faisceau de Hoche et triangle de Gombault

et Philippe.

En résumé, il s'agit du syndrome clinique de l'hémi-queue de cheval par

dégénérescence ascendante massive, suivie dans la moelle, des racines sen-

sitive.s droites, Lv, Si à Sv, atteintes de méningo-radiculite syphilique.

Ce cas, dont les observations anatomo-cliniques se comptent (1), sug-

gère quelques réflexions.

Au point de vue clinique, depuis qu'ont été individualisés les syndro-

mes de cône terminal d'une part et de la queue de cheval d'autre part (2),

on s'efforce, pendant la vie, de faire un diagnostic différentiel (3), que ne

confirme pas toujours la nécropsie (4). C'est que la topographie radicu-

laire des troubles est la même, que la lésion porte sur la racine ou sur la

moelle. Aussi ce sont des nuances ou des symptômes contingents qui in-

clinent le diagnostic.

Ici j'avais pensé d'abord à une lésion médullaire à cause du peu de dou-

leurs éprouvées. Padoa insiste encore aujourd'hui sur la valeur de ce

signe. Dans ce cas particulier, elle était nulle.

(1) Pour la bibliographie, voir : G. PADOA, Contribution à l'élude des hippul'Opa-

thies. Arch. gén. de méd., 1907, nu, 2, 3 et 4, p. 161, 254, 296, dernier travail d'en-

semble sur la question.

(2) Dufour, Thèse de Paris, 1896 et Arch. de Neurol., 1896, n° 8 ; F. RAYMOND,

Sur les affections de la queue de cheval et du segment it/'érieur de la ntoelle.Cliniques,

4 série, 1900. Nouvelle Iconographie de la Salpêtrière, 1895-1902, n° 2, pp. 81-100 et

n° 6, p. 473-491 ; Iiandbuh der path. Anat. des Nervensystem, de Flatau, Jacobson,

Minor, Berlin, 1904, II, p. 473 ; Miton, Deuts. Zeitschrift sur Nervenh., 1901-1906.

(3) LAIGVEL-LAVASTIfIG, Hémato»iyélie de l'épicdne et de la base du cône terminal

de la moelle. Soc. de Neurologie, 6 déc. 1900.

(4) Orrevurm, Arch. f. Psych., 4885.

xxi U

126 LAIGNL~L-LAVASTINE

Paraît avoir plus d'importance l'unilatéralité des troubles, et c'est

cette unilaléralité qui m'avait fait admettre une lésion méningée de la

queue de cheval.

Cependant sa valeur est relative, car M. Raymond (1) a rapporté à une

poliomyélite hémorragique de la moitié gauche du segment terminal de

la moelle une impotence subite du membre inférieur gauche avec atrophie

rapide et abolition simultanée des réflexes rotulien, achilléen et plantaire

limitée au domaine d'innervation du plexus sacré. Il est vrai que, pour

contrebalancer l'unilatéralité, il y avait le début brusque et l'atrophie

rapide, dénotant plus une lésion directe des cornes antérieures que seu-

lement de leur cylindre-axe.

Un signe important, tiré de la ponction lombaire, permit ici d'affirmer

la symphyse méningo-radiculaire. C'est l'hémorragie et l'absence d'écou-

lement du liquide céphalo-rachidien.

Au point de vue anatomique, ce cas confirme l'opinion classique (2) sur

les dégénérations ascendantes des cordons postérieurs, consécutives aux

lésions des racines postérieures. '

Le dessin net de la zone marginale de Westphal, cornu-commissurale,

du faisceau médian du centre ovale de Fleschsig (3) (faisceau de Ho-

che) (4) dans la moelle lombaire et du triangle de Gombault et Philippe (5)

dans la moelle sacrée montre, une fois de plus, qu'ils ne dépendent pas

des fibres radiculaires postérieures et la continuité de ces formations éta-

blit leur communauté d'origine. '

Particulièrement la diminution de la zone cornu-commissurale à me-

sure que l'on descend dans la moelle sacrée et que le faisceau de Hoche

d'abord, le triangle de Gombault et Philippe ensuite, augmentent le nom-

bre de leurs fibres, confirme cette opinion.

« Les fibres endogènes, dit Nageotte dans le livre classique de Cornil (6),

sont constitués par le triangle de Gombault et Philippe, par une bordure

mince le long de la commissure et du col de la corne postérieure (zone

marginale de Westphal) et enfin par des semis de fibres très fines réparties

1 égulièrement sur toute'.l'étendue des cordons postérieurs. Les grosses libres

de la substance grise (faisceaux verticaux de la corne postérieure de Ki1-

liker, collatérales réflexes) sont détruites, mais s'il n'y a pas de dégéné-

(1) F. Raymond, loc. cil., p. 473-491, obs. III.

(2) SCHULTZE, Arch. sur Psych., 1883, p. 353 ; Dl ! JEIH ? E et TUÉOHARI, Journ. de phys.

et path. gén., 1899, p. 296-311 ; NAOEOTTE et ETILINGFII, id., 1899, p. 1101-1113.

(3) Fleschsig, Neur. Centralblatt, 1890.

(4) Hoche, Arch. f. Psych., 1836, p. 510.

(5) Gomuault et Philippe, Arch. de méd., 1894, p. 365.

(6) Coiinil et HAN VIEil, loc. cil., III, p. 143.

SYNDROME DE L'HÉMI-QUEUE DE CHEVAL 127

rescence tertiaire, le réticulum fin des cornes postérieures et les zones de

Lissauer restent intactes. »

J'ai, dans le cas présent, constaté tous ces faits, sauf l'intégrité des zo-

nes de Lissauer (1) formées, pour les classiques, de fibres fines radiculai-

res courtes, mais pour Nageotte (2) de fibres endogènes fines verticales.

Les coupes au Marchi donneraient raison à Nageotte,car on n'y voit que

très peu de granulations noires, mais au Pal presque aucune fibre n'est

imprégnée. On pourrait admettre qu'il s'agit de dégénération tertiaire, car

au Pal est diminué le réticulum fin de la corne postérieure droite. Il n'est

d'ailleurs peut-être pas certain que les zones de Lissauer ne contiennent

aucune fibre radiculaire postérieure.

Pour Dejerine et Spiller (3) des fibres radiculaires postérieures existent

aussi dans le triangle de Gombault et Philippe et la zone cornu-commissu-

rale de la région lombaire inférieure et de la région dorsale tout entière.

Pour le triangle de Gombault et Philippe, Schaffer (4) et Wallenberg (5)

ont la même opinion. Dans le cas actuel le triangle ne contient pas de

fibres dégénérées, mais il est très petit, plus petit que lorsqu'il est figuré

par une lésion. Ceci s'explique facilement. L'aire d'un faisceau est éta-

blie soit par sa dégénérescence au milieu d'autres faisceaux sains, soit

par son intégrité au milieu d'une lésion massive.

Comme les limites ne sont pas aussi strictes que le représentent les sché-

mas, la méthode négative, qui met en évidence par conservation, doit for-

cément donner une aire plus petite que la méthode positive, qui met en

évidence par destruction. Le triangle de Gombault et Philippe, tel qu'il

est sur mes coupes est donc strictement endogène.

Pour ce qui est de l'existence de fibres provenant des racines postérieu-

res dans le zone cornu-commissuralede la région lombaire inférieure et de

la région dorsale, mes coupes confirment tout à fait les observations de De-

jerine et Spiller. Il existe donc des fibres provenant des racines postérieu-

res dans la zone cornu-commissurale, puisque cette zone est pleine de

granulations au Marchi dans L; mais cette zone contient aussi des fibres

endogènes puisqu'elle est conservée dans la moelle lombo-sacrée, son aire

se modifiant aux dépens de celles du faisceau de Hoche et du triangle de

Gombault et Philippe.

Enfin l'absence du faisceau de Hoche au-dessus de VI montre que l'ana-

tomie de la moelle, dans le cas actuel, ne répond pas à la description de

(1) LISSAUEII, Beib'ag zur Faser verlanf in Ilinlel'/w1'II, Arch. f. Psch., XVII, 1886.

(2) NAOEOTTE, Iconog. de la Salpêtrière, 1904.

(3) DEJERINE et SPILLER, Soc. de biologie, 1896, p. 622.

(4) Schaffer, Deutsche Zeitschrift f. Nervenheilkunde, 1898.

(5) Wallenberg, id., 1898, p. 441.

128 . LAIGNEL-LAVASTINE

Hoche, mais au 2° type de Nageotte qui a eu le mérite d'affirmer que le

faisceau ascendant à fibres longues, dit faisceau de Hoche, n'a pas tou-

jours la disposition aujourd'hui classique, mais qu'il présente dans son

trajet dorso-lombaire des variations individuelles importantes (11.

La texture du syphilome, beaucoup plus cellulaire que fibreuse à sa

partie supérieure, explique que, lors de l'examen de la sensibilité, je n'aie

trouvé aucune anesthésie dans le domaine de ]}V.

D'ailleurs, sans admettre depuis^ l'examen cette extension de la lésion

qui paraît'tout à fait probable, on trouverait simplement dans la moindre

étendue des zones anesthésiées que des racines lésées la démonstration de

la loi de Scherrington.

A gauche l'abolition du réflexe rotulien me parait tenir aux lésions des

3e et 4.0 racines lombaires. On voit, en effet, que le centre de Westphal

est situé dans ces segments lombaires. Les troubles des sphincters, sans

lésions médullaires de leur centre, tiennent certainement à la névrite des

racines communicantes du sympathique au niveau des racines sacrées ; et

l'on pourrait peut-être voir dans la rétention des matières et des urines

une manifestation de l'automatisme exagéré des centres sympathiques pé-

riphériques séparés de leurs centres supérieurs, qui normalement les in-

hibent.

. Enfin l'étiologie syphilitique doit être mise en relief dans ce syndrome

radiculaire de l'hémi-queue de cheval comme dans tous les autres. Et des

transitions doivent exister entre les cas de méningite radiculaire syphiliti-

que de hémi-queue de cheval analogue à cet observation et les sciatiques

radiculaires syphilitiques de Lortat-Jacob et Sabaréanu (2).

(1) NAGEOTTE etCh. ETTLINGER, Journ. de phys. et de path. gén., 1899, p. 1102.

(2) LORTAT-JACOB et Sabaréanu, Presse méd., 5 oct. 1904 ; Revue de méd., 10 nov.

1905.

{LABORATOIRE DE LA CLINIQUE PSYCHIATRIQUE DU PROF. E. TANZI)

A PROPOS D'UN CAS DE POLYNÉVRITE AMYOTROPHIQUE

TUBERCULEUSE AIGUË A TYPE DESCENDANT

PAR It

G. CATOLA

Assistant à l'Asile des aliénés et à la Clinique psychiatrique de Florence.

On peut dire que jusqu'en 1880 on n'avait pas encore donné une in-

terprétation satisfaisante des troubles sensitifs, moteurs et trophiques qui

se manifestent au cours d'une infection tuberculeuse. Si les travaux de

Beau, Gunsburg, Leudet, Perroud, Peter, Friot, Altemaire, nous en

avaient fait connaître la description exacte de la symptomatologie, la

pathogénie en était encore très obscure et la plupart des auteurs la rat-

tachaient à l'existence d'une simple modification dynamique du système

nerveux périphérique. On doit aux observations de Joffroy (1879), Eisen-

lohr (1879), Vierordt (1883), Strümpell (1883), Müller (1883), Oppen-

heim (1886), etc., le mérite d'avoir montré d'une façon certaine, il y a

presque un quart de siècle, que les nerfs périphériques peuvent pendant

l'évolution d'une affection tuberculeuse, subir des lésions indépendantes

de toute modification de la moelle épinière et absolument comparables à

celles qu'on rencontre, d'ordinaire, dans les polynévrites dites parenchy-

mateuses. C'est en 1886 que parut le travail de Pitres et Vaillard qui fait

époque. Ces deux auteurs démontrèrent, que dans le cours de la tubercu-

lose les nerfs périphériques peuvent devenir le siège d'altérations paren-

chymateuses complètement superposables aux altérations qu'on peut cons-

tater dans les mêmes nerfs au cours des autres maladies infectieuses. En

outre ils établirent que les lésions du système nerveux périphérique se

développent sur place indépendamment d'une lésion préexistante du cer-

veau et delà moelle épinière. De ces névrites ils en firent trois catégories :

la névrite latente ; la névrite amyotrophique ; la névrite avec prédomi-

nence des troubles.sensitifs. Depuis lors les observations de ces différents

types cliniques se sont notablement multipliées et ont fourni d'abondants

'matériaux pour les recherches anatomo-pathologiques. Il nous suffit de

rappeler les travaux de Eisenlohr (1884), Francotle (1888), Cornelis

130 G. CATOLA

(1888), Jappa (1888), Rosenheim (288î), Fraenkel (1891), IIeyse (1892),

Charcot (1893), Senator (1893), Giese et Pagenstecher (1893), Raymond

(1896), Carrière (1896), Astié (1898), Cestan'(1898), Decroly (1898),

Sternberg (1901), Carrière (1901), De Biiek (1901), Batten (1901), Bon-

nenfant (1904), Trauber et Bernd (1905), Gelli (9)06), Dumorest (1906),

Briffaut(2906), Laignel-Lavastine et de quelques autres pour se faire une

idée du développement pris par l'étude de cette question.depuis la publi-

cation de Pitres et Vaillard jusqu'à nos jours.

Parmi les-différentes formes séparées par Pitres et Vaillard, celle qui

présente une plus grande rareté c'est la seconde forme, c'est-à-dire, la

forme amyotrophique. Le nombre des cas qu'on en trouve relatés dans la

bibliographie médicale est relativement restreint ; par conséquent il ne

nous semble pas superflu d'ajouter une nouvelle observation à la sta-

tistique connue, d'autant plus que notre cas était caractérisé par des par-

ticularités cliniques et par des faits anatomiques que nous avons estimés

dignes d'un certain intérêt.

Observation clinique. Brussi Catherine, 18 ans, entrée à l'Asile des

aliénés le 2 juin 1906.

Antécédents héréditaires. On les ignore complètement, la malade appar-

tenant aux enfants trouvés.

Antécédents personnels. B., étant encore. en bas âge, fut accueillie

dans une famille de paysans où elle grandit en jouissant constamment d'une

parfaite santé. Elle était douce, assez intelligente, bonne travailleuse. Vers

l'âge de 15 ans, au moment de la première apparition des règles, son humeur

changea brusquement et se manifestèrent des symptômes du côté de son état

mental. Elle se fit triste, taciturne et commença à se croire persécutée par les

personnes du milieu familial. En même temps elle cessa de dormir. On la

garda quelques jours à la maison, mais comme la dépression affective s'accen-

tuait et que la malade faisait des propos de suicide,on l'interna à l'Asile le 3 sep-

tembre 1903. A la clinique psychiatrique, où elle fut admise à son entrée, elle

présenta les symptômes suivants : dépression sentimentale très prononcée,

quelques idées délirantes d'hypochondrie et de persécution ; insomnie. Elle

n'avait ni hallucinations ni pseudo-hallucinations. On la considéra comme une

Lipémaniaque. L'évolution ultérieure de la maladie sembla d'ailleurs confir-

mer le diagnostic car la jeune fille commença aussitôt à s'améliorer et d'une

façon si rapide que le 13 novembre, c'est-à-dire 40 jours après son interne-

ment, elle fût renvoyée chez elle complètement guérie en apparence des trou-

bles mentaux. Rentrée à la maison elle continua à garder une santé satisfai-

sante, à tout point de vue, jusqu'à l'âge de 18 ans. A cette époque elle devint

de nouveau taciturne et misanthropique et présenta des hallucinations visuelles

et cénesthétiques. Elle voyait les anges, la sainte Vierge etc., et se sentait re-

muer un serpent dans le ventre. Parfois elle se faisait très inquiète et devenait

A PROPOS D'UN CAS DE POLYNÉVRITE AMYOTROPIIIQUE l31 I

plus ou moins agitée : cassait les objets, se déshabillait et déchirait les vête-

ments, criait avec violence. Ces symptômes persistant, on la reconduisit à

l'Asile le 2 juin 1906, où on corrigea le diagnostic primitif de mélancolie en

celui de Dementia praecox.

Etat actuel. Jeune fille de taille un peu au-dessus de la moyenne, plutôt

maigre. Conformation du squelette régulière ; masses musculaires peu déve-

loppées. Rien de particulier du côté des viscères thoraco-abdominaux.

Un mois après son internement la malade fut prise par une fièvre qui appa-

raissait tous les soirs avec sensation de chaleur et d'une diarrhée, d'abord

légère, qui, quelques jours plus tard,devint presque irréfrénable : pendant une

vingtaine de jours le tableau symptomatique resta à peu près le même, mais

à partir de ce moment le ventre commença à se gonfler avec des symptômes

non douteux de péritonite subaiguë. En même temps on releva â l'examen de

l'appareil pulmonaire une alvéolite apicale des deux côtés.

1" août. Le matin à la visite on trouve que la malade ne peut presque

pas relever la main droite. Cette main est nettement paralysée dans ses mou-

vements d'extension. Comme la malade avait été très agitée et qu'on l'avait con-

tenue pendant une nuit, on pensa à la possibilité d'une paralysie du nerf

radial par compression mécanique au niveau du creux axillaire exercée par

une bande qu'on avait passée sous les bras. On ne constatait aucun trouble

de sensibilité, de trophisme, de circulation dans les membres, les doigts y

compris. Réflexe olécrânien absent de même que les réflexes du poignet.

8. Les muscles innervés par le nerf radial sont complètement paralysés

y compris les extenseurs propres de l'index, du petit doigt et du pouce. Si on

soulève l'avant-bras de la malade on voit que la main reste pendante en angle

droit avec l'avant-bras lui-même. L'extension de la première phalange de tous

les doigts de la main droite est impossible, tandis que si on relève la main con-

venablement, le mouvement d'extension de la seconde et de la troisième pha-

lange s'effectue assez bien. Le long supinateur et le cubital sont respectés. Les

muscles fléchisseurs fonctionnent à peu près d'une façon normale, si on a le

soin de mettre la main dans une telle position qu'ils puissent agir convenable-

ment sur les doigts. En d'autres termes, on a affaire à une vraie main tom-

bante, qui, comme on le sait, représente le fait paralytique caractéristique de

l'intoxication saturnine. Les réflexes tendineux et périostiaux sont abolis. Les

muscles paralysés sont très atrophiés et présentent RD. Les sphincters sont

normaux. La sensibilité à la piqûre et à l'excitation électrique semble être assez

bien conservée. On n'arrive pas à se rendre un compte très exact de l'état de la

sensibilité tactile et thermique, car la malade ne répond pas d'une façon assez

précise aux questions qu'on lui pose.

12. La paralysie déborde du territoire du nerf radial et s'étend à tous ies

nerfs de l'avant-bras et du bras, sauf le circonflexe. Les muscles innervés par

le nerf cubital, le nerf médian et le nerf musculo-cutané sont paralysés et ils

s'atrophient rapidement. Tout le membre est tombant, sans aucun mouvement

de flexion ou d'extension dans ses différents segments. Il pend, oscillant en

tous sens, remué exclusivement par le muscle deltoïde qui semble beaucoup

132 G. CATOLA

moins touché. Il s'agit d'un vrai membre de polichinelle. Les masses muscu-

laires atrophiques et les troncs nerveux ne donnent qu'une légère douleur à la

compression. Ce qu'il y a de nouveau c'est que le bras gauche est frappé lui

aussi par une paralysie cantonnée exactement au territoire du radial ; c'est-à-

dire, on retrouve à gauche la répétition des symptômes initiaux du membre

supérieur droit : une main tombante par paralysie du nerf radial.

18. La paralysie s'est étendue aux autres nerfs du bras gauche excepté

le nerf circonflexe, et les muscles s'atrophient avec une rapidité extraordi-

naire. La malade peut encore porter le bras en légère- abduction mais tout le

membre oscille en tous sens d'une façon analogue au bras droit. Les réflexes

tendineux et périostaux sont éteints. Mêmes conclusions que pour le bras droit

au sujet des troubles de la sensibilité.

Les membres inférieurs ne sont plus intacts : eux aussi commencent à être

envahis par la paralysie amyotrophique, localisée au jambier antérieur et à

l'extenseur commun des orteils.

25. - Les membres supérieurs sont extrêmement atrophiés, il n'y reste

plus que la peau et les os. La paralysie est complète sauf dans le muscle del-

toïde avec RD., sensibilité normale ou presque pour ce qu'on peut en juger

par les réactions données par la malade. Les muscles des membres inférieurs

sont tous paralysés et atrophiés, mais pas au même degré, car les muscles de

la cuisse, innervés par le nerf sciatique, et les muscles postérieurs des jambes

sont relativement moins touchés que les autres. En effet la malade peut encore

exécuter des mouvements de flexion et résister un peu aux mouvements pas-

sifs d'extension de la jambe sur la cuisse. RD. complète dans les muscles des

deux membres sauf dans les muscles desservis par le sciatique poplité interne.

Réflexes rotuliens et achilléens abolis. Sphincters normaux. La sensibilité à la

piqûre, au pincement, à l'électricité semble intacte. On ne peut pas être exac-

tement renseignés sur l'état de la sensibilité tactile et de la sensibilité profonde à

cause'de l'état mental de la'malade, ainsi que l'on a vu pour les membres supé-

rieurs. Les muscles du tronc sont eux aussi paralysés et atrophiés : des

muscles sus et sous-épineux il n'en reste presque pas de trace. Par contre sem-

blent moins touchés les muscles de la gouttière vertébrale et de l'abdomen. La

malade peut se tenir encore sur son séant et la colonne vertébrale ne présente

qu'une ébauche de lordose à la région lombaire.

Rien de particulier du côté des nerfs crâniens.

Le ventre est toujours gonflé et très sensible à la pression. La diarrhée et

la fièvre persistent. La fièvre est devenue continue et parfois atteint 390-Oo,

28. La malade est extrêmement faible et ne prend presque plus de nour-

riture.

1" septembre. La malade meurt sans de nouveaux symptômes.

Autopsie. Tuberculose pulmonaire localisée aux sommets des deux pou-

mons, intestinale et péritonéale.

Le système nerveux, central et périphérique, ne présente aucune lésion

macroscopique.

A PROPOS D'UN CAS DE POLYNÉVRITE AMYOTROPHIQUE 133

Résumé clinique. ? Jeune fille de 18 ans, démente précoce. Au cours

d'une tuberculose pulmonaire et péritonéo-intestinale est frappée par une

paralysie amyotrophique progressive débutant par les membres supérieurs.

Au niveau de ces membres la paralysie et l'atrophie musculaire se locali-

sent initialement aux muscles desservis par le nerf radial et aux membres

inférieurs au territoire du nerf sciatique poplité externe, pour s'étendre

ensuite à toute la musculature des membres et aux muscles du thorax.

L'amyotrophie est accompagnée de la perte des réflexes et de RD. Pas

de troubles notables de la sensibilité subjective et objective. Pas de trou-

bles sphinctériens. Les nerfs crâniens sont intacts.

En présence d'un tel syndrome on ne pourrait mettre en discussion

diagnostique que les formes suivantes : la poliomyélite aiguë de l'adulte ;

la polynéyrite amyotrophique ; l'amyotrophie tuberculeuse de Klippel et

encore la leptomyélite tuberculeuse infiltrée de Raymond. On peut exclure

de suite cette dernière affection, en rappelant qu'en outre de la parésie et

de l'atrophie musculaire, elle est caractérisée par des troubles trophiques

et sphinctériens, par des escarres, et, parfois, par des contractures, symp-

tômes qui faisaient complètement défaut dans notre cas. La forme de

Klippel, elle aussi, est très facile à mettre hors de cause car non seule-

ment elle a une évolution chronique, mais ordinairement elle débute par

les quatre membres à la fois, les muscles y sont atrophiés et non paraly-

sés et il n'y a'pas une marche progressive de l'extrémité des membres vers

1eulraGine : 11 ne reste donc à discuter que la polinévrite amyotrophique

/et la poliomyélite aiguë dont le diagnostic différentiel n'est pas toujours

très facile à faire. Il est certain, au contraire, qu'on a souvent confondu

l'une des formes avec l'autre et que beaucoup de cas décrits au chapitre

de la poliomyélite aiguë des adultes devraient trouver place parmi les 011-

servations de polinévrite amyotrophique.

Notre cas est de fait parmi ceux qui peuvent prêter à des erreurs de

diagnostic, car l'asymétrie de la paralysie initiale et l'absence ou presque

de troubles sensitifs, semblaient plaider plus en faveur de la poliomyé-

lite que de la polinévrite. Cependant, en considérant que la paralysie et

l'amyotrophie revêtaient au début un type rigoureusement périphérique

on avait un argument d'une très grande valeur en appui du diagnostic

de polinévrite. En disant cela je ne veux pas naturellement affirmer

que la paralysie poliomyélitique ne puisse pas, en certaines circon-

tances, réaliser une topographie périphérique plus ou moins rigoureuse.

Je peux rappeler, au contraire, que quelques auteurs ont décrit une para-

lysie infantile cantonnée exactement au territoire du nerf radial par

lésion isolée des centres médullaires correspondants ; mais, il faut le noter,

134 G. CATOLA

il s'agit là de cas tout" fait exceptionnels. D'ordinaire, tant chez les en-

fants que chez les adultes, la paralysie d'origine poliomyélitique présente

les caractères d'une paralysie à topographie médullaire ou vasculaire,plus

ou moins évidente.

Dans notre cas la localisation suivant le territoire d'innervation d'un

nerf déterminé acquiert une valeur d'autant plus grande qu'elle s'est ré-

pétée successivement dans les quatre membres ; et, précisément, dans les

nerfs radiaux aux membres supérieurs et dans le sciatique poplité externe

aux membres inférieurs. En outre, en faveur de la polinévrite il y avait

encore la progression de la paralysie amyotrophique de l'extrémité vers

la partie proximale des membres et la douleur, quoique très légère, des

masses musculaires et des troncs nerveux à la pression. Un dernier fait

d'une certaine importance serait le suivant : dans la poliomyélite anté-

rieureaiguë la paralysie atteint son maximum d'extension très rapidement,

c'est-à-dire, en l'espace de 3, 4 jours, et une fois parvenue à son apogée,

elle rétrocède partiellement en se cantonnant dans une partie seulement du

territoire musculaire qu'elle occupait au début ; dans la polinévrite, au

contraire, la paralysie se développe progressivement en mettant très sou-

vent 3, 4 semaines à se généraliser, ce qui est arrivé justement chez

notre malade.

On ne pouvait donc porter que le diagnostie de polynévrite systématisée

molrice amyotrophique aiguë.

Cette observation est intéressante à plusieurs points de vue Il y a d'abord

à considérer le début brusque de la paralysie qui se développa du soir au

lendemain dans le territoire entier d'un nerf, le nerf radial. Ce début est

tout à fait exceptionnel et dû ordinairement, comme dans le cas de Rosen-

heim,à des hémorragies dans les troncs nerveux, hémorragies qu'on n'a pas

vérifiées dans le cas actuel. Il y a, en second lieu,à mentionner la répétition

de la localisation initiale au territoire musculaire d'un seul nerf, le radial

d'abord et le sciatique ensuite. Les faits de ce genre sont assez rares dans

la bibliographie médicale. Nous en possédons un exemple dans le cas de

Carrière où la paralysie amyotrophique se trouvait cantonnée en grande

partie aux muscles innervés par le nerf médian et un autre dans le malade

de Heyse chez lequel la paralysie était circonscrite aux muscles de l'épaule ;

mais dans ces deux cas les phénomènes paralytiques ne s'étendirent pas aux

autres groupes musculaires et très vraisemblablement ils ne relevaient pas

non plus d'une névrite toxi-infectieuse de nature tuberculeuse dans le vrai

sens du mot. Il est, en effet, très probable que chez ces malades il ne

s'agissait pas d'autre chose que d'une compression nerveuse déterminée par

une production tuberculeuse (un ganglion lymphatique infiltré et hyper-

trophié du creux axillaire ou delà région sus-claviculaire, par exemple),

A PROPOS D'UN CAS DE POLYNEVRITE AMYOTROPHIQUE 135

ainsi qu'on en trouve relaté un cas par Babinski où, justement un de ces

ganglions exerçait une compression sur la branche externe du nerf spinal

en provoquant la paralysie des muscles correspondants il son inner-

vation.

Une dernière remarque à faire c'est que chez notre malade la paralysie

et l'amyotrophie débutèrent par les membres supérieurs tandis que, com-

me on le sait, la polynévrite tuberculeuse commence le plus ordinairement t

par les membres inférieurs. En d'autres termes, nous nous trouvâmes

en présence d'une paralysie amyotrophique descendante,c'est-à-dire,d'une

paralysie de Landry (forme périphérique) à progression inverse, tandis

que dans tous les autres cas de paralysie de Landry avec lésions névriti-

ques tuberculeuses (cas de Nauwerck et Barth, de Elsentohr) on avait

toujours affaire à des formes franchement ascendantes.

Etiologie.-Il serait absolument superflu de refaire ici l'histoire détail-

lée des névrites toxi-infectieuses en général et de la névrite tuberculeuse

en particulier. Il nous suffit de rappeler que Pitres et Vaillard furent les

premiers auteurs qui entreprirent l'étude des lésions des nerfs périphéri-

ques se développant au cours d'une infection tuberculeuse en concluant

de leurs recherches que dans cette infection on peut avoir des névrites

dégénératives complètement analogues à celles qui peuvent se manifester

dans les autres infections. Plus tard, à l'aide de nouvelles recherches ana-

tomo-pathotogiques et expérimentales, on prouva que les lésions des nerfs

périphériques ne doivent pas être rapportées à l'action directe du bacille

de Koch, mais à ses toxines : dans la majeure partie des cas décrits, en

effet, le foyer bacillaire primitif était localisé ou dans les poumons, ou

dans l'intestin, ou dans le péritoine, ou dans ces différents organes à la

fois ainsi qu'il a été dans notre cas. Il faut enfin noter que dans beaucoup

de cas de polinévrite amyotrophique, à côté de la toxi-infection tuber-

culeuse, on trouve enregistré encore un second élément d'une très grande

importance étiologique, l'intoxication alcoolique. Il est évident que dans

ces circonstances on est presque dans l'impossibilité de déterminer le rôle

qui revient à la tuberculose et celui qu'on doit mettre sur le compte de

l'éthylisme chronique dans l'origine de la polinévrite.

Classer ces cas, sans beaucoup de réserves, dans le chapitre de la poli-

névrite tuberculeuse, serait sans doute méconnaître la très grande valeur

étiologique de l'alcool dans les lésions des nerfs périphériques et les très

probables effets étiologiques cumulatifs de ces deux causes toxiques. Chez

notre malade on pouvait exclure d'une façon certaine l'éthylisme et toute

autre cause toxique en dehors de la tuberculose ; il s'agissait donc d'un

cas pur, analogue à ceux qui ont été décrits par Vierordt, Rosenheim, Se-

nator, Charcot et quelques autres.

136 G. CATOLA

Examen histologique DE la moelle épinière (PI. XXIV, XXV, XXVI).

Méninges. Méthodes employées : double coloration à l'hématoxyline-

éosine et Van Gieson.

Résultats complètement négatifs. Les vaisseaux de la pie-mère sont tous

très gorgés de sang, mais leurs parois et la zone périvasculaire sont intactes.

Racines. Dans l'étude des racines, antérieures et postérieures, nous avons

eu recours à plusieurs méthodes pour être renseigné le plus exactement possi-

ble sur l'état précis de leur structure qui, à un premier examen, nous avait

parue complètement normale.

Les méthodes utilisées ont été les suivantes : la méthode de Marchi, de

Weigert, de Cajal, de Lugaro, de Van Gieson et la double coloration à l'héma-

toxyline-éosine.

Avec la méthode de Marchi nous n'avons pas relevé la plus petite altéra-

tion au niveau de la portion extramédullaire des racines motrices et sensitives.

Toutes les gaînes myéliniques ont pris la coloration jaunâtre caractéristique de

cette méthode ; pas une d'entre elles ne contient de boules noires (Fig. 1). Les

choses, au contraire, ne se passent ainsi au niveau de leur portion intramé-

dullaire, où tous les tubes nerveux apparaissent colorés en noir foncé et légè-

rement gonflés par traits. Mais ce qu'il y a de frappant, c'est qu'entre ces deux

portions le passage est brusque, nettement tranché, circonscrit au point de

pénétration ou de sortie des différentes racines (Fig. 2). Ce même contraste

entre la structure de la racine dans son parcours extramédullaire et la structure

de la substance blanche résulte encore d'une façon très évidente de la Fig. 3,

qui reproduit une racine postérieure de la moelle lombaire inférieure, sur

une coupe longitudinale, longeant le cordon postérieur. Dans cette racine on

observe seulement quelques granulations très fines que nous ne pourrions guère

considérer comme un fait de dégénérescence pathologique du moment qu'on

en trouve de pareilles dans les racines médullaires de tout cadavre.

Méthode de Weigert. Les gaines myéliniques des fibres nerveuses qui

constituent les différentes racines sont uniformément et assez intensément co-

lorées par la laque hématoxylinique à n'importe quel niveau de la moelle.

Méthode de Cajal. Fixation en alcool ammoniacal ; imprégnation dans le

nitrate d'argent à 3 0/0 ; réduction au pyrogallol.

Cette méthode nous a toujours donné des résultats positifs. Les cylindraxes

apparaissent colorés en noir plus ou moins foncé, à contour régulier (Fig. 4).

Méthode de Lugaro. - La fixation qui est particulière à cette méthode n'a

pas l'inconvénient de ratatiner le tissu nerveux ainsi que cela arrive malheu-

reusement pour la plus grande part des fixateurs connus. En conséquence

elle est à recommander toutes les fois qu'on veut mettre en relief la structure

intime du cylindraxe. Il me plaît de la résumer ici dans ses lignes principales :

1° Fixation pendant 48 heures dans une solution à i 0/0 d'acide nitrique

pur en acéton pur.

2° Lavage pendant 12 à 24 heures dans l'acéton pur, changé 3 ou 4 fois.

3° Passage pour quelques heures dans l'acéton et le xylol ana ; après, dans

le xylol pur;

A PROPOS D'UN CAS DE POLYNÉVRITE AMYOTROPHIQUE 137

4° Inclusion en paraffine à 50°.

5° Collage des coupes (5 1 £ ) sur les lamelles avec l'eau distillée.

6° Xylol, alcool.

7° Immersion dans l'alcool absolu pendant 24 heures.

8° Immersion pendant 24 heures dans une solution à 1 0/0 d'aldéide acéti-

que en alcool absolu.

9° Lavage dans l'eau distillée pour éloigner l'alcool et, après, coloration

avec le bleu de toluidine de Bethe, c'est-à-dire, en tenant les lamelles avec les

coupes collées dessus pendant une heure environ dans une solution de bleu de

toluidine à 1 : 3000, en lavant ensuite dans l'eau distillée, en fixant en molyb-

date d'ammonium, en lavant de nouveau dans l'eau, en déshydratant en alcool,

en éclaircissant en xylol et en montant en baume.

L'application de cette méthode ne fait que confirmer les résultats obtenus

avec les autres méthodes en démontrant l'intégrité complète de toutes les

fibres nerveuses de la portion extra médullaire des racines antérieures et pos-

térieures.

Les vaisseaux radiculaires et le tissu de soutien ont été étudiés surtout à

l'aide de la double coloration à l'hémaloxyline-éosine et de la méthode de Van

Gieson, mais nous n'y avons pas découvert la moindre altération.

De cette étude on peut donc conclure que les méthodes les plus délica-

tes de la technique histologique ne mettent pas en évidence d'altérations

appréciables ni dans la gaine de myéline ni dans les cylindraxes des fibres

nerveuses qui constituent les racines antérieures et postérieures de la

moelle épinière.

Moelle épinière. Méthode de Marchi. Les petits morceaux de moelle,

enlevés à ses différentes hauteurs, ont été passés dans le mélange de Marchi

après un durcissement préalable de trois mois environ dans le liquide de

Müller : .

Moelle cervicale : On peut dire que les 9/10 des gaines myéliniques ont pris

une coloration noir foncé (fig. 5), tandis que la zone centrale de chaque fibre,

correspondante au cylindraxe, est restée claire sauf dans un certain nombre

d'éléments où le contraste de coloration entre la partie périphérique et le centre

s'est complètement effacé en transformant la section transverse de chacune de

ces fibres en une tache noire d'une forme plus ou moins arrondie. Au niveau

de la commissure blanche beaucoup de tubes nerveux sont également colorés

en noir (fig. 5 c), mais on ne voit pas se vérifier ce même fait à l'intérieur de

la substance grise où les fibres myéliniques qui s'y trouvent, présentent la

coloration jaunâtre caractéristique de la méthode de Marchi.

Moelle dorsale : On observe à ce niveau les mêmes faits qu'on a constatés

dans la moelle cervicale (fig. 6).

Moelle lombaire supérieure : Dans cette région le nombre des tubes nerveux

colorés en noir est sensiblement plus grand dans la moitié postérieure de là

moelle que dans l'antérieure. Cette différence se rend surtout évidente entre

138 G. CATOLA

la zone du faisceau pyramidal croisé et la partie plus antérieure du cordon la-

téral ainsi qu'il résulte d'une façon très démonstrative de la figure 7. La com-

missure blanche contient très peu de fibres nerveuses teintes en noir ; dans

la substance grise il n'y en a que quelques-unes isolées.

* Moelle lombaire inférieure : Ici le nombre des gaines myéliniques noires est

relativement moins élevé. On peut, en effet, le considérer comme réduit à la

moitié de ce qu'il était au niveau de la moelle cervicale. Cependant les zones de

pénétration ou de sortie des racines restent toujours très intensémentcolorées en

noir, ce qui continue à contraster notablement avec l'intégrité de la portion ex-

tramédullaire des racines correspondantes ainsi que nous l'avons déjà montré

plus haut (Fig. 2). Contrairement à ce qu'on a observé dans la moelle cervi-

cale et dorsale, la substance grise contient à ce niveau un nombre assez remar-

quable de fibres colorées en noir parle liquide de Marchi. Cela se voit princi-

palement dans les cornes postérieures qui se montrent parcourues par de

nombreux faisceaux des fibres nerveuses teintes en noir, entrelacées en tous sens.

Moelle sacrale : On y retrouve les mêmes faits que dans la moelle lombaire

inférieure excepté un nombre encore moindre de gaines myéliniques colorées

en noir (Fig. 8).

Si l'on pratique des coupes longitudinales, à n'importe quel niveau de la

moelle, on confirme d'abord la constatation, que nous avons faite sur les coupes

transversales, du nombre considérable des tubes nerveux qui ont été colorés

en noir par la méthode de Marchi ; mais on peut encore se rendre un compte

beaucoup plus exact des modifications morphologiques de ces tubes.

Ces modifications sont relativement bien peu marquées. Elles consistent

surtout en ceci qu'un certain nombre des fibres ci-dessus mentionnées présen-

tent des dilatations fusiformes plutôt légères, disposées en série (fig. 9). Seu-

lement dans quelques fibres ces dilatations apparaissent très prononcées et

aboutissent à la formation de boules complètement séparées les unes des autres

par une espèce d'étranglement progressif des zones intermédiaires. ,

Méthode de Cajal. - Moelle cervicale : Des cellules des cornes antérieures

aucune ne présente la structure fibrillaire qu'on met ordinairement en relief

avec cette méthode. Dans leur intérieur on observe au contraire un aspect gra-

nulo-fibrillaire ou exclusivement granulaire. Cependant dans plusieurs d'entre

elles, on trouve des fibrilles encore assez bien distinctes au niveau des diffé-

rents prolongements et parfois encore dans les zones les plus périphériques de

leur protoplasme. '

Ces mêmes faits on les rencontre à n'importe quelle région de l'axe médul-

laire.

En présence des modifications structurielles que nous venons de décrire,

nous pouvons seulement nous demander si elles représentent réellement des

altérations histologiques ou si on ne les doit plutôt mettre sur le compte d'un

défaut de technique. Une telle question est assez difficile à trancher, car nous

ne possédons pas d'arguments péremptoires pour reconnaître, au moins dans

le cas particulier, une réaction imparfaite par application mal réussie de la

méthode d'une réaction imparfaite à cause des modifications physico-chimiques

A PROPOS D'UN CAS DE POLYNÉVRITE AMYOTROPHIQUE 139

subies par le tissu. Dans le cas actuel cependant, avoir obtenu une réaction

positive dans les racines médullaires et aussi dans la substance blanche des

différents cordons de la moelle, semblerait constituer un argument d'une cer-

taine valeur à l'appui de l'existence d'une lésion réelle du réseau fibrillaire

intracellulaire.

Les cylindraxes des fibres de la substance blanche, ainsi que nous l'avons

fait entendre implicitement il y a quelque moment, étaient tous bien évidents

et d'aspect normal, sauf quelques-uns légèrement gonflés.

Méthode de Weigert. En appliquant cette méthode on constate que la

substance blanche se colore d'une façon uniforme et avec la même intensité

dans ses différents cordons. Ce qui nous frappe c'est uniquement ceci que

la coloration des gaînes myéliniques ne correspond pas à la coloration habi-

tuelle ; elles apparaissent teintes en violacé au lieu d'avoir pris la coloration-,

noir ou bleu foncé ordinaire, ainsi que nous l'avons d'ailleurs obtenu sur des

coupes, provenant d'une moelle saine durcie dans le liquide de Millier pen-

dant la même période de temps, colorées avec les mêmes réactifs. La colora-

tion des fibres myéliniques de la commissure blanche et de la substance grise

est d'un violacé encore plus clair.

Méthode de Aissl. Durcissement des pièces dans un mélange de solution

saturée de sublimé et d'acide picrique à parties égales ; coloration des coupes

avec le bleu de toluidine. -

Moelle cervicale : On peut dire tout d'abord qu'un certain nombre de cellules

sont discrètement ratatinées et qu'elles se laissent décolorer avec une extrême

difficulté. Quelques-unes sont encore assez intensément colorées en bleu après

48 heures de permanence dans l'alcool (Fig. 10). Si on y ajoute l'autre fait que

assez souvent leurs prolongements se laissent suivre pour des traits très longs

on vient évidemment à y retrouver les principaux caractères qui ont été décrits

par Nissl sous le nom de maladie chronique des cellules (chronische Zeller-

krankung).

Convenablement décolorées les cellules des cornes antérieures montrent dans

leur plus grand nombre une chromatolyse totale uniforme. Parfois, au contraire,

on observe la chromatolyse limitée à une seule moitié du corps cellulaire ou

des corps tigroïdes échelonnés en cercle à la périphérie. Dans quelques cellules,

en outre, les grains de substance chromatophile existent toujours, mais la

différenciation fait défaut et ils se confondent avec la substance achromatique

colorée elle aussi en bleuâtre.

Le contour des noyaux se confond assez souvent avec le protoplasma ambiant ;

le nucléole est presque toujours intensément coloré et d'aspect normal. Dans

beaucoup des cellules complètement chromatolysées le noyau se trouve déplacé

à la périphérie.

Un nombre très petit de cellules présente des vacuoles énormes, qui en

occupent presque complètement le corps, avec perte complète du noyau.

De cellules complètement normales il n'y en a, on peut dire, aucune, sauf

quelques-unes des plus petites dans lesquelles les corps tigroïdes conservent

encore à peu près leur aspect habituel. -

140 G. CATOLA

Moelle dorsale : La plus grande part des cellules de la colonne de Clarke

présentent chromatolyse centrale et noyau à limites indistinctes. Leurs nucléo-

les apparaissent normaux. Dans les cellules des cornes antérieures on observe

les mêmes altérations que nous avons brièvement résumées à propos des cel-

lules de la moelle cervicale. 1

Moelle lombaire : A ce niveau le nombre des cellules, complètement chro-

matolysées, est beaucoup moindre. En général, au contraire, elles conservent

leurs corps tigroïdes assez bien visibles, quoiqu'ils ne puissent souvent plus

être différenciés nettement de la substance achromatique qui semble avoir été

imbibée par'la substance chromatophile déjà au début de sa désagrégation.

Beaucoup des noyaux ont perdu la netteté du contour ; les nucléoles ont une

apparence normale. Néanmoins on rencontre ici plusieurs éléments cellulaires

absolument normaux.

Méthode de Van Gieson et double coloration à l'hématoxyline-éosine.

Ces deux méthodes nous ont paru suffisantes à démontrer que les vaisseaux,

les zones périvasculaires, le tissu de soutien et le canal central étaient indem-

nes de toute lésion appréciable. On peut seulement noter que certains noyaux

de névroglie, aussi bien dans la substance blanche que dans la substance grise,

sont plus larges que d'ordinaire et nous offrent un aspect vésiculaire.

Ainsi que nous venons de le voir, les altérations de la moelle épinière

de notre malade sont assez prononcées et diffuses aussi bien à la subs-

tance grise qu'à la substance blanche : mais ce qu'il y a de vraiment re-

marquable c'est la coloration noire que la presque totalité des tubes ner-

veux;des cordons blancs ont prise en appliquant la méthode de Marchi. Or,

une pareille constatation, que nous sachions, n'a jamais été faitejusqu'ici

par personne quoique certains auteurs n'aient pas négligé d'appliquer

cette même méthode à l'étude de la moelle épinière dans des cas de ce

genre. Il faut cependant noter à ce propos que si on passe en revue la

bibliographie médicale qui touche aux rapports existant entre les lésions

médullaires et l'infection tuberculeuse, on trouve que les auteurs se sont

surtout attachés à l'étude de la moelle épinière chez les tuberculeux et

que c'est justement dans certains de ces cas qu'ils ont appliqué la mé-

thode de Marchi. Les lésions médullaires delà polynévrite tuberculeuse

ont été, au contraire, beaucoup moins envisagées.

Le premier auteur qui étudia la moelle épinière chez les tuberculeux

avec la méthode de Marchi est sans doute Simon (1868-70), qui décrivit

l'existence de corps granuleux dans les cordons postérieurs de ces malades.

Après lui, on trouve décrites des altérations du même genre, tantôt légè-

res de la moelle et diffuses, tantôt localisées à certains systèmes, par

Summa, Thiemich, Nonne, Kahlden, Ransohoff, Becker.

Summa (1896) trouva des lésions dégénératives légères et diffuses dans

A PROPOS d'un CAS DE POLYNEVRITE AMYOTROPHIQUE 141 I

5 cas : les corps granuleux étaient très nombreux surtout dans le pro-

cessus reticularis.

Thiemich(1898) constata chez deux nourrissons morts de tuberculose des

granulations noires assez fines dans la substance blanche de la moelle et

dans les racines.

Nonne (1899), dans 3 cas de tuberculose foudroyante sans symptômes de

déficit, put observer des petites boules noires disséminées irrégulière-

ment dans toute la substance blanche médullaire, boules qui étaient très

nombreuses au niveau des zones radiculaires postérieures. Il considéra

cette altération comme l'expression d'un trouble de la moelle.

hahlden (1901) en étudiant 6 de ces cas à l'aide de la même méthode

trouva lui aussi une dégénération légère et diffuse de la moelle avec lésion

plus intense des zones radiculaires postérieures.

Ransohoff (1902) en 18 moelles sur 11 provenant d'aliénés tuberculeux

rencontra des dégénérations récentes localisées particulièrement aux voies

longues. Les altérations des cordons postérieurs étaient plus accentuées

dans la moelle cervicale ; celles des faisceaux pyramidaux,au niveau de la

moelle lombaire supérieure. La portion extramédullaire des racines était

intacte. Cet auteur attribue à ces lésions une origine toxique el non ca-

chectique.

Petren (1899) et quelques autres enregistrent, au contraire, de ces

mêmes cas dans lesquels la méthode de Marchi avait donné des résultats

complètement négatifs.

Voici maintenant ce qu'on trouve dans la bibliographie médicale au

sujet des lésions médullaires dans la polynévrite tuberculeuse et ce qu'on

y a décrit particuiiëremenr-à t'ajde de la méthode de Marchi.

Oppenheim (1886), dans un cas'de paraplégie amyotrophique dégénéra-

tive d'origine tuberculeuse, observa un foyer limité à la moelle lombaire

avec participation de la corne antérieure droite et de la racine correspon-

dante avec gliose légère des cordons postérieurs. Il considéra les deux pro-

cessus comme deux faits indépendants.

Goldscheider et Moxter (1895), à propos d'un cas de polynévrite tuber-

culeuse caractérisée par une dégénération légère des nerfs périphériques,

conclurent que certaines influences qui frappent le système nerveux pé-

riphérique, peuvent agir en même temps sur la moelle épinière, en y dé-

terminant pour ainsi dire une névrite centrale. A côté des dégénérations

récentes, disposées suivant les voies conductrices des humeurs (saftefuh.

renden Gebilden), ils trouvèrent une destruction d'éléments nerveux,rem-

placés déjà pardu tissu de névroglie, particulièrement accusée dans les cor-

dons postérienrs et ensuite dans les faisceaux pyramidaux latéraux et dans

le faisceau de Flechsig. Ils considérèrent ces lésions centrales comme une

xxi 10

142 G. CATOLA

diffusion du processus périphérique dans le sens d'une maladie du neurone

entier. 1

Astié (1898) ne put relever dans son observation aucune altération de

la substance blanche, ni avec la méthode de Marchi ni avec celle de

Weigert.

Lugaro (1903) affirme que dans la névrite tuberculeuse la dégénération

est plus intense dans les branches nerveuses terminales que dans les troncs

nerveux eux-mêmes, mais que la moelle et les racines médullaires sont

toujours normales. -

Colella (1903). dans son mémoire sur la polynévrite tuberculeuse ne

mentionne pas d'autres lésions de la moelle en dehors de quelque altération

médullaire.

Steinert (1904), en étudiant deux cas du même genre,observa unique-

ment un certain degré de dégénérescence des cordons postérieurs et, plus

exactement, l'atrophie des fibres ascendantes des cordons postérieurs, sur-

tout dans le cordon de Goll de la moelle cervicale avec épaississement du

feutre névroglique et augmentation en nombre des noyaux de la névro-

glie.

De cet exposé résulte que la méthode de Marchi a été complètement né-

gligée dans l'étude de la moelle épinière dans la polynévrite tuberculeuse.

Il faut, en effet, arriver jusqu'à Tauber et Bernd (1905) pour la trouver

méthodiquement appliquée à plusieurs cas de ce genre. Dans 8 cas sur 13

ils trouvèrent, à côté de lésions anciennes, des altérations réagissant

nettement à la méthode de Marchi. Ces altérations étaient de nature

parenchymateuse, symétriquement disposées dans les deux moitiés de la

moelle et revêtaient toujours le caractère de dégénérations systématisées,

non bornées, d'ordinaire, à un seul système de fibres. Les plus fréquem-

ment et les plus intensément frappés en étaient les cordons postérieurs et

les racines postérieures, mais d'autres systèmes, et surtout le faisceau

pyramidal et le faisceau de Flechsig, prenaient parfois part au même pro-

cessus. Une fois la lésion était localisée à la virgule de Schultze. Dans

presque tout les cas la portion extramédullaire des racines antérieures et

postérieures était intacte. En outre il n'y avait pas d'altérations essentielles

des cellules ni d'altérations à foyer pareilles à celles décrites par Minnich,

Nonne, Lichteim, Eisenlohr etc. dans les anémies graves.

Laignel-Lavastine tout dernièrement (1906) en étudiant l'anatomie pa-

thologique d'un cas de psycho-polynévrite chez un alcoolique tuberculeux

trouva que la méthode de Marchi ne donnait aucun résultat au niveau de

la moelle cervicale et dorsale, mais, qu'au contraire, dans la moelle lom-

baire il y avait dégénération graisseuse du plus grand nombre des cellules

radiculaires antérieures, névrite parenchymateuse des racines postérieures

A PROPOS D'UN CAS DE POLYNÉVRITE AMYOTROPHIQUE 143

et dégénération des zones radiculaires postérieures. Au niveau de la

moelle sacrée la dégénération des fibres myéliniques était cantonnée ex-

clusivement dans les zones radiculaires postérieures. Les racines posté-

rieures présentaient une légère gliose à foyer décelable avec la méthode

de Van Gieson.

Dans le cas qui nous appartient la méthode de Marchi a donné des ré-

sultats tout à fait exceptionnels : au lieu d'y trouver les boules noires

caractéristiques de la dégénération et de la désagrégation des tubes de

myéline, on n'y observe qu'une coloration noire diffuse à presque tous les

tubes nerveux qui constituent les différents cordons de la substance blan-

che. Il s'agit, évidemment, d'une modification chimique de la myéline sans

modifications morphologiques concomitantes notables, Les tubes myélini-

ques, après avoir subi l'action du bichromate pendant 3 mois environ,

conservent encore la propriété de se colorer en noir avec le mélange Mar-

chi, ainsi que cela se fait dérègle dans la dégénération récente, ne chan-

geant presque pas de forme.

On peut cependant ajouter que si la réaction histochimique, que nous

avons obtenue dans un cas où les altérations des fibres nerveuses sont

sans doute des altérations primaires, est fondamentalement superposable

à la réaction qui caractérise les dégénérations secondaires, les différences

anatomo-pathologiques sont, dans les deux circonstances, si prononcées

qu'il serait impossible de confondre l'un des processus avec l'autre.

Pour le moment nous nous bornons à cette remarque provisoire ; nous

verrons plus tard, à propos des altérations des nerfs périphériques, ce qui

faut penser des critériums, adoptéspar certains auteurs, pour séparer nette-

ment l'histologie des dégénérations de nature toxique, ou primaires, de

l'histologie de la dégénérescence wallérienne.

La modification notable des propriétés chimiques des gaines myéliniques

est sans doute démontrée encore par la modification de colorabilité qu'ont

subie ces gaines vis-à-vis de la méthode de Weigert : en d'autres termes

la coloration violacée des tubes myéliniques que nous avons décrite plus

haut ne tiendrait qu'à un changement de la constitution chimique de la

myéline elle-même.

Nerfs pÙiphé1'iques. - Mélhode de Weigert. Les coupes transversales

et longitudinales de tous les nerfs du membre supérieur et du membre infé-

rieur, sauf, dans ce dernier cas, une partie du nerf sciatique, montrent, à n'im-

porte quel niveau de leur parcours, que la majeure partie des fibres nerveuses

n'est plus colorable avec la laque hématoxylinique (Fig. 11). Sur les coupes

longitudinales on remarque encore que les traits des gaines qui se sont

colorés ont complètement perdu leur structure normale. Elles sont, en effet.

1 /1 4 0. CATOLA

désagrégées et représentées exclusivement par des boules en série, de volume

variable, colorées plus ou moins intensément par le Weigert (Fig. 12).

Méthode de Mardi. - Les différents troncs nerveux, excepté toujours le

nerf sciatique, ont perdu toute apparence normale : presque toutes leurs fibres

sont disparues et remplacées par un nombre considérable de corps granuleux

irrégulièrement disposés (Fig. 13). Seulement par ci par là on rencontre en-

core des traits de fibre à peine reconnaissables, et constitués par des blocs

noirs de grandeur variable, rangés en chapelet. On n'y voit pas, au contraire,

une seule fibre colorée en noir de la même façon que nous avons décrite dans

la moelle épinière.

Le nerf sciatique reste presque intact. Toutes ses fibres ont pris la colora-

tion jaunâtre caractéristique du tissu nerveux sain, sauf quelques-unes dans

lesquelles existent, en des points très circonscrit d'ailleurs, des boules noires

groupées ensemble (Fig. 14).

Méthode de Cajal. Tous les nerfs périphériques, excepté bien entendu

le nerf sciatique, contiennent très peu de fibres nerveuses gardant un cylin-

draxe capable de donner une réaction positive vis-à-vis de la méthode, ainsi

qu'il ressort de la figure 15. En outre ces cylindraxes ont tous une minceur

anormale quoiqu'y soit toujours appréciable la structure fibrillaire carac-

téristique. Cette altération est poussée au même degré aussi bien dans les bran-

ches périphériques des nerfs que dans leurs segments plus rapprochés des

plexus. Dans quelques traits cependant les cylindraxes ont complètement dis-

paru.

Méthode de Van Gieson et double coloration à l' hématoxylil1e-éosine. --

Le tissu conjonctif interfasciculaire n'est pas proliféré : les vaisseaux et les

zones périvasculaires ne nous offrent rien de pathologique. Avec la double co-

loration au sein du tissu interstitiel on observe un nombre assez remarquable

de cellules granuleuses (Kôrnchenzellen), rondes ou ovales, à noyau ordinai-

rement excentrique et protoplasma d'aspect alvéolaire.

Muscles. - Colorations : méthode de Weigert, méthode de Van Gieson, bé-

matoxyiine-éosine.

Coupes longitudinales : Les fibres musculaires sont en général extrêmement

minces et réduites parfois à la simple gaine desarcolemme.Beaucoup d'entreelles

conservent leur aspect strié caractéristique. Les noyaux du tissu interstitiel ne

sont pas augmentés en nombre. Le nombre extraordinaire de noyaux (fig.),

qu'on trouve au niveau de n'importe quel muscle, appartiennent au sarcolemme,

mais leur augmentation est plus apparente que réelle. Elle est, en effet, due

surtout à l'extrême minceur de fibre et par conséquence au fait que les noyaux

des différents fibres se trouvent notablement rapprochés.

Coupes transversales : On confirme l'extrême petitesse des fibres musculai-

res. Presque toutes ont un contour de section rond ou arrondi. Les fuseaux

neuro-musculaires semblent normaux. Les fibres musculaires qui y sont con-

tenues ont un diamètre plus grand que les autres fibres. Les nerfs iltramus-

culaires ont perdu toutes leurs fibres. '

Vaisseau : Les artères intra-musculaires présentent : parois très épaissies avec

A PROPOS D'UN CAS DE POLYNÉVRITE AMYOTROPHIQUE 145

augmentation des noyaux au niveau de la musculaire, rétrécissement de la

lumière, pycnose.

Evidemment les altérations des nerfs périphériques sont extrêmement

graves : les gaines myéliniques et les cylindraxes de presque tous les

nerfs rachidiens se trouvent en pleine désagrégation. La méthode de Mar-

chi montre que la myéline s'est fragmentée en boules colorées en noir,.

de grandeur variable (corps granuleux)au lieu de s'effriter. En d'autres ter-

mes, les modifications pathologiques subies par les tubes myéliniques

sont tout à fait comparables à celles de la dégénérescence secondaire.

Cette constatation contraste avec l'opinion qui prédomine, suivant la-

quelle il serait toujours possible d'établir un diagnostic histologique dif-,

férentiel entre les névrites dégénératives (dégénérescence primaire) aux-

quelles notre cas appartient, et les dégénérescences secondaires dues,

comme on le sait, à des causes anatomo-pathologiques.

Quelles sont, en effet, les différences anatomiques substantielles qu'on

a établi entre ces deux processus On dit que dans la dégénérescence wal-

lérienne la myéline se fragmente en gros blocs et que dans la dégénérescence

toxique,ou primaire, elle s'effrite ; que, dans le premier cas,le cylindraxe

prend part dès ledébutau processus régressif ou destructif delà fibre ner-

veuse et que dans le second il reste intact. Il faut encore ajouter que

pour ceux qui considèrent les nerfs périphériques comme des lobules

(théorie caténaire), la dégénérescence wallérienne serait une régression

cellulaire aiguë des cellules segmentaires qui retourneraient à l'état em-

bryonnaire,donnant naissance à des cellules filles plus ou moins capables de

s'adapter à de nouvelles conditions d'existence ; la dégénérescence pri-

maire,au contraire,serait une maladie qui frappe la cellule dans la vitalité

de toutes ses parties, le protoplasma y compris ; il y auraitdonc mortifica-

tion des cellules segmentaires.

Après la description que nous avons donnée des lésions des nerfs péri-

phériques il nous semble que dans le cas actuel elles ne différent nulle-

ment des altérations de la dégénérescence wallérienne. On y retrouve, en

effet, la désagrégation de la myéline en gros blocs et l'altération profonde

du cylindraxe diffuse d'un bouta l'autre des différents troncs nerveux.

Nous sommes donc bien loin des différences nettes, tranchées, établies par

quelques auteurs et surtout par Vassale (1891-96) entre la névrite dégé-

nérative et la dégénérescence secondaire. Cet auteur concluait dans un

travail fort intéressant sur les dégénérescences primaires et secondaires

de la moelle épinière, que la dégénérescence primaire est caractérisée par

une atrophie plus ou.moins lente des fibres nerveuses avec disparition

progressive des gaines myéliniques, le cylindraxe pouvant persister, si non

146 G. CATOLA

pour toujours, du moins pour un temps très long, et par le manque de

réaction au Marchi. ,

Les choses, au contraire, ne se passent pas de la même façon dans la

moelle épinière, ainsi que nous l'avons déjà vu plus haut, où les gaines

myéliniques des différents cordons blancs ne nous offrent que des modifi-

cations morphologiques relativement peu marquées, non superposables en

tout cas à eelles de la dégénérescence wallérienne. Le fait plus important

est en elles constitué, nous allons le répéter, par la coloration noire très

intense et diffuse, prise vis-à-vis de la méthode de Marchi. Ici nous som-

mes évidemment surtout en présence d'une modification chimique de la

myélineet bien loin des lésions caractéristiques de la dégénérescence secon-

daire. Il nous faut donc conclure que la même cause et, dans ce cas, une

cause toxique, avait engendré dans le système nerveux périphérique des

altérations analogues à celles qui caractérisent la dégénérescence d'origine

anatomique et, dans l'axe médullaire, des altérations comparables à celles

qui sont propres à la dégénérescence d'origine toxique.

Mais ce qu'il y a encore de très important dans notre observation, c'est

que ces deux catégories de lésions se trouvent séparées par un trait, le

trait radiculaire.constituant une espèce de zone neutre au niveau'de;laquelle

nos méthodes histologiques les plus délicates ne sont pas arrivées à mettre

en évidence une lésion anatomique d'une entité quelconque. L'explication n

de cette intégrité des racines n'est pas aisée. Evidemment il est très peu

vraisemblable qu'on puisse mettre en ligne de compte une névrite ascen-

dante décroissante en direction centripète et qui n'ait pas encore rejoint les

racines médullaires, car, dans le cas actuel, ainsi que nous l'avons déjà

relevé, les lésions des nerfs périphériques étaient également intenses à

n'importe quel niveau de leur parcours. Il faudrait donc aboutir à l'autre

conclusion que l'intoxication spécifique n'avait pas pour les racines mé-

dullaires,antérieures et postérieures, la même influence pathologique, ou

si l'on veut, la même affinité que pour les fibres des nerfs périphériques

et les cordons blancs de la moelle épinière. En d'autres termes, une même

cause agissant pendant la même période de temps sur des systèmes entiers

de neurones aurait engendré des effets absolument dissemblables dans

leurs différents segments. 1

Cette remarque se rattache étroitement aux questions qui s'agitent de-

puis longtemps entre les auteurs qui soutiennent l'origine centrale des

névrites (centralistes) et ceux qui admettent l'existence autonome de cette

même lésion (périphéristes). Or, les constatationsanatomo-pathologiques

que notre cas nous a donné l'occasion de faire sembleraientplaider très fa-

vorablement l'appui de la théoriepériphéristeen prouvant l'existence pos-

sible d'une névrite autochtone ou primaire, indépendante de toute lésion du

A PROPOS D'UN CAS DE POLYNÉVRITE AMYOTROPHIQUE 147

centre médullaire. En effet, les altérations que nous avons observées dans

les cellules ganglionnaires de la moelle épinière ne seraient pas suffisantes

pour justifier l'état de complète désagrégation des nerfs périphériques. On

ne le pourrait expliquer qu'en admettant un trouble extrêmement grave de

la fonctionnalité cellulaire, c'est-à-dire une lésion profonde des centres

trophiques médullaires, une interruption des neurones moteurs au sein

même de leurs centres. Les altérations des cellules, on peut le répéter très

brièvement, ne sont pas très profondes : elles consistent surtout dans une

difficulté anormale de leur décolorabilité, en les traitant avec la méthode

de Nissl, et dans une chromatolyse étendue le plus souvent à tout le corps

cellulaire. Seulement un tout petit nombre de cellules, remplacées par des

vacuoles énormes entourées encore par un mince liseré de protoplasma,

peuvent être considérées comme définitivement perdues. Dans cette valu-

tation de lésions cellulaires nous ne voulons pas attribuer trop de valeur

aux modifications morphologiques obtenues avec la méthode de Cajal, car

nous ne nous sentons pas trop rassurés au sujet de l'interprétation qu'il

faut en donner. Il y avait, en outre, un certain nombre de'cellules d'aspect

à peu près normal.

Il y aurait donc une proportion manifeste entre l'état pathologique des

cellules et celui de ieursproiongementscyiindraxiies périphériques.

Il y a d'ailleurs un autre fait très important. Beaucoup des cellules de

cornes antérieures, outre la chromatolyse totale, présentent leurs noyaux

déplacés, repoussés à la périphérie, ce qui constitue, comme on le sait,

un des principaux caractères des lésions cellulaires secondaires aux alté-

rations de leurs cylindraxes (réaction à distance). On peut donc penser

qu'une partie seulement des altérations de nos cellules sont à mettre sur

le compte de l'atteinte directe de l'intoxication tuberculeuse ; et que l'au-

tre partie est au contraire à imputer à la réaction à distance consécutive

aux profondes altérations des nerfs périphériques. Le déplacement du

noyau ne fait par conséquent que donner la preuve que lorsqu'il s'est

produit, la cellule était toujours capable de régir à une lésion de son neu-

rone, ce qui plaiderait encore d'avantage en faveur d'une altération pri-

mitive des nerfs périphériques. Il y a enfin à rappeler l'intégrité des

racines médullaires, ce qui semble creuser un fossé profond entre l'état

anatomo-pathologique du système nerveux périphérique et celui de la

moelle épinière et montrer d'une façon péremptoire la discontinuité

entre les deux catégorie des lésions.

Avant d'achever ce travail nous voulons encore faire remarquer que

dans beaucoup de cas de polynévrite tuberculeuse relatés dans la biblio-

graphie médicale, l'infection tuberculeuse était très fréquemment locali-

sée, isolément ou non, à l'intestin et au péritoine et qu'il en était ainsi

148 . , G. CATOLA

encore chez notre malade. Cela pourrait donc venir à l'appui des re-

cherches expérimentales de Hamac)' (1898) qui observa que les manifes-

tations dégénératives des nerfs périphériques étaient constantes seulement

dans les infections provoquées avec le péritoine tuberculeux humain, et

qu'elles se rencontraient, au contraire, seulement dans quelques cas isolés

en employant d'autres méthodes d'inoculation.

EXPLICATION DES PLANCHES

- PLANCHE XXIV

Prn. 1. Coupe transversale d'une racine postérieure au'niveau de la moelle cervicale.

Méthode de Marchi. Grossissement : Oc. 4 Comp., Ob. A, Zeiss.

Fic. 2. - Moelle lombaire coupée transversalement. - Racine postérieure (Rp) et

cordon postérieur (Cp). - Méthode de Marchi. Même grossissement.

Flo. 3. Moelle lombaire, coupe longitudinale.- Rp, racine postérieure Cp, cordon

postérieur. Méthode de Marchi. Même grossissement.

Fig. 4. Racine antérieure de la moelle cervicale, coupée transversalement.

Méthode de Cajal. Grossissement : Oc. 4 Comp., Ob. DD, Zeiss.

FiG. 5. Coupe transversale de la moelle cervicale. - c, commissure blanche. -

Méthode de Marchi. - Grossissement : Oc. 4 Comp., Ob. A. Zeiss.

Fia. 6. Coupe transversale de la moelle dorsale. - ld., Id.

PLANCHE XXV

Pio. 7. Coupe transversale de la moelle lombaire supérieure. Zp, zone pyra-

midale. Méthode de Marchi. - Même grossissement.

Ftu. 8. Coupe transversale de la moelle. sacrée. - Id., Id.

Fia. 9. Coupe longitudinale de la moelle cervicale à travers les cordons posté-

, rieurs.- Méthode de Marchi. Grossissement : Oc.4 Cornp.,Ob.DD,Zeiss.

Fio. 10. Moelle cervicale, corne antérieure. Coloration avec le bleu de toluidine,

après durcissement à l'acide picrique et sublimé en solution saturée ana.

- Aspect des cellules ganglionnaires à petit grossissement après 48 heu-

res de décoloration a l'alcool.

PLANCHE XXVI

FiG. Il. Nerf radial droit au niveau de la partie moyenne du bras; coupe trans-

versale. - Méthode de Veigert. - Grossissement : Oc. 4 Comp., Ob.

A, Zeiss.

Fie. 12. Le même nerf au même niveau; coupe longitudinale. - Même coloration

et même grossissement.

Fig. 13. Nerf médian gauche dans le bras. Coupe longitudinale. Méthode de

Marchi. Même grossissement.

FiG. 14. Nerf sciatique gauche. - Coupe longitudinale. Méthode de Marchi.

Même grossissement.

FiG. 15. Nerf radial droit près du plexus. - Coupe longitudinale. Méthode de

Cajal. Même grossissement.

FiG. 16. Muscle biceps. Coupe longitudinale. Coloration : hématoxyline-

éosine. Même grossissement.

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LE MÉCANISME DE LA CONTRACTURE,

PAR

- D, NOICA.-

Considérations analomiques et physiologiques sur la moelle.

Les réflexes tendineux et cutanés, autant que nous les connaissons au-

jourd'hui d'après les définitions classiques, sont des contractions uni-mus-

culaires, produites par l'excitation du tendon du muscle correspondant, ou

de la zone cutanée dans la région en général sus-jacente au muscle qui va

se contracter. Nous n'avons qu'à citer comme exemples de réflexes tendi-

neux, les réflexes le plus souvent recherchés le réflexe du tendon rotulien,

le réflexe du tendon d'Achille, le réflexe du triceps brachial, le réflexe

du biceps brachial, etc. Seuls le réflexe des muscles fléchisseurs et celui

des muscles extenseurs de l'avant-bras intéressent plusieurs muscles ; mais

ici quand on frappe avec le marteau percuteur, on frappe toujours sur toute

la masse des tendons en même temps. La règle s'applique aux réflexes

cutanés, et nous pouvons citer les réflexes crémastériens, abdominaux

(supérieur, moyen et inférieur), fessiers, anal, qui tous sont des réflexes

uni-musculaires. Mais Stembe1'g, dans son travail bien connu, a attiré

l'attention sur la contraction simultanée des muscles avoisinant celui dont

le tendon a été percuté. Voilà ce qu'il dit à ce sujet (1) :

« Par les expériences sur les animaux, où l'on a dénudé les muscles sur

de grandes surfaces, on a pu observer directement que les réflexes sont

d'une façon constante multi-musculaires (c'est-à-dire qu'une seule excita-

tion provoque la contraction de plusieurs muscles, et très fréquemment

bilatéraux (Doppelseitige). Dans les réflexes tendineux au sens le plus

étroit, les muscles dont le tendon a été touché directement se contractent

le plus fortement, les voisins un peu moins et les plus éloignés beaucoup

plus faiblement. »

« Chez l'homme sain, les réflexes tendineux sont, en général, moins-

accentués ; la contraction des muscles est plus faible et se borne à un

épaississement du ventre du muscle sans qu'il y ait un saut sensible du

(1) Reproduit d'après Ganault. Thèse de 1898, p. 62.

LE MÉCANISME DE LA CONTRACTURE 153

tendon et sans qu'il en résulte de mouvement du membre. On trouve

néanmoins par une observation rigoureuse sur des gens maigres que les

réflexes tendineux sont multi-musculaires en règle générale, de telle

façon que les antagonistes se contractent presque toujours avec les mus-

cles dont le tendon est percuté. » .

Dans nos recherches sur les réflexes osseux, nous avons été frappé non

seulement par le tait de la contraction d'un muscle situé loin du point

osseux que nous frappions, mais aussi par le fait que très souvent cette

contraction n'était pas unique. Par exemple, au membre supérieur, le

réflexe osseux qu'on provoque par la percussion de l'apophyse styloïde du

radius est représenté presque toujours par la contraction simultanée de

deux muscles, le long supinateur et le biceps. Le réflexe osseux de l'épi-

condyle, le coude étant porté en arrière se traduitpar une contraction des

fibres antérieures du deltoïde, mais il n'est pas extrêmement rare de voir

en même temps une contraction simultanée des fibres du grand pectoral. La

percussion de l'épitrochlée, le]coude étant fléchi et'porté en avant, produit t

presque toujours la contraction du muscle triceps et des fibres postérieurs

du muscle deltoïde, etc. Au membre inférieur, la percussion de la mal-

léole interne (en arrière) produit la contraction des muscles demi-tendi-

neux et demi-membraneux. En percutant la crête iliaque on provoque une

excitation dans les mêmes muscles et simultanément dans le muscle biceps

crural, etc.. (1).

Nous nous sommes demandé quelle peut être l'explication de ce phéno-

mène et nous croyons l'avoir trouvée dans la physiologie et l'anatomie de

la moelle. Quoique pour la production d'un réflexe osseux il y ait parti-

cipation de plusieurs muscles, le résultat de leur collaboration est une

seule fonction ; d'où la conclusion que le réflexe osseux égale une fonction.

Le réflexe osseux de l'apophyse styloïde du radius représente le mouve-

ment de flexion du coude. Le réflexe osseux de l'épicondyle, quand le

coude a été préalablement porté un peu en arrière représente la fonction

de la moelle, ou des muscles excités, qui se traduit par l'action de porter le

bras en avant. Le réflexe osseux de l'épitrochlée représente le mouvement

qui étend le coude et porte en arrière le membre supérieur, etc..

Le réflexe osseux en général, comme tous les autres réflexes connus,

tendineux et cutanés, ont un arc représenté : 1" par une fibre centripète

qui conduit l'excitation produite par la percussion d'un point osseux ;

2° par un centre réflexe qui représente l'origine nucléaire intramédullaire

de tous les muscles excités par celle fibre sensitive ; et 3° par une fibre

(1) NOICA et STHOIINGEa, Réflexes osseux. Revue neurologique, p. 969, 1906 ; Noica,

. Contributions nouvelles à l'étude des réflexes osseux. Revue neurologique, n° 5, 15 mars

1901.

154 NOICA

motrice qui prend son origine dans les noyaux intramédullaires de tous

les muscles précédents et se distribue il la périphérie dans chacun d'eux.

En partant de ces considérations et en nous basant sur les schémas de

sensibilité de Kocher, Seiffer, Thorburn et sur les études modernes des

localisations des fonctions motrices de la moelle épinière, Bruce, van

Gehuchten, Nelis, Sano, Marinesco, Parhon et Goldstein, Krause et Phi-

I ippson, etc., nous avons cherché à indiquer quel arc correspond tel ou

tel réflexe osseux. Certainement nos dénominations sont schématiques,

parce que nous savions à priori qu'un point quelconque de la peau reçoit

l'intervention au moins de deux racines sensitives (Sherringthon) et que les

noyaux médullaires correspondent d'habitude à plus d'un segment mé-

dullaire, mais elles sont suffisantes pour pouvoir se diriger en clinique.

Le phénomène de multi-muscularité que nous avons constaté par la

recherche des réflexes osseux, nous l'avons étudié plus loin encore, spé-

cialement chez les personnes normales avec une réflectivité exagérée, et

mieux encore par conséquent chez les malades atteints d'affections nerveu-

ses spasmodiques.

Si l'on percute l'apophyse styloïde du radius, on voit une contraction

dans les muscles long supinateur et biceps brachial, mais si la percussion

est plus forte ou si la réflectivité de la personne qu'on examine est exagé-

rée, on peut provoquer aussi, en même temps, la contraction des fibres

antérieures du deltoïde et même du grand pectoral. Il en résultera donc

que l'avant-bras se fléchira sur le bras, et que tous les deux seront portés

en avant et en dedans.

Si l'on percute l'épicondyle, le coude étant porté en arrière, on voit

une contraction des fibres antérieures du deltoïde et du muscle grand pec-

toral, mais si le réflexe est exagéré, on peut provoquer en plus une con-

traction des muscles biceps et long supinateur, autrement dit on arrive au

même résultat que précédemment.

En percutant l'apophyse styloïde du cubitus, on produit une contrac-

tion de tous les muscles épitrochléens (fermeture du poing) et, si le ré-

flexe est exagéré, on peut observer en même temps une contraction du

triceps brachial et des fibres postérieures du deltoïde.

La percussion de l'épitrochlée, le coude étant porté en avant et un peu

fléchi, produit une contraction du triceps et des fibres postérieures du

deltoïde, s'étendant au grand rond et au grand dorsal ; et, si l'excitation a

été très forte, il n'est pas rare de remarquer aussi une contraction des mus-

cles épitrochléens. Le résultat de ces multiples contractions sera la ferme-

ture du poing, l'extension et l'abduction en arrière du coude.

Nous pouvons citer aussi quelques exemples de propagation au membre

inférieur.

LE MÉCANISME DE LA CONTRACTURE 155

La percussion de la tubérosité interne du tibia (réflexe osseux de la

3e racine lombaire), peut provoquer une contraction non seulement dans

les muscles adducteurs, mais aussi par propagation dans le quadriceps

crural et le couturier.

La percussion de la tubérosité antérieure du tibia qui produit d'habi-

tude une contraction des muscles demi-tendineux et demi-membraneux,

peut faire contracter en même temps le muscle triceps sural.

Le réflexe osseux de la malléole externe est caractérisé par une contrac-

tion du triceps sural et quelquefois en même temps du biceps crural.

La percussion de la crête illiaque peut provoquer, non seulement la

contraction des muscles biceps, demi-tendineux et demi-membraneux,

mais aussi des moyens et petit fessier et du tenseur du fascia lata.

Dansunenoteprésentéeà la Sociétéde neurologie (1),nous avons cherché

à donner une explication anatomique de la propagation du réflexe osseux

des adducteurs, aux muscles quadriceps crural et couturier et vice-versa.

En consultant l'atlas de Bruce nous avons vu que dans les 3e et 4" seg-

ments lombaires se trouvent les noyaux d'origine de ces muscles, repré-

sentés : en haut dans le 3e segment lombaire par un noyau commun ; en

bas, dans le 4° segment lombaire, par deux noyaux séparés, l'un pour les

muscles adducteurs et l'autre pour le muscle quadriceps ; le noyau isolé

du muscle couturier n'est pas indiqué.

Il est probable que les mêmes causes anatomiques, c'est-à-dire le voi-

sinage des noyaux d'origine, doivent exister pour expliquer la propagation

de l'excitation dans les autres cas.

Ce phénomène de propagation de la contractilité nous a paru subir une

certaine règle, et non pas seulement une simple propagation d'un muscle

à un autre de son voisinage, comme pense Sternberg.

Quand nous percutons l'apophyse styloïde du radius, le muscle long

supinateur se contracte, et avec lui le biceps, c'est-à-dire un muscle d'un

autre segment, mais pas les autres muscles voisins de l'avant-bras, à

moins qu'il n'y ait réflectivité très exagérée et excitation très forte, mais

alors il y a diffusion de l'excitation à tous les muscles.

La propagation se fait en haut ou en bas, comme Pfluger l'a dit le pre-

mier, et si aujourd'hui on tient compte de nos connaissances anatomiques

des centres médullaires, on peut ajouter : d'un segment médullaire à un

autre. Pour nous, il nous a paru que la propagation se fait avec plus de

facilité en haut qu'en bas. De plus si les muscles correspondant à un seg-

ment médullaire se sont contractés, leur contraction peut être accompa-

gnée de celle d'autres muscles appartenant au segment immédiatement

sus ou sous-jacent, et la propagation ne peut pas sauter par dessus un autre

(1) Le réflexe rotulien, le réflexe conl),a-latéral des adducteurs et le réflexe osseux

de la tubérosité interne du tibia. Revue neurologique, 1907, p. 1316.

156 NOICA

segment, sans exciter les muscles correspondant au segment intermédiaire.

Il se peut qu'en excitant l'apophyse styloïde du cubitus, au lieu de pro-

voquer la contraction des muscles épitrochléens, on provoque la contrac-

tion du muscle triceps, c'est-à-dire un muscle dont le noyau est peut-être

situé immédiatement au-dessus de celui des muscles épitrochléens, ce qui

ne change pas la conclusion précédente.

Etude du phénomène de la contracture spasmodique.

Si on regardera position des membres qui s'observe chez un hémiplé-

gique contracture, dans les cas les plus communs, nous voyons qu'au

'membre supérieur, le bras est un peu rapproché du tronc, le coude fléchi,

l'avant en légère pronation, le poignet fléchi et les doigts fermés dans la

paume de la main.

Toutes ces attitudes on peut les provoquer cher un homme normal par

l'excitation de deux réflexes osseux, quand ils existent, et ils existent

toujours chez les gens atteints d'une lésion spasmodique. L'un se produit

percutant l'apophyse styloïde du radius, on provoque alors une flexion du

coude avec une légère pronation de l'avant-bras et par propagation un mou-

vement d'adduction du bras en avant et en dedans ; le premier mouvement

est produit par la contraction des muscles long supinateur et biceps bra-

chial, le second mouvement est produit par la contraction des fibres anté-

rieures du muscle deltoïde et même quelquefois du grandpectoral. L'au-

tre réflexe se produit en percutant l'apophyse styloïde du cubitus, on a

alors une fermeture du poing, par la contraction des muscles épitrochléens,

muscles fléchisseurs du poignet et des doigts. Le premier c'est le réflexe

osseux des 5e est 6" racines cervicales, le second est le réflexe de la Se racine

cervicale.

Passons maintenant au membre inférieur. Ici, le type classique de la

contracture est en extension : le membre entier en adduction, rapproché de

la ligne médiane, la cuisse étendue sur le bassin, le genou étendu, le pied

en équin varus, avec les orteils fléchis en bas. Cette déformation ou mieux

cette attitude, on peut la décomposer en trois : une d'extension de la cuisse

sur le bassin, produite par la contraction du grand fessier; une autre

d'extension du genou et d'adduction de tout le membre, provoquée par la

contracture du quadriceps crural et des muscles adducteurs ; et une autre

attitude d'abaissement et de rotation en dedans du pied produite par

la contraction du triceps sural.

La première attitude, nous ne pouvons pas la produire par un réflexe

osseux, parce que nous ne connaissons pas le point osseux qu'il faut per-

cuter, mais du moment que le centre médullaire du grand fessier se trouve

dans le deuxième segment sacré, il s'en suit que le deuxième arc réflexe

LE MÉCANISME DE LA CONTRACTURE 157

sacré doit correspondre au réflexe osseux qui provoque la contracture du

grand fessier. L'extension du genou et l'adduction, nous les produisons

par le réflexe osseux de la tubérosité interne du tibia (3e et 4e segments

lombaires). L'extension du pied, on peut la provoquer par la percussion

de la malléole externe, c'est-à-dire le réflexe osseux du 1er segment sacré.

Peut-on reproduire ces attitudes du bras et de la jambe en contracture,

par percussion périphérique, c'est-à-dire en excitant des points périphé-

riques du corps ? Certainement, comme nous venons de le dire, mais à

condition que nous fassions ces excitations en même temps sur plusieurs

points de l'organisme. Il est impossible d'exciter la malléole externe avec

le marteau, qui provoque habituellement la contraction du triceps sural

(extension du pied) et par propagation de produire la contraction du-tri-

ceps crural (extension du genou) et la contraction du grand fessier (exten-

sion de la cuisse),car ces centres réflexes ne se succèdent pas, il va d'autres

centres entre eux qui resteront non excités, ce qui sera contraire à nos

observations cliniques sur la propagation des réflexes. Même difficulté aux

membres supérieurs.

Mais si par une seule excitation périphérique suivie même de propaga-

tion nous ne pouvons pas reproduire ces attitudes, il faut alors chercher

une autre explication à ce phénomène. Et comme l'attitude du membre

supérieur indique plutôt un mouvement coordonné pour un but déterminé,

celui de prendre un objet avec la main et le porter à la bouche, et l'altitude

du membre inférieur indique le mouvement de s'appuyer sur la pointe du

pied pour marcher, nous avons pensé tout de suite qu'une pareille excita-

tion, unique, qui, arrivant à la moelle, peut reproduire l'attitude du

membre supérieur ou du membre inférieur en contraction, ne peut prove-

nir que des centres supérieurs à ceux de la moelle.

Notre conviction s'est faite surtout en remarquant certains mouve-

ments associés, involontaires, qui se produisaient dans le côté malade,

soit dans le membre supérieur, soit dans le membre inférieur, quand nous

examinions plus minutieusement nos malades. Ces mouvements involon-

taires, syncinésiques du côté malade, exagéraient ou reproduisaient les

attitudes des membres en contracture. Mais avant de passer à un autre

chapitre, nous devons dire que nos observations anatomiques et physiolo-

giques concordent avec les études de Wernicke et de Mann sur les atro-

phies musculaires chez les hémiplégiques. Mann en examinant les muscles

du membre supérieur et du membre inférieur chez des hémiplégiques en

contracture, est arrivé à ces constatations. Il trouve que, au membre infé-

rieur (1), « ce sont surtout les muscles dont la fonction est de raccourcir

le membre inférieur qui sont paralysés (fléchisseur dorsal du pied, flé-

(li D'après Marie, Traité de médecine l3rouardal-Gilberl, vol. VIII,, p. 458. '

xxi 11

158 NOICA

chisseurs de la jambe, fléchisseurs de la cuisse), tandis que les muscles

dont la fonction est d'allonger le membre inférieur (extenseurs de la

cuisse, extenseurs de la jambe, fléchisseurs plantaires du pied), ou bien

ne sont pas paralysés du tout, ou bien reprennent assez rapidement leurs

fonctions u. Mann constate que,au membre supérieur,« c'esl le coilrt abdtlc-

« teur du pouce et le groupe qui détermine l'apposition du pouce qui sont le

« plus souvent paralysés. Après celle-ci, la paralysie la plus fréquente est

« celle de la supination et du mouvement de rotation en dehors de la totalité

« du bras qui=s'allie le plus souvent au mouvement de supination et est

« produit par le sous-épineux et le petit rond et au besoin par la portion

« inférieure du trapèze et du rhomboïde. Pour en revenir à ce qui a trait à

« la main,et en outre de ce que nous avons vu pour le pouce, c'est le mé-

« canisme de l'extension des doigts (extenseurs des doigts, fléchisseurs du

« poignet) qui est atteint,cela contraste beaucoup avec la conservation beau-

« coup plus grande du mécanisme de la flexion des doigts ; aussi voit-on

« des hémiplégiques, capables de serrer assez fortement un objet dans leur

« main paralysée, ne pouvoir saisir l'objet avec celle-ci, mais être obligés

« de l'introduire avec la main saine dans la main paralysée. Au coude les

« mouvements de flexion sont altérés ; dans les hémiplégies très pronon-

« cées, les mouvements d'extension le sont aussi. L'élévation du bras est

« presque toujours plus ou moins atteinte (muscle deltoïde, grand dentelé

« et un peu la portion supérieure du trapèze). »

Pierre Marie (1), dans une thèse faite dans son service à l31cètre, sur

21 hémiplégiques, a confirmé en grande partie ces constatations.

Mann a tiré de ses études cette conclusion :

« D'une façon générale, dans l'hémiplégie organique, la paralysie porte

non seulement sur tel ou tel muscle en particulier ou sur un groupe de

muscles innervés par le même nerf, mais sur des mécanismes musculaires

ayant pour sujet la production de tel ou tel mouvement. »

Il s'en suit pour Mann, que tous les autres groupes musculaires qui ne

sont pas paralysés sont à l'état de contracture.

A cette conclusion de Mann, nous ajoutons la suivante, que nous fai-

sons dans les mêmes termes que la précédente : -.

Dans l'hémiplégie organique, la contracture ne porte pas sûr un tel ou tel

muscle en particulier, mais sur des groupes musculaires correspondant ci

des mécanismes musculaires, ayant pour sujet la production de tel ou tel

mouvement coordonné (2).'

(1) CLAVEV, Thèse de Paris, 1897.

(2) Quant à considérer les muscles qui ne sont pas contractés, comme étant non seu-

lement paralysés, mais à l'état d'hypotonie, de relâchement (Mann), nous réservons

notre opinion là-dessus. Noya. Soc. de Biologie, 1907. Recherches expérimentales sur

l'intervention des nerfs et des muscles antagonistes dans la production des mouve-

ments du pied.

LE MÉCANISME DE LA CONTRACTURE 15U

' Mouvements associés.

Nous n'avons pas l'intention ici d'exposer toutes nos recherches sur les

mouvements associés, car nos conclusions concordent dans l'ensemble avec

celles de Pitres et Camus, et que nous allons les reproduire bientôt,

nous tenons à dire que, en étudiant ces mouvements, nous avons 'été

frappé dès le début par leur ressemblance et la reproduction presque

complète des attitudes des membres absolument analogue à celles qu'on

voit dans les états de contracture. L'importance de ces mouvements pour

l'étude du mécanisme de la contracture n'a été comprise, ni par Pitres,

ni par Camus, quoique avant eux Hitzig eût émis une théorie sur le phé-

nomène de la contracture, prenant comme base la présence de mouve-

ments associés.

Pitres et Camus, étudiant les mouvements associés chez les hémiplégi-

ques, arrivent à ces conclusions :

Quand on prie le malade de serrer le dynamomètre de la main gauche

saine, on constate du côté paralysé les mouvements associés suivants (1) :

« Dans ces' mouvements associés, le membre inférieur reste dans l'ex-

tension complète, les orteils se fléchissent plus fortement, tandis que tout

le membre est élevé en masse par flexion de la cuisse sur le bassin. Au

membre supérieur il se produit tout d'abord un léger mouvement de pro-

nation de l'avant-bras ; ce segment se fléchit alors sur le bras à peu près

à angle droit, tandis que le bras s'écarte du tronc pour se porter à la fois

en avant et dans l'abduction, de sorte que le coude peut atteindre à la

hauteur de l'épaule, la main étant au niveau de la bouche (2). Ces mouve-

ments associés se produisent encore quand le mouvement volontaire se

passe dans un segment quelconque du côté sain : avant-bras, bras, jambe

ou cuisse non paralysés, que ce mouvement soit énergique d'emblée ou

que sa force croisse progressivement »

........................... '...

Camus a même établi une loi, d'après laquelle se fait l'extension de ces

mouvements associés :

« Quand on lit les observations qui précèdent,on voit en effet qu'à la suite

des mouvements volontaires d'un membre sain, l'association se produit

successivement : Io dans le membre symétrique ; 2° dans l'autre membre

paralysé et quelquefois simultanément dans le membre symétrique à ce

dernier ; 3° l'effort se généralise et tous les muscles des membres et de la

face se contractent. »

Ces attitudes des membres en contracture du côté lésé se reproduisent

(1) Camus, Thèse, p. 33.

(2) Nous avons observé aussi la flexion des doigts dans la paume de la main, fai-

sant le poing, et un peu de flexion du poignet.

160 K01CA

plus facilement et avec beaucoup plus de netteté, quand on oppose de la

résislance aux mouvements volontaires que le malade doit, faire avec les

membres du côté sain. Ce que nous faisons d'habitude pour provoquer ces

attitudes, c'est de recommander au malade de fléchir le coude du côté

sain, en y mettant toutes ses forces pendant que nous lui retenons l'avant-

bras pour l'en empêcher.

Les mouvements volontaires du membre inférieur sain, provoquent

aussi des mouvements associés et qui se répandent d'après la loi précé-

dente. Mais pour les faire provoquer, il faut bien choisir ses malades,

éviter surtout ceux qui sont trop faibles, ou trop contracturés. Dernière-

ment en étudiant ces mouvements chez une malade, atteinte d'une hémi-

parésie infantile droite, choréo-athétosique, j'ai pu voir ce qui suit : La

malade étant couchée dans son lit, et si je m'opposais à laisser étendre

son genou sain, préalablement un peu fléchi, il se produisait du côté

malade les mouvements associés décrits plus haut. Mêmes phénomènes se

produisaient, si on lui demandait d'appuyer avec son talon dans la paume

de notre main, ou si elle appuyait avec la plante du pied, pendant que

nous lui résistons. Les attitudes des membres du côté malade reprodui-

saient les attitudes classiques du membre supérieur en flexion et du mem-

bre inférieur en extension, le pied en équin-varus, avec le gros orteil en

extension forcée (signe de Babinski).

Il est important de remarquer que tous ces trois mouvements volon-

taires du membre inférieur qui provoquent les ^attitudes des membres en

contracture : étendre le genou, appuyer avec la plante du pied et appuyer

avec le talon, sont les mouvements subconscients que l'homme exécute

pour marcher, et qui correspondent aux muscles extenseurs, les muscles

les plus puissants des membres inférieurs. De même pour le membre

upérieur, la fermeture du poing, ou la flexion du coude, sont les mouve-

ments de préhension, les mouvements les plus habituels de l'homme. Ces

mouvements sont produits par les muscles les plus forts du membre su-

périeur, les fléchisseurs.

Il est bien entendu que si le malade n'est pas très paralysé, que là

contracture n'est pas très forte, les mouvements volontaires qu'il fait alors

avec un membre sain, provoquent des mouvements associés dans le membre

malade du même côté ; surtout si on oppose de la résistance à ses mouve-

ments volontaires.

' Le mécanisme de la contracture chez les spasmodiques .

Nous avons vu nettement ces mouvements associés pour la première

fois, chez deux malades de l'hôpital Zerlendi, de Bukarest. L'un était un

cabaretier, âgé de 45 ans, qui souffrait depuis quelques mois d'accès d'épi-

lepsie jaksonnienne dans la moitié gauche du corps, avec une très légère

LE MÉCANISME DE LA CONTRACTURE 161

hémiparésie du même côté. Ces troubles tenaient probablement à une pla-

que de méningo-encéphalite syphilitique développée sur la corticalité de

l'hémisphère droit. Ce malade présentait les mouvements associés décrits

par Pitres et Camus, mais il ne présentait aucune trace appréciable de

contracture. Un fait, qui a éveillé notre attention, c'est que cet homme,

quoique inculte, puisqu'il ne savait ni lire ni écrire, faisait sans cesse, de-

puis qu'il était malade, des mouvements de gymnastique dans la salle,avec

ses membres des deux côtés même et se promenait parce que, disait-il,

« il ne voulait pas rester paralysé ». En somme il nous rappelait les singes

deSchiff, qu'on était obligé de faire sortir de leurs cages tous les jours,

pour ne pas les laisser faire de contracture.

Dans la même salle, il y avait un autre malade, un ancien coiffeur, âgé

de 65 ans, atteint depuis 14 ans d'hémiplégie droite, et présentant aussi

des accès d'épilepsie jackson ni en ne, mais beaucoup plus rares.Aujourd'hui i

il n'existe plus de paralysie au membre supérieur ; par contre le membre

inférieur est très contracture ; en extension les mouvements actifs et pas-

sifs sont très limités, la marche est très difficile, le malade fauche.

Le fait intéressant est celui-ci : ce malade présentait les mouvements as-

sociés de Pitres et Camus au membre supérieur et au membre inférieur ;

il ne présentait de la contracture qu'au membre inférieur, là où il y avait

en même temps des troubles graves de la motilité volontaire, tandis qu'au

membre supérieur il présentait des mouvements associés; mais pas de

contracture; ce qui coïncidait avec ce fait qu'il n'yavaitpas dans ce mem-

bre de troubles de la motilité volontaire, - sauf une certaine faiblesse,

par comparaison avec le côté sain. Par conséquent, pour qu'il se pro-

duise de la contracture, il ne suffit pas d'avoir des mouvements associés

de Pitres et Camus, - leur présence est indispensable, - mais il faut en-

core qu'il existe des troubles graves de la motilité volontaire du côté malade.

Il nous paraît inutile de charger notre travail en publiant complètement

ces deux observations, parce qu'elles n'ont rien d'intéressant en dehors de

ce que nous venons de dire, au point de vue qui nous occupe.

Les phénomènes de mouvements associés et de troubles de motilité vo-

lontaire, nous les avons recherchés sur tous les malades présentant ou non

de la contracture, et leur présence simultanée n'a jamais fait défaut, dans

les cas avec contracture.

En résumé, pour nous, toute contracture spamosdique est la conséquence

de deux phénomènes, qui doivent exister toujours ensemble : les mouvements

associés et les troubles graves de la motilité volontaire du côté malade.

D'ailleurs nous nous réservons, dans un avenir prochain, de revenir

sur l'étude des mouvements associés et sur le mécanisme de la contracture,

en les interprétant d'après nos connaissances actuelles en anatomie patho-

logique et en physiologie.

DESSINS ET MANIFESTATIONS D'ART

CHEZ DEUX ALIÉNÉS CIRCULAIRES

CONTRIBUTION A L'ÉTUDE DES DISPOSITIONS ARTISTIQUES ET PLUS

SPÉCIALEMENT DE LEUR INTERMITTENCE DANS LA DÉSÉQUILIBRA-

TION PSYCHIQUE ET LA FOLIE

PAR

le Docteur B. PAILHAS

d'Albi.

Dans les deux cas ici relatés, s'agit de sujets cultivés et pouvant, non

seulement donner à certaines de leurs oeuvres un certain relief artistique,

mais encore les accompagner d'une interprétation très véridique et très

capable de favoriser l'élude de la mentalité qui les avait conçues.

Le premier de ces malades, X..., âgé de 55 ans, ancien pensionnaire de l'asile,

pourrait rentrer, de prime, abord, dans la catégorie des intermittents forme

maniaque ; mais un examen tant soit peu attentif permet de constater que les

intervalles, bien que très lucides et à tous égards pleinement corrects, laissent

place à une certaine morosité et à un ensemble de dispositions très dissem-

blables de celles qui caractérisent les accès vésaniques. La durée de ces der-

nières est irrégulière, et, d'une façon générale, varie entre deux et cinq mois;

il en est à peu près de même des intervalles au cours desquels le malade a pu

être assez souvent libéré.

C'est dès les premières heures de la crise que X... est pris d'une véritable

fureur de crayonner, de couvrir tout ce qui est accessible à sa main de croquis

aussi polychromes que ses moyens (1) le lui permettent, de se barbouiller lui-

même, de se grimer de mille façons pour répondre au besoin impérieux de tra-

duire ses illusions, des conceptions aussi variées et mobiles qu'étranges,

d'adapter toute sa personne aux nouvelles situations que son esprit ne cesse

point de créer. ' -

Si certaines mêmes idées se maintiennent au cours des crises et réapparais-

sent dans chacune d'elles, s'il est manifeste que tout un ensemble de disposi-

(1) Au moment de ses crises, le malade, trop porté à gaspiller quoi que ce soit, n'a

eu pour tout arsenal de dessinateur que de simples crayons et de mauvais pastels de

bazar.

NOUVELLLE ICONOGRAPHIE DE LA SAL1'tl'RnRE

T. XXI. Pl. XXVII

DESSINS D'ALIÉNÉS CIRCULAIRES

(Pailhas) .

(Observation I)

Masson et Cie, Éditeurs

Phototypie Barthaud, Pari £

NOUVELLE Iconographie de la SALP1 ! TRIÈRB.

T. XXI. Pl. XXVIII

DESSINS D'ALIÉNÉS CIRCULAIRES.

(Pailhas) .

(Observation I)

A. Dans une période de calme relatif.

DESSINS ET MANIFESTATIONS D'AIIT CHEZ DEUX ALIÉNÉS 163

tions se montrent comme inéluctablement liées à l'évolution des pliases mania-

ques, on peut dire que le malade a, pour les traduire, une gamme infinie d'ex-

pressions mimiques ou graphiques.

Il est intéressant de signaler que si le malade conserve de sa formation sco-

laire des aptitudes à dessiner, il n'en fait cas et usage qu'au moment des accès

délirants, réservant pour les périodes de calme toutes ses prédilections pour la

musique (jeu du piano où il est plus que médiocre).

L'observation des croquis de X... montre assez bien la manifestation progres-

sive et paroxystique de son exaltation durant les accès (Pl. XXVIII).

Le plus souvent on y distingue nettement la trame des processus délirants

qui interviennent : illusions, réminiscences historiques, religieuses ou autres,

interprétations des événements du jour ou des conditions d'ambiance, etc., le

tout aboutissant, soit à la reminiscence de vieux clichés psychiques, soit à un

perpétuel enfantement de situations étranges dont l'épopée héroï-comique de

Cervantès donne une pâle image et où le plus souvent lui-même et son enton-

rage entrent concurremment en scène.

Au point de vue des explications de cette imagerie singulièrement touffue,

symbolique, énigmatique, délirante, nous devons à la supériorité intellectuelle

de X. et à sa grande condescendance de nous avoir tiré d'embarras en consen-

tant à nous fournir lui-même un commentaire consciencieusement véridique

et basé sur des réminiscences très précises. Ce commentaire est contenu en

trois cahiers rédigés currente calamo, quo : ;ne en un style correct, d'où se déga-

gent,avec de très réelles aptitudes littéraiios, la délicatesse du sentiment et une

fine psychologie. Noas n'en citerons que quelques extraits pour montrer la

parfaite adaptation des interprétations aux dessins qu'elles concernent et tout

l'intérêt qui s'attache à l'étude de telles manifestations graphiques et de la men-

talité qui les produit.

Ainsi, aux pages 4, 5 et 6 de son premier cahier d'explications, X... montre

comment il a abouti à la composition d'un croquis où des déments de son en-

tourage se représentaient à son imagination comme une bande de gitanes :

« Cette page (de mou album), écrit-il, ne contient qu'une assez courte note au

crayon qui parait assez insignifiante au premier abord, mais qui peut donner

à rêver aux psychologues. Encore l'association des idées ! ce qui nous paraît

prouver apertement que, même dans les assez rares moments de sa vie où

l'imagination de M. X... (lui-même) a paru dévier, il n'a jamais perdu l'excel-

lente habitude d'induire et de déduire, de raisonner, en un mot, habitude qu'il

ne faut cependant pas exagérer, nous le reconnaissons, car alors l'homme finit

par avoir trop d'idées dans le cerveau, d'où manque d'équilibre. » Et le malade,

acceptant comme désignation d'emprunt celle de M. X..., continue ses expli-

cations : « M. X... dit-il, est un jour abordé dans une des cours de l'asile par

un habitant de la ville de R. Celui-ci lui parle d'autres personnes du même

pays parmi elles se trouve une femme qui a été placée en service dans une

famille de R... mais originaire de P... et très connue de M. X...Celui-ci se rap-

pelle alors que l'un des membres de sa famille, depuis plusieurs années décédé,

lui a souvent parlé d'une personne assez énigmatique et ténébreuse, le roi des

164 B. PAILHAS

gitanes de P... M. X... alors se figure immédiatement qu'il' pourrait, lui,

X..., avoir succédé au personnage en question ou même avoir bénéficié d'une

abdication en sa faveur, en un mot être devenu il rey, le duncaïré en chef.

Dès lors, M. X.. ajoute bravement cette qualité aux autres dont il n'a jamais

manqué, dans sa crise, d'orner sa signature... De plus en plus enfoncé dans

la Bohême, mais commençant se rappeler avec un sentiment de vif regret et

surtout de revenez y les représentations de Carmen et aussi les bons fauteuils

du théâtre de Toulouse, M. X... ne voit plus autour de lui que duncaïrès,

remendados, manolas, castagnettes et contrebandiers, et cherche à se persua-

der que tous les infortunés qui peuplent la cour dite des travailleurs sont des

véritables gitanes soumis à ses lois et prêts, au moindre signal, à se dévouer

pour lui corps et âme. Il ne craint pas de les qualifier d'amis et de frèrespolis-

sant cette douce familiarité et la systématique infatuation de la vieille galante-,

rie espagnole jusqu'à les appeler : seigneur mendiant, seigneur parricide, sei-

gneur assassin, seigneur faussaire, etc. De là la conception et le commence-

ment d'un groupe, du reste assez fidèlement rendu d'après nature, où l'on

remarque la face arrondie d'el sefior abogado L... (l'un des déments de son

quartier, ancien avocat) en train. au moment de la pose, de se rouler volup-

tueusement sur le trottoir, l'oeil patibulaire de D... (autre malade) et aussi le

profil fantastique d'un vieux sorcier dont le nom nous échappe en ce moment

et qui avait fait présent à M. X... d'un fourneau de pipe. »

A la page 14 (1er cahier) : « Ce dessin, écrit NI. X..., est le portrait assez

mal réussi de M. A... (autre malade). Derrière lui est vaguement indiqué le

le portrait de T..., qui nous paraît ressembler vaguement à Sarah Bernhardt

et que M. X..., a pris, pendant quelques jours, pour Sarah Bernhardt traves-

tie en homme. »

A la page la : « Cette page, ajoute-t-il, est la plus intéressante, mais aussi

la plus délicate à expliquer. M. le' docteur Pailhas est trop notre ami et

possède un sens trop parfait des convenances non seulement sociales mais pro-

fessionnelles, pour que nous n'hésitions pas un instant à lui donner la clef de

cette fantaisie artistique, d'un dessin hardi quoique un peu lâche. » Au moment

de ce dessin (PI. XXVII),M. X... est de plus en plus persuadé que M... (l'une des

infirmières de l'établissement) est sa femme et il l'aime plus que jamais. Rien

d'étonnant à ce que la disposition assez gracieuse du branchage d'uu acacia lui

ait donné l'idée de transformer ce branchage en la membrure d'une femme aban-

donnée dans une pose nonchalante. Qui sera cette femme ? ! 11...cela va sans dire.

Après avoir modifié légèrement le port du tronc et des branches de manière à

leur donner l'apparence d'un corps de femme,indiquant par quelques tons légers

les nus et le soupçon de l'imperceptible vêtement dont la revêt la très ardente

et très amoureuse imagination (il n'en a pas honte) de M. X... Et voilà notre

dit M. X... de se mettre à l'oeuvre. Un coup de crayon sinueux pour indiquer

l 'an et des principales masses du feuillage. 0 surprise ! Il se trouve que ce

coup de crayon affecte la forme serpentine d'un cordon qui enlace, sans la bles-

ser, M... tout entière ! Ce n'est pas étonnant C'est le noeud doublement sacré

de l'amour profond et passionnément sincère. Une épine d'acacia vient de tom-

DESSINS ET MANIFESTATIONS D'ART CHEZ DEUX ALIÉNÉS 165

ber sur le corps de la bien-aimée, symbole des peines irréparables de l'amour

Décidément les divinités favorables des bocages s'en mêlent. M. X... invisible,

avoue qu'il aime M... ; M... aime M.X... L'un et l'autre sont tout prêts à signer

ce très romanesque aveu. Et voilà déjà M. X... qui signe pour tous les deux.En

effet, le mot aime est placé si insidieusement que, de quelque côté qu'on lise,

on voit à moins d'être affecté d'une cécité irréductible que l'un aime l'autre et

que l'autre aime l'un. Suit l'inévitable signature du dessinateur avec noms,

prénoms, titres, qualités vraies ou supposées et même un certain nom de fa-

mille qui peut étonner. C'est que notre brave M. X... croyait, dans ses nuits de

méditation, avoir entendu la voix de M... murmurer à son oreille que son vrai

nom de famille n'était pas M ? qu'elle n'était autre chose que la propre fille de

Z ? vieux camarade et ami d'enfance de M. X... Quant au nom de Hencelin (qui

figure sur le croquis), M. X.. croyait avoir entendu sa chère M... lui dire que,

bien que s'appelant de son vrai nom M..., elle avait quelquefois joué au théâtre

sous le nom de Hencelin et avait pris l'habitude d'unir ces deux noms dans sa

signature.

Pouvait-on aborder à la fois avec plus d'esprit de délicatesse et de charmante

ironie, l'explication de l'ébauche de la page 9 te cahier) où, très accidentelle-

ment,s'était traduite une vision délirante quelque peu scabreuse ? « Les savants,

écrit-il, sont parfois de terribles originaux ; on accuse plus particulièrement

les astronomes d'être entachés de cet aimable défaut : témoins Laplace, qui

mangeait des araignées. Cependant, même chez les plus enragés excentriques

qui consument leur très utile existence à étudier les taches solaires ou le retour

des comètes périodiques, il est peu usité, croyons-nous du moins, de se servir

d'un télescope en le plaçant à l'orifice buccal, encore moins... à l'autre. « Mais,

mon cher correspondant », objectera peut-être non sans quelque apparence de

raison, M. le docteur Pailhas. « pourquoi diable le jeune savant-ou la jeune

savante (avec vous on n'est jamais sûr de rien) qui orne la page 9 de l'al-

bum, pourquoi ce chercheur ou cette chercheuse a-t-il ou a-t-elle une façon si

personnelle de concevoir la bonne position d'un instrument d'optique ? Cet

imprudent ou cette imprudente ne s'expose-t-il ou ne s'expose-t-elle pas à bri-

ser l'objectif, à ternir les miroirs, etc... » Le pauvre M. X..., auteur de ce

dessin, serait peut-être bien en peine d'expliquer pareille méprise. Nous allons

le faire pour lui : Par une belle après-midi du lundi 29 mai St-Urbain,

Pape, M. X... s'asseoit, un peu excédé par la chaleur déjà assez intense de

la journée, sur un banc de la cour des travailleurs, à l'ombre projetée par le

tronc d'un acacia. Au milieu du feuillage de cet acacia est une large échancrure ;

à travers il aperçoit la fenêtre par où sa fidèle M... se livre à l'étude du monde

sidéral, en chantant la charmante mélodie de Faure : ['Etoile. M. X... plus

épris encore de musique que d'astronomie, et pour ne jamais plus oublier cette

savoureuse minute, écrit en toute hâte sur son Album : Vue de l'observatoire

musical de M... Cependant, très consciencieux, il se dit que l'observatoire est

aussi astronomique que musical. Il procède alors à la manière de ces braves

Egyptiens, par hiéroglyphes. C'est alors qu'il place au milieu du feuillage, et

coïncidant avec la fenêtre par l'effet de la perspective, un modeste télescope.

166 B. PAILHAS #

Sur ces entrelaites, ou l'appelle et il se lève, se disant : « Cette rapide esquisse

me rappellera et M... et l'Etoile ; je ne veux pas la retoucher. » Beaucoup plus

tard il s'est aperçu, à son bien vif regret, que les contours sinueux destinés à

arrêter les principales masses du feuillage avaient, vus de très près, un aspect

par trop insinuant et que ce malencontreux télescope était diablement mal

placé. Tout est bien qui finit bien : Jetons un voile sur cette rêverie musico-

astronomique, ou si nous voulons y voir un sens symbolique, voyons-y l'image

du peu de cas que les femmes font parfois des sciences exactes et de la minime

importance qu'elles attachent et à la bonne tenue et au minutieux entretien d es

plus coûteux instruments astronomiques ! 1

Par un plaisant contraste, le dessin informe et mutilant de la page 13 du

même cahier trouve de la part de M. X... cette autre explication : « En pensant

aux chroniques de Guillaume de Puylamens et par suite à la guerre des Albi-

geois, M. X... se souvient que, lui aussi, continuateur indigne de tant d'illus-

tres mandataires du St-Siège, est Légat du Pape ad cernas res, procureur spé-

cial in partibus albiensibus, et plus particulièrement apud matronas boni

salvatoris. Il se propose de remplir conscienscieusement les devoirs que lui

impose cette charge : « Je serai pour elles, se dit-il, non seulement un père et

un confident, mais aussi un ami et un conseiller, agissant toujours en homme

du monde, n'oubliant jamais que je suis laïc, bien que revêtu d'une dignité

ecclésiastique, une sorte de IIfonsignon, ce qui me donne l'immense avantage

de pouvoir traiter tous les sujets, même les plus graves, sur un ton un peu

moins solennel que si j'appartenais au clergé proprement dit. Je suis d'église,

voilà tout; je ne suis point clerc et n'ai point fait de voeux, puisque je suis

marié avec ma charmante M... Je puis donc dans mes rapports avec les ancien-

nes compagnes de M..., parler et agir dans une certaine mesure, comme un

homme bien élevé peut agir et parler avec les anciennes amies de pension de

sa femme. » Dans cet ordre d'idées, il ne voit aucun inconvénient à mettre à

profit son goût pour le dessin et le symbolisme en représentant, dans des atti-

tudes typiques et fantaisistes, celles des amies de M... avec lesquelles il a eu

plus particulièrement l'honneur de se trouver en relation. Quelles expressions

de physionomie .l'ont frappé d'une façon spéciale ? Il se rappelle d'abord

Madame B... Eugénie ; il n'est pas bien sûr que son prénom soit Eugénie ;

mais une amie de pension de sa soeur à lui, qui portait le nom de B... s'app e-

lait Eugénie; la religieuse du Bon-Sauveur dont.nous parlons ne peut donc

que s'appeler Eugénie. La physionomie de cette très inestimable religieuse l'a,

disons-nous, frappé d'une façon particulière : brune, regard noir, douloureux

et profond ; très beaux yeux, lèvre charnue, expression simple, franche et

droite. Cette femme a connu la souffrance morale, son regard le dit clairement,

mais certainement elle n'a jamais connu le mensonge ; ses yeux sincères, loyaux,

le disent plus clairement encore. Il y a même dans son attitude générale un

je ne sais quoi qui dénote le sens artistique avec une intelligence élevée et un

grand fonds de modestie (1). Qu'en ferons-nous ? Une martyre chétienne. Et,

. (1) Ajoutons, pour notre compte, que ce portrait est admirablement bien saisi.

DESSINS ET MANIFESTATIONS D'ART CHEZ DEUX ALIÉNÉS 167

aussitôt, M. X... de se rappeler un beau tableau représentant une martyre

noyée et doucement emportée par le courant, la tête surmontée du nimbe des

saintes. Pourquoi ne pas combiner cette idée avec celle d'un autre très beau

tableau, beaucoup plus récent, intitulé : l'Etoile de la mer, et dans lequel la

splendeur de la Vierge bienfaisante apparaît à de malheureux naufragés et leur

donne l'espoir du salut ? M. 'X... s'arme alors de ses crayons de couleur

d'assez mauvaise qualité du reste -, et il ébauche sur la page 13 de l'album

la figure que l'on peut y voir. Il s'est efforcé de rendre dans les traits de cette

sainte, à demi asphyxiée, s'abandonnant à la mer avec la pieuse résignation de

la martyre, l'expression douloureuse et grave du visage de Madame B... Son

dernier regard est fixé sur une vague apparition par un trait à l'encre assez

indécis et difficile à discerner qui représente la mère du Sauveur, Reine des

Martyrs. La blanche marguerite, placée dans un coin quelconque- du dessin

symbolise la pureté de cette âme et de ce corps de vierge que les flots empor-

tent avec eux. Cette ébauche présente un assez grave défaut : Les vagues légè-

res qui entraînent le corps de la sainte ne sont pas assez poussées ; d'où il suit

que leur indication insuffisante, jointe à leur couleur rouge, porte l'esprit à se

demander si c'est dans les flammes d'un bûcher ou dans les ondes marines que

périt la jeune femme. En regard, sur la page 12, M. X... voulant que l'on

sache bien qu'il n'agit, de même qu'il ne parle, que par délégation de Rome

et avec l'aveu du Saint-Père, se hâte d'inscrire : Probatum pro Ponti fice, avec

la signature Fernand, etc., canonicus honorariûs ; le tout surmonté d'une

croix à triple traverse, à peu près effacée, signe particulier au Souverain Pon-

tife.

Aux pages 25 et 26 (2e cahier), nous voyons X... s'inspirer delà loi frappant

les congrégations enseignantes et lésant un milieu qui lui est familier et sym-

pathique : « Tiens I tiens ! se dit M. X... ; mais, au fait, sans avoir une ins-

truction bien étendue, j'ai mes deux bachots, je suis licencié en droit' et avocat.

Le premier pensionnat d'éducation du Bon Sauveur d'Albi compte beaucoup

d'élèves. J'en connais un peu la très estimable directrice titulaire, Mme C... ;

je sais que depuis quelque temps elle est malheureusement souffrante ; peut-

être ne serait-elle pas fâchée d'avoir une suppléante. Si elle me faisait l'honneur

d'accepter mes services, peut-être bien ferais-je une directrice suppléante tout

comme une autre. Reste la question du sexe ; mais ceci est un jeu d'enfant :

j'ai en ma jeunesse pas mal fréquenté les acteurs (et même quelque peu aussi

les actrices). L'art de se travestir, de se grimer, de se maquiller n'est pas

absolument lettre close pour moi. Dans ces fonctions spéciales je puis prendre

tête et rang de chanoinesse puisque l'un et l'autre peuvent être conférés à un

laïque, et bien que ce titre donne strictement droit à un costume religieux

spécial. Quelle tête aurai-je au milieu de toutes ces jeunes filles ? Pour bien

fixer ce point important je vais, par un croquis rapide, indiquer ma silhouette

telle que je la vois au milieu de mes jeunes élèves. Je me suis fabriqué un cos-

tume et fait une tête et un teint de chanoinesse tels que je conçois le tout, et

me voilà au milieu de mes élèves, agenouillé au milieu d'elles, également age-

nouillées comme moi, car la classe du jour n'a pas encore commencé ; et, au

168 B. PAILHAS

début de la leçon nous implorons le secours d'en haut en récitant l'hymne :

« Veni sancte Spiritus » comme l'indique la légende placée en haut du dessin. »

Sur le tableau noir indiqué par les lettres t. n. et qui est assez peu visible, on

peut lire cependant l'équation : ax2 + bx + c = o, vestige de la leçon d'al-

gèbre de la classe de la veille. La légende explicative du] dessin est placée en

bas, tout à fait à gauche de la page ; mais nous reconnaissons qu'il faut des

yeux de lynx pour la retrouver. Elle est ainsi conçue : La chanoinesse

Marie X... faisant sa classe. Quant aux têtes des jeunes élèves, si vaguement

indiquées, elles sont quelconques et ne touchent aucune personnalité ; il con-

vient de n'y attacher aucune importance. Le trait en zig-zag qui entoure la

tête et le buste de la chanoinesse dans ce dessin assez confus est justement

destiné à indiquer et surtout à remémorer, en cas d'oubli, à l'auteur de ce des-

sin, qu'il ne l'a fait que pour se bien rendre compte de son attitude propre

dans les nouvelles attributions qu'il se confie d'avance à lui-méme.

A la page 31 (même cahier) : « Conception très bizarre et plus gaie que les

précédentes ; très simple avec une pointe de malice et de douce finesse. M. X..

apprécie, plus qu'il ne saurait le dire, le coeur, l'immense bonté d'âme, l'acti-

vité d'Adeline (nom imaginaire qu'il attribue à l'une des directrices de quar-

tier). le tout joint à une franchise toute simple qui ne se dément jamais, à une

intelligence riante et un parler un peu sans façon qui n'est pas sans charme.

Il la voit très bien en laïque. Elle lui a parlé maintes fois d'un certain papillon

bleu dont il est question dans une mélodie de Dupont. D'autre part lui-même,

dans son for intérieur, s'est comparé souvent à un vieux papillon. Adeline con-

naît ses goûts de fumeur; elle lui a même déclaré très sérieusement qu'elle se

sentirait très capable de fumer si c'était absolument nécessaire. D'où la concep-

tion du dessin : Le papillon symbolique (c'est M. X... lui-même) voltige autour

d'Adeline qui ne sait pas trop où il veut en venir. Dans sa sage méfiance,

elle extirpe délicatement de sa poche un délicieux sénorita, l'allume, en tire

quelques bouffées, et, d'un petit air sournois, le présente gracieusement au

papillon du côté embrasé. Ce dessin porte une légende un peu étrange : Adeline

offrant un cigare à un vieux papillon.

Aux pages 35 et 36 (même cahier) : « Nous avouons humblement que nous

aimons beaucoup, beaucoup, le croquis de la page 39. Au moment de sa con-

fection, M. X... a. voulu saisir l'inspiration au vol. Et, pour se rappeler sûre-

ment, en le revoyant plus tard, la psychologie particulière qui le lui a inspiré,

il l'a noté immédiatement d'indications particulières et personnelles d'un carac-

tère tellement intime que seulement à un confident aussi discret que M. Pailhas

on peut en faire connaître le sens. Le croquis est grossier certainement. Le

coup de crayon est dur et manque de souplesse ; le modelé, mauvais. Mais

quelle puissance d'expression Faisons pour un instant abstraction d'indications

particulières, intelligibles pour les seuls initiés, l'auteur M. X... et M. le doc-

teur Pailhas. Si nous avions un titre à donner à ce croquis, qui pourrait très

bien, une fois embelli, amplifié, détaillé, complété, devenir un vrai sujet de

tableau, nous l'intitulerions simplement : Métamorphose...

Au point de vue artistique, la genèse du croquis peut s'expliquer en bien

NOUVELLLE Iconographie DE la SALPE1'R1RE

T. SYI. Nl. SX1Y

DESSINS D'ALIÉNÉS CIRCULAIRES

(Pailhas).

(Observation 1)

Masson et Ce, Éditeurs

Phototypte ilerllmud, Paru

DESSINS ET MANIFESTATIONS D'ART CHEZ DEUX .ALIÉNÉS 169.

peu de mots : M. X... se propose de faire une étude d'arbres (or il n'a que des

acacias sous la main), mais une étude d'arbres au point de vue symbolique, en

donnant à chacun la forme générale d'un corps humain plus ou moins connu

de lui ou d'un corps de fantaisie plus ou moins extra humain, fantastique ou

mythologique. Il jette un coup d'oeil sur le premier acacia venu. « Sera-t-il

Dieu, table ou cuvette ? » Voilà un tronc et un branchage qui rappelle un

tronc de femme, les bras tendus au ciel dans une attitude tourmentée, sup-

pliante ou voluptueuse, dans tous les cas, passionnée. Nous allons en faire une

femme adorant le soleil ou une courtisane sacrée implorant Vénus la Blonde.

A qui ressemble la tête ? Ah ! mon Dieu, c'est à madame S... (l'une des reli-

gieuses de l'Etablissement); ma foi, tant pis pour elle : l'art est l'art. Vite le

crayon ; voilà mon croquis bâclé ! Sur la page d'à côté, collection des noms de

quelques-uns ou quelques-unes de mes amis ou amies en faveur desquels je

prierai Messieurs les arbres de vouloir bien prendre les attitudes les plus.

étranges pour peupler mon album de tout un petit monde d'acacias familiers

et amicaux en même temps ornés (pour mon usage personnel seulement) de

noms connus. C'est toujours M. X... qui parle. Et voilà comment « Baucis

devint tilleul, Philémon devint chêne ». '

Je pourrais poursuivre ainsi l'explication de très nombreux croquis que

M. X... ébauche et dispense autour de lui, aux jours des crises, dire encore

comment, naguère, rencontrant dans sa cour un crapaud desséché, il vit dans

la tête du batracien certaine ressemblance avec la conformation du visage de

l'une des infirmières et trouva là un motif de dessin aussitôt accompagné de

cette inscription : « Portrait de Mme L... en grenouille momifiée ».

Toutefois, partout et toujours, la préoccupation dominante de ses crises, ou

tout au moins la plus stable, demeure celle de son inclination pour M... Comme

don Quichotte à l'égard de Dulcinée, il lui reste invinciblement uni par les

liens de la plus affectueuse obsession. Et c'est pour cela qu'en dépit des écarts

de sa pensée, ces deux ligures couplées, Elle et Lui, renaissent sans cesse sous

son crayon, variées comme toutes les représentations de sa fougueuse imagina-

tion, prenant tour à tour les formes d'un St-Augustin et d'une Ste-Monique

(PI. XXIX), d'un prince et d'une princesse quelconques,d'un bel officier et de

son amante, de Cécile et de Fernand, etc. '

J'ajouterai qu'en examinant certains dessins de M. X..., on observera sans

peine, en dehors du symbolisme outrancier qui les caractérise et aussi de. leur

facture éclyvelée, inachevée, conforme à l'agitation et à l'instabilité cérébra-

les du moment, une exagération marquée du coloris répondant certainement

au besoin ressenti par le malade d'examiner plus vigoureusement ses impres-

sions. L'impressionnisme, morbide ou non morbide, est-il, par tendance, autre

chose ? i

Pour ne rien omettre de tout ce qui concerne la verve artistique de notre

sujet, il eût été intéressant de montrer, à côté des croquis, ses accoutrements

infiniment variés, toujours originaux et assujettis à une certaine esthétique,

même au plus plus fort du burlesque et du bouffon.

La photographie eût rempli le but; mais nous eussions craint de manquer

170 B. PAILHAS

de discrétion à l'égard de notre excellent malade. Nous nous bornerons à le

citer encore, taudis qu'il nous expose lui-même en vertu de quelles profuses

associations d'idées il était poussé à entrer non seulement dans la peau

selon l'expression banale mais bien aussi dans l'habit des personnages de

son rêve délirant : c' Revenons, écrit-il, à certaine phase des méditations de

M. X... Je suis enfermé dans un asile d'aliénés, voilà qui est certain. D'une

part, ma mémoire, qui cependant est d'une grande sûreté, ne me rappelle ni

acte ni parole émanés de moi qui ait un caractère déraisonnable; et, d'autre

part et bien que pareilles infamies ne soient pas absolument sans exemple, il

serait par trop dur de penser que, seule, la malveillance administrative ou

du moins de certains agents de l'administration, a amené mon internement.

Quelle pourrait en être la cause ? On m'envoie dans une maison de fous. Mais

alors ce ne peut être à titre de malade (1). Il est évident que le chef de l'Etat,

le ministre, le préfet connaissent certaines de mes aptitudes : un esprit d'ob-

servation assez prononcé, une très grande discrétion, la finesse de l'ouïe très

développée. Ils veulent, à peu près certainement, me confier tacitement une

mission de haute police en m'envoyant ainsi périodiquement dans les maisons

de santé pour voir ce qui s'y passe, recevoir occullement les instructions de

l'administration centrale et fournir aussi des rapports occulles. Il en est de

même du Pape, de tous les chefs d'Etat de l'Europe et même de deux ou trois

souverains asiatiques. Je suis appelé à remplir secrètement et mystiquement

un très grand rôle dans la destinée des Empires. M. X..., comme de juste, se

garde bien de faire part à qui que ce soit de ses immenses conceptions, mais

il en est plein, et elles enivrent un cerveau beaucoup plus modeste à l'état

normal. Pensant qu'il est très probablement aussi chargé d'affaires tacite,

toujours de S. M. Alphonse XIII, il tient à être bien au courant de tout ce

qui concerne les titres et qualités de ce souverain, et copie sur un journal les

renseignements donnant tous les titres et qualités de ce souverain ainsi qu'on

peut le voir aux pages 14 et 15 de l'album. Il sait parfaitement que, dans le

cours ordinaire de la vie, en Europe du moins, ce sont précisément les person-

nages investis des plus hautes fonctions qui s'habillent avec la plus simple et

la plus sobre élégance. Mais il se dit aussi : « Pour le moment je dois passer

inaperçu, ignoré, et, de plus, les fonctions particulières de police qui m'incom-

bent m'obligent à une grande discrétion, même dans la tenue. Mais je suis

chargé secrètement toujours de titres, d'ordres, de décorations. Il se

peut que je sois obligé un jour, dans quelque grande cérémonie officielle, de

revêtir un somptueux costume de parade. Combinons-le à mon goût, car il est

permis dans les grandes circonstances de rechercher le grandiose, l'eget. Et,

puisque je n'ai à ma disposition, pour arriver à ces grands effets, que les misé-

rables vêtements de travailleur indigent et sordide que la prévoyance un peu

exagérée des dames du B. S. met à ma disposition, de peur qne je n'abîme les

(1) On ne saurait, à mon sens, trouver de meilleur exemple pour démontrer le

procédé de mutation syllogislique de l'idée de persécution en délire mégalomaniaque,

ainsi qu'il doit parfois arriver dans l'évolution des psychoses et tout spécialement dans

le délire de persécution il évolution systématique ^type Dabret Magnan).

DESSINS ET MANIFESTATIONS D'ART CHEZ DEUX ALIÉNÉS 171

costumes faits par mon tailleur habituel, utilisons ces haillons pour combiner

le projet, le schéma du costume de parade que je puis être appelé à porter un

jour soit à Rome, soit à la cour de Moscou ou de Berlin, soit même à Constan-

tinople devant le commandeur des Croyants ou dans le palais du Shah de

Perse. Mais, au fait, il y a eu entre mes ancêtres et les princes de Valois et de

Bourbon certaine parenté fort éloignée ! ! Je suis quelque peu eu droit de

traiter de cousin LL. MM. Alphonse XIII, roi d'Espagne et Don Carlos, roi de

Portugal. Ils m'ont donné, je crois, quelque grande importance dans leur

garde ou leur armée. Ce ne sont pas les flatteuses distinctions qui me man-

quent, et je crois bien me rappeler que je suis commandeur de l'ordre du

Christ de Portugal. Mon costume doit donc affecter à la fois un caractère ecclé-

siastique pour flatter le St-Père et aussi un caractère militaire un peu dans

le même'but, puisque j'appartiens aux gardes-nobles, et beaucoup dans le

but louable d'être agréable à mes cousins Carlos, Alphonse, Guillaume II,

Nicolas II, Abd-ul-Hamid, Edouard VII, Sa M. Wilhelmine, François Joseph,

Georges II, etc. Et M. X..., caressant ces flatteuses chimères, s'entoure de

tous les chiffons, cordons, bandes d'étoffes, ficelles, qu'il peut trouver, pour

composer le patron, assembler les éléments de ce costume splendide. Il recueille

avec un soin jaloux, toutes les lattes, baguettes, fils de fer que son oeil un peu

fureteur découvre à droite et à gauche, pour fabriquer des modèles d'épées,

rapières, yatagans, sabres droits ou courbés, etc. Ceci explique les mesurages

auxquels il se livre certains jours et aussi certaines annotations de la page 15,

écrits au crayon vert. Tout plein d'une ardeur fébrile pour la costumerie, il

projette de se fabriquer, s'il peut trouver des pièces d'étoffe, torchons et car-

tons suffisants, de se confectionner des modèles de culotte et de bottes à l'écuyère.

Aussi il prend les mesures et note immédiatement : Tour des cuisses... 0,61 ;

tour de cou pour hausse-col, cravate, etc. (1).

Le second de nos malades, Y..., a actuellement 66 ans. Interné, une pre-

mière fois en 1882, pour une crise de lypémanie suicidique, il fut libéré, comme

guéri, à la date du 10 novembre 1883. Réintégré le 21 octobre 1897, il se

signalait alors par une crise de mégalomélancolie anxieuse, se prétendant le

dernier des misérables, Lucifer, se disant incapable de penser sans outrager

(1) Comme supplément des dessins originaux de M. X... nous donnons une image pho

tographique reproduisant une façon de fresque dont notre malade (Pl. XXX), actuelle-

ment en crise,a décoré l'une des murailles de sa cour. Elle a un mètre de haut sur un

mètre cinquante de largeur,et représente,en forme d'allégorie le très récent revirement

de ses amours : Madeleine a cessé de lui plaire ; en bon lapin qu'il reste,et en dépit des

poursuites de celle-ci (figurée en lionne), il se précipite hardiment vers Geneviève, au

risque de la renverser et de lui passer dessus. A noter que Madeleine et Geneviève sont

les désignations sous lesquelles 11.X..vise la personne de deux infirmières de [établis-

sement. Le malade a accompagné son dessin d'une explication : a) Scène cynégétique.

b) Explication du tableau. La victime (Geneviève). Le lapin (Fernand). La lionne

(Madeleine).

t , ii^a

172 B. PAILHAS

ce qui est saint et respectable, s'entendant appeler Caïn, incité au suicide.

Une amélioration assez prompte, mais suivie d'une longue observation à l'asile,

aboutissait à une deuxième sortie, en avril 1898. Le 9 juin de la même année

il était ramené à l'asile après tentatives de suicide par pendaison et section du

cou à l'aide d'un rasoir.

' Comme on le voit, jusqu'à ce moment les crises d'exaltation avaient pris

chez M. Y... un caractère lypémaniaque, et cette orientation de son affectivité

trouvait très logiquement sa raison d'être dans des chagrins de famille malheu-

reusement trop fondés. Mais, dès cette époque, l'évolution de la maladie, doré-

navant soumise tout entière à mon observation, se montrait nettement cir-

culaire et substituait aux périodes d'exaltation lypémaniaque des périodes

franchement maniaques se succédant à intervalles variables et prenant tour

à tour les formes de la recherche scientifique et inventive, de la scribomanie

érotique et lascive, de la décoration artistique par la peinture, sculpture, mode-

lage, de l'auto-observation médicale, etc. A ces états d'excitation qui, très

exceptionnellement, ont pris le caractère d'un réel délice, succédaient des

stades de dépression, des sentiments de lassitude et de stérilité intellectuelle.

Alors, comme aujourd'hui, le malade se rendait compte de ces fluctuations de

tout son être et déclarait s'y soumettre passivement : « C'est par « éclusées »,

nous a-t-il souvent répété, par « tension de cumul cérébral », que la facilité

pour le travail s'offre à mon esprit. Il est de(épor¡ues ou rien ne vient, puis

tout d'un coup mou cerveau devient comme un cristal où l'idée élastique se

meut sans fatigue, avec la rapidité de l'éclair, et j'ai constaté que les heures

du jour les plus favorables à mon pouvoir de conception, étaient celles du

matin, à partir de 2 heures. »

En 1900, nous voyons Y... suractivement occupé à inventer et à réaliser

des « clous » pour l'exposition de Paris. Dans la suite, son ingéniosité natu-

relle trouve mille moyens de s'exercer,-et, tour tour, ateliers de forge, de

menuiserie et de cordonnerie, etc., sont par lui mis à contribution pour réa-

liser des oeuvres disparates, habituellement empreintes de sa bizarrerie, portant

la marque d'une imparfaite éducation artistique, mais traduisant toujours une

très réelle habileté. -

Alors qu'il n'avait jamais rien modelé, nous l'avons vu faire son propre

buste au moyen d'un mélange de sciure de bois et de colle forte, établissant

les rapports et les proportions des parties il l'aide du compas (son instrument

de travail professionnel) et parvenant ainsi à donner une assez parfaite, mais

rigide ressemblance à des matériaux géométriquement édifiés.

Il m'a été permis de faire photographier quelques-unes de ces oeuvres. Celles

que j'ai reproduites m'ont paru s'identifier plus spécialement avec la personna-

lité morbide de Y..., puisque le malade lui-même se complaisait, en les exécu-

tant, à exprimer sous les apparences d'un symbolisme plus ou moins bizarre et

en rapport avec son déséquilibre constitutionnel, des sentiments pénibles et

puisés aux dures réalités de sa vie (PI. XXX et XXXI).

Là, il s'inspire surtout de ses démêlés conjugaux, et c'est ainsi que confec-

tionnant à l'aide de rameaux ingénieusement agencés, une sorte d'arbre symbo-

Nouvelle Iconographie DE la SALPhTRIÈRE.

T. XXI. Pl. XXX

PRODUCTIONS ARTISTIQUES D'ALIÉNÉS CIRCULAIRES.

. (Pailhas) .

A. Obs. I. Malade Y. - Fresque dont le malade a décoré un mur.

B. Obs. II. Malade Y. - Ouvrage miniature.

Masson & Cie, Éditeurs

Phototypte Berthaud, Pari

NOUVELLE Iconographie DE la SALPÊTRiàRF

T. XXI. Pl. XXXI

PRODUCTIONS ARTISTIQUES D'ALIÉNÉS CIRCULAIRES

(Pnil has) .

Arbre symbolique du malade Y (Obs. II).

DESSINS ET MANIFESTATIONS D'ART CHEZ DEUX ALIENES 17

lique, après y avoir disposé, au pied et dans les branches, toutes sortes d'ani-

maux, de fruits et de victuailles, hétéroclites et modelés avec de la mie de pain,

lui-même se met en scène, au bout de l'arbre, jouant narquoisement du fifre

devant sa femme qui, tout en lui offrant de la main une pomme, lui réserve

le serpent que son autre main dissimule derrière le dos. A l'un de ses parents

auquel il adresse l'oeuvre, il écrit : 'C Tu verras là une quantité d'animaux d'une

signification énigmatique. Tu y verras aussi Y et Z (sa femme), aux mollets

de laquelle les singes s'apprêtent à grimper pour les lui gratter seulement.

L'ensemble du clou constitue une grosse malignité suivie de défi... »

Ce travail accompli, Y... ne tardait pas à nous apprendre qu'il allait bientôt

en exécuter un autre, à peu près semblable, où, au bas de l'arbre, seraient

représentés les quatre âges de la vie; que, toutefois, l'heure de l'entreprendre

n'était pas encore venue, qu'il attendait ses « éclusées » d'inspiration. Ce

second arbre symbolique, peuplé de multiples personnages reproduisant les

quatre âges et de toute une populeuse faune suspendue aux branches, bien que

longuement élaboré, est resté inachevé par suite du départ du malade. L'une

des photographies en donne assez bien l'idée.

Une troisième oeuvre, dont j'ai pu aussi apporter la reproduction, emprunte

aux circonstances familiales ci-dessus indiquées une signification étrangement

et lugubrement expressive. Ici c'est lui seul qu'il représente, assis devant sa

table de travail, méditant tristement sur sa situation présente et future, te-

nant de sa main l'emblème de sa misère conjugale, regardant en face son pro-

pre squelette et se disant : « Voici ce que tu es ; voilà ce que tu seras. »

Ce travail miniature (1), dont le malade s'est jalousement réservé la propriété,

est un petit chef-d'oeuvre d'ingéniosité. Le squelette, composé de tous ses os

longs, est articulé et disposé pour faciliter jusqu'à la supination des deux os

de l'avant-bras. Des lanières de cuir savamment découpées, composent les

côtes et les cartilages costaux et assurent leur flexibilité (Pl. XXX).

Et telles sont ces deux observations, intéressantes et tout au moins bien

propres à montrer sur le fait, dans un domaine morbide, la relation de

certaines manifestations d'art et de certains processus psychiques inter-

mittents. '

Si malgré la qualité intellectuelle des sujets et la relative valeur de

leurs productions, elles ne suffisent point établir de toute évidence que,

dans l'ordre normal, ces mêmes rythmes intermittents ou cycliques con-

ditionnent toutes les manifestations du talent -- qu'il soit artistique, lit-

téraire ou autre, elles font assurément entrevoir qu'il doit en être

souvent ainsi, et tout particulièrement dans ce que l'on dénomme l'ins-

(1) Le verre à boire sur lequel R. a fait asseoir son squelette indique bien les

dimensions de l'ensemble.

174 B. PAILHAS 1

piration et qui correspond si bien à « l'éclusée » psychique de l'un de nos

malades.

En tout cas rien ne saurait mieux expliquer comment et par quelle logi-

que Bajenow (1), -de Moscou, a pu hasarder un 'rapprochement entre le

génie (dans l'acception large de ce mot) et les formes périodiques des

psychoses.

(1) Bajenow, In Archives d'anthropologie criminelle, Lyon, janvier 1904, p. 38.

ERRATA .

Dans le n° 1 (janvier-février) 1908, à propos de l'article de M. COURTELLEMONT :

Trophoedème chronique, variété congénitale unique,

page 68, lignes 2 et 3, lire : le cas de Rapin-Long-, observation III du mé-

moire de Rapin, le trophoedème facial d'Hertoghe, le cas de Collet et

Beutter.

page 71, ligue 20, lire : un petit naevus pileux à la face interne de la cuisse

gauche.

page 72, ligne 16, au lieu de Miron, lire Milroy.

page 72, ligne 29, au lieu de Milnoy, lire Milroy.

Le gérant : P. Bouchez.

Imp. J. Thevenot. Saint-Dizier (Haute-Marne).

OEDÈME PERSISTANT HÉRÉDITAIRE

. DES JAMBES

' AVEC EXACERBATIONS AIGUËS

PAR

W. B. HOPE et HERBERT FRENCH.

1 .

- -......-

'Le cas qui nous a fourni l'occasion d'écrire ce mémoire est le suivant :

Alice WherreL, âgée de 18 ans, a été adressée au Guy's Hospital en

1906; elle avait été tenue en observation à Caversham antérieurement

pendant 7 années. Son historique familial est remarquable : on le trouvera

rapporté un peu plus loin dans cet article.

La malade était d'apparence absolument normale lorsqu'elle vint au

monde ; mais en 1888, lorsqu'elle eut atteint son troisième mois, on s'a-

perçut que ses pieds étaient enflés alors qu'il n'existait aucune cause ap-

parente de cette augmentation de volume. Elle fut reconnue par les pa-

rents comme étant le commencement d'une sorte d'infirmité familiale.

L'enfant grandit d'une façon normale, et l'on ne prêta pas une très

grande attention à la façon dont cet « oedème » s'étendit ; mais il n'a été

parfaitement constaté que l'enflure, quoique variant en quantité de temps

en temps, ne disparut jamais ; très lentement il remonta peu à peu. Vers

1899, alors que la fillette était âgée de 11 ans, les jambes, des orteils aux

genoux, étaient toutes deux si enflées que l'enfant dut porter des bandages.

Ils retenaient l'oedème dans une certaine mesure ; sans bandages,les jambes

devenaient énormes.

La petite malade ne présentait d'autre trouble qu'une inflammation

chronique des paupières, laquelle datait de l'enfance. La santé générale

n'était en rien atteinte et lorsque les membres inférieurs étaient entourés

d'un bandage, elle était capable de marcher, de s'occuper très activement.

A aucun moment il n'y eut d'oedéme ailleurs qu'aux jambes.

. Aucune difficulté à respirer; pas de tendance aux engelures ; pas de

troubles gastro-intestinaux capables d'attirer l'attention ; pas trace de phé-

nomène de Raynaud; pas d'urticaire; enfin, rien qui ait une apparence

causale à l'égard de l'entlure ferme des jambes ou qui puisse donner une

indication sur la nature de cet oedème demi-solide.

xxi u 12

178 HOPE ET FRENCH

Celle affection étant commune dans la famille, on n'y prêta que peu

d'attention ; et lorsque, en août 1900, on conduisit la jeune fille au

Dr FIope, ce ne fut pas en raison de ses jambes, mais à cause de ses yeux ;

il y avait alors une exacerbation de la blépharite qu'elle avait depuis sa

naissance.

L'examen ophtalmoscopique montra des disques optiques sains et des

rétines parfaites ; les conjonctives oculaires et palpébrales étaient injectées

du fait d'une conjonctivite aiguë qui s'était récemment développée sur la

blépharite chronique. L'acuité visuelle était de 6/10 pour chaque oeil,

et il existait une légère photophobie. La conjonctivite aiguë fut bientôt

guérie, mais la blépharite chronique resta ce qu'elle était auparavant.

Cette conjonctivite ne fut qu'un accident sans connexion avec l'enflure des

jambes. Celle dernière avait l'apparence d'un éléphantiasis modéré ; l'état t

des jambes est celui qu'on retrouvera en 1906, mais l'oedème était cepen-

dant d'une intensité moindre.L'état des jambes demeura sans changement

de 1899 à 1904 ; c'est alors que survinrent les premières attaques de toute

une série; chacune de ces attaques aiguë et douloureuse laissait après

elle une augmentation de l'oedéme.

Nous nous proposons de donner une relation assez détaillée de ces

« attaques aiguës » parce qu'on né les retrouve pas ou du moins qu'elles

n'ont pas existé en tant que phénomène prédominant dans les cas

similaires de trophoedème héréditaire rapportés par Milroy, Meige,

Rolleston, etc.

Première « attaque aiguë ». Elle survint le 19 janvier 1904 ; la ma-

lade ressentit d'abord une douleur aiguë au pudendum, mais elle ne con-

sidéra pas la chose comme sérieuse. Le lendemain elle se rendait à la

ville voisine ; la marche rendit la douleur au pudendum si intense que

la maladeeut beaucoup de difficulté à faire le chemin de retour. Elle se

coucha aussitôt rentrée à la maison. Sa température était seulement de

97° 4 F., et son pouls battait 74 à la minute, mais elle grelottait malgré

les boules d'eau chaude mises dans son lit. Le-pudendum était dans son

ensemble tuméfié et douloureux, surtout la petite lèvre gauche, et il

existait une tache rouge sur la jointure métatarso-phalangienne du gros

orteil du pied droit. L'enflure des jambes n'était pas augmentée à ce mo-

moment, et l'état local s'améliora peu à peu ; vers le 26 janvier elle était

pratiquement guérie de l'attaque aiguë, le pudendum était redevenu nor-

mal, la douleur avait disparu et les jambes étaient comme auparavant

chroniquement tuméfiées des genoux jusqu'en bas.

Ce fut la seule fois où le pudendum fut affecté, et également la seule

fois où il n'y eut pas d'élévation de température pendant l'attaque

aiguë.

OEDÈME PERSISTANT HEREDITAIRE 179

Seconde « attaque aiguë ». Celle-ci survint le 10 juin 1904 à

6 heures de l'après-midi ; la malade eut une sévère crise de frissons qui

dura une heure et demie. Alors elle vomit quatre fois à de courts inter-

valles, après quoi elle devint très fiévreuse et ressentit une douleur in-

tense et continue dans sa cuisse et dans sa jambe du côté droit, du liga-

ment de Poupard jusqu'à la cheville. Sa température était de 1040 F.

Son pouls battait 126, et sa respiration était de 52 par minute. La cuisse

droite, la jambe, le pied, exactement à partir de la ligne du ligament de

Poupard, étaient rouges, énormément enflés, très chauds au toucher, dou-

loureux, et si sensibles que toute pression sur ce membre inférieur droit

pensait provoquer une défaillance.

Du côté gauche, la cuisse et la jambe étaient chaudes aussi, mais elles

n'étaient ni rouges ni douloureuses, et la tuméfaction du côté gauche res-

tait celle qui existait déjà depuis des années. Les mensurations prises à ce

moment ont donné :

180 HUPE ET FRENCH

NOUVELLE Iconographie DE la Salpltrière.

T. XXI. Pl. XXXII

OEDEME PERSISTANT HÉRÉDITAIRE DES JAMBES

avec exacerbations aigues.

(W. B. Hope et H. French).

A et A'. Alice. - B. Henry. C. Thomas. - D. Emily.

Masson & Cie, Éditeuis

rhoto[yjncn ? Lhtj Taris.

OEDÈME PERSISTANT HEREDITAIRE 181

important de noter que la malade était à présent âgée de 18 ans et qu'elle

n'avait encore été menstruée qu'une fois.

Une attaque courte, mais aiguë, de dérangement mental survint en fé-

vrier 1906.

Le 19 février de cette année-là, elle devint très excitée et loquace, cela

sans cause apparente ; le lendemain elle l'était davantage encore, présen-

tant une expression du visage heureuse, mais inintelligente ; beaucoup

d'exaltation, du délire.

Le lendemain, 20 février, elle perdait ses fèces et ses urines sous elle

et elle délirait à propos d'argent. Le 21 février elle était bruyante et elle

continuait à être malpropre. Cet état anormal se prolongea en mars,

avril et mai, mais en juin la malade s'améliora et sa raison revint tout à

fait. Elle resta au Guy's Hospital du le' novembre au 1er décembre 1906.

L'état de ses jambes à ce moment est montré par les photographies ci-

jointes (PI. XXXII).

Il existait une tuméfaction dure, semblable à celle de l'éléphantiasis, de

la totalité des deux extrémités depuis le ligament de Poupard et le pli

fessier en haut, jusqu'aux orteils en bas. Le pudendum n'était pas affecté

et l'enflure ne s'étendait pas sur le tronc. S'il y avait des régions des

membres inférieurs moins affectés que le reste, c'étaient les surfaces

plantaires des pieds et les orteils eux-mêmes. La tuméfaction semblait

être sous-cutanée, la peau elle-même semblant sèche, seulement mo-

dérément épaissie, et sans décoloration. L'enflure effaçait les contours

normaux des régions, et les proéminences osseuses des malléoles, des

rotules, des grands'trochanters étaient estompées. La tuméfaction était sen-

siblement uniforme sur la continuité des membres, avec de profonds sil-

lons transversaux en travers delà racine des orteils, devant et derrière les

chevilles et derrière les genoux. A la palpation légère toutes ces parties

paraissaient fermes ; mais en exerçant avec le doigt une pression forte et

plus prolongée qu'il n'est nécessaire dans les cas de l'oedème ordinaire,

on pouvait obtenir un godet ; il y avait en somme un réel accroissement

du tissu conjonctif sous-cutané et de l'infiltration, le tout constituant cet

oedème que l'on qualifie parfois du nom de demi-solide.

On prit des radiographies des membres inférieurs et les rayons X n'ont

pas décelé d'anomalie des os. Il ne fut pas possible d'examiner les mus-

cles en détail ; leur pouvoir était certainement insuffisant, car la malade

se tenait debout avec difficulté et elle ne pouvait presque pas marcher. Il

paraît toutefois vraisemblable que cette faiblesse apparente des muscles

devait plutôt être attribuée à des difficultés mécaniques dans leur liberté

d'action qu'à une véritable maladie de la fibre musculaire elle-même. Les

réactions électriques furent examinées, mais la résistance due à l'épais-

182 . HOPE ET FRENCH

seur et à la sécheresse du tégument était si grande qu'aucune contraction

ne put être obtenue avec les courants, faradiques ou galvaniques, que la

malade put supporter au niveau du quadriceps extenseur fémoral ou des

muscles de la jambe dans sa région postérieure. Les muscles tibiaux anté-

rieurs répondaient à un courant faradique supportable ainsi que les longs

extenseurs des orteils et les muscles du dos du mollet, quoique les mou-

vements qui en résultaient pour les orteils et la cheville fussent seule-

ment légers. Ces muscles également donnaient une légère réaction galva-

nique dans laquelle la fermeture de la catode donnait une contraction

plus facile à obtenir que la contraction de la fermeture de l'anode. Tant

qu'on en peut juger, par conséquent, les réactions électriques étaient

normales malgré les difficultés qu'on éprouvait à les obtenir. Les muscles

des extrémités supérieures donnaient tous, et avec promptitude, la réac-

tion normale.

En ce qui concerne la sensibilité, il n'y avait pas d'anomalie. La sensi-

bilité cutanée était présente partout et la localisation était correcte. Le

chaud et le froid étaient bien distingués, la douleur était perçue distincte

du toucher, le sens musculaire était correct et la sensibilité à la pression

était normale si l'on veutbien tenir comptede l'épaisseur des tissus super-

ficiels. Il n'y avait pas d'hyperesthésie cutanée et il n'y avaispas de douleur

du tout. Les pieds eux-mêmes n'étaient pas sensiblement plus froids que

ceux des autres malades du service à la même époque.

Les organes respiratoires étaient parfaitement normaux.

L'appareil digestif était sain selon toutes les apparences. La langue

était propre et humide, les dents bonnes, l'appétit satisfaisant : aucune

tendance aux nausées ni aux vomissements, et les intestins fonctionnaient

régulièrement. Ni le foie, ni la rate ne pouvaient être perçus ; en somme,

aucune anomalie ne se révèle, et la paroi abdominale est souple et natu-

relle jusqu'au ligament de Poupard, formant une limite nette et précise

où la tuméfaction des jambes commence.

Le système génital n'était anormal que sous le rapport de la menstrua-

tion, qui ne s'est faite qu'une fois quoique la malade ait 18 ans.

L'urine également était naturelle ; sa densité était de 1014, sa couleur

jaune pâle, sa réaction acide; elle était claire, normale en quantité, et elle

ne contenait ni albumine ni sang, ni pus, ni sucre; l'examen microscopi-

que ne démontra point d'éléments anormaux. Pas d'excès d'indican.

La température variait de 97° F., à 98° 8 F., demeurant la plupart du

temps légèrement au-dessous de la normale.La fréquence du pouls variait t

de GG à 88, et celle de la respiration de 20 à 24. -

Le coeur semblait de dimensions normales et ses sons étaient clairs et

complètement libres de bruits surajoutés. Les artères périphériques qui

oedème PERSISTANT HEREDITAIRE 183

purent être palpées étaient normales ; le maximum de la pression du sang

dans l'artère brachiale prise en différentes occasions par l'appareil Riva-

Rocci modifié par Martin ne fut jamais supérieure à 132 millimètres et ja-

mais inférieure à 120 millimètres de mercure. Il n'existait nulle part de

veines variqueuses ou distendues, et pas davantage de télangiectasies, la

malade avait constaté que ses jambes et ses pieds devenaient rapidement

engourdis et violets dans l'eau froide, mais il ne futpas possible de trouver

de signes évidents de maladie de Raynaud. L'examen du sang ne mon-

tra rien de spécial. Les globules rouges étaient au nombre de .120.000

(par millimètre cube), les leucocytes 8.437 et l'hémoglobine à 80 0/0.

La formule leucocytaire différentielle fut la suivante :

'arbre généalogique

- OEDÈME PERSISTANT HEREDITAIRE 185

sa vie les jambes très enflées ; mais nous n'avons pas pu savoir davantage.

, Il mourut en 1854 à un âge avancé.

Enfants de William Tucker, senior.

DEUXIEME génération. William Tucker eut deux enfants, William

et Hannah. Ce William était atteint des « jambes enflées » et il eut des

« attaques ». Il mourut en 1870. Hannah aussi eut les « jambes enflées »

et des « attaques ». Elle mourut en 1864 à l'âge de 70 ans. Elle avait

épousé un Wherrell, et notre malade et un de ses descendants.

Enfants de William Tucker, junior.

TROISIÈME génération. William Tucker junior eut deux enfants,

Eliza et Alfred. Eliza avait les « jambes enflées » avec des « attaques ».

Elle se maria, mais elle n'eut pas d'enfant, et elle est morte en 1860 de

la fièvre scarlatine. Alfred est encore vivant, il est complètement indemne

de l'enflure des jambes ; ses enfants le sont également, autant qu'il nous

a été possible de nous renseigner sur ce point.

Enfants de Hannah Wherrell (née Tucker).

Hannah Wherrell, fille de William Tucker senior eut plusieurs en-

fants : Elisabeth, Henry, Mary, Hunsley, William, Harriet et Lucy.

Elisabeth, qui avait les « jambes enflées », s'en fut en Amérique ; on

croit qu'elle se noya.

Henry est vivant; il est âgé de 75 ans; de son métier il est nour-

risseur. Il fut atteint pour la première fois de cette enflure des jambes à

l'âge de 9 ans. L'oedème fut de suite persistant, mais il fut retenu par des

bandages. A l'âge de 20 ans il eut la première « attaque aiguë », sem-

blable à celles de notre malade, et depuis il eut de nombreuses « attaques

aiguës », jusqu'à l'âge de 25 ans, époque où il eut la dernière. Il est bien

portant et vigoureux malgré son âge. L'oedème affecte la face dorsale des

pieds et les jambes jusqu'aux genoux; là, il s'arrête brusquement. La

photographie ci-jointe (P1.XXXII) ne montre pas très bien l'enflure, parce

que le malade garde constamment ses jambes bandées, sachant par expé-

rience quel volume elles atteignent lorsque les bandages sont laissés de

côté. Les sillons causés par les bandes se voient très bien. Il y a quelques

mois cet homme eut à mener quelques vaches au marché de la localité, et,

alors qu'il courait derrière elles, les bandages tombèrent et ne purent être

replacés ; lorsqu'il revint le soir chez lui, ses jambes, jusqu'aux genoux,

étaient très grosses ; mais nous n'eûmes pas l'occasion de les photogra-

phier à ce moment. La vigueur de cet homme, malgré son âge, est bien

démontrée par la manière dont il sait courir après ses vaches.

186 HOPE ET FRENCH

Ses enfants, George, Thomas, Henry, Silas, Alfred, Bessie et Ellen

seront de nouveau mentionnés un peu plus loin.

Mary fut normale et elle a eu deux enfants normaux.

Hunlsley fut elle-même normale, mais de ses six enfants, Ellen, Rose,

Emma, et trois autres, l'une (Ellen) eut les « jambes enflées » et les

« attaques aiguës » (V. ci-dessous).

William n'eut pas d'oedème ; il mourut phtisique, sans enfant.

Harriet eut dès sa jeunesse les~ « jambes enflées » et les « attaques

aiguës ». Elle mourut à sa première couche et l'enfant était mort-né.

Lucy est normale et elle a un enfant normal.

Enfants de Henry Wherrell.

Quatrième génération. George Wherrell est vivant et en excellente

santé corporelle, mais il est d'intelligence extrêmement pauvre. Il est

libre d'oedème, mais il est si lourdeau et si bête qu'il est à peine capable

de gagner sa vie et qu'il est la risée de ses compagnons de travail. Il a

deux enfants en bas âge ; ni l'un ni l'autre ne sont atteints jusqu'à pré-

sent de l'infirmité héréditaire.

Thomas Wherrell qui est actuellement âgé de 48 ans a les « jambes

enflées » dans une mesure assez modérée, et il a aussi souffert des « atta-

ques aiguës ».

Son état actuel n'est pas mieux venu sur la photographie (PI. XXXII)

que celui de son père Henry,et cela pour la même raison, c'est-à-dire que

ses jambes sont toujours maintenues par un bandage. L'oedème est davan-

tage marqué sur la jambe droite que sur la gauche, mais les deux jambes

sont affectées jusqu'aux genoux et pas plus haut ; la photographie fut prise

immédiatement après l'enlèvement des bandages ; elle montre des sillons

et des plis comme la première. L'intelligence de cet homme est très satis-

faisante, mais il manque de hardiesse et d'énergie; de telle sorte qu'il a

abandonné une position de confiance pour en prendre une moins rétri-

buée afin d'échapper à toute responsabilité. L'enflure des jambes sur-

vint lorsqu'il eut atteint l'âge de 18 ans. A trois reprises, pendant les deux

dernières années, il eut des « attaques » que nous n'avons pas vues, mais

qui nous été décrites par une personne qui vit l'une d'elles.

A 7 heures du soir environ, il revenait de son travail et causait à un

homme lorsqu'il tomba soudain à terre, se débattant des deux bras et des

deux jambes, l'écume à la bouche. La convulsion dura environ 20 minu-

tes. Lorsqu'il revint à lui, n'avait pas la notion de ce qui était arrivé. Il

est possible que l'attaque fut de nature épileptique. La dernière fois il

descendait d'une échelle lorsque la crise le prit. Il tomba sur le sol et se

fit des contusions sérieuses. Il dit que deux jours avant que vienne la crise

il a un « serrement » dans sa voix.

DL : h1 PERSISTANT HÉRÉDITAIRE 187

Nous avons des renseignements sur deux « attaques aiguès » dans ses

jambes ; elles furent semblables à celles que nous avons décrites chez sa

fille Alice. Le 10 novembre 1904, vers 11 heures du matin, alors qu'il

était au travail, il fut tout à coup saisi d'une douleur dans l'aine droite.

Ceci fut immédiatement suivi de frissons. Il eut ensuite des douleurs dans

le dos et dans la hanche. A l'examen il existait une large tuméfaction dou-

loureuse à la face postérieure de la cuisse droite, et le genou droit était

rouge, douloureux et un peu enflé.

Il n'y avait pas de veine variqueuse malgré que quelques-unes sem-

blaient dilatées et gorgées de sang. La partie supérieure de la jambe était

normale. Le tiers inférieur de la jambe, la cheville et le pied étaient aug-

mentés de volume, rouges et douloureux. Le lendemain la température du

malade était de 100° F., la fréquence de son pouls 100, et celle de la res-

piration 28 par minute. Il n'y avait rien d'anormal dans les bruits du

coeur ; tous les viscères semblaient en bon état. La cuisse était alors moins

enflée, et le genou moins volumineux et moins rouge. Le pied et la che-

ville étaient encore rouges et enflés, mais ils n'étaient plus douloureux ni

sensibles. Le 12 novembre la température était de 100" 2 F., ; le pouls

était à 90 et la respiration à 24 par minute. A ce moment,de l'herpès s'était

développé sur les lèvres et sur le nez. L'enflure de la cuisse avait à peu près

disparu, le genou semblait normal,et l'oedème du pied et de la cheville était

moindre et pouvait être enfoncé à la pression. La rougeur s'était étendue

un peu au-dessus du pied. Le 13 novembre la température était à 99° F.,

le pouls à 80, la respiration à 20. Il existait une aire de rougeur sur le-

triangle de Scarpa du côté droit, s'étendant 'de là vers le bas en suivant

le trajet des vaisseaux fémoraux jusqu'autour du creux poplité.

Le 14 novembre la température était tombée à la normale. La rougeur

au-dessus du genou était disparue à l'exception d'une petite région à la

partie supérieure du triangle de Scarpa. Le pied et la jambe étaient moins

enflés et moins rouges ; le lendemain, le malade était revenu à son état

normal d'oedème, l' « attaque aiguë » ayant duré 4 jours, et ayant disparu

spontanément sans laisser après elle un surcroît d'oedème.

La deuxième « attaque aiguë » qui ait été observée commença le 31 mai

1907. Il venait de cesser le travail à G heures de l'après-midi quand il

commença à frissonner, et pendant son trajet du relour à la maison il eut

un vomissement. Les frissons continuèrent jusqu'à 8 heures, moment où

sa température s'éleva beaucoup. Sa jambe droite, qui lui faisait mal de-

puis 4 heures de l'après-midi, commença à enfler vers 8 heures. Le len-

demain matin sa température était de 103° F., la fréquence du pouls de

108 par minute. La jambe droite était chaude, plus enflée que d'habitude,

et douloureuse jusqu'au bord supérieur de la rotule. Deux jours plus

188 HOPE ET FRENCH

tard, le 3 juin, la température était à 98° F., la fréquence du pouls-à 78

par minute, la douleur de la jambe s'en était allée et l'enflure était reve-

nue à son état habituel.

Ces attaques sont toutes de même caractère, elles sont assez pénibles,

mais elles passent assez vite.

Henry fut normal. On ne sait s'il a des enfants.

Silas n'a pas les « jambes enflées ». Il a eu des convulsions dans son

enfance. Il est lent dans sa parole et dans ses mouvements, mais il se

porte bien.

Alfred est normal.

Bessie commença à avoir les « jambes enflées » à l'âge de 9 ans et

l'eedéme s'étendit progressivement jusqu'à ce qu'il eut atteint les han-

ches, comme chez notre propre malade. Elle eut également plusieurs

« attaques aiguës », mais nous n'avons pu avoir de renseignements sur

aucune d'elles. Elle se maria, se mit à boire, et mourut en 1901, laissant

cinq enfants dont l'un, une fille, a déjà les « jambes enflées ». Les en-

fants sont en Egypte et il nous a été impossible d'avoir de plus grands

détails les concernant.

Ellen est normale.

Les enfants de Mary Wherrell.

Mary, fille d'Hannah Wherrell, eut deux enfants, tous deux libres du

mal aux jambes.

Les enfants de Hunsley Wherrell.

Hunsley, fille de Hannah Wherrell, eut 6 enfants.

De ceux-ci, Rose, Emily et trois autres sont tous normaux.

Ellen souffre à la fois des « jambes enflées » et elle a eu des « atta-

ques aiguës » ; nous avons pu l'examiner grâce à l'obligeance de son mé-

decin ordinaire, le Dr Mead. Elle est maintenant âgée de 39 ans. Jusqu'à

l'âge de 21 ans, elle était de santé parfaite ; alors sans cause apparente ses

jambes commencèrent à être affectées de l'infirmité familiale. Autant qu'elle

peut se le rappeler, le mal fut d'abord remarqué au niveau des genoux,

et de là, très graduellement, il s'étendit en descendant sur le pied et sur

les orteils. Sa première « attaque aiguë » survint lorsqu'elle avait 36 ans,

quinze ans après le début de l'oedème, apparemment sans cause. Les

« attaques aiguës », quoiqu'elles aient été bien tardives, sont maintenant

très fréquentes, et il. ne se passe pas plus de trois mois entre l'une et la

suivante; cependant, exceptionnellement, pendant sa dernière grossesse,

elle n'en eut aucune. Les deux jambes ont été attaquées; une fois la

jambe gauche fut prise avant que la jambe droite ait été entièrement

OEDÈME PERSISTANT HÉRÉDITAIRE 189

guérie ; mais d'ordinaire chaque « attaque aiguë » a été strictement uni-

latérale.

La malade dit d'elle-même qu'elles se produisent juste avant la période

menstruelle ou immédiatement après ; elles commencent par un besoin de

bâiller et de s'étirer, après quoi viennent des frissons et une douleur in-

tense dans l'aine. Les frissons durent environ 15 minutes, les mains de-

viennent toutes bleues et la jambe devient rouge, plus enflée que d'habi-

tude. Elle se trouve dans l'obligation de rester au lit trois jours, après

quoi elle peut se lever et vaquer à ses occupations qùoique elle reste un

jour ou deux encore mal en train.

Son état est le suivant :

Les orteils sont tuméfiés sur leur face dorsale ; il y a un sillon trans-

versal profond indiquant la place des articulations métatarso-phalangien-

nes ; les surfaces plantaires des pieds sont à peu près normales, mais le

dos du pied est enflé et entouré d'un sillon profond au-devant de l'articu-

lation de la cheville ; les mollets sont uniformément oedématiés, malgré

qu'ils soient constamment entourés d'un bandage ; les rotules et les con-

tours osseux au niveau du genou ne peuvent être perçus ; les cuisses sont

très augmentées de volume, l'oedème s'étendant jusqu'à la hauteur du liga-

ment de Poupart des deux côtés,et là il cesse brusquement. La vulve n'est

pas prise. Il n'y a pas d'ulcération ni de cicatrice. Malheureusement la ma-

lade refuse de se laisser photographier et nous le regrettons beaucoup

parce qu'elle présente l'enflure familiale mieux que ne le font les autres

cas que nous avons photographiés à l'exception d'Alice Wherrell elle-

même. Les mensurations des jambes d'Ellen prises le 17 septembre 1907,

immédiatement après l'enlèvement des bandages qu'elle porte toujours,

sont les suivantes :

Circonférences maxima :

190 HOPE ET FitENCII

, -

Les enfants de Georges Wherrell.

Cinquième génération. Il y a deux enfants qui jusqu'à maintenant ne

présentent aucune tendance aux « jambes enflées ».

Les enfants de Thomas Wherrell.

Thomas Wherrell a enfants et 2 d'entre eux sont atteints de l'infir-

mité.^ -

Alice, âgée de 18 ans, est la malade dont l'observation est le point de

départ de tout ce travail ; son état a été décrit en détail ci-dessus.

Mary qui vient après est normale; Edith, la troisième, est aussi nor-

male jusqu'à présent. Emily, maintenant âgée de 12 ans, a commencé à

être atteinte de l'oedème des jambes.

Son état n'est pas encore très mauvais, mais elle est obligée de tenir

constamment ses jambes bandées faute de quoi l'enflure deviendrait ex-

cessive. La photographie ci-jointe (Pl. XXXII) montre très nettement les

dépressions produites dans l'oedème par la chaussure. L'augmentation de

volume est symétrique, affecte moins les pieds que les jambes et elle s'ar-

rête brusquement juste au-dessus des genoux. La santé générale et l'acti-

vité sont bonnes. On ne peut assigner aucune cause à l'oedème. Emily,

comme son père et sa soeur, a été sujette à ce que nous avons appelé les

« attaques aiguës » ; l'une d'elles a été observée,elle commença le 6 juillet

1906 à 6 heures du matin, par une crise de frissons qui dura jusqu'à

8 heures.

Elle eut des vomissements, se plaignit de céphalée et avait une douleur

le long de la face externe de la cuisse droite. A 9 heures du matin sa tem-

pérature était de 109° F. A 4 heures de l'après-midi sa température était

de 103°2 F., et la fréquence de son pouls de 116 par minute. Tous les

viscères étaientsains en apparence. Son pied droit était rouge et enflé. Un

cercle irrégulier de rougeur, large de pouces par devant et de pouces

par derrière, entourait le mollet droit et paraissait beaucoup plus chaud

au toucher que la peau avoisinante. Il n'était pas surélevé comme une

plaque d'érysipèle. Les veines, sur la cuisse et sur la jambe, étaient de-

venues plus visibles qu'à l'état normal, mais elles n'étaient pas proémi-

nentes. Un seul ganglion lymphatique, pas très gros, pouvait être palpé

dans l'aine et quelques petits nodules arrondis pouvaient être sentis dans

le tégument autour de la surface rouge. Le lendemain, le 7 juillet, la tem-

pérature était de 102° F. et la. fréquence du pouls de 96 par minute. La

rougeur de la jambe droite était plus générale, le pied était davantage tu-

méfié, et une tache rouge se constatait sur la rotule. La malade était très

souffrante, il lui était impossible de garder dans son estomac même de l'eau.

OEDÈME PERSISTANT HÉRÉDITAIRE 191

Le 8 juillet, la température était de 98° 4 F. ; le gonflement et la rougeur

existaient encore mais considérablement diminués.

Le 9 juillet, la jambe et le pied étaient encore enflés et nettement rou-

ges ; mais ils n'étaient plus douloureux. La tache rouge du mollet était

entourée d'un piqueté de points de couleur rouge brillant en petit nom-

bre, au contour arrondi. Le 10 juillet la jambe commença à faire mal dans

l'après-midi ; pendant la nuit elle était brûlante, et le 11 juillet, elle était

rouge et enflée comme au commencement de l'attaque. La température de

la peau rougie était de 99° 4 F. prise avec un thermomètre clinique ordi-

naire maintenu sous une lame de coton alors qu'au même moment la tem-

pérature de la jambe gauche prise de la même manière était de 95° 4 F.

La température de la bouche était alors de 102° F. Le 12 juillet la tem-

pérature de la bouche était de 100° F. Le 16 juillet rougeur et douleur

avaient entièrement disparu ; l'enflure persistait; comme on peut le voir

sur la photographie elle est à peu près de même importance aux deux

jambes.

Une semblable « attaque aiguë » survint du côté gauche le 18 juillet

1907.

James, le plus jeune enfant, est normal jusqu'ici en ce qui regarde ses

jambes, mais il est sujet à des attaques d'épilepsie.

Les enfants de Bessie.

Bessie, fille de Thomas Wherrell, eut 5 enfants. Ils sont tous en Egypte

et nous n'avons pu les voir. Nous avons fait une enquête et nous avons

appris que 4 sur 5 sont normaux, mais que le cinquième a déjà les « jam-

bes enflées » ; ceci s'est produit sans cause apparente et semble devoir

prendre la même évolution que chez les autres membres de la famille qui

ont été attaqués.

Les enfants d'Ellen, fille de Hunsley Wherrell.

Ellen a deux enfants, deux garçons, l'un de 10 ans, l'autre de 18 mois;

ni l'un ni l'autre n'ont montré jusqu'ici aucune tendance aux « jambes

enflées ». mais il est trop tôt pour dire qu'ils ont échappé à l'infirmité.

La parenté entre les différents individus dont nous avons esquissé

l'histoire est démontrée dans l'arbre généalogique ci-joint (Voy.page 184).

*

Le diagnostic du cas de notre malade, Alice Wherrell, aurait présenté

des difficultés sérieuses si l'histoire delà famille n'avait pas été aussiexpli-

cite ; mais, étant donnée cette histoire, il est clair que l'état d'Alice se rap-

192 HOPE ET FRENCH

proche beaucoup s'il n'est pas identique avec celui qui a été décrit par

Milroy en Amérique en 1892 sous le nom de « une variété non décrite

d'oedèmes héréditaires », et en France en 1898 et les années suivantes

par Henry Meige sous celui de « trophoedème chronique héréditaire ».

La seule mention que nous ayons trouvée en Angleterre d'une famille

similaire est la description de H. D. Rolleston dans un article sur « Un

oedème héréditaire persistant des membres inférieurs » (1902). La littéra-

ture contient bien un certain-nombre de cas isolés, mais des études d'en-

semble de l'oedème particulier que nous envisageons ont uniquement été

données par les auteurs cités ci-dessus.

Les cas de Milroy sont les plus nombreux ; 22 personnes affectées sur

97 individus en 6 générations. Les cas de Meige sont au nombre de 8 et

ils appartiennent à 4 générations. Les trois cas de Rolleston appartiennent

à 2 générations. Nous-mêmes, comptons 13 cas sur 42 personnes de 5 gé-

nérations. En France cet état morbide est appelé maladie de Meige. S'il

faut avoir égard à la priorité de la description et si la maladie doit porter

le nom d'une personne, elle doit être appelée maladie de Milroy. Si au-

cun nom de personne ne doit figurer dans son appellation il faut l'appeler

« oedème héréditaire persistant des membres inférieurs », comme dit

Rolleston, jusqu'à ce que,sa pathologie étant mieux connue, on puisse lui

attribuer un nom scientifique plus court.

Diagnostic différentiel.

11 est à peine nécessaire d'entrer dans le détail des choses à propos du

diagnostic différentiel. Ceci a déjà été fait par Meige d'une façon très

avisée. Il suffira de dire qu'on peut procéder très rapidement à l'exclusion

des causes cardiaques, pulmonaires, rénales et hématiques ; le myxoe-

dème, quoique pouvant constituer une réelle difficulté pour certains cas,

peut ordinairement être rejeté du fait de l'état normal du reste du corps,

par la présence de la glande thyroïde, parce que l'oedéme est réel et non

seulement apparent et parce que l'administration de l'extrait thyroïdien

n'améliore pas l'état des jambes.

Il est évident qu'il existe une cause locale de l'oedème et trois causes

principales semblent pouvoir être incriminées dans la production d'un

état de ce genre :

1 Obstruction veineuse ou thrombose.

2° Obstruction lymphatique.

3° Erreur dans la manière de se comporter des vaisseaux sanguins ou

des lymphatiques sans qu'il y ait d'obstruction réelle. Névrose vaso-mo-

trice.

OEDÈME PERSISTANT HÉRÉDITAIRE 193

Relations entre les « jambes enflées » et les « attaques aiguës ».

Avant de pénétrer plus avant dans la discussion du paragraphe précé-

dent,il nous semble nécessaire de dire quelques mots sur les rapports exis-

tant entre les « jambes enflées » et les « attaques aiguës » que tous ou

presque tous les malades ci-dessus ont éprouvées. Si « l'attaque aiguë »

avait été le phénomène primitif, il serait très difficile de se prononcer

pour l'exclusion de la thrombose veineuse ou de l'obstruction lymphatique

secondaire à l'inflammation comme cause de l'oedème. Mais le fait très

remarquable est que les « jambes enflées » sont produites graduellement

sans qu'on puisse leur attribuer une cause ; et même dans un cas les

« jambes enflées » existaient quelque vingt-cinq ans avant que des « atta-

ques aiguës » soient survenues.

Par conséquent il paraît clair que les « attaques aiguës » sont plutôt des

accidents concomitants que des facteurs essentiels de l'eedème. Nous ne

savons pas quelle est la nature des « attaques aiguës » ; nous discuterons

à ce propos lorsqu'il nous faudra mentionner l'oedème angioneurotique ;

mais nous sommes fondés à admettre que, bien qu'étant peut-être un

« phénomène vaso-moteur », chaque attaque aiguë a quelque point de

ressemblance avec quelques infections microbiennes temporaires compara-

bles à l'érysipèle. Les frissons, la lièvre, la douleur de la région affectée,

les vomissements qui peuvent se produire à ce moment, font penser une

infection microbienne. Mais d'autre part, les « attaques » sont remarqua-

blement transitoires, et elles ne durent que 3 ou 4 jours ; elles disparais-

sent spontanément sans nécessiter de traitement particulier; et de plus

elles semblent être dépourvues de danger, car aucun de nos malades n'est

mort de septicémie même lorsque les attaques ont été abondamment répé-

tées. En somme nous sommes enclin à penser que les « attaques aiguës »

ne sont pas dues à l'infection ou du moins qu'elles ne sont pas primitive-

ment dues à des micro-organismes, mais qu'il s'agit plutôt de troubles

vaso-moteurs. S'il en est ainsi nous comprenons que l'oedème puisse

exister avant toute « attaque aiguë » et même 25 ans avant elle. Par con-

séquent il n'est pas vraisemblable qu'une des causes ordinaires de la

thrombose veineuse ou de l'obstruction lymphatique soit la raison dé-

terminante de l'oedème auquel nous avons affaire.

Autres raisons d'exclure la thrombose veineuse

ou l'obstruction lymphatique.

En outre de celles que nous venons de citer il y a d'autres raisons qui

nous font éliminer la thrombose veineuse ou l'obstruction lymphatique en

tant que cause originelle de l'oedème. D'abord, c'est la distribution de

xxi 13

194 HOPE ET FRENCH

l'enflure. Les cas rapportés par Meige concordent avec les nôtres sur ce

point que l'oedème est nettement limité au niveau de l'articulation. Chez

Alice Wherrell, pendant un temps, l'oedème s'arrêtait à la cheville ; nous

avons plusieurs cas dans lesquels l'oedème s'arrête aux genoux, et d'au-

tres dans lesquels il finit à la hanche ou à l'aine. L'oedème ne se termine

pas graduellement, mais tout d'un coup et il ne s'étend pas sur la vulve ni

sur la paroi abdominale, bien qu'il puisse atteindre le ligament de Pou-

part. Ceci serait d'une explication difficile si l'obstruction siégeait dans le

pelvis ; et pourtant, quand le gonflement est bilatéral il est difficile de

comprendre comment une lésion qui réalise l'obstruction des veines ou

des lymphatiques peut être bien marquée jusqu'au ligament de Poupart

des deux côtés et ne pas s'étendre dans le pelvis.; cela nous ne l'avons pas

rencontré une seule fois chez les malades dont Milroy, Meige, Rolleston,

nous-mêmes, et les autres observateurs ont donné l'histoire.

De plus l'obstruction veineuse semble bien peu vraisemblable par celle

autre considération que la circulation dans le membre affecté semble être

tout à fait bonne. Un malade de plus de 70 ans qui avait eu un oedème toute

sa vie s'est montré capable de courir après ses vaches et alors, de toute

nécessité, ses muscles recevaient l'irrigation sanguine qu'il fallait. Une

distension visible des veines des jambes est une rareté dans les obser-

vations. Les pieds ne sont pas exagérément froids. L'on peut concevoir

qu'il puisse y avoir quelque anomalie congénitale dans la structure deslym-

phatiques au-dessous du ligament de Poupart; mais en opposition avec

cette idée on peut avancer ce fait qu'il peut se passer vingt années avant

que l'oedème apparaisse, et que lorsqu'il s'est installé il peut s'arrêter au

niveau du genou pendant des années avant qu'il atteigne le ligament de

Poupart; enfin lorsque l'oedème remonte il s'étend d'un seul coup sur

tout le segment qui va du niveau d'une jointure au niveau de l'articula-

tion immédiatement supérieure (Meige). Pour toutes ces raisons, par con-

séquent, quoique ce ne puisse être donné comme une explication très

satisfaisante, nous pensons avec Milroy, Meige, et d'autres, que l'oedème

dans ces observations n'est pas secondaire à des altérations grossières de la

structure des vaisseaux sanguins et lymphatiques, mais à une aberration

présumable des fonctions de ces vaisseaux; il est possible qu'elle soit la

conséquence d'une anomalie dans la fonction des nerfs qui les comman-

dent. En d'autres termes nous croyons que la condition est primitivement

une névrose vaso-motrice.

Relations de ces cas avec les cas d'oedème angioneurotique et ceux

d'autres névroses vaso-motrices.

Il y a trois conditions bien connues dans lesquelles la névrose vaso-mo-

OEDÈME PERSISTANT HÉRÉDITAIRE 195

trice est généralement considérée comme étant à l'origine de l'affection :

C'est la maladie de Raynaud, l'urticaire factice, et l'oedème angioneu-

rotique.

Ces affections sont tellement distinctes dans leurs manifestations objec-

tives qu'il n'est pas du tout surprenant que d'autres manifestations de la

névrose vaso-motrice, à première vue absolument différentes,puissent être

placées à côté d'elles. Nos observations ont peu de chose qui leur soit

commun avec la maladie de Raynaud ; c'est-à-dire qu'il serait bien diffi-

cile de confondre nos cas avec des cas de maladie de Raynaud,quoique, en

plus de leur oedème, le temps froid cause chez plusieurs malades le

bleuissement des mains, qui jusqu'à un certain point ressemble à la ma-

ladie de Raynaud. Semblablement, on ne pourrait pas les prendre pour

des cas d'urticaire factice. On ne pourrait pas non plus,pensons-nous, les

prendre pour une variété d'oedème angioneurotique au sens ordinaire de ce

mot. Néanmoins, il y a nettement des points où l'oedème angioneurotique

et nos cas de maladie de Milroy viennent au contact ; c'est notamment

en ce qui concerne la prédisposition héréditaire si fortement affirmée, et

peut-être les « attaques aiguës » auxquelles nombre des malades décrits ci-

dessus ont été sujets. Il semble vraisemblable que la maladie de Raynaud,

l'urticaire factice, l'oedème angioneurotique et la maladie de Milroy, sont

reliés l'un à l'autre pathologiquement ; mais leurs manifestations ob-

jectives sont si bien définies et si différentes que toutes ces espèces de né-

vroses vaso-motrices méritent des appellations propres. Il est noter que,

en dehors des « attaques aiguës » nos sujets avaient un oedème des jam-

bes absolument indolore, et qu'ils' n'avaient pas du tout de trouble géné-

ral de leur santé, alors que pendant les « attaques aiguës » le désordre

constitutionnel était considérable ; ces vomissements, pendant un temps

très court, ont quelque chose de comparable aux coliques, aux vomisse-

ments que l'on observe souvent au cours des exacerbations de l'oedème

angioneurotique.

Nos « attaques aiguës » étaient si semblables aux exacerbations de l'oe-

dème angioneurotique, tout en restant localisées aux jambes au lieu de

changer de place et d'affecter le corps, le visage, les mains, les bras et la

gorge, que nous sommes très portés à les appeler définitivement «attaques

an51oneurotiques ». Mais nous avons évité de le faire parce que nous ne

pouvons donner des preuves absolues démontrant que nos attaques étaient

bien angioneurotiques de nature.

La coexistence d'autres troubles nerveux dans la famille.

C'est toujours une chose difficile que d'élucider les histoires d'aliénation

mentale ou de crises convulsives dans une famille. Néanmoins il est inté-

196 HOPE ET FRENCH

ressant de faire observer que George,l'oncle d'Alice Wherrell. est de faible

intelligence et la risée du village ; T110111a; son père, a eu 3 attaques qui

ont été très semblables à de l'épilepsie ; Silas est d'esprit lent ; Bessie fut

dipsomane ; Alice elle-même eut une attaque aiguë de manie loquace,

avec du délire; son frère, James, encore tout jeune, à déjà eu beaucoup

de crises épileptiques. Une histoire similaire d'épilepsie chez les membres

d'une famille dont d'autres membres sont atteints de trophoedème* des

jambes a été notée par d'autres observateurs, et le fait est intéressant à

rapprocher de l'angioneurose que nous supposons être à l'origine du

trophoedème.

Points sur lesquels nos cas ressemblent, et points sur lesquels nos cas diffè-

rent de ceux qui ont été rapportés par d'autres observateurs.

Les points sur lesquels nos cas et ceux rapportés par d'autres se res-

semblent sont les suivants :

1° Limitation absolue de l'oedème aux jambes.

2° Absence de toute cause discernable de l'oedème, tant générale que

locale.

3° Forte prédisposition familiale à l'affection.

4° Absence de douleurs dans les jambes pâles et enflées (cela existait

dans nos cas en dehors des « attaques aiguës »).

5° Absence de tout symptôme constitutionnel.

6° Netteté de la limitation de l'oedème à son niveau supérieur.

7° Son occurrence possible aussi bien dans un sexe que dans l'autre

sexe.

8° Persistance de l'oedème une fois qu'il est apparu.

Il y a toutefois quelques points sur lesquels nos cas diffèrent des autres.

Meige, par exemple, insiste sur l'absence des « attaques aiguës » ; elles se

produisaient au contraire d'une façon répétée chez la plupart de nos ma-

lades. Milroy attache de l'importance à la présence de l'oedème au moment

de la naissance ; Meige tient compte de l'apparition de l'eedéme à la pu-

berté ; dans nos cas il n'en est pas un seul où l'oedème ait été constaté à

la naissance, et l'âge auquel il attira l'attention pour la première fois a été

quelquefois l'enfance, tantôt la jeunesse du garçon ou de la fille avant la

puberté, parfois l'oedème n'a fait son apparition qu'un certain temps après

la puberté.

Il n'y a pas lieu' de s'étonner que de telles différences puissent exister,

attendu que les cas rapportés par chaque observateur constituent pour

chacun un groupe qui appartient à une seule famille ; par conséquent,alors

que tous les cas d'un groupe familial ressemblent l'un à l'autre, ils diffèrent

par quelques détails du groupe familial observé par un autre auteur. De

. OEDÈME PERSISTANT HÉRÉDITAIRE 197

petits points de différence cliniques n'indiquent en aucune manière des

différences d'espèce ; il peut très bien s'agir de variations familiales d'un

état essentiellement le même.

Comparaison avec les dystrophies musculaires.

Plusieurs auteurs ont judicieusement comparé cette maladie aux dys-

trophies musculaires ; ces dernières peuvent exister dès la naissance

(formes congénitales), ou bien elles peuvent se développer plus tard

(formes héréditaires). Semblablement le trophoedème des jambes peut

être congénital et exister à la naissance comme dans les cas de Milroy, ou

bien il peut être héréditaire et ne se développer que plus tard et à une

période constante après la naissance (puberté) comme dans les cas de

Meige, ou à un âge variable, comme dans nos propres cas.

Le traitement de cet état.

Il n'est guère besoin de traitement dans la plupart des cas, à l'excep-

tion du bandage solide et constant des jambes. Plusieurs de nos malades

ont atteint l'âge de 70 ans après avoir supporté leur infirmité quelque

soixante ans ou davantage et ils n'ont eu d'autre soin que de retenir leur

enflure par un appareil de bandes maintenues en permanence.

Les « attaques aiguës » bien qu'elles paraissent dangereuses disparais-

sent toutes seules en quelques jours, et tout ce que l'on peut faire pour

calmer la douleur des malades est de les mettre au lit et d'appliquer des

topiques anodins sur les régions affectées.

L'état de notre propre malade ne pouvait être maintenu dans certaines

limites que si l'on retenait l'oedème par le port constant d'un bandage;

tous les traitements qui ont été essayés contre cet oedème se sont montrés

impuissants à amener la moindre amélioration. L'oedème diminuait tou-

jours quelque peu par le repos au lit, et un bandage solide constituait un

soulagement pour la malade qui pouvait se lever et marcher après ce re-

pos. C'est en vain qu'on essaya des traitements médicamenteux de toute

espèce : extrait thyroïdien, diurétiques, purgatifs, iodure de potassium,

mercure, antiseptiques intestinaux, bromure, valérianate de zinc, et

d'autres encore. Rien n'apporta la moindre modification à l'état de la

jambe. Un observateur a obtenu des avantages dans un cas par le traite-

ment électrique, et un ou deux autres ont recommandé le massage. Ce der-

nier peut apporter temporairement quelque diminution à l'oedème ; mais

lorsque l'enflure a atteint un haut degré, comme dans le cas d'Alice Wher-

rell, il semble tout à fait impossible que l'état normal puisse être rappelé.

Le point important semble être de reconnaître de bonne heure la nature

de l'affection et de tenir dès le début les jambes constamment entourées

198 HOPE ET FRENCH

d'un bandage afin qu'un plus fort accroissement de l'oedème ne puisse

survenir. Ce bandage doit être maintenu un très grand nombre d'années,

comme on peut s'en rendre compte par les photographies de nos malades

âgés. Ces deux hommes savent très bien ce qui arriverait si les bandages

étaient longtemps enlevés lorsqu'ils sont debout, et ils ne les ôtent jamais ;

autrement leur photographie montrerait un oedème plus considérable que

celui qu'elles indiquent.

Effets de la grossesse sur l'affection.

Plusieurs filles de la famille se sont mariées alors que l'oerlème était

bien avancé. On eût pu croire que l'oedème des jambes aurait pu cons-

tituer un obstacle fâcheux à la grossesse. Cela n'a pas été le cas, et même

dans une observation où les « attaques aiguës » avaient été fréquentes au-

paravant, leur retour fut complètement suspendu pour tout le cours de

la grossesse. Ce fait que l'étal des jambes n'est pas rendu plus mauvais

par la grossesse constitue peut-être un argument nouveau contre l'obstruc-

tion lymphatique veineuse considérée comme cause; c'est, par conséquent,

une preuve indirecte en faveur de la théorie angioneurotique. '

Transmission par une mère indemne.

Ceci est un point qui intéressera ceux qui se sont occupés des particu-

larités delà transmission familiale : IIunsley, fille d'une personne atteinte

de l'infirmité de la famille, n'en était elle-même pas affectée, mais elle a

transmis l'affection à sa propre fille Ellen. On pourra peut-être plus tard,

et la chose sera intéressante, voir les enfants d'Ellen ayant échappé à

l'affection, donner naissance un jour à des enfants qui en seront atteints.

CONCLUSIONS

La famille dont nous avons donné l'histoire paraît comparable, bien

qu'il y ait quelques différences, aux familles décrites par Milroy, Meige,

Rolleston, et d'autres observateurs.

Le point capital de la maladie dont certains membres de la famille

ont été atteints (13 sujets sur 42 personnes en 5 générations), son carac-

tère le plus saillant, disons-nous, est l'aedéme persistant et indolore d'une

jambe ou des deux jambes survenant apparemment sans cause, et en

dehors de tout trouble constitutionnel de la santé. La maladie a reçu des

noms différents parmi lesquels nous préférons celui de «oedème héréditaire

persistant des jambes», ou maladie de Milroy. L'affection frappe aussi

bien lessujets mâles que les sujets femelles et elle n'est pas par elle-même

nuisible à la vie, quoique dans certains cas l'oedème puisse devenir assez

OEDÈME PERSISTANT HÉRÉDITAIRE 199

éléphantiasique pour rendre la locomotion très difficile ou même impos-

sible, comme dans le cas d'Alice Wherrell. Il y a souvent une histoire d'é-

pilepsie ou d'autres troubles nerveux dans la même famille. Nos malades,

différents en ceci de ceux des autres observateursélaient qu'ils présentaient

ce que nous avons décrit comme des « attaques aiguës » dont nous avons

donné les détails en temps et lieu. Cet état diffère objectivement beaucoup

de la maladie de Raynaud, de l'urticaire factice, et de l'oedéme angioneuro-

tique, mais nous avons des raisons de croire qu'il existe sous ces trois états

morbides et nos cas de maladie de Milroy une condition pathologique

commune, qui est une névrose vaso-motrice.

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SOCIÉTÉ DE NEUROLOGIE DE PARIS

SÉANCE DU 4 JUIN 1905

HYPERTROPHIE SEGMENTA IRE CONSIDÉRABLE

- DU BRAS ET DE L'AVANT-BRAS

1 AVEC

DISSOCIATION SYRINGOMYÉLIQUE DES SENSIBILITÉS,

.

PAR

RENÉ DESPLATS

(de Lille).

M. D ? 31 ans, de Noeux-les-Mines, vient me consulter pour la première

fois à la fin de février 1908; c'est un homme de constitution robuste, de

haute taille, très fortement musclé, bâti en hercule. Son métier (marchand

de vieux fers) lui donne fréquemment l'occasion de soulever de très lourds

fardeaux et il supportait facilement 100 kilos sur ses épaules, jusqu'en

ces derniers temps.

Il vient me consulter, parce que, depuis un an, il a remarqué une di-

minution de la force musculaire dans l'épaule droite et une augmentation

de volume considérable du coude et de l'avant-bras du même côté.

Interrogé sur ses antécédents héréditaires et ses collatéraux, le malade

m'apprend que son père est mort asthmatique, que sa mère et ses quatre

frères et soeurs sont vivants et bien portants. Lui même n'a jamais eu au-

cune maladie infectieuse, n'a jamais eu la syphilis, n'est pas alcoolique.

Jusqu'à l'âge de 21 ans, au moment du service militaire, il ne s'était ja-

mais aperçu de rien d'anormal; puis au service, on remarqua chez lui une

certaine gaucherie dans le maniement d'armes, ce qui provoqua un exa-

men médical; c'est alors qu'on découvrit une anesthésie du membre supé-

rieur droit, qui justifia sa réforme.

De retour chez lui, mon malade reprit son métier sans plus de difficul-

tés que par le passé et ne s'inquiéta pas de sa santé.

Marié à 25 ans, il s'établit à son compte, redoubla ses efforts dans les

travaux de force et n'attacha pas d'importance à nombre de brûlures, de

coupures, qu'il se faisait sans s'en apercevoir et qui se cicatrisaient lente-

NOUVELLE Iconographie DE la SALPÊTRIÈRE.

T. XXI. Pl. XXXIII

HYPERTROPHIE SEGMENTAIRE DU BRAS ET DE L'AVANT-BRAS

avec dissocation syringomyélique des sensibilités.

(René Desplats). ,

HYPERTROPHIE SEGMENTAIRE CONSIDÉRABLE 201

ment. Ces brûlures et ces coupures siégeaient d'ailleurs toujours à la main

droite; on en voit les cicatrices ; il ne s'en inquiétait pas et sa femme

attribuait l'absence de plaintes à sa grande endurance.

Depuis un an seulement, il a remarqué que le bras droit s'oedématiait

et que la force musculaire diminuait dans les mouvements d'abduction; il

ressent, de plus, me dit-il, quelques douleurs vagues dans ce membre.

L'examen objectif révèle un oedème apparent, mais dur et élastique du

bras et de l'avant-bras, surtout accentué au niveau des masses épicondy-

liennes et épitrocliléennes ; les veines du membre sont dilatées, mais il n'y

a pas de rougeur bien nette ; au, toucher, la température du bras droit

paraît un peu plus élevée que celle du bras gauche, mais le thermomètre

ne vérifie pas cette impression (PI XXXIII).

La circonférence, mesurée au niveau de l'épicondyle, donne 39 à droite

contre 33 à gauche, au niveau du biceps 41 à droite contre 33 à gauche ;

au niveau des éminences thénar et hypothénar est égale des deux côtés.

La force musculaire est considérable et paraît égale à droite et à gauche

pour la pression de la main, pour la flexion de l'avant-bras sur, le bras,

pour l'extension de l'avant-bras. L'abduction du bras est, au contraire,

manifestement plus difficile du côté droit que du côté gauche ; le malade

lance son bras, au lieu de l'élever progressivement. Ce fait s'explique

d'ailleurs facilement quand on palpe l'articulation scapulo-humérale, qui

présente des craquements très appréciables. On sent aussi des craque-

ments dans la flexion et l'extension du coude.

Il n'y a pas d'atrophie des muscles de la main, pas d'atrophie apparente

des muscles de l'avant-bras et du bras ; mais à vrai dire l'atrophie pourrait L

se dissimuler sous l'oedème.

Pas de modifications des réflexes tendineux aux membres supérieurs

ni aux membres inférieurs.

Pas de phénomène oculo-pupillaire, pas de nystagmus, pas de parésie

dans le domaine des nerfs crâniens.

L'examen électro-diagnostique ne révèle nulle part trace de D. R., mais

une diminution sensible de la contractilité au faradique et au galvanique

sur le deltoïde et sur les muscles extenseurs de la main sur l'avant-bras.

L'exploration de la sensibilité révèle une analgésie complète à la piqûre

sur tout le membre supérieur droit et sur le thorax, limitée assez exactement

en avant par une ligne tangente au mamelon, en arrière par une ligne

qui passerait par l'angle inférieur de l'omoplate, à gauche par les lignes

médiosternale et médiovertébrale.

Après quelques sommations, il semble cependant qu'au niveau de la

région olécranienne les piqûres profondes soient légèrement perçues. Il y

a du dermographisme. Les divers objets métalliques amenés au contact du

202 ' DESPLATS

membre supérieur droit ou du thorax du même côté ne sont perçus que

comme un simple attouchement du doigt; une éprouvette remplie d'eau

à 70° fournit d'ailleurs la même sensation et cette thermoanesthésie

s'étend un peu plus bas en avant comme en arrière que l'analgésie, à

quatre travers de doigt en dessous du mamelon, à quatre travers de doigt

en dessous de l'angle de l'omoplate.

Dans cette zone inférieure, il semble d'ailleurs que la thermoanesthésie e

est moins accentuée. -

La paroi abdominale, les membres et le tronc du côté opposé, le mem-

bre inférieur du même côté ne présentent à aucun degré ces troubles de

la sensibilité, pas plus d'ailleurs que le cou et la face.

Le simple contact du doigt est partout bien perçu ; il paraît cependant

un peu moins bien perçu sur le bras droit que sur le bras gauche, quand

les effleurages sont très légers. Le sens des attitudes parait émoussé pour

les doigts de la main droite ; si l'on vient à plier l'index, par exemple, le

malade accuse un simple contact. Le sens stéréognostique est complète-

ment aboli, si l'on met dans la main droite du sujet des objets bien connus

de lui tels que sou, canif, ciseaux, il ne les reconnaît pas; si on les fait

passer dans la main gauche, il les nomme imperturbablement. ,

Il y a un léger degré d'ataxie, que l'on apprécie facilement, en ordon-

nant au malade de porter rapidement l'index au bout du nez, au bout de

de l'oreille droite, etc.

Tels sont les symptômes qu'il m'a été donné d'observer chez ce ma-

lade. J'ajoute qu'il ne présente ni rétrécissement du champ visuel, ni

anesthésie pharyngée, ni rien qui puisse faire penser à l'hystérie.

En présence d'un pareil tableau symptomatique j'ai porté le diagnostic

de syringomyélie, que je ne m'attarderai pas à discuter, croyant plus in-

téressant de vous apporter un supplément d'information relatif à l'hyper-

trophie segmentaire qui fait l'intérêt principal de cette observation.

Vous verrez sur les radiographies qui vous sont présentées que l'aug-

mentation de volume du bras et de l'avant-bras ne correspond pas seule-

ment à un oedème des téguments, mais que les tissus profonds et le sque-

lette lui-même y participent (PI. XXXIII).

Les os présentent, en effet, un épaississement considérable, ils sont

manifestement atteints par un processus d'ostéite condensante, ainsi qu'il

est facile de s'en rendre compte, en comparant avec la radiographie du

côté sain : on constate même au-dessus du bec de l'olécrane l'existence

d'unepetite tache grisâtre et il s'agit probablement d'un petit séquestre

détaché de l'humérus ou du cubitus.

J'ai cru que cette observation et ces documents valaient la peine d'être

HYPERTROPHIE SEGMENTAIRE CONSIDERABLE 203

apportés devant la Société de Neurologie à cause de la rareté du fait que je

viens de rapporter.

En effet si la cheiromégatieou hypertrophie de la main décrite pour la

première fois par Charcot et Brissaud (1) a été retrouvée depuis lors un

certain nombre de fois dans la syringomyélie localisée à un seul côté ou

bilatérale [Peterson (2), Holschwenikoff (3)], si l'on a même signalé l'hy-

pertrophie des quatre extrémités. l'hyperdrophie du pied ou podoméga-

lie (4), l'hypertrophie du bras n'a pas encore été signalée à ma connais-

sance.

Dans une communication à cette Société (4 juillet 1907) MM. Raymond

et Lejonne faisaient remarquer que la cl)ieromégaliequi est évidemment un

trouble trophique tout à fait analogue à celui-ci ,peut être d'origine osseuse

ou due à l'hypertrophie des parties molles ou encore reconnaître pour

origine un processus atteignant tous les tissus de la main et le cas qu'ils

présentaient était d'origine mixte.

Il ne me paraît pas douteux que les lésions d'ostéite jouent ici un rôle

important dans l'hypertrophie, bien que l'augmentation de volume des

parties molles soit parfaitement appréciable, et je conclurai moi aussi à

l'origine mixte de cette hypertrophie, sans chercher d'ailleurs à localiser la

lésion du système nerveux qui l'occasionne.

(1) CHARCOT et BRISSAUD, Progrès médical, 1907.

(2) Peterson, Med. Record, 1893.

(3) HOLSCHWENIKOFF. Virchow's Archiv, t. 8, CXIX.

(4) Schlesingbr, Die Syringomyélie, p. 134.

LES TROUBLES PHYCHIQUES DANS LES

SYNDROMES THYROÏDIENS

' PAR

M. LAIGNEL-LAVASTINE,

Médecin des Hôpitaux de Paris (1).

Dans une revue critique des troubles psychiques observés dans les syn-

dromes cliniques dus à des perturbations des glandes à sécrétion interne,

il est indiqué de mettre en tête les syndromes thyroïdiens, car la thyroïde

est la moins mal connue de ces glandes.

Comme son étude a suscité des travaux innombrables, j'indiquerai très

sommairement les résultats acquis, pour m'étendre un peu davantage sur

les points en discussion.

A. - Données nnatoD10-I)hysloloë'ltIUes.

Pour juger le pathologique, il faut avoir le normal bien présent à l'es-

prit. C'est pourquoi je rappelle quelques notions élémentaires.

10 Anatomie macroscopique. - Chez l'homme adulte, le poids moyen

Je la thyroïde oscille autour de 25 grammes. Donc, quand le poids dé-

passe 30 grammes ou est inférieur à 20, la thyroïde est pathologique.

2° Histologie. Chez l'enfant la thyroïde est du type glandulaire avec

lobulation très nette. Les lobules contiennent en proportions variables des

amas cellulaires et des vésicules à contenu colloïde. Entre les deux sont

tous les intermédiaires.Les cellules sont d'autantplus aplaties que la masse

colloïde est plus abondante. Ces cellules épithéliales cylindriques sont les

unes à protoplasma clair, cellules principales de Langendorff, les autres

à protoplasma granuleux fortement coloré par l'éosine, cellules colloïdes

de Langendorff. Ces deux aspects marquent deux moments physiologiques

d'une seule espèce cellulaire.

Galeotti, par son procédé de coloration des granulations intra-cellulai-

res, a mis en évidence une sécrétion fuchsinophile, indépendante de la

formation des boules colloïdes, dans le protoplasma des cellules foncées.

(1) Extrait du Rapport présenté en août 1908 au Congrès des aliénistes et neurolo-

gistes sur les troubles psychiques par perturbations des glandes à sécrétion interne.

LES TROUBLES PRYCHIQUES DANS LES SYNDROMES THYROÏDIENS 205

Chez l'adulte, la disposition lobulée a disparu. Le tissu conjonctif est

réduit à de fins tractus, qui courent entre les vésicules considérablement

agrandies. Leur contenu colloïde est très abondant et leur paroi formée

d'une rangée de petites cellules. Dans les petites vésicules le protoplasma

est assez étendu pour qu'on puisse distinguer les cellules principales de

Langendorff et les cellules colloïdes.

A cause des qualités rétractiles des tissus, les aspects des préparations

varient beaucoup, quant à la largeur des espaces conjonctifs et la grandeur

des vésicules, selon les fixateurs employés. Il faudra donc ne comparer,

pour en saisir le taux pathologique, que des pièces fixées dans les mêmes

conditions.

Cette remarque, faite une fois pour toutes, s'applique à tout examen

anatomo-pathologique.

3° Physiologie. -Pour comprendre la physiologie encore obscure de la

thyroïde, il faut la considérer, avec Garnier, comme une glande à sécrétion

externe et ci excrétion interne.

Il résulte, en effet, de l'histologie que la cellule vésiculaire est bi-po-

laire : la colloïde sort de la cellule par le point opposé à celui qui est en

contact avec les vaisseaux et elle emprunte, pour sortir de la vésicule, les

canalicules lympathiques.

C'est donc une glande en grappe remaniée ; elle a perdu son appareil

excréteur, mais la dissociation, moins poussée que dans le foie, s'est ar-

rêtée à l'acinus.

Jusqu'aux travaux d'Oswald, on reconnaissait à la thyroïde une double

sécrétion d'iodo-thyrine et de thyro-antitoxine.

L'iodothyrine de Baumann, qui guérit le myxoedème, est un antagoniste

de l'iode et le seul antidote de l'atropine.

La tAyrofmo.ï; ! Me de Friinkel n'est pas isolée ; elle aurait une action

cardio-vasculaire.

Au point de vue clinique, ce qui caractérise les thyroïdes et les para-

thyroïdes, c'est l'iode, fait découvert par Baumann en 1895.

L'iodothyrine de Baumann n'existe pas à l'état libre dans la glande ;

elle est combinée aux albuminoïdes (Baumann).

Oswald soutient que la combinaison est une globuline iodée : la thyréo-

globuline. Celle-ci contient moins d'iode dans les goitres que dans la thy-

roïde normale.

La quantité de thyréoglobuline est en rapport avec la quantité de col-

loïde. La colloïde, d'après Oswald, est constituée par deux substances :

l'une contenant tout l'iode delà glande en combinaison organique (thyréo-

globuline), l'autre dépourvue d'iode, mais contenant du phosphore (nu-

eléo-proléïde).

206 G LAIGXEL-LAVASTUNE E

La thyréoglobuline des sujets qui ont absorbé de l'iode présente une

teneur en iode plus élevée que la normale (Oswald). Bertrand, détruisant

la matière organique de la thyroïde dans la bombe calorimétrique de

Berthelot, a décelé un demi-millième de milligramme d'arsenic au moyen

de la méthode de Marsh perfectionnée.

La colloïde, formée, pour Oswald, de thyréoglobuline et de nucléo-pro-

téïde, augmente de quantité après section du sympathique cervical (Morat

et Brian), sous l'influence de la pilocarpine, de l'iode, de la toxine diph-

térique, du curare (Zielinska, Demoore et Lint), après ligature du cholé-

doque (Hürthle), et l'ablation de la rate ("VVIaeff) : les vésicules sont dis-

tendues par la colloïde qui se répand dans les espaces lymphatiques

inter-vésiculaires. ,

B. -Faits pathologiques.

Parmi les symptômes liés aux perturbations thyroïdiennes, deux types

cliniques bien définis émergent immédiatement : le myxoedème et le goitre

exophtalmique, chefs de file de deux séries cliniques, la série myxoedèma-

teuse et la série basedowienne, dans lesquelles l'on peut ordonner de mul-

tiples observations, qui présentent les symptômes de l'une et de l'autre

de plus en plus atténués. Il est évident pour tous que le myxoedème est

dû à l'insuffisance thyroïdienne.

Comme le syndrome de Basedow est presque diamétralement son con-

traire, on y voit en général à la suite de Gilbert Ballet et Moebius, l'ex-

pression d'une excitation thyroïdienne. Néanmoins myxoedème et insuffi-

sance thyroïdienne, comme syndrome de Basedow et excitation thyroï-

dienne, ne sont pas synonymes, car, non seulement les uns désignent des

tableaux cliniques et les autres des modalités secréloires, mais l'un, le

myxoedème, n'est qu'une expression clinique de l'insuffisance thyroï-

dienne qui peut ne pas y aboutir, et l'autre, le'syndrome de Basedow, est

une réalité clinique que personne ne discute, tandis que l'excitation thy-

roïdienne est une hypothèse qui l'explique, mais que l'on peut discuter et

qui, en tous cas, conserve sa valeur pour des symptômes qui peuvent ne

pas être toujours réunis dans le syndrome de Basedow. De plus, certains

symptômes des deux séries basedowienne et myxoedémateuse peuvent s'as-

socier, dans des cas d'interprétation particulièrement délicate, qui doivent

former une classe à part. Aussi je diviserai cette étude en trois groupes

d'insuffisance, d'excitation et de perturbation thyroïdienne.

1. les TROUBLES PSYCHIQUES dans LES SYNDROMES

d'insuffisance THYROIDIENNE.

L'insuffisance thyroïdienne, selon qu'elle est congénitale ou acquise;

LES TROUBLES PSYCHIQUES DANS LES SYNDROMES THYROÏDIENS 207

totale et complète ou partielle et incomplète, retentit sur le développe-

ment et le fonctionnement du cerveau dans des proportions aujourd'hui

bien connues chez les différents types de myxoedémateux. Les troubles

psychiques, qu'on relève dans les formes non myxoedémateuses de l'insuf-

fisance thyroïdienne, ont, au contraire, été moins étudiés et doivent êlre

décrits et interprétés à part.

Je passerai donc rapidement sur l'état mental des myxoedémateux,pour

m'étendre davantage sur les troubles psychiques des insuffisants thyroï-

diens non myxoedémateux, les infantiles, les arriérés, les hypothyroïdiens

chroniques d'Hertoghe, etc.

1. L'état mental des myxoedémateux.

Le myxoedème est un syndrome d'insuffisance thyroïdienne caractérisé

par la tuméfaction des téguments, des troubles intellectuels et l'atrophie

du corps thyroïde, quelle que soit la cause de celle-ci, agénésie, ablation,

infection. L'agénésie thyroïdienne entraîne le myxoedème congénital ou

idiotie myxoedémateuse de Bourneville.

L'idiot mxdéntate2tx est un nain. Son intelligence absolument rudi.

mentaire est un peu moins profondément atteinte que celle des idiots par

lésions cérébrales macroscopiques. Dans certains cas le myxoedème con-

génital est moins complet ; tous les symptômes étant moins accusés, l'état

intellectuel est plutôt celui de l'imbécile que de l'idiot.

Quand l'insuffisance thyroïdienne se produit dans l'enfance ou l'ado-

lescence, on a le myxoedème infantile proprement dit. L'intelligence de

ce myxoedémateux est, dit Régis, celle d'un enfant ordinaire chez qui elle

se serait immobilisée, endormie sans progresser.

1 L'arrêt du développement psychique comme du physique dépend et de

1 l'âge auquel l'atrophie thyroïdienne est survenue et du degré de son in-

suflisance.

On trouve donc tous les degrés possibles depuis l'idiotie myxoedémateuse

jusqu'à la forme la plus atténuée de l'infantilisme myxoedémateux sans

trouble intellectuel, myxoedème partiel de Brissaud, dans lequel, selon

l'hypothèse de Brissaud, la thyroïde serait seule touchée sans lésion des

, para-thyroïdes. L'observation de J. Chalier, concernant un nain thyroï-

f dien intelligent est un exemple de ce myxoedème partiel dans lequel la

conservation des facultés intellectuel les parait parfaitement voisiner avec

des troubles squelettiques intenses. L'état mental du myxoedémateux in-

fantile est celui de l'enfant : crédule, insouciant, mais triste et apathique. : Dans sa forme la plus atténuée le myxoedème infantile constitue l'in-

fantilisme oa.xcedémateux type Brissaud.

L'infantilisme, dit Meige, est un syndrome morphologique caractérisé

208 LAIGNEL-LAVASTINE

par la conservation, chez l'adulte, des formes extérieures de l'enfance- et

la non-apparition des caractères sexuels secondaires.

Parmi ces infantiles, les uns sont arriérés, à l'intelligence bornée,

d'autres n'ont pas de troubles intellectuels.

Survenant chez l'adulte, l'insuffisance thyroïdienne massive produit le

myxoedème de l'adulte, dont les troubles psychiques consistent, avant

tout, en torpeur cérébrale. Il n'y a plus arrêt de développement,mais seu-

lement engourdissement et torpeur. Cette obtusion, cette confusion men-

tale, prise pour une démence qui n'existe pas, établit du même coup, dit

Régis, que le myxoedème est une auto-intoxication à effets surtout stupé-

fiants.

Telle est, en une esquisse très rapide, parce qu'on la trouve partout

détaillée, l'état mental des myxoedémateux.

Je n'ai pas à faire à part celle de l'état mental des crétins. Le créti-

nisme, en effet, n'est qu'une forme étiologique de l'insuffisance thyroï-

dienne. Il diffère du myxoedème par la présence fréquente de goitres;

mais, comme lui, il présente tous les degrés dans l'échelle intellectuelle.

Chez le crétin complet, l'intelligence est nulle, la physionomie indiffé-

rente, la marche n'est possible qu'à quatre pattes; la parole est absente

ou remplacée par des cris stridents et rauques. Au-dessus, le semai-crétin

est comparable au myxoedémateux infantile précoce.

Puis vient le crétineux, chez lequel le niveau intellectuel est moins

bas ; la parole est lente il est capable de se livrer aux travaux agricoles,

de lire parfois et de prononcer des phrases usuelles. A un degré plus élevé

se trouve le crétinoïde (Sainton).

11 n'y a pas dans le myxoedème que la torpeur et l'apathie. Parfois il

s'y ajoute d'autres troubles, des idées fixes, des hallucinations, comme l'a

observé Pilez (de Vienne), du délire, des cris d'excitation, identiques aux

troubles qui se produisent dans les psychoses d'intoxication et quand ces

troubles psychiques précèdent les symptômes physiques, on conçoit la dif-

ficulté du diagnostic qui seul permet l'opothérapie efficace.

Interprétation.

L'interprétation de ces faits est facile. L'ablation de la thyroïde chez les

animaux, comme son agénésie ou sa lésion chez l'homme, les rend tristes,

apathiques, lents, presque immobiles, maladroits et d'aspect idiot.

Inversement, la disparition des troubles psychiques des myxoedémateux

par l'opothérapie thyroïdienne complète la démonstration du rôle de l'in-

suffisance thyroïdienne dans l'état mental des myxoedémateux.

Voici, à titre d'exemple, une observation typique de Stoïgesco et

Bacaloglu. 1

Une jeune fille, intelligente, prise à 49 ans de myxoedème, perd la mé-

LES TROUBLES PSYCHIQUES DANS LES SYNDROMES THYROÏDIENS 209

moire, oublie les langues étrangères apprises les dernières, le français et

le bulgare et ne comprend plus que l'espagnol et l'hébreu. Elle se plaint

de maux de tête et d'une diminution sensible de l'intelligence. L'opo-

thérapie produit un changement à vue ; le myxoedème disparaît. En

même temps la parole n'est plus embarrassée, mais facile et rapide; le

français, que la malade avait oublié, revient, et en un mois et demi la

malade apprend le roumain, qu'elle ne connaissait pas.

De même dans les cas classiques d'infantilisme myxoedémateux de

Combe, Hertoghe, Bourneville, Jannin, la preuve de l'influence thyroï-

dienne est donnée par l'augmentation de la croissance pendant et après la

cure thyroïdienne. Cette croissance est nettement due à la médication ; car

les mesures relevées pendant la cure sont supérieures à celles de lamoyenne

normale. -

2. Les troubles psychiques dans les syndromes frustes

d'hypothyroïde.

Les symptômes d'insuffisance thyroïdienne peuvent être plus atténués

que dans le myxoedème et ses formes.

On peut les grouper en :

1. Infantilisme;

2. Arriération physique et mentale ;

3. Syndrome d'Hertoghe d'hypothyroïdie bénigne chronique;

4. Tempérament hypothyroïdien ;

5. Neurasthénie hypothyroïdienne.

. 1. L'infantilisme. z

L'infantilisme est bien connu depuis les travaux de Brissaud, Meige,

Thibierge, Mutine), Dupré, Apert, Hertoghe, Bertrand, Delore, Ausset,

IIautefeuille, etc., au point de vue clinique, et de Roger et Garnier qui

l'ont produit expérimentalement en agissant sur la thyroïde. Il ne s'agit

ici, par définition, que de l'infantilisme thyroïdien. M. Brissaud appelle

vrai cet infantilisme thyroïdien non myxoedémateux.

L'infantile vrai est un enfant par ses apparences extérieures comme par

sa mentalité, dit M. Brissaud, seulement c'est un enfant âgé.

Cet infantilisme, ajoute-t-il, n'a rien d'une dystrophie; c'est une ma-

nière d'être, une anomalie morphologique ou fonctionnelle qui ne com-

promet pas l'existence.

Cette forme d'infantilisme est caractérisée, comme le résume Halma-

grand, par une face joufflue, des lèvres saillantes, la peau fine et glabre,

des cheveux fins, un ventre proéminent,des membres potelés, une couche

adipeuse épaisse, des organes génitaux rudimentaires sans poils au pubis.

xxi 14

210 O LAIGNEL-LAVASTINE

La voix est grêle et aigre. L'esprit, puéril, est fait de légèreté, naïveté,

pleurs et rires faciles, émotivité excessive.

A ces symptômes il faut ajouter un signe capital : la non-soudure des

épiphyses, qui est caractéristique de cet infantilisme, infantilisme vrai de

Brissaud, et qui ne se trouve pas dans l'infantilisme type Lorrain.

Il y a autant de variétés d'infantilisme vrai qu'il y a, si l'on peut parler

ainsi, d'hypothyroïdies partielles, et il est inutile, d'après M. Brissaud,

de supposer que des troubles des glandes vasculaires sanguines autres que

la thyroïde interviennent pour modifier le type. Les lésions ou l'insuffi-

sance des autres glandes font des dystrophies ; l'insuffisance thyroïdienne

seule fait l'infantilisme vrai, qui n'est pas une dystrophie, mais un état

morphologique. On voit la netteté de l'opinion de M. Brissaud.

Dans ces cas-là, l'état mental, qui le puérilisme, est donc en rapport

avec la structure du cerveau arrêté plus ou moins dans son évolution et

non avec des perturbations toxiques d'origine glandulaire.

L'état mental est lié à une anomalie de structure et non à un trouble de

fonctionnement.

2. L'arriération physique et mentale.

Les arriérés ne sont pas toujours des myxoedémateux ou des infantiles.

Ils peuvent être obèses, chryptorchides. Quand l'arriération mentale est

mono-symptomatique, c'est seulement l'heureux effet de l'opothérapie

thyroïdienne qui permet d'en établir la nature, comme dans les trois ob-

servations suivantes de L. Lévi.

Un enfant de G ans n'avait aucune idée, aucune initiative. Il pleurait à

tout propos et n'avait du plaisir qu'à jouer avec de petits papiers. Il était

un des derniers de sa classe et savait tout juste répéter quelques lettres de

l'alphabet.

Une autre ne marchait pas seule à 3 ans.

Un troisième, de 7 ans 1/2, qui ne pouvait se tenir en place, se vautrait

à terre, marchait à quatre pâlies et, incapable de prononcer une parole,

poussait des cris inarticulés.

L'opothérapie thyroïdienne transforma complètement ces enfants.

3. L'hypothyroïdie bénigne chronique ou syndrome d' Hertoghe.

Hertoghe décrit des phénomènes d'insuffisance thyroïdienne chez des

adénoïdiens ; pour lui, les phénomènes psychiques seraient caractérisés

par de l'apathie ; « les malades sont, dit-il, somnolents, fatigués, languis-

sants ; un rien les énerve, tout semble être au-dessus de leurs forces phy-

siquement et moralement. »

Chez ces êtres à peine malades, mais presque toujours souffrants, cépha-1

LES TROUBLES PSYCHIQUES DANS LES SYNDROMES THYROÏDIENS 211

lée, rachialgie, lassitude, somnolence, troubles "digestifs, constipation,

palpitations, bourdonnements d'oreilles, douleurs articulaires, diminu-

tion de la mémoire, tristesse, sont symptômes fréquents,qu'ils soient isolés

ou rangés en séries. Ces sujets présentent donc souvent ce que L. Lévi et

Il. de Rothschild appellent une neurasthénie fragmentaire.

La remarquable efficacité de l'opothérapie thyroïdienne sur ces divers

troubles est l'argument sur lequel on table pour les rapporter à l'insuffi-

sance thyroïdienne.

4. Le tempérament hypothyroïdien.

L'hypolhroïdie bénigne d'Hertoghe atténuée constitue le tempérament

hypothyroïdien, que l'opothérapie thyroïdienne peut transformer comme

dans une observation typique de L. Lévi et H. de Rothschild.

On trouve chez ces hypothyroïdiens, qui ne sont pas des malades, les

petits signes de l'insuffisance thyroïdienne : oedèmes transitoires, troubles

de la calorification, constipation, fatigue, anorexie, céphalée, douleurs

musculaires et articulaires, obésité, sénilité précoce, troubles pileux, si-

gne du sourcil de L. Lévi et II. de Rothschild, et au point de vue psy-

chique, mollesse, indolence, apathie, pas de volonté, lenteur de pensée

et somnolence parfois invincible (Briquet, Régis, Mongour, Lorand).

Chez eux peuvent survenir les petits accidents de l'insuffisance thyroï-

dienne : auto-infections et auto-intoxications périodiques, vomissements,

vertiges, urticaire, troubles menstruels, nervosisme.

On arrive ainsi à la fin de la série décroissante des troubles qui ne

sont plus suffisants pour former une maladie, mais constituent seulement

les traits d'un tempérament dans lequel l'insuffisance thyroïdienne, très

atténuée, est plus soupçonnée que démontrée. Néanmoins un double rap-

port est intéressant à relever, d'une part entre une insuffisance glandu-

laire probable et un tempérament particulier, et d'autre part, entre ce

tempérament et le caractère, cet ensemble psychique individuel qui cons-

titue en partie la personnalité et qui, dans le cas particulier, se définit

mollesse, indolence, apathie, lenteur de pensée et manque de volonté.

5. La neurasthénie ! typo-thyroïdien/le.

La neurasthénie est souvent un épisode au cours de l'hypothyroïdie

bénigne chronique, comme elle est parfois une manifestation du tempéra-

ment hypothyroïdien.

4 ('-laisse, en 1899, en a rapporté deux cas.

,. f l Dans le premier, les phénomènes de lassitude, torpeur, somnolence,

dyspepsie, étaient accompagnés de bouffisure du visage. Le second ma-

tiade présentait, outre la bouffissure de la face, une somnolence invincible,

212 LAIGNEL-LAVASTINE

une extrême fatigue, de l'asthénie cérébrale, des troubles digestifs, de la

constipation. L'opothérapie thyroïdienne transforma les malades. L. Lévi

et H. de Rothschild ont publié quelques succès analogues. Il faut, d'ail-

leurs, remarquer que cette neurasthénie hypothyroïdienne ne doit pas

étonner, car on trouve dans l'insuffisance thyroïdienne les éléments delà

neurasthénie : asthénie musculaire et cérébrale, poussée jusqu'à l'apathie

la plus complète, céphalée occipitale, douleurs dans les membres, verti-

ges, somnolence, troubles digestifs, constipation.

Parmi les multiples variétés de neurasthéniques, à côté des biliaires

(Gilbert et Lereboullet) et des surrénaux, par exemple (Dufour, Sergent,

Vassale), il faut placer le neurasthénique hypo-thyroïdien.

Interprétation.

L'expérimentation vient s'ajouter à la clinique pour démontrer le rôle

de l'insuffisance thyroïdienne relative sur les troubles psychiques.

Ainsi, Blum (de Francfort) a conservé longtemps, en les nourrissant

au lait (alors que la viande les tue par tétanie) des chiens partiellement

thyroïdectomisés qui ont présenté des signes évidents de troubles psychi-

ques plus ou moins durables et parfois à répétition, hallucinations, mo-

difications du caractère, apathie ou mouvements anormaux.

Blum trouva même que ce « thyroïdisme est plus ou moins semblable

au syndrome de Basedow », et comme l'opération totale qu'il fait entraîne

la tétanie, on peut se demander la part qui revient aux parathyroïdes.

Il faut de plus ne pas oublier que pareilles expériences, par l'intoxica-

tion endogène qu'elles provoquent, doivent retentir sur des organes im-

portants dont les perturbations secondaires peuvent entraîner des troubles

cérébraux. Ainsi, dans des expériences semblables, Delitala a montré le

peu d'importance des lésions hépatiques, mais la constance des lésions

rénales.

Si déjà, chez les animaux, l'expérimentation ne permet pas de conclu-

sion formelle à cause du grand nombre des réactions viscérales, on conçoit

qu'il n'est pas possible de rapporter certainement à la seule insuffisance

thyroïdienne les troubles psychiques relevés dans les syndromes que je

viens de passer en revue et dont la filiation avec l'hypothyroïdie, pour si

probable qu'elle soit, n'est pas encore classique. Néanmoins, cette hypo-

thèse d'une origine hypothyroïdienne des troubles psychiques portant

surtout sur le caractère, a t'avantage d'entraîner comme conséquence une l,

thérapeutique nettement définie, souvent suivie de succès. Aussi, me pa-

raît-il y avoir grand intérêt à la prendre en sérieuse considération.

En résumé, les troublés psychiques dans les syndromes d'insuffisance

thyroïdienne forment deux groupes.

LES TROUBLES PSYCHIQUES DANS LES SYNDROMES THYROÏDIENS 213

i

Dans le premier, les troubles psychiques myxoedémateux font partie

intégrante du tableau clinique et dépendent directement de l'insuffisance

thyroïdienne par empoisonnement, et de plus, arrêt de développement

chez l'enfant.

Dans le second groupe, la ressemblance de certains traits cliniques des

syndromes avec le myxoedème fait soupçonner l'insuffisance thyroïdienne

que l'expérimentation rend tout à fait probable,et les troubles psychiques,

qui fréquemment s'observent dans ces syndromes, paraissent eux aussi L

liés à une insuffisance thyroïdienne plus ou moins légère, mais la seule

preuve qu'on en ait, le résultat thérapeutique, est discutable, car d'une

part tout ce qui cède à l'opothérapie thyroïdienne ne fait pas partie néces-

sairement du syndrome d'hypothyroïdie et, d'autre part, pour juger de

l'état curateur, la contre-épreuve est impossible.

II. LES TROUBLES PSYCHIQUES DANS LES SYNDROMES

d'excitation THYROÏDIENNE.

Nous venons de voir'que dans les divers types cliniques qui ressortis-

sent, les uns certainement et les autres probablement, à l'insuffisance

tyroïdienne, les troubles psychiques ne sont pas tous dans un même degré

de dépendance certaine vis-à-vis de cette insuffisance.

Le rapport des troubles psychiques à l'insuffisance thyroïdienne est

déjà difficile à établir. Plus complexe est celui à étudier ici entre les trou-

bles psychiques et l'excitation thyroïdienne, qui parait à l'origine d'un

certain nombre de syndromes cliniques, dont les uns sont classiques et

d'autres à peine ébauchés.

Pour la commodité du langage, je diviserai ces syndromes en deux

classes, syndromes de Basedow classiques et syndromes de la série basedo-

wienne ou d'hyperthyroïdie.

Les syndromes d'hyperthyroïdie, qu'on appelle encore syndromes de la

série basedowienne, mériteraient peut-être mieux ce nom qui ne préjuge

pas de leur pathogénie ; mais l'exaltation d'une partie au moins des fonc-

tions thyroïdiennes est tellement admise par la généralité des auteurs,

que le terme d'hyperthyroïdie est consacré par l'usage après les travaux

classiques de P. Marie, Ballet et Enriquez, Moebius, Béclère etc., etc.,

et malgré l'opinion de Gley, cette façon de voir prédomine, comme le

montre lerécent travail deScordo etFrancini,qui opposent diamétralement 1

le syndrome de Basedow au myxoedème.

1. Les troubles psychiques des basedowiens.

L'étude clinique des troubles psychiques des basedowiens peut être

aujourd'hui considérée comme complète et terminée.

214 LATGNFL-LAVASTINE

On en trouvera le détail dans la thèse de M. Taubmann, inspirée par

M. Brissaud..

Mais si l'on s'entend sur la description des faits,on en discute beaucoup

l'interprétation. Aussi., après avoir groupé autour de quelques types les

faits cliniques, passerai-je en revue les théories émises pour les expliquer.

Les faits. ,

Il faut immédiatement distinguer les modifications psychiques qui font

partie intégrante du syndrome de Basedow et les psychoses multiples et

variétés qu'on peut observer chez les basedowiens.

a) L'état psychique habituel des basedowiens.

Basedow avait déjà noté l'instabilité des malades atteints de goitre

exophtalmique, leur irritabilité, le décousu de leurs idées^.

En général, les basedowiens sont irascibles, ingrats, très exigeants, diffi-

ciles à vivre; ils s'emportent au moindre retard et ne sont jamais satis-

faits. Ils passent sans transition de la gaieté la plus enthousiaste à l'amer-

tume et au découragement. Ils ont, au maximum, l'émotivité dite névro-

pathique, se traduisant non seulement par une impressionnabilité, une

inquiétude, une anxiété psychique des plus intenses, mais par des trou-

bles du vago-sympatliique, palpitations, étouffements, angoisse précor-

diale, bouffées de chaleur, crise de sueur et de diarrhée.

Ils ont une activité insolite, un besoin de déplacement, une mobilité,

une instabilité qu'on ne leur connaissait pas avant leur maladie ; une in-

définissable agitation les tourmente ; ils ne tiennent pas en place et chan-

gent à tout instant de besogne. Ils parlent avec une volubilité singulière

et s'excitent en parlant.

La nuit, ils ont de l'insomnie avec rêves et cauchemars, de l'onirisme,

des hallucinations. Les accidents « hystériques » sont très fréquents.

Souvent les basedowiens ont une aversion subite pour leurs amis ou

leurs parents. « Les modifications du caractère sont telles, dit Trousseau,

que la vie devient très difficile pour les gens qui entourent les malades,

lesquels sont irascibles, ingrats et d'une exigence qui ne trouve d'excuse

que dans la maladie. Nous avons vu une jeune fille, ordinairement d'un

caractère doux, devenir emportée, irrespectueuse et presque violente. La

maladie de Basedow est une colère perpétuelle » (Trousseau).

L'instabilité d'idées est telle que Russel Reynold l'a appelée une « cho-

rée des idées ». La mémoire est atteinte. Dans les cas atténués, les mala-

des se souviennent moins bien de ce qui s'est passé il y a quelque temps ;

les détails échappent, se confondent, s'embrouillent. Ce sont surtout les

notions dont on se sert peu, les connaissances scientifiques, les mots d'une

LES TROUBLES PSYCHIQUES DANS LES SYNDROMES THYROÏDIENS 215

langue étrangère qui s'oublient les premiers. Dans les cas les plus accen-

tués, les noms propres sont les premiers à faire défaut. Dans certains

cas, Charcot, Westphal ont vu la mémoire si mauvaise que la lecture était

impossible.

La volonté est rarement diminuée, mais très mobile.

Agitation, irritabilité de l'humeur, passant de la joie exubérante à la

dépression profonde, intensité des réactions affectives disproportionnées à

leurs causes, chorée des idées, perversion des sentiments effectifs, tels sont

les caractères principaux de l'état psychique des basedowiens.

Interprétation.

La nature thyroïdienne des modifications habituelles de l'état psychi-

que des basedowiens ne paraît plus contestable.

Sa démonstration s'appuie sur une série de faits cliniques et expéri-

mentaux.

Chez certains basedowiens traités par la thyroïde l'irritabilité s'accrut.

Ferranini rapporte l'observation d'une jeune femme qui, tourmentée

par un début d'obésité, prit jusqu'à 2 grammes de thyroïdine. A des pal-

pitations se joignirent bientôt des troubles psychiques graves sous forme

de confusion mentale hallucinatoire, sans qu'il y ait à proprement parler

des phénomènes de basedowisme franc.

De même dans l'observation de Béclère, i s'agit d'une malade hystérique,

présentant certains symptômes pouvant être rattachés au myxoedème, qui

fut prise de symptômes ressemblant à ceux du basedowisme à la suite de

l'injection exagérée de thyroïde. Egalement dans un cas d'Angiolella, la

thyroïdisme alimentaire ressemble assez au syndrome de Basedow pour

que le fait plaide en faveur de l'hyperthyroïdie considérée comme condi-

tion pathogénique de ce syndrome.

Un malade de Boinet, étudiant en pharmacie, âgé de 24 ans, sans an-

técédents nerveux, absorba trois fois par jour 2 à 3 corps thyroïdes de

mouton pour une dermatite exfoliatrice ; sous l'influence de cette hyper-

th5-roïdation il fut pris d'agitation,ne put rester en place, tint ses croisées

hermétiquement fermées dans la crainte que des individus imaginaires ne

le voient et ne viennent le trouver. Il se croyait poursuivi par les gens

qu'il rencontrait dans la rue, il se figurait que les passants et ses camara-

des se moquaient de lui et le ridiculisaient. Il refusait toute boisson, tout

aliment ; il se déshabillait et essayait de fuir tout nu. Pendant quatre

jours il parlait sans cesse avec incohérence, racontant qu'il aimait une

jeune fille dont sa timidité l'éloignait ; histoire forgée de toutes pièces.

La privation de thyroïde fit cesser les accidents, mais le malade parais-

sait guéri, lorsqu'il reprit, à l'insu des siens, la médication et les accidents

reparurent.

21 l (j LAIGNEL-LAVASTTl`E

Ainsi le suc thyroïdien, absorbé à trop fortes doses, est capable de pro-

duire des phénomènes d'intoxication rappelant les principaux symptômes

du goitre exophtalmique.

Cette intoxication peut se traduire par des troubles psychiques, du dé-

lire, des psychoses, comme ceux résultant des poisons exogènes.

Il ne s'agit pas d'ailleurs de troubles psychiques basedowiens, mais de

véritables psychoses par intoxication.

Il faut retenir de ces faits que l'intoxication thyroïdienne médicamen-

teuse peut donner naissance à des troubles psychiques qui revêtent la

forme habituelle des psychoses d'intoxication, en un mot qu'il existe des

psychoses toxi-thyroïdiennes. La ressemblance de ces psychoses toxi-thy-

roïdiennes expérimentales avec les troubles psychiques des basedowiens

permet de penser que ceux-ci sont sous la dépendance d'une intoxication

thyroïdienne. '

b) Les psychoses chez les basedowiens. ,

Dans les 42 cas réunis par Hirschl, toutes les formes de folie sont repré-

sentées (manie, mélancolie, paranoia, folie du doute, paralysie générale).

Sainton les range en quatre groupes, agitation maniaque, mélancolie,

obsessions et hallucinations. La forme avec agitation maniaque est de

beaucoup la plus fréquente, comme le montrent les observations de Trous-

seau, Meynert, Robertson, Clark, Barton-Jacobs. Elle peut s'accompagner

d'hallucinations (Jensen, Boetzer), d'idées de persécution (Jensen). La

forme mélancolique est plus rare". Noetel, Bail, Ballet, Devay en ont cité

des exemples.

La malade de Delasiauve était en proie à des visions sinisti es ; elle avait

des idées de mortel de ruine ; elle se nourrissait d'inquiétude et d'alarmes ;

elles voyait partout des présages fâcheux, elle se croyait en butte à la

malveillance et à l'insulte.

Dans un cas de Devay, des palpitations angoissantes, une insomnie per-

sistante suscitèrent des idées hypochondriaques et amenèrent un état mé-

lancolique avec hallucinations.

L'état mélancolique pousse parfois les malades au suicide.

Souvent ces troubles se mélangent et l'agitation maniaque existe avec la

mélancolie (Cane, Savage, Collins). D'autres fois les troubles se succèdent

au lieu de s'associer.

Le troisième groupe est constitué par les obsessions, les impulsions et les

phobies.

C'est ainsi qu'une malade de Solbrig avait des impulsions irrésistibles

à tuer ses enfants. Chez une autre malade, il y eut des impulsions à frap-

per, à se déshabiller, puis des phobies. D'autres malades ont des peurs

LES TROUBLES PSYCHIQUES DANS LES SYNDROMES THYROÏDIENS 217

maladives, peur des couteaux, du vide, etc..., d'autres fois des idées obsé-

dantes (arithmomanie coprolalie), de l'agoraphobie, de la folie du doute

(Boëteau).

Une malade de Thomas, timide et nerveuse, qui présenta dans sa jeu-

nesse des phobies et des scrupules, fut prise à 47 ans de goitre exophtal-

mique avec état psychique caractériserai- une grande lassitudeaveccrain-

tes, angoisses, phobies portant sur les sujets les plus divers.

Le quatrième groupe comprend des cas avec hallucinations que la plu-

part des auteurs avec MM. Gilbert Ballet, Pader, Léonard N. liobinson,

mettent sur le compte de l'hystérie.

Parmi ces psychoses, on ne peut ne pas être frappé de retrouver, dans

certains cas, exagérés la plupart des caractères de la mentalité des base-

dowiens sur lesquels insiste Biros avec juste raison : bizarrerie d'humeur,

instabilité mentale avec asthénie intellectuelle,diminution de la mémoire,

fatigue, manque de tonus allant jusqu'à l'impossibilité d'associer et de

coordonner les idées.

On pourrait donc, semble-t-il, ranger les faits en trois groupes, selon

qu'on retrouve dans les psychoses des troubles mentaux de la même série

que les nuances psychiques des basedowiens, qu'au contraire les symptô-

mes ont une autonomie bien nette ou qu'enfin il s'agit de phénomènes hys-

tériques.

Je dirai un mot des rapports du goitre exophtalmique avec l'hystérie

et des psychoses toxi-thyroïdiennes, avant de passer aux interprétations

des troubles psychiques chez les basedowiens donnés par les auteurs.

Rapports du goitre exophtalmique et de l'hystérie.

Ces rapports ont été étudiés par beaucoup de cliniciens, Féré, Debove,

Béclère, Pader, Robinson, etc...

Il y a lieu de considérer deux cas dans les rapports qui existent entre

le goitre exophtalmique et l'hystérie.

10 L'hystérie précède le goitre ;

2° Elle lui est consécutive.

Dans le premier cas, certains auteurs, comme L. N. Robinson, Pader,

considèrent le syndrome de Basedow comme une manifestation de l'hys-

térie. Pour le professeur Debove, sous l'influence d'un choc moral ou de la

peur,l'hystérie peut créer instantanément l'hyperthyroïdation ; elle amène

un trouble sécrétoire comparable à la polyurie d'origine nerveuse.

Dans cette interprétation, le terme hystérie a une valeur explicative

qu'il perd dans la conception de l'hystérie-syndrome, soutenue par

M. Babinski et un groupe de neurologistes parmi lesquels je me range.

Dans le deuxième cas, on peut admettre que l'hystérie n'est plus la

cause, mais l'effet et que l'intoxication thyroïdienne crée de toutes pièces

218 LAIGNEL-LAVASTINE

une névrose toxique (Béclère) au même titre que l'intoxication saturnine,

par exemple.

Cette opinion est partagée par Régis. Lorsque, dit-il, les accidents hys-

tériques ne dominent pas la scène, mais semblent, au contraire, acces-

soires, et lorsque, en même temps, les troubles psychiques surviennent

par crises correspondant aux poussées basedowiennes, on doit les rappor-

ter au goitre exophtalmique. Il me semble, en effet, ajoute-t-il, que c'est

à la faveur du nervosisme produit par l'intoxication basedowienne qu'ap-

paraissent occasionnellement chez ces malades les phénomènes hystéri-

ques. -

~ Les psychoses to.xi-throïdieu2es.

Les psychoses basedowiennes, dit Régis, ont un aspect assez variable,

car elles peuvent se présenter sous forme agitée, violente, sous forme dé-

primée avec délire exalté, exubérant, vaniteux ou, au contraire, du dé-

lire inquiet, mélancolique ou persécuté (Renaut). '

Mais ce n'est là que l'apparence.

Au fond, fait remarquer Régis, il s'agit toujours d'un accès de conflt-

sion mentale, généralement aigu, se traduisant à la fois par de l'agitation

ou par des alternatives d'agitation et de dépression et par du délire hal-

lucinatoire à type onirique très caractérisé.

Un exemple typique de cette forme est l'observation de 7.alplachta, où

il existait simultanément troubles des perceptions, hallucinations, illu-

sions, incohérence, désorientation, inconscience, logorrhée, agitation

motrice, inquiétude.

Les éléments les plus fréquents de ce délire hallucinatoire sont des

idées mystiques, érotiques, de persécution, de viol, de fausse grossesse,

d'empoisonnement, des hallucinations contemplatives, extatiques, profes-

sionnelles, zoopsiques, terrifiantes, génitales.

Ces accès sont habituellement passagers, comme tous les accès de psy-

choses toxiques, et ils disparaissent au bout de quelques jours ou de quel-

ques semaines. Ce n'est que dans quelques cas rares qu'ils se prolongent,

susceptibles alors de verser dans un délire chronique, plus ou moins faus-

sement systématisé.' -

Ces psychoses basedowiennes de Régis ont la même symptomatologie

que les psychoses toxi-thyroïdiennes. L'intoxication thyroïdienne, .cer-

taine chez celles-ci, est tout à fait probable chez celles-là.

Interprétation.

Parmi les multiples auteurs qui ont décrit des psychoses dans le goitre

exophtalmique, Basedow, Bruck (1862), Charcot (1855), Rousseau, Mac-

donnal, Paul Geigel, Morel-Mackenzie, Andrews, Solbrig, Meynert, Ro-

LES TROUBLES PSYCHIQUES DANS LES SYNDROMES THYROÏDIENS 219

bertson, Delasiauve, Boettger, Noetel, Jensen, Laher, Jung, Cane, Sa-

vage, Rendu, Johnstone, Landouzy, Colman Collins, Clarke, Boedecker,

Bail, Peter, Gilbert Ballet, Renaut, Joffroy, Séglas, Jacquin, Boetteau,

Raymond et Sésieux, Toulouse, Greidenberg, Krontal, Dieulafoy, Brunet,

Hirschl, Buschan, Marzocchi et Antonini, Soukhanoff, Àustin, Devay,

Raymond, Dromard et Levassort, Zalplachta, Parhon et Marbé, Charpen-

tier et Courbon, Mlle Landry et P. Camus, on peut reconnaître deux ten-

dances théoriques fondamentales. :

Les uns avec Bail, Joffroy, Régis, Renaut, Jacquin, Devay, Austin,

Buschan, Marzocchi et Antonini, Zaplachta, Parhon et Marbé, admet-

tent une véritable folie basedowienne.

Le professeur Joffroy met les psychoses des basedowiens sous la dépen-

dance du goitre exophtalmique et non d'une autre cause : «Les modifica-

tions du caractère et de l'intelligence, si fréquents dans la maladie de Ba-

sedow, peuvent prendre, dans certains cas, une intensité telle qu'elles

créent une véritable folie, se présentant le plus souvent sous la forme de

mélancolie, soit sous celle de manie, la mélancolie ou la manie étant dans

ces cas symptomatique de la maladie de Basedow,».

Jacquin admet aussi que le goitre exophtalmique peut créer une alié-

nation mentale de toutes pièces, « aliénation qui survient par le fait des

troubles profonds de la nutrition que le goitre entraîne avec lui, et cela,

non seulement chez les prédisposés, mais chez les malades dont les anté-

cédents héréditaires sont nuls ».

Zalplachta voit dans l'amélioration parallèle des phénomènes psychi-

ques et des symptômes basedowiens une preuve de grande valeur clini-

que en faveur d'un lien étroit entre ces deux groupes de troubles. C'est

aussi la conclusion que Parhon et Marbé tirent de deux observations de

troubles maniaques et mélancoliques chez deux basedowiens.

Chez le malade de Renaut, sans aucun stigmate hystérique ni antécé-

dent héréditaire ou personnel, des idées de persécution se sont dévelop-

pées parallèlement à l'évolution du goitre exophtalmique. On est bien forcé

de rapporter ce délire aigu à une poussée dans les symptômes basedowiens.

« Il existe, dit Renaut, une relation directe et de cause à effet entre le

délire de persécution et la maladie de Basedow ».

Devay estime que le goitre exophtalmique, névrose d'angoisse par

excellence, a naturellement tendance à produire la mélancolie anxieuse.

Régis est de cet avis et croit qu'il faut rapporter au goitre exophtalmique,

non seulement la plupart des cas de mélancolie anxieuse, mais de psycho-

ses diverses coexistant avec lui et qui ont été attribués d'autres facteurs,

tels que l'hystérie ou l'alcoolisme.

Toulouse aussi, sans contester la prédisposition psychopathique des

220 LAIGNEL-LAVASTINE

basedowiens, se demande si, outre le terrain, cause éloignée, il n'y a pas

« des causes plus rapprochées, efficientes », et parmi celles-ci, certains

accidents morbides ou physiologiques, tel l'émotivité constante indiquant

un trouble considérable des fonctions nerveuses, qui peut retentir sur les

facullés intellectuelles.

Pour les autres, lorsqu'un basedowien est atteint d'une psychose quel-

conque, il ne s'agit que d'une simple coïncidence. Il y a d'ailleurs des

nuances dans l'interprétation.

' 'Le professeur Gilbert Ballet, cherchant la signification nosologique du

délire de persécution chez une hystérique atteinte de goitre exophtalmique

avec hallucinations et idées de persécution, attribue les hallucinations à

l'hystérie et trouve dans l'état d'esprit particulier des basedowiens l'élé-

ment secondaire indispensable à l'hallucination pour aboutir au délire de

persécution. Chez les basedowiens les impressions du dehors provoquent

des réactions plus vives que chez les individus normaux. C'est cette exa-

gération de l'émotivité à des hallucinations pénibles qui finit par détermi-

ner les mêmes sentiments de méfiance qu'une hostilité réelle. « L'hystérie

crée l'hallucination, la maladie de Basedow se l'approprie et s'en sert pour

réaliser les idées de persécution. »

Le professeur Raymond et Sérieux considèrent la folie des basedowiens

comme une association morbide. « Il n'y a pas,disent Raymond et Sérieux,

de psychose propre au goître exophtalmique ; il y a en réalité association

au goitre exophtalmique de psychoses distinctes et autonomes », opinion

partagée par Dromard, Levassort, Charpentier, Courbon, Mlle Landry,

M. Camus.

De même, Roubinowitch estime « que le groupe des psychoses dites

basedowiennes est destiné à se restreindre de jour en jour, et que la plu-

part des éléments,dont il est composé, reprendront la place qui leur appar-

tient dans les cadres ordinaires ». Il semble d'ailleurs faire une réserve,

quand il admet que la maladie de Basedow peut aider à l'éclosion de ces

manifestations psychiques et qu'elle leur imprime une physionomie un

peu spéciale».

Eclectiques enfin sont Soukhanoff, Taubmann, Sainton.

Soukhanoff démontre qu'une seule théorie n'est pas suffisante et qu'il

faut tenir compte de l'intoxication thyroïdienne, des modifications de la

circulation cérébrale, de la dégénérescence et d'une disposition psychique.

Taubmann, sous l'inspiration du professeur Brissaud, montre qu'il

existe chez les basedowiens une psychose thyroïdienne d'ailleurs rare,

mais qu'à côté d'elle on peut voir des psychoses hystériques, alcooliques,

ou dégénératives. .

Sainton conclut aussi : « Il y a un état mental spécial qui est l'apanage

LES TROUBLES PSYCHIQUES DANS LES SYNDROMES THYROÏDIENS 221

des basedowiens et qui paraît sous l'influence d'une hyperthyroïdation ; la

coexistence avec l'hystérie est un fait banal. »

Lorsque le tableau se complique, il est évident que les idées de persé-

cution, les idées mélancoliques peuvent se développer sous l'influence

de l'intoxication endogène thyroïdienne, aussi bien qu'elles auraient ap-

paru sous l'influence de l'intoxication exogène alcoolique; dans certains

cas, l'intoxication n'a fait que mettre en relief ou aggraver un état plus

ou moins latent.

La nature toxi-thyroïdienne de certains psychoses chez certains base-

dowiens n'est donc pas niable.

Elle est démontrée par l'effet sur les troubles psychiques en même

temps que sur les symptômes basedowiens de la méthode de Ballet et En-

riquez, reprise en Allemagne par Moebius, et en France par Hallion.

Comme exemple je citerai l'observation 1 du travail de Sainton etpisinte ;

chez cette malade les accidents psychiques s'amendèrent lentement et

progressivement en même temps que les symptômes physiques. L'état

mental redevint normal et la guérison put être considérée comme com-

plète.

De même, l'observation de Thomas (de Genève).

Sur les conseils du professeur Mayor, une femme de 47 ans, timide et

très nerveuse, qui jeune avait eu des phobies, devint, à la ménopause,

mélancolique avec craintes, angoisses, phobies, tachycardie, goitre, yeux

brillants, excitation vaso-motrice et nausées. Sous l'influence de l'hémato-

éthyroïdine de Carrion, l'inquiétude, les obsessions, les craintes disparu-

rent en même temps qu'au point de vue somatique on put considérer la

malade comme guérie.

Cependant il est dans de pareils résultats thérapeutiques une cause

d'erreur qu'il ne faut jamais oublier, la suggestion. Son rôle paraît évi-

dent dans un cas de Rattner, où l'antithyroïdine de Moebius améliora

l'état psychique seul sans modifier le syndrome de Basedow.

La contre-épreuve est fournie par les psychoses produites par l'inges-

tion de thyroïde (Boinet, Ferranini) que j'ai déjà citées.

On peut donc conclure que les troubles psychiques élémentaires des base-

dowiens sont d'origine thyroïdienne et que certaines de leurs psychoses

sont taxi-thyroïdiennes.

2. Les troubles psychiques dans les syndromes de la série

basedowienne ou d'hyperthyroïdie.

A côté des basedowiens typiques il est toute une série de malades qui

ne présentent que quelques-uns des caractères du syndrome et qui néan-

moins paraissent s'y'rattacher par une série d'intermédiaires.

222 LAIGNEL-LAVASTINE E

Les symptômes d'hyperthyroïdie y sont de plus en plus atténués depuis

le syndrome de Basedow fruste au point qu'on peut n'y reconnaître qu'un

signe de la série basedowienne.

Ce sont ces faits que je réunis dans ce groupe. On peut ainsi, avec

L. Lévi et H. de Rothschild, décrire le syndrome de Basedoiv fruste, l'hy-

perthyroïdie bénigne chronique, l'hyperthyroïdie minima ou tempérament

hyperlhyroïdien.

1. Basedow fruste.

Ce terme, caractérisant des états variables, n'a pas une rigueur absolue.

C'est un syndrome d'allure basedowiforme produit par l'hyperthyroïdie.

Il se distingue des troubles nerveux ordinaires par un nervosisme plus spé-

cifié, composé de symptômes de la série basedowienne (tremblements,

battements de coeur, éclat des yeux).

Dans une observation de P. Marie, le thyroïdisme alimentaire avait

provoqué un syndrome de Basedow fruste sans exophtalmie. L'observa-

tion classique de Béclère, déjà citée, vaut une expérience : une myxoedé-

mateuse de 31 ans, sous l'influence de l'ingestion de thyroïdes fraîches

jusqu'à 72 grammes par semaine, de l'instabilité cardiaque, de l'in-

somnie, de l'agitation, des bouffées de chaleur, la sudation exagérée, la

raie méningitique de Trousseau, le tremblement des bras, une légère sail-

lie des yeux et surtout un éclat du regard tout à fait analogue à ceux des

basedowiens typiques.

Richardson a observé six cas de syndrome de Basedow complet ou fruste

compliqués de troubles mentaux allant depuis l'excitation simple jusqu'à

la manie ou la mélancolie agitée. A ce propos il fait remarquer que le

syndrome de Basedow, dans ses formes frustes, estplus souvent qu'on ne

pense une cause d'aliénation mentale. Aussi convient-il de rechercher les

formes frustes du goitre exophtalmique chez les aliénés.

. 2. Hyperthyroïdie bénigne chronique.

Cette hyperthyroïdie peut être disséminée ou localisée, cardio-bul-

baire.

Disséminée, elle consiste en quelques symptômes atténués de la série

basedowienne, cou un peu fort, regard brillant, sourcils marqués, pau-

pières pigmentées, sensation d'avoir toujours trop chaud, transpirations

faciles des mains et des pieds, céphalée, caractère changeant, mauvaise

humeur, impossibilité de rester en place, parfois- des crises de larmes et

même des crises de nerfs.

L'hyperthyroïdie cardio-bulbaire est bien connue. Elle consiste en pal-

pitations, battements de coeur,tachycardie émotive, transpirations faciles,

angoisse, crainte de mourir pouvant aller jusqu'à l'anxiété paroxystique

de Brissaud et la névrose d'angoisse.

LES TROUBLES PSYCHIQUES DANS LLS SYNDROMES THYROÏDIENS 223

3. Hyperthyroïdie minima : Tempérament hyper thyroïdien.

Cette hyperthyroïde minima peut être continue ou paroxystique.

Paroxystique, survenue à l'occasion d'une émotion, elle se confond avec

le nervosisme léger, consistant en grand besoin de déplacement, agitation,

sensation de chaleur, rapidité et force des émotions.

Quand elle est continue, les caractères anatomiques, fonctionnels et

psychiques qui la constituent, correspondent plus à un tempérament avec

ses avantages et ses inconvénients qu'à un état morbide. Qu'on en juge

par cette observation de L. Lévi. Il s'agit d'un homme de 60 ans. Une des

caractéristiques de son tempérament, c'est la rapidité : pour s'habiller,

pour manger, pour écrire des lettres, pour remplir ses occupations. Il ne

remet jamais au lendemain ce qu'il a à faire, même s'il s'agit de travail

sans importance. Chez lui il y a peu d'intervalle entre la pensée et l'acte.

Il a un grand besoin de se déplacer, est toujours en mouvement, ne peut

facilement rester en place. Il sort de sa maison, à toute occasion, pour y

rentrer bientôt après.

Il est actif, entreprenant, impatient. Son besoin d'activité se traduira,

en dehors de ses affaires, par l'achat de petits objets, le changement ré-

pété de chaussures, le fait de se mettre en avant, le besoin d'occuper la

première place, de donner facilement des conseils, de parler en public.

Il est vivement décidé, mais change facilement d'opinion. D'autres fois il

s'entête, mais peu de temps ; il a un optimisme accentué. La mémoire est

très bonne. Il a des colères faciles, s'emballe pour peu de chose. Il a souf-

fert autrefois de céphalées, de gastralgies. L'intestin fonctionne régulière-

ment. Il aime l'eau froide. Il a toujours une soif vive et se congestionne

facilement.

Un grand nombre des caractères notés dans cette observation sont à

l'opposé des troubles myxoedémateux.

C'est en s'appuyant sur pareille remarque qu'on peut, avec L. Lévi et

H. de Rothschild, considérer des cas analogues comme des types du carac-

tère dépendant du tempérament hyperthyroïdien.

Interprétation.

Dans des syndromes aussi mal délimités et dont les rapports avec l'hy-

perthyroïdie sont encore contestables, il ne peut être question que de

chercher à établir un rapport de causalité entre leurs symptômes psychi-

ques élémentaires et l'excitation thyroïdienne.

La démonstration de ce rapport s'appuie, d'une part, sur la quasi-cons-

tance de la coïncidence clinique à tel point que ces symptômes psychiques

font partie intégrante des syndromes de la série basedowienne et, d'autre

part, sur les résultats thérapeutiques, la sérothérapie par 1'liémato-étliy-

224 LAIGNEL-LAVASTINE

roïdine, et même l'opothérapie thyroïdienne, malgré son apparence para-

doxale, mais à très petite dose, paraissant avoir entraîné des modifications

psychiques parallèles aux améliorations fonctionnelles.

III. LES TROUBLES PSYCHIQUES dans LES perturbations

THYROÏDIENNES COMPLEXES ET ENCORE DISCUTÉES.

Dans ce groupe, je passerai en revue les troubles psychiques observés

dans les états rapportés par Léopold Lévi et II. de Rothschild à la dysthy-

roïdie, c'est-à-dire aux troubles de la thyroïde entraînant des symptômes

aussi bien de la série myxoedémateuse que de la série basedowienne. On

trouvera dans leur livre plusieurs observations très suggestives de cette ins-

tabilité thyroïdienne, que jusqu'alors on trouve éparses dans la littérature

médicale sous les étiquettes d'hystérie, de neurasthénie et de nervosisme.

En plus des ressemblances cliniques, ce sont les résultats remarquables

souvent de l'opothérapie thyroïdienne qui permettent de réunir dans le

même groupe des basedowiens frustes, avec palpitations, thermophobie,

crampes, urticaire, qui retrouvent leur calme cérébral et une humeur

égale après avoir usé de la thyroïde à la dose de 25 milligrammes par

jour ; des jeunes filles molles et apathiques, constipées, peureuses, très

timides, très dormeuses, qui, aux époques menstruelles et sous l'influence

d'émotions, sont prises d'excitation, font des scènes, poussent des cris,

disent des injures et cassent les meubles ; des séniles précoces, frileuses,

anorexiques, constipées, fatiguées dès le matin et souffrant de douleurs

articulaires et musculaires, qui, sous l'influence d'émotions ou des règles,

sont prises* de battements de coeur, de sensation de boule les étouffant et

de pleurs ; des obèses enfin, avec hémorrhoïdes, froid aux pieds, signe du

, sourcil, rhumes faciles, asthénie, nerveuse qui, prenant expérimentale-

ment 0,03 centigrammes de thyroïde, deviennent actifs, excités, fournis-

sant pendant la nuit suivante un travail cérébral intensif, sans tendance

au sommeil, la mémoire redevenue facile et sûre, avec sensation subjec-

tive de fièvre.

On voit le double intérêt théorique et pratique qui s'attache à ces faits.

Intérêt théorique, car on pourrait voir là le début d'une étude patho-

génique des troubles nerveux fonctionnels qui ne forment encore qu'un

chaos. Intérêt pratique, car l'opothérapie thyroïdienne agissant non seu-

lement sur les troubles nerveux ressortissant à la série myxoedémateuse,

mais aussi parfois,quand elle est donnée à très petite dose,sur les accidents

paroxystiques nerveux ressortissant à la série basedowienne, il y a toute

une série d'indications thérapeutiques qu'il faudra désormais discuter chez

les «nerveux fonctionnels » avant d'en être réduit à la thérapeutique

symptomatique.

LES TROU$LES PSYCHIQUES DANS LES SYNDROMES THYROÏDIENS 223

C. Réflexions.

Marcel Garnier, constatant que les phénomènes d'hypothyroïdie et d'hy-

perthyroïdie ne correspondent pas toujours au défaut ou à l'exagération

de la sécrétion colloïde, a admis l'hypothèse féconde de sécrétions thyroï-

diennes multiples, dont les pertubations expliquent les myxoedèmes par-

tiels de Brissaud.

Pour Garnier, la thyroïde, glande à sécrétion externe et excrétion in-

terne, est à elle-même son propre réservoir de colloïde. Mais à côté de la

sécrétion colloïde, sécrétion externe, il faut admettre de vraies sécrétions

internes, dont les produits s'échappent directement dans le sang par le pôle

vasculaire de la cellule, pendant que la colloïde sort par lepôle sécrétoire.

Ainsi le bouffisure des téguments et l'obésité, qui ne sont pas liées à la

rétention de la colloïde, proviendraient d'un trouble dela véritable sécré-

tion interne.

Le myxoedème, terme clinique, n'est donc pas synonyme d'insuffisance

thyroïdienne, terme de physiologie pathologique.

A plus forte raison le terme syndrome de Basedow n'est pas synonyme

d'excitation thyroïdienne ; car tous les syndromes de Basedow ne parais-

sent pas au même titre être fonction d'excitation thyroïdienne et peut-être

l'excitation thyroïdienne entraîne-t-elle des effets pathologiques en dehors

de la série basedowienne.

Quoi qu'il en soit, les syndromes thyroïdiens sont dans deux conditions

différentes en rapport avec les troubles psychiques.

D'une part, il est des troubles psychiques élémentaires qui font partie

intégrante, les uns, du myxoedème, et, les autres, du syndrome de Ba- t i,

sedow. . '

La constance de ces troubles permet de dire qu'ils sont causés par les

perturba lions de la thyroïde.

Pour eux donc la thèse que je soutiens me paraît démontrée.

D auh'e part, il est des troubles psychiques complexes, des syndromes

psychiques, des psychoses, qui coexistent assez souvent avec les syndromes

thyroïdiens. Cette coexistence, très rare chez les myxoedémateux, est plus

fréquente chez les basedowiens. Chez ceux-ci cette coexistence peut s'ex-

pliquer par une simple coïncidence, tantôt par un terrain dégénératif du

malade, également favorable à l'éclosion du syndrome basedowien et de

la psychose ; mais dans certains cas il me paraît démontré par la clinique

et l'opothérapie que la psychose est directement sous la dépendance du

syndrome thyroïdien, qu'il s'agit d'une psychose toxi-thyroïdienne. La

thyroïde agit donc sur la vie psychique, chez l'enfant, par son insuffisance,

en arrêtant le développement cérébral, comme celui du reste de l'orga-

xxi 15

226 LAIGNEL-LAVASTINE

nisme - perturbation structurale - et chez l'adulte, par ses variations

d'activité, en troublant la vie psychique perturbation humorale.

Cette perturbation humorale spécifique, c'est-à-dire thyroïdienne, into-

xiquant l'encéphale, produit, selon son intensité et la résistance cérébrale,

soit des troubles élémentaires, soit des psychoses. -

Les troubles psychiques élémentaires, surtout marqués dans les domai-

nes affectifs et volontaires, sont en quelque sorte à l'opposé les uns des

autres, selon qu'ils font partie de la série myxoedémateuse ou de la série

basedowienne.

Les psychoses, dont les diverses modalités ne sont que l'exagération des

troubles psychiques élémentaires, rentrent dans l'allure générale des psy-

choses toxiques, la confusion mentale.

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(1) A indique la bibliographie des généralités et B la bibliographie des troubles

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(2) L'absence d'indication de ville indique qu'il s'agit de Paris.

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SOCIÉTÉ DE NEUROLOGIE DE PARIS

SÉANCE DU 7 MAI 1908

SUR LES CARACTÈRES PARADOXAUX

DE LA

DÉMARCHE CHEZ LES HYSTÉRIQUES (1).

Y A-T-ÏL UNE DÉMARCHE HYSTÉRIQUE ?

PAR

VINCENZO NERI.

... La contradiction prouve le défaut de

réalité.

(J. PAGET, Affections neuromiméliques

des articulations.)

LA DÉMARCHE DANS L'HÉMIPLÉGIE HYSTÉRIQUE.

Todd, le premier, a attiré l'attention en 1856 sur la démarche dans

l'hémiplégie hystérique. '

..... « Je désire, dit-il, appeler particulièrement l'attention sur le ca-

ractère spécial du mouvement de la jambe paralysée, lorsque le malade

marche, mouvement qui, dans mon opinion, est caractéristique de l'affec-

tion hystérique.

« Si vous considérez une personne souffrant d'une hémiplégie ordinaire

sous la dépendance de quelque lésion organique du cerveau, vous vous

apercevez qu'en marchant, elle a une allure particulière pour porter en

avant la jambe paralysée : elle porte d'abord le tronc du côté opposé à la

paralysie et appuie tout le poids du corps sur le membre sain ; alors par

une réaction de circumduction, elle porte en avant la jambe paralysée,

faisant décrire au pied un arc de cercle. Notre malade, au contraire, ne

marche pas de cette façon : elle traîne après elle (« drags ») le membre

paralysé comme s'il s'agissait d'une pièce de matière inanimée, et n'ac-

complit aucun acte de circumduction,ne fait aucun effort pour le détacher

du sol ; pendant qu'elle marche, lepied balaye (« sweeps ») le sol.

« Cela, je pense, est caractéristique de la paralysie hystérique.»

L'étude de la démarche dans l'hémiplégie hystérique a été ensuite ex-

posée à plusieurs reprises par Charcot, qui appliqua à la démarche de

(1) Ce travail a fait l'objet d'une communication avec projections cinématographi-

ques à la Société de Neurologie de Paris (Séance du 1 mai 1908).

232 NERI

l'hémiplégie hystérique le nom de démarche de Toddou démarche hélio-

pode (de elao = traîner et 7 ! "01JÇ = pied) et à la démarche de l'hémiplégie

organique le nom de hélicopode (de eÀ¡(]OEW = tourner) (Homère appelle

les boeufs : e¡j,m1Jocx.ç). Le signe le plus frappant dans la démarche de Todd

(dit Charcot) est que le membre paralysé est, pour ainsi dire, Iraîné par

le malade, non seulement comme un corps étranger, mais de plus comme

un corps étranger qui serait attaché au malade sans que celui-ci en ait

connaissance.

Gilles de la Tourette en étudiant ensuite la démarche dans l'hémiplégie

hystérique, avec la méthode des empreintes, dit : lorsque le sujet se met

en marche (supposant qu'il s'agit d'hémiplégie droite) la jambe saine

gauche donne l'impulsion nécessaire pour la propulsion en avant; dés

qu'elle se détachera du sol, le corps prendra son point d'appui sur les bé-

quilles, et, en raison du peu de stabilité de cet appui, la jambe n'accom-

plira qu'une oscillation de faible amplitude, soit un pas de petite étendue.

Au moment où cette jambe saine prend de nouveau son appui, la jambe

malade, elle, non seulement est incapable d'aider à la propulsion du

corps, mais'elle ne peut même arriver au niveau de l'autre. C'est en s'ap-

puyant sur la jambe saine et en se penchant en avant que, à l'aide. des

muscles du tronc, le sujet parviendra à faire progresser son membre

inerte.

Les tracés de Gilles de la Tourelle montrent bien que la marche ne

s'effectue que d'un seul côté.

Toutefois, comme le remarque le même auteur, il ne faudrait pas croire

que le type d'hémiplégie flasque soit en quelque sorte pathognomonique

de l'hystérie : il existe, en effet, dans l'hémorragie cérébrale, une période

de début de l'hémiplégie, variable comme durée suivant les cas, et dé-

pendant de la rapidité et de l'intensité de la dégénération secondaire, pé-

riode;pendant laquelle les caractères de l'hémiplégie vraie diffèrent peu

de ceux de l'hémiplégie hystérique.

Il faut au moins distinguer dans la démarche hémiplégique organique

deux périodes : une première période, démarche hémiplégique flasque,

dans laquelle le malade traîne sa jambe presque à la façon de l'hémiplégie

hystérique, et un eseconde période, démarche hémiplégique spasmodique,

durant laquelle les malades marchent en fauchant.

C'est seulement sur les caractères de cette deuxième période de démar-

che hémiplégique que Todd et Charcot fondent le diagnostic différentiel

entre les deux affections. '

Ce diagnostic ne pourrait-il donc être fait au cours de la première pé-

riode ? Les analogies entre la démarche de l'hémiplégie flasque et de l'hé-

miplégie hystérique sont-elles tellement grandes qu'on ne puisse y arriver ?

DE LA DÉMARCHE HYSTÉRIQUE 233

Avant tout il faut dire que l'hémiplégique hystérique ne marche pas tou-

jours de la manière classique décrite par Todd : quelques-uns de ces ma-

lades, il est vrai, traînent la jambe paralysée comme si elle était morte et

n'accomplissent pas le pas antérieur; d'autres au contraire (comme l'a dé-

montré Marinesco à l'aide du cinématographe) balaient le sol seulement

dans le pas postérieur et font le pas antérieur, ainsi que leur double pas,

du côté paralysé et presque égal à celui de la jambe saine.

Cela encore à mon avis est une forme de démarche paradoxale, car en

effet le malade traîne la jambe paralysée seulement dans la partie presque

passive de la marche, c'est-à-dire dans le pas postérieur.

L'hémiplégique flasque, au contraire, traîne son pied sur le sol par son

bord interne d'une façon presque constante.

Mais ce n'est pas seulement sur les mouvements du membre inférieur

que nous devons porter notre attention,mais bien encore sur l'attitude gé-

nérale, sur l'habitus extérieur du malade.

On constate alors que tandis que l'hémiplégique flasque vrai fait des

mouvements du tronc compensateurs constants et rationnels pour porter sa

jambe malade au même niveau que la jambe saine, c'est-à-dire, lorsque

le pied sain est à l'appui, le corps se penche en avant et du côté sain,

tirant par son poids et par les muscles du tronc le membre paralysé, l'hé-

miplégique hystérique au contraire, ou bien, reste passif, n'ayant pas de

mouvements compensateurs, ou bien, cherche à compenser ses troubles

locomoteurs par des mouvements exagérés et absurdes qui extériorisent

un effort vraiment hyperbolique.

Pourrai-je trouver un exemple plus démonstratif de cette démarche que

celui que Gilles de la Tourelle a relevé dans ce miracle opéré sur une

certaine Marie-Anne Couronneau, laquelle atteinte d'hémiplégie évidem-

ment hystérique, jugée incurable par les plus grands médecins de l'époque,

avait cependant encore assez de foi pour obtenir la guérison à Saint-Mé-

dard le 13 juin 1731 ? Une ancienne gravure représente cette femme sou-

tenue sur deux béquilles, obligée, à chaque pas, de renverser le corps en

arrière et de faire de violents efforts, en tirant sa jambe gauche en avant

- avec une lisière pour faire avancer par secousses son côté gauche immobile.

La malade que Todd prend comme type de sa description est tout à fait t

le contraire de celle-ci : elle traîne passivement sa jambe comme une

pièce de matière inanimée. Chacune de ces deux malades laisse constater

dans sa démarche quelque chose de paradoxal, l'une par ses mouvements

exagérés, l'autre par sa grande passivité.

Le mérite vrai de Todd c'est d'avoir si bien fixé l'attention sur cette

inertie totale et absurde du membre paralysé, qui fait tout de suite exclure

l'idée d'hémiplégie. Cependant la façon de marcher des hémiplégiques

234 NERI

hystériques est bien loin d'être toujours la même. Quelquefois l'hémi-

plégique hystérique marche sans même toucher le sol avec sa jambe ma-

lade ; d'autres fois la démarche ressemble à celle des enfants qui chevau-

chent sur un balai (Oppenheim).

A vrai dire' donc, il n'y a pas une démarche de Todd commune à tous

les hémiplégiques hystériques, mais chacun de ces malades marche d'une

manière qui lui est propre et constamment différente de celle des hémiplé-

giques organiques.

Pourtant ce n'est pas le traîner du pied paralysé, comme on dit souvent,

mais plutôt la passivité paradoxale ou la compensation paradoxale qui

forme le caractère pathognomonique de cette démarche.

Ce que j'ai dit pour l'hémiplégie hystérique je pourrais le répéter pour

la paraplégie et pour les monoplégies hystériques. Je viens d'observer dans

le service de M. Babinski un cas de vraie rééducation de la démarche chez

une hystérique paraplégique. Cette malade, qui gardait le lit depuis plu-

sieurs années, marche maintenant presque normalement après avoir pré-

serité,pendant trois mois,les mouvements les plus absurdes et paradoxaux,

soit en ce qui regarde ses membres, soit en ce qui regarde son tronc. Il va

sans dire' qu'aucun de ces mouvements ne ressemblait même de la manière

la plus éloignée à ceux que l'on constate dans la paraplégie organique.

Voici encore un cas de paralysie hystérique du membre inférieur droit

que j'ai étudié avec la méthode des empreintes et à l'aide du cinémato-

graphe. [Je me suis persuadé que la combinaison de ces deux méthodes est

celle qui convient le mieux pour bien analyser tous les moments d'une

démarche.]

Le malade traîne passivement sa jambe paralysée, qui est dans une

abduction exagérée, sans qu'on observe dans sa personne le moindre mou-

vement compensateur. Voilà un premier caractère paradoxal.

Si on fait marcher le malade à quatre pattes, tous les signes de paralysie

disparaissent, et il accomplit dans cette position des mouvements égale-

ment actifs avec ses jambes. En le faisant reculer, il porte activement en

arrière son membre paralysé, rigide, comme s'il était d'une seule pièce ;

de plus si on lui ordonne de marcher sur la pointe des pieds, il accomplit

sans difficulté ce mouvement, conservant toujours à son pied la position

d'abduction exagérée ; façon de marcher qui est difficile même pour une

personne normale.Ainsi donc dans cette démarche attentivement examinée

on trouve à chaque instant des signes deparadoxalité.

Dans tous ces cas c'est l'absurdité de la conduite de ces malades qui

attire l'attention ; tandis que dans les paralysies organiques les malades

contractent les muscles non lésés autant que cela leur est possible pour fa-

voriser la démarche ; au contraire dans la paralysie hystérique les muscles

DE LA D) ! MAHCHR HYSTÉRIQUE 235

non paralysés ou bien restent passifs ou bien se contractent d'une façon

absurde. Dans la paralysie hystérique, comme Brodie l'a dit justement,

« ce ne sont pas les muscles qui n'obéissent pas à la volonté, mais c'est la

volonté elle-même qui n'entre pas en jeu ».

Je voudrais maintenant attirer l'attention sur la démarche dans une

autre manifestation de l'hystérie, je veux dire dans la coxalgie hystéri-

que, car, à mon avis, une connaissance exacte de cette démarche pourrait t

fournir d'importants renseignements au point de vue du diagnostic.

LA DÉMARCHE DANS LA COXO-TUBERCULOSE.

Pour se rendre bien compte des détails qui vont suivre, il faut avoir

présents à l'esprit les caractères de la démarche dans la coxite organique.

Deux sortes de démarche sont à distinguer chez les coxi tiques organiques :

1° la démarche pendant l'évolution douloureuse de la maladie; le malade

cherche alors à réduire sa douleur au minimum en penchant son corps

sur le membre sain ; 2° la démarche après la guérison, le malade se laisse

tomber alors sur le membre raccourci.

Examinons de plus près la démarche pendant la période douloureuse

de la maladie, la seule qui nous intéresse. Voici ce qu'on constate : le

malade traîne le pied du côté atteint et ne l'élève guère au-dessus du sol

qu'au moment où il passe sur la verticale.

La durée d'oscillation du membre malade est beaucoup plus longue que

celle du côté sain parce que le patient cherche à s'appuyer le moins long-

temps possible sur le membre douloureux. En conséquence la durée to-

tale du pas complet est moindre qu'à l'état normal. En outre, afin de se

maintenir en équilibre, le malade se penche en avant et du côté sain, ce

qui diminue l'influence du poids du corps sur le membre malade. Enfin

toujours dans le même but, il exécute simultanément avec le membre su-

périeur des mouvements de flexion et de balancier tout à fait caractéris-

tiques.

LA DÉMARCHE DANS LA COXALGIE HYSTÉRIQUE.

La démarche des malades atteints de coxalgie hystérique diffère-t-elle

ou non de celle que je viens de décrire dans la coxite organique ?

Je n'ai trouvé dans les ouvrages classiques de neurologie aucune obser-

vation exacte sur la démarche dans la maladie de Brodie (1837). Chose

étrange ! Brodie, qui a observé le premier les arthralgies hystériques, qui

les a décrites avec tant de soin, ne dit rien sur la démarche spéciale dans

cette manifestation hystérique.

Charcot dans ses Leçons sur la coxalgie hystérique, après avoir énuméré

les caractères des arthralgies hystériques, l'attitude des membres, les mo-

236 NERI

dalités spéciales de la douleur, les analogies cliniques considérables avec

la coxalgie organique, pour ce qui est de la démarche de son malade, dit :

qu'elle ne diffère pas essentiellement de celle que présentent les individus

atteints de coxalgie organique de date ancienne.

Jendrassik, qui s'est cependant occupé de la démarche dans les mala-

dies nerveuses, sur la démarche dans un cas de névrose articulaire hysté-

rique, dit que la malade marchait comme si elle était atteinte de sciati-

que. La malade, dit-il, faisait de petits pas et des mouvements d'équili-

bre avec ses bras et inclinait fortement son tronc sur l'articulation de la

hanche.

Je me demande pourtant de quelle hanche il parle, delà saine ou dela

malade, car c'est sur le côté sain que se penchent les malades atteints

de sciatique.

M. Oppenheim, à propos de la marche dans la coxalgie hystérique, ob-

serve que les malades ne peuvent du tout marcher ou qu'ils marchent

d'une manière particulière en boitant d'une façon exagérée.

Les chirurgiens au contraire ont mieux fixé leur attention à ce sujet.

Ainsi, M. Duplay, dans ses Leçons de clinique chirurgicale, à propos de

l'attitude et de la démarche entre la vraie coxalgie et la coxalgie hystéri-

que, dit : «dans ces deux affections, les contractures siégeant sur les

muscles pelvilrochantériens peuvent donner lieu exactement aux mêmes

attitudes vicieuses y compris les déviations compensatrices, comme par

exemple l'inclinaison du bassin en avant et l'ensellure lombaire. Il est

vrai que dans la coxalgie tuberculeuse, on observe le plus souvent la flexion,

l'abduction et la rotation en dehors, lorsque dans la coxalgie hystérique on

constate presque toujours la flexion avec abduction et rotation en dedans.

Mais cela ne saurait constituer un signe différentiel, puisque les deux

positions peuvent exister dans l'une et l'autre affection. Ce qu'il y a de

particulier dans la coxalgie hystérique, c'est la résistance des contrac-

tions. Dans une coxalgie tuberculeuse, surtout au début, vous arriverez

en y mettant beaucoup de douceur à triompher des contractures dans une

certaine mesure et à imprimer de petits mouvements à l'articulation ; or,

vous ne parviendrez jamais à ce résultat dans la coxalgie hystérique.

Dans cette dernière affection, la marche présente aussi quelque chose

de très spécial. Si on fait lever la malade, elle conserve les recroquevil-

lements du membre inférieur, dus à son attitude vicieuse, mais elle ne

souffre pas, et, elle peut marcher en sautillant ou en s'appuyant aux

meubles. Essayez d'obtenir le même résultai dans la coxotuberculose; au

moindre mouvement, la malade éprouvera de vives douleurs et refusera

de quitter son lit. Il y a là, comme vous le voyez, un signe malheureu-

sement non constant, mais d'une importance très grave et sur lequel on

n'insiste pas suffisamment.

DE LA DÉMARCHE HYSTERIQUE 23 ? 1

« J. Paget, à propos de la claudication dans « les affections neuromimé-

tiques (hystériques) des articulations », pour ce qui regarde le diagnostic

différentiel avec les vraies lésions des articulations, remarque que : « La

valeur du signe de la claudication dans le diagnostic est la même que celle

de la douleur. Il peut être exagéré, caricaturé d'une manière absurde et

son exagération seule suffit pour prouver son peu de valeur. Par exemple,

lorsqu'un patient dont la santé générale est bonne et dont le pied est frais,

ou froid, et bien conformé, a soutenu pendant plusieurs semaines qu'il lui

est impossible de faire porter aucun poids sur son pied ; ou lorsqu'un au-

tre, au genou duquel on ne peut ni sentir ni voir rien d'anormal, se met

à boiter comme si son articulation était entièrement perdue, ici, comme

dans beaucoup d'autres cas, la contradiction prouve le défaut de réalité.

La difficulté de diagnostic est la plus grande lorsqu'il n'y a qu'une

claudication légère ou un obstacle peu marqué aux fonctions d'une articula-

tion. En examinant les cas dans lesquels la claudication ou autre espèce

d'impotence est le signe principal ou le seul signe manifeste d'une affec-

tion articulaire, vous trouverez qu'un certain nombre pour 100 ont pour

cause réelle ou apparente une simple faiblesse musculaire du membre,

d'autres une légère chorée partielle. Les premiers sont souvent associés à

ce qui survient fréquemment chez les hystériques, comme sir B. Brodie

l'a démontré une laxité ou mollesse particulières des articulations. Ils

ne sont pas d'un diagnostic difficile; lorsque la jointure est réellement

malade l'affection est très évidente.

Les cas choréiformes sont plus sujets à induire en erreur. Dans quel-

ques-uns, il y a une sorte d'éparvin sec (string-halt) c'est-à-dire une se-

cousse brusque du talon à chaque pas, qui fait naître, on ne peut mieux,

l'idée d'une affection du genou. Beaucoup plus compliqués sont les cas de

chorée légère de tout le membre inférieur, dans lesquels le patient, lors-

qu'il marche, boite, jette la jambe en avant on en dehors, un peu à la

manière d'une personne qui a une affection commençante de la hanche. »

La ressemblanèe n'est pas, il est vrai,très marquée. Dans un cas cepen-

dant, Paget avoue que la démarche simulait tellement celle de vrais coxi-

tiques, qu'elle lui causait tout d'abord une grande crainte pour le diagnos-

tic. Il s'agissait d'une malade qui avait un frère atteint d'une affection

scrofuleuse grave de la hanche. Dans ce cas la malade se tenait debout et

marchait par imitation à la manière des vrais coxitiques. Peut-être aussi

que la malade de Charcot boitait comme les individus atteints de coxalgie

organique, par imitation ?

J'ai fixé mon attention depuis quelque temps sur la façon de marcher

des malades souffrant d'algies hystériques et je me suis convaincu que

ces malades ne marchent jamais de la même manière que les malades

organiques.

238 NERI .

Dans une première observation que je dois à l'amabilité de M. le docteur

Franchini, interne dans leservice de M. le professeur Dagnini de Bologne,

qui avait déjà constaté les caractères paradoxaux de la démarche, que j'ai

plus tard analysés avec la méthode des empreintes et à l'aide du cinémato-

graphe, il s'agissait d'une femme âgée de 20 ans qui, à la suite d'un acci-

dent de travail, se plaignait de vives douleurs à la hanche droite. A l'exa-

men objectif de cette malade on ne trouvait aucun signe d'affection or-

ganique, au contraire tous les signes caractéristiques d'une coxalgie

hystérique (PI. XXXIV).

La malade, se tenant debout, il y avait bien là quelque chose qui simu-

lait l'attitude de la vraie coxalgie, mais lorsqu'elle commençait à marcher

on était frappé de ce que sa démarche était exactement l'inverse de celle

de la coxalgie organique : à savoir lorsque la malade s'appuyait sur le côté

souffrant, elle faisait un pas d'une longueur plus que doublé de celui qu'elle

faisait lorsqu'elle s'appuyait sur le côté sain. Il était de 50 centimètres dans

le premier cas et de 20 centimètres seulement dans le deuxième ; le temps

employé pour accomplir le premier pas était plus du double de celui

employé pour le second. Cette différence entre les deux pas s'accentuait

encore plus, lorsque je faisais marcher la malade les yeux fermés ; le pas

gauche était alors de 45 centimètres, le pas droit de 9 centimètres seule-

ment. De plus, la malade, au lieu de se pencher en avant et latéralement

du côté sain, ce qui aurait diminué le poids du corps sur le côté souffrant,

se penchait ou, pour mieux dire, tombait par saccades en avant et latéra-

lement du côté malade.

Dans un cas analogue que j'ai observé dans le service de M. le professeur

Broca, aux Enfants-Malades, chez une jeune fille-de 11 ans qui maintenant

est complètement guérie, j'ai relevé presque les mêmes signes de marche

paradoxale que je viens de décrire. Ici encore l'enfant inclinait son tronc

sur la jambe malade et de plus battait très nettement,en marchant, du talon

du côté malade. Le pas de la malade était presque de la même longueur.

Les caractères absurdes de cette démarche n'avaient pas échappé à l'atten-

tion de M. Broca, qui les avait remarqués dans une leçon sur cette

malade.

Un troisième cas de cette démarche paradoxale je viens de l'observer

chez une malade dans le service de M. Babinski.

Je trouve d'ailleurs, pour ce qui concerne les algies hystériques, un ca-

ractère paradoxal dans un cas d'hystérie traumatique dans les Leçons de

clinique médicale de M. le professeur Grocco de Florence.Il s'agissait d'un

malade qui souffrait au mollet gauche et qui, au lieu d'incliner pendant

la marche son tronc sur le côté sain pour graviter sur la jambe de ce côté,

l'inclinait sur la jambe malade. Ce même malade fut guéri par

suggestion.

NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALP1 : TRI$ltE.

T. XXI. PI. XXXIV

CARACTÈRES PARADOXAUX DE LA DÉMARCHE HYSTÉRIQUE

(Vil1cmzo Neri).

Coxalgie hystérique.

Masson & Cie, Éditeurs

Phototypie llerlbaud, Paris.

NOUVELLE Iconographie DE la SALPÊTRIÈRE.

T. XXI. PI. XXXV

CARACTÈRES PARADOXAUX DE LA DÉMARCHE HYSTÉRIQUE

(Viiiceiio Neri).

Masson & Cie, Éditeurs

PIHllnl)'Jllc B¡'llhaud. p u

t Î

DE LA DÉMARCHE HYSTÉRIQUE 239

Il y a quelquesjours j'ai observé, dans le service de M. Babinski, un cas

analogue sur une femme qui se plaignait de vives douleurs au mollet

gauche et qui pendant la marche se penchait avec le tronc sur le côté

malade. Cette même malade pouvait courir sans boiter ; cela indique bien

la nature de l'affection.

Toutes les fois qu'un malade se plaint d'une artll1'algie ou d'une

névralgie et se penche en marchant ou s'arrête plus longtemps sur le

côté douloureux, il faut toujours soupçonner, sous cette compensa-

tion paradoxale, la nature hystérique de l'affection .

Certes, on ne relève pas d'une manière aussi manifeste cette paradoxa-

lité de la démarche,chez tous les malades se plaignant d'algies hystériques,

mais, en observant bien, on trouvera toujours quelque chose d'absurde

dans les mouvements. Les mouvements de claudication ne seront pas exé-

cutés avec précaution, mais rapidement et par saccades ; en somme, il y

aura toujours des caractères paradoxaux dans leur démarche qui aideront

le médecin attentif au point de vue du diagnostic.

Dans l'hystérie on rencontre encore bien d'autres formes de troubles

de démarche les plus variées, comme l'abasie, dans laquelle l'impos-

sibilité de la marche contraste avec l'intégrité plus ou moins complète des

autres mouvements que peuvent exécuter les membres inférieurs, les

disbasies, qui différentes chez chaque individu laissent toujours recon-

naître leur nature hystérique soit pas l'exagération soit par l'énormité de

leurs mouvements, en somme par leur paradoxalité, qui quelquefois peut

atteindre un degré énorme.

J'ai observé il y a quelques jours dans le service de M. le professeur

Brissaud un jeune homme qui, pendant la marche, par une sorte d'état

spasmodique, tenait le membre inférieur droit à un léger degré de flexion

et d'abduction et qui,au moment du double appui,frappaitdeux foisd'une

manière rythmique le sol avec son talon droit. Ce même malade marchant

à quatre pattes traînait passivement sa jambe droite qui faisait, le malade

étant debout, le pas plus long (Voir PI. XXXV).

Voici encore une malade qui, au moment d'appuyer sur sa jambe gau-

che, plie trois fois rythmiquement le pied sur son bord externe et accomplit

finalement le pas droit dans cette mauvaise position. Cette femme, qui

marchait depuis 20 jours de cette étrange manière, est guérie en quel-

ques minutes par M. Babinski par suggestion et quitte la salle de consul-

tation en marchant tout à fait normalement. '

Ce sont ces mouvements rythmiques et absurdes à la fois qui nous frap-

pent dans la marche de ces malades et qui par là indiquent tellement leur

nature que, je crois, on s'exposerait bien peu à commettre une erreur de

diagnostic en prononçant d'emblée le mot : hystérie.

240 NERI

Charcot sur la démarche dans un cas de chorée rythmée dit : « la ma-

lade progresse, avec un balancement rythmé du corps, un mouvement

cadencé du membre du côté droit qui rappellent assez bien la danse dite

mazurka ».

Je viens de cinématographier un malade dont la marche ressemble

tout à fait à la « valse ». '

Lorsqu'on est habitué à observer la démarche dans les diverses mala-

dies organiques, c'est bien difficile de ne pas reconnaître une démarche

d'un hystérique.

Dans les rares cas douteux il suffit de quelque astuce d'examen (faire

marcher le malade d'une manière non habituée, le faire marcher à quatre

pattes, ou le faire tenir debout sur une seule jambe, etc.) pour constater

la paradoxal té de la démarche.

J'ai vu récemment dans le service de M. Babinski une femme présen-

tant dans la marche ordinaire une claudication exagérée. M. Babinski eut

l'idée d'inviter à l'improviste la malade à marcher à reculons, ce qu'elle

fit d'une façon absolument correcte, et le contraste frappant dans la ma-

nière dont s'accomplissaient ces deux modes de déambulation lui permit

d'affirmer que la perturbation n'était pas de nature organique.

Comme conclusion : tandis que toute une série de maladies organiques

impriment à la marche de sujets qui en sont atteints des modifications

telles que leur simple constatation suffit pour établir le diagnostic, les

affections hystériques au contraire M'MMjo ? 'MH6M< aux sujets qui en sont at-

teints aucune démarche spéciale.

Il n'y a pas une démarche hystérique spéciale pour une manifestation

hystérique déterminée simulant plus ou moins la démarche caractéristique

d'une maladie organique. Le malade organique compense d'une manière

rationnelle et presque constante son trouble soit sensitif, soit paralytique ;

chaque hystérique au contraire marche d'une manière propre à lui, d'une

manière non seulement différente de celle des malades organiques, mais

encore d'une manière plus ou moins paradoxale. Le caractère vrai de la

démarche hystérique est sa paradoxalité .

Encore une fois, on constate la justesse de ce qu'a dit M. Babinski, à

savoir, qu'il n'y a pas une seule manifestation hystérique qu'on puisse

confondre, si l'on observe bien, avec une manifestation organique.

BIBLIOGRAPHIE

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Jendiussik. Klinische Beitrage zum Studium der normalen und pathologischen

Gangarten. Deut. Arch. für Klin. méd., 1901.

xxi , 16

UN CAS DE GYNECOMASTIE

PAR

le J)f BOIGEY, médecin-major.

- (Pl. XXXVI)

Niai Mouloud ben Mohammed, jeune Kabyle du douar Bou Hamza, est

âgé de 16 ans environ. Son père est bien portant ; sa mère est morte, il y

a une dizaine d'années. Il a une soeur et deux frères plus âgés que lui,

sur lesquels nous ne possédons pas de renseignements. Niai ne peut nous

fournir aucun détail sur leur conformation physique, la loi religieuse in-

terdisant au musulman de jeter les yeux sur les personnes de sa famille,

lorsqu'elles sont nues.

Périmètre sous-mammaire : 0 m. 80; taille : 1 m. 63; poids : 54 ki-

logrammes. Bonne santé habituelle. Pas de maladie antérieure.

Il y a trois ans, il vit ses seins se développer et prendre en l'espace

d'un mois une apparence féminine. A la même époque se révélaient chez

lui les signes delà puberté. Depuis lors, ses seins ont conservé leur volume

anormal ; ils rappellent ceux d'une femme vierge et sont surmontés cha-

cun d'un mamelon entouré d'une zone pigmentée parfaitement visible. La

palpation révèle l'existence de masses glandulaires importantes occupant

la plus grande partie des seins. Tous les deux ou trois mois, pendant quel-

ques jours, ceux-ci se gonflent, deviennent durs et sensibles au toucher,

en même temps que se produisent de violents accès de céphalée et un

gonflement oedémateux de la région prostato-périnéale.

Stigmates hystériques : anesthésie pharyngée et cornéenne. Zones mo-

biles d'anesthésie tégumentaire irrégulièrement réparties au niveau de la

région mammaire, de la fosse iliaque droite et du membre inférieur

droit. Exagération transitoire des réflexes rotuliens. Les téguments de la

région périnéale sont insensibles à la piqûre, sensibles au toucher et à la

chaleur. Les testicules ont un développement moyen et occupent leur

place habituelle dans un scrotum bien développé, exempt de varicocelle.

La verge est bien développée.Pas de traces de rachitisme. Pas de tares os-

seuses. Pas de syphilis héréditaire ou acquise.Conformation crânienne nor-

male.Pasdegoitre ni d'exophtalmie.Végétations adénoïdiennesdupharynx.

Ce sujet, d'une intelligence assez vive, habite une ville du littoral al-

gérien où il remplit à la maison publique le rôle de domestique. Il fait

occasionnellement le commerce de ses charmes.

Nouvelle Iconographie DE la SALPtTRU ! RE

T. XXI. PI. XXXVI

UN CAS DE GYNÉCOMASTIE

B0lâ By .

Masson et Cie, Editeurs

Phototype 0erthaud, Pam

NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALP ! rRIKRE

T. XXI. PI. XXXVII

LES DOUCHOBORIS

(Kleymrn) .

Masson et Cie, Editeurs

Phototypie Borthaud, Pan§

LES DOUCHOBORIS

(COMBATTANTS POUR L'AME)

par

le Dr D. KLEYMAN.

(PI. XXXVII)

Les Douchoboris (combattants pour l'amer constituent une secte qui a

pris naissance il y a environ cent cinquante ans.

Ils étaient déjà traqués par Catherine II,parce qu'ils ne reconnaissaient

pas l'autorité du gouvernement tzariste et de l'église orthodoxe ; rejetant

tous les emblèmes et le rituel religieux, ils n'avaient ni temple, ni sacre-

ment, ni prières, s'assemblant pour chanter les psaumes dans n'importe

quel local. Ils ont conservé jusqu'à nos jours les mêmes moeurs religieuses.

Plus tard,Nicolas 1er les exila au Caucase dans une région très insalubre

où sévissait la malaria, croyant ainsi s'en débarrasser à tout jamais. Mais

étant très laborieux ils travaillèrent à assainir les marécages et leur so-

briété aidant ils arrivèrent à une grande prospérité. Mais du fait de cette

prospérité leur société communiste se transforma peu à peu en société

capitaliste et leur idéalisme mystique disparut.

Ils étaient régis par un homme issu de leur milieu, appelé tantôt « tzar»

tantôt apôtre. Cette royauté était héréditaire et à défaut d'homme passait

aux femmes. Vers l'année 1880 ils étaient gouvernés par une femme,

qu'ils appelaient «petite soeur »ou « sainte vierge». Cette femme n'ayant

pas d'enfants, a désigné en mourant comme successeur un nommé Pierre

Veriguine, que les Douchoboris disaient avoir été son amant.

' La loi sur le service militaire obligatoire fit renaître chez eux la foi

primitive et ils refusèrent de porter les armes. Toutes les recrues furent

alors envoyées aux travaux forcés en Sibérie, et des villages entiers furent

de nouveau exilés en 21 heures dans un district encore plus sauvage et

malsain du Caucase,ce qui les a complètement ruinés; Pierre Veriguine fut

déporté en Sibérie.

En 1899 l'autorisation leur fut donnée d'émigrer au Canada. Ils parti-

rent au nombre de 7.500 et se fixèrent à Ossinaboïa et Sasaktchevan à

150 kilomètres environ de la ville de Winnipeg.

244 KLEYMAN. LES DOUCHOBORIS

Le gouvernement canadien fit don de 160 acres de terre à chaque homme

de plus de 18 ans. -

Nombre d'entre eux,dénués de toutes ressources, reçurent des fermiers

canadiens et surtout des Quakers beaucoup d'objets de première nécessité,

Les pauvres formèrent une société communiste parfaite et les riches devin-

rent des propriétaires-fermiers Chose intéressante, ils se montrèrent tout

d'abord de vrais paysans avides d'augmenter leurs terres et leur bétail.

Etant végétariens par dogme ils se trouvèrent malheureux dans ce pays

froid qui ne fournissait pas les légumes nécessaires à leur subsistance.

D'un autre côté les difficultés qui surgirent entre eux et le gouvernement

canadien, qui exigeait l'enregistrement des naissances et des décès et des

actes de propriété individuelle pour chaque lopin de terre,- chose impos-

sible aux communistes d'Ossinaboïa, mit le comble à leur méconten-

tement.

Exploitant cet état d'esprit quelques fanatiques proclamèrent qu'ils ne

vivaient plus selon la loi du Christ et les exhortèrent à aller chercher le

royaume de Dieu dans un pays plus clément.

Et ces paysans, naguère si rapaces et si attachés à leurs biens, lâchèrent L

leurs troupeaux à travers la campagne, disant que les bêtes créatures de

Dieu ne devaient pas travailler pour le profit des hommes. Et en bandes

de 2.000 environ, hommes, femmes, enfants, ils partirent vers le Sud à

la fin de l'automne 1902, marchant tout nus dans la neige à la recherche

de cette chimère.

Ils allèrent ainsi jusqu'à la station de Minadosa,distante de 80 milles

d'Ossinaboïa, où la police montée aidée des fermiers et des cowboys, les

fit entrer de force dans les trains malgré leur résistance acharnée qu'aug-

mentait encore leur soif du martyre. Plusieurs enfants ont succombé pen-

dant cette équipée.

Ramenés dans leurs villages, ils y vivent à l'heure actuelle dans un

calme relatif, sous l'influence de Pierre Veriguine, rentré d'exil, jusqu'à

la prochaine escapade.

Nouvelle Iconographie DE la SALPÊTRIÈRE.

T. XXI. PI. XXXVIII

ÉTUDE DE MAINS PAR ! IANS HOLBEIN

(Dessin du biucee de l31le)

(O. Crouzol1).

Au-dessus : photographie d'une « main en pince D.

Masson & Cie, Éditeurs

Y4ndotypie l'am

ÉTUDE DE MAINS PAR H. HOLBEIN

PAR ti

O. CROUZON.

La photographie que nous reproduisons (Pl. XXXVIII) représente un

dessin de Holbein qui se trouve au musée de Bàle (Suisse) et qui est dé-

signé sous le titre de Etude de mains.

L'artiste a dessiné quatre mains que nous avons numérotées pour la

commodité de la description : elles nous paraissent toutes représenter des

t5pes pathologiques et nous allons essayer de faire le diagnostic des afiec-

tions auxquelles il faut les rattacher. Les mains numérotées 1 et 3 nous

paraissent devoir être rapprochées l'une de l'autre ; de même nous rap-

procherons la description des mains numérotées 2 et 4. La main numé-

rotée 1 est placée en hyperextension sur le poignet, l'annulaire et l'auri-

culaire sont fléchis, le médius a une tendance à la flexion, seuls l'index et

le pouce sont étendus et paraissent avoir conservé la totalité des mouve-

ments. C'est là l'aspect que présente là main en pince que Pierre Marie

et Guillain onl décrite dans la syringomyélie. Cette main est en effet

en hyperextension sur l'avant-bras (comme la main de prédicateur) et est

caractérisée par la différence qui existe entre l'état des trois derniers

doigts et celui du pouce et de l'index. Quand les trois derniers doigts sont

tout à fait fléchis, l'index peut-être lui-même en demi-flexion alors que le

pouce reste en extension. Le malade se sert alors du pouce et de l'index

à la manière d'une pince, d'où le nom donné à cet aspect de la main à un

stade avancé de la contracture.

La photographie que nous reproduisons d'après la thèse de Guillain (1)

nous montre un des aspects typiques de cette main en pince avec l'hype-

rextension de la main de prédicateur. Il est évident que la main numérotée

1 du dessin de Holbein n'est pas aussi contracturée que celles des malades

de Guillain ; elle est néanmoins à un stade assez avancé de la contracture.

Si nous étudions maintenant la main numérotée 3, nous lui trouvons

un caractère analogue à la main numérotée 1 : c'est la différence entre

l'état des deux derniers doigts et l'état des trois premiers. Peut-être le

troisième doigt est-il légèrement fléchi ; peut-être y a-t-il également' une

(1) GUILLAIN, La forme spasmodique de la syringomyélie. Paris, 1902,

246 CROUZON. ÉTUDE DE MAINS PAR H. HOLBEIN

ébauche de flexion de l'index. Mais c'est surtout la contracture des deux

derniers doigts qui est nette ici et elle nous paraît un stade de début de la

main en" pince. On pourrait objecter, il est vrai, qu'il s'agit peut-être de

rétraction de l'aponévrose palmaire,,mais ce diagnostic nous paraît devoir

être écarté en raison de la persistance du pli de flexion des trois derniers

doigts qui n'existerait pas s'il existait une corde aponévrotique dans la

région interne de la paume de la main.-

Les mains numérotées 2 et 4 représentent des types d'une autre affec-

tion : il s'agit sans aucun doute ici de rhumatisme chronique. La main

n° 2 présente des tuméfactions au niveau des articulations métacarpo-pha-

langiennes du pouce, de l'index, du médius et de l'annulaire. Il existe

également quoique moins nettes des nodosités au niveau des articulations

phalango-phalanginiennes des quatre derniers doigts avec une légère

flexion. Enfin les veines du dos de la main et de la face postérieure de

l'avant-bras sont volumineuses et très apparentes. Il est curieux de noter

que cette main ne représente point un type banal de rhumatisme chroni-

que : cette dilatation des veines s'observe fréquemment dans la goutte et

dans le rhumatisme diathésique. D'autre part, la localisation prédomi-

nante du rhumatisme aux articulations métacarpo-phalangiennes permet

de rapprocher le dessin d'Holbein du type de rhumatisme sénile décrit t

par P. Marie et .Léri (1) dans lequel on retrouve cette localisation. Bien

plus, le rhumatisme sénile de P. Marie et Léri est caractérisé également

par le pouce hyperétendu en croissant à concavité dorsale, de telle sorte

que le bord externe du pouce continué avec le premier métacarpien prend

la forme d'un S très allongé (cette attitude semble due au glissement de

la phalange sur le métacarpien). Or, nous voyons ici sur le dessin d'Hol-

bein une ébauche de cette déformation, peu apparente sans doute parce

que le pouce est vu par sa face dorsale, mais révélée néanmoins par la

saillie externe du métacarpien du pouce.

La main nez présente elle aussi des déformations caractéristiques de

rhumatisme chronique : c'est un exemple du second type classique de

Charcot : on voit en effet l'ankylose en flexion des articulations phalango-

phalanginiennes de l'index, du médius et surtout de l'annulaire.

Ainsi donc sur les quatre mains représentées par Holbein, deux nous

paraissent reproduire des types de mains syringomyéliques, deux nous

paraissent se rapporter à des variétés de rhumatisme chronique. Et celle

étude de mains nous paraît autant remarquable par l'exactitude et la fidé-

lité avec lesquelles elle représente la nature que par l'intérêt avec lequel

l'artiste a rassemblé ces types morbides qu'il avait eu la sagacité de dé-

pister.

(1) P. Marie et Léri in Rapport de M. J. Teissier au Congrès de Liège sur les for-

mes cliniques du rhumatisme chronique.

LES DESSINS

DE LA « COLLECTION DES CHIRURGIENS GRECS . »

- ATTRIBUÉS AU PRIMATICE.

Vers le xe siècle, un médecin byzantin, nommé Nicetas, à l'instigation

de l'empereur Constantin Porphyrogénète, entreprit de collectionner les

ouvrages des Chirurgiens Grecs.

Cette collection, heureusement, ne fut pas détruite, et, vers la fin du

xve siècle, le manuscrit grec fut rapporté d'Orient au cardinal Nicolas

Ridoln, par Jean Lascaris.

Les manuscrits rassemblés par le prélat florentin furent,pour la plupart,

introduits en France dans la seconde moitié du xvie siècle par Catherine

de Médicis. Cependant la Collection des Chirurgiens grecs recueillie par

Nicetas resta à Florence.

Là, un médecin florentin, Guido Guidi, qui fut plus tard professeur

en médecine au Collège de France (152-448), entreprit la traduction

en latin du manuscrit grec, et, sur les conseils du cardinal Ridolfi lui-

même, dédia cette traduction au roi François loi'.

Ce dernier fit faire à Paris une superbe édition de la traduction latine de

Guido Guidi. Elle parut en 1544.

Le manuscrit latin de Guido Guidi est conservé à la Bibliothèque Na-

tionale sous le n° 6866. Il est accompagné de nombreux dessins extrême-

ment intéressants attribués à Jean Santorinos et au Primatice, qui avaient

été chargés de reproduire les ligures anciennes annexées au manuscrit

du cardinal Ridolfi en les accommodant au goût du jour. M. Il. Omont, de

la Bibliothèque Nationale, s'est intéressé à juste titre à ces belles illus-

trations. MM. Berthaud frères, dont les lecteurs de la Nouvelle Iconogra-

phie de la Salpêtrière ont pu apprécier la conscience et l'habileté dans la

reproduction de tous les documents figurés, cliniques et artistiques, ont

entrepris une publication réduite des 200 dessins qui accompagnent le

fameux manuscrit latin de Guido Guidi.

L'ouvrage très élégant qu'ils viennent d'éditer mérite d'être connu de

tous ceux qui s'intéressent à l'histoire de la médecine et de l'art.

MM. Berthaud frères ont bien voulu offrir quelques-unes de leurs

belles planches en primeur aux lecteurs de la Nouvelle Iconographie de la

Salpêtrière qui tient à leur en exprimer ici ses plus vifs remerciements.

248 8 LES DESSINS DE LA COLLECTION DES CHIRURGIENS GRECS

Ces planches, mieux que toute description, donneront une idée de l'in-

térêt chirurgical et artistique de l'ouvrage sur lequel M. H. Omdnt a eu

la bonne idée d'attirer l'attention du public médical, en le faisant précé-

der d'une notice trop modeste,mais très savammentdocumentée,à laquelle

nous avons emprunté les renseignements qui précèdent.

Les premières planches ont trait à la réduction des fractures des mem-

bres, les suivantes aux luxations. '

La PI. XXXIX représente un procédé de réduction des luxations de

l'épaule. On voit qu'il exige le concours de quatre aides, et non des

moins musclés. La composition, parfaitement claire au point de vue du

mécanisme employé pour opérer la réduction, ne manque pas d'élégance

artistique. Il en est de même de la Pl. XL.

La Pl. XLI représente la réduction d'une luxation de la mâchoire.

La PI. XLII fait voir deux méthodes employées pour le redressement

de la colonne vertébrale.

La PI .XLIII fait connaître différents modes de bandage de la tête d'après

Gallien.

Enfin, la PI. XLIV montre un mode de réduction de luxation de la

cuisse.

Les autres planches (il y en a 200) ne le cèdent en rien à ces spéci-

mens pour l'élégance et l'ingéniosité du dessin comme pour l'exactitude

chirurgicale.

Le seul examen de ces figures montre combien les dessins attribués au

Primatice offrent d'intérêt aussi bien pour le chirurgien que pour l'artiste.

Il faut remercier encore M. II. Omont et MM. Berthaud frères d'avoir mis

à la portée du public médical une collection figurée aussi curieuse et

aussi intéressante.

HENRY MEIGE

Le gérant : P. Bouchez.

Imp. J. '1 hevenot, Saint-Dizier (Haute-Marne).

RÉDUCTION D'UNE LUXATION DE L'ÉPAULE

(Pl, XI).

Masson & Cie, Éditeurs

- Phototypie Berthaud, Paris.

NOUVELLE Iconographie de la SALP1'IRIlRF

T. XXI. Pl. XL

RÉDUCTION D'UNE LUXATION DE L'ÉPAULE

(Pl. XII).

Masson et Cie, EJuel1l5

Phototyplt Bert6wd, Paru

Nouvelle Iconographie de la SALPÉTRIÈRE.

T. XXI. Pl. XLI

RÉDUCTION D'UNE LUXATION DE LA .MACHOIRE

(Pl. XIX).

Masson et Cm, Editeurs

Phototypie BenLmd Pvm

Nouvelle Iconographie DE la Salpêtrière.

T. XXI. Pl. XLII

MÉTHODES EMPLOYÉES POUR LE REDRESSEMENT DE LA COLONNE VERTÉBRALE

(Pl. XXIII).

Masson & Cie, Éditeurs

Phototypie Berlhaud, Paris.

Nouvelle ICONOGRAPHIE DE la SALPt'rRIiRE

T. XXI. Pl. XLIII

BANDAGES DE TÊTE D'APRÈS GALIEN

(Pl. XXXII).

Masson et Ci», Editeurs

Phototypie Barthaui, Paru

Nouvelle Iconographie de la SALP$TRI8R8.

T. XXI. Pl. XLIV

RÉDUCTION DE LA LUXATION DE LA CUISSE

(Pl. Ci]).

Masson & Cie, Éditeurs

Phototypie Derwl\udJ Parts.

NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALPE'IRIRE.

T. XXI. Pl. XLV

DEVOLUTION PRESENILE. DELIRE RAISONNANT DE DEPOSSESSION

HOMICIDE, RÉTICENCES, NÉGATIVISME, MUTISME ET REPUS D'ALIMENTS,

STÉRÉOTYPIES, AFFAIBLISSEMENT INTELLECTUEL.

(Séglas et Stroecblilt).

Masson & Cie, Edneurs

Pft.t.tyl ? 8ettbaud, Part'

HOSPICE DE BICÊTRE

INVOLUTION PRÉSÉNILE. DÉLIRE RAISONNANT DE

DÉPOSSESSION. - HOMICIDE. - RÉTICENCES, NÉGATI-

VISME, MUTISME ET REFUS D'ALIMENTS, STÉRÉOTY-

PIES : AFFAIBLISSEMENT INTELLECTUEL.

PAR R

J. SÉGLAS, et STROEHLIN,

Médecin de l'hospice de Bicêtre. Interne des hôpitaux.

Le malade P... est entré à Bicêtre le 30 juin 1905 à l'âge de 47 ans.

Actuellement, et depuis plus de deux ans, lorsqu'on vient à l'examiner,

P... observe l'attitude suivante : En entrant, il ôte sa casquette,jette au-

tour de lui un regard sournois et se campe ensuite dans une attitude

figée, le tronc et la tête penchés en avant, les yeux fixés à terre. Immo-

bilité, parfois interrompue par des sortes de tics des doigts. Mutisme ab-

solu, quoi qu'on lui dise. Il comprend cependant ; car, si on le prévient

qu'il peut se retirer, il s'empresse de relever la tête, de remettre sa cas-

quette et de s'en aller (Pl. XLV).

Cette attitude déjà bizarre, le paraît encore davantage lorsqu'on sait à

la suite de quelle évolution délirante elle s'est établie.

P... a été interné à la suite du meurtre de son beau-frère, et sur

les conclusions d'une expertise médico-légale du Dr Dupré, le considé-

rant comme un persécuté persécuteur, atteint de délire de déposses-

sion. Le Dr Dupré a eu l'amabilité, dont nous le remercions vivement,

de nous communiquer son rapport, où nous puisons les renseignements

suivants.

Les antécédents héréditaires et personnels de P... ne présentent rien

de particulier à signaler, jusqu'à la mort de sa femme. Les affaires relati-

ves à la succession furent alors réglées par devant notaire et le partage des

hiens s'effectua avec le plein consentement de P... Cependant depuis lors

xxi 1 17

250 SÉGLAS ET STROEHL1N '

il ne cessa de se croire lésé dans ses intérêts, de tourmenter son beau-

frère, de dire qu'on l'avait volé et qu'il les tuerait tous.

Le 12 mars 1905, P... s'est présenté devant son beau-frère, V...,pour

lui réclamer une fois de plus les 10.000 fr. qu'il a toujours prétendu lui

avoir été volés par celui-ci. V... las de ces réclamations incessantes, im-

patienté par le ton et l'allure de P...,veut le mettre à la porte. Une courte

lutte s'engage, au cours de laquelle P ? tire son revolver, apporté inten-

tionnellement pour le cas où V... reconduirait encore ; il fait feu à deux

reprises sur son beau-frère, qui, atteint d'une plaie pénétrante de l'abdo-

men, succombe quelques jours après.

Il est à remarquer que quelques mois auparavant P... avait déjà été

condamné à six mois de prison avec sursis pour coups et blessures sur

sa belle-soeur, Mme V... Ce délit avait été commis à la suite d'une scène

violente de réclamations relativement à la même affaire.

Après son attentat, P... ne manifeste aucun regret de ce qui s'était

passé, et, logique avec lui-même, ne cesse de réclamer l'entière respon-

sabilité de son acte. Il estime qu'il ne pouvait agir autrement, ayant

épuisé tous les moyens de conciliation, sans que ses réclamations aient été

écoutées.

Il raconte que le ménage V... lui aurait soustrait dans sa bibliothèque

une somme d'environ 10.000 francs en valeurs mobilières. Il prétend,

en outre, qu'un complot a été dirigé contre lui par le ménage V..., son

frère et ses deux soeurs. V... aurait, en empruntant son nom à lui P...,

contracté ou fait contracter, par des hommes de paille, quatre mariages

successifs en juin et octobre 1902 et 1903 à la mairie du XA arrondisse-

ment dans le but de « perpétrer sa canaillerie contre lui, pour légitimer

son vol, dans un sens ou dans l'autre, selon le genre de plainte que lui,

P..., aurait portée ».

Dans son rapport le Dr Dupré met bien en évidence la conviction

absolue de P..., que n'arrêtent ni l'illogisme, ni l'invraisemblance

de ses arguments, et qui le porte à discuter avec son interlocuteur,

passant par dessus tous les obstacles, éliminant toutes les difficultés

en des réponses dilatoires ou évasives pour en revenir toujours à l'affir-

mation du vol qu'il a subi, des droits qu'il a à faire valoir, de l'évidence

de sa bonne cause, de son intention, s'il était en liberté de poursuivre

comme jadis, non plus V... puisqu'il est mort, mais sa famille.

Dès son entrée à Bicêtre, son attitude est déjà tout autre. P... raconte

bien qu'il a été volé par le ménage V..., qu'il abattu sa belle soeur et tué

quelques mois plus tard son beau-frère. Il ajoute que son acte n'est pas

légal, mais que sa conscience est tranquille parce qu'il se considère comme

INVOLUTION PRÉSÉNILE 251

un justicier. Mais il refuse de s'expliquer d'une façon plus précise ; à

toutes les questions qui lui sont posées, il ne répond pas, ou oppose

d'énergiques dénégations. Il affecte aussi de ne pas s'inquiéter, et de ne

pas comprendre où il est : « J'attends la suite », dit-il.

Cette attitude réticente résiste à toute tentative. Il en arrive même à

nier tous les renseignements, tous les aveux contenus dans le rapport du

Dr Dupré, en ajoutant : « Je n'ai pas le moindre souvenir ni la moindre

idée de tout ce que vous me racontez là. D'ailleurs à vous entendre, tout

cela se serait passé sans témoins entre ce docteur et moi ; alors pourquoi

le croire plutôt que moi ! »

Pendant une année, P... persiste dans cette attitude. A toutes les ques-

tions il réplique qu'il demande à retourner en prison, à passer en juge-

ment, « pour savoir à quoi s'en tenir définitivement ». Dans ce but, il

écrit très fréquemment au juge d'instruction des lettres très brèves et

presque stéréotypées :

En mai 1906, apparition du négativisme et des stéréotypies.

Toute la journée, P... reste assis dans son lit la tête dans ses mains.

Mutisme absolu, ayant persisté depuis lors. Il ne répond pas aux ques-

tions, reste immobile, figé ; mais il entend, comprend et exécute rapide-

ment certains ordres. Pas de raideur ni de catalepsie. Refus d'aliments

nécessitant le gavage pendant plus d'un mois. Au début, grande résistance ;

au bout d'une semaine la sonde est acceptée sans difficulté.

Juillet. P... s'alimente seul, mais dans sa cellule ; il ne veut pas

manger au réfectoire. Il a commencé par ne manger d'abord que du pain

et boire l'eau de la fontaine.

Août. - Ne veut plus sortir de sa cellule où il s'enferme ; il défend

qu'on y entre et si on insiste, devient violent. '

Quelque temps après, il sort à nouveau dans la cour, mais après avoir

demandé préalablement la permission, bien que sa porte ne soit pas fer-

mée à clef.

. Avril 1907. P... refuse de s'habiller ; il reste désormais enveloppé

seulement de sa couverture et se promène ainsi dans sa cellule.

Juillet. Un jour on l'habille de force et on le met hors de sa cellule.

Depuis lors, il s'habille, se promène dans la cour, mange au réfectoire.

Mais le soir, une fois rentré dans sa cellule, avant de se coucher, il défait

son lit, plie soigneusement le matelas et les draps, et s'étend à terre, sur

sa paillasse, enveloppé dans la couverture. Cette habitude se répète tous

les soirs.

Juin 1908. Depuis lors, l'état de P. n'a pas varié.

252 SÉGLAS ET STROEHUN

Il se renferme toujours dans son mutisme qui dure ainsi depuis près

de deux ans.

Tous les malins il dit à l'infirmier qui ouvre la porte de sa cellule la

même phrase stéréotypée : « Vous me porterez le matin pour la visite du

docteur ».

Après cette manifestation verbale, la seule à laquelle il se livre, il s'en

va sans attendre la réponse, ne s'inquiète plus de rien, et ne songe même

pas à réclamer si on ne l'amène pas à la visite.

Dans la journée, il ne s'occupe absolument à rien, ne s'intéresse à rien,

reste indifférent à tout ce qui se passe autour de lui. L'hiver, il passe

son temps au chauffoir, dans la même posture, debout contre la feuêtre

ou sur un banc, regardant fixement dans la même direction ; l'été, il reste

dans la cour sans se promener, immobile auprès d'un banc ou d'un mas-

sif. Le soir, rentré dans sa cellule, il continue à plier ses draps et son

matelas, pour se coucher à terre sur sa paillasse, enroulé dans sa couver-

ture.

Il est très docile, mais ne fait rien spontanément ; il faut aller le cher-

cher pour le conduire au lavabo, au réfectoire etc....,

Il conserve les attitudes dans lesquelles on le place , mais c'est de la

docilité plutôt que de la catalepsie vraie.

Du côté physique, aspect plus vieux que son âge; quelques signes

d'artério-sclérose ; arc sénile assez prononcé, canitie.

En résumé l'évolution de la maladie chez P... comprend deux phases.

La première est caractérisée par un délire de dépossession qui fait du

malade un véritable persécuté persécuteur du type raisonnant.

La seconde phase, de symptomatologie très différente, se caractérise

par le négativisme, le refus d'aliments, le mutisme, les stéréotypies,

si bien qu'actuellement l'état du malade rappelle quelque peu celui des

déments catatoniques.

Sans prétendre lui appliquer strictement cette épithète, il nous semble

tout au moins permis de considérer que cette seconde phase se relie à un

état d'affaiblissement intellectuel. En effet, l'indifférence du malade, son

apathie, l'absurdité de toute sa conduite, semble bien témoigner d'un

rétrécissement de l'activité intellectuelle, d'une déchéance, que certains

symptômes physiques de sénilité précoce, nous autorisent d'autre part à

INVOLUTION PRÉSÉNILE 253

rapporter à l'involution présénile, bien qu'il ne présente pas les caractè-

res de la démence sénile proprement dite.

Quoi qu'il en soit, cette succession de deux phases aussi distinctes nous

a paru intéressante à signaler. En effet il est admis que les délires du

type raisonnant persistent d'ordinaire sous une forme toujours identique

à elle-même, sans aboutir à la démence. Et même pour les formes plus

particulières du délire de dépossession, se rattachant au groupe dit des

délires de préjudice préséniles, dans lequel notre malade paraissait, au

début tout au moins, devoir prendre place, les auteurs s'accordent à con-

sidérer, que si ces délires ne guérissent pas et même ne s'améliorent pas,

du moins ils n'arrivent jamais à la démence confirmée.

SOCIÉTÉ NEUROLOGIE DE PARIS.

Séance DU 2 ,1LILLET 1908.

UN CAS DE POLIENCÉPHALO-MYÉLITE AIGUE,

PAR

BRISSAUD ET A. GY

Professeur la Faculté de médecine. Interne des hôpitaux.

Observation.

Le nommé Alfred M..., âgé de 30 ans, ciseleur, entré le 8 mai 1908 salle

Saint-Charles, lit n° 9.

Aucun point intéressant qui soit susceptible de nous arrêter dans les anté-

cédents héréditaires : sa mère est en bonne santé, son père est disparu ; un

frère, âgé aujourd'hui de 35 ans, a toujours été bien portant, sauf une fluxion

de poitrine dans son enfance.

Lui-même a eu la scarlatine à l'âge de 8 ans. A 20 ans, il eut, semble-t-il,

une première atteinte de tuberculose pulmonaire avec hémoptysie, prélude de

la bacillose actuellement en évolution.

En dehors d'une blennorrhagie légère contractée à 22 ans, le malade n'in-

dique aucun symptôme, et n'est porteur d'aucun stigmate qui puisse faire

songer à la syphilis.

L'intoxication alcoolique est de même chez cet homme non évidente : tout

au plus accuse-t-il quelques crampes dans les mollets et quelques pituites ma-

tutinales ; il était par contre grand amateur de café mais non fumeur.

Depuis l'âge de 22 ans, il travaille régulièrement de son état de ciseleur,

avec une courte absence à la suite d'une poussée de bronchite. Il n'a pas fait

son service militaire, réformé pour faiblesse de constitution.

Le 10 avril dernier, en plein travail, cet homme ressent quelques symptô-

mes avant-coureurs de la maladie : léger embarras gastrique, céphalée peu

marquée, qu'on rapporte à la grippe.

Cet état dure quatre jours pendant lesquels le travail est interrompu.

Le 18.- Alors qu'il avait repris ses occupations, quelques douleurs apparais-

sent subitement dans les deux mains,au niveau des deux dernières phalanges.

Ces douleurs sont fort aiguës, comparables à la sensation d'onglée, mais elles

sont passagères. L'état général du malade est toujours excellent, aussi n'inter-

rompt-il pas son travail.

Le 19. Les douleurs apparaissent dans les mollets sous forme de crampes

occasionnant une gêne très prononcée de la marche. Elles persistent en dehors

de tout retentissement sur l'état général. '

Le 20. - Les douleurs se sont étendues aux membres supérieurs et particu-

Nouvelle Iconographie DE la SALP1 : TRIL`AE.

T. XXI. Pl. XLVI

POLI r ? ICÉPI 1 ALO-,NI YÉLITE AIGUE

(Brissaud ci Gy).

Masson & Cie, Éditeurs

Phototypie Berthaud, Paru

UN CAS DE POL1ENCÉPHALO-MYÉLITE AIGUE 255

lièrement aux avant-bras. Elles ont envahi à nouveau les mains et les doigts

comme les jours précédents. Elles ont augmenté d'intensité au niveau des

jambes.

Le ? 1.- Malgré le repos au lit durant toute la journée précédente, les dou-

leurs persistent. Les mouvements les augmentent. C'est ainsi, raconte le

malade, que sa démarche, rappelant « celle d'un homme ivre », amenait des

exacerbations au niveau des jambes.

En outre apparaît pour la première fois la diplopie.

et 3. - La diplopie s'accentue. Aussi le malade demeure-t-il au lit,;

la marche est impossible, et, rapporte-t-il, quand il voulait saisir un objet, ses

mains étaient tremblantes.

La nuque et le cou étaient intacts.

Du 24 au 30. Tous les troubles persistent; la diplopie s'atténue légère-

ment. Les douleurs disparaissent, mais l'impotence des mains et des avant-

bras est absolue. De même la paralysie des jambes. Par contre, la motilité

était conservée dans les cuisses. Aucune atteinte de l'état général.

Du 30 avril au 8 mai. - Tous les symptômes persistent, malgré l'adminis-

tration quotidienne de sulfate de strychnine à la dose de un milligramme.

Aussi le 8 mai entre-t-il à l'Hôtel-Dieu, salle Saint-Charles, lit n° 1. ', '

C'est un homme de 1 m. 81, du poids de 90 kilogrammes, en octobre 1907.

Il est étendu dans son lit, dans le décubitus dorsal, la tête inclinée presque

constamment à gauche, les bras le long du corps, les avant-bras fléchis à angle

droit et en pronation se croisant sur l'abdomen. De temps à autre, quelques

tressautements surviennent dans les avant-bras et les mains.

Face. La face est sans expression aucune, fortement amaigrie, les arca-

des zygomatiques très visibles, les pommettes saillantes; la peau est lisse ;

toute ride frontale a disparu ainsi que les plis normaux. '

Si l'on examine les yeux, on constate que les paupières sont lourdes, recou;

vrant à moitié les globes oculaires.

L'occlusion complète est presque impossible. En outre, quelques tressaute-'

ments fibrillaires agitent les paupières inférieures. `

Tout mouvement d'élévation et d'abaissement des globes oculaires est aboli.

Toutefois cette paralysie est moins marquée pour l'oeil droit que pour roeiÍ 1

gauche. Les mouvements de latéralité sont fortement diminués, 'mais le dex-

trogyre paraît un peu moins atteint que le levogyre. ' '

Les mouvements de convergence sont de même diminués d'amplitude, et

en faisant cette recherche, il existe un myosis d'accommodation extrêmement

prononcé.

Les pupilles sont moyennement dilatées et réagissent à la lumière et à la

distance. Réflexe consensuel normal. -'

Ajoutons enfin que le malade se plaint que sa vision soit moins nette surtout

pour l'oeil gauche.

La bouche est entr'ouverte. découvrant les arcades dentaires. La lèvre supé-

rieure, épaissie, éversée, saillante, en lèvre de tapir, fait contraste avec'le

retrait apparent de la lèvre supérieure. ' '

256 BRISSAUD ET GY

L'ouverture buccale ne paraît pas horizontale, mais suivant une ligne légère-

ment oblique en bas et à gauche. Par contre, la mobilité de la langue est tota-

lement conservée, elle exécute facilement des mouvements de latéralité, de

propulsion, de rétraction, d'élévation et d'abaissement.

Si l'on recherche les troubles qui résultent de ces modifications apportées à

la face, on constate que l'élocution est difficile, monotone; par suite, dit le

malade, que sa lèvre supérieure est tirée vers la droite, il fait alors entrer en

jeu sa mâchoire inférieure, d'où une apparence de mâchonnement de la parole.

Aussi accuse-t-il rapidement de la fatigue. Dans le sourire, la déformation de

la bouche s'accentue, car elle est tirée vers la droite, et dans cet acte, des

plis apparaissent plus marqués dans la région sous-orbitaire droite que gauche.

Toute tentative de siffler, de souffler sont impossibles et occasionnent un trem-

blement léger dans la lèvre inférieure. De même, la mastication est gênée et

l'alimentation difficile.D'une manière générale, dans les mouvements comman-

dés, la figure demeure inerte ; c'est ainsi que les grimaces ne peuvent être

qu'ébauchées.

Cou et nuque. - Le cou et la nuque sont très amaigris ; les fosses sus-cla-

viculaires sont très excavées. L'extension de la tête sur le rachis est facile ainsi

que les mouvements de rotation à droite et à gauche et d'inclinaison latérale.

Par contre, la flexion est plus difficile. La circonférence du cou au niveau de

l'angle saillant du thyroïde est de 36 centimètres.

Membres supérieurs. Les épaules sont tombantes. L'abduction et l'adduc-

tion du bras sont impossibles ainsi que son élévation. Le malade tente-t-il un

mouvement, il essaie de l'exécuter en traînant son membre impotent, par

une sorte de reptation, en prenant point d'appui sur le thorax qu'il raidit et

qu'il incline pour compensation.

La rotation du bras tant en dehors qu'en dedans est nulle. Vient-on a écarter

le membre du tronc, pour l'appliquer à nouveau contre le thorax, le malade

exécute une série de secousses, de soubresauts qu'accompagnent en outre des

contractions fibrillaires très nettes dans les pectoraux émaciés.

Les avant-bras droit et gauche sont en demi-flexion et en pronation ; tout

mouvement de rotation est impossible. Quelques essais de mobilisation sont

plus heureux, mais après beaucoup d'efforts et seulement quand le membre

prend son point d'appui sur le plan du lit : ainsi se fait la flexion qui est rela-

tivement facile, contrairement à l'extension qui est impossible. C'est en vain

que pour y suppléer, le malade cherche à utiliser le faible pouvoir contractile

des muscles de son épaule en projetant celle-ci.

Les mains soulevées, retombent fléchies à angle droit sur les avant-bras :

les doigts sont de même à demi-fléchis, les phalanges étant étendues.

Les éminences thénar et hypothénar sont flasques et grêles ; tout essai de

mouvement est fort lent et souvent sans résultat appréciable. C'est ainsi qu'au

pouce, l'extension, l'abduction et l'adduction sont impossibles, par contre, la

flexion est esquissée.

De même, les mouvements d'opposition sont lents mais possibles, surtout

UN CAS DE POLIENCMPHALO-MYÉLITE AIGUF. 257

pour la main gauche. L'index est il demi-fléchi sur la main au repos ; la

flexion plus grande est possible, l'extension impossible.

Il en est de même pour les autres doigts. Au 5e doigt, toute motilité est

abolie. Enfin les mouvements de déduction sont nuls.

Dimensions des membres supérieurs :

Circonférence du bras prise à 20 centimètres du sommet de la cavité adénoïde :

258 BRISSAUD ET GY

Les réflexes tendineux : rolulien, achilléeu, olécranieu, des extenseurs de

l'avant-bras sont abolis des deux côtés.

Les réflexes cutanés plantaires sont négatifs, abdominaux sont conservés

ainsi que les réflexes crémastériens.

De même pour les réflexes cornéen et pharyngien.

Des troubles vaso-moteurs sont survenus à diverses reprises sous forme de

sueurs survenant principalement à la suite, d'alimentation, siégeant surtout sur

le front et les bras. De même, le frottement ^de la peau détermina plusieurs

fois l'apparition d'une rougeur persistante.

Ajoutons la présence d'une plaque érythémateuse survenue dans la région

sacrée, de petites dimensions et ayant rapidement cédé aux soins appropriés.

Les sphincters anal et vésical sont intacts. C'est ainsi qu'on peut avec succès

commander au malade d'arrêter une miction.

L'appareil digestif est normal, en dehors de la gêne apportée à l'alimenta-

tion, vue plus haut. Aucun trouble de la sécrétion salivaire.

L'appétit est conservé ; les digestions faciles, les selles régulières et norma-

les. Le foie et la rate sont normaux.

Appareil respiratoire. - La respiration est de type costal supérieur.

Dyspnée nulle. Toux légère amenant le rejet de crachats peu nombreux,

muculo-purulents.

On note au sommet droit en arrière, l'existence de craquements étendus

dans toute la fosse sus-épineuse, perçus également dans la partie externe du

sommet droit en avant. -

Mêmes signes stéthoscopiques dans la fosse sus-épineuse gauche, mais beau-

coup plus lucalisés. '

Appareil circulatoire. Aucun bruit surajouté à l'auscultation du coeur,

mais toutes les vingt ou trente pulsations, légère irrégularité passagère et

précipitation des battements. Cette arythmie cesse deux jours après l'entrée du

malade. - '

Pouls à 80.

Appareil génito-urinaire. - Les urines contiennent un léger louche albu-

mineur. ' ' .

De plus, depuis le début de-l'affection, les érections ont disparu.

Température normale.

On institue comme traitement : des injections quotidiennes d'huile camphrée.

Du sulfate de strychnine à la dose de un milligramme.

Trois bains chauds par jour.

Le 11 mai. - Apparaît une légère amélioration dans la vision. Les mouve-

ments d'abduction sont plus prononcés à gauche.

Cependant dans les mouvements d'élévation, les globes oculaires ne dépas-

sent guère une ligne transversale passant par la commissure palpébrale.

12. - Les mouvements de latéralité des yeux sont plus étendus. Par

contre le déplacement des globes oculaires dans le sens vertical a sensiblement t

même amplitude que la veille.

UN CAS DE POLIENCÉPHALO-MYÉLITE AIGUE 259

Mobilité plus grande des jambes et des pieds tant à droite qu'à gauche : adduc-

tion, abduction, flexion, extension possibles.

Extension de l'index de même plus étendue.

On pratique une ponction lombaire qui est négative.

Le facies est plus coloré, plus animé. Les crises de sueurs sont moindres.

Le 13. - L'amélioration continue. La flexion, l'extension de la jambe et

du pied, l'abduction et l'adduction de ce dernier sont de plus en plus faciles.

Le bras droit lui-même est légèrement mobilisable. Néanmoins les membres

supérieurs ne peuvent se déplacer que par des mouvements de reptation ; tou-

tefois ceux-ci sont plus rapides.

L'élocution est plus aisée. La parole est plus rapide et la fatigue qui en résul-

tait les jours précédents, moindre.

T. à 37.

Pouls à 104.

15. Le malade peut aujourd'hui pour la première fois porter les mains à

sa bouche, en opposant celles-ci paume à paume et en levant les bras.

Les yeux sont mobiles,mais les mouvements demeurent limités. L'élévation

des globes oculaires est presque nulle, l'abduction partielle. En bas, les mou-

vements paraissent normaux, mais la diplopie persiste dans le regard en bas

comme en haut et aussi en dehors. \

16. Le malade peut se coucher latéralement, en chien de fusil. Les pro-

grès continuent, mais on constate une légère poussée de bacillose marqué par

quelques crachats sanguinolents rapidement arrêtés.

19. L'examen électrique pratiqué par M. Allard donne les résultats sui-

vants :

L'excitabilité électrique (faradique et galvanique) de tous les troncs ner-

veux est bonne.

L'excitabilité faradique de tous les muscles est bonne. Au courant galva-

nique, on note pour quelques muscles (deltoïde, biceps, grand pectoral)

l'inversion de la formule normale des secousses, le pôle positif étant ou plus

excitant ou aussi excitant que le pôle négatif.

M. Allard se propose de publier cet examen électrique à cause de cette par-

ticularité absolument exceptionnelle :

L'inversion de la formule normale des secousses galvaniques qui constitue

en effet un des éléments importants du symptôme de dégénérescence n'a de

signification que lorsqu'elle est accompagnée de l'inexcitabilité galvanique et

faradique du tronc nerveux et de l'inexcitabilité ou l'hypoexcitabilité faradique

du muscle. Ce n'était pas le cas, à la date du 19 mai, c'est-à-dire 5 semaines

après le début de la maladie, aucun muscle se présentait de réaction, même

partielle, de dégénérescence, ce qui permettait de porter déjà un pronostic très

favorable.

21. La mobilité est presque complètement revenue dans les avant bras.

L'extension, la flexion en sont encore lentes mais régulières, sans à-coups,

sans secousses. La main éprouve néanmoins une certaine difficulté à serrer

un objet. L'élocution est normale.

260 BRISSAUD ET GY

Les troubles oculaires seuls ne sont que très légèrement améliorés, surtout

dans le mouvement d'abduction, où, à la limite du regard, existent quelques

secousses nystagmiformes.

25. L'amélioration persiste. Le malade, seul, peut s'asseoir dans son lit,

se lever, se diriger vers sa baignoire.

29. Les mouvements oculaires paraissent normaux ; ils sont limités un

peu dans l'abduction ; dans le regard en dehors, on constate des deux côtés des

mouvements nystagmiformes. Diplopie horizontale et homonyme dans le re-

gard direct il droite et à gauche, dans le regard en haut et à droite et en haut

et à gauche (Parésie des VI° paires). Absence de troubles paralytiques de la

convergence. Les réactions pupillaires sont normales.

Pas de lésions du fond d'oeil.

Le retour des fonctions des membres est complet pour la jambe. Il est

moins accusé pour les membres supérieurs. C'est ainsi que le malade ne peut

manger sans aide, car ses bras présentent alors des oscillations, par suite d'une

certaine faiblesse persistant dans les muscles entrant en action.

6 juin. - Un second examen électrique est pratiqué qui donne les résultats

suivants :

L'excitabilité électrique (galvanique et faradique) des nerfs est bonne ;

L'excitabilité faradique des muscles est'bonne, légèrement diminuée pour

les extenseurs de la main et des doigts des deux côtés, ce qui ne s'était pas

produit lors du premier examen.

Au courant galvanique on ne note plus l'anomalie constatée au premier exa-

men (inversion polaire).

En somme, les réactions électriques ne sont que très légèrement modifiées,

aussi bien aux membres supérieurs qu'aux membres inférieurs.

13. On pratique un troisième examen électrique : Diminution trèslégère de

l'excitabilité faradique dans le vaste interne et le couturier droits. Les excita-

bilités galvaniques et faradiques des nerfs et des autres muscles du membre

inférieur droit sont absolument normales.

Notre malade a présenté à la suite d'une légère infection, un ensemble

de troubles paralytiques intéressant les quatre membres, la musculature

externe des yeux, le territoire du facial et du spinal.

Par contre, les sphincters ont été respectés ; les troubles de la sensibi-

lité (en dehors des vagues douleurs accusées par le malade au début de

l'affection, sont nuls ; les réflexes rotuliens abolis.

S'agit-il d'une polynévrite ? Dans cette maladie, la paralysie s'élend

plus lentement et débute par les extrémités. Les douleurs sont atroces el

l'on peut constater l'existence de zones d'anesthésie et d'hyperesthésie,

tous faits qui manquent chez notre malade. Toutefois, les quelques phéno-

UN CAS DE POLIENCIsPHALO-MYÉLITE AIGUE 261

mènes douloureux qui ont précédé chez cet homme, l'apparition des para-

lysies peuvent y faire penser.

On peut aussi songer à une altération de la plaque motrice terminale,

l'aspect de notre malade en effet rappelait exactement la grenouille

curasirée.

Nous penchons plutôt pour l'hypothèse d'encéphalo-poliomyélite. Cer-

tains auteurs ont soutenu l'intégrité constante de l'encéphale dans la polio-

myélite antérieure aiguë. Morvan (1), dans une thèse récente, s'est fai t

l'écho de cette opinion. Contre cette affirmation, de nombreux faits sont

venus démontrer la non prédilection de l'agent microbien pour tel ou tel

segment de l'axe cérébro-spinal. Une foule d'observations ont prouvé que

le même microbe pouvait avoir deux localisations différentes. Il en était

ainsi dans ces épidémies de paralysie infantile où s'associèrent parfois des

troubles bulbaires et mésencéphaliques (Bucelli-Coverley-Kaiser).

Récemment, M. Schmiergeld (2), qui a fait dans sa thèse inaugurale,

l'étude de la poliomyélite anlérieure aiguë de l'adulte, relate la statistique

que Médin (3) apporta au 10' Congrès de Berlin.

La voici : -

Poliomyélite antérieure aiguë avec polynévrite, parésie du facial : un

cas ;

Poliomyélite antérieure aigué avec parésie du nerf facial et de l'oculo-

moteur : un cas ;

Poliomyélite antérieure aiguë, avec participation de l'oculo-moteur et

du vague : un cas ;

Poliomyélite aiguë avec participation du facial, du vague et de l'acces-

soire : un cas ;

Poliomyélite antérieure aiguë avec participation de l'accessoire [et de

l'hypoglosse : un cas.

Poliomyélite antérieure aiguë avec participation de l'oculo-moteur, du

facial, du trijumeau, du vague, de l'accessoire et de l'hypoglosse : un cas .

M. Scltmiergeld, lui-même, rapporte deux observations de poliencépha-

10myélite; dans l'une, outre la paralysie des quatre membres, on nota des

troubles de l'ouïe, des convulsions, de l'aphasie passagère ; dans l'autre,

la participation de l'hypoglosse et de plus la paralysie était survenue en

deux temps et s'accompagnait de chorio-rétinite de l'oeil gauche.

Il semble donc rationnel d'admettre que l'infection - infection légère

vu le peu de modifications apportées aux réactions électriques - a inté-

(1) MoRvAN, Contribution à l'étude de la paralysie spinale antérieure aiguë de

l'adulte. Thèse de Paris, 1906.

. (2) SCIIMIERGELD, Étude sur poliomyélite antérieure aiguë. Thèse de Paris, 1901.

(3) Médin, Verhandl. des Xe méd. cong. Berlin, 1891, part. vi, f. 31.

262 BRISSAUD ET GY

ressé chez notre malade les cornes antérieures de la moelle dans toute leur

étendue, les noyaux du facial, du spinal et surtout des nerfs moteurs de

l'oeil, d'où ces troubles encore si apparents aujourd'hui dans le domaine

de la vision. Peut-être même le vague fut-il lésé, d'une manière fugace,

comme le prouve cette arythmie passagère constatée à l'entrée du malade

à l'hôpital. Par contre le noyau de l'hypoglosse fut respecté.

Peut-être la lésion ne serait-elle pas uniquement centrale. Le neurone

aurait été touché dans sa totalité : il s'agirait d'une cellulo-névrite.

Quelle que soit la localisation exacte de la lésion, l'origine infectieuse

de l'affection paraît évidente. La nature intime n'en a pu être décelée,

mais il faut vraisemblablement en voir le point de départ dans cet embar-

ras gastrique fébrile qui préexista à l'éclosion des accidents nerveux et

qu'on appela grippe. Quand nous avons examiné le malade, la virulence

de l'agent pathogène s'était sans doute atténuée puisqu'une ponction

lombaire ne nous permit pas, comme on l'a vu dans plusieurs cas de polio-

myélite antérieure aiguë, de déceler la lymphocytose, témoignage de la

réaction méningée à l'infection en cause.

UNIVERSITÉ DE NANCY

EXAMEN ANATOMIQUE ET HISTOLOGIQUE D'UN CAS

DE MICROGYRIE HÉMISPHÉRIQUE,

PAR

P. HAUSHALTER,

Professeur

ET

R. COLLIN,

Professeur agrégé

à la Faculté de médecine de l'Université de Nancy.

Depuis une dizaine d'années, la littérature neurologique s'est enrichie

de nombreuses publications relatives à des cas de microgyrie et plusieurs

auteurs ont essayé de grouper en séries homogènes les différents types de

celte curieuse malformation. Nous publierons prochainement une mise

au point de la question avec bibliographie aussi complète que possible.

Nous venons aujourd'hui relater un nouveau cas personnel.

Observation CLINIQUE.

Lucie M... entre à la Clinique infantile à l'âge de 19 mois, le 20 no-

vembre 1905.

Père, scieur de bois, serait souvent malade ( ? ).

Mère morte à 37 ans après 8 jours de maladie. ,

Trois enfants : fille de 19 ans bien portante ; garçon de 9 ans bien por-

tant ; l'entrante.

. La petite malade a été élevée au biberon par une grand'mère ; à l'âge

de 14 mois, elle eut des convulsions pour la première fois ; ces convul-

sions durèrent jours et auraient été accompagnées de fièvre ; l'enfant t

serait ensuite restée légèrement paralysée ( ? ).

Un mois après, elle eut de nouvelles convulsions pendant 4 jours.

En général, l'enfant est difficile, colère.

Etat actuel à l'entrée. Etat général très bon. Intelligence peu déve-

loppée ; caractère difficile. L'enfant marche en traînant légèrement la

jambe droite ; il n'existe pas de raideur dans le membre inférieur droit,

la malade ne se sert pas du bras droit.

La percussion du tendon rotulien du côté droit produit nettement la

réaction du côté gauche. Lorsque l'enfant pleure ou rit, on constate l'exis-

tence d'une légère parésie faciale droite. L'enfant subit une série de

frictions à l'onguent napolitain, sans modification de son état ; puis est

264 HAUSHALTER ET COLLIN

envoyée à l'hospice J. B. Thiéry à Maxéville où elle demeure jusqu'à sa

mort survenue en juin 1907.

Durant ce temps, elle est prise de convulsions du côté paralysé, une

fois, au début d'une bronchite, une autre fois de convulsions généralisées

après avoir été vaccinée, une autre fois quinze jours plus tard.

L'hémiplégie ne se modifie pas, elle demeure flasque, l'enfant marche

en se tenant aux murs. -

L'intelligence ne se développe pas, à l'époque de sa mort, la malade

âgée de plus de trois ans parle à peine ; cependant elle appelle par leurs

noms les autres fillettes de la salle ; elle reconnaît la soeur après six mois

d'absence, elle est propre, mais son caractère est devenu triste et inerte.

En juin 1907, l'enfant est atteinte de broncho-pneumonie, est prise de

convulsions au cours desquelles elle succombe.

Autopsie.

L'examen des viscères ne décèle que des lésions banales de broncho-

pneumonie. ,

Système nerveux.- L'encéphale seul a été recueilli. Ce qui frappe dès

l'abord, c'est la présence d'un exsudat purulent sous-arachnoïdien qui

enveloppe la convexité, la face interne et la base des deux hémisphères.

On constate aussi l'atrophie relative de l'hémisphère droit et de l'hémi-

sphère cérébelleux gauche.

L'hémisphère gauche se laisse dépouiller avec la plus grande facilité de

la méninge molle, du côté droit au contraire, la leptoméninge est adhé-

rente à la face convexe des circonvolutions à tel point qu'on ne peut la sé-

parer sans arracher des lambeaux de substance grise.Notre figure I montre

la face convexe de l'hémisphère gauche complètement débarrassée de ses

enveloppes arachnoïdienne et pie-mérienne. Sur l'hémisphère droit, au

contraire, la méninge molle n'a été enlevée qu'au niveau de la partie pos-

térieure des deux premières circonvolutions frontales et des deux tiers

supérieurs des circonvolutions rolandiques.

Macroscopiquement, chacun des deux hémisphères présente les parti-

cularités suivantes :

- A première vue, l'hémisphère gauche (225 gr.) apparaît beaucoup plus

petit que le droit. Cette diminution globale de volume est dû à la peti-

tesse remarquable des circonvolutions (microgyrie). Il n'existe pas de mo-

difications topographiques ou autres des scissures interlobaires. La scis-

sure de Rolando possède sa direction générale habituelle, mais elle est

plus flexueuse que normalement. Le pli de passage fronto-pariétal

inférieur est situé profondément et masqué par l'opercule temporal de la

fosse de Sylvius.

EXAMEN ANATOMIQUE ET H1STOLOGIQUE D'UN CAS DE M1CROGYRIE 265

La scissure sous-frontale, bien marquée, ne présente qu'un pli de pas-

sage fronto-limbique (pré-ovalaire).

La processus d'atrophie intéresse la totalité de la face externe de l'hé-

misphère gauche y compris l'insula et toute la face interne, à l'exception

de TI et Tel.. L'atrophie est plus marquée au niveau du lobule quadri-

latère.

La circonvolution temporo-occipitale (lobule fusiforme) semble nor-

male, ainsi que la circonvolution de l'hippocampe et le lobule lingual.

Le cuneus est peu développé. Au lieu de présenter la forme d'un coin,

il est constitué par un simple pli à direction antéro-postérieure situé en-

tre la scissure perpendiculaire interne et la scissure calcarine.

En somme, les circonvolutions ont leur disposition normale, mais les

sillons qui les séparent sont proportionnellement plus profonds que nor-

malement ainsi que les incisures qui les divisent (PI. XLVIII, A, B). Aussi

les circonvolutions paraissent-elles divisées en un plus grand nombre de

plis que d'habitude alors que l'apparence en question est due simplement

à l'accentuation considérable des incisures. C'est delà même particularité

que résulte l'aspect contourné des plis corticaux. Qu'on suppose un hé-

misphère normal dont l'épaisseur des plis aura diminué et dont les sil-

lons et les incisures se seront creusés d'autre part, on obtiendra un objet,

macroscopiquement comparable à celui que nous étudions.

L'hémisphère droit (525 gr.) ne présente à l'oeil nu rien de remar-

quable en dehors des lésions de méningite déjà signalées. C'est l'hémi-

sphère cérébral d'un enfant de trois ans.

Rien de notable également en ce qui concerne les noyaux gris centraux.

Le corps calleux existe, mais son épaisseur est diminuée (3 min. 5 à la

partie moyenne). Le tronc cérébral semble de même normal. Quant au

cervelet, nous avons déjà signalé l'atrophie de son hémisphère droit qui

pèse 46 gr., tandis que le gauche pèse 68 gr.

Examen histologique. L'encéphale ayant été fixé in toto, dans un

volume considérable d'une solution de formol à 10 0/0, nous avons pré-

levé des fragments des 1'' et 2e circonvolutions frontales droites et du pied

de F' droite, du F' gauche et du pied de F' gauche. Inclusion et coupes à

la paraffine, méthodes usuelles de coloration.

L'examen histologique du cervelet, de la protubérance, du bulbe et de

la moelle n'a pu être fait.

Hémisphère droit,- Sur les coupes histologiques des fragments non dé-

pouillés des méninges molles, le feuillet viscéral de l'arachnoïde se trouve

éloigné de 1 millimètre de la surface des circonvolutions. Il est formé

d'une seule assise, de cellules cubiques à noyaux arrondis ou ovalaires au

niveau desquelles on trouve de nombreux diplocoques. Il est difficile de

xxi 18

266 HAUSHALTER ET COLLIN

décider si ces micro -organismes sont situés à l'intérieur des cellules du

feuillet viscéral ou s'ils ont été entraînés à leur surface par le rasoir.

L'espace sous-arachnoïdien est rempli par un exsudat purulent dans le-

quel on trouve des leucocytes et des diplocoques. Les leucocytes sont de

plus en plus nombreux et serrés au sur et à mesure qu'on se rapproche

de la surface de l'encéphale, comme le montre la PI. XLVIII et se repar-

tissent surtout en polymorphes et mononucléaires de taille moyenne.

Les diplocoques sont nombreux dans toute l'étendue de l'exsudat. Ils

sont toujours disposés à la surface des fibres et des faisceaux conjonctifs

sous-arachnoïdiens. Ils sont accumulés en véritables amas réticulés en

certains points de l'adventice des vaisseaux. On en trouve très peu de

libres dans les mailles du réseau conjonctif. La phagocytose est très ac-

tive ; elle est exercée aussi bien par les mononucléaires que par les poly-

morphes.

Les leucocytes contenus dans la lumière des vaisseaux renferment, à

quelque variété qu'ils appartiennent, de gros grains d'un pigment brun.

Les diplocoques ne semblent pas avoir notablement envahi le tissu nerveux,

sauf en quelques points très limités de la surface de l'écorce. Sur certaines

coupes, les gaînes périvasculaires de Robin sont infiltrées de leucocytes

et de diplocoques, mais le fait n'est pas constant.

Ecorce cérébrale. Les cellules pyramidales présentent des altérations

considérables.

La chromatolyse du corps cellulaire est complète, le cytoplasma est

diffusément teinté par les couleurs basiques et a un aspect alvéolaire

(PI. XLIX).

Le noyau n'est plus ovalaire, mais piriforme ou pyramidal, il a adapté

sa forme à celle de l'élément cellulaire qui le renferme. Il n'est plus

vésiculeux, clair, transparent comme à l'état normal. mais très foncé,

d'une teinte beaucoup plus sombre que le cytoplasma : son caryoplasma

en somme semble teinté par de la chromatine dissoute. Le nucléole a

subsisté dans la plupart des cas, mais il se détache difficilement sur le

fond sombre de l'aire nucléaire, parce que sa partie acidophile est elle-

même plus foncée que d'habitude. Seules les portions basophiles du

nucléole sont assez nettement observables. Ajoutons que parfois, ce

nucléole présente dans sa partie centrale une grosse vacuole (PI. XLIX).

Cet aspect est connu depuis les travaux de NISSL, SARBO, Colucci,

LUGARO, Mariniîsco sous le nom d'homogénéisation du noyau avec atro-

phie. D'après IYIAIiINESCO (1), cette lésion présente deux phases : « celle

(1) Marinesco, l ! eclterches sur le noyau et le nucléole de la cellule nerveuse à l'état

normal et pathologique. Journal sur Psychologie u. Neurologie, Bd. V, 1905.

EXAMEN ANATOMIQUE ET HISTOLOGIQUE D'UN CAS DE MICROGYRIE 267 **

où le volume est normal ou légèrement augmenté, et une autre où'le noyau

est alors atrophié à différents degrés ». Dans la première phase, la forme du

noyau est variable, il peut être rond, long, ovoïde, ellipsoïde, en forme

de coeur ou de poire. Ce qui à ce moment là caractérise principalement

l'aspect du noyau, c'est d'une part la colorabilité intense de son contenu,

et ensuite son uniformité. On ne peut distinguer à l'intérieur du noyau

l'élégant réticulum acidophile ou les blocs également acidophiles qui y

sont logés. Habituellement, le nucléole est encore visible, mais -on le voit

comme à travers un voile, on le délimite mal ou même on ne 'l'aperçoit

plus du tout.

Le contenu du noyau se colore d'une manière intensive aussi'bien avec

les couleurs basiques qu'avec les couleurs acides ; mais ni dans un cas

ni dans l'autre, il n'est possible d'en étudier la structure.

Dans la seconde phase, le contenu du noyau n'est pas si coloré, mais la

vésicule nucléaire est rétractée, le nucléole est atrophié à différents de-

grés, atrophie parfois considérable et l'intérieur du suc nucléaire ne nous

montre pas de structure apparente. La membrane nucléaire, bien que

rétractée, garde cependant un contour régulier, il n'en est pas toujours

ainsi, et il arrive parfois que cette membrane est repliée sur elle-même

ou ratatinée. »

Indépendamment de ces altérations graves de la cellule nerveuse,

l'écorce cérébrale présente encore des modifications de la charpente de

soutien, surtout dans les parties profondes : les cellules de névroglie ont

considérablement augmenté de nombre : il est fréquent de rencontrer des

cellules pyramidales environnées d'un nombre considérable de noyaux

névrogliques multipliés (PI. XLIX).

Hémisphère gauche. Méninge molle. L'espace sous-arachnoïdien

est rempli de leucocytes comme du côté droit, mais le tissu conjonctif,

coloré par la méthode de Mallory, apparaît beaucoup plus abondant. La

diapédèse s'est donc effectuée ici au sein d'un tissu déjà sclérosé à la suite

d'un processus inflammatoire antérieur, celui-là même, croyons-nous, qui

a entraîné comme conséquence la microgyrie.

Ecorce cérébrale. La couche la plus externe de l'écorce cérébrale est

«ici représentée par une zone névroglique exactement figurée (PI. XLIX).

Cette zone est formée de fibrilles névrogliques assez épaisses, parallèles à

la surface de l'écorce et reliées entre elles par des fibrilles plus fines per-

pendiculaires ou obliques.

Les lésions cellulaires sont tout à fait du même type qu'à droite

(PI. XLIX), mais les cellules pyramidales sont singulièrement diminuées

de nombre. Nous inclinerions volontiers à admettre que les lésions de

chromatolyse,devacuolisation, d'homogénéisation du noyau avec atrophie

268 HAUSHALTER ET COLLIN

observées à'gauche ne sont pas contemporaines du processus morbide qui a

donné naissance à la microgyrie, mais sont récentes et reconnaissent pour

cause la méningo-encéphalite qui a déterminé la mort. Il est possible qu'à

asuite d'un processus morbide dont nous ne connaissons que le reliquat,

un certain nombre de cellules nerveuses de l'hémisphère microgyrique

aient échappé à la destruction et aient été atteintes par le processus aigu

qu'on,peut étudier dans toute sa pureté sur l'hémisphère droit.

En ce qui concerne la névroglie, nous avons déjà noté la mince couche

de fibres parallèles qui entoure la surface des circonvolutions. La sclé-

rose névroglique est également très accentuée dans la région des cellules

pyramidales profondes.

NOUVELLE Iconographie DE la SALPLTRIERE.

T. XXI. Pl. XLVII

UN CAS DE MICROGYRIE HÉMISPHÉRIQUE

(Haushalter et R. Collin).

Masson & Cie, Éditeurs

Phototypie Borllinuil, Paris

NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALPLTRIERB.

T. XXI. Pl. XLVIII

C

EXAMEN IIISTOLOGIQUE d'un CAS DE MICROGYRIE IIEWSPlIE1UQUE

(Flausbaltcr et R. Collin).

Masson & Cie, Éditeurs

Phototypie Berthaud, Pari

Nouvelle Iconographie de la SALPETRISRH.

T'. XXI. Pl. TLIX

EXAMEN HISTOLOGIQUE D'UN CAS DE MICROGYRIE FIÉIISPIIÈRIQUr-,

(Haushalter et R. Collin).

Masson et Cie, Editeurs

EXAMEN ANATOMIQUE ET HISTOLOGIQUE D'UN CAS DE MICROGYRIE 269

EXPLICATION DES PLANCHES

Pl. YLV11.

Fio. A. L'encéphale vu d'en haut, par sa face supérieure. Méninges complètement

enlevées à gauche, partiellement à droite où le pôle frontal est encore recouvert

de l'exsudat purulent sous-arachnoïdien.

Fto. B. - Face inférieure de l'encéphale. Hémisphère droit complètement revêtu par

la méninge molle. Hémiatrophie cérébelleuse droite.

PI. XLVIII.

Fie. A et B. Coupe frontale, grandeur naturelle, passant par la partie moyenne des

premières circonvolutions frontales droite A et gauche B. L'incisure a est beaucoup

plus prononcée à gauche, qu'à droite, les incisures b et c plus accentuées au con-

traire du côté sain. L'écorce grise développée, au niveau de la coupe, mesure à

gauche les 3/5 environ de la longueur obtenue en développant l'écorce du côté

droit. L'épaisseur de la substance grise et de la substance blanche est'diminuée à

gauche.

FiG. C. Coupe transversale (faible grossissement) de la 1° circonvolution frontale

droite, méninge molle comprise. Espace sous-arachnoïdien. f. v. a., feuillet viscé-

ral de l'arachnoïde. t. c. s. a., tissuconjonclif lâche sous-arachnoïdien. Les travées

conjonctives supportent de nombreux globules blancs. i. leuc. infiltration leucocy-

taire (pus) dense masquant les détails de l'espace sous-arachnoïdien. V. Lumière

d'un vaisseau pie-mérien, - e. c. écorce cérébrale.

PI. XLIX.

Fic. D, E, F. Cellules pyramidales de la 31 circonvolution frontale droite. Fort

grossissement. Oc. comp. 8 Leitz.Obj. immers. 1 1/2 Reichert.Chambre claire Abbe.

Projection à plat sur la table de travail.

D et E. Aspect alvéolaire du cytoplasma. Chromatolyse. Homogénéisation du

noyau avec atrophie. Vacuole nucléolaire. En E, une cellule névroglique est appli-

quée à la base du dendrite apical.

F. Cellule pyramidale en chromatolyse, avec homogénéisation du noyau, en-

tourée de nombreux noyaux névrogliques.

Fio. G. Coupe transversale du pied de la 3' circonvolution frontale gauche. Sur-

face de l'écorce. Faible grossissement. Couche de fibres névrogliques parallèles,

reliées entre elles par des fibrilles plus fines.

Fic.. H. Cellules pyramidales de l'écorce cérébrale du pied de F3 g. Chromatolyse

du corps cellulaire. Homogénéisation du noyau avec atrophie. Comparer cette

figure à la figure F.

LES RÉFLEXES CONTROLATÉRAUX .

LE REFLEXE PLANTAIRE CONTROLATÉRAL HOMOGÈNE

ET HÉTÉROGÈNE

. PAR R

M. KLIPPEL,

Médecin de l'hôpital Tenon.

M. PIERRE WEIL,

Interne des Hôpitaux.

La notion des réflexes controlatéraux est relativement récente, et cela

se conçoit aisément lorsque l'on considère depuis combien peu d'années

nous connaissons le plus important des réflexes, le réflexe rotulien. Il n'y

a"guère que 30 ans que Erb et Westphal décrivaient le réflexe patellaire

(1875), et c'est à cette époque que semble avoir été constaté, pour la

première fois, un réflexe controlatéral. Westphal (1) signale en effet des

contractions du membre inférieur succédant à l'excitation du membre du

côté opposé ;Slrumpell (2), un peu plus tard, remarquait, au cours de

la paralysie faciale, que la percussion de la face du côté sain pouvait

provoquer des contractions des muscles du côté malade. Thüe (3) et

Strümpell (4) montrent les premiers que la percussion du tendon rotu-

lien peut provoquer la contraction des muscles adducteurs de la cuisse du

côté opposé ; P. Marie (5),' quelques années plus tard, reprend l'étude de

ce phénomène qui porte son nom. Gay Hindale et Taylor (6), Russe),

Ganault (7) poursuivent l'étude de ce réflexe, et essayent d'en préciser

les conditions d'apparition. Puis d'autres auteurs essayèrent de provoquer

la contraction de ces muscles par des excitations autres que celles du

(1) WESTPIIAL, Ueber einige Bewegungs-Erscheinungen an gelehrnten Glieden. Ar-

chiv. sur Psych., Berlin, 1875, V, p. 803.

(2) STRUMPELL, Zur Kenlniss der Schnenreflex. Deutsches Archiv. für klinische

Med., Leipzig, î8l9, Band. XXIV, p. 175.

(3) THUE, Et Tillalde of Tumor thalamci optici et capsutoe internae med. Hemianâs-

thesi. Norsk Mag. f. Lügevidensk, 1888, III, 7, p. 567.

(4) STRUMPELL, Ueber primdre 11cute Encephalilis. Deutsches. Archiv. f. klinische

Medicin. Leipzig. Bd. 47, p. 58.

(5) Pierre Marie, Société médicale des hôpitaux, 13 avril 1894.

(6) Gay HINSDALE et Taylor. Crossed Kllee-Jel'IL Americ. Journal am New York,

mai 1894.

(7) GANAULT, Contribution à l'étude de quelques réflexes dans l'hémiplégie organique.

Th. Paris, 1898.

LES RÉFLEXES C0NTR0LATÉRAUX 271

réflexe rotulien : J. Valobra etVT.Bertolotti (1), entre autres, l'observaient t

à la suite de la percussion du condyle interne du tibia ou du fémur, de

la crête du tibia ou de la rotule.

M. Dejerine (2) signale un autre réflexe controlatéral, celui du tendon

d'Achille. Dans deux cas de paralysie spasmodique, la percussion du ten-

don d'Achille du côté sain était suivie, en même temps que de l'exten-

sion du pied du côté correspondant, de l'extension de celui du côté op-

posé.

Ganault, dans sa thèse, signale un réflexe controlatéral du crémaster :

chez certains hémiplégiques, la friction dé la face interne de la cuisse

provoquait'la rétraction des deux testicules, parfois la contraction du cré-

master était plus énergique du côté opposé à l'excitation, et pouvait

même ne pas s'accompagner de la contraction du muscle du côté excité. Il

a vu également des mouvements controlatéraux succéder à l'excitation de

la plante du pied : flexion de la jambe et adduction de la cuisse, contrac-

tion du tenseur du fascia lata du côté opposé, etc.

Nous avons recherché chez un certain nombre de sujets l'existence d'un

réflexe controlatéral plantaire. Nous avons choisi, à cet effet, des malades

indemnes de toute affection du système nerveux (tabes, Paralysie Générale,

polynévrite, myasthénie, psychoses, hémiplégie, paraplégie,etc.) ou d'af-

fection intéressant indirectement le système nerveux (mal de Pott, etc.).

Nous avons remarqué que chez un grand nombre de ces malades l'exci-

tation, par le frôlement, de la plante du pied, provoque non seulement

la flexion des orteils du côté excité, mais encore la flexion de ceux du

côté opposé. La force avec laquelle se fléchissent les orteils du côté opposé

à l'excitation est extrêmement variable : ce n'est parfois qu'une très légère e

ébauche de flexion ; parfois au contraire ce mouvement est assez mar-

qué ; dans un certain nombre de cas, le gros orteil avait moins de ten-

dance à se fléchir que les quatre autres orteils ; ceux-ci pouvaient être les

seuls à exécuter le mouvement de flexion, ou bien ils pouvaient exécuter

ce mouvement un peu avant' que le gros orteil n'ait commencé le sien.

Dans certains cas, d'un côté seulement, l'excitation de la plante du pied

provoquait la flexion des orteils des deux côtés, c'est-à-dire le réflexe

controlatéral plantaire, tandis que l'attouchement de l'antre pied ne pro-

voquait que la flexion des orteils du côté irrité, les orteils de l'autre pied

n'exécutant alors aucun mouvement.

Nous ne retiendrons, parmi les nombreux malades indemnes d'affec-

tion du système nerveux chez lesquels nous avons recherché le réflexe

(1) Valobra et BE11TOLOrTI, Journal de l'Académie royale de Turin, 1904, n°° 1f-19,

p. 680-689.

2) DEJEIIINF, In Pathologie générale de Bouchard, t. V, p. 996.

272 KLIPPEL ET WEIL

plantaire controlatéral, que 57 sujets, actuellement en traitement dans le

service (27 hommes ; 30 femmes). 17 d'entre eux (29, 8 0/0) présentent

le réflexe plantaire controlatéral ; 34 (59, 6 0/0) ne le présentent pas';

6 enfin (10, 5 0/0), ne l'ont quepar l'excitation d'un des pieds. Ainsi donc,

près de 30 0/0 des malades indemnes d'affection avérée du système ner-

veux ont le réflexe plantaire controlatéral. Nous avons évidemment essayé

de bien séparer les mouvements de défense, qui ne nous intéressent pas,

des mouvements réflexes sur lesquels seuls nous voulons attirer l'atten-

tion.

Si nous recherchons maintenant quelle est l'affection qui a nécessité

l'hospitalisation de ces malades, nous sommes frappés de ce fait que pres-

que tous sont des tuberculeux avancés (2e ou 3e période). Si nous sépa-

rons, en 2 tableaux, ces tuberculeux, et les autres malades, nous arrivons

aux chiffres suivants :

LES 1tN('LElES CONTItOLaTI : ItAUS

273

individualisée Pflûger : si on porte chez lui, sur un point limité le mini-

mum d'excitation, le premier mouvement réflexe ne portera plus seule-

ment sur les muscles de la région excitée : il y aura irradiation du mou-

vement, et selon certaines lois : les mouvements seront d'abord bilaté-

raux ; ce n'est que si l'excitation est très forte, ou que si l'excitabilité

médullaire est très grande que le mouvement sera accompagné ou suivi

d'autres mouvements du côté irrité. Chez nos malades tuberculeux la

réflectivité est exagérée; et chez eux, comme chez la grenouille dont la

tête a été sectionnée, une excitation légère provoque des réactions bilaté-

rales. L'irradiation motrice se fait sans doute par les fibres commissurales

antérieures de la moelle.

Que devient chez les hémipégiques le réflexe plantaire controlatéral ?

On sait que l'excitation de la plante du pied du côté paralysé provoque

très fréquemment (85 0/0, Ganault) l'extension de l'orteil selon la mode

indiquée par M. Babinski. Or, tandis que cet orteil s'étend, ceux du côté

opposé ne présentent aucun mouvement. Si au contraire on excite

chez ces malades non plus la plante du côté paralysé, mais la plante du

pied du côté sain, les orteils de ce côté sain se mettent en flexion, et ceux

du côté paralysé, qui tout à l'heure s'étendaient, se fléchissent, mainte-

nant que l'excitation part du côté indemne. Le terme de réflexe plantaire

controlatéral « contraire, dissemblable ou hétérogène », nous semble

rendre assez bien le phénomène observé.

Notons que parfois on observe en outre, du côté paralysé et du côté

sain, un mouvement de flexion du pied sur la jambe.

Ce phénomène hétérogène avait déjà été entrevu et signalé dans quel-

ques observations.

Ganault (1) cite le cas d' « un hémiplégique droit chez lequel le ré-

flexe des orteils se faisait en extension à droite et en flexion à gauche ;

lorsqu'on excitait la plante du pied gauche, les orteils droits se fléchis-

saient ». M. Babinski (2), la même année, faisait la même constatation :

« Chez une femme atteinte d'hémiglégie spasmodique datant de plusieurs

années, j'ai noté le fait curieux suivant : l'excitation de la plante du pied

paralysé donnait lieu de ce côté à une extension des orteils ; l'excitation

de la plante du pied normal provoquait, outre une flexion des orteils de

ce pied, une flexion des orteils du pied paralysé». Nous-mêmes (3) avons

présenté récemment à la Société de neurologie un malade chez lequel on

observait avec d'autant plus de netteté le phénomène en question que

(1) GANAULT, IOC.-Cit.

BABINSKI, Du phénomène des orteils et de sa valeur séméiologique. Semaine mé-

dicale, 1898, p. 321.

(3) ILIPPEL, M. PIERRH WEIL et SERGUEÉFF,7}e/ ? Me controlatéral plantaire hétérogène.

Société de Neurologie, 2 juillet 1908.

274 KLIPPEL ET WEIL

volontairement il ne pouvait faire exécuter aucun mouvement à ses or-

teils.

Ces constatations, nous les avons faites sur un assez grand nombre de

malades. Essayons donc un classement, à ce point de vue, des 18 hé-

miplégiques qui se trouvent actuellement (début juillet) dans notre

service : 2 doivent être éliminées, car l'excitation plantaire provoque

chez eux des mouvements trop vifs pour pouvoir être analysés; restent

donc 16 malades : 11 ont le signe de Babinski par excitation' du côté

malade, et le réflexe plantaire controlatéral hétérogène par excitation'

du côté sain (= 68,7 0/0) ; 2 n'ont ni le signe de Babinski ni le réflexe

plantaire controlatéral ; 1 a le signe de Babinski, mais non pas le signe

controlatéral; 1 n'a pas le signe de Babinski, mais présente le réflexe

controlatéral.

Il serait fort intéressant de connaître avec exactitude la genèse du

réflexe controlatéral dissemblable. Mais, à vrai dire, les obscurités qui

entourent, actuellement encore, le mécanisme de tous les mouvements

réflexes, et (d'autre part les divergences des auteurs sur les relations qui

existent entre les réflexes plantaires et les réflexes cutanés ou tendineux,

ne facilitent certainement pas l'étude de cette question. Nous allons pour-

tant essayer de rechercher si on peut arriver à une interprétation ration-

nelle des faits.

Dans son rapport au Congrès de Limoges, Crocq s'est efforcé de montrer

que si, chez l'animal, ou chez l'enfant nouveau-né, les centres réflexes

sont médullaires, chez l'homme adulte ils sont situés dans l'axe encéphalo-

médullaire : « le fait que la section complète de la moelle cervico-dorsale

provoque l'abolition permanente et complète de tous les réflexes clini-

ques prouve nettement que le rôle physiologique des voies longues est

indispensable à la production des réflexes tendineux et cutanés. »'Plus

on envisage des êtres haut placés dans l'échelle animale, plus leurs

centres réflexes semblent haut situés : le singe, après la section de sa

moelle, peut encore rééduquer ses fibres courtes, et ses réflexes peuvent

reparaître après un laps de temps relativement long; l'homme adulte,

lui, ne semble pas pouvoir jouir de ce privilège, rappel ancestral.

Mais s'il semble que l'on puisse admettte que les réflexes chez l'homme

ont des voies longues, où placer les centres réflexes. Faut-il les localiser

dans les masses grises sous-corticales (von Monakow), ou dans la corti-

calité même (Pandi) ? Faut-il admettre des centres différents pour les ré-

flexes cutanés et les réflexes tendineux, mettre ceux-là dans la corticalité

(van Gehuchten), ou dans la région bulbo-cervico-spinale (Rosenthal et

Mendelssohn) et les autres dans le noyau rouge (van Gehuchten), ou dans

les ganglions opto-striés (Crocq) ? Faut-il alors assimiler le réflexe plan-

LES RÉFLEXES CONTROLATÉRAUX 275

taire aux réflexes culanés,puisqu'il se rapproche de ceux-ci par son modede

provocation, ou aux réflexes tendineux, dont il suit plutôt les variations ?

Nous ne pouvons entrer dans ces discussions qui nous mèneraient loin

de notre sujet : bornons-nous à admettre que le réflexe plantaire est un

réflexe à voies longues.

D'autre part, on sait que le phénomène de l'extension de l'orteil est

lié, pour Babinski, et pour la plupart des auteurs qui ont étudié cette

question, à « une perturbation dans le fonctionnement du système pyra-

midal » : aussi, si le faisceau pyramidal est dégénéré, le réflexe en ex-

tension pourra être constaté. -

Enfin, il existe dans la commissure antérieure de la moelle des fibres

qui réunissent les cellules des deux cornes antérieures, et qui peuvent

permettre à l'influx moteur, qui a atteint l'un de ces groupes cellulaires,

dépasser du côté opposé.

En nous basant sur ces différentes considérations, nous croyons que l'on

peut admettre l'explication suivante du réflexe plantaire hétérogène. Lors-

que l'excitation intéresse la plante du pied du côté malade, l'ordre mo-

teur redescend du cerveau par la voie du faisceau pyramidal dégénéré :

l'orteil se redresse. Si on fait la même manoeuvre du côté sain, l'influx

moteur redescend le long d'un faisceau pyramidal qui n'est pas en état

de « perturbation », l'orteil du côté excité se fléchit ; mais d'autre part

l'ordre peut atteindre, par la commissure antérieure de la moelle, les

grandes cellules radiculaires antérieures de la corne du côté opposé, et

l'orteil, qui tout à l'heure se mettait en extension, va se fléchir mainte-

nant, car l'influx moteur n'a pas passé par le faisceau pyramidal dégé-

néré. Cette transmission, à travers la commissure antérieure de la moelle,

de l'ordre de flexion descendu du cerveau par le faisceau pyramidal soi-

disant sain, s'explique par l'excitabilité exagérée, chez les hémiplégiques,

du faisceau pyramidal situé du côté opposé à la paralysie : cette hyperex-

citabilité bien connue se traduit donc non seulement, comme on le sait

depuis longtemps, par l'exagération de ce côté de tous les réflexes, mais

encore par l'apparition, selon la loi de Pflüger, d'un réflexe plantaire

controlatéral.

Que vont devenir ces réflexes plantaires controlatéraux chez les para-

plégiques Au n° 4 de la salle Bichat est couché un malade atteint de

myélite transverse ; il est paraplégique, mais le membre inférieur droit

est peu paralysé par rapport à celui du côté gauche, qui l'est beaucoup

plus. A droite et à gauche l'excitation du pied provoque le réflexe de

Babinski, mais l'excitation du pied droit provoque la flexion de l'orteil

gauche tandis que l'excitation de la plante du pied gauche ne provoque

aucun mouvement du côté droit.

276 KLIPPEL ET WEIL

Ces constatations, très discordantes au premier abord, peuvent s'expli-

quer assez facilement selon nous. Le faisceau pyramidal correspondant au

membre inférieur gauche, paralysé à un très haut degré, doit être très

altéré : par l'excitation de la plante du pied de ce côté nous constatons

les mêmes phénomènes positifs et négatifs que par l'excitation de la

plante du pied d'un hémiplégique aveccontracture, c'est-à-dire l'extension n

du gros orteil du côté paralysé, et l'absence de mouvement du pied du

côté sain. L'autre faisceau pyramidal au contraire est peu lésé, mais sa

« perturbation » est suffisante pour donner le phénomène de l'extension

de l'orteil (nous savons combien légère est parfois l'altération du faisceau

pyramidal qui suffit pour provoquer ce réflexe) ; or cette perturbation est

de l'ordre de celles qui provoquent l'exagéralion de la réflectivité : l'influx

moteur pourra franchir la commissure antérieure de la moelle, comme il

le pouvait lorsque chez un hémiplégique nous excitions la plante du pied

du côté relativement indemne.

Au n° 2 la salle Bichat se trouve un vieil hémiplégique droit avec

aphasie. Actuellement il est devenu paraplégique : le membre inférieur

gauche est assez paralysé pour que le malade ne puisse le soulever

qu'avec peine au-dessus du plan du lit. L'excitation de la plante du pied

droit provoque l'extension de l'orteil, et la flexion du pied sur la jambe,

selon le mode aujourd'hui classique ; l'excitation de la plante du côté

gauche provoque de ce côté la flexion de l'orteil, tandis qu'en même temps

le gros orteil du côté droit s'étend ; mais par cette excitation le pied droit

s'étend sur la jambe, au lieu de se fléchir comme tout à l'heure. Nous

avons donc au niveau de l'extrémité du membre inférieur droit un mou-

vement réflexe qui tient à la fois du réflexe plantaire normal (extension

du pied) et du réflexe pathologique (extension de l'orteil). Or est bien

évident, cliniquement parlant, que ce malade est plus paralysé, de son

coté gauche, le moins atteint, que le paraplégique dont nous avons parlé

avant lui ne l'est de son membre droit, le moins impotent des deux : chez

celui-ci le membre est presque sain, et l'excitation provoque un réflexe

plantaire controlatéral de flexion ; là il est très malade, et son irritation

provoque un mouvement controlatéral d'extension, un « signe de Babinski

controlatéral », incomplet il est vrai, puisque, si le mouvement des

orteils rappelle le mode pathologique, celui du pied rappelle au contraire

le mouvement réflexe normal.

Nous croyons donc pouvoir avancer, comme conclusions de ce travail,

les propositions suivantes :

Chez un certain nombre de sujets indemnes d'affection avérée du sys-

tème nerveux, l'excitation de la plante d'un pied provoque des mouve-

LES RÉFLEXES CONTROLATÉRAUX 277

ments de flexion des orteils des deux pieds, mouvements réflexes, et non

de défense. Or ces sujets sont presque tous des tuberculeux avancés,

c'est-à-dire des individus à réflectivité exagérée ; chez eux s'applique

donc, comme chez les grenouilles, dont l'excitabilité a été exagérée par la

décapitation, la loi de l'irradiation des réflexes de Pflüger.

Chez les hémiplégiques, l'excitation de la plante du côté paralysé pro-

voque en général l'extension du gros orteil du côté malade, et ne suscite

aucun mouvement des orteils du côté sain. L'excitation de la plante du

côté sain au contraire provoque les mouvements bilatéraux de flexion des

orteils, mettant ainsi en évidence le réflexe plantaire controlatéral hété-

rogène ou dissemblable. Ce n'est en somme qu'un cas particulier du

réflexe plantaire controlatéral de flexion étudié ci-dessus : on sait en effet

que chez les hémiplégiques l'excitabilité est exagérée du côté sain.

Chez un paraplégique, l'excitation de la plante du pied du côté gauche,

très paralysé, ne provoque aucun mouvement controlatéral ; celle du

côté droit, très peu lésé, provoque la flexion de l'orteil gauche qui tout à

l'heure s'étendait. Ce paraplégique, en somme, peut être considéré au

point de vue moteur, comme un hémiplégique du côté gauche : sa réflec-

tivité est régie par les mêmes lois qu'eux.

Chez un autre paraplégique, au contraire, l'excitation du pied du côté

le moins atteint, qui pourtant peut être à peine soulevé au-dessus du plan

du lit, provoque un mouvement controlatéral d'extension, avec exten-

sion également du pied sur la jambe (dissociation du réflexe pathologique

ordinaire), tandis que l'excitation de la plante du pied du côté le plus

atteint ne provoque aucun réflexe controlatéral. ,

Il semblerait donc que l'on puisse avancer que l'exagération légère

de l'excitabilité d'un faisceau pyramidal provoque le réflexe plantaire

controlatéral de flexion, dont le réflexe controlatéral plantaire hétérogène

n'est qu'une modalité clinique ; que l'exagération plus marquée de l'ex-

citabilité de ce faisceau provoque le réflexe plantaire controlatéral d'ex-

tension (rare) ; que la dégénérescence profonde d'un faisceau pyramidal

s'oppose à la production de tout réflexe controlatéral plantaire. L'étude

des réflexes controlatéraux permettrait donc de dire quel est le degré d'al-

tération d'un faisceau pyramidal.

I. ÉTUDE D'UNE COLONNE VERTÉBRALE

DE SPONDYLOSE RHIZOMÉLIQUE

iL - RHUMATISME ANKYLOSANT VERTÉBRAL ET TABES

PAR

ODDO

Professeur à l'Ecole de médecine de Marseille, médecin des

hôpitaux de Marseille.

Depuis une dizaine d'années les travaux de Pierre Marie en France,

puis de ses élèves et surtout de Leri, auxquels sont venus s'adjoindre les

études de Raymond, de J. Teissier, de Roque, de Forestier, de Poncet ;

en Allemagne les descriptions de Strumpell, de Bechterew, de Kummel ;

en Angleterre d'Hilton Fagge,etc. ; pour ne citer que les noms principaux,

ont constitué un chapitre nouveau de la pathologie, celui des affections

médicales du rachis. 1

Des types nets sont ressortis des recherches de Pierre Marie et de Léri ;

ils ne sont pas admis sans contestation encore. Certains points restent

obscurs ; et, malgré la très haute valeur des faits acquis, la pathologie

vertébrale reste encore un beau champ de recherches anatomiques et cli-

niques.

Dans mon service de vieillards et d'infirmes de l'hospice de Sainte-Mar-

guerite, j'ai pu observer un certain nombre de cas d'ankylose vertébrale.

Il m'a paru que deux d'entre eux étaient assez intéressants pour mériter

d'être publiés.

.

I. ÉTUDE D'UNE COLONNE VERTÉBRALE DE SPONDYLOSE RH1ZOMÉLIQUE.

Le premier est d'ordre anatomo-pathologique; c'est une colonne verté-

brale de spondylose rhizomélique, l'autre est d'ordre clinique : coexis-

tence d'un rhumatisme vertébral ankylosant et de tabes.

Si les faits cliniques de spondylose rhizomélique se comptent aujour-

d'hui par centaines, ainsi que le font remarquer Pierre Marie et Leri

dans un mémoire récent (1), les autopsies en sont rares, car on ne meurt

pas de cette affection.

(1) PIERRE Marie et LERI4 Examen du rachis dans un cas de spondylose 1-hizoteié-

lique. Société médicale des hôpitaux, 24 février 1899.

ÉTUDE D'UNE COLONNE VERTÉBRALE 279

Au milieu de quelques faits incomplets, épars et disparates, Pierre

Marie et Leri ont apporté deux cas très nets constituant un type anatomo-

pathologique des mieux caractérisés. La colonne vertébrale que j'ai re-

cueillie est la reproduction identique de ces deux cas antérieurs. Si elle

n'apporte pas de faits nouveaux à la description des lésions de spondy-

lose rhizomélique, elle vient les confirmer d'une manière absolue. C'est

sur le terrain anatomo-pathologique que l'individualité de l'affection de

Marie Strumpell trouve son plus solide appui.

.Rappelons d'abord les caractères des lésions vertébrales décrites par

Marie et Leri. Dans une première autopsie (1) ils trouvent une ossifi-

cation du tissu ligamenteux de presque toutes les articulations de la

colonne vertébrale : « Les apophyses articulaires soudées à leur pourtour,

ne formaient plus extérieurement qu'une colonnette moniliforme. Les

ligaments jaunes étaient nettement ossifiés sur place, fibre par fibre, de

dehors en dedans, car si on ouvrait la cavité rachidienne, on en voyait

certains qui, complètement ossifiés en dehors l'étaient incomplètement

au dedans ; on voyait même certaines fibres, ligamenteuses encore par une

extrémité, se terminer à l'autre extrémité par une aiguille osseuse en

stalactites ou en stalagmites. Les ligaments costo-vertébraux étaient ossi-

fiés ; la plupart présentaient seulement une ossification de leurs faisceaux

supérieurs et inférieurs, de beaucoup les plus forts, qui se rendaient aux

corps vertébraux, le faisceau moyen, qui se rend au disque, était respecté.

Les ligaments costo-transversaires étaient presque tous ossifiés. Le liga-

ment sus-épineux formait par place des ponts osseux entre les apophyses

épineuses voisines.

Enfin un mince pont osseux réunissant incomplètement la partie

antérieure de quelques corps vertébraux semblait tenir plus à l'ossifica-

tion des disques, que du ligament vertébral commun antérieur. Les

ligaments vertébraux communs antérieurs et postérieurs étaient à peu

près intacts.

Nulle part il n'y avait d'exostose ou d'hyperostose notables ; pas de

rétrécissement du canal rachidien ou des trous intervertébraux. Il y avait

seulement par endroits un rapprochement plus ou moins accusé de cer-

taines extrémités articulaires, pouvant aller tardivement jusqu'à la soudure

totale de deux os voisins (côte et apophyse transverse par exemple). Il

s'agissait donc essentiellement d'une ossification ligamenteuse. » Les au-

teurs étaient amenés en outre à supposer qu'il existait une raréfaction

préalable des os, parce que tous les ligaments n'étaient pas ossifiés, mais

surtout ceux qui occupaient la convexité des courbures. Cette raréfaction

(1) Pierre Marie et Leri, Examen des rachis dans un cas de spondylose rhizomélique,

24 février 1899.

280 ODDO

avait du reste été relevée par Hilton Fagge en 1879, qui avait constaté

que les os étaient si fragiles qu'on pouvait les couper facilement avec un

couteau.

Dans une deuxième autopsie plus récente, dont les résultats ont été

publiés au congrès de Liège et exposés en détail dans la Nouvelle Icono-

graphie de la Salpêtrière (1), Pierre Marie et Leri ont pu enlever le sque-

lette tout entier. En ce qui concerne la colonne vertébrale, elle décrit

une double courbe à grand rayon concave en avant, avec une légère

tendance à la cordose lombaire; la cordose cervicale a aussi disparu, la

tète étant fortement fléchie. Légère scoliose dorsale à convexité droite.

La courbe est interrompue au niveau de la 7e cervicale par une ancienne

luxation. Il existe un angle ouvert en avant et très obtus.

Le ligament vertébral antérieur paraît presque sain ; il existe dans toute

la région dorso-lombaire de très minces ponts osseux inégalement inter-

rompus, et rejoignant par-dessus les disques les corps des vertèbres

voisines, ces ponts, lisses, ne font nulle part de saillies. Ils sont formés

non par le ligament vertébral antérieur, mais par la partie antérieure des

disques. *

Les apophyses épineuses des vertèbres dorsales supérieures paraissent

très allongées par une ossification partielle du ligament sus-épineux ;

cette ossification est totale entre les apophyses épineuses de la 4e et 5e

dorsales. Il y a aussi une ossification légère de ces ligaments, entre les

apophyses des vertèbres lombaires ; la couleur blanc-jaunâtre de certaines

portions osseuses néoformées tranche sur la couleur grisâtre des apophyses

normales. Les apophyses articulaires paraissent toutes entièrement sou-

dées. Les ligaments jaunes paraissent beaucoup moins atteints que dans la

première autopsie. La colonne vertébrale n'ayant pas été sciée, on ne peut

juger de leur partie profonde ni de l'état du ligament.

Plus récemment le professeur Raymond (2) a rapporté une très in-

téressante observation, qui diffère notablement des deux précédentes

et dans laquelle il nous a fait connaître pour la première fois les lésions

des parties molles. En ce qui concerne la colonne vertébrale, tandis que

les muscles vertébraux étaient sains, il y avait autour de la colonne

et en rapport avec elle, une lame membraneuse doublée à sa face externe

par une couche cellulo-graisseuse dense qui limitait une nouvelle lame

membraneuse. Ces formations pathologiques contribuaient assurément à

immobiliser la colonne vertébrale dans la position de cyphose, mais elle

n'intervenait pas seule.

(1) PIBIIRE Marie et ANDRÉ LERI, La spondylose rhizomélique . Anatomie, patho-

logie et pathogénie. Nouvelle Iconographie de la Salpêtrière, n 1, janvier-février 1906.

(2) Raymond, Sur un cas de rhumatisme chronique vertébral. Nouv. Iconogr. Pho-

tograph., janvier-février 1907.

ÉTUDE D'UNE COLONNE VERTÉBRALE 281

Les ligaments jaunes et le ligament vertébral antérieur sont sains, mais

il n'en est pas de même des disques intervertébraux qui paraissent par-

tiellement ossifiés, surtout dans leur partie antérieure. En aucun point il

n'y avait d'exostose ni jetée osseuse réunissant les corps vertébraux ; les

articulations costo-vertébrales paraissent normales.

En résumé, ankylose mixte de la colonne vertébrale (fibrose périphé-

rique, ossification partielle des disques).

En outre, il y avait : 1° Une ankylose fibreuse de la racine des mem-

bres ; 2° des lésions thoraciques péri-viscérite, aplasie aortique ; 3° des

altérations diverses des glandes à sécrétion interne : aplasie ovulaire, alté-

ration des follicules de Malpighi, des lésions du corps thyroïde, du pan-

créas, des glandes surrénales et du corps pituitaire.

L'observation du malade dont j'ai recueilli la colonne vertébrale a été

publiée dans le Marseille médical, du 9er avril 1906 par mon collègue

et ami le Dr Pagliano ; en voici le résumé :

« B.... Ferdinand, âgé de 42 ans, est malade depuis l'âge de 12 ans.L'af-

fection a commencé par l'articulation du cou-de-pied gauche qui se tuméfia et

devint douloureux, sans empêcher l'enfant de travailler la terre. 11 ne se pro-

duisit, à ce moment, aucune modification de l'état général ; la douleur disparut

au bout de deux mois. '

z Aucun antécédent héréditaire connu ; comme maladie antérieure, une va-

riole légère en 1890, ni syphilis, ni blennorrhagie au dire du malade.

« Après le cou-de-pied, le genou droit se prit. Six ans après les articula-

tions se prennent ; cette fois les douleurs persistent et le genou droit reste

tuméfié. Vers l'âge de 20 ans, nouvelle poussée dans les mêmes jointures, et

extension du processus dans les articulations respectées jusque-là. L'ankylose

s'installe sournoisement à la suite des arthrites et les douleurs augmentent. Ne

pouvant plus marcher, il apprend le métier de tailleur d'habits. A l'âge de

24 ans, séjour à l'hôpital de la Conception ; à ce moment les articulations coxo-

fémorales sont atteintes, mais sans douleur. Il reste hospitalisé pendant

4 ans 1/2, légère amélioration. Vers 1892,on l'envoie à l'hôpital de Sainte-Mar-

guerite, et, peu de mois après son entrée, les épaules commencent à devenir

raides et douloureuses. En même temps il se plaint de douleurs dans la nuque.

Peu à peu la tête s'infléchit et les mouvements deviennent de plus en plus dif-

ficiles. L'état général s'altère, et le malade tombe dans un état de cachexie où

le trouve le docteur Pagliano eu 1905.

« Le syndrome de Marie est des plus évidents : cyphose cervico-dorsale ac-

centuée, avec rigidité absolue de la colonne vertébrale. La tête ne peut exécu-

ter aucun mouvement, elle est fortement fléchie, mais le malade ne peut re-

garder devant lui. L'ankylose des épaules et des hanches est complète, et

xxi ' 19

282 ODDO

quand on secoue le malade par l'épaule, on imprime des mouvements au corps

tout entier comme s'il était d'un seul morceau de bois.

Les lésions articulaires sont très accentuées : les genoux et le cou-de-pied

droit sont augmentés de volume et ankylosés, les membres inférieurs en rota-

tion et en demi-flexion ; il y a quelques déformations au niveau des jointures

des orteils. Les coudes sont un peu gros, mais les mouvements y sont libres

comme aux poignets et aux orteils. Pendant un séjour récent à l'infirmerie, cet

homme a fait une poussée articulaire subaiguë au niveau d'un pied.

Le malade est profondément cachectisé, il a la peau collée sur les os, l'amyo-

trophie est extrême et sa photographie est celle d'une loque humaine. Il ne peut

plus se tenir debout et a même une légère escarre sacrée. L'appétit est com-

plètement perdu et il a presque constamment la fièvre. Il a été difficile de se

rendre un compte exact de ses poumons à cause de son excessive maigreur et

de la difficulté de le mouvoir.

Le Dr Pagliano a cependant constaté de la rudesse de la respiration qui,

d'ailleurs, se fait mal ; et pense que là tuberculose pulmonaire est une compli-

cation terminale, le malade n'ayant rien accusé dans ses antécédents qui per-

mît d'affirmer l'existence d'une bacillose ancienne. L'analyse des urines a

donné 1010 comme densité; phosphates 2 grammes par jour, ni sucre, ni

albumine.

Ayant succédé dans le service au Dr Pagliano, j'ai vu la cachexie faire

des progrès rapides et emporter le malade au mois de février 1906.

Autopsie. L'aspect du cadavre dans la bière est saisissant : il repose sur

la convexité de sa colonne vertébrale ; les membres et la tête relevés au-dessus

des bords de la bière; cette attitude jointe à l'émaciation lui donnent une

ressemblance avec Lazare sortant de son tombeau.

C'est à l'impossibilité de mettre le corps en bière que j'ai dû de pouvoir re-

tirer lu colonne vertébrale. la famille s'étant opposée à l'autopsie.

Les deux poumons sont infiltrés de granulations tuberculeuses.

Lésions vertébrales. - Dans son ensemble la colonne vertébrale forme une

seule pièce, dont toutes les parties sont soudées : un véritable monolithe.

Courbures vertébrales. -La colonne vertébrale présente : 1° une grande

courbure antéro-poslérieure : cyphose dorso-lombaire. Cette courbe régulière

forme un grand arc de cercle dont le sommet correspond à la 10e dorsale et les

deux extrémités sont : en bas l'augle sacro-lombaire beaucoup plus aigu que

d'habitude comme si le sacrum ayant conservé sa direction normale, la co-

lonne lombaire est déviée en arrière ; en haut la courbe s'arrête au niveau de

la 51 cervicale pour se continuer avec la cordose cervicale. La cyphose com-

prend donc : 1° toute la région lombaire ; 2» toute la région dorsale ; 30 la

partie inférieure de la région cervicale. Il faut remarquer la parfaite régula-

rité de cette courbe qui ne présente aucun coude, aucune inflexion, pas plus

au niveau de la région lombaire qu'au niveau de la région cervicale, contraire-

ment à la 21 pièce de P. Marie et Léri.

ÉTUDE D'UNE COLONNE VERTÉBRALE 283

2° Une petite courbure antéro-postérieure ; cordose cervicale. Elle s'arrête

au niveau de la 5e cervicale et sa brieveté est encore accentuée par le tasse-

ment des vertèbres cervicales sur lequel je reviendrai. Elle constitue l'exagé-

ration de la cordose cervicale normale, comme la précédente était celle de la

cyphose dorsale, mais son étendue est réduite, contrairement à celle de la

grande courbure. Du reste, ici encore, aucun angle, aucun à-coup, c'est en-

core un segment de cercle presque parfait.

3° De légères cour bures latérales : scoliose ébauchée. De haut en bas la co-

lonne vertébrale présente : a) une scoliose cervicale à convexité gauche due

au tassement des' vertèbres cervicales : b) une courbe de compensation à

convexité droite à la partie supérieure de la région dorsale ; c) une légère

scoliose à grand rayon, à convexité gauche étendue de la 7° dorsale à la

5° lombaire.

Corps vertébraux. Une partie de l'atlas seule a été enlevée, le crâne

n'ayant pu être retiré. La friabilité des os a occasionné une mutilation regret-

table de la pièce. Néanmoins, on peut constater que l'arc antérieur de l'atlas

est intimement soudé avec l'apophyse odontoïde et que les deux premières

cervicales ont subi une fusion dans leur partie antérieure. L'articulation altoi-

do-axoïdienne est entièrement soudée et les ligaments qui la recouvrent for-

ment un véritable étui osseux. La colonne cervicale présente le maximum de

lésions, en ce qui concerne les corps vertébraux, le tassement est très appré-

284 ODDO

ciable puisque la longueur de cette colonne est de 10 centimètres au lieu de

13 centimètres de longueur moyenne ; ce tassement est un caractère très impor-

tant qui vient à l'appui des idées défendues par Pierre Marie et Léri sur la

pathogénie de la spondylose. Il est la cause de l'inflexion de la colonne cervi-

cale Il y a en même temps un certain degré d'atrophie : l'épaisseur des corps

vertébraux d'arrière en avant est sensiblement réduite. Enfin il y a une sou-

dure des diverses vertèbres : cette soudure est produite par une sorte de virole

osseuse qui réunit les corps vertébraux à leur partie périphérique et a fait dis-

paraître en grande partie la ligne de démarcation qui les sépare. Sur certains

points, des pertes de substance artificielle permettent d'apercevoir l'espace qui

sépare dans les profondeurs les corps vertébraux, espaces occupés autrefois

par les disques intervébraux disparus. Cette même disposition existe au niveau

des régions cervicales et lombaires.

Mais ici le tassement est moins apparent et ne se traduit que par la courbe

à grand rayon que présente la région dorsale ; il existe néanmoins, puisque

cette colonne dorsale ne présente qu'une longueur de 25 centimètres au lieu

de 30 centimètres de dimension normale. L'atrophie, par contre, est plus mar-

quée. La fusion des corps vertébraux est très prononcée, les espaces inter-

vertébraux sont recouverts par une surface osseuse lisse dans sa région anté-

rieure et présentant des aspérités sur ses faces latérales. L'éclatement de cette

surface osseuse laisse voir sur quelques points l'espace occupé par les disques

intervertébraux. Mêmes caractères encore pour la région lombaire qui a une

longueur de 12 centimètres au lieu de 15 centimètres ; soudure identique, pas

d'atrophie apparente. Il faut noter aussi que le ligament vertébral commun

antérieur ne présente pas d'ossification ainsi que l'avaient noté Pierre Marie et

Léri. Enfin il convient de relever un caractère important sur lequel ont insisté

les auteurs : c'est la raréfaction du tissu osseux très visible dans les parties de

la pièce qui ont été détériorés. Cette ostéo-porose est la cause même de ces

détériorations qu'il a été impossible d'éviter dans les manipulations. Elle con-

traste avec la densité des tissus osseux néoformés qui présentent une véritable

éburnation en certains points.

Apophyses épineuses el ligaments sus-épineux. Les apophyses épineuses

présentent une véritable imbrication à la région cervicale par le fait de la

lordose.

Elles sont restées cependant presque partout indépendantes, sauf au niveau

de la base, entre la 3° et la 4° et sur une partie de la longueur'entre la 4e et la

8" où elles ont subi une fusion incomplète. Au niveau de la région dorsale et

lombaire, les apophyses sont écartées en éventail du fait de la cyphose.

Le sommet de l'apophyse épineuse est déformé par le prolongement que lui

forme l'ossification du ligament sus-épineux. Au niveau de la région dorsale,

cette déformation se traduit par un allongement de l'apophyse dont le sommet

effilé vient se continuer avec l'apophyse sous-jacente. Au niveau de la région

lombaire, les apophyses épineuses subissent au contraire des élargissements à

leur sommet qui s'épanouit en éventail, pour se continuer avec le ligament

sus-épineux, sus-jacent, parfois même avec la portion correspondante de l'apo-

ÉTUDE D'UNE COLONNE VERTÉBRALE 285

physe épineuse voisine. Dans l'ensemble l'apophyse épineuse lombaire a un

aspect trapézoïde à base périphérique. Le ligament sus-épineux est en grande

partie ossifié. Cette ossification manque entièrement au niveau de la région

cervicale : fait qui vient encore à l'appui des idées de Pierre Marie et de Léri,

qui considèrent l'ossification comme un processus de défense destiné à limiter

les inflexions anormales et se produit par conséquent au niveau des convexités,

faisant défaut au niveau des concavités. Nous voyons apparaître les ponts

osseux reliant les extrémités des apophyses épineuses à la région dorsale ; cette

ossification était presque complète au moment où la pièce a été retirée, une

partie a disparu dans les manipulations. Au niveau de la région lombaire l'os-

sification du ligament sus-épineux est incomplète. Elle forme un pont incom-

plet au niveau du plus grand nombre de vertèbres, et ce pont se prolonge jus-

que sur les vertèbres sacrées. Ailleurs, l'ossification incomplète forme -des

stalactites qui ne se rejoignent pas complètement. Il faut noter aussi, au niveau

de la région lombaire, l'aplatissement de la ligne sus-épineuse, qui parait bien

en rapport avec le décubitus du malade, longtemps grabataire. 11 y a là de

véritables surfaces dont la réunion forme un plan très régulier indiquant soit

une malléabilité du tissu osseux au moment de sa formation, soit une usure

facile de ce tissu néoformé.

Ligaments articulaires.= Nous avons vu que la capsule articulaire altoïdo-

axoïdienne était entièrement ossifiée. Cette même altération se retrouve sur

toute la longueur de la colonne vertébrale,les deux apophyses articulaires cor-

respondantes se continuent partout sans ligne de démarcation ; nulle part on

ne voit de dépression indiquant l'interligne articulaire, il y a une fusion

complète des apophyses. Du reste, ici pas plus qu'ailleurs il n'y a de traces

d'exostose.

Ligaments jaunes. - L'ossification de ces ligaments est inégalement répar-

tie suivant la région. Elle est totale à la région cervicale, à ce niveau les lames

vertébrales se continuent entre elles sans solution de continuité, sauf un léger

hiatus médian. Il faut remarquer que l'imbrication des lames vertébrales pro-

duite par la cordose facilite leur fusion. A la région dorsale, la soudure des

lames est limitée aux parties latérales qui sont séparées par un espace libre au

niveau des 3 premières dorsales. De la 4e il la 7° dorsales, portion qui corres-

pond au sommet de cyphose dorsale, l'ossification des ligaments jaunes est

beaucoup moins étendue; elle n'est néanmoins pas complète et par place

elle est représentée par de fines travées osseuses presque fibrillaires. On sur-

prend bien là, ce processus d'ossification fibre par fibre sur lequel ont insisté

Pierre Marie et Léri. Une disposition qui se reproduit plusieurs fois est cons-

tituée par une jetée osseuse médiane qui sectionne en deux l'espace laissé

libre entre les lames formées par l'ossification latérale des ligaments jaunes.

Ligaments costo-vertébraux et coo ? anxuersau'M. Ils sont également os-

sifiés. Celte ossification porte aussi bien sur les ligaments costo-vertébraux que

sur les ligaments costo-transversaires, de telle sorte que la fusion de la côte

soit avec l'apophyse transverse. soit avec le corps vertébral est complète sans

solution de continuité. Cette soudure costo-vertébrale supprime tout mouve-

286 ODDO

ment de la cage thoracique, rendant impossible toute respiration costale et

réduisant la ventilation pulmonaire à la respiration diaphragmatique ; il en

résulte la persistance indéfinie de bronchites, ainsi que je puis l'observer chez

un de mes clients.

Intégrité des trous de conjugaison. - Sur aucun point on ne remarque le

plus petit rétrécissement des trous de conjugaison, qui ne présentent pas la

plus petite déformation. Cette intégrité assure celle des racines rachidiennes,

elle est due à l'absence totale de toute prolifération osseuse exubérante, ca-

ractère essentiel de la spondylose rhizomélique, bien mis en évidence par

Pierre Marie et Léri.

En résumé. Lésion généralisée à toute la colonne vertébrale et ca-

ractérisée :

a) Par l'incurvation régulière et géométrique de la colonne vertébrale,

constituée par une grande cyphose dorso-lombaire, une courte lordose

cervicale et une légère scoliose. 1

b) Par un tassement des corps vertébraux qui détermine les incurva-

tions précédentes.

c) Par une ankylose vertébrale constituée par une ossification fibre à

fibre de tous les ligaments vertébraux, à l'exception des ligaments verté-

braux antérieur et postérieur.

d) Par une raréfaction du tissu osseux ancien, contrastant avec l'ébur-

nation du tissu néformé.

e) Par une absence totale d'ostéophytes et d'exubérance osseuse.

Tels sont les caractères essentiels de la pièce que j'ai l'honneur de pré-

senter à l'Académie, et qui est absolument conforme avec la description

de P. Marie et Léri.

Ce type anatomo-pathologique si net de la spondylose rhizomélique

diffère, ainsi que les auteurs l'ont indiqué :

1° du rhumatisme ankylosant vertébral, qui est rectiligne, effaçant les

courbures normales au lieu de les accentuer (voir obs. suivante). Ce type

esl constitué par la consolidation en masse des corps vertébraux, avec

ossification des disques, intégrité des apophyses articulaires ; boursou-

flement des apophyses épineuses avec intégrité des ligaments sus-épineux,

par de volumineux ostéophytes disséminés sur toute la surface des corps

vertébraux, amenant le rétrécissement des trous de conjugaison.

Tous ces caractères sont diamétralement opposés à ceux de la spondy-

lose.

2° De la cyphose hérédo-traumatique de Bechterew. D'après les ca-

ractères anatomiques relevés sur une pièce présentée à la Société médi-

cale des hôpitaux le 21 mai 1903 par Pierre Marie et Dabrowitch et étu-

diée ensuite par P. Marie et Léri, les lésions sont ici localisées dans une

ÉTUDE D'UNE COLONNE VERTÉBRALE 287

seule et même région paraissant être la conséquence de ruptures ligamen-

teuses résultant du traumatisme. La principale lésion était l'ossification

du ligament vertébral commun antérieur, dans la concavité de la cour-

bure.

La pièce que je viens d'étudier, confirme donc l'autonomie anatomo-

pathologique de la spondylose rhizomélique telle qu'elle a été affirmée

par Pierre Marie et ses élèves, notamment Léri qui s'est attaché à déve-

lopper et compléter l'oeuvre de son maître.

D'après cet enseignement, la spondylose rhizomélique est une ossifica-

tion particulière, localisée aux ligaments, aux bourrelets et aux ménis-

ques ; et c'est bien là le caractère spécial de notre pièce dans laquelle les

ligaments vertébraux sont ossifiés, comme pétrifiés, pourrait-on dire,

jusqu'à amener la fusion des apophyses et des lames qu'ils relient. Nous

avons pu suivre ce travail d'ossification dans chaque variété de ligament,

et le trouver identique à celui qui a été décrit.

Cette ossification se fait fibre par fibre, puisque sur certains ligaments,

les sus-épineux, on peut voir les deux extrémités du ligament ossifiées,

la partie moyenne restée fibreuse ayant disparu. « Enfin cette ossification

est régulière, lisse ou légèrement rugueuse ; elle se fait sur place, et sans

exostose ou hyperostose notable. » C'est là bien encore le caractère très

pur de notre pièce, à telles enseignes que, courbure à part, un oeil non

prévenu aurait quelque peine, au premier aspect, à distinguer ces lésions :

Cette absence d'exubérance du processus d'ossification a pour effet d'éviter

toute compression soit au niveau des trous de conjugaison dont l'intégrité

est totale sur notre pièce, soit, à plus forte raison sur la moelle elle-

même.

D'après les descriptions de Pierre Marie et Léri, ce processus d'ossifica-

tion est secondaire à une raréfaction osseuse. Celle-ci est manifeste sur

notre pièce. Au moment du retrait de la colonne vertébrale et durant les

manipulations qu'or, a dû lui l'aire, nous avons constaté une assez grande

friabilité qui a été la cause de mutilations qui n'ont pu être évitées.

En outre on peut voir sur notre pièce que les travées osseuses du tissu

spongieux sont raréfiées et amincies sur presque tous les points où ce

tissu est visible, notamment au niveau descorpsvertébraux et des apophyses

épineuses et transverses, cette raréfaction sérail le fait primitif, l'ossifica-

tion osseuse étant un processus de compensation suivant le mécanisme

si ingénieusement décrit par Léri (1) dans son rapport sur la pathogénie

des ankyloses. Cette raréfaction osseuse provenant d'uu processus in-

(1) Léri, Pathogénie des ankyloses. Rapport au Congrès de médecine interne de

Bruxelles, 1906.

288 ODDO

fectieux a pour effet d'amener l'incurvation régulière du rachis. par un

mécanisme de défense, les ligaments s'ossifient afin de limiter l'inclinaison

delà colonne vertébrale, et ce qui vient à l'appui de cette manière de

voir, c'est que l'ossification part surtout sur les ligaments qui se trouvent

au niveau de la convexité des courbures ; nous voyons en effet sur notre

pièce, le ligament sus-épineux ossifié au maximum au niveau de la région

dorsale supérieure, sommet de la'courbe, alors qu'il n'y a aucune trace

d'ossification dans la région cervicale, au niveau de la concavité.

On peut même modifier l'orientation de la soudure suivant l'attitude

prise par le malade : c'est ainsi que dans mon service de Sainte-Marguerite,

un spondylotique qui emploie ses loisirs à enfiler des perles pour les

couronnes funéraires a une flexion avec inclinaison latérale de la tète,

immobilisée dans cette position qui lui permet de surveiller le travail

qu'il fait sur ses genoux. Par contre, un de mes clients que Pierre Marie

a vu en consultation a un fort redressement de la tête, destinée à lui

permettre de regarder droit devant lui. On conçoit tout le parti que la

thérapeutique peut tirer de ce fait. Ici comme dans les ankyloses des

membres, on doi s'efforcer de donner l'attitude la plus utile.

Le mécanisme décrit par Léri explique très clairement les caractères

si singuliers de pièces semblables à celle-ci. Courbure par tassement des

corps vertébraux dont la résistance a diminué, courbures secondaires de

compensation, immobilisation secondaire par ossification ligamenteuse

phrénatrice, absence de prolifération osseuse parce qu'il s'agit d'une

substitution de tissu osseux au tissu ligamenteux. Généralisation et ho-

mogénéité du processus.

Je ne crois pas devoir m'étendre au point de vue étiologique sur l'exis-

tence de bacillose pulmonaire chez mon sujet, on sait que, pour Poncet,

la spondylose rhizomélique est une formé de rhumatisme tuberculeux.

Il n'est pas possible de tirer une conclusion d'une observation sem-

blable à celle-ci ; vivant dans un milieu infecté de tuberculose pulmonaire,

depuis longtemps grabataire, ce pauvre diable ne pouvait guère échapper

à la tuberculose.

II. Rhumatisme ankylosant vertébral et tabès.

La participation de la moelle au processus d'ankylose vertébrale a été

diversement appréciée par les,;divers auteurs. Pour Pierre Marie et Léri,

l'absence de phénomènes décompression radiculaire et médullaire est le

caractère essentiel delà spondylose rhizomélique ; la raison en est dans

l'absence d'hyperostose qui distingue cette affection du rhumatisme anky-

losant vertébral. Les seuls symptômes nerveux rencontrés chez les spon-

ÉTUDE D'UNE COLONNE VERTÉBRALE 289

dylotiques sont les douleurs d'une part et l'atrophie musculaire d'autre

part.

Bechterew (1), dans le syndrome qu'il a décrit et qui est connu sous le

nom de cyphose hérédo-traumatique, a signalé comme symptômes médul-

laires : 1° Un état parétique des muscles du tronc, du cou et des mem-

bres, le plus souvent accompagné d'une légère atrophie des muscles pé-

riscapulaires ; 2° un émoussement de la sensibilité, principalement dans

le domaine d'innervation des racines dorsales et cervicales inférieures,

et parfois aussi des racines lombaires ; 3° des phénomènes en rapport

avec l'irritation des nerfs rachidiens, sous la forme de sensation depares-

thésie, d'hyperesthésie circonscrite,de douleurs irradiantes dans les mem-

bres et le long de la colonne vertébrale, quelquefois aussi des secousses

convulsives dans l'un ou l'autre membre.

En somme, ainsi que le fait remarquer le Professeur Raymond, l'exis-

tence de symptômes très accusés d'irritation spinale est un des caractères

qui distinguent le syndrome de Bechterew de celui de Marie Strumpell.

Bechterew (2) a rencontré dans une autopsie une dégénérescence du

cordon postérieur, des lésions disséminées des cordons antéro-latéraux ;

les cellules des ganglions spinaux étaient atrophiées, la pie-mère épaissie.

L'inflammation des méninges avait été le point de départ des lésions rachi-

diennes et médullaires.

Cette participation des méninges dans la spondylose rhizomélique a

été relevée par Donetti (3) qui a constaté le signe de Kernig ; par Vi-

nokosoff, et, plus récemment encore par Gordon (4).

Des phénomènes syringomyéliques ont été observés par Achard et

Clerc (5), par Beduschi et Jardini 6). Ces derniers auteurs ont constaté

des cavités médullaires, d'origine hémorragique, et une raréfaction des

cornes de la moelle, consécutives aux altérations vertébrales.

Enfin Babinski présentait en t903 (7) à la Société de Neurologie, sous

le titre de pseudo-tabès spondylosique le résumé de trois observations dans

(1) BECIITEREV et RAYMOND, Cliniques des maladies du système ne ? veux, 5, série,

p. 564.

(2) BECHTFRFW, Nouvelle observation d'ankylose du rachis avec examen analomo-

pathologique. Conférences de la clinique neurologique de Pétersbourg, 1" janvier

1899, p. 319.

(3) DONBTTI, Revue de Neurologie, 1900, p. 1082.

(4) Gonoov, New-York med. Journ ? 1479, p. 629, 1907.

(5) Achard et Ctcnc, Ankylose spondylo-rhizomélique de la région cervicale et des

épaules, avec amyotrophie syringo-myélique. Revue Neurol., 1900, p. 137.

(6) Beduschi et JARDIN1, Contibut. à l'anat. yalla. de la spondylose et à l'étiologie

des cavités médullaires. Arch. d'orthopédie, an, XXII, 1905.

(7) Babinski, Pseudo-tabes spondylosique. Société de Neurol., juin 1903 ; Revue

Neurol., 1903, p. 665.

290 ODDO

lesquelles des douleurs fulgurantes et l'abolition des réflexes rotuliens et

achilléens existaient, à. l'exclusion des autres signes de la série tabétique.

Babinski admet qu'il s'agit non de tabes vrai, mais de lésions des racines

postérieures, produites par l'inflammation vertébrale au niveau des trous

de conjugaison. On le voit, l'existence de symptômes radiculaires n'est

pas exceptionnel dans la spondylose rhizomélique.

L'existence de troubles nerveux est fréquente dans le rhumatisme

ankylosant vertébral, en raison des productions ostéophytiques qui carac-

térisent celle forme d'ankylose vertébrale.

J. Tessier et ses élèves Jouve et Mayet ont décrit les névralgies inter-

costales, crurales, sciatiques, les myalgies, les amyotrophies, et, dans

les formes cervicales, les troubles vaso-moteurs cardiaques et oculo-

moteurs.

Toutefois, dans l'une comme dans l'autre affection on n'a décrit jusqu'ici

que des lésions limitées des racines et de la moelle ; ces lésions paraissent

rester sous la dépendance des altérations rachidiennes.

J'ai, dans mon service de l'hospice Sainte-Marguerite un malade, qui a

très longtemps dérouté les médecins qui l'ont observé, et qui présente la

superposition très nette d'un tabès vrai et d'un rhumatisme vertébral.

Observation

recueillie par M. J. Monges, interne du service.

T... Paul, ancien courtier, n'a pas d'antécédents héréditaires intéressants

et n'a jamais été malade jusqu'à 22 ans. A cet âge, étant au service militaire,

il a dû camper pendant six mois sur le champ de manoeuvres près de Lyon.

Il a été ainsi exposé, d'une manière prolongée au froid humide ; il commença à

ressentir de violentes douleurs dans la hanche droite, survenues progressive-

ment, empêchant le malade de marcher, ces douleurs nécessitèrent son entrée

à l'hôpital ;

Il y resta six mois pendant lesquels on lui fit la révulsion avec des cautères,

puis on l'envoya faire une saison à Amélie-les-Bains. Il fut enfin réformé pour

une coxalgie avec allongement apparent du membre. Il contracta à cette épo-

que, mais bien après son affection de la hanche, une légère blennorrhagie.

Après sa libération, les douleurs diminuent, la (marche est possible même

sans boiterie, mais il avait une sensation de raideur dans les mouvements de

la hanche. Il devient bon marcheur, fait des courses de 20 à 30 kilomètres ;

chasse, monte à cheval ; je l'ai connu à cette époque, moniteur dans un manège.

Deux ou trois ans après sa libération, il contracte la syphilis, présente des

accidents secondaires, des plaques muqueuses, etc.. ; il fait un traitement

assez court et ne songe plus à sa syphilis.

Au bout. de 17 ans, des douleurs réapparaissent dans la même articu-

lation, et, bientôt après, dans la hanche gauche. Il a des douleurs violentes,

ÉTUDE D'UNE COLONNE VERTÉBRALE 291

continues, empêchant le mouvement : il entre à l'hôpital de la Conception où

il demeure 4 ans, durant lesquels il a 3 ou 4 crises de douleurs dans les han-

ches, et aussi dans la région cervicale et dans les épaules. On lui met des

pointes de feu, on lui donne du salycilate de soude. La crise passée, il con-

serve une raideur de plus en plus grande, les hanches sont complètement

ankylosées, la colonne vertébrale présente une rigidité plus marquée, siégeant

dans la région cervicale et dans la région lombaire.

11 se meut tout d'une pièce, le tronc est rigide et rectiligne, la tête fléchie

en avant, ne pouvant se relever et très limitée dans les mouvements de laté-

ralité. On lui donne alors le surnom de « fil de fer » justifié par sa raideur,

sa maigreur et sa longue taille.

Vers 1905, poussée de douleurs articulaires plus marquée, elles sont vio-

lentes, continues, siégeant surtout dans les hanches et s'irradiant dans les cuis-

ses. Il éprouve en outre, des douleurs dans les genoux et aux cous-de-pieds.

A cette époque, il s'aperçoit que la sensibilité est atténuée au niveau des fes-

ses : obligé, lorsqu'il est assis, de se mettre au bord de la chaise, le dos étant

appuyé sur le dossier, à cause de l'ankylose des hanches : dans cette situation

il ne sent plus le rebord du siège. Ces troubles sensitifs, s'accentuant, il a de

l'anesthésie en selle,

Examiné en 1906, on constaté que les deux hanches sont ankylosées. En

soulevant le membre inférieur, on soulève aussi le bassin. L'ankylose est

totale à droite, elle est presque complète à gauche. Ces mouvements, très limi-

tés, déterminent des craquements très accentués, ressentis par le malade. Aux

genoux, aux cous-de-pieds, les mouvements se font bien, mais ils sont dou-

loureux, il y a des craquements et de légères déformations.

Examen de la colonne vertébrale. Dans l'ensemble, la colonne vertébrale

est rectiligne, la colonne lombaire est dans le prolongement de la colonne dor-

sale, il n'y a plus d'ensellure normale. La région cervicale est aussi rectiligne,

au niveau de la région cervicale il y a une saillie prononcée de la 7e cervicale

au-dessus de laquelle le rachis s'infléchit brusquement, la tête étant portée en

avant. Les mouvements sont entièrement supprimés dans la région lombaire;

la région dorsale présente quelque mobilité limitée, permettant une légère

flexion ; la région cervicale est aussi rigide ; l'extension est totalement suppri-

mée, la flexion de la tête est très incomplète, les mouvements de latéralité

sont très limités, surtout à droite, l'angle de déplacement du menton ne dépasse

pas 10° à 150.

La percussion des apophyses épineuses est légèrement douloureuse dans la

région cervicale et dans la région lombaire. Les douleurs éprouvées par le

malade sont des douleurs en ceinture avec constriction thoracique, elles sont

du reste peu intenses. '

La palpation de la colonne vertébrale dénote un épaississement des apophyses

épineuses, surtout marquée à la partie inférieure de la région cervicale et au

niveau de la région lombaire. Les 10, et 41e dorsales font une saillie appa-

rente.

Les douleurs éprouvées par T... siègent surtout à la partie supérieure du

292 ODDO

thorax, elles présentent ,le caractère. de constriction. Il y a eu autrefois des

douleurs en ceinture au niveau de la région abdominale. Elle sont moins mar-

quées aujourd'hui.

La partie supérieure du thorax est aplatie, déprimée, rappelant l'aspect du

thorax des spondylotiques. On constate une atrophie musculaire assez marquée

au niveau des gouttières vertébrales.et au niveau des muscles thoraciques,

grand et petit pectoral, grand dorsal, trapèze, etc.

L'articulation de l'épaule présente, à gauche, un certain degré d'arthrite

sèche, elle est douloureuse, et les mouvements passifs qui ne sont pas limités

déterminent des craquements articulaires.

Les muscles de la région sont un peu atropliiés, notamment le sus et le

sous-scapulaire, le deltoïde.

Quelques craquements et une légère douleur au niveau des genoux. - -

. Par, contre, les extrémités sont intactes, les articulations des doigts et.des

orteils ne présentent pas de déformations.

Démarche et altitude du malade. - Le malade se tient droit comme un i,

la tête légèrement fléchie en avant, le regard seul se déplace quand il veut voir

de côté. Lorsqu'il marche, il s'appuie sur une canne, et avance sans que le

tronc ni les cuisses n'exécutent aucun mouvement : tout se passe dans les jam-

bes. Il étend complètement le pied qui touche à terre quand la pointe seule

repose sur le sol. La flexion du genou déplace le corps en avant.

Lorsque le malade veut s'asseoir sur une chaise, le sacrum repose sur le

rebord du siège, et les épaules sur la partie supérieure du dossier.

Examen du système nerveux. T... éprouve des douleurs fulgurantes par-

tant de la région lombaire et s'irradiant dans les membres inférieurs. Ces dou-

leurs sont parfois continues et l'empêchent de dormir. Il ne présente, comme

anesthésie, que la plaque sacrée, s'étendant un peu au périnée, et à la partie

interne des cuisses. Aucune incoordination motrice, il se plaint seulement de

diminution des forces musculaires. Les réflexes tendineux sont abolis dans les

deux membres inférieurs. Pas de signes de Babinski. Les réflexes crémasté-

riens, plantaires abdominaux sont conservés Pas de troubles sphinctériens.

Les pupilles sont inégales, mais pas d'Argyll ttobertson net.

Depuis la fin de 1906 jusqu'à ce jour, nous avons assisté à l'évolution

rapide des symptômes tabétiques.

Actuellement : avril 1907, nous relevons aux membres inférieurs : a) des

troubles sensitifs très accentués ; ce sont surtout des phénomènes de pares-

thésie : les sensations de toucher sont douloureuses, le contact détermine une

sensation de brûlure. Par contre, il y a un certain degré d'analgésie ; la

piqûre est peu douloureuse. Le phénomène de la sommation est des plus

nets ; le malade ne sent pas une piqûre isolée, il sent au contraire au bout

d'un instant les piqûres en série ; retard à la sensibilité manifeste. Sensa-

tion de tiraillement et de déplacement des membres durant l'immobilité.

Plaques d'hyperesthésie sur les cuisses.

Le sens musculaire et le sens des altitudes sont complètement abolis dans

les membres inférieurs.

ÉTUDE D'UNE COLONNE VERTÉBRALE 293

La sensibilité spéciale des testicules à la pression est supprimée bien que

la sensibilité tactile des bourses soit conservée. Il y a parfois de l'anesthésie'

uréthrale et rectale.

L'incoordination motrice dans les membres inférieurs est complète; le malade

ne peut se tenir debout, il lance ses jambes d'une manière désordonnée, aussi

loin que le lui permet son ankylose des hanches. Couché, pour atteindre la

main au-dessus du plan du lit avec le bout du pied, il fait des efforts considé-

rables.

L'es troubles sphinctériens sont constatés pour la vessie, par des arrêts

brusques au milieu de la miction, avec sensation de brûlure. Les érections sont

incomplètes et douloureuses. Les pollutions nocturnes spontanées sont très

fréquentes et douloureuses. Les réflexes rotuliens et achilléens sont totalement

abolis.

Les pupilles sont maintenant immobilisées en myosis. Pas de troubles

visuels, pas de scotome. Les membres supérieurs paraissent intacts. Par con-

tre, l'ankylose des hanches paraît avoir diminué depuis 18 mois, la hanche

gauche peut exécuter des mouvements d'une certaine amplitude, la hanche

droite présente une ébauche de mobilité.

Telle est cette curieuse observation. Faut-il considérer T... comme

atteint de spondylose rhyzomélique, ou de rhumatisme ankylosant verté-

bral ?

L'intégrité des articulations des extrémités et la localisation de l'anky-

lose aux hanches et à la colonne vertébrale serait peut-être en faveur du

premier diagnostic, mais l'attitude si caractéristique de la colonne verté-

brale, les déformations appréciables des apophyses épineuses rapprochent

au contraire notre malade du type ankylosant vertébral rhumatismal.

Mais l'intérêt de l'observation siège dans la coexistence de l'ankylose

vertébral et des signes de tabes.

Il ne s'agit plus, en effet, ici, de ces signes limités à la suppression des

réflexes et aux douleurs fulgurantes que Babinski désigne sous le nom de

« pseudo-tabes spondylotique » et qu'il attribue à un retentissement du

processus vertébral sur les racines postérieures au niveau des trous de

conjugaison.

Il s'agit, chez notre malade, d'un tabès vrai, caractérisé par les signes

les plus nets : troubles sensitifs accentués, incoordination motrice, myo-

sis, troubles sphinctériens et abolition des réflexes.

Quels sont les rapports de ce tabes avec la lésion vertébrale ? Notre ma-

lade a contracté la syphilis après le début des accidents spinaux ; il ne

s'agit pas de spondylose syphilitique. Par contre, la syphilis parait bien

avoir été l'origine de son tabes. Il serait difficile d'affirmer que, de son

côté, la lésion vertébrale a été absolument étrangère à la production du

tabes.

294 ODDO. ÉTUDE D'UNE COLONNE VERTÉBRALE

Le rhumatisme vertébral, bien plus que la spondylose rhizomélique,

par son caractère ostéophytique sur lequel ont si justement insisté J. Teis-

sier et Roque,, une action marquée sur les racines et surtout sur les ra-

cines postérieures. Cette action peut être déterminante du processus tabé-

tique si elle s'exerce sur une moelle syphilitique.

- J'exprimerai toute ma pensée en disant que l'ankylose vertébrale spon-

dylotique ou rhumatismale peut avoir, sur les racines et les cordons pos-

térieurs une action discrète et limitée. Elle détermine alors le pseudo-

tabes spondylotique de Babinski.

Cette action, si la syphilis intervient, peut être bien plus étendue. Elle

fournit alors à la syphilis l'incitation qui lui permettra de réaliser la

production du tabes vrai.

NOUV. ICONOGRAPHIE DE LA SALPÊTRIERE T. XXI, PL. L.

STATUE D'EUNUCHOÏDE ITF1BUL1 ?

par PAUL SAINTON.

Masson et Ce, Éditeurs.

STATUE D'EUUCHOIDE INFIBULÉ,

PAR

Paul SAINTON.

Il nous a semblé intéressant de reproduire Pl. L, dans ce recueil, cette

statue du Collegio Romano, figurée dans l'Atlas de Winckelmann (1),

remarquable par les caractères anthropologiques qu'elle présente. Dans

la notice qui lui est consacrée, Winckelmann la décrit sous le nom de

« musico infibulato ». On sait qu'à Rome les chanteurs étaient souvent cas-

trés, mais qu'en raison de la grande quantité d'esclaves faits eunuques à

certaines époques (v. Juvénal) (2), un édit défendit la castration ; l'infi-

bulation lui fut alors substituée.

Mais si l'on regarde attentivement les figures reproduites ici, on voit

que le sujet représenté possède tous les attributs anthropologiques qui sont

l'apanage de l'insuffisance testiculaire ; ses membres sont grêles et longs,

il a l'aspect d'un véritable échassier, ses genoux sont cagneux ; il a des

troubles profonds de l'ossification qui se traduisent par l'existence d'un

double genu valgum ; le tronc est relativement peu développé, les bras

sont allongés : dans son ensemble, la silhouette a l'aspect juvénile et

vieillot que Dupré (3) signale dans sa thèse sur l'insuffisance testiculaire ;

l'aspect squelettique, témoin d'unesénilité précoce, avait d'ailleurs frappé é

Winckelmann qui insiste sur l'état de déchéance qui peut frapper cer-

tains êtres avant le tombeau.

On peut se demander pourquoi un tel sujet a été infibulé, alors qu'il

est un véritable eunuque naturel ou artificiel. Cette précaution un peu

(1) Winckelmann, tYlonumenli antichi inediti, Rome, 1767, une de ces figures est

reproduite dans un croquis du livre de R. Maillant : Les eunuques à travers les dges,

1908.

(2) Juvénal (VI, satire) :

Sunt quas euuuchi imbelles, ac mollia semper

Oscula delectent et desperatio barbes

Et quod abortivo eu est opus.

............................. Illa voluptas

Summia tamen, quod jam calida matura juventa

Tugunra traduntur medicis, jam pectine negro.

i (3) DUPRÉ, Les caractères cliniques de l'insuffisance testiculaire. Th. de Paris, i 90 ?

296 SA1NTON. - STATUE D'EUNUCHOIDE INFIBULÉ

anormale, semble-t-il, n'a rien d'excessif; la conservation de certains

signes de virilité chez les eunuques, qui les faisait apprécier des dames

romaines, est un fait universellement connu. Saint Basile n'a-t-il pas

dit : « les eunuques sont bien souvent comme les boeufs privés de leurs

cornes et susceptibles de donner de temps à autre quelques coups de

tête. »

Le gérant : P. Bouchez.

Imp. J. Thevenot, Saint-Dizier (Haute-Marne).

INSTITUT D'ÉTUDES SUPÉRIEURES DE FLORENCE.

CLINIQUE MÉDICALE GÉNÉRALE DIRIGÉE PAR III. LE PROFESSEUR SEN.

PIETRO GIWCCO,

CONTRIBUTION A L'ÉTUDE

DE

L'INFANTILISME DU TYPE LORAIN

PAR

ETTORE LEVI

Assistant à la Clinique médicale générale de Florence.

On a beaucoup écrit au cours de ces dernières années sur la question

de l'infantilisme et beaucoup de données nouvelles ont été acquises à la

science sur ce sujet, surtout grâce aux travaux de l'Ecole française qui

en a largement éclairé la pathogénie et le tableau clinique.

Cependant, malgré tant d'études et de recherches, il existe encore en-

tre les auteurs les opinions les plus disparates, non seulement sur la con-

ception générale de l'infantilisme somatique et psychique, mais même

sur l'origine et l'entité clinique des différentes formes d'arrêt de déve-

loppement.

Nous croyons par conséquent que tout nouveau document clinique,

dûment analysé, a aujourd'hui encore une grande valeur et que son étude

critique peut contribuer à améliorer nos connaissances sur une question

qui soulève les problèmes physio-patholoiques les plus obscurs et les

plus intéressants.

Les observations qui font l'objet de ce mémoire sont caractérisées par

quelques particularités cliniques bien dignes de mention en tant qu'elles

nous permettront, il nous semble, de prouver que cette forme de dystro-

phie générale qui a pris le nom de Lorain appartient, par tous ses carac-

tères somatiques et psychiques, aux infantilismes vrais.

A l'aide de documents radiographiques très démonstratifs, nous mon-

trerons en outre qu'un des caractères différentiels fondamentaux qu'on

a attribués jusqu'ici aux infantiles dysthyroïdiens de Brissaud peut

au contraire faire partie du tableau le plus pur de l'infantilisme de

Lorain.

Un de mes sujets offre enfin un intérêt tout spécial, car il nous donne

l'exemple d'une association pathologique très rare, développée à t'age

xxi 20

298 ' ITTOIIE LEVI

adulte quand le syndrome infantilisme était depuis des années manifeste,

syndrome secondaire que nous verrons être d'interprétation très difficile

et dont l'intérêt principal consiste dans l'éventualité de liens pathogéni-

ques qui peuvent le relier à la maladie fondamentale.

Nous avons prêté toute notre attention à l'étude de la mentalité de nos

infantiles, car il nous a semblé qu'ils présentaient des caractères psychi-

ques non dépourvus d'intérêt et qui ne sont pas suffisamment mentionnés

dans les descriptions plus connues des auteurs.

Les deux premières observations que nous donnons in extenso concer-

nent deux soeurs appartenant à une famille dont nous pûmes étudier avec

soin chaque membre dans le but de dépister les symptômes frustes de la

maladie familiale.

Notre 3e observation a trait à un sujet cliniquement beaucoup moins

intéressant et dont nous ne parlerons en conséquence que très brièvement ;

mais ce cas d'infantilisme est cependant très important en ce sens que, ne

provenant pas de la même famille et étant probablement déterminé par des

causes tout à fait différentes, il nous apporte tout de même les mêmes

preuves objectives en faveur de la thèse que nous soutenons.

Observation familiale.

Antécédents familiaux des saurs Se}'..... Aucun antécédent patholo-

gique digne d'être mentionné du côté des grands-parents paternels et mater-

nels et des collatéraux en ligne ascendante.

Le père et la mère de nos deux malades sont de race israélite et consan-

guins : cousins germains.

Le père est aujourd'hui de 46 ans ; de taille moyenne (16 cent.), il

est bien bâti, très vigoureux et d'une vive intelligence. C'est un bon tra-

vailleur et comme marchand ambulant il gagna toujours assez pour bien nour-

rir sa femme et ses enfants qui ne souffrirent jamais d'aucune privation. Il

n'est pas grand fumeur et ne s'adonne pas à la boisson. Il affirme n'avoir

jamais été malade ; comme jeune homme il a fréquenté beaucoup les femmes

et reconnaît avoir contracté au moins quatre infections blennorragiques et des

chancres mous ; il nie absolument la syphilis; L'examen somatique ne permet

de constater en effet aucun stigmate suspect en ce sens. Nous verrons cepen-

dant que sa femme fit quatre fausses couches et que ses enfants présentent

quelques stigmates suspects. Dans ses antécédents on ne relève absolument

aucun des1« petits signes de la dysthyroïdie ».

La mère, àgée de 47 ans, a 15'8 centimètres de taille ; bien bâtie et d'appa-

rence assez vigoureuse, elle a des dents très endommagées, irrégulièrement

placées et avec érosions multiples de l'émail, mais sans lésions caractéris-

tiques. Les cheveux sont longs, abondants. La voix fut toujours rauque et

CONTRIBUTION A L'ÉTUDE DE L'INFANTILISME DU TYPE LORAIN 299

aphone. La glande thyroïde est très développée, facilement palpable. Les rè-

gles furent toujours très abondantes et plutôt irrégulières ; elles ont cessé

depuis deux ans. Elle n'a eu aucune maladie importante, mais se plaint d'avoir

beaucoup souffert de dyspepsie et de fréquentes céphalées frontales elle accuse

en outre plusieurs autres symptômes de nature nerveuse. Le développement;

intellectuel est normal; elle est 'assez irritable. De l'examen somatique et

psychique résultent des stigmates d'hystérie.

De l'union de ces deux personnes résultèrent 11 grossesses dont 4 suivies

de fausses couches ; les fausses couches se produisirent toujours dans les tout

premiers mois et sans aucune cause déterminante apparente.

Les accouchements normaux et les fausses couches se suivirent dans l'ordre

suivant : '

4r° Grossesse. Accouchement normal. Enrichetta, actuellement âgée de

22 ans ; taille 161 centimètres ; d'apparence plutôt faible mais de constitution

normale ; comme la mère elle souffre de dyspepsie et de fréquentes céphalées ;

à ('fige critique elle eut des convulsions de nature certainement hysté-

rique. A l'examen somatique elle ne présente aucun stigmate ni de rachitisme

ni de syphilis héréditaire ; les dents sont saines et bien formées ; cheveux

abondants et normaux. La glande thyroïde est bien développée. Régulière-

ment réglée à 14 ans, elle se maria à 20 et eut un enfant à 8 mois qui mou-

rut quelques jours après. Elle est très intelligente.

2e Grossesse. Fausse couche au 3° mois.

3° Grossesse. Fausse couche au 4e mois.

live Grossesse. Accouchement normal. Marguerite, âgée actuellement de

20 ans et 6 mois, est l'aînée de nos deux infantiles.

5e Grossesse Accouchement normal. Umberto, âgé de 19 ans : taille 160 cen-

timètres,grand garçon grêle et maigre,mais sans aucune déformation du sque-

lette. Les cheveux sont normaux. Les dents très défectueuses, très irréguliè-

rement plantées ; l'émail montre de multiples érosions et le bord inférieur

des incisives est crénelé. Les lésions très accentuées ne sont cependant pas

nettement caractéristiques pour la syphilis héréditaire. Le palais est du type

ogival. Aucune lésion ni des yeux ni des oreilles. La glande thyroïde est bien

développée. Les caractères sexuels secondaires sont bien développés ; la fonc-

tion sexuelle est normale. Le développement pileux est abondant. Le testicule

droit n'est pas descendu, mais il est palpable dans le canal inguinal. L'intelli-

gence est normale.

6e Grossesse. Accouchement normal. Ida, âgée de 16 ans et 6 mois, est une

jeune fille de petite taille cent.), mais très forte, il épaules larges et carrées

et d'apparence très vigoureuse. N'a jamais été malade. Dents belles et norma-

les ; développement pileux très riche ; caractères sexuels secondaires très

accentués. Normalement réglée depuis deux ans. Glande thyroïde bien déve-

loppée. Elle est très intelligente.

7e Grossesse. Accouchement normal. Adrienne, âgée de 15 ans et demi, est

la cadette de nos deux infantiles.

13 Grossesse. Accouchement normal. Olga, âgée de 10 ans, est une belle

300 ETTORE LEVI

enfant, forte et saine ; haute de 120 centimètres, elle ne présente aucnn stig-

mate de rachitisme, ni d'hérédo-syphilis. Très intelligente.

9e Grossesse. Accouchement normal. Rodolfo, âgé de Sans, est un garçon

de très haute taille pour son âge (106 cent.), mais d'apparence très faible. Le

crâne est quadrangulaire, à type hydrocéphalique et mesure SI centimètres de

circonférence maxima ; au thorax et aux extrémités on observe de légères

déformations rachitiques. Dents plutôt défectueuses. Cheveux normaux. Orga-

nes sexuels bien développés. Glande thyroïde bien palpable. Intelligence très

vive. N'a jamais été malade.

10° Grossesse. Fausse couche au 2e mois.

118 Grossesse. Fausse couche au 3e mois. -

Observation I (PI. LI).

' Marguerite Ser..., âgée de 20 ans et 6 mois, née à Florence.

Antécédents personnels. Marguerite naquit à terme après une grossesse

et un accouchement physiologiques. Elle eut un allaitement très difficile ; elle fut

nourrie au sein par sa mère d'abord, et ensuite par trois différentes nourrices

et enfin artificiellement. Dès la naissance elle apparut petite et plutôt faible,

mais apparemment normale. Elle ne parut pas souffrir du mauvais allaitemeut,

augmenta de poids régulièrement après la première année ; la dentition se fit t

normalement.Elle fit ses premiers pas au seizième mois et marchait bien à deux

ans ; elle parla précocement.

Le développement physique fut normal pendant la première enfance et ne

fut troublé par aucune des maladies propres à cet âge.

Elle fréquenta l'école jusqu'à la z0 classe élémentaire, se montrant bonne

écolière, vive et intelligente.

L'accroissement continua tout à fait normal jusqu'à la dixième année à peu

près et la petite Marguerite ne se distinguait d'aucune façon à cet âge des autres

enfants normaux.

C'est depuis ce moment que les parents de Marguerite s'aperçurent d'un arrêt

absolu de la croissance ; et à l'âge du développement sexuel elle ne montra

aucun des signes annonciateurs de la puberté, Le développement intellectuel

ne subit, selon ses parents, aucun arrêt.

Vers 17 ans, Marguerite commença à souffrir d'anémie ; elle devint très

pâle, digéra mal et souffrit de fréquentes céphalées. Le médecin constata une

dilatation de l'estomac, la mit au régime et lui donna des préparations martiales.

De ce traitement la malade ne ressentit aucun profit au contraire son

état empira et on eut surtout une accentuation des souffrances gastriques ; elle

vomissait fréquemment et surtout après avoir ingéré certains aliments solides.

Elle avait de fréquentes céphalées à siège frontal et les vomissements coïnci-

daient presque toujours avec le paroxysme de la céphalée ; elle n'avait ni ver-

tiges, ni diplopie, ni bourdonnements d'oreilles ; jamais d'évanouissements

ni de convulsions. Les règles étaient toujours absentes.

KOUVELLLE Iconographie DE la Salpêtrière T. XXI. PI. LI

Adrienne S.

(15 ans, 5 mois)

Obs. II

Marguerite S.

(20 ans, 6 mois)

Obs. I

INFANTILISME DU TYPE LORAIN

(Ettore Lévi).

Moisson et Cie, Editeurs

Phototypie Berthaud, Paris.

CONTRIBUTION A L'ÉTUDE DE L'INFANTILISME DU TYPE LORAIN 301

Vers la 180 année (été 1906) survint une légère diminution de la vue qui

s'accrut rapidement, de telle sorte que, deux mois après, la malade ne pou-

vait déjà plus marcher seule dans les rues

Un oculiste (Dr Pereyra) la vit à cette époque et constata une atrophie

blanche papillaire bilatérale très avancée avec de clairs symptômes résiduels 1

de papillite. Ni à cette époque, ni précédemment, la malade ne présenta aucun

symptôme qui pût faire soupçonner une hémianopsie bitemporale. Deux mois

après le professeur Guaita de la Clinique oculistique de Florence constatait

une atrophie blanche bilatérale avec vision totalement abolie à droite, et ré-

duite du côté gauche presque à zéro.

En même temps, les céphalées étaient devenues plus violentes et les vomis-'

sements plus fréquents ; aucun autre symptôme, ni local ni général, soit du

côté de la motilité, soit du côté de la sensibilité ; aucune diminution apparente

des facultés intellectuelles.

Le développement somatique était resté celui d'un enfant de 10 à 11 ans.

Le 21 janvier 1907, Marguerite fut reçue à la Clinique médicale générale de

Florence où je pus prendre la première observation complète. La malade resta

dans notre service deux mois sans que son état montrât aucun changement im-

portant. Elle vomit trois ou quatre fois, mais toujours après d'avoir mangé

trop vite, ce que permettait de constater l'état des matières vomies. Elle se

plaignait toujours de céphalées, mais celles-ci ne semblaient plus être ni si

persistantes ni si fortes qu'autrefois.

On lui fit un traitement iodo-mercuriel énergique (18 frictions de pommade

de Hg : 2-4 gr.) qui ne donna aucun effet et qu'on dut interrompre à cause des

symptômes de mercurialisme. On ne put, à cette époque-là, faire la ponction

lombaire, car ses parents s'y opposèrent.

Quand la malade quitta notre service, son état physique n'avait pas varié ;

elle pesait 28 kilos et sa taille mesurait 130 centimètres ; elle était complète- j

ment impubère. Je ne publie pas ici in extenso l'observation clinique corres- '

pondant à cette époque, car l'ayant revue cette année (15 mois après) j'ai

trouvé si peu de variation dans son état qu'en publiant les deux observations

entières je ne ferais que me répéter ; je vais me borner, en décrivant l'état ac-

tuel, à relever les quelques modifications qui se sont produites dans ce laps de

temps.

Pendant les 15 mois que la malade été absente de notre service, il ne s'est

produit aucun symptôme nouveau ; les vomissements et les céphalées sont

devenus progressivement plus rares et moins forts ; elle a toujours mené une

vie très active (surtout si l'on considère sa cécité absolue), prenant normale-

ment part la vie de famille.

Etat actuel (18 mai 1908).

Conditions générales. Marguerite Ser... a l'apparence d'une petite fille f

de 10 à 12 ans au plus. La taille est de 133 centimètres ; les diverses parties de/

son corps sont entre elles très bien proportionnées, de sorte que son aspect est

tout à fait eurythmique. La taille est fine et élancée ; les mains et les pieds

302 ETTORE LEVI

bien conformés sont allongés et sveltes. Elle n'a conservé d'aucune façon le

type somatique arrondi de la première enfance, mais au contraire elle montre

celui qui est propre à la première adolescence. La tête est petite et bien pro-

portionnée au tronc ; le développement du thorax et du bassin est harmonieux

par rapport au développement des autres parties du squelette. Celui-ci ne

montre aucun stigmate rachilique ; les épiphyses, des extrémités ne sont pas

trop prononcées : les tibias sont droits ; pas de chapelet rachitique au thorax.

Le système glandulaire est normal ; aucune tuméfaction nulle part.

On n'observe ni sur les téguments ni sur les muqueuses aucune cicatrice ni

tache de nature suspecte.

Le tissu adipeux n'est pas déficient, mais encore moins en excès ; les masses

musculaires sont assez bien développées et leurs contours sont bien dessinés ;

dans l'ensemble on n'observe aucune trace des lignes arrondies propres à la

puberté féminine et les hanches seules montrent des contours un peu moins

pointus.

La peau est partout très pâle et fine avec un fond grisâtre assez net sur le

visage ; aucune trace de rugosité au visage qui ne paraît pas vieillot.

OHSERV. I. Marg. S.

CONTRIBUTION A L'ÉTUDE DE l'iNFANTILTSME DU TYPE LORAIN 303

L'élasticité, l'épaisseur et l'humidité des téguments sont partout normales ;

aucune imbibition des tissus sous-cutanés ; pas la moindre empreinte myxoedé-

mateuse, pas même sous la forme la plus fruste.

Les muqueuses visibles sont de couleur rose pâle.

Au front, deux petites cicatrices linéaires qui remontent à des chutes acci-

dentelles de la première enfance ; la jambe gauche au-dessous du genou une

large cicatrice blanche provoquée par une brûlure.

Aucune cicatrice de nature glandulaire. Les cheveux sont très longs, trèsabon-

dants, soyeux et pas trop fius ni cassants. Les sourcils et les cils bien fournis.

Le développement-des poils sur le reste du corps est absolument nus ; ni au f

pubis ni aux aisselles pas la moindre trace de duvet.

Le développement des seins est nul. Les organes génitaux ont le type nette- Il

ment infantile.

Température axillaire : 3G'{i. Respiration rythmique, régulière à type costal

inférieur : 18 à la minute. Pouls rythmique, bien compressible, égal des deux

côtés, ne présentant aucune irrégularité, 8'k il la minute.

tltesurations somatiques : .

304 FTTORE LEVI

CONTRIBUTION A L'ÉTUDE DE L'INFANTtLISME DU TYPE LORAIN 30J

spontanément ; elle désire guérir et se prête avec enthousiasme à tout ce

qu'on lui demande dans l'espoir de la guérison.

Le souvenir des couleurs et des formes des objets les plus différents est par-

faitement conservé et,sur demande, elle en décrit les caractères avec une grande

exactitude et richesse de détails. Le sens topographique est en elle très déve-

loppé ; non seulement elle connaît tous les détours de sa maison, mais elle est

même capable de se promener sans aide dans les rues avoisinant sa demeure.

Elle est très soigneuse de sa personne, toujours propre et un peu coquette ;

désire de belles robes.

Activité spontanée. Elle n'est jamais apathique, mais cependant elle est

plutôt inactive dans la vie quotidienne ; si on ne la pousse pas à faire quelque

chose, elle reste dans un coin, s'amusant avec de petits riens ou suivant la con-

versation des autres.

Elle est curieuse et potinière.

Elle demande tout de même spontanément à travailler et fait des dentelles

à l'aiguille ; elle aime qu'on lui lise à haute voix, on qu'on lui raconte des his-

toires... mais pas enfantines. Sa curiosité a plutôt les caractères de celle d'une

petite femme du peuple que de celle d'un enfant.

Connaissances d'école. Elle a très bonne mémoire et se rappelle parfai-

tement le peu qu'on lui a appris à l'école et répète par coeur les poésies et

les prières apprises il y a plusieurs années. Elle est capable de faire mentale-

ment de petites opérations arithmétiques ; mais en revanche elle n'a pas la

moindre connaissance de tout ce qui est grand ; ses appréciations sur les

grandes valeurs, grandes masses, hauteurs,distances,temps, etc., sont toujours

erronées et complètement enfantines. Elle n'a de connaissances relativement t

exactes que sur le tout petit monde qui l'entoure.

Elle croit que Florence est la plus grande ville du monde, et qu'il n'y a pas

de plus grand pays que l'Italie ; elle pense que les collines qui entourent Flo-

rence sont des montagnes très hautes et, interrogée sur leur altitude, elle ré-

pond : 20 mètres ! En somme tout pouvoir d'appréciation et de critique sur ce

qui est grand, lui fait défaut et cela plutôt par manque de critique que par

manque d'éducation.

Elle sait encore écrire et elle peut le faire, sous dictée, assez correctement ;

il est intéressant de noter qu'elle a l'intelligence d'éloigner de beaucoup entre

elles les lettres de chaque mot pour qu'elles ne se superposent pas les unes aux

autres ; malgré sa cécité absolue et sans trop s'aider des doigts par la palpa-

tion, elle écrit des phrases assez correctes. ' '

Si on lui raconte des histoires, elle les répète très exactement, en mettant en

relief le noeud de la situation et sans donner trop d'importance aux détails

L'attention n'est pas défectueuse. ..

Personnalité dans les jugements. Crédulité. - Dans ses jugements' elle se

montre assez indépendante ; elle ne croit pas si on lui raconte des choses absur-

des. Elle sait faire la distinction entre les faits fantastiques et réels ; ne croit pas

aux fées, aux esprits, ni au retour des morts. A de telles questions elle sourit

et répond que les enfants seulement croient à ces choses. '

306 ETTORE LEVI

Pudeur. Sensations sexuelles. But du mariage. - Apparemment la pudeur

ne semble pas très développée; elle ne rougit pas facilement et se montre

toute nue sans aucune gêne. Interrogée sur ce sujet, elle affirme qu'elle ne se

déshabillerait que devant un médecin, car elle se gêne devant les autres per-

- sonnes.. Elle n'a aucune idée sexuelle déterminée, ni aucun désir apparent.

Toute habitude vicieuse manque. Interrogée sur le but du mariage elle ré-

pond : « cela sert à ne pas être seuls dans la vie, à avoir de la compagnie après

la mort des parents, à avoir une famille à soi ».

A la question si elle croit qu'elle va se marier, elle répond : « je ne sais pas,

c'est la destinée, je ne sais pas si je guérirai, peut-être que oui ! v A la ques-

tion : quel mari voudrais-tu ? elle répond : « je voudrais que ce fût un homme

qui m'aime et un travailleur ».

Idées générales ; altruisme ; sentiments des droits et des devoirs.

Stimulus (prononciation à haute voix sans commentaire des mots suivants).

Réaction (de la malade aux mots prononcés).

Vérité. - Il faut toujours dire la vérité, les mensonges ne servent à rien.

Bonté. Il faut être bon, sans cela les gens nous font du mal.

Intelligence. C'est le savoir : qui n'est pas intelligent n'apprend jamais ;

je suis intelligente parce que j'ai fait mes classes sans jamais échouer à mes

examens. '

Courage. - Il faut être courageuse, n'avoir jamais peur ; moi cependant j'ai

peur de tout 1

De quoi as-tu peur ? J'ai peur de rester seule, que des hommes me pren-

nent et me fassent du mal. J'ai peur de rester seule dans la nuit.

Gaîté. - Je suis un peu triste, j'ai beaucoup pleuré, mais j'avais tort ; à

présent je ne pleure plus. ' *

Plaisirs, joies. - C'est d'aller se promener, de manger ; qnand j'y voyais,

j'aimais aller au théâtre. J'aime aussi travailler.

Douleurs, chagrins. - La mort des personnes aimées, Pour moi c'est une

douleur de ne plus voir.

Devoirs des enfants. Etre bien élevés, aimer les parents.

Devoirs des parents. - Aimer leurs enfants, en avoir soin, les envoyer à

l'école, les maintenir propres.

Etudes. Servent à devenir savants, à entrer dans les emplois : dans la

vie il faut être instruit.

Dieu. C'est celui qui gouverne tout, est seul et suprême seigneur du

monde.

Religion. Elle sert à adorer, à croire à quelqu'un ; nous croyons que

Jésus a existé, mais nous ne croyons pas qu'il ait fait tout caque les chrétiens

disent ! f

Ame. L'âme se sépare du corps après la mort et vit toujours après si l'on

a été bon ; sans cela Dieu nous châtie.

Richesse. - On est bien, on est heureux, on s'amuse, on mange bien.

La richesse donne le bonheur ? A moi oui, il me semble que oui.

CONTRIBUTION A L'ÉTUDE DE L'INFANTILISME DU TYPE LORAIN 307'

Les riches peuvent avoir des douleurs ? Oui, souvent, même plus que

les pauvres.

Si tu avais une soeur malade, d'une maladie contagieuse, que ferais-lit ?

Je m'en irais de la maison. a

Et si elle était seule, sans aide ? - Je la conduirais à l'hôpital, car être deux

malades, cela ne sert de rien.

Si une personne que tu aimes, était menacée, que ferais-tu ? Je cher-

cherais à l'aider, si j'y voyais.

Quel avenir crois-tu que tu auras ? - Dans le temps je cousais des panta

Ions : à présent je ne fais plus rien, si je guéris peut-être ferais-je un métier.

Médecin. Pour faire du bien.

Baptême. - Sert à donner une religion.

Fer. Sert pour construire toute sorte de choses.

Rose. Est belle, parfumée, agréable à voir.

Ciseaux. Ils sont commodes, servent à couper.

Nuit. On dort, on se repose.

Guerre. Elle est nécessaire, pour chasser les étrangers.

Mes, - C'est beaucoup de terre remplie d'eau salée : je l'ai vue à Livourne ;

elle est grande, elle sert à prendre des bains.

Juge. Sert à mettre les choses à leur place, à châtier.

Rome. - Une louve allaita deux enfants qui après se querellèrent et Ro-

molo tua Remo ; en 1870 elle fut prise par les Italiens parce que avant il y

avait des étrangers !

Roi. - C'est Victor-Emmanuel III ; il peut faire tout ce qu'il veut.

France. - C'est en Europe.

Electricité. Sert au téléphone et à donner la lumière.

Victuailles. J'aime beaucoup manger de bonnes choses.

Couteau. Je me suis coupée une fois. '

Examen somatique. Le crâne est très petit, même relativement aux pro-

portions très réduites de la personne. Il est bien conformé, arrondi, symé-

trique.

Il n'y a pas d'apo%'sis lemul'inica, La percussion du crâne ne réveille de

douleur nulle part et donne partout la même sonorité. -

La mobilité du cuir chevelu est normale ; les cheveux châtains sont longs,

abondants, soyeux.

La figure présente une légère asymétrie due à une déviation assez accentuée

du nez vers le côté gauche (d'origine traumatique).

La physionomie dans le repos est un peu atone et inexpressive ; un degré

assez prononcé d'exophtalmie et le caractère vague du regard amaurotique

sont les caractères extérieurs qui frappent d'abord l'observateur.

En parlant, en riant et en pleurant la physionomie s'anime et la mimique

n'apparaît pas défectueuse.

L'activité de la VIIe paire est normale' dans toutes les branches, soit dans les

308 ETTORE LEVI

mouvements spontanés, soit dans les mouvements commandés, soit enfin dans

les mouvements d'origine réflexe.

Les points d'émergence des branches de la Va et de la Vlle paire sont indo-

lents à la pression digitale. '

La peau est sur toute la figure très pâle et avec un fond grisâtre terreux ;

pas la moindre trace de bouffissure ni de rugosité.

Le front est un peu bas et fuyant.

Les bulbes oculaires ont été depuis la naissance un peu saillants, mais à

présent il y a une exophtalmie bilatérale très nette et plus accentuée à gauche ;

en 1907 elle était plus évidente du côté droit. Les parents ne savent pas nous

dire à quelle date exactement l'exophtalmie est devenue visible.

L'ouverture palpébrale gauche est plus ample que celle de droite.

Les axes oculaires étaient l'année passée parfaitement symétriques ; à pré-

sent on remarque au contraire par moments un très léger strabisme conver-

gent du côté droit; ce symptôme est très fugitif. Le symptôme de Gra'fe

est négatif.

La mobilité des bulbes oculaires était normale en 1907 ; on remarque à présent

une très légère insuffisance relative du droit externe droit. En éveillant for-

tement l'attention de la patiente, de façon à obtenir une innervation maxima, on

arrive à faire disparaître presque complètement cette insuffisance relative qui

est cause du strabisme dont j'ai parlé plus haut. Dans les attitudes latérales

extrêmes des yeux on observe quelques rares secousses nystagmiformes.

Les conjonctives palpébrales sont pâles ; les bulbaires, normales. Les réflexes

conjonctivaux et cornéens sont très vifs des deux côtés. Les pupilles parfaite-

ment rondes et égales présentent, comme en 1907, les réflexes à la conver-

gence normaux. L'accommodation n'est pas démontrable à cause de la cécité.

Le réflexe à la lumière était en 1907 très diminué à gauche et presque nul

à droite. Il est complètement aboli des deux côtés cette année. En 1907 la

patiente disait reconnaître le jour delà nuit quoique la vision fût abolie.

Cette année la patiente ne s'aperçoit pas de la lumière du soleil et ne réagit

d'aucune façon si on passe devant ses yeux une lampe électrique de 30 bou-

gies. L'amaurose est absolue.

L'examen du fond de l'oeil pratiqué le 23 janvier 1907 disait « atrophie

blanche bilatérale de la papille. »

L'examen fait cette année (15 mai 1908) par M. le professeur Casagli, a donné

le résultat suivant : « Papilles blanches, nacrées. Vaisseaux de calibre quasi-

normal. Les marges des papilles sont assez nettes ; dans la partie externe et

inférieure (à image renversée) on remarque cependant en dehors de la papilleune

petite semilune de couleur gris pâle, plus manifeste à gauche qu'à droite et qui

accompagne le bord extérieur et inférieur de la papille ». Diagnostic de

l'oculiste : Atrophie bilatérale de la papille secondaire à papillite.

Le nez est très petit, très mince à sa racine, dévié in loto du côté gauche.

Cette déviation est due à une luxation du septum cartilagineux, déviation que

le spécialiste professeur Monselles déclara d'origine traumatique.

Le septum osseux est dévié vers le côté droit et on observe l'hypertrophie du

CONTRIBUTION A L'ETUDE DE l'iNFANTILISME DU TYPE LORAIN 309

cornet inférieur gauche qui occupe la concavité du septum Les muqueuses

ne présentent rien d'anormal. L'odorat est très développé et les différentes

odeurs sont très bien reconnues par la patiente. Les oreilles sont un peu gran-

des, mais bien conformées et adhérentes au crâne. On n'observe pas le tuber-

cule de Darwin. L'examen otoscopique ne montre aucune anomalie. L'ouïe

est très fine ; le Rinne est positif ; le Weber n'est pas latéralisé.

La bouche est bien dessinée. Les lèvres sont fines, non éversées. Les mu-

queuses sont pâles. La mobilité des lèvres est normale. Les muqueuses gin-

givales sont très rouges, tuméfiées, facilement saignantes et laissent presque

complètement à découvert le collet dentaire, surtout au niveau des incisives

et des canines inférieures. Les dents sont très irrégulièrement plantées, elles

sont grandes et montrent une atrophie trèsnette du tavolatum externum; en ou-

tre une légère crénelure de la marge inférieure plus manifeste aux incisives.

Les deux canines montrent une ressemblance bien nette avec les molaires.

La dentition est complète relativement à l'âge.

L'émail dentaire est presque complètement détruit par le tartre qui colore

les dents en vert-gris.

Le palais est légèrement ogival mais sa conformation n'est pas] caractéristi-

que. L'haleine est mauvaise. La langue très fine et à surface normale, se meut

normalement en tous sens et ne tremble pas.

Les amygdales pharyngées sont un peu tuméfiées et rougeâtres ; il n'y a pas

de végétations adénoïdes.

L'examen laryngoscopique (prof. Monselles) nous apprend que le larynx a a

le type nettement infantile, sans le moindre soupçon de différenciation sexuelle, n

Le réflexe pharyngé est vif ; on ne provoque pas facilement le vomisse-

ment.

Le réflexe massétérin est un peu exagéré.

Le goût est normal.

La mastication et la déglutition se font normalement.

La voix est un peu rauque et dissonante avec un caractère non différencié

et puéril.

Les mots sont correctement et promptement articulés, aussi bien dans la pa-

role spontanée que dans la répétition des phrases longues et difficiles.

Le rire et les pleurs n'ont pas le caractère spasmodique.

Le cou est allongé, arrondi ; la saillie de la glande thyroïdienne est assez

évidente et la glande elle-même est facilement palpable et présente des carac-

tères extérieurs apparemment normaux. La mobilité du cou est normale dans

tous les sens ; les peauciers fonctionnent vigoureusement. Le long des caro-

tides on palpe quelques petites glandes un peu grossies et dures. Rien de re-

marquable à l'auscultation des sommets pulmonaires et des gros vaisseaux.

La pression digitale de la trachée réveille une sensibilité normale.

'Le thorax est cylindrique, petit mais harmonique dans tous ses diamètres.

Les espaces intercostaux sont peu évidents ; le sternum n'est pas saillant.

Pas de chapelet rachilique. La peau est partout fine et élastique;

310 ' ETTORE LEVI

i Les seins ne sont aucunement développés ; l'aréole en est bien dessinée,

mais les pointes ne sont pas formées du tout (atélie). La situation des aréoles

est normale (PI. LI).

L'examen de la fonction respiratoire donne un résultat en tous sens parfai-

tement normal ; rien de suspect aux sommets pulmonaires.

L'examen du coeur nous donne le même résultat ; les dimensions de l'organe

sont normales,sa figure linéaire n'est pas altérée ; à la palpation pas de frémis-

sèments.A l'auscultation on remarque que le premier ton à la pointe est légère-

ment soufflant, mais le deuxième à la base n'est pas renforcé et il n'y a pas de

bruit de dédoublement à la base même. Il s'agit sans aucun doute d'un léger

souffle anémique.

L'examen radioscopique et radiographique du thorax nous confirme l'absence

de toute anomalie du côté du thymus qui n'est pas visible ; le volume du coeur

paraît normal en proportion du développement du corps ; les gros vaisseaux

sont d'un diamètre assez réduit, mais proportionnellement aux autres organes.

Les artères périphériques ne montrent aucune anomalie. Le pouls à la radiale

est rythmique, régulier et ne varie pas de fréquence : 84 à la minute.

L'abdomen est légèrement arrondi mais aucunement proéminent comme dans

la première enfance.

'La palpation du ventre est facile et nous apprend avec la percussion que

tous les organes abdominaux sont dans leurs limites normales.

La patiente ne se plaint pas de l'estomac ; elle digère assez bien,mais a une

aversion invincible pour certains aliments et surtout pour le pain qu'elle vomit

souvent si on l'oblige à en manger. Elle est constipée habituellement.maison a

raison de cette légère constipation par de légers laxatifs. Les sphincters

sont complètement inhibés par la volonté ; il n'y eut jamais d'incontinence et

pas même d'enurèse nocturne dans la première enfance.

Les réflexes cutanés abdominaux, supérieurs et inférieurs, sont également

vifs des deux côtés. Les réflexes des muscles droits de l'abdomen sont un peu

exagérés, la percussion avec le marteau sur la marge supérieure du pubis provo-

que en même temps une vive contraction des adducteurs des cuisses,également

forte des deux côtés. Le réflexe anal est normal. Les règles font totalement

défaut ; il n'y a jamais eu le moindre soupçon d'activité dans ce sens.

j Les organes génitaux externes sont atrophiés. Les petites lèvres sont à peine

" dessinées par la présence du petit chapeau du clitoris ; elles manquent com-

plètement en bas. L'hymen existe au contraire et de même le canal vaginal dont

la longueur est normale.

Par l'exploration rectale on ne parvient pas à sentir le corps de l'utérus,

mais à sa place on perçoit un épaississement en forme de faux avec sa concavité

ouverte en avant et en haut pendant qu'en bas elle se réunit pour former un

petit corps de la longueur de 1 centimètre à peu près et épais de quelquesmil-

limètres. On ne parvient pas à palper ni les ovaires ni les trompes (Examen

de M. le professeur Resinelli).

, Le bassin est assez rétréci dans tous ses diamètres, mais sa réduction est

proportionnelle aux dimensions des autres parties du squelette.

CONTRIBUTION A L'ÉTUDE DE L'INFANTILISME DU TYPE LORAIN 31 1

La ligne externe arrondie des hanches n'a pas d'ampleur ; elle est à peine

dessinée comme chez une fillette de 10 à 11 ans.

Au pubis et aux aisselles ni poi ! ni duvet.

La colonne vertébrale est bien droite et mobile dans tous les sens ; pas de

lordose lombaire dans la station debout. Pas de douleur à la pression et à la per-

cussion.

L'énergie des muscles da tronc est normale ; il n'y a pas d'asynergie avec

les muscles des extrémités inférieures ; les jambes restent fixées au sol en

exécutant l'épreuve de Babinski.

Les bras sont longs, arrondis, bien conformés ; les mains plutôt grandes aux

doigts allongés. Aucune dystrophie soit cutanée soit onguéale. Les contours

musculaires sont bien dessinés : la tonicité des muscles est normale. Aucune

douleur à la palpation des masses musculaires, des troncs nerveux et des sur-

laces osseuses. L'énergie de contraction est moyenne et égale des deux côtés ;

J. dynamomètre donne 17 à droite et 16 à gauche. ·

Dans les mouvements passifs on ne sent aucune résistance. Tous les mouve-

ments actifs sont exécutés promptement et correctement dans toutes les direc-

tions ; pas la moindre trace ni de tremblement, ni d'ataxie, soit statiques,

soit cinétiques. Pas de adiadocinésie. La patiente est très adroite de ses mains ;

elle se déshabille et s'habille toute seule et, malgré sa cécité absolue, travaille

facilement à de petites dentelles.

L'excitabilité musculaire mécanique est normale.

Les réflexes cubitaux et radiaux sont également exagérés des deux côtés, mais

ils l'étaient davantage en 1907. Pas de clonus de la main.

Les réflexes scapulaires sont aussi exagérés.

Extrémités inférieures. Conformation normale du squelette ; les tibias

sont parfaitement droits. Les pieds sont très allongés, sveltes. A la palpation on

remarque un très léger degré d'hypertonie musculaire qui donne une sensation

de vive résistance dans les mouvements passifs' brusques de flexion et d'exten-

sion de la jambe sur la cuisse ; cette résistance disparaît complètement dans

les mouvements lents et doux. Pas de douleur à la pression soit des masses

musculaires soit des troncs nerveux. Les mouvements actifs sont possibles

dans toutes les directions avec une énergie normale et égale des deux côtés.

Pas la moindre trace d'ataxie ni de tremblement^soit statiques soit cinétiques.

Pas d'asynergie.

Les réflexes patellaires étaient en 1907 également exagérés des deux côtés ;

cette année-ci l'exagération est plus manifeste à gauche qu'à droite. On n'eut

jamais de clonus rotulien. Les réflexes achilléens étaient en 1907 à peine

exagérés ; cette année-ci ils le sont un peu plus ; il y a tendance au clonus

du pied aussi bien d'un côté que de l'autre. Le clonus n'est pas assez mani-

feste pour en obtenirun tracé graphique.

Les réflexes plantaires sont vifs. Les symptômes de Babinski, Oppenheim,

Strumpell et Mendel-Betcherew sont négatifs des deux côtés.

Station debout et marche. La patiente se tient debout sans aide, même

avec les pieds très rapprochés, sans que l'on remarque la moindre oscillation du

312 2 ETTORE LEVI

tronc. Elle se tient debout aussi sur un seul pied et aussi facilement d'un côté

que de l'autre.

La marche n'a rien de caractéristique, en dehors de ce très léger degré

d'incertitude qui provient de la cécité absolue ; pas d'ataxie ni d'asynergie céré-

belleuse. Les pieds ne sont pas traînés les pointes sur le sol et ils ne fauchent

pas ; la démarche est facile et aussi bien au pas qu'à la course et dans les

brusques changements de.front on n'observe pas' la moindre hésitation, ni

aucune trace de spasmodicité.La déviation de la ligne droite ne se fait pas d'un

côté plutôt que de l'autre.

Sensibilité. Pas de paresthésies, pas de douleurs fulgurantes : rien sub-

jectivement.

A l'examen objectif : pas d'analgésies viscérales, ni du tendon d'Achille, ni

du cubital, ni de la trachée.

Stéréognosie normale. La reconnaissance des attitudes, même pour les

mouvements passifs minimes, est parfaitement conservée.

La sensibilité superficielle est normale partout dans toutes ses formes. Pal-

lestésie et Barestésie normales.

Recherches spéciales.- L'examen des urines répété très souvent n'a jamais

démontré la présence d'aucun élément pathologique. La moyenne d'élimi-

nation de l'urée se maintient normale. Dans le sédiment toujours de nombreux

cristaux de triplophosphate et d'assez nombreux leucocytes.

Examen du sang, février 1907.

NOUVELLLE Iconographie DE la SALi'Êi'BiÊRt

T. XXI. Pl. LU

INFANTILISME DU TYPE LORAIN,

(Ettore Lévi).

Radiographies des extrémités inférieures de Marguerite S.

(Obs. I).

Masson et Cie, Editeurs

PhototYPie Dertliaud, Pans

CONTRIBUTION A L'ÉTUDE DE L'INFANTILISME DU TYPE LORAIN 312

314 ET10RE LE'1

tissu adipeux est très délicient ; la petite est très maigre et ses membres ne

sont pas du tout arrondis. Les masses musculaires sont peu développées, mais

proportionnées au développement général ; par suite de la pauvreté du tissu

adipeux, elles se dessinent très bien.

Les cheveux bruns sont longs, abondants, soyeux ; pas trop fins ni cassants.

Les cils et les sourcils sont très bien fournis.

Aux aisselles et au pubis pas la moindre trace de duvet.

- Les organes génitaux externes sont typiquement infantiles ; tout développe-

ment des seins fait défaut ; les aréoles sont normalement situées ; les pointes

des seins manquent.

Le bassin est très rétréci dans tous les diamètres ; les hanches sont poin-

tues. Pas de tuméfactions glandulaires ni de cicatrices ou taches soit cutanées

soit muqueuses de nature suspecte. Pouls radial rythmique, régulier : 90 à la

minute. Respiration costo-diaphragmatique, régulière, 18 à la minute.

lIfesurations somatiques :

CONTRIBUTION A L'ÉTUDE DE l'iNFANTILISME DU TYPE LORAIN 315

à]6 6 ËTTORÉ LEVI

Cependant elle est très bonne, douce et affectueuse avec la soeur aveugle qu'elle '

conduit partout avec grand soin ; mais elle fait cela avec résignation, par habi-

tude et parce que les conditions de sa famille l'y contraignent. Elle est douée

d'une conception très exacte de la valeur de son bien-être physique et elle a

une vision très claire du danger éventuel de devenir aveugle elle-même ou

de rester petite comme sa soeur ; en conséquence elle se prête avec beaucoup

d'intelligence à nos recherches et à nos soins.

Elle n'a aucune pudeur et aucune idée sexuelle déterminée ; interrogée sur

ce chapitre elle répond par des phrases banales qu'elle ne sent pas. Comme

sa soeur elle présente une notable lacune intellectuelle pour tout ce qui a rap-

port aux objets et aux faits qui échappent à une détermination habituelle et

directe ; les idées de masse, valeur, distance, temps,hauteur,etc.n'existent pas

pour elle, et sur ce chapitre elle fait les plus grossières fautes d'appréciation

tout en étant douée de connaissances élémentaires de géographie et d'arithmé-

tique ; dans ce genre de réponses surtout ressort l'absurdité de ses réponses

qui sont cassantes et illogiques ; souvent elle se corrige d'elle-même si elle

se donne la peine de penser à ce qu'elle a dit.

Cependant que sa soeur répond souvent qu'elle ne sait pas à des questions

trop difficiles, elle tourne au contraire la question mais avoue rarement son

ignorance.

Pour conclure, la petite Adrienne ne présente aucun déficit intellectuel bien

caractérisé et est même très vive et très intelligente ; sa constitution psychique

est qualitativement normale, mais présente quelques caractéristiques bien clai-

res de la mentalité infantile. Si on ne savait pas son âge, on la dirait une

petite fille de 8 ans, très intelligente.

Examen objectif somatique. - L'examen objectif de cette patiente n'offre

comme d'ailleurs son histoire, rien de notable en dehors de l'arrêt général de

la croissance.

Le crâne est quadrangulaire à type hydrocéphalique ; le crâne facial est peu

développé et les traits de la figure sont très menus, mais bien dessinés et pré-

cocement caractérisés comme ceux d'une adolescente plutôt formée. Pas d'a-

symétrie ni faciale ni crânienne.

Nous avons déjà dit que les cheveux et la peau ne montrent rien d'anormal ;

pas la moindre trace de rugosité ni de bouffissure.

.L'expression du visage est vive et intelligente avec ce je ne sais quoi de

triste qui est souvent propre aux enfants rachitiques.

Le langage mimique est très riche ; pas de tics, pas de grimaces.

Les yeux paraissent légèrement enfoncés par la prominence du front

bombé ; leur mobilité est normale ; pas de nystagmus ; réflexes cornéo-con-

jonctivaux et iridiens normaux ; le fond de l'oeil est normal. Vision normale.

L'oreille est un peu grande mais adhérente ; bien conformée, elle présente

un petit tubercule de Darwin.

L'ouïe est très fine, et l'examen oto-rhino-laringologique fait par un spécia-

liste ne donne aucun fait notable. Le larynx ne présente aucun caractère de

différenciation sexuelle. L'odorat et le goût sont parfaits.

CONTRIBUTION A L'ÉTUDE DE L'INFANTILISME DU TYPE LORAIN 317

Les lèvres un peu entr'ouvertes sont très fines ; les muqueuses visibles,

roses ; pas de cicatrices péri-buccales.

Les dents sont bien plantées et leur aspect est bien meilleur que chez la

soeur ; elles ne montrent pas en effet les érosions multiples qui sont éviden-

tes chez Marguerite et chez d'autres membres de la famille.

La langue est fine, à surface normale : sa mobilité est parfaite. Rien du côté

du palais. Les amygdales sont un peu agrandies ; pas de végétations adénoïdes.

Le réflexe pharyngien est normal. Déglutition et mastification normales. La

voix est mal timbrée dissonante ; la parole est toujours prompte et correcte.

Le cou est très long, arrondi ; la glande thyroïde est bien palpable.

Le thorax est extrêmement maigre et pointu, il est plutôt étroit au sommet

et tend à s'élargir vers la base ; pas de déformation évidente ; pas de chapelet

rachitique.

Le sternum est très court. Le rachis est droit et normalement mobile.

. Le volume du coeur et des grands vaisseaux paraît, à l'examen clinique et

radioscopique, normal et proportionné aux autres organes ; la fonction car-

diaque se fait physiologiquement. On peut en dire autant de la fonction respi-

ratoire ; aucune trace de bacillose pulmonaire.

L'abdomen est légèrement élargi et aplati : cela dépend de la conformation

aplatie du bassin et de la base du thorax; le ventre n'est pas du tout saillant

comme dans la première enfance. Pas de lordose lombaire.

Tous les organes abdominaux se trouvent dans leurs limites normales et

fonctionnent physiologiquement.

Le bassin est aplati dans le sens antéro-postérieur et a le type infantile ; la

courbe arrondie des hanches manque complètement. i

Les organes génitaux externes et internes sont typiquement infantiles ; les

règles manquent totalement. Le développement pileux au pubis et aux aisselles

est nul.

Les seins sont aplatis et seulement indiqués par la présence des aréoles nor-

malement situées : atélie.

Les extrémités supérieures et inférieures sont très minces et allongées ; leur

squelette est normal ; les tibias ne sont pas déformés : on note seulement un

très léger degré d'épaississement des épiphyses surtout au poignet et au cou-

de-pied.

Les mains et les pieds sont fins et allongés.

Les masses musculaires sont toniques et se dessinent très bien à cause du

défaut de tissu adipeux.

La mobilité passive et active est normale ; pas la moindre trace ni de trem-

blement, ni d'ataxie, ni d'asynergie. Démarche et station debout normales.

Sensibilité subjectivement et objectivement intacte.

Les examens souvent répétés des urines, des matières fécales et du sang

nous démontrent un état parfaitement normal.

Examen radiographique. - Voir plus loin.

Traitement. Marguerite et Adrienne Ser. ont été soumises, depuis le

3J 8 E1"I'ORE LEVI '

mois de janvier 1908, à un énergique traitement thyroïdien et ovarique en

même temps : ce traitement à doses croissantes a été jusqu'à présent très bien

supporté. Sur les résultats de ce traitement nous ne pourrons naturellement

tirer des conclusions que dans un an ou deux.

1 .' ..., Observation III.

Eliséo Bian..., âgé de 21 ans et demi, de Florence, tapissier.

Antécédents héréditaires. Son père est mort à la suite d'une maladie

cardiaque chronique ; il n'était pas alcoolique ni syphilitique ; il était de très

haute taille et très fort,de sorte qu'il lit son service militaire dans les grena-

diers.

La mère est vivante et jouit d'une excellente santé ; bien conformée elle est

de taille au-dessus de. la moyenne. '

Le patient ne sait rien nous dire sur le reste de sa famille. Il a deux frères et

deux soeurs plus âgés que lui et qui se sont développés tout à fait normalement

et jouissent d'une excellente santé. Un petit frère mourut d'une entérite peu

après sa naissance ; un autre fit de l'hémiplégie infantile et mourut âgé de

7 mois. La-mère n'eut jamais de fausses couches.

Antécédents personnels. Notre malade naquit à terme après une gros-

sesse et un accouchement physiologiques. Il fut nourri au sein par sa mère et

n'eut à souffrir d'aucune des maladies de la première enfance. Il parla et mar-

cha précocement ; la première et deuxième dentition se firent normalement.

Il ne fréquenta les écolès que pendant deux ans et n'apprit ni il lire ni ;i

écrire ; depuis la 8e année il travailla comme tapissier.

La mère, femme de médiocre intelligence, ne sait pas nous dire à quel âge

se fit l'arrêt de croissance de notre patient ; lui-même nous dit que vers l'âge

de 12 à 13 ans il s'est aperçu que sa taille n'augmentait plus. ,

Il y a dix-huit mois il eut une attaque de polyarthrite rhumatismale aiguë

avec tuméfaction de toutes les grandes articulations des extrémités ; il eu gué-

rit rapidement,mais il y a un mois il eut une rechute de la maladie et entra à

l'hôpital de S. M. Nuova, où je pus l'étudier à mon aise dans le service de

M. le professeur Sclmpfer que je tiens à remercier ici.

En dehors de manifestations articulaires pas très accentuées il présentait une

double lésion valvulaire dont nous ne pûmes établir sûrement l'origine ; cer-

tainement elle remontait à une époque antérieure à la première attaque de

polyarthrite, car déjà depuis deux à trois ans le patient nous dit qu'il s'essouf-

flait très facilement et avait des palpitations.

1 A l'époque de la puberté notre patient ne montra pas le moindre éveil

sexuel et les caractères sexuels secondaires ne se montrèrent pas ; il n'a ja-

mais eu de contact féminin et pas le moindre désir physique dans ce sens.

L'érection ne se produit pas. Il n'a pas d'habitudes vicieuses.

Notre patient se montra toujours peu intelligent, mais bon et doux ; il fut

toujours très nerveux et impressionnable et souvent prêt aux larmes. Il ri ton-

CONTRIBUTION A L'ÉTUDE DE l' INFANTILISME DU TYPE LORAIN 319

jours travaillé rudement et dans ses relations sociales il s'est conduit d'une

façon supérieure à son âge ; il n'a jamais montré aucun caractère de puérilité.

Etat, actuel (2 iuillet 1908). Eliséo Bian. n'est pas de très petite taille pour

un infantile ; il mesure en effet 146 centimè-

tres ; de taille très svelte et élancée il a les

jambes très longues par rapport au tronc. De

conformation osseuse très grêle, de formes

pointues, très maigre, il ne paraît pas plus de

13 à 14 ans. Le crâne est bien conformé, pe-

tit et rond ; le cou, long et maigre ; le thorax,

allongé et mince ; le ventre, petit et pas sail-

lant ; la colonne vertébrale bien droite.

La peau est sur le visage à fond brun,

fine et élastique ; pas la moindre trace de ru-

gosité ni de bouffissure. Aucune imbibition

sous-cutanée n'existe d'ailleurs dans les au-

tres parties du corps. Le tissu adipeux est très

réduit ; les muscles sont peu développés,

mais se dessinent très bien. Le squelette ne

présente aucune trace de^rachitisme.

Aux lèvres, au menton, aux aisselles, pas

la moindre trace de duvet ; au pubis trois ou

quatre poils longs et rudes, en partie noirs,

en partie blancs.

Les sourcils et les cils sont bien fournis ;

les cheveux sont forts et drus.

Le pénis est court et fin comme celui d'un

enfant de 10 ans ; les testicules ne sont pas

plus gros qu'une petite olive. Le patient n'a jamais eu d'érection ni de pertes

séminales. Température axillaire : 3608. Respiration normale : 18 par minute.

Pouls un peu vide et facilement compressible, faible mais rythmique et ré-

gulier, 82 par minute.

Mesurations somatiques : -

320 . ETTORE LEVI

O¡;VELLLE ICONOGRAPHIE DE LA SALPÈIRIÈRF T. XXI. Pl. Lin

Marguerite S. (Obs. I)

(Grande dilatation de la selle turcique).

Adrienne S. (Obs. Il)

(Selle turcique normale).

INFANTILISME DU TYPE LORAIN

(Ettore Lévi).

Radiographies des crânes des soeurs S. (Obs. I et II)

CONTRIBUTION A L'ÉTUDE DE L'INFANTILISME DU TYPE LORAIN 321

Les tibias ne sont pas déformés; les épiphyses des os longs pas grossies.

La mobilité et la sensibilité sont parfaitement normales. Les réflexes tendi-

neux des extrémités supérieures et inférieures plutôt vifs.' Le réflexe pharyn-

gien et le réflexe conjonctival sont absents ; les abdominaux, normaux; le

crémastérien, très faible; le scrotal, absent; le rectal, normal. Les réflexes

plantaires sont vifs, en flexion.

L'examen du sang montre une légère anémie simple.

L'examen des facultés psychiques est très diflicile, car le malade est extrê-

mement timide et soupçonneux et ne répond que rarement et à contre-coeur.

Il est d'une ignorance absolue, de caractère très triste et constamment déprimé.

Son psychisme ne présente aucun caractère puéril ; il pense et raisonne

comme un adulte d'intelligence très médiocre. La faculté d'attention est nor-

male, l'imagination nulle, la mémoire très pauvre. L'affectivité est très déve-

loppée. Il est très préoccupé de sa maladie et très honteux de sa petitesse

et de sa faiblesse ; il s'offense si on lui en parle et refuse de répondre. Il ne

joue ni ne rit jamais avec ses camarades, préfère rester tranquille au lit, ne

se lève qu'à regret ; pleure et se désespère pour des riens et s'offense de tout.

C'est en somme un neurasthénique mélancolique.

Examen radiographique DU SQUELETTE

comparativement chez les trois malades qui onl fait le sujet

des observations précédentes (1).

Marguerite SEn... Crâne. Epaisseur des os normale. Aucune trace

d'exostoses. La suture pariéto-occipitale visible parce que incomplètement

ossifiée. Il n'y a pas de dépression du toit orbitaire ni affaissement de la lame

criblée, caractères qu'on trouve communément à l'examen radiographique

dans les cas d'hydrocéphalie congénitale (Pl. LUI).

La selle turcique est notablement et uniformément élargie, mais ses limites

osseuses apparaissent nettes. La confrontation de cette épreuve radiographique

avec celles de la hase du crâne d'une femme normale adulte et de la soeur cadette

Adrienne, montre que dans ces deux dernières les proportions de la selle tur-

cique sont identiques z de cent. à peu près de diamètre longitudinal), tandis

que chez Marguerite la selle turcique présenté un diamètre longitudinal plus

que double : à peu près 2 centimètres.

On n'observe pas d'aplatissement ni de distension des fosses moyennes et

postérieures du crâne et les pyramides marquent entre' les deux un change-

ment de niveau très évident.

L'implantation dentaire paraît normale.

Vertèbres cervicales, dorsales et lombaires. - Rien d'anormal.

âlain (PI.LIV). - Conformation générale du squelette normale ; pas d'a-

grandissement des épiphyses de l'avant-bras, pas d'exostoses.

(1) Les radiographies ont été exécutées-par M. le D' Siciliano que je tiens à remer-

cier ici. - ' '

322 ETTORE LEVI .

Au niveau de tous les os longs (phalanges et métacarpiens) on observe un

développement excessif des tissus osseux spongieux, tandis que le développe-

ment de la partie corticale compacte (en comparaison avec la main d'une

jeune fille normale de 19 ans) se montre tout à fait en défaut.

Aux extrémités des phalanges de tous les doigts on aperçoit très clairement

la persistance des cartilages épiphysaires qui apparaissent comme des disques

translucides d'une épaisseur variable entre 2 à 3 millimètres.

Aux quatre derniers métacarpiens on observe aussi la séparation des têtes

épiphysaires de leurs diaphyses, mais l'ossification des cartilages est ici plus

avancée qu'aux phalanges. Le même fait est visible à l'extrémité proximale du

premier métacarpien.

Le carpe paraît normalement ossifié.

Radius et cubitus.- Très évidente est la persistance du cartilage épiphysaire

de l'extrémité inférieure du radius ; le disque cartilagineux, épais de 3 milli-

mètres, est translucide dans sa moitié interne, un peu plus opaque dans la

moitié externe.

L'épiphyse inférieure du cubitus est de même séparée de sa diaphyse par une

ligne claire;9npent en dire.autant de l'apophyse styloïde.

Par comparaison j'ai fait faire les radiographies des mains : de la soeur

aînée de Marguerite âgée de 22 ans, et qui ne présente aucun symptôme d'ar-

rêt de développement ; de la soeur cadette âgée de 16 ans, normale elle aussi ;

enfin de la petite Adrienne, la cadette de nos deux infantiles (PL LIV). La

main de notre troisième infantile âgé de 21 ans est aussi reproduite (PI LV).

La main d'Adrienne présente d'une façon plus accentuée (à cause de l'âge)

les mêmes caractéristiques qui viennent d'être décrites à propos de la main de

Marguerite. Tous les os de la main et de l'avant-bras apparaissent extrême-

ment petits et menus (1).

Le tissu osseux compact est, de même que chez Marguerite, très peu déve-

loppé tandis que le tissu spongieux forme la presque totalité des os longs. La

persistance des cartilages épiphysaires des phalanges et des métacarpes est

encore plus évidente que chez Marguerite et les disques cartilagineux sont

plus épais et plus translucides. Le carpe est normal. Beaucoup plus évidente

que chez Marguerite est la persistance des larges cartilages épiphysaires aux

extrémités distales du radius et du cubitus. Si l'on tient compte qu'entre les

deux soeurs il y a un intervalle d'âge de 5 ans, on doit en conclure que relati-

vement le développement osseux de la main de Marguerite est encore plus

arriéré que celui de sa soeur. Très intéressante et instructive est la compa-

raison de l'état d'ossification de la main que nous venons de décrire (d'Adrienne

15 ans 1/2) avec celle de la soeur normale Ida plus âgée d'un an seule-

ment ; cette jeune fille, qui est forte, de taille carrée, épaisse, mais petite, tout

en étant d'un an seulement l'aînée d'Adrienne et en étant de 5 ans la cadette

(1) La réduction de la radiographie n'ayant pas été faite à la même échelle sur la

Planche LIV peut donner une impression différente. Il importe de tenir compte de

cette cause d'erreur. ,

OOVELLLE ICONOGRAPHIE ~DE LA SALPÊTRIERE

T. IYI. Pl. LIV

INFANTILISME DU TYPE LORAIN z

(Ettore Lévi).

B. Radiographie de la main de Henriette S. (normale), âgée de 22 ans.

A. Radiographie de la main de Marguerite S. (Infantile du type Lorain), âgée de 20 ans.

C. Radiographie de la main de Ida S. (normale), âgée de 16 ans et demie, soeur de la précédente.

D. Radiographie de la main d'Adrienne S. (Infantile du type Lorain), âgée de 15 ans et 6 mois

soeur des deux précédentes.

Masson et CI', Editeurs

NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE la SALPETRIÉRH.

T. XXI. Pl. LV

INFANTILISME DU TYPE LORAIN

(Ettore Lévi).

Radiographie de la main d'Elysée 13., 21 ans.

Masson & CI', Éditeurs

Pholotypie Bcrthaud, Pans

CONTRIBUTION A L'ÉTUDE DE L'INFANTIUSME DU TYPE LORAIN 323

de Marguerite, montre un état d'ossification très avancé et qu'on peut dire

normal ; en effet sur la radiographie de sa main nous observons que le tissu

compact des os longs est très bien développé ; les cartilages épiphysaires des

phalanges et métacarpiens ne sont plus visibles; les cartilages épiphysain's

du radius et du'cubitus sont à peine visibles, presque totalement ossifiés.

Enfin, détail intéressant, chez cette jeune fille (16 ans 1/2) on observe l'ossi-

fication très nette du petit os sésamoïde qui se trouve à la face interne de la

première articulation métacarpo-phalangienne et qui commence à s'ossifier

chez l'individu normal vers la 12e année ; or cet os normalement ossifié ici n'est

visible dans la main de Marguerite (21 ans) que comme une toute petite om-

bre à peine perceptible ; il n'est pas visible du tout chez Adrienne ; à peine

visible chez notre troisième sujet de 22 ans; très visible chez la soeur aînée

normale des soeurs Ser...

La main de la soeur ainée normale de 22 ans, Henriette, paraît in loto nor-

male ; seulement si l'on compare l'épaisseur du tissu compact osseux avec

celle de la main d'une autre jeune fille normale de 19 ans,on trouve que le tissu

spongieux est même chez Henriette un peu trop prépondérant. L'os sésamoïde

est bien développé ; les cartilages épiphysaires sont tous normalement ossifiés ;

seulement à l'extrémité inférieure du radius on reconnaît encore la ligne d'os-

sification comme une ligne brune qui ne se voit pas dans la radiographie de

l'infirmière de 19 ans. '

La main de notre troisième sujet (PI. LV),le jeune homme de 22 ans,présenle

à peu près le même état d'ossification que la main de Marguerite ; quoique

n'appartenant pas à la même famille il nous montre à un très haut degré le dé-

ficit du tissu osseux compact, la persistance de tous les cartilages épiphysaires,

phalangiens, métacarpiens et radio-cubitaux etenfin la non-ossification de l'os

sésamoïde.

Articulation du coude (Marguerite). - Conformation osseuse normale ;

persistance d'un cartilage épiphysaire, épais de 2 millimètres, l'extrémité su7

périeure du radius ; l'olécrane n'est pas entièrement ossifié. ;

A l'humérus on observe que l'épitrochlée est séparée du reste de l'épiphyse

humérale par un disque clair de 1 à 2 millimètres.

On observe les mêmes faits chez Adrienne et chez Eliséo Bian. (22 ans),tandis

que dans une radiographie de comparaison exécutée sur une infirmière normale

de 19 ans on observe une ossification tout à fait normale.

Articulation de l'épaule (Marguerite). - Aussi bien au col anatomique

qu'au col chirurgical de l'humérus on voit deux lignes nettes cartilagineuses

qui n'apparaissent pas du tout dans la radiographie témoin exécutée sur l'in-

firmière de 19 ans ; elles sont nettes au contraire chez nos deux autres infan-

tiles.

Articulation de la hanche. La tête du fémur est séparée du grand trochan-

ter par un disque cartilagineux de 2 à 3 millimètres ; le grand trochanter

n'est pas complètement réuni au reste de l'épiphyse.

Articulation du genou. - On voit avec toute évidence les cartilages épiphy-

saires de l'extrémité inférieure du fémur, de l'extrémité supérieure du tibia

324 ETTORE LEVI

et du péroné ; dans la portion moyenne et externe du cartilage épiphysaire

inférieur du fémur on voit une très petite lamelle ossifiée. Le péroné est

extrêmement fin et réduit en épaisseur ; sa tête est complètement formée de

tissu spongieux. 1

Les mêmes faits, encore plus évidents, sont constatables chez Adrienne et

chez Eliséo.

Pied (Marguerite) (PI.LII).- Les extrémités inférieures du tibia et du péroné

.sont séparées de leur diaphyse par des disques cartilagineux translucides d'au

moins 3 millimètres ; le tarse est normalement ossifié.

L'état d'ossification des métatarsiens et des phalanges correspond parfaite-

ment à celui des mêmes os de la main ; on remarque le même déficit de tissu

osseux compact et la persistance évidente de tous les cartilages épiphysaires des

phalanges et de l'extrémité proximale du premier métatarsien. Le même

degré d'ossification incomplète est visible chez Eliséo ; elle est encore moins

avancée chez Adrienne. La radiographie témoin d'une jeune fille de 19 ans

montre l'ossification de tous les cartilages épiphysaires susnommés. (Pour les

temps d'ossification normale aux différents âges, voir les tableaux dressés par

Dupont et Fürnrohr.)

Thorax (Marguerite).- La radiographie du Thorax ne faitrelever rien d'anor-

mal au niveau des os courts de la colonne vertébrale et du sternum. Le coeur

et les gros vaisseaux apparaissent petits,mais proportionnés au développement

du tronc.

Pas de persistance du thymus.

L'examen objectif de nos trois sujets dont nous avons voulu signaler tou-

tes les particularités désirant mettre bien en lumière chaque détail cli-

nique apte à prouver notre thèse, nous permet d'arriver à présent avec

toute facilité à la détermination de la forme clinique présentée par nos

cas et à l'interprétation la plus probable des causes déterminantes delà

maladie chez les différents sujets.

Dans ce but nous ne ferons que tracer très rapidement l'état actuel de

nos connaissances sur la question de l'infantilisme et nous nous bornerons

dans le diagnostic différentiel à la discussion des formes purement néces-

saires. .

(A suivre)

CLINIQUE MÉDICALE DE FLORENCE

DIRECTEUR : PROFESSEUR GROCCU »

ENCORE SUR L'ACROMEGALIE

NOTES cliniques (')

PAR

GIUSEPPE FRANCHINI et G. J. GIGLIOLI

Depuis la magistrale description de M. Pierre Marie classant l'a-

cromégalie comme forme morbide bien définie et de pathogénie hypo-

physaire, de nombreuses théories de l'acromégalie ont été soutenues

et bien des cas ont été publiés. Pendant les 22 ans passés depuis le travail 1

princeps jusqu'à ce jour, la discussion sur la question n'a pas eu de trêve.

On a tenté de détruire la théorie hypophysaire et de la remplacer par

une théorie thymique (Freund), par celle de l'inversion de la vie génitale

(Verstraeten), par celle de la trophonévrose (Recklinghausen), par d'au-

tres encore dont plusieurs ne méritent certainement pas d'être prises en

considération.

D'autre part, les recherches cliniques et anatomo- pathologiques expé-

rimentales nous ont bien fait connaître tous les symptômes causés par l'a-

blation de l'hypophyse pratiquée chez les animaux.

Mais si nous essayons de tirer de tout ce matériel une conclusion seule-

ment même de probabilité sur la véritable cause de l'acromégalie, nous

voyons tous nos efforts échouer contre la multiplicité des symptômes, leur

variabilité d'un malade l'autre,et parfois contre l'absence de ceux qui

ont toujours été tenus pour fondamentaux ; de telle manière que nous nous

voyons forcés d'avouer que plane encore sur la pathogénse de l'acromé-

galie le mystère.

Comme je viens de le dire, la méthode expérimentale nous a apporté

une remarquable contribution aux notions physiologiques sur l'hypo-

physe ; sa sécrétion autonome est aujourd'hui bien déterminée ; les rap-

ports d'influence réciproque qui relient l'activité de l'hypophyse à celle des

(1) Au docteur Giglioli revient tout ce qui concerne l'histoire, l'examen objectif des

malades et les recherches qui se rappprtent â cet examen; au docteur Franchira le

reste du travail.

326 GIUSEPPE FRANCHINI ET G. GIGLIOLI

autres glandes, de la thyroïde notamment, sont bien établies. Les recher-

ches de Rogowitsch et de Stiecla (1) ne laissent plus de doute à cet égard :

elles ont prouvé qu'après la destruction delà thyroïde on constate une hy-

pertrophie compensatrice de la pituitaire. Mais ces recherches n'ont point

fourni la certitude, comme il en fut autrefois pour le myxooedème,où l'ex-

périmentation confirma complètement ceque la clinique availfait admettre.

En effet,dans toutes les tentatives expérimentales, les altérations caractéris-

tiques de l'acromégalie, celles- du squelette et l'accroissement du volume

des os, ont toujours fait défaut. C'est pour cela qu'une contribution il

l'étude de cette maladie ne paraîtra pas superflue ; il s'agit d'ailleurs de

cas qui présentent une importance particulière, à cause de caractères dif-

félqnts de ceux qu'on a décrits jusqu'à présent. J'ai cru utile de les faire

connaître ; je me bornerai, quant à l'exposition clinique, à la partie plus

intéressante de l'anamnèse et de l'examen objectif; je rendrai compte aussi

de certaines recherches personnelles. '

Observations.

le, cas. Filippo Pierattini, âgé de 32 ans, né à (iruscoli : admis à la cli-

nique le 10 mars 1906 (PI. LVI, A).

Antécédents héréditaires. Rien de particulier.

Antécédents personnels. A l'âge de 30 ans le malade commença à éprou-

ver un sentiment d'hébétude et à souffrir de céphalée frontale, particuliè-

rement à gauche ; il y a un an, il s'aperçut que la vue de son oeil gauche bais-

sait. Le trouble de la vision s'accentua de telle façon que le patient ne pouvait

plus distinguer que les objets placés de côté, surtout ceux du côté interne. Il

y a deux mois, il commença à ne plus y voir distinctement de l'oeil droit ; en

même temps la céphalée augmenta, tout en n'étant pas continuelle. Depuis le

début de la céphalée jusqu'à un mois ayant son admission, le patient affirme

qu'il n'a jamais ressenti autre chose qu'une moins grande résistance à la fati-

gue, des transpirations faciles et une diminution progressive de sa virilité. En

le pressant de questions, on arrive à apprendre que ses mains, bien qu'ayant

toujours été fortes, ont grossi dans ces derqiers temps de manière que le ma-

lade a dû changer sa bague de doigt. Même chose pour les pieds ; les chaus-

sures du patient sont devenues trop étroites.

Les personnes de sa famille disent que durant les deux dernières années,

elles ont remarqué un changement considérable dans le caractère du malade,

devenu taciturne, mélancolique, facilement impressionnable et bien faible mo-

ralement. De plus sa physionomie s'est altérée : les traits se sont accentués, la

peau du visage s'est comme épaissie : Les parents ont aussi remarqué que

la voix s'est faite rauque et plus grave.

(1) Verânderungen der Hypophyse nach Enlfernung de;, Schildrilse : Beitriige zur

pathol. Anat. und allg. Bd. VII, 1890.

NOUVELLLE ICONOGRAPHIE DE LA -SALPÊTRIÈRE

T. XXI. Pl. LVI

ACROMÉGALIE

(G. Franchini el G. J. Giglioli).

ENCORE SUR L'ACROMÉGALIE 327

A l'examen objectif, sauf les caractères acromégaliques du squelette et des

tissus mous, on ne voit rien qui soit à signaler.

Examens spéciaux : Urines, rien de particulier.

Pression artérielle humérale droite au Riva-Rocci 158 millimètres Hg.

Examen laryngoscopique. Les cordes vocales sont normalement dévelop-

pées et mobiles ; fausses cordes un peu grosses.

Examen rhinoscopique. Une légère hypertrophie bilatérale du cornet

inférieur.

Examen électrique du visage. Cet examen ne nous révèle qu'une excita-

bilité faradique nerveuse plus grande à droite qu'à gauche. Rien de particulier l'

au tronc et aux membres. ,

Examen ophtalmoscopique. Les artères sont très grêles. La papille est

atteinte d'atrophie blanche.

Examen du champ visuel. - Pour l'oeil droit, le champ est réduit à sa

moitié interne. Pour l'oeil gauche, on constate, en outre du scotome central,

que la perception nette est limitée au quadrant inférieur interne ; elle est

bien diminuée aux quadrants inférieur externe et supérieur interne, et com-

plètement abolie au quadrant supérieur externe. C'est là le résultat de l'épreuve

avec un point lumineux. Si l'on se sert d'un point blanc opaque, le champ pré-

sente un scotome central et se trouve limité à sa moitié inférieure. A droite,

l'acuité visuelle est réduite pour la moitié inférieure du champ à 1/10 ; à

gauche, le patient ne peut compter les doigts qu'à 75 centimètres de distance,

et seulement en correspondance de la moitié interne du champ visuel.

Examen du sang. On note un certain degré ,'d'éosinophilie et une aug-

mentation des mononucléaires par égard aux polynucléaires.

Réactions musculaires. Réaction myasténique positive.Pour cette réaction,

on a suivi la méthode Murri, qui fut ensuite largement appliquée par Flora (1).

Elle diffère de celle de Jolly en ce qu'au lieu d'exciter faradiquement le mus-

cle par saccades, on se sert delà stimulation continue, du tétanos faradique. Cette

méthode est d'une application plus facile, elle est plus facilement supportée ;

elle permet d'obtenir plus rapidement les résultats cherchés et elle est d'une

plus grande sensibilité pour la découverte des moindres épuisabilités muscu-

laires anormales. On appliqua un poids de 300 grammes au doigt et on se ser-

vit, comme d'ordinaire, de l'ergographe de Mosso et d'un appareil à glisse-

ment de Du Bois Reymond. On sait qu'avec des sujets normaux la contraction

tétanique dure longtemps, vingt minutes à une heure et même davantage,

tandis que dans des conditions pathologiques on a une cessation plus ou moins

rapide du tétanos.

Le malade, sorti de la clinique, y est revenu le 18 mars 1908 , il se maintient

dans un état de santé suffisant. Subjectivement il accuse une sensation de

faiblesse ; quelquefois il souffre de palpitations de coeur.

Objectivement on remarque un agrandissement de toutes les parties de son

(1) M. Floua, Sulla reagion eleclrica miastenico o di esaurimento, Riv. Crit. de Gli-

nica medica, n- 21, 1900, p. 385.

328 ls"tUSPi'1; FRANCHINI Et G. GIGLIOLt

corps, et particulièrement des extrémités et du visage. A l'examen des organes

intérieurs on ne constate rien de remarquable, sauf l'augmentation de volume

du foie qui déborde environ de deux travers de doigt [l'arcade costale sur la

ligne hémiclaviculaire. '

II° cas (PI. LVI, B). Felindo Nardi, âgé de 37 ans, peintre en bâtiments,

de Galluzzo.. " '

Antécédents héréditaires . Sa mère mourut de cardiopathie à de

40 ans ; son père est vivant et en bonne santé ; ses trois soeurs ne présentent

rien de particulier. Sa femme aussi jouit d'une bonne santé ; des cinq enfants

qu'il en eut, un mourut dans les premiers mois de sa vie, un autre à l'âge

de 12 ans, de cardiopathie ; trois sont encore vivants : la fille aînée présente les

caractères de l'acromégalie, les puînés sont sains et ne présentent aucune

altération au squelette.

Antécédents personnels . A 16 ans le patient commença à souffrir de

céphalées violentes accompagnées de vertiges. Il n'eut jamais ni convulsions

ni troubles de la vue. En même temps il s'aperçut du développement exagéré

de son visage, de ses mains et de ses pieds. Il paraît qu'au bout d'un an ce dé-

veloppement anormal s'arrêta et qu'eu même temps il y eut trêve aux

douleurs de tète. Mais, d'après ce que nous dit le malade, à de 25 ans le

visage reprit à se développer fortement, et, d'ovale qu'il était, il devint assez

plat. Il ne semble pas qu'alors il'y eut de la céphalée. Ce développement a

peu à peu augmenté dans la suite, mais le patient a toujours continué à exer-

cer son métier, car ces altérations ne lui causaient pas trop de gêne.

Etat actuel. Examen général. Stature moyenne (1 m. 60), teint

foncé, muqueuses rosées, masses musculaires bien développées, pannicule

.adipeux normal. Rien du côté du système lymphatique extérieur. Même à

un examen sommaire général on remarque une disproportion entre le déve-

loppement du visage et des extrémités supérieures (mains et pieds) et celui

du reste du corps ; cette disproportion est nettement plus marquée à droite

qu'à gauche, il y a une asymétrie manifeste de tout le corps au profit du

côté droit, et cette asymétrie saute aux yeux pour le visage. Cette augmen-

tation de volume dyssymétrique du squelette, mérite d'être examinée de près.

Tandis qu'on ne peut rien remarquer à la voûte cranienne, sauf une légère

saillie de la bosse occipitale, les arcades sourcilières paraissent bien plus proé-

minentes à droite qu'à gauche, et même les os du nez semblent comme grossis.

Le nez est long, saillant et dévié à gauche ; les ailes en sont épaisses. Les globes

oculaires aussi sont saillants. Les lèvres sont avancées et grosses. De même la

mâchoire ; le menton est long et large sans toutefois qu'il y ait de prognathisme

accentué (Pl. LVII).

Thorax. La clavicule est plus accentuée et plus épaisse il droite qu'à

gauche ; le sternum aussi est régulier, car sa partie supérieure est très sail-

lante, tandis que les deux tiers inférieurs sont en retrait (Fig. 1). L'omoplate

droite est plus saillante que la gauche. Au rachis pas d'asymétrie notable. Les

côtes n'ont rien de particulier.

Le dos ne présente pas de véritable cyphose, mais il y a une certaine cour-

NOUVELLLE ICONOGRAPHIE DB'LASALrÊTRIÈRE'

T : XX1 : Pl : 1.V II

ACROMÉGALIE

(G. Francbil11 et G. J. Giglioli).

Masson et Cte, Editeurs

ENCORE SUR L'ACROMÉGALIE ? 2ylr "

bure du rachis lombaire avec légère lordose de la région dorsale, plus marquée

dans la station debout. En examinant le malade dans la position de « fixe »,

on s'aperçoit que son bras droit est un peu plus long que le gauche.

Les deux mains paraissent lourdes, grosses et larges, avec des doigts épais et

de même largeur à l'extrémité qu'à la base ; à la palpation cette grosseur pa-

raît dépendre de celle des os aussi bien que des parties molles ; les ongles ne

présentent pas de troubles trophiques, ils ,sont assez courts et robustes. Aux

membres inférieurs il n'y a de remarquable qu'un énorme développement des

pieds, qui sont agrandis en totalité, mais de façon plus accentuée au gros orteil,

au deuxième doigt et au calcauéum, et plus à droite qu'à gauche.

Rien de particulier à l'examen des organes internes et des sens spécifiques.

Vision normale, examen ophtalmoscopique négatif, etc.

Examen laryngo scopique . Rien de particulierdu côté des cordes vocales ;

le cartilage aryténoide de droite paraît plus gros et comme empiétant vers la

gauche.

Examen des urines. Rien de particulier. Même chose pour l'examen du

sang. Absence de réaction myasthénique. Pression artérielle humérale droite

135 millimètres Hg.

Ille cas (PI. LVI, B). Nardi Nora, âgée de 14 ans, née à Galluzzo.

Antécédents héréditaires et familiaux. Fille du précédent. Rien de parti-

culier quant aux aïeux paternels et maternels. Elle présente des signes dis-

.\Xl 22

Fig. 1.

330 GIUSEPPE FRANCHINI ET G. GIGLIOLI

tincts d'acromégalie ; ils se seraient développés à l'âge de la puberté. Rien de

remarquable quant à la mère, aux frères et aux soeurs du sujet.

Antécédents personnels. L'anamnèse reculée est négative. Anamnèse

proche : il y a deux ans, la patiente commença à ressentir une légère céphalée ;

peu à peu elle s'accentua, particulièrement au matin, localisée à la région fron-

tale. Jamais de troubles de la vue ni de phénomènes convulsifs ; pas de vomis-

sement, pas de vertige.

Ultérieurement la malade est devenue taciturne, mélaucolique, facile à se

fatiguer, lourde, somnolente an point de demeurer immobile pendant des

heures. Elle dort très bien la nuit,et souvent elle s'endort aussi pendant le jour.

Contemporanément ses parents remarquaient un épaississement graduel des

traits, l'augmentation de volume des lèvres, du nez, de la mâchoire. Ensuite les

mains et les pieds ont grandi d'une façon disproportionnée à l'âge de la pa-

tiente. Les menstruations n'ayant pas encore paru, c'est à ce détail qu'on attri-

bua tout.

La malade fut admise à la clinique le 7janvier 1908.

Examen objectif. -Les caractères d'acromégalie sont bien évidents. Le

tissu cellulaire sous-cutané est très développé ; les muscles sont flasques et la

peau très épaisse. On note une cyanose de degré assez limité, qui s'étend à tout

le corps, mais est surtout évidente aux lèvres et aux mains. Rien de particulier

quant aux organes internes.

Les sens spécifiques sont normaux; rien de particulier pour le champ visuel

et l'examen ophtalmoscopique. L'excitabilité électrique musculaire et nerveuse

est normale.

Examen des urines. Rien de particulier.

Examen du sang. - Erythrocythémie évidente (plus de 7 millions de glo-

bules rouges par millimètre cube) et augmentation de l'hémoglobine (105 0/0

à l'hémomètre de Heischl).

Pression artérielle à l'humérale droite, 90 millimètres Hg.

ENCORE SUR L'ACROMÉGALIE 331

Résumons ce qu'il y a de remarquable dans mes trois cas. Je vais

considérer : 1° l'hérédité acromégalique ; 2° le développement dissy-

mélrique plus prononcé à droite qu'à gauche ; 3° l'absence dans

deux cas des symptômes oculaires qui sont souvent caractéristiques des

lésions de l'hypophyse.

Dans la bibliographie nous trouvons peu de cas d'acromégalie hérédi-

taire ; Fraentzel (1) a décrit une femme acromégalique,qui eut un enfant

acromégalique ; Bonardi (2) a donné l'histoire d'un père et de son fils

acromégaliques ; Fraenkel (3) a signalé l'acromégalie chez deux frères et

leur père ; Schwoner (4) parle d'un cas où la mère était acromégalique

et les parents de haute stature ; dans un cas de Warda (5), un des enfants

du malade accusait des signes évidents d'acromégalie, dans mon cas enfin

il s'agit d'un père et de sa fille, acromégaliques tous deux.

On connaît déjà des cas d'hémi-acromégalie ; c'est-à-dire des cas où

l'acromégalique présente ses déformations accentuées plus d'un côté que

de l'autre. Je citerai ceux de Burchardt (6), de Gavalas (7) ; le mien com-

plète la série.

Je ne veux ici traiter de-la palhogénèse de l'acromégalie qu'en passant ;

car si môme l'on s'en tient aux cas que j'ai décrits, on peut voir combien

il est difficile d'en tirer des conclusions qui, même de loin, nous repor-

tent à une origine commune de la maladie. Je tiens seulement à constater

que plus j'observe de cas (j'en suis au 8e), et plus je vois avancer dans la

maladie ceux que je suis depuis quelque temps, plus je me confirme dans

l'opinion que dans la symptomatologie et peut-être aussi dans la pathogé-

nèse de l'acromégalie les altérations des glandes à sécrétion interne jouent

un grand rôle.

Très récemment, au Congrès français des aliénistes et neurologistes à

Dijon, il a été question des troubles psychiques causés par des perturba-

tions des glandes à sécrétion interne.

Très justement, il mon avis, Laignel-Lavastine (8) a affirmé que tous les

troubles psychiques des acromégaliques ne sont pas d'origine hypophy-

il fait remarquer que le syndrome de Basedow et le myxoedème

accompagnent très souvent l'acromégalie. Je voudrais ajouter à ce qu'il

(1) Ueber Akromegalie. Deutsche med. Woch., 1888.

(2) Riv. sper. di 7''<'e)t., vol. XXI, 1895.

(3) Société médicale de Berlin, ter avril 1901.

(4) Ueber hereditare Aklarorn. Zeitschr. fur. klin. Med., Bd. XXXII, 1897.

(5) Deut. Zeitschr. f. Nervenheilh. Bd. XIX, p. 358, 1901.

(6) Vorstellung eines Falles von lialbseiiigei, Akromegalie. Berl. klin. Woch., 1893,

p. 580.

(1) Allg. Wien. Med. Zeit., 1904, ne 39.

(8) Semaine médicale, 1908, nu 32, p. 373.

332 GIUSEPPE FRANCHINI ET G. GIGLIOLI

dit que non seulement les dérangements psychiques, mais aussi les trou-

bles somatiques ont beaucoup de traits communs avec ces maladies. En

effet, dans bien des cas j'ai pu observer qu'il y avait torpeur, somno-

lence, affaiblissement de la mémoire, et aussi développement énorme du

tissu cellulaire sous-cutané, épaississement de la peau ; tout cela réalise un

tableau très semblable à celui que présentent les myxoedémateux. Dans

d'autres cas le tremblement, t'exophthatmie, le signe de Graëfe, le goitre,

les sueurs abondantes, les troubles gastro-intestinaux, la légère hypo-

pyrexie, reproduisent des symptômes de la maladie de Basedow.

Dans presque tous les cas, sinon dans tous, il y a la grande asthénie

que l'on ne trouve que dans la maladie d'Addison, dans celle d'Erb-

Goldflam, ou bien dans certains cas de cette forme de Basedow qui a été

décrite sous le nom d'asthénique.

J'ai recherché la réaction myasthénique dans quatre cas d'acromégalie

je l'ai trouvée caractéristique dans deux; dans un troisième j'ai trouvé ,

un épuisement musculaire très prononcé, mais sans véritable réaction

myasthénique; dans le quatrième je n'ai rien remarqué de particulier.

Les acromégaliques, outre qu'asthéniques, paraissent être des sujets en

proie à une intoxication qui se manifeste parfois par des symptômes aigus

et graves, et parfois d'une façon très lente et peu ou pas progressive ; si

bien qu'on voit ces malades, après une période grave, présenter des pério-

des d'un bien-être relatif assez marqué pour qu'ils puissent reprendre les

occupations qu'ils avaient été forcés d'abandonner.

On peut môme dire qu'aux changements de l'habitus extérieur des

malades correspondent des modifications des organes intérieurs. En effet,

dans deux de mes cas j'ai pu suivre la façon de se comporter du foie et du

rein, cela à plusieurs reprises en des périodes différentes. Et là où le foie

au commencement ne présentait aucune altération, ni à l'examen objectif,

ni à l'enquête sur son fonctionnement (épreuve de la glycosurie alimen-

taire, l'examen de l'urée et des différents groupes azotés), j'ai constaté,

dans une période ultérieure l'apparition de l'urobiline dans l'urine, un

déficit de l'urée par rapport iL l'azote total, une augmentation des amido-

acides ; plus tard encore, j'ai pu palper sous l'arc costal le foie nettement

débordant.

On pourrait se répéter pour ce qui concerne les altérations du rein;

j'ai vu paraître l'albuminurie, généralement légère cependant, parfois de

la cylinclrurie chez des malades qui auparavant n'avaient donné aucun

indice de lésion du rein.

Ces faits et d'autres encore me donnent l'impression qu'il existe quelque

toxique qui, circulant dans l'organisme, y cause des altérations dans les

divers organes. De tels effets sont plus apparents du côté du foie et du rein

ENCORE sur l'acromégalie 333

qui sont,particulièrement le premier des organes, destinés à neutraliser

les substances toxiques qui circulent'dans l'organisme. Nous verrons plus

tard d'où peuvent provenir ces poisons.

A l'appui de l'hypothèse qui admet que les altérations de l'hypophyse

seraient secondaires et qui donne beaucoup de valeur aux lésions de la thy-

roïde,je vais citer un cas que j'ai observé; c'est seulement à présent, 15 ans

après que la maladie a commencé,que viennent d'apparaître les vomisse-

ments, les céphalées, les troubles de la vue ; l'examen ophtalmoscopique,

qui auparavant était négatif, fait voir maintenant les bords papillaires

nuancés,avec des vaisseaux assez gros et tortueux, de manière à faire pré-

sumer un début de néoplasie intra-crànienne.

Dans un autre cas j'ai pu constater l'évidence que la maladie avait

commencé par une augmentation de volume de la thyroïde, par une

exophthalmie légère, du tremblement, des palpitations. Cela été suivi

par des douleurs aux mains avec agrandissement de celles-ci.Le médecin

qui le premier visita le malade se demandait si l'on devait ou non diagnos-

tiquer une forme de Basedow. Comme le malade accusait une forte cépha-

lée, on l'envoya, quelques années après, à la Clinique ophtalmologique,

où l'examen ophtalmoscopique et celui du champ visuel donnèrent des ré-

sultats négatifs. Maintenant, il y a déjà 16 ans que la maladie évolue ; la

céphalée est devenue plus violente, la vue a baissé considérablement, et

quoique l'examen ophtalmoscopique demeure négatif, toutefois, l'examen

radiographique a montré une selle turcique double de la capacité nor-

male.

Doit-on admettre qu'en ce cas l'hypophyse, altérée dès le premier jour,

soit seulement constatable à présent parce que son volume a suffisamment

augmenté ? Les cas étudiés sont certes en nombre trop limité pour qu'on

puisse donner un fondement valable à l'opinion que je viens d'énoncer,

laquelle s'oppose à la théorie admise généralement.

Le fait que j'ai constaté dans un de mes cas, c'est-à-dire l'hérédité

acromégalique, n'est pas contraire à l'hypothèse qui soutiendrait que l'acro-

mégalie est due à des altérations des diverses glandes à sécrétion interne.

L'hérédité se rencontre plus souvent dans les maladies nerveuses et men-

tales, et particulièrement dans celles de la moelle épinière (maladie de

Friedreich, quelques atrophies musculaires, etc.).

Mais nous avons aussi la certitude que dans le Basedow il peut y avoir

hérédité directe ; le professeur Grocco en a rappelé quelques cas; un d'un

typique se trouve décrit dans ses leçons (1) à la page 154., il concerne

une malade de Basedow, dont le père et l'aïeul paternel furent atteints de

la même maladie.

(1) GRocco, Lezioni di Clinica medica. Vol. I. Casa editrice Vallardi.

334 GIUSEPPE FIL1NCIIINT ET G. GlGLI01.1

Je crois qu'aujourd'hui on ne peut guère douter de l'origine glandulaire

(thyroïdique et peut-èlre parathyroïdique) de cette maladie.

Une autre preuve de l'altération de la thyroïde dans l'acromégalie peut

se trouver dans les résultats du traitement thyroïdien lorsque le malade

présente un aspect myxoedémateux. On a en effet plusieurs fois décrit une

forte diminution du tissu cellulaire sous-cutané après un traitement thy-

roïdien, sans cependant que les symptômes acromégaliques et l'accroisse-

ment du squelette eussent été modifiés. Et contre l'avis de ceux qui attri-

buent à l'acromégalie une origine médullaire (presque tons les cas

d'acromégalie accompagnés de syringomyélie décrits jusqu'à présent ont

désormais été reconnus comme appartenant à celte derniéreformemorlide),

j'oppose ceci que dans la syringomyélie on n'a jamais décrit une hypertro-

phie totale de la langue ; or cette altération est un des signes les plus ca-

ractéristiques de l'acromégalie ; dans les cas douteux sa présence peut

décider du .diagnostic particulièrement lorsque l'hypertrophie s'étend à

tout l'organe, à la muqueuse et surtout aux pupilles du V lingual, qui en

certains cas parvient à avoir un volume énorme.

On peut par ta. je le répète, distinguer l'acromégalie du gigantisme et

de quelques hypertrophies osseuses partielles congénitales ou acquises.

Eh bien, la seule maladie où l'on trouve de telles altérations, c'est le myxoe-

dème, et je suis convaincu que dans l'acromégalie l'hypertrophie de la

langue, les altérations de la peau et du tissu cellulaire sous-cutané, sont

causées exclusivement par la lésion de la thyroïde.

Je me demande seulement, vu que sur ces glandes à sécrétion interne,

et surtout sur l'hypophyse, il règne encore une si grande obscurité, pour-

quoi l'on parle toujours d'hyper ou d'hypofonction, et pas de fonctions

qualitatives altérées de ces organes.

Par exemple en nous en tenant encore à la maladie de Basedow, on ne

pourra certainementpas se borner à admettre seulement un excès de sécré-

tion interne de la glande, si l'on pense qu'il y a des cas,et ils ne sont pas

rares, où la maladie persiste sous une forme grave même avec une glande

presque entièrement détruite dans ses éléments fonctionnels. Même con-

clusion si l'on veut comparer le tableau clinique de la maladie de Flajani-

Basedow avec les résultats d'une hyperthyroïdisation artificielle.

Le myxoedème est certainement causé par la diminution ou l'abolition

- (le la sécrétion de la glande thyroïde ; mais certains tableaux morbides

qui se placent à un côté du myxoedème et d'autre part quelques maladies

causées par des arrêts du développement, sont aujourd'hui rapportés plus

volontiers à une altération qu'à une diminution de la fonction thyroïdienne

(par exemple quelques cas de crétinisme et d'infantilisme).

Donc en ce qui concerne l'acromégalie, plutôt que d'un hyperpituita-

ENCORE SUR L'ACROMÉGALIE 335

risme, que, selon Tamburini, suivrait un hypopituitarisme, on pourrait

parler de dispituitarisme, ce qui peut-être, avec plus de vraisemblance,

serait d'accord avec les symptômes et les faits cliniques.

Mais je préfère m'arrêter ici, car ce n'est pas mon habitude de de-

meurer trop longuement dans le champ des hypothèses, même lorsqu'el-

les paraissent vraisemblables. Je serais peu enclin à admettre que l'acro-

mégalie soit causée par une altération primitive de l'hypophyse.Deux des

cas dont vient de parler repoussent cette hypothèse, et ils ne sont pas

les seuls. Mais comme aux nécropsies on a trouvé des altérations de

l'hypophyse, de la thyroïde, des capsules surrénales, etc., j'en serais

pour admettre, ainsi qu'autrefois je l'ai déjà écrit, comme cause de l'acro-

mégalie un dérangement fonctionnel de ces glandes, le trouble de la

fonction glandulaire engendrerait une intoxication générale et l'acromé-

galie. J'attribuerais le rôle principal aux deux premières glandes. Quelle

est celle dont le trouble est primitif ? Quelle est celle dont le trouble est

secondaire. Il n'est pas aisé de répondre.

Chez les chiens et les chats splénectomisés, Wlaieff (1) a trouvé une

hypertrophie de la thyroïde, des ganglions lymphatiques, du foie, des

capsules surrénales et de l'hypophyse avec des modifications dans sa struc-

ture.L'auteur en lire la conclusion que l'acromégalie ne vient pas d'une

lésion primitive de l'hypophyse, mais qu'elle est une affection de tout

l'appareil des glandes sanguines causée par une neutralisation chronique

des toxines. Et selon que les modifications pathologiques prédominent

dans l'une ou dans l'autre glande, y aurait détermination de syndro-

mes différents : infantilisme, gigantisme,myxoedème, acromégalie, etc.

Ce n'est qu'une hypothèse, mais elle est peut-être fondée. Guerrini (2),

provoquant des intoxications dans l'organisme (en liant l'intestin, les

uretères, etc.),a obtenu une augmentation du volume de l'hypophyse ; ses

recherches sur cet organe ont démontré sa fonction antitoxique générale.

Leube (3) dans son Traité de pathologie médicale (dernière édition al-

lemande, p. 374), parlant du myxoedème, admet que lorsqu'il y a dimi-

nution ou arrêt de la sécrétion thyroïdienne, il se fait dans l'organisme

une accumulation d'une substance toxique à l'égard du système nerveux;

ce poison qui probablement vient du canal digestif est, à l'état normal,

neutralisé par la thyroïde.

Tout cela confirme, du moins indirectement,ce que j'ai autrefois admis

comme probable touchant la pathogénie de l'acromégalie à la suite de

nombreuses recherches sur les échanges nutritifs et l'observation de

(1) Vratchefnaia Gazeta, 1906, no 36, reporté dans la Revue méd., n" 29, 1907.

(2) Sperimenlale Fascicolo, V, 1904.

(3) Speielle Diagnose dei- inieîe7 ? Ki,ankheile ? ? , Il Band, 7 Auflae.

336 GIUSEPPE FRANCHINI ET G. GIGLIOLI

quelques faits cliniques ; j'ai dit que de l'intestin peuvent partir des

substances nuisibles à l'organisme, lesquelles arrivent à affecter les

glandes à sécrétion interne.

D'ailleurs il n'y a aujourdhui plus de doute que l'ostéoarthropathie

pneumique de Marie, forme ayant des points de similitude avec

l'acromégalie, ne soit causée par des toxines dérivées des poumons ou de

la sécrétion des bronches. Au cours de mes nombreuses recherches sur

la nutrition, j'ai trouvé dans des cas d'acromégalie des chiffres très élevés

se rapportant aux éthers sulfuriques et à l'indican, des anomalies dans

l'absorption et l'élimination de la chaux et du phosphore ; les deux pre-

miers faits témoignent d'une augmentation des putréfactions intestinales.

Je ne dirai cependant pas que cette hypothèse ait une base très sûre,

car je n'ai trouvé les altérations ci-dessus mentionnées et à un degré mar-

qué que dans certains cas ; dans d'autres je les ai trouvées à un degrébien

plus léger et enlin dans d'autres je n'ai rien trouvé ; toutefois, comme le

fait existe, j'ai cru de mon devoir de le faire connaître.

Donc, étant donnés les rapports fonctionnels des diverses glandes à sé-

crétion interne, il n'est pas étonnant qu'à ces substances toxiques réagis-

sent l'hypophyse et la thyroïde,soit en même temps soit successivement,et

ensuite aussi les autres glandes selon que leur résistance est plus ou moins

grande. Il est naturel queces organes en ressentent les effets plus que les

autres, car ils jouent dans l'organisme un rôle reconnu comme très impor-

tant, et leur sécrétion, au moins aux premiers temps de leur réaction, est

sujette à des altérations par rapporta la qualité plus encore qu'à la quan-

tité.

Pour ce qui regarde la sécrétion interne de l'hypophyse, nous ne la

connaissons encore que très insuffisamment, mais il pourrait bien se faire

qu'elle aussi, comme d'ailleurs la thyroïde, ait une part d'influence sur

les processus d'accroissement. Nous attendons à ce propos un peu plus

de lumière des recherches expérimentales qui se font de tous côtés.

Pour conclure, je crois que :

1° L'hypophyse joue un rôle dans la production de l'acromégalie, mais

non pas comme agent primaire ;

2° Qu'une partie des symptômes de cette maladie sont conditionnés par

la thyroïde.

3° Que les altérations glandulaires sont secondaires et causées par des

substances toxiques qui pourraient tenir leur origine de l'intestin.

Examen radiographique DE l'acromégalie.

Pour une maladie comme l'acromégalie, où l'altération des os forme

ENCORE SUR L'ACROMÉGALIE 337

une partie essentielle du tableau morbide, les examens radioscopi-

que et radiographique ont une grande importance. Et en effet l'examen

radiographique des extrémités a appris que dans bien des cas l'augmenta-

tion de volume a sa cause plutôt dans les parties molles que dans les os ;

dans d'autres cas cependant on a remarqué des altérations des épiphyses,

telles qu'épaississements, exostoses, ostéophytes.

Aux mains particulièrement, on a décrit comme caractéristique de l'a-

cromégalie une altération des phalangettes, qui leur donne une forme à

petit plumeau. Souvent on a aussi trouvé altérées les parties des os aux-

quelles les tendons s'attachent, et même les tendons ont suhi des proces-

sus de calcification. ' '

Quant aux autres parties du corps, les altérations sont plus fréquentes

aux clavicules et au. sternum; et quelquefois les insertions cartilagineuses

des côtes ont été trouvées ossifiées.

On a trouvé altérées aussi les articulations dans un cas typique d'os-

téoarthropatllie chez un sujet atteint d'acromégalie,décrit par Beduschi (1).

Mais les altérations les plus importantes sont celles qui ont été constatées

sur le crâne. En effet, il y a des cas où l'on a trouvé des sinus frontaux et

maxillaires énormes et les branches horizontales et montantes de la mâ-

choire très larges et épaisses. Quelques parties de la calotte ont paru épais-

sies, d'autres amincies ; mais c'est à l'examen de la selle turcique que la

radiographie et la radioscopie ont apporté une contribution très impor-

tante et toute nouvelle. Le mérite de ces recherches appartient à Oppen-

heim, qui en 1899 parvint à voir par la radioscopie la forme et les dimen-

sions de la selle turcique. D'autres recherches suivirent celles d'Oppen-

heim, et je citerai en première place celles de Lannois et Roy, Béclère,

ScIW ller, Fdchs, Eulemburg, etc. Ces recherches ont démontré que dans

beaucoupde cas d'acromégalie et dans tous ceux où cliniquement une tu-

meur de l'hypophyse était admissible, on a trouvé la selle turcique bien

plus large que d'ordinaire ; parfois elle est altérée dans sa forme, car la

tumeur peut entamer et même détruire une partie de ses parois.

Mais si jusqu'à ces derniers temps, c'est-à-dire jusqu'en 1905, on avait

toujours parlé d'altérations pi ogressives, d'exostoses, d'épaississements os-

seux dans l'acromégalie, celte année Curschmann (2) annonce qu'à côté

d'hypertrophies osseuses il a trouvé des atrophies évidentes surtout aux

orteils, mais aussi au tibia et au péroné. L'auteur ayant découvert des faits

d'atrophie chez trois acromégaliques anémiés, amaigris et de faible muscu-

lature, était enclin à admettre la théorie de Tamburini, Benda et quelques

autres, c'est-à-dire la théorie de la distinction de deux types cliniques et

(1) Nouv. Icon. de la Salpêtrière, n. 6. 1907, p. 443.

(2) Fortschritle ait/' dem Gebiete der Rontgenstl'ahlen. Bd IX, Heft. 2, 1905.

338 1 GIUSEPPE FRANCHINI ET G. GIGLIOLI

anatomo-pathologiques opposés et consécutifs : un état hyperplasique et

un état cachectique. C'était d'autant plus admissible que dans un le cas,

chez un sujet se maintenant en état satisfaisant malgré que la maladie

durât depuis dix années, il n'aurait pas trouvé d'atrophie.

Dans la suite, d'autres observations similaires ont-paru, quoique rares,

et l'année dernière, de la Camp (1) communiqua à la Société médicale de

Marburg un cas dans lequel à côté d'altérations progressives, il en a trouvé

aussi des régressives.

Si nous passons maintenant aux radiographies des cas que j'ai décrits

plus haut, je dirai que dans le premier, où il y avait évidemment une tu-

meur à l'hypophyse, l'examen radiographique nous a révélé un fort

agrandissement delà selle turcique,

L'examen radiographique des mains, des pieds et des genoux, répété

d eux ans après, n'a rien montré de particulier, si ce n'est un léger gros-

sissement uniforme de l'os.

L'examen du troisième cas a montré la selle turcique peut-être légère-

ment augmentée de dimension, les sinus frontaux très vastes et les autres

parties du squelette normales, en dehors du grossissement habituel de

l'os.

Celui du deuxième cas a montré une selle turcique normale. L'examen

radiographique de ces cas paraissait devoir être le plus intéressant vu que

la moitié droite du corps était beaucoup plus développée que la moitié

gauche. Mais s'il y avait véritablement augmentation du volume de l'os

de la moitié droite de la mâchoire, à l'examen radiographique des mains

et des pieds le développement du tissu osseux a paru des deux côtés nor-

mal, quoique un peu fort et uniforme, de manière que c'est aux tissus

mous qu'on est forcé d'attribuer la plus grande part de l'augmentation de

volume.'

On a pu aussi voir cette chose remarquable que la clavicule droite, celle

du côté leplus développé du corps, était, du moins quant à sa partie ex-

terne, plus mince que l'autre, moins compacte et évidemment altérée

dans sa constitution ; on y voyait une sinuosité en forme d'entaille, sur

une étendue assez longue de l'os. De plus l'articulation de la clavicule

droite à l'acromion paraît plus amincie que celle de gauche.

Il n'est pas besoin d'ajouter que le malade n'a jamais eu de maladies

ni de fractures de ces parties de corps. Ce que je viens de décrire et

que je crois devoir attribuer à une atrophie partielle de l'os, est rare et

remarquable d'autant plus qu'ici il n'est pas question d'un sujet faible et

(1) Fortschrt. auf. d. Geb. d. R. stmhlen, Bd. IX, Heft. 4, 1907.

(2) Riv. Sperdi l'reniatria, Vol. XXXIII, fasc. IV, 1907.

ENCORE SUR L'ACROMKGAUE 339

cachectique, mais d'un sujet acromégalique depuis vingt ans, qui conti-

nue à travailler sans se plaindre du moindre trouble.

Dans un quatrième cas où l'on a fait la radiographie du crâne, des

mains et des pieds, et où jusqu'à présent il n'y a pas eu de signes de tu-

meur endo-crânienne, sauf céphalée, la^ selle turciquea paru normale,

tandis que le crâne était énorme, avec des sinus frontaux et maxillaires

très agrandis.

Dans les autres .cas d'acromégalie que j'ai décrits autrefois, j'ai trouvé

des altérations légères, sauf quelques petites raréfactions osseuses à côté

d'épaississements,surtout au calcanéum ; dans le cas d'une femme âgée de

32 ans, une calcification du tendon d'Achille se prolongeait sur une assez

bonne étendue. Malheureusement l'examen radioscopique et radiographi-

que de la selle turcique n'a pas été fait. '

De tout cela je conclus que l'examen radiographique appliqué à l'acro-

mégalie a prouvé que l'énorme développement du sujet peut être en

partie causé par l'accroissement des tissus mous, le plus souvent le

squelette y participe par son hypertrophie et par l'hyperostose ; bien plus

rarement on observe des faits d'atrophie osseuse.

Examen IIEJIATOLOGIQUE dans l'acromégalie.

Jusqu'à présent le sang dans l'acromégalie a été peu étudié ; dans la

dernière édition de Von Norden (1), où toutes les recherches chimiques

et biologiques sur cette maladie se trouvent réunies, cette partie n'est

traitée en aucune façon.

Dans la littérature, on peut trouver quelques recherches éparses, qui

n'ont pas la valeur d'une recherche systématique conduite méthodique-

ment.

Peut-être a-t-on pensé que telle investigation était inutile, et que le

sang dans l'acromégalie ne devait pas être altéré.

Marie et Marinesco ont constaté de la leucocytose, des normoblastes et

de l'éosinophilie ; les mêmes résultais ont été trouvés par Burr et Ries-

mann.

Ces altérations ont été signalées par Parhon, Silva, Benda ;' Wlaieff (2)

trouva de la leucocytose et de l'éosinophilie. Mendl (3) en trouva jus-

qu'à 18 0/0. La quantité de l'éosinophilie dans le cas de cet auteur n'était

pas constante, si bien qu'à un second examen du malade répété quelque

temps après le premier, elle n'existait plus.

' .

(1) Handbuck derPath. des Stoffvechsels Band, 1907, p. 350. ,

(2) Dejà cité..

(3) Ref. Deutsche 111ed. Woch., 1906, p. 19l5.

340 GIUSEPPE FRANCHINI ET G. GIGLIOLI

Moi-même, dans 4 cas étudiés autrefois à ce point de vue, dans deux

j'ai trouvé une augmentation des éosinophiles et des mononucléaires en

comparaison des polynucléaires, et j'ai pu, comme Mendl, observer l'os-

cillation du pourcentage des éosinophiles lors des examens faits à des

périodes diverses.

Dans le premier des cas décrits ci-dessus, à l'examen histologique

du sang, on remarque une augmentation des éosinophiles, l'augmentation

est variable, mais le nombre est toujours supérieur à la normale. Pour

les deux autres cas, la particularité n'existe pas. L'examen chromocytomé-

trique du troisième cas nous a montré une remarquable érythrocithémie

(plus de 7 millions de globules rouges et 105 0/0 d'hémoglobine à l'hé-

momètre de Fleisch 1 ),c'éta i probablement là la cause de la cyanose répan-

due dans tout le corps, et dont l'examen objectif ne fournissait pas la

raison.

Pour conclure, nous voyons que dans plusieurs cas d'acroméga 1 ie on a

constaté des lésions du sang ; il serait bon de les étudier avec suite afin

d'en tirer quelque enseignement pour le tableau de la maladie.

Certes la présence de normoblastes, de leucocytose bien prononcée et

presque de leucémie (cas de Silva et de Wlaieff), quelquefois de myélo-

cytes et d'éosinophilie surtout bien vérifiée, est un indice de troubles

fonctionnels des organes hématopoiétiques,(Ie la moelle osseuse etdu foie,

causés par des substances toxiques qui agissent sur ces organes et les sti-

mulent d'une façon anormale.

Examen chimique DU sang dans l'acromégalie. -,

Sur cette question rien encore n'a été fait ; je pense donc qu'une contri-

bution à cette étude n'est pas dénuée d'intérêt.

Ici je me bornerai à reporter un résumé de l'examen clinique relatif

aux trois cas dont j'ai donné l'histoire dans cet article.

Dans le sang tiré en quantité suffisante des veines du bras par saignée,

on détermine l'alcalescence, le résidu sec, les cendres, le poids spécifique,

l'azote total, le chlore, le phosphore, le calcium, le magnésium elles corps

gras.

Dans le troisième cas, où en outre de l'érythrocythémie il y avait en-

core un pourcentage élevé d'hémoglobine ; le poids spécifique fut trouvé

supérieur à la normale.

Dans tous les cas il y eut augmentation de l'alcalescence, du résidu sec

et des cendres. L'azote total fut trouvé augmenté en deux cas, le chlore

et le phosphore étaient en quantité normale et le calcium et le magnésium

très abondants. Dans les trois cas on trouva une remarquable lipoïmie

ou lipoïdémie comme nous le verrons plus loin (jusqu'à 10 0/00).

ENCORE SUR L'ACROMÉGALIE 341 i

Ces résultats ne comportent pas de nombreuses explications. L'augmen-

tation des substances minérales a pour effet une augmentation de l'alca-

lescence, du résidu sec et des cendres du sang, ce qui est encore en partie

causé par la quantité élevée d'albuminoïdes qu'on a pu constater dans tous

les cas.

J'ai dit lypoïmie ou lipoïdémie, et je vais m'expliquer, car je ne sais pas

si en plus des corps gras il n'y avait pas encore de la cholesthérine et de la

lécithine. Des recherches très récentes sur le diabète ont démontré que la

lipoïmie, même légère, peut s'accompagner le lipoïdémie, et mon hésita-

tion est justifiée si l'on songe que dans mes cas anciens et aussi dans les

trois cas ici décrits, les recherches sur les échanges matériels ont toujours

montré dans les fèces une quantité de cholesthérine plus grande que celle

qu'on trouve d'ordinaire. Je n'ai pas encore d'expérience au sujet de la

lécithine ; il est difficile de se contenter de cette constatation tirée des cas

qu'on trouve dans la littérature, à savoir que presque toujours la lécithine

est accompagnée par la cholesthérine.

En résumé, je conclurai en disant que dans les trois cas d'acromégalie

étudiés on a trouvé des altérations portant surtout sur les substances mi-

nérales et les corps gras.

Qu'elles soient toujours présentes, je ne puis l'affirmer. Quelle est

leur origine et leur valeur ? Je ne saurais pas le dire avec précision ; je

veux seulement faire observer que la thyroïde a une grande influence sur

l'élimination de la chaux et sur les échanges nutritifs des substances or-

ganiques et tout le monde connait la diminution des processus d'oxyda-

tion dans la thyroïdie, le myxoedème, et l'azoturie de t'hyperthyroï-

disme, du Basedow, etc. -

Quant aux conséquences, il ne faut pas oublier que les substances miné-

rales du sang, et dans les échanges en général, jouent un grand rôle pour

l'équilibre de l'organisme ; par conséquent de petites altérations peuvent

causer des troubles très graves.

Échanges matériels dans l'acromégalie.

Sur les échanges matériels de l'acromégalie, il n'y a encore que peu de

recherches ; les travaux complets sur cette question, c'est-à-dire avec l'a-

nalyse des ingesia et des excreta, se comptent dans toute la littérature par

le nombre de sept ou huit.

De telles recherches sont cependant d'autant plus importantes que l'on

a trouvé dans l'acromégalie non seulement des altérations dans les tissus

mous, mais encore des lésions osseuses, comme nous l'avons déjà dit en

parlant de l'examen radiographique.

342 GIUSEPPE FRANCHINI ET G. GIGLIOLI

Mes recherches dans ce travail s'étendent aux trois cas. Pour le premier

l'étude des échanges matériels a été répété à deux ans d'intervalle. La pre-

mière fois les recherches furent continuées pendant une période de 7 jours.

On dosa dans les aliments l'azote, le phosphore, les corps gras, le cal-

cium et le magnésium ; dans les urines l'azote total, l'azote de l'urée, le

phosphore total, les phosphates alcalins, les phosphates terreux, les éthers

sulfuriques, l'acide urique, le calcium et le magnésium.

On ne dosa ni les divers soufres urinaires, ni le chlore, ni le sodium,

ni le potassium, car des travaux antérieurs m'avaient appris qu'à l'égard

de ces substances il n'y avait que des altérations très petites.

Dans les fèces on dosa les mêmes éléments que dans les aliments.

Quant aux méthodes, je me suis servi des plus exactes, lesquelles j'ai

déjà décrites plusieurs fois. Les^divers éléments des aliments et des fèces

étaient dosés à des périodes fixes ; pour les fèces, chaque période était dé-

limitée par le moyen du charbon animal qu'on donnait au malade, leplus

exactement possible.

On examinait chaque jour les urines soigneusement recueillies.

Lors de la première série de recherches sur le premier malade, l'urée

éliminée fut trouvée être en quantité assez petite par rapport à l'azote

total ; les phosphates urinaires se trouvèrent en abondance, car un jour ils

passèrent les 4 gr. et quelquefois il y eut inversion de la formule ; les

éthers sulfuriques furent éliminés en quantité assez grande ; il y eut une

légère augmentation de l'acide urique; la magnésie et la chaux, si l'on

met à part l'élimination en un jour de 4 cgr. seulement.ne présentèrent

rien de particulier.

Dans les fèces il n'y eut rien de remarquable quant à l'élimination de

l'azote ; le phosphore, la chaux et la magnésie furent très insuffisants. On

sait que les composants minéraux et surtout la chaux sont éliminés en plus

grande quantité par les fèces.

L'absorption des corps gras fut trouvée assez bonne et le bilan total de

7 jours présente un déficit de gr. 18, 43 de N ; de gr. 15, 2 de P2 0 et

une rétention de gr. 7, 7 de Ca 0, et de gr. 2, 37 de Mg 0.

L'étude des échanges de 6 jours, répétée sur le même sujet à deux ans

d'intervalle, donna : un déficit modéré de l'N uréique par rapport à l'azote

total, l'inversion de la formule des phosphates et une abondante élimina-

tion d'éthers sulfuriques et d'indican (Pour l'analyse qualitative de

l'indican on se servit de la méthode de Maillard et pour l'analyse quanti-

tative, de celle de Wang).

La chaux journalière fut éliminée en quantité supérieure à la normale ;

rien de particulier quant à l'acide urique»

ENCORE SUR L'ACROMÉGALIE 343

Dans les fèces l'N et les graisses eurent un pourcentage supérieur à la

normale.

Des graisses on dosa les divers éléments, à savoir les acides gras, les

graisses neutres, les savons et la cholesthérine. Ici, comme dans d'autres

cas, j'ai remarqué une forte augmentation des graisses neutres et de la

cholesthérine au détriment des acides gras et des savons (normalement

les acides gras et les savons constituent les 80 0/0 de la graisse totale).

La chaux et le phosphore s'éliminèrent en quantité petite, mais plus

grande que dans la série antérieure.

En résumé le bilan total a donné une perte d'N de gr. 16, 78 : de

Pl 05 degr. 5,90 et une rétention de Ca 0 degr. 3,50.

IIe cas. Les recherches durèrent une période de six jours.

Pour les urines, nous avons à remarquer : diminution de N uréiquepar

rapport à l'N total bien plus marquée'que pour le cas précédent,augmenta-

tion des phosphates terreux par rapport aux phosphates alcalins, augmen-

tation des éthers sulfuriques, de l'indican et certains jours de l'acide

urique.

Lachaux urinaire futen moyenne supérieure qu'à l'ordinaire, et la

magnésie au contraire insuffisante.

L'absorption des graisses a été normale et encore ici, comme pour le cas

précédent, on trouve la même anomalie dans leur décomposition.

En somme, le bilan total a donné un déficit d'azote de gr. 2,34 et de

1" 0 de gr. 1,83 et une rétention de Ca 0 de gr. 0,45 et de magnésie de

gr. 1,29.

' IIIE cas. Malheureusement dans ce cas je ne fus pas à même de faire

toutes les recherches que j'aurais voulu faire, car la malade qui était déjà

depuis quelques jours à un régime constant, voulut s'en aller de la cli-

nique avant que les recherches aient commencé.

Toutefois on examina les urines pendant une période de 5 jours et les

altérations se montrèrent en tout semblables à celles des cas précédents.

L'élimination de la chaux urinaire a subi de fortes oscillations d'un

maximum de gr. 1.05 à un minimum de 0,15 de Ca 0 par jour.

En résumant tout ce qui concerne l'échange dans les trois cas d'acro-

mégalie étudiés, on voit que les résultats concordant en ce qu'il fut trouvé

un déficit d'azote et de phosphore, et une rétention de calcium et de ma-

gnésium. Dans le premier cas, correspondant à la période grave où il

existait des symptômes de lésions infra-crâniennes, avec céphalées très

fortes, la perte fut assez importante ; plus tard, à l'atténuation des ma-

nifestations subjectives (maintenant le patient n'accuse qu'une sensa-

tion de faiblesse), la perte de l'azote est un peu diminuée, celle du phos-

344 GIUSEPPE FRANCHINI ET G. GIGLIOLI

phore l'est de beaucoup et la rétention du calcium s'est remarquablement

réduite.

Dans le second cas, où la maladie est depuis longtemps stationnaire et

où le patient se trouve, peut-on dire, dans un bien-être complet, les alté-

rations sont légères, mais de même sens que les précédentes.

Dans le troisième cas, l'examen des aliments et des fèces faisant défaut,

on né peut conclure sûrement.

Si nous voulons réfléchir un peu sur les résultats obtenus, on en déduit

que la perte d'azote est remarquable, d'autant plus que l'introduction

d'albumine fut en quelques jours élevée et que les patients étaient main-

tenus en repos au lit. Peut-être ici entre-il en jeu des faits toxiques qui

portent leur action sur les albumines en augmentant le processus de dé-

sintégration.

La diminution d'azote uréique a, selon toute probabilité, sa cause dans

des lésions hépatiques, peut-être en partie primitives et en partie secon-

daires, c'est-à-dire d'origine intestinale.

Et en effet, dans le second cas un examen complet des divers groupes

azotés avec la méthode de Schôndorf (mélange chlorhydro-phosphowol

phramique) a donné en un jour : N total gr. 14,088 ; N pas précipilable

gr.92,10 ; N uréique gr. 7,52 ; en déduisant de l'N pas précipitable l'u-

réique, nous aurons les amido-acides, c'est-à-dire : 12,210 - 7,52 =

4,69 gr.

Et maintenant il n'y a plus de doute que l'augmentation des amido-

acides ne soit causée par une fonction hépatique altérée et précisément

diminuée. L'augmentation vérifiée dans tous les cas de l'indican est en

relation autant avec des lésions hépatiques qu'avec une augmentation des

putréfactions des substances albuminoïdes dans l'intestin.

Je ne puis certainement être de l'avis de Labbé et Witry (1) qui ne

reconnaissent aucune influence aux lésions hépatiques et à l'activité des

bactéries proéolitiques dans l'intestin sur la formation del'indican, car

dans cette maladie les faits cliniques (fréquents dérangements gastro-intes-

tinaux, constipation) et les recherches sur la fonctionnalité hépatique et sur

la putréfaction intestinale (augmentation des amido-acides, diminution de

l'urée, nombre élevé d'éthers sulfuriques) sont sûrement en faveur d'une

lésion hépatique et d'une augmentation des processus de putréfaction dans

l'intestin.

Les variations dans l'élimination urinaire de la chaux, telles que par-

fois de quelques centigrammes on passe à un gramme et davantage, doi-

vent être attribuées probablement à des altérations des parois intestinales

(1) Comptes rendus de la Société de biologie 1907.

ENCORE SUR L* ACROMÉGALIE 345

et par conséquent à une irrégularité dans l'absorption de cette substance.

Que les parois intestinales jouent un grand rôle dans l'échange de la

chaux, cela a déjà été démontré par les recherches de Voit sur les chiens.

Cet auteur a observé que la chaux absorbée dans l'intestin grêle est ensuite

éliminée dans le gros intestin.

*La quantité de chaux éliminée par les fèces est en général très petite et

on peut en trouver la raison dans la cause mentionnée ci-dessus. Peut-

être aussi avons-nous affaire ici avec cette cause inconnue qui, dans

l'acromégalie, produit la lésion des os,qu'elle soit de nature toxique comme

je voudrais l'admettre, ou qu'elle soit d'autre nature comme d'autres le

soutiennent. Quoi qu'il en soit, on est forcé d'admettre du fait l'examen

de ces échanges que les malades ont un besoin de chaux plus grand que

les sujets sains, et qu'ils ont par conséquent un plus grand penchant à en

accumuler dans leur organisme.

A quoi doit-on attribuer les anomalies de décomposition des graisses

démontrées dans ces analyses des échanges ? Je ne puis le dire avec certi- ,

tude. L'augmentation de la quantité des graisses neutres aux dépens des

acides gras et des savons,'indiquerait un défaut des sécrétions chargées de

leur scission et particulièrement de la sécrétion pancréatique.

Du reste, étant donnée la fréquence de lésions des diverses glandes à

sécrétion interne ou externe, comme le foie et le pancréas, étant donnée

encore la fréquence du diabète dans l'acromégalie, je serais enclin à ad-

mettre que la lésion du pancréas, qu'on constate du reste souvent à la

nécroscopie d'acromégaliques, produit des altérations de la sécrétion pan-

créatique en diminuant sa production ou en altérant sa qualité.

Il semble qu'on doit attribuer au pancréas, plutôt qu'à l'intestin, la

cause de ce fait; parce qu'en général ce n'est pas l'absorption des graisses,

mais leur scission dans leurs divers éléments, qui est altérée dans l'acro-

mégalie. \

Pour ce qui concerne l'augmentation de la cholesthérine je ne veux pas

. même faire ici la moindre supposition, car son origine dans l'organisme

est encore très obscure.Seulement je veux faire remarquer que Fischer (1)

dans le sang diabétique, en outre d'une augmentation des graisses,a trouvé

encore une augmentation de la cholesthérine.

Enfin, si nous voulons jeter un regard d'ensemble aux recherches faites

jusqu'à présent sur la nutrition dans l'acromégalie, nous ne pouvons que

renoncer à une tentative quelconque d'en tirer une conclusion.

Je ne citerai pas ici lés divers auteurs et les résultats qu'ils ont obtenus,

car ce serait une chose trop longue et que j'ai déjà faite. Seulement je ne

(t) Ueber Lipoïmie und Cholesterii»21e, Wirchows Arch., 172, 30, 1903.

xxi 23

346 GIUSEPPE FRANCII1N1 ET G. GIGLIOLI

peux passer sous silence ce que le Dr Oberndoerffer a récemment écrit à

propos des échanges dans un cas d'acromégalie publié dans les Zeits. f.

klin. Med., 65 Bd. 1-2 Hefte, 1908. L'auteur, dans un échange de

10 jours atrouvé dans le bilan total un déficit de Ndegr. 1, 43, une ré-

tention de phosphore de gr. 0, 69 et une perte de chaux de gr. 8,771, et

il en tire la conclusion que l'échange en ce cas d'acromégalie ne présente

aucune anomalie caractéristique. Je voudrais demander à l'auteur qu'est-

ce qu'il entend par échange normal, car je crois qu'en allant de ce pas,

son malade se trouverait, après une période de temps pas très longue, à

avoir ses dépôts de chaux épuisés.

On sait que les recherches de Mohr (1), Lüthje, Berger (2) sur des su-

jets sains et convalescents, ont démontré qu'avec un régime très abondant

on a une rétention de substances minérales dans l'organisme ; pour obvier

à un tel inconvénient,il a passé au défaut opposé,en ne donnant 28 cal. par

kg. à un sujet jeune et de plus atteint d'acromégalie, maladie dans laquelle

en général l'appétit se trouve augmenté. C'est étrange, je le répète, qu il

parvienne à une telle conclusion, car on sait que si une diète abondante

provoque une rétention de substances minérales, une diète insuffisante

produit l'effet opposé. C'est précisément ce qui est arrivé dans son cas.

Et encore je me demande de quelle façon on peut affirmer que la perte

de gr. 8, 7 de chaux en 10 jours n'est pas une altération, lorsqu'on songe

que l'échange inorganique est de beaucoup plus limité que l'organique,

que les substances inorganiques se trouvent dans l'organisme dans une

proportion de beaucoup plus petite que les organiques, et qu'un échange

normal de ces substances est chose essentielle.

La chaux, le phosphore, le sodium, le potassium forment une partie

intégrante d'organes très importants pour la vie, lesang, les os, le système

nerveux, etc., et des altérations même légères de ceux-ci peuvent avoir

de graves conséquences.

L'auteur n'aurait-il pas mieux fait de donner à son malade, puisque son

appétit était peut-être augmenté, un plus grand nombre de calories par.

kilogramme. Je crois qu'il en aurait retiré l'avantage d'avoir finalement

des résultats plus rapprochés de la vérité.

On sait que la condition essentielle pour des études exactes sur les

échanges est celle de maintenir les patients dans les mêmes conditions dié-

tétiques dans lesquelles ils se trouvaient auparavant, cela pour éviter les

grands changements qui se produisent lorsqu'on passe d'une nourriture à

une autre différente par la qualité et par la quantité.

(1) Berl. klin. Woch., 1903.

(2) Arch. f. klin. Med., Bd. 81. '

encore SUR l'acromégalie 347 7

Il n'est pas à présumer que le patient étudié par l'auteur fût auparavant t

soumis à un régime aussi insuffisant. Le Dr Oberndoerffer critique une

de mes expériences sur les échanges (1) dans lequel j'ai trouvé en 5 jours

une rétention de 12 gr. de chaux ; il dit que le patient, au bout d'un an.

en aurait accumulé ,plus de 700 gr. Mais, comme j'ai déjà dit, en me

basant sur des observations des échanges dans le Basedow, il faut admettre

que dans ces maladies à des périodes de pertes fortes en succèdent d'au-

tres de rétention.

Qui n'admet pas maintenant qu'on n'a azoturie, phosphaturie et, peut-

être même, perte de chaux, qu'aux périodes les plus graves, tandis que

ces pertes sont très limitées dans les périodes de bien-être, où l'on peut

même, à ce qu'il paraît, avoir une rétention d'azote ? Les travaux de

Marchelli, Daddi et Baduel (2), de Scordo et Franchini (3), exécutés à la

clinique de Florence, sont instructifs à cet égard.

Les bilans des deux séries de recherches dans mon premier cas d'acro-

mégalie, ne parlent-ils pas dans le même sens.

En effet, d'une forte perte d'N et de phosphore et d'une rétention assez

prononcée de chaux, on passe. après une période de deux ans, à un moin-

dre déficit du phosphore et à la rétention de la moitié de la quantité pri-

mitive de la chaux.

Cela d'accord encore avec les faits cliniques qui, d'imposants et tumul-

tueux à la première phase de la maladie, devinrent peu à peu station-

na ires.

Nous voyons encore que dans le second cas, où le malade se trouve

dans un état de bien-être, tout en étant typiquement acromégale, le bilan

ne diffère que très peu du normal.

Mais l'échange se serait-il comporté de semblable sorte s'il avait été

fait aux premières périodes de la maladie ou pendant la reprise d'aggra-

vation des symptômes qui eut lieu plusieurs années après le début de la

maladie ? Certainement non ; et il faut absolument, et dans tous les cas,

qu'il y ait des altérations des échanges matériels dans l'acromégalie ;

le fait qu'en quelques cas on ne les a pas trouvées; vient de ce que le pa-

tient était dans une période de trêve, de bien-être, périodes qui ne sont

pas rares dans l'acromégalie.

Et effectivement, dans mes recherches sur d'autres échanges, selon qu'il

s'agissait de formes légères ou graves, j'ai trouvé des résultats bien diffé-

(1) Cité plus haut.

(2) Ricerche sul ricambio materiale in un caso di morbo di Flaciani ; Basedow, La

chimie moderne, 6 germ. 1904.

(3) Ricerche sul ricambio materiale nel morbo di Basedow, Policlinico, vol. XlVi

1907.

348 GIUSEPPE FRANCI11NI ET G. GIGLIOLI

rents parfois des rétentions de N et de Ca 0, parfois des pertes de ces subs-

tances ; mais d'après mon expérience personnelle, la rétention de la chaux

est beaucoup plus ordinaire que sa perte.

En outre il ne faut pas oublier que dans l'acromégalie, ainsi que je l'ai

déjà dit et que je vois avec plaisir confirmé à quelques années de distance

par le susdit auteur, les altérations particulières à l'échange dans cette

maladie s'accompagnent de celles causées parles altérations des glandes

dites à sécrétion interne, thyroïde, glandes génitales, thymus, etc.

Sur l'altération que l'hypophyse cause à l'échange matériel, nous ne

pouvons rien dire, mais il se pourrait qu'elle exerçât sur lui une forte

influence. En résumant, selon mon point de vue, je dirai que :

1° Dans l'acromégalie il ne faut pas s'attendre à trouver un échange

univoque dans le sens qu'on y observe toujours les mêmes altérations pour

chaque malade, les résultats varieront : a) selon la période de la maladie;

b) selon qu'il s'agit de formes aiguës ou chroniques, de formes légères ou

graves; c) dans les périodes stationnaires les altérations seront légères et

même nulles.

2° Etant donné qu'au développement de l'acromégalie ont part les diver-

ses glandes à sécrétion interne,et de plus étant donnée la possibilité qu'elles

ne s'affectent pas au même temps, l'échange variera selon la lésion de

l'une ou de l'autre glande.

3° Les altérations se rapportent aux substances inorganiques aussi bien

qu'aux organiques, et même au plus haut degré aux premières, surtout

en ce qui concerne la chaux et le phosphore.

Nouvellle Iconographie DE la Salpêtriere

T. YTI. Pl. LVIII

OXYCÉPHALIE

Crâne « en tour » avec troubles visuels.

(Pierre Merle).

Masson et Cm, Editeurs

Phototypie Bertliaud, Parcs

HOSPICE DE BICKTHE

SERVICE DE 31. LE P PIERRE MARIE

DEUX CAS D'OXYCÉPHALIE

CRANES « EN TOUR » DES AUTEURS ALLEMANDS

MALFORMATION S'ACCOMPAGNANT DE TROUBLES VISUELS (1)

PAR R

PIERRE MERLE

La malfromation crânienne que présentent nos deux malades consiste

essentiellement en un accroissement de hauteur avec diminution du dia-

mètre transversal. Elle présente un grand intérêt parce qu'elle peut

s'accompagner de troubles oculaires et en particulier d'atrophie des nerfs

optiques. C'est ce qui explique que les malades de cette sorte ont été sur-

tout étudiés par les ophtalmologistes. Cette affection qui a faitrécemment

l'objet de plusieurs mémoires en Allemagne est, croyons-nous, assez peu

connue en France.

Observation I (Pl. LVIII).

P..., âgé de 61 ans. ttien de bien particulier à signaler dans ses antécédents

de famille. En particulier pas de malformations anciennes analogues à celles

qu'il présente. La mère, étant enceinte de lui, fit une chute assez grave. Néan-

moins l'accouchement se fit à terme et dans de bonnes conditions, sans qu'il ait

été fait usage de forceps.

L'enfant élevé en nourrice n'eut aucune maladie grave pendant cette époque :

on ne trouve pas la trace de l'affection causale.

A l'école il apprit avec autant de facilité que les autres enfants : dès cette

époque on remarquait la difformité crânienne.

Vers )'age de 12 ans "apparurent des troubles de la vue du côté gauche. Il

signale vers cette époque un traumatisme, mais ne peut donner de renseigne-

ments exacts sur la façon dont se sont succédé les phénomènes. Presque aussi

loin que remontent ses souvenirs, il -se rappelle d'avoir mal vu de l'oeil

gauche.

(1) Communication et présentation faites à la Société de Neurologie de Paris, séance

du 5 novembre 1908.

350 PIERRE MERLE

Il exerça plusieurs métiers actifs. Eut deux enfants dont trois sont morts en

bas-âge. Pendant son âge adulte, aucune maladie grave : il nie la syphilis.

Il est entré à Bicêtre pour troubles de la vue et affaiblissement général. De-

puis une dizaine d'années sa santé s'est altérée : il souffre de céphalée fréquente

et violente, à un moment quelconque du jour et de la nuit et durant plusieurs

heures. De plus il éprouve souvent des vertiges. Ces symptômes doivent être

retenus : ils ne sont pas rares dans les observations recueillies par les auteurs,

comme nous le verrons plus loin. Depuis quelques mois enfin, il est tombé

plusieurs fois, sans qu'il y ait eu perte de connaissance.

- Examen. - Parle et cause volontiers avec une certaine lenteur dans les

idées. L'intelligence est bien conservée avec un léger degré d'affaiblissement

de la mémoire. Le caractère est triste.

La marche est difficile, les mouvements lents et les membres raides ; les pas

petits et hésitants. Le membre inférieur droit paraît un peu plus difficile à

mouvoir. L'examen des réflexes et de la force musculaire ne permet cependant

pas d'affirmer une hémiplégie droite même légère. Les orteils réagissent

difficilement : il n'y a pas d'extension. Les réflexes rotuliens sont vifs et sen-

siblement symétriques. Pas de paralysie faciale, de troubles de la sensibilité ni

des sphincters. Le réflexe pharyngé est très diminué.

L'examen du squelette ne permet de rien déceler qui puisse se rapporter à

la syphilis ou à un rachitisme ancien.

Le crâne présente une élévation de tout le massif osseux au-dessus du plan

passant par les arcades sourcilières qui donne à la physionomie un aspect très

spécial, le crâne se détachant nettement au-dessus de la face.

Vu de face le frontal, très développé, ne présente que des bosses peu mar-

quées et légèrement dyssymétriques : la gauche est un peu plus saillante que

la droite. La gabelle est peu saillante. Le contour supérieur est légèrement

en pointe, ou plutôt en carène, la suture sagittale formant ligne de faîte que

viennent rejoindre les deux pariétaux.

Ce qui frappe surtout, en dehors de l'élévation de la calotte crânienne, c'est

le rétrécissement transversal qui s'accuse de chaque côté à 5 centimètres

environ au-dessus de l'angle d'insertion supérieur du pavillon. Il existe à ce

.niveau deux larges méplats qui occupent la place des bosses pariétales norma-

lement saillantes. Les pariétaux sont à peu près parallèles l'un à l'autre et

presque situés dans des plans frontaux. La dépression n'est du reste pas

symétrique : à droite elle est plus large et se prolonge davantage en arrière

et en bas.

De profil la déformation est moins accentuée. La face postérieure du crâne

tombe assez à pic. La protubérance occipitale externe est peu saillante.

Le crâne est complètement lisse : aucune saillie ni sillons au niveau des su-

tures ; à en juger par cet examen on a l'impression d'une synostose com-

plète. '

Un autre fait important chez ce malade est la déformation du nez : il ne se

souvient pas d'avoir reçu en cette région aucun traumatisme. Le nez, volumi-

DEUX CAS D'OXYCËPHAUF 351

uenx, fait uu angle ouvert à gauche par suite d'une coudure au niveau de

l'extrémité inférieure des os propres. L'ensemble de ces os se dévie vers la

droite de façon que l'ouverture de sa cavité osseuse est tournée en avant et à

droite. La partie droite du nez est épaissie, la cloison est déviée et le cornet

inférieur obstrue en grande partie la narine droite. La respiration est du reste

considérablement gênée et le malade dort la bouche ouverte.

Il existe des troubles de l'odorat que le malade a remarqués depuis une

dizaine d'années. On peut les constater aussi bien à gauche qu'à droite : il ne

trouve aucune odeur à l'éther, l'essence de menthe, l'anis. L'ammoniaque,

l'acide acétique, l'acide chlorhydrique lui produisent une sensation à peine

désagréable.

Quant à l'examen des yeux qui a été complété grâce à l'obligeance de M. Pou-

lard il dénote les faits suivants :

Une exophtalmie légère des deux côtés.

OD. Acuité normale. Champ normal. Réaction pupillaire bunne.

OG. Il est en strabisme divergent depuis longtemps. On note une taie an-

cienne. Diminution de l'acuité (il compte les doigts cependant à un mètre).

Champ visuel normal.

A l'ophtalmoscope : choroïdite péripapillaire.

Il existe aussi de la kératite ancienne.De plus cet oeil montre un certain degré

de ptusis. L'excursion du globe oculaire est diminuée dans tous les sens. existe

également à l'état permanent un certain degré de contrature des muscles pé-

riorbitaires qui attirent l'angle du sourcil en haut et à gauche et plissent à cet

endroit la [peau du front. Nous nous sommes demandé.en raison de ces phéno-

mènes et du léger degré d'hémiparésie droite, s'ils ne pourraient relever d'une

même cause cérébrale : les symptômes paraissent être purement oculaires.

OBSERVATION Il (PI. LVIII).

G...,36 ans. Pas d'apparence de syphilis dans ses antécédents familiaux.

Lui-même est né à terme dans de bonnes conditions. Convulsions dans le jeune

âge, .scarlatine. Erysipèle à l'âge adulte. ..

Dès l'âge de deux ans il présenta des troubles de la vue. Ne voyait pas de

loin, sauf quand le temps était sombre. Il éprouvait une difficulté de plus en

plus grande à suivre les exercices de l'école. Vers 13 ans survint une con-

jonctivite granuleuse qui nécessita même plusieurs interventions. La vue fut

définitivement perdue après un érysipèle en 1890. Cependant il distingue en-

core, même actuellement la silhouette, des objets. 11 y a donc deux périodes au

cours de cette évolution : la première semble comporter une atteinte progres-

sive de la vue jusque vers 13 ans, avant qu'il n'y ait eu aucun phénomène

inflammatoire.C'est peut-être à cette période de troubles que l'on peut trouver

une cause dans la déformation crânienne.

Rien de somatique à signaler : pas d'altérations du squelette ailleurs ; c'est

un homme intelligent qui répond bien à toutes les questions. Aucun trouble

fonctionnel ni viscéral. L'audition, l'olfaction sont normales. .

352 PT1WRR MERLE .

Le crâne présente le même genre de déformations que chez le premier ma-

lade en moins accusé. Le frontal est plus bombé, mais de façon assez nette-

ment asymétrique. La bosse frontale droite est plus saillante : il y a un méplat

au-dessus de l'oeil gauche. Le nez est légèrement dévié aussi vers la droite.

Le rétrécissement transversal est beaucoup moins marqué ici : il existe, mais

plus haut, de façon qu'il existe deux bosses pariétales assez bien développées.

Le crâne présente de face un contour légèrement en carène, la suture sagittale

faisant saillie en ligne de faîte.

De même que précédemment les surfaces osseuses absolument lisses donnent

l'impression d'une synostose' complète.

Au point de vue du crâne il s'agit de la déformation appelée par Vir-

chow oxycéphalie : c'est l'acrocéphalie (Lucae) ; tôle à la thersite (Hamy) ;

turritum caput(\Velcl), que les auteurs allemands ont désignée, plus

récemment, sous le nom de Thurmschoedels (crânes en tour).

L'anatomie pathologique en a été étudiée par Zuckerkandl (1), parHa-

notte (2) qui distingue nettement ce genre de crâne-des déformations

hydrocéphaliques et surtout de l'hydrocéphalie frontale et attribue son

origine à la synostose de toutes les sutures rnédio-frontales, coronale,

sagittale.

Comme nous l'avons vu, nos malades présentent des crânes absolument

lisses et sans sillons perceptibles. Ce caractère est certainement très par-

ticulier, surtout chez le second, âgé seulement de 32 ans ; quoiqu'on ne

puisse entièrement préjuger de la synostose par la palpation du crâne

sur le vivant. La synostose débute, en effet, d'une façon normale, entre : ,0 et 60 ans pour se terminer vers 70 ans. Cette synostose prématurée

peut aussi causer la scaphocéphalie étudiée parllamy et la plagiocéphalie.

La cause des synostoses prématurées a été rapportée par Virchow à

« des états inflammatoires des enveloppes internes du crâne, de même

que les formes hydrocéphaliques peuvent se ramener à des états inflam-

matoires des enveloppes du cerveau ». Parmi ces causes la syphilis tient

une place qu'il est difficile de préciser.

Meltzer (1), dans un travail récent portant sur 20 cas d'enfants atteints

de cécité et de crânes en tour, a-trouvé très fréquemment le rachitisme

(17 fois sur 20) et 14 fois sur 20 des symptômes de « méningite séreuse »

(Quincke), c'est-à-dire lièvre, vomissements, constipation, légère raideur

de la nuque, agitation, susceptible d'ailleurs de récidiver et de causer à ce

(1) ZUCKERK.IXL\), Sur les crânes oxycéphales et acrocéphales, Alittheilungen der

Antiop. Gesellsch., in Wien, no 6, juillet 1814.

(2) HANOTTF, Anatomie pathologique de l'oxycéphalie, Th. de Paris, 1898.

(1) MELT7.ER, Pathogénie de l'atrophie optique et du 7'hw'mschoedel, Neur. Cen-

tralblatt, 16 juin l9oS.

deux cas D'o\l'Cl ? PIIAL1R 353 3

moment une accentuation des phénomènes du côté du crâne et une at-

teinte des nerfs optiques. C'est une application de la loi de Von Gudden

(la plupart des^ difformités du crâne adulte trouvent leur cause dans

l'enfance). Dans les cas les plus accentués les phénomènes inflamma-

toires provoquent une exsudation ventricutaireet une dilatation cérébrale

tout d'abord inoffensives, tant que les fontanelles sont ouvertes; mais

dès qu'elles se ferment, il se produit une lésion des nerfs optiques et de

la cécité qui débute de préférence vers 3 ans. Les synostoses prématu-

rées résulteraient-elles aussi d'un processus attaché à l'hydrocéphalie

inflammatoire. Le rachitisme joue aussi un rôle dans la synostose pré-

maturée, peut-être même a-t-il, dans certains cas, association des deux

processus : « la pression modérée d'une hydrocéphalie méningitique agis-

sant sur les os rachitiques pour stimuler l'ossification sur le bord des

sutures ». Parfois une cause occasionnelle vient favoriser les phénomè-

nes : traumatisme, maladie infectieuse.

Pour B. Davis, Pommerolle, Broca, Gudden il n'y a pas de rapport de

cause à effet entre les synostoses et les déformations. Elles peuvent se

montrer indépendamment les unes des autres, conséquences d'un trouble

profond de nutrition : la circulation y jouerait un rôle actif. Gudden a

montré que l'accroissement interstitiel de l'os est aussi important que

l'accroissement par les bords. Il a obtenu des résultats expérimentaux

(déformations sans synostoses) en liant les jugulaires externes et internes.

Hirschberg (1), Patry (2) se rangent il l'avis de Virchow.

Nous ne retrouvons pas 'd'une façon nette chez nos malades d'antécé-

dents qui puissent faire pressentir dans l'enfance un processus de cette

nature. Cependant les symptômes ont pu facilement passer inaperçus. Le

second de nos malades a présenté des convulsions dans l'enfance. Ce phé-

nomène a été noté par Patry dans 10 cas sur 74 observations, dont 16 per-

sonnelles (les autres sont surtout empruntées à Enslin (3), Hirschberg.

Schuller (4), Stow, Weiss et Brugger (5), Vortisch (6).

Le mécanisme de l'ossification précoce, pense Virchow, se produit à la

(1) HIHSCHBERG, Sehnervenbderungen durch intranterine Shoedell1lissbildung. Beitrage

z. praktischen Augenheilkunden, 1876-1 ; Selanerveuleiden bei sehoedelmlSSbildÚ ? l.

Centrablatt f. Augenheilkunden, 1883, VU, 1885, p. 25.

(2) PATRY, Lésions oculaires dans les malformations crâniennes. Th. de Paris, 1905.

(3) ENSLIN, Die A ! tgeuvet'oe uderungen beim Tlaurmschoedel, Von Groefs' Archiv f.

Ophtalmologie, 1904, LVIll.

(4) SCHULLER, Sehcervenatrophie durch Schoedelmissbildung. Klinisch Monatsblaiter

f. Augenheilkunden, 1884, XXII, p. 248.

(5) `VBISS et Brugger, Zur Kusuistik -le;- Sehnervenleiden bei tlwrl1lsehoedel..\rch.

f. Augenheilkunden, 1893, XXVII.

(6) Vortisch, .Selanerrienkran4`ungen bei Thurmschoedel, Th. de Tiibinge, 1901.

354 PIERRE MERLE

suite d'une hyperhémie des vaisseaux normaux qui se dilatent et par une

néoformation vasculaire que l'on considère généralement comme un étal

inflammatoire. M. Hamy, dans ses recherches sur la scophocéphalie se

range à cet avis. « Elle est le résultat d'un processus pathologique suscep-

tible d'être rangé parmi les états inflammatoires. »

L'époque d'oblitération des sutures se place, pour la plupart des au-

teurs, dans l'enfance. Vers 3 ans pour la plupart des enfants de Meltzel.

qui faisaient à ce moment des troubles oculaires. Pour Pommerolle (1), il

existe une synostose congénitale, infantile, juvenile, Welcker (2) admet

en outre une synostose sénile prématurée pouvant se manifester dès la

25e année après le développement du crâne,mais avant l'époque ordinaire

de l'oblitération normale des sutures.

Quoi qu'il en soit, la synostose une fois constituée, il s'ensuit les défor-

mations anciennes d'après le mécanisme indiqué par Virchow.

1° La croissance des os crâniens soudés entre eux par une ossification

précoce s'arrête dans une direction perpendiculaire à la suture ossifiée.

2° La compensation se fait en sens inverse de l'axe du rétrécissement

et cela grâce à la poussée cérébrale qui exagère ses effets au niveau des

points où elle ne rencontre pas de résistance.

La calotte crânienne normalement composée de i os (2 frontaux et 2

pariétaux) séparés par 3 sutures se trouve transformée, dans des crânes

comme ceux de nos malades, en une coupole incapable de s'agrandir et

percée à sa partie supérieure d'un orifice losangique, la fontanelle

bregmatique dont l'oblitération se fera plus tard. Le cerveau resté

sain, cherche, pour acquérir son volume normal, à forcer les points

faibles de la boîte crânienne. Dans, certains cas, où la synostose pré-

maturée. des sutures médio-frontales, coronale et sagittale est complète,

la fontanelle est transformée en un orifice losangique fermé par une

membrane périostique. Le cerveau la repousse au dehors et à l'âge adulte

on trouve, après ossification, une surélévation osseuse de même forme

dont le plus grand diamètre est dans le sens sagittal. En d'autres cas, où

lessynostoses ne sont pas* complètes au voisinage de la fontanelle, chacun

des os travaille pour son compte à la fermeture et le bregma est mar-

qué chez l'adulte par l'entrecroisement des sutures. ,

Le premier de nos deux malades présente l'ébauche de cette déforma-

tion en saillie au niveau du bregma ; chez le second il n'y a pas de suré-

lévation bien appréciable.

Au point de vue des diamètres et des courbures on doit remarquer les

faits suivants :

(1) WELC6BR, Wachsthum u. Ba des Menschlichen Schoedel, Leipzig, 1867.

(2) POMMEROLLE De la dynostose normale, Th. de Paris, 1869. '

* DEUX cas D'OXYCÉPHALIE . 355

Légère diminution du diamètre antéro-postérieur (de la glabelle au point

le plus reculé de l'écaille occipitale),la moyenne étant de 178 millimètres,

on a 165 et 165 (1er et 2e malades).

Diminution du diamètre transverse maximum du pariétal : au lieu de

141, 130 et 135.

Le diamètre biauriculaire n'est pas beaucoup modifié, plutôt un peu

augmenté : il faut tenir compte de l'épaisseur des tissus, les moyennes

ayant été prises sur des crânes secs, 125 et 125 au lieu de 122.

Augmentation du diamètre bimastoïdien, 115 et 115 au lieu de 102.

On ne peut prendre le diamètre basilo-bregmatique des anthropologis-

tes. L'élévation au-dessus du conduit auditif est de 145 et 125.

Diminution légère de la courbure horizontale passant au-dessus des

sourcils pour faire le tour par la partie la plus reculée de l'occipital, 505

et 505 au lieu de 517.

Courbure sus-auriculaire, d'un conduit auditif à l'autre en prenant par

le bregma, 330 et 320 au lieu de 307 : c'est là le point le plus intéressant

de ces mensurations qui ne donnent que des résultats comparatifs naturel-

lement approximatifs. Ils sont à peu près concordants avec ceux rapportés

par Hanotte dans sa thèse.

Le diamètre transverse minimum est à 4 centimètres au-dessus du pa-

villon chez P...,et mesure 130 ; à 6 centimètres chez G... etmesure 135 ;

l'aplatissement chez le premier malade est plus considérable et descend

plus bas.

Au point de vue des troubles fonctionnels pouvant être rapportés à

l'affection, nous les avons trouvés nuls chez le second malade et réduits

chez le premier à la céphalée et au vertige. Cette céphalée a été trouvée

déjà fréquemment. Parmi les 10 cas observés par Patry, il l'a rencontrée

6 fois : elle serait, dit-il, beaucoup plus fréquente dans les observations

rapportées par les auteurs si elle avait été recherchée systématiquement.

Deux malades de Meltzer présentaient du vertige et de la céphalée. La

déformation crânienne est sans doute pour quelque chose au moins comme

cause adjuvante dans l'étiologie de ces symptômes et peut-être peut-on

faire la même remarque en ce qui concerne les troubles moteurs (sorte

de paraplégie avec prédominance légère des phénomènes à droite).

L'intelligence ne parait pas atteinte en ce qui concerne nos deux mala-

des : c'est le cas le plus fréquent (Patry),et il convient de se rappeler à ce

propos que Paracelse, Walter Scott, Guillaume de Humboldt, Meckel pré-

sentaient des conformations crâniennes analogues à celle dont nous nous

occupons. Du reste les autopsies ont montré qu'il n'y avait pas diminution

de la capacité crânienne,devenue globuleuse. Les moulages présentent des

circonvolutions qui les font ressembler à un cerveau couvert de ses mé-

356 . PIERRE MERLE

ninges, ce fait montre les modifications qu'ont subies les plans osseux sous

la poussée du cerveau qui tend à se développer (Hanotte).

La déformation du nez ne paraît pas avoir beaucoup retenu l'attention

des auteurs. Cependant Meltzer en fait mention dans son travail. Nous

l'avons vu très nettement représentée sur une des photographies de Patry

(obs. II). Du reste Hanotte consacre un chapitre dans sa thèse aux mo-

difications apportées du côté de la face (p. 56). « On constate que le crâne

est souvent dysharmonique. L'espace interorbitaire est toujours anormal

- (De avec l'hydrocéphalie frontale). Les principales modifications porteront

sur les orbites : ceux-ci présentent en général un axe très oblique en bas et

en dehors, leur angle supéro-interne était très vivement attiré en haut et

en dedans. La cavité diminuée de longueur, et la paroi externe fortement

bombée,repoussée en avant au [point de devenir presque perpendiculaire z

à la paroi interne. »

Il n'y a donc rien de surprenant à voir les os du nez participer à cette

dyssymétrie et à ces malformations.

Ajoutons que Meltzer a retrouvé 15 fois sur 20 cas des végétations adé-

noïdes et 19 fois le nez fortement rétréci chez les enfants qu'il a étudiés.

Les troubles de la vue et même de l'odorat sont plus importants à pré-

ciser.

Patry distingue au cours de la déformation crânienne plusieurs types de

lésions oculaires.

1° Tout d'abord la névrite optique simultanée pour les deux yeux ou

bien unilatérale. Elle débute en général avant 6 ans : quelquefois elle a

été constatée à 35 et 40 ans.

2° Un type d'atrophie optique secondaire, diagnostiqué par la lésion

papillaire. '

3° Des signes oculaires accessoires :

L'exophtalmie : un des plus fréquents. ,

Le strabisme divergent.

La limitation des mouvements des globes.

La diminution d'ouverture de la fente palpébrale.

Le nystagmus.

Ces troubles accessoires peuvent se rencontrer à l'étal isolé. Dans un cas,

Weber signale : léger strabisme divergent, nystagmus. Dans un autre

Tucker : strabisme externe et limitation des mouvements dans certaines di-

rections. « Nous ne pouvons pas tenir compte de l'état du fond de l'oeil

dont les modifications sont insignifiantes. »

Il semble donc qu'on puisse peut-être penser chez notre premier ma-

lade qui présente à gauche une diminution de l'ouverture de la fentepal-

pébrale, du strabisme externe et de la limitation des mouvements du globe

DEUX cas d'oxycéphalie 357

dans tous les sens, à un rapport entre ces troubles (troubles accessoires de

Patry) et la déformation crânienne. Quant à l'exophtalmie, quoique lé-

gère, elle s'applipue probablement de la même façon. (Voir plus haut la

déformation de l'orbite d'après Hanotte). Le strabisme divergent, il est

vrai, trouve une explication dans l'amblyopie due aux lésions propres de

l'oeil (choroïdite, kératite).

Chez notre second malade, l'examen oculaire ne peut renseigner sur

l'état de la papille en raison des phénomènes de conjonctivite granuleuse

survenus vers 13 ans. Mais avant cette époque et depuis l'âge de 3 ans, le

sujet présentait des troubles de la vue progressifs dont la nature reste in-

déterminée et qui peuvent, peut-être, se rapporter à des phénomènes de

névrite ayant pour cause la déformation crânienne.

La pathogénie de cette névrite dans l'oxycéphalie est diversement in-

terprétée par les auteurs.

1° Névrite et atrophie postnévritique par suite de méningite'qui d'autre

part a causé la synostose (Virchow, Hirschberg).

2° Névrite par stase papillaire due au rétrécissement du canal osseux

(Ponfick) (1).

3° Névrite favorisée par le rétrécissement osseux (Manz) (2).

4° Névrite due à une augmentation de pression intracrânienne due à la

soudure prématurée (Friedenwald) (3).

Les caractères de la papille sont ceux de l'atrophie optique post inflam-

matoire, non ceux de l'atrophie simple que pourrait seulement donner

l'étranglement par le canal annulaire. C'est la méningite séreuse ventri-

culaire qui causerait à la fois la névrite et la déformation.

L'hypothèse de Friedenwald est admissible, mais il semble que c'est à

celle de Hirschberg et Virchow qu'il faille plutôt s'arrêter; un certain

nombre d'autopsies leur donnent raison.

La syphilis ne paraît pas probable (Patry). Dans un seul cas elle paraît

bien établie. Deux malades ont contracté la syphilis, l'un dans l'enfance

(Bourneville) (4), l'autre à 28 ans (Weber) (5).

Du reste les lésions optiques ne sont pas obligatoires et nous apportons

(1) PONRICK, Ueb. den Zusammengang von Gehimentzündung u.angeLozezteo Blind

heit. Breslauer Artzlische Zeitschrift, 18S6.

(2) hIAN7., Ueb. Schoedeldiff. mil Sehenerenatrophie. Beitrâge zu den klin. Monats-

bloetter, XXV, 1887.

(3) FRIEDHNNALD, Cranial diffoi-mily and opticnerue atrophy. American Journal of

médical science, mai 1893.

(4) BoUtfNSVItLE, Oxytrigonocéphalie, atrophie des nerfs optiques, épilepsie. Comptes

rendus de Bicêtre, 1895.

(5) Weber, Fall von Thurmscha;del Allgemeizze,Zeitschrifftf. Psychothérapie) Berlin,

1897, III, 599-600.

358 PIERRE MERLE

une photographie d'un crâne typique chez un sujet dont l'histoire clinique

n'a pu être reconstituée, mais qui ne paraît pas avoir été atteint du côté

de la vue. -

En-ce qui concerne l'odorat, nous n'avons trouvé de documents que dans

le travail de Meltzer et il semble que les troubles ne soient pas très rares :

12 fois sur 20 cas il a trouvé l'odorat perdu. Il est intéressant de rappro-

cher topographiquement, au point de vue du crâne et de l'encéphale, les

lésions des nerfs optiques, des nerfs olfactifs et les déformations osseuses.

Nos malades n'ont aucun trouble de l'audition. Meltzer parle de l'at-

teinte possible du nerf auditif.

La radiographie des crânes de nos malades, que nous devons à l'obli-

geance de M. le Dr Raulot-Lapoinle, nous a permis de reconnaître un épais-

sissement manifeste de la calotte crânienne. Les auteurs allemands l'ont

aussi constaté et Meltzer, rapprochant ce fait de constatations faites chez

des hydrocéphales, en parle de la façon suivante, dans une publication

récente (1). « J'ai souvent rencontré des épaississements du crâne chez

des enfants idiots et hydrocéphales et je ne crois pas invraisemblable que

la légère irritation produite par l'hydrocéphalie sur les méninges provoque

un épaississement osseux là où la tension est la plus forte. »

Il nous a paru intéressant de rapporter ces deux cas et de résumer l'état

de la question en raison de l'intérêt de cette déformation crânienne qui

touche à la médecine générale et à la neurologie au moins autant qu'à

l'anthropologie. ,

(1) MELTZER, Ueber Erblindungen bei hochschoedelleidung . Münchener Med. Woch., ?

28 septembre 1908, p. 2060.

KOUVELLLE ICONOGRAPHIE DE LA SALPÊTRIÈRE

T. XXI. PI. L1R

ALTÉRATIONS DU TISSU CÉRÉBRAL DUES A LA PRÉSENCE DE TUMEURS.

(Weber). ,

Observation X

CLINIQUE PSYCHIATRIQUE DE L'UNIVERSITÉ DE GENÈVE

DE QUELQUES ALTÉRATIONS DU TISSU CÉRÉBRAL

DUES A LA PRÉSENCE DE TUMEURS

PAR

R. WEBER,

professeur.

En raison du temps qu'exigent le durcissement et la mise en coupes sé-

riées, il m'est impossible de grouper mes observations par régions céré-

brales. Il ne me reste qu'à les publier à mesure qu'elles sont travaillées (1).

O13SERVATION X (2) (PI. LIX).

Mme G..., née en 1864. Admise à l'hôpital cantonal le 16 novembre 1905.

Décédée le 4 mars 1906.

Rhumatisme articulaire à 15 ans. A eu 7 enfants. En 1890 lors du premier

accouchement, crises éclamptiqnes. Eu mai 1901 première attaque épilepli-

forme. Après avoir ressenti des tournements de tête et des palpitations,

Mme G... tomba sans connaissance. Le mari aurait observé des mouvements

convulsifs, surtout du bras et de la jambe gauches. Morsure de la langue. Durée

de la crise : un quart d'heure. Ces attaques se renouvelèrent, parfois en rapport

avec les règles ; il y en eut une dizaine en tout, mais sans localisation spéciale

des convulsions.

Depuis la première crise, la malade fut sujette aux maux de tête, surtout la

nuit ; elle ne peut plus se servir du bras gauche. Dès une année plus tard

(mai 1905) parésie de la jambe gauche et diminution de la vue. Trois mois

après, apparition de nausées à n'importe quelle heure.

C'est sur le status psychique que la famille donna le moins de renseignements ;

le mari, éthylique, se borna à constater chez sa femme une diminution de l'in.

telligence.

Admission à l'hôpital cantonal 1 an 1/2 après la première attaque épilepti-

forme.

Etat corporel. Tête souvent tournée à droite, mais pouvant se mouvoir

dans tous les sens. Pupilles assez dilatées. Réaction à la lumière douteuse,

existe peut-être faiblement à droite. Signes de papillite. Vision extrêmement

(1) Voy. Nouvelle Iconographie de la Salpêtrière, 1905, 1906, 19117.

(2) L'observation à été mise à ma disposition par M. le professeur Bard, le cerveau

par M. le professeur Askanazy ; je les en remercie tous deux vivement.

360 Il. WEBER

réduite ; parait compter les doigts à petite distance avec l'oeil gauche. Champ

visuel certainement très étroit et probablement excentrique (Prof. Hallenhoff).

Parésie du facial gauche. Langue déviée à gauche. Bras gauche parésie :

c'est à la main que les troubles moteurs sont le plus accusés, moins au coude,

encore moins à l'épaule. MmeG... ne bouge pas spontanément le bras gauche.

Elle ne meut également la jambe gauche que sur ordre, mais elle peut la

fléchir, par exemple. Babinski,plus fort à gauche qu'à droite. La malade marche

à petits pas,quand on la soutient ; seule, elle tombe en arrière.La sensibilité ne

parait pas altérée, mais l'examen en est presque impossible en raison de l'état

mental de Mme G...

Réglée il y a 3 semaines.

Intelligence plus que médiocre. Mémoire défectueuse ; ne sait par exemple

pas si son dernier enfant est vivant. Cependant passablement orientée sur sa

personne. le temps et le lieu. Plutôt méchante, dit que tout le monde la chicane.

Cours de lamaladie. - Un jour Mme G... appelle son infirmière et lui dit

qu'elle sent venir la crise. Les convulsions débutent au bras et à la jambe gau-

ches. Déviation de la tête à droite. Lorsque les paupières sont fermées, les

yeux sont sur la ligne médiane, dès qu'elles sont ouvertes la déviation conju-

guée à droite se rétablit.

Fin novembre 1905, on note : céphalées violentes au front et k l'occiput.

Gâtisme.

Hallucinations visuelles, sans localisation spéciale. Sensations de vertige ; a

peur de tomber quand elle est couchée ; se croit en voiture. Délire, prétend

qu'on veut lui faire du mal ; crises d'angoisse.

Dès 1906 : réflexes tendineux exagérés au bras et à la jambe gauches. Pas

de contracture. La sensibilité à la douleur et à la chaleur est très diminuée au

bras gauche et à la moitié gauche du thorax, pas à la face ni à la jambe. Atro-

phie accentuée des nerfs optiques.

Discussion clinique. Il suffit de jeter un coup d'oeil surles clichés,

pour voir que tous ces phénomènes pathologiques devaient leur origine

à une tumeur de l'hémisphère droit, région motrice. Soudée à la dure-

mère, elle en était sans doute partie,; exactement délimitée, elle eût

été opérable. Les dimensions en sont : .diamètre 3 centimètres, profon-

deur, 4 centimètres.

Il eût fallu, aussitôt que possible, savoir s'il s'agissait d'un néoplasme

cortical ou sous-cortical. La première altération durable fut la parésie du

bras gauche. C'est à la main que les troubles moteurs furent le plus ac-

centués, moins au coude, encore moins à l'épaule. La sensibilité ne parut

pas altérée d'abord. Cela parlaiten faveurd'un siège cortical.

Mais les crises épileptiformes n'eurent pas un caractère Jacksonien net.

A l'entrée à l'hôpital la jambe et le facial gauche étaient également déjà

parésiés. Les nerfs optiques fonctionnaient très mal et il y avait peut-être

hémianopsie. - .

QUELQUES altérations DU tissu cérébral 361

Le diagnostic différentiel était devenu impossible et seule l'opération

exploratrice eût tranché cette question. Dirigée aussi exactement que pos-

sille sur la région corticale du bras gauche, l'ouverture faite par le tré-

pan aurait sans doute coïncidé avec la tumeur, celle-ci ayant refoulé en

avant la zone motrice ((i.9). Il n'est pas question d'une destruction di-

recte des centres corticaux : de là peut-être le type variable des accidents

éplepliformes.

En fait de troubles psychiques nous ne pouvons guère analyser que les

hallucinations. Elles sont en tout point analogues il celles de notre

obs. III ('1) : mouvementées, alliées à des sensations de vertige, angois-

santes et rendant pour ce motif la malade méchante. Il est presque inutile

de faire remarquer ici le mélange des symptômes généraux et des locaux.

L'angoisse est allribuable sans doute à la pression intracérébrale exagérée

et à la privation de la vue. D'autre part la compression des nerfs optiques

et l'amaurose favorisent le développement des hallucinations visuelles. Le

sentiment de malaise y donne le cachet pénible et le vertige leur prête le

mouvement.

Anatomie et examen des coupes.

Je me bornerai à relever le système de grosses veines qui s'était formé au-

(1) Voy. Nouv. Iconographie de la Satpêtriere, No 2, 1905.

XXI 24

Fig. 1.

362 R. WEBER

tour du néoplasme, passant même par dessus ; quelques-unes sont munies

d'espèces de réservoirs à l'endroit où elles se recourbent pour pénétrer dans la

fente qui délimite la tumeur. Ces veines ne sont pas comprimées, elles ont une

grande lumière ; elles se sont fait place dans la substance cérébrale. Il est pro-

bable que la circulation sanguine, au moins celle des grands vaisseaux, n'a

pas été fortement gênée.

Ventricules. - Les cornes occipitale, frontale et temporale sont un peu dila-

tées à gauche. A droite (côté tumeur) leur forme s'est arrondie, mais sans

qu'il y ait dilatation vraie. La tumeur, en croissant, en avait au sur et à me-

sure refoulé une partie du liquide. Le 3e ventricule est en effet réduit à une

fente oblique (fig. 2). '

L'épaississement épendymaire est général ; c'est un mode de réaction à la

pression.

Les mesures des coupes au planimètre indiquent que l'hémisphère droit est

au gauche comme 53 : 47. Même après déduction de la tumeur, le côté droit

reste encore plus grand que le gauche, ce qui est probablement attribuable à un

engorgement oedémateux des tissus. Dès 2, 5 centimètres en arrière du néo-

plasme on rencontre sur environ 1/4 de la coupe de l'hémisphère droit des

altérations caractéristiques : des noyaux gonflés, des masses sans structure.

Tout cela pénètre jusqu'à proximité du ventricule, s'infiltre dans les faisceaux

sagittaux du lobe occipital et augmente rapidement d'étendue, dans des cou-

pes plus frontales.

Les voies optiques ont été lésées de 2 manières différentes.

1. La région du chiasma présente à sa partie supérieure une concavité re-

couverte d'un feutrage de grosses cellules. C'est encore une réaction à la com-

pression, analogue à l'épaississement épendymaire.

2. Le corps genouillé droit externe est tout au moins déformé et les fais-

ceaux sagittaux sont certainement atteints.

Il y a là de quoi expliquer amplement l'amaurose et le rétrécissement du champ

visuel. '

La tumeur, un sarcome, a pénétré comme une sorte de coin dans l'hémis-

phère droit. Elle est solide et s'est coupée assez facilement sans préparation au-

tre que le durcissement dans le liquide de Muller. Le tissu ambiant a été ré-

duit en une masse gélatineuse (fig. 2) autour des parties médiales du

néoplasme. C'est là que, rompant le fond des sillons, le sarcome s'est engagé

bien avant dans la substance blanche. C'est là aussi le maximum de surface de

l'hémisphère et par conséquent l'endroit où la nutrition des parties profondes

est le plus difficile, où la stase lymphatique se produit le plus facilement

(Ci ? '2 et 3).

On peut affirmer que, dès la fig. 2. les 2/3 au moins de l'hémisphère droit

sont grossièrement lésés et étaient sans doute mis presque totalement hors de

fonction.

En dehors de cette zone vient, comme d'habitude, celle des cellules névro-

gliques (araignées) gonflées.

Ces altérations se rencontrent encore en avant de la tumeur jusque vers le

NOUVELLE Iconographie DE la Salpêtriere

T. XXI. Pl. LX

ALTÉRATIONS DU TISSU CÉRÉBRAL DUES A LA PRÉSENCE DE TUMEURS.

(Weber).

QUELQUES altérations DU TISSU cérébral 363

pôle frontal ; c'est la moitié supérieure du lobe frontal qui est même le plus

fortement vacuolée. Mais ici le néoplasme touche partout à de l'écorce il s'est

en quelque sorte niché dans un sillon ; il a causé des dégâts bien plus localisés.

Il n'est pas sans intérêt de noter qu'à l'extension maximum du néoplasme-

correspondent des lésions analogues, quoique moins denses et moins éten-

dues, à gauche.

Comme je l'ai décrit précédemment, l'écorce et les masses grises de la base

paraissent avoir peu souffert de la pression. Même dans les circonvolutions

adjacentes à la tumeur le cortex a conservé une structure bien mieux dessinée

que la substance blanche.

Résumé. -IL s'agit d'un sarcome, sis immédiatement en arrière de la

région motrice du bras. Cela explique l'apparition précoce des troubles

moteurs. Plus tard la tumeur pénètre dans la substance blanche et y gêne

la circulation lymphatique encore plus que celle du sang ; il se forme peu

à peu de vastes destructions qui se traduisent par l'hémiplégie et la sup-

pression plus ou moins complète de la sensibilité. Enfin le 3e ventricule

se trouve réduit à une fente : le courant ventriculaire est obstrué. C'est la

période des céphalées violentes, du délire,. de la désorientation, de l'état

démentiel. Cette dernière période dura environ 3 mois.

L'examen des coupes sériées seul a réussi à démontrer la grande exten-

sion des lésions ; l'aspect macroscopique ne les eût pas fait soupçonner.

Suivant l'opinion de M. Askanazy, professeur d'analomie pathologique,

le durcissement au liquide de Muller et la vieille méthode de coloration

au carmin seraient aptes à faire ressortir particulièrement bien les cellu-

les araignées et les masses colloïdes. Voici un exemple qui m'a paru

frappant, d'une tumeur restée longtemps latente.

Observation XI (PI. LX).

B ? entré le 24 juillet. Décédé le 11 août 1906. Age : 33 ans. Père passa-

blement buveur.Le malade a fait un séjour à l'hôpital cantonal du 25 mars au 11

juin 1905 pour tuberculose pulmonaire. On a noté que les réflexes pupillaires

étaient normaux. En août J905,apparition de crises épileptiformes, irrégulières,

12 au total jusqu'en mai 1906. A la suite d'attaques plus fréquentes et plus

intenses, avec morsures de la langue et incontinence, B... rentra à l'hôpital le

5 juillet 1906 ; un matin il était revenu à la maison sans chapeau ni veston,

n'ayant aucun souvenir de ce qui lui était arrivé. En raison des habitudes éthy-

liques de B ? ces crises furent considérées comme épilepsie alcoolique ; cela

d'autant plus qu'après son admission le malade fil une sorte de délire avec hal-

lucinations visuelles (personnes, animaux) et auditives.

Dans l'observation de Bel-Air il est noté que B..fait l'impression d'un homme

ivre et somnolent. Il comprend difficilement nos questions et y répond avec

lenteur ; il est désorienté sur le temps et le lieu. Parfois on arrive à le « réveil-

364 R. WEBER

ler » un peu. Généralement euphorique ; parfois agité, cherchant à s'en aller

sans but déterminé. Se plaignit une fois de maux de tête, une autre fois de

maux de dents.

Pouls ralenti, à environ 50. Démarche très chancelante, tomberait toujours

en arrière joui à droite si on l'abandonnait. Réflexes pupillaires et patellaires

normaux. Parésie du facial gauche.

Du 8 au 14 août (décès) la somnolence fut telle que la bouche et les narines

de B. étaient continuellement envahies par les mouches.

Autopsie. - Tuberculose pulmonaire et intestinale.Tumeur cérébrale.

Notre observation clinique est, je dois l'avouer, fort pauvre ; mais peut-être

cette pauvreté en est-elle précisément le côté intéressant.

Ce néoplasme cérébral a fait si peu de symptômes que le malade fut

considéré comme épileptique par alcoolisme.Pendant uneannée environ les

crises en furent en somme la seule manifestation. Après, il est vrai, sur-

vint une période de troubles psychiques intenses, au point de rendre

l'examen détaillé impossible ; cette période dura seulement 5 semaines.

Nous allons chercher à expliquer cela par la localisation spéciale de la

tumeur.

Elle n'était pas visible extérieurement; mais outre les signes macros-

copiques usuels de la pression exagérée, l'aspect particulièrement bombé

du genou du corps calleux en annonçait la présence.

C'est sans doute à droite que l'on rencontrera le néoplasme, car la corne

occipitale gauche est plus ouverte que la droite ; ensuite parce que le lobe

occipital droit est plus tassé, que les coupes y sont plus grandes en sur-

face et qu'on y atteint plus vite les masses grises de la base.

Lorsqu'on ouvrit les ventricules au travers du corps calleux à l'autopsie, il

s'en déversa un jet de liquide sous pression, mais cette stase n'était certaine-

ment pas de vieille date, car les ventricules ne sout pas dilatés, sauf à la par-

tie antérieure du IIl° ventricule, où précisément on rencontre en premier lieu

la tumeur. Elle agit ici comme un coin. Les parois y sont tapissées d'un tissu

spongieux, qui envahit les couches superficielles du thnl..m opt. et surtout du

noyau caudé, la face inférieure du corps calleux ; le néoplasme atteint finale-

ment le volume d'une noix dans la partie la plus frontale du corps calleux,

dont il n'existe plus ici qu'un faisceau de fibres basales.

Déjà a la hauteur de la commissure antérieure était apparu dans le centre

ovale de l'hémisphère droit un second noyau de tissu pathologique. 11 est relié 2

celui qui occupe le ventricule ; ce n'est donc pas une métastase. Ce foyer

frontal atteint également les dimensions d'une noix et se compose en grande

partie d'une masse gélatineuse (colloïde ? ). Une autre cavité avec contenu

colloïde se voit à la base et à droite de la tumeur ventriculaire.

Par l'angle externe du ventricule latéral, traversant la substance grise sous-

épend., la tumeur s'est étendue dans le lobe frontal gauche. Elle n'y a pas

formé de noyau net, mais on en rencontre des éléments sur une profondeur de

QUELQUES ALTERATIONS DU TISSU CÉRÉBRAL 365

6-8 millimètres d'abord ; plus en avant l'infiltration est diffuse, mais pas très

dense.

De petites particules de la tumeur ont peut-être été transportées par le cou-

rant du liquide céphalo-rachidien,car en divers endroits la surface ventriculaire

était couverte de masses organisées. La réaction épendymaire à la pression se

manifeste par la production de pinceaux névrogliques et par un épaississe-

ment général.

Ce n'est guère que dans la région de la fig. 2 que la différence entre les deux

hémisphères devient manifeste, le droit étant plus rouge au carmin,plus clair au

Weigert que le gauche. Quelques millimètres plus en avant tout l'hémisphère

droit est grossièrement altéré et le restera jusque vers le pôle frontal. Seules

les parties les plus périphériques ont conservé un aspect à peu près normal.

Cependant ces altérations du lobe frontal droit ne sont pas toutes les

mêmes que celles décrites dans les observations précédentes. Il n'est pas

question de vacuoles dues à la stase lymphatique. Il s'agit ici :

1° De gonflement des éléments névrogliques ; de varicosités et de des-

truction des fibres nerveuses.

2° D'une invasion très étendue et mal délimitée du tissu cérébral par

des cellules sarcomateuses.

3° De dégénérescence colloïde ( ? ) de la tumeur.

Fig. 2. V. Vaisseau. - Ep. Espace périvasculaire. C. colloïde.

3G6 Il, WEBER

II est très probable que cette dégénérescence colloïde se traduisit par

une diminution de volume du néoplasme ; en tous cas les noyaux colloïdes,

grâce à leur plasticité, prirent le moins de place possible.

Ces masses colloïdes paraissent se former d'abord autour des vaisseaux;

c'est en effet que l'on rencontre les plus petites. Elles affectent des for-

mes très bizarres (fig. 2). On a l'impression que le tissu a élé irréguliè-

rement dilacéré, qu'il a été réduit « en bouillie ».Je crois ne pas me trouver

en présence de produits artificiels ; cependant il sera prudent de n'émettre

une opinion à ce sujet que sur la base d'une expérience plus élendue.

D'autre part il est à supposer que le tissu cérébral a été en partie re-

poussé, mais aussi en partie « mangé » par le néoplasme. La pression a at-

teint un degré moindre que par exemple dans le cas d'une tumeur encap-

sulée et agissant surtout par déplacement.

Enfin on peut admettre que, en raison de la spongiosité très prononcée

du tissu sarcomateux intraventriculaire, le courant céphalo-rachidien n'a

été que peu gêné.

Tout cela a contribué à ce que, pendant longtemps, la tumeur occa-

sionna peu de symptômes. -

Faut-il attribuer la précocité des crises épilepliformes qui n'eurent au-

cun caraclère jacksonien à la proximité de la zone motrice ?

Ou faut-il mettre l'épilepsie en rapport avec l'éthylisme notoire du

malade et ne donner à la tumeur que le rôle d'un adjuvant ? En tous cas

le délire observé à l'hôpital cantonal peut fort bien avoir été de nature

alcoolique ; l'infection tuberculeuse en aurait favorisé le développement

et la compression des nerfs optiques aurait participé à la production des

hallucinations visuelles. Ces questions ne peuvent être que touchées, non

tranchées.

Malgré une destruction étendue du lobe frontal droit et d'une partie

du gauche, B... n'aurait été notablement démenti que tout à la fin de son

existence ; cependant l'observation est trop peu complète pour avoir

grande valeur à cet égard.

Rappelons enfin que, sur XI observations, nous avons rencontré pour

la seconde fois chez un phtisique un sarcome cérébral au lieu du tuber-

cule diagnostiqué. (Voir obs. VI, n° 3, 1906.) '

Remarque commune aux deux CAS.-Les tumeurs n'agissant que peu sur

le courant céphalo-rachidien, par exemple celles des régions antérieures

du cerveau, peuvent fort bien ne se manifester pendant longtemps que

par des symptômes locaux ou même rester latentes. L'apparition des symp-

tômes généraux marque alors le début d'une période terminale de peu de

durée.

NOUVELLLE Iconographie DE la SALFÊTRIÉRE

T. XXI. Pl. LXI

ALTÉRATIONS DU TISSU CÉRÉBRAL DUES A LA PRÉSENCE DE TUMEURS.

QUELQUES ALTÉRATIONS DU TISSU CÉRÉBRAL 367

Observation XII (PI. LXI).

Du t3 août 1906 au 22 janvier 1907 fut soignée a Bel-Air, Mme. G...âgée de

41 ans. Sa maladie fut d'une richesse peu commune en symptômes.

En 1902, perte de connaissance subite, mais de courte durée. Un peu plus

tard, parésie des jambes.

1903, hémiparésie et anesthésie du côté gauche, sans troubles de cons-

cience.

Les deux fois il y eut rémission à tel point que la malade reprit ses travaux

de ménage.

Octobre 1904 : chute avec perte de connaissance ; ptose à l'oeil gauche;

pupille gauche plus ouverte que la droite; diminution de la réaction à la lu-

mière. Forte exagération des réflexes rotuliens, Babinski. Sensibilité conser-

vée. Force musculaire très diminuée.

A l'Hôpital cantonal on diagnostiqua une paraplégie spinale syphilitique. On

savait en effet que Mme C... avait, après son mariage, contracté une infection

spécifique, dont la date exacte est restée inconnue.

On constata en outre que la malade était devenue inintelligente et gâteuse.

Malgré cela elle put rentrer chez elle en décembre, considérablement amé-

liorée, à la suite d'un traitement mercuriel.

Toutefois la famille nous affirme que, dès la première attaque, la mémoire

diminua ; après la seconde se montrèrent des phénomènes d'aphasie.

A l'admission à Bel-Air, en août 1906, on nota : hémiparésie droite, plus

forte au bras qu'à la jambe ; sensibilité conservée. C'est maintenant la pupille

droite qui est plus grande que la gauche et qui réagit moins bien. Réflexes

rotuliens vifs des deux côtés.

L'hémiplégie droite ne fit que s'accentuer ; elle se compliqua de contrac-

tures, surtout au bras,qui resta fixé en flexion maximale sur la poitrine, où il I

finit par produire un décubitus profond.

Les deux jambes se plièrent de plus en plus, de telle façon que les deux

genoux étaient presque à la hauteur du menton ; pendant des semaines la

malade fut d'une maigreur qui la rendait pareille à un squelette.

La parole atteinte d'abord dans sa partie motrice, finit par être complète-

ment abolie aussi du côté sensoriel.

Dès le mois d'octobre 1906, Mme C... très somnolente, parut atteinte de

cécité complète, car elle ne réagissait absolument plus aux impressions visuel-

les les plus diverses. -

Par contre le strabisme, le ptosis et la différence pupillaire varièrent cons-

tamment d'intensité et de côté et disparurent même parfois tout à fait. Il en

fut ainsi jusqu'au décès, en janvier 1907.

Il fut très difficile, sinon impossthle, d'arriver à un diagnostic dépas-

sant la probabilité. La somnolence très accusée, la marche par à-coups de

la maladie, faisaient penser à une tumeur. Le manque de phénomènes

368 R. WEBER

de pression cérébrale tels que ralentissement du pouls, vomissements,

faisaient d'autre part pencher en faveur de foyers de ramollissement.

Enfin la fugacité de certains symptômes pouvait être attribuée à dès

obstructions vasculaires plus ou moins transitoires, dues à l'artérite syphi-

litique.

Et l'autopsie, celle de la lêle seule fut autorisée, montra qu'il y avait un

peu de tout cela.

Les phénomènes macroscopiques de la compression, l'aplatissement des cir-

convolutions, la fermeture des sillons, sont peu marqués. L'hémisphère droit

est plus petit que le gauche ; diminution porte surtout sur le lobe occipital

droit. Les parois des artères de la base sont fortement épaissies.

Co ? I)es. - Hémisphère gauche. Dès le pôle frontal, la substance blanche

est altérée ; elle prend mieux le carmin qu'à droite. Araignées gonflées, va-

cuoles et vaisseaux à espaces périvasculaires dilatés occupent bientôt toute la

surface de la coupe. Les faisceaux sagittaux sont mal dessinés.

Avec la pointe du N. C. apparaît aussi la tumeur. C'est un syphilome dont

certaines parties sont déjà presque dépourvues de structure et de noyaux ; de

nombreux vaisseaux y ont leur paroi d'une épaisseur extraordinaire.

Le néoplasme paraît avoir eu son point de départ la la base, régions de oFi

et deLi. Il occupe la place de N. C. et de N. L , jusqu'à l'angle du ventricule

latéral, laissant entre lui et l'écorce une zone de 2-3 mm. de tissu plus ou

moins intact. IIII'a épargné que quelques îlots de la capsule interne. L'absence

presque totale de couronne rayonnante donne à ces coupes un aspect très spé-

cial (fig. 1).

C'est ici le moment de relever à nouveau une cause d'erreurs dans la

comparaison des hémisphères ; quelque peine que l'on se donne, les

coupes ne passent pas au même niveau. Dans le cas qui nous occupe par

exemple la tumeur a repoussé les masses grises de la base. Elle en a dé-

truit une partie, mais nous en retrouvons une autre plus en arrière qu'à

droite.

Au niveau de Co. a. la gomme prend une forme à peu près triangulaire ;

sommet à la hauteur de l'angle externe du ventricule latéral ; base : celle du

cerveau, depuis la ligne médiane jusque près de l'écorce de l'insula. Les par-

ties conservées de la capsule interne sont ici plus grandes et la couronne

rayonnante réapparaît.

Insensiblement la tumeur descend, dégageant de plus en plus N. C. et C. i.

(fig. 2) ; on en trouve les derniers vestiges dans les plans postérieurs de N. L.

Le thaiam. opt. n'est grossièrement lésé que dans sa moitié antérieure.

A la hauteur de la fig. 2, toute la substance blanche est occupée par des va-

cuoles et des cellules araignées gonflées. Puis le tiers supérieur de la coupe

paraît normal ; mais ce n'est qu'immédiatement en arrière du corps calieux

que ces altérations du tissu ne se voient plus.

QUELQUES ALTÉRATIONS DU TISSU CÉRÉBRAL 369

Signalons en passant la pauvreté en fibres nerveuses de la partie antérieure

du lobe temporal. Destruction de l'apport de Co. a. et de celui des faisceaux

passant par l'insula.

On remarque que la localisation de la tumeur correspondrait assez bien

avec la zone lenticulaire de M. Pierre Marie. Le centre sensoriel du

langage est intact et cependant il en est résulté une aphasie totale. La

compréhension ne fut toutefois abolie qu'assez longtemps après la parole

spontanée. L'aphasie doit relever de la destruction des fibres traversant la

région de l'insula et des lésions générales de l'hémisphère gauche, qui ont

été décrites plus haut. Pour des cas de ce genre il semble justifié d'attri-

buer à la démence une grande part dans la production de ces phénomènes.

On peut cependant mellre aussi en parallèle le fait que les restes de la

capsule interne et de la couronne rayonnante n'ont pas suffi non plus à

conserver la moindre motilité des membres.

Hémisphère droit. Un foyer néoplasique occupe le pourtour de la partie

postérieure de F3, mais sans dépasser en profondeur 2-3 mm. Il se prolonge

en arrière dans F. S. sur la moitié inférieure de l'écorce de l'insula, d'où il

envoie quelques ramifications vers l'extrémité inférieure du claustrum.

Cette lésion de l'insula à droite a pu contribuer à aggraver l'aphasie.

Les deux foyers de ramollissement notés sur la fig. 2, et quelques autres

plus petits, expliquent sans doute l'hémiplégie transitoire du côté gauche.

A droite la destruction la plus importante se trouve au lobe occipital. Elle

s'étend aux deux circonvolutions bordant K plus Po., puis K seule. Il faut y

rapporter une partie au moins des troubles visuels observés chez la malade. La

compression directe des nerfs optiques a fait le reste.

Il ne s'agit pas d'une destruction complète des tissus ; on en reconnaît en-

core les contours ; par places on peut même différencier l'écorce de la subs-

tance blanche. Mais à la coupe tout se désagrège et l'on n'obtient plus à l'aide

du Weigert-Pal que des épaves de libres. C'est une malacie ensuite d'endarté-

rite spécifique.

Elle a entraîné une forte réduction de volume du lobe occipital, frappante

surtout en ce qui concerne Fli.

Il est regrettable qu'une faite l'autopsie, ait portéjuste sur les corps

genouillés externes et en ait rendu l'examen impossible.

Le cervelet et l'oblongata ne contenaient pas de tumeur ; atrophie et dégé-

nérescence de la pyramide gauche.

Mensurations. Le rapport de l'hémisphère gauche au droit est de 35 : 30

à peu près (Résultat obtenu par l'addition d'une série de coupes équidislantes,

mesurées au planimètre Ambler). La différence toutefois est très inégalement

répartie ; les lobes frontaux sont sensiblement égaux (10 : 10) ; les portions

calleuses diffèrent un peu déjà (il : 10). C'est sur les occipitales que porte à

peu près tout l'écart ^14 : 10).

370 R. WEBER

Cela tient au ramollisement signalé à droite et à ce que toute une partie de

l'hémisphère gauche fut refoulée en arrière sans être détruite.

Ventricules. Le ventricule latéral est peu dilaté à droite, c'est-à-dire du

côté opposé à la tumeur ; il en est généralement ainsi. Cependant l'atrophie du

lobe occipital droit n'est pas compensée par une cavité ventriculaire de dimen-

sions exagérées. Tout le lobe s'est en quelque sorte tassé et le ventricule avec

lui, sous la poussée du néoplasme. '

Nous nous trouvons donc en présence du fait remarquable que le ramol-

lissement d'une certaine partie du cerveau peut masquer le développe-

ment d'une tumeur dans une autre. En effet, dans ces conditions, la pres-

sion intra-crânienne reste dans des limites que le cerveau peut supporter.

Ce fut le cas chez notre malade et cela explique sans aucun doute le

manque de netteté des phénomènes cliniques.

Malgré le peu d'exagération de la pression, l'hémisphère où siège la

gomme est altéré dans de très fortes proportions. Ces lésions ne sont donc

pas tout simplement des effets de compression. Bien plutôt elles sont la

conséquence de la stase lymphatique qu'occasionne tout néoplasme qui se

développe dans la profondeur de la substance blanche (Voir Iconogr.,

ne3, 1906).

Il n'y a pas d'infiltration périvasculaire chez cette syphilitique ; j'ai

fait la même remarque au sujet de l'obs. VIII [Iconogr., n° 4, 1907).

Pourtant les parois des vaisseaux sont épaissies, riches en noyaux. Les

espaces périvasculaires dilatés contiennent des filaments de tissu conjonc-

tif et assez fréquemment du pigment de couleur brunâtre.

Pour les observations XI et XII, je relèverai également que les altéra-

tions de l'écorce, en tant que démontrables au carmin et à l'hématoxiline-

éosine, ne sont nullement comparables à celles de la substance blanche.

Les cellules satellites sont sans doute en nombre exagéré et à plus d'un

endroit elles semblent avoir endommagé la cellule nerveuse. Mais la

structure générale de l'écorce, même la forme de la cellule et de son

noyau sont bien conservées, alors que la substance blanche est grossière-

ment lésée.

On a pris l'habitude d'identifier en quelque sorte intelligence et écorce

cérébrale, parfois même intelligence et cellules nerveuses de l'écorce ;

cela est-il bien justifié ? L'étude des altérations produites par les tumeurs

est de nature en faire douter beaucoup.

M. Redlich a recherché les lésions diffuses de l'écorce dans quelques

cas de tumeurs cérébrales (Festschrift zur Feier des 25 'jach1 ? l3estan-

des des Neurolog. Institutes in Wien) ; il a trouvé des altérations vascu-

laires, des cellules nerveuses dégénérées, une augmentation des cellules

QUELQUES ALTÉRATIONS DU TISSU CÉRÉBRAL 371

satellites et des amas disséminés de noyaux névrogliques. Les fibres ner-

veuses tangentielles, supra et inter-radiaires étaient surtout lésées. L'au-

teur tire de ces constatations des conclusions très réservées ; « altérations

diffuses, elles ne sauraient être sans importance ».

On ne peut que partager absolument cette manière de voir ; mais faut-

il reléguer au second plan les lésions grossières, encore plus diffuses

quoique moins bien étudiées de la substance blanche ? : '

Travail intellectuel estsynonyme d'association : on ne peut guère en

douter. Or, dans les cas de tumeur que j'ai eu l'occasion d'examiner,

le travail associatif était ralenti et appauvri à un haut degré. S'il est

vrai que les associations se font par la substance blanche, c'est dans la

destruction de celle-ci qu'il faut en rechercher la cause. Et cette destruc-

tion plus ou moins avancée est facilement démontrable.

La grande difficulté est évidemment que la pression cérébrale exagérée

peut, à elle seule et en peu de temps, produire des phénomènes cliniques

analogues. Pour les expliquer on ne saurait invoquer des lésions du genre

de celles décrites plus haut : ces dernières sont le résultat d'une pression

chronique. Il est donc, pour le moment, impossible de faire la part des

symptômes psychiques attribuables à la compression et celle de ceux qui

sont la conséquence des destructions anatomiques. L'examen du cer-

veau d'un malade trépané assez longtemps avant son décès fournira peut-

être des indications à ce sujet.

Enfin M. Redlich n'est pas partisan de la théorie qui rapporte les trou-

bles mentaux à des produits toxiques sécrétés en quelque sorte en ces tu-

meurs. C'est à la même conclusion que m'avaient conduit mes recher-

ches personnelles.

CONTRIBUTION A L'ETUDE

DE LA

PATHOGÉNIE~ DES NÉVROSES

PAR LE

D' L. LEFÈVRE

de Bruxelles.

La pathogénie des névroses est décidément un sujet qui me tient au

coeur. En janvier 1904, les Archives médicales belges ont publié sur

cette question et sous le même titre un long travail qui n'était lui-même

qu'une reproduction modifiée dans la forme et complétée des idées que

j'avais émises dans l'ouvrage « Les phénomènes du suggestion et d'auto-

suggestion », idées qui, elles-mêmes, commençaient à prendre consistance

dans des études insérées antérieurement dans le même périodique. Je me

propose de reprendre encore une fois le même sujet, en le traitant non

plus au point de vue physiologique, ainsi que je l'ai fait en 1904 dans le

travail cité plus haut et auquel je n'ai rien à retrancher, mais sous une

forme biologique. J'espère montrer que les deux théories si différentes

dans les termes se continuent l'une dans l'autre, font partie d'un seul et

même système et que la névrose reconnaît pour cause une modalité réac-

tionnelle spéciale de la matière vivante. La théorie biologique n'est qu'une

autre face d'une question qui présentait également un aspect physiolo-

gique. Les deux pathogénies s'enchevêtrent autant que la biologie et la

physiologie et, en donnant plus d'ampleur et de profondeur au sujet,elles

facilitent la compréhension des déductions, en même temps qu'elles aug-

mentent la valeur de l'hypothèse, en multipliant ses preuves.

Mais avant d'aborder le fond de la question et afin d'en écarter toute

altération dans la conception, je voudrais que chacun fût bien pénétré de

l'idée qu'il n'y a dans la nature que des phénomènes naturels et que

jamais un phénomène naturel n'est en soi anormal. Il est toujours la

conséquence logique et nécessaire d'un antécédent qui est sa cause. Dans

la nature, il n'y a rien de normal ou d'anormal, il n'y a que des états

naturels différents. Dans la nature, il n'y a pas de classifications et celles-

DE LA PATHOGÉNIE DES NÉVROSES 373

ci sont exclusivement le fait de l'homme qui, pour sa facilité et avec plus

ou moins de justesse, a tranché dans les phénomènes naturels pour les

séparer. La nature n'émet aucune appréciation ; c'est l'homme lui-même

qui juge et apprécie en se plaçant à son point de vue. Un phénomène

n'est anormal que par rapport à un autre considéré comme normal. Mais

c'est l'homme qui établit ces distinctions en rapportant tout à lui, en se

regardant comme le centre de l'univers. S'il était au pouvoir de l'anor-

mal d'établir des classifications, il renverserait les situations et envisagerait

comme anormaux les phénomènes qui, pour nous, rentrent dans la norme-

De même encore, il faut s'entendre sur le sens du mot pathologique.

Un microbe infectieux envahit un organisme humain, y rencontreun excel-

lent terrain de culture, y est si heureux et prospère si bien qu'il occasionne

la mort de son hôte. Au point de vue humain, c'est un cas pathologique,

mais, au point de vue des microbes, cette ère d'abondance et de suracti-

vité ne peut nullement être considérée comme étant de nature morbide.

Celui qui considère cette lutte sans prendre le parti de l'homme ou celui

des germes infectieux, se trouve dans l'impossibilité de caractériser cette

situation autrement qu'en l'appelant un état naturel, une occurrence qu'on

rencontre dans la nature. L'anomalie et la pathologie ne sont pas en soi

des phénomènes aberrants, irréguliers, funestes ; ce sont des états natu-

rels qui coexistent, en état d'indifférence, d'affinité ou de répulsion, avec

d'autres états naturels et, pour les qualifier d'aberrants ou de funestes, il

faut prendre un terme de comparaison et, comme c'est l'homme seul qui

décidait, il s'est choisi lui-même et il a bien fait.

Toute la question est de bien s'entendre sur la valeur des mots. Il ne

s'agit donc pas ici de critiquer des classifications humaines, mais d'en faire

ressortir le caractère de contingence. Bien qu'elles conduisent parfois à

des conceptions désastreuses de la nature, comme celle de la division delà

nature en trois règnes qui empêche d'apercevoir la continuité des phéno-

mènes, elles sont utiles et, certain point de vue, logiques. Mais je pense

aussi qu'il est nécessaire de rappeler de temps à autre ce que valent exac-

tement ces distinctions, afin d'éviter le développement d'idées faussées

par une conception inexacte des réalités. Il està craindre en effet qu'elles

n'acquièrent, en passant dans la conversation courante, une signification

absolue que ni la réflexion ni le langage scientifique qui doit être précis,

ne permettent de leur accorder. C'est ainsi qu'en se prenant, en toutes

circonstances, comme terme, principal de comparaison ou comme centre

de l'univers, en appréciant toutes choses à son point de vue, l'homme en

arrive tout naturellement à s'attribuer une importance exagérée et à ne

plus se figurer aisément qu'il n'est, comme tout le reste,qu'un accident

dans la nature, une production naturelle.

374 L. LEFÈVRE

' Le langage fausse le jugement et la tradition fait verser dans l'erreur.

Les organes ne se sont pas formés dans le but de donner la vie,mais la vie

est une résultante du fonctionnement des organes. Le raisonnement froid

et judicieux ne fait découvrir chez l'être vivant aucune prédestination.

Que son organisme entre en lutte avec un poison, une toxine ou un mi-

crobe ou qu'il soit victime d'un traumatisme, on n'assiste jamais qu'à un

combat entre deux ou plusieurs éléments ! Les ennemis de la matière vi-

vante n'ont aucun respect pour la matière vivante humaine. Elle subit,

au même, titre que les matières animales ou végétales, les assauts des élé-

ments et, après le combat, qu'elle soit vaincue ou victorieuse, sa condition

nouvelle est la résultante mathématique de l'ensemble des forces qui sont

entrées en jeu. Les états de la matière humaine varient donc au gré du

déterminisme de l'existence. En soi, elle n'est jamais malade ni souffrante,

elle ne connaît que des successions d'états physico-chimiques, tous logi-

ques, tous naturels, parce que déterminés. Tant pis, si un état déterminé

de la matière vivante composante, lié à l'état de santé et au bien-être de

l'individu composé, vient à se modifier défavorablement par apport d'un

élément hétérogène. Ce changement retentira douloureusement, maladi-

vement ou mortellement sur l'ensemble de l'organisme, homme, animal

ou plante et tout sera dit. Un état aura succédé à un autre ; ce que le pre-

mier peut avoir perdu, le second l'aura gagné. Pour l'indifférent qui con-

sidère les péripéties des réactions réciproques des éléments en présence,

la condition conséquente vaut autant que l'antécédente ; l'équilibre de la

nature n'est pas rompu. C'est en se rapetissant que l'homme s'élève et

grandit. Pour comprendre la théorie biologique de la pathogénie des né-

vroses, il sera peut-être avantageux de savoir, en certaines circonstances,

raisonner en indifférent et non pas en homme.

I

Bien que la formule de la matière vivante ne nous soit pas encore en-

tièrement connue, les milieux scientifiques considèrent actuellement la

vie comme un équilibre physico-chimique en perpétuel état d'instabilité

c'est-à-dire de mouvement. Un agrégat de corps inanimés réuni en com-

binaison telle que la molécule se décompose et se reconstruit constam-

ment, voilà la vie. Ces changements perpétuels de l'édifice moléculaire ne

se produisent pas spontanément, mais sous la pression des excitations

thermiques, chimiques, mécaniques, lumineuses ou électriques du milieu

ambiant.

La vie élémentaire, de cellulaire qu'on la croyait d'abord, tend de plus

en plus à devenir moléculaire, mais il nous importe peu en ce moment.

Si nous supposons un élément de vie, nous devons considérer d'une part

DE LA PATHOGÉNIE DES NÉVROSES 375

son état structural, sa configuration chimique et, d'autre part, le milieu

qui retentit sur lui à chaque instant et avec lequel il fait des échanges

incessants (assimilation et désassimilation). Entre les éléments en pré-

sence, il y tout un ensemble d'actions et de réactions. Séparé de tou mi-

lieu, isolé dans la nature, l'élément de vie mourrait aussitôt, parce qu'il

cesserait de recevoir les excitations qui lui donnent le mouvement, la vie,

en provoquant des changements dans son édifice moléculaire. La mort est

donc la transformation d'une combinaison chimique instable en une au-

tre stable ; la mort est la cessation du mouvement. L'introduction dans

la structure vitale d'un élément hétérogène ou la suppression des excita-

tions de l'ambiance suffisent à la déterminer.

La formule de la vie n'est pas une. Ainsi, pour ne prendre des exem-

ples que dans les espèces animales, nous connaissons les tissus musculai-

res, glandulaires et nerveux, différents d'aspect et de fonction el nous

pouvons en conclure que la formule de la matièle vivante varie dans cer-

taines limites, dans les limites vitales et que,à toute modification de com-

position, peut correspondre un changement d'aspect et de fonction. Nous

ne sommes pas autorisés à dire que toute variation dans la structure chi-

mique est suivie de modifications correspondantes dans l'aspect et dans la

fonction ; nous pouvons croire, au contraire, et il est même certain qu'il

existe tel ou tel changement de composition qui ne s'accompagnent que de

modifications, non pas même dans la fonction,mais dans l'action, qui con-

ditionnent les variations dans la fonction.

Cette nouvelle conception de la vie nous éloigne quelque peu de la

vieille théorie de la force vitale, à laquelle personne n'a jamais rien com-

pris et qui, pour toute explication, se bornait à mettre un mot à la place

d'une chose.

L'être vivant est un composé extrêmement complexe et il a fallu, pour

le comprendre, le décomposer en ses parties et rechercher la vie élémen-

taire. On a donc trouvé successivement des organes, des tissus, des cellu-

les et peut-être des molécules intracellulaires. En étudiant ainsi la vie

dans son expression la plus simple,on a pu acquérir des connaissances fort

précieuses sur ses caractères et son fonctionnement et on est en droit d'en

étendre la portée en les appliquant successivement aux tissus, aux orga-

nes, aux individus, puisque chacune de ces individualités particulières

est formée exclusivement de cellules ou de molécules. La biologie et la

physiologie cellulaires sont la base de la biologie et de la physiologie géné-

rales. En conséquence, pour avoir une vue générale, philosophique de la

nature humaine, on.doit faire abstraction des quelques trillons de cellules

dont elle est formée et la considérer comme étant, soit une grosse cellule^

soit une juxtaposition de quelques grosses cellules-correspondant à ses

376 L. LEFÈVRE

principaux organes et auxquelles on applique tous les attributs de la vie

microscopique et ultramicroscopique.

La matière vivante est plastique ; elle s'adapte aux excitations nouvelles

qui lui viennent du milieu;ambiant; elle s'accommode aux changements de

conditions, elle se moule sur les nécessités. Placée dans une situation nou-

velle, la matière vivante s'y habitue, s'y adapte ou meurt. Cette proposi-

tion mille fois démontrée, contrôlée sans cesse par l'expérience, est absolu-

ment certaine. Sans cette propriété de la matière vivante, la théorie de l'é-

volution des espèces et de leur lente transformation les unes dans les autres,

en faveur de laquelle la science a accumulé tant d'irréfutables arguments,

serait privée de sa base la plus indispensable et s'écroulerait lamen-

tablement.Sans remonter si haut, nous avons journellement sous les yeux,

en médecine, des exemples éloquents de cette plasticité de la matière et

je cite au hasard l'emphysème vicariant, l'hypertrophie cardiaque com-

pensatrice, la dilatation des canaux en avant des rétrécissements, la forma-

tion de bourses séreuses nouvelles dont l'effet est d'amortir des pressions

inaccoutumées (port de sabois), l'apparition de durillons aux mains des

travailleurs, etc., Les téguments d'une plante transportée dans un climat

plus froid s'épaississent généralement et deviennent plus résistants.

La structure de la matière vivante, son équilibre physico-chimique sont

donc conditionnés, dans les limites de la variabilité bien entendu, par

des influences extérieures. Chacune des excitations a son action propre et

l'édifice moléculaire vivant est une résultante de l'ensemble des actions

de ces excitations. Chaque variation dans la nature ou le degré de la force

excitatrice s'accompagne d'une modification corrélative dans la structure

intime du protoplasme. Nous sommes en droit d'affirmer l'existence de

ces changements cellulaires, puisque leurs effets additionnés aboutissent

à des variations parfaitement perceptibles ; nous pouvons même déclarer

qu'ils sont de nature physico-chimique, puisque le champ de la physique

et de la chimie comprend toute l'étendue des phénomènes naturels, mais

nous ignorons encore leurs caractères intimes, la formule de l'équilibre

physico-chimique propre a chacun d'eux.

La matière vivante réagit donc. en présence d'une excitation ou d'un

ensemble d'excitations données et toute réaction est un changement plus

ou moins durable de l'organisme cellulaire ou moléculaire. L'excitation

impressionne l'organisme élémentaire, y laisse sa trace plus ou moins per-

sistante, y imprime son empreinte. Chaque excitation ayant son empreinte

spécifique, celle-ci peut être considérée comme étant une photographie

organique ou un équivalent physiologique de la cause qui la produit. Il y

(1 entre les deux phénomènes un tel enchaînement nécessaire que, si l'effet

DE LA PATHOGÉNIE DES NÉVROSES 377

pouvait être reconnu dans la structure organique, il serait possible de

remonter immédiatement à la cause.

En vertu de la propriété d'inertie de la matière, même de la matière '

vivante dont le mouvement est, non pas spontané, mais provoqué, la mo-

dification de l'équilibre organique adéquate à l'excitation, son empreinte,

persistera indéfiniment, si aucune force ou aucune force assez puissante

ne vient en annihiler les effets. Cette trace, cette empreinte' laissée dans

l'organisme cellulaire, constitue pour celui-ci un souvenir de l'excitation.

Il y a là un phénomène de mémoire élémentaire. L'effet persiste même

après que la cause a cessé d'agir et aussi longtemps qu'il ne se produit pas

d'excitation nouvelle directement contraire ou opposée. Les excitants indif-

férents, tout en ayant leur répercussion normale, restent sans action sur

l'empreinte, puisque, par définition, ils n'ont avec elle aucun rapport

d'affinité. La vie est un phénomène extrêmement complexe et il n'y a que

la pensée qui puisse nous faire entrevoir l'enchevêtrement des faits dont

les effets s'additionnent, se soustraient, se multiplient, se neutralisent ou'

coexistent et dont nos sens nous fournissent seulement les rudiments.

Mais l'empreinte ne peut se former ni subsister sans une modification

quelconque de l'équilibre physico-chimique de l'organisme élémentaire.

Après avoir subi l'excitation, celui-ci n'est plus dans un état identique à

celui qui existait avant que la force modificatrice n'ai fait sentir ses

atteintes. Du moment que l'on admet l'action de l'excitation, son effet

doit consister en un changement petit ou grand, visible ou invisible de

l'équilibre matériel. Il est rationnellement impossible de concevoir qu'il

puisse en être autrement.

Or, nous savons que les propriétés différentes de la matière vivante

sont liées à des structures différentes. Deux cellules absolument identiques

doivent exercer les mêmes effets. Des propriétés différentes doivent néces-

sairement relever de compositions différentes. Nous pouvons donc conclure

que notre organisme élémentaire, modifié dans sa composition par la force

excitatrice, l'est aussi dans ses propriétés. Il continuera à vivre certaine-

ment, puisque l'effet s'est exercé dans les limites vitales ; il continuera

également à remplir la même fonction, puisque nous n'envisageons pas

ici les conditions de lemps et d'excitation nécessaires pour obtenir des chan-

gements aussi considérables, mais la fonction elle-même aura subi une

variation petite ou grande, utile ou nuisible au point de vue de l'être

composé, mais toujours en rapport avec la nature de la force excitatrice.

L'organisme élémentaire réagit à l'excitation en se modifiant conformé-

ment à la nature de celle-ci ; il s'y adapte et s'y plie. Parmi les excitations

qui peuvent l'atteindre, les unes sont habituelles et n'y apportent pas de

changement, puisque re sonl elles précisément qui ont déterminé et qui

.\\( 23

378 ' L. LEFÈVRE

maintiennent son équilibre actuel ; les autres sont inaccoutumées et con-

ditionnent des modifications variables en étendue et en durée suivant les

circonstances de milieu. En modifiant si peu que ce soit son genre de vie,

en s'adaptant à une nécessité nouvelle, on peut donc dire que l'être élé-

mentaire a contracté une habitude nouvelle dont la persistance dépendra

des conditions extérieures ou intérieures.

Si nous supposons que l'excitation inaccoutumée a fait sentir son action,

non pas d'une manière passagère ou faible, mais puissamment ou longue-

ment, il va sans dire que, toutes choses égales d'ailleurs, elle marquera

son empreinte d'une façon plus profonde dans l'organisme élémentaire,

que celui-ci se pliera de plus en plus à la condition nouvelle et que l'ha-

bitude dont il contracte le germe aura une tendance à s'enraciner davan-

tage et à devenir de / 'aptitude en pénétrant davantage dans l'organisation.

Nous pouvons même aller plus loin et dire que cette habitude aura pour

effet de maintenir l'être cellulaire ou moléculaire dans les conditions où il

se trouvait au moment où il recevait l'excitation modificatrice.Il est toujours

sous le coup de son influence bien qu'elle ait cessé de faire sentir son action.

Elle n'agit plus directement, mais elle a laissé dans la matière vivante une

trace, une empreinte qui en est la photographie ou l'équivalent physiolo-

gique et qui, en somme, la représente. L'excitation directe et l'empreinte

organisée et vivante ne constituent qu'une seule et même force,mais la pre-

mière est actuelle, tandis que la seconde est potentielle. L'être élémentaire

vit en perpétuel conflit ; il y a lutte incessante entre les directions qui lui

sont imposées par sa constitution héréditaire ou acquise et celles que lui

assignent les excitations inaccoutumées.

L'organisme animal réagit en présence d'une toxine microbienne et

élabore l'antitoxine qui en neutralise les effets. La toxine est, depuis long-

temps, éliminée par les -émonctoires ou modifiée dans sa composition et

rendue inerte que les cellules continuent, par habitude, à élaborer le

contre-poison, ou, tout au moins, conservent l'aptitude à le produire en

abondance à la première excitation et confèrent ainsi à l'être composé une

propriété nouvelle, l'immunité. Grâce à l'empreinte qui est agissante,

parce qu'elle est vivante, l'organisme élémentaire continue donc ou per-

pétue une situation dans laquelle il s'est trouvé antérieurement. Sa vie

ultérieure est une reproduction de toutes les particularités de sa vie anté-

rieure dont les traces n'ont pas été effacées ou neutralisées. Sauf circons-

tance empêchante ou contrariante, la modalité vitale une fois imposée se

continue automatiquement, qu'elle soit favorable ou défavorable à l'être

composé. Toutes choses égales, les réactions vitales maladives survivent

biologiquement aux conditions qui les ont fait naître, au même titre que

la réaction de protection de l'élaboration persistante de l'antitoxine.

DE LA PATHOGÉNIE DES NÉVROSES 379

La vie complexe n'est qu'un assemblage de vies élémentaires en union

harmonique et sympathique. L'être complexe qui n'est qu'un édifice

d'êtres élémentaires, contracte les habitudes et acquiert les aptitudes de ses

composants et ses actes ne sont que les manifestations visibles de leurs

propriétés. Ce n'est qu'en agissant sur ces infiniment petits que l'on mo-

difie le relativement grand qui n'est qu'une construction de petits et qui

n'a d'unité que dans leur réunion intime.

On connaît les habitudes et les aptitudes dans l'espèce humaine. On a

même dit avec beaucoup de raison et beaucoup plus de profondeur qu'on

ne le croyait sans doule que l'habitude invétérée était une seconde nature.

La vie se passe, pour ainsi dire, à poser des actes habituels que l'on exé-

cute machinalement. On ne peut pas s'observer pendant quelque temps,

sans se découvrir quantité de mouvements que l'on n'a pas expressément

commandés et qui parfois, n'ayant pas d'utilité, nesontqued'irréfutables

manifestations de l'habitude, tel celui de passer la main au-dessus d'un

poële sans feu. Tout mouvement effectué une ou plusieurs fois a une ten-

dance à se reproduire automatiquement, lorsque se reproduisent les cir-

constances qui l'ont provoqué une première fois. Et tous ces mouvements

habituels ne représentent pas toujours des actes utiles comme par exemple

celui de mettre ses bottines en pensant à toute autre chose ; mais parfois

indifférents, comme celui de tremper son crayon dans l'encrier; d'autres

fois blâmables comme celui de l'enfant qui met les doigts dans le nez

ou se ronge les ongles ; d'autres fois encore ridicules, pénibles ou néfastes

comme ceux de grimacer sans cesse (tic), d'autoriser la présence d'une

obsession ou de boire à l'excès. Il y a très peu de volonté mûrie et rél1é-.

chie dans les actes humains et énormément d'automatisme c'est-à-dire

d'habitude. La volonté qui se met au service des passions ou qui est l'es-

clave des idées, ne mérite pas ce nom. L'exécution d'un simple mouve-

ment fournit une somme considérable d'excitations qui vont se répercuter

dans les profondeurs de l'organisme et assouplir la matière dans une di-

rection déterminée.

Insensiblement, nous avons pénétré dans le domaine de la névrose. Ces

enfants qui se rongent les ongles et ces hommes qui s'enivrent sans pou-

voir résister à leur passion, tous ces obsédés, tous ces tiqueurs sont déjà

des névrosés, si je ne me trompe. On voit donc immédiatement qu'entre

l'activité normale et certaines manifestations névrosiques, il n'y a pas de

différence de nature, mais une simple variation dans le caractère ou dans

l'intensité. Toutes les deux sont des produits, je ne dis pas physiologiques

pour qu'on ne se méprenne pas sur le sens de cet adjectif, mais logiques

de l'activité cellulaire. C'est le caractère blâmable, nuisible ou néfaste de

380 . t. LEFÈVRE . '

certaines manifestations naturelles et aussi, parfois, leur intensité- anor-

male qui leur ont fait attribuer l'épithète de névrosiques. N'est-ce pas dans

une modalité réactionnelle de la matière vivante, dans sa manière d'être

habituelle liée à sa constitution intime, qu'il faut chercher l'origine des

crises convulsives ? Entre le calme le' plus complet et la convulsion la

mieux caractérisée n'observe-t-on pas toute une gamme de transitions qui

comblent la distance qui sépare ces manifestations vitales si dissemblables

et les unifient ? L'émotivité exagérée n'est-elle déjà pas une ébauche de

convulsion ?

Toute impression subie par l'organisme marque son empreinte dans la

matière et tend à se perpétuer biologiquement, même longtemps après

qu'elle a cessé de faire sentir son action. Il importe peu qu'elle soit, à

notre point de vue, physiologique ou pathologique, qu'elle conditionne

ce que nous dénommons des qualités ou des défauts. Les êtres,élémentaires

ou complexes,ne peuvent s'empêcher de réagir aux excitations qui les atta-

quent de toute part, quelles que puissent en être les conséquences.

Dès lors, de même que la répétition d'un mouvement, d'une attitude ou

d'une occupation crée une habitude et ultérieurement une aptitude, de

même les maladies organiques qui s'emparent d'un organisme développent

en lui des habitudes et des aptitudes nouvelles et leurs symptômes doivent

avoir une tendance à se perpétuer biologiquement, même lorsque la cause

a disparu et que la lésion organique est guérie. En conséquence, des affec-

tions n'ayant primitivement aucun caractère névrosique, comme des gas-

trites, des entérites, des bronchites, des impotences, d'origine toxique,

infectieuse ou traumatique, ont une propension à survivre biologiquement,

psychiquement pour employer mon vieux terme, aux causes qui les avaient

fait naître et, d'organiques qu'elles sont, tendent à devenir fonctionnelles

et à se transformer en névrose. Que de diarrhées rebelles, de troubles

dyspeptiques persistants, de toux tenaces, de douleurs incompréhensibles

et d'impotences inexplicables semblent n'être que la continuation psychi-

que, biologique des troubles organiques qui les ont précédés et dont l'être

complexe ne guérit pas, parce que ses organismes élémentaires ont con-

tracté des habitudes qui peuvent s'invétérer au point de devenir une se-

conde nature.

L'être cellulaire ou moléculaire ne souffre pas de ses propriétés nou-

velles, parce qu'il n'est plus lui-même et qu'il s'est transformé en un

autre jouissant de modalilés réactionnelles différentes et l'homme,

produit de juxtaposition de tous ces organismes cellulaires, ne souffri-'

rail pas non plus du changement survenu en lui, s'il avait été modifié'

dans toutes ses cellules en même temps et s'il n'avait pas conservé la

mémoire de son état antérieur. S'il pouvait se transformer totalement

DE LA PATHOGÉNIE DES NÉVROSES 381

comme le font ses composants ou si tous ses composants pouvaient subir

en même temps des modifications corrélatives, il deviendrait une autre

espèce d'homme et serait sur le même pied que les plantes dont on change

les caractères en les transportant dans un autre milieu, c'est-à-dire en les

soumettant à des excitations inaccoutumées.

Il n'est pas toujours avantageux de penser en homme et il est grand et

digne de savoir, à l'occasion, tenir vis-à-vis des autres et de soi-même les

raisonnements que l'on applique aux plantes et aux animaux. Les effets

pathologiques produits sur l'organisme complexe par les excitations qui

l'entourent, n'importent donc qu'au point de vue humain. Considérés dans

la nature, sans parli-pris et sans faiblesse, ils sont logiques et naturels.

Nous sommes les sujets et parfois les victimes des forces naturelles dont

nous subissons l'empire. Le D" Liébault dont le nom brille avec éclat clans

le ciel de la suggestion rapporte, et je cile de mémoire, qu'un jour, en

mangeant des cerises, un noyau s'enchâssa quelques instants dans le pha-

rynx et détermina, en même temps qu'une vive émotion, une constriction

violente des parois musculaires. Vingt ans plus tard encore, il ne pouvait

plus manger ce fruit ou prendre un aliment quelque peu consistant, sans

ressentir la même constriction douloureuse du pharynx.

Un autre médecin de ma connaissance eut, en certaine'circonstance, à

contenir un besoin urgent d'uriner, en contractant le sphincter anal. Le

lendemain et pendant une huitaine de jours, il surprenait constamment son

sphincler en état de contraction pénible et, bien qu'il le relâchât volon-

tairement, l'autre se resserrait automatiquement, dès que l'attention était

détournée de lui. Il avait déjà pris l'habitude du resserrement spasmodi-

que. Ne sont-ce pas là des phénomènes névrosiques et combien de mil-

liers de semblables dont on méconnaît journellement la nature ? Entre

eux et d'autres plus éclatants, qu'y a-t-il, si ce n'est une différence d'in-

tensité et de caractère ? De même que pour connaître la vie, il faut

l'étudier dans son expression la plus élémentaire, de même pourcompren-

dre la névrose, il est peut-être nécessaire de discerner ses manifestations

les plus simples.

II

Les effets réactionnels de l'être élémentaire ou complexe sous l'effort

modificateur des excitations ambiantes peuvent se résumer en ummot,

l'adaptation.Toutes les modifications visibles ou invisibles ont pour résul-

tat et non pour but, d'accommoder, d'adapter la matière vivante à ses

conditions d'existence et de rendre sa vie possible dans la situation

où elle se trouve, en la forçant à se plier aux nécessités. Du reste, la

constitution de la matière ne permet pas qu'il en soit autrement et la

382 L. LEFÈVRE

connaissance de sa structure physico-chimique ne laisse pas le moindre

moyen de concevoir des manifestations vitales dans d'autres conditions.

Parmi les formes d'adaptation dont la nature nous offre le spectacle

journalier, nous avons à envisager plus spécialement ici ce que j'appel-

lerai l'imitation du milieu. On s'y adapte aussi bien en devenant sembla-

hle à lui qu'en se protégeant contre ses causes d'offense et de mort ou en

acquérant la structure morphologique qui donne le meilleur rendement

dans la condition d'existence envisagée. Déjà tantôt, nous avons vu que

certains mouvements, attitudes ou occupations, que certains troubles,

douleurs ou symptômes s'imprimaient dans la matière en y développant

leur équivalent organique et devenaient habituels, lorsque les excita-

tions dorit ils étaient les effets prenaient naissance dans l'organisme et

s'y déployaient, soit par maladie, soit par répétition physiologique. Pour

distinguer arbitrairement ce cas du suivant avec lequel se confond en

réalité, nous dirons qu'il y a eu imprégnation de l'organisme par les exci-

tations modificatrices, tandis que, dans le second, celles-ci l'atteignent plus

superficiellement en apparence et semblent plutôt le traverser ou y être

de passage.

En analysant la nature de , l'habitude, on s'aperçoit qu'elle consiste

dans la répétition de quelque chose, mouvement ou symptôme qui a

existé auparavant, qu'il y a similitude complète entre la condition précé-

dente et l'état suivant et que celui-ci est une imitation et, en somme, une

reproduction de la première. En conséquence, la survivance, à l'état de

névrose, des affections organiques après la guérison de leurs lésions, aussi

bien que la tendance à la perpétuation des mouvements exécutés une

première fois, sont des répétitions, des reproductions, des imitations bio-

logiques de leurs conditions déterminantes. Ainsi, par exemple, le trou-

ble dyspeptique survivant biologiquement à la gastrite est de la gastrite

devenue, habituelle, une imitation de gastrite, une reproduction de ses

symptômes. Un mouvement habituel n'est qu'une répétition du mouve-

ment originel devenu d'une exécution plus facile et, en apparence, spon-

tanée.

Mais pour produire ces phénomènes d'imitation qui constituent ainsi

des pouvoirs cellulaires, l'organisme n'a nullement besoin d'être imprégné

d'excitations provocatrices développées dans son intérieur,il suffit qu'elles

soient en dehors de'lui, mais en contact avec lui. Pour une même quan-

tité d'un même excitant , l'impression dans l'être cellulaire et globalement

dans l'être complexe ne change pas, soit qu'on le considère comme for-

mant atmosphère aulour de l'organisme, soit qu'on le suppose évoluant

dans son intérieur. La matière s'en imprègne secondairement et, du reste,

l'imprégnation primaire a commencé par être extérieure.

DE LA PATHOGÉNIE DES NÉVROSES 383

Représentons-nous bien que tout phénomène naturel est excitateur

et, par conséquent, modificateur de la vie à cause de ses propriétés chi-

miques, mécaniques, thermiques, lumineuses ou électriques qui résument

tous les modes d'excitations connus et, d'autre part, que nous ne prenons

connaissance du monde extérieur que par l'intermédiaire de nos organes

des sens. C'est grâce à leur qualité d'excitants que les phénomènes natu-

rels impressionnent nos sens et les objets ne nous sont connus que parce

qu'ils détiennent une portion de la masse d'énergie chimique,mécanique,

thermique, lumineuse ou électrique universellement répandue. Nous ne

les percevons pas en eux-mêmes,mais dans les manifestations énergétiques

qui en émanent et qui les représentent. Un spectacle naturel, un phéno-

mène morbide extérieur, une physionomie humaine, un livre imprimé,

un discours, un serrement de mains ne sont, individuellement et ensem-

ble, que des juxtapositions, des combinaisons, des enchevêtrements, des

sommes d'excitants. Nous ne les percevons qu'en tant qu'excitant et, s'ils

perdaient leur pouvoir énergétique, nous les ignorerions complètement.

Les phénomènes naturels c'est-à-dire le monde extérieur influencent donc

l'organisme comme le ferait un rayon de lumière ou un simple bruit, avec

cette seule différence que l'ensemble des excitations qui en émanent sont

représentatives d'une plus grande complexité d'éléments, mais elles cons-

tituent également des équivalents et fournissent des photographies inté-

rieures, des idées.

En conséquence, les phénomènes naturels les plus complexes peuvent

être décomposés en leurs modalités énergétiques. Leur ensemble condi-

tionne la vie élémentaire et composée, en modifiant son équilibre physico-

chimique, comme le ferait une excitation simple et engendre l'habitude,

l'imitation. La complexité de la cause détermine seulement une plus grande

complexité de l'effet. A un moment donné, la statique humaine est la ré-

sultante de l'enchevêtrement des excitations qui l'assaillent et elle perdu-

rera sans changement aussi longtemps que celles-ci ne subiront pas de

modification. Mais si l'une d'elles augmente en intensité ou si une nou-

velle venue ajoute son action sans être compensée, elles rompent l'équili-

bre et déterminent une direction de mouvement conforme à leur nature.

Examinons avec un peu plus de détails les effets des excilations simples

ou complexes et extérieures, non pas sur l'être cellulaire ils viennent

d'être étudiés et trouvés identiques absolument à ceux des excitations sim-

ples ou complexes mais intérieures, puisqu'ils conditionnent comme elles

des phénomènes d'imitation et d'habitude mais sur l'individu complet

formé d'une juxtaposition de cellules qui sont entre elles dans un rapport 't

de dépendance ou d'interdépendance. Pour ne pas trop allonger ce tra-

vail, nous n'envisagerons qu'un seul sens, celui de la vue, par exemple.

H84 T. LEFÈVRE

et un seul phénomène extérieur, une altitude de bras, c'est-à-dire un geste

et, pour plus de simplicité encore,nous supposerons que l'objet considéré

n'impressionne pas d'autre sens que celui de la vue. -

Le geste détient une portion de l'énergie lumineuse universelle, grâce

à laquelle il lui sera possible d'actionner l'organe visuel dans ses cellules

composantes, en modifiant leur équilibre physico-chimique. Entre le bras

en position et l'oeil, court une certaine somme de vibrations lumineuses

absolument personnelles au geste considéré et qui en constituent, par

conséquent, un équivalent mécanique. Geste et vibrations ne sont qu'une

seule et même chose, puisque nous ne pouvons pas voir le geste en lui-

même, mais seulement les vibrations lumineuses qu'il émet et qui nous

donnent le sentiment de son existence en dehors de nous. Arrivée sur la

rétine, l'impression sensorielle, c'est-à-dire les vibrations adéquates au

geste, parcourt le nerf optique pour atteindre son noyau d'origine, sons

forme d'oscillations spécifiques du courant nerveux, de vibrations nerveu-

ses qui constituent ainsi un équivalent physiologique de l'équivalent mé-

canique qui lui-même est le geste, de telle façon que celui-ci est déjà pro-

longé, en quelque sorte, jusque dans les centres nerveux.

Le mouvement de propagation ne s'arrête pas là ; nous n'avons encore

considéré que la première partie de l'arc réflexe, son extrémité sensitive

et les répercussions vont seulement commencer a produire. Il a été constaté

expérimentalement que le plus petit bruit modifie la circulation, que le

moindre exercice de calcul fait affluer le sang dans l'encéphale, etc., etc. (1).

L'étude de la physiologie nous a, du reste, donné une idée de la multi.

tude des actions réflexes successives, combinées et enchevêtrées dont l'or-

ganisme est, à tout instant, le siège et le support et qui sont les consé

quences rigoureuses et logiques de la vie intérieure et extérieure.

Nous pouvons donc dire, en étendant philosophiquement la portée de

quelques détails physiologiques signalés en raccourci, que le geste consi-

déré ou tout autre excitant va, suivant sa nature et par action réflexe,

rétrécir ou dilater la pupille, diriger l'oeil dans l'une ou l'autre direction,

déterminer une expression de physionomie, agir sur la circulation, exci-

ter une fonction glandulaire, modifier l'étal de tension des muscles et

provoquer des attitudes d'attaque ou de défense, en un mot conditionner

une configuration intérieure et extérieure, un aspect physiologique qui

lui est propre. Cet équilibre nouveau et absolument personnel, puisqu'il

doit varier en étendue et en nature avec l'intensité et la nature de l'exci-

tant, constitue un équivalent toujours physiologique, mais qu'on pourrait

appeler organique pour le distinguer du précédent, de l'excitation consi-

(1) FÉnH : , Sensation et mouvement; - Mosso, La peur.

DE LA PATHOGÉNIE DES NÉVROSES 385

dérée, du geste dans le cas présent. Le dernier état, l'équivalent organi-

que est égal à l'équivalent physiologique, lequel est égal à l'équivalent

mécanique qui se confond lui-même avec le phénomène extérieur, de

telle sorte que celui-ci a son empreinte, son état correspondant, son portrait t

organique dans les profondeurs de l'être complexe. Par une série de

transformations de l'énergie, ce qui était extérieur est devenu intérieur.

Ainsi donc un phénomène quelconque est personnellement représenté

par une configuration physiologique dans l'individu complet et par un

aspect physico-chimique dans l'être cellulaire. Signalons ici, parce que

cette connaissance peut avoir de l'importance par la suite, que l'objet et

sa représentation mentale,son idée doivent correspondre à la même confi-

guration physiologique et au même aspect physico-chimique ; que l'idée

d'un objet et cet objet déterminent la même condition organique, ce qui

revient à dire que les termes idée et sensation sont synonymes, énern6-

tiquement équivalents. La pensée que l'on dépose sous forme de vibra-

tions sonores dans le récepteur téléphonique et l'idée que l'on reçoit à

l'appareil correspondant ont, toutes deux, pour équivalent mécanique,

les vibrations qui courent le long dû fil.

Je n'ai pas parlé de l'action modificatrice des influences morales, parce

qu'elles se résolvent, à l'analyse, en excitations purement physiques sem-

blables à toutes les autres. Le moral n'est que du physique méconnu. Il

est rationnellement impossible de concevoir que les influences morales

puissent impressionner la matière vivante, sans être une forme de l'exci-

tation. Le domaine de la physique et de la chimie s'étend à la nature

entière sans exception ni restriction et comprend, par conséquent,les faits

d'intellectualité et de sentiments (9). Une physionomie humaine em-

preinte de tristesse ou de joie n'a pas le même pouvoir énergétique que

le calme ou la colère, parce que les vibrations lumineuses qui en éma-

nent, que nous percevons et qui en constituent les équivalents, n'ont pas

les mômes caractères et s'impriment différemment dans la matière.

La peur, ce sentiment si répandu dans les espèces animales,n'est qu'une

forme de l'énergie extérieure qui s'est incrustée dans la matière vivante

et en est devenue partie intégrante et si bien ancrée dans la constitution

qu'elle se transmet par hérédité. Nos ancêtres ont tellement tremblé que

nous tremblons encore,mais plus ou moins. C'est une force actuelle trans-

formée en force potentielle et dont l'énergie est mise en liberté sous l'in-

fluence d'excitations appropriées. Les états d'âme sont si peu du moral et

si bien du physique qu'ils ont chacun leur physionomie spéciale. Ils sont

(1) D' L. LeFi'vRr, Du mode de transmission des idées, 1 broch. (Weissenbruck.

éditeur, Bruxelles) ; D' L.Lefèvue, Les échelons de l'intellectualité,1 1 broch,(Severeyns,

imprimeur, Bruxelles).

386 L. LEFÈVRE -

si bien mécaniques qu'on peut les faire naître à volonté, en imprimant à

l'organisme les attitudes correspondantes, ainsi que l'ont prouvé de nom-

breuses expériences d'hypnotisme. L'attitude fait naître l'idée qui lui est

adéquate. Et tout est si bien mécanique et si bien enchaîné que l'expres-

sion d'un sentiment quelconque reproduite par une partie du corps se

propage automatiquement il toutes les autres. Quand on place les bras

d'un sujet hypnotisé dans l'attitude de l'adoration, les jambes se mettent

à genoux pour ainsi parler. Quand la pensée est en colère, l'organisme

depuis les cheveux qui, d'après les poètes, se dressent sur la tête, jusqu'aux

orteils qui se contractent pour l'attaque, tous les organes vibrent à l'unis-

son et se mettent également en colère, puisqu'ils en prennent l'expres-

sion. Se représente-t-on bien la formidable quantité d'actions réflexes

nécessaires pour produire une telle révolution intérieure ?

L'analogie est parfaite entre le fonctionnement de l'être cellulaire et

celui de l'individu complet. L'un et l'autre, mais chacun à sa façon, en

utilisant ses moyens, ne sont que des images en chair, des configurations

organiques du milieu extérieur dont la matière vivante n'est ainsi que le

reflet. Aux pôles, les animaux sont généralement blancs comme la neige

qui les entoure ; dans les déserts, leur extérieur a généralement une teinte

fauve qui s'harmonise avec la coloration des terrains sablonneux qui for-

ment leur habitat. Dans tous les cas de mimétisme, je ne puis voir que

des effets du pouvoir cellulaire. En vertu des propriétés de la matière

vivante, le milieu se peint dans les êtres qu'il contient et marque son

empreinte dans tout ce qui est assez malléable, assez vivant pour la rece-

voir.

Mais l'analogie entre les fonctionnementsélémentaireset complexes n'est

pas limitée à la photographie en chair du milieu extérieur, à cette forme

passive de reproduction ; entre les deux, il y a même identité quant aux

effets, sinon quant aux moyens. Du moment que nous avons remarqué

que le fonctionnement cellulaire engendre des phénomènes d'habitude et

d'imitation, nous pouvons légitimement conclure de ce fait que le fonc-

tionnement de l'individu complet jouit de la même propriété. La faculté

de reproduction n'est pas seulement passive et limitée à la formation d'un

équilibre organique qui constitue une empreinte,une peinture physiologi-

que de l'excitation externe et lui est énergétiquement équivalente ; elle

est active et reproduit, reforme cette excitation, en créant l'habitude et

l'imitation, du moment,bien entendu, que la nature de l'excitant se prête

à une telle transformation. Ainsi donc, en vertu du pouvoir cellulaire et

inhérent à la matière vivante, l'homme qui a vu un geste le reproduit aus-

sitôt ou tend à le reproduire, comme les singes et une peuplade sauvage

signalée par Sir John Lubbock, les enfants, tout ce qui représente la na-

DE LA PATHOGÉNIE DES NÉVROSES 387

ture humaine dans sa forme la plus primitive, ont la réputation de le

faire. La vue d'une orange n'est pas susceptible de susciter de telles trans-

formations, parce que sa nature ne se prête pas à une semblable réfor-

mation. L'individu ne serait donc, originellement., qu'un lieu de passage

et de reproduction de certains phénomènes extérieurs susceptibles d'être

imités. Sous des formes différentes, équivalentes entre elles, ceux-ci cir-

culent à travers l'organisme pour redevenir à la sortie ce qu'ils étaient à

l'entrée.

Du moment que la propriété de reproduction est démontrée chez l'être

cellulaire, on peut être certain qu'elle existe dans l'individu complet, d'a-"

bord parce qu'il est rationnel que le contenant ait les pouvoirs du contenu

et, ensuite, parce que l'organisation des habitudes et des imitations,

quand elles cessent d'être élémentaires, nécessitent la coopération d'un

grand nombre de cellules interdépendantes et de fonctions différentes,

donc d'une individualité'déjà assez accusée. Du momentque l'on constate

des phénomènes de répétition chez l'individu complet, on peut être cer-

tain qu'ils prennent leur origine dans le fonctionnement cellulaire, car

l'être complet n'est rien d'aulre en lui-même qu'une réunion de cellules.

Le sursaut humain produit par la détonation du canon, par exemple,

n'est pas autre chose que le résultat d'une activité musculaire mise en

oeuvre par des vibrations sonores qui ont pénétré dans l'organisme et y

ont exercé des répercussions réflexes. Grâce à ce mécanisme physiologi-

que, l'individu a été ébranlé comme l'ont été les vitres, comme l'a été

l'atmosphère.

Deux faits, au moins, nous fournissent des preuves irrécusables de

l'existence des propriétés d'imitation de la matière vivante. L'enfant, cette

ébauche de nature humaine, puisque ses facultés intellectuelles sont encore

embryonnaires, reproduit du français, de l'anglais ou de l'allemand sui-

vant la nature des sons qui frappent son oreille. Le travail de répétition

est si bien fonction delà matière qu'elle ne reproduit rien dans le cas de

surdité et que l'enfant est muet parce qu'il est sourd. La parole n'est

qu'un réflexe de l'audition. Il y a si longtemps déjà que j'ai écrit que le

cerveau répète, imite ce qu'il voit, ce qu'il entend, ce qu'il sent, etc.

Voici un autre exemple indiscutable de la faculté d'imitation de la cellule

vivante. L'homme qui change de milieu reproduit, sans le chercher et sans

le savoir, l'accent, les manières et souvent même les pensées de son nou-

vel entourage.

Nous sommes évidemment ici en présence d'une propriété générale de

la matière et il serait tout à fait puéril de prétendre que son pouvoir

d'imitation est limité à ces deux faits absolument démonstratifs. Mais les

autres cas présents actuellement à mon esprit sont moins probants, parce

388 L. LEFÈVRE

que la non-participation de la volonté y est moins apparente et moins

incontestable. C'est ainsi que dans les diverses manifestations collectives

des foules, dans leurs méfaits, dans leurs crimes, dans leurs fureurs, dans

leurs réjouissances et dans leurs acclamations, je ne parviens à discerner

que des pouvoirs cellulaires en action et, conséquemment, de l'incons-

cience et de l'irresponsabilité, tandis que d'antres croient y voir l'expres-

sion d'un choix libre et réfléchi. Il me semble cependant que lorsqu'on

qualifie l'homme de mouton de Panurge, d'animal grégaire, lorsqu'on

remarque l'imitation dans toutes les manifestations humaines, dans les

coutumes, dans la mode et jusque dans les pensées, on constate un fait

général dont il faut chercher la cause dans les réactions cellulaires.

Tout le monde peut remarquer l'influence de l'atmosphère ambiante,

qu'elle soit de joie ou de tristesse, sur les sentiments des personnes qui en

subissent l'action. Ils se peignent sur tous les visages et remuent tous les

coeurs, toutes conditions égales. Le rire est contagieux, parfois explosif

et irrésistible. Pour se soustraire à sa propre tristesse, on s'expose à des

excitations gaies et l'on se rend au théâtre ou l'on assiste à des auditions

musicales. Pour échapper à la douleur ambiante qui déjà vous étreint,

on se sauve et l'on change de milieu. La succession rapide, brusque par-

fois, de ces manifestations sentimentales prouve bien leur origine pure-

ment mécanique. Cette instabilité de caractère est à son apogée chez les

enfants et chez les sauvages. Autres excitations, autres effets ; autres

milieux, autres physionomies.

Les sentiments inhérents à l'espèce humaine (colère,rire, douleur,etc.)

ont la même expression dans toutes les races. Pourquoi ? D'abord, parce

que l'aspect physionomique, organique du rire par exemple est l'équiva-

lent physiologique des excitations spécifiques et extérieures qui le condi-

tionnent. Agissant partoutsur de la matière humaine, elles devaient don-

ner partout les mêmes résultats, au même titre que le coup de lance ou

l'humidité. Ensuite, parce que cette physionomie spécifique constitue

pour tous les spectateurs un excitant auquel la nature «tend à s'adapter

en la reprodnisant.

En analysant la capacité réactionnelle de l'organisme, j'ai mis en évi-

dence sa faculté d'imitation. Mais ce pouvoir va s'exercer vis-à-vis de tou-

tes les excitations,sans distinctions de bonnes et des mauvaises, des agréa-

bles, des indifférentes, des nuisibles, des funestes. Toutes ces différences

sont en nous-mêmes et non pas clans les choses ; dans la nature, il n'y a

qu'action et réaction et, toutes choses égales, l'homme deviendra vicieux

dans un milieu pervers; mendiant, voleur et assassin en vivant dans

DE LA PATHOGÉNIE DES NÉVROSES 389

l'entourage des criminels et des délinquants (1). Il n'est ni malade ni dégé-

néré, il est autre.

Il n'est donc- plus nécessaire que l'homme soit atteint de maladies ou

d'affections organiques pour reproduire biologiquement,psychiquement,

des symptômes pathologiques, il suffit qu'il vive dans une atmosphère

d'excitations morbides. Celles-ci affectent l'organisme aussi bien que les

précédentes et sont,comme elles,susceptibles d'être imitées. Le bâillement

engendre le bâillement ; la toux est contagieuse, ainsi que le prouve cet

exemple historique de je ne sais plus quelle grande comédienne dont la

toux fut reproduite par toute la salle, au point que l'on fut obligé d'in-

terrompre la représentation pendant quelques minutes. Le vomissement

tend à provoquer ou provoque des accidents semblables ; l'émotion suscite

d'autres états émotionnels. Les tics, le bégaiement se reproduisent sou-

vent par imitation inconsciente. Tous ces phénomènes sont contagieux

el, une fois produits et devenus imprégnants, organiques, tendent àse

perpétuer en vertu du mécanisme de l'habitude. La vue d'une jambe pa-

ralysée suffit à mettre en jeu la propriété d'imitation chez l'individu qui

la regarde, surtout s'il s'en émeut. Que d'hystériques se sont levées le

matin porteuses de symptômes paralytiques ou autres de leurs voisines

de lit.

Je m'avancerai même davantage encore en disant qu'il n'est nullement

indispensable que les organes des sens aient été impressionnés par une

situation morbide extérieure pour que l'organisme reproduise biologique-

ment une symptomatologie pathologique et qu'il suffit, dans certaines

conditions, pour obtenir un tel résultat, qu'on se soit fait une représen-

tation mentale delà chose et qu'on y ait pensé avec plus ou moins d'in-

sistance. Que d'états pathologiques ont eu pour cause un rêve et rien

que cela. L'excitation et l'idée de cette excitation correspondent à un

seul et môme équilibre organique et possèdent, en conséquence, les

mêmes pouvoirs. Combien de personnes sont prises de nausées ou de

frissons ou sont simplement en proie à une crise de larmes, rien qu'en

se remémorant une situation antérieure. Phénomènes enchaînés !

Le pouvoir d'imitation s'exerce parfois avec une telle énergie qu'il

donne lieu, non pas seulement à des cas de contagion isolés, comme on

pourrait en rapporter des centaines de faits en feuilletant la littérature

médicale, mais à de véritables épidémies atteignant des dizaines et des

milliers de personnes et dont l'histoire nous fournit de nombreux exem-

ples (épidémie, du couvent de Loudun et celle qui sévit sur la tombe de

(1) Dr L. LeFÈVaa, Mentalité criminelle, naturelle, el artificielle, Revue de Belgique,

15 septembre 1903 ; La responsabilité humaine et la répression pénale^ Revue de

droit pénal et de criminologie, octobre, novembre, décembre 1908.

390 L. LEFÈVRE

l'archidiacre Paris, etc.). Une foule en délire, gesticulante et contorsionnée

fait sur son chemin une multitude de victimes, en exerçant une fascina-

tion d'autant plus dangereuse qu'elle est plus agitée et plus nombreuse,

c'est-à-dire qu'il y a plus d'excitations plus souvent répétées.

III

La névrose reconnaît donc pour cause des modalités réactionnelles

de la matière vivante. Dans quelques-unes de ses manières d'être, celle-ci

donne lieu à des manifestations névrosiques. Qu'elle provoque des réac-

tions habituelles exagérées dans leur intensité à notre point de vue ou

qu'elle conditionne des actes de répétition et d'imitation qualifiés anor-

maux par nous, ce ne sont toujours que des ripostes à des excitations, ri-

postes toujours logiques et en rapport avec son équilibre physico-chimi-

que. La matière vivante névrosique n'est ni malade, ni anormale, elle est

autre. Son excès de sensibilité, d'impressionnabilité la distingue des autres

états considérés comme normaux.

Certains enfants sont vifs et turbulents tandis que d'autres sont mous

et apathiques. Parmi les hommes, les uns sont méchants, colériques, im-

pulsifs ; d'autres sont bons, doux, réfléchis. Où pourrait-on bien chercher

la cause de ces différences, si ce n'est dans l'intimité de la constitution

cellulaire ? Aviez-vous jamais cru par hasard que certains monstres de

méchanceté restaient tels de leur plein gré et après délibération intérieure ?

Il est donc incontestable que les formules des matières vivantes varient

dans certaines limites, même quand elles sont de même espèce. Quel est

l'esprit scientifique qui oserait nier une différence dans les causes, quand

il constate des variations dans les effets ? Sous l'action d'une même intensité

d'un même excitant, les êtres ne réagissent pas d'une façon absolument

identique.

La constitution cellulaire ou moléculaire est commandée d'une part par

l'hérédité et d'autre part par l'adaptation, deux forces antagonistes. L'hé-

rédité c'est-à-dire-la transmission par génération aux enfants des carac-

tères de leurs parents tend à conserver intacts les pouvoirs ancestraux;

l'adaptation, au contraire, tend sans cesse à les modifier et lesmettreen

rapport avec la nature des excitations nouvelles. Quand on considère la

diversité des milieux et la multiplicité des hérédités, on ne trouve pas

qu'il y ait lieu de s'étonner des variations infinies des compositions cellu-

laires. Quand on se représente la puissance et le nombre des causes dont

la matière subit l'influence et la loi, l'unité de constitution serait même

incompréhensible, si elle était constatée.

On est donc névrosé par hérédité et par accident c'est-à-dire par adap-

tation. Toutes les constitutions ne résistent pas également bien à l'action

DE LA PATHOGÉNIE DES NÉVROSES 391

du milieu. Telle qui est armée contre les excitations faibles, succombe

sous la pression de poussées plus fortes ou plus souvent répétées. Telle

autre, capable de maintenir habituellement son intégrité, voit sa résistance

faiblir momentanément sous l'influence d'une cause dépressive momenta-

née. Tel individu « normalement » constitué dans quelques-unes de ses

parties, se trouve tout préparé 'à recevoir dans d'autres des impulsions

directrices. Un autre encore possède dans ses idées, dans sa force morale,

des palliatifs ou des remèdes à l'excessive impressionnabilité innée de ses

êtres cellulaires.

Les milieux sont eux-mêmes aussi variés que les compositions cellulai-

res. Dans certains d'entre eux, la névrose est, pour ainsi dire, endémique.

Ailleurs, la nervosité et l'émotivité sont recherchées, cultivées et passent

pour des caractères de distinction. De temps à autre, des recrudescences

épidémiques viennent aggraver les pernicieux effets de l'atmosphère am-

biante ou créer le milieu favorable, en accroissant le nombre des excita-

tions névrosiques et en augmentant leur intensité. Les grands et les petits

bouleversements politiques, religieux ou domestiques ont toujours eu le

don de multiplier les cas de folie et d'hystérie.

En 1904, dans l'étude sur la pathogénie des névroses dont je parlais

en commençant, je disais que, dans les manifestations de ces affections,

tout se passait comme si l'organisme, en vertu de ses propriétés physi-

ques et chimiques et grâce à une exaltation de l'automatisme réflexe,

imitait, reproduisait ou transformait les idées qu'il rumine ou les sensa-

tions pathologiques qui l'assaillent. Il me reste à opérer la transition entre

cette théorie physiologique et la conception biologique actuelle, théories

qui se complètent mutuellement et se confondent.

En biologie j'ai employé le terme excitation pour désigner les in-

fluences extérieures ou intérieures agissantes, les forces modificatrices

et il est parfaitement approprié à la situation, car l'être élémentaire

n'ayant pas d'organes des sens n'est pas susceptible de sensation pro-

prement dite ; en physiologie, j'ai utilisé celui de sensation, mais il

est facile de voir que ces expressions sont deux mots pour une même chose

et que la sensation n'est que l'excitation de l'être complexe à fonctions

différenciées. Dans les deux cas, il y a attouchement médiat ou immédiat

de la matière vivante considérée dans son unité ou dans ses états d'agglo-

mération par un élément, une énergie qui lui est extérieure.

Dans les deux théories, mais principalement dans la conception phy-

siologique, j'ai signalé l'équivalence des termes idée et sensation et l'éga-

lité de leurs pouvoirs énergétiques. L'idée n'est que la sensation interne

d'une sensation externe. Les répercussions restent identiques pour la

392 " L. LEFÈVRE

sensation et l'idée de cette sensation et ce sont deux expressions diffé-

rentes pour désigner un même équilibre organique. Dans ma pensée

l'équivalence de ces termes est certaine et, pour prouver cette proposi-

tion, j'ai fait quatre démonstrations dont une psychologique, la moins

probante, insérée dans mon livre sur les phénomènes de suggestion;

deux physiologiques encore inédites et une philosophique exposée

pour la plus grande partie au cours de ce travail.

La suggestion agit donc par action physique. Les idées suggérées ont

pour équivalents mécaniques des vibrations sonores qui se répercutent

dans l'organisme et conditionnent une configuration interne et externe

conforme à leur nature. La pensée n'est qu'un équivalent énergétique de

la chose pensée et cette énergie elle-même est susceptible de passer par

toute une série de transformations équivalentes. La suggestion a donc une

action purement mécanique et, sous peine de sortir du domaine de la

science expérimentale qui ne connait que du physique ou du chimique,

il n'est pas permis et il est rationnellement impossible de la concevoir

sous une autre forme.

Tout point de l'organisme se trouve sous la dépendance du système

nerveux et de deux cellules nerveuses au moins, puisque l'arc réflexe com-

prend au moins deux de ces éléments. En conséquence, toutes les mani-

festations vitales, tant sous le rapport de leur production qu'au point de

vue de leurs modifications de forme, dépendent, pour une part, du mode

d'articulation des neurones, c'est-à-dire de l'interruption ou de l'étendue

des contacts. Pour exprimer ce rapport, j'avais employé le terme psychi-

que dans la conception physiologique. Il correspond au mot biologique

qui possède une signification plus large. ,

Si ces pathogénies sont bien exactes, on s'explique sans peine que les

investigations les plus minutieuses n'aient jamais fait découvrir aucune

lésion, même dans les manifestations névrosiques les mieux confirmées.

Dans la théorie physiologique, je signalais la possibilité d'un autre

mode de production de névroses, sans toutefois quitter le terrain des réac-

tisons purement biologiques. En effet, si j'estime que l'imitation, la repro-

duction en sont et de beaucoup les agents les plus importants, je pense

aussi qu'elles sont impuissantes à expliquer tous les cas. Le bégaiement

survenu brusquement à la suite d'une frayeur reste incompréhensible dans

la seule hypothèse de l'imitation. Il faut alors faire intervenir d'autres

mécanismes biologiques ou physiologiques, l'inhibition des fonctions,

l'interférence dont l'action est bien connue en biologie cellulaire, une

perturbation dans le mécanisme sous l'influence d'excitations trop puis-

santes dont les répercussions trop étendues dépassent les limites « norma-

les » ou s'égarent dans de fausses directions. Je n'insiste pas. Ce que j'ai

DE LA PATHOGENIE DES NÉVROSES 393

écrit précédemment fait suffisamment comprendre qu'il ne s'agit ici encore

que de réactions logiques et physiologiques même dans leurs productions

« pathologiques ».

IV

Une première conclusion ressort jusqu'à l'évidence de ces conceptions

physiologiques et biologiques de la pathogénie des névroses. Il n'y a pas

de névrose, parce que nul n'est névrosé ou que tout le monde l'est, mais

des degrés divers. En d'autres termes, depuis la santé la plus parfaite

jusqu'à la névrose la mieux caractérisée, l'intervalle est comblé par toute

une série de cas intermédiaires, si bien qu'il est impossible de dire où

commence la névrose et où elle finit. La matière vivante existe en des états

divers et ses manifestations s'étendent depuis la condition de santé prise

comme .point de repère jusqu'aux plus éclatantes productions de la né-

vrosé ; plus loin encore, jusqu'à la folie dans ses symptômes purement

psychiques, et de ces états extrêmes à la lésion commençante jusqu'aux

changements pathologiques les plus manifestes, la série est continue. -Il

n'y a pas de division tranchée dans la nature; tout se lie, s'enchaîne, se

mêle et s'enchevêtre si bien qu'on n'observe pas de démarcation, à peine

des transitions, mais des imbrications.

Entre le vomissement hystérique incoercible et le trouble dyspeptique

couramment confondu avec une affection organique, traité au moyen des

médicaments et guéri admirablement par la suggestion, en passant par la

multitude des états gastriques intermédiaires, qui me dira où commence-

et où finit la névrose ? Que de transitions encore observées dans la pratique,

mais pas signalées dans les livres, entre l'idée fixe qui ronge le malade et

parfois le conduit au suicide et souvent à la folie et l'idée inoffensive que

l'on chasse à volonté ! La convulsion n'est qu'un paroxysme de l'émotion

et la généalogie en est parfois admirablement tracée. Les pleurs consti-

tuent une crise de larmes en puissance. De la faiblesse musculaire névro-

sique qui, en elle-même, ne se distingue pas de l'état organique de même

nom, nous arrivons à la paralysie en passant par la parésie et par d'au-

tres cas intermédiaires qui n'ont pas été spécialement dénommés. Une

sensibilité trop sensible, trop impressionnable prend le nom.d'hyperes-

thésie. La névrose et l'état normal ne se distinguent donc que dans leurs

cas extrêmes, comme la raison et la folie du reste.

Quoi qu'il en soit, s'il est utile à l'occasion d'opérer de vastes synthé-;

ses, afin.de comprendre la continuité des phénomènes et de saisir sur le

vif les procédés de.la nature dont on acquiert ainsi une bonne compréhen-,

sion, en pratique cependant les distinctions sont indispensables pour s'en- :

tendre sur les faits et se livrer à leur étude. Aussi, nous maintiendrons'

XII 26

394 L. LEFÈVRE

la névrose dans le vocabulaire médical, car il n'est pas douteux que, dans

ses manifestations avancées, elle se distingue parfaitement de la condition

normale et qu'elle constitue un étal différent, mais en degré seulement, de

l'état de santé.

Une seconde conclusion découle de l'exposé qui précède et s'impose

avec la même évidence que la première. Ainsi que je l'écrivais déjà en

1904, une fois que l'on s'est entendu sur la signification du mot, la né-

vrose devient une entité; il n'y a pas des névroses, il n'y en a qu'une

seule; elle est une dans sa nature. Sans doute, ses manifestations sont

éminemment variables et protéiformes, mais elles sont toutes de nature

biologique. Il y a donc lieu de réunir en un seul faisceau toutes les pro-

ductions névrosiques actuellement classées en catégories différentes et

d'opérer leur synthèse en confondant l'hystérie, la neurasthénie, la né-

vrose traumatique, les tics, le bégaiement, la crampe des écrivains, les

idées fixes, toutes les affections sine materia, à l'exclusion de l'épilepsie

vraie qui n'a jamais été une névrose et, en admettant dans le même cadre,

ces mille symptômes hétérogènes, bizarres et contradictoires qui ne ren-

trent dans aucune des classifications actuelles et qui sont rangés un peu

au hasard sous l'une ou l'autre rubrique.

Je comprendrais que l'on distinguât les états névrosiques les uns des

autres, si chacun avait, comme les tics et le bégaiement par exemple, une

physionomie absolument personnelle ou une localisation typique, mais

on ne rencontre pour ainsi dire jamais deux manifestations névrosiques

identiques. Les phénomènes se pénètreni et s'enchevêtrent à ce point

qu'entre l'hystérie et la neurasthénie, on a créé 1'liy,;téi-o-neui-asillénie et

qu'il y a la névrose traumatique hystérique et neurasthénique. Les au-

teurs ont trouvé dans leur imagination, mais non pas dans leur pratique,

à moins qu'ils ne les y aient fait naître par suggestion, des signes propres

à chacune de ces affections. Je plains les médecins qui y attachent de l'im-

portance ; ils trouveront souvent des cas intermédiaires aux cas intermé-

diaires et des cas qui ne rentrent dans aucun cas. Pour moi, les termes

hystérie et neurasthénie correspondent à une seule conception dans mon

esprit, seulement le premier s'applique plus volontiers à la femme et le

second à l'homme.

Il y a quelques années, la synthèse de tous les états névrosiques aurait

paru impossible, parce que, en inventant les stigmates, on était parvenu

à faire de l'hystérie une entité à part. C'était trop beau et la neurasthénie

eut aussi les siens. Il y a quatre ans, j'écrivais timidement qu'il existait

des hystéries sans stigmate et le fait devait frapper tous les médecins qui

analysaient un tant soit peu leurs malades. Actuellement, battu en brèche

de toute part, le' stigmate hystérique a vécu.Beaucoup de médecins dont la

DE LA PATHOGÉNIE DES NÉVROSES 395

grande renommée a dépassé les frontières de leur pays prétendent qu'il

constitue toujours ou le plus souvent un produit de culture et qu'il n'a

jamais dû la vie qu'à l'ignorance médicale de la suggestion et de ses pou-

voirs. En tous cas, si on le rencontre encore en dehors de toute influence

suggestive, il n'est plus un stigmate, mais un accident comme un autre.

Je ne parlerai pas des stigmates neurasthéniques qui ne m'ont jamais im-

pressionné. Où est donc la barrière qui sépare les états névrosiques ? Il

n'y a ni abîme, ni fossé, ni démarcation quelconque, mais une énorme

quantité de symptômes qui se pénètrent et se mêlent d'une inextricable

façon ; il n'y a que de la névrose parce que, quelles que soient leur va-

riété et leur multiplicité, ils sont tous de nature biologique et leurs carac-

tères sont ceux qui appartiennentà cette affection et que j'ai signalés dans

ma théorie physiologique.

Déjà, dans le domaine de la pathologie spéciale, on a éprouvé la néces-

sité et l'utilité d'opérer de vastes synthèses qui engendrent des concep-

tions plus hautes, plus exactes, parce que générales et, passant par-dessus

les organes atteints pour ne plus voir que la cause de leur maladie, on

parle de pneumococcie, cte colilacilloae, de streptococcie. Je crois quil

est temps que les névroses soient l'objet d'une opération de ce genre.

Qu'importe les organes atteints ! Ce sont des renseignements secondaires.

Pour faire oeuvre utile, il faut d'abord connaître la cause de leur maladie

la nature de leur mal et, celle-ci trouvée, le remède, s'il existe, sera

appliqué avec succès i la guérison des diverses localisations et des diver-

ses manifestations de la même maladie. ,

UN ACCOUCHEMENT AU COMMENCEMENT DU XVSIÈCLE

J . D'APRÈS UNE MINIATURE DE LA BIBLIOTHÈQUE NATIONALE

0" - (Vélin zu4.9)

. PAR

.... - - - . - E. WICKERSHEIMER

(PI. LXII).

..Cette miniature, m'a été signalée par Miss Edith Rudolph dans un

exemplaire sur vélin du Passe temps de tout homme et de toute femme de

Guillaume Alexis qui a orné la « librairie » de Louise de Savoie, mère de

François le'7, et que conserve aujourd'hui la Bibliothèque nationale (Vélin

2249). -

Une belle salle gothique, dont le fond est occupé par un grand lit aux

draps bien blancs, aux couvertures et aux tentures rouges, rehaussées

d'ornements d'or, dont le plancher est recouvert de carreaux verts et rou-

ges : c'est l'intérieur d'une riche bourgeoise, d'une grande dame peut-

être.

Point de médecin. A cette époque, les matrones gardent encore intacts

leurs vieux privilèges, et on considère assez généralement que « c'est une

indécence aux hommes que d'accoucher les femmes ».

L'accouchement vient de se terminer. L'accouchée qui a gardé ses bas

noirs, a retroussé sa robe d'un bleu céleste et son jupon blanc, et dé-

couvre ainsi ses cuisses. Elle est debout, appuyée contre une femme qui

se tenant derrière elle, passe les bras sous ses aisselles, afin de la mieux

soutenir. La sage-femme, en jaune, les reins ceints d'un court tablier

blanc, est agenouillée à ses pieds et tient le nouveau-né dans ses mains.

On ne voit pas ici de chaise obstétricale, mais les genoux de la patiente

sont à demi-fléchis, son buste est rejeté en arrière. C'est à peu de chose

près, l'attitude recommandée parEucharius Rosslin, le célèbre accoucheur

allemand du xvie siècle que les Français appelèrent EuchaireRodion :

« Pour le surplus quant la femme enceinte sent sa matrice estre las-

chée : et que les humeurs coulent plus habondamment : elle se doit de

rechef recliner et renverser sur le dos : tellement quelle ne soit veue ne

NOUVELLLE ICONOGRAPHIE DE LA SALPÊTRIÈRE

T. XXI. P). LXII

UN- ACCOUCHEMENT A LA FIN DU XVIe SIÈCLE

d'après une miniature de la Bibliothèque Nationale.

(E. Wichersbei1l1er).

Masson et Cie, Editeurs

Photolypie Berthaud, Pans.

UN ACCOUCHEMENT AU COMMENCEMENT DU XVIe SIÈCLE 397

couchee ne levée- totalement : et doit tellement renverser sa teste en

forme de pendant en arrière quelle aye plus que autrement... » (1).

En 1480. sur le point de s'embarquer pour la Terre-Sainte, Guillaume

Alexis,.« le bon moine de Lyre », mit la dernière main au Passe temps

de tout homme et de toute femme. Ce poème, en dépit de son litre, n'est pas

une oeuvre légère. Le pieux bénédictin que ses talents et ses vertus appe-

lèrent à la charge de prieur de Bucy dans le Perche,après que sa foi et ses

oeUHés eurent édifié ses frères de l'abbaye de Lyre dans le diocèse d'E-

vreux, garde toujours dans ses livres une décence assez rare au siècle de

François Villon.

Le Passe temps de tout homme et de toute femme est la traduction en

vers, français d'un traité De contemptu mundi, écrit trois siècles aupara-

vant par le Romain Lothaire, qui sous le nom d'Innocent III, fut un des

plus grands papes du moyen âge.

On ne songerait guère de nos jours à intituler Passe temps, un livre

« Lequel parle de la misere

D'humaine conversacion »

et dont voici le résumé :

« Eu ceste premiere partie

Sera sommairement traicté

Des miseres de ceste vie

Qui font maint homme deshaicté ;

Le second livre parlera

' D'homme qui au monde s'amord ;

- Le tiers la fin declairera -

- Et les tormens d'après la mort. »

Pourtant le poème de Guillaume Alexis n'est pas ennuyeux, et les nom-

breuses éditions qu'on en a imprimées dans la première môitié du xvle sié-

cle, témoignent du succès dont il a joui à cetle époque.

La plus ancienne de ces éditions est due au fameux libraire Anthoine

Verard. La Bibliothèque Mazarine en possède un exemplaire : en voici la

description d'après MM. Arthur Piaget et Emile Picot (2) :

, « Le passe temps Il De tout home. Et Il de toute femme : Il

Ceulx qui vouldront au long ce liure lyre Il

Le trouueront bien fonde en raison Il

'Aussi le feist le bon moyne-de lyre Il -

Qui damours faulses composa le blason.

(l) Rodion- (Euchaire), Des divers travaulx et enfanlemens des femmes, Paris, .1.

Fourcher, 15 : ;6, in-8» goth., flir. sur bois (feuillet XVIII).

- (2) Alexis (Guillaume). OEuvres poétiques, publiées par Arthur hia7et el Emile Picot

Paris, Firmiu Didot, 1899, in-80, t. II (p. 79-82).

398 E. AVICKERSHEIMER

[Au r° du dernier f. : ] [Cy finist le passe temps de tout home Il et

de toute femme. Imprime nouuellement Il pour.Anthoine Ve1'anl marchant

libraire \\ demeurant à Paris datant la rue nezcfzce Il nos Ire dame a ly-

maige saint iehan lellan- Il geliste Ou au palrrys au premier pilliel' de Il

uant la c1/11ppelle ou on chante la messe de Il messeigneurs les presidens,

S. d. [v. 1505], in-4 golh. de 132 If. de 30 lignes à la page, sign. a-x

par 6.

L'édition est ornée de 19 autres bois fort médiocres, mais qui ont pour

la plupart été gravés pour le livre... »

C'est un exemplaire de cette édition de 1505 [ ? ] qui nous occupe.

MM. Arthur Piaget et Emile Picot en ont donné cette description :

«.L'exemplaire de la Bibliothèque nationale est imprimésurvétin (Vél.

2249). Il offre diverses particularités qui doivent être relevées. Le r° du

1er f. ne contient que les trois lignes xylographiées de l'intitulé ; le qua-

train a été supprimé. Au v° de ce même f. est une belle et grande minia-

ture qui représenle une dame en deuil assise dans un grand fauteuil

au milieu d'un jardin ; près de cette dame, et lui donnant la main,

est un jeune enfant vêtu d'une robe de drap d'or. Ces deux figures nous

paraissent représenter Louise de Savoie, veuve depuis 1490 de Chartes de

Valois, comte d'Angoulême, et le jeune François de Valois, plus tard

François Ier, né en 1494. Derrière les deux principaux personnages on

aperçoit les silhouettes de plusieurs dames et seigneurs ; en avant, un

personnage agenouillé (le libraire; offre un volume superbement relié. La

scène que nous venons de décrire est entourée d'un riche encadrement

formé d'une embase, de deux pilastres et d'un fronton. Une sorte de tym-

pan, qui surmonte le fronton, contient ces mots écrits en lettres capitales :

MASONNERIE ET CHARPENTE.

« Toutes les autres figures qui ornent le volume sont de même enlumi-

nées... » (1).

De qui sont ces miniatures ? ` ? Faut-il croire avec J. Renouvier que Ve-

rard enluminait lui-même les livres qu'il éditait ? (2) Admettrons-nous

plutôt avec 1\'1. le comte Paul Durrieu, qu' « il s'est borné au rôle d'un

éditeur de livres et d'estampes qui commande et qui dirige, sans mettre

matériellement la main à l'oeuvre » ? (3). La question est encore discutée.

Ce qu'il importe surtout de constater ici, c'est que les exemplaires de

luxe des premiers temps de l'imprimerie acquéraient de par leurs enlumi-

(1) Alexis (Guillaume). Ed. cil., p. 88.

(2) Renouvier (J.), Des gravures en bois dans les livres d' Anthoine Vel'ard. Paris, Au-

bry, 1859, iu-8° front.

(3) Du 'RIEU (Paul), Un prand enlumineur parisien au XV' siècle. Jacques de Besan-

4,on, Paris, Il, Champion, 1892, in 8°, pl. '

UN ACCOUCHEMENT AU COMMENCEMENT DU XVIe SIÈCLE 399

nures une individualité aussi marquée que les manuscrits. L'enlumineur

ne se bornait pas à colorier les bois du livre qui lui était confié ; il com-

posait des scènes souvent fort différentes de la 'gravure qu'il était chargé

de recouvrir. La scène d'accouchement qui orne le verso du feuillet bv°

du vélin 2249 de la Bibliothèque nationale, n'a probablement jamais eu

de réplique. Si on la grattait, on trouverait un bois semblable à celui qui

occupe le même feuillet, dans l'exemplaire sur papier de la Bibliothèque

Mazarine. Ce bois qui a été reproduit par MM. Arthur Piraget et Emile

Picot, représente les histoires tragiques de trois femmes célèbres. « On y

reconnaît Médée tuant ses enfants, Lucrèce se donnant volontairement la

mort et Phylls, fille de Lycurgue et femme de Démophon, qui se pend

à un arbre » (1).

A la page où se trouve cette gravure, commence un chapitre intitulé :

« Du cry de lenfant haultement

Et des douleurs denfantement. »

L'artiste a donc été bien inspiré en remplaçant une triple fantaisie my-

ihologico-historiquepar une scène d'accouchement (2). Il est à remarquer

qu'en composant cette scène, il a imité le groupement des personnages de

la gravure sur bois. La femme qui soutient l'accouchée est presque exac-

tement superposable à la farouche épouse deJason ; il a suffi de déplacer

un peu l'un des enfants de Médée pour lui faire figurer le nouveau-né, et la

sage-femme occupe la place de Lucrèce.

(1) Alexis (Guillaume), Ed. cit., p. 82.

(2) Le musée Conde, 1 Chantilly, possède aussi un exemplaire sur vélin de l'édition

de Verard, mais comme me l'a écrit M. Maçon, conservât' ur de ce mu-ée, la minia-

ture qui orne le verso du feuillet bo de cet exemplaire, est différente de celle de la

Bibliothèque nationale. C'est à des jumeaux que la jeune mère a donné naissance ;

l'un d'eux est couché à ses côtés dans un grand lit, tandis qu'une femme s'apprête à

baigner son frère. Une scène analogue est représentée dans un bois grossier de l'edi-

tion du Passe temps imprimée à Paris vers 1525, dont un exemplaire se trouve à la

Bibliothèque de l'Arsenal (Rés.-B. L. S3 191.

Le gérant : P. Rouciiez.

Imp. J. l'hevenot, Saint-Dizier (Haute-Marne).

UNIVERSITÉ DE BORDEAUX.

SYNDACTYLIE ECTRODACTYLIE CLINODACTYLIE

CHEZ UN DÉMENT PRÉCOCE DÉGÉNÉRÉ,

PAR

E. RÉGIS

Professeur de Clinique Psychiatrique à l'Université de Bordeaux.

Observation (1) (PI. LXIII LXV).

Pierre X..., 28 ans, cultivateur, entre à la clinique psychiatrique (Hôpital

St-André), le 3 avril 1908.

Antécédents héréditaires. Le père est un homme de 56 ans, de taille

moyenne et d'apparence robuste. Il a toujours exercé le métier de cultiva-

teur et n'a pas quitté son village. Il nie toute maladie antérieure ; pas de ma-

ladie vénérienne. A signaler simplement un traumatisme ayant porté sur la

région lombaire, accident survenu après la naissance de notre malade. Cet

homme n'a jamais abusé des boissons alcooliques; il boit environ un litre et

demi de vin chaque jour. On ne trouve chez lui aucun stigmate de dégénéres-

cence. L'ongle du médius droit manque, mais son absence est due à un acci-

dent récent auquel on doit imputer vraisemblablement la forme élargie et apla-

tie de la dernière phalange de ce doigt. Ses parents sont morts aux environs de

70 ans, après avoir joui d'une bonne santé.

La mère du malade est âgée de 53 ans, elle se porte bien ; elle a eu, après

la naissance de son fils, une fièvre typhoïde dont auraient été atteints à la fois

douze membres de la famille. Elle a été réglée à 13 ans, et jusqu'à l'âge de

45 ans, ses périodes menstruelles sont revenues régulièrement, et en quantité

normale. Elle n'a jamais présenté d'accidents névropathiques, mais a toujours

montré une grande vivacité de caractère. Ses parents sont morts récemment ;

le père d'accident, la mère d'une congestion pulmonaire.

Notre malade a un frère et deux soeurs, tous trois nés à terme, après une

grossesse et un accouchement normaux, sans fausses-couches ni mort-naissances

antérieures.

' L'aîné est un garçon de 35 ans, bien portant, aujourd'hui marié et père de

quatre enfants robustes et normalement constitués. Quant à lui, il présente d'in-

téressantes anomalies des extrémités. A sa main droite, manque le médius; à

sa main gauche, la troisième phalange du médius ; à ses deux pieds, le troisième

(i) Recueillie par M. Soum et M. Guilguet; élèves du service.

xxi 27

402 REGIS

orteil. Malgré cela, il est très adroit de ses mains, et exerce la profession de

cantonnier.

Le deuxième enfant est Pierre, notre malade.

Le troisième est une fille âgée de 27 ans, qui ne présente aucune anomalie

de structure. : elle a eu la fièvre typhoïde dans son enfance. Elle est mariée et

mère de trois enfants normaux, et en bonne santé.

Le dernier enfant est une fille de 21 ans. Particularité remarquable, chez elle

aussi le troisième orteil manque aux deux pieds, comme chez ses frères.

Les malformations ne se sont jamais manifestées chez les autres membres

de la famille, ni parmi leurs ascendants. En outre, le frère et les soeurs du

malade sont mentalement sains et ne paraissent pas,du moins à première vue,

faibles d'esprit.

La mère n'a pas éprouvé d'émotions violentes ni vu d'estropiés, au cours de

ses diverses grossesses.

Antécédents personnels. - Pierre est né en 1880, à terme et dans de bon-

nes conditions de santé physique. Il a marché à 11 mois et parlé de bonne

heure sans difficulté notable et sans défaut d'articulation. Sa première enfance

a été troublée par deux maladies infectieuses, la rougeole et la fièvre typhoïde.

.Pierre fut mis à l'école à l'âge de six ans ; il suivit les cours de sa classe

jusqu'à 12 ans, avec une régularité remarquable.. Mais il profita peu des

leçons qu'on lui donnait. C'était une pauvre intelligence. Il apprit difficilement

à lire, à écrire et à compter.

Pierre était, à cette époque, un petit garçon doux et craintif. Peu expansif,

taciturne et inquiet, il fuyait la société des autres enfants et ne partageait pas

leurs jeux. On ne le vit jamais s'associer aux manifestations bruyantes de ses

camarades. Il avait le goût des promenades solitaires. Il partait souvent le

dimanche à travers la campagne, et on le voyait errer jusqu'au soir dans les

champs, sans autre compagnon qu'un gros chien de ferme qu'il semblait affec-

tionner particulièrement. Son caractère était toujours égal ; il n'avait pas de

mauvais instincts, mais ses sentiments affectifs étaient peu développés. Il

manifestait envers tout le monde une indifférence absolue. A t'age de douze

ans, une pleurésie lui fit quitter l'école; il n'y retourna plus jamais, car il

avait peu de goût pour l'étude.

Pierre grandit; il devint vigoureux et l'on décida de l'employer aux tra-

vaux de la terre. Il accomplit sa besogne régulièrement, mécaniquement, sans

paresse et sans fatigue. Son caractère se modifia peu dans la suite. Il fut un

jeune homme insociable comme il avait été un enfant réservé. On ne lui con-

nut pas d'ami ; jamais il n'alla au cabaret et il est probable qu'il ne fit pas

d'excès génésiques. A 21 ans, il fut réformé non pour faiblesse de constitution,

mais parce qu'il présentait des malformations corporelles sur lesquelles nous

reviendrons plus tard.

Histoire de. la maladie. C'est à vingt-deux ans seulement, que sans

chute occasionnelle apparente, Pierre manifesta les premiers troubles psycho-

pathiques qui l'ont amené à l'hôpital. Cela commença, chez lui, par un état

de nosophobie diffuse et par des préoccupations hypocondriaques. Un jour il

SYNDACTYLIE ECTRODACTYLIE CLINOUACTYL1E 403

abandonna son travail. Comme on lui en demandait la raison, il expliqua qu'il

était malade et qu'il avait peur de mourir. Dès ce moment il se confina dans

sa chambre et refusa d'aller aux champs. ' '

L'attitude de Pierre, à cette époque, est digne de remarque. Tantôt il raconte

avec abondance les détails de ses multiples maladies; il souffre successive-

ment, dit-il, de la tête, de la poitrine, du ventre et des jambes. Tantôt il passé

au contraire des semaines entières sans parler, portant parfois, d'un geste

machinal, la main au sommet de la tête. De temps en temps, sans raison, il

pleure abondamment. Cependant son sommeil n'est pas troublé ; il ne rêve pas,

il n'a pas de cauchemars.

Pierre reste six mois dans cet état, puis subitement la crise s'aggrave. C'est

alors le tableau de l'inertie la plus complète de la stupeur. Le malade reste

huit jours immobile, cloué sur une chaise. Il bave sur ses vêtements, il he

mange que si on l'y oblige.

Cependant peu à peu la situation s'améliore : Pierre prononce quelques

paroles, il remue, se nourrit sans sollicitation de son entourage et au bout d'un'

mois il peut reprendre son travail,ayant conservé la mémoire de cette première

crise, qui ne laissa pas, chez lui, de traces apparentes d'affaiblissemenl

mental. '

Quatre ans après, sans qu'il ait fait le moindre abus de boisson, on le voit

un jour tituber tandis qu'il se rendait à son travail. Peu après son appétit dis-

parait, il ne veut plus manger que du pain et en très petite quantité. C'est une

nouvelle crise qui commence. r

Un matin, en effet, Pierre rejoint aux champs son père et sou frère. Son

visage est bouleversé ; il manifeste les signes de la plus violente colère, il ges-

ticule et avec de grands éclats de voix, il explique que « des coquins se cachent

dans la vigne ». Il réclame des témoins et des gendarmes. Il désigne du doigt

les malfaiteurs. Puis il rentre en courant chez lui et prononce des paroles

incohérentes. Ses parents ne comprennent rien à ses récits. Ils voient le

malade se calmer puis s'enfermer dans un mutisme presque absolu et tomber

à nouveau dans la stupeur. A partir de ce jour, Pierre ne manifeste plus'

aucune spontanéité ; il ne quitte pas le lit et ne se nourrit que si on lui apporte

à manger. Il n'est pas gâteux, mais il bave constamment.

Puis les symptômes s'atténuent ; Pierre prononce quelques mots, il se mon-

tre d'une docilité extrême, mais il marche avec beaucoup de difficulté ; on

est obligé de le soutenir, faute de quoi il se laisse tomber. Parfois il est secoué

d'un rire bruyant et niais qui survient sans raison. Plus rarement, il pleure.

r1 cette époque, le malade commence à prendre et à garder une attitude

spéciale.

Il reste de longues heures, en position accroupie, les mains dans les poches

de son pantalon, C'est là probablement le début d'une stéréotypie qu'il présente

encore aujourd'hui. Ce n'est pas une position de repos,car le malade s'accrou-

pit souvent à proximité des chaises mises à sa disposition ; il prend même

cette attitude quand on le place au milieu d'un appartement, c'est-à-dire dans

404 RÉGIS

une situation où il manque de point d'appui et où l'équilibre est difficile à

conserver.

Cet état dure un an ; puis, aux environs des vendanges de 1907, Pierre se

réveille, se remet à parler et reprend ses occupations. Son caractère change

aussi ; il devient capricieux, puis excessivement irritable. Il a des accès de

colère subits ; il injurie ses parents ; quelquefois même il menace de frapper.

Ces crises d'excitation durent environ une heure ; un état de stupeur leur fait

suite. Pendant les périodes de calme, Pierre, qui a conservé le souvenir de

ses actes, s'en excuse en pleurant. Un jour cependant, il s'empare d'une barre

de fer et veut en frapper sa mère ; il réclame son père, qu'il croit à Casablanca ;

celui-ci est à quelques kilomètres de la ferme. Comme il n'arrive pas, Pierre

entre dans une violente colère, puis il se rend à l'église et dépose sa barre de

fer au pied de l'autel.

Les gendarmes, croyant avoir affaire à un malfaiteur, arrêtent Pierre et le

conduisent devant le maire. Docile, il se laisse emmener en disant : « Il n'y a

pas de mal ». Le maire le fait relâcher, et conseille à sa famille de le conduire

à l'hôpital de Bordeaux.

C'est dans ces conditions que Pierre est entré à la clinique psychiatrique

(Hôpital Saint-André), te 3 avril 1908. Examen DIRECT.

1° Aspect général (PI. LXIII). Pierre est un jeune homme de taille

moyenne, au teint hâlé, à l'apparence robuste. Il a la tête légèrement fléchie

sur la poitrine; son regard est fixe, et lointain. Sa physionomie, dont les traits

sont effacés, n'exprime que l'hébétude ou la plus parfaite indifférence. Ses

gestes sont nuls. Sa marche est lente, maladroite et traînée. Il se tient volon-

tiers à l'écart des autres malades dont il ne partage ni les jeux, ni les cause-

ries. L'aspect général est celui d'un timide.

2° Dégénérescence. -Pierre est très manifestement un dégénéré, avec un

ensemble de stigmates physiques et psychiques caractéristique. Sa taille est

moyenne. La peau ne présente pas d'anomalies d'épaisseur, mais sa coloration

varie, suivant les différentes régions du corps ; au tronc et aux membres infé-

rieurs, elle est normale ; aux membres supérieurs, elle est plus rouge que

partout ailleurs.

Le crâne est petit : il présente une dépression longitudinale assez marquée

dans la région occipitale supérieure. Il est asymétrique, ainsi que le visage.

Le maxillaire inférieur est lourd, avec du prognathisme. La voûte palatine

est large et plate. La dentition est très mauvaise ; quelques dents sont absen-

tes ; d'autres sont sectionnées au niveau du collet.

L'oreille gauche est implantée verticalement ; elle est plus grande que la

droite. Le lobule est adhérent.

Les organes génitaux ne présentent rien de particulier.

Les malformations les plus accusées et les plus intéressantes chez Pierre

sont celles de ses mains et de ses pieds. Nous en ferons à part, et plus loin,

l'étude détaillée.

NOUV. ICONOGRAPHIE DE LA SALPÊTRIERE.

T, XXI, PL, LXIII ICI

SYNDACTYLIE, ECTRODACTYLIE, CLINODACTYLIE

Chez un dément précoce dégénéré.

(E. RégiS.)

)IAsso : ; ET Ch, Éditeurs.

SYNDACTYLIE ECTRODACTYLIE CLINODACTYLIE 405

Au point de vue psychique, la dégénérescence de Pierre est très évidente,

et elle s'est manifestée dès l'enfance chez lui par des signes multiples, qui

l'ont toujours fait considérer comme un anormal, inférieur mentalement aux

autres membres de sa famille.

Son intelligence est très peu développée, très médiocre, si bien que, malgré

son bon vouloir et sa docilité, il a eu toutes les peines du monde à acquérir

des connaissances simplement rudimentaires.

C'est, dans toute l'acception du mot, un débile d'esprit, confinant presque

à l'imbécillité. Son affectivité a toujours été nulle.

Son caractère s'est toujours aussi montré bizarre et fantasque, son humeur

sombre, taciturne, inquiète, morose, avec tendance à la sauvagerie, à l'inso-

ciabilité.

Il était bon travailleur de terre, mais il exécutait sa tâche sans plaisir comme

sans ennui, régulièrement, mécaniquement, en véritable automate.

Jamais il n'a manifesté le moindre goût, la moindre tendance, le moindre

désir.

3° Démence PRÉCOCE.- Pierre n'est plus seulement aujourd'hui un dégénéré ;

il est devenu dément précoce.

Le début de sa démence précoce, qui remonte à plusieurs années, s'est

caractérisé, on l'a vu, par l'explosion brusque, paroxystique, intermittente ou

rémittente de troubles psychiques variés, en particulier par des alternatives

d'excitation hallucinatoire et impulsive et de stupidité.

Actuellement, la maladie est nettement caractérisée.

Dans la sphère physique, ce qui domine, c'est l'inertie, la passivité, la rareté

des mouvements volontaires, la prédominance manifeste des mouvements

automatiques.

11 n'y a ni état catatonique, ni troubles de la contraction musculaire, mais

la marche est maladroite et bizarre : le malade traîne les pieds qu'il tient

écartés ; il se meut paresseusement, lourdement, avec peine, comme accablé

de fatigue.

L'écriture présente des troubles calligraphiques, mais non psychographi-

ques. Elle est illisible, il semble qu'elle soit rendue impossible par les

malformations des doigts ; en outre elle traduit le tremblement violent dont

les mains sont agitées. Le malade est gaucher, mais on ne constate pas dans

ses écrits le phénomène de l'écriture en miroir.

Il n'y a pas de tremblement des lèvres, ni de la langue.

Pas de tics, ni de grimaces.

La sensibilité est conservée ; les réflexes sont normaux. Il n'y a rien à signa-

ler du côté des appareils ni des organes du sens.

Au point de vue mental, il existe un état de confusion notable, avec ten-

dence à l'affaiblissement de toutes les facultés intellectuelles et affectives.

L'intelligence est obtuse et diminuée. Pierre comprend difficilement les

questions les plus simples ; il faut lui répéter à plusieurs reprises les mêmes

phrases, pour qu'il paraisse en avoir la compréhension nette et qu'il y réponde.

406 RÉGIS

Il le fait d'ailleurs de façon peu précise. Ce phénomène paraît résulter d'une

diminution de l'attention et d'incapacité de l'effort mental.

L'attention spontanée fait particulièrement défaut : Le malade ne regarde'

rien ; il ne s'intéresse pas à ce qui se passe autour de lui. Il ne semble pas rené.

chir non plus, et la plupart du temps, il ne répond pas aux questions qu'on

lui pose. Le jugement fait aussi complètement défaut.

La mémoire est affaiblie. Interrogé sur les connaissances acquises à l'é-

cole, Pierre ne répond rien. Il fait difficilement une addition très simple.

Ses troubles de mémoire consistent surtout en amnésie d'évocation avec dis-

parition' des souvenirs complexes et conservation des images simples. Il n'y a

pas d'amnésie de fixation ni de stéréotypie du souvenir.

Les sentiments affectifs sont nuls. Pierre n'a jamais manifesté d'affection à

l'égard de sa famille. Actuellement, il offre le tableau de l'indifférence la plus-

complète. Nous l'avons vu recevoir ses parents sans une parole, et les laisser

partir sans un mot d'adieu.

Il n'y a pas en ce moment de troubles de -l'idéation, mais au cours de ses

deux .premières crises, Pierre a présenté, comme on l'a vu, des idées dé-

lirantes polymorphes, absurdes, mobiles et incohérentes. Ces bouffées déliran-

tes.n'avaient aucune systématisation. Elles consistaient surtout en préoccupa-

tions hypocondriaques et idées de persécution,'accompagnées d'hallucinations

visuelles et d'impulsions violentes.

Les crises d'agitation étaient suivies de périodes de stupeur avec mutisme

et négativisme.

Le malade présentait aussi une grande suggestibilité ; dans les moments de

calme, il se laissait conduire avec une grande docilité et il obéissait passive-

ment à toutes les sollicitations ; on ne constata jamais chez lui d'échopraxie,

d'écholalie, ni d'échomimie.

L'activité est actuellement troublée ; il existe de la dépression et de l'hébé-

tude.

La mimique est peu expressive ; on chercherait en vain sur la physionomie

du malade, le reflet d'un état d'âme. Cependant un sourire éclaire parfois le

masque indifférent. C'est un plissement imperceptible des commissures labia-

les les paupières se ferment à demi et les yeux semblent briller de malice.

Ce sourire est finement ironique, mais aucun événement extérieur ne semble

le provoquer et il est difficile de savoir s'il correspond uu non à quelque 're-

présentation mentale.

La particularité la plus intéressante et la plus typique consiste dans une

stéréotypie très curieuse d'attitude et d'actes. En voici la description résumée,

photographiée pour ainsi dire dans la série régulière de ses mouvements suc-

cessifs. .' .

Pierre se tient debout, toujours à la même place, près de la porte de la

salle. Il a les mains dans les poches de son pantalon. Les paupières baissées,

il regarde la terre.

. Au bout d'un moment, il s'accroupit. Il fléchit les genoux, s'assied sur les

talons et croise les bras. Puis il se redresse. On le voit alors tirer de sa poche

NOUV, ICONOGRAPHIE DE LA SALPÊTRIÈRE.

T. XXI, PL LXTV.

MAIN DROIT ?

MAIN GAUCHE

SYNDACTYLIE, ECTRODACTYLIE, CLINODACTYLIE

Chez un dément précoce dégénéré.

(E. Régis.)

Masson et ( ? ](hlet1r'

NOUVELLLE ICONOGRAPHIE DE LA SALPTTRIÈRE T. XXI. Pl. LXV

. Pied gauche.

Pied droit.

SYNDACTYLIE - ECTRODACTYLIE - CLINODACTYLIE

CHEZ UN DI : MT=NT Y121 : COC> : I211G1 : : Ililtl· , ? ¡.>;t\' \1'\

SYNDACTYLIE ECTRODACTYLIE CL1NODACTYLIE ' 07

un mouchoir qu'il élève rapidement à la hauteur dn visage. Parfois il a l'air de

vouloir enlever une croûte qui le gênerait ou bien d'essuyer une mucosité ;

d'autres fois on dirait qu'il respire-un parfum répandu sur le linge, mais son

visage reste inexpressif et aucun jeu de physionomie ne trahit la perception de

sensations agréables ou désagréables.

Pierre remet le mouchoir dans sa poche et tire l'autre main avec un second

mouchoir ; il répète le même geste que précédemment. Quelquefois la maiu

sort libre de la poche ; il la dresse jusqu'au nez et sent l'extrémité de ses doigts

on bien il effleure sa moustache.

Pierre sort alternativement la main droite et la main gauche, avec le mou-

choir d'abord, puis vides. Nous avons noté ainsi treize mouvements alternatifs

d'une régularité absolue, se reproduisant indéfiniment dans le même ordre.-

Le fait de se voir observé ne modifie pas chez le malade, les gestes sté-

réolypés.

Pierre présente encore une stéréotypie de langage, bien définie. La phrase :

« Oh ! ça ne va pas mal ! » répétée toujours avec les mêmes intonations, ré-

pond aune foule de questions qui lui sont posées, à la presque totalité, peut-on

dire.

4° Malformations DES extrémités. - Voici maintenant l'étude détaillée des

malformations des extrémités (Pl. LXIII, LXIV, LXV).

a) Aspect extérieur.- La main gauche présente seulement quatre doigts, que

le malade maintient en flexion. Le pouce est réuni à l'index par une membrane

qui va jusqu'à la première phalange. L'index a l'ongle déformé et incurvé du

côté du pouce. Les deux derniers doigts sont normaux ; à la place du médius

se trouve une large fente.

La main droite ne possède aussi que quatre doigts. Le pouce et l'index sont

également réunis par une membrane. Cette syndactylie, de même que la pré-

cédente, a subi une tentative d'opération qui a échoué.

Le pied gauche présente un pouce très long, renflé à sa base en forme d'o-

voïde. Le petit orteil, presque normal, est tourné vers le pouce. Les orteils in-

termédiaires sont représentés par un moignon commun et difforme.

Le pied droit offre, à peu de chose près, la même disposition : le pouce,tou-

jours incurvé, est moins long. Le dernier orteil, au lieu d'être antéro-posté-

rieur, est tout à fait transversal, recouvrant en partie le moignon que forment

les trois autres doigts...... :

Une pareille difformité des mains n'empêche pas le malade de se livrer aux

travaux des champs, ni à d'autres actes plus délicats. Si nous lui présentons

un objet, il le saisit entre les deux branches de sa pince, exactement comme le

ferait un homard et s'en sert très bien. Pour écrire, il tient la plume de la main

gauche, entre le pouce et l'index. L'écriture paraît impossible de la main droite

vu la disposition des doicts. t '

b) Radiographie. Les extrémités du malade ont été radiographiées dans

le service de M. le professeur.l3ernonié (PI. LXIV et LXV). Voici l'intèrpré-

408 RÉGIS

tation que M. le Dr Aubaret, chef des travaux anatomiques, a bien voulu nous

donner par écrit de ces radiographies.

Main droite. Le carpe paraît normal.

Le troisième métacarpien, qui paraît s'articuler en arrière avec le grand os,

suivant la règle anatomiqne habituelle, se dirige ensuite en avant et en dehors

L'espace qui le sépare du deuxième métacarpien est beaucoup plus considérable

que celui qui le sépare du quatrième ; autrement dit, il fait partie de la branche

externe de la « pince de homard D. Son aspect est irrégulier ; son extrémité

postérieure est moins renflée que celle des autres métacarpiens : sa surface est

irrégulière et son extrémité antérieure, au lieu d'être renflée en forme de tête,

se termine en pointe mousse et est plus grêle que le corps de l'os. A signaler

l'atrophie relative du cinquième doigt par rapport au quatrième et la disparition

complète des phalanges du médius. '

Main gauche, C'est la même disposition ; mais beaucoup plus accentuée,

puisqu'il y a non seulement atrophie du métacarpien, mais disparition complète

de cet os.

Pied gauche. - Les malformations portent sur le squelette des métatarsiens

et des orteils.

Le premier métatarsien, extrêmement volumineux, formé de deux parties

coudées à angle obtus, ouvert en dehors et en avant, s'articule en arrière,

Fig. 1. - Pied gauche.

SYNDACTYLIE ECTRODACTYLIE CLINODACTYLIE 409

comme d'habitude, avec le premier cunéiforme et aussi avec le deuxième et le

troisième.

Le troisième métatarsien s'articule en arrière avec le troisième cunéiforme

et l'extrémité postérieure des premier et deuxième métatarsiens fusionnés.

Assez volumineux à sa partie postérieure, il se termine en avant par une extrér

mité effilée au lieu de présenter comme normalement une tète. Il a ainsi une

forme conique à base postérieure. Le squelette de l'orteil correspondant fait

complètement défaut.

Les quatrième et cinquième métatarsiens offrent un développement sensible-

ment normal. Ils s'articulent l'un et l'autre avec la face antérieure du cuboïde,

comme le font normalement le quatrième et le cinquième. Le squelette du

quatrième orteil fait complètement défaut. Celui du cinquième existe.

Il existe donc, dans le pied gauche, quatre métatarsiens au lieu de cinq. Si

l'on tient compte de leur articulation avec le tarse, ce serait le deuxième mé-

tatarsien qui ferait défaut. En réalité, il est vraisemblable que son extrémité

postérieure a persisté, mais s'est soudée au premier métatarsien, ce qui expli-

que la forme anormale du premier métatarsien, et ce fait qu'il possède simulta-

nément les articulations des deux premiers métatarsiens à l'état normal (pre-

mier et deuxième cunéiformes).

Pied droit, Hallux Valgus. Les métatarsiens existent, déformés. Les

deux premiers sont raccourcis, mais un peu élargis. Il ya un début de fusion.

Fig. 2. - Pied droit.

410 régis

Le premier métatarsien surplombe le deuxième, alors que du côté gauche, on a

vu la fusion être complète. ,

Le squelette du deuxième orteil fait défaut. Les métatarsiens ont leurs rap-

ports postérieurs normaux avec les cunéiformes. Le troisième métatarsien a

une extrémité antérieure amincie. Le squelette du troisième orteil est absent.

Celui du quatrième est réduit à l'unique phalange, qui se dirige vers les pha-

langes du cinquième orteil, au nombre de trois. '

Le squelette des deux pieds présente, en résumé,les malformations curieuses

suivantes. Il est divisé en deux segments : le segment interne et le segment

externe de la « pince de homard ». Sur le segment interne (côté du gros or-

teil), les métatarsiens sont fusionnés ou en voie de fusion : squelette d'un or-

teil unique. Le segment externe comprend les trois derniers métatarsiens

dont l'extrémité antérieure est en voie d'atrophie pour le troisième et le qua-

trième. L'atrophie et la fusion des os sont plus accusés au côté gauche qu'au

côté droit.

Réflexions.

Trois points nous paraissent surtout à relever dans l'observation qui

précède : 1° les malformations des mains et des pieds ; 2° la coexistence,

avec ces malformations, d'un état constitutionnel de dégénérescence men-

tale ; 3° l'existence actuelle d'une démence précoce venue se greffer sur

le fonds dégénératif.

Nous dirons, très brièvement, un mot de chacun de ces points.

1° En ce qui concerne les malformations des extrémités, ce fait s'ajoute

aux nombreux cas de syndactylie qui ont été publiés dans ces dernières an-

nées, notamment dans la Nouvelle Iconographie de la Salpêtriere, et que

l'utilisation médicale de la radiographie a rendus d'une observation et

d'une interprétation anatomique si exactes et si rigoureuses.

Faisons simplement remarquer que chez notre sujet, les deux mains et

les deux pieds sont tous quatre atteints à divers degrés de malformations

et que ces malformations prédominent, pour chaque main et pour chaque

pied, au niveau du troisième segment osseux.

Faisons remarquer également qu'ici les anomalies sont multiples et

qu'à côté de la syndactylie, on trouve Veclrodactylie et la clinodactylie ou

inclinaison des extrémités phalangiennes, bien étudiée notamment par

Herran (Thèse de Bordeaux 1898) et par Dubreuil-Chambardel [Gazette

médicale du centre, 1908).

Soulignons enfin cette particularité intéressante que, tandis qu'il

n'existe dans l'ascendance du malade aucune anomalie de ce genre, on la

retrouve chez deux sur trois de ses frère et soeurs et que, chez eux, l'ano-

malie porte, tant aux pieds qu'aux mains, sur le troisième segment ou

segment médian, Je plus atteint chez lui. ,

2° Il n'est pas indifférent de sa ire ressortir que notre ectro-cl ino-syndac-

tyle est un dégénéré avéré.

SYNDACTYLIE ECTRODACTYLIE CLINODACTYLIE 411

Jusqu'ici, en effet, les auteurs qui ont publié des cas de syndactylie,

simple ou compliquée, ont étudié surlout et à peu près exclusivement les

malformations des extrémités, se préoccupant peu ou pas de l'état mental.

Aussi ont-ils conclu, pour la plupart, à l'intégrité psychique des syn-

dactyles.

Il nous paraît qu'il y a lieu de réviser cette affirmation et de reprendre

la question de plus près.

En ce qui nous concerne, nous avons observé, dans ces dernières

années, quatre cas de syndactylie. Dans le premier, suivi et publié par

notre élève et ami L. de Perry (Congrès de Grenoble, 1902), il s'agissait

d'un individu porteur de nombreux stigmates physiques de dégénéres-

cence qui, ayant contracté la syphilis, devint ultérieurement paralytique

général. Le second cas est relatif à cette curieuse dégénérée, fille de para-

lytique général, dont la photographie et la radiographie figurent dans

notre Précis de Psychiatrie. Le troisième est celui d'un enfant de neuf ans,

fils de mère hystérique ayant eu trois fausses couches sur cinq grossesses,

et qui lui-même est très nerveux et, de plus, faible d'esprit. Le quatrième

est celui de Pierre X......, sujet de l'observation ci-dessus.

Il est vrai que Pierre a un frère et une soeur également syndactyles et

qu'on ne peut qualifier, d'après ce que nous en avons pu voir tout au

moins, de dégénérés. Aussi ne voulons-nous pas généraliser, mais simple-

ment appeler de façon plus précise l'attention des futurs observateurs sur

l'état mental des syndactyles.

4° L'existence actuelle, chez notre malade, d'une démence précoce,

avec ses alternatives d'agitation, de stupeur et de rémission, ses symptô-

mes d'inertie, de confusion, de suggestibilité, de négativisme, ses stéréo-

typies si bizarres et si caractéristiques, mérite tout particulièrement, nous

semble-t-il, d'être signalée. Nous soutenons depuis longtemps que la dé,

mence précoce comprend deux types distincts :

1° La démence précoce post-cozfzcsionzetle ou accidentelle qui sur-

vient, chez des individus sans tare antérieure bien marquée, à la suite

et sous l'influence d'une confusion mentale aiguë, toxique ou infectieuse ;

2° La démence précoce dégénérative ou constitutionnelle, qui se mani-

feste, avec ou sans cause occasionnelle, chez des sujets originairement et

nettement dégénérés, constituant un véritable processus d'affaiblissement

mental greffé sur le fonds primitif de faiblesse mentale.

Le cas de Pierre peut être considéré comme caractéristique de ce se-

cond type clinique, dont l'existence et les particularités spéciales ne sau-

raient être mises en doute et qui mérite, en dehors des intéressantes indi-

cations déjà fournies à son sujet par divers auteurs, une brève description

individuelle que nous comptons prochainement lui consacrer.

ABSENCE CONGÉNITALE BILATERALE DU RADIUS

ET DES DOIGTS RADIAUX

(rCTROMÉLIE LONGITUDINALE RADIALE BILATÉRALE)

- PAR

E. APERT, et MORISETTI,

médecin des hopitaux, assistant de consultation

à l'hôpital Saint-Louis,

Observation.

G. T..., 26 ans, est atteint d'une infirmité congénitale des membres supé-

rieurs. Au membre supérieur droit le pouce manque, l'index est peu développé,

la main est déviée vers le bord externe, l'avant-bras est atrophié et on sent par

la palpation que le radius est absent. A gauche, la disposition est la même,

sauf que l'index manque, outre le pouce (Pl. LXVI).

Telle est, en gros, la malformation. En l'étudiant de plus près, on note les

particularités suivantes :

Main droite. - Elle est déviée vers le bord radial de façon à se trouver à

angle droit avec l'avant bras. Elle est susceptible de mouvements sur l'avant-

bras mais seulement dans un angle de 40°.

L'éminence thénar n'existe pas, l'éminence hypothénar est au contraire bien

développée,' ce qui tient à ce que le malade emploie son auriculaire comme

doigt opposant. Aussi la position habituelle de l'auriculaire est en demi-rotation

externe et en légère flexion, de telle sorte que la pulpe de ce doigt regarde

l'annulaire, et que le petit doigt reste normalement écarté des autres.

Le malade saisit les objets entre l'auriculaire et l'annulaire. Pour écrire il

place le porte-plume entre ces deux doigts : son écriture est suffisamment

bonne. En voici un exemplaire (fig, 1.), '

Fig. 1.

NOUVELLLE Iconographie DE la SALPÊTRIERE

T. XXI. PI. LXVI

ECTRO\fÉLIE LONGITUDINALE RADIALE BILATÉRALE

(Apert et Morisetti.)

Masson & Cie, Éditeurs.

Phnl(,I ? ""...1 ? l ' "-

ABSENCE CONGÉNITALE BILATÉRALE DU RADIUS 413

Les plis de la paume de la main n'o.nt pas leur disposition habituelle ; les

plis transversaux manquent et il existe' deux plis longitudinaux bien mar-

qués (fig. 2).

L'index est insuffisamment développé, grêle, court, uni il la base au médius

par un pli cutané ; ses mouvements propres sont très peu étendus, et le malade

s'en sert beaucoup moins que de l'auriculaire.

Main gauche. - La disposition générale est identique à celle de la main

droite ; même déviation vers le bord radial ; même limitation des mouvements;

même disposition de la paume de la main (fig. 3) ; même position de l'auricu-

laire le rendant susceptible d'un certain degré d'opposition. La seule différence

consiste en ce que l'index est ici absent.

Bras et avant-bras. - Ils sont très atrophiés de deux côtés. Les mensura-

tions suivantes permettent de se rendre compte de cette atrophie : -.

4H

APERT ET. MORISETTI

Il est à remarquer que l'atrophie en longueur porte surtout sur l'avant-

bras à droite, et surtout sur le bras à gauche. D'un côté comme de l'autre les

reliefs musculaires se sentent mal, même quand on demande au malade de

faire contracter ses muscles. Les mouvements de flexion du coude sont limités

à l'angle droit.

Ceinture thoracique. Les clavicules et les omoplates paraissent nor-

males, mais les muscles qui s'y insèrent sont peu développés, en sorte que les

régions pectorales et scapulaires n'ont pas leur conformation ordinaire. Il y a

des méplats aux places qu'occupent habituellement les saillies de la partie

supérieure du grand pectoral et du faisceau claviculaire du deltoïde ; latéra-

lement l'acromoin est plus saillant que normalement, et la partie acromiale du

deltoïde est moins développée que normalement, les fosses sus et sous-épineu-

ses sont un peu excavées et l'omoplate un peu ailée. Les mouvements de

l'épaule sont limités, surtout à gauche ; de ce côté le mouvement d'élévation

du bras, en avant ou latéralement, né se fait qu'avec difficulté et ne dépasse

pas beaucoup la position horizontale, à droite au contraire le bras peut être

levé presque verticalement. '

Le reste du tronc, le cou, la tête, les membres inférieurs ne présentent rien

de particulier. '

rig. 3. - Main gauche.

NOUVELLE Iconographie DE la SALPETRIÈRE.

1'. XXI. Pl. LXVII

Bras gauche.

Bras droit.

EC1'ROWÉLIE LONGITUDINALE RADIALE BILATERALE

( ? P'IJ rl M risrlli.J

ABSENCE CONGÉNITALE BILATÉRALE DU RADIUS 41 S

La santé générale est parfaite ; l'intelligence est normale, le sujet, non seu-

lement écrit, mais dessine assez bien; il a poussé ses études assez loin pour

vouloir se présenter à l'Ecole normale d'instituteurs, mais on l'a averti que

son infirmité empêcherait qu'on lui confie un emploi ; il a renoncé à cette am-

bition, et après avoir cherché en vain un emploi de bureau, il est réduit main-

tenant à vendre les journaux dans la rue.

Dans ses antécédents, on note seulement que son père est mort de tubercu-

lose pulmonaire. Sa mère est bien portante. Il est le quatrième d'une famille

de six enfants. Les frères et soeurs sont normalement constitués. Il raconte

que pendant que sa mère le portait, elle a été impressionnée par la vue d'un

homme infirme de même façon que lui. A part cela, il n'a pas connaissance

que la grossesse ou l'accouchement aient présenté rien de particulier.

Radiographies. - Les deux membres supérieurs jusqu'à mi-bras ont été

radiographiés au laboratoire de M. Gastou à l'hôpital Saint-Louis. Ces radio-

graphies sont reproduites ci-contre (pl. LXVII).

MEMBRE supérieur GAUCHE.- Le radius fait défaut ainsi que les os de la moi-

tié radiale du carpe, et tout le rayon du pouce (métacarpien et phalanges). Les-

os persistants se présentent de la façon suivante :

Phalanges. Les phalanges des quatre doigts sont bien conformées. On

remarque d'une part une légère atrophie du squelette de l'index, d'autre part

des modifications du squelette du petit doigt en rapport avec la fonction que le

malade donne à ce doigt. Il s'en sert comme d'un pouce, pour l'opposition au

doigt voisin. Aussi onremarque que les phalanges de ce doigt au lieu de se

présenter de face, ont subi une rotation qui les fait se présenter de profil. En

outre ces phalanges sont relativement fortement développées.

Métacarpe. Mêmes remarques que pour les doigts. Le métacarpien de

l'index est grêle comme s'il était légèrement touché par l'atrophie du bord ra-

dial de la main. Le cinquième métacarpien est au contraire bien développé, ses

extrémités sont volumineuses, et l'écartement avec le métacarpien voisin est

plus grand que normalement. Une petite stalactite osseuse est développée sur

l'angle interne de l'extrémité proximale de ce cinquième métacarpien.

Carpe. Les os de la 2° rangée du carpe sont représentés uniquement par

un seul os, qui par son volume, et par ses connexions avec les quatre méta-

carpiens à la fois, paraît représentera la fois l'unciforme, le grand os et le tra-

pézoïde fusionnés en un seul bloc osseux. Le trapèze fait défaut.

Les os de la 1° rangée sont représentés uniquement par le pisiforme, le

pyramidal et le semi-lunaire ; le scaphoide fait défaut.

L'axe du carpe et par suite celui de la main fout un angle droit avec la direc-

tion du cubitus,du fait du déplacement des os de cette 1 rangée du carpe qui,

par suite de l'absence de l'extrémité inférieure du radius,ont glissé sur le bord

du cubitus et sont en rapport non plus avec l'extrémité mais avec la face latérale

de l'extrémité inférieure de cet os.

Cubitus. -Il est incurvé en arc de cercle vers le bord radial du bras (de-

venu bord interne), son extrémité inférieure est plus globuleuse que normale-

ment, son apophyse styloïde arrondie et surbaissée.

416 APERT ET MORISETTI

Coude. - L'articulation du coude est anormale du fait d'un état globuleux

de l'extrémité inférieure de l'humérus, où les saillies et les fossettes sont moins

accentuées qu'à l'état normal ; la fosse coronoïde est remplacée par un méplat ;

la fossette olécranienne est à peine marquée. En correspondance avec cette dis-

position, le bec de l'olécrane n'existe pas ; l'apophyse coronoïde est plus oblique

que normalement sur l'axe du cubitus et l'extrémité supérieure du cubitus est

dans son ensemble reportée en arrière par suite d'une adaptation moins parfaite

à l'extrémité inférieure de l'humérus.

Membre supérieur DROIT. La disposition générale est la même qu'à

gauche sauf une incurvation moins grande du cubitus, la présence d'un rudi-

ment de cupule radiale, et l'absence de l'index.

Main. - Le petit doigt présente les mêmes particularités qu'à la main

gauche. Il a subi une rotation sur son axe qui lui permet un léger degré d'op-

position avec les autres doigts. Le rayon digital de l'index est réduit à un petit

os conique de 1 cm. 1/2 de long, plus transparent aux radiations de Roent-

gen que les extrémités supérieures contiguës des trois métacarpiens restants.

Ces extrémités supérieures des trois mélacarpiens chevauchent l'une sur l'autre

de telle sorte que les métacarpiens 3 et 5 sont sur un plan dorsal, le métacar-

pien 4 sur un plan palmaire.

Carpe. Un seul os se voit à la 2e rangée, représentant sans doute à la fois

l'os crochu et le grand os ; à la seconde rangée on voit trois os : le pisiforme,

le pyramidal, et le semi-lunaire ; le scaphoïde fait défaut.

Comme à gauche, le carpe est luxé sur la partie latérale du cubitus ce qui

explique que la main soit à angle droit avec l'avant-bras.

Cubitus. Son apophyse styloïde est encore moins saillante qu'à gauche.

Sa diaphyse est beaucoup moins incurvée, mais cependant un peu plus que

d'ordinaire. Son extrémité supérieure présente les mêmes particularités que

de l'autre côté : effacement du bec de l'olécrane, obliquité de l'apophyse co-

ronoïde, évasement de l'échancrure sigmoide.

. Humérus. - L'extrémité inférieure de l'humérus est globuleuse comme à

gauche, les fossettes coronoïde et olécranienne sont effacées.

' Radius. - En avant et en dessus de l'extrémité inférieure de l'humérus on

voit un noyau osseux ovalaire, peu épais, qui semble représenter l'extrémité

supérieure du radius.

En résumé, il s'agit d'absence congénitale de toute la portion radiale du

squelette des. membres supérieurs ; radius, 1 et métacarpien et squelette du

pouce à droite, radius, deux premiers métacarpiens et squelette des deux

premiers doigts à gauche. Toutefois la malformation est plus complexe,

l'humérus lui-même est atteint, surtout à gauche, les articulations sont

plus ou moins ankylosées, il y a fusion de plusieurs os du carpe normale-

ment séparés, la musculature est altérée non seulement dans les segments

de membres où une partie du squelette fait défaut, mais jusque dans la

ceinture thoracique. Ces ankyloses,-ces atrophies musculaires ne sont pas

ABSENCE CONGÉNITALE BILATÉRALE DU RADIUS - 4t 1

la conséquence de l'atrophie de la main et de l'avant-bras, car elles sont

plus prononcées que dans les hémimélies congénitales. Il semble que le

processus qui a causé l'atrophie d'une partie de la main et de l'avant-bras

ait également entravé dans une certaine mesure le développement des

bras et des épaules.

Pour élucider plus complètement le cas de notre malade, il est intéres-

sant de le rapprocher des cas analogues.

Pour cela nous avons mis à contribution les études de Bouvier, article

Main-bote du Dictionnaire Dechambre (16 observations dont 14 unilatéra-

les et 2 bilatérales, la plupart avec dissection du membre), de Kirmisson

(Traité des maladies chirurgicales d'origine congénitale), les thèses de

Burckhardt (Zurich, 1890), de Werner Kumme) (Casse ! , 1895), de Savor-

nin (Lott, 1898-1899), de Loebell (trient, 1906)/et, outre les observa-

tions réunies par les auteurs précédents, celles de Gayet (Gazette des

hôpitaux, 1901),llichelson (Deutsche med. IVoch., 9906),Françaisetl;â-

ger (Iconographie de la Salpêtriere, 1906),Lotsch (Deutsche med. Zeitschrift,

1906), lluisman (J. méd. Bruxelles, 1905), Ilabert (Revue d'orthopédie,

1904), SLouffs (Presse médicale belge, f899),Parker (Trans. of Path. Soc.

London, 1881), Anlonelli (Gaz. méd. italiatta, 1904), Jagot (Archives

méd. d'Angers, 1905), Redard (Revue d'orthopédie, 1903), Layral et Péhu

(Province médicale, 1907).Le nombre d'observations ainsi réunies est voi-

sin de la centaine. La malformation n'est donc pas aussi rare qu'on pour-

rait le croire. Elle est unilatérale dans les deux tiers des cas, bilatérale

dans un tiers. Elle est souvent associée à d'autres malformations. Quand

elle est unilatérale on note souvent une certaine atrophie du thorax et

même de la mâchoire du même côté. Dans six observations, elle coïncide

avec la malformation homologue du membre inférieur, l'absence du tibia. ,c

Dans quelques cas, la malformation fait partie de monstruosités plus com-

plexes et s'associe au bec-de-lièvre, aux fissures palatines et faciales, à

la célosomie, etc.

La malformation de notre malade représente le type le plus fréquent. ;

l'absence du radius comporte en effet le plus souvent l'absence du pouce,,

et l'absence ou l'atrophie plus ou moins accentuée de l'index. Cependant

dans des cas rares, le pouce existe en général très atrophié ; dans des cas

opposés également rares, il n'y a que deux ou môme qu'un doigt, ce

qui fait le passage aux ectromélies plus complètes. Les métacarpiens sui;

vent le sort des doigts correspondants. Les os du carpe sont incomplets ;,

les os les plus externes manquent. La soudure de plusieurs os du carpe en

un seul, que présente notre malade, est plus rarement notée. Toutefois,

dans l'observation de Gayet, la rangée du carpe était représentée par un

seul os allongé transversalement, et semblant correspondre au semi-lu-

xxi 28

418 ' APERT ET MORISETTI

naire et au pyramidal fusionnés ; une figure de l'article de Bouvier repro-

duisant une pièce du Musée Dupuytren montre les os de la Il, et ceux

de la 2e rangée du carpe fusionnés en deux os, un seul pour chaque ran-

gée, l'inférieur s'arliculant avec les quatre métacarpiens existants.

Le cubitus est le plus souvent incurvé comme chez notre malade ; l'hu-

mérus est souvent raccourci, parfois au contraire plus long que celui du

côte sain (dans les cas unilatéraux).

Sur les pièces de dissection on a noté des anomalies musculaires, non

seulement par absence des muscles à insertion radiale (radiaux, prona-

teurs, supinateurs, extenseurs et fléchisseurs du pouce et de l'index),

mais également dans les muscles cubitaux. La longue portion du biceps

fait souvent défaut, ce qui entraine l'absence de coulisse bicipitale sur

l'humérus. Les muscles de l'épaule sont souvent plus ou moins atrophiés

Les anomalies artérielles et nerveuses consistent en l'absence ou la graci-

lité extrêmes des branches radiales.

En somme il ne s'agit pas de la simple absence d'un rayon osseux,

mais tout le côté externe et antérieur du membre supérieur est atrophié;

cette atrophie remonte parfois jusqu'à la racine du membre et même jus-

qu'au thorax et jusqu'à la mâchoire.

Comment expliquer la production de cette malformation ? Dans leur ré-

cent travail, Français et Egger admettent qu'il existe dans les centres ner-

veux de chez l'embryon un noyau spécial présidant au développement du

système radial, système comprenant le radius', le trapèze, le trapézoïde,

le métacarpien et les phalanges du pouce ainsi que les muscles qui s'insè-

rent sur les os, leurs vaisseaux et leurs nerfs. L'agénésie de,. ce noyau en-

traînerait l'agénésie du système correspondant. C'est là une théorie que

nous ne pouvons admettre. Chez l'embryon les diverses parties du corps

se développent sans intervention du système nerveux. Cela résulte non

seulement des faits cliniques et tératologiques, mais encore des faits ex-

périmentaux sur le développement des membres chez les têtards de gre-

nouille. L'agénésie des cellules nerveuses répondant à la main dans les cas

d'ectromélie est consécutive à la malformation et n'en est pas la cause.

Elle se retrouve dans les amputations accidentelles post parfum. L'un de

nous a publié un fait démonstratif à ce point de vue (1). Nous croyons

avec Dareste etKirmisson qu'il faut cherchera la malformation une origine

mécanique, locale, « actuelle (selon la conception d'Yves Delage) On

trouve celle origine dans l'étroitesse du capuchon amniotique, ou dans

des brides et adhérences de l'amnios. Dans un cas de Kirmisson l'adhérence

(1) APERT, Bulletins de la Société médicale des hôpitaux, 1SJ8, p. 643 et Bulletins de la

Société anatomique, 1901, p. P;8.

ABSENCE CONGÉNITALE BILATERALE DU RADIUS zip

avait laissé sur l'avant-bras une longue cicatrice, succédant à une plaie

constatée par la sage-femme au moment de la naissance. Le côté radial du

membre supérieur regarde chez le foetus vers l'extrémité céphalique. Il

est donc beaucoup plus facilement en contact avec le capuchon amniotique

que le côté cubital. La théorie amniotique est donc bien en concordance

avec ce fait que le radius est plus souvent absent que le cubitus ; le'con-

traire devrait avoir lieu clans la théorie atavique, le cubitus étant un os

fréquemment rudimentaire dans la série animale ; dans la théorie nucléaire

de Français et d'Egger, la prédominance de l'agénésie radiale sur l'agéné-

sie cubitale ne se comprend pas.

Les anamnestiques susceptibles d'expliquer la malformation sont le plus

souvent nuls. En général les parents sont bien portants,la grossesse et l'ac-

couchement n'ont rien présenté de particulier, les frères et soeurs sont

normaux ; la malformation n'est le plus souvent pas héréditaire et paraît

due à une amniotite accidentelle. Toutefois elle est parfois héréditaire et

familiale. C'est ainsi que l'observation de Gayet concerne une mère et son

enfant atteints tous deux d'ectromélie longitudinale radiale bilatérale ;

l'enfant reproduisait d'une manière frappante les malformations mater-

nelles ; c'est ainsi encore que Depretz (cité par Bouvier) a observé un

homme atteint d'absence du radius et du pouce, qui, sur cinq enfants, en

avait un seul normal, deux conformés absolument comme lui, et deux

chez qui la malformation s'était encore aggravée, l'un n'ayant plus, que

trois doigts, et le dernier plus qu'un seul doigt (1 ). Celle notion de l'hé-

rédité n est pas incompatible avec la théorie amniotique ; le fait primitif

peut être l'hérédité d'une conformation vicieuse du capuchon amniotique.

Il est intéressant de comparer la malformation qui nous occupe avec la

malformation homologue du membre inférieur. Cette comparaison est

facile grâce à la monographie excellente que MM. Launois et Kuss ont

consacrée à cette dernière malformation ( : .). Elle conduit conclure, com-

me font Launois et Kuss : « L'absence congénitale des deux os homologues

des membres supérieurs et des membres inférieurs-radius pour l'avant-

bras, tibia pour la jambe se traduit par un tableau symptomatique ri-

goureusement identique. Les deux affections sont homologues. » Launois

et Kuss invoquent, avec Dareste, comme origine de la malformation l'é-

troitesse du capuchon amniotique dans les deux premiers mois de la vie

embryonnaire, époque où les membres sont de simples bourgeons cellulai-

res sur lesquels une cause mécanique même faible agit avec une grande

(1) Roherts a observé un sujet atteint d'absence congénitale du cubitus et des doigts

cubitaux, dont la soeur, un des neveux et trois des enfants présentaient la même

diiiormité (Annals of Surgery, 1886, p. 133).

(2) LAuNois ET Kuss, Revue d'orthopédie, 1901.

420 APERT ET MORISETTI

facilité pour entraver le développement et la différenciation ultérieure.

Il faut ajouter qu'à celle époque de la vie, où la torsion du membre infé-

rieur ne s'est pas encore faite, la situation delà portion tibiale du mem-

bre inférieur par rapport au capuchon amniotique caudal est identique à

celle de la portion radiale du membre supérieur par rapport au capuchon

amniotique céphalique, elle est par suite plus exposée à la compression que

la portion péronièrede même que la portion radiale est plus exposée que

la portion cubitale. Aussi letibia et le radius sont beaucoup plus souvent

absents que le péroné et le cubitus. L'association relativement fréquente

des deux malformations (six observations) met d'autre part en relief leur

parenté.

Dans le cas de notre malade tout traitement semble devoir être bien

peu efficace. Il n'en est pas toujours ainsi. Chez des sujets plus jeunes,

surtout quand l'absence de radius n'est que partielle et qu'il subsiste

l'extrémité supérieure de l'os et une partie de la diaphyse, de petites inter-

ventions pour redresser la main et des appareils orthopédiques appropriés

onl pu donner des résultats excellents (Kirmisson, Hoffa, Hedard).

INSTITUT D'ÉTUDES SUPÉRIEURES DE FLORENCE.

CLINIQUE MÉDICALE GÉNÉRALE DIRIGÉE PAR LE PROFESSEUR SE1\.

PIETRO GROCCO.

CONTRIBUTION A L'ETUDE

DE

L'INFANTILISME DU TYPE LORAIN

(suite el fin)

PAR

ETTORE LEVI

Assistant à la Clinique médicale générale de Florence.

La conception clinique de l'infantilisme remonte à Andral, Tardieu et

Lasègue ; déjà en 1836 en effet Amiral avait observé que les descendants

de parents tuberculeux présentaient une constitution somatique semblable-

à celle des enfants et peu après Hirtz mettait plus clairement en lumière

les rapports entre l'infantilisme et la Tuberculose.

En 1871 Lorain et son disciple Faneauclela Cour décrivirent parfai-

tement une forme d'infantilisme « caractérisée par la débilité, la gracilité

et la petitesse du corps, par une sorte d'arrêt de développement quipoi te-

rait plutôt sur la masse [de l'individu que sur un appareil spécial : en un

mot des sujets atteints d'une juvénilité persistante qui retarde indéfini-

ment chez eux l'établissement intégral de la puberté ».

Cette forme clinique a été étudiée par Brouardel, ./o ? '0 ? Z ? a)'e,BoM ?

7evilfe et Sollier, P. Richer, Meige, Capitan, Férue, Brissaud, Agoslini,

Ferranini, De Sanctis, etc. et elle est le plus souvent dénommée, d'après

celui qui l'a décrite le premier : Infantilisme du type Lorain. M. Brissaud

au contraire considérant que cette forme d'infantilisme est souvent liée à

un développement vasculaire insuffisant, lui a donné dès celle époque le

nom : d'infantilisme anangioplasique. Nous verrons en effet que la dé-

nomination choisie par M.Brissaud s'adapte à bien de cas, mais que cepen-

dant pour le plus grand nombre la dénomination plus vague d'infanti-

lisme dégénératif ou dystrophique est préférable en ceci, qu'elle admet

l'influence possible des causes dystrophiantes les plus variées soit hérédi-

taires, soit congénitales ou acquises.

Aux dystrophies cardio-vasculaires diffuses appartiennent les cas d'in-

422 2 ' ETTORE LEVI

fantilisme du type Lorain qui sont liés à une aplasie artérielle (Danlos) à

un rétrécissement diffus de l'aorte (Martinet Bacaloglu), ou à la chlorose,

dépendant elle-même souvent, selon Rokitanski et Virchow, de l'hypo-

plasie vasculaire.

Aux cardio-angio-dystrophies limitées appartiennent surtout les cas de

sténose de l'orifice pulmonaire et mitral, décrits par Durety-Comte,

Monnier, Potain, Gérard, Moussus, Gilbert el. Rathery, Merle/en, Carré,

Frerichs, Berlin, Déguise, Chevers, Schutzenberger, Guillain, Lasègue,

Monnier, Variot, Rendu, Ir2crzeaic,etc. Ferranini a été le premier à défi-

nir par des exemples classiques, le type clinique de l'infantilisme mi-

tral, lequel, à la différence des autres formes, est plus fréquent chez les

femmes.

Dans l'infantilisme mitral comme dans l'infantilisme pulmonaire, mais

avec moins de fréquence et de gravité, on trouverait selon Ferranini des

stigmates dégénératifs qui servent à démontrer l'origine congénitale de la

sténose mitrale ; cette forme peut se différencier cliniquement des autres

par la coexistence de la cyanose et de la fréquente hyperglobulie. La

chlorose mitrale décrite par Potain, G : Sée, Huchard, Bonet, ne doit pas

être confondue avec l'infantilisme mitral ; la formule hématique est diffé-

rente.

Souvent dans ces cas il s'agit plutôt d'enfants embrionali que de vrais

infantiles, mais nous verrons qu'il est juste d'admettre avec Ausset et De

Sanctis que chaque âge de la vie peut avoir son propre infantilisme.

Pour expliquer la genèse de l'infantilisme dans la sténose de la mitrale,

Ferranini invoque la dépendance de ces deux formes pathologiques d'un

fait unique de dysgénésie primitive des feuillets Nastodermiques; le sys-

tème osseux et les tissus de soutien (os et cartilages) dérivent chez les ani-

maux supérieurs du mésenchyme (Hertwig) : le développement du coeur

et du squelette se fait donc du même tronc originaire elles deux se ressen-

tent également des conditions dynamiques et structurales du feuillet ger-

minatif qui ieur a donné naissance. Mais en dehors des cardio-angio-dys-

trophies bien d'autres causes dystrophiantes peuvent déterminer les arrêts

de la croissance générale du type Lorain.

Nous avons vu que les premiers infantiles qui ont été décrits, étaient

des hérédo-tuberculeux : de tels cas ont été publiés par Andral, Hirtz,

Lorain, Faneau de la Cour, Ferranini, etc. Ce dernier en a décrit un joli

exemple familial à propos de deux soeurs ; pour lui l'infantile tuberculeux

se distinguerait des autres non seulement par l'exiguïté de ses formes et la

limitation de ses processus vitaux, mais aussi par un aspect caractéristi-

que vieillot de la figure qui contraste avec les proportions du corps. Les

CONTRIBUTION A L'ÉTUDE DE L'INFANTILISME DU TYPE LORAIN 423

muscles sont grêles, les os très minces et peu développés, l'appareil géni-

tal rudimentaire, l'appétit sexuel minime.

Lrancreau,Fec°raccirci, etc., ont décrit des cas d'infantilisme par malaria

chronique ; chez ces sujets aussi on est frappé par cette harmonie entre

le développement des différentes parties du corps qui est propre au type

Lorain; ces individus sont cependant reconnaissables facilement par le

teint, brun-terreux ou ictérique de la peau et par l'énorme volume du

ventre déformé par la spléno-hépatomégalie (Ferranini). Chez ces sujets

l'infantilisme mental est moins grave. Lancer eaux pense que cette forme

d'infantilisme est déterminée par des lésions secondaires de la glande

thyroïde, tandis que Ferranini croit que la seule action débilitante de la

malaria chronique est suffisante à la déterminer. Les deux mêmes explica-

tions sont invoquées pour la pellagre héréditaire; des cas d'infantilisme

par intoxication pellagreuse chronique ont élé décrits par Lombroso,Ceni,

Agostini ; ce dernier a observé chez ses sujets des symptômes dysthyroï-

diens assez nets, symptômes qui seraient assez fréquents chez les pella-

greux ; cela indiquerait, selon Agostini, une susceptibilité particulière

de la glande thyroïde vis-à-vis du poison pellagreux.

L'alcool a aussi une action profondément dystrophiante; Morel et Le-

gendre ont observé de nombreux symptômes d'infantilisme chez les fils des

alcooliques. Lombroso, Ro2creccu,elc.,observérent que dans les pays où l'on

fait grand abus d'alcool, la taille moyenne de la population décroît rapi-

dement, et Demie, Lancereaux, Reilz, etc., démontrèrent expérimentale-

mentsur des jeunes chiens et lapins l'influence délétère que l'alcool exerce

sur le développement du poids et de la taille.

Le saturnisme, le nicotisme (Hertoghe) et le mercurialisme peuvent

aussi être causes de remarquables arrêts de développement. Les végétations

adénoïdes, les affections du foie, la cirrhose biliaire (Fournier, Gilbert,

Lereboullet), l'ictère infectieux chronique (Rayent), l'entérite du nourrisson

(Hutinel), les affections des reins (Souques et Castaigne), le mal de Pott

(P. Marie) ont été tour à tour cités comme causes d'infantilisme.

Byrom-BI'a1n1Cell a publié un cas d'infantilisme pancréatique par lésion

congénitale du pancréas, et 1l101'lat a étudié un sujet chez lequel l'infan-

tilisme était d'origine surrénale et chez lequel on obtint une amélioration

par le traitement opothérapique.

Neusser a récemment relevé la coïncidence entre l'infantilisme et la po-

lysérosile junévile avec cirrhose hépatique; l'irritation des séreuses et

surtout du péritoine finirait par compromettre notablement le foie.

Brissaud a dit que la syphilis « est de toutes les influences morbides la

plus dystrophianle » et en effet la syphilis joue un grand rôle dans la ge-

nèse de l'infantilisme du type Lorain et des cas très démonstratifs dans

424 ' ETTORE LEVI

ce sens furent publiés par Ed. Fournier, Barasch, Lrmcerert1t.J'"Tissiel',

Tenneson, Leloire et Perrin, Brocq et Larergne, Trousseau, Besnier, Hal-

lopeau, d'Hiltz de Saint-Germain, Ferras, Leulard, Sabrazès, Gosselin,

Milian et Chapon, Carni, Barlow, Hoffmann, Post, Lewin, Scltcoitntner,

Ranschbtcry, De Sanctis, etc.

Joffroy a récemment observé dans deux cas de paralysie générale juvé-

nile, des symptômes très évidents d'infantilisme du type Lorain.

L'infantilisme dystrophique du type Lorain-Lasegue peut donc être

.déterminé par les causes dyslrophianles les plus variées, mais quel que

soit le facteur palhogénique, il conserverait toujours, selon Brissaud, ses

caractéristiques spéciales et ces infantiles seraient toujours de petits vieux

chez lesquels la cause du retard de la croissance ne laisse pas persister les

attributs de l'enfance, touchant à tous les organes, à tous les tissus et

n'épargnant même pas les cartilages d'ossification qui, lents à proliférer,

s'ossifieraient à l'époque normale. \

Selon Ferranini l'infantilisme de Lorain est l'expression de la misère

physiologique, est le tableau morphologique d'un organisme qui n'a pas en

soi la force d'arriver où la moyenne des hommes arrive ; le développement

n'est ni arrêté ni dévié, mais est 1 imité et exigu; il se fait mais pauvre-

ment. Pour Ferranini aussi l'ossification des cartilages épiphysaires se

ferait chez ses sujets en temps normal.

Les fonctions intellectuelles de ces infantiles ne sont pas,selon Ferranini,

aussi puériles que chez les myxoedélllateux, mais elles sont inférieures à

celles de la moyenne des hommes ; ce sont des arriérés non des dégénérés

comme le voudraient Dupréel Pagniez (Ferranini).

Je ne pense pas devoir parler ici des autres syndromes analogues

à l'infantilisme ou qui peuvent se lier à celui-ci ; je me bornerai donc

à nommer le mongolisme infantile et l'infantilisme mongoloïde (Kas-

.sozvitz, BOIl1'lleL'ille, Oliver, Garrorl,, Neumann, Sutherland, Vogt,

Siegert, et surtout De Sanctis), le nanisme achondroplasique (Parrot,

Marie, Apert, Leblanc, Herman, Cestan Regnault), l'eunuchisme et le

géroderme génito-dystrophique (R ? t ? 211710-Fei,i(iiiiiii, Greco, etc.) et enfin

l'infantilisme rachitique qui n'est pas admis par quelques auteurs et

nié par De Sanctis. Je ne parlerai pas non plus de l'infantilisme myxoedé-

mateux classique (Ord, 1877), mais je devrai nécessairement comparer

le tableau qui est offert par mes sujets à celui qu'on observe dans les

formes frustes du myxoedème infantile (Thibierge) et du myxinfantilisme

magistralement décrit par Brissaud. Nous ferons enfin brièvement mention

des formes combinées. Voyons donc quelles sont, selon Meige et Bris-

saud, les caractéristiques cliniques opposées du type Lorain etdu type

Brissaud- : .

CONTRIBUTION A l'ÉTUDE DE L'INFANTILISME DU TYPE LORAIN 423

Type Brissaîtd.Face arrondie.joufflue, facies lunaire; lèvres saillantes

et charnues, nez peu développé ; visage glabre ; peau fine et claire ; che-

veux fins ; sourcils et cils peu fournis ; yeux bouffis ; grosses joues ron-

des ; physionomie infantile et grosse tête relativement au tronc ; squelette

peu développé ; cou court et gros ; torse allongé cylindrique ; ventre

proéminent ; membres arrondis et gros ; gangue adipeuse qui revêt tout le

corps ; bassin infantile ; lordose lombaire ; organes sexuels rudimentaires ;

absence de poils ; voix grêle et aiguë, larynx peu saillant,corps thyroïde

généralement petit ; lenteur et faiblesse des actes psychiques : ossifica-

tion retardée des cartilages épiphysaires ; têtard ou absence de la seconde

dentition selon Marfan et Guinon et Hertoghe.

Type Lorain. Petite taille, formes délicates et élancées, squelette

très grêle, peau fine, pâle, formes anguleuses, épaules larges, extrémités

inférieures longues et fines, tronc relativement petit, sternum infantile,

bassin infantile,épiphses normalement soudées, pas d'enveloppe adipeuse

pas de ventre proéminent, traits du visage bien dessinés, voix haute, cou

long, atrophie génitale, caractères sexuels secondaires peu accentués ou

nuls, petites dimensions du corps (hommes en miniature), l'harmonie

entre les différentes parties du corps bien conservée.

Aussi bien les infantiles du type Lorain que ceux du type Brissaud

présentent donc des caractères communs : absence de développement des

organes génitaux, absence d'apparition de la puberté et des caractères

sexuels accessoires, état enfantin de l'intelligence et du caractère ; mais

tandis que les premiers nous présentent les caractères somatiques de

l'adolescence, les seconds nous montrent ceux de la première enfance.

Le type Brissaud nous donne le type anthropologique de l'enfant, pen-

dant que le type Lorain réalise plutôt l'aspect anthropologique de

l'adolescent. Mais surtout la soudure des épiphyses (précoce chez l'es

Lorain,tardive chez les infantiles de Brissaud) serait un caractère différen-

tiel de toute première importance selon lJrissaud,111l'ige, l/alma,r¡J'and, etc.

Entre ces deux types à caractères si nets ont pris place des formes de

transition qui ont été décrites par Brissaud, Vivier, /He<eM.x,y7;< ?

va l3rero, Hertoghe, Carré, Dupré et Peigniez, Aitsset,1)'i-etoii, etc. Iler-

taghe et A 1lsset, Breton sont arrivés jusqu'à invoquer l'uni lé étiologique

dysthyroïdienne de tous les types d'infantilisme et en partie même leur

unité morphologique

Hertoghe (1895) a vu par exemple la coexistence dans une même fa-

mille de deux cas de myxoedéme franc avec idiotie,de deux cas declioncli-6-

dystrophie grave, d'un nain rachitique, et d'un cas d'obésité infantile;

il a soigné deux cousins germains dont l'un était un Lorain typique, l'au-

tre nettement myxoedémateux. Dans de telles familles les antécédents

426 ETTORE LEVI .

héréditaires dysthyroïdiens seraient toujours positifs, on aurait c'est-à-dire

les petits signes de la dysthyroïdie.

Selon Hertoghe tous les infantiles quels qu'ils soient, même de haute

taille (géants infantiles), sont des dysthyroïdiens, et cela serait démontré

par le fait que le traitement thyroïdien a un effet favorable même sur les

infantiles du type Lorain. Chez tous les infantiles les épiphyses seraient

non soudées. '

Selon les vues de cet auteur l'atteinte primitive à la vitalité de la thy-

roïde serait toujours la cause essentielle de l'infantilisme (avec ou sans

altération de la taille) soit que celui-ci soit d'origine syphilitique ou pa-

ludéenne ou alcoolique,ou tuberculeuse héréditaires. Ainsi chez les tuber-

culeux qui souvent montrent le type infantile de Lorain. Garnier, I)e-

faucamber[je; Cornil, Apert ont démontré la fréquence de lésions thyroï-

diennes de nature infectieuse, ou toxique, ou néoplasique.

Demme, Fiii-st, Garnier ont observé chez les infantiles hérédo-syphili-

tiques des lésions très variées de]a thyroïde : faits nodulaires,nécrotiques,

hémorragiques, etc. et dans quelques cas du goitre.

Selon Roger il s'agirait dans ces cas de lésions parasyphililiques qui

pourraient expliquer les altérations du développement successif de l'indi-

vidu et surtout l'infantilisme.

Apert trouva à la nécropsie de deux cas d'infantilisme de Lorain des

lésions notables et diffuses de la thyroïde, tandis qu'il n'observa que des

lésions beaucoup moins apparentes chez un sujet qui-cependant réalisait

de son vivant le tableau de l'infantilisme myxoedémateux.

Les idées de Hertoghe acceptées par Apert, Fausset et Breton, ont été

considérées comme excessives par certains auteurs tels que Thibier[je et

Fürnrolar ; en Italie elles ont été combattues avec autorité d'argumenta-

tion et richesse de documents, ^w Ferranini et, De Sanctis. Ferranini s'op-

pose à l'unification des deux types Lorain el Brissaud qui n'est pas jus-

tifiée par l'existence de quelques formes frustes de passage, cependant que

les caractères cliniques extrêmes des deux types son si bien différenciables.

Ferranini est d'accord avec Brissaud pour nier toute valeur probatoire

dans le sens indiqué par Hertoghe au critérium ab jztvattibus; il est no-

toire en effet que les préparations thyroïdiennes ont une action stimulante

sur l'échange matériel et sur le trophisme général de tout individu ; le

traitement thyroïdien pourra donc être utile même dans les cas d'infan-

tilisme dystrophique non dysthyroïdien en tant que traitement sympto-

matique et sans modifier aucunement le processus pathogénique.

Les cas d'infantilisme dystrophique dans lesquels la pathogénie doit

être considérée comme indépendante de toute lésion primitive et préva-

CONTRIBUTION A L'ÉTUDE DE L'INFANTILISME DU TYPE LORAIN 427

lente du corps thyroïde, sont en effet très nombreux et les observations

de Ferranini en sont une preuve évidente. ,

Ainsi dans le cas d'infantilisme de Vigoltroux et Dehnas, qui, pendant la

vie, avait été considéré comme d'origine hypothyroïdienne, on trouva au

contraire à la nécropsie que les lésions les plus évidentes intéressaient la

glande interstitielle du testicule.

Nous parlerons plus tard un peu plus longuement des rapports entre les

différentes glandes à sécrétion interne et de leur importance probable

dans la pathogénie des infantilismes.

Un point essentiel pour la différenciation clinique entre le type Lorain

et le type Brissaud devrait être, selon le point de vue de l'Ecole française,

le développement, différent dans les deux cas, des processus normaux

d'ossification du squelette.

Selon Brissaud, dans l'infantilisme myxoedémateux le cartilage épiphy-

saire conserve sans l'utiliser son aptitude à l'ossification, tandis quedans

l'infantilisme anangioplasique elle l'utilise précocement et la soudure pré-

coce des os du crâne montre que l'ossification est l'effet d'une insuffisance

des tissus ostéogènes en général.

Springer et Sarbanesco soutiennent aussi que dans les cas d'arrêt de

développement dus au rachitisme, à la syphilis héréditaire et à l'alcoo-

lisme, on observe presque toujours une ossification précoce des cartilages

épiphysaires.

Meige et Allard ont trouvé chez un infantile du type Lorain âgé de 17 ans

un développement du squelette très avancé en comparaison de celui d'un

myxoedémaleux classique ; ces auteurs en déduisent que dans l'infanti-

lisme de Lorain l'ossification parait être prématurée.

Je dois dire à ce propos que non seulement mes cas personnels démon-

trent le contraire, mais que même les radiographies publiées par Meige

et Allard dans leur mémoire ne me semblent pas probantes dans le sens

voulu par les auteurs.

La main de leur infantile montre en effet la persistance encore très évi-

dente des cartilages épiphysaires à un âge auquel ils sont normalement

dans un état d'ossification beaucoup plus avancé ; la thèse soutenue par

Meige et Allard semble être démontrée par le fait qu'ils ont comparé la

main en question a celle d'un myxoedémateux classique dont l'ossification

des cartilages est certainement beaucoup plus arriérée.

Mais s'ils avaient fait la même comparaison avec la radiographie d'un

individu normal du même âge, ils auraient au contraire constaté que dans

le type Lorain l'ossification des cartilages épiphysaires n'est pas prématurée

mais au contraire retardée.

Ce retard est moins évident que chez les infantiles myxoedémateux, mais

428 ' ETTORE LEVI

il est néanmoins évident chez des infantiles du type Lorain le plus clas-

sique et qui ne montrent ni la moindre ni la plus fruste empreinte

myxoedémateuse.

Pour se convaincre de ce fait il suffira au lecteur de donner un coup

d'aeil â la radiographie qui représente le squelette de la main d'une jeune

fille normale de 16 ans (Ida), soeur de nos deux infantiles ; eh bien ! chez

cette jeune fille, qui n'offre pas le meilleur terrain pour prôner la thèse

que nous soutenons par le fait même qu'elle appartient à une famille où

il y a deux infantiles ayant une ossification retardée, chez cette jeune fille

l'ossification des cartilages est beaucoup plus avancée que chez l'infantile

de Meige et Allard, plus âgé qu'elle d'un an et qui devrait être un exem-

ple d'ossification précoce.

L'observation des auteurs français serait au contraire d'accord avec celle

de Kôhler qui, chez un nain âgé de 12 ans, observa que la grandeur de la

main correspondait à celle d'un enfant de S il 6 ans ; l'examen radiogra-

phique montra au contraire un état d'ossification tout à fait correspondant

à celui d'un enfant normal de 12 ans ; les mêmes faits furent vérifiés au

coude et au pied. Cette observation ne- contredit pas cependant notre

thèse, car il s'agissait dans ce cas non d'un infantile mais d'un nain.

Dans le cas de Dupré et Pagniez l'ossification des cartilages épiphy-

saires des os longs était imparfaite; il est vrai que dans ce cas il y avait

en même temps des symptômes nets de dysthyroïdie, si bien que les auteurs

en firent un type mixte d'infantilisme dégénératif de Lorain et dysthy-

roïdieh en même temps. Dans ce cas le traitement thyroïdien améliora les

symptômes de la dysthyroïdie, mais pas ceux de l'infantilisme.

Mais si dans cette observation on peut attribuer le retard de l'ossifica-

tion à la dysthyroïdie probable, on nepeutendireaL)tantd)jcasde/7( ? <o-

ghe qui dans un type classique de Lorain a constaté, contrairement aux

vues de Meige et Allard, les cartilages épiphysaires intacts et translu-

cides.

- Le même fait a été observé par Joachimsthal qui a étudié un groupe de

Lilliputiens bien proportionnés et normaiementinteHigents, maisanorma-

lement petits. Chez l'un d'eux, un nain de 30 ans, les cartilages épiphy-

saires des phalanges et des métacarpiens étaient tous visibles et l'os sésa-

moïde du pouce faisait défaut. Ce dernier os est visible radiographique-

ment chez les individus normaux à )'age de 12 à 13 ans. Les mêmes faits

étaient évidenls chez tous les autres membres de la même famille. Il ne

paraît pas que chez aucun de ces individus il y eût de symptômes de dys-

thyroïdie. -. '

Bichon et Jn,andelize ont constaté la persistance des cartilages épiphysaires

chez trois'infantiles du type Lorain. Joffroy/ a récemment publié deux cas

CONTRIBUTION A L'ÉTUDE DE L'INFANTILISME DU TYPE LORAIN 429

de paralysie générale juvénile qui affectaient en même temps le type clas-

sique de l'infantilisme de Lorain et chez lesquels, à un âge relativement

adulte, on notait la persistance des cartilages épiphysaires. Hertoghe enfin,

pour démontrer que même les infantiles géants sont des dyslhyroïdiens,

cite le fait que chez le géant Charles de Launois et Ro on avait à 30 ans

la persistance des cartilages épiphysaires du genou et de la main.

Schuller explique différemment les cas de cette catégorie et les croit

causés par une lésion primitive des glandes séminales ; il cite un cas de

Redlich ( Wiener klinische Rundschau, 1906) dans lequel on eut à la suite

d'une maladie chronique un rapide et considérable allongement de la

taille ; à 31 ans tout caractère sexuel secondaire faisait défaut, les testi-

cules étaient petits comme des noisettes, les cartilages épiphysaires n'é-

taient nullement ossifiés et par la radiographie on put constater un

processus d'atrophie chronique du squelette.

Nous avons ainsi résumé par une synthèse rapide les caractères diffé-

rentiels de ces' formes d'infantilisme, qui seules nous semblaient devoir

être prises en considération dans le jugement différentiel de nos cas ; il

ne nous reste qu'à conclure lequel de ces tableaux symptomatiques corres-

pond le mieux au type d'infantilisme qui nous est offert par nos patients.

Un seul coup d'oeil aux photographies des deux soeurs Ser... et aux

traits principaux de leur histoire clinique, suffira à nous convaincre

que, par leur aspect extérieur, elles nous représentent deux exemples des

plus typiques de la forme d'infantilisme dite de Lorain.

Aussi bien chez l'une que chez l'autre nous voyons que l'extrême peti-

tesse du corps est corrigée par la proportion harmonieuse des différentes

parties ; leur taille est frêle et élancée, les contours de leur corps n'ont pas

.le caractère arrondi de la première enfance ni celui de la maturité fémi-

nine mais, au contraire, sont pointus et anguleux comme chez desadoles-

cenls impubères.

Les extrémités inférieures sont très allongées, le sternum et le bassin

ont le type infantile.

Les traits du visage sont bien marqués et le nez et les lèvres n'ont pas

les caractères propres aux myzinfantiles de Brissaud ; le facies n'est pas

lunaire. Le cou est long et frêle. L'abdomen n'est pas proéminent, il n'y

a pas de lordose lombaire. Les caractères sexuels secondaires manquent

totalement; les organes génitaux sont typiquement infantiles.

Chez l'ainée des deux soeurs la peau est pâle avec un fond terreux gri-

satre,pendant que chez l'autre elle n'a pas de teinte spéciale ; mais chez les

deux on n'observe pas la moindre dystrophie cutanée, pas de rugosité et

surtout pas de bouffissure, ni des paupières, ni d'aucune autre partie

du corps» ' ' 1

430 ETTORE LEVI

Chez l'une comme chez l'autre les muscles sont peu développés mais

bien « écrits » et « débarrassés de la gangegi-aisseuse de l'enfance »

comme dit M. Meige.

Les cheveux, les sourcils et les cils sont normalement développés ; au

pubis et aux aisselles pas le moindre duvet.

Marguerite et Adrienne ne sont pas de petites vieilles femmes ni des

miniatures de femmes, ni des femmes vues par le grand bout de la lor-

gnette, comme on l'a dit ; non, elles réalisent le type le plus pur de

l'adolescent dans la période proepubère ; si nous ne savions pas leur âge

nous les jugerions deux petites filles normales à la veille de l'éclosion

sexuelle.

Chez Adrienne ces caractères sonl encore plus évidents que chez Mar-

uerite,mais cela dépend de son âge moins avancé ; chez les deux en somme

nous avons tous les caractères distinctifs de l'infantilisme de Lorain cepen-

dant que toute caractéristique du type Brissaud fait défaut. S'il nous a

été facile d'exclure cette forme clinique, la tâche nous sera beaucoup plus

aisée pour les formes de myxoedème fruste décrites par Thibierye : celles-ci

présentent plus évidents les caractères du syndrome myxoedémateux,moins

l'état de bouffissure des téguments qui est remplacé par de grosses rides

qui leur donnent un aspect sénile ; le corps thyroïde est hypolrophique :

tous ces caractères manquent chez nos sujets.

Tout ce que je viens de dire à propos des deux soeurs seul'... s'applique

également à mon troisième cas : ce grand garçon de 22 ans n'en paraît pas

plus de 14, il est svelte et délicat, anguleux et maigre sans la moindre

trace myxoedémateuse ni apparente ni fruste.

Chez lui plus que chez les deux soeurs,on remarque un allongement très

considérable des jambes dont le développement est excessif, comparé à celui

du tronc ; ce fait qui est considéré par plusieurs auteurs comme un carac-

tère eunuchoïde joint à l'état presque atrophique des organes génitaux,

nous force à mettre en relief que si dans ce cas on ne peut pas parler

d'infantilisme partiel on doit néanmoins parler d'infantilisme général avec

une considérable prévalence d'infantilisme sexuel.

A ce détail près, ce cas réalise aussi un type classique de Lorain et son

intérêt principal consiste dans le fait que, aussi bien que les deux soeurs,

il nous montra à l'examen radiographique des faits très clairs de retard de

l'ossification du squelette, c'est-à-dire un symptôme qui, selon les auteurs

français, ne serait point compris dans le tableau clinique de l'infantilis-

me de Lorain.

Cette donnée a été acceptée comme classique par la pi us grande partie

des auteurs et il nous paraît en conséquence utile de nous arrêter un peu

CONTRIBUTION A L ÉTUDE DE L'INFANTILISME DU TYPE LORAIN 431 f

sur ce point pour montrer,par l'évidence de nos exemples, l'inexactitude

de cette théorie.

A l'examen extérieur on n'observe chez Marguerite aucune défor-

mation du squelette et pas le moindre stigmate rachitique; chez Adrienne

au contraire le crâne est légèrement trop grand relativement au tronc et

présente un soupçon de caput quadratum hydrocéphalique.

Chez d'autres membres de la même famille nous avons aussi constaté

des stigmates rachitiques assez évidents et chez trois aussi (en dehors

de Marguerite) nous avons remarqué des malformations dentaires certaine-

ment suspectes d'hérédo-syphilis mais qui pourraient être imputables

simplement au rachitisme.

Nous savons par Fournie ? ' et son école combien il faut être prudent dans

l'interprétation de ces lésions dentaires.

Nous savons que l'infantilisme est souvent lié au rachitisme et De

Sanctis dans son excellent mémoire reconnaît que souvent les infanti-

les sont classés parmi les rachitiques et ces derniers quelquefois parmi les

infantiles.

Le rachitisme peut, selon De Sanctis, s'associer l'infantilisme comme

souvent il se relie au myr.oedème et au crétinisme endémique mais il

ne doit pas pour cela être confondu avec ces formes pathologiques.

De Sanctis a vu souvent aussi, et surtout chez les infantiles dystrophi-

ques de Lorain, le crâne rachitique, l'incurvation des extrémités inférieu-

res et le grossissement des épiphyses ; malgré tout cela il n'admet pas

qu'on puisse parler d'un infantilisme rachitique qui formerait une entité

clinique autonome.

Sur ce sujet je m'accorde pleinement avec M. De Sanctis et je crois que

mes observations fournissent une preuve excellente des faits énoncés plus

haut : chez Adrienne Ser ? en elfet, il existe des stigmates rachitiques

évidents mais les mêmes stigmates sont beaucoup plus évidents chez les

autres frères qui ne présentent pas le moindre symptôme d'infantilisme.

Les malformations dentaires qui sont évidentes chez l'aînée des quatre

soeurs etchez trois autres frères normaux ne sont pas d'interprétation facile,

maison doit plus probablement les rattachera la syphilis héréditaire qu'au

rachitisme.

Nous savons du reste que, si personne n'admet plus les anciennes idées

de Parrot pour qui le rachitisme aurait toujours été causé par la syphilis

héréditaire, il est au contraire généralement admis que les enfants hérédo-

syphilitiques souffrent du rachitisme avec une fréquence toute particulière.

Mais c'est n'examen radiographique du squelette de nos sujets que nous

devons les observations les plus intéressantes. Nous avons vu en effet chez

nos trois sujets sans exception, quoique à un degré différent, un déficit

432 -ETTORE LEVI

considérable dans les processus d'ossification des cartilages épiphysaires.

Un simple coup d'oeil sur les photographies ci-jointes montre en effet

avec toute évidence la différence énorme entrel'étatd'ossification de la main

de Marguerite et celui d'une main normale appartenant à sa soeur âgée de

22 ans ; l'ossification de la main d'Adrienne est encore plus arriérée, mais

si l'on pense qu'elle est de 5 ans moins âgée que sa soeur on doit aboutir

à une conclusion inverse.

La comparaison de la main d'Adrienne (15 ans 1/2) avec celle de sa

soeur normale Ida (16 ans 1/2) est du plus haut intérêt; quoique étant

l'aînée de 12 mois seulement, Ida montre à l'examen radiographique

un développement de l'ossification très avancé qui doit être considéré

comme physiologique pour son âge ; en tout cas certainement beaucoup

plus avancé que celui des deux soeurs de 15 et 20 ans.

La soeur aînée Henriette (-22 ans), normale, nous montre aussi une os-

sification physiologique quoique un peu moins complète que celle d'une

infirmière normale de 20 ans dont nous prîmes la radiographie par com-

rparaison ; mais ces petites différences peuvent constituer un caractère in-

- diyiduet. , -

^rTout ce que je viens de dire s'applique aussi à la main de mon troisième

'sujet Elis%o Bian..., n'appartenant pas à la même famille et dont l'arrêt

de développement général est probablement imputable à des causes pa-

thologiques tout à fait différentes qui ont déterminé cependant la mani-

festation du même type d'infantilisme (de Lorain).

Chez lui aussi les cartilages épiphysaires de la main sont tous très visi-

bles et l'examen de toutes les autres grandes articulations nous a montré

les mêmes faits.

Le lecteur aura en outre remarqué, d'après la lecture des observations

de nos trois sujets, que l'altération des processus normaux d'ossification

n'est pas démontrée chez eux seulement par la persistance anormale des

cartilages de conjugaison de toutes les grandes et petites articulations,mais

.encore par d'autres lésions non moins importantes.

Chez les trois sujets en effet on observe partout que les proportions nor-

males entre le tissu spongieux et le tissu osseux compact sont très allé-

rées ; partout et surtout aux phalanges et aux métacarpiens et métatarsiens

on observe que le tissu compact est réduit il une petite lamelle tandis

que le tissu spongieux constitue presque exclusivement le squelette os-

seux. Ce fail est visible avec la plus grande évidence sur les négatifs ra-

diographiques et perd beaucoup de sa netteté sur les positifs et encore plus

sur les reproductions qui sont unies à ce mémoire.

D'autres faits sont dignes aussi d'être mentionnés; ainsi,aussi bien dans

la main de Marguerite que dans celle d'Adrienne le petit os sésamoïde

CONTRIBUTION A L'ÉTUDE DE L'INFANTILISME DU TYPE LORAIN 433

qui est visible radiographiquement chez les sujets normaux (FÜrnrohr) dès

la 9` ? ° année au côté interne du pouce, manque totalement; il est au con-

traire très évident dans la main de la jeune fille normale de 20 ans et

dans celle de Ida, âgée de 16 ans 1/2, et soeur de nos deux patientes.

Ce même petit os n'est visible que sous forme d'une ombre à peine

appréciable sur la radiographie de la main de mon troisième sujet.

Pour conclure, nos trois observations fournissent l'exemple le plus clair

qui ait été publié jusqu'ici d'infantilisme de Lorain avec retard de l'os-

sification en général et persistance des cartilages de conjugaison, bien

qu'elles ne présentent aucun symptôme de myxoedème fruste et même

de ce qu'on appelle aujourd'hui avec Hertoghe les petits signes de l'hy-

pothyroïdie fruste; symptômes qui étaient aussi très peu évidents chez

les parents de nos malades.

Nous n'avons par conséquent aucune raison d'admettre pour nos cas

le diagnostic d'infantilisme mixte ou combiné quia été par exemple posé

clans le cas de Dupré et Peigniez où les symptômes d'hypothyroïdie étaient]

manifestes.

Nous ne croyons pas non plus être autorisé à considérer l'arrêt d'os.st-

fication du squelette comme un symptôme d'hypothyroïdie latente, parce*

que ce fait peut être attribué il d'autres causes qui peuvent également être'

invoquées avec autant de raison (lésions primitives des glandes sexuelles);

l'action de ces causes ne peut pas être mieux prouvée dans l'espèce que

celle d'une lésion thyroïdienne exclusive. Il nous suffira à ce sujet, de citer

l'intéressante observation de Rose qui, dans un cas d'obésité familiale

chez une malade de 15 ans, issue d'une famille où obésité et goitre ,vont

de pair, observa que la polysarcie très probablement d'origine dysthyroï-

dienne était liée à la soudure précoce des épiphyses osseuses !

Au ralentissement général du développement somatique correspond

harmoniquement un ralentissement des processus normaux d'ossification

du squelette; nous verrons plus tard s'il est plus facile et plus logique

d'attribuer la pathogénie de ce fait général au corps thyroïde, ou plutôt à

un défaut d'harmonie dans les sécrétions des diverses glandes à sécrétion

interne dont le rôle est encore pour nous si obscur mais qui sont certai-

nement t 1 iées en Ire elles par mille liens fonctionnels.

De tout cela dérive une première conclusion pratique pour le diagnos-

tic différentiel entre le inyxiiifaiitilisme de Brissaud et l'infantilisme de

Lorain ; nous ne pourrons dorénavant donner aucune valeur pour le dia-

gnostic différentiel à l'état plus ou moins avancé de l'ossification des car-

tilages de conjugaison ; nos observations ont démontré en effet que chez

les infantiles adultes de Lorain les processus d'ossification ne sont jamais

précoces mais au contraire toujours retardés.

\XI ' - 3'J

434. - . ETTORE, LEVI h ,- . r™ »

Chez nos trois sujets les causes déterminantes du syndrome infantilisme

ne sont pas faciles à déceler; nous verrons plus tard combien il est difficile

d'imputer à une altération fonctionnelle d'un seul organe glandulaire l'o-

rigine de l'arrêt, de développement général, mais même si cet arrêt est

' amené par la lésion d'une ou de plusieurs glandes il sécrétion interne

il faut toujours admettre qu'une infection, une intoxication, une lésion

quelconque acquise ou héréditaire ait produit cette lésion. Nous avons

vu en effet que l'infantilisme de Lorain peut se développer sur un terrain

morbide préparé par les affections les plus différentes.

En parlant des deux soeurs Ser. nous avons déjà exclu l'action de l'alcoo-

lisme, de la tuberculose, de la pellagre, de l'impaludisme, etc., affections

qui n'existaient ni chez elles ni chez leurs parents.

Nous avons exclu en même temps les formes chlorotidues et cardio-an-

gio-dystrophiques dont les deux soeurs ne présentent aucun symptôme.

Il n'existe pas non plus chez elles cet état thymique-lymphatique qui,

selon Gaspero, devrait être admis parmi les causes d'infantilisme.

Il ne nous reste donc à admettrechez les deux soeurs Ser. : que l'origine

hérédo-syphilitique du syndrome infantilisme en faveur de cette hypo-

thèse nous ne pouvons apporter des preuves absolues mais cependant des

présomptions assez fortes nous voulons parler des nombreuses maladies vé-

nériennes avouées par le père (qui nie cependant la syphilis), les quatre

fausses couches de la mère ; la couleur terreuse de la peau et les déforma-

tions dentaires chez Marguerite, et enfin les mêmes déformations dentaires

chez trois autres membres de la même famille ; un frère a enfin un palais

ogival.

Dans un cas d'infantilisme (compliqué d'adiposité générale et de débilité

mentale) récemment publié par Lemos, l'auteur invoque comme seule

cause pathogénique l'hérédité neuro-patholoâique : il y avait en effet de

nombreuses maladies mentales et nerveuses chez les ascendants ; l'héré-

dité était convergente et il y avait deux mariages consanguins : les grands-

parents du côté maternel ainsi que les parents étaient cousins germains.

Ce même argument peut être invoqué dans nos cas comme une cause

adjuvante ; les parents de nos deux soeurs étaient en effet cousins germains

et en outre tous les deux de cette race israélite qui contribue si largement

aux maladies hérédo-familiales en général.

(Chez l'aînée de nos malades nous pouvons aussi invoquer comme fac-

teur adjuvant secondaire le mauvais allaitement.)

Comme cause de l'infantilisme présenté parles deux soeurs Ser... nous

admettons donc l'influence déterminante de la syphilis héréditaire très

probable, et l'influence pathologique adjuvante de la race et de la con-

sanguinité des parents.

CONTRIBUTION A L'ÉTUDE DE l'iNFANTILISME DU TYPE LORAIN 435

Chez notre troisième sujet la détermination des causes pathogéniques'

qui ont provoqué l'arrêt du développement général est encore plus diffi-'

cile.

Tout facteur héréditaire évident nous manque en effet et en ce sens

nous n'avons que la maladie cardiaque paternelle.

Le manque de cyanose, d'hyper5lobulie, etc., et toutes les données de

l'anamnèse parlent contre l'existence d'une lésion congénitale valvulaire

cardiaque et nous n'avons non plus aucune preuve d'hypoplasie vasale

(l'examen radioscopique parle nettement contre une telle hypothèse).

Nous n'avons pu savoir exactement à quel âge la double lésion valvulaire

actuelle a débuté chez notre patient ; sa nature même dépose contre l'hy-

pothèse d'une forme congénitale, mais il serait intéressant de savoir à

quelle époque elle est apparue, car son apparition précoce serait suffisante

pour expliquer l'arrêt de développement général.

Neusser a mis en relief l'importance de la polysérosite juvénile dans la

détermination de l'infantilisme ; les lésions du foie à travers l'altération

des séreuses seraient surtout responsables dans cette série de cas.

D'autres auteurs (Lereboullet, Ilayem) ont attribué de même à des

lésions hépatiques la détermination de l'infantilisme.

Dans notre cas nous ne saurions invoquer une telle hypothèse : la po-

lysérosite chez notre malade est apparue en effet quand l'infantilisme

était déjà bien déclaré et les lésions du foie, cliniquement décelables,

sont minimes. Nous ne pouvons d'ailleurs incriminer dans ce cas aucun

autre organe, car nous avons vu que notre sujet a les poumons, les

reins, etc.parfaitement sains.

Nous croyons en conséquence que l'hypothèse la plus probable est que

l'infantilisme (type Lorain) a été déterminé dans notre cas par des lé-

sions cardiaques graves survenues à l'âge prépuhéral : l'arrêt du dévelop-

pement est donc chez notre malade d'origine cardio-dystrophique.

Nous ne voulons pas ici pousser plus loin notre diagnostic, ni chercher

à démêler quelles glandes à sécrétion interne ont étésurtout touchées par la

dystrophie d'origine vasculaire; de telles déterminations sont aujourd'hui

encore trop hypothétiques et nous ne ferons que mettre en relief le fait de

la prévalence de l'infantilisme sexuel et la coexistence de quelques carac-

tères somatiques qui pourraient nous fairesupposer une lésion prévalenle

des testicules.

Nous avons donc établi pour nos trois sujets le diagnostic d'infantilisme

de Lorain et déterminé les causes les plus probables dans chaque cas dé

l'arrêt du développement ; nous avons démontré en outre que la persis-

tance des cartilages épiphysaires n'est pas un argument valable contre le

diagnostic d'infantilisme cle Lorain.Il nous faut à présent prendre en consi-

436 ETTORE LEVI

déralion une question plus générale et plus importante ; nous devons

chercher à définir si la forme d'arrêt de développement général dont

nous avons donné trois exemples et qui prend son nom de celui de Lo-

rain, doit être considérée comme un infantilisme vrai ou plutôt, ainsi que

le voudrait M. Brissaud, comme un faux infantilisme.

Il nous faudra aussi discuter si l'on doit attribuer avec Hertoghe toutes

les formes de l'infantilisme à la dysthyroïdie, ou si l'on doit conserver

jusqu'à preuve du contraire, une distinction clinique entre les formes qui

ont une empreinte myxoedémateuse apparente (même fruste) et celles où

celle empreinte fait totalement défaut à l'examen clinique. '

M. Brissaud est revenu récemment sur cette question,exprimant sa con-

viction d'une façon très nette : nous ne croyons pas pouvoir mieux faire

que de reproduire ici ses arguments :

« L'infantilisme envisagé par Lorain n'est en somme rien autre chose

qu'un état dystrophique général produit et entretenu pendant la période

de croissance par une maladie chronique congénitale ou accidentelle.

L'évolution s'accomplit difficilement, lentement, avec des ressources

insuffisantes et la maturité est un fait accompli avant que les organes

aient atteint leurs dimensions habituelles.

Le fruit est mûr, mais c'est un petit fruit. Il n'a pas le volume corres-

pondant au type moyen de son espèce, mais il est bien conformé et bien

proportionné ; si bien qu'à part la maigreur et la faiblesse qui sont l'effet

de la maladie, l'infantile de ce genre n'a rien d'un enfant. C'est un petit

homme, mais c'est un homme ».

Plus loin, M. Brissaud se demande : si cet homme n'a rien d'un en-

fant, sauf la petite taille, pourquoi le qualifier d'infantile ? M. Brissaud

reconnaît qu'il y a là quelque chose d'illogique et de contradictoire, mais

propose de respecter l'usage et d'appeler infantiles du type Lorain tous

les cas de misère physiologique de l'adolescence qui se traduisent, jusque

dans la période adulte, par la débilité, la gracilité, la petitesse.

M. Brissaud accepte en grande partie les idées de Hertoghe et il dit

« Si du fait de l'athrepsie ou d'une malformation cardiaque ou d'une apla-

sie artérielle, et à plus forte raison, de toutes ces causes réunies, tout

l'organisme est en souffrance, alors la sécrétion thyroïdienne se tarit :

car toutes les glandes subissent le même dommage et le syndrome du

myxoedème s'ajoute à la dystrophie préexistante. La complexité du tableau

clinique ne permet plus de reconnaître la part de responsabilité de la

lésion thyroïdienne secondaire, mais il ne s'ensuit pas que l'autonomie de

l'infantilisme vrai, primitif, dysthyroïdien soit en rien compromise. Et

enfin il ajoute : on voit des infantiles de tous les degrés et chaque degré

d'infantilisme est déterminé par t'age auquel l'insuffisance ou l'arrêt delà

CONTRIBUTION A l'ÉTUDE DE L'INFANTILISME DU TYPE LORAIN ,437

fonction thyroïdienne a interrompu les phénomènes normaux du dévelop-

pement. Les variétés de l'infantilisme ne sont donc pas exclusivement

subordonnées à de l'hypothyroïdie : elles sont chacune tributaires

d'une qualité spéciale d'hypothyroïdie.Il y a donc autant de variétés d'in-

fantilisme qu'il y a,sil'on peut parler ainsi, d'hypothyroïdies partielles. »

Malgré toute la considération que nous devons à cet éminent Clinicien,

nous ne croyons pas pouvoir accepter aujourd'hui intégralement ses idées

à ce sujet : nous ne croyons pas que nos cas et les quelques cas analogues

déjà cités et qui représentent des exemples typiques de la forme d'arrêt du

développement général à laquelle Lorain a donné son nom, doivent être

considérés comme de faux infantiles et qu'on ne doive leur conserver ce

nom que par respect l'usage.

Les cas que nous avons étudiés ne présentent en effet le moindre stigmate

myxoedémateux et ne correspondent d'aucune façon aux mysinfantiles de

Brissaud ; il ne nous semble pas non plus possible de pouvoir les consi-

dérer ni comme de petits vieux, ni comme des fruits petits mais mûrs-;

ils nous montrent au contraire tous les attributs d'un développement in-

complet et retardé mais non définitivement arrêté, qui nous présente tous

les caractères somatiques et quelques caractères psychiques de la première

adolescence.

Nous necroyons pas que la question d'âge puisse avoir une si grande

importance dans la conception clinique de l'infantilisme : tout âge de la

vie a son infantilisme et en conséquence nous ne pouvons admettre pour

cette forme clinique que la définition suivante : « l'infantilisme est la

persistance, chez un sujet déterminé, des caractères somatiques et psychi-

ques propres à un'âge beaucoup moins avancé que l'aine réel (quel qu'il

soit) du sujet en question ),.

Si telle est l'essence de l'infantilisme, nous devons nécessairement consi.

dérer nos trois sujets comme des infantiles vuais,car la disproportion entre

leur âge et leur développement somatique et psychique est incontestable.

Dans les conclusions de son récent mémoire, M. Ilalmagrand admet

que « la non-soudure des épiphyses appartient normalement ri l'enfance;

tant que cet étal persiste, la morphologie générale sera celle de l'enfant... »

Eh bien, si cela est vrai, et nous l'admettons, nos trois infantiles sont

des infantiles vrais,car ils ontdans la non-soudure des épiphyses le carac-

tère fondamental de l'enfance ; mais nous ferons remarquer il 1\1. lIal-

iiiagi-aiid que nos trois sujets, qui sont donc des [infantiles vrais, n'ont

aucunement le type anthropologique de la première enfance qui est le pro-

pre des infantiles dyslhyroïdiens type Brissaud ; les mensurations et les

photographies montrent clairement qu'ils présentent le type anthropologi-

que de l'adolescence.

438 ETTORE LEVI

Les infantiles de Lorain sont donc des infantiles vrais; la non-soudure

des épiphyses leur est propre comme aux formes nettement dysthyroïdie-

nes, quoique à un degré moins prononcé; mais nous verrons que, malgré

cela, l'origine dysthyroïdienne de l'infantilisme de Lorain n'est pas encore

suffisamment prouvée .

M. Brissaud admet qu'on ne peut, par le simple examen clinique sur le

vivant, se faire aucune idée des conditions fonctionnelles du corps thy-

roïde et qu'il est même difficile, à l'aide de la simple palpation, de juger

correctement des dimensions réelles de cet organe.

Nous souscrivons absolument à cette constatation et en affirmant que

chez nos patients le corps thyroïde est apparemment bien développé, nous

ne voulons dire autre chose que chez nos sujets cette glande est visible

et palpable et qu'elle n'est pas hypotrophique au point que la recherche

manuelle en soit impossible. Dans nos cas le corps thyroïde n'est pas seu-

lement facilement palpable, mais il montre en outre d'une façon assez

apparente un fonctionnement relativement normal vu qu'il manque

tout symptôme dystrophique des téguments ; l'état de relative intégrité de

l'intelligence dépose aussi en ce sens, car nous avons constaté chez nos

sujets une réduction intellectuelle très limitée, telle qu'on la trouve se-

lon Ferranini dans les formes dystrophiques de Lorain, de préférence au

myxinfantilisme de Brissaud et aux infantilismes mixtes.

Nous avons toujours parlé d'intégrité relative du corps thyroïde parce

que si nous ne nous croyons pas autorisé, par aucun fait bien démontré,

à admettre une lésion prévalentedirecte et primitive du corps thyroïde,

nous ne croyons pas non plus pouvoir affirmer que cette glande n'est pas

compromise de même que d'autres glandes à sécrétion interne dont la

participation pourrait être également invoquée, et qui comme le corps thy-

roïde pourraient avoir été influencées par la même cause dystrophianle

commune. '

Il ne nous semble pas légitime d'admettre comme un fait indiscutable

que la persistance des cartilages épiphysaires, le retard de l'ossification

générale en somme, soit par soi-même un indice suffisant et sûr d'une

lésion thyroïdienne ; le cas de polysarcie publié par Rose et que nous

avons cité plus haut en est un excellent exemple ; la persistance des car-

tilages de conjugaison a été observée en outre à la suite de la simple cas-

tration expérimentale et rien ne nous empêche d'admettre que d'autres

glandes à sécrétion interne exercent, indépendamment ou en harmonie avec

le corps thyroïde, une influence remarquable sur le développement du

squelette.

Quelques auteurs (Richon et Jeaiidelize,Schüsteî,, etc.) considèrent même

la persistance des cartilages de conjugaison et le développement excessif des

CONTRIBUTION A l'ÉTUDE DE L'INFANTILISME DU TYPE LORAIN 439

extrémités inférieures comme des caractères eunuchoïdes et les attribuent t

surtout à une lésion testiculaire primitive. ,

Nous avons vu que ces caractères existent d'une façon très évidente chez

notre troisième sujet chez qui justement il y a prévalence d'infantilisme

génital.

Nous ne croyons pas qu'il soit juste de nier toute valeur aux observa-

tions cliniques et aux expériences physiologiques qui parlent en faveur

des liens fonctionnels existant entre les différentes glandes à sécrétion in-

terne et sur ce sujet nous acceptons complètement l'hypothèse de De

Sanctis à laquelle Anton s'est relié aussi.

Nous n'avons pas l'intention de refaire ici, même en résumé, l'histoire

de la physio-pathotogie des glandes à sécrétion interne ; mais il nous

suffira de citer quelques nouveaux faits qui,rapprochés de ceux que M. De

Sanctis a réunis dans son mémoire, suffisent à démontrer que les observa-

tionscliniques aussi bien que les expériences physio-pathotogiques amènent t

nécessairement à admettre que ces mystérieuses activités glandulaires

sont liées entre elles par mille liens fonctionnels que nons ne pouvons

pas feindre d'ignorer quoique leur mécanisme intime soit encore très obs-

cur pour nous. ' ,

L'acromégalie a été attribuée par la plus grande part des auteurs à une

lésion de l'hypophyse, et à des lésions tout à fait analogues on a voulu ratta-

cher aussi le gigantisme, l'adiositas universalis (Marburg, Parhon et Zal-

plactu, etc.) ; mais de nombreuses observations anatomo-cliniques ont

montré dans des cas appartenant à cette série des lésions légères ou même

l'intégrité de la glande pituitaire.

- Selon Freund, Verslraelen, etc., l'acromégalie devrait au contraire être mise

en rapport avec des altérations primitives des glandes génitales ; chez les acro-

mégatiques et chez les géants les déviations dans le développement et dans la'

fonction des glandes génitales sont extrêmement fréquentes. D'ailleurs Launois

et Roy, Bassoe, P. Marie, etc., ont observé des lésions trophoglandulaires

multiples dans des cas de gigantisme.

Selon Klebs la pathogénèse de l'acromégalie devrait être attribuée à des lé-

sions du thymus et les observations de Erb et de Sle1'llberg déposent en ce

sens.

Mais des faits analogues ont été observés dans le goitre et dans la maladie de

Basedow, et 3,Ja2,chiafava a observé dans des cas d'infantilisme l'hypertrophie

du thymus. Nous verrons plus loin que le même syndrome infantilisme a été

attribué non seulement à des lésions du corps thyroïde et du thymus, mais

aussi à des lésions de l'hypophyse et des glandes séminales. L'expérience phy-

siologique nous donne sur ce sujet vaste et compliqué des résultats non m'oins

contradictoires que la clinique. ' "

On a constaté expérimentalement l'hypertrophie de l'hypophyse aussi bien

après l'ablation du corps thyroïde (Gley,. Hofmeisler, etc.) qu'après celle des

440 ETTORE LEVI , ,,

glandes séminales (Soli, Fichera, Barnabo), ou après l'ablation graduelle des

capsules surrénales (111arenglai). '

Lusena considère l'hypophyse comme faisant partie de l'appareil para-thy-

roïdien.

Ragowitch appelle l'hypophyse un « organe complémentaire des corps

thyroïdiens ».

Pirone définit l'hypophyse comme « une glande complémentaire du corps

thyroïde et des capsules surrénales dans la fonction commune protectrice anti-

toxique ». -

La disparition précoce du thymus a été observée souvent chez les idiots

(Bourneville) et Hartmann et Basch ont démontré quelle influence exerce sur

l'accroissement du squelette des animaux l'ablation de cette glande.

Henderson a observé du retard dans l'involution du thymus à la suite de la

castration et d'ailleurs Paton a noté que chez les animaux l'ablation du thymus

avant son involution a pour conséquence un développement plus rapide et plus

grand des testicules.

Soli au contraire aurait constaté une atrophie des testicules après l'ablation

du thymus.

Ascho/f, Babinski, Cardile et Fioretlini, Pomfick ont trouvé dans le

myxoedème des lésions de l'hypophyse en dehors de celles du corps thyroïde.

L'activité fonctionnelle de la glande mammaire a une influence sur la produc-

tion de l'ltypotliyroïdisme chez la femme ; en effet avant la puberté, les femmes

sont sujettes au myxoedème dans la même proportion que les hommes ; après

le développement des fonctions sexuelles le rapport change et les femmes sont

alors sujettes au myxoedème par rapport aux hommes dans la proportion de 83

à 17 (II und, Bread ).

Les japports entre les phénomènes menstruels et la fonction thyroïdienne

sont universellement connus. Cerioli a publié récemment un cas d'hypertro-

phie mammairc chez un basedowien ; chez cet homme les mamelles prirent

les proportions d'un gros poignet et les pointes des seins mesuraient 1 cen-

timètre.

Sur l'accroissement du squelette plusieurs glandes à sécrétion interne exer-

cent une action déterminante.

Nous avons vu ce que lla1'lmann et Basch ont démontré à ce sujet à propos

de l'ablation expérimentale du thymus.

Caselli et Fichera ont observé l'arrêt du développement somatique chez

les animaux à qui on a pratiqué l'ablation de l'hypophyse.

Cerletti a injecté à des cobayes, à des lapins et à des chiens du suc hypo-

physaire d'agneau en bas âge, et a observé un retard constant soit de l'augmen-

tation du poids, soit du développement du squelette de ces animaux ; les résul-

tats furent surtout évidents chez les chiens. Les tibias des lapins traités avec le

suc hypophysaire étaient de beaucoup plus courts que ceux des animaux té-

moins, mais leurs épiphyses étaient au contraire grossies.

Le corps thyroïde a certainement une influence prépondérante sur le méca-

nisme d'accroissement du squelette, mais Coronedi aussi admet que dans les

CONTRIBUTION A L'ÉTUDE DE L'INFANTILISME DU TYPE LORAIN 441 t

périodes précoces de la vie une influence analogue doit être reconnue au

thymus. '

Il n'est pas douteux d'ailleurs que les glandes séminales ont aussi de

l'influence sur le trophisme général et sur celui du squelette en particulier.

Selllaeim a déterminé toute une série de modifications de la structure osseuse

du crâne, du bassin et des extrémités qui surviennent après la castration. Des

études radiologiques nombreuses ont démontré que les cartilages épiphysaires

s'ossifient avec un grand retard chez les castrés. Chez les cobayes castrés on ob-

serve un développement plus énergique du squelette que chez les animaux té-

moins. Quelque chose d'analogue se vérifie chez les bovides : chez les taureaux '

les cartilages épiphysaires s'ossifient au cours de la première année, pendant

que chez les boeufs cela n'arrive qu'à la quatrième année. Mais des faits tout

à fait analogues ont été démontrés par la lésion expérimentale de la thyroïde :

Gley, Ho/naeiter (Chondrodystrophia thyreopriva), Roger et Garnier.

Dans l'ostéomalacie puerpérale le processus d'involution pathologique des

tissus osseux serait arrêté par la castration (Fehling).

Bossi invoque au contraire dans le même processus pathologique l'action

thérapeutique de l'adrénaline et aurait obtenu expérimentalement des faits

d'ostéoporose après l'ablation chez les chèvres d'une capsule surrénale.

A ce sujet j'ai montré dans mon mémoire récent (Levi elStefanelli) qu'on

doit donner au facteur infectieux la plus haute importance dans la genèse de

l'ostéomalacie puerpérale, mais que néanmoins' toute une série de faits ne

sauraient s'expliquer sans invoquer l'action de quelques glandes à sécrétion

interne et particulièrement des ovaires. Dans un des cas publiés dans notre

mémoire on avait remarqué, la suite de l'ovariotomie, de l'hyperactivité thyroï-

dienne et une considérable hypertrophie parotidienne. M. Apert a vu chez

un hypothyroïdien infantile 'disparaître à 36 ans l'insuffisance thyroïdienne

il la suite d'une hypertrophie compensatrice des parotides et des glandes mam-

maires.

Aussi bien la thyroïde que les glandes séminales auraient donc en dehors

de leur fonction spécifique une deuxième fonction d'ordre plus général relative

au métabolisme organique ; entre la fonction endogène du corps thyroïde et

celle des ovaires ou devrait même admettre une sorte d'antagonisme, car au

premier appartiendrait une action stimulante sur le développement du squelette

pendant que les secondes exerceraient sur celui-ci une influence limitante.

Cet antagonisme fonctionnel thyroïdien-ovarique se montrerait clairement

aussi dans le développement du tissu adipeux, du système pileux etc. (Parhon

et Joldstein, Cltarrin et Jardry, etc.).

L'arrêt du développement mental chez les myxoedémateux serait secondaire

à des lésions parathyroïdiennes (myxoedème para thyroïdien de Brissaud) ; et

une remarquable influence sur les centres nerveux devrait être aussi reconnue

aux capsules surrénales (Lasègue, Bail, Iflipnel,Lander. Boinet et Marel1glti

ont observé des rapports fonctionnels entre hypophyse et capsules surrénales et

Guyesse a trouvé que les capsules surrénales présentent des modifications très

apparentes dans la grossesse. Aux capsules surrénales on a voulu attribuer

442 '* J 't 1 ' ; .ETTORE ;LEVI) ? t't '1 1 'te' ' )' t,

aussi des faits d'arrêt,de croissance générale et,tllorlac a observé un syndrome

d'infantilisme de Lorain chez un addisonien. '

l;tl>·017b Bramivel a décrit un infantilisme pancréatique, et 11'ezasser croit que

les lésions hépatiques dans la polysérosite juvénile peuvent être une cause

d'arrêt de la croissance.

Toute nne série d'auteurs croit à l'origine testiculaire de l'infantilisme.

Bichon et Jeandelize admettent cette possibilité et dans leurs trois observa-

tions d'infantilisme ils considèrent rallongement des membres inférieurs et

la persistance des cartilages épiphysaires comme des caractères franchement

eunuchoïdes ; ils pensent quej'insuffisance testiculaire est un facteur patho-

génique prévalent, sinon exclusif, de l'arrêt de croissance.

Comme Variot ils croient que le testicule doit entrer en ligne de compte

dans l'évolution de certains infantiles, mais que son atrophie fille-môme ne

serait que secondaire à une dystrophie quelconque.

L'observation déjà citée .de Vigoureux et Delmas parle aussi en faveur de

cette théorie ; dans ce cas d'infantilisme les,lésions les plus graves intéressaient

la glande diasthématiyue.

Le cas de liedlich cité par Schiller parle dans le même sens.

Dans le cas de tumeur de l'hypophyse de Peclalcranz et Zak (cités par Schul-

ler) on remarquait non seulement l'ipoplasie des testicules mais aussi une

constitution squelettique de type féminin, et Schuller en commentant ces

observations, admet que l'anomalie génitale dans ces cas n'était pas se<on-

daire, mais en rapport direct avec la maladie de l'hypophyse.

L'observation de Achard et Démanche est très démonstrative rapport à l'in-

fluence trophique du testicule; dans ce cas en effet un syndrome très net d'in-

fantilisme se détermine à un âge assez avancé (25 ans) après un traumatisme

du testicule suivi d'atrophie.

Enfin selon Rummo et Ferranini l'atrophie testiculaire congénitale déter-

minerait le sénilisme ougéroderme génito-dystrophique.

L'incertitude qui règne sur la palhogénie des différentes formes clini-

ques auxquelles nous venons de faire allusion et qui sont certainement dé-

pendantes des déviations fonctionnelles d'une ou de 'plusieurs glandes à

sécrétion interne, la non-concordance et souvent la contradiction entre les

faits physiologiques expérimentaux nous obligent à ne considérer qu'avec

la plus grande prudence la pathogénie de l'infantilisme.

Rien ne' nous autorise à affirmer qu'on doive rattacher les différentes

formes d'infantilisme toujours et seulement à des lésions du corps thyroïde;

Hertoghe a voulu attribuer à Phypothyroïdisme une série si riche de

symptômes pathologiques les plus disparates que,si l'on acceptait intégra-

lement ses idées, nous serions obligé de faire rentrer dans le giron de la

dysthyroïdie les cas cliniques les plus dissemblables et chaque syndrome

d'infantilisme, sans exception, devrait forcément déposer en faveur de la

théorie unitaire.

CONTRIBUTION A l'ÉTUDE DE L'INFANTILISME DU TYPE LORAIN 443

Comme M. de Sanctis je ne puis accepter cette conception globale de

l'infantilisme et je crois que si l'on suivait à la lettre les idées de M. Iler-

toghe, de Levy et Rothschild, etc., il n'y aurait bientôt plus de forme

clinique qui ne put rentrer dans ce giron beaucoup trop vaste, et chacun

de nous s'apercevrait avec effroi qu'il n'est pas indemne de quelques-

uns des petits signes si nombreux et si divers de la dysthyroïdie.

Je ne puis que m'associer complètement à ce sujet aux idées si bien

exprimées par M. De Sanctis et je crois qu'on ne doit formuler le diagnos-

tic de myxoedème fruste que là où un symptôme quelconque de myxoe-

dème atténué est manifeste ; les doctrines de Hertoghe ne seront accepta-

bles dans leur totalité que si l'analomiepalhologique nous monlrechez les

myxoedémateux frustes, tels qu'ils sont décrits par Hertoghe, une lésion

constante et exclusive ou au moins primitive de la thyroïde (De Sanctis).

AvecDe Sanctisil me semble qu'on ne peut admettre que l'insuffisance

thyroïdienne soit l'altération fondamentale de chaque cas d'infantilisme et

que les multiples altérations glandulaires qui ont été observées soient

toujours dépendantes des lésions thyroïdiennes,surtout quand nous savons

que toute une série de compensations mutuelles peut s'établir entre la

fonction de ces différentes glandes à sécrétion interne.

La diminution ou l'altération de la sécrétion thyroïdienne est certaine-

ment la cause prévalente, sinon exclusive, de l'infantilisme myxoedéma-

teux, mais on ne peut en dire autant de ces cas d'infantilisme chez lesquels,

comme chez nos trois sujets, même le moindre symptôme de myxoedème

fruste manque et où au contraire il est tout à fait légitime de supposer-

que d'autres glandes à sécrétion intel'lle aient été 1-'rimitivement lésées SOllS

l'influence d'une seule et unique tare héréditaire.

Nous pensons qu'on doit aujourd'hui accepter, en raison de sa taule

probabilité, l'hypothèse de De Sanctis sur la nature et les causes de l'in-

fantilisme : « L'infantilisme, arrêt de développement somatique et psychi-

que dans ses formes complètes, n'est jamais le résultat dé l'altération isolée

d'une seule glande à sécrétion interne,mais procède au contraire d'une dé-.

vialion de la fonction harmonique formative-protectrice de toutes les glan-

des à sécrétion interne, déterminée, en apparence au moins,par l'altération

visible (anatomique) d'un ou de plusieurs de ces organes glandulaires.

Ce déséquilibre formatif-protecteur n'est presque jamais occasionnel,

mais il trouve son déterminisme dans les dispositions héréditaires des

sujets.et surtout dans les maladies constitutionnelles dont ils peuvent être

touchés. » . . ,

Celle conception de la nature et des causes de l'infantilisme nous sem-,

Irle la plus en harmonie avec nos connaissances cliniques et physiologi-

ques ; elle est un peu vague et mal définie; mais malheureusement toutes

444 ETTORE LEVI 1

nos connaissances sur ce chapitre de physio-pathologie le sont aussi et. son

mérite consiste surtout à ne vouloir pas trop définir ni borner un argu-

ment qui ne peut l'être pour le moment avec toute la rigueur, scientifique

nécessaire.

Les idées que je viens d'exposer sont du reste acceptées par d'autres

auteurs et entre autres par Anton et Schuller. Ce dernier sépare des in-

fantilismes dystrophiques et des infantilismes liés à une lésion des glan-

des à sécrétion interne, un troisième groupe chez lequel on ne pourrait

constater aucune maladie organique primitive, mais chez lequel existerai !

au contraire une affection idiopathique des glandes séminales ; il appelle

celle forme : primàren disgezitrclisaus.

Dans cette nouvelle catégorie Schuller veut inclure legigantisme infan-

tile, l'infantilisme combiné à l'hypoplasie des glandes séminales, à l'adi-

posité et à l'imbécillité ; il y comprend en outre le mongolisme.

L'auteur se montre incertain de savoir s'il doit comprendre dans cette

catégorie les quelques cas de nanisme vrai avec persistance de cartilages

épiphysaires pendant toute la vie, et les formes de sénilisme ou géroderme

génito-dystrophique qui ont été décrites par Rummo et Ferranini.

1 Schuller pense aussi que dans la genèse des infantilismes dystrophique

et glandulaires (surtout thyroïdiens) on doit admettre l'influence patholo-

gique d'autres glandes à sécrétion interne et surtout des glandes séminales,

qui seraient lésées par une seule et unique cause morbide. Pour prouver

cette hypothèse il cite le fait que dans quelques cas de crétinisme on trouva

les glandes séminales parfaitement intactes pendant que dans d'autres (et

surtout dans le maJ'ine1 liretiaisna2cs) elles ont été trouvées complètement

hypoplasiques. A propos des cas de tumeurs de la base (surtout hypophy-

saires) liés à l'hypoplasie des glandes séminales et à l'adiposité, Schuller

n'accepte pas la théorie de Erdheim pour qui l'adiposité dépendrait de la

lésion d'un centre cérébral de la base. Schuller pense que dans de tels

cas les affections de l'hypophyse et des glandes séminales sont des symp-

tômes coordonnés tandis que l'adiposité serait secondaire à l'affection des

glandes séminales.

Schuller est d'opinion que les anomalies d'accroissement du squelette

dans l'infantilisme peuvent être interprétées comme un signe de maladie

de la moelle osseuse qui pourrait être ou secondaire à une affection des

glandes séminales ou liée à celle-ci.

En résumé donc Schuller admet aussi, quoique d'une façon peu claire,

la genèse polyglandulaire des infantilismes, et nous sommes d'accord avec

lui pour donner beaucoup de valeur anx lésions des glandes séminales.

Il nous semble au contraire que la séparation proposée par lui de toute

CONTRIBUTION A L'ÉTUDE DE L'INFANTILISME DU TYPE LORAIN 445

une nouvelle série de dystrophies différentes sous le nom dehriararzneca dis-

genilalismus, n'est ni utile ni suffisamment fondée.

L'hypothèse que ces différentes formes cliniques soient toutes dépendan-

tes d'une lésion primitive et prévalente des glandes sexuelles, peut être

séduisante mais n'est pas assez prouvée : elle l'est aussi peu que l'hypo-

thèse correspondante de Hertoghe suivant qui tout devrait être ramené

à l'hypothyroïdie ou à la dysthyroïdie.

Aucune de ces théories unitaires ne nous semble suffisamment appuyée

par des faits cliniques et physio-patholoaiques assez clairs et nous croyons

que dans l'état actuel de nos connaissances, il est plus juste de ne pas trop

se hâter vers des conclusions absolues, mais de reconnaître aux faits leur

valeur relative qui dépose plutôt en faveur de la théorie polyglandulaire

de De Sanctis.

Un telle conclusion nous paraît la seule acceptable quoique selon des

mémoires récents la question semble définitivement résolue et éclaircie.

ltl.llalmarrcand en effet admet non seutementcommeétabfieetdémontrée

t'originedysthyroïdienne de l'infantilisme en général, mais il voudrait

encore expliquer d'une façon, selon nous par trop simple et pas assez prou-

vée, tous les cas cliniques qui parlent contre la doctrine qu'il soutient et

à laquelle il veut les ramener de toute façon.

Il admet en effet que « parfois l'origine dysthyroïdienne a pu être mise

en doute et l'on a incriminé d'autres glandes à sécrétion interne : .

L'absence de sécrétion interne des glandes génitales pourrait, par exem-

ple, être combattue par un excès de sécrétion thyroïdienne ; mais si la

thyroïde s'épuise en fournissant cet effort supplémentaire, l'infantilisme

dysthyroïdien parait. Voilà comme Halmagrand expliquerait l'infanti-

lisme pubéral..

De même les cas d'infantilisme qui ont été imputés à l'hypophyse s'ex-

pliqueraient par le mécanisme suivant : l'hypophyse par son action vaso-

constrictive sur la thyroïde pourrait, lorsqu'elle hypersécrète, engendrer

l'hypothyroïdie (Haillon et Carrion). Halmagrand conclut enfin par ana-

logie que les autres glandes à sécrétion interne doivent n'entraîner l'in-

fantilisme qu'en agissant sur la thyroïde, et que l'hypothyroïdie est tou-

jours la cause de l'infantilisme, qu'elle soit primitive ou secondaire à une

autre lésion glandulaire.

Les preuves que M. Halmagrand nous donne de son hypothèse nous

semblent insuffisantes et les mécanismes d'action réciproque entre les dif-

férentes glandes à sécrétion interne, tels qu'il nous les décrit, peuvent

être propres à appuyer sa thèse, mais ne sortent pas du nombre des hypo-

thèses n'étant basées sur aucun fait scientifique suffisamment contrôlé et

solidement admis.

446 .. ETTORE LEVI '

De la lecture du travail de M. Halmagrand nous lirons une conclusion

tout à fait contraire aux siennes, c'est-à-dire que les infantilismes ne peu-

vent s'expliquer par la lésion de la seule glande thyroïde, mais qu'il faut

admettre que d'autres glandes à sécrétion interne doivent être primitive-

ment ou secondairement lésées.

M. Halmagrand admet en somme sous forme voilée l'origine polyglan-

dulaire des infantilismes mais veut attribuer forcément un rôle absolu-

ment prépondérant à la thyroïde et veut expliquer de quelle façon exac-

tement cette glande influence et est influencée par les autres glandes à

sécrétion interne.

Une telle conclusion nous semble au contraire prématurée, et sans

vouloir expliquer des faits encore obscurs dans leur mécanisme intime

et dont l'expérimentation physiologique ne nous a pas encore donné la

clé, nous nous bornons à admettre que dans les infantilismes la fonction-

nalité de plusieurs glandes à sécrétion' interne est probablement toujours

lésée et que la participation prépondérante de l'une ou de l'autre glande

dans les différentes formes cliniques est claire dans quelques cas et

obscure dans d'autres.

Dans les définitions de l'infantilisme selon l'école française moderne

il ne nous semble pas qu'on ait donné assez d'importance aux troubles

pshychiques.

Lasègue au contraire en écrivant que l'infantilisme consiste dans la

persistance (à un âge qui n'est plus infantile) de quelques attributs physi-

ques et psychiques de l'enfance » assignait, selon nous, sajuste valeur à

l'analyse des facultés intellectuelles pour le diagnostic des' infantilismes.

De Sanctis accepte la conception de Lasègue et il définit de la facon

suivante les symptômes fondamentaux de l'infantilisme en général :

1° Taille et développement physique général inférieur à celui qui de-

vrait correspondre à l'âge du sujet ;

2° Retard dans le développement ou développement insuffisant des or-

ganes sexuels ou de leur fonction ;

3° Développement incomplet de l'intelligence et du caractère (menta-

lité infantile).

Selon De Sanctis il n'y aurait donc pas d'infantilisme vrai ni complet

en dehors de ces trois ordres de symptômes ou de l'un d'eux.

De Sanctis s'accorde justement avec Ausset en ne subordonnant pas la

conception de l'infantilisme il des limites d'âge : chaque âge de la vie à

son propre infantilisme, et par conséquent nous pouvons parler sans illo-

CONTRIBUTION A L'ÉTUDE DE L'INFANTILISME DU TYPE LORAIN 447

gisme avec Ausset d'infantilisme chez les enfants et avec Ferranini

d'enfants embryonaux.

Nous pouvons donc résumer et compléter la définition de De Sanctis de

la façon suivante :

La taille et en général tout le développement physique et intellectuel de

ces sujets sont inférieurs à l'âge effectif du sujet, quel que soit cet cïre.

De cette définition dérive la nécessité de modifier la forme et le con-

tenu de l'analyse psychique dans les différents cas selon les différents âges

et la nécessité de poser le diagnostic d'infantilisme psychique chaque fois

qu'il nous sera donné d'observer un déséquilibre évident entre rage et les

facultés intellectuelles d'un sujet déterminé.

En général nous pouvons admettre que les symptômes de déficit intel-

lectuel sont beaucoup plus accentués chez les nlyxinfantiles de Brissaud

et les myxoedémateux frustes de Thibierge (nous ne parlons même pas des

myxoedémateux crétins et semi-crétins) que chez les infantiles dystrophi-

ques de Lorain.

Chez ceux-ci, les seuls qui intéressent directement notre étude, le

tableau psychique n'est pas très facile à décrire et nous verrons qu'au-

cune des définitions proposées par les auteurs n'est complètement satis-

faisante justement parce qu'elles tendent à rattacher toute manifestation

intellectuelle de ces sujets à un type unique.

De Sanctis par exemple peint de la façon suivante la mentalité pué-

rile des infantiles en général :

«Il s'agit d'enfants presque toujours apathiques, mais quelquefois assez

vifs ; d'humeur très égale, de maintien correct, bien que par moments ils

deviennent tout à fait impulsifs ; presque toujours affectueux au moins dans

les formes, mais souvent sans aucune organisation de la conduite. Ils ont

une faculté de perception assez bonne, la mémoire normale, mais l'attention

toujours très défectueuse et souvent lente à se déterminer. Aimant les

jeux, vaniteux, très timides, gourmands, crédules, souvent collectionneurs,

imitateurs, ils déploient une fantaisie extrêmement pauvre et une logique

typiquement infantile.

Incapables d'idées générales, réfracta ires aux idées d'espace, de temps,

les psycho-infantiles ne sont cependant pas des infantiles. Ils différen-

cient de ceux-ci surtout par le caractère, par le maintien, et par la logi-

que (infantile) impeccable ».

DeSanctis ajoute d'ailleurs avoir observé des cas de mentalité normale.

sur des corps infantiles et cette constatation corrige justement, selon nous,

sa description du psychisme des infantiles, description qui ne saurait s'ap-

pliquer à beaucoup de cas et surtout aux nôtres.

M. Gaspero a récemment résumé avec beaucoup de soin dans un long-

448 . ETTORE LEVI

mémoire les résultais de ses,éLudes sur le psychisme des infantiles ; dans

son analyse il a mis de côté les critériums de classification somatique et il

s'est occupé indifféremment des infantiles du type Brissaud et de ceux du

type Lorain. '

M.Gaspero reconnaît deux groupes de psycho-infantiles.Dans le premier

il y a prééminence de la mentalité absolument infantile aussi bien dans les

manifestations générales que dans le détail, avec un développement pau-

vredes mutations affectives qui se produisent à la période de la puberté :

infantilisme psychique dans le sens le plus strict du mot.

Les sujets appartenant à ce groupe sont-des enfants mûrs et des adul-

les pas du tout mûrs. En les interrogeant systématiquement on est frappé

par les faits suivants : omission facile de détails même très importants ;

exagération et insistance inutile sur quelques points déterminés ; faux té-

moignages fondés sur une perception incorrecte de l'ambiance, faux sou-

venirs qui se produisentsoitpar la superposition volontaire des souvenirs,

soit par la confusion de ceux-ci.

Tous ces faits sont fondés, selon Gaspero, sur les altérations psychiques

suivantes :

1° Défaut de la faculté d'attention et surtout incapacité d'exprimer

d'une façon rapide et concise les perceptions complexes;

2° Pouvoir d'abstraction incomplet ;

3" Energie et fidélité de la mémoire insuffisantes ;

4° Défaut d'indépendance et impuissance à formuler des jugements; in-

clination aux jugements catégoriques, analogiques, avec incapacité d'ap-

précier la véritable portée d'une affirmation ;

5° Vivacité de la fantaisie qui se développe au-delà de limites justes ;

6° Augmentation de la suggestibilité;

7° Disposition aux états affectifs anxieux.

Au contraire chez les malades du second groupe la façon de répondre à

l'interrogatoire est essentiellement exacte et critique ; les représentations

d'une manière générale se rapprochent de la vérité, elles souvenirs sont

évoqués avec opportunité ; les faits les plus importants priment les détails ;

l'omission de circonstances secondaires est rare surtout pour les choses

tout à fait indifférentes. On observe cependant assez souvent des assertions

inexactes qui s'expliquent ou par des perceptions partiellement fausses ou

par une altération des souvenirs à travers le temps, mais les véritables

falsifications des souvenirs sont exceptionnelles. Il arrive que le sujet

avoue lui-même ne pas savoir,qu'il donne des réponses indéterminées qui

laissent le champ ouvert au contrôle et à la correction individuelle.

Ces sujets présentent en somme les lignes fondamentales d'une consti-

tution psychique qualitativement normale, fondues tout de même avec les

CONTRIBUTION A L'ÉTUDE DE L'INFANTILISME DU TYPE LORAIN 449

traits les plus importants et les plus caractéristiques de la mentalité in-

fantile. Même les phénomènes psychiques, considérés, quantitativement ont

des dimensions puériles : les sujets de ce groupe ont un psychisme en mi-

niature ; ils sont moitié enfants et moitié adultes.

M. Gaspero admet enfin des formes partielles d'infantilisme psychique

et il reconnaît aussi l'existence de cette catégorie mal limitée et mal défi-

nissable de leicht abnormen Kinder, de Weygand, c'est-à-dire des types

qui tiennent le milieu entre les enfants normaux et les imbéciles et que

l'on trouve surtout parmi les infantiles de Lorain.

Nous savons d'ailleurs qu'il n'existe que très rarement un véritable pa-

rallélisme entre le développement somatique et le développement psychi-

que ; nous savons que des individus somatiquement normaux et même

des individus présentant du gigantisme,peuvent présenter les stigmates les

plus classiques de la mentalité infantile, tandis qu'il n'est pas absolument

démontré que des sujets typiquement infantiles, au point de vue soma-

tique, puissent être doués d'un développement intellectuel tout à fait nor-

mal et proportionné à leur âge.

Si nous traçons à présent un parallèle entre le tableau de l'infantilisme

psychique tel qu'il nous a élé peint par De Sanctis et Gaspero et le ta-

bleau qui ressort de l'analyse strictement objective de nos observations

personnelles, nous verrons tout de suite combien il sera difficile de faire

rentrer nos sujets dans une catégorie bien déterminée et limitée par le

fait qu'ils présentent quelques caractères qui sont propres à un groupe

déterminé, selon les auteurs, mais qu'ils manquent de bien d'autres appar-

tenant à 'ce même groupe alors qu'ils en ont d'autres encore qui suffi-

raient à les faire ranger dans une catégorie différente. -

La description de M. De Sanctis qui est cependant très vaste, très habile,

quoique peut-être un peu trop élastique, admet quelques caractères psy-

chiques qui manquent complètement chez nos sujets (je me rapporte sur-

tout aux deux soeurs Ser. car le troisième sujet se refusa à toute analyse

systématique) : ainsi nos deux petites malades ne montrèrent jamais le

moindre caractère d'impulsivité et leur conduite était toujours très cohé-

rente ; l'attention n'était nullement défectueuse ; nos deux malades enfin

n'étaient ni timides, ni futiles, ni trop crédules, ni imitatrices et avaient

une faculté imaginative assez développée.

Au contraire d'autres caractères psychiques mis en relief par M. De Sanc-

tis, étaient en effet très évidents chez nos malades ; tels, l'impeccable

logique typiquement infantile et le défaut de toute conception générale

d'espace, de temps, et, j'ajouterai, de tout ce qui est grand et qui surpasse

les limites directement constatables par elles-mêmes (grands poids, va-

leurs, distances, masses, etc.).

.\xi 1 . au

.450 ETTORE .LEVI

Un autre caractère frappant chez les deux malades est l'égoisine, le

défaut complet de toute idée d'altruisme; elles font l'une pour l'autre

de petits sacrifices qui leur sont imposés par leur vie modeste, mais elles

ne comprennent ni la beauté ni la nécessité de se dévouer à autrui et,

interrogées, elles arrivent toujours à éviter les écueils sentimentaux par

la logique froide qui montre le besoin triomphant de la défense person-

nelle.

Si nous comparons il présent aux conditions psychiques de nos malades

le tableau symptomatique tracé par Gaspero pour les sujets de son pre-

mier groupe, nous voyons qu'il ne peut d'aucune façon s'appliquer à nos

sujets qui ne présentent aucun symptôme de déficit bien caractérisé et

qui montrent en somme qu'elles appartiennent à une catégorie intellec-

tuellement bien supérieure.

Par un seul caractère nos malades pourraient appartenir au premier

groupe de Gaspero, pour ce qui se rapporte à la tendance infantile, en

elles bien évidente, de formuler des jugements catégoriques et par analo-

gie. Le second groupe de Gaspero correspond au contraire mieux que

tout autre au tableau psychique présenté par nos malades ; elles s'en dis-

tinguent cependant par quelques particularités.

Chez nos deux soeurs on peut dire en effet que les phénomènes psychi-

ques, considérés à un point de vue quantitatif, ont des dimensions, sinon

puériles, comme les dénomme Gaspero, du moins réduites; de telle façon

qu'on peut dans un certain sens parler d'un psychisme en miniature.

Mais cette réduction des phénomènes psychiques n'est absolument pas

globale et pour cela la définition de Gaspero ne nous semble pas devoir

être applicable avec rigueur à bien des cas.

Nos malades en effet nous ont montré de posséder des idées générales et

morales assez claires, larges et bien définies (proportionnellement à leur

éducation), des conceptions générales en somme telles que nous aurions

pu les attendre de la part d'individus adultes tout à fait normaux mais

également dépourvus de culture scolastique ; nous avons en même temps

observé assez d'équilibre dans les jugements et une conceplion très

exacte et très juste de leur état de santé ; et delà part de l'ainée une

appréciation froide et claire de son infériorité physique, pendant que

la cadette se montrait justement alarmée d'un sort analogue.

En somme rien en ce sens de ce qui caractérise ia légèreté infantile;

mais en opposition à tousses faits qui ne sont vraiment pas d'un psychisme

en miniature,en voici d'autres qui autoriseraient en partie cette définition :

c'est-à-dire l'égoïsme typiquement infantile et rigidement raisonnant,

la tendance à reporter tous les faits du monde extérieur au développement

de leur petite existence propre, une conception de l'importance de leur

CONTRIBUTION A l'ÉTUDE DE L'INFANTILISME DU TYPE LORAIN 451

moi vraiment formidable, et enfin une certaine facilité à définir par des

jugements assez exacts des choses abstraites ou concrètes par leur nature

même très mal définies : cette inconscience de certaines difficultés elles

jugements faciles qui s'ensuivent et qui nous surprennent quelquefois par

leur personnalité, sont aussi un caractère propre à la mentalité infantile.

Comme conclusion disons que nos malades présentent plutôt qu'une

mentalité puérile, une mentalité qui, très légèrement réduite dans son

ensemble et normale en quelques points est au contraire caractérisée par

la persistance de véritables lacunes psychiques : elles nous présentent en

somme plutôt qu'un exemple de psychisme en miniature, des cas d'infan-

tilisme intellectuel partiel avec réduction psychique globale minime.

Il est certainement difficile en général dans notre jugement des facultés

intellectuelles de sujets de ce genre de faire abstraction de l'impression pu-

rement visuelle qu'ils nous donnent par leur développement physique

insuffisant : nous voyons devant nous des êtres qui somatiquement sont

des enfants, et malgré nous très souvent nous oublions leur âge véritable,

nous les interrogeons comme des enfants et jugeons en conséquence leurs

réponses d'une façon qui n'est pas correcte.

Très souvent aussi dans les analyses psychiques et dans les jugements

qui en dérivent nous ne tenons pas suffisamment compte de l'influence

que l'éducation et l'entourage ont sur le développement psychique ; par

comparaison il faudrait dans ce genre de cas faire subir le même interro-

gatoire à plusieurs individus tout à fait normaux du même âge, du mêine

niveau social et de la même infériorité de culture. Que d'exemples d'in-

fantilisme intellectuel partiel ou total nous ne trouverions pas alors chez

des personnes apparemment normales !

Je suis convaincu par exemple que si j'avais interrogé l'aînée de mes

deux soeurs sans l'avoir vue et sans avoir su son âge, et si j'avais dû juger

son âge par ses réponses, je l'aurais jugée une adulte intellectuellement

normale mais de culture très pauvre; et difficilement, je crois, j'aurais

mis en relief ses caractères d'infantilisme psychique partiel qui probable-

ment sont beaucoup plus répandus que nous ne croyons chez les person-

nes normales mais incultes.

De tout cela dérive la conclusion, selon nous, qu'on ne peut absolument

prétendre donner en quelques mots une' description s'appliquant à tous

les cas du syndrome de l'infantilisme psychique et somatique.

Il en est de même d'ailleurs de nos connaissances sur chaque entité

clinique et nous voyons en effet que seulement l'aurore de nos études

sur une forme clinique déterminée, il nous est-possible d'en enfermer la

description dans un cadre symptomatique rigide, tandis qu'après r.vec le

développement naturel de nos connaissances le syndrome ne tient plus

452 ETTORE LEVI

dans un cadre, déborde de tous côtés et nous devons accepter la création

de toute la série habituelle des cas frustes, combinés, mixtes intermé-

diaires, etc.

Ce fait qui est vrai en général pour toute forme d'observation clinique

s'applique d'autant plus à l'analyse psychique qui par soi-même est moins

facilement délimitable, qui ne peut être répétée pour chaque sujet dé la

même façon et dont les résultats ne peuvent être jugés exactement de

même à cause de ce quantum qui est personnel à chaque individu et à

causede l'infinie diversité des conditions d'éducation et d'entourage.

Nous verrons au sur et à mesure que de rigoureuses observations d'in-

fantilisme somatique et psychique viendront enrichir nos connaissances,

qu'en même temps notre conception actuelle de l'infantilisme se fera tou-

jours plus large et son unité toujours moins solide tandis que les défi-

nitions et les divisions nosologiques actuelles qui déjà gênent nos mouve-

ments deviendront tout à fait insuffisantes.

Nous nous sommes bornés jusqu'à présent à prendre en considération

seulement le syndrome d'infantilisme qui nous est également présenté par

nos trois sujets.

Mais l'ainée des deux soeurs Ser. a présenté, dans les dernières an-

nées, comme nous l'avons vu par son observation, des faits pathologiques

nouveaux qui ne sont pas d'interprétation facile et que nous croyons

utile de discuter à fond.

Chez Marguerite Ser. en effet, vers l'âge de 18 ans, un nouveau syn-

drome nerveux s'est superposé à la maladie fondamentale et l'intérêt de

ce nouvel accident pathologique, par soi-même assez rare, consiste

justement dans les liens éventuels qui peuvent le rattacher à l'affection

familiale.

Nous avons appris par l'histoire de notre patiente qu'elle est déjà depuis

plus de deux ans complètement aveugle, et que cette amaurose s'est dé-

terminée rapidement avec toute une série d'autres symptômes d'hyperten-

sion endocrânienne : céphalée, vomissements, exophtalmie, exagération

des réflexes tendineux aux extrémités.

Depuis deux ans ce tableau symptomatique initial ne s'est presque

pas modifié et à travers de simples variations de la violence des cépha-

lées et de la fréquence des vomissements, on est arrivé à l'époque

actuelle caractérisée par une diminution très nette des symptômes doulou-

reux surtout, tandis que l'exophtalmie et l'exagération des réflexes sont

restées inaltérées.

CONTRIBUTION A L'ÉTUDE DE L'INFANTILlS-.NIF, DU TYPE LORAIN 453

La cécité, qui a pour base une atrophie papillaire bilatérale consécu-

tive à une papillite, est absolue.

Il n'y eut jamais la moindre trace de parésie ni du côté des nerfs crâ-

niens ni du côté des extrémités, jamais le moindre soupçon d'ataxie, ni

d'asynergie ni de tremblement intentionnel ; jamais de convulsions, ni

de .vertiges ; rien du côté de la sensibilité soit subjectivement soit objec-

tivement.

Les facultés psychiques ne furent aucunement troublées par la mani-

festation de ces nouveaux faits.

Une insuffisance extrêmement légère du rectus externus de l'oeil droit

et un soupçon de nystagmus se manifestant dans les tout derniers

mois ne peuvent aucunement être interprétés en tant que symptômes de

localisation parce qu'ils sont certainement dépendants, selon l'avis du

spécialiste, du défaut prolongé de fixation des globes oculaires amauro-

tiques depuis deux ans déjà.

Quel est le diagnostic le plus probable pour cette seconde affection ?

Nous ne voulons pas nous perdre en d'inutiles virtuosités de diagnostic

différentiel et nous ne discuterons en conséquence à fond que les affections

les plus probables : nous pouvons sans plus éliminer toute affection

encéphalique ou méningitique aiguë ou subaiguë car on n'eut jamais

la moindre altération de la température, du pouls ni de la respiration,

pas de symptômes douloureux ni de raideur de la nuque.

Nous savons que la chlorose peut, selon certains auteurs, déterminer

l'infantilisme et nous savons aussi que sur la même base chlorotique il

peul se déterminer non seulement une papillite qui peut aller jusqu'à

l'atrophie papillaire, mais aussi toute la cohorte des symptômes que nous

considérons comme propres aux néoformations endocrâniennes.

Bien des erreurs diagnostiques très graves ont été faites à ce sujet :

j'ai recueilli moi-même il y a deux ans dans un court mémoire sept cas

(dont l'un inédit) dans lesquels l'anémie et la chlorose déterminèrent des

phénomènes plus ou moins étendus du côté du système nerveux central

toujours assez graves pour faire porter un diagnostic erroné de tumeur

cérébrale ; dans quelques cas la guérison seule révéla l'erreur de diagnos-

tic ; dans d'autres l'examen nécroscopique seulement montra trop tard

la fatale erreur.

En dehors des observations réunies dans mon mémoire, d'autres analo-

gues furent publiées successivement par Burton-Fanny, Jollye, Patrice et

Banllister,

Dans notre cas une telle hypothèse aurait pu être séduisante justement

par le fait qu'elle aurait pu en même temps nous expliquer la maladie

fondamentale (infantilisme), mais des examens souvent répétés du sang

454 ETTORE LEVI

de Marguerite ne nous monlrèrent que les caractères hématologiques d'une

légère anémie simple pendant que tout symptôme clinique d'anémie grave

manquait totalement; cette hypothèse diagnostique n'est donc pas accep-

table.

L'hypothèse d'une néoplasie cérébrale à développement très. lent et de

nature probablement bénigne, qui aurait provoqué des faits secondaires

d'hydrocéphalie interne et à travers ceux-ci l'exophtalmie, la papillite et

l'exagération des réflexes, doit au contraire être discutée à fond.

Tout symptôme de lésion en foyer faisant défaut, nous devons naturel-

lement admettre que cette néoplasie éventuelle s'est développée dans une

des zones dites silencieuses.

La durée relativement longue du développement (plus de deux ans) ne

parle pas absolument contre le diagnostic de tumeur cérébrale, parce que

nous savons que surtout les tumeurs du cervelet, du lobe frontal droit et

de la base (Oppenheim) ont souvent une marche extrêmement lente et qui

peut s'étendre jusqu'à une dizaine d'années. Celle marche lente et pro-

longée se vérifie surtout pour quelques formes de néoplasies telles que le

tubercule solitaire, l'ostéosarcome, le gliome, l'ostéome, le colestéatomeet

l'angiome caverneux (Joffroy, Gombault, Edinger, iJ11ngazzini. etc.). II

est toujours très rare qu'une période aussi longue que dans notre cas, se

passe sans que le, moindre symptôme en foyer se manifeste ou surtout

sans qu'on ait une lésion quelconque de la motilité ou de la sensibilité.

La. lâche de déterminer une zone silencieuse, comme siège de celte

tumeur éventuelle, serait donc très malaisée si nous n'étions pas entrés en

possession dans les derniers temps d'un symptôme précieux de toute objec-

tivité pour le diagnostic éventuel d'une néoformation endocrinienne.

Nous avons vu en effet que la radiographie de la base du crâne de Mar-

guerite nous a révélé un élargissement énorme de la selle turcique ; celle-

ci està ce point dilatée queson diamètre longitudinal mesuresur la plaque

à peu près 2 centimètres, cependant que dans les radiographies témoins

obtenues chez la saenr Adrienne el chez une adulte normale, la selle turci-

que ne mesurait que 3/4 de centimètre.

Il serait donc illogique de penser à toute autre localisation d'une tu-

meur éventuelle étant en possession d'un symptôme aussi clair et objectif

qui attire nécessairement notre attention sur l'hypophyse.

Cette hypothèse diagnostique est d'autant plus séduisante que l'on sait

que l'hypophyse est souvent le point de départ de tumeurs ou de kystes à

développement très lent et qui peuvent, par un mécanisme que nous igno-

rons, déterminer secondairement des faits dystrophiques partiels ou diffus.

L'hypertrophie simple ou une tumeur de l'hypophyse. causent le plus

souvent, comme bien connu, les dystrophies en excès, c'est-à-dire le gi-

CONTRIBUTION A L'ÉTUDE DE L'INFANTILISME DU TYPE LORAIN 455

gàntisme, l'acromégalie, l'adipositas universalis, se déterminant plus ou

moins rapidement; les mêmes lésions peuvent aussi donner des altérations

diffuses des téguments à type myxoedémateux (Frôhlich, Fuchs, etc.),

chute des cheveux, pauvreté de poils, dystrophies unguéales, etc. '

Une autre série de cas présente pour nous un plus haut intérêt ; il a été

démontré en effet, par quelques rares observations que les tumeurs de la

base et surtout celles de l'hypophyse peuvent être liées à de graves troubles

des fonctions menstruelles et à des arrêts du développement des organes

sexuels.

Dans les quatre observations de Jamagucki les premiers symptômes

de tumeur de la base furent justement l'atrophie des nerfs optiques et les

troubles menstruels ; dans aucun de ces cas l'atrophie optique ne fut pré-

cédée par des faits de papillite.

. Abelsdorf a vu dans son cas d'enchondrome de la base du crâne, l'amé-

norrhée précéder de dix ans tout autre symptôme : la lésion des nerfs opti-

ques parut seulement plus tard.

Axehfeld a depuis 1903 mis' en relief que les tumeurs de la base' qui

atteignent l'hypophyse sont celles qui produisent le plus souvent l'aménor-

rhée et l'atrophie optique. Sur quatre cas de tumeurs de celle nature il

observa trois fois l'aménorrhée, et dans un cas des faits d'infantilisme par-

tiel : la matrice avait le type infantile et la malade n'avait jamais été réglée ;

dans ce cas aussi il y avait atrophie optique qui n'avaitpas été précédée de

papillite.

Dans le cas de tumeur de l'hypophyse de Pechkranz et Zak, cité par

Schuller, on notait non seulement l'hypoplasie des testicules mais aussi

une constitution squelettique de type féminin.

M. Babinski a observé des faits d'infantilisme partiel chez une jeune fille

atteinte de tumeur de l'hypophyse :

Hueter a trouvé à la nécroscopie d'une naine des lésions tuberculeuses

de l'hypophyse.

Cette série de faits si intéressants est beaucoup plus fréquente chez les

femmes, mais on a remarqué chez l'homme aussi l'hypoplasie des organes

génitaux par le fait d'une tumeur de l'hypophyse (F/'ohlich).

Millier soutient que de tels syndromes peuvent aussi être produits par

une simple hydrocéphalie interne primitive qui, causant la distension du

recessus infllndibuli, provoquerait des altérations dans'le fonctionnement

normal de la glande pituitaire.

Mais l'altération de l'hypophyse peut non seulement se rattacher,

comme nous venons de ]evoir,à des faits d'infantilisme sexuel, mais aussi

dans quelques cas très rares à un syndrome d'infantilisme total.

C1ll'schin,q;¡ a décrit deux cas de cette nature ; le premier sujet, Max D.

456 ETTORE LEVI

de 16 ans n'en paraissait que 12 ; pendant plusieurs années elle ne pré-

senta d'autre symptôme que le retard du développement sexuel et de la

céphalée. Ensuite on eut des faits de papillite,mais il n'y eut pas d'hémia-

nopsie bitemporale. La tumeur de l'hypophyse était un tératome.

Dans le deuxième cas, l'atrophie optique fut primitive ; le développe-

ment sexuel était très exigu (infantilisme sexuel); les céphalées furent

extrêmement violentes pendant dix ans ; dans les dernières années on eut

d'abord une hémianopsie temporale à gauche etpuis del'amaurose ; à l'oeil

droit-l'amblyopie et l'amaurose se firent plus tardivement.

Le cas de Nazari est encore plus démonstratif : il s'agissait d'un homme

de 20 ans qui n'en paraissait que 10 et dont la taille était de 123 cent-

mètres.

Le diagnostic anatomique post mortem fut le suivant : Infantilisme,

tuberculose chronique et tuberculose miliaire du sommet gauche, ménin-

gite tuberculeuse, kyste de l'hypophyse, persistance du thymus, hypo-

plasie de la thyroïde et des testicules.

L'auteur ne dit pas de quelle forme clinique d'infantilisme il s'agissait

dans son cas : mais la photographie du sujet témoigne nettement d'un in-

fantilisme de Lorain. La néoformatiun kystique de l'hypophyse apparte-

nait au groupe des colestéatomes. '

Selon Nazari son observation, par l'évidente multiplicité des lésions

des glandes à sécrétion interne,prouve la vérité delà théorie de De Sanc-

tis sur l'origine de l'infantilisme non myxoedémateux.

Un cas tout à fait analogue à celui-ci est fourni par l'observation de

VigOU1'OltX et Delmas, ce cas fut considéré pendant la vie comme un

exemple d'infantilisme hypothyroïdien, et à la nécroscopie on trouva au

contraire une tumeur fibreuse calcifiée de la tige de la glande pituitaire

pendant que le parenchyme glandulaire était intact l'examen microscopi-

que. Le corps thyroïde était petit et légèrement fibreux, mais en somme

d'apparence normale; à l'examen histologique il se montra tout à fait t

normal.

Les lésions du testicule étaient au contraire très profondes et très éten-

dues ; non seulement les canalicules séminipares n'étaient pas dévelop-

pés, les cellules de la lignée séminale pas différenciées (le malade avait

44 ans), mais dans le tissu conjonctif on ne trouvait aucune cellule inter-

stitielle. L'adiastématie précoce telle que l'ont décrite Ancel et Boin

était donc dans ce cas la première à incriminer.

Nous avons donc vu que des lésions de nature différente de l'hypophyse

peuvent se lier à des faits d'infantilisme partiel et dans quelques cas très

rares à un syndrome d'infantilisme général.

Aucune des observations citées ne peut se dire cependant absolument

CONTRIBUTION A L'ÉTUDE DE L'INFANTILISME DU TYPE LORAIN 457

démonstrative, car la lésion de l'hypophyse n'était pas unique; dans le

cas de Na : ;a1'i par exemple la tuberculose coexistence, la persistance du

thymus, l'hypoplasie de la thyroïde et des testicules ne nous permettent ab-

solumentpas d'affirmer que la lésion de l'hypophyse ait été la cause déter-

minante de l'infantilisme ; celui-ci est plus probablement le résultat de

l'altération fonctionnelle associée de plusieurs glandes à sécrétion interne

dont nous ne pouvons déterminer laquelle a été la première malade et

laquelle a déterminé l'altération des autres. On peut en dire autant de

l'observation de Vigouroitx et Delnaccs où la lésion testiculaire était pré-

valente.

Voilà donc que sur la base de documents -cliniques assez clairs nous

devons renoncer à formuler avec sûreté l'hypothèse clinique que dans

notre cas une tumeur de l'hypophyse soit la cause unique non seulement

de l'affection secondaire mais aussi de l'infantilisme fondamental.

Contre cette hypothèse d'ailleurs nous pouvons apporter d'autres argu-

ments non dépourvus de valeur ; l'arrêt de développement somatique

chez notre patiente se détermina delà 8" à la 9e année pendant que le

syndrome secondaire et qui plus directement appelle notre attention

sur l'hypophyse ne se détermina que 10 ans plus tard, et il nous est très

difficile d'admettre qu'une telle lésion hypophysaire soit restée latente

pendant un temps si long.

En suite le syndrome infantilisme est tout aussi net chez la soeur

cadette Adrienne et chez elle l'examen radiographique de la base du crâne

ne montra pas la moindre altération delà selle turcique : ce fait aussi

parle contre l'hypothèse qui nous a paru d'abord si séduisante.

En pensant aux cas de Nazàri, de Vigoecroux et Delmas dans lesquels

peut-être la lésion testiculaire était primitive et en réfléchissant qu'il a

été expérimentalement démontré (Bernaúo) qu'en réséquant les déférents

ou en faisant l'ablation des testicules on peut déterminer une hypertro-

phie compensatrice de l'hypophyse, on pourrait supposer que dans notre

cas une lésion primitive atrophique des glandes sexuelles ait provoqué

une hypertrophie compensatrice de l'hypophyse. Mais contre cette hypo-

thèse,qui n'est du reste pas encore basée sur des faits assez prouvés,parle

le fait de l'intégrité de l'hypophyse chez la soeur cadette Adrienne.

Contre un diagnostic de tumeur de l'hypophyse on peut invoquer enfin

des arguments cliniques vulgaires : dans notre cas on n'eut pas d'hémia-

nopsie bitemporale ni aucun fait de parésie des nerfs crâniens ni d'anos-

mie, symptômes qui sont fréquents dans les cas de tumeurs de l'hypophyse.

Dans celles-ci on a aussi fréquemment remarqué l'apathie générale et

quelquefois la somnolence invincible ou le véritable sommeil prolongé ;

au contraire, la vivacité de notre patiente a été toujours remarquable et

458 ' ' 'ETTORE LEVI

ne s'est pas altérée pendant le développement du syndrome secondaire.

Notre sujet nous a présenté au contraire deux symptômes qui sont extrê-

mement rares dans les cas de tumeur dé l'hypophyse. En effet Axenfeld,

C2crsclaing, Lazoson et Habers7aona, .4.bel"dol'll soutiennent que dans

les cas de tumeurs de l'hypophyse la papillite est extrêmement rarepen-

dant que l'atrophie primitive des nerfs optiques est presque constante ;

chez Marguerite au contraire la papillite précéda l'atrophie papillaire.

Selon'les mêmes auteurs l'exophtalmie, qui fut évidente chez notre ma-

lade depuis le commencement de la maladie, est aussi rare que la papillite

dans les cas de tumeur de l'hypophyse et elle est déterminée alors par la

pression de la masse de la tumeur sur les fissures orbitales.

Un dernier argument qui parle contre l'hypothèse d'une tumeur est

donné par la marche de la maladie; après la première poussée d'hyperten-

sion endocrânienne les conditions de la malade se sont progressivement

améliorées et la petite Marguerite à présent, après plus de deux ans, ne

souffre presque plus de céphalée, n'a plus de vomissements et en somme

tous les symptômes d'hypertension sont atténués ; tout cela est mal con-

ciliable avec l'hypothèse d'une tumeur dont les proportions ne devraient

.vraiment pas être indifférentes à en juger par la déformation de la selle

turcique.

L'hypothèse qu'il s'agisse dans notre cas d'une tumeur de l'hypo-

physe de nature bénigne probablement kystique, à développement lent,

qui eût déterminé aussi bien l'infantilisme que le syndrome successif, tout

en étant très séduisante, n'est en somme basée que sur un seul argument

de grande valeur (l'élargissement notable de la selle turcique) pendant que

tous les autres symptômes cliniques parlent contre une telle supposition

diagnostique. Mais même l'élargissement notable de la selle turcique, qui

forme notre argument le plus puissant, ne peut être invoqué de façon

absolue, car nous savons par les travaux de Schuller et de Millier que

de simples faits d'hydrocéphalie primitive peuvent déterminer un degré

notable d'élargissement et d'aplatissement de la selle turcique ! L'élar-

gissement de la selle turcique n'est donc pas un symptôme pathognomoni-

que de néoformation de l'hypophyse.

Ce diagnostic nous laissanl partiellement en défaut, voyons si un autre

peut mieux nous satisfaire.

Chez notre malade il n'y a eu au cours du développement aucun fait

pathologique qui puisse nous faire supposer une hydrocéphalie congénitale

ou du tout premier âge : contre une telle hypothèse il nous est suffisant

d'invoquer le manque de toute déformation externe du crâne et l'examen

radiographique par lequel nous avons appris que les modifications de la

CONTRIBUTION A L'HTUDE DE L'INFANTILISME DU TYPE LORAIN 459 9

base du crâne qu'on trouve en général à la suile d'une hydrocéphalie con-

génitale, n'existaient pas dans notre cas.

Nous avons vu que le crâne de Marguerite non seulement n'estpasagralldi

mais au contraire est relativement petit en rapport au corps ; mais-

malgré cela nous ne pouvons admettre une micro-hydrocéphalie, car si cela

eût été le cas, les symptômes d'hypertension intracrânienne se seraient

déterminés bien plus précocement ; en outre ces formes de micro-hydrocé-

phalie sont liées généralement : lune déformation scapho-céphatique (par

synostose précoce de la suture sagittale), ou il une déformation acrocépha-

lique (par synostose précoce des sutures coronaires) : déformations du crâne

qui manquent dans notre cas.

A la microcéphalie peuvent s'associer parfois des déformations osseuses

de la base du crâne qui peuvent être la cause d'une compression des nerfs

optiques au niveau du chiasma ou au niveau du point de sortie des troncs

nerveux à travers les trous optiques ; l'ostéite tuberculeuse de la base du

crâne peut être canse de faits analogues, mais aussi bien dans un cas que

dans l'autre l'atrophie optique est primitive et non pas secondaire à la

papillite 'Comme dans notre cas.

Ayant éliminé toules les hypothèses possibles il nous semble qu'un seul

processus pathologique peut être invoqué avec quelque probabilité en plus

qu'une néoformation de l'hypophyse.

Nous voulons parler de celle forme rare d'hyd2,océlhalie idiopathique

de l'adulte ou méningite séreuse ventriculaire primitive dont nous

devons la connaissance relativement récenle à Quincke, Annuske et

Oppenheim, Murri.

L'hydrocéphalie idiopathique (hyperhydrose cérébro-spinale de Mya)

peut se déterminer à tout âge tout en étant plus fréquente dans l'enfance.1

Comme base anatomique de cette maladie on a trouvé dans quelques

rares cas une légère méningite basilaire simple qui, par l'obturation du

foramen de Magendie et par l'interruption consécutive des communica-

tions normales entre les ventricules et les espaces sous-arachnoïdiens, était

la cause de symptômes d'hypertension.

Mais le plus souvent même cette trouvaille nécroscopique fait défaut et

alors il faut admettre l'existence d'une inflammation séreuse simple de la

pie-mère dans laquelle le. processus exsudait proviendrait surtout des

plexus choroïdiens.

Cette forme pourrait être assimilée à la pleurésie et la péritonite séreu-

ses simples, et est rapportée, par les auteurs aux causes les plus variées :

traumalismes, surmenage intellectuel, maladies infectieuses aiguës, tu-

berculose, mais surtout il l'alcoolisme et à la syphilis héréditaire.

Si cette forme d'hydrocéphalie idiopathique se manifeste chez l'adulte

460 ETTORE LEVI

sous forme tout à fait aiguë, elle n'est que très difficilement différenciable

de la méningite purulente et encore moins de la méningite tuberculeuse;

mais, dans notre cas, tout symptôme d'un processus aigu fait défaut, de sorte

que cette partie du diagnostic est facilitée.

Parfois cette forme de méningite séreuse aiguë acquise se résout en

une guérison plus ou moins complète et alors le diagnostic se fait a poste-

riori d'après la marche de la maladie.

Plus souvent la maladie passe à un état chronique et peut présenter

alors, selon Oppenheim, les syndromes les plus variables ; parfois l'on a

delà céphalée, des vomissements, des vertiges, delà névrite optique, de

l'ataxie cérébelleuse, des parésies multiples ; d'autres fois tout se limite à

la cécité par atrophie des nerfs optiques.

Quincke a publié plusieurs observations d'individus tombés brusque-

ment malades avec les symptômes d'une grave affection cérébrale (cépha-

lée, vomissements, apathie, névrite optique) et chez lesquels, après quel-

ques semaines ou quelques mois de marche intermittente, on obtint la

guérison sous l'action surtout d'un traitement mercuriel.

Mais bien plus souvent la maladie prend une marche tout à fait chro-

nique et aboutit, comme dans notre cas, à une complète cécité.

D'autres fois la symptomatologie est beaucoup plus riche et telle que

l'erreur de diagnostic avec une tumeur cérébrale est presque inévitable ;

on peut avoir de l'hémianopsie bitemporale quand le chiasma est comprimé

seulement dans sa portion moyenne par le cul-de-sac du 3e ventricule

qui se gonfle vers le bas comme une vessie.

En dehors des symptômes généraux de compression on peut voir des

attaques convulsives généralisées ou à type jacksonien ; paralysie de un

ou de plusieurs nerfs crâniens, exophtalmie, variations de fréquence du

pouls, bourdonnements d'oreilles, parésies étendues aux extrémités sur-

tout inférieures avec douleurs très vives, tremblement intentionnel, atonie,

etc. (Oppenheim).Une tumeur cérébelleuse avec hydrocéphalie secondaire

peut par exemple très bien simuler tout cela et les erreurs de diagnostic

furent en effet très fréquentes jusqu'à présent.

Pour de tels cas les seules données différentielles sont,selon Oppenheim,

les suivantes : en faveur de la forme d'hydrocéphalie idiopathique ou mé-

ningite séreuse primitive parlent la disposition congénitale qui se dévoile

par le volume et la forme anormale du crâne ; la marche souvent caracté-

risée par des rémissions et intermissions qui durent des années et qui

doivent être considérées au moins comme rares dans le cas de tumeur cé-

rébrale ; enfin l'absence de tout symptôme en foyer.

L'ataxie cérébelleuse et l'exagération unilatérale du réflexe patellaire

(Grober) peuvent se trouver aussi bien dans un cas que dans l'autre.

CONTRIBUTION A L'ÉTUDE DE L'INFANTILISME DU TYPE LORAIN 461

M. Marri, qui sur cette forme d'hydrocéphalie idiopathique a écrit

récemment quelques magistrales cliniques, affirme que la marche caracté-

risée par de longues et fréquentes rémissions peut se trouver aussi bien

dans le néoplasme intracrânien que dans l'hydrocéphalie idiopathique,

mais que cependant elle est plus propre à cette dernière forme.

Il a aussi remarqué qu'on observe très souvent dans ces formes des accès

de fièvre à marche irrégulière (sans cause apparente), des douleurs sponta-

nées aux extrémités inférieures, deshyperalgies à lapressiondes os,des mus-

cles et des téguments, des spasmes musculaires aux extrémités, une dou-

leur diffuse à la colonne vertébrale lorsqu'une méningite séreuse spinale

postérieure s'associe à la méningite séreuse ventriculaire.

Chez un de ses sujets il observa l'élargissement du crâne etdel'exoph-

talmie ; mais tandis que de tels faits parlent en général pour l'hydro-

céphalie, dans le cas spécial ils s'étaient produits dans l'enfance et dépen-

daient au contraire d'un ancien processus rachitique.

Oppenheim en parlant de la méningite chronique simple, affirme que

de sa symptomatologie il n'y a presque rien à dire, par le fait qu'elle est

le plus souvent une trouvaille anatomique accidentelle. La méningite

chronique basilaire est mieux connue et, selon Oppenheim, elle est dans

la grande majorité des cas de nature syphilitique. Une méningite basilaire

simple primitive devrait être admise pour expliquer les cas de Huguenin,

Carré, Carnzichael et Lun : ; ; dans ces cas les nerfs optiques sont le plus

souvent compromis et les communications entre les ventricules et l'espace

sous-arachnoïdien sont fermées par des adhérences, ce qui explique l'hy-

drocéphalie interne.

Selon Murri, entre méningite séreuse intm-ventriculaire,méningite

basilaire avec hydrocéphalie externe, et épendymite chronique du

IVe ventricule, n'existent pas de limites bien nettes. « Le plus souvent

toutes ces choses sont connexes et sont toutes de la même origine ; toutes

révèlent une inflammation actuelle ou passée de la méninge et de ses pro-

longements. »

Comme conclusion, Murri ne croit pas trop à l'existence d'une forme

d'hydrocéphalie idiopathique au sens étroit, mais la croit le plus souvent se-

condaire à des faits irritatifs des méninges molles ; le fait leplus fréquent

serait la méningite séreuse ventriculaire de Quincke, mais il existerait

même des cas de méningite basilaire avec hydrocéphalie.

Toujours selon ¡1lurri il n'y a aucune proportion entre les signes de

l'inflammation et la quantité du liquide cérébral et l'on peut voir de l'hy-

drocéphalie évidente avec de très petits signes de méningite, et au con-

traire des méningites évidentes sans augmentation du liquide cérébral.

Dans notre cas nous n'eûmes d'aucune façon la symptomatologie coni-

462 ETTORE'LEVI

plexe, tracée plus haut, et qui conduit presque forcément au diagnostic de

tumeur cérébrale, et nous n'eûmes non plus aucun symptôme de ménin-

gite spinale postérieure; tout se réduisit à l'atrophie optique (précédée

de papillite), à l'exophtalmie et à l'exagération des réflexes, symptômes

qui sont aujourd'hui évidents comme par le passé, tandis que les symptô-

mes subjectifs d'hypertension (céphalée, vomissements, etc.), sont allés

progressivement diminuant après la poussée initiale : un syndrome en

somme en tout analogue à celui décrit par Quincke.

Contre le diagnostic d'hydrocéphalie idiopathique de l'adulte ou de mé-

ningite séreuse primitive on ne peut même pas invoquer d'une manière

absolue le symptôme de l'élargissement de la selle turcique, car nous avons

vu que, selon Schuller, l'hydrocéphalie est par elle-même capable de dé-

terminer une telle altération.

. Dans les cas de forte hydrocéphalie s'établissant rapidement, le plancher

du troisième ventricule vient poussé en bas comme une vessie compri-

mant lechiasma et produisant la cécité, mais il peut aussi comprimer l'hy-

pophyse en modifiant ses conditions circulatoires et conduire enfin à une

.déformation de la selle turcique.

Dans notre cas la ponction lombaire ne put être pratiquée que 18 mois

après le commencement de la maladie, c'est-à-dire quand les symptômes

d'hypertension étaient tout à fait atténués : voilà pourquoi nous ne trou-

vâmes qu'une pression peu augmentée. L'examen histologique nous donna

une légère lymphocytose qui parle en faveur de notre hypothèse préférée ;

la quantité des lymphocytes n'était tout de même pas telle qu'elle pût nous

conduire au diagnostic d'une forme spécifique.

Pour ce diagnostic parle enfin la marche rémittente de la maladie qui

avec le temps ne montre qu'une tendance continuelle à l'amélioration.

Nous avons donc vu que tous les caractères cliniques déposent en faveur

de notre dernière hypothèse diagnostique et que la marche même de la

.maladie parle en ce sens; si nous réfléchissons à présent que l'hydrocé-

phalie idiopathique de l'adulte, ou méningite séreuse primitive se déve-

loppe, selon tous les auteurs, avec une grande fréquence sur un terrain

entamé par l'hérédo-syphilis, et que le syndrome infantilisme aussi

pourrait très bien s'expliquer par cette cause primitive, nous verrons que

cette hypothèse a dans le cas spécial le maximum de probabilité.

Les symptômes-cérébraux delà syphilis héréditaire sont plus fréquents

dans le premier âge, mais ils se montrent souvent pendant la puberté et

même plus tard dans la troisième et quatrième décade de la vie (2 cas

de.0ppeni)eim). 1

Que l'hydrocéphalie congénitale el acquise se développe fréquemment

sur un terrain héréc1o-syphilitique, c'est un fait démontré par nombre

CONTRIBUTION' A L'ÉTUDE DE L'INFANTILISME DU TYPE LORAIN 463

d'auteurs et surtout pal' FOllrnier, Bârensprung, Landoy, Heller, Hoche-

singe¡', Neumann, Audéoud, Haushalter, d'Asti,os, Thierry, Finkels-

tein, ISsche2,ich, etc.

Oppenheim a souvent vu' des enfants hérédo-syphilitiques avec un

léger degré d'hydrocéphalie qui à l'époque de la puberté seulement se

rendait manifeste par de graves symptômes cérébraux.

Rien ne nous empêche donc d'admettre que la syphilis héréditaire ait

préparé le terrain sur lequel à l'époque précédant la puberté s'est dé-

veloppé chez Marguerite d'abord un arrêt général du développement soma-

tique sous la forme d'un infantilisme de Lorain, et ensuite avec des faits

d'anémie légère qui peuvent aussi s'expliquer par la syphilis héréditaire,

une méningite séreuse chronique probablement limitée aux ventricules

mais qui pourrait aussi avoir été primitivement basilaire.

La forte hypertension aurait causé enfin, par le mécanisme déjà décrit,

une déformation de la selle turcique avec compromission de l'hypophyse.

En résumé donc les deux soeurs Ser. présentent un type classique

d'infantilisme de Lorain : cette forme d'infantilisme a été très probable-

ment déterminée chez elles par l'influenceoe la syphilis héréditaire qui a

eu pour causes morbides adjuvantes l'influence palhologique de la race et

de la consanguinité des parents.

Le syndrome cérébral qui s'est développé secondairement chez l'aînée

de nos deux soeurs, n'est pas assez clair pour nous permettre un diagnos-

tic absolu : il ne nous semble ni prudent ni juste de mettre de côté définiti-

vement t l'hypothèse d'u ne a Itération hypophysaire soit de nature hétéroptas-

tique (kyste, coléostatome), soit au contraire une simple hypertrophie

glandulaire compensatrice des lésions éventuelles d'autres glandes à sécré-

tion interne ; et cela parce que, malgré toutes les objections d'ordre clini-

que que nous avons opposées à ce diagnostic, le fait si évident de la dila-

taLion de la selle turcique nous laisse cependant quelques doutes.

Malgré tout, nous persistons à croire plus probable,sur la base de l'a-

namnése et des faits objectifs,que la cause du syndrome secondaire cérébral

chez Marguerite Ser. a été déterminée par une forme d'hydrocéphalie

idiopathique ou de méningite séreuse primitive, d'origine hérédo syphi-

litique qui aurait compromis secondairement l'hypophyse.

L'étude générale de nos trois observations nous amène enfin aux conclu-

suivantes.

Nos trois sujets présentent, de par l'état de leur développement somati-

que et psychique, des exemples classiques d'infantilisme de Lorain, d'o-

rigine probablement cardio-dystrophique dans l'un des cas,hérédo-syphi-

litique dans les deux autres.

' Tous les caractères cliniques que nous avons mis en relief chez ces trois

464 ETTORE LEVI

malades perme ! tent d'affirmer le diagnostic d'une forme vraie d'infanti-

lisme, et nous croyons que ce nom ne doit pas être refusé aux sujets du

type Lorain qui peuvent être, dans les cas purs comme les nôtres, à bon

titre des infantiles vrais. Nous n'acceptons pas en conséquence la conclu-

sion générale de Halmgrand pour lequel il n'y aurait qu'un seul infan-

tilisme vrai : l'infantilisme type Brissaud. -

La meilleure preuve de notre thèse est donnée par le fait que dans nos

trois cas était évidente la non-soudure des épiphyses qui, selon Bris-

saud, Meige et Halmgrand, est une caractéristique importante des in-

fantilismes vrais.

Nous croyons en conséquence que l'infantilisme de Lorain doit être

envisagé comme un infantilisme vrai et que la soudure précoce des épi-

physes n'est aucunement à considérer comme une de ses caractéristiques

cliniques. '

Sur la foi de nombreuses observations cliniques nous croyons en outre

ne pas pouvoir encore accepter comme définitivement prouvée la conclu-

sion de Halmgrand selon lequel « l'origine dysthyroïdienne de l'infanti-

lisme est établie et basée sur des faits cliniques et expérimentaux indiscu-

tables u.

Nous avons vu au contraire qu'aussi bien les observations cliniques

que les résultais de l'expérimentation physiopalhologique nous amènent

nécessairement à une conclusion beaucoup moins absolue et moins défi-

nie, moins satisfaisante peut-être aussi, mais qui nous semble plus logique :

nous croyons en effet qué'les infantilismes en général et l'infantilisme de

Lorain en particulier sont la conséquence d'une altération fonctionnelle

de plusieurs glandes à sécrétion interne sans qu'il nous soit permis jusqu'ici

de conclure en définitive laquelle de ces fonctions endocraniennes soit

lésée primitivement et d'une façon prépondérante.

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CONTRIBUTION A L'ÉTUDE DE L'INFANTILISME DU TYPE LORAIN 471

NOTE. - Pendant la révision des épreuves, j'ai eu connaissance de quelques nou-

veaux travaux qui peuvent être consultés avec profit au sujet de la thèse que j'ai

soutenue dans ce mémoire.

in AKTON. Vier Vorlrâge über Eittwickelungssibrungen beim scinde. Karger, Ber-

lin, 1908.

20 clause et JOUGEROT. - Insuffisance pluriglaudulaire endocrinienne . lndividuali,

sation clinique. Observation anatomique et histologique. Journal de physiol. et de

pa'hol. génér., n° 3, mai 1908.

3o Revue de Médecine, p. 950, 1908.

4° De Sanctis. 7M/'at)<th' ! n]< ! . Annali di Nevrologia, I, II, 1908.

5- LAIG\EL-LAVASTINE. - Des troubles psychiques par perturbation des glandes d se

crélion interne. Rapport au XVIII' Congrès des aliénistes et neurologistes. Dijon,

3-8 août 1908. Revue Neurologique. Ne 11, 1905.

6° La corrélation des glandes à sécrétion interne et leurs syndromes pt1l1 iglandii-

laires. Gazette des hôpit., 1908, p. 1563.

1. Eppinger, FALTA et Rudinger. Les rapports fonctionnels muluels des glandes à sé-

crélion interne. Zeitschrift. f. klin. Med., 1-2, 1908.

80 ZOLL1CER. - Ein Fall von Tumor der Schiidelbasis ausgehend t'on der Hypophys,

Zeitschr. f. Psych. H. 2, 1908.

UNE « FEMME HOMARD »

MAINS ET PIEDS A DEUX DOIGTS

PAR R

Georges THIBIERGE,

médecin de l'hôpital Saint-Louis.

Voici, à titre purement documentaire et sans aborder aucune considéra-

tion théorique, l'observation d'une « curiosité» qui s'est exhibée dans les

foires et que le hasard a fait aborder dans mon service où j'ai pu l'exa-

miner à loisir.

Je dois à l'obligeance de M. le Dr Sottas les photographies de ses mains

et de ses pieds. La radiographie des mains m'a été communiquée par le

« sujet » : elle est la reproduction d'un cliché recueilli par M. Infroit.

(Pl. LXVIII et LXIX)

*

..

Virginie M... est âgée de 41 ans.

Son père, mort dans un asile d'aliénés, était un alcoolique. Il aurait

actuellement 62 ans.

Sa mère, morte de péritonite il y a 22 ans, aurait actuellement 60 ans.

Ses parents ont eu H enfants, dont 8 (4 garçons et 4 filles) sont encore

vivants et bien portants ; 3 ont succombé, l'un à 22 jours au croup, un

- autre à 18 mois à la suite de convulsions, le dernier à 32 mois à une fièvre

typhoïde.

Virginie est la deuxième de ces onze enfants : son frère aîné est parmi

les survivants.

Elle-même a été mariée pendant 17 ans et n'a pas eu de grossesse.

Personne dans sa famille n'a, à sa connaissance, présenté de déforma-

tions analogues à celle dont elle est atteinte.

Sa mère aurait eu, dit-elle, pendant qu'elle la portait, des « envies de

homard ».

Les déformations sont exclusivement localisées aux régions que repro-

duisent les photographies ci-jointes.

Les mains sont constituées par deux doigts, articulés chacun sur un

NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALtÊTRtÈM.

T. XXI. Pl. LXVIII

UNE FEn ! E-HO ! ARD

(Mains et pieds à deux doigts.)

(Tbibicrge)

Masc;on &- ÇH' ]di¡çIJ'

NOUVELLE Iconographie DE la SALPETRIÉRH.

T. 1XI. Pl. L11X

UNE FEMME-HOMARD

(Mains et pieds à deux doigts.)

(Tbibierge)

Masson & Cm, Éditeurs.

Phototypie Bertliaud,

UNE FEMME HOMARD, MAINS ET PIEDS A DEUX DOIGTS 473

unique métacarpien et sont fendues jusqu'à l'insertion de ces métacarpiens

sur le carpe.

à Aux deux mains le pouce est incurvé à angle obtus, convexe du côté du

bord radial, au niveau de l'articulation métacarpo-phalangienne. Le pouce

gauche est, en outre, tordu autour de son axe vertical, de sorte que la face

dorsale de sa 2e phalange regarde vers le bord cubital de la main.

L'autre doigt, en forme de navet dans sa portion métacarpienne, de

cône très allongé dans sa portion phalangienne, terminée par un ongle

bien conformé et ayant les dimensions de l'ongle de l'auriculaire d'un

sujet normal, ne présente pas d'incurvation latérale ; les mouvements de

flexion et d'extension des phalanges dont très limités.

Les dimensions de ces doigts sont les suivantes :

474 TH1BIERGE ' ' *

façon à constituer un crochet ; en outre, la face dorsale de la deuxième

phalange est tordue sur elle-même ; l'ongle est incliné vers le bas et vers

le bord interne du pied.

La configuration du deuxième orteil est analogue, avec cette différence

que la torsion sur l'axe est moins accusée, de 'sorte que l'ongle regarde

directement en dedans.

Au pied gauche, la portion métatarsienne des deux orteils a la forme

de boudins ou mieux de navets. 1 b

' Au pied droit, au contraire, la base du deuxième orteil se trouve étalée,

par suite de l'accolement à sa partie interne d'une saillie arrondie, très

bien représentée sur la photographie. Cette saillie, mollasse dans sa partie

superficielle, est constituée profondément par un métatarsien, de même

longueur que celui du deuxième orteil, et dont on sent l'extrémité anté-

rieure arrondie et un peu amincie.

Les deux orteils du pied droit sont -plus volumineux que ceux du

pied gauche. L'angle saillant du deuxième orteil est plus accusé à droite

qu'à gauche où il existe un volumineux durillon.

La pince constituée parles orteils a, commecelle des mains, une grande

force de résistance et ne peut, lorsque le sujet la contracte, être écartée

par une traction énergique.

Les mouvements des phalanges sont très limités.

SOCIÉTÉ DE NEUROLOGIE DE PARIS

(Séance DU 5 novembre 1908).

ÉTUDE ANATOMO-CL1NÏQUE

D'UN CAS DE

TABES ET DE PARALYSIE GÉNÉRALE

1 ., CHEZ UNE ENFANT DE J 5 ANS.

. Par MM.

BOURNEVILLE, LÉON-KINDBERG et CH. RICHET FILS

Si le tabes et la paralysie générale junéviles sont aujourd'hui assez

bien connus,l'association dans le jeune âge de ces deux affections est assez

exceptionnelle pour que nous insistions sur un cas que, dans le service

de l'un de nous, nous avons pu étudier.

, Il s'agit d'une malade, Jeanne B...., âgée de quinze ans, dont l'observa-

tion a déjà été en partie publiée. Cette enfant, qui à ce moment était dans

le service de M. Boulloche, a été présentée par MM. Apert,Lévy Fraenkel

et Ménard, à la Société de Pédiatrie (novembre 1907) comme atteinte de

tabes et de paralysie générale. Aussi insisterons-nous ici surtout sur les

quelques particularités nouvelles qu'elle a présentées.

Jeanne B..., née en décembre 1892, est entrée en décembre 1907 à la Fon-

dation Vallée.

Ses antécédents offrent un grand intérêt. Son père est en effet mort à la fois

tabétique* et paralytique général. Il contracta la syphilis en 1894. deux ans

après la naissance de l'enfant.

Il se soigna fort peu (liqueur de Van Swieten pendant quelques semaines) ;

en 1900, les premiers signes du tabes apparurent ; celui-ci eut une évolution

assez rapide, puisque en 1904 on constata des troubles de la miction,une ataxie

assez marquée et une amblyopie double qui rendirent tout travail impossible;, ;,

en 1906, la paralysie générale vint compliquer le tabes. Il mourut cette même

année.

Syphilisée également en 1894, la mère se soigna mal, et en 1900 présenta

quelques signes de tabes. Tabes confirmé à l'heure actuelle (abolition des ré-

tlexes tendineux.Signe de Romberg.Signe d'Argyll bilatéral. Amblyopie presque

totale de l'oeil gauche) ; l'évolution de ce tabes est très lente, puisque la malade

pouvait encore il y a quelques mois et peut probablement encore à l'heure

actuelle vaquer à ses occupations.

476 BOURNEVILLE, LÉON-KINDBERG ET CH. RICHET FILS

L'enfant avait donc deux ans quand ses parents devinrent syphilitiques.

Six mois après elle le devint à son tour et eut une roséole.

En octobre 1906, elle est prise d'une crise de céphalée vive avec vomisse-

ments, hyperthermie, état général mauvais, puis coma. Son caractère changea

à partir de cet instant. On peut donc supposer que cette méningite fut le dé-

but de la paralysie générale.

En juillet 1907, elle entre à l'hôpital Trousseau pour des convulsions épilep-

tiformes. Après la crise, on constate entre autres phénomènes de l'abolition des

réflexes tendineux, le signe d'Argyll, un mal perforant plantaire.

Le signe de Romberg existe, mais peu marqué. ·

La marche est assez ferme, mais la malade avance brusquement, en déjetant

le pied en dehors et en talonnant un peu. -

Il y a de la lymphocytose du liquide céphalo-rachidien.

Le tabes existe donc en juillet 1907. Probablement il s'est installé depuis

déjà quelque temps.

Cette enfant tabétique est également atteinte de paralysie générale. Celle-ci

est caractérisée par des convulsions et des modifications de caractère. Il n'y a

pas, i) est vrai, de troubles de la parole ou de l'écriture, et le tremblement fait

défaut sauf à la langue où l'on a noté quelques mouvements fibrillaires.

Les troubles intellectuels, sauf immédiatement après les crises convulsives,

sont réduits au minimum. 1

L'enfant est calme, raisonne bien, lit et écrit volontiers. La mémoire est'

conservée, l'enfant ne fait pas d'erreur dans ses opérations.

A certains moments elle est méchante, casse les carreaux et essaie de fuir.

Somme toute, à ce moment, le diagnostic est évident. L'enfant est atteinte

de tabes et de paralysie générale. Elle est au moins autant tahétique que para-

lytique.

A la Fondation Vallée ces deux affections évoluèrent. Mais ce qu'il y eut de

plus curieux ce fut en quelque sorte l'arrêt du tabes.

Le signe de Romberg qui existait, bien que très léger en juillet 1907, faisait

défaut quand nous examinâmes l'enfant l'année suivante.

Il n'y eut ni troubles de la démarche, ni incoordination motrice, ni douleurs

fulgurantes, ni troubles trophiques, ni troubles urinaires.

L'examen du fond de l'oeil pratiqué par M. Coutelas, montre une simple

congestion de la papille gauche. Il n'y avait pas d'amblyopie.

En résumé, arrêt d'évolution du tabes. Par contre, la paralysie générale con-

tinua à évoluer.

Le développement somatique de l'enfant, noté comme suffisant quand il fut

présenté à la Société de Pédiatrie, nous a semblé retardé ; l'enfant, en effet, pas

plus à l'hôpital Trousseau qu'à la Fondation Vallée, n'a été réglée ; peut-être

même ne l'a-t-elle jamais été.

Le tremblement des mains apparaît.

Aussi l'écriture est-elle hésitante et tremblotante, et l'enfant écrivant fré-

quemment deux fois la même phrase, c'est une écriture typique de paralysie

générale.

ÉTUDE ANATOMO-CLINIQUE D'UN CAS DE TABES ET DE PARALYSIE 477

L'enfant'achoppe dans les mots d'épreuve classique.

Quelque temps stationnaire, l'intelligence décline rapidement. Si on donne

en effet un ordre à Jeanne B..., elle l'exécute mal ; elle oublie une commis-

sion qu'on lui dit de faire. '

Elle n'a sans doute jamais présenté d'idées de grandeur, ni ne délire du

moins depuis que nous l'avons observée.

Le caractère reste le même, l'enfant est mythomane et plutôt méchante,

mais sans excès.

Les signes de paralysie générale vont donc en s'aggravant.

Cette évolution dissociée du tabes et de la paralysie générale est intéressante.

Bien que signalée par certains auteurs, en particulier par Fairet et par Dupré,

elle est relativement rare chez l'adulte et chez l'enfant elle n'a encore,croyons-

nous, jamais été rencontrée.

Le 7 juillet, l'enfant fait une crise convulsive à type jacksonnien, puis sem-

ble se remettre pendant quelques jours et part en vacances pendant deux se-

maines. Chez elle, elle eut chaque nuit une céphalalgie intense et son intelli-

gence s'affaissa rapidement.

Rentrée à la Fondation, elle eut, le 25 août, une nouvelle crise convulsive ;

pendant 48 heures, les phénomènes s'amendèrent, mais bientôt reprirent, et à

la suite de crises plus violentes que les précédentes, l'enfant mourut le 31 août.

A l'autopsie, on constata des lésions de paralysie générale et de tabes sur

lesquelles nous reviendrons, mais en plus on découvrit un foyer de gangrène

pulmonaire qui,malgré l'examen complet de la malade que nous avions pratiqué

à 3 ou 4 reprises dans les derniers jours, ne s'était révélée à nous par aucun

symptôme : les convulsions étaient, pourrait-on presque dire, le seul signe de la

gangrène pulmonaire. Celle-ci les avait provoquées comme chez un hémiplégi-

que guéri la pneumonie peut éveiller la paralysie latente.

Ce fait est intéressant. On peut l'opposer au fait bien connu à l'heure ac-

tuelle des épileptiques qui,pendant une rougeole, une scarlatine ou une dotbié-

nentérie peuvent n'avoir ni vertige, ni secousses, ni convulsions.

L'excitabilité accrue ou diminuée de l'encéphale explique facilement ces faits

cliniques intéressants.

Divers faits dans l'observation clinique sont à signaler.

Tout d'abord c'est la rareté du cas. La paralysie générale n'est pas chez

l'enfant exceptionnelle, tant s'en faut. Le nombre des observations doit être

égal à 120 ou à 130 au moins.

Le tabes également est loin d'être une simple curiosité clinique, puisque

aux 47 cas retenus par Hirtz et Lemaire dans une excellente revue critique,

nous pouvons, sans nous être livré à des recherches bibliographiques

étendues,ajouter les trois cas de Williamson (1), un cas d'Ermarkorff (2), z

(1) Review of neurology and Psychiatry, juin 1904.

(2) Soc. de neuropathologie et de psychiatrie de Moscou. in Revue de Neurologie,

1908.

478 BOURNEVILLE, LÉON-KINDBERG ET CH. RICHET FILS

un de \largouiis (1), un de Srykowski et un autre de Wertlieimér.

Mais tabès et paralysie générale associés sont rares chez les enfants. 1

Nous n'avons retrouvé que quatre cas : un de Marchand (2), un de

Strümpell (3), un de Babinski (i) (cités par Moussous) et un de Roasenda

(Rivista nelt1'opathologica; janvier 1908).

Le cas que nous publions tire un gros intérêt de son étiologie.

Tout d'abord il s'agit d'une syphilis acquise, fait rare : de plus le père

est mort tabétique et paralytique général et la mère est tabétique.

z Faut-il penser à une virulence spéciale de l'agent pathogène ? 'ou doit-

on incriminer une prédisposition spéciale de cette famille à faire des

complications cérébro-médullaires, nous ne pouvons le dire. Le fait n'est. :

pas d'ailleurs unique, pour la paralysie générale tout au moins. Dans la

thèse de Thiry (Nancy, 1898), sur 69 observations de paralysie générale

juvénile, seize fois nous retrouvons la même affection chez les parents.

Le père et la mère sont devenus tabétiques en six ans. La fille syphi-

lisée à deux ans et demi ne commença son tabes qu'à quatorze ans et demi.

Le fait a donc presque la valeur d'une expérience et montre que la moelle

de l'enfant peut mieux résister que celle de l'adulte à l'infection syphili-

tique.

D'ailleurs le petit nombre relatif de tabétiques et de paralytiques géné-

raux, parmi les nombreux enfants atteints de syphilis héréditaire ou ac-

quise, est en accord avec cette hypothèse.

Cliniquement il est intéressant de mettre en valeur, d'une part,certains

symptômes de la double affection tabes et paralysie générale;d'autre part,

l'évolution de la maladie. JeanneB... a faituneparalysiegénéralejuvénile

typique.

D'après Toulouse, en effet, deux ordres de symptômes caractérisent ce

type clinique.

C'est un affaiblissement simple de l'intelligence, une déchéance pro-

gressive de l'organisme ; ensuite les désordres physiques sont très mar-

qués, car le sujet est incomplètement développé, l'essor sexuel s'arrête. ,

Au contraire son tabes ne ressemble pas au type connu du tabes juvé-

nile. En effet, pour Hirtz etLemaire il est caractérisé par l'amblyopie,

l'incontinence d'urine, les douleurs fulgurantes, les troubles sensitifs. Ce

sont de plus les symptômes initiaux. Nous avons vu queJeanne B... n'en

avait présenté aucun.

(1) Revue russe de médecine, 1905 (325 à 331).

(2) Soc. méd. psych., mai 1900,

(3) Neurologicbes Centralblatt, 1888, ne 5.

(4) Soc. méd. des hôpitaux, octobre 1902.

NOUVELLLE Iconographie DE la SALPÊTRIÈRE

T. XXI. PI. LXVIII

Renflement cervical.

Moelle dorsale.

Moelle dorsale.

Renflement lombaire.

TABES ET PARALYSIE GÉNÉRALE CHEZ UN ENFANT DE 15 ANS

(Bourneville, L. Killdberg et Ch. Richet fils)

Masson & Cie, Éditeurs.

Phototypie lkrdmad, Pu ?

ÉTUDE ANATOAIO-CLINIQUE D'UN CAS DE TABES ET DE PARALYSIE 479

Elle a fait un tabès- discret qui se rapproche de certains tabes de

l'adulte .

Les deux affections ont suivi une marche inverse. Le tabes a évolué

comme s'il avait été arrêté par la paralysie générale ; peut-être est-ce à ce

fait que nous devons de n'avoir que des lésions de tabes incipiens.

Par contre le tabes ne semble pas avoir eu d'influence nette sur la

marche de la paralysie générale.

Examen du SVSTÈMENERVEUXDEjNANNE B.... ' (PI. LXX).

Dans les viscères, hors le foyer de gangrène pulmonaire, on ne trouve

aucune lésion notable. L'examen de la calotte crânienne une montre au-

cune déformation. ,

A l'examen macroscopique nous trouvons :

Au cerveau, les' méninges sont épaisses et lactescentes sur toute l'éten-

due des hémisphères. Cet aspect est particulièrement marqué à la convexité,

aux régions frontales et le long des scissures de Sylvius. Les méninges de

la base sont beaucoup moins atteintes. Lorsqu'on les arrache, on emporte

avec elles de petits fragments de substance nerveuse et la surface des cir-

convolutions prend l'aspect criblé classique.

Le cervelet présente un piqueté rougeâtre sur toute sa surface. Les

méninges s'y présentent avec les mêmes caractères qu'au cerveau. Il est

sensiblement normal de volume, mais les folioles sont petites.

Les méninges médullaires montrent aussi le même aspect d'inflamma-

tion chronique. - 1

A la section on ne constate rien d'anormal. "

- L'examen microscopique permet de faire aussitôt le double diagnostic

d'encéphalite chronique et de tabes incipiens.

Nous avons examiné les différents segments du système nerveux selon

la méthode de Weigert Pal, la méthode de Nissl et les colorations habi-

tuelles après fixation au sublimé acétique et il l'alcool absolu. Les organes

ayant été prélevés en notre absence, nous n'avons pas eu à notre disposi-

tion de ganglion rachidien pour y rechercher les lésions décrites par

M. Nageotte à l'aide des imprégnations à l'argent par la méthode de Cajal

ou celle de Bielchowski.

Au cerveau nous constatons :

Tout d'abord une méningite fibroplastique de moyenne intensité. Il y a

dans les méninges molles de longs faisceaux fibreux abondants, colorés en

(1) Nous remercions notre maitre, M. Nageotte, dans le laboratoire duquel nous

avons pratiqué cet examen, de l'obligeance avec laquelle il voulut bien nous tirer les

photographies que nous présentons M. L. K.

480 BOURNEVILLE, LÉON-KINDBERG ET CH. RiCHET FILS

rouge vif par la méthode de Van Gieson, laissant entre eux, à la partie

moyenne des méninges, de longues mailles où se trouvent de nombreux

leucocytes. La tunique externe et l'adventice des artérioles et des veinules

sont infiltrées de petites cellules rondes.

Les lésions des cellules nerveuses sont très nettes,et parles colorations

au bleu deUnna,ou mieux encore après coloration double au bleu de

toluidine-érythrosine sur coupes minces,on constate les aspects classiques

de désintégration cellulaire décrits par Nissl. Les vaisseaux de l'écorce

sont multipliés. Leur gaine est infiltrée de cellules rondes.

Le cervelet ne nous a pas paru présenter de lésion importante.

A la moelle les coupes traitées par la méthode de Nissl nousontpermis

de constater l'intégrité des cellules de la corne antérieure. Il y a méningite

chronique, avec les mêmes caractères que la méningite cérébrale.

Les résultats importants nous sont fournis par la méthode de Weigert,-

Pal.

Il s'agit avant tout d'une sclérose sensiblement symétrique de la ban-

delette externe. Du bas en haut de la moelle nous la trouvons séparée par

une zone saine de la corne postérieure et envoyant une mince expansion

vers la zone d'entrée des racines postérieures. Ses différents aspects sont

des plus nets : triangle à la région lombo-sacrée,tractus allongea la région

dorsale, de nouveau triangle à la région cervicale. A noter à la partie su-

périeure de la région dorsale une forme curieuse : l'extrémité antérieure de

la sclérose simulant une tête arrondie. Au niveau de la 12e dorsale et de

la première lombaire, nous avons retrouvé la forme en M décrite par

M. Nageotte à la bandelette externe à ce niveau.

Il y a une sclérose peu accentuée du cordon de Goll à la moelle cervico-

dorsale,

no OSPEDALE 31AURIZIANO UMBERTO I DI TORINO

SERVICE DU PROFESSEUR GRAZIADEI.

CONTRIBUTION A L'ÉTUDE

DES

GANGRÈNES CUTANÉES SPONTANÉES

CHEZ LES SUJETS HYSTÉRIQUES.

CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES SUR LA CLINIQUE ET SUR LA DÉFINITION

DE L'HYSTÉRIE

par

- I. VALOBRA

Médecin de l'hôpital Umberto i,r (Turin)

Observation.

Mile Joséphine Z... 18 ans.

Antécédents héréditaires. PÈRE : âgé de 45 ans, grand travailleur, mar-

chand de meubles ; très intelligent; caractère très nerveux, irritable. Pas de

syphilis, pas d'éthylisme. Il a toujours été bien portant.

Mère : âgée de 38 ans, très nerveuse aussi, très excitable ; elle n'a pourtant

jamais eu de convulsions ; elle n'a jamais présenté non plus de manifesta-

tions hystériques. Elle se plaint toujours d'une gastralgie, qui est sans doute

d'origine nerveuse, et qui ne l'empêche pas de très bien se nourrir. Pas de

psychoses, pas de maladies nerveuses dans la famille.

Antécédents personnels. - Scarlatine à 8 ans. Réglée à 12 ans avec de gran-

des douleurs : depuis cette époque, elle a toujours souffert d'une anémie légère

et rebelle ; la menstruation est toujours très peu régulière.

En janvier 1903, premier accès convulsif hystérique à la suite d'un reproche

de la mère. Depuis lors, elle a toujours présenté des accès convulsifs : une fois

par mois en moyenne. Néanmoins, elle est douée d'un caractère apparemment

très peu excitable : elle est très silencieuse, elle travaille toute la journée chez

elle, ou bien dans l'atelier de son père. Les accès, sauf le premier, ne sont pas

produits par des émotions apparentes ; ils sont typiquement hystériques, et ils

finissent toujours par une crise de larmes.

Début de l'affection. - En juin 1905, se trouvant à la campagne, avec son

petit frère et une femme de chambre, elle fut atteinte d'une brûlure du 2e de-

gré à la main gauche. On appelle le médecin qui panse la main avec de la va-

seline boriquée ; il revient le lendemain, il répète le pansement, et il donne le

.\NI 32

482 VALOBRA '

conseil à la malade de continuer elle-même la médication tous les deux jours

avec de la vaseline.

Au mois d'octobre (quatre mois après), le médecin est appelé pour une angine

du petit frère; il observe avec étonnement que la main est encore pansée, et il

demande des explications. La petite lui raconte très tranquillement que quinze

jours après la brûlure, une nuit, à la suite de douleurs atroces à la main

malade, autour de la plaie en voie de guérison il s'était formé de petites pila-

ques blanches, qui plus tard avaient tourné en jaune, et plus tard au noir :

ces plaques noires étaient alors tombées, en laissant des ulcérations profondes.

Après la première nuit, elle n'avait plus souffert du tout, et elle avait continué

ses pansements à la vaseline, sans en dire un mot à personne, pas même à la

femme de chambre, sans en aviser ses parents qui travaillaient chez eux à la

ville, toujours très occupés dans leur commerce.

Le médecin appelle la mère, il ordonne de l'arséniate de fer l'intérieur, des

pansements avec de l'oxyde de zinc. Peu il peu les ulcérations bourgeonnent;

elles se recouvrent d'épithélium, il se forme des cicatrices clléloïdiennes, pas

douloureuses, d'une couleur rouge-foncé, avec des télangieclasies superfi-

cielles.

La guérison des plaies survient cinq mois après le début des accidents, en

novembre 1905. Après la production de la brûlure la petite n'a plus eu d'accès

convulsifs.

Aux premiers jours de décembre, la malade, sans aucune raison apparente,

présente un accès convulsif très fort, très prolongé : au réveil, elle présente

une aphonie complète qui persiste les jours suivants. Je .vois alors la malade

pour la première fois, amenée par sa mère aux consultations à l'hôpital. A la

vue des cicatrices cbéloïdiennes de la mam gauche, je demande des explica-

tions ; on me répond : « des brûlures de l'été passé ». Ni la mère ni la fille ne

me parlent des complications qu'elles considéraient, toutes les deux, comme des

conséquences naturelles de la brûlure. Je pose le diagnostic d'aphonie hysté-

rique, et j'obtiens bientôt la guérison par une simple faradisation du cou.

Je revois la malade avec sa mère, un mois après les premiers jours de janvier

1906 pour une rechute de l'aphonie. Elle me dit avoir souffert encore d'un

accès convulsif : pas d'autre chose. Je prie la malade de se déshabiller pour un

examen complet du système nerveux. Elle obéit ; mais elle n'ôte pas ses bas,

ni ses chaussures. Je fais mou examen (hemihypoesthésie gauche, ovaralgie

dermographisme très évident,état des réflexes superficiels et profonds normal) ;

la malade se lève rapidement du lit ; je la prie de me montrer un moment ses

pieds, désirant examiner l'état de ses réflexes cutanés. Elle me prie de ren-

voyer mon examen, elle m'assure que ses pieds ne sont pas propres. J'insiste

davantage, la mère aussi. Elle ôte les bas et nous voyons un petit pansement

à la jambe droite (tiers inférieur.) J'enlève le pansement et je voie avec étonne-

ment une ulcération d'une largeur de 4 centimètres, longue deo, avec un fond

brunâtre, les bords à pic, bourgeonnant très légèrement en quelques points. La

mère qui ignorait complètement la présence de cette ulcération n'est pas moins

étonnée que moi. La malade pleure, et elle nous raconte que cinq jours après

CONTRIBUTION A L'ÉTUDE DES GANGRÈNES CUTANÉES SPONTANÉES 483

la première guérison de l'aphonie elle souffrit la nuit de douleurs atroces à la

jambe et au pied droits, et que le lendemain malin elle présentait au côté in-

terne de la jambe (où nous voyous l'ulcération) une plaque jaune, avec de

petites tâches blanches, entourées par une auréole très sensible. Les jours

suivants la tâche s'était changée en noir foncé et elle était venue très dure ;

elle était ensuite tombée en laissant l'ulcération. Après les douleurs de la pre-

mière nuit, elle n'avait plus souffert du tout. Elle avait toujours pansé sa jambe

avec de la vaseline horiquée « comme les brûlures de l'année passée ». À ce e

moment seulement j'ai appris l'histoire de la brûlure la main, et des ulcéra-

tions gangreneuses qui l'avaient suivie, liistoire dont on ne m'avait pas encore

dit un mot. La jeune fille n'avait donc parlé à personne de la nouvelle ulcéra-

tion à la jambe par crainte, disait-elle, de donner des inquiétudes à sa mère.

« J'avais vu comment le docteur m'a soignée l'année dernière ; et j'ai fait

comme lui, c'était inutile d'en parler à personne ».

J'insiste inutilement pour obtenir que la jeune fille reste à l'hôpital en

observation, et elle rentre chez elle. Le soir même de ma visite, il se forme

chez elle deux petites plaques escharotiques sur le dos du pied, au côté interne,

avec le même cortège de phénomènes (douleurs, plaque anémique, gangrène

sèche, ulcération).

La jeune fille revient il l'hôpital au mois de mars ; la plaque du mois de

novembre 1905 était presque complètement guérie avec une cicatrice cliéloï-

dienne, complètement analgésique ; les petites plaques de janvier étaient

aussi en voie de guérison.

La guérison complète eut lieu à l'hôpital où j'avais isolé la malade qui pré-

sentait des crises convulsives terribles, et des gastralgies très fortes à la suite

de l'ingestion d'aliments solides.

Dans notre service j'ai poursuivi l'examen clinique complet de la jeune fille.

Du côté du système nerveux mes examens n'ont décelé rien d'anormal, en

dehors d'une bémihypoesthésie sensitivo-sensnrielle du côté gauche et d'un

champ visuel très étroit. Tous les réflexes étaient normaux. Rien à l'examen de la

motilité, de la démarche, etc. Sous l'influence de la suggestion je pouvais

transporter l'hémihypoesthésie du côté gauche au côté droit.

Examen des urines négatif. Examen des organes internes toujours négatif.

L'examen de la fonction gastrique décela une hyperchlorhydrie manifeste, sans

altération de la motilité (1).

A l'hôpital, sous une surveillance très étroite, parut la troisième poussée de

gangrène cutanée au côté interne du dos du pied (mars 1906). J'ai étudié il co

moment la réaction, la composition, la flore microbienne de la lésion : je n'ai

pu déceler la moindre trace'a'acide ou bien d'alcali ; la plaque était absolu-

ment aseptique ; seulement à la période de l'ulcération les ensemencements

donnèrent lieu au développement de quelques colonies de streptocoques.

(1) Ces examens furent répétés plusieurs lois pendant les divers séjours de la jeune

fille 1 l'hôpital. L'examen du système nerveux et du système cardio-asculaire était

pratiqué tous les matins, et cela pendant des mois entiers.

484 VALOBRA

A ce moment, je ne pouvais pas encore exclure complètement la simulation,

quoique la malade fût très surveillée et complètement isolée. Après une pé-

riode de trois mois (mai 1906), la plaque n'était pas encore guérie, mais les

crises convulsives avaient complètement disparu et la jeune fille rentra

chez elle.

Le 6 juin, elle mangeait tranquillement et silencieusement avec ses parents.

Soudainement, au dessert, elle crie, elle hurle, prise de douleurs à la plante du

pied droit, et elle tombe dans une crise convulsive. Le père, avisé par moi,

m'appelle tout de suite téléphoniquement. J'accours en voiture, j'enlève moi-

même les bottines très hautes, et les bas blancs, et je vois sur la plante du

pied une tache blanche, très blanche, complètement anesthésique. L'examen,

avec du papier réactif de la peau et du bas baignés avec de l'eau distillée, et

pratiqué immédiatement est complètement négatif. Après la crise convulsive

les douleurs avaient complètement disparu. La plaque anémique, sans réaction

alentour, se transforma peu à peu les jours suivants en une eschare nécro-

tique, sous mes yeux, à l'hôpital où j'avais envoyé la malade. Un mois après,

autour de l'eschare se forma une auréole rouge inflammatoire, et elle fut

enlevée par moi avec des ciseaux sans aucune douleur, quoique très adhé-

rente aux tissus sous-jacents (PI. LXV). L'eschare était dure comme du cuir,

d'une couleur marron foncé.

L'ulcération n'était pas encore guérie quatre mois après.

A ce moment je ne pouvais exclure absolument la simulation, bien que je

ne pouvais songer comment elle aurait pu se faire.

Depuis l'entrée de la jeune fille à l'hôpital, je faisais moi-même le pan-

sement à la jambe, deux fois par semaine. Le bandage était constitué par un

carré de toile stérilisée et baignée dans une solution aqueuse d'acide picrique,

un peu d'ouate hydrophile, du papier imperméable, une bande de gaze, enfin

de l'ouate qui enveloppait la jambe depuis la pointe du pied jusqu'au

tiers inférieur de la cuisse. Au-dessus de l'ouate je pratiquais un bandage

amidonné qui la couvrait complètement et qui la fermait. Deux fois par se-

maine je répétais moi-même le pansement et le bandage inamovible. La sur-

veillance était d'ailleurs très étroite, pendant le jour et pendant la nuit. Je

n'ai pas essayé de reproduire la lésion par suggestion directe, je n'ai pas

donné d'ordres à la jeune fille, je n'ai pas fait de pratiques d'hypnotisme.

J'ai dit simplement à la jeune fille, en présence des étudiants, que j'avais des

soupçons sur la spontanéité de ces lésions et que je prenais mes précautions.

Un soir la malade est atteinte de douleurs atrcces à la jambe. La soeur

de service ne quitte plus la malade jusqu'au matin. J'arrive, je contrôle

l'intégrité ahsolue du pansement et je coupe le bandage amidonné : au côté

interne de la jambe (PI. LXV) j'observe une plaque plus étendue que les pré-

cédentes, blanche, froide, anesthésique, avec une auréole très sensible mais

d'une coloration normale. Dans le milieu de la plaque blanche on remarquait

de petites taches sombres, rondes, de la grandeur d'une lentille ; mais on ne

remarquait aucune vésicule.

La simulation était absolument impossible.

NOUVELLLE Iconographie DE la SALPÊTRIÈRE

T. XXI. PI. LXIX

GANGRÈNE CUTANÉE SPONTANÉE CHEZ UN SUJET HYSTÉRIQUE

(J. Valobra.)

Masson & Cie, Éditeurs.

Phototypie Berthaud, Paris

CONTRIBUTION A L'ÉTUDE DES GANGRÈNES CUTANEES SPONTANÉES 485

L'eschare tomba seulement deux mois après. La guérison complète'survint

seulement huit mois après, rebelle à tous les traitements locaux (haute fré-

quence, rântyeriotliérapie, bains de chaleur sèche, bains de chaleur humide)

et généraux. ,

Les greffes cutanées furent répétées trois fois inutilement par le docteur

Gallina, tandis que la blessure faite par le chirurgien qui emportait l'épiderme

de la cuisse droite guérissait très rapidement. Jamais je n'ai observé nulle trace

d'infection, jamais de tuméfaction, même légère, des ganglions. Je soignais

dans le même moment une rôntgenodermite de troisième degré rebelle à tous

les traitements, et j'étais tellement frappé par l'identité des lésions que j'ai relaté

mon observation dans le traité de rÕntgénulogie clinique que j'étais en train

de publier (1907). Il s'agit d'une vraie identité morphologique, de la même

lenteur désespérante de la guérison, de la même asepsie de la plaie, du même

défaut de réaction dans les ganglions correspondants. M. Oudin avait aussi

remarqué l'identité des lésions de la .rôntgenodermite avec les moulages

(n° 1945 et n° 1963) reproduisant, au musée de St-Louis, les lésions de la gan-

grène hystérique.

Le dénouement de mon histoire est tragique et mystérieux. La dernière

eschare était guérie avec d'énormes cicatrices chéloïdiennes d'une couleur

rouge foncé ; depuis deux mois la jeune fille n'avait plus de crises convul-

sives ; elle travaillait, son état général était très bon. Un jour, chez elle, en

mangeant, elle se plaint d'une douleur soudaine et terrible à l'estomac, elle

crie, elle pleure. On m'appelle tout de suite. J'accours. Je trouve la jeune fille

très anémique, le ventre ballonné, avec un « facies Iii pocratica » typique, le

pouls faible et fréquent. Le soir même elle a des vomissements de sang noir.

La malade jure n'avoir pris aucun médicament, ni aucun poison. Je pose le

diagnostic d'ulcération gastrique avec perforation, je fais des hypodermoclyses

d'eau salée, des piqûres de caféine et de camphre. Le matin suivant j'arrive

avec le chirurgien : la ma.ade était complètement ictérique, les selles étaient

noires de sang, le coeur était très faible, la température rectale de 35°-2-C,

l'intelligence parfaite. L'examen des selles et des vomissements nous fait

exclure la présence d'un poison facile à déceler (phosphore, acide minéral,

alcali...). L'état de la malade est trop grave ; on ne peut essayer une opération

chirurgicale ; les forces baissent rapidement peu 1 : peu, la malade meurt à

dix heures du soir.

La jeune fille étant morte chez elle, il nous a été impossible de pratiquer

l'autopsie.

I

Telle est mon observation clinique. Malheureusement, il s'agit seule-

ment d'observation clinique : nous n'avons pas d'examen nécroscopique

qui nous aide dans le diagnostic, et nous devons nous borner à des argu-

ments cliniques.

486 VALOBRA

1° Joséphine était un sujet hystérique. Pas de doute possible : l'aphonie

qui disparaît avec une séance d'électrisation de la gorge ; les accès con-

vulsifs typiques. L'histoire clinique parle encore d'une liéillillypoesillésie

d'un champ visuel très restreint, du défaut de réflexe pharyngien. On peut

discuter sur la pathogénie de ces phénomènes, mais cela ne diminue pas

leur importance clinique pour le diagnostic de l'hystérie.

2 Joséphine présenta des plaques de gangrène cutanée qui étaient spottta-

nées et qui n 'étaient pas provoquées artificieusement. Pas de doute possible :

au moins pour ce qui concerne les deux dernières plaques. Pour les pre-

mières manifestations de la maladie (main gauche, pied droit), on peut

seulement observer que si la lésion était provoquée par la malade, il ne

s'agissait pas certainement d'un phénomène de mythomanie, car elle

n'avait montré ses lésions ni au médecin du pays, ni à sa mère, ni à

moi qui la soignais pour son aphonie..le dois seulement à ma curiosité

médicale la découverte de la lésion.

En tout cas, la simulation n'a pas été possible pour la dernière plaque

qui s'est formée sous un bandage inamovible ; et j'ose dire qu'il n'y a pas

eu non plus de simulation pour l'avant-dernière plaque que j'ai examinée

dans les premiers moments de sa formation. Elle pouvait avoir été provo-

quée à l'avance par la jeune fille... Mais, provoquée avec quoi Puisqu'on

ne trouvait pas trace d'acide,pas trace d'alcali, pas trace de nitrate d'argent,

pas la moindre coloration, pas la moindre altération du bas blanc qui

depuis le matin recouvrait l'endroit où il y avait la lésion, pas les signes

tangibles d'une brûlure avec un objet métallique chauffé au rouge, qui

physiologiquement produit des lésions de l'épiderme d'autre nature. Dans

ces circonslances le doute ne serait plus scientifique, il serait ridicule.

. 3° La pathogénie des plaques de gangrène cutanée doit être cherchée

'dans une altération du système nerveux. Il ne s'agit pas d'une gangrène

qui dépende d'une cachexie, pas môme d'une angio-sclérose généralisée.

Pas d'empoisonnement chronique par l'ergot de seigle. Pas possible le

doute d'une embolie mycotique ; les plaques étaient aseptiques. .

Venons maintenant à une dernière hypothèse qui peut être avancée avec

une apparence de raison. On pourrait nous dire : « La jeune lille avait

depuis longtemps de Y endocardite végétante ; elle a eu de temps en temps

dans la circulation des embolies ayant produit à un moment donné, les

plaques gangreneuses de la peau, et en dernier lieu l'ulcération de l'esto-

mac ou du duodénum (ictère) ou bien l'embolie de l'artère hépatique. »

Je ne crois pas que cetle hypolhôse puisse être avancée sérieusement. Nous

avons observé la jeune fille pendant un an et demi, elle a été des mois

entiers à l'hôpital dans un service de médecine interne où, selon l'habi-

tude, on mesure la température trois fois par jour; où l'interne de service

CONTRIBUTION A L'ÉTUDE DES GANGRÈNES CUTANÉES SPONTANÉES 487

compte tous les matins le nombre des pulsations et des respirations pour

chaque malade dans le but d'avoir une histoire clinique complète ; où,

selon l'habitude des services de médecine, on pratique très souvent l'aus-

cultation du coeur chez tous les malades, même sans soupçon de maladie

locale. Jamais on n'a observé un bruit de souffle, jamais une altération

des tons du coeur ; jamais une altération de la température ; jamais un

accès de tachycardie, pas même après les terribles accès convulsifs qui

duraient parfois toute la nuit. Pas d'anémie, pas d'albuminurie ; un état

général très bon ; un train dévie assez fatigant chez elle, des promenades

en montagne en été, la danse en hiver. Tout cela pendant des années avec

une endocardite végétante ? Pas possible.

Reste l'embolie de la peau; c'est bien : mais embolie de quelles artères ?

La plaque était unique, égale, large de plusieurs centimètres. Il ne s'agit

pas du territoire dépendant d'une artère unique : il faudrait songer à une

quantité de petiles embolies qui arrivaient dans le même endroit et qui

se déversaient dans les artères capillaires de la région. Est-ce possible ?

Les gangrènes culanées emboliques de l'endocardite végétante sont très

petiles, vésiculeuses, saignantes, phlycténulaircs (Hicchard) ; il ne s'agit

jamais d'une gangrène unique, sèche, précédée de douleurs lancinantes

dans le membre. Je crois donc pouvoir exclure aussi l'origine embolique

des plaques gangreneuses chez ma malade.

Puisque nous avons dû exclure ces hypothèses, devons-nous renoncer

au diagnostic ? Je crois que non. '

En regardant les plaques de sphacèle, en songeant à la lenteur de leur

guérison, nous ne pouvons manquer de nous rappeler une autre série

d'altérations de la peau qui présente des analogies frappantes avec les ma-

nifestations cutanées de notre malade.

A cetle série appartiennent : a) le mal perforant des tabétiques, des

syringomyéliques, de la névrite; b) la l'ontgénodennite,

Pour la pathogénie de la radiodermite l'accord n'est pas complet, niais

tous les radiologues sont d'accord dans l'affirmation que le système ner-

veux joue un rôle considérable dans la production de l'altération de cette if-

fection.En effet,lorsqu'on pratique l'irradiation avec'les rayons de Rrifgén

sur le territoire innervé par un nerf malade (compression, inflammation..)

la radiodermite survient avec une extrême facilité, tandis que sur les'ter-

ritoires à système nerveux normal, elle ne survient pas avec des doses

beaucoup plus fortes (Bertolotti). La lalence très longue des lésions'qui

peuvent se montrer ainsi plusieurs semaines après la dernière séance d'ir-

radiation, parle aussi pour l'origine nerveuse de la radiodermite.

L'influence du système nerveux sur le développement du mal pe2-r-

rant n'est pas douteuse non plus. Le mal perforant produit une- lésion

488 VALOBRA .

qui en général est sans douleur et plus profonde, mais chacun de nous a

observé des sujets qui présentaient des douleurs et des eschares superfi-

cielles.

D'autre part, Joffroy a observé une vraie gangrène cutanée de la peau

en îlot chez les tabétiques. En outre, chez un jeune homme atteint de

myélite aiguë syphilitique avec paraplégie flasque, j'ai observé la forma-

tion de plaques de gangrène cutanée sur la surface antérieure de la cuisse

et sur la face externe de la jambe, plaques qui présentaient une analogie

frappante avec les lésions observées chez la jeune fille hystérique.

En résumé ; dans la pathogénie des gangrènes cutanées qui présen-

tent une analogie frappante avec les plaques présentéespa1' notre ma-

lade, on peut toujours démontrer l'influence du système nerveux. De

quelle nature est cette influence exercée par le système nerveux ? On peut

faire des hypothèses : on peut parler N'influences trophiques, on peut par-

ler de réactions vasomotrices, etc., mais la pathogénie réelle nous ne la

connaissons pas, tout en étant parfaitement sûrs qu'il s'agit toujours d'une

influence nerveuse.

Mais je n'insiste pas sur la question de la pathogénie ; je désire de

m'arrêter sur le terrain de la clinique. Il me suffit d'avoir démontré qu'il

ne s'agit pas d'une gangrène simulée, qu'il ne s'agit pas des autres varié-

tés de gangrène spontanée de la peau connues en clinique médicale, et que

les plaques de notre malade présentaient une analogie morphologique et

nosologique seulement avec les plaques de gangrène qui se forment sous

la dépendance des maladies du système nerveux. Mais je reconnais volon-

tiers qu'on ne peut pas conclure rien de sûr avec des simples rapports

d'analogie.

II

Je crois avoir démontré que, dans mon observation, il s'agit d'une

gangrène spontanée de la peau chez une hystérique. Pouvons-nous

affirmer encore qu'il s'agit d'une gangrène cutanée de la peau ayant

un rapport de dépendance avec l'hystérie ? ' ?

Selon les lois de la pathologie, il faudrait pour cela :

a) Démontrer que la lésion de la peau ne dépend d'aucune autre

maladie. Ce que nous avons déjà fait.

b) Démontrer que le phénomène se produit avec une certaine fréquence

dans le cours de l'hystérie.

c) Démontrer que ce phénomène ne se produit pas d'ordinaire avec

les mêmes modalités d'une façon absolument indépendante, de sorte

qu'il puisse constituer une entité morbide par lui-môme, entité morbide

CONTRIBUTION A L'ÉTUDE DES GANGRÈNES CUTANÉES SPONTANÉES 489

qui peut se présenter toute seule, ou bien associée avec une autre mala-

die, ou bien encore associée à l'hystérie (1).

La gangrène spontanée de la peau se produit-elle donc avec une

certaine fréquence chez les sujets hystériques ?

Puisque « ces cas ne courent pas les rues », puisque nous ne pouvons

pas parler par expérience personnelle sur cet argument, il faut chercher

dans la littérature, particulièrement dans la littérature moderne, car de-

puis une trentaine d'années seulement, les neurologistes ont étudié d'une

façon toute spéciale cet ordre de faits. Nous observons alors un fait assez

étrange : l'Ecole neurologique moderne a établi l'existence des troubles

trophiques et vasomoteurs chez les hystériques ; ses cliniciens ont étudié

ces troubles sous tous les points de vue ; ses thèses, ses mémoires, ses

traités classiques, dans toutes les langues, ont répandu partout la notion

de l'existence de ces troubles avec toutes ses modifications cliniques. Il

existe particulièrement en France toute une littérature dont la conclusion

peut se résumer dans les mots suivants de Charcot :

« La lésion anatomique de l'hystérie échappe encore à nos moyens

(1) En effet, prenons un exemple dans un chapitre quelconque de la pathologie.

Chez les malades atteints d'urémie, on entend très souvent sur le coeur des frotte-

ments de péricardite sèche. Puisque nous pouvons conclure que le phénomène ne

dépend pas d'une autre maladie, puisque le phénomène se produit avec une certaine

fréquence chez les urémiques, nous parlons d'une péricardite urémique.

Cette péricardite urémique est caractérisée par l'état urémique du sujet, par le fait

que ces frottements sont passagers et changent d'un jour à l'autre, par le fait qu'elle

ne produit pas de douleurs locales, qu'elle donne lieu très difficilement à un transsu-

dat. La péricardite avec ses modalités ne se rencontre presque jamais seule, mais

toujours associée à une autre maladie. Si au contraire, chez un sujet urémique on

voit surgir une péricardite aiguë, avec de la fièvre, ou bien des douleurs très fortes

avec un épanchement rapide, nous ne parlons plus d'une péricardite urémique, mais

plutôt d'une péricardite chez un sujet urémique. On discute encore sur la pathogénie

de la péricardite urémique (infection secondaire, intoxication), mais tout le monde

est d'accord sur ce point qu'il ne s'agit pas d'une association morbide, mais d'une

affection secondaire, dépendante de l'état urémique du sujet.

Encore un exemple : nombre de sujets basedowiens sont atteints d'une diarrhée

rebelle, caractérisée par l'absence de douleurs abdominales, par l'inefficacité de la

diète et des remèdes, par l'influence des émotions sur le nombre des évacuations.

Puisqu'il s'agit d'un phénomène qui se produit avec une certaine fréquence chez

les basedowiens d'une façon indépendante de toute autre maladie, nous parlons de

diarrhée basedowienne » ; et nous posons ce diagnostic parfois même lorsque le sujet

est atteint d'une forme fruste de goitre exophtalmique. Si, au contraire, chez un sujet

basedowien nous observons de la diarrhée qui s'accompagne de fièvre élevée, de dou-

leurs abdominales, qui est influencée par la diète et par l'opium tandis qu'elle est

indépendante de toute émotion, nous parlons d'une diarrhée chez un sujet basedo-

wien. '

490 ' VALOBRA -

d'investigation, mais elle se traduit d'une façon indéniable à l'obser-

vateur attentif par des troubles trophiques analogues à ceux qui se

voient dans le cas des lésions organiques du système nerveux central

ou des nerfs périphériques. »

A un moment donné, particulièrement après le Congrès de Lausanne

(août 1907), tout cela disparait ; et M. Babinski a pu tout récemment

conclure, à la suite d'une discussion mémorable à laquelle ont pris

part tous les grands cliniciens de l'Ecole neurologique française, que

« rien ne nous autorise à affirmer la réalité de ces phénomènes (anu-

rie, oedème, phlyctènes, ulcérations, gangrènes, hémorragie hystérique),

ni à établir un lien de causalité ou d'interdépendance entre ces phé-

nomènes et les troubles hystériques ». !

M. Raymond seul a levé sa parole contre cette conclusion absolue, qui

; portail à la négation des'idées émises à ce propos par son grand prédé-

cesseur.

- Comment expliquer cela ? Est-ce que les neurologistes modernes ont été

atteints eux-mêmes par des phénomènes de pithiatisme ? Est-ce que sous

l'influence dela suggestion de Charcot et de ses élèves, l'Ecole neurologique

moderne a vu ce qui : n'existait pas (et elle l'a vu si bien que ses descrip-

tions ont des particularités frappantes par leur précision), et à présent

sous l'influence de la persuasion de M. Babinski elle ne voit plus rien,

elle est guérie ?

, Avant d'arriver à une conclusion à ce sujet, je crois nécessaire d'ana-

lyser un peu les faits connus. Et dans mon analyse je ne mettrai en ligne

décompte que les observations qui présentent une garantie plus grande

d'avoir été étudiées exactement, et qui répondent vraiment à l'ordre des

phénomènes dont nous poursuivons l'élude.

Nous pouvons, avant tout, faire une remarque générale. La gangrène

spontanée de la peau (lorsqu'elle n'estpas symptomatique d'une cachexie,

d'une angio-sclérose, d'une syringomyélie, d'une névrite, ou bien d'une

myélite transverse), on l'observe toujours chez les sujets hystériques. Dans

la. littérature assez abondante sur l'argument (française, anglaise, italienne,

allemande) dans deux observations seulement (./V< ? M7M ? ï,Jo. ? < ? A),tes phé-

nomènes hystériques faisaient défaut, tandis que dans toutes les autres

observations on observe toujours des phénomènes de cette nature (Dou-

treleponl, Singer, Stubezzrazcch. Riehl, Kop, Basset, Wende,

Hintner, Sinlcler, Leloir, Ilaz/cl, Renaut, Le Gall, Justus ).

. Sur ce côté de la question l'accord est complet : la gangrène cutanée

idiopathique (c'est-à-dire : indépendante de toute maladie organique

démontrée) a été toujours observée chez les sujets atteints- d'hystérie.

La discussion et le doute commencent lorsqu'on affirme que les lésions

CONTRIBUTION A L'ÉTUDE DES GANGRÈNES CUTANEES SPONTANÉES 491

de la gangrène chez les hystériques sont toujours le produit d'une simula-

tion consciente ou bien subconsciente du sujet.

Tout médecin, et particulièrement tout médecin neurologiste,connait la

mythomanie des sujets hystériques. Chacun de nous a observé les ruses

extraordinaires de ces sujets pour nous démontrer l'existence réelle de

certains phénomènes tout à fait artificieux.

Mais cela ne doit pas nous ôter notre sérénité de juges impartiaux,

cela doit seulement nous mettre en éveil, cela nous oblige à prendre

toutes les précautions possibles dans le but d'éviter toute cause d'erreur.

En étudiant les observations relatées dans la littératuremédicaleâce pro-

pos,à côté d'un nomhre énorme d'observations dans,lesquelles toute cause

dedoute n'est pas exclue, car toute cause d'erreur n'a pas été évitée, nous

trouvons un certain nombre d'observations qui, par l'exactitude des cli-

niciens et par la précision des circonstances, ne permettent aucun doute.

Peu d'observations nous sont suffisantes pour la démonstration, pourvu

qu'il s'agisse de faits incontestables.

A tout seigneur, tout honneur. M. Dejerine, après avoir consacré un

chapitre de son traité à la description des altérations trophiques de la peau

de nature hystérique, parle longuement de la gangrène hystérique, et il

nous affirme avoir observé chez unsujet hystérique la formation de plaques

de gangrène spontanée au-dessous d'un bandage occlusif; ce qui prouve

que toute possibilité de simulation était écarlée.

Renaut a vu les plaques de gangrène se produire sous ses yeux, et il

arrive aux mômes conclusions.

flinter aussi a vu le phénomène se produire en sa présence.

Chez la malade de IL 1,Vende, les lésions gangreneuses apparurent sous

un large et épais pansement sur lequel le médecin avait apposé des cachets

de cire qui furent retrouvés intacts t la fin de l'expérience. ,

Chez ma malade les eschares cutanées apparurent dans les mêmes condi-

tions sous un pansement occlusif. r.

M. Bemheim. chez une hystérique de 39 ans. produisit en sa présence

par simple affirmation veibale, des brûlures nettement accusées qui lais-

sèrent deseschares réelles.

M. Gilles de la Tourelle relate une observation qui présente une

analogie frappante avec la précédente.

Ces observations nous donnent la démonstration absolue et directe que

chez les sujets hystériques les plaques de gangrène hystérique peuvent se

produire, toute possibilité de simulation étant écartée.

Mais une deuxième série de considérations nous donne la démonstra;

tion de l'existence du phénomène en dehors de toute idée de simulation., ¡

Simulation ; c'est bien. Mais, comment ? Chez la malade de Strumpell

492 VALOBRA

on trouve de la potasse dans le lit, chez le malade de M. Thibierge on trouve

du nitrate d'argent; le sujet observé par M. Dieulafoy se servait delà

potasse caustique pour produire ses eschares. Mais M. Balzee, M. Le Gall,

M. Doutrelepontont fait des analyses chimiques répétées de la peau cor-

respondant aux plaques, et ils n'ont pu déceler la présence d'un agent

chimique. Moi aussi j'ai pratiqué chez ma malade ces recherches, sans au-

cun résultat.

M. Kaposi, un des plus grands dermatologistes modernes, qui a donné

une description très précise de l'herpès gangreneux hystérique, nous

affirme que chez ces malades on observe dans les premiers temps de la ma-

ladie l'intégrité absolue de l'épiderme (même à l'observation au micros-

cope),tandis que les tissus sous-épidermiques présentent déjà des lésions

profondes.Puisque les hystériques n'ont pas à leur disposition des substan-

ces qui,sans avoir une réaction chimiquespéciale,sans lésion superficielle

de l'épiderme, puissentproduireune gangrène des tissus sous-épidermiques,

nous sommes forcés à croire qu'il ne s'agit pas chez ces sujets d'une si-

mulation. Qu'est-ce que nous devons songer de la malade de M. Dou-

trelepont, observée par l'auteur pendant cinq ans consécutifs et qui à

l'autopsie ne présenta aucune lésion du système vaso-moteur ou du sys-

tème nerveux ? Il nous dit : « Du 2 au 9 septembre il se produisit encore

cinq nouveaux foyers du côté droit du front au voisinage du cuir cheve-

lu, atteignant même parfois eelui-ci. Aux endroits du cuir chevelu at-

teints, les cheveux persistèrent complètement, et ne subirent aucune

atteinte ni du côté de la couleur, ni de toute autre manière. On constata

le même phénomène lorsque plus tard les lésions se produisirent à la ré-

gion parotidienne où la malade a en abondance des poils follets. »

Est-ce que cette observation ne suffirait pas pour la démonstration de

la spontanéité possible de ces lésions chez les sujets hystériques ?

La même malade a présenté de petites plaques gangreneuses parfaite-

ment égales aux plaques de la peau, sur le repli glosso-épiglottique et

sur la conjonctive.

Hintner chez son hystérique a vu se produire de petites lésions gahgré-

neuses sur la peau, sur le conduit auditif et sur la membrane du tympan.

On a beau dire : « l'hystérique peut ne pas sentir ce qu'elle ne veut pas

sentir », Mais je doute beaucoup qu'elle puisse se pratiquer artificielle-

ment une lésion limitée de la membrane du tympan qui est douée de la

sensibilité la plus exquise à la douleur.

S'il s'agit d'une lésion banale, provoquée artificiellement, comment

expliquerions-nous que ces lésions aient une tendance si frappante à la

chronicité et qu'elles soient si étrangement rebelles à tous les traitements ?

Je portais un jour dans ma poche une petite bouteille de solution concen-

CONTRIBUTION A L'ÉTUDE DES GANGRÈNES CUTANÉES SPONTANÉES 493

trée de potasse. La bouteille s'est débouchée par accident; le liquide a

atteint la peau de ma cuisse. Je n'ai éprouvé aucune douleur ; lorsque je

me suis aperçu de l'accident, l'action du caustique était déjà assez pro-

fonde. Le résultat fut la production d'une large eschare, cela est vrai ;

mais vingt-cinq jours après, ma cuisse était guérie avec une cicatrice

plane, sans chéloïdes.

On a répliqué : « l'hystérique empêche la guérison artificiellement

par l'irritation de sa plaie. Cette irritation constante est ainsi la cause des

cicatrices chéloïdiennes hypertrophiques qu'on observe presque toujours

à la suite de ces lésions. »

Mais j'observe avant tout que chez ces malades l'eschare reste parfois

plusieurs mois avant de tomber ; il s'agirait donc d'une torpeur exception-

nelle plutôt que d'une irritation. Et je remarque encore que ces plaies ne

donnent jamais de la tuméfaction des ganglions correspondants,

jamais de fièvre, jamais d'injection. La malade de M. Doutrelepont, à

un moment donné, avait quatre-vingts plaies, et pas un ganglion, pas

de fièvre (1). Comment expliquer cela s'il s'agissait de plaies produites

par des agents externes et artificiellement irritées, plaies qui dans ces

conditions amènent presque toujours delà lymphangite, et qui s'infectent

avec la plus grande facilité ?

Et, puisque rien ne prouve que la longue durée du processus soit la con-

séquence d'une irritation artificielle, pourquoi donc toutes les plaques de

gangrène chez les hystériques guérissent-elles avec une cicatrice chéloï-

dienne qui est décrite par [tous avec les caractères suivants : « Elle est

hypertrophique, d'une couleur rouge foncé, avec des télangiectasies » ?

Même en admettant la simulation, est-il possible que les hystériques, en

France, en Italie, en Allemagne, en Angleterre, usent toutes de la même

substance qui aurait la propriété spéciale de produire toujours la lésion

avec les mêmes caractères étranges, et qui aboutit toujours à la même ci-

catrice ?

Je crois que personne ne peut désormais douter de ce fait, à savoir

« qu'il existe une gangrène spontanée de la peau, bien caractérisée

par sa symptomatologie, qui se présente presque seulement chez les

hystériques (2), et dans des conditions telles qu'elles nous obligent à

exclure toute possibilité de simulation ».

Puisqu'il s'agit d'un phénomène qui se présente seulement (ou

(1) Chez cette malade on observait seulement un peu de fièvre au moment de la

production d'une nouvelle plaque escharotique.

(2) Deux sujets (\eumann, Joseph) ne présentaient pas de phénomènes d'hystérie.

Nous pouvons nous demander si la suite de leur existence n'aurait pas démontré chez

eux l'existence d'une hystérie latente.

494 ' VALOBRA ' . ' If »

presque) chez les hystériques, et puisque ce phénomène ne se pré-

sente pas avec les mêmes modalités cliniques en dehors de l'hystérie,

nous pouvons affirmer « qu'il existe un lien d'interdépendance entre les

deux affections (1) ».

III

J'espère avoir démontré assez bien que la gangrène spontanée de la

peau doit être considérée d'iniquement comme ayant un rapport très étroit

avec l'hystérie, Maintenant, je me demande si le syndrome morbide dont

nous poursuivons l'étude appartient au groupe des troubles qui « peu-

vent être exactement reproduits par la suggestion et qui peuvent disparaî-

tre sous l'influence de la seule suggestion ou persuasion », c'est-à-dire :

« est-ce que la gangrène spontanée de la peau appartient au «pithiatisme})

sensu stricto, selon la conception récente de M. Babinski » Je crois

nécessaire de diviser la demande dans ses deux parties :

a) Est-ce que la gangrène spontanée de la peau peut être 1'ep1'o-

duite par la suggestion ?

Je n'hésite pas à répondre par l'affirmative.

M. 1,Vende se propose de faire apparaître chez son hystérique les lésions

gangreneuses sur un point déterminé de la peau : il recouvre cet endroit

par un large et épais pansement sur lequel il appose des cachets de cire.

Douze heures après, il contrôle les cachets de cire qu'il retrouve intacts, il

ôte les pansements et il trouve les vésicules qui forment la première

étape d'une gangrène.

M. Tanzi chez une hystérique pouvait produire par suggestion en

(i) Dans mon observation il reste à expliquer la cause de la mort rapide de la jeune

fille. Puisque l'autopsie nous fait défaut, nous ne pouvons affirmer rien de sûr.

Néanmoins je tiens à rappeler que chez les jeunes filles hystériques, ce n'est pas un

phénomène absolument rare que la présence d'une ulcération ronde de la paroi gastri-

que qui, après une démarche silencieuse, produit des phénomènes de perforation

aiguë. Je possède moi-même deux observations de cette nature avec autopsie.

Je rappelle encore à ce propos que dans les observations de M. Balzer et de

M. Bruchon on a remarqué la coïncidence des plaques gangréneuses de la peau

avec des phénomènes dus à un ulcère gastrique.

Si nous songeons encore que chez la malade hystérique de M. Etienne (qui pré-

sentait depuis longtemps des plaques multiples de gangrène spontanée de la peau

une plaque de gangrène survenue sur la paroi du vagin donna lieu à des hémorragies

qui amenèrent la mort, je crois qu'on trouvera pleinement justifiée mon idée : je

crois que chez ma malade une ulcération trophique de la paroi de l'estomac ou du

duodénum (ictère), de la même nature que les ulcérations de la peau a été la cause de

sa mort rapide. Je crois qu'aucune aulre hypothèse répond mieux à la réalité des phé-

nomènes observés (douleurs aiguës à l'estomac, hématémèses, méloena, péritonite,

mort). ,

CONTRIBUTION A L'ÉTUDE DES GANGRÈNES CUTANÉES SPONTANÉES 495

quelques minutes, en présence de plusieurs médecins témoins, la pro-'

duction de vraies plaques hémorragiques qui présentaient la forme d'une

croix.

Chez l'hystérique de M. l3ernlaeim et chez la malade de M. Tdward, les

plaques de gangrène se produisirent sous l'effet direct de la suggestion.

Bien qu'il ne s'agisse pas d'une gangrène de la peau, je désire rappeler

ici que M. le professeur, Kraft Ebing a réussi à produire par suggestion

des hémorragies cutanées en apposant des cachets de cire sur la peau.

Je rappelle encore que chez le malade présenté par M. Terrien à la

Société médicale de Nantes, le médecin pouvait provoquer par suggestion

la main cadavérique avec le froid, la pâleur, l'insensibilité du cadavre.

Ce sujet présentait des crises spontanées de main cadavérique de la durée

d'une heure. Pourquoi ces crises d'ischémie locale qui pouvaient être

reproduites par suggestion dans une Société médicale, ne peuvént-elles pas

être considérées comme une phase initiale d'une gangrène qui est, sans

doute possible, de nature hystérique ?

D'autre part, toute l'histoire clinique de ce syndrome parle pour une auto-

suggestion. Chez tous les sujets qui ont présenté de la gangrène spontanée

de la peau il y a eu un traumatisme initial, et chez tous les premières lé-

sions gangreneuses sont apparues précisément dans l'endroit de tégument

où a existé la plaie initiale. Cet élément étiologique, si général dans le

observations de gangrène cutanée, parle contre l'idée d'un caprice simu-

lateur de chaque sujet, il plaide en faveur de l'idée qu'il s'agisse d'un

phénomène qui suit des règles générales.

Il est aussi très probable que ce traumatisme initial agit en provoquant

des phénomènes d'auto-suggestion, Il s'agit presque toujours d'une brû-

lure par le feu, ou bien par un acide caustique. La lésion initiale très

douloureuse et l'émotion du traumatisme paraissent avoir une' influence

sur le psychisme malade du sujet qui reproduit par auto-suggestion la

lésion primitive sur les autres endroits du tégument.

La pathogénie précise du phénomène est très difficile à expliquer. Je

crois qu'il est inutile de parler d'une diathése spéciale, d'une névrose spé-

ciale.Ce sont là des mots, des grands mots qui ne nous expliquent rien. Il

faut rester sur le terrain purement clinique. Néanmoins, à ce propos, on

peut rappeler que les hystériques présentent très facilement des'phénomè-

nes vasomoteurs. La plaque, telle que je l'ai observée moi-même, dans sa

première étape se présente pâle, anémique pour une constriction vasale et

rappelle la pâleur extrême du « doigt mort » du « petit Brightisme ».

A cet état de vasoconstriction vasale ne suit pas une dilatation vasale ;

la 'pâleur et l'anémie persistent, la nutrition du tégument souffre, comme

on l'observe lorsque les artères d'un membre sont bouchées par des embo-

496 VALOBRA

lies ; et comme dans ce dernier cas, il se forme une gangrène sèche, la

plaque d'anémie se transforme peu à peu en une plaque de gangrène.

Dans nombre d'autres observations la gangrène cutanée se présente an

contraire à la suite d'une urticaire bulleuse. Sa pathogénie serait alors

la suivante : « Au début, une paralysie des artérioles commandant les zo-

nes vasculaires de la peau,ouvre,dans la sphère de distribution de l'artère,

une aire de pleine circulation, d'où diapédèse large aboutissant à l'a'dème

congestif. Puis le liquide de cet oedème, emprisonné dans les mailles inex-

tensibles du derme, comprime les vaisseaux dont la lumière s'efface par

contrepression, d'où l'oedème anémique. Dans ces conditions, l'épiderme

cède parfois à la pression intradermique, d'où la production des bulles. Si

cet oedème anémique persiste,on observera comme conséquence, une gan-

grène superficielle siégeant dans la portion de la peau voisine du corps

muqueux, laquelle ne peut subsister qu'au prix d'une irrigation soute-

nue;comme l'indique l'énorme développement de ses réseaux capillaires »

(7 ? eMa;M). - ,

On peut encore rappeler l'extrême fréquence de l'association des phéno-

mènes de la maladie de Raynaud, une maladie du système vasomoteur,

avec les plaques de gangrène spontanée de la peau.

, Rien de plus. Nous ne pouvons pas encore expliquer la pathogénie du

phénomène, non plus qu'expliquer la pathogénie des autres phénomè-

nes cliniques de l'hystérisme.

D'autre part, est-ce qu'on connaît la pathogénie précise de la gangrène

cutanée lorsqu'on l'observe dans le territoire d'un nerf atteint d'un proces-

sus dégénératif,ou bien dans le territoire analgésique d'une syringomyélie ?

Pour toute la catégorie des phénomènes trophiques, dans les maladies

organiques comme dans les névroses, nous ne pouvons affirmer rien

de sûr. Alors toute discussion est inutile. L'hystérie, particulièrement,est

un syndrome clinique, exclusivement clinique ; elle ne possède pas encore

un chapitre d'anatomie pathologique (1), non plus qu'un chapitre de phy-

siopathologie.

Notre réponse à la première partie de la demande sera formulée de la

manière suivante :

« La gangrène spontanée de la peau peut se produire chez des su-

jets hystériques par suggestion. Plus précisément : elle reconnaît pour

(1) Chez la malade de Doutl'elepont qui présentait 80 plaques de gangrène, l'examen

macroscopique et microscopique des nerfs et du système nerveux central ne décela

rien d'anormal. Chez les malades de Doulrelepont et de Wende on a pratiqué la biop-

sie et l'examen microscopique des tissus nécrosés ; on n'a trouvé rien d'autre que les

lésions banales de la nécrose des tissus qui ne sont pas nourris suffisamment. Les

nerfs et les vaisseaux des parties voisines étaient parfaitements sains.

CONTRIBUTION A L'ÉTUDE DES GANGRÈNES CUTANEES SPONTANÉES 497

principal élément étiologique une auto-suggestion ; et elle peut par-

fois être provoquée par la suggestion volontaire du médecin. »

b) Est-ce que les lésions de la gangrène cutanée peuvent guérir

sous l'influence de la seule suggestion ou persuasion ?

Une question préliminaire : Chez les sujets hystériques, môme chez les

sujets les plus intelligents, je crois que la guérison des phénomènes hys-

tériques se fait toujours par suggestion, jamais par persuasion. Je veux

dire que la guérison de l'hystérique n'arrive jamais à la suite d'un raison-

nement logique du malade sous la direction intelligente du médecin ; mais la

guérison arrive plutôt parce que le sujet qui croit aux paroles de son méde-

cin, reçoit l'idée du médecin telle qu'elle est. L'idée est bonne, elle est

juste, elle a toute l'apparence et toute la substance d'une idée logique ;

mais si l'idée n'était pas telle, ce serait la même chose : le médecin sub-

stitue simplement sa volonté (bonne ou mauvaise) à la volonté du malade.

Le médecin A soigne un malade hystérique intelligent, instruit, qui a des

vomissements. Il arrive, il lui parle, il lui démontre que son chimisme gastri-

que est normal, il lui démontre que la volonté a une grande influence sur les

fonctions des organes internes, et le malade répond : « C'est vrai, vous avez

raison, mais je ne digère pas. » Et il a des vomissements.

Un jour le médecin B arrive, il répète le même raisonnement du médecin

A avec des mots divers, et les vomissements cessent. - Persuasion ? ou bien

« apparence de persuasion ». Si le médecin B, au lieu de lui faire un raison-

nement, lui avait donné une pilule de mie de pain, la guérison aurait eu lieu

également.

Une jeune fille hystérique de mon service était atteinte d'un tremblement in-

tentionnel de la main droite,qui l'empècliait d'écrire. Elle était employée chez un

agent de change, et elle a été obligée d'abandonner son travail car elle ne pou-

vait plus écrire ; c'est pour cela qu'elle entra à l'hôpital. Le tremblement avait

commencé à la suite d'un excès de travail d'écriture. Je parle avec la malade en

présence des étudiants, je lui explique que sa main est saine, que les nerfs du

bras ne sont pas malades, que la circulation se fait bien, que sa maladie est la

conséquence de l'épuisement nerveux d'une nuit passée tout entière en écri-

vant, et je finis : « En conséquence, avec la force de votre volonté, vous pou-

vez maîtriser le tremblement, et vous devez essayer de le faire. » La malade

essaye sous mes yeux, elle tremble déjà beaucoup moins. Je lui ordonne de

faire des exercices toute la journée, et le lendemain, elle écrivait très bien, sans

tremblement. Apparemment je l'avais guérie par persuasion, n'est-ce pas ? Je

ne crois pas. En effet : trois jours après, j'arrive dans l'après-midi à l'hôpital

et je vois toutes les malades qui travaillent à l'aiguille avec les soeurs de ser-

vice. Mon hystérique seule ne travaillait pas. Je lui demande : « Pourquoi

ne travaillez-vous pas comme les autres ? » Elle répond : « Parce que je ne

peux pas ; depuis le début de ma maladie, lorsque j'essaye de travailler avec

w 1 33

498 VALOBRA

l'aiguille, la main tremble, je ne peux pas. » Sans rien dire, je l'emmène au

cabinet d'électricité, je lui fais une séance d'électricité statique avec des étin-

celles très fortes sur la main droite. Après, je lui dis nettement : « Allez,

vous êtes guérie aussi de cela, vous pouvez travailler à l'aiguille ; votre trem-

blement est disparu. » Le lendemain la malade pouvait coudre très bien.

Est-ce qu'il y a une différence entre la première manière de guérison et la

seconde ? Si la malade eût été guérie vraiment par persuasion la première fois,

si elle avait cessé de trembler en écrivant parce qu'elle avait été persuadée

que sa main était saine, elle aurait été guérie aussi du tremblement qui l'em-

pêchait de coudre dont elle n'avait pas parlé. Cela va sans dire. Mais elle était

guérie seulement parce que je lui avais affirmé : « Vous pouvez écrire. » Puis-

que je n'avais pas parlé de l'aiguille, la suggestion qui ne raisonne pas ne

s'était pas étendue à la fonction de coudre.

Est-ce que la gangrène spontanée de la peau chez les sujets hystériques

peut donc guérir rapidement sous l'influence de la seule suggestion ?

Cela n'est pas possible, naturellement. La gangrène représente la

conséquence d'une altération fonctionnelle, mais elle est désormais une

lésion anatomique et elle ne peut guérir qu'à la suile d'un procès de

réparation. Il est indispensable que la plaque gangreneuse soit éliminée,

que les tissus qui sont alentour prolifèrent, que la cicatrice se forme.

S'attendre à ce que les plaques guérissent par suggestion, équivaudrait à

s'attendre à la guérison par suggestion des rétractions tendineuses qui

suivent les contractures hystériques de longue durée.

Je crois, au contraire, que la suggestion peut arrêter la formation de

nouvelles plaques. Je dis « je crois », parce que rien dans la littérature

ni dans mon observation ne m'autorise à une affirmation plus précise. Et

je désire rester sur le terrain des affirmations sûres. Mais il est très

probable que cela soit possible, puisque nous avons démontré que dans

la production des plaques la suggestion occupe la première place étio-

logique.

IV

Conclusions :

1° Il existe une gangrène spontanée de la peau, indépendante de toute

affection organique et de toute supercherie.

2° Celte forme de gangrène de la peau se produit, dans l'énorme majo-

rité des cas, chez les sujets hystériques à la suite d'un petit traumatisme

initial. Elle présente chez ces sujets une démarche clinique spéciale, telle

qu'on ne l'observe dans aucune autre maladie. Nous devons donc admet-

tre un lien d'interdépendance entre celle variété de gangrène et les phéno-

mènes hystériques.

CONTRIBUTION A L'ÉTUDE DES GANGRÈNES CUTANÉES SPONTANÉES 499 9

3° Cette forme de gangrène peut être reproduite sous l'influence de la

suggestion.

4° Nous ne possédons pas encore les documents cliniques nécessaires

pour répondre à la demande : « Cette variété de gangrène peut-elle guérir

sous l'influence seule de la suggestion ? »

V

Selon les conclusions que nous avons émises d'après l'élude de la gan-

grène spontanée de la peau, ce syndrome aurait un lien d'interdépendance

avec l'hystérie, et il fait part du syndrome clinique de l'hystérie ; quoique

rien ne prouve jusqu'à présent qu'elle puisse guérir sous l'influence de

la suggestion. Cela n'estpas d'accord avec les théories récemment émises

par 1'1. Babinski et discutées à la Société de Neurologie par cet auteur :

a) les altérations dites trophiques n'appartiennent pas à l'hystérie ;

b) seulement les phénomènes pitltiatir¡ues (qui guérissent par persuasion)

appartiennent au pithiatisme, syndrome clinique qui se substitue à l'an-

cien syndrome hystérique. Cela nous porte à aborder un peu la question

de la nature et de la définition de l'hystérismè, question qui est tout à fait

à l'ordre du jour.

Avant tout ! il me semble certain que le pithiatisme n'est pas un attribut

exclusif de l'hystérie. Il est incontestable que dans aucune autre maladie

on ne trouve ce phénomène autant développé que chez les hystériques;

mais il est certain.aussi que cette faculté se trouve à l'état d'ébauche chez

tous les hommes, et particulièrement « son exagération se retrouve dans

toutes les formes de débilité psychique » (Crocq).

J'ai observé le phénomène très évidemment, même dans les maladies

organiques les plus graves. La plus grande part delà thérapeutique hu-

maine est basée sur cette faculté.

Uu homme atteint par une cardiopathie ne peut pas respirer, il se sent

étouffer, il souffre terriblement. Le médecin traitant est à bout de ressources.

Le grand médecin, le maître, arrive, il fait sa visite minutieuse, il parle avec

le malade, il lui promet la guérison ; il change un peu la position des oreillers,

il écrit une potion indifférente, et il sort. Le malade va mieux tout de suite,

incontestablement mieux, il respire plus librement, il s'endort, son sommeil

dure quelques heures, après des nuits d'insomnie complète. L'influence durera

très peu, mais elle existe.

J'ai observé la même influence bienfaisante de la suggestion sur les vomis-

sements du cancer de l'estomac, sur la toux des phtisiques, sur les dou-

leurs de la colique hépatique, sur le spasme de la vessie chez les prostatiques.

Chaque médecin a observé des faits semblables.

Le soir dans notre service à l'Hôpital Umberto 1°, autant dans le service des

500 VALOBRA

hommes que dans celui des femmes, on donne des litres de tisane de camo-

mille, et des douzaines de cachets de bicarbonate de soude, sous le nom de

sulfonal, comme hypnotique. Si on suspend la distribution de ces substances

indifférentes, le lendemain tout le monde se plaint de n'avoir pas dormi.

Le soir on répète la distribution,et presque tous les malades dorment très bien.

Il ne s'agit pas là d'une insomnie qui guérit par suggestion ? S'agit-il donc chez

tous d'un phénomène hystérique ? »

On dira : « La suggestion peut atténuer les phénomènes provoqués par

les maladies organiques, mais elle ne guérit pas la maladie fondamen-

tale. » Mais est-ce que nous guérissons l'hystérisme par la suggestion ?

Le sujet hystérique reste hystérique lorsque son aphonie a disparu, lors-

que nous l'avons guéri de sa contracture, de sa paralysie.

Mais ce qui constitue le pithiatisme de M.Babinski n'est pas Seulement

la propriété de pouvoir guérir par suggestion, mais celle aussi de créer

les phénomènes par le même procédé. Je ferai remarquer que pas même

cette définition n'est suffisante, car même dans ce sens le pithiatisme fait

part de la nature humaine, du moins pour la grande majorité des sujets.

J'ai pratiqué l'expérience suivante : Chaque fois je trouvais un sujet qui

n'avait jamais vu un tube de Crookes en fonction, je lui proposais de lui

montrer une expérience de Rôntgenoscopie. Lorsque j'étais avec le sujet

dans la chambre noire, j'allumais le tube, je lui montrais les os de la

main, etc... Après quelques minutes je plaçais le sujet vis-à-vis du tube,

à 3 mètres environ de distance, de sorte qu'il était assez loin du

champ électrique produit par les ? '< ! yo ? M,etje lui demandais : : Dites-

moi, faites bien attention... Est-ce que lorsque vous êtes comme ça devant

le tube vous ne sentez vraiment rien ? » Cinquante pour cent des sujets

accusaient une sensation; nombre des sujets prétendaient sentir un léger

souffle sur la peau du visage ; d'autres parlaient d'une légère sensation

de tremblement du corps ; d'autres encore d'une odeur spéciale. Plu-

sieurs femmes ont parlé d'une gêne spéciale dans la respiration ; un grand

nombre de sujets accusent une légère céphalée frontale.

Lorsque le sujet me répondait : « Non, je ne sens rien », je lui disais :

« Non ? C'est étonnant ; essayez un peu : tendez la main ouverte vers le

tube ». Presque tous les sujets accusaient alors une sensation au bout des

doigts : un tremblement, ou bien un souffle léger, ou un picotement. Seu-

lement 10 ou 15 pour 100 me répondaient encore : « Non, je ne sens

rien, absolument rien ».

Chez tous les autres sujets, après avoir allumé la lumière électrique,

j'expliquais tranquillement que leur sensation avait été l'effet d'une auto-

suggestion, j'affirmais que les sujets normaux ne sentent rien lorsqu'ils

se trouvent en présence d'un tube de Crookes en action, je leur racontais

CONTRIBUTION A L'ÉTUDE DES GANGRÈNES CUTANÉES SPONTANÉES 501

que ces sensations persistent en effet lorsqu'on fait l'expérience devant le

tube avec les yeux fermés et qu'on suspend le courant à l'insu du sujet.

Après cette explication, je répétais l'expérience en pleine lumière.

80 pour 100 des sujets qui avaient éprouvé une sensation spéciale,

n'éprouvaient plus rien. Seulement quelque sujet, piqué d'avoir été

induit en erreur, continuait à sentir des sensations extraordinaires.

L'expérience a été faite avec plusieurs dizaines de sujets intelligents,

presque tous médecins, ou bien étudiants, ou visiteurs de l'hôpital ; il

s'agissait toujours de personnes qui apparaissaient normales.

Puisque leur sensation spéciale se montrait sous l'influence de la sug-

gestion et qu'elle disparaissait sous l'influence delà persuasion devons-

nous conclure qu'ils étaient tous atteints d'hystérie ?

Je ne le crois pas. Le pithiatisme se trouve en état d'ébauche chez tous

les hommes. Seulement chez les hystériques cette faculté est hypertro-

phique, se trouve portée, au maximum ; mais sa simple présence ne suffit

pas à caractériser nettement un élat morbide spécial.

Il me semble bien sûr que le pithiatisme, tout en étant basé sur une

faculté qui est commune à la plus grande partie des hommes normaux,

constitue le plus important des caractères de 1 'hystérisme.

Et cela est vrai particulièrement lorsqu'on ne parle pas des sensations

subjectives des sujets, mais plutôt des phénomènes objectifs que ces sen-

sations peuvent produire. M. Dejerine dit « Si après avoir usé de la

crédulité d'un sujet pour lui mettre une idée quelconque en tête, on fait

ensuite disparaître cette idée par le raisonnement, cela ne constitue

pas une caractéristique de l'hystérie ». Et il a parfaitement raison. Mais

lorsque la crédulité du sujet s'accompagne d'un état mental spécial qui

rende la volonté esclave des idées que nous' lui mettons dans la tôle, et

que cet état mental est permanent et dominant au lieu d'être en état d'é-

bauche, on a bien le droit, je crois, de parler d'une faculté spéciale

de l'hystérie.

On peut, en effet, suggestionner chez un neurasthénique l'idée fausse

d'une maladie gastrique, idée qui peut persister pendant des années;

mais chez le sujet hystérique, cette idée se traduit souvent par des vomis-

sements incoercibles, par des accès de hoquet qui durent des journées

entières, par des spasmes terribles de l'oesophage, etc.

Je connais un jeune prêtre hystérique qui présente le phénomène sui-

vant : Si je lui touche les lèvres et si je lui affirme qu'il ne peul, plus ouvrir

la bouche, il me croit et il ne peut plus vraiment ouvrir ses lèvres. C'est

502 VALOBRA

pourtant un jeune homme très intelligent.Je connais au contraire beaucoup p

de gens très peu intelligents, très crédules, qui croiraient aux nouvelles

les plus impossibles ; chez eux lorsque j'affirme qu'ils ne peuvent pas

ouvrir la bouche, on observe une expression de stupeur ; ils essayent, ils

voient qu'ils peuvent très bien l'ouvrir, et ils l'ouvrent très bien en riant

de ma plaisanterie. Je crois donc bien sûr qu'un phénomène objectif (ce

qui diffère d'une simple sensation du sujet) qui présente ce double carac-

tère de pouvoir être reproduit par suggestion, et de pouvoir guérir par

persuasion, appartient à l'hystérisme avec une grande probabilité.

Mais cela n'est pas toute l'hystérie.

Pour ce qui concerne les troubles trophiques, et particulièrement

le plus profond, c'est-à-dire la gangrène spontanée delà peau, puisque

nous avons démontré qu'ils sont soumis à l'influence de la suggestion, la

nouvelle école n'aura pas de difficultés à les accepter dans le domaine du

pithiatisme (1).

Mais l'hystérie ne se résume pas dans la suggestionnabililé de ses mani-

festations. Elle comprend en outre un état psychique particulier dont les

caractères principaux sont l'hyperimpressionualfilité.la mythomanie (Du-

pré), la diminution du contrôle cérébral. Elle comprend aussi un état

physique spécial capable de réagir d'une façon par Buchière aux excita-

tions matérielles et sensorielles. Peut-être la présence des soi-disant stig-

mates hystériques (2) trouve-t-elle son explication dans cet étal spécial du

psychisme et d'excitabilité physique du sujet.

(1) A propos de l'influence de la suggestion sur les phénomènes vaso-moteurs chez

les sujets hystériques, je me rappelle avoir observé une jeune fille hystérique qui

présentait des accès douloureux l la main gauche pendant lesquels la main devenait

pâle, froide, anémique (sans arriver pourtant au degré de la main cadavérique). Il

était suffisant de lui placer dans les mains les pôles d'une petite machine à courant

faradique pour obtenir une vaso-dilatation et la cessation de l'acces, même si le

courant ne passait pas dans les fils, car il était coupé par un interrupteur interposé.

Il était suffisant et nécessaire que le trembleur donnât son bruit caractéristique.

Il est bien connu d'ailleurs que M. Lévi a fait disparaître dans le sommeil hypno-

tique l'asphyxie locale des extrémités, et M. Terrien a annoncé à Lausanne qu'il avait

influencé par suggestion un cas de ce genre.

(2) Pour ce qui concerne la présence de 1'tiérnianestliésie sensitivo-sensorielle, per-

sonne, pas même M. Babinski, n'a pu affirmer qu'il s'agisse toujours d'une sugges-

tion ; il a seulement affirmé que cela est vrai dans la grande majorité des cas. Et per-

sonne ne peut contester la vérité de cette affirmation.

Pourtant, j'ai observé au mois de juin dernier une hystérique chez laquelle la pré-

sence d'une hémianesthésie n'était sûrement pas dépendante d'une suggestion. Il

s'agit d'une jeune fille de 12 ans : dans sa famille, personne n'a souffert d'accidents

hystériques. Elle se trouvait dans un collège depuis l'âge de 9 ans. Dans le collège on

n'a pas observé pendant ces dernières années d'accidents de ce genre. Un jour, après

sa première communion, la petite est atteinte d'un accès convulsif. Cet accès a été la

première manifestation de la maladie ; personne n'avait visité la malade avant moi.

.l'ai pratiqué mon examen peu de temps après l'accès, et la petite présentait seule-

CONTRIBUTION A L'ÉTUDE DES GANGRÈNES CUTANÉES SPONTANÉES 503

Lorsque cet état psychique particulier fait défaut, on n'a pas le droit

de parler d'hystérie, même en présence d'un phénomène objectif qui

présente les caractères du pithiatisme. J'ai déjà parlé des phénomènes ob-

jectifs des maladies organiques qui peuvent se modifier sous l'influence de

la suggestion. Pour rester dans le champ des névroses les observations de

M. Dubois (de Berne) qui obtient rapidement par suggestion la guéri-

son des arythmies du coeur,de la constipation,de la diarrhée, de l'athrésie

gastrique, chez les neurasthéniques, ou bien chez des surmenés, ou bien

chez des sujets simplement très émotifs, nous prouvent que, on trouve

assez souvent des phénomènes pithiatiques chez d'autres névroses au de-

hors de l'hystérie.

En résumé : je ne crois pas que les réponses qu'on a données à la pre-

mière partie du questionnaire soumis à la Société de Neurologie soient défi-

nitives. Je ne crois pas démontré que le pithiatisme soit exclusif de l'hys-

térisme tout en en étant un des caractères les plus évidents ; je ne crois pas

démontré que l'hystérisme se résume dans le pithiatisme. Je ne crois pas

que tout ce qu'on a dit, écrit et observé à propos des stigmates, des phé-

nomènes vasomoteurs et trophiques chez les hystériques, soit à rejeter.

Il est certain pourtant que, après M. Charcot, personne n'a été autant

utile à l'étude de l'hystérie que M. Babinski. Il a parfaitement raison

lorsqu'il essaye de réagir contre la tendance à faire de l'hystérie un syn-

drome clinique où l'on place tout ce qui ne trouve pas place dans les

autres chapitres de la pathologie, contre la crédulité des médecins qui

sont trop souvent trompés par les sujets hystériques atteints de mythoma-

nie, contre la tendance des médecins à cultiver, pour ainsi dire, l'hysté-

risme classique ; éducation qui produit un hystérisme artificiel, fruit de la

suggestion médicale. Avec son talent clinique merveilleux, M. Babinski

ment un blépharospasme très intense à l'oeil droit J'ai pratiqué l'examen de la sensi-

bilité selon la méthode de M. Babinski, car j'étais sous l'influence de la récente dis-

cussion à la Société de neurologie. Je suis certain que la petite présentait une hémia-

nesthésie sensitivo-sensorielle gauche. Je suis bien sûr qu'elle n'a pas été sugges-

tionnée ni par moi ni par personne.

Il s'agit peut-être d'une auto-suggestion difficile à déceler, mais il est incontestable

que le phénomène selon lequel cette jeune fille présente spontanément une auto-sug-

gestion identique à celle de ses soeurs en hystérie qui se trouvent en Allemagne, en

Italie, en Amérique..., constitue un fait bien étrange bien digne d'entrer en ligne de

compte lorsqu'on étudie la definition et la clinique de l'hystérie, bien digne de porler

le nom de stigmate, car il se présentait en dehors de l'accès convulsif dans l'apparent

état de santé générale.

Je désire encore noter que celte hémianeslhésie spontanée présentait nettement les

caractères du pithiatisme, car plus tard à l'hôpital, dans la chambre d'isolement, j'ai

pu faire disparaître le phénomène par suggestion et le faire reparaitre par le même

procédé.

504 VALOBRA

porte la question sur un terrain juste, mais ses affirmations et surtout ses

négations sont trop précises, de même que ses définitions.

Avant tout, ses négations sont basées sur des données qui, au lieu d'être

objectives, sont exclusivement subjectives. Il nie tout ce que sa sugges-

tion personnelle ne peut pas provoquer ; il nie tout ce qu'il n'a pas encore

observé.

Il oublie que pour un sujet hystérique donné, le médecin le moins doué

d'habileté dans ces pratiques, peut présenter un pouvoir suggestif énor-

mément plus grand que le plus grand neurologiste du monde, et que, par

conséquent, le premier peut dans ce cas obtenir ce que le deuxième

n'obtiendra jamais.

Dans la tendance de la plus grande partie de l'Ecole neurologique fran-

çaise à suivre aujourd'hui complètement, les idées de M. Babinski sous

l'influence de ses argumentations serrées et logiques, de ses idées nouvel-

les et suggestives, je vois un phénomène de réaction envers la tendance qui

porta la même Ecole à l'exagération énorme des idées émises sur le même

argument par ce grand créateur de la Neurologie moderne que fut

M. Charcot.

Mais je crois que la réaction suivra encore une fois, je crois que

l'hystérie, cette éternelle Protée, selon l'ancienne phrase classique, échap-

pera peu à peu entre les mailles des définitions nouvelles, des négations

et des affirmations précises ; je crois et j'espère que entre les deux tendances

on trouvera le juste milieu, la voie juste.

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QUELQUES REMARQUES

SUR LE MÉMOIRE DE M. VALOBRA INTITULÉ :

« CONTRIBUTION A L'ÉTUDE DES GANGRÈNES CUTANÉES

, SPONTANÉES CHEZ~LES SUJETS HYSTÉRIQUES »

. PAR

J. BABINSKI.

[Les récentes discussions de la Société de Neurologie de Paris ont attiré l'attenlion

sur les troubles trophiques attribués à l'hystérie. A propos des faits et des opinions

exposés par M. Valobra dans son arlicle Sur les gangrènes cutanées chez les sujets

hystériques, article publié dans le présent fascicule de la Nouvelle Iconographie de la

Salpêtriere, il était intéressant de connaître l'opinion de M. liabinski, qui, à plusieurs

reprises, a contesté la réalité des troubles trophiques attribués à l'hystérie.

Nous remercions 11. Valobra d'avoir bien voulu nous permettre de donner, à l'a-

vance, communication de son travail à M. Babinski. et nous remercions ce dernier

de nous avoir communiqué ses remarques sur l'article de M. Valobra. N. D. L. Il.

M. Valobra, tout en déclarant « qu'après Charcot, personne n'a été

autant utile à l'étude de l'hystérie que M. Babinski » et que « M. Ba-

binski porte la question -sur un terrain juste », critique mes idées sur

l'hystérie et soutient que « mes affirmations et surtout mes négations sont

trop précises ainsi que mes définitions ».

Contrairement à moi, M. Valobra estime que les troubles hystériques

ne sont pas seuls pithiatiques ; que l'hémianeslhésie sensitivo-seusorielle

peut se développer spontanément, indépendamment de la suggestion, et

qu'elle constitue un véritable stigmate de l'hystérie ; que la guérison des

accidents hystériques est due toujours à la suggestion et jamais à la per-

suasion. Les objections que M. Valobra oppose à mes opinions, sur ces

divers points, m'ont déjà été faites et je.crois les avoir réfutées ailleurs.

Je renvoie donc simplement le lecteur à mes publications où ces questions

ont été discutées (1). ,

(1) Voir :

1° Ma conceptions de l'hystérie (Conférence à la Société de l'Internat, 1906).

2° Réponse à M. Bernheini (Bulletin médical, nO 24, 1907).

3" Réponse à il. Solfier (Archives générales de médecine, mars 1907).

4° Réponse à M. Cracliel (Province médicale, n° 51, 1907).

5° Discussions à la Société de neurologie. Séances du 9 avril et du 14 mai 1908.

6° Démembrement de l'hystérie traditionnelle. Pithiatisme (Semaine médicale, 6 jan-

vier 1909).

QUELQUES REMARQUES SUR LE MÉMOIRE DE M. VALOBRA 507

Je ne m'arrêterai pas aux cas de gangrène hystérique cités parM. Valo-

bra. Ce sont des faits qu'il n'a pas vus lui-même et dont il n'est pas en

droit de se porter garant. Je me contenterai seulement de lui prouver com-

bien on est exposé à se tromper quand on rapporte les opinions d'aulrui,

sans s'être suffisamment documenté.

M. Valobra écrit ceci : « M. Dejerine, après avoir consacré un chapitre

de son Traité au traitement des altérations trophiques de la peau de nature

hystérique, parle longuement de la gangrène hystérique et il nous affirme «

avoir observé chez un sujet hystérique la formation de plaques de gangrène

spontanée au-dessous d'un bandage occlusif, ce qui prouve que toute pos-

sibilité de simulation était écartée. »

Or, M. Dejerine semble aujourd'hui bien plus réservé sur ce point.

Dans la séance du 9 avril 1908 de la Société de neurologie, où la réalité

des troubles trophiques a été discutée, voici comment il s'est exprimé :

« Je crois que les troubles trophiques cutanés sont des plus rares dans

l'hystérie, lorsque, bien entendu, ou prend toutes les précautions pour

éviter la simulation. J'ai observé, il y a quelques années, une hystérique

de la pratique privée, qui accusait de temps en temps une sensation de

piqûre très vive au niveau de la pulpe digitale d'un ou de plusieurs doigts ;

à ce niveau on voyait un point rouge de la grosseur d'une lentille, qui,

le soir ou le lendemain, était transformé en une bulle de pemphigus.

Evidemment je n'avais pas constamment la malade sous les yeux, et

on peut songer à la supercherie, bien que, cependant, je n'aie jamais

pu le constater. »

Si l'observation citée par M. Valobra avait toujours paru probante à

M. Dejerine, il l'aurait sans doute rappelée, au lieu d'en relater une qui,

de son aveu même, est contestable, et il aurait déclaré catégoriquement

que son siège était fait.

M. Valobra est encore plus mal renseigné sur l'opinion de M. Balzer

qui m'a autorisé il dire qu'il avait été induit en erreur autrefois et que les

cas observés par lui n'étaient pas démonstratifs. Il a été établi que, dans

l'un de ces cas, les bulles d'un prétendu pemphigus hystérique étaient

produites par l'application d'un fer chaud sur les téguments (1).

Voici un autre extrait de l'historique de M. Valobra.

« M. Bernhein, chez une hystérique de 39 ans, produisit en sa présence,

par simple affirmation verbale, des brûlures nettement accusées, qui lais-

sèrent des eschares réelles. »

M. Bernhein, à qui je viens d'écrire pour avoir des éclaircissements à

ce sujet, m'a répondu ceci. « Je n'ai jamais produit de brûlure, ni d'es-

(1) Voir : Bulletins de la Société médicale des hôpitaux de Paris, année 1907, p. 1319

et suivi

508 BABINSKI

chare par simple affirmation verbale; les souvenirs deM. Valobra doivent

mal le servir. »

J'arrive maintenant à ce qui constitue le fond du travail de M. Valobra,

à son observation personnelle. Elle me parait fort suspecte, pour plusieurs

raisons que je vais exposer : 1

1° La malade avait caché son mal aux médecins avec qui elle était en

rapport ainsi qu'à sa mère. Cette particularité, loin de prouver sa sincé-

rité, comme le pense M. Valobra, la rend très douteuse. Si mon confrère

écarte l'hypothèse de simulation, il m'accordera au moins que cette jeune

fille avait l'instinct de la dissimulation remarquablement développé.

2° Plusieurs des plaques observées par M. Valobra à l'hôpital étaient,

au début, blanches, froides, anesthésiques. Ce sont précisément les carac-

tères qui appartiennent aux lésions cutanées provoquées par l'application

de certaines substances chimiques, du phénol en particulier, qui, par

parenthèse, est sans action sur le tournesol ; le résultat négatif de

l'examen pratiqué avec du papier réactif, auquel M. Valobra attache de

l'importance, n'a donc aucune valeur.

3° La photographie de l'ulcération de la plante du pied, à forme

géométrique, rectangulaire, ne me semble guère cadrer avec l'idée d'une

lésion d'origine interne ; elle me donne tout à fait l'impression d'une

altération artificielle.

M. Valobra, il est vrai, sans exclure l'idée de fraude, en ce qui con-

cerne les premières eschares, soutient que, pour la dernière, cette sup-

position est inadmissible, en raison de la surveillance étroite qui été

exercée. C'est là une assertion que je ne suis pas en mesure d'apprécier.Je

me contenterai de faire remarquer qu'il suffit d'un instant pour appliquer

sur les téguments une substance corrosive, et que la malade de 1\1. Valobra

a pu profiter un jour, au moment même où le pansement était renou-

velé, d'une distraction momentanée de son médecin. Assurément, je ne

puis affirmer qu'il en ait été ainsi, mais l'affirmation de M. Valobra ne

peut pas non plus convaincre ceux qui n'ont pas eux-mêmes suivi sa ma-

lade de près, et cela m'amène à répéter ce que j'ai déjà dit plusieurs fois :

.Si les faits de ce genre étaient réels, on devrait en observer à Paris,

berceau de l'hystérie. Naguère encore, on avait l'habitude de dire que

cette névrose était plus commune ici que partout ailleurs ; les étrangers

venaient à la Salpêtrière pour l'étudier et c'est principalement sur des

observations recueillies dans les hôpitaux parisiens qu'a été fondée la

notion des troubles trophiques hystériques. Or, depuis plusieurs années,

on assiste à ce spectacle singulier : on signale de ces troubles en province

et à l'étranger, tandis qu'à Paris on n'en voit plus : ils semblent avoir

émigré pour échapper au contrôle rigoureux et désobligeant que nous exi-

QUELQUES REMARQUES SUR LE MÉMOIRE DE M. VALOBRA 509

geons. C'est sur cette constatation, qui corrobore mes observations per-

sonnelles, et non sur des idées théoriques, comme certains semblent le

croire, que sont fondées mes dénégations. Il ne me coûterait rien de chan-

ger d'avis, en présence d'un fait démonstratif qu'on me mettrai à même

de vérifier ; mais ce fait, je suis toujours à l'attendre (1)...

(1) Voir à ce sujet l'enquête approfondie Sur les prétendus troubles trophiques hys-

tériques, faite auprès des médecins des hôpitaux de Pans par le D' Mendicini BoNO

'Congrès des aliénistes et neurologistes, Genève et Lausanne, août 1907).

LE PROFESSEUR JOFFROY

Le Professeur Joffroy est mort, subitement, le 24 novembre 1908.

Depuis la disparition de Charcot,il participait au patronage scientifique

delà Nouvelle Iconographie de la Salpêtrière. Celle-ci tient à coeur de

s'associer au deuil causé parcelle perte inopinée, en ravivant quelques

souvenirs d'une figure regrettée, infiniment respectable.

* .

..

Le Professeur Joffroy était né à Stainville, dans la Meuse, en décem-

bre 1844. Il fit toutes ses études médicales il Paris.

Ce fut un travailleur d'une constance et d'une conscience peu commu-

nes. Il s'attachait surtout aux faits, les recueillant avec détail et les décri-

vant longuement, au risque de paraître méticuleux. C'est qu'en toutes

choses il avait du soin, de la méthode, de la prévoyance.Et,par là, on peut

dire qu'il était façonné à la manière de Charcot : pour une élude scienti-

fique, comme pour toute espèce d'entreprise,fût-ce un simple voyage, le

maître et l'élève eurent le même souci de l'exactitude,la même appréhen-

sion de l'imprévu.

Devenu maître à son tour, le Professeur Joffroy, dans sa méthode de

travail et dans son enseignement, témoigna de semblables scrupules. Peut-

être même ceux-ci s'exagérent-ils encore avec le sentiment d'une plus

grande responsabilité. Toute l'oeuvre scientifique du Professeur Joffroy

porle l'empreinte de son esprit laborieux, consciencieux et circonspect.

Elle est grave, approfondie, touffue.

Dès 1868, pendant ses premières années d'internat, il témoigna de

son labeur par de nombreuses communications à la Société Anatoill*lqlje

et à la Société de Biologie.En ce temps, où neurissait l'analomie pitliologi-

que, il contribua utilement aux documentations primordiales, notamment

en précisant les lésions de la pneumonie et de la broncho-pneumonie.

Sous l'influence de l'enseignement de Charcot, il se spécialisa bientôt

LE PROFESSEUR JOFFROY

1844- 1908.

LE PROFESSEUR JOFFROY 511

dans l'étude des maladies nerveuses. Sa thèse de doctorat (1873) sur la

Pachyténingite cervicale hypertrophique fait date en neuropathologie.

Nommé médecin des hôpitaux en 1879, l'année suivante il devint

agrégé de la Faculté de Médecine de Paris. Après un an passé à Bicé -

tre, il entra en 1883 à la Salpêtrière. Là, ses publications sur les mala-

dies du système nerveux se multiplièrent. Il suffit de rappeler celles qui

ont trait à la névrite parenchymateuse, à la syringomyélie, à la maladie

de Morvan, à la paralysie infantile, au tabes, à la maladie de Frie-

dreich, à la sclérose latérale amylrophirur., à la paralysie agitante, au

mal de Pott, aux myélites, etc.

Entre temps, il avait fait des cours ou des conférences à la Pitié et à

l'Ecole de Médecine, des Leçons de clinique infantile et de pathologie in-

terne (1814.-18S).

C'est à partir de 1890 que les travaux et l'enseignement du Professeur

Joffroy s'orientèrent surtout vers la pathologie mentale. Déjà, à propos de

J'hystérie et de la chorée. il avait été amené à envisager l'importance des

troubles psychiques dans ces affections. La maladie de Basedow fut pour

lui l'occasion de nouvelles études psychologiques, et aussi les infections,

la fièvre typhoïde, l'.influenza, le mal de Bright, dont il fil entrevoir les ré-

percussions psychiques.

Bientôt, il s'adonna il la psychiatrie pure, et plus spécialement à l'étude

des intoxications (alcoolisme et morphinisme) , de la paralysie générale, et

de certains états convulsif s.

Appelé, en 1893, à la chaire de Clinique des Maladies Mentales, le

Professeur Joffroy commença à l'asile Sle-Anne l'enseignement qu'il y

poursuivit pendant 15 ans. Là encore, la paralysie générale et l'alcoolisme

restèrent ses sujets de prédilection. Les travaux qu'il consacra à la pre-

mière, ainsi que ceux qu'il inspira, formeraient aujourd'hui un volumi-

neux recueil. Non seulement il s'efforça d'établir les conditions étiologiques

de cette maladie, mais il précisa ses caractères cliniques et anato-

mo-palholoiques. Il défendit vivement celle thèse, qni lui était chère,

à savoir que, si la syphilis est une cause fréquente de la paralysie générale,

elle n'est pas suffisante pour la faire éclore. D'autres facteurs, l'alcoolisme

surtout, et certaines intoxications, doivent entrer en ligne décompte, sans

parler du rôle capital que joue aussi l'hérédité prédisposante.

Les recherches du Professeur Joffroy et de ses élèves sur l'alcoolisme

n'ont pas eu seulement un intérêt scientifique ; elles ont contribué à faire

engager et se propager une lutte prophylactique dont l'importance sociale

apparaît chaque jour davantage. '

Mais, bien que l'étude des maladies mentales, qu'il était chargé d'ensei-

gner, l'occupât spécialement, le Professeur de psychiatrie n'avait pas

512 HENRY MEIGE

cessé d'être neurologiste : il s'occupait encore de la chorée, du goitre

exophtalmique, de la syringomyélie. On lui doit une très intéressante étude

sur les corrélations entre les troubles psychiques et les troubles moteurs,

dont il- a proposé de désigner l'alliance sous le nom de myopsychies. Il

publia, dans ce recueil, en 1898, une belle observation de Syndrome tem-

polaire de Weber avec hémiopie permanente. Tous ces travaux conserve-

ront une valeur documentaire du meilleur aloi, grâce à la conscience et

au soin minutieux avec lesquels ils ont été élaborés.

Aussi, lorsqu'en 189G fut fondée la Société de Neurologie de Paris, le

Professeur Joffroy se trouva tout désigné pour en être le premier prési-

dent. Pareillement, l'an dernier, la Société de Psychiatrie de Paris, en se

créant, lui offrit la prési lence. Il était membre de l'Académie de Médecine

et de plusieurs autres sociétés savantes : justes témoignages de respect et de

considération pour une vie de labeur et de probité.

L'oeuvre scientifique du professeur Joffroy eut mérité d'être mieux com-

mémorée. C'est à regret que je ne puis m'étendre sur elle davantage. Mais

je ne voudrais pas omettre d'évoquer d'autres souvenirs, ceux de l'homme

qui, par sa dignité, sa bienveillance, avait su conquérir l'estime et l'affec-

tion de tous.

. *

.... -<f-

Dans son enseignement, la parole du Professeur Joffroy était sobre,

pondérée, économe d'effets oratoires ; son geste également. Il ne voulait

omettre aucun détail, non pour faire parade d'érudition, mais par grand

désir d'exactitude. Et, afin de faire comprendre sa pensée, sans amphi-

bologie possible, il ne craignait pas de la répéter. Surtout, il affectionnait

les comparaisons, fussent-elles familières, parce qu'elles aident â-graver

les souvenirs.

Dans la conversation, il avait une tournure d'esprit très personnelle,de

la finesse, une bonhommie doucement ironique, certaine hésitation à for-

muler ses opinions, provenant d'un souci constant de ne point dépasser la

juste mesure. Car en tout il redoutait les choses excessives.

Son commerce était sûr, son amitié inébranlable et avisée. Il aimait à

obliger pour le seul plaisir de rendre service. Il était conciliant pour tout

et pour tous, non par scepticisme, mais par désir d'apaiser les querelles

qui troublaient son goût de la pondération, Cependant, i ! avait à l'occa-

sion de la fermeté, et toujours une grande persévérance pour la défense

d'une idée. Quand il avait fait une promesse, il dépensait son compter sa

patience pour aboutir, mettant plus volontiers au service d'autrui qu'au

sien propre des aptitudes de négociateur où la prudence s'alliail utile-

ment à la ténacité

LE PROFESSEUR .10FFROY . 513

S'il est vrai qu'au premier abord il montrait de la froideur, et même

quelque solennité, par contre, en le fréquentant, on appréciait vite sa

simplicité bienveillante.

A cet égard, un souvenir, qui me revient à l'esprit, suffit à le dépeindre.

A Gheel, en Belgique,visitant avec les membres d'un Congrès une colo-

nie familiale d'aliénés, le Professeur Joffroy aperçoit un bambin qui s'é-

vertue maladroitement à lancer un cerf-volant. Il l'observe un instant,

s'approche, lui donne des conseils ; mais lepetit flamand ne comprend pas

le français. Alors, prenant le jouet et faisant au gamin ébahi une démons-

tration pratique, le professeur de psychiatrie s'improvise... professeur de

cerf-volant. Par ce geste paternel, le maître savait bien que son prestige

ne risquait pas d'être amoindri. Ainsi, l'on apprenait il l'aimer, sans cesser

de le respecter.

Le Professeur Joffroy est mort, comme Charcot, de mort subite. De

longue date il en avait le pressentiment.

On me pardonnera de relaler un épisode, où je fus confident d'une

alarme, dont s'émut vivement ma respectueuse affection.

C'était en 1902, à la suite du Congrès des Aliénistes et Neurologistes

qui se tint à Grenoble. Après une semaine laborieuse, un petit groupe de

congressistes se forma pour excursionner dans les Alpes. Au bout d'une

radieuse journée de montée en voiture nous arrivâmes au Lautaret. Sur

ce col dénudé, il 2.000 mètres-l=alkiude,-nous occupions, le Professeur

Joffroy et moi, deux chambres contiguës d'un chalet solitaire. Vers le mi-

lieu delà nuit, je l'entendis se plaindre et m'appeler. Il était assis sur son

lit, pâle, respirant avec peine, comprimant son coeur de la main, en pleine

angoisse. Ce malaise qui, heureusement, ne tarda pas à se dissiper, je

tentai de l'expliquerpar le mal des montagnes.- « Peut-être,répondit-il,

mais, rappelez-vous...Charcot ! ». Comment oublier cette évocation d'une

fin mémorable, survenue quelques années auparavant, réminiscence que

la solitude du lieu, le grand silence nocturne, et aussi l'analogie du mal,

rendaient poignante doublement ? ...

Les années suivantes, de nouveaux présages vinrent, hélas ! confirmer

le pressentiment de cette triste nuit. Le Professeur Joffroy ne s'y trompa

point,encore qu'il ne fit rien connaître de ses appréhensions, sauf à quel-

ques intimes, et qu'il continuât, comme par le passé, il se montrer ponc-

tuel dans toutes ses fonctions.

Mais, sachant qu'il était menacé d'une fin subite, en silence il s'y pré-

para. Il fit tout pour adoucir le choc à ceux qui l'entouraient de leur

NYI si

514 ' HENRY 111E1(E

affection. Il régla lui-même jusqu'aux plus menus détails de ses obsèques.

Il les voulut très simples, et que nal n'en fut dérangé.

Dans la préparation de ce voyage ultime, le Professeur Joffroy appa-

raît tout entier, avec sa nature prévoyante, son goût des choses ordon-

nées, plein de prévenance pour les autres, et ne recherchant pour lui-

même que la simplicité. '

Une telle simplicité ne va pas sans grandeur.1 La mémoire de l'homme

qui sut regarder la mort avec cette sérénité restera digne du respect de

tous. -

Henry MEME.

TABLE DES AUTEURS

ALQOIER et Raymond. Mal de Pott sarcoma-

teux (2 pl ), 113.

APERT et Morisetti. Absence congénitale

bilatérale du radius et des doigts ra-

diaux (t pl ), 412.

Babinski. Quelques remarques à propos

de l'article de M. Valobra sur les gan-

grenes cutanées spontanées chez les su-

jets hystériques, 506.

BOIGFY. Un cas de gynécomastie (1 pl.),

242.

Boscul. Sur les accessoires de l'habillement

dans la démence précoce et dans la psy-

chose maniaque dépressive.Note séméio-

logique (4 pl.), 75.

BOUB\E1'ILLC, Léon KIND]3En(; et RlcnET fils.

Etude anatolllo-clinique d'un cas de ta-

hes et de paralysie générale chez un

enfant de 15 ans (1 pl.),415.

Brissaud et Gy. Un cas de poliencéphalo-

myélite aiguë (1 pl.), 254.

Ciron. A propos d'un cas de polynévrite

amyotrophique tuberculeuse aiguë à type

descendant (3 pl.), 129.

COoLLm et IIAU.IlALTER. Examen anatomique

et histologique d'un cas de microgyrie

hémisphérique (3 pl.), 263.

Courtellemont. Tropheedeme chronique,

variété congénitale unique (2 pl.), 61.

Crouzon. Etude de mains par Bolbein

(1 pl.), 245.

DESPLATS. Hypertrophie segmentaire consi-

dérable du bras et de l'avant-bras avec

dissociation syringomyélique des sensi-

bilités (1 pl.), 200. '

I·'ICwcuw et Giglioli. Encore sur l'acromé-

galie, noies cliniques (2 pl.), 325.

l'aEacu et HOPE. 1)Edéme persistant hérédi-

taire des jambes avec exacerbations ai-

guës (1 Pl.), 177.

et Franciiint. Encore sur l'acro-

mégalie. notes cliniques (2 pl.), 325.

GouGEROT et ITAYNIO-ND. Gangrène symétrique

des extrémités par artérite chronique

oblitérante, transitoire ou permanente

d'étiologie inconnue (2 pl.), 56.

Gy et BaissAuD. Un cas de polyencéphalo-

myélite aiguë (1 pl.), 254.

Haushalter et COLLIN. Examen anatomique

et histologique d'un cas de microgyrie

hémisphérique (3 pl.), 263.

HEITZ Quelques sculptures de la cathé-

drale de Reims (i pl.), 90.

HoPE et FRENCH. OEdHne persistant héré-

ditaire des jambes avec exacerbatiuns

aigu," (1 pl.), 177.

IIULTha.1\TC. Les altérations du crâne dans

la synostose cléido-crânienne (2 pl.), 93.

Kindberg, BOURJOEVII.LE et Richet fils. Tabès

et paralysie générale chez un enfant de

15 ans (1 pl.), 475.

KLEYMAN. Les douchoboris (combattants

pour l'âme) (I pi.), 243.

Klippel et Pierre \VEIL. Les réflexes contro-

lateraux. Le réflexe plantaire controla-

téral homogène et hétérogène, 270.

LA\GXEL-L.\YASTI : -1E. Syndrome de l'hémi-

queue de cheval par méningo-radiculite

syphilitique (3 pl.), 117.

LAIGNEL-L \VASTlIOE. Les troubles psychiques

dans les syndromes thyroïdiens, 204.

LEriscnE. De la pathogénie des névroses,

372.

LEVI (Ettore) .Contribution à l'étude de l'in-

fantilisme du type Lorain (5 pl.),297,421.

Long. Monoplégie crurale par lésion du

lobule paracentral. Lésion étendue de la

région rolandique d'origine intra-utérine

sans hémiplégie consécutive (1 pl.), 37.

MEIGE (Henry). Les dessins de la collec-

trou des chirurgiens grecs attribués au

Primatice (6 pl.). 247.

Meige. Le professeur Joffroy (1 pl.), 510.

31LItlE. Deux cas d'oxycéphalie, crânes en

tour des auteurs allemands, malforma-

tion s'accompagnant de troubles visuels

(1 pl.), 349.

Morisetti et APERT. Absence congénitale

bilatérale du radius et des doigts ra-

diaux (i pl.), 412.

NERI. Sur les caractères paradoxaux de la

démarche chez les hystériques. Y a-t-il

une démarche hystérique ? (2 pi.), 231.

NoicA. Le mécanisme de la contracture

chez les spasmodiques hémiplégiques ou

paraplégiques, 25, 152.

51 ti TAULE I)IS ALTRURS

ODDO. Etude d'une colonne vertébrale de

spondylose rhizomélique. Rhumatisme

ankylosant vertébral et tabes, 278.

Pailhas. Dessins et manifestations d'art

chez deux aliénés circulaires. Etude des

dispositions artistiques et de leur inter-

mittence dans la déséquilibration psy-

chique et la folie ( pl.), 162.

Pierre Weil et Klippel. Les réflexes con-

trolatéraux. Le réflexe plantaire contro-

latéral homogène et hétérogène, 210.

RAYMOND et ALQUIER. Mal de Pott sarcoma-

teux (2 pl.), 113. '

RA1\IOD et Gougerot. Gangrène symétri-

que des extrémités par artérite chroni-

que oblitérante, transitoire ou perma-

nente, d'étiologie inconnue (2 pl.), 56.

Régis. Syndactylie, eclrodactylie, clinodac-

tylie chez un dément précoce dégénéré

(3 pl.), 401.

1;1CIIET (fils), BOUI1\E\'ILLh : ft Kindberg.

. Tabès et paralysie générale chez un en-

fant de 15 ans (1 pl.), 415.

Rose. Névrite sensitive et trophique il la

suite 'd'un zona. Lésions trophiques des

os de la main à type de rhumatisme

chronique (2 pl.), 64.

SAINTON. Statue d'eunuchoïde infibulé

(1 pl.). 295.

SscLnsjJ.) et Sm'OEuLIN. Involution présé-

nile. Délire raisonnant de dépossession

Homicide, réticences, négativisme, mu-

tisme et refus d'aliments, stéréotypies ;

affaiblissement intellectuel (1 pl.), 249.

Souques. Anévrysme volumineux d'une

branche de l'artère cérébrale moyenne

ou sylvienne. Signes classiques de tu-

meur cérébrale, durée de cinquante-cinq

ans et terminaison par suicide du ma-

ladre (1 pl.), 108.

1'l'li(1.HL1\ et Séglas (J.). Involution présé-

nile. Délire raisonnant de dépossession.

Homicide, réticences, négativisme, mu-

tisme et refus d'aliments, stéréotypies :

affaiblissement intellectuel (1 pl.), 249.

l'ciiinifv. Le siège des processus psvchi-

ques conscients chez les animaux (3 pl.),

1.

Thibierge. Une femme homard, mains et

pieds à deux doigts (2 pl.), 472.

V ALODIIA. Contribution à l'étude des gan-

grènes cutanées spontanées chez lès

sujets hystériques (1 pl.), 481. ·

WEUEII. De quelques altérations du tissu

cérebral dues à la presence de tumeurs

(3 pl.), 359.

\V¡CIOEHSnEIMEII. Un accouchement au com-

mencement du xvi° siècle, d'après une

miniature de la Bibliothèque nationale

(1 pl.), 396. ,

TABLE DES MATIÈRES

Absence congénitale du radius et des doigts

radiaux (1 pl.),par APERT e' Morisetti,412.

'Accouchement d'apres une miniature de

la Bibliothèque nationale (2 pi.), par

'VICI<EISSHHI\IBIi, 396.

Âcromégalie ; notes cliniques (2 pi.), par

FRA\CIII111 et GIGLIOLI, 324.

Aliénés (Dessins et manifestations d'art

chez deux -) (2 p1.1, par Pailhas, 162.

Amyotrophique (Polynévrite - tubercu-

leuse aiguë à type descendant) (3 pl.),

par CATOLA, 129.

Anévrysme volumineux d'une branche de

l'artère cérébrale moyenne ou sylvienne :

signes de tumeur cérébrale ; durée de

55 ans ; terminaison par suicide (1 pl.),

par Souques, 108.

Art (Dessins et manifestations d' -) chez

deux aliénés (2 pl.), par Pailhas, 162.

Artère cérébrale moyenne(Anévrysme'volu-

mineux d'une branche de l' -) ou syl-

vienne. signes de tumeur cérébrale :

durée de 55 a-s - terminaison par suicide

(1 pi.), par Souques, 103.

Artérite chronique oblitérante (Gangrène

symétrique des extrémités par -) (2 pLI,

par Raymond et GOUGEBOT, 56.

Bibliothèque nationale (Accouchement

d'après une miniature de la -) (t pt.).

par.WICKERSIIEIbIER, 396.

Cathédrale de Reims, sculptures (1 pi.),

par HEITZ 90.

Cérébral (Altérations du lissu dues à la

présence de tumeurs) (6 pl.), par Weber,

359. '

Chirurgiens grecs (Dessins de la collection

des attribués au l'rimalice) (6 pl.),

par MEME, 247.

Conscience (Siège des processus psychiques

conscients (3 pi.), par TCIIIHOE", 1.

Contracture Mécanisme de la = chez les

spasmodiques hémiplégiques ou pai-apié.

giques), par NOICA, 25, 152.

Crâne dans. la dysostose cleido-cranienne

(2 pl.), par HULTKBANTZ, 95.

Délire raisonnant (Involution présénile ;

- de dépossession ; homicide, réticences,

négativisme et refus d'aliments, sléréoty-

pies, affaiblissement intellectuel) (2 pl.)'

par Séglas et STROEIILII<, 249. '

Démarche (Caractères paradoxaux de la-)

chez les hystériques) (2 pl.), par New,

231.

Démence précoce, accessoires de l'habille-

ment (4 pl ? par Boschi, 15.

Dément précoce dégénéré (Syndactylie,

Ectrodactylie, Clinodactylie) (3 pl.), par

RÉGIS.

Dessins de la collection des chirurgiens

grecs attribués au Primatice (6 pl. par

Meige, 2.1,7.' ·

Dessins et manifestations d'art chez deux

aliénés (2 pl.), par Pailhas, 162.

Douchoboris (1 pl.),par 1(z.E1'nIAN, 243.

Dysostose cléidu-cranienne(crànedans la-)

(2 pi.), par Hultkrantz, 95. ·

Ectrodactylie chez un dément 'précoce

la-), (3 pl.), par Régis, 401.

Ectromélie longitudinale radiale bilatérale

(1 pi.), par Apert et Morisetti, 412.

Eunuchoïde (Statue d') inbulé (1 pl.), par

Sainton, 295.

Femme homard (2 pl.), par Thibierge, 412.

Gangrènes cutanées spontanées chez les

hystériques (1 pl ), par Valobra, 481,

réponse de Bahinski, 506.

Gangrène symétrique des extrémités par

artérite chronique oblitérante (2 pi.),

par Raymond et GOUGEROT. 56.

Gynécomastie (1 pl.), par ! 101GI;Y, 242.

Habillement dans la démence précoce et

dan» la psychose maniaque dépressive

(4 pl.), par Boschi, 75.

Hémiplégie (Lésion étendue de la région

rolandique d'origine intra-utérine sans

conseculixe pi.), par Long, 37.

Hémiplégiques (Mécanisme de la contrac-

ture chez les svasmodiques ou paraple-

giques), par NOICA, 25, 152.

Holbein (Mains par-) (1 pl.), par Crouzon,

245.

Hypertrophie segmentaire considérable du

bras et de l'avant-bras arec dissociation

syringomyélique des sensibilités -(1 pl.),

par Desplats, 200.

Hystériques (Cartzclères paradoxaux de la

3)8 TAULE DES .MATIÈRES

démarche chez les -) (2 pl.), par N : m, 231.

Hystériques (Gangrènes cutanées sro ? ila-

nées chez les - ) il pl.), par Valobra, 481,

réponse de Babinski, 506.

Infantilisme du type Lorain (5 pl.), par

, LEVI, 291, 421.

Involution présénile ; délire raisonnant de

dépossession ; homicide; réticences ;

négativisme ; mutisme et refus d'ali-

me;its;sléi-éolypies;affaibli.çsen7eiit intel-

lec uel (1 pL), par Séglas et STIiOrILLIN,

249.

Joffroy (1 pl.), par IIenry Meige, 510.

Lobule paracentral(Monoplégie crurale par

lésion du -) (1 pl.), par Long, 37.

Mains et pieds à deux doigts (2 pl.), par

Tiiii31EiiGE, 412.

Mains par Holbein (1 pl,). ). par Crouzon, 2 15.

Maniaque dépressive (Psychose), accessoi-

res de l'habillement (4 pl.), par Boschi,

75.

11Jén i n ,qo-I'adicul il e( Syndl'orned' hémi-queue

. de chenal pal'-) oyphilitique (3 pl.), par

Laignel-Lavastine, 117.

Microgyrie hémisphérique (2 Pl.), par

Haushalter et COLLIN, 264.

Monoplégie crurale par lésion du lobule

paracentral (1 pl.), par Long. 31.

Négativisme (Involution présénile; délit e

raisonnant de dépossession ; homicide ;

réticences ; négativisme ; mutisme et refus

d'aliments ; stéréotypies ; affaiblissement

intellectuel) (1 Pl.), par Séglas et Smtr.u-

Llv, 249.

Névrite sensitive et 17-opltique à la suite d'un

zona. Lésions trophiques à type de rhu-

mutisme chronique (2 pl.), par Rose, 64.

Névroses (Pathogénie de-), par Lefèvre,

3 J2.

OEdème persistant héréditaire avec exa-

cerbalions aiguës (1 pl.), par Hope et

FRENCH, 111.

Oxyréphalie (crâne en lour) s'accompa-

quant de troubles visuels (1 pl.), par

Merle, 349.

Paralysie générale et tabes chez un enfant

de 15 ans (1 pl.), par Bulrneville, Kmn-

senc et Richet fils, 41,

l'oliencéphalo-myélite aiguë (1 pl.), par

Brissaud et Gy, 254.

Polynévrite amyotrophique tuberculeuse

aiguë à type descendant (3 pl.), par

CATOLA, 129.

Pott (mai de - sarcomateux) (2 pl.), par

Raymond et Alquier, 113.

Primace (Dessins de la collection des

chirurgiens grecs attribués au-) (6 pl. ),

par Meige, 247.

Psychiques (Sièqe des pl'Oeessus-conscie/lls

(3 p1 ? par TCllllllEV, 1.

Psychique (Trouble - dans les syndromes

thyroïdiens), par Laignel-Lavastine, 204..

Radial (Absence congénitale du système )

(1 p1.), par AI'BRT et MORISETTI, 412.

Réflexes controlaléraux. Le réflexe plan-

taire contro-laléral homogène et hétéro-

gène, par Klippel et Pierre WEIL, 270.

Région rolandique (Lésion étendue de la-

1 d'origine intra-utérine sans hémiplégie

consécutive) (1 pl.), par Long, 37.

Rhumatisme ankylosant vertébral et tabes,

par ODDO, 278.

Rhumatisme chronique (Lésions trophiques

à type de - à la suite d'un zona) (2 pl.),

par Rose, 64.

Sarcomateux (Mal de Poil-) (2 pl.), par

Raymond et ALQUIER, 113.

Sculptures de la cathédrale de Reims

(i pl.), parHEITZ, 90.

Sensibilités (Hypertrophie segmentaire con-

sidérable du bras elde l'avant-bras avec

dissociation syringomyélique des sensi-

bilités) (1 pl.), par DEsPLA1 ? 200.

Spasmodiques (31écanis ? ne de la contrac

lure chez les- hémiplégiques ou para-

pleiques), par NOICA, 25, 152.

Spondylose rhizomélique (Elude d'une co-

lonne vertébrale de-), par DoDo, 278.

Syndactylie chez un dément précoce (3 pl.),

'par Régis, 401.

Syndrome de l'hémi-queue de cheval par

méningo-radiculite syphilitique (3 pl,),

par LAIGNP.L-LA VASTIl'OE, 117.

Statue d'eunuchoide infibulé (1 pl.), par

S,U1\To;'<. 295.

Stéréotypies (Involution présénile : délire

raisonnant de dépossession ; homicide ;

réti ences ; négativisme el refus

d'aliments ; affaiblissement intellectuel)

(1 Pl.), par SÉGL\S et STROEIILIIi, 249.

Sy,'il1yomyélique (Hypertrophie seymen-

taire considérable du bras el de l'avant-

bras avec dissociation des sensibilités)

(1 pl ), par DESPLATS. 200.

Tabes (Rhumatisme ankylosant et-), par

ODDO, 27S.

fabes et paralysie yénéralechez un enfant de

15an ? élude allaLomo clinique (1 pl.), par

l3oorcarv·m.Le. KINODEIIG et Richet lits, 475.

Thyroiitiens (Troubles psychiques dans les

syndromes-J, par Laignel- L vvastine, 204 .

l'roplioeaème chronique, variété congéni-

tale unique (2 pl.), par COUITELLE.)10.XT,

61.

Trophoedèrne héréditaire avec exacerba-

lions aiguës (1 pl.), par Hope et PneNCU,

177.

Tuberculeuse (Polynévrite amyotrophique

- aiguë à type descendant) \3 pl.), par

L'ATOLA, 129.

Tumeur cérébrale (Anévrysme volumineux

d'une branche de l'artère cérébrale

moyenne ou sylvienne ; signes de-; durée

de 55 «ns,lerrninaison par suicide) (1 pl.),

par Souques, 108.

Tumeurs (Altérations du tissu cérébral dues

à la présence de-) (6 pl. par Weber, 359.

Visuels (Oxyréphalie avec troubles), par

Merle (i pl.), 349.

Vertébrale (Elude d'une colonne de spon-

dylose rhizomélique), par ODDO, 278.

Zona (Névrite sensitive el trophique à la

suite d'un-, Lésions ti ophiques à type

de rhumatisme chronique) (2 pl.), par

Rose, 64.

TABLE DES PLANCHES

Absence congénitale du radius (APERT et

Morisetti), LXVI et LXVII.

Accouchement au xvr siècle (VICKERS-

rrErnEn), LXII.

Acromégalie (Franchini et GICI.IOLI), LVI et

LVII.

Anevrysme de la sylvienne (SOUQUES),XVIII.

Démarche hystérique (Nr : nr), XXXIV et

.XXXV.

Dessins d'aliénés (Pailhas), XXVII à XXXI.

Dessins du Primatice (Chirurgie) ( ! lnR\

Meige), XXXIX à XLIV.

Douchoboris \KLE,MAN), XXXVII.

Dysostose cléido-crûnienne (HULTKRAYJ 1.),

XVI et XVII.

Eunuchoïde infibulé (SAINTON), L.

Femme homard (TitIBIE11C.E),LX'Ili et LXIX.

Gangrène symétrique (Raymond et Gouge-

ROT), V et VI.

Gangrènes hystériques (Valobra), LXXI.

Gynécomastie (BOIGry), XXXVI.

Ilabillement des déments (I3oscur), XI à

XIV.

Hypertrophie segmentaire (DESrr.nTS),

XXXIII.

Infantilisma Lorain (E. Levi), LI à LV.

Involution présénile (Si : GLAS et STIIOEIILI)¡),

XLV.

Joffroy (Henry Meige), LXXII.

Lobule paracentral, lésion (Long), 1 \"

Mains par Holbein (CROUZOX), XXXV111.

Microgyrie (HAUSHALTER et Collin), XL VII à

XLIX.

OEdème persistant (HOPE et French), XXXII.

Oxycéphalie et troubles visuels (Merle),

LVIII.

Poli-encéphalomyélite aigus; (lirsrssnun et

GY), XLVI. 1.

Polynévrite amyotrophique (CATOLA), XXIV

à XXVI.

Porencéphalie congénitale (Losc), lV.

Polt sarcomateux (Raymond et Alquier),

XIX et XX.

Processus psychiques conscients (TCIII-

RlE\'), 1 à ! II.

Sculptures de Reims (HEITZ), XV.

Syndactylie chez un dément précoce

(Régis), LXIII à LXV.

Syndrome d'hémi-queue de cheval (Lai-

gnel-Lavastine), XXI à XXIII.

Tabes et paralysie générale chez un enfant

(BOUa\EV1LLE, Kindberg el BICIIE1'), LXX.

Trophiques (Lésions) à la suite d'un zona

(Rose), VU et VIII.

Trophoedème (COUnTEI.LE ? 10 ? T), IX et X.

Tumeurs cérébrales (Weber), LIX à LXl.

Le gérant : P. Bouchez.

Imp..T. Tnr.OExoT, Saint-Dizier (Hte-Marne)